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Dictionnaire de l’Europe
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ictionnaire de l’Europe États d’hier et d’aujourd’hui de 1789 à nos jours 3e édition
Yves Tissier Lexicographe et historien
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Du même éditeur Du même auteur – Le Vocabulaire de l’histoire, Yves Tissier, 2e édition, 2008
Ouvrages de référence – Cours d’histoire de France, Elie Allouche, 2008 – Cours d’histoire des arts, Michel Narbonne et Josée Rodrigo, 2007 – Cours d’histoire des religions, des spiritualités et des philosophies, coordonné par Michel Narbonne, 2007 – Cours de philosophie, Marie-Line Bretin, 2e édition, 2006 – Dictionnaire d’initiation à l’info-com, Laurence Corroy et Jacques Gonnet, 2008 – Dictionnaire d’économie contemporaine et des principaux faits politiques et sociaux, 3e édition, Mokhtar Lakehal, 2002 – Dictionnaire de la Bible dans la littérature française, Claudia Jullien, 2003 – Dictionnaire de culture générale, coordonné par Luc Deslandes, 2006 – Dictionnaire de l’image, Anne Goliot-Lété, Martine Joly, Thierry Lancien, Isabelle-Cécile Le Mée, Francis Vanoye, 2006 – Thèmes d’actualité économiques, politiques et sociaux, 2008/2009, Rémi Pérès, 2008 – Europe, Europes, 3e édition, Bernard Elissalde, Jean Barrot, Georges Roques, 2002
ISBN : 978-2-7117-1475-9 La loi du 11 mars 1957 n’autorisant aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Le « photocopillage », c’est l’usage abusif et collectif de la photocopie sans autorisation des auteurs et des éditeurs. Largement répandu dans les établissements d’enseignement, le « photocopillage » menace l’avenir du livre, car il met en danger son équilibre économique. Il prive les auteurs d’une juste rémunération. En dehors de l’usage privé du copiste, toute reproduction totale ou partielle de cet ouvrage est interdite.
Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l’accord de l’éditeur. S’adresser au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, F-75006 Paris. Tél. : 01 44 07 47 70
© Librairie Vuibert – Mars 2008 – 20, rue Berbier-du-Mets, F-75647 Paris cedex 13 Site Internet : http://www.vuibert.fr
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Introduction À l’aube d’un nouveau siècle, qui se propose de faire de l’Europe en marche vers l’union un continent de paix et de concorde, est-il opportun de rappeler dans un ouvrage les événements d’hier qui ont concouru à la lente formation des États européens, événements qui retentissent plus souvent de bruit et de fureur, de guerres et de révolutions, que d’attitudes iréniques et de démarches de paix ? Je le crois volontiers et ce, pour deux raisons. Tout d’abord, si les Européens aspirent à l’union, ils n’en demeurent pas moins attachés à la diversité — parfois poussée jusqu’au particularisme local — qui s’incarne en premier lieu dans les États et ensuite, au sein de chaque État, dans les régions qui le composent. Ce sentiment, qui a succédé la plupart du temps — mais pas toujours, à considérer les Balkans — à un nationalisme exacerbé, se nourrit d’un certain nombre de réalités de culture et de civilisation qui se sont cristallisées au cours des siècles et ont forgé les nations. Ces réalités perdureront longtemps car, nolens volens, le Vieux Monde n’a pas vocation, comme le Nouveau, à devenir un creuset où se fondraient les identités ; or, de telles réalités résultent de faits historiques et s’inscrivent dans un cadre géographique. L’étude historique de l’évolution territoriale des États, que l’on nommait autrefois géographie historique, permet d’éclairer les données géopolitiques du monde d’aujourd’hui. Toutefois, si la géopolitique connaît depuis quelque temps un regain de faveur, après avoir été naguère regardée comme un domaine tabou, il n’en va pas de même pour la géographie historique. Cette dernière fut longtemps une discipline reconnue, qui suscitait travaux et publications ; elle subit en France, depuis plus d’un demi-siècle, une éclipse imméritée. Il s’ensuit un tarissement de la production d’ouvrages traitant de cette matière, tarissement préjudiciable de nos jours à une bonne connaissance dans le public du processus historique qui a présidé à la formation des États de l’Europe ; le présent dictionnaire, dans la mesure de ses moyens et avec toutes les imperfections dont il ne saurait être exempt, n’a pas d’autre ambition que de contribuer à combler cette lacune. Au Moyen Âge, nous enseigne-t-on, la principale source de richesse est la terre. Dans un univers où l’écrasante majorité des hommes sont des paysans, où le cloisonnement politique, la lenteur et l’insécurité des moyens de transport nuisent à la circulation des biens, la possession de la terre apparaît comme le gage de la richesse, et donc de la puissance, par les biens qu’elle produit, agricoles mais aussi forestiers, miniers, etc., par les hommes qui y sont attachés et qu’on peut lever en cas de guerre, ainsi que par l’impôt que le seigneur prélève régulièrement. Si la terre porte puissance, l’acquisition de nouvelles terres augmentera cette puissance. Il en résulte, chez tout prince, une volonté constante d’accroître son domaine par la guerre, le mariage, l’héritage, l’achat, etc. La terre, avec les hommes qui la peuplent, est considérée comme un bien patrimonial que le seigneur possède « en toute propriété et souveraineté », et dont il peut disposer à sa guise, comme de tout autre bien. Au XIXe siècle, avec la révolution industrielle, commence à se répandre l’idée que l’on puisse s’enrichir par l’industrie et le commerce, hors de toute possession d’espace territorial. Parallèlement, à la suite des idées nouvelles répandues par la Révolution française, se produit un lent réveil des peuples, qui aspirent à se muer en nations conscientes, donc à s’affranchir, le cas échéant, de leur condition de sujets d’un prince parfois étranger, à se séparer d’autres peuples différents soumis à la même domination, et à s’unir à d’autres éléments du même peuple — les « frères séparés » — qui seraient eux-mêmes soumis à d’autres princes. Les aspirations nationalistes se manifestent en tous lieux de l’Europe durant ce siècle ; il faudra souvent attendre le début du siècle suivant pour les voir triompher. C’est donc à une évolution radicale que l’on assiste en moins de deux siècles. La conception patrimoniale, omniprésente à la fin du XVIIIe siècle, achève au début du XXe de laisser
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Introduction place à la conception nationale, qui elle-même recule dans la seconde moitié du siècle au profit d’une volonté d’entente institutionalisée entre les peuples d’Europe. Cette évolution des mentalités se conjugue aux progrès apportés dans les méthodes de gouvernement, d’administration, ainsi qu’à l’accroissement des forces armées et de l’ensemble des moyens dont disposent les gouvernants, pour contribuer à faire apparaître en Europe des États modernes, nettement définis, tels qu’ils existent aujourd’hui encore. C’est ainsi que le XIXe siècle — avec la simplification territoriale qui fait disparaître enclaves, compositions hybrides, etc. — voit se tracer des frontières bien nettes, bien bornées, qui deviennent en retour des obstacles à la circulation des hommes et des biens, des objectifs militaires à conquérir ou à défendre, des barrières économiques et fiscales. En même temps se produit une uniformisation des structures administratives propres à chaque État, qui tend à le faire apparaître comme un ensemble unique se différenciant assez nettement de ses voisins ; la simplification territoriale, patente au niveau du continent européen, s’opère également à l’intérieur de chaque État. Enfin, avec le progrès des idées modernes, achèvent peu à peu de disparaître en Europe les notions féodales de suzeraineté et de vassalité, chaque État se voulant désormais de jure indépendant et souverain, même s’il admet parfois de facto d’aliéner cette indépendance par la constitution d’alliances politiques et économiques. Le présent ouvrage traite de l’évolution territoriale des États de l’Europe de 1789 à nos jours. La date de 1789, retenue de façon emblématique dans le contexte français, pourra sembler arbitraire s’agissant d’autres pays. Elle se justifie néanmoins par l’impact que la Révolution française a eu sur les mentalités et sur la manière d’appréhender le concept d’État. La limitation géographique à l’Europe fait que deux pays transcontinentaux, la Turquie et la Russie, ne seront ici étudiés que pour leurs contrées européennes. L’ouvrage comporte quatre parties, d’inégale longueur : – en premier lieu, une chronologie de l’histoire territoriale de l’Europe durant cette période, qui décrit d’une façon globale les grandes lignes des événements politiques qui conduisent à faire évoluer les États, leur composition et leurs frontières au cours du temps ; – en second lieu, l’histoire territoriale propre à chacun des 47 États souverains existant aujourd’hui en Europe, classés par ordre alphabétique ; – en troisième lieu, une liste alphabétique mentionnant les quelque 300 États souverains aujourd’hui disparus, mais qui eurent une existence — brève ou longue — à certains moments de la période 1789-2008 ; pour certains de ces États figure à la suite du nom un bref résumé de leur histoire ; pour d’autres, un renvoi signale le chapitre de la seconde (ou de la troisième) partie où leur histoire est décrite ; – en dernier lieu, diverses annexes abordant des thèmes généraux, des sujets territoriaux particuliers ou qui se rapportent à plusieurs États, un répertoire de concordance des noms de lieux, une bibliographie, etc. Pour chacun des États de la seconde partie — les États actuels —, chaque chapitre débute par un résumé de son histoire territoriale avant 1789, la description de cet État en 1789 (s’il existe ; sinon la description des contrées qui deviendront ultérieurement cet État), puis le développement des événements à implication territoriale de 1789 à nos jours. L’étude porte sur la composition territoriale du pays, mais aussi sur l’évolution de son régime institutionnel et de ses divisions administratives internes. Du fait que la France est plus familière que d’autres pays à bien des lecteurs, le chapitre la concernant fait l’objet de développements plus importants. À ces textes s’ajoutent huit séries de cartes historiques, conçues pour faciliter la compréhension des processus d’évolution territoriale. Ces séries sont de deux types : – six d’entre elles se rapportent à un seul pays ou un groupe de pays, choisis parce qu’ils sont susceptibles d’intéresser plus spécialement les lecteurs francophones, ou parce que la formation complexe de ces pays mérite un développement cartographique particulier ; ces séries concernent la France, le Benelux, la Suisse, l’Allemagne, l’Italie, la Grèce ; – deux séries ont une vocation plus générale : l’une concerne l’Europe dans son ensemble, l’autre l’Europe centrale et balkanique.
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Partie I – Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours)
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L’Europe traditionnelle
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e 1789 à nos jours, la composition territoriale de l’Europe ne cesse d’évoluer. Très rares sont les pays qui ne subissent, durant cette période, aucune modification de territoire : Andorre, Liechtenstein, Saint-Marin. À cette exception près, portant sur de très petits pays, l’Europe se modifie de manière approfondie. Certains pays se décomposent (Turquie, Autriche-Hongrie), d’autres apparaissent (Italie, États balkaniques), d’autres n’existent que de façon intermittente (Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie), certains se transforment radicalement (l’Allemagne, du Saint Empire à l’actuelle République fédérale) ; même les pays anciennement constitués et apparemment stables (France, Grande-Bretagne, Suisse, Espagne, Portugal) sont, un jour ou l’autre, affectés par un changement territorial. Ces modifications ont des causes diverses : décision des vainqueurs d’un conflit, bon vouloir de l’homme fort du moment, arbitrage de puissances, soulèvement de peuples, héritages ou extinctions de dynasties. Elles ne sont jamais anodines car, au-delà des territoires, elles impliquent des changements d’ordre administratif, politique, économique et surtout humain ; changeant de maîtres, les habitants sont amenés à changer leurs comportements, leurs perspectives, parfois leur langue. Si certains changements résultent d’événements historiques de portée locale ou régionale (partages de la Pologne, naissance de la Belgique, etc.), les modifications de territoires sont plus généralement la conséquence de grands bouleversements politiques touchant soit l’Europe entière, soit une partie importante de celle-ci. C’est pourquoi, avant d’aborder dans le corps du dictionnaire l’histoire territoriale détaillée de chaque État de l’Europe, il importe d’en brosser à grands traits l’histoire générale, abordée sous l’angle territorial, de 1789 à nos jours, en la divisant en sept tranches chronologiques correspondant aux grandes périodes de l’histoire européenne.
1789-1791 — L’Europe traditionnelle L’examen de la carte politique de l’Europe de 1789 laisse apparaître un grand contraste entre des masses compactes à l’ouest, au nord et à l’est, et un singulier fourmillement de territoires moyens, petits ou minuscules au sud et au centre du continent. Si l’on distingue aisément les éléments cohérents que constituent les royaumes d’Espagne, de Portugal, de France, de Grande-Bretagne, de Danemark et Norvège, de Suède ou de Pologne, les Empires russe ou ottoman, ainsi que l’ensemble autrichien, il est en revanche plus délicat d’observer les parties centrales de l’Europe où, à côté d’États encore visibles comme la Prusse (morcelée), la Bavière, le Hanovre, les Provinces-Unies, la Suisse, Venise, les États pontificaux, les royaumes de Sardaigne ou des Deux-Siciles, s’enchevêtre une foule d’États petits, voire lilliputiens, qui pourtant prétendent tous à la souveraineté. La raison de ce contraste est bien connue. À partir du morcellement médiéval, plus ou moins prononcé selon les régions de l’Europe, un lent et patient mouvement de renforcement des pouvoirs monarchiques a permis de constituer presque partout des ensembles politiques cohérents, tandis que la reconquête espagnole au sud-ouest, la conquête ottomane au sud-est ont complété l’œuvre d’unification territoriale. Seuls, en Europe médiane, les domaines italien et allemand sont restés à l’écart de ce mouvement, l’Italie parce qu’elle demeure le champ clos de rivalités entre les puissances européennes, l’Allemagne parce que, en dépit du lien fédérateur que devrait constituer le Saint Empire, les empereurs ont été entravés dans leur volonté unificatrice par la partition religieuse du XVIe siècle (officialisation de la Réforme) et les efforts constants de la diplomatie française pour la diviser, avant comme après les traités de Westphalie. Une mosaïque de monarchies L’Europe de 1789 est avant tout monarchique ; y règnent un pape, trois empereurs, une dizaine de rois, sans compter les ducs, princes ou comtes souverains d’Allemagne ou d’Italie. Le Saint Empire romain germanique (660 000 km2, 28 millions d’âmes) en occupe le centre, s’étendant de la Baltique à l’Adriatique, de la mer du Nord à la plaine hongroise. La prétention impériale à l’universalité a été brisée et le Saint Empire n’a plus qu’une apparence
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) de cohésion. Il s’agit d’une confédération très lâche, dont l’impuissance se mesure à la diète de Ratisbonne où sont représentés, selon un système complexe et paralysant, près de 300 souverains divers : rois, ducs, princes, comtes, évêques, abbés, prévôts, villes libres. Des forces divergentes animent cet ensemble, à l’initiative des grands États qui se partagent la réalité du pouvoir, singulièrement des quatre États principaux qui représentent seuls les deux tiers de la surface comme du peuplement de l’Empire : Autriche d’Empire (220 000 km2, 10,5 millions d’habitants), Prusse d’Empire (116 000 km2, 4 millions d’habitants), l’ensemble Palatinat-Bavière (56 000 km2, 2 millions d’habitants), Saxe électorale (40 000 km2, 2,5 millions d’habitants). Le Saint Empire renferme la majeure partie des Européens de souche allemande, à l’exception de ceux vivant en Suisse, en Alsace française et dans les Provinces-Unies et des colonies allemandes essaimées en Europe orientale. Il comprend aussi des Français (Pays-Bas autrichiens, évêchés de Liège et de Bâle, principauté de Montbéliard), des Italiens (Trieste, Trentin, Frioul), des Slaves (Carniole, Carinthie, Styrie, Bohême-Moravie, Lusace, Silésie). La France est un État majeur de l’Europe, qui compte environ 27 millions d’habitants sur 530 000 km2. C’est un pays assez homogène, depuis les dernières annexions de Lorraine (1766) et de Corse (1768), prépondérant en Europe par le poids de sa population, le développement de son économie, le rayonnement de sa langue, de ses arts et de ses lettres ; toutefois, l’hégémonie politique du siècle précédent a fait place à une position plus mesurée, partagée avec d’autres puissances. L’Espagne (500 000 km2, 9 millions d’habitants) et le Portugal (90 000 km2, 2,7 millions d’habitants) n’ont plus la vitalité des siècles passés et se sont, en Europe, repliés sur leur pré carré ibérique, tout en continuant à tirer profit de leurs empires coloniaux. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande (315 000 km2, 14 millions d’habitants), qui couvre l’ensemble des îles Britanniques, ne serait qu’un État moyen sans son génie propre, qui lui a fait opérer dès le XVIIIe siècle, soit un siècle plus tôt que les pays du continent, une véritable révolution industrielle appuyée sur une puissance financière et maritime de premier ordre, et sur un vaste empire colonial. Le royaume de Danemark et Norvège (Danemark : 55 000 km2, 800 000 habitants ; Norvège : 320 000 km2, 700 000 habitants) et le royaume de Suède (Suède : 450 000 km2, 2 millions d’habitants ; Finlande : 360 000 km2, 500 000 habitants) sont d’immenses pays qui ne comptent guère, en raison de la faiblesse relative de leur peuplement. Le roi de Danemark, par le Holstein, et le roi de Suède, par la Poméranie suédoise, sont membres du Saint Empire. L’Empire russe confine à la Finlande suédoise, à la Lituanie polonaise et aux provinces turques bordant la mer Noire, qui lui interdisent l’accès aux mers européennes, à l’exception de la façade d’Estonie et de Livonie sur la Baltique. C’est un pays partiellement européen, en plein essor, qui commence à compter sur la scène de l’Europe par le poids de sa population (Russie d’Europe : 4 millions de km2, 20 millions d’habitants). Le déclin de la Pologne et de la Turquie Le royaume de Pologne (520 000 km2, 10 millions d’habitants) n’est plus aussi étendu qu’avant 1772, année du premier partage qui lui a fait perdre le tiers de sa superficie et de sa population au profit de la Russie, de la Prusse et de l’Autriche. S’il demeure un grand pays, son impuissance politique en fait la proie des convoitises de la Prusse et de la Russie, dont l’action conjuguée sera à brève échéance fatale à l’existence même du royaume. L’Empire ottoman, à cheval sur trois continents, a subi en Europe un recul depuis un siècle, sous l’effet de la reconquête autrichienne. Il y garde néanmoins de fortes positions, couvrant tout le sud-est du continent depuis la ligne des provinces frontières de Bosnie, Serbie, Valachie, Moldavie, Crimée. Il s’agit là d’un État arriéré, convoité par les puissances et menacé par les aspirations à la liberté de ses populations chrétiennes asservies. L’Autriche, c’est-à-dire les États de la maison d’Autriche — le nom officiel d’empire d’Autriche n’apparaîtra qu’en 1804 —, constitue un vaste ensemble qui apporte à l’empereur germanique (régulièrement un Habsbourg) sa véritable puissance. Elle s’étend sur l’ensemble de l’Europe centrale, en partie dans le Saint Empire (couronne de Bohême, États héréditaires,
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L’Europe et la Révolution française Pays-Bas : 220 000 km2, 10,5 millions d’habitants), en partie en dehors (couronnes de Hongrie et de Galicie, possessions de Lombardie : 420 000 km2, 14 millions d’habitants). Très homogène à l’est, l’Autriche est plus morcelée au centre et à l’ouest. Elle est une puissance majeure de l’Europe, confortée par l’imperium allemand et l’influence qu’elle exerce directement ou indirectement en Italie (secundogéniture en Toscane, expectative à Modène). Le royaume de Prusse est placé dans la même situation que l’Autriche. En partie dans l’Empire (Brandebourg, Poméranie, Silésie, Magdebourg, territoires à l’ouest de l’Elbe : 116 000 km2, 4 millions d’habitants) et en partie en dehors (Prusse, terres polonaises, Neuchâtel : 74 000 km2, 1,7 million d’habitants), ce pays est très compact à l’est et très morcelé à l’ouest. De plus, en 1791, le roi de Prusse achète les margraviats d’Anspach et de Bayreuth au dernier margrave régnant, membre sans descendance d’une branche cadette des Hohenzollern. La Prusse est un État puissant, en pleine ascension, qui compte en Europe depuis un siècle. L’Italie est une péninsule divisée en dix-sept entités politiques, dont seuls comptent sur la scène européenne le royaume des Deux-Siciles (Naples et la Sicile : 130 000 km2, 6 millions d’habitants) et le royaume de Sardaigne (Savoie, Nice, Piémont et la Sardaigne : 70 000 km2, 3,3 millions d’habitants), auxquels on peut encore ajouter les États de l’Église, en Italie centrale, où le pape règne sur 2,5 millions de sujets. La forme républicaine de gouvernement ne concerne qu’un nombre restreint d’États européens, tous de rang secondaire. Les républiques les plus marquantes sont celle des ProvincesUnies (34 000 km2, 1,8 million d’habitants), toujours actives quoique concurrencées dans leur commerce par les Anglais, celle de la Confédération helvétique et de ses Alliés (42 000 km2, 1,8 million d’habitants), celles de Venise et de Gênes ; toutes républiques aristocratiques, restées assez riches quoique généralement en déclin. Les autres républiques (Lucques, Saint-Marin, Raguse, Polizza, les villes libres d’Allemagne, etc.) sont insignifiantes. La situation politique de l’Europe en 1789 est faite d’équilibre instable. Cinq puissances la dominent : la France et l’Autriche en relatif déclin, la Russie, la Prusse et la Grande-Bretagne en relatif progrès. La fin (1763) de la guerre de Sept Ans a laissé les deux premières sur un sentiment de rancœur : la France y a perdu le Canada et la Louisiane, l’Autriche y a officiellement renoncé à la Silésie. Une trêve s’est ainsi instaurée, tandis que les regards se tournent vers les deux États « malades » de l’Europe, la Pologne et la Turquie, qui excitent la convoitise de leurs voisins : Prusse et Russie pour la Pologne, Autriche et Russie pour la Turquie. S’agissant de la Turquie, celle-ci a mené contre la Russie une guerre malheureuse en 1768, dont les conséquences ont été atténuées pour elle par les événements de Pologne : elle a dû néanmoins céder du terrain à la Russie sur les bords de la mer Noire, ainsi que la Bucovine à l’Autriche. Un second conflit malheureux, entamé en 1787, se traduit en 1791/ 1792 par de nouvelles pertes, limitées là encore par le fait que l’Autriche et la Russie détournent leur regard sur les événements de France et de Pologne. S’agissant de la Pologne, la Prusse et l’Autriche — inquiètes des trop grands progrès de la Russie sur la mer Noire — s’entendent pour exiger des compensations territoriales, prises sur le domaine polonais. Catherine II se trouve contrainte de réaliser à trois le premier partage de la Pologne (1772), qui dépouille cette dernière d’un tiers de sa population (soit 5 millions d’âmes). Craignant la disparition de leur pays, les Polonais tentent par un effort de concorde et de réformes d’enrayer le cours des événements ; la « grande diète » vote en 1791 une nouvelle Constitution, qui abolit le liberum veto et rend la monarchie héréditaire. C’en est trop pour la Russie, qui intervient les armes à la main, et pour la Prusse, qui la laisse intervenir.
1791-1799 — L’Europe et la Révolution française Les événements de France laissent d’abord sans réaction les pays d’Europe. La France révolutionnaire prétend ne pas vouloir intervenir par les armes pour faire triompher ses idées. Mais l’annexion par la France d’Avignon et du Comtat Venaissin (septembre 1791), après il est vrai plus d’un an d’objurgations des Avignonnais et Contadins, montre à l’Europe que le principe peut être transgressé. Celle-ci prend peu à peu conscience que les
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) idées françaises sont une menace pour l’ordre établi. Les troubles de Belgique et de Pologne, les affaires religieuses en France, la mise sous tutelle du roi Louis XVI, la spoliation des princes possessionnés d’Alsace sont autant de sujets qui incitent l’Europe à se dresser contre la France. Premières conquêtes de la Révolution française L’année 1792 voit en France l’ouverture des hostilités avec l’Autriche, la Prusse, la Sardaigne et l’évêché de Bâle. Elle est ponctuée par la chute de Louis XVI et l’avènement de la république (septembre), les victoires de Valmy (septembre) sur la Prusse et de Jemmapes (novembre) sur l’Autriche, l’occupation des Pays-Bas méridionaux, de la rive gauche du Rhin, de l’évêché de Bâle, de la Savoie et de Nice. Les premières républiques sœurs sont proclamées sur le modèle de la République française : la république de Mayence (novembre) couvre la rive gauche du Rhin de Landau à Bingen, la République rauracienne (décembre) couvre la partie germanique de l’évêché de Bâle ; elles seront éphémères. Les victoires de la France provoquent aussi une première vague d’annexions : la Savoie, le comté de Nice, Monaco, une partie de rive gauche du Rhin, la République rauracienne, Salm et Sarrewerden en Lorraine, les Pays-Bas autrichiens, l’évêché de Liège, la république de Mayence. Pendant ce temps, la Pologne, envahie par la Prusse et la Russie, se voit de nouveau amputée par un deuxième partage (1793) au profit de la Russie et de la Prusse, qui lui prennent encore 5 millions d’âmes. L’Autriche, retenue aux Pays-Bas, n’obtient rien. L’occupation des Pays-Bas et l’exécution du roi Louis XVI incitent la Grande-Bretagne, jusqu’alors restée neutre, à prendre la tête d’une coalition anti-française, qui rassemble au printemps de 1793, outre les pays déjà en guerre, l’Espagne, les Deux-Siciles, la Toscane, le Saint Empire. Battue à Neerwinden par l’Autriche (mars 1793), la France doit évacuer les Pays-Bas et la rive gauche du Rhin. Elle se bat désormais à ses frontières, annexant néanmoins la principauté de Montbéliard, qui appartenait au duc de Wurtemberg. En juin 1794, la victoire de Fleurus permet à la France de réoccuper les Pays-Bas et l’ensemble de la rive gauche du Rhin, cette fois jusqu’à la frontière avec les ProvincesUnies. Ces contrées ne sont pas réannexées, mais laissées sous administration provisoire, en attendant de statuer sur leur sort. En février 1795, la France occupe les Provinces-Unies, qui deviennent la République batave, réorganisée sur le modèle français. À la même époque se joue le dernier acte de la tragédie polonaise. L’amputation de 1793 ayant ulcéré les Polonais, ceux-ci se révoltent en mai 1794 à l’appel de Kosciuszko. La Prusse et la Russie écrasent le soulèvement. Au troisième partage (1795), la Pologne résiduelle est démantelée entre la Russie, l’Autriche et la Prusse. L’année 1795 voit aussi le retour de la paix entre la France et quelques pays. La Prusse, dès avril, signe le traité de Bâle pour avoir les mains libres en Pologne ; elle accepte l’occupation par la France de ses possessions de rive gauche du Rhin (Clèves, Gueldre) jusqu’à la paix générale. Quelques États allemands de Westphalie suivent son exemple. Enfin l’Espagne signe en juillet une paix sans annexions en Europe. En 1795, la France se décide à annexer les pays belges (anciennement autrichiens et liégeois). Elle s’accroît ainsi d’un coup de neuf départements. La rive gauche allemande du Rhin demeure sous administration provisoire. L’entrée en scène de Bonaparte Au printemps de 1796, la Grande-Bretagne, l’Autriche, le Saint Empire et les États italiens sont toujours en guerre contre la France. Le général Bonaparte convainc le Directoire de diriger l’effort de guerre sur l’Italie et de le nommer général en chef. L’offensive de Bonaparte en Italie (avril) est un complet succès ; les Sardes et les Autrichiens sont vaincus. Les Français occupent le nord de la péninsule et vont y diffuser les idées révolutionnaires. La Sardaigne signe la paix à Paris (mai) et renonce à Nice et à la Savoie. En juillet, Bonaparte installe dans le Milanais et le Mantouan autrichiens une Administration générale de la Lombardie, qui cédera la place en décembre à la République transpadane. Par ailleurs, dès juin, le peuple de Bologne, chassant les autorités pontificales, a proclamé une République bolonaise, premier exemple de république sœur en Italie. Début
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L’Europe et la Révolution française octobre, une éphémère république de Modène et Reggio remplace l’ancien régime ducal ; fin octobre, elle s’unit à Bologne et Ferrare pour former la République cispadane. L’année 1797 s’ouvre sur la paix de Tolentino (février) entre la France et les États de l’Église ; le pape reconnaît l’union à la France d’Avignon et du Comtat Venaissin, à la Cispadane des légations de Ferrare et de Bologne. Pour le punir d’avoir tardé à signer, Bonaparte lui impose la cession supplémentaire de la Romagne à la Cispadane. En mars, les villes de Bergame, Brescia et Crémone se soulèvent contre la tutelle vénitienne et obtiennent le rattachement du Bergamasque, du Brescian et du Crémonais à la Transpadane. Pendant ce temps, Bonaparte a repris l’offensive contre les Autrichiens, qu’il refoule audelà des cols alpins et, menaçant Vienne, il contraint l’empereur à demander la paix ; les préliminaires en sont signés à Leoben (avril) : l’Autriche renonce aux Pays-Bas et au Milanais, et une convention secrète prévoit un démantèlement partiel de Venise. La victoire sur l’Autriche donne à Bonaparte les coudées franches pour remodeler l’Italie sans tenir compte des avis du Directoire. En mai, il impose à la république de Gênes une démocratisation de sa Constitution (elle deviendra en novembre République ligurienne), il détache Modène et Reggio de la Cispadane pour les rattacher à la Transpadane, il tire parti d’incidents pour envahir le territoire vénitien et s’empare de la ville de Venise (15 mai) ; l’antique Sérénissime a vécu. En juin, la population d’Ancône se soulève contre le légat pontifical et proclame la République ancônitaine. En juillet, Bonaparte proclame à son tour à Milan la République cisalpine, réunion de la Cispadane et de la Transpadane. En octobre, il détache des Grisons leurs bailliages italiens de Chiavenna, Valteline et Bormio et les rattache à la Cisalpine. En octobre 1797 toujours, Bonaparte signe à Campo-Formio le traité de paix avec l’Autriche. L’Autriche cède à la France les Pays-Bas et le petit comté de Falkenstein, le Milanais et le Mantouan à la Cisalpine, le Brisgau et les quatre villes forestières du Rhin au duc de Modène qui y est transféré, lequel renonce à son duché en faveur de la Cisalpine. L’empereur reconnaît à la France la possession de la rive gauche du Rhin et un congrès se réunira à Rastadt pour rétablir la paix entre la France et l’Empire. L’Autriche reçoit en compensation Venise et ses possessions de terre ferme jusqu’à l’Adige, ainsi que l’Istrie, la Dalmatie et les bouches de Cattaro (Albanie vénitienne), au total 3 millions d’âmes, l’équivalent de ce qu’elle a cédé. Les possessions vénitiennes à l’ouest de l’Adige sont attribuées à la Cisalpine, les îles Ioniennes et leurs quatre points de terre ferme (Levant vénitien) sont attribués à la France. Par suite de l’accord autrichien de Campo-Formio, la France annexe en novembre 1797 la rive gauche allemande du Rhin, qu’elle divise en quatre départements. La France atteint ainsi l’ensemble de ses « frontières naturelles » (Rhin, Alpes, Pyrénées), prônées à Paris par les dirigeants annexionnistes. Désormais inspirateur de la politique italienne du Directoire, Bonaparte convainc Reubell de s’emparer de la Suisse, qui l’intéresse pour des raisons financières (richesse présumée du pays) et stratégiques (liaison franco-italienne, le Piémont étant encore sarde). Les patriotes suisses en lutte contre les pouvoirs aristocratiques (César de La Harpe, baron Ochs) appuient sa démarche. L’année 1797 qui s’achève voit un premier pas en ce sens avec l’occupation et l’annexion par la France de la part helvétique de l’évêché de Bâle (Erguel, Val-Moutier, La Neuveville). Apogée et recul de la Révolution en Europe Dès le début de 1798 se poursuivent les annexions par la France de territoires suisses : Mulhouse (janvier), Bienne (février), Genève (avril). Par ailleurs le bailliage de Vaud s’est soulevé en janvier contre ses maîtres bernois et a proclamé une éphémère République lémanique. Dès février, les troupes françaises occupent la Suisse, non sans rencontrer des résistances, et en avril est proclamée la République helvétique une et indivisible, en contradiction avec les traditions particularistes de ce pays. Elle couvre l’ensemble des anciens territoires de la Confédération et de ses Alliés, à l’exception de ceux annexés par la France ou la Cisalpine, et de la principauté de Neuchâtel laissée au roi de Prusse.
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) À la même époque éclatent des troubles à Rome où le général Duphot est assassiné, ce qui provoque l’occupation des États pontificaux et, en février 1798, la proclamation de la République romaine, à laquelle se réunit aussitôt la République ancônitaine. Le pape est transféré par les Français à Florence. Dans le double dessein de tirer parti de la faiblesse de la Porte et de couper la route des Indes aux Anglais, Bonaparte se fait nommer à la tête d’une expédition d’Égypte par un Directoire trop heureux d’éloigner de Paris un général si influent. Partie de France en avril 1798, l’expédition s’empare en juin de l’archipel de Malte, qui appartenait aux hospitaliers de Saint-Jean et qui est annexé à la France. Puis l’expédition poursuit sa route vers l’Égypte (et sort du cadre de notre propos). Les difficultés de Bonaparte en Égypte amènent la Turquie à se joindre à la Russie, mécontente de la prise de Malte, et une expédition russo-turque s’empare de l’ensemble des îles Ioniennes, entre novembre 1798 et mars 1799. Elles incitent aussi le roi des DeuxSiciles, désireux de restaurer le pape, à attaquer la République romaine (novembre 1798). Il est vaincu, son royaume est envahi (décembre) et la République parthénopéenne est proclamée (janvier 1799), tandis que le roi se replie à Palerme. La France occupe aussi en janvier la république de Lucques et lui impose une démocratisation de sa Constitution. D’autre part, le roi de Sardaigne ayant de nouveau intrigué avec l’Autriche et la Russie, son royaume est envahi (décembre 1798) ; il se retire en Sardaigne. Le Directoire décide que les Piémontais devront choisir entre l’indépendance ou l’union à la France. Le plébiscite décide le rattachement du Piémont à la France (février 1799), première entorse aux frontières naturelles. Enfin, l’Autriche ayant laissé passer sur ses terres les armées russes en marche contre la France, celle-ci lui déclare la guerre ainsi qu’à la Toscane. Le grand-duc s’enfuit à Vienne, tandis que les Français occupent la Toscane et la dotent d’un gouvernement provisoire. En mars 1799, la France domine l’ensemble de l’Italie, hormis la Vénétie autrichienne, Saint-Marin, Piombino et les îles de Sicile et de Sardaigne. Par ses conquêtes de Belgique, de Hollande, de Rhénanie, de Suisse, d’Italie et d’Égypte, elle a trahi les principes primitifs de la Révolution au profit d’intérêts plus classiques. Son prestige auprès de peuples, par ailleurs pressurés par les armées, s’en est trouvé réduit à néant ; ils s’allieront aux trônes et se retourneront contre elle. Dès le mois de mai 1799, par suite des assauts de la coalition austro-russe, la France doit évacuer progressivement l’Italie, tandis qu’elle ne conserve que de justesse la Suisse grâce à la victoire de Masséna sur les Russes à Zurich (septembre). Les anciens régimes sont rétablis en Italie pendant la période dite des Treize Mois (mai 1799 à juin 1800) et les « patriotes » sont persécutés. Bonaparte rentre précipitamment d’Égypte (octobre), opère son coup d’État (novembre) et devient premier consul (décembre 1799). Détenant les pleins pouvoirs, il va opérer le redressement français et s’identifier pour quinze ans au destin de sa patrie.
1800-1815 — L’Europe napoléonienne Bonaparte commence par instaurer un nouveau régime, le Consulat, qui assoit son pouvoir tout en respectant quelques formes républicaines. Puis, dès le printemps de 1800, le nouveau premier consul Bonaparte reprend l’offensive en Allemagne et en Italie contre l’Autriche et ses alliés : il prend lui-même le commandement d’une nouvelle armée d’Italie, en vue de reconquérir dans la péninsule le terrain abandonné en 1799 et d’en chasser les forces autrichiennes. La victoire de Marengo (juin) lui donne de réoccuper le Piémont, qu’il dote de nouveau d’une administration provisoire. Par ailleurs, la République cisalpine est rétablie. Bonaparte rétablit la situation La victoire de Marengo a entraîné la cessation des hostilités entre la France et l’Autriche. En février 1801, la paix est rétablie entre ces deux pays par le traité de Lunéville, qui confirme
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L’Europe napoléonienne Campo-Formio. Ce traité ouvre la voie au règlement final de la situation allemande, l’empereur prenant l’engagement, au nom du Saint Empire, d’abandonner à la France la rive gauche du Rhin, sous réserve d’indemniser les princes héréditaires dépossédés de domaines sur cette rive par compensations sur rive droite aux dépens des domaines ecclésiastiques et des villes libres. Le traité avec l’Autriche provoque le rétablissement de la paix avec les autres belligérants. Bonaparte remodèle à sa guise l’Italie. Au mépris de la théorie des frontières naturelles, il annexe le Piémont à la France, et change la Cisalpine en République italienne, dont il se fait nommer président, renforçant ainsi son emprise sur ce pays. La Toscane devient royaume d’Étrurie au profit de la maison de Bourbon-Parme, qui doit céder Parme à la France. L’ancien grand-duc de Toscane, le frère de l’empereur, est transféré à Salzbourg et le duc de Modène dans le Brisgau, tandis que le pape, qui vient de signer le concordat avec la France, est rétabli à Rome et les Bourbons-Sicile à Naples et à Palerme. La Grande-Bretagne, en guerre depuis neuf ans, signe la paix, à Amiens (mars 1802) : elle s’y engage à rendre aux hospitaliers l’île de Malte, dont elle s’était emparée en 1800. La période de paix est mise à profit pour préciser les changements importants à opérer dans le Saint Empire, qui doivent résulter de l’abandon à la France de la rive gauche du Rhin. Divers traités sont conclus entre la France et certains grands pays de l’Allemagne moyenne, qui deviennent des alliés de Bonaparte. Le tout est finalisé par le recès d’Empire de février 1803. Les États ecclésiastiques et les villes libres de l’Empire disparaissent presque tous ; les grands États — Prusse, Hanovre, Bavière, Wurtemberg, Bade, Hesses, etc., à l’exception notable de l’Autriche elle-même —, qui perdent tous quelques terres sur rive gauche, sont généreusement indemnisés sur rive droite ; les petits princes dépossédés sur rive gauche sont plus chichement indemnisés sur rive droite. Le recès de 1803 est la première des étapes successives qui vont, en moins de dix ans, simplifier le paysage politique de l’Allemagne. Au même moment, Bonaparte parachève son œuvre diplomatique en intervenant en Suisse, où il rétablit un régime confédéral — conforme à la tradition helvétique — tout en affaiblissant le pays par le retranchement du Valais, érigé en république séparée ; de plus, il se fait nommer médiateur de la nouvelle confédération, ce qui lui donne un droit de regard sur le pays. Dès mai 1803, les hostilités sont rouvertes avec la Grande-Bretagne. Bonaparte fait aussitôt occuper le Hanovre, possession continentale du roi d’Angleterre. Le premier consul, qui devient en mai 1804 l’empereur Napoléon Ier, hâte par ailleurs les préparatifs d’invasion de la Grande-Bretagne, son ennemie jurée, en rassemblant en 1804-1805 troupes et matériels au camp de Boulogne. Mais la bataille navale de Trafalgar (octobre 1805), où la flotte franco-espagnole est écrasée par la flotte anglaise de Nelson, sonne le glas des espoirs français de débarquement. Or, l’année 1805 voit la situation diplomatique se détériorer sur le continent, les cours européennes considérant avec dédain le parvenu Napoléon, dont on redoute par ailleurs les ambitions personnelles, craintes confirmées par les événements italiens : Napoléon transforme à son profit l’ancienne République italienne en royaume d’Italie (mars), installe sa sœur Elisa à Lucques et Piombino, et annexe à la France la République ligurienne (juin). La Russie et l’Autriche ayant reformé une coalition, Napoléon, dans une campagne fulgurante, abandonne le camp de Boulogne et marche sur Vienne. En décembre 1805, il écrase les forces franco-russes à Austerlitz et contraint l’Autriche à demander la paix. La paix de Presbourg (décembre 1805) est sévère pour l’Autriche, qui doit céder au royaume d’Italie ses possessions vénitiennes, à la Bavière le Tyrol et le Vorarlberg, au Wurtemberg et à Bade ses possessions de Souabe. L’ancien grand-duc de Toscane est transféré de Salzbourg à Wurtzbourg, la secundogéniture du Brisgau disparaît, absorbée par l’électeur de Bade. La Bavière, le Wurtemberg et Bade sont ainsi favorisés par Napoléon, qui entend les lier étroitement à lui par des titres, des domaines, des alliances matrimoniales.
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) L’instauration du système napoléonien De 1806 à 1811, Napoléon assoit peu à peu son influence en Europe. À ces fins : – il étend le territoire propre de l’Empire français au-delà des « limites naturelles » (Rhin, Alpes et Pyrénées) ; il y est, entre autres raisons, poussé par la nécessité d’appliquer le plus rigoureusement possible le blocus continental, décrété à Berlin (novembre 1806) contre la Grande-Bretagne, et parce que les États alliés ne l’appliquent que mollement ou à contrecœur ; – il place à la tête de certains États des gens de sa famille, ou qui lui sont très proches, de façon à pouvoir y agir à sa guise ; des fonctionnaires français y sont nommés pour en diriger l’administration et des troupes françaises bien souvent y stationnent ; – il s’assure la fidélité d’autres États par une politique d’alliance étroite, facilitée par le fait qu’on se range aisément dans le camp du vainqueur. Ainsi, il transforme (mai 1806) la République batave en royaume de Hollande, au profit de son frère Louis. En Allemagne, il crée un nouvel État, le grand-duché de Berg, au profit de son beau-frère Murat ; cet État, à son summum en 1808, comptera 17 000 km2 et près d’un million d’âmes. Par ailleurs, Napoléon constitue une nouvelle structure politique, la Confédération du Rhin (juillet 1806), qui rassemble à l’origine seize États de l’Allemagne moyenne — ils seront trente-neuf à son apogée en 1808 —, et dont sont exclus l’Autriche, la Prusse et les États qui se sont montrés hostiles à sa personne. Placée sous la présidence honorifique de Dalberg — l’archevêque de Mayence qui s’est fait l’homme lige de Napoléon en Allemagne —, la Confédération rassemble Berg, la Bavière, le Wurtemberg, Bade, la Hesse-Darmstadt, Nassau, etc. Les États d’Allemagne centrale non retenus pour entrer dans le nouvel ensemble disparaissent, médiatisés par les États membres, ce qui provoque une nouvelle simplification du paysage politique allemand. Les membres de la Confédération se déclarant déliés des liens ancestraux qui les unissaient au Saint Empire, l’empereur François II, qui s’est en 1804 proclamé empereur héréditaire d’Autriche, dissout en août cette vénérable institution vieille de près de mille ans. En octobre 1806, Napoléon vainc la Prusse à Iéna et à Auerstædt. Il supprime les États des princes qui lui ont été hostiles (Hesse-Cassel, Brunswick, Orange-Nassau) et, aux traités de Tilsitt (juillet 1807), ampute la Prusse de la moitié de ses territoires, à savoir ses provinces situées à l’ouest de l’Elbe et celles naguère polonaises. Napoléon répartit en 1807 les terres confisquées en trois ensembles : – le royaume de Westphalie, constitué des territoires de Hesse-Cassel (majeure partie), de Brunswick et de la part méridionale des provinces prussiennes sises à l’ouest de l’Elbe ; ce nouvel État, sous tutelle étroite de la France, est confié à son frère Jérôme ; il comptera, à son apogée en 1810, 63 000 km2 et 2,7 millions d’âmes ; – divers « pays réservés », parmi lesquels un grand « pays réservé de Hanovre », correspondant aux terres d’Orange-Nassau, au reliquat des terres de Hesse-Cassel et à la part septentrionale des provinces prussiennes confisquées ; ces provinces sont conservées par Napoléon à titre provisoire, en attente d’affectation ; – le grand-duché de Varsovie, constitué des provinces naguère polonaises prises à la Prusse ; ce nouvel État, une « petite Pologne » qui n’en porte pas le nom, est confié à l’électeur de Saxe, que, par calcul politique, Napoléon absout d’avoir été son ennemi, en vue d’en faire un allié fidèle face à la Prusse ; loin de lui prendre des provinces, Napoléon arrondit ses possessions et l’élève au rang de roi de Saxe et de grand-duc de Varsovie ; le grandduché, à son apogée en 1809, comptera 157 000 km2 et 4 millions d’âmes. Les traités de Tilsitt rétablissent aussi la paix entre la France et la Russie, elle-même vaincue à Eylau et Friedland (printemps 1807) par Napoléon. Ce dernier, là encore, ménage par calcul politique le tsar, qui n’est contraint de céder que quelques territoires symboliques et pour la plupart lointains (Bialystok, Jever, îles Ioniennes, bouches de Cattaro). En Italie, Napoléon chasse les Bourbons de Naples au profit de son frère Joseph (mars 1806), plus tard remplacé par Murat (juin 1808). Mécontent de l’attitude de la reine d’Étrurie et du pape, il les dépouille peu à peu de leurs États. L’Étrurie, qui se montre accueillante aux patriotes italiens et à la contrebande anglaise, est annexée à l’Empire
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L’Europe napoléonienne (mai 1808). Les États pontificaux sont absorbés en deux temps : en avril 1808, les Marches sont annexées au royaume d’Italie ; en mai 1809, Rome, Latium et Ombrie sont annexés à l’Empire français. À cette date, hormis les deux grandes îles (Sardaigne, Sicile) conservées par leur ancien souverain, l’ensemble de la péninsule italienne est passé sous la domination directe ou indirecte de Napoléon : Empire français, royaume d’Italie, royaume de Naples, principautés de Lucques et Piombino, de Bénévent et de Ponte-Corvo. Apogée et recul de Napoléon en Europe Les difficultés surgissent pour Napoléon du côté de la péninsule Ibérique. En 1807, les aléas du blocus continental provoquent une intervention française au Portugal — la France ne parvient pas à s’y maintenir — et, indirectement, en Espagne. Cette intervention ravive en Espagne la querelle entre le roi Charles IV et son fils Ferdinand. Napoléon les contraint à abdiquer (mai 1808) et nomme roi d’Espagne son frère Joseph. Celui-ci peine à établir son autorité et la présence des troupes françaises permet seule son maintien. Une guérilla permanente s’installe. Napoléon est contraint, en 1812, de retirer des troupes en vue de la campagne de Russie. Cette atteinte portée à l’invincibilité de l’Empereur amène ses ennemis à redresser la tête. L’Autriche rouvre les hostilités en 1809. Napoléon l’ayant vaincue à Wagram (juillet), elle est contrainte en octobre de signer le traité de Schœnbrunn, par lequel elle cède des territoires à la France (Goritz, Istrie, Carniole, moitié de Carinthie), à la Bavière (Salzbourg, Innviertel) et au grand-duché de Varsovie (Galicie occidentale). Napoléon détache alors de son royaume d’Italie certaines provinces anciennement vénitiennes (Istrie, Dalmatie, Cattaro), ainsi que Raguse — annexée en 1808 —, pour les agréger aux provinces qu’il vient de prendre à l’Autriche et former ainsi les Provinces Illyriennes de l’Empire français, qui constituent un ensemble isolé du reste de l’Empire et destiné à empêcher l’acheminement de la contrebande anglaise en direction de l’Europe centrale. Dans ce même dessein, Napoléon parachève en 1810 sa mainmise sur les côtes de la mer du Nord en annexant à l’Empire français le royaume de Hollande et l’Allemagne située au nord d’une ligne Wesel-Lunebourg-Lubeck, à savoir Oldenbourg, villes hanséatiques, Arenberg, Salm, partie de Berg et du pays réservé de Hanovre. La France atteint alors, pour trois ans, son plus grand développement : 130 départements et 7 intendances illyriennes, 800 000 km2 et 44 millions d’habitants. Mais ce mouvement d’expansion effraie l’Europe, d’autant que Napoléon accentue sa mainmise sur l’Allemagne en créant en son centre un troisième État d’inspiration française, le grand-duché de Francfort (4 500 km2 et 300 000 âmes), constitué pour Dalberg à partir de son État mayençais, accru de pays réservés (Hanau et Fulde) naguère confisqués à la Hesse-Cassel et à Orange-Nassau. Cette ultime extension indispose les cours et les peuples non inféodés à la France, en particulier le tsar, mécontenté de la disparition des États de son propre oncle, le grand-duc d’Oldenbourg. La Russie, qui a de son côté mis à profit la période de paix pour dépouiller la Suède de la Finlande (1809) et la Turquie de la Bessarabie (1812), rompt son alliance avec la France, ce qui conduit Napoléon à entreprendre la campagne de Russie, qui, en dépit de son avancée jusqu’à Moscou, se révèle un échec coûteux en hommes. L’année 1813 est celle du grand recul de la France : reflux des débris de la Grande Armée, défection des alliés, amenuisement et disparition de la Confédération du Rhin, reprise des hostilités par l’Autriche, défaite de Napoléon face aux coalisés à Leipzig (octobre), reflux des autorités civiles françaises des postes qu’elles occupaient en Allemagne, en Hollande, en Italie, dans les Provinces Illyriennes, etc. À la suite de la défaite française, un certain nombre de pays abandonnent l’alliance avec Napoléon pour se tourner vers l’Autriche, la Prusse et la Russie. Au début de décembre 1813, vingt années d’expansion sont effacées. Le printemps de 1814, après l’invasion de la France par les armées des coalisés, voit la défaite finale des armées françaises et, en avril, l’abdication de l’Empereur. Il part en exil à l’île d’Elbe, qui lui a été réservée à titre de principauté souveraine, et le roi Louis XVIII rentre à Paris occuper
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) le trône de ses ancêtres, tandis que se réunit à Vienne un congrès des puissances européennes qui se donne pour but de remodeler l’Europe dans le sens voulu par les vainqueurs, après vingt ans de bouleversements engendrés par la France révolutionnaire et napoléonienne.
1815-1871 — L’Europe nationaliste Napoléon une fois vaincu, les puissances s’affairent à établir en Europe un système politique qui restaure en partie l’ordre ancien, tout en conservant pour elles-mêmes les gains et autres avantages qu’elles ont pu acquérir durant la période qui vient de s’achever. À l’issue de maintes tractations donnant lieu à des affrontements parfois vifs, mais hâtées par l’épisode des Cent-Jours, les dispositions suivantes sont arrêtées par les conclusions du congrès de Vienne (juin 1815). Un retour partiel à l’ordre ancien de l’Europe La France est ramenée à ses limites de 1792, mais conserve la possession des quelques enclaves qu’elle avait réunies (Avignon et le Comtat Venaissin, Mulhouse, Montbéliard, Salm, Sarrewerden, etc.). L’Espagne et le Portugal voient leurs dynasties restaurées. De même en Italie, où les rois de Sardaigne et des Deux-Siciles, le grand-duc de Toscane et le duc de Modène recouvrent leurs États, ainsi que le pape (sauf Avignon et le Comtat pour ce dernier). Le duché de Parme ayant été promis à Marie-Louise, seconde épouse de Napoléon et fille de l’empereur d’Autriche, les Bourbons-Parme sont priés d’aller régner à Lucques et ne recouvreront Parme qu’en 1847, à la mort de celle-ci. Les républiques de Gênes et de Venise ne sont pas restaurées, la première étant incorporée dans les États de Sardaigne, la seconde étant englobée avec le Milanais et le Mantouan dans le royaume Lombard-Vénitien, nouvel État dont l’empereur d’Autriche est le souverain. Par ses souverainetés directes et indirectes, par les alliances qu’elle tisse avec les autres États, l’Autriche est quasiment maîtresse de l’Italie. Les anciennes Provinces-Unies sont constituées en royaume au profit de la maison d’Orange-Nassau, qui en exerçait jusqu’en 1795 le stathoudérat. Le nouveau royaume comprend aussi les anciens Pays-Bas autrichiens, cédés par Vienne, et l’évêché de Liège. Le Luxembourg (anciennement autrichien) est donné au roi des Pays-Bas comme possession personnelle comprise dans la nouvelle Confédération germanique. L’ensemble du nouveau royaume couvre 65 000 km2 pour 6 millions d’habitants. La Confédération helvétique atteint ses dimensions définitives par l’inclusion de l’évêché de Bâle, de Neuchâtel, de Genève et du Valais. En Allemagne, la Westphalie et les grands-duchés de Berg et de Francfort disparaissent. Le Hanovre — élevé au rang de royaume en union personnelle avec celui de Grande-Bretagne —, la Hesse-Cassel, le Brunswick sont restaurés. La Saxe royale, que la Prusse voulait annexer en totalité, est en partie sauvée sur intervention de la France, mais elle doit céder la moitié de ses territoires à la Prusse. La Prusse est le grand bénéficiaire des remaniements territoriaux. Pour prix de sa renonciation à une partie de la Saxe et de la Pologne, le congrès lui octroie de larges territoires dans l’ouest de l’Allemagne, en Westphalie, dans le Palatinat de rive gauche du Rhin, le Juliers, Clèves et Berg ; ces territoires sont séparés du reste de la Prusse par le Hanovre. De plus, elle absorbe la Poméranie suédoise et recouvre Neuchâtel, cette principauté faisant toutefois partie désormais de la Confédération helvétique. La Prusse couvre désormais 278 000 km2 pour 10 millions d’habitants et constitue un État majeur de l’Allemagne, qui songe plus que jamais à ravir à l’Autriche la première place. L’Autriche recouvre ses domaines héréditaires, auxquels s’ajoutent désormais Salzbourg, ainsi que l’Istrie et la Dalmatie vénitiennes, mais renonce à ses domaines d’Autriche antérieure (Brisgau, Ortenau, Burgau, Hohenberg, Nellembourg, etc.), qui sont laissés au Wurtemberg et à Bade. Son empereur devient président héréditaire de la Confédération germanique, nouvel organisme politique mis sur pied pour remplacer le Saint Empire qui n’est pas restauré, de façon à éluder les revendications des anciens princes ecclésiastiques, des petits princes laïques et des villes libres, dont la médiatisation est confirmée par le congrès.
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L’Europe nationaliste Dans le monde scandinave, la Suède est indemnisée de la perte de la Finlande par l’octroi de la Norvège, qu’elle reçoit du Danemark en échange de la Poméranie. Mais le Danemark doit aussitôt rétrocéder celle-ci à la Prusse, qui lui cède en retour le Lauenbourg. Le grand-duché de Varsovie disparaît lui aussi, partagé entre la Prusse et la Russie. Seul en subsiste indépendant, quoique étroitement surveillé par les trois puissances avoisinantes, un infime lambeau, la petite république de Cracovie. Enfin la Grande-Bretagne, qui hormis le Hanovre ancestral ne revendiquait rien sur le continent européen, se voit confirmer la possession de Malte et des îles Ioniennes, dont elle s’était emparée au détriment de la France. L’éclosion des nationalismes À Vienne, ce sont les rois et les cours qui ont décidé du sort de l’Europe, sans guère se préoccuper des peuples, comme si l’ordre ancien pouvait être rétabli. Mais les idées de la Révolution française, véhiculées par ses armées, ont fait naître des aspirations populaires, qui se sont d’ailleurs souvent retournées contre la France quand sa présence fut perçue non plus comme libératrice, mais comme asservissante. Si Napoléon sut galvaniser le nationalisme polonais, c’est contre lui qu’ont surgi les nationalismes allemand et italien. Les princes s’en sont servis pour abattre l’Usurpateur, mais les idées qui se sont fait jour ne pourront plus être aisément contenues. Le XIXe siècle sera en Europe celui de l’éclosion des nationalismes. C’est dans le sud-est du continent qu’apparaissent ces manifestations, au détriment de l’Empire ottoman, jusqu’alors épargné par la période de troubles qui vient de s’achever. Dans la région où vivent les Serbes, une première révolte a conduit en 1806 à l’érection d’une petite principauté de Serbie, sous la protection de la Russie ; elle a disparu en 1813. Après une nouvelle révolte apparaît de nouveau une principauté de Serbie, qui est reconnue en 1830 comme vassale de la Porte. Ce nouvel État orthodoxe couvre 37 000 km2 pour 700 000 habitants ; il va perdurer dans ce cadre jusqu’en 1878. En Grèce, une révolte se produit en 1821 en Morée (Péloponnèse), qui conduit à un premier État (1822), réduit à néant par le pacha turc Méhémet-Ali (1826). À partir de 1827, la France, la Grande-Bretagne et la Russie, gagnées à la cause grecque, œuvrent pour l’érection d’un État autonome grec au sein de l’Empire ottoman. En 1830 est créé le royaume de Grèce, tributaire de la Porte jusqu’en 1832, et qui ne couvre qu’une partie des territoires de peuplement grec, à savoir la Morée, la Livadie, Eubée, les Cyclades et une partie des Sporades (49 000 km2 pour 800 000 habitants). À la même époque (1830) se produit dans le sud du royaume des Pays-Bas une révolte de la population, catholique et en partie francophone, contre la domination du nord, protestant et néerlandophone. Avec le soutien des puissances, un nouvel État voit le jour, le royaume de Belgique (1831), lequel comprend la totalité des provinces méridionales, hormis le Limbourg et le Luxembourg, qui sont chacun divisés en deux parties, leur partie occidentale devenant belge, leur partie orientale demeurant néerlandaise. Le nouveau royaume couvre environ 30 000 km2 pour 4 millions d’habitants. Outre la révolution de juillet 1830 en France, qui aboutit à un changement de régime, divers autres soulèvements se produisent en Moldavie et Valachie (1821), en Espagne (1822), à Naples (1822), en Russie (1825), en Pologne et Lituanie (1831), en ÉmilieRomagne (1831), en Bosnie (années 1830), en Galicie (1846) — ce qui entraîne l’annexion de Cracovie par l’Autriche —, en Albanie (1847). Ces mouvements sont tous réprimés. En 1848, à la suite de la révolution de février en France, qui provoque une nouvelle fois un changement de régime, des révolutions éclatent en divers points de l’Europe : en Italie (Venise, Milan, Parme, Modène, Rome) et en Allemagne (Vienne, Prague, Munich, Dresde, etc.) pour réaliser l’unité, à Neuchâtel et en Hongrie pour secouer une tutelle étrangère. Deux souverains entreprenants, les rois de Sardaigne et de Prusse, tentent de profiter de ces troubles pour concrétiser leur ambition personnelle. En Italie, le roi Charles-Albert de Sardaigne entend tirer profit des révolutions pour réaliser l’unité italienne en chassant les Autrichiens de la péninsule. Il est battu à Novare (mars 1849) par Radetzky et doit renoncer.
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) En Allemagne, où s’est réuni à Francfort un parlement revendiquant l’unité allemande sans l’Autriche, et qui offre à Frédéric-Guillaume IV la couronne d’un nouvel État unitaire, celui-ci accepte l’offre dans un premier temps mais, menacé de guerre par l’Autriche, doit y renoncer en novembre 1850 (reculade d’Olmutz). Au terme de deux ans de reprise en mains, les révolutions de 1848 sont partout mises en échec, sauf en France. Mais plus rien ne sera désormais comme avant. Les principautés danubiennes, la Moldavie et la Valachie, tributaires de la Porte depuis quatre siècles, ont obtenu en 1829 de bénéficier de la protection de la Russie. En 1858, elles parviennent à faire reconnaître par les puissances leur union (1858), puis leur unification en une principauté de Roumanie (1861), toujours sous suzeraineté de la Turquie. Les unités italienne et allemande En Italie, le nouveau roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel, appelle au gouvernement de son pays le comte Cavour, qui va réaliser l’unité de la péninsule, avec l’aide de l’empereur Napoléon III qu’il a su gagner à sa cause. En 1859, les armées franco-sardes battent les Autrichiens à Solférino (juin) et, au traité de Zurich (novembre), la Sardaigne reçoit la Lombardie (moitié occidentale du Lombard-Vénitien autrichien). Des soulèvements ont lieu à Parme, à Modène, à Bologne et à Florence. En mars 1860, l’Émilie et la Toscane rejoignent le royaume de Sardaigne, lequel cède Nice et la Savoie à la France. En octobre 1860, le royaume des Deux-Siciles, conquis par Garibaldi, rallie le royaume de Sardaigne, de même que l’Ombrie et les Marches pontificales (décembre). En mars 1861, le nouveau royaume d’Italie rassemble la quasi-totalité de la péninsule italienne, hormis le Latium, demeuré au pape sous protection de la France, la Vénétie, demeurée autrichienne, et le Trentin et Trieste, vieilles terres autrichiennes de mouvance germanique. En 1866, à la suite d’une nouvelle guerre, l’Italie prend la Vénétie à l’Autriche et, en 1870, par suite du rappel des troupes françaises, elle s’empare de Rome et du Latium. La péninsule est unifiée et le royaume, qui couvre désormais 287 000 km2 pour 27 millions d’habitants, est devenu un pays qui compte en Europe. En Allemagne, l’unification va être l’œuvre du chancelier prussien Bismarck, qui parvient en deux temps à chasser l’Autriche et à rassembler les autres États allemands autour d’une Prusse elle-même considérablement accrue. L’affaire des duchés « danois » en sera le prétexte. Ces duchés, le Schleswig, le Holstein et le Lauenbourg, appartiennent au roi de Danemark, mais avec une triple particularité : ils sont tous trois distincts du Danemark ; d’autre part, le Schleswig et le Holstein sont réputés indissolublement unis ; enfin, le Schleswig est situé hors de la Confédération germanique, tandis que le Holstein et le Lauenbourg en font partie. En 1863, à la suite d’un changement de roi sur le trône danois, du fait que les trois duchés appliquent la loi salique, la Confédération reconnaît le bien-fondé des droits d’un cousin, le duc d’Augustenbourg, à régner sur ceux-ci. S’ensuit une guerre entre le Danemark d’une part, la Prusse et l’Autriche d’autre part, agissant pour le compte de la Confédération. Le Danemark est contraint de céder les trois duchés à un condominium de la Prusse et de l’Autriche, les droits du duc étant dès lors négligés. Bismarck s’emploie alors à envenimer ses rapports avec l’Autriche, au point de déclencher une guerre entre les deux pays, dans laquelle les autres États allemands se rallient à l’un ou l’autre camp. Vaincue à Sadowa (juillet 1866), l’Autriche doit accepter la dissolution de la Confédération germanique et sa propre éviction des affaires allemandes au profit de la Prusse, qui est laissée libre d’agir à sa guise vis-à-vis des autres pays vaincus et de réorganiser l’Allemagne à son gré. La Prusse, qui a déjà depuis 1849 absorbé les deux principautés de Hohenzollern en Souabe, annexe les trois duchés danois, le royaume de Hanovre (séparé de la Grande-Bretagne depuis 1837), la Hesse-Cassel, le duché de Nassau et la ville de Francfort-sur-le-Main. Elle devient un grand pays, qui couvre désormais 352 000 km2 pour 23,5 millions d’habitants. De plus, la Prusse crée un nouvel organisme, la Confédération de l’Allemagne du Nord, qui regroupe autour de son roi — président de ladite Confédération — l’ensemble des États
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L’Europe des puissances allemands situés au nord du Main ; n’en sont donc exclus que l’Autriche, le Liechtenstein, la Bavière, le Wurtemberg, Bade et la Hesse-Darmstadt. En 1870, tous les États allemands, y compris ceux du sud du Main hormis l’Autriche, participent à la guerre contre la France. La victoire allemande parachève l’unification ; la Bavière, le Wurtemberg, Bade et la Hesse-Darmstadt adhèrent à la Confédération qui, en 1871, se mue en Empire allemand et prend à la France l’Alsace et une partie de la Lorraine. Par ailleurs, en 1863, les peuples polonais et lituanien échouent une nouvelle fois dans un mouvement de révolte contre la domination russe, et la Russie entreprend de russifier complètement leurs contrées. Comme la Prusse, de son côté, entend germaniser les terres polonaises placées sous sa domination, seul le royaume de Galicie, sous souveraineté autrichienne, parvient à sauvegarder les traditions et la culture polonaises, favorisé en cela par la politique habsbourgeoise de respect du particularisme de chacun des peuples de l’empire. Enfin, évincée de l’espace allemand, l’Autriche doit reconsidérer les grandes lignes de sa politique étrangère. Elle décide de recentrer son action sur l’espace danubien. À ces fins, il paraît indispensable à Vienne de se réconcilier avec la nation hongroise, qui s’était soulevée en 1848 et était depuis tenue en lisière. En juin 1867, la maison d’Autriche conclut avec la Hongrie le Compromis austro-hongrois, qui divise l’empire d’Autriche en deux parties : – le royaume de Hongrie — ou Transleithanie —, qui recouvre ses dépendances de Transylvanie et de Croatie-Slavonie et qui devient un État semi-indépendant, lié à l’Autriche par une union personnelle, l’empereur d’Autriche étant roi de Hongrie, et par trois ministères communs (Affaires étrangères, Armées, Finances) ; – l’Autriche proprement dite — ou Cisleithanie —, qui rassemble toutes les autres possessions des Habsbourg (Autriche, Bohême, Galicie, Bucovine, Tyrol, Salzbourg, Styrie, Carinthie, Carniole, Trieste, etc.). La nouvelle double monarchie, que l’on appellera dès lors l’Autriche-Hongrie, va désormais faire porter ses efforts sur les Balkans, troquant son ancienne rivalité avec la Prusse pour une nouvelle rivalité avec la Russie.
1871-1920 — L’Europe des puissances L’Europe politique de 1871 apparaît ainsi comme simplifiée vis-à-vis de la situation antérieure. Les unifications italienne et allemande ont fait émerger deux nouvelles puissances, le royaume d’Italie et surtout l’Empire allemand, qui vont tenir toute leur place dans le concert des nations, aux côtés des anciens grands pays que demeurent la France, la GrandeBretagne, la Russie, l’Autriche et, à un rang plus modeste, les royaumes ibériques ou scandinaves. Or, des différends territoriaux subsistent entre ces puissances (Alsace-Lorraine, Trentin et autres terres irredente italiennes, etc.) et nombre de peuples attendent encore de se libérer d’une domination jugée étrangère (Polonais, Baltes, Slaves de Bohême, de Carniole, de Croatie et des Balkans, Roumains de Transylvanie, Irlandais, etc.). Par ailleurs, le développement intense de l’activité économique des pays européens va accroître les ambitions de chacune des puissances et favoriser une course aux armements qui se révélera, au début du XXe siècle, lourde de menaces pour la paix du continent. Les conflits balkaniques Pour l’heure, la grande affaire de la fin du siècle est la « question d’Orient », à savoir l’incapacité de l’Empire ottoman, désormais irrémédiablement affaibli, à contenir les aspirations à la liberté qui se font jour au sein des peuples des Balkans qui demeurent placés sous son emprise directe ou indirecte. Cette incurie aiguise les ambitions concurrentes de la Russie et de l’Autriche-Hongrie, la première recherchant un accès vers les « mers chaudes » et considérant qu’elle a vocation à se faire le protecteur des peuples des Balkans, par solidarité ethnique (le slavisme) ou religieuse (l’orthodoxie), la seconde voyant dans la « marche à l’est » de nouveaux débouchés pour les productions agricoles ou industrielles de l’empire.
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) En 1876 se produit une révolte du peuple bulgare, qui entraîne l’intervention armée de la Russie contre la Turquie. La victoire russe se traduit, en mars 1878, par la signature avec la Porte d’un premier traité, à San Stefano. Celui-ci prévoit la création d’une grande Bulgarie, qui couvrirait l’espace bulgare, mais aussi une partie de la Thrace et la Macédoine presque entière, et placée sous la tutelle de fait de la Russie. La conclusion de ce traité provoque les protestations de la Grande-Bretagne — intéressée à l’intégrité de la Turquie — et de l’Autriche-Hongrie, pour qui les promesses faites antérieurement par la Russie au sujet de la Bosnie-Herzégovine n’ont pas été tenues. De ce fait, pour réviser le traité de San Stefano, le chancelier Bismarck propose la tenue d’un congrès des puissances à Berlin, lequel débouche sur un nouveau traité en juillet 1878. De ce traité, il résulte que les ambitions de la Russie sont sérieusement réfrénées. En effet, l’espace bulgare est divisé en deux parties : la partie septentrionale devient la principauté de Bulgarie, nouveau pays tributaire de la Porte, mais confié à un prince chrétien (63 000 km2 et 2,1 millions d’habitants) ; la partie méridionale, la Roumélie orientale, demeure province ottomane, simplement autonome et dotée d’un gouverneur chrétien. Par ailleurs, la Bosnie-Herzégovine, qui reste juridiquement turque, voit son administration civile et militaire transférée à l’Autriche-Hongrie, qui va désormais y régner en maître. Enfin, la Roumanie, la Serbie et le Monténégro, légèrement accrus d’un point de vue territorial, acquièrent leur indépendance vis-à-vis de Constantinople. La Grande-Bretagne se fait payer ses bons offices à l’égard de la Porte par la remise à bail de l’île de Chypre, qui reste toutefois juridiquement turque. Par ce traité, la Turquie subit une sérieuse perte de 237 000 km2 et 8 millions d’habitants ; elle ne couvre désormais plus en Europe que 326 000 km2 pour 9,3 millions d’habitants, pays tributaires inclus. Mais le déclin de la puissance ottomane se poursuit. En 1881, la Turquie est contrainte par les puissances de céder la Thessalie à la Grèce ; celle-ci, qui s’était déjà accrue depuis 1864 de l’archipel des îles Ioniennes, cédé par la Grande-Bretagne, commence à prendre de l’importance avec un territoire de 65 000 km2 pour 2 millions d’habitants. En 1885, le prince Alexandre de Bulgarie proclame l’union de la Roumélie orientale à la Bulgarie, avalisée par la Porte en 1886. En 1908, par un coup de force, l’Autriche-Hongrie annexe unilatéralement la Bosnie-Herzégovine, tandis que, se proclamant tsar des Bulgares, le prince Ferdinand rompt tout lien de vassalité à l’égard de la Porte. À la même époque — très précisément en 1905 — et à l’autre extrémité de l’Europe, la Norvège, qui avait été rattachée en 1814 contre son gré à la Suède en union personnelle, se détache de cette dernière et devient un nouveau royaume indépendant, appelant sur le trône un fils puîné du roi de Danemark. Dans les Balkans, les événements se précipitent. En 1912, l’Italie, qui convoitait la Tripolitaine turque, occupe les îles du Dodécanèse. La Porte, sentant venir une nouvelle guerre dans les Balkans, concède à l’Italie la possession temporaire de l’archipel, en dépit du vœu des habitants qui voudraient se rattacher à la Grèce. Au même moment, l’île de Samos, qui avait depuis 1832 le statut de principauté tributaire, profite des embarras de la Turquie pour proclamer son rattachement à la Grèce. La seconde guerre balkanique éclate en octobre 1912 et se déroule en deux temps. Dans un premier temps, la Grèce, la Bulgarie, la Serbie et le Monténégro vainquent la Turquie, qui cède la Crète à la Grèce et renonce en Europe à ses îles de mer Égée et aux provinces continentales situées à l’ouest d’une ligne Enos-Midia (non loin de Constantinople). Cependant, les vainqueurs ne parviennent pas à s’entendre sur le partage des dépouilles, la Bulgarie, qui a fourni un gros effort de guerre, s’estimant insuffisamment récompensée. Dans un second temps, la Bulgarie attaque par surprise ses alliés de la veille, mais elle est vaincue à l’été 1913. Le conflit se dénoue à Bucarest (août) pour les provinces continentales, à Constantinople (septembre) pour les îles. La Turquie, qui a repris Andrinople dans la seconde phase, la conserve ainsi que la majeure partie de la Thrace orientale. Elle est désormais réduite en Europe à un territoire chétif de 22 000 km2 pour 1,3 million d’habitants.
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L’Europe des puissances La Bulgarie doit se contenter de la Thrace occidentale, qui lui donne cependant un accès à la mer Égée. Elle s’étend désormais sur 118 000 km2 pour 5 millions d’habitants. La Serbie reçoit la Macédoine septentrionale et centrale, le Kossovo et une partie de la Métohidja, l’autre partie allant au Monténégro. Elle double sa superficie (86 000 km2), pour plus de 3 millions d’habitants. La Grèce s’accroît de la Macédoine méridionale, de l’Épire et de la majeure partie des îles turques de mer Égée. Elle double aussi sa superficie (115 000 km2), pour 5 millions d’habitants. Enfin voit le jour un nouveau pays, l’Albanie (28 000 km2 et 800 000 habitants), dont le sort, incertain, est confié à un prince allemand, Guillaume de Wied, sous tutelle de l’Autriche. La seconde guerre balkanique apparaît rétrospectivement comme une répétition générale d’un conflit plus large que toute l’Europe sent venir. Les puissances se sont peu à peu rangées en deux camps antagonistes, la Triple Entente (France, Grande-Bretagne, Russie) d’un côté, et de l’autre la Triple Alliance, ou Triplice (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie). Or, la guerre qui s’achève a permis aux deux camps de tester leurs armements, du fait qu’ils en ont alimenté certains États belligérants. D’autre part, les rivalités régionales se sont renforcées : la France et la Russie soutiennent la Serbie, à qui l’Autriche-Hongrie a une nouvelle fois barré l’accès à la mer en obtenant la création de l’Albanie ; de ce fait, pour Vienne, l’ennemi est à Belgrade et non plus à Constantinople ; la Turquie, définitivement abaissée, recevra désormais son soutien, comme celui de Berlin. La Première Guerre mondiale En juin 1914, l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand à Sarajevo, par un Bosniaque secrètement encouragé par la Serbie, provoque un conflit entre celle-ci et l’Autriche-Hongrie, qui va en un mois, par le jeu des alliances, embraser une bonne partie de l’Europe. Dès août 1914, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, la Serbie et le Monténégro sont en guerre contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. L’Italie, nonobstant son appartenance à la Triplice, se maintient dans la neutralité. Le camp de l’Entente se renforcera en mai 1915 de l’Italie, en août 1916 de la Roumanie, en avril 1917 des États-Unis et en juin 1917 de la Grèce, mais doit enregistrer dès la fin de 1917 la défection de la Russie, en proie aux révolutions. Le camp des puissances centrales se renforcera en octobre 1914 de la Turquie et en octobre 1915 de la Bulgarie. La guerre est longue — plus de quatre ans —, meurtrière, totale et longtemps indécise, en raison de l’équilibre des forces des deux camps. En 1918, l’appoint des États-Unis finit par faire triompher le camp de l’Entente, mais les vainqueurs européens sont aussi épuisés que les vaincus et l’Europe sort durablement affaiblie de ce conflit. Mis à part la Bulgarie, les souverains des pays vaincus perdent leurs trônes, tandis que leurs pays sont affectés par des troubles révolutionnaires et, pour l’Autriche-Hongrie, des menées séparatistes qui mettent en péril son existence même. Les pourparlers de paix se déroulent à Paris et, innovation majeure, sont conduits entre les seuls vainqueurs, les vaincus n’ayant pas le loisir d’en discuter les termes. Le président américain Woodrow Wilson, qui a énoncé dans son discours des Quatorze Points (janvier 1918) sa vision de l’Europe nouvelle, assise sur le principe des nationalités, vient en personne à Paris pour prendre une part active aux négociations. Celles-ci se concluent par cinq traités, imposés de juin 1919 à août 1920 aux cinq pays vaincus : Versailles pour l’Allemagne, Saint-Germain pour l’Autriche, Trianon pour la Hongrie (les deux pays se sont entre-temps séparés), Neuilly pour la Bulgarie et Sèvres pour la Turquie. L’Allemagne, devenue une république, est maintenue en tant qu’État, en dépit du souhait de certains de la rescinder pour abattre sa puissance. Elle doit toutefois céder l’Alsace-Lorraine à la France, Eupen et Malmédy à la Belgique, le Schleswig septentrional au Danemark, Hultschin à la nouvelle Tchécoslovaquie, la Posnanie, la Prusse occidentale et un quart de la Haute-Silésie à la Pologne ressuscitée, et renoncer à la Sarre et à Dantzig, confiées à la SDN, ainsi qu’au territoire de Memel, annexé plus tard par la Lituanie. Elle demeure toutefois un grand pays d’Europe avec 469 000 km2 pour 62 millions d’habitants.
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) L’Autriche-Hongrie est démembrée. Elle cède la place à trois États successeurs, tout en transférant certains territoires à d’autres États limitrophes. La république d’Autriche (84 000 km2 pour 6 millions d’habitants) ne renferme plus que les pays allemands de l’empire : Autriche, Styrie, Carinthie, Salzbourg, Tyrol — celui-ci amputé de sa partie méridionale au profit de l’Italie —, Vorarlberg. Le royaume de Hongrie (93 000 km2 pour 8 millions d’habitants) ne renferme plus que la partie centrale de l’ancien royaume, de peuplement hongrois homogène, les régions de peuplement mélangé lui étant systématiquement retirées. La république de Tchécoslovaquie (140 000 km2 pour 14 millions d’habitants) se compose des régions de peuplement tchèque ou slovaque du nord de l’ancien empire : Bohême, Moravie et Silésie provenant de l’Autriche, Haute-Hongrie et Ruthénie prélevées sur la Hongrie. L’Autriche-Hongrie cède par ailleurs la Galicie à la Pologne, la Bucovine, la Transylvanie, une frange de Hongrie propre et les deux tiers du Banat à la Roumanie, le tiers restant du Banat, un fragment de Hongrie propre (Batchka), la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Dalmatie, les deux tiers de la Carniole et un tiers de la Styrie au nouveau royaume des Serbes, Croates, Slovènes, et le Trentin, le Tyrol méridional, le dernier tiers de Carniole, Trieste et l’Istrie à l’Italie. La Bulgarie doit céder quelques territoires à la Roumanie, au royaume des Serbes, Croates, Slovènes et surtout à la Grèce, reperdant son débouché égéen de Thrace méridionale. La Turquie, démembrée en Asie, doit en Europe céder à la Grèce la Thrace orientale — jusqu’aux portes de Constantinople sauvegardée de justesse — et, à titre définitif, le Dodécanèse à l’Italie ainsi que Chypre à la Grande-Bretagne. La Roumanie, quoique ayant eu une conduite peu brillante durant le conflit (entrée en guerre tardive en août 1916, défaite suivie d’une paix séparée en mai 1918), se voit favorisée par les vainqueurs pour faire pièce à la Hongrie et à la Russie révolutionnaire. Elle double son territoire (300 000 km2 pour 15,5 millions d’habitants), prenant à la Russie la Bessarabie et à l’Autriche-Hongrie la Bucovine, la Transylvanie, une frange de Hongrie propre et les deux tiers du Banat. Elle englobe désormais tous les territoires peuplés de Roumains. La Serbie réalise son rêve d’union des Slaves du Sud sous le sceptre de son roi. Elle devient le royaume des Serbes, Croates, Slovènes — Yougoslavie à partir de 1929 — (249 000 km2 pour 12 millions d’habitants), qui regroupe la Serbie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Dalmatie, les deux tiers de la Carniole et un tiers de la Styrie autrichiennes, un tiers du Banat et la Batchka hongroise. Au nord-est de l’Europe, la Pologne est reconstituée sous forme d’une république (388 000 km2 pour 27 millions d’habitants) composée de l’ancienne Pologne « du Congrès », du tiers de la Russie blanche et de la Volhynie, cédées par la Russie, de la Posnanie et de la Prusse occidentale, cédées par l’Allemagne, et de la Galicie cédée par l’Autriche. Par ailleurs, la Russie bolchevique, agitée par les troubles de la révolution et la guerre que mènent contre elle les armées « blanches » (tsaristes) soutenues par l’Occident, subit un sérieux recul territorial sur sa frontière de l’ouest. Elle doit accepter la constitution des nouveaux États suivants : – la Finlande (388 000 km2 pour 3 millions d’habitants), qui correspond au territoire de l’ancien grand-duché légèrement agrandi ; – l’Estonie (45 000 km2 pour 1 million d’habitants), qui correspond à l’ancienne province russe de ce nom augmentée de la moitié septentrionale de la Livonie ; – la Lettonie (64 000 km2 pour 1,6 million d’habitants), qui correspond à la Courlande augmentée de la moitié méridionale de la Livonie ; – la Lituanie (56 000 km2 pour 2,2 millions d’habitants), qui ne rassemble qu’une partie de l’ancien grand-duché et sans Vilnius, la capitale historique, prise par la Pologne ; – la Biélorussie (125 000 km2 pour 5 millions d’habitants, après cession de territoires par la Russie en 1924-1926), qui a perdu son tiers occidental pris par la Pologne ;
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L’Europe face aux totalitarismes – l’Ukraine (450 000 km2 pour 30 millions d’habitants), qui ne couvre qu’une partie des terres de peuplement ukrainien, du fait de l’inclusion de la Galicie orientale et de la Volhynie dans la Pologne, de la Ruthénie subcarpathique dans la Tchécoslovaquie et de la Bucovine dans la Roumanie. La Russie est ainsi ramenée, en Europe, à 3,8 millions de km2, pour 65 millions d’habitants. La Grèce s’accroît de la Thrace méridionale, cédée par la Bulgarie. L’Italie s’accroît, au détriment de l’ancienne Autriche-Hongrie, du Trentin et du Tyrol méridional, de Trieste et de Goritz, de l’Istrie et du tiers de la Carniole. La France recouvre sur l’Allemagne son Alsace-Lorraine perdue en 1871, la Belgique recouvre Eupen et Malmédy cédés en 1815. Le Danemark fait de même avec le Schleswig septentrional, mais doit concéder à l’Islande le statut de royaume indépendant en union personnelle.
1920-1945 — L’Europe face aux totalitarismes Le paysage général de l’Europe apparaît donc, au lendemain de la guerre, très différent de celui qui se présentait auparavant. La distribution territoriale des États a beaucoup changé en Europe centrale et orientale : l’Autriche-Hongrie a disparu, des États ont réapparu (Pologne) ou ont été créés sur une base ethnique en faisant fi de tout passé historique (Tchécoslovaquie, Yougoslavie) ; il résulte de l’application stricte du principe des nationalités qu’à l’équilibre géopolitique qui prévalait avant le conflit a succédé un déséquilibre important entre une Allemagne, qui — en dépit de ses pertes de guerre, des réparations qu’on lui impose et des amputations qu’elle a subies — demeure un pays potentiellement puissant, et un morcellement du reste de cette partie de l’Europe entre des pays bien plus petits et faibles, que la disparition temporaire du traditionnel contrepoids russe rend d’autant plus vulnérables. Cette vulnérabilité est encore accentuée par le fait que le mélange des nationalités, que l’on rencontrait en maints lieux, a été conservé, pour des raisons d’humanité évidentes ; la plupart de ces pays renferment donc d’importantes minorités (Allemands, Hongrois et Ruthènes en Tchécoslovaquie, Hongrois, Ukrainiens et Bulgares en Roumanie, Allemands, Hongrois et Italiens en Yougoslavie, Allemands et Slovènes en Italie, etc.) qui, quoique en principe protégées par des garanties internationales, se verront constamment soumises à des tentatives d’assimilation et constitueront en retour des foyers de séparatisme prêts à se manifester à la première occasion. D’ailleurs, au sein de certains pays créés, des tensions ne tardent pas à se manifester de façon plus ou moins virulente entre peuples d’origine différente que l’on a considérés à Paris comme faisant partie d’une même nation : Tchèques et Slovaques en Tchécoslovaquie, Serbes, Croates, Slovènes, Bosniaques en Yougoslavie. D’autre part, les ravages d’une guerre si longue et si totale ont déstabilisé un grand nombre de pays, qui doivent faire face à des difficultés politiques (révolutions, changements de régime), économiques et sociales (atteintes à l’outil de production agricole et industriel, ruine financière, hécatombe humaine), enfin morales (sentiment d’injustice répandu parmi les peuples vaincus, remise en cause du dogme du progrès continu, perte de foi en l’avenir). Le tout constitue un sérieux coup porté à l’hégémonie de l’Europe, qui jusqu’en 1914 dominait sans partage le monde ; elle voit désormais émerger la rivalité des États-Unis, tandis que va s’éveiller dans le reste du monde la contestation de la prééminence de l’homme blanc et de sa mission colonisatrice. Un fragile équilibre Pour l’heure, le début des années 1920 voit le règlement des dernières questions d’ordre territorial qui n’avaient pu être tranchées par les traités de paix à Paris, ou qui ont évolué au fil des événements de l’immédiate après-guerre. Tout d’abord, en Grande-Bretagne, le statut d’autonomie interne pour l’Irlande, voté en 1914, a été aussitôt suspendu par le déclenchement de la guerre. Les Irlandais s’étant soulevés pour en hâter l’application et ayant élu en 1918 des députés indépendantistes, le conflit se résout en 1921 par la scission de l’Irlande en deux parties : quatre des six comtés de l’Ulster
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) demeurent dans le Royaume-Uni, le reste de l’île devient un nouvel État, l’État libre d’Irlande (70 000 km2 pour 3 millions d’habitants), qui constitue un dominion de l’Empire britannique. À la fin de 1922, la Russie bolchevique, qui a définitivement vaincu les armées contrerévolutionnaires, parvient à reconstituer en partie le domaine européen de l’ancienne Russie impériale. Si la Pologne, la Volhynie, la Bessarabie, les États baltes et la Finlande sont perdus, Moscou profite de la parenté idéologique de leurs gouvernements politiques (régimes communistes) pour fédérer la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine — avec la Transcaucasie en Asie — en une nouvelle entité politique, l’Union soviétique (URSS), dans laquelle le poids écrasant de la Russie donne à celle-ci, tout en sauvegardant les apparences, d’assumer un pouvoir absolu. À sa création, l’URSS couvre de l’ordre de 19 750 000 km2, dont 4 350 000 en Europe, pour une population d’environ 100 millions d’habitants, toujours en Europe. En Turquie, à la suite de la défaite et de l’invasion du pays par les armées étrangères, le général Mustapha Kémal s’est dressé contre le pouvoir du sultan. En 1922, il parvient à chasser les Grecs d’Asie Mineure et de Thrace orientale, puis il s’empare du pouvoir et, par le traité de Lausanne (juillet 1923) qui annule celui de Sèvres, recouvre sur la Grèce la Thrace orientale, jusques et y compris la ville d’Andrinople (Edirne). Enfin, deux décisions formelles des traités sont remises en cause au détriment de la SDN. Deux territoires libres placés sous sa tutelle disparaissent en 1924 : le territoire de Memel, annexé par la Lituanie, qui y voit une revanche sur la perte de Vilnius qu’elle a dû concéder à la Pologne ; celui de Fiume, laborieusement défini à Rapallo (1920), qui est partagé entre l’Italie (qui annexe la ville elle-même) et le royaume des Serbes, Croates, Slovènes. Ainsi définis, les pays d’Europe vont vivre moins de quinze années d’une paix précaire, ponctuées de difficultés d’ordre politique, économique et social qui vont mettre en péril le devenir du continent. Les démocraties poursuivent leur existence au milieu de difficultés variables selon les pays. Les menées actives, sur le plan international, d’une URSS désireuse de susciter partout la révolution et contre qui le « cordon sanitaire » mis en place par l’Occident ne dure qu’un temps se traduisent par la croissance des partis socialistes, ainsi que l’émergence ou le renforcement de partis communistes perçus en maints pays comme une menace pour la démocratie. S’ensuivent un certain nombre de troubles politiques, accrus dans les années 1930 par les effets de la grande crise économique, qui provoquent l’instauration de régimes autoritaires, voire totalitaires, en Italie (1922), en Espagne (1923), en Albanie (1925), en Pologne et en Lituanie (1926), en Allemagne et au Portugal (1933), en Bulgarie (1934), tandis qu’en Grèce (1924) et en Espagne (1931), les monarchies cèdent la place à des régimes républicains. L’expansionnisme hitlérien Parmi tous ces soubresauts, l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en Allemagne en 1933 constitue la menace la plus sérieuse contre la paix du continent car, outre ses vues totalitaires sur l’organisation intérieure du pays et sa détermination à éliminer ceux qu’il considère comme ses ennemis (communistes, Juifs, etc.), il entend abolir les clauses du traité de Versailles, et accessoirement des autres traités, et rassembler dans le Reich allemand l’ensemble des Allemands qui en vivent séparés, ce qui laisse présager une politique de conquête. Tout d’abord, en 1935, la Sarre, qui avait été placée pour quinze ans sous la tutelle de la SDN, choisit librement par plébiscite de revenir dans le sein de l’Allemagne. Puis Hitler décide unilatéralement la remilitarisation de la Rhénanie allemande, en contravention aux traités, sans déclencher une quelconque réaction vigoureuse de la France ni de la GrandeBretagne. La même année en Espagne, un soulèvement militaire contre le régime républicain, qui devait faire face à des troubles engendrant une certaine insécurité, déclenche une guerre civile de trois ans entre les républicains et les nationalistes, emmenés par le général Franco, qui finit par l’emporter et qui se proclame en 1939 chef d’État, instaurant une dictature militaire.
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L’Europe face aux totalitarismes Cependant, dès l’arrivée de Hitler au pouvoir, l’Autriche, à qui les vainqueurs avaient interdit en 1919 de se réunir à l’Allemagne comme le souhaitaient ses habitants, est agitée par les menées d’un parti nazi autrichien qui réclame de nouveau l’union (Anschluss). Hitler encourage ces agissements et fait de cette union une revendication de l’Allemagne. Mussolini, qui dispose d’un certain ascendant sur Hitler, s’y oppose dans un premier temps, puis laisse faire après sa brouille avec l’Occident (1936) consécutive à la conquête de l’Éthiopie. En mars 1938, Hitler envahit et annexe l’Autriche, là encore sans guère susciter de réactions des Occidentaux. Enhardi par ce premier succès, Hitler réclame aussitôt le rattachement au Reich des Allemands « des Sudètes », qui vivent depuis près de six siècles en Bohême-Moravie sur les régions limitrophes de la Saxe, de la Bavière et de l’Autriche et qui sont, depuis 1919, soumis au gouvernement slave de Tchécoslovaquie. Sur intervention de Mussolini, une conférence à quatre (Allemagne, Italie, France, Grande-Bretagne) se réunit fin septembre 1938 à Munich, qui décide la cession immédiate à l’Allemagne du territoire des Sudètes revendiqué par elle. La Pologne en profite pour dépouiller la Tchécoslovaquie d’un morceau de la partie de Silésie qu’elle avait conservée en 1920. Un mois plus tard, en novembre, la Tchécoslovaquie est contrainte de restituer à la Hongrie une large bande de territoire de plaine — majoritairement peuplée de Hongrois — courant le long de la frontière méridionale de Slovaquie et de Ruthénie. Certains pays, comme la Pologne ou la Hongrie (mais d’autres feront de même plus tard), n’hésitent donc pas à profiter des bouleversements provoqués par Hitler pour modifier à leur bénéfice, avec l’assentiment de ce dernier, certaines frontières de l’après-guerre. En violation de ses engagements (verbaux) pris à Munich, Hitler fait valoir des considérations historiques et géopolitiques pour imposer, en mars 1939, au président tchécoslovaque Hacha la dissolution de la Tchécoslovaquie, l’inclusion du reliquat de Bohême-Moravie dans le Reich allemand, sous forme de protectorat, et l’indépendance de la Slovaquie, nouvelle république inféodée à Hitler (37 000 km2 pour 2,5 millions d’habitants). Simultanément, l’Allemagne envahit et réannexe sur-le-champ le territoire de Memel, jadis prussien et devenu lituanien en 1924. À la même époque, Mussolini, jaloux des succès de Hitler, envahit l’Albanie, qui était sous sa dépendance économique depuis 1926, et l’annexe en avril 1939 à l’Italie sous forme d’un royaume associé, le roi d’Italie devenant roi d’Albanie. Ainsi, à la veille du second conflit mondial, l’Europe centrale a déjà commencé de changer une nouvelle fois de visage : l’Allemagne hitlérienne s’est accrue de l’Autriche et de la Bohême-Moravie, flanquée au sud-est d’un État satellite, la Slovaquie ; l’Italie mussolinienne s’est assuré une tête de pont dans les Balkans, l’Albanie, susceptible de favoriser la réalisation ultérieure de ses visées de conquête. La Seconde Guerre mondiale Mais les ambitions de Hitler ne sont point satisfaites : il entend reprendre par la force l’ensemble des territoires perdus à Versailles. Pour ce faire, il noue en août 1939 avec l’URSS de Staline une alliance contre nature, qui lui permettra d’attaquer la Pologne et l’Occident sans risquer une réaction soviétique, tandis qu’elle donne à Staline du temps pour se préparer à un affrontement jugé inéluctable à terme. Cette alliance prévoit secrètement un cinquième partage de la Pologne entre les deux pays. Le 1er septembre 1939, Hitler déclenche les hostilités contre la Pologne en traversant le corridor pour s’emparer de la ville libre de Dantzig, qu’il réannexe à l’Allemagne le même jour. La France et la Grande-Bretagne, qui avaient donné leur garantie à la Pologne, entrent en guerre contre l’Allemagne, sans entreprendre toutefois une quelconque action offensive. Dans la première quinzaine de septembre 1939, les Allemands et les Soviétiques, qui vainquent aisément les armées polonaises, occupent leur zone d’influence prévue par le pacte germano-soviétique. En octobre, la Pologne est une nouvelle fois démantelée : Dantzig, la Pomérélie, la Posnanie, une partie de la Pologne centrale et la Silésie polonaise sont rattachées à l’Allemagne ; le tiers polonais de la Biélorussie, la Volhynie et la Galicie orien-
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) tale sont annexées par l’URSS (Biélorussie et Ukraine) ; le reste de la Pologne devient le Gouvernement général de la Pologne, entité satellite administrée par le Reich. Staline, mis en appétit par la Pologne, attaque en novembre la Finlande, qui résiste héroïquement, et lui prend en mars 1940 la Carélie méridionale et divers territoires frontaliers. Pendant ce temps, Hitler retourne au printemps 1940 ses armes contre l’Occident, vainc rapidement les armées belges, puis franco-britanniques et occupe les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France. De mai à novembre 1940, Hitler annexe unilatéralement à l’Allemagne Eupen et Malmédy, le Luxembourg et l’Alsace-Lorraine, tandis que le reste de la France, sous le régime de Vichy, est divisé entre une zone nord occupée et une zone sud libre. Staline, qui n’est pas en reste sur l’esprit de revanche de son allié, profite dès juin 1940 de l’effondrement du front occidental pour réannexer unilatéralement les trois États baltes, qu’il transforme en républiques soviétiques membres de l’URSS, et se faire céder par la Roumanie impuissante la Bessarabie et la Bucovine du Nord ; en août, il érige la première en nouvelle république soviétique de Moldavie et rattache la seconde à l’Ukraine. Hitler fait alors pression sur la Roumanie pour qu’elle règle ses différends territoriaux avec la Hongrie et la Bulgarie. En août 1940, la Roumanie doit rétrocéder à la Hongrie les parts septentrionales de la Transylvanie et de la Hongrie propre annexées en 1920. En septembre, la Roumanie doit de même rétrocéder à la Bulgarie le quadrilatère de Dobroudja méridionale. Le roi de Roumanie abdique au profit de son fils, mais le pouvoir réel est désormais détenu par le général Antonesco, qui instaure un régime autoritaire et entre dans l’orbite de l’Allemagne. En octobre 1940, l’Italie attaque la Grèce à partir du territoire albanais, mais son offensive est mise en échec par l’armée grecque et Mussolini doit, au printemps 1941, faire appel au soutien de ses alliés. Hitler commence par envahir la Yougoslavie, dont les armées sont défaites. Dès avril 1941, Hitler et Mussolini procèdent au démembrement de ce pays, qui est ainsi réparti : – la Slovénie yougoslave est partagée entre l’Allemagne, qui annexe la partie septentrionale, et l’Italie, qui s’empare de la partie méridionale ; – un royaume de Croatie (99 000 km2 pour 6,3 millions d’habitants) est créé, qui regroupe la Croatie historique, la Bosnie-Herzégovine et la moitié méridionale de la Dalmatie et qui est confié au pouvoir dictatorial du parti oustachi ; – la Dalmatie septentrionale et les bouches de Cattaro sont annexées par l’Italie ; – le Monténégro est ressuscité sous protectorat italien ; – l’Albanie italienne annexe la Métohidja et le Kossovo ; – la Serbie est réduite en deçà de ses limites de 1878 (51 000 km2 pour 3,8 millions d’habitants) et gouvernée sous contrôle des armées d’occupation ; – le Banat serbe, théoriquement rattaché à la Serbie, est en fait administré par ses colons allemands, les « Souabes du Banat » ; – la Hongrie réannexe la Batchka et les autres terres de Hongrie perdues en 1920, hormis le Banat ; – la Bulgarie annexe la Moravie orientale et la Macédoine anciennement yougoslaves. Victorieux à l’ouest et au sud, Hitler, qui reste fondamentalement hostile à la fois au communisme et au monde slave, que symbolise l’Union soviétique, réoriente ses armées, qui viennent de l’emporter dans les Balkans, en direction de l’est. En juin 1941, l’Allemagne déclenche une offensive de grande envergure contre l’URSS et ses armées s’avancent rapidement en Biélorussie et en Ukraine. Dès août 1941, Hitler annexe au Gouvernement général de Pologne l’ensemble de la Galicie orientale, rattachée à l’Ukraine depuis 1939. D’autre part, il annexe à l’Allemagne le district de Bialystok-Grodno-Lomza, rattaché à la Biélorussie depuis 1939. L’Allemagne du « Grand Reich » — comprenant le protectorat de Bohême-Moravie et le Gouvernement général de Pologne — atteint à cette date son développement maximal, avec une superficie de 881 300 km2 pour une population de 115 millions d’habitants. Avec son
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L’Europe divisée puis réunie allié Mussolini, Hitler domine directement ou indirectement la majeure partie de l’Europe. La Finlande, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, la Croatie et le Monténégro gravitent autour des puissances de l’Axe, tandis que la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique, la France, la Serbie et la Grèce subissent l’occupation. Seuls échappent en Europe à cette domination écrasante la Suède, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Suisse, le Liechtenstein, le Portugal, l’Espagne, le Vatican, Malte, Chypre et la Turquie. L’offensive militaire, que Hitler espérait pouvoir mener rapidement à terme, se heurte à l’immensité des distances, à l’insaisissabilité d’un ennemi connaissant le terrain, à l’étirement du front (de la Baltique à la mer Noire) et à une résistance inattendue sur laquelle finit par buter l’armée allemande, ainsi que celles de ses alliés finlandais, hongrois, slovaques, roumains et italiens, autour de Leningrad, de Moscou et sur la Volga (siège de Stalingrad). La fin de 1942 marque le tournant de la guerre germano-soviétique. À partir de 1943, l’Allemagne et ses alliés refluent sur l’ensemble du front de l’Est, d’autant que les ÉtatsUnis sont entrés dans le conflit et commencent à expédier des troupes en Afrique du Nord, ainsi qu’en Grande-Bretagne au début de 1944, en vue d’une reconquête prochaine du continent européen par le sud et par l’ouest. En juillet 1943, les armées anglo-américaines débarquent en Sicile, ce qui provoque à Rome le renversement de Mussolini et son incarcération, suivis de la capitulation des forces italiennes en septembre 1943. Aussitôt, Hitler envahit le nord de l’Italie et fait évader, par un raid audacieux, Mussolini, qui fonde dans le nord de l’Italie la République sociale italienne. Simultanément, Hitler rattache « militairement » au Reich allemand le Trentin, le Tyrol méridional et la province de Bellune, sous le nom de zone militaire de l’Alpenvorland, et en octobre les provinces italiennes de Goritz, Trieste, Pola, Fiume et Lubiana, sous le nom de zone militaire de l’Adriatisches Kustenland (Littoral adriatique). Par ailleurs, Hitler détache d’Italie la Dalmatie septentrionale, qu’il attribue à la Croatie, et les bouches de Cattaro, données au Monténégro qui devient protectorat allemand. En 1944, les Soviétiques conquièrent l’ensemble de l’Europe orientale, et pénètrent en Allemagne au début de 1945. À partir du milieu de 1944, à la suite du débarquement des forces armées franco-anglo-américaines en Normandie puis en Provence, les Allemands reculent également sur les fronts de l’ouest et du sud. À mesure de la libération successive des pays d’Europe, les modifications territoriales opérées depuis 1938, y compris celles qui avaient fait l’objet d’un accord diplomatique, sont de facto abolies, en attendant une confirmation juridique. Les États sont restaurés dans leur situation d’avant-guerre, avec toutefois un certain nombre de modifications importantes, liées aux ambitions de l’URSS de Staline, qui entend tirer profit de son statut de vainqueur. L’Allemagne s’effondre au printemps de 1945 et la capitulation allemande est signée en mai de la même année.
1945 à nos jours — L’Europe divisée puis réunie Le sort politique de l’Europe au lendemain de la guerre a été préparé, dès avant la fin du conflit, par deux conférences réunissant les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’URSS à Téhéran (novembre 1943) et à Yalta (février 1945). Une troisième conférence, qui se tient à Potsdam en août 1945, complète les pourparlers. Staline y obtient de ses alliés tout à la fois la pérennisation des annexions opérées par l’URSS en 1939-1940 et la constitution d’une sphère d’influence en Europe orientale, dans les pays qu’elle a libérés ; l’Europe s’achemine ainsi vers un partage d’influence entre les Occidentaux — en particulier les États-Unis — d’un côté et l’Union soviétique de l’autre. Le sort de l’Allemagne et de l’Autriche y est provisoirement réglé : elles seront soumises à une occupation et à une administration quadripartites. Les traités de paix sont signés à Paris en 1947 avec la majeure partie des pays que les alliés ont considérés comme les vaincus du conflit : Bulgarie, Finlande, Hongrie, Italie, Roumanie. Pour l’Autriche, ce sera seulement en 1955 (traité du Belvédère) ; pour l’Allemagne, il faudra attendre 1990.
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) L’Allemagne perd l’ensemble de ses annexions opérées depuis 1938 ; de plus, elle doit céder tous ses anciens territoires situés à l’est de la ligne Oder-Neisse, à savoir : la Prusse orientale — partagée entre l’URSS et la Pologne —, ainsi que, cédés à la Pologne, la Poméranie ultérieure, une part de la Poméranie citérieure (les bouches de l’Oder), le Brandebourg oriental et la Silésie. De plus, le territoire de la Sarre, comme en 1920, est détaché provisoirement d’Allemagne, soumis à la tutelle de l’ONU et inclus dans l’espace économique français. L’Allemagne résiduelle est soumise à l’occupation militaire et à l’administration des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de l’URSS, Berlin étant elle-même partagée entre les quatre. Les aléas de la guerre froide s’y répercutent directement, entraînant en 1949 la constitution de deux États allemands : à l’est, la République démocratique allemande (RDA), pays communiste correspondant à la zone d’occupation soviétique, et qui regroupe le Mecklembourg, la Poméranie allemande, le Brandebourg, la Saxe-Anhalt, la Saxe et la Thuringe (108 000 km2 pour 18 millions d’habitants) ; à l’ouest, la République fédérale d’Allemagne (RFA), pays démocratique correspondant aux trois autres zones et qui regroupe le reste de l’Allemagne (248 000 km2 pour 55 millions d’habitants) ; l’administration civile et politique est rendue aux Allemands, les vainqueurs se bornant dès lors à l’occupation militaire ; Berlin conserve son statut. La quasi-totalité des Allemands installés hors d’Allemagne, tenus pour fauteurs de guerre, sont chassés d’Europe centrale ou orientale (Silésie, Prusse, Posnanie, BohêmeMoravie, Transylvanie, Banat, etc.) et se réfugient en RFA, qui les installe sur son territoire. L’Autriche est restaurée dans ses limites de 1938, mais aussi soumise à occupation militaire quadripartite, Vienne étant elle-même, comme Berlin, partagée en quatre secteurs. Ce statut prend fin en 1955, l’Autriche étant dès lors libérée de toute occupation étrangère, mais contrainte d’adopter un régime de neutralité vis-à-vis des deux blocs. La Finlande sauvegarde son indépendance, mais doit renoncer définitivement à la Carélie méridionale et s’engager dans une politique de neutralité. La Hongrie est ramenée à ses frontières de 1920. La Tchécoslovaquie est restaurée, mais doit céder à l’URSS la Ruthénie subcarpathique. La Pologne est aussi restaurée, mais dans des frontières assez différentes de celles de l’avant-guerre. L’URSS lui prend la Biélorussie polonaise, la Volhynie et la Galicie orientale. En contrepartie, elle annexe sur l’Allemagne la Poméranie ultérieure, une part de la Poméranie citérieure (les bouches de l’Oder), le Brandebourg oriental et la Silésie, ainsi que la moitié méridionale de la Prusse orientale, tous territoires situés à l’est de la ligne OderNeisse (313 000 km2 pour 25 millions d’habitants). La Roumanie renonce à la Bessarabie et à la moitié septentrionale de la Bucovine en faveur de l’URSS, à la Dobroudja méridionale en faveur de la Bulgarie, mais recouvre les territoires de Transylvanie et de Hongrie propre qu’elle avait dû céder à la Hongrie en 1940. La Bulgarie est ramenée à ses frontières d’avant-guerre, accrues de la Dobroudja méridionale. L’Albanie redevient indépendante et est ramenée dans ses frontières de 1939. La Yougoslavie est reconstituée, sous forme d’une fédération de six républiques, et recouvre ses limites d’avant-guerre, accrues des territoires suivants, pris à l’Italie : l’ancien comté de Goritz, la Carniole occidentale et l’Istrie ; Trieste et ses alentours sont érigés en territoire libre sous le contrôle de l’ONU jusqu’en 1954, date à laquelle ce territoire sera partagé entre l’Italie et la Yougoslavie. La division en deux blocs Tous les pays mentionnés supra, de la Hongrie à la Yougoslavie, deviennent des républiques communistes et font partie, avec la RDA, de la sphère d’influence de l’URSS, qui y maintient des troupes — sauf en Yougoslavie, qui rompt avec Moscou dès 1948. Un « rideau de fer » s’abat entre ces pays et le reste de l’Europe, provoquant une coupure qui va perdurer pendant quarante ans. L’URSS, outre la formation de ce réseau d’États satellites, sort elle-même territorialement renforcée du conflit. Elle s’est accrue de la Carélie méridionale, prise à la Finlande, de la moitié septentrionale de la Prusse orientale (oblast de Kaliningrad/Kœnigsberg), prise à
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L’Europe divisée puis réunie l’Allemagne, des trois États baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie), qui ne sont pas restaurés comme États indépendants et deviennent des républiques soviétiques, de la Biélorussie polonaise, de la Volhynie et de la Galicie orientale, prises à la Pologne, de la Ruthénie subcarpathique, prise à la Tchécoslovaquie, de la Bucovine septentrionale et de la Bessarabie, prises à la Roumanie. Elle couvre désormais 5 570 000 km2 en Europe. La Grèce retrouve son domaine d’avant-guerre, accru de l’archipel du Dodécanèse, cédé par l’Italie. Celle-ci renonce en outre, au profit de la Yougoslavie, à l’Istrie, à la Carniole occidentale et à l’ancien comté de Goritz. Mis à part la Finlande, la Suède, l’Irlande, la Suisse et l’Autriche, dotées d’un régime de neutralité volontaire ou forcée, les pays d’Europe non compris dans la sphère d’influence de l’URSS, depuis la Norvège jusqu’à la Turquie incluse, adhèrent à l’Alliance atlantique (1949), vaste système d’alliance politique et militaire qui les place, face à la menace de l’URSS, sous la protection des troupes et du bouclier nucléaire des États-Unis. L’URSS y répond par le pacte de Varsovie (1955), alliance militaire qui regroupe autour d’elle ses vassaux d’Europe de l’Est. Se met ainsi en place un processus de confrontation armée sans conflit (en Europe), la guerre froide, reposant sur l’« équilibre de la terreur » nucléaire et qui, paradoxalement, va pendant quarante ans préserver la paix sur le continent. De ce fait, la situation territoriale de l’Europe, pas foncièrement différente de celle qui prévalait dans l’entre-deux-guerres — même si les conditions géopolitiques ont, elles, radicalement changé —, va se figer durant ces quarante ans. Très peu de modifications vont intervenir. En juin 1944, l’Islande devient une république et se sépare définitivement du Danemark. En avril 1949, l’Irlande du Sud (Eire), fait de même et quitte le Commonwealth. En octobre 1954, le territoire libre de Trieste (voir supra) est dissous et partagé entre l’Italie et la Yougoslavie. En janvier 1957, le territoire libre de la Sarre fait retour à l’Allemagne, dont elle devient l’un des États fédérés (Land). En août 1960, l’île de Chypre devient une république, indépendante de la Grande-Bretagne qui n’y conserve en toute souveraineté que deux bases. En 1974, elle est de facto scindée en deux parties, la partie septentrionale devenant un nouvel État satellite de la Turquie. En septembre 1964, l’île de Malte devient indépendante, tout en conservant la reine de Grande-Bretagne comme souveraine. En décembre 1974, elle devient république et se sépare définitivement de la Grande-Bretagne. Vers l’union de l’Europe Par ailleurs, pour prévenir le retour des affrontements qui, à deux reprises depuis le début du siècle, ont ensanglanté l’Europe, un mouvement se fait jour vers l’institutionalisation d’une coopération entre les États du continent. En mars 1957 sont signés les traités de Rome créant la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) ; ces deux organismes rassemblent six pays : la France, la RFA, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Italie. En 1960, pour faire pièce à la CEE, est créée l’Association européenne de libre-échange (AELE), qui rassemble l’Autriche, le Danemark, la Grande-Bretagne, la Norvège, le Portugal, la Suède et la Suisse. Mais l’AELE ne cessera de décliner, tandis que la CEE va bénéficier d’un pouvoir d’attraction qui se poursuit de nos jours. En 1973, la CEE passe à neuf membres, par adhésion du Danemark, de la Grande-Bretagne et de l’Irlande. En 1981, elle passe à dix membres, par adhésion de la Grèce. En 1986, elle passe à douze membres, par adhésion de l’Espagne et du Portugal. À la suite de la conclusion du traité de Maastricht (février 1992), la CEE se mue en 1993 en une Union européenne, qui présente les caractères d’une confédération, tout en jetant les bases d’une union plus étroite à caractère fédéral, vers laquelle devraient tendre à l’avenir les États membres.
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Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours) En 1995, l’Union européenne passe à quinze membres, par adhésion de l’Autriche, de la Suède et de la Finlande. Elle couvre alors 3 230 000 km2 pour 370 millions d’habitants. En 1989-1991, les régimes communistes d’Europe centrale et orientale et de l’URSS s’effondrent les uns après les autres et sont remplacés par des régimes plus ou moins démocratiques, le pluralisme des partis redevenant la règle. Dès novembre 1990, la RDA disparaît, se fondant dans la RFA, qui couvre dès lors 357 000 km2 pour 79 millions d’habitants. En 1990 toujours, l’URSS perd toute substance par la sécession des pays suivants, qui redeviennent indépendants : Lituanie, Lettonie, Estonie, Moldavie, Ukraine, Biélorussie, ainsi que les membres asiatiques de l’Union. L’URSS est dissoute en décembre 1991 et remplacée par une confédération très lâche, la Communauté des États indépendants (CEI), qui regroupe les seules Russie, Ukraine et Biélorussie. En 1991, la Yougoslavie est restreinte à la Serbie et au Monténégro, pour cause de sécession de la Slovénie, de la Macédoine, de la Croatie, et de la Bosnie-Herzégovine ; cette dernière doit faire face à trois ans de guerre civile qui la transforment en un État confédéral (Serbes d’un côté, Croato-Musulmans de l’autre). En janvier 1993, la Tchécoslovaquie disparaît, remplacée par deux États, la Tchéquie et la Slovaquie, qui se rendent indépendants l’un de l’autre. En 2006, la Yougoslavie, rebaptisée en 2003 Serbie-et-Monténégro, disparaît à son tour, remplacée par deux États indépendants, la Serbie et le Monténégro.
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Partie II – Les États existants
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Albanie
Albanie Le pays en bref État républicain : la république d’Albanie. Président : Bamir Topi. Représentation parlementaire : une chambre unique, l’Assemblée. Capitale : Tirana. Division administrative en 5 provinces, elles-mêmes subdivisées en 26 arrondissements : – Shkodër (Scutari) : Shkodër, Lezhë, Pukë, Kukës, Tropjë ; – Tirana-Durrës (Durazzo) : Durrës, Tirana, Krujë, Mat [Burrel], Mirditë [Rëshen], Dibër [Peshkopi] ; – Elbasan-Berat : Librazhd, Elbasan, Lushnjë, Fier, Berat, Skrapar [Çorovodë], Gramsh ; – Vlorë (Valona) : Vlorë, Sarandë, Gjirokastër (Argyro Castro), Tepelenë, Përmet ; – Korçë (Koritza) : Korçë, Kolonjë [Ersekë], Pogradec. Superficie : 28 750 km2 ; population : 3,3 millions d’habitants ; densité : 115 habitants au km2. Langue : l’albanais, langue indo-européenne issue de l’ancien illyrien, synthèse de deux dialectes, le guègue au nord et le tosque (étrusque) au sud ; une minorité parle grec. Religion : 70 % de musulmans, 18 % d’orthodoxes, 12 % de catholiques. Monnaie : le lek.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’espace albanais 1. Une terre sous domination La région qui recouvre l’Albanie d’aujourd’hui est de longue date habitée par des populations illyriennes lorsqu’elle est rattachée, de façon plus ou moins lâche, aux royaumes d’Épire puis de Macédoine, avant d’être annexée par Rome, au IIe siècle av. J.-C., à la suite des deux guerres illyriennes menées par cette dernière pour mettre fin à la piraterie illyrienne. Elle est alors répartie entre les provinces d’Illyrie, pour le nord, et de Macédoine, pour le sud. Incorporée dans l’Empire romain d’Orient dès le IVe siècle apr. J.-C., l’Albanie devient zone frontière entre les Latins (haute Albanie) et les Grecs (Épire). Tiraillée ensuite entre Bulgares (IXe-Xe siècles), Byzantins, Angevins (XIIIe siècle), Serbes (XIVe siècle) et Ottomans — ces derniers apparaissant à la fin du XIVe siècle —, en proie à l’anarchie, elle devient un pays indépendant au milieu du XVe siècle sous la conduite de Skanderberg, époque à laquelle la république de Venise s’empare de points fortifiés sur la côte. Retombée en 1478 sous le joug ottoman, elle s’y trouve encore en 1789. Les divers pachaliks dans lesquels vit le peuple albanais (Scutari, Prizrend, Dukagin, Ochrida, Elbasan, Valona, Delvino, Janina) font tous partie du vaste vilayet de Roumélie, chef-lieu Sofia ou Monastir. Cependant, l’éloignement de Constantinople favorise l’ambition de fonctionnaires ottomans, qui tentent de se rendre indépendants de la Porte : ainsi, Méhémet Boutshati, depuis 1757, cumule les pachaliks de Scutari, d’Ochrida, de Dukagin et d’Elbasan. Un peu plus tard, Ali de Tébélen, gouverneur du sandjak de Trikala (Thessalie) depuis 1785, s’empare en 1788 de Janina et parvient à se faire confirmer par la Porte la charge de pacha de Janina, tandis que son fils lui succède à Trikala.
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Les États existants 2. Le pays albanais en 1789 L’Albanie (ou Skipérie) est une région de la Turquie d’Europe située le long de l’Adriatique, du lac de Scutari au golfe d’Arta, entre le Monténégro au nord, la Macédoine à l’est et la Thessalie au sud-est. Il s’agit d’une région très montagneuse, au climat rigoureux (sauf sur la bordure méditerranéenne) et à l’agriculture variée. Le pays est un grand pourvoyeur de janissaires pour l’Empire ottoman. Les Albanais, peuple à majorité musulmane, se montrent d’une façon générale loyaux envers la Porte, qui les privilégie et dont l’autorité se fait lointaine, du fait de la confiscation du pouvoir par des grandes familles féodales et surtout par les pachas cités supra. On distingue généralement du sud au nord : – la basse Albanie ou Albanie méridionale, l’ancienne Épire, correspondant au pachalik de Janina, juridiquement turc mais en fait aux mains d’Ali de Tébélen ; elle couvre principalement les bassins du Kalamas, du Mavropotamos (Achéron) et du Louros ; au sein de la basse Albanie vivent les Souliotes et les Chimariotes, deux tribus chrétiennes autonomes qui, sous la suzeraineté ottomane, s’auto-administrent en républiques ; par ailleurs, la basse Albanie est flanquée de quatre points vénitiens de terre ferme (Butrinto, Parga, Prévéza, Vonizza) administrativement rattachés à la province maritime du Levant vénitien (chef-lieu Corfou) ; – l’Albanie moyenne, le sandjak d’Elbasan, région montagneuse fractionnée en petits bassins (Chkoumbi, Semeni, Voïoutsa) avec quelques rades (Durazzo, Valona) ; – la haute Albanie ou Albanie septentrionale, correspondant au pachalik de Scutari, principalement constituée du large bassin du Drin, remontant jusqu’au lac d’Ochrida et recueillant les eaux du lac de Scutari ; au sein de la haute Albanie vit la tribu catholique des Mirdites qui, sous la suzeraineté ottomane, s’auto-administre en république. L’Albanie moyenne et la haute Albanie sont en fait, en 1789, entre les mains du pacha Kara Mahmoud, fils de Méhémet Boutshati. La région des bouches de Cattaro, appelée Albanie vénitienne, est sous la domination de la Sérénissime République ; en dépit de son appellation, elle n’a rien de commun avec l’Albanie turque et se trouve, dans cet ouvrage, traitée au chapitre Yougoslavie. Les Albanais, descendants des antiques Illyriens de l’époque romaine, vivent principalement dans les régions décrites ci-dessus, mais ils sont aussi répandus dans d’autres parties de la Turquie d’Europe, la Métohidja et le Kossovo, où ils sont venus remplir, à partir de 1690, le vide laissé par la grande migration des Serbes vers le nord.
II. La quête difficile de l’identité albanaise (1789 à nos jours) 1. De 1789 à la création de l’Albanie (1912) En septembre 1796, à la suite de la mort de Kara Mahmoud, la haute Albanie rentre sous administration directe de la Porte. En octobre 1797, dans le cadre du traité de Campo-Formio qui démantèle les possessions de la république de Venise, la France se fait attribuer les îles Ioniennes et les quatre points de terre ferme d’Albanie (Butrinto, Parga, Prévéza, Vonizza). Mais d’octobre 1798 à mars 1799, en représailles à l’expédition de Bonaparte sur Malte et sur l’Égypte, une expédition navale russo-turque s’empare des îles Ioniennes et de leurs points de terre ferme d’Albanie. En mars 1800, au terme d’une année de discussions, une convention russo-turque décide que les îles formeront la république des Sept-Îles Unies, tandis que les quatre points de terre ferme (Butrinto, Parga, Prévéza, Vonizza) sont réunis à l’Albanie turque. Poursuivant sa politique d’expansion, Ali de Tébélen cherchait depuis quelque temps à contrôler la région des Souliotes. En 1803, les ayant vaincus, il les massacre par surprise et supprime la république des Souliotes. En juillet 1807, par le traité de Tilsitt, la France recouvre en principe, avec les îles Ioniennes, les quatre points de terre ferme d’Albanie. Mais elle ne parvient à reprendre pied qu’à Parga.
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Albanie En 1811, le « pachalik » d’Ali de Tébélen parvient à son apogée, englobant la Thessalie, la basse Albanie et l’Albanie moyenne. Il est quasi indépendant de la Porte. En 1814, la ville de Parga est définitivement perdue par la France et rattachée à l’Albanie turque. En 1822, l’assassinat d’Ali de Tébélen par les troupes ottomanes ramène définitivement l’Albanie dans le régime ordinaire de l’Empire ottoman. En 1840, dans le cadre de la politique de réformes (Tanzimat) entreprise par l’Empire ottoman, l’ensemble de l’Empire est divisé en 36 vilayets, dont 15 pour l’Europe. L’Albanie est désormais répartie entre les vilayets de Janina, de Monastir et de Scutari. C’est alors que la Turquie reprend en mains les régions albanaises, en y imposant une administration par des fonctionnaires ottomans, ce qui provoque en 1847 une tentative de révolte. En 1877, un vilayet de Kossovo, chef-lieu Pristina, est créé en Macédoine septentrionale, mais il comporte de nombreuses populations albanaises. À la suite de la guerre russo-turque de 1877, le traité de San Stefano (mars 1878), sans aucun égard pour les Albanais, prévoit une division de leurs zones de peuplement entre Turquie et Bulgarie, avec fragments à la Serbie et au Monténégro. Cependant les Albanais, qui se satisfaisaient de la domination lointaine de la Turquie, n’entendent pas passer sous le joug de nations chrétiennes ; ils réagissent en réunissant le 10 juin à Prizrend une assemblée de délégués des quatre vilayets concernés ; cette assemblée décide la fondation de la Ligue de Prizrend chargée de défendre les intérêts du peuple albanais. Toutefois, le congrès de Berlin (juillet 1878) refuse de prendre en compte l’identité albanaise ; maintenant la majeure partie de l’Albanie sous autorité turque, il accorde des territoires albanais au Monténégro et promet à la Grèce une rectification de frontière en Thessalie et en Épire. Les comités albanais de la Ligue de Prizrend s’opposant, avec la complicité de la Porte, aux cessions turques relatives à l’Albanie prévues à Berlin, il faut l’intervention navale des puissances pour imposer en novembre 1880 la cession de Dulcigno au Monténégro (en échange des territoires prévus à Berlin et auxquels on a dû renoncer) et l’intervention diplomatique des mêmes pour imposer en mai 1881 la cession à la Grèce de la Thessalie entière et d’un fragment seulement de l’Épire (Arta), les prétentions grecques sur Janina et le reste de l’Épire (basse Albanie) s’étant heurtées à une résistance albanaise. En décembre 1881, la Ligue de Prizrend ayant proclamé un gouvernement provisoire de l’Albanie, la Porte envoie une armée qui écrase la rébellion. Le mouvement national en faveur d’une Albanie indépendante est ainsi étouffé pour quelques années. Mais, en 1905, un Comité pour la libération de l’Albanie est fondé clandestinement à Monastir (Bitola). Dès avril 1912, les Albanais se révoltent de nouveau contre la Turquie. Le conflit balkanique, déclenché à l’automne de la même année par les nations chrétiennes de la région, se traduit par l’occupation du territoire albanais, au nord par les Serbes, au sud par les Grecs. Avec l’appui de l’Autriche, le 28 novembre 1912, une Assemblée nationale proclame à Valona l’indépendance de l’Albanie. Le chef du gouvernement provisoire, Ismaïl Kémal, se rend à Londres pour faire reconnaître son État, pour l’instant réduit à un petit territoire (Durazzo) occupé ni par les Serbes ni par les Grecs.
2. La principauté d’Albanie (1913-1924) Au sein des puissances s’opposent d’un côté l’Autriche-Hongrie et l’Italie, partisanes d’une Albanie indépendante, de l’autre côté la France et la Russie, qui veulent donner à la Serbie un débouché sur l’Adriatique. Dès le mois de mai 1913, par le traité de Londres, la Turquie est contrainte de renoncer à ses territoires européens, parmi lesquels l’Albanie. Le 29 juillet 1913, il est décidé la création d’une principauté d’Albanie souveraine, héréditaire et neutre, qui sera placée sous la garantie des puissances. Reste à trouver le souverain, à organiser l’État et à en définir les frontières.
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Les États existants Le protocole de Florence du 17 décembre 1913 entérine la délimitation des frontières de la nouvelle principauté, qui est loin de comprendre tous les Albanais, du fait de l’attribution à la Serbie du Kossovo et de la Macédoine septentrionale, au Monténégro d’une partie de la Métohidja, à la Grèce de l’Épire (basse Albanie). Le territoire de la principauté d’Albanie, réduit à 28 000 km2, s’étend de Scutari au nord à Butrinto et Koritza au sud, touchant Prizrend et le lac d’Ochrida à l’est. Il n’inclut que 800 000 des 1 500 000 Albanais recensés dans les Balkans. La couronne princière est donnée par les puissances au prince Guillaume de Wied, descendant d’une maison de Rhénanie médiatisée en 1806 et neveu de la reine Élisabeth de Roumanie (Carmen Sylva). Le 7 mars 1914, assuré du soutien de l’Italie et de l’Autriche-Hongrie, le prince Guillaume débarque à Durazzo, érigée en capitale de l’Albanie. Mais il peine à établir son autorité, car il doit faire face à deux révoltes, l’une au centre fomentée par la Turquie, l’autre au sud fomentée par la Grèce. En effet, les Grecs revendiquent l’Épire du Nord (Koritza et Argyro Castro) et suscitent un éphémère gouvernement provisoire de l’Épire du Nord. Par le protocole de Corfou du 17 mai 1914, le gouvernement albanais accorde une autonomie partielle à l’Épire du Nord, avec usage de la langue grecque. Dès qu’éclate la Première Guerre mondiale (été 1914), le prince d’Albanie proclame la neutralité de son pays dans le conflit ; l’Autriche-Hongrie cesse alors le soutien financier qui permettait au prince de subsister. Le 3 septembre 1914, le prince Guillaume quitte l’Albanie, tandis qu’un gouvernement provisoire est formé et que l’Albanie sombre dans l’anarchie et subit l’invasion : Grecs en Épire du Nord, Serbes en Albanie centrale et Monténégrins à Scutari — remplacés en 1916 par les Austro-Hongrois —, et Italiens à Valona et Saseno. Le traité secret de Londres (avril 1915), qui décide l’Italie à s’engager aux côtés de l’Entente, promet à l’Italie l’attribution d’un protectorat sur l’Albanie moyenne (le Nord étant réservé aux Serbes et le Sud aux Grecs). À partir de 1916, les Alliés du front d’Orient occupent aussi une partie du territoire albanais. En décembre 1918, un premier congrès réuni à Valona, en zone italienne, forme un gouvernement provisoire chargé de défendre le destin de l’Albanie aux conférences de la paix à Paris. L’Italie revendique en effet un protectorat sur elle et la Grèce exige l’Épire du Nord, dont elle s’empare par la force en juillet 1919. Les pressions grecques et italiennes qui s’exercent sur l’Albanie incitent les Albanais à restaurer leur unité. En janvier 1920, un nouveau congrès réuni à Lushinja proclame à nouveau l’indépendance de l’Albanie, organise la régence et transfère (février) la capitale à Tirana. À la suite d’affrontements avec les Albanais, les Italiens se retirent et signent le 2 août 1920 le traité de Tirana, par lequel l’Italie renonce à ses prétentions à tout protectorat sur l’Albanie et ne conserve que l’île de Saseno, base navale située à l’entrée de la baie de Valona. L’Albanie est admise à la SDN en décembre de la même année. Reste le différend territorial avec la Grèce, qui est réglé par l’arbitrage des vainqueurs. Par décision du 6 décembre 1922, entérinée en août 1925 par la SDN, la conférence des Ambassadeurs : – rejette une seconde fois les prétentions grecques sur l’Épire du Nord, qui demeure attribuée à l’Albanie ; – transfère le monastère de Saint-Naoum, situé entre les lacs d’Ochrida et de Prespa, d’Albanie au royaume des Serbes, Croates, Slovènes ; – transfère également d’Albanie au royaume SCS la région des Mirdites, attenante à Prizrend et où les Yougoslaves avaient suscité une république des Mirdites. L’Albanie compte désormais dix districts : Tirana, Durazzo, Kukes, Scutari, Peshkupia, Elbasan, Berat, Valona, Argyro Castro, Koritza.
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Albanie Sur le plan intérieur, les élections de 1921 ont porté au pouvoir Ahmed Zogou qui, « autoritaire », est chassé par une révolution et remplacé au printemps de 1924 par l’évêque « démocrate » Fan Noli. Mais, en décembre 1924, Ahmed Zogou reprend le pouvoir ; en janvier 1925, il fait proclamer par le parlement la république d’Albanie et s’en fait élire président pour sept ans.
3. L’Albanie républicaine puis royale de Zog (1925-1939) Concentrant tous les pouvoirs entre ses mains, Ahmed Zogou est désireux de moderniser sur tous les plans un pays très en retard vis-à-vis des autres pays d’Europe. Manquant de moyens financiers, il se tourne vers l’Italie de Mussolini, qui lui apporte un soutien économique intéressé : apport de capitaux, établissement d’une Banque nationale soutenue par la Banque d’Italie. Le soutien économique se double très vite d’un soutien politique (traité d’alliance de novembre 1926), qui fait peu à peu de l’Albanie un État vassal de l’Italie. Conforté par ce soutien, Ahmed Zogou décide de pérenniser son pouvoir. Le 1er septembre 1928, une Assemblée constituante le proclame Zog Ier, roi des Albanais, et l’Albanie devient un royaume parlementaire et héréditaire. Maître absolu de l’Albanie, le nouveau roi Zog n’en est pas moins le client, chaque jour plus dépendant, d’une Italie en proie aux tentations expansionnistes. Dans ce pays mûrit peu à peu l’idée de prendre directement en mains les destinées de l’Albanie, action qui — en dépit de l’étroitesse du pays et de sa faible population (1 million d’habitants) — donnerait à Mussolini une satisfaction d’amour-propre vis-à-vis des succès territoriaux que connaît Hitler à la fin des années trente.
4. L’Albanie annexée (1939-1945) Au début de 1939, Mussolini prend la décision d’annexer l’Albanie. À la suite d’un ultimatum du 25 mars 1939, l’Italie envahit l’Albanie le 7 avril et s’en empare au bout de cinq jours, tandis que le roi Zog s’enfuit en Grèce. Le 11 avril, une nouvelle assemblée, constituée de grands propriétaires opposés à Zog, vote l’union à l’Italie. L’Albanie est ainsi annexée à l’Italie, le roi Victor-Emmanuel III prenant le titre de roi d’Albanie, tandis que des institutions fascistes sont mises en place. Le pays est très vite l’objet d’une politique de colonisation et d’italianisation. Pour inciter les Albanais à se rallier au nouveau régime, l’Italie leur fait la promesse de réaliser la « Grande Albanie », qui rassemblerait les frères séparés de l’Épire grecque et du Kossovo-Métohidja yougoslave. En fait, les Italiens voient dans l’Albanie une base de départ commode dans leurs visées d’expansion en direction de la Grèce. Mais l’offensive italienne contre la Grèce, qui débute en octobre 1940, est un échec et l’armée grecque occupe même les régions albanaises de Koritza et d’Argyro Castro. Cependant, en avril 1941, à la suite de l’invasion de la Yougoslavie par les armées allemandes, italiennes et bulgares, ce pays est démantelé par Hitler et Mussolini. Par ailleurs, les armées germano-italiennes occupent la Grèce. Ces événements provoquent la création d’une Grande Albanie, que l’Italie avait naguère promise aux Albanais. En avril 1941, l’Albanie italienne annexe sur l’ancienne Yougoslavie le port de Dulcigno, le territoire de Gusinje, le Kossovo (Pristina, Urosevatch), la Métohidja (Petch, Diakova, Prizrend), la Macédoine occidentale (Tetovo) et le pourtour du lac de Prespa. En juillet 1941, la Grèce cède à l’Albanie la Tchamourie jusqu’à Parga inclus (région nord-ouest de l’Épire). Mais dès septembre 1943, à la suite de l’armistice signé entre les Alliés et le royaume d’Italie, les Allemands envahissent l’Albanie italienne ; ils proclament une nouvelle république d’Albanie sous leur protectorat. Pendant ce temps, une résistance s’organise dans la clandestinité, qui regroupe diverses tendances réunies en un Front de libération nationale, sous l’impulsion de communistes dirigés par Enver Hodja.
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Les États existants En octobre 1944, l’ayant emporté sur les partisans royalistes, le communiste Enver Hodja transforme son comité antifasciste en gouvernement démocratique d’Albanie, tandis que l’ancien Conseil de régence se retire. Le pays est libéré en novembre 1944.
5. L’Albanie communiste (1946-1992) Les élections de décembre 1945 ayant donné la victoire aux communistes, le roi Zog Ier est déposé (2 janvier 1946) et l’Albanie devient une république communiste (11 janvier). Par les traités de Paris signés en février 1947, l’Italie renonce officiellement à l’Albanie qui redevient indépendante. L’Italie renonce aussi : – en faveur de l’Albanie, à l’île de Saseno ; – en faveur de la Yougoslavie, aux territoires de Dulcigno et de Gusinje, au Kossovo, à la Métohidja, à la Macédoine occidentale et au pourtour du lac de Prespa ; – en faveur de la Grèce, à la Tchamourie. L’Albanie retrouve ainsi son territoire de 1939, augmenté de l’île de Saseno. Elle est désormais divisée en sept provinces : Scutari, Tirana, Durazzo, Elbasan, Berat, Valona, Koritza. Elle subit un régime communiste très « orthodoxe », qui l’amène à rompre avec la Yougoslavie en 1948, avec l’URSS en 1961, avec la Chine en 1977, et à se replier toujours plus sur elle-même, accentuant par là son éloignement politique et économique avec l’Europe.
6. L’Albanie contemporaine (1992 à nos jours) À la suite de troubles persistants depuis 1989, le régime finit par organiser des élections pluralistes en mars 1992, qui donnent la victoire aux partis d’opposition. En avril, Ramiz Alia, successeur d’Enver Hodja depuis 1982, démissionne et le démocrate Sali Berisha est élu président. La république d’Albanie redevient un État démocratique. Cependant, le délabrement économique et l’anarchie qui règnent dans le pays rendent difficile depuis cette date l’établissement d’un réel régime démocratique.
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Allemagne
Allemagne Le pays en bref État républicain : la république fédérale d’Allemagne, État fédératif. Président : Horst Köhler. Représentation parlementaire : deux chambres, la Diète fédérale (Bundestag), dont les membres représentent l’Allemagne entière, le Conseil fédéral (Bundesrat), dont les membres sont élus par les diètes des États. Capitale : Berlin. Division politique et administrative en 16 États fédérés (Lænder) : – Bade-Wurtemberg, capitale Stuttgart, en 4 régences : Fribourg, Carlsruhe, Stuttgart, Tubingue ; – Basse-Saxe, capitale Hanovre, en 4 régences : Brunswick, Hanovre, Lunebourg, Weser-Ems (Oldenbourg) ; – Bavière, capitale Munich, en 7 régences : Haute-Bavière (Munich), Basse-Bavière (Landshut), Haut-Palatinat (Ratisbonne), Haute-Franconie (Bayreuth), MoyenneFranconie (Anspach), Basse-Franconie (Wurtzbourg), Souabe (Augsbourg) ; – Berlin, ville-État ; – Brandebourg, capitale Potsdam ; – Brême, ville-État ; – Hambourg, ville-État ; – Hesse, capitale Wiesbaden, en 3 régences : Darmstadt, Giessen, Cassel ; – Mecklembourg-Poméranie-Antérieure (ou mieux -Citérieure), capitale Schwerin ; – Rhénanie-du-Nord-Westphalie, capitale Dusseldorf, en 5 régences : Arnsberg, Cologne, Detmold, Dusseldorf, Munster ; – Rhénanie-Palatinat, capitale Mayence, en trois régences : Coblence, Trèves, Hesse-Rhénane-Palatinat (Mayence) ; – Sarre, capitale Sarrebruck ; – Saxe, capitale Dresde, en 3 régences : Dresde, Chemnitz, Leipzig ; – Saxe-Anhalt, capitale Magdebourg, en 3 régences : Halle, Wittenberg, Dessau ; – Schleswig-Holstein, capitale Kiel ; – Thuringe, capitale Erfurt. Superficie : 357 000 km2, dont 248 400 pour l’ancienne RFA, 107 700 pour l’ancienne RDA et 900 pour Berlin ; population : 82 millions d’habitants ; densité : 230 habitants au km2. Langue : l’allemand. Religions : catholiques, luthériens, calvinistes. Monnaie : l’euro ; le mark allemand (Deutsche Mark) jusqu’en 2001.
Remarques L’Allemagne de 1789 ne constitue pas un État, mais une grande contrée du milieu de l’Europe. Il existe cependant une entité politique, le Saint Empire romain germanique, qui regroupe, de façon très lâche, la quasi-totalité des très nombreux États allemands existant à cette époque. Cet émiettement étatique, la Kleinstatterei, va perdurer, quoique de façon moins prononcée, jusqu’au milieu du XIXe siècle et, à certains aspects, jusqu’à nos jours.
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Les États existants Il faudra attendre 1866/1871 pour qu’une étape décisive de la marche vers l’unité de l’Allemagne soit franchie. Ce n’est donc qu’à partir de ces dates qu’il sera possible de décrire de façon unique l’évolution territoriale de ce pays. Antérieurement à 1866, il sera nécessaire d’aborder l’histoire propre de chacun des États qui le composent (voir aussi chapitres Autriche, Belgique, Liechtenstein, Tchéquie). Le grand nombre d’États allemands se disant souverains en 1789 — de l’ordre de 1 200 à 1 300 — fait qu’il est impossible de tous les évoquer dans le présent chapitre : parmi les États qui députent en 1789 à la diète de Ratisbonne ou, nommément, dans l’un des dix cercles d’Empire — environ 300 —, les grands États, ainsi que ceux qui se sont maintenus tardivement, seront seuls traités ici ; les autres figurent dans la partie « États disparus » de cet ouvrage. Quant aux États minuscules (chevalerie d’Empire), il n’est matériellement pas possible de même les évoquer, quelque regret qu’on en ait ! De même, pour éviter d’étirer encore plus un chapitre déjà long, les thèmes Saint Empire, Confédération du Rhin, Confédération germanique, Confédération de l’Allemagne du Nord sont renvoyés en annexes, où le lecteur voudra bien les consulter.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Allemagne A. HISTOIRE GÉNÉRALE DE L’ALLEMAGNE 1. Des origines à l’instauration du Saint Empire (962) Lorsque les Romains conquièrent, au tournant de notre ère, la partie septentrionale de leur Empire, les contrées qui forment aujourd’hui l’Allemagne sont peuplées d’un grand nombre de tribus, qualifiées de Germains, venues quelques siècles plus tôt, vraisemblablement de Scandinavie, et qui ont fini par repousser les Celtes vers l’ouest. Après quelques vaines tentatives d’occuper de façon durable les contrées situées à l’est du Rhin, les Romains décident sagement de faire du Rhin et du Danube le limes bordant au nord et au nord-ouest leur Empire ; seule la région située dans l’angle que forment les deux fleuves — les champs Décumates — est intégrée à l’Empire romain au-delà des fleuves, un limes terrestre y étant établi à peu près de Ratisbonne à Coblence pour la protéger. Seules les régions situées en deçà de cette frontière fluviale et terrestre sont soumises à la loi romaine, dans le cadre de plusieurs provinces : les deux Germanies, la Rhétie, le Norique, la Pannonie. C’est alors que, le long des fleuves, sont fondées des villes qui joueront plus tard un rôle majeur en Allemagne : Cologne, Coblence, Mayence, Worms, Spire, Strasbourg, Ratisbonne, Passau, Vienne. Les régions situées au-delà — la Germanie indépendante — gardent intactes leurs propres coutumes et sont éclatées en un grand nombre de peuplades itinérantes, perçues comme barbares par Rome. Dès le IIIe siècle apr. J.-C., les Alamans envahissent les champs Décumates, le limes étant alors ramené strictement aux deux fleuves. Au Ve siècle, les Germains envahissent l’Empire et s’installent dans les provinces frontières : les Bavarois au Norique et en Rhétie, les Alamans en Helvétie, les Francs et les Saxons sur la rive gauche du Rhin, tandis que l’Empire romain d’Occident disparaît en 476. Au VIe siècle, les Slaves envahissent la partie orientale de la Germanie, à l’est de la Saale. Au VIIIe siècle, une maison issue des Francs Saliens, celle des Carolingiens, s’empare du pouvoir en Gaule et, à partir de Charlemagne, couronné en 800 nouvel empereur d’Occident, commence à rassembler sous son sceptre un certain nombre de régions de Germanie, jusqu’à une frontière marquée par l’Elbe, la Saale et le Danube : Frise, Saxe, Thuringe, Westphalie, Hesse, Alamanie, Bavière, Marches de l’Est (la future Autriche), de Carinthie et du Frioul. L’empire de Charlemagne ne lui survit guère, trop démesuré et miné par les dissensions entre ses successeurs, ainsi que par les invasions (Normands, Hongrois). Dans le courant du IXe siècle, à l’issue de plusieurs partages successifs, dont le plus célèbre est celui de Verdun (843), la Francie orientale, à l’est du Rhin, se sépare définitivement de la Francie occidentale, à l’ouest, ouvrant la voie à l’émergence de deux nations distinctes et désormais rivales, la France et la Germanie, laquelle on va bientôt commencer à appeler l’Allemagne.
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Allemagne Issue de Saxe, une dynastie émerge au Xe siècle, celle des Othoniens. En 919, le duc de Saxe, Henri Ier l’Oiseleur, est élu roi de Germanie par ses pairs ; il annexe la Lotharingie et vassalise la Bourgogne. Son fils, Othon Ier le Grand, devient roi de Germanie en 936, roi d’Italie (septentrionale) en 951 et se fait couronner empereur en 962 par le pape, fondant ainsi le Saint Empire romain germanique (le nom complet ne date que de la fin du Moyen Âge).
2. De 962 à la fin du Grand Interrègne (1273) La dynastie des Othoniens règne en Germanie de 919 à 1024. Lui succèdent la dynastie des Saliens (1024-1125), issus de Franconie, et celle des Hohenstaufen (1152-1250), issus de Souabe. Le Saint Empire, à cette époque, couvre les royaumes de Germanie, d’Italie et, à partir de 1032, de Bourgogne. Le royaume de Germanie se compose, à cette époque, de quatre grands duchés proprement allemands (Saxe, Franconie, Souabe, Bavière), auxquels on peut joindre le landgraviat de Thuringe, et de pays en partie allogènes, la Lotharingie à l’ouest, la Bohême, vassale, et les Marches à l’est. Au nord, la Saxe s’étend du Rhin à l’Elbe, du Jutland aux contreforts de Thuringe. Terre d’origine des Othoniens, elle passe aux Guelfes (Welf) au début du XIIe siècle, puis elle est démembrée en 1180 par Frédéric Barberousse, le Guelfe Henri le Lion ne gardant que la Basse-Saxe (les futurs Brunswick et Hanovre), tandis que le reste — la Haute-Saxe, plus à l’est — passe aux Ascaniens. Au centre, la Franconie couvre le bassin moyen du Rhin et celui du Main. Après la mainmise temporaire d’Othon le Grand, le pays est peu à peu divisé ; terre d’origine des Saliens, la Franconie se morcelle et donne naissance, entre autres, au Palatinat du Rhin, donné aux Wittelsbach en 1215. Au sud-ouest, la Souabe couvre les bassins supérieurs du Rhin et du Danube. Héritière de l’ancienne Alamanie, elle appartient à divers ducs avant d’être détenue, de 1080 à 1268, par la maison de Hohenstaufen, puis d’être morcelée. Au sud-est, la Bavière s’étend sur le bassin du Danube, entre les monts de Bohême et les Alpes. Les Guelfes y règnent de 1070 à 1180, puis Henri le Lion en est dépossédé au profit du comte palatin Othon de Wittelsbach, dont les descendants régneront jusqu’en 1918. La Bavière, quoique réduite vis-à-vis des premiers temps, sera le seul des quatre duchés d’origine à survivre au cours des siècles. Vers l’est, la Thuringe, ancienne marche, est en partie possédée dès le début du XIe siècle par un certain Louis le Barbu, fondateur de la dynastie des Ludovinges, dont le petit-fils devient le landgrave Louis Ier de Thuringe. La dynastie, qui possède aussi des terres en Hesse, règne jusqu’en 1247, date à laquelle le dernier landgrave Henri Raspon (beau-frère de sainte Élisabeth de Hongrie) meurt sans postérité. L’héritage est disputé entre ses deux sœurs et, finalement, la Thuringe passe au margrave de Misnie, fils de Judith, et les terres de Hesse vont à Henri, fils de Sophie, duchesse de Brabant, qui sera à l’origine du landgraviat de Hesse. Plus à l’est et plus au sud-est, les Marches assurent la défense de la Germanie face aux Slaves. La marche de Brandebourg est constituée au milieu du XIIe siècle par Albert l’Ours, comte d’Ascanie, à partir de la Marche septentrionale (Vieille Marche), reçue de l’empereur Lothaire en 1133, et de la marche de Lusace, reçue en 1142. Ses descendants, les Ascaniens, y règnent jusqu’en 1320 ; ils acquièrent aussi la Haute-Saxe dès 1180. La marche de Misnie (Meissen) sur l’Elbe, au sud de la Lusace, est créée dès 980 puis inféodée à la maison de Wettin en 1127. Elle est à l’origine de l’électorat de Saxe. Au sud de la Misnie se trouve le royaume de Bohême, État slave où règnent les Prémyslides, vassaux des rois de Germanie depuis le Xe siècle. Plus au sud, la marche de l’Est, ou Autriche, est aux mains des Babenberg, qui l’agrandissent de la Styrie, de la Carniole et de la Carinthie (voir chapitre Autriche). À l’ouest des duchés, l’ancien royaume de Lotharingie est partagé depuis 959 entre un duché de Basse-Lotharingie, ou Lothier, lui-même plus tard démembré entre quantité de petits États (Brabant, Hainaut, Luxembourg, Limbourg, Hollande, Gueldre, Frise, etc.), et
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Les États existants un duché de Haute-Lotharingie, ou Lorraine, inféodé en 1048 à Gérard d’Alsace, dont les descendants régneront sur la Lorraine jusqu’en 1737. Les empereurs des trois premières dynasties dépensent beaucoup d’énergie à prétendre à la monarchie universelle, ce qui les entraîne dans des conflits incessants avec les papes sur la question des investitures ecclésiastiques et sur celle de leur prééminence respective en Europe en général, et particulièrement en Italie (querelle du Sacerdoce et de l’Empire). En portant trop d’attention à l’Italie, les empereurs en viennent à négliger leurs affaires d’Allemagne, ce qui incite toujours plus leurs vassaux à tenter de s’affranchir de leur tutelle. Par ailleurs, vis-à-vis des Slaves de l’Est, une politique d’endiguement est entamée. Au tournant de l’an mil se constituent les royaumes christianisés de Hongrie et de Pologne, facteurs de stabilisation. Ensuite, l’espace compris entre Pologne et Brandebourg est l’objet d’une germanisation sous trois formes : installation de colons allemands, germanisation des maisons slaves qui règnent au Mecklembourg et en Poméranie, incorporées dans le Saint Empire, vassalisation, par Bohême interposée, de la Silésie détachée de la Pologne dès le XIe siècle. La mort de Frédéric II de Hohenstaufen ouvre la période du Grand Interrègne (12501273), période très troublée à l’issue de laquelle est élu empereur Rodolphe Ier, pour la première fois choisi dans la maison de Habsbourg.
3. De 1273 à la paix de Westphalie (1648) Les électeurs profitent du Grand Interrègne pour monopoliser définitivement à leur profit l’élection impériale et faire des empereurs leurs obligés ; la Bulle d’or de 1356 fige leur nombre à sept, composition inchangée pour près de trois siècles (voir annexe Saint Empire). Jusqu’en 1438, les électeurs font jouer l’alternance entre trois maisons impériales : Habsbourg, Wittelsbach et Luxembourg. À partir de 1438, les Habsbourg parviennent à maintenir presque continûment, jusqu’au début du XIXe siècle, la dignité impériale dans leur maison. Ayant à peu près renoncé à leurs prétentions à la monarchie universelle, battue en brèche par les royaumes qui s’enracinent à l’ouest comme à l’est de leur Empire, ayant aussi renoncé à intervenir directement dans les affaires italiennes — leur influence indirecte s’y fera toutefois sentir jusqu’en 1860 —, les empereurs vont se consacrer plus nettement aux affaires allemandes, mais pour voir leur poids s’amenuiser à mesure de la croissance d’un certain nombre d’États allemands dont ils ne parviendront jamais à réduire l’autonomie. En effet, la période qui va du Grand Interrègne à la paix de Westphalie voit en Allemagne l’émergence progressive puis la consolidation d’un certain nombre de grands États, qui vont perdurer jusqu’en 1789 et au-delà, et qui vont constituer par leur pouvoir un obstacle aux visées impériales : États laïques se forgeant autour d’une maison princière, États ecclésiastiques (évêchés, abbayes) généreusement dotés au Moyen Âge par les empereurs, villes libres qui s’affranchissent de toute suzeraineté et bénéficient de l’immédiateté impériale (voir infra l’histoire des États). L’ensemble forme une mosaïque de souverainetés, grandes ou petites, que seules relient, de façon très lâche, les institutions d’Empire (voir annexe Saint Empire). Et de fait, alors que le patrimoine personnel des Habsbourg s’accroît au fil du temps par l’acquisition de toujours plus de domaines « héréditaires », alors qu’au début du XVIe siècle, avec le règne de Charles Quint, qui ajoute l’Espagne et le Nouveau Monde à leurs domaines, ils pensent atteindre un sommet dans la puissance, qui leur permettrait de faire évoluer l’Allemagne vers une plus grande unité, deux événements vont en moins de cent ans ruiner ces espoirs, et diviser pour longtemps l’Allemagne : la Réforme et la guerre de Trente Ans. La Réforme de Luther divise l’Allemagne en deux camps et Charles Quint, après avoir vainement tenté de restaurer les armes à la main l’unité religieuse, se voit contraint de signer, au soir de son règne, la paix d’Augsbourg (1555) ; cette paix fige durablement l’état religieux de l’Allemagne par le principe du cujus regio, ejus religio, qui stipule que les peuples de chaque État doivent adopter la religion choisie par leur prince. Si la situation est nette dans les États laïques, elle se complique dans les États ecclésiastiques, là où les populations sont passées en majeure partie au luthéranisme (dans le nord de l’Allemagne) ; il est décidé que les princes y régneront jusqu’à leur mort, mais qu’alors
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Allemagne le pouvoir passera à des administrateurs protestants. C’est chose faite à la fin du siècle et les principautés ecclésiastiques sont ainsi sécularisées, devenant des proies tentantes pour les princes laïques. La querelle rebondit au début du XVIIe siècle, lorsqu’une révolte de la noblesse protestante en Bohême contre l’empereur déclenche en 1618 une terrible guerre qui ravage l’Allemagne, la guerre de Trente Ans. L’empereur, secondé par un certain nombre d’États catholiques d’Allemagne, affronte des États protestants, la guerre entraînant les interventions successives du Danemark, puis de la Suède et de la France du côté protestant, et de l’Espagne du côté catholique. Le conflit se termine en 1648, en raison de l’épuisement des combattants, par les deux traités de Munster et d’Osnabruck (traités de Westphalie). Enfin, aux franges de l’Allemagne, la période de 1273 à 1648 voit s’opérer un amoindrissement progressif du Saint Empire. Le royaume de Bourgogne est peu à peu démantelé, la France s’emparant du Barrois mouvant, du Lyonnais, du Vivarais et du Dauphiné au XIVe siècle, de la Provence au XVe siècle, et les Suisses se rendant indépendants de fait dès 1499 ; seules demeurent à l’Empire la Franche-Comté et, de façon très lâche, la Savoie. À l’ouest, le Saint Empire voit la France prendre les Trois-Évêchés au XVIe siècle, tandis que les Pays-Bas septentrionaux, se rendant indépendants du roi d’Espagne en 1581, prennent aussi, de fait, congé de l’Empire. Au sud, les conquêtes de Venise en terre ferme, entérinées en 1454, réduisent d’autant les limites du Saint Empire, dont le pouvoir en Italie se fait chaque jour plus théorique.
4. La paix de Westphalie et ses conséquences (1648-1789) La paix de Westphalie est lourde de conséquences pour l’Allemagne et l’Empire. Tout d’abord, elle officialise le retrait des Provinces-Unies, de la Suisse, des Trois-Évêchés ; s’y ajoute le retrait d’une partie de l’Alsace, conquise par la France. La Suède se voit aussi attribuer la Poméranie citérieure et les anciens évêchés de Brême et de Verden, mais ces provinces demeurent dans le Saint Empire. Ensuite, un certain nombre d’anciens États ecclésiastiques, sécularisés en vertu des dispositions de la paix d’Augsbourg, sont annexés par les grands États héréditaires, qui renforcent ainsi leur poids au sein de l’Empire. Le calvinisme est érigé en troisième religion officielle dans le Saint Empire. Les États membres de l’Empire obtiennent juridiquement le droit de mener une politique propre (guerres, alliances avec l’étranger), sous réserve qu’elle ne soit pas tournée contre l’institution impériale. Cette consécration fait d’eux de véritables États souverains et réduit à peu de chose le pouvoir dont dispose encore l’empereur dans les affaires de l’Allemagne. D’autant que la France, tout en demeurant à l’extérieur, obtient une sorte de droit de regard permanent sur lesdites affaires ; entretenant en permanence un représentant à Ratisbonne — où s’est désormais fixée la diète « perpétuelle » —, elle se constitue une clientèle d’États trop heureux de voir en elle un contrepoids à la maison d’Autriche. Dès lors, et durant le siècle et demi qui s’écoule jusqu’en 1789, le Saint Empire va poursuivre inéluctablement son déclin, paralysé par la sclérose des institutions qu’aucune volonté politique ne parviendra plus à faire évoluer, car les États autres que l’Autriche se satisfont de l’atteinte portée à celle-ci au travers de l’affaiblissement du pouvoir impérial. La France poursuit son travail de sape, prenant des morceaux de Flandre et du Luxembourg, annexant la Franche-Comté, arrondissant son domaine en Alsace, et s’emparant pour finir de la Lorraine en 1766. Découragés, les empereurs germaniques de la maison d’Autriche se préoccupent avant tout de leurs domaines propres, tournant leurs regards vers l’est (Turquie, Pologne) et se préoccupant surtout, en Allemagne même, de contenir, autant que faire se peut, la lente ascension de la Prusse. Car, à côté de l’Autriche, seuls comptent dans l’Empire quelques États qui ont su se constituer un important patrimoine : la Prusse en premier lieu, la Bavière, qui parvient même à conquérir pour trois ans, de 1742 à 1745, la dignité impériale (Ferdinand VII), la Saxe, qui s’appuie sur la couronne de Pologne, le Hanovre, qui s’appuie sur celle d’Angleterre.
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Les États existants Les autres États, aux dimensions très diverses, ne disposent pas de suffisamment de moyens, en hommes ou en ressources financières, pour pouvoir mener une politique active. Ils se contentent de jouir tranquillement de l’apparence du pouvoir souverain, dans un univers que la paralysie des institutions d’Empire semble avoir figé à jamais.
B. HISTOIRE DES ÉTATS DE L’ALLEMAGNE 1. Autriche Voir chapitre Autriche. 2. Prusse La formation du royaume de Prusse est le résultat de l’œuvre judicieuse et patiente de sa dynastie, la maison de Hohenzollern. Celle-ci vient de Souabe, où Conrad, fils cadet du comte Rodolphe de Zollern, hérite en 1191 du burgraviat de Nuremberg. Dès lors, Conrad quitte le comté de Zollern, laissé à la ligne aînée de Souabe, qui y règne encore en 1789 (voir infra Hohenzollern), et fonde la ligne cadette de Franconie. Outre le burgraviat de Nuremberg, où ses membres ne sont que les représentants de l’empereur, la ligne de Franconie acquiert aux XIIIe et XIVe siècles des domaines patrimoniaux situés dans cette contrée autour d’Anspach, de Bayreuth et de Culmbach. Mais la vraie fortune de cette lignée vient de ce qu’en 1417, après un siècle d’anarchie due à l’extinction de la descendance ascanienne du margrave Albert l’Ours, l’empereur Sigismond inféode la marche électorale de Brandebourg au burgrave Frédéric VI de Nuremberg. Le nouvel électeur (et archichambellan) Frédéric Ier de Brandebourg ne recueille en fait qu’une part de l’héritage ascanien (Vieille Marche, Moyenne Marche, partie de la Marche uckéranienne), le siècle d’anarchie ayant permis à d’autres princes de s’emparer du reste de l’héritage. Lui et ses successeurs vont s’employer à le reconquérir, prenant Cottbus en 1445, la Nouvelle Marche en 1455, la Lusace en 1462, le reste de la Marche uckéranienne en 1472. En 1473, l’électeur Albert l’Achille adopte la dispositio achillea, loi de succession stipulant que la marche électorale de Brandebourg — à l’exclusion des principautés franconiennes — sera désormais une et indivisible, transmissible par primogéniture mâle. Cette loi capitale évitera au Brandebourg de subir l’émiettement traditionnel dont seront affectés les autres grands États allemands du Moyen Âge. De ce fait, les cadets d’Albert l’Achille seront établis en Franconie à Anspach et à Bayreuth, où ils vont fonder les branches franconiennes de la maison de Brandebourg-Hohenzollern. Un nouvel élan est donné à l’expansion de cette maison par la nomination en 1511 d’Albert de Brandebourg-Anspach à la charge de grand maître de l’Ordre teutonique ; ce dernier, converti au luthéranisme, sécularise en 1525 à son profit la Prusse orientale, dernier domaine de l’Ordre en Prusse ; ce nouveau duché de Prusse reste toutefois placé sous la suzeraineté de la Pologne. La branche électorale de Brandebourg passe elle-même à la Réforme en 1539 et sécularise en 1598 les évêchés de Brandebourg, de Havelberg et de Lébus. En 1603, la branche cadette de Franconie s’éteint, mais ses domaines sont de nouveau inféodés à deux frères cadets de l’électeur Joachim-Frédéric, qui feront souche en Franconie jusqu’au XVIIIe siècle (voir infra Bayreuth et Anspach). En 1618, à l’extinction de la branche prussienne, le duché de Prusse est rattaché à la marche brandebourgeoise, tout en demeurant hors du Saint Empire et vassal de la Pologne (jusqu’en 1657) ; l’électeur voit ainsi doubler l’étendue de ses domaines. À la même époque (1614, confirmé en 1666), à l’issue d’une période de cinq ans pendant laquelle se déroule « l’affaire de la succession de Juliers », l’électeur Jean-Sigismond de Brandebourg reçoit une moitié de l’héritage (Clèves, la Marck, Ravensberg), tandis que l’autre moitié (Berg, Juliers, Ravenstein) va au comte palatin de Neubourg ; l’électeur de Brandebourg pose ainsi un premier jalon en Allemagne occidentale. L’électeur est aussi l’héritier, incontesté en Allemagne, du duché de Poméranie dont le dernier souverain wende s’éteint en 1637. Mais les Suédois occupent le pays depuis 1630, date de leur intervention dans la guerre de Trente Ans. Aux traités de Westphalie (1648),
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Allemagne l’électeur de Brandebourg doit en céder la moitié occidentale (Poméranie citérieure) à la Suède et n’en conserve que la moitié orientale (Poméranie ultérieure). En compensation, l’électeur reçoit les trois évêchés sécularisés de Minden, de Halberstadt et de Cammin et l’expectative de l’archevêché de Magdebourg (possession effective en 1680, hormis les quatre bailliages saxons de Querfurt, Dahme, Juterbogk et Burg, réduits à trois en 1687 par l’annexion de Burg). Le Brandebourg s’accroît encore en 1657 des seigneuries polonaises de Lauenbourg, de Butrow et de Draheim, en 1686 du cercle de Schwiebus, en 1691 de Tauroggen (Samogitie) et de Serrey (Lituanie), en 1697 de Petersberg, en 1699 d’une part du comté de Hohenstein. En 1700, en échange de son soutien à la cause autrichienne dans l’affaire de la succession d’Espagne, l’électeur Frédéric III obtient de l’empereur la couronne royale pour la Prusse (hors de l’Empire) et, dès janvier 1701, se proclame roi en Prusse. En 1702, à la mort sans postérité de Guillaume d’Orange-Nassau, roi d’Angleterre et stathouder des Provinces-Unies, le roi Frédéric Ier en Prusse s’empare de ses comtés westphaliens de Lingen et de Meurs. La Prusse acquiert encore en 1707 le comté de Tecklembourg et la principauté jurassienne de Neuchâtel, en 1713 la majeure partie de la Haute-Gueldre (ci-devant espagnole) et en 1720 la moitié méridionale de la Poméranie citérieure (Stettin) cédée par la Suède. Enfin, sous le règne de Frédéric II le Grand (1740-1786), la Prusse s’agrandit encore du comté de Glatz (1741) et de la majeure partie de la Silésie (1742), arrachés à la couronne de Bohême au moment de la guerre de Succession d’Autriche, ainsi que de la principauté d’Ostfrise (1744), à l’extinction de sa maison comtale. C’est à cette époque que l’empereur Charles VII — exceptionnellement un Wittelsbach — décerne à Frédéric le titre de roi de Prusse. En 1772, le roi Frédéric II contraint Catherine II de Russie et Marie-Thérèse d’Autriche à s’accorder sur un premier partage d’un tiers de la Pologne, conclu à Saint-Pétersbourg au profit des trois puissances. La Prusse reçoit de la Pologne 33 000 km2 et 700 000 âmes, ainsi répartis : – la Prusse polonaise ou royale : évêché de Warmie, trois palatinats (voïvodines) de Pomérellie, de Culm et de Marienbourg, hormis les villes et territoires de Thorn et de Dantzig ; – les districts septentrionaux de Grande Pologne et de Cujavie : moitié septentrionale des palatinats de Posen et de Gnesen, moitié occidentale de celui d’Inowraclaw. La Prusse royale annexée devient la nouvelle province de Prusse occidentale (Elbing), à l’exception de l’évêché de Warmie ; dans la Prusse occidentale sont dès lors fondues les seigneuries de Lauenbourg, de Butrow et de Draheim, acquises en 1657 ; quant à l’évêché de Warmie, qui était enclavé dans l’ancien duché de Prusse, il lui est rattaché et l’ensemble prend le nom de province de Prusse orientale (Kœnigsberg). Les districts septentrionaux de Grande Pologne et de Cujavie forment le nouveau district prussien de la Netze (Bromberg). En 1780, à l’extinction de la maison comtale de Mansfeld, ses deux suzerains (Prusse et Saxe électorale) se partagent le comté. La Prusse annexe la moitié orientale (Mansfeld) du comté de Mansfeld. Par deux fois (1778 et 1785), le roi de Prusse, agissant à fronts renversés, soutient les droits du duc de Deux-Ponts à l’héritage de la Bavière, contre l’ambition de l’entreprenant empereur Joseph II. En 1778, la guerre qu’il mène contre l’Autriche se termine par la paix de Teschen (1779). Quant à Frédéric II, il est dédommagé de sa guerre par l’attribution à la Prusse de l’expectative des margraviats brandebourgeois de Bayreuth et d’Anspach, possessions d’un rameau cadet des Hohenzollern sans perspective de descendance.
3. Palatinat-Bavière La Bavière et le Palatinat sont des possessions de la maison de Wittelsbach, très ancienne dynastie allemande. Le duché de Bavière a été en 1180 attribué à cette maison par l’empereur Frédéric Ier Barberousse. En 1215, le Palatinat est à son tour assigné à Louis de Bavière par l’empereur Frédéric II. En 1294, les deux domaines sont séparés entre les deux fils du duc Louis II le Sévère : l’aîné Rodolphe reçoit le Palatinat, se fixe à Heidelberg et fonde la branche aînée (palatine
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Les États existants ou rodolphine) ; le cadet Louis reçoit le duché de Bavière, se fixe à Munich et fonde la branche cadette (ducale ou ludovicienne). Au mépris du traité de Pavie (1329), qui prévoyait l’alternance de la dignité électorale, la Bulle d’or de 1356 la fixe dans la branche palatine. a) Branche palatine, ou rodolphine La branche palatine, passée au calvinisme au XVIe siècle, a formé sept rameaux : Heidelberg, Simmern, Neubourg, Sulzbach, Deux-Ponts, Birkenfeld, Veldenz. Le rameau aîné de Heidelberg s’éteignant en 1559, la dignité électorale passe au rameau de Simmern. Celui-ci réunit le comté de Simmern aux Bas- et Haut-Palatinat. Lors de la guerre de Trente Ans, son représentant Frédéric V, « roi d’un hiver » de Bohême (1619), est vaincu à la Montagne blanche (1620), dépouillé du Palatinat (1621) puis de la dignité électorale, au profit de son cousin de Bavière. Aux traités de Westphalie (1648), son fils Charles-Louis recouvre la dignité électorale et le Bas-Palatinat. À la mort sans postérité de Charles (1685), fils de Charles-Louis, après l’épisode de la guerre du Palatinat (la princesse palatine, belle-sœur de Louis XIV, étant sœur de Charles-Louis), le Palatinat du Rhin échoit au rameau de Neubourg. Le rameau de Neubourg possédait en propre le comté de Neubourg, morcelé le long du Danube (autour de Neubourg et de Ratisbonne). À la mort du duc de Juliers (1609), l’affaire de la « succession de Juliers » oppose à l’empereur Rodolphe II les deux principaux candidats à l’héritage, l’électeur de Brandebourg et le comte de Neubourg, tous deux soutenus par le roi Henri IV de France ; après un simulacre de guerre, l’héritage est partagé (traité de Xanten de 1614, confirmé en 1666) et le comte de Neubourg, redevenu catholique, en recueille les duchés de Berg et de Juliers, ainsi que la seigneurie brabançonne de Ravenstein. Recevant l’héritage du Palatinat en 1685, le comte de Neubourg en refait un électorat catholique et le joint à ses propres domaines. De 1708 à 1714, il reçoit temporairement le Haut-Palatinat de l’empereur Joseph Ier, qui en a dépouillé l’électeur de Bavière compromis dans le camp français au sujet de la succession d’Espagne. En 1742, à l’extinction du rameau de Neubourg, ses possessions passent au rameau de Sulzbach, qui les joint à sa terre de Sulzbach (Franconie septentrionale), situation qui prévaut en 1789 sous le règne de l’électeur Charles-Théodore, lui-même sans postérité. Le rameau de Deux-Ponts, qui avait recueilli en 1694 l’héritage du rameau de Veldenz et donné les rois Charles X à XII à la Suède, s’éteint en 1731 et ses possessions passent au rameau de Birkenfeld qui, en 1789, règne donc sur Deux-Ponts et Birkenfeld et jouit de l’expectative sur le Palatinat. b) Branche ducale, ou ludovicienne La branche ducale, contrairement à la palatine, reste de tous temps fidèle au catholicisme, ce qui lui vaut, lors de la guerre de Trente Ans, de recevoir en 1623 la dignité électorale et en 1628 le Palatinat, arrachés à la branche palatine. En 1648, aux traités de Westphalie, le duc Maximilien Ier restitue à la branche palatine le Bas-Palatinat et la dignité électorale y attachée mais garde le Haut-Palatinat franconien, et la création d’un huitième titre d’électeur lui permet d’en conserver la dignité ; il est toutefois stipulé que ce titre disparaîtra dans le cas de réunion des deux branches. En 1708, le duc de Bavière, qui soutenait la France dans la guerre de Succession d’Espagne, est dépouillé de ses États par l’empereur Joseph et le Haut-Palatinat est rendu à la branche palatine. En 1714, au traité de Radstadt, le duc recouvre ses États, y compris le Haut-Palatinat, auquel s’ajoute l’acquisition du landgraviat de Leuchtenberg. Enfin, la branche ducale fournit de façon presque systématique des titulaires à l’archevêché électoral de Cologne. À la mort sans postérité de l’électeur de Bavière Maximilien-Joseph, le 30 décembre 1777, l’ensemble des possessions de la branche ducale revient à l’électeur palatin Charles-Théodore. L’empereur Joseph II, gendre du défunt électeur et soucieux d’accroître ses domaines autrichiens pour contrebalancer l’essor de la Prusse et de la Russie, en impose à l’électeur Charles-Théodore et le convainc, par le traité du 3 janvier 1778, de lui abandonner la moitié orientale de la Bavière et de déshériter à son profit son propre héritier, le duc de DeuxPonts-Birkenfeld.
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Allemagne Le duc de Deux-Ponts, soutenu par le roi Frédéric II de Prusse, porte plainte en mars 1778, devant la diète de Ratisbonne, au sujet de la dépossession d’héritage dont il est victime. En juillet 1778, les tentatives de médiation ayant échoué, le roi de Prusse entre en guerre contre l’Autriche : guerre mollement menée (« guerre des patates ») qui laisse tout loisir à la France et à la Russie de mener de concert une médiation. La paix est signée à Teschen en mai 1779. La Bavière cède à l’Autriche le Quartier de l’Inn (Innviertel), territoire situé entre l’Inn et l’ancienne frontière. L’empereur Joseph II renonce au reste de l’héritage bavarois qui, à la mort de Charles-Théodore (sans postérité), reviendra au duc de Deux-Ponts. L’électeur palatin Charles-Théodore possède désormais le vaste ensemble Palatinat-Bavière. Des possessions des Wittelsbach ne lui manque que le domaine du duc de Deux-Ponts. Conformément aux dispositions des traités de Westphalie, la voix électorale de Bavière disparaît, ramenant à huit le nombre d’électeurs du Saint Empire.
4. Wurtemberg Les comtes de Wurtemberg ont progressivement constitué leur domaine, sur la haute vallée du Neckar en Souabe, du XIIe au XVe siècle. Se fixant en 1320 dans leur capitale, Stuttgart, ils acquièrent, outre leur domaine de Souabe, des seigneuries en Alsace au XIVe siècle et le comté de Montbéliard par mariage en 1417. En 1495, le comte Ulrich V est fait duc Ulrich Ier par l’empereur Maximilien Ier. À la fin du XVIIe siècle, une branche cadette des Wurtemberg acquiert le duché d’Œls en Silésie, sous la suzeraineté de la couronne de Bohême. Situation rare dans le Saint Empire, l’autorité ducale est limitée par deux assemblées d’États ; de plus, le souverain est catholique, tandis que ses sujets sont protestants.
5. Bade Les margraves de Bade, qui règnent sur des domaines s’étirant le long du Rhin moyen, en Souabe, descendent de l’illustre maison de Zæhringen dont ils forment une branche cadette depuis 1052 ; le titre de margrave de Bade apparaît en 1130. Après divers partages, l’ensemble des domaines est de nouveau réuni du vivant du margrave Christophe Ier. À sa mort en 1527, le patrimoine est une nouvelle fois partagé entre son fils aîné Bernard, ancêtre de la ligne de Bade-Bade, et son fils cadet Ernest, ancêtre de la ligne de Bade-Durlach. Les deux lignes règnent séparément jusqu’en 1771, date de la mort sans postérité du margrave Auguste-Georges de Bade-Bade. Cette mort provoque la réunion des deux États en un margraviat de Bade, sous la conduite éclairée du margrave Charles-Frédéric, dont le règne se poursuit à Carlsruhe en 1789.
6. Hohenzollern Le Hohenzollern, situé aux confins du haut Neckar et du haut Danube, est le berceau médiéval de la dynastie de ce nom. En 1191, le comte Rodolphe II de Zollern (ou de Hohenzollern) devient burgrave de Nuremberg par son mariage avec l’unique héritière du dernier burgrave. Après sa mort (1201), ses deux fils Frédéric IV et Conrad se partagent en 1227 le patrimoine. Le cadet Conrad reçoit le burgraviat de Nuremberg et devient l’ancêtre de la ligne cadette de Franconie qui va régner sur le Brandebourg et sur la Prusse (voir supra). L’aîné Frédéric IV reçoit le comté de Zollern et devient l’ancêtre de la ligne aînée de Souabe. En 1529, le comte Charles Ier hérite des comtés de Sigmaringen et de Vœhringen et partage bientôt ses domaines entre ses deux fils Eitel-Frédéric IV, fondateur de la maison de Hohenzollern-Hechingen (princière en 1623), et Charles II, fondateur de la maison de Hohenzollern-Sigmaringen (princière en 1695). Ces deux maisons y règnent toujours en 1789.
7. Furstenberg La famille princière de Furstenberg, qui descend des comtes d’Urach, fonde le château de Furstenberg au XIIIe siècle, dans le haut bassin du Danube. Les différents rameaux qui s’y forment se réunissent une première fois en 1559 en la personne de Frédéric III. De lui descendent deux branches, celle de Kingingerthal, qui — unifiée en 1744 — règne encore en 1789, celle de Heiligenberg, qui — devenue princière en 1644 — s’éteint en 1716, le titre de prince passant alors à la première branche.
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Les États existants 8. La Tour-et-Taxis La maison de La Tour-et-Taxis, originaire de Bergame en Lombardie, s’établit au XVe siècle dans les Pays-Bas, où elle crée le service des postes. En 1615, l’empereur Mathias, qui a demandé à cette maison d’établir des postes dans le Saint Empire, lui attribue, avec le titre de comte, la charge de grand maître héréditaire des postes de l’Empire. Cette charge est érigée en 1744 en fief du trône. En 1754, l’empereur accorde au comte un siège à la diète de Ratisbonne, sous condition qu’il achète une terre immédiate qui lui en donnerait l’accès. En 1785, le comte de La Tour-et-Taxis achète au comte de Truchsess-Waldbourg les seigneuries de Scheer, Friedberg, Durmentingen et Buss, sur ou à proximité du Danube, ainsi que les seigneuries d’Eglingen, Dischingen et Balmershofen, situées au nord de Dillingen (région de Neubourg). En 1787, l’empereur érige ces terres en comté princier de Scheer. Le prince de La Tour-etTaxis, dont le fief était jusqu’ici un bien immatériel — la charge exclusive des postes —, devient un prince territorial comme les autres princes de l’Empire. Sa nouvelle principauté, capitale Scheer sur le Danube, s’insère au sein de la région politiquement morcelée de Souabe.
9. Bayreuth et Anspach Possessions de la maison de Hohenzollern depuis le XIIIe siècle, les margraviats de Bayreuth et d’Anspach, situés en Franconie, appartiennent à sa branche franconienne, qui s’éteint en 1603. Dévolus à l’électeur Joachim-Frédéric, ils sont apanagés par ce dernier à deux de ses fils cadets. Dans la perspective d’une extinction probable de la ligne de Bayreuth, le roi Frédéric-Guillaume Ier de Prusse renonce en 1723 à la succession de Bayreuth au profit de la ligne d’Anspach. En 1769 s’éteint le dernier margrave de Bayreuth et son pays est réuni à cette date au margraviat d’Anspach.
10. Saxe électorale La maison de Wettin règne depuis 1090 sur le margraviat de Misnie, depuis 1246 sur le pays de la Pleisse et depuis 1263 sur la Thuringe ; elle reçoit en 1423 le duché de Saxe (HauteSaxe) et la dignité électorale à l’extinction de la maison ascanienne. En 1485, les domaines saxons sont partagés entre les fils du duc Frédéric le Bon (mort en 1464) : son fils aîné Ernest reçoit la dignité électorale et la Thuringe ; son fils cadet Albert reçoit la Misnie. En 1547, l’électeur Jean-Frédéric le Magnanime est contraint de céder le bonnet électoral et la plupart de ses possessions à son cousin Maurice (branche albertine). Désormais, la branche ernestine ne conserve que quelques domaines de Thuringe qui vont peu à peu constituer les duchés de Saxe (voir infra Thuringe). La branche cadette ou albertine, devenue électorale, va au contraire accroître ses domaines. Elle sécularise les évêchés de Mersebourg (1561), de Naumbourg-Zeitz (1564) et de Meissen (1581). En 1635, elle reçoit de l’empereur Ferdinand II les Haute- et Basse-Lusace, ainsi que la principauté de Querfurt détachée de Magdebourg. En 1652, l’électeur Jean-Georges Ier apanage trois fils cadets, qui vont former les lignes de Weissenfels, Mersebourg et Zeitz, lesquelles s’éteindront toutes dans la première moitié du XVIIIe siècle, permettant ainsi une réunification de l’électorat. En 1659, la Saxe acquiert le comté de Barby, fief vacant. En 1660, elle reçoit une part de l’héritage du comté de Henneberg (Schleusingen, Suhl). En 1697, l’électeur FrédéricAuguste Ier se convertit au catholicisme pour devenir roi de Pologne, tout en s’engageant à ne pas toucher à l’état religieux de la Saxe et à garder la tête du parti protestant (corpus evangelicorum) à la diète impériale. En 1780, à l’extinction de la maison comtale de Mansfeld, la Prusse et la Saxe se partagent le comté. La Saxe annexe la moitié occidentale (Eisleben) du comté de Mansfeld.
11. Thuringe Après avoir constitué un ensemble politique (landgraviat) au Moyen Âge (voir supra), la Thuringe est, à partir de 1547, peu à peu fractionnée entre diverses maisons souveraines. Le grand morcellement qui l’affecte résulte de l’adoption tardive (parfois au XVIIIe siècle seulement) du principe de la primogéniture dans les successions patrimoniales.
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Allemagne Pour la Saxe ducale, au terme de maints partages, suivis de réunions dues à l’extinction de rameaux — auxquels il faut ajouter l’acquisition du duché de Meiningen en 1660, provenant de la succession de Henneberg partagée avec la Hesse-Cassel et la Saxe électorale — la situation des États de la branche ernestine de la Saxe se stabilise en 1710 en une répartition en cinq duchés : Saxe-Weimar-Eisenach, Saxe-Gotha-Altenbourg, Saxe-Hildbourg-hausen, Saxe-Cobourg-Saalfeld, Saxe-Meiningen. La maison de Schwarzbourg possède depuis le XIe siècle des domaines géographiquement répartis en Seigneurie supérieure (hautes vallées de la Saale et de l’Ilm) et Seigneurie inférieure (vallées de l’Unstrut et de la Wipper), séparés des autres États de Thuringe par le cercle saxon de Thuringe. Chacune de ces deux Seigneuries est en fait partagée, depuis 1552, entre les deux branches subsistantes de la maison de Schwarzbourg : la branche de Sondershausen, princière depuis 1697, la branche de Rudolstadt, princière depuis 1710. La maison de Reuss possède aussi depuis le XIe siècle des domaines souvent partagés, répartis depuis 1535 en branches aînée, moyenne et cadette, puis par l’extinction de la seconde en 1616, en deux branches : la branche aînée, réunie en un seul comté depuis 1763, lequel est élevé en 1778 à la dignité de principauté de Reuss-Greiz ; la branche cadette, dite de Reuss-Gera, toujours subdivisée en 1789 en quatre comtés, Gera, Schleiz, Ebersdorf, Lobenstein.
12. Anhalt La maison d’Anhalt est une branche de la dynastie des Ascaniens qui régna sur la Saxe et le Brandebourg. Hormis les possessions excentrées (Jever, Holzappel, Schaumbourg), le territoire principal d’Anhalt (Ballenstædt, Bernbourg, Cœthen, Dessau, Zerbst), centré sur les cours moyens de l’Elbe, de la Saale et de la Mulde, est resté inchangé depuis le XIVe siècle, régulièrement redistribué de façon interne au gré des successions patrimoniales. L’ensemble est réuni en un seul tenant au XVIe siècle par le prince Joachim-Ernest, mais à sa mort (1586) la principauté est partagée en quatre branches : Zerbst, Dessau, Cœthen, Bernbourg, partage encore en vigueur en 1789. Enfin en 1667, à l’extinction de la branche aînée des comtes d’Oldenbourg, le prince d’Anhalt-Zerbst hérite de la lointaine seigneurie frisonne de Jever.
13. Poméranie La Poméranie, le « pays à côté de la mer », s’étend le long de la mer Baltique, de part et d’autre de l’embouchure de l’Oder. De 1062 à 1637, la dynastie des Boguslavides règne sur ce duché slave, christianisé au XIIe siècle, et qui entre dans l’Empire en 1181, se plaçant en 1227 sous la suzeraineté des margraves de Brandebourg. À la mort sans postérité de Boguslav XIV en 1637, le duché devrait revenir au Brandebourg, mais il est occupé depuis 1630 par les armées suédoises (guerre de Trente Ans). À la paix de Westphalie (1648), en dépit des protestations de l’électeur, seule la partie orientale, la Poméranie ultérieure, lui revient, la partie occidentale, la Poméranie citérieure augmentée de Stettin, des bouches de l’Oder et de l’île de Rugen, revenant à la Suède. Mais en 1720, à la paix de Stockholm, la Suède doit céder au Brandebourg la moitié méridionale (au sud de la Peene) de la Poméranie citérieure.
14. Mecklembourg La maison de Mecklembourg, réputée une des plus anciennes d’Europe, est une dynastie wende remontant au IVe siècle, époque où les Vandales régnaient sur le pays. Cette dynastie et son peuple se germanisent peu à peu au cours des siècles. Uni une dernière fois au XVe siècle, le pays fait ensuite l’objet de nombreux partages internes. En 1523, le principe de l’union est affirmé ; aucun partage ne doit être définitif et le Mecklembourg restera considéré comme un tout. Entre 1555 et 1695, le pays est partagé en deux lots : Mecklembourg-Schwerin et Mecklembourg-Gustrow. À l’issue de la guerre de Trente Ans (1648), la Suède rétablit les deux ducs sur leur trône et donne au premier (Schwerin) les évêchés sécularisés de Schwerin et de Ratzebourg, au second (Gustrow) les bailliages de Mirow et de Nemerow. Ils doivent en contrepartie lui céder Wismar, Neukloster et l’île de Pœl.
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Les États existants À l’extinction de la branche de Gustrow (1695), son lot revient à la branche de Schwerin qui indemnise son propre rameau cadet de Strelitz en lui donnant à l’est la seigneurie de Stargard, avec Mirow et Nemerow, à l’ouest la principauté (ancien évêché) de Ratzebourg.
15. Holstein Voir infra Oldenbourg et chapitre Danemark. 16. Oldenbourg La maison comtale d’Oldenbourg, qui règne depuis le XIIe siècle sur ce plat pays jouxtant la mer du Nord, détache au XVe siècle une branche cadette qui règne sur le Schleswig-Holstein et le Danemark et au XVIIIe siècle sur la Suède et sur la Russie. La branche aînée s’éteint en 1667 et les comtés d’Oldenbourg et de Delmenhorst sont depuis 1675 possessions de la maison de Danemark (branche cadette dite de Holstein-Gluckstadt). La seigneurie de Jever appartient depuis 1667 au prince d’Anhalt-Zerbst, à qui elle a été cédée, à sa mort, par le dernier comte d’Oldenbourg de la branche aînée. La seigneurie de Kniphausen appartient depuis 1754 à la maison comtale de Bentinck, qui possède aussi la seigneurie de Varel, non souveraine, incluse dans le comté d’Oldenbourg. Depuis 1544, la branche cadette de la maison d’Oldenbourg s’est divisée en ligne royale de Holstein-Gluckstadt régnant sur le Danemark et sur une moitié du Schleswig et une moitié du Holstein, et en ligne ducale de Holstein-Gottorp régnant sur l’autre moitié du Schleswig et l’autre moitié du Holstein. En 1720, le roi du Danemark s’empare de la partie gottorpienne du Schleswig. En 1762, montant sur le trône de Russie (Pierre III), le duc de Holstein-Gottorp réclame la part du Schleswig dont il a été spolié, mais il est assassiné ; la revendication se poursuit néanmoins au nom de son fils le grand-duc Paul, fils de Catherine II, et aboutit aux traités de Copenhague (1767) et de Tsarskoïé-Sélo (1773). Le grand-duc Paul reçoit les comtés d’Oldenbourg et de Delmenhorst en échange du duché de Holstein-Gottorp et de sa renonciation à celui de Schleswig-Gottorp, lesquels sont réunis au Holstein-Gluckstadt et au Schleswig-Gluckstadt ; en cas de déshérence danoise, les deux duchés ainsi reconstitués reviendront à la maison de Holstein-Gottorp. Le 14 juillet 1773, le grand-duc Paul rétrocède les deux comtés d’Oldenbourg et de Delmenhorst à l’évêque (protestant) de Lubeck, membre du rameau cadet de Gottorp-Eutin et oncle du roi de Suède, qui règne déjà au titre d’évêque sur la principauté de Lubeck, composée de deux pays : Eutin enclavée dans le Holstein, Ratekau entre Holstein et Lubeck. En 1777, l’empereur Joseph II réunit les deux comtés d’Oldenbourg et de Delmenhorst en un duché d’Oldenbourg, dont l’évêque de Lubeck est duc à titre héréditaire.
17. Hanovre Depuis 1180, l’antique maison des Guelfes (Welf), qui possédait le grand duché de Saxe, n’en conserve plus qu’une partie, autour de Hanovre, de Lunebourg et de Brunswick, que l’on appelle dès lors Basse-Saxe, puis duchés de Brunswick et de Lunebourg. En 1569, après maints partages et réunions, cette maison répartit ses domaines entre deux lignes : la ligne aînée (Henri de Danneberg) sera connue sous le nom de BrunswickWolfenbuttel et régnera sur le duché de ce nom (voir infra) ; la ligne cadette (Guillaume de Celle) sera connue sous le nom de Brunswick-Lunebourg et régnera sur des États qui formeront à la fin du XVIIe siècle l’électorat de Hanovre. Au début du XVIIe siècle, les domaines possédés par la maison de Brunswick-Lunebourg se limitent à Hanovre, Celle, Lunebourg et la majeure partie des comtés de Hoya et de Diepholz. Au cours du XVIIe siècle, la ligne lunebourgeoise arrondit son patrimoine en héritant successivement de Grubenhagen (1616), de Gœttingue et de Calenberg (1634), de Harbourg (1642) et du Danneberg (1671), cédé par la ligne aînée. En 1680 est affirmé le principe de primogéniture et, dès 1698, le duc Georges-Louis est seul souverain des domaines de la ligne lunebourgeoise. Par ailleurs, les traités de Westphalie (1648) stipulent que l’évêché d’Osnabruck sera alternativement pourvu d’un titulaire catholique ou protestant, et l’évêque protestant sera choisi dans la maison de Brunswick-Lunebourg. En 1689, à l’extinction des ducs de SaxeLauenbourg, le duc de Brunswick-Lunebourg s’empare du duché de Lauenbourg et du petit comté de Ratzebourg (avec la ville).
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Allemagne En 1692, le duc de Brunswick-Lunebourg achète à l’empereur Léopold le titre électoral et, en 1708, l’électeur Georges-Louis de Hanovre devient architrésorier de l’Empire. En 1714, l’électeur Georges-Louis devient le roi Georges Ier d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande ; dès lors le Hanovre, privé de son souverain, va tendre progressivement à devenir une annexe continentale de la Grande-Bretagne, tout en restant officiellement distinct (union personnelle). En 1719, à la paix de Stockholm, le Hanovre reçoit de la Suède le duché de Brême (avec le landgraviat de Wildeshausen) et la principauté de Verden, tous deux anciens évêchés sécularisés en 1648. En 1731, l’électeur acquiert le pays de Hadeln, ancienne enclave du duché de Lauenbourg dans le duché de Brême. Enfin, en 1753, le comte de Bentheim engage son comté, pour raisons financières, à l’électeur de Hanovre pour trente ans. En 1783, à l’issue de ce délai, le comte de Bentheim n’ayant pas satisfait à ses obligations financières, le comté de Bentheim est annexé à l’électorat de Hanovre.
18. Brunswick-Wolfenbuttel Le duché de Brunswick-Wolfenbuttel se constitue lorsque l’antique maison des Guelfes (Welf) partage en 1569 ses domaines entre deux lignes : l’aînée (Henri de Danneberg), qui reçoit ce duché, la cadette (Guillaume de Celle) connue sous le nom de Brunswick-Lunebourg, qui reçoit des domaines qui formeront plus tard le Hanovre (voir supra). En 1671, la branche aînée cède le Danneberg à sa cadette et, dès lors, le duché de BrunswickWolfenbuttel prend sa configuration définitive.
19. Lippe Depuis le XIIe siècle entre les mains de la maison comtale de ce nom, le comté de Lippe, situé dans le bassin moyen du Weser, est devenu principauté en 1720. En 1640 s’est éteinte la maison comtale de Schaumbourg et le comté du même nom, voisin de la Lippe, s’est trouvé en 1647 partagé par moitié entre le landgrave de Hesse-Cassel (cercle de Schaumbourg, avec Rinteln) et une branche cadette des Lippe (comté de Schaumbourg, avec Buckebourg et Stadthagen), le comté étant placé sous la suzeraineté du landgrave de Hesse-Cassel.
20. Waldeck Les comtes de Waldeck possèdent dès le XIIe siècle trois comtés : Waldeck, Schwalenberg et Pyrmont. Perdant définitivement Schwalenberg au XIVe siècle, temporairement Pyrmont au XVe siècle, ils doivent en 1438 reconnaître la suzeraineté des landgraves de Hesse pour Waldeck, mais recouvrent Pyrmont en 1623. Le comté de Waldeck est élevé en 1682 au rang de principauté.
21. Hesse Après avoir fait partie du duché de Franconie, puis être devenue possession des landgraves de Thuringe, la Hesse échoit en 1263 à Henri Ier, fils de la duchesse Sophie de Brabant, laquelle l’a reçue en partage des domaines de son défunt frère, le dernier landgrave Henri Raspon, mort sans descendance (voir supra). Henri prend le titre de landgrave Henri Ier de Hesse, et fonde la maison de Hesse. Les domaines de la maison de Hesse, partagés en 1458 en Hesse inférieure et Hesse supérieure, sont réunis dans une même main au XVIe siècle par le landgrave Philippe le Magnifique. À sa mort en 1567, le patrimoine est partagé entre ses fils, fondateurs de quatre lignes : Cassel (Basse-Hesse, Ziegenhain), Marbourg (Haute-Hesse, Nidda), Rheinfels (Bas-Catzenellenbogen), Darmstadt (Haut-Catzenellenbogen). La ligne de Rheinfels s’éteint en 1583, celle de Marbourg en 1604 et leurs possessions sont partagées entre les deux autres lignes. Dès la fin du XVIe siècle, le landgrave de HesseCassel acquiert des parcelles des comtés de Hoya (1582) et de Diepholz (1584) ; il hérite de la seigneurie de Schmalcalde (1583) à l’extinction de la maison comtale de Henneberg. En 1622, le landgrave de Hesse-Darmstadt cède à son frère puîné la seigneurie de Hombourg, érigée en landgraviat de Hesse-Hombourg. En 1640, à l’extinction de la maison de Schaumbourg, le landgrave de Hesse-Cassel acquiert la moitié du comté de Schaumbourg et oblige le comte de Lippe à le tenir pour suze-
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Les États existants rain de l’autre moitié acquise par lui-même. En 1648, aux traités de Westphalie, le landgrave de Hesse-Cassel reçoit l’abbaye de Hersfeld et quelques bailliages de l’évêché de Munster. En 1736 s’éteint sans descendance le dernier comte de Hanau, qui régnait sur les terres de Hanau-Muzenberg et de Hanau-Lichtenberg (réunies en 1642). Depuis 1642, la HesseCassel avait obtenu l’expectative du comté de Hanau en cas d’extinction de sa maison ; d’autre part, le landgrave Louis V de Hesse-Darmstadt avait épousé la fille du dernier comte. Les domaines de Hanau sont partagés entre les deux lignes : la Hesse-Cassel reçoit le Hanau-Muzenberg (Hanau) et la Hesse-Darmstadt hérite du Hanau-Lichtenberg (Lichtenberg, Pirmasens, Wildstett-en-Ortenau). En 1746, la Hesse-Cassel acquiert l’ancienne ville libre de Gelnhausen.
22. Nassau La maison de Nassau remonte au début du Xe siècle. Son patrimoine, qui s’étend principalement en Allemagne centrale, dans la région de Hesse, est partagé en 1255, à la mort du comte Henri le Riche, entre ses deux fils Walram et Othon, ancêtres des deux lignes encore régnantes en 1789. a) Ligne aînée, ou walramienne Aux possessions primitives de cette ligne (Wiesbaden, Weilbourg, Idstein) s’ajoutent au XIVe siècle Sarrebruck, au XVe siècle Usingen et Sarrewerden. Les descendants de Walram se partagent le patrimoine commun, qui est réuni en 1605 (comte Louis II) puis de nouveau divisé entre les rameaux de Sarrebruck, d’Idstein et de Weilbourg. Le rameau de NassauSarrebruck se divise lui-même en 1640 en trois branches d’Usingen, Sarrebruck et Ottweiler. En 1721 s’éteignent les rameaux d’Idstein et d’Ottweiler. b) Ligne cadette, ou othonienne (ou oranienne) Les descendants d’Othon ont pour patrimoine commun les terres de Dillenbourg, Dietz, Siegen, Hadamar, Butstein, Nassau et Ems. En 1544, la ligne othonienne acquiert la principauté d’Orange, sur le Rhône. L’ensemble est réuni en une seule main par Guillaume le Vieux, mais à sa mort (1559) le patrimoine est de nouveau partagé entre ses fils Guillaume le Jeune (« le Taciturne ») et Jean. Guillaume reçoit la principauté d’Orange, à laquelle se rattachent des biens situés dans les Pays-Bas, en Franche-Comté (avec la suzeraineté sur Neuchâtel), et les comtés westphaliens de Lingen et de Meurs. Jean reçoit les terres nassoviennes. En 1702, à la mort sans postérité de Guillaume III, descendant du Taciturne et roi d’Angleterre, le roi Frédéric Ier de Prusse s’empare de Lingen et de Meurs, tandis que Louis XIV fait de même pour la principauté d’Orange et les seigneuries franc-comtoises. L’héritier nassovien de Guillaume III, Jean-Guillaume de Nassau-Dietz, ne recueille que les seigneuries bataves et le titre de prince d’Orange. Les rameaux qu’ont formés les descendants de Jean s’éteignent peu à peu : Hadamar en 1711, Dillenbourg en 1739, Siegen en 1743 ; à cette date, le rameau de Nassau-Dietz, seul survivant, réunit une nouvelle fois l’ensemble des possessions allemandes et bataves de la ligne othonienne. En 1747, son représentant Guillaume IV devient stathouder héréditaire des Provinces-Unies et cette dignité semi-monarchique rend la ligne othonienne de moins en moins allemande et de plus en plus batave.
23. Arenberg Aux anciens burgraves d’Arenberg succèdent au XVe siècle les comtes de la Marche, puis en 1547 les seigneurs de Barbançon-Ligne qui sont, en 1576, faits princes de l’Empire. En 1612 est fondée la maison d’Arenberg. En 1644, la principauté est érigée en duché d’Arenberg.
24. Salm La famille des anciens comtes de Salm se divise au XIe siècle en deux branches. La branche aînée possède le comté supérieur de Salm, dans les Vosges, la branche puînée le comté inférieur, dans le Luxembourg. La branche puînée se perpétue au cours des siècles en se divisant en quatre rameaux : – Salm-Reifferschiedt-Bedbur, qui possède le comté (médiat) de Reifferschiedt, sous la suzeraineté de l’archevêque de Cologne, et la seigneurie immédiate de Bedbur ;
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Allemagne – Salm-Reifferschiedt, qui possède le comté (médiat) de Salm, dans le Luxembourg ; – Salm-Reifferschiedt-Dyck, qui possède la seigneurie immédiate de Dyck ; – Salm-Reifferschiedt-Hainspach, qui possède la seigneurie de Hainspach, en Bohême. La branche aînée s’éteint au XVIe siècle. Le comté supérieur de Salm (dans les Vosges) demeure alors indivis entre deux héritières, dont l’une porte sa part dans la maison de Lorraine, et l’autre la sienne dans celle des wild- et rhingraves. Les wild- et rhingraves sont issus de deux familles très anciennes de Rhénanie, celle des wildgraves, éteinte au XVe siècle, et celle des rhingraves, qui devient wild- et rhingraves puis, après le cohéritage, wild- et rhingraves de Salm. Cette famille se divise ultérieurement en quatre rameaux : Salm-Salm, Salm-Kyrbourg, wild- et rhingraves de Grumbach, wild- et rhingraves de Rheingrafenstein. Les principales possessions de cette famille sont les suivantes : la principauté de Salm (le comté supérieur de Salm) dans les Vosges ; le bailliage de Kyrbourg, sur la Nahe ; le comté de Rheingrafenstein, sur la Nahe ; le bailliage de Grumbach, sur la Glan ; divers bailliages dans le Hundsruck ; le comté d’Anholt, en Westphalie (sur rive droite du Rhin). S’y ajoutent des terres médiates aux Pays-Bas et en Lorraine.
25. Mayence Vieille ville romaine, devenue en 742 siège archiépiscopal lors de l’accession de saint Boniface à la dignité d’archevêque, patrie de Gutenberg, dotée d’une université, Mayence occupe une place éminente dans l’histoire de l’Allemagne. L’archevêque de Mayence est le premier des électeurs, il assure le vicariat de l’empereur lors des vacances impériales, il couronne les empereurs, il est primat de Germanie et archichancelier d’Allemagne.
26. Cologne Vieille ville romaine, chef-lieu de la Germanie inférieure, Cologne devient siège d’un archevêché en 785. Ville impériale dès 957, elle s’affranchit complètement de la tutelle de son archevêque au XIVe siècle. Celui-ci doit alors quitter la ville, et une principauté électorale est constituée en 1357. L’archevêque-électeur de Cologne est archichancelier d’Italie.
27. Trèves Vieille ville romaine, chef-lieu de la Belgique Ire, puis du diocèse des Gaules, après le partage de Dioclétien, Trèves devient siège d’un archevêché au VIIIe siècle, électoral en 870. L’archevêque-électeur de Trèves est archichancelier de Gaule.
28. Salzbourg et Berchtesgaden Ancienne colonie romaine, l’évêché de Salzbourg est élevé au rang d’archevêché dès la fin du VIIIe siècle. En 1278, l’archevêque devient prince du Saint Empire ; il siège au premier rang du banc ecclésiastique du collège des princes de la diète de Ratisbonne. La fondation de la prévôté de Berchtesgaden date du début du XIIe siècle.
29. Wurtzbourg L’érection de Wurtzbourg en évêché est, en 741, l’œuvre de saint Boniface. Une importante université y est fondée en 1582.
30. Villes hanséatiques On nomme communément villes hanséatiques les trois villes libres impériales de Lubeck, de Hambourg et de Brême. Ces villes portuaires de l’Allemagne septentrionale représentent au XVIIIe siècle les derniers vestiges de la célèbre Ligue hanséatique du Moyen Âge. Cette Ligue marchande, apparue au XIIIe siècle à partir de l’alliance de 1241 entre Lubeck et Hambourg, finit par grouper à son apogée, vers 1400, plus de quatre-vingts villes réparties en quatre quartiers : occidental ou du Rhin (chef-lieu Cologne), saxon (chef-lieu Brunswick), wende (chef-lieu Lubeck), oriental ou prussien (chef-lieu Dantzig). Lubeck en est le chef-lieu général, où se tiennent le plus souvent les diètes de la Ligue. La Ligue hanséatique, qui contrôle le commerce de l’Europe du Nord, dispose de nombreux établissements extérieurs, comme ceux de Londres, de Bruges, de Bergen ou de
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Les États existants Novgorod. L’émergence d’États forts et décidés à s’affranchir de sa tutelle commerciale la fait peu à peu décliner et, en 1630, la plupart des villes membres s’en retirent. C’est alors que les trois villes de Hambourg, de Brême et de Lubeck concluent une ligue séparée qui se perpétue en 1789 ; aussi l’habitude est-elle prise de les désigner sous le nom de villes hanséatiques.
31. Autres États L’Allemagne compte de nombreux autres États qui ne sont pas cités ici, car ceux qui subsistent encore en 1789 sont quasi tous voués à disparaître définitivement entre 1803 et 1809, et ne joueront donc aucun rôle dans l’histoire de l’Allemagne de 1789 à nos jours : le lecteur en trouvera trace dans la partie « États disparus » et, pour 1789, la liste à l’annexe Saint Empire.
II. L’Allemagne en 1789. Situation des différents États 1. Autriche Voir chapitre Autriche. 2. Prusse Le royaume de Prusse est devenu, à la fin du XVIIIe siècle, une véritable puissance qui compte sur la scène européenne. Par l’étendue de ses États, par la valeur de son armée, par le pragmatisme de son esprit, le roi de Prusse intervient avec succès dans les affaires de l’Europe en général et notamment dans celles du Saint Empire, où il entend disputer à l’Autriche sa suprématie. La Prusse est animée des plus hautes ambitions dans l’étendue de sa puissance ; elle règne sur un domaine contrasté, groupant des sujets allemands et des peuples allogènes ; elle est enfin un corps politique complexe, juxtaposant des provinces d’Empire et des provinces extérieures à celui-ci. Les rois de Prusse entendent forger un État homogène, doté d’une administration moderne et assorti de la liberté religieuse ; s’agissant de la politique allemande, là où l’Autriche entend maintenir, la Prusse aspire à conquérir. Cet esprit de conquête qui anime la Prusse n’échappe pas aux yeux des observateurs de l’époque ; d’aucuns (Mably) la comparent à la Macédoine de Philippe convoitant la Grèce. Mais les beaux esprits de l’Europe éclairée la considèrent d’une tout autre façon ; par la tolérance religieuse érigée en système, par l’accueil chaleureux aux émigrés fuyant leurs pays, par la volonté de moderniser les institutions, par les amabilités de son roi aux philosophes, la Prusse est parée de toutes les vertus ; et la personnalité aussi exceptionnelle qu’ambiguë de son illustre souverain Frédéric II le Grand — disparu en 1786 —, monarque absolu, conservateur social mais ami des arts et des lettres, modèle du despote éclairé, contribue pour beaucoup à la faveur dont jouit la Prusse dans l’esprit du temps. Le royaume de Prusse est un vaste pays s’étendant généralement sur des régions plates, du bassin de l’Elbe à celui du Memel (Niémen) ; seules quelques franges du pays confinent aux régions de montagnes : Monts des Géants pour la Silésie, Harz pour le Halberstadt. Le pays est en majeure partie voué à l’agriculture, pratiquée dans un cadre social traditionnel (rôle des junkers). Toutefois, la ville de Berlin, vivifiée par les huguenots français, et les pays prussiens de la région rhénane (Clèves, Gueldre, Marck) sont déjà d’importants foyers de commerce et d’industrie. Le roi Frédéric-Guillaume II règne en 1789 sur un domaine de 190 000 km2 peuplé de 5 700 000 habitants, ainsi réparti : Pays du Saint Empire (116 000 km2, 4 millions d’âmes) a) Pays du bloc principal : – Marche électorale de Brandebourg (Berlin), subdivisée en Vieille Marche (Stendorf), Marche citérieure ou Prignitz (Perleberg), Marche moyenne (Berlin), Marche uckéranienne (Prenzlau), Nouvelle Marche (Custrin) ; – duché de Poméranie (Stettin), subdivisé en Poméranie citérieure (Stettin) et Poméranie ultérieure (Stargard) ;
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Allemagne – principauté de Cammin ; – duché de Silésie (Breslau), subdivisé en Basse-Silésie (Breslau) et Haute-Silésie (Ratibor) ; – duché de Magdebourg, ancien archevêché sécularisé ; – principauté de Halberstadt, ancien évêché sécularisé ; et, légèrement séparés : – cercles de Cottbus et de la Saale ; – moitié orientale, avec la ville, du comté de Mansfeld ; – part prussienne du comté de Hohenstein. Le roi est par ailleurs suzerain de quelques duchés en Silésie, parmi lesquels le duché d’Œls appartient à une branche cadette des Wurtemberg ; il est aussi suzerain du comté de Wernigerode (aux Stolberg-Wernigerode). b) Pays dispersés de l’Allemagne occidentale : – dans le bassin du Weser : principauté (ancien évêché) de Minden et comté de Ravensberg ; – dans le bassin de l’Ems : principauté d’Ostfrise (Aurich), comtés de Lingen et de Tecklembourg ; – dans le bassin du Rhin : duchés de Clèves et de Gueldre (Crefeld), principauté de Meurs, comté de la Marck (Hamm) avec la cosouveraineté sur Lippstadt (partagée avec le prince de Lippe-Detmold). Pays extérieurs au Saint Empire (74 000 km2, 1,7 million d’âmes) – duché de Prusse occidentale (Elbing) ; – duché de Prusse orientale (Kœnigsberg) ; – district de la Netze (Bromberg) ; – seigneuries de Tauroggen, en Samogitie, et de Serrey, en Lituanie ; – principauté de Neuchâtel, pour laquelle le roi de Prusse est l’allié de la Confédération helvétique. En dehors de son titre électoral, le roi de Prusse détient six voix (Magdebourg, Halberstadt, Poméranie ultérieure, Minden, Cammin, Ostfrise) au banc laïque du collège des princes de la diète de Ratisbonne. Il détient deux voix (Magdebourg, Halberstadt) dans le cercle de Basse-Saxe, quatre voix (Minden, Ostfrise, Meurs, Tecklembourg) dans celui de Westphalie, deux voix (Poméranie ultérieure, Cammin) dans celui de Haute-Saxe, plus la voix partagée de Hohenstein.
3. Palatinat-Bavière et Deux-Ponts L’électorat de Palatinat-Bavière se compose depuis 1777 de la réunion des deux anciens électorats, le palatin et celui de Bavière, vaste ensemble couvrant 56 000 km2 et peuplé d’environ 2 100 000 habitants. S’y ajoute le petit duché de Deux-Ponts-Birkenfeld, où règne un rameau cadet de la branche palatine, qui couvre 3 000 km2 pour environ 140 000 habitants, dans le massif montagneux du Palatinat, entre Sarre et Nahe. La Bavière est un État important de l’Allemagne méridionale, situé dans le haut bassin du Danube dont elle occupe une grande surface entre les crêtes des Alpes noriques au sud et du massif du Bœhmerwald au nord-est. Contrée de montagnes au sud, de forêts au nord, au climat tempéré, elle est propice à l’agriculture et au commerce (nombreuses cités actives) et riche en mines. Bastion du catholicisme, elle joue depuis le Moyen Âge un rôle essentiel dans l’histoire de l’Allemagne. Le Palatinat du Rhin (ou Bas-Palatinat), très morcelé, est situé dans le bassin du Rhin au nord de l’Alsace et de la Lorraine. Région d’agriculture et de vignes, située sur les axes majeurs du commerce, le Palatinat du Rhin possède des villes d’étape (Mannheim) ou de culture (Heidelberg).
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Les États existants La situation territoriale de l’ensemble Palatinat-Bavière et Deux-Ponts est la suivante : a) Palatinat Palatinat du Rhin (Mannheim, Heidelberg), principautés de Lautern, de Simmern et de Veldenz, partie des comtés de Sponheim et d’Erbach, duchés de Juliers et de Berg, seigneuries de Ravenstein, de Wynnendal, de Saint-Michel-Gestel, de Bergen-op-Zoom, de Staufenehrenfels, de Ribeaupierre, de la Petite-Pierre, principautés de Neubourg et de Sulzbach en Franconie (ces deux principautés souvent dénommées Jeune Palatinat). b) Bavière Haute-Bavière (Munich), Basse-Bavière (Landshut), Haut-Palatinat (Amberg), landgraviat de Leuchtenberg, seigneuries de Haag, de Wiesensteig (enclavée en Wurtemberg), de Mindelheim (enclavée en pays d’Augsbourg), de Hohenwaldeck, de Breiteneck, d’Obersulzbourg, etc. c) Deux-Ponts-Birkenfeld Duché de Deux-Ponts et Birkenfeld, principautés de Bischwiller et de Lautereck, partie du comté de Sponheim. Au collège des princes, l’électeur a six voix (Lautern, Simmern, Veldenz, Neubourg, Bavière, Leuchtenberg), le duc de Deux-Ponts deux (Deux-Ponts, Lautereck). Au banc laïque du cercle de Bavière, l’électeur dispose de neuf voix (Neubourg, Sulzbach, Staufenehrenfels, Bavière, Leuchtenberg, Haag, Obersulzbourg, Hohenwaldeck, Breiteneck). Au banc des princes laïques du cercle du Haut-Rhin, l’électeur dispose de deux voix (Simmern, Lautern) et le duc de Deux-Ponts de trois voix (Deux-Ponts, Veldenz, Lautereck). Dans le cercle de Westphalie, l’électeur palatin dispose d’une voix (Juliers). Dans celui du Bas-Rhin, il dispose d’une voix (Palatinat électoral). L’électeur Charles-Théodore étant sans postérité, l’ensemble Palatinat-Bavière doit, à sa mort, revenir au duc de Deux-Ponts, Maximilien-Joseph.
4. Wurtemberg Le duché de Wurtemberg est l’un des États moyens du Saint Empire, le plus important de la région de Souabe. Il s’étend sur le bassin du haut Neckar. C’est un pays montagneux, bordé par la Forêt-Noire et les plateaux séparant les bassins du Rhin et du Danube. L’agriculture et l’élevage y sont développés ; l’artisanat, l’extraction minière et le commerce y prospèrent également ; le duché renferme la vieille université de Tubingue. En 1789, les États du duc de Wurtemberg, à peu près inchangés depuis trois siècles, couvrent 10 500 km2 pour une population de l’ordre de 600 000 habitants. Ils se répartissent ainsi : – le duché de Wurtemberg (9 500 km2 et 560 000 sujets), presque entièrement d’un seul tenant (Stuttgart, Ludwigsbourg, Tubingue, Urach, Calw, Freudenstadt) avec quelques enclaves extérieures : Hornberg (dans le Brisgau), Heidenheim (entre Ulm, Neubourg et Œttingen), Albstadt (entre Hohenzollern et Hohenberg), etc. Le duché est grevé de quelques exclaves : villes libres d’Esslingen, Reutlingen et Weil, territoires équestres, etc. ; – les annexes du duché (1 000 km2 et 40 000 sujets) : – la principauté de Montbéliard, terre du Saint Empire sur le haut Doubs, enclavée entre Franche-Comté et Alsace françaises ; – les quatre seigneuries comtoises de Blamont, Clémont, Héricourt et Châtelot, pour lesquelles le duc est vassal du roi de France (comte de Bourgogne) ; – les deux seigneuries alsaciennes de Horbourg et de Reichenweiher (Riquewihr), pour lesquelles le duc est également vassal du roi de France. Enfin, le duché d’Œls (1 800 km2 et 50 000 âmes), en Silésie, est toujours possession d’une branche cadette de la maison de Wurtemberg, sous la suzeraineté du roi de Prusse. Le duc de Wurtemberg dispose de deux voix (Wurtemberg, Montbéliard) au banc laïque du collège des princes de la diète de Ratisbonne. Il détient aussi deux voix (Wurtemberg, Justingen) dans le cercle de Souabe et une voix (Welzheim) dans celui de Franconie.
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Allemagne 5. Bade Le margraviat de Bade est un pays du Saint Empire, cercle de Souabe, compris entre Rhin et Forêt-Noire, bordé au nord par l’évêché de Spire, à l’est et au sud par le duché de Wurtemberg. C’est un pays de riche agriculture en plaine rhénane (vignes), de pâturages et de forêts en montagne, doté d’eaux abondantes qui font dès le XVIIIe siècle la renommée de la ville de Bade ; l’artisanat y est aussi fort développé (horloges et bois de Forêt-Noire). Le margraviat couvre 3 600 km2 et est peuplé de près de 200 000 habitants. Sur le plan territorial, le margraviat de Bade se présente ainsi : a) margraviat de Bade-Bade : – margraviat moyen ou de Bade : Bade, Rastadt (résidence de l’ancien margrave), Steinbach, Gernsbach ; – enclaves de Kehl et de Mahlberg ; – moitié du comté de Sponheim (Birkenfeld, Kirchberg), dans le cercle du Haut-Rhin, en trois parcelles ; – seigneurie de Grafenstein, dans le Palatinat ; – seigneuries du Luxembourg (Rodemachen, Hespringen) et d’Alsace (Benheim), dans le cercle du Haut-Rhin. b) margraviat de Bade-Durlach : – margraviat inférieur ou de Durlach : Durlach, Carlsruhe (résidence du margrave), Pforzheim ; – margraviat supérieur ou de Hochberg, en deux morceaux : Hochberg proprement dit (Emmendingen) et seigneurie de Rotteln (Muhlheim, Lœrrach, Badenweiler). Au banc laïque du collège des princes de la diète impériale, le margrave de Bade dispose de trois voix (Bade, Durlach, Hochberg). Dans le cercle du Haut-Rhin, il dispose d’une voix (Sponheim) au banc des princes laïques. Dans le cercle de Souabe, il dispose de trois voix (Bade, Durlach, Hochberg) au banc des princes laïques et d’une voix (Eberstein) à celui des comtes et seigneurs.
6. Hohenzollern Les principautés de Hohenzollern sont deux petits États de l’Allemagne méridionale, cercle de Souabe, situés sur les hauts bassins du Neckar et du Danube. Ce sont des régions de montagnes et de forêts généralement peu propices à l’agriculture, à l’écart des voies de communication ; seule la ville de Sigmaringen sur le Danube bénéficie d’une certaine activité de commerce et d’artisanat. Les deux maisons, demeurées catholiques contrairement à la ligne cadette de Franconie, règnent encore en 1789 sur des domaines ainsi politiquement répartis : – principauté de Hohenzollern-Hechingen : comté de Hechingen, avec le château ancestral de Hohenzollern ; elle est centrée sur la vallée de la Starzel, affluent du haut Neckar ; le prince de Hechingen possède des droits à Liège ; – principauté de Hohenzollern-Sigmaringen : comtés de Sigmaringen et de Vœhringen, centrés sur la Lauchart, affluent du haut Danube ; comté de Haigerloch et seigneurie de Glatt, centrés sur les vallées de l’Eyach et de la Glatt, affluents du haut Neckar ; la principauté de Sigmaringen se trouve ainsi constituée de deux blocs séparés par celle de Hechingen ; le prince de Sigmaringen possède des domaines médiats dans le cercle de Bourgogne. Les deux princes de Hohenzollern disposent chacun d’un siège au banc des princes laïques du cercle de Souabe ; ils se partagent une voix commune au banc laïque du collège des princes de la diète de Ratisbonne.
7. Furstenberg La principauté de Furstenberg est l’un des nombreux petits États de l’Allemagne méridionale, cercle de Souabe ; elle est située en majorité dans le haut bassin du Danube. Elle regroupe des territoires morcelés, tous situés en région de montagnes et de forêts peu
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Les États existants propices à l’agriculture, à l’écart des voies de communication, exception faite du Danube ; seule la capitale, Donaueschingen, résidence des princes, bénéficie d’une activité notable de commerce et d’artisanat. L’ensemble de la principauté compte de l’ordre de 70 000 habitants et se répartit ainsi : – le landgraviat de Baar, sur le haut Danube, le territoire le plus étendu, avec le château ancestral de Furstenberg et la capitale Donaueschingen ; il est affecté de l’enclave brisgovienne de Brauenlingen ; – le landgraviat de Stuhlingen, bordant la rive droite de la Wutach, affluent du Rhin (la rive gauche est au canton suisse de Schaffhouse) ; – la seigneurie de Hœwen, chef-lieu Engen, jouxtant le landgraviat autrichien de Nellembourg ; – le comté de Heiligenberg, au nord-est du lac de Constance ; – la seigneurie de Mœskirch, sur rive droite du Danube ; – les seigneuries de Jungenau, Trochtelfingen et Neufra, ainsi que la baronnie de Gundelfingen, le tout sur rive gauche du Danube : – la seigneurie de Hausen, chef-lieu Wolfach, sur la Kinzig, affluent de rive droite du Rhin. Le prince de Furstenberg possède également des terres médiates en Bohême. Il dispose d’un siège au banc laïque du collège des princes de la diète impériale de Ratisbonne, plus une fraction du siège des comtes de Souabe pour la voix curiale de Heiligenberg. Dans le cercle de Souabe, il dispose d’un siège (Heiligenberg) au banc des princes laïques et de deux sièges (Stuhlingen et Gundelfingen) au banc des comtes et seigneurs.
8. La Tour-et-Taxis Le prince de La Tour-et-Taxis, outre sa charge héréditaire de grand maître des postes de l’Empire, possède le comté princier de Scheer, sur le haut Danube, composé des seigneuries de Scheer, Friedberg, Durmentingen et Buss, sur ou à proximité du Danube, et des seigneuries d’Eglingen, Dischingen et Balmershofen, situées au nord de Dillingen (région de Neubourg). Le prince dispose d’une voix au banc laïque du collège des princes de la diète impériale, ainsi que d’une voix au banc des princes laïques du cercle de Souabe.
9. Bayreuth et Anspach Les margraviats de Brandebourg-Anspach et de Brandebourg-Bayreuth, réunis depuis 1769, forment un État moyen du Saint Empire d’environ 7 000 km2 et 400 000 habitants. Cet État est situé dans la région de Franconie, en Allemagne centrale, région de moyennes montagnes, de forêts, pourvue d’un climat tempéré. L’ensemble des domaines du margrave d’Anspach-Bayreuth est donc en 1789 le suivant : – le margraviat de Bayreuth, composé d’un pays principal (Bayreuth, Culmbach, Hof) compris entre Saxe électorale, Bohême, Bavière, Bamberg et Reuss, d’un pays secondaire (Neustadt-sur-l’Aisch) situé au nord du margraviat d’Anspach, des enclaves de Neustadt, d’Erlangen, de Lauenstein et de celle de Caulsdorf, plus au nord et très isolée en Thuringe ; entre le margraviat et le territoire bavarois de Waldsassen s’insinue la petite enclave autrichienne (bohémienne) de Redwitz ; – le margraviat d’Anspach, composé d’un pays principal (Anspach, Furth, Schwabach) compris entre les villes libres de Nuremberg et de Rothenbourg, les évêchés d’Eichstædt et de Bamberg, les comtés de Limpourg et d’Œttingen, et de l’enclave d’Uffenheim au nord de Rothenbourg ; – le comté de Sayn-Altenkirchen, très éloigné des margraviats et situé sur la rive droite du Rhin entre les terres de Nassau, de Wied, de Berg et de Cologne ; il s’agit d’une partie de l’ancien comté de Sayn, partagé avec la maison de Kirchberg. Les deux margraviats font partie du cercle de Franconie, où le margrave détient deux voix (Culmbach-Bayreuth, Anspach) au banc des princes laïques, tandis que le comté de Sayn fait partie du cercle de Westphalie, où le margrave dispose d’une voix. À la diète de Ratisbonne, le margrave dispose de deux voix viriles pour ses margraviats au banc laïque du collège des princes ; il est aussi représenté par la voix curiale des comtes de Westphalie.
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Allemagne 10. Saxe électorale L’électorat de Saxe est l’un des grands États du Saint Empire, situé dans l’Allemagne septentrionale. Couvrant 40 000 km2 pour une population d’environ 2 500 000 habitants, il s’étend sur le versant nord de la chaîne de l’Erzgebirge, qui le sépare de la Bohême, et sur la grande plaine située plus au nord, jusqu’à la Silésie à l’est, au Brandebourg au nord et à la Thuringe à l’ouest, dans laquelle l’électorat de Saxe pénètre profondément. Il couvre ainsi le bassin moyen de l’Elbe. Cet État est très prospère sur le plan agricole, riche en mines dans l’Erzgebirge, et dispose de productions artisanales variées (livres, porcelaines, etc.). Les villes principales, telles Leipzig ou Dresde, sont d’actifs centres de commerce ; de plus, Leipzig héberge une ancienne université. En 1789, la situation territoriale de la Saxe électorale est la suivante : a) dans le cercle de Haute-Saxe : – les États héréditaires : duché de Saxe, margraviat de Misnie, partie septentrionale du landgraviat de Thuringe, Voigtland, comté de Barby, principauté de Querfurt, le tout représentant 1 500 000 sujets. Ces pays ont été divisés en sept cercles : cercle électoral (Barby, Wittenberg, Querfurt, Dahme), de Thuringe (Weissenfels, Sangerhausen, Langensalza), de Misnie (Dresde, Meissen, Torgau), de Leipzig (Leipzig), de l’Erzgebirge (Freiberg, Chemnitz, Annaberg, Zwickau), du Voigtland (Plauen) et de Neustadt (Neustadt, Weida) ; – les anciens évêchés de Mersebourg et de Naumbourg-Zeitz, représentant de l’ordre de 500 000 sujets ; – moitié occidentale du comté de Mansfeld ; de plus, l’électeur de Saxe jouit de la suzeraineté sur les comtés de Schœnbourg et de Stolberg (ce dernier appartenant au comte de Stolberg-Wernigerode, le Wernigerode étant sous suzeraineté prussienne) ; b) dans le cercle de Franconie : la part albertine du comté de Henneberg (Schleusingen, Suhl), représentant de l’ordre de 20 000 sujets ; c) hors des cercles, du fait de leur origine bohémienne : les margraviats de Haute-Lusace (Bautzen, Lœbau, Zittau, Gœrlitz) et de Basse-Lusace (Luckau, Guben), représentant de l’ordre de 430 000 sujets. L’électeur de Saxe dispose de trois voix (Saxe, Querfurt, Barby) dans le cercle de HauteSaxe et d’une voix (Henneberg) dans celui de Franconie. À la diète de Ratisbonne, outre son titre électoral, il partage une voix dans le collège des princes avec les autres héritiers du comté de Henneberg (Hesse-Cassel et Saxe-Meiningen).
11. Thuringe La Thuringe est une région montagneuse d’Allemagne centrale située sur les bassins supérieurs de la Werra, de l’Unstrut, de la Saale et de l’Elster blanche, entre les bassins de l’Elbe et du Main. Ce qu’il est convenu d’appeler États de Thuringe proprement dits consiste en douze États provenant de trois maisons : Saxe ducale, Reuss et Schwarzbourg. S’y ajoutent divers territoires appartenant à des États allemands extérieurs à la Thuringe. Tous ces États ou territoires font partie du Saint Empire. Il s’agit d’une région de grand morcellement territorial qui, par suite de son éloignement des zones de bouleversements politiques du XIXe siècle, conservera sa structure émiettée jusqu’au début du XXe siècle. a) Maison ducale (ou ernestine) de Saxe Elle compte cinq duchés dont les souverains sont tous membres de la branche ducale (aînée ou ernestine) de la maison de Wettin, dont la branche électorale (cadette ou albertine) règne à Dresde sur la Saxe électorale. L’ensemble de la Saxe ducale représente de l’ordre de 8 000 km2 et 400 000 sujets, ainsi répartis : – le duché de Saxe-Weimar-Eisenach, qui se compose des duchés de Weimar et d’Eisenach, des enclaves d’Allstædt, Ilmenau, Odisleben, Ostheim et Zillbach ;
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Les États existants – le duché de Saxe-Gotha-Altenbourg, qui se compose des duchés de Gotha et d’Altenbourg, des bailliages de Roda et de Cambourg, des enclaves de Cœrner, Nazza, Neukirchen, Roschutz et du Haut-Cranichfeld ; – le duché de Saxe-Hildbourghausen, qui se compose du duché d’Hildbourghausen et de l’enclave de Sonnefeld ; – le duché de Saxe-Cobourg-Saalfeld, qui se compose du duché de Cobourg, des bailliages de Saalfeld et de Themar et de l’enclave de Kœnigsberg ; – le duché de Saxe-Meiningen, qui se compose du duché de Meiningen et des bailliages de Sonneberg et de Rœmhild. Les cinq duchés font partie du cercle de Haute-Saxe, où ils disposent de cinq voix (Weimar, Eisenach, Cobourg, Gotha, Altenbourg), de même qu’à la diète de Ratisbonne ; fait exception le duché de Meiningen, qui fait partie du cercle de Franconie où le duc dispose d’une voix virile ; à la diète de Ratisbonne, il partage une voix (Henneberg) avec l’électeur de Saxe et le landgrave de Hesse-Cassel. b) Maison de Schwarzbourg Les États de cette maison se répartissent géographiquement en Seigneurie supérieure (hautes vallées de la Saale et de l’Ilm) et Seigneurie inférieure (vallées de l’Unstrut et de la Wipper) séparée des autres États de Thuringe par le cercle saxon de Thuringe. Chacune de ces deux Seigneuries est en fait politiquement partagée entre les deux branches subsistantes, séparées depuis 1552, de la maison de Schwarzbourg : – la principauté de Schwarzbourg-Sondershausen, qui se compose du comté de Sondershausen, avec deux enclaves entre Eichsfeld mayençais et Hohnstein prussien, dans la Seigneurie inférieure et des enclaves d’Arnstadt, Gehren et Geschwenda dans la Seigneurie supérieure ; – la principauté de Schwarzbourg-Rudolstadt, qui se compose du comté de Rudolstadt dans la Seigneurie supérieure, du bailliage de Frankenhausen et des enclaves d’Immenroda et de Schloth dans la Seigneurie inférieure. Les deux principautés font partie du cercle de Haute-Saxe où les deux maisons possèdent une voix chacune ; elles disposent d’une voix commune à la diète de Ratisbonne. c) Maison de Reuss Les cinq États de cette maison, situés sur les cours supérieurs de la Saale et de l’Elster blanche, se subdivisent en deux branches, l’aînée et la cadette : – branche aînée : la principauté de Reuss-Greiz, qui se compose du comté de Greiz et du bailliage de Burgkh ; – branche cadette, en quatre comtés : Reuss-Gera ; Reuss-Schleiz, qui se compose du comté de Schleiz et de l’enclave de Triebes ; Reuss-Ebersdorf ; Reuss-Lobenstein. Enfin, les cinq États de Reuss font partie du cercle de Haute-Saxe, où ils disposent d’une voix commune ; à la diète de Ratisbonne, ils sont représentés par la voix curiale des comtes de Wettéravie. d) Autres domaines de Thuringe Parmi les territoires enclavés ou semi-enclavés dans les États de Thuringe, et faisant à ce titre géographiquement partie de la Thuringe, il convient de citer : – le cercle de Thuringe, celui de Neustadt et le bailliage de Suhl (Henneberg) appartenant à la Saxe électorale ; – le bailliage de Schmalcalde (Henneberg) appartenant à la Hesse-Cassel ; – le bailliage d’Erfurt et les enclaves de Blankenhain, du Bas-Cranichfeld et de Muhlberg appartenant à l’archevêché de Mayence ; – l’enclave de Caulsdorf, près de Saalfeld, appartenant au margrave de Bayreuth.
12. Anhalt Les quatre principautés d’Anhalt, appartenant à différentes branches de la même maison princière, forment un ensemble de 2 600 km2 et 100 000 sujets, compris dans le cercle de
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Allemagne Haute-Saxe du Saint Empire. Cet ensemble est bordé par la Saxe électorale, les provinces prussiennes de Magdebourg et d’Halberstadt et le comté de Mansfeld. Baigné par l’Elbe, la Mulde et la Saale, l’Anhalt comprend deux territoires principaux : la Basse Principauté à l’est, à cheval sur l’Elbe et, plus restreinte, la Haute Principauté à l’ouest, au pied du Harz. S’y ajoutent deux enclaves le long de l’Elbe dans le Magdebourg prussien, une enclave dans l’Halberstadt prussien, la seigneurie frisonne de Jever au nord de l’Oldenbourg, le comté de Holzappel et la seigneurie de Schaumbourg-sur-la-Lahn. Sur le plan politique, les quatre principautés sont les suivantes : – la principauté d’Anhalt-Zerbst, située dans le nord du territoire principal sur la rive droite de l’Elbe ; elle possède donc en outre la seigneurie de Jever ; le prince se trouve être le frère de l’impératrice Catherine II de Russie ; – la principauté d’Anhalt-Dessau, située dans l’est du territoire principal, baignée par l’Elbe et la Mulde ; – la principauté d’Anhalt-Cœthen, située au centre du territoire principal ; – la principauté d’Anhalt-Bernbourg, située dans l’ouest du territoire principal (Basse Principauté avec Bernbourg) et dans le territoire au pied du Harz (Haute Principauté avec Ballenstædt) ; un rameau cadet de cette branche, celui des Bernbourg-Schaumbourg, possède le comté de Holzappel et la seigneurie de Schaumbourg-sur-la-Lahn. Les quatre princes disposent d’une voix commune dans le cercle de Haute-Saxe, ainsi qu’au banc laïque du collège des princes de la diète impériale de Ratisbonne.
13. Poméranie suédoise La Poméranie suédoise, capitale Stralsund, est composée de la moitié septentrionale de la Poméranie citérieure — au nord de la Peene — et de l’île de Rugen ; lui sont rattachées l’île de Pœl et les enclaves côtières de Wismar et de Neukloster (dans le Mecklembourg) ; l’ensemble représente de l’ordre de 100 000 habitants. Le roi de Suède, au titre de la Poméranie, dispose d’une voix dans le cercle de Basse-Saxe, ainsi qu’au banc laïque du collège des princes de la diète impériale de Ratisbonne.
14. Mecklembourg Le Mecklembourg est un plat pays du nord de l’Allemagne, baigné par la mer Baltique, bordé par la Poméranie suédoise à l’est, le Brandebourg prussien au sud, le Lauenbourg hanovrien et la ville de Lubeck à l’ouest. Il s’agit d’un pays de landes et de lacs, qui s’adonne surtout à l’élevage en raison de sols peu favorables à la culture. Le port de Rostock, ancienne ville hanséatique, conserve une certaine activité commerçante et maritime. Politiquement, le Mecklembourg, terre d’Empire, est divisé en deux pays, appartenant à deux branches de la même maison : – le duché de Mecklembourg-Schwerin, comprenant les duchés de Schwerin et de Gustrow, ainsi que la seigneurie de Rostock, le tout d’un seul tenant ; en dépendent au sud les deux petites enclaves de Netzeband et de Schœnberg incluses dans le Brandebourg ; le duché est lui-même grevé de trois enclaves suédoises constituant la seigneurie de Wismar (Wismar, Neukloster, l’île de Pœl) ; – le duché de Mecklembourg-Strelitz, constitué de deux parties séparées par le Mecklembourg-Schwerin : à l’est la seigneurie de Stargard (Neustrelitz) et les bailliages de Mirow et Nemerow ; à l’ouest la principauté de Ratzebourg (Schœnberg), sans la ville de Ratzebourg elle-même (rattachée au Lauenbourg). Les deux duchés conservent en commun une assemblée d’États, une cour suprême et l’université de Rostock. Ils font tous deux partie du cercle de Basse-Saxe, où le duc de Mecklembourg-Schwerin dispose de deux voix (Schwerin, Gustrow) et celui de Mecklembourg-Strelitz d’une voix (Ratzebourg). Ces trois voix se retrouvent au banc laïque du collège des princes de la diète impériale de Ratisbonne. L’ensemble représente 15 000 km2 et de l’ordre de 350 000 habitants (12 000 km2 et 300 000 âmes pour le Mecklembourg-Schwerin, 3000km2 et 50 000âmes pour le Mecklembourg-Strelitz).
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Les États existants 15. Holstein Voir chapitre Danemark. 16. Oldenbourg Le pays généralement compris sous le nom d’Oldenbourg se répartit en 1789 de la façon suivante : – le duché d’Oldenbourg, possession héréditaire de l’évêque de Lubeck, qui couvre de l’ordre de 2 500 km2 pour environ 90 000 habitants ; – la seigneurie de Jever, située au nord du duché, possession du prince d’Anhalt-Zerbst ; – la seigneurie de Kniphausen, enclavée dans celle de Jever, possession du comte de Bentinck. L’ensemble dépend du cercle de Westphalie, où l’Oldenbourg dispose d’une voix virile. Il s’agit d’une région plate, couverte de landes et de marécages, débouchant sur la mer du Nord (baie de Jahde) et comprise entre l’Ostfrise prussienne à l’ouest et le Weser à l’est.
17. Hanovre L’électorat de Hanovre est un État majeur de l’Allemagne septentrionale. Il s’étend sur les bassins inférieurs du Weser et de l’Elbe, depuis la mer du Nord jusqu’aux confins montagneux du Harz. Ce pays est très propice à l’agriculture et à l’élevage, mais il dispose également d’activités textiles et la capitale, Hanovre, est une cité commerçante prospère. L’électorat comprend l’université de Gœttingue. Peu à peu délaissé par des souverains devenant plus anglais que hanovriens, l’électorat de 1789 n’est plus qu’un réservoir de richesses et de soldats au profit de l’Angleterre. Il lui fournit un ancrage continental favorisant ses interventions dans les affaires européennes mais, revers de la médaille, il constitue aussi un gage qu’on peut saisir en cas de conflit. L’électorat couvre 30 000 km2 pour une population de l’ordre de 800 000 habitants. Il est ainsi composé : – dans le cercle de Westphalie : principauté de Verden, comtés de Hoya, de Diepholz, de Bentheim ; – dans le cercle de Haute-Saxe : partie du comté de Hohenstein ; – dans le cercle de Basse-Saxe : duché de Lunebourg (Lunebourg, Celle, Harbourg, Danneberg, Gifhorn, enclaves de Klœtze), duché de Grubenhagen (Grubenhagen, Osterode, Clausthal) avec la semi-enclave d’Elbingerode, duché de Calenberg (Calenberg, Gœttingue, Hanovre, Hameln) coupé en deux par le duché de Brunswick, duché de Brême (Stade, enclave de Wildeshausen), pays de Hadeln (Otterndorf) et duché de Lauenbourg (Lauenbourg, Ratzebourg). L’électeur de Hanovre (et roi de Grande-Bretagne), outre sa qualité électorale, dispose de six sièges au banc laïque du collège des princes de la diète de Ratisbonne (Brême, Celle, Grubenhagen, Calenberg, Lauenbourg, Verden). Il détient également cinq sièges (Brême, Celle, Grubenhagen, Calenberg, Lauenbourg) dans le cercle de Basse-Saxe et cinq (Verden, Bentheim, Hoya, Diepholz, Spiegelberg) dans celui de Westphalie.
18. Brunswick Le duché de Brunswick est un État de l’Allemagne septentrionale situé en partie sur les pentes du massif du Harz, en partie plus au nord dans la plaine. Il s’agit d’une région de riche agriculture et d’élevage en plaine, d’exploitation forestière en montagne. La ville de Brunswick est une place notable de commerce, tandis que la petite ville de Wolfenbuttel, résidence ordinaire du duc, est un centre de culture (bibliothèque de Lessing) et que celle de Helmstedt abrite une université. Le duché de Brunswick-Wolfenbuttel, qui couvre 4 500 km2 pour une population d’environ 180 000 habitants, est ainsi réparti : – dans le cercle de Basse-Saxe : le duché de Wolfenbuttel et la principauté de Blankenbourg ; – dans le cercle de Haute-Saxe : le territoire, sécularisé depuis 1648, de l’ancienne abbaye de Walkenried ; – dans le cercle de Westphalie : le bailliage de Thedingshausen, provenant du partage de l’ancien comté de Hoya.
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Allemagne Sur le plan territorial, le duché de Brunswick comporte trois grands territoires et deux enclaves : – deux territoires, l’un en plaine autour de Brunswick, Helmstedt et Wolfenbuttel et l’autre dans le Harz de Holzminden à Goslar (exclu), constituant le duché proprement dit de Brunswick ; ils sont séparés par l’évêché d’Hildesheim ; – un territoire dans le Harz regroupant la principauté de Blankenbourg et l’ancienne abbaye de Walkenried ; – l’enclave de Calvœrde entre Vieille-Marche et Magdebourg prussiens, rattachée au duché de Wolfenbuttel ; – l’enclave de Thedingshausen, sur le bas Weser près de Brême. Le duc de Brunswick-Wolfenbuttel dispose d’un siège au banc laïque du collège des princes de la diète de Ratisbonne ; il dispose en outre de deux sièges (Wolfenbuttel, Blankenbourg) au cercle de Basse-Saxe et d’un siège (Walkenried) à celui de Haute-Saxe.
19. Lippe La maison de Lippe règne sur deux États de l’Allemagne du Nord : – la principauté de Lippe-Detmold, capitale Detmold, d’environ 1 100 km2, située sur les deux versants du massif de la Toteubourg, aux sources de la Lippe ; cette principauté partage avec la Prusse (comté de la Marck) la cosouveraineté de la ville de Lippstadt, située nettement en aval sur la Lippe, enclavée entre évêchés de Munster et de Paderborn et duché colonais de Westphalie ; – le comté de Schaumbourg-Lippe, capitale Buckebourg, d’environ 500 km2, situé plus au nord dans l’angle formé par le coude du Weser, bordé par le comté hessois de Schaumbourg, le Calenberg hanovrien et le Minden prussien. Ce sont de petits États de transition entre plaine et montagne, essentiellement voués à l’agriculture (élevage). Les deux États de Lippe disposent chacun d’un siège dans le cercle de Westphalie, et sont présents à la diète de Ratisbonne par la voix curiale du collège des comtes de Westphalie.
20. Waldeck La principauté de Waldeck est un petit État de l’Allemagne moyenne, d’une surface d’environ 1 200 km2, situé à l’ouest de la ville de Cassel, sur les contreforts du massif du Rothaar, arrosé par la Diemel et l’Eder, affluents du Weser. Il avoisine la Hesse-Cassel, l’évêché de Paderborn et le duché colonais de Westphalie. Il comporte deux parties : la principauté de Waldeck proprement dite, située dans le cercle du Haut-Rhin, avec Corbach comme capitale et Arolsen comme résidence princière, et le comté de Pyrmont, situé dans le cercle de Westphalie, abritant la célèbre ville d’eaux, territorialement séparé du Waldeck et enclavé entre Lippe et Hanovre. Le landgrave de Hesse-Cassel, qui se considère encore comme suzerain du Waldeck, a toujours empêché ses comtes de siéger à la diète de Ratisbonne ; au titre de comtes de Pyrmont, ils ne possèdent qu’un siège dans le cercle de Westphalie et sont représentés à Ratisbonne par la voix curiale du collège des comtes de Westphalie.
21. Hesse La Hesse est une région de l’Allemagne centrale, vaste plateau hérissé de montagnes, situé entre les cours du Weser et du Main. Région boisée au climat rigoureux, elle est pauvre et peu ouverte aux échanges avec l’extérieur ; nombre de Hessois doivent s’expatrier pour vivre. Elle est politiquement divisée en un certain nombre d’États laïques ou ecclésiastiques, dont trois portent encore le nom de la maison qui régna autrefois sur l’ensemble : ce sont les landgraviats de Hesse-Cassel, de Hesse-Darmstadt et de Hesse-Hombourg. En 1789, la situation territoriale de ces trois landgraviats est la suivante : Landgraviat de Hesse-Cassel L’ensemble représente 8 600 km2 et 420 000 habitants.
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Les États existants a) Dans le cercle du Haut-Rhin : – principautés de Basse-Hesse et de Hersfeld, comté de Ziegenhain (Cassel, Rothenbourg, Philippsthal, Eschwege, Hersfeld, Ziegenhain), dont dépend la seigneurie de Pless enclavée dans le Calenberg hanovrien ; – partie de la principauté de Haute-Hesse (Marbourg) ; – majeure partie du comté de Bas-Catzenellenbogen (Catze, Rheinfels, Saint-Goar, Langenschwalbach) ; – comté de Hanau-Muzenberg (Hanau, Nauheim, Gelnhausen), avec son enclave de Schluchtern (comprise entre Fulde, Isembourg et Orb). b) Dans le cercle de Franconie : – seigneurie de Schmalcalde (partie du Henneberg). c) Dans le cercle de Westphalie : – moitié du comté de Schaumbourg (Rieteln) ; – deux parcelles du comté de Hoya (Uchte, Freudenberg) ; – une parcelle du comté de Diepholz (Aubourg). Au banc laïque du collège des princes de la diète de Ratisbonne, le landgrave de HesseCassel dispose de deux voix (Cassel, Hersfeld) et partage une voix (Henneberg) avec l’électeur de Saxe et le duc de Saxe-Meiningen. Dans le cercle du Haut-Rhin, le landgrave détient deux voix (Cassel, Hersfeld) au banc des princes et une voix (Hanau-Muzenberg) au banc des comtes et seigneurs. Dans le cercle de Franconie, il détient une voix (Henneberg) au banc des princes. Dans celui de Westphalie, il détient une voix (Schaumbourg). Enfin, le landgrave prétend à la suzeraineté sur la principauté de Waldeck et sur les comtés de Rietberg et de Lippe-Buckebourg. Landgraviat de Hesse-Darmstadt L’ensemble représente 5 400 km2 et 270 000 habitants. a) Dans le cercle du Haut-Rhin : – comté de Haut-Catzenellenbogen (Darmstadt, Zwingenberg) ; – parcelles du comté de Bas-Catzenellenbogen (Braubach, copossession de Nassau et d’Ems) ; – seigneurie d’Eppstein ; – partie de la principauté de Haute-Hesse (Giessen, Nidda) ; – quelques bailliages du comté de Hanau-Lichtenberg : Pirmasens, Wildstett-en-Ortenau (rive droite du Rhin), Philippsbourg (enclavé en Alsace française). b) Dans l’Alsace française, sous suzeraineté du roi de France : – le reste du comté de Hanau-Lichtenberg (Bouxwiller, Pfaffenhofen, Ingweiler, Wœrth, Hatten, Brumath). Au banc laïque du collège des princes de la diète de Ratisbonne, le landgrave de Hesse-Darmstadt dispose d’une voix (Darmstadt). Dans le cercle du Haut-Rhin, il détient une voix (Darmstadt) au banc des princes et une voix (Hanau-Lichtenberg) au banc des comtes et seigneurs. Landgraviat de Hesse-Hombourg Ce petit État de 200 km2 et de moins de 10 000 habitants, dans le cercle du Haut-Rhin, se compose seulement de la seigneurie de Hombourg.
22. Nassau Les différents États de Nassau sont situés principalement en Allemagne centrale, dans la région de Hesse, plus particulièrement sur les hauts bassins de la Sieg et de la Lahn. Ils présentent un aspect montagneux et forestier (plateau du Westerwald), à l’écart des voies de communications ; seule la ville de Wiesbaden, proche du Rhin, jouit d’une certaine prospérité, due à la renommée de ses bains.
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Allemagne Les princes de Nassau possèdent également des biens éparpillés dans d’autres parties de l’Allemagne et ailleurs. Les États de Nassau sont politiquement divisés entre quatre princes de la même maison : Orange-Nassau (ligne cadette), Nassau-Weilbourg, Nassau-Usingen, Nassau-Sarrebruck (trois rameaux de la ligne aînée). Ligne aînée, ou walramienne Les terres des princes de la ligne walramienne recouvrent en 1789 une surface de 2 000 km2 pour 100 000 habitants ; elles sont toutes comprises dans le cercle du HautRhin : – prince de Nassau-Usingen : – en Hesse : comté d’Usingen, seigneuries d’Idstein et de Wiesbaden. – prince de Nassau-Sarrebruck : – en Lorraine : comté de Sarrebruck, seigneurie d’Ottweiler ; – en Ortenau : seigneurie de Lahr. – prince de Nassau-Weilbourg : – en Hesse : comté de Weilbourg ; – en Palatinat : seigneurie de Kircheim-Bolanden ; – en Lorraine : comté de Sarrewerden (enclavé en France). Les princes de la ligne walramienne disposent de cinq voix (Usingen, Weilbourg, Idstein, Sarrebruck, Ottweiler) au banc des princes laïques du cercle du Haut-Rhin. Ligne cadette, ou othonienne (ou oranienne) Outre les possessions non souveraines des Provinces-Unies, le domaine allemand de la maison d’Orange-Nassau couvre 2 000 km2 pour une population d’environ 50 000 habitants. Il se répartit ainsi : – dans le cercle de Westphalie : principautés de Dillenbourg, de Dietz, de Siegen et de Hadamar, seigneurie de Burbach ; – dans le cercle du Bas-Rhin : seigneurie de Beilstein ; – dans le cercle du Haut-Rhin : copossession de Nassau et d’Ems, partagée avec le landgrave de Hesse-Darmstadt, seigneurie de Hagenau. Le prince d’Orange-Nassau détient deux voix (Hadamar, Dillenbourg) dans le cercle de Westphalie, ainsi qu’au banc laïque du collège des princes de la diète de Ratisbonne.
23. Arenberg Le duché d’Arenberg représente un ensemble de petites possessions éparpillées en totalité sur la rive gauche allemande du Rhin et dans les Pays-Bas méridionaux. Leur seul lien commun est leur appartenance au duc d’Arenberg. Il s’agit d’un ensemble de possessions rurales, de plaine ou de moyenne montagne (Eifel), dont toute ville importante est exclue. Cet ensemble est constitué des terres immédiates suivantes : – le duché d’Arenberg proprement dit, situé au nord-ouest de Coblence dans l’Eifel, territoire principal qui renferme l’antique château d’Arenberg et dont la capitale est Adenau ; – le comté de Kerpen ; – le comté de Kasselbourg, sur l’Erft ; – le bailliage de Neunkirchen, en copropriété avec l’électeur de Trèves ; – la prévôté de Gillenfeld et la seigneurie de Floringen ; – la baronnie de Commern, avec la seigneurie de Harzheim et la moitié de celle de Mechernich (dans le Juliers) ; – la seigneurie de Sassenbourg, dans l’Eifel ; – la seigneurie de Schleiden, avec celle de Muringen, dans l’Eifel.
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Les États existants À ces possessions immédiates, comptant au total de l’ordre de 15 000 habitants, s’ajoutent des terres médiates dans les Pays-Bas autrichiens, dont le duché d’Arschot. Le duc d’Arenberg dispose d’un siège au banc laïque du collège des princes de la diète impériale de Ratisbonne. Il possède de plus trois voix (Schleiden, Kerpen, Sassenbourg) dans le collège des comtes de Westphalie, lui-même représenté par une voix curiale au banc laïque du collège des princes de la diète impériale. Enfin, le duc possède un siège (Arenberg) dans le cercle du Bas-Rhin et deux sièges (Kerpen, Schleiden) dans celui de Westphalie.
24. Salm Les princes de la maison de Salm descendent de plusieurs familles, qui ont toutes contribué à constituer le patrimoine appartenant à cette maison en 1789, lequel s’égrène en plusieurs morceaux sur la rive gauche du Rhin, des Pays-Bas aux Vosges. La branche puînée (comtes de Salm) se divise en quatre rameaux : – Salm-Reifferschiedt-Bedbur, qui possède le comté (médiat) de Reifferschiedt, sous la suzeraineté de l’archevêque de Cologne, et la seigneurie immédiate de Bedbur ; – Salm-Reifferschiedt, qui possède le comté (médiat) de Salm, dans le Luxembourg ; – Salm-Reifferschiedt-Dyck, qui possède la seigneurie immédiate de Dyck ; – Salm-Reifferschiedt-Hainspach, qui possède la seigneurie de Hainspach, en Bohême. Les wild- et rhingraves, successeurs de la branche aînée, se divisent aussi en quatre rameaux : – princes de Salm-Salm, qui possèdent la principauté de Salm (comté supérieur) dans les Vosges — dont dépendent deux seigneuries, Delhingen et Diemeringen, accolées au comté de Sarrewerden — et le comté d’Anholt, en Westphalie (sur rive droite du Rhin) ; – princes de Salm-Kyrbourg, qui possèdent le bailliage de Kyrbourg, sur la Nahe ; – wild- et rhingraves de Rheingrafenstein, qui possèdent le comté du même nom sur la Nahe ; wild- et rhingraves de Grumbach, qui possèdent le bailliage du même nom sur la Glan, et divers bailliages dans le Hundsruck. Une mention spéciale doit être faite en faveur de la principauté de Salm, qui, en 1789, constitue un véritable petit État enclavé dans les Vosges françaises. Nous avons vu que le comté supérieur de Salm était resté indivis entre la maison de Lorraine — où on l’appelait comté de Salm — et celle des wild- et rhingraves — où on le qualifiait de principauté. Ce pays, situé sur rive droite de la Meurthe en aval de Saint-Dié, avait pour villes principales Badonviller, la capitale, et Senones, dont la puissante abbaye avait été, par un « coup d’État », dépossédée en 1571 de sa souveraineté par les comtes de Salm. Lorsque la Lorraine échoit au roi de Pologne, Stanislas Leszczynski, avec promesse de réversion à la France à sa mort, il est convenu de sortir de l’indivision et, par le traité de Paris de décembre 1751, le pays est partagé entre la partie « de plaine » (Badonviller), donnée en pleine propriété au duc de Lorraine, et celle « de montagne » (vallée du Rabodeau, Senones), qui devient une principauté indépendante relevant du Saint Empire, enclavée en France à partir de 1766, où les princes de Salm-Salm, qui demeuraient jusque-là plutôt à Anholt, viennent bientôt fixer leur résidence, faisant de Senones la capitale à part entière d’un petit État souverain, quoique commercialement lié à la Lorraine puis à la France par le traité de 1751, régulièrement renouvelé depuis lors. Le prince de Salm-Salm dispose d’un siège nominal au banc laïque du collège des princes de la diète impériale de Ratisbonne, tandis que les wild- et rhingraves se partagent une voix curiale au conseil des comtes de Wettéravie, les princes de Salm se partageant en outre une voix curiale (comté d’Anholt) au conseil des comtes de Westphalie, où siège également le comte de Salm-Reifferschiedt-Dyck. Dans le cercle du Haut-Rhin, le prince de Salm-Salm siège au banc des princes laïques, les wild- et rhingraves (pour Grumbach) à celui des comtes et seigneurs. Dans le cercle de Westphalie siège le prince de Salm-Salm pour le comté d’Anholt.
25. Mayence L’archevêché-électorat de Mayence est le premier des États ecclésiastiques du Saint Empire romain germanique.
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Allemagne La cité de Mayence occupe une position clé au confluent du Rhin et du Main, situation qui lui confère une importance économique de premier ordre ; située sur la rive gauche du Rhin, la ville est reliée par un pont au bourg de Castel sur rive droite. À côté de l’activité religieuse et commerciale de la ville, les terres de l’électorat sises le long du Rhin et du bas Main sont propices à une agriculture florissante (vignobles). L’électorat de Mayence, qui compte environ 350 000 habitants, dont 25 000 pour la ville de Mayence, se compose de nombreux territoires qui peuvent ainsi se répartir : – l’Électorat proprement dit, s’étalant autour de la ville sur les deux rives du Rhin, d’Oppenheim à Saint-Goar, et sur le cours inférieur du Main (Hœchst, Kœnigstein) ; plus en amont, sur rive droite du Rhin, le bailliage de Bensheim enclavé entre Hesse-Darmstadt et Palatinat ; en aval, sur rive droite, le bailliage enclavé d’Oberlahnstein ; – la principauté d’Aschaffenbourg, où réside ordinairement l’archevêque, située à cheval sur le Main moyen, de Lohr à Hanau (exclu), avec Alzenau, Amorbach, Miltenberg, Seligenstadt et Stenheim ; en dépendent les enclaves d’Orb, de Diebourg et de Schœnthal ; – l’enclave de Neustadt et Amœnebourg, située en Hesse entre les terres de Hesse-Cassel et de Hesse-Darmstadt ; – les enclaves de Naumbourg et de Fritzlar, au nord entre Hesse-Cassel et Waldeck ; – les Bas- et Haut-Eichsfeld, en bordure de la Thuringe, aux sources de la Leine ; – le bailliage d’Erfurt, avec ses enclaves de Blankenhain, du Bas-Cranichfeld et de Muhlberg, au cœur de la Thuringe.
26. Cologne L’archevêché-électorat de Cologne, capitale Bonn, qui couvre 900 km2 sur rive gauche du Rhin, pour 150 000 habitants (220 000 pour l’ensemble des domaines de l’électorat), se compose de trois parties distinctes : – encadré par les deux duchés palatins de Juliers et de Berg, l’Électorat proprement dit s’étend sur la rive gauche du Rhin, d’abord sous la forme de l’enclave de Rheinberg à l’intérieur des domaines prussiens précités, puis de façon continue depuis Kempen et Uerdingen jusqu’à Rheinbach et Godesberg, se poursuivant enfin sur rive gauche par les deux enclaves d’Andernach et de Rhense, tandis qu’il occupe trois enclaves de rive droite du Rhin (Deutz, Kœnigswinter et Linz/Unkel/Altenwied) ; la ville libre de Cologne ne fait pas partie de l’électorat ; – le duché de Westphalie, capitale Arensberg, sur la Ruhr, avec son bailliage enclavé de Volksmarsen ; – le comté de Recklingshausen, le long du cours inférieur de la Lippe.
27. Trèves L’archevêché-électorat de Trèves, capitale Trèves, Coblence étant la résidence ordinaire de l’électeur, qui couvre 2 100 km2 pour 220 000 habitants (dont 10 000 à Coblence et 8 000 à Trèves), s’étend de façon continue le long de la Sarre, de la Moselle, du Rhin et de la Lahn (en partie sur rive droite du Rhin) ; l’abbaye princière de Prum, dans les Ardennes, lui appartient, ainsi que l’enclave de Saint-Wendel, isolée plus au sud sur la Blies.
28. Salzbourg et Berchtesgaden L’archevêché de Salzbourg et la prévôté de Berchtesgaden constituent deux États ecclésiastiques enclavés entre Bavière et Autriche. Ils occupent le haut bassin de la Salzach et de son affluent la Saalach, débordant sur les sources de l’Enns et de la Mur, le tout situé dans le massif des Tauern, maillon des Alpes centrales ; la prévôté de Berchtesgaden occupe plus particulièrement le petit bassin de l’Ache, presque entièrement enclavé dans celui de la Salzach. Pays de montagnes dont les mines de sel font la fortune, ils sont des États prospères, très représentatifs des principautés ecclésiastiques allemandes du XVIIIe siècle. « Rome des Alpes », Salzbourg est un joyau de l’art baroque où s’épanouit la musique (Mozart). La prévôté de Berchtesgaden est un petit territoire homogène, tandis que l’archevêché de Salzbourg, qui comprend 200 000 sujets sur près de 8 000 km2, se compose : – du territoire de Salzbourg proprement dit, sur les vallées de la Salzach et de la Saalach, les sources de l’Enns et de la Mur ;
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Les États existants – de l’enclave de Muhldorf, en Bavière, sur l’Inn ; – des territoires du Zillerthal et de Windisch Matrei, au Tyrol, limitrophes de l’archevêché et dont l’empereur (comte de Tyrol) possède l’avouerie ; – des territoires de Stall, sur la Mœll, de Sachsenbourg, sur la Drave, et de Frisach, sur l’Olsa, enclavés en Carinthie et dont l’empereur (duc de Carinthie) possède également l’avouerie. L’archevêque de Salzbourg siège au premier rang du banc ecclésiastique du collège des princes de la diète de Ratisbonne, ainsi qu’au premier rang du banc ecclésiastique du cercle de Bavière. Le prévôt de Berchtesgaden dispose d’une voix au banc ecclésiastique du collège des princes à Ratisbonne, ainsi qu’à celui du cercle de Bavière.
29. Wurtzbourg L’évêché de Wurtzbourg est situé dans le cercle de Franconie. Comptant de l’ordre de 300 000 habitants, il est, après Mayence, l’un des plus peuplés et des plus étendus des États ecclésiastiques ; de plus, il est constitué d’un seul tenant sur le cours moyen du Main qui baigne sa capitale, bordé à l’ouest par l’évêché de Fulde et celui de Mayence (Aschaffenbourg), au sud par les margraviats de Bayreuth et d’Anspach, à l’est par l’évêché de Bamberg, au nord par les États de Thuringe. Il est grevé de diverses enclaves : ville de Schweinfurth, enclaves thuringiennes d’Ostheim et de Kœnigsberg, enclave brandebourgeoise de Speckfeld, comté de Castell et principauté de Schwarzenberg, terres de la chevalerie, etc. Pays de montagnes douces et de forêts, produisant des vins réputés, il possède en sa capitale un foyer de l’art baroque à l’égal de Salzbourg. L’évêque de Wurtzbourg dispose d’un siège au banc ecclésiastique du cercle de Franconie, ainsi qu’au banc ecclésiastique du collège des princes de la diète de Ratisbonne.
30. Villes hanséatiques La république de Hambourg (400 km2, 100 000 habitants) est la plus importante des trois villes hanséatiques. Elle comprend la ville elle-même et ses faubourgs, sur rive droite de l’Elbe mais débordant sur rive gauche jusqu’à la ville hanovrienne de Harbourg, le bailliage de Ritzebuttel avec son port d’allège de Cuxhaven et l’île de Neuewerk (enclavés dans le duché hanovrien de Brême), trois fragments (Wohldorf, Volksdorf et G. Handsdorf) enclavés dans le Holstein gottorpien. Hambourg commerce avec les ports de l’Atlantique, notamment avec l’Angleterre ; c’est, après Londres et Liverpool, le troisième port de commerce d’Europe. La république de Brême (200 km2, 40 000 habitants), située sur le Weser entre le Hanovre et l’Oldenbourg, comprend un territoire d’un seul tenant composé de la ville de Brême, de ses alentours immédiats et de son port d’allège de Vegesack situé au nord. Le port de Brême est tourné vers le commerce atlantique, comme Hambourg mais à un niveau plus modeste. La république de Lubeck (250 km2, 30 000 habitants) se trouve située sur la Trave, près de son embouchure. Elle se compose du territoire principal le long de la Trave jusqu’au port d’allège de Travemunde (situé entre l’évêché princier de Lubeck, le Holstein et la principauté mecklembourgeoise de Ratzebourg) et de deux fragments (Saint-Georgsberg, Nusse) enclavés dans le duché hanovrien de Lauenbourg. Le port de Lubeck se consacre au commerce maritime de la Baltique. Le bailliage de Bergedorf, avec son enclave de Geesthacht, situé sur la rive droite de l’Elbe en amont de Hambourg, est possession commune des deux républiques de Hambourg et de Lubeck, conquise au XVe siècle sur les ducs de Lauenbourg. Les trois villes disposent chacune d’un siège dans le cercle de Basse-Saxe, ainsi qu’au banc rhénan du collège des villes libres de la diète impériale de Ratisbonne.
31. Autres États Les nombreux autres États, laïques, ecclésiastiques ou villes libres, qui n’ont pu être cités ici, sont décrits dans la partie « États disparus » et énumérés dans l’annexe Saint Empire (pour le Liechtenstein, voir chapitre de ce nom). Il s’agit essentiellement de : – nombreux comtés ou seigneuries, représentés personnellement ou plus généralement par voix curiale (collective) dans les institutions de l’Empire ;
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Allemagne – terres de l’ordre équestre (chevalerie d’Empire), qui représentent de minuscules États, parfois un seul ou deux villages, mais qui bénéficient de l’immédiateté impériale ; vu leur nombre, ils ne peuvent être recensés dans le présent ouvrage ; – principautés ecclésiastiques, parfois assez importantes (évêchés de Liège, de Munster ou de Bamberg), mais qui vont toutes disparaître dans la tourmente de 1803 ; leurs évêques, abbés (ou abbesses) et prévôts sont princes du Saint Empire et tous représentés dans les institutions impériales (pour Liège et Stavelot-Malmédy, voir chapitre Belgique) ; – 48 villes libres, outre les 3 hanséatiques évoquées supra, dont 45 disparaîtront dès 1803, les 3 dernières en 1806.
III. L’Allemagne dans la tourmente révolutionnaire (1789-1815). Évolution des différents États Le déclenchement de la Révolution française est un événement qui frappe de stupeur les esprits. Les idées nouvelles propagées par la Révolution vont rencontrer en Allemagne un écho dans une partie de la population, parce que dans un certain nombre d’États des mouvements de réforme ont été suscités par des « despotes éclairés » et qu’ainsi les esprits ont été préparés à l’idée de mutations économiques et sociales. Toutefois, effrayés par la tournure des événements de France, les gouvernements des États allemands tentent de s’opposer par tous les moyens aux mouvements de contagion susceptibles de s’y produire, tout en gardant au début une prudente neutralité vis-à-vis de ces événements. Mais la défense des droits des princes possessionnés d’Alsace oppose bien vite l’Empire à la France. En 1792, la situation délicate de la famille royale de France et l’avènement d’un nouvel empereur (François II), à l’esprit plus combatif, provoquent une guerre opposant la France révolutionnaire à l’Autriche et à la Prusse. La France finissant par l’emporter, elle occupe en 1794-1795 la rive gauche du Rhin et, au terme d’une nouvelle campagne victorieuse contre l’Autriche (1796-1797), contraint l’Allemagne à accepter le principe d’abandon à elle-même des contrées allemandes de rive gauche du Rhin. Les princes héréditaires allemands dépossédés sur rive gauche devant être indemnisés sur rive droite, s’ensuit une longue période de négociations (congrès de Rastadt), entrecoupée d’un nouveau conflit (1799-1800), aboutissant au vaste remaniement de l’Allemagne dont les clauses sont finalisées dans le recès d’Empire de 1803 : tous les États de rive gauche du Rhin sont annexés par la France, et la quasi-totalité des États ecclésiastiques et des villes libres de rive droite disparaissent, aux fins d’indemnisation. Si le Saint Empire demeure, il est toutefois si remanié que les équilibres subtils qui s’y étaient établis au fil du temps sont d’un seul coup rompus. L’Autriche, grande perdante, n’a plus la majorité confessionnelle en sa faveur au collège électoral, ce qui menace à terme sa position à la tête de l’Empire ; de plus, par la sécularisation quasi totale des États ecclésiastiques, elle se voit privée d’une clientèle traditionnellement fidèle aux Habsbourg. En revanche, la Prusse et les autres grands États voient leur position accrue. Les ambitions affichées par le premier consul Bonaparte, qui se fait proclamer empereur en 1804, inquiètent l’Autriche et la Prusse, qui aspirent toujours à dominer l’Allemagne, et la Russie. Une nouvelle coalition de ces trois puissances provoque un réveil de la guerre, où la France vainc l’Autriche et la Russie à Austerlitz (1805), la Prusse à Iéna (1806), enfin la Russie de nouveau à Friedland (1807). Napoléon contraint ainsi l’Autriche à la paix de Presbourg (1805), la Prusse et la Russie à celle de Tilsitt (1807). Il commence à remanier d’autorité l’Allemagne par trois séries de mesures qui contribuent à y asseoir son influence : – création, au sein de l’Allemagne, d’États confiés à des proches, qui deviendront les propagateurs des idées et des institutions de la France : Berg en 1806, confié à Murat ; Westphalie en 1807, confiée à Jérôme, frère de Napoléon ; – coups sévères portés à ceux des États allemands qui se sont montrés les plus résolus dans leur hostilité : amputation partielle de l’Autriche, plus forte encore de la Prusse — alors même que la Russie vaincue est ménagée par calcul politique —, disparition d’États dont les souverains sont ennemis irréductibles (Hanovre, Brunswick, Hesse-Cassel, Orange-Nassau) ;
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Les États existants – agrandissements octroyés à des États de l’Allemagne moyenne (Bavière, Wurtemberg, Bade, Hesse-Darmstadt, etc.) dont les souverains sont par Napoléon élevés en dignité et en titulature, qu’il s’attache par des liens matrimoniaux, et qu’il regroupe (juillet 1806) dans une nouvelle institution, la Confédération du Rhin, dont il se fait le protecteur. Ces remaniements provoquent en août 1806 la dissolution du Saint Empire. La guerre reprend en 1809 entre la France et l’Autriche. Cette dernière, vaincue à Wagram, doit de nouveau céder des territoires à la Bavière (Salzbourg) et à la France (Provinces Illyriennes), ce qui entraîne en série différents aménagements territoriaux, mais aussi la création, par Napoléon, d’un troisième État satellite de la France, le grand-duché de Francfort, au profit de Dalberg, son homme lige en Allemagne (1810). Enfin, les vicissitudes du blocus continental, mollement appliqué par les Allemands, déterminent Napoléon à annexer directement à l’Empire français le nord-ouest de l’Allemagne, de Wesel sur le Rhin à Lubeck (fin 1810). La défaite de Napoléon et de ses alliés dans la campagne de Russie (1812) marque le début du recul rapide de la France en Allemagne ; s’ensuivent une nouvelle coalition de la Russie, de l’Autriche et de la Prusse, la défection des alliés de la France, le retrait de celleci après la bataille perdue de Leipzig (1813), l’envahissement de la France par les coalisés (1814), la première abdication de Napoléon, la réunion d’un congrès à Vienne pour régler le retour à la paix en Europe, le retour de Napoléon puis sa seconde abdication après sa défaite de Waterloo (1815), l’instauration d’un nouvel ordre en Europe, mettant ainsi un terme à plus de vingt ans de bouleversements en Allemagne.
1. Autriche Voir chapitre Autriche. 2. Prusse Au début, la Révolution française rencontre un écho favorable dans les milieux éclairés de Prusse, où l’on pense que les constituants vont réformer la France par des mesures semblables à celles qu’ont prises en Prusse les souverains éclairés du siècle qui s’achève. En décembre 1791, étant sans descendance masculine, le margrave Frédéric-Christian vend au roi de Prusse ses deux margraviats d’Anspach et de Bayreuth, apportant ainsi à la Prusse un accroissement de 7 000 km2 et de plus de 400 000 sujets. Le margrave conserve par ailleurs le comté de Sayn-Alterkirchen, qu’il finira par céder en 1803 au prince de Nassau-Usingen, en échange d’une rente à vie. La Prusse dans le conflit La Prusse, d’abord neutre ou favorable à la Révolution française, a changé de politique (déclaration de Pillnitz, août 1791) et entre en guerre en 1792 contre la France. Vaincue à Valmy (septembre 1792), elle abandonne le front occidental pour ne plus s’occuper que de la Pologne. En Pologne, la promulgation d’une nouvelle Constitution en 1791 entraîne les protestations de Catherine II, qui intervient les armes à la main. En dépit d’une alliance formelle existant entre Pologne et Prusse, cette dernière, qui convoite Dantzig, reste l’arme au pied et laisse écraser les Polonais. Elle prend sa part du nouveau partage auquel l’Autriche, occupée aux Pays-Bas, n’est pas conviée. Par la convention du 23 janvier 1793, la Prusse annexe 50 000 km2 et 1 500 000 habitants, ainsi répartis : – les villes et territoires de Thorn et de Dantzig, aussitôt agrégés à la province de Prusse occidentale (chef-lieu Dantzig) ; – la Cujavie, la Grande Pologne presque entière et des parties de Masovie et de Petite Pologne : reliquat des palatinats de Posen, de Gnesen et d’Inowraclaw, palatinats de Plock, de Rawa, de Leczyca, de Kalisch et de Sieratz, saillant nord-ouest (Tschentochau) de celui de Cracovie ; l’ensemble va constituer la nouvelle province de Prusse méridionale (cheflieu Posen). La Prusse cède à la Russie la seigneurie de Tauroggen. La France de son côté, en deux vagues (1792 puis 1794), envahit la rive gauche du Rhin, jusqu’à la frontière batave. De ce fait, les possessions du roi de Prusse situées sur rive gauche de ce fleuve (Gueldre, Meurs et moitié du duché de Clèves) sont occupées par les Français.
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Allemagne Le 5 avril 1795, occupée au règlement final des affaires de Pologne, la Prusse signe avec la France le traité de Bâle. Jusqu’au règlement final de la paix, la Prusse reconnaît à la France le droit d’occuper ses provinces de rive gauche du Rhin. En contrepartie, la France s’engage à obtenir à la Prusse des compensations sur rive droite lors des pourparlers de paix. Indignés de leur sort, les Polonais se sont soulevés à l’appel de Kosciuzsko (mai 1794) ; la Russie et la Prusse ont écrasé le soulèvement. Au traité de Saint-Pétersbourg du 24 octobre 1795, la Pologne disparaît, partagée entre Autriche, Prusse et Russie. Pour sa part, la Prusse annexe 50 000 km2 et 1 million d’habitants, ainsi répartis : – le duché de Siewercz (quart septentrional du palatinat de Cracovie), rattaché à la Silésie prussienne sous le nom de Nouvelle Silésie ; – le reliquat de la Masovie et la moitié septentrionale de la Podlachie (au nord du Boug) ; – provenant du grand-duché (polonais) de Lituanie : un fragment de la Samogitie situé au nord du Niémen et la moitié occidentale (à l’ouest du Niémen) du palatinat de Troki (Suwalki et Bialystock). Ces deux derniers ensembles, accrus du palatinat de Plock annexé en 1793, forment la province de Nouvelle Prusse orientale (chef-lieu Varsovie). En 1796, le prince de Hardenberg, gouverneur de Bayreuth et Anspach, y mène une politique active de médiatisation : il annexe aux margraviats les terres enclavées de l’ordre équestre, ainsi qu’une partie des terres de la ville libre de Nuremberg. En novembre 1800, devançant une occupation russe ou française, et peut-être avec l’assentiment secret de la Grande-Bretagne, la Prusse occupe le Hanovre. En 1801, en vertu d’anciens droits datant des burgraves de Nuremberg, la Prusse annexe le territoire principal de la ville libre de Nuremberg. Premiers gains de la Prusse en Europe Les péripéties de la seconde coalition ont fait évoluer les sentiments du premier consul Bonaparte à l’égard de l’Autriche et de la Prusse ; il ne songe plus désormais qu’à abaisser l’Autriche et favorise à cet effet la Prusse et les États moyens de l’Allemagne centrale et méridionale, en signant avec eux des traités séparés, sans attendre l’accord général de paix. Par le traité de Paris du 30 mai 1802, signé entre la France et la Prusse, les dispositions suivantes sont adoptées. La Prusse cède à la France le duché de Gueldre (Haute-Gueldre), la principauté de Meurs et la moitié occidentale du duché de Clèves (de rive gauche du Rhin), soit une perte de 2 750 km2 et de 125 000 habitants. En contrepartie, la Prusse est autorisée à annexer : – les évêchés de Hildesheim (avec son enclave de Dassel), de Paderborn et une partie de celui de Munster (le tiers situé au sud-est, avec la ville) ; – les territoires suivants cédés par l’archevêché de Mayence : Bas- et Haut-Eichsfeld, bailliage d’Erfurt avec ses enclaves de Blankenhain, du Bas-Cranichfeld et de Muhlberg ; – les abbayes d’Elten, d’Essen, de Werden, de Herford et de Quedlinbourg, la prévôté de Cappenberg ; – les villes libres de Goslar, de Nordhausen et de Mulhausen. Ces annexions, qui constituent un gain de 12 000 km2 et de 500 000 habitants, ont pour effet d’accroître l’importance de la Prusse en Allemagne du Nord et de l’Ouest, et de diminuer le hiatus séparant ses provinces westphaliennes du bloc central du royaume. Dès le mois d’août 1802, le roi de Prusse prend possession de ses nouvelles provinces. Le 25 février 1803, le recès d’Empire confirme à la Prusse les dispositions du traité de Paris de mai 1802. Au titre des margraviats d’Anspach et de Bayreuth, la Prusse reçoit quelques fragments des évêchés de Wurtzbourg et de Bamberg, destinés à arrondir les margraviats, mais doit renoncer à la ville de Nuremberg, avec trois enclaves rurales, laquelle redevient ville libre.
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Les États existants Au collège des princes de la diète de Ratisbonne, la Prusse détient désormais treize voix ; aux huit anciennes s’ajoutent trois voix transférées (Hildesheim, Paderborn, Munster) et deux nouvelles (Eichsfeld, Erfurt). Par traité du 30 juin 1803 signé entre la Prusse et la Bavière, la Bavière cède à la Prusse les villes libres, récemment médiatisées, de Windsheim (rattachée à Bayreuth), de Wissembourg-en-Nordgau et de Dinkelsbuhl (rattachées à Anspach). En contrepartie, la Prusse cède à la Bavière l’enclave bayreuthienne de Lauenstein. À l’automne de 1805, l’empereur Napoléon offre en vain (mission Duroc à Berlin) à la Prusse une alliance dont le Hanovre, occupé par la France depuis 1803, aurait été le prix. La Prusse s’est rapprochée de la Russie et envoie à la rencontre de Napoléon le comte de Haugwitz, porteur d’un message de menaces envers la France. Ce dernier parvient à Vienne au moment de la bataille d’Austerlitz et la victoire française le contraint à modifier son attitude. Il doit signer le 15 décembre 1805 le traité de Schœnbrunn, en contradiction avec les instructions qu’il a reçues. En vertu de ce traité, la Prusse cède à l’empereur Napoléon, en vue de rétrocession ultérieure à des princes de son choix, la principauté de Neuchâtel, le margraviat d’Anspach (hormis son enclave d’Uffenheim) et le reliquat (rive droite) du duché de Clèves. En contrepartie, Napoléon attribue à la Prusse le Hanovre entier. Il s’agit d’un cadeau empoisonné, destiné à brouiller la Prusse avec la Grande-Bretagne et à affermir, par voie de conséquence, la position de Napoléon en Allemagne. Le roi de Prusse hésite à ratifier le traité et renvoie à Paris le comte de Haugwitz, afin d’en modifier les termes. Confronté à un ultimatum de Napoléon, qui menace de s’emparer aussi du margraviat de Bayreuth, le comte signe le 14 février 1806 le traité de Paris, qui confirme celui de Schœnbrunn, en l’aggravant sur un point : l’enclave anspachoise d’Uffenheim, laissée à la Prusse en décembre 1805, est comprise dans la cession de février 1806. Contre une perte de l’ordre de 6 000 km2 et de 200 000 habitants, la Prusse gagne (à son corps défendant) 31 500 km2 et 950 000 habitants. À la fin de mars 1806, Joachim Murat, qui vient (15 mars) d’être fait duc de Berg et de Clèves par Napoléon, s’empare des abbayes prussiennes d’Elten, d’Essen et de Werden, non comprises dans la cession de décembre 1805, sous prétexte qu’elles dépendaient du duché de Clèves. Napoléon le désavoue sur ce point et lui interdit de les annexer à son duché. Dès juillet 1806, tandis que Napoléon l’incitait à prendre la tête d’une Ligue du Nord allemande, la Prusse se lie à la Russie par un traité secret. Le 8 octobre, la Prusse adresse à Napoléon l’ultimatum de lui restituer les trois abbayes et d’évacuer l’Allemagne. Le 14 octobre 1806, les Prussiens sont anéantis à Iéna et à Auerstaedt. En novembre 1806, n’ayant plus à ménager la Prusse vaincue, Napoléon autorise Murat à annexer au grand-duché de Berg les abbayes d’Elten, d’Essen et de Werden. La Prusse vaincue et amputée La Russie ayant à son tour été vaincue à Eylau et à Friedland, l’empereur Napoléon impose la paix à la Russie et à la Prusse en juillet 1807, lors de l’entrevue de Tilsitt. Les traités vont consacrer la disparition de la Hesse électorale, du duché de Brunswick et des possessions de la maison d’Orange-Nassau, ainsi que l’émergence de deux nouveaux États, le royaume de Westphalie et le grand-duché de Varsovie. Par le traité du 7 juillet conclu avec la Russie, Napoléon se montre très modéré envers cette dernière, cherchant à se faire un allié du tsar Alexandre Ier. En revanche, par le traité du 9 juillet conclu avec la Prusse, Napoléon se montre très dur, affectant de ne renoncer à la disparition de la Prusse que par égard envers le tsar, et dépouillant cette dernière de la moitié de ses territoires et de ses habitants, ceux de rive gauche de l’Elbe. De 340 000 km2 et 10 millions d’âmes, la Prusse est ainsi ramenée à 160 000 km2 et 5 millions d’âmes. La Prusse cède : – à la Russie le cercle de Bialystock, prélevé sur sa province de Nouvelle Prusse orientale ;
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Allemagne – à l’empereur Napoléon, en vue de la constitution du futur grand-duché de Varsovie, la Nouvelle Prusse orientale (hormis le cercle de Bialystock), la Prusse méridionale, la moitié méridionale du district de la Netze, la Nouvelle Silésie (prélevée sur sa province de Silésie), le territoire de Thorn et le palatinat de Culm (prélevés sur la Prusse occidentale) ; – à l’empereur Napoléon, pour constituer une république particulière, le territoire de Dantzig ; – à l’empereur Napoléon le cercle de Cottbus, qui sera rétrocédé le 22 juillet au royaume de Saxe ; – à l’empereur Napoléon, en vue de la constitution du futur royaume de Westphalie : – les territoires prussiens suivants : Vieille Marche, partie du duché de Magdebourg située sur rive gauche de l’Elbe, comtés de Mansfeld et de Hohenstein, cercle de la Saale, principautés de Halberstadt et de Minden, comté de Ravensberg ; – les territoires suivants, médiatisés en 1803 : principautés d’Hildesheim et de Paderborn, anciennes abbayes de Herford et de Quedlinbourg, Eichsfeld avec Treffurt, villes de Goslar, de Nordhausen et de Mulhausen ; – les territoires suivants, acquis en 1805 sur le Hanovre : duché de Grubenhagen avec son enclave d’Elbingerode, Hohenstein hanovrien, part méridionale (Gœttingue) du duché de Calenberg ; – à l’empereur Napoléon, à titre de pays réservés, sans affectation immédiate : – la principauté d’Osnabruck, avec l’enclave de Wiedenbruck, acquise en 1805 du Hanovre et qui sera cédée en novembre 1807 à la Westphalie ; – la principauté d’Ostfrise, qui sera cédée en novembre 1807 à la Hollande ; – les comtés de Lingen et de Tecklembourg, le comté de la Marck avec la cosouveraineté sur Lippstadt (prussiens), la principauté de Munster et la prévôté de Cappenberg (médiatisées en 1803), qui seront cédés en janvier 1808 au grand-duché de Berg ; – les duchés de Lunebourg et de Brême, les comtés de Hoya et de Diepholz, la principauté de Verden et la part septentrionale (Hanovre) du duché de Calenberg, acquis en 1805 du Hanovre et qui seront cédés en janvier 1810 au royaume de Westphalie ; – le margraviat de Bayreuth, avec son enclave thuringienne de Caulsdorf, qui sera cédé en février 1810 à la Bavière ; – le duché de Lauenbourg (provenant du Hanovre) et le bailliage d’Erfurt avec ses trois enclaves (médiatisés en 1803), qui seront conservés par l’empereur jusqu’en 1813. La Prusse n’est plus désormais constituée que du Brandebourg (hormis la Vieille Marche), de la Poméranie, de la Silésie, des Prusses occidentale et orientale (hormis Thorn et Dantzig) et de la partie du duché de Magdebourg située sur rive droite de l’Elbe. Lors de la convention d’évacuation de la Prusse du 8 septembre 1808, la Prusse cède à la France la citadelle de Magdebourg, omise en 1807 car située sur rive droite du bras principal de l’Elbe. Napoléon la place sous double souveraineté franco-westphalienne. À la suite du désastre de 1806, la Prusse produit un effort de régénération économique, militaire et morale : économique par les réformes entreprises par le baron de Stein, militaire par les réorganisations opérées par Scharnhorst et Gneisenau, morale par le réveil du patriotisme, sous l’impulsion de la reine Louise et du philosophe Fichte (Discours à la nation allemande). Contrainte de participer aux côtés de Napoléon à la campagne de Russie, la Prusse profite du recul des Français pour signer le 28 février 1813 le traité de Kalisch avec la Russie, nouvelle alliance militaire qui doit lui permettre, contre cession à la Russie de la majeure partie de la Pologne anciennement prussienne, de retrouver une situation géographique et démographique équivalente à celle d’avant la guerre de 1806, en prenant des territoires dans l’Allemagne septentrionale, hormis les terres hanovriennes. La Grande-Bretagne à Reichenbach (14 juin) et l’Autriche à Teplitz (9 septembre 1813) confirment ces engagements.
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Les États existants Dès mars 1813, le baron de Stein crée l’Office d’administration centrale des territoires occupés, qui devra prendre en charge les territoires libérés de la Confédération du Rhin, dans le dessein d’aller vers une unification de l’Allemagne. La bataille de Leipzig (octobre 1813) est remportée par les coalisés ; les Français évacuent l’Allemagne. Mais la Russie et l’Autriche ont prévu, contrairement aux idées de la Prusse, de restaurer les États de Brunswick, de Hesse-Cassel, d’Oldenbourg, de Hanovre et d’Orange-Nassau, et de garantir leurs États aux princes allemands qui entreraient dans la coalition contre la France. L’Office d’administration centrale doit se contenter de gérer les territoires de la Saxe royale, des grands-duchés de Berg et de Francfort, du duché d’Arenberg, des principautés d’Isembourg, de Salm et de La Leyen et les territoires naguère français de rive gauche du Rhin. La Prusse reprend aussitôt possession de tous ses domaines d’Allemagne cédés en 1807, à l’exception du Hanovre rendu au roi d’Angleterre, du margraviat de Bayreuth laissé à la Bavière et du cercle de Cottbus pris en charge par l’Office d’administration centrale. En décembre 1813, les Français abandonnent la principauté de Neuchâtel, sous la pression des armées autrichiennes ; la Prusse en reprend aussitôt possession.
3. Palatinat-Bavière et Deux-Ponts, plus tard Bavière Entre septembre 1792 et octobre 1794, les pays allemands de rive gauche du Rhin sont occupés par les Français. L’ensemble des possessions de rive gauche de l’électeur palatin et celles du duc de Deux-Ponts sont désormais sous administration provisoire française. Bonaparte ayant obtenu de l’empereur à Campo-Formio (octobre 1797) qu’il abandonne à la France ses possessions de rive gauche du Rhin et qu’il s’emploie au futur congrès de la paix à convaincre les autres souverains de faire de même, la France annexe en novembre 1797 l’ensemble des pays allemands de rive gauche du Rhin, y compris donc les terres palatines. L’échec du congrès de Radstadt, destiné à réorganiser l’Allemagne, ravive les hostilités entre la France et les anciens coalisés. Peu avant sa mort, en janvier 1799, l’électeur Charles-Théodore se laisse entraîner dans le conflit, dans le camp des ennemis de la France. En février 1799, il meurt sans postérité. Conformément aux dispositions de Teschen, le duc Maximilien-Joseph de Deux-Ponts (dépossédé de son duché par la France) lui succède au Palatinat et en Bavière. Ses États sont désormais répartis en six provinces : Bavière (Munich), Haut-Palatinat (Amberg), Neubourg, Sulzbach, Palatinat du Rhin (Mannheim), Berg (Dusseldorf). En octobre 1799, la province de Sulzbach est supprimée et rattachée à celle du HautPalatinat, ramenant à cinq le nombre de provinces de l’électorat. Les faveurs de la France Les victoires françaises du nouveau premier consul Bonaparte à Marengo (juin 1800) et du général Moreau à Hohenlinden (décembre 1800) contraignent l’empereur à signer la paix de Lunéville (février 1801) en son nom et au nom du Saint Empire. Les dispositions générales de Campo-Formio y sont confirmées, l’Allemagne abandonnant la rive gauche du Rhin à la France, sous réserve que les princes héréditaires spoliés sur rive gauche soient indemnisés sur rive droite au détriment des États ecclésiastiques ou urbains. Sans attendre l’accord général, Bonaparte signe des traités séparés avec les princes importants de l’Allemagne qu’il entend ménager. Dans ce dessein, pour faire pièce à l’Autriche, il favorise la Prusse et les États moyens de l’Allemagne centrale et méridionale ; dans cette politique très traditionnelle, la Bavière doit, aux yeux de Bonaparte, jouer un rôle essentiel. Le 24 août 1801, la France et la Bavière signent le traité de Paris, dont les stipulations seront confirmées par le recès principal d’Empire du 25 février 1803. La Bavière cède, pour 12 000 km2 et 700 000 âmes : – au margrave de Bade : les bailliages palatins de Bretten, Heidelberg, Ladenbourg et Mannheim ; – au prince de Nassau-Usingen : le bailliage palatin de Caub ;
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Allemagne – au landgrave de Hesse-Darmstadt : les bailliages palatins de Lindenfels, Otzbourg et Umstatt ; – au prince de Linange : les bailliages palatins de Boxberg et Mosbach ; – à la République batave : Ravenstein, Bergen-op-Zoom, Wynnendal, SaintMichel-Gestel ; – à la France : le Palatinat de rive gauche du Rhin, Juliers, Simmern, Veldenz, Lautereck, Lautern, Deux-Ponts, Birkenfeld, Sponheim, Bischwiller, Ribeaupierre, la Petite-Pierre. La Bavière reçoit en compensation 17 000 km2 et 900 000 âmes provenant des médiatisations suivantes : – sécularisation et médiatisation des évêchés suivants : – Wurtzbourg en presque totalité, hormis des fragments à Anspach ; – Bamberg (évêché et enclaves de Cronach et de Vilseck) en presque totalité, hormis quelques fragments laissés à Anspach ; – Augsbourg en totalité (la ville libre restant immédiate) ; – Frisingue en presque totalité, hormis des enclaves au Tyrol et en Carniole, laissées à l’Autriche ; – Passau en partie, à savoir fragments à l’ouest de l’Ilz avec la ville et l’enclave d’Oberndorf, le reste allant à l’électeur de Salzbourg ; – Ratisbonne en partie, à savoir fragments orientaux et enclave de Hohenbourg, le reste avec la ville allant à l’archevêque de Mayence ; – Eichstædt en partie, à savoir les enclaves de Herrieden et d’Arberg, le reste avec la ville allant à l’électeur de Salzbourg ; – un fragment de Salzbourg : l’enclave de Muhldorf sur l’Inn ; – sécularisation et médiatisation des abbayes suivantes : – Kempten, Elchingen, Irsee, Ursberg, Kaiserheim, Roggenbourg, Wettenhausen, Sœfflingen, Ottobeuren, Ebrach, Wengen à Ulm, Saints Ulrich et Afra à Augsbourg ; – médiatisation des quinze villes libres suivantes : – Ulm, Nœrdlingen, Rothenbourg-sur-la-Tauber, Memmingen, Kempten, Dinkelsbuhl, Ravensbourg, Schweinfurth, Windsheim, Kaufbeuren, Wangen, Leutkirchen, Wissembourg-en-Nordgau, Buchhorn et Bopfingen ; – médiatisation des villages d’Empire suivants : – Goscheim, Sennfeld et la Leutkircher Heide (ligue de 39 villages libres sous la direction d’un bailli résidant à Gebratzhoffen). L’électeur Max-Joseph, rassemblant les possessions des Wittelsbach, devrait détenir huit voix au collège des princes de la diète impériale. Les cessions de rive gauche du Rhin lui en font perdre cinq (Lautern, Simmern, Deux-Ponts, Veldenz, Lautereck). Les sécularisations lui en donnent six (Bamberg, Wurtzbourg, Augsbourg, Frisingue, Passau, Kempten). Au collège des princes, la Bavière reçoit quatre nouvelles voix (Basse-Bavière, Berg, Sulzbach, Mindelheim). Elle détient désormais 13 voix, soit un dixième des voix du collège. Par traité du 30 juin 1803 conclu entre la Prusse et la Bavière, la Bavière cède à la Prusse les villes médiatisées de Windsheim, de Dinkelsbuhl et de Wissembourg-en-Nordgau. En échange, la Prusse cède à la Bavière l’enclave bayreuthienne de Lauenstein. Les possessions de l’électeur Max-Joseph résultant des derniers remaniements territoriaux représentent juridiquement 83 territoires. En vue d’une amorce d’unification, ils sont, en août 1803, regroupés en sept provinces : Bavière (Munich), Haut-Palatinat (Amberg), Neubourg, Wurtzbourg, Bamberg, Souabe (Ulm), Berg (Dusseldorf). En mai et juin 1805, l’électeur de Bavière rachète au grand maître de l’Ordre teutonique la plupart de ses possessions enclavées en Bavière. Il acquiert le comté d’Ortenbourg, échangé contre un fief.
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Les États existants En vue de la guerre qui se prépare sur le continent, Napoléon cherche à attirer la Bavière dans le camp de la France. Il la convainc de s’engager dans une alliance militaire et, par le traité de Bogenhausen (24 août 1805), promet en échange à l’électeur la couronne royale et des agrandissements de territoire. L’invasion de la Bavière par l’Autriche (7 septembre) déclenche le conflit qui se conclura à Austerlitz. Peu après la victoire française d’Austerlitz (2 décembre), la France et la Bavière signent le traité de Brunn (10 décembre 1805), qui prévoit d’accorder à la Bavière, à la conclusion de la paix : la couronne royale, le Vorarlberg, la ville d’Augsbourg, le margraviat de Burgau, la partie salzbourgeoise des anciens évêchés d’Eichstædt et de Passau et les terres de l’ordre équestre enclavées en Bavière. Le 16 décembre, par convention secrète de Schœnbrunn, la France cède à la Bavière le margraviat d’Anspach (hormis son enclave d’Uffenheim), reçu la veille de la Prusse. En échange, la Bavière cède le duché de Berg à Napoléon, à charge pour lui de l’attribuer à un prince de son choix. À partir du 19 décembre, avec l’aide des troupes françaises, l’électeur de Bavière prend possession effective des domaines de la chevalerie d’Empire enclavés sur son territoire. Le 26 décembre 1805 est signé à Presbourg le traité mettant fin aux hostilités entre l’Autriche d’une part, la France et ses alliés d’autre part. Ce traité prévoit un certain nombre de mouvements territoriaux au détriment de l’Autriche et de ses secundogénitures (Salzbourg et Brisgau), parmi lesquels les suivants concernent la Bavière : – l’Autriche cède à la Bavière le Tyrol entier, y compris Trente et Brixen ; en échange, la Bavière cède à l’électeur de Salzbourg l’ancien évêché de Wurtzbourg, qui sera érigé en électorat au profit dudit électeur, transféré en ce lieu par l’Autriche qui s’attribue Salzbourg ; – l’Autriche cède en outre à la Bavière : – le margraviat de Burgau et ses dépendances (Burgau, Gunzbourg, etc.), hormis le territoire d’Ehingen-sur-le-Danube, cédé au Wurtemberg ; – les sept seigneuries du Vorarlberg : Montfort, Feldkirch, Bludenz, Sonnenberg, Bregenz, Hoheneck, Dornbirn ; – le comté de Hohenems et l’ancienne prévôté de Saint-Gérold, enclavés dans le Vorarlberg ; – le comté de Kœnigsegg-Rothenfels (acquisition récente) ; – les seigneuries de Tettnang et de Langenargen ; – la principauté de Lindau (anciennes ville libre et abbaye), acquise en 1804 du prince de Bretzenheim qui l’avait reçue en 1803 ; – l’électeur de Salzbourg cède à la Bavière les parts salzbourgeoises des anciens évêchés d’Eichstædt et de Passau, ainsi que le Zillerthal que la Bavière rattache au Tyrol (en revanche, le territoire tyrolien de Windisch Matrei est conservé par le Salzbourg devenu autrichien) ; – la Bavière annexe la ville libre d’Augsbourg et les terres de l’ordre équestre. Le traité de Presbourg a pour effet de faire gagner à la Bavière de l’ordre de 28 000 km2 et 600 000 habitants. L’empereur François II reconnaît à l’électeur le titre de roi de Bavière et son entière indépendance vis-à-vis du Saint Empire. Enfin, par lettre du 27 décembre 1805 à l’électeur de Bavière, Napoléon réserve expressément le sort d’une frange méridionale du Tyrol « italien » (Trentin), au sud de Rovereto, qui reste ainsi sous administration provisoire en attente d’une future affectation (Bavière ou Italie). La Bavière devient un royaume Le 1er janvier 1806 est solennellement proclamée à Munich l’érection de l’électorat en royaume de Bavière. Le 13 janvier, le vice-roi d’Italie Eugène de Beauharnais, fait pour la circonstance duc de Leuchtenberg, épouse Augusta-Amélie, fille aînée du roi de Bavière, scellant ainsi l’alliance
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Allemagne franco-bavaroise, pierre angulaire de la politique de l’empereur Napoléon en Allemagne méridionale. Par le traité de Paris du 14 février 1806 (voir supra, Prusse), la Prusse cède à la Bavière la totalité du margraviat d’Anspach, y compris son enclave d’Uffenheim exclue de la cession de décembre 1805, soit pour la Bavière un nouveau gain d’environ 250 000 âmes. En avril 1806, en conséquence des derniers remaniements territoriaux, le royaume de Bavière, qui a perdu deux provinces (Wurtzbourg et Berg) et en a gagné deux (Tyrol et Anspach), est désormais divisé en les sept provinces suivantes : Bavière (Munich), Haut-Palatinat (Amberg), Souabe (Ulm), Bamberg, Neubourg, Anspach et Tyrol (Innsbruck). Le Vorarlberg et Augsbourg sont rattachés à la Souabe, Passau à la Bavière, Eichstædt à Neubourg. Par le traité de Munich du 25 mai 1806, l’empereur Napoléon attribue à la Bavière la frange méridionale du Tyrol italien (Trentin) jusque-là réservée. La Bavière la rattache à sa province du Tyrol. Pour parfaire son œuvre de réorganisation de l’Allemagne moyenne et la détacher des influences autrichienne ou prussienne, Napoléon crée le 12 juillet 1806 la Confédération du Rhin, dont il s’institue protecteur (voir annexe Confédération du Rhin). La Bavière est le plus important des États fondateurs de la Confédération du Rhin. Son roi siégera, à la diète prévue à Francfort, dans le collège des rois. Les États membres sont invités à apurer entre eux leur situation territoriale et à médiatiser les princes laïques possessionnés au milieu ou en bordure de leurs domaines. Dans ce cadre, la Bavière cède au Wurtemberg la seigneurie de Wiesensteig. En revanche, la Bavière médiatise les pays suivants : – la ville libre de Nuremberg ; – les commanderies de l’Ordre teutonique à Rohr et à Waldstetten, enclavées dans le margraviat de Burgau, et en sept autres lieux ; – la principauté de Schwarzenberg, le comté de Castell, les seigneuries de Speckfeld (aux Rechtern-Limpourg) et de Wiesentheid (aux Schœnborn), les comtés de Sternstein (aux Lobkowitz) et d’Edelstetten (aux Esterhazy), le burgraviat de Winterrieden (aux Sinzerdorf), la partie de la principauté de La Tour-et-Taxis située au nord du Neubourg, les enclaves (dans Anspach) de Schillingsfurst et de Kirchberg (au prince de Hohenlohe), la majeure partie des possessions des prince et comtes de Fugger, les principautés d’Œttingen-Spielberg et d’Œttingen-Wallerstein, le comté de Pappenheim, les seigneuries de Buxheim (aux Ostein) et de Thannhausen (au comte de Stadion). L’ensemble représente un gain de près de 200 000 âmes. Les Autrichiens revendiquaient depuis 1805 le Zillerthal comme faisant partie du duché de Salzbourg. Ils l’occupent le 21 mai 1807. Napoléon réagit en décrétant la réunion officielle du Zillerthal au Tyrol, réunion qui sera confirmée en 1809 lors de la cession de Salzbourg. Au traité de Presbourg de 1805, l’électeur de Salzbourg, transféré à Wurtzbourg, n’avait obtenu que le territoire de l’ancien évêché, sans les enclaves de la ville de Schweinfurth et des terres équestres médiatisées par la Bavière, respectivement en 1803 et en 1805. Par accord du 12 juin 1807, la Bavière cède au grand-duché de Wurtzbourg les territoires de la chevalerie d’Empire enclavés dans le grand-duché. La Bavière conserve l’enclave de Schweinfurth et obtient l’usage d’une route militaire reliant cette ville au territoire bavarois. La Bavière s’était battue aux côtés de la France dans la guerre contre la Prusse. En juillet 1807, elle occupe le margraviat de Bayreuth. Mais, à sa grande déception, Napoléon conserve à titre de pays réservé le margraviat, que la Prusse lui a cédé le 9 juillet au traité de Tilsitt. Par l’édit du 21 juin 1808, la Bavière est complètement réorganisée « à la française » en 15 cercles portant des noms de fleuves ou de rivières et administrés chacun par un préfet :
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Les États existants Main (Bamberg), Pegnitz (Nuremberg), Naab (Amberg), Rezat (Anspach), Altmuhl (Eichstædt), Haut-Danube (Ulm), Lech (Augsbourg), Regen (Straubing), Bas-Danube (Passau), Isar (Munich), Salzach (Burghausen), Iller (Kempten), Inn (Innsbruck), Eisach (Brixen), Adige (Trente). Le 8 septembre 1808, la Bavière sécularise les biens de l’ordre de Malte situés sur son territoire. Par le décret de Ratisbonne du 24 avril 1809, Napoléon décide la sécularisation des biens de l’Ordre teutonique situés dans la Confédération du Rhin. En conséquence, sur son territoire, la Bavière sécularise les biens dudit Ordre non encore acquis par elle. Ultimes accroissements La guerre ayant repris en 1809 entre la France et l’Autriche, celle-ci, vaincue à Wagram, doit céder à Napoléon un grand nombre de territoires, parmi lesquels le Salzbourg, Berchtesgaden, l’Innviertel et la moitié de l’Hausruckviertel, à charge pour ce dernier de les attribuer à des princes allemands de son choix (traité de Schœnbrunn, 14 octobre 1809). Au printemps de 1810, le mariage de Napoléon Ier avec l’archiduchesse Marie-Louise est l’occasion d’un rassemblement de souverains à Paris et d’une intense activité diplomatique. L’empereur procède alors au dernier grand remaniement territorial de son règne. Le roi de Bavière craignait que sa fille Augusta ne puisse régner un jour sur l’Italie, du fait de l’éventualité nouvelle d’un descendant de Napoléon susceptible d’en recueillir la couronne. Pour apaiser ses craintes, Napoléon, qui vient de séculariser l’archevêché de Mayence et de l’ériger en grand-duché de Francfort, fait d’Eugène et d’Augusta les héritiers de ce duché à la mort du grand-duc Dalberg. Celui-ci, en échange de divers accroissements, cède le 16 février à Napoléon sa principauté de Ratisbonne (ville et ancien évêché) enclavée en Bavière. Le 28 février 1810, un traité est signé à Paris entre la France et la Bavière. Celle-ci se voit favorisée d’un ultime accroissement. La Bavière reçoit de la France : – la principauté de Ratisbonne, cédée par le grand-duc de Francfort ; – le margraviat de Bayreuth, pays réservé, cédé par la Prusse en 1807, comprenant deux territoires principaux (Bayreuth et Neustadt), plus l’enclave de Caulsdorf en Thuringe ; – le duché de Salzbourg avec Berchtesgaden, l’Innviertel (bavarois jusqu’en 1779) et la moitié occidentale de l’Hausruckviertel (vieille terre autrichienne), cédés par l’Autriche en octobre 1809 ; toutefois, la France conserve du duché de Salzbourg le territoire de Windisch Matrei, qu’elle rattache à la Carinthie occidentale cédée par l’Autriche. Le tout représente un gain de l’ordre de 700 000 âmes. En contrepartie, la Bavière cède : – au royaume d’Italie, le Tyrol italien (Trentin) et une partie du Tyrol allemand jusqu’à une ligne passant au nord de Botzen ; – à la France, pour sa province illyrienne de Carinthie, le Tyrol oriental, à l’est du seuil de Toblach ; – au grand-duché de Wurtzbourg, la ville enclavée de Schweinfurth, avec son territoire. Par le traité de Paris du 18 mai 1810, signé entre la Bavière et le Wurtemberg, la Bavière cède au Wurtemberg les villes et territoires d’Ulm, de Ravensbourg, des Fugger à l’ouest de l’Iller, de Wangen, Leutkirchen, Buchhorn et Bopfingen, Leutkircher Heide, Tettnang et Langenargen, et des fragments d’Anspach (Creglingen, Crailsheim) provenant des médiatisations opérées par la Bavière en 1803 (Rothenbourg) ou en 1806 (La Tour-et-Taxis, Hohenlohe, Œttingen). Le tout représente une perte d’environ 500 000 âmes, le solde s’établissant à un gain de 200 000 âmes, portant ainsi la population de la Bavière à un chiffre de 3 200 000 sujets, vivant sur 96 000 km2. Malgré tout, le roi de Bavière s’estime insatisfait, ulcéré par les reproches de Napoléon sur son incapacité à faire régner l’ordre au Tyrol (révolte de Hofer) et une faille s’ouvre dans l’entente entre France et Bavière. En octobre 1810, le territoire est réorganisé en neuf cercles, mieux adaptés aux traditions bavaroises : Isar (Munich), Bas-Danube (Passau), Regen (Ratisbonne), Main (Bay-
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Allemagne reuth), Rezat (Anspach), Haut-Danube (Eichstædt), Iller (Kempten), Tyrol (Innsbruck), Salzach (Salzbourg) ; les villes d’Augsbourg et de Nuremberg bénéficient d’un gouvernement propre. Les défaites françaises amènent la Bavière à changer de camp le 8 octobre 1813 par le traité de Ried signé avec l’Autriche. La Bavière quitte la Confédération du Rhin et adhère à la coalition anti-française. L’Autriche lui garantit la couronne royale et son intégrité territoriale, ou complet dédommagement en cas de rétrocession de territoires à l’Autriche. À l’issue de la campagne de France et de l’abdication de Napoléon, sans attendre les décisions du congrès qui doit réorganiser l’Europe, par le traité de Paris du 3 juin 1814, conclu entre l’Autriche et la Bavière, les dispositions suivantes sont adoptées : – la Bavière cède immédiatement à l’Autriche le Tyrol bavarois et le Vorarlberg, hormis pour ce dernier la seigneurie de Hoheneck qui assurera à la Bavière un débouché sur Lindau et le lac de Constance ; – en échange, l’Autriche cède immédiatement à la Bavière le grand-duché de Wurtzbourg (abandonné par son grand-duc retournant régner en Toscane) et la principauté d’Aschaffenbourg (provenant du grand-duché de Francfort démantelé, et auparavant de l’électorat de Mayence), hormis le district d’Orb, ancienne dépendance d’Aschaffenbourg enclavée dans le Hanau et dont le sort demeure incertain ; – la rétrocession de Salzbourg, de Berchtesgaden, de l’Innviertel et de l’Hausruckviertel est renvoyée au congrès de Vienne, en attente de compensations conformes au traité de Ried.
4. Wurtemberg En 1792, le duché d’Œls, possession d’une branche cadette des Wurtemberg, est acquis par le duc de Brunswick-Wolfenbuttel, sous suzeraineté du roi de Prusse. Le 11 octobre 1793, l’armée française du général de Custine ayant occupé Montbéliard, la Convention décrète l’annexion à la France de la principauté de Montbéliard. Le duc de Wurtemberg s’étant joint à la coalition anti-française, par le traité de Paris du 7 août 1796, la France et le Wurtemberg mettent fin à l’état de guerre. Le duc de Wurtemberg abandonne à la France ses domaines d’Alsace et de Bourgogne, y compris Montbéliard. Il devra en recevoir des compensations sur la rive droite du Rhin, à la conclusion de la paix entre la France et les pays du Saint Empire. Les faveurs de la France Le Wurtemberg ayant de nouveau fait partie de la coalition contre la France, la paix est rétablie le 20 mai 1802. Le duc de Wurtemberg est favorisé par sa position d’oncle du tsar Alexandre Ier, avec qui le premier consul Bonaparte s’est officiellement associé dans son œuvre de réorganisation du Saint Empire. Par ailleurs, Bonaparte souhaite affermir le Wurtemberg, comme la Bavière et Bade, pour faire de cette triade un contrepoids à l’influence de l’Autriche dans l’Allemagne méridionale. Il choisit donc de favoriser par avance le Wurtemberg, par le traité particulier du 20 mai 1802, sans attendre la conclusion générale des pourparlers. Par ce traité, le duc de Wurtemberg confirme à la France les cessions de rive gauche du Rhin conclues en 1796. En compensation, le duc de Wurtemberg reçoit, outre la dignité électorale : – la prévôté d’Ellwangen et les cinq abbayes de Zwiefalten, Mariaberg, Margrethausen, Rothenmunster et Combourg ; – les neuf villes libres de Rottweil, Weil der Stadt, Esslingen, Hall, Reutlingen, Aalen, Gmund, Heilbronn, Giengen ; – quelques terres de la chevalerie d’Empire enclavées dans ses domaines. Le recès d’Empire du 25 février 1803 confirme les dispositions du traité de mai 1802 et notamment l’érection du duché en électorat de Wurtemberg. Au collège des princes de la diète, l’électeur de Wurtemberg perd une voix (Montbéliard), mais gagne une voix ancienne (Ellwangen) et trois voix nouvelles (Teck, Tubingue, Zwiefalten) ; outre son nouveau titre électoral, il y détient désormais cinq voix.
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Les États existants La guerre s’annonçant entre la France d’un côté, l’Autriche et la Russie de l’autre, après avoir hésité en raison de ses liens familiaux, l’électeur de Wurtemberg, par traité du 5 octobre 1805, se range du côté de la France. Napoléon lui promet des agrandissements après la victoire. Le 12 décembre 1805, à l’issue de sa victoire d’Austerlitz sur les armées austro-russes, la France signe avec le Wurtemberg le traité de Brunn. L’empereur Napoléon décerne à l’électeur de Wurtemberg la couronne royale et lui attribue d’avance des territoires autrichiens et brisgoviens à se faire céder prochainement par l’Autriche, ainsi que le reliquat des terres équestres et celles de l’ordre de Malte enclavées dans le Wurtemberg. À partir du 19 décembre, avec le concours des troupes françaises, le roi de Wurtemberg prend possession effective des terres équestres. Le 26 décembre 1805 est signé à Presbourg le traité mettant fin aux hostilités entre l’Autriche d’une part, la France et ses alliés d’autre part. Ce traité comporte un certain nombre de mouvements territoriaux au détriment de l’Autriche et de ses secundogénitures (Salzbourg et Brisgau), parmi lesquels les suivants concernent le Wurtemberg. Celui-ci reçoit : – de l’Autriche : – les « cinq villes du Danube » : Munderkingen, Riedlingen, Mengen, Saulgau, Waldsee ; – la part occidentale (Ehingen-sur-le-Danube) du margraviat de Burgau ; – l’avouerie d’Altdorf ou « de Ravensbourg », hormis la ville de Constance (qui en dépendait) ; – le comté de Hohenberg (Rottenbourg), formé de deux territoires ; – le landgraviat de Nellembourg (Stockach) ; – le comté de Weissenau, ancienne abbaye achetée en 1804 au comte de Sternberg, qui l’avait reçue en 1803 ; – du duché de Modène-Brisgau (démantelé) : – les enclaves d’Oberndorf, de Villingen et de Brauenlingen ; – de l’ordre de Malte : – le comté de Bonndorf, partie de l’abbaye de Saint-Blaise sécularisée en 1803 au profit de l’Ordre. L’ensemble de ces gains représente de l’ordre de 160 000 âmes. Le Wurtemberg devient un royaume Le 1er janvier 1806 est solennellement proclamée à Stuttgart l’érection de l’électorat en royaume de Wurtemberg. Pour parfaire son œuvre de réorganisation de l’Allemagne moyenne et la détacher des influences autrichienne ou prussienne, Napoléon crée le 12 juillet 1806 la Confédération du Rhin, dont il s’institue protecteur (voir annexe Confédération du Rhin). Le Wurtemberg est l’un des plus importants États fondateurs de la Confédération du Rhin. Son roi siégera, à la diète prévue à Francfort, dans le collège des rois. Les États membres sont invités à apurer entre eux leur situation territoriale et à médiatiser les princes laïques possessionnés au milieu ou en bordure de leurs domaines. Dans ce cadre, le Wurtemberg reçoit : – du prince d’Orange-Nassau, et confisqués par Napoléon, l’abbaye de Weingarten et le prieuré de Hofen, médiatisés en 1803 ; – de la Bavière, la seigneurie de Wiesensteig ; – de Bade, l’ancienne ville libre de Biberach, médiatisée en 1803 ; – de l’Ordre teutonique, le comté d’Alschausen. Le Wurtemberg cède au grand-duché de Bade le comté de Bonndorf et les enclaves de Villingen et de Brauenlingen, reçus respectivement de l’ordre de Malte et du Brisgau en 1805.
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Allemagne Enfin, le Wurtemberg médiatise les territoires suivants : les seigneuries de Gundelfingen et de Neufra (aux Furstenberg), les domaines des princes de Hohenlohe (hormis les enclaves de Schillingsfurst et Kirchberg laissées à la Bavière), les biens des princes de La Tour-et-Taxis (hormis ceux au nord de Neubourg et les seigneuries de Strassberg et d’Ostrach), le comté de Waldbourg (aux Truchsess-Waldbourg), des parcelles des comtés de Fugger, le comté de Limpourg-Gaildorf (aux Puckler-Limpourg), les comtés de Baindt (aux Aspremont), d’Egloff (aux Traun), de Guttenzell (aux Tœrring), de Roth (aux Wartenberg), d’Heggbach (aux Bassenheim), d’Isny (aux Quadt), de KœnigseggAulendorf, d’Ochsenhausen (aux Metternich), de Schussenried (aux Sternberg), les seigneuries de Mietingen et de Suhlningen (aux Plettenberg), de Tannheim (aux Schæsberg), de Neuravensbourg (aux Dietrichstein), de Lœwenstein (aux Lœwenstein-Wertheim), de Warthausen (aux Stadion) et la moitié méridionale (au sud de la Jagst) de la principauté de Krautheim (aux Salm-Reifferschiedt). Pour resserrer les liens entre la France et le Wurtemberg, le jeune frère de Napoléon, Jérôme, qui vient d’être nommé roi de Westphalie, épouse le 23 août 1807 Catherine, fille du roi Frédéric Ier de Wurtemberg. Ultimes accroissements Par le décret de Ratisbonne du 24 avril 1809, Napoléon sécularise les biens de l’Ordre teutonique dans la Confédération du Rhin. Le Wurtemberg reçoit la principauté de Mergentheim-sur-la-Tauber, centre de l’Ordre et siège de son grand maître. À la suite de la victoire française de Wagram, l’Autriche est une fois encore dépouillée de territoires par l’empereur Napoléon, au traité de Schœnbrunn (octobre 1809). Ce traité est à la source d’un ultime mouvement de territoires en Allemagne méridionale. Les négociations se tiennent à Paris, à l’occasion des fêtes du mariage de l’Empereur avec l’archiduchesse Marie-Louise. Par le traité de Paris du 18 mai 1810, signé entre la Bavière et le Wurtemberg, la Bavière cède au Wurtemberg environ 138 000 âmes, à savoir les villes et territoires d’Ulm, de Ravensbourg, de Fugger (à l’ouest de l’Iller), de Wangen, de Leutkirchen, de Buchhorn, de Bopfingen, de la Leutkircher Heide, de Tettnang et Langenargen, ainsi que des fragments d’Anspach (Creglingen, Crailsheim) provenant de médiatisations par la Bavière de biens de Rothenbourg, La Tour-et-Taxis, Hohenlohe et Œttingen. Par le traité de Paris du 2 octobre 1810, signé entre le Wurtemberg et Bade, le Wurtemberg cède à Bade environ 45 000 âmes, à savoir le landgraviat de Nellembourg (avec Stockach et Stetten), et la haute vallée de la Kinzig (avec Hornberg et Schiltach). Le royaume de Wurtemberg atteint ainsi sa plus grande superficie (19 500 km2) pour une population de 1 350 000 habitants. Il couvre désormais le bassin du Neckar et celui du haut Danube. Son territoire est dès lors d’un seul tenant, seulement grevé du saillant constitué par les principautés de Hohenzollern. Il va demeurer inchangé pendant près de 140 années. Le Wurtemberg est départementalisé « à la française » en douze cercles dirigés chacun par un « grand drossart », équivalent d’un préfet : Haut-Neckar (Rottweil), Neckar moyen (Rottenbourg), Forêt-Noire (Calw), Rothenbourg (Stuttgart), Enz (Ludwigsbourg), BasNeckar (Heilbronn), Jagst (Œhringen), Korcher (Ellwangen), Filz-et-Rems (Gœppingen), Alpe (Urach), Danube (Ulm), Lac-de-Constance (Weingarten). La défaite française à Leipzig entraîne l’abandon de l’Allemagne par la France. Par le traité de Fulde du 2 novembre 1813, signé avec l’Autriche, le Wurtemberg quitte la Confédération du Rhin et adhère à la coalition anti-française. L’Autriche lui garantit la dignité royale et l’intégrité territoriale.
5. Bade Dans la nuit du 4 août 1789, les privilèges nobiliaires étant abolis en France par l’Assemblée constituante, la seigneurie alsacienne de Benheim, possession badoise dans le royaume, est annexée par la France. En 1792, puis en 1794, les possessions du margrave de Bade situées dans le Saint Empire sur rive gauche du Rhin sont occupées par les armées françaises.
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Les États existants Le margrave de Bade étant à cette époque entré en guerre contre la France, par le traité du 22 août 1796, la paix est rétablie entre la France et Bade. Le margrave de Bade abandonne à la France l’ensemble de ses possessions de rive gauche du Rhin. Il devra en recevoir des compensations sur la rive droite, à la conclusion générale de la paix. Les faveurs de la France Le margrave de Bade reste neutre dans la seconde coalition. Dans les pourparlers de paix précédant le règlement général des affaires allemandes, le margrave de Bade est favorisé par sa position de grand-père de la femme du tsar Alexandre Ier, avec qui le premier consul Bonaparte s’est officiellement associé dans l’œuvre de réorganisation du Saint Empire. Par ailleurs, Bonaparte souhaite affermir le margraviat de Bade, comme la Bavière et le Wurtemberg, pour faire de la triade un contrepoids à l’influence de l’Autriche en Allemagne méridionale. Les clauses territoriales du recès principal d’Empire du 25 février 1803, se rapportant à Bade, vont concrétiser ces bonnes intentions. Le margrave de Bade confirme qu’il cède à la France ses possessions d’Alsace, du Luxembourg et du Palatinat. En contrepartie, il reçoit, outre la dignité électorale : – l’évêché de Constance (Meersbourg et Reichenau) ; – la part de rive droite du Rhin de l’évêché de Spire (Bruchsal) ; – la part de rive droite du Rhin de l’évêché de Strasbourg (Oberkirch, Oppenau, Ettenheim) ; – la part de rive droite du Rhin de l’évêché de Bâle (Schlingen, Idstein) ; – les dix abbayes de Salmansweiler, Petershausen, Gengenbach, Reichenau, Œhningen, Allerheiligen, Schwarzach, Frauenalb, Lichtenthal, Ettenheim Munster ; la prévôté d’Odenheim et le chapitre de Bruchsal ; – les sept villes libres d’Offenbourg, de Wimpfen (immédiatement rétrocédée à la Hesse-Darmstadt), de Gengenbach, Zell, Biberach, Pfullendorf et Uberlingen ; – la part de rive droite du Rhin du Palatinat du Rhin (seigneuries de Bretten, Ladenbourg, Heidelberg), cédée par l’électeur de Bavière ; – la seigneurie de Lahr en Ortenau, cédée par le prince de Nassau-Usingen ; – le bailliage de Wildstett-en-Ortenau, partie du comté de Hanau-Lichtenberg, cédé par le landgrave de Hesse-Darmstadt en échange de la ville libre de Wimpfen. Contre une perte de 450 km2 et d’environ 25 000 habitants, le nouvel électeur de Bade gagne 3 350 km2 et environ 240 000 sujets, soit un gain net de 2 900 km2 faisant passer l’État de Bade à 6 500 km2. Il est proportionnellement l’État le mieux indemnisé de l’Allemagne par le recès. Au collège des princes de la diète de Ratisbonne, par acquisition de voix épiscopales, l’électeur de Bade détient désormais six voix (Bade, Durlach, Hochberg, Bruchsal-Spire, Ettenheim-Strasbourg, Constance). À la veille de la reprise des hostilités contre l’Autriche et la Russie, l’électeur de Bade entre dans l’alliance française par le traité du 5 septembre 1805, contre promesse d’agrandissements territoriaux après la victoire. Bade devient un grand-duché À l’issue de sa victoire d’Austerlitz sur les armées austro-russes, l’empereur Napoléon signe le traité de Brunn (12 décembre) avec l’électeur de Bade. Napoléon décerne à l’électeur la couronne grand-ducale et lui attribue par avance des territoires autrichiens et brisgoviens à se faire céder prochainement par l’Autriche, ainsi que les terres de la chevalerie d’Empire enclavées sur son territoire. À partir du 19 décembre, avec le concours de troupes françaises, le grand-duc prend possession effective des terres équestres. Par nouveau traité du 20 décembre 1805, le grand-duché de Bade cède à la France la ville de Kehl et son territoire. Enfin, le 26 décembre est signé à Presbourg le traité mettant fin aux hostilités entre l’Autriche d’une part, la France et ses alliés d’autre part. Ce traité prévoit un certain nom-
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Allemagne bre de mouvements de territoires au détriment de l’Autriche et de ses secundogénitures (Brisgau et Salzbourg), au profit des vainqueurs. Le grand-duché de Bade reçoit : – de l’Autriche, la ville de Constance ; – de Modène-Brisgau (démantelé), l’Ortenau brisgovien et la majeure partie du Brisgau, hormis ses trois enclaves d’Oberndorf, de Villingen et de Brauenlingen laissées au Wurtemberg. Le tout représente un gain de l’ordre de 160 000 âmes. L’Autriche reconnaît à Bade la dignité grand-ducale et son entière indépendance vis-à-vis du Saint Empire ; elle lui abandonne la chevalerie d’Empire située sur ses domaines. Le grand-duché comporte désormais trois provinces : Bas-Rhin (Mannheim), Rhin Moyen (Carlsruhe), Haut-Rhin (Fribourg). Pour resserrer les liens entre la France et Bade, la princesse Stéphanie de Beauharnais, nièce de Joséphine et fille adoptive de Napoléon, épouse le 7 avril 1806 le prince héréditaire Charles, petit-fils du grand-duc Charles-Frédéric. Le 12 juillet 1806, le grand-duché de Bade est l’un des grands États fondateurs de la Confédération du Rhin. Son grand-duc siégera dans le collège des rois à la diète fédérale prévue à Francfort. Les États membres sont invités par Napoléon à apurer entre eux leur situation territoriale et à médiatiser les biens, situés dans ou en bordure de leur domaine, des princes possessionnés non retenus comme membres de la Confédération. Dans ce cadre, le grand-duché de Bade cède au Wurtemberg l’ancienne ville libre de Biberach (médiatisée en 1803) et en reçoit les enclaves brisgoviennes de Villingen et de Brauenlingen, ainsi que le comté de Bonndorf (cédé par Malte en 1805). Le grand-duché de Bade sécularise et annexe la principauté de Heitersheim dans le Brisgau, siège du grand prieur d’Allemagne de l’ordre de Malte, ainsi que les autres terres de l’Ordre situées sur ses domaines. Enfin, le grand-duché de Bade médiatise les territoires suivants : – la principauté de Furstenberg (74 000 âmes), capitale Donaueschingen, hormis Gundelfingen et Neufra (laissées au Wurtemberg) et Trochtelfingen, Jungenau et et une parcelle de Mœskirch (laissées au Hohenzollern-Sigmaringen) ; – le landgraviat de Klettgau, appartenant aux Schwarzenberg ; – la principauté de Linange (Leiningen), capitale Walldurn, moitié de la principauté d’Aschaffenbourg sécularisée en 1803 au profit du prince ; – les seigneuries de Billigheim et de Neidenau, appartenant depuis 1803 au comte de Linange ; – le comté de Thengen dans le Hégau, appartenant aux Auersperg ; – le comté de Wertheim, appartenant aux Lœwenstein-Wertheim, hormis la part de rive droite du Main laissée au prince-primat et les seigneuries de Heubach, Brauberg et Habitzheim laissées à la Hesse-Darmstadt ; – la seigneurie de Hagenau, confisquée au prince d’Orange-Nassau ; – la moitié septentrionale (au nord de la Jagst) de la principauté de Krautheim et les autres terres des comtes de Salm-Reifferschiedt. Le tout représente un accroissement de 270 000 sujets. Ultimes accroissements À l’issue de la victoire française de Wagram, l’Autriche est une nouvelle fois dépouillée de territoires par le traité de Schœnbrunn (octobre 1809). Ce traité est à la source d’un ultime remaniement de territoires en Allemagne méridionale. Les négociations se tiennent à Paris, à l’occasion des fêtes du mariage de l’Empereur avec l’archiduchesse Marie-Louise. Par le traité de Paris du 8 septembre 1810, signé entre Bade et la Hesse-Darmstadt, le grand-duché de Bade cède à la Hesse-Darmstadt environ 15 000 âmes, à savoir les bailliages anciennement mayençais de Miltenberg et d’Amorbach, provenant de la principauté de Linange annexée en 1806.
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Les États existants Par le traité de Paris du 2 octobre signé entre le Wurtemberg et Bade, le grand-duché de Bade reçoit du Wurtemberg environ 45 000 âmes, à savoir le landgraviat de Nellembourg (avec Stockach et Stetten) et la haute vallée de la Kinzig (avec Hornberg et Schiltach). Le grand-duché de Bade atteint désormais une surface de 15 000 km2 pour environ 1 000 000 habitants. Il se développe de façon homogène de Constance à Wertheim, selon une forme très allongée et tourmentée ; la seule enclave subsistant sur ses terres est le comté de Hohengeroldseck, appartenant au prince de La Leyen, membre de la Confédération du Rhin. En 1811, le grand-duché de Bade est réorganisé « à la française » en six cercles, administrés chacun par un directeur, équivalent d’un préfet. Les cercles sont, du sud au nord : Lacet-Danube (Constance), Dreisam (Fribourg), Kinzig (Offenbourg), Murg-et-Pfinz (Carlsruhe), Neckar (Mannheim), Main-et-Tauber (Wertheim). La défaite française de Leipzig, suivie de l’évacuation de l’Allemagne par les Français, provoque un changement de politique du grand-duché de Bade, jusqu’alors un des plus fidèles alliés de Napoléon. Par le traité de Francfort du 20 novembre 1813, passé avec l’Autriche, le grand-duc de Bade adhère à la coalition anti-française et se voit garantir sa couronne grand-ducale et l’intégrité de ses territoires, ou entière compensation en cas de cessions lors de la réorganisation de l’Allemagne. La Confédération du Rhin est dissoute. À l’occasion du premier traité de Paris, signé le 30 mai 1814 entre la France et les coalisés, la France restitue la ville de Kehl au grand-duché de Bade.
6. Hohenzollern À la suite de l’abandon définitif à la France de la rive gauche allemande du Rhin, le recès d’Empire du 25 février 1803 entérine les compensations accordées sur rive droite aux princes héréditaires dépossédés sur rive gauche, compensations faites au détriment des États ecclésiastiques ou urbains. Perdant ses droits à Liège, le prince de Hohenzollern-Hechingen reçoit le monastère de Stetten et la seigneurie de Hirschlatt. Perdant ses domaines médiats du cercle de Bourgogne, le prince de HohenzollernSigmaringen reçoit les monastères d’Isingshofen, de Holzheim et de Beuron. Le collège des princes de la diète de Ratisbonne est porté de 100 à 131 voix. La principauté de Sigmaringen bénéficie d’une de ces nouvelles voix, ce qui assure désormais deux voix aux princes de Hohenzollern. Lorsque Napoléon crée le 12 juillet 1806 la Confédération du Rhin, il prévoit de ne conserver que quelques États de grande taille, suffisamment forts pour faire contrepoids à l’Autriche et à la Prusse. Les petits États et la chevalerie d’Empire, jugés « autrichiens » de sentiment, sont voués à la disparition. La faible importance des deux principautés de Hohenzollern devrait les condamner à la médiatisation, mais deux motifs vont les en préserver : – les princes étant cousins des Hohenzollern de Prusse, ils sont, aux yeux de Napoléon, à l’abri de toute inféodation à l’Autriche ; – des liens d’amitié ou des alliances avec des proches de Napoléon vont disposer favorablement ce dernier à leur endroit : la princesse de Hohenzollern-Sigmaringen, amie du premier mari de l’impératrice Joséphine, est restée en excellents termes avec celle-ci ; le prince héritier de Hohenzollern-Hechingen se prépare à épouser une nièce de Murat. Les deux principautés sont ainsi sauvegardées et les princes adhèrent comme membres fondateurs à la Confédération du Rhin ; à la diète de Francfort, ils siégeront dans le collège des princes. Les États membres sont invités par Napoléon à médiatiser les biens, situés dans ou en bordure de leur domaine, des princes possessionnés non retenus dans la Confédération ; le prince de Hohenzollern-Sigmaringen médiatise les terres suivantes : – les seigneuries de Trochtelfingen, de Jungnau et une parcelle (rive gauche du Danube) de celle de Mœskirch, provenant de la principauté de Furstenberg ;
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Allemagne – les seigneuries de Strassberg et d’Ostrach, provenant des domaines de la maison de La Tour-et-Taxis ; – les terres de l’ordre équestre. Les deux principautés atteignent ainsi leur configuration définitive, représentant 400 km2 et 14 000 habitants pour Hechingen et 800 km2 et 39 000 habitants pour Sigmaringen. En novembre 1813, à la suite de leur défaite, les Français évacuent l’Allemagne. La Confédération du Rhin est dissoute.
7. Furstenberg L’acte fondateur de la Confédération du Rhin, le 12 juillet 1806, stipule la médiatisation de nombre de territoires princiers d’Allemagne, parmi lesquels ceux du prince de Furstenberg, jugé par Napoléon trop « autrichien ». La principauté de Furstenberg est ainsi partagée : – au grand-duché de Bade : les landgraviats de Baar et de Stuhlingen, la seigneurie de Hœwen, la majeure partie de la seigneurie de Mœskirch, située sur rive droite du Danube, le comté de Heiligenberg, la seigneurie de Hausen ; – au royaume de Wurtemberg : la seigneurie de Neufra et la baronnie de Gundelfingen ; – à la principauté de Hohenzollern-Sigmaringen : la petite partie de la seigneurie de Mœskirch située sur rive gauche du Danube et les seigneuries de Jungenau et de Trochtelfingen. Le prince de Furstenberg, déchu de sa souveraineté immédiate, conserve cependant la possession médiate de ses terres, avec droits spéciaux reconnus par les trois États successeurs. Désormais, les possessions du prince suivront le sort de ces trois États.
8. La Tour-et-Taxis L’occupation par la France de la rive gauche du Rhin fait perdre au prince de La Tour-etTaxis des intérêts considérables (Bruxelles était l’un de ses principaux établissements), les services de poste de sa maison ayant été supprimés sur rive gauche du Rhin par la France. Comme il s’agissait d’un fief du trône, lors du recès d’Empire du 25 février 1803, le prince de La Tour-et-Taxis est admis à en recevoir compensation, comme s’il se fût agi de pertes territoriales. Il reçoit : – l’abbaye de Buchau, sur les bords du lac Feder ; – le bailliage de Strassberg, en amont sur la Schmeie, qui dépend de cette abbaye ; – la ville libre impériale de Buchau ; – l’abbaye d’Obermarchtal, dont le territoire s’étend du Danube au lac Feder ; – le bailliage d’Ostrach, au nord du comté d’Heiligenberg, qui dépend de l’abbaye de Salmansweiler ; – la seigneurie de Schemmerberg, sur la Riss en aval de Biberach, qui en dépend aussi ; – l’abbaye de Neresheim, limitrophe de ses terres dans la région de Neubourg. Lors de la création de la Confédération du Rhin, le 12 juillet 1806, la médiatisation des domaines du prince de La Tour-et-Taxis, jugé trop lié à l’Autriche, est décidée. La principauté de La Tour-et-Taxis est ainsi répartie : – au royaume de Bavière : les territoires situés dans la région de Neubourg, à savoir les seigneuries d’Eglingen, Dischingen, Balmershofen et Neresheim ; – au royaume de Wurtemberg : la majeure partie de la principauté, à savoir les seigneuries de Scheer, Friedberg, Durmentingen, Buss, Buchau, Obermarchtal et Schemmerberg ; – à la principauté de Hohenzollern-Sigmaringen : les bailliages de Strassberg et Ostrach. Le prince de La Tour-et-Taxis, dépossédé de la souveraineté, conserve cependant la possession médiate de ses terres, avec droits spéciaux reconnus par les trois États successeurs. Désormais, ses terres suivront le sort de ces trois États.
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Les États existants 9. Bayreuth et Anspach Voir supra Prusse. 10. Saxe électorale La Saxe électorale, trop éloignée de la France, ne subit pas de pertes territoriales ni ne reçoit de compensations au recès d’Empire de février 1803. Elle bénéficie seulement de l’accroissement des voix du collège des princes de la diète impériale. Désormais, l’électeur de Saxe y dispose de trois voix en propre (margraviat et burgraviat de Misnie, Querfurt), en plus de l’ancienne voix partagée du Henneberg et d’une nouvelle voix (Thuringe) partagée avec les ducs de la branche ernestine. Dans le conflit franco-prussien de 1806, la Saxe électorale combat la France aux côtés de la Prusse. Après la victoire d’Iéna, Napoléon se montre clément pour l’électeur FrédéricAuguste de Saxe, par calcul politique. Dans l’idée de faire de la Saxe un État solide faisant contrepoids à la Prusse, loin de dépouiller l’électeur, il le comble d’égards (libération immédiate des prisonniers saxons), l’élève à la dignité royale, lui laisse espérer la couronne polonaise et le fait passer dans le camp français par le traité de Posen (11 décembre 1806), par lequel le nouveau royaume de Saxe adhère à la Confédération du Rhin. Le roi de Saxe siégera dans le collège des rois. Enfin, le roi de Saxe médiatise les comtés de Schœnbourg et de Stolberg. Les deux traités de Tilsitt (7 et 9 juillet 1807), signés entre France et Russie puis entre France et Prusse, redonnent un État à la nation polonaise, sous forme d’un grand-duché de Varsovie, constitué sur la part prussienne des trois partages polonais. Le roi de Saxe devient grand-duc de Varsovie, mais il s’agit d’une union personnelle. Le grand-duché de Varsovie ne fait pas partie de la Confédération du Rhin et se trouve par ailleurs séparé de la Saxe par la Silésie prussienne, au travers de laquelle une route militaire relie les deux ensembles du roi-grand-duc Frédéric-Auguste. L’histoire propre au grand-duché de Varsovie n’est pas traitée au présent chapitre, mais à celui relatif à la Pologne (voir chapitre Pologne). Enfin, par la convention du 22 juillet 1807 entre Saxe et France, la Saxe reçoit de la France le cercle de Cottbus, à elle cédé par la Prusse à Tilsitt et enclavé en Lusace, et lui cède en échange le comté de Barby, les bailliages de Gamern et de Sangerhausen et une partie du Mansfeld saxon (en vue de rétrocession à la Westphalie). Par décret du 1er septembre 1807, Napoléon précise les limites du royaume de Westphalie. Les territoires cédés par la Saxe le 22 juillet y sont incorporés. Le comté de Stolberg, pleinement saxon depuis 1806, est annexé au royaume de Westphalie. Par traité du 19 mars 1808, la Saxe cède à la Westphalie le reliquat du Mansfeld saxon et reçoit en retour le bailliage de Sangerhausen. À la suite de la retraite de Russie, le grand-duché de Varsovie a été perdu par le roi de Saxe dès le printemps de 1813. À l’encontre de la plupart de ses collègues allemands, le roi de Saxe reste fidèle à l’alliance française. À l’issue de la défaite des Français (16/19 juin 1813) à la bataille de Leipzig, au milieu de laquelle les contingents saxons ont changé de camp, le roi de Saxe est fait prisonnier par les coalisés. Son pays envahi est temporairement administré par la Prusse.
11. Thuringe En 1790, les quatre rameaux (Gera, Schleiz, Ebersdorf, Lobenstein) de la branche cadette de la maison de Reuss accèdent à la dignité princière. En 1802, le rameau de Gera s’éteint, et ses possessions passent au rameau de Lobenstein. Au recès d’Empire de 1803, le bailliage d’Erfurt et les enclaves de Blankenhain, du Bas-Cranichfeld et de Muhlberg, ci-devant mayençais, sont attribués à la Prusse. Une nouvelle voix est attribuée à la Thuringe saxonne et une au prince de Reuss-Greiz. Le Saint Empire ayant été dissous en août 1806, les cinq ducs de Saxe adhèrent le 15 décembre 1806 à la Confédération du Rhin, où ils siégeront dans le collège des princes.
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Allemagne Les princes de Schwarzbourg et de Reuss adhèrent à leur tour le 18 avril 1807 à la Confédération du Rhin, où ils siégeront dans le collège des princes. En juillet 1807, au traité de Tilsitt réorganisant l’Allemagne à la suite des victoires de Napoléon, la Hesse-Cassel est démantelée et la Prusse largement amputée. Dans ce cadre : – le bailliage de Schmalcalde, ci-devant hessois, est attribué au nouveau royaume de Westphalie ; – le bailliage prussien d’Erfurt et ses enclaves, avec l’enclave de Caulsdorf, annexe de Bayreuth, sont gardés par Napoléon à titre personnel, constituant des pays réservés en attente d’affectation. En février 1810, la France cède à la Bavière l’enclave de Caulsdorf, en tant qu’annexe du margraviat de Bayreuth cédé à la Bavière. En novembre 1813, lors de l’abandon de l’Allemagne par les Français, la Confédération du Rhin est dissoute. Tous les États de Thuringe rallient la coalition anti-française.
12. Anhalt En 1793, à l’extinction sans postérité masculine du prince d’Anhalt-Zerbst, la principauté d’Anhalt-Zerbst est répartie entre les trois autres princes d’Anhalt. En revanche, à titre de fief féminin, la seigneurie de Jever échoit à l’impératrice Catherine II de Russie, sœur du feu prince. En juillet 1806, à l’occasion de leur entrée dans la Confédération du Rhin, et sur invitation de l’empereur Napoléon, les princes de Nassau médiatisent le comté de Holzappel et la seigneurie de Schaumbourg-sur-la-Lahn, dont est dépossédé le rameau cadet d’Anhalt-Bernbourg-Schaumbourg. Par ailleurs, l’empereur François II élève au rang de duc le prince d’Anhalt-Bernbourg. Le 18 avril 1807, à l’occasion de l’adhésion des trois duchés d’Anhalt à la Confédération du Rhin, l’empereur Napoléon élève au rang de ducs les deux princes d’Anhalt-Dessau et d’Anhalt-Cœthen ; les trois ducs siégeront dans le conseil des princes. En mars 1813, les trois ducs d’Anhalt abandonnent la Confédération du Rhin et se joignent à la coalition anti-française.
13. Poméranie suédoise Le 26 juin 1803, la Suède restitue au duché de Mecklembourg-Schwerin ses enclaves de Wismar, de Neukloster et l’île de Pœl, sous réserve d’une clause de rachat éventuel en 1903 ou en 2003. Les relations se détériorent entre la Suède et la France, traditionnellement alliées, depuis l’intrusion de la France dans les affaires d’Allemagne. Le 31 octobre 1805, la Suède entre dans la coalition austro-russe en déclarant la guerre à la France. Celle-ci, victorieuse, occupe militairement la Poméranie suédoise au début de 1807. L’armistice de Schletow du 18 avril 1807 fige les positions, la France continuant à occuper la Poméranie sans toutefois l’annexer. Par le traité de Paris du 6 janvier 1810, la paix est conclue entre la France et la Suède. La France restitue pleinement à la Suède la Poméranie suédoise ; en contrepartie, la Suède adhère au Blocus continental. Confrontée à la mauvaise foi de la Suède qui, officiellement alliée de la France et en guerre contre l’Angleterre, tolérait une contrebande à Goteborg (Suède) et à Stralsund (Poméranie), la France réoccupe en 1812 la Poméranie. Alors, la Suède change de camp et, contre promesse formelle d’obtenir à la paix la Norvège en compensation de la Finlande, adhère à la coalition anti-française. À la suite de sa volte-face, la Suède attaque en 1813 le Danemark, allié de la France, et le vainc. Par le traité de Kiel du 14 janvier 1814, le Danemark cède à la Suède le royaume de Norvège et la Suède cède en retour au Danemark la Poméranie suédoise. La Suède renonce ainsi définitivement à toute présence en Allemagne et arrondit son territoire en régnant sur l’ensemble de la péninsule scandinave.
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Les États existants 14. Mecklembourg Éloignés des régions de bouleversements politiques, les duchés de Mecklembourg ne subissent aucune modification territoriale au recès d’Empire de février 1803. Deux nouvelles voix sont créées au collège des princes en faveur du Mecklembourg : la seigneurie de Stargard et la principauté de Schwerin ; il y a désormais deux voix pour le Mecklembourg-Strelitz et trois pour le Mecklembourg-Schwerin. Le 26 juin 1803, la Suède restitue au duché de Mecklembourg-Schwerin ses enclaves de Wismar, de Neukloster et de l’île de Pœl, sous réserve d’une clause de rachat éventuel en 1903 ou en 2003. Les ducs de Mecklembourg ont pris le parti de la Prusse dans le conflit de 1806. Ils doivent à leur parenté avec le tsar d’échapper aux foudres de Napoléon. Les traités de Tilsitt (juillet 1807) ayant consacré l’influence de la France, les duchés adhèrent à la Confédération du Rhin, le 18 février 1808 pour le Mecklembourg-Strelitz, le 22 mars pour le Mecklembourg-Schwerin. Ils y siégeront dans le conseil des princes. En mars 1813, les deux duchés quittent la Confédération du Rhin et adhèrent à la coalition anti-française.
15. Holstein Voir chapitre Danemark. 16. Oldenbourg En 1793, à l’extinction sans postérité du prince d’Anhalt-Zerbst, la seigneurie de Jever échoit, à titre de fief féminin, à l’impératrice Catherine II de Russie, sœur du défunt prince. Au recès d’Empire de février 1803 réorganisant l’Allemagne, l’évêché princier de Lubeck est sécularisé entre les mains de son évêque, qui le possédera désormais à titre héréditaire et le réunit à son duché d’Oldenbourg. Ainsi accru, le duché d’Oldenbourg s’augmente encore de la seigneurie de Wildeshausen cédée par l’électeur de Hanovre et des bailliages de Cloppenbourg et de Vechta provenant de la sécularisation de l’évêché de Munster. Il double ainsi sa superficie (5 000 km2) et atteint une population de 150 000 habitants. Au traité de Tilsitt (7 juillet 1807) mettant fin aux hostilités entre la France et la Russie, l’empereur Alexandre Ier de Russie cède Jever à Napoléon Ier. Par le traité de Fontainebleau (11 novembre 1807), Napoléon rétrocède la seigneurie de Jever, accrue de celle de Kniphausen, ainsi que l’Ostfrise, au royaume de Hollande. Par le traité d’Erfurt (14 octobre 1808), le duché d’Oldenbourg est le 39 e et dernier État à adhérer à la Confédération du Rhin. Pour accentuer le blocus contre la Grande-Bretagne, le 13 décembre 1810, Napoléon réunit à la France les territoires allemands situés au nord-ouest d’une ligne Wesel-Lunebourg. Dans ce cadre, le duché d’Oldenbourg, hormis Eutin et une partie de Ratekau, est annexé à l’Empire français ; il devient un arrondissement (Oldenbourg) du département des Bouches-du-Weser ; la part annexée de Ratekau est rattachée aux Bouches-de-l’Elbe ; Kniphausen et Jever forment un arrondissement (Jever) du département de l’Ems oriental. Napoléon a proposé en vain au duc d’Oldenbourg de l’indemniser en lui cédant Erfurt. Le duc étant oncle du tsar, la disparition du duché indispose ce dernier et sera l’une des causes de la reprise de la guerre entre France et Russie. En novembre 1813, à la suite de leur défaite face aux coalisés, les Français abandonnent l’Allemagne. La Confédération du Rhin est dissoute. Le duc d’Oldenbourg rentre dans son duché. Les Russes reprennent possession de Jever, ainsi que de Kniphausen.
17. Hanovre Éloigné du théâtre des opérations, le Hanovre ne souffre pas des campagnes de la première coalition, quoique son souverain soit en guerre contre la France. La paix d’Amiens (mars 1802) ayant provisoirement réconcilié France et Grande-Bretagne, le Hanovre est admis à participer aux remaniements territoriaux résultant du recès d’Empire de février 1803.
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Allemagne Le Hanovre cède au duc d’Oldenbourg le landgraviat de Wildeshausen et reçoit l’évêché sécularisé d’Osnabruck, y compris son enclave de Wiedenbruck, ainsi que l’enclave de Twistringen provenant de l’évêché de Munster. Par ailleurs, le comté de Bentheim est détaché du Hanovre et restitué à son ancien titulaire. En mai 1803, dès la reprise des hostilités entre la France et l’Angleterre, le premier consul Bonaparte fait occuper militairement le Hanovre. Le 15 décembre 1805, par le traité de Schœnbrunn, la Prusse reçoit de l’empereur le Hanovre (voir supra Prusse). Cette cession est destinée, aux yeux de Napoléon, à susciter une pomme de discorde entre Prusse et Grande-Bretagne, fortifiant ainsi la position de la France dans le concert européen. Après hésitations, le roi de Prusse accepte le 14 février 1806 le cadeau empoisonné du Hanovre. En juillet 1806, la Prusse s’allie secrètement à la Russie ; s’ensuit une guerre avec la France et la Prusse est vaincue à Iéna et à Auerstædt (octobre 1806). Le conflit se clôt par le traité de Tilsitt (9 juillet 1807), par lequel la Prusse est territorialement réduite de moitié. Entre autres clauses, la Prusse cède à Napoléon toutes ses possessions à l’ouest de l’Elbe, parmi lesquelles l’entier Hanovre récemment acquis. Conformément à ce qui était prévu dans le traité de Tilsitt, l’empereur Napoléon crée le 18 août 1807 le royaume de Westphalie (voir infra), dont le territoire, sans base historique, est constitué de provinces diverses arrachées aux vaincus de la guerre qui vient de s’achever. Dans ce cadre, le Hanovre est divisé en deux parties : – le duché de Grubenhagen avec son enclave d’Elbingerode, la part hanovrienne du comté de Hohenstein et la partie méridionale (Gœttingue) du duché de Calenberg sont attribués au royaume de Westphalie ; – les duchés de Lunebourg, de Lauenbourg et de Brême, comtés de Hoya et de Diepholz, principauté de Verden, ancien évêché d’Osnabruck et partie septentrionale (Hanovre) du duché de Calenberg sont conservés par Napoléon ; ils constitueront le pays réservé de Hanovre. Le 15 novembre 1807, Napoléon cède l’ancien évêché d’Osnabruck, avec son enclave de Wiedenbruck, au royaume de Westphalie. Par le traité de Paris du 14 janvier 1810, Napoléon cède au royaume de Westphalie le pays réservé de Hanovre, sous réserve d’en soustraire un territoire de 15 000 âmes à désigner ultérieurement. Lors de la remise effective du Hanovre, Napoléon garde finalement, à titre de pays réservé, le duché de Lauenbourg (33 000 âmes) avec son enclave de Neuhaus située en amont sur rive droite de l’Elbe. Peu après, dans le dessein d’intensifier le blocus contre la Grande-Bretagne, le 13 décembre 1810, Napoléon réunit à l’Empire français l’Oldenbourg, les villes hanséatiques, le Lauenbourg et les pays situés entre la mer du Nord et une ligne Wesel-Minden-Lunebourg. Par décret impérial du 22 janvier 1811 sont précisées les cessions de la Westphalie à la France. Napoléon considère comme nulle et non avenue la cession de janvier 1810 du Hanovre septentrional à la Westphalie. Sur ces bases, la France prend à la Westphalie l’ancien évêché d’Osnabruck (cidevant hanovrien) et la majeure partie de la principauté de Minden et du comté de Ravensberg (ci-devant prussiens) et « cède en compensation » à la Westphalie la partie septentrionale du duché de Calenberg (Hanovre) et les quatre cinquièmes de celui de Lunebourg (à ses yeux « non cédés en janvier 1810 »). L’ancien Hanovre se trouve donc réparti entre deux pays : – au royaume de Westphalie : comté de Hohenstein et duché de Grubenhagen cédés en 1807, duché de Calenberg cédé en 1807 (part méridionale) et en 1810 (part septentrionale), quatre cinquièmes du duché de Lunebourg ; – à l’Empire français : ancien évêché d’Osnabruck, comtés de Hoya et de Diepholz, principauté de Verden, duché de Brême, le cinquième (au nord-ouest) du duché de Lunebourg, duché de Lauenbourg.
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Les États existants La défaite française de Leipzig entraîne, en novembre 1813, l’abandon complet de l’Allemagne par la France ; le royaume de Westphalie et l’extension de l’Empire français en Allemagne du Nord-Ouest disparaissent. Le Hanovre est immédiatement reconstitué dans ses limites résultant du recès de 1803 et rendu à son ancien électeur, le roi de Grande-Bretagne.
18. Brunswick En 1792, le duché d’Œls, en Silésie, est cédé au duc de Brunswick par le prince d’une branche cadette de Wurtemberg qui le possédait. Il représente un État de 1 800 km2 et de 50 000 habitants, placé sous la suzeraineté du roi de Prusse. Au recès d’Empire du 25 février 1803, le duc de Brunswick se voit attribuer l’abbaye de femmes de Gandersheim, sécularisée. Au collège des princes, le duc de Brunswick se voit attribuer une nouvelle voix (Blankenbourg), portant à deux son nombre de voix. En 1806, le duc de Brunswick, auteur présumé du Manifeste de 1792 contre la France, prend le parti de la Prusse dans le conflit l’opposant à la France. À la suite de la défaite prussienne, l’empereur Napoléon, maître de l’Allemagne septentrionale, décide un vaste remaniement avec création d’un royaume de Westphalie destiné à constituer un rempart vis-àvis d’une Prusse considérablement amputée de territoires. À cet effet, Napoléon décrète la disparition du duché de Brunswick, qui est, le 18 août 1807, presque entièrement incorporé dans le nouveau royaume de Westphalie, hormis le bailliage de Thedingshausen rattaché au pays réservé de Hanovre, ainsi que le duché d’Œls, en Silésie, conservé par le duc à titre de fief prussien. En novembre 1813, le royaume de Westphalie disparaît et le duché de Brunswick est entièrement restauré au profit de son souverain légitime.
19. Lippe et Waldeck Éloignés des zones de turbulence politique, les deux États de Lippe et la principauté de Waldeck ne sont pas affectés par le recès d’Empire ; la principauté de Waldeck se voit attribuer une des nouvelles voix créées au collège des princes de la diète de Ratisbonne. La victoire de Napoléon sur la Prusse étend l’influence française en Allemagne et les deux États de Lippe, ainsi que le Waldeck, adhèrent le 18 avril 1807 à la Confédération du Rhin, où ils siégeront dans le conseil des princes. À cette occasion, le comté de SchaumbourgLippe est élevé au rang de principauté. La dissolution de la Confédération du Rhin, provoquée par les défaites françaises, rend les principautés de Lippe et de Waldeck indépendantes en 1813.
20. Hesse Dans la nuit du 4 août 1789, les privilèges nobiliaires étant abolis en France par l’Assemblée constituante, les seigneuries alsaciennes du Hanau-Lichtenberg, vassales du roi de France, sont annexées par la France. La partie de ce comté relevant de l’Empire reste possession de la Hesse-Darmstadt. En 1792, puis en 1794, les possessions des landgraves de Hesse situées dans le Saint Empire sur rive gauche du Rhin sont occupées par les armées françaises. Le landgrave de Hesse-Cassel avait adhéré à la coalition anti-française. Par le traité du 28 août 1795, la paix est rétablie entre la France et la Hesse-Cassel. Le landgrave abandonne à la France ses possessions de rive gauche du Rhin. Il devra en recevoir compensations sur rive droite, à la conclusion de la paix entre France et Saint Empire. Dans les pourparlers de paix précédant le règlement général des affaires allemandes, il est convenu que les landgraves de Hesse, dépossédés sur rive gauche du Rhin, devront être indemnisés sur rive droite. Le landgrave de Hesse-Darmstadt est favorisé par ses liens de famille avec le tsar Alexandre Ier, avec qui le premier consul Bonaparte s’est officiellement associé dans l’œuvre de réorganisation de l’Empire. Par ailleurs, Bonaparte souhaite affermir les landgraviats pour s’opposer aux influences autrichienne et prussienne en Allema-
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Allemagne gne centrale. Les décisions du recès d’Empire du 25 février 1803, pour les deux landgraves de Hesse, concrétisent ces dispositions d’esprit. Le landgrave de Hesse-Cassel confirme à la France l’abandon de la partie de rive gauche (Saint-Goar, Rheinfels) du comté de Bas-Catzenellenbogen, soit une perte de 4 km2 et de 3 000 sujets. En contrepartie, le landgrave reçoit, outre la dignité électorale : – les bailliages de Naumbourg, Fritzlar, Neustadt et Amœneubourg, cédés par l’archevêque de Mayence ; – la confirmation de l’ancienne ville libre de Gelnhausen ; – le village libre de Holzhausen. Le tout représente un gain de 25 km2 et de 13 000 sujets. Pour sa part, le landgrave de Hesse-Darmstadt cède : – à la France, la partie du comté de Hanau-Lichtenberg sur rive gauche du Rhin, à savoir Pirmasens, Philippsbourg et les possessions d’Alsace ; – à l’électeur de Bade, le bailliage de Wildstett-en-Ortenau, échangé contre la ville libre de Wimpfen ; – au prince de Nassau-Usingen, la seigneurie d’Eppstein et ses fragments du Bas-Catzenellenbogen (Braubach, copossession de Nassau et d’Ems). Le tout représente une perte de 1 400 km2 et de 60 000 sujets. En contrepartie, le landgrave reçoit : – le duché de Westphalie, avec le bailliage de Volksmarsen, provenant de l’archevêché sécularisé de Cologne ; – les bailliages de Bensheim, Diebourg, Steinheim et Alzenau, provenant de l’archevêché de Mayence ; – les bailliages de Lindenfels, Otzbourg et Umstatt, provenant du Palatinat du Rhin ; – la part de rive droite de l’évêché de Worms ; – l’abbaye de Seligenstadt et la prévôté de Wimpfen ; – la ville libre de Wimpfen, attribuée à l’électeur de Bade et échangée par ce dernier avec le bailliage de Wildstett ; – la ville libre de Friedberg. Le tout représente un gain de 5 000 km2 et 150 000 sujets. Dans le collège des princes de la diète de Ratisbonne, l’électeur de Hesse-Cassel détient désormais quatre voix, deux anciennes (Cassel, Hersfeld) et deux nouvelles (Hanau, Fritzlar). Le landgrave de Hesse-Darmstadt y détient trois voix, une ancienne (Darmstadt) et deux nouvelles (Westphalie, Starkenbourg). Lors de la reprise des hostilités entre la France et l’Autriche, en 1805, la Hesse-Darmstadt se tient dans une prudente neutralité, puis se range dans le camp français en janvier 1806. Pour sa part, le landgrave de Hesse-Cassel joue double jeu entre Paris et Berlin. Une telle attitude est sanctionnée par l’empereur Napoléon qui refuse, en juillet 1806, l’entrée de la Hesse-Cassel dans la Confédération du Rhin, tandis que la Hesse-Darmstadt en devient membre fondateur, son landgrave recevant la dignité grand-ducale. Dans le cadre de la simplification territoriale ordonnée par Napoléon, le landgrave de Hesse-Darmstadt annexe : – le burgraviat de Friedberg (le plus important ganerbinat d’Allemagne) ; – le comté d’Erbach ; – les seigneuries de Heubach, Brauberg et Habitzheim, appartenant aux Lœwenstein-Wertheim ; – la seigneurie d’Ilbenstadt ; – le comté de Kœnigstein, appartenant aux Stolberg-Geldern ; – le landgraviat de Hesse-Hombourg ;
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Les États existants – les seigneuries de Lauterbach, Stockhausen, Moos et Freinsteinau, appartenant aux Riedesel ; – le comté de Wittgenstein et Berlebourg, appartenant aux comtes de SaynWittgenstein ; – la moitié orientale des terres des prince et comtes de Solms (Hungen, Gruningen, Lich, Laubach), la moitié occidentale allant aux princes de Nassau ; – les terres de la chevalerie d’Empire. Le tout représente un gain de 2 300 km2. À la diète fédérale qui doit se tenir à Francfort, capitale de la nouvelle Confédération, le grand-duc de Hesse-Darmstadt siégera dans le collège des rois. L’électeur de Hesse-Cassel a pris le parti de la Prusse dans le conflit franco-prussien de 1806. Après la victoire d’Iéna, l’empereur Napoléon annonce qu’il a cessé de régner ; l’électeur s’enfuit le 31 octobre 1806 au Danemark, tandis que ses États sont occupés par la France. Le 4 novembre 1806, Napoléon décrète la suppression de l’électorat de Hesse-Cassel. Le sort de la Hesse-Cassel est fixé par les traités de Tilsitt (juillet 1807) et le décret de composition du nouveau royaume de Westphalie (1er septembre 1807). L’ancien électorat de Hesse-Cassel est ainsi réparti : – la majeure partie de la Hesse-Cassel (Basse-Hesse, Ziegenhain, Hersfeld, HauteHesse, Schaumbourg, fragments de Hoya et Diepholz) est attribuée au royaume de Westphalie, dont Cassel devient la capitale et Wilhelmshohe la résidence royale ; – le comté de Hanau, la seigneurie de Schmalcalde et le comté de Bas-Catzenellenbogen sont conservés par Napoléon à titre de pays réservés en attente d’affectation. Par ailleurs, le grand-duché de Hesse-Darmstadt cède au royaume de Westphalie le bailliage de Volksmarsen, qui dépendait du duché hessois de Westphalie. En novembre 1807, Napoléon cède au royaume de Westphalie la seigneurie de Schmalcalde, réservée par lui en juillet et provenant de la Hesse-Cassel. À la suite de la victoire de Wagram, la France a pris de nouveaux territoires à l’Autriche par le traité de Schœnbrunn (octobre 1809). Il en résulte des accroissements de territoires pour les alliés allemands de Napoléon, mouvements conclus à Paris à partir de février 1810. Dans ce cadre, par le traité de Paris du 11 mai 1810, la France cède à la Hesse-Darmstadt des morceaux enclavés du comté de Hanau (Bobenhausen, Dorheim, Henckelsheim, Munzenberg, Ortenberg, Rodheim) et l’enclave de Herbstein, prélevée sur la principauté de Fulde ; les parts principales de ces deux pays réservés vont au grand-duché de Francfort. Le gain de la Hesse-Darmstadt est de 250 km2 et 15 000 âmes. Par le traité de Paris du 8 septembre 1810, le grand-duché de Bade cède à la HesseDarmstadt les bailliages anciennement mayençais de Miltenberg et Amorbach, représentant un gain de 250 km2 et 15 000 âmes. Le grand-duché constitue désormais un État de 11 800 km2 et de 570 000 habitants, de forme très allongée et divisé en trois provinces, à savoir du nord au sud : Westphalie (Arensberg), Haute-Hesse (Giessen), Starkenbourg (Darmstadt). Les provinces de Westphalie et de Haute-Hesse sont liées par un corridor très ténu, celles de Haute-Hesse et de Starkenbourg sont séparées par le territoire du grand-duché de Francfort. À la province de Starkenbourg sont rattachées quelques enclaves situées plus au sud, parmi lesquelles la ville de Wimpfen sur le Neckar. La défaite de la France à Leipzig provoque une évacuation générale de l’Allemagne par les Français ; le 26 octobre 1813, le roi Jérôme de Westphalie quitte Cassel, où l’électeur fait son retour le 21 novembre. Le 23 novembre 1813, par le traité de Francfort, le grand-duc de Hesse-Darmstadt adhère à la coalition anti-française. La Confédération du Rhin est dissoute. Par le traité de Francfort du 2 décembre, la Hesse-Cassel est immédiatement restaurée par les coalisés sur la base de ses anciennes possessions provenant du royaume de Westphalie et du grand-duché de Francfort, avec le pays réservé de Bas-Catzenellenbogen.
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Allemagne 21. Nassau D’août à octobre 1792, les Français occupent la rive gauche allemande du Rhin jusqu’à Bingen ; Mayence capitule en octobre. Les terres de Sarrewerden, de Sarrebruck, d’Ottweiler et de Kircheim-Bolanden de la ligne walramienne sont ainsi occupées. Le 30 mars 1793, après la période transitoire de l’éphémère république de Mayence, la région allemande occupée de rive gauche est annexée à la France. Les comtés de Sarrewerden et de Sarrebruck, et les seigneuries d’Ottweiler et de Kircheim-Bolanden sont ainsi réunis à la France. Mais, dès juillet 1793, la prise de Mayence par les Autrichiens fait reculer les Français, qui abandonnent le pays de Landau à Bingen. Des possessions nassoviennes, seul le comté de Sarrewerden est conservé par la France. En décembre 1794, les Français réoccupent la rive gauche allemande du Rhin, cette foisci jusqu’à la frontière des Provinces-Unies. Le pays est placé sous administration provisoire. En janvier 1795, les armées françaises occupent les Provinces-Unies et en chassent le stathouder Guillaume V d’Orange-Nassau. La proclamation de la République batave (février) lui fait perdre le stathoudérat et ses domaines néerlandais. En 1797, l’extinction du rameau de Nassau-Sarrebruck réduit à deux rameaux (Usingen et Weilbourg) la ligne walramienne. Le comté de Sarrebruck et la seigneurie d’Ottweiler (occupés par la France), ainsi que la seigneurie de Lahr en Ortenau, sont recueillis par le prince de Nassau-Usingen. En novembre 1797, la France annexe les pays allemands de rive gauche du Rhin. Les princes de Nassau perdent ainsi définitivement leurs possessions de rive gauche : Sarrebruck, Ottweiler et Kircheim-Bolanden. En 1799, à l’extinction du dernier burgrave de Kirchberg, le prince de Nassau-Weilbourg, mari de la sœur du défunt, hérite du comté de Sayn-Hachenbourg. Anticipant sur le règlement général de la paix en Allemagne, par le traité de Paris du 24 mai 1802 signé avec la France, le prince Guillaume d’Orange-Nassau, fils du stathouder dépossédé en 1795, renonce au stathoudérat et à ses domaines bataves. Favorisé par son apparentement à la maison de Prusse, il en reçoit une appréciable compensation en Allemagne. Le prince d’Orange-Nassau se voit en effet attribuer : – les évêchés sécularisés de Fulde et de Corvey ; – la ville libre de Dortmund ; – les abbayes et prieurés sécularisés de Saint-Gérold (Vorarlberg), Weingarten (haute Souabe), Hofen (jouxtant Buchhorn, au lac de Constance), Wandern (haut Rhin) et Diethofen (en Nassau). L’ensemble représente 2 600 km2 et 120 000 âmes. Le prince d’Orange-Nassau voit confirmées par le recès d’Empire de février 1803 les dispositions territoriales définies par le traité de Paris du 24 mai 1802. Le recès prévoit, pour les princes de la ligne walramienne, les dispositions suivantes. Le prince de Nassau-Usingen renonce au comté de Sarrebruck et à la seigneurie d’Ottweiler en faveur de la France ; il cède à l’électeur de Bade la seigneurie de Lahr en Ortenau. En contrepartie, il reçoit : – les bailliages de Hœchst, Hocheim, Castel, Rudesheim et Oberlahnstein provenant de l’archevêché de Mayence ; – les villes de Deutz et Kœnigswinter issues de l’archevêché de Cologne ; – le bailliage de Caub en Palatinat cédé par l’électeur de Bavière ; – la seigneurie d’Eppstein et des fragments du Bas-Catzenellenbogen (Braubach, copossession de Nassau et d’Ems) cédés par le landgrave de Hesse-Darmstadt ; – le comté de Sayn-Altenkirchen pris au margrave d’Anspach et Bayreuth. Le prince de Nassau-Weilbourg renonce au comté de Sarrewerden et à la seigneurie de Kircheim-Bolanden en faveur de la France. En contrepartie, il reçoit : – la part de rive droite du Rhin (Limbourg, Montabaur) de l’archevêché de Trèves ; – les abbayes sécularisées d’Amstein, de Schœnau et de Marienstadt.
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Les États existants Au collège des princes de la diète de Ratisbonne, les deux princes de la ligne walramienne disposent de deux voix nouvelles (Usingen, Weilbourg), tandis que le prince d’OrangeNassau y détient désormais quatre voix par ajout de deux voix ecclésiastiques à ses deux voix anciennes (Hadamar, Dillenbourg, Fulde, Corvey). En 1804, le prince d’Orange-Nassau vend à l’Autriche la prévôté de Saint-Gérold dans le Vorarlberg, qui lui avait été attribuée au recès. Le 12 mars 1806, le prince de Nassau-Usingen cède à la France la ville de Castel, tête de pont de rive droite du Rhin face à Mayence. Après sa victoire sur l’Autriche, l’empereur Napoléon réorganise l’Allemagne moyenne. Il institue le 12 juillet 1806 la Confédération du Rhin. Le prince d’Orange-Nassau, par fidélité à la Prusse, refuse d’entrer dans la Confédération du Rhin. Napoléon le punit de cette attitude en le dépouillant d’une grande partie de ses États. De ce fait, le prince d’Orange-Nassau perd : – les principautés de Siegen, de Dillenbourg, de Hadamar et la seigneurie de Beilstein, au profit du grand-duc de Berg ; – la principauté de Dietz, la seigneurie de Burbach et la copossession de Nassau et d’Ems, au profit du duché de Nassau ; – la seigneurie de Hagenau, au profit du grand-duc de Bade ; – l’abbaye de Weingarten et le prieuré de Hofen, au profit du Wurtemberg. Ne lui restent plus que Dortmund, Corvey et Fulde. En revanche, les princes de Nassau-Usingen et de Nassau-Weilbourg adhèrent sur-lechamp à la Confédération du Rhin où ils siégeront dans le collège des princes. Pour le récompenser d’avoir été le premier à adhérer, Napoléon élève au rang de duc le prince de Nassau-Usingen et lui confie la présidence du collège des princes. Le duc de Nassau-Usingen étant sans héritiers, un accord de famille est conclu en août 1806. Les deux rameaux d’Usingen et de Weilbourg sont réunis en un duché indivisible de Nassau. Tout en gardant à titre viager ses deux souverains, le duché de Nassau devient de fait un État unique de 5 700 km2 et de 300 000 habitants. Dans le cadre de la simplification territoriale ordonnée par Napoléon, le duc de NassauUsingen cède au grand-duc de Berg les villes colonaises de Deutz et de Kœnigswinter. En contrepartie, le duché de Nassau médiatise : – la principauté de Dietz, la seigneurie de Burbach et la copossession de Nassau et d’Ems, confisquées au prince d’Orange-Nassau (Nassau et Ems n’ont plus dès lors qu’un seul souverain) ; – le comté de Holzappel et la seigneurie de Schaumbourg sur la Lahn, appartenant aux Anhalt-Bernbourg-Schaumbourg ; – la moitié occidentale des terres des prince et comtes de Solms (Braunfels, Hohensolms, Greifeinstein), la moitié orientale allant à la Hesse-Darmstadt ; – la quasi-totalité des terres des princes de Wied : Neuwied, Altenwied, Dierdorf, Neuenbourg, Bas-Isembourg, moitié de Runkel sur rive gauche de la Lahn, la moitié de rive droite allant au grand-duché de Berg. En 1806, le prince d’Orange-Nassau prend le parti de la Prusse dans le conflit francoprussien. Après la victoire d’Iéna, par décret du 23 octobre 1806, Napoléon confisque les dernières possessions d’Orange-Nassau (Dortmund, Corvey, Fulde) et se les attribue personnellement à titre de pays réservés. Corvey sera attribué en 1807 au royaume de Westphalie, Dortmund en 1808 au grand-duché de Berg, et Fulde en 1810 au grand-duché de Francfort (avec fragment à la Hesse-Darmstadt). À la suite de l’abandon de l’Allemagne par les Français, par le traité de Francfort du 23 novembre 1813, le duc et le prince de Nassau quittent la Confédération du Rhin et adhèrent à la coalition anti-française. Ils s’engagent à rendre à leur cousin d’Orange-Nassau les terres oraniennes en leur possession (Dietz, Burbach). Au même moment, le prince d’Orange-Nassau débarque en Hollande abandonnée par les Français et prend la tête du pays en vue de s’y faire reconnaître la dignité royale.
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Allemagne 22. Arenberg En trois vagues successives (1792, 1793, 1797), les possessions du duc d’Arenberg, situées sur rive gauche du Rhin, sont occupées puis annexées unilatéralement par la France. Au règlement général de compensations défini par le recès d’Empire du 25 février 1803, le duc d’Arenberg doit définitivement renoncer à l’ensemble de ses possessions ancestrales de rive gauche du Rhin. Il en est indemnisé par le bailliage de Meppen, sur la basse Ems, adossé à la République batave, provenant de l’évêché de Munster et comptant 24 000 habitants et deux villes, Meppen et Pappenbourg. S’y ajoute le comté de Recklingshausen, provenant de l’archevêché-électorat de Cologne, comptant 18 000 habitants et situé sur rive gauche (au sud) de la basse Lippe, non loin de son confluent avec le Rhin. Le duc établit sa capitale à Meppen. Lorsque l’empereur Napoléon crée le 12 juillet 1806 la Confédération du Rhin, il songe à ne conserver que quelques États de grande taille, suffisamment forts pour faire contrepoids à l’Autriche et à la Prusse. La faible importance du duché d’Arenberg devrait le condamner à la médiatisation, mais le duc est francophile et sa famille a longtemps été au service de la France (ses biens médiats des Pays-Bas lui ont été restitués). Le duché d’Arenberg est ainsi sauvegardé et adhère comme membre fondateur à la Confédération du Rhin ; à la diète de Francfort, le duc siégera dans le collège des princes. Dans le cadre de la simplification territoriale ordonnée par Napoléon, le duc d’Arenberg annexe le comté de Dulmen — sur rive droite de la Lippe, face à son comté de Recklingshausen —, qui appartenait au duc de Croy-Solre (10 000 habitants). Le 13 décembre 1810, pour accentuer le blocus contre l’Angleterre, la France annexe les pays allemands situés au nord-ouest d’une ligne Wesel-Lunebourg. De ce fait, la majeure partie du duché d’Arenberg, à savoir le comté de Meppen et le comté de Dulmen, est incorporée à la France. Seul le comté de Recklingshausen, situé au sud de la Lippe, échappe temporairement à l’annexion. Par décret du 22 janvier 1811, le comté de Recklingshausen, dernière possession du duc d’Arenberg, est annexé au grand-duché de Berg. Le duc d’Arenberg, de manière unilatérale, est ainsi totalement spolié.
23. Salm Dans la nuit du 4 août 1789, les privilèges nobiliaires étant abolis en France par l’Assemblée constituante, les princes de Salm se voient dépossédés de leurs droits publics sur leurs terres et biens médiats de Lorraine. Ils conservent toutefois la principauté de Salm, avec ses dépendances, considérée comme relevant du Saint Empire. En deux vagues successives (1792 et 1794), la majeure partie des terres des membres de la maison de Salm, situées sur rive gauche du Rhin, sont occupées par les armées françaises, en guerre contre l’Autriche et la Prusse. En décembre 1792, la France en guerre décrète l’interdiction du commerce des grains vers les pays enclavés. Les représentants de la principauté de Salm, dans les Vosges, n’ayant pu faire lever cette interdiction, la population demande, à contrecœur, le rattachement à la France. Par décret du 2 mars 1793, la principauté de Salm est annexée par la France et rattachée au département des Vosges. En décembre 1797, la France annexe les territoires allemands de rive gauche du Rhin, parmi lesquels la majeure partie des terres des princes de Salm ; seul le comté d’Anholt, sur rive droite du Rhin, demeure en leur possession. Par le recès d’Empire du 25 février 1803, les divers princes souverains de la maison de Salm reçoivent des compensations. Les princes de Salm-Salm et de Salm-Kyrbourg, pour leurs pertes de la principauté de Salm, en Vosges, du bailliage de Kyrbourg et de divers bailliages dans le Hundsruck, reçoivent les bailliages d’Ahaus et de Bocholt, provenant de l’évêché de Munster, et dont le dernier touche le petit comté d’Anholt. Il est entendu que ces biens indivis seront à par-
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Les États existants tager ultérieurement à raison des deux tiers pour le prince de Salm-Salm et d’un tiers pour celui de Salm-Kyrbourg. Ce partage n’aura pas lieu, les deux princes régnant conjointement sur leur nouveau domaine, le prince de Salm-Salm fixant sa résidence à Anholt, celui de Salm-Kyrbourg à Ahaus. Les deux wild- et rhingraves, pour leur perte de Grumbach et de Rheingrafenstein, reçoivent la partie du bailliage de Horstmar (provenant de l’évêché de Munster) qui n’a pas été attribuée à la Prusse. Le comte de Salm-Reifferschiedt-Bedbur, pour la perte du comté médiat de Reifferschiedt et de la seigneurie immédiate de Bedbur, reçoit le bailliage de Krautheim, sur la Jagst, provenant de l’évêché de Mayence, à l’exception de Nagelsberg, réservé au comte de Hohenlohe-Ingelfingen, et de Billigheim et Neidenau, réservés au comte de LinangeWesterbourg ; s’y ajoute une rente versée par le prince de Linange, qui la rachète aussitôt en cédant au comte de Salm-Reifferschiedt-Bedbur l’abbaye de Gerlachsheim, le bailliage de Grunsfeld et le village de Distelhausen. Les comtes de Salm-Reifferschiedt, pour la perte du comté médiat de Salm dans le Luxembourg, et de Salm-Reifferschiedt-Dyck, pour la perte de la seigneurie de Dyck, sont indemnisés par des rentes. Dans le conseil des princes de la diète de Ratisbonne, le prince de Salm-Salm conserve sa voix, tandis qu’une voix est créée pour celui de Salm-Kyrbourg. En 1804, l’ensemble des domaines du comte de Salm-Reifferschiedt-Bedbur est érigé par l’empereur en principauté de Krautheim. En avril 1805, le prince de Krautheim cède au prince de Linange le village de Distelhausen, lequel lui cède en échange le village de Boppenhausen. Lorsque l’empereur Napoléon crée le 12 juillet 1806 la Confédération du Rhin, il songe à ne conserver que quelques États de grande taille. La faible importance de la principauté de Salm devrait la condamner à la médiatisation, mais les deux princes sont francophiles et leur famille a longtemps été au service de la France. La principauté de Salm est ainsi sauvegardée et les deux princes adhèrent comme membres fondateurs à la Confédération du Rhin ; à la diète de Francfort, ils siégeront dans le collège des princes. Dans le cadre de la simplification territoriale ordonnée par Napoléon, le prince de Salm-Kyrbourg annexe à son profit la seigneurie de Gehmen, qui appartenait au baron de Bœmelbourg. En revanche, le comté de Horstmar, qui appartenait aux wild- et rhingraves, est médiatisé par le grand-duc de Berg (Joachim Murat), tandis que la principauté de Krautheim est aussi médiatisée et partagée ainsi : – la moitié septentrionale (au nord de la Jagst) va au grand-duc de Bade ; – la moitié méridionale (au sud de la Jagst) va au roi de Wurtemberg. Le 13 décembre 1810, pour accentuer le blocus contre l’Angleterre, la France annexe les pays allemands situés au nord-ouest d’une ligne Wesel-Lunebourg. De ce fait, la principauté des princes de Salm-Salm et de Salm-Kyrbourg est incorporée à la France et rattachée au département français de l’Ems supérieur.
24. Mayence, plus tard grand-duché de Francfort En 1792, les troupes françaises du général de Custine occupent la rive gauche du Rhin, de Landau à Bingen, y compris l’électorat de Mayence de rive gauche. S’ensuivent la proclamation de la république de Mayence (1792), l’annexion à la France (mars 1793), l’évacuation (juillet 1793) puis le retour des Français (1794), la République cisrhénane (septembre 1797) et la seconde annexion à la France, en décembre 1797 (voir chapitre France). L’archevêque-électeur perd ainsi sa ville et ses domaines de rive gauche, tous situés dans l’Électorat proprement dit. Il ne règne plus désormais que sur ses possessions de rive droite, qui représentent encore un domaine appréciable. Au recès d’Empire de février 1803, l’archevêché-électorat de Mayence est, avec l’Ordre teutonique et l’ordre de Malte, le seul État ecclésiastique à n’être pas sécularisé et médiatisé.
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Allemagne Officiellement, il doit cette faveur à une concession faite à l’Autriche, qui aurait voulu conserver aussi les électorats de Trèves et de Cologne pour préserver la majorité catholique au sein du collège électoral. Mais il la doit aussi à la personnalité de son titulaire, CharlesThéodore de Dalberg, prince « éclairé » en qui le premier consul Bonaparte a vite discerné un allié utile dans la perspective d’une réorganisation future de l’Allemagne. Cependant, même sauvegardé, l’électorat de Mayence n’en est pas moins sévèrement remanié. L’électeur de Mayence cède : – à la France les bailliages électoraux de rive gauche du Rhin, y compris la ville de Mayence elle-même ; – à la principauté de Nassau-Usingen les bailliages électoraux de rive droite du Rhin (Hœchst, Hochheim, Castel, Rudesheim, Oberlahnstein) ; – au landgraviat de Hesse-Darmstadt les bailliages de Bensheim, Diebourg, Stenheim et Alzenau ; – au prince de Linange (Leiningen) la moitié méridionale de la principauté d’Aschaffenbourg (au sud du Main), hormis les deux enclaves de Schœnthal ; – au comte de Linange-Westerbourg les bailliages de Billigheim et Neidenau ; – au landgraviat de Hesse-Cassel les enclaves de Neustadt et Amœnebourg, Naumbourg, Fritzlar ; – à la Prusse, le Bas- et Haut-Eichsfeld, ainsi que le bailliage d’Erfurt avec ses trois enclaves. En contrepartie, l’électorat de Mayence se voit attribuer la ville de Ratisbonne et la moitié occidentale de l’évêché du même nom, réunis sous l’appellation de principauté de Ratisbonne, ainsi que la ville de Wetzlar. L’électorat de Mayence est ainsi complètement bouleversé : il ne comprend plus désormais que la principauté de Ratisbonne, la moitié septentrionale de la principauté d’Aschaffenbourg, les deux enclaves de Schœnthal, celle d’Orb et celle de Wetzlar. L’électeur-archichancelier réunit ainsi sous son autorité les deux institutions d’Empire : la diète de Ratisbonne et la chambre impériale de Wetzlar. L’archevêque Dalberg, tout en conservant son titre d’électeur de Mayence, transfère à Ratisbonne son siège archiépiscopal. Au collège des princes de la diète de Ratisbonne, l’archevêque-électeur de Mayence détient deux voix : une ancienne (Ratisbonne) et une nouvelle (Aschaffenbourg). Le 12 juillet 1806, l’électorat de Mayence est l’un des seize États fondateurs de la Confédération du Rhin. L’archevêque Dalberg y perd ses qualités d’électeur et d’archichancelier de l’Empire, mais Napoléon le nomme prince-primat de la Confédération, avec droit au titre d’Altesse éminentissime. À la diète confédérale de Francfort, il présidera le collège des rois, ainsi que les assemblées plénières. Dans le cadre des simplifications territoriales prévues au sein de la Confédération, l’archevêché de Mayence : – cède au grand-duché de Bade ses deux enclaves de Schœnthal ; – médiatise le comté de Rieneck, appartenant aux Nostiz ; – médiatise la part de rive droite du Main du comté de Wertheim, appartenant aux Lœwenstein-Wertheim ; – annexe l’ancienne ville libre de Francfort, laquelle devient la capitale de la Confédération du Rhin. Le prince-primat y transfère sa résidence et le siège de ses États. Dans la perspective de parfaire sa domination de l’Allemagne, Napoléon décide en 1810 la création en son centre d’un troisième État calqué sur le modèle français, après Berg et la Westphalie. Par le traité de Paris du 16 février 1810, conclu entre l’empereur et le princeprimat, l’archevêché de Mayence est sécularisé et érigé en grand-duché de Francfort, au profit du prince-primat. Le grand-duché de Francfort cède Ratisbonne (ville et ancien évêché) à la Bavière et reçoit de Napoléon deux « pays réservés » : – le comté de Hanau, provenant du démantèlement de la Hesse-Cassel en 1807, hormis quelques fragments attribués à la Hesse-Darmstadt ;
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Les États existants – la principauté de Fulde, provenant de la confiscation à la même date des possessions d’Orange-Nassau, hormis l’enclave de Herbstein attribuée à la Hesse-Darmstadt. Le grand-duché de Francfort représente désormais un ensemble de 4 500 km2 et 300 000 âmes, doté d’un territoire d’un seul tenant (Francfort, Hanau, Aschaffenbourg, Fulde), excepté l’enclave de Wetzlar insérée entre Hesse-Darmstadt et Nassau. Pour rassurer le roi de Bavière, qui craignait que son mariage avec l’archiduchesse MarieLouise, par l’éventualité d’un héritier pour l’Italie, n’empêchât l’accession de sa fille Augusta (épouse d’Eugène de Beauharnais) à une couronne, Napoléon décrète le 1er mars 1810 qu’Eugène et Augusta hériteront du grand-duché de Francfort à la mort du grand-duc Dalberg. Par décret du 16 août 1810, le grand-duché est départementalisé. Il formera quatre départements, eux-mêmes divisés en districts, qui porteront le nom de leur chef-lieu : Francfort, Hanau, Aschaffenbourg, Fulde. L’enclave de Wetzlar est rattachée au département de Francfort. Après la défaite de Leipzig (octobre 1813), les Français quittent l’Allemagne. La Confédération du Rhin est dissoute (novembre) et le grand-duché de Francfort est supprimé. Par le traité de Francfort du 2 décembre 1813, la Hesse-Cassel est restaurée et annexe le comté de Hanau provenant du grand-duché de Francfort. Mais le sort du district d’Orb, ancienne enclave mayençaise (Aschaffenbourg) dans le Hanau, reste réservé. En juin 1814, par convention secrète, l’Autriche reconnaît à la Bavière la possession de la principauté d’Aschaffenbourg, provenant du grand-duché de Francfort, ainsi que de Wurtzbourg abandonné par son grand-duc retournant régner en Toscane.
25. Cologne et Trèves Au recès d’Empire de février 1803, les archevêchés de Cologne et de Trèves sont sacrifiés. L’archevêché-électorat de Cologne est réparti de la façon suivante : – la majeure partie, sur rive gauche du Rhin, à la France ; – le duché de Westphalie et le bailliage enclavé de Volksmarsen au landgrave de Hesse-Darmstadt ; – le comté de Recklingshausen au duc d’Arenberg ; – les enclaves de rive droite de l’électorat proprement dit (Deutz, Kœnigswinter, Willach) au prince de Nassau-Usingen ; – les bailliages d’Altwied et de Neurbourg au prince de Wied-Runkel. L’archevêché-électorat de Trèves est réparti de la façon suivante : – la majeure partie, sur rive gauche du Rhin, à la France ; – la partie sur rive droite au prince de Nassau-Weilbourg : bailliages d’Ehrenbreitstein, Berg, etc., majeure partie du comté de Bas-Isembourg, bailliages de Hammerstein, Welmich, Montabaur et Limbourg, partie de ceux de Camberg, Wehrheim, Vallendar et Mungfelden.
26. Salzbourg et Berchtesgaden La convention de Paris (26 décembre 1802), passée entre France et Autriche, règle les dispositions territoriales relatives à l’Autriche. Elle est ratifiée par le recès principal d’Empire (25 février 1803). Dans ce cadre, l’archevêque de Salzbourg et le prévôt de Berchtesgaden sont dépouillés de leurs possessions, ainsi réparties : – la prévôté de Berchtesgaden est attribuée au grand-duc de Toscane ; – l’archevêché de Salzbourg proprement dit et les territoires du Zillerthal et de Windisch Matrei sont attribués au grand-duc de Toscane ; – l’enclave de Muhldorf est attribuée à l’électeur de Bavière ; – les enclaves de Stall, Sachsenbourg et Frisach sont attribuées à l’Autriche. Le grand-duc Ferdinand de Toscane devient électeur de Salzbourg, bénéficiant de l’un des quatre nouveaux électorats créés dans l’Empire. Il dispose de trois voix (Salzbourg, Berch-
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Allemagne tesgaden, Eichstædt) dans le collège des princes de la diète impériale. L’électorat de Salzbourg constitue par ailleurs une secundogéniture de la maison d’Autriche. Le nouvel électorat de Salzbourg se compose de : – Salzbourg, le Zillerthal et Windisch Matrei cédés par l’archevêque ; – Berchtesgaden cédé par le prévôt ; – la majeure partie de l’évêché de Passau (sans la ville, une bande le long du Danube et l’enclave d’Oberndorf sur l’Inn attribuées à la Bavière) cédée par son évêque ; – la majeure partie de l’évêché d’Eichstædt (avec la ville mais sans quelques enclaves attribuées à la Bavière) cédée par son évêque. Le traité de Presbourg (26 décembre 1805) comporte les points suivants : – l’électeur de Salzbourg cède à l’Autriche la partie principale de son électorat : Salzbourg, Berchtesgaden, Windisch Matrei ; l’ensemble est érigé en duché de Salzbourg ; – l’électeur de Salzbourg cède à la Bavière ses territoires de Passau et d’Eichstædt, ainsi que le Zillerthal ; – la Bavière cède à l’électeur de Salzbourg l’ancien évêché de Wurtzbourg (qu’elle avait reçu en 1803) érigé en électorat de Wurtzbourg, au profit de l’ancien électeur de Salzbourg qui y est transféré. Pour la suite, voir supra Bavière et chapitre Autriche.
27. Wurtzbourg Au recès d’Empire du 25 février 1803, l’évêché de Wurtzbourg disparaît, ainsi réparti : – la majeure partie à l’électeur palatin de Bavière ; – les bailliages de Rothenfels et de Hombourg au prince de Lœwenstein-Wertheim ; – le bailliage de Freudenberg au comte de Lœwenstein-Wertheim ; – les bailliages de Haltenbergstetten, Lautenbach, Jaxtberg et Braunsbach (sur la Kocher), plus la part wurtzbourgeoise du village de Neunkirchen, au prince de Hohenlohe-Bartenstein ; – les bailliages de Grunsfeld, Lauda, Hartheim et Rittberg au prince de Linange ; – le bailliage d’Aurach (ou Sinn-Grund), à l’électeur de Mayence. L’évêché de Wurtzbourg devient l’une des trois nouvelles provinces acquises par la Bavière (Souabe, Wurtzbourg, Bamberg). Le 26 décembre 1805, par la paix de Presbourg, la Bavière cède à l’électeur de Salzbourg (ancien grand-duc Ferdinand III de Toscane), dépossédé de son électorat, le territoire de l’ancien évêché de Wurtzbourg, érigé pour lui en électorat de Wurtzbourg. L’électorat constituera une secundogéniture de la maison d’Autriche. Il ne comprend que l’ancien territoire épiscopal. En sont exclues les enclaves thuringiennes d’Ostheim et de Kœnigsberg, la ville de Schweinfurth et les terres de l’ordre équestre médiatisées par la Bavière respectivement en février 1803 et en décembre 1805. En dépit de sa parenté avec l’empereur d’Autriche (son frère), l’électeur de Wurtzbourg adhère le 25 septembre 1806 à la Confédération du Rhin. En cette circonstance, l’électeur est élevé à la dignité de grand-duc. À la diète de Francfort, il siégera dans le collège des rois. Par accord du 12 juin 1807, la Bavière cède au grand-duché de Wurtzbourg les territoires de l’ordre équestre médiatisés par elle en 1805 dans le Wurtzbourg, mais elle conserve la ville enclavée de Schweinfurth et obtient une route militaire reliant cette ville au territoire bavarois. Au traité de Paris du 28 février 1810, la Bavière est une dernière fois agrandie de divers territoires par l’empereur Napoléon, mais elle doit en céder d’autres ; elle cède la ville enclavée de Schweinfurth au grand-duché de Wurtzbourg. En octobre 1813, après la défaite française de Leipzig, le grand-duc de Wurtzbourg est l’un des derniers souverains à quitter la Confédération du Rhin. Par suite de l’effondrement du système napoléonien, le grand-duc de Wurtzbourg retourne régner en Toscane et restitue à l’Autriche le grand-duché. Par le traité du
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Les États existants 3 juin 1814, signé entre l’Autriche et la Bavière, en échange du Tyrol bavarois et du Vorarlberg, l’Autriche cède immédiatement à la Bavière les principautés de Wurtzbourg et d’Aschaffenbourg.
28. Villes hanséatiques Au recès d’Empire du 25 février 1803, les villes hanséatiques de Hambourg, de Brême et de Lubeck font partie, avec Augsbourg, Francfort et Nuremberg, des seules six villes libres sauvegardées par le recès. En 1806, à la suite de la victoire d’Iéna, les troupes françaises violent la neutralité des trois villes hanséatiques. La France les occupe militairement, les inclut dans sa ligne douanière contre l’Angleterre, dont les marchandises sont saisies, et y nomme un « gouverneur des villes hanséatiques » chargé d’y faire appliquer les volontés de l’Empereur. Le 13 décembre 1810, Napoléon réunit à l’Empire français les pays situés entre la mer du Nord et une ligne Wesel-Minden-Lauenbourg, dont les trois villes hanséatiques. Par décret du 22 janvier 1811, les anciennes républiques de Hambourg et de Lubeck sont incorporées dans le nouveau département français des Bouches-de-l’Elbe (Hambourg, Lubeck, Lunebourg, Stade), tandis que l’ancienne république de Brême est incluse dans celui des Bouches-du-Weser (Brême, Bremerlehe, Nienbourg, Oldenbourg). La défaite française de Leipzig entraîne l’abandon de l’Allemagne par les autorités françaises (novembre 1813). Les villes de Brême et de Lubeck retrouvent leurs institutions de villes libres. Le maréchal Davout s’est enfermé dans la ville de Hambourg. Il s’y maintient jusqu’en mai 1814 et ne cède qu’à l’ordre du roi Louis XVIII. La ville de Hambourg retrouve alors ses institutions de ville libre.
29. Autres États Les nombreux autres États, laïques, ecclésiastiques ou villes libres, qui existent en 1789 et n’ont pu être cités supra, sont décrits dans la partie « États disparus » et énumérés dans l’annexe Saint Empire (pour le Liechtenstein, voir chapitre de ce nom). Il disparaissent tous entre 1803 et 1807, à l’exception de trois principautés conservées et incluses dans la Confédération du Rhin : Liechtenstein (voir chapitre Liechtenstein), Isembourg-Birstein et La Leyen (voir partie « États disparus »). En revanche, deux créations majeures de Napoléon apparaissent durant cette période : le grand-duché de Berg en 1806, le royaume de Westphalie en 1807.
30. Berg Le 15 décembre 1805, la Prusse cède le duché de Clèves (de rive droite) à Napoléon, à charge pour lui de l’attribuer au prince de son choix. Le 16 décembre 1805, la Bavière cède le duché de Berg à Napoléon, à charge pour lui de l’attribuer à « un prince du Saint Empire » de son choix. Le 15 mars 1806, Napoléon nomme son beau-frère Joachim Murat duc de Berg et Clèves. Murat fait son entrée à Dusseldorf le 24 mars. Son intronisation est confirmée par décret impérial du 31 mars ; il est appelé à régner sur un territoire de 300 000 sujets, allongé le long du Rhin de la frontière batave au confluent de la Sieg, mi-protestant (Clèves) mi-catholique (Berg). Les gouvernements de Berg et de Clèves sont fusionnés (avril) ; Murat devient prince du Saint Empire. L’intention de Napoléon est de faire de ce nouvel État directement soumis à l’influence française un tampon entre France et Prusse, en même temps qu’une « vitrine » des institutions françaises qui serve de modèle à cette Allemagne médiane que Napoléon entend constituer séparément de la Prusse et de l’Autriche. Le 28 mars, sur ordre de Napoléon, Murat médiatise les trois seigneuries de Gimborn, aux Wallmoden, de Wildenbourg, aux Hatzfeldt, et de Hombourg, aux SaynWittgenstein, qui lui apportent une population supplémentaire de 20 000 âmes. En revanche, Napoléon désavoue Murat qui s’était emparé des territoires prussiens cidevant abbatiaux d’Essen, Werden et Elten, non compris dans la cession de Schœnbrunn, sous prétexte qu’ils dépendaient du duché de Clèves. Murat les restitue à la Prusse.
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Allemagne Le 12 juillet 1806, le duché de Berg et Clèves devient grand-duché de Berg. Il est l’un des 16 États fondateurs de la Confédération du Rhin. Le grand-duc de Berg y siègera dans le collège des rois (six membres) en compagnie des rois de Bavière et de Wurtemberg, des grands-ducs de Bade et de Hesse-Darmstadt et du prince-primat de la Confédération. Le grand-duché de Berg : – annexe les comtés de Siegen, de Dillenbourg, de Hadamar et la seigneurie de Beilstein, confisqués par Napoléon au prince d’Orange-Nassau (fils du dernier stathouder) pour le punir d’avoir refusé d’adhérer à la Confédération du Rhin ; – reçoit du duc de Nassau-Usingen la ville de Deutz (face à Cologne) et les bailliages de Kœnigswinter et de Willich (enclaves nassoviennes au confluent de la Sieg) ; – reçoit des wild- et rhingraves de Salm le bailliage de Hortsmar ; – médiatise les comtés de Bentheim et de Steinfurt (possessions du comte de Bentheim), le bailliage de Rheina-Wolbeck (possession du duc de Looz-Coswarem), les seigneuries de Westerbourg et de Schadeck (possessions du comte de Linange) et la moitié (rive droite de la Lahn) du bailliage de Runkel (possession du prince de Wied-Runkel). L’ensemble de ces annexions représente un gain de 180 000 âmes. Enfin, le grand-duché de Berg reçoit l’usage d’une route à travers les États des princes de Salm pour relier Bentheim et Hortsmar (isolés) au reste du territoire grand-ducal. En août 1806, le territoire de Berg est organisé en 8 arrondissements, dont 4 recouvrent l’ancien territoire bergois (Siegbourg, Mulheim, Elberfeld et Dusseldorf), 2 l’ancien territoire de Clèves (Duisbourg et Wesel), 1 les annexions du nord (Steinfurt) et 1 celles du sud (Dillenbourg). Chaque arrondissement est dirigé par un conseiller provincial. Le grand-duché de Berg annexe en novembre 1806 les territoires prussiens d’Essen, Werden et Elten, soit un nouvel accroissement de 20 000 sujets. Par le traité de Paris (21 janvier 1808) passé entre la France et le grand-duché, Napoléon réunit au grand-duché de Berg : – les territoires suivants cédés par la Prusse à Tilsitt (juillet 1807) : les comtés de Lingen et de Tecklembourg, le comté de la Marck avec la cosouveraineté (partagée avec LippeDetmold) sur la ville de Lippstadt (anciennes possessions prussiennes) ; la principauté de Munster avec la prévôté de Cappenberg (acquises par la Prusse en 1803) ; – le comté de Limbourg-Styrum et la seigneurie de Rheda, médiatisés ; – la ville de Dortmund, confisquée au prince d’Orange-Nassau. En contrepartie, le grand-duché de Berg cède à la France la ville et forteresse de Wesel, avec un rayon de 3 km autour de l’enceinte. L’accroissement du grand-duché porte cette fois-ci sur 350 000 habitants. Il atteint ainsi sa plus grande dimension avec 17 000 km2 et 875 000 habitants. Le 15 juillet 1808, le grand-duc Joachim quitte Berg pour Naples. Napoléon devient à titre temporaire grand-duc de Berg. Les Bergois demandent leur réunion à la France mais Napoléon refuse, se contentant d’une union personnelle. Par décret du 14 novembre 1808, le système départemental à la française est introduit au grand-duché de Berg, divisé en quatre départements : Rhin, Sieg, Ruhr et Ems. Le département du Rhin (Dusseldorf, Mulheim, Elberfeld, Essen) couvre les parties septentrionale et occidentale de Berg, le duché de Clèves, les seigneuries d’Essen, Werden et Elten. Le département de la Sieg (Dillenbourg, Siegen) couvre le sud-est de Berg, les territoires de Gimborn-Neustadt, Hombourg, Wildenbourg, Westerbourg, Schadeck, Runkel, Siegen, Dillenbourg et Hadamar. Le département de la Ruhr (Dortmund, Hagen, Hamm) couvre le comté de la Marck, Lippstadt, la partie méridionale de Munster, Dortmund, Limbourg et Rheda. Le département de l’Ems (Munster, Cœsfeld, Lingen) couvre la partie septentrionale de Munster, Lingen et Tecklembourg, Rheina-Wolbeck, Hortsmar, Steinfurt et Bentheim. Le 3 mars 1809, Napoléon nomme le prince Napoléon-Louis grand-duc de Berg. Ce dernier, fils aîné du roi de Hollande, n’est âgé que de trois ans. De ce fait, Napoléon se réserve
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Les États existants la régence du grand-duché de Berg, dont l’administration sur place est confiée au commissaire français Beugnot. Le 13 décembre 1810, Napoléon réunit à l’Empire les pays situés entre la mer du Nord et une ligne Wesel-Lunebourg. Le grand-duché de Berg est amputé, au profit de la France, de la totalité de son département de l’Ems et de la partie de celui du Rhin située au nord de la Lippe, soit une perte de 213 000 âmes. En janvier 1811, à titre de compensation pour ses pertes, le grand-duché de Berg reçoit, à titre provisoire, le comté de Recklingshausen et le duché de Croy-Dulmen, provenant du duché d’Arenberg aboli par le sénatus-consulte du 13 décembre. Ces deux pays bénéficient d’une administration spéciale, distincte de celle du grand-duché. En décembre 1811, les territoires de Recklingshausen et de Dulmen sont incorporés dans l’administration grand-ducale, le comté de Recklingshausen étant agrégé au département du Rhin, le duché de Dulmen à celui de la Ruhr. En novembre 1813, les Français ayant abandonné le grand-duché, celui-ci est occupé par les troupes alliées. La Prusse s’attribue aussitôt le duché de Clèves, tandis que le duché de Berg proprement dit est provisoirement versé dans l’administration centrale alliée.
31. Westphalie Le traité de Tilsitt (juillet 1807) prive la Prusse de l’ensemble de ses domaines situés à l’ouest de l’Elbe, la France dominant désormais l’Allemagne septentrionale. Ne pouvant s’appuyer, comme dans le Sud contre l’Autriche, sur des États existants dévoués à sa politique, Napoléon décide de créer ex nihilo un royaume qui constituera une « Allemagne française », tout à la fois boulevard contre la Prusse et modèle des bienfaits de l’administration à la française ; ce sera le royaume de Westphalie. Par lettre du 8 juillet, Napoléon annonce à son frère Jérôme qu’il doit se préparer à en être le souverain. Par le décret des Tuileries du 18 août 1807, Napoléon crée le royaume de Westphalie ; sa composition est fixée par le décret du 1er septembre. Le royaume de Westphalie comprend : – la quasi-totalité des États du duc de Brunswick, à savoir : le duché de Wolfenbuttel et les principautés de Blankenbourg et de Walkenried ; – la majeure partie de l’électorat de Hesse-Cassel, à savoir : Hersfeld, Basse-Hesse, Ziegenhain, Haute-Hesse, Schaumbourg, parts hessoises de Hoya et de Diepholz, à l’exclusion du comté de Hanau, de la seigneurie de Schmalcalde (Henneberg) et du comté de Bas-Catzenellenbogen conservés par Napoléon à titre de pays réservés ; – le bailliage de Volksmarsen, anciennement colonais, cédé par la province de Westphalie du grand-duché de Hesse-Darmstadt ; – les vieux territoires prussiens suivants : Vieille Marche et partie du duché de Magdebourg située sur rive gauche de l’Elbe, comtés prussiens de Hohenstein et de Mansfeld, cercle de la Saale (Halle), principautés de Halberstadt et de Minden, comté de Ravensberg ; – les territoires prussiens suivants, médiatisés en 1803 : principautés (anciens évêchés) de Hildesheim et de Paderborn, anciennes abbayes de Herford et de Quedlinbourg, ancien Eichsfeld mayençais avec Treffurt, anciennes villes libres de Goslar, de Nordhausen et de Mulhausen ; – les territoires prussiens suivants, acquis en 1805 sur le Hanovre : duché de Grubenhagen avec son enclave d’Elbingerode, comté hanovrien de Hohenstein, part méridionale (Gœttingue) du duché de Calenberg ; – les territoires saxons suivants, cédés le 22 juillet par le royaume de Saxe : comté de Barby, bailliages de Gamern et de Sangershausen, partie du Mansfeld saxon ; – le comté de Rietberg (ancien fief hessois), médiatisé aux dépens de son ancien titulaire, le comte de Rietberg-Kaunitz ; – les comtés de Stolberg (ancien fief saxon) et de Wernigerode (ancien fief prussien), médiatisés aux dépens de leur ancien titulaire, le comte de Stolberg. Le jour même de sa création (18 août), le royaume de Westphalie adhère à la Confédération du Rhin ; au conseil fédéral de Francfort, le roi de Westphalie siégera dans le collège des rois.
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Allemagne Le 15 novembre 1807 est proclamée la Constitution du royaume. En cette circonstance, le royaume de Westphalie s’agrandit des terres suivantes : – la principauté (ancien évêché) d’Osnabruck avec son enclave de Wiedenbruck, provenant du Hanovre prussien ; – la principauté (ancien évêché) de Corvey, confisquée en octobre 1806 au prince d’Orange-Nassau ; – la seigneurie de Schmalcalde (Henneberg hessois), confisquée en novembre 1806 à l’électeur de Hesse-Cassel. Un royaume « français » au cœur de l’Allemagne Le royaume de Westphalie couvre dès lors 41 000 km2 et compte de l’ordre de 1 900 000 habitants. Très irrégulier, il s’étend sur quatre bassins fluviaux : Elbe, Weser (majeure partie du royaume), Ems et Rhin (Lahn et Lippe). Il déborde ainsi largement de la Westphalie géographique, laquelle est désormais occupée par le royaume de Westphalie, la province hessoise de Westphalie et le grand-duché de Berg (agrandi aux dépens de la Prusse). La capitale du royaume est fixée à Cassel, résidence de l’ancien électeur de Hesse, dont le roi Jérôme prend possession à la mi-décembre, s’installant au château de Wilhelmshohe, rebaptisé Napoleonshohe. Le royaume de Westphalie, par la complexité de ses origines territoriales, est un État complètement nouveau ne pouvant reprendre les traditions d’aucun État préexistant. Les administrateurs de Cassel y voient la faculté de faire table rase du passé et d’unifier le pays en adoptant d’un coup des institutions nouvelles inspirées de la France (le Code Napoléon sera introduit dès le 1er janvier 1808). Sur le plan administratif, le royaume est réorganisé en huit départements bouleversant les cadres historiques et constitués de manière à regrouper chacun de l’ordre de 250 000 habitants ; chaque département, dirigé par un préfet, est lui-même divisé en districts (dotés de sous-préfets). Les départements reçoivent, à la française, un nom de rivière ou de montagne ; leur liste est la suivante : – l’Elbe (le long de l’Elbe) : Magdebourg, Stendal, Salzwedel, Neuhaldensleben ; il recoupe les anciens Magdebourg et Halberstadt ; – la Saale : Halberstadt, Blankenbourg, Halle ; il recoupe les anciens Halberstadt, cercle de la Saale et Brunswick ; – l’Ocker (entre la Leine et l’Aller) : Brunswick, Helmstedt, Hildesheim, Goslar ; il recoupe les anciens Brunswick et Hildesheim ; – la Leine (au centre, entre Leine et Weser) : Gœttingue, Rinteln, Einbeck ; il recoupe les anciens Gœttingue et Grubenhagen ; – le Hartz (de la Werra à Goslar) : Heiligenstadt, Duderstadt, Nordhausen, Osterode ; il recoupe les anciens Eichsfeld et Grubenhagen ; – la Werra (à l’ouest, sur les hauts bassins de la Werra, de la Fulda et de la Lahn) : Marbourg, Hersfeld, Heschwege ; il recoupe les anciens Paderborn et Hesse-Cassel ; – la Fulda (bassins de la Fulda, de l’Eder, de la Lippe et de l’Ems supérieur) : Cassel, Hœxter, Paderborn ; il recoupe aussi les anciens Paderborn et Hesse-Cassel ; – le Weser (au nord du précédent, sur le bas Weser) : Osnabruck, Minden, Bielefeld ; il recoupe les anciens Osnabruck, Minden et Ravensberg. Par traité du 19 mars 1808, le royaume de Westphalie cède au royaume de Saxe la ville de Sangershausen et reçoit en échange le reliquat du comté saxon de Mansfeld. Par la convention d’évacuation de la Prusse du 8 septembre 1808, la Prusse cède à la France la citadelle de Magdebourg, omise en 1807 car sise sur rive droite du bras principal de l’Elbe. La citadelle, forte de 12 500 garnisaires, est placée sous double souveraineté franco-westphalienne. Par le traité de Paris du 14 janvier 1810, Napoléon cède au royaume de Westphalie la souveraineté exclusive sur la citadelle de Magdebourg et le pays réservé de Hanovre, sous réserve de se conserver un territoire de 15 000 âmes à désigner ultérieurement.
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Les États existants Lors de la remise effective du Hanovre à la Westphalie, Napoléon conserve finalement un territoire de 33 000 âmes, à savoir le duché de Lauenbourg avec son enclave de Neuhaus en amont sur rive droite de l’Elbe. La Westphalie s’accroît ainsi des duchés de Lunebourg et de Brême, des comtés de Hoya et de Diepholz, de la principauté de Verden et de la part septentrionale (Hanovre) du duché de Calenberg. Elle accède à la mer du Nord entre les embouchures de l’Elbe et du Weser. Les nouvelles acquisitions (22 000 km2, 800 000 âmes) vont former trois nouveaux départements : – l’Aller (Hanovre), couvrant la part septentrionale du duché de Calenberg, la part méridionale du duché de Lunebourg et les comtés de Hoya et de Diepholz ; – la Basse-Elbe (Lunebourg), couvrant la majeure partie du duché de Lunebourg et une frange (Salzwedel) de la Vieille Marche retranchée du département de l’Elbe ; – le Nord (Stade), couvrant le duché de Brême et la principauté de Verden. La Westphalie compte désormais onze départements, sur 63 000 km2 et peuplés d’environ 2 700 000 habitants. Le 13 décembre 1810, Napoléon réunit à l’Empire les pays situés entre la mer du Nord et une ligne Wesel-Lunebourg. Par décret impérial du 22 janvier 1811 sont précisées les cessions imposées à la Westphalie par la France. À cet égard, Napoléon considère nulle et non avenue la cession de janvier 1810 du Hanovre septentrional à la Westphalie. Sur cette base (contestée par la Westphalie), la France prend à la Westphalie la principauté d’Osnabruck, le comté de Ravensberg et la majeure partie de la principauté de Minden (rive gauche du Weser, plus une tête de pont sur rive droite à Minden), le tout représentant une perte de 224 000 âmes. Napoléon cède « en compensation » à la Westphalie 332 000 âmes, à savoir la part septentrionale du duché de Calenberg et les quatre cinquièmes (sans la ville) du duché de Lunebourg, à ses yeux désormais « non cédés en janvier 1810 ». Du point de vue de la Westphalie, qui considère les cessions de janvier 1810 comme valablement opérées, la France dépouille en fait le royaume de 530 000 âmes, à savoir : le duché de Brême et la principauté de Verden, le cinquième (nord-ouest) du duché de Lunebourg (avec la ville), les comtés de Hoya et de Diepholz, tous territoires acquis en janvier 1810, la principauté d’Osnabruck, le comté de Ravensberg et la majeure partie (rive gauche du Weser) de la principauté de Minden. Sur le plan départemental, le royaume de Westphalie perd le département du Nord en entier et celui du Weser en quasi-totalité (rive gauche du Weser), le reliquat du Weser étant rattaché au département de la Fulda ; la Basse-Elbe perd le tiers (nord-ouest) de son territoire avec le chef-lieu Lunebourg, la préfecture étant transférée à Salzwedel. Le royaume de Westphalie est ramené à neuf départements pour une population d’environ 2 200 000 habitants. La défaite de la France à Leipzig provoque l’abandon général de l’Allemagne par les Français. Le 26 octobre 1813, le roi Jérôme quitte définitivement Cassel. La Confédération du Rhin est dissoute, la plupart de ses membres adhérant à la coalition anti-française. Mais les coalisés ont décidé l’abolition du royaume de Westphalie. L’électeur de Hesse-Cassel rentre dans sa capitale le 21 novembre et adhère le 23 à la coalition. Par le traité de Francfort du 2 décembre 1813, il est restauré dans l’intégralité de ses États provenant des anciens royaume de Westphalie et grand-duché de Francfort, plus le comté de Bas-Catzenellenbogen. Par ailleurs, le duc de Brunswick, l’électeur de Hanovre et le roi de Prusse rentrent en possession, dès novembre 1813, de la totalité de leurs États provenant du royaume de Westphalie, du grand-duché de Berg ou de la France allemande.
IV. L’Allemagne de la Confédération germanique (1815-1866). Évolution des différents États Le congrès de Vienne (1814-1815) voit l’Allemagne revenir, dans une certaine mesure seulement, à la situation de l’ancien Saint Empire. À l’encontre des aspirations de certains
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Allemagne milieux qui souhaiteraient que la simplification politique opérée par la France révolutionnaire puis napoléonienne fût menée à son terme en érigeant une Allemagne unitaire, les souverains des grands États entendent tout à la fois préserver leur indépendance et conserver les acquisitions faites depuis le recès de 1803 au détriment des États ecclésiastiques, des villes libres et des souverains médiatisés. Leur point de vue est entériné et les médiatisations ne sont pas remises en cause. Outre Berg, la Westphalie et Francfort, créations napoléoniennes, les très petits États existant encore en 1814 (Isembourg-Birstein, La Leyen) disparaissent — à l’exception du Liechtenstein —, et Arenberg et les deux Salms, rayés de la carte en 1810, ne sont pas rétablis. Les États allemands maintenus ou rétablis sont regroupés dans une confédération assez lâche, la Confédération germanique, dont les contours — à l’exception notable du retrait de quelques régions (anciens Pays-Bas autrichiens, évêchés de Liège et de Bâle, Montbéliard) — épousent scrupuleusement les limites de l’ancien Saint Empire, coupant en deux le Schleswig-Holstein danois ou l’Istrie autrichienne (voir annexe Confédération germanique). L’Allemagne est en fait dominée par l’Autriche de Metternich, dont le congrès de Vienne restaure le prestige ; son empereur préside héréditairement la Confédération germanique. La Prusse, cependant, qui se redresse des désastres qu’elle a subis, n’a pas renoncé à ses rêves de domination ; à partir de 1828, elle va en entamer la réalisation par la voie détournée de l’union économique, le Zollverein, qui, en ce siècle où l’industrie et le commerce se développent de façon spectaculaire, va se révéler un moyen habile de tisser des liens contournant l’Autriche. De 1815 à 1848, l’Europe de la Sainte-Alliance s’emploie, en Allemagne comme ailleurs, à réprimer toute velléité de libéralisation. En 1848 éclatent partout des révolutions en Allemagne, à l’image de l’Europe entière. Un parlement se réunit à Francfort, en marge de la Confédération, pour doter l’Allemagne de l’unité qui lui fait défaut. Au-delà de la question de la nature du régime, unitaire ou fédéral, se pose celle des limites du futur État. Les partisans de la « petite Allemagne » (État centralisé dirigé par le roi de Prusse) finissent par l’emporter et offrent la couronne à Frédéric-Guillaume IV. Mais les autres souverains, en particulier l’empereur d’Autriche, rétablissent la situation avec l’aide de la Russie, et le roi de Prusse, après avoir caressé l’espoir de faire l’unité à son profit, doit y renoncer en novembre 1850 (reculade d’Olmutz), sous la menace d’un conflit armé. Dès lors, la Prusse ne songe qu’à se venger de cette reculade et va tout faire pour ravir la première place à l’Autriche. L’arrivée aux affaires, en 1862, du chancelier Bismarck va accélérer le mouvement et la question des duchés danois, à partir de 1864, sera l’événement qui permettra à la Prusse, en 1866, de parvenir au but (voir infra Prusse et chapitre Danemark).
1. Autriche Voir chapitre Autriche. 2. Prusse Dès l’ouverture des pourparlers du congrès de Vienne (septembre 1814), la Prusse expose ses objectifs ; elle renonce à Bayreuth et à Anspach en faveur de la Bavière qui, de son côté, lui abandonne Berg et Juliers ; elle revendique d’annexer la totalité du royaume de Saxe pour compenser sa renonciation aux terres polonaises laissées à la Russie ; elle propose de transférer le roi de Saxe dans la région rhénane. Talleyrand, au nom de la France, s’oppose à la spoliation complète de ce dernier. Par le traité secret du 3 janvier 1815, la France, la Grande-Bretagne et l’Autriche font alliance pour s’opposer aux trop grandes ambitions de la Prusse et de la Russie. Le 8 février, contre promesse d’importants dédommagements en Rhénanie, la Prusse accepte le principe d’un partage de la Saxe royale, les deux cinquièmes de la population, soit environ 850 000 âmes, étant attribués à la Prusse, le reste, avec Dresde et Leipzig, étant conservé au roi de Saxe. Par le traité de Presbourg du 18 mai 1815, le royaume de Saxe restitue à la Prusse le cercle de Cottbus et lui abandonne : l’entière Basse-Lusace, la partie orientale de la Haute-Lusace (Gœrlitz), le cercle électoral (Wittenberg) avec le comté de Barby et la principauté de Querfurt, les cercles de Thuringe et de Neustadt, quelques districts des
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Les États existants cercles de Leipzig et de Misnie (Torgau), la majeure partie des évêchés de Mersebourg et de Naumbourg-Zeitz, le Mansfeld et le Henneberg albertins. Par le traité de Vienne du 31 mai 1815, signé entre les puissances et les deux maisons de Nassau : – le prince Guillaume d’Orange-Nassau, nouveau roi des Pays-Bas, reçoit de la Prusse la moitié occidentale (rive gauche de la Meuse) du duché prussien de Gueldre et de l’Autriche le duché de Luxembourg, érigé pour lui en grand-duché (membre de la future Confédération germanique) ; – le prince d’Orange-Nassau cède à la Prusse ses possessions nassoviennes, à savoir : principautés de Dietz, de Dillenbourg, de Hadamar et de Siegen, seigneuries de Burbach et de Beilstein ; – la Prusse rétrocède au duché de Nassau (ligne walramienne) les principautés de Dietz, de Dillenbourg, de Hadamar et les seigneuries de Burbach et de Beilstein ; – le duché de Nassau cède à la Prusse sa part de l’ancien comté de Solms (Brauenfels, Hohensolms, Greifenstein) et les bailliages de Linz, Altenwied, Neuwied, Vallendar, Ehrenbreitstein et Altenkirchen (rive droite du Rhin en aval de Coblence). Par ailleurs, la Prusse reçoit l’arrondissement de Bitbourg prélevé sur le Luxembourg autrichien, les cantons d’Eupen, de Rolduc et d’Aubel prélevés sur le Limbourg autrichien, le canton de Malmédy (ancienne abbaye) et le canton de Schleiden (anciennement à Arenberg), tous territoires agrégés à sa province du Bas-Rhin. Par suite d’imprécision dans la définition des frontières, la commune de Moresnet (canton d’Aubel) est contestée entre Prusse et Pays-Bas (présence de mines). Dans l’acte final du congrès de Vienne du 9 juin 1815, les dispositions territoriales suivantes se rapportent à la Prusse : – la Prusse se voit confirmer l’ensemble des domaines qu’elle possédait avant les cessions de 1805/1807, à l’exception des trois quarts de sa part des partages polonais de 1793 et 1795, cédés à la Russie (Nouvelle Silésie, Nouvelle Prusse orientale et majeure partie de la Prusse méridionale), et des margraviats d’Anspach et de Bayreuth cédés à la Bavière ; la principauté de Neuchâtel bénéficie d’un statut particulier ; elle devient un canton, membre à ce titre de la Confédération helvétique, mais retrouve aussi le roi de Prusse comme souverain ; – la Prusse se voit confirmer les cessions faites le 18 mai par le roi de Saxe et les échanges opérés le 31 mai avec les deux maisons de Nassau ; – la Prusse se voit attribuer les territoires vacants provenant du royaume de Westphalie et du grand-duché de Berg, ainsi que ceux de la rive gauche du Rhin anciennement française, hormis la partie méridionale de cette dernière, donnée provisoirement à l’Autriche (part méridionale du département de la Sarre et département du Mont-Tonnerre, sauf l’arrondissement de Mayence attribué à la Prusse) ; – sur ses biens, la Prusse doit prélever des territoires destinés à attribuer : 77 000 âmes au grand-duc de Saxe-Weimar-Eisenach, 20 000 âmes au duc de Saxe-Cobourg-Saalfeld, 10 000 âmes au grand-duc de Mecklembourg-Strelitz, 25 000 âmes au grand-duc d’Oldenbourg, 10 000 âmes au landgrave de Hesse-Hombourg, 9 000 âmes au comte de Pappenheim ; – la Prusse reçoit de la principauté de Schwarzbourg-Sondershausen ses deux enclaves dépendant du comté de Sondershausen ; elle reçoit de la principauté de SchwarzbourgRudolstadt la partie septentrionale de son bailliage de Frankenhausen. La Prusse se compose désormais des dix provinces suivantes : Prusse orientale (Kœnigsberg), Prusse occidentale (Dantzig), grand-duché de Posen constitué de la part non cédée de l’ancienne Prusse méridionale, Brandebourg (Berlin et Potsdam) comprenant le Brandebourg et la Basse-Lusace, Poméranie (Stettin), Silésie (Breslau) comprenant la Silésie et la Haute-Lusace, Saxe prussienne (Magdebourg) comprenant la Vieille Marche, le Magdebourg et les autres territoires pris à la Saxe royale, Westphalie (Munster), Clèves-Berg (Cologne) et Bas-Rhin (Aix-la-Chapelle). S’y ajoute la principauté de Neuchâtel bénéficiant d’un statut particulier et non agrégée au royaume.
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Allemagne Le roi de Prusse adhère à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète de Francfort (70 voix), le roi de Prusse disposera de quatre voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il disposera d’une voix. Toutefois, la Prusse ne fait entrer dans la Confédération germanique que ses domaines allemands (ancien Saint Empire). Les provinces de Prusse occidentale, de Prusse orientale, de Posnanie et la principauté de Neuchâtel restent en dehors de la Confédération. Par le traité de Paris du 22 septembre 1815, signé entre Prusse et Saxe-Weimar-Eisenach, la Prusse cède au grand-duc de Saxe-Weimar ses enclaves thuringiennes du BasCranichfeld et de Blankenhain, ainsi que les trois quarts de l’ancien cercle saxon de Neustadt. Par le traité de Paris du 23 septembre, signé entre la Prusse et le Hanovre : – la Prusse cède au Hanovre la principauté d’Ostfrise, la part septentrionale (bas comté) du comté de Lingen, la ville de Goslar, la principauté d’Hildesheim et quelques districts de l’Eichsfeld ; – le Hanovre cède à la Prusse l’enclave de Wiedenbruck (ancienne dépendance d’Osnabruck) et le duché de Lauenbourg, hormis la bande territoriale sise sur rive gauche de l’Elbe et l’enclave de Neuhaus sise en amont sur rive droite. De plus, le roi de Hanovre doit céder au grand-duc d’Oldenbourg 5 000 âmes, réduisant à 20 000 âmes la dette de la Prusse envers ce dernier. Par la convention de Paris de la même date passée entre la Prusse et le Danemark, la Prusse rétrocède aussitôt le duché de Lauenbourg au Danemark ; en échange, le Danemark cède à la Prusse la Poméranie ex-suédoise (reçue par lui en 1814 en échange de la Norvège). Par le traité de Cassel du 16 octobre 1815, signé entre la Hesse-Cassel et la Prusse, parmi d’autres échanges de territoires avec des pays tiers, la Prusse cède à la Hesse-Cassel le bailliage colonais de Volksmarsen (provenant du royaume de Westphalie) et la HesseCassel cède à la Prusse le comté de Bas-Catzenellenbogen. Après l’épisode des Cent-Jours, les Alliés imposent à la France un second traité de Paris (20 novembre 1815) plus défavorable que le premier. Dans ce cadre, la France cède à la Prusse les cantons de Sarrelouis et de Sarrebruck. De plus, la Prusse se fait céder par l’Autriche quelques fragments de son lot cisrhénan (Merzig, Tholey, Ottweiler) destinés à lui assurer une continuité territoriale avec Sarrelouis et Sarrebruck. En mai 1816, une convention entre Prusse et Pays-Bas règle le sort de Moresnet. Elle est partagée en trois lots : Moresnet néerlandais, Moresnet prussien, Moresnet neutre ; ce dernier, possédé en commun, est administré par la Société de la Vieille Montagne qui y exploite des mines. Par le traité de Francfort du 30 juin 1816, signé entre la Prusse et la Hesse-Darmstadt : – la Hesse-Darmstadt cède à la Prusse l’ancien duché colonais de Westphalie et l’ancien comté médiatisé de Wittgenstein ; – la Prusse cède à la Hesse-Darmstadt tout le pays entre Rhin et Nahe (Mayence, Worms, Oppenheim, Alzey, Bingen) jusqu’à la limite du Palatinat du Rhin (cédé en avril par l’Autriche à la Bavière). Par traité du 9 septembre 1816, la Prusse cède au landgraviat de Hesse-Hombourg la principauté de Meissenheim, sur rive droite de la Nahe. Par le traité de Francfort du 18 septembre 1816, la Prusse cède au grand-duc de Mecklembourg-Strelitz les villes et territoires de Schleiden, de Reifferschiedt et de Cronenbourg, dans le massif de l’Eifel. En octobre 1816, par un nouvel accord conclu avec le duché de Nassau, la Prusse cède au duché de Nassau le comté de Bas-Catzenellenbogen et reçoit en échange la seigneurie de Burbach et le bailliage d’Atzbach. Par la convention de Francfort du 9 avril 1817, signée entre la Prusse et l’Oldenbourg, la Prusse cède au grand-duc d’Oldenbourg la principauté de Birkenfeld, située sur rive gauche de la Nahe dans le Palatinat.
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Les États existants Par le traité de Berlin du 21 mai 1819, le Mecklembourg-Strelitz revend à la Prusse les villes de Schleiden, de Reifferschiedt et de Cronenbourg. En juillet 1819, au recès général de Francfort achevant le règlement des litiges nés du congrès de Vienne, la Prusse reçoit la ville de Wetzlar (ancienne enclave provenant du grand-duché de Francfort) et cède au duc de Saxe-Cobourg-Saalfeld la principauté de Lichtenberg (Saint-Wendel), située sur rive gauche de la Nahe dans le Palatinat. Le comte de Pappenheim renonce à toute principauté souveraine dans le Palatinat et reçoit en échange des domaines dans le royaume de Prusse. La Prusse sort grandie de vingt ans de conflits La Prusse atteint désormais une surface de 278 000 km2 et une population de 10 millions d’habitants. Elle est constituée de deux blocs : a) à l’est, la vieille Prusse (231 000 km2), dont : – hors de la Confédération germanique (92 000 km2), les trois provinces de Prusse orientale, de Prusse occidentale et de Posnanie ; – dans la Confédération germanique (139 000 km2), les quatre provinces de Poméranie, de Brandebourg, de Saxe prussienne et de Silésie ; les enclaves de Suhl (Henneberg), de Muhlberg et de Ranis (quart conservé du cercle de Neustadt) dépendent de la Saxe prussienne ; b) à l’ouest, la nouvelle Prusse (47 000 km2), dans la Confédération germanique : les trois provinces de Westphalie, de Clèves-Berg et du Bas-Rhin ; l’enclave de Wetzlar-Solms dépend de la province du Bas-Rhin. S’y ajoute, hors royaume, la principauté de Neuchâtel. En 1824, par suite d’une réorganisation administrative, le royaume de Prusse est ramené à huit provinces et 25 gouvernements ; la Prusse occidentale et la Prusse orientale sont fusionnées, de même que les provinces de Clèves-Berg et du Bas-Rhin qui vont former une seule province de Rhénanie (ou du Rhin). Hormis la principauté de Neuchâtel toujours considérée à part, le royaume de Prusse se répartit ainsi : – Brandebourg (Potsdam et Berlin, Francfort-sur-l’Oder) ; – Poméranie (Stettin, Stralsund, Cœslin) ; – Silésie (Breslau, Liegnitz, Oppeln) ; – Posnanie (Posen, Bromberg) ; – Prusse propre (Kœnigsberg, Gumbinnen, Dantzig, Marienwerder) ; – Saxe (Magdebourg, Mersebourg, Erfurt) ; – Westphalie (Munster, Minden, Arensberg) ; – Rhin (Coblence, Dusseldorf, Cologne, Aix-la-Chapelle, Trèves). Berlin, en tant que capitale, dispose d’un gouvernement propre. Le 31 mai 1834, le duc de Saxe-Cobourg-Gotha revend à la Prusse la principauté de Lichtenberg, sur rive droite de la Nahe. L’ancienne principauté (500 km2) devient le cercle de Saint-Wendel de la province prussienne du Rhin. Le 1er mars 1848, réagissant aux événements de France, les partisans républicains de Neuchâtel proclament la rupture des liens de Neuchâtel avec le roi de Prusse et l’instauration de la République. Ce changement, accueilli favorablement par la Suisse, est rejeté par le roi de Prusse. Par convention du 7 décembre 1849, les princes de Hohenzollern-Hechingen et de Hohenzollern-Sigmaringen abdiquent simultanément en faveur du roi de Prusse. Les deux principautés sont annexées à la Prusse, qui les réunit en une nouvelle province de Hohenzollern (chef-lieu Sigmaringen). En 1854, le grand-duc d’Oldenbourg vend à la Prusse deux petits territoires de part et d’autre de l’entrée de la baie de Jahde (12 km2, 2 000 âmes), pour permettre à la Prusse, qui n’a pas de débouché sur la mer du Nord, d’y installer un port de guerre (futur Wilhelmshaven).
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Allemagne En septembre 1856, les partisans monarchistes de Neuchâtel tentent un coup de force contre la République et sont faits prisonniers. Le roi de Prusse menaçant de reprendre par la force sa principauté, la Suisse mobilise ses troupes. Une médiation engagée par l’empereur Napoléon III aboutit au traité de Paris (26 mai 1857) par lequel, en échange de la libération des prisonniers, le roi de Prusse renonce à sa souveraineté sur Neuchâtel, qui devient ainsi une république au même titre que les 21 autres cantons helvétiques. Les duchés de Schleswig, de Holstein et de Lauenbourg appartenaient au roi de Danemark, mais avec un statut spécial les distinguant du royaume proprement dit ; le Schleswig et le Holstein étaient réputés indissolublement unis ; le Holstein et le Lauenbourg faisaient partie de la Confédération Germanique. En novembre 1863, à la mort du roi Frédéric VII, le nouveau roi Christian IX de Glucksbourg hérite du Danemark, mais les trois duchés danois, en raison de la loi salique, sont reconnus par la Confédération germanique comme devant revenir au duc d’Augustenbourg. En février 1864, la Prusse et l’Autriche vainquent les armées danoises. Par le traité de Vienne du 30 octobre 1864, le Danemark cède au condominium de la Prusse et de l’Autriche les trois duchés de Schleswig, de Holstein et de Lauenbourg. Par la convention de Gastein du 14 août 1865, l’Autriche et la Prusse se répartissent l’administration de leur condominium. En premier lieu, moyennant compensation financière à l’Autriche, la Prusse annexe en pleine propriété le duché de Lauenbourg, qui constituera dès lors une province prussienne (chef-lieu Ratzebourg). Les deux autres duchés demeurent sous condominium, la Prusse administrant le Schleswig et le port de Kiel, l’Autriche le Holstein. La rupture de l’entente austro-prussienne, motivée par des récriminations prussiennes sur l’administration autrichienne du Holstein et par des exigences prussiennes de réforme de la Confédération, ouvre la voie à un conflit entre les deux puissances, pour lequel chacune s’est assuré le concours d’alliés : Mecklembourg, Oldenbourg, Brunswick, les deux Lippes, Anhalt, États de Thuringe, villes hanséatiques, Italie pour la Prusse ; Hanovre, les deux Hesses, Nassau, Francfort, Bade, Wurtemberg, Bavière, Saxe royale pour l’Autriche. Les troupes prussiennes envahissent le Holstein (7 juin 1866), le Hanovre est défait à Langensalza (27 juin) et l’Autriche à Sadowa (3 juillet) ; les préliminaires de paix sont signés à Nickolsbourg et le traité de paix entre Prusse et Autriche à Prague (23 août 1866). La Prusse, arbitre de l’Allemagne Tout d’abord, par le traité de Berlin du 22 août, la Bavière cède à la Prusse 600 km2 et 33 000 âmes, à savoir : les trois quarts du district d’Orb (saillant dans le Hanau devenu prussien), le district de Gersfeld (saillant septentrional de Wurtzbourg) et l’enclave de Caulsdorf en Thuringe. Par le traité de Prague du 23 août, l’Autriche reconnaît la dissolution de la Confédération germanique prononcée par la Prusse. Si l’Autriche n’est pas territorialement touchée en Allemagne (elle perd la Vénétie en Italie), elle autorise la Prusse à procéder aux annexions qu’elle jugera utiles. Enfin, les duchés de Schleswig et de Holstein sont immédiatement annexés par la Prusse, qui les réunit en une nouvelle province de Schleswig-Holstein (chef-lieu Schleswig). Il est précisé que les habitants (danois) du Schleswig septentrional pourront, s’ils le désirent par plébiscite, faire retour au Danemark ; mais la Prusse s’ingéniera par la suite à ne pas respecter cette clause. En septembre 1866, forte de la liberté accordée par l’Autriche, la Prusse annexe en entier : la Hesse électorale, le duché de Nassau et la ville libre de Francfort. Sur intervention de l’empereur Napoléon III, le roi de Saxe sauve de justesse son trône ; il en est de même pour le roi de Wurtemberg et le grand-duc de Bade. Favorisé par sa position de frère de la tsarine de Russie, le grand-duc Louis III de HesseDarmstadt conserve aussi ses États. Par le traité de Berlin du 3 septembre 1866, la HesseDarmstadt doit cependant céder à la Prusse les territoires suivants : – le landgraviat de Hesse-Hombourg, hérité en mars 1866 ;
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Les États existants – les cercles de Biedenkopf et de Vœhl, situés entre Hesse-Cassel et Nassau ; – quelques enclaves situées à l’intérieur des terres prussiennes. En revanche, la Prusse cède à la Hesse-Darmstadt les châteaux de Nauheim et de Rumpenheim. La cession nette est de 1 000 km2 et 64 000 âmes. La Hesse-Cassel, le Nassau, Francfort, Hombourg, Orb, Gersfeld et les districts cédés par la Hesse-Darmstadt sont groupés par la Prusse en une nouvelle province de Hesse-Nassau (Cassel, Wiesbaden). La principauté de Meissenheim (anciennement à Hesse-Hombourg) est rattachée à la province prussienne du Rhin. Dans la perspective du règlement de la succession des duchés, la Russie avait cédé en juin 1864 au grand-duc d’Oldenbourg ses droits gottorpiens (datant de 1773) à ladite succession. Pour le dédommager de ses droits, la Prusse cède au grand-duché d’Oldenbourg le bailliage d’Ahrensbrœk et quelques parcelles du Holstein oriental, choisis pour relier entre elles les deux parties (Eutin, Ratekau) de la principauté oldenbourgeoise de Lubeck. En octobre 1866, la Prusse annexe le royaume de Hanovre qui devient, sans modification interne, la province prussienne de Hanovre. Les annexions opérées en septembre et octobre doivent « donner une base plus large et plus solide à la réorganisation nationale de l’Allemagne » (Guillaume Ier). Elles permettent en fait à la Prusse d’étendre son domaine en le rendant d’un seul tenant. La Prusse vient en deux ans de gagner 73 000 km2 et 4 300 000 habitants, passant de 279 000 km2 et 19 200 000 habitants à 352 000 km2 et 23 500 000 habitants. Elle compte désormais douze provinces ; aux huit de 1824 s’ajoutent les quatre suivantes : – Hanovre (Hanovre, Hildesheim, Lunebourg, Stade, Osnabruck, Aurich) ; – Hesse-Nassau (Cassel, Wiesbaden) avec les enclaves de Schaumbourg et de Schmalcalde (Henneberg) ; – Schleswig-Holstein (Schleswig, Kiel) ; – Lauenbourg (Ratzebourg). La province de Hohenzollern, créée en 1849, devient un district spécial rattaché à la province du Rhin.
3. Bavière En juin 1815, la Bavière adhère à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète fédérale de Francfort (70 voix), le roi de Bavière disposera de quatre voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il disposera d’une voix. Le congrès de Vienne n’a pu résoudre la question des compensations à accorder à la Bavière, car celles qui sont envisagées sur l’ancien domaine palatin se heurtent à la rivalité de Bade, du Wurtemberg, de Nassau et de la Hesse-Darmstadt, qui mettent en avant la promesse d’intégrité territoriale qui leur a été faite par traité. Par le traité de Munich (14 avril 1816) signé entre l’Autriche et la Bavière : – l’Autriche cède à la Bavière les territoires vacants sur rive gauche du Rhin, provisoirement attribués à elle, à savoir le Palatinat du Rhin entre frontière française, ligne Bingen-Sarrebruck et frontière de la Hesse-Darmstadt ; elle s’engage à obtenir pour la Bavière un accroissement sur rive droite provenant de la Hesse-Darmstadt et de Bade (pour ce dernier, immédiatement le cercle du Rhin-et-Tauber, et le cercle du Neckar à la mort sans postérité du grand-duc Charles), ce qui assurerait à la Bavière un débouché sur le Rhin ; – la Bavière cède à l’Autriche l’Innviertel et l’Hausruckviertel, ainsi que le duché de Salzbourg, hormis le Flachgau (bande de territoire salzbourgeois située en aval de Salzbourg sur rive gauche de la Salzach) conservé par elle-même ; Berchtesgaden n’ayant pas été nommément cité dans la liste des renonciations bavaroises de la convention de juin 1814, la Bavière en profite pour conserver Berchtesgaden, qui formera un saillant dans le Salzbourg autrichien. Mais le grand-duché de Bade, en faisant des préparatifs de guerre en vue de conserver son intégrité territoriale, oblige l’Autriche à renoncer à lui imposer des sacrifices.
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Allemagne En juin 1816, la partie orientale de la principauté de Fulde (Hammelbourg, Bruckenau), provenant de l’ancien grand-duché de Francfort, est attribuée à la Bavière, tandis que la majeure partie est donnée à la Hesse-Cassel. En 1817, en conséquence des derniers remaniements territoriaux, la Bavière est réorganisée en huit cercles : Isar (Munich), Bas-Danube (Passau), Regen (Ratisbonne), HautMain (Bayreuth), Bas-Main (Wurtzbourg), Rezat (Anspach), Haut-Danube (Augsbourg), Rhin (Spire). La Bavière est désormais d’un seul tenant, hormis le cercle du Rhin situé sur rive gauche de ce fleuve. Au recès général de Francfort du 20 juillet 1819, achevant le règlement des litiges provoqués par la réorganisation post-napoléonienne, la Bavière n’a pu obtenir tous les territoires qu’elle convoitait. Elle s’accroît seulement des territoires suivants : – les districts, anciennement mayençais, d’Alzenau, de Miltenberg et d’Amorbach cédés par la Hesse-Darmstadt ; – le district, anciennement mayençais, d’Orb, provenant du grand-duché de Francfort et semi-enclavé dans le Hanau ; – le demi-bailliage de Steinfeld, provenant de l’ancien comté de Wertheim, cédé par l’Autriche qui vient de l’acquérir de Bade en échange du Hohengeroldseck (pris en 1815 au prince de La Leyen) ; – l’enclave bohémienne de Redwitz en Franconie, cédée par l’Autriche. La Bavière de 1819 est ramenée à une superficie de 76 500 km2, dont 70 500 pour le territoire principal et 6 000 pour le cercle du Rhin, pour une population d’environ 3 400 000 habitants (perte de 400 000 habitants partiellement compensée par l’accroissement naturel). En 1837, les noms des huit cercles de Bavière sont changés pour une appellation plus traditionnelle, sans modification des limites internes : Haute-Bavière, ancien Isar (Munich) ; Basse-Bavière, ancien Bas-Danube (Passau) ; Haut-Palatinat, ancien Regen (Ratisbonne) ; Haute-Franconie, ancien Haut-Main (Bayreuth) ; Basse-Franconie, ancien Bas-Main (Wurtzbourg) ; Franconie-Moyenne, ancien Rezat (Anspach) ; Souabe, ancien HautDanube (Augsbourg) ; Palatinat, ancien Rhin (Spire). Dans le conflit austro-prussien de 1866, la Bavière se bat aux côtés de l’Autriche contre la Prusse. Victorieuse, la Prusse contraint la Bavière à signer le traité de Berlin (22 août 1866), par lequel la Bavière cède à la Prusse les trois quarts du district d’Orb (saillant dans le Hanau devenu prussien), le district de Gersfeld (saillant septentrional de l’ancien Wurtzbourg) et l’enclave de Caulsdorf en Thuringe. La Bavière perd ainsi 600 km2 et 33 000 âmes ; elle est ramenée à une surface de 69 900 km2, plus 6 000 km2 pour le Palatinat.
4. Wurtemberg Au congrès de Vienne (1814-1815), le royaume de Wurtemberg voit son intégrité territoriale confirmée et élude la question de son adhésion à la Confédération germanique. Face à l’isolement de sa position, le 1 er septembre le Wurtemberg adhère à la Confédération. Aux assemblées plénières (70 voix) de la diète fédérale de Francfort, le Wurtemberg disposera de quatre voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il disposera d’une voix. Le Wurtemberg est remanié en quatre cercles, dirigés chacun par un prévôt (Landvogt), plus conformes à la tradition administrative du pays : Neckar (Ludwigsbourg), Forêt-Noire (Reutlingen), Jagst (Ellwangen), Danube (Ulm). S’y ajoute un gouvernement propre à la capitale Stuttgart. En 1822, le petit gouvernement propre à Stuttgart est supprimé, la capitale du Wurtemberg étant administrativement rattachée au cercle du Neckar (Ludwigsbourg). Dans le conflit austro-prussien de 1866, le Wurtemberg prend le parti de l’Autriche. Victorieuse, la Prusse se contente d’imposer au Wurtemberg une contribution financière, sans toucher à son territoire.
5. Bade Au congrès de Vienne, au sujet des compensations à accorder à la Bavière pour sa restitution à l’Autriche de divers territoires (Salzbourg, Innviertel, etc.), les puissances signent un
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Les États existants accord transférant à la Bavière le cercle badois du Main-et-Tauber et une partie de celui du Neckar. Le grand-duc proteste et les puissances renoncent à insérer cette cession dans l’Acte final du Congrès, renvoyant le litige à la commission territoriale de Francfort. En juin 1815, le grand-duché de Bade adhère à la nouvelle Confédération germanique. Aux assemblées plénières (70 voix) de la diète fédérale de Francfort, le grand-duc disposera de trois voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il disposera d’une voix. Le 14 avril 1816, l’Autriche signe avec la Bavière le traité de Munich, par lequel, entre autres clauses, elle s’engage à lui obtenir sur-le-champ le cercle badois de Main-et-Tauber, et celui du Neckar à la mort sans postérité du grand-duc Charles. Celui-ci entame des préparatifs de guerre pour s’opposer à cette spoliation. L’Autriche renonce à la lui imposer. Par lettres patentes du 4 octobre 1817, le grand-duc Charles déclare ses États indissolublement unis et appelle à sa succession son oncle, le comte de Hochberg (succession effective en décembre 1818 à la mort de Charles). Le litige territorial est finalement réglé par traité austro-badois du 10 juillet 1819, confirmé par le recès général de Francfort du 20 juillet. L’Autriche cède au grand-duché de Bade le comté de Hohengeroldseck, petite enclave en Bade provenant du prince de La Leyen dépossédé en 1815, et dont la possession avait été temporairement donnée à l’Autriche. En contrepartie, le grand-duché de Bade cède à l’Autriche (en vue de rétrocession à la Bavière) le demi-bailliage de Steinfeld, provenant de l’ancien comté de Wertheim. Le grand-duché de Bade atteint dès lors son territoire définitif de 15 100 km2, qui va rester inchangé pendant environ 130 années. En 1832, le grand-duché est administrativement remanié en quatre cercles : Lac (Constance), Haut-Rhin (Fribourg), Rhin-Moyen (Carlsruhe), Bas-Rhin (Mannheim). Le grand-duché de Bade prend le parti de l’Autriche dans le conflit austro-prussien de 1866. La Prusse victorieuse se contente de lui imposer une contribution financière, sans toucher à son territoire.
6. Hohenzollern Les deux princes de Hohenzollern adhèrent à la Confédération germanique. Aux assemblées générales de la diète de Francfort (70 voix), chaque prince disposera d’une voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), ils partageront une voix curiale avec le Liechtenstein, le Waldeck, les deux Lippes, les Reuss et la Hesse-Hombourg. En 1822, un pacte de famille règle les questions de succession entre les deux rameaux de la ligne aînée de Souabe et de la ligne cadette de Franconie (Prusse). En 1848, à la suite de troubles révolutionnaires, le prince Charles de Hohenzollern-Sigmaringen abdique en faveur de son fils Charles-Antoine. Par convention du 7 décembre 1849 signée avec la Prusse, et en vertu du pacte de famille de 1822, les deux princes de Hohenzollern, Frédéric-Guillaume de Hechingen et Charles-Antoine de Sigmaringen, abdiquent simultanément en faveur du roi de Prusse. Les deux principautés de Hohenzollern sont ainsi annexées par la Prusse, qui les réunit en une nouvelle province prussienne de Hohenzollern, chef-lieu Sigmaringen. Le rameau princier de Hechingen s’éteindra rapidement, tandis que deux fils du prince Charles-Antoine de Sigmaringen joueront un rôle notable dans l’histoire : l’aîné Léopold est celui dont la candidature au trône d’Espagne sera à l’origine de la guerre franco-allemande de 1870, le puîné Charles deviendra prince (1866) puis roi (1881) de Roumanie et fondateur d’une nouvelle dynastie.
7. Saxe royale Dès l’ouverture des pourparlers du congrès de Vienne, la Prusse revendique l’annexion de la totalité du royaume de Saxe, la Russie l’annexion du grand-duché de Varsovie. La Prusse propose de transférer le roi de Saxe dans la région rhénane. Talleyrand, au nom de la France, s’oppose à la spoliation complète du roi de Saxe. Par le traité secret du 3 janvier 1815, la France, la Grande-Bretagne et l’Autriche font alliance pour s’opposer aux trop grandes ambitions de la Prusse et de la Russie.
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Allemagne Le 8 février, contre promesse d’importants dédommagements en Rhénanie, la Prusse accepte le principe d’un partage de la Saxe royale, les deux cinquièmes en population, soit environ 850 000 âmes, étant attribués à la Prusse, le restant avec Dresde et Leipzig étant conservé au roi de Saxe. Par le traité de Presbourg du 18 mai 1815, le royaume de Saxe restitue à la Prusse le cercle de Cottbus et lui abandonne : l’entière Basse-Lusace, la partie orientale de la Haute-Lusace (Gœrlitz), le cercle électoral (Wittenberg) avec le comté de Barby et la principauté de Querfurt, les cercles de Thuringe et de Neustadt, quelques districts des cercles de Leipzig et de Misnie (Torgau), la majeure partie des évêchés de Mersebourg et de Naumbourg-Zeitz, le Mansfeld et le Henneberg albertins. Le royaume de Saxe se trouve ainsi réduit à une superficie de 15 000 km2 et à une population de l’ordre de 1 200 000 habitants ; la ville de Leipzig a pu être de justesse conservée ; le nombre de cercles saxons est réduit à cinq : Erzgebirge (Freiberg), Misnie (Dresde), Leipzig, Voigtland (Plauen), Haute-Lusace (Bautzen). En juin 1815, le royaume de Saxe adhère à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète fédérale de Francfort (70 voix), le roi de Saxe détiendra quatre voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), le roi détiendra une voix. En 1833, le royaume de Saxe adhère au Zollverein. En 1835, l’organisation administrative interne du royaume de Saxe est remaniée en quatre cercles portant le nom de leur chef-lieu : Dresde, Leipzig, Zwickau, Bautzen. Ayant pris le parti de l’Autriche dans le conflit austro-prussien de 1866, la Saxe est vaincue par la Prusse. Sur intervention de l’empereur Napoléon III, l’intégrité territoriale de la Saxe est sauvegardée au traité de Prague (23 août 1866) mettant fin au conflit. La Confédération germanique est dissoute.
8. Thuringe Au congrès de Vienne, les États de Thuringe sont confirmés dans leur existence et très peu remaniés. Les seuls changements sont les suivants : – le duc de Saxe-Weimar-Eisenach, dont l’héritier est beau-frère du tsar, devient grandduc ; il se voit attribuer des fragments de l’ancien évêché de Fulde et doit recevoir de la Prusse 77 000 âmes ; – le duc de Saxe-Cobourg-Saalfeld doit recevoir 20 000 âmes de la Prusse ; – le prince de Schwarzbourg-Sondershausen cède à la Prusse ses deux enclaves dépendant du comté de Sondershausen ; – le prince de Schwarzbourg-Rudolstadt cède à la Prusse la partie septentrionale, entre Nordhausen et Sondershausen, de son bailliage de Frankenhausen, rattaché à la province de Saxe prussienne ; – le bailliage de Schmalcalde est rendu à la Hesse-Cassel ; – le bailliage d’Erfurt et ses enclaves sont rendus à la Prusse ; – la Saxe royale cède à la Prusse, entre autres territoires, les cercles de Thuringe et de Neustadt et le bailliage de Suhl (Henneberg saxon), tous rattachés à la province de Saxe prussienne. Tous les États de Thuringe adhèrent à la Confédération germanique. Les cinq États de Saxe ducale, les deux Schwarzbourg et les deux branches de Reuss disposent chacun d’une voix aux assemblées plénières de la diète de Francfort (70 voix) ; aux assemblées restreintes (17 voix), les cinq États de Saxe ducale disposent d’une voix commune (1re curie), les deux Schwarzbourg partagent une voix avec l’Oldenbourg et les trois Anhalt (4e curie), les deux branches de Reuss partagent une voix avec les deux Hohenzollern, le Liechtenstein, le Waldeck, les deux Lippes et la Hesse-Hombourg (5e curie). En septembre 1815, par les conventions de Vienne et de Paris, la Prusse cède au grandduché de Saxe-Weimar-Eisenach les enclaves du Bas-Cranichfeld et de Blankenhain, et les trois quarts du cercle ci-devant saxon de Neustadt, dont elle conserve le dernier quart (Ranis).
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Les États existants Au recès général de Francfort (20 juillet 1819), la Prusse cède au duché de SaxeCobourg-Saalfeld la principauté de Lichtenberg (Saint-Wendel), située sur la rive droite de la Nahe dans le Palatinat. En 1825, par suite de l’extinction du rameau de Lobenstein de la branche cadette de Reuss, la principauté de Lobenstein est rattachée à celle d’Ebersdorf qui devient principauté de Reuss-Ebersdorf-Lobenstein. L’extinction de la maison de Saxe-Gotha-Altenbourg (février 1825) ouvre la voie à un vaste remaniement territorial des duchés de Saxe, sous la médiation du roi de Saxe, à l’exception du grand-duché de Saxe-Weimar non affecté par ce remaniement. Ce dernier est entériné le 15 novembre 1826 par l’Acte de partage d’Hildbourghausen. Le duché de Saxe-Gotha-Altenbourg est réparti en trois ensembles : – un premier ensemble constitué du duché de Gotha et des enclaves de Cœrner, Nazza et Neukirchen ; – un deuxième ensemble constitué du duché d’Altenbourg, du bailliage de Roda et de l’enclave de Roschutz ; – un troisième ensemble constitué du bailliage de Cambourg et de l’enclave du HautCranichfeld. Le duc de Saxe-Hildbourghausen cède son duché au duc de Saxe-Meiningen, son enclave de Sonnefeld au duc de Saxe-Cobourg et reçoit le deuxième ensemble de l’héritage. Le nouveau duché de Saxe-Altenbourg comporte donc le duché d’Altenbourg, le bailliage de Roda et l’enclave de Roschutz. Le duché de Saxe-Meiningen, qui comportait le duché de Meiningen et les bailliages de Sonneberg et de Rœmhild, reçoit du duc d’Hildbourghausen son duché, du duc de SaxeCobourg les bailliages de Saalfeld et de Themar, ainsi que le troisième ensemble de l’héritage de Gotha. Le nouveau duché de Saxe-Meiningen-Hildbourghausen comprend donc désormais les duchés de Meiningen et d’Hildbourghausen, les bailliages de Cambourg, de Sonneberg, de Saalfeld, de Rœmhild et de Themar, l’enclave du Haut-Cranichfeld. Le duché de Saxe-Cobourg, qui comportait le duché de Cobourg, la principauté de Lichtenberg, les bailliages de Saalfeld et de Themar et les enclaves de Nassach et de Kœnigsberg, cède les bailliages de Saalfeld et de Themar au duc de Saxe-Meiningen ; il reçoit du duc de Saxe-Hildbourghausen l’enclave de Sonnefeld, de l’héritage de Gotha le premier ensemble, à savoir le duché de Gotha et les enclaves de Cœrner, Nazza et Neukirchen. Le nouveau duché de Saxe-Cobourg-Gotha comporte donc désormais les duchés de Cobourg et de Gotha, la principauté de Lichtenberg et les enclaves de Sonnefeld (incorporée dans Cobourg), de Nassach, Kœnigsberg, Coerner, Nazza et Neukirchen. En 1833, les États de Thuringe adhèrent au Zollverein. Le 31 mai 1834, le duché de Saxe-Cobourg-Gotha vend à la Prusse la principauté de Lichtenberg, acquise en 1819. En 1853, par suite de l’extinction du rameau d’Ebersdorf-Lobenstein de la branche cadette de Reuss, la principauté de Reuss-Ebersdorf-Lobenstein est rattachée à celle de Reuss-Schleiz, qui devient la principauté de Reuss-Gera, réunifiant ainsi la branche cadette.
9. Anhalt Les duchés d’Anhalt ne sont pas affectés par les remaniements territoriaux décidés par le congrès de Vienne. Ils adhèrent en juin 1815 à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète fédérale de Francfort (70 voix), ils disposeront chacun d’une voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), ils partageront une voix curiale avec le grandduc d’Oldenbourg et les deux princes de Schwarzbourg (4e curie). En 1826, les trois duchés d’Anhalt adhèrent au Zollverein. En 1847, par suite de l’extinction de la branche d’Anhalt-Cœthen, le duché d’AnhaltCœthen est pris en charge par celui d’Anhalt-Dessau. En 1853, les deux duchés d’AnhaltDessau et d’Anhalt-Cœthen fusionnent en un duché d’Anhalt-Dessau-Cœthen.
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Allemagne En 1863, par suite de l’extinction de la branche d’Anhalt-Bernbourg, le duché d’AnhaltBernbourg disparaît, réuni à celui d’Anhalt-Dessau-Cœthen qui devient duché d’Anhalt.
10. Mecklembourg Au congrès de Vienne, les deux ducs sont élevés à la dignité de grands-ducs de Mecklembourg. Ils adhèrent à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète fédérale de Francfort (70 voix), le grand-duc de Mecklembourg-Schwerin disposera de deux voix, celui de Mecklembourg-Strelitz d’une voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), ils se partageront une voix curiale (3e curie). Enfin, le grand-duc de Mecklembourg-Strelitz doit recevoir de la Prusse 10 000 âmes à prélever sur l’ancien département de la Sarre. Par traité de Francfort (18 septembre 1816), la Prusse cède au grand-duc de Mecklembourg-Strelitz les villes de Schleiden, de Reifferschiedt et de Cronenbourg, dans le massif de l’Eifel. Par accord du 21 mai 1819, le duc de Mecklembourg-Strelitz les revend à la Prusse.
11. Holstein Voir supra Prusse et chapitres Danemark, Autriche. 12. Oldenbourg Au congrès de Vienne, le duc d’Oldenbourg est officiellement rétabli dans ses droits. Le duché devient grand-duché d’Oldenbourg et doit recevoir de la Prusse un accroissement de 25 000 âmes. Il adhère à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète de Francfort (70 voix), le grand-duc d’Oldenbourg disposera d’une voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il partagera une voix avec les trois ducs d’Anhalt et les deux princes de Schwarzbourg (4e curie). La seigneurie de Jever, de nouveau juridiquement russe, est dans les faits rattachée au grand-duché. La seigneurie de Kniphausen n’est pas restaurée, mais annexée au grandduché d’Oldenbourg, en dépit des protestations du comte de Bentinck. Par la convention de Brême (4 février 1817), le grand-duché d’Oldenbourg reçoit du royaume de Hanovre la ville de Brake et le territoire de Dedersdorf sur rive droite du Weser (5 000 âmes). Par la convention de Francfort (9 avril 1817), il reçoit de la Prusse la principauté de Birkenfeld (500 km2, 20 000 âmes) sur la rive gauche de la Nahe dans le Palatinat, provenant de l’ancien duché de Deux-Ponts. Par le traité de Varsovie (18 avril 1818), le tsar Alexandre Ier cède officiellement la seigneurie de Jever au grand-duché d’Oldenbourg. Par la convention de Berlin (8 juin 1825), confirmée par un Acte de la diète germanique (9 mars 1826), le comte de Bentinck finit par obtenir satisfaction et la seigneurie de Kniphausen (40 km2, 3 000 âmes) est restaurée comme État souverain membre de la Confédération germanique. Toutefois, le seigneur de Kniphausen ne disposera pas de voix aux assemblées de la diète, où il sera représenté par le grand-duc d’Oldenbourg, qui limite ainsi la souveraineté de Kniphausen. En 1854, le grand-duché d’Oldenbourg adhère au Zollverein. Il médiatise la seigneurie de Kniphausen et vend à la Prusse deux petits territoires de part et d’autre de l’entrée de la baie de Jahde (12 km2, 2 000 âmes), en vue pour la Prusse d’y établir un port de guerre (futur Wilhelmshaven). L’affaire des duchés danois (Schleswig-Holstein) ayant été rouverte par la décision danoise d’unir le Schleswig au Danemark (1863), décision contestée par la Confédération germanique, les différents candidats à une éventuelle succession font revivre leurs droits. La Russie cède au grand-duché d’Oldenbourg (19 juin 1864) ses droits gottorpiens sur le Schleswig et le Holstein, droits datant de l’accord de 1773. Dans le conflit austro-prussien, le grand-duché d’Oldenbourg prend le parti de la Prusse. Vainqueur de l’Autriche à Sadowa, la Prusse dissout la Confédération germanique (août) et annexe les duchés de Schleswig et de Holstein. Pour dédommager le grand-duc d’Oldenbourg de ses droits gottorpiens sur les deux duchés, la Prusse cède à l’Oldenbourg le
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Les États existants bailliage d’Ahrensbœk et quelques parcelles du Holstein oriental, choisis pour relier entre elles les deux parties de l’ancienne principauté de Lubeck (Eutin) et constituer une principauté d’Eutin d’un seul tenant de 500 km2.
13. Hanovre Les remaniements territoriaux décidés par le congrès de Vienne affectent de façon notable le royaume de Hanovre. Le Hanovre cède à la Prusse : – l’enclave de Wiedenbruck, ancienne dépendance d’Osnabruck ; – le duché de Lauenbourg, hormis la bande territoriale de ce duché sise sur rive gauche de l’Elbe et l’enclave de Neuhaus sise en amont sur rive droite. En contrepartie, le Hanovre reçoit : – de la Prusse : la principauté d’Ostfrise, la part septentrionale du comté de Lingen, la ville de Goslar, l’ancien évêché d’Hildesheim (avec son enclave de Dassel) et quelques districts de l’Eichsfeld ; – de la Hesse-Cassel : ses enclaves des comtés de Hoya (Uchte et Freudenberg) et de Diepholz (Aubourg), ainsi que la seigneurie de Pless enclavée dans le Calenberg ; – le comté de Bentheim ; – la moitié occidentale de la part septentrionale de l’ancien évêché de Munster (part attribuée au duc d’Arenberg et moitié septentrionale de la part attribuée au duc de Looz-Coswarem en 1803). Le royaume de Hanovre, ainsi porté à environ 38 000 km2, entoure complètement le grand-duché d’Oldenbourg ; en revanche, il constitue avec le Brunswick un bloc territorial séparant les provinces rhénanes et westphalienne du reste du royaume de Prusse. Le royaume de Hanovre adhère à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète de Francfort (70 voix), le roi de Hanovre disposera de quatre voix et d’une voix aux assemblées restreintes (17 voix). Par la convention de Brême du 4 février 1817, le Hanovre cède, pour le compte de la Prusse, un territoire de 5 000 âmes au grand-duché d’Oldenbourg, territoire situé sur la rive droite du Weser : ville de Brake et territoire de Dedersdorf. En 1823, le royaume de Hanovre est administrativement réorganisé en six gouvernements (landrostrein), plus le capitanat montueux de Clausthal : – Hanovre : Calenberg, Hoya et Diepholz ; – Hildesheim : Hildesheim, Gœttingue, Grubenhagen et Hohenstein ; – Lunebourg : Lunebourg et reliquats du Lauenbourg ; – Stade : Brême, Verden et Hadeln ; – Osnabruck : Osnabruck, Lingen, Arenberg et Bentheim ; – Aurich : Ostfrise. En 1827, le Hanovre vend à la ville hanséatique de Brême le territoire de Bremerhaven, en vue de constitution d’un port d’allège sur l’embouchure du Weser. En juillet 1837, à la mort sans postérité de Guillaume IV, roi de Grande-Bretagne et de Hanovre, sa nièce Victoria Ire lui succède sur le trône d’Angleterre. Le Hanovre observant la loi salique, c’est son frère Ernest-Auguste qui lui succède sur le trône de Hanovre. Les couronnes de Grande-Bretagne et de Hanovre sont ainsi de nouveau séparées. En 1854, le royaume de Hanovre adhère au Zollverein. Par fidélité à la Confédération germanique, le Hanovre s’allie à l’Autriche dans le conflit austro-prussien de 1866 ; ses troupes sont battues par les Prussiens à Langensalza (juin). Le chancelier Bismarck y voit une occasion d’étendre le territoire prussien en absorbant les domaines hanovriens qui séparent en deux blocs le royaume de Prusse. Le traité de Prague (août 1866) ayant à cet égard laissé les mains libres à Bismarck, la Prusse annexe en octobre 1866 le royaume de Hanovre en entier, lequel devient sans aucune modification interne une province prussienne.
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Allemagne 14. Brunswick, Lippe et Waldeck Le congrès de Vienne confirme la restauration du duché de Brunswick, qui adhère à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète de Francfort (70 voix), le duc de Brunswick disposera d’une voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il partagera une voix curiale avec le duc de Nassau (2e curie). En 1842, le duché de Brunswick adhère au Zollverein. Les deux principautés de Lippe adhèrent à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète de Francfort (70 voix), chacune des deux Lippes disposera d’une voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), elles partageront une voix curiale avec les deux Hohenzollern, le Liechtenstein, le Waldeck, les Reuss et la Hesse-Hombourg (5e curie). En 1842, les deux principautés de Lippe adhèrent au Zollverein. En 1851, la principauté de Lippe-Detmold vend à la Prusse sa part de cosouveraineté sur Lippstadt. La principauté de Waldeck est incluse dans la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète de Francfort (70 voix), le Waldeck disposera d’une voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il partagera une voix curiale avec les deux Hohenzollern, les deux Lippes, les Reuss, la Hesse-Hombourg et le Liechtenstein (5e curie). En 1838, la principauté de Waldeck adhère au Zollverein.
15. Hesse L’électeur de Hesse-Cassel souhaite recevoir la dignité royale et devenir « roi des Cattes », mais les négociations échouent et, le 28 avril, il déclare au Congrès qu’il gardera le titre d’électeur, qu’il préfère à celui de grand-duc, quoique l’absence d’élection dans la future Allemagne rende ce titre vide de sens. Les deux Hesses adhèrent en juin 1815 à la nouvelle Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète fédérale de Francfort (70 voix), l’électeur de Hesse-Cassel et le grand-duc de Hesse-Darmstadt détiendront chacun trois voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), ils détiendront chacun une voix. Les remaniements affectant les États de Hesse donnent lieu à des négociations très laborieuses, au-delà de la fin du congrès, pourparlers compliqués par les revendications contradictoires des différents États de la région. Ils sont réglés notamment par les traités de Cassel entre Prusse et Hesse-Cassel, de Francfort entre les deux Hesses, de Francfort entre Prusse et Hesse-Darmstadt (octobre 1815juin 1816). La Hesse-Cassel cède : – le comté de Bas-Catzenellenbogen à la Prusse, en vue de rétrocession au duché de Nassau ; – quelques bailliages à la Hesse-Darmstadt ; – le bailliage de Vach au grand-duché de Saxe-Weimar ; – les enclaves hessoises de Hoya et de Diepholz, ainsi que la seigneurie de Pless au royaume de Hanovre. La Hesse-Cassel reçoit : – la moitié de la part septentrionale (Birstein, Wæchtersbach, Meerholz) de la principauté d’Isembourg médiatisée par le congrès de Vienne ; – la presque totalité de la principauté de Fulde, provenant du grand-duché de Francfort, hormis les bailliages de Hammelbourg et Bruckenau laissés à la Bavière ; – l’ancien bailliage colonais de Volksmarsen, attribué en 1803 à la Hesse-Darmstadt et cédé en 1807 à la Westphalie. L’électorat de Hesse-Cassel couvre désormais une superficie de 9 600 km2. Il est divisé en quatre provinces : Basse-Hesse-et-Schaumbourg (Cassel), Haute-Hesse (Marbourg), Fuldeet-Schmalcalde (Fulde), Hanau. La Hesse-Darmstadt cède : – le duché anciennement colonais de Westphalie et l’ancien comté de Wittgenstein à la Prusse ;
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Les États existants – le bailliage anciennement colonais de Volksmarsen à la Hesse-Cassel ; – le landgraviat de Hesse-Hombourg à son ancien possesseur restauré dans ses droits par le congrès. La Hesse-Darmstadt reçoit : – la part méridionale (Offenbach) et la moitié de la part septentrionale (Budingen) de la principauté d’Isembourg médiatisée par le congrès ; – quelques bailliages provenant de la Hesse-Cassel ; – tout le pays entre Rhin et Nahe (Mayence, Worms, Oppenheim, Alzey, Bingen) cédé par la Prusse qui en avait la possession provisoire ; ce pays est d’abord dénommé principauté de Worms, puis Hesse-Rhénane. La forteresse de Mayence est érigée en forteresse fédérale, avec garnisons prussiennes, autrichiennes et hessoises. Le grand-duché de Hesse-Darmstadt constitue désormais un État de 8 400 km2, divisé en trois provinces : Haute-Hesse (Giessen), Starkenbourg (Darmstadt), Hesse-Rhénane (Mayence). La Haute-Hesse reste séparée des deux autres provinces par la ville de Francfort et le comté de Hanau. La Hesse-Darmstadt possède en outre 18 parcelles d’inégale importance enclavées en divers États limitrophes, depuis le Waldeck jusqu’au Neckar, la plus notable restant la ville enclavée de Wimpfen. Le landgraviat restauré de Hesse-Hombourg se compose : – du landgraviat de Hombourg (en Taunus) rendu par la Hesse-Darmstadt ; – de la principauté de Meissenheim (en Hundsruck), ancienne terre palatine cédée par la Prusse. Il constitue un petit État de 300 km2 et de 20 000 sujets. Admis en 1817 dans la Confédération germanique, il y disposera d’une voix aux assemblées plénières de la diète de Francfort (70 voix) et y partagera une voix, aux assemblées restreintes (17 voix), avec les deux Hohenzollern, le Liechtenstein, le Waldeck, les deux Lippes et les Reuss (5e curie). Au recès général de Francfort du 20 juillet 1819, achevant le règlement des litiges territoriaux en Allemagne, la Hesse-Darmstadt cède à la Bavière les districts anciennement mayençais d’Alzenau, de Miltenberg et d’Amorbach. La Hesse-Darmstadt adhère au Zollverein en 1829, la Hesse-Cassel en 1831. À la mort sans postérité masculine du landgrave Ferdinand le 24 mars 1866, le landgraviat de Hesse-Hombourg est réuni, en union personnelle, au grand-duché de HesseDarmstadt. Les deux Hesses prennent le parti de l’Autriche dans le conflit austro-prussien de 1866. Le grand-duc Louis III de Hesse-Darmstadt sauve de justesse son trône, favorisé par sa position de frère de la tsarine de Russie. Par le traité de Berlin du 3 septembre 1866, la HesseDarmstadt cède à la Prusse les territoires suivants : – le landgraviat de Hesse-Hombourg ; – les cercles de Biedenkopf et de Vœhl, situés entre la Hesse électorale et le Nassau devenus prussiens ; – quelques enclaves situées à l’intérieur des terres prussiennes. La cession représente un total de 1 100 km2 et 75 000 habitants, dont il faut déduire 100 km2 et 11 000 habitants correspondant aux rétrocessions par la Prusse à la Hesse des châteaux de Nauheim et de Rumpenheim, soit une perte nette de 1 000 km2 et 64 000 habitants. Le grand-duché est ainsi ramené à 7 700 km2 et 820 000 habitants, dont 3 300 km2 et 255 000 habitants pour la Haute-Hesse au nord du Main et 4 400 km2 et 565 000 habitants pour la Hesse-Rhénane et le Starkenbourg au sud du Main. L’électorat de Hesse-Cassel est annexé par la Prusse. Il va constituer la partie principale de la nouvelle province de Hesse-Nassau, ainsi composée : Hesse-Cassel avec enclaves de Schaumbourg et de Schmalcalde, Nassau, Francfort, Hesse-Hombourg, cercles cédés par la Hesse-Darmstadt, districts d’Orb et de Gersfeld cédés par la Bavière.
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Allemagne 16. Nassau Par le traité de Vienne du 31 mai 1815, le nouveau roi Guillaume des Pays-Bas (prince d’Orange-Nassau) renonce à ses possessions allemandes en faveur de la Prusse, qui lui cède en échange le Luxembourg, érigé pour lui en grand-duché, qu’il possédera à titre personnel (voir chapitres Pays-Bas, Luxembourg). Le duché de Nassau reçoit de la Prusse les anciennes principautés oraniennes de Dietz, de Hadamar, de Dillenbourg, et les seigneuries de Beilstein et de Burbach. En contrepartie, le duché de Nassau cède à la Prusse sa part de l’ancien comté de Solms (Braunfels, Hohensolms, Greifenstein) et les bailliages de Linz, Altenwied, Neuwied, Vallendar, Ehrenbreitstein et Altenkirchen (rive droite du Rhin en aval de Coblence). En juin 1815, le duché de Nassau adhère à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète fédérale de Francfort (70 voix), le duché de Nassau détiendra deux voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il partagera une voix avec le duché de Brunswick (2e curie). Le 24 mars 1816, à la mort du duc de Nassau-Usingen, le prince Guillaume de NassauWeilbourg devient duc de Nassau. En octobre 1816, le duché de Nassau opère un dernier échange avec la Prusse. Il reçoit de la Prusse le comté de Bas-Catzenellenbogen (cédé en octobre 1815 par la Hesse-Cassel) et lui cède la seigneurie de Burbach et le bailliage d’Atzbach. Le duché de Nassau, capitale Wiesbaden, atteint sa forme définitive et couvre désormais une surface de 4 700 km2. En 1836, le duché de Nassau adhère au Zollverein. Le duché de Nassau prend le parti de l’Autriche dans le conflit austro-prussien de 1866. La Prusse décide la suppression du duché de Nassau, qui est annexé au royaume de Prusse. La Prusse joint le Nassau à d’autres pays annexés (Hesse-Cassel, Francfort, Hombourg, cercles annexés de Hesse-Darmstadt, districts d’Orb et de Gersfeld) pour former la nouvelle province de Hesse-Nassau.
17. Villes hanséatiques et ville libre de Francfort Au congrès de Vienne, les trois villes hanséatiques et la ville de Francfort-sur-le-Main sont les seules villes libres de l’ancien Saint Empire à recouvrer leur ancien statut. Les trois villes hanséatiques retrouvent leur situation territoriale d’avant l’époque napoléonienne, y compris le bailliage commun de Bergedorf, et adhèrent à la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète fédérale de Francfort (70 voix), chaque ville disposera d’une voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), les trois villes posséderont en commun une voix curiale (6e curie). En 1827, la ville de Brême achète au royaume de Hanovre le territoire de Bremerhaven, situé à l’embouchure du Weser, pour se constituer un nouveau port d’allège, celui de Vegesack devenant insuffisant. La ville de Francfort est choisie comme capitale de la Confédération germanique. La diète confédérale y tiendra ses réunions. À ses assemblées plénières (70 voix), la ville de Francfort disposera d’une voix ; à ses assemblées restreintes (17 voix), la ville de Francfort partagera une voix curiale avec les trois autres villes libres (6e curie). À partir de mai 1848, la ville de Francfort va abriter pendant un an un Parlement libéral qui, profitant des révolutions européennes, tentera sans succès de réaliser l’unité de la nation germanique. Dans le conflit austro-prussien de 1866, la ville de Francfort prend le parti de l’Autriche. La Confédération germanique est dissoute par la Prusse victorieuse. Dès août 1866, la ville de Francfort est annexée par la Prusse qui la rattache à sa province de Hesse-Nassau.
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Les États existants V. L’Allemagne prussienne (1866-1918). Naissance de la nation allemande 1. De la Confédération de l’Allemagne du Nord à l’Empire allemand (1866-1871) En février 1867, ayant dissous la Confédération germanique et évincé l’Autriche de la scène allemande, la Prusse institue la Confédération de l’Allemagne du Nord, dont le roi de Prusse devient président de droit. Elle regroupe l’ensemble des États allemands situés au nord du Main, qui seront soumis à l’influence de la Prusse (voir annexe Confédération de l’Allemagne du Nord). La Prusse y fait entrer l’ensemble de ses possessions, y compris celles non allemandes comme le Schleswig et les provinces polonaises de Prusse et de Posnanie, ce qui lui confère une domination des institutions confédérales. Au Conseil fédéral de la Confédération (43 voix), le roi de Prusse disposera de 17 voix : les quatre de l’ancien royaume, les quatre du Hanovre, les trois de la Hesse-Cassel, les trois du Holstein, les deux du Nassau et celle de Francfort. Concernant ses rouages internes, la Confédération de l’Allemagne du Nord diffère de la situation antérieure par l’apparition d’institutions communes allant dans le sens d’une fédéralisation de l’Allemagne : chancelier fédéral contresignant les actes du président, nationalité commune, représentations communes à l’étranger, législation fédérale, armée et marine communes. De plus, le traditionnel Conseil fédéral (Bundesrat), représentant les souverains, se voit flanqué d’un parlement (Reichstag) élu au suffrage universel, transcendant les États, et dont la Prusse, par son poids démographique, va s’assurer le contrôle. Outre la Prusse font partie de la Confédération tous les États allemands existant encore en 1867, à l’exclusion de l’Autriche, du Liechtenstein, de la Bavière, du Wurtemberg, de Bade et des deux tiers de la Hesse-Darmstadt (curieusement, pour cette dernière, seule une de ses trois provinces, la Haute-Hesse, située au nord du Main, est incluse dans la Confédération). Selon les stipulations du traité de Prague, les pays du sud du Main sont invités à constituer une Confédération de l’Allemagne du Sud, mais celle-ci ne verra jamais le jour, en raison de la méfiance qu’inspire la Bavière aux autres États. En juillet 1867, la frontière du Main est franchie, du point de vue strictement économique, par la constitution d’un conseil fédéral et d’un parlement douaniers, dont font partie la Confédération et les États allemands du sud du Main. En juillet 1870, les trois États du sud du Main honorent leurs alliances militaires secrètes avec la Confédération et prennent part à la guerre victorieuse contre la France. Par traités signés avec la Prusse, à Versailles ou à Berlin, du 15 au 25 novembre 1870, les royaumes de Bavière et de Wurtemberg, les grands-duchés de Bade et de HesseDarmstadt adhèrent à la Confédération de l’Allemagne du Nord pour l’ensemble de leurs territoires. Le roi Louis II de Bavière s’étant montré très réticent à renoncer à une partie de sa souveraineté, Bismarck a dû forcer le destin en l’isolant dans son attitude d’hostilité et en lui accordant un certain nombre de privilèges de pure forme : accession des Wittelsbach à la présidence héréditaire (puis au trône impérial) en cas d’extinction des Hohenzollern ; postes et chemins de fer propres à la Bavière ; représentations particulières à l’étranger et accréditations de ministres étrangers à Munich ; supplément de voix (six au lieu de quatre) au Conseil fédéral pour donner à la Bavière le second rang ; autonomie des corps d’armée bavarois (avec numérotation propre) au sein de l’armée fédérale. À la suite de la victoire allemande sur la France, l’Empire allemand est proclamé le 18 janvier 1871 à Versailles. Le roi de Prusse devient empereur allemand à titre héréditaire, tout en conservant sa dignité de roi de Prusse. Même si l’Empire demeure en théorie une confédération, il va dans les faits peu à peu prendre une tournure fédérale, par l’hégémonie que va exercer la Prusse en tout domaine.
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Allemagne Les autres États, s’ils conservent l’apparence d’entités souveraines, seront de plus en plus réduits à l’état de provinces et, désormais, l’Allemagne apparaît comme un pays uni, qui va tenir toute sa place en Europe dans le concert des puissances. Le traité de Francfort du 10 mai 1871 entérine la cession par la France à l’Allemagne de l’Alsace (sauf Belfort) et de la partie nord-est de la Lorraine. Le territoire cédé, appelé Alsace-Lorraine, n’est donné en propre à aucun des États allemands, mais va constituer une commune Terre d’Empire (Reichsland), placée sous l’administration directe de l’empereur. Elle n’est en conséquence pas représentée au Conseil fédéral ; à partir de 1874, elle sera admise à envoyer 15 députés au parlement de Berlin. L’Empire allemand de 1871 couvre 540 000 km2 pour 43 millions d’habitants. Il se compose ainsi : – royaume de Prusse (Berlin), 347 500 km2, 26 millions d’hab., 12 régences : – Brandebourg (Potsdam et Berlin, Francfort-sur-l’Oder) ; – Poméranie (Stettin, Stralsund, Cœslin) ; – Silésie (Breslau, Liegnitz, Oppeln) ; – Posnanie (Posen, Bromberg) ; – Prusse propre (Kœnigsberg, Gumbinnen, Dantzig, Marienwerder) ; – Saxe (Magdebourg, Mersebourg, Erfurt) ; – Westphalie (Munster, Minden, Arensberg) ; – Rhin (Coblence, Dusseldorf, Cologne, Aix-la-Chapelle, Trèves, Hohenzollern) ; – Hanovre (Hanovre, Hildesheim, Lunebourg, Stade, Osnabruck, Aurich) ; – Hesse-Nassau (Cassel, Wiesbaden), enclaves de Schaumbourg, Schmalcalde ; – Schleswig-Holstein (Schleswig, Kiel) ; – Lauenbourg (Ratzebourg) ; – royaume de Bavière (Munich), 76 000 km2, 5 millions d’hab., 8 cercles : – Haute-Bavière (Munich) ; Basse-Bavière (Passau) ; Haut-Palatinat (Amberg) ; Haute-Franconie (Bayreuth) ; Basse-Franconie (Wurtzbourg) ; Franconie-Moyenne (Anspach) ; Souabe (Augsbourg) ; Palatinat (Spire) ; – royaume de Saxe (Dresde), 15 000 km2, 2,8 millions d’hab., 4 cercles : – Dresde, Leipzig, Zwickau, Bautzen ; – royaume de Wurtemberg (Stuttgart), 19 500 km2, 2 millions d’hab., 4 cercles : – Neckar (Ludwigsbourg), Forêt-Noire (Reutlingen), Jagst (Ellwangen), Danube (Ulm) ; – grand-duché de Bade (Carlsruhe), 15 000 km2, 1,5 million d’hab., 4 cercles : – Lac (Constance), Haut-Rhin (Fribourg), Rhin-Moyen (Carlsruhe), Bas-Rhin (Mannheim) ; – grand-duché de Hesse-Darmstadt (Darmstadt), 7 700 km2, 900 000 hab., 3 cercles : – Haute-Hesse (Giessen), Starkenbourg (Darmstadt), Hesse-Rhénane (Mayence) ; – grand-duché de Mecklembourg-Schwerin (Schwerin), 13 300 km2, 600 000 hab. ; – grand-duché de Mecklembourg-Strelitz (Neustrelitz), 3 000 km2, 100 000 hab. ; – grand-duché de Saxe-Weimar (Weimar), 3 500 km2, 300 000 hab. ; – grand-duché d’Oldenbourg (Oldenbourg), 6 400 km2, 320 000 hab. ; – duché de Brunswick (Brunswick), 3 700 km2, 330 000 hab. ; – duché de Saxe-Meiningen-Hildbourghausen (Meiningen), 2 500 km2, 200 000 hab. ; – duché de Saxe-Altenbourg (Altenbourg), 1 300 km2, 150 000 hab. ; – duché de Saxe-Cobourg-Gotha (Gotha), 2 000 km2, 180 000 hab. ; – duché d’Anhalt (Dessau), 2 400 km2, 210 000 hab. ;
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Les États existants – principauté de Schwarzbourg-Rudolstadt (Rudolstadt), 1 000 km2, 77 000 hab. ; – principauté de Schwarzbourg-Sondershausen (Sondershausen), 900 km2, 67 000 hab. ; – principauté de Waldeck (Arolsen), 1 100 km2, 55 000 hab. ; – principauté de Reuss-Greiz (Greiz), 300 km2, 50 000 hab. ; – principauté de Reuss-Gera (Gera), 800 km2, 92 000 hab. ; – principauté de Lippe-Detmold (Detmold), 1 200 km2, 110 000 hab. ; – principauté de Schaumbourg-Lippe (Buckebourg), 400 km2, 33 000 hab. ; – ville libre de Lubeck, 300 km2, 57 000 hab. ; – ville libre de Brême, 250 km2, 142 000 hab. ; – ville libre de Hambourg, 400 km2, 390 000 hab. ; – terre d’Empire d’Alsace-Lorraine (Strasbourg), 14 500 km2, 1,5 million d’hab., 3 districts : – Haute-Alsace (Colmar), Basse-Alsace (Strasbourg), Lorraine (Metz).
2. L’Empire allemand (1871-1918) La nouvelle Allemagne, sous la conduite ferme de Bismarck — qui demeure chancelier jusqu’en 1890 —, s’engage résolument dans une politique d’unification, puis de modernisation du pays entier, par l’industrialisation et le développement du commerce et des échanges. Elle développe son économie dans tous les domaines, notamment dans les mines et l’industrie lourde (sidérurgie, chimie, mécanique, constructions navales). Ce spectaculaire développement économique fait de l’Allemagne, au début du XXe siècle, la première puissance industrielle d’Europe, et la deuxième du monde après les États-Unis. Il s’accompagne de lois sociales, votées à l’initiative de Bismarck, qui placent l’Allemagne, en ce domaine, en position avancée vis-à-vis des autres nations européennes. Le développement rapide de la grande industrie entraîne un fort accroissement de la classe ouvrière, et du parti socialiste au Reichstag. Après l’éviction de Bismarck par le nouvel empereur Guillaume II, ce dernier peut donner libre cours à ses rêves de puissance, en développant à outrance la marine de commerce et de guerre, au point de susciter des tensions avec la Grande-Bretagne qui se sent menacée, et en se lançant dans une politique coloniale que Bismarck s’était jusqu’alors refusé de mener. Cet appétit d’expansion va finir par rompre l’équilibre des forces entre les diverses puissances européennes, et conduira de façon inéluctable au grand affrontement de 1914. Sur le plan territorial, après près d’un siècle de bouleversements profonds, la situation de l’Allemagne se stabilise ; très peu de changements vont s’y produire jusqu’en 1919. Le 18 juillet 1867, la principauté de Waldeck confie, pour dix ans renouvelables, son administration au gouvernement prussien. La mesure prend effet au 1er janvier 1868. En août 1867, la ville de Hambourg rachète à celle de Lubeck sa part de souveraineté sur le bailliage de Bergedorf, qui est incorporé dans le territoire hambourgeois. En 1876, la province prussienne de Lauenbourg est supprimée. Son territoire est entièrement rattaché à celui de la province de Schleswig-Holstein. En 1878, la province de Prusse propre est de nouveau partagée en deux provinces de Prusse occidentale (Dantzig, Marienwerder) et de Prusse orientale (Kœnigsberg, Gumbinnen). En 1884, la mort sans descendance masculine du duc de Brunswick de la ligne aînée se traduit par : – le retour du duché silésien d’Œls à la couronne de Prusse, à titre d’ancien fief ; – en principe, la succession au trône ducal du duc de Cumberland, fils du dernier roi Georges V de Hanovre, détrôné en 1866 par la Prusse ; mais le chancelier Bismarck s’y oppose, pour raisons politiques, et nomme le prince Albert de Prusse régent du duché. En 1890, en échange de l’île de Zanzibar dans l’océan Indien, la Grande-Bretagne cède l’île d’Héligoland à l’Allemagne, qui l’attribue à la Prusse en 1891. En 1905, les circonstances politiques ayant évolué depuis 1884, le fils du duc de Cumberland, marié à une princesse de Prusse, accède au trône ducal de Brunswick.
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Allemagne En juillet 1914, par le jeu de son alliance avec l’Autriche-Hongrie, l’Allemagne est entraînée dans le premier conflit mondial. Elle doit se battre sur deux fronts, à l’ouest contre les armées franco-britanniques, renforcées à partir de 1917 par les Américains, à l’est contre les armées russes. Le conflit est très meurtrier pour l’Allemagne, comme pour les autres belligérants. Après une période d’expansion allemande, les fronts se stabilisent dès l’automne de 1914. Les révolutions russes de 1917 laissent entrevoir à l’Allemagne l’effondrement du front de l’est, qui lui permettrait de masser toutes ses forces à l’ouest pour arracher la victoire. Le 3 mars 1918, confronté à la nécessité de mettre fin à la guerre pour s’occuper des problèmes de tous ordres qui assaillent la Russie, le gouvernement de Lénine signe avec l’Allemagne la paix de Brest-Litovsk. La Russie y renonce, en Europe, à l’Ukraine (Polésie, Volhynie, Podolie, Bessarabie, Ukraine propre, Circassie), la Pologne « du Congrès », la Lituanie, la Courlande, la Livonie, l’Estonie et la Finlande. Le 13 avril 1918, un conseil national à majorité allemande, réuni à l’initiative des Allemands d’Estonie et de Livonie, souhaite l’établissement d’un duché de Baltikum, qui engloberait ces deux pays plus la Courlande, sous l’autorité du roi de Prusse. Mais les autorités de Berlin tergiversent, et érigent les seules Estonie et Livonie (cette dernière diminuée du district de Riga) en « États baltiques ». La Courlande et le district de Riga sont provisoirement annexés à l’Allemagne. En dépit de la concentration des armées allemandes à l’ouest, le renfort américain permet aux Alliés de vaincre les Allemands à l’automne de 1918. Le 11 novembre, l’armistice pour le front franco-allemand est signé à Rethondes. La défaite allemande provoque de grands troubles sociaux en Allemagne et la chute de toutes les monarchies de l’Empire, en premier lieu celle du roi de Prusse, empereur allemand Guillaume II, qui s’enfuit le 28 novembre aux Pays-Bas. La République est proclamée à Berlin dès le 6 novembre 1918 par le socialiste Friedrich Ebert. En janvier 1919, une tentative de prise de pouvoir à Berlin par les révolutionnaires communistes (mouvement spartakiste de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg) est réprimée par les forces armées du socialiste Noske. À Munich, le communiste Kurt Eisner s’empare du pouvoir et instaure un régime révolutionnaire. Après la mort de Kurt Eisner (21 février 1919), les révolutionnaires proclament le 4 avril une éphémère république soviétique de Bavière, renversée le 1er mai 1919 par l’armée fédérale. Le pays prend le nom d’État libre de Bavière, et devient membre de la nouvelle République fédérale allemande. À Brême, une république socialiste indépendante est aussi réprimée (janvier 1919).
VI. L’Allemagne de l’entre-deux-guerres (1919-1939). D’une crise économique à une crise idéologique 1. La république parlementaire, dite de Weimar (1919-1933) Le 19 janvier 1919 se tient l’élection de l’Assemblée constituante, qui se réunit à partir de février à Weimar. Elle adopte le 31 juillet la nouvelle Constitution, qui conserve à l’Allemagne son caractère fédéral. Sous réserve des retranchements territoriaux à venir dans le traité de paix, qui seront dans leur quasi-totalité opérés au détriment de la Prusse, la Constitution prévoit le maintien des structures étatiques internes à l’Allemagne, telles qu’elles existaient dans le défunt Empire, à l’exception notable des petits États de la Thuringe, dont le sort est le suivant : – l’ensemble territorial des huit États, hormis le duché de Cobourg, les enclaves cobourgeoises de Kœnigsberg et Nassach et weimarienne d’Ostheim, sera unifié en 1920, au sein de la nouvelle République allemande, en un État de Thuringe, capitale Weimar, d’une superficie de 11 800 km2 ; la Prusse conservera ses enclaves de Henneberg, Ranis et Caulsdorf, ainsi que la semi-enclave d’Erfurt ;
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Les États existants – l’ancien duché de Cobourg (part méridionale du Saxe-Cobourg-Gotha) et les enclaves thuringiennes de Kœnigsberg, Nassach et Ostheim seront — à la suite d’un plébiscite positif (1er juillet 1920) — détachés de Thuringe et rattachés à la Bavière, cercle de Haute-Franconie, ce qui représentera pour elle un accroissement de 600 km2. Pendant ce temps, en Rhénanie, les milieux militaires français (Foch) insistent, pour raisons stratégiques, pour que l’on soutienne le mouvement indépendantiste rhénan du Dr Dorten, qui compte profiter des événements pour séparer la Rhénanie de l’Allemagne prussianisée. Les Anglais et les Américains se montrent opposés à ce soutien ; ils s’orientent vers le maintien de la Rhénanie en Allemagne et le simple octroi temporaire à la France d’un territoire économique (Sarre), destiné à réparer les pertes françaises dues à la guerre. Le 1er juin 1919, tentant de forcer le destin, Dorten proclame la République rhénane à Aix-la-Chapelle, Mayence, Wiesbaden et Spire ; cette république, capitale Coblence, engloberait le Palatinat, la Hesse-Rhénane, le Nassau et la Prusse rhénane. Mollement appuyée par le bourgmestre de Cologne, Konrad Adenauer, cette république échoue aussitôt. Le 28 juin 1919, à l’issue de longs pourparlers de paix entre les vainqueurs à la conférence de la paix de Paris, le traité de Versailles est imposé aux représentants de l’Allemagne qui n’ont pas été admis à en discuter. Il oblige celle-ci à céder un certain nombre de territoires, qui seront, dans leur majorité, retranchés de l’État de Prusse, le reliquat des pertes étant constitué d’un fragment du Palatinat bavarois et surtout de la terre d’Empire d’Alsace-Lorraine. Par ailleurs, certains territoires feront l’objet de plébiscites. L’Allemagne est contrainte de céder : – à la France, la terre d’Empire d’Alsace-Lorraine (14 500 km2, 1,7 million d’habitants), dans ses limites exactes de la cession de 1871 ; – à la Belgique, les cantons d’Eupen, de Malmédy et de Saint-Vith (1 000 km2, 60 000 habitants), prélevés sur la province prussienne du Rhin, sous réserve d’une consultation de leurs habitants ; – à la nouvelle Tchécoslovaquie, le territoire de Hultschin (300 km2, 48 000 habitants), prélevé sur la Silésie et correspondant à la part septentrionale de la principauté de Troppau annexée par la Prusse en 1742 ; – à la Pologne reconstituée, les provinces de Posnanie, hormis son extrémité occidentale, et de Prusse occidentale, hormis sa partie la plus occidentale (Schneidemuhl), sa partie orientale (Marienwerder) et le territoire de Dantzig, ainsi qu’un fragment de Prusse orientale (territoire de Soldau) ; soit un total de 46 000 km2 et 3 900 000 habitants ; – aux Alliés, en attente d’affectation ultérieure, le territoire de Memel (2 700 km2, 140 000 habitants), c’est-à-dire le morceau de Prusse orientale situé sur rive droite du Niémen ; il sera annexé en 1923/1924 par la Lituanie ; – à la SDN, en vue d’y établir une ville libre sous son égide, le territoire de Dantzig (1 900 km2, 330 000 habitants), lequel territoire est bien plus étendu que celui de 1807, car allant de Zoppot à la Nogat (voir partie « États disparus ») ; – à la SDN, qui l’administrera pendant quinze ans, le territoire de la Sarre (2 000 km2, 770 000 habitants), dont la part prussienne (1 500 km2, 670 000 habitants) est prélevée sur la province du Rhin (Sarrebruck, Sarrelouis, Merzig, Tholey, Saint-Wendel, Ottweiler), le reliquat (500 km2, 100 000 habitants) étant prélevé sur le Palatinat bavarois (Hombourg, Blieskastel, Saint-Ingbert) ; la Sarre, chef-lieu Sarrebruck, sera administrée par une commission gouvernementale de la SDN ; le territoire sera en union douanière avec la France, qui possédera les mines en toute propriété ; au terme des 15 ans, un plébiscite décidera du maintien du statut, du retour à l’Allemagne ou de l’annexion à la France. Enfin, en vue de déterminer la volonté de leurs habitants, des plébiscites doivent se tenir à brève échéance dans les territoires suivants, provisoirement laissés à l’Allemagne : – dans le Schleswig, pour opter entre Allemagne et Danemark ; – dans les territoires d’Allenstein (moitié méridionale de la Prusse orientale), de Marienwerder (extrémité orientale de la Prusse occidentale) et de Haute-Silésie (trois quarts orientaux du gouvernement de ce nom), pour opter entre Prusse et Pologne.
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Allemagne L’ensemble de la rive gauche du Rhin et trois arcs de cercle de 30 km sur rive droite autour de Cologne, de Coblence et de Mayence sont occupés par des troupes belges, anglaises, américaines et françaises, pour des périodes allant de cinq à quinze ans. Après une période de six mois (janvier-juillet 1920) d’ouverture des registres, les cantons d’Eupen, de Malmédy et de Saint-Vith sont, en juillet 1920, définitivement annexés à la Belgique, de même que Moresnet réunifiée. S’agissant du Schleswig, la commission des affaires danoises de la conférence de la paix à Paris l’a divisé, en vue du plébiscite, en trois zones : zone I correspondant au Schleswig septentrional visé par le traité de Prague, zone II correspondant aux districts limitrophes de la zone I, zone III (peu après abandonnée) correspondant au reste du Schleswig. Le 20 février 1920 se tient le plébiscite dans la zone I (75 % de votes pour le rattachement au Danemark). Le 14 mars se tient celui de la zone II (25 % de votes pour le rattachement au Danemark). Le 15 juin 1920, l’Allemagne cède au Danemark le Schleswig septentrional (4 000 km2, 200 000 habitants). Le plébiscite prévu en Prusse orientale se tient le 17 juin 1920 dans le territoire d’Allenstein (98 % pour le maintien en Prusse) et dans celui de Marienwerder (92 % pour le maintien en Prusse). Le 11 juillet 1920, la Prusse conserve définitivement les deux territoires d’Allenstein et de Marienwerder. Après de nombreux troubles retardant la tenue du plébiscite, celui-ci a lieu en HauteSilésie le 20 mars 1921. Il donne 60 % des voix en faveur du maintien en Prusse. Le résultat n’étant pas ce qu’attendaient les Alliés, ceux-ci décident une partition du territoire entre la Prusse et la Pologne. Sur fond de nouveaux affrontements (mai), la SDN se saisit de la question et délimite une frontière faisant passer à la Pologne un quart du territoire et les deux cinquièmes de la population, à savoir les parties de Haute-Silésie à l’est et au sudest (Lublinitz, Kattowitz, Rybnyk, Pless). Cette frontière est définitivement adoptée le 19 octobre 1921 par la conférence des Ambassadeurs. À l’issue de ces remaniements, l’Allemagne est désormais ramenée à une superficie de 468 750 km2, pour une population de près de 62 millions d’habitants. La nouvelle Allemagne est vite confrontée à de grandes difficultés, dues aux luttes politiques exacerbées et à la crise financière profonde qui touche le pays, en partie causée par les contributions pour réparations exigées par les vainqueurs sous menace militaire (occupation de la Ruhr en 1923, qui suscite une nouvelle tentative avortée de république rhénane séparatiste) ; une crise de confiance relative à la monnaie se produit à l’automne de 1923 (inflation vertigineuse). Les Allemands, humiliés d’être considérés comme des fauteurs de guerre et ulcérés des conditions très dures imposées par le diktat de Versailles, finiront par en rendre responsable la république de Weimar, qui s’installe dans l’instabilité gouvernementale. La crise économique mondiale, qui touche l’Allemagne à partir de 1930, par le chômage qu’elle engendre, contribue à détériorer le climat politique et social. Durant cette période, l’Allemagne est affectée d’un certain nombre de remaniements territoriaux internes. En 1922, la Prusse annexe l’ancien comté de Pyrmont, enclave dépendant jusqu’alors de l’État de Waldeck, et le rattache à sa province de Hanovre. Le 22 juillet 1922, les parties conservées de la Prusse occidentale (Schneidemuhl) et de la Posnanie (Meseritz, Unruhstadt, Fraustadt), à l’ouest du corridor polonais, sont réunies en une « Marche frontière de Posnanie-Prusse occidentale » (Grenzmark Posen-Westpreussen). La partie de Haute-Silésie laissée à l’Allemagne décide, par plébiscite du 3 septembre 1922, que son existence au sein de la Prusse se fera sous forme d’une province distincte de Haute-Silésie (Oppeln). La Prusse compte désormais douze provinces : Brandebourg (Potsdam et Berlin), Poméranie (Stettin), Basse-Silésie (Breslau), Haute-Silésie (Oppeln), Marche frontière Posnanie-Prusse occidentale (Schneidemuhl), Prusse orientale (Kœnigsberg), Saxe prussienne
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Les États existants (Magdebourg), Hanovre (Hanovre), Schleswig-Holstein (Kiel), Westphalie (Munster), Hesse-Nassau (Cassel), Rhin (Coblence), plus le district particulier de Hohenzollern. En 1929, la Prusse annexe l’État de Waldeck et le rattache à sa province de Hesse-Nassau. En 1933, l’enclave de Wetzlar-Solms, qui dépendait de la province prussienne du Rhin, est absorbée par la province prussienne de Hesse-Nassau. En 1933 toujours, les deux États de Mecklembourg fusionnent en un seul État.
2. L’Allemagne hitlérienne avant la Seconde Guerre mondiale (1933-1939) Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler est appelé au pouvoir par le président de la République, le maréchal Hindenburg. Le nouveau chancelier va très vite, par les intimidations et les exécutions d’opposants politiques, mettre fin à la démocratie et concentrer entre ses mains tous les pouvoirs. À partir de 2 août 1934, date de la mort de Hindenburg, Hitler assume aussi les fonctions de chef de l’État et se fait appeler Führer du Reich. L’Allemagne devient un pays totalitaire, le IIIe Reich, où les institutions démocratiques sont abolies, où la seule formation politique autorisée est le parti nazi (NSDAP), où la jeunesse est embrigadée et où une police politique omniprésente restreint les libertés publiques : atteintes à la vie privée, persécution des Juifs, etc. Sur le plan des affaires extérieures, le régime se caractérise par la volonté d’abolir les conditions du traité de Versailles (remilitarisation de la Rhénanie en mars 1936) et par une revendication visant à rassembler au sein de l’Allemagne tous les « Allemands » qui en sont séparés : Autrichiens, Allemands des Sudètes, Alsaciens-Lorrains, etc. D’un point de vue administratif, les États internes sont conservés, mais privés de toute autonomie, et doublés par une organisation propre au parti nazi, les districts (gaue) du NSDAP, dirigés chacun par un chef de district (gauleiter) tout-puissant, homme de confiance de Hitler pour le district concerné. L’Allemagne est ainsi divisée en 32 districts, qui ne correspondent pas toujours aux États traditionnels : Berlin, Marche électorale ou de Brandebourg (Francfort-sur-l’Oder), Prusse orientale (Kœnigsberg), Poméranie (Stettin), Mecklembourg (Schwerin), Schleswig-Holstein (Kiel), Hambourg, Hanovre de l’Est (Lunebourg), Hanovre du Sud (Hanovre), WeserEms (Oldenbourg), Westphalie du Nord (Munster), Westphalie du Sud (Bochum), Essen, Dusseldorf, Cologne-Aix (Cologne), Coblence-Trèves (Coblence), Sarre-Palatinat (Sarrebruck), Hesse-Nassau (Francfort-sur-le-Main), Hesse électorale (Cassel), MagdebourgAnhalt (Magdebourg), Halle-Mersebourg (Halle), Thuringe (Weimar), Saxe (Dresde), Basse-Silésie (Breslau), Haute-Silésie (Oppeln), Franconie du Main (Wurtzbourg), Franconie (Nuremberg), Marche bavaroise de l’Est (Bayreuth), Haute-Bavière (Munich), Souabe (Augsbourg), Wurtemberg-Hohenzollern (Stuttgart), Bade (Carlsruhe). Le plébiscite prévu en Sarre à l’issue des 15 ans d’administration de la SDN se tient le 13 janvier 1935 et donne un vote massif (91 %) en faveur du retour à l’Allemagne. Le territoire n’est pas repartagé entre Prusse et Bavière, mais devient un État distinct au sein de l’Allemagne. Un certain nombre de nouveaux remaniements internes sont opérés au sein des États de l’Allemagne, aux fins de simplification territoriale. En 1937, la Prusse annexe la ville hanséatique de Lubeck et l’enclave oldenbourgeoise d’Eutin, qu’elle rattache à sa province de Schleswig-Holstein, l’enclave hambourgeoise de Cuxhaven (bailliage de Ritzebuttel), qu’elle rattache à sa province de Hanovre, le Birkenfeld oldenbourgeois qu’elle rattache à sa province du Rhin. La Prusse rétrocède à l’Oldenbourg le port de Wilhelmshaven et à la ville libre de Hambourg les banlieues prussiennes d’Altona (prélevée sur le Schleswig-Holstein) et de Harbourg (prélevée sur le Hanovre). L’État de Mecklembourg cède à la province prussienne de Brandebourg ses deux enclaves de Netzeband et de Schœnberg. En 1938, la province de la Marche frontière de Posnanie-Prusse occidentale est supprimée et répartie entre Brandebourg (Posnanie résiduelle) et Poméranie (Prusse occidentale résiduelle).
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Allemagne En 1939, la Prusse annexe l’enclave brémoise de Bremerhaven et la rattache à ses villes sœurs prussiennes de Geestemunde et de Lehe (ou Bremerlehe), pour former la ville commune de Wesermunde. Hitler, lui-même d’origine autrichienne, considère depuis longtemps les Allemands de l’Autriche comme des frères séparés qui doivent rejoindre le Reich. En 1938, Hitler se fait de plus en plus menaçant ; le chancelier autrichien Schuschnigg, pour résister à Hitler, prévoit d’organiser pour le 13 mars un référendum en vue de réaffirmer l’indépendance de l’Autriche. Hitler envahit le pays le 12 et proclame le 13 mars 1938 l’union de l’Autriche à l’Allemagne (Anschluss), union entérinée le 10 avril par un plébiscite sous contrôle nazi. L’Autriche devient l’Ostmark (Marche de l’Est) et ses divers États, ramenés au nombre de 7 et qui deviennent aussi des gaue, sont ainsi remaniés : – le land de Vienne est largement agrandi ; – la Haute-Autriche et la Basse-Autriche sont rebaptisées Haut-Danube et Bas-Danube ; – le Burgenland disparaît, réparti entre Bas-Danube et Styrie ; – la Carinthie s’agrandit du Tyrol oriental (Lienz) ; – le Tyrol s’agrandit du Vorarlberg, lequel disparaît en tant que land ; – le Salzbourg demeure inchangé. La réussite de l’Anschluss, qui ne suscite pas de réaction ferme des Occidentaux, incite Hitler à poursuivre ses visées expansionnistes sur les Allemands extérieurs au Reich. L’Anschluss a pour effet d’encercler en majeure partie la Bohême-Moravie par le territoire du Reich ; en Bohême-Moravie, certains milieux allemands « des Sudètes » réclament leur incorporation dans le Reich. En mai 1938, un rapport de lord Runciman, envoyé sur place par les Occidentaux, conclut au bien-fondé de leur revendication. Devant les menaces allemandes à ce sujet, sur médiation de Mussolini, une conférence se réunit le 29 septembre 1938 à Munich, tenue entre quatre puissances (Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, France) en l’absence des Tchécoslovaques. Elle décide et impose à la Tchécoslovaquie la cession, le 1er octobre 1938, à l’Allemagne d’un territoire « des Sudètes » (29 000 km2) prélevé sur la Bohême (Krumau, Eger, Carlsbad, Saatz, Aussig, Reichenberg, Trautenau), sur la Moravie (Mærisch Trubau, NeuTitschein), avec l’entière Silésie de Troppau (y compris Hultschin). L’ensemble est réparti entre la nouvelle province allemande (et gau) des Sudètes, cheflieu Reichenberg, et les lænder de la Marche bavaroise de l’Est, du Haut- et du Bas-Danube, qui s’accroissent des territoires situés au sud du réduit tchèque (Krumau, Znaïm). En violation de ses engagements (verbaux) pris à Munich, Hitler fait valoir des considérations historiques et géopolitiques pour imposer, le 15 mars 1939, au président tchécoslovaque Hacha la dissolution de la Tchécoslovaquie, l’indépendance de la Slovaquie et l’inclusion du reliquat de Bohême-Moravie dans le Reich allemand, sous forme de protectorat. Sur ultimatum de Hitler du 22 mars 1939, la Lituanie restitue (23 mars) le territoire de Memel à l’Allemagne, qui le rattache à la Prusse orientale.
VII. L’Allemagne et la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Les conquêtes temporaires du IIIe Reich 1. L’expansion (1939-1942) Poursuivant ses objectifs, Hitler compte reprendre les provinces orientales perdues en 1919, spécialement celles où vivent encore des populations allemandes ; outre la ville libre de Dantzig, cette revendication vise en Pologne la Posnanie et la Prusse occidentale, qui séparent alors la Prusse orientale — demeurée allemande — du reste du territoire du Reich. Le pacte germano-soviétique, signé le 23 août 1939 à Moscou, envisage dans un article secret le démantèlement de la Pologne entre les deux pays, la ligne de partage devant se situer à peu près sur le Narew, la Vistule et le San.
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Les États existants Le 1er septembre 1939, Hitler déclenche les hostilités contre la Pologne en traversant le « corridor » pour s’emparer de la ville libre de Dantzig, qu’il réannexe à l’Allemagne le même jour. La France et la Grande-Bretagne, qui avaient donné leur garantie à la Pologne, entrent en guerre contre l’Allemagne. Dans la première quinzaine de septembre 1939, les Allemands, qui vainquent aisément les armées polonaises, occupent leur zone d’influence prévue par le pacte germano-soviétique, la dépassant même pour aller jusqu’à la ligne du Boug, tandis que les Soviétiques font de même « pour protéger les Ukrainiens et les Biélorusses ». Le 12 octobre 1939, l’Allemagne et l’URSS procèdent unilatéralement au cinquième partage de la Pologne. Elle est divisée en trois parts, les deux premières allant à l’Allemagne (188 000 km2, 21 millions d’habitants, dont 12 pour la première part et 9 pour la seconde), la troisième à l’URSS (201 500 km2, 14 millions d’habitants). À l’ouest, la première partie de la Pologne est annexée à l’Allemagne ; il s’agit des territoires suivants : – la région de Soldau et le territoire de Suwalki, rattachés à la Prusse orientale ; – la Pomérélie (ou Pomorze, à savoir le corridor polonais), qui, avec Dantzig et les territoires d’Elbing et de Marienwerder, va constituer la province de Dantzig-Prusse occidentale ; – la région comprise entre la Prusse orientale et le cours de la Vistule, qui devient la province de Prusse méridionale ; – la Posnanie et la région de Lodz, qui deviennent la province du Wartheland ; – la Silésie polonaise, qui est rattachée à la province de Haute-Silésie. Au centre, la deuxième partie devient le Gouvernement général de Pologne, entité satellite du Reich, capitale Cracovie, composée des anciens palatinats suivants : Cracovie, moitié méridionale de Varsovie, Kielce, Lublin, moitié occidentale de Lemberg (Lwow). Le Gouvernement général est lui-même subdivisé en quatre districts : Cracovie, Radom, Varsovie, Lublin. Ayant vaincu à l’est, les armées allemandes se retournent au printemps de 1940 contre les Occidentaux et vainquent successivement les armées belges, puis les armées francobritanniques. Dès le 10 mai 1940, l’Allemagne réannexe unilatéralement les cantons belges d’Eupen, de Malmédy et de Saint-Vith, perdus en 1920, plus quelques communes de langue allemande de vieille Belgique, autour d’Aubel et de Montzen. L’ensemble est rattaché à l’État de Prusse et au gau de Cologne-Aix-la-Chapelle. Le 7 juillet 1940, Hitler réannexe unilatéralement à l’Allemagne les départements français du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (Alsace). L’Alsace est rattachée au gau de Bade, qui prend le nom d’Alsace-Bade. Le 2 août 1940, le Luxembourg est annexé à l’Allemagne, augmenté de quelques communes germanophones du Luxembourg belge. Il est rattaché au gau de CoblenceTrèves, qui prend en 1941 le nom de Pays de la Moselle. Le 30 novembre 1940, le département de la Moselle (Lorraine allemande de 1871 à 1918) est annexé à l’Allemagne et rattaché au gau de Sarre-Palatinat, qui prend le nom de Marche de l’Ouest. En 1941, la province prussienne de Haute-Silésie devient la Grande Haute-Silésie, prenant à la province des Sudètes l’ancien territoire de Hultschin (tchécoslovaque de 1919 à 1938) et au gouvernement général de Pologne des fragments de l’ancienne Galicie (Biala) et de l’ancienne Pologne (Bendzin). Le chef-lieu est transféré d’Oppeln à Kattowitz. L’offensive italienne contre la Grèce, qui débute en octobre 1940, est mise en échec par l’armée grecque. Hitler, pour venir en aide aux Italiens, doit envahir en avril 1941 la Yougoslavie. L’armée yougoslave ayant été défaite par les armées allemandes, italiennes et bulgares, Hitler décide le 22 avril 1941 le démembrement de la Yougoslavie. La banovine de la Drave (Slovénie) est divisée en trois parties : – la partie méridionale, située au sud d’une ligne ouest-est passant au nord de Laybach, est attribuée à l’Italie, qui en fait la province italienne de Lubiana ;
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Allemagne – la partie septentrionale, au nord de la ligne précitée, est attribuée à l’Allemagne, qui rattache : – au district de Styrie, sous le nom de Basse-Styrie ou Styrie méridionale, l’ancienne partie styrienne (Marbourg, Cilly) ainsi qu’une bande (au sud de la Save) provenant de l’ancienne Carniole ; – au district de Carinthie, sous le nom de Haute-Carniole ou Carinthie méridionale, la majeure partie de l’ancienne Carniole (Assling, Krainbourg). Victorieux à l’ouest et au sud, Hitler, qui reste fondamentalement hostile à la fois au communisme et au monde slave que symbolise l’Union soviétique, réoriente ses armées, qui viennent de l’emporter dans les Balkans, en direction de l’est. Le 22 juin 1941, l’Allemagne déclenche une offensive de grande envergure contre l’URSS et ses armées s’avancent rapidement en Biélorussie et en Ukraine. Le 1er août 1941, Hitler annexe au Gouvernement général de Pologne l’ensemble de la Galicie orientale, rattachée à l’Ukraine depuis 1939. D’autre part, à la même époque, Hitler annexe à l’Allemagne le district de BialystokGrodno-Lomza, rattaché à la Biélorussie depuis 1939. L’Allemagne du « Grand Reich » atteint à cette date son développement maximal, avec une superficie de 881 300 km2, dont 690 300 pour l’Allemagne proprement dite, 48 900 pour le protectorat de Bohême-Moravie et 142 100 pour le Gouvernement général de Pologne. Sa population s’élève à 115 millions d’habitants, dont 91 millions pour l’Allemagne proprement dite, 7 millions pour le protectorat de Bohême-Moravie et 17 millions pour le Gouvernement général de Pologne. En 1942, sur les parties de l’URSS occupées et situées à l’arrière du front, l’Allemagne instaure : – un Commissariat général d’Ostland, capitale Riga, divisé en quatre districts : Estonie, Lettonie, Lituanie, Russie blanche ; – un Commissariat général d’Ukraine, capitale Rovno, divisé en six districts : Volhynie, Zitomir, Kiev, Nicolaïev, Dniepropetrovsk, Crimée (la presqu’île du même nom en étant toutefois exclue). L’offensive militaire, que Hitler espérait pouvoir mener rapidement à terme, se heurte aux difficultés qu’avait déjà rencontrées Napoléon en 1812 : immensité des distances, insaisissabilité d’un ennemi connaissant le terrain ; s’y ajoutent pour Hitler l’étirement du front (de la Baltique à la mer Noire) et une résistance inattendue à laquelle finit par se heurter l’armée allemande, ainsi que ses alliés finlandais, hongrois, slovaques, roumains et italiens, autour de Leningrad, de Moscou et sur la Volga (siège de Stalingrad).
2. De la défaite à la capitulation (1942-1945) La fin de 1942 marque le tournant de la guerre germano-soviétique. À partir de 1943, l’Allemagne et ses alliés refluent sur l’ensemble du front de l’Est. À la suite du renversement de Mussolini en Italie, suivi de la capitulation des forces italiennes qui cessent le combat contre les Alliés, dès septembre 1943, Hitler rattache « militairement » au Reich allemand le Trentin, le Tyrol méridional et la province de Bellune, sous le nom de zone militaire de l’Alpenvorland, et en octobre les provinces italiennes de Goritz, Trieste, Pola, Fiume et Lubiana, sous le nom de zone militaire de l’Adriatisches Kustenland (Littoral adriatique). En 1944, les Soviétiques conquièrent l’ensemble de l’Europe orientale, et pénètrent en Allemagne au début de 1945. À partir du milieu de 1944, à la suite du débarquement des forces armées franco-anglo-américaines en Normandie puis en Provence, les Allemands reculent également sur le front de l’Ouest. L’Allemagne s’effondre au printemps de 1945, Hitler se suicide le 1er mai et la capitulation est signée par l’Allemagne le 8 mai 1945.
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Les États existants VIII. L’Allemagne contemporaine (1945 à nos jours). De la partition à la réunification 1. Les conséquences de la guerre en Allemagne (1945-1949) Dès la période de la libération, les diverses annexions opérées par l’Allemagne depuis 1938, y compris celles qui avaient fait l’objet d’un accord diplomatique (Munich), sont de facto abolies. L’Allemagne est occupée par les vainqueurs, durement traitée à l’aune des atrocités commises par le régime nazi, et des dispositions sont prises pour empêcher à l’avenir toute résurgence des conflits qu’elle a suscités en Europe depuis les années trente. Outre les mesures d’ordre militaire (limitation des forces armées) et économique (démantèlement de la puissance industrielle), les foyers de peuplement allemand extérieurs à l’Allemagne (à l’ouest de la ligne Oder-Neisse) ou à l’Autriche restaurée sont, pour la plupart, éliminés : Allemands de Silésie, de Pologne ou de Prusse orientale, Allemands des Sudètes de Tchécoslovaquie, Souabes du Banat, Saxons de Transylvanie, Allemands de la Volga, etc. À la conférence de Potsdam (août 1945), les vainqueurs de l’Allemagne détachent « provisoirement » de celle-ci ses territoires situés à l’est d’une ligne Oder-Neisse de Gœrlitz, à savoir la Prusse orientale, les fragments de Prusse occidentale et de Posnanie conservés en 1919, la Poméranie orientale (rive droite de l’Oder), la partie du Brandebourg située sur rive droite de l’Oder, la quasi-totalité de la Silésie (hormis sa pointe occidentale sur rive gauche de la Neisse de Gœrlitz) et un fragment extrême-oriental de la Saxe. Ces régions sont placées sous administration polonaise, sauf la moitié septentrionale de la Prusse orientale (administration soviétique). En dépit de son caractère provisoire, ce détachement ne sera à l’avenir jamais remis en cause par les vainqueurs, en dépit des revendications légitimes des Allemands. Par ailleurs, dès l’automne de 1945, les quatre vainqueurs — URSS, États-Unis, GrandeBretagne et France (cette dernière laborieusement acceptée) — se partagent les zones d’occupation du reste de l’Allemagne (de même que de l’Autriche, voir ce pays), et reconstituent sur chacune des zones des lænder (futurs États), qui vont perdurer à l’époque contemporaine. Pour avoir un droit de regard sur Berlin, qui, quoique libéré par les Soviétiques, sera finalement occupé par les quatre vainqueurs, les Britanniques doivent en compensation céder à l’URSS l’occupation du Mecklembourg, libéré par eux, et les Américains font de même pour la Thuringe. La partie de la Prusse non détachée de l’Allemagne, eu égard à sa grande extension, est diversement occupée selon ses provinces : – zone soviétique pour la Poméranie occidentale, le Brandebourg, la Silésie, la Saxe prussienne, l’enclave de Schmalcalde de la Hesse-Nassau, celle de Hohenstein du Hanovre ; – zone britannique pour le Schleswig-Holstein, le Hanovre (hormis son enclave de Hohenstein), la Westphalie, la moitié septentrionale de la province du Rhin, l’enclave de Schaumbourg de la Hesse-Nassau ; – zone américaine pour la majeure partie de la Hesse-Nassau ; – zone française pour la part occidentale de l’ancien duché de Nassau (Hesse-Nassau), la moitié méridionale de la province du Rhin et le Hohenzollern ; – occupation quadripartite pour le Grand Berlin. La Bavière proprement dite fait partie de la zone américaine, hormis le petit cercle de Lindau, occupé par la France comme le Wurtemberg. Le Palatinat bavarois est inclus dans la zone d’occupation française. La partie septentrionale du Wurtemberg, jusqu’à une ligne Pforzheim-Ulm, est occupée par les Américains, la partie méridionale par les Français. La partie septentrionale de Bade, jusqu’à une ligne passant entre Carlsruhe et Rastadt, est occupée par les Américains, la partie méridionale par les Français. La Saxe, la Thuringe, l’Anhalt, le Mecklembourg sont compris dans la zone d’occupation soviétique.
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Allemagne Au Brunswick, l’enclave de Calvœrde et la moitié orientale du territoire de Blankenbourg (Blankenbourg) sont occupées par les Soviétiques, la moitié occidentale de Blankenbourg (Walkenried) et le reste du Brunswick par les troupes britanniques. L’Oldenbourg, les deux Lippes et Hambourg font partie de la zone britannique, tandis que Brême, enclavée, fait partie de la zone américaine d’occupation. La Hesse-Darmstadt, hormis sa province de Hesse-Rhénane, est occupée par les Américains. La Hesse-Rhénane est occupée par les Français. La zone soviétique se compose de : moitié orientale de Berlin, Brandebourg de rive gauche de l’Oder, reliquat de Silésie de rive gauche de la Neisse, Poméranie occidentale, Mecklembourg, Saxe prussienne, enclave de Schmalcalde de la Hesse-Nassau, enclave de Hohenstein du Hanovre, Thuringe, Saxe. La zone américaine se compose de : un sixième de Berlin (au sud-ouest), Brême, Bavière (hormis le Palatinat bavarois et le cercle de Lindau), majeure partie de la Hesse-Nassau, Hesse-Darmstadt, partie septentrionale de Bade, partie septentrionale du Wurtemberg. La zone britannique se compose de : un sixième de Berlin (au centre-ouest), SchleswigHolstein, Hambourg, Hanovre (hormis son enclave de Hohenstein), Westphalie, moitié septentrionale de la province prussienne du Rhin, enclave de Schaumbourg de la HesseNassau. La zone française se compose de : un sixième de Berlin (au nord-ouest), moitié méridionale de la province prussienne du Rhin, fragment occidental de l’ancien duché de Nassau (Hesse-Nassau), Hesse-Rhénane, Sarre, Palatinat bavarois, le cercle bavarois de Lindau, partie méridionale de Bade, partie méridionale du Wurtemberg, Hohenzollern. De 1946 à 1949 sont peu à peu constitués (ou reconstitués), au sein des zones d’occupation, des États allemands (lænder) qui, le plus souvent, diffèrent des anciens États d’avant-guerre. En particulier, le 25 février 1947, les Alliés décrètent la dissolution de la Prusse. Son territoire est, en 1949, définitivement réparti ainsi : – à la république soviétique de Lituanie (URSS) : le territoire de Memel (rive droite du Niémen) ; – à la république soviétique de Russie (URSS) : la moitié septentrionale (Kœnigsberg, Tilsitt, Insterbourg) de la Prusse orientale ; – à la Pologne : la moitié méridionale (Elbing, Allenstein) de la Prusse orientale, les fragments de Prusse occidentale et de Posnanie laissés à la Prusse en 1919, la Poméranie orientale, une part de Poméranie occidentale (pour laisser Stettin et les bouches de l’Oder à la Pologne), le Brandebourg oriental, la Silésie (hormis sa pointe occidentale) et un fragment de Saxe ; – au land de Saxe (RDA) : la pointe occidentale de la Silésie (rive gauche de la Neisse) ; – au land de Brandebourg (RDA) : le Brandebourg occidental (rive gauche de l’Oder), hormis le Grand Berlin ; – aux quatre Alliés : le Grand Berlin, placé sous administration militaire avec quatre secteurs d’occupation ; – au land de Mecklembourg (RDA) : la Poméranie occidentale, hormis la part prise par la Pologne ; – au land de Saxe-Anhalt (RDA) : la Saxe prussienne, hormis les territoires d’Erfurt, de Mulhausen, d’Heiligenstadt, de Nordhausen et les enclaves de Suhl, de Ranis et de Caulsdorf ; – au land de Thuringe (RDA) : les territoires d’Erfurt, de Mulhausen, d’Heiligenstadt, de Nordhausen et les enclaves de Suhl, de Ranis et de Caulsdorf (provenant de Saxe prussienne), de Hohenstein (provenant du Hanovre) et de Schmalcalde (provenant de Hesse-Nassau) ; – au land de Schleswig-Holstein (RFA) : le Schleswig-Holstein et les enclaves hambourgeoises y incluses ;
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Les États existants – au land de Brême (RFA) : la ville de Wesermunde, qui reprend l’ancien nom de Bremerhaven ; – au land de Basse-Saxe (RFA) : le Hanovre, hormis son enclave de Hohenstein, et l’enclave de Schaumbourg (provenant de Hesse-Nassau) ; – au land de Rhénanie du Nord-Westphalie (RFA) : la Westphalie et la moitié septentrionale de la province du Rhin ; – au land de Hesse (RFA) : la Hesse-Nassau, hormis la part occidentale de l’ancien duché de Nassau et l’enclave de Schaumbourg ; – au land de Rhénanie-Palatinat (RFA) : la part occidentale de l’ancien duché de Nassau et la moitié méridionale de la province du Rhin ; – au land de Wurtemberg-Hohenzollern (RFA) : le Hohenzollern. Zone soviétique Le nouveau land de Brandebourg, capitale Potsdam, est formé du Brandebourg prussien de rive gauche de l’Oder, hormis le Grand Berlin. Le nouveau land de Mecklembourg, capitale Schwerin, se compose de l’ancien État de Mecklembourg et du tiers occidental de la province prussienne de Poméranie (Poméranie occidentale moins le territoire autour de Stettin). Le nouveau land de Saxe, capitale Dresde, est composé de l’ancien État de Saxe accru de la pointe de l’ancienne Silésie prussienne située à l’ouest de la Neisse. Le nouveau land de Thuringe, capitale Erfurt, est composé de celui de 1920, diminué de ses enclaves de Sondershausen et d’Allstædt et augmenté des enclaves prussiennes de Henneberg (Suhl), de Ranis et de Caulsdorf, des territoires prussiens d’Erfurt, de Muhlhausen, d’Heiligenstadt, de Nordhausen (tous de l’ancienne province de Saxe prussienne), de Schmalcalde (Hesse-Nassau) et de Hohenstein (Hanovre). Le nouveau land de Saxe-Anhalt, capitale Magdebourg, comprend l’État d’Anhalt, la province prussienne de Saxe (hormis les territoires d’Erfurt, de Mulhausen, d’Heiligenstadt, de Nordhausen et les enclaves de Henneberg, de Ranis et de Caulsdorf), les enclaves brunswickoises du Blankenbourg oriental et de Calvœrde, les enclaves thuringiennes de Sondershausen et d’Allstædt. Zone britannique Le nouveau land de Schleswig-Holstein, capitale Kiel, correspond à l’ancien SchleswigHolstein, qui absorbe les trois enclaves de Hambourg dans le Holstein et celle dans le Lauenbourg, tandis que le land de Hambourg s’agrandit légèrement aux dépens du Holstein. Le nouveau land de Hambourg correspond à l’ancienne ville-État, légèrement modifiée comme indiqué ci-dessus. Le nouveau land de Basse-Saxe, capitale Hanovre, créé dès le 1er février 1946, est constitué de l’ancienne province prussienne de Hanovre, hormis la ville de Wesermunde et l’enclave de Hohenstein, du Brunswick, de l’Oldenbourg, du Schaumbourg-Lippe et du Schaumbourg hessois. Le nouveau land de Rhénanie du Nord-Westphalie, capitale Dusseldorf, créé par ordonnance du 23 août 1946, comprend la Lippe-Detmold, l’ancienne province prussienne de Westphalie et la partie septentrionale (régions de Dusseldorf, Cologne et Aix-laChapelle) de celle du Rhin. Le nouveau land comporte six districts : Munster, Detmold, Arensberg, Dusseldorf, Cologne, Aix-la-Chapelle. Zone américaine Le nouveau land de Brême comprend l’ancienne ville-État et la ville de Wesermunde, qui, enclavée dans le land de Basse-Saxe, reprend le nom de Bremerhaven. Le nouveau land de Hesse, capitale Wiesbaden, formé en 1946, est constitué de l’ancienne province prussienne de Hesse-Nassau (hormis la part occidentale de l’ancien duché de Nassau et les enclaves de Schaumbourg et de Schmalcalde) et des anciennes provinces de Haute-Hesse et de Starkenbourg, provenant de la Hesse-Darmstadt. Il est divisé en trois districts : Giessen, Cassel et Darmstadt.
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Allemagne Le nouveau land de Bavière, capitale Munich, qui s’intitule toujours État libre de Bavière, correspond à l’ancienne Bavière, hormis le Palatinat bavarois. Il est divisé en sept districts : Haute-Bavière (Munich), Basse-Bavière (Landshut), Haut-Palatinat (Ratisbonne), Haute-Franconie (Bayreuth), Moyenne-Franconie (Anspach), Basse-Franconie (Wurtzbourg), Souabe (Augsbourg). Le sort du petit cercle bavarois de Lindau, occupé par les Français, demeure incertain. Le nouveau land de Wurtemberg-Bade, capitale Stuttgart, formé dès 1945, est constitué du Wurtemberg septentrional et du Bade septentrional. Zone française Le nouveau land de Rhénanie-Palatinat, capitale Mayence, créé par ordonnance du 30 août 1946, comprend l’ancien Palatinat bavarois, l’ancienne Hesse-Rhénane (HesseDarmstadt), la part occidentale de l’ancien duché de Nassau (Hesse-Nassau) et la partie méridionale (régions de Trèves et de Coblence) de l’ancienne province prussienne du Rhin. Il comporte cinq districts : Hesse-Rhénane (Mayence), Palatinat (Spire), Trèves, Coblence, Montabaur (ce dernier sur rive droite du Rhin). Le nouveau land de Bade, capitale Fribourg, est formé du seul Bade méridional. Le nouveau land de Wurtemberg-Hohenzollern, capitale Sigmaringen, est formé du Wurtemberg méridional et du Hohenzollern prussien. Le Grand Berlin demeure soumis au régime spécial d’occupation quadripartite. Le 1er janvier 1948, le territoire de la Sarre (2 600 km2), légèrement agrandi au nord visà-vis de celui de 1920, est détaché de l’Allemagne, doté d’une autonomie administrative et politique sous le contrôle de l’ONU (haut-commissariat) et inclus dans l’espace économique et douanier français, au titre des réparations économiques.
2. L’Allemagne divisée entre les blocs (1949-1990) Dans une Allemagne dévastée qui songe avant tout à se relever de ses ruines, l’entente des vainqueurs a vite fait place à une sourde rivalité, et les prémices de la guerre froide dans le monde ne laissent pas de se répercuter avec force dans une Allemagne qui devient le champ clos d’affrontements entre l’Union soviétique et ses anciens alliés. Dans la zone soviétique, avec le concours de l’occupant, les communistes s’emparent des gouvernements des différents États. Dans les zones des Occidentaux, l’Allemagne cesse peu à peu d’être l’ennemi vaincu pour devenir un partenaire susceptible de s’opposer à l’expansion du communisme, et qu’il convient à cet effet de relever et d’affermir du point de vue économique (plan Marshall). Le 1er janvier 1947, les zones britannique et américaine fusionnent leurs espaces économiques (bizone). En 1948, la zone française les rejoint (trizone). Une réforme monétaire entreprise dans la trizone entraîne, en représailles, le blocus de Berlin par les Soviétiques (juillet 1948-mai 1949), blocus contourné par un pont aérien de dix mois des Occidentaux, qui consacre la rupture définitive. La réorganisation de l’Allemagne se traduit par la constitution d’une République fédérale d’Allemagne (RFA, pro-occidentale), en mai 1949, sur les zones d’occupation anglo-francoaméricaine, et d’une République démocratique allemande (RDA, communiste), en octobre 1949, sur la zone d’occupation soviétique, Berlin conservant son statut particulier. Par traité du 17 août 1949, la Pologne et l’URSS se partagent l’ancienne Prusse orientale, la Pologne conservant les autres territoires prussiens « provisoirement » détachés en août 1945. Allemagne de l’Ouest (RFA) La RFA se dote, dès le 23 mai 1949, d’une Loi fondamentale (Constitution) de caractère démocratique, fondant une nouvelle république fédérative, constituée à l’origine des 11 États (lænder) de la trizone. Elle se choisit la ville rhénane de Bonn pour capitale. La nouvelle RFA, à l’abri des troupes d’occupation franco-anglo-américaines, s’ancre profondément dans le camp occidental : adhésion à l’OTAN en 1955, signature en 1957, à titre de membre fondateur, du traité de Rome instituant la Communauté économique européenne. La RFA se relève vigoureusement sur le plan économique, au point d’apparaître de nouveau, dès les années soixante, comme une puissance économique qui compte dans le monde.
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Les États existants D’un point de vue territorial, quelques modifications interviennent dans les années cinquante. Dans les trois lænder de Bade, de Wurtemberg-Bade et de Wurtemberg-Hohenzollern, où l’esprit particulariste est très marqué, une partie des gens sont mécontents du découpage opéré en fonction des zones d’occupation (française et américaine) et souhaiteraient revenir à une division plus traditionnelle. Mais, par ailleurs, ces revendications font émerger un projet de fusion des trois États, qui est proposé au vote. Malgré une opposition catholique provenant du Hohenzollern et du Bade méridional, la majorité des habitants des trois lænder de Bade, de Wurtemberg-Bade et de WurtembergHohenzollern votent leur fusion en 1950 (vote en quatre secteurs) et la confirment en décembre 1951 (vote unique). Le nouveau land, capitale Stuttgart, prend successivement le nom d’État allemand du Sud-Ouest, puis en 1951 de Wurtemberg-Bade et enfin de Bade-Wurtemberg. Il est divisé en quatre districts : Wurtemberg du Nord, Bade du Nord, Bade du Sud, Wurtemberg du Sud-Hohenzollern. En compensation, la ville de Carlsruhe, qui perd son rang de capitale, devient siège du Tribunal fédéral de l’Allemagne. En 1952, la ville hessoise de Wimpfen (Hesse-Darmstadt) et deux autres petits territoires, enclavés depuis 1803 dans le Bade, sont cédés par la Hesse au land de Bade-Wurtemberg. En 1956, le petit cercle bavarois de Lindau est affranchi de l’occupation militaire française, et dès lors pleinement réuni à la Bavière. Le 1er janvier 1957, à la suite d’un plébiscite positif du 23 octobre 1955, le territoire de la Sarre fait retour à l’Allemagne (RFA), dont il va constituer le 10e land, capitale Sarrebruck. À l’issue de cette réunion, la RFA atteint une superficie de 248 400 km2, pour environ 55 millions d’habitants. Sa Loi fondamentale précise que tous les anciens États allemands — donc ceux de l’Est — ont vocation à adhérer à la RFA. Allemagne de l’Est (RDA) La RDA devient dès 1949 un pays communiste, constitué des 5 États (lænder) de la zone soviétique. Elle se choisit Pankow (à Berlin-Est) pour capitale. La RDA atteint une superficie de 107 700 km2, pour environ 18 millions d’habitants. La nouvelle RDA, à l’abri des troupes d’occupation soviétiques, s’ancre profondément dans le camp de l’Est : adhésion au Comecon, au pacte de Varsovie en 1955. La RDA, qui a collectivisé son économie, peine longtemps à se relever sur le plan économique. En 1953 se produisent de graves émeutes à Berlin-Est, réprimées dans le sang. Le marasme économique et les privations de liberté incitent un flux constant d’Allemands de l’Est à émigrer en Allemagne de l’Ouest, en passant par Berlin, resté ouvert entre les deux Allemagnes, au point de finir par provoquer en août 1961 la construction du mur de Berlin, symbole de l’emprisonnement des gens de l’Est. Du point de vue territorial, les cinq lænder sont, comme du temps des nazis, vidés de leur autonomie politique par un centralisme exercé au profit du parti communiste. En juillet 1952, pour accorder les structures administratives avec la réalité centralisatrice, la RDA est départementalisée ; les 5 lænder qui la composent cèdent la place à 14 districts, plus celui, urbain, de Pankow (Berlin-Est) : Potsdam, Neubrandebourg, Rostock, Schwerin, Magdebourg, Halle, Erfurt, Suhl, Gera, Leipzig, Chemnitz, Dresde, Cottbus, Francfort-sur-l’Oder. L’ancien land de Brandebourg est réparti entre les districts de Potsdam, de Francfort-surl’Oder, de Cottbus (accru de quelques cantons de Saxe), de Neubrandebourg (cercles de Prenzlau et de Templin) et de Schwerin (cercle de Perleberg). L’ancien land de Mecklembourg est réparti entre les trois districts de Schwerin, de Rostock et de Neubrandebourg. L’ancien land de Saxe-Anhalt est réparti entre les deux districts de Magdebourg et de Halle, son angle sud-est étant rattaché aux districts de Cottbus et de Leipzig.
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Allemagne L’ancien land de Thuringe est réparti entre les districts d’Erfurt, de Suhl et de Gera, l’extrême est du land (Altenbourg) étant rattaché au district de Leipzig. L’ancien land de Saxe est réparti entre les districts de Dresde, de Chemnitz (devenu KarlMarx-Stadt), de Leipzig et de Cottbus (cercles de Weisswasser et d’Hoyeswerda). Le régime communiste étant mal supporté par une majorité de la population, la libéralisation du régime de l’URSS provoque, en Allemagne de l’Est comme dans les autres pays du bloc de l’Est, une aspiration profonde au changement, qui se traduit par des manifestations et des départs en masse via d’autres pays de l’Est qui ont ouvert leurs frontières. En novembre 1989 se produit la chute du mur de Berlin ; en mars 1990, les premières élections libres en RDA portent au pouvoir une majorité démocratique, qui se traduit en avril par la constitution d’un gouvernement chrétien-démocrate, tandis que la RDA abolit ses références constitutionnelles au communisme et devient une république démocratique. Cependant, l’aspiration à la réunification des deux Allemagnes est grande dans les deux pays, et le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl, qui en est un partisan résolu, en dépit des difficultés économiques qu’elle risque de susciter, s’emploie à aplanir les difficultés d’ordre diplomatique qui pourraient en résulter. Le 1er juillet 1990 est mise en vigueur une union monétaire entre la RFA et la RDA. Le 22 juillet 1990, en vue de la future réunification allemande, les nouvelles autorités démocratiques de la RDA votent une loi de restauration des cinq anciens lænder dans les limites qui étaient les leurs en 1952 ; le nouveau Mecklembourg prend le nom de Mecklembourg-Poméranie-Citérieure (ou -Antérieure, Vorpommern). Le 3 octobre 1990, les cinq lænder de Brandebourg, Mecklembourg-PoméranieCitérieure, Saxe-Anhalt, Thuringe et Saxe adhèrent à la RFA, assurant par là même la réunification allemande. Le même jour, abandonné la veille par les autorités d’occupation, le Grand Berlin est réunifié et rendu à l’Allemagne ; il va constituer le land de Berlin (900 km2) ; la ville redeviendra la capitale de l’Allemagne réunifiée.
3. L’Allemagne réunifiée (1990 à nos jours) Ainsi réunifiée, la RFA — que l’on appelle de nouveau couramment l’Allemagne — devient un pays de 357 000 km2, peuplé de 79 millions d’habitants. Par sa population et sa puissance économique, elle est un pays majeur de la nouvelle Europe. Désormais composée de 16 États d’inégale grandeur — le projet de fusion des lænder de Berlin et du Brandebourg ne s’est pas jusqu’ici concrétisé —, l’Allemagne conserve une structure fédérale conforme aux traditions historiques et qui paraît adaptée à un pays où le particularisme régional demeure fort, car n’ayant pas subi de longue date le nivellement politique et culturel propre aux nations centralisatrices. Dès novembre 1990, pour rassurer son voisin de l’est, l’Allemagne signe avec la Pologne un traité reconnaissant l’intangibilité de la frontière Oder-Neisse. Elle signe de même avec la Tchécoslovaquie un traité de coopération en octobre 1991, s’interdisant ainsi toute revendication sur les anciens territoires des Sudètes. Parallèlement, elle modifie sa Loi fondamentale pour abolir la clause relative aux « anciens États allemands », renonçant par là même à tout accroissement ultérieur du pays. En juin 1991 est votée la décision de transférer à terme la capitale du pays à Berlin, transfert progressif qui s’achève en 2000, avec l’installation des chambres parlementaires, des ministères et du gouvernement. Le 1er janvier 1993, en application du traité de Maastricht du 7 février 1992, l’Allemagne devient l’un des douze membres de la nouvelle Union européenne, qui se substitue à l’ancienne Communauté européenne, et présente les caractères d’une confédération politique à laquelle l’Allemagne, comme les autres membres, transfère de son plein gré certains attributs de sa souveraineté.
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Les États existants
Andorre Le pays en bref État monarchique : la principauté d’Andorre. Souverains : deux coprinces, Enric Vives Cicilia, évêque d’Urgel, Nicolas Sarkozy, président de la République française. Représentation parlementaire : une chambre, le Conseil général des vallées. Capitale : Andorre-la-Vieille ; 7 paroisses : Canillo, Encamp, La Massana, Ordino, Andorre-la-Vieille, Sant Julià de Lorià, Escaldes-Engordany. Superficie : 470 km2 ; population : 70 000 habitants ; densité : 149 habitants au km2. Langue : le catalan ; on parle aussi l’espagnol et le français. Religion : catholique. Monnaies : l’euro ; le franc français et la peseta espagnole jusqu’en 2001.
Remarque : De 1789 à nos jours, la principauté d’Andorre est l’un des trois seuls États européens, avec le Liechtenstein et Saint-Marin, à n’avoir modifié ni son territoire, ni son régime politique.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Andorre Située au flanc de la crête des Pyrénées, entre l’Ariège française et la Catalogne espagnole, la principauté d’Andorre — autrefois appelée aussi par certains république d’Andorre, en raison de la forme républicaine de son gouvernement interne — est une survivance de l’époque féodale, où nombre de petites terres possédaient une certaine autonomie tout en étant vassales d’un ou de plusieurs suzerains. Si la légende fait remonter à Charlemagne l’octroi d’une charte aux Andorrans, il est établi qu’aux environs de l’an mille l’évêque d’Urgel, en Catalogne, en devient suzerain et partage ses droits, pour mieux les assurer, avec un seigneur voisin, le vicomte de Caboet, les droits de ce dernier passant, au fil du temps et des mariages, aux comtes de Foix. En 1278, pour mettre fin à des conflits incessants entre les deux suzerains, le roi d’Aragon impose un arbitrage, le paréage, qui règle pour sept siècles le sort des vallées d’Andorre. La suzeraineté française se transmet aux rois de Navarre, puis aux rois de France à partir de 1607 (Henri IV).
II. L’Andorre entre France et Espagne (1790 à nos jours) En 1790, la France révolutionnaire renonce à sa suzeraineté mais, en 1806, sur demande des Andorrans, Napoléon Ier accepte de l’assumer de nouveau, rétablissant l’ordre ancien. De 1812 à 1813, il rattache administrativement la principauté d’Andorre au département français du Sègre (Puigcerda) en Catalogne. Depuis, ce sont les chefs d’État de la France — quelle que soit leur qualité : roi, empereur ou président — qui assument la suzeraineté française. Jusqu’en 1993, les deux coprinces exercent leurs droits par deux délégués permanents : le préfet des Pyrénées-Orientales pour le coprince français, chargé des relations extérieures du pays, le vicaire général du diocèse
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Andorre d’Urgel pour le coprince espagnol, chargé des questions religieuses. Dans les domaines militaire (théorique) et judiciaire, chaque coprince est représenté par un viguier. Le 4 mai 1993 est approuvée une nouvelle Constitution qui révolutionne les rouages multiséculaires de gouvernement de la principauté. Celle-ci se dote d’un régime de « coprincipauté parlementaire », le Conseil général devenant une assemblée législative devant laquelle est désormais responsable le gouvernement andorran. Tout en demeurant sous la souveraineté conjointe de ses deux princes (union personnelle), la principauté d’Andorre devient un État souverain, qui fait la même année son entrée à l’ONU.
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Les États existants
Autriche Le pays en bref État républicain : la république d’Autriche, État fédératif. Président : Heinz Fischer. Représentation parlementaire : deux chambres, le Conseil national (Nationalrat), dont les membres représentent l’Autriche entière, le Conseil fédéral (Bundesrat), dont les membres sont élus par les diètes des États. Capitale : Vienne. Division politique et administrative en 9 États fédérés (Bundeslænder) : VienneCapitale, Basse-Autriche (Sankt Pœlten), Haute-Autriche (Linz), Salzbourg (Salzbourg), Vorarlberg (Bregenz), Tyrol (Innsbruck), Carinthie (Klagenfurt), Styrie (Graz), Burgenland (Eisenstadt). Superficie : 83 860 km2 ; population : 8 millions d’habitants ; densité : 95 habitants au km2. Langue : l’allemand. Religion : catholique. Monnaie : l’euro ; le schilling jusqu’en 2001.
Remarques Jusqu’en 1804, date à laquelle l’empereur François II d’Allemagne prend aussi le titre de François Ier d’Autriche, il n’y a pas d’empire d’Autriche, mais un conglomérat de possessions de la maison d’Autriche (Habsbourg), réparties entre couronnes de Hongrie, de Bohême, de Pologne (à partir de 1772) et États héréditaires, parmi lesquels l’archiduché d’Autriche n’est que l’une des provinces — abritant Vienne, il est vrai ! Mais la gloire du nom l’emporte sur le reste, et l’ensemble des possessions de la maison d’Autriche sera, ici comme ailleurs, désigné l’Autriche, même avant d’en prendre officiellement le titre. La maison d’Autriche a, au cours des siècles, régné sur un nombre considérable de territoires — sans même évoquer son pouvoir éminent sur les États du Saint Empire, lequel pouvoir est devenu au fil du temps si ténu que ces pays bénéficient, à la fin du XVIIIe siècle, d’une quasiindépendance, spécialement les grands États de l’Allemagne. S’agissant de leurs États proprement héréditaires, les Habsbourg ont bâti leur puissance sur la lente agglomération de petits États divers, que l’on regroupe historiquement sous le nom général d’Autriche, et qui forment l’ossature de leur assise politique. Seuls ces États seront vraiment détaillés dans le présent chapitre. S’y ajoutent d’autres États individuellement plus importants, dont ils ont recueilli l’héritage mais où leur position a toujours été plus ou moins contestée : couronne de Bohême, couronne de Hongrie, Toscane, partie de Pologne, Pays-Bas, Lombard-Vénitien. Ces États seront bien sûr mentionnés ici pour l’enjeu qu’ils représentent dans l’évolution politique de la maison d’Autriche, mais ils sont plus détaillés dans d’autres chapitres, auxquels le lecteur voudra bien se reporter (Tchéquie, Hongrie, Italie, Belgique, Pays-Bas, Pologne, etc.).
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Autriche La formation de l’ensemble autrichien est une œuvre de longue haleine, dont le mérite revient principalement à la persévérance, à la chance, au sens politique dont a fait preuve la maison de Habsbourg.
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Autriche 1. Des origines à l’établissement des Habsbourg sur le Danube (1282) Les régions bordant le cours supérieur du Danube sont de peuplement celte très ancien. Au tournant de notre ère, les Romains établissent fermement le limes de leur Empire sur le Danube, et y créent trois provinces, la Rhétie, le Norique et la Pannonie. Puis vient le temps des invasions. Ayant conquis sur les Avars le pays danubien, entre Enns et Raab, en 791, Charlemagne l’incorpore en 811 à son empire sous le nom de Marche de l’Est (Ostmark). Envahi en 900 par les Hongrois, le pays en est libéré en 955 par l’empereur Othon Ier. Othon II nomme en 976 le comte Léopold de Babenberg margrave du pays, qu’un document de 996 appelle pour la première fois Autriche (Œsterreich). Les Babenberg vont y régner durant trois siècles, préparant ainsi la voie aux Habsbourg. Ils l’augmentent de la Haute-Autriche (1156), le tout réuni en un duché d’Autriche. La Styrie en 1192, la Carniole en 1233 sont réunies aux possessions des Babenberg, qui s’éteignent en 1246. Après une brève prise en charge par Ottokar de Bohême, qui accroît les domaines de la Carinthie (1269), de l’Istrie et du Frioul, les duchés passent en 1282 au fils de l’empereur Rodolphe de Habsbourg.
2. De 1282 à l’héritage de la Bohême et de la Hongrie (1526) La maison de Habsbourg, qui apparaît à cette époque sur les rives du Danube, est déjà largement possessionnée en Alsace, en Suisse et en Souabe. Tirant l’origine de son nom du château de Habichtsbourg (XIe siècle), sur le cours de l’Aar en Suisse, cette maison ajoute très vite à son comté de Habsbourg le comté de Sundgau (Alsace), puis le landgraviat de Haute-Alsace, le comté de Lenzbourg (Suisse), des possessions dans l’Argovie et la région de Zurich, ainsi que sur les rives du lac de Lucerne. En 1264, Rodolphe de Habsbourg, qui deviendra empereur en 1273, recueille l’héritage considérable des Kybourg — eux-mêmes antérieurement héritiers des Zæhringen : possessions dans le Brisgau, possessions en Suisse occidentale (régions de Fribourg, Berne, Soleure), comté de Kybourg, landgraviat de Thurgovie. L’agrandissement du domaine autrichien, désormais centré sur l’héritage des Babenberg, et notamment la ville de Vienne qui en devient la capitale, va ensuite se faire par les mariages ou les achats, plutôt que par l’usage de la force, selon le dystique célèbre de Mathias Corvin : Bella gerant alii ; tu, felix Austria, nube ; Nam quae Mars aliis, dat tibi regna Venus. (Les autres font la guerre, toi, heureuse Autriche, tu épouses, Et les royaumes que Mars donne aux autres, c’est Vénus qui te les donne.) Cet essor n’est pas exempt de reculs ; ainsi le duché de Carinthie est perdu en 1286, au profit du comte Meinhard de Goritz, qui avait aidé les Habsbourg dans leur lutte contre Ottokar de Bohême. Le fils aîné de Rodolphe, Albert de Habsbourg, préoccupé de ses ambitions impériales, n’agrandit le domaine familial que du margraviat de Burgau, sur le haut Danube (1301). Puis la maison d’Autriche recueille en deux temps l’héritage de la famille de GoritzTyrol : la Carinthie en 1335, qui lui revient définitivement, et surtout le Tyrol en 1369, pièce maîtresse des possessions des Habsbourg, qui couvre la haute vallée de l’Inn et celle de l’Adige, de part et d’autre de la crête des Alpes. À côté de ces acquisitions capitales entrent successivement en possession des Habsbourg les comtés de Ferrette en Alsace (1324) et de Feldkirch dans le Vorarlberg (1365), le landgraviat de Brisgau (1367), les comtés de Bludenz dans le Vorarlberg (1376) et de Hohenberg en Souabe (1381), la ville de Trieste (1382), les comtés de Sæckingen dans le Brisgau (1401), de Bregenz dans le Vorarlberg, pour partie (1451), et de Cilly en Carniole (1456), le landgraviat de Nellembourg en Souabe (1465), les comtés de Goritz, de Pusterthal dans le Frioul et de Mitterbourg en Istrie (1500), le restant du comté de Bregenz et la seigneurie de Hoheneck dans le Vorarlberg (1523). Désormais, les Habsbourg sont durablement implantés sur un domaine germanique assez homogène, qui s’étend de l’Alsace à la plaine hongroise, du Danube à l’Adriatique.
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Les États existants Pour bien marquer la prééminence de leur maison au sein de l’Empire, les Habsbourg imposent définitivement en 1453 le titre d’archiduché d’Autriche, inventé en 1156 par un privilegium majus (vraisemblablement faux) et réaffirmé en 1359 en protestation contre la Bulle d’or (1356), qui laisse leur maison hors du collège électoral du Saint Empire. Si les domaines helvétiques (origine des Habsbourg) sont, hormis Rhæzuns et le Frickthal, perdus aux XIVe et XVe siècles, la date de 1477 marque une étape importante, car la mort du duc de Bourgogne Charles le Téméraire, suivie du mariage de sa fille Marie avec l’héritier autrichien Maximilien, permet à la maison d’Autriche de mettre la main sur la majeure partie de l’héritage bourguignon (Pays-Bas, Franche-Comté), à l’exception notable du duché proprement dit de Bourgogne.
3. De 1526 à 1789 La date capitale de l’expansion autrichienne est toutefois celle de 1526, ponctuée par la bataille de Mohacs où le roi de Bohême et de Hongrie, Louis II Jagellon, trouve la mort, ses royaumes passant à son beau-frère Ferdinand I er d’Autriche, le frère de Charles Quint. Il convient ici de remonter à l’année 1496, où Philippe le Beau, fils de Maximilien devenu empereur, épouse Jeanne la Folle, fille des Rois catholiques d’Espagne ; ce mariage, consolidé par celui de sa sœur Marguerite avec l’infant Jean, héritier des trônes espagnols mais qui meurt prématurément, a permis à l’aîné de Philippe et de Jeanne, Charles, de recevoir l’héritage espagnol (1516) ; devenu l’empereur Charles Quint (1519), il confie à son puîné Ferdinand le domaine autrichien, séparant de facto les domaines en deux parties, espagnole et autrichienne, séparation confirmée en 1556. L’archiduc Ferdinand, roi des Romains en 1531 et empereur en 1558, avait épousé Anne, sœur de Louis II, tandis que sa propre sœur Marie épousait Louis II (1521). La mort de Louis II permet à Ferdinand de se faire couronner roi de Bohême (Bohême, Moravie, Silésie, Lusaces) et de Hongrie (Hongrie, Croatie-Slavonie, Transylvanie). Toutefois, au sein de la Hongrie, lui échappent aussitôt la Transylvanie, conservée par un rival, Jean Zapolyi, soutenu par les Turcs, ainsi que la Slavonie et la moitié méridionale de la Hongrie, occupées puis annexées (1549) par Soliman le Magnifique. Pendant près d’un siècle, la situation territoriale des possessions de la maison d’Autriche va demeurer inchangée, cette dernière consacrant son énergie à asseoir son autorité sur les domaines étendus qu’elle vient d’acquérir et à s’opposer aux tentatives d’expansion tant du pouvoir ottoman à l’extérieur que de la Réforme à l’intérieur. La guerre de Trente Ans (1618-1648) voit l’autorité de la maison d’Autriche remise en question, pour raisons religieuses, à la fois dans sa possession privée de Bohême et au sein du Saint Empire. Ce long et douloureux conflit, entretenu par les interventions successives du Danemark, de la Suède, de la France et de l’Espagne, se traduit pour l’Autriche par les pertes successives des Lusaces (1635) et des domaines d’Alsace, landgraviats de Haute et BasseAlsace, comté de Ferrette, ville de Brisach et avouerie de Basse-Alsace (1648). Plus grave encore, la maison d’Autriche voit son influence durablement battue en brèche par l’ingérence incessante de la France et d’autres puissances dans les affaires du Saint Empire. En revanche, le XVIIIe siècle voit la maison d’Autriche étendre ses possessions aux PaysBas, en Hongrie et en Italie. Après une dernière tentative d’expansion de la Turquie en direction du centre de l’Europe (second siège de Vienne en 1683), les guerres de reconquête du prince Eugène de Savoie donnent à l’Autriche de reprendre la Transylvanie, la Hongrie turque et la majeure partie de la Slavonie en 1699, puis le Banat, la Syrmie, une partie de la Serbie et la Petite Valachie en 1718 ; toutefois, les trois provinces de Syrmie, Serbie et Valachie sont reperdues en 1739. Cette reconquête s’assortit de l’instauration des Confins militaires, bande continue de territoire d’administration militaire le long de la frontière turque. Du côté des Pays-Bas et de l’Italie, les gains de la maison d’Autriche sont avant tout dus à la guerre de Succession d’Espagne. Le dernier souverain Habsbourg d’Espagne étant mort en 1700 en léguant l’ensemble des ses immenses domaines à Philippe d’Anjou, petit-fils du
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Autriche roi de France Louis XIV, une longue guerre s’ensuit, où l’archiduc Charles, représentant de la maison d’Autriche, tente de conquérir cet héritage qu’il estime devoir lui revenir. À l’issue d’un conflit de plus de dix ans, pour prix de sa renonciation au trône d’Espagne, l’Autriche acquiert le duché de Mantoue (1708), le duché de Milan, les Pays-Bas espagnols, les royaumes de Naples et de Sardaigne (1714), ce dernier échangé en 1720 contre celui de Sicile. Le règlement de la guerre de Succession de Pologne (1735/1738) voit l’Autriche céder au roi de Sardaigne le Novarais et le Tortonais (part occidentale du duché de Milan) et aux Bourbons d’Espagne le royaume des Deux-Siciles (Naples et Sicile), recevant en contrepartie le duché de Parme, tandis que le duc François-Étienne de Lorraine, futur époux de l’archiduchesse Marie-Thérèse, abandonne son duché contre l’expectative (1735), puis la possession (1737), du grand-duché de Toscane, lequel, à sa mort, deviendra secundogéniture de la maison d’Autriche. Par la suite, l’Autriche doit céder en 1742 le comté de Glatz et la majeure partie de la Silésie à la Prusse, et en 1748 le Vigevanasque à la Sardaigne et le duché de Parme aux Bourbons d’Espagne. Ces pertes importantes ne sauraient être compensées par le rattachement (1760) du comté de Hohenems au Vorarlberg autrichien, ni par celui (1765) du minuscule comté de Falkenstein, dans le Palatinat, ni même par celui (1765) de la Toscane, à titre de secundogéniture, à la mort de l’empereur François Ier, mari de Marie-Thérèse et grand-duc de ce pays. En 1771, le duc Hercule III de Modène, sans héritier mâle, décide d’attribuer à l’Autriche l’expectative de son duché, qui sera placé dans la position de secundogéniture de la maison d’Autriche. En 1772, le roi de Prusse, Frédéric II, convainc la tsarine Catherine II de Russie de procéder à un premier partage portant sur le tiers de la Pologne, partage auquel l’Autriche est associée. De ce fait, l’Autriche reçoit de la Pologne : – les treize villes saxonnes du comitat de Zips, concédées à la Pologne en 1412 et dès lors restituées à la Hongrie ; – la partie méridionale de la Petite Pologne (rive droite de la Vistule), les duchés d’Auschwitz et de Zator, et la majeure partie de la Russie Rouge, l’ensemble de ces terres étant réunies en un nouveau royaume de Galicie et Lodomérie, capitale Lemberg. En 1775, pour prix de sa médiation offerte pour mettre fin au conflit russo-turc de 1768, l’Autriche se fait attribuer la Bucovine (partie septentrionale de la Moldavie), par la Porte, agissant en tant que suzerain de la Moldavie. En 1777, après avoir été administrée par l’armée autrichienne, la Bucovine est rattachée à la Galicie. À la mort (décembre 1777) sans postérité de l’électeur de Bavière Maximilien-Joseph, l’ensemble de ses possessions reviennent à l’électeur palatin Charles-Théodore. L’empereur Joseph II, gendre du défunt électeur et soucieux d’accroître ses domaines autrichiens, en impose à l’électeur Charles-Théodore et le convainc, en janvier 1778, de lui abandonner la moitié orientale de la Bavière et de déshériter à son profit son propre héritier, le duc de Deux-Ponts-Birkenfeld. Le duc de Deux-Ponts, soutenu par le roi Frédéric de Prusse, porte plainte devant la diète de Ratisbonne. Une guerre s’ensuit entre la Prusse et l’Autriche, la France et la Russie finissant par imposer leur médiation aux deux belligérants. Le traité de paix est signé à Teschen, en mai 1779. La Bavière cède à l’Autriche le Quartier de l’Inn (Innviertel), territoire situé entre l’Inn et l’ancienne frontière. L’Innviertel est administrativement rattaché au gouvernement de Haute-Autriche (au-dessus de l’Enns). En 1780, à la mort sans postérité du dernier comte de Montfort, l’Autriche acquiert les seigneuries de Tettnang et de Langenargen en Souabe, ultimes possessions du défunt comte.
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Les États existants Dès 1781, Joseph II profite de la guerre entre la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies pour chasser les garnisons néerlandaises des huit places des Pays-Bas autrichiens où elles étaient stationnées en vertu du traité des Barrières. L’empereur tente ensuite de forcer le blocus néerlandais du port d’Anvers ; une guerre manque de s’ensuivre. Sur médiation française est signé le traité de Fontainebleau (novembre 1785), qui supprime officiellement les barrières et transfère aux Pays-Bas autrichiens les deux forts de Lillo et de Liefhensboek sur l’Escaut. Imbu des idées des Lumières, l’empereur Joseph II a dû pendant quinze ans (1765-1780) composer avec sa mère Marie-Thérèse, souveraine en titre des États héréditaires de l’ensemble autrichien. La mort de Marie-Thérèse (1780) lui donnant la souveraineté sur ces États, il va tenter, au cours de son règne personnel, d’imposer des réformes administratives se traduisant, entre autres, par une uniformisation des statuts des diverses provinces, assortie de la suppression des assemblées d’État propres à chacune d’entre elles. De 1780 à 1790, l’ensemble des domaines autrichiens est peu à peu redistribué en 13 gouvernements, eux-mêmes subdivisés en cercles : Galicie, Bohême, Moravie-et-Silésie, Basse-Autriche, Autriche intérieure (Styrie, Carinthie, Carniole), Tyrol, Autriche antérieure (possessions de Souabe et Brisgau), Transylvanie, Hongrie, Croatie, Lombardie, Goritz-Gradisca-et-Trieste, Pays-Bas. Cette réforme, qui rencontre l’hostilité des sujets de l’empereur, est abolie dès l’avènement (mars 1790) de son frère et successeur Léopold II.
II. L’Autriche en 1789. Une puissance européenne majeure L’Autriche, au sens d’ensemble des possessions de la maison d’Autriche, représente une puissance politique majeure de la scène européenne. Il s’agit d’un vaste ensemble très contrasté de 640 000 km2 et de 24,5 millions d’habitants, s’étendant sur l’Europe centrale, en partie dans le Saint Empire (couronne de Bohême, États héréditaires, Pays-Bas : 220 000 km2, 10,5 millions d’habitants), en partie en dehors de celui-ci (couronnes de Hongrie et de Galicie, possessions de Lombardie : 420 000 km2, 14 millions d’habitants). Cet ensemble imposant, qui donne sa véritable puissance à l’empereur germanique — régulièrement élu au sein de la maison d’Autriche —, lui permet de dominer les nombreux autres États du Saint Empire, ainsi que ceux d’Italie, et de jouer un rôle primordial dans les affaires de l’Europe. Un tel imperium lui est certes disputé par le roi de Prusse, en attendant de l’être par le tsar de Russie, mais la position autrichienne reste très forte, en raison de nombreux liens tissés dans l’Empire et en Italie ; la défection anglaise de 1755 a été compensée par le « renversement des alliances » de 1756, qui a lié durablement deux puissances — France et Autriche — qui s’opposaient depuis plusieurs siècles. Certes, l’Autriche n’a plus l’ambition de dominer le monde entier, et sa fière devise A.E.I.O.U. (Austriae Est Imperare Orbi Universo, Austria Erit In Orbe Ultima, Aquila Electa Juste Omnia Vincit, Alles Erdreich Ist Œsterreich Unterthan) n’est plus que vaine illusion. Mais sa dynastie, par son influence constante en Allemagne et en Italie, persiste à jouer un rôle régulateur, et somme toute stabilisateur, dans la vie politique de l’Europe. L’Autriche s’étend principalement sur le haut et moyen bassin du Danube (« monarchie danubienne »), sur la plaine hongroise, sur le quadrilatère de Bohême (haut bassin de l’Elbe), sur les Alpes centrales et orientales, des hautes plaines de Pologne à la mer Adriatique, du lac de Constance à l’angle sud-est des Carpathes. À l’ouest de ce bloc compact, elle possède des domaines isolés les uns des autres et éparpillés en Europe : Pays-Bas autrichiens, domaines de Souabe, domaines de Lombardie. Bohême, Hongrie, Galicie, Pays-Bas et Lombardie sont décrits aux chapitres qui les concernent directement (Tchéquie, Hongrie, Slovaquie, Pologne, Slovénie, Croatie, Belgique, Pays-Bas, Italie). Le noyau central autrichien, les États proprement héréditaires, se concentre sur les Alpes orientales, qui donnent à l’ensemble un aspect montagneux, cloisonné, en isolant l’une de l’autre les diverses provinces, qui gardent leur personnalité propre ; elles sont majoritairement de langue allemande, avec des zones de peuplement italien (Trentin, Trieste) ou
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Autriche slave (Carniole). La cohésion de ces États réside, outre le fait linguistique, dans leur appartenance commune à la catholicité et leur attachement fidèle à la maison d’Autriche. Ces provinces sont des régions de passage, où l’agriculture n’est florissante qu’en plaine, l’élevage développé, l’exploitation forestière prospère, les gisements miniers nombreux (sel, métaux) et l’activité commerciale intense dans les villes relais qui en tirent leur importance (Vienne, Linz, Graz, Laybach, Innsbruck). Le bloc « autrichien » est au centre des possessions de la maison d’Autriche et la capitale, Vienne, qui a pris un développement considérable — près de 200 000 habitants —, est devenue une des grandes villes d’Europe. En 1789, après avoir longtemps connu le règne bienfaisant de l’impératrice Marie-Thérèse, femme de raison et de grand sens politique, l’ensemble autrichien est depuis près de dix ans dirigé par son fils Joseph II, l’empereur, homme imbu de l’esprit des Lumières, qui s’attache en tout domaine à jouer le despote éclairé. À cette date, les possessions très diversifiées de la maison d’Autriche peuvent se répartir de la façon suivante.
1. Les pays du Saint Empire A. Pays de la couronne de Bohême – royaume de Bohême, capitale Prague – margraviat de Moravie, capitale Brunn – duché de Silésie, capitale Troppau B. États héréditaires de la maison d’Autriche 1) Autriche inférieure archiduché d’Autriche, divisé en : – Autriche au-dessous de l’Enns (Basse-Autriche), capitale Vienne – Autriche au-dessus de l’Enns (Haute-Autriche), capitale Linz 2) Autriche intérieure – duché de Styrie, capitale Graz – duché de Carinthie, capitale Klagenfurt – duché de Carniole, capitale Laybach ; lui est rattaché le margraviat d’Istrie, capitale Mitterbourg – Littoral : comtés de Goritz et de Gradisca, terres d’Aquilée et d’Istria, capitaineries de Flitsch et de Tolmein, ville libre de Trieste 3) Autriche supérieure – comté princier de Tyrol, capitale Innsbruck ; lui sont directement rattachées les avoueries des évêchés de Trente et de Brixen – sept seigneuries du Vorarlberg : Hoheneck, Bregenz, Sonnenberg, Montfort, Dornbirn, Feldkirch, Bludenz ; leur sont rattachés le comté de Hohenems (le long du Rhin) et la baronnie de Rhæzuns (sur le haut Rhin, membre de la Ligue des Grisons) 4) Autriche antérieure (ou citérieure) – landgraviat de Brisgau : Bas-Quartier (Fribourg, Villingen, Brauenlingen), Haut-Quartier (au sud) ; de ce dernier dépendent le Frickthal et les quatre villes forestières du Rhin (Rheinfelden, Sæckingen, Laufenbourg, Waldshut) – Souabe autrichienne : margraviat de Burgau (Burgau, Gunzbourg, Ehingen-sur-leDanube), les cinq villes du Danube (Munderkingen, Riedlingen, Mengen, Saulgau, Waldsee), l’avouerie d’Altdorf ou de Ravensbourg, la ville de Constance, le landgraviat de Nellembourg (Stockach), le comté de Hohenberg (Rottenbourg, Ehingen-sur-le-Neckar), l’avouerie d’Ortenau (Appenweier, Achern) ; à cette dernière est rattaché le petit comté de Falkenstein (dans le Palatinat), ultime vestige du duché de Lorraine C. Pays-Bas autrichiens – neuf provinces sous l’autorité d’un gouverneur général résidant à Bruxelles : Brabant, Limbourg, Luxembourg, Namur, Anvers, Flandre, Hainaut, Malines, Gueldre autrichienne (Ruremonde)
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Les États existants 2. Les pays hors du Saint Empire A. Pays de la couronne de Hongrie – royaume de Hongrie, capitale Presbourg – royaume de Croatie-Slavonie, capitale Agram – grand-duché de Transylvanie, capitale Klausenbourg B. Royaume de Galicie et de Lodomérie, capitale Lemberg C. Italie autrichienne – duché de Milan – duché de Mantoue
3. La secundogéniture de Toscane Le grand-duché de Toscane, capitale Florence, constitue une secundogéniture, possession de la maison d’Autriche, mais qui doit être attribuée à un membre de cette maison distinct du souverain. Au sein du Saint Empire, le souverain autrichien occupe une place prééminente. Il est traditionnellement élu empereur depuis plusieurs siècles, hormis le bref règne de l’empereur Charles VII, souverain bavarois (1742-1745) ; de ce fait, la monarchie impériale, de jure élective, est devenue de facto héréditaire dans la maison d’Autriche. De plus, en tant que roi de Bohême, le souverain autrichien dispose d’une voix au collège des électeurs de la diète, dont la majorité est catholique, ce qui favorise régulièrement l’élection d’un Habsbourg. Par ailleurs, la maison d’Autriche dispose de deux sièges au banc laïque du collège des princes de la diète impériale de Ratisbonne, l’un attaché à son archiduché d’Autriche, l’autre vestige de son duché de Bourgogne. Enfin, la maison d’Autriche est présente dans divers cercles du Saint Empire : – le cercle de Bourgogne (Pays-Bas), qu’elle seule suffit à constituer ; – le cercle d’Autriche, où elle détient une voix (Autriche) ; – le cercle de Souabe, où elle détient une voix (Hohenems) au banc des comtes et des seigneurs ; – le cercle du Haut-Rhin, où elle détient une voix (personnaliste, sous le nom de Nomény en Lorraine) au banc des princes laïques, ainsi qu’une voix (Falkenstein) au banc des comtes et des seigneurs.
III. De 1789 à la proclamation de l’empire d’Autriche (1804) 1. De 1789 à l’entrée en guerre contre la France (1792) À l’annonce des événements révolutionnaires de France, un soulèvement s’était produit dès juillet 1789 dans les Pays-Bas autrichiens. Le 10 janvier 1790, un congrès réuni à Bruxelles proclame la République des États Belgiques Unis. Dès décembre 1790, l’Autriche a reconquis l’ensemble des Pays-Bas. Une guerre austro-russe contre la Porte, entamée en 1788, n’avait pas offert les résultats escomptés, en raison de la résistance turque. Désireuse d’avoir les mains libres en raison des événements survenus en Europe, l’Autriche conclut le 4 août 1791 avec la Turquie la paix de Sistova. La Turquie cède à l’Autriche la ville de Vieil-Orsova, sur le Danube, et le district de l’Unna, situé à la pointe nord-ouest de la Bosnie.
2. De 1792 à la paix de Campo-Formio (1797) La France ayant, en avril 1792, déclaré la guerre à l’Autriche, à laquelle s’est jointe la Prusse, la victoire de Valmy (20 septembre 1792) sur les Prussiens ouvre la voie à une offensive française sur les Pays-Bas autrichiens et la rive gauche allemande du Rhin. La victoire de Jemmapes (6 novembre 1792), remportée par Dumouriez sur les Autrichiens, permet l’occupation en un mois des Pays-Bas par les Français.
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Autriche Par quinze décrets pris entre le 1er et le 30 mars 1793, la France annexe les Pays-Bas autrichiens, ainsi que l’évêché de Liège. Au même moment, un retour offensif des Autrichiens, consacré par la victoire de Neerwinden (18 mars), oblige les Français à évacuer la Belgique. L’ancienne situation politique des Pays-Bas est alors rétablie. Une nouvelle offensive française, couronnée par la victoire de Fleurus (26 juin 1794), permet l’année suivante à la France de réoccuper les Pays-Bas autrichiens. Le 1er octobre 1795, la Convention vote le décret officiel de réunion à la France des Pays-Bas autrichiens. Par ailleurs, indignés du deuxième partage de leur pays survenu en janvier 1793, les Polonais s’étaient en vain soulevés en mai 1794 à l’appel de Kosciuzsko ; la Russie et la Prusse avaient écrasé le soulèvement. Au traité de Saint-Pétersbourg du 24 octobre 1795, la Pologne disparaît, partagée entre l’Autriche, la Prusse et la Russie. L’Autriche annexe 47 000 km2 et 1 100 000 habitants, ainsi répartis : – le reliquat septentrional de Petite Pologne (rive gauche de la Vistule), à savoir la moitié septentrionale du palatinat de Cracovie (au nord de la Vistule) et les deux tiers septentrionaux de celui de Sandomir (au nord de la Vistule) ; – le reliquat septentrional de Russie Rouge, à savoir le palatinat de Lublin et la moitié occidentale de celui de Cholm ; – les parties situées rive gauche du Boug des palatinats de Masovie, de Podlachie et de Brest-Litovsk. L’ensemble est regroupé sous le nom de Galicie occidentale (en fait septentrionale), nouvelle province autrichienne comportant les villes de Cracovie (chef-lieu) et de Lublin. Les Français ayant décidé, au printemps de 1796, une offensive contre l’Autriche, deux armées sont envoyées par l’Allemagne et une par l’Italie, cette dernière commandée par le général Bonaparte. Au terme de deux années de campagne, celui-ci est vainqueur des Autrichiens ; la paix est rétablie le 18 octobre 1797 par le traité de Campo-Formio. Entre-temps, la république de Venise a été abattue (mai 1797) par Bonaparte, qui s’est entendu avec l’Autriche pour s’en partager les dépouilles. Cette politique personnelle italienne de Bonaparte ne répond pas pleinement aux vœux du Directoire, qui aurait préféré moins de conquêtes en Italie et en Orient et une cession formelle de la rive gauche du Rhin. Mais devant la popularité du général victorieux, le gouvernement de Paris est contraint de s’incliner et entérine les dispositions du traité. L’Autriche cède : – à la France, les Pays-Bas autrichiens ; – à la République cisalpine, les duchés de Milan et de Mantoue ; – au duc de Modène, avec rétroversion en secundogéniture à l’Autriche à sa mort, le landgraviat de Brisgau et les quatre villes forestières du Rhin (Rheinfelden, Sæckingen, Laufenbourg, Waldshut). Par clauses secrètes, l’Autriche renonce en faveur de la France au comté de Falkenstein et reconnaît à la France le droit d’annexer l’ensemble de la rive gauche allemande du Rhin, sous réserve d’une confirmation par un congrès qui rassemblerait l’ensemble des États allemands. En contrepartie, l’Autriche annexe la ville de Venise, la Vénétie de terre ferme à l’est de l’Adige (hormis l’immédiate rive gauche du fleuve), le petit comté de Monfalcone, l’Istrie vénitienne, la Dalmatie et ses îles, et les bouches de Cattaro (Albanie vénitienne). Le gain de l’Autriche (40 000 km2 et 3 millions d’habitants) équilibre à peu près ses pertes, Bonaparte ayant recherché une entente avec elle en vue de l’avenir.
3. De 1797 à la proclamation de l’empire d’Autriche (1804) La paix de Campo-Formio n’a été qu’une trêve. La guerre avec la France reprend dès mars 1799, les forces coalisées austro-russes conquérant la péninsule italienne jusqu’alors soumise à la domination française. La résistance française en Suisse (septembre 1799), la prise du
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Les États existants pouvoir par Bonaparte (novembre 1799), sa campagne d’Italie du printemps 1800 et la victoire d’Hohenlinden (décembre 1800) permettent à la France de reconquérir le terrain perdu. Le 9 février 1801, la paix est rétablie entre la France et l’Autriche par le traité de Lunéville. Par ce traité, l’Autriche : – cède à la France, de façon officielle, le comté de Falkenstein, au Palatinat ; – cède à la France, en vue de rétrocession ultérieure à la République helvétique, le territoire du Frickthal, sur rive gauche du Rhin en amont de Bâle, et les deux villes forestières de rive gauche (Laufenbourg, Rheinfelden), l’ensemble de ces territoires étant prélevés sur la future secundogéniture de Brisgau, appartenant à cette époque au duc de Modène ; – cède à la République cisalpine Vérone et son proche territoire sur rive gauche de l’Adige, ainsi que la Polésine, ancienne région vénitienne comprise entre les cours inférieurs de l’Adige et du Pô ; – renonce à sa secundogéniture du grand-duché de Toscane au profit de la maison de Bourbon-Parme, étant stipulé qu’au retour de la paix en Allemagne le grand-duc Ferdinand III (frère de l’empereur) recevra une compensation à Salzbourg, et renonce, aux mêmes conditions, aux deux tiers occidentaux de l’île d’Elbe (Porto-Ferraïo), dont elle dépossède le prince de Piombino, vassal pour ce domaine de sa secundogéniture de Toscane. Plus grave encore sur le plan des principes, l’empereur, qui aurait dû se porter garant de l’intégrité du Saint Empire, admet par clause secrète le principe de la cession à la France de la rive gauche du Rhin. Il ouvre ainsi la voie à un vaste bouleversement du corps germanique, les princes héréditaires possessionnés sur la rive gauche devant être indemnisés de leurs pertes sur la rive droite dudit Rhin. Dès lors, l’activité des chancelleries se concentre sur le remaniement de grande ampleur qui doit résulter en Allemagne de la nouvelle situation politique. Une convention de Paris (26 décembre 1802), passée entre la France et l’Autriche, règle les dispositions territoriales relatives à l’Autriche dans le cadre de ce remaniement. Elle est ratifiée par le recès principal d’Empire (25 février 1803), qui finalise la réorganisation de l’Allemagne, amputée, au profit de la France, de ses territoires de rive gauche du Rhin. L’Autriche, affaiblie par ses défaites et par les intrigues menées par la France en Allemagne, est la puissance allemande la moins favorisée par les remaniements territoriaux. Pour compenser la cession forcée du Frickthal, le duc de Modène, landgrave du Brisgau, reçoit de l’Autriche l’avouerie d’Ortenau et l’enclave occidentale (Oberndorf) du comté de Hohenberg. En revanche, l’Autriche annexe les territoires ecclésiastiques suivants, dont elle possédait déjà en partie l’avouerie : – l’évêché princier de Trente, qu’elle rattache au comté princier de Tyrol ; – l’évêché princier de Brixen, qu’elle rattache au comté princier de Tyrol, à l’exception de l’enclave de Veldes (Bled) rattachée à son duché de Carniole ; – les enclaves de Waidhofen, d’Innichen et de Lack, provenant de l’évêché de Frisingue, qu’elle rattache respectivement à la Basse-Autriche, au Tyrol et à la Carniole ; – les enclaves salzbourgeoises de Stall, de Sachsenbourg et de Frisach, qu’elle rattache à son duché de Carinthie. Par ailleurs, un électorat de Salzbourg (voir chapitre Allemagne) est créé au profit du grand-duc Ferdinand III de Toscane, frère de l’empereur, sous le statut de secundogéniture de la maison d’Autriche. Enfin, l’archiduc Charles reste grand maître de l’Ordre teutonique, l’une des trois seules souverainetés ecclésiastiques (avec l’archevêché de Mayence et l’ordre de Malte) conservées en Allemagne par le recès d’Empire. En effet, l’empereur a été déçu dans ses espoirs de sauver les trois électorats ecclésiastiques (Mayence, Cologne, Trèves), ses alliés naturels sur les bords du Rhin, qui, par leur confession catholique, assuraient traditionnellement à la maison d’Autriche une majorité religieuse au collège électoral de l’Empire. Seul Mayence a pu être sauvegardé et la majorité du collège électoral est devenue protestante, compromettant pour l’avenir le maintien des Habsbourg sur le trône impérial.
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Autriche Enfin, le recès porte de 100 à 131 le nombre de voix du collège des princes de la diète de Ratisbonne, par suppression de 18 voix caduques et création de 49 nouvelles voix. Le nombre de voix dont y dispose la maison d’Autriche passe de deux à sept, par suppression de la voix de Bourgogne, attribution des deux voix ecclésiastiques de Trente et de Brixen, et création de quatre nouvelles voix (Tyrol, Styrie, Carinthie, Carniole). Toujours en 1803, à la mort du duc Hercule III d’Este, sa fille Marie-Béatrice et son petitfils François IV d’Autriche-Este lui succèdent dans la possession du Brisgau et de l’Ortenau, qui deviennent alors une nouvelle secundogéniture de la maison d’Autriche. Depuis le recès, l’empereur François II mène une politique active d’accroissement de ses domaines dans le sud de l’Allemagne ; il souhaite ainsi consolider l’Autriche antérieure, en prévision des bouleversements à venir. Dans ce cadre, l’Autriche en 1804 : – achète au prince d’Orange-Nassau la prévôté de Saint-Gérold, attribuée à ce dernier au recès, et l’incorpore au Vorarlberg dans lequel celle-ci était enclavée ; – achète au prince de Dietrichstein la seigneurie de Neu-Ravensbourg, attribuée à ce dernier au recès ; – achète au comte de Sternberg le comté de Weissenau, ancienne abbaye attribuée à ce dernier au recès ; – achète à ses possesseurs le comté de Kœnigsegg-Rothenfels ; – échange, contre des domaines non souverains en Bohême, avec le prince de Bretzenheim la principauté de Lindau (anciennes ville libre et abbaye réunies), attribuée à ce dernier au recès. Hormis la prévôté de Saint-Gérold, ces acquisitions sont rattachées à l’Autriche antérieure. Le 11 août 1804, l’empereur romain germanique François II prend, pour ses propres États, le titre d’empereur François Ier d’Autriche, souverain héréditaire. Cette décision solennelle est motivée par deux raisons principales : – la crainte de voir la couronne impériale germanique échapper à sa famille, du fait du renversement de majorité dans le collège électoral (6 voix protestantes pour 4 catholiques) ; – l’émergence, sur la scène internationale, de puissances impériales héréditaires lui faisant concurrence : la Russie depuis la fin du XVIIIe siècle, la France depuis trois mois (18 mai, date du sacre de Napoléon Ier). Bien que les diverses possessions de la maison d’Autriche n’en soient en aucune façon affectées dans leur propre constitution (royaumes, pays héréditaires) ni dans leur appartenance ou non au corps germanique, l’érection du nouvel empire d’Autriche est la première manifestation officielle de leur commune appartenance à un ensemble, l’Autriche, qui n’avait jusqu’alors qu’un caractère officieux. Le nouvel empereur d’Autriche conserve toutefois son titre et sa dignité d’empereur élu du Saint Empire.
IV. De 1804 à l’apogée de l’Autriche (1815) 1. De 1804 à la fin du Saint Empire (1806) Le parti de la guerre l’ayant emporté en Autriche dès août 1805, cette dernière a formé avec la Grande-Bretagne et la Russie une troisième coalition axée contre la France. La défaite des forces austro-russes à Austerlitz (2 décembre 1805) contraint l’Autriche à demander la paix. Celle-ci est signée le 26 décembre à Presbourg et se révèle sévère pour l’Autriche. L’Autriche cède : – au royaume d’Italie, ses acquisitions de Campo-Formio et de Lunéville, à savoir la Vénétie à l’est de l’Adige, l’Istrie vénitienne, la Dalmatie et ses îles, les bouches de Cattaro ; – à la Bavière : – le Tyrol entier, à savoir le comté princier de Tyrol, les anciens évêchés de Trente et de Brixen et le Zillerthal salzbourgeois, à la seule exception de la vallée de Windisch Matrei (conservée par l’Autriche) ;
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Les États existants – le Vorarlberg entier, à savoir les sept seigneuries du Vorarlberg (Montfort, Feldkirch, Bludenz, Sonnenberg, Bregenz, Hoheneck, Dornbirn), le comté de Hohenems et l’ancienne prévôté de Saint-Gérold ; seule la baronnie de Rhæzuns (Grisons) est conservée ; – une partie de la Souabe autrichienne, à savoir le margraviat de Burgau et ses dépendances (hormis le territoire d’Ehingen-sur-le-Danube), le comté de Kœnigsegg-Rothenfels, les seigneuries de Tettnang et de Langenargen, la principauté de Lindau ; – au Wurtemberg : – les « cinq villes du Danube » (Munderkingen, Riedlingen, Mengen, Saulgau, Waldsee) et la part occidentale (Ehingen-sur-le-Danube) du margraviat de Burgau ; – l’avouerie d’Altdorf, ou « de Ravensbourg » (à l’exception de la ville de Constance qui en dépendait) et la seigneurie de Neu-Ravensbourg ; – le comté de Weissenau ; – le comté de Hohenberg et le landgraviat de Nellembourg ; – à Bade, la ville de Constance. En contrepartie, l’Autriche reçoit la majeure partie de l’électorat de Salzbourg : Salzbourg, Berchtesgaden, vallée tyrolienne de Windisch Matrei, ces territoires étant constitués en duché de Salzbourg, nouvelle province de l’empire. Malgré tout, l’Autriche y perd 65 000 km2 et 3 millions d’habitants. Par ailleurs, l’électeur de Salzbourg (ancien grand-duc Ferdinand III de Toscane) est transféré à Wurtzbourg, la Bavière lui cédant l’ancien évêché érigé en électorat, et qui devient secundogéniture de la maison d’Autriche. La secundogéniture du Brisgau disparaît, partagée entre le grand-duché de Bade et le Wurtemberg. La maison d’Autriche-Este n’en est pas indemnisée. Enfin, l’archiduc Antoine devient grand maître héréditaire de l’Ordre teutonique (État désormais sécularisé), avec souveraineté sur Mergentheim-sur-la-Tauber et sur les autres possessions de l’Ordre. La défaite autrichienne a permis à l’empereur Napoléon de réorganiser l’Allemagne moyenne de façon à la soustraire aux influences autrichienne et prussienne. À cet effet a été créée (12 juillet 1806) la Confédération du Rhin, placée sous sa protection, regroupant 16 États de l’Allemagne, lesquels ont déclaré le 1er août à la diète de Ratisbonne qu’ils ne reconnaissaient plus le Saint Empire. Prenant acte de cette défection majeure, le 6 août, l’empereur François II se déclare délié de ses obligations envers le corps germanique et dissout le Saint Empire. Le nouvel empire d’Autriche se trouve, de ce fait, totalement souverain.
2. De 1806 à la paix de Schœnbrunn (1809) Le territoire de Trieste, resté autrichien à Presbourg, entravait les relations terrestres entre Vénétie et Istrie. Le 10 octobre 1807, par l’acte explicatif de Fontainebleau, l’Autriche cède au royaume d’Italie la rive droite de l’Isonzo (comtés de Goritz et de Gradisca), en échange du petit comté de Monfalcone, ce qui a pour effet de réduire l’importance du hiatus de Trieste. Tentant de profiter des embarras de la France en Espagne, l’Autriche rouvre les hostilités au début de 1809. Le surlendemain de sa victoire d’Eckmuhl (22 avril 1809), Napoléon signe le décret de Ratisbonne (24 avril) par lequel il supprime la souveraineté de l’Ordre teutonique dans la Confédération du Rhin, Ordre dont l’archiduc Antoine était devenu grand maître à Presbourg. Les biens de l’Ordre sont annexés par les divers membres de la Confédération. À la suite de sa victoire de Wagram (6 juillet), l’empereur Napoléon impose à l’Autriche des conditions de paix désastreuses pour cette dernière, au traité de Schœnbrunn (ou de Vienne) du 14 octobre 1809. L’Autriche cède : – à la France le reliquat du comté de Goritz, le comté de Monfalcone, Trieste, le margraviat d’Istrie, la Carniole, la moitié occidentale de la Carinthie (cercle de
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Autriche Villach) et la part de rive droite de la Save du royaume de Croatie ; ces provinces sont aussitôt érigées, avec les provinces « dalmates avoisinantes » (Istrie, Dalmatie, Raguse, Cattaro), en Provinces Illyriennes de l’Empire français ; – à la France, en vue de rétrocession ultérieure à la Bavière, le Quartier de l’Inn (Innviertel), la moitié occidentale de l’Hausruckviertel et le duché de Salzbourg (Salzbourg, Berchtesgaden, Windisch Matrei) ; – à Napoléon, à titre de pays réservé, la baronnie de Rhæzuns, enclavée dans les Grisons ; – au grand-duché de Varsovie sa province de Galicie occidentale (ou septentrionale), acquise en 1795, ainsi que le district de Zamocz, provenant de la Galicie annexée en 1772. Par ailleurs, l’Autriche reconnaît la disparition de l’Ordre teutonique et promet de livrer un territoire de 400 000 âmes à la Russie, pour la dédommager de ses frais militaires.
3. De 1809 au rétablissement de la puissance autrichienne (1815) En application de la promesse faite à Schœnbrunn, par le traité de Lemberg du 19 mars 1810, l’Autriche cède à la Russie le cercle de Tarnopol et quelques districts avoisinants, prélevés sur son royaume de Galicie et Lodomérie. L’Autriche vient au total de perdre 110 000 km2 et 3,5 millions d’habitants. Elle est ramenée à une superficie de 512 000 km2, pour 21 millions d’habitants. Elle a perdu sa façade maritime. Depuis sa défaite de 1809, l’Autriche est entraînée dans l’alliance française (mariage de Napoléon avec l’archiduchesse Marie-Louise). Les revers de la France dans la campagne de Russie incitent l’Autriche à se rapprocher graduellement des ennemis de Napoléon. Le 27 juin 1813, la Russie, la Prusse et l’Autriche font alliance secrète (convention de Reichenbach), sous réserve qu’échoue la médiation officielle proposée par l’Autriche aux belligérants. Le congrès de Prague ayant échoué, le 12 août 1813 l’Autriche reprend les hostilités contre la France. Elle se voit promettre par ses alliés une restauration territoriale au niveau le plus proche possible de celui de 1805. L’empereur des Français ayant été vaincu en avril 1814, la France est ramenée dans ses limites de 1792 par le traité de Paris du 30 mai. Il importe donc de remodeler l’Europe de façon durable, les vainqueurs souhaitant s’assurer pour eux-mêmes de fortes positions, tout en accédant dans une certaine mesure aux droits historiques des souverains dépossédés par la Révolution française ou par l’Empire, sans toutefois aller jusqu’à restaurer intégralement l’ancienne situation territoriale morcelée de l’Allemagne. Pour sa part, l’Autriche entend profiter des circonstances pour rendre plus homogène sa composition territoriale, tout en conservant son influence en Allemagne comme en Italie. Parmi les territoires anciennement ou récemment autrichiens qu’elle a dû céder à la France, les anciens Pays-Bas autrichiens, trop excentrés et isolés de l’empire, doivent être sacrifiés ; la Galicie occidentale sera abandonnée à la Russie. En revanche, l’héritage de Venise (Vénétie, Istrie, Dalmatie, Cattaro) et celui de Raguse sont revendiqués comme devant constituer tout à la fois une façade maritime plus importante que les anciens littoraux de Trieste et de Fiume, mais également une voie d’accès directe à l’Italie, où l’Autriche revendique la restitution de Milan et de Mantoue. Les États héréditaires qui ont dû être cédés (Carniole, Carinthie, Tyrol, Vorarlberg) sont aussi revendiqués, à l’exception de ceux de l’Autriche antérieure, qui sont abandonnés à la Bavière, au Wurtemberg et à Bade. Le Brisgau constitue un cas particulier, ses habitants très loyalistes réclamant leur retour à l’Autriche, appuyés par les politiques (Metternich) qui voient dans ce retour la possibilité pour l’Autriche de rester présente au cœur de l’Allemagne moyenne ; mais les militaires, qui considèrent le Brisgau indéfendable en cas de conflit, ont gagné l’empereur à leurs vues ; cette province sera donc sacrifiée au profit de Salzbourg. En gage de la future redistribution des territoires, au lendemain du traité de Paris, le 31 mai 1814, l’Autriche se voit attribuer la possession provisoire de la rive gauche
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Les États existants allemande du Rhin, au sud de la Moselle (la partie septentrionale, au nord de la Moselle, étant provisoirement confiée à la Prusse), ainsi que des principautés d’Isembourg-Birstein et de La Leyen et de certaines parties de l’ancien grand-duché de Francfort (Aschaffenbourg, Wetzlar). Au traité de Paris du 3 juin 1814, conclu entre l’Autriche et la Bavière, les dispositions suivantes sont adoptées : – la Bavière cède immédiatement à l’Autriche le Tyrol bavarois et le Vorarlberg, hormis pour ce dernier la seigneurie de Hoheneck qui assurera à la Bavière un débouché sur Lindau et le lac de Constance ; en échange, l’Autriche cède immédiatement à la Bavière le grand-duché de Wurtzbourg (abandonné par son grand-duc retournant régner en Toscane) et la principauté d’Aschaffenbourg (provenant du grand-duché de Francfort démantelé et, anciennement, de l’électorat de Mayence), hormis le district d’Orb, ancienne dépendance d’Aschaffenbourg enclavée dans le Hanau et dont le sort demeure en suspens ; – la rétrocession de Salzbourg, de Berchtesgaden, de l’Innviertel et de l’Hausruckviertel est renvoyée au congrès de Vienne, en attente de compensations à accorder à la Bavière. Le congrès de Vienne lui ayant abandonné l’Italie du Nord-Est, par lettres patentes du 7 avril 1815, l’empereur d’Autriche rattache à ses États les provinces d’empire (Tessin, Trieste, Goritz et Gradisca, margraviat d’Istrie) et constitue le restant (Milanais, Mantouan, Valteline, Lombardie anciennement vénitienne, Vénétie, fragment des anciennes Légations situé au nord du Pô) en royaume Lombard-Vénitien, capitale Milan, dont il devient le souverain. Par traité de Vienne du 3 mai 1815, conclu entre la Russie et l’Autriche, l’Autriche recouvre les quelques districts de Galicie ancienne et le cercle de Tarnopol qu’elle avait dû céder en mars 1810. Elle renonce à la Galicie occidentale. Par l’acte fédéral du 8 juin 1815 est créée la Confédération germanique, qui succède au défunt Saint Empire, et dont la présidence est attribuée à l’empereur d’Autriche. L’Autriche en fait partie pour ses provinces « d’Empire » : Autriche, Salzbourg, Tyrol et Vorarlberg, Styrie, Carinthie, Carniole, Goritz, Trieste et Istrie autrichienne, Bohême, Moravie et Silésie autrichienne. Aux assemblées plénières de la diète de Francfort, l’Autriche disposera de quatre voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), l’Autriche disposera d’une voix. Par ailleurs, sur un plan territorial, par l’acte final du congrès de Vienne du 9 juin 1815, l’Autriche : – recouvre la majeure partie des États héréditaires perdus : comté de Goritz et de Gradisca, Trieste, margraviat d’Istrie, Carniole, moitié occidentale de la Carinthie, part de rive droite de Save du royaume de Croatie, Milanais, Mantouan ; elle renonce définitivement à l’Autriche antérieure (Brisgau, Ortenau, Burgau, etc.) et aux Pays-Bas autrichiens ; – se voit attribuer le Tyrol italien (Trente et Botzen) provenant du royaume d’Italie ; elle abandonne à la Suisse la baronnie de Rhæzuns ; – se voit attribuer l’héritage de Venise (Vénétie, Monfalcone, Istrie vénitienne, Dalmatie, Cattaro), à l’exception des îles Ioniennes, ainsi que celui de Raguse ; – se voit confirmer la possession provisoire des territoires vacants suivants : cercles de Spire, de Deux-Ponts et de Kaiserslautern, canton de Kircheim-Bolanden du cercle d’Alzey, cantons de Waldenohr et de Blieskastel du cercle d’Ottweiler, canton de Kersel du cercle de Birkenfeld, principautés d’Isembourg-Birstein et de La Leyen (Hohengeroldseck). En revanche, la rétrocession de Salzbourg, de Berchtesgaden, de l’Innviertel et de l’Hausruckviertel reste suspendue, en attente de compensations à attribuer à la Bavière. Par traité du 10 juin 1815 passé avec la Hesse-Darmstadt, l’Autriche lui cède la part méridionale (Offenbach) et la moitié de la part septentrionale (Budingen) de la principauté d’Isembourg-Birstein. Par ailleurs, l’Autriche cède à la Hesse-Cassel la moitié de la part septentrionale (Birstein, Wæchterbach, Meerholz) de la principauté d’Isembourg-Birstein.
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Autriche V. De 1815 à la transformation en Autriche-Hongrie (1867) 1. De 1815 aux révolutions de 1848 La période 1816-1819 voit l’Autriche apurer les derniers contentieux territoriaux qui n’avaient pu être réglés à Vienne. Dans ce cadre, le 14 avril 1816, l’Autriche signe avec la Bavière le traité de Munich, par lequel : – l’Autriche cède à la Bavière les territoires vacants de rive gauche du Rhin, provisoirement attribués à elle-même, à savoir le Palatinat du Rhin entre frontière française, ligne Bingen-Sarrebruck et frontière de la Hesse-Darmstadt (cercles de Spire, de DeuxPonts et de Kaiserslautern, canton de Kircheim-Bolanden du cercle d’Alzey, cantons de Waldenohr et de Blieskastel du cercle d’Ottweiler, canton de Kersel du cercle de Birkenfeld) ; elle s’engage par ailleurs à obtenir pour la Bavière un accroissement sur la rive droite, prélevé sur Bade et sur la Hesse-Darmstadt ; – la Bavière cède à l’Autriche l’Innviertel et l’Hausruckviertel, ainsi que le duché de Salzbourg, à l’exception pour ce dernier du Flachgau (bande de territoire salzbourgeois située en aval de Salzbourg sur la rive gauche de la Salzach) que la Bavière se conserve. Berchtesgaden n’ayant pas été nommément cité dans la liste des renonciations bavaroises de la convention de juin 1814, la Bavière en profite pour conserver Berchtesgaden, qui formera un saillant dans le Salzbourg autrichien. En août 1816, un rescrit impérial réorganise les domaines de l’empire d’Autriche, désormais regroupés en 15 gouvernements (dont 2 pour le Lombard-Vénitien) ainsi répartis : I. PAYS DE LA CONFÉDÉRATION GERMANIQUE dits « pays allemands » (8 gouvernements) 1) Basse-Autriche (5 cercles) : capitanat de Vienne, cercle inférieur du Wienerwald (Traiskirchen), cercle supérieur du Wienerwald (Saint-Pœlten), cercle inférieur du Manhartsberg (Korneubourg), cercle supérieur du Manhartsberg (Krems) 2) Haute-Autriche (5 cercles) : Muhl (Linz), Inn (Ried), Hausruck (Wels), Traun (Steyer), Salzbourg (Salzbourg) 3) Tyrol (7 cercles) : Bas-Innthal (Innsbruck), Haut-Innthal (Imst), Pusterthal (Bruneck), Etsch ou Adige (Botzen), Trente (Trente), Roveredo (Roveredo), Vorarlberg (Bregenz) 4) Styrie (5 cercles) : Graz, Marbourg, Cilly, Judenbourg, Bruck ROYAUME D’ILLYRIE (2 gouvernements) 5) Laybach (5 cercles) : Laybach, Adelsberg, Neustadt, Villach, Klagenfurt 6) Trieste (3 cercles) : Trieste, Goritz, Istrie (Mitterbourg) COURONNE DE BOHÊME (2 gouvernements) (détail, voir chapitre Tchéquie) 7) Royaume de Bohême (17 cercles) 8) Moravie-et-Silésie (8 cercles) II. PAYS HORS DE LA CONFÉDÉRATION GERMANIQUE (7 gouvernements) 9) Royaume de Galicie (19 cercles) (détail, voir chapitre Pologne) 10) Royaume de Hongrie (4 cercles + royaume de Croatie-Slavonie) (détail, voir chapitre Hongrie) 11) Transylvanie (3 pays) (détail, voir chapitre Hongrie) 12) Confins militaires (6 généralats) (détail, voir chapitre Hongrie) 13) Royaume de Dalmatie (4 cercles) (détail, voir encadré Dalmatie, dans Croatie) ROYAUME LOMBARD-VÉNITIEN (2 gouvernements) (détail, voir chapitre Italie) 14) Milan (9 délégations) 15) Venise (8 délégations)
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Les États existants L’ensemble représente un territoire de 668 000 km2 regroupant de l’ordre de 28 millions d’habitants. Par le protocole du 6 avril 1818, l’Autriche fait entrer dans la Confédération germanique ses duchés polonais d’Auschwitz et de Zator, provenant de son royaume de Galicie. Au recès général de Francfort du 20 juillet 1819, qui met un point final aux dernières tractations territoriales, l’Autriche : – cède à Bade le Hohengeroldseck (principauté de La Leyen) et en reçoit le demibailliage de Steinfeld (provenant de l’ancien comté de Wertheim) ; – cède à la Bavière ledit demi-balliage de Steinfeld, ainsi que l’enclave bohémienne de Redwitz, en Franconie ; – cède à la Prusse la ville de Wetzlar. La période allant de 1815 à 1848 (Vormärz, « avant-mars » 1848) est la dernière période d’hégémonie de l’Autriche en Europe. Présidente de la Confédération germanique, elle domine une Allemagne toujours divisée où la Prusse se relève seulement des désastres de l’époque napoléonienne et doit donc provisoirement tempérer ses ambitions. En Italie, par sa présence dans le Lombard-Vénitien, et indirectement à Parme, Modène et en Toscane, par ses alliances avec les Bourbons et le pape, elle règne aussi en maître. En Europe, d’une façon plus générale, elle participe activement à la Sainte-Alliance, qui réunit les puissances opposées à toute évolution, et agit efficacement pour étouffer toute velléité de manifestation d’ordre nationaliste ou patriotique, dans quelque pays que ce soit. En 1815, lors du quatrième partage de la Pologne, seule avait été sauvegardée du partage la ville de Cracovie et ses alentours, érigés en république de Cracovie sous la protection des puissances. À la suite de troubles en Galicie, d’entente avec les autres puissances protectrices (Prusse, Russie), l’Autriche annexe, le 6 novembre 1846, la république de Cracovie (1 300 km2) et l’incorpore à son gouvernement de Galicie.
2. De 1848 au Compromis de 1867 De mars à mai 1848, réagissant aux événements de France, les pays de la couronne autrichienne sont le théâtre de soulèvements populaires en Autriche, en Bohême, en Hongrie et dans le Lombard-Vénitien. Ces révolutions sont laborieusement vaincues par le pouvoir. La Constitution du 4 mars 1849, élaborée par le prince Schwarzenberg pour l’ensemble de l’empire d’Autriche, institue une centralisation administrative (« système Bach ») s’exerçant au travers de 21 « pays de la couronne » uniformes. Cette réforme a pour effet de priver la Hongrie vaincue de ses dépendances et de récompenser en revanche le loyalisme de certaines minorités (Salzbourg, Bucovine, Croatie, Banat). Les 21 pays sont les suivants : Autriche au-dessous de l’Enns (Vienne), Autriche au-dessus de l’Enns (Linz), Salzbourg, Styrie (Graz), Carinthie (Klagenfurt), Carniole (Laybach), Littoral (Trieste), Tyrol-et-Vorarlberg (Innsbruck), Bohême (Prague), Moravie (Brunn), Silésie (Troppau), Croatie-Slavonie (Agram), Voïvodine-serbe-et-Banat-de-Temesvar (Carlowitz), Transylvanie (Klausenbourg), Galicie (Lemberg), Bucovine (Czernowitz), Dalmatie (Zara), Hongrie (Bude), Confins militaires (Carlstadt), Lombardie (Milan), Vénétie (Venise). Au début de 1859, le roi de Sardaigne, appuyé par la France, a repris le flambeau de l’unité italienne ; une guerre s’en est ensuivie avec l’Autriche. À la suite des victoires franco-sardes de Magenta et de Solférino (juin 1859), le traité de Zurich (10 novembre 1859) stipule la cession de la Lombardie par l’Autriche à la Sardaigne, la ligne de cession étant fixée au Mincio. Le royaume Lombard-Vénitien est dès lors limité à la seule Vénétie. L’Autriche perd de ce fait 20 000 km2 et de l’ordre de 2,5 millions d’habitants. Dans le cadre de la nouvelle politique de décentralisation interne mise en œuvre par Vienne, par le diplôme d’octobre 1860, l’empereur François-Joseph rétablit les anciennes constitutions de ses provinces.
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Autriche Dans cette perspective, la Voïvodine-serbe-et-Banat-de-Temesvar est dissoute, absorbée par la Hongrie et la Croatie-Slavonie. Au nord-ouest de l’Allemagne, les duchés de Schleswig, de Holstein et de Lauenbourg appartenaient au roi de Danemark, mais avec un statut spécial les distinguant du royaume proprement dit ; le Schleswig et le Holstein étaient réputés indissolublement unis ; par ailleurs, le Holstein et le Lauenbourg faisaient partie de la Confédération germanique (voir chapitre Danemark). En novembre 1863, à la mort du roi Frédéric VII, le nouveau roi Christian IX, de Glucksbourg, avait hérité du Danemark, mais les trois duchés danois, en vertu de la loi salique, étaient reconnus par la Confédération germanique comme devant échoir au duc d’Augustenbourg. En février 1864, la Prusse et l’Autriche avaient occupé les duchés et vaincu les armées danoises. Par le traité de Vienne du 30 octobre 1864, le Danemark cède au condominium de la Prusse et de l’Autriche les trois duchés de Schleswig, de Holstein et de Lauenbourg. Par la convention de Gastein du 14 août 1865, l’Autriche et la Prusse se répartissent l’administration de leur condominium. En premier lieu, moyennant compensation financière, l’Autriche cède le duché de Lauenbourg en pleine propriété à la Prusse. Les deux autres duchés demeurent sous condominium, la Prusse administrant le Schleswig et l’Autriche le Holstein. À la suite de la rupture de l’entente austro-prussienne sur les duchés, une guerre éclate le 7 juin 1866 entre l’Autriche, d’une part, la Prusse et l’Italie d’autre part, dans laquelle l’Autriche est vaincue à Sadowa (3 juillet). Un traité de paix est signé à Prague, le 23 août 1866, entre l’Autriche et la Prusse. Par ce traité, l’Autriche : – accepte la dissolution de la Confédération germanique, et son exclusion politique du monde allemand ; – cède en toute propriété à la Prusse les duchés de Schleswig et de Holstein ; – cède à l’Italie la Vénétie, partie résiduelle du Lombard-Vénitien. La perte de la Vénétie représente une diminution de 25 000 km2 et de 2,5 millions d’habitants. L’Autriche est ramenée à un ensemble de 624 000 km2 et de 36 millions d’âmes. Pis encore, l’Autriche vient de se faire brutalement évincer de la direction politique de l’Allemagne par la Prusse de Bismarck. Privée de son rôle multiséculaire, elle va désormais devoir se résigner à n’être plus qu’une puissance comme les autres, et à tourner ses regards vers l’est de l’Europe. La patente impériale de février 1861 avait institué à Vienne un parlement fédéral où la Hongrie (comme la Bohême) refusait de déléguer des députés, affaiblissant la représentativité de cette assemblée. Les événements de 1866, qui avaient évincé l’Autriche d’Allemagne, obligeaient le pouvoir autrichien à recentrer son action sur l’espace danubien, et donc à s’entendre durablement avec la Hongrie. Dans cette perspective, le Compromis austro-hongrois du 18 juin 1867 constitue un accord fondamental passé entre la maison d’Autriche et la Hongrie. Le royaume de Hongrie, qui recouvre ses dépendances de Transylvanie et de CroatieSlavonie, devient un État semi-indépendant, lié à l’Autriche par une union personnelle, l’empereur d’Autriche étant roi de Hongrie, et par trois ministères communs (Affaires étrangères, Armées, Finances). De ce fait, l’Autriche proprement dite (Cisleithanie) se trouve ramenée à une superficie de 300 000 km2, pour une population de 20,4 millions d’habitants. Elle est constituée des 14 pays « représentés au parlement de Vienne », à savoir : Basse-Autriche (Vienne), Haute-Autriche (Linz), Salzbourg, Styrie (Graz), Carinthie (Klagenfurt), Carniole (Laybach), Littoral (Trieste), Tyrol (Innsbruck), Bohême (Prague), Moravie (Brunn), Silésie (Troppau), Galicie (Lemberg), Bucovine (Czernowitz), Dalmatie (Zara).
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Les États existants VI. De 1867 à l’éclatement de l’Autriche-Hongrie (1918/1919) 1. De 1867 à l’annexion de la Bosnie-Herzégovine (1908) L’Autriche-Hongrie cherche à étendre son influence dans les Balkans et convoite la BosnieHerzégovine, dont la maîtrise lui ouvrirait la voie vers Salonique, tout en empêchant la jonction de la Serbie et du Monténégro. À l’entrevue de Reichstadt (juillet 1876), les empereurs d’Autriche et de Russie s’entendent sur un partage des Balkans, dans lequel l’Autriche doit recevoir la Bosnie-Herzégovine. Une guerre turco-serbe entraîne l’intervention victorieuse (décembre 1877) de la Russie. Cette dernière impose (3 mars 1878) à la Turquie le traité de San Stefano, créant une grande Bulgarie sous influence russe et ne mentionnant pas la Bosnie-Herzégovine. Le traité de San Stefano rompant, aux yeux de l’Angleterre et de l’Autriche-Hongrie, l’équilibre balkanique, le chancelier Bismarck réunit à Berlin un congrès des puissances qui impose un nouveau traité le 13 juillet. Par ce traité de Berlin, l’Autriche : – reçoit de la Turquie le port de Spizza, sur l’Adriatique, qu’elle rattache à sa province de Dalmatie ; – se voit attribuer le droit d’occuper militairement le sandjak de Novi Bazar ; – se voit attribuer l’administration civile et l’occupation militaire de la BosnieHerzégovine, qui reste toutefois juridiquement turque. Certains milieux de Vienne souhaitaient annexer définitivement la Bosnie-Herzégovine à l’Empire austro-hongrois, mais on n’osait en faire l’affront aux Obrénovitch, rois de Serbie, qui considéraient la Bosnie comme sœur de la Serbie, tout en menant une politique austrophile. Leur brutal remplacement en 1903 par les Karageorgevitch, tournés vers la Russie, levait tout scrupule à cet égard ; l’annexion de la Bosnie-Herzégovine apparaissait, de plus, comme une compensation à la perte d’influence en Serbie, et elle permettrait à l’Autriche de créer une ligne de chemin de fer vers Salonique, en s’affranchissant du réseau serbe. La révolution jeune-turque, intervenue durant l’été de 1908, prévoyait la convocation à Constantinople d’un parlement ottoman, où les Bosniaques seraient appelés à siéger ; cet événement précipite le dénouement de l’affaire. Au lendemain du 5 octobre, où le prince Ferdinand vient de proclamer l’indépendance de la Bulgarie, le gouvernement austro-hongrois décrète le 6 octobre 1908 : – l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche-Hongrie, moyennant compensation financière à la Porte ; – la restitution, libre de toute occupation militaire, du sandjak de Novi Bazar à la Turquie. La Bosnie-Herzégovine devient condominium de l’Autriche et de la Hongrie ; elle est dotée d’une administration propre, distincte de celles de ces deux pays. Cependant, cette annexion heurte le sentiment des Bosniaques, peuple slave, qui se sentent plus proches des Serbes que du nouveau maître austro-hongrois.
2. De 1908 à l’éclatement de l’Autriche-Hongrie (1919) En 1913, par le traité de Bucarest du 10 août, l’Autriche-Hongrie reçoit de la Turquie l’îlot d’Ada-Kaleh, oublié en 1878 au milieu du Danube, et l’attribue à la Hongrie. Le 28 juin 1914, l’archiduc François Ferdinand et son épouse, en visite officielle en BosnieHerzégovine, sont assassinés à Sarajevo par un Bosniaque, lui-même armé par la Serbie. Cet assassinat va déclencher la Première Guerre mondiale. L’Autriche-Hongrie entre en guerre aux côtés de l’Allemagne, bientôt rejointes par la Turquie, puis par la Bulgarie. Elle doit se battre sur deux fronts — face à la Russie et dans les Balkans — puis, en 1915, un troisième front s’ouvre face à l’Italie. D’une façon générale, les diverses nations qui constituent la double monarchie, et qui sont présentes dans son armée, se battent loyalement pour la cause autrichienne. Mais la durée du conflit, la dureté des conditions de vie et la férocité des combats finissent par venir à bout de la détermination du pays.
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Autriche Le jeune empereur Charles Ier, qui succède en 1916 à François-Joseph au terme d’un règne de soixante-huit ans, tente en vain de négocier le retrait de son pays du conflit. L’Autriche-Hongrie, vaincue, dépose les armes le 3 novembre 1918 à Villa Giusti (Padoue). Au même moment, les minorités d’Autriche, pressentant la fin de l’Empire, s’organisent en vue de l’avenir. Le 18 octobre à Washington, puis le 28 à Prague, Masaryk proclame l’avènement d’un nouvel État, la république de Tchécoslovaquie. Le 21 octobre, les Allemands d’Autriche revendiquent leur droit à l’autodétermination. Le 26 octobre, le Conseil national de Zagreb (Agram), présidé par l’abbé slovène Korosetch, proclame la séparation des territoires slaves du sud de l’Empire d’avec l’AutricheHongrie, en vue de leur adhésion au futur royaume des Slaves du Sud. Le 11 novembre, l’empereur Charles Ier, sans abdiquer, déclare qu’il renonce à participer à la conduite des affaires de l’État. Le 12 novembre, l’Assemblée nationale provisoire d’Autriche proclame la république de l’Autriche allemande (Deutschœsterreich). Le 22 novembre, cette Assemblée nationale proclame que tous les territoires germanophones compacts de l’ancienne Cisleithanie font partie de l’Autriche allemande, elle-même partie intégrante du Reich allemand ; ces territoires sont les suivants : Autriche propre, Tyrol, Vorarlberg, Carinthie, Styrie, pays des Sudètes. Elle revendique en outre les Allemands des comitats occidentaux de Hongrie (Presbourg, Wieselbourg, Œdenbourg, Eisenbourg). Mais les Alliés ont décrété la fin de l’Autriche-Hongrie et décidé de lui appliquer dans toute sa rigueur le principe des nationalités. L’Autriche — comme la Hongrie — sera réduite à la dimension d’un État homogène de taille restreinte, car non seulement les régions nettement allogènes, mais aussi celles à peuplement mélangé devront lui être systématiquement retirées ; de plus, pour satisfaire l’Italie, les Alliés accorderont à cette dernière la frontière du Brenner, faisant ainsi passer dans l’ensemble italien, au mépris du principe des nationalités, le Tyrol méridional, de caractère pourtant nettement allemand. Par le traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919, agissant au nom de l’ancienne Cisleithanie, l’Autriche cède : – à la Roumanie, la Bucovine, à l’exception d’un petit fragment de territoire sur la frontière septentrionale (voir ci-dessous) ; – à la Pologne, la Galicie occidentale ; – à la Tchécoslovaquie, la Bohême, la Moravie et la moitié occidentale de la Silésie autrichienne (Troppau), ainsi que deux fragments de Basse-Autriche, l’un au sud de Znaïm, l’autre à l’ouest de Gmund, pour raisons ferroviaires ; – à l’Italie, le Trentin et le Tyrol méridional, jusqu’à la frontière du Brenner et, audelà du seuil de Toblach, jusqu’à Innichen (San Candido) sur la très haute Drave (y compris la vallée de Sexten), le Kanalthal carinthien, un fragment de Carniole (Weissenfels), la ville de Trieste, le comté de Goritz et de Gradisca ; – au royaume des Serbes, Croates, Slovènes (SCS), le tiers méridional de Styrie (avec Marbourg mais sans Radkersbourg), deux fragments de Carinthie (dont le Miesthal), la Carniole hormis sa partie occidentale, la Dalmatie méridionale et ses îles. De plus, l’Autriche renonce : – à la Galicie orientale, qui est contestée entre la Pologne et l’Ukraine, à laquelle s’ajoute un petit fragment de la Bucovine, sur sa frontière septentrionale, pour y englober l’ensemble du chemin de fer Kolomea-Zalesczyki ; – à la moitié orientale (Teschen) de la Silésie autrichienne, qui est contestée entre la Pologne et la Tchécoslovaquie ; – à l’Istrie, à la part occidentale de Carniole et à la Dalmatie septentrionale, qui sont contestées entre l’Italie et le royaume SCS. Par ailleurs, l’Autriche conserve provisoirement le bassin de Klagenfurt (quart sud-est de la Carinthie), mais un plébiscite doit y être organisé en 1920 pour décider de son sort entre l’Autriche et le royaume SCS.
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Les États existants Enfin, et sous réserve de confirmation ultérieure par le traité à venir entre la Hongrie et les Alliés, l’Autriche reçoit de la Hongrie le « Burgenland », c’est-à-dire les parties occidentales — peuplées majoritairement d’Allemands — des comitats de Wieselbourg (Moson) sans son chef-lieu, d’Œdenbourg (Sopron) avec son chef-lieu, et d’Eisenbourg (Vas) sans son chef-lieu et sans Guns (Koszeg). Le rattachement à l’Allemagne (Anschluss), inscrit dans la Constitution autrichienne, est interdit par les Alliés — sauf à être ultérieurement expressément autorisé par la SDN —, et l’Autriche doit renoncer à son appellation d’Autriche allemande. Elle prend alors le titre de république d’Autriche. L’Autriche est ainsi ramenée à une superficie d’environ 84 000 km2, pour une population de l’ordre de 6 millions d’habitants.
VII. L’Autriche contemporaine (1919 à nos jours) 1. La première république d’Autriche (1919-1938) Le traité de Trianon du 4 juin 1920, passé entre la Hongrie et les Alliés, confirme la cession du Burgenland à l’Autriche. La Constitution du 1er octobre 1920 institue une république fédérale composée de 9 États (lænder) : Vienne, Basse-Autriche (Saint-Pœlten), Haute-Autriche (Linz), Salzbourg, Tyrol (Innsbruck), Vorarlberg (Bregenz), Carinthie (Klagenfurt), Styrie (Graz), Burgenland (Eisenstadt). Pour protester contre la violence qui a été faite à l’Autriche au sujet du Tyrol méridional, les autorités décident le maintien administratif en Tyrol du petit bassin de Lienz (Tyrol oriental), demeuré autrichien mais désormais physiquement séparé de la majeure partie du Tyrol septentrional. Le plébiscite se tient le 10 octobre 1920 dans la première des deux zones définies en Carinthie. Il donne une majorité pour le maintien en Autriche. De ce fait, l’ensemble du bassin de Klagenfurt demeure à l’Autriche. À la suite du traité de Trianon, l’Autriche a pris possession du Burgenland. Lorsque l’armée est entrée à Œdenbourg (Sopron), elle a été attaquée par les habitants, demeurés partisans du maintien en Hongrie. Le 3 octobre 1921, un protocole austro-hongrois décide la remise aux Alliés de la ville et de ses abords immédiats, dans l’attente d’un plébiscite prévu pour les 14 et 15 décembre. En janvier 1922, le plébiscite prévu en décembre 1921 ayant donné une majorité pour le maintien en Hongrie, la ville d’Œdenbourg (Sopron) et huit communes avoisinantes sont détachées du Burgenland autrichien et rendues à la Hongrie.
2. L’incorporation de l’Autriche dans le Reich allemand (1938-1945) Le sentiment d’appartenance à la nation germanique demeurait vivace dans une partie de l’opinion publique autrichienne. Les raisons qui avaient fait exclure l’Autriche du monde allemand en 1866 avaient disparu : rivalité des dynasties de Habsbourg et de Hohenzollern, caractère pluriethnique de l’Autriche d’alors. L’idée d’Anschluss, aspiration majoritaire en Autriche et partagée au début par les socialistes d’Allemagne et d’Autriche, est dès lors reprise par le national-socialisme allemand, qui y voit un atout dans ses visées de restauration du Reich. Dès l’arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne (1933), le pouvoir autrichien et la plupart des partis politiques, par antinazisme, s’opposent à l’idée d’Anschluss. Le chancelier Dollfuss, opposé à la fois aux partis de gauche et au parti nazi autrichien, est assassiné en juillet 1934. En 1938, le chancelier Schuschnigg, pour résister à Hitler, prévoit d’organiser pour le 13 mars un référendum en vue de réaffirmer l’indépendance de l’Autriche. Hitler envahit le pays le 12 et proclame le 13 mars l’union de l’Autriche à l’Allemagne, union entérinée le 10 avril par un plébiscite sous contrôle nazi. L’Autriche devient l’Ostmark (Marche de l’Est), ses divers États, ramenés au nombre de 7, étant ainsi remaniés : – le land de Vienne est largement agrandi ;
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Autriche – la Haute-Autriche et la Basse-Autriche deviennent lænder de Haut-Danube et de BasDanube ; – le Burgenland disparaît, réparti entre Bas-Danube et Styrie ; – la Carinthie s’agrandit du Tyrol oriental (Lienz) ; – le Tyrol s’agrandit du Vorarlberg, lequel disparaît en tant que land ; – le Salzbourg demeure inchangé. En septembre 1938, faisant suite à l’annexion des territoires des Sudètes par le Reich allemand, les lænder de Haut- et de Bas-Danube s’accroissent des territoires sudètes situés au sud du réduit tchèque (Krumau, Znaïm). L’Autriche, désormais incorporée dans le Reich allemand, est entraînée dans le second conflit mondial.
3. La seconde république d’Autriche (1945 à nos jours) En avril 1945, la république d’Autriche est restaurée dans ses limites de 1921. À la conférence de Potsdam qui réunit les vainqueurs de l’Allemagne, il est décidé la division de l’Allemagne et de l’Autriche en zones d’occupation. S’agissant de l’Autriche restaurée, ses 9 lænder sont rétablis dans leurs limites de 19221938. Elle est occupée par les vainqueurs selon la répartition suivante : – occupation française au Tyrol et au Vorarlberg ; – occupation anglaise en Styrie, en Carinthie et au Tyrol oriental ; – occupation américaine au Salzbourg et dans la partie de Haute-Autriche située au sud (rive droite) du Danube ; – occupation soviétique en Basse-Autriche, au Burgenland et dans la partie de HauteAutriche située au nord (rive gauche) du Danube. Le land de Vienne, à l’instar de Berlin, est divisé entre les quatre vainqueurs. L’Autriche, se prétendant victime du nazisme, espérait recouvrer, sur une Italie vaincue, le Tyrol méridional. Les vainqueurs lui refusent cette satisfaction et l’invitent à négocier à ce sujet avec l’Italie. Le 5 septembre 1946, par les accords de Paris (accords Gruber-De Gasperi), l’Autriche obtient un droit de regard sur les affaires du Tyrol méridional, lequel reste italien, mais doté d’une autonomie. En 1954, le land de Vienne est ramené à ses limites d’avant 1938. Le 15 mai 1955, par le traité d’État du Belvédère, les Alliés restituent à l’Autriche la plénitude de sa souveraineté et évacuent le pays (octobre). L’Autriche s’engage à la neutralité. Dès lors, l’Autriche redevient un pays prospère, dans un cadre de grande stabilité politique et de paix sociale. En juillet 1989, elle fait acte de candidature à l’adhésion à la Communauté européenne. Le 1er janvier 1995, l’Autriche devient membre de l’Union européenne. Nationalités et religions de l’Autriche-Hongrie d’après le recensement de 1869 Nationalités
Autriche
Hongrie
Armée
Total
Allemands
7 230 000
1 810 000
140 000
9 180 000 5 506 000
Hongrois
18 000
5 413 000
75 000
11 556 000
4 663 000
225 000 16 444 000
Roumains, Albanais, Grecs
214 000
2 648 000
41 000
Italiens, Frioulans
592 000
2 000
6 000
600 000
Divers (Juifs, …)
742 000
612 000
13 000
1 367 000
Slaves
Total
2 903 000
20 352 000 15 148 000 500 000 36 000 000
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Les États existants Le recensement de 1869 n’a pas pris en compte les nationalités ; les chiffres ci-dessus résultent d’une extrapolation — réputée fiable — faite en 1869 sur la base des résultats du recensement de 1850, qui les avaient comptabilisées. En Autriche (Cisleithanie), les Allemands (35,5 %) sont largement devancés par les Slaves (56,8 %), mais les Allemands forment un groupe compact centré sur les vieux États héréditaires, tandis que les Slaves sont éclatés entre Bohême-Moravie au nordouest, Galicie et Bucovine au nord-est, Styrie, Carniole et Dalmatie au sud. Les Roumains (1 %) sont présents en Bucovine, les Italiens (3 %) sur le Littoral autrichien et en Dalmatie. Les Hongrois (moins de 0,1 %) sont quasi inexistants. En Hongrie (Transleithanie), les Hongrois (35,7 %) ne devancent que de peu les Slaves (30,8 %), mais là encore ils forment un groupe compact, tandis que les Slaves sont éclatés entre Haute-Hongrie au nord (Slovaques et Ruthènes), Croatie et Confins militaires (Croates, Serbes). Les Allemands (12 %) représentent un poids non négligeable, réparti entre comitats occidentaux, Transylvanie et Banat. Les Roumains (17,5 %) sont très présents en Transylvanie et dans le Banat. Les effectifs de l’armée sont recensés à part. Au total, dans l’Autriche-Hongrie, les Slaves, avec 45,7 %, représentent de beaucoup le premier groupe ethnique, suivis de loin par les Allemands (25,5 %), les Hongrois (15,3 %), les Roumains (8 %) et les Italiens (1,7 %). Ce poids des Slaves, qui s’aggravera encore avec l’annexion ultérieure de la Bosnie-Herzégovine, contribue à expliquer les frustrations qui furent leurs lors de la création de la double monarchie. Religions
Autriche
Hongrie
Total
Catholiques romains
16 397 000
7 559 000
23 956 000
Catholiques grecs et arm.
2 347 000
1 606 000
3 953 000
Protestants
365 000
3 200 000
3 565 000
Orthodoxes
465 000
2 590 000
3 055 000
Israélites
822 000
554 000
1 376 000
20 396 000
15 509 000
35 905 000
Total
Cette fois-ci, les chiffres sont directement ceux du recensement de 1869, et les totaux diffèrent quelque peu de ceux du tableau précédent. En Autriche (Cisleithanie), les catholiques romains, avec 80 %, constituent le fond de la population. Seuls les catholiques grecs (11,5 %), c’est-à-dire principalement les uniates de Galicie et de Bucovine, constituent un second groupe significatif. En Hongrie (Transleithanie), avec 48,7 %, les catholiques sont là encore le groupe le plus important, mais pas aussi dominant qu’en Cisleithanie, car les protestants (20,6 %) sont très présents en Hongrie et en Transylvanie, les orthodoxes (16,7 %) le sont en Transylvanie et dans le Banat (Roumains, Serbes) et les catholiques grecs (10,3 %) le sont en Haute-Hongrie (surtout dans la Ruthénie subcarpathique). Le poids des catholiques (66,7 %) en Autriche-Hongrie imprime son caractère religieux au pays, impression renforcée par le fait que les souverains professent cette religion. De plus, les uniates (11 %), eux aussi rattachés à Rome, font s’élever l’obédience romaine à un total de 77,7 %. Les protestants (10 %) et les orthodoxes (8,5 %) constituent des groupes largement minoritaires. Les juifs (3,8 %) sont présents un peu partout dans l’Empire, mais spécialement en Galicie et en Bucovine, ainsi que dans les deux capitales, Vienne et surtout Budapest. Ils y sont d’ailleurs plutôt mieux traités que dans les autres pays d’Europe centrale.
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Autriche Titulature de Charles Ier CHARLES IER Par la Grâce de Dieu Empereur d’Autriche Roi apostolique de Hongrie. Roi de Bohême, de Dalmatie, de Croatie, de Slavonie, de Galicie, de Lodomérie et d’Illyrie ; Roi de Jérusalem ; Archiduc d’Autriche ; Grand-duc de Toscane et de Cracovie ; Duc de Lorraine, de Salzbourg, de Styrie, de Carinthie, de Carniole et de Bucovine ; Grand-prince de Transylvanie ; Margrave de Moravie ; Duc de Haute et de Basse-Silésie, de Modène, de Parme, Plaisance et Guastalla, d’Auschwitz et de Zator, de Teschen, de Frioul, de Raguse et de Zara ; Comte de Habsbourg et du Tyrol, de Kybourg, de Goritz et de Gradisca ; Prince de Trente et de Brixen ; Margrave de Haute et de Basse-Lusace et en Istrie ; Comte de Hohenems, de Feldkirch, Bregenz, Sonnenberg ; Seigneur de Trieste, de Cattaro ; Grand-voïvode du voïvodat de Serbie ; etc. etc. Tyrol Le Tyrol est une région de montagnes qui s’étend de part et d’autre de la crête des Alpes centrales, sur un vaste espace d’environ 27 000 km2, réparti sur trois bassins divergents : – le Tyrol septentrional : haut bassin du Lech et moyen bassin de l’Inn (de Finstermunz à Kufstein), tournés vers la plaine bavaroise et le haut Danube ; chef-lieu Innsbruck ; – le Tyrol oriental : très haut bassin de la Drave, grande rivière affluente du moyen Danube ; chef-lieu Lienz ; – le Tyrol méridional : haut bassin de l’Adige (Etsch) coulant vers la plaine lombarde et le Pô ; chef-lieu Botzen. Le Tyrol s’adonne à l’élevage ; la culture y est difficile, sauf en plaine, et les mines abondantes. Il est traversé par d’importantes routes commerciales (Reichen, Brenner) reliant Allemagne et Italie. Le sud du Tyrol méridional (Trentin), en aval du défilé de Salurn, est peuplé de gens de langue italienne, tandis que dans l’est de cette région vivent des populations parlant le ladin (variété de romanche). Les autres parties du Tyrol sont germanophones. La maison d’Autriche possède la majeure partie du Tyrol, acquis en plusieurs étapes à partir de 1363. Le comté princier du Tyrol, qui atteint au sud la pointe septentrionale
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Les États existants
du lac de Garde, est entrecoupé de territoires épiscopaux appartenant aux princes-évêques de Trente, de Brixen et de Frisingue, ainsi que des vallées du Zillerthal et de Windisch Matrei appartenant à l’archevêque de Salzbourg, tous territoires dont la maison d’Autriche possède l’avouerie. Le Tyrol fait partie du Saint Empire, cercle d’Autriche. Au recès d’Empire (25 février 1803), l’Autriche se voit attribuer les terres des évêques de Trente et de Brixen, unifiant ainsi l’ensemble du Tyrol, à l’exception des territoires salzbourgeois du Zillerthal et de Windisch Matrei. Au collège des princes de la diète de Ratisbonne, l’Autriche obtient, grâce au Tyrol, trois voix de plus : deux anciennes provenant des évêchés sécularisés (Trente, Brixen) et une nouvelle créée en 1803 (Tyrol). Peu après la victoire française d’Austerlitz, au traité de Presbourg (26 décembre 1805), l’Autriche cède à la Bavière le Tyrol entier, y compris Trente, Brixen et le Zillerthal salzbourgeois, et à la seule exception de la vallée de Windisch Matrei, conservée par l’Autriche. Toutefois, par lettre du 27 décembre à l’électeur de Bavière, Napoléon réserve expressément le sort d’une frange méridionale du Tyrol « italien », au sud de Rovereto, qui n’est donc pas aussitôt rattachée à la Bavière, dans l’éventualité d’un rattachement futur à son propre royaume d’Italie. Par le traité de Munich du 25 mai 1806, Napoléon accorde finalement ce territoire à la Bavière, qui le rattache à sa province du Tyrol. En 1809-1810, l’aubergiste tyrolien André Hofer, sur le conseil de l’Autriche, soulève le Tyrol contre la domination bavaroise. La France doit aider la Bavière à réprimer le soulèvement. À la suite de la nouvelle victoire française de Wagram, la France et la Bavière signent le traité du 28 février 1810, par lequel la Bavière reçoit des territoires en Allemagne, dont Salzbourg. La vallée de Windisch Matrei, semi-enclavée dans le Tyrol oriental et qui dépendait de Salzbourg, n’est pas attribuée à la Bavière mais gardée par la France. En contrepartie, la Bavière cède divers territoires, dont : – au royaume d’Italie, le Tyrol italien (Trentin) et une partie du Tyrol méridional allemand, depuis le lac de Garde jusqu’à une ligne est-ouest passant immédiatement au nord de Botzen et englobant les vallées ladines ; – à la France, le Tyrol oriental à l’est du seuil de Toblach ; la France réunit ce dernier au territoire de Windisch Matrei et rattache le tout au cercle de Villach, constituant la partie septentrionale des Provinces Illyriennes de l’Empire français. Au traité de Paris du 3 juin 1814 signé entre l’Autriche et la Bavière, la Bavière cède immédiatement à l’Autriche le Tyrol bavarois. Par ailleurs, l’Autriche réannexe les parties illyriennes (Tyrol oriental) et italiennes (Tyrol italien) du Tyrol et reconstitue ainsi l’unité de ce dernier. Dans le Compromis du 28 juin 1867 séparant la Hongrie de l’Autriche, le gouvernement du Tyrol, recouvrant de vieux États héréditaires de la maison d’Autriche, est naturellement dévolu à la partie autrichienne (Cisleithanie) de la double monarchie. En novembre 1918, la république de l’Autriche allemande, qui succède à l’Empire dans ses anciens pays allemands, considère qu’elle n’a pas de filiation politique avec le régime impérial et revendique d’être traitée comme un État successeur, en conservant tous les territoires allemands de l’Empire, parmi lesquels le Tyrol, Trentin excepté. Dans son discours des Quatorze Points (janvier 1918), le président américain Wilson déclare que le principe des nationalités sera la base des règlements territoriaux à définir aux conférences de la paix. Dans cette perspective, l’Italie devrait recevoir le Trentin, l’Autriche garder le Tyrol méridional allemand (en amont des gorges de Salurn) et les vallées ladines être rattachées aux Grisons suisses. Au mépris de ce principe, et en dépit des protestations des habitants allemands du Tyrol méridional, par le traité de Saint-Germain (10 septembre 1919), l’entier Tyrol méridional, du lac de Garde au col du Brenner, est cédé à l’Italie, qui revendiquait la ligne de crête pour raisons stratégiques ; les Autrichiens faisant de leur côté valoir, non sans raison, que le défilé de Salurn constituait un meilleur point d’arrêt que les cols aisément franchissables du Reichen, du Brenner et de Toblach. Les Alliés, sachant qu’ils allaient devoir réduire les prétentions de l’Italie du côté du nouveau royaume yougoslave, ont voulu ainsi par avance lui donner au nord une compensation.
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Autriche
Ce faisant, les Alliés coupent le Tyrol en trois morceaux : Tyrol septentrional (au nord du Brenner) laissé à l’Autriche, Tyrol méridional (au sud du Brenner et à l’ouest de Toblach) livré à l’Italie, Tyrol oriental (à l’est de Toblach) laissé à l’Autriche mais géographiquement séparé du Tyrol septentrional par le Tyrol méridional désormais italien. Les Autrichiens, pour souligner l’iniquité de cet état de fait, maintiennent le Tyrol oriental dans le même gouvernement que celui du nord (land de Tyrol), désormais ramené à une superficie de 12 600 km2. Le Tyrol méridional et le Trentin constituent les deux provinces italiennes de Bolzano (Botzen) et de Trente. Le 12 décembre 1919, après la signature du traité de Saint-Germain, l’Autriche étant dans un complet dénuement, le Landtag du Tyrol vote son rattachement économique à la Bavière. Les vainqueurs s’y opposent, sur demande de l’Autriche. Un plébiscite officieux confirme le 24 avril 1921, à une écrasante majorité (99 %), la volonté des Tyroliens de se rattacher à la Bavière. Les Alliés s’y opposent de nouveau. En mars 1938, après l’Anschluss, le Vorarlberg est rattaché au Tyrol septentrional pour former l’État allemand du Tyrol (Innsbruck). Le Tyrol oriental est rattaché à l’État de Carinthie. Dès l’armistice du 8 septembre 1943, par lequel l’Italie royale met fin aux hostilités, et en dépit des protestations de Mussolini, Hitler annexe au Reich le Trentin, le Tyrol méridional et la province italienne de Bellune, pour former la zone militaire de l’Alpenvorderland. En août 1945, à la conférence de Potsdam réunissant les vainqueurs, il est décidé la division de l’Allemagne et de l’Autriche en zones d’occupation. Le Tyrol septentrional et le Vorarlberg sont occupés par les Français, tandis que le Tyrol oriental est, avec la Carinthie, occupé par les Britanniques. Les Italiens réoccupent le Tyrol méridional. Lorsque la conférence de la paix aborde la question du Tyrol (mai 1946), l’Autriche vaincue se trouve, contrairement à 1919, face à un autre pays vaincu l’Italie. Elle réclame un plébiscite dans l’ensemble du Tyrol méridional allemand, y compris les vallées ladines, mais le plébiscite lui est refusé. L’Autriche demande alors une rectification de frontière dans le nord-est du Tyrol méridional, lui donnant le nord de la vallée de l’Eisack et la vallée du Rienz (Pusterthal), avec Brixen, de façon à assurer la continuité de la ligne ferroviaire Brenner-Franzenfeste-Toblach reliant Innsbruck à Lienz. Les vainqueurs rejettent cette proposition, refusée par les Tyroliens eux-mêmes qui ne veulent pas subir une nouvelle division. Les Alliés invitent Italiens et Autrichiens à s’accorder sur un statut d’autonomie pour le Tyrol méridional, qui resterait sous souveraineté italienne. Par l’accord de Paris du 5 septembre 1946 (accord Gruber-De Gasperi), l’Autriche obtient un droit de regard internationalement reconnu sur le Tyrol méridional, qui prend le nom allemand de Tiroler Etschland (pays de l’Adige tyrolien) et celui italien d’Alto-Adige (Haut-Adige). Le Tyrol méridional devient une région autonome bilingue. Des trains-corridors, traversant sans arrêt ni contrôles le territoire italien, relieront directement Lienz à Innsbruck. En février 1947, au mépris de l’accord de Paris, l’Italie refuse l’autonomie pour le seul Tyrol méridional et y adjoint le Trentin pour former une région autonome du TrentinHaut Adige, ce qui a pour effet de neutraliser la majorité allemande du Tyrol par une majorité italienne de l’ensemble. Par le traité d’État du Belvédère (15 mai 1955), les Alliés restituent à l’Autriche la plénitude de sa souveraineté. Le Vorarlberg redevient un land distinct de celui du Tyrol (septentrional), lequel récupère le Tyrol oriental de nouveau détaché de la Carinthie. En janvier 1972, à la suite de nombreuses revendications autrichiennes fondées sur la violation par l’Italie des accords de 1946, un nouvel accord spécifie que, tout en maintenant la région autonome du Trentin-Haut Adige, sont constituées deux provinces à l’intérieur de cette région, le Trentin et le Haut-Adige, ce dernier reprenant symboliquement le nom allemand de Sudtirol, et que ces deux provinces disposent d’importantes prérogatives, retirées à l’ancienne région, ce qui accorde enfin une réelle autonomie au Tyrol méridional de langue allemande ou ladine.
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Les États existants
Belgique Le pays en bref État monarchique : le royaume de Belgique, à caractère fédéral. Souverain : le roi Albert II, de la maison de Saxe-Cobourg-Gotha. Représentation parlementaire : deux chambres, la Chambre des Représentants et le Sénat. Capitale fédérale : Bruxelles. Division administrative en 3 régions et 10 provinces : – Flandre, capitale Bruxelles : Flandre-Occidentale (Bruges), Flandre-Orientale (Gand), Anvers (Anvers), Brabant flamand (Louvain), Limbourg (Hasselt) ; – Wallonie, capitale Namur : Hainaut (Mons), Brabant wallon (Wavre), Namur (Namur), Liège (Liège), Luxembourg (Arlon) ; – Bruxelles-Capitale : 19 communes. Superficie : 30 500 km2 (Flandre 13 500, Wallonie 16 850, Bruxelles 150) ; population : 10,1 millions d’habitants (Flandre 5,8, Wallonie 3,3, Bruxelles 1) ; densité : 330 habitants au km2 (Flandre 430, Wallonie 200, Bruxelles 6 670). Division culturelle et linguistique en trois communautés, et quatre régions linguistiques : – communauté flamande : région Flandre, plus 15 % de la région Bruxelles-Capitale ; – communauté française de Belgique : région Wallonie, moins les cantons d’Eupen et de Saint-Vith (province de Liège), plus 85 % de la région Bruxelles-Capitale ; – communauté germanophone : cantons d’Eupen et de Saint-Vith (province de Liège). Langues : le néerlandais (flamand) 59 % ; le français 40 % ; l’allemand 1 %. Religion : catholique pour 80 %. Monnaie : l’euro ; le franc belge jusqu’en 2001.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée des contrées belges 1. De Rome à la maison de Bourgogne (Ier-XVe siècles) Dans le nord de l’Empire romain, entre Seine et Rhin, l’espace belge est principalement réparti entre les provinces de Belgique Ire (Trèves), de Belgique IIe (Reims) et de Germanie inférieure (Cologne), où vivent diverses tribus gauloises : Éburons, Nerviens, Atrébates, Morins, Ménapiens, Tongriens, Trévires. Puis viennent les Francs, au Ve siècle, qui conquièrent ces contrées. Mais l’ensemble fait bientôt partie de l’empire de Charlemagne (Neustrie et Austrasie). Au partage de Verdun (843), la partie occidentale (Flandre), à l’ouest de l’Escaut, est englobée dans la France de Charles le Chauve, le restant dans le royaume de Lotharingie, avant d’être versé dans le royaume de Germanie. Aux IXe et Xe siècles, les invasions normandes ravagent le pays et provoquent un morcellement qui ouvre la voie au système féodal. C’est alors qu’apparaissent dans la région un certain nombre d’États seigneuriaux : – le comté de Flandre, qui s’étend entre Picardie, mer du Nord et Escaut, et qui naît à la fin du IXe siècle ; c’est une région très prospère, dotée d’une riche agriculture et surtout de villes florissantes par leur industrie et leur commerce : Bruges, Gand, Courtrai, Ypres ; le comté d’Artois lui est bientôt rattaché ;
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Belgique – le comté de Hainaut, entre Escaut et Sambre, entre Brabant et Vermandois, avec Mons pour capitale ; en 1299, il est rattaché au comté de Hollande ; – le duché de Brabant, composé des quatre quartiers de Bruxelles, Louvain, Anvers et Boisle-Duc ; il dispose, comme la Flandre voisine, d’une grande richesse agricole et urbaine ; – le marquisat de Namur, centré sur la ville du même nom ; – l’évêché de Cambrai, petit territoire autour de la ville sur le haut Escaut ; – l’évêché de Liège, qui s’étire le long de la moyenne Meuse ; – les abbayes de Stavelot et de Malmédy, sur le haut plateau des Ardennes ; – le duché de Limbourg, à l’est de la Meuse, disputé entre Brabant et Luxembourg ; – enfin, le duché de Luxembourg (voir chapitre Luxembourg). Hormis le comté de Flandre, qui fait partie du royaume de France, tous les autres États, laïques ou ecclésiastiques, sont terres d’Empire.
2. La conquête bourguignonne (XVe siècle) C’est dans cet état que se trouve la contrée, lorsque la maison de Bourgogne y prend pied. Le premier duc de cette maison, Philippe le Hardi, épouse Marguerite de Flandre (1369) et hérite de la Flandre et de l’Artois (1384). En 1404, le Brabant est confié à Antoine de Bourgogne, frère puîné du nouveau duc, Jean sans Peur ; en 1430, par un coup de force, le troisième duc, Philippe le Bon, le réunit à ses domaines. Enfin, en 1433, au terme d’une lutte féroce avec leur dernière héritière, Jacqueline de Bavière, le duc s’empare du Hainaut et de la Hollande. Le duc Philippe le Bon détient ainsi un grand nombre de provinces de la région, surtout dans le Sud, en nombre moindre dans le Nord (les Pays-Bas d’aujourd’hui), où il ne possède que la Hollande, avec la Zélande. Ses domaines sont répartis en deux ensembles géographiques : les « pays de par-delà » (Bourgogne, Franche-Comté), et les « pays de pardeçà » (Flandre, Brabant, Hainaut, Artois, Picardie, Luxembourg, Limbourg, Hollande). Son fils Charles le Téméraire n’agrandit le domaine bourguignon que du duché de Gueldre, avec ses dépendances (1473).
3. De l’union des Pays-Bas à la sécession du Nord (XVIe siècle) La fille du Téméraire, Marie de Bourgogne, hérite de ses biens. Mais la Gueldre, qui se révolte, est perdue. Marie sauvegarde le reste grâce à son mariage avec Maximilien d’Autriche, fils de l’empereur. La région passe dans la sphère d’influence de la maison d’Autriche. Le petit-fils de Marie, Charles Quint, natif de Gand, conquiert la Frise (1523), Utrecht et l’Overyssel (1528), Groningue et la Drenthe (1536), le duché de Gueldre (1543). Désormais, les dix-sept provinces des Pays-Bas (du Nord et du Sud) forment un territoire assez homogène — seul l’évêché de Liège s’insère entre ses divers éléments —, rassemblé en 1548 au sein du cercle de Bourgogne, l’un des dix cercles du Saint Empire. En 1549, Charles Quint les soumet à un droit successoral unique et les dote d’institutions communes. Charles Quint est représenté dans chacune des provinces par un lieutenant, le stathouder. Cependant la Réforme va mettre en péril l’unité du pays. Charles Quint s’y oppose aux Pays-Bas. En 1555, il transmet à son fils Philippe II les Pays-Bas. Celui-ci s’oppose par la force à la Réforme, et tente de s’affranchir des assemblées. S’ensuit une opposition des nobles (Guillaume le Taciturne), puis une révolte aux multiples rebondissements. En 1579, son représentant, Alexandre Farnèse, parvient à séparer les dix provinces méridionales, demeurées catholiques, des sept provinces du nord, qui poursuivent la lutte. À l’Union d’Arras au sud, qui revient dans le giron de l’Espagne, répond aussitôt l’Union d’Utrecht au nord, qui s’ancre dans la sécession, se sépare de Philippe II (1581), opère la réunion des sept provinces (1593) et se transmue en un État nouveau, les Provinces-Unies, reconnu par les puissances, avant de l’être en 1609 par l’Espagne (trêve de Douze Ans).
4. Les Pays-Bas méridionaux espagnols (XVIIe siècle) Dès lors, la domination des Habsbourg ne s’exerce plus que sur les provinces méridionales : duchés de Brabant, de Limbourg et de Luxembourg, marquisats de Namur et d’Anvers,
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Les États existants comtés de Flandre, de Hainaut, d’Artois, seigneurie de Malines. L’ensemble constitue les Pays-Bas méridionaux, ou Pays-Bas espagnols. Le lien qui unit ces provinces, outre la domination espagnole, est la religion catholique. La Contre-Réforme y déploie ses fastes, les protestants du Sud gagnent les Provinces-Unies. Les voies divergentes, politique et religieuse, que vont suivre les deux parties des anciens Pays-Bas vont durablement imprégner les mentalités de leurs habitants. L’hostilité des Provinces-Unies à l’égard de l’Espagne ne manque pas de se traduire par des faits de guerre répétés que subissent les habitants du Sud, lesquels ne tardent pas à traiter, comme leurs maîtres espagnols, les Néerlandais en ennemis naturels. De plus, la fuite des marchands vers le Nord, jointe à la fermeture des bouches de l’Escaut qui paralyse l’activité maritime d’Anvers, entraîne durablement un marasme économique. En 1595, l’Espagne annexe au Hainaut le petit évêché de Cambrai. Peu avant sa mort, en 1598, Philippe II prend une décision inattendue : il octroie aux Pays-Bas une semi-indépendance, sous la souveraineté de sa fille, l’infante Isabelle-ClaireEugénie, et de son mari, l’archiduc Albert, fils de l’empereur Maximilien II ; mais les armées espagnoles demeurent en place. Cette autonomie prendra fin en 1621, à la mort d’Albert. Pour l’heure, après une longue guerre, une trêve de Douze Ans (1609-1621) est signée avec les Provinces-Unies. À son expiration, le conflit reprend, qui s’achève en 1648 par un traité signé à Munster : il fait perdre aux Provinces-Unies, au profit de l’Espagne, la HauteGueldre (le quartier supérieur), avec la ville de Gueldre et la forteresse de Venlo ; mais l’Espagne leur cède la lisière nord de la Flandre, sur rive gauche de l’Escaut (avec L’Écluse et Hulst), la moitié septentrionale du Brabant (avec Bréda et Bois-le-Duc), et une enclave dans le Limbourg, à cheval sur la Meuse, qui se compose de Maastricht sur rive gauche et de la seigneurie de Faulquemont (Valkenburg) sur rive droite. Simultanément, la guerre avec la France, interrompue en 1598, a repris en 1635. Elle s’achève en 1659 par le traité des Pyrénées : l’Espagne doit céder à la France, outre le Roussillon et une partie de la Cerdagne, la majeure partie de l’Artois (Arras, Bapaume, Hesdin, Lens, Béthune, Saint-Pol, Thérouanne), à l’exception d’Aire et de Saint-Omer, ainsi que Gravelines et Bourbourg en Flandre, Le Quesnoy, Avesnes, Philippeville et Mariembourg en Hainaut, Montmédy et Thionville en Luxembourg. En 1678/1679, à l’issue des guerres de Dévolution puis de Hollande, l’Espagne cède à la France, outre la Franche-Comté, le reliquat de l’Artois, diverses villes de Flandre (Bergues, Furnes, Ypres, Poperinghe, Warneton, Bailleul, Tournai, Lille, Douai), du Hainaut (Valenciennes, Cambrai, Maubeuge), du Namurois (Charlemont). Les réunions opérées par la suite par Louis XIV en pleine paix sont restituées au traité de Ryswick (1697).
5. Les Pays-Bas méridionaux autrichiens (XVIIIe siècle) À l’issue de la guerre de Succession d’Espagne, par les traités d’Utrecht (1713) et de Rastadt (1714), les Pays-Bas espagnols sont détachés de l’Espagne bourbonienne et attribués à l’empereur Charles VI, de la branche autrichienne des Habsbourg, devenant par là les PaysBas autrichiens. De plus, ils perdent, au profit des Provinces-Unies, la seigneurie de Montfort et la forteresse de Venlo — terres enclavées sur rive droite de la Meuse —, et au profit de la Prusse la majeure partie de la Haute-Gueldre, avec la ville de Gueldre, n’y conservant qu’un lambeau (Ruremonde) ; ils reçoivent, à titre de dédommagement, Furnes, Ypres, Poperinghe, Warneton et Tournai, prélevées sur la France. Par ailleurs, par le traité des Barrières signé à Anvers en 1715, les Provinces-Unies obtiennent un droit de garnison, face à la France, dans huit places des Pays-Bas autrichiens : Namur, Tournai, Menin, Warneton, Ypres, Knokke, Furnes et Termonde. En dépit des difficultés économiques imposées de l’extérieur (entraves douanières, restrictions au commerce maritime imposées par les Néerlandais), les Habsbourg d’Autriche s’efforcent de développer l’activité de leurs nouveaux Pays-Bas ; ils sont favorisés par près d’un siècle de paix, situation nouvelle qui encourage l’essor du pays. L’évêché de Liège, quant à lui, toujours distinct des Pays-Bas autrichiens et qui n’est pas entravé par de telles restrictions, commence à développer à cette époque une activité industrielle (mines, métallurgie, fabriques d’armes) qui s’intensifiera aux siècles suivants.
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Belgique En 1781, profitant de l’occasion offerte par la guerre entre Angleterre et Provinces-Unies, l’empereur Joseph II chasse les garnisons néerlandaises des huit places du traité des Barrières. L’empereur tente alors de forcer le blocus d’Anvers ; une guerre manque de s’ensuivre. Sur médiation française est signé le traité de Fontainebleau (8 novembre 1785), qui supprime officiellement les barrières et transfère aux Pays-Bas autrichiens les deux forts de Lillo et de Liefhensbœk sur l’Escaut. Mais les ports restent fermés. Par ailleurs, imbu des idées des Lumières, Joseph II a entrepris de réformer ses États en maints domaines. Sur le plan administratif, il entend les unifier en créant treize gouvernements dotés d’institutions semblables : les Pays-Bas formeront un des treize gouvernements. Le 1er janvier 1787, l’Empereur promulgue un édit qui décide la réforme administrative et supprime les institutions traditionnelles des Pays-Bas autrichiens. Les réformes de Joseph II suscitent l’hostilité de deux courants politiques opposés : les Vonckistes, partisans de réformes politiques plus radicales, et les Statistes (plus nombreux), partisans du retour à l’ancien système.
II. L’espace belge en 1789 La contrée actuellement connue sous le nom de Belgique couvre à peu près, en 1789, les États suivants : Pays-Bas autrichiens, évêché de Liège, abbayes de Stavelot et de Malmédy, duché de Bouillon. Comprise entre le royaume de France, les Provinces-Unies et l’Allemagne cisrhénane, c’est une région généralement plate, sauf à l’est, traversée de nombreuses vallées fluviales (Escaut, Meuse, etc.) et économiquement assez prospère : riche agriculture, industrie active (textiles), vie urbaine très animée (Bruxelles, Anvers, Gand) ; seule l’activité maritime reste très entravée par la fermeture, depuis 1648, des ports d’Anvers et de Gand aux navires étrangers, imposée par les Provinces-Unies qui en contrôlent les débouchés.
1. Les Pays-Bas autrichiens Les Pays-Bas autrichiens se composent en 1789 de neuf provinces : Brabant, Limbourg, Luxembourg, Namur, Anvers, Flandre, Hainaut, Malines, Gueldre autrichienne (Ruremonde). Chaque province possèdait juqu’en 1787 ses institutions, auxquelles elle était très attachée ; l’empereur est représenté à Bruxelles par le gouverneur général des Pays-Bas. Les Pays-Bas forment un ensemble réparti en deux blocs séparés par l’évêché de Liège : à l’est, Luxembourg et Limbourg, avec l’enclave de Ruremonde, à l’ouest les autres provinces. L’ensemble couvre 26 000 km2 et représente près de 2 millions d’habitants. Les Pays-Bas constituent à eux seuls le cercle de Bourgogne du Saint Empire et procurent à l’empereur un siège (Bourgogne) au banc laïque du collège des princes de la diète de Ratisbonne.
2. L’évêché de Liège L’évêque de Liège a peu à peu étendu, à partir du VIIIe siècle, sa domination sur l’ensemble des terres qui lui constituent un domaine presque continu le long de la Meuse moyenne, depuis Givet et Charleroi jusqu’à Hasselt. Ce domaine est réparti en sept pays : la Campine, la Hesbaye, les comtés de Looz et de Hornes, le marquisat de Franchimont, le Condroz et le Stavelot. Le tout représente de l’ordre de 200 000 âmes. L’évêché de Liège, quoique s’étendant au milieu des Pays-Bas autrichiens, est compris dans le cercle de Westphalie, où l’évêque dispose d’une voix, ainsi qu’au banc ecclésiastique du collège des princes de la diète de Ratisbonne.
3. Les abbayes de Stavelot et de Malmédy L’abbaye très ancienne (VIIe siècle) de Stavelot et celle de Malmédy forment ensemble un territoire ecclésiastique inséré entre le Luxembourg autrichien et l’évêché de Liège. Ce territoire dépend du cercle de Westphalie, où l’abbé de Stavelot-Malmédy détient une voix, ainsi qu’au banc ecclésiastique du collège des princes de la diète de Ratisbonne.
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Les États existants 4. Le duché de Bouillon Ce petit duché, situé entre royaume de France et duché de Luxembourg, appartient depuis 1678 aux descendants du maréchal de Turenne (maison de la Tour d’Auvergne), sous la suzeraineté du roi de France.
III. De 1789 à l’avènement du royaume de Belgique (1830) 1. La fin des Pays-Bas autrichiens (1789-1795) À l’annonce des événements de France, les habitants des Pays-Bas se soulèvent contre l’autorité autrichienne (juillet 1789). Chaque province proclame son indépendance. Les Autrichiens sont chassés et se replient sur le Luxembourg, seule province restée loyale. Une révolution semblable se produit (août 1789) à Liège contre l’évêque. Un Congrès s’est réuni à Bruxelles pour statuer sur l’avenir des provinces révoltées ; il rassemble des députés de chaque province, sauf du Luxembourg. Par ailleurs, chaque province a rétabli ses anciens États. Le 10 janvier 1790, les députés proclament la république des États Belgiques Unis, fédération inspirée du modèle américain, regroupant l’ensemble des provinces autrichiennes, hormis le Luxembourg. Le nom de Belgique, vieille appellation datant de l’époque romaine, réapparaît ainsi pour la première fois. En novembre-décembre 1790, l’Autriche se ressaisit et réoccupe la Belgique, ainsi que l’évêché de Liège, réinstaurant l’ancienne situation politique. La France ayant en avril 1792 déclaré la guerre à l’Autriche, à laquelle s’était jointe la Prusse, la victoire de Valmy (20 septembre 1792) sur les Prussiens a ouvert la voie à une offensive française sur les Pays-Bas autrichiens et la rive gauche allemande du Rhin. La victoire de Jemmapes (6 novembre 1792), remportée par Dumouriez sur les Autrichiens, provoque l’occupation en un mois des Pays-Bas par les Français ; Namur, dernière place, capitule le 2 décembre. À Dumouriez qui voulait faire de la Belgique un État séparé, voire une principauté à son profit, et aux patriotes belges qui voulaient en faire une république, la Convention oppose sa stratégie d’expansion européenne qui l’amène à décider l’annexion des provinces belges. Une telle politique ne recueillant pas l’assentiment de sa population, l’ensemble belge (Pays-Bas, Liège, Stavelot-Mamédy, Bouillon) est annexé à la France, partie après partie et sans plébiscite, par quinze décrets pris entre le 1er et le 30 mars 1793. Simultanément, le retour offensif des Autrichiens, consacré par la victoire de Neerwinden (18 mars 1793) sur la France, oblige les Français à évacuer la Belgique. L’ancienne situation politique est rétablie. Une nouvelle offensive française aboutit à la victoire de Fleurus (26 juin 1794), qui permet à la France de réoccuper la Belgique. La Convention ne la réannexe pas sur-le-champ, mais la dote d’un régime provisoire.
2. L’annexion à la France (1795-1814) Au-delà de l’invasion de la Belgique, les armées françaises ont poursuivi leur offensive vers les Provinces-Unies ; celles-ci ont capitulé en février 1795 et une République batave y a été proclamée. Par le traité de la Haye (16 mai 1795), la France impose à la République batave la cession de la Flandre néerlandaise (rive gauche de l’Escaut) et des enclaves de Maastricht, de Venlo et du Limbourg néerlandais (Montfort), avec droit de garnison à Flessingue. Le tout est rattaché aux provinces belges, toujours dotées d’un régime provisoire. Le 31 août 1795, sans attendre l’annexion officielle, la Convention décide la division de l’ensemble belge en neuf départements : – Lys : Bruges, Courtrai, Furnes, Ypres ;
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Belgique – Escaut : Gand, Audenarde, L’Écluse, Termonde ; – Jemmapes : Mons, Charleroi, Tournai ; – Deux-Nèthes : Anvers, Malines, Turnhout ; – Dyle : Bruxelles, Louvain, Nivelles ; – Meuse-Inférieure : Maastricht, Hasselt, Ruremonde ; – Ourthe : Liège, Huy, Malmédy ; – Sambre-et-Meuse : Namur, Dinant, Marche, Saint-Hubert ; – Forêts : Luxembourg, Bitbourg, Diekirch, Neuchâteau. La Flandre a formé les départements de la Lys et de l’Escaut, le Hainaut celui de Jemmapes, le Brabant ceux de la Dyle et des Deux-Nèthes, le Luxembourg celui des Forêts. Namur, le pays de Liège, le Luxembourg de l’ouest et du nord, le Limbourg, Maastricht, Ruremonde, Venlo ont formé les départements de Meuse-Inférieure, d’Ourthe et de Sambre-et-Meuse. Le 1er octobre 1795, la Convention vote le décret de réunion à la France des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et des abbayes de Stavelot et de Malmédy. Le 26 octobre, le duché de Bouillon est à son tour réuni à la France et réparti entre les départements des Ardennes, des Forêts et de Sambre-et-Meuse. Les contrées belges vont désormais suivre, pour près de vingt ans, le destin de la France. L’incorporation dans ce dernier pays les libère des anciennes entraves économiques et amène un certain essor qui contribue, au début, à l’acceptation de la domination française. L’opinion changera vers la fin de l’Empire français, quand les effets du blocus continental se feront plus durement sentir. Par le traité de Fontainebleau du 11 novembre 1807, en contrepartie de provinces reçues de la France (Ostfrise prussienne et Jever russe), le royaume de Hollande cède à la France la ville de Flessingue. Le 21 janvier 1808, Flessingue est rattachée au département de l’Escaut. Par le traité de Paris du 16 mars 1810, la France impose à la Hollande la fixation de la frontière sur la ligne du Waal ; en conséquence, la Hollande cède à la France l’entière Zélande, le Brabant hollandais et la Gueldre de rive gauche du Waal. Le 24 avril, la Zélande et le Brabant ex-hollandais de rive gauche de la Dogne sont rattachés au département des Deux-Nèthes (nouveaux arrondissements de Middelbourg et de Bréda), tandis que le Brabant de rive droite de la Dogne et la Gueldre de rive gauche du Waal sont réunis pour constituer le nouveau département des Bouches-du-Rhin (Bois-leDuc, Eindhoven, Nimègue). Le 15 mai, la Zélande est détachée du département des Deux-Nèthes pour former le nouveau département des Bouches-de-l’Escaut (Middelbourg, Gœs, Zierikzee).
3. L’incorporation dans le royaume des Pays-Bas (1814-1830) À l’achèvement de l’ère napoléonienne, par le premier traité de Paris du 30 mai 1814, signé entre la France et les puissances alliées, la France est ramenée à ses limites du 1 er janvier 1792, avec quelques rectifications en sa faveur en divers points, parmi lesquels quelques cantons du Hainaut et de Namur. L’Autriche, bénéficiaire d’accroissements territoriaux en d’autres lieux, se soucie peu de reprendre possession des Pays-Bas autrichiens ; d’autre part, les puissances se refusent à restaurer les États ecclésiastiques. Les vainqueurs de Napoléon décident que le plus sûr moyen de soustraire les Pays-Bas méridionaux aux ambitions françaises est de les attribuer à Guillaume Ier, fils du dernier stathouder Guillaume V, qui s’est paré du titre de prince souverain des Pays-Bas septentrionaux (anciennes Provinces-Unies). Par articles séparés et secrets dudit traité, signés entre elles par les seules puissances alliées, il est spécifié que les pays situés entre la mer, les frontières de France et la Meuse seront donnés à ce prince, ceux situés sur rive droite de Meuse devant faire l’objet d’accords entre lui et ses voisins. Guillaume Ier en accepte le principe le 21 juillet 1814. Par le traité de Vienne du 31 mai 1815, signé entre le nouveau roi Guillaume Ier des PaysBas et quatre puissances (Grande-Bretagne, Autriche, Prusse, Russie), il est décidé que le nouveau royaume des Pays-Bas Unis sera constitué des anciens pays suivants : Provinces-
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Les États existants Unies, Pays-Bas autrichiens, évêché de Liège, abbayes de Stavelot et Malmédy, moitié occidentale de l’ancienne Gueldre prussienne (sur rive gauche de Meuse). En sont toutefois retranchés : – quelques cantons de Namur et du Hainaut : Dour, Merbes-le-Château, Beaumont, Chimay (Hainaut), Walcourt, Florennes, Beauraing, Gédinne (Namur), laissés en mai 1814 à la France pour arrondir sa frontière autour de Philippeville et de Mariembourg ; – l’arrondissement de Bitbourg et le canton de Saint-Vith (Luxembourg autrichien), les cantons d’Eupen, de Rolduc et d’Aubel (Limbourg autrichien), le canton de Malmédy (Stavelot-Malmédy), le tout au profit de la Prusse (province du Bas-Rhin). Par suite d’une imprécision dans la définition des frontières, la commune de Moresnet (canton d’Aubel) est revendiquée à la fois par la Prusse et les Pays-Bas (présence de mines). Par ailleurs, le congrès de Vienne reconnaît les droits du dernier duc de Bouillon à recouvrer son duché. Celui-ci le vend aussitôt au roi des Pays-Bas. Enfin, il est spécifié que l’ancien duché de Luxembourg, seul élément des anciens PaysBas autrichiens à être compris dans la future Confédération germanique, est remis au roi des Pays-Bas en possession personnelle, en compensation de sa renonciation, en faveur de la Prusse, à ses terres patrimoniales allemandes (Orange-Nassau). À la suite de l’épisode des Cent-Jours, les puissances coalisées imposent à la France un second traité de Paris (20 novembre 1815) moins favorable que le premier, et qui lui fait perdre divers territoires. Dans ce cadre, la France cède aux Pays-Bas Unis : – les anciennes enclaves de Philippeville et de Mariembourg, françaises avant la Révolution ; – les cantons du Hainaut et de Namur laissés à la France en 1814. La France renonce à son droit de suzeraineté sur le duché de Bouillon. Le royaume des Pays-Bas Unis est divisé en 18 provinces : – les neuf septentrionales, retrouvant leurs limites historiques, correspondent aux anciennes Provinces-Unies ; – les neuf méridionales, conservant le découpage des départements français, correspondent à l’ensemble belge : Flandre occidentale (Lys), chef-lieu Bruges ; Flandre orientale (Escaut), chef-lieu Gand ; Anvers (Deux-Nèthes) ; Brabant méridional (Dyle), chef-lieu Bruxelles ; Hainaut (Jemmapes), chef-lieu Mons ; Namur (Sambre-et-Meuse) ; Liège (Ourthe) ; Limbourg (Meuse-Inférieure), chef-lieu Maastricht ; Luxembourg (Forêts). En 1816, une convention entre Prusse et Pays-Bas règle le sort de la commune de Moresnet contestée ; elle est partagée en trois lots : Moresnet néerlandais, Moresnet prussien et Moresnet neutre, possédé en commun et administré par la Société de la Vieille Montagne qui y exploite des mines. L’union de provinces au passé distinct nécessite une adaptation de la Constitution. L’égalité totale entre provinces du nord et du sud y est affirmée. Le royaume compte deux capitales, La Haye et Bruxelles. Mais les habitants des neuf provinces méridionales, catholiques et en majorité francophones, n’acceptent qu’à contrecœur d’être rattachés aux provinces septentrionales néerlandophones et, en majeure partie, protestantes. Même les Flamands, que le roi espérait rallier pour raison linguistique, sont mécontents des ingérences du pouvoir dans les questions religieuses.
IV. Le royaume de Belgique (1830 à nos jours) 1. La naissance de la Belgique (1830-1839) Le 25 août 1830, les Belges se soulèvent contre l’autorité néerlandaise et mettent en place un gouvernement provisoire qui déclare (octobre) que le Luxembourg fait partie de l’ensemble belge et choisit (novembre) pour la future Belgique un régime de monarchie constitutionnelle.
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Belgique Les puissances, réunies à Londres à l’initiative de la France et de la Grande-Bretagne, entérinent le 20 décembre 1830 la dissolution du royaume des Pays-Bas Unis et, par le protocole du 20 janvier 1831, délimitent ainsi la séparation des deux entités : – le royaume des Pays-Bas sera désormais constitué des anciennes Provinces-Unies dans leurs limites de 1790, augmentées du grand-duché de Luxembourg (toujours membre de la Confédération germanique) ; – le nouveau royaume de Belgique sera constitué du restant de l’ancien royaume des Pays-Bas Unis. Le protocole prévoit aussi la neutralité internationale de la Belgique, garantie par les puissances signataires. Le Congrès belge est invité à choisir entre deux candidats au trône, le duc de Leuchtenberg, fils d’Eugène de Beauharnais, et le duc de Nemours, fils du roi Louis-Philippe ; il choisit le duc de Nemours le 3 février 1831, mais, sur intervention anglaise, le roi LouisPhilippe refuse le 17 de ratifier ce choix. Le Congrès belge, où siègent des députés du Limbourg et du Luxembourg — sauf des villes de Maastricht et de Luxembourg d’où les garnisons les ont empêchés de partir —, refuse d’avaliser le protocole du 20 janvier, dans l’espoir de parvenir à conserver Limbourg et Luxembourg. Le 4 juin 1831, le Congrès élit un nouveau souverain, le prince Léopold de Saxe-Cobourg, frère du duc régnant, candidat présenté par l’Angleterre avec l’accord de Louis-Philippe, dont il doit épouser la fille aînée. Le nouveau roi des Belges, Léopold Ier, signe le 26 juin avec les puissances le traité des Dix-Huit Articles, par lequel celles-ci attribuent le Luxembourg à la Belgique et considèrent le Limbourg comme devant faire l’objet d’une compensation dans le cadre d’un accord entre Belgique et Pays-Bas. Le roi des Pays-Bas ayant refusé le traité des Dix-Huit Articles, envahi la Belgique et pris Anvers, la Belgique a dû faire appel à la France, qui intervient à son tour. Le conflit se termine (20 octobre 1831) par un nouvel accord, le traité des Vingt-Quatre Articles, aux termes duquel le Limbourg et le Luxembourg sont tous les deux divisés en deux parties : – la partie occidentale du Limbourg (rive gauche de la Meuse) devient la province belge du Limbourg, chef-lieu Hasselt ; – la partie occidentale du Luxembourg (partie francophone) devient la province belge du Luxembourg, chef-lieu Arlon ; – la partie orientale du Limbourg (rive droite de la Meuse, débordant sur rive gauche à Maastricht) devient la province néerlandaise du Limbourg, chef-lieu Maastricht ; – la partie orientale du Luxembourg (partie germanophone) demeure grand-duché de Luxembourg, province néerlandaise, chef-lieu Luxembourg. Le Luxembourg belge sortant de la Confédération germanique, le Limbourg néerlandais y entrera à titre de compensation. Mais le roi des Pays-Bas refuse d’avaliser le nouveau traité et la Belgique garde provisoirement la presque totalité du Limbourg et du Luxembourg (hormis les deux villes de Maastricht et de Luxembourg). Le roi des Pays-Bas ayant fini par accepter en mars 1838 le traité des Vingt-Quatre Articles, le partage est effectué en avril 1839 selon les termes du traité. Le Luxembourg belge et le Limbourg belge deviennent définitivement provinces du royaume de Belgique désormais composé de neuf provinces : Flandre occidentale (Bruges), Flandre orientale (Gand), Brabant méridional (Bruxelles), Anvers, Hainaut (Mons), Namur, Liège, Limbourg (Hasselt), Luxembourg (Arlon). Il convient de noter l’existence d’une petite enclave belge, celle de Baarle-Duc, dans le Brabant septentrional néerlandais, où elle jouxte la ville néerlandaise de Baarle-Nassau ; Baarle-Duc dépend de la province belge d’Anvers. Le royaume de Belgique couvre 29 500 km2 et renferme de l’ordre de 4 millions d’habitants.
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Les États existants 2. La Belgique dans les temps contemporains (1839 à nos jours) Devenue indépendante, et à l’ombre de sa neutralité, la Belgique est, jusqu’à la Première Guerre mondiale, le théâtre d’un essor spectaculaire lié à la révolution industrielle qui touche maints pays d’Europe occidentale : mines, industrie lourde, commerce, activité maritime (Anvers), développement du capitalisme. Le français étant devenu la langue officielle à la création du royaume, il tend à supplanter le flamand, en particulier parmi les élites, ce qui provoque en retour des revendications de la moitié flamande du pays. En 1898, le flamand devient lui aussi langue officielle. Lorsque éclate la Première Guerre mondiale, au mépris du traité de 1831 (« chiffon de papier »), l’empereur allemand viole en 1914 la neutralité belge, pourtant garantie en 1831 par son ancêtre, le roi de Prusse. Durant la guerre, la Belgique est presque totalement envahie, à l’exception de l’enclave de Baarle-Duc et d’une petite parcelle à l’extrême ouest du royaume (La Panne), où se tient le roi-chevalier Albert Ier pendant le conflit. À la victoire, la Belgique émet des revendications sur la Flandre et le Limbourg néerlandais, les cantons pris par la Prusse en 1815 et le grand-duché de Luxembourg. Aux termes de pourparlers au cours desquels les revendications belges sur des terres néerlandaises ont été écartées, par le traité de Versailles du 28 juin 1919, l’Allemagne cède à la Belgique les cantons d’Eupen, de Malmédy et de Saint-Vith, sous réserve de l’accord des populations. Moresnet est réunifié sous souveraineté belge (Liège). Par plébiscite du 28 septembre 1919, les habitants du grand-duché de Luxembourg votent à une grande majorité leur attachement à leur indépendance, qui n’est dès lors plus mise en cause. Ils entreront seulement, en 1922, en union économique avec la Belgique. Des registres sont ouverts à Eupen, à Malmédy et à Saint-Vith du 23 janvier au 23 juillet 1920 pour recueillir d’éventuelles signatures de protestation contre la cession ; on n’en relèvera que 271. Le rattachement à la Belgique d’Eupen, de Malmédy et de Saint-Vith devient définitif. Lorsque éclate la Deuxième Guerre mondiale, la Belgique proclame une nouvelle fois sa neutralité ; elle ne sera pas plus respectée qu’en 1914. Dès le 10 mai 1940, profitant du passage des troupes allemandes en route vers la France, Hitler réannexe sur-le-champ au Reich les cantons d’Eupen, de Malmédy et de Saint-Vith perdus en 1920. Il y ajoute quelques communes germanophones de vieille Belgique autour d’Aubel et de Montzen, situées entre Eupen et la frontière néerlandaise. Le 2 août 1940, en même temps que le grand-duché de Luxembourg, l’Allemagne annexe quelques communes germanophones du Luxembourg belge, comprises entre Arlon (exclu) et Athus (exclu) et limitrophes du Luxembourg grand-ducal. En septembre 1944, la Belgique recouvre intégralement les territoires annexés de force par Hitler en 1940. Ses limites territoriales ne varieront plus jusqu’à nos jours. Renonçant dès lors à sa neutralité — qui ne lui a apporté que des mécomptes — par son entrée dans l’OTAN, la Belgique prend le parti de s’intégrer à la communauté européenne naissante : en 1948, union économique avec les Pays-Bas et le Luxembourg (Benelux) ; en 1957, membre fondateur de la Communauté économique européenne. Le pays participe pleinement au développement des institutions européennes, et Bruxelles devient le siège de l’administration de la Communauté. Toutefois, après la Seconde Guerre mondiale, l’opposition culturelle entre Flamands et Wallons s’est intensifiée et le gouvernement belge décide d’apporter quelques modifications au découpage des provinces, de façon à améliorer l’homogénéité linguistique de chaque province (22 novembre 1963). Dans ce cadre, dix territoires changent de province : – Comines-Warneton passe de la Flandre occidentale au Hainaut (enclave) ; – Mouscron-Dottignies passe de la Flandre occidentale au Hainaut ; – Russeignies-Orrain passe de la Flandre orientale au Hainaut ; – Everbeek passe du Hainaut à la Flandre orientale ; – Saint-Pierre-Capelle passe du Hainaut au Brabant ; – Landen (14 communes) passe de Liège au Brabant ;
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Belgique – Corswarem, Otrange et Eben-Emael passent du Limbourg à Liège ; – les Fourons (5 communes) passent de Liège au Limbourg (enclave). Les habitants germanophones des Fourons, de culture wallonne, protestent contre un rattachement (sans plébiscite) à une province flamingante avec laquelle ils ne se sentent aucune affinité. Puis une loi du 18 juillet 1966 crée quatre régions linguistiques : – néerlandaise : les deux Flandres, Anvers, le Limbourg et les deux tiers septentrionaux du Brabant, sauf Bruxelles ; – française : le Hainaut, Namur, Liège (sauf Eupen, Saint-Vith et quelques communes autour de Malmédy), le Luxembourg belge et le tiers méridional du Brabant ; – allemande : Eupen, Saint-Vith et quelques communes autour de Malmédy (exclue) ; – mixte : Bruxelles et 19 communes. De ce fait, l’ancienne province de Brabant est coupée en deux provinces : le Brabant flamand, chef-lieu Bruxelles, et le Brabant wallon, chef-lieu Wavre. La Belgique compte désormais dix provinces. Le 24 décembre 1970, la Belgique devient État régional et communautaire, doté de quatre régions linguistiques (celles de juillet 1966), de trois communautés culturelles (flamande, wallonne, allemande) et de trois régions administratives (Bruxelles, Flandre, Wallonie). Elle se dote de parlements régionaux siégeant à Bruxelles, à Namur et à Malines.
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Les États existants
Biélorussie Le pays en bref État républicain : la république de Biélorussie. Président : Alexandre Loukachenko. Représentation parlementaire : une chambre unique, le Soviet suprême. Capitale : Minsk. Division administrative en 6 provinces : Minsk, Vitebsk, Brest, Grodno, Moguilev, Gomel. Superficie : 207 600 km2 ; population : 10,3 millions d’habitants ; densité : 50 habitants au km2. Langues : le biélorusse et le russe ; on parle aussi le lituanien et l’ukrainien. Religions : orthodoxe ; une minorité catholique ou uniate. Monnaie : le rouble biélorusse.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Russie blanche 1. La Russie blanche dans la mouvance lituanienne (XIIIe-XVIIIe siècles) Peuplée de Slaves dans le courant du Ier millénaire, la région qui recouvre l’actuel territoire de la Biélorussie est, à partir du IXe siècle apr. J.-C., englobée dans le grand empire russe de Kiev. Au XIIe siècle, cet empire se décompose en diverses entités : Petite- et Grande-Russie, Russie rouge, Russie blanche, etc. Cette dernière, située dans l’ouest de l’ensemble russe, correspond littéralement à l’appellation de Biélorussie et représente géographiquement une partie de la Biélorussie d’aujourd’hui. Les peuples de Russie blanche sont englobés dans le grand-duché de Lituanie à partir du XIIIe siècle. Conservant leur spécificité religieuse et culturelle vis-à-vis des Lituaniens — et ce en dépit d’un rapprochement religieux qui aboutit au XVIe siècle à un retour au catholicisme d’une partie de la population, sous la forme de l’Église uniate qui conserve le rite byzantin —, les Russes de Lituanie (Biélorusses) suivent pendant cinq siècles le sort de ce grand-duché, en relative harmonie avec les populations proprement lituaniennes. En 1386 d’abord, puis plus intimement à partir de 1569 (Union de Lublin), ils sont incorporés, en compagnie des Lituaniens, dans le vaste ensemble polono-lituanien ; au sein de cet ensemble, les Biélorusses sont présents dans les palatinats (voïvodies) couvrant à peu près la frange orientale du grand-duché de Lituanie : Polozk, Witebsk, Mstislaw, Wilno (Vilnius), Minsk, Nowogrodek, Brest-Litowsk (voir chapitre Lituanie). En 1772, l’Autriche, la Prusse et la Russie procèdent au premier partage en Pologne et Lituanie. S’agissant des régions peuplées de Biélorusses, la Russie annexe : – la moitié septentrionale (au nord de la Duna) du palatinat de Polozk ; – la quasi-totalité de celui de Witebsk ; – le palatinat de Mstislaw ; – le cinquième oriental (à l’est du Dniepr) de celui de Minsk.
2. L’espace biélorusse en 1789 En 1789, le terme de Biélorussie — concept politique datant du début du XXe siècle — n’existe pas. Il existe seulement une vague dénomination de Russie blanche (terme équivalent), partagée depuis 1772 entre Russie et Lituanie, et couvrant à peu près les anciens palatinats lituaniens de Polozk, de Witebsk et de Mstislaw.
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Biélorussie En revanche, il existe un ensemble de peuples biélorusses installés de part et d’autre de la frontière séparant la Russie du grand-duché de Lituanie, sur un territoire débordant largement vers l’ouest la région géographique indiquée supra, et qui constituera au XXe siècle l’ensemble appelé Biélorussie. Cette région est un sous-ensemble de la vaste plaine couvrant le nord de l’Europe orientale, et s’étend sur les bassins supérieurs du Dniepr, du Boug, du Niémen et de la Dvina. Constituée de terres agricoles médiocres entrecoupées de lacs et de forêts, cette région peu peuplée est dotée d’un réseau très lâche de villes d’importance (Minsk, Witebsk, Wilno). Les Biélorusses qui vivent dans le grand-duché de Lituanie sont répartis entre les palatinats suivants : Polozk (reliquat), Witebsk (reliquat), Wilno (ou Vilnius), Minsk, Nowogrodek, Brest-Litowsk. Ceux de l’Empire russe sont répartis entre les gouvernements de Vitebsk et de Moguilev.
II. La mainmise de la Russie (XIXe-XXe siècles) 1. De 1789 à la naissance de la Biélorussie (1919) En 1793, la Prusse et la Russie procèdent au second partage en Pologne et Lituanie. Dans ce cadre, la Russie annexe la quasi-totalité du reste de régions peuplées de Biélorusses, à savoir : – la moitié méridionale (au sud de la Duna) du palatinat de Polozk ; – le reliquat de celui de Witebsk ; – les quatre cinquièmes occidentaux (à l’ouest du Dniepr) de celui de Minsk ; – le tiers oriental du palatinat de Nowogrodek ; – le tiers oriental de celui de Brest-Litowsk. En 1795, l’Autriche, la Prusse et la Russie procèdent au troisième partage en Pologne et Lituanie. Dans ce cadre, la Russie annexe le dernier reliquat de régions peuplées de Biélorusses, à savoir le palatinat de Wilno. Les terres annexées en 1793 et 1795 constituent les deux nouveaux gouvernements russes de Minsk et de Wilna. Désormais, l’ensemble des Biélorusses sont incorporés dans l’Empire russe, dont ils vont suivre le sort jusqu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale (voir chapitre Russie). La Russie va les considérer comme des Russes ordinaires, ce qu’ils sont en effet d’un point de vue ethnique. Toutefois, l’Église uniate (en communion avec Rome), à laquelle se rattachait une partie des Biélorusses, est d’autorité réunie à l’Église orthodoxe. Dans le courant du XIXe siècle, un certain particularisme biélorusse persiste à se manifester, sur les plans linguistique et culturel, en dépit d’une volonté du pouvoir de russifier complètement la région. Les Biélorusses sont engagés dans le premier conflit mondial au sein des armées russes. À partir de 1915, le pays est occupé par les forces allemandes. Lorsque se produit la première révolution de février 1917, certains milieux biélorusses y voient l’opportunité d’affirmer leur particularisme. Le 25 mars 1918, un congrès national biélorusse siégeant à Minsk proclame l’indépendance d’une république de Biélorussie. Mais, en raison des circonstances, cette proclamation reste sans lendemain. L’éclatement de la seconde révolution, celle d’octobre/novembre 1917, accroît les chances des partisans de l’indépendance, d’autant que les bolcheviks affectent de respecter l’expression des diverses nationalités du pays. Le 1er janvier 1919 est proclamée la république soviétique de Biélorussie. En raison des événements en cours (affrontements russo-polonais), son territoire est loin de regrouper l’ensemble des Biélorusses. Il se limite provisoirement aux régions de Minsk, la nouvelle capitale du pays, et de Bobruisk, avec des prétentions sur l’ensemble des autres territoires peuplés de Biélorusses.
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Les États existants 2. La Biélorussie (1919 à nos jours) Le conflit russo-polonais, dont la maîtrise des terres biélorusses est l’un des enjeux, s’achève en 1920 par un armistice, et la nouvelle Biélorussie va faire les frais de la paix. Par le traité de Riga du 18 mars 1921, la Pologne annexe le tiers occidental de la Russie blanche, avec les villes de Brest-Litowsk, Grodno et Pinsk. Pendant l’entre-deux-guerres, les Biélorusses vont être durablement divisés entre Pologne et Biélorussie soviétique. C’est donc une Biélorussie amoindrie qui fait ses premiers pas dans la vie politique des États d’après le conflit mondial. Dotée d’un régime soviétique, comme la grande sœur de Moscou, elle doit s’organiser en État et reconstruire le pays dévasté par deux guerres successives. Le 30 décembre 1922, aux côtés de la Russie, de l’Ukraine et de la Transcaucasie, la Biélorussie est l’une des quatre républiques fondatrices de l’URSS. Elle renonce ainsi à son indépendance. Si l’inclusion dans la nouvelle URSS se traduit par une perte de souveraineté pour la nouvelle Biélorussie, celle-ci reçoit en retour des compensations territoriales. Entre 1924 et 1926, sur sa frontière orientale, la Biélorussie s’accroît de territoires cédés par la Russie, autour des villes de Polozk, Witebsk, Moghilew et Gomel. Elle prend ainsi sa dimension définitive de l’entre-deux-guerres, couvrant de l’ordre de 125 000 km2 pour environ 5 millions d’habitants. Le cadre du nouvel État, en dépit de la mainmise vigilante du pouvoir de l’URSS, permet un certain renouveau du particularisme biélorusse : l’un des dialectes devient langue officielle du pays, enseignée dans les écoles et support d’une culture renaissante. En revanche, les Biélorusses de Pologne éprouvent de grandes difficultés à sauvegarder leur spécificité, face aux tentatives des autorités de poloniser leurs contrées. Cependant, dans la seconde moitié des années trente, les ambitions de l’Allemagne hitlérienne mettent en péril l’existence de la Pologne. Le pacte germano-soviétique, du 23 août 1939, envisage dans un article secret le démantèlement de la Pologne entre les deux pays. À la suite de la guerre éclair de septembre, où les armées polonaises ont été vaincues, l’Allemagne et l’URSS procèdent le 12 octobre 1939 au cinquième partage de la Pologne. Dans ce cadre, l’URSS annexe le tiers oriental de la Pologne. Parmi les territoires annexés par l’URSS, sont rattachés à la Biélorussie : – les palatinats de Bialystok, de Nowogrodek et de Polésie (Brest-Litowsk) ; – les deux tiers orientaux du palatinat de Vilnius (sans la ville). Le tiers occidental du palatinat de Vilnius, avec la ville, est rétrocédé par l’URSS à la république de Lituanie, encore indépendante à cette date. Le démantèlement de la Pologne, si désastreux du point de vue polonais, se traduit ainsi par une réunification des terres biélorusses ; elle met fin, du point de vue biélorusse, à une injustice de près de vingt ans. L’entente entre Hitler et Staline ne dure qu’un temps. À la suite du déclenchement, le 22 juin 1941, de l’offensive allemande contre l’URSS, les armées allemandes s’enfoncent profondément en Biélorussie et en Ukraine. Dans ce cadre, entre autres territoires, Hitler annexe au Reich allemand le district de Bialystok-Grodno-Lomza, prélevé sur la Biélorussie. En 1942, l’Allemagne instaure un commissariat général d’Ostland, capitale Riga, divisé en quatre districts généraux : Estonie (Reval [Tallinn]), Lettonie (Riga), Lituanie (Kaunas), Russie blanche (Minsk). La Biélorussie est donc administrativement rattachée à cet organisme des armées d’occupation. La Biélorussie souffre particulièrement de la guerre, les armées de passage ravageant le pays en 1941 puis en 1944. Dès la conférence de Téhéran (novembre 1943), l’URSS fait admettre par ses alliés le principe d’une frontière polono-soviétique située sur la ligne Curzon, non appliquée en 19201921. En février 1945, les accords de Yalta confirment cette ligne pour la frontière soviétique.
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Biélorussie Le 16 août 1945, l’accord polono-soviétique de Moscou fixe la nouvelle frontière entre Pologne et URSS à peu près sur la ligne Curzon. L’URSS annexe ainsi officiellement sur l’ancienne Pologne d’avant-guerre le palatinat de Vilnius, la Polésie, le palatinat de Nowogrodek, la Volhynie et la Galicie orientale. De ce fait, vis-à-vis de sa situation d’avant-guerre, la Biélorussie, restaurée dans le cadre de l’URSS, s’agrandit du palatinat de Vilnius — moins la ville elle-même et son territoire —, de la Polésie et du palatinat de Nowogrodek, avec les villes de Grodno, Brest-Litowsk et Pinsk. La république soviétique de Biélorussie, capitale Minsk, de nouveau partie constitutive de l’URSS, s’étend désormais sur une superficie de 208 000 km2. Elle est divisée en six provinces portant le nom de leur chef-lieu : Minsk, Vitebsk, BrestLitovsk, Grodno, Moguilev, Gomel. Dès 1945, en dépit de son appartenance à l’URSS, elle obtient un siège de représentant à l’ONU en voie de formation. De 1945 à 1990, elle suit de nouveau le sort commun à toutes les républiques membres de l’URSS et subit, durant cette période, une politique de russification tendant à faire disparaître le particularisme culturel biélorusse. Mais l’évolution des conditions politiques en URSS à la fin des années 1980 favorise la manifestation de forces centrifuges. Emboîtant le pas à la Russie, qui en juin 1990 vote sa souveraineté vis-à-vis de l’URSS, la Biélorussie proclame le 27 juillet 1990 sa souveraineté vis-à-vis de l’Union soviétique. Puis, la désagrégation soviétique suivant son cours, le 25 août 1991, la république de Biélorussie proclame son indépendance. Le 8 décembre 1991, à Minsk, les présidents des républiques de Russie, de Biélorussie et d’Ukraine proclament la fin de l’URSS et son remplacement par une confédération, la Communauté des États indépendants (CEI). Le 21 décembre 1991, la Biélorussie adhère formellement à la CEI. La nouvelle république indépendante se heurte très vite à de grandes difficultés dans le domaine économique, dues à deux raisons produisant simultanément leurs effets : le régime de transition rapide vers une économie de marché et le découplage de liens économiques étroits et anciens avec la Fédération de Russie. Ceci explique l’évolution politique qui s’opère à partir de 1994, année où l’ancien président Chouchkevitch, peu favorable à des liens serrés avec la Russie, est brutalement remplacé par Alexandre Loukachenko, qui fait voter en mai 1995 un rapprochement économique et culturel avec la Russie (le russe redevient une langue nationale), et signe le 2 avril 1997 un traité ouvrant la voie à une future union avec la Russie.
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Les États existants
Bosnie-Herzégovine Le pays en bref État républicain : la république de Bosnie-Herzégovine, confédération groupant deux entités. Présidence collégiale : Sulejman Tihic (Musulman), Borislav Paravac (Serbe), Miro Ivo Jovic (Croate). Représentation parlementaire : la Chambre des citoyens ; la Chambre des communes. Capitale confédérale : Sarajevo. Division politique et administrative en 2 entités autonomes : la fédération croatomusulmane de Bosnie-Herzégovine, capitale Sarajevo, et la république serbe de Bosnie, capitale Banja Luka. Superficie : 51 100 km2, dont 51 % pour la fédération croato-musulmane et 49 % (en deux territoires séparés) pour la république serbe ; population : 3,7 millions d’habitants (4,5 millions avant la guerre civile) ; densité : 72 habitants au km2. Langue : le serbo-croate, appelé bosniaque, serbe ou croate selon l’appartenance des gens qui l’emploient. Religion : 43 % de musulmans, 17 % de catholiques (Croates), 31 % d’orthodoxes (Serbes), répartition d’avant la guerre civile. Monnaie : le mark convertible.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la BosnieHerzégovine 1. Des origines à la conquête ottomane (1463/1482) Peuplée à l’origine de Iapyges, la Bosnie et l’Herzégovine sont conquises par Rome en 27 av. J.-C. et font dès lors partie de la vaste province romaine d’Illyrie, puis elles sont envahies par divers peuples, en dernier lieu au VIIe siècle par des Slaves (Croates et Serbes). Relevant de l’Empire byzantin, puis soumise aux conquêtes successives de la Croatie, de la Hongrie et de la Serbie, la Bosnie est en proie aux XIIIe et XIVe siècles aux troubles suscités par l’hérésie bogomile. Elle se dote à la fin du XIVe siècle d’une dynastie propre, les Kotomanitch, qui règne sur un éphémère royaume de Bosnie, lequel subit bientôt l’assaut des Ottomans. Tributaire dès 1436, la Bosnie est conquise par les Turcs en 1463. L’Herzégovine, gouvernée depuis 1391 par des ducs croates de la maison de Vouktchitch, et qui s’était détachée en 1448 de la Bosnie pour former le « duché de Saint Sava », est à son tour conquise en 1482 par la Turquie.
2. La domination ottomane (1463/1482-1789) Dès 1528, la Bosnie et l’Herzégovine réunies constituent un vilayet ottoman. Si, dès la conquête, le sultan Méhémet II a garanti aux chrétiens l’exercice de leur culte, les féodaux bosniaques (beys), pour conserver leurs privilèges, se convertissent à l’islam — qu’adopte aussi une partie de la population, ce qui est à l’origine du mélange religieux qui a prévalu jusqu’à nos jours. De ce fait, les beys gardent la haute main sur les structures féodales d’un vilayet non divisé en sandjaks — comme il serait de règle —, mais réparti en capitanats dont les nobles se considèrent les propriétaires. Le pacha, installé à Travnik, depuis l’incendie de Bosna Seraï (Sarajevo) en 1697 par le prince Eugène, se contente de représenter dans la province le sultan, suzerain de ladite noblesse.
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Bosnie-Herzégovine En 1718, à la paix de Passarowitz, pour se protéger de Venise, la république de Raguse cède à l’Herzégovine turque les deux « fenêtres » maritimes de la Klek et de la Sutorina, qui donnent à celle-ci de toucher en deux points le rivage adriatique. De 1718 à 1739, la frange septentrionale de la Bosnie a été temporairement détachée de l’Empire ottoman et rattachée aux Confins militaires autrichiens de Slavonie. Depuis 1739, par la paix de Belgrade, l’unité historique de la province a été reconstituée par le recul autrichien.
II. La Bosnie-Herzégovine en 1789 La Bosnie et l’Herzégovine constituent ensemble un vilayet de l’Empire ottoman, situé à l’extrémité nord-ouest de l’avancée turque en Europe. Divisé en 39 capitanats, ce vilayet couvre de l’ordre de 65 000 km2 pour environ 1 million d’habitants. Il s’agit d’un ensemble montagneux couvrant les quatre régions de Bosnie propre (Sarajevo), de Croatie turque (Banja Luka), de Rascie (Novi Bazar) et d’Herzégovine (Mostar) ; cet ensemble affecte une forme générale triangulaire dont l’un des côtés, au nord, suit le cours de la Save prolongé par celui de l’Unna (le séparant de la Croatie-Slavonie), le second, à l’est, le cours de la Drina (le séparant de la Serbie), et le troisième côté, au sudouest, la ligne de crête des Alpes dinariques (le séparant de la Croatie et de la Dalmatie). Le relief et le climat distinguent la Bosnie, arrosée par divers affluents de la Save (Unna, Verbas, Bosna, Drina), au climat rude et continental, aux paysages alpestres alliant forêts et pâturages, de l’Herzégovine (bassin de la Narenta tourné vers l’Adriatique), dotée d’un climat plus chaud et sec et d’une végétation plus méditerranéenne. Le pays, très pauvre, vit sous le régime féodal des capitanats, les capitans étant l’ancienne noblesse chrétienne touchée par l’hérésie bogomile, puis islamisée, qui se partage les terres exploitées par la paysannerie.
III. La Bosnie-Herzégovine turque (1789-1878) 1. De 1789 à l’abolition des capitanats (1837) La guerre austro-russe contre la Porte, entamée en 1788, n’avait pas offert les résultats escomptés en raison de la résistance turque. Désireuse d’avoir les mains libres en raison des événements survenus en Europe, l’Autriche conclut le 4 août 1791 la paix de Sistova avec la Turquie. La Turquie cède à l’Autriche, outre la ville de Vieil-Orsova sur le Danube, le district de l’Unna, petit territoire situé à l’extrême ouest de la Croatie turque (Bosnie). L’Autriche le rattache aux Confins militaires de Croatie. Les réformes engagées dès 1831 par le sultan Mahmoud, en vue de moderniser les institutions de l’Empire ottoman, se heurtent en Bosnie-Herzégovine à l’hostilité des beys, satisfaits du régime féodal maintenu depuis plus de trois siècles à leur profit, et ceux-ci fomentent une révolte contre l’autorité turque. En réaction contre ces troubles, en 1837, la Porte supprime les 39 capitanats et les remplace par sept sandjaks : Bosna Seraï, Travnik, Banja Luka, Bihatch, Zvornik, Mostar, Novi Bazar.
2. De 1837 à l’ingérence austro-hongroise (1878) Les troubles continuant de façon sporadique, la Porte charge en 1850 le nouveau gouverneur de Bosnie, l’énergique Omar Pacha, de reprendre en mains le pays ; le gouverneur transfère en 1851 sa résidence de Travnik à Bosna Seraï (Sarajevo), plus éloignée de la zone des troubles, et il rétablit par la force l’autorité ottomane, qui s’exercera désormais de façon directe. Dès 1875, une révolte paysanne en Herzégovine, étendue ensuite à l’est de la Bosnie, est soutenue par la Serbie et le Monténégro, qui arment les révoltés. En juillet 1876, ces deux pays attaquent la Turquie, mais sont battus. Parallèlement, l’Autriche-Hongrie cherchait à étendre son influence dans les Balkans et convoitait la Bosnie-Herzégovine qui lui ouvrirait la voie vers Salonique, tout en empêchant la jonction de la Serbie et du Monténégro. À l’entrevue de Reichstadt (juillet 1876), les empereurs d’Autriche et de Russie s’entendent sur un partage des Balkans, dans lequel l’Autriche recevrait la Bosnie-Herzégovine.
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Les États existants En décembre 1876, une conférence des puissances tenue à Constantinople pour résoudre la question tourne court, ce qui provoque (avril 1877) l’entrée en guerre de la Russie, l’Autriche-Hongrie restant neutre contre promesse secrète (15 janvier 1877) de recevoir la Bosnie-Herzégovine. La chute de la forteresse turque de Plevna (décembre 1877) ouvre la route de Constantinople aux armées russes. La paix entre Russie et Turquie est finalement signée le 3 mars 1878 à San Stefano. La Russie pousse son avantage en faisant décider la création d’une grande Bulgarie, assortie d’avantages territoriaux pour la Serbie et le Monténégro, tandis que la Bosnie-Herzégovine, pourtant à l’origine du conflit, n’est pas mentionnée dans le traité. Le traité de San Stefano rompant, aux yeux de la Grande-Bretagne et de l’Autriche-Hongrie, l’équilibre balkanique, le chancelier Bismarck réunit à Berlin un congrès des puissances qui impose un nouveau traité le 13 juillet 1878. La grande Bulgarie est morcelée et l’Autriche-Hongrie reçoit satisfaction partielle sur ses ambitions bosniaques. Il est en effet décidé que : – une large bande de territoire du sud-est de l’Herzégovine, d’environ 4 000 km2, avec la ville de Nikschitz, est cédée au Monténégro ; – le reste de la Bosnie-Herzégovine, à l’exception du sandjak de Novi Bazar, demeure sous la souveraineté nominale du sultan, mais son administration est prise en charge par l’Autriche-Hongrie, qui reçoit aussi le droit d’occupation militaire ; elle est désormais ramenée à une superficie d’environ 50 000 km2 pour 1 200 000 habitants ; – le sandjak de Novi Bazar (environ 10 000 km2 pour 150 000 habitants) demeure de souveraineté et d’administration turques, mais l’Autriche-Hongrie y reçoit le droit d’occupation militaire.
IV. L’Autriche-Hongrie en Bosnie-Herzégovine (1878-1919) 1. La Bosnie-Herzégovine sous administration austro-hongroise (1878-1908) Les Austro-Hongrois occupent le pays (août 1878), non sans quelque résistance, et installent en Bosnie-Herzégovine une administration militaire, à la tête de laquelle se trouve un commandant en chef des forces armées représentant l’empereur. Ce nouvel état de fait est officiellement reconnu par la Porte le 21 avril 1879. En 1882, la Bosnie-Herzégovine est dotée d’une administration civile ; pour éviter de devoir choisir entre Autriche, Hongrie ou Croatie, l’administration est rattachée directement au ministère des Finances (l’un des trois ministères communs prévus par le Compromis de 1867), qui délègue à Sarajevo un gouverneur doté des pleins pouvoirs. Le pouvoir est exercé au nom du sultan et, symboliquement, l’étendard de celui-ci est hissé à Sarajevo chaque vendredi. L’ancienne division en sandjaks est conservée, mais ils sont ramenés au nombre de six, du fait du détachement de celui de Novi Bazar, et rebaptisés cercles (ou districts) : Sarajevo, Travnik, Bihatch, Banja Luka, Dolnia Tuzla, Mostar. L’Autriche-Hongrie modernise le pays dans tous les domaines : expansion de l’administration (mais aussi des impôts), construction d’édifices publics, de routes et de voies ferrées, stimulation de l’agriculture et des autres secteurs économiques. Les catholiques de Bosnie-Herzégovine sont favorisés par le nouveau pouvoir, qui s’attache à renforcer leur nombre par l’apport de colons, croates ou slaves d’autres origines, dans la plaine de la Save face à la Croatie. Ces agissements indisposent les Bosniaques serbes, qui se tournent vers le nouveau royaume indépendant de Serbie, lequel, frustré dans ses vues sur la Bosnie, soutient leur cause. Pour contrecarrer cet irrédentisme serbe, le gouverneur autrichien tente de susciter l’émergence d’une nationalité bosniaque, à laquelle n’adhèrent en fait que les Bosniaques musulmans, et c’est ainsi que s’installe dans les esprits la partition en trois nationalités, qui porte en germe les déchirements du pays un siècle plus tard.
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Bosnie-Herzégovine 2. La Bosnie-Herzégovine annexée à l’Autriche-Hongrie (1908-1919) Certains milieux de Vienne souhaitaient annexer définitivement la Bosnie-Herzégovine à l’Empire austro-hongrois, mais on n’osait en faire l’affront aux rois Obrénovitch de Serbie, qui considéraient la Bosnie comme sœur de la Serbie, tout en menant une politique austrophile. Leur brutal remplacement en 1903 par les Karageorgevitch, tournés vers la Russie, avait levé tout scrupule à cet égard ; l’annexion de la Bosnie-Herzégovine apparaissait, de plus, comme une compensation à la perte d’influence en Serbie et elle permettrait à l’Autriche-Hongrie de créer une ligne de chemin de fer vers Salonique, en s’affranchissant du réseau serbe. La révolution jeune-turque, intervenue dans l’été de 1908, prévoyait la convocation à Constantinople d’un Parlement ottoman où Bosniaques (et Rouméliotes de Bulgarie) seraient appelés à siéger ; cet événement précipite le dénouement de l’affaire. Au lendemain du 5 octobre, où le prince Ferdinand, appuyé par l’Autriche-Hongrie, vient de proclamer l’indépendance de la Bulgarie, le gouvernement austro-hongrois décrète le 6 octobre 1908 : – l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche-Hongrie, moyennant compensation financière à la Porte ; – la restitution, libre de toute occupation militaire, du sandjak de Novi Bazar à la Turquie. La Bosnie-Herzégovine devient condominium de l’Autriche et de la Hongrie, dotée d’une administration propre, distincte de celles de chacune des deux parties de la double monarchie. En avril 1909, moyennant compensation financière et restitution du sandjak de Novi Bazar, la Turquie se résigne à accepter l’annexion de la Bosnie-Herzégovine. Mais les Serbes, ulcérés de ce coup de force auquel, manquant d’appuis, ils n’ont pu s’opposer, vont soutenir activement un irrédentisme bosniaque qui se répand, et qui entend combattre le rattachement forcé à l’Autriche-Hongrie, tout en prônant un rapprochement avec la Serbie. Dès lors, la Bosnie-Herzégovine va devenir un foyer permanent de tensions, avec l’appui de certains milieux serbes (société secrète de la Main noire). Le 28 juin 1914, l’archiduc François Ferdinand d’Autriche, héritier du trône, et son épouse, en visite officielle en Bosnie-Herzégovine, sont assassinés à Sarajevo par un Bosniaque armé par la Serbie. Cet assassinat va déclencher la Première Guerre mondiale. Durant le conflit, la Bosnie-Herzégovine constitue une base de départ qui va permettre à l’armée austro-hongroise de vaincre et d’occuper la Serbie et le Monténégro (1916). En 1918, l’effondrement de l’Autriche-Hongrie a entraîné un rapprochement des Serbes, des Croates et des Slovènes, qui sont convenus, avec l’appui des vainqueurs, de s’unir en un État commun proclamé le 1er décembre 1918 sous le nom de royaume des Serbes, Croates, Slovènes (SCS). Sous le sceptre des Karageorgevitch, le nouvel État a pour vocation de rassembler les peuples slaves du sud de l’Europe autour d’une base constituée de la Serbie, de la Croatie, de la Slovénie et de la Bosnie-Herzégovine.
V. La Bosnie-Herzégovine yougoslave (1919-1991) 1. La première période yougoslave (1919-1941) Par le traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919, agissant au nom de l’ancienne Cisleithanie, l’Autriche cède au royaume SCS sa part du condominium austro-hongrois sur la Bosnie-Herzégovine. Par le traité de Trianon du 4 juin 1920, agissant au nom de l’ancienne Transleithanie, la Hongrie cède au royaume SCS sa part du condominium austro-hongrois sur la Bosnie-Herzégovine. La Bosnie-Herzégovine devient ainsi l’une des provinces du nouveau royaume des Serbes, Croates, Slovènes. Elle va désormais en suivre le destin mouvementé, lié à l’opposition qui se fait très vite jour entre Serbes, partisans d’une centralisation à leur profit, et Croates, défenseurs d’une vision décentralisée du nouveau royaume. Les Bosniaques, répartis entre plusieurs communautés ethniques, vont ressentir intensément ces déchirements.
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Les États existants La Constitution « du Vidovdan » (28 juin 1921), d’inspiration serbe centralisatrice, maintient théoriquement les provinces du royaume, mais les vide de toute réalité administrative au profit de 33 nouvelles régions. En 1929, à la suite de troubles graves entre Serbes et Croates, le roi Alexandre Ier suspend la Constitution de 1921 et accentue la centralisation du pays, qui devient royaume de Yougoslavie. En 1931, il élabore une nouvelle Constitution, qui a pour effet de faire disparaître les anciennes provinces, dont la Bosnie-Herzégovine, au profit de neuf banovines purement administratives. L’ancienne Bosnie-Herzégovine est éclatée entre les banovines de Drina (Sarajevo), de Zéta (Cettigné), du Littoral (Spalato) et de Verbas (Banja Luka). En août 1939, voulant donner une satisfaction tardive aux Croates en vue de refaire l’unité du pays face aux périls extérieurs, le roi Pierre II crée une grande banovine autonome croate dotée d’un parlement à Zagreb, regroupant tous les pays peuplés de Croates et chevauchant les anciennes banovines administratives. Cette grande banovine croate englobe une frange de l’ancienne Bosnie située sur rive droite de la Save, ainsi que la moitié occidentale de l’Herzégovine (Mostar) et un fragment de Bosnie (Jajce) sur les cours supérieurs de la Narenta et du Verbas.
2. La période croate (1941-1945) À la suite de l’agression victorieuse de la Yougoslavie par les armées allemandes, italiennes et bulgares, Hitler décrète unilatéralement le démembrement de ce pays le 22 avril 1941. Dans ce cadre, la Bosnie-Herzégovine est en totalité attribuée au nouveau royaume de Croatie (ou État indépendant de Croatie), constitué dès le 10 avril 1941 et qui comprend désormais l’ancienne Croatie-Slavonie, la moitié méridionale de la Dalmatie et la Bosnie-Herzégovine. L’inclusion des Croates de Bosnie et d’Herzégovine ne posait guère de problème. En revanche, pour compenser l’inclusion, dans le nouvel État croate, d’une importante minorité de Serbes de Bosnie, les autorités croates qualifient de « Croates » les Musulmans de la province, en dépit de leurs propres dénégations. Occupé par l’Allemagne, le pays est le théâtre de troubles permanents et de massacres visant les populations serbes.
3. La seconde période yougoslave (1945-1991) La Yougoslavie est, dès novembre 1943 à Jajce, clandestinement reconstituée sous forme fédérale par le Comité national de libération installé par les forces communistes de Tito. Tout à la fois pour diminuer le poids des Serbes dans la future Yougoslavie et pour éviter les difficultés d’un partage trop complexe entre Serbes et Croates de Bosnie, il est décidé de faire exception à la règle de création de républiques uninationales en faveur de la seule Bosnie-Herzégovine, qui deviendra l’une des républiques fédérées, dans ses limites de 19081918, en dépit de la coexistence sur son sol de populations très mélangées de Serbes, de Croates et de « Musulmans ». Le 29 octobre 1945, Tito abolit la monarchie et proclame la république de Yougoslavie. La Constitution du 31 janvier 1946 entérine ce choix et la Bosnie-Herzégovine devient l’une des six républiques fédérées constituant la nouvelle Yougoslavie fédérale. Elle retrouve ses limites de 1908-1918 (condominium), hormis la fenêtre maritime de la Sutorina cédée au Monténégro, soit une superficie de 51 000 km2 ; la ville de Sarajevo devient capitale de la nouvelle république. Pour la première fois depuis cinq cents ans, la Bosnie-Herzégovine redevient un État, inclus il est vrai dans une fédération tenue d’une main de fer par le maréchal Tito et par le régime communiste qu’il a imposé à l’ensemble de la Yougoslavie. De ce fait, la Bosnie-Herzégovine, en vertu de l’autonomie octroyée à chacune des républiques fédérées, prend en mains son développement économique et commence à prendre conscience de sa condition d’entité politique distincte des autres membres de la fédération yougoslave. Par ailleurs, les tiraillements entre les diverses communautés du pays sont étouffés par l’omnipotence du pouvoir politique détenu par le parti communiste.
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Bosnie-Herzégovine VI. La Bosnie-Herzégovine indépendante (1991 à nos jours) La mort de Tito (mai 1980) et l’effondrement du monde communiste en Europe (19891990) permettent à certains États de la Yougoslavie de revendiquer leur indépendance. En décembre 1991, le Parlement de Sarajevo proclame la séparation d’avec la Yougoslavie et l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Le 29 février 1992, un référendum, boycotté par les Serbes de Bosnie, entérine l’indépendance. Mais les Serbes et Croates du pays, soucieux de rattacher leurs zones de peuplement aux républiques voisines de Serbie et de Croatie, rejettent cette indépendance et entament une guerre contre le gouvernement bosniaque contrôlé par les Musulmans. Le 28 mars 1992, les Serbes du pays proclament la république serbe de Bosnie sur les régions qu’ils contrôlent, avec Pale pour capitale. Le 5 avril débute le siège de Sarajevo, qui va durer trois ans et demi. En novembre de la même année, les Croates proclament un État autonome, l’HercegBosna, avec Mostar pour capitale. En novembre 1995, à l’issue de trois années de guerre civile, sont négociés aux États-Unis les accords de Dayton, entérinés à Paris le 14 décembre 1995. Aux termes de ces accords, la Bosnie-Herzégovine devient une confédération composée de deux entités autonomes : – la fédération croato-musulmane de Bosnie-Herzégovine, capitale Sarajevo, constituée de 51 % du territoire du pays, en un seul tenant qui couvre le centre de la Bosnie, l’ancienne « Croatie turque » (l’extrême nord-ouest du pays) et la moitié occidentale de l’Herzégovine, avec des villes comme Mostar, Travnik, Zenica, Tuzla ; – la république serbe de Bosnie, capitale Banja Luka, constituée de 49 % du territoire, en deux morceaux séparés : le nord de la Bosnie, avec la ville de Banja Luka, le sud-est de la Bosnie et la moitié orientale de l’Herzégovine, avec la ville de Pale. L’État confédéral est doté d’une présidence collégiale où les trois communautés sont représentées, et d’un Parlement. Le pays reste à reconstruire et à réunifier dans les esprits.
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Les États existants
Bulgarie Le pays en bref État républicain : la république de Bulgarie. Président : Gueorgui Parvanov. Représentation parlementaire : une chambre unique, l’Assemblée nationale. Capitale : Sofia. Division administrative en 28 départements (oblast) : Sofia-Capitale, Sofia, Vidin, Montana, Vratsa, Pernik, Kœstendil, Blagœvgrad, Pleven, Lovetch, Bazardjik, Plovdiv, Smoljan, Tirnovo, Gabrovo, Stara Zagora, Khaskovo, Kardzali, Roussé, Silistrie, Razgrad, Targoviste, Silven, Dobritch, Varna, Choumen, Bourgas, Yambol. Superficie : 111 000 km2 ; population : 8,5 millions d’habitants ; densité : 77 habitants au km2. Langue : le bulgare, langue slave. Religions : orthodoxe ; musulmane pour la minorité turque (8 à 10 %) et pour les Pomaks, minorité bulgare islamisée au Moyen Âge. Monnaie : le lev.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’espace bulgare 1. Des origines à la conquête par Byzance (1018) Après avoir fait partie de l’Empire romain (Mésie inférieure au nord des Balkans, Thrace au sud), les régions que couvre aujourd’hui la Bulgarie ont été conquises au VIIe siècle par un peuple turco-mongol, les Bulgares (parfois qualifiés de Protobulgares), qui se slavise au contact des populations slaves installées depuis le Ve siècle ; la fusion des deux peuples donne bientôt naissance au premier royaume bulgare (681), dont Pliska est la capitale. Orthodoxe depuis 864 (conversion du roi Boris Ier), ce royaume se dote d’une Église autonome et adopte peu après la liturgie en slavon. Il connaît son premier apogée au début du Xe siècle (règne du tsar Siméon Ier), s’étendant alors de la mer Ionienne aux bouches du Danube. Puis le pays s’affaiblit, miné de l’intérieur par le développement de l’hérésie bogomile et confronté à l’extérieur aux incursions hongroises au nord, à l’émancipation serbe à l’ouest et aux menées byzantines au sud. En dépit d’une dernière tentative du roi Samuel (980-1014) de s’opposer à ces forces de désintégration en déplaçant sa capitale à l’ouest à Ochrida, la Bulgarie achève de disparaître en 1018, conquise par l’empereur de Byzance, Basile II « le Bulgaroctone ».
2. De la domination byzantine à la domination ottomane (1018-1789) Au XIIe siècle, la Bulgarie est donc temporairement soumise à la domination de Byzance. Celle-ci s’achève par une insurrection des Bulgares (1185), partie de Tarnovo, qui entraîne, en 1187, la restauration d’un royaume bulgare indépendant, avec Tarnovo pour capitale. Cette restauration ouvre une seconde période brillante pour le peuple bulgare, sur les plans tant politique que culturel. Mais, dès la seconde moitié du XIIIe siècle, une révolte paysanne et des querelles dynastiques affaiblissent de nouveau le pays. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, la Bulgarie se divise en deux royaumes, celui de Tarnovo et celui de Vidin. C’est une Bulgarie affaiblie et divisée qui doit affronter l’assaut des Turcs, qui s’emparent de Sofia (1382), battent les Bulgares à Cossovie (Kossovo) en 1389 et annexent la Bulgarie (Tarnovo en 1393, Vidin en 1396). Dès lors, la Bulgarie n’est plus qu’une province de l’Empire ottoman. La noblesse bulgare se convertit à l’islam, la paysannerie demeurant orthodoxe, hormis la minorité des Pomaks, paysans bulgares islamisés. Le pays est, à intervalles réguliers, en proie à des soulèvements
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Bulgarie populaires contre le pouvoir ottoman, toujours voués à l’échec, mais aussi à la résistance des haïdouks, bulgares rebelles à l’autorité turque qui se réfugient dans les montagnes. La conscience de l’appartenance à une nation bulgare s’assoupit peu à peu et ne se réveille que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, notamment sous l’influence des écrits de Paisij, moine bulgare du Mont-Athos. En 1767, l’autocéphalie de l’Église bulgare est supprimée, celle-ci étant de nouveau rattachée au patriarchat de Constantinople, qui entend abolir la liturgie en slavon, au profit du grec. Cette décision est à l’origine d’un mouvement de résistance du clergé, qui se mêle bientôt à une aspiration au renouveau de la nation bulgare.
II. L’espace bulgare en 1789 En 1789, l’espace bulgare — c’est-à-dire les régions où vivent des Bulgares — s’étend sur la Bulgarie proprement dite et la Roumélie orientale ; des minorités bulgares sont aussi implantées en Macédoine du Nord (Ouskoub, Monastir, Ochrida), en Thrace et dans les provinces roumaines de l’Empire ottoman. La Bulgarie est une région ottomane de la péninsule des Balkans comprise entre le Danube inférieur au nord, la mer Noire à l’est, la chaîne principale des Balkans (Stara Planina) au sud, le Timok à l’ouest. À la Bulgarie proprement dite, il convient d’ajouter la Roumélie orientale, située au sud de la Bulgarie, séparée d’elle par la Stara Planina et s’étendant principalement sur le haut bassin de la Maritza. Ce sont des contrées montagneuses, au climat continental, alternant des régions de plaines vouées à la culture des grains et des régions plus accidentées propices à l’élevage. Les villes, peu répandues, se situent sur les axes naturels : Danube (Silistrie, Routschouk, Nicopolis, Vidin), haute vallée de l’Isker (Sofia), Maritza (Philippopolis), côte maritime (Varna, Bourgas). La Roumélie orientale fait partie du vaste vilayet de Roumélie dont elle constitue les sandjaks d’Andrinople et de Philippopolis ; la Bulgarie proprement dite constitue le vilayet de Silistrie, composé des sandjaks de Vidin, de Nicopolis et de Silistrie. Enfin, la Macédoine septentrionale (Ouskoub) héberge d’importantes populations bulgares. Le ciment qui unit les Bulgares est la religion orthodoxe avec liturgie en slavon (vieux bulgare) qui s’incarnait naguère dans l’église autocéphale de Bulgarie (métropolie d’Ochrida) ; mais, en 1767, le Phanar a obtenu du Sultan l’abolition de l’autocéphalie bulgare et son rattachement direct au patriarchat œcuménique grec, qui a interdit l’usage du slavon.
III. De 1789 à l’avènement du royaume de Bulgarie (1908) 1. De 1789 à l’avènement de la principauté de Bulgarie (1878) Éloignée des foyers de trouble de l’Europe occidentale, la Bulgarie n’est pas affectée par les bouleversements de l’époque révolutionnaire et napoléonienne. La première moitié du XIXe siècle voit s’épanouir un renouveau bulgare, à l’initiative d’une bourgeoisie naissante ouvrant des écoles bulgares où la langue est codifiée et enseignée, et à l’initiative d’un clergé réintroduisant peu à peu le slavon dans la liturgie. Dans les années 1840-1860, dans le cadre de la politique de réforme (Tanzimat) de l’Empire ottoman, l’ensemble de la Turquie est divisé en 36 vilayets. Dans ce cadre, la Bulgarie proprement dite est répartie entre les nouveaux vilayets de Silistrie, de Vidin, de Nisch et de Sofia, tandis que la Roumélie orientale dépend désormais du vilayet d’Andrinople. En mars 1870, avec le soutien de la Russie mais contre l’avis du patriarche grec de Constantinople, le clergé bulgare obtient du sultan la restauration d’un exarchat bulgare, nouvelle église autocéphale dont le chef résidera à Constantinople et aura autorité sur tous les Bulgares de l’Empire.
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Les États existants En avril 1876, profitant de la révolte bosniaque, les Bulgares se soulèvent contre l’autorité turque. Mais les troupes ottomanes et leurs auxiliaires bachi-bouzouks répriment le soulèvement dans le sang. Cette répression émeut l’opinion publique européenne. Une conférence des puissances, ouverte sur ce sujet à Constantinople en décembre 1876, tourne court. Alors la Russie, qui se pose en défenseur des Slaves de Turquie, déclare la guerre à la Porte en avril 1877 et la vainc en janvier 1878. Le 3 mars 1878, la paix est rétablie entre la Russie et la Turquie à San Stefano, moyennant d’importantes cessions turques. La Turquie renonce à de nombreux territoires qui vont former une grande Bulgarie, tributaire de la Porte mais en fait cliente de la Russie, laquelle compte en faire une pièce maîtresse de son avancée dans les Balkans. Cette grande Bulgarie comprendra : – la Dobroudja méridionale, montant au nord jusqu’à une ligne passant à 10 km au sud de Constantza, et englobant Mangalia, Baltchik, Bazardzik et Silistrie ; la Dobroudja septentrionale allant à la Roumanie ; – la Bulgarie proprement dite, entre Danube et Balkan, Timok et mer Noire ; – la Roumélie orientale ; – la partie septentrionale de la Thrace orientale (Kirk-Kilissi) ; – la Macédoine presque entière, Ouskoub, Ochrida, Kastoria, Kavalla et même l’île de Thasos, la ville de Salonique et la presqu’île de Chalcidique étant seules exclues. La Russie occupera la Bulgarie pendant deux années, temps jugé nécessaire à la mise en place d’une nouvelle administration. Le traité de San Stefano provoque les protestations de la Grande-Bretagne (intéressée à l’intégrité de la Turquie) et de l’Autriche-Hongrie, les promesses russes à elle faites au sujet de la Bosnie-Herzégovine n’ayant pas été tenues. Précédé par les accords anglo-russe du 1er juin et austro-russe du 6 juin, le congrès de Berlin, réuni le 13 juin sur proposition de Bismarck, aboutit le 13 juillet au traité de Berlin qui, entre autres décisions, partage la grande Bulgarie de San Stefano en quatre parties : – la partie septentrionale de la Dobroudja méridionale (Mangalia) est attribuée à la Roumanie comme la Dobroudja septentrionale ; la Bulgarie ne conserve plus que la part méridionale de la Dobroudja méridionale (Quadrilatère) avec Silistrie, Bazardjik et Baltchik ; – la Bulgarie proprement dite (63 000 km2, 2 100 000 habitants), y compris le sandjak de Sofia et le quadrilatère de Dobroudja, devient une principauté de Bulgarie tributaire de la Porte, qui sera confiée à un prince chrétien choisi en accord avec les puissances ; – la Roumélie orientale (33 000 km2, 900 000 habitants), réduite au haut bassin de la Maritza prolongé à l’est jusqu’à la mer Noire, devient province autonome turque, dotée d’un gouverneur chrétien ; – la partie septentrionale de Thrace orientale (Kirk-Kilissi), la Macédoine et l’île de Thasos sont restituées à la Turquie. La durée d’occupation militaire de la principauté de Bulgarie par la Russie est ramenée de deux ans à neuf mois.
2. De la principauté tributaire au royaume indépendant de Bulgarie (1878-1908) Une assemblée de notables, réunie à Tirnovo, vote en avril 1879 une Constitution très libérale et élit comme prince Alexandre de Battenberg, neveu de la tsarine et candidat commun de la Russie et de l’Allemagne. Celui-ci fait, le 13 juillet 1879, son entrée solennelle à Sofia, petite ville choisie pour être la capitale de la nouvelle principauté. Par ailleurs, les puissances adoptent un compromis au sujet de la nouvelle province (vilayet) de Roumélie orientale : exempte de garnisons militaires turques, celle-ci sera dotée d’un gouverneur chrétien, assisté d’une assemblée élue, et paiera chaque année un tribut au sultan.
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Bulgarie La principauté de Bulgarie est divisée en 17 départements portant le nom de leur cheflieu : Sofia, Vidin, Tirnovo, Varna, Routschouk, Razgrad, Choumla, Kœstendil, Trin, Silistrie, Lom Palanka, Rahova, Vratsa, Plevna, Lovetch, Sevlievo, Sistova. Pour sa part, la Roumélie orientale comporte 6 départements : Philippopolis, Khaskœi, Tatar Bazardjik, Stara Zagora, Slivono, Bourgas. En dépit de la décision du congrès de Berlin existe en Bulgarie comme en Roumélie orientale un sentiment aigu en faveur de l’union des deux entités. Ce mouvement, soutenu par le prince Alexandre Ier, aboutit à un soulèvement en Roumélie le 18 septembre 1885 ; le gouverneur ottoman est reconduit à la frontière et les Rouméliotes appellent le prince Alexandre qui entre triomphalement à Philippopolis (Plovdiv) et proclame le 21 septembre l’union de la Bulgarie et de la Roumélie orientale. Cependant les puissances n’approuvent pas cette entorse au traité de Berlin et la Bulgarie reste affaiblie par la brouille (1881) survenue entre le prince Alexandre et son ancien protecteur le tsar Alexandre III. En novembre 1885, tandis que les puissances confèrent à Constantinople pour trouver une solution, encouragée par l’Autriche-Hongrie qui voit dans l’annexion de la Roumélie un facteur de déséquilibre dans les Balkans, la Serbie déclare la guerre à la Bulgarie. Les Bulgares étant vainqueurs, la paix de Bucarest, le 8 mars 1886, rétablit le statu quo ante bellum entre Serbie et Bulgarie. Le 5 avril 1886, les puissances signent la convention de Top Hané, laquelle, moyennant quelques petites rectifications sur la frontière en faveur de la Turquie, reconnaît l’union personnelle de la Bulgarie et de la Roumélie orientale, le prince Alexandre devenant gouverneur de Roumélie pour le compte de la Porte. Les statuts de la Bulgarie et de la Roumélie orientale restent juridiquement inchangés, la Bulgarie demeurant principauté tributaire de la Porte et la Roumélie province autonome incluse dans l’Empire ottoman, avec un gouverneur chrétien qui se trouve être le prince de Bulgarie. Dans la réalité, les deux parties forment de plus en plus une entité commune, qui se considère elle-même comme un seul pays, et dont les éléments (administration, armée, infrastructure économique) sont peu à peu fusionnés. Le 7 septembre 1886, renversé en août par un complot d’officiers soutenus par la Russie, le prince Alexandre abdique, Stamboulof devenant régent. L’influence de Stamboulof, très anti-russe, sur l’Assemblée (Sobranié) amène celle-ci à élire le 7 juillet 1887 un nouveau prince, candidat de l’Autriche-Hongrie, le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg. En juillet 1908, la révolution jeune-turque a rétabli la Constitution de l’Empire ottoman (datant de 1876 et jamais appliquée). Le gouvernement ottoman prévoit donc l’élection d’une Assemblée où seraient appelés à siéger des députés de Bosnie-Herzégovine et de Roumélie orientale (provinces juridiquement turques). Avec la complicité du ministre russe des Affaires étrangères Isvolsky, agissant de son propre chef, l’Autriche-Hongrie envisage l’annexion de la Bosnie-Herzégovine, la Russie obtenant en contrepartie l’ouverture des Détroits à ses navires de guerre. Le prince Ferdinand de Bulgarie, qui la souhaitait depuis longtemps, y voit l’occasion de rompre les liens de vassalité de sa principauté vis-à-vis de la Porte. Il reçoit à cet effet l’appui de l’Autriche et de la Russie. Le prince Ferdinand prend alors prétexte de l’incident « du pilaf » du 12 septembre 1908 : le grand vizir n’ayant pas invité le représentant bulgare à la réception des ambassadeurs, sous prétexte que la principauté n’est pas étrangère à la Turquie, ce dernier quitte Constantinople. Le 22 septembre, Ferdinand proclame l’indépendance de la Bulgarie. Le 5 octobre à Tirnovo, il proclame l’indépendance de la Roumélie orientale et son union à la Bulgarie, et se proclame lui-même tsar des Bulgares, revendiquant déjà par là la souveraineté sur les Bulgares de Thrace et de Macédoine.
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Les États existants IV. La Bulgarie indépendante (1908 à nos jours) 1. De 1908 au règlement de la seconde guerre balkanique (1913) Le nouveau royaume de Bulgarie regroupe 3 millions d’habitants sur une superficie de 96 000 km2 ; c’est un État majeur des Balkans. En raison de sa longue appartenance à un Empire ottoman en proie à un déclin irrémédiable, le pays est très en retard d’un point de vue économique : agriculture prépondérante, faible réseau urbain, faiblesse des capitaux, etc. Le 20 avril 1909, moyennant compensations financières, la Turquie reconnaît l’indépendance et la réunion de la Bulgarie et de la Roumélie orientale. L’affaiblissement de la Turquie excitant la convoitise des États de la région, une Ligue balkanique est formée entre Grèce, Bulgarie, Serbie et Monténégro pour s’en partager les dépouilles (mars-octobre 1912). Le conflit avec la Turquie, entamé le 8 octobre 1912, se révèle désastreux pour cette dernière. Les troupes bulgares sont victorieuses des troupes ottomanes en Thrace et en Macédoine, un contingent bulgare parvenant à Salonique le 9 novembre, un jour après l’armée grecque. Le 30 mai 1913, au traité de Londres, la Turquie doit renoncer à tout son territoire européen à l’ouest d’une ligne Enos-Midia (Thrace orientale), ne se conservant en Europe que Constantinople et la région bordant les Détroits. Le 30 juin, la Bulgarie, qui avait revendiqué en vain l’entière Macédoine pour prix de son effort de guerre, attaque ses alliés par surprise. Débordée par les Serbes, les Grecs et les Turcs qui reprennent Andrinople, elle est vaincue le 31 juillet et doit en subir les conséquences. Le 10 août 1913, la paix est signée à Bucarest. La Bulgarie n’y obtient qu’un accroissement limité au regard de ses anciennes ambitions. La Bulgarie se voit attribuer : – la frange orientale de la Macédoine septentrionale (Macédoine du Pirin), à savoir la moyenne vallée de la Strouma, de Gorna Djumaïa à Petritch, plus le saillant de Stroumitza ; – la Thrace occidentale, de la Mesta (Nestos) à la Maritza, sous réserve de l’accord des Turcs. En revanche, la Bulgarie doit céder à la Roumanie sa part de Dobroudja méridionale (Quadrilatère), avec Silistrie, Bazardjik (Dobritch) et Baltchik. Par le traité de Constantinople du 29 septembre 1913, la Bulgarie reçoit de la Turquie la Thrace occidentale, entre Mesta et Maritza, avec le littoral (Xanthi, Gumurdjinia, Porto Lagos, Dédéagatch) lui assurant un accès à la mer Égée, ainsi qu’un fragment de Thrace orientale le long de la mer Noire, au nord de Kirk-Kilissi (exclue). Mais la ville d’Andrinople et un large morceau de territoire sur rive droite de la Maritza, de Svilengrad à Dimotika, restent ottomans, coupant ainsi la voie ferrée (Orient-Express) de Philippopolis (Plovdiv) à Dédéagatch et à Constantinople. La Bulgarie s’étend désormais sur 118 000 km2 pour une population de l’ordre de 5 millions d’habitants.
2. De 1913 aux conséquences de la Première Guerre mondiale (1919) La Turquie étant entrée en guerre dès août 1914 aux côtés des Empires centraux, l’alliance de la Bulgarie est convoitée par les deux camps. Le tsar Ferdinand décide d’abord de temporiser, mais l’échec de l’Entente aux Dardanelles l’incite à se ranger en septembre 1915 du côté des Empires centraux. Pour le décider, les dispositions suivantes sont adoptées : 1) par la convention de Sofia du 6 septembre signée entre la Bulgarie et la Turquie, la Turquie cède immédiatement à la Bulgarie : – le territoire turc de rive droite de la Maritza, avec Karagatch (gare d’Andrinople) et Dimotika, restaurant la continuité, en territoire bulgare, de la voie ferrée PhilippopolisDédéagatch ; – une mince bande de territoire sur rive gauche de la basse Maritza, avec la ville d’Enos ; – un morceau de territoire au nord d’Andrinople sur rive gauche de la Maritza, de façon à arrondir la frontière ;
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Bulgarie 2) par conventions secrètes du même jour entre la Bulgarie et les trois Empires, ces derniers lui promettent, à la victoire : – la Macédoine serbe (Ouskoub, Ochrida, Monastir) ; – au cas où la Grèce entrerait en guerre contre eux, la Macédoine grecque (hormis Salonique et la Chalcidique) ; – au cas où la Roumanie entrerait en guerre contre eux, la restitution du Quadrilatère de Dobroudja cédé par la Bulgarie en 1913. La Bulgarie déclare la guerre à la Serbie le 14 octobre. La Roumanie, après avoir encore plus tergiversé que la Bulgarie, était entrée en guerre le 27 août 1916 aux côtés de l’Entente. La Bulgarie lui avait déclaré la guerre le 1er septembre. Vaincue par les puissances centrales, et perdant son appui russe du fait de la révolution d’octobre, la Roumanie a dû se résoudre à traiter avec ses vainqueurs. Par le traité de Bucarest du 7 mai 1918, parmi diverses autres clauses : – la Roumanie restitue à la Bulgarie l’ensemble de la Dobroudja méridionale, à savoir le Quadrilatère cédé en 1913 par la Bulgarie, mais aussi la partie septentrionale de la Dobroudja méridionale (Mangalia) qui avait été attribuée à la Bulgarie en mars 1878 (San Stefano) et transférée à la Roumanie en juillet 1878 (Berlin) ; – la Roumanie renonce à la Dobroudja septentrionale, jusqu’aux bouches du Danube incluses, qui devient condominium germano-austro-bulgare (pétrole) ; la Roumanie perd ainsi la majeure partie de son littoral (hormis en Bessarabie), ne gardant qu’un débouché économique à Constantza. La Bulgarie, ayant été vaincue, finit par déposer les armes le 29 septembre 1918 à Salonique, le roi Ferdinand abdiquant le 4 octobre en faveur de son fils Boris III. Elle se voit imposer par les vainqueurs réunis à Paris une paix l’obligeant à de nombreuses cessions de territoires. Par le traité de Neuilly du 27 novembre 1919, la Bulgarie doit céder : – à la Roumanie, l’entière Dobroudja méridionale annexée en mai 1918 ; – au royaume des Serbes, Croates, Slovènes, les territoires du Timok (rive droite du cours inférieur), de Tsaribrod, de Bossilevgrad (haute Strouma) et le saillant de Stroumitza ; – à la Grèce, la partie méridionale de Thrace occidentale, à savoir les territoires annexés en Thrace sur la Turquie en septembre 1913 et en septembre 1915, hormis le versant septentrional du Rhodope et la vallée de l’Arda ; la Bulgarie reperd ainsi son débouché sur la mer Égée, ne gardant en principe qu’un débouché économique (port franc), que la Grèce refusera d’accorder. La Bulgarie est alors réduite à une surface d’environ 103 000 km2.
3. De 1919 au règlement de la Seconde Guerre mondiale (1947) Comme dans tous les pays vaincus, l’humiliation ressentie par le règlement du conflit engendre un sentiment de revanche et une instabilité politique : gouvernement autoritaire de Stambolijski (1920-1923), insurrection communiste (septembre 1923), gouvernements modérés (1923-1934), dictature militaire (1934), puis dictature du roi Boris III luimême (1935-1940). Par décret royal du 29 mai 1934, la Bulgarie est réorganisée en sept régions administratives portant le nom de leur chef-lieu : Choumen (Choumla), Pleven (Plevna), Vratsa, Sofia, Stara Zagora, Plovdiv, Bourgas. Survient le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La Roumanie, mise en position de faiblesse par la défaite franco-anglaise à l’ouest, a dû céder à l’URSS et à la Hongrie, qui l’exigeaient, d’importants territoires ; la Bulgarie, qui s’est rapprochée de l’Allemagne hitlérienne, revendique alors la cession de la Dobroudja méridionale. Par le traité de Craïova du 7 septembre 1940, la Roumanie rétrocède à la Bulgarie le quadrilatère de Dobroudja méridionale. Le 1er mars 1941, la Bulgarie adhère au pacte tripartite (Italie, Allemagne, Japon) et participe à l’invasion de la Yougoslavie à partir du 6 avril. Le 17 avril, la Yougoslavie capitule. Les vainqueurs poursuivent leur offensive en Grèce, qui sera vaincue à la fin du mois.
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Les États existants Le 22 avril 1941, Hitler décide le démantèlement de la Yougoslavie, qui sera répartie entre Allemagne, Italie, Croatie, Bulgarie et Hongrie. Dans ce cadre, la Bulgarie se voit attribuer des territoires d’une superficie de 28 000 km2 pour 1 250 000 habitants, ainsi répartis : – le territoire du Timok, perdu en 1919 ; – la Moravie orientale (Pirot, Vranje) ; – la majeure partie de la Macédoine ci-devant yougoslave, avec Ouskoub (Skopje) et Monastir (Bitola), jusqu’au lac d’Ochrida. En juillet 1941, à la suite de sa défaite, la Grèce doit céder à son tour quelques territoires dont à la Bulgarie : – le territoire de Florina ; – la Thrace occidentale côtière, sauf une bande le long de la Maritza ; – la Macédoine grecque orientale, à l’est de la Strouma (Kavalla) ; – les îles de Thasos et de Samothrace. La bande frontière de rive droite de la Maritza, de Svilengrad à Dimotika et à Dédéagatch, faisant face à la Turquie, quoique demeurant théoriquement grecque, est occupée militairement par l’Allemagne. Dès l’automne de 1944, la Bulgarie, qui a changé de camp sous la pression de l’URSS, a restitué de facto à la Grèce et à la Yougoslavie les terres annexées en 1941. Un pouvoir communiste s’est instauré à Sofia. Le 8 septembre 1946, par référendum, la monarchie est abolie. Le 15 septembre est proclamée la république populaire de Bulgarie (communiste). Les négociations de paix, qui se sont déroulées en 1946, vont se traduire par des traités de paix signés à Paris le 10 février 1947 entre les vainqueurs et l’Italie, la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie. Par le traité de paix la concernant, la Bulgarie : – renonce officiellement en faveur de la Yougoslavie aux territoires annexés sur elle en avril 1941, à savoir le territoire du Timok, la Moravie orientale (Pirot, Vranje) et la Macédoine septentrionale ; – renonce officiellement en faveur de la Grèce aux territoires annexés sur elle en juillet 1941, à savoir le territoire de Florina, la Macédoine orientale, la Thrace occidentale côtière, les îles de Thasos et de Samothrace ; – conserve, grâce à l’appui de l’URSS, le quadrilatère de Dobroudja méridionale repris à la Roumanie en septembre 1940.
4. La Bulgarie contemporaine (1947 à nos jours) La Bulgarie se voit de nouveau réduite à une surface de 111 000 km2 pour une population d’environ 7 millions d’habitants. Elle est alors divisée en 28 départements : Vidin, Lom (plus tard Mikhaïlovgrad), Vratsa, Grand Sofia, Région de Sofia, Pernik, Kœstendil, Blagœvgrad (Gorna Djumaïa), Pleven, Lovetch, Bazardjik, Plovdiv, Smoljan, Tirnovo, Gabrovo, Stara Zagora, Khaskovo, Kardzali, Roussé (Routschouk), Silistrie, Razgrad, Targoviste, Sliven, Tolbukhin (Dobritch), Varna, Choumen, Bourgas, Yambol. La Bulgarie se voit dès lors, pour plus de quarante ans, soumise à un régime communiste inspiré de et étroitement surveillé par l’URSS. Elle adhère au Comecon (1949) et au pacte de Varsovie. Dans le cadre de l’économie concertée des pays de l’Est, elle fait l’objet d’une certaine industrialisation. Elle devient l’un des plus fidèles alliés de l’URSS, au point d’envisager un moment (1979) son incorporation à l’URSS à titre de 16e république fédérée. Par décision du 26 août 1987, la Bulgarie est réorganisée en neuf régions, chaque région recouvrant un ou plusieurs anciens départements : – Sofia : département de Sofia ; – Région de Sofia : quatre départements de Blagœvgrad, Kœstendil, Pernik, Région de Sofia ; – Mikhaïlovgrad : trois départements de Vidin, Mikhaïlovgrad, Vratsa ;
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Bulgarie – Lovetch : quatre départements de Lovetch, Pleven, Gabrovo, Tirnovo ; – Plovdiv : trois départements de Bazardjik, Plovdiv, Smoljan ; – Khaskovo : trois départements de Stara Zagora, Khaskovo, Kardzali ; – Razgrad : quatre départements de Silistrie, Roussé, Razgrad, Targoviste ; – Varna : trois départements de Tolbukhin, Varna, Choumen ; – Bourgas : trois départements de Bourgas, Sliven, Yambol. Le 15 janvier 1990, la Bulgarie revient à une conception pluraliste de la vie politique, en abolissant le rôle dirigeant du parti communiste. Le 1er août 1990, l’élection d’un président non communiste (Jelev) marque le passage de la Bulgarie à un régime de république démocratique. Depuis lors, la Bulgarie recherche son intégration à la nouvelle Europe, s’étant portée candidate à l’entrée dans l’Union européenne, ainsi que dans l’OTAN. En 1999, la Bulgarie revient à la subdivision en 28 départements, appelés oblast, selon la liste qui était en vigueur de 1949 à 1987 (voir supra). Le 17 juin 2001, des élections législatives donnent la majorité au parti formé par l’ancien roi Siméon II, qui, enfant, avait régné de 1943 à 1946 ; cette victoire ouvre la voie à une éventuelle évolution institutionnelle du pays, allant jusqu’au rétablissement possible de la monarchie. Le 12 décembre 2002, l’Union européenne accepte, dans son principe, l’entrée à terme de la Bulgarie en son sein, cette entrée devenant effective le 1er janvier 2007.
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Les États existants
Chypre Le pays en bref État républicain : la république de Chypre. Président : Tassos Papadopoulos. Représentation parlementaire : une chambre unique, la Chambre des députés. Capitale : Nicosie. Division administrative en 6 districts : Nicosie, Larnaca, Limassol, Paphos, Kyrénia, Famagouste. Superficie : 9 250 km2, dont 36 % au nord (environ 3 350 km2) sont occupés par la Turquie ; population : 770 000 habitants, dont environ 200 000 dans la zone occupée par la Turquie ; densité : 83 habitants au km2. Langue : le grec moderne (le démotique) ; une minorité parle turc. Religions : orthodoxes 80 %, musulmans 18 %. Monnaie : la livre chypriote.
Remarques Quoique paraissant faire géographiquement partie de l’Asie occidentale, l’île de Chypre est depuis toujours une contrée que tout rattache à l’Europe : histoire, population, civilisation. Elle a d’autant plus sa place dans cet ouvrage que sa candidature à l’adhésion à l’Union européenne, en raison des évidences ci-dessus rappelées, a été jugée parfaitement recevable et que le processus d’adhésion de cet État à l’Union est en cours. Depuis 1974, le tiers septentrional de la république de Chypre est soustrait à son gouvernement central de Nicosie par une occupation militaire émanant de la Turquie. Cette dernière a suscité une « république turque du nord de Chypre » qui n’est reconnue par aucun État, à l’exception de la Turquie elle-même. Outre la république de Chypre, l’île abrite deux bases, Dékélia et Akrotiri, d’une superficie totale de 250 km2, sur lesquelles la Grande-Bretagne conserve pleine et entière souveraineté.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de Chypre 1. Une île grecque mais politiquement convoitée Depuis l’Antiquité, la civilisation grecque s’est épanouie dans un environnement maritime. Peuple de marins, les Grecs ont toujours considéré la Méditerranée comme un lien entre leurs diverses cités et c’est tout naturellement qu’ils ont occupé les nombreuses îles du bassin oriental de cette mer. Colonisée par les Grecs depuis la fin du IIe millénaire av. J.-C., l’île de Chypre est donc de civilisation grecque depuis plus de 3 000 ans, en dépit de nombreuses dominations étrangères. Soumise aux Assyriens, aux Égyptiens, aux Perses, elle entre en 333 av. J.-C. dans l’empire d’Alexandre, puis fait partie de l’héritage de Ptolémée, restant attachée à l’Égypte jusqu’à la conquête romaine en 58 av. J.-C. Dès lors, elle constitue la province romaine de Chypre, chef-lieu Salamis (près de l’actuelle Famagouste), puis elle est versée dans l’Empire romain d’Orient et demeure byzantine durant plusieurs siècles. Lors de la troisième croisade, Richard Cœur de Lion conquiert Chypre en 1191 et la vend en 1192 à la maison de Lusignan, qui règne sur Jérusalem et va régner durant trois siècles sur le nouveau royaume de Chypre. L’île devient alors un bastion avancé de la latinité et de la chrétienté, étroitement associé au royaume de Jérusalem (union personnelle) jusqu’à
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Chypre la perte définitive de celui-ci en 1291 ; mais cette perte ne nuit en rien, au contraire, à l’activité commerciale des ports de Chypre. Toutefois, en dépit de leurs efforts, les rois poitevins de Chypre ne parviennent pas à latiniser durablement l’île, qui demeure résolument « grecque ». En 1489, à l’issue de quatorze ans de régence, la reine de Chypre, Catherine Cornaro, noble Vénitienne veuve du dernier roi Jacques de Lusignan, vend son royaume à Venise, qui le détient jusqu’en 1571, date à laquelle l’île est conquise par les Ottomans. Cette situation perdure en 1789.
2. L’île de Chypre en 1789 Chypre est une vaste île de la Méditerranée orientale, dotée de deux chaînes de montagnes parallèles, orientées est-ouest, entre lesquelles s’étend une vaste plaine centrale, la Mésorée, riche en terres agricoles et où se trouve Nicosie, la capitale. Pourvue de mines exploitées depuis la plus haute Antiquité — Chypre veut dire « cuivre » —, elle constitue aussi un relais commercial entre l’Europe occidentale et le Levant, et ses ports (Famagouste, Limassol) sont très actifs. S’y ajoute une activité de pêche et de navigation, car les Grecs des îles fournissent traditionnellement à l’Empire ottoman l’essentiel de sa marine : navires et équipages. La population chypriote (ou cypriote), que l’on peut estimer à environ 100 000 âmes à cette époque, est principalement grecque, mais des colons turcs se sont aussi implantés dans l’île depuis la conquête ottomane. Sur le plan administratif, l’île de Chypre fait partie de l’Empire ottoman et y constitue un pachalik, chef-lieu Nicosie, qui dépend du grand vilayet des Îles (ou de Djézaïr), cheflieu Gallipoli, confié au capitan-pacha qui a la haute main sur toutes les îles de souveraineté turque et sur quelques régions côtières de Grèce et d’Asie Mineure. L’île est divisée en trois sandjaks : Nicosie, Kyrénia, Paphos.
II. Les vicissitudes d’une position stratégique (1789 à nos jours) 1. La Chypre turque (1789-1878) Éloignée des contrées européennes bouleversées par les événements de l’époque révolutionnaire et napoléonienne, ainsi que de la région des Balkans où les aspirations nationalistes se font jour au long du XIXe siècle au détriment du joug ottoman, l’île de Chypre traverse la majeure partie dudit siècle sans évolution notable. En 1840, dans le cadre de la politique de réformes (Tanzimat) de l’Empire ottoman, l’ensemble de l’Empire est divisé en 36 vilayets. Les îles turques, dont Chypre fait partie, sont regroupées dans un vilayet des Îles, cheflieu Rhodes, qui ne comprend plus de parties de terre ferme.
2. La Chypre britannique (1878-1960) La Grande-Bretagne, maîtresse des Indes, était de longtemps désireuse de s’assurer des points d’appui sur la route maritime qui y conduisait, particulièrement après l’ouverture (1869) du canal de Suez. Pour se faire payer ses bons offices dans le règlement de la crise balkanique, par le traité du 4 juin 1878, la Grande-Bretagne reçoit à bail de la Turquie l’île de Chypre. L’île reste juridiquement turque, mais sera administrée par la Grande-Bretagne, qui paiera à la Porte une redevance annuelle ; l’Angleterre ne pourra librement céder son bail, la France disposant sur lui d’un droit de préemption. L’île est alors divisée en six districts : Nicosie, Larnaca, Limassol, Paphos, Kyrénia et Famagouste, situation qui restera inchangée jusqu’à nos jours. En 1881, la Grande-Bretagne fait procéder au premier recensement, qui dénombre 186 000 habitants, dont 137 500 Grecs (74 %) et 45 500 Turcs (24 %).
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Les États existants Le 5 novembre 1914, étant entrée en guerre contre la Turquie, la Grande-Bretagne annexe l’île de Chypre, pour laquelle elle cessera désormais de payer la redevance annuelle à la Porte. Cette annexion n’est reconnue par la Turquie que dans les deux traités de paix successifs de Sèvres (10 août 1920) et de Lausanne (24 juillet 1923). Le 1er mai 1925, l’île de Chypre devient colonie de la Couronne britannique. Dès le début de la présence britannique, les Grecs de l’île revendiquaient l’union (Enôsis) à la Grèce, en invoquant le précédent des îles Ioniennes (1864). Mais la Grande-Bretagne s’était toujours retranchée derrière la fiction juridique de l’appartenance de l’île à la Turquie. Depuis 1914, cet argument était devenu caduc et, dans les années vingt, la revendication des Grecs avait repris. En 1931 éclate une révolte, avec le soutien de l’Église orthodoxe, mais elle est réprimée par les Britanniques, qui instaurent jusqu’en 1940 un état d’exception. Dès la levée de l’état d’exception, la population grecque de Chypre reprend la revendication de l’union à la Grèce et une organisation secrète (EOKA) use de moyens terroristes pour peser sur l’avenir de l’île. Sur intervention des États-Unis, la Grande-Bretagne, la Grèce et la Turquie signent en février 1959 les accords de Zurich, qui décident la création d’une république indépendante de Chypre préservant les intérêts des communautés grecque et turque et laissant à la Grande-Bretagne la jouissance de ses deux bases militaires ; la république sera membre du Commonwealth.
3. La république de Chypre (1960 à nos jours) Le 16 août 1960, l’île devient la république de Chypre, dont Mgr Makarios, le chef indépendantiste grec, est élu président. Mais de nombreux Chypriotes grecs restent favorables à l’union à la Grèce. La nouvelle république étend son pouvoir à l’ensemble de l’île, à l’exception des deux bases militaires de Dékélia et d’Akrotiri (250 km2), sur lesquelles la Grande-Bretagne conserve toute autorité. L’arrivée des « colonels » au pouvoir en Grèce (1967) ravive à Chypre l’idée d’union à la Grèce. Mgr Makarios ayant exigé le renvoi des officiers grecs instructeurs de l’armée, il est renversé le 15 juillet 1974 par un coup d’État favorable à l’union hellénique. Les Turcs envoient des troupes qui occupent plus du tiers septentrional de l’île, soit 3 350 km2, séparé du sud par la ligne de démarcation « Attila », qui va de Morphou à Famagouste et coupe Nicosie en deux. Des transferts de population ont lieu entre les deux parties. La scission de l’île en deux est condamnée par l’ONU, mais la Turquie n’en a cure et, le 13 février 1975, le gouvernement de la partie turque de l’île proclame sur sa zone l’État fédéré turc de Chypre, rattaché à la Turquie. Le 15 novembre 1983, le gouvernement de la partie turque proclame la « république turque du nord de Chypre », État officiellement indépendant mais reconnu en fait seulement par la Turquie. Depuis lors, la situation reste en l’état, obérant les espoirs de réunification de l’île. Si la partie grecque, qui continue à revendiquer le Nord, a su trouver les moyens de son redressement économique (tourisme, activités bancaires), la partie turque, en dépit d’apport de colons venus de Turquie, subit un marasme économique. Le 4 juillet 1990, la république de Chypre fait acte de candidature à l’Union européenne. Le 12 décembre 2002, cette candidature est acceptée par l’Union, pour une adhésion prévue en 2004. L’ONU élabore un plan de réunification de l’île, sous forme d’un État confédéral, et ce plan est soumis à référendum aux deux parties, grecque et turque. La partie grecque le rejette. En conséquence, le 1er mai 2004 seule la partie grecque fait son entrée dans l’Union européenne.
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Croatie
Croatie Le pays en bref État républicain : la république de Croatie. Président : Stipe Mesic. Représentation parlementaire : la Chambre des députés (Sabor) ; la Chambre des comitats. Capitale : Zagreb. Division administrative en 20 comitats (zupanijas), plus la ville de Zagreb : Zagreb, Varazdin, Medimurje, Koprivnica-Krizevci, Bjelovar-Bilogora, Virovitica-Podravina, Pozega-Slavonija, Slavonski Brod-Posavina, Osijek-Baranja, Vukovar-Srijem, SisakMoslavina, Karlovac, Primorje-Gorski-Kotar, Istra, Lika-Senj, Krapina-Zagorje, Zadar, Sibenik-Knin, Split-Dalmatia, Dubrovnik-Neretva. Superficie : 56 500 km2 ; population : 4,8 millions d’habitants ; densité : 85 habitants au km2. Langue : le croate (le serbo-croate, écrit en caractères latins). Religion : 78 % de catholiques ; 12 % d’orthodoxes. Monnaie : la kuna.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Croatie 1. Des origines à l’union avec la Hongrie (1102) La contrée qui forme aujourd’hui la Croatie avait fait partie de l’Empire romain (répartie entre les provinces de Pannonie supérieure et de Dalmatie) ; lors du partage de l’Empire, opéré en 395 par Théodose, elle fut versée dans la moitié occidentale, la ligne de partage la bordant à l’est ; puis elle fit partie du royaume des Ostrogoths, avant de subir les invasions slaves. Les Croates, peuple slave de souche wende, s’installent au VIIe siècle dans les régions connues sous les noms de Croatie et de Dalmatie. Au IXe siècle, ils annexent la Slavonie, région aussi peuplée de Slaves. Subissant pour peu de temps la suzeraineté franque, ils s’en émancipent dès le milieu du IXe siècle, sous le règne de Trpimir Ier, duc de Croatie (845-864). Érigée en royaume en 925 par Tomislav Ier (910-928), la Croatie annexe la Bosnie en 1042 et se voit céder par Byzance le royaume de Dalmatie en 1060. Cette même année voit le catholicisme romain l’emporter définitivement, au concile de Spalato, sur le rite slavon. Le dernier roi de Croatie, Pierre Vascic, meurt en 1097 en combattant les Hongrois et, en 1102, le roi de Hongrie, par les Pacta Conventa, devient roi de Croatie en union personnelle perpétuelle, la Croatie restant autonome, avec un vice-roi (ban), une diète (sabor) et, en principe, une armée autonome. Désormais, pour plus de huit siècles avec quelques brèves interruptions, le destin de la Croatie sera lié à celui de la Hongrie.
2. De 1102 à la dislocation de la Croatie-Slavonie (1526) Dès le début du XIIe siècle, la Bosnie recouvre son indépendance, puis est de nouveau conquise et reperdue à plusieurs reprises, définitivement en 1463/1490. En 1202, Venise s’empare de Zara, puis de Raguse en 1205, ainsi que des îles bordant la côte dalmate. À partir de 1342, la Croatie, la Slavonie et la Dalmatie (du moins sa partie non passée sous domination vénitienne) forment un royaume triunitaire au sein de la couronne de Hongrie. Mais, en 1409, le roi de Hongrie, Ladislas le Magnanime, vend la Dalmatie à Venise. En 1466, la ville portuaire de Fiume est acquise par l’empereur Frédéric III, qui la rattache aux États de la maison d’Autriche.
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Les États existants 3. De 1526 à la réunification (1699) En 1526, à l’issue de la bataille de Mohacs où le roi Louis II de Hongrie trouve la mort face aux Turcs, la Hongrie et, avec elle, la Croatie et la Slavonie échoient en théorie à Ferdinand Ier d’Autriche, qui vainc (1527) son compétiteur Jean Zapoly, palatin de Transylvanie. Mais ce dernier, appuyé par le sultan Soliman le Magnifique, parvient à se faire couronner roi de Hongrie (1529), pour la partie de la Hongrie (Bude) et celle de la Croatie — avec l’entière Slavonie — conquises par les armées ottomanes. La Croatie est alors durablement divisée en deux parties : – la majeure partie de la Croatie, avec Agram (Zagreb) la capitale, continue à faire partie du royaume de Hongrie (lui-même fort amoindri), avec les Habsbourg pour souverains ; – une petite partie de la Croatie proprement dite, vers l’est, avec l’entière Slavonie, est placée sous la souveraineté de Jean Zapoly, puis, après sa mort, intégrée en 1541 dans l’Empire ottoman. C’est alors que sont constitués les premiers établissements des Confins militaires en Croatie autrichienne, pour surveiller la frontière turque.
4. De 1699 à 1789 À la suite de la grande reconquête menée par elle à la fin du XVIIe siècle, par la paix de Carlowitz (1699), l’Autriche recouvre la partie turque de la Croatie, hormis un fragment à l’extrémité de la Bosnie (« Croatie turque »), et la majorité de la Slavonie, hormis deux fragments méridionaux, qui ne sont recouvrés qu’à la paix de Passarowitz (1718). La Croatie-Slavonie est réunifiée sous domination autrichienne. Les Confins militaires de Slavonie sont alors créés et ceux de Croatie remaniés pour longer la nouvelle frontière. Dès lors, l’administration de la Croatie et de la Slavonie civiles incombe à la couronne de Hongrie, tandis que leurs Confins militaires restent placés sous l’administration directe de l’armée autrichienne. Vestige de l’ancienne frontière d’avant 1699, une partie de la Croatie militaire forme saillant — entre Bosna et Drave — entre les Croatie et Slavonie civiles. En 1776, l’impératrice Marie-Thérèse détache la ville de Fiume et son territoire immédiat (corpus separatum) de l’administration triestine et les transfère à la Croatie pour en faire le port de la couronne de Hongrie. En 1779, la ville de Fiume est détachée de la Croatie et directement rattachée à la Hongrie. Le règne personnel de Joseph II (1780-1790) sur l’ensemble des domaines de la maison d’Autriche se traduit par une volonté de grandes réformes administratives refondant ses possessions en 13 gouvernements uniformes. Dans ce cadre, la Croatie et la Slavonie vont former le gouvernement de Croatie, dirigé par un capitaine général. Cette réforme est abandonnée en 1790, à l’avènement de Léopold II.
II. La Croatie en 1789 Les deux royaumes de Croatie et de Slavonie (ou Esclavonie) constituent deux possessions de la maison d’Autriche, faisant partie de l’ensemble hongrois dit de la couronne de saint Étienne. Le royaume de Croatie s’étend du littoral adriatique (Fiume) au cours moyen de la Drave, en englobant le bassin moyen de la Save. Le royaume de Slavonie est une longue bande de territoire (« mésopotamie ») s’étendant, en aval de la Croatie et en amont de Belgrade, entre d’une part le cours inférieur de la Save, et d’autre part le cours inférieur de la Drave, suivi du cours du Danube compris entre ses deux confluents de Drave et de Save. Le royaume de Croatie est avant tout un pays montagneux adossé aux contreforts des Alpes juliennes, tandis que le royaume de Slavonie est un pays plat et souvent marécageux, fragment de la grande plaine danubienne. Ce sont des pays très fertiles en agriculture et en élevage, disposant de quelques villes de commerce (Agram [Zagreb], Carlstadt [Karlovac], Eszeck [Osijek]) reliées entre elles et au port de Fiume (Rijeka) par un réseau de routes récemment créées par l’administration autrichienne. S’étalant le long de la frontière séparant les États autrichiens de l’Empire ottoman, la Croatie et la Slavonie sont dotées de Confins militaires, territoires frontaliers directement
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Croatie administrés par l’armée autrichienne et sur lesquels vivent des paysans-soldats (souvent serbes) rassemblés dans des communautés particulières (zadrugas). Le royaume de Croatie, capitale Agram (Zagreb), couvre de l’ordre de 26 000 km2, dont 13 000 km2 sous administration civile et 13 000 km2 sous administration militaire. Celui de Slavonie, capitale Eszeck (Osijek), couvre de l’ordre de 16 000 km2, dont 10 000 km2 sous administration civile et 6 000 km2 sous administration militaire. Le double royaume regroupe plus de 1 million d’habitants. Du fait de sa dépendance de la couronne de Hongrie, il est situé en dehors du Saint Empire. La Croatie civile est administrativement divisée en trois comitats : Agram (Zagreb), Warasdin (Varazdin), Kreutz (Kœrves ou Krizevatch). La Croatie militaire, chef-lieu Carlstadt, est divisée en trois généralats : – généralat de Carlstadt, composé de 4 cercles (ou régiments) : Licca (Gospin), Ottocza, Ogulin, Szluin ; – généralat de Warasdin, composé de 2 cercles : Kreutz, Saint-Georges ; – généralat du ban de Croatie, composé de 2 cercles : 1er régiment de Croatie (Glina), 2e régiment de Croatie (Pétrinia). La Slavonie civile est divisée en trois comitats : Werowitz (Verœcze ou Virovitica, cheflieu Eszeck), Posséga, Syrmie (chef-lieu Vukovar). La Slavonie militaire, chef-lieu Peterwardein, constitue le Généralat esclavon-syrmien, divisé en trois commandements : Brod (Vinkovci), Gradiska, Peterwardein, plus le district particulier des Csajkistes (Tittel). La ville et le port de Fiume constituent un district particulier (corpus separatum), dépendant de l’administration de la Hongrie. D’autre part, il convient de mentionner la Croatie turque, extrémité occidentale de la Bosnie turque, située entre les rivières Unna et Verbasz. Enfin, des zones de peuplement croate existent en Istrie, en Herzégovine turque, en Dalmatie vénitienne, dans la république de Raguse et dans le sud de la Hongrie propre.
III. De 1789 à la fin de l’union avec la Hongrie (1918) 1. De 1789 à la première séparation d’avec la Hongrie (1849) La guerre austro-russe contre la Porte, entreprise en 1788, n’avait pas offert les résultats escomptés, en raison de la résistance turque. Désireuse d’avoir les mains libres en prévision des événements à venir en Pologne, l’Autriche conclut le 4 août 1791 la paix de Sistova avec la Turquie. La Turquie cède à l’Autriche, outre la ville de Vieil-Orsova sur le Danube, le district de l’Unna (forteresses de Zettin et de Dreznik), c’est-à-dire la partie occidentale de la Croatie turque (Bosnie). L’Autriche rattache ce district aux Confins militaires de Croatie. Les remaniements territoriaux européens engendrés par la Révolution française et l’ère napoléonienne ont longtemps épargné les pays de la couronne de Hongrie. À la suite de la victoire de Wagram, l’empereur Napoléon impose à l’Autriche la paix de Schœnbrunn (14 octobre 1809), par laquelle il la dépouille de nouvelles provinces. Outre Salzbourg et l’Innviertel cédés à la Bavière, l’Autriche cède à Napoléon divers territoires (Carniole, moitié de Carinthie, Trieste, Istrie) parmi lesquels la moitié méridionale du royaume de Croatie (celle située sur rive droite de la Save) et le district particulier de Fiume. Le même jour, Napoléon détache du royaume d’Italie l’Istrie italienne, la Dalmatie, Raguse et Cattaro pour les agréger aux territoires précités et former les Provinces Illyriennes de l’Empire français, provisoirement divisées en neuf intendances civiles et une militaire. La Croatie de rive droite de la Save va constituer les intendances civiles de Fiume et de Carlstadt et l’intendance militaire de Croatie (anciens Confins annexés), où l’autorité française conserve le système administratif propre aux Confins.
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Les États existants Le décret du 15 avril 1811 relatif aux Provinces Illyriennes ramène à six le nombre d’intendances civiles. Dans ce cadre, la nouvelle intendance de Croatie civile, chef-lieu Carlstadt, regroupe les anciennes intendances provisoires de Carlstadt et de Fiume, augmentées de l’ancienne Istrie autrichienne et des îles de Veglia, Cherso, Lussin et Arbe. La Croatie militaire, chef-lieu Carlstadt, demeure inchangée. En août 1813, les forces coalisées contre Napoléon occupent les Provinces Illyriennes abandonnées par les autorités françaises. L’Autriche les prend provisoirement en charge, sous le nom de royaume d’Illyrie, en attendant le règlement définitif de leur sort. En 1815, le congrès de Vienne confirme à l’Autriche le recouvrement de ses provinces annexées, parmi lesquelles la Croatie annexée en 1809, qui réintègre le royaume de Croatie. En août 1816, un rescrit impérial réorganise l’ensemble des possessions de la maison d’Autriche. S’agissant des parties civiles des royaumes de Croatie et de Slavonie, elles deviennent chacune un gouvernement (province) de l’empire d’Autriche, dépendant de la couronne de Hongrie et donc extérieures au périmètre de la Confédération germanique, à savoir : – Croatie civile : trois comitats d’Agram, Warasdin, Kreutz ; – Slavonie civile : trois comitats de Werowitz, Posséga, Syrmie. Les Confins militaires sont ainsi répartis : – généralat réuni de Carlstadt-Warasdin et du ban de Croatie : 8 régiments, chef-lieu Agram ; – généralat de Slavonie : 5 régiments et 1 bataillon de Csajkistes, chef-lieu Peterwardein. Enfin, la région de Fiume (Fiume, Buccari, Porto-Re, Novi) est érigée en district particulier, dit du Littoral hongrois. En mars 1848, répliquant aux tentations hégémoniques de la révolution libérale hongroise, la diète d’Agram élit, le 25 mars, Jellachitch comme ban de Croatie, lequel proclame l’indépendance de la Croatie-Slavonie vis-à-vis de la Hongrie et sa fidélité à la maison d’Autriche. Les troupes croates du ban Jellachitch ont aidé l’empereur à reprendre le pouvoir en Hongrie. Celle-ci, vaincue, perd sa tutelle sur divers territoires qui lui étaient subordonnés. Conformément aux dispositions de la Constitution de mars 1849, privilégiant la centralisation de l’empire, la Croatie, la Slavonie et Fiume sont détachées de la couronne de Hongrie et érigées en l’un des « pays de la couronne » (Kronland), administré par le ban de Croatie. Mais la Syrmie est détachée de la Slavonie et rattachée à la nouvelle province de Voïvodine-Serbe-et-Banat-de-Temesvar. La Croatie civile est désormais composée de quatre comitats : Agram, Warasdin, Kreutz, Fiume. La Slavonie civile est réduite à deux comitats : Werowitz, Posséga. Les Confins militaires demeurent inchangés.
2. De 1849 à la séparation définitive (1918) En octobre 1860, la Hongrie recouvre sa tutelle sur un certain nombre de territoires qui en avaient été détachés en 1849. Dans ce cadre, la Voïvodine-Serbe-et-Banat-de-Temesvar disparaît et la Syrmie est rendue à la Slavonie civile. En juin 1867, à l’occasion du Compromis austro-hongrois séparant en deux parties l’empire d’Autriche, la Croatie et la Slavonie sont, en dépit de leurs protestations, versées dans la part hongroise (Transleithanie) du nouvel Empire austro-hongrois. En revanche, nonobstant les revendications hongroises, la Dalmatie, ancienne composante du royaume triunitaire, est placée en Cisleithanie.
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Croatie En novembre 1868, en vertu des Pacta Conventa de 1102, la Hongrie accorde à la CroatieSlavonie un nouveau Compromis hungaro-croate, par lequel elle lui reconnaît l’autonomie interne au sein du royaume de Hongrie, avec maintien des deux institutions du ban et de la diète d’Agram, ainsi que l’usage officiel de la langue croate. Cependant, par une falsification de documents officiels — aux dires de la partie croate —, la Hongrie retranche la ville portuaire de Fiume du royaume de Croatie-Slavonie, pour la rattacher directement à la Hongrie. En 1878, à la suite du conflit entre la Russie et la Turquie, le congrès de Berlin décide que les provinces turques de Bosnie et d’Herzégovine, en partie peuplées de Croates, seront occupées militairement et administrées par l’Autriche-Hongrie pour une période de 30 ans. Du fait du recul de la menace ottomane, le royaume de Hongrie obtient de l’empereur François-Joseph l’abolition des Confins militaires de Croatie et de Slavonie, dont les territoires sont désormais rendus à la Croatie-Slavonie. Le royaume de Croatie-Slavonie est alors réorganisé en huit comitats purement civils : Agram, Modrus-Fiume, sans la ville de Fiume (chef-lieu Ogulin), Lika-Krvaba (chef-lieu Gospic), Warasdin, Belovar, Werowitz (chef-lieu Eszek), Posséga, Syrmie (chef-lieu Vukovar). La « trahison » de l’empereur François-Joseph à l’égard des Croates (1867), accentuée par une nette tendance à la magyarisation émanant des autorités de Budapest, refroidit quelque peu le loyalisme croate à l’égard de la Couronne. Par ailleurs, certaines autorités morales (l’évêque Strossmayer) incitent à un rapprochement avec les Serbes, en dépit des différences de religion (catholicisme en Croatie, orthodoxie en Serbie), d’alphabet (latin en Croatie, cyrillique en Serbie) et de culture historique (occidentale en Croatie, orientale en Serbie). L’université d’Agram (Zagreb) et le siège épiscopal de Diakovo, où siège Mgr Strossmayer, deviennent dans la seconde moitié du XIXe siècle de hauts lieux de diffusion de l’idée « illyrienne » d’union des Slaves du Sud. En 1914, les Croates entrent loyalement dans le premier conflit mondial au sein des armées austro-hongroises. Mais, à mesure de l’enlisement du conflit, au nom de la « grande Illyrie », un rapprochement s’opère avec les Serbes et les Slovènes, se traduisant par la signature du pacte de Corfou (juillet 1917), suivie de la décision (avril 1918) prise à Rome par le congrès des nationalités d’Autriche-Hongrie de créer un État des Slaves du Sud sous le sceptre de la dynastie serbe. À la suite de la défaite austro-hongroise, le 26 octobre 1918, le Conseil national de Zagreb, qui regroupe les Slovènes, Croates et Serbes de l’Autriche-Hongrie, déclare s’en séparer pour se fondre dans un nouveau royaume des Slaves du Sud. Le 29 octobre, la diète d’Agram proclame l’indépendance de la Croatie-Slavonie et son rattachement au futur royaume des Slaves du Sud. Le 1er décembre 1918, à la suite de la décision d’unité prise en novembre par l’assemblée de Podgoritza, le prince régent Alexandre de Serbie proclame le royaume des Serbes, Croates, Slovènes (SCS), qui a pour vocation de regrouper les Slaves du sud de l’Europe autour d’une base constituée de la Serbie, de la Croatie, de la Slovénie et de la Bosnie-Herzégovine. Toutefois, l’Italie revendique pour elle-même l’attribution de l’Istrie et de la Dalmatie septentrionale, qui lui ont été promises au traité de Londres (avril 1915), ainsi que de Fiume et de son arrière-pays, pourtant exclus dudit traité.
IV. La Croatie contemporaine (1918 à nos jours) 1. La Croatie dans le royaume des Slaves du Sud (1918-1941) Les vainqueurs de la Première Guerre mondiale se sont réunis à Paris pour définir les traités de paix à passer avec les vaincus et procéder à des remaniements territoriaux. Le nouveau royaume des Serbes, Croates, Slovènes voit ses frontières peu à peu précisées au fur et à mesure de la conclusion des divers traités. Par le traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919, agissant au nom de l’ancienne Cisleithanie, l’Autriche cède un grand nombre de territoires à des États existants ou en voie de formation.
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Les États existants S’agissant de terres de peuplement croate, l’Autriche : – cède au royaume SCS la Dalmatie méridionale et ses îles, ainsi que sa participation au condominium austro-hongrois sur la Bosnie-Herzégovine ; – renonce à l’Istrie et à la Dalmatie septentrionale, qui sont contestées entre l’Italie et le royaume SCS. Par le traité de Trianon du 4 juin 1920, agissant au nom de l’ancienne Transleithanie, la Hongrie cède à son tour un grand nombre de territoires à des États existants ou en voie de formation. S’agissant de terres de peuplement croate, la Hongrie : – cède au royaume SCS l’entier royaume de Croatie-Slavonie, des fragments de comitats de Hongrie propre (Zala, Somogy, Baranya, Batchka), ainsi que sa participation au condominium austro-hongrois sur la Bosnie-Herzégovine ; – renonce à la ville de Fiume et à son territoire, qui sont contestés entre l’Italie et le royaume SCS ; la ville est occupée depuis septembre 1919 par le poète D’Annunzio, à la tête de ses arditi, lequel y a proclamé la régence italienne du Quarnero. La Croatie-Slavonie, accrue du Medjimourié, c’est-à-dire de certains fragments de Hongrie propre (Zala, Somogy), va former une province du royaume SCS ; la Baryana et la Batchka vont former la nouvelle province SCS de Batchka. Par le traité de Rapallo du 20 novembre 1920, signé entre l’Italie et le royaume SCS, l’Italie se voit attribuer l’entière Istrie, les îles de Cherso, Lussin, Lagosta et Pelagosa, et la ville de Zara, avec ses abords immédiats, constituant une enclave au sein du reste de la Dalmatie, laquelle est attribuée, avec toutes les autres îles, au royaume SCS. La ville de Fiume, avec son faubourg slave de Soutchak et une bande de territoire littoral allant jusqu’à Volosca (au fond du golfe du Quarnero), est érigée en ville libre placée sous le contrôle de la SDN ; le gouvernement italien de Giolitti en chassera D’Annunzio en décembre. Par le traité de Rome du 27 janvier 1924, signé entre l’Italie et le royaume SCS, le statut de ville libre de Fiume est aboli, et Fiume est partagée entre : – l’Italie, qui reçoit Fiume et la bande de territoire littoral la reliant à Volosca ; – le royaume SCS, qui reçoit le faubourg slave de Soutchak et le rattache à sa province de Croatie-Slavonie. Très vite, les particularismes propres aux divers peuples constituant le nouveau royaume se font jour, et l’emportent sur l’esprit d’union qui avait présidé à sa naissance. Les Serbes, peuple d’origine de la nouvelle dynastie, tendent à centraliser à leur profit l’administration et l’économie du pays. À la suite de troubles graves intervenus entre Serbes et membres d’autres communautés, le roi Alexandre décrète en octobre 1929 l’uniformisation du pays, qui prend le nom symbolique de royaume de Yougoslavie. En 1931, les anciennes régions historiques cèdent la place à neuf banovines (plus le district séparé de Belgrade) chevauchant les anciennes provinces et portant des noms de rivières. Dans ce cadre, l’ancienne province de Croatie-Slavonie est en majeure partie remplacée par la banovine de Save, chef-lieu Zagreb (Agram), hormis la Baranya et la Syrmie rattachées à la banovine du Danube, chef-lieu Novi-Sad (Neusatz), et la partie centrale de Slavonie rattachée à celle de Drina, chef-lieu Sarajevo. En Croatie se constitue un mouvement nationaliste croate, le mouvement oustachi, qui se lance dans le terrorisme, et est l’instigateur de l’attentat de Marseille du 9 octobre 1934, qui coûte la vie au roi Alexandre de Yougoslavie. En août 1939, pour donner une tardive satisfaction aux aspirations des Croates, le jeune roi Pierre II crée une grande banovine autonome croate, dotée d’un parlement à Zagreb, regroupant tous les pays peuplés de Croates en chevauchant les anciennes banovines administratives : entières banovines de Save et du Littoral, fragments des banovines de Verbas, de Drina (Slavonie méridionale) et de la Zéta (ancien territoire de la république de Raguse).
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Croatie La Yougoslavie parvient, non sans peine, à se tenir au début à l’écart du second conflit mondial. Mais l’alliance avec l’Allemagne, signée le 25 mars 1941 par le régent Paul, est remise en cause deux jours plus tard par un coup d’État qui le renverse.
2. L’État indépendant de Croatie (1941-1945) Envoyées par Hitler soutenir les Italiens en difficulté en Grèce, les armées allemandes traversent la Yougoslavie et vainquent au passage les armées yougoslaves. Le 22 avril 1941, Hitler décide, de concert avec Mussolini, le démantèlement de la Yougoslavie. Dans cette perspective, dès le 10 avril, a été proclamé le royaume de Croatie (ou État indépendant de Croatie), placé sous le gouvernement d’Ante Pavelitch, chef des oustachis. Le trône est destiné au duc de Spolète (Tomislav II), prince de la maison de Savoie, qui ne viendra jamais l’occuper. Le nouveau royaume de Croatie se compose de : – la Croatie-Slavonie historique, hormis Fiume, Soutchak et l’arrondissement de Delnice ; – la Bosnie-Herzégovine historique de 1908-1919 ; – la moitié méridionale de la Dalmatie historique, de Spalato (exclu) aux bouches de Cattaro (exclues également). Il couvre 99 000 km2 pour 6,3 millions d’habitants. Il convient de noter que : – le Somogy et le Medjimourié sont restitués à la Hongrie (à l’instar des Baranya et Batchka) ; – Soutchak et Delnice, les îles de Veglia et d’Arbe, la Dalmatie septentrionale (dans ses limites du traité de Londres de 1915 élargies à Trau et à Spalato), les îles de Lissa, de Curzola et de Meleda, avec les bouches de Cattaro, sont attribuées à l’Italie. La capitale du royaume est en principe transférée à Banja Luka, plus centrale que Zagreb. Le pouvoir oustachi institue une dictature, qui s’efforce de massacrer les Serbes, les populations allogènes (Juifs, Tsiganes) et les opposants. Il se heurte très vite à une opposition armée clandestine. Dès l’armistice du 8 septembre 1943, par lequel l’Italie royale met fin aux hostilités avec les Alliés, et en dépit des protestations de la république mussolinienne de Salo, Hitler attribue à la Croatie l’ensemble de la Dalmatie italienne.
3. La république de Croatie, au sein de la Yougoslavie de Tito (1946-1991) La Yougoslavie a été reconstituée, sous forme fédérale, dès novembre 1943, par le Conseil national de Libération installé à Jajce par les forces communistes de Tito, lequel veut prévenir le retour des antagonismes engendrés par la centralisation de l’entre-deux-guerres. La Constitution de janvier 1946 entérine la structure fédérale de la nouvelle Yougoslavie. La Croatie devient république fédérée de Croatie, capitale Zagreb, membre de la nouvelle Yougoslavie. Elle comporte : – l’ancienne Croatie historique, diminuée de la Syrmie rattachée à la Voïvodine serbe ; – l’ancienne Dalmatie historique, y compris Raguse, mais sans Cattaro ; – le Somogy, le Medjimourié et la Baranya, qui doivent être rendus par la Hongrie. Les traités de Paris du 10 février 1947 définissent les nouvelles frontières de l’Italie et de la Hongrie, qui cèdent des territoires à divers pays limitrophes. Dans ce cadre, la Hongrie cède à la Yougoslavie, république de Croatie, le Somogy, le Medjimourié et l’angle de la Baranya. L’Italie cède à la Yougoslavie, république de Croatie, l’Istrie (hormis le territoire libre de Trieste), Fiume, les îles et port italiens de Dalmatie (Zara, Cherso, Lussin, Lagosta et Pelagosa). Le territoire libre de Trieste, placé sous contrôle de l’ONU, recouvre des zones mélangées de population italienne, slovène et croate (Trieste, Capodistria, Cittanova).
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Les États existants Par le mémorandum de Londres du 5 octobre 1954, le territoire libre de Trieste est dissous et partagé. La zone A (Trieste et son corridor) est attribuée à l’Italie, la zone B (Capodistria, Cittanova) est attribuée à la Yougoslavie, qui la partage elle-même en deux parties. La partie septentrionale (Capodistria) est attribuée à la république de Slovénie, tandis que la partie méridionale (Cittanova) est attribuée à la république de Croatie.
4. La république indépendante de Croatie (1991 à nos jours) La mort de Tito (mai 1980) et l’effondrement des régimes communistes en Europe (19891990) permettent à certains États de la Yougoslavie de revendiquer leur indépendance. Les 22 avril et 6 mai 1990, des élections libres voient la victoire des nationalistes, partisans de l’indépendance. Le 30 mai, leur candidat, Franjo Tudjman, est élu président de la République (encore fédérée). De nombreux troubles éclatent au printemps de 1991 ; en mars, la Krajina, région peuplée de Serbes, fait sécession. En juin éclate le conflit armé avec la fédération de Yougoslavie ; la Krajina et la Slavonie sont bientôt perdues ; la Krajina s’érige en république serbe de la Krajina. Le 8 octobre 1991, après référendum auprès de sa population, la Croatie se sépare de la fédération yougoslave et devient la république de Croatie, État indépendant. En août 1995, après un retour offensif, la Croatie reprend possession de la Krajina et de la partie occidentale de la Slavonie. En 1998, elle en recouvre la partie orientale (Syrmie) et, dès lors, s’étend sur l’ensemble du territoire dévolu à l’ancienne république fédérée de Croatie. La république de Croatie se tourne désormais vers l’Europe occidentale, et a déposé sa candidature à l’intégration dans l’Union européenne. La Dalmatie En 1789, la Dalmatie constitue une des provinces maritimes de la république de Venise, allongée le long de la rive orientale de la mer Adriatique. Elle se compose d’une partie de terre ferme et d’un long chapelet d’îles : – la partie de terre ferme (9 000 km2, de l’ordre de 180 000 âmes) s’étire de Zara aux bouches de la Narenta ; elle est bordée au nord par la Croatie militaire, à l’est par la Bosnie et l’Herzégovine turques, au sud par la république de Raguse, dont la sépare toutefois une bande de territoire turc le long de la Klek ; – la partie insulaire (2 000 km2, de l’ordre de 50 000 habitants) s’étire sur une plus grande longueur (500 km) depuis le golfe de Quarnero jusqu’à la presqu’île ragusaine de Sabioncello : îles de Veglia, Cherso, Lussin, Arbe, Pago, Lunga, Incoronata, Brazza, Lissa, Lesina, Curzola. Venise a commencé à prendre pied en Dalmatie en 1202, par la prise de Zara. Depuis 1420, l’ensemble du littoral de la province est aux mains de Venise. L’élargissement de sa souveraineté jusqu’aux crêtes des Alpes dinariques s’achève en 1699. Le doge de Venise, qui porte le titre de duc de Dalmatie, est représenté dans la province par un provéditeur général résidant à Zara, muni des pleins pouvoirs. Dans le massif du Mossor, qui domine le littoral entre Spalato et Almissa, se situe la petite république slave de Polizza, autonome et tributaire de Venise depuis 1647. La province est très pauvre, très aride, sans communications terrestres, Venise s’y déplaçant par voie de mer ; hormis le marasquin réputé de Zara, la Dalmatie ne fournit guère à la République que des mercenaires pour ses troupes ou ses galères. En revanche, sa possession assure à Venise la maîtrise de la navigation dans l’Adriatique. À la paix de Campo-Formio (octobre 1797), l’Autriche reçoit la Dalmatie et les bouches de Cattaro — séparées par la république de Raguse —, qu’elle rassemble en une seule province de Dalmatie. Elle nomme à Zara un gouverneur général, muni des pleins pouvoirs. À la paix de Presbourg (décembre 1805), l’Autriche cède en particulier la Dalmatie, que l’empereur Napoléon attribue à son royaume d’Italie. À la fin de février 1806, la Dalmatie est occupée, mais pas les bouches de Cattaro, que l’Autriche livre à la Russie
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Croatie
en mars. Le vice-roi Eugène nomme Dandolo provéditeur général chargé des questions civiles. Le général Marmont est nommé gouverneur militaire, directement subordonné à Napoléon et à Eugène. En décembre 1806, la Dalmatie est divisée en quatre districts : Zara (Zadar), Spalato (Split), Sebenico (Sibenik), Makarska. Chaque district est dirigé par un délégué. La Dalmatie italienne s’augmente de la république de Polizza, annexée en juin 1807, des bouches de Cattaro, rendues par la Russie en juillet 1807, détachées de nouveau en mars 1808 pour former, avec la république de Raguse, une province italienne distincte. En octobre 1809, Napoléon détache du royaume d’Italie l’Istrie italienne, la Dalmatie, Raguse et les bouches de Cattaro pour les agréger aux provinces qu’il vient d’acquérir sur l’Autriche et former ainsi les Provinces Illyriennes de l’Empire français (voir encadré au chapitre Slovénie). Les forces coalisées contre Napoléon envahissent (août 1813) les Provinces Illyriennes. L’occupation de la Dalmatie proprement dite s’achève par la prise de Raguse (janvier 1814). Au congrès de Vienne (1814-1815), la Dalmatie est attribuée à l’Autriche. En août 1816, un rescrit impérial définit l’organisation du gouvernement (province) autrichien regroupant la Dalmatie, Raguse et Cattaro sous le titre de royaume de Dalmatie. Le royaume de Dalmatie est constitué de quatre cercles : Zara, Spalato, Raguse et Cattaro (ou Albanie). Les deux cercles de Zara et de Spalato recouvrent le territoire de l’ancienne Dalmatie vénitienne, hormis les îles de Veglia, Cherso et Lussin, rattachées au royaume d’Illyrie, et l’île de Curzola, rattachée à Raguse. Les deux cercles de Raguse et de Cattaro recouvrent respectivement les territoires de l’ancienne république de Raguse (plus l’île de Curzola) et de l’ancienne province d’Albanie vénitienne (les Bouches). Les deux fenêtres turques de la Klek (entre les cercles de Spalato et de Raguse) et de la Sutorina (entre ceux de Raguse et de Cattaro) sont maintenues inchangées. En juin 1867, lors du Compromis austro-hongrois séparant en deux parties l’empire d’Autriche, la Dalmatie est attribuée à la moitié autrichienne (Cisleithanie) du nouvel Empire austro-hongrois. À l’issue de la Première Guerre mondiale, par le traité de Rapallo (novembre 1920), la Dalmatie autrichienne devient une province du royaume des Serbes, Croates, Slovènes, à l’exception de la ville de Zara et ses abords immédiats, sous forme d’enclave, ainsi que des îles de Cherso, Lussin, Lagosta et Pelagosa. En 1922, les bouches de Cattaro sont détachées de la province de Dalmatie et rattachées à celle du Monténégro. En 1931, l’ancienne province de Dalmatie est incluse dans la banovine du Littoral (cheflieu Spalato), hormis l’ancien cercle de Raguse, inclus dans celle de Zéta (chef-lieu Cettigné) et les îles de Veglia et de Pago, rattachées à la banovine de la Save (chef-lieu Zagreb). En août 1939, l’ancienne Dalmatie est totalement incluse dans la grande banovine autonome croate, hormis les bouches de Cattaro (non croates). En avril 1941, dans le cadre du démantèlement de la Yougoslavie : – les îles de Veglia et d’Arbe, la Dalmatie septentrionale — jusqu’à Spalato —, les îles de Lissa, de Curzola et de Meleda, ainsi que les bouches de Cattaro, sont attribuées à l’Italie ; – le reste de la Dalmatie (îles de Pago, Brazza et Lesina, terre ferme de Spalato exclu aux Bouches exclues) est attribué au nouveau royaume de Croatie (Croatie, BosnieHerzégovine, Dalmatie méridionale). En septembre 1943, Hitler attribue à la Croatie la Dalmatie italienne. En janvier 1946, la Dalmatie est restaurée dans ses limites historiques, avec le territoire de Raguse, mais sans les bouches de Cattaro. La fenêtre herzégovinienne de la Klek est reconstituée, mais pas celle de la Sutorina. La Dalmatie ainsi redéfinie est incluse dans la nouvelle république fédérée de Croatie, dont elle constitue la partie méridionale. Désormais, la Dalmatie suivra le destin de la Croatie.
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Les États existants
Danemark Le pays en bref État monarchique : le royaume du Danemark. Souverain : la reine Marguerite II (Margrethe), de la maison de Schleswig-HolsteinSonderbourg-Glucksbourg. Représentation parlementaire : une chambre unique, le Folketing. Capitale : Copenhague. Division administrative en 5 régions : Jutland-du-Nord (Aalborg), Jutland-Central (Viborg), Danemark-du-Sud (Vejle), Seeland (Sorø), Hovedstalen (Hillerød). S’y ajoutent un bourg, Frederiksberg, et une commune, Copenhague, à statut particulier. Dépendances d’Europe : îles Féroé, à statut autonome. Superficie : 43 000 km2 ; population : 5,2 millions d’habitants ; densité : 120 habitants au km2. Langue : le danois. Religion : protestants (luthériens) à 88 %. Monnaie : la couronne danoise.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée du Danemark 1. Des origines à l’avènement de la maison d’Oldenbourg (1448) Peuplé de Vikings et réparti en petits États, le Danemark est unifié au IXe siècle (Scanie, Îles et Jutland) par la dynastie des Skioldunger. Puis le Danemark, qui devient en 950 le royaume le plus ancien d’Europe, adopte le christianisme sous le règne du roi Harald. C’est un peuple conquérant : des Danois, sous la conduite de Rollon, se sont emparés dès le début du Xe siècle de la Normandie, et le Danemark conquiert temporairement au XIe siècle une partie de la Norvège et de l’Angleterre. À partir du milieu du XIe siècle, sous la dynastie des Estrithides, il conquiert les rives méridionales de la Baltique, puis les reperd peu à peu tandis que cette dynastie s’éteint en 1376 dans ses mâles ; mais la dernière descendante, Marguerite de Valdemar, veuve du roi de Norvège, parvient en 1397 à réaliser l’Union de Kalmar, qui rassemble Danemark, Norvège (avec l’Islande) et Suède. L’union profite surtout au Danemark, qui domine les deux autres royaumes, et elle est à l’origine de sa longue prospérité.
2. Le règne des Oldenbourg, jusqu’en 1789 À partir de 1448, la couronne passe à un représentant d’une branche cadette de la maison comtale d’Oldenbourg, Christian Ier. Ce dernier prend en main les destinées d’un royaume qui se compose alors du Jutland, des Îles et, dans la péninsule scandinave, des régions du sud (Scanie) et du sud-ouest (Halland), qui bordent le royaume de Suède, ainsi que des îles de Gotland et d’Œsel en Baltique. Dans le cadre de l’Union de Kalmar, Christian Ier devient roi de Norvège en 1450, puis de Suède en 1457. En 1460, il hérite de sa mère le duché de Schleswig et le comté (duché en 1474) de Holstein, et les agrège à ses domaines en union personnelle. Mais, si le Schleswig est en majorité de peuplement danois, le Holstein — qui fait partie du Saint Empire — est peuplé d’Allemands, source de complications ultérieures. Ses successeurs sont en butte à l’opposition résolue des Suédois, qui finit par se traduire par une révolte, dirigée par Gustave Vasa, conduisant en 1523 à la sécession de la Suède ; l’union se limite dès lors au Danemark et à la Norvège. En 1536, le luthéranisme est adopté.
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Danemark En 1544, la branche de la maison d’Oldenbourg qui règne à Copenhague se divise en une ligne royale de Holstein-Gluckstadt, qui possède le Danemark, une moitié du Schleswig et une moitié du Holstein, et en une ligne ducale de Holstein-Gottorp, qui possède l’autre moitié du Schleswig et l’autre moitié du Holstein. Mais, depuis la rupture de l’Union, la Suède devient pour le Danemark un puissant rival, et des conflits opposent régulièrement les deux voisins. Au milieu du XVIIe siècle, les Danois étant défaits à deux reprises par la Suède, le roi Christian IV doit céder à celle-ci en 1645 les îles de Gotland et d’Œsel, et le roi Frédéric III doit lui céder en 1658 la Scanie et le Halland (ainsi que le Bohus et le Jämtland, qui dépendaient de la Norvège). En revanche, en 1675, à l’extinction de la branche aînée de la maison d’Oldenbourg, le roi Christian V s’empare des comtés d’Oldenbourg et de Delmenhorst. En 1720, le roi de Danemark s’empare de la partie gottorpienne du Schleswig, aux fins de le réunifier. En 1762, montant sur le trône de Russie (sous le nom de Pierre III), le duc Charles-Pierre de Holstein-Gottorp réclame la restitution de sa part de Schleswig, mais il est assassiné ; néanmoins, la revendication se poursuit au nom de son fils le grand-duc Paul (fils de Catherine II). Par les traités de Copenhague (1767) puis de Tsarskoïé-Sélo (1773), les deux lignes de Holstein (maison d’Oldenbourg) règlent leur litige. Le grand-duc Paul reçoit du roi de Danemark les comtés d’Oldenbourg et de Delmenhorst, qu’il rétrocède aussitôt au prince-évêque de Lubeck. Le roi de Danemark reçoit du grand-duc Paul le Holstein-Gottorp et sa renonciation à ses droits sur le Schleswig-Gottorp. Les deux duchés de Schleswig et de Holstein sont ainsi, chacun pour sa part, réunifiés sous souveraineté du roi de Danemark, d’où leur appellation ultérieure (et abusive) de « duchés danois ».
II. Le Danemark en 1789 Le royaume de Danemark constitue le plus méridional des trois royaumes scandinaves du nord de l’Europe. D’une superficie de l’ordre de 56 000 km2 pour environ 800 000 habitants (hors Norvège), il s’étend principalement sur la presqu’île du Jutland et sur les îles situées au milieu des détroits faisant communiquer les mers du Nord et Baltique. C’est un pays plat et fertile, propice à l’agriculture et surtout à l’élevage (bovins et chevaux). Le réseau urbain y est assez développé, la capitale Copenhague constituant elle-même un grand port. L’activité économique y fait l’objet d’un grand essor depuis le XVIIe siècle, et la perception des péages des détroits sur un trafic maritime en essor constant contribue à la richesse du pays. En 1789, les différentes possessions de la maison de Danemark sont les suivantes :
1. Le royaume de Danemark, englobant : a) le Danemark proprement dit, capitale Copenhague, réparti en trois grands-bailliages : – grand-bailliage de Seeland (Copenhague), comprenant les trois bailliages de Seeland, de Bornholm et d’Amager-Møn-Samsø ; – grand-bailliage de Fionie (Odense), comprenant les trois bailliages de Fionie, de Laaland-Langeland et de Falster ; – grand-bailliage du Jutland (Alborg), comprenant les quatre bailliages d’Alborg, de Viborg, d’Arhus et de Ribe ; b) le bailliage particulier des îles Féroé (Thorsaven) ; c) le grand-bailliage d’Islande (Reykjavik) ; (voir chapitre Islande) d) le royaume de Norvège, réparti en quatre grands-bailliages : Akershus, Christiansand, Bergen, Trondheim. (voir chapitre Norvège)
2. Le duché de Schleswig (Flensbourg), réputé non danois ; au sein du Schleswig se trouvent des enclaves réputées danoises (rattachées au royaume) : Ribe et Møgeltondern sur le continent, ainsi que la moitié des îles de Rœm, de Sylt et de Fœhr. 203
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Les États existants 3. Le duché de Holstein (Kiel), réputé non danois ; du duché de Holstein-Gluckstadt dépend l’île d’Héligoland ; entre les deux Holstein s’insère l’évêché princier de Lubeck — en deux morceaux : Eutin et Ratekau ; le duché de Holstein fait partie du Saint Empire, cercle de Basse-Saxe ; à ce titre, le duc de Holstein (le roi de Danemark) dispose d’un siège dans le cercle de Basse-Saxe, ainsi qu’au banc laïque du collège des princes de la diète impériale de Ratisbonne. S’y ajoute, hors d’Europe, le Groenland.
III. De 1789 à la perte de la Norvège (1814/1815) Pendant longtemps, éloigné des zones de combats de l’époque révolutionnaire, le Danemark n’est pas affecté par les bouleversements qui se produisent en Europe. Il observe, le plus longtemps possible, une attitude de stricte neutralité. Dès le début des guerres napoléoniennes, le Danemark adhère à la Ligue des neutres, instituée par la Russie pour la protection du commerce de mer. Après l’entrevue de Tilsitt, il est soumis aux exigences contradictoires de la France et de la Grande-Bretagne, qui le somment (août 1807) de se ranger dans leur camp. Les Anglais ayant bombardé Copenhague en septembre de la même année, et occupé l’île d’Héligoland, le Danemark se range dans le camp français, par le traité de Fontainebleau du 30 octobre 1807. Mais la Norvège est désormais isolée du Danemark par la flotte anglaise. Par ailleurs, profitant des entraves à la circulation sur les mers, un aventurier danois, Georges Jurgensen, appuyé par la Grande-Bretagne, s’empare en août 1809 de l’Islande et s’en proclame souverain. Surtout, en 1812, la Suède, qui était l’alliée de la France comme le Danemark, change de camp contre promesse, par les coalisés, de l’obtention de la Norvège ; elle attaque le Danemark en 1813 et le vainc. Ayant perdu l’appui d’une France en repli généralisé, le Danemark doit se résigner à signer le traité de Kiel, le 14 janvier 1814. Aux termes de ce traité, le Danemark : – cède à la Grande-Bretagne l’île d’Héligoland, occupée par elle en 1807 ; – cède à la Suède le royaume de Norvège ; – reçoit de la Suède en retour la Poméranie suédoise, moitié septentrionale de la Poméranie citérieure. En 1815, grâce au retour à la libre circulation sur les mers, le Danemark recouvre sa souveraineté sur l’Islande. Mais, dans le même temps, la Poméranie suédoise, qui est devenue danoise en 1814, était depuis longtemps convoitée par la Prusse. Par la convention de Paris du 23 septembre 1815, le Danemark est contraint de céder à la Prusse la Poméranie anciennement suédoise et reçoit en contrepartie de la Prusse le duché de Lauenbourg (hormis sa bande de rive gauche de l’Elbe) que cette dernière vient d’acquérir du Hanovre.
IV. De 1815 à la perte du Schleswig-Holstein (1864) À l’issue des remaniements de 1814-1815, les domaines du roi de Danemark, qui s’étendent sur une surface de 56 000 km2, sont désormais restreints au Danemark proprement dit, aux îles Féroé et à l’Islande, auxquels s’ajoutent, en union personnelle, les duchés de Schleswig, de Holstein et de Lauenbourg, les deux derniers faisant partie de la Confédération germanique instituée en juin 1815 en Allemagne. Le royaume de Danemark est désormais divisé en 19 districts (ou bailliages) : – Seeland (Copenhague) : cinq districts de Copenhague, Holbek, Frederiksborg, Sorø, Prestø ; – Fionie (Odense) : deux districts d’Odense et de Svendborg ; – Laaland et Falster : le district de Maribo ;
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Danemark – Bornholm : le district de Bornholm ; – Jutland : dix districts de Hjøring, Alborg, Thisted, Viborg, Randers, Arhus, Skanderborg, Veile, Ringkøbing, Ribe. S’y ajoutent outre-mer les îles Féroé et l’Islande, et plus loin le Groenland. Les trois « duchés danois » (Schleswig, Holstein, Lauenbourg), en union personnelle avec le Danemark, disposent chacun d’un statut particulier : chaque duché est gouverné par un bailli représentant le roi, assisté d’une assemblée, et résidant dans chacune des trois capitales : Flensbourg pour le Schleswig, Gluckstadt pour le Holstein, Ratzebourg pour le Lauenbourg. Au titre du Holstein et du Lauenbourg, le roi de Danemark est membre de la Confédération germanique. Aux assemblées plénières (70 voix) de la diète fédérale de Francfort, le roi de Danemark dispose de trois voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il dispose d’une voix.
1. Les prémices de la guerre (1839-1863) En 1839, la montée sur le trône de Danemark du roi Christian VIII, dont les deux fils sont sans descendance, laisse présager pour les duchés des difficultés d’ordre successoral. La succession au Danemark peut être assurée par les femmes, mais le Schleswig et le Holstein observent la loi salique. En vertu de cette disposition, le duc d’Augustenbourg, de la maison d’Oldenbourg, revendique la succession des duchés. Cette querelle dynastique se double d’une opposition entre Danois et Allemands : les premiers veulent rattacher définitivement les Schleswigois de souche danoise au royaume et éloigner la Prusse des détroits, ainsi que du port de Kiel ; les seconds entendent englober le Schleswig dans la Confédération germanique. En juillet 1846, le roi Christian VIII promulgue des lettres patentes décrétant l’union héréditaire au Danemark du Schleswig et de la partie anciennement gluckstadtienne du Holstein, la partie anciennement gottorpienne de ce duché étant exclue de l’union. Le duc d’Augustenbourg et les populations allemandes des duchés protestent contre cette décision. En 1848, pour s’opposer au nouveau roi Frédéric VII qui a promulgué en janvier une Constitution unitaire, un gouvernement provisoire du Schleswig-Holstein est proclamé à Kiel (24 mars), sous la présidence du duc d’Augustenbourg. Le Danemark occupe le Schleswig et la Prusse envoie une armée ; puis la question est renvoyée devant une conférence internationale. La conférence des puissances, qui se tient à Londres en mai 1852, décide que les deux duchés appartiendront, à la mort du roi Frédéric VII, à Christian de Glucksbourg, son héritier au trône danois, tout en demeurant distincts du royaume. Cette décision, ratifiée par l’Autriche et la Prusse, n’est pas entérinée par la Confédération germanique.
2. La guerre des Duchés (1863-1864) À la mort du roi Frédéric VII, le nouveau roi Christian IX, de la maison de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glucksbourg, monte sur le trône danois. Au mépris de l’accord de Londres, il proclame aussitôt l’annexion du Schleswig au royaume de Danemark, et décide d’autorité la modification du statut du Holstein et du Lauenbourg. Aussitôt, la Confédération germanique reconnaît comme souverain légitime des duchés le prince Frédéric d’Augustenbourg, frère du duc d’Augustenbourg, qui vient de prendre le titre de duc de Schleswig-Holstein. Des troupes hanovriennes et saxonnes, mandatées par la Confédération germanique, occupent le Holstein. La Prusse et l’Autriche, signataires de l’accord de Londres de 1852, déclarent ne pas soutenir en l’espèce le prince d’Augustenbourg, mais seulement assurer la protection des populations allemandes du duché. En février 1864, la Prusse et l’Autriche occupent les duchés et, au terme d’un bref conflit, vainquent les armées danoises. Par la paix de Vienne (30 octobre 1864), le Danemark cède le Schleswig, le Holstein et le Lauenbourg au condominium de la Prusse et de l’Autriche, qui doit les administrer dans l’attente d’une solution définitive.
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Les États existants S’agissant du Schleswig, le Danemark conserve le territoire purement danois de Ribe, limitrophe du royaume, et abandonne ceux de Mœgeltondern, de Rœm, de Sylt et de Fœhr. En contrepartie, il conserve l’angle nord-est du Schleswig et l’incorpore au royaume.
V. De 1864 à nos jours 1. De la perte des duchés au retour du Schleswig septentrional (1864-1920) Le Danemark (hors Islande et îles Féroé), qui vient de perdre 17 000 km2 et 800 000 âmes, est ramené à une surface de 39 000 km2 pour environ 1 700 000 habitants. Ces pertes de territoires n’empêchent cependant pas le Danemark de prendre sa part du développement de l’activité économique, qui anime l’ensemble de l’Europe occidentale dans la seconde moitié du XIXe siècle. Sur le plan politique, la Constitution de 1849 est amendée dans un sens conservateur par l’institution d’une chambre haute (Landsting), élue au suffrage restreint. D’autre part, en 1904, l’Islande est dotée d’un statut d’autonomie interne. En se proclamant neutre, le Danemark parvient à se maintenir à l’écart du premier conflit mondial. Mais le relâchement des liens avec l’Islande, causé par les difficultés de la navigation, est à l’origine d’une autonomie plus complète. Par l’acte d’Union du 30 novembre, l’île devient royaume d’Islande, indépendant et associé à celui du Danemark, en union personnelle. Enfin, la Première Guerre mondiale va permettre de régler définitivement, sur un plan international, la question des duchés. Lorsque la Prusse s’était rendue seule maîtresse du Schleswig et du Holstein au traité de Prague (août 1866), elle s’était engagée à procéder à un plébiscite dans la partie septentrionale du duché de Schleswig (au nord d’une ligne Flensbourg-Tondern), majoritairement peuplée de Danois ; mais elle s’était par la suite arrangée pour éluder cette question. Le Danemark entend profiter de la défaite allemande pour obtenir satisfaction sur ce point ; une résolution du parlement danois est votée en ce sens le 23 octobre 1918. Les plénipotentiaires de la conférence de la paix à Paris adoptent le principe d’un tel plébiscite et définissent deux zones où il aurait lieu : zone I correspondant à la zone plébiscitaire prévue au traité de Prague (1866), zone II composée des districts schleswigois limitrophes de la zone I. Le 20 février 1920 se tient le plébiscite dans la zone I ; il donne 75 % des votes en faveur du rattachement au Danemark. Le 14 mars se tient celui de la zone II ; il donne seulement 25 % des votes en faveur du Danemark. Le 15 juin 1920, l’Allemagne et le Danemark ratifient le résultat des plébiscites. Le Schleswig septentrional (zone I) est restitué au Danemark par l’Allemagne. Ce territoire, pour la première fois incorporé au royaume lui-même, y devient le district du Jutland méridional (Sønderjylland), chef-lieu Abenraa (Apenrade). Le reste du Schleswig, en compagnie du Holstein et du Lauenbourg, demeure prussien et allemand.
2. La période contemporaine (1920 à nos jours) En recouvrant le Schleswig septentrional, le Danemark s’accroît de 4 000 km2 et de 200 000 habitants. Le Danemark, quoique de nouveau neutre, n’échappe pas à la tourmente de la Seconde Guerre mondiale. En avril 1940, il est envahi par les troupes allemandes, qui s’y maintiendront jusqu’en mai 1945. Toutefois, fait exceptionnel qui mérite d’être relevé, le Schleswig septentrional est le seul des territoires d’Europe enlevés à l’Allemagne en 1919-1920 à n’être pas immédiatement et unilatéralement réannexé au Reich par Hitler ; peut-être faut-il y voir la conséquence de la modération dont avait fait preuve le Danemark dans ses revendications de 1919. L’Islande, occupée depuis 1940 par les Britanniques puis par les Américains, était durablement séparée du Danemark (occupé par les Allemands), ce qui favorisait un mouvement vers l’indépendance.
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Danemark Un référendum s’y tient le 25 mai 1944, qui donne une majorité en faveur de la séparation. Le 17 juin est proclamée la république d’Islande, indépendante du Danemark. Le Danemark est alors ramené à sa configuration présente d’une surface de 43 000 km2, limitée aux îles du détroit, au Jutland et à l’île de Bornholm, sa dépendance européenne des îles Féroé couvrant 1 400 km2. Il conserve toujours, outre-mer, le Groenland. En 1953, la chambre haute (Landsting) instituée en 1866 est supprimée. Le 1er janvier 1973, le Danemark entre dans la Communauté économique européenne. Le 1er janvier 2007, aux 14 districts (amter) précédemment en vigueur sont substituées 5 régions administratives : Jutland-du-Nord (Aalborg), Jutland-Central (Viborg), Danemark-du-Sud (Vejle), Seeland (Sorø), Hovedstaden (Hillerød).
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Les États existants
Espagne Le pays en bref État monarchique : le royaume d’Espagne. Souverain : le roi Jean-Charles Ier (Juan Carlos), de la maison de Bourbon. Représentation parlementaire : les Cortès, composées de deux chambres, le Congrès des députés et le Sénat. Capitale : Madrid. Division administrative en 17 communautés autonomes et 50 provinces : – Andalousie, capitale Séville, composée de huit provinces : Alméria, Cadix, Cordoue, Grenade, Huelva, Jaen, Malaga, Séville ; – Aragon, capitale Saragosse, composée de trois provinces : Huesca, Saragosse, Teruel ; – Asturies, capitale Oviedo, composée d’une province : Oviedo ; – Baléares, capitale Palma, composée d’une province : Palma ; – Pays basque, capitale Vittoria, composée de trois provinces : Alava, Biscaye, Guipuzcoa ; – Canaries, capitale Las Palmas, composée de deux provinces : Las Palmas, Santa Cruz de Tenerife ; – Cantabrie, capitale Santander, composée d’une province : Santander ; – Castille et León, capitale Valladolid, composée de neuf provinces : Burgos, Avila, Ségovie, Soria, León, Palencia, Salamanque, Valladolid, Zamora ; – Castille-La Manche, capitale Tolède, composée de cinq provinces : Ciudad Real, Cuenca, Guadalajara, Tolède, Albacète ; – Catalogne, capitale Barcelone, composée de quatre provinces : Barcelone, Gérone, Lérida, Tarragone ; – Estrémadure, capitale Caceres, composée de deux provinces : Caceres, Badajoz ; – Galice, capitale La Corogne, composée de quatre provinces : La Corogne, Lugo, Orense, Pontevedra ; – Madrid, capitale Madrid, composée d’une province : Madrid ; – Murcie, capitale Murcie, composée d’une province : Murcie ; – Navarre, capitale Pampelune, composée d’une province : Navarre ; – Rioja, capitale Logroño, composée d’une province : Logroño ; – Valence, capitale Valence, composée de trois provinces : Valence, Castellon de la Plana, Alicante. S’y ajoutent les cinq présides d’Afrique : – Ceuta, rattaché à la province de Cadix (Andalousie) ; – Melilla, les îles Chafarines, les îles d’Alhucemas, le peñon de Velez de la Gomera, rattachés à la province de Malaga (Andalousie). Superficie : 504 800 km2 ; population : 39 millions d’habitants ; densité : 77 habitants au km2. Langues : l’espagnol ; régionalement, on parle aussi le galicien, le basque ou le catalan. Religion : catholique. Monnaie : l’euro ; la peseta jusqu’en 2001.
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Espagne I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Espagne 1. Des origines à la conquête arabe (711) Peuplée dès la haute Antiquité par des tribus celtes et ibères, la péninsule Ibérique voit l’installation, sur ses côtes de Méditerranée, de colons phéniciens et grecs à partir du Xe siècle av. J.-C. À partir du Ve siècle, les Carthaginois y installent à leur tour des colonies (Carthagène) puis sont chassés au IIIe siècle av. J.-C. par les Romains, qui conquièrent progressivement l’ensemble de la péninsule. Dès lors, et pour près de six siècles, la péninsule subit la loi romaine, divisée à l’époque impériale entre les provinces de Lusitanie, Tarraconaise et Bétique. Colonie prospère du monde romain, elle donnera à Rome trois empereurs : Trajan, Hadrien, Marc Aurèle. Au Ve siècle apr. J.-C. débutent les invasions : Vandales, Alains, Suèves et Wisigoths. Ces derniers fondent en Espagne un royaume durable, autour de Tolède, la capitale. D’abord ariens, ils se convertissent ensuite au catholicisme, le roi s’appuyant sur l’Église romaine, et peu à peu Romains et Wisigoths se fondent en un seul peuple, si bien que le royaume des Wisigoths paraît constituer une entité politique stable, lorsque apparaissent en 711 les armées du chef berbère Tarik, qui franchissent le détroit de Gibraltar (Djebel al-Tarik) et se rendent maîtresses en quelques années de la quasi-totalité du pays.
2. De 711 à la fin de la reconquête (1492) Les Maures vont se maintenir durablement dans la péninsule Ibérique, d’abord de façon unitaire au sein du califat de Cordoue, puis au XIe siècle dans les multiples royaumes des taifas, enfin à partir du XIIe siècle dans la domination des Almoravides, puis dans celle des Almohades venus du Maroc. Ils développent une civilisation brillante, dans le domaine des lettres, des sciences et des arts. Lors de la conquête arabe, seules quelques contrées des Asturies parviennent à échapper à la domination mauresque. La reconquête des chrétiens commence presque aussitôt (722). Les chrétiens reprennent d’abord quelques territoires au nord-ouest, qui deviennent au début du Xe siècle le royaume de León, tandis qu’à la fin du siècle les Maures sont repoussés sur la ligne du Tage. Se constituent alors les différents royaumes chrétiens qui vont se partager la péninsule : Portugal, Castille et León, Navarre, Aragon. La reconquête se poursuit au XIIIe siècle, jusqu’à reprendre l’ensemble de la péninsule, excepté le royaume de Grenade. À cette époque, les royaumes chrétiens prennent peu à peu une configuration qu’ils vont longtemps conserver : le royaume de Portugal se développe vers le sud le long de l’Atlantique (voir chapitre Portugal) ; le royaume de Castille et León s’étend vers le sud, dans la partie centrale de la péninsule, en absorbant peu à peu l’Andalousie ; le royaume d’Aragon incorpore le comté de Barcelone et le royaume de Valence, pour former un ensemble tourné vers la Méditerranée, où les Aragonais finiront par l’emporter sur les Français dans la possession du Milanais, de Naples et de la Sicile. Le royaume maure de Grenade se maintient jusqu’à la fin du XVe siècle, en raison des circonstances qui conduisent les royaumes de Portugal, de Castille et d’Aragon à se tourner vers d’autres horizons : guerres intestines, conquêtes de terres dans le bassin de la Méditerranée, exploration des océans. Enfin, le mariage (1469) d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon, suivi de leur accession à leurs trônes respectifs (les Rois catholiques), rassemble les forces chrétiennes qui, par un dernier effort, provoquent la chute de Grenade (1492) et l’union de la péninsule, hormis le Portugal, sous un sceptre commun qui deviendra l’Espagne.
3. De 1492 à l’avènement des Bourbons (1700) Vient alors le Siècle d’or (XVIe siècle), qui voit l’Espagne conquérir le Nouveau Monde, recueillir l’héritage bourguignon, s’unir à la maison d’Autriche, régner sur un « empire sur lequel le soleil ne se couche jamais » (Charles Quint) et peser de tout le poids de ses armées sur les affaires de l’Europe. En mariant leurs deux enfants (Jean d’Espagne et Jeanne la Folle) aux deux enfants (Marguerite d’Autriche et Philippe le Beau) de l’empereur Maximilien d’Autriche et de
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Les États existants Marie de Bourgogne — elle-même fille unique de Charles le Téméraire —, les Rois catholiques ouvrent la voie à la constitution d’un ensemble politique de premier ordre, qui dominera l’Europe à partir du règne de leur petit-fils Charles Quint (Charles Ier en Espagne) et constituera une menace permanente pour le royaume de France. En effet, sans même parler de l’union viagère de l’Allemagne et de l’Espagne sous le règne de Charles Quint (1516-1556), empereur de 1519 à 1556, l’héritage bourguignon assure à l’Espagne une puissance inégalée en Europe, lui donnant les Pays-Bas et la Franche-Comté, qui s’ajoutent au Milanais, à la Sardaigne et aux Deux-Siciles qu’elle détenait déjà. Si les provinces septentrionales des Pays-Bas sont perdues en 1581, l’Espagne s’augmente à cette même date du Portugal et de son empire maritime, sur lequel les rois d’Espagne vont régner en union personnelle pendant soixante ans (1580-1640), et dont ils ne conserveront à cette date que le préside de Ceuta. L’Espagne brille aussi à cette époque dans le domaine des lettres et des arts, et l’or du Nouveau Monde finance non seulement les armées, mais aussi l’édification de monuments et la création d’œuvres d’art, par le mécénat qu’il suscite. Cet éclat se ternit au XVIIe siècle, tandis que croît la fortune de la France — à qui l’Espagne doit céder en 1659 le Roussillon et une partie de la Cerdagne —, et la mort (1700) du dernier roi Habsbourg d’Espagne est la cause d’une rivalité entre maisons de Bourbon et d’Autriche (guerre de Succession d’Espagne), dont il ressort que les Bourbons gardent l’Espagne (sauf Gibraltar et Minorque cédés à l’Angleterre) et le Nouveau Monde, les Pays-Bas, le Milanais, Naples et la Sardaigne passant à l’Autriche.
4. L’Espagne des Bourbons (1700-1789) Les traités d’Utrecht (1713) et de Rastadt (1714), qui aboutissent au partage évoqué ci-dessus, permettent au nouveau roi Philippe V, petit-fils de Louis XIV, d’asseoir définitivement le trône des Bourbons en Espagne. La politique ambitieuse d’Élisabeth Farnèse, seconde épouse de Philippe V, puis les concessions territoriales faites en Italie par l’empereur Charles VI pour assurer une succession paisible à sa fille Marie-Thérèse, permettent aux Bourbons d’Espagne de prendre pied en Italie et de s’installer durablement dans les Deux-Siciles et à Parme, où règnent en 1789 deux branches cadettes de ladite maison. Depuis 1761, la politique de la monarchie espagnole s’est liée à celle de la France par la signature du pacte de Famille. Dans la deuxième moitié du siècle, Charles III (1759-1788), fils du deuxième lit de Philippe V — qui a d’abord régné sur Naples et la Sicile avec les conseils éclairés du marquis Tanucci —, règne sur l’Espagne en despote éclairé, fort du soutien successif de deux remarquables hommes d’État, Aranda puis Florindablanca, qui le secondent dans sa volonté de sortir l’Espagne de son immobilisme politique et économique. En 1783, l’Espagne recouvre l’île de Minorque.
II. L’Espagne en 1789 L’Espagne est de loin le plus étendu des deux royaumes qui se partagent la péninsule Ibérique. D’une superficie de 500 000 km2, pour une population de 9 millions d’habitants, le royaume d’Espagne demeure, malgré un déclin entamé au siècle précédent, un pays qui compte sur la scène européenne. L’Espagne est un vaste plateau d’altitude entrecoupé de chaînes montagneuses : Pyrénées entre France et Aragon, monts Cantabriques entre golfe de Gascogne et Vieille-Castille, Sierra de Guadarrama entre Vieille et Nouvelle-Castille, monts Ibériques entre NouvelleCastille et Aragon, Sierra Morena entre Nouvelle-Castille et Andalousie, Sierra Nevada entre Andalousie et mer Méditerranée. Quelques grands fleuves arrosent les diverses régions : Èbre en Aragon, Douro en Vieille-Castille, Tage et Guadiana en Nouvelle-Castille, Guadalquivir en Andalousie. L’économie de l’Espagne, autrefois florissante, est devenue médiocre. L’agriculture est peu favorisée, sauf dans quelques régions où la présence de cours d’eau et les techniques d’irrigation héritées des Maures permettent une culture intensive ; partout ailleurs, l’ari-
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Espagne dité du sol, la rudesse du climat et le manque de bras restreignent notablement la production agricole ; l’artisanat, autrefois prospère dans les villes, a été ruiné par l’expulsion des Juifs et des Maures et par la coutume néfaste de remplacer la production locale de biens par l’achat à l’étranger de marchandises payées par l’or et l’argent du Nouveau Monde. De ce fait, l’ancien réseau urbain apparaît bien alangui, tourné désormais vers les fonctions religieuses, administratives et, pour certaines villes (Salamanque), universitaires. La répartition territoriale du royaume d’Espagne (continent et Baléares) est en 1789 la suivante : – Nouvelle-Castille : provinces de Madrid, de Guadalajara, de Cuenca, de Tolède, de la Manche (Ciudad Real) ; – Vieille-Castille : provinces de Burgos, de Soria, de Ségovie, d’Avila ; – royaume d’Estrémadure : province d’Estrémadure (Badajoz) ; – Andalousie : provinces (royaumes) de Cordoue, de Séville, de Jaén et de Grenade ; – royaume de Murcie : province de Murcie ; – royaume d’Aragon et de Valence : provinces d’Aragon (Saragosse), de Valence et de Catalogne (Barcelone) ; – royaume de Navarre : province de Navarre (Pampelune) ; – provinces basques : provinces de Biscaye (Bilbao), de Guipuzcoa (Saint-Sébastien), d’Alava (Vittoria) ; – royaume de León : provinces des Asturies (Oviedo), de León, de Palencia, de Salamanque, de Valladolid, de Zamora ; – royaume de Galice : province de Galice (Saint-Jacques-de-Compostelle) ; – royaume de Majorque : province des Îles (Palma). Ainsi constitué, le royaume d’Espagne couvre l’ensemble de la péninsule Ibérique, hormis le Portugal, la principauté d’Andorre et Gibraltar (base navale anglaise depuis 1713), et les îles Baléares. Hors d’Europe s’y rattachent les îles Canaries et les présides de la côte d’Afrique (Ceuta, Melilla, îles Chafarines, îles d’Alhucemas, Velez de la Gomera, Oran). Il convient de citer quelques particularités relatives à la frontière des Pyrénées avec la France : – l’île des Faisans ou de la Conférence (où fut signée la paix des Pyrénées de 1659), située sur la Bidassoa, est possession commune de la France et de l’Espagne ; – la frontière suit généralement la ligne de crête, sauf au val d’Aran (haute vallée espagnole de la Garonne) et en Cerdagne (partie supérieure française depuis 1659, hormis l’enclave espagnole de Llivia).
III. De 1789 à la fin de l’ingérence française (1813) 1. De 1789 à l’avènement de Joseph Bonaparte au trône d’Espagne (1808) En 1790, à la suite d’un tremblement de terre qui détruit la ville d’Oran, l’Espagne abandonne définitivement ce préside qu’elle détenait depuis près de trois siècles. Le nouveau roi Charles IV (1788-1808) est très tôt confronté au délicat problème de l’attitude à adopter vis-à-vis de la Révolution française. D’abord attentiste, il entre en guerre en 1793 contre la France, après l’exécution de Louis XVI, son cousin, par les révolutionnaires français. L’Espagne vaincue doit demander la paix. Par le traité de Bâle du 22 juillet 1795, la paix est rétablie et l’Espagne choisit de se ranger du côté français face à la Grande-Bretagne. La France et l’Espagne décident l’attaque du Portugal pour atteindre, à travers lui, les intérêts anglais. En 1798, la Grande-Bretagne réoccupe l’île de Minorque. Au printemps de 1801, l’Espagne est victorieuse du Portugal (« guerre des oranges »). Par le traité de Badajoz du 6 juin 1801, le Portugal cède à l’Espagne le district d’Olivenza, excroissance portugaise sur rive gauche du Guadiana.
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Les États existants En mars 1802, par le traité d’Amiens qui rétablit la paix entre la France et la GrandeBretagne, cette dernière restitue l’île de Minorque à l’Espagne. En 1807, les aléas du blocus continental contre l’Angleterre provoquent une intervention française au Portugal et, indirectement, en Espagne. Cette intervention ravive les querelles entre le roi Charles IV et son fils Ferdinand, le prince des Asturies. Les ayant convoqués à Bayonne, Napoléon les contraint à abdiquer (mai 1808) et à prendre le chemin de l’exil. Le 6 juin 1808, Napoléon nomme roi d’Espagne son frère Joseph, jusqu’ici roi de Naples. Mais le départ des Bourbons entraîne le début des révoltes.
2. De 1808 au rétablissement des Bourbons (1813) Dès le 2 mai 1808, les Madrilènes se sont soulevés contre la présence des armées françaises. La répression qui s’en est ensuivie provoque l’extension des troubles à l’ensemble du pays. Le nouveau roi Joseph Ier peine à établir son autorité et la présence des troupes françaises permet seule le maintien de son trône. Une guérilla permanente s’installe, encouragée par l’attitude des Cortès, qui se réuniront en 1812 à Cadix pour s’opposer à la présence française et préparer l’avenir (vote d’une Constitution libérale). Elle suscite en retour l’intervention toujours croissante des forces de Napoléon, qui est sur le point de l’emporter avant d’être contraint, en 1812, de retirer des troupes en vue de la campagne de Russie. Par ailleurs, le changement de roi provoque la perte de la plus grande partie des colonies d’outre-mer qui, par fidélité aux Bourbons, refusent de reconnaître le nouveau régime et marchent vers l’indépendance. Par décret du 8 février 1810, la province de Catalogne est administrativement et militairement détachée du royaume d’Espagne, dont elle fait toujours juridiquement partie, et confiée à une administration militaire française, avec Gérone pour capitale. Par décret du 26 janvier 1812, sans être de jure annexée à la France, la Catalogne est détachée de l’Espagne et de facto réunie à l’Empire français. Replacée dans un régime d’administration civile, elle est divisée en deux intendances et quatre départements : – Basse-Catalogne, chef-lieu Barcelone : départements du Monserrat (Barcelone) et des Bouches-de-l’Èbre (Lérida) ; – Haute-Catalogne, chef-lieu Gérone : départements du Ter (Gérone) et du Sègre (Puigcerda) ; à ce dernier département est rattachée la principauté d’Andorre. Le val d’Aran est annexé à la France, et rattaché au département de la Haute-Garonne. Mais en raison des revers militaires en Espagne et de l’insécurité régnant en Catalogne, dès le 15 mars 1813 pour la Basse-Catalogne, et le 24 mai pour la Haute-Catalogne, les départements catalans sont supprimés et l’administration militaire en deux intendances rétablie. Le 11 décembre 1813, par le traité de Valençay, le roi Ferdinand VII est rétabli sur le trône d’Espagne, abandonné par Joseph. La Catalogne, où le régime français est aboli, et le val d’Aran sont rendus à l’Espagne, la principauté d’Andorre recouvrant son statut traditionnel. À cette date, l’Espagne péninsulaire se retrouve dans la configuration territoriale qu’elle conserve encore de nos jours.
IV. De 1813 à la naissance de la seconde république (1931) 1. De 1813 à la seconde abdication des Bourbons (1868) Pendant plus de soixante ans, l’Espagne va connaître une vie politique agitée. Tout d’abord, le roi Ferdinand VII doit faire face en 1820 à un coup d’État de militaires qui veulent le contraindre à adopter la Constitution votée en 1812 à Cadix. Le roi fait appel à l’appui des puissances européennes, qui décident en 1822, au congrès de Vérone, une intervention française, laquelle rétablit l’ordre ancien dès 1823. Le roi Ferdinand VII n’ayant pas d’héritier mâle, il abolit la loi salique, instituée par son ancêtre Philippe V, pour permettre à sa fille Isabelle de régner. À sa mort en 1833, cette der-
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Espagne nière devient reine sous le nom d’Isabelle II, avec une régence exercée par sa mère. Mais le frère puîné de Ferdinand, Charles, récuse l’abolition de cette loi et se proclame roi (Charles V), ses partisans prônant un régime autoritaire respectueux des traditions. S’ensuit la première guerre carliste (1833-1839), qui se termine par la victoire des « libéraux », les partisans d’Isabelle II. Au plan de ses subdivisions internes, par décret du 30 novembre 1833, le royaume d’Espagne est réorganisé du point de vue militaire en 12 capitaineries générales et du point de vue administratif en 48 intendances (ou provinces), qui constituent des subdivisions géographiques des capitaineries et sont dirigées chacune par un délégué du gouvernement (préfet), selon le découpage suivant : – Nouvelle-Castille : cinq intendances de Madrid, Guadalajara, Tolède, Cuenca, Ciudad Real ; – Vieille-Castille et León : douze intendances de Burgos, Logroño, Santander, Oviedo, Soria, Ségovie, Avila, León, Palencia, Valladolid, Salamanque, Zamora ; – Galice : quatre intendances de La Corogne, Lugo, Orense, Pontevedra ; – Estrémadure : deux intendances de Badajoz, Caceres ; – Andalousie : cinq intendances de Séville, Huelva, Cadix, Cordoue, Jaén ; – Grenade : trois intendances de Grenade, Alméria, Malaga ; – Valence et Murcie : cinq intendances de Valence, Alicante, Castellon de la Plana, Murcie, Albacete ; – Catalogne : quatre intendances de Barcelone, Tarragone, Lérida, Gérone ; – Aragon : trois intendances de Saragosse, Huesca et Teruel ; – Navarre : l’intendance de Pampelune ; – Guipuzcoa : trois intendances de Vittoria, Bilbao, Saint-Sébastien ; – Baléares : l’intendance de Palma. Il y a lieu d’y rajouter, hors d’Europe, l’intendance des Canaries. Jusqu’en 1854, le pouvoir est assumé, de façon alternée au gré de coups de force, par la régente Marie-Christine, mère d’Isabelle II, ou par divers généraux, le tout assorti d’une seconde guerre carliste (1846-1849). À partir de 1854, Isabelle II exerce personnellement le pouvoir, avec l’appui des libéraux, mais en 1868 une révolution menée par le général Prim contraint Isabelle II à abdiquer en faveur de son fils Alphonse XII, qui est lui-même récusé par les insurgés, puis à se réfugier avec lui à l’étranger.
2. De 1868 au second rétablissement des Bourbons (1874) La Constitution de 1869 institue une monarchie parlementaire. Il y a lieu, dès lors, de trouver un nouveau roi. La couronne est dans un premier temps offerte au prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen (branche souabe et catholique), fils du dernier prince régnant de ladite principauté et frère aîné de Charles, choisi en 1866 par les Roumains. Mais Léopold est général dans l’armée de son cousin de Prusse, et sa candidature apparaît à la France comme une menace de rétablissement de l’empire de Charles Quint. Le prince doit décliner l’offre, sur intervention du roi de Prusse, et l’on sait que les circonstances malheureuses de cette renonciation seront à l’origine de la guerre franco-allemande de 1870. Les Cortès portent alors leur choix (novembre 1870) sur le prince Amédée de Savoie, second fils du roi Victor-Emmanuel d’Italie, qui devient le roi Amédée Ier. Celui-ci entend régner dans le cadre de la Constitution de 1869, mais se trouve bientôt confronté au déclenchement, dans les provinces basques, de la troisième guerre carliste (1872-1876), qui relance la querelle dynastique. Impuissant à rétablir l’ordre et la paix civile, considéré par beaucoup comme un roi étranger, sans soutien réel dans le pays, Amédée Ier abdique en février 1873, et les Cortès proclament la République en Espagne pour la première fois. Mais le régime républicain ayant engendré l’anarchie, les Cortès restaurent en décembre 1874 la monarchie au profit d’Alphonse XII, le fils d’Isabelle.
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Les États existants 3. De 1874 à l’avènement de la seconde république (1931) La guerre entre alphonsistes et carlistes se poursuit jusqu’en 1876, date à laquelle ces derniers sont vaincus. Les fueros (privilèges) des provinces basques sont abolis. Une nouvelle Constitution est votée en 1876 et la vie politique va se poursuivre jusqu’en 1923 par des périodes alternées de gouvernement entre conservateurs et libéraux. Le roi Alphonse XII meurt en 1885, et naît en 1886 son fils posthume, qui devient Alphonse XIII. Une longue régence va s’ensuivre jusqu’en 1902. À la suite de troubles à Cuba et dans les Philippines, que l’Espagne tente vainement de réprimer, les États-Unis lui déclarent en 1898 une guerre qui lui fait perdre ses dernières colonies : Cuba, Porto Rico et les Philippines. Ce revers sera compensé par la colonisation du Rif, au nord du Maroc, région que la France réserve à l’Espagne lorsqu’elle entreprend de mettre la main sur ce pays. Le tournant du siècle voit le développement industriel de deux régions périphériques du royaume, la Catalogne et les provinces basques, au caractère particulier déjà très marqué, ce qui accentue leur particularisme économique, social et culturel vis-à-vis des autres régions du pays. Bien que l’Espagne ne soit pas impliquée dans les événements de la Première Guerre mondiale, des troubles politiques se développent à la fin du conflit, doublés de revers militaires dans le Rif. En 1923, le général Primo de Rivera prend le pouvoir, avec l’aval d’Alphonse XIII, et institue un régime autoritaire, mais ne parvient pas à réaliser les projets de redressement qu’il s’était fixés. Le roi le renvoie en 1930. En avril 1931, à la suite d’une victoire massive des partis républicains dans des élections municipales, le roi Alphonse XIII quitte l’Espagne (sans abdiquer) et la République est proclamée pour la seconde fois.
V. L’Espagne contemporaine (1931 à nos jours) 1. La seconde république (1931-1936) La période républicaine est marquée par de grandes alternances politiques : majorité de gauche en 1931, de droite en 1933, puis de nouveau de gauche en 1936. De ce fait, le pouvoir manque de durée pour appliquer les grandes réformes votées, parmi lesquelles l’autonomie pour les provinces : seule la Catalogne bénéficie dès 1932 d’un statut d’autonomie (aboli en 1939). En 1934, une grande grève dans les Asturies est réprimée par l’armée (général Franco). Les dissensions entre factions s’accroissent à mesure des revirements politiques et de l’impatience de certains face à la lenteur des réformes. L’insécurité s’installe dans le pays. Le 18 juillet 1936, un soulèvement militaire, avec à sa tête le général Sanjurjo, se produit contre le régime républicain. La mort accidentelle, au bout de deux jours, de Sanjurjo entraîne son remplacement par le général Franco, qui devient le 1er octobre de la même année chef de l’État pour la durée de la guerre.
2. La guerre civile et l’État franquiste (1936-1947) S’ensuit une guerre civile particulièrement féroce entre les nationalistes ralliés à Franco et les républicains ; elle va durer trois ans, pendant lesquels les armées franquistes ne cessent de gagner du terrain, et s’achever par la victoire totale des forces nationalistes. Pendant le conflit, deux régimes coexistent : celui de la République et celui de l’État provisoire institué par Franco, qui en devient le chef (caudillo). À l’issue du conflit (avril 1939), Franco pérennise les institutions provisoires de l’État et se nomme chef d’État à vie. L’Espagne, qui doit panser ses plaies, parvient à demeurer à l’écart de la Seconde Guerre mondiale.
3. Un royaume sans roi (1947-1975) Par référendum du 26 juillet 1947 est approuvée une loi de succession qui prévoit que le successeur du général Franco sera roi d’Espagne, choisi dans la maison de Bourbon.
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Espagne L’Espagne redevient un royaume, pourvu d’un régent (Franco) à titre viager. Du fait du soutien apporté en son temps à l’insurrection des militaires par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale commencent par tenir l’Espagne franquiste dans un strict isolement politique. Mais, dès le déclenchement de la guerre froide, au début des années 1950, les données stratégiques changent et les États-Unis signent en 1953 avec l’Espagne un pacte militaire, assorti d’une assistance économique, qui contribue à réintégrer ce pays dans le concert des nations (entrée à l’ONU en 1955). Jusqu’à sa mort en 1975, le général Franco maintient le pays dans un régime politique très autoritaire, avec un parti unique, la Phalange. Parallèlement, il engage le pays dans la voie d’un fort développement économique, pour lui faire rattraper un retard accumulé depuis près de deux siècles. En juillet 1969, Juan Carlos, prince des Asturies et petit-fils d’Alphonse XIII, qui avait reçu une éducation en Espagne à la suite d’un accord entre son père, le comte de Barcelone, et le général Franco, est désigné par les Cortès héritier de la couronne d’Espagne et successeur de Franco à la mort de ce dernier.
4. La restauration des Bourbons (1975 à nos jours) En novembre 1975, à la mort de Franco, le royaume d’Espagne retrouve un roi en la personne de Jean-Charles Ier (Juan Carlos), petit-fils d’Alphonse XIII, en faveur de qui abdique son père, le comte de Barcelone. Le nouveau roi multiplie dès son avènement les mesures visant à libéraliser le régime et à doter le pays d’un statut démocratique : loi de réforme politique autorisant les partis, amnistie générale pour les faits politiques, rétablissement de la généralité (autonome) de Catalogne. Une nouvelle Constitution, adoptée par référendum le 6 décembre 1978, est promulguée le 29 décembre. Y est reconnu le droit des nationalités et régions à jouir d’une autonomie au sein du royaume d’Espagne. Les 48 provinces (plus les 2 des Canaries) demeurent inchangées vis-à-vis de leur situation de 1833 ; elles sont regroupées en 16 communautés (plus 1 pour les Canaries) retrouvant souvent (mais pas toujours) les anciennes limites historiques ; chaque communauté est dirigée, à partir de la date de son autonomie, par un gouvernement régional élu. Elles deviennent autonomes aux dates suivantes (voir détails dans l’en-tête de chapitre) : – décembre 1979 : Catalogne, Pays basque ; – avril 1981 : Galice ; – décembre 1981 : Andalousie, Aragon, Asturies, Cantabrie ; – juin 1982 : Murcie ; – juillet 1982 : Valence ; – août 1982 : Castille-La Manche, Navarre, Rioja ; – février 1983 : Baléares, Castille-et-León, Estrémadure, Madrid. L’étendue de l’autonomie varie selon les communautés, les transferts étant plus importants pour le Pays basque, la Catalogne, la Galice, l’Andalousie, Valence, la Navarre et les Canaries. Le castillan (l’espagnol) demeure la langue commune du royaume, mais chaque communauté est habilitée à user d’une langue régionale dans ses actes administratifs. Le régime de monarchie parlementaire sort renforcé de la tentative avortée de coup d’État du colonel Tejero (février 1981), à laquelle le roi a fait personnellement obstacle. Depuis lors, l’Espagne fait définitivement partie de l’Europe démocratique et devient le 1er janvier 1986 membre à part entière de la Communauté européenne.
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Les États existants
Estonie Le pays en bref État républicain : la république d’Estonie. Président : Thomas Hendrik Ilves. Représentation parlementaire : une diète unique, le Riifikogu. Capitale : Tallinn ; 15 districts. Superficie : 45 100 km2 ; population : 1,6 million d’habitants ; densité : 35 habitants au km2. Langue : l’estonien (proche du finnois) ; le russe pour 30 % de la population. Religion : luthérienne ; orthodoxe pour les Russes. Monnaie : la couronne estonienne.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Estonie 1. Des chevaliers teutoniques à Pierre le Grand Les Estes et les Lives, peuples finno-ougriens établis en Estonie et en Livonie depuis le IIe siècle av. J.-C., sont évangélisés au début du XIIIe siècle par les Danois — qui fondent, en 1219, la ville de Reval (ou Tallinn, la « ville des Danois ») — et les chevaliers PorteGlaive, ordre de chevalerie allemand basé plus au sud à Riga. En 1347, les Danois vendent aux chevaliers teutoniques — qui ont entre-temps fusionné avec les Porte-Glaive — la partie de l’Estonie qu’ils détenaient (au nord) ; l’Ordre teutonique devient le seul maître de l’Estonie. Au début du XVIe siècle, la réforme luthérienne est cause de troubles ; les chevaliers teutoniques se sécularisent et se taillent des fiefs dans les pays baltes. Mais ces bouleversements attirent la convoitise des voisins. Les Russes d’Ivan le Terrible s’emparent, à l’est, de Dorpat (Tartu) et de Narva, tandis que la Suède met la main sur l’Estonie et l’île de Dagœ (Hiuma), et le Danemark conquiert l’île d’Œsel (Sarema). Puis, en 1629, les Suédois conquièrent la Livonie voisine, sur la Pologne, et l’île d’Œsel. Ils y installent durablement le luthéranisme, mais la noblesse reste allemande (barons baltes). En 1632, le roi de Suède, Gustave II Adolphe, fonde l’université allemande de Dorpat. Cette situation perdure jusqu’au traité de Nystad (1721), qui met fin à la guerre entre Suède et Russie, par lequel la Suède de Charles XII cède l’Estonie et la Livonie à la Russie de Pierre le Grand. L’Estonie va suivre, pour deux siècles, le destin de la Russie.
2. L’Estonie en 1789 L’Estonie, province russe, est le plus septentrional des pays baltes. Elle est bordée à l’ouest par la mer Baltique, avec deux grandes îles, Dagœ et Œsel, au nord par le golfe de Finlande, à l’est par la Russie proprement dite, au sud par la Livonie. De moitié plus petite que l’Estonie contemporaine — dont elle constitue la moitié septentrionale —, c’est une région basse de grandes plaines couvertes de forêts ou de terres peu fertiles, limitée à l’est par une grande nappe d’eau, le lac Peïpous, relié à la mer par la Narva. Deux villes seules, jadis villes hanséatiques, présentent quelque importance : Reval (Tallinn), la capitale, Dorpat (Tartu), la ville universitaire de langue allemande. Cette province n’est balte que du point de vue de la géographie physique, car d’un point de vue linguistique le peuple parle un dialecte très proche du finnois, la langue des voisins de Finlande, et la noblesse, issue des chevaliers teutoniques, parle allemand. La Russie est
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Estonie souveraine de l’Estonie, mais, comme pour la Livonie voisine, les barons baltes — qui servent loyalement dans l’armée et l’administration russes — y détiennent en fait tous les pouvoirs. Enfin, il convient de noter que la moitié septentrionale de la Livonie voisine, qui constitue une surface équivalente à celle de la province d’Estonie, est également peuplée d’Estoniens.
II. La marche difficile à l’indépendance (1789 à nos jours) 1. De 1789 à l’indépendance (1918/1920) Dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec l’essor d’une littérature et d’une presse en langue estonienne, se produit une prise de conscience de l’identité nationale en Estonie, distincte de la noblesse allemande. Mais à la fin du siècle, comme toutes les autres provinces non russes de l’empire, l’Estonie doit faire face à une sévère politique de russification : le russe est imposé dans l’administration, et remplace l’allemand à l’université de Dorpat. Comme l’ensemble de l’empire russe, l’Estonie est, en 1914, entraînée dans la Première Guerre mondiale. À la suite de la révolution de février 1917, le gouvernement provisoire russe accorde en avril 1917 une autonomie à l’Estonie, qui se voit accrue de la moitié septentrionale de la Livonie — de peuplement estonien —, assortie de la convocation d’un Congrès national qui doit mener vers l’indépendance. Mais la révolution d’Octobre entraîne un revirement et, en novembre 1917, un gouvernement soviétique s’installe en Estonie. Toutefois, le gouvernement bolchevique russe signe avec l’Allemagne le traité de Brest-Litovsk, le 3 mars 1918. La Russie y renonce en faveur de l’Allemagne à l’ensemble des pays baltes — y compris l’Estonie —, à la Finlande, à la Pologne russe, etc. Le 13 avril 1918, un conseil national à majorité allemande, réuni à l’initiative des Allemands d’Estonie et de Livonie, souhaite l’établissement d’un duché de Baltikum, qui engloberait ces deux pays plus la Courlande, sous l’autorité du roi de Prusse. Mais les autorités de Berlin tergiversent, et érigent les seules Estonie et Livonie (cette dernière diminuée du district de Riga) en « États baltiques ». La Courlande et le district de Riga sont provisoirement annexés à l’Allemagne. En novembre 1918, la défaite allemande permet aux Estoniens de prendre en mains leur destinée. Le 12 novembre, un Conseil national d’Estoniens proclame l’indépendance de l’Estonie constituée sur des bases ethniques, à savoir l’Estonie de l’époque russe augmentée de la moitié septentrionale de la Livonie, peuplée d’Estoniens. Mais le 13 novembre, la Russie soviétique dénonce le traité de Brest-Litovsk et envahit l’Estonie. À la suite de la contre-offensive victorieuse des Estoniens, aidés de volontaires finlandais, le 2 février 1920 est signé le traité de Tartu (Dorpat) entre l’Estonie et la Russie. Cette dernière reconnaît l’indépendance de l’Estonie, dans ses limites de novembre 1918, et lui cède deux petits territoires sur sa frontière orientale : celui de la rive droite de la Narva et le district d’Izborsk.
2. De 1920 à nos jours Une fois indépendante, l’Estonie se dote en 1920 d’une Constitution libérale et démocratique. Sur le plan économique, le pays modifie profondément son régime agraire (suppression des grands domaines) et reconstruit son potentiel industriel mis à mal par la guerre. Conséquence de la grande crise économique, et des difficultés qui en résultent, en 1934 s’instaure un régime autoritaire. Face à l’attitude menaçante de l’Allemagne et de l’URSS, l’Estonie, comme les deux autres pays baltes auxquels la lie un accord de défense, cherche à maintenir sa neutralité. Mais le pacte germano-soviétique d’août 1939 prévoit secrètement que l’Estonie soit placée dans l’orbite de l’URSS.
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Les États existants À la suite de l’effondrement de la Pologne, le 28 septembre 1939, l’URSS se fait céder par l’Estonie des bases militaires à Baltiski et dans les îles de Dagœ et d’Œsel. Puis, du 15 au 17 juin 1940, les troupes soviétiques envahissent l’Estonie, comme les deux autres pays baltes. Le 21 juillet, une assemblée purement communiste proclame la république soviétique d’Estonie et demande son incorporation à l’URSS. Le 6 août, Moscou entérine cette annexion. Des épurations et déportations massives d’opposants sont opérées. Les territoires annexés sur la Russie en 1920 sont rétrocédés par la nouvelle république soviétique d’Estonie à la république soviétique de Russie. L’Estonie ayant été conquise en juillet 1941 par les troupes allemandes, l’Allemagne établit en 1942 un commissariat général d’Ostland, capitale Riga, divisé en 4 districts généraux : Estonie (Reval), Lettonie (Riga), Lituanie (Kaunas), Ruthénie blanche (Minsk). En novembre 1944, l’Estonie ayant été reconquise par l’URSS, la république soviétique d’Estonie est restaurée. Pendant 45 ans, l’Estonie subit, contrainte et forcée, une incorporation dans l’URSS à titre de république fédérée. Elle est soumise à une intégration politique et économique au sein de l’Union, tandis que des Russes sont massivement installés en Estonie, au point d’atteindre le niveau de 30 % de la population. Mais l’aspiration à recouvrer l’indépendance demeure présente. À la suite de l’effondrement du régime soviétique, la république soviétique d’Estonie redevient le 5 mai 1990 république d’Estonie. Le pluripartisme est rétabli. Un référendum qui se tient le 3 mars 1991 donne une forte majorité pour l’indépendance du pays. Le 20 août 1991, l’Estonie redevient une république indépendante. En juin 1992 est adoptée une nouvelle Constitution. Depuis lors, l’Estonie se tourne, autant que faire se peut, vers l’Occident, tissant des liens étroits avec la Finlande, si proche géographiquement et culturellement, et posant sa candidature à l’adhésion à l’Union européenne. Le 12 décembre 2002, cette candidature est acceptée par l’Union, et l’adhésion devient effective le 1er mai 2004.
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Finlande
Finlande Le pays en bref État républicain : la république de Finlande. Président : Tarja Halonen. Représentation parlementaire : une diète unique, l’Eduskunta. Capitale : Helsinki/Helsingfors. Division administrative en 6 provinces (Lääni) : Finlande-Méridionale (Hämeenlinna/ Tavastehus), Finlande-Occidentale (Turku/Abo), Finlande-Orientale (Mikkeli/ St Michel), Oulu (Oulu/Uleaborg), Laponie (Rovaniemi), Aland (Maarianhamina/ Mariehamn). La province d’Aland (archipel de la Baltique) jouit d’un statut spécial. Superficie : 338 000 km2 ; population : 5 millions d’habitants ; densité : 15 habitants au km2. Langue : le finnois (93 %), le suédois (6 %, aux îles Aland et sur la côte ouest), le lapon. Religions : luthériens à 88 %. Monnaie : l’euro ; le mark finlandais jusqu’en 2001.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Finlande 1. Lutte d’influence entre Russes et Suédois (XIIe-XVIIIe siècles) La Finlande (« pays des marécages ») s’étend à l’est du golfe de Botnie. Peuplée d’abord de Lapons, puis de Finnois au début de notre ère, la Finlande voit peu à peu s’implanter des colonies de Vikings. Entre 1150 et 1300, elle est par étapes soumise à la tutelle suédoise : d’abord les côtes du golfe de Botnie (fondation de la ville d’Abo), puis l’intérieur des terres, où les Suédois se heurtent à l’expansion russe. Viborg est fondée en 1293 ; en 1323, le duché suédois de Finlande est reconnu par les Russes et un partage des territoires est opéré : la Finlande suédoise occupe alors un territoire qui couvre un gros tiers du pays d’aujourd’hui, au sud d’une ligne joignant l’extrémité du golfe de Botnie à celle du golfe de Finlande. Érigée en grand-duché (1581), la Finlande est colonisée par la noblesse suédoise, qui domine la vie du pays. Aux XVIIe et XVIIIe siècles se poursuit la lutte avec la Russie. Agrandie de la Carélie et de l’Ingrie en 1617, la Suède les reperd en 1721, et doit aussi céder à cette date l’extrême est (Viborg) de la Finlande, puis en 1743 un autre fragment de la Finlande, au sud-est, qui permet à la Russie d’élargir sa « fenêtre » sur la mer.
2. La Finlande en 1789 Le grand-duché de Finlande est une dépendance de la couronne de Suède. Vaste pays de 360 000 km2 pour seulement 500 000 habitants, il s’étend entre la rive orientale du golfe de Botnie, la Laponie suédoise et la Carélie russe. La contrée n’est qu’une grande pénéplaine granitique, parsemée de lacs et couverte de forêts, au climat très froid en raison de sa latitude. De ce fait, l’agriculture y est médiocre, compensée par l’élevage, la pêche et surtout l’exploitation forestière. En 1789, le grand-duché de Finlande ne dispose plus d’autonomie particulière au sein du royaume de Suède ; il est réparti en divers territoires historiques : duchés de Finlande (Abo), de Satakunda et de Carélie, comtés de Nyland, de Tavastland (Helsingfors), de Savolas et d’Ostrobotnie, îles Aland.
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Les États existants Du point de vue administratif, des gouverneurs suédois résident à Abo (Turku), Helsingfors (Helsinki), Borgo, Kuopio, Wasa et Uleaborg (Oulu).
II. L’affirmation de la nation finlandaise (1789 à nos jours) 1. De 1789 à l’indépendance (1917) Pendant longtemps, les bouleversements européens de l’époque révolutionnaire puis napoléonienne n’affectent pas la Finlande, éloignée du théâtre des combats, et qui dépend d’une Suède neutre et relativement épargnée. Cependant, voisine immédiate de la Russie, la Finlande excitait de longue date la convoitise de celle-ci. Or, soucieux de s’attirer les bonnes grâces du tsar Alexandre, Napoléon, à Tilsitt (juillet 1807), accorde tacitement à la Russie le droit de mainmise sur la Finlande. En conséquence, en 1808, la Russie envahit et occupe celle-ci. Le roi Gustave IV de Suède, rendu responsable de la perte de la Finlande, est renversé par un coup d’État en mars 1809. La diète suédoise qui exerce le pouvoir, cherche à faire la paix avec la France et la Russie. Le 17 septembre 1809, par le traité de Frederickshamn (Hamina), la Suède cède à la Russie le grand-duché de Finlande et une partie du territoire de la Laponie. La Russie s’engage à faire du grand-duché de Finlande, capitale Abo, un État autonome, uni à elle par simple union personnelle (le tsar prenant le titre de grand-duc), doté d’une diète, d’un gouvernement, d’une législation et d’une armée propres, avec l’usage du suédois comme langue officielle et du finnois comme langue ordinaire. En 1811, les parties de Carélie et de Finlande annexées en 1721 et 1743 par la Russie sont incluses dans le grand-duché de Finlande. Celui-ci couvre désormais 378 000 km2. En 1812, la capitale du grand-duché est transférée d’Abo à Helsingfors. Le 24 mars 1831, la Finlande est réorganisée en huit gouvernements (loen) portant le nom de leur chef-lieu : Uleaborg (Oulu), Vasa, Abo (Turku), Nyland ou Helsingfors (Helsinki), Viborg (Viipuri), Kuopio, Saint-Michel, Tavastehus (Hameenlina). Pendant la majeure partie du XIXe siècle, les Russes respectent à peu près l’autonomie politique et culturelle des Finlandais. Cependant, la Russie encourage l’essor du finnois pour faire pièce à l’influence culturelle suédoise. C’est alors qu’avec l’essor de cette langue commence à germer le sentiment national, qui va s’affirmer face à la culture suédoise et à la domination russe. Ce sentiment, à la fin du siècle, se heurte, de la part de la Russie, à une volonté plus affirmée de russifier ses possessions allogènes. Par manifeste du 15 février 1899, le gouvernement de Saint-Pétersbourg abolit l’armée finlandaise et impose le russe comme langue administrative. La Finlande, dépendance de la Russie, est entraînée par celle-ci dans le premier conflit mondial. Mais lorsque éclatent les révolutions de Russie, seule une minorité révolutionnaire entend, en Finlande, s’associer au destin de la nouvelle Russie. Au contraire, le gouvernement conservateur finlandais considère qu’il faut profiter de cette occasion pour se séparer de la Russie. Le 6 décembre 1917, il proclame l’indépendance de la Finlande, dont le statut reste à déterminer.
2. La Finlande indépendante (1917 à nos jours) Tout d’abord, le 2 janvier 1918, le gouvernement de Lénine reconnaît l’indépendance de la Finlande. Mais celle-ci doit à son tour faire face à une révolution bolchévique, inspirée par la Russie voisine, et qui se rend maîtresse d’Helsinki ; le gouvernement, qui s’est réfugié à Vasa, fait appel à l’armée allemande pour l’aider à réprimer l’insurrection (marsavril 1918). En octobre 1918, cédant aux pressions allemandes, la Finlande s’érige en royaume et offre la couronne au prince Frédéric-Charles de Hesse.
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Finlande Toutefois, la venue du prince de Hesse est contrecarrée par la défaite allemande (novembre). La diète, élue en décembre 1918, vote en juillet 1919 une nouvelle Constitution. La Finlande devient une république. Reste à en fixer les frontières avec la Russie. Au nom d’une nationalité commune, les Finlandais revendiquaient la Carélie orientale (russe). La Russie refuse et promet seulement en Carélie orientale un plébiscite, qui n’aura jamais lieu. En contrepartie de ce refus, par le traité de Tartu (Dorpat) du 14 octobre 1920, la Russie cède à la Finlande le territoire de Petsamo (10 000 km2), donnant à la Finlande dans le grand Nord un accès à l’océan Arctique (mer de Barentz). La surface de la Finlande est ainsi portée à 388 000 km2. Par ailleurs, la Suède avait profité de l’indépendance de la Finlande pour revendiquer en 1919 le rattachement à elle-même des îles Aland, cédées en 1809 comme partie de la Finlande, quoique de peuplement suédois. Face à cette revendication, la Finlande a accordé dès juin 1920 une large autonomie aux îles Aland : parlement autonome, usage exclusif du suédois, interdiction aux Finlandais de s’y implanter. En conséquence, considérant que les droits des populations sont garantis, le conseil de la SDN rejette le 26 juin 1921 la demande suédoise et avalise la situation existante ; en octobre de la même année, une convention internationale décide que les îles Aland constitueront un territoire neutre. L’entre-deux-guerres est pour la Finlande une période de grand développement économique, qui la rapproche des autres pays scandinaves. Mais l’URSS de Staline n’a pas renoncé à remettre la main sur tout ou partie de la Finlande. Le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 prévoit, dans ses clauses secrètes, la neutralité allemande vis-à-vis d’une intervention soviétique en Finlande. Le 12 octobre 1939, l’URSS, qui cherche à élargir l’arrière-pays de Leningrad (SaintPétersbourg), trop proche de la frontière, propose à la Finlande de lui prendre un territoire de 3 000 km2 (Bjorko) sur l’isthme de Carélie (entre golfe de Finlande et lac Ladoga), et de lui donner en échange un territoire de 30 000 km2 en Carélie septentrionale. La Finlande refuse cet arrangement. Les troupes soviétiques ayant envahi la Finlande à partir du 30 novembre 1939, celle-ci est vaincue au terme d’une guerre héroïque (« guerre d’hiver »). En conséquence, par le traité de Moscou du 12 mars 1940, la Finlande doit céder à l’Union soviétique : – l’ensemble de la Carélie méridionale (Bjorko, Viborg), ramenant dans ce secteur la Finlande à sa frontière de 1721 ; – le territoire de Salla le long de la frontière de Carélie septentrionale, éloignant la frontière du chemin de fer de Mourmansk ; – un petit territoire à l’est de Petsamo, sur l’océan Arctique ; – sous forme de bail de 99 ans, la presqu’île de Hanko à l’entrée du golfe de Finlande, pour en faire une base navale. Profitant de l’offensive allemande, la Finlande rentre en guerre contre l’URSS le 27 juin 1941 ; elle réoccupe et réannexe les territoires cédés en mars 1940 : Carélie méridionale, territoire de Salla, fragment à l’est de Petsamo. Mais l’offensive soviétique de juin 1944 amène la Finlande à signer le 19 septembre l’armistice de Moscou. Sans attendre les traités de paix, l’URSS réannexe aussitôt les territoires finlandais annexés en mars 1940 et perdus en juillet 1941 (Carélie méridionale, Salla), auxquels elle ajoute le territoire de Petsamo, cédé par elle en 1920. La base navale cédée à bail est transférée de Hanko à Porkkala. Par le traité de Paris du 10 février 1947, la Finlande renonce à tous ces territoires.
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Les États existants La Finlande, qui perd sa fenêtre sur l’océan Arctique, est alors ramenée à une surface de 338 000 km2. Elle atteint ainsi ses limites encore en vigueur de nos jours. Elle est divisée en 12 provinces. Restant dotée d’un régime démocratique, elle est longtemps contrainte d’adopter une politique prudente à l’égard de son puissant voisin soviétique (« finlandisation »). Le 26 janvier 1954, l’URSS restitue la base navale de Porkkala. En janvier 1995, la Finlande devient membre de l’Union européenne. En 1997, les 12 provinces anciennes sont remplacées par 6 provinces de plus grande taille, dont la liste est donnée en préambule. Finnois ou finlandais ? Les deux termes ne sont pas synonymes : – finlandais qualifie ce qui a trait à l’État de la Finlande ; les Finlandais sont les habitants de la Finlande, quelle que soit leur origine, suédoise, finnoise, laponne ; – finnois qualifie ce qui se rapporte à un peuple ancien, les Finnois, et à sa culture, que l’on rencontre en Finlande, en Laponie, en Carélie ; le finnois est la langue nationale de la Finlande, issue du groupe des langues finno-ougriennes (finnois, lapon, estonien, hongrois). La finlandisation La situation politique délicate de la Finlande vis-à-vis de l’URSS pendant la période de la guerre froide (1947-1989) est à l’origine d’un néologisme, la finlandisation, qui exprime la situation d’un pays qui, sans dépendance formelle à l’égard du bloc soviétique — non-membre du pacte de Varsovie, pas de communistes au pouvoir —, a dû autocensurer sa politique extérieure, sous la menace constante de son puissant voisin. Cette situation, qui a nolens volens bénéficié d’un réel consensus dans le pays, a pris fin avec l’effondrement du système soviétique (1989-1990), ce qui a permis à la Finlande d’adhérer à l’Union européenne. Le terme de finlandisation est rejeté par les Finlandais, qui le considèrent comme attentatoire à leur dignité.
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France
France Le pays en bref État républicain : la République française. Président : Nicolas Sarkozy. Représentation parlementaire : deux chambres, l’Assemblée nationale et le Sénat. Capitale : Paris. Division administrative, pour la métropole, en 22 régions et 96 départements : – Alsace, chef-lieu Strasbourg, en 2 départements : – Bas-Rhin (67) : Strasbourg (Ville + Campagne), Haguenau, Molsheim, Saverne, Sélestat, Wissembourg – Haut-Rhin (68) : Colmar, Altkirch, Guebwiller, Mulhouse, Ribeauvillé, Thann – Aquitaine, chef-lieu Bordeaux, en 5 départements : – Dordogne (24) : Périgueux, Bergerac, Nontron, Sarlat-la-Canéda – Gironde (33) : Bordeaux, Blaye, Langon, Lesparre-Médoc, Libourne – Landes (40) : Mont-de-Marsan, Dax – Lot-et-Garonne (47) : Agen, Marmande, Nérac, Villeneuve-sur-Lot – Pyrénées-Atlantiques (64) : Pau, Bayonne, Oloron-Sainte-Marie – Auvergne, chef-lieu Clermont-Ferrand, en 4 départements : – Allier (03) : Moulins, Montluçon, Vichy – Cantal (15) : Aurillac, Mauriac, Saint-Flour – Haute-Loire (43) : Le Puy-en-Velay, Brioude, Yssingeaux – Puy-de-Dôme (63) : Clermont-Ferrand, Ambert, Issoire, Riom, Thiers – Basse-Normandie, chef-lieu Caen, en 3 départements : – Calvados (14) : Caen, Bayeux, Lisieux, Vire – Manche (50) : Saint-Lô, Avranches, Cherbourg, Coutances – Orne (61) : Alençon, Argentan, Mortagne-au-Perche – Bourgogne, chef-lieu Dijon, en 4 départements : – Côte-d’Or (21) : Dijon, Beaune, Montbard – Nièvre (58) : Nevers, Château-Chinon, Clamecy, Cosne-Cours-sur-Loire – Saône-et-Loire (71) : Mâcon, Chalon-sur-Saône, Charolles, Louhans – Yonne (89) : Auxerre, Avallon, Sens – Bretagne, chef-lieu Rennes, en 4 départements : – Côtes-d’Armor (22) : Saint-Brieuc, Dinan, Guingamp, Lannion – Finistère (29) : Quimper, Brest, Châteaulin, Morlaix – Ille-et-Vilaine (35) : Rennes, Fougères, Redon, Saint-Malo – Morbihan (56) : Vannes, Lorient, Pontivy – Centre-Val-de-Loire, chef-lieu Orléans, en 6 départements : – Cher (18) : Bourges, Saint-Amand-Montrond, Vierzon – Eure-et-Loir (28) : Chartres, Châteaudun, Dreux, Nogent-le-Rotrou – Indre (36) : Châteauroux, Le Blanc, La Châtre, Issoudun – Indre-et-Loire (37) : Tours, Chinon, Loches – Loir-et-Cher (41) : Blois, Romorantin-Lanthenay, Vendôme – Loiret (45) : Orléans, Montargis, Pithiviers
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Les États existants
– Champagne-Ardenne, chef-lieu Châlons-en-Champagne, en 4 départements : – Ardennes (08) : Charleville-Mézières, Rethel, Sedan, Vouziers – Aube (10) : Troyes, Bar-sur-Aube, Nogent-sur-Seine – Marne (51) : Châlons-en-Champagne, Épernay, Reims, Sainte-Menehould, Vitry-le-François – Haute-Marne (52) : Chaumont, Langres, Saint-Dizier – Corse, chef-lieu Ajaccio, en 2 départements : – Corse-du-Sud (2A) : Ajaccio, Sartène – Haute-Corse (2B) : Bastia, Calvi, Corte – Franche-Comté, chef-lieu Besançon, en 4 départements : – Doubs (25) : Besançon, Montbéliard, Pontarlier – Jura (39) : Lons-le-Saulnier, Dole, Saint-Claude – Haute-Saône (70) : Vesoul, Lure – Territoire-de-Belfort (90) : Belfort – Haute-Normandie, chef-lieu Rouen, en 2 départements : – Eure (27) : Évreux, Les Andelys, Bernay – Seine-Maritime (76) : Rouen, Dieppe, Le Havre – Île-de-France, chef-lieu Paris, en 8 départements : – Essonne (91) : Évry, Étampes, Palaiseau – Hauts-de-Seine (92) : Nanterre, Antony, Boulogne-Billancourt – Paris (75) : Paris – Seine-et-Marne (77) : Melun, Fontainebleau, Meaux, Provins, Torcy – Seine-Saint-Denis (93) : Bobigny, Le Raincy, Saint-Denis – Val-de-Marne (94) : Créteil, L’Haÿ-les-Roses, Nogent-sur-Marne – Val-d’Oise (95) : Pontoise, Argenteuil, Montmorency – Yvelines (78) : Versailles, Mantes-la-Jolie, Rambouillet, Saint-Germain-en-Laye – Languedoc-Roussillon, chef-lieu Montpellier, en 5 départements : – Aude (11) : Carcassonne, Limoux, Narbonne – Gard (34) : Nîmes, Alès, Le Vigan – Hérault (34) : Montpellier, Béziers, Lodève – Lozère (48) : Mende, Florac – Pyrénées-Orientales (66) : Perpignan, Céret, Prades – Limousin, chef-lieu Limoges, en 3 départements : – Corrèze (19) : Tulle, Brive-la-Gaillarde, Ussel – Creuse (23) : Guéret, Aubusson – Haute-Vienne (87) : Limoges, Bellac, Rochechouart – Lorraine, chef-lieu Metz, en 4 départements : – Meurthe-et-Moselle (54) : Nancy, Briey, Lunéville, Toul – Meuse (55) : Bar-le-Duc, Commercy, Verdun – Moselle (57) : Metz (Ville + Campagne), Boulay-Moselle, Château-Salins, Forbach, Sarrebourg, Sarreguemines, Thionville (Est + Ouest) – Vosges (88) : Épinal, Neufchâteau, Saint-Dié – Midi-Pyrénées, chef-lieu Toulouse, en 8 départements : – Ariège (09) : Foix, Pamiers, Saint-Girons – Aveyron (12) : Rodez, Millau, Villefranche-de-Rouergue
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France
– Gers (32) : Auch, Condom, Mirande – Haute-Garonne (31) : Toulouse, Muret, Saint-Gaudens – Hautes-Pyrénées (65) : Tarbes, Argelès-Gazost, Bagnères-de-Bigorre – Lot (46) : Cahors, Figeac, Gourdon – Tarn (81) : Albi, Castres – Tarn-et-Garonne (82) : Montauban, Castelsarrasin – Nord-Pas-de-Calais, chef-lieu Lille, en 2 départements : – Nord (59) : Lille, Avesnes-sur-Helpe, Cambrai, Douai, Dunkerque, Valenciennes – Pas-de-Calais (62) : Arras, Béthune, Boulogne-sur-Mer, Calais, Lens, Montreuil, Saint-Omer – Pays-de-la-Loire, chef-lieu Nantes, en 5 départements : – Loire-Atlantique (44) : Nantes, Ancenis, Châteaubriant, Saint-Nazaire – Maine-et-Loire (49) : Angers, Cholet, Saumur, Segré – Mayenne (53) : Laval, Château-Gontier, Mayenne – Sarthe (72) : Le Mans, La Flèche, Mamers – Vendée (85) : La Roche-sur-Yon, Fontenay-le-Comte, Les Sables-d’Olonne – Picardie, chef-lieu Amiens, en 3 départements : – Aisne (02) : Laon, Château-Thierry, Saint-Quentin, Soissons, Vervins – Oise (60) : Beauvais, Clermont, Compiègne, Senlis – Somme (80) : Amiens, Abbeville, Montdidier, Péronne – Poitou-Charentes, chef-lieu Poitiers, en 4 départements : – Charente (16) : Angoulême, Cognac, Confolens – Charente-Maritime (17) : La Rochelle, Jonzac, Rochefort, Saintes, Saint-Jeand’Angély – Deux-Sèvres (79) : Niort, Bressuire, Parthenay – Vienne (86) : Poitiers, Châtellerault, Montmorillon – Provence-Alpes-Côte d’Azur, chef-lieu Marseille, en 6 départements : – Alpes-de-Haute-Provence (04) : Digne-les-Bains, Barcelonnette, Castellane, Forcalquier – Alpes-Maritimes (06) : Nice, Grasse – Bouches-du-Rhône (13) : Marseille, Aix-en-Provence, Arles, Istres – Hautes-Alpes (05) : Gap, Briançon – Var (83) : Toulon, Brignoles, Draguignan – Vaucluse (84) : Avignon, Apt, Carpentras – Rhône-Alpes, chef-lieu Lyon, en 8 départements : – Ain (01) : Bourg-en-Bresse, Belley, Gex, Nantua – Ardèche (07) : Privas, Largentière, Tournon-sur-Rhône – Drôme (26) : Valence, Die, Nyons – Haute-Savoie (74) : Annecy, Bonneville, Saint-Julien-en-Genevois, Thononles-Bains – Isère (38) : Grenoble, La Tour-du-Pin, Vienne – Loire (42) : Saint-Étienne, Montbrison, Roanne – Rhône (69) : Lyon, Villefranche-sur-Saône – Savoie (73) : Chambéry, Albertville, Saint-Jean-de-Maurienne
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Les États existants
S’y ajoutent hors d’Europe, pour mémoire, 4 départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion), 3 collectivités territoriales (Mayotte, Saint-Pierreet-Miquelon, Nouvelle-Calédonie) et 3 territoires d’outre-mer (Polynésie-Française, Wallis-et-Futuna, Terres-Australes-et-Antarctiques-Françaises). Superficie : 551 000 km2 (544 000 km2 selon les données cadastrales, les lacs, étangs, glaciers et estuaires en étant exclus) ; population : 59,4 millions d’habitants ; densité : 108 habitants au km2. Langue : le français ; on parle aussi, à des degrés divers, le flamand dans la Flandre française, le lorrain (dialecte germanique) en Moselle, l’alsacien (dialecte germanique) en Alsace, le nissard (dialecte italien) dans les Alpes-Maritimes, le corse (dialecte italien) en Corse, le provençal en Provence, le catalan dans les Pyrénées-Orientales, le basque dans l’ouest des Pyrénées-Atlantiques, les bretons (dialectes celtiques) en Bretagne. Religions : catholique ; minorités protestantes, juive, musulmane. Monnaie : l’euro ; le franc français jusqu’en 2001.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la France 1. La Gaule, des origines à la fin de l’Empire romain d’Occident (476) L’espace politique que l’on nomme aujourd’hui France est occupé, dès la fin du IIe millénaire av. J.-C., par divers peuples : les Ibères, dans le Sud-Ouest (Aquitaine), les Ligures, sur les rives de la Méditerranée, les Celtes, dans le Centre (entre Seine et Garonne). À partir de 600 av. J.-C., des Grecs venus de Phocée fondent Marseille (Massalia), puis essaiment des colonies sur le pourtour de la Méditerranée occidentale. Enfin, au IIIe siècle av. J.-C., les Belges — une branche des Celtes — s’installent dans le nord du pays. Tous ces peuples, à part les Grecs, seront qualifiés de Gaulois par les Romains, et leur pays la Gaule transalpine, par opposition à une Gaule cisalpine, également peuplée de Gaulois et qui s’étend entre Arno et Rubicon d’une part, crête des Alpes d’autre part. Pendant longtemps, les Grecs de Marseille, qui ont fait alliance avec Rome, secondent efficacement ses intérêts, en assurant la sécurité de la voie menant aux possessions romaines de la péninsule Ibérique. Mais, au IIe siècle av. J.-C., les Romains interviennent à plusieurs reprises pour prêter main-forte aux Massaliotes attaqués par des peuples gaulois, et ils finissent par s’établir dans le sud de la Gaule transalpine, y fondant à partir de 121 av. J.-C. une province romaine (la Provence d’aujourd’hui), qui s’étend du pied des Pyrénées orientales au lac Léman, en passant par le littoral méditerranéen et la basse vallée du Rhône. En 58 av. J.-C., César se fait attribuer le gouvernement de la province romaine de Gaule transalpine, et conquiert le reste de la Gaule (la Gaule libre ou « chevelue ») de 57 à 52 (défaite de Vercingétorix à Alésia). À partir de 51, outre l’ancienne Provincia conservée, César divise l’ancienne Gaule libre en trois parties : la Gaule belgique, entre Rhin et Seine, la Gaule celtique, entre Seine, Garonne et Rhin supérieur, l’Aquitaine, entre Garonne et Pyrénées. En 27 av. J.-C., Auguste redéfinit la partition de la Gaule : la Provincia devient la Narbonnaise, l’Aquitaine est agrandie jusqu’à la Loire, la Celtique, rétrécie, devient la Lyonnaise et la Belgique s’agrandit de la partie orientale de l’ancienne Celtique. Cette répartition va durer près de trois siècles, au cours desquels la Gaule se romanise peu à peu, se couvrant de villes, de villas et de voies de communication, donnant naissance à une civilisation gallo-romaine qui, en fusionnant les richesses des deux apports gaulois et romain, marquera profondément le pays, au point de survivre aux bouleversements ultérieurs. Vers 300 apr. J.-C., la Gaule est divisée en deux diocèses : – diocèse des Gaules, en 10 provinces : Belgique Ire (Trèves) et IIe (Reims), Germanie Ire (Mayence) et IIe (Cologne), Lyonnaise Ire (Lyon), IIe (Rouen), IIIe (Tours) et IVe (Sens), Séquanaise (Besançon), Alpes grées et pennines (Moûtiers) ; – diocèse de Viennoise, en 7 provinces : Viennoise (Vienne), Aquitaine Ire (Bourges) et IIe (Bordeaux), Novempopulanie (Eauze), Narbonnaise Ire (Narbonne) et IIe (Aix), Alpes maritimes (Embrun).
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France Conséquence du déclin de l’Empire romain, les invasions barbares en provenance de Germanie, longtemps contenues par la solidité du limes établi sur le Rhin, ont repris dès le IIIe siècle apr. J.-C. Elles s’intensifient au Ve siècle et c’est alors que s’établissent dans le pays trois peuples qui vont y jouer un rôle majeur : les Wisigoths, les Burgondes et les Francs. Lorsque disparaît en 476 l’Empire romain d’Occident, les Wisigoths sont établis au sudouest, entre Loire et Pyrénées ; les Burgondes sont établis au sud-est, du plateau de Langres à la Durance, ainsi qu’en Helvétie ; les Francs entre le Rhin et une ligne Somme-Moselle. S’y ajoutent les Bretons, des Celtes, établis en Armorique après avoir été chassés de Bretagne insulaire par les Saxons.
2. La genèse de la France (476-987) L’abolition de l’Empire romain d’Occident sonne le glas de cinq siècles de vie de la Gaule sous la loi de Rome. Toutefois, au sein des royaumes barbares subsiste encore pour dix ans un royaume gallo-romain, entre la Loire et la ligne Somme-Moselle, gouverné tour à tour par trois généraux romains, Aetius, Égidius et Syagrius, jusqu’à ce que ce dernier, battu par Clovis à Soissons, soit mis à mort en 486 et son royaume annexé. En effet, peu de temps après la chute de Rome, la Gaule va être une première fois réunifiée par le roi des Francs saliens, Clovis Ier, le plus brillant des rois mérovingiens, et par ses fils. Clovis s’empare en 486 du royaume de Syagrius, en 496 de la partie du royaume des Alamans située en deçà du Rhin, en 507 de l’Aquitaine wisigothique ; la conquête du royaume des Burgondes est achevée en 534 par ses fils ; seules subsistent en dehors de leur domination la Septimanie (ou marquisat de Gothie, l’actuel Languedoc), conservée par les Wisigoths d’Espagne, et la Provence, conquise par les Ostrogoths. Au-delà de sa valeur de chef de guerre, Clovis se révèle un roi doté d’un grand sens politique, qui embrasse la foi catholique pour se rallier les autorités de l’Église — les Wisigoths et les Burgondes ont adopté l’arianisme — et se fait décerner le titre de consul et de patrice romain par l’empereur de Constantinople, ce qui favorise l’entente — en attendant la fusion — des élites gallo-romaines et des conquérants francs. Le partage des territoires, considérés comme biens patrimoniaux, entre les différents fils de sang royal est une coutume franque bien établie. Durant les trois siècles de règne des Mérovingiens, l’ancienne Gaule, que l’on commence à appeler France en référence aux Francs — peu nombreux vis-à-vis des Gallo-Romains — qui détiennent le pouvoir, est sans cesse remodelée, divisée ou réunifiée au gré des successions. Y émergent cependant de grandes entités territoriales : la Neustrie, au nord-ouest, de la Loire à la Meuse, l’Austrasie, plus à l’est entre Meuse et Rhin, l’Aquitaine et la Bourgogne. De plus, vers la fin de la période mérovingienne, alors que décline la puissance des rois francs — rois « fainéants » qui laissent gouverner à leur place des maires du palais —, les Bretons se rendent quasi indépendants, les Vascons (ou Basques), établis de longue date de l’autre côté des Pyrénées, s’emparent d’une partie de l’Aquitaine, qui devient la Gascogne, les Wisigoths se maintiennent en Septimanie. En 751, Pépin le Bref, fils du maire du palais d’Austrasie Charles Martel, s’empare du trône d’Austrasie et de Neustrie réunies, et fait passer la couronne royale dans la maison des Pépinides (ou Carolingiens). Son fils Charlemagne, durant son long règne (768-814), bâtit un empire allant bien au-delà de la France d’aujourd’hui, réunifiant le pays après la mort de son frère Carloman (771), conquérant la Lombardie, la Bavière, la Saxe (jusqu’à l’Elbe), et la Marche d’Espagne (jusqu’à l’Èbre), se posant en protecteur (et quasi-suzerain) des États du pape, et se faisant couronner à Rome nouvel empereur d’Occident (800) par le pape Léon III. Cet empire trop grand étant difficile à gouverner, Charlemagne, de son vivant, en inféode différents royaumes à ses fils, puis à sa mort son seul fils survivant, Louis le Pieux, est contraint de faire de même, procédant à des partages successifs sans cesse remis en cause, dont l’un, le partage de Verdun (843), est resté célèbre par ses implications : mettant un terme à la fiction d’un grand empire d’Occident, il attribue la Francie occidentale (à l’ouest de la Meuse) à Charles le Chauve, la Francie orientale (à l’est du Rhin) à Louis le Germanique, l’espace entre Meuse et Rhin, accru des Pays-Bas, d’une partie de la Bourgogne, de
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Les États existants l’Helvétie occidentale et de l’Italie étant attribué, avec le titre impérial, à Lothaire et qualifié de Lotharingie. Ce traité ouvre la voie à l’émergence de deux nations distinctes et désormais rivales, la France et l’Allemagne, la Lotharingie, partagée, disparaissant dès 870. La période des rois mérovingiens et carolingiens marque un recul très net de l’idée d’État par rapport à la période romaine. Le remodelage incessant des États, le déclin de la dynastie carolingienne, dont l’autorité sera disputée au Xe siècle par des compétiteurs, les invasions sarrasines et normandes — à partir du IXe siècle, les Normands obtenant en 911 la province qui deviendra la Normandie —, la conception patrimoniale de la terre favorisent l’émiettement de l’autorité, au détriment des comtes, les représentants du pouvoir royal ; lorsque disparaît le dernier Carolingien, le royaume est pour longtemps divisé en un grand nombre de fiefs.
3. La France des premiers Capétiens directs (987-1180) La passation du pouvoir royal dans la maison des Capétiens, précédée de peu (962) par l’avènement en Allemagne d’Othon Ier le Grand, qui se fait couronner par le pape empereur d’un Empire qui ne comprend plus la France, marque la disparition de l’ère carolingienne, où France et Allemagne faisaient partie d’un même ensemble régi par des dynasties franques de la même famille. Désormais, les deux nations vont évoluer de façon distincte. De 987 à 1789, la mission que vont se donner les Capétiens et leurs successeurs, les Valois puis les Bourbons, est une œuvre de longue haleine, poursuivie avec ténacité en dépit de bien des revers, visant à restaurer l’autorité royale sur l’ensemble de la France, à accroître son étendue, notamment au détriment de l’Allemagne (le Saint Empire), et à faire sortir peu à peu le royaume du système féodal, en ressaisissant progressivement les attributions de la souveraineté, pour parvenir à faire de la France un État fort et relativement homogène. En 987, lorsque Hugues Capet devient roi de France, les limites du royaume de France sont toujours approximativement celles qui ont été définies au partage de Verdun (843), et confirmées en 880 au partage de Ribemont. Bordée au nord-ouest par la mer du Nord et la Manche, à l’ouest par l’océan Atlantique, au sud-ouest par les Pyrénées — dépassées en théorie car le comté de Barcelone est, jusqu’en 1180, de mouvance française, mais de moins en moins dans la réalité — et au sud par la mer Méditerranée, la France ne compte guère qu’à l’est une frontière qui ne soit pas naturelle, et qui fera au cours des siècles l’objet de toutes les convoitises. Cette frontière, qui va longtemps la séparer de l’Empire, est traditionnellement désignée par le nom de ligne des « quatre fleuves » : Escaut, Meuse, Saône, Rhône. Plus précisément, à l’époque d’Hugues Capet, la ligne est un peu plus restrictive pour la France car, si celle-ci déborde légèrement à l’est de la Saône à la hauteur de Chalon-sur-Saône, en revanche la partie du Cambrésis à l’ouest de l’Escaut est d’Empire, ainsi qu’une large bande de Lorraine courant le long de la Meuse sur rive gauche, depuis Sedan jusqu’à Commercy ; enfin, le Forez et le Vivarais, situés à l’ouest du Rhône, font partie du royaume de Bourgogne, qui relève lui-même de la mouvance impériale. Ainsi défini, le royaume de France couvre de l’ordre de 400 000 km2. Cependant, en 987, le domaine royal ne comprend guère que les comtés d’Orléans, d’Étampes, de Senlis, les châtellenies de Poissy, de Montreuil-sur-Mer et d’Attigny, ainsi que le Palais royal à Paris et quelques abbayes, le tout représentant, selon Auguste Longnon, seulement à peine 6 800 km2. Il fait pâle figure à côté des fiefs des grands vassaux du roi : – le comté de Flandre, qui s’étend entre la mer, la Canche et l’Escaut, avec les riches villes drapières et la suzeraineté sur les comtés de Boulogne, de Guines et de Saint-Pol ; – le duché de Bourgogne, sis entre le plateau de Langres, la Loire et la Saône, avec suzeraineté sur les comtés d’Auxerre, de Nevers, de Sens, de Chalon, de Mâcon, d’Auxois, les seigneuries de Semur-en-Brionnais et de Beaujeu ; – le duché d’Aquitaine, qui comprend la Guyenne, la Saintonge et le Poitou, et s’étend entre la Loire, la Gironde et la Dordogne, avec suzeraineté sur les comtés d’Anjou (pour Loudun et Saintes), d’Angoulême, de la Marche, d’Auvergne, de Gévaudan (pour Brioude) et de Velay, les vicomtés de Limoges, de Thouars, de Turenne, de Châtellerault, etc. ;
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France – le duché de Gascogne, qui s’étend des Pyrénées à la Gironde, avec suzeraineté sur les comtés d’Astarac, d’Armagnac, de Fezensac, de Pardiac, d’Aure, de Bigorre, de Comminges, de Couserans, les vicomtés de Dax, de Béarn, de Castillon, de Lomagne, de Marsan, de Labourd, de Soule, de Saint-Sever, etc. ; – le comté de Toulouse, qui comprend le Toulousain, le Quercy et l’Albigeois, avec suzeraineté sur les comtés de Foix, de Carcassonne, de Fenouillède, les vicomtés d’Albi et de Lautrec ; – le comté de Rouergue, auquel est rattaché le marquisat de Gothie, avec son fief vassal le comté d’Uzès, et qui est suzerain du comté de Maguelonne, des vicomtés d’Agde, de Béziers, de Minervois, de Narbonne, de Nîmes ; – le duché de Normandie, qui s’étend le long de la Manche de la Bresle au Couesnon, avec suzeraineté sur les comtés d’Eu, d’Évreux, de Bellême, d’Alençon, de Mortain, etc. ; – le comté de Blois et Chartres, qui est suzerain des comtés de Dunois, de Touraine, de Saumur, de Sancerre, etc. ; – le comté de Champagne, riche de ses foires de Troyes et de Provins, qui s’étend de l’Aisne à l’Armançon, avec suzeraineté sur les comtés de Brienne, d’Oulchy, de Rosnay, etc. ; – le comté d’Anjou, qui englobe une partie de la Touraine et du Berry, le Loudunois et le comté de Saintes ; – le comté de Bretagne, avec suzeraineté sur les comtés de Léon, de Cornouailles, de Nantes, de Penthièvre, etc. Les premiers rois capétiens doivent avant tout songer à desserrer l’étreinte que fait peser le voisinage de si puissants vassaux : il leur faut d’urgence affermir leur position et arrondir le domaine royal, en rassemblant, par des acquisitions, les morceaux épars de celui-ci. Pour ce faire, ils font reconnaître de leur vivant leur fils aîné comme héritier, qu’ils associent au pouvoir, et usent avec constance de leur prérogative de suzerain pour s’immiscer en toute occasion dans les affaires de leurs vassaux. Toutefois, le redressement ne s’opère au début que très lentement, tant il est vrai que certains domaines acquis par le roi sont ultérieurement redonnés à des puînés, selon la coutume ancestrale. Le fils d’Hugues Capet, Robert II le Pieux (996-1031), réunit au domaine les comtés de Dreux, de Paris et de Melun, ainsi que le duché de Bourgogne qui sera recédé par la suite à un frère puîné d’Henri Ier. Celui-ci, fils de Robert II, annexe le comté de Sens, et son propre fils, Philippe Ier, le Vexin français, le Gâtinais et le vicomté de Bourges. Quant à Louis VI le Gros, fils de Philippe Ier, il se contente d’arrondir le domaine en acquérant les terres qui font obstacle à la continuité de celui-ci : comté de Corbeil, châtellenies de Montlhéry, de Châteaufort et de Chevreuse. Louis VII le Jeune (1137-1180), le fils de Louis VI, entame son règne par un coup d’éclat : son mariage avec Aliénor d’Aquitaine laisse espérer un accroissement considérable du domaine royal, la dot étant constituée de l’héritage du Poitou, de la Saintonge, de l’Angoumois, de la Guyenne, de la Gascogne, du Périgord, du Limousin et de la Marche. Mais le roi commet l’imprudence de la répudier en 1152, pour cause d’infidélités. Aliénor se remarie aussitôt avec Henri Plantagenêt, qui possède la Normandie, l’Anjou, le Maine et la Touraine, et monte deux ans plus tard sur le trône d’Angleterre. Se dresse ainsi, face au roi, un vassal puissant qui va menacer sa suprématie. De plus, le comté de Barcelone — y compris le Roussillon qui en dépend, au nord des Pyrénées —, entre 1177 et 1180, achève de se détacher de la mouvance de la France, passant aux rois d’Aragon. Le royaume de France, amoindri au sud, s’accroît pourtant à l’est, le comté de Forez entrant à la même époque dans la mouvance française.
4. L’œuvre unificatrice des derniers Capétiens directs (1180-1328) En 1180, à l’avènement de Philippe II Auguste, le domaine royal ne s’est donc guère accru que de peu de territoires. Face à un patrimoine si modeste, son vassal Henri II Plantagenêt, qui possède directement ou indirectement une moitié de la France (220 000 km2) — sans compter l’Angleterre et l’Irlande —, représente une menace constante pour la couronne. Mais Philippe Auguste va se révéler un roi de grande valeur. Son mariage avec une nièce du comte de Flandre lui ouvre des expectatives d’héritage qui finissent, au terme de nombreuses vicissitudes, par se traduire par le gain des comtés d’Amiens, de Clermont-enBeauvaisis et de Beaumont, du Valois et du Vermandois.
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Les États existants Surtout, il met à profit les dissensions entre Aliénor, veuve en 1189, et ses fils pour s’immiscer, en tant que suzerain, dans les affaires des Plantagenêts et parvient à conquérir la Normandie, l’Anjou, le Maine, la Touraine, le Limousin, le Périgord et une partie du Poitou et de la Saintonge, ne laissant plus aux rois d’Angleterre qu’un domaine continental fortement réduit. Enfin, il acquiert aussi les comtés de Meulan et d’Alençon, la Terre d’Auvergne et quelques autres petits domaines. Durant son règne, il aura quadruplé l’étendue du domaine royal. Ce remarquable redressement va être complété et consolidé par ses successeurs. Son fils Louis VIII, en un bref règne (1223-1226), parachève l’acquisition du Poitou et de la Saintonge, conquiert le Ponthieu, le Perche, la Marche et le Thouarsais et, surtout, recueille l’héritage des comtes de Toulouse (1226) — dépossédés à la suite de la croisade des albigeois —, à savoir le vicomté de Carcassonne, le comté de Toulouse, le duché de Narbonne, l’Albigeois, le Quercy. Mais Louis VIII est aussi le roi qui met en œuvre la politique des apanages — donations temporaires, sous bénéfice de retour à la couronne en cas d’extinction — constitués au profit de cadets, laquelle politique va longtemps contrarier la marche du royaume vers l’unité : les frères de Saint Louis recevront ainsi l’Artois (Robert), le Poitou et l’Auvergne (Alphonse), l’Anjou et le Maine (Charles). Le fils aîné de Louis VIII, Louis IX le Saint (1226-1270), ne fait que peu d’acquisitions : le comté de Mâcon, Clermont-en-Beauvaisis (qui avait été cédé), Mortain et Domfront. Mais il consolide le domaine royal, au prix de cessions qui lui seront reprochées, en signant deux traités : celui de Corbeil (1258) avec le roi d’Aragon, qui renonce à tout droit de suzeraineté sur le Languedoc et sur la Provence — laquelle est devenue angevine en 1246 par mariage de Charles d’Anjou avec Béatrice, fille du comte Bérenger —, mais qui se fait céder tout droit sur la Catalogne et le Roussillon ; celui de Paris (1259) avec le roi d’Angleterre, qui renonce à tout droit sur les terres conquises par la France, mais se fait céder le Limousin, le Quercy et le Périgord. Philippe III (1270-1285), fils de Saint Louis, réunit au royaume le Poitou, l’Auvergne et le comté de Toulouse, dont une partie, le Comtat Venaissin, est définitivement cédée aux papes (1274). Il prépare la mainmise sur la Champagne et la Navarre par le mariage de son fils aîné (Philippe le Bel) avec Jeanne, l’unique héritière de ces provinces. Il revient à son fils, Philippe IV le Bel (1285-1314), d’agréger la Champagne et la Navarre au domaine royal. Dans sa lutte recommencée contre l’Angleterre, Philippe le Bel doit affronter deux alliés de celle-ci, les comtes de Flandre et de Bar. Ce dernier, fait prisonnier, recouvre sa liberté en acceptant la suzeraineté de la France pour son Barrois de rive gauche de la Meuse (le Barrois « mouvant ») ; la frontière de France est ainsi portée uniformément à la Meuse. La guerre en Flandre permet aussi à Philippe le Bel d’y faire les premières acquisitions (Lille, Douai, Béthune). Il acquiert par ailleurs le comté de Chartres, la seigneurie de Beaugency et la ville de Lyon, avec le Lyonnais proche. Enfin, Philippe devient suzerain de l’évêque de Viviers, ce qui fait entrer le Vivarais dans la mouvance française. En 1328, à l’extinction des Capétiens directs, le royaume de France s’est affermi dans ses grandes lignes. D’une part, la frontière de l’est a été partout repoussée au détriment de l’Empire, sur la Meuse, sur le Rhône et même au-delà : ont été gagnés en Flandre Lille, Douai, Orchies (qui a remplacé Béthune en 1322), à l’est le Barrois mouvant, puis le Lyonnais et le Vivarais, enfin la suzeraineté sur la Provence, qui s’étend alors au-delà de Nice. D’autre part, le domaine royal a peu à peu annexé un grand nombre de fiefs, et tend de plus en plus à s’identifier au royaume lui-même. Ne subsistent plus que quatre grands fiefs : la Bourgogne, solidement tenue par une branche cadette de la famille royale et d’une fidélité absolue au roi, la Guyenne et Gascogne anglaise, la Flandre et la Bretagne. Enfin, les progrès constants en tous domaines de l’administration royale — légistes qui élaborent le corpus juridique, baillis et sénéchaux qui rendent la justice au nom du roi, cours et chambres qui administrent le royaume — rendent plus lourde la suzeraineté du roi, qui s’immisce sans cesse dans les affaires de ses vassaux, et concourent à faire émerger peu à peu en France les structures d’un État moderne.
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France 5. La France des Valois (1328-1589) Les trois fils de Philippe le Bel — Louis X, Philippe V, Charles IV — étant morts sans descendance mâle, la couronne échoit en 1328 à Philippe VI de Valois, cousin du dernier roi. Cette succession, qui se fonde sur la loi salique, est d’abord bien acceptée. Philippe règle par un compromis la question de la Navarre et de la Champagne, apports de la reine Jeanne, veuve de Philippe le Bel : la Champagne reste à la France et la Navarre et ses dépendances normandes (Cotentin, Mortain, Beaumont, Évreux, etc.) sont rendues à la reine en toute propriété. Le roi Édouard III d’Angleterre rend hommage en 1329 à Philippe, son suzerain pour la Guyenne. Mais peu après, en riposte aux ingérences des fonctionnaires royaux dans ses terres continentales, il revendique la couronne de France, en tant que petit-fils — par sa mère Isabelle — de Philippe le Bel. Il déclare la guerre en 1337. C’est le début de la guerre de Cent Ans (1337-1453). Les premiers succès anglais (L’Écluse en 1340, Crécy en 1346) entraînent peu de dommages territoriaux : Calais est perdue en 1347. À la mort de Philippe VI (1350), le royaume, en dépit de la guerre, s’est accru : outre l’apanage propre à Philippe (Valois, Chartres, Maine, Anjou), qui a fait retour à la couronne, le domaine royal a acquis Montpellier et surtout le Dauphiné (1349), terre d’Empire, vendu par le dauphin de Viennois sans descendance, sous condition qu’il deviendrait apanage du fils aîné du roi. Vient ensuite la défaite de Poitiers (1356), désastreuse car le nouveau roi, Jean II le Bon, est fait prisonnier. Au traité de Brétigny (1360), la France doit céder à l’Angleterre Calais, le Ponthieu, le Poitou, le Limousin, le Périgord, le Quercy, le Rouergue et l’Agenais. En 1361, la Bourgogne fait retour à la France par extinction de sa première dynastie, mais elle est aussitôt redonnée en apanage à Philippe le Hardi, quatrième fils du roi et fondateur de la seconde maison de Bourgogne. Le fils aîné de Jean le Bon, Charles V le Sage (1364-1380), parvient à reprendre presque toutes les terres perdues par son père, les Anglais ne conservant que Calais et une partie de la Guyenne. Si le roi doit céder au comte de Flandre Lille, Douai et Orchies, en gage du mariage entre son frère Philippe le Hardi et Marguerite, fille du comte, en revanche il acquiert le comté d’Auxerre, la châtellenie de Limoges et confisque les terres normandes de Charles le Mauvais, roi de Navarre, sauf Cherbourg que ce dernier remet aux Anglais. À sa mort, la situation politique est largement redressée. Cependant, à partir du règne de son fils Charles VI (1380-1422), frappé de folie à partir de 1392, la France va subir les pires épreuves : – confiscation du pouvoir par les oncles du roi, contestée par le frère du roi, Louis d’Orléans, ce qui va entraîner une guerre civile (les Armagnacs et les Bourguignons) ; – montée en puissance de la maison de Bourgogne, branche cadette des Valois issue de Philippe le Hardi, qui acquiert maints domaines dans les Pays-Bas, pour certains dans le Saint Empire, ce qui l’amène à jouer un jeu personnel et à se dresser comme une rivale de la maison royale ; – nouvelle victoire anglaise à Azincourt (1415), qui ouvre la voie à une installation durable des Anglais en France ; s’immisçant dans les querelles du royaume, le roi d’Angleterre Henri V, époux de Catherine de France — donc gendre de Charles VI —, parvient, au traité de Troyes (1420), à faire reconnaître leur fils, le futur Henri VI, comme héritier du trône de France au détriment de l’héritier légitime, le dauphin Charles. Et de fait, à la mort de Charles VI, deux personnes sont proclamées roi de France, le jeune Henri, soutenu par l’Angleterre et les ducs de Bourgogne, de Lorraine et de Bretagne, et le dauphin Charles, désormais Charles VII, soutenu par les seigneurs de la moitié méridionale de la France. La situation paraît compromise pour ce dernier lorsque, dans une brillante épopée (1429-1430), Jeanne d’Arc ranime les cœurs, emporte des victoires, boute les Anglais et parvient à faire sacrer Charles à Reims. L’espoir change de camp et, en 1435, Charles VII fait la paix avec le duc de Bourgogne Philippe le Bon, le détachant de l’alliance anglaise, non sans avoir dû lui céder pour cette paix les comtés de Mâcon et d’Auxerre, l’Artois et Boulogne, le Ponthieu, Bar-sur-Seine, Montdidier, Péronne, et le dispenser de l’hommage pour la Flandre, qui sort ainsi définitivement du royaume de France. En compensation, Charles VII réunit au domaine royal les comtés de Diois et de Valentinois, confisque le comté d’Armagnac et le Dauphiné, dont son fils, le dauphin Louis,
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Les États existants est dépossédé. Enfin, après la victoire de Castillon (1453), la Guyenne est conquise et les Anglais ne conservent plus sur le continent que Calais. Louis XI (1461-1483) emploie son règne à réduire les prétentions des grands feudataires du royaume, singulièrement du dernier duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, dévoré par l’ambition. Profitant de la mort inopinée de ce dernier au siège de Nancy (1477), il tente de mettre la main sur la plupart des domaines bourguignons. Après une guerre avec Maximilien d’Autriche, qui a épousé Marie, seule héritière du duc, un arrangement est trouvé en 1482 : Louis XI conserve le duché de Bourgogne et les villes de la Somme, biens apanagés faisant retour à la couronne ; les comtés de Bourgogne (Franche-Comté, d’Empire), de Flandre, d’Artois, d’Auxerre et de Mâcon, Bar-sur-Seine et Salins sont promis comme dot de la petite Marguerite, fille de Maximilien et de Marie, fiancée au dauphin Charles. Par ailleurs, par extinction de la maison d’Anjou, Louis XI réunit aussi au domaine royal l’Anjou, le Maine et la Provence. Enfin, il s’empare en 1475 du Roussillon et de la Cerdagne, mais ces dernières conquêtes seront sans lendemain. Son fils Charles VIII (1483-1498), par son mariage avec la duchesse Anne de Bretagne (1491), ouvre la voie à une réunion de la Bretagne à la France. En contrepartie, il doit renoncer à l’Artois, à la Franche-Comté et au Charolais, restitués à Maximilien, et au Roussillon et à la Cerdagne, rendus au roi d’Aragon. L’héritage de la maison d’Anjou lui ouvre des droits sur le royaume de Naples, qu’il conquiert (1494-1495) mais ne parvient pas à conserver. Son cousin Louis XII (1498-1515) qui lui succède, de la branche cadette des Orléans, consolide l’avancée en Bretagne en épousant à son tour Anne, veuve de Charles VIII. Ajoutant aux prétentions sur Naples ses propres prétentions sur Milan et Asti — il est petit-fils de Louis d’Orléans qui avait épousé Valentine Visconti, de l’ancienne famille ducale de Milan —, il part à son tour guerroyer en Italie, avec aussi peu de succès durable que son cousin. Le règne de François Ier (1515-1547), ponctué par une dernière tentative de s’emparer du Milanais et par des guerres avec son rival Charles Quint, voit le retour à la couronne de la majeure partie du domaine des Bourbons, confisqué au connétable de Bourbon pour cause de trahison : Marche, Bourbonnais, Auvergne, Forez, Beaujolais, Dombes ; il voit aussi la réunion définitive de la Bretagne à la France (1532). Le règne de son fils Henri II (1547-1559) voit le retour de Calais et l’acquisition, sous forme de vicairie impériale, des Trois-Évêchés (Metz, Toul, Verdun). Les guerres de Religion, qui vont ravager ensuite la France pendant quarante ans, vont laisser inchangé l’état territorial du pays. Le roi François II (1559-1560) devient roi d’Écosse par son mariage avec Marie Stuart, mais cette alliance prometteuse est brisée par la mort prématurée du roi. Le règne de son frère Charles IX (1560-1574) voit la France hériter du marquisat de Saluces (1564), fief mouvant du Dauphiné, situé sur le versant italien des Alpes ; le duc d’Anjou, frère du roi, se fait élire roi de Pologne mais, à peine élu, revient précipitamment occuper, sous le nom d’Henri III (1574-1589), le trône de France devenu vacant en 1574. Peu de temps avant sa mort, le marquisat de Saluces est unilatéralement annexé par le duc de Savoie. La mort sans héritier d’Henri III fait passer en 1589 le trône à un sien cousin, Henri de Bourbon, roi de Navarre, qui doit abjurer la foi protestante pour désarmer les oppositions et pouvoir régner sous le nom d’Henri IV.
6. La France des Bourbons (1589-1789) Sous Henri IV (1589-1610), la France règle à Lyon, en 1601, son différend avec le duc de Savoie : renonçant au marquisat de Saluces, qui est laissé à la Savoie, elle acquiert en contrepartie de ce pays la Bresse, le Bugey, le Valromey, Gex et Château-Dauphin (ce dernier sis sur le versant italien des Alpes) ; d’autre part, peu avant la mort d’Henri IV, en 1607, le reliquat du domaine des Bourbons, qu’il possédait en propre de son vivant (Alençon, Vendôme, Limoges, Périgord, Rodez, Albret, Foix, Bigorre, Béarn, Basse-Navarre [le royaume de Navarre], etc.), fait retour à la couronne. Ainsi disparaît le dernier grand fief du royaume et, à l’avenir, les progrès de l’absolutisme royal aidant, il n’y aura plus de distinction entre royaume et domaine royal en France, le roi étant désormais le possesseur souverain de l’ensemble des terres du pays.
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France Dès lors se précisent les deux pensées constantes qui vont guider les rois de France pendant deux siècles : – le souci de préserver l’unité du royaume, enfin atteinte, en brisant toute velléité de membres de la noblesse, voire de puînés de sang royal, de recouvrer la souveraineté sur leurs domaines, dont ils ont été dépossédés ; une telle politique, qui suscitera au début des frondes, finira par conduire à l’absolutisme ; – la volonté d’assurer la sécurité du royaume vis-à-vis des menaces extérieures, par des mesures défensives et offensives. Le royaume de France dispose de défenses physiques naturelles constituées par les mers qui l’entourent, ainsi que par deux chaînes de montagnes : les Alpes — sauf la Savoie, Nice et l’Ubaye qui sont au duc de Savoie, mais le Dauphiné français déborde côté italien à Exilles et à Château-Dauphin — et les Pyrénées — sauf le Roussillon qui est à l’Espagne. En revanche, au nord et à l’est, contrées de plaines ouvertes, le pays est vulnérable aux invasions armées. Le XVIe siècle a montré le péril que pouvait présenter la réunion sur une même tête (Charles Quint) ou, à tout le moins, dans une même famille (les Habsbourg) des forces de l’Espagne et de l’Empire. C’est pour conjurer ces périls que la France, tout à la fois, se dote de lignes de places fortes et adopte une attitude offensive (guerres, alliances avec les princes allemands) en vue d’empêcher de nouvelles invasions. Elle tend aussi à éloigner le plus possible de Paris les frontières du nord et de l’est et c’est alors que germe, de façon encore confuse — la théorie ne sera précisée qu’à l’époque de la Révolution —, l’idée de repousser la frontière sur le Rhin. Dans cet esprit, le règne de Louis XIII (1610-1643) voit la France intervenir dans la guerre de Trente Ans, aux côtés des princes protestants en lutte contre l’empereur. Cette guerre, où l’Espagne intervient à son tour, suscite une nouvelle et dernière invasion du pays par le nord (les Espagnols sont maîtres des Pays-Bas méridionaux) en 1636, qui est finalement repoussée. Dès 1631, la Savoie a dû céder Pignerol, dans le Piémont. D’autre part, profitant d’une intrigue du duc de Lorraine avec Gaston d’Orléans, le frère du roi, le cardinal de Richelieu fait occuper ses terres, et le différend se conclut en 1632 par la cession, par la Lorraine, du comté de Clermont-en-Argonne, de Stenay, de Dun et de Jametz. Enfin, vers la fin de son règne, en 1642, Louis XIII confisque les principautés souveraines de Sedan et de Riaucourt, sur la Meuse, au duc de Bouillon qui a trempé dans la conjuration de Cinq-Mars. C’est pendant la minorité de Louis XIV que la guerre de Trente Ans se clôt, par les traités de Westphalie (1648). Ceux-ci confirment à la France la possession des Trois-Évêchés et lui donnent une bonne partie de l’Alsace : le landgraviat de Haute- et de Basse-Alsace, le Sundgau, la préfecture des dix villes libres (ou Décapole), à savoir Landau, Wissembourg, Haguenau, Rosheim, Obernai, Sélestat, Colmar, Kaisersberg, Turckheim, Munster, ainsi que, sur rive droite du Rhin, Philippsbourg et Vieux-Brisach. Ces domaines alsaciens restent imbriqués au sein d’autres domaines continuant à relever du Saint Empire (ou du Corps helvétique pour Mulhouse) et que Louis XIV s’engage à respecter : ville libre de Strasbourg, république de Mulhouse, évêchés princiers de Strasbourg et de Bâle, abbayes de Murbach, de Munster, de Lure et d’Andlau, comtés de la Petite-Pierre et d’Hanau, etc. Mais les traités consacrent le droit d’ingérence de la France dans les affaires de l’Empire. Mais avec l’Espagne, la guerre se poursuit un temps. Elle s’achève en 1659 par le traité des Pyrénées : l’Espagne doit céder à la France le Roussillon et une partie de la Cerdagne — assortie d’une enclave espagnole, la petite ville de Llivia —, la majeure partie de l’Artois (Arras, Bapaume, Hesdin, Lens, Béthune, Saint-Pol, Thérouanne), à l’exception d’Aire et de Saint-Omer, ainsi que Gravelines et Bourbourg en Flandre, Le Quesnoy, Avesnes, Philippeville et Mariembourg dans le Hainaut, Damvillers, Montmédy et Thionville au Luxembourg. La Lorraine, quant à elle, cède à la France en 1661 Phalsbourg, Sarrebourg et Sierck, en 1663 Marsal. La France convoite de plus en plus ce pays, qui la sépare de l’Alsace nouvellement acquise. En 1678/1679, à l’issue des guerres de Dévolution puis de Hollande, l’Espagne cède à la France la Franche-Comté, le reliquat de l’Artois, diverses villes de Flandre (Bergues, Furnes, Ypres, Poperinghe, Warneton, Bailleul, Tournai, Lille, Douai), du Hainaut (Valen-
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Les États existants ciennes, Cambrai, Maubeuge), du Namurois (Charlemont). Philippsbourg est échangé contre Fribourg-en-Brisgau. Le Charolais, vieille terre bourguignonne transmise à la maison d’Autriche, est réuni à la France en 1684 (donné en fief aux princes de Condé, il fera retour définitif à la couronne en 1761). Puis, les ambitions de la France grandissant, vient le temps de la politique des « réunions » opérées par Louis XIV en pleine paix : sont ainsi unilatéralement annexées Courtrai, Luxembourg, Bitche, Sarrelouis, Sarrebruck, Nancy, Lunéville, etc., Pont-à-Mousson, Saint-Mihiel, Montbéliard, Strasbourg (ville et évêché), etc. ; mis à part Strasbourg, annexée en 1681, et quelques autres, ces villes et terres réunies sont en majeure partie restituées à leur propriétaire au traité de Ryswick (1697) qui met fin à la guerre de la Ligue d’Augsbourg. De même, la principauté d’Orange, qui appartenait depuis 1559 aux stathouders de Hollande (maison d’Orange-Nassau) et dont Louis XIV s’est emparée en 1672, est rendue à son propriétaire. À la même époque (1696), la France doit restituer Pignerol à la Savoie. Enfin, la guerre de Succession d’Espagne, qui voit une dernière fois s’affronter le vieux roi Louis XIV et ses adversaires européens, à la suite du legs de la couronne d’Espagne à son petit-fils le duc d’Anjou, se clôt en 1713/1714. Au traité d’Utrecht (1713), la France cède aux Pays-Bas (désormais autrichiens) Menin, Tournai, Ypres, Dixmude, Poperinghe, Warneton et Furnes. Les terres dauphinoises du versant italien (Bardonnèche, Oulx, Exilles, Fenestrelles, Château-Dauphin) sont cédées à la Savoie qui, en contrepartie, cède l’Ubaye (Barcelonnette) à la France. Enfin, la France se voit céder définitivement la principauté d’Orange. Au traité de Rastadt (1714), la France se voit garantir la possession de l’Alsace, y compris Landau, mais restitue Kehl, Vieux-Brisach et Fribourg. Le règne de Louis XV (1715-1774) va voir la France procéder à ses deux dernières acquisitions d’avant la Révolution. Marié en 1725 à Marie Leszczynska, fille de l’ancien (1704-1709) et futur (1733-1738) roi de Pologne Stanislas Leszczynski, Louis XV prend fait et cause pour son beau-père dans la guerre de Succession de Pologne. En 1738, Stanislas renonce à la couronne de Pologne et reçoit en contrepartie, à titre viager, les duchés de Lorraine et de Bar, fiefs d’Empire, qui lui sont cédés par le duc François-Étienne de Lorraine, époux de Marie-Thérèse d’Autriche et futur empereur François Ier, lequel va régner en Toscane où les Médicis viennent de s’éteindre. À sa mort, les duchés doivent revenir à la France. Et de fait, à sa mort en 1766, les duchés de Lorraine et de Bar sont réunis à la France. D’autre part, l’île de Corse, vieille possession génoise, était depuis plusieurs années en rébellion contre Gênes, qui avait fait appel à la France pour l’aider à réprimer le soulèvement. En 1768, la république de Gênes renonce à sa souveraineté et vend la Corse à la France (un an avant la naissance de Napoléon Bonaparte). La France acquiert à cette date sa configuration géographique finale d’avant les tourmentes de la période révolutionnaire.
II. La France en 1789. Portrait d’une puissance Le royaume de France est, à la fin du XVIIIe siècle, l’un des États majeurs du continent européen. D’une superficie d’environ 530 000 km2, peuplée d’environ 27 millions d’habitants (les estimations diffèrent), la France couvre les bassins de la Seine, de la Loire, de la Garonne et du Rhône. Elle s’étend à peu près sur le même territoire qu’à l’heure actuelle, avec quelques différences notables ; il lui manque la Savoie et le comté de Nice, elle est grevée d’enclaves ou de semi-enclaves, au nord-est (Salm, Sarrewerden, Montbéliard, Mulhouse), au sud-ouest (Llivia) et au sud-est (Avignon, Comtat Venaissin) ; en revanche, elle dispose d’exclaves en terre allemande (Landau) ou dans les Pays-Bas autrichiens (Philippeville, Mariembourg). Tel qu’il est constitué, ce pays représente une puissance qui héberge le cinquième de la population de l’Europe, sur un territoire homogène, ce qui lui donne d’aligner des effectifs militaires qui impressionnent l’Europe entière. Il est doté d’une économie prospère. La
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France France reste avant tout un pays agricole, d’ailleurs assez favorisé ; les bonnes terres abondent, même si les rendements ne sont pas toujours au rendez-vous. L’industrie en est à ses débuts (mines, manufactures), mais reste souvent bridée par l’existence des corporations ; la faiblesse des moyens de communication, en dépit du développement récent d’un remarquable réseau de routes royales, cloisonne par ailleurs les espaces et s’oppose à un plus grand développement économique. Le commerce colonial est florissant ; il entraîne un grand essor de la marine, ainsi qu’une forte activité des ports de l’Atlantique et de leur arrière-pays. Le réseau urbain est assez dense, et regroupe différents types de ville. Au cœur du royaume, Paris, qui compte de l’ordre de 500 000 habitants, rassemble, hormis la cour et les ministères, tout ce qui constitue les attributs d’une grande capitale ; Versailles, environ 30 000 habitants, gravite autour de la fonction royale et du pouvoir. Des villes maritimes prospèrent grâce à l’intense activité portuaire : Bordeaux (120 000 habitants), Nantes (80 000 habitants), Marseille (100 000 habitants), mais aussi Rouen, Le Havre et La Rochelle. Des villes de commerce et d’industrie, Lyon, Dijon, Metz, Tours, Poitiers, Toulouse, Montpellier, etc. constituent autant de petites capitales provinciales, parfois dotées d’un parlement ou d’une université qui leur donnent un surcroît d’activité et d’animation. Enfin, la France demeure un foyer de brillante civilisation, qui illumine l’Europe de ses lettres, de ses arts et de ses techniques ; son rayonnement intellectuel est intense, par l’universalité de sa langue, par l’intérêt que l’on porte partout à ses philosophes et à ses écrivains, par l’engouement que suscitent en Europe et au-delà ses architectes, ses artistes et les produits de son artisanat de qualité. Un tel ensemble, fait de morceaux patiemment accolés au fil des siècles, ne bénéficie pas de structures administratives homogènes. Selon que l’on se place d’un point de vue militaire, administratif, judiciaire, financier, religieux, les subdivisions territoriales diffèrent quelque peu, la notion de « province » n’ayant pas d’existence légale, sauf en matière religieuse. Sur le plan militaire, le royaume compte 33 gouvernements, de grandeur très inégale : Île-de-France (Paris), Picardie (Amiens), Orléanais (Orléans), Maine (Le Mans), Anjou (Angers), Touraine (Tours), Poitou (Poitiers), Aunis (La Rochelle), Berry (Bourges), Nivernais (Nevers), Normandie (Rouen), Champagne (Troyes), Bretagne (Rennes), Bourgogne (Dijon), Lyonnais (Lyon), Bourbonnais (Moulins), Auvergne (Clermont-Ferrand), Marche (Guéret), Saintonge (Saintes), Limousin (Limoges), Guyenne et Gascogne (Bordeaux), Béarn (Pau), Languedoc (Toulouse), Foix (Foix), Dauphiné (Grenoble), Provence (Aix), Roussillon (Perpignan), Franche-Comté (Besançon), Alsace (Strasbourg), Flandre et Hainaut (Lille), Lorraine et Barrois (Nancy), Corse (Ajaccio), Artois (Arras) ; auxquels il convient d’ajouter 7 petits gouvernements particuliers : Paris, Boulogne-surMer, Sedan, Le Havre, Saumur, Toul, Metz-et-Verdun. Du point de vue administratif, le royaume est réparti en intendances ou généralités, selon le principe suivant : – 21 intendances (ou généralités) de pays d’élections — où l’impôt est fixé par le pouvoir royal : Amiens, Bordeaux, Bourges, Caen, Châlons-sur-Marne, Limoges, Lyon, Orléans, Paris, Poitiers, Riom, Rouen, Tours, Moulins, Soissons, Grenoble, Montauban, Alençon, La Rochelle, Auch, Bayonne-et-Pau ; – 4 intendances (5 généralités) de pays d’états — où les autorités provinciales conservent le droit de voter et de répartir l’impôt : Languedoc (2 généralités de Toulouse et Montpellier), Bourgogne (Dijon), Bretagne (Rennes), Provence (Aix) ; – 8 intendances de pays d’imposition — qui se rapportent aux pays annexés à partir du règne de Louis XIV : Trois-Évêchés (Metz), Besançon, Lille, Nancy, Valenciennes, Perpignan, Strasbourg, Corse. Dans l’ordre judiciaire et, secondairement, « politique » (les assemblées d’Ancien Régime ayant peu de pouvoirs sur ce plan), la France est répartie entre les juridictions de 13 parlements : Paris — qui couvre à lui seul près de la moitié du royaume, en son centre —, Toulouse, Grenoble, Bordeaux, Dijon, Rouen, Aix, Rennes, Pau, Metz, Douai, Besançon, Nancy. S’y ajoutent 4 conseils souverains qui, sans avoir le titre de parlement, jouent le rôle de cours supérieures de justice : Artois (Arras), Roussillon (Perpignan), Alsace (Colmar), Corse (Bastia).
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Les États existants III. La France révolutionnaire (1789-1799) 1. La Révolution sous la monarchie (1789-1792) Le 5 mai 1789, l’ouverture à Versailles des États généraux, réunis pour résoudre la crise qui sévit dans les finances du royaume, marque le début d’une période de vingt-cinq ans qui va bouleverser la France, et à sa suite l’Europe presque entière. Dans la nuit du 4 août 1789, les privilèges nobiliaires étant abolis en France, les droits féodaux inhérents aux domaines non souverains de princes étrangers (notamment allemands) sont supprimés, au même titre que ceux de la noblesse française ; cette disposition, contraire aux stipulations des traités de Westphalie, provoque la protestation des princes allemands auprès de l’empereur. Seuls demeurent inchangés les statuts des territoires souverains enclavés en France : Sarrewerden, Salm, Créhange, Philippsbourg, Mulhouse, Montbéliard, Avignon, le Comtat Venaissin. Le 10 octobre 1789, la Constituante décrète que le roi sera désormais titré « roi des Français », au lieu de « roi de France et de Navarre », ce qui signifie qu’il doit désormais être roi par la volonté des citoyens et non plus par droit divin. Le 30 novembre 1789, considérant que les habitants de la Corse sont devenus Français par leur volonté clairement exprimée, la Constituante décrète la suppression de la clause de rachat éventuel de l’île par la république de Gênes, stipulée lors de la cession de 1768, et la réunion définitive de la Corse à la France, les Corses devenant des citoyens comme les autres. La multiplicité des divisions administratives de la France paraissait depuis longtemps peu commode, et un souci d’unification s’était manifesté. La Constituante avait créé en septembre 1789 un comité chargé d’étudier une réforme. Le 11 novembre 1789 était décidé un découpage unique du territoire en départements, eux-mêmes divisés en districts. Par lettres patentes du 4 mars 1790, à l’issue de nombreux débats où sont évoqués des découpages uniformes en superficie ou en population, il est décrété que les départements — au nombre de 83, de façon que, par leur taille, le chef-lieu puisse en être atteint en une journée — se mouleront de façon générale dans le cadre ancien des provinces (gouvernements) ; les départements recevront des noms de rivières ou de montagnes. La liste en est la suivante : Ancienne province
Département
Chef-lieu et chefs-lieux de district
Flandre (1 dép.)
Nord
Douai, Avesnes, Bergues, Cambrai, Lille, Hazebrouck, Le Quesnoy, Valenciennes
Artois (1 dép.)
Pas-de-Calais
Arras, Bapaume, Béthune, Calais, SaintPol, Boulogne, Montreuil, Saint-Omer
Picardie (1 dép.)
Somme
Amiens, Abbeville, Doullens, Montdidier, Péronne
Normandie (5 dép.)
Calvados
Caen, Bayeux, Falaise, Lisieux, Vire, Pont-l’Évêque
Eure
Évreux, Bernay, Louviers, Verneuil, Les Andelys, Pont-Audemer
Manche
Coutances, Avranches, Carentan, SaintLô, Cherbourg, Mortain, Perriers, Valognes
Orne
Alençon, Argentan, Bellême, Domfront, Laigle, Mortagne
Seine-Inférieure
Rouen, Cany, Caudebec, Dieppe, Gournay, Montivilliers, Neufchâtel
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France Île-de-France (5 dép.)
Champagne (4 dép.)
Lorraine (4 dép.)
Alsace (2 dép.)
Bretagne (5 dép.)
Aisne
Laon, Château-Thierry, Chauny, Soissons, Saint-Quentin, Vervins
Oise
Beauvais, Breteuil, Chaumont, Clermont, Compiègne, Crépy, Grandvilliers, Noyon, Senlis
Paris
Paris, Bourg-la-Reine, Saint-Denis
Seine-et-Marne
Melun, Meaux, Nemours, Provins, Rozoy
Seine-et-Oise
Versailles, Corbeil, Étampes, Gonesse, Mantes, Montfort, Pontoise, St-Germain
Ardennes
Mézières, Grandpré, Rethel, Rocroi, Sedan, Vouziers
Aube
Troyes, Arcis-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Ervy, Nogent-sur-Seine
Marne
Châlons, Épernay, Reims, Sézanne, Sainte-Menehould, Vitry-le-François
Haute-Marne
Chaumont, Bourbonne, Bourmont, Joinville, Langres, Wassy
Meurthe
Nancy, Blamont, Château-Salins, Dieuze, Lunéville, Pont-à-Mousson, Sarrebourg, Toul, Vézelise, Vic-sur-Seille
Meuse
Bar, Clermont, Commercy, Étain, Verdun, Gondrecourt, Saint-Mihiel, Stenay
Moselle
Metz, Bitche, Boulay, Briey, Longwy, Morhange, Sarrelouis, Sarreguemines, Thionville
Vosges
Épinal, Bruyères, Darney, Lamarche, Mirecourt, Neufchâteau, Rambervillers, Remiremont, Saint-Dié
Bas-Rhin
Strasbourg, Benfeld, Haguenau, Wissembourg
Haut-Rhin
Colmar, Altkirch, Belfort
Côtes-du-Nord
Saint-Brieuc, Broons, Dinan, Guingamp, Lamballe, Lannion, Loudéac, Pontrieux, Rostrenen
Finistère
Quimper, Brest, Carhaix, Châteaulin, Landerneau, Lesneven, Morlaix, Pontcroix, Quimperlé
Ille-et-Vilaine
Rennes, Bain, Dol, Fougères, La Guerche, Montfort, Redon, Saint-Malo, Vitré
Loire-Inférieure
Nantes, Ancenis, Blain, Châteaubriant, Clisson, Guérande, Machecoul, Paimbœuf, Savenay
Morbihan
Vannes, Auray, Hennebont, Josselin, La Roche-Bernard, Le Faouët, Ploërmel, Pontivy, Rochefort
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Les États existants Maine (2 dép.)
Mayenne
Laval, Château-Gontier, Craon, Ernée, Évron, Mayenne, Villaines
Sarthe
Le Mans, Château-du-Loir, Fresnay-leVicomte, La Ferté-Bernard, La Flèche, Mamers, Sablé, Saint-Calais, Sillé-le-Guillaume
Anjou (1 dép.)
Mayenne-et-Loire
Angers, Baugé, Châteauneuf, Cholet, Saint-Florent, Saumur, Segré, Vihiers
Touraine (1 dép.)
Indre-et-Loire
Tours, Amboise, Château-Renault, Chinon, Langeais, Loches, Preuilly
Orléanais (3 dép.)
Eure-et-Loir
Chartres, Châteauneuf-en-Thymerais, Châteaudun, Dreux, Janville, Nogentle-Rotrou
Loiret
Orléans, Beaugency, Boiscommun, Gien, Montargis, Neuville, Pithiviers
Loir-et-Cher
Blois, Mer, Mondoubleau, Romorantin, Saint-Aignan, Vendôme
Cher
Bourges, Aubigny, Châteaumeillant, Lignières, Saint-Amand, Sancoins, Sancerre, Vierzon
Indre
Châteauroux, Argenton, Châtillon, Issoudun, La Châtre, Le Blanc
Nivernais (1 dép.)
Nièvre
Nevers, Château-Chinon, Clamecy, Corbigny, Cosne, Decize, La Charité, Moulins-Engilbert, Saint-Pierre-le-Moûtier
Bourgogne (4 dép.)
Ain
Bourg, Belley, Châtillon, Gex, Montluel, Nantua, Pont-de-Vaux, Saint-Rambert, Trévoux
Côte-d’Or
Dijon, Arnay-le-Duc, Beaune, Châtillon-sur-Seine, Is-sur-Tille, SaintJean-de-Losne, Semur-en-Auxois
Saône-et-Loire
Mâcon, Autun, Bourbon-Lancy, Chalon-sur-Saône, Charolles, Louhans, Marcigny
Yonne
Auxerre, Avallon, Joigny, Saint-Fargeau, Saint-Florentin, Sens, Tonnerre
Bourbonnais (1 dép.)
Allier
Moulins, Cérilly, Cusset, Le Donjon, Gannat, Montmarault, Montluçon
Franche-Comté (3 dép.)
Doubs
Besançon, Baume-les-Dames, Ornans, Pontarlier, Quingey, Saint-Hippolyte
Haute-Saône
Gray, Vesoul, Champlitte, Jussey, Lure, Luxeuil
Jura
Dole, Lons-le-Saulnier, Poligny, Salins, Arbois, Orgelet, Saint-Claude
Berry (2 dép.)
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France Poitou (3 dép.)
Deux-Sèvres
Niort, Châtillon, Melle, Parthenay, Saint-Maixent, Thouars
Vendée
Fontenay-le-Comte, Challans, Montaigu, La Châtaigneraie, La Rochesur-Yon, Les Sables-d’Olonne
Vienne
Poitiers, Châtellerault, Civray, Loudun, Lusignan, Montmorillon
Aunis et Saintonge (1 dép.) Charente-Inférieure Saintes, La Rochelle, Marennes, Montlieu, Pons, Rochefort, Saint-Jeand’Angély Angoumois (1 dép.)
Charente
Angoulême, Barbezieux, Cognac, Confolens, La Rochefoucauld, Ruffec
Marche (1 dép.)
Creuse
Guéret, Aubusson, Bourganeuf, Boussac, Évaux, Felletin, La Souterraine
Limousin (2 dép.)
Corrèze
Tulle, Brive, Ussel, Uzerche
Haute-Vienne
Limoges, Bellac, Le Dorat, Saint-Junien, Saint-Léonard, Saint-Yrieix
Cantal
Saint-Flour, Aurillac, Mauriac, Murat
Puy-de-Dôme
Clermont, Ambert, Besse, Billom, Issoire, Montaigut, Riom, Thiers
Lyonnais (1 dép.)
Rhône-et-Loire
Lyon, Campagne de Lyon, Montbrison, Roanne, Saint-Étienne, Villefranchesur-Saône
Guyenne (8 dép.)
Aveyron
Rodez, Aubin, Millau, Mur-de-Barrez, Saint-Affrique, Saint-Geniez, Sauveterre, Séverac-le-Château, Villefranchede-Rouergue
Dordogne
Périgueux, Belvès, Bergerac, Excideuil, Montignac, Mussidan, Nontron, Ribérac, Sarlat
Gers
Auch, Condom, L’Isle-Jourdain, Lectoure, Lombez, Mirande, Plaisance
Gironde
Bordeaux, Bazas, Bourg, Cadillac, Lesparre, Libourne, La Réole
Landes
Mont-de-Marsan, Dax, Tartas, SaintSever
Lot
Cahors, Figeac, Gourdon, Lauzerte, Montauban, Saint-Céré
Lot-et-Garonne
Agen, Casteljaloux, Lauzun, Marmande, Monflanquin, Nérac, Tonneins, Valence-d’Agen, Villeneuve
Hautes-Pyrénées
Tarbes, Argelès, Bagnères, La Barthe-deNesle, Vic
Auvergne (2 dép.)
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Les États existants Béarn (1 dép.)
Basses-Pyrénées
Pau, Mauléon, Oloron, Orthez, SaintPalais, Ustaritz
Foix (1 dép.)
Ariège
Foix, Mirepoix, Saint-Girons, Tarascon
Roussillon (1 dép.)
Pyrénées-Orientales Perpignan, Céret, Prades
Languedoc (8 dép.)
Ardèche
Privas, Aubenas, Joyeuse, Tournon
Aude
Carcassonne, Castelnaudary, Lagrasse, Limoux, Narbonne, Quillan
Gard
Nîmes, Alais, Uzès, Beaucaire, PontSaint-Esprit, Saint-Hippolyte, Sommières, Le Vigan
Haute-Garonne
Toulouse, Castelsarrasin, Grenade, Muret, Revel, Rieux, Saint-Gaudens, Villefranche
Hérault
Montpellier, Béziers, Lodève, Saint-Pons
Haute-Loire
Le Puy, Brioude, Monistrol
Lozère
Mende, Florac, Langogne, Marvejols, Meyrueis, Saint-Chély, Villefort
Tarn
Castres, Albi, Gaillac, Lacaune, Lavaur
Hautes-Alpes
Chorges, Briançon, Embrun, Gap, Serres
Drôme
Chabeuil, Die, Crest, Montélimar, Nyons, Orange, Romans, Valence
Isère
Moirans, Grenoble, La Tour-du-Pin, Saint-Marcellin, Vienne
Basses-Alpes
Digne, Barcelonnette, Castellane, Forcalquier, Sisteron
Dauphiné (3 dép.)
Provence (3 dép.)
Bouches-du-Rhône Aix, Apt/Perthuis, Arles, Marseille, Salon/Martigues, Tarascon
Corse (1 dép.)
Var
Toulon, Barjols, Brignoles, Draguignan, Fréjus, Grasse, Hyères, Saint-Maximin, Saint-Paul-près-Fayence
Corse
Pieve-d’Orezza, Ajaccio, Bastia, Cervione, Corte, Île-Rousse, La Portad’Ampugnani, Oletta, Tallano, Vico
Le 11 septembre 1791, la Constituante change le nom de deux départements : Paris devient la Seine et la Mayenne-et-Loire devient la Maine-et-Loire. L’Europe confrontée à la Révolution Par ailleurs, les événements révolutionnaires de France n’ont pas manqué de se répercuter sur les populations des territoires pontificaux de Provence (Avignon, Comtat Venaissin). Dès le 12 juin 1790, un gouvernement provisoire établi à Avignon avait voté le rattachement à la France. Quoique la Constituante ait proclamé qu’elle n’avait pas de visées expansionnistes, après maints débats, ce vœu est satisfait : le 12 septembre 1791, la France annexe Avignon et le Comtat Venaissin.
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France Avignon et le sud du Comtat forment un nouveau district (Avignon) du département des Bouches-du-Rhône, tandis que le nord du Comtat Venaissin forme un nouveau district (Carpentras) de celui de la Drôme. Tout au long des années 1790 et 1791, les événements révolutionnaires suivent leur cours : Constitution civile du clergé (21 avril 1790), dont les biens ont été nationalisés ; fête de la Fédération (14 juillet 1790), où Louis XVI, jurant fidélité à la Constitution, paraît entériner les changements révolutionnaires ; tentative de fuite du roi à Varennes (juin 1791), qui échoue mais ouvre une brèche entre le roi et l’opinion publique ; confiscation des biens des émigrés. Les cours d’Europe ont tout d’abord accueilli avec indifférence, voire une secrète satisfaction, une révolution qui leur semblait de nature à affaiblir durablement la France. La GrandeBretagne y voyait une punition méritée pour son soutien à la guerre d’Indépendance américaine, et un frein à l’essor français dans le commerce maritime, qui faisait concurrence à la puissance de la marine anglaise. Les puissances de l’Est (Russie, Prusse) y voyaient l’occasion d’achever le dépècement de la Pologne sans craindre que la France ne s’y opposât. Mais les atteintes répétées au pouvoir royal, susceptibles d’influencer les esprits dans leur propre pays, les réclamations des princes possessionnés d’Alsace, les menées antireligieuses et les menaces pesant de plus en plus sur le sort de la famille royale elle-même finissent par alarmer les souverains, que le roi Louis XVI appelle secrètement à l’aide. Au printemps de 1792, l’empereur Léopold II, d’esprit pacifique, est remplacé par son fils, François II, de nature plus belliqueuse, qui fomente une coalition avec la Prusse. Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre au « roi de Hongrie et de Bohême », manière de montrer qu’elle n’entend pas faire la guerre au Saint Empire, espérant par là dissuader les souverains allemands d’entrer dans le conflit. Les opérations militaires, entravées par la désorganisation d’une armée française privée de ses anciens chefs par l’émigration et les arrestations, se révèlent tout d’abord défavorables, la France étant envahie par les armées austro-prussiennes. Ces revers excitent une opinion publique, attisée par le manifeste de Brunswick, connu à Paris le 1er août 1792, qui menace la ville de destruction s’il est attenté à la famille royale. Il en résulte en septembre le début de la Terreur (les Massacres) et la chute de la monarchie, le 21 septembre 1792.
2. La république à l’époque de la Convention (1792-1795) Au moment où s’instaure en France, pour la première fois de sa longue existence, un régime républicain, le sort des armes se retourne et la victoire de Valmy sur les Prussiens (20 septembre) ouvre la voie à une contre-offensive qui repousse les armées prussiennes et autrichiennes vers les frontières et au-delà. Dès cette époque commence à s’instaurer un débat, au sein du pouvoir révolutionnaire de Paris, sur le point de savoir dans quel cadre doivent être partagées les idées révolutionnaires dans les contrées que le sort des armes donne d’occuper : annexion ou création d’États républicains aux institutions calquées sur celles de la France ? En faveur de l’annexion commence à se répandre la théorie des frontières naturelles, qui considère que la France doit occuper l’espace borné par le Rhin et les Alpes. En faveur de l’établissement de « républiques sœurs », l’idée que la France ne saurait faire contre leur gré le bonheur des peuples « libérés », en leur imposant une domination dont ils ne veulent généralement pas. Les deux formes vont longtemps être adoptées concurremment, au gré des circonstances. Premières conquêtes de la France révolutionnaire Le roi de Sardaigne, d’esprit très conservateur, avait accueilli volontiers les émigrés français fuyant la Révolution. Il s’était joint à la coalition austro-prussienne contre la France. En septembre 1792, les troupes françaises du maréchal de Montesquiou occupent la Savoie. Le 27 novembre 1792, la France annexe la Savoie. Elle devient le 84e département de la France, celui du Mont-Blanc (Chambéry, Annecy, Carouge, Cluses, Moûtiers, SaintJean-de-Maurienne, Thonon). La France compte désormais 84 départements.
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Les États existants Pour les mêmes raisons, les troupes françaises du général d’Anselme ont en septembre 1792 occupé la majeure partie du comté de Nice (à l’exclusion du comté de Tende, tenu par les troupes sardes). Le 31 janvier 1793, la Convention décrète l’annexion à la France du comté de Nice ; celle-ci est effective, hormis pour le comté de Tende. Le 4 février 1793, la Convention décide que le ci-devant comté de Nice formera le 85e département de la France, celui des Alpes-Maritimes (Nice, Puget-Théniers, Menton). La France compte désormais 85 départements. D’autre part, les habitants de la principauté de Monaco, influencés par les événements de Nice, se sont soulevés en janvier contre leur prince et ont proclamé une république de Monaco, qui demande sa réunion à la France. Le 14 février 1793, la Convention décrète l’annexion de Monaco à la France, et son rattachement au département des AlpesMaritimes. Enfin, une offensive française menée par le général de Custine avait permis à l’automne 1792 la conquête de la rive gauche du Rhin, de Landau à Bingen. Depuis novembre 1792, les habitants de Bergzabern, révoltés contre le duc de Deux-Ponts, réclamaient leur rattachement à la France. Le 14 février 1793, la Convention décrète l’annexion à la France de 32 communes situées autour de Deux-Ponts et de Bergzabern, ce qui a pour effet d’assurer la continuité territoriale entre Landau et le reste de l’Alsace ; ces communes sont rattachées respectivement aux départements de la Moselle et du Bas-Rhin. À la suite de l’offensive française sur les Pays-Bas autrichiens (novembre 1792), ceux-ci sont totalement occupés le 2 décembre 1792. En dépit des vœux des habitants de ces pays, qui voulaient en faire une république distincte de la France, la Convention, qui s’est en la circonstance ralliée à la théorie des frontières naturelles, décide que les pays situés sur rive gauche du Rhin devront être français. Par 15 décrets pris entre le 1er et le 30 mars 1793, l’ensemble belge (Pays-Bas autrichiens, évêché de Liège, abbaye de Stavelot-Malmédy, duché de Bouillon) est, sans plébiscites, annexé par morceaux à la France, et doté d’une administration provisoire, sans être départementalisé. Simultanément, un retour offensif des Autrichiens oblige les Français à évacuer la Belgique (Pays-Bas autrichiens), où l’ordre ancien est rétabli. Par ailleurs, à la suite d’un blocus alimentaire qui incite les habitants à demander leur rattachement, par décret du 2 mars 1793, la principauté de Salm (chef-lieu Senones), c’est-à-dire le Haut-Salm enclavé dans les Vosges, qui appartenait au prince de Salm-Salm, est annexée à la France, et rattachée au département des Vosges. À la même époque, le comté de Sarrewerden, possession du prince de Nassau-Weilbourg, est annexé par la France ; il est rattaché au département du Bas-Rhin. De même, le comté de Créhange (Kriechingen), possession du comte de Wied-Runkel, et la seigneurie de Philippsbourg, possession du landgrave de Hesse-Darmstadt (au titre de comte de Hanau-Lichtenberg), sont à leur tour annexés par la France, et rattachés au département de la Moselle. D’autre part, faisant suite à la déclaration de guerre à l’empereur, la France avait, dès le 30 avril 1792, occupé Porrentruy, capitale de l’évêché de Bâle. Une assemblée nationale, réunie à Porrentruy, avait décrété la déchéance du prince-évêque et l’avènement d’une République rauracienne, couvrant la partie « germanique » des domaines de l’évêché de Bâle (à l’exception de ses deux enclaves de rive droite du Rhin, Schlingen et Idstein, et de celle de Montsevelier) ; la partie « helvétique » de l’évêché n’était pas concernée (voir chapitre Suisse). Face à l’anarchie régnant dans cette république, la Convention suscite la réunion d’une nouvelle assemblée, qui décrète le 7 mars 1793 la réunion de la République rauracienne à la France, réunion entérinée le 23 mars par la Convention. L’ancienne république formera le 86e département de la France, celui du Mont-Terrible (Porrentruy, Delémont). La France compte désormais 86 départements. Enfin, les troupes françaises du général de Custine avaient conquis dès octobre 1792 la rive gauche allemande du Rhin, de Landau à Bingen. Sous son influence avait été proclamée
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France le 19 décembre une république de Mayence, couvrant ce territoire. Le 21 mars 1793, une convention rhéno-germanique, réunie à Mayence, vote le rattachement de cette république à la France. Répondant à ce vœu, le 30 mars, la Convention décrète le rattachement à la France de la république de Mayence. Mais au même moment, une offensive autrichienne réduit à néant cette décision ; la rive gauche allemande du Rhin, à l’exception des 32 communes annexées en février, retourne à l’ordre ancien. Par décret du 25 juin 1793 est créé le 87e département de la France, celui du Vaucluse, à partir des éléments suivants : – anciens territoires pontificaux d’Avignon et du Comtat Venaissin ; – canton de Sault-du-Vaucluse, détaché des Basses-Alpes ; – district d’Orange et commune de Saint-Marcellin-en-Viennois, détachés de la Drôme ; – district d’Apt, détaché des Bouches-du-Rhône. Le 20 août, ce département sera subdivisé en quatre districts : Avignon, Orange (y compris l’enclave anciennement pontificale de Valréas dans la Drôme), Carpentras, Apt. La France compte désormais 87 départements. À la suite de la révolte de Toulon, le siège du chef-lieu du département du Var est transféré à Grasse le 27 juillet 1793. Le 11 août 1793, dans le cadre de mesures visant à réduire la rébellion paoline, la Convention décrète la division du département de la Corse en deux départements : – le Golo (Bastia, Calvi, Corte) ; – le Liamone (Ajaccio, Sartène, Vico). De même, pour vaincre plus aisément la révolte de Lyon, les représentants sur place de la Convention décrètent le 12 août 1793 (décision confirmée le 19 novembre par la Convention) la division du département de Rhône-et-Loire en deux départements : – le Rhône (Lyon, Villefranche) ; – la Loire (Montbrison, Roanne, Saint-Étienne). La France compte désormais 89 départements. À la suite de son invasion par les troupes françaises du général de Custine (10 octobre), le 11 octobre 1793, la France annexe la principauté de Montbéliard, qui appartenait au duc de Wurtemberg, et la rattache au département de la Haute-Saône. L’année 1793 qui s’achève a été fertile en événements dramatiques à l’intérieur du pays : la condamnation du roi, suivie de son exécution (21 janvier), l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne, la révolte des Vendéens, les insurrections dans diverses villes de province, la « patrie en danger » à la suite de défaites françaises face aux armées ennemies, l’instauration de la Terreur. L’année 1794 qui commence va voir les excès portés à leur paroxysme, jusqu’à la condamnation et la mort de Robespierre (28 juillet), les exécutions atteignant à la fin du printemps des niveaux inégalés (Grande Terreur). S’ensuit une période de détente (la réaction thermidorienne), qui coïncide à l’extérieur avec un retournement de fortune sur les champs de bataille, qui permet à la France de reprendre l’offensive sur tous les fronts. En avril 1794, les Français ayant réussi à refouler les troupes sardes au Piémont, le comté de Tende (Tende, La Brigue, Saorge) est de facto réuni au département français des AlpesMaritimes. Une offensive française aboutit à la victoire de Fleurus (26 juin 1794), laquelle permet de réoccuper la Belgique. La Convention ne la réannexe pas sur-le-champ, mais la dote d’un régime provisoire. Par ailleurs, la rive gauche allemande du Rhin est, elle aussi, reconquise par la France, cette fois-ci jusqu’à la frontière batave (en application du principe des frontières naturelles). Cette région n’est pas aussitôt réannexée, mais soumise, dès le 14 novembre 1794, à un régime provisoire. Les avis sont encore partagés sur le sort à réserver à ces contrées germaniques : annexion ou création d’une république sœur.
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Les États existants La France s’enracine sur la rive gauche du Rhin Le 5 avril 1795 est signé le traité de Bâle entre la France et la Prusse, par lequel la Prusse, qui cède à la France ses domaines de rive gauche du Rhin (Gueldre, Meurs et moitié de Clèves), est le premier pays à reconnaître secrètement l’abandon à la France de la rive gauche du Rhin. La Prusse devra obtenir ultérieurement des compensations sur la rive droite, au retour de la paix entre la France et le Saint Empire. Durant l’hiver 1794/1795, les troupes françaises ont poursuivi leur offensive en direction des Provinces-Unies, et suscité leur transformation en République batave. Par le traité de La Haye du 16 mai 1795, la France impose à la République batave la cession de la Flandre hollandaise (rive gauche de l’Escaut), ainsi que des enclaves bataves de Maastricht, de Venlo et du Limbourg hollandais (Montfort), le tout assorti du droit de garnison à Flessingue. Ces terres sont rattachées aux provinces belges. Par traité du 28 août 1795, le landgrave de Hesse-Cassel cède à la France ses possessions ponctuelles (Saint-Goar, Rheinfels) de rive gauche du Rhin, moyennant compensations à venir sur rive droite. D’autre part, le 31 août 1795, sans attendre l’annexion officielle des provinces belges, la Convention décrète leur division en neuf départements : – Lys : Bruges, Courtrai, Furnes, Ypres ; – Escaut : Gand, Audenarde, L’Écluse, Termonde ; – Jemmapes : Mons, Charleroi, Tournai ; – Deux-Nèthes : Anvers, Malines, Turnhout ; – Dyle : Bruxelles, Louvain, Nivelles ; – Meuse-Inférieure : Maastricht, Hasselt, Ruremonde ; – Ourthe : Liège, Huy, Malmédy ; – Sambre-et-Meuse : Namur, Dinant, Marche, Saint-Hubert ; – Forêts : Luxembourg, Bitbourg, Diekirch, Neufchâteau. La Flandre a formé les départements de la Lys et de l’Escaut, le Hainaut celui de Jemmapes, le Brabant ceux des Deux-Nèthes et de la Dyle, le Luxembourg celui des Forêts ; Namur, l’est et le nord du Luxembourg, l’évêché de Liège, l’abbaye de Stavelot-Malmédy, le Limbourg, Venlo et Maastricht ont formé les trois départements de la Meuse-Inférieure, de l’Ourthe et de la Sambre-et-Meuse. Par décret du 1er octobre 1795, la France annexe les 9 départements belges. La France compte désormais 98 départements. Par ailleurs, le 13 octobre, le chef-lieu de département du Var est transféré de Grasse à Brignoles. Enfin, le 26 octobre, le duché de Bouillon est à son tour annexé à la France, et réparti entre les départements des Ardennes, des Forêts et de Sambre-et-Meuse.
3. L’expansion française sous le Directoire (1795-1799) Le pouvoir issu de la réaction thermidorienne doit faire face, au printemps de 1795, à des agitations provenant des couches populaires (insurrections de germinal et de prairial), ainsi que des milieux royalistes (débarquement de Quiberon). Soucieux d’adopter une voie moyenne, il élabore une nouvelle Constitution (celle de l’an III), qui met en place le régime du Directoire, instauré le 28 octobre 1795. Victorieux au nord, ayant fait la paix avec la Prusse et la République batave, les Français peuvent faire porter leur effort militaire sur l’Autriche et son allié, le royaume de Sardaigne, à l’est (armée d’Allemagne) et secondairement au sud-est, Napoléon Bonaparte étant nommé général en chef de l’armée d’Italie. Mais, par son génie qui se révèle, Bonaparte va changer le cours des événements et faire de l’Italie le théâtre principal des victoires françaises.
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France Premières conquêtes de Bonaparte Faisant suite à la victoire de Mondovi remportée par les troupes françaises de Bonaparte (21 avril 1796), le roi de Sardaigne sollicite le 28 avril un armistice à Cherasco. Par le traité de Paris du 15 mai 1796, la Sardaigne se retire du conflit et renonce officiellement en faveur de la France à la Savoie et aux comtés de Nice et de Tende. Le duc de Wurtemberg et le margrave de Bade s’étaient joints à la coalition anti-française. Devant les victoires remportées par les troupes françaises, ces princes sollicitent la paix. Par le traité de Paris du 7 août 1796, le duc de Wurtemberg cède officiellement à la France ses domaines français d’Alsace (Horbourg et Riquewihr) et de Bourgogne (Blamont, Clémont, Héricourt, Châtelot), réunis le 4 août 1789, ainsi que la principauté de Montbéliard, annexée dès le 11 octobre 1793. Par le traité de Paris du 22 août 1796, le margrave de Bade cède officiellement à la France ses domaines de rive gauche du Rhin : seigneurie alsacienne de Benheim, seigneuries luxembourgeoises de Rodemachen et de Hespringen, moitié du comté de Sponheim (Kirchberg, Birkenfeld). Ces deux princes devront recevoir des compensations sur rive droite, à la paix à venir entre la France et le Saint Empire. Après des négociations consécutives aux victoires françaises (prise d’Ancône), les États de l’Église signent à Tolentino, le 19 février 1797, un traité de paix avec la France, par lequel le pape reconnaît la cession à la France d’Avignon et du Comtat Venaissin. D’autre part, le 28 février 1797, le territoire de l’ancienne principauté de Montbéliard, devenu français en 1793 et rattaché alors au département de la Haute-Saône, en est détaché pour être rattaché au département du Mont-Terrible, dont il constituera le 3e district. Le 28 avril 1797, le chef-lieu du département du Var est transféré de Brignoles à Draguignan. Au terme de deux années de campagne, ponctuées de victoires (Castiglione, Arcole, Rivoli), le général Bonaparte contraint l’Autriche à signer les préliminaires de Leoben, confirmés le 18 octobre 1797 par le traité de Campo-Formio. Entre-temps, la république de Venise a été abattue (mai 1797) par Bonaparte, qui s’entend ensuite avec l’Autriche pour s’en partager les dépouilles. Par le traité de Campo-Formio, l’Autriche renonce en faveur de la France aux PaysBas autrichiens et, secrètement, au petit comté de Falkenstein, au Frickthal (avec deux des quatre villes forestières sur rive gauche du Rhin), et elle reconnaît à la France le droit d’annexer l’ensemble de la rive gauche du Rhin, jusqu’à une ligne Nette-Rœr, sous réserve de ratification par un congrès de la paix réunissant les États allemands. Par ailleurs, sur les dépouilles de Venise, la France reçoit la province du Levant vénitien, à savoir les sept îles Ioniennes (Corfou, Paxo, Sainte-Maure, Ithaque, Céphalonie, Zante et Cérigo) et les quatre points de terre ferme d’Albanie (Butrinto, Parga, Prévéza, Vonizza). Cette province anciennement vénitienne, désormais rattachée à la République française, est divisée en trois départements, eux-mêmes subdivisés en cantons : – Corfou : Corfou, Paxo, Fano, Merlera, Vido, Antipaxo, Butrinto, Parga ; – Ithaque : Argostoli, Céphalonie, Sainte-Maure, Calamo, Castro, Mégasini, Prévéza et Vonizza ; – Mer Égée : Zante, les Strophades, Cérigo, Cérigotto. La France compte désormais 101 départements européens, dont toujours 98 « métropolitains». Vainqueur en Italie, où il a outrepassé ses prérogatives en négociant personnellement les conditions de la paix, sans en référer au Directoire qui eût préféré une extension territoriale en Allemagne, Bonaparte rentre à Paris auréolé de gloire. Ayant remodelé le nord de l’Italie à sa façon (création de la Cisalpine, soumise à sa propre influence), il convainc le Directoire de s’emparer de la Suisse, pour raisons économiques (richesses) et stratégiques (contrôle des routes franco-italiennes). Le 18 décembre 1797, la France annexe la partie « helvétique » de l’évêché de Bâle (Val-Moutier, Bellelay, Erguel, La Neuveville), ainsi que l’enclave « germanique » de
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Les États existants Montsevelier (que sa situation avait jusqu’ici préservée), le tout étant rattaché au département français du Mont-Terrible. La rive gauche du Rhin étant désormais reconnue par tous comme devant revenir à la France, celle-ci s’est préoccupée à l’automne 1797 de la doter d’un statut définitif. Tout d’abord, en septembre 1797, avec l’appui du général Hoche qui commande les troupes d’occupation, des patriotes rhénans ont proclamé une République cisrhénane. Mais la mort de Hoche, en novembre, sonne le glas de leurs espoirs face à un Directoire désormais acquis à la cause des frontières naturelles, et qui entend porter au Rhin les limites de la France. En décembre 1797, la République cisrhénane est annexée à la France. Le 23 janvier 1798, elle est divisée en quatre départements français : – Rœr : Aix-la-Chapelle, Cologne, Crefeld, Clèves ; – Rhin-et-Moselle : Coblence, Bonn, Simmern ; – Mont-Tonnerre : Mayence, Spire, Kaiserslautern, Deux-Ponts ; – Sarre : Trèves, Prum, Sarrebruck, Birkenfeld. Les quatre départements restent cependant toujours soumis à l’autorité d’un commissaire français (Rudler), siégeant à Mayence. La France compte désormais 105 départements européens, dont 102 métropolitains. D’autre part, la France révolutionnaire ayant institué depuis 1792 un blocus douanier autour de l’enclave de la république de Mulhouse, l’asphyxie économique pesait toujours plus sur ce petit État allié de la Confédération helvétique. Pour sortir de cette situation, le 4 janvier 1798, les bourgeois de la république expriment un vœu de rattachement à la France. Le 29 janvier 1798, la république de Mulhouse est réunie à la France ; elle est incorporée dans le département du Haut-Rhin. Le 7 février 1798, la ville de Bienne, occupée le 6 par les Français, vote sa réunion à la France, qui la rattache au département du Mont-Terrible. En même temps que la Suisse, les troupes françaises ont occupé le territoire de Genève. Le 15 avril 1798, ses habitants votent leur rattachement à la France. Le 26 avril, la république de Genève est réunie à la France. Le Directoire face à la seconde coalition La paix ayant été rétablie sur le continent, la Grande-Bretagne poursuivant seule la guerre, le général Bonaparte se cherche une tâche à la hauteur de ses ambitions. Trop jeune pour siéger au Directoire — et la France n’étant pas encore mûre pour un coup d’État —, il se fait suggérer par Talleyrand l’idée d’une expédition en Égypte, qui permettrait à la France de s’approvisionner en denrées (coton, sucre) qui font défaut depuis la perte des Antilles, de couper aux Anglais la route des Indes, et de constituer à terme une base de départ pour la conquête de ces contrées. Certains membres du Directoire y voient une occasion d’éloigner un général ambitieux et encombrant par sa trop grande popularité. Sur le chemin de l’Égypte, le général Bonaparte occupe le 10 juin l’île de Malte. Le 11 juin 1798, le grand maître de l’ordre de Malte cède l’archipel de Malte à la France. Cet archipel n’est pas départementalisé. Par ailleurs, le 25 août 1798, le territoire de Genève est regroupé avec le Chablais et le Faucigny détachés du département du Mont-Blanc (districts de Carouge, Thonon, Cluses) et le district de Gex détaché de celui de l’Ain, pour former un nouveau département français, celui du Léman (Genève, Bonneville, Thonon). La France compte désormais 106 départements européens, dont 103 métropolitains. Le roi de Sardaigne étant de nouveau soupçonné de connivences avec l’Autriche et la Russie, les troupes françaises du général Joubert envahissent le Piémont le 6 décembre 1798. Le 8 décembre, le roi renonce officiellement au Piémont et se retire dans l’île de Sardaigne. La renonciation au Piémont du roi de Sardaigne crée un vide juridique pour cette province. Le Directoire lui refuse tout rattachement à une république italienne, mais lui laisse
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France le choix entre l’indépendance ou le rattachement à la France. Par plébiscite tenu du 8 au 16 février 1799 (dans des conditions douteuses), le Piémont vote son rattachement à la France, qui le dote d’une administration provisoire. Bonaparte ayant indisposé à la fois la Russie (prise de Malte, dont le tsar Paul Ier était le protecteur) et la Turquie (expédition d’Égypte), une flotte russo-turque a entrepris de chasser les Français des îles Ioniennes. Le 3 mars 1799, Corfou, dernière place française, capitule au terme d’un siège de cinq mois. Pendant ce temps, les Français avaient poursuivi leur ingérence en Suisse et en Italie, y suscitant, par les intrigues ou les intimidations, l’éclosion de républiques sœurs à Lausanne, à Ancône, à Gênes, à Rome, à Lucques, à Naples. Tant d’activisme finit par susciter en retour la formation d’une deuxième coalition, entre la Grande-Bretagne, qui n’a pas cessé les hostilités, la Russie, nouvelle venue, et l’Autriche. Les hostilités sur le continent reprennent en mars 1799. La coalition austro-russe ayant triomphé des armées françaises (avril-août 1799), l’ensemble de l’Italie, à l’exception de Gênes, est évacuée par les Français et occupée par les vainqueurs. Bonaparte, sentant le vent tourner pour lui, rentre d’Égypte et débarque en France le 9 octobre. Pendant ce temps, les armées françaises battent en Suisse les armées russes, qui ont entrepris de les déloger de la République helvétique. La Russie se retire de la coalition, ce qui sauve la France du péril de l’invasion. Malgré ce redressement inattendu, qui ne lui est pas imputable, la France voit en Bonaparte le sauveur qui la préservera de ses ennemis. Le 9 novembre 1799 (18 brumaire), Bonaparte fomente le coup d’État qui lui donne le pouvoir.
IV. La France napoléonienne (1799-1815) 1. La période du Consulat (1799-1804) S’étant emparé du pouvoir, Napoléon Bonaparte se fait tailler une Constitution à sa mesure, le Consulat, au travers de laquelle, sous l’apparence de la répartition démocratique des pouvoirs, il concentre sur sa personne l’essentiel de l’autorité publique : le pouvoir législatif est émietté entre diverses assemblées parlementaires qui se neutralisent, et le pouvoir exécutif, en apparence réparti entre trois consuls, est en fait essentiellement exercé par le premier d’entre eux, c’est-à-dire Bonaparte lui-même. La France dont Bonaparte devient premier consul s’est singulièrement arrondie vis-à-vis de celle de 1789. La théorie des frontières naturelles a fini par prévaloir et les enclaves étrangères appartiennent au passé. Le pays est désormais de façon continue borné par la crête des Alpes, de la mer Méditerranée au lac Léman, par suite de l’annexion du comté de Nice et de la Savoie. Genève a été englobée. Plus au nord, la situation est moins nette, la principauté de Neuchâtel demeurant pour l’instant étrangère, mais Bienne et les terres de l’évêché de Bâle ont été englobées. Le Rhin marque la limite jusqu’à la frontière batave, puis la Meuse jusqu’à son embouchure en Zélande, et enfin la rive méridionale du large estuaire de l’Escaut, par suite de l’annexion des provinces belges et cisrhénanes — incorporant au passage des populations germaniques — et des cessions frontalières imposées à la République batave. Par ailleurs, hormis la petite enclave de Llivia — qui subsiste encore de nos jours —, les enclaves qui grevaient le pays ont disparu : Avignon et le Comtat Venaissin, Montbéliard, Mulhouse, Salm, Sarrewerden, Créhange et Philippsbourg. La France est désormais un pays territorialement homogène, d’autant que les nouvelles institutions régionales et locales ont été refaçonnées sur un modèle unique. Ayant affermi son pouvoir, le premier consul Bonaparte réforme les institutions de la France dans un sens autoritaire et centralisateur. Dans ce cadre, par une loi du 17 février 1800, les départements sont dotés de préfets et de sous-préfets, agents directs du pouvoir central sur les départements et les arrondissements, qui constituent une nouvelle subdivision se substituant aux anciens districts.
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Les États existants La configuration des départements n’est pas touchée, à la seule exception de la suppression du département du Mont-Terrible, lequel est entièrement inclus dans le Haut-Rhin en y formant deux nouveaux arrondissements (Porrentruy, Delémont). En revanche, les subdivisions internes à chaque département sont profondément remaniées. Si l’on met à part les trois départements des îles Ioniennes, qui n’existent plus que sur le papier, les départements métropolitains sont ainsi ramenés au nombre de 102, dont 98 de droit commun et 4 (les départements rhénans) placés sous l’autorité d’un commissaire à Mayence. Département
Préfecture et sous-préfectures
Ain
Bourg, Belley, Nantua, Trévoux
Aisne
Laon, Château-Thierry, Saint-Quentin, Soissons, Vervins
Allier
Moulins, Gannat, Montluçon, La Palisse
Basses-Alpes
Digne, Barcelonnette, Castellane, Forcalquier, Sisteron
Hautes-Alpes
Gap, Briançon, Embrun
Alpes-Maritimes
Nice, Monaco, Puget-Théniers
Ardèche
Privas, Largentière, Tournon
Ardennes
Mézières, Rethel, Rocroi, Sedan, Vouziers
Ariège
Foix, Pamiers, Saint-Girons
Aube
Troyes, Arcis-sur-Aube, Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Nogent-sur-Seine
Aude
Carcassonne, Castelnaudary, Limoux, Narbonne
Aveyron
Rodez, Espalion, Millau, Saint-Affrique, Villefranche-de-Rouergue
Bouches-du-Rhône
Aix, Marseille, Tarascon
Calvados
Caen, Bayeux, Falaise, Lisieux, Pont-l’Évêque, Vire
Cantal
Aurillac, Mauriac, Murat, Saint-Flour
Charente
Angoulême, Barbezieux, Cognac, Confolens, Ruffec
Charente-Inférieure
Saintes, Jonzac, Marennes, Rochefort, La Rochelle, Saint-Jeand’Angély
Cher
Bourges, Saint-Amand, Sancerre
Corrèze
Tulle, Brive, Ussel
Côte-d’Or
Dijon, Beaune, Châtillon-sur-Seine, Semur-en-Auxois
Côtes-du-Nord
Saint-Brieuc, Dinan, Guingamp, Lannion, Loudéac
Creuse
Guéret, Aubusson, Bourganeuf, Boussac
Dordogne
Périgueux, Bergerac, Nontron, Ribérac, Sarlat
Doubs
Besançon, Baume-les-Dames, Pontarlier, Saint-Hippolyte
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France Drôme
Valence, Die, Montélimar, Nyons
Dyle
Bruxelles, Louvain, Nivelles
Escaut
Gand, Audenarde, Eecloo, Termonde
Eure
Évreux, Les Andelys, Bernay, Louviers, Pont-Audemer
Eure-et-Loir
Chartres, Châteaudun, Dreux, Nogent-le-Rotrou
Finistère
Quimper, Brest, Châteaulin, Morlaix, Quimperlé
Forêts
Luxembourg, Bitbourg, Diekirch, Neufchâteau
Gard
Nîmes, Alais, Uzès, Le Vigan
Haute-Garonne
Toulouse, Muret, Saint-Gaudens, Villefranche-de-Lauragais
Gers
Auch, Condom, Lectoure, Lombez, Mirande
Gironde
Bordeaux, Bazas, Blaye, Lesparre, Libourne, La Réole
Golo
Bastia, Calvi, Corte
Hérault
Montpellier, Béziers, Lodève, Saint-Pons
Ille-et-Vilaine
Rennes, Fougères, Montfort, Redon, Saint-Malo, Vitré
Indre
Châteauroux, Issoudun, Le Blanc, La Châtre
Indre-et-Loire
Tours, Chinon, Loches
Isère
Grenoble, La Tour-du-Pin, Saint-Marcellin, Vienne
Jemmapes
Mons, Charleroi, Tournai
Jura
Lons-le-Saulnier, Dole, Poligny, Saint-Claude
Landes
Mont-de-Marsan, Dax, Saint-Sever
Léman
Genève, Bonneville, Thonon
Liamone
Ajaccio, Sartène, Vico
Loir-et-Cher
Blois, Romorantin, Vendôme
Loire
Montbrison, Roanne, Saint-Étienne
Haute-Loire
Le Puy, Brioude, Yssingeaux
Loire-Inférieure
Nantes, Ancenis, Châteaubriant, Paimbœuf, Savenay
Loiret
Orléans, Gien, Montargis, Pithiviers
Lot
Cahors, Figeac, Gourdon, Montauban
Lot-et-Garonne
Agen, Marmande, Nérac, Villeneuve-sur-Lot
Lozère
Mende, Florac, Marvejols
Lys
Bruges, Courtrai, Furnes, Ypres
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Les États existants Maine-et-Loire
Angers, Baugé, Beaupréau, Saumur, Segré
Manche
Coutances, Avranches, Mortain, Saint-Lô, Valognes
Marne
Châlons, Épernay, Reims, Sainte-Menehould, Vitry-le-François
Haute-Marne
Chaumont-en-Bassigny, Langres, Wassy
Mayenne
Laval, Château-Gontier, Mayenne
Meurthe
Nancy, Château-Salins, Lunéville, Sarrebourg, Toul
Meuse
Bar-sur-Ornain, Commercy, Montmédy, Verdun
Meuse-Inférieure
Maastricht, Hasselt, Ruremonde
Mont-Blanc
Chambéry, Annecy, Moûtiers, Saint-Jean-de-Maurienne
Mont-Tonnerre
Mayence, Deux-Ponts, Kaiserslautern, Spire
Morbihan
Vannes, Lorient, Ploërmel, Pontivy
Moselle
Metz, Briey, Sarreguemines, Thionville
Deux-Nèthes
Anvers, Malines, Turnhout
Nièvre
Nevers, Clamecy, Cosne, Château-Chinon
Nord
Douai, Avesnes, Bergues, Cambrai, Hazebrouck, Lille
Oise
Beauvais, Clermont, Compiègne, Senlis
Orne
Alençon, Argentan, Domfront, Mortagne
Ourthe
Liège, Huy, Malmédy
Pas-de-Calais
Arras, Béthune, Boulogne, Montreuil, Saint-Omer
Puy-de-Dôme
Clermont-Ferrand, Ambert, Issoire, Riom, Thiers
Basses-Pyrénées
Pau, Bayonne, Mauléon, Oloron, Orthez
Hautes-Pyrénées
Tarbes, Argelès, Bagnères-de-Bigorre
Pyrénées-Orientales
Perpignan, Céret, Prades
Bas-Rhin
Strasbourg, Barr, Saverne, Wissembourg
Haut-Rhin
Colmar, Altkirch, Belfort, Delémont, Porrentruy
Rhin-et-Moselle
Coblence, Bonn, Simmern
Rhône
Lyon, Villefranche-sur-Saône
Rœr
Aix-la-Chapelle, Clèves, Cologne, Crefeld
Sambre-et-Meuse
Namur, Dinant, Marche, Saint-Hubert
Haute-Saône
Vesoul, Gray, Lure
Saône-et-Loire
Mâcon, Autun, Chalon-sur-Saône, Charolles, Louhans
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France Sarre
Trèves, Sarrebruck, Birkenfeld, Prum
Sarthe
Le Mans, La Flèche, Mamers, Saint-Calais
Seine
Paris, Saint-Denis, Sceaux
Seine-et-Marne
Melun, Coulommiers, Fontainebleau, Meaux, Provins
Seine-et-Oise
Versailles, Corbeil, Étampes, Mantes, Pontoise
Seine-Inférieure
Rouen, Dieppe, Le Havre, Neufchâtel, Yvetot
Deux-Sèvres
Niort, Melle, Parthenay, Thouars
Somme
Amiens, Abbeville, Doullens, Montdidier, Péronne
Tarn
Castres, Albi, Gaillac, Lavaur
Var
Draguignan, Brignoles, Grasse, Toulon
Vaucluse
Avignon, Apt, Carpentras, Orange
Vendée
Fontenay-le-Comte, Montaigu, Les Sables-d’Olonne
Vienne
Poitiers, Châtellerault, Civray, Loudun, Montmorillon
Haute-Vienne
Limoges, Bellac, Rochechouart, Saint-Yrieix
Vosges
Épinal, Mirecourt, Neufchâteau, Remiremont, Saint-Dié
Yonne
Auxerre, Avallon, Joigny, Sens, Tonnerre
Dans le courant de l’année 1800, Marseille remplace Aix comme chef-lieu du département des Bouches-du-Rhône, Albi remplace Castres comme chef-lieu de celui du Tarn. Le premier consul rétablit la situation en Europe Au printemps de 1800, le premier consul Bonaparte reprend l’offensive en Allemagne et en Italie contre l’Autriche et ses alliés : il prend lui-même le commandement d’une nouvelle armée d’Italie, en vue de reconquérir dans la péninsule le terrain abandonné en 1799 et d’en chasser les forces autrichiennes. Le 18 juin 1800, la victoire de Marengo ouvre la voie au retour des Français, qui réoccupent le Piémont et le dotent de nouveau d’une administration provisoire française. Par ailleurs, la République cisalpine est rétablie. En septembre 1800, Bonaparte détache du Piémont français le Novarais, entre Sesia et Tessin, et le rattache à la République cisalpine. La victoire de Marengo a entraîné la cessation des hostilités entre la France et l’Autriche. Le 9 février 1801, la paix est rétablie entre ces deux pays par le traité de Lunéville. Ce traité confirme les dispositions de la paix de Campo-Formio ; il ouvre la voie au règlement final de la situation allemande, l’empereur prenant cette fois-ci l’engagement, au nom du Saint Empire, d’abandonner à la France la rive gauche du Rhin, sous réserve d’indemniser les princes héréditaires possesseurs de domaines sur cette rive par des compensations sur rive droite aux dépens des domaines ecclésiastiques et des villes libres. Parmi les clauses qui la concernent directement, l’Autriche : – cède à la France, cette fois-ci de façon officielle, le comté de Falkenstein, sis dans le Palatinat de rive gauche ; – cède à la France, au nom de sa secundogéniture de Brisgau (Modène), et en vue de rétrocession ultérieure à la République helvétique, le Frickthal et les deux villes forestières (sur quatre) de rive gauche du Rhin, Laufenbourg et Rheinfelden ;
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Les États existants – renonce à sa secundogéniture de Toscane, qui sera attribuée à la maison de Bourbon-Parme ; – renonce, au nom de sa secundogéniture de Toscane, suzeraine du prince de Piombino pour ce territoire, aux deux tiers occidentaux de l’île d’Elbe (Porto-Ferraïo), desquels le prince se trouve malgré lui dépossédé, et eux aussi attribués à la maison de Bourbon-Parme. Par une loi du 8 mars 1801, les quatre départements rhénans (Rœr, Rhin-et-Moselle, Mont-Tonnerre, Sarre) sont réputés « partie intégrante du territoire français » et désormais soumis au droit commun. D’autre part, par le traité d’Aranjuez (21 mars 1801), rétablissant la paix entre la France et l’Espagne, il est stipulé que : – le duché de Parme devra être cédé à la France, le duc Ferdinand abdiquant, tandis que son fils Louis ira régner en Toscane, rebaptisée royaume d’Étrurie. Mais le duc refuse d’abdiquer et Bonaparte, sur les instances de l’Espagne, lui laisse son duché à titre viager ; à sa mort, le duché reviendra à la France ; – les deux tiers occidentaux de l’île d’Elbe (Porto-Ferraïo), attribués à la maison de Bourbon-Parme au traité de Lunéville, sont détachés de la Toscane et cédés à la France. Enfin, par le traité de Florence (28 mars 1801), la paix est rétablie entre la France et les Deux-Siciles, officiellement restaurées. Par ce traité, le royaume des Deux-Siciles cède à la France en toute propriété le tiers oriental de l’île d’Elbe (Porto-Longone) et les présides de Toscane ; il abandonne par ailleurs ses droits de suzeraineté sur la principauté de Piombino, que Bonaparte incorpore au nouveau royaume d’Étrurie. L’île d’Elbe est ainsi réunifiée sous souveraineté française et sous administration provisoire. En 1801, la préfecture de la Manche est transférée de Coutances à Saint-Lô. Par ailleurs, Saint-Pol-sur-Ternoise est érigé en chef-lieu d’un nouvel arrondissement créé dans le Pasde-Calais. Bonaparte remodèle l’Europe À la suite de la signature du traité de Lunéville, ouvrant la voie à un règlement final des questions franco-allemandes, sans attendre un accord général, Bonaparte commence à signer des traités séparés avec les princes importants de l’Allemagne moyenne, qu’il entend ménager. Dans ce dessein, pour faire pièce à l’Autriche, il favorise la Prusse et les grands États de l’Allemagne centrale et méridionale ; dans cette politique très traditionnelle, la Bavière doit jouer un rôle essentiel. Le 24 août 1801, la France et la Bavière signent le traité de Paris, dont les stipulations seront confirmées par le recès d’Empire du 25 février 1803. En compensation de très importants territoires qu’elle reçoit et qui sont énoncés dans le traité, la Bavière cède un certain nombre de territoires ; parmi ceux-ci, la Bavière cède à la France ses territoires de rive gauche du Rhin, à savoir : Palatinat de rive gauche, Juliers, Simmern, Veldenz, Lautereck, Lautern, Deux-Ponts, Birkenfeld, Sponheim, Bischwiller, Ribeaupierre, La Petite Pierre. En guerre depuis neuf ans, la France et la Grande-Bretagne signent la paix à Amiens (25 mars 1802). Parmi l’ensemble des clauses du traité, il est stipulé que la France : – renonce à l’île de Malte, annexée en 1798 mais entièrement conquise par les Anglais dès 1800 ; ceux-ci s’engagent à la restituer à l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean ; – renonce aux îles Ioniennes et à leurs quatre points de terre ferme d’Albanie, et reconnaît la république des Sept-Îles Unies, constituée dès mars 1800 sous protection conjointe de la Turquie et de la Russie. En 1802, la préfecture du Nord est transférée de Douai à Lille. Le 20 mai 1802, la France et le Wurtemberg signent le traité de Paris, dont les stipulations seront confirmées par le recès d’Empire du 25 février 1803. En compensation de nombreux territoires qu’il reçoit et qui sont énoncés dans le traité, le Wurtemberg confirme à la France la cession de ses territoires de rive gauche du Rhin opérée par traité du 7 août 1796, à savoir : en Alsace Horbourg et Riquewihr et en Bourgogne Blamont, Clémont, Héricourt, Châtelot, ainsi que la principauté de Montbéliard.
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France D’autre part, par le traité de Paris du 23 mai 1802, la Prusse confirme la cession à la France du duché de Gueldre (Gueldre supérieure), de la principauté de Meurs et de la moitié occidentale (rive gauche du Rhin) du duché de Clèves. En contrepartie, la Prusse est autorisée à annexer divers territoires ecclésiastiques ou urbains sur rive droite du Rhin, énumérés dans le traité. Le 25 mai 1802, Bonaparte donne satisfaction aux habitants du Valais en détachant celui-ci de la République helvétique et en l’érigeant en République valaisanne. En contrepartie, la France cède à la République helvétique le Frickthal, ci-devant brisgovien, et les deux villes forestières de Laufenbourg et de Rheinfelden, tous territoires reçus de l’Autriche en février 1801. Par convention conclue à Paris le 10 juin 1802, la France, qui gouverne de nouveau le Piémont sous administration provisoire, cède à la République ligurienne la « fenêtre » d’Oneille (Oneglia) et l’enclave de Loano, territoires piémontais. En contrepartie, la République ligurienne cède à la France l’île de Capraïa, qui est rattachée à l’administration provisoire de l’île d’Elbe. Par sénatus-consulte du 26 août 1802, l’île d’Elbe est officiellement réunie au territoire de la République française, avec statut spécial couvrant l’île et ses dépendances de Capraïa, de Pianosa et de Monte-Cristo ; un commissaire général y tient lieu de préfet. Au mépris des aspirations de ses habitants, qui souhaitaient une réunion à la République italienne, le 11 septembre 1802, la France annexe officiellement le Piémont. Les six préfectures militaires, qui avaient été créées dès avril 1801, deviennent six nouveaux départements français, à savoir : – Éridan, plus tard Pô : Turin, Pignerol, Suse ; – Marengo : Alexandrie, Bobbio, Casal, Tortone, Voghera ; – Tanaro : Asti, Acqui, Albe ; – Sesia : Verceil, Biella, Santhia ; – Doire : Ivrée, Aoste, Chivasso ; – Stura : Coni, Mondovi, Saluces, Savigliano. La France compte désormais 108 départements. Le 9 octobre 1802, la mort du duc Ferdinand de Parme entraîne l’annexion effective du duché de Parme par la France ; il est doté d’une administration provisoire couvrant Parme, Plaisance et Guastalla, dirigée par un quasi-préfet, Moreau de Saint-Méry. Le fils du duc, le roi Louis Ier d’Étrurie, espérait réunir Parme à son royaume. À titre de compensation, la France cède à l’Étrurie (Toscane) les présides de Toscane. Le recès principal d’Empire du 25 février 1803 remodèle la situation territoriale de l’Allemagne. Il confirme que la France possède désormais tous les territoires allemands sis sur la rive gauche du Rhin, de la frontière helvétique à la frontière batave, en application des traités précédemment signés avec les « grands États » (Prusse, Autriche, Bavière, Wurtemberg) ou des décisions précédemment prises au congrès de Rastadt ; le recès dépossède de leurs domaines les princes héréditaires, ecclésiastiques ou les villes libres de rive gauche, lesdits princes héréditaires étant seuls indemnisés par des compensations sur rive droite du Rhin. Par ailleurs, la nouvelle Confédération helvétique cède à la France la vallée de Dappes, dans le Jura vaudois. En 1803, Dunkerque est substitué à Bergues, en tant que chef-lieu d’arrondissement du département du Nord. La paix d’Amiens, signée en mars 1802 avec la Grande-Bretagne, n’aura été qu’une trêve. Les Anglais sont mécontents des empiétements de la France en Suisse, de l’annexion du Piémont et du renouveau maritime français. Bonaparte reproche de son côté à la GrandeBretagne de ne pas évacuer Malte, comme elle s’y était engagée à Amiens, de faire bon accueil aux émigrés français et de tolérer les critiques incessantes dont il est personnellement l’objet, tant du Parlement que de la presse britannique.
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Les États existants Les hostilités reprennent en mai 1803. En riposte aux mesures navales prises par la Grande-Bretagne, Bonaparte fait aussitôt occuper le Hanovre, dont le roi de Grande-Bretagne est aussi le souverain, et saisir les marchandises anglaises dans les ports du continent qu’il contrôle. Dès juin 1803, il prend des mesures militaires visant aux préparatifs d’un débarquement en Angleterre. En 1804, Bressuire est substitué à Thouars, en tant que chef-lieu d’arrondissement du département des Deux-Sèvres.
2. L’Empire français, arbitre d’une nouvelle Europe (1804-1807) Le 18 mai 1804, par sénatus-consulte, le premier consul Napoléon Bonaparte est décrété Napoléon Ier, empereur des Français. La République française devient l’Empire français. Mis à part le changement de titulature, qui s’assortit de conditions de transmission par hérédité mâle de la nouvelle dignité impériale, les institutions de la France demeurent inchangées. Cependant, le changement intervenu apparaît comme l’étape ultime du processus d’accaparement du pouvoir par Napoléon, qui s’était déjà fait plébisciter consul à vie en 1802. Plus qu’au modèle romain, qui transparaît cependant dans les lettres, les arts et le décorum impérial, Napoléon va se référer au modèle carolingien, l’empereur ayant déjà en perspective de refaçonner l’Europe dans un vaste système d’États gravitant à des degrés divers autour de l’Empire français et, bien sûr, de sa propre personne. Charlemagne, tout à la fois chef de guerre et administrateur hors pair d’un vaste empire à l’échelle de l’Europe, lui paraît un modèle digne de lui. D’ailleurs, l’empereur François II, celui d’un Saint Empire qui vient d’être mis à mal par le recès de 1803, ne s’y trompe pas. Sentant dans cet événement poindre une menace pour l’avenir, dès le 11 août 1804, il s’institue, pour ses propres États héréditaires, empereur François Ier d’Autriche, en vue de mettre lesdits États et sa dignité impériale à l’abri de toute convoitise. Les années 1804 et 1805 se passent dans les préparatifs militaires et navals d’invasion des îles Britanniques et, sur le continent, dans une atmosphère de paix lourde de menaces, la situation diplomatique se dégradant pour la France, du fait des ambitions prêtées par les cours d’Europe au nouvel empereur Napoléon, que l’on répugne à considérer comme un « membre de la famille ». Les craintes que nourrit l’Europe à l’égard de Napoléon paraissent d’ailleurs justifiées par les événements d’Italie : création du royaume d’Italie et absorption par la France de la République ligurienne. D’ascendance corse, et par là génoise, Napoléon a toujours considéré avec intérêt le destin de l’Italie. Créateur des Républiques cispadane et transpadane, réunies ensuite par lui en République cisalpine, capitale Milan, qu’il a accrue de territoires et dont il a défendu les intérêts, il s’est fait nommer en janvier 1802 président de ce pays, dont le nom est devenu République italienne, par une assemblée, la Consulte, réunie à ces fins à Lyon. Devenu empereur des Français en 1804, il entend transformer la République italienne — dont il est président — en État monarchique, d’abord en faveur de son frère Joseph, puis, celuici ayant refusé, à son propre profit. En mars 1805, la République italienne se mue en royaume d’Italie, Napoléon devient roi d’Italie et va en mai en ceindre la couronne de fer à Milan. En juin, il en institue vice-roi son beau-fils Eugène de Beauharnais. D’autre part, gênée dans sa vie économique par le blocus que lui impose la Grande-Bretagne, la République ligurienne se tourne vers la France. Le 6 juin 1805, la France annexe la République ligurienne, qui va former trois nouveaux départements français : – Montenotte : Savone, Acqui, Ceva, Port-Maurice ; – Gênes : Gênes, Bobbio, Novi, Tortone, Voghera ; – Apennins : Chiavari, Bardi, Sarzane. L’extrémité occidentale de l’ancienne République ligurienne (Vintimille et San Remo) en est détachée pour constituer un nouvel arrondissement des Alpes-Maritimes, celui de San Remo, qui se substitue à celui de Monaco (lequel est englobé dans celui de Nice).
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France Par ailleurs, le découpage départemental du Piémont est remanié : le département du Tanaro est supprimé et ses trois arrondissements sont dispersés entre Marengo (arrondissement d’Asti), Stura (arrondissement d’Albe) et Montenotte (arrondissement d’Acqui) ; le département de Marengo cède à celui de Gênes ses arrondissements de Bobbio, Tortone et Voghera. À l’issue des ces remaniements, la situation départementale de l’ensemble Piémont-LigurieNice est désormais la suivante : – Pô : Turin, Pignerol, Suse ; – Marengo : Alexandrie, Asti, Casal ; – Sesia : Verceil, Biella, Santhia ; – Doire : Ivrée, Aoste, Chivasso ; – Stura : Coni, Albe, Mondovi, Saluces, Savigliano ; – Montenotte : Savone, Acqui, Ceva, Port-Maurice ; – Gênes : Gênes, Bobbio, Novi, Tortone, Voghera ; – Apennins : Chiavari, Bardi, Sarzane ; – Alpes-Maritimes : Nice, Puget-Théniers, San Remo. Par la création de trois départements ligures et la suppression de celui du Tanaro, la France compte désormais 110 départements. De plus, le 7 juin 1805, la république de Lucques est érigée en principauté au profit de Félix et Elisa Bacciochi (sœur de Napoléon). L’ancienne principauté de Piombino est détachée d’Étrurie et jointe à Lucques pour former la principauté de Lucques et Piombino. La France vainc l’Autriche En août 1805, Napoléon renonce pour l’heure à envahir l’Angleterre et fait marcher ses troupes sur l’Allemagne, en direction de Vienne. Après une campagne fulgurante, il vainc, le 2 décembre 1805 à Austerlitz, les troupes coalisées d’Autriche et de Russie, et occupe Vienne. À l’automne de 1805, Napoléon avait en vain offert à la Prusse une alliance dont le Hanovre, occupé par la France depuis 1803, aurait été le prix. La Prusse s’est rapprochée de la Russie et envoie à l’empereur d’Autriche un messager, qui parvient à Vienne après la victoire d’Austerlitz et se présente à Napoléon. Fort de sa victoire, Napoléon contraint ce messager à signer, le 15 décembre 1805, le traité de Schœnbrunn, par lequel, en échange de l’acquisition forcée du Hanovre, la Prusse cède à la France la principauté de Neuchâtel, le margraviat d’Anspach (hormis son enclave d’Uffenheim) et le reliquat (de rive droite du Rhin) du duché de Clèves. Le 16 décembre, par convention secrète de Schœnbrunn, la France rétrocède à la Bavière le margraviat d’Anspach (hormis son enclave d’Uffenheim) et, en contrepartie, la Bavière cède à la France le duché de Berg. La France dispose ainsi de pays réservés (Clèves de rive droite, Berg, Neuchâtel), qu’elle pourra à l’avenir annexer ou attribuer à des princes de son choix. Par ailleurs, le 20 décembre 1805, le grand-duché de Bade cède à la France la ville de Kehl et son territoire, tête de pont sur rive droite du Rhin, face à Strasbourg. Enfin, le 26 décembre 1805, par le traité de Presbourg, la paix est rétablie entre la France et l’Autriche. La France n’en retire pas de gain territorial direct, les pertes de l’Autriche étant réparties entre divers États allemands (Bavière, Wurtemberg, Bade) et le royaume d’Italie. En 1806, Sélestat est substitué à Barr, en tant que chef-lieu d’arrondissement du département du Bas-Rhin. Par traité conclu le 12 mars 1806 à Mayence, le prince de Nassau-Usingen cède à la France la ville de Castel, tête de pont sur rive droite du Rhin, face à Mayence. D’autre part, vainqueur de l’Europe, Napoléon la réorganise pour en faire un ensemble politique qu’il puisse régenter. Dans cette perspective, il distribue diverses principautés à ses frères, à ses sœurs et à quelques proches dont il est assuré.
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Les États existants Dès février 1806, son frère Joseph, nouveau roi de Naples, a pris possession de la capitale de son nouveau royaume, dont la partie insulaire (Sicile) lui échappe, les Bourbons-Sicile s’y étant réfugiés sous la protection de la flotte anglaise. Le 15 mars 1806, Napoléon détache de la France les duchés de Clèves (de rive droite du Rhin) et de Berg, acquis en décembre 1805, pour les donner en toute souveraineté à son beau-frère Joachim Murat, qui devient duc de Berg et Clèves et prince du Saint Empire (grand-duc de Berg à partir de juillet 1806). Le 30 mars 1806, Napoléon détache de la France (provenant de l’ancien duché de Parme) le petit duché de Guastalla et l’érige en duché souverain au profit de sa sœur Pauline ; celle-ci, qui n’a pas l’obligation d’y résider, le revendra en juillet 1806 à son frère Napoléon, en tant que roi d’Italie. Le 1er avril 1806, Napoléon détache de la France la principauté de Neuchâtel, acquise en décembre 1805, et la donne en apanage à l’un de ses proches, le maréchal Berthier, à titre de principauté souveraine. Le 24 mai 1806, Napoléon transforme la République batave en royaume de Hollande, au profit de son frère Louis, qui en devient le souverain. Le pape refusait de reconnaître Joseph Bonaparte comme roi de Naples. Napoléon riposte en juin 1806 en détachant des États pontificaux les deux enclaves — au sein du royaume de Naples — de Bénévent et de Ponte-Corvo, qu’il fait entrer dans la sphère française en les apanageant à Talleyrand (prince de Bénévent) et à Bernadotte (prince de Ponte-Corvo), à titre de principautés souveraines. Dans la même perspective de réorganisation de l’Europe, en juillet 1806, Napoléon crée la Confédération du Rhin, groupement politique de 16 souverains — leur nombre atteindra 39 en 1808 — de l’Allemagne moyenne, ainsi détachés des influences autrichienne ou prussienne et soumis à l’empereur des Français, qui s’institue protecteur de la Confédération. La France vainc la Prusse Le 8 octobre 1806, les hostilités sont rouvertes entre la Prusse et la France. Le 14, les Prussiens sont écrasés à Iéna et à Auerstædt. Le prince d’Orange-Nassau avait pris le parti de la Prusse. Sans attendre le règlement du conflit, par décret du 23 octobre 1806, Napoléon confisque les dernières possessions de ce prince (Dortmund, Corvey, Fulde) et se les attribue personnellement à titre de pays réservés. La Prusse ayant été vaincue, son souverain et ses armées refluent en Prusse orientale, tandis que Napoléon entre à Berlin. Mais la lutte avec la Russie se poursuit. Celle-ci ayant à son tour été vaincue à Eylau (8 février 1807) et à Friedland (14 juin), Napoléon impose la paix à la Russie et à la Prusse en juillet 1807, lors de l’entrevue de Tilsitt. Les traités vont consacrer une forte amputation de la Prusse, la disparition de la Hesse électorale, du duché de Brunswick et des possessions de la maison d’Orange-Nassau, ainsi que l’émergence de deux nouveaux États, le royaume de Westphalie et le grand-duché de Varsovie. Par le traité du 7 juillet 1807 conclu avec la Russie, Napoléon se montre très modéré envers cette dernière, cherchant à se faire un allié du tsar Alexandre Ier. Par ce traité, la Russie : – remet à la France, en vue d’attribution à la Hollande, la seigneurie de Jever, attenante à l’Ostfrise prussienne qui sera cédée deux jours plus tard aux mêmes fins ; – cède à Napoléon les îles Ioniennes et leurs quatre points de terre ferme d’Albanie, que Napoléon réoccupe et dote d’une administration provisoire, à titre de pays réservé. Par ailleurs, la Russie s’engage à évacuer les bouches de Cattaro, qui seront pleinement intégrées au royaume d’Italie. En revanche, par le traité du 9 juillet 1807 conclu avec la Prusse, Napoléon se montre très dur et prive ce pays de la moitié de son territoire, à savoir ses domaines situés sur rive gauche de l’Elbe. Outre les territoires cédés à la Russie (cercle de Bialystock), au nouveau grand-duché de Varsovie (Nouvelle Prusse orientale, Prusse méridionale, moitié du district de la Netze, Nouvelle Silésie, territoires de Thorn et de Culm), au futur royaume de Westphalie (Vieille
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France Marche, moitié du duché de Magdebourg, Mansfeld, Hohenstein, Hallenstadt, Minden, Ravensberg, Hildesheim, Padenborn, Herford, Quedlinbourg, Eichsfeld, Goslar, Nordhausen, Mulhausen, Grubenhagen), à la nouvelle ville libre de Dantzig, la Prusse cède à l’empereur Napoléon, qui se les attribue à titre de pays réservés : – le cercle de Cottbus ; – la principauté d’Osnabruck, avec son enclave de Wiedenbruck, acquise en 1805 du Hanovre ; – la principauté d’Ostfrise ; – les comtés de Lingen et de Tecklimbourg, le comté de la Marck, avec la cosouveraineté sur Lippstadt (partagée avec la Lippe-Detmold) ; – la principauté de Munster et la prévôté de Cappenberg, médiatisées en 1803 ; – les duchés de Lunebourg et de Brême, les comtés de Hoya et de Diepholz, la principauté de Verden et la part septentrionale (Hanovre) du duché de Calenberg, acquis en 1805 du Hanovre ; – le margraviat de Bayreuth, avec son enclave de Caulsdorf en Thuringe ; – le duché de Lauenbourg, acquis en 1805 du Hanovre ; – le bailliage d’Erfurt et ses trois enclaves (Blankenheim, Bas-Cranishfeld, Mulheim), médiatisés en 1803. D’autre part, outre les derniers domaines du prince d’Orange-Nassau annexés dès octobre 1806, les traités de Tilsitt abandonnent à Napoléon le sort des domaines de l’électeur de Hesse (Hesse-Cassel) et du duc de Brunswick, dépossédés de leurs biens. Le 22 juillet 1807, par convention signée entre la Saxe et la France, Napoléon cède à la Saxe le cercle de Cottbus. En contrepartie, la Saxe cède à Napoléon, à titre de pays réservés, le comté de Barby, les bailliages de Gamern et de Sangershausen et une partie du Manfeld saxon. Par le décret des Tuileries du 18 août 1807, Napoléon crée le royaume de Westphalie ; sa composition est fixée par le décret du 1er septembre 1807. Ce nouvel État se compose des territoires prussiens stipulés par le traité de Tilsitt (voir ci-dessus), de la quasi-totalité des domaines du duc de Brunswick, de la majeure partie de l’électorat de Hesse-Cassel (Hersfeld, Basse-Hesse, Ziegenhain, Haute-Hesse, Schaumbourg, fragments hessois du Hoya et du Diepholz), du bailliage de Volksmarken cédé par la Hesse-Darmstadt et de la médiatisation des comtés de Rietberg et de Stolberg. Napoléon lui rétrocède aussitôt les pays réservés suivants : le comté de Barby, les bailliages de Gamern et de Sangershausen et la partie du Manfeld saxon, cédés par la Saxe en juillet. Par ailleurs, à la même époque, Napoléon s’attribue personnellement, à titre de pays réservés : – le bailliage de Thedingshausen, provenant de Brunswick, et rattaché au pays réservé de Hanovre ; – le comté de Hanau (hormis quelques bailliages), la seigneurie de Schmalcalde et le comté du Bas-Catzenellenbogen, provenant de la Hesse-Cassel. Par le traité de Fontainebleau du 11 novembre 1807, le royaume de Hollande cède à la France la ville de Flessingue (Zélande). En contrepartie, Napoléon rétrocède à la Hollande la principauté d’Ostfrise, acquise sur la Prusse à Tilsitt, la seigneurie de Jever, acquise sur la Russie à Tilsitt, et y ajoute la seigneurie de Kniphausen, enclavée dans Jever, dont est dépouillé son souverain, le comte de Bentinck. Le 15 novembre 1807 est proclamée la Constitution du nouveau royaume de Westphalie. En cette circonstance, Napoléon cède à la Westphalie les pays réservés suivants : – la principauté d’Osnabruck, avec son enclave de Wiedenbruck, provenant du Hanovre prussien ; – la principauté de Corvey, confisquée au prince d’Orange-Nassau ; – la seigneurie de Schmalcalde, provenant de la Hesse-Cassel.
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Les États existants 3. L’apogée de l’Empire français (1808-1811) Par le traité de Paris du 21 janvier 1808, passé entre la France et le grand-duché de Berg, Berg cède à la France la ville et forteresse de Wesel, avec un rayon de 3 km autour de l’enceinte. En contrepartie, Napoléon cède au grand-duché de Berg les pays réservés suivants : – les comtés de Lingen et de Tecklembourg, le comté de la Marck avec la cosouveraineté sur Lippstadt, la principauté de Munster avec la prévôté de Cappenberg, cédés par la Prusse en 1807 ; – la ville de Dortmund, confisquée au prince d’Orange-Nassau en 1806. Napoléon y ajoute les comtés de Limbourg et de Rhéda, médiatisés. Le même jour, par sénatus-consulte du 21 janvier, Napoléon incorpore au régime commun de l’Empire français les quatre villes de rive droite du Rhin ou de l’Escaut, acquises récemment par la France : – Kehl, acquise en décembre 1805, rattachée au département du Bas-Rhin, arrondissement de Strasbourg ; – Castel, acquise en mars 1806, rattachée au département du Mont-Tonnerre, arrondissement de Mayence ; – Wesel, acquise le jour même, rattachée au département de la Rœr, arrondissement de Clèves ; – Flessingue, acquise en novembre 1807, rattachée au département de l’Escaut, arrondissement d’Eecloo. Pour la première fois, quoique encore timidement, la France prend pied au-delà de la frontière du Rhin, naguère hautement affirmée comme devant la satisfaire. À l’issue de ces remaniements, Napoléon conserve, à titre de pays réservés, les territoires suivants : – le pays réservé de Hanovre, à savoir les duchés de Lunebourg, de Lauenbourg et de Brême, les comtés de Hoya et de Diepholz, la principauté de Verden, la part septentrionale (Hanovre) du duché de Calenberg, pris à la Prusse, ainsi que le bailliage de Thedingshausen, pris au Brunswick ; – le bailliage d’Erfurt et ses dépendances, pris à la Prusse ; – le margraviat de Bayreuth, et son enclave de Caulsdorf en Thuringe, pris à la Prusse ; – le comté de Hanau et celui du Bas-Catzenellenbogen, pris à la Hesse-Cassel ; – la principauté de Fulde, prise à Orange-Nassau ; – les îles Ioniennes et leurs quatre points de terre ferme d’Albanie, pris à la Russie. L’Étrurie (Toscane) s’était montrée inamicale à l’égard de Napoléon en accueillant à Florence les « jacobins » d’Italie — les républicains hostiles à l’évolution monarchique des États de la péninsule — et à Livourne les marchandises anglaises. En conséquence, dès novembre 1807, la reine Marie-Louise et son fils Louis II ont été chassés d’Étrurie, dotée d’un gouvernement provisoire. Par sénatus-consulte du 24 mai 1808, confirmé par décret impérial du 30 mai, l’Étrurie est annexée à la France, dont elle va constituer trois nouveaux départements : – Arno : Florence, Arezzo, Modigliana, Pistoia ; – Méditerranée : Livourne, Volterra, Pise ; – Ombrone : Sienne, Grosseto, Montepulciano. Les enclaves toscanes de la Lunigiane (Pontremoli, Fivizzano) et de Pietrasanta sont agrégées au département des Apennins, y formant un nouvel arrondissement, celui de Pontremoli. Le même jour, la France incorpore le duché de Parme et Plaisance au régime commun de l’Empire ; ce duché devient un département français : – Taro : Parme, Borgo San Donnino, Plaisance. La France compte désormais 114 départements.
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France L’accroissement de l’Empire français s’accompagne d’interventions de plus en plus pressantes de Napoléon dans les affaires européennes. En avril 1808, il détache unilatéralement les Marches pontificales (légation d’Urbin, marche d’Ancône) des États de l’Église pour les annexer à son royaume d’Italie. En mai 1808, il convoque à Bayonne le roi Charles IV d’Espagne et son fils Ferdinand, qui se disputent le trône, les contraint à abdiquer et nomme en juin son frère Joseph roi d’Espagne, lequel sera remplacé à Naples par Joachim Murat. Par la convention du 8 septembre 1808, la Prusse cède à la France la citadelle de Magdebourg, omise en 1807 car située sur rive droite du bras principal (thalweg) de l’Elbe. Napoléon place la citadelle sous double souveraineté franco-westphalienne. Le 21 novembre 1808, pour satisfaire la bourgeoisie protestante de Montauban, est créé un nouveau département français : – Tarn-et-Garonne : Montauban, Castelsarrasin, Moissac, par prélèvement de parties des départements du Lot (arrondissement de Montauban), du Lot-et-Garonne, de l’Aveyron, du Gers et de la Haute-Garonne. La France compte désormais 115 départements. Pour complaire à sa sœur Elisa, qui se plaignait de l’étroitesse de sa souveraineté lucquoise, le 2 mars 1809, Napoléon la nomme grande-duchesse de Toscane, dotée d’un pouvoir de surveillance limité — et subordonné à Paris — sur les trois départements toscans. Ceux-ci continuent malgré tout à faire juridiquement partie de l’Empire français. Par décret du 7 avril 1809, l’île d’Elbe, avec ses dépendances, est soumise au régime commun de l’Empire, et rattachée au département français de la Méditerranée, dont elle formera un nouvel arrondissement. Les relations entre la France et le Saint-Siège étaient mauvaises, l’empereur exigeant que le pape se rangeât à ses côtés, le pape protestant vainement contre les empiétements incessants faits aux dépens de sa souveraineté. Pour mettre un terme à cette situation, par le décret de Schœnbrunn du 17 mai 1809, Napoléon décrète l’annexion à la France du reliquat des États de l’Église, à savoir Rome, le Latium et l’Ombrie — les Légations, la Romagne et les Marches, détachées antérieurement, faisant déjà à cette date partie du royaume d’Italie. La France vainc une nouvelle fois l’Autriche Cherchant à profiter des embarras de la France en Espagne, l’Autriche avait rouvert les hostilités au début de 1809. À la suite de sa victoire de Wagram, Napoléon impose à l’Autriche, par le traité de Schœnbrunn (ou de Vienne) du 14 octobre 1809, des conditions de paix désastreuses pour celle-ci. En sus de la Galicie occidentale cédée au grand-duché de Varsovie, l’Autriche cède à la France : – à titre de pays réservés, en vue de rétrocession ultérieure à la Bavière, le Quartier de l’Inn (Innviertel), la moitié occidentale de l’Hausruckviertel et le duché de Salzbourg (Salzbourg, Berchtesgaden, Windisch Matrei) ; – le reliquat (de rive gauche de l’Isonzo) du comté de Goritz et de Gradisca, le comté de Monfalcone, Trieste, le margraviat d’Istrie, la Carniole, la moitié occidentale de la Carinthie (cercle de Villach) et la part de rive droite de Save du royaume de Croatie. Par décret du même jour (14 octobre), Napoléon détache de son royaume d’Italie la part de rive droite de l’Isonzo du comté de Goritz et de Gradisca, l’Istrie italienne, la Dalmatie, Raguse et Cattaro, et les rattache à l’Empire français. Le deuxième sous-ensemble cédé par l’Autriche et l’ensemble détaché du royaume d’Italie vont constituer les Provinces Illyriennes de l’Empire français, capitale Laybach, dotées d’un gouvernement provisoire. Par décret du 25 décembre 1809, les Provinces Illyriennes, placées sous l’autorité d’un gouverneur général (Marmont) résidant à Laybach, sont provisoirement réparties en neuf intendances civiles (subdivisées en districts), équivalentes aux départements du reste de l’Empire :
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Les États existants Goritz, Villach, Laybach, Trieste, Fiume, Carlstadt, Zara, Spalato, Raguse. S’y ajoute l’intendance militaire de Croatie, couvrant la partie des Confins militaires annexée par la France, où les Français maintiennent le système particulier d’administration militaire. La France compte désormais 115 départements et 10 intendances. Par le traité de Paris du 14 janvier 1810, Napoléon cède à la Westphalie la souveraineté exclusive sur la citadelle de Magdebourg et l’ensemble du pays réservé de Hanovre, sous réserve d’en retrancher un territoire de 15 000 âmes à désigner ultérieurement. Lors de la remise effective du Hanovre, Napoléon garde finalement, à titre de pays réservé, le duché de Lauenbourg (33 000 âmes) avec son enclave de Neuhaus située en amont sur rive droite de l’Elbe. Dans la perspective de parfaire sa domination en Allemagne, Napoléon décide la création en son centre d’un troisième État calqué sur le modèle français, après Berg et la Westphalie. Par le traité de Paris du 16 février 1810, conclu entre l’empereur et le prince-primat Dalberg, l’archevêché de Mayence est sécularisé et érigé en grand-duché de Francfort, au profit du prince-primat. Le nouveau grand-duché de Francfort cède à Napoléon la principauté de Ratisbonne ; en contrepartie, Napoléon cède au grand-duché de Francfort les pays réservés de Hanau, hormis quelques bailliages enclavés (Bobenhausen, Dorheim, Henckelsheim, Munzenberg, Ortenberg et Rodheim), et de Fulde, hormis les bailliages enclavés de Herbstein et de Michelau. Par ailleurs, par sénatus-consulte du 17 février 1810, les États de l’Église annexés à la France en mai 1809 sont divisés en deux départements français : – Rome ou Tibre : Rome, Frosinone, Rieti, Tivoli, Velletri, Viterbe ; – Trasimène : Spolète, Foligno, Pérouse, Todi. Rome est proclamée deuxième ville de l’Empire, le prince héritier portera le titre de roi de Rome et il est envisagé que l’archichancelier Cambacérès y tienne une cour officielle. La France compte désormais 117 départements et 10 intendances. Par ailleurs, par le traité de Paris du 28 février 1810, signé entre la France et la Bavière, celle-ci se voit favorisée d’un dernier accroissement. Napoléon cède à la Bavière : – la principauté de Ratisbonne, reçue le 16 février du grand-duché de Francfort ; – le margraviat de Bayreuth, avec son enclave de Caulsdorf en Thuringe, pays réservé acquis sur la Prusse en juillet 1807 ; – le duché de Salzbourg, avec Berchtesgaden (mais sans Windisch Matrei conservé par la France), l’Innviertel et la moitié de l’Hausruckviertel, pays réservés acquis sur l’Autriche en octobre 1809. En contrepartie, outre des cessions faites ou à faire au royaume d’Italie, au grand-duché de Wurtzbourg ou au Wurtemberg, la Bavière cède à la France le Tyrol oriental (Pusterthal) à l’est du seuil de Toblach. Ce petit territoire, réuni à celui de Windisch Matrei, est rattaché à l’intendance de Villach des Provinces Illyriennes françaises. Désireux d’accentuer le blocus édifié contre l’Angleterre, et sous prétexte « qu’il est de principe constitutionnel en France que le thalweg du Rhin est la limite de l’Empire français », par le traité de Paris du 16 mars 1810, Napoléon impose à son frère Louis de Hollande le recul au Waal de la frontière de son royaume. De ce fait, la Hollande cède à la France la Zélande entière, le Brabant hollandais et la Gueldre de rive gauche du Waal. Le 24 avril 1810, la Zélande et le Brabant ex-hollandais de rive gauche de la Dogne forment deux nouveaux arrondissements (Middelbourg, Bréda) du département français des Deux-Nèthes, tandis que le Brabant ex-hollandais de rive droite de la Dogne et la Gueldre de rive gauche du Waal constituent un nouveau département français : – Bouches-du-Rhin : Bois-le-Duc, Eindhoven, Nimègue. La France compte désormais 118 départements et 10 intendances.
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France Par le traité de Paris du 8 mai 1810, Napoléon cède au grand-duché de Wurtzbourg l’ancien bailliage fuldois (enclavé) de Michelau. Par le traité de Paris du 11 mai 1810, Napoléon cède à la Hesse-Darmstadt les anciens bailliages enclavés (Bobenhausen, Dorheim, Henckelsheim, Munzenberg, Ortenberg et Rodheim) de l’ancien pays réservé de Hanau et l’ancien bailliage fuldois (enclavé) de Herbstein. Par ailleurs, le 15 mai 1810, la Zélande est redétachée du département des Deux-Nèthes, pour former un nouveau département français : – Bouches-de-l’Escaut : Middelbourg, Goes, Zierikzee. La France compte désormais 119 départements et 10 intendances. Le 1er juillet 1810, le chef-lieu du département de la Charente-Inférieure est transféré de Saintes à La Rochelle. Ultimes accroissements de la France D’autre part, le roi Louis de Hollande s’étant enfui, par le décret de Rambouillet du 9 juillet 1810, Napoléon annexe à la France le reste du royaume de Hollande, et dote celui-ci d’un gouvernement provisoire. L’architrésorier Lebrun est envoyé à Amsterdam à titre permanent, comme lieutenant général de l’Empereur. Amsterdam est proclamée troisième ville de l’Empire. Napoléon désirait disposer d’un contrôle absolu sur la route du Simplon, reliant ses deux capitales de Paris et de Milan, et dont la construction avait été financée par la France. Par le décret de Fontainebleau du 12 novembre 1810, la France annexe la République valaisanne, qui devient un nouveau département français : – Simplon : Sion, Brigue, Saint-Maurice. La France compte désormais 120 départements et 10 intendances. Par décret du 13 décembre 1810, la Hollande annexée en juillet est divisée en sept nouveaux départements : – Bouches-de-la-Meuse : La Haye, Brielle, Dordrecht, Leyde, Rotterdam ; – Zuiderzee : Amsterdam, Alkmar, Ameersfort, Haarlem, Hoorn, Utrecht ; – Yssel-Supérieur : Arnhem, Tiel, Zutphen ; – Bouches-de-l’Yssel : Zwolle, Almelo, Deventer ; – Frise : Leeuwarden, Sneeke, Heerenween ; – Ems-Occidental : Groningue, Appingedam, Assen, Winschoten ; – Ems-Oriental : Aurich, Emden, Jever. Par ailleurs, pour accentuer encore le blocus contre l’Angleterre, par sénatus-consulte du 13 décembre 1810, la France annexe les pays allemands situés au nord-ouest d’une ligne Wesel-Lunebourg ; cette annexion comporte : – l’incorporation totale des principautés de Salm-Salm et de Salm-Kyrbourg, ainsi que des villes libres hanséatiques de Brême, Hambourg et Lubeck ; – l’incorporation du duché d’Oldenbourg, hormis Eutin et une partie de Ratekau ; – l’incorporation du duché d’Arenberg, hormis le comté de Recklingshausen situé sur rive gauche de la Lippe ; – l’amputation du grand-duché de Berg de la totalité de son département de l’Ems et de la partie de celui du Rhin située au nord (rive droite) de la Lippe ; – l’amputation du royaume de Westphalie du duché de Brême et de la principauté de Verden, du cinquième (nord-ouest) du duché de Lunebourg, des comtés de Hoya et de Diepholz, de la principauté d’Osnabruck, du comté de Ravensberg et de la majeure partie (rive gauche du Weser) de la principauté de Minden ; cela représente la totalité du département westphalien du Nord, la quasi-totalité de celui du Weser et le tiers (nordouest) de celui de Basse-Elbe ; – l’incorporation à l’Empire du pays réservé de Lauenbourg, avec son enclave de Neuhaus, située en amont sur rive droite de l’Elbe.
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Les États existants L’ensemble de ces pays allemands annexés est réparti en trois nouveaux départements français : – Ems-Supérieur : Osnabruck, Munster, Steinfurt, Lingen, Minden ; – Bouches-du-Weser : Brême, Bremelehe, Nienbourg, Oldenbourg ; – Bouches-de-l’Elbe : Hambourg, Lubeck, Lunebourg, Stade. La France compte désormais 130 départements et 10 intendances. En avril 1811, un nouveau département français, celui de la Lippe, est créé par division du département de l’Ems-Supérieur. Les deux départements sont ainsi répartis : – Lippe : Munster, Neuenhaus, Rees, Steinfurt ; – Ems-Supérieur : Osnabruck, Lingen, Minden, Quackenbruck. Par ailleurs, le 4 avril 1811, les deux départements corses sont fusionnés en un seul département : – Corse : Ajaccio, Bastia, Calvi, Corte, Sartène. Enfin, par décret du 15 avril 1811, le nombre d’intendances civiles des Provinces Illyriennes est ramené de neuf à six : – Carinthie : Villach, Lienz ; – Carniole : Laybach, Adelsberg, Neustadt ; – Istrie : Trieste, Goritz, Capodistria, Rovigno ; – Croatie civile : Carlstadt, Fiume, Segni ; – Dalmatie : Zara, Sebenico, Spalato, Lesina, Makarska ; – Raguse-et-Cattaro : Raguse, Cattaro, Curzola. S’y ajoute toujours l’intendance de Croatie militaire, inchangée. En 1811, en Vendée, La Roche-sur-Yon devient préfecture en remplacement de Fontenayle-Comte ; l’arrondissement de Montaigu est supprimé. La France compte désormais 130 départements et 7 intendances. Si l’on en excepte les départements de Catalogne, qui, administrés par la France, n’y seront jamais de jure rattachés (voir ci-dessous), elle vient d’atteindre son apogée : de Lubeck à Hendaye et de Brest à Rome, elle couvre de l’ordre de 800 000 km2 et compte quelque 44 millions d’habitants.
4. Déclin et chute de l’Empire français (1811-1814) L’année 1811, qui voit la naissance du petit roi de Rome, fils de Napoléon et de MarieLouise, archiduchesse qui scelle la nouvelle alliance (de circonstance) entre la France et l’Autriche, paraît à l’empereur riche de lendemains radieux, en dépit des difficultés auxquelles la France doit faire face : persistance de l’état d’insurrection en Espagne, qui mobilise des corps de troupes français ; relâchement progressif de l’alliance avec le tsar, qui se sent dupé par le retournement diplomatique français. À ce moment, l’Empire français, qui vient d’être le théâtre d’une très grande expansion territoriale pour consolider le blocus continental auquel est soumise la Grande-Bretagne, est considéré comme devant constituer un ensemble homogène, doté d’une administration uniforme. Au modèle carolingien, constitué d’États rattachés à l’empereur par des liens d’une vassalité sans failles, on préfère désormais substituer le modèle romain, qui administre directement les provinces par le moyen d’un corps de fonctionnaires dévoués et compétents. Pour favoriser l’action militaire en cours en Espagne, par décret du 26 janvier 1812, sans être annexée à la France, la Catalogne est détachée de l’Espagne et pourvue d’une administration française assortie d’une division en quatre départements : Monserrat (Barcelone), Bouches-de-l’Èbre (Lérida), Ter (Gérone), Sègre (Puycerda). Le val d’Aran est annexé par la France. En 1812, un nouvel arrondissement, celui de Cherbourg, est créé dans le département de la Manche ; de même, un nouvel arrondissement, celui de Rambouillet, est créé dans le département de Seine-et-Oise.
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France L’année 1812 voit le destin de l’Empire basculer, avec le déclenchement de la campagne de Russie, qui se révélera être un échec. Elle va porter un coup fatal aux forces militaires du pays et au prestige de l’empereur ; de plus, elle va inciter à terme ses alliés, même les plus fidèles, à l’abandonner. Le 7 mars 1813, les départements catalans des Bouches-de-l’Èbre et de Monserrat sont fusionnés, de même que ceux du Ter et du Sègre. L’année 1813 est celle du grand recul : reflux des débris de la Grande Armée, défection des alliés, amenuisement et disparition de la Confédération du Rhin, reprise des hostilités par l’Autriche après le congrès de Prague (août), défaite de Napoléon face aux coalisés à Leipzig (octobre), reflux des autorités civiles françaises des postes qu’elles occupaient en Allemagne, en Hollande, en Italie, dans les Provinces Illyriennes, etc. Au début de décembre, vingt années d’expansion viennent d’être effacées. Par le traité de Valençay du 11 décembre 1813, le roi Ferdinand VII est rétabli sur le trône d’Espagne, abandonné par Joseph. Le régime français de Catalogne est aboli, et le val d’Aran est rendu à l’Espagne. Le printemps de 1814, après l’invasion de la France par les armées des coalisés, voit la défaite finale des armées françaises et, le 6 avril, l’abdication de l’empereur. Il part en exil à l’île d’Elbe, qui lui a été réservée à titre de principauté souveraine, et le roi Louis XVIII rentre à Paris occuper le trône de ses ancêtres.
5. Les Cent-Jours et les deux Restaurations (1814-1815) L’une des premières tâches qui incombe au nouveau roi est de redonner, en accord avec les vainqueurs de Napoléon, un cadre territorial au royaume de France qui vient d’être restauré. La Révolution française et son avatar napoléonien devant être abolis, il convient de revenir à la situation de 1789 mais, pour asseoir le retour des Bourbons, les alliés adoptent le principe d’un accroissement de territoire couvrant environ 1 million d’habitants, à prendre sur les enclaves, et le complément sur la Savoie. Le (premier) traité de Paris est signé le 30 mai 1814 entre la France et ses vainqueurs (Autriche, Grande-Bretagne, Prusse, Russie). La France y est donc en fin de compte ramenée à ses limites du 1er janvier 1792, assorties des modifications suivantes : – dans le département de Jemmapes, les cantons de Dour, Merbes-le-Château, Beaumont et Chimay sont conservés, et rattachés au département du Nord ; – dans le département de Sambre-et-Meuse, les cantons de Valcourt, Florennes, Beauraing et Gédinne sont conservés, et rattachés au département des Ardennes ; – dans le département de la Sarre, les cantons de Sarrebruck, d’Arneval, ainsi qu’une partie de celui de Lebach, sont conservés, et rattachés au département de la Moselle ; – dans les départements du Bas-Rhin et du Mont-Tonnerre, quelques communes sont conservées (celles annexées en février 1793) pour relier Landau au reste de la France ; les cantons de Wissembourg et de Bergzabern sont conservés ; par ailleurs, Kehl est restitué au grand-duché de Bade ; – le département du Haut-Rhin revient à ses limites extérieures de 1792 ; le territoire de l’ancienne principauté de Montbéliard est conservé, mais est rattaché au département du Doubs, où Montbéliard devient chef-lieu d’arrondissement en remplacement de SaintHippolyte ; le territoire de l’ancien évêché de Bâle (Porrentruy, Delémont, Bienne) est cédé à la Suisse ; – dans le département du Doubs, un léger gain de territoire est accordé à la France ; – dans le département du Léman, le canton de Frangy et une partie de ceux de SaintJulien, de Reigner et de La Roche sont conservés par la France ; – dans le département du Mont-Blanc, les arrondissements d’Annecy (hormis une partie du canton de Faverges) et de Chambéry (hormis les cantons de L’Hôpital, SaintPierre-d’Albigny, La Rochette et Montmélian) sont conservés par la France ; – les anciennes enclaves étrangères de Créhange, Sarrewerden, Philippsbourg, Salm, Mulhouse, Avignon, Comtat Venaissin, de même que la principauté de Montbéliard, sont conservées par la France.
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Les États existants Les territoires abandonnés par la France en Belgique, Hollande, Allemagne, au Jura, Valais, en Savoie, à Nice, au Piémont, en Italie, Illyrie, dans les îles Ioniennes sont remis à l’arbitrage des vainqueurs. Par clauses secrètes, il est précisé que la Hollande, placée sous le sceptre de la maison d’Orange-Nassau, recevra la Belgique, que l’Allemagne servira à restaurer les anciens possesseurs ou à indemniser les grands États, que la Suisse recevra les pays helvétiques, que la Sardaigne recouvrera la partie de Savoie cédée, Nice, le Piémont, l’ancienne république de Gênes, etc. Un congrès des puissances se réunit à Vienne (septembre 1814-juin 1815) pour redéfinir de façon plus générale la liste et les frontières des États de la future Europe. Alors que les négociations s’éternisent, le retour de Napoléon de l’île d’Elbe, qui s’empare de nouveau du pouvoir (épisode des Cent-Jours, mars-juin 1815) jusqu’aux lendemains de la défaite de Waterloo (18 juin), vient hâter la conclusion des travaux du congrès, lequel décide de traiter plus durement la France, qui a trop bien accueilli l’« Usurpateur » ; cette fois-ci, Napoléon est déchu de ses titres et exilé dans l’île britannique de Sainte-Hélène. À la suite de cet épisode, le roi rentre une seconde fois à Paris ; après de nouveaux pourparlers sont signés le 19 novembre 1815 un traité entre la France et la Sardaigne, et le 20 novembre 1815 le (second) traité de Paris, entre la France, l’Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie, lesquels traités aggravent les conditions territoriales faites à la France. Par le traité du 19 novembre 1815, la France cède à la Sardaigne : – la partie de la Savoie conservée par elle en mai 1814 ; – la suzeraineté sur la principauté de Monaco. Par le traité du du 20 novembre 1815, la France cède : – aux nouveaux Pays-Bas Unis les enclaves de Philippeville et de Mariembourg, françaises avant 1792, et les cantons du Hainaut et de Namur laissés à la France en 1814 ; la France renonce à tout droit de suzeraineté sur le duché de Bouillon ; – à la Prusse la moyenne vallée de la Sarre (Sarrebruck, Sarrelouis) ; – à l’Autriche le territoire français situé sur rive gauche de la Lauter (Landau, Bergzabern) ; – à la Suisse, qui les attribue au canton de Genève, les communes de Versoix, de Prégny et du Grand-Saconnex, permettant un lien terrestre entre Genève et le reste de la Suisse. Le pays de Gex est érigé en zone franche économique pour faciliter l’accès de ses produits agricoles au marché genevois ; il est rattaché administrativement au département de l’Ain, dont Gex devient chef-lieu d’arrondissement. La France est ainsi ramenée à une superficie d’environ 537 000 km2, pour une population de 30 millions d’habitants. Son système de division en départements, institué en 1790, n’est pas remis en cause. Elle ne compte plus désormais que 86 départements : les 83 de 1790, plus 1 département pour le dédoublement du Rhône-et-Loire, plus 2 départements créés après 1790 (Vaucluse, Tarn-et-Garonne).
V. La France du XIXe siècle (1815-1914) 1. La France monarchique (1815-1870) Après la démesure d’ordre territorial qui vient de caractériser le pays pendant une dizaine d’années, la Restauration ramène les esprits à une vision plus traditionnelle du paysage national. La France apparaît désormais comme une nation presque achevée, aux contours (l’Hexagone) et aux caractéristiques géographiques dont on commence à louer les mérites. Le lent travail d’agrégation de territoires, mené avec constance par les rois pendant huit siècles, vient d’être complété par l’absorption des enclaves, que seul un respect scrupuleux des droits patrimoniaux historiquement fondés empêchait jusqu’ici de réduire. Toute velléité nouvelle d’expansion se heurterait d’ailleurs à l’opposition des autres puissances, la Belgique ayant été donnée au souverain des Pays-Bas pour la soustraire aux visées de la France, les pays romands de Suisse étant eux-mêmes désormais fermement incorporés
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France dans la nouvelle Confédération. Seuls la Savoie et le comté de Nice, qui furent français pendant plus de vingt ans, Philippeville, Mariembourg, Bouillon, Sarrelouis, depuis encore plus longtemps, paraissent pouvoir encore représenter quelque espoir de retour. Les régimes passent (Restauration, monarchie de Juillet, IIe République, Second Empire), le territoire de la France métropolitaine, jusqu’en 1860, demeure inchangé. En revanche, le paysage change, à mesure que se développent les signes tangibles de la véritable révolution industrielle qui s’y produit, particulièrement à partir des années 1840. Commence ainsi à émerger l’idée que la France peut s’enrichir par d’autres voies que la conquête de nouvelles provinces. En 1816, Arles est substitué à Tarascon, en tant que chef-lieu d’arrondissement des Bouches-du-Rhône. En 1824, un nouvel arrondissement, celui de Valenciennes, est créé dans le département du Nord. En 1855, Saint-Étienne est substitué à Montbrison, en tant que chef-lieu du département de la Loire. En 1857, Mulhouse est substitué à Altkirch, en tant que chef-lieu d’arrondissement du département du Haut-Rhin ; Cholet est substitué à Beaupréau, en tant que chef-lieu d’arrondissement du département de Maine-et-Loire. L’empereur Napoléon III, dès l’affermissement de son pouvoir personnel, entend mener une politique extérieure plus active que celle des rois qui l’ont précédé, d’autant que la France s’est redressée depuis 1815 et que les régimes conservateurs de l’Europe viennent d’être sérieusement ébranlés par les révolutions de 1848. À l’instar de son oncle Napoléon Ier, il porte une sollicitude particulière à l’égard de l’Italie, berceau de ses ancêtres. De plus, durant ses années d’exil, il a été un temps carbonaro — membre d’une société secrète italienne, la Charbonnerie, d’inspiration libérale, qui se donnait pour but de renverser l’ordre existant, c’est-à-dire la domination directe ou indirecte des Habsbourg sur les États de la péninsule (excepté la Sardaigne), et d’œuvrer pour son unité politique. Devenu empereur des Français, il apporte son soutien à l’action diplomatique, puis militaire, entreprise par le roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel, et son ministre Cavour pour réaliser l’unité italienne autour de l’État sarde. La France entre en 1859 dans le conflit contre l’Autriche et contribue fortement aux victoires de Magenta et de Solférino (juin 1859), qui donnent à la Sardaigne le Milanais et sont le point de départ du mouvement d’unification de l’Italie (1859-1870). En récompense de l’aide apportée par la France à la Sardaigne contre l’Autriche, et conformément aux promesses qui lui avaient été faites (janvier 1859), par le traité de Turin du 24 mars 1860, la Sardaigne cède à la France, sous réserve de l’approbation par plébiscite des populations concernées : – la Savoie dans son intégralité ; – le comté de Nice, à l’exception des crêtes des Alpes (communes de Tende et de La Brigue, crêtes de Vésubie et de Tinée) conservées par la Sardaigne. Napoléon III confirme qu’il respectera la clause de neutralité militaire imposée à la Sardaigne en 1815, qui touche le Chablais, le Faucigny et le Genevois français. Le plébiscite se tient les 15 et 16 avril 1860 dans le comté de Nice, les 21 et 22 avril 1860 en Savoie, et entérine la cession. Par une loi du 12 juin 1860, les territoires cédés en mars-avril deviennent trois départements français, deux pour la Savoie et un pour Nice : – Savoie : Chambéry, Albertville, Moûtiers, Saint-Jean-de Maurienne ; – Haute-Savoie : Annecy, Bonneville, Saint-Julien, Thonon ; – Alpes-Maritimes : Nice, Grasse, Puget-Théniers. L’arrondissement de Grasse a été détaché du département du Var pour arrondir le nouveau département (par suite de ce transfert, le cours du fleuve Var est désormais entièrement situé en dehors du département du même nom).
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Les États existants La France compte dès lors 89 départements, sur une superficie de 551 000 km2. À la suite de troubles d’origine économique, les deux villes monégasques de Menton et de Roquebrune s’étaient déclarées en mars 1848 villes libres sous la protection du roi de Sardaigne. En avril 1860, hors de toute instruction de Paris, le gouverneur provisoire du comté de Nice a inclus les deux villes dans le périmètre du plébiscite ; elles ont voté leur rattachement. Le 2 février 1861, le prince de Monaco vend à la France ses droits sur les deux villes de Menton et de Roquebrune, lesquelles sont annexées par la France et rattachées au département des Alpes-Maritimes. La France accorde à Monaco une protection politique couvrant le reliquat de la principauté (Monaco et Monte-Carlo). En décembre 1862, la route de Gex au fort des Rousses et la moitié occidentale de la vallée de Dappes (redevenue suisse en 1814) sont restituées à la France, en échange de parcelles sur les pentes du Noirmont. En 1868, Saint-Nazaire est substitué à Savenay, en tant que chef-lieu d’arrondissement du département de la Loire-Inférieure. Le soutien au mouvement unitaire de l’Italie, qui entrait dans les vues politiques de Napoléon III, esprit empreint d’idéal en union avec les aspirations nationalistes de son temps, a permis à la France d’arrondir son territoire par l’adjonction de provinces qui paraissaient vouées, par une communauté de culture, à s’y intégrer. Mû par le même idéal, Napoléon III pense pouvoir retirer un bénéfice semblable du soutien qu’il accorde au mouvement vers l’unité allemande, conduit cette fois-ci par le roi de Prusse et son chancelier, Othon de Bismarck, contre l’Autriche, laquelle entend au contraire que l’Allemagne demeure dans le statu quo de la Confédération germanique. L’empereur des Français entend se faire payer son soutien par des compensations territoriales sur les frontières de 1814 (vallée de la Sarre, Landau), le Palatinat bavarois et surtout le Luxembourg. Mais les demandes de « pourboires » sont formulées trop tard, après la victoire prussienne de Sadowa. Entrant dans un premier temps dans les vues de Napoléon, Bismarck s’arrange pour faire échouer le marchandage. La duplicité de la Prusse engendre un fort ressentiment en France, qui conduit à la guerre franco-allemande de juillet 1870, provoquée par l’affaire de la candidature Hohenzollern au trône d’Espagne. Le 2 septembre, la France est vaincue à Sedan et Napoléon III fait prisonnier. Le 4 septembre 1870, la République est proclamée à Paris.
2. La France républicaine (1870-1914) Le gouvernement républicain commence par tenter de poursuivre la lutte, mais l’infériorité militaire, les rigueurs du siège de Paris, puis la révolte de la Commune l’amènent à négocier la paix. Celle-ci est rétablie par le traité de Francfort du 20 mai 1871. La France doit céder à l’Allemagne la quasi-totalité de l’Alsace et une partie de la Lorraine, à savoir : – le département du Haut-Rhin, hormis les cantons de Belfort, de Delle et de Giromagny, la majeure partie de celui de Fontaine et un fragment de celui de Masevaux ; – le département du Bas-Rhin, dans sa totalité ; – le canton de Schirmeck et la majeure partie de celui de Saales, prélevés sur le département des Vosges ; – les arrondissements de Sarrebourg et de Château-Salins, hormis quelques fragments (Cirey), prélevés sur le département de la Meurthe ; – le département de la Moselle, hormis la majeure partie de l’arrondissement de Briey. Les territoires détachés du Haut-Rhin (cédé à l’Allemagne) vont constituer le petit « territoire de Belfort », formant un seul arrondissement, dirigé par un administrateur général faisant fonction de préfet. La partie restée française du département de la Meurthe et l’arrondissement de Briey, détaché de celui de la Moselle (cédé à l’Allemagne), sont réunis en un nouveau département : – Meurthe-et-Moselle : Nancy, Briey, Lunéville, Toul.
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France Par la perte de 3 départements (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Moselle), assortie de la mutation d’un quatrième (de Meurthe en Meurthe-et-Moselle), la France est ramenée à 86 départements, plus le territoire de Belfort, le tout sur une superficie réduite à 528 000 km2 pour une population d’environ 37 millions d’habitants. La perte de l’Alsace-Lorraine (en fait l’Alsace-Moselle) est durement ressentie par les Français, émus par le sentiment de patriotisme manifesté par les populations des provinces perdues, dont une partie choisit de se replier sur le territoire français. Ce sentiment entretient un esprit de revanche, dans l’espoir de recouvrer les territoires perdus, et l’Allemagne, qui vient d’achever son unité, devient durablement pour les Français l’ennemi héréditaire. Pendant un temps, la France cherche dans l’expansion coloniale outre-mer une compensation à ses revers, qui lui rende richesses, énergie et foi en elle-même. Le 2 avril 1880, les deux sous-préfectures de Saint-Denis et de Sceaux du département de la Seine sont supprimées, les arrondissements correspondants subsistant toutefois et étant désormais directement administrés par le préfet du département. L’affrontement de plus en plus net des puissances européennes (Grande-Bretagne, France, Italie, Allemagne, Autriche-Hongrie, Russie), sur le plan tant diplomatique qu’économique, la course aux armements, la formation d’alliances (Triple Entente, Triplice), la rivalité dans les Balkans, qui finissent de s’affranchir de la tutelle ottomane, créent les conditions d’un conflit de grande ampleur, qui éclate en juillet 1914, à la suite de l’assassinat de François Ferdinand, héritier de la couronne d’Autriche-Hongrie, le 28 juin à Sarajevo.
VI. La France du XXe siècle (1914 à nos jours) 1. La Première Guerre mondiale et ses conséquences (1914-1919) La France prend part au conflit mondial aux côtés de la Grande-Bretagne et de la Russie, de la Belgique, de la Serbie et du Monténégro, rejoints plus tard par l’Italie (1915), la Roumanie (1916) et les États-Unis (1917). Les Alliés combattent les puissances centrales (Allemagne, Autriche-Hongrie, Turquie, Bulgarie). Le conflit est long (1914-1918), particulièrement meurtrier (8,5 millions de morts, dont 1,35 pour la France) et dévastateur (régions ravagées, activité économique à bout de souffle, crise morale). L’implication, pour la première fois de leur existence, des États-Unis dans un conflit européen et l’aide décisive qu’ils apportent aux Alliés font qu’ils prennent une part importante aux pourparlers de paix de Paris du printemps 1919, qui font suite à la victoire ; refusant de prendre en considération les éventuels droits historiques mis en avant par les pays européens, leur président, Woodrow Wilson, s’attache à la mise en application du principe des nationalités dans les remaniements territoriaux opérés en Europe. La France fait, sans réelle opposition, accepter le retour en son sein de l’Alsace-Lorraine cédée en 1871, mais les revendications formulées au-delà (la frontière de 1814) par une partie des milieux politiques (le président Raymond Poincaré, le maréchal Foch) sont rejetées, avec l’assentiment du président du Conseil, Georges Clemenceau. Par le traité de Versailles du 28 juin 1919, l’Allemagne rétrocède à la France la « Terre d’Empire » d’Alsace-Lorraine, dans ses limites exactes de la cession de 1871. Pour compenser le refus opposé à une annexion plus importante par la France, il est octroyé à cette dernière des facilités économiques dans le territoire allemand de la Sarre administré pour 15 ans par la SDN, et la Cisrhénanie allemande, occupée par les vainqueurs, est démilitarisée. Par suite du maintien, décidé par le gouvernement français, du régime concordataire et des avantages économiques et sociaux dont jouissait l’Alsace-Lorraine sous le régime allemand — en contravention avec le principe républicain d’uniformité administrative du pays —, il n’y a pas de retour à la situation départementale d’avant 1871. Les districts de Basse-Alsace, de Haute-Alsace et de Lorraine, constitués sous la période allemande, deviennent sans aucune modification territoriale trois nouveaux départements français : – Bas-Rhin : Strasbourg, Strasbourg-Campagne, Wissembourg, Haguenau, Saverne, Molsheim, Erstein, Sélestat ;
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Les États existants – Haut-Rhin : Colmar, Colmar-Campagne, Ribeauvillé, Guebwiller, Thann, Mulhouse, Altkirch ; – Moselle : Metz, Metz-Campagne, Thionville, Boulay, Forbach, Sarreguemines, Château-Salins, Sarrebourg. La France compte désormais 89 départements, plus le territoire de Belfort, et retrouve sa superficie de 551000 km2. En dépit de l’apport démographique de l’Alsace-Lorraine recouvrée (1,7 million), elle ne compte plus que 39 millions d’habitants, contre 39,5 en 1914.
2. L’entre-deux-guerres (1919-1939) Une fois passée la période d’euphorie de la victoire, la France doit consacrer son énergie à reconstruire les régions dévastées par la guerre, à moderniser son économie, à restaurer ses finances et à tenter de guérir le traumatisme que lui ont causé la guerre et ses malheurs. Elle est un pays ruiné et vieilli par les hécatombes qu’a provoquées le conflit dans ses jeunes classes d’âge. Jadis pays florissant doté d’une monnaie stable, le pays doit subir des crises financières qui mettent à mal la solidité du franc. En 1922, le territoire de Belfort accède au statut de département de droit commun, composé d’un seul arrondissement. La France compte désormais 90 départements. Pour raisons d’économies budgétaires, en vue de restaurer la confiance dans la monnaie, le gouvernement de Poincaré, par le décret-loi du 10 septembre 1926, décide la suppression de 106 arrondissements, et des sous-préfectures correspondantes. 3 nouveaux arrondissements sont créés : Montbard dans la Côte-d’Or, Langon dans la Gironde, Cavaillon dans le Vaucluse. Le tableau des 90 départements devient le suivant : Département et arrondissements
Suppressions
Ain : Bourg, Belley, Nantua
Trévoux
Aisne : Laon, Saint-Quentin, Soissons, Vervins
Château-Thierry
Allier : Moulins, Lapalisse, Montluçon
Gannat
Basses-Alpes : Digne, Barcelonnette, Forcalquier
Castellane, Sisteron
Hautes-Alpes : Gap, Briançon
Embrun
Alpes-Maritimes : Nice, Grasse
Puget-Théniers
Ardèche : Privas, Largentière, Tournon
—
Ardennes : Mézières, Rethel, Vouziers
Rocroi, Sedan
Ariège : Foix, Saint-Girons
Pamiers
Aube : Troyes, Bar-sur-Aube, Nogent-sur-Seine
Arcis, Bar-sur-Seine
Aude : Carcassonne, Limoux, Narbonne
Castelnaudary
Aveyron : Rodez, Millau, Villefranche-de-Rouergue
Espalion, Saint-Affrique
Bouches-du-Rhône : Marseille, Aix, Arles
—
Calvados : Caen, Bayeux, Lisieux, Vire
Falaise, Pont-l’Évêque
Cantal : Aurillac, Mauriac, Saint-Flour
Murat
Charente : Angoulême, Cognac, Confolens
Barbezieux, Ruffec
Charente-Inférieure : La Rochelle, Jonzac, Rochefort, Saintes
Marennes, Saint-Jeand’Angély
Cher : Bourges, Saint-Amand-Montrond
Sancerre
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France Corrèze : Tulle, Brive-la-Gaillarde
Ussel
Corse : Ajaccio, Bastia, Corte, Sartène
Calvi
Côte-d’Or : Dijon, Beaune, Montbard
Châtillon, Semur
Côtes-du-Nord : Saint-Brieuc, Dinan, Guingamp, Lannion
Loudéac
Creuse : Guéret, Aubusson
Bourganeuf, Boussac
Dordogne : Périgueux, Bergerac, Nontron, Sarlat
Ribérac
Doubs : Besançon, Montbéliard, Pontarlier
Baume-les-Dames
Drôme : Valence, Die, Nyons
Montélimar
Eure : Évreux, Bernay, Les Andelys
Louviers, Pont-Audemer
Eure-et-Loir : Chartres, Châteaudun, Dreux
Nogent-le-Rotrou
Finistère : Quimper, Brest, Châteaulin, Morlaix
Quimperlé
Gard : Nîmes, Alès, Le Vigan
Uzès
Haute-Garonne : Toulouse, Saint-Gaudens
Muret, Villefranche
Gers : Auch, Condom, Mirande
Lectoure, Lombez
Gironde : Bordeaux, Blaye, Langon, Libourne
Lesparre, La Réole
Hérault : Montpellier, Béziers
Lodève, Saint-Pons
Ille-et-Vilaine : Rennes, Fougères, Redon, Saint-Malo
Montfort, Vitré
Indre : Châteauroux, Le Blanc, La Châtre
Issoudun
Indre-et-Loire : Tours, Chinon
Loches
Isère : Grenoble, La Tour-du-Pin, Vienne
Saint-Marcellin
Jura : Lons-le-Saulnier, Dole, Saint-Claude
Poligny
Landes : Mont-de-Marsan, Dax
Saint-Sever
Loir-et-Cher : Blois, Vendôme
Romorantin
Loire : Saint-Étienne, Montbrison, Roanne
—
Haute-Loire : Le Puy, Brioude
Yssingeaux
Loire-Inférieure : Nantes, Châteaubriant, Saint-Nazaire
Ancenis, Paimbœuf
Loiret : Orléans, Montargis
Gien, Pithiviers
Lot : Cahors, Figeac, Gourdon
—
Lot-et-Garonne : Agen, Marmande, Villeneuve-sur-Lot
Nérac
Lozère : Mende, Florac
Marvejols
Maine-et-Loire : Angers, Cholet, Saumur, Segré
Baugé
Manche : Saint-Lô, Avranches, Cherbourg, Coutances
Mortain, Valognes
Marne : Châlons-sur-Marne, Épernay, Reims, Vitry-le-François
Sainte-Menehould
Haute-Marne : Chaumont, Langres, Saint-Dizier
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—
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Les États existants Mayenne : Laval, Mayenne
Château-Gontier
Meurthe-et-Moselle : Nancy, Briey, Lunéville
Toul
Meuse : Bar-le-Duc, Commercy, Verdun
Montmédy
Morbihan : Vannes, Lorient, Pontivy
Ploërmel
Moselle : Metz, Boulay, Château-Salins, Forbach, MetzCampagne, Sarrebourg, Sarreguemines, Thionville
—
Nièvre : Nevers, Château-Chinon, Clamecy
Cosne
Nord : Lille, Avesnes, Cambrai, Douai, Dunkerque, Valenciennes
Hazebrouck
Oise : Beauvais, Compiègne, Senlis
Clermont
Orne : Alençon, Argentan
Domfront, Mortagne
Pas-de-Calais : Arras, Béthune, Boulogne, Montreuil, SaintOmer
Saint-Pol-sur-Ternoise
Puy-de-Dôme : Clermont-Ferrand, Issoire, Riom, Thiers
Ambert
Basses-Pyrénées : Pau, Bayonne, Oloron-Sainte-Marie
Mauléon, Orthez
Hautes-Pyrénées : Tarbes, Bagnères-de-Bigorre
Argelès-Gazost
Pyrénées-Orientales : Perpignan, Céret, Prades
—
Bas-Rhin : Strasbourg, Erstein, Haguenau, Molsheim, Saverne, Strasbourg-Campagne, Sélestat, Wissembourg
—
Haut-Rhin : Colmar, Altkirch, Colmar-Campagne, Guebwiller, Mulhouse, Ribeauvillé, Thann
—
Rhône : Lyon, Villefranche-sur-Saône
—
Haute-Saône : Vesoul, Lure
Gray
Saône-et-Loire : Mâcon, Autun, Chalon-sur-Saône, Charolles
Louhans
Sarthe : Le Mans, La Flèche, Mamers
Saint-Calais
Savoie : Chambéry, Albertville, Saint-Jean-de-Maurienne
Moûtiers
Haute-Savoie : Annecy, Bonneville, Thonon
Saint-Julien —
Seine : Paris Seine-Inférieure : Rouen, Dieppe, Le Havre
Neufchâtel, Yvetot
Seine-et-Marne : Melun, Meaux, Provins
Coulommiers, Fontainebleau
Seine-et-Oise : Versailles, Corbeil, Pontoise, Rambouillet
Étampes, Mantes
Deux-Sèvres : Niort, Parthenay
Bressuire, Melle
Somme : Amiens, Abbeville, Montdidier, Péronne
Doullens
Tarn : Albi, Castres
Gaillac, Lavaur
Tarn-et-Garonne : Montauban, Castelsarrasin
Moissac
Var : Draguignan, Toulon
Brignoles
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France Vaucluse : Avignon, Carpentras, Cavaillon
Orange
Vendée : La Roche-sur-Yon, Fontenay-le-Comte, Les Sablesd’Olonne
Montaigu
Vienne : Poitiers, Châtellerault, Montmorillon
Civray, Loudun
Haute-Vienne : Limoges, Bellac, Rochechouart
Saint-Yrieix
Vosges : Épinal, Neufchâteau, Saint-Dié
Mirecourt, Remiremont
Yonne : Auxerre, Avallon, Sens
Joigny, Tonnerre
Belfort (territoire de) : Belfort
—
Le 27 juillet 1933, les arrondissements de Gex (Ain) et de Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie) sont rétablis. En 1933 toujours, Apt est substitué à Cavaillon, en tant que chef-lieu d’arrondissement du département du Vaucluse. En 1934, les arrondissements de Colmar-Ville et de Colmar-Campagne sont réunis en un seul arrondissement de Colmar. Les années 1930 sont marquées en France par les grandes difficultés qui résultent de la crise économique mondiale et qui entraînent une vague de faillites et de chômage dans le pays. Elles sont à l’origine à la fois de l’arrivée au pouvoir du Front populaire (1936) et de la montée de mouvements aux deux extrêmes de l’échiquier politique, lesquels contestent le régime de démocratie parlementaire et puisent leur inspiration dans les régimes totalitaires de droite comme de gauche qui ont pris le pouvoir dans d’autres pays d’Europe. La France et la Grande-Bretagne apportaient en principe leur soutien aux États d’Europe centrale issus de la Grande Guerre. Ceux-ci se trouvaient menacés dans leur intégrité, voire dans leur existence même, par les visées expansionnistes de la nouvelle Allemagne hitlérienne. Ayant failli à cet égard en 1938 vis-à-vis de la Tchécoslovaquie, les deux pays se reprennent et apportent leur garantie à la Pologne. Lorsque celle-ci est à son tour envahie le 1er septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne entrent en guerre contre l’Allemagne.
3. La Seconde Guerre mondiale et ses conséquences (1939-1947) La Pologne ayant été promptement écrasée et partagée entre Allemands et Soviétiques, Hitler tourne ses armées vers l’Occident et, au printemps 1940 (mai-juin), met en déroute les armées franco-britanniques, l’Italie entrant alors en guerre contre la France. Le gouvernement républicain confie les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, qui va se replier sur la ville de Vichy et y instaurer un nouveau régime, celui de l’État français, tandis qu’un embryon de mouvement de résistance s’organise à Londres à l’initiative du général de Gaulle. À la suite de la victoire allemande, deux armistices sont signés par la France : l’un le 22 juin 1940 avec l’Allemagne, l’autre le 24 avec l’Italie. Aux termes de ces armistices, la France est divisée en deux zones, séparées par une ligne de démarcation qui, partant de Bellegarde-sur-Valserine, se dirige vers le nord jusqu’à Salins-les-Bains, oblique vers l’ouest-sud-ouest jusqu’à Paray-le-Monial, puis vers l’ouestnord-ouest jusqu’à Loches, et enfin en ligne quasi droite vers les Pyrénées, touchées à SaintJean-Pied-de-Port, laissant Poitiers et Bordeaux en zone occupée : – zone occupée, au nord et à l’ouest : 304 000 km2 (55 % du territoire) et 26 millions d’habitants (67 %), sur 42 départements totalement occupés et 17 partiellement (13 par les Allemands et 4 par les Italiens) ; – zone libre, au sud : 247 000 km2 (45 % du territoire) et 14 millions d’habitants (33 %), sur 34 départements totalement libres et 17 partiellement. L’Italie n’occupe, quant à elle, que Menton et la vallée du Careï (Castillon), la partie française de la vallée de la Roya, le versant occidental du col de Larche, les hauteurs dominant Briançon (Chaberton) et les fonds de vallée de Maurienne et de Tarentaise.
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Les États existants En principe, le gouvernement français administre l’ensemble du pays mais, dans la zone occupée, les autorités d’occupation, par leurs ingérences incessantes, restreignent sa liberté d’action. De plus, en violation des clauses de l’armistice, Hitler rattache administrativement les départements du Nord et du Pas-de-Calais au commissariat allemand de Belgique. Désireux d’annuler, comme en maints autres lieux, les décisions du traité de Versailles, Hitler annexe de facto, unilatéralement, au Reich allemand : – le 7 juillet 1940, les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ; – le 30 novembre 1940, le département de la Moselle. Le 14 novembre 1940, l’arrondissement de Sainte-Menehould est rétabli. Le régime de Vichy, favorable à l’idée de retour à l’ancien cadre provincial, qui a disparu à la Révolution pour laisser place aux départements, promulgue le 19 avril 1941 une loi créant 18 préfectures régionales, prélude à ses yeux à une décentralisation régionale ultérieure qui, vu les circonstances, n’aura jamais lieu. Ces préfectures régionales, qui tiennent compte de la ligne de démarcation, sont les suivantes : 1) en zone occupée (12 régions) : – Paris : Seine, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise ; – Rouen : Seine-Inférieure, Eure, Orne, Calvados, Manche ; – Lille : Nord, Pas-de-Calais ; – Laon : Aisne, Ardennes, Oise, Somme ; – Châlons-sur-Marne : Marne, Aube, Haute-Marne ; – Nancy : Meurthe-et-Moselle, Meuse, Vosges ; – Dijon : Côte-d’Or, Yonne, Nièvre, Haute-Saône, Territoire de Belfort, Doubs ; parties occupées de Jura, Ain, Saône-et-Loire, Allier ; – Orléans : Loiret, Eure-et-Loir ; parties occupées de Loir-et-Cher, Cher ; – Angers : Maine-et-Loire, Sarthe, Mayenne, Loire-Inférieure ; partie occupée d’Indre-etLoire ; – Rennes : Ille-et-Vilaine, Côtes-du-Nord, Finistère, Morbihan ; – Poitiers : Deux-Sèvres, Vendée, Charente-Inférieure ; parties occupées de Vienne, Charente, Dordogne ; – Bordeaux : parties occupées de Gironde, Landes, Basses-Pyrénées ; 2) en zone libre (6 régions) : – Toulouse : Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Ariège ; parties libres de Gironde, Landes, Basses-Pyrénées ; – Limoges : Haute-Vienne, Corrèze, Creuse, Indre ; parties libres de Cher, Loir-et-Cher, Indre-et-Loire, Vienne, Charente, Dordogne ; – Clermont-Ferrand : Puy-de-Dôme, Cantal, Haute-Loire ; partie libre d’Allier ; – Lyon : Rhône, Savoie, Haute-Savoie, Isère, Drôme, Ardèche, Loire ; parties libres de Saône-et-Loire, Jura, Ain ; – Marseille : Bouches-du-Rhône, Var, Alpes-Maritimes, Corse, Basses-Alpes, HautesAlpes, Vaucluse, Gard ; – Montpellier : Hérault, Aveyron, Lozère, Aude, Pyrénées-Orientales. Le 4 septembre 1941, la Charente-Inférieure devient Charente-Maritime. Le 1er juin 1942 sont rétablis les arrondissements d’Ambert (Puy-de-Dôme), ArgelèsGazost (Hautes-Pyrénées), Bressuire (Deux-Sèvres), Castellane (Basses-Alpes), ChâteauGontier (Mayenne), Château-Thierry (Aisne), Clermont (Oise), Issoudun (Indre), Lesparre (Gironde), Lodève (Hérault), Louhans (Saône-et-Loire), Mortagne (Orne), Muret (Haute-Garonne), Nérac (Lot-et-Garonne), Pamiers (Ariège), Pithiviers (Loiret), Sedan (Ardennes), Yssingeaux (Haute-Loire).
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France En riposte au débarquement anglo-américain du 8 novembre en Afrique du Nord, le 11 novembre 1942, l’Allemagne envahit la zone libre, tandis que les Italiens élargissent leur zone d’occupation. La France est totalement occupée par : – les Italiens pour les deux Savoies, les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes et la Corse, ainsi que des fragments de l’Isère et des Basses-Alpes ; – les Allemands pour tout le reste. En septembre 1943, par suite de la capitulation de l’Italie, les armées allemandes occupent aussi l’ancienne zone d’occupation italienne. Par lois des 26 novembre et 6 décembre 1943 sont rétablis les arrondissements d’Ancenis (Loire-Inférieure), Calvi (Corse), Loches (Indre-et-Loire), Mantes (Seine-et-Oise), Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), Romorantin (Loir-et-Cher), Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime), Toul (Meurthe-et-Moselle), Ussel (Corrèze). Le 6 juin 1944 en Normandie et le 15 août 1944 en Provence, les Alliés débarquent des troupes qui contraignent peu à peu les Allemands à se replier. Le maréchal Pétain est emmené de force par les Allemands à Sigmaringen (25 août), tandis que le gouvernement issu de la Résistance, présidé par le général de Gaulle, se transfère (31 août) d’Alger à Paris. De novembre 1944 à février 1945, la Lorraine et l’Alsace annexées en 1940 sont libérées et réintègrent la France. La guerre en Occident prend fin le 8 mai 1945 par la capitulation de l’Allemagne. Par le traité de Paris (10 octobre 1946), ratifié par l’Italie le 10 février 1947, l’Italie cède à la France : – un fragment de territoire au col du Petit-Saint-Bernard, rattaché au département de la Savoie ; – le plateau du Mont-Cenis, rattaché au département de la Savoie ; – le village de Clavière, au-delà du col du Montgenèvre, rattaché au département des Hautes-Alpes ; – Tende, La Brigue et les crêtes de Vésubie et de Tinée — conservées par l’Italie en 1860 —, rattachées au département des Alpes-Maritimes ; un plébiscite du 12 octobre 1947 entérine cette dernière cession.
4. La France contemporaine (1947 à nos jours) En 1947, la France métropolitaine atteint la configuration territoriale qu’elle connaît encore de nos jours. Elle ne compte alors que 40,5 millions d’habitants (pour près de 60 millions aujourd’hui). Elle doit d’abord reconstruire son économie, puis la moderniser dans les domaines agricole et industriel. Par l’exode rural considérable, la France devient en quelques décennies un pays urbain. Le 18 janvier 1955, le département de la Seine-Inférieure devient celui de la Seine-Maritime. Le 9 mars 1957, le département de la Loire-Inférieure devient celui de la Loire-Atlantique. Le 25 mars 1957, la France est l’un des six États signataires du traité de Rome, qui institue la Communauté économique européenne, union douanière et embryon de coopération économique entre les pays membres. Par décret du 4 mars 1964, le territoire métropolitain est divisé en 21 régions administratives (qui deviendront collectivités publiques en juillet 1972), regroupant chacune plusieurs départements et dotées d’un préfet de région : – Alsace (Strasbourg) : Bas-Rhin, Haut-Rhin ; – Aquitaine (Bordeaux) : Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Basses-Pyrénées ; – Auvergne (Clermont-Ferrand) : Allier, Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme ; – Bourgogne (Dijon) : Côte-d’Or, Nièvre, Saône-et-Loire, Yonne ; – Bretagne (Rennes) : Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Morbihan ; – Centre (Orléans) : Cher, Eure-et-Loir, Indre, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret ; – Champagne-Ardenne (Châlons-sur-Marne) : Aube, Ardennes, Marne, Haute-Marne ;
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Les États existants – Franche-Comté (Besançon) : Doubs, Jura, Haute-Saône, Territoire-de-Belfort ; – Île-de-France (Paris) : Seine, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise ; – Languedoc-Roussillon (Montpellier) : Aude, Gard, Hérault, Lozère, Pyrénées-Orientales ; – Limousin (Limoges) : Corrèze, Creuse, Haute-Vienne ; – Lorraine (Metz) : Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges ; – Midi-Pyrénées (Toulouse) : Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Lot, Hautes-Pyrénées, Tarn, Tarn-et-Garonne ; – Nord-Pas-de-Calais (Lille) : Nord, Pas-de-Calais ; – Basse-Normandie (Caen) : Calvados, Manche, Orne ; – Haute-Normandie (Rouen) : Eure, Seine-Maritime ; – Pays de la Loire (Nantes) : Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe, Vendée ; – Picardie (Amiens) : Aisne, Oise, Somme ; – Poitou-Charentes (Poitiers) : Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Vienne ; – Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse (Marseille) : Basses-Alpes, Hautes-Alpes, AlpesMaritimes, Bouches-du-Rhône, Corse, Var, Vaucluse ; – Rhône-Alpes (Lyon) : Ain, Ardèche, Drôme, Isère, Loire, Rhône, Savoie, Haute-Savoie. Le 1er janvier 1968, en application d’une loi du 10 juillet 1964, les deux départements de la Seine et de la Seine-et-Oise cèdent la place à 7 départements nouveaux : – le district, plus tard département, de Paris (ville-département) ; – Hauts-de-Seine : Nanterre, Antony, Boulogne-Billancourt ; – Seine-Saint-Denis : Bobigny, Le Raincy ; – Val-de-Marne : Créteil, L’Haÿ-les-Roses, Nogent-sur-Marne ; – Val-d’Oise : Pontoise, Argenteuil, Montmorency ; – Yvelines : Versailles, Mantes, Rambouillet, Saint-Germain-en-Laye ; – Essonne : Évry, Étampes, Palaiseau. La France compte désormais 95 départements. Le 10 octobre 1969, le département des Basses-Pyrénées devient celui des PyrénéesAtlantiques. Le 9 janvier 1970, le département de la Corse est détaché de la région Provence-AlpesCôte-d’Azur et devient la région-département Corse. La France compte désormais 22 régions. Le 13 avril 1970, le département des Basses-Alpes devient celui des Alpes-de-Haute-Provence. En juin 1974, l’arrondissement d’Erstein (Bas-Rhin) est supprimé. Le 4 décembre 1974, Toulon est substitué à Draguignan, en tant que chef-lieu du département du Var. Un nouvel arrondissement, celui de Brignoles, est créé dans ce département. Le 15 mai 1975, le département de la Corse est divisé en deux départements : – Corse-du-Sud : Ajaccio, Sartène ; – Haute-Corse : Bastia, Calvi, Corte. La France compte désormais 96 départements. Le 26 avril 1988 est créé un nouvel arrondissement, celui de Fontainebleau, dans le département de Seine-et-Marne. Le 27 février 1990, le département des Côtes-du-Nord devient celui des Côtes-d’Armor. Le 1er janvier 1993, en application du traité de Maastricht du 7 février 1992, approuvé — à une très faible majorité — par référendum le 20 septembre 1992, la France devient l’un des douze membres de la nouvelle Union européenne, qui se substitue à l’ancienne Communauté européenne, et présente les caractères d’une confédération politique à laquelle la France, comme les autres membres, transfère de son plein gré certains attributs de sa souveraineté.
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France Les douze membres de la nouvelle Union sont : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Au 1er janvier 2007, par vagues d’adhésions successives, ils atteindront le nombre de vingt-sept membres. Savoie Le duché de Savoie est en 1789 l’un des quatre éléments constitutifs du royaume de Sardaigne. Couvrant le versant occidental des Alpes grées et pennines, il est bordé à l’ouest par le Rhône, au nord par le Léman, à l’est par la crête des Alpes, au sud par le Dauphiné (Briançonnais). Il se compose de sept provinces, dont six correspondent aux différentes vallées : Chablais (Thonon), Faucigny (Bonneville), Genevois (Annecy), Savoie propre (Chambéry), Tarentaise (Moûtiers), Maurienne (Saint-Jean), et la septième, Carouge, érigée en plaine en 1786 face à Genève, dans l’idée d’en faire une rivale de cette dernière. Comté puis duché (1416) de Savoie, ce pays est le berceau de la maison de Savoie, promise à un grand avenir. Après un premier développement vers le nord (Genevois, Vaud, Valais) et l’ouest (Bresse, Bugey), la maison de Savoie a dû faire face à une poussée de la France et de la Suisse, qui lui a fait perdre ses extensions et l’a amenée à se tourner vers l’Italie où, déjà présente depuis le XIe siècle (Turin), elle s’étend peu à peu sur le Piémont, Asti, Saluces, le Montferrat et l’ouest de la Lombardie. Le transfert solennel de la capitale de Chambéry à Turin en 1562 (translation du saint suaire, installation de la cour et des organes centraux) symbolise l’orientation nouvelle des ducs de Savoie, qui vont peu à peu s’italianiser. Le duché de Savoie, toujours soumis à la menace directe de la France (il sera occupé à plusieurs reprises), est délaissé par ses ducs et devient, à chaque nouvelle annexion en Italie, toujours un peu plus minoritaire, province française dans un monde italien. La couronne royale, apportée par la Sicile en 1714 et transférée sur la Sardaigne en 1720, parachève l’italianisation de la dynastie. Il reste de la Savoie un pays rude et montagneux, pauvre en agriculture, dont les habitants doivent souvent s’expatrier pour gagner leur vie (colporteurs, ramoneurs, domestiques). En septembre 1792, la Savoie est envahie par les troupes françaises du général de Montesquiou. En octobre, à l’instigation de la France, une Assemblée des Allobroges se réunit à Chambéry et demande l’union de la Savoie à la France. Le 27 novembre, la Convention accepte cette demande et ratifie le rattachement de la Savoie à la France. Elle formera le département du Mont-Blanc, divisé en sept districts : Chambéry, Annecy, Carouge, Thonon, Cluses, Moûtiers, Saint-Jean. En avril 1798, la république de Genève est réunie à la France. Le pays de Carouge, le Chablais et le Faucigny savoisiens (arrondissements de Carouge, de Thonon et de Cluses) sont détachés du département du Mont-Blanc et agrégés au territoire genevois et au pays de Gex (détaché de l’Ain) pour former le nouveau département français du Léman (Genève, Bonneville, Thonon). En mai 1814, la France restitue au royaume de Sardaigne la Savoie, hormis : – seize communes, dont Carouge, proches de Genève, laissées à cette dernière pour arrondir son territoire ; – les arrondissements d’Annecy (excepté une partie du canton de Faverges) et de Chambéry (excepté les cantons de L’Hôpital, Saint-Pierre d’Albigny, La Rochette et Montmélian), laissés à la France. Cette dernière clause qui, coupant en deux la Savoie, provoque la colère des Savoyards provient du fait que les Alliés avaient promis de laisser à la France un million d’habitants au-delà des frontières de 1790 et que les apports du nord-est de la France, de Montbéliard, d’Avignon et du Comtat Venaissin n’atteignent pas ce chiffre ; le complément sera constitué par la partie de Savoie laissée à la France. En novembre 1815, à l’issue de l’épisode des Cent-Jours, la France restitue à la Sardaigne la partie de Savoie restée française en 1814. La neutralité de la Suisse est étendue au Chablais, au Faucigny et au Genevois, que la Suisse aura le droit d’occuper militairement en cas de guerre impliquant la Sardaigne.
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Les États existants La Savoie est dès lors réunifiée. Elle constituera, au sein du royaume de Sardaigne, l’intendance générale du duché de Savoie, composée de huit provinces : Savoie propre (Chambéry), Haute-Savoie (L’Hôpital), Carouge (Saint-Julien) qui a perdu son vieux chef-lieu, Chablais (Thonon), Faucigny (Bonneville), Genevois (Annecy), Tarentaise (Moûtiers), Maurienne (Saint-Jean). En mars 1816, une petite zone franche économique sarde est instituée en bordure du territoire genevois. En 1837, la province de Carouge est supprimée. La Savoie est réaménagée en deux intendances générales : celle d’Annecy (Genevois, Chablais, Faucigny) et celle de Chambéry (Savoie propre, Haute-Savoie, Tarentaise, Maurienne). En mars 1860, en récompense de l’aide apportée par la France à la Sardaigne dans sa guerre contre l’Autriche, la Sardaigne cède à la France la Savoie et le comté de Nice. Le plébiscite organisé en Savoie les 21 et 22 avril entérine la cession par un vote écrasant. Napoléon III déclare qu’il respectera la clause de neutralité militaire imposée à la Sardaigne en 1815, touchant le Chablais, le Faucigny et le Genevois devenus français. Il étend unilatéralement la zone franche à l’ensemble du Chablais, du Faucigny et au nord du Genevois français. La Savoie constituera de nouveau deux départements français : celui de Savoie (Chambéry, Albertville, Moûtiers, Saint-Jean) et celui de Haute-Savoie (Annecy, SaintJulien, Bonneville, Thonon). En juin 1919, les petites zones franches de Gex et de Savoie autour de Genève sont abolies. Par ailleurs, le gouvernement français abolit la grande zone franche accordée en 1860 par Napoléon III. Enfin, la Suisse adhérant à la SDN, la zone de neutralité militaire (Chablais, Faucigny, Genevois) est supprimée. La Suisse émet des réserves sur la suppression des petites zones franches autour de Genève. Un long conflit juridique s’ensuit, arbitré par la Cour de La Haye, à l’issue duquel, par l’accord de Territet (1er décembre 1933), les petites zones franches sont rétablies. En février 1947, l’Italie cède à la France un certain nombre de territoires frontaliers, parmi lesquels le plateau du Mont-Cenis, rattaché à la Savoie, quoique orienté vers le bassin de la Doire ripaire. En 1964, la France crée des « circonscriptions d’action régionale », plus tard régions se superposant aux départements (maintenus). Malgré ses aspirations à constituer une région propre, la Savoie (2 départements) est incluse dans la région Rhône-Alpes (8 départements). Nice Le comté de Nice constitue en 1789 l’un des quatre éléments composant les États sardes. S’étendant sur le bassin du Var, il confine à l’Ubaye (française depuis 1713), à la Provence, au Piémont sarde dont le sépare la crête des Alpes et à la principauté de Monaco. Son ouverture sur la mer (Nice) est très étroite, entre le Var qui le limite à l’ouest et les terres monégasques qui s’étirent de Monaco à Menton, occultant la majeure partie de sa façade maritime ; sur le moyen cours du Var, le comté de Nice déborde sur la rive droite de celui-ci. Le comté de Nice, ancienne partie orientale de la Provence, s’est donné au comte Amédée VIII de Savoie en 1388 pour échapper aux troubles suscités par la rivalité des deux prétendants à la succession napolitaine de la reine Jeanne, Louis d’Anjou et Charles de Duras. En 1579, le duc de Savoie accroît le comté de Nice du comté de Tende. Séparé politiquement de la Provence voisine, séparé physiquement de Turin, la capitale des États sardes, par la chaîne alpine, le comté de Nice apparaît en 1789 comme isolé, à l’écart du mouvement des hommes et des idées ; faisant fi de l’italien comme du français, ses habitants ne parlent que le nissard ; le chemin muletier du col de Tende reliant Nice au Piémont n’est transformé en route qu’à partir de 1780. Pays d’agriculture médiocre, dépourvu d’activité économique, il commence à recevoir en séjour hivernal de riches étrangers, surtout anglais, attirés par la douceur du climat. Peuplé d’environ 100 000 âmes, il ne renferme qu’une seule ville d’importance, celle de Nice, peuplée elle-même de moins de 20 000 habitants.
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France Les troupes françaises du général d’Anselme occupent la majeure partie du comté de Nice dès septembre 1792 ; seul le comté de Tende reste tenu par les troupes sardes. Le général suscite un mouvement de notables en faveur du rattachement à la France. Après un plébiscite positif en novembre 1792, la Convention décide le 31 janvier 1793 l’annexion à la France du comté de Nice. Celui-ci constituera le 85e département français, les Alpes-Maritimes, avec Nice pour chef-lieu, Puget-Théniers et Menton (Monaco en 1794) pour chefs-lieux de districts. En février 1793, la principauté de Monaco est annexée à la France et incluse dans le département des Alpes-Maritimes. En avril 1794, les Français ayant réussi à refouler les troupes sardes au Piémont, le comté de Tende (Tende, la Brigue, Saorge) est effectivement réuni au département français des Alpes-Maritimes. La République ligurienne ayant été annexée à la France en juin 1805, la majeure partie de cette république va former trois nouveaux départements, mais son extrémité occidentale, autour de Vintimille et de San Remo, est rattachée au département des Alpes-Maritimes, dont elle formera l’arrondissement de San Remo. En même temps, l’arrondissement de Monaco disparaît, incorporé dans celui de Nice. Le département des Alpes-Maritimes se compose dès lors des trois arrondissements de Nice, de Puget-Théniers et de San Remo. En mai 1814, la France restitue au royaume de Sardaigne le département des AlpesMaritimes, amputé du territoire de la principauté de Monaco rendue à son prince. Le territoire de l’ancienne république de Gênes ayant aussi été attribué à la Sardaigne, celle-ci va l’ériger en une intendance générale du duché de Gênes, à l’exception de son extrémité occidentale (Vintimille, San Remo, Port-Maurice, Oneille) rattachée à l’intendance générale de Nice. Celle-ci s’étend donc, sur le littoral méditerranéen, de l’embouchure du Var à Oneille, hormis la portion de Monaco à Menton rendue au prince de Monaco ; elle comporte les trois provinces de Nice, San Remo et Oneille. La langue française, introduite durant la période 1793-1815, est reconnue nationale à Nice et sur les territoires à l’ouest de la Tinée. Mais la Sardaigne va privilégier le port de Gênes au détriment de celui de Nice, contribuant à la stagnation économique du comté de Nice. Lors de l’entrevue de Plombières (juillet 1858), pour prix de son aide à la Sardaigne, Cavour a promis à Napoléon III la cession de la Savoie, mais le sort de Nice restait réservé. Par traité secret (janvier 1859), le roi de Sardaigne s’engage à céder après la victoire la Savoie et la province de Nice à la France. En mars 1860, en récompense de l’aide de la France à la Sardaigne dans sa guerre contre l’Autriche, la Sardaigne cède à la France la province de Nice (ainsi que la Savoie), sous réserve de l’accord des populations concernées par plébiscite. Toutefois, les crêtes des Alpes (communes de Tende et de la Brigue, crêtes de Vésubie et de Tinée) sont laissées à la Sardaigne, officiellement au titre de territoires de chasse du roi Victor-Emmanuel, en réalité parce que l’État-major sarde l’a exigé du roi, pour raisons stratégiques. Le plébiscite des 15 et 16 avril 1860 entérine le rattachement à la France de la province de Nice. Celle-ci va former, avec l’arrondissement de Grasse détaché du Var, le département des Alpes-Maritimes, composé des trois arrondissements de Nice, Grasse et PugetThéniers. En février 1861, le prince de Monaco vend à la France les villes de Menton et de Roquebrune, qui sont incorporées dans le département des Alpes-Maritimes. En 1926, dans le cadre du décret de suppression d’un certain nombre d’arrondissements, celui de Puget-Théniers est supprimé. Le département des Alpes-Maritimes ne compte plus désormais que les deux arrondissements de Nice et de Grasse. En février 1947, l’Italie cède à la France les territoires laissés à la Sardaigne en 1860 : Tende, la Brigue et les crêtes de Tinée et de Vésubie. Un plébiscite organisé dans ces territoires en octobre 1947 entérine la cession. Ils sont rattachés au département des AlpesMaritimes.
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Les États existants
Grande-Bretagne et Irlande du Nord
Le pays en bref État monarchique : le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Souverain : la reine Élisabeth II, de la maison de Windsor, anciennement SaxeCobourg ; dans l’île de Man, la reine règne sous le titre de Lord of Man ; dans les îles Anglo-Normandes, sous celui de duchesse de Normandie. Représentation parlementaire : deux chambres, la Chambre des lords (pairs héréditaires ou à vie), la Chambre des communes (députés). Le parlement d’Écosse et celui du pays de Galles viennent récemment d’être rétablis. Capitale : Londres. Division administrative en régions et comtés : – Angleterre (Londres), en 45 comtés plus le Grand Londres (Greater London) : –région du North East (5 comtés) : Cleveland (Middlesbrough), Cumbria (Carlisle), Durham, Northumberland (Newcastle), Tyne and Wear (Newcastle) ; –région du Yorkshire and Humberside (4 comtés) : Humberside (Kingston upon Hull), North Yorkshire (Northallerton), South Yorkshire (Barnsley), West Yorkshire (Wakefield) ; –région des East Midlands (5 comtés) : Derbyshire (Matlock), Leicestershire (Leicester), Lincolnshire (Lincoln), Northamptonshire (Northampton), Nottinghamshire (Nottingham) ; –région de l’East Anglia (3 comtés) : Cambridgeshire (Cambridge), Norfolk (Norwich), Suffolk (Ipswich) ; –région du South East (12 comtés, plus le Grand Londres) : Bedfordshire (Bedford), Berkshire (Reading), Buckinghamshire (Aylesbury), East Sussex (Lewes), Essex (Chelmsford), Hampshire (Winchester), Hertfordshire (Hertford), Isle of Wight (Newport), Kent (Maidstone), Oxfordshire (Oxford), Surrey (Kingston upon Thames), West Sussex (Chichester) ; –région du South West (7 comtés) : Avon (Bristol), Cornouailles (Truro) avec l’archipel des Sorlingues, Devon (Exeter), Dorset (Dorchester), Gloucestershire (Gloucester), Somerset (Taunton), Wiltshire (Trowbridge) ; –région des West Midlands (5 comtés) : Hereford and Worcester (Worcester), Shropshire (Shrewsbury), Staffordshire (Stafford), Warwickshire (Warwick), West Midlands (Birmingham) ; –région du North West (4 comtés) : Cheshire (Chester), Grand Manchester, Lancashire (Preston), Merseyside (Liverpool). – Écosse (Édimbourg), en 9 régions : Borders (Newtown Saint Boswells), Central (Stirling), Dumfries and Galloway (Dumfries), Fife (Glenrothes), Grampian (Aberdeen), Highland (Inverness), Lothian (Édimbourg), Strathclyde (Glasgow), Tayside (Dundee) ; s’y ajoutent les îles à statut spécial : Orcades (Kirkwall), Shetland (Lerwick), Western Isles ou Hébrides extérieures (Stornoway). – Pays de Galles (Cardiff), en 8 comtés : Clwyd (Mold), Dyfed (Carmarthen), Gwent (Newport), Gwynedd (Caernarvon), Mid Glamorgan (Cardiff), Powys (Llandrindod Wells), South Glamorgan (Cardiff), West Glamorgan (Swansea). N. B. À ces divisions territoriales se superposent peu à peu des unités administratives (unitary authorities).
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Grande-Bretagne
– Irlande du Nord (Belfast), en 6 comtés de l’ancienne province d’Ulster : Antrim (Belfast), Arnagh, Down (Downpatrick), Fermanagh (Enniskillen), Londonderry, Tyrone (Omagh). Dépendances d’Europe ne faisant pas partie du Royaume-Uni : – île de Man (Douglas) ; dépendance de la Couronne ; – îles Anglo-Normandes : Jersey (Saint-Hélier), Guernesey (Saint Peter Port) avec ses dépendances d’Aurigny (Sainte-Anne) et de Sercq ; dépendances de la Couronne ; – presqu’île de Gibraltar ; colonie de la Couronne ; – bases militaires de Dékélia et d’Akrotiri (Chypre). Superficie : 244 100 km2 (Angleterre : 130 400 ; Pays de Galles : 20 800 ; Écosse : 78 800 ; Irlande du Nord : 14 100) ; pour mémoire, île de Man : 600 ; îles AngloNormandes : 200 ; Gibraltar : 6 ; bases de Chypre : 250 ; population : 57 millions d’habitants ; densité : 450 habitants au km2. Langue : l’anglais ; on parle aussi le gaélique en Écosse, le gallois au pays de Galles, l’irlandais en Irlande du Nord, le français dans les îles Anglo-Normandes, l’espagnol à Gibraltar. Religions : anglicane, protestante, catholique ; les religions historiquement dominantes sont l’anglicanisme en Angleterre, que professe le souverain, et le protestantisme en Écosse. Monnaie : la livre sterling.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la GrandeBretagne 1. Des origines à la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie (1066) Peuplée à l’origine de Celtes, l’Angleterre est conquise à partir de 43 apr. J.-C. par les Romains, qui la réduisent à l’état d’une province de leur Empire, la Bretagne. La domination romaine, qui couvre aussi de façon permanente l’actuel pays de Galles, se protège des incursions venant du nord (l’Écosse) par l’édification de deux murs, d’abord celui d’Hadrien (130), puis celui d’Antonin (138) plus au nord. Le pays est soumis à l’influence de la civilisation romaine, tout en gardant profondément ses coutumes celtiques. S’y développe alors un premier réseau de villes (Londres, York, Winchester) et le pays se convertit au christianisme au IVe siècle. Au Ve siècle, après le retrait des autorités romaines (vers 410), le pays subit des invasions de peuples venus de Germanie, les Angles, les Jutes et les Saxons, qui refoulent les populations celtes vers le nord-ouest (sud-ouest de l’Écosse), l’ouest (pays de Galles) et le sudouest (Cornouailles), voire vers la Bretagne continentale. Au VIe siècle, les Saxons et les Angles fondent, dans l’actuelle Angleterre, sept royaumes (l’Heptarchie) : Kent, Essex, Sussex, Wessex, East Anglie, Mercie, Northumbrie. Ils sont à leur tour christianisés au VIIe siècle : fondation du siège de Cantorbéry en 597 par saint Augustin (de Cantorbéry), de celui d’York en 634. Au début du IXe siècle, le roi de Wessex, Egbert le Grand, parvient à unifier temporairement l’Heptarchie sous son sceptre (825). Mais, à partir de 865, l’invasion des Danois va de nouveau diviser durablement le pays, car seul le Wessex résiste ; en 880, le pays est partagé entre un royaume danois (Danelaw) au nord et à l’est, et le Wessex dont le roi, Alfred le Grand, prend le titre de roi des Angles et des Saxons. Au Xe siècle, les Anglo-Saxons reconquièrent peu à peu le royaume danois, l’unité est restaurée à leur profit, en dépit de la brève domination (1016-1035) d’un roi danois, Canut le Grand. Ainsi naît l’Angleterre. À Canut succède en 1042 un descendant d’Alfred, le roi saint Édouard le Confesseur. Celui-ci promet la succession à son lointain cousin Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, mais à sa mort son parent Harold s’empare du
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Les États existants trône (janvier 1066). Guillaume débarque en Angleterre, vainc Harold — qui est tué dans la bataille — à Hastings (octobre 1066), et s’empare à son tour du trône (décembre). Au pays de Galles, les Celtes qui s’y sont repliés au Ve siècle s’organisent en petits royaumes, qui sont, à partir du IXe siècle, fédérés par des « hauts rois ». Subissant des invasions de Vikings, ils sont contraints de rechercher la protection des Anglo-Saxons, qui deviennent suzerains des royaumes gallois au XIe siècle. S’agissant de l’Écosse — l’antique Calédonie —, peuplée à l’origine de Celtes (les Pictes), la domination romaine n’y est jamais que partielle, temporaire et superficielle. Après le départ des Romains, le pays est l’objet d’invasions de la part des Scots (des Irlandais) à l’ouest, des Angles au sud-est, des Britons au sud-ouest (royaume de Strathclyde), refoulant les Pictes vers le nord. Au VIe siècle, l’Écosse commence à être évangélisée par saint Colomba. Au début du IXe siècle, les Vikings s’emparent des îles, isolant les Scots de leurs frères d’Irlande. En 844, le roi scot Kenneth MacAlpin réalise à son profit l’union des Pictes et des Scots (royaume d’Alba). En 1034, le royaume d’Alba absorbe celui de Strathclyde, et devient le royaume d’Écosse.
2. De 1066 à l’avènement des Tudors (1485) La prise du pouvoir par Guillaume le Conquérant modifie radicalement la situation politique de l’Angleterre. Le roi, qui demeure duc de Normandie et, à ce titre, vassal du roi de France, confisque les domaines de la noblesse anglaise, restée fidèle à Harold, et les distribue à ses barons normands, tout en en conservant la majeure partie comme propriété personnelle, administrée à son profit. Le français devient la langue ordinaire de la cour et du pouvoir, et la politique du pays va être durablement tournée vers la France, par suite des ambitions continentales des descendants de Guillaume. Par ailleurs, le pays de Galles est peu à peu partagé entre deux régions : au nord, des princes gallois vassalisés, au sud et à l’est des barons normands investis du pouvoir (les Marches). Enfin, en 1072, Guillaume reçoit l’hommage du roi d’Écosse. À la mort de Guillaume (1087), la Normandie et l’Angleterre sont séparées, mais elles sont réunifiées en 1106 par son troisième fils, Henri Ier Beauclerc. Celui-ci désigne pour successeur son petit-fils Henri, qui est aussi fils du comte d’Anjou, Geoffroi Plantagenêt. À la mort d’Henri Ier, au terme d’une guerre de succession suscitée par les barons normands, Henri II Plantagenêt, duc de Normandie depuis 1150, comte d’Anjou, du Maine et de Touraine depuis 1151, devient roi d’Angleterre (1154). Or, en 1152, Henri II a épousé Aliénor d’Aquitaine, répudiée peu de temps avant par le roi Louis VII de France, qui lui apporte en dot les terres françaises bordant l’océan depuis la Loire jusqu’aux Pyrénées (Poitou, Angoumois, Saintonge, Guyenne, Gascogne, Marche, Limousin). De plus, en 1171, Henri II devient suzerain de l’Irlande, conquise par ses propres vassaux anglo-normands. Ce vaste ensemble continental, qui menace un temps la suprématie du roi de France, suzerain du roi d’Angleterre pour les terres françaises, est bientôt perdu par les successeurs d’Henri II : la Touraine, l’Anjou, le Maine et la Saintonge en 1204-1206, la Normandie en 1208, à l’exception de l’archipel des îles Anglo-Normandes. Seules l’Aquitaine et ses dépendances demeurent aux mains des Anglais. Cependant, dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, l’Angleterre parvient peu à peu à s’emparer de ce qui reste du pays de Galles aux mains des princes gallois. Après le règne du prince Llywelyn, sur la principauté de Gwynedd (au nord-ouest) et sur ses dépendances, les Anglais profitent de dissensions entre ses descendants pour conquérir ces territoires. En 1301, le roi Édouard Ier possède l’ensemble du pays de Galles, et l’érige en principauté au profit de son fils aîné. En revanche, l’Écosse, dont les rois reconnaissent la suzeraineté du roi d’Angleterre, parvient à maintenir son indépendance, en dépit de crises de succession qui incitent Édouard Ier à tenter de s’en emparer. Mais l’Écosse — qui dès 1266 a repris les îles écossaises aux Vikings (hormis les Orcades et les Shetlands, reprises en 1468) — résiste (épopée de William Wallace) et le roi Robert Bruce finit par vaincre les Anglais, qui reconnaissent en 1328 l’indépendance de l’Écosse. Celle-ci, qui fait alliance durable avec la France au milieu du XIVe siècle
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Grande-Bretagne (Auld Alliance), voit s’installer pour longtemps le règne des Stuarts, à partir du roi Robert II (1371-1390), petit-fils de Robert Ier Bruce et fils de Walter, sénéchal (stewart) d’Écosse. C’est à cette époque que l’Angleterre, profitant là encore d’une rupture de succession dynastique (les Valois succédant aux Capétiens directs), intervient dans les affaires de France, ce qui est cause de la guerre de Cent Ans. L’Angleterre, ravagée en 1348 par la peste noire (un tiers de la population meurt), ne parvient qu’au terme d’un siècle, en 1420, à faire reconnaître le futur Henri VI d’Angleterre, fils du roi Henri V (Lancastre) et petit-fils du roi Charles VI de France par sa mère Catherine de Valois, comme héritier de la couronne de France en remplacement du dauphin Charles. Mais un dernier sursaut (épopée de Jeanne d’Arc) redonne l’avantage au dauphin devenu le roi Charles VII, et les Anglais sont boutés hors de France en 1453, y perdant définitivement l’Aquitaine et n’y conservant que Calais (prise par eux en 1347). S’ensuit une querelle dynastique, la guerre des Deux-Roses, entre les Lancastre et les York, une branche cadette qui l’emporte et règne jusqu’en 1485, date à laquelle l’emporte un baron gallois, Henri Tudor, qui monte sur le trône sous le nom de Henri VII.
3. De 1485 à l’avènement du Royaume-Uni (1707) Le XVIe siècle est en Angleterre le siècle des Tudors, dominé par trois souverains à la forte personnalité : Henri VIII et ses deux filles, Marie Tudor et Élisabeth Ire. Henri VIII, pour des questions de succession, rompt avec la papauté qui refusait d’annuler son premier mariage avec Catherine d’Aragon, fille de Charles Quint. Il est à l’origine de l’Église anglicane, qui éloigne l’Angleterre du monde catholique. Sa première fille, Marie Tudor, fille de Catherine d’Aragon, est demeurée fidèle au catholicisme et entreprend d’y ramener le royaume, d’autant qu’elle a épousé Philippe II d’Espagne. Sa deuxième fille, Élisabeth, fille d’Anne Boleyn, engage durablement l’Angleterre dans l’Église anglicane. C’est pour l’Angleterre une période de grand essor, et la naissance de sa vocation maritime qui fera ultérieurement sa fortune. Renonçant à ses anciennes visées continentales, elle met à profit, spécialement à partir du règne d’Élisabeth, sa rivalité avec l’Espagne pour entamer une politique conquérante au-delà des mers, qui vise d’abord les contrées (et les galions) de l’Espagne et du Portugal (uni à l’Espagne à partir de 1580). En revanche, peu de changements territoriaux interviennent pendant cette période, sur son domaine d’Europe ; seul fait notable, la perte de Calais en 1558, reprise par la France. Par ailleurs, le règne d’Élisabeth est aussi un âge d’or pour les arts et les lettres, qui s’incarne particulièrement dans l’épanouissement du théâtre élisabéthain (Shakespeare, Marlowe, Ben Johnson, etc.). Pendant ce temps, le pays de Galles, qui adopte l’anglicanisme, est de plus en plus intégré à l’Angleterre en tous domaines, perdant ainsi sa spécificité celtique. Quant à l’Écosse, fidèle au début du siècle à son alliance avec la France, elle passe au protestantisme — la religion presbytérienne, d’inspiration calviniste — sous l’influence d’un réformateur, John Knox, pendant le règne de Marie Stuart (1542-1567), restée catholique. Son fils Jacques VI est, lui, protestant et se rapproche de l’Angleterre. En 1603, à la mort sans descendant d’Élisabeth, il devient roi d’Angleterre sous le nom de Jacques Ier. Pendant un siècle, l’union des deux couronnes est personnelle et maintient juridiquement séparées l’Angleterre, qui englobe le pays de Galles et l’Irlande, et l’Écosse, à l’exception d’une brève parenthèse sous Cromwell (voir infra). Les querelles religieuses — tentatives d’imposer l’anglicanisme en Écosse — liées à des considérations dynastiques provoquent la chute temporaire de la monarchie (1649-1660) et l’exécution du roi Charles Ier, tandis qu’Oliver Cromwell instaure le Commonwealth, dont il s’institue Lord Protecteur, qui unit étroitement Angleterre, Écosse et Irlande en un seul Parlement. En 1660, deux ans après sa mort, la monarchie est restaurée au profit de Charles II, fils de Charles Ier. En 1685, son frère Jacques II lui succède et le nouveau roi, converti au catholicisme depuis 1672, protège le catholicisme en Angleterre, avec le soutien actif de Louis XIV. Cette attitude provoque une révolte, soutenue par le stathouder de Hollande, Guillaume d’Orange, lui-même gendre de Jacques II.
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Les États existants En 1688, Guillaume débarque en Angleterre, chasse Jacques II et se fait proclamer roi Guillaume III, conjointement avec son épouse Marie II, fille de Jacques II. Le nouveau roi, qui règne seul à partir de la mort de son épouse en 1694 et qui dispose des forces conjointes de l’Angleterre et des Provinces-Unies, se révèle être le plus résolu des adversaires de Louis XIV sur la scène européenne, jusqu’à sa mort en 1702. Lui succède Anne, sœur de Marie II, qui n’a pas d’enfants et craint des velléités de sécession de l’Écosse à sa mort, au profit de Jacques III Stuart, fils de Jacques II et prétendant aux trônes. Pour les prévenir, elle fait décréter en 1707 l’union de l’Angleterre et de l’Écosse en un Royaume-Uni de Grande-Bretagne, doté d’un Parlement unique à Londres. Désormais, et jusqu’à l’époque d’aujourd’hui, l’ensemble de l’île de Grande-Bretagne est soumis à la même autorité politique.
4. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne (1707-1789) Le règlement de la guerre de Succession d’Espagne, dans laquelle la Grande-Bretagne a pris une part active, se traduit pour elle en 1713 par le gain de la presqu’île de Gibraltar, à l’extrémité de la péninsule Ibérique, et de l’île de Minorque, dans l’archipel des Baléares, qu’elle avait occupées durant le conflit. À la mort de la reine Anne (1714), la couronne échoit à un lointain cousin, l’électeur Georges-Louis de Hanovre, de la maison allemande de Brunswick-Lunebourg, qui devient le roi George Ier, et dont la descendance va régner jusqu’à nos jours en Grande-Bretagne. Son accession au trône britannique entraîne l’union personnelle du Royaume-Uni et de l’électorat de Hanovre, État important du Saint Empire romain germanique. Le peu d’intérêt que portent les premiers rois hanovriens à la politique anglaise — George Ier ne comprend pas l’anglais — fait que le pouvoir est désormais détenu par le gouvernement, émanation de la majorité au Parlement. Le XVIIIe siècle voit la Grande-Bretagne tenir une place éminente sur la scène européenne (participation victorieuse à la guerre de Sept Ans), position qu’elle occupera désormais jusqu’à nos jours. Elle se dote d’une marine puissante, tant de guerre que de commerce, ce qui lui permet de conquérir de nouvelles positions d’importance outre-mer (Indes orientales) et d’intensifier ses échanges avec ses colonies d’Amérique. Par ailleurs, dans cette perspective, l’Angleterre devient, spécialement dans la seconde moitié du siècle, la première puissance au monde accomplissant une révolution industrielle, un demi-siècle à un siècle avant les pays du continent : développement des mines, emploi du charbon, création d’industries, etc. La fin du siècle est assombrie, pour la Grande-Bretagne, par la perte, outre-mer, de la grande colonie d’Amérique, perte reconnue au traité de Versailles du 3 septembre 1783, qui met fin au conflit. Aux termes de ce traité, la Grande-Bretagne cède à l’Espagne l’île de Minorque (et la Floride), mais conserve Gibraltar que l’Espagne espérait aussi recouvrer.
II. La Grande-Bretagne en 1789 La Grande-Bretagne est, par la taille, la première des îles Britanniques. D’une surface de 230 000 km2 et peuplée d’environ 10 millions d’habitants, c’est une île en général peu élevée, plutôt plate en Angleterre où seule la chaîne longitudinale des Pennines marque le paysage, plutôt montagneuse en Cornouailles, dans le pays de Galles (chaîne Cambrienne) et surtout en Écosse (monts Cheviot, chaîne des Grampians, Hautes Terres). Quelques fleuves forment de larges bassins : Tamise, Severn, Ouse, Trent, Mersey, Tweed. Le climat est doux et humide. L’activité économique y est très développée. L’agriculture est prospère, combinant les cultures céréalières, les cultures vivrières et textiles. La pêche est omniprésente dans un pays où les habitants ne sont jamais éloignés de la mer. L’élevage est partout répandu, notamment l’élevage ovin pour la laine. Mais surtout, la Grande-Bretagne a opéré au XVIIIe siècle une révolution industrielle se traduisant par l’exploitation de mines (charbon, fer), la création d’usines dans la métallurgie et le textile, le développement de communications (routes, canaux, cabotage), l’essor d’échanges croisés avec les colonies, l’émergence d’une vraie puissance financière.
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Grande-Bretagne De ce fait, le réseau urbain de Grande-Bretagne, notamment de l’Angleterre, est le plus développé de ceux des pays d’Europe. À côté de la capitale, Londres, qui compte de l’ordre de 700 000 habitants, d’autres villes bénéficient de l’essor industriel en atteignant ou dépassant les 50 000 habitants (Manchester, Birmingham, Leeds, Sheffield). Cette puissance économique procure à la Grande-Bretagne un rôle politique sans commune mesure avec ses dimensions naturelles. Par son or et par sa marine, elle s’impose depuis le début du XVIIIe siècle comme un État majeur de l’Europe, capable de rivaliser avec les grands pays qui comptent sur le continent (France, Prusse, Autriche et, depuis peu, Russie). Sa politique vise essentiellement à maintenir un équilibre européen et à combattre quiconque chercherait à le ruiner. En 1789, sur le plan administratif, les domaines du roi de Grande-Bretagne en Europe peuvent être ainsi répartis : 1) Royaume de Grande-Bretagne (85 comtés) a) Royaume d’Angleterre proprement dit, capitale Londres (40 comtés) : Bedford, Berk (Reading), Buckingham, Cambridge, Chester, Cornouailles (Launceston), Cumberland (Carlisle), Derby, Devon (Exeter), Dorset (Dorchester), Durham, Essex (Chelmsford), Gloucester, Hampshire (Winchester), Hereford, Hertford, Huntingdon, Kent (Cantorbéry), Lancastre, Leicester, Lincoln, Middlesex (Londres), Monmouth, Norfolk (Norwich), Northampton, Northumberland (Newcastle), Nottingham, Oxford, Rutland (Oakham), Shrop (Shrewsbury), Somerset (Bath), Stafford, Suffolk (Ipswich), Surrey (Guildford), Sussex (Chichester), Warwick, Westmorland (Appleby), Wilt (Salisbury), Worcester, York ; b) Principauté de Galles, capitale Cardiff (12 comtés) : Flint, Denbigh, Caernavon, Anglesey (Beaumaris), Merioneth (Bala), Montgomery, Radnor, Cardigan, Pembroke, Caermarthen, Brecknock, Glamorgan (Cardiff) ; c) Royaume d’Écosse, capitale Édimbourg (33 comtés) : – division du Nord (6 comtés) : Orckney (Kirkwall), Caithness (Wick), Sutherland (Strathey), Ross (Taine), Cromarty, Inverness ; – division du Milieu (14 comtés) : Argyle (Inverary), Bute (Rothsay), Navin, Murray (Elgin), Banff, Aberdeen, Mearn (Stonehaven), Angus (Forfar), Perth, Fife (SaintAndrews), Kinross, Clackmannan, Sterling, Dumbarton ; – division du Sud (13 comtés) : Mid Lothian (Édimbourg), West Lothian (Linthlingow), East Lothian (Haddington), Berwick (Greenlaw), Renfrew, Ayr, Wigton, Lanerk, Peebles, Selkirk, Roxburgh (Jedburgh), Dumfries, Kirkudbrigh ; d) Dépendances de l’Angleterre : – archipel des Sorlingues (Newton) ; – île de Man (Castletown), où le roi est Lord of Man ; – îles Anglo-Normandes, où le roi est duc de Normandie : – bailliage de Jersey (Saint-Hélier) ; – bailliage de Guernesey : Guernesey (Port-Saint-Pierre), Aurigny (Sainte-Anne), Sercq ; – presqu’île de Gibraltar. 2) Royaume d’Irlande, en union personnelle avec la Grande-Bretagne, composé de 32 comtés répartis en quatre provinces. (Voir chapitre Irlande.) 3) Électorat de Hanovre, en union personnelle avec la Grande-Bretagne, inclus dans le Saint Empire, cercles de Basse-Saxe, de Haute-Saxe et de Westphalie. (Voir chapitre Allemagne.)
III. De 1789 à la scission du Hanovre (1837) 1. De 1789 à la conclusion du congrès de Vienne (1815) La Révolution française qui éclate en 1789, puis l’épopée napoléonienne qui s’ensuit ne trouvent pas d’ennemi plus résolu que la Grande-Bretagne, qui, protégée par son insularité, va mettre en œuvre tous les moyens dont elle dispose pour leur faire pièce.
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Les États existants De ce fait, pendant plus de vingt ans (1793-1815), ponctués seulement d’une brève interruption d’un peu plus d’un an (1802-1803), la Grande-Bretagne va être en état de guerre avec la France. Si son caractère insulaire protège son territoire principal de l’invasion des armées françaises, il n’en ira pas de même de sa composante continentale, le Hanovre, et par ailleurs son commerce maritime avec l’Europe et, partant, sa prospérité vont être durablement affectés par les circonstances de la guerre. En 1793, la Grande-Bretagne, inquiète des développements de la guerre qui oppose la France révolutionnaire à une coalition européenne, et indignée de l’exécution du roi Louis XVI, entre en guerre contre la France. Elle va consacrer l’essentiel de son activité de guerre sur les mers, que ce soit hors d’Europe, visant les colonies françaises et celles de l’Espagne, alliée à la France, et sur les mers bordant l’Europe. Dans ce cadre, en 1798, la Grande-Bretagne réoccupe l’île espagnole de Minorque. Par ailleurs, les Irlandais, catholiques, se sont révoltés en 1796, à l’instigation de la France. Le soutien armé de la France révolutionnaire ayant échoué, la Grande-Bretagne décide de faire disparaître la spécificité de la nation irlandaise. Par l’Acte d’union du 7 juin 1800, le parlement de Dublin est aboli et le gouvernement et le parlement de Londres reçoivent tout pouvoir sur l’Irlande, qui est englobée dans le Royaume-Uni, l’ensemble prenant le nom de Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. Outre ses dépendances maritimes, le Royaume-Uni (314 000 km2) comprend désormais 117 comtés : 40 anglais, 12 gallois, 33 écossais et 32 irlandais. En Méditerranée, la Grande-Bretagne apporte son soutien financier et maritime aux États menacés par les armées révolutionnaires de la France. C’est ainsi qu’elle protège par sa flotte, en 1799, les replis respectifs du roi de Sardaigne — chassé du Piémont — sur son île de Sardaigne, et du roi des Deux-Siciles — chassé de Naples — sur son île de Sicile. Par ailleurs, Bonaparte, en route vers l’Égypte, avait annexé à la France l’archipel de Malte, possession de l’Ordre, en juin 1798. À la suite de revers français, la flotte anglaise s’était emparée en septembre 1798 de la majeure partie de l’archipel, sauf des cités fortifiées de La Valette. Au terme d’un siège de deux ans, la garnison française capitule en septembre 1800 et la Grande-Bretagne prend officiellement possession de Malte « au nom du roi des DeuxSiciles » (ancien suzerain de l’archipel). En décembre 1800, les Deux-Siciles ayant opéré un rapprochement avec la France, la Grande-Bretagne impose sa protection à l’archipel de Malte. Par la paix d’Amiens du 25 mars 1802, signée avec la France, la Grande-Bretagne restitue à l’Espagne l’île de Minorque. Elle s’engage à restituer l’archipel de Malte à l’ordre des Hospitaliers de SaintJean, mais usera ensuite de moyens dilatoires pour en refuser la restitution effective. En mai 1803, dès la reprise des hostilités entre la France et la Grande-Bretagne, le premier consul Bonaparte fait occuper le Hanovre par des troupes françaises. En 1805, l’empereur Napoléon rassemble une grande armée au camp de Boulogne, en vue d’envahir l’Angleterre. Mais il y renonce brusquement, engageant avec promptitude ses troupes en direction de l’Autriche, pour affronter les armées russes et autrichiennes coalisées. À l’issue de sa victoire d’Austerlitz, par le traité de Schœnbrunn du 15 décembre 1805 signé avec la Prusse, l’empereur Napoléon attribue le Hanovre à la Prusse, en échange d’autres territoires (Clèves, Anspach, Neuchâtel). Le roi de Prusse hésite à ratifier ce traité, qui aura pour effet de le brouiller avec la Grande-Bretagne, et Napoléon l’y contraint, sous ultimatum, en février 1806. Le roi de Grande-Bretagne se voit ainsi dépouillé malgré lui de son électorat de Hanovre. Le 21 novembre 1806, par décret pris à Berlin, Napoléon institue le blocus continental contre la Grande-Bretagne, en réponse au blocus maritime décrété par celle-ci contre l’Empire français.
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Grande-Bretagne Après l’entrevue de Tilsitt (juillet 1807) entre la France et la Russie, la Grande-Bretagne cherche à contraindre le Danemark à rallier son camp. La flotte anglaise bombarde Copenhague (septembre 1807) et s’empare de l’île holsteinoise d’Héligoland, au large des côtes allemandes. En août 1808, un corps expéditionnaire britannique débarqué au Portugal oblige les armées françaises à évacuer ce pays et impose durablement un protectorat de fait de la Grande-Bretagne sur le Portugal, dont le roi s’est replié au Brésil. Le traité de Tilsitt (juillet 1807) avait stipulé la cession à Napoléon de l’archipel des îles Ioniennes, que la France avait aussitôt occupé. D’octobre 1809 à avril 1810, les Anglais s’emparent de toutes les îles Ioniennes, sauf de Corfou qui ne capitule qu’en juin 1814. À partir d’octobre 1813, la défaite française de Leipzig entraîne le repli de la France hors d’Allemagne, le royaume de Westphalie et l’extension de l’Empire français en Allemagne disparaissent. Le Hanovre est aussitôt reconstitué dans ses limites du recès de 1803 et rendu au roi de Grande-Bretagne. Par le traité de Kiel du 14 janvier 1814, le Danemark, mis en difficultés par le repli de la France napoléonienne, est contraint de céder à la Grande-Bretagne l’île d’Héligoland, occupée depuis 1807 par les Anglais. Dans les négociations de paix qui s’ouvrent pour réorganiser l’Europe à la suite de la chute du système napoléonien, la Grande-Bretagne va jouer un rôle actif et éminent. Mis à part la restitution du Hanovre, elle va s’interdire toute ambition territoriale sur le continent européen. En Europe proprement dite, la Grande-Bretagne va surtout s’attacher à poursuivre sa politique constante, à savoir l’équilibre entre les diverses puissances continentales, de manière à éviter que l’une d’entre elles retrouve la suprématie qui caractérisa la France napoléonienne, et par là à assurer les conditions politiques favorables à l’expansion en Europe de son commerce. Au premier traité de Paris du 30 mai 1814, les puissances attribuent à la Grande-Bretagne l’archipel de Malte, en pleine souveraineté. Le 26 octobre 1814, les puissances réunies à Vienne érigent l’ancien électorat en royaume de Hanovre, de nouveau lié à la Grande-Bretagne en union personnelle. Par le traité de Paris du 5 novembre 1815, les puissances attribuent à la Grande-Bretagne le protectorat sur la république des États-Unis des Îles Ioniennes, qui conservera toutefois ses propres institutions.
2. De 1815 à la scission du Hanovre (1837) La Grande-Bretagne se trouve à partir de 1815 dans une situation confirmée de puissance qui compte dans le concert européen. Elle domine désormais l’ensemble des îles Britanniques, depuis l’absorption de l’Irlande en 1800, se satisfaisant des conquêtes insulaires sur les mers d’Europe (Héligoland, Malte, îles Ioniennes) et vers des horizons plus lointains, qui contribuent à affermir l’essor retrouvé de son commerce maritime. Son roi, qui est désormais aussi roi de Hanovre, dispose de ce fait d’une position de droit au sein de la Confédération germanique, ce qui lui donne de peser sur les affaires de l’Allemagne. Enfin, unie aux autres vainqueurs dans la Sainte-Alliance, la Grande-Bretagne va désormais, et pour un siècle et demi, être partie prenante dans toutes les actions diplomatiques des puissances touchant l’Europe. En août 1820, une révolution éclate au Portugal, qui met fin au protectorat de fait de la Grande-Bretagne et réclame le retour du roi. Toutefois, la Grande-Bretagne demeure économiquement le partenaire privilégié de ce pays. En juillet 1837, à la mort sans postérité du roi Guillaume IV de Grande-Bretagne et de Hanovre, sa nièce Victoria lui succède sur le trône britannique. Le Hanovre observant la loi salique, le duc de Cumberland Ernest-Auguste, frère du défunt roi, lui succède sur le trône de Hanovre. Les couronnes de Grande-Bretagne et de Hanovre sont désormais pour toujours séparées.
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Les États existants IV. De 1837 à la sécession de l’Irlande (1921) 1. De 1837 à l’éclatement de la Première Guerre mondiale (1914) Puissance insulaire et maritime, privée désormais de son appendice continental que constituait le Hanovre, la Grande-Bretagne se convainc, un siècle avant les autres grandes nations du continent, que la puissance d’un pays se mesure à l’aune de son potentiel économique et commercial plus qu’à celle de ses possessions territoriales. Elle est néanmoins fortement impliquée dans les affaires européennes, ayant part aux modifications politiques qui interviennent sur ce continent : naissance de la Belgique et de la Grèce, émergence progressive d’États-nations dans les Balkans. Au gré de ces péripéties, trois modifications de la composition de ses dépendances insulaires d’Europe vont intervenir au cours de la période précédant le premier conflit mondial. La Grande-Bretagne avait, avec la France, joué un rôle actif dans la création d’un royaume de Grèce (1830). Le trône de ce nouveau pays avait d’abord été attribué à un fils du roi de Bavière. Mais une révolution l’en a chassé et les puissances se mettent en quête d’un nouveau roi pour la Grèce. Le prince Guillaume, fils puîné du roi de Danemark, est pressenti pour lui succéder, ce qu’il fera sous le nom de Georges Ier. Pour contribuer à favoriser les conditions d’avènement au trône du roi Georges Ier, et parce que ce dernier le requérait comme condition sine qua non de son acceptation, par la convention de Londres du 14 novembre 1863 signée par les puissances, la Grande-Bretagne cède à la Grèce les îles Ioniennes, à l’unisson du vœu du parlement ionien exprimé le 5 octobre. La cession est effective le 28 mai 1864. Par traité du 4 juin 1878, pour se faire payer ses bons offices dans le règlement de la première guerre balkanique, la Grande-Bretagne reçoit à bail de la Turquie l’île de Chypre. L’île reste juridiquement turque mais sera administrée par la Grande-Bretagne, qui paiera à la Porte une redevance annuelle. Enfin, en 1890, en échange de l’île de Zanzibar, la Grande-Bretagne cède l’île d’Héligoland à l’Allemagne, qui l’attribue à la Prusse en 1891.
2. De 1914 à la sécession de l’Irlande (1921) La fin du XIXe siècle voit en Europe la montée progressive des ambitions antagonistes des puissances, assortie d’une course dans leur équipement en forces militaires et navales. Considérant que la puissance susceptible de rompre l’équilibre européen n’est plus la France, affaiblie par la guerre de 1870, mais la nouvelle Allemagne impériale, la GrandeBretagne, en réponse au rapprochement germano-austro-italien (Triplice), se résout à se rapprocher de la France (Entente cordiale de 1905) et de la Russie, elles-mêmes alliées. De ce fait, c’est dans le cadre des obligations de la Triple Entente (France, Grande-Bretagne, Russie) qu’elle est entraînée (juillet 1914) dans le premier conflit mondial. Étant entrée en guerre contre la Turquie, la Grande-Bretagne annexe l’île de Chypre le 5 novembre 1914. Cette annexion sera entérinée après la guerre par les traités de Sèvres (1920) et de Lausanne (1923). Par son ampleur, sa durée, les pertes massives en hommes qu’il provoque, le conflit épuise la Grande-Bretagne, comme la plupart des belligérants actifs, et porte un coup fatal à la situation de premier ordre qu’elle occupait dans le monde. Le 18 septembre 1914, la Grande-Bretagne avait accordé à l’Irlande le Home Rule (autonomie), aussitôt suspendu par la guerre (voir chapitre Irlande). Un soulèvement nationaliste à Dublin en avril 1916 a été réprimé dans le sang. Les élections parlementaires de 1918 amènent en Irlande l’élection de députés séparatistes (Sinn Fein). Tirant les conclusions de cette évolution, par le traité de Londres du 6 décembre 1921, la Grande-Bretagne partage l’Irlande en deux parties : – l’Irlande du Nord (Ulster), qui reste partie intégrante du Royaume-Uni, avec statut d’autonomie : d’une surface de 14 100 km2, elle est composée de six des neuf comtés de
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Grande-Bretagne l’ancienne province d’Ulster, à savoir Antrim, Arnagh, Down, Tyrone, Fermanagh, Londonderry ; avec Belfast pour capitale, elle est en majorité protestante, mais les deux comtés de Tyrone et de Fermanagh sont individuellement à majorité catholique ; – l’Irlande du Sud, qui devient l’État libre d’Irlande, dominion de l’Empire britannique : d’une surface de 70 300 km2, ce nouvel État est composé des trois derniers comtés de l’Ulster (Donegal, Cavan, Monaghan) et des trois autres provinces de l’Irlande, soit au total 26 comtés ; avec Dublin pour capitale, il est en majorité catholique. L’Irlande du Sud, comme tous les dominions d’au-delà des mers, n’est plus unie à la Grande-Bretagne que par le lien ténu, mais réel, de l’union personnelle, le roi de GrandeBretagne demeurant le souverain de ce nouvel État.
V. La Grande-Bretagne contemporaine (1921 à nos jours) Le Royaume-Uni perd ainsi 70 300 km2 et 26 comtés ; il est ramené à une surface de 244 100 km2 en 91 comtés : 40 anglais, 12 gallois, 33 écossais, 6 irlandais. Il atteint à cette date la configuration territoriale qu’il connaît encore de nos jours. Il modifie en conséquence son titre officiel, qui devient Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. L’Angleterre proprement dite voit peu après le nombre de ses comtés passer de 40 à 50 par : – création d’un comté de Londres ; – dédoublement du comté de Cambridge en Cambridge et Isle of Ely, du comté de Suffolk en East- et West-Suffolk, du comté de Sussex en East- et West-Sussex, du Hampshire en Hampshire et Île de Wight, du comté de Northampton en Northampton et Soke of Peterborough ; – scission en trois du comté de Lincoln (Holland, Kesteven et Lindsey) et du comté d’York (East-, North- et West-Riding). Comme tous les pays industrialisés d’Europe, la Grande-Bretagne est durement touchée par la crise économique des années 1930. Elle demeure cependant un pays puissant, par l’étendue de son Empire, toujours le premier au monde, les capacités de son industrie et de son commerce, la richesse de la place financière de Londres. En juillet 1937, profitant des difficultés de la Grande-Bretagne — crise de succession au trône par suite de l’abdication d’Édouard VIII —, le gouvernement de Dublin, présidé par De Valera, fait voter par le parlement une Constitution républicaine dotée d’un président ; l’Irlande, qui devient l’Eire, reste toutefois membre du Commonwealth ; la Constitution fait référence explicite à une future réunification de l’île. La Grande-Bretagne entre en 1939 dans le second conflit mondial, aux côtés de la France. Son insularité lui permet de nouveau — mis à part les îles Anglo-Normandes occupées par les troupes allemandes — de résister aux projets d’invasion de l’Allemagne. Elle doit toutefois subir en 1940, après la défaite de la France, une rude et longue bataille aérienne menée par l’aviation allemande, puis tout au long du conflit des combats navals autour de l’Europe. Elle demeure l’ennemi résolu des forces de l’Axe, ce qui lui donne de finir la guerre dans le camp des vainqueurs. Elle sort une nouvelle fois épuisée du conflit, et va perdre en vingt ans la quasi-totalité de son Empire, n’y maintenant plus qu’une influence politique et économique au travers du Commonwealth. Le 18 avril 1949, l’Irlande du Sud est officiellement proclamée république d’Irlande et quitte le Commonwealth, brisant ainsi les derniers liens avec la couronne britannique. En février 1959, la Grande-Bretagne, la Grèce et la Turquie signent les accords de Zurich qui décident la création d’une république de Chypre, État indépendant qui sera membre du Commonwealth ; sur l’île de Chypre, la Grande-Bretagne conservera deux bases aéronavales, Dékélia et Akrotiri (250 km2), en toute souveraineté (voir chapitre Chypre). Le 16 août 1960, l’île devient république de Chypre.
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Les États existants En février 1964, le nombre de comtés de l’Angleterre proprement dite est ramené de 50 à 46, plus le Greater London, par : – réunion en un seul comté des deux comtés de Cambridge et Isle of Ely, ainsi que des deux comtés de Hutingdon et de Peterborough ; – suppression des deux comtés de Londres et de Middlesex, qui sont incorporés dans le Greater London en compagnie de fragments de l’Essex, du Kent, du Surrey et du Hertford. Faisant suite à la victoire législative des indépendantistes, la Grande-Bretagne accorde, le 21 septembre 1964, l’indépendance à l’archipel de Malte, qui devient dominion, conservant la reine pour souverain (union personnelle). À cette date, le Royaume-Uni ne possède plus en Europe, au-delà de l’archipel des îles Britanniques, que les dépendances des îles Anglo-Normandes, au large des côtes françaises, de la presqu’île de Gibraltar, au sud de l’Espagne, et des deux bases militaires de Chypre, situation encore en vigueur de nos jours. En 1968, le comté de Monmouth (en gallois Gwent), rattaché de longue date à l’Angleterre mais revendiqué par le pays de Galles, est transféré de l’Angleterre au pays de Galles. L’Angleterre passe alors de 46 à 45 comtés (plus le Greater London), le pays de Galles de 12 à 13 comtés. Le 13 décembre 1974, Malte devient république de Malte, tout en demeurant membre du Commonwealth ; l’union personnelle est abolie. En 1975, l’Écosse est administrativement réorganisée en huit régions : Lothian (Édimbourg), Strathclyde (Glasgow), Borders, Dumfries-et-Galloway, Central, Tayside, Grampian, Highland. Le pays de Galles est lui aussi réorganisé en huit comtés : Clevyd, Gwynedd, Powys, Dyfed, Gwent, West-, Mid- et South-Glamorgan. La Grande-Bretagne, déchue de son empire d’au-delà des mers, se résout à se tourner vers l’Europe en voie d’unification. Rejetée deux fois (1963 et 1967) par le veto opposé par le général de Gaulle, son adhésion à la Communauté européenne se produit le 1 er janvier 1973. À partir de 1996 intervient une réforme administrative de grande ampleur, pas encore achevée, qui conduit à juxtaposer aux divisions historiques de nouvelles unités administratives.
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Grèce
Grèce Le pays en bref État républicain : la République hellénique. Président : Karolos Papoulias. Représentation parlementaire : la Vouli, chambre unique des députés. Capitale : Athènes. Division administrative en 13 périphéries (régions), 54 nomes (départements), 147 éparchies (arrondissements) : – Attique (Athènes), composée de 4 nomes : Athènes, Le Pirée, Attique-de-l’Ouest (Éleusis), Attique-de-l’Est (Pallini) ; – Grèce centale (Lamia), composée de 5 nomes : Eubée (Chalkis), Béotie (Livadia), Phocide (Amphissa), Eurythanie (Karpénission), Phtiotide (Lamia) ; – Grèce de l’Ouest (Patras), composée de 3 nomes : Achaïe (Patras), Elide (Pyrgos), Étolie-et-Acarnanie (Missolonghi) ; – Péloponnèse (Tripolis), composé de 5 nomes : Messénie (Kalamata), Laconie (Sparte), Arcadie (Tripolis), Argolide (Nauplie), Corinthe ; – Thessalie (Larissa), composée de 4 nomes : Larissa, Trikala, Magnésie (Volos), Carditsa ; – Épire (Janina), composée de 4 nomes : Janina, Arta, Prévéza, Thesprothie (Igouménitsa) ; – Macédoine de l’Ouest (Kozani), composée de 4 nomes : Kozani, Grévéna, Kastoria, Florina ; – Macédoine centrale (Salonique), composée de 7 nomes : Salonique, Piérie (Katérini), Émathie (Verria), Pella, Kilkis, Serrès, Chalcidique (Polyghyros) ; – Macédoine de l’Est et Thrace (Komotini), composée de 5 nomes : Évros (Alexandroupolis), Rhodope (Komotini), Xanthi, Kavalla, Drama ; – Îles Ioniennes (Corfou), composées de 4 nomes : Corfou, Leucade, Céphalonie (Argostoli), Zante ; – Nord de la mer Égée (Mytilène), composée de 3 nomes : Lesbos (Mytilène), Chios, Samos ; – Sud de la mer Égée (Ermoupolis), composées de 2nomes : , Cyclades (Ermoupolis), Dodécanèse (Rhodes) ; – Crète (Héracleion ou Candie), composée de 4 nomes : Héracleion, Lassithi (Saint-Nicolas), Réthymnon, La Canée. Superficie : 132 000 km2, dont 25 000 pour les îles ; population : 10 millions d’habitants ; densité : 75 habitants au km2. Langue : le grec moderne (le démotique). Religions : orthodoxes 97 %, autres 3 %. Monnaie : l’euro ; la drachme jusqu’en 2001.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Grèce 1. L’Antiquité Au début du XIe siècle av. J.-C., l’arrivée des Doriens dans la péninsule grecque achève de façonner l’identité du peuple grec, dont la civilisation va briller d’un vif éclat. Du VIIIe au VIe siècle, les Grecs essaiment des colonies dans toute la Méditerranée et en mer Noire, tandis que commencent à apparaître les prémices de démocratie dans certaines cités.
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Les États existants Le Ve siècle est l’âge classique des cités grecques, singulièrement d’Athènes (siècle de Périclès), qui commence par la résistance victorieuse opposée aux Mèdes (guerres médiques) et s’achève par la défaite d’Athènes face à Sparte (guerres du Péloponnèse). Vaincus par les Macédoniens au IVe siècle av. J.-C., les Grecs sont englobés dans l’empire d’Alexandre (336-323), auquel succèdent les divers royaumes de la période hellénistique ; la Vieille Grèce est soumise aux Antigonides. En 146 av. J.-C., elle passe sous la domination romaine ; en 27 av. J.-C., elle devient la province d’Achaïe (chef-lieu Corinthe) de l’Empire romain. Les Grecs retrouvent une personnalité au IVe siècle apr. J.-C., puis une indépendance au Ve siècle, lorsque s’effondre l’Empire romain d’Occident. L’Empire romain d’Orient, appelé byzantin, va perdurer dix siècles, avec des phases d’expansion et de recul, au gré des invasions ostrogothiques, lombardes, slaves et turques.
2. Le Moyen Âge et les Temps modernes En 1204, la quatrième croisade s’empare de Constantinople et y fonde un Empire latin (1204-1261), ce qui va provoquer en Vieille Grèce l’érection d’États latins : royaume de Thessalonique, duché d’Athènes, principauté d’Achaïe (Péloponnèse), tandis que les Grecs se maintiennent à Nicée, à Trébizonde et en Épire, et que Venise s’octroie d’importants privilèges (possession d’une fraction de Constantinople) et s’installe en Crète et dans d’autres îles grecques. Parallèlement, Chypre est conquise par les croisés, qui vont pour trois siècles en faire un royaume latin. La fin du XIIIe siècle voit la majeure partie de l’Empire reconquise par les Grecs mais, au XIVe siècle, l’Empire se rétracte de nouveau sous la pression des Slaves (Douchan) au nord et des Turcs au sud, lesquels finissent par franchir les Détroits et s’installer durablement à Andrinople (1365). Le milieu du XVe siècle voit la chute finale des Grecs à Constantinople (1453), suivie de la conquête par les Ottomans de la Morée, de l’Attique, des îles tenues par les Vénitiens (Nègrepont, Chypre) et de leurs points de terre ferme (Modon et Coron, les « prunelles » de Venise), des îles tenues par les Génois (Lesbos, Chios) ou par les chevaliers de SaintJean (Rhodes). La Crète vénitienne (Candie) est perdue en 1669, peu avant la reconquête temporaire de la Morée par Venise (1690-1715). La paix de Passarowitz (1718) fige pour un siècle les positions. En 1770 se produit la première manifestation du réveil de la nation grecque : une révolte en Morée, aussitôt réprimée par la Porte, en dépit d’une intervention navale russe.
II. L’espace grec en 1789 En 1789, la Grèce n’est plus qu’une expression géographique. Cette nation qui, dans l’Antiquité, a tant brillé des feux de sa civilisation, ne s’incarne plus, depuis 1453, dans un État. Au sens restreint de Vieille Grèce, extrémité méridionale de la péninsule balkanique, la Grèce de 1789 fait partie de l’Empire ottoman. Au sens plus large de contrées dans lesquelles vivent des gens de peuplement grec, deux pays se partagent (très inégalement) la Grèce : – la république de Venise, qui possède les sept îles Ioniennes ; – l’Empire ottoman, qui possède le reste des zones de peuplement grec : Phanar (quartier grec de Constantinople), Thrace, Macédoine méridionale, Épire (Albanie méridionale), Thessalie, Étolie, Acarnanie, Attique, Morée (Péloponnèse), Cyclades, Sporades, côte occidentale d’Asie Mineure, Dodécanèse, Crète, Chypre, plus quelques îlots de peuplement en Méditerranée orientale (Levant, Égypte). Les zones de peuplement grec sont toutes situées dans le bassin méditerranéen oriental qui leur donne leur unité ; régions de terres arides, plus propices à la vigne et à l’olivier qu’aux autres cultures, elles sont surtout toujours proches de la mer, qui crée le lien entre les Grecs et leur donne d’être un peuple de marins, de marchands et de corsaires, qui fournit l’essentiel de ses équipages à la marine turque. Hormis quelques cités (Constantinople, Salonique, Alexandrie), d’ailleurs très minoritairement grecques, l’activité des villes est bien déchue, au regard d’une civilisation qui exalta tant les vertus de la cité.
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Grèce 1. Le Levant vénitien Les îles Ioniennes constituent, avec les quatre points de terre ferme qui leur sont rattachés, la province du Levant vénitien, mince lambeau du réseau de comptoirs maritimes qui fit la force de Venise en Méditerranée. L’archipel comporte sept îles, avec leurs dépendances : – Corfou, l’antique Corcyre, chef-lieu Corfou, avec les îlots de Fano, Vido et Merlera ; – Paxo, chef-lieu Porto-Gai, avec l’îlot d’Antipaxo ; – Sainte-Maure, l’antique Leucade, chef-lieu Sainte-Maure ; – Ithaque ou Théaki, chef-lieu Vathi, avec les îlots de Calamo, Castro et Mégasini ; – Céphalonie, chef-lieu Argostoli ; – Zante, chef-lieu Zante, avec les îlots des Strophades ou Strivali ; et, très éloignée des autres, déjà en mer Égée : – Cérigo, l’antique Cythère, chef-lieu Capsali, avec l’îlot de Cérigotto. Les quatre points de terre ferme sont accolés à l’Albanie turque : Butrinto, Parga, Prévéza, Vonizza. L’ensemble de la province est administré au nom de Venise par le « provéditeur général de la mer », résidant à Corfou, doté des pleins pouvoirs. La Sérénissime y gouverne des populations essentiellement grecques et orthodoxes, vivant sur des îles pauvres et économiquement dépendantes tout à la fois des ressources financières de Venise et des approvisionnements de la terre ferme turque.
2. L’Empire ottoman Hormis les îles Ioniennes, l’ensemble grec est, comme indiqué plus haut, compris dans l’Empire ottoman. Pour s’en tenir aux régions de peuplement grec qui vont constituer la Grèce d’aujourd’hui, celles-ci sont réparties entre les trois vilayets suivants : – le vilayet de Roumélie, chef-lieu Monastir (Bitola) : sandjaks de Kavalla, Salonique, Monastir, Janina, Trikala et Livadia ; – le vilayet de Morée (Péloponnèse), chef-lieu Tripolitsa ; – le vilayet des Îles ou de Djézaïr, chef-lieu Gallipoli : Smyrne, Sporades, Nègrepont (ou Eubée), Cyclades, Crète (ou Candie), quelques côtes de Grèce (Dardanelles, Acarnanie), ainsi que Chypre, qui aura sa propre destinée. Certaines populations grecques y constituent des entités politiques particulières, sortes de républiques tributaires de la Porte : la république monastique du Mont-Athos en Chalcidique — qui regroupe des monastères grecs, mais aussi serbes, bulgares, roumains et russes —, le pays des Souliotes en Albanie méridionale, celui des Maïnotes dans le sud de la Morée (pays du Magne) ; de plus, la Morée tout entière conserve, depuis la reconquête de 1715, une relative autonomie incarnée dans l’existence d’un sénat grec siégeant à Tripolitsa à côté du pacha turc. Enfin, le peuple grec dispose, parmi les populations non musulmanes de l’Empire, d’une place privilégiée symbolisée par le rôle politique, économique et religieux du Phanar, où s’épanouit une élite grecque occupant d’importantes fonctions au sein de l’Empire, tandis que son chef religieux, le patriarche œcuménique, a rang officiel de pacha à trois queues et régit tous les orthodoxes, grecs ou non, dépendant de la Porte.
III. De 1789 à l’érection du royaume de Grèce (1830) Après la révolte de Morée, et jusqu’au début des années 1820, le monde grec soumis à l’autorité de Constantinople retombe en léthargie, et les événements qui agitent l’Europe ne s’y font pas sentir. En revanche, les îles Ioniennes sont prises dans la tourmente.
1. Le destin mouvementé des îles Ioniennes (1797-1817) Aux préliminaires de Leoben (avril 1797), qui mettent fin aux hostilités entre la France et l’Autriche, il est convenu de laisser les îles Ioniennes à la république de Venise. Mais la prise
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Les États existants de la ville de Venise par Bonaparte le 15 mai incite les Français à débarquer en juin à Corfou, Bonaparte convoitant ces îles. La paix entre la France et l’Autriche est signée en octobre 1797 à Campo-Formio. Le démantèlement des possessions de Venise y est prononcé et la France se voit attribuer les îles Ioniennes et leurs quatre points de terre ferme d’Albanie turque, qui sont annexés à la République française. Cette dernière les divise en trois départements : – Corfou, chef-lieu Corfou : Corfou, Paxo, Fano, Merlera, Vido, Antipaxo ; sur la terre ferme : Butrinto et Parga ; – Ithaque, chef-lieu Argostoli : Céphalonie, Sainte-Maure, Ithaque, Calamo, Castro, Mégasini ; sur la terre ferme : Prévéza et Vonizza ; – Mer Égée, chef-lieu Zante : Zante, les Strophades, Cérigo et Cérigotto. Cérigo et Cérigotto étant seules situées en mer Égée, le nom donné à ce département laisse présager les ambitions d’expansion de Bonaparte. Ayant pris la décision d’envoyer Bonaparte conquérir l’Égypte (possession ottomane), lequel s’empare au passage de Malte (dont le tsar Paul Ier était devenu protecteur), la France mécontente tout à la fois la Russie et la Turquie. Ces deux puissances s’allient contre la France et, par une expédition navale conjointe, s’emparent en deux mois (octobre-novembre 1798) de six des sept îles, et des quatre points de terre ferme ; Corfou tombe en mars 1799. Au terme d’une année de discussions sur l’avenir des îles Ioniennes, une convention russo-turque est signée en mars 1800, qui prévoit : – l’érection d’une république des Sept-Îles Unies (ou République septinsulaire) regroupant sous forme fédérale l’ensemble des îles du ci-devant Levant vénitien ; cet État est tributaire de la Porte, mais avec un droit de regard civil et militaire de la Russie ; – la cession des quatre points de terre ferme à la Turquie, laquelle administrera chacun de ces points par un fonctionnaire spécial chargé d’y faire respecter les coutumes des habitants. La nouvelle République septinsulaire, dotée d’une Constitution élaborée à Constantinople (« Constitution byzantine »), est une confédération dirigée par un archonte assisté d’un sénat de douze membres désignés de la sorte : trois par Corfou, trois par Zante, deux par Sainte-Maure, deux par Céphalonie, un par Cérigo, un alternativement par Paxo et Ithaque. En juillet 1801, au départ des troupes russes, Céphalonie et Ithaque se déclarent indépendantes, Zante se donne aux Anglais. À la paix d’Amiens (mars 1802), la France reconnaît officiellement l’existence de la République septinsulaire. Adhérant à cette paix (juin 1802), la Turquie renonce à sa suzeraineté sur la République, qui devient protégée de la seule Russie. Au terme d’une période de troubles, le résident russe Mocenigo fait adopter en décembre 1806 une nouvelle Constitution, qui confie le pouvoir à cinq directeurs. Le traité de Tilsitt, qui met fin en juillet 1807 aux hostilités entre la France et la Russie, prévoit, par articles secrets, la cession des îles Ioniennes à l’empereur Napoléon en toute propriété et souveraineté. D’août à septembre 1807, les Français réoccupent les sept îles et le point de terre ferme de Parga ; ils ne parviendront jamais à reprendre les trois autres. En novembre, Napoléon décide de conserver aux îles leur statut provisoire, faisant d’elles un « pays réservé », à l’instar de ceux qu’il détient en Allemagne. Les institutions sont laissées en l’état, Napoléon se bornant à nommer un gouverneur général doté des pleins pouvoirs, secondé par un commissaire impérial chargé des affaires civiles en liaison avec le sénat local. D’octobre 1809 à avril 1810, les Anglais s’emparent successivement de Zante, de Céphalonie, d’Ithaque, de Cérigo et de Sainte-Maure. Ne restent plus aux Français que Corfou, Paxo et Parga. En juin 1814, après Paxo et Parga, Corfou est prise par les Anglais. À l’issue de longues tractations, le traité de Paris du 5 novembre 1815, signé par les puissances, décide que les États-Unis des Îles Ioniennes, dans leur situation définie au traité russo-turc de 1800, c’est-à-dire sans les quatre points de terre ferme définitivement laissés
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Grèce à la Turquie, sont une république placée sous la protection exclusive de la Grande-Bretagne, représentée à Corfou par un lord-haut commissaire. En mai 1817, cette dernière accorde aux îles Ioniennes une charte qui restreint l’autonomie de la république. Le régime reste aristocratique avec un sénat de cinq membres, un pour chacune des îles de Corfou, Céphalonie, Zante et Sainte-Maure, un représentant collectivement les trois îles de Paxo, Ithaque et Cérigo. Le président du sénat est chef de la République, mais le pouvoir est aux mains du lord haut-commissaire. Malgré les limites apportées à sa souveraineté, la république des Îles Ioniennes constituera un exemple pour les Grecs du continent désireux de s’affranchir du joug ottoman.
2. Le réveil des Grecs (1821-1830) Les années 1820 sont décisives pour le peuple grec. Elles voient tout à la fois la Morée se dresser contre la Porte, les Grecs de l’Empire prendre conscience qu’un avenir libéré du joug ottoman s’entrouvre à eux (constitution de sociétés secrètes), et les Européens se prendre de sympathie pour ce petit peuple, les uns (Anglais, Français) en souvenir de la Grèce antique (mouvement philhellène), les autres (Russes) par solidarité religieuse et ambition géopolitique. Depuis avril 1821, la Morée s’est de nouveau soulevée contre l’autorité turque et, depuis l’automne, la quasi-totalité de son territoire est libérée. Une Assemblée constituante s’étant réunie en décembre 1821 à Épidaure, elle adopte le 1er janvier 1822 une Constitution et, le 13 janvier, est proclamée l’indépendance de la Grèce, dont le gouvernement, dirigé par Mavrocordato, s’installe à Missolonghi. Mais les Grecs de Morée refusent de le reconnaître, lui suscitant un contre-pouvoir (Kolokotronis) ; alors débute une période de luttes entre factions, dont va profiter la Porte. Débordé par les révoltés grecs, le sultan fait appel au pacha d’Égypte, Méhémet-Ali, pour l’aider à rétablir la situation et, par « hatte-chérif » du 16 janvier 1824, il lui cède les pachaliks de Morée et de Candie (Crète). Méhémet-Ali fait débarquer des troupes en Morée dès février 1825 et reprend la péninsule. Dès lors, les troupes turques d’Épire reprennent Missolonghi (avril 1826) et Athènes (juin). À la même époque, les puissances commencent à s’intéresser à la question grecque et, en avril 1826, la Grande-Bretagne et la Russie signent à Saint-Pétersbourg un protocole visant à proposer au sultan un compromis consistant en l’érection d’un État autonome grec au sein de l’Empire ottoman. Cherchant à mettre fin aux discordes, une nouvelle Assemblée constituante, réunie à Trézène, adopte le 1er mai 1827, une nouvelle Constitution qui prévoit l’élection d’un président (pour sept ans) et d’une chambre des députés. Parallèlement, pour éviter de laisser le champ libre à la Russie qui vient de marquer des points face à la Porte (convention d’Ackermann d’octobre 1826), la Grande-Bretagne fait appel à la France, dont l’opinion publique est très philhellène. Le 6 juillet 1827 est signé le traité de Londres (Grande-Bretagne, France, Russie) qui prévoit de faire de la Grèce un État autonome au sein de l’Empire ottoman. La victoire navale de Navarin (20 octobre 1827), remportée par les trois puissances sur une flotte turco-égyptienne, vient conforter la position grecque. Le président de la Grèce élu par l’Assemblée, Jean Capo d’Istria, débarque en janvier 1828 à Nauplie, promue capitale de la Grèce, une Grèce encore réduite à la Morée et à quelques îles et divisée en 13 éparchies. La Russie, qui avait déclaré la guerre à la Porte en avril 1828, la vainc en août 1829 et un traité est signé entre Russie et Turquie le 14 septembre à Andrinople, lequel stipule la reconnaissance par le sultan d’une principauté de Grèce tributaire de la Porte.
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Les États existants IV. Naissance et expansion du royaume de Grèce (1830-1913) 1. L’enfance du royaume (1830-1835) Le traité de Londres du 3 février 1830 concrétise cette avancée diplomatique en créant un royaume de Grèce, encore tributaire de la Porte, dont le roi sera choisi par les trois puissances (en dehors de leurs maisons régnantes), et dont le territoire sera ainsi composé : – la Morée (Péloponnèse) ; – la Livadie (Attique, Béotie, Étolie, Acarnanie) jusqu’à une ligne Arta-Volos ; – l’île d’Eubée (Nègrepont) ; – l’archipel des Cyclades ; – l’archipel des Sporades septentrionales. L’ensemble représente 49 000 km2 pour 800 000 habitants, soit environ le tiers de l’ensemble des Grecs. Mais aussitôt commence à se répandre la « grande idée » (Mégalè Idéa), programme de revendication du rattachement au royaume de tous les territoires grecs présents ou anciens, jusqu’à Constantinople. Capo d’Istria, le premier chef d’État de la Grèce, est assassiné en septembre 1831. Les puissances pressentent d’abord, comme futur roi, Léopold de Saxe-Cobourg, qui, après avoir accepté l’offre, la refuse, préférant la Belgique à la Grèce. Par l’accord de Londres du 7 mai 1832, le choix se porte alors sur le prince Othon de Bavière, fils cadet du roi philhellène Louis Ier, lequel, encore mineur, ne deviendra roi que le 1er juin 1835. En juillet 1832, moyennant le paiement d’une indemnité forfaitaire, la Porte accorde l’indépendance au royaume de Grèce. Par ailleurs, les Samiens, révoltés depuis dix ans contre le pouvoir ottoman, se voyaient refuser leur rattachement au royaume de Grèce. En contrepartie, le 11 décembre 1832, ils obtiennent qu’au sein de l’Empire l’île de Samos soit érigée en principauté tributaire, dont le prince sera un chrétien nommé par la Porte, assisté d’une représentation parlementaire propre, le tout sous la garantie de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie. En février 1833, le futur roi Othon s’installe à Nauplie et le gouvernement de la Grèce est assuré par une régence (bavaroise). Parmi les mesures prises pour rendre viable le nouvel État, la régence réorganise le royaume en dix provinces (nomes ou nomarchies) : Attique-et-Béotie (Athènes), Phtiotide-et-Phocide (Lamia), Eubée (Chalkis), Acarnanie-et-Étolie (Missolonghi), Argolide-etCorinthie (Nauplie), Achaïe-et-Élide (Patras), Arcadie (Tripolitsa), Messénie (Kalamata), Laconie (Sparte), Cyclades (Syra). En juillet 1835, le roi Othon, désormais déclaré majeur, transfère à Athènes la capitale du royaume de Grèce.
2. Évolution et agrandissement de la Grèce (1835-1864) Après avoir subi en 1836 un éphémère découpage administratif en 30 gouvernements, la Grèce est en 1838 redivisée en 24 gouvernements : – Grèce propre : Étolie (Missolonghi), Acarnanie (Amphilocion), Eurythanie (Oïchalia), Phocide (Amphissa), Phtiotide (Lamia), Attique (Athènes), Béotie (Livadia) ; – Morée : Argolide (Nauplie), Hydra (Hydra), Corinthe (Sicyone), Achaïe (Patras), Kynœthe (Kalavrita), Élide (Pyrgos), Triphylie (Cyparissia), Messénie (Kalamata), Mantinée (Tripolitsa), Gortynie (Karitena), Lacédémone (Sparte), Laconie (Ariopolis) ; – Îles : Eubée (Chalkis), Tinos-et-Andros (Tinos), Naxos-et-Paros (Naxos), Syra (Ermoupolis), Théra (Théra). En 1845, la Grèce revient à la division administrative de 1833 en dix nomes. Par ailleurs, en 1840, est opérée en Turquie une refonte des divisions administratives de l’Empire, qui institue 36 vilayets. Dans ce cadre, les îles grecques de souveraineté turque
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Grèce (Sporades, Dodécanèse) sont regroupées dans le vilayet des Îles, chef-lieu Rhodes, qui ne comprend plus de parties de terre ferme. En juin 1841, Méhémet-Ali devient pacha héréditaire d’Égypte, sous suzeraineté de la Porte, mais doit renoncer à la Syrie et restituer l’île de Crète à la Turquie, qui la constitue en vilayet distinct de celui des Îles. En octobre 1862, un coup d’État fomenté par un triumvirat politique chasse le roi Othon et institue un conseil de régence, tandis que les trois puissances se mettent en quête d’un autre candidat. En application d’un traité signé le 13 juillet à Londres entre les puissances, la Grèce et le Danemark, le prince Guillaume de Danemark, deuxième fils du roi Christian IX, devient Georges Ier, roi des Grecs. Le 31 octobre, le roi Georges Ier monte sur le trône à Athènes. Pour contribuer à favoriser les conditions d’avènement au trône du roi Georges Ier, et parce que ce dernier le requérait comme condition sine qua non de son acceptation, par la convention de Londres du 14 novembre 1863 signée par les puissances, la Grande-Bretagne cède à la Grèce les îles Ioniennes, à l’unisson du vœu du parlement ionien exprimé le 5 octobre. La cession est effective le 28 mai 1864. De ce fait, la Grèce s’accroît de plus de 2 000 km2 et de plus de 200 000 habitants. Les îles Ioniennes vont, au sein du royaume, former trois nouveaux nomes : Corfou-et-Paxo (Corfou), Sainte-Maure-Ithaque-et-Céphalonie (Argostoli), Zante-et-Cérigo (Zante). Le royaume compte dès lors 13 nomes.
3. L’expansion de la Grèce aux dépens de la Turquie (1878-1913) Bien que la Grèce n’ait pas été impliquée dans le conflit balkanique de 1876-1878, elle parvient, avec le soutien de la France, à faire décider par le congrès de Berlin le principe d’une rectification en sa faveur de la frontière gréco-turque en Thessalie et en Épire. Les Grecs se heurtant à la mauvaise volonté de la Porte et à la résistance des Albanais en Épire, en mai 1881 les puissances contraignent la Turquie à céder à la Grèce la province de Thessalie et une petite part méridionale de l’Épire (Arta). Cette cession représente pour le royaume un accroissement de surface de 14 000 km2, le faisant passer de 51 000 à 65 000 km2, et un surcroît de population d’environ 800 000 habitants. Elle apporte au royaume trois nomes supplémentaires : Arta, Trikala et Larissa ; la Grèce comporte désormais 16 nomes. Un soulèvement contre la Porte se produit en Crète en 1895 ; la Grèce aide militairement les insurgés ; une guerre s’ensuit en avril 1897 entre Grèce et Turquie. La Grèce ayant été vaincue, sur intervention des puissances est signé le 4 décembre à Constantinople un traité de paix qui stipule quelques légères rétrocessions territoriales de la Grèce à la Turquie sur la frontière entre Thessalie et Macédoine. Cependant, la Crète, toujours juridiquement turque, obtient d’être administrée par un haut-commissaire chrétien sous la garantie des puissances ; ce sera le prince Georges, second fils du roi. À compter du 1er janvier 1900, la Grèce est redivisée en 26 nomes : – Péloponnèse : Corinthe, Achaïe (Patras), Élide (Pyrgos), Messénie (Kalamata), Laconie (Sparte), Arcadie (Tripolitsa), Argolide (Nauplie) ; – Grèce propre : Athènes, Attique (Le Pirée), Béotie (Livadia), Phocide (Amphissa), Étolie (Missolonghi), Acarnanie (Amphilocion), Eurythanie (Karpénission), Phtiotide (Lamia), Eubée (Chalkis) ; – Thessalie et Épire : Larissa, Trikala, Carditsa, Magnésie (Volos), Arta ; – Îles Ioniennes : Corfou, Sainte-Maure (ou Leucade), Céphalonie (Argostoli), Zante ; – Égée : Cyclades (Syra ou Ermoupolis). Le 12 octobre 1908, profitant de la crise balkanique provoquée par l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche-Hongrie et par la rupture des liens de la Bulgarie avec la Turquie, l’Assemblée crétoise, sous l’impulsion de Vénizélos, proclame l’Enosis, c’est-à-dire le rattachement de la Crète à la Grèce.
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Les États existants Par gain de 8 000 km2 et de quatre nomes (La Canée, Réthymnon, Candie, Saint-Nicolas), la Grèce passe à 73 000 km2 et 30 nomes. Mais les puissances, pour ne pas mécontenter la Turquie, refusent d’entériner cette union. D’autre part, l’Italie convoitait la Tripolitaine turque. Ayant conquis Tripoli et Benghazi, devant la résistance turque à l’occupation du reste du pays, les Italiens font une démonstration navale en direction des Dardanelles et, en mai 1912, occupent les îles du Dodécanèse. Par un plébiscite officieux du 17 juin, les habitants de ces îles se prononcent pour un rattachement à la Grèce, mais l’Italie ne l’entend pas ainsi. La Turquie voulant par ailleurs avoir les mains libres en prévision de la crise proche dans les Balkans, le 18 octobre est signé à Lausanne le traité de paix entre Italie et Turquie : outre la Tripolitaine et la Cyrénaïque, la Turquie cède provisoirement à l’Italie l’archipel du Dodécanèse ; lorsque l’Italie se sera rendue maîtresse de l’ensemble de la TripolitaineCyrénaïque, elle devra restituer le Dodécanèse à la Turquie. Le 24 novembre 1912, l’Assemblée de Samos proclame l’union de Samos à la Grèce. Celle-ci attend le 15 mars 1913 pour débarquer des troupes sur l’île et entériner le rattachement de Samos à elle-même. L’affaiblissement de la Turquie ayant excité la convoitise des États de la région, une Ligue balkanique est formée entre Grèce, Bulgarie, Serbie et Monténégro pour s’en partager les dépouilles européennes (mars-octobre 1912). Le conflit entre la Ligue et la Turquie, entamé le 8 octobre 1912, se révèle désastreux pour cette dernière. Les troupes grecques progressent vers le nord et s’emparent le 8 novembre de Salonique, de justesse avant les Bulgares, puis de Janina le 28 mars 1913. Le 30 mai, par le traité de Londres, la Turquie : – cède à la Grèce l’île de Crète ; – renonce à ses îles de mer Égée et à ses provinces continentales d’Europe situées à l’ouest d’une ligne Enos-Midia (Thrace orientale), tous territoires dont le sort sera réglé par les puissances. La spécificité de la république monastique du Mont-Athos est reconnue par les puissances ; elle sera incluse dans le royaume de Grèce avec statut autonome. Le 30 juin 1913, la Bulgarie, qui avait en vain revendiqué toute la Macédoine septentrionale pour prix de son effort de guerre, attaque ses alliés par surprise. Débordée par les Serbes, les Grecs, et les Turcs qui reprennent Andrinople, elle est vaincue le 31 juillet et doit en subir les conséquences. Le 10 août, la paix est signée à Bucarest entre la Bulgarie et ses vainqueurs. La Grèce se voit attribuer : – la Macédoine méridionale (Florina, Édesse, Salonique, Mont-Athos, Kavalla), la Macédoine septentrionale allant à la Serbie ; – l’Épire (Albanie méridionale), mais elle est déboutée de ses prétentions sur l’Épire du Nord (Koritza, Argyro Castro). Le 29 septembre, la paix est signée à Constantinople entre la Turquie et ses vainqueurs. La Grèce se voit attribuer les îles turques de la mer Egée : Thasos, Samothrace, Lemnos, Mytilène (Lesbos), Chios, Samos, Icarie ; seules lui échappent les îles d’Imbros et de Ténédos, laissées à la Turquie car trop proches des Dardanelles, et celles du Dodécanèse, annexées en 1912 par l’Italie. Le territoire du royaume s’élève dès lors à une superficie de 115 000 km2 pour environ 5 millions d’habitants. Il compte 49 nomes, par adjonction de 23 nouveaux nomes : – Macédoine : Kavalla, Drama, Serres, Salonique, Chalcidique, Kilkis, Pella, Florina, Kastoria, Kozani, Verria, Katérinè, Grévéna ; – Épire : Janina, Igouménitsa, Prévéza ; – Égée : Lesbos (Mytilène), Chios, Samos (Vathy) ; – Crète : La Canée, Réthymnon, Héraklion, Saint-Nicolas. La « grande idée » de réunion de tous les Grecs dans le royaume a franchi un pas décisif ; ne restent plus en dehors que les Grecs d’Épire du Nord (rattachés à l’Albanie), de Thrace (ratta-
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Grèce chés à la Bulgarie et à la Turquie), du Phanar et de la côte d’Asie Mineure (inclus en Turquie), du Dodécanèse (rattachés à l’Italie) et de Chypre (turcs, mais administrés par l’Angleterre).
V. La Grèce contemporaine (1914 à nos jours) 1. La Première Guerre mondiale et ses conséquences (1914-1924) La Grèce reste neutre en 1914 ; divisée entre son roi Constantin germanophile (beau-frère de Guillaume II) et son gouvernement partisan de l’Entente, elle subit une crise politique, avivée par la présence des Alliés à Salonique, dont le débarquement s’est opéré en octobre 1915 avec l’accord de Vénizélos, aussitôt désavoué et chassé par le roi. Le pacte de Londres, signé en avril 1915 entre l’Entente et l’Italie pour décider cette dernière à entrer en guerre contre les Empires centraux, prévoit l’attribution définitive du Dodécanèse à l’Italie, en dépit de la volonté de ses habitants de se rattacher à la Grèce. En octobre 1916, les Alliés reconnaissent un gouvernement de Vénizélos, installé à Salonique et en Crète, et qui s’oppose à celui d’Athènes. À la suite de troubles survenus à Athènes en décembre 1916 (incidents du Zappeion), les Alliés contraignent le 11 juin le roi Constantin à abdiquer, pour lui et pour son fils aîné, le trône passant au fils cadet Alexandre Ier. Le 27 juin, Vénizélos redevient chef du gouvernement et déclare la guerre aux puissances centrales. À l’issue du conflit, les vainqueurs se réunissent à Paris pour tenir les conférences où seront définis les traités de paix à imposer aux vaincus et les remaniements territoriaux qui en résulteront. Par le traité de Neuilly du 27 novembre 1919, la Bulgarie cède à la Grèce le territoire côtier de Thrace occidentale, région littorale bulgare située entre la chaîne du Rhodope et les cours inférieurs de la Mesta (Nestos) et de la Maritza (Evros), avec les villes de Xanthi, Gumurdjina (Komotini) et Dédéagatch (Alexandroupolis). À son tour, par le traité de Sèvres du 10 août 1920, l’Empire ottoman cède à la Grèce : – la Thrace orientale, depuis le cours de la Maritza jusqu’aux rives de la mer Noire, avec Andrinople, Lulé-Bourgas, Enos et Midia, et à l’exception : – de la pointe extrême orientale de ladite Thrace (Constantinople et ses abords immédiats), laissée à la Turquie ; – d’une bande de territoire le long des Dardanelles et de la mer de Marmara, prévue pour être internationalisée ; – les îles d’Imbros et de Ténédos ; – le vilayet d’Aïdin (ou de Smyrne) sur la côte occidentale d’Asie Mineure, principale zone de peuplement grec d’Asie ; cette dernière annexion est provisoire, jusqu’à un plébiscite prévu dans un délai de cinq années. Mais, d’ores et déjà, le traité est contesté par le gouvernement nationaliste de Mustapha Kémal (le futur Ataturk), installé à Ankara. À la suite de la mort accidentelle du roi Alexandre (25 octobre) et de la défaite électorale de Vénizélos (novembre), le roi Constantin rentre d’exil et remonte sur le trône de Grèce le 19 décembre 1920. Après avoir élargi en 1920-1921 leur champ d’occupation de l’Asie Mineure en direction d’Ankara, les troupes grecques ont dû reculer devant la contre-offensive de Mustapha Kémal (août 1922), abandonner Smyrne (septembre) et la Thrace orientale (octobre 1922). Par le traité de Lausanne du 24 juillet 1923, signé entre la Turquie et les puissances, la Grèce doit rétrocéder à la Turquie : – la Thrace orientale, jusqu’à la limite de la Maritza, et même au-delà du fleuve à la hauteur d’Andrinople et de son faubourg de Karagatch (quartier de la gare), coupant ainsi par un bec turc la voie ferrée internationale (Orient-Express) allant de Sofia à Dédéagatch et à Constantinople par le territoire grec ; – les îles d’Imbros et de Ténédos ; – le vilayet d’Aïdin (région de Smyrne).
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Les États existants L’Italie s’y voit confirmer sa souveraineté sur le Dodécanèse. Par ailleurs, pour la première fois dans l’histoire contemporaine, un vaste échange de populations est décidé : 400 000 Turcs de Grèce sont échangés contre 1 300 000 Grecs de Thrace orientale et d’Asie Mineure. La « grande idée » a vécu et la mer Égée n’est plus complètement « grecque ». La Grèce de 1923 couvre une surface de 129 000 km2 et compte 51 nomes, par ajout aux 49 nomes de 1913 de trois nomes de Thrace occidentale : Evros (Alexandroupolis), Rhodope (Komotini), Xanthi, et contraction en un des deux nomes d’Étolie et d’Acarnanie. La débâcle de 1922 avait provoqué la seconde abdication du roi Constantin Ier, en faveur de son fils aîné Georges II (septembre 1922), et une partie de la classe politique était devenue républicaine. Par plébiscite tenu en avril 1924, la république est proclamée en Grèce.
2. La Seconde Guerre mondiale et ses conséquences (1935 à nos jours) Des élections législatives remportées par les monarchistes amènent la tenue d’un nouveau plébiscite en novembre 1935, qui rétablit la monarchie ; la Grèce redevient un royaume et le roi Georges II revient occuper son trône. Au début du second conflit mondial, la Grèce se tient dans une prudente neutralité. Mais, jaloux des succès de Hitler, Mussolini entreprend de la conquérir ; à partir de l’Albanie italienne, il entame les hostilités en octobre 1940 ; repoussé par les Grecs, qui occupent l’Épire du Nord, il doit faire appel aux forces allemandes. Celles-ci envahissent la Grèce début avril 1941 et Athènes est prise le 27, le roi se repliant sur La Canée ; la Crète sera prise le 20 mai. Un gouvernement provisoire administre la Grèce, placée sous occupation germano-italienne. À la suite de sa défaite, le 4 juillet 1941, la Grèce doit céder : – à l’Albanie italienne, la Tchamourie jusqu’à Parga inclus (région au nord-ouest de l’Épire) ; – à la Bulgarie, le territoire de Florina, la Thrace occidentale, hormis une large bande le long de la Maritza, sous contrôle allemand, la Macédoine grecque à l’est de la Strouma (Kavalla), les îles de Thasos et de Samothrace. Les territoires pris par l’Italie et la Bulgarie sont repris par la Grèce à l’automne de 1944. Les traités de Paris du 10 février 1947 définissent les nouvelles frontières de la Bulgarie et de l’Italie, qui cèdent des territoires à divers pays limitrophes. Dans ce cadre : – la Bulgarie rétrocède à la Grèce les territoires annexés en 1941, à savoir le territoire de Florina, la Macédoine orientale, la Thrace occidentale et les îles de Thasos et de Samothrace ; – l’Italie rétrocède à la Grèce le territoire de la Tchamourie ; – l’Italie cède à la Grèce l’archipel du Dodécanèse, avec Rhodes comme île principale, archipel longtemps promis à la Grèce mais conservé depuis 1912 par l’Italie ; la cession sera effective le 31 janvier 1948. La Grèce atteint alors sa dimension actuelle de 132 000 km2, dotée de 52 nomes en raison de l’ajout du nome du Dodécanèse (Rhodes). Désormais, seule l’île de Chypre, possession britannique, fait défaut au royaume de Grèce dans ses visées panhelléniques. Le roi Georges II était rentré au pays après un plébiscite favorable en 1946. Entre 1947 et 1949, les partisans communistes du général Markos ont organisé une rébellion en Épire. Le 21 avril 1967, un coup d’État met en place le « régime des colonels » et le roi Constantin II, qui a échoué dans sa résistance à ce coup, quitte le pays en décembre 1967. En janvier 1973, le colonel Papadopoulos, chef du gouvernement, proclame la République grecque. Le 23 juillet 1974, à la suite de la crise de Chypre, le régime des colonels est balayé et la Grèce redevient une démocratie parlementaire. Le 8 décembre, un référendum confirme l’abolition de la monarchie. Le 28 mai 1979, la Grèce signe un traité d’adhésion à la Communauté européenne, celleci devient effective le 1er janvier 1981. De nos jours, le pays est divisé en 13 périphéries (régions) et 54 nomes (départements), selon la liste indiquée en préambule.
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Grèce Les îles grecques Du point de vue territorial, les îles grecques se répartissent en dix ensembles : 1) Les îles Ioniennes ou Sept-Îles, chef-lieu Corfou, regroupant Corfou, Paxo, Sainte-Maure (ou Leucade), Ithaque, Céphalonie, Zante et, géographiquement séparée mais politiquement unie, Cérigo (Cythère). Elles sont vénitiennes en 1789, françaises en 1797, russes en 1800, françaises en 1807, britanniques en 1815, grecques en 1864. 2) L’île de Candie ou de Crète, chef-lieu Candie (Héracleion). Elle est turque en 1789, égyptienne en 1824, turque en 1841, grecque en 1908. 3) L’archipel des Cyclades, chef-lieu Syra, regroupant les îles comprises entre l’Attique et la Crète, à savoir notamment Syra, Kéa, Andros, Tinos, Mykonos, Délos, Paros, Naxos, Amorgos, Nio (Ios), Folegandros, Santorin, Milos, Siphnos, Sérifos, Kythnos. Il est turc en 1789, grec en 1830. 4) L’archipel des Sporades occidentales : Hydra, Spetsai, Égine. Il est turc en 1789, grec en 1830. 5) L’île de Nègrepont ou d’Eubée, le long de la Béotie et de l’Attique. Elle est turque en 1789, grecque en 1830. 6) L’archipel des Sporades septentrionales, au large de la Thessalie, regroupant notamment les îles de Skyros, de Skopélos et de Skiathos. Il est turc en 1789, grec en 1830. 7) Les îles de Thrace, situées dans la partie septentrionale de l’Égée : Thasos, Samothrace, Lemnos, Imbros et Ténédos. Thasos est turque en 1789, bulgare en mars 1878, turque en juillet 1878, grecque en 1913, bulgare en 1941, grecque en 1947. Samothrace est turque en 1789, grecque en 1913, bulgare en 1941, grecque en 1947. Lemnos est turque en 1789, grecque en 1913. Imbros et Ténédos sont turques en 1789, grecques en 1920, turques en 1923. 8) Les îles orientales, situées face à la côte d’Asie Mineure : Mytilène (ou Lesbos), Scio (ou Chios), Samos, Icarie. Mytilène, Chios et Icarie sont turques en 1789, grecques en 1913. Samos est turque en 1789, principauté tributaire de la Porte en 1832, grecque en 1912. 9) L’archipel des Sporades méridionales ou du Dodécanèse (Douze Îles), chef-lieu Rhodes, composé en fait de 14 îles : Rhodes, Cos, Calymnos, Léros, Patmos, Tilos, Nissiros, Kharki, Cassos, Carpathos, Lipsos, Castellanon (Astypalea), Simi et, détachée de l’archipel vers l’est, Castellorizzo. Il est turc en 1789, italien en 1912, grec en 1947. 10) L’île de Chypre, chef-lieu Nicosie, grande île qui serait géographiquement plutôt asiatique, mais que son histoire et sa civilisation rattachent au monde grec et à l’Europe. Elle est turque en 1789, turque avec administration britannique en 1878, britannique en 1914, indépendante en 1960, scindée en deux entités (grecque et turque) en 1975.
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Les États existants
Hongrie Le pays en bref État républicain : la république de Hongrie. Président : Laszlo Solyom. Représentation parlementaire : une chambre unique, l’Assemblée nationale. Capitale : Budapest. Division administrative en 19 comitats (megyék), plus Budapest-Capitale : Bács-Kiskun (Kecskemét), Baranya (Pécs), Békés (Békéscsaba), Borsod-Abaúj-Zemplén (Miskolc), Csongrád (Szeged), Fejér (Székesfehérvár), Gyór-Moson-Sopron (Gyór), HadjúBihar (Debrecen), Heves (Eger), Jász-Nagykun-Szolnok (Szolnok), Komárom-Esztergom (Tatabánya), Nógrád (Salgótarján), Pest (Budapest), Somogy (Kaposvár), Szabolcs-Szatmár-Beregh (Nyíregyháza), Tolna (Szekszárd), Vas (Szombathely), Veszprém (Veszprém), Zala (Zalaegerszeg). Superficie : 93 000 km2 ; population : 10,3 millions d’habitants ; densité : 111 habitants au km2. Langue : le hongrois (langue d’origine finno-ougrienne). Religions : catholiques (environ 66 %), protestants (environ 25 %). Monnaie : le forint.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Hongrie 1. Des origines à l’installation des Magyars (896) Au début de l’ère chrétienne, la vaste plaine hongroise est peuplée de Celtes. Les Romains en soumettent la part occidentale, à l’ouest du Danube, et l’englobent en 9 apr. J.-C. dans leur nouvelle province de Pannonie. Au début du IIe siècle apr. J.-C., l’empereur Trajan conquiert, à l’est du Danube, la Dacie, qui restera romaine jusqu’en 274. La plaine hongroise est ensuite soumise aux invasions temporaires des Huns, puis des Avars, qui sont vaincus par Charlemagne. À la fin du IXe siècle, les Hongrois (ou Magyars) — peuple finno-ougrien provenant de l’Oural — s’y installent à leur tour (896) sous le commandement d’Arpad et vont s’y enraciner jusqu’à nos jours.
2. Le règne des Arpad (896-1301) Durant la première moitié du Xe siècle, les Hongrois mènent des guerres de pillage en Occident, mais, vaincus en 955 par Othon le Grand à la bataille de Lechfeld, ils se sédentarisent définitivement dans la grande plaine délimitée par la chaîne des Carpathes. Le roi Étienne Ier le Saint fonde un véritable royaume chrétien (1000), qui va bénéficier du soutien du pape et de l’empereur. Il fait de son royaume de Hongrie, qui couvre la plaine hongroise et la Transylvanie, un ensemble cohérent, doté de lois et d’institutions politiques (Sénat, comte palatin), réparti en comitats (comtés) qui vont perdurer jusqu’à l’époque contemporaine. La Hongrie devient dès lors une figure importante de l’Europe chrétienne. En 1102, le roi de Hongrie devient roi de Croatie-Slavonie, en union personnelle. Par ailleurs, dès l’époque arpadienne, le royaume de Hongrie commence à abriter des minorités non hongroises : outre les Slovaques et Ruthènes de la Haute-Hongrie (voir chapitre Slovaquie) et les Croates, on y trouve en Transylvanie des Roumains, vieux peuple datant de la Dacie romaine, des Szeklers — ou Sicules —, peuple hongrois établi au XIe siècle dans l’angle des Carpathes, et des colons allemands, les Saxons, appelés au XIIe siècle par le roi Geza II ; d’autres colons allemands s’implantent dans les comitats occidentaux du royaume.
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Hongrie En 1222, le roi André II doit, par la Bulle d’or, reconnaître à la noblesse du pays certains privilèges : libertés, droits de résistance au roi, convocation régulière d’une diète. En 12411242, le royaume est ébranlé par une invasion des Tatars. Puis la Hongrie se relève de cette épreuve.
3. De l’extinction des Arpad à l’avènement des Habsbourg (1301-1526) À l’extinction (1301) de la dynastie arpadienne se déroule un interrègne de huit ans, jusqu’à ce que le pape Boniface VIII impose le choix d’un roi issu des Anjou de Naples, Charles-Robert (1308). En 1387, Sigismond de Bohême, fils de l’empereur Charles IV et époux de la reine Marie d’Anjou, est associé au trône de Hongrie, avant de devenir roi de Bohême en 1419 et empereur en 1420. En 1437 lui succède son gendre, l’empereur Albert II de Habsbourg, mais, à la mort de ce dernier (1439), les Hongrois offrent la couronne au roi de Pologne, Ladislas III Jagellon, qui devient roi de Hongrie. Les Turcs ayant sur ces entrefaites envahi la Hongrie, le roi Ladislas meurt au combat en 1444 et un noble du pays, Jean Hunyadi, assume la régence ; il arrête les Turcs devant Belgrade (1456) et son fils, Mathias Corvin, devient roi, de 1458 à 1490. Son règne brillant se caractérise par le renforcement de l’administration du pays, l’épanouissement des arts et de l’humanisme, les conquêtes territoriales temporaires (Moravie, Silésie, Lusace). Enfin, en 1490, lui succèdent le roi Ladislas VI Jagellon, roi de Bohême depuis 1470, puis en 1516 son fils Louis II, roi de Hongrie et de Bohême, qui épouse Marie, sœur de Charles Quint et de Ferdinand d’Autriche, lequel épouse Anne, la propre sœur de Louis II.
4. Le règne des Habsbourg (1526-1789) La mort de Louis II Jagellon en 1526 à la bataille de Mohacs, face aux Turcs, permet à son beau-frère Ferdinand Ier de Habsbourg de se faire élire à sa place roi de Bohême, par la diète de Prague, et de Hongrie, par celle de Presbourg. Mais la bataille de Mohacs a consacré la suprématie de Soliman le Magnifique, qui occupe la majeure partie de la Hongrie, dont le gouverneur de Transylvanie, Jean Zapolyi, se fait élire roi par une diète rivale siégeant à Stuhlwissembourg (Szekesfehervar). Au terme de luttes entre les deux partis, pendant lesquelles Soliman s’empare de Bude (1529) et transforme ses conquêtes hongroises en vilayet turc (1549), la Hongrie est pour plus d’un siècle divisée en trois parties : – Hongrie royale, capitale Presbourg, possession de la maison d’Autriche, comprenant la Haute-Hongrie (Slovaquie et Ruthénie), la Hongrie occidentale, bordant les États autrichiens, et la Croatie ; – Hongrie turque, capitale Bude, possession de la Porte, comportant le restant de la plaine hongroise et la Slavonie ; – principauté de Transylvanie, tributaire de la Porte, possession successive de divers nobles indigènes. De 1683 à 1697 s’opère la reconquête de la Hongrie turque et de la Transylvanie par les armées autrichiennes commandées par le prince Eugène de Savoie. Le traité de Carlowitz (1699) rend à la maison d’Autriche la Slavonie et la Hongrie, hormis le Banat et la frange méridionale de Syrmie, qui ne seront rendus qu’à la paix de Passarowitz (1718). La Transylvanie, reprise en 1687, parvient à conserver un statut autonome (1691) tout en reconnaissant le roi de Hongrie comme prince de Transylvanie. Enfin, le prince Eugène étend à la nouvelle frontière croate, slavonne, banataise, et ultérieurement transylvaine, le régime des Confins militaires (créé au XVIe siècle), qui met en place une armée de paysans-soldats destinée à s’opposer aux incursions turques ; les régions dévastées de la plaine (Banat, Batchka) sont repeuplées de colons divers (Serbes, Allemands). Dès lors, la Hongrie se montre fidèle aux Habsbourg (soutien à Marie-Thérèse en 1741), fidélité payée en retour d’un respect observé par le souverain envers les institutions du royaume. Cet état de fait se perpétuera jusqu’à la révolution de 1848. Le souverain autrichien, roi de Hongrie à titre héréditaire depuis 1687, est représenté dans le royaume par le palatin de Hongrie, véritable vice-roi élu par la diète, siégeant à Presbourg assisté d’un
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Les États existants conseil de lieutenance ; la diète de Hongrie, qui se réunit à Presbourg, se compose de deux chambres : chambre haute ou table des magnats, chambre basse ou table des régnicoles. L’empereur Joseph II, profitant des troubles politiques de Pologne, s’est dès 1770 emparé des treize villes « saxonnes » du comitat de Zips, concédées en 1412 à la Pologne par la Hongrie. Lors du premier partage de Pologne, décrété le 5 août 1772 par le traité de SaintPétersbourg et imposé le 18 septembre 1773 à la Pologne, les treize villes saxonnes du comitat de Zips sont rétrocédées par la Pologne à la Hongrie. Elles ne sont pas réincorporées au comitat, mais relèveront directement du palatin de Hongrie. En 1779, cédant aux instances des Hongrois, l’impératrice Marie-Thérèse supprime le statut particulier du Banat civil et l’incorpore au royaume de Hongrie (cercle au-delà de la Theiss), où il va former les trois comitats de Krasso (Lugos), Temesch (Temesvar) et Torontal (Nagybecskerek). Par ailleurs, la ville de Fiume et son territoire immédiat (corpus separatum), détachés de Trieste et rattachés à la Croatie en 1776, sont en 1779 détachés de Croatie et directement rattachés à la Hongrie, où ils vont former un district particulier relevant directement du palatin. En 1784, la capitale de la Hongrie est transférée de Presbourg à Bude, où s’installent les organes du pouvoir (palatin, conseil de lieutenance). Toutefois, la diète continuera à siéger à Presbourg. Le règne personnel de Joseph II (1780-1790) sur les États de la maison d’Autriche se traduit par une volonté de grandes réformes administratives refondant les possessions en treize gouvernements uniformes, chacun étant dirigé par un capitaine général. Dans ce cadre, la Hongrie propre forme un gouvernement, sa diète est abolie, l’usage administratif du latin et du hongrois est remplacé par celui de l’allemand, les comitats sont regroupés en dix cercles dirigés par des capitaines de cercle nommés par le pouvoir. Cette réforme, qui se heurte à une profonde hostilité des Hongrois attachés à leurs institutions, sera abandonnée en 1790, à l’avènement de l’empereur Léopold II.
II. Le royaume de Hongrie en 1789 Les pays de la couronne de Hongrie (ou de saint Étienne) composent un vaste ensemble politique de l’Europe centrale, d’une surface de l’ordre de 322 000 km2 pour une population de près de 9 millions d’habitants. Possession de la maison d’Autriche, mais situé hors du Saint Empire, cet ensemble se répartit en quatre entités : – le royaume de Hongrie proprement dit (220 000 km2, 6 500 000 habitants), centré sur la grande plaine baignée par les cours du moyen Danube et de ses affluents ; – le royaume de Croatie-Slavonie (42 000 km2, 1 000 000 habitants), s’étendant principalement le long des cours inférieurs de la Drave et de la Save ; – le grand-duché de Transylvanie (60 000 km2, 1 200 000 habitants), s’inscrivant dans l’angle sud-est des Carpathes ; – le banat de Temesvar (28 500 km2, 300 000 habitants), vaste quadrilatère de plaine situé entre le cours moyen du Danube, le cours inférieur de la Tisza, le cours inférieur du Maros et la partie méridionale de la chaîne des Alpes de Transylvanie. Le royaume de Hongrie proprement dit s’étend sur la grande plaine fermée au nord par la chaîne septentrionale des Carpathes, à l’est par le massif du Bihar qui le sépare de la Transylvanie, au sud par le cours du Danube et de la Drave, à l’ouest par les derniers contreforts des Alpes juliennes. C’est un pays contrasté, composé en majorité de vastes contrées plates (puszta) où alternent terres fertiles et marais, tandis que les parties montagneuses sont couvertes de forêts. Les Hongrois sont majoritaires dans les régions de plaines, alors que les minorités ethniques (Allemands, Slovaques, Ruthènes, Valaques) se concentrent dans les régions de montagnes, la partie méridionale de la plaine hongroise étant toutefois très mélangée en raison de colonisations récentes. La culture céréalière, les vignes, l’élevage extensif, l’exploitation forestière constituent les richesses d’une Hongrie essentiellement rurale que ponctue un lâche réseau urbain de villes commerçantes.
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Hongrie La Transylvanie, pays « au-delà des forêts » — vu de Hongrie —, est un plateau montagneux, compris dans l’angle sud-est des Carpathes (Carpathes orientales, Alpes de Transylvanie) qui la séparent de la Moldavie et de la Valachie ; le massif plus atténué du Bihar (à l’ouest) la sépare de la plaine hongroise. Elle est baignée par les cours supérieurs de la Tisza et de son affluent le Szamos, ainsi que par ceux du Maros et de l’Olt. Dotée d’un climat continental, c’est une région d’agriculture et d’élevage, mais sa richesse consiste surtout en la présence de nombreuses mines (métaux précieux, houille, sel) ; le réseau urbain est développé (Klausenbourg, Carlsbourg, Hermannstadt, Cronstadt, Vasarhély) et reflète la diversité du peuplement transylvain : Hongrois, Szeklers ou Sicules (Hongrois de la frontière, d’origine indécise), Saxons, Valaques. Le banat de Temesvar, ou plus simplement Banat, est une région de vaste plaine, souvent marécageuse, vouée à une agriculture extensive et à la défense, contre les Turcs, de l’ensemble des domaines de la maison d’Autriche, dont le Banat fait partie. La frange orientale, qui borde la Transylvanie, est montagneuse et recèle des gisements miniers. Après la reconquête du Banat sur les Turcs, l’Autriche a installé dans cette contrée des colons allemands, les Souabes du Banat, provenant de Forêt-Noire, mais aussi de Lorraine, du Luxembourg et du Palatinat ; ces colons, généralement groupés par villages, coexistent avec des Roumains établis dans l’est du Banat et avec des Serbes établis dans l’ouest et le sud du Banat. Du point de vue territorial, les domaines de la couronne de Hongrie se répartissent de la manière suivante : 1) Royaume de Hongrie (relevant de la diète de Presbourg), composé de 46 comitats répartis en quatre cercles (judiciaires) : – cercle en deçà du Danube (Tyrnau) : 13 comitats de Pest (Ofen ou Bude), Batch (Baja), Neograd (Balassa-Gyarmath), Sohl (Neu-Sohl ou Bestercze-Banya), Honth (Sagh), Gran ou Esztergom, Bars (Kremnitz), Neutra, Presbourg, Trentsin, Thurotz (Saint-Martin), Arva (Also-Kubin), Liptau (Saint-Michel) ; – cercle au-delà du Danube (Guns) : 11 comitats de Wieselbourg ou Moson (UngarischAltenbourg), Œdenbourg ou Sopron, Raab ou Gyor, Komorn, Stuhlwissembourg ou Szekesfehervar (Albe royale), Veszprem (Steinamanger ou Szombathély), Eisenbourg ou Vas, Szalad (Szala-Egerszeg), Schumeg ou Somogy (Kaposvar), Tolna (Szexard), Baranya (Funfkirchen ou Petch) ; – cercle en deçà de la Theiss ou Tisza (Eperies) : 10 comitats de Zips (Leutschau), Goemoer (Gross-Steffeldorf ou Rimaszombath), Hevesch (Erlau ou Eger), Borschod (Miskolz), Torna, Abaujvar (Kaschau ou Kassa), Sarosch (Eperies), Zemplin (Satorallia-Ujhély), Unghvar, Beregh (Bereghasz) ; – cercle au-delà de la Theiss (Debrecen) : 12 comitats de Maramorosch (Szigeth), Ugotsch (Nagyszelles), Szathmar (Nagy Karoly), Szaboltsch (Nagy Kallo), Bihar (Grosswardein ou Nagy Varad), Bekesch (Gyula), Csongrad (Szegedin), Csanad (Mako), Arad (Boros Jene), Krasso (Lugos), Temesch (Temesvar) et Torontal (Nagybecskerek). S’y ajoutent les districts particuliers de Jazygie (Jaszbereny), Petite Cumanie (Felegyhaza), Grande Cumanie (Kardzag-Uj-Szallas), le territoire des Haïdouques (Boeszoermeny), les treize villes saxonnes du comitat de Zips, ainsi que le district particulier de Fiume (inséré entre la Croatie et la mer Adriatique) ; tous ces districts relèvent directement du palatin de Hongrie. 2) Royaume de Croatie-Slavonie (relevant de la diète d’Agram), réparti en 6 comitats (voir chapitre Croatie). 3) Grand-duché de Transylvanie (relevant de la diète de Klausenbourg), réparti en 3 pays : – le pays des Hongrois, chef-lieu Klausenbourg (ouest et nord-ouest du pays), comprenant 11 comitats : Szolnok-Intérieur (Szamos-Ujvar), Szolnok-Extérieur (Zillah), Kraszna (Somlyo), Doboka (Szek), Klausenbourg, Kockelbourg (Ebesfalva), Weissenbourg-Supérieur (Furstenbourg), Weissenbourg-Inférieur (Carlsbourg), Thorda, Zarand (Altenbourg) et Hunyadi (Nagy Enyed) ; plus 2 districts de Kœvar et de Fagaras ;
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Les États existants – le pays des Szeklers (ou Sicules), chef-lieu Maros Vasarhély (est du pays), englobant 5 districts : Udvarhély, Haromseck, Csik, Maros, Aranyos ; – le pays des Saxons, chef-lieu Hermannstadt, situé dans le sud, comprenant 9 sièges (ou cantons) et 2 districts : sièges de Hermannstadt, Schæsbourg, Médiasch, Muhlenbach, GrossSchenk, Reissemarkt, Reps, Leisskirchen, Szasz-Varos ; districts de Cronstadt et de Bistritza. 4) Confins militaires (relevant de l’armée autrichienne), répartis en 6 généralats : – Croatie : 3 généralats réunis de Carlstadt-Warasdin-Ban de Croatie, capitale Agram, regroupant 8 régiments : ; – généralat de Slavonie, capitale Peterwardein, regroupant 3 régiments ; – généralat du Banat, capitale Temesvar, regroupant 2 régiments ; – généralat de Transylvanie, capitale Hermannstadt, regroupant 5 régiments. Les trois pays de Transylvanie civile sont soumis à l’autorité d’un gouverneur représentant l’empereur, résidant à Hermannstadt ; ils jouissent d’une autonomie interne s’incarnant dans la diète de Klausenbourg ; cette diète, foncièrement aristocratique et urbaine, rassemble trois nations : Hongrois, Szeklers, Saxons. La nation valaque (roumaine), quoique formant à elle seule plus de la moitié de la population transylvaine, n’est pas représentée en tant que telle à la diète. En effet, la diète est aristocratique et la noblesse valaque (par exemple les Hunyadi) s’est magyarisée massivement à l’époque de l’union entre Hongrie et Transylvanie, privant ainsi les Valaques de toute représentation. Le Banat, totalement militarisé jusqu’en 1742, a été à cette date divisé en Banat civil, dépendant de la Chambre des comptes de Vienne, et Banat militaire (Confins militaires), puis le Banat civil a été englobé en Hongrie en 1772.
III. De 1789 au Compromis austro-hongrois (1867) 1. De 1789 à la révolution de 1848 Pendant longtemps éloignée des régions de combat et de bouleversement politique, la Hongrie reste à l’écart des remaniements territoriaux de l’ère napoléonienne. Mais à la suite de la victoire de Wagram, l’empereur Napoléon impose à l’Autriche la paix de Schœnbrunn (14 octobre 1809). Parmi d’autres cessions, l’Autriche cède à Napoléon le district hongrois de Fiume et la moitié méridionale de la Croatie, à savoir la partie de Croatie située sur rive droite de la Save, territoires qui vont être agrégés aux nouvelles Provinces Illyriennes de l’Empire français. Cette cession est de courte durée. Les forces coalisées contre Napoléon reprennent les Provinces Illyriennes dès août 1813. En juin 1815, le congrès de Vienne confirme à l’Autriche la rétrocession de ses provinces annexées en 1809 : la Croatie méridionale est rendue au royaume de Croatie et le district particulier de Fiume est rendu à la Hongrie. En 1836, la Transylvanie cède à la Hongrie le district de Zillah, prélevé sur le pays transylvain des Hongrois et composé des comitats de Szolnok-Extérieur (ou Moyen), de Kraszna, de Zarand et du district de Koevar.
2. De 1848 au Compromis de 1867 Réagissant aux événements de France, la Hongrie est le 15 mars 1848 le théâtre d’une révolution libérale, emmenée par Kossuth, qui réclame une Constitution, une Assemblée nationale siégeant à Pest (et non plus à Presbourg), etc. Il décrète l’union de la Hongrie et de la Transylvanie. À cette volonté hégémonique des Hongrois ripostent les minorités de la couronne de Hongrie : les Croates le 25 mars (diète d’Agram), les Slovaques le 10 mai (assemblée de Liptau-Saint-Michel), les Serbes du Banat et de la Batchka le 13 mai (assemblée de Carlowitz), les Roumains de Transylvanie le 15 mai (assemblée de Blasendorf ou Balaszfalva) rejettent les prétentions hongroises et revendiquent auprès de Vienne une autonomie ou une indépendance vis-à-vis de la Hongrie.
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Hongrie La Constitution de mars 1849, élaborée par le prince Schwarzenberg pour l’ensemble de l’empire d’Autriche, institue une centralisation administrative (système Bach) s’exerçant au travers de 18 « pays de la couronne » uniformes ; la Hongrie doit y perdre toutes ses dépendances. Le 14 avril, la diète révolutionnaire hongroise, réfugiée à Debrecen devant l’avancée des troupes impériales, proclame la déchéance de la maison d’Autriche et l’indépendance de la Hongrie, dont le régime politique demeure à définir. Le 13 août, pliant sous le poids de l’intervention russe, la Hongrie capitule. En novembre 1849, conformément aux dispositions de la Constitution de mars, la Hongrie est ravalée au rang de l’un des pays de la couronne autrichienne. Elle perd ses dépendances : – la Croatie-Slavonie, accrue du Littoral hongrois (Fiume), devient un pays de la couronne ; – la Transylvanie, accrue du district de Zillah (perdu en 1836), devient également un pays de la couronne. La Hongrie propre se voit retrancher : – le district particulier du Littoral hongrois (Fiume), rattaché au pays de Croatie-Slavonie ; – le district de Zillah, rattaché à la Transylvanie ; – les comitats de Batch, de Krasso, de Temesch et de Torontal, lesquels, accrus du comitat slavon de Syrmie, vont former un nouveau pays de la couronne : la Voïvodine-serbe-etBanat-de-Temesvar. La nouvelle province de Hongrie se voit ainsi ramenée aux limites de la Hongrie propre d’avant 1779, restreinte à 43 comitats ; une dure répression s’abat sur elle. En janvier 1852, les 43 comitats sont regroupés en cinq cercles, dont les chefs sont nommés par le pouvoir central de Vienne, les assemblées de comitats étant abolies : – cercle de Pest : 9 comitats de Borsod, Hévès, Szolnok, Gran, Jazygie-et-Cumanie, PestPilis, Pest-Solt, Stuhlwissembourg, Csongrad ; – cercle de Presbourg : 11 comitats de Presbourg, Haut-Neutra, Bas-Neutra, Trentsin, Arva-Thurocz, Liptau, Bars, Sohl, Neograd, Honth, Komorn ; – cercle d’Œdenbourg : 9 comitats d’Œdenbourg, Wieselbourg, Raab, Eisenbourg, Veszprem, Szalad, Tolna, Baranya, Schumegh ; – cercle de Kaschau : 8 comitats de Zips, Goemoer, Sarosch, Unghvar, Zemplin, AbaujvarTorna, Beregh-Ugotsch, Marmaros ; – cercle de Grosswardein : 6 comitats de Szathmar, Szaboltsch, Haut-Bihar, Bas-Bihar, Arad, Békès-Csanad. Dans le cadre de la nouvelle politique de décentralisation interne, par le diplôme d’octobre 1860, l’empereur François-Joseph rétablit les vieilles constitutions de ses provinces. De ce fait, la diète de Hongrie est restaurée et l’autonomie des comitats hongrois rétablie. De plus, la Hongrie recouvre une partie des comitats détachés en 1849, à savoir : – le district de Zillah rétrocédé par la Transylvanie ; il va former le comitat de Szilagy et arrondir celui de Szathmar ; – les comitats de Batch, de Torontal, de Temesch et de Krasso, provenant de la province supprimée de Voïvodine-serbe-et-Banat-de-Temesvar (la Syrmie faisant retour à la CroatieSlavonie). En revanche, le comitat de Fiume reste inclus en Croatie-Slavonie ; cette province et la Transylvanie demeurent séparées de la Hongrie. La patente impériale de février 1861 institue à Vienne un Parlement fédéral où la Hongrie (comme la Bohême) refuse de déléguer des députés, amoindrissant sa représentativité. Dès 1865, des pourparlers s’engagent entre Vienne et Bude pour sortir de l’impasse. Les événements de 1866, qui ont évincé l’Autriche d’Allemagne, obligent le pouvoir autrichien à recentrer son action sur l’espace danubien, et donc à s’entendre durablement avec la Hongrie.
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Les États existants IV. De 1867 au démantèlement de la Hongrie (1920) 1. De 1867 à l’annexion de la Bosnie-Herzégovine (1908) Dans cette perspective, le Compromis austro-hongrois du 28 juin 1867 est un accord fondamental passé entre la maison d’Autriche et la Hongrie. L’empereur d’Autriche reconnaît la nation hongroise, accepte de s’en faire couronner roi, entérine le régime propre à la Hongrie (bicaméralisme, responsabilité des ministres devant le Parlement) et rend à la Hongrie ses anciennes dépendances. En contrepartie, la Hongrie renonce à l’indépendance, affirme sa loyauté envers la maison d’Autriche et admet qu’il existe des intérêts communs à l’Autriche et à la Hongrie. Le royaume de Hongrie devient un État semi-indépendant, lié à l’autre partie de la monarchie autrichienne par une union personnelle, l’empereur d’Autriche étant roi de Hongrie, et par trois ministères communs (Affaires étrangères, Armées, Finances). Le royaume de Hongrie se compose de la Hongrie propre, de la Transylvanie et de la Croatie-Slavonie. Seuls échappent encore à son contrôle les Confins militaires de Croatie-Slavonie et du Banat. La petite Leitha, affluent du Danube, étant la rivière qui marque la frontière austro-hongroise entre Vienne et Bude, l’habitude se prendra de nommer Transleithanie les pays de la couronne de Hongrie — et Cisleithanie l’autre partie. Retrouvant sa surface de 324 000 km2 pour une population de 15 millions d’habitants (recensement de 1869), la Hongrie est confrontée à un problème de minorités, les Hongrois ne s’y élevant qu’à 5 400 000 (dont 4 800 000 en Hongrie et 600 000 en Transylvanie), opposés à 4 700 000 Slaves (3 000 000 en Hongrie, 1 700 000 en Croatie-Slavonie), mais aussi à 1 800 000 Allemands (1 600 000 en Hongrie, 200 000 en Transylvanie), à 2 600 000 Roumains (1 400 000 en Hongrie, 1 200 000 en Transylvanie) et 600 000 habitants divers. Les Hongrois sont donc minoritaires au sein de la Transleithanie, et devront jouer des rivalités interethniques pour assurer leur domination. En novembre 1868, devant les réactions des Croates ulcérés d’avoir été replacés sous domination hongroise, et en vertu des Pacta Conventa de 1102, la Hongrie accorde à la Croatie-Slavonie un compromis hungaro-croate, par lequel elle octroie à son tour une autonomie au royaume de Croatie-Slavonie, avec maintien à Agram des deux institutions du ban (gouverneur) et du sabor (diète). Cependant, par une falsification de documents officiels (aux dires de la partie croate), la Hongrie retranche de Croatie-Slavonie la ville de Fiume et ses abords immédiats (corpus separatum) pour les rattacher directement à elle-même et en faire son grand port maritime. À l’issue du compromis hungaro-croate, le royaume de Hongrie est désormais composé, hors Croatie-Slavonie, de 65 comitats ainsi répartis : – Hongrie cisdanubienne : 13 comitats de Pest-Pilis-Solt-Kis-Kun, Batch, Neograd, Zolyom (Sohl), Hont, Esztergom (Gran), Bars, Nytra, Poszony (Presbourg), Trentsin, Turocz, Arva, Lipto ; – Hongrie transdanubienne : 11 comitats de Sopron (Œdenbourg), Moson (Wieselbourg), Gyor (Raab), Komarom (Komorn), Veszprem, Szekesfehervar (Stuhlwissembourg), Vas (Eisenbourg), Zala (Szalad), Somogy (Schumegh), Tolna, Baranya ; – Hongrie cisthissienne : 9 comitats de Szepes (Zips), Goemoer, Hévès, Borsod, Torna, Abauj, Saros, Zemplen, Ungh ; – Hongrie transthissienne : 17 comitats de Beregh, Marmaros, Ugotsch, Szathmar, Szaboltsch, Szilagy (ou Kraszna), Bihar, Hadju (les Haïdouques), Jasz-Kun-Szolnok (les Jazyges), Békès, Arad, Csanad, Csongrad, Torontal, Temes, Krasso, Szoreny (Severin) ; – Transylvanie : 15 comitats de Hunyad, Szeben (Hermannstadt), Fogaras, Brasso (Cronstadt), Haromszeck, Csik, Udvarhély, Kis-Kokullo (Kockelbourg), Nagy-Kokullo, Also-Feher, Thorda-Aranyos, Thorda-Maros, Kolosz (Klausenbourg), Beszterte-Naszod, Szolnok-Doboka. S’y ajoute le district séparé de Fiume. L’ensemble sera ultérieurement ramené à 63 comitats par fusion d’Abauj et de Torna, ainsi que de Krasso et de Szorény.
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Hongrie En 1872, la menace turque s’étant affaiblie du côté de la Serbie (retrait des garnisons turques en 1867), pour réaliser des économies et donner satisfaction à la Hongrie, l’Autriche supprime les Confins militaires du Banat, dont les territoires sont intégrés aux comitats civils banatais. Par ailleurs, la même année, les deux villes jumelles de Bude et de Pest sont fusionnées en une seule ville capitale : Budapest. En 1878, à la suite de la guerre russo-turque de 1876-1878, le congrès de Berlin décide que les provinces ottomanes de Bosnie-Herzégovine seront occupées militairement et administrées par l’Autriche-Hongrie. La même année, du fait du recul de la menace ottomane, l’Autriche décrète l’abolition des Confins militaires de Croatie et de Slavonie, qui sont incorporés dans le royaume de Croatie-Slavonie.
2. De 1908 à l’éclatement de la Hongrie (1920) L’armée autrichienne souhaitait depuis longtemps annexer la Bosnie-Herzégovine, mais on n’osait en faire l’affront à la dynastie serbe des Obrénovitch, très austrophile. Son remplacement brutal en 1903 par celle des Karageorgevitch, russophile, levait tout scrupule à cet égard. Par ailleurs, la révolution jeune-turque, intervenue durant l’été de 1908, prévoyait la convocation à Constantinople d’un Parlement turc où seraient représentées toutes les provinces de l’Empire, y compris la Bosnie-Herzégovine, ce qui allait à l’encontre des desseins autrichiens. Le 6 octobre 1908, l’Autriche-Hongrie décrète l’annexion de la Bosnie et de l’Herzégovine, qui deviennent un condominium de l’Autriche et de la Hongrie, doté d’une administration distincte de celles de chacune des deux parties de la double monarchie. Le 10 août 1913, par le traité de Bucarest, la Hongrie reçoit de la Turquie l’îlot d’AdaKaleh, sis au milieu du Danube, et dont le sort avait été oublié en 1878 à Berlin. Le 28 juin 1914, l’archiduc François Ferdinand et son épouse, en visite officielle en Bosnie-Herzégovine, sont assassinés à Sarajevo par un Bosniaque, lui-même armé par la Serbie. Cet assassinat va déclencher la Première Guerre mondiale. L’Autriche-Hongrie entre en guerre aux côtés de l’Allemagne, bientôt rejointe par la Turquie, puis par la Bulgarie. Elle doit se battre sur deux fronts — face à la Russie et dans les Balkans — puis, en 1915, un troisième front s’ouvre face à l’Italie. D’une façon générale, les diverses nations qui constituent la double monarchie, et qui sont présentes dans son armée, se battent loyalement pour la cause autrichienne. Mais la durée du conflit, la dureté des conditions de vie et la férocité des combats finiront par venir à bout de la détermination du pays. Cependant, par le traité secret du 17 août 1916, l’Entente promet à la Roumanie la Bucovine, la Transylvanie, le Banat et une partie de la Hongrie propre (rive gauche de la Tisza, sauf Debrecen et ses abords), si elle entre en guerre à ses côtés dans les dix jours. La Roumanie entre en guerre le 27 août 1916 et est vaincue par les puissances centrales. Perdant son appui russe (révolution d’octobre), elle se résigne à traiter avec ses vainqueurs. Par le traité de Bucarest du 7 mai 1918, entre autres clauses, la Roumanie cède à la Hongrie une bande de territoire presque continue le long de la ligne de crête des Carpathes, depuis le Danube (Orsova) jusqu’à l’ancien point triple Roumanie-RussieAutriche. Ces territoires sont rattachés aux comitats transylvains. L’Autriche-Hongrie vaincue dépose les armes le 3 novembre 1918 à Villa Giusti (Padoue). Au même moment, les minorités de Hongrie, qui s’étaient montrées assez loyales envers la monarchie pendant la guerre, pressentant la fin de l’Empire, s’organisent en vue de l’avenir. Le 26 octobre le Conseil national de Zagreb, puis le 29 octobre la diète d’Agram proclament l’indépendance de la Croatie-Slavonie vis-à-vis de la Hongrie et son rattachement au futur État yougoslave. Le 30 octobre, les Slovaques de Hongrie réunis en Assemblée à Thurocz-Szent-Martony (Turcansky-Sveti-Martin) revendiquent leur rattachement à la Bohême-Moravie.
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Les États existants Le 16 novembre est proclamée à Budapest la déchéance de la monarchie hongroise et l’avènement d’une république de Hongrie. Le 1er décembre, une Assemblée des Roumains de Transylvanie, de Hongrie orientale et du Banat, réunie à Alba Julia (Carlsbourg ou Gyulia Fehervar), réclame l’union à la Roumanie de tous les pays de Hongrie peuplés de Roumains. Les Allemands des comitats occidentaux (Presbourg, Wieselbourg, Œdenbourg, Eisenbourg, d’où le futur nom de Burgenland) revendiquent leur union à l’Autriche ; le 7 décembre est proclamée à Mattersbourg une éphémère république du Heinzenland, vite réprimée par l’armée hongroise. Le 8 janvier 1919, les Saxons de Transylvanie, réunis en Assemblée à Médiasch, réclament à leur tour leur union à la Roumanie. Inspirée par l’exemple soviétique, une agitation révolutionnaire se développe à Budapest ; le 21 mars 1919, le gouvernement républicain de Karolyi, débordé par les événements, cède la place à Béla Kun, qui institue une république des conseils de Hongrie (communiste). Mais des troupes hongroises dépendant du contre-gouvernement nationaliste de l’amiral Horthy installé à Szegedin, aidées de troupes tchèques et roumaines, répriment le mouvement communiste et, le 1er août, la république des conseils cède la place à une république modérée. Le 1er mars 1920, une Assemblée élue en janvier rétablit le royaume de Hongrie et investit l’amiral Horthy comme régent, en attendant le règlement de la question royale.
V. La Hongrie contemporaine (1920 à nos jours) 1. La Hongrie royale (1920-1946) Les Alliés ont décrété la fin de l’Autriche-Hongrie et décidé de lui appliquer dans toute sa rigueur le principe des nationalités. La Hongrie (comme l’Autriche) va être réduite à la dimension d’État homogène de taille restreinte, car non seulement les régions nettement allogènes, mais aussi celles à peuplement mélangé vont lui être systématiquement retranchées ; enfin, au pied des montagnes (Slovaquie et Hongrie orientale), des bandes de territoire de peuplement hongrois seront cédées aux pays avoisinants pour raison de communications. Les Alliés estiment, de façon fallacieuse, que leur intérêt est de constituer face à la Hongrie un ensemble d’États moyens qu’ils pourront contrôler. À ce titre, ils favorisent la création d’une Tchécoslovaquie (Bohême, Moravie, Slovaquie, Ruthénie), d’une grande Roumanie (Moldavie, Valachie, Bucovine, Transylvanie, Banat) et d’une Yougoslavie (Serbie, Monténégro, Croatie, Slovénie, Dalmatie, Bosnie-Herzégovine). Les représentants de ces États sont écoutés avec bienveillance, tandis que les vaincus se voient imposer des traités à la rédaction desquels ils n’ont pu prendre aucune part (diktat). Par le traité de Trianon du 4 juin, agissant au nom de l’ancienne Transleithanie, la Hongrie cède : – à l’Autriche, le « Burgenland », c’est-à-dire les parties occidentales des comitats de Wieselbourg (Moson) sans le chef-lieu, d’Œdenbourg (Sopron) avec le chef-lieu, et d’Eisenbourg (Vas) sans le chef-lieu et sans Guns/Koszeg ; – à la Tchécoslovaquie, les comitats de Presbourg (Poszony), Bars, Nytra, Trentsin, Thurocz, Lipto, Arva, Zolyom, Zips, Saros et Ungh en entier, ainsi que des parties de ceux de Gyor (Raab), Komorn, Esztergom (Gran), Hont, Neograd, Goemoer, Abauj-Torna, Zemplen, Beregh, Ugotsch et Maramaros (ces deux derniers partagés entre Tchécoslovaquie et Roumanie) ; – à la Roumanie, l’autre partie des comitats d’Ugotsch et de Maramaros, l’entière Transylvanie historique (15 comitats, plus celui de Szilagy), le comitat de Krasso-Szorény et une partie de ceux de Temes et de Torontal (Banat), ainsi que la majeure partie de ceux de Szathmar, Bihar et Arad ;
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Hongrie – au royaume des Serbes, Croates, Slovènes (SCS), la Croatie-Slavonie, un fragment des comitats d’Eisenbourg (le Prékomourié), de Zala (le Medjimourié), de Somogy et de Baranya, la majeure partie de celui de Batch, le restant de ceux de Torontal et de Temes, ainsi que sa part du condominium austro-hongrois sur la Bosnie-Herzégovine. Enfin, la Hongrie renonce à la ville de Fiume et à ses abords, qui sont contestés entre l’Italie et le royaume SCS. De ce fait, la Hongrie est ramenée de 325 000 à 93 000 km2 et de 21 à 8 millions d’habitants, cédant 4 000 km2 et 400 000 habitants à l’Autriche, 62 000 km2 et 3 600 000 habitants à la Tchécoslovaquie, 102 000 km2 et 5 000 000 habitants à la Roumanie, 63 000 km2 et 4 000 000 habitants au royaume SCS, 1 000 km2 et 50 000 habitants pour Fiume. Près de 3 millions de Hongrois vivent en dehors du royaume : 1 500 000 en Roumanie, 750 000 en Tchécoslovaquie, 500 000 dans le royaume SCS ; en revanche, en Hongrie résiduelle, 7 500 000 Hongrois dominent 500 000 Allemands et 200 000 Slovaques. La Hongrie proteste de façon véhémente contre l’injustice qui lui est faite. En mars et en octobre 1921, le roi Charles tente par deux fois de reprendre possession de son trône de Hongrie. L’amiral-régent Horthy manœuvre pour l’en empêcher. La Hongrie sera désormais un royaume sans roi, dirigé par un amiral sans escadres. S’agissant du Burgenland, l’Autriche avait, à la conférence de Paris, offert le plébiscite sur l’ensemble de la zone mais, en raison des événements révolutionnaires de Hongrie (régime bolchevique), les Alliés avaient décidé le rattachement sans plébiscite du Burgenland à l’Autriche (Trianon, juin 1920), malgré les protestations de la Hongrie. Lorsque l’armée autrichienne entre à Œdenbourg (Sopron), elle est attaquée par les habitants de la ville. Le 3 octobre 1921, un protocole austro-hongrois remet la ville et ses abords immédiats aux puissances, aux fins de médiation. Le 13 octobre, à l’initiative de l’Italie, le protocole de Venise décide un plébiscite à bref délai sur la ville d’Œdenbourg et huit communes environnantes. Les 14 et 15 décembre se tient le plébiscite qui donne 65 % des votes en faveur d’un retour à la Hongrie. Le 1er janvier 1922, la ville d’Œdenbourg/Sopron et ses abords immédiats sont restitués à la Hongrie. Enfin en 1923, au traité de Lausanne, l’îlot d’Ada-Kaleh, hongrois depuis 1913, est attribué à la Roumanie. La Hongrie est désormais restreinte à 25 comitats : Gyor-Moson-Poszony, Komarom-Esztergom, Sopron, Vas, Veszprem, Fejer, Zala, Somogy, Tolna, Baranya, Pest-Pilis-Solt-Kis-Kun, Batch, Csongrad, Arad-Csanad-Torontal, Békès, Jasz-Szolnok, Bihar, Hadju, Szathmar-Beregh, Szaboltsch-Ungh, Zemplen, Abauj-Torna, Borsod-Goemoer-Kis-Hont, Hévès, Nograd-Hont. À l’intérieur de son territoire restreint, dont elle ne s’est pas résignée à se satisfaire, la Hongrie de l’entre-deux-guerres s’efforce de retrouver un certain équilibre, tant politique qu’économique, étroitement surveillée par les vainqueurs de la Grande Guerre qui ont bâti contre elle la Petite Entente, laquelle rassemble la Tchécoslovaquie, la Roumanie et la Yougoslavie. Elle ne cesse d’espérer la venue d’événements qui lui permettraient de prendre sa revanche et de retrouver sa grandeur passée. L’arrivée au pouvoir en Allemagne de Hitler, qui est animé des mêmes sentiments à l’égard des vainqueurs, va bientôt favoriser ses desseins. Cédant aux menaces allemandes, la Tchécoslovaquie a dû en octobre 1938 céder d’importants territoires (Sudètes) à l’Allemagne et un fragment de Silésie à la Pologne. La Hongrie entend profiter de l’affaiblissement tchécoslovaque pour recouvrer une partie des territoires cédés en 1920, d’autant que Hitler a subordonné son acceptation des accords de Munich au règlement du différend territorial entre Hongrie et Tchécoslovaquie. Les pourparlers n’aboutissant pas, les deux parties ont recours à un arbitrage germanoitalien. Par l’arbitrage du Belvédère (Vienne) du 2 novembre 1938, la Tchécoslovaquie restitue à la Hongrie une bande de territoire continue courant le long de la frontière méridionale de Slovaquie et de Ruthénie, de peuplement majoritairement hongrois (750 000 sur 900 000 habitants), d’une surface de 12 000 km2, et englobant des villes telles que Komorn, Rimaszombat, Kassa, Unghvar et Munkacs. La Hongrie passe ainsi de 93 000 à 105 000 km2 et de 9 200 000 à 10 100 000 habitants.
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Les États existants Profitant de l’indépendance de la Slovaquie (14 mars) et de la mainmise allemande sur la Bohême-Moravie (15 mars), la Hongrie envahit et annexe le reliquat de Ruthénie subcarpathique, que l’arbitrage de 1938 avait laissé à la Tchécoslovaquie. Elle s’agrandit de 12 000 km2 et 400 000 habitants, passant ainsi à 117 000 km2 et 10 500 000 habitants. Le 23 mars 1939, la Hongrie accorde au territoire annexé l’autonomie interne, sous le nom de Karpatalja (Subcarpathie). Par ailleurs, la Roumanie, sous la pression de Staline et avec le consentement de Hitler, avait dû céder à l’URSS la Bessarabie et la Bucovine du Nord. Hitler fait alors pression sur la Roumanie pour qu’elle résolve ses différends territoriaux avec la Hongrie et la Bulgarie. Les pourparlers n’aboutissant pas, par le second arbitrage germano-italien du Belvédère (Vienne) du 30 août 1940, la Roumanie doit rétrocéder à la Hongrie la part septentrionale de Transylvanie et de Hongrie propre annexées en 1920, à savoir les comitats transylvains de Haromszeck (Trei-Scaune), Csik (Ciuc), Udvarhély (Odorhei), TordaMaros (Mures), Koloszvar (Cluj), Bistritz-Naszod, Szolnok-Doboka, Szilagy (Salaj), et ceux « hongrois » de Maramaros (Maramures), Szathmar (Satu Mare) et Bihar (en partie). La Hongrie recouvre ainsi des régions hongroises, la région saxonne de Bistritz et la région sicule (Szeklers) de l’angle sud-est des Carpathes, le tout constituant un accroissement de 43 500 km2 et 2 200 000 habitants (dont 1 100 000 Hongrois, 900 000 Roumains, 100 000 Allemands). La Hongrie compte désormais 160 000 km2 et 12 700 000 habitants. À la suite de la victoire des troupes allemandes et bulgares sur la Yougoslavie en avril 1941, le 22 avril, Hitler procède au démembrement de celle-ci. Dans ce cadre, la Hongrie recouvre, à l’exception du Banat serbe, tous les territoires de Hongrie propre cédés à la Yougoslavie en 1920, à savoir la Batchka, l’angle de la Baranya, le Médjimourié et le Prékomourié, soit un accroissement de 12 000 km2 et 1 200 000 habitants, la faisant passer à 172 000 km2 et 14 000 000 habitants. Mais de tels gains territoriaux ont un prix. La Hongrie doit entrer en guerre en juin 1941 contre l’URSS aux côtés de l’Allemagne. En octobre 1944, le régent Horthy parvient à sortir de l’alliance et à signer un armistice avec l’URSS, mais il est aussitôt arrêté par les Allemands qui entraînent la Hongrie dans une résistance à l’avancée soviétique. Le 4 avril 1945, la Hongrie est aux mains de l’URSS. Sans attendre les pourparlers de paix, la Hongrie est de facto de nouveau réduite à ses dimensions de Trianon.
2. La Hongrie républicaine (1946 à nos jours) Le 1er février 1946, l’Assemblée hongroise proclame la république de Hongrie. Le 10 février 1947 sont signés à Paris les traités de paix relatifs aux frontières des États vaincus. La Hongrie est impitoyablement ramenée à ses frontières définies en 1920 à Trianon. De ce fait, la Hongrie rétrocède : – à la Tchécoslovaquie, la bande de territoire annexée en 1938 le long de la frontière méridionale de Slovaquie ; s’y ajoute un élargissement (Oroszvar) de la tête de pont slovaque (Engerau) sur rive droite du Danube face à Presbourg (Bratislava) ; – à l’URSS, l’ensemble de la Ruthénie subcarpathique (annexions de 1938 et 1939), qui sera rattachée à la république d’Ukraine ; – à la Roumanie, l’ensemble des territoires annexés en 1940 (Transylvanie et Hongrie propre) ; – à la Yougoslavie, les territoires annexés en 1941, à savoir la Batchka (attribuée à la Voïvodine serbe), la Baranya et le Medjimourié (attribués à la Croatie), le Prékomourié (attribué à la Slovénie). 200 000 Hongrois sont expulsés de Slovaquie, contre 40 000 Slovaques de Hongrie. Les communistes se sont peu à peu emparés des rênes du pouvoir (mars 1948). Le 18 août 1949, la Hongrie devient république populaire. Elle fait partie de l’ensemble des pays satellites de l’URSS.
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Hongrie Une insurrection anticommuniste, survenue à Budapest le 23 octobre 1956, est réprimée par l’armée soviétique (4 novembre). Depuis 1984, la Hongrie est divisée en 19 départements (comitats), selon liste donnée en tête du chapitre. Faisant suite à une libéralisation économique, puis à un retour au pluralisme politique, la Constitution est modifiée et, le 23 octobre 1989, le régime redevient démocratique, la Hongrie redevient république de Hongrie. Dès lors, la Hongrie se tourne vers l’Occident, en particulier l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie, et pose en 1994 sa candidature à l’adhésion à la Communauté européenne. Elle est le théâtre d’un rapide développement économique. Le 12 décembre 2002, la candidature de la Hongrie est acceptée par l’Union européenne, et l’adhésion devient effective le 1er mai 2004. Confins militaires Lorsque le prince Eugène de Savoie, à la tête des armées autrichiennes, recouvre sur les Turcs en 1699 et 1718 les provinces perdues en 1526, il n’en rend pas à la couronne de Hongrie la totalité, mais conserve sous administration militaire une large bande, courant le long des frontières, prélevée sur la Croatie, la Slavonie, le Banat et la Transylvanie, en vue d’en faire un solide rempart face à tout retour offensif éventuel des armées ottomanes. Ces territoires, où stationnent nombre de régiments, sont administrés d’une façon originale, sous l’autorité de six généralats militaires, trois en Croatie (Carlstadt, Warasdin, Ban de Croatie), un en Slavonie (Peterwardein), un au Banat (Temesvar), un en Transylvanie (Hermannstadt). De 1809 à 1813, le généralat de Carlstadt est cédé à la France (Provinces Illyriennes), qui lui conserve son organisation administrative et militaire. Les Confins militaires sont peuplés de paysans-soldats, rassemblés en communautés rurales (zadrugas), qui ne sont vassaux d’aucun seigneur mais sont mobilisables à volonté par l’armée autrichienne. Aux habitants indigènes qui habitent de longue date ces contrées s’ajoutent peu à peu des transfuges (Serbes, Bosniaques) provenant de l’autre côté de la frontière. Lorsqu’au XIXe siècle, par suite de son affaiblissement et de son lent recul territorial, le Turc cesse de constituer une menace directe, les Confins militaires sont abolis : ceux de Transylvanie en 1851, ceux du Banat en 1872, ceux de Croatie et de Slavonie en 1878.
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Les États existants
Irlande Le pays en bref État républicain : la république d’Irlande. Président : Mary McAleese. Représentation parlementaire : deux chambres, la Chambre des députés et le Sénat. Capitale : Dublin (Baile Atha Cliath, en irlandais). Division administrative en 4 provinces et 26 comtés : – province d’Ulster (3 comtés) : Donegal (Lifford), Cavan, Monaghan ; – province de Connaught (5 comtés) : Sligo, Roscommon, Mayo (Castlebar), Galway, Leitrim (Carrick-on-Shannon) ; – province de Leinster (12 comtés) : Wexford, Kilkenny, Carlow, Wicklow, Kildare (Naas), Laois (Portlaoise), Offaly (Tullamore), Westmeath (Mullingar), Longford, Meath (Trim), Dublin, Louth (Dundalk) ; – province de Munster (6 comtés) : Clare (Ennis), Limerick, Kerry (Tralee), Cork, Waterford, Tipperary (Clonmel). Superficie : 70 300 km2 ; population : 3,7 millions d’habitants ; densité : 53 habitants au km2. Langue : l’irlandais (le gaélique d’Irlande), l’anglais. Religion : catholique. Monnaie : l’euro ; la livre irlandaise jusqu’en 2001.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Irlande 1. Des querelles intestines à la domination anglaise (1171) C’est au IVe siècle av. J.-C. que l’Irlande est colonisée par une peuplade celtique, les Gaëls. Au Ier siècle av. J.-C., l’île est divisée en sept royaumes. Épargnée par la colonisation romaine, l’Irlande est convertie au christianisme au IVe siècle apr. J.-C. par saint Patrick. Elle devient alors une pépinière du christianisme, appelée île des Saints en raison de la présence de nombreux monastères pourvoyeurs de missionnaires vers l’Europe. L’Irlande est au haut Moyen Âge répartie entre de nombreux petits royaumes, mais peu à peu des regroupements s’opèrent et c’est alors qu’émergent les quatre provinces traditionnelles de l’île : Ulster, Connaught (ou Connacht), Leinster, Munster. Les Vikings s’en emparent à partir de 795, pillent les monastères et fondent des villes, parmi lesquelles Dublin en 841. En 1002, l’un des rois irlandais, Brian, parvient pour une brève période à unifier l’île sous son autorité, mais après sa mort (1014), le pays est en proie à des querelles intestines, qui finissent par permettre au roi Henri II d’Angleterre de s’en emparer en 1171 ; ses compagnons anglo-normands s’y constituent de grands fiefs, et ils vont désormais dominer le pays. Dès lors, l’Irlande appartient à l’Angleterre et son histoire est faite de soulèvements contre l’oppression anglaise, qui s’accompagne d’une colonisation encouragée par le pouvoir royal, grâce aux « plantations » (terres confisquées aux rebelles irlandais). Cette oppression redouble après le passage de l’Angleterre à la Réforme, tandis que l’Irlande demeure un bastion du catholicisme. À partir du XVIIe siècle se met en place une ségrégation officielle entre colons anglais, ayant tous les droits publics et privés, et indigènes irlandais confinés dans un statut de second rang ; c’est alors que s’amorce un courant d’émigration vers l’Amérique du Nord. Par l’Acte déclaratoire de 1719, il est institué que les lois votées à Londres s’appliquent aussitôt en Irlande, et celle-ci est désormais administrée comme une colonie par l’Angleterre.
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Irlande Le parlement de Dublin, qui ne représente que la minorité protestante du pays (30 % de la population, qui possède 85 % des terres), est dépossédé de tout pouvoir réel. Au cours du siècle, le processus d’accaparement des terres par les Anglais se poursuit, mais la guerre d’indépendance de l’Amérique donne des idées aux colons anglais d’Irlande, qui réclament des concessions du pouvoir en faveur d’une autonomie de l’île. Redoutant qu’en Irlande se produise un mouvement semblable à celui de l’Amérique, le gouvernement anglais se résigne à accorder ces concessions. En 1782, par la convention de Dungannon abolissant l’Acte de 1719, l’Irlande redevient une « nation protestante libre », c’est-à-dire que son parlement, toujours aussi peu représentatif, retrouve l’indépendance législative vis-à-vis du parlement de Londres.
2. L’Irlande en 1789 L’Irlande est, par la taille, la seconde des îles Britanniques. Elle couvre une surface de 84 000 km2 et est peuplée d’environ 4 millions d’habitants. C’est une île peu élevée que le relief montagneux divise en quatre bassins versants : au nord celui du Foyle, à l’ouest celui de l’Erne et du Shannon, au sud celui de la Lee, de la Suir et du Barrow, à l’est celui de la Liffey et de la Boyne. La population y est essentiellement rurale, le sol étant propice à l’agriculture et à l’élevage. L’activité industrielle et la vie urbaine, contrairement à celles de l’Angleterre voisine, y sont peu développées en raison d’une volonté délibérée du pouvoir britannique de maintenir l’Irlande dans un état de dépendance économique, aussi bien que politique. Le royaume d’Irlande, capitale Dublin, est en union personnelle avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne (Angleterre et Écosse) ; le roi est représenté à Dublin par un vice-roi portant le titre de lord-lieutenant. Le royaume d’Irlande est divisé en quatre provinces, ellesmêmes subdivisées en 32 comtés : – province d’Ulster ou d’Ultonie (9 comtés) : Antrim (Belfast), Arnagh, Down (Downpatrick), Tyrone (Omagh), Londonderry, Fermanagh (Enniskillen), Donegal, Cavan, Monaghan ; – province de Connaught ou de Connacie (5 comtés) : Sligo, Roscommon, Mayo (Castlebar), Galway, Leitrim (Carrick-on-Shannon) ; – province de Leinster ou de Lagénie (12 comtés) : Wexford, Kilkenny, Carlow, Wicklow, Kildare, Queen’s County (Maryborough), King’s County (Tullamore), West-Meath (Mullinger), Longford, East-Meath (Trim), Dublin, Louth (Dundalk) ; – province de Munster ou de Momonie (6 comtés) : Clare (Ennis), Limerick, Kerry (Tralee), Cork, Wareford, Tipperary (Clonmell).
II. L’Irlande moderne (1789 à nos jours) 1. De 1789 à la création de l’État libre d’Irlande (1921) Les Irlandais catholiques se révoltent une nouvelle fois en 1796. Le soutien armé de la France révolutionnaire ayant échoué, la Grande-Bretagne décide de faire disparaître la spécificité de la nation irlandaise. Par l’Acte d’union du 7 juin 1800, le parlement de Dublin est aboli et le gouvernement et le parlement de Londres reçoivent tout pouvoir sur l’Irlande, fondue dans le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. Un nationaliste irlandais, Daniel O’Connell, fonde en 1823 l’Association catholique ; il est élu député au parlement de Londres en 1828, en dépit de la loi qui frappe d’inéligibilité les catholiques. Redoutant une explosion populaire, en 1829, le parlement de Londres vote l’Acte d’émancipation, qui rend leurs droits civiques aux catholiques. Cependant, tout au long du XIXe siècle, le renforcement de la colonisation anglaise, les dures conditions faites à la paysannerie irlandaise, les famines (notamment la Grande Famine, de 1845 à 1849) et l’émigration provoquent une hémorragie de la population qui, s’étant accrue jusqu’à près de 9 millions d’habitants en 1845, rechute à un niveau de l’ordre de 4 millions à la veille de la Première Guerre mondiale.
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Les États existants Certains esprits (Gladstone) finissent en Angleterre par s’émouvoir de cette situation et envisagent d’une part une réforme agraire de grande ampleur, d’autre part le Home Rule (autonomie interne). La réforme agraire est votée en 1903, transférant massivement la propriété des terres à la paysannerie irlandaise ; mais, s’agissant du Home Rule, devant l’opposition des conservateurs, il faut attendre avril 1912 pour constater un vote positif de la Chambre des communes (suivi la première fois d’un rejet par les Lords). Le 18 septembre 1914, le Home Rule est signé par le roi George V, mais son application est aussitôt suspendue par la déclenchement de la Première Guerre mondiale. Un nouveau soulèvement se produit en avril 1916 à Dublin, où la République est proclamée par le Sinn Fein (mouvement indépendantiste), mais cette révolte est réprimée dans le sang. À l’issue de la victoire, les élections au parlement de Londres en 1918 donnent, pour l’Irlande, une majorité aux députés du Sinn Fein — mis à part quatre comtés de l’Ulster —, lesquels députés refusent de siéger à Londres et organisent un parlement sécessionniste à Dublin, tandis qu’une guerre larvée s’installe dans l’île. Face à cette situation, le 23 décembre 1920, le parlement de Londres vote l’Acte de gouvernement de l’Irlande, par lequel l’île est divisée en deux entités disposant chacune de l’autonomie interne, chapeautées par un organisme confédéral : au nord, six comtés de l’Ulster à majorité protestante ; au sud, vingt-six comtés à majorité catholique (détails, voir infra). De nouvelles élections qui se tiennent en 1921 donnent au nord une majorité unioniste, tandis qu’au sud, où seuls des députés du Sinn Fein se sont présentés, les nouveaux élus se réunissent de nouveau en parlement sécessionniste à Dublin. Le gouvernement de Londres se décide à négocier avec le Sinn Fein. Le 6 décembre 1921, par le traité de Londres, la Grande-Bretagne partage l’île en deux parties : – l’Irlande du Nord (Ulster), qui reste partie intégrante du Royaume-Uni, avec statut d’autonomie : d’une surface de 14 100 km2, elle est composée de six des neuf comtés de l’ancienne province d’Ulster, à savoir Antrim, Arnagh, Down, Tyrone, Fermanagh, Londonderry ; avec Belfast pour capitale, elle est en majorité protestante, mais les deux comtés de Tyrone et de Fermanagh sont individuellement à majorité catholique ; – l’Irlande du Sud, qui devient l’État libre d’Irlande, dominion de l’Empire britannique : d’une surface de 70 300 km2, ce nouvel État est composé des trois derniers comtés de l’Ulster (Donegal, Cavan, Monaghan) et des trois autres provinces de l’Irlande, soit au total 26 comtés ; avec Dublin pour capitale, il est en majorité catholique.
2. L’Irlande contemporaine (1921 à nos jours) Une minorité d’Irlandais catholiques (une partie du Sinn Fein, ainsi que l’IRA, organisation armée) n’admettent pas la partition de l’île et se lancent dans une nouvelle guerre civile, qui prend fin en 1923 par la victoire des forces gouvernementales. En juillet 1937, profitant des difficultés de la Grande-Bretagne — crise de succession au trône par suite de l’abdication d’Édouard VIII —, le gouvernement de Dublin, présidé par De Valera, fait voter par le parlement une Constitution républicaine dotée d’un président ; l’Irlande, qui devient l’Eire, reste toutefois membre du Commonwealth ; la Constitution fait référence explicite à une future réunification de l’île. Pendant ce temps, en Irlande du Nord, le pouvoir autonome est monopolisé par la majorité protestante, qui détient aussi le pouvoir économique (industrie et grandes propriétés terriennes), les catholiques minoritaires se rencontrant plutôt dans les milieux ouvriers des villes industrielles (Belfast) et parmi le prolétariat rural. Lorsqu’en 1939 éclate la Seconde Guerre mondiale, l’État libre d’Irlande décide de rester neutre dans le conflit — il est d’ailleurs le seul dominion à ne pas s’engager aux côtés du Royaume-Uni. Enfin, le 18 avril 1949, la république d’Irlande est officiellement proclamée en Irlande du Sud, et le pays quitte le Commonwealth. Dès lors, l’Irlande républicaine vit politiquement un destin séparé de celui de la GrandeBretagne, les liens économiques demeurant toutefois intenses. Le 1er janvier 1973, elle devient membre de la Communauté économique européenne.
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Irlande Pendant ce temps, l’Irlande du Nord vit une période mouvementée au sein du RoyaumeUni. Elle possède une forte minorité catholique (environ un tiers), qui se trouve être majoritaire dans l’ouest du Londonderry, dans le sud de l’Arnagh, dans le Tyrone et dans le Fermanagh. À partir de 1968, une action terroriste s’y développe (IRA) en vue d’obtenir son rattachement à la république d’Irlande. En mars 1972, le gouvernement de Londres suspend l’autonomie dont jouissait l’Irlande du Nord et prend en mains l’administration directe de la province. Le 8 avril 1973, il y organise un référendum sur son avenir. Le rattachement à l’Irlande du Sud y est rejeté par la majorité de la population. Mais le climat de guerre continue d’y régner (attentats terroristes, emploi de l’armée britannique pour maintenir l’ordre) pendant vingt ans, jusqu’à une déclaration conjointe (1993) des gouvernements de Londres et de Dublin appelant à de nouvelles négociations, assorties d’une trêve dans les combats, lesquelles aboutissent le 10 avril 1998 à un accord de paix, qui prévoit la restitution de l’autonomie à l’Irlande du Nord, avec l’élection d’un nouveau parlement où protestants et catholiques seront équitablement représentés.
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Islande Le pays en bref État républicain : la république d’Islande. Président : Olafur Ragnar Grimsson. Représentation parlementaire : une chambre, l’Althing. Capitale : Reykjavik. Division administrative en 8 régions : Reykjavik-Capitale, Péninsule du Sud-Ouest (Keflavik), Ouest (Borgarnes), Péninsule de l’Ouest (Isafjördur), Nord-Ouest (Saudarkrokur), Nord-Est (Akureyri), Est (Egilsstadir), Sud (Selfoss). Superficie : 103 000 km2 ; population : 260 000 habitants ; densité : 2,5 habitants au km2. Langue : l’islandais. Religion : luthérienne. Monnaie : la couronne islandaise.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Islande 1. Entre Norvège et Danemark (1264-1356) Découverte au VIIIe siècle par des moines irlandais, l’Islande est colonisée au IXe par les Vikings, qui vont y instaurer une république aristocratique dotée d’un parlement (Althing) réputé le plus vieux du monde (930). Mais l’absence de réel pouvoir central finit par provoquer des dissensions au XIIIe siècle. C’est alors qu’intervient le roi de Norvège, lequel, par le « vieux pacte » de 1264, impose sa tutelle (gouverneur norvégien), tout en laissant un certain pouvoir à l’Althing. En 1397, à la remorque de la Norvège, l’Islande est rattachée à l’Union de Kalmar et passe ainsi sous l’influence du Danemark. Après la rupture de l’Union, l’Islande est, en 1536, directement soumise à l’administration du Danemark, qui s’octroie pour plus de deux siècles le monopole du commerce de l’île. En 1787, le commerce avec l’Islande redevient libre pour les ressortissants danois. En 1800, l’Althing, dont le rôle politique avait été supprimé au XVIIIe siècle, est aboli.
2. L’Islande en 1789 L’Islande est une vaste île danoise de l’Atlantique du Nord, d’une surface de 103 000 km2 et peuplée d’environ 40 000 habitants, située à 1 000 km de la Norvège, 800 de l’Écosse et 300 du Groenland. Placée à mi-chemin entre l’Europe et l’Amérique, son histoire et sa culture la rattachent à l’Europe. Vaste plateau hérissé de montagnes, de volcans et parsemé de geysers, l’île bénéficie, grâce aux courants marins, d’un climat tempéré pour sa latitude. De ce fait, les Islandais peuvent s’adonner à un peu d’agriculture et d’élevage, la grande richesse étant toutefois la pêche. Sur le plan administratif, l’Islande constitue un grand-bailliage du royaume de Danemark, lui-même divisé en trois bailliages : Sonder Amtel (bailliage du Sud), chef-lieu Reykjavik ; Vester Amtel (bailliage de l’Ouest), chef-lieu Stappen ; Norder og Oster Amtel (bailliage du Nord et de l’Est), chef-lieu Madruval.
II. L’Islande moderne (1789 à nos jours) 1. De 1789 à l’érection du royaume d’Islande (1918) En août 1809, profitant de la rupture des communications avec la métropole, entraînée par
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Islande la situation de guerre avec la Grande-Bretagne, un aventurier danois, Georges Jurgensen, appuyé par celle-ci, s’empare de l’Islande et s’en proclame souverain. En 1815, le Danemark recouvre sa souveraineté sur l’Islande. En 1843, l’Althing est rétabli, à titre consultatif ; en 1874, par une nouvelle Constitution, il retrouve un rôle législatif, puis redevient chambre parlementaire en 1904 lorsque l’autonomie est accordée à l’Islande. Par ailleurs, dès 1854, le commerce avec l’Islande est ouvert aux étrangers. Par l’acte d’Union du 30 novembre 1918, l’île devient royaume d’Islande, indépendant et associé à celui du Danemark, par une union personnelle.
2. De l’union personnelle à l’indépendance (1944) Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’Islande est occupée fugitivement par les Allemands en avril 1940, puis par les Anglais en mai 1940, relayés par les Américains en juin 1941. Durablement séparée du Danemark (occupé par les Allemands), l’Islande nomme un régent du royaume (Svein Björsson), mais la séparation favorise un mouvement vers l’indépendance. Un référendum se tient le 25 mai 1944, qui donne une majorité en faveur de la séparation d’avec le Danemark. Le 17 juin est proclamée la république d’Islande, qui se dote d’une nouvelle Constitution et l’ancien régent en devient le premier président.
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Les États existants
Italie Le pays en bref État républicain : la République italienne. Président : Giorgio Napolitano. Représentation parlementaire : deux chambres, la Chambre des députés et le Sénat de la République. Capitale : Rome. Division administrative en 20 régions — dont 15 ordinaires et 5 à statut autonome — et 109 provinces : – région Piémont, chef-lieu Turin (8 provinces) : Alexandrie, Asti, Biella, Coni, Novare, Turin, Verbano-Cusio-Ossola (Verbania), Verceil ; – région autonome Val-d’Aoste, chef-lieu Aoste (1 province) : Aoste ; – région Lombardie, chef-lieu Milan (12 provinces) : Bergame, Brescia, Côme, Crémone, Lecco, Lodi, Mantoue, Milan, Monza, Pavie, Sondrio, Varèse ; – région autonome Trentin-Haut-Adige, chef-lieu Trente (2 provinces) : Trente, Botzen (ou Bolzano) ; – région Vénétie, chef-lieu Venise (7 provinces) : Belluno, Padoue, Rovigo, Trévise, Venise, Vérone, Vicence ; – région autonome Frioul-Vénétie-Julienne, chef-lieu Trieste (4 provinces) : Goritz, Pordenone, Trieste, Udine ; – région Ligurie, chef-lieu Gênes (4 provinces) : Gênes, Imperia, La Spezia, Savone ; – région Émilie-Romagne, chef-lieu Bologne (9 provinces) : Bologne, Ferrare, Forli, Modène, Parme, Plaisance, Ravenne, Reggio-en-Émilie, Rimini ; – région Toscane, chef-lieu Florence (10 provinces) : Arezzo, Florence, Grosseto, Livourne, Lucques, Massa-Carrare, Pise, Pistoia, Prato, Sienne ; – région Ombrie, chef-lieu Pérouse (2 provinces) : Pérouse, Terni ; – région Marches, chef-lieu Ancône (4 provinces) : Ancône, Ascoli Piceno, Macerata, Pesaro-et-Urbin (Pesaro) ; – région Latium, chef-lieu Rome (5 provinces) : Frosinone, Latina, Rieti, Rome, Viterbe ; – région Abruzzes, chef-lieu L’Aquila (4 provinces) : L’Aquila, Chieti, Pescara, Teramo ; – région Molise, chef-lieu Campobasso (2 provinces) : Campobasso, Isernia ; – région Campanie, chef-lieu Naples (5 provinces) : Avellino, Bénévent, Caserte, Naples, Salerne ; – région Pouilles, chef-lieu Bari (6 provinces) : Bari, Barletta-Andria-Trani, Brindisi, Foggia, Lecce, Tarente ; – région Basilicate, chef-lieu Potenza (2 provinces) : Matera, Potenza ; – région Calabre, chef-lieu Catanzaro (5 provinces) : Catanzaro, Cosenza, Crotone, Reggio-de-Calabre, Vibo Valentia ; – région autonome Sicile, chef-lieu Palerme (9 provinces) : Agrigente, Caltanissetta, Catane, Enna, Messine, Palerme, Raguse, Syracuse, Trapani ; – région autonome Sardaigne, chef-lieu Cagliari (8 provinces) : Cagliari, Nuoro, Oristano, Sassari, Olbia-Tempio, Ogliastra (Lanusei), Carbonia-Iglesias, Medio Campidano (Sanluri). Superficie : 301 300 km2 ; population : 57,5 millions d’habitants ; densité : 191 habitants au km2. Langue : l’italien ; on parle aussi, à des degrés divers, le français dans le val d’Aoste, l’allemand dans le Haut-Adige (Tyrol méridional), le ladin dans le Haut-Adige et les Dolomites, le sarde en Sardaigne, le frioulan dans la région d’Udine, le slovène dans les régions de Trieste et de Goritz, l’albanais dans le sud de l’Italie. Religion : catholique. Monnaie : l’euro ; la lire jusqu’en 2001.
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Italie Remarques L’Italie de 1789 constitue une « expression géographique », selon le mot du chancelier Metternich. Champ clos depuis des siècles de rivalités européennes, elle a vu en son sein s’épanouir des républiques, grandir des principautés, s’établir durablement des dynasties étrangères. Ni la papauté, ni aucun prince italien n’a su, à cette date, unifier une nation qui demeure politiquement affaiblie par ses divisions, tandis qu’elle brille encore des feux de sa civilisation et continue d’émerveiller l’Europe entière. Il faudra attendre 1860 pour qu’une étape décisive de la marche vers l’unité de l’Italie soit franchie. Ce n’est donc qu’à partir de cette date qu’il sera possible de décrire de façon unique l’évolution territoriale de ce pays. Antérieurement à 1860, il sera nécessaire d’aborder l’histoire propre à chacun des pays qui la composaient (pour les États de l’Église, voir chapitre Vatican ; pour Saint-Marin, voir chapitre de ce nom).
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Italie 1. Des origines à la chute de l’Empire romain d’Occident (476) La péninsule italienne est, au IIe millénaire av. J.-C., colonisée par divers peuples indoeuropéens, les Vénètes, les Osques, les Iapyges, les Sabins, les Latins, etc., qui s’ajoutent aux peuples plus anciens (Ligures). Au VIIIe siècle s’implantent au nord des Celtes — dans ce qui deviendra la Gaule cisalpine — et au sud des Grecs, en Grande Grèce et en Sicile, tandis que commence à s’épanouir au centre la civilisation des Étrusques, qui va durer trois siècles et influencer profondément la première Rome. En 753 av. J.-C., selon la tradition, est fondée la ville de Rome ; d’abord soumise à un pouvoir royal, cette cité va s’ériger en république (509), se libérer de la tutelle étrusque, conquérir l’ensemble de l’Italie propre (338-270), du Rubicon à la Sicile, puis s’emparer de la Sicile (241), de la Sardaigne et de la Corse (237), enfin de la Gaule cisalpine (222), ce qui fait qu’à ce moment l’ensemble de la péninsule italienne jusqu’aux Alpes est soumise à son pouvoir. Puis la puissance de Rome grandit, au point de conquérir en deux siècles l’ensemble des pays du bassin méditerranéen. Pendant toute la période de la république, l’Italie romaine conserve sa structure ancienne en cités, chacune individuellement soumise à la tutelle de Rome ; on distingue seulement dans la péninsule l’Italie proprement dite, au sud du Rubicon, et la province de Gaule cisalpine, au nord. Lorsque Auguste (27 av. J.-C.-14 apr. J.-C.) institue le régime impérial, il réorganise l’Empire en général, et l’Italie en particulier. Celle-ci, qui englobe désormais l’ancienne Italie propre et la Gaule cisalpine, n’est pas divisée en provinces, comme l’est le reste de l’Empire romain, mais en 11 régions : Ire Latium et Campanie, IIe Campanie intérieure, Apulie et Calabre, IIIe Lucanie et Brutium, IVe Samnium et Sabine, Ve Picenum, VIe Ombrie, VIIe Étrurie, VIIIe Gaule cispadane (ou Émilie), IXe Ligurie, Xe Vénétie et Istrie, XIe Gaule transpadane. S’y ajoutent, pour l’Italie au sens géographique, 2 provinces insulaires : Corse et Sardaigne d’une part, Sicile d’autre part. Vers 300 apr. J.-C. (règne de Dioclétien), l’Empire est divisé en diocèses, eux-mêmes subdivisés en provinces. Le diocèse d’Italie est réparti en 12 provinces : Corse, Sardaigne, Sicile, Lucanie-Brutium, Apulie-Calabre, Campanie-Samnium, Tuscie-Ombrie, Flaminie, Ligurie-Émilie, Alpes cottiennes, Vénétie-Istrie, Rhétie (cette dernière hors de la péninsule), plus le diocèse particulier de Rome. En 395 apr. J.-C., à la mort de Théodose, l’Italie fait partie de l’Empire d’Occident et, au sein de cet Empire, de la préfecture d’Italie. Au sein de cette préfecture, elle est répartie entre deux diocèses (ou vicariats) : – diocèse de la ville de Rome (10 provinces, plus la ville de Rome) : Tuscie-Ombrie (Florence), Picenum suburbicaire (Ascoli), Valérie (Rieti), Samnium (Bénévent), Apulie-Calabre (Tarente), Campanie (Capoue), Lucanie-Brutium (Reggio), Corse (Aléria), Sardaigne (Cagliari), Sicile (Syracuse) ; – diocèse d’Italie (7 provinces) : Rhétie Ire (Coire), Rhétie IIe (Augsbourg), Vénétie-Istrie (Aquilée), Alpes cottiennes (Suse), Ligurie (Milan), Émilie (Plaisance), Flaminie-Picenum annonaire (Ravenne).
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Les États existants L’histoire de l’Empire romain — non traitée ici — comprend une phase d’expansion, jusqu’au règne de la dynastie des Antonins (96-192), et une phase de déclin, entraînée par la décomposition des forces vives de l’Empire et la pression exercée par les peuplades barbares. L’Italie est la terre d’origine à partir de laquelle le pouvoir romain rayonne dans le monde. Rome est une ville immense, la Ville (Urbs) par excellence, capitale de l’Empire aux multiples monuments, qui ne cesse de croître et d’accaparer le pouvoir politique et économique, jusqu’au début de son déclin à partir de 330, quand Constantinople commence à rivaliser avec elle, et surtout au Ve siècle, quand les empereurs d’Occident font de Ravenne leur résidence. Par ailleurs, saint Pierre et ses successeurs, les papes, s’y étant établis, Rome devient très tôt la tête de l’Église chrétienne, centre vital d’une religion qui va d’abord s’étendre sur l’ensemble de l’Empire romain, puis peu à peu sur l’Europe entière. Le reste de l’Italie tient lieu d’arrière-pays à Rome et vit, au sein de l’Empire romain, une paisible vie provinciale, jusqu’au début du Ve siècle, époque à laquelle — les provinces romaines d’Occident ayant été envahies par les barbares — l’Italie finit par subir elle-même l’assaut des Wisigoths, des Vandales et enfin des Hérules, dont le chef Odoacre, qui vient de la conquérir, met officiellement fin, en 476, à l’existence de l’Empire romain d’Occident.
2. De 476 à l’émergence des États italiens des temps modernes (XIVe siècle) Tout d’abord, Odoacre, qui s’établit à Ravenne, maintient l’unité de l’Italie, sous la suzeraineté lointaine de l’empereur d’Orient. Il doit bientôt faire face à l’invasion des Ostrogoths, qui s’emparent du pays (489-493) et dont le chef, Théodoric, se proclame roi après avoir mis à mort Odoacre. Il transfère à Pavie la capitale du royaume. Cependant la domination de Théodoric et de ses successeurs va durer seulement un demi-siècle. L’empereur Justinien, qui règne sur l’Orient, est déterminé à recouvrer la partie occidentale de l’ancien Empire romain. Il lui faut toutefois vingt ans (534-554) pour parvenir à ses fins en Italie. Celle-ci devient alors une province de l’Empire byzantin, gouvernée par un exarque, représentant l’empereur, qui s’installe à Ravenne. Mais Byzance doit très vite faire face à de nouveaux envahisseurs, les Lombards, qui pénètrent en Italie en 568 et s’emparent en peu de temps de la plaine du Pô, de la Tuscie, et d’une partie de l’Italie centrale et méridionale, qui est transformée en deux duchés lombards, Spolète et Bénévent, vassaux du royaume de Longobardie. Les Byzantins ne conservent plus, à l’aube du VIIe siècle, que la région s’étendant autour de Ravenne sur l’Adriatique (l’exarchat, qu’on appellera la Romagne, « pays des Romains »), la côte vénitienne, la côte ligure (qui sera perdue au milieu du VIIe siècle), la région autour de Rome (le duché de Rome, qui englobe le Latium, la Sabine, des fragments d’Ombrie et d’Étrurie), Naples, l’Apulie (les Pouilles), la Calabre, la Sicile, la Sardaigne et la Corse. Unie depuis huit siècles et demi, l’Italie est partagée en deux blocs, lombard et byzantin. Le morcellement politique, qui va s’accroître au fil du temps, va durer près de treize siècles, et l’Italie ne sera bientôt plus qu’un terme géographique et culturel. La situation ainsi créée se perpétue jusqu’au milieu du VIIIe siècle ; les Lombards, longtemps rebelles à l’influence romaine, finissent au début de ce siècle par se convertir au christianisme et par adopter les coutumes romaines. En 730, les Romains secouent la tutelle byzantine et font de leur pape le nouveau duc de Rome, encore vassal théorique de l’empereur. Les Lombards s’étant emparés de Ravenne en 751, le pape appelle les Francs à l’aide ; en 756, ayant vaincu les Lombards, le chef des Francs, Pépin le Bref, leur reprend leurs conquêtes récentes (exarchat de Ravenne et Pentapole italienne) et les offre au pape, qui est dès lors maître de Rome et de Ravenne et, avec l’aide de Pépin, s’affranchit de la tutelle byzantine. Enfin, le fils de Pépin, Charlemagne, conquiert le royaume des Lombards, dont il ceint la couronne de fer en 774 et qu’il incorpore à son empire. Dès lors, l’Italie est partagée entre trois souverains : – Charlemagne pour la Lombardie et le duché de Spolète, qui forment désormais le royaume d’Italie, ainsi que la suzeraineté sur le duché lombard de Bénévent ; – le pape pour le duché de Rome, Ravenne et la Pentapole, plus quelques terres (Ferrare, Bologne, Grosseto, Orvieto) données par Charlemagne ;
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Italie – l’empereur de Byzance pour Venise, Naples et les thèmes (provinces) de Longobardie (l’Apulie), de Calabre, de Sicile, ainsi que la Sardaigne. Cette partition de l’Italie en trois ensembles va se perpétuer pendant plusieurs siècles : le nord et le sud de la péninsule vont suivre des voies différentes, isolés l’un de l’autre par les États médians du pape (eux-mêmes traités au chapitre Vatican). a) Le nord de l’Italie Au partage de Verdun (843), le royaume d’Italie fait partie de la part attribuée à Lothaire, puis il devient une dépendance du royaume de Germanie, tandis que s’y opère peu à peu le morcellement féodal. Au cours de ce siècle, une nouvelle dynastie, celle des Othoniens, s’impose en Germanie et Othon Ier devient, en 951, roi d’Italie, c’est-à-dire de la partie anciennement carolingienne de la péninsule, à l’exclusion des États de l’Église, des domaines du Sud encore lombards ou byzantins et de la Sicile arabe. Se faisant couronner empereur à Rome en 962, il inaugure une longue période de destin commun entre l’Allemagne et l’Italie septentrionale, dans le cadre du Saint Empire en voie de formation. Toutefois, l’éloignement des empereurs rendra souvent très théorique leur suzeraineté sur l’Italie et favorisera, dans les siècles suivants, l’autonomie des villes du nord de la péninsule. Leur lutte contre l’emprise impériale sera souvent soutenue par la papauté, les papes se posant régulièrement dans l’Italie du Nord en rivaux des empereurs, en raison du long conflit qui va les opposer entre eux pour la primauté sur le monde chrétien : – les empereurs, se prétendant les héritiers de Charlemagne, affirment qu’ils ont la prééminence sur l’ensemble des terres chrétiennes, y compris sur celles dévolues à la papauté, dont la suprématie spirituelle est seule reconnue par eux ; – les papes, au titre de chefs de la chrétienté, estiment que tous les souverains temporels, qui tiennent leur pouvoir de Dieu, y compris donc les empereurs, doivent en dernier ressort leur être soumis. Pour l’heure, les premières villes à se constituer autonomes sont des cités maritimes : Venise et Amalfi, Pise et Gênes. Amalfi et Pise pour peu de temps, la première s’effaçant vers le milieu du XIIe siècle, la seconde vers la fin du XIIIe siècle, avant d’être conquise par Florence en 1406. En revanche, Gênes et Venise sont promises à un avenir brillant. Établie sur ses îles lagunaires dès le début du IXe siècle, se rendant indépendante de Byzance en 912, puis de l’Empire d’Occident vers l’an 1000, Venise commence au XIe siècle à conquérir un empire maritime en Méditerranée (îles dalmates, côtes d’Istrie), en vue d’asseoir sur des bases solides son activité commerciale entre l’Orient et l’Occident. Elle se dote progressivement des institutions qui vont en faire une république (doge, Grand Conseil, Conseil des Dix). À la faveur de la IVe croisade (début du XIIIe siècle), elle conquiert Zara, Raguse, Corfou, Céphalonie et Zante, Modon et Coron, la Crète (Candie), l’Eubée (Nègrepont), le duché de Naxos (les Cyclades), Lemnos, Gallipoli et « le quart et demi » de Constantinople. Même si, après la chute de l’empire latin de Constantinople, certaines possessions sont perdues, Venise conserve durablement des positions qui, jointes à une flotte de guerre et marchande de premier ordre, en font un État qui compte dans le monde méditerranéen. Plus tard que Venise, Gênes s’érige en commune vers la fin du XIe siècle, tout en continuant à faire partie du royaume d’Italie. Dans le courant du siècle suivant, elle conquiert l’ensemble de la côte ligure — qu’elle conservera plus de six siècles — et partage avec Pise la domination sur la Corse et la Sardaigne, jusqu’à l’éviction de Pise à la fin du XIIIe siècle. Elle rivalise sur les mers avec Venise, et sa situation, un temps compromise au moment de la IVe croisade, se rétablit avec le retour à Constantinople des Grecs, auxquels Gênes s’est alliée. Cédant la Sardaigne à l’Aragon en 1297/1320, elle manque d’abattre définitivement Venise, lors de la guerre de Chioggia (1378-1381), et va ensuite décliner. Dans le royaume d’Italie et dans les États de l’Église, à l’instar de Venise ou de Gênes, un certain nombre de villes commencent à vouloir s’émanciper, et secouer la tutelle de l’empereur (roi d’Italie) et des grands feudataires qui se sont taillé des domaines (marquis d’Ivrée, de Suse, de Saluces, de Montferrat, de Vérone ou de Tuscie, duc de Spolète), le duché de Bénévent étant conquis au milieu du XIe siècle par les Normands.
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Les États existants En 1052, la comtesse Mathilde, pupille des papes (elle a six ans), devient la dernière marquise de Tuscie (ou Toscane), qui s’est augmentée au fil du temps de Crémone, de Mantoue, de Ferrare, de Modène, de Reggio. En 1077, elle institue la papauté son héritière, mais ce legs sera contesté par les empereurs, ce qui aura pour conséquence, après sa mort (1115), l’émancipation des cités de la Toscane et de ses dépendances. Vers le début du XIIe siècle, les villes suivantes se sont déjà dotées d’un statut de commune : Milan, Côme, Pavie, Turin, Brescia, Lodi, Crème, Crémone, Plaisance, Vérone, Padoue, Bologne, Lucques, Pise, Florence, Ancône, Pérouse, Orvieto, Viterbe et Rome. Elles annexent peu à peu la campagne qui les entoure au détriment du pouvoir féodal et, riches de leurs corporations industrieuses, se dotent d’institutions politiques oligarchiques et lèvent des petites armées qui leur permettent de se faire la guerre entre elles. Surtout, elles tirent parti de la rivalité entre le pape et l’empereur, et finissent par prendre parti pour l’un ou l’autre : au XIIe siècle, elles se déclarent guelfes (Milan, Gênes, Florence) pour le pape, ou gibelines (Pise, Sienne) pour l’empereur. Enfin à partir de la fin du XIe siècle, une autre puissance, venue d’au-delà des monts, commence à prendre pied en Italie à la faveur d’un héritage : la maison des comtes de Savoie, qui s’empare d’une partie du Piémont, lequel ne sera définitivement réuni qu’au XVe siècle. b) Le sud de l’Italie Pendant ce temps, les Sarrasins font des incursions au sud de la péninsule et s’emparent de la Sicile au début du Xe siècle. Au XIe siècle, des aventuriers normands viennent se mettre au service des Lombards (de Bénévent) et des Byzantins du sud de l’Italie, et s’emparent, au milieu du siècle, de Capoue, de Bénévent, des Pouilles et de la Calabre, avec l’appui de la papauté à laquelle ils prêtent hommage de vassalité, et qui voit là un moyen d’étendre son influence ; en 1077, les Normands font don aux papes de la ville de Bénévent, qui constituera désormais une enclave pontificale au sein de leurs domaines. À la fin du siècle, la Sicile est reprise aux Sarrasins ; au début du XIIe siècle, l’ensemble est réunifié sous le nom de royaume de Sicile, capitale Palerme, qui comprend la Sicile, la Calabre, les Pouilles et la Campanie (Naples), et dont le nouveau roi normand, Roger II, ceint la couronne à Palerme en 1130. Ce royaume, vassal du pape, ne fait pas partie du Saint Empire. Au milieu du XIIe siècle, le duché de Spolète (les Abruzzes), dernier morceau du royaume d’Italie situé au sud des États pontificaux, passe également dans le domaine du royaume de Sicile, lequel va former pour sept siècles un bloc cohérent, qui sera toutefois par intervalles partagé et réunifié entre ses parties continentale et insulaire. En 1194, l’empereur Henri VI, qui a épousé la fille de Roger II, devient roi de Sicile. Le royaume passe dans la maison allemande des Hohenstaufen, jusqu’à la mort de l’empereur Frédéric II en 1250. Le fils naturel de celui-ci, Manfred, s’empare de la couronne en 1258, mais le pape inféode le royaume en 1265 à Charles d’Anjou, un frère du roi de France Saint Louis. Charles Ier (d’Anjou) vainc Manfred en 1266 et prend possession de son royaume, transférant la capitale à Naples. En 1282, les Français sont massacrés à Palerme (Vêpres siciliennes) et la Sicile offre la couronne à Pierre Ier (d’Aragon), gendre de Manfred et fils du roi d’Aragon. C’est le début d’une longue lutte, les Angevins conservant dans un premier temps la partie continentale et les Aragonais la partie insulaire. En 1297, dans l’espoir de détourner les Aragonais de Sicile, le pape leur offre la Sardaigne, qui appartient à Gênes. Mais les Aragonais déjouent la manœuvre et conservent la Sicile, tout en s’emparant de la Sardaigne en 1320.
3. Le temps des principats (XIVe-XVe siècles) Le XIVe siècle marque des temps nouveaux pour l’Italie. Les empereurs allemands s’en désintéressent, l’influence des papes, exilés à Avignon, décline et les nombreuses cités du nord, par leur richesse financière (banques), leur activité artisanale et leur production artistique, exercent une influence incontestable sur la vie économique et culturelle de l’Europe. a) Le nord de l’Italie Le développement économique des cités du nord de l’Italie s’accompagne d’un essor de leur activité politique ; elles disposent d’institutions et de troupes armées, qui font d’elles de
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Italie véritables petits États, des républiques aristocratiques, la réalité du pouvoir étant concentrée entre quelques familles patriciennes. Faisant désormais jeu égal avec les derniers États seigneuriaux (Savoie, Saluces, Montferrat, patriarchat d’Aquilée, évêché de Trente, etc.), elles font preuve d’ambitions et certaines d’entre elles vont mener une politique d’expansion. Au cours du XIVe siècle, au terme de rivalités toujours plus âpres à l’intérieur de chaque cité, nombre de ces républiques voient le pouvoir accaparé par une seule famille, qui contrôle l’ensemble des institutions de la ville ; c’est le régime de la « seigneurie ». On trouve ainsi les Scaliger à Vérone, les Carrara à Padoue, les Comino à Trévise, les Este à Ferrare, Modène et Reggio, les Bentivoglio à Bologne, les Gonzague à Mantoue, les Torelli à Guastalla, les Pic à Mirandole, les Corregio à Parme, les Grimaldi à Monaco, les Da Polenta à Ravenne, les Manfredi à Faïence, les Ordelaffi à Forli, les Montefeltre à Urbin, les Malatesta à Rimini, les Tarlati à Arezzo, les Baglioni à Pérouse, les Appiani à Piombino. Plus tard, la « seigneurie » se muera en principat, par l’achat ou l’octroi d’un titre héréditaire. D’autres villes, en revanche, continuent à cette époque à être gouvernées sous un régime pluraliste ; le régime de la seigneurie n’interviendra que plus tard (Milan, Florence), voire jamais (Venise, Gênes, Lucques). Milan Jadis considérée comme un bastion du parti guelfe — elle dirigea, à la fin du XIe siècle, la Ligue lombarde qui prit les armes contre Frédéric Barberousse —, déchirée depuis longtemps par les rivalités entre partis guelfe (les Della Torre) et gibelin (les Visconti), Milan voit en 1311 son pouvoir confisqué par la famille des Visconti. Ceux-ci entreprennent une vigoureuse politique de conquête, qui les rend maîtres en moins d’un siècle d’un impressionnant domaine en Italie du Nord : Novare, Verceil, Asti, Pavie, Tortone, Bobbio, Plaisance, Parme, Crémone, Crème, et même pour un temps Bergame, Brescia, Vicence, Vérone, Padoue, Feltre à l’est, Lucques, Pise, Sienne au sud. En 1395, Jean Galéas Visconti achète à l’empereur Wenceslas IV le titre héréditaire de duc de Milan. Un accroissement si rapide suscite des craintes, et Venise et Florence répliquent promptement, la première par des guerres continentales, qui font perdre à Milan (1404 et 1428) les territoires conquis de Bergame à Feltre, la seconde par le rachat de Pise (1406), tandis que Lucques et Sienne retrouvent leur statut de républiques indépendantes. En 1450, le pouvoir passe à François Sforza, gendre du dernier duc de la maison des Visconti — qui signe en 1454 la paix de Lodi avec Venise —, puis à ses descendants ; quoique ramené à de plus justes dimensions, le duché de Milan demeure un État de premier ordre en Italie du Nord, qui vit désormais en paix jusqu’à l’irruption, à la fin du siècle, des armées du roi de France. Venise La « République sérénissime », après la chute définitive du royaume franc de Jérusalem (1291), voit ses positions affaiblies au Levant, mais finit par se rétablir, rivalisant avec Gênes qui dispose elle-même de fortes positions dans l’Empire byzantin. Elle étend par ailleurs ses conquêtes outre-mer ; perdant Raguse, qui se place en 1358 sous la suzeraineté hongroise, elle conquiert Durazzo et reprend Corfou, un temps perdue, se rend maîtresse de l’ensemble du littoral dalmate (1420) et arrondit ses positions des Cyclades (Tinos et Mykonos). Son existence même est menacée par la guerre de Chioggia (1378-1381) qui l’oppose à Gênes, et dont elle sort vainqueur. Réagissant aux ambitions des Visconti, elle livre ellemême une longue guerre à Milan au début du XVe siècle, reprenant aux Visconti Feltre, Belluno, Vicence, Vérone et Padoue (1404-1405), puis Bergame et Brescia (1428), enfin Crème en 1454, année de la paix de Lodi qui consacre sa nouvelle position de puissance continentale, laquelle contraste fortement avec sa vocation maritime pluriséculaire. Elle conquiert aussi Aquilée (1421) et Ravenne (1441), perd Nègrepont (1470), mais gagne Chypre, léguée en 1485 par sa reine, Catherine Cornaro, d’origine vénitienne. Gênes La république de Gênes, qui a rétabli ses positions en Orient lorsque les Grecs ont repris Constantinople, consolide son commerce maritime en s’installant à Chios et Samos, à
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Les États existants Galata (quartier de Constantinople) et sur le littoral de la Crimée. Décidée à l’emporter sur Venise, elle lutte sans merci contre elle et manque de peu de l’anéantir lors de la guerre de Chioggia. La victoire ultime de Venise, puis la prise de Constantinople par les Turcs (1453) ruinent les positions de Gênes, dont le rôle va alors décliner. Florence La cité des bords de l’Arno, dont les institutions républicaines datent du XIIe siècle et dont la vocation littéraire et artistique s’affirme très tôt, demeure longtemps un lieu d’affrontement entre différentes factions : d’abord les gibelins et les guelfes, ces derniers l’emportant le plus souvent, puis la bourgeoisie et le peuple (révolte des Ciompi en 1378), enfin au sein même de la bourgeoisie, ce qui favorise l’accaparement du pouvoir par une seule famille, d’abord les Albizzi, puis durablement les Médicis à partir de 1434, avec seulement deux interruptions : 1494-1512, avec Savonarole, et 1527-1530. Les XIVe et XVe siècles voient Florence arrondir considérablement son domaine, au point de devenir la puissance dominante en Toscane : Pistoïa (1329), Volterra (1361), Arezzo (1384), Pise (1406) reprise aux Visconti, Cortone (1411), Livourne (1421) achetée à Gênes. Savoie La maison comtale de Savoie achève de conquérir au XIVe siècle la majeure partie du Piémont — hormis les marquisats de Saluces et de Montferrat —, mais la principauté de Piémont est donnée en apanage à un cadet de cette maison, jusqu’à la réunification en 1418. Par ailleurs, en 1388, le comté de Nice se donne au comte de Savoie Amédée VII. Son fils Amédée VIII devient duc en 1416, réunit en 1418 Savoie, Piémont et Nice, achète du côté français le comté de Genevois et annexe Verceil (1427). Mais à partir du milieu du XVe siècle, ses ambitions sont contrariées en France et en Suisse, ce qui l’incite à se tourner toujours plus vers l’Italie. Autres États Aux côtés de ces États en voie d’expansion subsistent encore en Italie du Nord d’autres États aux dimensions plus modestes : – la principauté de Monaco (voir chapitre de ce nom) ; – le marquisat de Saluces, vassal du Dauphiné, sur le versant italien des Alpes du Piémont ; – le marquisat de Montferrat, capitale Casal, au Piémont, possession depuis 1305 de Théodore Paléologue, fils de l’empereur byzantin Andronic Paléologue, et de ses descendants ; – le comté d’Asti, d’abord petite république urbaine, conquis au XIVe siècle par les Visconti, puis donné en dot de Valentine Visconti, son épouse, à Louis d’Orléans, frère du roi de France Charles VI, et depuis lors possédé par des princes français ; – les seigneuries de Ferrare et de Modène, sur lesquelles règne depuis le XIIIe siècle la maison d’Este, érigées en duchés en 1471 pour Ferrare et en 1453 pour Modène ; – la seigneurie de Mantoue, dont le pouvoir est confisqué en 1308 par les Bonacolsi, puis en 1328 par les Gonzague, qui règnent d’abord comme capitaines généraux héréditaires, puis à titre de marquis à partir de 1432 ; – la république de Pise, déchue de son ancienne position maritime depuis 1284, et qui décline rapidement avant d’être acquise par les Visconti en 1399, puis revendue en 1406 à la république de Florence, dont elle fait dès lors partie ; – la république de Lucques, appartenant à divers maîtres (Della Scala, Florence, Pise) de 1335 à 1370, puis qui rachète sa liberté à l’empereur Charles IV en 1370, et dès lors se gouverne de nouveau en république pour plus de quatre siècles ; – la république de Sienne, longtemps rivale de Florence, qui est soumise à un pouvoir oligarchique jusqu’en 1355, avant de vivre une période d’instabilité qui s’achève en 1487 par la confiscation du pouvoir par les Petrucci ; – le petit comté de la Mirandole, entre Ferrare, Bologne, Modène et Mantoue, où règne la famille des Pic, illustrée au XVe siècle par l’un de ses comtes, célèbre humaniste ; – le marquisat de Massa et Carrare, qui appartient aux Malaspina ;
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Italie – la seigneurie de Piombino, avec l’île d’Elbe, d’abord partie intégrante de la république de Pise, et qui appartient depuis 1399 aux Appiani, derniers maîtres de Pise avant de la céder aux Visconti, et qui se conservent pour eux-mêmes Piombino et l’île d’Elbe. b) Le sud de l’Italie Pendant ce temps, dans le sud de l’Italie, se poursuit la lutte des Angevins et des Aragonais. Ces derniers, maîtres de la Sicile, s’emparent de la Sardaigne en 1320. Ils doivent faire face à des révoltes à la fois en Sardaigne et en Sicile, mais reprennent le contrôle des deux îles au début du XVe siècle. Sur le continent, les Angevins règnent toujours à Naples ; la couronne est, à partir du règne de la reine Jeanne Ire (1343-1382), l’objet de convoitises qui entraînent maintes péripéties, jusqu’à ce que le roi Alphonse V le Grand, roi d’Aragon et de Sicile, s’empare de la partie napolitaine en 1442 et réunisse les deux parties (Naples et Sicile) sous l’appellation nouvelle de Deux-Siciles (qui ne lui survivra pas). En 1495 puis en 1501, faisant valoir les droits des Angevins, les rois de France Charles VIII puis Louis XII conquièrent temporairement par deux fois le royaume de Naples ; mais en 1504, Naples et la Sicile, rattachés définitivement à l’Aragon, entrent pour trois siècles dans la sphère de l’Espagne.
4. La domination de l’Espagne en Italie (XVIe-XVIIe siècles) Le début du XVIe siècle voit les dernières tentatives des rois de France de faire valoir leurs droits sur certaines parties de l’Italie. L’Espagne, qui sort vainqueur de cet affrontement, voit ensuite s’ouvrir pour elle une période de près de deux siècles de suprématie dans la péninsule italienne : elle règne directement sur le sud de la péninsule — et après 1535 sur le Milanais — et, par la prééminence qu’elle exerce dans les affaires de l’Europe, elle influe sur les États du nord de l’Italie, d’autant plus aisément que ces États, qui achèvent leur croissance, s’équilibrent entre eux et qu’aucun n’est en mesure de rivaliser avec elle. a) Milan Le duché de Milan, qui s’étend sur la partie centrale de la Lombardie, comprend le Milanais, Parme, Plaisance, Tortone, le Tessin et la Valteline. Les Sforza y règnent sans partage, jusqu’à ce que le roi Louis XII de France, en route pour conquérir le royaume de Naples, s’empare en 1499 du duché, qu’il revendique comme petit-fils de Valentine Visconti. Le roi devient duc de Milan pour quatorze ans — hormis une interruption de 1499 à 1501 —, suscitant contre lui une coalition des Suisses et de divers États italiens ; mais en 1513 les Suisses le chassent de Milan et rétablissent Maximilien Sforza. En 1515, le nouveau roi de France, François Ier, vainc les Suisses à Marignan et reprend le duché de Milan, jusqu’à la défaite de Pavie (1525) où, battu et fait prisonnier par Charles Quint, il perd définitivement le duché, qui revient aux Sforza. Cependant, le duché que recouvrent ces derniers se trouve singulièrement amoindri. En 1512-1513, les Suisses en guerre contre le roi de France se sont emparés du Tessin et du Val d’Ossola, tandis que les Grisons ont pris Chiavenna, Bormio et la Valteline. Ensuite, en 1530, Charles Quint restitue d’autorité au Saint-Siège Parme et Plaisance, qui lui avaient été cédés une première fois en 1511, mais repris en 1515 par François Ier. En 1535, le dernier Sforza, François II, meurt sans héritier et le duché est saisi par Charles Quint, son suzerain en tant qu’empereur, qui le donne en 1540 à son fils Philippe. En 1539, le petit comté de Guastalla, qui en dépendait, est vendu aux ducs de Mantoue. Dès lors, le duché de Milan devient pour près de deux siècles une dépendance de l’Espagne, et donne à celle-ci une position de premier ordre au centre de l’Italie septentrionale. b) Savoie La maison de Savoie, dont les États se situent de part et d’autre de la chaîne alpine — ses ducs sont qualifiés de « portiers des Alpes » —, se heurte à l’ouest et au nord aux visées expansionnistes de la France et de la Suisse : elle cède le Bas-Valais (1475), Genève (1524), le Chablais oriental (1564), la Bresse, le Bugey, le Valromey, Gex et Château-Dauphin (1601). En revanche, elle conquiert sur le versant oriental le comté d’Asti (1529), le marquisat de Saluces (1588, confirmé en 1601), la partie septentrionale du duché de Montferrat (1631) et reprend (1696) Pignerol, qu’elle avait dû céder à la France en 1631.
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Les États existants Le centre de gravité des États de cette maison se déplace toujours plus vers l’Italie, où les ducs de Savoie estiment — l’avenir leur donnera raison — qu’ils ont de meilleures chances d’expansion ; de plus, la Savoie proprement dite est un territoire vulnérable, que les puissants rois de France peuvent à tout moment occuper, ce qu’ils ne se priveront pas de faire. Tirant les conséquences de cette nouvelle donne, les ducs transfèrent solennellement en 1562 leur capitale de Chambéry à Turin : translation du saint suaire, installation de la cour et des organes centraux. Les ducs, qui vont peu à peu s’italianiser, tout en restant fortement imprégnés de culture française, vont pratiquer pour trois siècles une politique de bascule entre la France et l’Espagne (puis l’Empire), qui leur sera particulièrement bénéfique. c) Venise et Gênes La découverte du Nouveau Monde, à partir de 1492, va durablement réorienter les courants principaux du trafic maritime et provoquer un lent déclin de la prospérité de Venise. Cependant, celle-ci continue de posséder un remarquable empire d’outre-mer : Istrie, Dalmatie, Albanie vénitienne (Cattaro), îles Ioniennes, même si sont pris par les Turcs Modon et Coron (les « prunelles de Venise ») ainsi que Navarin en 1500, Nauplie et Malvoisie (Monemvassie) en 1540, le duché de Naxos en 1566, Chypre en 1571 et Candie (la Crète) en 1669 ; Venise, alliée de l’Autriche, acquiert même en 1699 la Morée (le Péloponnèse), occupée depuis 1685 et qu’elle conservera jusqu’en 1715/1718. Dans la péninsule italienne, dont elle représente à présent l’un des grands États du Nord, la république de Venise maintient ses positions, de l’Adda à l’Isonzo, hormis Ravenne, qu’elle doit céder en 1530 aux États de l’Église. Participant de façon active à la vie politique de l’Italie, Venise parvient, par sa puissance propre et par le soutien de la France, à conserver une relative indépendance vis-à-vis à la fois de l’Espagne et du Saint-Siège. Par contraste, la république de Gênes, qui depuis la chute de Constantinople a perdu tout espoir de recouvrer sa position de jadis en Méditerranée orientale, se fait l’auxiliaire zélé de la politique de l’Espagne, en lui offrant le soutien de ses banques — Gênes est désormais une place financière de premier ordre — et par l’activité de son port, qui devient l’exutoire du Milanais espagnol. Ayant perdu ses positions en Crimée et à Constantinople dès la deuxième moitié du XVe siècle, Gênes doit céder Chios aux Turcs en 1566 et ne possède plus dès lors outre-mer que la Corse et la petite île de Capraïa. d) Florence et Sienne Lorsque s’ouvre le XVIe siècle, Florence, qui a chassé les Médicis en 1494 à l’instigation de Savonarole, a rétabli un régime républicain qui s’allie à la France, maîtresse du Milanais voisin. Mais en 1512, la Sainte Ligue suscitée par le pape Jules II contre les Français ramène les Médicis au pouvoir à Florence. Chassés une seconde fois par une révolution en 1527, ils sont rétablis en 1530 par Charles Quint. C’est alors que, pour pérenniser leur pouvoir, ce dernier érige en 1531 la république en duché de Florence au profit des Médicis. Ceux-ci vont y régner pendant deux siècles, d’abord comme ducs de Florence, puis à partir de 1569 comme grands-ducs de Toscane, faisant de la Toscane un État prospère, économiquement riche (banques) et dont le rayonnement culturel se poursuivra au cours du XVIIe siècle. La république de Sienne est tout d’abord aux mains de la famille des Petrucci. Pour s’en dégager, en 1524, les Siennois font appel à la protection de Charles Quint ; mais plus tard, ils se révoltent contre lui et font appel aux Français. Sienne est reprise en 1555 par Charles Quint, qui la rattache définitivement au duché de Florence, non sans en avoir au préalable détaché pour l’Espagne les « présides de Toscane » (cinq forts et leurs environs autour d’Orbetello), qu’il rattache durablement au royaume de Naples. La Toscane devient, par cet accroissement, l’un des principaux États de l’Italie du Nord. e) Autres États du nord de l’Italie Saluces Le marquisat de Saluces, devenu vassal du royaume de France lors de l’absorption du Dauphiné par celui-ci, est rattaché en 1564 à la couronne de France. Annexé unilatéralement par la Savoie en 1588, il est cédé à cette dernière par la France en 1601 et définitivement intégré au Piémont, dont il suivra désormais le sort.
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Italie Asti Le comté d’Asti est, en 1529 à la paix des Dames, cédé par la France à la Savoie, et fait dès lors partie du Piémont savoisien. Montferrat Le marquisat de Montferrat, à l’extinction de la dynastie des Paléologue, passe en 1533 par mariage aux ducs de Mantoue, en faveur de qui il est érigé en duché en 1573. En 1631, à l’issue de la guerre de Succession de Mantoue, sa partie septentrionale (avec Casal) passe aux ducs de Savoie, tandis que la partie méridionale (avec Alba) demeure avec Mantoue à la nouvelle maison de Gonzague-Nevers. Mantoue Le marquisat de Mantoue, où règnent les Gonzague, est érigé en duché par Charles Quint en 1530. En 1533, les nouveaux ducs héritent du marquisat de Montferrat. En 1539, ils achètent à Milan le petit comté de Guastalla, cédé en 1557 à une branche cadette et érigé en duché en 1621. À la mort en 1627 du dernier duc de la branche régnante, le duché de Mantoue doit revenir à une branche puînée de Gonzague-Nevers. Mais l’empereur met le duché sous séquestre. Les armées de Richelieu interviennent alors et, à l’issue de la guerre de Succession de Mantoue, les Gonzague-Nevers sont confirmés dans leur possession de Mantoue, mais doivent, en 1631, céder à la Savoie la partie septentrionale du duché de Montferrat. Ferrare et Modène Pendant le XVIe siècle, la maison d’Este règne sur les duchés de Ferrare, où elle réside, et de Modène. Mais en 1598, Alphonse II d’Este étant mort en 1597 sans héritier légitime, le pape Clément VIII, en tant que suzerain, s’empare du duché de Ferrare, qu’il transforme en légation pontificale, et en chasse César d’Este, fils naturel d’Alphonse, à qui il laisse le duché de Modène ; César s’installe à Modène et y fait souche pour deux siècles. Parme et Plaisance Parme et Plaisance, qui font partie du duché de Milan, en sont détachés en 1511 au profit du Saint-Siège par le pape Jules II. En 1545, le pape Paul III Farnèse les érige en duché de Parme et Plaisance au profit de son fils naturel Pierre Louis et de ses descendants qui y règnent pour près de deux siècles. Massa et Carrare Le marquisat de Massa et Carrare est transmis par mariage en 1548 à la maison de Cibo, et est érigé en duché en 1664. Piombino Piombino et surtout l’île d’Elbe sont convoitées par Florence. Les Appiani demandent la protection de Charles Quint pour Piombino, devenant ainsi vassaux de Naples, mais doivent accepter pour l’île d’Elbe la suzeraineté de Florence, qui érige une forteresse à Porto-Ferraïo. Mais en 1603, le roi d’Espagne et de Naples, Philippe III, érige à son tour une forteresse à Porto-Longone, dans l’est de l’île, et se rend maître du tiers oriental de l’île d’Elbe, ainsi soustrait aux Appiani et à Florence. En 1635, à l’extinction des Appiani, la principauté de Piombino, avec les deux tiers occidentaux de l’île d’Elbe, passe aux Ludovisi jusqu’en 1701. Autres La république de Lucques et le comté (devenu duché) de la Mirandole poursuivent pendant deux siècles une existence modeste et sans événement notable. f) Naples, Sicile et Sardaigne À partir de 1504, ayant définitivement évincé les Français de Naples, le roi Ferdinand d’Aragon règne sans partage sur les trois royaumes de Naples, de Sicile et de Sardaigne, par l’intermédiaire de trois vice-rois résidant à Naples, à Palerme et à Cagliari. La domination espagnole se poursuit sans discontinuer pendant deux siècles et, à l’imitation de l’Espagne, les terres des trois royaumes sont réparties en grands domaines, propriétés d’une aristocratie foncière, espagnole ou indigène.
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Les États existants 5. L’Italie entre Autriche et Espagne (XVIIIe siècle) Le XVIIIe siècle s’ouvre en Europe par l’affaire de la succession d’Espagne. Le dernier roi de la maison des Habsbourg d’Espagne étant mort sans postérité et ayant légué sa couronne et ses immenses domaines à Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, qui monte sur le trône sous le nom de Philippe V, s’ensuit une guerre implacable entre la France et une coalition groupant l’Angleterre, les Provinces-Unies, l’Autriche, les princes allemands, plus tard le Portugal et la Savoie ; cette coalition soutient l’empereur Léopold Ier dans ses prétentions à recueillir l’héritage espagnol pour son second fils, l’archiduc Charles. La guerre est longue pour la France qui subit des revers, mais qui rétablit laborieusement la situation à partir de 1709. En 1711, l’empereur Joseph Ier, qui a succédé à son père Léopold en 1705, meurt à son tour sans descendance et c’est son frère l’archiduc Charles, au nom de qui se bat la coalition, qui est appelé à régner sur les domaines des Habsbourg et à se faire élire empereur. Du coup, l’Angleterre quitte la coalition et des négociations s’engagent, au terme desquelles la paix est rétablie par les traités d’Utrecht (1713) et de Rastadt (1714), qui vont confirmer Philippe V et ses descendants (les Bourbons d’Espagne) sur le trône espagnol, mais accorder à l’empereur Charles VI de larges compensations aux Pays-Bas et en Italie et au duc de Savoie de larges gains territoriaux. S’agissant de l’Italie, les traités dépouillent l’Espagne bourbonienne de toutes ses possessions, qui sont ainsi réparties : – l’empereur Charles VI reçoit le Milanais, le royaume de Naples, les présides de Toscane et le royaume de Sardaigne ; s’y ajoute le duché de Mantoue, confisqué ; – le duc de Savoie reçoit le royaume de Sicile — qui lui confère une couronne royale à laquelle les ducs aspiraient depuis longtemps ; s’y ajoute le Montferrat méridional, confisqué aux Gonzague. Le siècle voit ensuite (1720) la permutation entre Sardaigne et Sicile, puis le retour de l’Espagne sur la scène italienne, à la faveur d’extinctions de maisons indigènes (Farnèse et Médicis) et des abandons consentis par les Habsbourg à la conclusion des traités mettant fin aux guerres de Succession de Pologne (1735/1738), où il ont été vaincus, et d’Autriche (1748), où l’impératrice Marie-Thérèse se préoccupe surtout de sauvegarder sa position en Allemagne. a) Milan et Mantoue Le duché de Milan, espagnol depuis près de deux siècles, fait partie des compensations accordées à Charles VI en 1713/1714 et devient donc autrichien à cette date, tout en demeurant en dehors des limites du Saint Empire. Du duché sont détachés la ville d’Alexandrie et ses alentours, Lomelline et le Val de Sesia, qui sont donnés à la Savoie conformément aux promesses faites à celle-ci en 1703. Le duché de Mantoue est quant à lui confisqué en 1707 par l’empereur, pour punir le duc Ferdinand-Charles IV de Gonzague d’avoir pris le parti français dans la guerre de Succession d’Espagne ; il est réuni en 1708 aux États autrichiens à la mort du duc. Quoique demeurant officiellement distinct du duché de Milan, il forme avec ce dernier, à partir de 1714, un bloc territorial situé au cœur de l’Italie septentrionale, qui donne à l’Autriche une position clef pour intervenir dans les affaires italiennes. En application des engagements du traité de 1703 par lequel la Savoie, jusqu’alors alliée de la France, changeait de camp et se ralliait aux Habsbourg, la moitié méridionale du duché de Montferrat, demeurée aux Gonzague en 1631, est aussi confisquée et donnée par l’empereur au duc de Savoie, qui l’incorpore au Piémont savoisien, en 1714. Les Gonzague ne conservent plus désormais que le petit duché de Guastalla, sur lequel règne toujours la branche cadette qui l’a reçu en 1557. Cependant, le Milanais autrichien est encore amputé à deux reprises au cours du siècle : en 1735/1738, à l’issue de la guerre de Succession de Pologne, il doit céder au Piémont sarde le Novarais et le Tortonais ; en 1748, à l’issue de la guerre de Succession d’Autriche, il cède encore au Piémont le Vigevanasque et Bobbio. Enfin, en 1746, la branche cadette des Gonzague qui règne sur le petit duché de Guastalla s’éteint. Le duché est saisi par l’empereur qui l’agrège au duché de Parme et Plaisance, autrichien depuis 1735, et dont il suit désormais le sort jusqu’en 1806.
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Italie Réduit presque de moitié depuis 1714, l’ensemble autrichien du Milanais et du Mantouan ne subit plus de changement territorial jusqu’en 1797. b) Naples et Sicile Les trois royaumes de Naples, de Sicile et de Sardaigne font également partie des compensations opérées en 1713/1714. L’ensemble, soustrait à l’Espagne, est ainsi réparti : – Naples et la Sardaigne sont cédés à Charles VI, y compris les présides de Toscane et le tiers oriental de l’île d’Elbe, qui dépendent de Naples ; – la Sicile est cédée au duc de Savoie, Victor-Amédée, qui prend désormais le titre de roi de Sicile. Le règlement intervenu ne satisfait pas Charles VI, qui aurait préféré la Sicile à la Sardaigne. D’autre part, le roi d’Espagne Philippe V, qui vient d’épouser en secondes noces Élisabeth Farnèse, fille du duc de Parme, n’admet qu’à contrecœur la perte de ses possessions italiennes ; poussé par son ambitieuse épouse, il occupe en 1717 la Sardaigne et tente un débarquement en Sicile. Charles VI en profite pour conclure en 1718 un nouvel arrangement territorial : – Parme et la Toscane, dont on entrevoit l’extinction des maisons régnantes (Farnèse et Médicis), sont promis à Charles (don Carlos), fils puîné de Philippe V et d’Élisabeth ; – Charles VI prend possession de la Sicile, dont le roi (le duc de Savoie) se voit attribuer en compensation la Sardaigne, plus proche du Piémont, conservant par là même son titre de roi ; l’échange est effectif en 1720. Les royaumes de Naples et de Sicile sont donc de nouveau, comme par le passé, possédés par un même souverain, désormais l’empereur. Mais cette domination va être de courte durée. En effet, à partir de 1733, dans la guerre de Succession de Pologne, Charles VI doit affronter la France et l’Espagne, laquelle occupe en 1734 Naples et la Sicile. Le règlement de la guerre, en 1735/1738, conduit à une nouvelle permutation : – Charles VI cède Naples et la Sicile à don Carlos, qui était devenu duc de Parme en 1731 à l’extinction du dernier Farnèse, et qui renonce à Parme et à la Toscane ; – Charles VI reçoit en échange Parme ; – François-Étienne de Lorraine, gendre de l’empereur, abandonne la Lorraine à Stanislas, roi vaincu de Pologne, et reçoit la Toscane. Les royaumes de Naples et de Sicile sont réunis sous le nom restauré de royaume des Deux-Siciles, et sous le sceptre du nouveau roi Charles VII (don Carlos), qui fonde la maison de Bourbon-Sicile, branche cadette des Bourbons d’Espagne. Le nouveau royaume, qui comprend le royaume de Naples, celui de Sicile, les présides de Toscane et le tiers oriental de l’île d’Elbe, est dans un état économique et social très arriéré, mais le ministre toscan Tanucci, qui sert le roi depuis Parme, s’efforce d’y porter remède en faisant preuve de « despotisme éclairé ». En 1759, le roi Charles est appelé à régner à Madrid, sous le nom de Charles III d’Espagne, et laisse les Deux-Siciles à son fils cadet (et mineur) Ferdinand IV, sous la tutelle de Tanucci. Ce dernier demeure le maître des affaires du royaume jusqu’en 1776, date de sa disgrâce due à la reine Marie-Caroline. Celle-ci, fille de Marie-Thérèse d’Autriche, ne prend le pouvoir que pour le confier à son favori Acton, lequel livrera le royaume à l’influence anglaise. c) Parme Le duché de Parme et Plaisance est toujours au début du XVIIIe siècle possession de la maison des Farnèse, qui y règnent depuis 1545. Mais en 1718, comme on pressent l’extinction de cette maison, l’empereur Charles VI, pour calmer les ardeurs de l’Espagne — poussée à reprendre pied en Italie par sa reine, Élisabeth Farnèse, fille du duc de Parme, et par son ministre, le cardinal Alberoni —, promet à don Carlos, fils puîné de Philippe V et d’Élisabeth, l’expectative de Parme (et aussi celle de la Toscane voisine). En 1731, le dernier Farnèse, le duc Antoine, meurt effectivement sans descendance et don Carlos devient duc de Parme, accomplissant ainsi le premier pas du retour des Bourbons d’Espagne en Italie.
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Les États existants Dès les préliminaires de Vienne (1735) qui mettent fin à la guerre de Succession de Pologne, don Carlos échange son duché contre Naples et la Sicile cédés par l’empereur Charles VI ; le duché de Parme est alors incorporé dans les États héréditaires de la maison d’Autriche. En 1746, à l’extinction de la branche cadette des Gonzague qui possédait le petit duché de Guastalla, l’empereur réunit ce dernier à Parme, qui devient duché de Parme, Plaisance et Guastalla. Mais dès 1748, à la paix d’Aix-la-Chapelle qui met fin à la guerre de Succession d’Autriche, Marie-Thérèse restitue Parme aux Bourbons, qui y placent l’infant don Philippe, autre fils de Philippe V et gendre de Louis XV. À partir de 1765, c’est le fils de Philippe, Ferdinand, qui règne à Parme, mais c’est le marquis du Tillot, aux affaires depuis 1749, qui en est le véritable « despote éclairé », développant agriculture et économie, et favorisant les idées nouvelles. d) Savoie, plus tard Sardaigne Au début de la guerre de Succession d’Espagne, le duc Victor-Amédée II de Savoie se range dans le camp de la France. Mais, pratiquant une fois de plus le jeu de bascule cher à sa maison, il change de camp en 1703, l’empereur lui ayant promis des accroissements territoriaux dans le Milanais, convoité depuis longtemps par les ducs. En 1713/1714, la Savoie se voit attribuer : – la ville d’Alexandrie et ses alentours, Lomelline et le Val de Sesia, détachés du Milanais ; – la moitié méridionale du Montferrat, demeurée aux Gonzague en 1631 et à eux confisquée en 1707 par l’empereur ; – le royaume de Sicile (sans Naples ni la Sardaigne), qui donne enfin au duc de Savoie le titre tant convoité de roi. En 1720, le duc de Savoie (roi de Sicile) est contraint d’échanger la Sicile contre la Sardaigne, mais celle-ci étant aussi un royaume, il reste roi, devenant roi de Sardaigne, et l’ensemble de ses États est désormais dénommé États sardes ou royaume de Sardaigne. En 1735/1738, à l’issue de la guerre de Succession de Pologne, où il s’est rangé aux côtés de la France qui lui a promis le Milanais autrichien, il acquiert seulement le Novarais et le Tortonais ; mais en 1748, à l’issue de la guerre de Succession d’Autriche, il reçoit encore de Milan le Vigevanasque et Bobbio. À cette date, le royaume de Sardaigne atteint la dimension territoriale qu’il conservera jusqu’en 1792. La partie piémontaise du royaume, avec les territoires annexés sur Milan et Mantoue qui lui sont rattachés, fait l’objet d’un certain développement économique et les idées nouvelles des Lumières y trouvent quelque écho. Mais sous l’influence de Victor-Amédée II puis de ses successeurs, le gouvernement du royaume demeure très conservateur. e) Toscane Le grand-duché de Toscane est toujours au début du XVIIIe siècle possession de la maison des Médicis, qui y règne depuis le XVe siècle. Mais en 1718, comme pour Parme (voir supra), on pressent l’extinction de cette maison ; l’empereur Charles VI, pour apaiser les ambitions de l’Espagne, promet à don Carlos, fils puîné de Philippe V et d’Élisabeth, l’expectative de Toscane (et aussi celle de Parme). Toutefois, en 1735, à l’issue de la guerre de Succession de Pologne, il est décidé que don Carlos, qui régnait à Parme depuis 1731, ira régner à Naples et abandonnera toute prétention sur Parme et sur la Toscane. Cet abandon permet de transférer l’expectative de Toscane à François-Étienne de Lorraine, gendre de l’empereur, qui abandonne lui-même à Stanislas Leszczynski ses duchés de Lorraine et de Bar. En 1737 s’éteint le dernier Médicis, le grand-duc Jean-Gaston, et François-Étienne vient régner à Florence sous le nom de François II. Le grand-duché entre dans la sphère autrichienne sous forme de secundogéniture de la maison d’Autriche, c’est-à-dire qu’après François II ne doivent y régner que des cadets de cette maison, la Toscane ne pouvant être réunie aux États héréditaires. À partir de 1765, à la mort de François II — qui était devenu l’empereur François Ier mais sans régner personnellement sur les États d’Autriche, rôle dévolu à sa femme Marie-Thérèse —, son fils aîné devient l’empereur Joseph II et son fils puîné lui succède à Florence sous le nom de Léopold Ier. Sous le règne de Léopold Ier, despote éclairé, la Toscane devient un État prospère, dont le gouvernement paraît « avancé », comparé à maints États de la péninsule.
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Italie f) Modène, la Mirandole, Massa et Carrare Au XVIIIe siècle, le duché de Modène demeure toujours possession de la maison d’Este. Inchangé depuis la séparation d’avec Ferrare en 1598, le duché de Modène va bénéficier de deux accroissements au cours de la première moitié du siècle : la Mirandole en 1718 et Massa-Carrare en 1743. Le duché de la Mirandole, qui appartient toujours à la maison des Pic, est saisi en 1710 par l’empereur, le duc de la Mirandole ayant pris parti pour la France dans la question de la succession d’Espagne. Confirmé à l’Autriche par la paix de Rastadt (1714), le duché est vendu par celle-ci au duc de Modène en 1718. S’agissant du duché de Massa et Carrare, qui appartient toujours à la maison de Cibo, son dernier duc, Alderano, meurt en 1731 sans postérité masculine. Sa fille Marie-ThérèseFrançoise épouse en 1743 le duc de Modène, Hercule III, et lui apporte en dot son duché, qui est dès lors agrégé au duché de Modène. Grâce à cet apport, le duché de Modène dispose désormais d’une petite « fenêtre » sur la mer Méditerranée. Cependant, de leur mariage ne naît aucun héritier mâle, mais seulement une fille, MarieBéatrice. En 1771, le duc Hercule III marie sa fille à l’archiduc Ferdinand d’Autriche, fils puîné de Marie-Thérèse. L’Autriche se voit ainsi attribuer l’expectative de Modène ; toutefois l’archiduc ne sera que prince consort, Marie-Béatrice et leurs descendants étant seuls appelés à régner. g) Venise Le domaine italien de la république de Venise demeure inchangé depuis 1530. Outre-mer, le sursaut offensif de la fin du siècle précédent, à la remorque de l’Autriche, sera de brève durée : à la paix de Passarowitz (1718), elle doit rétrocéder à la Turquie la Morée (Péloponnèse) et les places fortes de Crète (La Sude, Spinalonga) et d’Égine, qu’elle détenait encore. Ayant dès lors renoncé à toute réelle ambition ultramarine, Venise se contente désormais d’exploiter au mieux ses possessions péninsulaires, tout en perpétuant une certaine activité maritime, en net déclin par rapport aux siècles passés. h) Gênes Le déclin de Gênes est encore plus marqué que celui de Venise ; elle a perdu depuis longtemps son empire maritime et ses banques, quoique toujours actives, ne jouent plus le rôle majeur de jadis ; seul son port, par son important trafic, demeure source de prospérité. L’île de Corse, seul vestige important de ses possessions d’outre-mer, se révolte en 1729 contre Gênes. Débute alors dans l’île une guerre de quarante ans. Gênes fait appel à l’empereur Charles VI, qui mate la rébellion (1732). Le mouvement reprend peu après, en 1734, et en 1736 un baron allemand aventureux, Théodore de Neuhof, représentant de l’empereur à Florence, débarque sur l’île et se fait proclamer roi (Théodore I er) ; son règne dure sept mois (1736). Gênes fait alors appel à la France, qui prend pied sur les côtes de l’île (1748-1753). Mais l’intérieur résiste et les Corses élisent en 1755 Pascal Paoli comme général en chef, lequel organise les régions qu’il tient en un véritable État aux institutions démocratiques, avec Corte pour capitale. Au terme de plusieurs expéditions, la France se fait céder l’île par Gênes au traité de Versailles (1768), à titre provisoire jusqu’à ce que la république rembourse à la France les frais de ses expéditions. En 1769, année de la naissance de Napoléon Bonaparte, les insurgés sont définitivement vaincus et l’île entre dans le giron de la France, annexion qui ne sera opérée à titre définitif qu’en 1789. À partir de 1768, Gênes ne possède plus outre-mer que la petite île de Capraïa, située entre le cap Corse et l’île d’Elbe. i) Autres États La république de Lucques poursuit une existence effacée, de même que la petite république de Saint-Marin (voir chapitre de ce nom). Les États de l’Église (voir chapitre Vatican) demeurent territorialement inchangés depuis le XVIe siècle et ne jouent plus le rôle politique qui fut le leur autrefois.
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Les États existants La principauté de Piombino, qui échoit par alliance en 1735 à la maison de Buoncompagni, demeure dans la situation de double vassalité qui est sienne depuis le début du siècle précédent : suzeraineté de Naples pour Piombino, suzeraineté de la Toscane pour les deux tiers occidentaux de l’île d’Elbe.
II. L’Italie en 1789 En 1789, l’Italie demeure donc politiquement divisée. L’influence autrichienne, qui s’exerce directement sur Milan et Mantoue, indirectement sur la Toscane et Modène, ainsi que sur les vieilles républiques maritimes, est contrebalancée par l’influence espagnole, qui s’exerce au travers des deux branches cadettes régnant dans la péninsule : Bourbon-Sicile et Bourbon-Parme. Seuls le pape et le roi de Sardaigne, le premier par sa prééminence morale, le second par son habileté diplomatique, parviennent à échapper dans une certaine mesure à cette double hégémonie. Les divers pays qui composent l’Italie suivent des destins variés et leurs souverains, nationaux ou étrangers, se satisfont du morcellement présent de l’Italie. Seuls quelques milieux « éclairés » rêvent à cette époque à une union politique de la péninsule italienne, mais ils sont franchement minoritaires et ne disposent d’aucun moyen de parvenir à leurs vues. Si l’on considère le cadre géographique, physique et ethnique, à l’intérieur duquel vit le peuple italien, il est possible de relever en 1789 l’existence de dix-sept entités politiques dont il soit possible d’affirmer qu’elles appartiennent à la nation italienne : six d’entre elles dépendent, directement ou indirectement, d’États extérieurs à l’Italie, onze sont ressenties comme des États à dominante italienne. Les six entités dépendant de puissances extérieures à l’Italie sont les suivantes : – l’île de la Corse, qui dépend du royaume de France (voir chapitre France) ; – la principauté de Monaco, vassale de la France (voir chapitre Monaco) ; – les pays italiens de la Confédération helvétique et de ses alliés des Grisons, à savoir : les quatre bailliages tessinois (Locarno, Lugano, Val Maggia, Mendrisio) communs à douze cantons suisses (tous sauf Appenzell) ; les bailliages de Bellinzone, Riviera et Blenio, communs aux trois cantons forestiers (Uri, Schwytz et Nidwald) ; le Mesocco, le Poschiavo, Bormio, la Valteline et Chiavenna, dépendances de la ligue des Grisons ; (voir chapitre Suisse) – les pays italiens de la maison d’Autriche, hors Saint Empire, constitués de deux duchés proprement italiens : les duchés de Milan et de Mantoue (traités dans le présent chapitre) ; – les pays italiens de la maison d’Autriche inclus dans le Saint Empire : deux parcelles du bas Trentin possédées en toute souveraineté, auxquelles s’ajoute l’avouerie de l’évêché de Trente, et le Triestin qui jouit d’un caractère partiellement italien (voir chapitre Autriche) ; le Tyrol méridional, pays compris entre le défilé de Salurn et la crête des Alpes, en dépit de son rattachement ultérieur (XXe siècle) à l’Italie, ne peut être considéré comme en faisant partie, en raison du caractère essentiellement allemand de sa population ; – l’évêché de Trente, principauté ecclésiastique membre du Saint Empire, de nation italienne ; la maison d’Autriche en possède l’avouerie (voir partie « États disparus ») ; l’évêché de Brixen, imbriqué dans le Tyrol méridional, ne peut, comme ce dernier et pour les mêmes raisons, être considéré comme faisant partie de l’Italie. Les onze États proprement italiens sont les suivants : – le royaume de Sardaigne, constitué de l’île de Sardaigne, du Piémont italien (de la crête des Alpes au Tessin, du Valais à la crête des Apennins, avec étroite fenêtre sur la mer à Oneille et enclave de Loano en Ligurie) et du comté de Nice ; hors d’Italie, le royaume de Sardaigne possède toujours la Savoie ; – la république de Venise, composée de l’antique duché de Venise (la Ville et ses dépendances) et de ses possessions de terre ferme, qui s’étendent de l’Adda au Frioul, et du Pô au Trentin ; hors d’Italie proprement dite, les possessions maritimes : Istrie, Dalmatie et îles, Cattaro, îles Ioniennes et leurs points de terre ferme d’Albanie ; – la république de Gênes, le long de la côte ligure, de Vintimille à La Spezia, qui possède l’île de Capraïa ;
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Italie – le duché de Parme, Plaisance et Guastalla, qui s’étend au sud du Pô, autour des villes de Plaisance et de Parme, le duché de Guastalla constituant une enclave située entre les duchés de Modène et de Mantoue ; – le duché de Modène, situé au sud du Pô et à l’est du duché de Parme et disposant, depuis l’annexion de Massa-Carrare en 1743, d’un débouché sur la Méditerranée ; – le grand-duché de Toscane, qui regroupe les anciens territoires de Florence, Pise et Sienne, et possède en outre deux enclaves : la Lunigiane (Pontremoli et Fivizzano) située entre les duchés de Parme et de Modène, Pietrasanta enclavée dans la république de Lucques ; – la république de Lucques, autour de la ville du même nom dans le bassin inférieur de l’Arno ; – la principauté de Piombino, constituée de la principauté de terre ferme autour de Piombino, enclavée en Toscane, et des deux tiers occidentaux de l’île d’Elbe ; – les États de l’Église, appartenant au trône pontifical, situés de part et d’autre de la crête des Apennins : Latium, Ombrie, Marches, Romagne, légations de Ferrare et de Bologne (voir chapitre Vatican) ; – la petite république de Saint-Marin, proche de Rimini, enclavée dans les États de l’Église (voir chapitre Saint-Marin) ; – le royaume des Deux-Siciles, composé du royaume de Naples et de celui de Sicile ; il possède en outre le tiers oriental de l’île d’Elbe et, sur la terre ferme, l’enclave des présides de Toscane. Mis à part la république de Saint-Marin et les États de l’Église, traités dans des chapitres particuliers, le présent chapitre traitera des neuf autres États proprement italiens, plus Milan et Mantoue, États italiens de la maison d’Autriche situés hors du Saint Empire.
1. Le royaume de Sardaigne Le royaume de Sardaigne, qui appartient à la maison de Savoie, est en 1789 un État aux régions très diverses, composé d’une île méditerranéenne, la Sardaigne, et d’un territoire continental chevauchant la crête des Alpes, s’étendant du lac Léman à la crête nord des Apennins, et de Nice aux rives du lac Majeur. La république de Gênes l’isole de la mer Méditerranée, qu’il ne touche qu’en trois points : la fenêtre du comté de Nice et celle d’Oneille toutes deux reliées au territoire piémontais, ainsi que l’enclave de Loano sur le golfe de Gênes. Le royaume est constitué de quatre régions principales très contrastées : la principauté de Piémont, de langue italienne, large pays de plaine doté de l’agriculture la plus riche d’Italie, au centre duquel se situe la capitale Turin ; l’île de Sardaigne, très pauvre et aux structures féodales, de langue sarde (dialecte très particulier) ; le comté de Nice, de caractère italien mais de langue nissarde, séparé du Piémont par la crête des Alpes qui l’isole du reste du royaume ; enfin, hors d’Italie, le duché de Savoie de langue française, pays pauvre et montagneux. Les rois de Sardaigne ont toutefois tenté de moderniser leurs États par la création d’intendances générales (Turin, Coni, Alexandrie, Novare, Aoste, Nice, Savoie, Cagliari, Sassari) et l’adoption de réformes économiques, mais la monarchie reste politiquement très conservatrice, opposée aux idées des Lumières, qui pourtant se répandent dans certains milieux de la population du royaume. Les États sardes comptent environ 3 300 000 habitants, dont 2 800 000 sur le continent et 450 000 dans l’île de Sardaigne. La capitale Turin compte de l’ordre de 75 000 habitants.
2. Les duchés de Milan et de Mantoue Les duchés de Milan et de Mantoue sont situés au cœur de la Lombardie, qui constitue ellemême la partie centrale de la grande région de plaines de l’Italie septentrionale, comprise entre Alpes et Pô. Ils confinent au nord à la Suisse, à l’est aux possessions de Venise, au sud à l’Émilie, à l’ouest au Piémont. Propriétés de la maison d’Autriche, ils sont cependant situés hors du Saint Empire. Ils forment en 1789 un ensemble prospère, d’agriculture riche et variée et de commerce actif ; ils comptent environ 1 200 000 habitants, dont 120 000 à Milan même, parmi lesquels une bourgeoisie cultivée et patriote est très réceptive aux idées des Lumières.
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Les États existants Dans le cadre de la réforme administrative entreprise à partir de 1781 par l’empereur Joseph II, qui vise à uniformiser les divers États autrichiens en les refondant en 13 gouvernements, les duchés de Milan et de Mantoue sont depuis 1786 fusionnés en un gouvernement de Lombardie. Le sénat de Milan, antique symbole des libertés de la cité, est supprimé et remplacé par un conseil de gouvernement. En 1790, devant l’impopularité de cette réforme en Autriche, le nouvel empereur Léopold II se hâtera de l’abolir, et les duchés de Milan et de Mantoue retrouveront leurs structures traditionnelles.
3. La république de Venise De son influence passée la très ancienne république de Venise ne garde que le souvenir et tout concourt, en 1789, à l’irrémédiable décadence de cet État marchand : immobilisme politique, anémie du commerce maritime, profond déclin de la flotte de guerre, vie sociale tournée vers les plaisirs. Depuis le traité de Passarowitz (1718), aux termes duquel elle dut rendre à la Turquie la Morée, la Sérénissime République paraît avoir définitivement renoncé à ses ambitions méditerranéennes. De ce fait, la domination politique de la Ville sur une terre ferme constituant désormais le plus clair des ressources économiques de l’État est de plus en plus mal supportée ; un tel antagonisme facilitera, le jour venu, l’effondrement de la République. Enfin, la passivité dont fait preuve Venise au cours du XVIIIe siècle la rend vulnérable aux ambitions de l’Autriche, à l’influence de qui elle s’est soumise, sans rechercher comme par le passé de précieuses alliances de revers. Du point de vue territorial, la République se compose de quatorze provinces réparties dans les trois ensembles suivants : – le duché de Venise (Dogado) comprenant la Ville elle-même et ses dépendances de la lagune, avec quelques points de terre ferme (Chioggia) ; cette province unique du Dogado domine politiquement les treize autres ; – les possessions de terre ferme s’étendant de l’Adda à la vallée de l’Isonzo (exclue), du Pô à la crête des Alpes (Trentin exclu), la région de Crème constituant une petite enclave dans le duché de Milan et le comté de Monfalcone une petite enclave dans le Littoral autrichien ; elles se répartissent en neuf provinces : le Padouan (Padoue, Bassano, Este), la Polésine (Rovigo), le Véronais (Vérone, Carpi, Peschiera), le Vicentin (Vicence, Asiago), le Brescian (Brescia, Salo, Lonato, Chiari), le Bergamasque (Bergame, Crémone), le Crémasque (Crème), la Marche trévisane (Trévise, Feltre, Bellune, Cadore) et le Frioul (Udine, Sacile, Pordenone) ; – les possessions maritimes des mers Adriatique et Ionienne, à savoir : les deux tiers occidentaux de l’Istrie, de Capodistria à Pola et à Albona (ouest et sud de la péninsule) ; la Dalmatie continentale, de Zara aux bouches de la Narenta, au sein de laquelle se situe la petite exclave de la république slave de Polizza ; les îles du littoral dalmate, du Quarnero à la presqu’île de Sabioncello : Veglia, Cherso, Lussin, Arbe, Pago, Lunga, Incoronata, Brazza, Lissa, Lesina et Curzola (Lagosta et Meleda étant ragusaines) ; les bouches de Cattaro ; les îles Ioniennes : Corfou, Paxo, Sainte-Maure (Leucade), Ithaque, Céphalonie, Zante et, très isolée, Cérigo (Cythère) ; les quatre points de terre ferme en Albanie : Butrinto, Parga, Prévéza, Vonizza ; l’ensemble des possessions maritimes constitue les quatre provinces d’Istrie (Pola, Capodistria), de Dalmatie (Zara, Trau, Spalato, Sebenico, Clissa, Signia, l’Herzégovine côtière, îles dalmates), d’Albanie vénitienne (bouches de Cattaro) et du Levant vénitien (les sept îles Ioniennes et leurs quatre points de terre ferme d’Albanie turque). La république de Venise compte environ 3 millions d’habitants, le pouvoir étant détenu par une aristocratie urbaine d’environ 1 200 personnes.
4. La république de Gênes La république de Gênes est en 1789 bien déchue de sa gloire passée. Gênes « la Superbe » a perdu, avec son empire, la prééminence maritime, qu’elle disputait à Venise ; seules lui demeurent l’activité de son port, le premier d’Italie, et la prospérité de ses banques. La cité de saint Georges, tout comme celle de saint Marc, est une république aristocratique où une poignée de familles nobles gouverne sans partage 400 000 citoyens. Comme Venise, Gênes n’a plus désormais qu’une politique : sauvegarder sa neutralité et son indé-
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Italie pendance vis-à-vis de pays impatients de s’emparer d’elle (Grande-Bretagne, France, Sardaigne, Autriche). Contrairement à Venise toutefois, l’austère Gênes ne songe un seul instant à oublier dans les plaisirs son irrémédiable décadence. Depuis 1768, après la perte de la Corse, seule reste à Gênes la petite île de Capraïa, située au nord-est et à proximité immédiate de celle-là. Hormis cette île, le territoire de Gênes, réduit au continent, s’étire le long du golfe du même nom entre la mer et la crête des Apennins. Il est divisé en trois parties : rivière du Levant (Gênes, Rapallo, Sestri di Levante, La Spezia, Sarzane), rivière du Ponant (Novi, Savone, Albenga, San Remo, Vintimille), marquisat de Finale. Les territoires de San Remo et Vintimille sont séparés du reste de l’État par une étroite bande piémontaise descendant des Apennins à la fenêtre d’Oneille (Oneglia). Le port de Loano constitue enfin une enclave piémontaise dans le territoire de Gênes.
5. Le duché de Parme Le duché de Parme, Plaisance et Guastalla, où règne la maison de Bourbon-Parme, se compose de deux parties distinctes : le duché de Parme et Plaisance, et celui de Guastalla. Le premier ensemble s’étend de la rive droite du moyen Pô à la crête des Apennins ; le second, petite enclave entre les duchés de Mantoue et de Modène, s’adosse au Pô à l’endroit où celui-ci fait un coude vers le nord pour mêler ses eaux à celles de l’Oglio. Le duché de Parme, Plaisance et Guastalla compte environ 400 000 habitants. Il occupe une région assez prospère de l’Émilie à vocation essentiellement agricole. Les deux seules villes d’importance en sont Parme, la capitale, et Plaisance, située sur le Pô. Le long gouvernement « éclairé » du marquis du Tillot y a suscité un mouvement de réformes bénéfique.
6. Le duché de Modène Le duché de Modène, où règne la maison d’Este, est un État moyen de l’Italie centrale, peuplé d’environ 350 000 habitants, qui s’étend d’un seul tenant des rives du Pô à celles de la Méditerranée, de part et d’autre de la crête des Apennins ; il est situé en Émilie, immédiatement à l’est du duché de Parme. Il se compose de trois parties distinctes : le duché de Modène, avec la capitale ; le duché de Reggio, avec la seule autre ville d’importance, auquel est rattaché l’ancien petit duché de la Mirandole ; enfin, le duché de Massa et Carrare, situé entre la mer Méditerranée et la crête des Apennins. Le duc Hercule III, qui règne en 1789, n’a pas d’héritier mâle ; son héritière, sa fille Marie-Béatrice, mariée à un archiduc d’Autriche, doit régner à sa mort, ainsi que sa descendance, le duché de Modène devenant alors une secundogéniture de la maison d’Autriche.
7. Le grand-duché de Toscane La Toscane couvre la fertile région d’Italie centrale située entre la crête des Apennins et la Méditerranée, s’étendant sur les bassins de l’Arno et de l’Ombrone. Le grand-duché de Toscane, où règne la maison d’Autriche sous la forme d’une secundogéniture — le grand-duc ne peut être le souverain des États héréditaires de l’Autriche —, est composé historiquement des trois anciennes républiques de Florence, de Pise et de Sienne. Et de fait, les trois villes précitées, notamment Florence la capitale, sont les villes les plus importantes du grandduché. Toutefois, d’autres villes connaissent aussi un essor remarquable : Pistoïa, Prato, avec son industrie textile, et surtout Livourne, grand port de création assez récente, qui a supplanté Pise et constitue le port le plus actif de l’Italie centrale. À l’empereur François Ier, qui gouvernait la Toscane depuis Vienne, a succédé à sa mort (1765) son fils cadet Pierre-Léopold (1765-1790), qui règne donc à Florence en 1789. C’est un prince éclairé, soucieux du développement économique et de l’évolution politique de son État ; aussi la Toscane de 1789 apparaît-elle comme un pays italien assez prospère et « avancé ». Le grand-duché comprend la Toscane proprement dite (anciens territoires républicains de Florence, Pise et Sienne), à laquelle s’ajoutent l’enclave de Pietrasanta, incluse dans la république de Lucques, et les enclaves de la Lunigiane (Pontremoli et Fivizzano) situées entre les territoires de Parme, de Modène et de Gênes. La Toscane est grevée de deux exclaves maritimes : la principauté de Piombino, et les présides de Toscane (possession du roi
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Les États existants des Deux-Siciles). Enfin le grand-duc est suzerain du prince de Piombino pour sa part de l’île d’Elbe (deux tiers occidentaux), et il tient garnison à Porto-Ferraïo. La Toscane ainsi constituée compte environ un million d’habitants.
8. La république de Lucques La république de Lucques, le « jardin de la Toscane », est en 1789 un petit État prospère du bassin inférieur de l’Arno, avec une fenêtre maritime (Viareggio), grevé de l’enclave toscane de Pietrasanta. Elle partage avec Gênes, Venise et Saint-Marin le mérite d’avoir survécu au mouvement général qui a tendu depuis deux siècles à faire passer les républiques italiennes sous la domination de princes indigènes ou étrangers. Sa Constitution, de nature démocratique à l’origine, a été modifiée en 1556 dans un sens oligarchique, et depuis lors elle est gouvernée par une aristocratie de 200 membres. Elle compte environ 120 000 habitants.
9. La principauté de Piombino La principauté de Piombino est un petit État composé de deux parties distinctes : – la principauté de Piombino proprement dite, s’étendant sur la terre ferme autour du port de Piombino, enclavée dans le grand-duché de Toscane, peuplée d’environ 25 000 habitants ; – les deux tiers occidentaux de l’île d’Elbe, autour de Porto-Ferraïo. En 1789, la principauté est possession de la maison de Buoncompagni. Pour sa partie continentale, la principauté est vassale du royaume des Deux-Siciles ; pour sa partie de l’île d’Elbe, elle est vassale du grand-duché de Toscane, qui y tient garnison à Porto-Ferraïo.
10. Le royaume des Deux-Siciles Le royaume des Deux-Siciles couvre deux parties distinctes : – le royaume de Naples (Naples) ou Sicile continentale, parfois désigné comme Domaine en deçà du Phare (cap Faro) ; – le royaume de Sicile (Palerme) ou Sicile insulaire, parfois désigné comme Domaine audelà du Phare. Le royaume des Deux-Siciles est le plus grand mais le plus arriéré des États de la péninsule italienne, dont il occupe la moitié méridionale, au sud des États de l’Église. Hormis quelques exceptions (Campanie, plaines de Palerme et de Catane), les terres agricoles sont pauvres et généralement structurées en très grandes propriétés peu mises en valeur, les latifundia, détenues par l’aristocratie, et où s’exerce encore un régime féodal. Peuplé d’environ 6 millions d’habitants, dont 5 millions pour le continent et 1 million pour l’île, le royaume dispose en Naples d’une capitale très peuplée au regard des normes de l’époque (400 000 habitants), mais la ville manque d’activité et la majeure partie de sa population est de condition matérielle très misérable. L’esprit des Lumières, favorisé par Tanucci, ne touche qu’une infime frange des sujets napolitains. Le royaume des Deux-Siciles se divise donc en deux entités aux administrations distinctes, un vice-roi représentant à Palerme le roi, qui réside à Naples : a) Le royaume de Naples (Domaine en deçà du Phare) Il se subdivise lui-même en deux parties : – le royaume de Naples proprement dit, divisé en 12 intendances : Terre de Labour (Naples), Principauté citérieure (Salerne), Principauté ultérieure (Avellino), Molise (Campo-Basso), Abruzze citérieure (Chieti), Abruzze ultérieure (Aquila), Capitanate (Foggia), Terre de Bari, Terre d’Otrante, Basilicate (Potenza), Calabre citérieure (Cosenza), Calabre ultérieure (Reggio) ; – les possessions de Toscane (État des Garnisons ou Présides), qui se répartissent entre les Présides de terre ferme proprement dits (Orbetello, Monte-Filippo, Monte-Argentario, Telamone, Porto-San-Stefano) et le tiers oriental de l’île d’Elbe (Porto-Longone). Le royaume de Naples est grevé de deux exclaves pontificales : Bénévent incluse dans la Principauté ultérieure et Ponte-Corvo incluse dans la Terre de Labour.
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Italie b) Le royaume de Sicile (Domaine au-delà du Phare) Il se divise en trois régions : Val de Mazara (Palerme), Val de Demone (Messine), Val de Noto (Noto). De lui dépendent les îles Éoliennes, Égades, Pantelleria et Lampédouse.
III. L’Italie dans la tourmente révolutionnaire (1789-1815) Le déclenchement de la Révolution française est un événement qui frappe de stupeur les esprits, en Italie comme dans le reste de l’Europe. Les idées nouvelles propagées par la Révolution vont toutefois rencontrer en Italie un écho particulièrement favorable dans une partie de la population, parce que dans un certain nombre d’États des mouvements de réforme ont été suscités par des « despotes éclairés » — qu’il s’agisse de souverains ou de ministres — et qu’ainsi les esprits ont été préparés à l’idée de mutations économiques et sociales. Toutefois, effrayés par la tournure des événements de France, les gouvernements des États italiens tentent de s’opposer par tous les moyens aux mouvements de contagion susceptibles de s’y produire. L’autre élément déterminant qui va bouleverser la péninsule est la campagne « d’Italie » menée par la France contre l’Autriche en 1796. Les armées françaises y seront commandées par un certain général Bonaparte, qui va voler de victoire en victoire et, se souvenant de ses origines corses et génoises, va soutenir avec une sympathie intéressée les mouvements révolutionnaires qui se manifestent en Italie à la suite des victoires françaises, pour ensuite remodeler la situation politique de l’Italie dans le sens de ses intérêts et de ceux de la France. L’influence française va d’abord s’opérer sous forme d’une floraison de « républiques sœurs », qui calqueront leurs institutions sur celles de la République française, ce mouvement atteignant son apogée en 1799. Ensuite, devenant premier consul puis empereur, Napoléon remodèlera à sa guise l’Italie tout au long de la période 1800-1814, lui donnant, à l’instar de la France, un caractère monarchique. L’ensemble de l’Italie continentale finira par se répartir, à peu de choses près, en trois blocs : – le nord-ouest de l’Italie, qui deviendra la France italienne ; – le nord-est de l’Italie, qui deviendra le royaume d’Italie ; – le sud de l’Italie, qui sera le royaume de Naples.
1. Le nord-ouest de l’Italie a) Sardaigne et Piémont Le roi de Sardaigne, Victor-Amédée III, est animé d’un esprit très conservateur et hostile à la Révolution française. Beau-père des comtes de Provence (le futur Louis XVIII) et d’Artois (le futur Charles X), il accueille volontiers à Turin les émigrés français fuyant la Révolution. En 1792, il se joint à la coalition austro-prussienne contre la France. En septembre 1792, les troupes françaises occupent la Savoie et la majeure partie du comté de Nice (à l’exclusion du comté de Tende, tenu par les troupes sardes). Le 27 novembre 1792, la France annexe la Savoie. Le 31 janvier 1793, la Convention décrète l’annexion à la France du comté de Nice ; celle-ci est effective, hormis pour le comté de Tende. En avril 1794, les Français ayant réussi à refouler les troupes sardes au Piémont, le comté de Tende (Tende, La Brigue, Saorge) est de facto réuni à la France. Désormais, le roi de Sardaigne ne règne plus effectivement que sur le Piémont et l’île de Sardaigne. Le 21 avril 1796, Bonaparte, général en chef de l’« armée d’Italie », bat les armées sardes à Mondovi. Un armistice est conclu à Cherasco entre la France et la Sardaigne, suivi le 15 mai 1796 d’un traité de paix à Paris, par lequel la Sardaigne renonce à la Savoie et au comté de Nice en faveur de la France. Le 6 décembre 1798, le roi de Sardaigne étant de nouveau soupçonné de connivences avec la Russie et l’Autriche, les troupes françaises du général Joubert envahissent le Piémont. Le 8 décembre, le roi renonce officiellement au Piémont et se retire dans l’île de Sardaigne. La renonciation du roi crée au Piémont un vide juridique.
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Les États existants Les patriotes piémontais souhaitent instituer une république indépendante ou se rattacher à une république voisine, cisalpine ou ligurienne. En janvier 1799, le Directoire écarte impérativement tout rattachement à une autre république d’Italie, mais laisse aux Piémontais le choix entre l’indépendance ou l’annexion à la France. Un plébiscite est organisé du 8 au 16 février 1799 dans des conditions suspectes et se traduit par le rattachement du Piémont à la France, qui le dote d’une administration provisoire. Le roi de Sardaigne ne règne plus que sur l’île, situation qui perdurera jusqu’en 1814. Pendant ce temps, les Français poursuivent leur ingérence en Suisse et en Italie, y suscitant, par les intrigues ou les intimidations, l’éclosion de républiques sœurs. Tant d’activisme finit par susciter en retour la formation d’une deuxième coalition, entre la GrandeBretagne, qui n’a pas cessé les hostilités, la Russie, nouvelle venue, et l’Autriche. Les hostilités sur le continent reprennent en mars 1799. La coalition austro-russe ayant triomphé des armées françaises (avril 1799), le Piémont, comme le reste de l’Italie, est évacué par ces dernières et les patriotes piémontais sont persécutés par les nouveaux occupants, qui interdisent au roi de Sardaigne tout retour au Piémont. Bonaparte, revenu d’Égypte et ayant pris le pouvoir (novembre 1799), reprend l’offensive en Italie au printemps 1800. Sa victoire de Marengo (18 juin 1800) ouvre la voie au retour des Français, qui réoccupent le Piémont et le dotent de nouveau d’une administration provisoire. Bonaparte est de nouveau confronté à la question de l’avenir du Piémont, annexé en 1799, mais « redevenu sarde » pendant les treize mois de la victoire de la coalition. Il pourrait ne pas tenir compte du plébiscite de 1799, mais il décide en fin de compte de garder le Piémont à la France, pour des raisons stratégiques — il lui assure la maîtrise des passages alpins —, géopolitiques — il assure un équilibre avec la Vénétie autrichienne — et économiques — le Piémont possède des richesses agricoles (riz, mûriers pour la soie) nécessaires à la France. Ce faisant, Bonaparte mécontente une bonne part des Piémontais, ainsi que les autorités de la Cisalpine (restaurée à Milan). En septembre 1800, pour offrir une compensation aux Milanais, Bonaparte détache du Piémont, désormais de nouveau français, le Novarais (région située entre Sesia et Tessin) et le cède à la République cisalpine. En avril 1801, le Piémont est divisé en six préfectures militaires : Éridan plus tard Pô (Turin), Marengo (Alexandrie), Tanaro (Asti), Sesia (Verceil), Doire (Ivrée) et Stura (Coni). Le 10 juin 1802, Bonaparte détache du Piémont la fenêtre d’Oneille (Oneglia) et l’enclave de Loano, et les cède à la République ligurienne. Le 11 septembre 1802, au mépris des aspirations italiennes et de l’opinion européenne, Bonaparte décrète officiellement l’annexion du Piémont à la France. Les six préfectures militaires instituées en avril 1801 deviennent six nouveaux départements français, à savoir : – Éridan, plus tard Pô : Turin, Pignerol, Suse ; – Marengo : Alexandrie, Bobbio, Casal, Tortone, Voghera ; – Tanaro : Asti, Acqui, Albe ; – Sesia : Verceil, Biella, Santhia ; – Doire : Ivrée, Aoste, Chivasso ; – Stura : Coni, Mondovi, Saluces, Savigliano. La République ligurienne étant à son tour annexée, le 6 juin 1805, à l’Empire français, le Piémont acquiert ainsi, et de façon définitive, ses débouchés naturels sur la Méditerranée. L’annexion de la République ligurienne se traduit par la constitution de trois nouveaux départements : Montenotte (Savone), Gênes (Gênes), Apennins (Chiavari). Cette création entraîne des remaniements dans la distribution départementale du Piémont. Le département du Tanaro est supprimé et réparti entre Marengo pour l’arrondissement d’Asti, Stura pour celui d’Albe et Montenotte pour celui d’Acqui. Le département de Marengo cède à celui de Gênes ses arrondissements de Bobbio, Tortone et Voghera. À l’issue de ces remaniements, la situation départementale de l’ensemble Piémont-Ligurie-Nice est désormais la suivante :
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Italie – Pô : Turin, Pignerol, Suse ; – Marengo : Alexandrie, Asti, Casal ; – Sesia : Verceil, Biella, Santhia ; – Doire : Ivrée, Aoste, Chivasso ; – Stura : Coni, Albe, Mondovi, Saluces, Savigliano ; – Montenotte : Savone, Acqui, Ceva, Port-Maurice ; – Gênes : Gênes, Bobbio, Novi, Tortone, Voghera ; – Apennins : Chiavari, Bardi, Sarzane ; – Alpes-Maritimes : Nice, Puget-Théniers, San Remo. Le nouvel ensemble Piémont-Ligurie vit ainsi jusqu’en 1814 au sein de l’Empire français, où il constitue l’élément le plus ancien et le plus solide de ce qu’on pourrait appeler la « France italienne ». Au printemps de 1814, l’Italie est envahie par les forces de la coalition anti-française et les armées françaises, comme l’administration civile, doivent l’évacuer. La chute de Napoléon permet le retour, le 20 mai 1814, du roi Victor-Emmanuel Ier à Turin. Le royaume est restauré. Par le traité de Paris du 30 mai 1814, la France restitue au royaume de Sardaigne le Piémont, le comté de Nice et la Savoie, hormis les arrondissements de Chambéry et d’Annecy, gardés par la France, et quelques communes (dont Carouge) du nord de la Savoie, cédées au canton de Genève. Après l’intermède des Cent-Jours, le congrès de Vienne entérine en juin 1815 le rétablissement du royaume de Sardaigne dans une situation territoriale supérieure à celle de 1790. Le royaume de Sardaigne se compose désormais de : – la Sardaigne et le comté de Nice dans leur situation de 1790 ; – la Savoie dans sa situation de 1790, hormis les quelques communes cédées à Genève ; – le Piémont dans sa situation de 1790, y compris le Novarais cédé en 1801 à la Cisalpine ; – le territoire de la république de Gênes de 1790, à savoir la côte ligurienne et l’île de Capraïa ; – la suzeraineté sur la principauté de Monaco. Le royaume est divisé en dix intendances générales : Turin, Coni, Alexandrie, Novare, Aoste, Nice, duché de Gênes, duché de Savoie, Cagliari et Sassari. b) Gênes Le 30 novembre 1789, considérant que les habitants de la Corse sont devenus Français par leur volonté clairement exprimée, la Constituante décrète la suppression de la clause de rachat éventuel de l’île par la république de Gênes, stipulée lors de la cession de 1768, et la réunion définitive de la Corse à la France, les Corses devenant des Français comme les autres. Le gouvernement aristocratique de la république de Gênes est, par sa nature même, opposé aux idées propagées par la Révolution française. À la suite des victoires des armées françaises en Italie du Nord en 1796, Bonaparte considère que le libre accès au port de Gênes lui est indispensable et qu’il convient d’y disposer à cet effet d’un gouvernement complaisant. En mai-juin 1797, fomenté par le représentant de la France Faipoult, un soulèvement de « démocrates » est réprimé par le pouvoir oligarchique aidé du petit peuple. Bonaparte impose au sénat de Gênes la mise en œuvre d’une démocratisation de la Constitution. Celle-ci, achevée en novembre 1797, change l’ancienne république de Gênes en République ligurienne et permet à la bourgeoisie marchande et banquière d’accéder au pouvoir. Durant la période des Treize Mois (mai 1799-juin 1800), la République ligurienne, comme le reste de la péninsule, se soulève contre les Français. La ville de Gênes, où s’est enfermé le général Masséna assiégé par les forces autrichiennes, est le dernier point de résistance des troupes françaises ; il ne capitulera que le 4 juin. Très peu de temps après, le premier consul Bonaparte réoccupe la République et restaure la Ligurienne.
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Les États existants Par convention de Paris du 10 juin 1802, la France, qui gouverne de nouveau le Piémont depuis 1800 sous un régime provisoire, après une première annexion éphémère en février 1799, cède la fenêtre d’Oneille et l’enclave de Loano à la République ligurienne. Le territoire de cette dernière est désormais d’un seul tenant. En contrepartie, la République ligurienne cède l’île de Capraïa à la France, qui la rattache à l’administration de l’île d’Elbe. Saliceti, mandaté par Bonaparte, promulgue une nouvelle fois une Constitution démocratique pour la République ligurienne. Celle-ci consacre l’accession au pouvoir de la bourgeoisie, tout en rétablissant l’illustre titre de doge pour le chef de l’État. La guerre ayant repris en 1803 entre la France et l’Angleterre, le blocus maritime que celle-ci fait subir à Gênes rend délicate la vie économique de la République, qui en vient à penser que le salut viendrait de l’accès au marché français. D’autre part, Bonaparte, devenu Napoléon Ier empereur des Français et roi d’Italie, songe à faire disparaître les formes républicaines subsistant dans la péninsule. Le 6 juin 1805, la République ligurienne est annexée à la France et agrégée au Piémont (voir supra), dont elle suivra désormais le destin. En effet, en 1815, le congrès de Vienne restaure les trônes italiens renversés dans la tourmente napoléonienne. Mais les anciennes républiques, objets de toutes les convoitises, ne sont pas restaurées (seule Saint-Marin, qui a survécu, sera respectée). Dans ce cadre, le territoire de l’ancienne république de Gênes est attribué au royaume de Sardaigne, dont il va désormais constituer la façade maritime sous le nom de duché (ou intendance générale) de Gênes. c) Parme Le duc Ferdinand de Parme, fils de don Philippe et donc cousin — mais aussi beau-frère — du roi Charles IV d’Espagne, qui règne à Parme, Plaisance et Guastalla depuis 1765, parvient à se maintenir au milieu des troubles de 1796. À l’été 1800, après la victoire de Marengo, les troupes françaises occupent le duché. Bonaparte, à cette époque, envisage d’arrondir la Cisalpine, qu’il vient de reconstituer, par l’adjonction de Parme. Par ailleurs, l’Espagne, qui est l’alliée de la France, entend mettre à profit ces temps troublés pour agrandir sa sphère d’influence en Italie centrale, par l’entremise des Bourbons-Parme. Dans un premier traité, conclu à Saint-Ildefonse le 1er octobre 1800, il est entendu entre la France et l’Espagne que le duc de Parme se verra attribuer un accroissement de son domaine de 1 à 1,2 million d’âmes, avec le titre de roi : soit la Toscane, soit les trois Légations ci-devant pontificales, soit « tout autre État arrondi » en Italie. En échange, la France recevra de l’Espagne la Louisiane. Mais au printemps de 1801, les affaires ont évolué. Un nouveau traité est conclu à Aranjuez le 21 mars, entre la France et l’Espagne, lequel stipule que : – le fils du duc de Parme, Charles-Louis, devient roi de Toscane — que l’on appellera peu après Étrurie —, celle-ci venant d’être cédée par le grand-duc Ferdinand (un Habsbourg) ; – en contrepartie, le duc de Parme doit renoncer à son duché en faveur de la France. Mais le duc Ferdinand de Parme refuse d’abdiquer. Bonaparte, sur les instances de l’Espagne, lui laisse son duché à titre viager, tout en le faisant administrer par un résident français ; à sa mort, le duché reviendra à la France. Le 9 octobre 1802, la mort du duc Ferdinand entraîne l’occupation et l’annexion définitive du duché de Parme par la France. En dépit d’une revendication immédiate émise par le fils du duc, le roi Louis Ier d’Étrurie, Bonaparte laisse le duché dans une situation provisoire, qui durera jusqu’en 1808, car il hésitera longtemps sur l’avenir de ce pays, qui devient de ce fait un « pays réservé », doté d’un administrateur provisoire. En mars 1806, le petit duché de Guastalla est détaché de Parme et Plaisance pour constituer un État séparé, donné en apanage à Pauline Borghèse, sœur de l’empereur Napoléon Ier. Préférant la vie parisienne à la vie guastalline, Pauline vendra dès juillet 1806 son duché à son frère Napoléon, roi d’Italie, se conservant seulement le titre ducal.
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Italie Le 30 mai 1808, jour même où la France annexe le royaume d’Étrurie (voir infra), par décret impérial le duché de Parme et Plaisance est intégré au régime commun de l’Empire français et devient le département du Taro : – Taro : Parme, Borgo San Donnino, Plaisance. Au printemps de 1814, la présence française à Parme prend fin. Le 11 avril 1814, après la première abdication de Napoléon à Fontainebleau, ce dernier signe avec l’Autriche, la Prusse et la Russie un traité de Fontainebleau qui détermine son sort et celui de l’impératrice Marie-Louise. Le duché de Parme et Plaisance, de nouveau augmenté de Guastalla, est reconstitué au profit de l’impératrice Marie-Louise, qui le possédera de son vivant, en conservant son titre d’impératrice. À sa mort, le duché passera à son fils François Charles, le petit roi de Rome. Ces dispositions seront entérinées, après les Cent-Jours, par l’acte final du congrès de Vienne en date du 9 juin 1815. d) Toscane, plus tard Étrurie À la mort de l’empereur Joseph II (1790), qui n’a pas d’héritier mâle, son frère le grandduc Pierre-Léopold de Toscane part régner à Vienne (empereur Léopold II), laissant sur le trône de Toscane son propre fils cadet Ferdinand III. Ce dernier parvient à se maintenir au milieu des grands troubles causés en Italie par la campagne de 1796 de Bonaparte et ce, malgré la mainmise française sur le port toscan de Livourne. Mais le trafic engendré par l’occupation de Rome (1798) et de Naples (1799) par les troupes françaises rend insuffisante la route contournant la Toscane par les Marches pontificales et l’Ombrie. La France prend prétexte de la réouverture des hostilités avec l’Autriche (1799) pour aussitôt occuper le grand-duché en mars 1799 ; Ferdinand III s’enfuit à Vienne, mais la France, pour ménager l’avenir, se contente de doter la Toscane d’un régime provisoire. La période des Treize Mois (mai 1799-juin 1800) voit la victoire de la coalition austrorusse dans la péninsule, des émeutes contre le régime français en Toscane, le retour temporaire de Ferdinand III à Florence, la contre-offensive française victorieuse à Marengo (juin 1800), aussitôt suivie d’une réoccupation du grand-duché. Le premier consul Bonaparte remet en place un gouvernement provisoire, en attendant la paix. Entre février et mars 1801, les trois traités conclus par la France avec l’Autriche à Lunéville (9 février), avec l’Espagne à Aranjuez (21 mars) et avec les Deux-Siciles à Florence (28 mars) vont régler le sort de la Toscane. À Lunéville, il est convenu que le grand-duc renonce à la Toscane et à sa suzeraineté sur l’ouest de l’île d’Elbe et les abandonne au libre choix de la France (il ira lui-même régner à Salzbourg). À Aranjuez, il est convenu que : – la Toscane est attribuée à l’infant Charles-Louis, fils du duc de Parme, qui régnera avec le titre de roi de Toscane (muée plus tard en Étrurie) ; – les deux tiers occidentaux de l’île d’Elbe, qui appartiennent à la maison de Buoncompagni, qui en est ainsi dépossédée, sont conservés par la France ; – la principauté de Piombino, que le prince possédait sous suzeraineté du roi des Deux-Siciles et dont il est aussi dépossédé, est attribuée à la Toscane en compensation. À Florence, il est convenu que les Deux-Siciles cèdent à la France : – le tiers oriental de l’île d’Elbe et les présides de Toscane, que la France conserve par-devers elle ; – la suzeraineté sur la principauté de Piombino, principauté que la France a attribuée sept jours plus tôt à la Toscane. Au terme de ces remaniements, l’espace toscan, naguère distribué entre grand-duché habsbourgeois, république de Lucques, principauté de Piombino et royaume de Naples (partie d’île d’Elbe, présides), est désormais réparti entre royaume bourbonien, république de Lucques (inchangée) et France (île d’Elbe réunifiée, dotée d’une administration provisoire, et présides).
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Les États existants Le nouveau souverain du royaume, que l’on commence à appeler royaume d’Étrurie (la mode est à l’antique), résidait en Espagne ; il fait son entrée à Florence en août 1801, non sans être passé par Paris — exigence de Bonaparte pour symboliser l’entente revenue entre la République française et les Bourbons. Le 9 octobre 1802, à la mort du duc Ferdinand de Parme, qui entraîne la mainmise de la France sur le duché, le roi Louis Ier d’Étrurie, fils du défunt, est déçu dans ses espérances d’union du duché au royaume. À titre de compensation, Bonaparte lui cède les présides de Toscane, qui sont ainsi pour toujours rattachés à la Toscane (Étrurie). La mort de Louis Ier, le 27 mai 1803, entraîne la régence de sa veuve Marie-Louise, au nom de son fils mineur Louis II. Le nouvel empereur Napoléon Ier souhaite doter sa famille de territoires souverains. Pour sa sœur Elisa et son mari Félix Bacciochi, le 7 juin 1805, il transforme en principauté la république de Lucques et détache l’ancienne principauté de Piombino de l’Étrurie pour l’unir à Lucques, qui devient la principauté de Lucques et Piombino. Tout au long de la régence de Marie-Louise d’Étrurie, la faiblesse du gouvernement fait que le royaume accueille à Florence les « jacobins » d’Italie et à Livourne les marchandises anglaises, ce que Napoléon considère comme une politique inamicale. Décidé à mettre un terme à cette situation, l’Empereur profite des ambitions de Godoy, ministre-favori des souverains d’Espagne, qui voudrait mettre la main sur le Portugal pour s’y tailler un royaume ; il entre dans ses vues mais stipule, par le traité de Fontainebleau (27 octobre 1807), que le Portugal sera divisé en trois parties, la partie septentrionale — entre Minho et Douro, avec Porto pour capitale — étant réservée à la reine Marie-Louise d’Étrurie et à son fils Louis II, qui deviendra roi de Lusitanie septentrionale ; en contrepartie, le roi d’Étrurie cède son royaume à la France. En novembre 1807, Louis II et sa mère sont priés de quitter l’Étrurie, qui est dotée d’un gouvernement provisoire. Par sénatus-consulte du 24 mai 1808, confirmé par décret impérial du 30 mai, l’Étrurie est annexée à la France, dont elle va constituer trois nouveaux départements : – Arno : Florence, Arezzo, Modigliana, Pistoïa ; – Méditerranée : Livourne, Volterra, Pise ; – Ombrone : Sienne, Grosseto, Montepulciano. Les enclaves toscanes de la Lunigiane (Pontremoli, Fivizzano) et de Pietrasanta sont agrégées au département des Apennins, y formant un nouvel arrondissement, celui de Pontremoli. Pour complaire à sa sœur Elisa qui se plaignait de l’étroitesse de sa souveraineté lucquoise, Napoléon le 2 mars 1809 la nomme grande-duchesse de Toscane — elle seule sans son époux —, dotée d’un pouvoir de surveillance, limité et subordonné à Paris, sur les trois départements toscans. Ceux-ci continuent cependant à faire juridiquement et administrativement partie de l’Empire français. Par décret du 7 avril 1809, l’île d’Elbe, avec ses dépendances, est soumise au régime commun de l’Empire, et rattachée au département français de la Méditerranée, dont elle formera un nouvel arrondissement. En avril 1814, la présence française en Toscane prend fin et des commissaires impériaux viennent administrer le pays dans l’attente de la restauration du grand-duché. Ayant régné à Florence de 1791 à 1799, à Salzbourg de 1802 à 1805, à Wurtzbourg de 1806 à 1814, le grand-duc Ferdinand III revient en juin 1815 régner en Toscane. Le grand-duché de Toscane est reconstitué à son profit, y compris les enclaves de Lunigiane (Pontremoli et Fivizzano), désormais séparées par un saillant de Massa-Carrare — des anciens fiefs impériaux de Toscane cédés à ce petit duché —, et l’enclave de Pietrasanta, ainsi que les présides de Toscane. L’île d’Elbe, attribuée en 1814 à l’empereur Napoléon, est attribuée en 1815 au grand-duché. Le prince de Piombino, restauré dans ses droits en 1815, vend sa principauté au grand-duc de Toscane. Ainsi reconstitué, le grand-duché se compose de cinq provinces, appelées compartiments : Florence, Arezzo, Sienne, Grossetto et Pise (de ce dernier dépendent les trois enclaves).
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Italie e) Lucques La petite république de Lucques, impuissante, doit subir les contrecoups de l’occupation de l’Italie par les troupes françaises de Bonaparte. Le 25 janvier 1799, le général Sérurier lui impose une Constitution « démocratique » calquée sur celle de la France, tendant à transformer l’ancienne république oligarchique en une république sœur, comme les Français l’ont fait à Gênes. Mais peu après survient le recul français des Treize Mois, et la Constitution n’est pas appliquée, les anciennes institutions étant rétablies. Après le retour des Français (juin 1800), Saliceti, mandaté par Bonaparte, dote une deuxième fois, en décembre 1801, la république de Lucques d’une Constitution démocratique. En 1805, devenu empereur des Français, Napoléon décide la suppression des formes républicaines de gouvernement dans la péninsule italienne. D’autre part, Napoléon entend doter sa famille de souverainetés en Europe. Dans ce cadre, le 7 juin 1805, la république de Lucques est érigée en principauté au profit de Félix et Elisa Bacciochi, cette dernière étant sœur de Napoléon. L’ancienne principauté de Piombino est détachée d’Étrurie et jointe à Lucques pour former la principauté de Lucques et Piombino. Celle-ci se compose donc de deux territoires distincts, séparés par une partie du littoral du royaume d’Étrurie. En mars 1806, le royaume d’Italie, qui s’est en décembre 1805 agrandi de la Vénétie, cède l’ancien duché de Massa et Carrare (dépendance de l’ancien duché de Modène) à la principauté de Lucques et Piombino. En mars 1809, la princesse de Lucques et Piombino, Elisa Bacciochi, devient seule et à titre personnel grande-duchesse de Toscane, mais la Toscane reste administrativement française, et donc distincte de la principauté de Lucques et Piombino. Au printemps de 1814, la grande-duchesse/princesse doit d’abord quitter Florence, puis Lucques. La principauté de Lucques et Piombino disparaît dans la chute du système politique napoléonien. Elle est en 1815 répartie de la façon suivante : – le territoire de l’ancienne république de Lucques est érigé en duché de Lucques en faveur du duc Charles-Louis de Bourbon-Parme, ancien roi Louis II d’Étrurie, qui est invité à y régner, le duché de Parme ayant été attribué à l’impératrice Marie-Louise ; – le duché de Massa et Carrare est érigé à titre viager en État indépendant en faveur de la duchesse-mère Marie-Béatrice d’Este, mère du duc de Modène François IV d’AutricheEste ; à sa mort, le duché fera retour à Modène ; – le territoire continental de l’ancienne principauté de Piombino est rendu au prince Buoncompagni, mais celui-ci le vend à la Toscane. f) Piombino Comme on l’a vu précédemment, la principauté de Piombino est démantelée en 1801, le prince en étant dépossédé sans compensation (voir supra paragraphes Toscane et Lucques). La partie continentale est attribuée au royaume d’Étrurie, puis elle en est détachée en 1805 pour être rattachée à Lucques au profit d’Elisa Bacciochi, sœur de Napoléon. Rendue en 1815 à son prince, de la maison de Buoncompagni, elle est vendue par celui-ci à la Toscane. La partie insulaire (deux tiers occidentaux de l’île d’Elbe) est attribuée à la France, réunifiée avec le tiers oriental (anciennement napolitain), l’île d’Elbe étant attribuée en 1814 à Napoléon, puis en 1815 à la Toscane (voir infra). g) France italienne De 1799 à 1814, au mépris de la théorie des frontières naturelles naguère prônée par les révolutionnaires français, la France annexe peu à peu le nord-ouest de l’Italie, de Turin à Rome. L’autoritarisme croissant de Napoléon et la nécessité de lutter toujours plus contre l’Angleterre par le blocus continental expliquent cette croissance déraisonnable de l’Empire français. Les territoires annexés sont départementalisés et administrés « à la française », avec introduction de la législation, des méthodes et du personnel de gouvernement de l’Empire.
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Les États existants La chronologie de formation de la France italienne, de 1799 à 1809, est la suivante : – Piémont (6 départements), en 1799/1802 ; – Ligurie (3 départements), en 1805, l’ensemble Piémont-Ligurie étant ramené à 8 départements : Pô, Marengo, Sesia, Doire, Stura, Montenotte, Gênes, Apennins ; – Parme en 1802 (1 département, en 1808 : Taro) ; – la Toscane en 1808 (3 départements : Arno, Méditerranée, Ombrone), augmentée de l’île d’Elbe en 1809. Par ailleurs, dès 1808, les relations entre la France et le Saint-Siège se dégradent rapidement. En avril 1808, Napoléon a annexé à son royaume d’Italie les Marches pontificales. Pour mettre un terme à cette situation, par le décret de Schœnbrunn du 17 mai 1809, Napoléon décrète l’annexion à la France du reliquat des États de l’Église, à savoir Rome, le Latium et l’Ombrie. Par sénatus-consulte du 17 février 1810, les États de l’Église annexés à la France en mai 1809 sont divisés en deux départements français : – Rome ou Tibre : Rome, Frosinone, Rieti, Tivoli, Velletri, Viterbe ; – Trasimène : Spolète, Foligno, Pérouse, Todi. Rome est proclamée deuxième ville de l’Empire, le prince héritier portera le titre de roi de Rome et il est envisagé que l’archichancelier Cambacérès y tienne une cour officielle. Au début de 1810, à son apogée, la France italienne couvre 14 départements. S’étendant le long de la Méditerranée, des Alpes jusqu’aux frontières du royaume de Naples, la continuité de son territoire est interrompue par la principauté de Lucques qui, quoique politiquement très liée à l’Empire français, en demeure juridiquement distincte. Dans cette partie de l’Italie, l’île de la Sardaigne demeure toujours aux mains du roi de Sardaigne, qui réside à Cagliari sous la protection de la flotte anglaise. La France italienne ne survivra pas à la chute de Napoléon en 1814, et sera redistribuée entre la plupart de ses anciens possesseurs, hormis les républiques de Gênes et de Lucques (voir supra). L’île d’Elbe suit un cours particulier. Le 11 avril 1814, après la première abdication de Napoléon à Fontainebleau, ce dernier signe avec l’Autriche, la Prusse et la Russie un traité de Fontainebleau qui détermine son sort et celui de l’impératrice Marie-Louise. L’île d’Elbe, avec ses dépendances, devient la principauté d’Elbe, pour attribution, à titre viager, en toute souveraineté à l’empereur Napoléon, qui garde son titre d’empereur. Après l’épisode des Cent-Jours, le 9 juin 1815, par l’acte final du congrès de Vienne, la principauté d’Elbe disparaît et est ainsi répartie : – l’île d’Elbe et la majeure partie de ses dépendances sont rattachées à la Toscane ; – la petite île de Capraïa est rattachée au royaume de Sardaigne, à titre de successeur de la république de Gênes, qui la possédait.
2. Le nord-est de l’Italie À partir du printemps de 1796, la campagne d’Italie de Bonaparte, général en chef de l’armée française envoyée contre les Sardes et les Autrichiens, est source de changements dans la péninsule. Ses victoires favorisent des révolutions dans divers États d’Italie septentrionale et lui-même, se souvenant de ses origines génoises, considère que son intérêt est d’intervenir dans un processus d’union politique de l’Italie du Nord, et de faire de celle-ci un appui pour ses ambitions personnelles face au Directoire. a) Milan et Mantoue, plus tard Transpadane Au printemps de 1796, le Milanais accueille chaleureusement les troupes françaises du général Bonaparte, qui chassent les Autrichiens. Les « patriotes » issus des milieux libéraux de Milan et de la Lombardie voient en Bonaparte un libérateur susceptible de favoriser l’unité italienne à laquelle ils aspirent. Dès l’été de 1796, Bonaparte met en place une Administration générale de la Lombardie, qui gouverne provisoirement les pays autrichiens. Les patriotes milanais voudraient procla-
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Italie mer la république, comme l’ont fait les Cispadans à Bologne. Mais le Directoire est hésitant — les avis y sont partagés — et Bonaparte ne répond pas immédiatement à leurs vœux. Ce n’est qu’en décembre 1796 que la République transpadane est proclamée. Avec Milan pour capitale, elle se compose en premier lieu des anciens duchés de Milan et de Mantoue. En mars 1797, à la suite de l’occupation française, les villes de Bergame, Brescia et Crémone se soulèvent contre la tutelle vénitienne. Les pouvoirs qui se constituent dans ces villes demandent leur rattachement à la Transpadane. Bonaparte défère à leurs vœux et décrète le rattachement à la Transpadane du Bergamasque, du Brescian et du Crémonais. En mai 1797, pour faire sentir son autorité au gouvernement cispadan qui cherchait à s’en affranchir, Bonaparte détache les provinces de Reggio et de Modène de la Cispadane et les rattache à la Transpadane, qu’il contrôle plus aisément. b) Modène et les Légations, plus tard Cispadane Le pape s’étant joint en 1793 à la coalition anti-française, la campagne victorieuse de Bonaparte en Italie le contraint à signer à Bologne un armistice en juin 1796, à la suite de l’occupation de ses légations de Ferrare et de Bologne par les troupes françaises. Bologne proclame dès ce moment la République bolonaise, dont la Constitution sera calquée sur celle de la France. Le sénat de la ville désigne une junte destinée à rédiger la Constitution, qui ne sera adoptée qu’en septembre et jamais appliquée. Un soulèvement de patriotes à Reggio (août 1796) permet à Bonaparte d’occuper le duché de Modène, abandonné par son duc, et il avalise, début octobre 1796, la proclamation d’une éphémère république de Modène et Reggio. Bonaparte suscite la réunion d’un congrès à Bologne, lequel proclame, à la fin du mois d’octobre 1796, la République cispadane, regroupant le duché de Modène et les légations pontificales de Bologne et de Ferrare. En décembre 1796, un nouveau congrès réuni à Reggio décide que la République cispadane, une et indivisible, sera le creuset de l’unité italienne. Il adopte le drapeau tricolore (vert-blanc-rouge) et met en œuvre une Constitution. Bologne aurait voulu imposer la sienne, mais des dissensions se font jour et imposent à Bonaparte le transfert du congrès à Modène (janvier 1797) ; la Constitution sera achevée en mars. Elle prévoit la division du pays en dix petits départements. Après de longues négociations, les États de l’Eglise signent à Tolentino (19 février 1797) un traité de paix avec la France, entérinant la perte d’Avignon, du Comtat Venaissin et des légations de Ferrare et de Bologne. À la suite des tergiversations pontificales, Bonaparte exige et obtient la cession supplémentaire de la Romagne à la Cispadane. Enfin, en mai 1797, Bonaparte détache les provinces de Reggio et de Modène de la Cispadane et les rattache à la Transpadane. c) Venise Dès le début de la Révolution française, Venise se montre accueillante aux émigrés et la ville est, comme de coutume, le lieu de permanentes intrigues. Lorsque Bonaparte est vainqueur en Italie, à partir de 1796, la république s’efforce de s’attirer ses bonnes grâces, en expulsant les émigrés. Mais Bonaparte, d’origine génoise et général révolutionnaire, est d’emblée hostile à cette vieille république aristocratique qui lui paraît incarner l’ordre ancien. Surtout, il pressent que, pour concrétiser ses propres ambitions, il va lui falloir, au-delà du conflit en cours, s’entendre avec l’Autriche ; or celle-ci s’inquiète de l’expansion française en Italie du Nord, qu’elle considère depuis près d’un siècle comme sa « chasse gardée ». Il faut donc lui trouver une compensation, et ce sera aux dépens de Venise, que l’Autriche convoite depuis longtemps. En mars 1797, à la suite de leur occupation par les armées françaises marchant sur Vienne, les villes de Bergame, Brescia et Crémone se soulèvent contre la tutelle vénitienne. Les pouvoirs qui se constituent dans ces villes demandent leur rattachement à la Transpadane. Bonaparte défère à leurs vœux et décrète unilatéralement le rattachement à la Transpadane du Bergamasque, du Brescian et du Crémonais, ce qui aura pour effet, par la vertu du fait accompli, d’amoindrir le territoire à offrir en monnaie d’échange à l’Autriche.
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Les États existants Les troupes françaises ayant envahi le territoire proprement autrichien, l’empereur demande la paix. Le 18 avril 1797 sont signés les préliminaires de Leoben, qui prévoient de spolier Venise, malgré son attitude de prudente neutralité. Les possessions de terre ferme seront partagées entre la future république italienne projetée par Bonaparte, pour la part comprise entre Adda et Oglio, et l’Autriche pour le reste de la Vénétie, accrue de l’Istrie et de la Dalmatie ; l’Autriche les recevra à titre de compensation pour renonciation au Milanais et aux Pays-Bas. La république de Venise, réduite à la Ville et aux îles Ioniennes, recevrait en compensation les trois légations pontificales (Bologne, Ferrare, Romagne). Au même moment, des troubles à Vérone (Pâques véronaises) et l’incident naval francovénitien du Lido donnent à Bonaparte le prétexte pour occuper la Vénétie et s’emparer de Venise (15 mai). Le doge Manin remet ses pouvoirs, l’antique république a vécu. Le 18 octobre 1797, la paix définitive entre la France et l’Autriche est signée à CampoFormio. Le démantèlement complet de Venise y est prononcé, au-delà de ce qui était prévu à Leoben : – la République cisalpine reçoit officiellement le Bergamasque, le Brescian et le Crémonais, détachés de Venise depuis le printemps, auxquels s’ajoute le reste des territoires vénitiens situés à l’ouest de l’Adige (hormis les villes de Vérone et de Legnago) ; – l’Autriche se voit attribuer la Ville et les possessions de terre ferme à l’est de l’Adige (plus Vérone et Legnago), l’Istrie vénitienne, la Dalmatie, les îles dalmates et les bouches de Cattaro ; – la France reçoit les îles Ioniennes et leurs quatre points de terre ferme d’Albanie turque. d) République cisalpine puis italienne, plus tard royaume d’Italie Au printemps de 1797, Bonaparte, général victorieux qui vient de contraindre l’Autriche à signer les préliminaires de Leoben, profite de son prestige pour remodeler l’Italie selon ses propres vues, sans tenir compte des avis du Directoire, qui n’ose le désavouer. Au début de juillet 1797, il érige la République transpadane en République cisalpine. À la fin du même mois, il réunit à la Cisalpine la Cispadane résiduelle (légations de Bologne, de Ferrare et de Romagne). La nouvelle république, capitale Milan, constitue l’amorce d’un État ayant pour vocation de rassembler l’ensemble des Italiens, en transcendant les anciennes structures politiques. À sa création, elle se compose donc des provinces suivantes : – Milanais, Mantouan, Bergamasque, Brescian, Crémonais, Modénais, Reggio, provenant de l’ancienne Transpadane ; – Bolonais, Ferrarais, Romagne, provenant de l’ancienne Cispadane. Les Français vont doter la Cisalpine de deux Constitutions successives, mais la réalité des pouvoirs restera entre leurs mains, d’abord celles de Bonaparte, puis celles de ses successeurs civils et militaires. Les habitants de la Valteline s’étant insurgés contre leurs maîtres des Grisons, ils sollicitent la médiation de Bonaparte, qui décrète en octobre 1797 le rattachement à la Cisalpine de la Valteline, de Bormio et de Chiavenna. Puis, le 18 octobre 1797, à Campo-Formio (voir supra), la Cisalpine se voit confirmée dans la possession du Bergamasque, du Brescian et du Crémonais, auxquels on ajoute le reste des territoires vénitiens à l’ouest de l’Adige. Le duc de Modène, dépouillé de ses États, reçoit le Brisgau que lui cède l’Autriche. La période des Treize Mois (mai 1799-juin 1800) voit la Cisalpine évacuée par les troupes françaises, le retour des Autrichiens suivi de persécutions à l’encontre des patriotes milanais, puis le retour en Italie du premier consul Bonaparte qui vainc les Autrichiens (Marengo) et restaure la République cisalpine. En septembre 1800, la Cisalpine s’accroît du Novarais, détaché par Bonaparte du Piémont redevenu français.
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Italie Le 9 février 1801, le traité de Lunéville met fin à l’état de guerre entre la France et l’Autriche. La République cisalpine y est officiellement reconnue et l’Autriche lui cède en outre : – Vérone et son proche territoire, plus Legnago, sur la rive droite de l’Adige ; – la Polésine (région anciennement vénitienne entre bas Adige et bas Pô). En mai 1801, la Cisalpine est divisée, « à la française », en 14 départements : Adda (Sondrio), Agogna (Novare), Lario (Côme), Olona (Milan), Serio (Bergame), Mella (Brescia), Haut-Pô (Crémone), Mincio (Mantoue), Adige (Vérone), Crostolo (Reggio), Panaro (Modène), Bas-Pô (Ferrare), Reno (Bologne) et Rubicon (Cesena). Bonaparte entend réorganiser le gouvernement de la Cisalpine pour en faire un instrument docile. Il fait préparer une Constitution centralisée, dotée d’un président de la République, et convoque à Lyon en janvier 1802 une Consulte de représentants cisalpins. Celle-ci adopte la Constitution, élit Bonaparte président, lequel change le nom du pays en République italienne, laissant fallacieusement espérer aux Cisalpins que leur pays devienne le creuset de l’unité italienne. Melzi d’Eril devient vice-président. Le gouvernement de la République entreprend d’uniformiser l’administration du pays, fait de morceaux divers, en s’inspirant de l’exemple français. Conséquence directe de la transformation de la République française en Empire, la République italienne devient en mars 1805 royaume d’Italie, dont le roi, proclamé à Paris le 17 mars, sera Napoléon Ier. Après lui, les deux couronnes de France et d’Italie devront être séparées. Le 26 mai 1805, Napoléon vient à Milan ceindre la couronne de fer ; le 7 juin, il institue une vice-royauté en faveur d’Eugène de Beauharnais, décevant les Italiens qui lui suggéraient Melzi d’Eril pour cette dignité ; ce dernier recevra en compensation la charge de chancelier du royaume. Dans le nouveau royaume, qui compte 3,8 millions d’habitants, la francisation des institutions et des méthodes de gouvernement se poursuit, même si le personnel d’administration demeure très majoritairement italien. Milan est dotée de nombreux monuments et institutions dignes de son rôle de capitale du royaume. Les hostilités ayant repris avec l’Autriche à l’automne de 1805, à la suite de sa victoire d’Austerlitz, Napoléon Ier impose à celle-ci le traité de Presbourg (26 décembre 1805). Entre autres décisions, l’Autriche cède à la France, qui les occupe militairement et les rétrocède au royaume d’Italie, les possessions vénitiennes acquises par elle à CampoFormio et à Lunéville (Vénétie, Istrie, Dalmatie et Cattaro). Eugène de Beauharnais est nommé gouverneur général de la Vénétie, qui garde temporairement ses neuf anciennes provinces : Duché, Padouan, Vicentin, Véronais, Bellunois, Marche trévisane, Frioul, Istrie, Dalmatie. Désormais, l’ensemble du nord-est de la péninsule est englobé dans le royaume d’Italie. En mars 1806, l’ancien petit duché de Massa et Carrare, incorporé avec Modène dans le royaume d’Italie, en est détaché pour arrondir la principauté de Lucques et Piombino. Le royaume d’Italie perd ainsi son accès à la mer Tyrrhénienne. En mai 1806, la Vénétie, devenue italienne à Presbourg, est administrativement incorporée dans le royaume d’Italie, sous forme de sept nouveaux départements : Bacchiglione (Vicence), Brenta (Padoue), Adriatique (Venise), Piave (Bellune), Tagliamento (Trévise), Passeriano (Udine), Istrie (Capodistria). La Dalmatie reste non départementalisée, gouvernée par un provéditeur général résidant à Zara. Les bouches de Cattaro ne peuvent être occupées, par suite d’une forte résistance russo-monténégrine. Le royaume d’Italie compte désormais 21 départements. En juillet 1806, Pauline Borghèse vend au royaume d’Italie le petit duché de Guastalla, qu’elle avait reçu en apanage de son frère Napoléon en mars de la même année. Le 7 juillet 1807, à la paix de Tilsitt signée entre la France et la Russie, la Russie restitue les bouches de Cattaro au royaume d’Italie.
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Les États existants Le territoire de Trieste, resté autrichien à Presbourg, entravait les relations terrestres entre Vénétie et Istrie italiennes. Le 10 octobre 1807, par l’acte explicatif de Fontainebleau, l’Autriche cède au royaume d’Italie la rive droite de l’Isonzo, en échange du petit comté de Monfalcone, enclave italienne (vénitienne) que l’Autriche avait rendue à Presbourg ; cela a pour effet de réduire la longueur du hiatus autrichien. D’autre part, pour assurer de facto une continuité terrestre entre les royaumes d’Italie et de Naples, les Français occupent les Marches pontificales (Ancône, Urbin). Le 30 janvier 1808, par décret, le général Marmont, gouverneur militaire de la Dalmatie, supprime l’existence de la république de Raguse et l’incorpore en mars à la Dalmatie italienne. Le 2 avril 1808, par décret impérial pris à Saint-Cloud, les Marches pontificales sont rattachées au royaume d’Italie, dont elles vont former les trois départements du Metauro (Ancône), du Musone (Macerata) et du Tronto (Fermo). Le royaume d’Italie compte alors 24 départements. La France, une nouvelle fois victorieuse de l’Autriche à Wagram, lui impose le traité de Schœnbrunn (14 octobre 1809). L’Autriche lui cède d’importants territoires en Illyrie : moitié de Carinthie, Carniole, Trieste, Istrie autrichienne, partie de Croatie. Le même jour, Napoléon détache du royaume d’Italie la partie rive droite de l’Isonzo (acquise en 1807), l’Istrie italienne, la Dalmatie et les bouches de Cattaro, pour les agréger aux provinces précitées et former les Provinces Illyriennes de l’Empire français. Le royaume d’Italie, perdant le département d’Istrie, se voit ramené à 23 départements. Par le traité de Paris du 28 février 1810, signé entre la France et la Bavière, en contrepartie de divers territoires allemands gagnés par elle, la Bavière cède au royaume d’Italie le Trentin et le sud du Tyrol méridional (jusqu’à une ligne passant au nord de Botzen). Napoléon y ajoute la baronnie de Rhæzuns, dans les Grisons, qu’il s’est fait céder à Schœnbrunn par l’Autriche, à titre de pays réservé. Ces territoires sont constitués en département du Haut-Adige (Trente) et le royaume d’Italie compte de nouveau 24 départements. L’effondrement de l’Europe napoléonienne entraîne le retrait des Français en avril 1814 et le démantèlement du royaume d’Italie. Le 9 juin 1815, par l’acte final du congrès de Vienne : – le Trentin et le sud du Tyrol méridional sont restitués à l’Autriche ; – la baronnie de Rhæzuns est attribuée à la Suisse ; – le Novarais est rendu au royaume de Sardaigne ; – les duchés de Modène et de Guastalla (à Parme) sont restaurés ; – les anciennes Légations pontificales (Bologne, Ferrare, Romagne) et les Marches sont rendues aux États de l’Église, qui sont eux-mêmes restaurés. Le reste du royaume d’Italie (Lombardie, Vénétie) est constitué en royaume Lombard-Vénitien, lié par union personnelle à l’empire d’Autriche, mais administrativement séparé de ce dernier et placé hors de la nouvelle Confédération germanique. L’empereur y est représenté par un vice-roi séjournant alternativement à Milan, la capitale, l’été, et à Venise l’hiver. L’italien y est langue officielle et l’administration est assurée par des Italiens. Le royaume Lombard-Vénitien est divisé en deux gouvernements et dixsept délégations : – gouvernement de Milan (ou des provinces lombardes) : délégations de Milan, Côme, Sondrio (Valteline), Pavie, Lodi, Bergame, Brescia, Crémone et Mantoue ; – gouvernement de Venise (ou des provinces vénitiennes) : délégations de Venise, Padoue, Vicence, Vérone, Rovigo (Polésine), Trévise, Bellune et Udine (Frioul).
3. Le sud de l’Italie Si la Révolution française est bien accueillie dans quelques milieux « éclairés » du royaume des Deux-Siciles, la famille royale lui montre dès le début une hostilité, qui ne fait que croître à mesure des avanies que la Révolution fait subir au roi et à la reine de France — le roi Ferdinand IV est cousin éloigné de Louis XVI, la reine Marie-Caroline, une Habsbourg, est sœur de Marie-Antoinette.
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Italie Les Deux-Siciles se joignent en 1793 à la coalition contre la France, mais l’éloignement des théâtres d’opérations fait que le royaume parvient à se sortir de cet état sans trop de dommages, la France victorieuse ne lui imposant que des contributions financières à la conclusion de la paix à Paris (10 octobre 1796). En février 1798 se produit au voisinage du royaume un événement inouï qui indigne les Deux-Siciles : une République romaine est proclamée à Rome et le pape est déporté en France. En juin 1798, la République romaine vend ses enclaves de Bénévent et de PonteCorvo au royaume des Deux-Siciles. En novembre 1798, sur les conseils de l’Autriche et de la Grande-Bretagne, le royaume des Deux-Siciles envahit le territoire de la République romaine, dans le dessein de restaurer le pape. Dès décembre 1798, les troupes françaises du général Championnet sont victorieuses des armées napolitaines et leur contre-offensive les mène jusqu’aux portes de Naples, tandis que le roi et la cour se replient à Palerme. Sur instruction du Directoire, le commissaire civil Faipoult prévoyait le maintien du royaume. Mais le général Championnet force le destin : il occupe Naples et attise les jacobins napolitains, qui proclament le 26 janvier 1799 la République parthénopéenne (ou napolitaine). Celle-ci se dote d’une Constitution très révolutionnaire. La période des Treize Mois (mai 1799-juin 1800), durant laquelle les Français cèdent temporairement la place aux Austro-Russes en Italie, se traduit à Naples par le retrait des troupes françaises (mai 1799), la restauration du royaume des Deux-Siciles, le retour du roi et de la cour à Naples, la répression contre les républicains, la participation au combat contre la France des troupes napolitaines, qui sont défaites, et finalement le maintien du royaume. Le 29 mars 1801, la paix est rétablie entre la France et les Deux-Siciles par le traité de Florence. Sur intervention du tsar de Russie, le royaume des Deux-Siciles est officiellement restauré, mais il cède à la France les présides de Toscane et la partie napolitaine (tiers oriental) de l’île d’Elbe. De plus, il abandonne à la France ses droits de suzeraineté sur la principauté de Piombino, dont le prince est dépossédé et que Bonaparte incorpore au nouveau royaume d’Étrurie. En juin 1802, sur intervention de la France soutenant les revendications pontificales, les Deux-Siciles restituent Bénévent et Ponte-Corvo aux États de l’Église. Le royaume des Deux-Siciles adhère dès septembre 1805 à la coalition anti-française. Après sa victoire d’Austerlitz, Napoléon décrète à Schœnbrunn que « la dynastie de Naples a cessé de régner ». Les Français envahissent le royaume des Deux-Siciles et s’emparent de Naples (février 1806) que le roi et la cour ont de nouveau quittée pour Palerme. Le 30 mars 1806, Napoléon nomme son frère Joseph roi de Naples. Les Bourbons ne règnent plus que sur la Sicile, sous la protection de la marine anglaise ; ils s’efforceront, sans succès, de reprendre par la force la partie péninsulaire de leur royaume. Le nouveau roi Joseph s’efforce de moderniser la législation et l’administration d’un pays resté jusqu’ici très arriéré. Il abolit le régime féodal, mais l’application de cette décision sera très lente, il prépare une Constitution, calquée sur celle du royaume d’Italie, qui ne sera promulguée qu’en 1808. Il réforme les institutions administratives et judiciaires. En 1806, une légère retouche est opérée dans la répartition administrative des provinces (intendances) du royaume de Naples. La ville de Naples devient une nouvelle intendance distincte de la Terre de Labour, l’Abruzze ultérieure est scindée en Abruzze ultérieure Ire et Abruzze ultérieure IIe, la Molise est intégrée dans la Capitanate. Le royaume de Naples est donc divisé en 13 intendances : Naples, Terre de Labour (Sainte Marie Majeure, plus tard Caserte), Principauté citérieure (Salerne), Principauté ultérieure (Avellino), Abruzze citérieure (Chieti), Abruzze ultérieure Ire (Teramo), Abruzze ultérieure IIe (Aquila), Capitanate (Foggia), Terre de Bari (Bari), Terre d’Otrante (Lecce), Basilicate ou Matera (Potenza), Calabre citérieure (Cosenza), Calabre ultérieure (Monteleone). Par ailleurs, les enclaves de Bénévent et de Ponte-Corvo subsistent au sein du royaume de Naples, mais elles sont en juin 1806 érigées en principautés souveraines au profit de Talleyrand (Bénévent) et de Bernadotte (Ponte-Corvo).
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Les États existants En juin 1808, Joseph, roi de Naples, est nommé roi d’Espagne par son frère Napoléon, qui le remplace sur le trône de Naples par Joachim Murat, ancien grand-duc de Berg. En août 1810, le deuxième fils du roi Joachim, le prince Lucien Murat, devient prince de Ponte-Corvo, en remplacement de Bernadotte devenu prince royal de Suède. Longtemps fidèle soutien de son beau-frère Napoléon, Joachim Murat, voyant pâlir l’étoile de celui-ci, entame des négociations avec ses ennemis dans l’espoir de sauver son propre trône. Signant en janvier 1814 un traité avec l’Autriche, puis en février avec la Grande-Bretagne, il abandonne la cause française et s’allie aux coalisés, qui lui ordonnent d’attaquer les troupes italiennes d’Eugène de Beauharnais. En juin 1814, profitant de la période d’anarchie qui agite la péninsule, Murat s’empare de Bénévent et de Ponte-Corvo et les annexe au royaume de Naples. Durant l’hiver de 1814-1815, le congrès de Vienne, dans un premier temps, confirme le maintien de Joachim Murat sur le trône de Naples, en dépit des protestations de Louis XVIII. Mais en mars 1815, à la suite du retour en France de Napoléon, Murat rallie le camp français et, par la déclaration de Rimini, appelle de ses vœux l’unité italienne. Il est vaincu en mai et déchu de son trône. Par l’acte final du congrès de Vienne (9 juin 1815), le royaume de Naples est restitué à la dynastie de Bourbon-Sicile, qui se réinstalle à Naples. Le royaume des Deux-Siciles est reconstitué, mais il rend Bénévent et PonteCorvo aux États de l’Église et renonce définitivement à ses anciennes possessions de Toscane (tiers de l’île d’Elbe, Présides, suzeraineté sur Piombino). Le royaume est administrativement unifié par abolition de la distinction traditionnelle entre royaumes de Naples et de Sicile.
IV. L’Italie sous influence autrichienne (1815-1860) En 1815, au sortir de la tourmente révolutionnaire puis napoléonienne, l’Italie retrouve une structure plus traditionnelle et les souverains dépossédés retrouvent leur trône, avec quelques variantes. En revanche, les trois antiques républiques aristocratiques ne sont pas restaurées, l’air du temps étant à la forme monarchique du pouvoir : Venise est sacrifiée à l’Autriche, Gênes au roi de Sardaigne, Lucques aux Bourbons-Parme, que l’on a installés là pour laisser place à Parme à Marie-Louise. L’Autriche domine la péninsule : directement par ses possessions du Lombard-Vénitien et de Parme, moins directement par ses secundogénitures de Toscane et de Modène, indirectement enfin par le soutien sans faille qu’elle apporte à la papauté et les conventions d’aide passées avec les Bourbons. Le système de Metternich, tout soucieux d’équilibre et de stabilité, a remplacé celui de Napoléon. Il n’éprouvera guère de difficultés à réprimer les troubles de Naples (1822), ni ceux d’Émilie et de Romagne (1831-1832). Cependant, en 1848-1849, l’agitation politique en Italie même, les événements de France puis d’Europe centrale entraîneront des révolutions à Venise, à Milan, à Parme, à Modène, à Florence et à Rome, une guerre malheureuse de la Sardaigne contre l’Autriche, puis le rétablissement du statu quo ante, sans modification territoriale. En 1815, la nation italienne se trouve répartie, sur un plan politique, de la manière suivante : – le royaume de Sardaigne, reconstitué au profit de la maison de Savoie ; il comprend la Sardaigne, le Piémont et le territoire de la république de Gênes, avec l’île de Capraïa ; hors d’Italie, il recouvre le comté de Nice et la Savoie ; – la France, qui conserve l’île de Corse (voir chapitre France) ; – la principauté de Monaco restaurée, qui devient vassale du roi de Sardaigne (voir chapitre Monaco) ; – la Confédération helvétique, qui conserve ses territoires italiens (canton du Tessin, Val Poschiavo), à l’exception de la Valteline, définitivement perdue (voir chapitre Suisse) ; – l’Autriche, qui réintègre dans son empire le Trentin, le Tyrol méridional, le Triestin et l’Istrie, le tout compris dans la nouvelle Confédération germanique (dans le cas de l’Istrie, seulement l’ancienne partie autrichienne) ;
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Italie – le royaume Lombard-Vénitien, possession de l’empereur d’Autriche, mais hors de la Confédération germanique, et qui comprend le Milanais, le Mantouan, la Valteline, la Lombardie anciennement vénitienne, la Vénétie et le fragment des Légations au nord du Pô ; – le duché de Parme et Plaisance, de nouveau augmenté de Guastalla, donné à l’impératrice Marie-Louise ; – le duché de Modène, secundogéniture de la maison d’Autriche, rendu à François IV d’Autriche-Este, petit-fils du défunt duc Hercule III d’Este ; – le duché de Massa et Carrare, considérablement agrandi, détaché de Modène à titre viager pour la duchesse-mère Marie-Béatrice d’Este ; – le duché de Lucques, sans Massa-Carrare ni Piombino, constitué au profit des Bourbons-Parme ; – le grand-duché de Toscane, secundogéniture de la maison d’Autriche, rendu à Ferdinand III de Habsbourg, avec les enclaves de Pontremoli et de Fivizzano, désormais séparées par un saillant de Massa-Carrare, et de Pietrasanta ; il est augmenté de Piombino (vendu à la Toscane par son prince Buoncompagni remis dans ses droits en 1815), des présides de Toscane et de l’île d’Elbe ; – la république de Saint-Marin, préservée (voir chapitre Saint-Marin) ; – les États de l’Église, restaurés dans leur situation d’avant 1796, sauf le fragment des Légations au nord du Pô, mais avec les enclaves de Bénévent et de Ponte-Corvo ; ils perdent hors d’Italie Avignon et le Comtat Venaissin (voir chapitre Vatican) ; – le royaume des Deux-Siciles, reconstitué au profit des Bourbons, qui perd définitivement les présides de Toscane, le tiers de l’île d’Elbe et la suzeraineté sur Piombino.
1. Le royaume de Sardaigne Le roi Victor-Emmanuel Ier, après son retour à Turin en mai 1814, rétablit toutes les anciennes institutions du royaume. En 1820, il refuse de cautionner un mouvement armé sarde de soutien apporté — à l’initiative de Charles-Albert, prince de Savoie-Carignan — à la révolution de Naples et aux troubles de Milan, et il abdique en mars 1821 en faveur de son frère Charles-Félix. Ce dernier maintient pendant dix ans l’ordre établi dans les États sardes, assorti d’une stricte neutralité à l’égard des mouvements nationalistes italiens dirigés contre l’Autriche. En 1821, l’organisation du royaume, qui couvre une superficie d’environ 75 000 km2 pour plus de 4 millions d’habitants, est réformée en dix intendances générales : Turin, Coni, Alexandrie, Novare, Aoste, Nice, duché de Gênes, duché de Savoie, Cagliari, Sassari. En 1831, à la mort de Charles-Félix, son cousin Charles-Albert, exilé pendant dix ans, lui succède au trône de Sardaigne. Il maintient longtemps l’attitude de neutralité de son prédécesseur vis-à-vis des mouvements revendicatifs en Italie, mais entreprend de réformer l’administration du royaume (réforme judiciaire, administration locale) et de hâter la modernisation de l’économie (réforme agraire, construction des premiers chemins de fer, etc.). En 1842, la répartition administrative du royaume est redéployée en 14 intendances générales, à savoir : Turin, Chambéry, Annecy, Ivrée, Novare, Verceil, Coni, Alexandrie, Nice, Savone, Gênes, Cagliari, Nuoro, Sassari. En 1848, l’agitation politique en Italie même, les événements de France puis d’Europe centrale entraînent des révolutions dans diverses villes d’Italie, tandis qu’en Sardaigne le roi Charles-Albert pense pouvoir profiter de la situation pour œuvrer à l’unification italienne en chassant les Autrichiens de la péninsule. Battu à Novare (mars 1849) par les troupes autrichiennes du maréchal de Radetzky, il abdique en faveur de son fils VictorEmmanuel II et la Sardaigne évite de justesse une amputation territoriale. Les villes de Menton et de Roquebrune, révoltées contre le prince de Monaco, se déclarent villes libres sous la protection de la Sardaigne. Le nouveau roi de Sardaigne va régner sous l’empire d’une Constitution, qui met fin à l’absolutisme dans le pays. Entreprenant et pourvu de savoir-faire politique, il va cristalliser les espoirs des patriotes italiens, écrasés par la reprise en main opérée dans les autres États après les révolutions de 1848. Le pape Pie IX ayant déçu en 1848 les espérances des natio-
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Les États existants nalistes, c’est désormais le royaume de Sardaigne — le seul pays qui n’apparaisse pas inféodé à l’Autriche — qui semble destiné à devenir le creuset de l’unité italienne. Le roi appelle au gouvernement le comte Cavour, qui va en dix ans achever la modernisation du pays, accroître la valeur de l’armée sarde et, par son entregent diplomatique, réaliser l’unité italienne dont il sera le véritable artisan. Il bénéficiera, pour ce faire, de l’aide décisive que lui apportera l’empereur Napoléon III, dont il obtient l’appui en participant à la guerre de Crimée (1853-1856), puis en faisant jouer le capital de sympathie dont jouit la cause de l’unité italienne auprès du souverain français. En septembre 1858, lors de l’entrevue de Plombières, la France promet son appui à la Sardaigne sur la base d’une extension du royaume à l’ensemble des territoires italiens situés au nord des Apennins, contre la cession à la France de Nice et de la Savoie ; le centre de l’Italie (Toscane, Ombrie, Marches) devrait constituer un autre royaume, les Deux-Siciles subsisteraient et le pape, qui ne conserverait que l’antique Patrimoine de saint Pierre, présiderait une nouvelle Confédération italienne rassemblant les quatre États. La guerre ayant éclaté au printemps de 1859 avec l’Autriche, en juin les victoires francosardes de Magenta et de Solférino entraînent le soulèvement des populations contre leurs souverains à Parme, à Modène, à Bologne et à Florence. L’empereur Napoléon III signe avec l’empereur François-Joseph d’Autriche les préliminaires de Villafranca (12 juillet). Au traité de Zurich (10 novembre 1859), l’Autriche cède la Lombardie (sauf Mantoue) à la France, qui la rétrocède aussitôt à la Sardaigne, la limite entre Lombardie et Vénétie étant fixée au Mincio (en amont de Mantoue), laissant à l’Autriche les places fortes du Quadrilatère (Vérone, Peschiera, Mantoue, Legnago). Le traité prévoit aussi une confédération italienne présidée par le pape, dont la Sardaigne aurait été membre, mais cette construction politique, vite dépassée par les événements, ne se concrétisera jamais. Le royaume de Sardaigne passe ainsi à 22 provinces par adjonction aux 14 intendances générales sardes de 8 des 9 anciennes délégations lombardes : Milan, Sondrio, Côme, Bergame, Brescia, Pavie, Lodi et Crémone. Le nombre de provinces est ramené à 17 par disparition de certaines petites provinces : Turin, Novare, Coni, Alexandrie, Gênes, Nice, Chambéry, Annecy, Cagliari, Sassari, Pavie, Milan, Côme, Sondrio, Bergame, Brescia, Crémone. Les populations de Toscane et d’Émilie (Parme, Modène, Légations) refusent le retour de leurs anciens gouvernements et réclament l’unité italienne. Les plébiscites qui y sont organisés le 12 mars 1860 confirment leur rattachement au royaume de Sardaigne. D’autre part, par le traité de Turin (24 mars 1860), la France obtient, en récompense de son aide, la Savoie et le comté de Nice cédés par la Sardaigne, sous réserve de plébiscites qui, organisés les 15 et 16 avril à Nice, les 21 et 22 avril en Savoie, confirment la cession. Toutefois, dans le comté de Nice, les crêtes des Alpes (communes de Tende et de La Brigue, crêtes de La Vésubie et de la Tinée) sont laissées à la Sardaigne, au titre de « territoires de chasse » du roi. La Sardaigne passe alors de 17 à 31 provinces, par la perte de 2 provinces cédées à la France (Chambéry et Annecy) — le comté de Nice cédé à la France étant détaché de la province sarde du même nom, laquelle est alors rebaptisée Port-Maurice — et le gain de 16 provinces émiliennes et toscanes : – région Émilie : 2 provinces provenant de Parme (duchés de Parme, de Plaisance), 2 provenant de Modène (duchés de Modène, de Reggio), 4 provenant des États de l’Église (légations de Bologne, Ferrare, Ravenne et Forli) ; – région Toscane : 1 province provenant de Modène (duché de Massa et Carrare), 7 provinces provenant de Toscane (duché de Lucques, compartiments de Florence, Livourne, Pise, Arezzo, Sienne, Grossetto). À la suite de l’expédition des Mille (Garibaldi) en Sicile en mai 1860, suivie de la marche victorieuse sur Naples abandonnée par le roi François II (septembre 1860), les populations des Deux-Siciles votent en octobre 1860 leur rattachement au royaume de Sardaigne, effectif le 17 décembre 1860.
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Italie Au même moment, d’autres plébiscites en Ombrie et dans les Marches pontificales décident leur rattachement à la Sardaigne (17 décembre 1860). Enfin, les enclaves pontificales de Bénévent et de Ponte-Corvo sont incorporées dans le royaume. Le royaume de Sardaigne passe alors de 31 à 59 provinces, par l’adjonction de 6 provinces pontificales et de 22 provinces des Deux-Siciles : – États pontificaux : Ancône, Macerata, Ascoli, Urbin-et-Pesaro, Pérouse, Bénévent ; – Deux-Siciles : Naples, Caserte, Salerne, Avellino, Campo-Basso, Chieti, Teramo, Aquila, Foggia, Bari, Lecce, Potenza, Cosenza, Catanzaro, Reggio, Messine, Palerme, Trapani, Agrigente, Caltanisetta, Syracuse, Catane.
2. Le royaume Lombard-Vénitien Proclamé par l’Autriche le 16 avril 1815, le royaume Lombard-Vénitien n’est pendant un demi-siècle qu’un appendice de l’empire, dont le seul mérite est de se trouver en dehors de la Confédération germanique. Pour le reste, le régime autrichien y est appliqué dans toute sa rigueur, les velléités d’indépendance sont durement réprimées par Metternich et les institutions de l’ancien royaume d’Italie sont abolies. Gouverné par un vice-roi qui représente l’empereur d’Autriche, il va servir de point d’appui à l’asservissement de l’Italie par le gouvernement du chancelier Metternich. Le royaume est pourtant économiquement prospère, l’un des plus riches États de l’Italie avec le royaume de Sardaigne. Le Lombard-Vénitien couvre de l’ordre de 45 000 km2 pour environ 5 millions d’habitants, dont 20 000 km2 et 2,5 millions pour le gouvernement de Milan, 25 000 km2 et 2,5 millions pour celui de Venise. Il est subdivisé en dix-sept délégations : – gouvernement de Milan (ou des provinces lombardes) : délégations de Milan, Côme, Sondrio (Valteline), Pavie, Lodi, Bergame, Brescia, Crémone et Mantoue ; – gouvernement de Venise (ou des provinces vénitiennes) : délégations de Venise, Padoue, Vicence, Vérone, Rovigo (Polésine), Trévise, Bellune et Udine (Frioul). Les événements révolutionnaires de 1848 ont un profond retentissement dans le Lombard-Vénitien, particulièrement la chute de Metternich à Vienne ; le 18 mars à Milan, une insurrection éclate et un gouvernement provisoire se met en place ; le 22 mars à Venise, Manin soulève la population. Toutes les villes du royaume se révoltent à leur suite. Le roi Charles-Albert de Sardaigne prend l’offensive contre l’Autriche, mais sa défaite de Novare (mars 1849) sonne le glas des espérances et l’insurrection est réprimée. À Venise, où la république avait été proclamée, la résistance à l’Autriche dure jusqu’au 25 août. Une nouvelle répression s’abat sur le pays. En 1859 (voir supra), la guerre entre les Autrichiens et les Franco-Sardes se traduit par la défaite de l’Autriche à Magenta et Solférino (juin) et, au traité de Zurich (10 novembre 1859), l’Autriche cède la Lombardie (hormis Mantoue) à la France, qui la rétrocède aussitôt à la Sardaigne, la limite entre Lombardie et Vénétie étant fixée au Mincio, laissant à l’Autriche les places fortes du Quadrilatère (Vérone, Peschiera, Mantoue, Legnago). Désormais amputé de 8 de ses 9 délégations du gouvernement de Milan, le LombardVénitien, dont la capitale est transférée à Venise, ne comporte plus que 9 délégations, les 8 de l’ancien gouvernement de Venise et celle de Mantoue.
3. Le duché de Parme Le duché de Parme et Plaisance, de nouveau augmenté de Guastalla, est donc, depuis avril 1814, reconstitué au profit de l’impératrice Marie-Louise, tandis que les BourbonsParme sont transférés à Lucques. Quelques fractions du duché, situées sur rive gauche (nord) du Pô, ont été abandonnées au Lombard-Vénitien. D’une superficie de 6 200 km2 pour environ 450 000 habitants, le duché est réparti en : duché de Parme (3 provinces), duché de Plaisance (2 provinces) et, séparé, duché de Guastalla (1 province). En avril 1814, il avait été stipulé que les descendants de Marie-Louise régneraient à Parme après sa mort. Dans l’acte final du congrès de Vienne (9 juin 1815), la question de
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Les États existants la succession de Marie-Louise est rouverte, une solution devant être trouvée d’un commun accord entre les puissances. Par le traité de Paris du 10 juin 1817, il est stipulé que le duché passera, à la mort de l’impératrice Marie-Louise, à « l’infante Marie-Louise d’Espagne, son fils l’infant don Charles-Louis et leurs descendants », c’est-à-dire à la maison de BourbonParme, qui règne présentement à Lucques. En février 1831, Marie-Louise est chassée de son duché par une révolution qui éclate à Parme, à l’instar de Modène, Bologne, Ferrare, la Romagne et l’Ombrie. L’impératrice est rétablie peu après par l’armée autrichienne. L’impératrice Marie-Louise étant morte fin novembre 1847, le 17 décembre 1847 en application des traités, Charles-Louis de Bourbon-Parme, ancien roi Louis II d’Étrurie (1803-1807) et qui vient de se faire chasser (septembre) par une révolution de son duché de Lucques, devient duc de Parme sous le nom de Charles II. À cette occasion, Guastalla est de nouveau détaché de Parme et définitivement inclus dans le duché de Modène, tandis que Lucques est uni à la Toscane et que la Toscane cède à Parme son enclave de Pontremoli, bien que ses habitants aient désiré rester toscans. Le duc Charles II, ancien roi Louis II d’Étrurie chassé de Florence en 1807 par Napoléon, ancien duc Charles-Louis chassé de Lucques par une révolution, est une fois encore chassé de Parme par une révolution au début de 1848. Parme se donne à la Sardaigne. Charles II abdique le 14 mars en faveur de son fils Charles III. Celui-ci rentre à Parme (mai 1849) sous la protection de l’Autriche. Son fils Robert lui succède en 1854. En 1859, la victoire franco-sarde de Magenta (4 juin) provoque la fuite du duc Robert de Parme le 9, tandis que se forme un gouvernement provisoire. Le traité de Zurich (10 novembre) prévoit la restauration du duché dans une confédération italienne présidée par le pape ; cette combinaison politique ne verra jamais le jour. Après le plébiscite du 12 mars, le duché de Parme est rattaché le 19 mars 1860 au royaume de Sardaigne, dont il suivra désormais le destin.
4. Le duché de Lucques Dans l’acte final du congrès de Vienne, en date du 9 juin 1815, il est stipulé que la principauté de Lucques — sise sur le territoire de l’ancienne république — est érigée en duché au profit de l’infante Marie-Louise, l’ancienne reine d’Étrurie, et de son fils Charles-Louis, l’ancien roi Louis II d’Étrurie. Le duc Charles-Louis, de la maison de Bourbon-Parme, n’a pu recouvrer le duché de Parme, car celui-ci a été attribué en 1814 à l’impératrice Marie-Louise et à ses descendants. Mais l’acte final du 9 juin a rouvert la question de la succession de l’impératrice dans le duché de Parme. On pressent déjà que les Bourbons-Parme pourraient en être les bénéficiaires, car il est stipulé que le duché de Lucques — qu’ils viennent de se voir attribuer — sera rétrocédé au grand-duc de Toscane en cas d’extinction des BourbonsParme, mais aussi au cas où ils obtiendraient « un autre établissement ». Et, de fait, par le traité de Paris du 10 juin 1817, il est stipulé que le duché de Parme passera, à la mort de l’impératrice Marie-Louise, à « l’infante Marie-Louise d’Espagne, son fils l’infant don Charles-Louis et leurs descendants », c’est-à-dire à la maison de Bourbon-Parme. Pendant trente années, la vie du petit duché se passe sans événements notables mais, vers la fin des années 1840, l’Italie entière est agitée d’aspirations libérales et de manifestations d’hostilité à l’Autriche et à ses protégés. En septembre 1847, une révolution éclate à Lucques pour réclamer la libéralisation du gouvernement. Le duc s’enfuit de Lucques et les insurgés demandent leur rattachement à la Toscane. Le duc Charles-Louis abdique le 5 octobre et vend son duché de Lucques au grand-duc de Toscane, se conservant seulement le titre. Deux mois plus tard, en décembre, Marie-Louise d’Autriche meurt et Charles-Louis de Bourbon-Parme peut aller régner à Parme sous le nom de Charles II. La cession de Lucques à la Toscane devient définitive. Désormais le duché de Lucques, incorporé dans la Toscane dont il constituera un « compartiment » (province), suivra le destin de cette dernière.
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Italie 5. Le duché de Massa et Carrare Le 9 juin 1815, le duché de Massa et Carrare est attribué à l’archiduchesse Marie-Béatrice d’Este, veuve de l’archiduc Ferdinand (oncle de l’empereur François Ier), et duchesse-mère du duché de Modène, qui est, lui, attribué à son fils François IV d’Autriche-Este. Le duché de Massa et Carrare, que la mère de Marie-Béatrice avait apporté en dot au duc de Modène en 1743, était passé avec Modène à la Cispadane en 1796, à la Cisalpine en 1797 et au royaume d’Italie en 1805, puis avait été détaché de ce dernier — et donc de l’ancien duché de Modène — en 1806, pour arrondir le territoire de la principauté de Lucques et Piombino. Marie-Béatrice aurait dû régner à Modène mais elle laisse la place à son fils François IV et Massa-Carrare lui est donné en compensation à titre viager ; à sa mort, il fera retour au duché de Modène. Le duché de Massa et Carrare que reçoit Marie-Béatrice est considérablement agrandi (à son échelle, qui est petite) par rapport à sa situation antérieure, par adjonction d’anciens fiefs impériaux de Toscane, prélevés sur la Lunigiane toscane et cédés à ce petit duché par le grand-duc de Toscane. Il s’étend désormais jusqu’à la crête des Apennins, s’insérant entre les enclaves toscanes de Pontremoli et de Fivizzano et à l’est de cette dernière. En 1829, à la mort de la duchesse, le duché de Massa et Carrare est réuni au duché de Modène.
6. Le duché de Modène Par l’acte final du congrès de Vienne (9 juin 1815), le duché de Modène est reconstitué dans ses composantes de Modène, Reggio et la Mirandole et rendu à François IV d’Autriche-Este, fils de l’archiduc Ferdinand d’Autriche et de Marie-Béatrice d’Este. Cependant l’ancien duché de Massa et Carrare ne lui est pas attribué, du vivant de sa mère. D’une superficie de 6 000 km2 pour environ 400 000 habitants, le duché est réparti en duché de Modène et duché de Reggio. En 1829, à la mort de Marie-Béatrice, le duché de Massa et Carrare est définitivement réuni à celui de Modène, dont il constituera une troisième province. En février 1831, le duc est chassé de sa capitale par une révolution qui y éclate, comme dans d’autres villes d’Émilie, de Romagne et d’Ombrie. Il est rétabli peu après par l’armée autrichienne. En décembre 1847, la mort de l’impératrice Marie-Louise qui régnait à Parme entraîne une simplification des États de la région. Dans ce cadre, le duché de Modène reçoit : – du duché de Parme le petit duché de Guastalla ; – du grand-duché de Toscane l’enclave de Fivizzano. Au début de 1848, les événements de France et d’Europe centrale attisent l’agitation politique en Italie. Le duc François V, fils de François IV, est chassé de Modène par une révolution. Modène se donne à la Sardaigne. Le duc François V rentre à Modène (mai 1849) sous la protection de l’Autriche. En 1859, la victoire franco-sarde de Magenta (4 juin) provoque la fuite du duc de Modène, tandis que se forme un gouvernement provisoire. Le traité de Zurich (10 novembre) prévoit la restauration du duché dans une confédération italienne présidée par le pape ; cette combinaison politique ne verra jamais le jour. Après le plébiscite du 12 mars, le duché de Modène est rattaché le 19 mars 1860 au royaume de Sardaigne, dont il suivra désormais le destin.
7. Le grand-duché de Toscane Le grand-duc Ferdinand III, frère de l’empereur François Ier, qui avait déjà régné à Florence de 1791 à 1799, avant de devoir partir pour Salzbourg, puis pour Wurtzbourg, revient en juin 1815 régner en Toscane. Le grand-duché de Toscane est reconstitué à son profit, toujours sous le statut de secundogéniture de la maison d’Autriche, en y comprenant de nouveau les enclaves de Lunigiane
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Les États existants (Pontremoli et Fivizzano), désormais réduites au profit de Massa-Carrare, et celle de Pietrasanta, ainsi que les présides de Toscane. L’île d’Elbe, attribuée en 1814 à l’empereur Napoléon, fait retour en 1815 au grand-duché. Le prince de Piombino, restauré dans ses droits en 1815, vend sa principauté au grand-duc de Toscane. Ainsi reconstitué, le grand-duché, qui couvre de l’ordre de 28 000 km2 pour environ 1,2 million d’habitants, se compose de cinq provinces, appelées compartiments : Florence, Arezzo, Sienne, Grossetto et Pise (de ce dernier dépendent les trois enclaves) ; s’y ajoutent deux gouvernements particuliers : Livourne (avec l’île de Gorgone) et Porto-Ferraïo (île d’Elbe et dépendances, sans Capraïa qui est sarde). Plus tard, ces deux gouvernements particuliers seront fusionnés en un sixième compartiment, celui de Livourne. En 1824, Ferdinand III s’éteint et lui succède son fils Léopold II. Ce dernier s’efforce d’adopter une politique libérale, dans les limites étroites tolérées par le cabinet de Vienne, et entreprend de développer l’économie du pays (premières lignes de chemins de fer, reprise des travaux d’assèchement des Maremmes, etc.). En octobre 1847, le duc Charles-Louis de Lucques, chassé de son trône par une révolution en septembre, vend son duché de Lucques au grand-duc de Toscane. En décembre 1847, à la suite du décès de l’impératrice Marie-Louise, duchesse de Parme, le rattachement de Lucques à la Toscane devient définitif. La Toscane cède alors en contrepartie Pontremoli au duché de Parme et Fivizzano à celui de Modène, en dépit du vœu de leurs habitants. Le duché de Lucques constituera désormais un septième compartiment de la Toscane. Dès le printemps de 1847, à l’imitation du pape Pie IX, le grand-duc Léopold multiplie les gestes de libéralisation de la vie publique. L’agitation politique s’en trouve confortée à Florence, encouragée aussi par les mouvements qui secouent le reste de l’Italie. Le 15 février 1848, le grand-duc octroie une Constitution et fait appel à un gouvernement libéral. Mais le 16 février 1849, une république est proclamée à Florence, tandis que le grand-duc s’enfuit à Gaète auprès du pape, lui-même détrôné de Rome. Le grand-duc est rétabli en mai 1849 par l’armée autrichienne. Par décret du 21 septembre 1850, il suspend sine die la Constitution et, oubliant son passé libéral, il exerce une répression rigoureuse avec le soutien de l’Autriche. En juin 1859, les victoires franco-sardes de Magenta et de Solférino sur l’Autriche entraînent un nouveau départ du grand-duc Léopold II, qui se réfugie à Vienne, abdiquant le 21 juillet au profit de son fils Ferdinand IV, tandis que se forme un gouvernement provisoire. Le traité de Zurich (10 novembre 1859), qui met fin aux hostilités entre l’Autriche et la coalition franco-sarde, prévoit l’institution d’une confédération italienne présidée par le pape, regroupant le roi de Sardaigne, l’empereur d’Autriche (pour la Vénétie), le grand-duc de Toscane restauré, les autres princes souverains et le roi des Deux-Siciles ; il ne sera sur ce point jamais appliqué. Après plébiscite du 12 mars 1860, le grand-duché de Toscane est rattaché, le 22 mars 1860, au royaume de Sardaigne, dont il suivra désormais le destin, lui apportant sept nouvelles provinces.
8. Le royaume des Deux-Siciles En juin 1815, le roi Ferdinand IV, qui s’était retiré depuis 1806 à Palerme, rentre donc à Naples et recommence à régner sur la partie continentale de son double royaume. Il a renoncé à toute prétention sur les présides de Toscane, le tiers oriental de l’île d’Elbe et la suzeraineté de Piombino. En 1816, pour se débarrasser de la Constitution que les Anglais lui avaient imposée en 1812 pour la Sicile, le roi décrète la fusion des administrations des deux royaumes au sein d’un royaume uni, et la distinction historique multiséculaire entre Naples et Sicile disparaît. Pour symboliser cette fusion, le roi Ferdinand IV, qui avait jusqu’alors conservé la double titulature traditionnelle de roi de Naples et roi de Sicile (il était Ferdinand III dans l’île), devient Ferdinand Ier, roi des Deux-Siciles.
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Italie Le nouveau royaume des Deux-Siciles, qui couvre de l’ordre de 120 000 km2 pour environ 8 millions d’habitants, est divisé en 22 intendances — les 13 intendances de Murat sont devenues 15 par rétablissement de la Molise et dédoublement de la Calabre ultérieure, les 3 régions de Sicile ont été redistribuées en 7 intendances : – 15 intendances pour la partie continentale : Naples, Terre de Labour (Caserte), Principauté citérieure (Salerne), Principauté ultérieure (Avellino), Abruzze citérieure (Chieti), Abruzze ultérieure Ire (Teramo), Abruzze ultérieure IIe (Aquila), Molise (CampoBasso), Capitanate (Foggia), Terre de Bari (Bari), Terre d’Otrante (Lecce), Basilicate (Potenza), Calabre citérieure (Cosenza), Calabre ultérieure Ire (Reggio), Calabre ultérieure IIe (Catanzaro) ; – 7 intendances pour la Sicile : Messine, Palerme, Trapani, Girgenti (l’actuelle Agrigente), Caltanisetta, Syracuse (remplacée par Noto en 1837), Catane. Le roi entreprend, avec l’assentiment de l’Autriche, de revenir sur un grand nombre de réformes qui avaient été mises en place dans la seconde moitié du siècle précédent par Tanucci, et une répression s’abat sur les milieux libéraux et sur les anciens partisans du roi Joachim Murat. Le royaume se couvre alors de sociétés secrètes et l’opposition se fait clandestine. En juillet 1820, à l’annonce du coup d’État de Madrid (où les révolutionnaires cherchent à obliger le roi d’Espagne à appliquer la Constitution de 1812), un soulèvement se produit dans le royaume pour exiger une Constitution, qu’octroie Ferdinand Ier sous la contrainte. Mais la Sainte-Alliance, réunie en congrès à Laybach en janvier 1821, décide de soutenir Ferdinand, qui s’est rendu sur place en laissant la régence à son fils François, et qui veut mettre un terme au mouvement de libéralisation. Une armée autrichienne, envoyée dans le royaume, vainc les Napolitains et rétablit l’ordre ancien. En 1825, son fils, François Ier, lui succède, mais il ne confirme pas les tendances libérales dont il avait fait preuve en 1820 comme régent, et poursuit la politique autoritaire de son père, tout comme son propre fils Ferdinand II à partir de 1830. En janvier 1848, un gouvernement insurrectionnel prend le pouvoir à Palerme et, conquérant l’ensemble de l’île, prononce en mars la déchéance de la maison de Bourbon. La révolte gagne ensuite Naples et Ferdinand II, effrayé, accorde une Constitution. Mais bientôt, avec l’aide de ses troupes suisses, il reprend le contrôle de Naples et, en septembre, envahit la Sicile, faisant bombarder Messine où s’étaient réfugiés les révolutionnaires (re bomba). En mai 1849, la Sicile est entièrement vaincue. Ferdinand suspend sine die la Constitution. En 1859, François II succède à son père Ferdinand. Le royaume des Deux-Siciles se tient temporairement à l’écart du mouvement unitaire qui enfièvre l’Italie. En mai 1860, Garibaldi, à la tête de ses « chemises rouges », s’empare de Palerme et bientôt du reste de la Sicile. En août, il passe le détroit et soulève les populations. Le roi François II quitte Naples pour Gaète le 6 septembre 1860 et Garibaldi prend Naples le 7. Le roi de Sardaigne, VictorEmmanuel II, s’avance vers le royaume à la tête de ses troupes. Il rencontre Garibaldi et fait son entrée dans Naples avec lui le 7 novembre. Dès le 9 octobre 1860, les populations des Deux-Siciles ont voté par plébiscite leur rattachement au royaume de Sardaigne, qui est effectif le 17 décembre 1860. Les 22 intendances du royaume deviennent provinces de l’Italie ; les 7 provinces de Sicile restent inchangées ; les 15 provinces de la partie continentale deviennent 16 en subissant les changements suivants : – la Terre de Labour, augmentée de l’enclave pontificale de Ponte-Corvo, devient la province de Caserte ; – une province de Bénévent est créée à partir de l’ancienne délégation pontificale de Bénévent et d’une partie de la Principauté ultérieure ; – la Principauté ultérieure, amputée de sa partie cédée à la province de Bénévent, devient province d’Avellino ; – les 14 autres intendances restent inchangées sur le plan territorial et deviennent provinces portant le nom de leur capitale.
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Les États existants V. L’Italie unifiée (1860-1920) 1. Le quasi-achèvement de l’unité italienne (1860-1870) En novembre 1860, la maison de Savoie, grâce à l’habileté et à la détermination du roi Victor-Emmanuel II, est parvenue à rassembler sous sa bannière la majeure partie de la péninsule italienne. Le royaume de Sardaigne est porté à la superficie de 230 000 km2, pour une population d’environ 22 millions d’habitants. Il comprend désormais 59 provinces (détail, voir supra). Le roi Victor-Emmanuel réunit à Turin en parlement les représentants de toutes les provinces, anciennes ou nouvelles, du royaume de Sardaigne, qui prend officiellement le titre de royaume d’Italie le 17 mars 1861 et affirme le principe de fixer à Rome sa capitale, tout en gardant temporairement Turin, dans l’attente de la solution de la question romaine. Mis à part des régions a priori délicates à revendiquer, comme la Corse, française depuis un siècle, Nice, qui vient d’être abandonnée à la France, les vallées italiennes de la Suisse, et le Trentin, Trieste et Goritz, depuis longtemps compris dans la mouvance germanique (Saint Empire, puis Confédération germanique), le nouveau royaume rassemble l’ensemble des pays italiens, hormis une partie des États de l’Église, autour de Rome, et la Vénétie, autrichienne. Le royaume d’Italie se fixe donc deux tâches prioritaires : achever l’unité italienne et unifier dans un ensemble harmonieux des provinces historiquement si disparates. La première tâche paraît difficile, car le pape jouit d’un grand prestige moral au sein des nations catholiques et l’empereur Napoléon III, après avoir tant fait pour la cause de l’unité italienne, ne peut prendre le risque de mécontenter son opinion publique et apporte son soutien, tant diplomatique que militaire, au maintien de la puissance temporelle de la papauté sur Rome. D’autre part, la mainmise sur la Vénétie et Mantoue ne peut guère s’opérer qu’au travers d’une nouvelle guerre avec l’Autriche. S’agissant de l’unification interne des différentes parties du royaume, un effort d’harmonisation est entrepris, dans les domaines des lois et de l’administration, tandis que des mesures sont prises dans le domaine économique, pour tenter, autant que faire se peut, d’amener le Sud au niveau de développement du Nord. L’ancienne capitale du royaume de Sardaigne, Turin, paraît à cet égard très excentrée au sein de la nouvelle configuration territoriale. Le principe affiché est de transférer la capitale à Rome, qui conserve un grand prestige lié à son passé glorieux et se trouve idéalement située au centre de la péninsule. Mais Rome est occupée par le pape et gardée par des troupes françaises. Il convient donc de temporiser et Florence, par son importance et sa situation aussi centrale, doit pouvoir constituer une solution provisoire, dans l’attente du règlement de la question romaine. Par la convention franco-italienne de Turin, signée à Paris le 15 septembre 1864, l’Italie s’engage à ne pas employer la force contre les États du Saint-Siège et, en contrepartie, la France s’engage à en retirer ses troupes dans un délai de deux ans à compter de la date de promulgation de la translation de la capitale ; celle-ci intervient le 11 décembre 1864. À cette date, Florence devient la nouvelle capitale du royaume d’Italie. La perspective de l’annexion de Rome paraissant s’éloigner, le royaume concentre ses efforts sur l’obtention de la Vénétie. Il se trouve qu’à ce moment la rivalité de la Prusse et de l’Autriche prend un tour aigu avec l’affaire des duchés danois. L’Italie se rapproche de la Prusse de Bismarck et, quand éclate en juin 1866 la guerre entre la Prusse et l’Autriche, l’Italie s’engage dans le conflit aux côtés de la Prusse. En dépit de ses deux défaites de Custozza sur terre et Lissa sur mer face à l’Autriche, l’Italie va bénéficier du fait que la Prusse, elle, vainc l’Autriche à Sadowa (3 juillet). Par la convention franco-autrichienne conclue à Vienne le 24 août 1866, l’Autriche cède à la France le Lombard-Vénitien (Vénétie et Mantoue), en vue de rétrocession ultérieure à l’Italie, sous réserve du rétablissement de la paix entre Autriche et Italie et du consentement des habitants du Lombard-Vénitien dûment consultés. Par le traité de paix du 3 octobre 1866, signé entre l’Autriche et l’Italie, l’Autriche consent à ce que le Lombard-Vénitien soit attribué à l’Italie.
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Italie Par procès-verbal signé à Venise le 19 octobre 1866, la France remet à l’Italie la Vénétie et Mantoue. À la suite de la consultation des 21 et 22 octobre, un décret royal pris à Turin le 4 novembre 1866 entérine la réunion de la Vénétie et de Mantoue à l’Italie. Le royaume d’Italie passe alors de 59 à 68 provinces, par incorporation des 8 provinces de la Vénétie : Venise, Vérone, Vicence, Bellune, Padoue, Rovigo, Trévise, Udine, et de celle de Mantoue. Enfin, la guerre franco-allemande de 1870 va constituer pour l’Italie l’occasion tant attendue de réaliser l’unité. Napoléon III ayant rappelé les troupes françaises stationnées dans les États de l’Église en raison de l’ouverture des hostilités, l’armée italienne les envahit et s’empare de Rome en septembre 1870. L’union à l’Italie est votée par les Romains le 2 octobre 1870, entérinée le 8. Le 23 décembre 1870, la capitale du royaume est transférée à Rome ; le pape s’enferme dans son palais du Vatican. Le royaume d’Italie vote le 13 mai 1871 une loi des garanties, qui, sans reconnaître la souveraineté du pape, lui reconnaît le droit à des honneurs souverains, l’inviolabilité devant les tribunaux italiens et le droit de légation, avec immunité diplomatique pour ses représentants. Par l’adjonction de la province de Rome (Latium), le royaume d’Italie, qui couvre dès lors 287 000 km2 pour environ 27 millions d’habitants, compte désormais 69 provinces, groupées en 17 régions : – Piémont : Turin, Novare, Alexandrie, Coni ; – Lombardie : Milan, Sondrio, Côme, Bergame, Brescia, Pavie, Crémone, Mantoue ; – Ligurie : Gênes, Port-Maurice ; – Vénétie : Venise, Vérone, Vicence, Bellune, Padoue, Rovigo, Trévise, Udine ; – Émilie : Bologne, Plaisance, Parme, Reggio, Modène, Ferrare, Ravenne, Forli ; – Marches : Ancône, Macerata, Ascoli, Pesaro ; – Ombrie : Pérouse ; – Toscane : Florence, Massa, Lucques, Livourne, Pise, Arezzo, Sienne, Grossetto ; – Latium : Rome ; – Abruzzes : Teramo, L’Aquila, Chieti ; – Molise : Campo-Basso ; – Campanie : Naples, Caserte, Bénévent, Salerne, Avellino ; – Pouilles : Foggia, Bari, Lecce ; – Basilicate : Potenza ; – Calabre : Cosenza, Catanzaro, Reggio ; – Sicile : Palerme, Messine, Catane, Syracuse, Agrigente, Caltanissetta, Trapani ; – Sardaigne : Cagliari, Sassari. L’unité italienne est faite. Ne manquent plus, aux yeux des patriotes italiens, que Nice et la Corse (à la France), le Trentin, Trieste, Goritz, l’Istrie et la Dalmatie (à l’Autriche).
2. Le royaume d’Italie (1870-1915) L’unité étant réalisée, reste à accomplir l’unification du royaume, tâche immense au regard des disparités provenant de la division politique très ancienne de la péninsule et des écarts importants de développement économique entre un Nord, doté d’une agriculture dynamique et qui s’industrialise de façon accélérée, et un Sud, qui demeure sous-développé avec une agriculture très peu performante (latifundia) et une quasi-absence d’industries, ce qui entraîne un chômage important et une émigration massive vers d’autres pays d’Europe (France) et surtout vers le Nouveau Monde. Sur un plan politique, tandis qu’à Victor-Emmanuel II, qui meurt en 1878, succèdent d’abord son fils Humbert Ier (1878-1900), puis son petit-fils Victor-Emmanuel III (19001946), le gouvernement du pays, issu de majorités parlementaires changeantes, est d’abord aux mains de la tendance de droite modérée héritière de Cavour (Depretis) dans les années 1880, puis passe aux tenants du « transformisme » (Crispi) dans les années 1890, avant d’être sous l’influence modératrice de Giolitti dans les quinze premières années du XXe siècle.
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Les États existants Lorsque la France s’empare en 1881 de la Tunisie, que convoitait l’Italie car beaucoup d’Italiens y étaient installés, une crise s’ensuit entre les deux pays et l’Italie se rapproche de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, concluant avec elles la Triple-Alliance (ou Triplice) dirigée contre la France et la Russie. À partir de 1885, l’Italie conquiert l’Érythrée, mais essuie une grave défaite en 1896 (Adoua) lorsqu’elle tente d’imposer son protectorat à l’Abyssinie (Éthiopie). Pour se consoler de l’occasion manquée de Tunisie, l’Italie commence à convoiter la Tripolitaine et la Cyrénaïque turques. Déclarant la guerre à la Turquie en novembre 1911, elle occupe aisément Tripoli et Benghazi en décembre, mais est impuissante à conquérir l’arrièrepays. Lors d’un mouvement naval vers les Dardanelles, les Italiens occupent les îles turques du Dodécanèse. Mais les populations de ces îles réclament leur rattachement à la Grèce. La Turquie, sentant venir l’orage des Balkans, hâte la signature de la paix à Lausanne le 18 octobre 1912. La Tripolitaine et la Cyrénaïque sont cédées à l’Italie, ainsi que l’archipel du Dodécanèse, mais à titre provisoire quant à ce dernier, l’Italie s’engageant à le restituer à la Turquie dès la fin des combats en Tripolitaine. Le maintien des troubles permet à l’Italie de conserver le Dodécanèse (détail, voir chapitre Grèce).
3. La Première Guerre mondiale et ses conséquences (1915-1920) Lorsque éclate la Première Guerre mondiale, l’Italie, bien loin de s’engager dans le conflit comme le laisse prévoir son statut de membre de la Triplice aux côtés de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, se cantonne dans une prudente neutralité, au prétexte que la France n’a pas pris l’initiative formelle du conflit. En fait, l’Italie entend profiter de la Grande Guerre pour obtenir les terres irredente détenues par l’Autriche (Trentin, Trieste, Goritz, Istrie, Dalmatie), voire la Hongrie (Fiume). À l’automne de 1914, pour la décider à se ranger aux côtés de ses alliés, l’Autriche-Hongrie, sur l’insistance de l’Allemagne, propose de lui céder le Trentin et la rive droite de l’Isonzo, mais elle réclame en plus une partie du Tyrol méridional, jusqu’à la ligne napoléonienne (de 1810) passant au nord de Botzen, et l’entier comté de Goritz et Gradisca. Les membres de la Triple Entente (France, Grande-Bretagne, Russie) lui promettent par le pacte de Londres (avril 1915) : le Trentin et l’entier Tyrol méridional, le Kanalthal, le comté de Goritz et Gradisca, Trieste, l’Istrie et un fragment de la Carniole, sans Fiume, la moitié septentrionale de la Dalmatie, avec Zara mais sans Spalato, les îles de Cherso, Lussin, Pago, Lissa, Lagosta et Pelagosa, la ville de Valona avec Saseno en Albanie, la possession définitive du Dodécanèse. L’Italie entre en guerre en mai 1915 aux côtés des Alliés. Le conflit est long et meurtrier pour l’Italie, comme pour tous les belligérants, et celle-ci doit se battre contre l’Autriche-Hongrie sur un front étendu où elle est mise en difficulté, ce qui nécessite un soutien militaire des Alliés. L’Autriche étant finalement vaincue, l’armistice est signé le 3 novembre 1918 à Villa Giusti (Padoue). Lors des négociations de paix, les Alliés seraient disposés à appliquer les promesses du traité de Londres de 1915, mais les États-Unis, en la personne de leur président Woodrow Wilson, présent aux négociations de Paris, vont compliquer le jeu. Le président, qui refuse d’emblée de tenir compte des traités préalablement signés, a précisé dans son discours des Quatorze Points (8 janvier 1918) que l’Italie devrait obtenir des gains territoriaux compatibles avec le principe des nationalités. Or, si le Trentin et Trieste sont vraiment italiens, les autres territoires revendiqués sont plus litigieux (Goritz, Istrie), voire nettement non italiens (Tyrol méridional). Quant à la Dalmatie, revendiquée au nom de l’héritage de Venise, elle est bien peu italienne — seuls quelques ports (Sebenico, Zara, Spalato) le sont réellement — alors même que, du temps de sa domination, l’Autriche y a favorisé l’élément italien dans ses recensements démographiques, pour faire pièce aux Croates. Enfin, et cette fois-ci en vertu du principe des nationalités, l’Italie revendique le port de Fiume, qui ne lui avait nullement été promis au traité de Londres. Les négociations sont longues, ardues et provoquent des crises ministérielles en Italie. Finalement, l’Italie, qui avait beaucoup revendiqué, se voit attribuer un certain nombre de territoires, mais en dessous de ses espérances, ce qui entraînera un ressentiment durable dans le pays.
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Italie Au traité de Saint-Germain (10 septembre 1919), l’Italie reçoit de l’Autriche la ville de Trieste, le comté de Goritz et de Gradisca, le Trentin, le Tyrol méridional, le Kanalthal et Tarvis. L’absorption de ces trois derniers territoires, au caractère allemand, est faite au mépris du principe des nationalités, pourtant hautement affirmé par les vainqueurs ; il s’agit de donner par avance satisfaction à l’Italie au nord, les Alliés prévoyant de graves difficultés lors de la délimitation future des frontières entre l’Italie et le royaume des Serbes, Croates, Slovènes. Par ailleurs, dans le traité, l’Autriche renonce à l’Istrie, à la part occidentale de Carniole et à la Dalmatie septentrionale, qui sont contestées entre l’Italie et le royaume SCS. Il en va de même pour la ville de Fiume, à laquelle la Hongrie renonce au traité de Trianon (4 juin 1920). Pour forcer la main aux Alliés qui refusent d’accorder Fiume à l’Italie, le poète patriote D’Annunzio s’empare de Fiume à la tête de ses arditi et décrète en septembre 1919 la Régence italienne du Quarnero, englobant la ville, son faubourg slave de Soutchak et le territoire la reliant à l’Istrie, qu’il estime devoir être attribuée à l’Italie. Durant le conflit, les Italiens avaient débarqué à Valona pour s’assurer de ce territoire promis par le pacte de Londres. Les Albanais se révoltent en 1920 et les chassent. Par le traité italo-albanais de Tirana (2 août 1920), l’Italie renonce à Valona et ne garde plus que l’île de Saseno (à l’entrée du golfe de Valona). Au terme de négociations très laborieuses, l’Italie et le royaume des Serbes, Croates, Slovènes signent en novembre 1920 le traité de Rapallo. L’Italie s’y voit attribuer l’Istrie entière et un morceau de Carniole plus important que celui prévu au pacte de Londres (englobant Adelsberg/Postumia) jusqu’à Volosca au fond du golfe du Quarnero. Fiume, Soutchak et la bande qui les relie à Volosca sont érigés en ville libre sous la protection de la Société des Nations. L’Italie ne se voit attribuer en outre que les îles de Cherso, Lussin, Lagosta et Pelagosa et l’enclave de Zara sur la côte dalmate. Elle s’engage à cesser tout soutien à l’indépendance du Monténégro (le roi Victor-Emmanuel III est gendre de l’ancien roi Nicolas de Monténégro). En décembre 1920, l’Italie déloge par la force D’Annunzio et ses arditi de Fiume et remet la ville à la SDN. L’Italie couvre à la fin de 1920 une superficie de l’ordre de 310 000 km2 (plus 2 500 pour le Dodécanèse) pour environ 40 millions d’habitants. Elle couvre à peu près désormais l’ensemble de la péninsule italienne (hormis les vallées suisses), qu’elle déborde largement du côté de la Carniole, et essaime des possessions outre-mer en Europe — sans même parler des colonies : en Adriatique (Zara et les îles de Cherso, Lussin, Lagosta, Pelagosa, Saseno) et en mer Égée (Dodécanèse). En métropole, elle compte désormais 18 régions et 74 provinces, par : – fusion, vers la fin du XIXe siècle, des 2 régions des Abruzzes et de Molise en une seule région des Abruzzes ; – adjonction de 5 provinces nouvelles groupées en 2 régions : – Vénétie tridentine : Trente, Botzen ; – Trieste-et-Istrie : Goritz, Trieste, Pola.
VI. L’Italie contemporaine (1920 à nos jours) 1. L’Italie mussolinienne (1922-1943) Si l’Italie sort vainqueur de la guerre, elle n’en est pas moins durablement affectée par les conséquences du conflit : pertes humaines, crise économique, chômage important, frustrations des nationalistes. Il s’ensuit une période de troubles (grèves, révoltes sociales), qui donnent au mouvement fasciste de Mussolini, un socialiste reconverti dans l’ultranationalisme, l’occasion de perpétrer des actions violentes contre les socialistes. Les milieux modérés du pays, effrayés par les troubles, voient en Mussolini un homme susceptible de les endiguer. Au terme de sa « marche sur Rome » (27 octobre 1922), Mussolini est appelé au pouvoir par le roi, avec l’aval du parlement.
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Les États existants Pendant vingt ans, Mussolini va diriger le pays, tout en conservant la façade de la monarchie, dans un premier temps en respectant les apparences du parlementarisme, puis à partir de 1925 en adoptant un cadre dictatorial de gouvernement (« lois fascistissimes »). Tout en restreignant considérablement les libertés publiques (assassinats d’opposants, relégations dans les îles), Mussolini va s’efforcer de moderniser le pays (grands travaux) et de développer l’économie (entente avec le patronat) et le bien-être des gens (lois sociales), ce qui va avoir pour effet de faire disparaître le chômage et de lui assurer un certain soutien populaire. Dès la fin de 1922, pour hâter l’italianisation du Tyrol méridional, le nouveau gouvernement de Mussolini réunit les deux provinces de Botzen (Bolzano) et de Trente en une province unique prenant le nom de leur région (Vénétie tridentine). L’Italie est ainsi ramenée à 73 provinces groupées en 18 régions. En 1923, l’Italie fusionne la province de Goritz et celle d’Udine en une grande province du Frioul, au sein de la Vénétie. De ce fait, l’Italie est ramenée à 72 provinces en 18 régions. Par le traité de Rome du 27 janvier 1924, signé entre l’Italie et le royaume SCS, le statut de ville libre de Fiume est aboli, et Fiume est partagée entre : – l’Italie, qui reçoit Fiume et la bande de territoire littoral la reliant à Volosca ; – le royaume SCS, qui reçoit le faubourg slave de Soutchak et le rattache à sa province de Croatie-Slavonie. L’Italie crée une nouvelle province de Fiume, à laquelle sont rattachés le quart oriental de l’Istrie, une partie du plateau du Karst et les îles de Cherso et de Lussin. De ce fait, l’Italie compte de nouveau 73 provinces en 18 régions. En 1926, le gouvernement italien crée 19 nouvelles provinces, par démembrement de certaines grandes provinces. Dans la région du Piémont, 3 provinces sont créées : – Aoste, prélevée sur la province de Turin ; – Verceil, prélevée sur celle de Novare ; – Asti, prélevée sur celle d’Alexandrie. En Ligurie, 2 provinces sont créées : – Savone, prélevée sur celle de Gênes ; – La Spezia, prélevée aussi sur celle de Gênes. Par ailleurs, la province de Port-Maurice prend le nom d’Imperia. En Lombardie, 1 province est créée : – Varèse, prélevée sur celle de Côme. En Toscane, 1 province est créée : – Pistoïa, prélevée sur celle de Florence. En Ombrie, 1 province est créée : – Terni, prélevée sur celle de Pérouse. Dans le Latium, 4 provinces sont créées : – Viterbe, prélevée sur celle de Rome ; – Frosinone, prélevée sur celles de Rome et de Caserte ; – Latina, prélevée sur celles de Rome et de Caserte ; – Rieti, prélevée sur celles de Pérouse et d’Aquila. Dans les Abruzzes, 1 province est créée : – Pescara, prélevée sur celles de Teramo et de Chieti. Dans les Pouilles, 2 provinces sont créées : – Tarente, prélevée sur celle de Lecce ; – Brindisi, prélevée sur celles de Lecce et de Bari. Dans le Basilicate, qui prend le nom de Lucanie, 1 province est créée : – Matera, prélevée sur celle de Potenza. En Sicile, 2 provinces sont créées :
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Italie – Raguse, prélevée sur celle de Syracuse ; – Enna, prélevée sur celles de Catane et de Caltanissetta. En Sardaigne, 1 province est créée : – Nuoro, prélevée sur celles de Cagliari et de Sassari. L’Italie compte désormais 92 provinces en 18 régions. En janvier 1927, le gouvernement italien redivise la région/province de Vénétie tridentine en 2 provinces de Bolzano (Botzen) et de Trente. Il redivise la province de Frioul et reconstitue une province de Goritz plus petite que celle de 1920 ; la région d’Adelsberg (Postumia) est rattachée à la province de Trieste. L’Italie compte dès lors 94 provinces en 18 régions. Le gouvernement de Mussolini, qui recherche le soutien de l’Église, élabore un compromis avec le pape. Par les accords de Latran (12 février 1929), le royaume d’Italie cède en toute souveraineté au Saint-Siège la Cité du Vatican, qui devient un minuscule État et rend officiellement au pape ses prérogatives de souverain temporel. La Cité du Vatican groupe 750 habitants sur 44 hectares et se compose ainsi : – le palais et les jardins du Vatican, avec gare et poste ; – les basiliques majeures de Saint-Pierre-du-Vatican, de Sainte-Marie-Majeure, de SaintJean-de-Latran et de Saint-Paul-hors-les-Murs ; – divers édifices dans la ville de Rome ; – le palais de Castel Gandolfo, dans la campagne romaine. Rome reste néanmoins la capitale de l’Italie. En 1935-1936, l’Italie conquiert l’Éthiopie. À la suite de sa condamnation sur cette affaire par l’opinion internationale et des prises de sanctions à son endroit par la SDN, l’Italie, qui avait jusqu’alors entretenu de bons rapports avec les démocraties occidentales, se rapproche de l’Allemagne, où Hitler a pris le pouvoir un an plus tôt. Elle apporte son aide, aux côtés de l’Allemagne, aux troupes franquistes dans la guerre civile d’Espagne et, le 6 novembre 1937, elle signe un pacte avec l’Allemagne et le Japon, point de départ de la politique de l’Axe (Rome-Berlin), qui va désormais influer sur le cours des événements en Italie. C’est alors que Mussolini adopte une politique agressive à l’égard des démocraties occidentales, revendiquant par exemple régulièrement en public que la France lui cède la Savoie, Nice, la Corse, la Tunisie et Djibouti. Depuis l’arrivée au pouvoir (1925) d’Ahmed Zogou en Albanie, d’abord comme président de la République puis (1928) à titre de roi Zog Ier, l’Italie apporte un soutien financier, économique et politique à l’Albanie, faisant de ce pays un quasi-vassal de l’Italie. Le 7 avril 1939, jaloux des succès de Hitler, Mussolini envahit l’Albanie et l’annexe à l’Italie, dont le roi devient aussi roi d’Albanie, tandis que des institutions fascistes sont mises en place. Le pays est très vite l’objet d’une politique de colonisation et d’italianisation. Pour inciter les Albanais à se rallier au nouveau régime, l’Italie leur fait la promesse de réaliser la « Grande Albanie », qui rassemblerait les frères séparés de l’Épire grecque et du Kossovo-Métohidja yougoslave. En fait, les Italiens voient dans l’Albanie une base de départ commode dans leurs visées d’expansion en direction de la Grèce. En septembre 1939, lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, prétextant que son armée n’est pas prête, Mussolini obtient de Hitler de ne pas entrer immédiatement dans le conflit. Le 10 juin 1940, lorsque les armées françaises sont mises en déroute par celles de l’Allemagne, l’Italie déclare la guerre à la France, mais n’obtient que très peu de succès, ne parvenant à prendre que Menton à cette dernière. L’offensive italienne contre la Grèce, qui débute en octobre 1940, doit permettre à l’Italie de redorer son blason, mais elle est un échec et l’armée grecque occupe même les régions albanaises de Koritza et d’Argyro Castro. Hitler, pour lui venir en aide, doit envahir en avril 1941 la Yougoslavie. Celle-ci est unilatéralement démantelée par Hitler et l’Italie est invitée à prendre sa part des dépouilles. Le 3 mai 1941, l’Italie reçoit la moitié méridionale de la Carniole, avec Laybach/ Lubiana, un fragment de Croatie (Delnice et Soutchak), les îles de Veglia et d’Arbe, la
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Les États existants Dalmatie du Nord avec Spalato, les îles de Lissa, de Curzola et de Meleda, les bouches de Cattaro. Elle est protectrice de fait d’un Monténégro reconstitué par l’Axe et un prince de la maison de Savoie, le duc de Spolète, doit théoriquement aller régner en Croatie (Tomislav II). L’Albanie italienne s’agrandit de Dulcigno, de Gusinje, du Kossovo et de la Métohidja. Par la création de la nouvelle province de Lubiana, l’Italie (hors outre-mer) compte désormais 95 provinces en 18 régions. Cependant, en Afrique du Nord, les forces de l’Italie et de l’Allemagne subissent des revers, perdant la Libye puis la Tunisie. En juillet 1943, les forces anglo-américaines, venant de Tunisie, débarquent en Sicile. Le 24 juillet, le Grand Conseil fasciste renverse Mussolini, que le roi fait arrêter par le maréchal Badoglio.
2. La fin du royaume d’Italie et les conséquences de la guerre (1943 à nos jours) Le roi appelle Badoglio à former le gouvernement et celui-ci entame des négociations avec les Anglo-Américains. L’armistice est signé le 8 septembre 1943, tandis que les Allemands occupent l’Italie du Nord jusqu’à une ligne de front passant au sud de Rome. Le 12 septembre, Mussolini est délivré par un commando allemand de son lieu de détention. Le 15 septembre, il proclame à Milan la République sociale italienne, sous la protection de l’Allemagne, et installe son gouvernement à Salo, sur les rives du lac de Garde. Peu de temps après l’armistice du 8 septembre 1943, et en dépit des protestations de Mussolini, Hitler restitue la Dalmatie du Nord à la Croatie et les bouches de Cattaro au Monténégro. De plus, toujours dès septembre 1943, il annexe au Reich allemand le Trentin, le Tyrol méridional et la province de Bellune, sous le nom de zone militaire de l’Alpenvorland, et en octobre les provinces italiennes de Goritz, Trieste, Pola, Fiume et Lubiana, sous le nom de zone militaire de l’Adriatisches Kustenland (Littoral adriatique). Le gouvernement royal, qui s’est installé à Naples, déclare la guerre à l’Allemagne le 16 octobre 1943. Les Alliés prennent Rome en juin 1944, puis le nord de l’Italie à partir du printemps 1945. Mussolini est exécuté par des partisans en avril 1945. Un gouvernement provisoire d’union entre la Démocratie chrétienne et les partis de gauche, sous la conduite d’Alcide De Gasperi, administre le pays libéré des Allemands. En raison des compromissions de la maison royale avec le régime mussolinien, la question du maintien du régime monarchique est posée par les partis de gauche. Le 9 mai 1946, le roi Victor-Emmanuel III abdique au profit de son fils, Humbert II. Le 2 juin 1946, un référendum tenu sur cette question donne 54 % des suffrages en faveur de la république (le Sud est majoritairement pour le maintien de la monarchie). Le 12 juin, le roi Humbert II part en exil sans abdiquer, tandis qu’Alcide De Gasperi proclame la République italienne et qu’une Assemblée constituante est convoquée en vue d’établir une nouvelle Constitution républicaine. La région Sicile est érigée le 15 mai 1946 en région autonome à statut spécial. Les demandes de l’Autriche de rectification au Tyrol méridional se heurtent au refus de l’Italie. L’accord austro-italien du 5 septembre 1946 accorde une autonomie au Tyrol méridional, avec usage de l’allemand, et un droit de regard internationalement reconnu à l’Autriche sur cette région. Le 6 septembre, l’Italie érige l’ancienne région de Vénétie tridentine en région autonome à statut spécial du Trentin-Haut-Adige. Enfin, à la suite des négociations de paix, l’Italie signe le 10 février 1947 le traité de Paris, qui entérine les modifications territoriales des pays vaincus à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. À la France, l’Italie cède quelques territoires sur la crête des Alpes : fragments au mont Cenis et au mont Genèvre, et surtout les territoires laissés à l’Italie en 1860 (Tende, La Brigue et les crêtes de Vésubie et de Tinée). Cette cession est ratifiée pour Tende et La Brigue par un plébiscite le 12 octobre 1947. Enfin, le Val d’Aoste jouira d’un statut d’autonomie avec usage de la langue française.
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Italie En faveur de la Yougoslavie, l’Italie renonce à la Carniole, à l’est du comté de Goritz (la ville elle-même étant coupée en deux), à l’Istrie, à Fiume, à la Dalmatie, à Cattaro et aux îles dalmates. Trieste et son corridor la reliant à l’Italie, Capodistria et son arrière-pays immédiat forment un territoire libre sous le contrôle de l’ONU, divisé en deux zones : zone A administrée par les Anglo-Américains couvrant Trieste et son corridor, zone B administrée par les Yougoslaves couvrant Capodistria et son arrière-pays. L’Italie renonce enfin à toute présence en Albanie et restitue à la Grèce les îles du Dodécanèse. Par la perte des 4 provinces de Trieste, de Fiume, de Pola et de Lubiana, l’Italie est ramenée à 91 provinces sur 17 régions. La région Sardaigne est érigée le 26 février 1948 en région autonome à statut spécial. Le même jour, la province d’Aoste devient nouvelle région autonome à statut spécial, celle du Val-d’Aoste. L’Italie compte désormais 91 provinces en 18 régions. Par le mémorandum de Londres du 5 octobre 1954, le territoire libre de Trieste est dissous et partagé : la zone A (Trieste) est rattachée à l’Italie, la zone B à la Yougoslavie, qui en attribue la moitié septentrionale (Capodistria) à la Slovénie et la moitié méridionale (Cittanova) à la Croatie. Les droits des minorités, slovène en zone A, italienne en zone B, sont garantis. La région/province de Trieste est restaurée et l’Italie compte 92 provinces en 18 régions. De 1946 à nos jours, l’Italie républicaine est une démocratie parlementaire, avec un paysage politique équilibré entre droite et gauche et une vie dominée par la Démocratie chrétienne jusqu’à la fin des années 1980 où une grave crise politique (provoquée par des affaires de corruption) bouleverse le paysage politique. L’économie, jusqu’ici en retard, se développe à vive allure, au point de rattraper le niveau de celles des autres pays d’Europe de l’Ouest, et un certain rééquilibrage s’y opère au profit du Sud, qui commence à s’industrialiser. Le 25 mars 1957, l’Italie est l’un des six États signataires du traité de Rome, qui institue la Communauté économique européenne, union douanière et embryon de coopération économique entre les pays membres. Le 31 janvier 1963, la région de Vénétie julienne (ancienne Trieste-et-Istrie) est augmentée de la province d’Udine et érigée en région autonome à statut spécial du FrioulVénétie-Julienne. L’Italie compte désormais 92 provinces en 19 régions, dont 5 à statut spécial. En 1965, une nouvelle région, celle de Molise, est restaurée par détachement de la province de Campobasso de la région des Abruzzes. L’Italie compte désormais 92 provinces en 20 régions. En février 1968, dans le Frioul-Vénétie-Julienne est créée 1 nouvelle province, celle de Pordenone, prélevée sur celle d’Udine. L’Italie compte 93 provinces en 20 régions. En 1969, les 15 régions non dotées de statut spécial reçoivent un certain nombre de prérogatives politiques (assemblées), qui en font des entités dotées de la personnalité politique. En 1970, en Molise, 1 nouvelle province est créée, celle d’Isernia, prélevée sur celle de Campobasso. L’Italie compte désormais 94 provinces en 20 régions. De 1971 à nos jours, 15 nouvelles provinces sont créées en Italie : – 2 au Piémont : Biella, Verbano-Cusio-Ossola ; – 3 en Lombardie : Lecco, Lodi, Monza ; – 1 en Émilie-Romagne : Rimini ; – 1 en Pouilles : Barletta-Andria-Trani ; – 1 en Toscane : Prato ; – 2 en Calabre : Crotone, Vibo Valentia ; – 5 en Sardaigne : Oristano, Olbia-Tempio, Ogliastra, Carbonia-Iglesias, Medio Campidano. L’Italie atteint alors son maximum de 109 provinces en 20 régions. Le 1er janvier 1993, l’Italie devient membre de la nouvelle Union européenne, qui se substitue à l’ancienne Communauté européenne, et présente les caractères d’une confédération politique à laquelle l’Italie transfère certains attributs de sa souveraineté.
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Les États existants
Lettonie Le pays en bref État républicain : la république de Lettonie. Président : Valdis Zatlers. Représentation parlementaire : une diète unique, le Saeima. Capitale : Riga ; 26 districts. Superficie : 64 500 km2 ; population : 2,7 millions d’habitants ; densité : 42 habitants au km2. Langue : le letton ; le russe pour 34 % de la population. Religion : luthérienne ; catholique ; orthodoxe pour les Russes. Monnaie : le lat.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée du pays letton 1. Un enjeu régional entre Pologne, Suède et Russie Le pays peuplé de Lettons — qui ne deviendra la Lettonie qu’au XXe siècle — s’étend sur la rive orientale de la mer Baltique, entre l’Estonie au nord et la Lituanie au sud. Les Lives, ancêtres des Lettons, sont un peuple finno-ougrien installé dans cette région depuis le IIe siècle av. J.-C. ; ils côtoient les Coures, autre peuple balte installé plus au sud — dans la future Courlande. Ils sont, comme les Estoniens, évangélisés et colonisés au début du XIIIe siècle par les chevaliers Porte-Glaive, ordre de chevalerie allemand basé à Riga, lequel est fondu peu après dans l’Ordre teutonique. Au début du XVIe siècle, la réforme luthérienne est cause de troubles dont tire parti la Pologne, qui s’empare de la Livonie, tandis que le dernier grand maître des chevaliers teutoniques en Livonie, Gotthard Ketteler, sécularise à son profit le duché de Courlande, placé sous suzeraineté de la Pologne. En 1629, la Suède conquiert la Livonie, à l’exception de la partie située autour de Dunabourg (Daugavpils), la Livonie intérieure, qui demeure polonaise. En 1710, la Livonie est conquise par le tsar Pierre le Grand, conquête entérinée en 1721 par la paix de Nystad. En 1737 meurt le dernier duc de Courlande de la maison de Ketteler, mais sa veuve, la tsarine Anna Ivanovna, inféode le duché à son favori Biron, lequel, disgracié en 1740 à la mort de la tsarine, recouvre en 1763 son duché. Par le traité de Saint-Pétersbourg du 25 juillet 1772, l’Autriche, la Prusse et la Russie procèdent au premier partage de la Pologne. Dans ce cadre, le palatinat polonais de Livonie (Livonie intérieure) est annexé par la Russie, en compagnie d’autres palatinats dont l’ensemble va former le gouvernement russe de Vitebsk.
2. Le pays letton en 1789 Le terme de Lettonie ne recouvre en 1789 aucune réalité politique. Le pays ainsi dénommé au XXe siècle est partagé, à cette époque, entre la province russe de Livonie, celle de Vitebsk et le duché de Courlande. La Livonie est bordée à l’ouest par la mer Baltique, qui forme en ce lieu le golfe de Riga, au nord par l’Estonie, à l’est par la Russie, au sud par la Courlande. Cette dernière est une large bande de terre courant sur la rive gauche (au sud) de la Duna (Daugav), fleuve qui la sépare de la Livonie ; elle est elle-même bordée au sud par le grand-duché de Lituanie (État en union personnelle avec le royaume de Pologne).
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Lettonie Il s’agit d’une vaste plaine côtière traversée de fleuves, agricole et forestière. Le réseau urbain en est peu dense : Riga, ancienne ville hanséatique, Windau (Ventspils), Mitau (Ielgava), Dunabourg (Daugavpils). Si le fond de la population en est balte (ou estonien au nord), la noblesse, issue des anciens chevaliers teutoniques, en est allemande ; c’est elle qui détient en fait le pouvoir. En 1789, la répartition politique du peuple des Lettons (anciens Lives et Coures) est donc la suivante : – la province russe de Livonie, capitale Riga, dont la moitié méridionale est peuplée de Lettons et la moitié septentrionale d’Estoniens ; – la province russe de Vitebsk, capitale Vitebsk ; – le duché de Courlande et de Sémigalle, capitale Mitau (Ielgava), possession de Biron sous suzeraineté polonaise.
II. La marche difficile à l’indépendance (1789 à nos jours) 1. De 1789 à l’indépendance (1918/1920) Par le traité de Saint-Pétersbourg du 24 octobre 1795, l’Autriche, la Prusse et la Russie, par le troisième partage, procèdent à la disparition complète de la Pologne. Dans ce cadre, parmi d’autres territoires annexés, le duché de Courlande est incorporé dans l’empire russe. Le fils de Biron, duc de Courlande, vend à la couronne russe ses droits sur le duché. La Courlande forme un nouveau gouvernement (province) russe du même nom, capitale Mitau. Désormais, toutes les terres peuplées de Lettons font partie de la Russie, réparties entre les provinces de Livonie, de Courlande et de Vitebsk. Les Lettons vont suivre pendant un siècle et quart le destin de la Russie. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec l’essor d’une littérature et d’une presse en langue lettone, se produit une prise de conscience de l’identité nationale en Livonie, distincte de la noblesse allemande ; cette prise de conscience s’appuie aussi sur le fait qu’une importante minorité, notamment issue de l’ancien palatinat polonais, est catholique, tandis que la noblesse est luthérienne. Mais à la fin du siècle, comme toutes les autres provinces non russes de l’empire, la Livonie et la Courlande doivent faire face à une sévère politique de russification : le russe est imposé dans l’administration, et remplace l’allemand à l’université de Dorpat — laquelle, quoique située en Estonie, rayonne aussi sur ces deux provinces. Comme l’ensemble de l’empire russe, la Livonie et la Courlande sont, en 1914, entraînées dans la Première Guerre mondiale. Dès 1915, la Courlande est occupée par les Allemands. À la suite de la révolution de février 1917, le gouvernement provisoire russe accorde en mars 1917 une autonomie à la Livonie. À la suite de la révolution d’Octobre, le gouvernement bolchevique de Russie signe avec l’Allemagne le traité de Brest-Litovsk, le 3 mars 1918. La Russie y renonce à l’ensemble des pays baltes, parmi lesquels les provinces de Livonie et de Courlande, à la Finlande, à la Pologne russe, etc. Seule la Livonie intérieure, incluse dans le gouvernement de Vitebsk, est conservée par la Russie. Un conseil national à majorité allemande, réuni à l’initiative des Allemands d’Estonie et de Livonie, souhaite le 13 avril 1918 l’établissement d’un duché de Baltikum, qui engloberait Estonie, Livonie et Courlande, sous l’autorité du roi de Prusse. Mais les autorités de Berlin tergiversent, et érigent les seules Estonie et Livonie (cette dernière diminuée du district de Riga) en « États baltiques ». La Courlande et le district de Riga sont provisoirement annexés à l’Allemagne. Par ailleurs, un Conseil national letton clandestin est créé. En novembre 1918, la défaite allemande permet aux Lettons de prendre en mains leur destinée. Le 18 novembre, le Conseil national letton proclame l’indépendance et l’avènement de la république de Lettonie, qui a vocation à rassembler l’ensemble des Lettons : moitié méridionale de la Livonie, Livonie intérieure, Courlande.
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Les États existants Mais les Allemands de Livonie s’opposent par les armes à cette indépendance. Au terme d’une période de troubles émanant des Allemands (corps francs) et des troupes bolcheviques, le traité de Riga est signé le 11 août 1920 entre la Lettonie et la Russie. Par ce traité, la Russie : – reconnaît l’indépendance de la Lettonie ; – lui cède une bande de territoire supplémentaire située au nord-est de la Livonie intérieure (région d’Abrene).
2. De 1920 à nos jours Une fois indépendante, la Lettonie se dote le 15 février 1922 d’une Constitution libérale et démocratique. Cette Constitution définit 4 provinces : Vidzeme (Livonie), Zemgale (Sémigalle), Latgale, Kurzeme (Courlande). Sur le plan économique, le pays modifie profondément son régime agraire (suppression des grands domaines) et reconstruit son potentiel industriel mis à mal par la guerre. Conséquence de la grande crise économique et des difficultés qui en résultent, en mai 1934 s’instaure un régime de dictature. Face à l’attitude menaçante de l’Allemagne et de l’URSS, la Lettonie, comme les deux autres pays baltes auxquels la lie un accord de défense, cherche à maintenir sa neutralité. Mais le pacte germano-soviétique d’août 1939 prévoit secrètement que la Lettonie soit placée dans l’orbite de l’URSS. À la suite de l’effondrement de la Pologne, le 10 octobre 1939, l’URSS se fait céder par la Lettonie des bases militaires à Windau (Ventspils), avec un fragment de la côte, et à Libau (Liepaja). Puis, du 15 au 17 juin 1940, les troupes soviétiques envahissent la Lettonie, comme les deux autres États baltes. Le 5 août, une assemblée communiste proclame la république soviétique de Lettonie et demande son rattachement à l’URSS. Le 6 août, Moscou entérine cette annexion. Le territoire annexé sur la Russie en 1920 est rétrocédé par la nouvelle république soviétique de Lettonie à la république soviétique de Russie. La Lettonie ayant été conquise en juillet 1941 par les troupes allemandes, l’Allemagne établit en 1942 un commissariat général d’Ostland, capitale Riga, divisé en 4 districts généraux : Estonie (Reval), Lettonie (Riga), Lituanie (Kaunas), Ruthénie blanche (Minsk). En novembre 1944, la Lettonie ayant été reconquise par l’URSS, la république soviétique de Lettonie est restaurée. Pendant 45 ans, la Lettonie subit, contrainte et forcée, une incorporation dans l’URSS à titre de république fédérée. Elle est soumise à une intégration politique et économique au sein de l’Union, tandis que des Russes sont massivement installés en Lettonie, au point d’atteindre le niveau de près de 40 % de la population. Mais l’aspiration à recouvrer l’indépendance demeure présente. À la suite de l’effondrement du régime soviétique, la république soviétique de Lettonie redevient le 4 mai 1990 république de Lettonie. Le pluripartisme est rétabli. Le 3 mars 1991, un référendum donne plus de 70 % de votes en faveur de l’indépendance. Le 21 août 1991, le parlement de Riga proclame l’indépendance du pays. La Lettonie redevient alors une république indépendante. La Lettonie se rapproche de l’Europe occidentale et pose sa candidature à l’adhésion à l’Union européenne, candidature acceptée le 12 décembre 2002, et l’adhésion devient effective le 1er mai 2004.
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Liechtenstein
Liechtenstein Le pays en bref État monarchique : la principauté de Liechtenstein, en union économique avec la Suisse. Souverain : le prince Hans Adam II, de la maison de Liechtenstein. Représentation parlementaire : une diète, le Landtag. Capitale : Vaduz ; 11 communes : Vaduz, Triesen, Balzers, Triesenberg, Schaan (la gare), Planken, Eschen, Mauren, Gamprin, Ruggell, Schellenberg. Superficie : 160 km2 ; population : 31 000 habitants ; densité : 194 habitants au km2. Langue : l’allemand ; on parle aussi le walser, dialecte alémanique d’origine valaisane. Religion : catholique à 80 % ; protestante pour 7 %. Monnaie : le franc suisse.
Remarque : De 1789 à nos jours, la principauté de Liechtenstein est l’un des trois seuls États européens, avec Andorre et Saint-Marin, à n’avoir modifié ni son territoire, ni son régime politique. En revanche, ses liens politiques avec d’autres pays ont varié au gré des bouleversements européens.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée du Liechtenstein 1. Des origines à l’installation des comtes de Liechtenstein Le Vorarlberg — petite région alpine (environ 3 000 km2) située sur rive droite du cours supérieur du Rhin, et limitée au nord par le lac de Constance, à l’est par le massif de l’Arlberg qui le sépare du Tyrol et au sud par la Ligue helvétique des Grisons — est constitué principalement d’un ensemble de sept seigneuries (Hoheneck, Bregenz, Sonnenberg, Montfort, Dornbirn, Feldkirch, Bludenz), acquises graduellement depuis 1365 par la maison d’Autriche. S’y ajoutent, enclavés ou semi-enclavés dans les terres habsbourgeoises, un territoire ecclésiastique, la prévôté de Saint-Gérold, et un ensemble de trois petits territoires possédés par les comtes de Hohenems (le comté de Hohenems, la seigneurie de Schellenberg et le comté de Vaduz). Les comtes de Liechtenstein, grands feudataires d’Autriche, achètent aux comtes de Hohenems la seigneurie de Schellenberg (1699), puis le comté de Vaduz (1712). Les deux pays sont réunis en 1719 par l’empereur Charles VI en une principauté de Liechtenstein, laquelle bénéficie de l’immédiateté impériale, et, dès 1723, les princes de Liechtenstein siègent à la diète impériale de Ratisbonne.
2. La principauté en 1789 La principauté de Liechtenstein est un petit État relevant du Saint Empire, cercle de Souabe, situé sur la rive droite du Rhin en amont du lac de Constance (Bodan), entre la Ligue des Grisons, le Vorarlberg autrichien et la Confédération helvétique. La principauté est un pays très agricole, doté d’une petite capitale, Vaduz. Couvrant environ 160 km2, il compte de l’ordre de 4 000 habitants. Le prince réside ordinairement à Vienne ou dans ses domaines autrichiens.
II. L’accession à l’indépendance 1. De 1789 à l’indépendance (1866) Vainqueur de l’Autriche à Austerlitz (décembre 1805), l’empereur Napoléon décide de soustraire l’Allemagne moyenne aux influences autrichienne et prussienne et de l’attirer
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Les États existants vers la France. Il crée à cet effet, en juillet 1806, une Confédération du Rhin, capitale Francfort, composée de seize membres fondateurs qui devront seconder les vues de Napoléon, protecteur de ladite Confédération, dans la réorganisation de l’Europe. Les grands États allemands adhérant à la Confédération sont invités par Napoléon à médiatiser les petits États enclavés ou limitrophes. Isolée de l’Autriche depuis la cession par celle-ci du Tyrol et du Vorarlberg à la Bavière en décembre 1805, la principauté de Liechtenstein devrait en principe subir la dure loi de la médiatisation (au profit du roi de Bavière). Mais le prince Jean Ier a été, pour le compte de l’Autriche, l’un des négociateurs du traité de Presbourg, dont l’empereur Napoléon s’est trouvé satisfait ; par ailleurs, ce dernier a apprécié la personnalité du prince. Celui-ci doit à cette circonstance de bénéficier des faveurs de Napoléon, qui lui accorde la sauvegarde de sa principauté. De ce fait, la principauté de Liechtenstein devient l’un des membres fondateurs de la Confédération du Rhin, au sein de laquelle elle siégera dans le collège des princes. Elle rompt par ce fait tout lien avec le Saint Empire, lui-même à l’agonie. La principauté est, avec le comté de La Leyen, l’un des plus petits membres de la Confédération, dont elle ne constitue qu’un peu plus d’un pour mille de la superficie (160 pour 135 000 km2) et d’un demi pour mille de la population (5 000 pour 7,5 millions d’habitants). Les coalisés ayant vaincu les Français à Leipzig, l’influence française s’effondre en Allemagne et la Confédération du Rhin est dissoute en novembre 1813. Au congrès de Vienne, l’Allemagne est réorganisée selon les vues de l’Autriche. Le Saint Empire n’est pas rétabli, mais remplacé par une Confédération germanique (8 juin 1815) qui en épouse à peu près les contours, avec Francfort pour capitale et l’empereur d’Autriche comme président de droit. La principauté de Liechtenstein, qui doit aux liens de son prince avec l’empereur d’Autriche d’échapper à la médiatisation, est incluse dans la Confédération germanique. Aux assemblées plénières de la diète de Francfort (70 voix), le Liechtenstein disposera d’une voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il partagera une voix curiale avec les deux Hohenzollern, le Waldeck, les deux Lippes, les deux Reuss et la Hesse-Hombourg (5e curie). En 1851, le Liechtenstein signe un accord commercial et douanier avec l’Autriche. Mettant fin au conflit interallemand ayant opposé la Prusse et ses alliés à l’Autriche, à la Bavière et à leurs alliés, le traité de Prague (23 août 1866) entérine la dissolution de la Confédération germanique et l’exclusion de l’Autriche des sphères allemandes. Le roi de Prusse prend la tête d’une Confédération de l’Allemagne du Nord (au nord du Main) dont sont exclus les États allemands du Sud. Le Liechtenstein devient ainsi indépendant de tout lien germanique. En raison des liens historiques et de la proximité géographique, il va intensifier ses liens économiques avec l’Autriche.
2. De 1866 à nos jours En janvier 1871, à la suite de la victoire allemande sur la France, l’Empire allemand est proclamé à Versailles. Il se moule dans les structures de l’ancienne Confédération de l’Allemagne du Nord et les États allemands du sud du Main y adhèrent, l’Autriche en étant exclue. Isolée, la principauté de Liechtenstein reste en dehors du nouvel Empire allemand. Indépendante en théorie, elle vit en réalité dans la sphère économique de l’Autriche, avec laquelle les liens dynastiques, politiques, économiques, etc. demeurent étroits. À l’issue de la Première Guerre mondiale, la principauté est confrontée aux difficultés liées à son association avec une Autriche militairement défaite (1918) et politiquement démantelée (1919-1920). N’écoutant que ses intérêts, elle se tourne vers la Suisse, qui accepte d’entrer avec elle en union postale (1921) puis douanière (1923). Au même moment (1921), la principauté se dote d’une Constitution démocratique, avec représentation populaire.
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Liechtenstein Depuis lors, tout au long du XXe siècle, la principauté lie son destin économique et politique à celui de la Suisse, qui assure de plus sa représentation diplomatique, au point d’apparaître parfois comme le « 23e canton suisse » (aujourd’hui le « 24e », depuis la création du canton du Jura !). Désormais, la ligne de chemin de fer internationale de Buchs (Suisse) à Feldkirch (Autriche) traversant la principauté, toujours exploitée par les chemins de fer autrichiens, demeure le seul vestige de l’ancienne union économique avec l’Autriche. Mais l’avènement au trône du prince actuel, Hans-Adam II, en novembre 1989, marque une certaine volonté de changement, d’émancipation vis-à-vis de la Suisse. Par son entrée à l’ONU (1990) et sa candidature à la Communauté européenne (1992), le Liechtenstein se distingue de la Suisse et ouvre la perspective d’une éventuelle rupture des liens économiques entre les deux pays.
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Les États existants
Lituanie Le pays en bref État républicain : la république de Lituanie. Président : Valdas Adamkus. Représentation parlementaire : une diète unique, le Seimas. Capitale : Vilnius. Division administrative en 44 districts. Superficie : 65 200 km2 ; population : 3,7 millions d’habitants ; densité : 57 habitants au km2. Langues : le lituanien ; des minorités parlent le russe ou le polonais. Religion : catholique. Monnaie : le litas.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Lituanie 1. De l’union à la Pologne à la mainmise de la Russie (XIVe-XVIIIe siècles) Les Lituaniens sont un peuple d’origine indo-européenne, installé tardivement (Ve siècle apr. J.-C.) sur la terre qui porte son nom, sous la poussée des invasions slaves. Les Lituaniens ont été au XIIIe siècle en butte aux tentatives de colonisation des chevaliers Porte-Glaive et de ceux de l’Ordre teutonique. Pour tenter de desserrer l’étau que constituent les poussées teutoniques par l’ouest et russes par l’est, ils se rassemblent sous l’égide de Gédiminias (1316-1341), fondateur de la dynastie des Jagellon et de l’État lituanien, capitale Vilnius ; les Lituaniens se convertissent au christianisme et parviennent à conquérir des territoires ukrainiens (Kiev), la Volhynie, la Podolie, allant au XVe siècle jusqu’à la mer Noire. Mais leur plus sûr moyen de résistance à ces poussées est le mariage en 1386 de leur grand-duc Jagellon avec la reine Hedwige de Pologne, lequel grand-duc régnera ensuite en Pologne sous le nom de Ladislas II. C’est le point de départ de l’union de la Pologne et de la Lituanie, qui verra son plein aboutissement en 1569 avec l’Union de Lublin. Celleci fait de la Pologne et de la Lituanie un seul et même État, la « République », dotée d’une diète unique et d’une administration territoriale unifiée en palatinats (voïvodies) ; en cette circonstance, les territoires ukrainiens sont rattachés à la partie polonaise de l’Union. C’est alors que le grand-duché acquiert sa composition définitive, à savoir : duché de Samogitie, palatinats de Vilnius, Troki, Nowogrodek, Brest-Litowsk, Minsk, Mstislaw, Witebsk, Polozk, le palatinat de Livonie (chef-lieu Dunabourg) possédé en commun avec la Pologne, ainsi que la suzeraineté sur le duché de Courlande. Ces terres sont grevées de deux enclaves prussiennes : Tauroggen en Samogitie et Serrey dans le palatinat de Troki. Les Lituaniens proprement dits sont principalement présents dans le duché de Samogitie et dans les palatinats de Vilnius et de Troki. Les aléas de l’histoire font que le territoire du grand-duché est peuplé de Lituaniens, mais aussi d’un nombre important de Polonais et de Biélorusses. Désormais, la Lituanie va suivre pour deux siècles le destin mouvementé de la Pologne (voir chapitre Pologne). Le grand-duché de Lituanie, comme l’ensemble de la Pologne, est miné par la faiblesse des institutions politiques (monarchie élective, usage constant du liberum veto à la diète), ce qui entraîne l’intervention des puissances étrangères et excite la convoitise de ses voisins.
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Lituanie En 1772, à la suite de troubles entre factions au sein du royaume de Pologne, par le traité de Saint-Pétersbourg du 25 juillet, l’Autriche, la Prusse et la Russie procèdent au premier partage de la Pologne, qui a pour effet de dépouiller celle-ci d’un certain nombre de ses territoires. S’agissant de la partie lituanienne du royaume de Pologne, la Russie annexe : – le palatinat de Livonie (commun à Pologne et à Lituanie) ; – la moitié septentrionale (au nord de la Duna) du palatinat de Polozk ; – la quasi-totalité de celui de Witebsk ; – le palatinat de Mstislaw ; – le cinquième oriental (à l’est du Dniepr) de celui de Minsk.
2. La Lituanie en 1789 Le grand-duché de Lituanie constitue toujours en 1789 l’une des deux composantes du royaume de Pologne, à savoir la moitié située au nord-est de l’ensemble. Bordée à l’ouest par la Pologne et à l’est par la Russie, la Lituanie s’étend alors de la Baltique au nord jusque, au sud, aux frontières du Jedisan turc et de la Bessarabie moldave. Il s’agit d’un vaste ensemble plat, voué à une agriculture extensive, et arrosé de grands fleuves : la Duna, le Niémen, le haut bassin du Dniepr ; le réseau urbain en est très lâche : Vilnius, Minsk, Brest-Litowsk, Nowogrodek. Par suite de la première amputation de territoires opérée par la Russie en 1772, le grandduché de Lituanie est, en 1789, réduit aux provinces suivantes : – duché de Samogitie ; – palatinats de Vilnius, Troki, Nowogrodek, Brest-Litowsk, Minsk (les quatre cinquièmes occidentaux), petit reliquat de Witebsk, Polozk (moitié méridionale) ; – la suzeraineté, en commun avec la Pologne, sur le duché de Courlande.
II. La Lituanie entre tutelle russe et indépendance (XVIIIe-XXe siècles) 1. De 1789 à la disparition de la Lituanie (1795) À la suite du premier partage de 1772, les Polonais ont pris conscience de l’urgence de réformer leurs institutions politiques. La nouvelle Constitution de 1791 est la cause de protestations de la Russie qui, par la convention du 23 janvier 1793, procède, de concert avec la Prusse, à un deuxième partage de la Pologne. Dans ce cadre, la Russie annexe les terres lituaniennes suivantes : – la moitié méridionale (au sud de la Dusna) du palatinat de Polozk ; – le reliquat de celui de Witebsk ; – les quatre cinquièmes occidentaux (à l’ouest du Dniepr) de celui de Minsk ; – le tiers oriental du palatinat de Nowogrodek ; – le tiers oriental de celui de Brest-Litowsk. Par ailleurs, en contrepartie de ses propres acquisitions en Pologne, la Prusse cède à la Russie la petite seigneurie de Tauroggen, enclavée en Samogitie. De ce fait, le grand-duché de Lituanie est réduit aux provinces suivantes : duché de Samogitie, palatinats de Vilnius, Troki, Nowogrodek (deux tiers occidentaux), BrestLitowsk (deux tiers occidentaux), plus la suzeraineté conjointe sur le duché de Courlande. Les Polonais s’étant soulevés en 1794, et leur soulèvement ayant été vaincu, par le traité de Saint-Pétersbourg du 24 octobre 1795, l’Autriche, la Prusse et la Russie, par le troisième partage, procèdent à la disparition complète de la Pologne ; les dernières terres lituaniennes sont alors partagées entre ces trois puissances. La Russie annexe : – le duché de Samogitie, hormis son triangle situé au sud du Niémen ;
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Les États existants – le palatinat de Vilnius ; – la moitié orientale (à l’est du Niémen) du palatinat de Troki ; – les deux tiers occidentaux de celui de Nowogrodek ; – les deux tiers occidentaux de celui de Brest-Litowsk, hormis un fragment à l’ouest du Boug. La Prusse annexe : – le triangle de Samogitie situé au sud du Niémen ; – la moitié occidentale (à l’ouest du Niémen) du palatinat de Troki (régions de Suwalki et de Bialystok). L’Autriche annexe le fragment du palatinat de Brest-Litowsk situé à l’ouest du Boug. La Lituanie disparaît de la géographie politique ; ne restent plus que les Lituaniens, désormais majoritairement répartis dans les gouvernements (provinces) russes de Kowno, Witebsk, Wilna, et dans la Nouvelle Prusse orientale.
2. De 1795 à la restauration de la Lituanie (1918) À la suite de la défaite prussienne d’Iéna face aux armées de Napoléon, par le traité de Tilsitt du 9 juillet 1807, les terres lituaniennes attribuées en 1795 à la Prusse lui sont retirées et ainsi réparties : – le triangle de Samogitie et le territoire de Suwalki sont attribués au nouveau grand-duché de Varsovie ; – le cercle de Bialystok est attribué à la Russie. Par l’acte final du congrès de Vienne du 9 juin 1815, le grand-duché de Varsovie disparaît en tant qu’État indépendant, incorporé dans l’Empire russe en tant que royaume de Pologne doté d’une autonomie restreinte. Dès lors, l’ancien territoire de la Lituanie est entièrement placé sous l’autorité de la Russie, dont il va suivre le destin pendant un siècle. Dès le début du XIXe siècle, les Russes se sont employés à russifier les Lituaniens, considérant comme russes les populations biélorusses présentes sur l’ancien territoire de la Lituanie, tandis que les Lituaniens proprement dits, catholiques, étaient purement et simplement assimilés à des Polonais. De fait, les Lituaniens se soulèvent en 1831 avec les Polonais, subissant comme ceux-ci les foudres de la répression russe (déportations en masse). En 1840, les lois russes sont appliquées en Lituanie. Les Lituaniens se soulèvent une seconde fois en 1863, toujours avec les Polonais, et la répression est de nouveau intense ; l’usage de la langue polonaise, que parlait l’élite lituanienne, est interdit ; les écrits en langue lituanienne sont eux aussi prohibés. Cependant, en réaction à cette politique de russification, se produit vers la fin du siècle un renouveau littéraire, qui accompagne la montée en puissance des sentiments nationalistes au sein du peuple lituanien. C’est dans ces circonstances qu’éclate la Première Guerre mondiale. Les Lituaniens s’y engagent au sein des armées du tsar. Dès septembre 1915, le territoire lituanien est occupé par les Allemands, qui favorisent l’éclosion d’un séparatisme lituanien. À la suite de la révolution russe, un congrès lituanien, réuni dès septembre 1917, réclame l’établissement d’un royaume en Lituanie. Le 16 février 1918, l’indépendance de la Lituanie est proclamée. Le 3 mars 1918, le gouvernement bolchevique russe signe avec l’Allemagne le traité de Brest-Litowsk. La Russie y renonce à l’ensemble des pays baltes — y compris la Lituanie —, à la Finlande, à la Pologne russe, etc. Le 11 juillet 1918, l’Assemblée lituanienne offre la couronne du royaume au duc Guillaume d’Urach, de la maison de Wurtemberg, qui devrait porter le nom de Mindaugas II. À la suite de la défaite allemande, le 2 novembre 1918, le duc Guillaume renonce à la couronne. La république est proclamée en Lituanie. Reste à en fixer les limites.
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Lituanie 3. La première Lituanie indépendante (1918-1940) Par le traité de Versailles du 19 juin 1919, la ville de Memel (Klaipeda) et son territoire, anciennement prussiens mais partiellement peuplés de Lituaniens, sont érigés en territoire libre placé sous la responsabilité de la SDN. La Lituanie, quant à elle, est devenue le théâtre des ambitions antagonistes de la Russie et de la Pologne. S’étant emparées de Vilnius en janvier 1919, les forces bolcheviques y ont institué un régime soviétique, abattu par les nationalistes à l’automne de la même année. Après une offensive polonaise et une contre-offensive russe sur Vilnius au printemps de 1920, le 12 juillet, la Russie et la Lituanie signent le traité de Moscou, par lequel la Russie reconnaît l’existence de la Lituanie, qui doit englober Vilnius, la vieille capitale historique, et son territoire environnant (Lituanie centrale). Mais la Pologne revendique Vilnius comme devant lui revenir, la ville elle-même étant en majeure partie habitée par des Polonais. Les troupes polonaises ayant repoussé les troupes russes hors de Lituanie centrale, par l’accord de Suwalki du 7 octobre 1920, la Pologne annexe la moitié orientale de cette région, tout en laissant Vilnius et ses faubourgs à la Lituanie. Mais le 9 octobre, par un coup de force, le général polonais Zeligowski s’empare de Vilnius et y annonce la tenue d’un plébiscite, en vue d’un rattachement de la ville à la Pologne. En janvier 1922, le plébiscite, tenu sous occupation polonaise et hors de tout contrôle de la SDN, attribue Vilnius à la Pologne, en dépit des protestations lituaniennes. Kaunas devient alors provisoirement la capitale du pays. Le 15 mars 1923, le Conseil de la SDN entérine l’abandon de Vilnius à la Pologne. En février 1923, les troupes alliées qui occupaient le territoire de Memel se sont retirées et le territoire a été occupé par la Lituanie, qui cherche à prendre une revanche sur la perte de Vilnius. Le 8 mai 1924, le Conseil de la SDN entérine cette annexion et Memel (Klaipeda) devient le grand port de la Lituanie. Un statut d’autonomie doit être accordé à ce territoire. La nouvelle Lituanie couvre une superficie de 55 900 km2, pour une population d’environ 2,2 millions d’habitants. Bordée au nord par la Lettonie, à l’est et au sud par la Pologne et au sud-ouest par la Prusse orientale allemande, elle se limite aux anciens territoires suivants : Samogitie, moitié septentrionale de l’ancien palatinat de Troki, quart nord-ouest de celui de Vilnius (sans cette dernière ville), ancien territoire prussien de Memel. Les revers du pays au sujet de Vilnius et les difficultés d’ordre économique entraînent une instabilité politique, à laquelle mettent fin en 1926 Voldemaras — l’ancien premier président de la République — et Smetona, qui instituent un régime dictatorial ; en 1929, Smetona évince son ancien partenaire et s’empare seul du pouvoir. Face à l’attitude menaçante de l’Allemagne et de l’URSS, la Lituanie, comme les deux autres pays baltes auxquels la lie un accord de défense, cherche à maintenir sa neutralité. Faisant suite à un ultimatum de Hitler du 22 mars 1939, enjoignant la Lituanie de lui restituer le territoire de Memel, l’Allemagne envahit ce territoire et le réannexe aussitôt de façon unilatérale. La superficie de la Lituanie est alors ramenée à 53 250 km2. Le pacte germano-soviétique d’août 1939 prévoit secrètement que la Lituanie soit placée dans l’orbite de l’Allemagne. Mais en septembre, en compensation de gains territoriaux allemands en Pologne plus importants que ceux prévus au protocole secret, la Lituanie est transférée dans la sphère d’influence de l’URSS. À la suite de l’effondrement de la Pologne, le 10 octobre 1939, l’URSS se fait céder des bases militaires par la Lituanie, et lui restitue en contrepartie la ville de Vilnius assortie d’une large bande de territoire orientée nord-sud. Du coup, la superficie du pays est portée à 55 700 km2.
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Les États existants Du 15 au 17 juin 1940, les troupes soviétiques envahissent la Lituanie, comme les deux autres États baltes. Le 3 août 1940, une assemblée communiste proclame la république soviétique de Lituanie et demande son rattachement à l’URSS. Le 6 août, Moscou entérine cette annexion.
4. La Lituanie annexée (1940-1990) Dès lors la Lituanie, comme les deux autres anciens États baltes, devient une république fédérée de l’URSS. La Lituanie ayant été conquise en juillet 1941 par les troupes allemandes, l’Allemagne établit en 1942 un commissariat général d’Ostland, capitale Riga, divisé en 4 districts généraux : Estonie (Reval), Lettonie (Riga), Lituanie (Kaunas), Ruthénie blanche (Minsk). À cette occasion, la Lituanie est encore légèrement agrandie au sud-est, au détriment de la Ruthénie blanche. En juillet 1944, la Lituanie est reconquise par l’URSS. En novembre, la république soviétique de Lituanie est restaurée. Vilnius en devient la capitale. Conservant ses divers agrandissements de 1940 et 1942, elle réincorpore le territoire de Memel (Klaipeda) ; elle atteint sa configuration territoriale de 65 200 km2 qu’elle conserve encore de nos jours. De 1944 à 1990, la Lituanie est durablement et fermement intégrée dans le système soviétique, et va suivre le sort de l’URSS pendant cette période. À partir de 1949, la Russie soviétique ayant annexé la partie septentrionale de l’ancienne Prusse orientale (oblast de Kaliningrad, ex-Kœnigsberg), la Lituanie présente la particularité de s’insérer entre ce nouvel oblast et le reste du territoire de la Russie. Pour s’opposer à la soviétisation croissante du pays, un mouvement nationaliste, le Sajudis, voit le jour en 1988.
5. La seconde Lituanie indépendante (1990 à nos jours) Faisant suite à l’effondrement des régimes communistes en Europe de l’Est, le mouvement indépendantiste Sajudis remporte les élections du 24 février 1990. Le 11 mars, le Parlement de Vilnius proclame l’indépendance de la Lituanie, qui redevient une république démocratique. Cette déclaration d’indépendance est le premier acte d’un processus qui va peu à peu provoquer l’effondrement de l’URSS. Mais, jusqu’en juillet 1991, le pouvoir soviétique tente de s’opposer par la force à la sécession de la Lituanie. Finalement, l’effondrement du régime communiste en Russie permet à la Lituanie de jouir pleinement de sa liberté retrouvée. Elle peut alors entreprendre une politique de rapprochement avec l’Occident, qui finit par se traduire par le dépôt de sa candidature à l’adhésion à l’Union européenne. Cette candidature est acceptée le 12 décembre 2002, et l’adhésion devient effective le 1er mai 2004.
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Luxembourg
Luxembourg Le pays en bref État monarchique : le grand-duché de Luxembourg. Souverain : le grand-duc Henri, de la maison de Nassau-Weilbourg. Représentation parlementaire : la Chambre des députés. Capitale : Luxembourg ; 12 cantons : Luxembourg, Capellen, Esch, Mersch, Clervaux, Diekirch, Redange, Vianden, Wiltz, Echternach, Grevenmacher, Remich. Superficie : 2 600 km2 ; population : 400 000 habitants ; densité : 154 habitants au km2. Langue : le luxembourgeois ou francique mosellan (dialecte moyen-allemand), langue officielle ; on parle aussi le français (langue administrative) et l’allemand. Religion : catholique à 97 %. Monnaie : l’euro ; le franc luxembourgeois (en parité avec le franc belge) jusqu’en 2001.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée du Luxembourg 1. De la fondation du Luxembourg à la tutelle de l’Autriche (963-1789) Au début de notre ère, la région de vastes forêts qui s’étend entre le plateau ardennais et la vallée de la Moselle est le domaine des Trévires (capitale Trèves), tribu gauloise conquise par Jules César en 54 av. J.-C., et dès lors incluse dans la province romaine de Belgique Ire, puis dans l’Austrasie mérovingienne et la Lotharingie carolingienne. En 963, érigeant le château de Lutzelbourg (Luxembourg), Sigefroi, de la maison comtale d’Ardenne, fonde le comté de Luxembourg. Après avoir appartenu (1247-1441) à l’illustre maison de Luxembourg, qui donne des rois à la Bohême et des empereurs à l’Allemagne, le Luxembourg, érigé en duché en 1354, entre en 1441 dans les domaines des ducs valésiens de Bourgogne. Rattaché en 1477 à la maison d’Autriche, il est compris en 1512 dans le cercle de Bourgogne et fait partie en 1548 des 17 provinces des Pays-Bas liées par la pragmatique sanction d’Augsbourg. Versé en 1556 dans la part espagnole (Philippe II) de l’héritage de Charles Quint avec les 16 autres provinces, il fait partie des dix provinces qui restent catholiques et fidèles au roi d’Espagne lors de la scission de 1579. Le Luxembourg de cette époque est nettement plus étendu que le grand-duché d’aujourd’hui, car il englobe le Luxembourg belge à l’ouest et les petits territoires de Montmédy et de Thionville au sud. Isolé par l’évêché de Liège du reste des Pays-Bas espagnols, il se montre d’une fidélité sans faille à l’égard des Habsbourg, laquelle tranche avec la turbulence des autres provinces. Au traité des Pyrénées (1659), le Luxembourg doit céder Montmédy et Thionville à la France. Puis, au prétexte qu’il aurait été vassal du comté de Chimay, lui-même vassal de l’évêché de Metz, il fait l’objet, en 1681, d’une tentative de réunion opérée par Louis XIV, qui doit toutefois le rendre à l’Espagne au traité de Ryswick (1694). Au traité d’Utrecht (1713), il fait partie, avec l’ensemble des Pays-Bas espagnols, des domaines cédés par l’Espagne des Bourbons à l’Autriche. En janvier 1785, dans l’idée de rationaliser son domaine, l’empereur Joseph II signe avec l’électeur de Palatinat-Bavière le traité de Munich par lequel, en échange de la Bavière et du Palatinat de Franconie, il cède à l’électeur les Pays-Bas autrichiens, hormis Namur laissé à la France et le Luxembourg qui sera cédé à l’archevêque de Salzbourg, en échange de son archevêché cédé à l’Autriche.
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Les États existants Les protestations conjointes du roi Frédéric II de Prusse et du duc de Deux-Ponts (héritier de l’électeur) font échouer cet arrangement. Le 1er janvier 1787, l’empereur promulgue un édit qui décide la réforme administrative des Pays-Bas (uniformisation en vue d’en faire l’un des treize gouvernements de l’Autriche) et supprime les institutions traditionnelles de chacune des provinces.
2. Le Luxembourg en 1789 Limité par l’évêché de Liège à l’ouest, le duché autrichien de Limbourg au nord, l’évêché de Trèves à l’est et la Lorraine française au sud, le duché de Luxembourg, capitale Luxembourg, est en 1789 une possession de l’Autriche comprise dans les Pays-Bas méridionaux et le cercle impérial de Bourgogne ; comme chacune des provinces des Pays-Bas autrichiens, il dispose d’un gouvernement particulier, mais il est rattaché au gouvernement général des Pays-Bas sis à Bruxelles. Le duché de Luxembourg s’étend entre Meuse et Moselle, dans le massif des Ardennes ; il est constitué de plateaux souvent couverts de forêts. C’est une région au climat rude, peu propice à l’agriculture, sauf sur sa frange méridionale (bassin mosellan) ; elle est en revanche dotée de mines. Le Luxembourg est situé à cheval sur une ligne de partage des langues, l’ouest du pays étant francophone et l’est germanophone. La forteresse de Luxembourg constitue une place militaire d’une valeur indéniable.
II. Entre annexions et indépendance (1789 à nos jours) 1. De 1789 à 1815 En juillet 1789, le Luxembourg est la seule des dix provinces des Pays-Bas à ne pas prendre part à la révolte contre l’Autriche. Les autorités autrichiennes s’y replient. En novembre 1790, il constitue la base de départ des Autrichiens dans leur reconquête des Pays-Bas. La France ayant déclaré en avril 1792 la guerre au roi de Hongrie et de Bohême, souverain des Pays-Bas autrichiens, ceux-ci sont envahis par les Français dès novembre 1792. Le Luxembourg est une première fois annexé à la France (mars 1793). Au même moment, un retour offensif des Autrichiens oblige les Français à évacuer l’ensemble des Pays-Bas autrichiens. Les troupes françaises les occupent à nouveau à partir de juin 1794, sans les réannexer. Le 31 août 1795, sans attendre son annexion officielle, la Convention décide la division en neuf départements de l’ensemble belge (Pays-Bas, Liège, Stavelot-Malmédy, Bouillon). Dans ce cadre, le duché de Luxembourg est réparti entre deux départements : – son saillant septentrional (Saint-Vith) est réuni au département de l’Ourthe (Liège) ; – la majeure partie du duché forme, à elle seule, le département des Forêts, chef-lieu Luxembourg, divisé en quatre arrondissements (Luxembourg, Bitbourg, Diekirch, Neuchâteau) ; celui-ci compte environ 250 000 habitants. Le 1er octobre 1795, le Luxembourg, comme l’ensemble des Pays-Bas autrichiens, est une seconde fois annexé par la France. Cette annexion est entérinée par l’Autriche au traité de Campo-Formio (octobre 1797). Le Luxembourg va désormais, pendant près de vingt ans, suivre le destin de la France, sous le nom de département des Forêts.
2. De 1815 à la partition (1831/1839) Par le traité de Vienne du 31 mai 1815, le nouveau roi des Pays-Bas Unis, Guillaume Ier d’Orange-Nassau, renonce à ses possessions allemandes du Nassau en faveur de la Prusse ; en contrepartie, les puissances lui attribuent le Luxembourg, érigé en grandduché en sa faveur ; le roi le possédera à titre personnel, séparément du royaume des PaysBas Unis.
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Luxembourg L’inclusion du Luxembourg dans la Confédération germanique fait bientôt du roi des PaysBas un membre de cette Confédération ; aux assemblées plénières de la diète de Francfort (70 voix), le roi détiendra trois voix ; aux assemblées restreintes (17 voix), il en détiendra une. Toutefois, la Prusse se fait céder par le roi des Pays-Bas divers territoires, parmi lesquels l’arrondissement de Bitbourg, prélevé sur le Luxembourg et rattaché à la province prussienne du Bas-Rhin. En mai 1816, le roi des Pays-Bas renonce, pour lui et ses successeurs, à considérer le Luxembourg comme possession personnelle et en fait une province ordinaire de son royaume, appelant des députés luxembourgeois à siéger aux États généraux. Cependant, le grand-duché de Luxembourg reste inclus dans la Confédération germanique, ce qui lui confère un double statut néerlandais et allemand, renforcé par l’érection en 1816 de la place de Luxembourg en forteresse fédérale de la Confédération, dotée d’une garnison prussienne pour les trois quarts, néerlandaise pour le quart restant. Une partie de la population luxembourgeoise adhère à la révolution d’août 1830 menée par les habitants des provinces méridionales (future Belgique) contre leur union forcée, en 1815, aux provinces septentrionales. Le 28 octobre 1830, le gouvernement provisoire belge déclare que le Luxembourg fait partie de la Belgique. Par le protocole du 20 janvier 1831, les puissances réunies à Londres sur initiative franco-anglaise décident que le royaume des Pays-Bas sera désormais limité aux Provinces-Unies de 1790 augmentées du Luxembourg ; le reste du royaume formera le nouveau royaume de Belgique. En février 1831, le Congrès belge, où siègent des députés du Limbourg et du Luxembourg (sauf des villes de Maastricht et de Luxembourg, d’où les garnisons les ont empêchés de partir), refuse d’avaliser le protocole du 20 janvier, dans l’espoir de parvenir à conserver le Limbourg et le Luxembourg. Le 26 juin 1831, le nouveau roi de Belgique, Léopold Ier de Saxe-Cobourg, signe avec les puissances le traité des Dix-Huit Articles, par lequel les puissances attribuent le Luxembourg à la Belgique et considèrent que le Limbourg devra faire l’objet de compensation dans le cadre d’un accord entre Belgique et Pays-Bas. Mais le roi des Pays-Bas refuse le traité des Dix-Huit Articles, envahit la Belgique et prend Anvers ; la Belgique fait appel à la France, qui intervient à son tour. Le conflit se termine (20 octobre 1831) par un nouvel accord, le traité des Vingt-Quatre Articles, aux termes duquel le Limbourg et le Luxembourg sont chacun partagés entre Belgique et Pays-Bas. Dans ce cadre, le Luxembourg est ainsi partagé : – sa part occidentale (partie francophone, plus Arlon) devient la province belge du Luxembourg, chef-lieu Arlon ; – sa part orientale (partie germanophone) demeure grand-duché de Luxembourg, province néerlandaise, chef-lieu Luxembourg. Le Luxembourg belge sort de la Confédération germanique et le Limbourg néerlandais y est inclus à titre de compensation. De nouveau, le roi des Pays-Bas refuse d’avaliser le traité et la Belgique garde provisoirement la presque totalité du Limbourg et du Luxembourg — hormis les deux villes de Maastricht et de Luxembourg, en raison de la présence des garnisons. Le roi des Pays-Bas ayant accepté en mars 1838 le traité des Vingt-Quatre Articles, par le traité de Londres du 19 avril 1839, le partage est effectué selon les termes du traité de 1831. Le Luxembourg belge (4 400 km2 et les deux cinquièmes de la population) devient définitivement une province du royaume de Belgique, dont il suivra désormais le sort (voir le chapitre Belgique). Le Luxembourg néerlandais (2 600 km2 et les trois cinquièmes de la population) demeure grand-duché de Luxembourg, possession du roi des Pays-Bas incluse dans la Confédération germanique ; contrairement au Limbourg néerlandais, traité comme une province ordinaire, le grand-duché de Luxembourg, désormais isolé des Pays-Bas par la Belgique, sera doté par le roi d’une administration particulière, distincte de celle du royaume.
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Les États existants 3. De 1839 à l’indépendance (1890) Dès 1841, le nouveau roi-grand-duc Guillaume II accorde au Luxembourg une Constitution. En 1842, le grand-duché de Luxembourg adhère au Zollverein. En 1848, le grandduché se voit octroyer une nouvelle Constitution, plus libérale. La Confédération germanique, dont faisait partie le Luxembourg, est dissoute en août 1866 et le roi des Pays-Bas, Guillaume III, refuse d’entrer, pour le Luxembourg, dans la nouvelle Confédération de l’Allemagne du Nord. Las de la présence prussienne dans la forteresse de Luxembourg, le roi envisage de répondre favorablement aux offres d’achat du Luxembourg faites par l’empereur Napoléon III, désireux d’obtenir une compensation à la suite de l’accroissement prussien de 1866. Le chancelier prussien Bismarck, ayant dans un premier temps donné son assentiment à la transaction secrète, la fait échouer en se faisant interpeller au Reichstag et en la révélant à l’opinion publique. Par le traité de Londres du 11 mai 1867, la France est contrainte à renoncer à l’acquisition du Luxembourg et n’obtient que le démantèlement de la forteresse de Luxembourg, libérée de la garnison prussienne, et la neutralisation du grand-duché dans les mêmes termes que ceux définis en 1831 pour la Belgique.
4. De 1890 à nos jours Le 23 novembre 1890, la mort de Guillaume III amène la montée sur le trône des Pays-Bas de sa fille Guillemine (ou Wilhelmine). Le Luxembourg observant la loi salique, le trône grand-ducal échoit à son cousin Adolphe de Nassau, membre de la ligne walramienne (dépossédée en 1866 de son duché de Nassau par la Prusse). Le grand-duché de Luxembourg devient ainsi indépendant du royaume des Pays-Bas. En avril 1907, le grand-duc Guillaume IV, fils d’Adolphe, lui-même sans héritier mâle, fait modifier la loi de succession, ce qui permet à sa fille aînée, Marie-Adélaïde, de lui succéder en février 1912. En août 1914, la neutralité du Luxembourg est bafouée, comme celle de la Belgique, par l’Allemagne. La grande-duchesse Marie-Adélaïde, après une opposition symbolique — elle vient en landau barrer la route aux Allemands à l’entrée de sa capitale —, est mise en résidence surveillée dans son château de Colmar-Berg. Soupçonnée par la suite de complaisance envers l’Allemagne, devant l’hostilité des vainqueurs et les troubles dans le pays, elle abdique le 14 janvier 1919 en faveur de sa sœur puînée Charlotte. Aux pourparlers de paix de la conférence de Paris, la Belgique revendique l’annexion du Luxembourg (son « Alsace-Lorraine »). Mais les Luxembourgeois ne l’entendent pas ainsi. Par plébiscite du 28 septembre 1919, ils expriment à une écrasante majorité leur attachement à leur dynastie et leur volonté de rester indépendants, ainsi qu’à 66 % leur souhait d’union économique avec la France. Leur indépendance ne sera plus remise en cause. Le 21 juillet 1921, la France ayant refusé l’union économique pour ne pas mécontenter la Belgique, vers qui elle incite le Luxembourg à se tourner, le Luxembourg entre en union économique avec la Belgique. La France se contente de recouvrer son droit historique d’exploitation du réseau ferroviaire principal du Luxembourg (réseau Guillaume-Luxembourg), droit qu’elle avait exercé jusqu’en 1871 par sa Compagnie de l’Est et dont elle avait été privée par l’Allemagne ; le réseau luxembourgeois sera désormais exploité par le réseau français d’Alsace-Lorraine. Pas plus qu’à la Première, le Luxembourg ne parvient à échapper à la Seconde Guerre mondiale. Il est occupé dès mai 1940 par les armées allemandes, tandis que la grandeduchesse Charlotte se réfugie à Londres, et son gouvernement au Canada. Le 2 août 1940, le Luxembourg est annexé au Reich allemand, augmenté de quelques communes germanophones du Luxembourg belge. Au plébiscite du 10 octobre 1941 organisé par l’Allemagne, par une abstention de 97 %, les Luxembourgeois expriment massivement leur rejet de l’annexion.
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Luxembourg Le 14 avril 1945, le Luxembourg ayant été libéré par les troupes américaines, la grandeduchesse Charlotte rentre dans sa capitale et consacre ainsi la restauration du grandduché de Luxembourg. En 1948, le Luxembourg renonce à sa neutralité et entre dans le Benelux, union économique groupant les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. En 1957, il est l’un des six membres fondateurs de la Communauté économique européenne. Des lors, le grand-duché se fond dans la Communauté européenne, héberge dans sa capitale nombre d’institutions communautaires, et diversifie les sources de sa prospérité économique en développant considérablement ses activités tertiaires (secteur bancaire). En septembre 2000, le grand-duc Jean, qui avait remplacé sa mère en 1964, abdique en faveur de son fils, le grand-duc Henri.
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Les États existants
Macédoine Le pays en bref État républicain : la république de Macédoine. Président : Branko Crvenkovski. Représentation parlementaire : une chambre unique, l’Assemblée nationale. Capitale : Skopje. Division administrative en 84 municipalités, regroupées en 8 régions : Est, Nord-Est, Skopje, Polog, Sud-Ouest, Pélagonie, Vardar, Sud-Est. Superficie : 25 700 km2 ; population : 2 millions d’habitants ; densité : 78 habitants au km2. Langue : le macédonien, langue slave ; une importante minorité (25 %) parle albanais. Religion : 65 % d’orthodoxes, 30 % de musulmans. Monnaie : le denar.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Macédoine 1. D’Alexandre le Grand à la domination ottomane (336 av. J.-C.-1789) La Macédoine entre dans l’histoire comme le royaume de Philippe II, membre de la dynastie des Argéades, qui conquiert la Grèce en 338 av. J.-C. Les Macédoniens sont alors un peuple issu d’un mélange ancien entre Grecs, Illyriens et Thraces. Vivant au voisinage de la Grèce des cités, la Macédoine s’est peu à peu hellénisée, tout en conservant ses institutions monarchiques ; le roi Philippe, éduqué à la grecque à Thèbes, et son fils Alexandre le Grand, instruit par Aristote, ancrent le pays dans le monde grec qu’ils dominent et l’épopée d’Alexandre (336-323) cimente l’union des Grecs et des Macédoniens. Après cette brillante période, la Macédoine ne connaît plus qu’une histoire modeste, semblable à celle des contrées environnantes. Royaume hellénistique sous l’autorité des Antigonides, elle devient province romaine en 146 av. J.-C., puis elle fait partie de l’Empire romain d’Orient à partir de 395 apr. J.-C. Au VIe siècle commencent des invasions de Slaves, qui s’installent durablement dans la partie septentrionale du pays. Au IXe siècle, la Macédoine est incorporée dans l’empire bulgare, ses habitants sont alors évangélisés dans le rite grec. La Bulgarie étant reconquise par Byzance, la Macédoine devient le centre d’un dernier empire bulgare, celui de Samuel (980-1014) qui établit sa capitale à Ochrida, puis, à partir de 1018, elle est à son tour reprise par les Byzantins. Au XIIIe siècle, elle constitue l’éphémère royaume latin de Salonique (1204-1224) attribué à Boniface de Montferrat, redevient byzantine, avec un intermède bulgare (12301246) ; prise ensuite par les Serbes, elle entre en partie dans l’empire de Douchan, qui se fait empereur des Serbes et des Grecs en 1346 à Ouskoub (l’actuelle Skopje). Elle est conquise à la fin du XIVe siècle par les Ottomans, qui la possèdent toujours en 1789.
2. La Macédoine en 1789 La Macédoine est une région géographique (62 000 km2) de la Turquie d’Europe située dans la péninsule balkanique et bordant la rive nord-ouest de la mer Égée. Entourée de la Thessalie, de l’Albanie, de la Bosnie, de la Serbie et de la Thrace, la Macédoine s’étend sur les bassins de la Vistritsa, du Vardar et de la Strouma. Un petit chaînon transversal sépare la Macédoine en deux parties : la haute Macédoine ou Macédoine septentrionale (Ochrida, Ouskoub, Monastir), montagneuse, est en majorité peuplée de Slaves (Serbes et Bulgares) ; la basse Macédoine ou Macédoine méridionale (Salonique, Kavalla), plus plate, est en majorité peuplée de Grecs.
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Macédoine Les Turcs sont surtout présents dans les villes, singulièrement à Salonique, mais aussi dans les campagnes, où se sont établis des colons venus d’Anatolie dès le XIVe siècle, tandis que d’autres musulmans habitent la région : autochtones islamisés, Albanais dans le nordouest du pays, Pomaks bulgares. Région d’agriculture pauvre, sauf en plaine, elle est un carrefour de communications et dispose, en la ville de Salonique, d’un port de premier ordre. Du point de vue administratif, la Macédoine n’est en rien une entité politique ; elle fait partie du vaste vilayet de Roumélie, au sein duquel elle couvre les sandjaks de Salonique, d’Ouskoub, d’Ochrida et de Kustendil.
II. Le destin contrarié du peuple macédonien (1789 à nos jours) 1. La Macédoine turque (1789-1913) Éloignée des foyers de trouble de l’Europe occidentale, la Macédoine n’est pas affectée par les bouleversements de l’époque révolutionnaire et napoléonienne. En revanche, tout au long du XIXe siècle, la Macédoine va être l’objet des convoitises croissantes de ses voisins bulgare, serbe, grec et même roumain. Celles-ci vont se manifester par une lutte d’influence culturelle, scolaire et religieuse, chaque partie visant, par le biais du rattachement confessionnel à une Église orthodoxe déterminée et par la fréquentation d’écoles qui en dépendent, à attirer le plus d’habitants du pays pour asseoir ses revendications territoriales. Face à ces rivalités commence à se manifester, dès le milieu du siècle, un renouveau littéraire et culturel proprement macédonien, sur lequel s’appuieront les luttes des komitadjis à la fin du siècle. En 1840, dans le cadre de la politique de réformes de l’Empire ottoman, l’ensemble de la Turquie est divisé en 36 vilayets, dont 15 en Europe. La Macédoine est répartie entre les vilayets de Salonique (groupant basse Macédoine et Thessalie), de Roumélie, chef-lieu Monastir (groupant Macédoine moyenne et haute Albanie) et d’Ouskoub (haute Macédoine). En 1877, un vilayet du Kossovo (chef-lieu Pristina) est créé, lequel couvre partiellement la Macédoine septentrionale. Avec le soutien de la Russie, les Bulgares ont obtenu dès mars 1870 la création d’un exarchat bulgare, église autocéphale de rite slavon détachée du patriarchat orthodoxe grec du Phanar ; il a juridiction sur tous les Bulgares de l’Empire et la majorité des habitants orthodoxes de la haute Macédoine y ont adhéré, alors qu’en basse Macédoine les habitants (grecs pour la plupart) restent fidèles au patriarchat grec. Au traité de San Stefano du 3 mars 1878, mettant fin à la guerre russo-turque de 1877 perdue par la Turquie, la Russie impose à la Turquie la cession d’un large territoire destiné à devenir une grande Bulgarie sous influence russe. S’appuyant sur l’implantation religieuse de l’exarchat bulgare, la nouvelle Bulgarie englobe la majeure partie de la Macédoine, jusqu’à une ligne passant à l’ouest du lac d’Ochrida, descendant au sud jusqu’à Kastoria, puis rejoignant le golfe de Salonique et donnant une petite fenêtre maritime à la Bulgarie aux bouches du Vardar. Seules restent à la Turquie la moitié méridionale de la basse Macédoine (jouxtant la Thessalie), la ville de Salonique et la presqu’île de Chalcidique. Le traité de San Stefano rompant l’équilibre balkanique au profit de la Russie, la GrandeBretagne et l’Autriche-Hongrie protestent hautement et le chancelier Bismarck réunit à Berlin un congrès des puissances qui impose un nouveau traité en juillet 1878. La grande Bulgarie de San Stefano y est partagée en quatre morceaux et la Turquie recouvre une bonne partie des territoires cédés à San Stefano, parmi lesquels l’entière Macédoine qui reste ou redevient turque. En 1893, avec le soutien de la Bulgarie, des nationalistes macédoniens créent l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (ORIM), qui entame aussitôt des actions terroristes contre les autorités ottomanes.
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Les États existants En août 1903, une insurrection a lieu dans le vilayet de Monastir, qui donne lieu à la proclamation d’une éphémère république de Kroutchevo. En un mois, l’insurrection est écrasée par les forces turques. Mais cette répression émeut l’opinion publique européenne. En octobre 1903, à la suite de l’entrevue de Murzsteg entre les empereurs Nicolas II de Russie et François-Joseph d’Autriche, une action internationale de pacification est entreprise par l’envoi de contingents de gendarmerie de cinq puissances (Grande-Bretagne, France, Italie, Autriche-Hongrie, Russie) opérant chacun dans un secteur de la Macédoine. Par accord secret du 13 mars 1912, la Serbie et la Bulgarie s’entendent sur les conséquences d’un conflit commun contre la Porte (affaiblie par sa guerre malheureuse contre l’Italie). La Serbie aurait le Kossovo et le sandjak de Novi Bazar, la Bulgarie recevrait la Macédoine à l’est de la Strouma, la majeure partie de la Macédoine restant réservée (État ou région autonome) et, en cas de partage de la Macédoine (soumis à l’arbitrage du tsar), la Serbie ne revendiquerait que sa frange septentrionale (au nord d’une ligne Ochridasources de la Strouma), la Bulgarie devant recevoir le reste. Sur ces entrefaites, la Ligue balkanique formée entre Grèce, Bulgarie, Serbie et Monténégro déclare la guerre à la Turquie en octobre 1912. La Turquie vaincue doit, au traité de Londres (30 mai 1913), céder toutes ses provinces européennes à l’ouest d’une ligne Enos-Midia ; la Macédoine cesse ainsi d’être turque ; reste à la partager entre les vainqueurs.
2. De la partition à l’érection d’une Macédoine indépendante (1913-1991) Le 30 juin 1913, la Bulgarie, qui avait vainement réclamé l’entière Macédoine pour prix de son effort de guerre, attaque par surprise ses anciens alliés ; vaincue le 31 juillet, elle doit accepter de signer le traité de Bucarest du 10 août. La Macédoine y est partagée entre Bulgarie, Serbie et Grèce, de la façon suivante : – la Bulgarie n’obtient que la Macédoine « du Pirin », à savoir la moyenne vallée de la Strouma et la haute vallée de la Mesta, avec le saillant de Stroumitza ; – la Serbie reçoit la Macédoine septentrionale, jusqu’à une ligne allant du lac Prespa au saillant de Stroumitza, avec les villes d’Ouskoub, Veles, Ochrida et Monastir ; – la Grèce reçoit la Macédoine méridionale, au sud de la ligne précitée, englobant les basses vallées de la Strouma et de la Mesta, avec les villes de Kastoria, Florina, Salonique, Serres et Kavalla. À partir de cette date, la Macédoine méridionale, peuplée majoritairement de Grecs, est définitivement rattachée à la Grèce, dont elle suivra les destinées (voir chapitre Grèce). La petite Macédoine « du Pirin » est sans difficultés intégrée dans le royaume de Bulgarie. En revanche, la Macédoine septentrionale, englobée désormais dans la Serbie, constitue pour cette dernière une région de minorités, car les Macédoniens qui y résident se sentent en majorité plus proches de la Bulgarie, pays vers lequel se tournent leurs regards. Durant la Première Guerre mondiale, la Macédoine serbe est le théâtre de nombreux combats, les alliés de l’Entente y ayant ouvert un front « d’Orient » face aux armées allemandes, austro-hongroises et bulgares qui ont vaincu Serbes et Monténégrins. Dès décembre 1918, la Macédoine serbe, comme l’ensemble de la Serbie, devient partie intégrante du nouveau royaume des Serbes, Croates, Slovènes (SCS). Par le traité de Neuilly du 27 novembre 1919, entre autres territoires, la Bulgarie cède au royaume SCS le saillant macédonien de Stroumitza. Durant l’entre-deux-guerres, la Macédoine serbe n’est l’objet d’aucun statut particulier qui reconnaîtrait sa spécificité ; les autorités serbes s’emploient au contraire à la « serbiser ». À la suite de troubles graves intervenus entre Serbes et membres d’autres communautés, le roi Alexandre décrète en octobre 1929 l’uniformisation du pays, qui prend le nom symbolique de royaume de Yougoslavie. En 1931, les anciennes régions historiques cèdent la place à neuf banovines (plus le district séparé de Belgrade) chevauchant les anciennes provinces et portant des noms de rivières.
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Macédoine Dans ce cadre, la Macédoine devient la banovine du Vardar, chef-lieu Skopje. Mais les Bulgares, qui n’ont pas perdu espoir de s’en emparer, y entretiennent une agitation larvée, en attendant l’occasion d’intervenir. Cette occasion se présente lorsque, faisant suite à la défaite de la Yougoslavie face à l’invasion des troupes italiennes, allemandes et bulgares, Hitler décide le 22 avril 1941 le démembrement de ce pays. Dans le cadre de ce démantèlement, la Bulgarie annexe la majeure partie de la Macédoine yougoslave, jusqu’au lac d’Ochrida, tandis que sa frange occidentale est attribuée à l’Albanie italienne. Ayant également été défaite et occupée, le 4 juillet 1941, la Grèce doit céder à la Bulgarie le territoire de Florina et la Macédoine grecque à l’est de la Strouma. La Macédoine est dès lors partagée entre Bulgarie, Grèce et Albanie italienne. Dès l’automne de 1944, la Bulgarie, qui a changé de camp sous la pression de l’URSS, a restitué de facto à la Grèce et à la Yougoslavie les terres annexées en 1941. La Constitution yougoslave du 31 janvier 1946 prévoit une structure fédérale pour une Yougoslavie qui sera composée de six républiques et deux régions autonomes, de façon à remédier aux antagonismes apparus dans l’entre-deux-guerres. Les républiques sont, pour la plupart d’entre elles, fondées sur un critère ethnique et c’est ce principe qui est appliqué à la Macédoine yougoslave, les Macédoniens étant différents des Serbes et proches des Bulgares. La Macédoine, capitale Skopje (Ouskoub), devient l’une des six républiques de la nouvelle Yougoslavie fédérale. Elle recouvre la Macédoine serbe de 1913, accrue du saillant de Stroumitza et de la pointe méridionale de l’ancien Kossovo (monténégrin), le tout représentant une surface de 26 000 km2. Par le traité de Paris du 10 février 1947, entre autres clauses, la Bulgarie renonce en faveur de la Yougoslavie (république de Macédoine) à la Macédoine septentrionale et au saillant de Stroumitza, et en faveur de la Grèce au territoire de Florina et à la Macédoine orientale. La Macédoine atteint alors sa dimension définitive. C’est désormais un État qui, au sein de la fédération de Yougoslavie, dispose d’une certaine autonomie, tempérée par l’omnipotence du parti communiste, qui contrôle tous les rouages, et la main de fer avec laquelle le maréchal Tito préside à l’ensemble de la Yougoslavie. Elle constitue, au sein de la fédération, une république pauvre et profite de l’aide économique provenant du reste du pays. Une importante minorité albanaise continue à vivre dans l’ouest de ce pays.
3. La Macédoine contemporaine (1991 à nos jours) La mort de Tito (mai 1980) et l’effondrement des pouvoirs communistes en Europe centrale permettent à certains États yougoslaves de revendiquer leur indépendance. Par référendum du 8 septembre 1991, la Macédoine décide sa séparation d’avec la fédération yougoslave et prend le 17 le nom de république de Macédoine, ce qui provoque un litige avec la Grèce qui refuse (par crainte de revendications ultérieures sur la Macédoine grecque) de reconnaître cet État dont elle conteste l’appellation. La Constitution du 6 janvier 1992 dote ce nouveau pays d’un régime démocratique. La présence de troupes de l’ONU, depuis 1993, permet d’éviter que le litige avec la Grèce, qui prend la forme d’un blocus (février 1994-octobre 1995), ne se résolve par un conflit. Dès l’automne 1995, le litige avec la Grèce est résolu, mais la Macédoine doit faire face en 1998 à l’arrivée déstabilisante de nombreux réfugiés albanais (1998), situation qui obère son avenir.
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Les États existants
Malte Le pays en bref État républicain : la république de Malte. Président : Eddie Fenech Adami. Représentation parlementaire : une chambre unique, la Chambre des représentants. Capitale : La Valette ; 6 régions : Port intérieur, Port extérieur, Sudorientale, Occidentale, Septentrionale, Gozo et Comino. Superficie : 316 km2 ; population : 370 000 habitants ; densité : 1 170 habitants au km2. Langue : le maltais, langue sémitique mâtinée d’arabe, de sicilien, d’anglais et de français ; l’anglais. Religion : catholique. Monnaie : la livre maltaise.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de Malte 1. Terre de convoitises (218 av. J.-C.-1789) Ancienne possession carthaginoise, l’archipel de Malte (Melite) passe en 218 av. J.-C. sous la domination romaine, qui le rattache à la province de Sicile. Devenu byzantin, il est pris par les Arabes en 870 apr. J.-C., puis par les Normands de Sicile en 1090. Attaché au sort de la Sicile pendant plus de quatre siècles, il subit la domination angevine, puis aragonaise, pour échoir en 1516 à Charles Quint. Ce dernier le cède en 1530 — moyennant le tribut annuel d’un faucon — aux Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, qui viennent de se faire chasser de Rhodes par les Turcs. Depuis lors, l’Ordre, communément appelé « de Malte », y possède son siège, sous la suzeraineté de la Sicile ; le grand maître (souverain électif) réside dans sa capitale, La Valette, et l’archipel est placé sous le gouvernement direct de l’Ordre, qui y entretient une flotte.
2. L’archipel de Malte en 1789 L’archipel méditerranéen de Malte, situé à 100 km au sud de la Sicile et à 250 km au nord de l’Afrique, est un ensemble constitué de trois îles principales : Malte, Gozo et Comino, assorties de quelques îlots. Le sol y est très pauvre mais bien cultivé et l’activité y est principalement commerçante et maritime, l’île de Malte constituant un port de premier ordre. Les chevaliers de Malte font de La Valette et de ses alentours une place militaire aux fortifications redoutables, qui rendront sa position inexpugnable pendant deux siècles et demi.
II. De la mainmise britannique à l’indépendance 1. De 1789 à 1814 L’abolition des privilèges nobiliaires (août 1789) et les persécutions des révolutionnaires contre la religion catholique ont mis à mal les intérêts de l’Ordre en France et ont gravement compromis l’influence traditionnelle de ce pays au sein de l’Ordre. En juillet 1797, à la mort du grand maître de Rohan, les chevaliers élisent pour la première fois un prince allemand, le baron de Hompesch. Celui-ci va commettre l’erreur de reconnaître le tsar Paul Ier (un orthodoxe) pour protecteur de l’Ordre, ce qui va avoir pour effet d’indisposer la France. Le général Bonaparte s’était fait attribuer les îles Ioniennes, ci-devant vénitiennes, à la paix de Campo-Formio (octobre 1797). Il souhaitait étendre l’influence de la France en
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Malte Méditerranée et avait convaincu le Directoire de conduire une expédition en Égypte ; il était convenu que Malte serait occupé au passage. En deux jours (10 et 11 juin 1798), l’expédition navale française s’empare de l’archipel et le grand maître cède aussitôt à la France la souveraineté sur Malte. Bonaparte y séjourne du 12 au 19 juin, y nomme un gouverneur militaire (général Vaubois) et un commissaire civil (Regnault de Saint-Jean-d’Angély). Malte ne devient pas officiellement un département français, mais l’archipel est divisé en cantons et les institutions françaises y sont introduites. Bonaparte repart pour l’Égypte. Dès septembre 1798, à la suite des revers français en Égypte, les Anglais, soutenus par les Maltais, s’emparent de l’archipel, sauf des cités fortifiées de La Valette, où le général Vaubois va subir un siège de deux ans. En septembre 1800, le général Vaubois capitule. Les Anglais s’emparent officiellement de Malte « au nom du roi des Deux-Siciles ». Les chevaliers nomment le tsar Paul Ier grand maître ; celui-ci revendique aussitôt la restitution de l’archipel. En décembre 1800, le royaume des Deux-Siciles ayant amorcé un rapprochement avec la France, la Grande-Bretagne prend Malte sous sa protection. Le 25 mars 1802, la France et la Grande-Bretagne signent la paix à Amiens. Entre autres dispositions, l’archipel de Malte doit être rendu à l’ordre des Hospitaliers de SaintJean et son indépendance et sa neutralité doivent être garanties par six puissances (France, Grande-Bretagne, Russie, Autriche, Prusse, Espagne). Le 15 juin 1802, à l’initiative des Anglais, un Congrès national maltais publie une déclaration reconnaissant le roi de Grande-Bretagne comme « souverain seigneur » de l’archipel. Les Anglais refusent de l’évacuer et de le rendre à l’Ordre. Ce refus sera l’une des causes de la reprise de la guerre avec la France en mai 1803.
2. De 1814 à nos jours Au congrès de Vienne, les vainqueurs de Napoléon, qui ont la charge de réorganiser l’Europe, ont pris la décision de ne pas restaurer les États ecclésiastiques. L’ordre de Malte est éconduit dans sa demande de recouvrement de l’archipel de Malte. Lors du premier traité de Paris (30 mai 1814), il est spécifié (art. 7) que « l’île de Malte et ses dépendances appartiendront en toute propriété et souveraineté à Sa Majesté britannique ». L’archipel devient colonie de la Couronne, administrée par un gouverneur britannique. Désormais, l’archipel de Malte va suivre pendant 150 ans le destin de la Grande-Bretagne. Celle-ci va faire de Malte une base navale et, à partir de 1869, une escale d’intérêt majeur sur la route des Indes. En 1921, la Grande-Bretagne accorde à Malte une Constitution qui instaure une représentation parlementaire. Un mouvement nationaliste s’y développe peu à peu. En 1947, en récompense de son comportement héroïque pendant la Seconde Guerre mondiale, Malte se voit dotée d’un gouvernement autonome (self-government). Le 21 septembre 1964, à la suite d’élections remportées par les nationalistes maltais partisans de l’indépendance, la Grande-Bretagne accorde l’indépendance à l’archipel de Malte, qui reste membre du Commonwealth et conserve la reine d’Angleterre pour souveraine (union personnelle). Le 13 décembre 1974, l’archipel de Malte devient une république, tout en demeurant membre du Commonwealth. En 1990, il fait acte de candidature à la Communauté européenne, acceptée en 2002, et l’adhésion devient effective le 1er mai 2004. À l’occasion de la célébration du 900e anniversaire de l’hôpital de Jérusalem à l’origine de l’Ordre, le 5 décembre 1998, la république de Malte concède, pour 99 ans, à l’ordre de Malte la pleine souveraineté sur le fort Saint-Ange, situé en face de La Valette, « pour l’exercice de ses activités internationales, humanitaires et culturelles ». Deux cents ans après la perte de l’archipel, l’Ordre redevient ainsi souverain d’une toute petite parcelle de l’île de Malte.
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Les États existants
Malte (ordre de) L’Ordre en bref État monarchique : l’ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean-de-Jérusalem, de Rhodes et de Malte, plus simplement l’ordre de Malte (monarchie élective). Souverain : le prince et grand maître Andrew Bertie. Représentation parlementaire : néant ; le prince est élu par le Conseil d’État ; le Souverain Conseil assure le gouvernement de l’Ordre. Capitale : Rome, au palais de la via Condotti ; dépendances : à Rome, villa Malta, sur l’Aventin ; à Malte, fort Saint-Ange (face à La Valette). Superficie : 0,02 km2 ; population : 11 500 membres (dans le monde). Langue : l’italien. Religion : catholique. Monnaie : l’écu (scudo).
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’ordre de Malte 1. Les Hospitaliers, de Jérusalem à Malte (1098-1789) L’ordre religieux, militaire et hospitalier de Saint-Jean-de-Jérusalem, plus connu aujourd’hui sous le nom d’« ordre de Malte », est fondé en 1123 dans le royaume de Jérusalem, autour d’un établissement hospitalier lui-même fondé dès 1098 à Jérusalem pour accueillir et soigner les pèlerins qui se rendent aux Lieux saints. Chassés de Terre sainte après la prise de Saint-Jean-d’Acre (1291), les Hospitaliers se replient sur Chypre, puis sur Rhodes (1309), dont les Turcs les expulsent en 1522. L’Ordre fonde très tôt des commanderies dans les pays d’Occident et il recueille en France une partie de l’héritage des Templiers disparus. Cependant, en 1540, le roi d’Angleterre Henri VIII s’emparera des biens de l’Ordre et supprimera le grand prieuré d’Angleterre. En compensation de la perte de Rhodes, Charles Quint cède l’archipel de Malte en 1530 — moyennant le tribut annuel d’un faucon — aux Hospitaliers de Saint-Jean-deJérusalem. Depuis lors, l’Ordre, communément appelé « de Malte », y possède son siège, sous la suzeraineté de la Sicile ; le grand maître (souverain électif) réside dans sa capitale, La Valette, et l’archipel est placé sous le gouvernement direct de l’Ordre, qui s’y arqueboute, faisant de La Valette et de ses alentours une place militaire aux fortifications redoutables, qui rendront sa position inexpugnable pendant deux siècles et demi. De plus, l’Ordre développe en Méditerranée une flotte considérable, qui lui permet d’affronter les Turcs et les Barbaresques, et de prendre part à la victoire de Lépante (1571). Dans le Saint Empire, l’Ordre jouit sur ses domaines de l’entière souveraineté et constitue pleinement un État ecclésiastique.
2. L’ordre de Malte en 1789 L’Ordre est réparti en trois classes : les clercs, qui assurent le service religieux, les chevaliers de justice, qui sont issus de la noblesse catholique d’Europe occidentale — notamment de France —, les servants d’armes, issus du peuple et qui servent comme soldats ou comme infirmiers. Au sommet de l’Ordre se trouve le grand maître, élu à vie par les chevaliers. L’Ordre est, en Occident, réparti en sept provinces, les « langues » : France, Auvergne, Provence, Italie, Aragon, Castille-Léon-Portugal, Allemagne (huit à l’origine, avec la langue d’Angleterre, dissoute en 1540) ; chaque province est dirigée par un « pilier », qui coiffe les bailliages et grands prieurés de la province.
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Malte (ordre de) L’Ordre est souverain à Malte et en Allemagne. À Malte, l’Ordre possède la souveraineté de l’archipel (voir chapitre Malte). La Valette, capitale de l’archipel, est aussi capitale de l’Ordre et résidence du grand maître. En Allemagne, l’Ordre est souverain sur l’ensemble des domaines qu’il possède et constitue donc l’un des États ecclésiastiques du Saint Empire, dont la capitale est fixée à Heitersheim (Brisgau), où réside le « pilier » de la langue d’Allemagne, c’est-à-dire le grand prieur de l’Ordre pour l’Empire. Le grand prieur y a rang de prince ecclésiastique souverain pour ses possessions ; il dispose d’une voix dans le cercle du Haut-Rhin et d’une voix au banc ecclésiastique du collège des princes de la diète de Ratisbonne.
II. De la perte de Malte à la souveraineté sans territoire 1. De 1789 à 1822 L’abolition des privilèges nobiliaires (août 1789) et les persécutions des révolutionnaires contre la religion catholique mettent à mal les intérêts de l’Ordre en France et compromettent gravement l’influence traditionnelle de ce pays au sein de l’Ordre. En juillet 1797, à la mort du grand maître de Rohan, les chevaliers élisent pour la première fois un prince allemand, le baron de Hompesch. Celui-ci commet l’erreur de reconnaître le tsar Paul Ier pour protecteur de l’Ordre, ce qui indispose la France. En deux jours (10 et 11 juin 1798), l’expédition française d’Égypte, conduite par Bonaparte, s’empare de l’archipel et le grand maître cède aussitôt à la France la souveraineté sur Malte. Dès septembre 1798, à la suite des revers français en Égypte, les Anglais, soutenus par les Maltais, s’emparent de l’archipel, sauf des cités fortifiées de La Valette qui ne tomberont qu’en septembre 1800. Les Anglais s’emparent officiellement de Malte « au nom du roi des Deux-Siciles ». Le 27 octobre 1798, les chevaliers nomment le tsar Paul Ier grand maître ; celui-ci revendique aussitôt la restitution de l’archipel. En 1801, dans l’attente de son retour à Malte, l’Ordre s’installe temporairement à Rome. Le 25 mars 1802, la France et la Grande-Bretagne signent la paix à Amiens. Entre autres dispositions, l’archipel de Malte doit être rendu à l’ordre des Hospitaliers de SaintJean. Mais, en fait, la Grande-Bretagne ne le rendra jamais. Au recès d’Empire du 25 février 1803, l’ordre de Malte est, avec l’Ordre teutonique et l’archevêché de Mayence, l’un des seuls États ecclésiastiques du Saint Empire à n’être pas sécularisés ; il est même accru de quelques terres d’origine ecclésiastique. En juillet 1806, sur l’invitation de Napoléon aux États membres de la nouvelle Confédération du Rhin à médiatiser les biens des États non retenus dans la Confédération, le grand-duché de Bade sécularise et annexe la principauté de Heitersheim, siège de l’Ordre en Allemagne, ainsi que les autres terres de l’Ordre situées sur ses domaines. Le Wurtemberg a procédé ainsi dès décembre 1805 et la Bavière fera de même en 1808. À cette date, l’Ordre ne sera plus souverain nulle part. En 1814-1815, en dépit de ses revendications, l’Ordre n’est réintégré dans ses droits légitimes ni sur l’archipel de Malte, ni sur ses domaines d’Allemagne.
2. De 1822 à nos jours En 1822, le caractère souverain de l’Ordre est reconnu par la convention de Vérone. En 1831, l’ordre souverain de Malte s’installe définitivement à Rome, où il jouit depuis lors d’un statut d’État souverain : exterritorialité du palais du grand maître sis via Condotti, représentation diplomatique, monnaie et timbres, etc. Conformément à sa vocation d’origine, l’Ordre se consacre désormais principalement à ses œuvres hospitalières, qu’il développe dans le monde entier. À l’occasion de la célébration du 900e anniversaire de l’hôpital de Jérusalem, le 5 décembre 1998, la république de Malte concède, pour 99 ans, à l’ordre de Malte la pleine souveraineté sur le fort Saint-Ange, situé en face de La Valette, « pour l’exercice de ses activités internationales, humanitaires et culturelles ». Deux cents ans après la perte de l’archipel, l’Ordre redevient ainsi souverain d’une toute petite parcelle de l’île de Malte.
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Les États existants
Moldavie Le pays en bref État républicain : la république de Moldavie. Président : Vladimir Voronine. Représentation parlementaire : une chambre unique, l’Assemblée. Capitale : Chisinau (Kichinev). Division administrative en 32 cantons. Superficie : 33 700 km2 ; population : 4,4 millions d’habitants ; densité : 130 habitants au km2. Langue : le moldave (roumain écrit en caractères cyrilliques) ; une minorité parle le turc, une autre l’ukrainien. Religions : orthodoxe ; une minorité musulmane. Monnaie : le leu moldave.
Remarques Le terme de Moldavie, pays où vivent des Moldaves, s’est appliqué, selon les époques, à deux régions limitrophes, toutes deux riveraines de la mer Noire : – la région centrale de la principauté de Moldavie, capitale Jassy, située entre la chaîne orientale des Carpathes et le cours du Pruth ; – la région naguère connue sous le nom de Bessarabie, qui s’étend principalement entre le cours du Pruth et celui du Dniestr, mais qui englobe aussi une bande territoriale à l’est de ce dernier fleuve. La première région, qui constitua longtemps le territoire principal de la principauté du même nom, s’est fondue depuis le milieu du XIXe siècle dans la Roumanie et, pour elle, l’appellation de Moldavie a perdu toute signification politique, même si elle conserve un sens géographique. En revanche, la seconde région a relevé politiquement le nom de Moldavie au XXe siècle, sous l’impulsion du pouvoir soviétique qui souhaitait la distinguer de l’ensemble ukrainien. L’actuelle république de Moldavie recouvre la majeure partie de la seconde région, que l’on nommait autrefois Bessarabie. Elle en est historiquement l’héritière. Le présent chapitre traitera donc l’histoire de la région géographique de Bessarabie, aujourd’hui politiquement représentée — pour sa majeure partie — par la république de Moldavie.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Bessarabie 1. La Bessarabie entre Moldavie et Turquie (XIVe-XVIIIe siècles) Ancienne partie de l’empire dace, ayant subi les invasions des Goths, des Huns, des Avars, des Petchénègues, des Coumans et des Tatars, la Bessarabie passe au XIVe siècle sous la domination des princes de Moldavie, établis dans la région voisine (Moldavie, entre Pruth et Carpathes). Par deux fois (1456, puis 1484), la Moldavie vaincue doit se reconnaître vassale de la Porte. Enfin, après une dernière tentative d’émancipation, la Moldavie devient en 1538 définitivement tributaire de la Porte. À cette date, la Turquie annexe à son empire la partie méridionale (Boudjak) de la Bessarabie, coupant ainsi tout accès de la Moldavie à la mer Noire. Dès lors, la Bessarabie est pour près de trois siècles divisée en deux parties, l’une moldave et l’autre turque.
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Moldavie 2. La Bessarabie en 1789 La Bessarabie est une vaste région de 46 000 km2, limitée au nord-est par le Dniestr qui la sépare de la Podolie et du Jedisan, au sud-ouest par le Pruth qui la sépare de la Moldavie propre, au sud par les bouches du Danube et la mer Noire. Il s’agit d’une contrée généralement plate, sauf dans la partie septentrionale affectée de contreforts de la chaîne des Carpathes. La partie montagneuse est vouée aux forêts et à l’élevage, tandis que la majeure partie, avec ses grandes plaines alluvionnaires, s’adonne à une agriculture prospère et diversifiée : céréales, tabac, vignes, etc. Le réseau urbain se limite à quelques villes : Kichinev (ville principale), Bender et Ackermann sur le Dniestr, Ismaïl sur le Danube. La population est en majorité moldave (roumaine), avec quelques communautés juives dans les villes et gagaouzes (bulgares turcophones) dans les campagnes. En 1789, la Bessarabie est politiquement divisée en deux parties : – la partie septentrionale (Bessarabie propre), qui fait partie de la principauté de Moldavie, tributaire de la Porte ; d’une surface de 22 000 km2, elle comporte les villes de Kichinev, de Bieltzy et de Khotin ; – la partie méridionale (Boudjak), qui fait partie de l’Empire ottoman ; d’une surface de 24 000 km2, elle comporte les villes de Bender, d’Ackermann et d’Ismaïl.
II. Entre Russie, Roumanie et indépendance 1. De 1789 à l’annexion par la Russie (1812) Depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, la principauté de Moldavie (comme celle de Valachie), par sa situation géographique, est malgré elle l’enjeu de politiques antagonistes entre la Turquie, puissance déclinante, et la Russie, puissance ascendante. À l’invitation de la France, la Turquie destitue en 1806 le hospodar de Moldavie (et celui de Valachie), jugé trop russophile. La Russie réagit en entrant en guerre (novembre 1806) contre la Porte et en occupant la Moldavie. Napoléon, à Tilsitt puis à Erfurt, promet au tsar la neutralité française dans ses entreprises balkaniques. Mais en 1811, inquiet de la tournure prise par la politique française, Alexandre se résout à terminer le conflit avec la Turquie. La paix est finalement signée le 28 mai 1812 à Bucarest. La Russie évacue les principautés danubiennes mais, en échange, la Turquie cède à la Russie l’entière Bessarabie (région comprise entre Pruth et Dniestr), à savoir : – la partie turque (Boudjak), moitié méridionale faisant partie de la Turquie proprement dite ; – la partie moldave (à l’est du Pruth), moitié septentrionale faisant partie de la principauté, pour laquelle la Porte agit en tant que suzerain ; la Russie en dédommage financièrement la Moldavie. La frontière entre Russie et Moldavie est désormais fixée au Pruth, celle entre Russie et Turquie sur la branche septentrionale (Kilia) des bouches du Danube. La nouvelle province (gouvernement) russe de Bessarabie, chef-lieu Kichinev, comporte six districts : Khotin, Bieltzy, Kichinev, Bender, Ackermann et Ismaïl.
2. De 1812 à la seconde partition de la Bessarabie (1856) En avril 1828, la Russie déclare la guerre à la Turquie pour régler le sort des principautés danubiennes. Ayant réussi à s’emparer d’Andrinople en 1829, les Russes contraignent les Turcs à signer la paix. Par le traité d’Andrinople du 14 septembre 1829, les principautés deviennent réellement autonomes, sous le contrôle de la Russie. En outre, la Turquie cède à la Russie les bouches du Danube, que cette dernière rattache à sa province de Bessarabie. La frontière entre les deux Empires est repoussée à la branche méridionale (Saint-Georges) des bouches du Danube. Par la suite, une querelle franco-russe au sujet de la protection des Lieux saints de Palestine n’ayant pu être réglée par la concertation, en juin 1853 la Russie envahit une nouvelle
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Les États existants fois la Moldavie. La Porte lui déclare la guerre en octobre 1853, bientôt rejointe par la France et par l’Angleterre (mars 1854). La guerre de Crimée, où la Russie est vaincue, se clôt par le traité de Paris du 30 mars 1856. Outre diverses clauses marquant le recul de l’influence russe dans les principautés danubiennes, la Russie doit céder : – à la Turquie, les bouches du Danube ; – à la Moldavie, une part méridionale de la Bessarabie, large bande le long du bas Pruth et de la branche de Kilia du Danube, avec la majeure partie du littoral de Bessarabie, ce qui donne à la Moldavie un accès à la mer. La partie cédée à la Moldavie représentant de l’ordre de 12 000 km2, la Bessarabie russe est ramenée à une surface de 34 000 km2, pour une population de l’ordre de 800 000 habitants. Les bouches du Danube sont rattachées au vilayet turc de Silistrie, la partie cédée de Bessarabie va former les départements moldaves de Cahul, de Bolgrad et d’Ismaïl.
3. De 1856 à l’annexion par la Roumanie (1920) La seconde partition de la Bessarabie va être de courte durée. Depuis 1866, la Moldavie et la Valachie unies ont officiellement laissé la place à une principauté de Roumanie. En avril 1877, celle-ci entre en guerre aux côtés de la Russie, en vue d’obtenir son indépendance vis-à-vis de la Porte. La Turquie, vaincue à Plevna (janvier 1878), est contrainte de signer le 3 mars 1878 le traité de San Stefano. Aux termes de ce traité, s’agissant de la Roumanie, en échange de l’attribution des bouches du Danube et de la Dobroudja septentrionale, cédées par la Porte, la Roumanie rétrocède à la Russie la Bessarabie méridionale reçue en 1856. Cette cession sera confirmée en juillet 1878 par le traité de Berlin. La Bessarabie est ainsi réunifiée au sein de la Russie, dont elle constitue toujours un des gouvernements. C’est au sein de l’Empire russe que la Bessarabie va entrer en 1914 dans le premier conflit mondial, tandis que la Roumanie si proche se confine jusqu’en 1916 dans une prudente neutralité. À partir de la chute du tsar Nicolas II (février 1917), la Bessarabie est en proie aux troubles, partagée entre partisans de l’indépendance ou de l’union à l’Ukraine, partisans ou adversaires de la révolution russe. Les Roumains de Bessarabie fondent un parti national démocrate moldave qui proclame le 2 décembre 1917 la république démocratique de Moldavie, au sein de l’ensemble russe. Cette république couvre l’ensemble du territoire de la Bessarabie. Mais les événements révolutionnaires suivent leur cours en Russie. De ce fait, l’assemblée moldave proclame le 27 mars 1918 l’indépendance de la Moldavie (Bessarabie) vis-à-vis de la Russie. Elle fait appel à l’intervention de l’armée roumaine pour la protéger des communistes. Le 9 avril 1918, la même assemblée proclame l’union de la Bessarabie à la Roumanie. Cette union n’est pas reconnue par la Russie. Le 24 janvier 1919, le parlement roumain ratifie la création d’une grande Roumanie, dont fait partie la Bessarabie. Le 28 octobre 1920 à Paris, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et le Japon entérinent l’union de la Bessarabie à la Roumanie ; la Russie bolchevique proteste et les États-Unis refusent d’approuver cette union, opérée « sans le consentement de la Russie ». Au sein de la nouvelle grande Roumanie, la Bessarabie constituera neuf départements (judets) : Hotin (Khotin), Soroca, Balti (Bieltzy), Orhei, Lapusna (chef-lieu Chisinau/ Kichinev), Tighina (Bender), Chul, Ceteata Alba (Ackermann), Ismaïl.
4. La Bessarabie roumaine et la petite Moldavie soviétique (1920-1940) Dès lors, les Roumains de Bessarabie ont rejoint leurs frères du royaume de Roumanie. Seuls demeurent séparés ceux qui vivent à l’est du Dniestr (rive gauche) — et qui n’étaient d’ailleurs pas englobés dans le gouvernement russe de Bessarabie, mais dépendaient de ceux de Podolie et de Chersonèse (l’ancien Jedisan turc).
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Moldavie Dans cette région de rive gauche du Dniestr, dans le cadre de sa politique d’octroi d’une certaine autonomie à ses diverses nationalités, l’URSS crée le 12 octobre 1924 une république autonome de Moldavie, capitale Balta, d’une surface de 13 000 km2, couvrant des régions peuplées de Roumains ; cette république autonome relève cependant de l’Ukraine. Toutefois, l’URSS, qui n’a pas reconnu la perte de la Bessarabie, n’a pas renoncé à la recouvrer à la première occasion. Le protocole secret annexé au pacte germano-soviétique du 23 août 1939 prévoit la neutralité allemande vis-à-vis d’une mainmise soviétique sur la Bessarabie. Le 26 juin 1940, profitant de l’effondrement du front occidental qui prive la Roumanie d’un appui potentiel, l’URSS adresse à Bucarest un ultimatum lui enjoignant de livrer la Bessarabie (et la Bucovine du Nord). Le 28 juin, la Roumanie cède et la Bessarabie est ainsi réannexée par l’URSS. Le 1er août 1940, l’URSS partage la Bessarabie en deux parties : – l’extrême nord (autour de Khotin) et le tiers méridional (département d’Ackermann, d’Ismaïl et partie de celui de Cahul) sont rattachés à la république fédérée d’Ukraine ; – les deux tiers centraux de la Bessarabie (27 000 km2) sont fusionnés avec une moitié (7 000 km2) de l’ancienne république autonome de Moldavie (y compris la capitale Balta) pour former la nouvelle république fédérée de Moldavie, capitale Kichinev, membre à part entière de l’Union soviétique.
5. La « grande » république soviétique de Moldavie (1940-1991) S’étant rangée dans le camp de l’Allemagne, la Roumanie est entrée en guerre contre l’URSS en juin 1941. L’avance des armées coalisées permet à la Roumanie de recouvrer, dès juillet 1941, les territoires perdus en juin 1940, parmi lesquels la Bessarabie qui redevient pleinement roumaine. Le département de Hotin, qui fait historiquement partie de la Bessarabie, en est détaché pour être versé dans une grande province autonome de Bucovine créée à cette occasion par la Roumanie. Quant à la partie transnistrienne de la république fédérée de Moldavie, elle est englobée dans la nouvelle grande Transnistrie (Podolie entre Dniestr et Boug), également annexée par la Roumanie sous statut particulier. Cependant, le cours de la guerre change et l’offensive des armées soviétiques contraint la Roumanie à signer le 12 septembre 1944 l’armistice de Moscou, aux termes duquel elle évacue la Transnistrie, la Bucovine du Nord et la Bessarabie qui est aussitôt réannexée par l’URSS et repartagée entre Ukraine et république de Moldavie selon les limites fixées le 1er août 1940. Par traité signé à Paris le 10 février 1947, la Roumanie renonce officiellement à la Bessarabie en faveur de l’URSS. Dès lors, la république fédérée de Moldavie va être soumise à une politique de russification : langue russe officielle, obligation de l’emploi du cyrillique, implantations de colons russes ou ukrainiens, etc. Mais à la fin des années quatre-vingt, l’affaiblissement du pouvoir central de l’URSS provoque une effervescence en Moldavie soviétique. Le 31 août 1989, celle-ci rétablit le roumain comme langue officielle de l’État. Le 23 juin 1990, la république fédérée de Moldavie proclame sa souveraineté. Le 19 août, la région des Gagaouzes s’érige en république autonome (1 800 km2, 200 000 habitants, capitale Komrat). Le 3 septembre, la partie de rive gauche du Dniestr de la république de Moldavie, désormais fortement peuplée de Russes, se déclare république autonome de Transnistrie (5 000 km2, 800 000 habitants, capitale Balta).
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Les États existants 6. La république indépendante de Moldavie (1991 à nos jours) Le 27 août 1991, la république de Moldavie proclame son indépendance. Ce nouvel État couvre près de 34 000 km2, répartis en 40 districts, pour une population de plus de 4 millions d’habitants, dont les deux tiers sont des Moldaves (Roumains). D’ailleurs, dans le pays, une partie de la population réclame la réunion à la Roumanie. Pour faire pièce aux tentatives de réunification, le 1er décembre 1991, les républiques de Gagaouzie et de Transnistrie se déclarent indépendantes de la Moldavie. Une guerre civile s’ensuit. Pendant ce temps, la Moldavie devient membre, le 21 décembre 1991, de la CEI (Communauté des États indépendants), organisme confédéral très lâche qui succède à l’ancienne URSS. Le 21 juillet 1992, aux termes d’un accord russo-moldave, la république de Transnistrie redevient un district particulier de la république de Moldavie, mais disposera du droit à l’autodétermination en cas de rattachement de la république de Moldavie à la Roumanie. De même, la Gagaouzie redevient un district autonome au sein de la Moldavie. Son statut particulier est ratifié le 5 mars 1995 par référendum auprès de la population. En revanche, la population de Transnistrie ne se satisfait pas des dispositions de l’accord russo-moldave de 1992 et se prononce à une très forte majorité, en décembre 1995, pour une Constitution allant dans le sens d’une indépendance. Le différend avec la Moldavie demeure pendant. En décembre 1998, une réforme administrative remplace les 40 districts par 9 départements (judets) : Balti, Cahul, Chisinau, Edinet, Lapusna (Hincesti), Orkei, Soroca, Tighina (Causeni), Ungheni ; s’y ajoutent les deux districts autonomes de Gagaouzie (Comrat) et de Transnistrie (Dubasari). Mais, en février 2003, un nouveau découpage administratif redivise le pays en 32 cantons.
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Monaco
Monaco Le pays en bref État monarchique : la principauté de Monaco, placée sous la protection de la France. Souverain : le prince Albert II, de la maison de Polignac, relevée en Grimaldi. Représentation parlementaire : un Conseil national ; le chef du gouvernement est le ministre d’État, un haut fonctionnaire français. Capitale : Monaco ; six quartiers : Monaco, Monte-Carlo, La Condamine, Fontvieille, les Révoires, le Larvotto. Superficie : 2 km2 ; population : 30 000 habitants ; densité : 15 000 habitants au km2. Langue : le français ; on parle aussi le monégasque, dialecte ligurien. Religion : catholique ; le catholicisme est religion d’État. Monnaie : l’euro ; le franc français jusqu’en 2001.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de Monaco 1. Des Grimaldi aux Goyon-Matignon (XIVe-XVIIIe siècles) Le rocher de Monaco et ses abords sont d’abord une colonie phénicienne, puis grecque, avant de passer dans l’orbite de Rome. Au XIIe siècle, il passe sous la suzeraineté de la république de Gênes. La principauté se constitue au XIVe siècle au profit de la famille de Grimaldi, membre de l’aristocratie génoise : elle comprend le rocher de Monaco et le littoral vers l’est (Roquebrune et Menton). Face aux ambitions de Gênes, les princes de Monaco se placent sous la protection de l’Espagne (1524, traité de Burgos) puis de la France (1641, traité de Péronne). La maison de Grimaldi s’étant éteinte en 1731, la principauté passe à cette date à la famille de Goyon-Matignon, de souche normande, qui relève le nom et les armes des Grimaldi.
2. Monaco en 1789 La principauté de Monaco est un petit État enclavé dans le comté de Nice — possession des rois de Sardaigne ; elle s’étire sur le littoral méditerranéen de Monaco à Menton, où elle touche au territoire de la république de Gênes. Elle est toujours placée sous la suzeraineté de la France, pour ce qui est de Monaco même ; mais, pour leurs possessions de Roquebrune (en totalité) et de Menton (onze douzièmes de la ville), les princes de Monaco prêtent l’hommage de vassalité au roi de Sardaigne. En 1789, le prince Honoré III est un fidèle allié de la France, dans les armées de laquelle il a autrefois servi ; il est par ailleurs largement possessionné en France (Valentinois, Torigni, Vic-sur-Cère, etc.). Le pays est pauvre et le prince réside souvent sur ses autres terres.
II. Entre France et Sardaigne (1789 à nos jours) 1. L’annexion française (1793-1814) Influencés par les événements révolutionnaires de Nice liés à l’intervention armée française, les habitants de Monaco se soulèvent en janvier 1793 contre leur prince et proclament une éphémère république de Monaco, laquelle demande son rattachement à la France. La Convention décide en février 1793 l’annexion à la France de la principauté de Monaco, laquelle est incluse dans le département des Alpes-Maritimes, district de Menton ; le chef-lieu du district est transféré à Monaco en février 1794. Cependant, le prince de Monaco n’ayant jamais eu d’attitude d’hostilité à l’égard de la France révolutionnaire, la Convention déclare lui conserver à titre personnel les droits de tout simple citoyen.
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Les États existants Par suite de l’annexion de la République ligurienne à la France en juillet 1805, l’extrémité occidentale de cette république est rattachée au département des Alpes-Maritimes, dont elle devient l’arrondissement de San Remo. Cette modification entraîne la disparition de l’arrondissement de Monaco, qui est englobé dans celui de Nice. À la chute de l’empire de Napoléon, le prince de Monaco est restauré dans ses droits par les vainqueurs. Au traité du 30 mai 1814, il obtient de Louis XVIII d’être replacé sous la protection de la France. En juin 1814, le prince reprend possession de son domaine. Les anciennes institutions sont rétablies, l’italien redevient langue officielle. Le prince de Monaco parvient même à faire abolir par le congrès de Vienne les droits de la Sardaigne sur Menton et Roquebrune.
2. La suzeraineté sarde (1815-1861) Les événements des Cent-Jours incitant les puissances à prendre des mesures contre la France, par traité du 20 novembre 1815 il est décidé le principe du transfert à la Sardaigne de la suzeraineté sur Monaco détenue par la France. En novembre 1816, la Sardaigne obtient le renouvellement de l’hommage de la vassalité du prince pour les villes de Roquebrune (totalité) et de Menton (onze douzièmes). Cet hommage tombera ensuite en désuétude. En novembre 1817, par le traité de Stupiniggi, le prince de Monaco reconnaît la suzeraineté du roi de Sardaigne ; un détachement militaire sarde tiendra garnison à Monaco, la principauté étant rattachée au système économique sarde. En novembre 1847, à la suite de revendications d’ordre économique des Mentonnais, des troubles éclatent à Menton et à Roquebrune, bientôt attisés par les événements révolutionnaires de France. En mars 1848, Menton et Roquebrune se déclarent villes libres sous la protection du roi de Sardaigne, qui défère à leurs vœux. Les deux villes se dotent d’une assemblée commune, le Grand Conseil. Dès avril 1848, des négociations sont engagées pour la vente de la principauté à la Sardaigne, mais elles échouent devant les exigences du prince et l’opposition de la France. En 1849, d’autres tentatives sardes d’annexer les deux villes libres échouent devant l’hostilité de l’Autriche. En 1854 avorte une tentative du fils du prince, le duc Charles de Valentinois, pour reprendre par surprise Menton, le duc étant même emprisonné par les Sardes et libéré sur intervention française. En avril 1860, hors toute instruction de Paris, le gouverneur provisoire français du comté de Nice inclut les deux villes libres (Menton, Roquebrune) dans le plébiscite niçois ; le 15 avril, elles votent largement leur rattachement à la France.
3. La protection de la France (1861 à nos jours) Par traité du 2 février 1861, le prince de Monaco vend à la France ses droits sur les deux villes libres de Menton et de Roquebrune. Le prince est dégagé de tout lien vis-à-vis du roi de Sardaigne ; la France renonce à tout protectorat et lui accorde seulement sa protection pour ses États, désormais limités à Monaco et ses abords. Cette protection d’ordre politique s’accompagnera en 1865 (convention du 9 novembre) de la décision d’inclure la principauté dans l’espace économique français. Désormais la principauté de Monaco, quoique toujours indépendante, sera directement associée aux destinées de la France. En février 1863 ouvre le casino qui fera la fortune de la principauté. En juin 1866 est créée la ville de Monte-Carlo, haut lieu du tourisme hivernal. En mai 1949, avec l’accession au trône du prince Rainier III, la souveraineté passe dans la maison de Polignac. Sous son règne, puis sous celui de son fils Albert II, la principauté accélère son développement économique, s’accroît en superficie (quartier de Fontvieille gagné sur la mer) et s’urbanise au maximum (mise en tunnel de la ligne de chemin de fer Nice-Vintimille).
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Monténégro
Monténégro Le pays en bref État républicain : la république du Monténégro. Président : Filip Vujanovic. Représentation parlementaire : une chambre, l’Assemblée fédérale. Capitale : Podgoritza. Division administrative en 21 municipalités. Superficie : 13 800 km2 ; population : 620 000 habitants ; densité : 45 habitants au km2. Langues : le serbe ; des minorités parlent l’albanais. Religions : orthodoxe ; minorité musulmane. Monnaies : l’euro convertible.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée du Monténégro 1. Des origines à l’émergence du Monténégro (XIVe siècle) Le pays connu aujourd’hui sous le nom de Monténégro fait partie de la vaste Illyrie, annexée par Rome au IIe siècle av. J.-C. Englobé dans la province romaine de Dalmatie, il est ensuite versé dans l’Empire romain d’Orient. Au début du VIIe siècle apr. J.-C., des Slaves — de même origine que les Serbes — s’installent durablement en Dioclée (la future Zéta). Au XIe siècle apparaît un premier État indépendant, la principauté de Zéta, qui sera ensuite rattaché en 1189 à la Rascie (première principauté des Serbes). Le Monténégro se constitue dans la seconde moitié du XIVe siècle, à l’époque où les Serbes sont vaincus par les Turcs (bataille de Kossovo Polje, 1389). Sous la conduite de deux dynasties successives — les Balchides puis les Tchernoïevitch —, les Monténégrins, réfugiés dans leurs montagnes, parviennent à préserver leur indépendance vis-à-vis de la Turquie. Dès lors, les Monténégrins ne cessent de se battre contre les Turcs, qui ne parviendront jamais à conquérir l’ensemble de la région. Cependant, à la fin du XIVe siècle, la Zéta est perdue et les Monténégrins se replient à l’ouest dans la Montagne noire.
2. Le réduit monténégrin (1389-1789) Pendant longtemps, les Turcs, qui poursuivent leurs conquêtes vers le nord (Croatie, Hongrie, Transylvanie, etc.), sont trop puissants pour que les Serbes puissent tenter de s’en affranchir. Mais dès la fin du XVIe siècle, ils commencent à tenter sporadiquement de se rebeller. Pendant ce temps, dans la Montagne noire, les Monténégrins se choisissent en 1484 une nouvelle capitale, Cettigné, perdue dans les montagnes. Depuis 1516, le Monténégro est un État ecclésiastique dont le prince-évêque (vladika), métropolite orthodoxe de Cettigné, est d’abord élu, puis à partir de 1697 choisi héréditairement dans la maison de Niegotch, avec succession d’oncle à neveu, chaque évêque mourant désignant celui de ses neveux digne de lui succéder. En 1711, le tsar Pierre le Grand noue avec le prince-évêque Danilo Ier une alliance contre les Turcs, et le Monténégro bénéficie à partir de cette date du soutien diplomatique et financier de la Russie.
II. Le Monténégro en 1789 La principauté de Monténégro, capitale Cettigné, est un État montagneux de l’Illyrie, situé à l’endroit où les Alpes dinariques se soudent au massif montagneux des Balkans. Il est constitué
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Les États existants de deux régions : la Montagne noire (Monténégro ou Tchernagore) dominant les bouches de Cattaro vénitiennes — perpétuel objet de convoitise — et la Berda plus à l’intérieur des terres ; les deux régions sont séparées par une large dépression où coule la Zéta, petite rivière qui se jette dans le lac de Scutari. Le pays est très pauvre (petite agriculture et élevage de montagne). Le pays, aux frontières imprécises, compte de l’ordre de 40 000 habitants, de religion orthodoxe. Les Européens de l’époque hésitent sur son statut car, si le sultan prétend que ce pays est sien, le prince de Monténégro revendique bien haut son indépendance.
III. De 1789 à l’indépendance reconnue du Monténégro (1878) Éloigné des régions d’Europe où se produisent les grands bouleversements de l’époque révolutionnaire puis napoléonienne, le Monténégro n’est que très peu concerné par les événements qui s’y produisent. En 1797, à l’annonce du démantèlement des possessions vénitiennes, le prince de Monténégro s’empare de la ville de Budua, à l’extrémité méridionale des bouches de Cattaro ; mais il doit bien vite la rétrocéder à l’Autriche. En 1799, dans un firman officiel, le sultan Sélim reconnaît de façon éphémère que « les Monténégrins n’ont jamais été sujets de notre Sublime Porte ». En 1806, les bouches de Cattaro, anciennement vénitiennes puis autrichiennes depuis 1797, devraient devenir italiennes, comme le reste de la Dalmatie, en vertu de la paix de Presbourg. Au terme de quatre mois de combats (mai-septembre 1806), les Monténégrins, alliés à un corps expéditionnaire russe, empêchent les troupes françaises d’en prendre possession. À la paix de Tilsitt (juillet 1807), les Russo-Monténégrins se retirent des Bouches, qui sont incorporées au royaume d’Italie, avant de devenir françaises en 1809. En octobre 1813, à la suite de l’abandon des Bouches par les Français (sauf de Cattaro qui ne capitule qu’en décembre), le prince Pierre Ier fait décréter en octobre 1813 par une assemblée de représentants monténégrins et bocquais l’union du Monténégro et des bouches de Cattaro. Mais en mai 1814, conformément aux décisions des puissances alliées, les troupes autrichiennes viennent prendre possession des bouches de Cattaro, qui sont séparées du Monténégro et rattachées à la Dalmatie autrichienne. Le prince-évêque Pierre II (1830-1851), par ailleurs grand poète épique qui a illustré l’histoire héroïque de son peuple, s’efforce de doter son pays d’institutions modernes (création d’un Sénat) et fait définir, en accord avec l’Autriche, la frontière austro-monténégrine en 1841. Succédant en 1851 à Pierre II, le nouveau prince Daniel II (Danilo) refuse de se faire consacrer évêque et fait entériner en 1852, par le Sénat monténégrin, le principe de la séparation des pouvoirs politique et religieux ; désormais la succession princière se fera par primogéniture masculine. En 1859, une commission internationale, composée des ambassadeurs des puissances accrédités auprès de la Porte, délimite la frontière turco-monténégrine. Le Monténégro, d’une surface d’environ 4 000 km2 pour 120 000 habitants, couvre la Montagne noire (Cettigné) et la Berda, reliées par la plaine centrale très entamée par deux saillants turcs, au nord celui de Nikschitz dépendant de l’Herzégovine, au sud celui de Podgoritza dépendant de l’Albanie. Le Monténégro est divisé en quatre départements : Tchernitza, Kattouni, Gliubotine, Glieskopolie. En 1860, le prince Danilo est assassiné à Cattaro et son neveu Nicolas Ier lui succède. En 1862, à l’issue d’une nouvelle offensive turque arrêtée par les puissances, le Monténégro, par le traité de Cettigné du 8 septembre, est contraint de reconnaître la suzeraineté turque. En revanche, par le traité de Scutari d’Albanie, le Monténégro obtient de la Turquie le droit d’utilisation du port turc d’Antivari, à titre de port franc pour son commerce extérieur. Dès 1876, profitant des troubles en Bosnie-Herzégovine et de l’insurrection en Bulgarie, le Monténégro rouvre les hostilités avec la Turquie. L’intervention de la Russie en avril 1877 (première guerre balkanique) provoque la défaite des Turcs, qui doivent signer le 3 mars 1878 la paix de San Stefano, désastreuse pour l’Empire ottoman.
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Monténégro Le traité prévoit la création d’une grande Bulgarie autonome s’étendant du lac d’Ochrida aux rives de la mer Noire, l’agrandissement de la Serbie et un accroissement considérable du Monténégro qui annexe des territoires turcs : – au nord-ouest (Nikschitz) aux dépens de l’Herzégovine ; – au nord-est aux dépens du sandjak de Novi Bazar, dont la Turquie ne conserve qu’une étroite bande le long de la Serbie ; – au sud-est aux dépens de l’Albanie, avec une large ouverture sur le lac de Scutari ; – au sud toujours aux dépens de l’Albanie, donnant un accès à la mer par les ports de Spizza et d’Antivari, nouvellement acquis. Le traité de San Stefano est, le 13 juillet 1878, remplacé par le traité de Berlin, où les accroissements du Monténégro prévus à San Stefano sont considérablement réduits : – au nord-est, il ne conserve qu’une étroite bande contiguë à son ancien territoire, le reste de l’accroissement prévu au détriment du sandjak de Novi Bazar étant de nouveau réuni à la bande étroite turque de façon à reconstituer le sandjak de Novi Bazar — juridiquement turc mais militairement occupé par l’Autriche-Hongrie ; – au sud-est, il ne conserve qu’une faible partie de l’accroissement prévu ; – au sud, il est privé du port de Spizza, annexé par l’Autriche à sa province de Dalmatie, mais garde Antivari auquel les puissances ajoutent divers territoires ; toutefois Antivari et les eaux territoriales monténégrines sont interdites à toute flotte de guerre étrangère, un croiseur stationnaire autrichien étant à demeure chargé de faire respecter cette clause. Enfin, le Monténégro est définitivement considéré comme un État indépendant par l’ensemble des puissances, y compris la Turquie, lesquelles installent en conséquence à Cettigné des représentations diplomatiques. Le pays couvre désormais 9 000 km2 et compte de l’ordre de 200 000 habitants.
IV. La principauté, plus tard royaume, du Monténégro (1878-1918) 1. De 1878 à l’issue de la seconde guerre balkanique (1913) La Turquie usant de moyens dilatoires dans la cession de territoires prévus au sud du Monténégro (en encourageant les Albanais à résister), les puissances font une démonstration navale conjointe devant le port de Dulcigno et, par la convention de novembre 1880, la Turquie cède Dulcigno au Monténégro, en compensation aux territoires précités. Désormais, le Monténégro, jusqu’alors très isolé, s’efforce de s’ouvrir sur le monde extérieur par le développement de son commerce (développement du port d’Antivari), et son prince assoit sa stature européenne en mariant ses nombreuses filles aux princes héritiers de Serbie et d’Italie, ainsi qu’à des grands-ducs russes. En octobre 1908, les Autrichiens rompant unilatéralement le traité de Berlin par l’annexion de la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro s’estime affranchi de la clause de neutralité maritime d’Antivari. Des visites d’escadres italienne et française entérinent très vite cette décision. Le 28 août 1910, à l’occasion du jubilé de son règne, le prince Nicolas Ier prend le titre de roi. La principauté devient désormais en conséquence royaume de Monténégro. L’affaiblissement de la Turquie excitant la convoitise des États de la région, une Ligue balkanique est formée entre Grèce, Bulgarie, Serbie et Monténégro pour s’en partager les dépouilles (mars-octobre 1912). Le conflit avec la Turquie, entamé le 8 octobre 1912, se révèle désastreux pour cette dernière. Le 10 août 1913, le traité de Bucarest met fin à la seconde guerre balkanique. Le Monténégro y acquiert sur la Turquie la moitié du sandjak de Novi Bazar, l’autre moitié étant annexée par la Serbie. De plus, le Monténégro acquiert une partie de la Métohidja avec Ipek (Petch), Diakova et le territoire de Gusinje prélevés sur l’ancienne Albanie turque. Le Monténégro n’est pas loin de doubler sa superficie.
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Les États existants En revanche, le Monténégro doit, sous la pression des puissances, restituer à la nouvelle Albanie indépendante la ville de Scutari, dont il s’était emparé en avril.
2. De 1913 à l’inclusion dans le royaume des Slaves du Sud (1918) L’opinion européenne pressent que la guerre qui vient de s’achever n’a été qu’une première étape et que les ambitions antagonistes qui se sont fait jour dans les Balkans portent en germe les prémices d’un nouveau conflit. Le 28 juin 1914, l’archiduc François Ferdinand, héritier du trône autrichien, est assassiné à Sarajevo. Le 28 juillet, un mois après l’assassinat où Vienne a vu la main des autorités serbes, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. L’état de belligérance s’étend bientôt à toutes les puissances européennes. Le Monténégro s’engage dès l’été 1914 dans la Première Guerre mondiale, aux côtés de la Serbie. Devant l’invasion de son pays par les troupes autrichiennes, à partir de l’automne 1915, le roi Nicolas se replie à Paris en 1916. À la suite de la libération des Balkans en 1918, les Serbes suscitent au Monténégro une Assemblée qui se tient à Podgoritza, sous la surveillance de l’armée serbe, et décide le 26 novembre 1918 la déposition du roi Nicolas et l’union du Monténégro au nouveau royaume sud-slave en formation (royaume des Serbes, Croates, Slovènes à partir du 1er décembre). Le Monténégro devient une simple province du nouveau royaume. Les partisans (verts) du maintien de l’indépendance monténégrine, soutenus par le roi Nicolas, sont défaits en 1919 par les partisans (blancs) du nouveau royaume.
V. Le Monténégro yougoslave (1918-2006) 1. La période du royaume des Slaves du Sud (1918-1941) Le Monténégro est désormais réduit au rôle de province historique du nouveau royaume des Serbes, Croates, Slovènes, en voie de formation (voir chapitre Serbie). En 1920, le royaume des Serbes, Croates, Slovènes, capitale Belgrade, atteint ainsi sa dimension quasi définitive. Il s’étend sur une surface de 249 000 km2 pour une population de 12 millions d’habitants. Il est composé des provinces suivantes, qui constituent des entités géographiques reposant sur des bases historiques, mais dont la finalité administrative n’est pas encore définie : – Serbie : 95 700 km2 et 4 100 000 habitants ; ancien royaume de Serbie et territoires cédés par la Bulgarie ; – Monténégro : 9 700 km2 et 200 000 habitants ; ancien royaume ; – Bosnie-Herzégovine : 51 200 km2 et 1 900 000 habitants ; ancien condominium austro-hongrois ; – Croatie-Slavonie : 43 200 km2 et 2 700 000 habitants ; ancien royaume et fragments de Somogy et de Medjimourié ; – Dalmatie : 13 200 km2 et 600 000 habitants ; ancienne province autrichienne de Dalmatie, moins Zara et les îles cédées à l’Italie ; – Carniole-et-Carinthie : 16 200 km2 et 1 100 000 habitants ; ancienne Carniole (sauf partie occidentale), fragments de Carinthie, tiers de Styrie, Prékomourié ; – Banat : 9 800 km2 et 600 000 habitants ; – Batchka : 9 900 km2 et 800 000 habitants ; Batchka et Baranya. Mais si le pays atteint ses dimensions définitives, reste à réaliser l’unité d’un pays confronté aux difficultés que suscite l’entente entre des peuples de coutumes, de religions et de cultures diverses, qui ont vécu séparés depuis si longtemps. En 1922, les bouches de Cattaro sont détachées de la province de Dalmatie et rattachées à celle du Monténégro. Le député croate Raditch ayant été assassiné en juin 1928 en pleine Assemblée nationale par un député monténégrin, de graves troubles se produisent, qui amènent le roi Alexandre Ier à
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Monténégro dissoudre l’Assemblée et à suspendre la Constitution, en janvier 1929. Le régime devient dictatorial et, le 3 octobre, le nom de l’État est changé en celui de royaume de Yougoslavie. En 1931, une nouvelle Constitution prévoit une centralisation renforcée impliquant la disparition des anciennes provinces historiques et une nouvelle division du royaume en neuf banovines, plus le district séparé de Belgrade, chevauchant partiellement les anciennes provinces et portant le nom de rivières. Ces banovines sont les suivantes : – district de Belgrade (500 km2) : Belgrade et ses environs ; – Danube (31 500 km2), chef-lieu Novi Sad (Neusatz) : Baranya, Batchka et Banat serbes, Syrmie, partie septentrionale de la Serbie ; – Save (40 500 km2), chef-lieu Zagreb (Agram) : Croatie et Slavonie (sauf un fragment méridional) ; – Drave (10 500 km2), chef-lieu Ljubljana (Laybach) : Carniole et Prékomourié ; – Drina (28 000 km2), chef-lieu Sarajevo : fragment méridional de la Slavonie, partie nord-est de la Bosnie-Herzégovine, partie occidentale de la Serbie ; – Morava (25 500 km2), chef-lieu Nisch : partie nord-est de la Serbie ; – Verbas (19 000 km2), chef-lieu Banja Luka : partie nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine ; – Littoral (20 000 km2), chef-lieu Split (Spalato) : Dalmatie (hormis le littoral ragusain), partie sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine ; – Vardar (37 000 km2), chef-lieu Skopje (Ouskoub) : partie méridionale de la Serbie ; – Zéta (31 000 km2), chef-lieu Cettigné : Monténégro, littoral ragusain, partie sud-est de la Bosnie-Herzégovine, partie sud-ouest de la Serbie. Le 9 octobre 1934, le roi Alexandre Ier est assassiné à Marseille par l’organisation secrète croate des Oustachis, qui milite pour l’indépendance de la Croatie. Son fils mineur, Pierre II, lui succède, sous la régence du prince Paul. Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la Yougoslavie parvient à se maintenir à l’écart du conflit. Mais au début de 1941, les difficultés italiennes en Grèce amènent Hitler à exiger de la Yougoslavie l’adhésion au pacte tripartite (Allemagne, Italie, Japon). Le régent Paul finit par adhérer le 25 mars 1941, mais il est aussitôt renversé par un coup de force. Hitler décide alors l’invasion de la Yougoslavie par les armées allemandes, italiennes et bulgares. La Yougoslavie est vaincue le 22 avril et Hitler, de concert avec Mussolini, procède sur-le-champ à son démembrement.
2. Le Monténégro sous le protectorat italien (1941-1944) Le royaume de Yougoslavie disparaît, réparti entre : – un État de Serbie (51 000 km2), occupé par les Allemands, réduit à ses dimensions du traité de Berlin de 1878, diminué encore du district de Moravie orientale (Pirot, Vranja) annexé par la Bulgarie ; – un Banat serbe (10 000 km2), théoriquement rattaché à la Serbie mais placé sous protectorat allemand et administré par les « Souabes du Banat », colons implantés au XVIIIe siècle (Hitler avait envisagé de l’appeler État du Prince Eugène) ; – un royaume de Croatie (99 000 km2), gouverné par le chef oustachi Ante Pavelitch, composé de la Croatie-Slavonie historique (hormis Fiume), de la Bosnie-Herzégovine et de la moitié méridionale de la Dalmatie historique ; – un Monténégro (16 000 km2) reconstitué sous protectorat italien dans ses limites de 1914, augmenté au nord-est de la moitié de la part du sandjak de Novi Bazar dévolue en 1913 à la Serbie, mais diminué au sud-est d’un fragment de Métohidja (Ipek, Diakova) et du territoire de Gusinje, et diminué au sud du port de Dulcigno ; – la Bulgarie, qui reçoit le territoire du Timok, la Moravie orientale (Pirot, Vranja) et la majeure partie de la Macédoine ci-devant yougoslave, jusqu’au lac d’Ochrida, soit un accroissement de 28 000 km2 ;
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Les États existants – la Hongrie, qui recouvre ses cessions de 1920 de Hongrie propre (sauf le Banat), à savoir la Batchka, l’angle de la Baranya, le Medjimourié et le Prékomourié, soit un accroissement de 12 000 km2 ; – le Reich allemand, qui annexe la partie septentrionale de la Slovénie (banovine de Drave), au nord d’une ligne est-ouest passant au nord de Laybach, soit un accroissement de 10 000 km2 ; – l’Italie, qui annexe la partie méridionale de la Slovénie, avec Laybach, le territoire croate de Delnice, Soutchak, les îles de Veglia et d’Arbe, la Dalmatie septentrionale (dans ses limites du pacte de Londres de 1915, élargies à Trau et à Spalato), les îles de Lissa, de Curzola et de Méléda et les bouches de Cattaro, soit un accroissement de 11 000 km2 ; – l’Albanie italienne, qui reçoit les territoires de Dulcigno et de Gusinje, la Métohidja, le Kossovo et la frange occidentale de la Macédoine ci-devant yougoslave, soit un accroissement de 12 000 km2. Le Monténégro est reconstitué sous protectorat italien. Sur demande de la reine Hélène d’Italie, fille du défunt roi Nicolas Ier, le Duce prévoit la reconstitution du royaume de Monténégro. Le 12 juillet 1941, une Assemblée nationale monténégrine réunie à Cettigné proclame la restauration du royaume de Monténégro. Son territoire est, dans les grandes lignes, celui de 1914, augmenté au nord-est de la moitié de la partie du sandjak de Novi Bazar dévolue en 1913 à la Serbie, mais diminué au sud-est du fragment de Métohidja (Ipek, Diakova) et du territoire de Gusinje, et au sud du port de Dulcigno tous trois attribués à l’Albanie italienne. L’ensemble représente une superficie d’environ 15 200 km2, pour une population de 435 000 habitants. Les bouches de Cattaro sont attribuées à l’Italie en administration directe, laquelle les rattache à la Dalmatie du Nord qu’elle vient de reprendre à la défunte Yougoslavie. Le Duce offre la couronne au prince Michel, petit-fils du roi Nicolas, puis à d’autres membres de la maison des Petrovitch-Niegotch, mais tous refusent. Le Monténégro est alors administré par un haut-commissaire italien à Cettigné, tandis que la majeure partie du pays est aux mains des maquisards yougoslaves. En septembre-octobre 1943, après la défection des Italiens, les Allemands prennent le relais au Monténégro, mais ne peuvent s’y maintenir durablement. Les bouches de Cattaro, qui étaient devenues italiennes en 1941, sont de nouveau rattachées au Monténégro.
3. La période de la Yougoslavie fédérale et communiste (1945-1991) Le 29 octobre 1945, la monarchie yougoslave est abolie et Tito proclame la république de Yougoslavie. Le 31 janvier 1946 est promulguée la nouvelle Constitution qui confirme la naissance d’une république fédérative de Yougoslavie (communiste), composée de six républiques et de deux provinces autonomes ; la capitale fédérale est fixée à Belgrade, mais chacune des républiques est dotée d’institutions propres. Le découpage entre les six républiques et les deux régions autonomes répond à la double préoccupation suivante : – ériger, autant que possible, des États viables correspondant aux grandes nationalités de la Yougoslavie, d’où l’établissement d’une Macédoine, d’une Serbie, d’une Croatie et d’une Slovénie, et, a contrario, le rétablissement d’une Bosnie-Herzégovine dans ses limites historiques, bien qu’elle constitue une mosaïque de peuples, car son démembrement sur des bases ethniques engendrerait des frontières trop compliquées ; – affaiblir le poids écrasant du peuple serbe, d’où le rétablissement du Monténégro, qui eut dans le passé une vie distincte, et l’établissement de deux provinces autonomes, le Kossovo-Métohidja et la Voïvodine, dont on justifiera la création par la présence de populations allogènes (Albanais au Kossovo-Métohidja, Hongrois en Voïvodine). De ce fait, et en anticipant sur les traités de paix à venir avec la Bulgarie, la Hongrie et l’Italie, qui doivent asseoir les frontières, la Yougoslavie est ainsi constituée : – la république de Serbie, capitale Belgrade, composée de la Serbie proprement dite et des deux provinces autonomes de Kossovo-Métohidja et de Voïvodine (voir détails infra) ;
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Monténégro – la république de Croatie, capitale Zagreb (Agram), composée de l’ancienne CroatieSlavonie historique (amputée de la Syrmie), de Fiume, de la Dalmatie historique avec Raguse mais sans Cattaro, et revendiquant la Baranya, le Medjimourié et l’Istrie ; – la république de Slovénie, capitale Ljubljana (Laybach), composée de l’ancienne banovine de Drave et revendiquant le Prékomourié, Goritz, Trieste et la Carniole occidentale ; – la république de Bosnie-Herzégovine, capitale Sarajevo, dans ses limites historiques (condominium austro-hongrois) diminuées de la « fenêtre » de la Sutorina ; – la république du Monténégro, capitale Podgoritza, dans ses limites de 1914 diminuées de la Métohidja mais augmentées des bouches de Cattaro et de la fenêtre herzégovinienne de la Sutorina ; – la république de Macédoine, capitale Skopje (Ouskoub), correspondant à la Macédoine acquise en 1913 par la Serbie, augmentée du saillant de Stroumitza (acquis en 1920) et de la pointe méridionale du Kossovo. Le Monténégro est une nouvelle fois reconstitué en tant que l’une des six républiques fédérées, avec pour capitale Podgoritza (qui deviendra Titograd). Au sein de la Yougoslavie, il va voir de nouveau pour plus de soixante ans son destin lié à celui de la Serbie (voir chapitre Serbie). Son territoire est cette fois-ci celui de 1914, diminué d’une partie de la Métohidja (avec Pecs) attribuée à la région autonome serbe du Kossovo ; mais le pays conserve le petit territoire de Gusinje et est augmenté des bouches de Cattaro. Il couvre désormais 13 800 km2 et atteint la configuration territoriale qu’il conserve de nos jours. La Yougoslavie atteint une surface de 256 000 km2 — pour environ 17 millions d’habitants —, qui est ainsi répartie : 88 000 pour la Serbie (21 000 pour la Voïvodine, 11 000 pour le Kossovo), 57 000 pour la Croatie, 20 000 pour la Slovénie, 51 000 pour la BosnieHerzégovine, 14 000 pour le Monténégro, 26 000 pour la Macédoine. C’est désormais un État qui octroie une certaine autonomie politique aux six républiques, tempérée par l’omnipotence du parti communiste, qui contrôle tous les rouages, et la main de fer avec laquelle le maréchal Tito préside la fédération. Les républiques, parmi lesquelles la Serbie, disposent aussi d’une certaine autonomie économique, dans le cadre du régime de l’autogestion imposé aux structures économiques propres à chacune des républiques.
4. Le Monténégro lié à la Serbie au sein d’une petite Yougoslavie (1991-2006) À partir de 1989-1990, l’effondrement en Europe des régimes communistes permet à certains États de la Yougoslavie de revendiquer leur indépendance. Ces pays se dotent de pouvoirs non communistes et s’opposent à la Serbie, qui contrôle désormais le pouvoir fédéral. Successivement, la Slovénie (25 juin 1991), la Macédoine (référendum du 8 septembre 1991), la Croatie (8 octobre 1991), et la Bosnie-Herzégovine (décembre 1991) quittent la fédération yougoslave et proclament leur indépendance. Par référendum du 1 er mars 1992, le Monténégro décide son maintien dans la fédération. La république fédérale de Yougoslavie, désormais restreinte aux deux seules républiques de Serbie et du Monténégro, est ainsi ramenée à une superficie de 102 200 km2, pour environ 10 millions d’habitants. La Serbie, accrue de ses deux régions anciennement autonomes désormais replacées dans le lot commun, entreprend alors de soutenir les populations serbes de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, qui sont entrées en rébellion contre les gouvernements de ces deux pays. La dissidence serbe de Croatie, qui fait perdre temporairement à Zagreb la Krajina et la Slavonie, est matée en grande partie en 1995 et définitivement en 1998 ; cette défaite entame le prestige de la Serbie, inspiratrice de la révolte. Les Serbes de Bosnie, sans atteindre leur objectif qui était de se rattacher à la Serbie, parviennent, à l’issue de plus de trois années de guerre, à faire reconnaître en novembre 1995 leur spécificité par les accords de Dayton, qui instituent une république serbe de Bosnie, au sein d’une Bosnie-Herzégovine confédérale. En vertu de la Constitution de 1990, Milosevic doit, en décembre 1996, céder la place à la tête de la Serbie, mais il fait élire un de ses proches, Milan Milutinovic. En contrepartie, il se fait élire en juillet 1997 président de la fédération yougoslave.
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Les États existants Il peut ainsi continuer à mener sa politique au sein d’une Yougoslavie qui s’identifie de plus en plus à la seule Serbie car, en octobre 1997, le Monténégro se dote d’un nouveau président, Milo Djukanovic, qui entreprend de conduire le pays vers plus d’indépendance vis-à-vis de la Serbie. Les événements militaires du printemps 1999 au Kossovo, où la Serbie se voit attaquée par les forces de l’OTAN, achèvent de décider le Monténégro à s’éloigner de la Serbie et à se rapprocher de l’Occident. Le 22 avril 2001, des élections législatives au Monténégro donnent une victoire — plus étroite qu’espérée — aux partisans de l’indépendance de ce pays vis-à-vis de la Serbie, ouvrant ainsi la voie à un possible éclatement de la Yougoslavie. Le 14 mars 2002 est signé à Belgrade un accord serbo-monténégrin qui prévoit le remplacement de la Yougoslavie par un nouvel État de « Serbie et Monténégro » pour une durée de trois ans, à l’issue de laquelle la Serbie et le Monténégro devraient opter pour la séparation ou l’intégration. Cet accord, qui a reçu l’aval des trois parlements serbe, monténégrin et fédéral, est entré en vigueur ; il prévoit la mise en place d’une assemblée fédérale unique et la séparation des économies des deux États, le Monténégro adoptant l’euro comme monnaie. Le 5 février 2003, la Yougoslavie devient officiellement la Serbie-et-Monténégro (« État de Serbie et Monténégro »).
VI. La république de Monténégro (2006 à nos jours) Cette ultime tentative de maintien d’un État yougoslave résiduel ne parvient pas à désarmer le sentiment séparatiste qui subsiste au sein d’une majorité de Monténégrins. Au terme des trois années de transition, à la suite d’un référendum organisé le 21 mai 2006, les Monténégrins votent pour l’indépendance. La Serbie-et-Monténégro éclate au début de juin et, le 3 juin 2006, la république de Monténégro est proclamée indépendante, retrouvant enfin une indépendance perdue en 1918. Les bouches de Cattaro La région des bouches de Cattaro (Kotor en slave) constitue depuis 1420 une province maritime de Venise appelée Albanie vénitienne. Elle est centrée sur le golfe de Cattaro, magnifique mer intérieure composée de trois bassins successifs très encaissés, reliés par des goulets (les bouches), la ville de Cattaro se situant à l’extrémité du dernier bassin. La province s’étend jusqu’aux versants montagneux séparant le golfe des pays avoisinants : l’Herzégovine turque au nord-ouest, le Monténégro à l’est, l’Albanie turque au sud. Elle constitue pour le Monténégro tout à la fois un débouché naturel et un objet de convoitise. Cette province compte de l’ordre de 30 000 habitants (les Bocquais), en grande majorité slaves, catholiques ou orthodoxes. Elle est en théorie gouvernée par un provéditeur nommé par Venise, mais les Bocquais savent jouer de la peur qu’inspirent les farouches Monténégrins pour obtenir en permanence de Venise une liberté interne, laissant seulement à la Sérénissime l’usage de ce relais naval incomparable que constitue le golfe de Cattaro. En 1797, au traité de Campo-Formio, les bouches de Cattaro sont attribuées à l’Autriche et administrativement rattachées à la nouvelle province autrichienne de Dalmatie. En 1805, les bouches de Cattaro sont, comme la Dalmatie, cédées à la France qui prévoit de rattacher l’ensemble au nouveau royaume d’Italie, dont Napoléon est le souverain. Les troupes françaises tardant à prendre possession de Cattaro, le représentant autrichien remet les Bouches à la Russie. La France se heurte au corps expéditionnaire russe, renforcé de troupes monténégrines, et, au terme de quatre mois de combats, elle doit en septembre 1806 renoncer à exercer sa souveraineté sur les Bouches, qui deviennent de facto une possession russe. En 1807, la paix de Tilsitt prévoit la restitution des Bouches à la France. Les forces russo-monténégrines se retirent, les Bouches sont rattachées à la Dalmatie italienne, dont elles constitueront un district.
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Monténégro
En 1809, les bouches de Cattaro sont englobées dans les nouvelles Provinces Illyriennes de l’Empire français, dont elles constituent le district le plus méridional, subdivision de l’intendance de Raguse. Dès octobre 1813, les Français évacuent les bouches de Cattaro, hormis la ville ellemême, qui capitule en décembre. Le prince-évêque de Monténégro, qui a contribué à chasser les Français des Bouches, fait décréter par une assemblée de représentants bocquais et monténégrins l’union du Monténégro et des bouches de Cattaro. Dès 1814, les Bouches sont attribuées à l’Autriche et rattachées à la Dalmatie autrichienne. Les Monténégrins se retirent dans leur principauté. Les bouches de Cattaro vont suivre pendant un siècle le sort de la Dalmatie, devenant en 1867 le point méridional le plus avancé de l’Autriche (Cisleithanie) dans la partition de l’Empire opérée par le compromis austro-hongrois. En 1878, au congrès de Berlin, l’Autriche se fait attribuer le port de Spizza, au sud de Budua, qu’elle rattache au cercle de Cattaro. Elle éloigne ainsi des Bouches la fenêtre maritime du Monténégro, désormais reportée sur le port d’Antivari (et celui de Dulcigno en 1880). En 1920, le traité de Rapallo fait passer les Bouches au royaume des Serbes, Croates, Slovènes. En 1922, elles sont détachées de la province de Dalmatie et rattachées à celle du Monténégro. En 1941, les bouches de Cattaro sont détachées du Monténégro — lequel devient protectorat italien — et attribuées à l’Italie. Elles sont administrativement rattachées à la Dalmatie du Nord, elle-même redevenue italienne à la même époque. En 1943, Hitler attribue les Bouches au Monténégro, qui devient lui-même protectorat allemand. En 1946, les bouches de Cattaro sont définitivement attribuées au Monténégro, dont elles suivront désormais le sort.
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Les États existants
Norvège Le pays en bref État monarchique : le royaume de Norvège. Souverain : le roi Harald V, de la maison de Schleswig-Holstein-SonderbourgGlucksbourg. Représentation parlementaire : le Storting ; divisé en deux chambres : chambre haute (le Lagting), chambre basse (l’Odelsting). Capitale : Oslo. Division administrative en 19 comtés (fylker) : Oslo, Akershus (Oslo), Østfold (Moss), Hedmark (Hamar), Oppland (Lillehammer), Buskerud (Drammen), Vestfold (Tønsberg), Telemark (Skien), Aust-Agder (Arendal), Vest-Agder (Kristiansand), Rogaland (Stavanger), Hordaland (Bergen), Sogn og Fjordane (Hermansverk), Møre og Romsdal (Molde), Sør-Trøndelag (Trondheim), Nord-Trøndelag (Steinkjer), Nordland (Bodø), Troms (Tromsø), Finnmark (Vadsø). Dépendances d’Europe : îles Svalbard (Spitzberg), île Jan Mayen. Superficie : 324 000 km2 (dont 17 000 de bras de mer et cours d’eau internes) ; population : 4,2 millions d’habitants ; densité : 13 habitants au km2. Langue : le norvégien, avec deux variantes, le bokmaal (la plus courante) et le nynorsk. Religion : protestants (luthériens) à 88 %. Monnaie : la couronne norvégienne.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Norvège 1. D’Olaf Ier à l’union au Danemark (900-1789) Habitée de populations vikings réparties en plusieurs petits royaumes, la Norvège (la « route du Nord ») est unifiée vers 900, et s’ouvre pour elle une première période brillante : expansion outre-mer, règnes d’Olaf Ier et surtout d’Olaf II (le Saint, 1016-1028) ; puis, après des temps d’anarchie (XIe et XIIe siècles), elle retrouve son unité aux XIIIe et XIVe siècles. Par un concours de circonstances dynastique, l’Union de Kalmar (1397-1523) la fait passer avec la Suède sous la domination du roi de Danemark ; cette union, érigée contre la menace allemande, profite surtout au Danemark ; elle se heurte très vite à l’opposition des Suédois, qui aboutit en 1523 à la rupture définitive entre la Suède et l’Union, à la suite d’une révolte menée par Gustave Vasa ; la Norvège reste seule sous cette tutelle. Dès lors, le destin de la Norvège semble scellé : elle se résigne à n’être plus qu’un royaume théoriquement distinct, en fait gouverné par le Danemark. Ses élites adoptent la langue et les coutumes danoises et elle suit fidèlement le Danemark dans son passage au luthéranisme au milieu du XVIe siècle ; enfin, sa soumission au Danemark lui vaut de perdre en 1658, au profit de la Suède, deux territoires : le Bohus, au sud, et le Jämtland, à l’est.
2. La Norvège en 1789 En 1789, la Norvège est un vaste royaume très allongé couvrant la partie occidentale de la péninsule de Scandinavie. D’une surface de l’ordre de 320 000 km2 pour une population d’environ 700 000 habitants, elle est située entre les mers de Barentz au nord-est, de Norvège au nord, du Nord à l’ouest et le Skagerrak au sud, longeant la Suède (à l’est) dont la sépare la longue chaîne des Alpes scandinaves. C’est un pays de plateaux montagneux, chutant brusquement dans la mer en des falaises et fjords impressionnants. Couvert de forêts, le pays subit un climat froid et rude en raison de sa latitude, ce climat étant toutefois tempéré le long des côtes par le gulfstream. Le
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Norvège climat et le relief restreignent les possibilités d’agriculture et les seules vraies richesses sont la pêche et l’exploitation forestière. Eu égard à la faiblesse du peuplement, les villes sont très peu développées. La Norvège est donc toujours en union personnelle avec le royaume de Danemark ; la domination de ce dernier se perpétue en 1789 mais, bien qu’il y ait eu unification des institutions, la Norvège bénéficie vis-à-vis du Danemark d’une autonomie de fait, symbolisée par la présence d’un vice-roi résidant à Christiania, sa capitale. Le royaume se divise en quatre bailliages : Akershus (Christiania), Christiansand (Arendal), Bergen, Trondheim. Il convient de noter que, de 1789 à nos jours, les limites extérieures du royaume de Norvège resteront inchangées ; seuls varieront les liens unissant ou non le royaume à d’autres entités, ainsi que ses dépendances d’outre-mer.
II. La quête de l’indépendance (1789 à nos jours) 1. De 1789 à l’indépendance du royaume (1905) Lors des conflits de l’époque napoléonienne, la Norvège suit le Danemark dans son alliance avec la France, ce qui les mènera en 1814 dans le camp des vaincus. Or, la Suède avait dû céder en 1809 la Finlande à la Russie. Le prince héritier Charles-Jean (Bernadotte) avait entendu monnayer son ralliement à la coalition anti-française contre l’obtention de la Norvège, susceptible à ses yeux de compenser la perte de la Finlande ; l’accord d’adhésion de 1812 lui promettait formellement la cession de la Norvège. Le Danemark ayant été vaincu par la Suède en 1813, par le traité de Kiel du 14 janvier 1814, le Danemark cède à la Suède le royaume de Norvège et reçoit la Poméranie suédoise en contrepartie. De son côté, la Norvège, qui était isolée du Danemark depuis le début du conflit, s’habituait à l’idée d’un retour à l’indépendance et entendait profiter des circonstances. Le 17 mai 1814, une Assemblée norvégienne réunie à Eisvold proclame l’indépendance du royaume de Norvège, vote une Constitution et choisit pour roi le prince Christian-Frédéric de Danemark, ancien vice-roi. Les vainqueurs de Napoléon refusent de reconnaître l’indépendance de la Norvège et le prince-régent Charles-Jean de Suède entre en guerre pour prendre possession de ce royaume qui lui a été attribué à Kiel. L’éphémère roi Christian-Frédéric renonce à la couronne et, par la convention de Moss du 4 novembre 1814, le royaume de Norvège est réuni à celui de Suède par union personnelle, les seuls éléments communs étant le roi et le ministère des affaires extérieures. La Suède s’engage à respecter la séparation administrative des deux royaumes — ce qu’elle fera —, assurant à la Norvège une véritable autonomie assise sur la Constitution d’Eisvold, restée en vigueur. Un gouverneur général représente le roi à Christiania. L’administration interne de la Norvège est réorganisée en 17 comtés (fylker) : Akershus (Christiania), Smaalehnen, Hedemarken, Christiansa, Buskerud, Jarlsberg-et-Laurvig, Bradsberg, Nedenes, Lister-et-Mandal, Stavanger, Bergenhus du Sud, Bergenhus du Nord, Romsdal, Trondheim du Sud, Trondheim du Nord, Nordland (Bodø), Finmarken (Tromsø). Au cours du siècle, le nombre de comtés passera à 19 par création d’une préfecture urbaine à Christiania, puis d’un comté de Tromsø, s’insérant entre Nordland et Finmarken. Par ailleurs, les Norvégiens ne se satisfont pas de l’union avec la Suède, qui cherche à unifier l’ensemble, tandis qu’eux-mêmes veulent farouchement conserver leur personnalité. De ce fait se fait jour un mouvement pour l’indépendance, qui s’appuie sur le souvenir de la grandeur passée, l’essor d’une culture nationale (littérature, musique) et la création d’une langue propre, le nynorsk (néo-norvégien), constituée à partir des dialectes paysans et qui s’oppose au bokmaal, langue proche du danois. De plus, au XIXe siècle, la Norvège développe considérablement son économie, singulièrement ses activités navales (constructions, commerce maritime), et n’entend pas en partager les fruits avec la Suède.
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Les États existants 2. De l’indépendance (1905) à nos jours À la suite d’un veto du roi de Suède à la création d’un service consulaire norvégien décidée par le gouvernement de Christiania, l’Assemblée norvégienne (Storting) proclame le 7 juin 1905 l’indépendance du royaume de Norvège. Par le traité de Carlstad du 31 août, la Suède se résigne à accepter l’indépendance de la Norvège. Par plébiscite tenu le 13 novembre, les Norvégiens ratifient ce choix à une écrasante majorité et optent pour le maintien d’un régime monarchique. Le nouveau royaume (indépendant) de Norvège appelle à régner le prince Charles, deuxième fils du roi Frédéric VIII de Danemark, qui monte sur le trône sous le nom de Haakon VII. Se déclarant neutre lors de la Première Guerre mondiale, la Norvège parvient à se maintenir en dehors du conflit, mais son activité maritime en est fortement affectée ; sa flotte marchande subit des pertes sévères. D’autre part, l’archipel du Spitzberg (Svalbard) — d’une surface de 62 000 km2, situé dans l’océan Arctique au nord de la Norvège, et composé du Spitzberg et des îles Blanches, du Roi-Charles, Hope et aux Ours —, était longtemps resté négligé du fait de son climat inhospitalier. Mais un gisement de charbon y avait été découvert au début du XXe siècle. La Norvège entendait dès lors y faire valoir ses droits. Profitant d’un règlement diplomatique sur les limites avec l’URSS en mer de Barentz, par le traité de Paris du 9 février 1925, l’archipel du Spitzberg est attribué à la Norvège. La souveraineté norvégienne y est effective le 14 août 1925. Dès lors, la Norvège atteint sa configuration qu’elle conserve de nos jours. Le nom de la capitale, Christiania, est en 1925 changé pour celui d’Oslo, nom de la ville ancienne détruite en 1624 par un incendie. En dépit de sa neutralité, elle est occupée dès avril 1940 par Hitler et la contre-offensive menée par la Grande-Bretagne et la France (avril-juin) sur Narvik tourne court. La Norvège restera occupée pendant toute la guerre, le roi et le gouvernement s’étant réfugiés à Londres. Depuis, la Norvège poursuit son existence indépendante, refusant par deux fois (référendums de 1972 et de 1994) de rejoindre la Communauté européenne. La division en 19 comtés reste inchangée, seules changeant certaines appellations, comme suit : Ville d’Oslo, Akershus, Østfold (ancien Smaalehnen), Hedmark, Oppland (ancien Christiansa), Buskerud, Vestfold (ancien Jarlsberg-et-Laurvig), Telemark (ancien Bradsberg), Aust-Agder (ancien Nedenes), Vest-Agder (ancien Lister-et-Mandal), Rogaland (ancien Stavanger), Hordaland (ancien Bergenhus du Sud), Sogn et Fjordane (ancien Bergenhus du Nord), Møre et Romsdal (ancien Romsdal), Trondelag du Sud (ancien Trondheim du Sud), Trondelag du Nord (ancien Trondheim du Nord), Nordland, Troms, Finnmark.
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Pays-Bas
Pays-Bas Le pays en bref État monarchique : le royaume des Pays-Bas. Souverain : la reine Béatrice I re (Beatrix), de la maison d’Orange-Nassau. Représentation parlementaire : les États généraux. 1re Chambre composée de représentants des États provinciaux (assemblées de chaque province) ; 2e Chambre composée de députés élus au suffrage universel direct. Capitale : Amsterdam, mais La Haye est résidence royale et siège du gouvernement. Division administrative en 12 provinces : Hollande-Septentrionale (Amsterdam), Hollande-Méridionale (La Haye), Zélande (Middelbourg), Utrecht, Gueldre (Arnhem), Overyssel (Zwolle), Frise (Leeuwarden), Groningue, Drenthe (Assen), BrabantSeptentrional (Bois-le-Duc), Limbourg (Maastricht), Flévoland (Lelystadt). Superficie : 34 000 km2 (41 500 en y incluant les bras de mer et cours d’eau internes) ; population : 15 millions d’habitants ; densité : 450 habitants au km2. Langue : le néerlandais ; en Frise, on parle aussi le frison. Religions : catholiques 30 %, protestants 25 %, autres 5 %, sans religion 40 % ; la religion historiquement dominante est le protestantisme, que professe le souverain. Monnaie : l’euro ; le florin jusqu’en 2001.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée des Pays-Bas septentrionaux 1. De Rome à la maison de Bourgogne (Ier-XVe siècles) Dans l’extrême nord de l’Empire romain, entre Meuse et Rhin (province de Germanie inférieure), vivent des Bataves et, au-delà de ce fleuve frontière, des Frisons, peuplades germaniques qui sont élevées au rang d’alliés de Rome. Puis viennent les Francs, au ve siècle, qui conquièrent ces contrées, non sans résistance de la part des Frisons. Mais l’ensemble fait bientôt partie de l’empire de Charlemagne. Au partage de Verdun (843), la région constitue l’extrême nord du royaume de Lotharingie, avant d’être versée dans le royaume de Germanie (duché de Basse-Lorraine). Aux IXe et xe siècles, les invasions normandes ravagent le pays et provoquent un morcellement qui ouvre la voie au système féodal. C’est alors qu’apparaissent dans la région un certain nombre d’États seigneuriaux : – le comté, puis duché de Gueldre : Haute-Gueldre, sur le cours inférieur de la Meuse, comté de Zutphen, au nord du Rhin sur rive droite de l’Yssel, Betuwe, avec Nimègue, entre Meuse et Rhin, et Veluwe, de l’Yssel au Zuiderzee ; – le comté de Hollande, campé d’abord entre Rhin, Waal et Meuse, qui va au nord jusqu’au Zuiderzee, et au sud en englobant la Zélande ; en 1299, il hérite du Hainaut, qui s’étend plus au sud entre l’Escaut et la Sambre ; – l’évêché d’Utrecht, érigé au VIIe siècle en vue de l’évangélisation des Frisons, qui ne contrôle plus au XIVe siècle que le territoire entourant la ville d’Utrecht (le bas-évêché) et, à l’est du Zuiderzee (et au nord de l’Yssel), l’Overyssel ou évêché supérieur ; – la Frise, reliquat de pays frisons qui ont pu se maintenir indépendants : la Frise, Groningue et la Drenthe, ainsi qu’à l’est de l’Ems la Frise orientale ; ils se fédèrent en une union des sept pays maritimes, union qui durera jusqu’à l’aube du XIVe siècle.
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Les États existants 2. La conquête bourguignonne (XVe siècle) C’est dans cet état que se trouve la contrée, lorsque la maison de Bourgogne y prend pied. Après avoir acquis la Flandre (1384) et, par une branche cadette, le Brabant (1404), cette maison s’empare du Hainaut-Hollande (1433). Le duc Philippe le Bon détient ainsi un grand nombre de provinces de la région, surtout dans le Sud, en nombre moindre dans le Nord (les Pays-Bas d’aujourd’hui), où il ne possède que la Hollande, avec la Zélande. Ses domaines sont répartis en deux ensembles géographiques : les « pays de par-delà » (Bourgogne, Franche-Comté), et les « pays de pardeçà » (Flandre, Brabant, Hainaut, Artois, Picardie, Luxembourg, Limbourg, Hollande). Son fils Charles le Téméraire n’agrandit le domaine bourguignon que du duché de Gueldre, avec ses dépendances (1473).
3. De l’union des Pays-Bas à la sécession du Nord (XVIe siècle) La fille du Téméraire, Marie de Bourgogne, hérite de ses biens. Mais la Gueldre, qui se révolte, est perdue. Marie sauvegarde le reste grâce à son mariage avec Maximilien d’Autriche, fils de l’empereur. La région passe dans la sphère d’influence de la maison d’Autriche. Le petit-fils de Marie, Charles Quint, natif de Gand, va conquérir les États manquants et réunir les Pays-Bas sous un même sceptre. La Frise proprement dite (Leeuwarden) est cédée en 1523 à Charles Quint. À la suite d’une guerre avec le duc de Gueldre, l’évêque d’Utrecht cède en 1528 ses droits à Charles Quint ; ce dernier prend possession d’Utrecht et de l’Overyssel. Les deux pays frisons de Groningue et de Drenthe font appel à Charles Quint, qui les rattache en 1536 aux domaines habsbourgeois, en une province unique de Groningue. Enfin, le duché de Gueldre, qui était sorti en 1477 de la sphère bourguignonne, est repris de force en 1543 par Charles Quint. Désormais, les dix-sept provinces des Pays-Bas (du Nord et du Sud) forment un territoire homogène, rassemblé en 1548 au sein du cercle de Bourgogne, l’un des dix cercles du Saint Empire. En 1549, Charles Quint les soumet à un droit succcessoral unique et les dote d’institutions communes. Charles Quint est représenté dans chacune des provinces par un lieutenant, le stathouder. Cependant la Réforme va mettre en péril l’unité du pays. Charles Quint s’y oppose aux Pays-Bas. En 1555, il transmet à son fils Philippe II les Pays-Bas. Celui-ci s’oppose par la force à la Réforme et tente de s’affranchir des assemblées. S’ensuit une opposition des nobles (Guillaume le Taciturne), puis une révolte aux multiples rebondissements. En 1579, son représentant, Alexandre Farnèse, parvient à séparer les dix provinces méridionales, demeurées catholiques, des sept provinces du nord, qui poursuivent la lutte. À l’Union d’Arras au sud, qui revient dans le giron de l’Espagne, répond aussitôt l’Union d’Utrecht au nord, qui s’ancre dans la sécession, se sépare de Philippe II (1581), opère la réunion des sept provinces (1593) et se transmue en un État nouveau, les Provinces-Unies, reconnu par les puissances, avant de l’être en 1609 par l’Espagne (trêve de Douze Ans).
4. Les Provinces-Unies (XVIIe-XVIIIe siècles) Un nouvel État apparaît, qui pour la première fois recouvre à peu près le territoire du royaume des Pays-Bas d’aujourd’hui. Les Provinces-Unies se composent des provinces suivantes : Gueldre, Hollande, Zélande, Utrecht, Frise, Overyssel, Groningue. S’y ajoute le pays allié et protégé de la Drenthe (Assen), pays non sujet mais dépourvu de pouvoir politique. En 1621, la guerre reprend entre l’Espagne et les Provinces-Unies. Elle est favorable aux Néerlandais, qui s’empressent de conclure une paix séparée avec l’Espagne. La paix, signée en 1648 à Munster, fait perdre aux Provinces-Unies la Haute-Gueldre (le quartier supérieur), avec la ville de Gueldre et la forteresse de Venlo ; mais l’Espagne leur cède la lisière nord de la Flandre, sur rive gauche de l’Escaut (avec L’Écluse et Hulst), la moitié septentrionale du Brabant (avec Bréda et Bois-le-Duc), et une enclave dans le Limbourg, à cheval sur la Meuse, qui se compose de Maastricht sur rive gauche et de la seigneurie de Faulquemont (Valkenburg) sur rive droite.
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Pays-Bas Ces acquisitions, appelées pays de la Généralité, majoritairement catholiques, sont des pays sujets des États généraux, sans droits politiques, possessions conjointes des sept Provinces-Unies. Enfin, aux traités de Westphalie (1648), les Provinces-Unies sont reconnues par les parties signataires comme un État indépendant, qui ne fait plus partie du Saint Empire. Les Provinces-Unies mènent dès lors une politique active qui les fait participer aux conflits de la fin du siècle. Elles en retirent, aux traités d’Utrecht (1713) et de Rastadt (1714), un léger gain territorial aux dépens de l’Espagne : la seigneurie de Montfort et la forteresse de Venlo, deux enclaves situées sur rive droite de la Meuse en aval de Maastricht. Par ailleurs, par le traité des Barrières signé à Anvers en 1715, elles obtiennent un droit de garnison, face à la France, dans huit places des Pays-Bas autrichiens : Namur, Tournai, Menin, Warneton, Ypres, Knokke, Furnes et Termonde. Dès les années 1780, les épreuves s’abattent sur le pays. Tout d’abord, le nouveau souverain des Pays-Bas autrichiens, l’empereur Joseph II, est résolu à s’affranchir des contraintes imposées par son voisin du nord ; en 1781, par un coup de force, il expulse les garnisons néerlandaises des huit barrières ; en 1785, à la suite d’une tentative de Joseph II visant à forcer le blocus d’Anvers, une guerre est évitée de justesse et un compromis est trouvé au traité de Fontainebleau : les Provinces-Unies renoncent aux barrières et cèdent à l’empereur les forts de Lillo et de Liefensboek sur l’Escaut, mais l’accès au port d’Anvers reste fermé. Ces revers, joints au marasme de l’économie, conduisent à la formation d’un parti des patriotes, qui affirme que l’on retrouvera la prospérité d’antan en revenant à une forme plus authentiquement républicaine des institutions. En 1786, le stathouder Guillaume V est chassé et se réfugie en Haute-Gueldre (devenue prussienne en 1713), où il reçoit l’appui de son beau-frère, le roi Frédéric II, qui intervient militairement pour mater la révolution et rétablir le stathouder (1787). Maints patriotes se réfugient en France.
II. Les Provinces-Unies en 1789 En 1789, les Provinces-Unies sont donc une république de structure confédérale, qui rassemble : 1) – Les sept provinces d’origine, qui détiennent le pouvoir : – le duché de Gueldre (Arnhem), d’un seul tenant depuis la perte de la Haute-Gueldre en 1648 ; – le comté de Hollande (Amsterdam), au sud du Zuiderzee, qui est la province la plus prospère et dont le chef-lieu, Amsterdam, est aussi capitale des Provinces-Unies ; – le comté de Zélande (Middelbourg) ; – le comté d’Utrecht (Utrecht) ; – la seigneurie de Frise (Leeuwarden) ; – la seigneurie d’Overyssel (Zwolle) ; – la seigneurie de Groningue (Groningue). 2) – Le pays allié et protégé de la Drenthe, pays non sujet mais sans pouvoir politique. 3) – Les pays de la Généralité : Flandre néerlandaise, Brabant, Limbourg (Maastricht, Faulquemont, Montfort, Venlo), pays sujets, propriété commune des sept provinces. Par ailleurs, le Brabant septentrional est grevé d’une enclave étrangère, la seigneurie de Gravenstein, qui appartient au comte palatin du Rhin. Dans chaque province, le pouvoir législatif est détenu par les états provinciaux, qui désignent un conseiller pensionnaire (affaires civiles) et un stathouder (affaires militaires) ; les états provinciaux délèguent des représentants aux États généraux, qui eux-mêmes désignent un grand pensionnaire (chef du gouvernement) et « le » stathouder, le chef militaire de la république. En souvenir des services rendus par Guillaume le Taciturne et par son fils, le stathouder, au niveau provincial comme fédéral, était au XVIIe siècle traditionnellement choisi dans la
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Les États existants maison d’Orange-Nassau. Mais l’influence de cette maison, qui s’appuyait sur les provinces rurales, était combattue par les provinces « urbaines » (Hollande, Zélande), où la bourgeoisie commerçante soutenait le pouvoir rival du grand pensionnaire, chargé des affaires civiles. Les stathouders avaient longtemps maintenu leur influence, jusqu’au « règne » de Guillaume III, qui en épousant la reine Marie II et en devenant roi d’Angleterre (1689) avait mis les Provinces-Unies à la remorque de celle-ci. À sa mort (1702), son héritier était récusé par les États généraux. Le stathoudérat était aboli jusqu’en 1747. À cette date, devant le péril que constituait l’invasion du pays par les troupes de Louis XV, les États généraux ont rétabli la fonction et nommé Guillaume IV stathouder des sept provinces et de la république, avec succession héréditaire à cette fonction dans la maison d’Orange-Nassau, ce qui fait du stathouder un quasi-monarque, sans le titre, qui tient une cour princière à La Haye et forge des alliances matrimoniales avec les autres cours d’Europe. En 1789, c’est son fils Guillaume V qui occupe la fonction. Pour les Provinces-Unies, le XVIIe siècle a été un siècle d’or, qui a vu ce pays développer de façon prodigieuse agriculture, élevage, pêche, industrie textile, construction navale, bourse d’échanges, banques, commerce terrestre et maritime — ce dernier favorisé par le déclin d’Anvers, dont les Provinces-Unies, maîtresses des deux rives du bas Escaut, avaient bloqué l’accès. La ville d’Amsterdam, principale cité du pays, est devenue une cité majeure en Europe. Le pays s’est taillé un empire maritime, aux dépens de l’Espagne et du Portugal. Au XVIIIe siècle, le pays amorce un lent recul, tant sur le plan maritime, où la concurrence de l’Angleterre lui a fait perdre la majeure partie de son empire et a mis à mal son commerce, que sur le plan intérieur, où l’émergence d’autres lieux de production (Angleterre, France) a concurrencé l’activité économique et où les dissensions se sont succédé. Toutefois, les Provinces-Unies demeurent ce qu’elles ont été dès l’origine, un foyer de liberté religieuse et intellectuelle, où se réfugient les minorités opprimées (juifs, protestants), où l’on peut sans entrave éditer livres et journaux, où la pensée peut se donner libre cours.
III. De 1789 à l’érection du royaume des Pays-Bas (1815) 1. La fin des Provinces-Unies (1789-1795) C’est sur ces entrefaites qu’éclate la Révolution en France, dont le destin va peser pendant vingt-cinq ans sur l’Europe entière. Le patriotes néerlandais prennent fait et cause pour le mouvement révolutionnaire, qui en retour va soutenir leurs vues. Dès 1794, ayant conquis les Pays-Bas autrichiens, les armées françaises poursuivent leur offensive en direction des Provinces-Unies, dont elles s’emparent au début de 1795, chassant de nouveau le stathouder, qui se réfugie en Angleterre. Le 3 février, les patriotes, qui ont repris le pouvoir, proclament la République batave, qu’ils entendent doter d’institutions inspirées du modèle français.
2. La République batave (1795-1806) Le nouveau pouvoir commence par mettre fin à l’état de guerre avec la France, qui entend se faire payer son soutien. Par le traité de La Haye signé le 16 mai 1795, outre une contribution financière, la République batave cède à la France la Flandre néerlandaise (rive gauche de l’Escaut) et les enclaves de Maastricht, de Venlo et du Limbourg néerlandais (Montfort) ; de plus, la libre circulation sur l’Escaut est rétablie et la France acquiert un droit de garnison à Flessingue. Le pays devient un satellite de la France, une « république sœur ». Une première Convention, composée de représentants élus, se réunit le en mars 1796 en vue d’élaborer la nouvelle Constitution. Le projet remis en novembre 1796, fortement teinté de fédéralisme, conserve les provinces traditionnelles, rebaptisées départements. Il est combattu à la fois par les fédéralistes et par les unitaires pour des raisons opposées. Au plébiscite du 8 août 1797, le projet est repoussé par les quatre cinquièmes des suffrages exprimés. Une nouvelle Convention se réunit en septembre pour élaborer un nouveau projet. Les unitaires sollicitent l’appui de la France ; par le coup d’État du 22 janvier 1798, ils deviennent maîtres de la Convention. Le projet de Constitution, achevé en mars, est approuvé à une écrasante majorité au plébiscite du 23 avril, tenu dans des conditions douteuses, maints fédéralistes ayant été écartés en mars.
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Pays-Bas La nouvelle Constitution prévoit une division nouvelle de la République en huit départements bouleversant les limites traditionnelles : Ems (Leeuwarden), Vieil-Yssel (Zwolle), Rhin (Arnhem), Texel (Alkmaar), Amstel (Amsterdam), Delft (Delft), Dommel (Bois-leDuc), Escaut-et-Meuse (Middelbourg). Par ailleurs, par le traité de Paris du 24 août 1801 signé avec la France, la Bavière, successeur de Juliers, cède à la République batave la seigneurie de Ravenstein, ainsi que ses domaines bataves de Bergen-op-Zoom, Wynnendal et Saint-Michel-Gestel. En septembre 1801, à la suite des troubles continuels agitant la République batave, le premier consul Bonaparte décide de modifier de façon autoritaire la Constitution de ce pays dans un sens plus fédéral. Dans ce cadre, la République batave est administrativement réorganisée en neuf départements retrouvant les limites des anciennes provinces : Hollande (La Haye), Zélande (Middelbourg), Utrecht, Gueldre (Arnhem), Overyssel (Zwolle), Frise (Leeuwarden), Groningue, Drenthe (Assen), Brabant (Bois-le-Duc). Peu après, les neuf départements deviennent dix par séparation de la Hollande en deux départements : Amstel (Amsterdam) et Meuse (La Haye). Enfin, au début de 1805, l’empereur Napoléon impose une nouvelle Constitution autoritaire, élaborée par Schimmelpenninck, l’ambassadeur batave à Paris, au profit de qui est restaurée la fonction de grand pensionnaire, aux pouvoirs étendus.
3. Le royaume de Hollande (1806-1810) Les relations s’étant peu à peu tendues entre les autorités bataves et l’empereur Napoléon, ce dernier décide de subordonner plus fortement la République batave à la France. Le 24 mai 1806, il décrète la transformation de la République batave en royaume de Hollande confié à son jeune frère Louis, qui devient le roi Louis Ier et dont Napoléon entend faire un instrument docile de sa politique. L’accueil des Hollandais à leur nouveau roi reste très réservé lors de ses entrées solennelles à La Haye (25 juin) puis à Amsterdam, où il fixe sa résidence ; mais le roi, qui prend au sérieux son nouveau rôle, parvient à se faire apprécier de ses sujets, au détriment de ses relations avec son auguste frère. En particulier, il n’applique que de mauvais gré le blocus continental contre la Grande-Bretagne, qui gêne l’activité économique du royaume. Mais, faisant partie du système napoléonien, la Hollande est contrainte de participer à la guerre contre la Prusse. Toutefois, comme sa contribution au conflit a été modeste, Napoléon refuse de donner à Louis la Westphalie que ce dernier revendiquait. Pour mettre fin à la mésentente, Napoléon décide d’accorder une compensation à son frère. Par le traité de Fontainebleau du 11 novembre 1807 : – la Hollande cède à la France la ville de Flessingue, qui sera incorporée le 21 janvier 1808 au département français de l’Escaut ; – la France cède à la Hollande : – la principauté d’Ostfrise (Frise orientale), cédée par la Prusse à Tilsitt ; – la seigneurie de Jever, cédée par la Russie à Tilsitt ; – la seigneurie de Kniphausen, enclavée dans Jever, dont est dépouillé son souverain, le comte de Bentinck. Les trois pays cédés par la France vont former un onzième département hollandais, celui de Frise orientale (Aurich). Mais la mésentente entre les deux frères se poursuit au cours des ans. Le roi Louis, soucieux de ménager ses sujets, refuse la proposition de son frère d’échanger la Zélande et le Brabant contre le grand-duché de Berg, dont son fils aîné Napoléon-Louis, enfant en bas âge, est grand-duc en titre sous la tutelle française. Désireux d’accentuer le blocus édifié contre l’Angleterre, Napoléon passe outre et fait occuper la Zélande et le Brabant par des troupes françaises. Puis, sous prétexte « qu’il est de principe constitutionnel en France que le thalweg du Rhin est la limite de l’Empire français », par le traité de Paris du 16 mars 1810, Napoléon impose
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Les États existants à la Hollande le recul de sa frontière au Waal. De ce fait, la Hollande doit céder à la France la Zélande entière, le Brabant hollandais et la Gueldre de rive gauche du Waal. Le 24 avril, la Zélande et le Brabant hollandais de rive gauche de la Dogne forment deux arrondissements (Middelbourg, Bréda) du département français des Deux-Nèthes, tandis que le Brabant de rive droite de la Dogne et la Gueldre de rive gauche du Waal constituent le nouveau département français des Bouches-du-Rhin (Bois-le-Duc, Eindhoven, Nimègue). Le 15 mai, la Zélande est détachée des Deux-Nèthes pour former le nouveau département français des Bouches-de-l’Escaut (Middelbourg, Goes, Zierikzee).
4. L’annexion à l’Empire français (1810-1813) Dès lors, les relations entre les deux frères prennent un tour dramatique. Le 1er juillet, alors que des troupes françaises s’approchent d’Amsterdam, le roi Louis Ier abdique en faveur de son fils Napoléon-Louis, grand-duc de Berg, et s’enfuit secrètement. Le 9 juillet, par le décret de Rambouillet, l’empereur Napoléon annexe la Hollande à l’Empire français. L’architrésorier Lebrun est envoyé à Amsterdam à titre permanent comme lieutenant général de l’Empereur. Amsterdam est proclamée troisième ville de l’Empire. Par décret du 13 décembre, l’ancien royaume de Hollande est départementalisé « à la française ». Outre les deux départements des Bouches-de-l’Escaut et des Bouches-du-Rhin constitués dès avril-mai 1810, le reste de la Hollande, annexé en juillet, va former sept départements français : – Bouches-de-la-Meuse (ancienne Meuse) : La Haye, Brielle, Dordrecht, Leyde, Rotterdam ; – Zuiderzee (ancien Amstel) : Amsterdam, Alkmaar, Ameersfort, Haarlem, Hoorn, Utrecht ; – Yssel-Supérieur (ancienne Gueldre) : Arnhem, Tiel, Zutphen ; – Bouches-de-l’Yssel (ancien Overyssel) : Zwolle, Almelo, Deventer ; – Frise : Leeuwarden, Sneeke, Heerenween ; – Ems-Occidental (ancien Groningue) : Groningue, Appingedam, Assen, Winschoten ; – Ems-Oriental (ancienne Frise orientale) : Aurich, Emden, Jever. Le découpage correspond à peu près à celui des départements hollandais antérieurs, excepté sur les trois points suivants : – l’ancien département d’Utrecht est rattaché au département français du Zuiderzee ; – la Drenthe est rattachée au département français d’Ems-Occidental ; – la Gueldre (Yssel-Supérieur) ne dépasse plus le Waal. L’incorporation dans l’Empire français se traduit par la conscription, pour alimenter les armées françaises, et par une misère et un chômage accrus. Après la défaite de la France à Leipzig, devant la menace que font peser les soulèvements populaires contre les autorités françaises, Lebrun quitte Amsterdam le 14 novembre 1813. Le 30, le prince Guillaume, fils du dernier stathouder Guillaume V, débarque à Schéveningue ; il entre à Amsterdam le 2 décembre et prend le titre de prince souverain des Pays-Bas, tandis que les Prussiens occupent le pays.
IV. Le royaume des Pays-Bas (1815 à nos jours) 1. La naissance du royaume (1814/1815) Le 30 mai 1814, les vainqueurs de Napoléon signent avec la France le premier traité de Paris, qui ramène la France à ses limites du 1 er janvier 1792, avec quelques rectifications. L’Autriche ne désirant pas reprendre possession de ses anciens Pays-Bas et l’évêché de Liège ne devant pas être restauré, les Alliés décident que le meilleur moyen de soustraire les Pays-Bas méridionaux aux ambitions françaises est de les attribuer au prince souverain des Pays-Bas (septentrionaux). Par articles séparés et secrets dudit traité, signés entre eux par les seuls Alliés, il est spécifié que les pays situés entre la mer, les frontières de la France et la Meuse seront donnés à ce prince, ceux situés sur rive droite de la Meuse devant faire l’objet d’accords entre lui et ses voisins. Guillaume en accepte le principe le 21 juillet 1814.
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Pays-Bas Le 16 mars 1815, le prince Guillaume annonce aux États généraux sa décision de prendre le titre de roi des Pays-Bas, avec vocation à régner sur les provinces septentrionales et méridionales qui vont constituer le royaume des Pays-Bas Unis. Les puissances reconnaissent cette nouvelle dignité. Par le traité de Vienne du 31 mai 1815, signé entre le nouveau roi Guillaume Ier des PaysBas et les quatre puissances (Grande-Bretagne, Autriche, Prusse, Russie), il est décidé que le royaume des Pays-Bas Unis sera constitué des anciens pays suivants : ProvincesUnies, Pays-Bas autrichiens, évêché de Liège, abbayes de Stavelot et Malmédy, moitié occidentale de l’ancienne Gueldre prussienne (sur rive gauche de Meuse). En sont toutefois retranchés quelques cantons de Namur et du Hainaut, laissés à la France en mai 1814, l’arrondissement de Bitbourg et quelques cantons (Saint-Vith, Eupen, Rolduc, Aubel, Malmédy), cédés à la Prusse. Par ailleurs, le congrès de Vienne ayant reconnu le droit du dernier duc de Bouillon à recouvrer son duché, celui-ci vend aussitôt le duché de Bouillon au roi des Pays-Bas. Enfin, il est spécifié que l’ancien duché, érigé en grand-duché de Luxembourg, seul élément des anciens Pays-Bas autrichiens à être compris dans la future Confédération germanique, est remis au roi des Pays-Bas en possession personnelle, en compensation de sa renonciation, en faveur de la Prusse, à ses terres patrimoniales allemandes. À la suite de l’épisode des Cent-Jours, les puissances coalisées imposent à la France un second traité de Paris (20 novembre 1815) moins favorable que le premier, et qui lui fait perdre divers territoires. Dans ce cadre, la France cède aux Pays-Bas Unis Philippeville, Mariembourg et les cantons avoisinants, qui avaient été laissés à la France en 1814. Le royaume des Pays-Bas Unis couvre 65 000 km2 et compte 6 millions d’habitants ; il est divisé en dix-huit provinces : – les neuf septentrionales, retrouvant leurs limites historiques, correspondent aux anciennes Provinces-Unies : Hollande (Amsterdam), Zélande (Middelbourg), Utrecht (Utrecht), Gueldre (Arnhem), Overyssel (Zwolle), Frise (Leeuwarden), Groningue (Groningue), Drenthe (Assen), Brabant septentrional (Bois-le-Duc) auquel est rattachée la partie de Haute-Gueldre cédée par la Prusse ; la Flandre hollandaise est rattachée à la Zélande ; – les neuf méridionales, conservant le découpage des départements français, correspondent à l’ensemble belge : Flandre occidentale (Bruges), Flandre orientale (Gand), Anvers (Anvers), Brabant méridional (Bruxelles), Hainaut (Mons), Namur (Namur), Liège (Liège), Limbourg (Maastricht), grand-duché de Luxembourg. En mai 1816, le roi des Pays-Bas renonce, pour lui et ses successeurs, à considérer le Luxembourg comme possession personnelle et en fait une province ordinaire de son royaume. Toutefois, le Luxembourg reste inclus dans la Confédération germanique. En mars 1817, par la convention de Francfort, le roi accepte que la ville de Luxembourg devienne place forte de la Confédération germanique, dotée d’une garnison aux trois quarts prussienne. L’union de provinces au passé distinct nécessite une adaptation de la Constitution. L’égalité totale entre provinces du nord et du sud y est affirmée. Le royaume compte deux capitales, La Haye et Bruxelles. Les États généraux sont divisés en deux chambres, la première nommée par le roi, la seconde émanant des états provinciaux.
2. La sécession de la Belgique (1830/1839) Les habitants des neuf provinces méridionales, catholiques et en majorité francophones, n’acceptent qu’à contrecœur d’être rattachés aux provinces septentrionales néerlandophones et, en majeure partie, protestantes. Même les Flamands, que le roi espérait rallier pour raison linguistique, sont mécontents des ingérences du pouvoir dans les questions religieuses. En août 1830, ils se soulèvent contre le pouvoir et mettent en place un gouvernement provisoire qui décide la partition, déclare (octobre) que le Luxembourg fait partie de l’ensemble belge et choisit (novembre) pour la future Belgique un régime monarchique. Les puissances, réunies à Londres à l’initiative de la France et de l’Angleterre, entérinent, le 20 décembre 1830, la dissolution du royaume des Pays-Bas Unis et, par le protocole du 20 janvier 1831, délimitent ainsi la séparation des deux entités :
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Les États existants – le royaume des Pays-Bas sera désormais constitué des anciennes Provinces-Unies dans leurs limites de 1790, augmentées du grand-duché de Luxembourg (toujours membre de la Confédération germanique) ; – le nouveau royaume de Belgique sera constitué du restant de l’ancien royaume des Pays-Bas Unis. Le Congrès belge ayant rejeté l’abandon du Luxembourg et le nouveau roi Léopold Ier ayant exigé, pour accepter la couronne belge, une dotation plus favorable, les puissances signent avec lui le 26 juin 1831 le traité des Dix-Huit Articles, par lequel elles attribuent le Luxembourg à la Belgique et considèrent le Limbourg comme devant faire l’objet de compensation dans le cadre d’un accord entre Belgique et Pays-Bas. Mais le roi des Pays-Bas refuse le traité des Dix-Huit Articles, envahit la Belgique et prend Anvers ; la Belgique doit faire appel à la France qui intervient à son tour. Le conflit se termine (20 octobre 1831) par un nouvel accord, le traité des Vingt-Quatre Articles, aux termes duquel le Limbourg et le Luxembourg sont tous les deux divisés en deux parties : – la partie occidentale du Limbourg (rive gauche de la Meuse) devient la province belge du Limbourg, chef-lieu Hasselt ; – la partie occidentale du Luxembourg (partie francophone) devient la province belge du Luxembourg, chef-lieu Arlon ; – la partie orientale du Limbourg (rive droite de la Meuse, débordant sur rive gauche à Maastricht) devient la province néerlandaise du Limbourg, chef-lieu Maastricht ; – la partie orientale du Luxembourg (partie germanophone) demeure le grand-duché de Luxembourg, province néerlandaise, chef-lieu Luxembourg. Le Luxembourg belge sortant de la Confédération Germanique, le Limbourg néerlandais y entre à titre de compensation — hormis toutefois les villes de Maastricht et de Venlo, vieilles possessions bataves. Mais le roi des Pays-Bas refuse au début d’avaliser le nouveau traité et la Belgique garde provisoirement la presque totalité du Limbourg et du Luxembourg — hormis les deux villes de Maastricht et de Luxembourg, en raison de garnisons néerlandaises. En mars 1838, le roi des Pays-Bas se résout à accepter le traité des Vingt-Quatre Articles ; le partage est alors effectué selon les termes du traité. Le royaume des Pays-Bas comprend désormais douze provinces : – les neuf septentrionales, devenues dix par suite de la division en deux de la Hollande en 1830 : Hollande septentrionale (Amsterdam), Hollande méridionale (La Haye), Zélande (Middelbourg), Utrecht (Utrecht), Gueldre (Arnhem), Overyssel (Zwolle), Frise (Leeuwarden), Groningue (Groningue), Drenthe (Assen), Brabant septentrional (Bois-le-Duc) ; – le duché de Limbourg (Maastricht), situé sur rive droite de la Meuse, sauf Maastricht qui est située à cheval sur le fleuve ; il devient province ordinaire du royaume, mais est inclus dans la Confédération germanique ; – le grand-duché de Luxembourg (Luxembourg), doté par le roi des Pays-Bas d’une administration particulière, et qui reste inclus dans la Confédération germanique. Le royaume des Pays-Bas est ramené à une superficie de 35 400 km2 et à une population de 2 750 000 habitants. La sécession de la Belgique restitue au royaume des Pays-Bas l’homogénéité qu’il présentait avant 1815 : unité de langue, retour à la prépondérance du protestantisme. Mis à part le Luxembourg, les habitants des Pays-Bas ont le sentiment de nouveau d’appartenir à une nation commune, soudée autour d’une dynastie enracinée dans le pays. Les Pays-Bas évoluent au XIXe siècle comme maints pays d’Europe occidentale : progrès vers la démocratie — le roi Guillaume II accorde en 1848 une Constitution parlementaire —, grand développement de l’activité économique.
3. La sécession du Luxembourg (1890) À la suite de la guerre austro-prussienne remportée par la Prusse, la Confédération germanique est dissoute en août 1866 et le roi Guillaume III, grand-duc de Luxembourg, refuse d’entrer dans la nouvelle Confédération de l’Allemagne du Nord. Las de la présence prus-
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Pays-Bas sienne dans la forteresse de Luxembourg, le roi envisage de répondre favorablement aux offres d’achat du Luxembourg faites par l’empereur Napoléon III, lequel est désireux d’obtenir une compensation à la suite de l’accroissement prussien de 1866. Le chancelier prussien Bismarck, après avoir dans un premier temps donné son assentiment à la transaction secrète, la fait échouer en se faisant interpeller au Reichstag et en la révélant à l’opinion publique. Par le traité de Londres du 11 mai 1867, la France est contrainte de renoncer à l’acquisition du Luxembourg et n’obtient que le démantèlement de la forteresse de Luxembourg, libérée de la garnison prussienne, ainsi que la neutralisation du grand-duché dans les mêmes termes que ceux définis en 1831 pour la Belgique. Le 23 novembre 1890, la mort du roi Guillaume III des Pays-Bas provoque la montée sur le trône de sa fille Guillemine (ou Wilhelmine). Le Luxembourg observant la loi salique, le trône grand-ducal échoit à son cousin Adolphe de Nassau, membre de la ligne walramienne, dépossédée en 1866 de son duché de Nassau par la Prusse. Le grand-duché de Luxembourg se sépare du royaume des Pays-Bas. Celui-ci est ainsi ramené à onze provinces couvrant 32 800 km2.
4. Les temps contemporains La sécession du Luxembourg fait des Pays-Bas un État territorialement homogène, d’un seul tenant, dont les frontières — en dépit de quelques revendications belges sur la rive gauche de l’Escaut en 1919 — demeurent inchangées jusqu’à nos jours. Le pays reste neutre pendant la Première Guerre mondiale. Pour faire face à l’accroissement de population dans un pays densément peuplé, en 1918 est prise la décision de reconquérir le Zuiderzee sur la mer, par construction d’une digue et assèchement progressif de la mer intérieure. Une même décision sera prise ultérieurement pour les bras de mer enserrant les îles de la Zélande. Les Pays-Bas, occupés en mai 1940 par les armées allemandes, deviennent temporairement un Reichcommissariat allemand, tandis que la reine se réfugie à Londres. Le pays est libéré en mai 1945 et la souveraine rentre à La Haye. Au 1er janvier 1987, le royaume des Pays-Bas compte de nouveau douze provinces, par la création d’une nouvelle province de Flévoland, chef-lieu Lelystadt, représentant 1 400 km2 et 400 000 habitants, et constituée des polders gagnés sur la mer dans l’Ysselmeer (ancien Zuiderzee). Ce que recouvre le nom de Pays-Bas Le terme de Pays-Bas (Nederland), expression parlante du point de vue géographique, s’est appliqué à des provinces différentes au cours de l’histoire, ces provinces étant toujours situées au nord de la France et à l’ouest de l’Allemagne proprement dite. Alors que la région est connue au temps de la domination bourguignonne sous l’appellation de « pays de par-deçà » — par opposition aux « pays de par-delà » que constituent les provinces d’origine des ducs (Bourgogne et Franche-Comté) —, le terme de Pays-Bas (pays d’en bas) apparaît au début du XVIe siècle avec la domination des Habsbourg, par opposition aux « pays d’en haut » que sont les possessions patrimoniales alpines de la maison d’Autriche. De 1579 à 1795, le terme ne s’applique plus qu’aux provinces méridionales de la région, les provinces septentrionales prenant le nom de Provinces-Unies. De 1795 à 1814, le terme disparaît. De 1814 à 1830, il réapparaît pour qualifier de nouveau l’ensemble des provinces. De 1830 à nos jours, en raison de la séparation de la Belgique, le terme de Pays-Bas ne s’applique plus qu’aux provinces septentrionales. Le présent chapitre traite essentiellement des provinces septentrionales (l’actuel royaume des Pays-Bas), les provinces méridionales étant plus spécifiquement traitées aux chapitres Belgique et Luxembourg.
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Les États existants Hollande ou Pays-Bas ? Il a de tout temps été d’usage courant d’employer « Hollande » pour « Pays-Bas », « hollandais » pour « néerlandais ». Cet usage provient du fait que la Hollande, la plus riche à tout point de vue des provinces néerlandaises, a toujours été l’âme de ce pays, le centre de ses forces vives, sa région capitale où réside le pouvoir politique, son foyer intellectuel. Cependant, il convient de rappeler que la Hollande n’est qu’un sous-ensemble historique (comté de Hollande) et administratif (les deux provinces actuelles de Hollande) d’un ensemble politique qui s’est appelé Provinces-Unies de 1579 à 1795, République batave de 1795 à 1806, royaume de Hollande (il est vrai !) de 1806 à 1810, et Pays-Bas depuis 1815. Si l’on peut se satisfaire d’une telle confusion dans le domaine des arts et des choses de l’esprit, il est préférable, en matière historique, administrative ou territoriale, de s’en tenir à l’emploi strict des deux termes, qui recouvrent dans ces domaines des réalités distinctes.
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Pologne
Pologne Le pays en bref État républicain : la république de Pologne. Président : Lech Kaczynski. Représentation parlementaire : deux chambres, la Diète (Sjem), le Sénat. Capitale : Varsovie. Division administrative en 16 voïvodies (palatinats) : Mazowieckie (Mazovie), cheflieu Varsovie ; Warminsko-Mazurskie (Mazurie-Warmie), ch.-l. Olsztyn (Allenstein) ; Podlaskie (Podlachie), ch.-l. Bialystok ; Lubelskie, ch.-l. Lublin ; Podkarpackie (BasseCarpathie), ch.-l. Rzeszów ; Swietokrzyskie, ch.-l. Kielce ; Malopolskie (Petite-Pologne), ch.-l. Cracovie ; Lódzkie, ch.-l. Lódz ; Slaskie (Silésie), ch.-l. Katowice ; Opolskie, ch.-l. Opole (Oppeln) ; Dolnoslaskie (Basse-Silésie), ch.-l. Wroclaw (Breslau) ; Wielkopolskie (Grande Pologne), ch.-l. Poznan (Posen) ; Lubiuskie, ch.-l. Zielona Góra (Grunberg) ; Zachodnio-Pomorskie (Poméranie-Occidentale), ch.-l. Szczecin (Stettin) ; Pomorskie (Poméranie), ch.-l. Gdánsk (Dantzig) ; Kujawsko-Pomorskie (Poméranie-Cujavie), ch.-l. Bydgoszcz (Bromberg). Superficie : 312 700 km2 ; population : 38,7 millions d’habitants ; densité : 124 habitants au km2. Langue : le polonais (langue slave). Religion : catholique. Monnaie : le zloty.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Pologne 1. Des origines à l’extinction de la maison de Piast (1370) Au cours du Ier millénaire apr. J.-C. s’installent, dans les régions que recouvre la Pologne d’aujourd’hui, diverses peuplades slaves venues de l’est : les Polanes dans la Grande Pologne (Posnanie), les Vislanes dans la Petite Pologne (région de Cracovie), les Mazoviens dans la région de Varsovie, les Slézanes en Silésie, les Obotrites et les Poméraniens sur le littoral de la mer Baltique. L’émergence de l’État polonais s’opère à partir du Xe siècle, lorsque ces diverses peuplades sont durablement fédérées par le duc Mieszko Ier (v. 960-992), de la maison de Piast, issue des Polanes. Le duc se convertit au christianisme en 966, et impose la nouvelle religion au duché de Pologne en voie de formation, qui englobe très vite la Grande et la Petite Pologne, la Silésie, la Mazovie, la Cujavie, la Pomérélie et la Poméranie. Son fils Boleslas Ier le Vaillant (992-1025) poursuit son œuvre, obtient en 1000 la fondation d’un archevêché à Gniezno — directement rattaché à Rome — et devient, en 1025, le premier roi de Pologne, dignité qui le soustrait à l’emprise des empereurs germaniques et le place sous la protection pontificale. De plus, il conquiert temporairement la Lusace, la Bohême et la Moravie, mais son propre fils, Mieszko II l’Indolent, reperd ces dernières contrées et accepte de se soumettre à la suzeraineté germanique. S’ensuivent de longues périodes de troubles, au cours desquelles l’unité de la Pologne est remise en cause par les dissensions internes ainsi que par l’usage répété de partages entre les divers héritiers de la maison de Piast. La Pologne est déchue temporairement de sa position de royaume en 1079 (excommunication de Boleslas II), mais recouvre la couronne royale en 1295. Ce manque de cohésion, qui finit par se traduire par un véritable émiettement du pouvoir réel, facilite les ambitions de ses voisins, et particulièrement l’installation d’Allemands en Silésie et en Poméranie. Au XIIIe siècle, la Silésie, morcelée en de nombreuses principautés, est peu à peu perdue au profit de la suzeraineté du roi de Bohême, et entre ainsi dans le Saint Empire.
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Les États existants Malgré tout, la Pologne finit par se réunifier au XIVe siècle sous le règne du roi Casimir le Grand (1333-1370), ultime représentant de la maison de Piast. Il élargit le domaine polonais en 1349 en annexant la Galicie (la principauté ruthène de Halicz). Mais, sous son règne, la Silésie est complètement rattachée à la Bohême (1355), tandis que la Poméranie et la Pomérélie sont perdues au profit de l’Ordre teutonique.
2. De 1370 à l’Union de Lublin (1569) À Casimir succède la maison d’Anjou, en la personne de son neveu Louis Ier, institué son héritier et qui règne déjà sur la Hongrie. Sa propre fille, la reine Hedwige, qui lui succède en 1382, épouse en 1386 le grand-duc Ladislas Jagellon de Lituanie, premier jalon d’une union durable entre Pologne et Lituanie, qui donnera une grande extension au royaume de Pologne ; toutefois, au début, il ne s’agit que d’une union personnelle, entérinée en 1401, à la mort d’Hedwige, par le traité de Vilnius ; et de fait, la partie lituanienne sera ordinairement dirigée par un membre de sa famille qui en portera le titre de grand-duc. En 1410, les chevaliers polonais, ruthènes et lituaniens écrasent à Tannenberg les chevaliers teutoniques ; la Lituanie recouvre la Samogitie, dont ces derniers s’étaient emparés en 1398, et finit par atteindre les rives de la mer Noire, conquises sur les Tatars. En 1466, à la paix de Thorn qui marque la fin de la guerre de Treize Ans menée contre l’Ordre teutonique, la Pologne acquiert la Pomérélie et la Warmie — ce qui lui restitue des débouchés sur la mer Baltique — et devient suzeraine de la Prusse teutonique et de la ville de Dantzig. Mais elle perd les provinces bordant la mer Noire, prises par les Turcs : le Boudjak en 1484, le Jédisan en 1526. Les XVe et XVIe siècles constituent l’âge d’or de la Pologne, dont les souverains Jagellon — qui règnent aussi temporairement en Bohême et en Hongrie — jouissent d’un très grand prestige dans toute la région. Le pays s’honore d’un grand essor des lettres (débuts de la littérature en langue polonaise), des sciences (Copernic) et des arts (influence italienne favorisée par les liens avec Rome). Par ailleurs, en 1561, la Pologne s’empare de la Livonie et acquiert la suzeraineté sur le duché de Courlande. Le dernier des Jagellon, Sigismond-Auguste, institue l’Union de Lublin (1569), qui organise la dualité Pologne-Lituanie : un souverain, une diète commune, deux États conservant leurs lois et coutumes propres. Lors des négociations relatives à l’Union, les nobles de la partie méridionale (Volhynie, Podolie) du grand-duché de Lituanie quittent ce dernier pour se rattacher au royaume de Pologne.
3. De 1569 au premier partage de la Pologne (1772) et à 1789 À la fin du XVIe siècle, par suite de la mort du dernier Jagellon, Sigismond-Auguste (1572), se déroule un interrègne de trois ans assuré par le primat de Pologne. La monarchie devient élective, les souverains étant souvent cherchés à l’étranger. En 1596, Varsovie devient capitale unique du royaume/grand-duché, en remplacement de Cracovie et de Vilnius. Le XVIIe siècle est une période de troubles où la Pologne est en butte aux attaques de la Suède, de la Russie et de la Turquie. Elle y perd la majeure partie de la Livonie, Smolensk, ainsi que la suzeraineté du duché de Prusse, mais parvient à conserver l’essentiel de son territoire. Elle est en revanche durablement affaiblie au fur et à mesure de la montée en puissance de ses voisins de Prusse et de Russie. L’instabilité politique devient la règle au XVIIIe siècle, en raison des crises ouvertes par la succession de chaque souverain — en particulier la guerre de Succession de Pologne (17331738), où s’affrontent Stanislas Leszczynski et Auguste III — et de l’usage répété du liberum veto, privilège détenu par chaque noble de bloquer le fonctionnement de la diète. Le dernier roi, Stanislas-Auguste Poniatowski (1764-1795), se préoccupe de réformer les institutions ; ce faisant, il se heurte à l’opposition d’une coalition de nobles, la confédération de Bar (1768), dont la formation entraîne l’intervention des puissances voisines. La révolte nobiliaire de cette confédération entraîne l’occupation de la Pologne par des troupes des puissances voisines. Inquiet des victoires importantes remportées par la Russie sur les Turcs, le roi de Prusse incite l’Autriche à opérer, de concert avec lui, des annexions de terres polonaises, pour s’assurer des compensations à l’expansionnisme russe. Il contraint ainsi l’impératrice de Russie à un premier partage de la Pologne au profit des trois puissances (Prusse, Autriche, Russie), par le traité de Saint-Pétersbourg du 25 juillet 1772.
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Pologne Avant ledit partage, du point de vue administratif, la Pologne proprement dite recouvre les territoires suivants : – l’évêché de Warmie (Ermland), encastré au sein de la Prusse orientale ; – les palatinats (voïvodies) de Pomérélie, Marienbourg, Culm, Inowraclaw, Plock, Gnesen, Posen, Bresc, Leczyca, Rawa, Kalisch, Sieradz, Mazovie, Podlachie, Sandomir, Cracovie, Lublin, Cholm, Belsk, Russie Rouge, Volhynie, Podolie, Kiew (sans la ville), Bratislaw. S’y ajoutent le palatinat de Livonie (chef-lieu Dunabourg) et la suzeraineté sur le duché de Courlande, possédés en commun avec le grand-duché de Lituanie. Dans le cadre de ce premier partage, la Pologne proprement dite doit céder : – à la Prusse : l’évêché de Warmie, les palatinats de Pomérélie, de Culm et de Marienbourg — hormis les villes de Thorn et de Dantzig —, les moitiés septentrionales des palatinats de Gnesen et de Posen, la moitié occidentale de celui d’Inowraclaw ; – à l’Autriche : la moitié méridionale du palatinat de Cracovie (sans la ville), au sud de la Vistule, le tiers méridional de celui de Sandomir, également au sud de la Vistule, les palatinats de Belsk et de Russie Rouge, la pointe occidentale (à l’ouest du Zbroucz) du palatinat de Podolie ; – à la Russie : le palatinat de Livonie (possédé en commun avec la Lituanie). À ces cessions s’ajoutent celles opérées par la Lituanie (voir chapitre Lituanie). Le royaume de Pologne (Pologne + Lituanie), qui couvrait de l’ordre de 750 000 km2, est ramené à une superficie de l’ordre de 520 000 km2.
II. La Pologne en 1789 En 1789, en dépit des premières cessions opérées en 1772, le royaume de Pologne demeure un grand État de l’Europe orientale, qui s’étend de la mer Baltique aux régions proches de la mer Noire. Ce vaste ensemble très diversifié n’est en rien homogène. Il est peuplé de Polonais, d’Allemands, de Lituaniens, de Russes. C’est un domaine de vastes plaines, sans frontières naturelles, hormis la mer Baltique, couvrant les bassins supérieurs du Dniepr, du Boug et du Dniestr, affluant vers la mer Noire, et les bassins de la Duna, du Niémen et de la Vistule, tournés vers la Baltique. Pays de grandes propriétés nobiliaires, de vastes domaines agricoles, la Pologne est un État disposant d’un réseau urbain très lâche (Varsovie, Cracovie, Thorn). La ville polonaise de Dantzig, sur la mer Baltique, forme depuis 1772 une enclave dans les terres prussiennes. Du point de vue géographique, la Pologne proprement dite, capitale Varsovie, recouvre la moitié sud-ouest de l’ensemble polono-lituanien, à savoir Dantzig, la Grande Pologne (Posen), la Mazovie (Varsovie), la Petite Pologne (Cracovie), la Podlachie (Siedlec), la Volhynie (Rowno), la Podolie (Kamenetz). Du point de vue administratif, la Pologne proprement dite recouvre les territoires suivants : – les villes de Dantzig et de Thorn ; – les palatinats (voïvodies) de : Inowraclaw (moitié orientale), Plock, Gnesen et Posen (moitiés méridionales), Bresc, Leczyca, Rawa, Kalisch, Sieradz, Mazovie, Podlachie, Sandomir (deux tiers septentrionaux), Cracovie (moitié septentrionale), Lublin, Cholm, Volhynie, Podolie (légèrement amputée à l’ouest), Kiew (sans la ville), Bratislaw. S’y ajoute la suzeraineté sur le duché de Courlande, possédée en commun avec le grandduché de Lituanie. Enfin, outre ces territoires de Pologne propre, le royaume de Pologne englobe encore des palatinats lituaniens (voir chapitre Lituanie).
III. De 1789 à la disparition de la Pologne (1795) 1. De 1789 au second partage de la Pologne (1793) Après le premier partage, les Polonais ont pris conscience de la nécessité de réformer les institutions politiques ; les travaux menés à cette fin par la « grande diète » (1788-1792)
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Les États existants aboutissent à la Constitution de 1791, qui rend la monarchie héréditaire, supprime le liberum veto et institue la séparation des pouvoirs et la tolérance religieuse. La promulgation de cette Constitution entraîne les protestations de la tsarine Catherine II, qui intervient les armes à la main. En dépit d’une alliance formelle existant entre la Pologne et la Prusse, cette dernière, qui convoite Dantzig, laisse écraser les Polonais. Elle prend sa part du nouveau partage auquel l’Autriche, occupée aux Pays-Bas, n’est pas conviée. Par la convention du 23 janvier 1793, la Prusse annexe sur la Pologne : – les villes et territoires de Dantzig et de Thorn ; – le reliquat des palatinats de Posen, de Gnesen et d’Inowraclaw ; – les palatinats de Plock, Rawa, Leczyca, Kalisch et Sieratz ; – le saillant nord-ouest (Tschentochau) de celui de Cracovie. Outre des territoires relevant du grand-duché de Lituanie (voir chapitre Lituanie), la Russie annexe sur la Pologne proprement dite : – les palatinats de Kiew et de Bratislaw ; – le tiers oriental de celui de Volhynie ; – le reliquat du palatinat de Podolie (à l’est du Zbroucz). L’ensemble du royaume de Pologne (Pologne + Lituanie) est alors ramené à une surface d’environ 220 000 km2.
2. De 1793 au troisième partage et à la disparition de la Pologne (1795) Indignés du sort qui leur est fait, les Polonais se soulèvent à l’appel de Kosciuzsko (mai 1794) ; la Russie et la Prusse écrasent le soulèvement. Au traité de Saint-Pétersbourg du 24 octobre 1795, la Pologne disparaît complètement, partagée entre la Prusse, l’Autriche et la Russie. Outre quelques territoires provenant du grand-duché de Lituanie, la Prusse annexe sur la Pologne : – le quart septentrional du palatinat de Cracovie ; – les trois quarts septentrionaux de celui de Mazovie ; – la moitié septentrionale, au nord du Boug, de celui de Podlachie. Outre un fragment de territoire provenant du grand-duché de Lituanie, l’Autriche annexe sur la Pologne : – la moitié occidentale, à l’ouest du Boug, du palatinat de Cholm ; – le palatinat de Lublin ; – la moitié méridionale, au sud du Boug, de celui de Podlachie ; – le quart méridional de celui de Mazovie ; – les deux tiers septentrionaux, au nord de la Vistule, de celui de Sandomir ; – le quart médian du palatinat de Cracovie, avec la ville. Outre de nombreux territoires provenant du grand-duché de Lituanie, la Russie annexe sur la Pologne : – les deux tiers occidentaux du palatinat de Volhynie ; – la moitié orientale, à l’est du Boug, de celui de Cholm.
IV. De 1795 à la résurrection de la Pologne (1919) 1. De 1795 à la création du grand-duché de Varsovie (1807) La disparition de l’État polonais n’a nullement éteint l’aspiration de la nation polonaise à s’incarner en un État. Si la Prusse entreprend de germaniser ses nouvelles conquêtes polonaises, l’Autriche, fidèle à ses principes, respecte le particularisme de ses nouveaux sujets de
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Pologne Galicie. Le nouveau tsar Alexandre Ier, dont le gouvernement comporte des aristocrates polonais, applique une politique libérale dans les terres polonaises rattachées à la Russie. Des légions de patriotes se forment à l’étranger, en France, pour prendre part aux luttes contre la Prusse et l’Autriche, actions qui doivent permettre à leurs yeux la renaissance de la Pologne. À la suite de sa victoire d’Iéna (octobre 1806), bien décidé à affaiblir la Prusse, Napoléon dote les territoires polonais de souveraineté prussienne d’une administration provisoire exercée par des Polonais sous le contrôle de l’armée française. Les Polonais accueillent avec enthousiasme le libérateur de la Pologne, qui lui-même épouse avec sympathie (liaison personnelle de l’empereur avec la comtesse Marie Walewska) une cause qui répond à ses visées politiques. Puis, par les traités de Tilsitt des 7 et 9 juillet 1807, conclus avec la Russie et la Prusse, Napoléon instaure un grand-duché de Varsovie — le nom de Pologne n’a pas été repris pour ne pas indisposer la Russie —, composé des éléments suivants, tous prélevés sur le royaume de Prusse : – le Kulmerland et la moitié méridionale du district de la Netze, provenant du premier partage (1772) ; – la Prusse méridionale, ensemble des terres provenant du second partage (1793), à l’exception de Dantzig érigée en ville libre ; – la Nouvelle Silésie et la Nouvelle Prusse orientale — hormis pour cette dernière le cercle de Bialystok, annexé par la Russie —, ensemble des terres provenant du troisième partage (1795).
2. Le grand-duché de Varsovie (1807-1814) L’ensemble constitue un nouvel État de 104 000 km2 et de 2,5 millions d’habitants, capitale Varsovie, étroitement imbriqué dans le système de Napoléon ; ce dernier s’assure de sa fidélité en confiant à titre héréditaire le trône grand-ducal au roi de Saxe, lui-même fidèle vassal de Napoléon au sein de la Confédération du Rhin (dont le grand-duché ne fait toutefois pas partie). Le grand-duché est relié à la Saxe par une route militaire traversant le territoire de la Prusse. Étroitement subordonné à la France sur les plans politique (contrôle du gouvernement par un résident français omnipotent), militaire, économique et social (introduction du Code civil), le grand-duché est territorialement organisé « à la française », en six départements dirigés par des préfets, eux-mêmes subdivisés en districts dirigés par des souspréfets : Varsovie, Kalisch, Plock, Posen, Bromberg, Lomza. En 1809, à la suite de sa victoire de Wagram, l’empereur Napoléon impose à l’Autriche de dures conditions de paix au traité de Schœnbrunn (ou de Vienne) du 14 octobre. Dans ce cadre, l’Autriche doit céder au grand-duché de Varsovie : – l’ensemble de la Galicie occidentale, provenant du troisième partage (1795) ; – le district de Zamosc, prélevé sur le royaume de Galicie provenant du premier partage (1772). Cet accroissement porte le grand-duché à une surface d’environ 157 000 km2, pour plus de 4 millions d’habitants. Par décret du 17 avril 1810, les nouveaux territoires acquis en octobre 1809 sont à leur tour organisés en quatre départements : Radom, Cracovie, Siedlec, Lublin. Le grand-duché de Varsovie compte désormais dix départements. Il ne survivra pas à la défaite des armées de Napoléon.
3. Du quatrième partage (1815) à la renaissance de la Pologne (1919) Par le traité russo-prussien de Kalisz du 28 février 1813, qui faisait entrer la Prusse dans la coalition anti-française, il avait été convenu que la Prusse serait rétablie dans une situation d’importance équivalente à celle de 1806, que la Russie recevrait la majeure partie de la Pologne anciennement prussienne, la Prusse recevant ailleurs des compensations à cette renonciation. Par traité du 3 mai 1815 signé entre la Prusse et la Russie, confirmé par l’acte final du congrès de Vienne, le grand-duché de Varsovie est démembré entre la Prusse et la Russie (quatrième partage de la Pologne).
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Les États existants La Prusse acquiert le Kulmerland, le district de la Netze, la Posnanie, Thorn et des fragments de l’ancienne Grande Pologne. Elle acquiert de plus l’ancienne ville libre de Dantzig. La Russie acquiert le reste du grand-duché, à savoir la Nouvelle Silésie, la majeure partie de la Prusse méridionale — hormis un petit territoire entourant Cracovie —, et l’ensemble de la Nouvelle Prusse orientale. Pour satisfaire l’Autriche, la ville de Cracovie et son territoire immédiat sur rive gauche de la Vistule sont érigés en une république de Cracovie, gouvernée par un sénat, dernier lambeau de souveraineté polonaise, placé toutefois sous protection conjointe de la Prusse, de l’Autriche et de la Russie. La partie du grand-duché acquise par la Russie est érigée en royaume de Pologne — souvent appelé Pologne du Congrès —, dont le tsar Alexandre prend le titre de roi, et qui dispose d’une grande autonomie : un vice-roi (Constantin, le propre frère du tsar), une diète, l’usage officiel de la langue polonaise. Sur un plan territorial, le royaume de Pologne est divisé en huit palatinats : Cracovie (chef-lieu Kielce), Kalisch, Sandomir, Lublin, Podlachie (chef-lieu Sielce), Mazovie (cheflieu Varsovie), Plock, Augustow. En janvier 1831, réagissant aux mouvements révolutionnaires de 1830, les Polonais se soulèvent, décrétant la déchéance du tsar en tant que roi de Pologne. L’insurrection est matée en septembre de la même année par les Russes. Dès lors, les Polonais perdent toute autonomie et subissent une répression impitoyable (« L’ordre règne à Varsovie » peut affirmer le général russe Paskievitch). De nombreux patriotes se réfugient en France. En 1836, les palatinats du royaume de Pologne deviennent des gouvernements russes soumis au droit commun. Par ukase du 24 août 1844, les gouvernements polonais de Russie sont réduits de huit à cinq : Varsovie, Radom, Lublin, Plock, Augustow. À la suite de troubles en Galicie, que les habitants de la république de Cracovie ont déclenchés le 22 février 1846 par leur appel à l’insurrection générale, les Autrichiens y rétablissent l’ordre. Le 6 novembre de la même année, en accord avec les autres puissances protectrices (Prusse, Russie), l’Autriche annexe la république de Cracovie et l’incorpore à son gouvernement de Galicie. La Pologne est ainsi de nouveau totalement partagée entre l’Autriche, la Prusse et la Russie, dont elle suivra les destinées jusqu’à la Première Guerre mondiale. En 1863, les Polonais de Russie s’étant une nouvelle fois révoltés contre les autorités russes, leur révolte est de nouveau matée. L’administration est complètement russifiée. Les gouvernements (provinces) de la Pologne russe sont portés à dix : Varsovie, Lublin, Siedlce, Petrokow, Radom, Suwalki, Lomza, Kalisz, Plock, Kielce. En 1875, au sein de la Russie, le nom officiel de Pologne disparaît, l’ancien royaume de Pologne étant désormais désigné sous le nom de « région de la Vistule ». Durant tout le XIXe siècle, les Polonais de Russie sont ainsi l’objet d’une répression qui va croissant à mesure qu’ils se révoltent, et cette répression renforce le sentiment nationaliste d’un peuple qui aspire à la réunification avec les frères séparés d’Autriche et de Prusse. Cet élan national s’appuie sur le pilier que constitue l’Église catholique (elle-même persécutée par le pouvoir russe) et se traduit par un brillant essor des lettres (Mickiewicz) et des arts (Chopin), dont les auteurs sont souvent réfugiés à l’étranger. La Russie entrave l’usage de la langue polonaise et s’efforce par tous les moyens de russifier le pays. La Prusse entreprend elle aussi de germaniser la partie de Pologne qu’elle possède, et tente d’y établir des colons allemands, malgré la résistance de la population polonaise. Seule l’Autriche accorde à ses Polonais, en Galicie, un traitement plus favorable, malgré la crise de 1846 à Cracovie : les Polonais catholiques ne font l’objet d’aucune tentative d’assimilation, l’empire des Habsbourg étant par tradition respectueux du particularisme de chacun de ses peuples, et la noblesse polonaise domine la diète de Galicie, pays où la langue polonaise dispose d’un statut officiel, tandis que les universités de Cracovie et de Lemberg constituent des foyers de la culture polonaise que fréquentent les Polonais de Russie et de
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Pologne Prusse. Certains Polonais occupent régulièrement de hautes fonctions dans les institutions gouvernementales de Vienne. La Première Guerre mondiale divise les Polonais en deux camps ennemis. Certains Polonais (Pilsudski) pensent que la Russie est le principal obstacle à la renaissance de la Pologne et s’appuient sur les puissances centrales (Allemagne, Autriche-Hongrie). D’autres (Paderewski) pensent que la Prusse, puissance âprement germanisatrice de terres polonaises, sera toujours l’ennemie de la Pologne et s’appuient sur l’Entente (France, Grande-Bretagne, Russie). À partir de mai 1915, la Pologne russe passe sous occupation austro-allemande : gouvernement militaire allemand de Varsovie, gouvernement militaire autrichien de Lublin. Le 5 novembre 1916, les puissances centrales créent un nouveau royaume de Pologne, érigé sur le territoire de la Pologne russe occupée, à l’exception du saillant de Suwalki ; à ce nouvel État, dont le souverain sera un Habsbourg, les puissances centrales se gardent bien d’incorporer leurs propres provinces polonaises. Le 3 mars 1918, le gouvernement bolchevique de Russie signe avec l’Allemagne le traité de Brest-Litovsk. La Russie y renonce à l’ensemble des pays baltes, à la Finlande, à la Pologne russe, etc. La révolution russe de 1917 a libéré les puissances de l’Entente de toute réserve vis-à-vis des aspirations polonaises. En juin 1917, une armée polonaise a été créée en France. Le 8 janvier 1918, dans son discours des Quatorze Points, le président américain Wilson consacre le 13e point à la restauration d’un État polonais assis sur des terres incontestablement polonaises, avec accès à la mer. Le principe de la renaissance de la Pologne est un point acquis dans l’esprit des vainqueurs, dès avant l’ouverture des négociations de paix. Le 21 novembre 1918, Pilsudski est nommé chef provisoire de l’État polonais, jusqu’à la réunion d’une diète constituante.
V. La Pologne contemporaine (1919 à nos jours) 1. La première république de Pologne (1919-1939) Dès janvier 1919, les comités polonais de Varsovie et de Paris ont fusionné en un gouvernement provisoire installé sur la Pologne anciennement russe, « du Congrès », qui constitue le noyau de départ auquel devront s’agréger à l’ouest, au sud et à l’est de nouveaux territoires à définir par la conférence de la paix réunie à Paris. Le 20 février est adoptée une nouvelle Constitution faisant de la Pologne une république, dont le maréchal Pilsudski est élu président. Le 28 juin 1919 est signé le traité de Versailles entre l’Allemagne et ses vainqueurs. Dans le cadre de ce traité, l’Allemagne (Prusse) cède à la Pologne les provinces suivantes : – la Posnanie, hormis son extrémité occidentale ; – la Prusse occidentale (Pomérélie), hormis sa partie la plus occidentale (Schneidemuhl), sa partie orientale (Marienwerder) et le territoire de Dantzig ; – un fragment de la Prusse orientale (territoire de Soldau). Le territoire de Dantzig est cédé à la SDN, en vue d’y établir une ville libre sous son contrôle. Enfin, en vue de déterminer la volonté de leurs habitants, des plébiscites doivent se tenir à brève échéance dans les territoires d’Allenstein [Olsztyn] (moitié méridionale de la Prusse orientale), de Marienwerder [Kwidzyn] (extrémité orientale de la Prusse occidentale) et de Haute-Silésie (trois quarts orientaux du gouvernement de ce nom), lesquels sont revendiqués par la Pologne mais laissés provisoirement sous souveraineté de l’Allemagne. Le 10 septembre 1919 est signé le traité de Saint-Germain entre l’Autriche, agissant au nom de l’ancienne Cisleithanie, et ses vainqueurs. Dans le cadre de ce traité, l’Autriche cède à la Pologne la partie occidentale de l’ancienne Galicie. De plus, l’Autriche renonce : – à la partie orientale de la Galicie, qui est contestée entre la Pologne et l’Ukraine — et à laquelle les Alliés ont ajouté un petit fragment de Bucovine, sur sa frontière septentrionale, pour y englober l’ensemble du chemin de fer Kolomea-Zalesczyki ;
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Les États existants – à la moitié orientale (Teschen) de la Silésie autrichienne, qui est contestée entre la Pologne et la Tchécoslovaquie. La délimitation laborieuse de la nouvelle Pologne La Pologne est, à ce stade, composée de territoires que les vainqueurs lui reconnaissent sans conteste : Pologne « du Congrès », Posnanie, Pomérélie, Galicie occidentale. Elle revendique des territoires supplémentaires au nord (Allenstein, Marienwerder), à l’est (Lituanie centrale, Russie blanche, Galicie orientale), et au sud-ouest (Haute-Silésie, Teschen), pour lesquels elle est en lutte avec ses voisins. Les Alliés ont décidé d’arbitrer ces conflits, afin de donner à la Pologne ses frontières définitives. En novembre 1919, le Conseil de l’Entente décide que la Galicie orientale sera autonome, placée pour 25 ans sous administration polonaise, son avenir devant être reconsidéré par la SDN à l’issue de ce délai. Le 8 décembre 1919, lord Curzon, que les Alliés ont chargé de déterminer la frontière orientale de la Pologne, trace une ligne englobant, au-delà de la Pologne du Congrès, le cercle de Bialystok, mais laissant en dehors la majeure partie de la Galicie orientale. Le 17 juin 1920 se tient le plébiscite prévu dans les territoires d’Allenstein et de Marienwerder. Il donne une majorité écrasante en faveur du maintien de ces territoires en Prusse. Le 11 juillet est entérinée la conservation de ces territoires par la Prusse. Par ailleurs, devant l’intransigeance de la Pologne et de la Tchécoslovaquie au sujet de Teschen, le sort de ce territoire n’est réglé que par l’arbitrage des conférences de Spa et des Ambassadeurs, le 28 juillet 1920. La Silésie de Teschen est partagée entre les deux pays : – la partie orientale, avec la ville de Teschen, est attribuée à la Pologne ; – la partie occidentale, avec Friedek, Oderberg et la gare de Teschen, est attribuée à la Tchécoslovaquie pour lui permettre de disposer intégralement de la liaison ferroviaire à fort débit (ligne Kassa-Oderberg) reliant la Moravie à la Slovaquie. À la suite de la défaite de l’Allemagne, la Lituanie centrale (autour de Vilnius), les provinces occidentales de la Russie blanche et la Volhynie sont devenues le théâtre des ambitions antagonistes de la Pologne et de la Russie. Après une poussée russe en 1919 (prise de Vilnius), suivie d’une offensive polonaise, d’une contre-offensive russe (printemps 1920), puis d’une nouvelle offensive polonaise, un accord est signé le 7 octobre 1920 à Suwalki entre la Pologne et la Lituanie, laissant à la Lituanie la moitié occidentale de la Lituanie centrale, avec Vilnius et ses faubourgs, et attribuant la moitié orientale de cette région à la Pologne. Mais le 9 octobre, par un coup de force, le général polonais Zeligowski s’empare de Vilnius et y annonce la tenue d’un plébiscite, en vue du rattachement de la ville à la Pologne. L’offensive polonaise reprenant à l’automne 1920, un armistice est signé le 18 octobre 1920 entre la Pologne et la Russie. Par le traité de Riga du 18 mars 1921, la Pologne annexe sur la Russie le tiers occidental de la Russie blanche, avec les villes de Brest-Litowsk, Grodno, Pinsk, et la Volhynie presque entière. Le sort de Vilnius et de la Galicie orientale demeure réservé. Après de nombreux troubles retardant la tenue du plébiscite en Haute-Silésie, celui-ci se tient finalement le 20 mars 1921. Il donne 60 % de voix en faveur du maintien en Prusse. Le résultat n’étant pas celui qu’attendaient les Alliés, ceux-ci décident une partition du territoire entre la Prusse et la Pologne. Sur fond de nouveaux affrontements (mai 1921), la SDN se saisit de la question et délimite une frontière faisant passer à la Pologne un quart du territoire et les deux cinquièmes de la population, à savoir les parties de la Haute-Silésie situées à l’est et au sudest (Lublinitz, Kattowitz, Rybnyk, Pless). Cette frontière est entérinée le 19 octobre 1921 par la conférence des Ambassadeurs. En janvier 1922, le plébiscite tenu à Vilnius (Wilno) sous occupation polonaise, et hors de tout contrôle de la SDN, attribue cette ville et son territoire immédiat à la Pologne, en dépit des protestations lituaniennes.
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Pologne Le 15 mars 1923, le Conseil de la SDN entérine l’abandon de Vilnius à la Pologne. Par ailleurs, le 18 mars, la conférence des Ambassadeurs attribue à la Pologne l’ensemble de la Galicie orientale. Mais l’autonomie de cette province, qui avait été promise en septembre 1922 par la diète polonaise, ne sera jamais accordée. La Pologne atteint ainsi sa dimension définitive de l’entre-deux-guerres. C’est un grand pays de 388 500 km2, peuplé de plus de 27 millions d’habitants, dont près de 10 millions de non-Polonais (2 millions d’Allemands et près de 8 millions de Biélorusses, Ukrainiens, etc.). Elle est administrativement divisée en 17 palatinats (voïvodies) : – au centre : ville de Varsovie, Varsovie, Lodz, Kielce, Lublin, Bialystok ; – à l’est : Wilno, Nowogrodek, Polésie (Brest-Litowsk), Volhynie (Lutsk) ; – à l’ouest : Posnanie (Poznan), Pomérélie (Thorn), Silésie (Kattowitz) ; – au sud : Cracovie, Lwow (ancienne Lemberg), Stanislawow, Tarnopol. Le nouvel État doit avant tout se préoccuper de réunifier des provinces marquées par leur ancienne appartenance à des empires différents. La Constitution du 17 mars 1921, calquée sur celle de la France, institue un régime parlementaire, mais le pays est vite en proie à l’instabilité politique, conjuguée à une crise économique, ce qui incite le maréchal Pilsudski à s’emparer du pouvoir, en mai 1926, et à mettre en place un régime autoritaire, qui se perpétuera jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. En 1938, profitant des accords de Munich du 30 septembre, qui amputent, au profit du Reich allemand, la Tchécoslovaquie de ses territoires des Sudètes, la Pologne adresse à celleci le même jour un ultimatum, au terme duquel elle annexe le 2 octobre la moitié orientale (Oderberg, gare de Teschen) de la partie de Silésie de Teschen devenue tchécoslovaque en 1920 ; le territoire ainsi annexé (1 000 km2) est rattaché au palatinat polonais de Silésie. Après cette annexion, la superficie de la Pologne est portée à 389 500 km2, pour une population d’environ 35 millions d’habitants. Mais en 1939, des menaces précises se font jour sur la Pologne. Officiellement, l’Allemagne de Hitler avait noué de bonnes relations avec le régime autoritaire « des colonels » qui avaient pris la succession de Pilsudski après sa mort (1935). Cependant, Hitler ne renonçait pas à reprendre les provinces perdues en 1919, spécialement celles où vivaient encore des populations allemandes ; outre la ville libre de Dantzig, cette revendication visait en Pologne la Posnanie et la Prusse occidentale, qui séparaient alors la Prusse orientale — demeurée allemande — du reste du territoire du Reich. Le pacte germano-soviétique, signé le 23 août 1939 à Moscou, envisageait dans un article secret le démantèlement de la Pologne entre les deux pays, la ligne de partage devant se situer à peu près sur le Narew, la Vistule et le San. Dans la première quinzaine de septembre 1939, les Allemands, qui ont franchi les frontières polonaises le 1er, occupent leur zone d’influence, la dépassant même pour aller jusqu’à la ligne du Boug, tandis que les Soviétiques font de même « pour protéger les Ukrainiens et les Biélorusses ». Le cinquième partage de la Pologne Le 12 octobre 1939, l’Allemagne et l’URSS procèdent unilatéralement au cinquième partage de la Pologne. Elle est divisée en trois parts, les deux premières allant à l’Allemagne (188 000 km2, 21 millions d’habitants, dont 12 pour la première part et 9 pour la seconde), la troisième à l’URSS (201 500 km2, 14 millions d’habitants). À l’ouest, la première partie de la Pologne est annexée au Reich allemand ; il s’agit des territoires suivants : – la région de Soldau et le territoire de Suwalki, rattachés à la Prusse orientale ; – la Pomérélie (ou Pomorze, à savoir le corridor polonais), qui, avec Dantzig et les territoires d’Elbing et de Marienwerder, va constituer la province de Dantzig-Prusse occidentale ; – la région comprise entre la Prusse orientale et le cours de la Vistule, qui devient la province de Prusse méridionale ;
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Les États existants – la Posnanie et la région de Lodz, qui deviennent la province du Wartheland ; – la Silésie polonaise, qui est rattachée à la province de Haute-Silésie. Au centre, la deuxième partie devient le Gouvernement général de Pologne, entité satellite du Reich, capitale Cracovie, composée des anciens palatinats suivants : Cracovie, moitié méridionale de Varsovie, Kielce, Lublin, moitié occidentale de Lemberg (Lwow). Le Gouvernement général est lui-même subdivisé en quatre districts : Cracovie, Radom, Varsovie, Lublin. À l’est, l’URSS annexe la troisième partie de la Pologne, composée des territoires suivants : – les palatinats de Bialystok, de Novogrodek et de Polésie, rattachés à la république de Biélorussie ; – les palatinats de Volhynie, Tarnopol, Stanislawow, et la moitié orientale de celui de Lemberg, rattachés à la république d’Ukraine ; – les deux tiers orientaux du palatinat de Vilnius, rattachés à la Biélorussie. Le tiers occidental du palatinat de Vilnius, avec la ville, est aussitôt rétrocédé par l’URSS à la république de Lituanie, encore indépendante à cette date.
2. La Pologne démantelée (1939-1945) Une fois encore, la Pologne est rayée de la carte. Les populations sont traitées très durement par les deux vainqueurs. Du côté soviétique, des Polonais sont déportés en masse en Sibérie et au Kazakhstan, tandis que les officiers polonais faits prisonniers sont assassinés en grand nombre (massacres de Katyn en mars-avril 1940). Du côté allemand, les provinces polonaises sont l’objet d’une germanisation rigoureuse, assortie de l’installation de nouveaux colons provenant du Reich ; les élites polonaises sont assassinées ou envoyées en camps de concentration. Un gouvernement polonais en exil se forme à Londres (général Sikorski). Des troupes polonaises se reconstituent à l’extérieur du pays, et vont participer à la guerre aux côtés des Alliés. À la suite du déclenchement de l’offensive allemande contre l’URSS, le 22 juin 1941, les armées allemandes s’enfoncent profondément en Biélorussie et en Ukraine. Le 1er août 1941, Hitler annexe au Gouvernement général de Pologne l’ensemble de la Galicie orientale, jusqu’alors rattachée à l’Ukraine, et qui devient un cinquième district du Gouvernement général, celui de Galicie (chef-lieu Lemberg). Par ailleurs, Hitler annexe au Reich allemand : – le district de Bialystok-Grodno-Lomza, jusqu’alors rattaché à la Biélorussie ; – des fragments de l’ancienne Galicie (Biala) et de l’ancienne Pologne (Bendzin), prélevés sur le Gouvernement général ; ils sont rattachés à la nouvelle province de Grande Haute-Silésie. Dès la reconquête d’une partie du sol polonais par les troupes soviétiques, un gouvernement provisoire polonais, le Comité de libération nationale, installé en juillet 1944 à Lublin par l’URSS et présidé par le communiste Bierut, administre les contrées libérées. En août 1944, alors que les armées soviétiques ont repris l’est de la Pologne et atteint les faubourgs de Varsovie (Praga, au-delà de la Vistule), se déclenche à Varsovie une vaste insurrection, qui va durer neuf semaines avant que les Allemands n’en viennent à bout, au prix de massacres de plus de 200 000 personnes, tandis que les Soviétiques restent l’arme au pied de l’autre côté du fleuve. Dès la conférence de Téhéran (novembre 1943), l’URSS avait fait admettre par ses alliés le principe d’une frontière polono-soviétique située sur l’ancienne ligne Curzon, compensée pour la Pologne par une frontière germano-polonaise située sur l’Oder. Le 8 février 1945, les accords de Yalta confirment la restauration de la république de Pologne et entérinent la ligne Curzon pour former la frontière soviétique, mais laissent en suspens la future frontière occidentale de la Pologne.
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Pologne 3. La seconde république de Pologne (1945 à nos jours) À la conférence de Potsdam (2 août 1945), les vainqueurs de l’Allemagne détachent « provisoirement » de ce pays les territoires situés à l’est d’une ligne Oder-Neisse de Gœrlitz, à savoir la Prusse orientale, les fragments de Prusse occidentale et la partie de Posnanie conservés en 1919, la Poméranie orientale (rive droite de l’Oder), la partie du Brandebourg située sur rive droite de l’Oder, la quasi-totalité de la Silésie (hormis sa pointe occidentale située sur rive gauche de la Neisse de Gœrlitz) et un fragment extrême oriental de la Saxe ; s’y ajoute le territoire de l’ancienne ville libre de Dantzig. Ces régions sont officiellement placées sous administration polonaise, à l’exception de la moitié septentrionale de la Prusse orientale, placée sous administration soviétique. En réalité, dès le début, les autorités polonaises s’y conduisent — avec l’accord de Moscou — comme si ces régions étaient déjà devenues polonaises. Les Allemands en sont expulsés en masse (3,5 millions, s’ajoutant aux 3,5 millions qui ont fui auparavant) et les Polonais vont durablement occuper ces régions, en particulier avec les populations polonaises provenant des régions anciennement polonaises cédées à l’URSS. Le 16 août 1945, l’accord polono-soviétique de Moscou fixe en effet la nouvelle frontière entre la Pologne et la Russie à peu près sur la ligne Curzon. L’URSS annexe ainsi sur l’ancienne Pologne d’avant-guerre le palatinat de Vilnius, la Polésie, le palatinat de Nowogrodek, la Volhynie et la Galicie orientale. Le 6 octobre 1945, l’URSS attribue à la Pologne le port de Stettin et ses environs situés sur la rive gauche de l’estuaire de l’Oder. En janvier 1947, à la suite d’élections manipulées, la Pologne devient de facto une république populaire, dominée par le « bloc démocratique » composé du parti ouvrier (communiste) et du parti socialiste, qui fusionneront en 1948. Le 17 août 1949 est fixé le partage de la Prusse orientale, par une ligne droite passant au nord des lacs Mazuriques et aboutissant au Frisches Haff. La Pologne acquiert ainsi définitivement Allenstein (Olsztyn), Marienwerder (Kwidzyn), Marienbourg et Elbing, soit plus que les territoires plébiscitaires de 1920 ; la partie septentrionale, avec Kœnigsberg (Kaliningrad), devient un oblast soviétique rattaché à la république de Russie. La Pologne a, au total, cédé 180 000 km2 à l’URSS et acquis 104 000 km2 sur l’Allemagne et sur Dantzig. Son territoire est ainsi ramené à 313 000 km2, pour une population d’environ 25 millions d’habitants. Le 28 juin 1950, les territoires sous administration provisoire sont pleinement intégrés à la Pologne et subdivisés en voïvodies. La Pologne comprend dès lors 49 voïvodies (palatinats) portant le nom de leur chef-lieu : Stettin, Koszalin, Slupsk, Dantzig (Gdansk), Elblag, Olsztyn, Suwalki, Bialystok, Lomza, Ostroleka, Ciechanow, Thorn, Bromberg (Bydgoszcz), Pila, Gorzow Wielkopolski, Poznan, Konin, Wloclawek, Plock, Varsovie, Siedlce, Biala Podlaska, Chelm, Lublin, Radom, Skiernewice, Lodz, Piotrkow Trybunalski, Sieradz, Kalisz, Leszno, Zelena Gora, Celenia Gora, Legnica, Breslau (Wroclaw), Walbrzych, Opole, Czestochowa, Kielce, Tarnobrzeg, Zamosc, Przemysl, Rzeszow, Tarnow, Cracovie, Katowice, Bielsko Biala, Nowy Sacz, Krosno. La Pologne connaît, de 1945 à 1989, le sort commun aux États européens satellites de l’URSS : omnipotence du pouvoir communiste, économie d’État, persécutions religieuses, privation des libertés, appartenance au Comecon et au pacte de Varsovie. Des émeutes se produisent à intervalles réguliers (1956, 1970), réprimées par le pouvoir. L’Église catholique, si présente dans le pays que le pouvoir n’ose l’attaquer de front, devient un bastion de la résistance passive au régime communiste. À la fin des années 1970, des mouvements ouvriers de résistance commencent à défier le pouvoir, tandis que l’élection au trône de saint Pierre d’un cardinal polonais, Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie qui devient pape sous le nom de Jean-Paul II, apporte un puissant soutien extérieur à l’Église de Pologne. Les années 1980 voient la lutte d’un mouvement indépendant, Solidarité, dirigé par un ouvrier dantzickois, Lech Walesa, qui finit par triompher des obstacles (état de guerre, interdiction du mouvement, emprisonnements) et gagner les élections en 1989.
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Les États existants Une nouvelle Constitution votée le 30 décembre 1989 rétablit en Pologne un régime républicain de démocratie pluraliste. Dès lors la nouvelle Pologne, qui élit Lech Walesa président en 1990, se rapproche de l’Europe occidentale et consacre ses efforts à moderniser son économie. En 1998, elle ramène à 16 le nombre de ses voïvodies (voir liste en tête de chapitre). La Pologne pose sa candidature à l’adhésion à l’Union européenne. Cette candidature est acceptée le 12 décembre 2002, et l’adhésion devient effective le 1er mai 2004. La Silésie La Silésie est en 1789 une région de l’Allemagne du Nord-Est couvrant le bassin supérieur de l’Oder, limitée au nord par le Brandebourg, à l’est par la Petite Pologne, à l’ouest par la Lusace saxonne et au sud par la Bohême et la Moravie, séparées de la Silésie par la chaîne des Beskides, dans laquelle s’ouvre le seuil appelé « porte de Moravie » reliant les hauts bassins de l’Oder, de la Vistule et de la March. C’est une région de plaine, prospère du point de vue agricole, et qui dispose d’un soussol riche en gisements (houille, minerais) qui en feront bientôt une région industrielle de premier ordre. Sur un fond de peuplement polonais, des Tchèques se sont installés dans le Sud et des colons prussiens dans la partie prussienne. Terre originellement peuplée de Polonais, la Silésie se sépare peu à peu de la Pologne en se morcelant, à partir du XIIe siècle, en divers duchés qui prennent leur indépendance. Dès 1327, tous les duchés, sauf deux (Schweidnitz et Jauer), reconnaissent la suzeraineté du roi de Bohême Jean l’Aveugle et son fils Charles IV acquiert par mariage les deux derniers en 1353, l’ensemble de la Silésie étant dès lors uni à la Bohême par la pragmatique sanction de 1355. Les différents duchés, au début quasi souverains, sont peu à peu soumis à la suzeraineté des rois de Bohême, les derniers territoires étant absorbés au XVIIe siècle. La Silésie entre en 1526 dans le domaine de la maison d’Autriche jusqu’en 1742, date à laquelle Marie-Thérèse doit en céder la majeure partie (ainsi que le comté de Glatz) à la Prusse. En 1789, la situation politique de la Silésie est la suivante : – le duché prussien de Silésie (40 000 km2), capitale Breslau, est subdivisé en deux parties : Basse-Silésie au nord (Breslau), constituée de huit duchés ou principautés (Breslau, Œls, Wohlau, Liegnitz, Jauer, Glogau, Sagan, Groschen) ; Haute-Silésie au sud (Ratibor), constituée de huit duchés ou principautés (Ratibor, Oppeln, Brieg, Schweidnitz, Munsterberg, Neisse [en partie], Jægerndorf [en partie], Troppau [en partie]), plus le comté bohémien de Glatz y rattaché ; – le duché autrichien de Silésie (5 000 km2), capitale Troppau, est réduit à la principauté de Teschen (cercle de Teschen) et à des parties de celles de Troppau, de Jægerndorf et de Neisse (cercle de Troppau). En 1824, le royaume de Prusse est réorganisé administrativement en huit provinces. La Silésie prussienne constitue l’une de ces huit provinces et se trouve divisée en trois gouvernements : Breslau (Moyenne-Silésie), Liegnitz (Basse-Silésie), Oppeln (Haute-Silésie). Dans le Compromis du 28 juin 1867 divisant en deux parties l’empire d’Autriche, la Silésie autrichienne (cercles de Troppau et de Teschen) constitue l’un des 17 pays de la Couronne composant la part autrichienne (Cisleithanie) de la nouvelle Autriche-Hongrie. En 1919, par le traité de Versailles, l’Allemagne, au nom de la Prusse : – cède à la nouvelle Tchécoslovaquie le territoire de Hultschin (300 km2, 48 000 habitants) prélevé sur la Silésie et recouvrant la part septentrionale de la principauté de Troppau annexée par la Prusse en 1742 ; – garde provisoirement le reste du gouvernement de Haute-Silésie, mais un plébiscite doit se tenir à brève échéance sur les trois quarts orientaux dudit gouvernement, revendiqués par l’Allemagne et la Pologne. Toujours en 1919, par le traité de Saint-Germain, l’Autriche, au nom de l’ancienne Cisleithanie : – cède à la nouvelle Tchécoslovaquie la moitié occidentale (cercle de Troppau) de l’ancienne Silésie autrichienne ;
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Pologne
– renonce à la moitié orientale (cercle de Teschen) de l’ancienne Silésie, contestée entre la Pologne et la Tchécoslovaquie. Devant l’intransigeance de la Pologne et de la Tchécoslovaquie au sujet de Teschen, le sort de ce pays n’est réglé qu’en 1920. La Silésie de Teschen est partagée entre les deux pays : – la partie orientale, avec la ville de Teschen, est donnée à la Pologne ; – la partie occidentale, avec Friedek, Oderberg et la gare de Teschen, est donnée à la Tchécoslovaquie pour lui permettre de disposer intégralement de la liaison ferroviaire à fort débit (ligne Kassa-Oderberg) reliant la Moravie à la Slovaquie. Après de nombreux troubles retardant la tenue du plébiscite prévu en Haute-Silésie, celui-ci a finalement lieu en 1921. Il donne 60 % des voix en faveur du maintien en Prusse. Le résultat n’étant pas conforme à ce qu’espéraient les vainqueurs, ces derniers décident la partition de la Haute-Silésie entre Allemagne (Prusse) et Pologne. Sur fond de nouveaux affrontements, la SDN délimite une frontière faisant passer à la Pologne un quart du territoire et les deux cinquièmes de la population, à savoir les parties de Haute-Silésie situées à l’est et au sud-est (Lublinitz, Kattowitz, Rybnyk, Pless) ; ce territoire formera le palatinat polonais de Silésie. Désormais, la Silésie est donc partagée entre trois pays : – Tchécoslovaquie : Troppau, Hultschin, moitié de Teschen ; – Pologne : moitié de Teschen, quart oriental de Haute-Silésie ; – Allemagne (Prusse) : Basse-Silésie, trois quarts de Haute-Silésie. En 1922, par plébiscite, les habitants de la partie restée prussienne de Haute-Silésie décident de constituer celle-ci en une province prussienne de Haute-Silésie (chef-lieu Oppeln) distincte de celle de Basse-Silésie (chef-lieu Breslau). En 1938, par les accords de Munich, la Tchécoslovaquie est contrainte de céder au Reich allemand la Silésie de Troppau, y compris Hultschin, rattachée à la nouvelle province allemande des Sudètes (chef-lieu Reichenberg). Sur ultimatum polonais, la Tchécoslovaquie doit en outre céder à la Pologne la moitié orientale (Oderberg, gare de Teschen) de la partie de Silésie de Teschen devenue tchécoslovaque en 1920 ; le territoire cédé est rattaché au palatinat polonais de Silésie. En mars 1939, la part (quart occidental avec Friedek) de la Silésie de Teschen restée tchécoslovaque en 1938 est annexée au Reich allemand, avec la Bohême-Moravie résiduelle à laquelle elle reste rattachée dans le cadre du Protectorat. En octobre 1939, lors du partage de la Pologne, Hitler annexe au Reich allemand l’ancienne Haute-Silésie polonaise et la part polonaise de la Silésie de Teschen. Elles sont rattachées à la province prussienne de Haute-Silésie. En 1941, la province de Haute-Silésie devient la Grande Haute-Silésie en annexant le territoire de Hultschin, prélevé sur la province des Sudètes, et des fragments de l’ancienne Galicie (Biala) et de l’ancienne Pologne (Bendzin). En 1945, les vainqueurs de l’Allemagne restaurent la Tchécoslovaquie. Le 21 juin, la frontière polono-tchécoslovaque de juillet 1920 est rétablie. La Silésie de Troppau, avec Hultschin, et la moitié occidentale de celle de Teschen sont ainsi restituées à la Tchécoslovaquie. En août 1945, à la conférence de Potsdam, les vainqueurs de l’Allemagne décident le détachement « provisoire » d’Allemagne de ses territoires situés à l’est de la ligne OderNeisse de Gœrlitz. Dans ce cadre, la Silésie allemande est en presque totalité (hormis sa pointe occidentale sise sur rive gauche de la Neisse de Gœrlitz) placée sous administration polonaise. En 1949, la pointe occidentale de Silésie (sur rive gauche de la Neisse de Gœrlitz) est rattachée au land de Saxe de la nouvelle République démocratique allemande. En 1950, la Pologne annexe définitivement la Silésie prussienne, qui va former les palatinats polonais (voïvodies) de Katowice (Kattowitz), d’Opole (Oppeln), de Wroclaw (Breslau) et, en partie, de Zielona Gora (Grunberg).
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Les États existants
Désormais, la Silésie est partagée entre les trois États suivants : – land de Saxe (RDA) : pointe occidentale de Basse-Silésie ; – Tchécoslovaquie : Troppau, Hultschin, moitié de Teschen ; – Pologne : moitié de Teschen, Haute-Silésie, Basse-Silésie. Les Allemands de Silésie sont chassés ou émigrent en masse vers l’Allemagne (RFA). En 1993, la Silésie anciennement tchécoslovaque fait partie de la nouvelle Tchéquie. La Galicie Le terme historique de Galicie dérive de la principauté de Halicz — ville située sur le cours supérieur du Dniestr —, entité indépendante au XIIe siècle, mais passée au XIIIe siècle sous la dépendance du prince de Lodomérie — ou de Wladimir, contrée incluse dans la Volhynie voisine, autour de la future ville de Lemberg —, ce qui fait que l’ensemble prend à cette époque le nom de royaume de Galicie et Lodomérie, avant de tomber en 1349, pour plus de quatre siècles, sous la coupe de la Pologne de Casimir le Grand. La contrée connue sous le nom de Galicie à partir de 1772 constitue une partie du royaume de Pologne. Sa moitié occidentale fait partie de la région connue alors sous le nom de Petite Pologne, sa moitié orientale est connue sous le nom de Russie Rouge (ou Ruthénie Rouge) ; s’y ajoutent à l’ouest les duchés d’Auschwitz et de Zator, sur la haute Vistule. Elle est limitée au nord-ouest par le cours supérieur de la Vistule, au nord-est par celui du Boug, à l’est par celui du Zbroucz, au sud par la chaîne des Carpathes, dont elle constitue le versant septentrional. Du point de vue administratif, cette région s’étend en 1772 sur les palatinats (voïvodies) polonais de Cracovie, Sandomir, Belsk, Russie Rouge et Podolie. Il s’agit d’un pays de vastes plaines agricoles, assez plat sauf aux abords immédiats des Carpathes, arrosé de nombreux cours d’eau : Vistule, San, Boug, Dniestr, Pruth, Sereth, etc. La frange montagneuse est parsemée de mines métallifères ou de sel, ainsi que de sources minérales. Le réseau de villes y est peu important : Lemberg, Wadowice, Przemysl, Tarnopol, Kolomea. Le peuplement en est majoritairement polonais à l’ouest, ruthène à l’est. En 1772, au premier partage de la Pologne, l’Autriche annexe : – la moitié méridionale du palatinat de Cracovie (sans la ville), au sud de la Vistule ; – le tiers méridional du palatinat de Sandomir, au sud de la Vistule ; – le palatinat de Belsk ; – le palatinat de Russie Rouge ; – la pointe occidentale, à l’ouest du Zbroucz, du palatinat de Podolie. L’ensemble de ces régions est érigé par l’Autriche en royaume de Galicie et de Lodomérie, capitale Lemberg, nouvelle possession de la maison d’Autriche, située hors des limites du Saint Empire romain germanique. Le nouveau royaume est divisé en 18 cercles, portant généralement le nom de leur chef-lieu : Lemberg, Wadowice, Bochnia, Sandec, Iaslo, Tarnow, Rzeszow, Sanok, Sambor, Przemysl, Zolkiew, Zloczow, Tarnopol, Brzezani, Stry, Stanislawow, Kolomea, Czortkow (chef-lieu Zaleszcyki). En 1777, la Bucovine est rattachée à la Galicie, dont elle constituera le 19e cercle, celui de Bucovine, chef-lieu Czernowitz. En 1795, au troisième partage de la Pologne, l’Autriche annexe : – le reliquat septentrional de la Petite Pologne (rive gauche de la Vistule), à savoir la moitié septentrionale du palatinat de Cracovie (au nord de la Vistule) et les deux tiers septentrionaux de celui de Sandomir (au nord de la Vistule) ; – le reliquat septentrional de la Russie Rouge, à savoir le palatinat de Lublin et la moitié occidentale de celui de Cholm ; – les parties situées rive gauche du Boug des palatinats de Masovie, de Podlachie et de Brest-Litowsk.
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Pologne L’ensemble est regroupé sous le nom de Galicie occidentale (en fait septentrionale), nouvelle province autrichienne située hors des limites du Saint Empire, et qui comprend les villes de Cracovie (son chef-lieu) et de Lublin. En 1809, l’Autriche cède au grand-duché de Varsovie sa province de Galicie occidentale, acquise en 1795, ainsi que le district de Zamocz, provenant de la Galicie annexée en 1772. En 1810, l’Autriche cède à la Russie le cercle de Tarnopol et quelques districts avoisinants, prélevés sur son royaume de Galicie et Lodomérie. En 1815, la Russie rétrocède à l’Autriche le cercle de Tarnopol et les quelques districts avoisinants qu’elle avait reçus en 1810. L’Autriche renonce à toute prétention sur la Galicie occidentale, laquelle est attribuée à la Russie, à l’exception de la nouvelle petite république de Cracovie, infime reliquat de souveraineté polonaise placé sous la protection de l’Autriche, de la Prusse et de la Russie. Le royaume de Galicie et de Lodomérie fait désormais partie des possessions autrichiennes placées en dehors de la nouvelle Confédération germanique. En 1818, l’Autriche fait entrer dans la Confédération germanique ses duchés polonais d’Auschwitz et de Zator, qui demeurent cependant inclus dans sa province de Galicie. En 1846, à la suite de troubles en Galicie, en accord avec les autres puissances protectrices (Prusse, Russie), l’Autriche annexe la république de Cracovie et l’incorpore à son gouvernement de Galicie, dont elle devient le 20e cercle, celui de Cracovie. Par la Constitution du 4 mars est instituée dans l’empire d’Autriche une centralisation administrative s’exerçant au travers de 21 « pays de la couronne » uniformes. En 1849, la Bucovine est détachée de la Galicie pour devenir l’un des 21 « pays de la couronne », le reste de la Galicie constituant lui-même l’un d’entre eux. Privée de la Bucovine, la Galicie est réorganisée en 17 cercles portant généralement le nom de leur chef-lieu : Lemberg, Wadowice, Sandec, Tarnow, Rzeszow, Sanok, Sambor, Przemysl, Zolkiew, Zloczow, Tarnopol, Brzezani, Stry, Stanislawow, Kolomea, Cracovie, Czortkow (chef-lieu Zaleszcyki). En 1867, lors du Compromis austro-hongrois, la Galicie est attribuée à la part autrichienne (Cisleithanie) de la nouvelle double monarchie. En novembre 1918, à la suite de la défaite de l’Autriche-Hongrie dans la Première Guerre mondiale, la population de Galicie orientale (à l’est du San) se soulève et proclame la république d’Ukraine occidentale. En janvier 1919, la république d’Ukraine occidentale demande son rattachement à la nouvelle république d’Ukraine. En septembre, l’Autriche : – cède à la Pologne la Galicie occidentale (à l’ouest du San) ; – renonce à la Galicie orientale (à l’est du San), laquelle est contestée entre la Pologne et l’Ukraine ; les Alliés ajoutent à la Galicie orientale un fragment de la Bucovine au nord, pour placer en territoire galicien l’ensemble du chemin de fer Kolomea-Zaleszcyki. En novembre 1919, le Conseil de l’Entente décide que la Galicie orientale sera autonome, placée pour 25 ans sous administration polonaise, son avenir devant être reconsidéré par la SDN après ce délai. À l’issue de combats, en 1923, la conférence des Ambassadeurs accorde à la Pologne l’ensemble de la Galicie orientale. La Galicie, désormais complètement polonaise, recouvre 4 palatinats (voïvodies) : Cracovie, Lemberg (Lwow), Tarnopol, Stanislawow. En 1939, lors du cinquième partage de la Pologne, la Galicie occidentale, à l’ouest du San — à savoir le palatinat de Cracovie et la moitié occidentale de celui de Lemberg (Lwow) — est attribuée à l’Allemagne qui la répartit ainsi : – la moitié occidentale du palatinat de Lemberg et la majeure partie de celui de Cracovie (avec la ville) sont attribuées au Gouvernement général de Pologne, nouvelle entité placée sous administration allemande, avec Cracovie pour capitale ; elles y forment le district de Cracovie ;
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Les États existants
– la frange occidentale (région de Bielitz) du palatinat de Cracovie est incorporée à l’Allemagne, province prussienne de Haute-Silésie. La Galicie orientale, à l’est du San — à savoir la moitié orientale du palatinat de Lemberg (avec les villes de Lemberg et de Przemysl) et les palatinats de Tarnopol et de Stanislawow — est annexée par l’URSS et rattachée par elle à sa république d’Ukraine. En 1941, Hitler rattache la Galicie orientale à son Gouvernement général de Pologne, dont elle devient un nouveau district, celui de Galicie, chef-lieu Lemberg. En 1944, l’URSS réannexe de fait la Galicie orientale, jusqu’à la limite du San (frontière de 1939). En 1945, la Galicie est officiellement partagée entre la partie occidentale, qui redevient polonaise, et la partie orientale, qui est attribuée à l’URSS, république d’Ukraine. La frontière entre les deux parties est tracée en ligne droite, plus à l’est que la ligne de 1939, laissant cette fois-ci Przemysl à la Pologne (la ligne tangentant ses faubourgs). La Galicie occidentale polonaise s’étend sur les voïvodies suivantes : Bielsko (moitié orientale, avec Wadowice), Cracovie, Tarnow, Rzeszow, Przemysl, Novy-Sacz (ancienne Sandec), Krosno (ancienne Sanok). La Galicie orientale ukrainienne s’étend sur les provinces (oblast) suivantes : Lemberg (ou Lviv), Tarnopol (ou Ternopil), Ivano-Frankovsk (ancienne Stanislawow). En 1991, les trois provinces galiciennes de Lemberg, Tarnopol et Ivano-Frankovsk deviennent provinces de la nouvelle république d’Ukraine.
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Portugal
Portugal Le pays en bref État républicain : la République portugaise. Président : Anibal Cavaco Silva. Représentation parlementaire : une chambre unique, l’Assemblée nationale. Capitale : Lisbonne. Division administrative en 5 régions et 18 districts : – région du Nord, ch.-l. Porto (5 districts) : Braga, Bragance, Porto, Viana do Castelo, Vila Real ; – région du Centre, ch.-l. Coïmbre (6 districts) : Aveiro, Castelo Branco, Coïmbre, Guarda, Leiria, Viseu ; – région de Lisbonne-Vallée-du-Tage, ch.-l. Lisbonne (3 districts) : Lisbonne, Santarem, Setubal ; – région de l’Alentejo, ch.-l. Evora (3 districts) : Beja, Evora, Portalegre ; – région de l’Algarve, ch.-l. Faro (1 district) : Faro. S’y ajoutent outre-mer l’archipel des Açores (Ponta Delgada) et l’île de Madère (Funchal). Superficie : 92 000 km2, dont 88 900 pour le Portugal continental, 2 300 pour les Açores et 800 pour l’île de Madère ; population : 10 millions d’habitants ; densité : 109 habitants au km2. Langue : le portugais. Religion : catholique. Monnaie : l’euro ; l’escudo jusqu’en 2001.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée du Portugal 1. De la Lusitanie au Portugal (IIe siècle av. J.-C.-1789) Peuplé par des tribus ibères, les Lusitaniens, dans la haute Antiquité, le Portugal est conquis au IIe siècle av. J.-C. par les Romains, qui l’incorporent à la province d’Espagne ultérieure, avant de constituer — avec l’actuelle Estrémadure espagnole — la province de Lusitanie. Envahi, comme le reste de la péninsule Ibérique, à partir du Ve siècle apr. J.-C. par les Suèves, les Vandales, les Wisigoths, puis par les Arabes au VIIIe siècle, le pays est soumis aux pouvoirs successifs des califes omeyades de Cordoue, puis des royaumes des taifas, enfin des Almoravides venus du Maroc. Toutefois la partie septentrionale de l’actuel Portugal, entre Minho et Douro, est dès le VIIIe siècle reconquise par les chrétiens, au même titre que les régions septentrionales de l’actuelle Espagne (Galice, Asturies, León, etc.). À la fin du XIe siècle, deux frères, Raymond et Henri de Bourgogne, des princes capétiens qui sont venus prêter main-forte au roi de Castille dans sa lutte de reconquête, reçoivent, à titre de fief, de celui-ci le premier la Galice, le second la région libre entre Minho et Douro et celle à libérer au sud du Douro ; Henri prend le titre de comte de Portugal. Son fils Alphonse Ier le Conquérant devient en 1139 le premier roi de Portugal. Il reconquiert le pays jusqu’au Tage, mais se heurte plus au sud aux Almohades, successeurs des Almoravides. Ses descendants continuent lentement son œuvre de reconquête vers le sud et l’Algarve est libéré au milieu du XIIIe siècle. Dès cette époque, le Portugal continental atteint, à un détail près, la configuration territoriale qu’il conserve encore de nos jours.
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Les États existants En 1383, à la mort du dernier roi de la maison de Bourgogne, Ferdinand Ier, la couronne doit échoir à son gendre, le roi Jean Ier de Castille. Soucieux de leur indépendance, les Portugais choisissent un bâtard du défunt roi, Jean d’Aviz, qui devient en 1385 le roi Jean Ier de Portugal. C’est sous le règne de la maison d’Aviz (1385-1580) que le Portugal entame une remarquable expansion outre-mer, sous l’impulsion d’un fils puîné de Jean Ier, le prince Henri le Navigateur : prise de Ceuta (1415), découverte de Madère (1418) et des Açores (1431), des îles du Cap-Vert, de la Côte de l’Or, doublement du cap de Bonne-Espérance, etc. Doué d’un génie particulier, le Portugal se couvre de gloire dans la conquête des nouvelles terres. En un siècle (1480-1580), qui constitue un véritable âge d’or pour le pays, il s’installe au Brésil, en Afrique, aux Indes orientales et touche la Chine (Macao) et le Japon. Lisbonne devient un fabuleux comptoir de redistribution des richesses provenant de son empire. Une seconde crise de succession survient en 1578, lorsque le jeune roi Sébastien meurt sans descendance à la bataille de Ksar el-Kébir. Au terme de deux années de luttes entre divers prétendants, le roi Philippe II d’Espagne devient roi de Portugal. S’ensuit durant soixante ans (1580-1640) une union dynastique avec l’Espagne, qui se termine par une révolte contre l’Espagne, couronnée de succès, et le duc de Bragance devient roi sous le nom de Jean IV. Pendant la période « espagnole », le Portugal voit ses positions battues en brèche par les Hollandais, qui s’emparent de certaines de ses colonies. Il reconquiert en partie son empire après 1640, sans retrouver le lustre d’antan. Par le traité Méthuen de 1703, le Portugal lie son destin économique et politique à celui de l’Angleterre. Désormais, le Portugal ne joue plus qu’un rôle modeste sur la scène européenne. Cependant, durant le règne de Joseph Ier (1750-1777), le gouvernement du Portugal est aux mains d’un ministre « éclairé », le marquis de Pombal, qui s’est illustré en dirigeant la reconstruction de Lisbonne détruite par un tremblement de terre (1755) et qui parvient peu à peu à opérer une certaine modernisation de l’administration du royaume.
2. Le royaume du Portugal en 1789 Le Portugal est le moins étendu des deux royaumes qui se partagent la péninsule Ibérique. D’une superficie de 89 000 km2 pour une population d’environ 2 700 000 habitants, il s’agit d’un État secondaire de l’Europe, mais doté d’une forte homogénéité inhérente à l’ancienneté de sa formation en tant que nation. Situé entre l’océan Atlantique et le rebord des plateaux de l’Espagne, le Portugal est divisé en trois régions naturelles : – entre le Minho et le Douro, une partie très montagneuse aux conditions de vie agricole très difficiles ; – entre le Douro et le Tage, une région montueuse plus prospère, vouée à une agriculture variée ; – au sud du Tage, une région « méditerranéenne » plus plate mais au climat très âpre, domaine des salines et du chêne-liège. Depuis la perte d’une bonne partie de son ancien domaine colonial, le Portugal n’est plus qu’une puissance économique de second ordre, vivant principalement du commerce de son port de Lisbonne, la capitale, de ses ressources agricoles (vignes), de pêche et de salines, ainsi que de l’exploitation intensive de sa principale colonie, le Brésil. Du point de vue territorial, le Portugal continental se divise en six provinces historiques (XVe siècle) ou comarcas, dirigées chacune par un corregidor représentant le roi : – Entre-Douro-et-Minho : Porto, Braga, Penafiel, Guimaraes, Viana ; – Tras-os-Montes : Bragance, Miranda, Moncorvo, Villa Real ; – Beira : Coïmbre, Arganil, Aveiro, Feira, Viseu, Lamego, Pinhel, Trancoso, Guarda, Linhares, Castelo Branco ; – Estrémadure : Lisbonne, Torres-Vedras, Castanheira, Alemquer, Leiria, Alcobaça, Thomar, Ourem, Châo de Couce, Santarem, Setubal ; – Alentejo : Evora, Beja, Ourique, Villa Viçosa, Elvas, Portalegre, Crato, Aviz ; – royaume d’Algarve : Faro, Tavira, Lagos. S’y ajoutent Madère et les Açores, directement rattachées au royaume.
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Portugal II. Le Portugal contemporain (1789 à nos jours) 1. De 1789 à l’abolition de la monarchie (1910) Dans le conflit européen de 1792-1795, les Portugais n’ont pas su choisir clairement entre la France et la Grande-Bretagne. Réconciliées depuis juillet 1795, la France et l’Espagne décident d’attaquer le Portugal pour atteindre, à travers lui, les intérêts anglais. Au printemps de 1801, l’Espagne attaque le Portugal et le vainc (« guerre des oranges »). Par le traité de Badajoz du 6 juin, le Portugal cède à l’Espagne le district d’Olivenza, excroissance portugaise sur rive gauche du Guadiana. Le Portugal, ayant repris sa politique indécise entre Angleterre et France, tarde à appliquer le blocus continental décrété par Napoléon contre l’Angleterre à la fin de 1806. Napoléon ayant envoyé en juillet 1807 une note comminatoire à ce sujet, suivie d’un ultimatum en août, un traité de partage du Portugal — qui ne sera jamais appliqué — est conclu le 27 octobre 1807 à Fontainebleau entre la France et l’Espagne. Le Portugal devra être divisé en trois parties : – la province d’Entre-Douro-et-Minho deviendra le royaume de Lusitanie septentrionale, donné au roi Louis II d’Étrurie et à sa mère, qui quitteront Florence ; – les provinces d’Alentejo et d’Algarve deviendront une principauté héréditaire de Lusitanie méridionale au profit de Godoy, prince de la Paix, le ministre d’Espagne ; – les trois provinces centrales (Tras-os-Montes, Beira, Estrémadure) seront mises sous séquestre (pays réservé) en attente de leur attribution. À la mi-novembre 1807, une armée française commandée par Junot envahit le Portugal et entre le 30 novembre à Lisbonne, abandonnée la veille par la famille royale (reine Marie et régent Jean) se retirant au Brésil. Cependant, les Français ne peuvent se maintenir au Portugal, d’où Junot est contraint de se retirer (août 1808), tandis qu’un corps expéditionnaire anglais (Wellesley, puis Beresford) s’installe durablement, repoussant les assauts français (printemps 1809, été 1810). En 1814-1815, le congrès de Vienne reconnaît l’érection du Brésil en royaume associé et, pour restaurer les Bragance au Portugal dans un climat favorable, décide la rétrocession d’Olivenza au Portugal. Mais l’Espagne refuse de le rendre, et les puissances renoncent à l’y contraindre. Le Portugal devient une annexe du Brésil, doté d’une régence dépendant du roi Jean VI (à partir de 1816), lequel reste au Brésil. Contraint par la révolte libérale d’août 1820 de choisir entre le Portugal et le Brésil, le roi Jean VI rentre en juillet 1821 à Lisbonne reprendre possession de son royaume, laissant son fils Pierre régent au Brésil. En 1822, mécontent du départ du roi, le Brésil porte à sa tête le régent Pierre qui proclame son indépendance (septembre) et s’en fait couronner empereur (octobre). En 1823, les Cortès décident une nouvelle division du royaume en douze provinces, y compris les Açores et Madère, dirigées chacune par un administrateur général nommé par le roi, elles-mêmes subdivisées en comarcas (arrondissements) : Haut-Minho (Viana, Braga), Bas-Minho (Porto, Penafil, Guimaraes), Tras-os-Montes (Bragance, Villa Real), Haute-Beira (Lamego, Viseu), Beira orientale (Guarda, Castelo Branco), Beira maritime (Coïmbre, Aveiro), Haute-Estrémadure (Leiria, Thomar), Basse-Estrémadure (Lisbonne, Alemquer, Angra, Ponta-Delgada, Horta), Haut-Alentejo (Evora, Portalegre), Bas-Alentejo (Beja, Setubal), Algarve (Faro), Madère. Mais la contre-révolution conservatrice qui se produit peu après suspend l’application de la Constitution en général, et notamment de la réorganisation administrative décrite ci-dessus. Une loi de 1832, amendée en 1835, fait passer l’essentiel de l’administration publique dans 17 districts (plus les Açores et Madère assimilés au Portugal), qui s’ajoutent aux anciennes provinces dont le cadre subsiste : – Minho : Braga, Porto, Viana ; – Tras-os-Montes : Bragance, Villa Real ;
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Les États existants – Beira : Coïmbre, Aveiro, Castelo Branco, Guarda, Viseu ; – Estrémadure : Lisbonne, Leiria, Santarem ; – Alentejo : Evora, Beja, Portalegre ; – Algarve : Faro. Depuis 1835, chaque district est présidé par un gouverneur nommé par le roi, assisté d’un conseil général. La première partie du XIXe siècle est une période d’instabilité à la fois dynastique et politique. La situation se normalise dans la seconde moitié du siècle et, ayant perdu le Brésil, le Portugal fait désormais porter ses efforts sur l’Afrique. Mais son ambition de s’y tailler un grand empire en occupant les régions comprises entre l’Angola et le Mozambique se heurte aux visées de la Grande-Bretagne, qui oblige le Portugal à y renoncer en 1890. Cette renonciation affaiblit le prestige de la monarchie, qui doit faire face à une agitation républicaine. Des troubles anti-monarchistes secouent le pays à partir de 1906 ; ils aboutissent à l’assassinat en février 1908 du roi Charles Ier et du prince héritier Louis-Philippe. Le jeune roi Manuel II ne parvient pas à renverser le courant d’opinion en faveur de la république. Le 5 octobre 1910, à la suite d’un coup d’État militaire, la République est proclamée, tandis que le roi part en exil.
2. La République portugaise (1910 à nos jours) La période républicaine s’ouvre dans un climat d’instabilité politique qui fait alterner périodes démocratiques et périodes de dictature militaire. En 1926, un nouveau district est créé, celui de Setubal, ce qui porte à 18 le nombre des districts du Portugal continental, nombre encore en vigueur de nos jours. À cette même date, le maréchal Carmona prend le pouvoir et prend dans son gouvernement en 1928 un économiste, Salazar, chargé de restaurer les finances du pays. Ce dernier y parvient et s’impose en 1932 comme chef du gouvernement, poste qu’il va conserver jusqu’en 1968 en instituant un régime autoritaire. La Constitution de 1933, qui institue l’« État nouveau », dote le pays de structures corporatistes. Sur le plan territorial, tout en maintenant les 18 districts, la Constitution rétablit les provinces comme entités administratives. En 1959, à l’occasion d’une révision constitutionnelle, les provinces sont de nouveau supprimées en tant qu’entités administratives. Après la Seconde Guerre mondiale, des mouvements d’indépendance émergent dans les colonies portugaises, mais le Portugal tente désespérément de conserver son empire colonial, au prix d’un grand effort militaire. En août 1974, la révolution des Œillets, faite à l’initiative du général Spinola, met fin à l’« État nouveau » et rétablit une république démocratique au Portugal. S’ensuit une période de lutte entre diverses factions révolutionnaires et réformistes, au terme de laquelle les modérés l’emportent, et la Constitution de 1976 assoit des institutions politiques démocratiques. Le Portugal s’efforce dès lors de rattraper son retard économique, et son évolution lui permet de devenir le 1er janvier 1986 membre à part entière de la Communauté européenne.
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Roumanie
Roumanie Le pays en bref État républicain : la république de Roumanie. Président : Traian Basescu. Représentation parlementaire : deux chambres, l’Assemblée et le Sénat. Capitale : Bucarest. Division administrative en 41 districts (judet), plus Bucarest-Capitale : Alba (Alba Iulia), Arad, Arges (Pitesti), Bacau, Bihor (Oradea), Bistritza-Nasaud (Bistritza), Botosani, Brasov, Braila, Buzau, Calarasi, Caras-Severin (Resita), Cluj (Cluj-Napoca), Constantza, Covasna (Sfantu Gheorge), Dambovitza (Targoviste), Dolj (Craiova), Galatzi, Giurgiu, Gorj (Targu Jiu), Harghitza (Miercurea-Ciuc), Hunedoara (Deva), Ialomitza (Slobozia), Iasi, Ilfov, Maramures (Baia Mare), Mehedintzi (Drobeta-Turnu Severin), Mures (Targu Mures), Neamtz (Piatra-Neamtz), Olt (Slatina), Prahova (Ploiesti), Satu Mare, Salaj (Zalau), Sibiu, Suceava, Teleorman (Alexandria), Timis (Timisoara), Tulcea, Valcea (Ramnicu Valcea), Vaslui, Vrancea. Superficie : 237 500 km2 ; population : 22,8 millions d’habitants ; densité : 96 habitants au km2. Langue : le roumain (langue d’origine latine) ; une minorité parle le hongrois. Religions : orthodoxe (environ 87 %) ; minorités catholique et protestante. Monnaie : le leu.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée des contrées roumaines 1. Des origines à la conquête ottomane (XVe siècle) Les Daces, peuple d’origine asiatique implanté de longue date sur la crête des Carpathes et au nord du cours inférieur du Danube, sont organisés au Ier siècle av. J.-C. en un puissant royaume, qui se révèle bientôt constituer une menace pour l’Empire romain, devenu leur voisin au sud de ce fleuve. Le royaume est conquis (101-106 apr. J.-C.) par l’empereur Trajan, qui en fait la province de Dacie, laquelle restera romaine jusqu’en 271. C’est à l’époque romaine que les Daces, vraisemblablement sous l’influence d’un courant de colonisation provenant du reste de l’Empire, adoptent durablement les mœurs romaines et l’usage du latin, d’où sortira plus tard leur langue nationale. Du IIIe au XIe siècle, la Dacie subit les invasions successives des Goths, des Huns, des Avars, des Bulgares, des Petchénègues, des Coumans et des Tatars. Les populations daces se maintiennent, et certaines se réfugient dans les régions carpathiques (Transylvanie). Au XIIIe siècle, la Transylvanie est conquise par la Hongrie, et une partie de sa population roumaine se réinstalle dans la Moldavie et la Valachie. Ces deux régions, tout d’abord dominées par les Hongrois, s’émancipent au siècle suivant et deviennent des principautés orthodoxes, gouvernées par des princes indigènes, ou voïvodes : Bassarab en Valachie dès 1330, Bogdan en Moldavie à partir de 1359. Le XIVe siècle constitue pour ces deux principautés une brillante période de prospérité et d’épanouissement culturel (architecture religieuse, arts picturaux). Mais à la fin du siècle apparaît un nouvel ennemi, le Turc.
2. La suzeraineté ottomane (XVe-XVIIIe siècles) En 1418, la Turquie conquiert la Dobroudja sur la Valachie et la transforme en province ottomane. En 1419, la Valachie devient tributaire de la Porte. La Moldavie subit le même
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Les États existants sort en 1456 puis, après deux révoltes, en 1484 et en 1538, date à laquelle la Turquie annexe le Boudjak (Bessarabie méridionale), qui lui donne la continuité du pourtour de la mer Noire, dont l’accès est fermé aux principautés danubiennes. Dès lors, les deux principautés tributaires gravitent dans l’orbite de la Porte. Elles ne font pas partie de la Turquie proprement dite, car elles sont exemptes de pachas et d’institutions turques et l’on n’y voit pas de mosquées. Mais elles font partie de l’Empire ottoman (pris dans un sens large), car elles n’ont pas de politique extérieure propre, elles doivent subir la présence de garnisons ottomanes (raias valaques de Braïla, de Giurgiu et de Turnu), elles paient tribut ; surtout, la Porte ne manque pas de s’immiscer dans leurs affaires internes, notamment à partir de 1711 où les voïvodes élus par les boyards sont remplacés par des hospodars (généralement phanariotes) nommés pour trois ans par le sultan. À partir de 1526, la Transylvanie échappe à la tutelle hongroise et devient elle aussi tributaire de la Porte, sous le gouvernement de divers princes indigènes. Cette situation perdure jusqu’en 1691, date à laquelle elle est reconquise par les armées autrichiennes, conquête reconnue par la Porte en 1699. Principauté vassale de la maison d’Autriche jusqu’en 1765, elle est ensuite rattachée au royaume de Hongrie, l’empereur prenant le titre de grand-duc de Transylvanie. Entre 1718 (traité de Passarowitz) et 1739 (traité de Belgrade), la petite Valachie (Olténie) est temporairement détachée de la principauté de Valachie et incluse sous administration militaire dans les États de la maison d’Autriche. La guerre russo-turque de 1768 s’est traduite par une victoire de la Russie, qui a occupé les principautés danubiennes. Inquiète de la marche des événements, l’Autriche occupe quelques points de Bucovine (haute Moldavie) et propose sa médiation, qui aboutit à la paix de Koutchouk-Kaïnardji (juillet 1774), où la Russie obtient un droit de regard sur la vie des principautés. En mai 1775, pour prix de son intervention, et en dépit des protestations du hospodar de Moldavie, l’Autriche se fait céder par la Turquie la Bucovine, au détriment de la Moldavie.
II. L’espace roumain en 1789 Le terme de Roumanie est une expression du XIXe siècle qui ne correspond en 1789 à aucune réalité politique. Il existe en revanche des Roumains, ou Moldo-Valaques, qui habitent de façon homogène diverses contrées du sud-est de l’Europe : – dans le royaume de Hongrie : la Transylvanie, le Banat et certains comitats orientaux de Hongrie propre ; (voir chapitre Hongrie) – dans les États de l’Autriche : la Bucovine ; (voir chapitre Autriche) – dans le royaume de Pologne : la Podolie ; (voir chapitre Pologne) – dans l’Empire turc : le Boudjak et la Dobroudja ; (voir chapitre Turquie) – dans les principautés « danubiennes » de Moldavie et de Valachie, tributaires de la Porte. Le présent chapitre ne traitera à l’origine que l’histoire de ces deux principautés, et se prolongera par celle de la future Roumanie. La principauté de Moldavie, capitale Jassy (60 000 km2 pour 1 million d’habitants), s’étend entre la chaîne des Carpathes et le cours supérieur et moyen du Dniestr, englobant la majeure partie du cours du Pruth et la quasi-totalité de celui du Sereth. La partie occidentale, le long des Carpathes, est montagneuse et boisée ; la partie orientale, le long des vallées des fleuves précités, est plus vallonnée et vouée à l’agriculture (céréales, vignes) et à l’élevage. La principauté de Valachie, capitale Bucarest (75 000 km2 pour 1 400 000 habitants), s’étend entre la chaîne des Carpathes et le cours inférieur du Danube, depuis les Portes de fer jusqu’à l’entrée de son embouchure. De même qu’en Moldavie, il existe un contraste entre la partie septentrionale montagneuse et boisée, riche en mines et sources minérales, et la partie méridionale composée de vallées descendant vers le Danube, propice à une agriculture fertile et variée. On distingue généralement la petite Valachie (ou Olténie), située en amont à l’ouest de la rivière Olt, et la grande Valachie (ou Munténie) située en aval à l’est de l’Olt.
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Roumanie En 1789, la Valachie, réunifiée depuis 1739, comporte 17 districts répartis en deux entités de la manière suivante : – petite Valachie (Olténie) : 5 districts de Mehedinta, Dolj, Romanati, Valcea, Gorj ; – grande Valachie (Munténie) : 12 districts de Teleorman, Vlasca, Ilfov, Jalomita, Braïla, Ramnicu Sarat, Buzau, Prahova, Dambovita, Muscel, Arges, Olt. La Moldavie, quant à elle, comporte 18 districts répartis en deux entités de la manière suivante : – Moldavie propre : 13 districts de Putna, Tecuci, Covurlui, Bacau, Falciu, Tutova, Neamt, Roman, Vaslui, Jassy, Baïa, Botosani, Dorohoi ; – Bessarabie (rive gauche du Pruth) : 5 districts de Lapusna, Orhei, Balti (Bieltzy), Soroca, Khotin.
III. De 1789 à l’avènement de la Roumanie (1861) 1. De 1789 au condominium russo-turc (1829) Depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, les deux principautés de Moldavie et de Valachie, par leur situation géographique, sont malgré elles l’enjeu de politiques antagonistes entre la Turquie, puissance déclinante, et la Russie, puissance ascendante. À l’invitation de la France, la Turquie destitue en 1806 les hospodars de Moldavie et de Valachie, jugés trop russophiles. La Russie réagit en entrant en guerre (novembre 1806) contre la Porte et en occupant les principautés. Napoléon, à Tilsitt puis à Erfurt, promet au tsar la neutralité française dans ses entreprises balkaniques. Mais en 1811, inquiet de la tournure prise par la politique française, Alexandre se résout à terminer le conflit avec la Turquie. La paix est finalement signée le 28 mai 1812 à Bucarest. La Russie évacue les principautés danubiennes mais, en échange, la Turquie cède à la Russie l’entière Bessarabie (région comprise entre Pruth et Dniestr), à savoir : – la partie turque (Boudjak), moitié méridionale faisant partie de la Turquie proprement dite ; – la partie moldave (à l’est du Pruth), moitié septentrionale faisant partie de la principauté, pour laquelle la Porte agit en tant que suzerain ; la Russie en dédommage financièrement la Moldavie. La frontière de la principauté de Moldavie est ainsi ramenée au Pruth ; perdant 5 districts et 22 000 km2, elle est restreinte à 13 districts et 38 000 km2. En 1821, une double révolte se produit dans les principautés danubiennes. Une révolte populaire éclate le 23 janvier en Olténie ; dirigés par Vladimiresco, les insurgés s’emparent de Bucarest (mars), rejetant aussi bien la suzeraineté turque que le régime phanariote. Parallèlement, Alexandre Ypsilanti, fils d’un ancien hospodar de Valachie et membre de la Philiki Hetaïria, société (grecque) basée à Odessa, désireux d’affranchir les orthodoxes du joug ottoman, appelle le 22 février la Moldavie à se révolter, en vue de porter secours aux Grecs insurgés de Morée. Mais, d’une part, Ypsilanti n’éveille aucun écho chez les Roumains de Moldavie et doit se contenter d’une armée réduite ; d’autre part, l’appui espéré de la Russie lui fait défaut ; enfin, les deux chefs de cette révolte ne s’entendent pas et Ypsilanti fait exécuter en mai Vladimiresco. L’armée ottomane réprime la révolte en trois mois (mai-juillet). Les boyards roumains, qui n’avaient pas pris part aux révoltes, obtiennent du sultan en avril 1822 le rétablissement de princes autochtones et l’exclusion des Grecs de la vie publique. Les Russes profitent des difficultés de la Porte en Grèce pour lui imposer en octobre 1826 la convention d’Ackermann, dont il ressort que : – la Turquie évacuera les principautés danubiennes ; – les boyards éliront pour sept ans les hospodars des principautés ; – l’élection sera soumise à la double approbation de la Porte et de la Russie, ce qui constitue une modification du statut des principautés qui, de simples tributaires de la Porte, deviennent de facto soumises à un condominium russo-turc.
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Les États existants La bataille navale de Navarin (octobre 1827) rompt les liens entre la Turquie et les puissances européennes sur la question grecque. En avril 1828, la Russie déclare la guerre à la Turquie pour régler le sort des principautés danubiennes. Ayant réussi à s’emparer d’Andrinople, les Russes contraignent les Turcs à signer la paix. Par le traité d’Andrinople du 14 septembre 1829, mettant fin au conflit, la Turquie : – cède à la Russie les bouches du Danube ; – évacue les trois enclaves militaires de Valachie : Braïla, Giurgiu et Turnu ; – accepte que la Moldavie et la Valachie, toujours juridiquement turques, soient gouvernées par des hospodars élus à vie, sous la protection de la Russie.
2. De 1829 à l’union des deux principautés (1858) Les Règlements organiques (Constitutions), achevés en mars 1830 en application du traité d’Andrinople, mettent en place une administration moderne et identique pour chacune des deux principautés : prince régnant à vie, Assemblée générale, départementalisation avec préfets (départements se substituant sans modification territoriale aux anciens districts). Ces nouvelles Constitutions entrent en vigueur en juillet 1831 pour la Valachie et en janvier 1832 pour la Moldavie. En janvier 1834, les deux nouveaux princes régnants sont intronisés par la Porte et par la Russie. Réagissant aux révolutions d’Europe, la Moldavie est le théâtre de manifestations en mars 1848, les troubles étant réprimés en trois jours ; en Valachie, en juin 1848, le prince est contraint de se rallier à la révolution. Les Russes et les Turcs répriment en trois mois (juillet-septembre 1848) le mouvement valaque. Par la convention de Balta-Liman du 1er juillet 1849, la Russie et la Turquie réimposent la nomination par les deux puissances de hospodars désignés pour sept ans, ainsi que la suppression des Assemblées élues, remplacées par des divans nommés par les princes. Par ailleurs, une querelle franco-russe au sujet de la protection des Lieux saints de Palestine n’ayant pu être réglée par la concertation, en juin 1853 la Russie envahit une nouvelle fois la Moldavie. La Porte lui déclare la guerre en octobre 1853, bientôt rejointe par la France et par l’Angleterre (mars 1854). La guerre de Crimée, où la Russie est vaincue, se clôt par le traité de Paris du 30 mars 1856. Il est mis fin au protectorat russe sur les principautés qui, toujours juridiquement turques, recevront la garantie des puissances, leur statut devant être modifié par une conférence internationale. En outre, la Russie doit céder : – à la Turquie, les bouches du Danube ; – à la Moldavie, la part méridionale de la Bessarabie, large bande le long du bas Pruth et de la branche de Kilia du Danube, avec la majeure partie du littoral de Bessarabie, ce qui donne à la Moldavie un accès à la mer. La partie cédée à la Moldavie va former les trois départements de Cahul, Bolgrad et Ismaïl. Cette cession représentant de l’ordre de 12 000 km2, elle porte la Moldavie à 16 départements couvrant 50 000 km2. Les élections pour les nouvelles Assemblées des deux principautés, qui se tiennent en août et septembre 1857, donnent des majorités unionistes en Moldavie et en Valachie. Les deux Assemblées votent en décembre le principe d’une Roumanie unie et indépendante, dotée d’un régime monarchique. Ces décisions, contraires au traité de Paris, incitent Napoléon III à convoquer une conférence (mai 1858), qui aboutit à la convention de Paris du 7 août 1858, laquelle constitue un compromis. Les deux Principautés-Unies de Moldavie et de Valachie auront chacune un prince indigène, un gouvernement et une Assemblée élue, mais disposeront d’une Commission centrale commune siégeant à Focsani. La Porte reste suzeraine et devra donc approuver l’élection de chaque prince.
3. De 1858 à l’avènement de la Roumanie (1861) Les Moldaves et les Valaques demeurent insatisfaits de l’interdiction qui est faite aux deux principautés de se fondre en un seul État.
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Roumanie Pour contourner cette interdiction, les Assemblées de Moldavie (5 janvier 1859) et de Valachie (24 janvier 1859) élisent, chacune à l’unanimité, le même prince, Alexandre Couza. Après de longues tergiversations, la Porte ayant fini par reconnaître (20 novembre 1861) l’élection commune et l’union administrative temporaire — limitée à la vie du prince — des principautés, le 23 décembre 1861 est proclamée l’union des principautés sous le nom de principauté de Roumanie, ainsi que la fusion des deux Assemblées.
IV. De 1861 à l’érection de la grande Roumanie (1920) 1. De 1861 à l’érection de la Roumanie en royaume (1881) Le nouveau prince de Roumanie, animé des meilleures intentions, fait adopter une Constitution qui lui donne de grands pouvoirs. Il engage aussitôt de profondes réformes, destinées à moderniser la vie publique et les structures économiques de la Roumanie. Mais la hâte qu’il y apporte, jointe au fait qu’il touche à divers privilèges, ne manque pas de susciter de nombreux mécontentements. Le 11 février 1866, le prince Alexandre Couza est victime d’un coup d’État et il est contraint d’abdiquer. L’empereur Napoléon III s’entremet pour lui trouver un successeur, qui soit un prince étranger de façon à se situer au-dessus des factions qui divisent le pays. Le 11 mai 1866, l’Assemblée nationale commune proclame le prince Charles de Hohenzollern-Sigmaringen — fils du dernier prince régnant à Sigmaringen — comme prince de Roumanie, sous le nom de Charles Ier (Carol). Une nouvelle Constitution du 1er juillet 1866, approuvée le 11 octobre par la Turquie, officialise la nouvelle principauté de Roumanie, tributaire de la Porte, dotée d’un gouvernement et d’un parlement bicaméral uniques. La nouvelle principauté de Roumanie, capitale Bucarest, s’étend sur 125 000 km2 et compte de l’ordre de 4 500 000 habitants. Elle est divisée en 33 départements : les 17 départements valaques et les 16 départements moldaves (13 de Moldavie propre et 3 de Bessarabie méridionale). Cependant, cette configuration va bientôt être modifiée. Une révolte bulgare (avril 1876), durement réprimée par la Porte, provoque une guerre (avril 1877) entre Russie et Turquie. La Roumanie entre en guerre aux côtés de la Russie, en vue d’obtenir son indépendance visà-vis de la Porte ; elle proclame d’ailleurs unilatéralement son indépendance le 9 mai 1877. Vaincue à Plevna (janvier 1878), la Turquie est contrainte de signer le 3 mars 1878 le traité de San Stefano, qui crée une grande Bulgarie. Dans le cadre de ce traité, la Roumanie : – rétrocède à la Russie la Bessarabie méridionale, reçue en 1856 ; – reçoit de la Turquie les bouches du Danube et la Dobroudja septentrionale (Tulcea, Constantza) jusqu’à une ligne passant à 10 km au sud de Constantza ; la Bulgarie reçoit la Dobroudja méridionale. Toutefois, le traité de San Stefano, trop favorable à la Russie et à sa protégée bulgare, provoque les protestations de l’Autriche-Hongrie et de la Grande-Bretagne ; un congrès des puissances se réunit à Berlin, qui aboutit le 13 juillet 1878 à un nouveau traité réduisant considérablement la Bulgarie. En sus de ses gains de San Stefano, la Roumanie se voit attribuer par ce traité la partie septentrionale de la Dobroudja méridionale (Mangalia), la Bulgarie n’en conservant plus que la part méridionale (Quadrilatère). La Roumanie s’étend désormais sur 131 000 km2. Elle compte 32 départements : les 17 valaques, les 13 de la Moldavie proprement dite et 2 de Dobroudja (Tulcea, Constantza). Mais elle est déçue dans son désir d’indépendance, car les puissances y mettent comme préalable l’abrogation de l’article 7 de sa Constitution, qui interdit aux non-chrétiens (musulmans et juifs) de devenir citoyens roumains et de détenir des terres.
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Les États existants En février 1880, le gouvernement roumain ayant fini par amender l’article 7 dans le sens d’une ouverture envers les Juifs, les puissances reconnaissent de jure l’indépendance de la principauté de Roumanie. Le 10 mai 1881, la principauté devient royaume de Roumanie et le prince est couronné roi Charles Ier de Roumanie.
2. De 1881 à la constitution de la grande Roumanie (1920) Dans le nouveau royaume, la période de paix qui s’instaure est mise à profit pour accroître l’activité économique de façon considérable : agriculture, industrie, réseaux de communication, exploitation des champs pétrolifères. Bucarest, la capitale, se développe et se modernise, devenant aussi un lieu de culture où l’influence française — le « petit Paris des Balkans » — est prépondérante, notamment sous l’impulsion de la reine Élisabeth, célèbre comme poétesse de langue française sous le nom de Carmen Sylva. Cependant, sous l’effet des ambitions nationalistes qui s’y exaspèrent face au déclin ottoman, les nuages s’amoncellent de nouveau dans le ciel des Balkans. La Roumanie commence par rester neutre dans le conflit d’octobre 1912 entre la Turquie et la Ligue balkanique (Serbie, Bulgarie, Grèce et Monténégro). En revanche, elle intervient dans le conflit du 30 juin 1913 entre la Bulgarie et ses anciens alliés. Celui-ci se termine par le traité de Bucarest du 10 août 1913, par lequel, entre autres clauses, la Bulgarie cède à la Roumanie le quadrilatère de Dobroudja méridionale. La Roumanie s’étend désormais sur 139 000 km2, comptant 7 millions d’habitants et 34 départements, le Quadrilatère formant les deux départements de Durostor (Silistrie) et Caliacra. Lorsque éclate, à l’été 1914, la Première Guerre mondiale, la Roumanie y entrevoit dès le début l’occasion de rassembler sous un même sceptre l’ensemble des populations roumaines. Hors du royaume, des Roumains vivent en Autriche-Hongrie et en Russie (Bessarabie). La puissance de ces Empires a jusqu’ici empêché la Roumanie de revendiquer leur rattachement à la mère patrie, d’autant que le roi Charles, lointain cousin de l’empereur Guillaume, a signé un traité secret d’alliance avec la Triplice. Au début du conflit, la Roumanie reste neutre, partagée entre un souverain germanophile et une opinion publique favorable à l’Entente. Les deux camps la courtisent et Bratiano, le chef du gouvernement, fait monter les enchères. Finalement, devant l’affaiblissement des Empires centraux, la Roumanie opte pour l’Entente et, par le traité secret du 17 août 1916, se voit promettre la Bucovine, la Transylvanie, le Banat et la partie orientale de Hongrie propre (à l’est de la Tisza), si elle entre en guerre dans les dix jours aux côtés de l’Entente. Étant entrée en guerre le 27 août 1916, la Roumanie est vaincue en novembre 1916 par les puissances centrales. La cour et le gouvernement se replient à Jassy sous la protection de l’armée russe, tandis que la majeure partie du pays est occupée. À la suite de la révolution russe d’octobre 1917, perdant son appui russe, la Roumanie est contrainte de demander l’armistice le 9 décembre. La Bessarabie, s’étant affranchie de la tutelle russe en deux temps (décembre 1917 et mars 1918), demande la protection des troupes roumaines contre les forces communistes (mars) ; le 9 avril 1918, l’Assemblée de Bessarabie proclame l’union de la Bessarabie à la Roumanie. Entre-temps, les puissances centrales imposent à la Roumanie le traité de Bucarest du 7 mai 1918, par lequel la Roumanie : – cède à l’Autriche-Hongrie une bande de territoire (170 villages) presque continue le long de la ligne de crête des Carpathes, depuis les Portes de fer (Orsova) jusqu’à l’ancien triplex Roumanie-Russie-Autriche ; – restitue à la Bulgarie l’ensemble de la Dobroudja méridionale, à savoir le Quadrilatère acquis en 1913, mais aussi la part septentrionale de la Dobroudja méridionale (Mangalia) acquise en juillet 1878 ;
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Roumanie – renonce à la Dobroudja septentrionale, jusqu’aux bouches du Danube incluses, qui devient condominium germano-austro-bulgare ; la Roumanie perd ainsi son littoral, sauf en Bessarabie, ne conservant qu’un débouché économique à Constantza. Cependant, le conflit finit par prendre un tour défavorable pour les puissances centrales. Devant la décomposition de l’Autriche-Hongrie, les Roumains de l’ancienne double monarchie se réunissent en diverses assemblées. Le 28 novembre 1918, les Roumains de Bucovine se réunissent à Czernowitz et proclament l’union de la Bucovine à la Roumanie. Le 1er décembre, les Roumains de Transylvanie, du Banat et des comitats orientaux de Hongrie se rassemblent à Alba Iulia (Carlsbourg) et proclament l’union à la Roumanie de la Transylvanie, du Banat et des comitats orientaux de Hongrie. Le 14 décembre, le roi Ferdinand de Roumanie accepte l’union de ces provinces à la Roumanie. Le 24 janvier 1919, le parlement roumain ratifie la création d’une grande Roumanie, comportant la Roumanie d’avant 1916, la Bessarabie, la Bucovine, la Transylvanie, le Banat et les comitats orientaux de Hongrie. Reste à faire avaliser ce programme par la conférence de la paix qui va se réunir à Paris. Lorsque les négociations s’ouvrent, la Roumanie dispose d’un capital de sympathie dû à sa situation d’ancien allié des vainqueurs, auquel s’ajoute le fait que ses revendications territoriales s’exercent vis-à-vis de pays vaincus (Autriche-Hongrie, Bulgarie) ou en proie à la révolution (Russie). Le traité d’août 1916, non reconnu par le président Wilson, sert pourtant de base aux pourparlers. Les demandes roumaines sont agréées, mais en divers points les négociateurs y effectuent des retranchements. Par le traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919, agissant au nom de l’ancienne Cisleithanie, l’Autriche cède à la Roumanie le duché de Bucovine, qui va former les 5 départements roumains de Cernauti, Storojinet, Radauti, Campulung et Suceava. Par le traité de Neuilly du 27 novembre 1919, la Bulgarie rétrocède à la Roumanie l’entière Dobroudja méridionale, acquise en mai 1918 ; avec le retour de la Dobroudja septentrionale, cette cession rend à la Roumanie les 4 départements de Tulcea, Constantza, Caliacra et Durostor. Par le traité de Trianon du 4 juin 1920, agissant au nom de l’ancienne Transleithanie, la Hongrie cède à la Roumanie la Transylvanie historique, une partie des comitats orientaux de Hongrie propre (Maramaros, Ugotsch, Szathmar, Bihar et Arad) et les deux tiers orientaux du Banat (comitat de Krasso-Szoreny et partie de ceux de Temesch et de Torontal). Ces territoires vont former les 23 départements suivants : – 16 départements transylvains : Hunedoara, Sibiu, Fagaras, Brasov, Trei Scaune, Ciuc, Odorhei, Tarnava Mica, Tarnava Mare, Alba, Turda, Mures, Cluj, Nasaud, Somes, Salaj ; – 4 départements « hongrois » : Maramures, Satu Mare, Bihor, Arad ; – 3 départements banatais : Severin, Timis-Torontal, Caras. Le 28 octobre 1920 à Paris, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et le Japon entérinent l’union de la Bessarabie à la Roumanie ; la Russie bolchevique proteste et les États-Unis refusent d’approuver cette annexion faite « sans le consentement de la Russie ». La Bessarabie apporte à la Roumanie 9 départements : Hotin, Soroca, Balti, Orhei, Lapusna, Tighina, Chul, Ceteata Alba, Ismaël. Ainsi constituée, la grande Roumanie s’étend désormais sur environ 300 000 km2, comptant de l’ordre de 15 500 000 habitants, dont seulement 70 % de Roumains, avec d’importantes minorités hongroises et allemandes (en Transylvanie et dans le Banat), juives, ukrainiennes (dans le nord de la Bucovine) et bulgares (dans la Dobroudja). Elle regroupe 71 départements (judets) : 17 de Valachie, 13 de Moldavie, 5 de Bucovine, 9 de Bessarabie, 4 de Dobroudja, 3 du Banat, 4 d’ancienne Hongrie et 16 de Transylvanie.
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Les États existants V. La Roumanie contemporaine (1920 à nos jours) 1. De 1920 à l’entrée de la Roumanie dans la Seconde Guerre mondiale (1941) Le sort de l’îlot danubien d’Ada-Kaleh, toujours juridiquement turc car oublié à Berlin (1878), à Bucarest (1913) et à Sèvres (1920), est réglé par le traité de Lausanne du 24 juillet 1923. L’îlot d’Ada-Kaleh, sis au milieu du Danube et qui avait été en 1913 cédé par la Turquie à la Hongrie, y est officiellement attribué à la Roumanie. Dès lors, la Roumanie, qui a atteint sa surface maximale, cherche à développer au mieux son économie, par une réforme agraire (1921) et un recours accru aux capitaux d’Europe occidentale. À partir de 1921, elle fait partie, avec la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, de la Petite Entente, alliance politique et militaire instituée avec le soutien de la France pour contenir l’esprit de revanche des pays vaincus. Sur le plan politique, elle s’efforce d’harmoniser les diverses parties du pays par un centralisme administratif, tempéré par le régime parlementaire, ce qui a pour résultat de mécontenter les diverses minorités, dont les droits ne sont pas toujours sauvegardés. S’y ajoutent au fil des ans des difficultés d’ordre divers : – dynastiques : Carol, le fils aîné du roi Ferdinand, doit, pour raisons sentimentales, renoncer en 1925 à la succession au trône et c’est son propre fils Michel (un enfant de six ans) qui en hérite en 1927, mais, en 1930, par un coup de force, Carol reprend le trône sous le nom de Carol II ; – économiques, avec la crise de 1930 qui la rend plus dépendante de l’Allemagne ; – politiques, avec les difficultés parlementaires et l’émergence d’un parti d’inspiration fasciste, la Garde de Fer, soutenu par l’Italie et l’Allemagne ; – territoriales, car ses voisins (URSS, Hongrie, Bulgarie), appelés à l’aide par les minorités du pays, guettent le moment favorable pour recouvrer les provinces perdues. C’est dans ces conditions difficiles que la Roumanie aborde la période de la Seconde Guerre mondiale, où elle s’efforce dès le début de se réfugier dans la neutralité. Cependant, le protocole secret annexé au pacte germano-soviétique du 23 août 1939 prévoit la neutralité allemande vis-à-vis d’une mainmise de l’URSS sur la Bessarabie e t la Bucovine du Nord. Profitant de l’effondrement du front occidental, qui prive la Roumanie d’un appui potentiel, l’URSS adresse le 26 juin 1940 à Bucarest un ultimatum lui enjoignant de lui livrer la Bessarabie et la Bucovine du Nord. Le 28 juin, renonçant à résister, la Roumanie cède à l’URSS la Bessarabie, la Bucovine septentrionale (départements de Cernauti et de Storojinet) ainsi qu’un fragment de territoire (Herta) en Moldavie propre. La Roumanie est ramenée de 71 à 60 départements. Hitler fait alors pression sur la Roumanie pour qu’elle règle ses différends territoriaux avec la Hongrie et la Bulgarie. Les pourparlers entre Roumanie et Hongrie ayant échoué, par le second arbitrage germano-italien du Belvédère (Vienne) du 30 août 1940, la Roumanie doit rétrocéder à la Hongrie la part septentrionale de la Transylvanie et de la Hongrie propre annexées en 1920, à savoir les 8 départements transylvains de Trei-Scaune, Ciuc, Odorhei, Mures, Cluj, Nasaud, Somes, Salaj et les 3 départements « hongrois » de Maramures, Satu Mare et Bihor (ce dernier en partie). La Roumanie est ramenée de 60 à 50 départements. La Bulgarie profite de la situation pour exiger par ultimatum le retour du Quadrilatère. Par le traité de Craïova du 7 septembre 1940, la Roumanie rétrocède à la Bulgarie le quadrilatère de Dobroudja méridionale (deux départements de Caliacra et de Durostor). La Roumanie est ramenée de 50 à 48 départements. Le roi Carol II, désespéré des sacrifices que la Roumanie a dû consentir, et rendu injustement responsable de ces reculades, abdique au profit de son fils, qui redevient roi sous le nom
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Roumanie de Michel Ier, et quitte le pays. Mais l’essentiel du pouvoir est désormais détenu par le général Antonesco, avec l’aide de la Garde de Fer, qui institue un régime autoritaire — il se fait appeler le Conducator — et se rapproche des puissances de l’Axe.
2. La Roumanie dans le second conflit mondial (1941-1947) S’étant rangée dans le camp de l’Allemagne, la Roumanie entre en guerre contre l’URSS en juin 1941. L’avance des armées coalisées contre cette dernière permet à la Roumanie de recouvrer dès juillet 1941 les territoires cédés à l’URSS en juin 1940, à savoir la Bessarabie, la Bucovine du Nord et le petit territoire moldave de Herta. De plus, la Roumanie se voit attribuer par Hitler l’administration de la Transnistrie (Podolie méridionale, entre Dniestr et Boug) détachée de l’Ukraine et qu’elle annexe de facto, sinon de jure. La Bessarabie et la Transnistrie sont érigées par la Roumanie en provinces autonomes. La Roumanie constitue également une « grande Bucovine » autonome, comportant les cinq départements de Bucovine propre, le département moldave de Dorohei et le département bessarabien de Hotin. Mais le cours de la guerre s’infléchit. L’offensive des armées soviétiques contraint la Roumanie à signer à Moscou l’armistice du 12 septembre 1944, aux termes duquel elle s’engage à entrer en guerre aux côtés de l’URSS et évacue la Transnistrie, la Bessarabie, la Bucovine du Nord et le territoire moldave de Herta qui sont aussitôt réannexés par l’Union soviétique. En contrepartie, l’armistice prévoit l’annulation de l’arbitrage du Belvédère et donc le retour à la Roumanie de la partie septentrionale de Transylvanie et de Hongrie propre cédées en 1940, retour qui sera effectif à l’automne. Enfin, l’armistice prévoit que la Bulgarie garde le quadrilatère de Dobroudja. En 1946, les départements de Roumanie sont supprimés et remplacés par 18 régions : – Dobroudja : 1 région de Dobroudja (Constantza) ; – Valachie : 5 régions de Bucarest, Galati, Ploesti, Arges (Pitesti), Olténie (Craïova) ; – Moldavie : 4 régions de Barlad, Jassy, Bacau, Suceava ; – Transylvanie : 4 régions de Brasov, Targu Mures, Cluj, Hunedoara (Alba Iulia) ; – « Hongrie » : 3 régions de Maramures (Satu Mare), Crisana (Oradea), Arad ; – Banat : 1 région de Banat (Timisoara). Pendant ce temps, dans la Roumanie désormais occupée par l’armée soviétique, la situation politique évolue rapidement. Dès juin 1945, l’URSS a d’autorité remplacé le gouvernement démocratique par un gouvernement prosoviétique. Parallèlement, par traités signés à Paris le 10 février 1947, la Hongrie et la Roumanie voient leurs frontières officiellement délimitées. La Hongrie renonce en faveur de la Roumanie à ses annexions de Hongrie propre et de Transylvanie septentrionale, opérées en août 1940. La Roumanie renonce : – en faveur de l’URSS à la Bessarabie, à la Bucovine du Nord et au territoire moldave de Herta, qui ont été annexés par l’URSS en juin 1940 et repris en juillet 1941 ; – en faveur de la Bulgarie au quadrilatère de Dobroudja méridionale, annexé par cette dernière en septembre 1940. Dès lors, la Roumanie atteint la configuration territoriale qu’elle connaît encore de nos jours, avec une superficie de 237 500 km2, pour une population d’environ 16 millions d’habitants à cette époque. Devant l’emprise croissante des communistes dans l’administration du pays, le roi Michel abdique le 30 décembre 1947. La monarchie est abolie et, le jour même, la Roumanie devient une république populaire (communiste).
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Les États existants 3. La Roumanie républicaine (1948 à nos jours) À partir de 1948, la Roumanie devient un pays satellite de l’URSS, et adhère aux institutions politiques, économiques et militaires qui lient entre eux les différents pays du bloc de l’Est : Comecon et pacte de Varsovie. Par la loi constitutionnelle du 24 septembre 1952, la région de Targu Mures, où vivent les Szeklers (ou Sicules) de Transylvanie, est érigée en région autonome (Mures Maghiar) disposant de l’usage de la langue hongroise. Le 24 septembre 1958, une nouvelle loi remanie les limites de certaines régions de Roumanie, leur nombre étant réduit de 18 à 17 par suppression de deux régions et création d’une région de Bucarest-Capitale. Disparaissent les deux régions d’Arad (répartie entre Crisana et Banat) et de Barlad (répartie entre Jassy, Bacau et Galati). Le chef-lieu de Maramures est déplacé de Satu Mare à Baïa Mare, celui de Hunedoara d’Alba Iulia à Deva. En 1959, la région autonome sicule, appelée simplement Mures à partir de 1960, est remaniée en s’agrandissant à l’ouest aux dépens des régions de Cluj et de Brasov, mais en cédant à Brasov sa partie sud-est très hongroise (sicule). Cette modification ramène de 77 % à 62 % la majorité hongroise de la région autonome. Mais la Constitution du 21 août 1965 supprime le statut d’autonomie de la région sicule de Mures. Dès l’année 1958, la Roumanie a obtenu le départ des troupes soviétiques. Dans les années soixante, sous la présidence de Gheorghiu-Dej, puis celle de Ceausescu, la Roumanie parvient à faire admettre une certaine autonomie vis-à-vis du bloc de l’Est, sur le plan tant de la politique extérieure que de l’économie (industrialisation massive). Cette relative autonomie n’est tolérée qu’autant que, sur le plan intérieur, la Roumanie demeure un pays de stricte orthodoxie communiste, tournant de plus en plus, au fil des ans, à la dictature au profit de Ceausescu, tout en s’appauvrissant de façon dramatique. La loi du 16 février 1968 abolit les régions et restaure la division en départements (ou districts), la Roumanie en comptant désormais 41, plus le district-capitale de Bucarest, selon la liste indiquée en en-tête du chapitre. En réaction aux événements de l’automne qui bouleversent l’ensemble des pays d’Europe de l’Est, le 22 décembre 1989, une révolution renverse et exécute le président communiste Ceausescu. La Roumanie redevient en théorie une république démocratique et pluraliste, mais les anciens communistes y conservent encore un certain temps le pouvoir. Ce n’est qu’en novembre 1996, avec la victoire de l’opposition démocratique aux élections législatives et présidentielle (élection d’Emil Constantinescu à la présidence), que la Roumanie retrouve véritablement sa place au sein des démocraties de l’Europe. Elle pose alors sa candidature à l’adhésion à l’Union européenne. Cette candidature est acceptée le 12 décembre 2002, pour une adhésion effective le 1er janvier 2007. Bucovine La Bucovine (« forêt rouge ») est la province la plus septentrionale de la principauté de Moldavie, tributaire de la Porte depuis 1538. D’une surface de 10 500 km2, c’est une région de hautes vallées (Dniestr, Pruth, Sereth) adossée au versant septentrional de la chaîne des Carpathes. Au sud et à l’ouest, c’est une région de montagnes couvertes de forêts et de prairies ; au nord et à l’est, c’est une région de hautes plaines vouées à l’agriculture. Région de passage entre Pologne, Moldavie et Hongrie, elle est au nord peuplée de Ruthènes, au sud de Roumains, les deux populations se mélangeant au centre où se trouve la capitale Czernowitz. La Bucovine recouvre cinq districts moldaves : Suceava (Suczawa), Campulung (Kimpolung), Radauti, Storijinet et Cernauti (Czernowitz). En 1775, l’Autriche se fait céder la Bucovine par la Porte, agissant en tant que suzeraine de la Moldavie. Elle est rattachée en 1777 à la Galicie, dont elle constituera l’un des cercles, celui de Czernowitz. L’Autriche entreprend de coloniser la Bucovine, comme elle avait fait pour le Banat, en y implantant des villages de colons allemands.
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Roumanie
En 1848, les Roumains de Bucovine réclament la reconnaissance officielle de leur particularisme. En 1849, l’empereur François-Joseph leur donne satisfaction et érige leur pays en duché de Bucovine, pays de la Couronne désormais distinct de la Galicie. Le duché, capitale Czernowitz, est divisé en trois districts : Czernowitz, Sereth-etSuczawa, Waskutz-et-Wiszic. En 1867, dans le cadre du Compromis austro-hongrois, le duché de Bucovine est versé dans la part autrichienne (Cisleithanie) de la nouvelle double monarchie. En novembre 1918, face à la décomposition de l’Autriche-Hongrie, une Assemblée réunie à Czernowitz, représentant les populations du pays hormis les Ruthènes, proclame l’union de la Bucovine à la Roumanie. En 1919, l’Autriche cède à la Roumanie le duché de Bucovine, à l’exception d’un petit fragment de territoire cédé à la Pologne sur la frontière septentrionale, pour lui permettre de conserver en territoire polonais l’ensemble du chemin de fer Kolomea-Zalesczyski. Au sein de la nouvelle Roumanie, la Bucovine va former les cinq départements (judets) de Cernauti (Czernowitz), Storojinet (Storozinec), Radauti (Radautz), Campulung (Kimpolung), Suceava (Suczawa). En juin 1940, sur ultimatum soviétique, la Roumanie cède à l’URSS la moitié septentrionale de la Bucovine, celle qui est peuplée de Ruthènes ; l’URSS l’attribue le 1er août à sa république d’Ukraine. Le territoire cédé correspond à peu près aux deux départements roumains de Cernauti et de Storojinet. Dès juillet 1941, s’étant alliée à l’Allemagne, la Roumanie recouvre les territoires perdus en juin 1940, parmi lesquels la Bucovine du Nord qui redevient pleinement roumaine. En septembre 1944, aux termes de l’armistice de Moscou, la Roumanie évacue la Bucovine du Nord, qui est aussitôt réannexée par l’URSS (Ukraine). La partition de la Bucovine entre Ukraine et Roumanie, entérinée en février 1947 par les traités de paix de Paris, demeure encore en vigueur de nos jours. Transylvanie En 1789, le grand-duché de Transylvanie est le plus extrême-oriental des domaines de la maison d’Autriche. Rattaché à la couronne de Hongrie, il dispose d’une certaine autonomie due aux circonstances historiques. D’une surface d’environ 60 000 km2 pour 1 200 000 habitants, la Transylvanie, pays « au-delà des forêts » (vu de Hongrie), est un plateau montagneux, compris dans l’angle sud-est des Carpathes (Carpathes orientales, Alpes de Transylvanie) qui la séparent de la Moldavie et de la Valachie, le massif plus atténué du Bihar (à l’ouest) la séparant de la plaine hongroise. Elle est baignée par les cours supérieurs de la Tisza et de son affluent le Szamos, ainsi que par ceux du Maros et de l’Olt. Dotée d’un climat continental, c’est une région d’agriculture et d’élevage, mais sa richesse consiste surtout en la présence de nombreuses mines (métaux précieux, houille, sel) ; le réseau urbain est développé (Klausenbourg, Carlsbourg, Hermannstadt, Cronstadt, Vasarhély) et reflète la diversité du peuplement transylvain : Hongrois, Szeklers ou Sicules (Hongrois de la frontière, d’origine indécise), Saxons, Valaques. Faisant partie du royaume des Daces, ce qui explique un fond de peuplement roumain, conquise en 105 par Trajan, puis domaine des invasions (Goths, Huns, Avars), la Transylvanie est rattachée en 1004 à la Hongrie par le roi Étienne Ier. Au XIe siècle s’installent les Szeklers dans l’est de la contrée. Au XIIe siècle, le roi Geysa II de Hongrie appelle des colons allemands (Saxons) à participer à la mise en valeur du pays ; ils sont répartis dans sept cantons à bourgs fortifiés (d’où le nom allemand de Sept-Châteaux, Siebenburgen), où ils ont le monopole de la terre. Au XIIIe siècle, des Hongrois s’installent dans l’ouest du pays. En 1526, la succession de Hongrie voit s’affronter Ferdinand d’Autriche et le gouverneur de Transylvanie, Jean Zapolyi. Ce dernier finit par faire de la Transylvanie une principauté tributaire de la Porte, reconnue comme telle par l’empereur à partir de 1570.
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Les États existants
La principauté comprend à cette époque la région historique de Transylvanie, augmentée de « parties de Hongrie » correspondant à la partie de la plaine hongroise sise entre la Tisza et la chaîne du Bihar. Les princes de Transylvanie mènent alors une politique indépendante, souvent tournée contre la Hongrie. En 1687/1691, à la suite des succès autrichiens contre la Turquie, l’empereur reprend possession de la Transylvanie ; les « parties de Hongrie » sont rendues au royaume de Hongrie et la Transylvanie historique conserve ses propres institutions, demeurant distincte de la Hongrie. En 1764, le système des Confins militaires, de longue date en vigueur en Croatie, Slavonie et Banat, est tardivement étendu à la Transylvanie, les régiments étant cantonnés le long de la frontière. En 1765, à la mort du dernier prince indigène de Transylvanie, la principauté est érigée en grand-duché. Sur le plan territorial, la Transylvanie de 1789 est divisée en trois parties civiles et une militaire : 1) le pays des Hongrois, chef-lieu Klausenbourg (ouest et nord-ouest du pays), comprenant 11 comitats : Szolnok-Intérieur (Szamos-Ujvar), Szolnok-Extérieur (Zillah), Kraszna (Somlyo), Doboka (Szek), Klausenbourg, Kockelbourg (Ebesfalva), Weissenbourg-Supérieur (Furstenbourg), Weissenbourg-Inférieur (Carlsbourg), Thorda, Zarand (Altenbourg) et Hunyadi (Nagy Enyed) ; plus 2 districts de Kœvar et de Fagaras ; 2) le pays des Szeklers (ou Sicules), chef-lieu Maros Vasarhély (est du pays), englobant 5 districts : Udvarhély, Haromseck, Csik, Maros, Aranyos ; 3) le pays des Saxons, chef-lieu Hermannstadt, situé dans le sud, comprenant 9 sièges (ou cantons) et 2 districts : sièges de Hermannstadt, Schæsbourg, Médiasch, Muhlenbach, Gross-Schenk, Reissemarkt, Reps, Leisskirchen, Szasz-Varos ; districts de Cronstadt et de Bistritza ; 4) le généralat des Confins militaires de Transylvanie, chef-lieu Hermannstadt, composé de 5 cercles (régiments) : 1er régiment de Szeklers (Szeklenbourg), 2 e régiment de Szeklers (Kerdy-Vasarhély), régiment de hussards de Szeklers (Sepsi-Szent-Georgi), 1er régiment de Valaques (Orlath), 2e régiment de Valaques (Naszod). Le généralat des Confins militaires est soumis à administration particulière relevant du commandement militaire autrichien. Les trois pays de Transylvanie civile sont soumis à l’autorité d’un gouverneur représentant l’empereur, résidant à Hermannstadt ; ils jouissent d’une autonomie interne s’incarnant dans la diète de Klausenbourg ; cette diète, foncièrement aristocratique et urbaine, rassemble trois nations : Hongrois, Szeklers, Saxons. La nation valaque (roumaine), quoique formant plus de la moitié de la population transylvaine, n’est pas représentée en tant que telle à la diète. En effet, la diète est aristocratique et la noblesse valaque (par exemple les Hunyadi) s’est magyarisée massivement à l’époque de l’union entre Hongrie et Transylvanie, privant ainsi les Valaques de toute représentation. En 1849, la Transylvanie est détachée de la Hongrie et érigée en pays de la couronne. En 1851, eu égard à l’éloignement du péril turc dû à l’affermissement des principautés danubiennes, les Confins militaires de Transylvanie sont les premiers de l’Empire à être supprimés, les zones militaires étant rendues à la Transylvanie civile. Par ailleurs, la Transylvanie est réorganisée en cinq cercles : Sachsenland, Klausenbourg, Carlsbourg, Dees, Maros Vasarhély. En 1853, la Transylvanie est de nouveau remaniée, cette fois-ci en dix cercles : Hermannstadt, Broos, Carlsbourg, Bistritz, Klausenbourg, Cronstadt, Szilagy-Somlyo, Maros Vasarhély, Dees, Udvarhély. En 1860, la Transylvanie est définitivement amputée, au profit de la Hongrie, du district de Zillah (les trois comitats de Szolnok-Extérieur, de Kraszna, de Zarand et le district de Kœvar), perdu en 1836 et recouvré en 1849. Elle est ainsi ramenée à une surface d’environ 55 000 km2. Le Compromis austro-hongrois de juin 1867 place la Transylvanie dans la part hongroise de la nouvelle double monarchie. C’est alors que disparaît définitivement l’autonomie de la Transylvanie, qui est fondue dans le royaume de Hongrie, la diète de Klausenbourg étant abolie et le pays faisant l’objet de tentatives de magyarisation.
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Roumanie
Le découpage interne de la Transylvanie est magyarisé en 15 comitats : Hunyad, Hermannstadt (Szeben), Fogaras, Cronstadt (Brasso), Haromszek, Csik, Udvarhély, Kockelbourg (Kis Kukullo), Nagy Kukullo, Also Feher, Thorda-Aranyos, Thorda-Maros, Klausenbourg (Koloszvar), Bistritz Naszod, Szolnok-Doboka ; auxquels il convient de rajouter le comitat de Szilagy (ancien district de Zillah), rattaché dès 1860. À cette époque, sur un total d’environ 2 100 000 habitants, les comitats recouvrant la Transylvanie historique comptent 1 200 000 Roumains pour 575 000 Magyars (Hongrois et Szeklers) et 235 000 Saxons. Chez les Roumains privés de tout pouvoir, l’irrédentisme en direction de la voisine Roumanie va peu à peu se développer. En 1918, à la suite de la défaite provoquant le démembrement de l’Autriche-Hongrie, les Roumains de Hongrie se réunissent le 1er décembre en Assemblée à Alba Iulia (Carlsbourg ou Gyulafehervar), laquelle proclame l’union à la Roumanie de la Transylvanie, du Banat et des comitats orientaux de Hongrie propre ; cette union est acceptée le 14 décembre par le roi Ferdinand Ier de Roumanie et entérinée par le parlement de Bucarest le 24 janvier 1919. Le 8 janvier 1919, les Saxons de Transylvanie se réunissent en Assemblée à Médiasch et adhèrent à l’union de la Transylvanie avec la Roumanie. Seuls les Hongrois et Szeklers de Transylvanie militent pour son maintien en Hongrie. Par le traité de Trianon du 4 juin 1920, la Hongrie cède à la Roumanie l’entière Transylvanie historique (15 comitats de 1867, plus celui de Szilagy de 1860). Au sein de la nouvelle Roumanie, la Transylvanie va former 16 départements (judets), identiques ou très peu différents des 16 anciens comitats : Hunedoara (Hunyad), Sibiu (Hermannstadt ou Szeben), Fagaras, Brasov (Cronstadt ou Brasso), Trei-Scaune (Haromszeck), Ciuc (Csik), Odorhei (Udvarhély), Tarnava Mica (Kockelbourg ou Kis Kukullo), Tarnava Mare (Nagy Kukullo), Alba (Also Feher), Turda (Thorda-Aranyos), Mures (Thorda-Maros), Cluj (Klausenbourg ou Koloszvar), Nasaud (Naszod), Somes (Szolnok-Doboka), Salaj (Szilagy). À côté des Roumains y restent inclus des Saxons, des Szeklers et un certain nombre de Hongrois, qui vont désormais former des minorités soumises à une politique de roumanisation intense. En août 1940, par arbitrage germano-italien, il est décidé la partition de la Transylvanie et des anciens comitats orientaux entre Hongrie et Roumanie : – la partie septentrionale (43 500 km2) est restituée à la Hongrie, comprenant les huit départements transylvains de Trei-Scaune (Haromszek), Ciuc (Csik), Odorhei (Udvarhély), Mures (Thorda-Maros), Cluj (Koloszvar), Nasaud (Naszod), Somes (Szolnok-Doboka), Salaj (Szilagy) et ceux hongrois de Maramures (Maramaros), Satu Mare (Szathmar) et, pour partie, Bihor ; – la partie méridionale (59 500 km2), constituée des huit autres départements transylvains, du reliquat des « comitats orientaux » et du Banat roumain, reste attribuée à la Roumanie. La Hongrie recouvre ainsi la région saxonne de Bistritz et la région sicule (Szeklers), mais la Roumanie conserve les régions saxonnes de Sibiu (Hermannstadt) et de Brasov (Cronstadt). En septembre 1944, la Roumanie recouvre la Transylvanie septentrionale. La Transylvanie est ainsi réunifiée, mais la Roumanie s’est engagée depuis 1945 (arbitrage de Staline) à accorder l’autonomie aux Szeklers. Cette réunification est entérinée en 1947. La région sicule (Mures Maghiar), où vivent les Szeklers, devient en 1952 région autonome avec usage de la langue hongroise. Cette autonomie est abolie en 1965. En 1968, la Roumanie est réorganisée en 42 départements (judets). La Transylvanie correspond désormais aux dix départements de Hunedoara (Diva), Alba (Alba Iulia), Cluj (Cluj-Napoca), Sibiu, Brasov, Haghita (Miercurea Ciuc), Covasna (Sfintu Gheorghi), Mures (Targu Mures), Bistrita Nasaud (Bistrita), Salaj (Zala).
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Les États existants
Russie Le pays en bref État républicain : la fédération de Russie. Président : Vladimir Poutine. Représentation parlementaire : deux chambres, une chambre haute, le Conseil de la Fédération, qui représente les diverses entités administratives, et une chambre basse, la Douma, élue au suffrage universel. Capitale : Moscou. Division administrative en 89 « sujets de la Fédération », répartis entre 21 républiques, 6 territoires (kraï), 49 régions (oblast), 1 région autonome juive, 10 districts autonomes, 2 villes fédérales : a) 21 républiques : – d’Europe : des Adyghes (Maïkop), Bachkirie (Oufa), Carélie (Petrozadovsk), Daghestan (Makhatchkala), Ingouchie (Nazran), Kabardino-Balkarie (Naltchik), Kalmoukie (Elitsa), Karatchevo-Tcherkessie (Tcherkessk), des Komis (Oust-Sysolsk), des Maris (Iochkar-Ola), Mordovie (Saransk), Ossétie du Nord (Vladikavkaz), Oudmourtie (Ijevsk), des Tatars (Kazan), Tchétchénie (Groznyï), Tchouvachie (Tcheboksary) ; – d’Asie : Altaï, Bouriatie, Khakassie, Sakha (ex-Iakoutie), Touva ; b) 6 territoires : – d’Europe : Krasnodar, Stavropol ; – d’Asie : Altaï, Khabarovsk, Krasnoïarsk, Littoral (Vladivostok) ; c) 49 régions : – d’Europe : Arkhangelsk, Astrakhan, Belgorod, Briansk, Iaroslavl, Ivanovo, Kaliningrad (ex-Kœnigsberg), Kalouga, Kirov, Kostroma, Koursk, Leningrad (SaintPétersbourg), Lipetsk, Moscou, Mourmansk, Nijni-Novgorod, Novgorod, Orel, Orenbourg, Oulianovsk, Penza, Perm, Pskov, Riazan, Rostov, Samara, Saratov, Smolensk, Tambov, Toula, Tver, Vladimir, Volgograd, Vologda, Voronezh ; – d’Asie : Amour, Irkoutsk, Kamachatka, Kemerevo, Kourgan, Magadan, Novossibirsk, Omsk, Sakhaline, Sverdlovsk, Tcheliabinsk, Tchita, Tioumen, Tomsk ; d) 1 région autonome juive (d’Asie) : Birobidjan ; e) 10 districts autonomes : – d’Europe : des Komis-Permiaks (Koudymkar) ; – d’Asie : des Bouriates d’Aginski, des Bouriates d’Oust-Ordynski, des Evensks, des Iamalo-Nenets, des Khantys-Mansis, des Koriaks, des Nenets, Taïmyr, Tchoukotka ; f) 2 villes fédérales : Moscou, Saint-Pétersbourg. Superficie : 17 075 400 km2, dont 4 577 000 en Europe ; population : 150 millions d’hab. ; densité : 9 hab. au km2. Langues : le russe ; on parle aussi les langues ou dialectes des diverses minorités, parmi lesquels, en Russie d’Europe, le biélorusse et l’ukrainien. Religions : orthodoxe ; minorités catholique ou uniate, protestante, musulmane, juive. Monnaie : le rouble.
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Russie Remarque : La Russie et la Turquie sont les deux seuls pays d’Europe continentale qui possèdent des terres à la fois en Europe et en Asie. Mais, si pour la Turquie la ligne de séparation est naturellement fixée au Bosphore, il n’en va pas de même pour la Russie, où il n’y a pas de bras de mer continu susceptible de marquer une limite géographique incontestable. La plupart des géographes fixent la limite entre Russies d’Europe et d’Asie à la ligne de crête des montagnes de l’Oural, prolongée au sud par le cours du fleuve du même nom, tributaire de la mer Caspienne, à cette mer, à la ligne de crête du Caucase et enfin à la mer Noire. Cette limite, très traditionnelle, sera prise en compte lorsqu’il s’agira brièvement de décrire les régions de la Russie d’Europe. Une limite plus franche entre Europe et Asie russes paraît être une ligne allant de la mer Blanche, par la Dvina septentrionale, la Volga et le Don, à la mer d’Azov. À l’ouest de cette ligne, les contrées sont nettement européennes, à l’est, elles relèvent déjà de l’histoire de l’Asie. C’est pourquoi, dans la description des évolutions territoriales, le présent chapitre bornera le plus souvent son propos aux régions de Russie situées à l’ouest de cette dernière limite.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Russie 1. Des origines à la fin de la domination mongole (1480) Aux origines de notre ère, les régions qui forment aujourd’hui la Russie sont, au sud, le domaine des Scythes et des Sarmates. Ravagées par les Huns, les Avars et les Khazars, elles sont au Ve siècle apr. J.-C. le lieu d’élection des Slaves orientaux, qui s’y établissent de façon durable en diverses tribus plus ou moins fédérées, et y fondent les premières villes : Kiev, Novgorod, Smolensk, etc. L’histoire de la Russie proprement dite débute en 862 par l’élection à Novgorod de Rurik Ier (un Scandinave) comme grand-prince de la tribu des Warègues, ou Russes. En 882, un sien parent, Oleg, s’empare du pouvoir à Kiev et, au début du Xe siècle, réunit les deux principautés de Kiev et de Novgorod, embryon du grand empire russe de Kiev. La couronne de Kiev échoit en 980 à Vladimir Ier le Saint (déjà prince de Novgorod depuis 970), qui se convertit au christianisme avec l’ensemble de son peuple, à l’occasion de son mariage avec Anne, sœur de l’empereur Basile II de Constantinople. Il étend la Russie kiévienne de la Baltique à la mer Noire, immense empire qui sera partagé après sa mort. En dépit du morcellement et des rivalités, les principautés russes — grands-duchés de Kiev et de Vladimir, grande principauté de Moscou — sont dès cette époque le théâtre d’un grand essor économique, commercial et culturel, autour de plusieurs villes : Kiev, Vladimir, Souzdal, Novgorod surtout, ville hanséatique qui commerce intensément avec l’Occident. En 1223 puis en 1237, les Mongols (ou Tatars) envahissent ces régions et réduisent les Russes à l’état de vassalité, situation qui va durer deux siècles et demi ; toutefois, la suzeraineté mongole laisse une large autonomie aux princes indigènes laissés en place, se contentant d’exiger l’impôt et de lever des troupes. En 1328, la capitale est transférée de Kiev à Moscou. En 1480, les Russes parviennent à se libérer du joug des Mongols sous le règne d’Ivan III le Grand (14621505), grand-prince de Moscou qui va unifier de nouveau la Russie à son profit.
2. De 1480 à l’accession au trône de Pierre le Grand (1689) La Russie d’Ivan III s’étend de nouveau de la Baltique (la Carélie) aux abords de la mer Noire, regroupant les principautés de Moscou, de Novgorod, de Riazan, etc. Mais la frange occidentale (Smolensk, Kiev, Poltava) est passée aux mains des Lituaniens. Le long règne d’Ivan IV le Terrible (1533-1584) voit l’essor de la Russie, qu’il réorganise en un État puissant ; il s’empare des khanats mongols de Kazan et d’Astrakhan, qui lui donnent un accès à la mer Caspienne, du nord de celui de Crimée, ainsi que de la Sibérie, échouant seulement à se rendre maître du sud du khanat de Crimée, protégé par l’alliance avec les Turcs ottomans. Son fils Féodor Ier (1584-1598) s’empare de la région d’Arkhangelsk ; il est le dernier représentant de la dynastie de Rurik, et sa mort ouvre la voie à une période d’anarchie — le « temps des troubles » — qui voit les règnes agités de Boris Godounov, des faux Dimitri, de Féodor II, de Chouiski.
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Les États existants Ces troubles, qui favorisent l’intervention armée de deux nations ennemies, la Suède et la Pologne, se terminent en 1613 par l’accession au trône de Michel III, premier tsar de la maison des Romanov. Ce dernier consolide l’assise de la Russie, en sacrifiant la Carélie et l’Ingrie à la Suède, qui lui rend Novgorod dont elle s’était emparée, Smolensk et une frange de la Russie occidentale à la Pologne. Le fils de Michel, le tsar Alexis (1645-1676), reconquiert la partie orientale de l’Ukraine, avec la ville de Kiev (1654). Après deux autres règnes moins brillants (Féodor III, Ivan V), le trône revient en 1689 à un prince, Pierre Ier le Grand, qui va faire entrer la Russie de plain-pied dans l’Europe.
3. La Russie de Pierre le Grand et de ses successeurs (1689-1789) Le règne de Pierre Ier le Grand (1689-1725) voit en effet la Russie s’agrandir et se rapprocher des puissances de l’Occident. Pierre le Grand fonde Saint-Pétersbourg (1703), qui devient la capitale d’une Russie désormais tournée vers l’Europe. Il réforme profondément l’armée et l’administration, crée une flotte de guerre, jette les bases d’une industrie, occidentalise de force les mœurs de la noblesse. Il s’oppose aux tentatives de sécession de l’Ukraine (Mazeppa) et guerroie contre la Suède, à qui il prend la Carélie, l’Ingrie, l’Estonie et la Livonie (1721). À sa mort, l’empire de Russie, agrandi par ses soins, est divisé selon la répartition en grands gouvernements mise en place au début du XVIIIe siècle par lui-même : SaintPétersbourg, Smolensk, Kiev, Moscou, Voronej, Nijni-Novgorod, Astrakhan, Kazan, Arkhangelsk, Carélie, Estonie, Livonie et, en Russie d’Asie, la Sibérie. Ses successeurs poursuivent son œuvre. La tsarine Élisabeth (1741-1762) arrondit le territoire européen de Russie de quelques morceaux de Finlande, autour de Frederikshamn et de Villarmstand (1743). Il revient à la tsarine Catherine II (1762-1796) de parachever l’œuvre. Cette princesse allemande, fille du prince d’Anhalt-Zerbst, se révèle un grand souverain, « despote éclairé » attaché à moderniser le fonctionnement de son empire. Sur le plan extérieur, elle achève de faire entrer la Russie dans le concert des nations européennes, par ses visées expansionnistes en direction de la Pologne et de la Turquie. En 1772, à la suite de troubles entre factions au sein du royaume de Pologne, par le traité de Saint-Pétersbourg du 25 juillet, l’Autriche, la Prusse et la Russie procèdent au premier partage de la Pologne, qui a pour effet de dépouiller celle-ci d’un certain nombre de ses territoires. La Russie reçoit de la Pologne (partie lituanienne) : – le palatinat de Livonie (commun à Pologne et à Lituanie) ; – la moitié septentrionale (au nord de la Duna) du palatinat de Polozk ; – la quasi-totalité de celui de Witebsk ; – le palatinat de Mstislaw ; – le cinquième oriental (à l’est du Dniepr) de celui de Minsk. L’ensemble constitue une nouvelle province russe, celle de Vitebsk. À la suite d’un incident de frontière avec l’armée russe, poussée par la France, et par son vassal le khan de Crimée, la Turquie était entrée en guerre en 1768 contre la Russie. Celleci avait occupé les principautés puis, après un ralentissement des opérations dû au premier partage de la Pologne (1772), avait envahi le territoire turc et encerclé le sultan à Varna. Sur intervention de l’Autriche, la paix est signée à Koutchouk-Kaïnardji le 21 juillet 1774. Les Russes s’engagent à évacuer les territoires occupés de l’Empire ottoman et des principautés danubiennes. En contrepartie, la Turquie : – cède à la Russie les ports de Kimbourn à l’embouchure du Dniepr, d’Azov à l’embouchure du Don, de Kertch et de Yéni-Kalé en Crimée, et le territoire côtier des Zaporogues (angle côtier situé entre Boug et Dniepr) ; – renonce à sa suzeraineté sur le khanat de Crimée, qui devient en théorie indépendant, en fait soumis aux intrigues de la Russie ;
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Russie – reconnaît à la Russie un droit de regard sur les principautés danubiennes (Moldavie et Valachie), ainsi qu’un droit de protection sur les chrétiens de l’ensemble de l’Empire ottoman ; la Russie s’appuiera ultérieurement sur cette clause pour s’ingérer dans les affaires turques. En 1775, dans un souci de rationalisation de l’administration de son Empire, Catherine II réforme profondément son administration territoriale. La Russie est redivisée en 50 gouvernements peuplés chacun de 300 000 à 400 000 habitants, eux-mêmes subdivisés en districts de 20 000 à 30 000 âmes ; chaque gouverneur est assisté d’un conseil de gouvernement. Ces 50 gouvernements se répartissent en 43 gouvernements d’Europe et 7 d’Asie. La liste en est la suivante : – en Europe : Estonie (Reval), Livonie (Riga), Ingrie (Saint-Pétersbourg), Vitebsk, Moghilev, Pskov, Tschernigov, Kiev, Poltava, Iekaterinoslav, Cherson, Pays des Cosaques du Don (Tcherask), Kharkov, Koursk, Voronej, Orel, Toula, Kalouga, Smolensk, Tver, Novgorod, Viborg, Olonetz, Arkhangelsk, Vologda, Iaroslavl, Kostroma, Vladimir, Moscou, NijniNovgorod, Riazan, Tambov, Penza, Saratov, Simbirsk, Kazan, Vjatka, Perm, Oufa, Orenbourg, Samara, Astrakhan, Stavropol ; – en Asie (pour mémoire) : Tobolsk, Tomsk, Ienisseisk, Irkoutsk, Iakoutsk, Transbaïkalie, Territoires de la Côte. La tsarine Catherine II ne se contentait pas des avantages obtenus en 1774 et entendait mettre la main sur l’ensemble du littoral septentrional de la mer Noire. Ayant favorisé les luttes internes au sein du khanat de Crimée, elle avait occupé le pays en 1779 et y avait installé un khan à sa dévotion. Le 8 janvier 1784, par la convention d’Andrinople, la Turquie reconnaît l’annexion par la Russie du khanat de Crimée (Crimée, Tauride, Kouban), qui va former les deux nouveaux gouvernements russes de Tauride (à l’ouest de la ligne Don-Volga) et de Kouban (à l’est de cette ligne).
II. La Russie en 1789 La Russie représente en 1789 l’un des États majeurs du continent européen. Il s’agit d’un immense pays à cheval sur l’Europe et l’Asie (et même l’Amérique du Nord, pour l’Alaska), dont l’étendue masque mal les faiblesses inhérentes à un pays trop peu peuplé pour sa surface : la Russie d’Europe a moins de 20 millions d’habitants pour environ 4 millions de km2. La Russie d’Europe est constituée d’un ensemble de vastes plaines s’étendant de la mer Blanche à la mer Noire, de la mer Baltique et des plaines polonaises (dont la sépare le Dniepr) aux montagnes de l’Oural ; au-delà de cette chaîne s’étend la Russie asiatique. Puissance purement continentale à l’origine, la Russie tend séculairement à progresser vers l’ouest et vers le sud, vers l’Occident européen et vers les mers chaudes. Telle qu’ainsi définie, la Russie d’Europe est une région essentiellement agricole, répartie en grandes propriétés nobiliaires sur lesquelles vivent des paysans réduits à l’état de servage. Quelques grands fleuves (Onega, Dniepr, Don, Volga) arrosent ces régions où le réseau urbain est très peu dense : Saint-Pétersbourg, Novgorod, Moscou, Nijni-Novgorod, Kiev. Administrativement, la Russie est divisée en 45 gouvernements d’Europe et 7 d’Asie, selon la réforme de 1775, complétée par les acquisitions postérieures. Les 45 gouvernements d’Europe sont les suivants : Estonie (Reval), Livonie (Riga), Ingrie (SaintPétersbourg), Vitebsk, Moghilev, Pskov, Tschernigov, Kiev, Poltava, Iekaterinoslav, Tauride, Kouban, Cherson, Pays des Cosaques du Don (Tcherkask), Kharkov, Koursk, Voronej, Orel, Toula, Kalouga, Smolensk, Tver, Novgorod, Viborg, Olonetz, Arkhangelsk, Vologda, Iaroslavl, Kostroma, Vladimir, Moscou, Nijni-Novgorod, Riazan, Tambov, Penza, Saratov, Simbirsk, Kazan, Vjatka, Perm, Oufa, Orenbourg, Samara, Astrakhan, Stavropol.
III. De 1789 à la conclusion du congrès de Vienne (1815) 1. De 1789 à la paix de Tilsitt (1807) L’impératrice Catherine II ayant, par son « voyage en Crimée », où Sébastopol figurait comme porte de Constantinople, manifesté avec éclat ses visées d’expansion au détriment
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Les États existants de l’Empire ottoman, les hostilités avaient repris en septembre 1787 entre la Turquie et la Russie, l’Autriche se joignant à cette dernière en février 1788. Après des succès laborieusement remportés sur la Turquie, l’Autriche s’était retirée du conflit en août 1791, par la paix de Sistova. Abandonnée par elle, son attention de nouveau attirée par la Pologne, la Russie doit renoncer à ses projets de partage ottoman. Par la paix de Jassy du 9 janvier 1792, elle se contente de gains limités. La Russie annexe sur la Turquie le Jedisan (Petite Tartarie), avec le port d’Otschakow (et bientôt, en 1794, celui d’Odessa). La frontière russo-turque est ainsi portée du Boug au Dniestr. Le territoire annexé est rattaché au gouvernement russe de Cherson. Après le premier partage, les Polonais ont pris conscience de la nécessité de réformer leur gouvernement. La promulgation d’une nouvelle Constitution en 1791 a entraîné les protestations de Catherine II, qui intervient les armes à la main. En dépit d’une alliance formelle en vigueur entre la Pologne et la Prusse, cette dernière laisse écraser les Polonais et prend sa part du nouveau partage auquel l’Autriche, occupée aux Pays-Bas, n’est pas conviée. Par la convention du 23 janvier 1793, la Russie annexe sur la Pologne les territoires suivants : – sur la Pologne proprement dite : les palatinats de Kiev et de Bratislav, le tiers oriental de celui de Volhynie, le reliquat — non cédé en 1772 — du palatinat de Podolie (à l’ouest du Zbroucz) ; – sur la Lituanie : la moitié méridionale (au sud de la Duna) du palatinat de Polozk, les quatre cinquièmes occidentaux (à l’ouest du Dniepr) de celui de Minsk, le tiers oriental de celui de Novogrodek, le tiers oriental de celui de Brest-Litovsk. Ces augmentations de territoires vont accroître le gouvernement de Kiev et constituer trois nouveaux gouvernements : Minsk, Volhynie (Rovno), Podolie (Kamenetz). La Russie d’Europe compte alors 48 gouvernements. Par ailleurs, en contrepartie de ses propres acquisitions en Pologne, la Prusse cède à la Russie la petite enclave prussienne de Tauroggen, située au sein du duché de Samogitie (encore polonais à cette date). En 1793, à la mort sans postérité du dernier prince d’Anhalt-Zerbst, la seigneurie de Jever (attenante à l’Oldenbourg) échoit, à titre de fief féminin, à l’impératrice Catherine de Russie, sœur du défunt prince. Indignés du sort qu’on leur réservait, les Polonais se sont soulevés à l’appel de Kosciuzsko (mai 1794) ; la Russie et la Prusse écrasent le soulèvement. Au traité de Saint-Pétersbourg du 24 octobre 1795, la Pologne disparaît, partagée entre Autriche, Prusse et Russie. La Russie annexe : – sur la Pologne proprement dite : les deux tiers occidentaux du palatinat de Volhynie, la moitié orientale (à l’est du Boug) de celui de Cholm ; – sur la Lituanie : le duché de Samogitie (hormis son triangle situé au sud du Niémen), le palatinat de Vilnius (ou de Vilna), la moitié orientale (à l’est du Niémen) de celui de Troki, les deux tiers occidentaux de celui de Novogrodek, les deux tiers occidentaux de celui de Brest-Litovsk ; – le duché de Courlande et de Sémigalle (capitale Mitau), État vassal de la Pologne, dont le duc vend ses droits à la couronne russe. L’ensemble de ces annexions accroît le gouvernement russe de Volhynie et constitue quatre nouveaux gouvernements : Courlande (Mitau), Kovno, Vilna, Grodno, portant à 52 le nombre de gouvernements russes d’Europe. Tout entichée des philosophes des Lumières qu’elle fût, correspondant en leur temps avec Diderot et d’Alembert, la tsarine Catherine avait accueilli avec horreur la survenue de la Révolution française, traitant avec mépris de « jacobinière » le nouveau pouvoir. Mais, éloignée de la France et occupée des affaires turques et polonaises, elle s’était gardée d’intervenir dans la guerre. Après sa mort (1796), son fils, le nouveau tsar Paul Ier, adopte une attitude plus offensive à l’égard de la France, et entre dans la deuxième coalition forgée contre elle. Ses forces militaires (armée Souvorov) contribueront pleinement aux revers subis par la France en 1799.
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Russie En octobre 1797, au traité de Campo-Formio, la France avait reçu sa part des dépouilles de la défunte république de Venise, sous forme de la province du Levant vénitien, composé des sept îles Ioniennes et de quatre points de terre ferme d’Albanie. En prenant l’île de Malte (juin 1798), possession de l’Ordre du même nom, dont le tsar Paul Ier était devenu protecteur, puis en s’emparant de l’Égypte, possession ottomane, Bonaparte mécontente la Russie et la Turquie. Entre octobre 1798 et mars 1799, ces deux pays alliés conquièrent sur les Français l’ensemble des îles Ioniennes et leurs quatre points de terre ferme. Par convention turco-russe (juin 1800), l’ancien Levant vénitien, français depuis octobre 1797, est ainsi réparti : – les îles Ioniennes deviennent la république des Sept-Îles Unies, État fédéral tributaire de la Porte, mais avec garnisons turques et droit de regard de la Russie ; – les quatre points de terre ferme sont annexés par la Turquie, avec promesse d’autonomie. En juin 1802, adhérant à la paix d’Amiens, la Turquie renonce à sa suzeraineté sur la république des Sept-Îles Unies, laquelle devient en théorie indépendante, en fait soumise au protectorat russe. L’assassinat du tsar Paul Ier par une conjuration (mars 1801) ouvre la voie au rétablissement de la paix avec la France (octobre 1801). Le nouveau tsar, Alexandre Ier, le fils de Paul, va parrainer, de concert avec la France, les bouleversements territoriaux de l’Allemagne (1802-1803). Mais, en 1805, il adhère à la nouvelle coalition austro-prussienne contre la France. À la suite de sa victoire d’Austerlitz sur les armées austro-russes, par la paix de Presbourg (décembre 1805), Napoléon contraint l’Autriche à lui céder nombre de territoires. Dans ce cadre, cette dernière cède à la France — en vue de rétrocession au royaume d’Italie — la Dalmatie vénitienne et les bouches de Cattaro. Mais les troupes françaises voient leur marche retardée dans l’occupation de la Dalmatie et ne parviennent pas à Cattaro dans les délais fixés par les traités. Devant cet état de fait, en mars 1806, le représentant autrichien à Cattaro remet les Bouches à la Russie, qui en fait de facto une nouvelle possession d’outre-mer. Au terme de quatre mois de tentatives infructueuses (mai-septembre 1806), les Français renoncent à prendre Cattaro. Pendant ce temps, la guerre se poursuit entre la France et la Russie. Celle-ci ayant été vaincue par la France à Eylau (février 1807) et à Friedland (juin 1807), Napoléon impose à ce pays, le 7 juillet 1807, le traité de Tilsitt, dans lequel il fait preuve de grande modération, cherchant à se faire un allié du tsar Alexandre Ier. Par ce traité, la Russie : – remet à la France, en vue d’attribution à la Hollande, la seigneurie de Jever, attenante à l’Ostfrise prussienne qui sera cédée deux jours plus tard aux mêmes fins ; – cède à Napoléon les îles Ioniennes et leurs quatre points de terre ferme d’Albanie, que Napoléon réoccupe et dote d’une administration provisoire, à titre de pays réservé. Par ailleurs, la Russie s’engage à évacuer les bouches de Cattaro, qui seront pleinement intégrées au royaume d’Italie. En revanche, par le traité de Tilsitt du 9 juillet 1807, conclu avec la Prusse, Napoléon se montre très dur envers cette dernière. Parmi de nombreuses autres cessions territoriales, la Prusse est contrainte de céder à la Russie le cercle de Bialystok, prélevé sur sa province de Nouvelle Prusse orientale, et que la Russie rattache à son gouvernement de Grodno.
2. De 1807 à la conclusion du congrès de Vienne (1815) Ayant fait à Tilsitt sa paix avec la France, le tsar Alexandre peut donner libre cours à ses visées expansionnistes en direction du nord-ouest (Finlande) et du sud-ouest (principautés danubiennes). À Tilsitt, Napoléon a tacitement accordé à la Russie le droit de mainmise sur la Finlande, possession de la Suède depuis longtemps convoitée par la Russie ; ce droit a été confirmé à l’entrevue d’Erfurt (octobre 1808). En conséquence, dès 1808, la Russie envahit et occupe la Finlande. Le roi Gustave IV de Suède, rendu responsable de la perte de cette province, est renversé en mars 1809. La diète suédoise, qui exerce alors le pouvoir, cherche à faire la paix avec la France et la Russie.
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Les États existants Le 17 septembre 1809, par le traité de Frederickshamn (Hamina) conclu avec la Russie, la Suède cède à la Russie le grand-duché de Finlande et une partie du territoire de la Laponie. La Russie s’engage à faire du grand-duché de Finlande, capitale Abo, un État autonome, uni à elle par simple union personnelle (le tsar prenant le titre de grand-duc), doté d’une diète, d’un gouvernement et d’une armée propres. La Finlande apporte à la Russie six nouvelles provinces : Abo (Turku), Helsingfors (Helsinki), Borgo, Kuopio, Vasa, Uleaborg (Oulu). Par ailleurs, à la suite de sa victoire de Wagram, l’empereur Napoléon impose à l’Autriche des conditions de paix désastreuses pour cette dernière, par le traité de Schœnbrunn (ou de Vienne) du 14 octobre 1809. Outre de nombreuses cessions territoriales au profit de la France ou du grand-duché de Varsovie, l’Autriche y promet de livrer à la Russie un territoire de 400 000 âmes, pour la dédommager de ses frais militaires. Par le traité de Lemberg du 19 mars 1810, l’Autriche cède à la Russie le cercle de Tarnopol et quelques districts avoisinants, prélevés sur son royaume de Galicie. En 1811, les parties de Carélie et de Finlande annexées en 1721 et 1743 par la Russie (gouvernement de Viborg) sont incluses dans le grand-duché de Finlande. S’agissant des principautés danubiennes, à l’initiative de la France, la Turquie avait destitué en 1806 les hospodars de Moldavie et de Valachie, jugés trop russophiles. La Russie avait réagi en entrant en guerre en novembre 1806 et en occupant les principautés. Napoléon, à Tilsitt puis à Erfurt, a promis au tsar la neutralité française dans ses entreprises balkaniques. Mais, en 1811, inquiet de la tournure prise par la politique française, Alexandre se résout à mettre un terme à son conflit avec la Turquie. La paix est finalement signée à Bucarest le 28 mai 1812. La Russie évacue les principautés danubiennes et renonce à soutenir le prince de Serbie, Karageorge. En contrepartie, la Turquie cède à la Russie l’entière Bessarabie (région comprise entre Pruth et Dniestr), à savoir : – le Boudjak, qui dépendait directement de l’Empire ottoman ; – la partie moldave de Bessarabie, pour laquelle la Porte agit en tant que suzerain de la Moldavie, la Russie en dédommageant financièrement cette dernière. La Bessarabie, chef-lieu Kichinev, devient une nouvelle province (gouvernement) de l’Empire russe. En 1811, inquiet des ambitions napoléoniennes sur l’Europe, le tsar Alexandre rompt l’alliance avec la France. En 1812, Napoléon se lance dans la campagne de Russie, qui, en dépit de son avancée jusqu’à Moscou, se révèle un échec coûteux en hommes. À la suite de la défaite française, un certain nombre de pays abandonnent l’alliance avec Napoléon pour se tourner vers la Russie. Par le traité russo-prussien du 28 février 1813, qui fait entrer la Prusse dans la coalition anti-française, il est convenu que la Russie doit, après la victoire, recevoir la majeure partie de la Pologne anciennement prussienne, la Prusse recevant ailleurs des compensations à cette renonciation. Après la première abdication de Napoléon, en 1814, un congrès des puissances se réunit à Vienne en vue de modeler le nouveau visage de l’Europe, bouleversée par la tourmente révolutionnaire puis napoléonienne. Par le traité de Vienne du 3 mai 1815, signé entre la Prusse et la Russie, confirmé par l’acte final du congrès de Vienne, le grand-duché de Varsovie est démembré entre la Prusse et la Russie. La Russie acquiert la Nouvelle Silésie, la majeure partie de la Prusse méridionale — hormis un petit territoire entourant Cracovie — et l’ensemble de la Nouvelle Prusse orientale. La partie du grand-duché acquise par la Russie est érigée en royaume de Pologne — encore appelé Pologne « du Congrès » —, dont le tsar Alexandre prend le titre de roi, et qui dispose d’une grande autonomie : un vice-roi (Constantin, le frère du tsar), une diète, l’usage officiel de la langue polonaise.
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Russie Sur un plan territorial, le royaume de Pologne, capitale Varsovie, est divisé en huit palatinats : Cracovie (chef-lieu Kielce), Kalisch, Sandomir, Lublin, Podlachie (chef-lieu Siedlce), Mazovie (chef-lieu Varsovie), Plock, Augustow. Par ailleurs, par un traité austro-russe de Vienne du même jour, la Russie restitue à l’Autriche les quelques districts de Galicie ancienne et le cercle de Tarnopol, que cette dernière avait dû lui céder en mars 1810.
IV. De 1815 à la chute du régime impérial (1917) 1. La Russie en 1815 La Russie sort renforcée de la tourmente qui s’achève en 1815. Elle a été pleinement associée aux opérations militaires, politiques, diplomatiques en Europe, elle est un membre actif de la nouvelle Sainte-Alliance mise en place par les souverains pour prévenir le retour d’éventuels désordres. Elle tient désormais un rang qu’elle ne quittera plus. Sur un plan territorial, la période récente lui a valu l’acquisition de la Finlande, d’une partie de la Pologne et de la Lituanie, de la Bessarabie, du littoral de la mer Noire. Limitées à l’ouest par le contact direct avec la Prusse et l’Autriche, ses ambitions en Europe vont désormais se concentrer au sud-ouest en direction de l’Empire ottoman, qui va de plus en plus faire figure d’« homme malade de l’Europe » ; les populations asservies par la Porte dans les Balkans étant pour la plupart de confession orthodoxe (solidarité religieuse) et pour certaines slaves (solidarité ethnique), la Russie va s’y considérer investie d’une mission libératrice susceptible de favoriser ses ambitions de puissance, mais va aussi s’y heurter aux ambitions des autres puissances, au premier rang desquelles l’Autriche. Pour l’heure, la Russie de 1815 est administrativement ainsi répartie : a) Empire russe proprement dit, capitale Saint-Pétersbourg, divisé en 52 gouvernements d’Europe (sans compter ceux d’Asie) : Estonie (ch.-l. Reval), Livonie (ch.-l. Riga), Courlande (ch.-l. Mitau), Ingrie (ch.-l. Saint-Pétersbourg), Kovno, Vilna, Grodno, Vitebsk, Moghilev, Pskov, Tschernigov, Minsk, Volhynie (ch.-l. Gitomir), Podolie (ch.-l. Kaminiec), Kiev, Poltava, Iekaterinoslav, Tauride (ch.-l. Simferopol), Kouban (ch.-l. Iekaterinodar), Cherson, Bessarabie (ch.-l. Kichinev), Pays des Cosaques du Don (ch.-l. Tcherkask), Kharkov, Koursk, Voronej, Orel, Toula, Kalouga, Smolensk, Tver, Novgorod, Olonetz (ch.-l. Petrozadovsk), Arkhangelsk, Vologda, Iaroslavl, Kostroma, Vladimir, Moscou, Nijni-Novgorod, Riazan, Tambov, Penza, Saratov, Simbirsk, Kazan, Vjatka, Perm, Oufa, Orenbourg, Samara, Astrakhan, Stavropol. b) Grand-duché de Finlande, capitale Helsingfors, divisé en 7 gouvernements : Abo (ou Turku), Nyland, Borgo, Kuopio, Vasa, Uleaborg (ou Oulu), Viborg. c) Royaume de Pologne, capitale Varsovie, divisé en 8 palatinats : Cracovie sans la ville elle-même (ch.-l. Kielce), Kalisch, Sandomir, Lublin, Podlachie (ch.-l. Siedlce), Mazovie (ch.-l. Varsovie), Plock, Augustow.
2. De 1815 au congrès de Paris (1856) Une double révolte s’était produite en 1821 dans les principautés danubiennes (Moldavie et Valachie) ; devant l’absence d’appui russe, ces deux révoltes avaient été matées en trois mois par la Turquie. Profitant des difficultés de la Porte en Grèce, la Russie impose à la Turquie, en octobre 1826, la convention d’Ackermann, dont il ressort que : – la Turquie évacuera les principautés danubiennes ; – les hospodars des principautés, de nouveau élus par les boyards, seront soumis à la double investiture de la Russie et de la Turquie ; ces principautés deviennent de facto soumises à un condominium russo-turc ; – la Turquie accorde à la Russie un droit de regard dans les affaires de la nouvelle principauté de Serbie.
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Les États existants En décembre 1825, Alexandre Ier meurt brusquement ; lui succède son frère Nicolas I er, monarque aux idées absolutistes, qui doit aussitôt réprimer la révolte des décabristes (décembristes), groupe d’officiers qui tentent en vain d’imposer un régime constitutionnel et de placer sur le trône, Constantin, un autre frère d’Alexandre. La France, la Grande-Bretagne et la Russie étaient venues au secours de la Grèce confrontée à la mainmise de Méhémet-Ali ; la bataille navale de Navarin avait entraîné la rupture de leurs relations avec la Turquie. S’étant emparée d’Andrinople en 1829, la Russie contraint la Turquie à signer le traité d’Andrinople, le 14 septembre 1829. Par ce traité, la Turquie : – cède à la Russie les bouches du Danube, la frontière entre les deux pays étant désormais portée à la branche méridionale (Saint-Georges) desdites bouches ; – accepte que les hospodars soient élus à vie et que les principautés, juridiquement turques, soient placées sous protection de la Russie ; – reconnaît la création d’une principauté de Grèce, et l’autonomie de la Serbie. Le 24 mars 1831, le grand-duché de Finlande est réorganisé en huit gouvernements portant le nom de leur chef-lieu : Uleaborg (Oulu), Wasa, Abo (Turku), Nyland ou Helsinfors (Helsinki), Viborg, Kuopio, Saint-Michel, Tavastehus. Les Polonais s’étaient révoltés en janvier 1831 contre le pouvoir russe ; l’insurrection avait été matée en septembre de la même année et les Polonais y avaient perdu toute autonomie. En 1836, les huit palatinats du royaume de Pologne deviennent des gouvernements russes soumis au droit commun. Par ukase du 24 août 1844, les gouvernements russes de Pologne sont réduits de huit à cinq : Varsovie, Radom, Lublin, Plock, Augustow. Une querelle franco-russe sur la protection des Lieux saints n’ayant pu être réglée par la négociation, en juin 1853, la Russie envahit la Moldavie. La Porte lui déclare la guerre en octobre, bientôt rejointe par la France et la Grande-Bretagne (mars 1854). Les opérations militaires se déroulent en Crimée et la Russie est vaincue. La guerre de Crimée se clôt par le traité de Paris du 30 mars 1856. Il met fin au protectorat russe sur les principautés danubiennes, toujours juridiquement tributaires de la Porte, et la Russie doit céder : – à la Turquie, les bouches du Danube ; – à la principauté de Moldavie, la partie méridionale de la Bessarabie, large bande s’étalant le long du bas Pruth et de la branche de Kilia du Danube.
3. De 1856 à la chute du régime impérial (1917) Le nouveau tsar, Alexandre II, qui a succédé à son père en 1855, entreprend — dès la fin de la guerre de Crimée — une politique hardie de réformes, qui lui vaudra le nom de « tsar libérateur » : émancipation des serfs de la Couronne en 1858, abolition du servage pour tout le pays en 1861, réforme agraire en profondeur, réformes administratives, soutien appuyé à l’essor économique (développement des banques, des industries, des chemins de fer, etc.). En 1859 et 1864, Alexandre II parachève l’œuvre d’expansion russe de part et d’autre de la crête du Caucase — entamée par Alexandre Ier et poursuivie par Nicolas Ier —, en procédant aux dernières conquêtes sur les tribus insoumises de Ciscaucasie : le pays des Cosaques du Caucase et la dernière partie de la Circassie. Désormais la Russie possède la totalité du territoire européen au pied du Caucase, ainsi d’ailleurs que des domaines asiatiques de l’autre côté de la crête. Le reliquat de Circassie récemment conquis vient grossir la province de Kouban, tandis que deux gouvernements supplémentaires couvrent l’est de la Ciscaucasie : Terek (ch.-l. Vladikavkaz) et Daghestan (ch.-l. Derbent, puis Temir Chan Choura). La Russie d’Europe proprement dite est ainsi portée à 54 gouvernements, non compris les 5 de Pologne et les 8 de Finlande. En 1863, les Polonais de Russie s’insurgent une nouvelle fois contre les autorités russes ; leur révolte est de nouveau matée. En représailles, l’administration de leur pays est complètement russifiée. Les gouvernements (provinces) de la Pologne russe sont portés à dix : Varsovie, Lublin, Siedlce, Petrokow, Radom, Suwalki, Lomza, Kalisz, Plock, Kielce.
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Russie En 1875, au sein de la Russie, le nom officiel de Pologne disparaît, l’ancien royaume de Pologne étant désormais désigné sous le nom de « région de la Vistule ». En avril 1876, une révolte bulgare est durement réprimée par les Turcs, ce qui provoque (avril 1877) une guerre entre la Russie et la Turquie. La Roumanie entre en guerre aux côtés de la Russie, en vue d’obtenir son indépendance vis-à-vis de la Turquie. Vaincue à Plevna (janvier 1878), la Turquie signe le 3 mars le traité de San Stefano. Aux termes de ce traité, parmi de nombreuses autres clauses, et en contrepartie de territoires acquis sur la Turquie, la Roumanie restitue à la Russie la Bessarabie méridionale reçue en 1856. La Russie atteint alors en Europe une configuration territoriale qu’elle conservera jusqu’aux bouleversements qui suivront le premier conflit mondial. La Russie d’Europe compte 64 gouvernements — y compris la Pologne russe, désormais intégrée, mais sans la Finlande. Elle couvre environ 5 270 000 km2, plus 380 000 km2 pour la Finlande, soit au total en Europe 5 650 000 km2, pour une population globale de plus de 90 millions d’habitants. L’économie de la Russie se développe vigoureusement dans la deuxième moitié du XIXe siècle, tentant par là de rattraper son retard multiséculaire vis-à-vis des autres pays d’Europe. C’est vers la fin du siècle que l’Empire russe, surmontant sa traditionnelle hostilité envers le libéralisme politique, se rapproche des pays d’Europe occidentale (alliance avec la France, accord naval avec la Grande-Bretagne), en vue d’attirer en Russie les capitaux de ces pays. Cependant, la libéralisation de la vie politique et sociale, voulue à l’origine par le tsar Alexandre II, se heurte à la résistance des autorités traditionnelles du pays : Église, classes possédantes. S’ensuit l’émergence de mouvements contestaires, certains se cantonnant au plan strictement politique (mouvements constitutionalistes), d’autres prônant la révolution par des actions terroristes. En 1881, le tsar est assassiné et son successeur, Alexandre III, adopte une attitude beaucoup plus répressive, à l’égard tant des agitateurs en Russie que des mouvements nationaux séparatistes à la périphérie de l’Empire (politique de russification). Si la Russie continue à se montrer active en politique extérieure, soutenant l’émergence des États slaves des Balkans, qui se rendent peu à peu indépendants de la Porte, elle n’en subit pas moins des revers diplomatiques, du fait des ambitions de l’Autriche-Hongrie. Depuis 1878, la Russie a dû modérer au congrès de Berlin ses ambitions, en se contentant de la création d’une petite Bulgarie — sa protégée — et en acceptant que l’expansionnisme fût endigué par l’installation de l’Autriche-Hongrie en Bosnie-Herzégovine. Mais ses autres protégés, la Serbie et le Monténégro, s’y sont affranchis de la tutelle ottomane. La guerre russo-japonaise (1904-1905), provoquée par le heurt des ambitions antagonistes des deux pays au sujet de l’Extrême-Orient, se révèle désastreuse pour les Russes, qui sont vaincus. La Russie en subit une perte de prestige en Europe, alors qu’on la croyait militairement forte, et le régime impérial du tsar Nicolas II en ressort ébranlé, face à une agitation terroriste permanente. Une première tentative de révolution, en 1905, est réprimée dans le sang par le pouvoir. Un autre revers de taille est subi en 1908, quand l’Autriche-Hongrie annexe la BosnieHerzégovine ; ce revers n’est que modérément compensé par sa satisfaction de voir au même moment la Bulgarie s’affranchir à son tour de la suzeraineté ottomane. C’est dans ces conditions défavorables que, en vertu du système d’alliances (Triple Entente) auquel appartient le pays, la Russie entre en 1914 en guerre contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Pendant longtemps, les diverses minorités de l’Empire combattent loyalement au sein des armées russes. Mais les revers militaires et les conditions très dures dans lesquelles s’éternise le conflit vont avoir raison de la discipline et, en 1917, la Russie va subir deux révolutions successives qui vont bouleverser durablement le pays.
V. De 1917 à l’inclusion dans l’URSS (1922) 1. De 1917 à la paix de Brest-Litovsk (1918) En mars 1917 éclate la première révolution, qui contraint en peu de jours le tsar à abdiquer, officiellement en faveur de son frère Michel. À partir de mai, le pays est dirigé par le socialiste Kerenski, qui décide la poursuite de la guerre aux côtés de ses alliés occidentaux. Mais
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Les États existants il doit faire face à une assemblée, le Congrès des soviets, qui est partisane d’une paix immédiate avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. En septembre, la république est proclamée en Russie. En novembre 1917, les bolcheviks (révolutionnaires communistes), dirigés par Lénine, déclenchent la seconde révolution. Ils s’emparent du pouvoir et doivent affronter de grandes difficultés : décomposition de l’armée, mouvements contre-révolutionnaires, famines et misère, grèves. En marge de ces difficultés d’ordre politique, économique ou social, les nombreuses minorités appartenant à l’ancien Empire russe relèvent la tête et entendent profiter de la désorganisation du pays pour acquérir leur indépendance. Le 20 novembre 1917, une assemblée réunie à Kiev, la rada, proclame une république nationale d’Ukraine, qui se déclare autonome vis-à-vis de la Russie et se dote d’un gouvernement. Le 25 décembre, les bolcheviks d’Ukraine, soutenus par le gouvernement révolutionnaire russe, fondent concurremment à Kharkov une république soviétique d’Ukraine. Le 22 janvier 1918, le gouvernement nationaliste de Kiev proclame l’indépendance de la république d’Ukraine. Les Roumains de Bessarabie fondent un parti national démocrate moldave, qui proclame le 2 décembre 1917 la république démocratique de Moldavie, au sein de l’ensemble russe. Cette république couvre l’ensemble du territoire de la Bessarabie. Mais les événements révolutionnaires suivent leur cours en Russie. De ce fait, l’assemblée moldave proclame le 27 mars 1918 l’indépendance de la Moldavie (Bessarabie) visà-vis de la Russie. Elle fait appel à l’intervention de l’armée roumaine pour la protéger des communistes. Le 9 avril 1918, la même assemblée proclame l’union de la Bessarabie à la Roumanie. Cette union n’est pas reconnue par la Russie. Le 6 décembre 1917, le gouvernement conservateur finlandais proclame l’indépendance de la Finlande, dont le statut reste à déterminer. Tout d’abord, le 2 janvier 1918, le gouvernement de Lénine reconnaît l’indépendance de la Finlande. Mais celle-ci doit à son tour faire face à une révolution bolchévique, inspirée par la Russie voisine, et qui se rend maîtresse d’Helsinki ; le gouvernement, qui s’est réfugié à Vasa, fait appel à l’armée allemande pour l’aider à réprimer l’insurrection (marsavril 1918). Le 26 décembre 1917, la Crimée se déclare indépendante. Elle sera en définitive conservée par la Russie. Un congrès lituanien, réuni dès septembre 1917, réclame l’établissement d’un royaume en Lituanie. Le 16 février 1918, l’indépendance de la Lituanie est proclamée. Le 3 mars 1918, confronté à la nécessité de mettre fin à la guerre pour s’occuper des problèmes de tous ordres qui assaillent la Russie, le gouvernement de Lénine signe avec l’Allemagne la paix de Brest-Litovsk. La Russie y renonce, en Europe, à l’Ukraine (Polésie, Volhynie, Podolie, Bessarabie, Ukraine propre, Circassie), la Pologne « du Congrès », la Lituanie, la Courlande, la Livonie, l’Estonie et la Finlande. Toutefois, la Crimée est séparée de l’Ukraine, et rattachée à la république de Russie. En un seul traité, signé il est vrai dans des conditions dramatiques, la Russie efface plus de deux siècles d’expansion continue sur ses frontières occidentales et méridionales.
2. De 1918 à l’inclusion dans l’URSS (1922) Le 12 mars 1918, la capitale russe est transférée de Petrograd (Saint-Pétersbourg) à Moscou. Le 25 mars 1918, un congrès national biélorusse, siégeant à Minsk, proclame l’indépendance de la république de Biélorussie. Mais cette proclamation reste provisoirement sans lendemain.
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Russie Face aux sécessions de toutes parts qui ont affecté le pays et à celles qui s’annoncent, dans l’espoir de les endiguer, le gouvernement bolchevique est contraint d’adopter, ne serait-ce qu’en apparence, une attitude favorable à l’égard des aspirations autonomes de nombre de minorités qui vivent dans le pays. Le 10 juillet 1918 est proclamée une Constitution qui fait de la Russie une république fédérative, la république socialiste fédérative des soviets de Russie. Prenant le contre-pied de la politique centralisatrice des tsars, elle prévoit, en théorie, d’accorder une autonomie aux minorités qui le souhaitent. Mais les tentatives séparatistes se poursuivent, tandis que le gouvernement soviétique de Russie entame une offensive de reconquête des provinces perdues. Le 1er janvier 1919 est proclamée la république soviétique de Biélorussie, qui se détache de la Russie et entend regrouper l’ensemble des Biélorusses. Le 14 mars 1919, le gouvernement soviétique de Russie suscite de nouveau à Kharkov la création d’une république soviétique d’Ukraine, dirigée par le communiste ukrainien Rakosi, laquelle s’oppose au gouvernement nationaliste de Kiev et a pour vocation de conquérir le territoire de l’Ukraine sur les armées russes-blanches ou nationalistes ukrainiennes. Pour avoir les mains plus libres à l’égard des autres combats qu’il doit mener, notamment contre les armées contre-révolutionnaires, le gouvernement de Lénine entend faire la part du feu dans sa lutte contre les forces séparatistes. Il renonce pour l’heure à reconquérir les provinces non russes de l’ancien Empire, concentrant son effort sur les provinces considérées de tout temps comme russes par la Russie (Biélorussie, Ukraine) ; ne parvenant pas à les ramener dans le sein de la Russie, il s’efforce d’y promouvoir des gouvernements soviétiques. Parallèlement, il accorde à diverses minorités une autonomie plus ou moins prononcée, en créant au sein de la Russie des républiques autonomes ou, plus simplement, en érigeant certaines régions en provinces autonomes. Le 23 mai 1919, la région d’Oufa est érigée en république autonome de Bachkirie, capitale Oufa, au sein de la Russie. Le 20 janvier 1920 sont créées, dans la région de Ciscaucasie, les républiques autonomes du Daghestan, capitale Boujnaksk, et des Montagnes, capitale Vladikavkaz. Le 2 février 1920 est signé le traité de Tartu (Dorpat) entre l’Estonie et la Russie. La Russie y reconnaît l’indépendance de l’Estonie, dans ses limites de 1918, et lui cède deux petits territoires sur sa frontière orientale : celui de la rive droite de la Narva, et le district d’Izborsk. Le 27 mai 1920, la région de Kazan est érigée en république autonome des Tatars de Kazan, capitale Kazan, au sein de la Russie. Le 24 juin 1920 est créée la province autonome des Tchouvaches, chef-lieu Tcheboksary, près de Kazan. Le 12 juillet 1920 est signé le traité de Moscou entre la Russie et la Lituanie. La Russie y reconnaît l’indépendance de la Lituanie, qui doit englober Vilnius. Le 11 août 1920 est signé le traité de Riga entre la Russie et la Lettonie. La Russie y reconnaît l’indépendance de la Lettonie, et lui cède une bande de territoire située au nord-est de la Livonie (région d’Abrene). Le 26 août 1920 est créée la république autonome des Kazakhs, située en majeure partie en Asie, entre la mer Caspienne et les confins du Sinkiang chinois, mais dont l’extrémité occidentale, à l’ouest du fleuve Oural, appartient géographiquement à l’Europe. Les Finlandais revendiquaient la Carélie orientale (russe). La Russie refuse de la leur céder, mais en contrepartie, par le traité de Tartu (Dorpat) du 14 octobre 1920, elle cède à la Finlande le territoire de Petsamo, lui donnant ainsi dans le grand Nord un accès à l’océan Arctique. Le 4 novembre 1920 sont créées trois provinces autonomes : celle des Tchérémisses (Maris), chef-lieu Krasnokokchaisk, et celle des Votiaks (Oudmourtes), chef-lieu Ijevsk, dans la région de Kazan, celle des Kalmouks, chef-lieu Elitsa, sur les rives de la mer Caspienne. À la suite d’un long conflit entre la Russie et la Pologne, par le traité de Riga du 18 mars 1921, la Pologne annexe aux dépens de la Biélorussie le tiers occidental de cette dernière, et aux dépens de l’Ukraine la Volhynie presque entière.
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Les États existants Le 22 août 1921 est créée la province autonome des Zyriènes (Komis), chef-lieu OustSysolsk, dans le nord de la Russie d’Europe. Le 1er septembre 1921 est créée la province autonome de Kabardino-Balkarie, chef-lieu Naltchik, au pied du Caucase. En vue d’améliorer ses relations avec la Turquie, le 18 octobre 1921, la république de Russie élève la Crimée au rang de république autonome des Tatars de Crimée, capitale Simferopol. Le 27 juin 1922 est créée la province autonome des Karatchaïevo-Tcherkesses (rebaptisée Tcherkessie le 30 avril 1928), chef-lieu Batalpachinsk, au pied du Caucase. Le 27 juillet 1922 est créée la province autonome des Tcherkesses du Kouban (ou Adyghes), chef-lieu Majkop, en Circassie. Le 30 novembre 1922 est créée la province autonome de Tchétchénie, chef-lieu Groznyï, au pied du Caucase.
VI. De 1922 à la dissolution de l’URSS (1991) 1. L’URSS à sa création (1922) Depuis 1919, la Biélorussie et l’Ukraine sont régies par des gouvernements soviétiques, à l’image du gouvernement de Moscou. Depuis mars 1922, les régions d’au-delà du Caucase — donc en dehors de notre cadre d’étude —, à savoir la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, se sont réunies en une république soviétique de Transcaucasie. Ayant en 1922 définitivement vaincu les forces contre-révolutionnaires et mis fin aux velléités séparatistes de ses peuples allogènes — hormis la Finlande et les États baltes —, le gouvernement de Lénine estime le moment venu de procéder à la réunification du pays. Parce que le droit d’expression politique des peuples faisait partie du programme révolutionnaire et qu’il convient de ménager les particularismes biélorusse et ukrainien, la réunification est envisagée sous la forme d’une union fédérale, Moscou entendant tirer parti de l’identité de régime politique (le communisme soviétique) pour imposer de facto une unité de gouvernement. Par le « traité d’alliance » du 30 décembre 1922, la république soviétique de Russie forme, avec les républiques soviétiques de Biélorussie, d’Ukraine et de Transcaucasie, l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), encore appelée Union soviétique. À l’Union sont attribuées des affaires communes (défense, affaires étrangères, transports, etc.) et elle dispose d’institutions communes : soviet de l’Union, soviet des nationalités, præsidium. Le ciment le plus sûr de l’URSS est cependant le parti communiste, qui intervient à tous les niveaux, parallèlement aux institutions officielles. De ce fait, par son poids écrasant dans tous les domaines (population, espace, économie, etc.), par le rôle moteur de son parti communiste et du gouvernement de Lénine, par le rôle de Moscou, capitale à la fois de l’URSS et de la Russie, et siège des administrations des deux entités politiques, la Russie domine de façon écrasante les autres États de l’Union soviétique, au point qu’il est naturel d’identifier, de 1922 au début des années 1990, l’URSS avec l’ancienne Russie, ce que feront les Russes eux-mêmes — et ce que nous ferons à leur suite. D’un point de vue territorial, la frontière occidentale de l’URSS — celle qui nous intéresse ici au premier chef — est la somme de celles des trois pays européens de l’Union, à savoir du nord au sud : Russie, Biélorussie, Ukraine. Elle est le résultat de nombreux soubresauts, et de divers traités, postérieurs au conflit de 1914-1918. En effet, la Finlande et les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) ont pris leur indépendance. La Pologne, reconstituée, a conquis la moitié occidentale de la Biélorussie, la Volhynie et la Galicie orientale (situation provisoire pour cette dernière). La Tchécoslovaquie s’est vu attribuer la Ruthénie subcarpathique, la Roumanie s’est emparée de la Bucovine et de la Bessarabie, ces trois dernières régions étant majoritairement peuplées d’Ukrainiens. À sa création, l’URSS couvre de l’ordre de 19 750 000 km2, dont 4 350 000 en Europe, pour une population d’environ 100 millions d’habitants, toujours en Europe.
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Russie Chaque république fédérée peut elle-même renfermer des régions dotées d’autonomie, sous forme de république autonome (autonomie large) ou de province autonome (autonomie restreinte), respectant les particularismes de certaines minorités. À la création de l’URSS, la situation est la suivante : – république fédérative de Russie : cinq républiques autonomes en Europe (Daghestan, Montagnes, Bachkirie, Tatars de Kazan, Tatars de Crimée), plus une petite partie de celle des Kazakhs ; neuf provinces autonomes en Europe (Zyriènes ou Komis, Tchouvaches, Votiaks, Tchérémisses ou Maris, Kalmouks, Tchétchénie, Kabardino-Balkarie, Tcherkessie, Tcherkesses du Kouban ou Adyghes) ; – république de Biélorussie ; – république d’Ukraine. En dehors de ses républiques ou de ses provinces autonomes énumérées ci-dessus, la Russie d’Europe proprement dite est divisée en 37 gouvernements : Carélie (Petrozavodsk), Arkhangelsk, Vologda, Veliki-Oustioug, Petrograd (nouveau nom de Saint-Pétersbourg depuis 1914, rebaptisée Leningrad en 1924), Pskov, Novgorod, Tver, Tcherepovets, Iaroslavl, Moscou, Smolensk, Vitebsk, Moghilev, Kalouga, Toula, Orel, Briansk, Riazan, Tambov, Koursk, Voronej, Kouban (Krasnodar), Stavropol, Astrakhan, Novotcherkask, Tsaritsyne (rebaptisée Stalingrad en 1925), Saratov, Penza, Samara, Orenbourg, Simbirsk, NijniNovgorod, Vladimir, Ivanovo, Kostroma, Vjatka.
2. De 1923 au pacte germano-soviétique (1939) Profondément meurtrie par les ravages de la Guerre mondiale puis de la guerre civile qui lui a succédé, par les désordres causés par la révolution et la désorganisation économique et sociale qui s’en est ensuivie, par les purges politiques opérées par Staline — qui a succédé à Lénine en 1924 —, les massacres et l’exil d’une partie de la population, l’URSS consacre l’entre-deuxguerres à remettre en ordre de marche un pays difficile à gérer, par son étendue, son climat, et par l’ostracisme dont il est pendant un certain temps l’objet de la part de l’Occident. De sa création jusqu’en octobre 1939, l’URSS demeure inchangée quant à ses limites extérieures dans sa partie européenne. En revanche, elle va s’accroître en Asie et modifier de façon incessante la composition interne de sa partie d’Europe. Le 25 juillet 1923, au sein de la république de Russie, le gouvernement de Carélie est élevé au rang de république autonome de Carélie, capitale Petrozadovsk. Le 19 décembre 1923, au sein de la république de Russie, la communauté des Allemands de la Volga (région de Saratov) — entité politique particulière existant depuis 1918 sur le territoire de la Volga où Catherine II avait établi des colons allemands en 1761 — est érigée au rang de république autonome des Allemands de la Volga, capitale Pokrovsk. Le 7 juillet 1924, la république autonome des Montagnes disparaît, remplacée par deux provinces autonomes d’Ingouchie et d’Ossétie du Nord. Le 12 octobre 1924, au sein de l’Ukraine, l’URSS crée sur rive gauche du Dniestr une république autonome de Moldavie, capitale Balta. Le 27 octobre 1924, l’Ouzbekistan, capitale Tachkent, et le Turkmenistan, capitale Achgabat, en Russie d’Asie, sont détachés de la république fédérative de Russie et érigés en républiques socialistes soviétiques, 5e et 6e membres à part entière de l’URSS. Entre 1924 et 1926, la Russie cède à la Biélorussie quelques territoires sur sa frontière orientale, autour des villes de Polozk, Vitebsk, Moghilev et Gomel. Cette cession a pour effet d’amputer la Russie de deux gouvernements, ceux de Vitebsk et de Moghilev. Le 21 avril 1925, la province autonome des Tchouvaches est élevée au rang de république autonome de Tchouvachie. Le 5 décembre 1929, en Asie, le Tadjikistan est détaché de l’Ouzbekistan et érigé en république socialiste soviétique du Tadjikistan, capitale Stalinabad (ancienne Douchanbé), 7e membre à part entière de l’URSS. Le 10 janvier 1930, au sein de la Russie d’Europe, est créée la province autonome des Mordves, chef-lieu Saransk, dans la région de Kazan. Le 20 décembre 1934, elle est élevée au rang de république autonome de Mordovie.
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Les États existants Le 15 janvier 1934, au sein de la Russie d’Europe, les deux provinces autonomes d’Ingouchie et de Tchétchénie sont réunies en une seule province autonome de Tchétchénie-Ingouchie. Le 28 décembre 1934, au sein de la Russie d’Europe, la province autonome des Votiaks est élevée au rang de république autonome d’Oudmourtie. Le 22 octobre 1935, au sein de la Russie d’Europe, la province autonome des Kalmouks est élevée au rang de république autonome de Kalmoukie. Le 5 décembre 1936, les cinq provinces autonomes des Zymènes (Komis), des Tchérémisses (Maris), de Kabardino-Balkarie, d’Ossétie du Nord et de Tchétchénie-Ingouchie sont élevées au rang de républiques autonomes des Komis, des Maris, de Kabardinie, d’Ossétie du Nord et de Tchétchénie-Ingouchie. Ce même 5 décembre 1936, en Asie (en Europe pour une petite partie des Kazakhs), les deux républiques autonomes des Kazakhs et des Kirghizes sont détachées de la Russie et érigées en républiques socialistes soviétiques du Kazakhstan, capitale Alma-Ata, et du Kirghizistan, capitale Frounze, 8e et 9e membres à part entière de l’URSS. Enfin, toujours ce même 5 décembre 1936, en Asie, la république socialiste soviétique de Transcaucasie disparaît, démembrée entre trois nouvelles républiques socialistes soviétiques : la Géorgie, capitale Tiflis, l’Arménie, capitale Erevan, l’Azerbaïdjan, capitale Bakou. L’URSS compte alors 11 membres. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, au début de 1939, la composition interne de la partie européenne de l’URSS est la suivante : – république de Russie, avec quinze républiques autonomes (Carélie, Komis, Bachkarie, Tatars de Kazan, Oudmourtie, Maris, Tchouvachie, Mordovie, Allemands de la Volga, Tatars de Crimée, Kalmoukie, Daghestan, Kabardinie, Ossétie du Nord, TchétchénieIngouchie) et deux provinces autonomes en Europe (Tcherkessie, Adyghes) ; – république de Biélorussie ; – république d’Ukraine, avec une république autonome (Moldavie) ; – république de Kazakhstan : l’extrémité occidentale en Europe.
3. De 1939 à la rupture avec l’Allemagne (1941) Par son caractère agressif, la politique extérieure de l’Allemagne hitlérienne paraît, aux yeux de Staline, devoir constituer, à plus ou moins long terme, une menace pour l’URSS, qui n’est pas encore prête à l’affronter. Pour s’en prémunir, Staline envisage tout d’abord une alliance de revers avec les démocraties d’Europe occidentale (France, Grande-Bretagne), mais le manque de fermeté affiché par ces dernières à l’égard des agissements de Hitler en Europe centrale l’incite à changer de stratégie et à rechercher une alliance avec l’Allemagne ; d’autre part, après l’annexion complète de la Bohême-Moravie par l’Allemagne (mars 1939), il comprend que Hitler ne s’arrêtera pas et que, la prochaine fois, la France et la Grande-Bretagne devront entrer en guerre, où il serait entraîné s’il s’alliait à celles-ci. Hitler est favorable à cette alliance, car elle lui permettra, le moment venu, d’éviter d’être pris entre deux feux. Le pacte de non-agression germano-soviétique, signé le 23 août 1939 à Moscou, concrétise cette alliance entre les deux pays ; il prévoit, dans des clauses secrètes, d’une part le démantèlement de la Pologne entre les deux pays, la partie orientale revenant à l’URSS, d’autre part la neutralité allemande vis-à-vis d’une mainmise de l’URSS sur la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, et la Bessarabie (roumaine), la Lituanie devant passer sous l’emprise de l’Allemagne. À la suite de la guerre éclair menée, à partir du 1er septembre 1939, par l’armée allemande en Pologne, guerre où l’armée polonaise est rapidement vaincue, l’URSS occupe militairement la partie orientale de ce pays. Par ailleurs, elle se fait céder, le 28 septembre par l’Estonie, des bases militaires à Batilski et dans les îles de Dagœ et d’Œsel. L’armée allemande s’étant finalement avancée en Pologne plus loin que prévu dans les accords secrets — jusqu’à la ligne du Boug au lieu de la ligne Narew-Vistule-San initialement prévue —, il est décidé en contrepartie que la Lituanie passe dans la sphère d’influence de l’URSS. En conséquence, le 10 octobre 1939, l’URSS se fait céder : – par la Lettonie, des bases militaires à Windau (Ventpils) et à Libau (Liepaja) ;
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Russie – par la Lituanie des bases militaires, en contrepartie de quoi l’URSS cède à la Lituanie le tiers occidental du palatinat de Vilnius, avec la ville, qu’elle prélève sur sa part de Pologne. Le 12 octobre 1939, l’Allemagne et l’URSS se partagent la Pologne. Dans ce cadre, l’URSS annexe le tiers oriental de la Pologne, à savoir : – rattachés à la Biélorussie : les palatinats de Bialystok, Nowogrodek, Polésie, et les deux tiers orientaux de celui de Vilnius ; – rattachés à l’Ukraine : les palatinats de Volhynie, Tarnopol, Stanislawow, et la moitié orientale de celui de Lemberg (ces trois derniers constituant l’ancienne Galicie orientale). Le 12 octobre 1939, l’URSS, qui cherche à élargir l’arrière-pays de Leningrad (SaintPétersbourg), trop proche de la frontière, propose à la Finlande de lui prendre un territoire de 3 000 km2 (Bjorko) sur l’isthme de Carélie (entre golfe de Finlande et lac Ladoga) et de lui donner en échange un territoire de 30 000 km2 en Carélie septentrionale. La Finlande refuse cet arrangement. Les troupes soviétiques ayant envahi la Finlande à partir du 30 novembre 1939, celle-ci est vaincue au terme d’une guerre héroïque (« guerre d’hiver »). En conséquence, par le traité de Moscou du 12 mars 1940, la Finlande doit céder à l’Union soviétique : – l’ensemble de la Carélie méridionale (Bjorko, Viborg), ramenant dans ce secteur la Finlande à sa frontière de 1721 ; – le territoire de Salla le long de la frontière de Carélie septentrionale, éloignant la frontière du chemin de fer de Mourmansk ; – un petit territoire à l’est de Petsamo, sur l’océan Arctique ; – sous forme de bail de 99 ans, la presqu’île de Hanko à l’entrée du golfe de Finlande, pour en faire une base navale. Ces territoires, sauf Viborg et l’isthme, sont le 1er avril 1940 rattachés à la république autonome de Carélie, qui devient république socialiste soviétique de Carélo-Finlande, membre à part entière de l’URSS et donc distincte de la république de Russie. Profitant de l’effondrement de la France, qui prive la Roumanie d’un appui potentiel, l’URSS adresse le 26 juin 1940 à cette dernière un ultimatum, auquel la Roumanie se plie le 28 juin, en cédant à l’URSS la Bucovine septentrionale (départements roumains de Cernauti et de Storojinet) et l’entière Bessarabie. Le 1er août 1940, l’URSS : – attribue à l’Ukraine la Bucovine septentrionale, l’extrême nord de la Bessarabie (région de Khotin) et le Boudjak (tiers méridional de la Bessarabie) ; – détache de l’Ukraine la moitié sud-ouest (le long du Dniestr) de l’ancienne république autonome de Moldavie, pour l’agréger aux deux tiers centraux de la Bessarabie nouvellement conquise et constituer ainsi une nouvelle république socialiste soviétique de Moldavie, capitale Kichinev, membre à part entière de l’URSS et donc désormais distincte de l’Ukraine ; – rattache sans autonomie à l’Ukraine la moitié nord-est (région de Balta) de l’ancienne république autonome de Moldavie. Au nord-ouest du pays, du 15 au 17 juin 1940, les troupes soviétiques ont envahi l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, et suscité l’établissement de régimes communistes. Le 21 juillet (Estonie), le 3 août (Lituanie) et le 5 août (Lettonie), une assemblée communiste proclame dans chacun de ces pays une république soviétique et demande son rattachement à l’URSS. Le 6 août, Moscou entérine cette réunion : les trois républiques baltes, anciennement indépendantes, deviennent les trois républiques socialistes soviétiques d’Estonie, de Lettonie et de Lituanie, membres à part entière de l’URSS. Par ailleurs, le territoire annexé sur la Russie en 1920 est rétrocédé par la nouvelle république soviétique de Lettonie à la république soviétique de Russie. L’URSS compte désormais huit républiques fédérées en Europe : Russie, Biélorussie, Ukraine, Carélo-Finlande, Moldavie, Estonie, Lettonie, Lituanie ; s’y ajoute l’extrémité occidentale du Kazakhstan.
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Les États existants 4. De 1941 aux traités de paix de Paris (1947) Victorieux à l’ouest et au sud, Hitler, qui reste fondamentalement hostile à la fois au communisme et au monde slave, que symbolise l’Union soviétique, réoriente ses armées, qui viennent de l’emporter dans les Balkans, en direction de l’est. Le 22 juin 1941, l’Allemagne déclenche une offensive de grande envergure contre l’URSS et ses armées s’avancent rapidement en Biélorussie et en Ukraine. Profitant de l’offensive allemande, la Finlande rentre en guerre contre l’URSS le 27 juin 1941 ; elle réoccupe et réannexe les territoires cédés en mars 1940 : Carélie méridionale, territoire de Salla, fragment à l’est de Petsamo. S’étant rangée dans le camp de l’Allemagne, la Roumanie entre en guerre contre l’URSS en juin 1941. L’avance des armées coalisées contre cette dernière permet à la Roumanie de recouvrer dès juillet 1941 les territoires cédés à l’URSS en juin 1940, à savoir la Bessarabie, la Bucovine du Nord et le petit territoire moldave de Herta. De plus, la Roumanie se voit attribuer par Hitler l’administration de la Transnistrie (Podolie méridionale, entre Dniestr et Boug) détachée de l’Ukraine et qu’elle annexe de facto, sinon de jure. Le 1er août 1941, Hitler annexe au Gouvernement général de Pologne l’ensemble de la Galicie orientale, rattachée à l’Ukraine depuis 1939. D’autre part, à la même époque, Hitler annexe au Reich allemand le district de Bialystok-Grodno-Lomza, rattaché à la Biélorussie depuis 1939. Par mesure de représailles à l’égard de gens censés se montrer favorables à l’invasion allemande, le 28 septembre 1941 est supprimée la république autonome des Allemands de la Volga, qui était comprise à l’intérieur de la république de Russie. Son territoire est réparti entre les régions russes de Saratov et de Stalingrad. Les Allemands de cette ancienne république sont déportés en Sibérie. L’offensive militaire, que Hitler espérait pouvoir mener rapidement à terme, se heurte aux difficultés qu’avait déjà rencontrées Napoléon en 1812 : immensité des distances, insaisissabilité d’un ennemi connaissant le terrain ; s’y ajoute pour Hitler l’étirement du front (de la Baltique à la mer Noire) et une résistance inattendue à laquelle finit par se heurter l’armée allemande, ainsi que ses alliés finlandais, hongrois, slovaques, roumains et italiens, autour de Leningrad, de Moscou et sur la Volga (siège de Stalingrad). En 1942, sur les parties de l’URSS occupées et situées à l’arrière du front, l’Allemagne instaure : – un Commissariat général d’Ostland, capitale Riga, divisé en quatre districts : Estonie, Lettonie, Lituanie, Russie blanche ; – un Commissariat général d’Ukraine, capitale Rovno, divisé en six districts : Volhynie, Zitomir, Kiev, Nicolaïev, Dniepropetrovsk, Crimée (la presqu’île du même nom en étant toutefois exclue). Mais la fin de 1942 marque le tournant de la guerre germano-soviétique. À partir de 1943, l’Allemagne et ses alliés refluent sur l’ensemble du front. En 1944, les Soviétiques conquièrent l’ensemble de l’Europe orientale, et pénètrent en Allemagne au début de 1945. En 1943, au sein de la Russie, la république autonome de Kalmoukie est dissoute, ses habitants étant accusés de collaboration avec l’ennemi ; il en va de même pour la province autonome de Tcherkessie. Le 23 février 1944, au sein de la Russie, la république autonome de TchétchénieIngouchie est dissoute, ses habitants, accusés de collaboration avec l’Allemagne, étant déportés en Sibérie. L’offensive soviétique de juin 1944 amène la Finlande à signer le 19 septembre 1944 l’armistice de Moscou. Sans attendre les traités de paix, l’URSS réannexe aussitôt les territoires perdus par elle en juillet 1941, à savoir Carélie méridionale, territoire de Salla, fragment à l’est de Petsamo, auxquels elle ajoute le territoire de Petsamo, cédé par elle en 1920. Ces territoires sont réattribués à la république de Russie. En septembre 1944, l’offensive des armées soviétiques restaure les républiques de Biélorussie et d’Ukraine, et contraint la Roumanie à signer à Moscou l’armistice du
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Russie 12 septembre, aux termes duquel elle évacue la Transnistrie, la Bessarabie et la Bucovine septentrionale, qui sont aussitôt réannexées de fait par l’URSS. De même, l’URSS réannexe de fait la Galicie orientale. En novembre 1944, les trois pays baltes ayant été reconquis par l’URSS, les républiques socialistes soviétiques d’Estonie, de Lettonie et de Lituanie sont restaurées, cette dernière incluant désormais Vilnius. Le 11 mai 1945, la Tchécoslovaquie est reconstituée. La Ruthénie subcarpathique, peuplée majoritairement d’Ukrainiens, est arrachée à la Hongrie qui s’en était emparée en 1939, et provisoirement réincorporée au sein de la Tchécoslovaquie. Par traité du 29 juin 1945, la Tchécoslovaquie cède la Ruthénie subcarpathique à l’URSS, laquelle l’attribue à sa république d’Ukraine, dont elle va former une nouvelle région (oblast), celle de Transcarpathie, chef-lieu Uzhorod (Unghvar). À la conférence de Potsdam (2 août 1945), les vainqueurs détachent « provisoirement » de l’Allemagne les territoires situés à l’est d’une ligne Oder-Neisse. Parmi ces territoires, la moitié septentrionale de la Prusse orientale est placée sous administration de l’URSS. Le 16 août 1945, l’accord polono-soviétique de Moscou fixe la nouvelle frontière entre les deux pays. L’URSS annexe sur l’ancienne Pologne d’avant-guerre : – le palatinat de Vilnius (sans la ville et ses environs), la Polésie, le palatinat de Nowogrodek, qu’elle rattache à la Biélorussie ; – le palatinat de Volhynie et ceux de Tarnopol, Stanislawow, et moitié orientale de celui de Lemberg (Galicie orientale), qu’elle rattache à l’Ukraine. Le 25 septembre 1945, au sein de la Russie, la république autonome des Tatars de Crimée est supprimée, et les Tatars, accusés de collaboration avec l’Allemagne, sont déportés en Sibérie. La Crimée est directement rattachée à la république de Russie, dont elle devient une région (oblast). Les divers traités de Paris du 10 février 1947, passés avec un certain nombre de pays vaincus (Finlande, Hongrie, Roumanie), confirment l’attribution à l’URSS de la Carélie méridionale, de Salla, de Petsamo, de la Ruthénie subcarpathique et de la Bessarabie.
5. De 1947 à la dissolution de l’URSS (1991) Par traité du 17 août 1949, la Pologne et l’URSS se partagent le territoire de l’ancienne Prusse orientale. L’URSS en annexe la moitié septentrionale (Kœnigsberg, Tilsitt, Insterbourg), qui est rattachée à la Russie et devient l’oblast de Kaliningrad (ancienne Kœnigsberg), isolé du reste de la Russie par les républiques baltes et la Biélorussie. À cette date, l’URSS atteint en Europe son développement territorial maximal, qu’elle va conserver jusqu’au début des années 1990. Désormais, toutes les terres peuplées de Russes — qu’ils soient « grands Russes », Biélorusses ou Ukrainiens — sont rassemblées dans les contours de l’Union soviétique. De plus, du fait de l’imperium de la Russie au sein de l’Union, les Russes colonisent en partie les territoires allogènes : républiques baltes, Biélorussie, enclave prussienne de Kaliningrad. L’URSS couvre 22 402 000 km2, dont 5 571 000 en Europe. Sa population totale s’élève à environ 180 millions d’habitants. À cette expansion territoriale s’ajoute désormais un poids politique majeur en Europe, par l’emprise de l’URSS sur une petite moitié orientale de ce continent, où les armées soviétiques d’occupation ont suscité, à la fin des années 1940, des régimes communistes frères, qu’elle contrôle par le biais de plusieurs organismes supranationaux, politique (le Komintern), militaire (le pacte de Varsovie) ou économique (le Comecon). De ce fait, l’Union soviétique fait pendant près d’un demi-siècle figure de supergrand, face aux États-Unis, avec lesquels elle veut rivaliser en tout domaine, tentant, parfois avec succès, de rattraper son retard sur l’autre supergrand. Cet affrontement, qui prend très vite une allure de guerre froide, se produit en particulier en Europe, qui se trouve de ce fait durablement coupée en deux mondes hostiles, qui s’ignorent. Le 25 février 1954, pour le 300e anniversaire de la « réunion » de l’Ukraine à la Russie, cette dernière cède à l’Ukraine la région de Crimée.
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Les États existants Le 16 juillet 1956, la république socialiste soviétique de Carélo-Finlande est rétrogradée au rang de simple république autonome de Carélie, replacée au sein de la Russie. Le 9 janvier 1957, leurs peuples ayant été réhabilités, les républiques autonomes de Tchétchénie-Ingouchie et de Tcherkessie sont restaurées, au sein de la Russie ; de même est restaurée à cette date une province autonome des Kalmouks, qui redevient république autonome de Kalmoukie le 29 juillet 1958. À cette date, la république fédérative de Russie est, dans sa partie européenne, ainsi constituée : – la république de Russie proprement dite, composée des 37 oblasts suivants : Mourmansk, Arkhangelsk, Vologda, Leningrad, Novgorod, Pskov, Kalinin (ex-Tver), Iaroslavl, Kostroma, Kirov (ex-Vjatka), Molotov (ex-Perm), Gorki (ex-Nijni-Novgorod), Ivanovo, Vladimir, Moscou, Smolensk, Kalouga, Toula, Riazan, Oulianovsk (ex-Simbirsk), Kouibitchev (ex-Samara), Orenbourg, Penza, Tambov, Lipetsk, Orel, Briansk, Koursk, Belgorod, Voronej, Rostov-sur-le-Don, Stalingrad (ex-Tsaritsyne, Volgograd après 1961), Astrakhan, Krasnodar, Stavropol, Saratov, Kaliningrad (ex-Kœnigsberg) ; – 14 républiques autonomes : Carélie, Komis, Bachkirie, Tatars de Kazan, Oudmourtie, Maris, Tchouvachie, Mordovie, Kalmoukie, Daghestan, Kabardinie, Ossétie du Nord, Tchétchénie-Ingouchie, Tcherkessie ; – une province autonome : Adyghes. L’URSS est, dans sa partie européenne, composée des républiques suivantes : Russie, Biélorussie, Ukraine, Moldavie, Estonie, Lettonie, Lituanie. De 1958 à 1990, la composition interne et le pourtour externe de l’URSS en Europe vont demeurer inchangés. C’est l’époque où l’« équilibre de la terreur » (la menace nucléaire) et l’affrontement des deux supergrands figent les positions en Europe, et notamment en Union soviétique, réprimant toute velléité d’évolution politique ou territoriale dans le pays même et dans ses satellites (crises de Budapest, de Prague). La course incessante aux armements, les dysfonctionnements croissants de l’économie soviétique, l’enlisement des armées soviétiques dans la guerre d’Afghanistan, la circulation des idées — en dépit d’une politique répressive — et l’aspiration des Soviétiques à plus de liberté et au mieux-être finissent par avoir raison, dans le courant des années 1980, du carcan totalitaire qui opprime le pays depuis plus de soixante ans. La glasnost et la perestroïka instituées par Gorbatchev réveillent les aspirations en URSS, en particulier dans les diverses minorités des républiques fédérées à la Russie, au sein de l’Union soviétique, et des républiques autonomes au sein de la Russie ; la libéralisation favorise aussi les mouvements d’opposition aux régimes en place dans les pays d’Europe centrale. Peu à peu, en Russie comme dans les autres républiques de l’URSS, un pluralisme politique commence à voir le jour, remettant en cause la primauté du parti communiste. En Russie, les élections législatives de 1989 sont gagnées par l’opposition réformatrice. Au début de 1990, aux élections municipales, des grandes villes sont remportées par des candidats démocrates, notamment Moscou et Leningrad, laquelle, de façon symbolique, reprendra en septembre 1991 son nom glorieux de Saint-Pétersbourg. Le mois de mai 1990 est décisif. Face à l’élection (15 mai) de Gorbatchev à la présidence d’une Union soviétique qu’il entend profondément réformer en vue de sa sauvegarde — elle est de nouveau menacée par des menées séparatistes —, le 29 mai voit l’élection, par le Parlement de Russie, de Boris Eltsine, un ancien communiste reconverti dans le nationalisme, au poste de président de la Fédération de Russie. Ainsi s’instaure une dyarchie, séparant réellement, pour la première fois depuis 1922, le sort de l’URSS et celui de la Russie. Le 12 juin 1990, la Russie vote une déclaration de souveraineté de la Russie vis-à-vis de l’URSS. Pendant ce temps, les autres membres de l’URSS, voyant le joug se relâcher, entament des processus visant à se libérer de l’Union soviétique. En Lituanie, le mouvement indépendantiste Sajudis remporte les élections du 24 février 1990. Le 11 mars 1990, le Parlement de Vilnius proclame l’indépendance de la Lituanie, qui redevient une république démocratique et quitte l’URSS. Cette déclaration d’indépendance est le premier acte d’un processus qui va peu à peu provoquer l’effondrement de l’URSS. Mais, jusqu’en juillet 1991, le pouvoir soviétique tente de s’opposer par la force à la sécession de la Lituanie.
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Russie En Lettonie, la république soviétique redevient le 4 mai 1990 république de Lettonie. Le pluripartisme est rétabli. Le 3 mars 1991, un référendum donne plus de 70 % de votes en faveur de l’indépendance. Le 21 août 1991, le parlement de Riga proclame l’indépendance du pays. La Lettonie redevient alors une république indépendante et quitte à son tour l’URSS. En Estonie, la république soviétique redevient le 5 mai 1990 république d’Estonie. Le pluripartisme est rétabli. Un référendum, le 3 mars 1991, donne une forte majorité pour l’indépendance. Le 20 août 1991, l’Estonie redevient une république indépendante et quitte l’URSS. Le 23 juin 1990, la république de Moldavie proclame sa souveraineté vis-à-vis de l’URSS. Le 27 août 1991, la république de Moldavie proclame son indépendance et quitte l’URSS. Emboîtant le pas à la Russie, qui en juin 1990 vote sa souveraineté vis-à-vis de l’URSS, l’Ukraine proclame le 16 juillet 1990 sa souveraineté vis-à-vis de l’Union soviétique. Puis, la désagrégation soviétique suivant son cours, le 24 août 1991, la république d’Ukraine proclame son indépendance. De même, la Biélorussie proclame le 27 juillet 1990 sa souveraineté vis-à-vis de l’Union soviétique. Le 25 août 1991, la république de Biélorussie proclame son indépendance. À la fin du mois d’août 1991, mis à part la Russie, tous les anciens membres européens de l’URSS ont quitté l’Union, faisant de celle-ci une coquille vide et de Gorbatchev un président sans troupes. Le 8 décembre 1991, à Minsk, les présidents des républiques de Russie, de Biélorussie et d’Ukraine proclament la fin de l’URSS et son remplacement par une confédération aux liens très lâches, la Communauté des États indépendants (CEI).
VII. La Fédération de Russie (1991 à nos jours) Ayant recouvré sa liberté vis-à-vis de l’ancienne Union soviétique, la Russie doit peu à peu réapprendre à vivre dans un cadre politique démocratique et dans un système économique libéral, non sans devoir affronter d’immenses difficultés dues à soixante-dix années de régime soviétique, qui se manifestent par des troubles politiques (Tchétchénie, tentative de coup d’État procommuniste en 1993), des crises économiques et financières, le développement de mafias, l’extension du chômage et la misère de nombreux Russes. Sur un plan territorial, séparée des autres républiques ex-membres de l’URSS, la Russie demeure un pays immense, sa superficie représentant encore 76 % de celle de l’Union soviétique (82 % en Europe) et sa population plus de la moitié de celle de la défunte Union. La structure administrative interne de la Russie héritée de la période soviétique est conservée dans les grandes lignes, la Russie constituant toujours une fédération pourvue de régions (oblast) pour les terres proprement russes, de républiques autonomes, de territoires autonomes, etc. pour les territoires habités par des minorités. Depuis l’éclatement de l’URSS, la région russe de Kaliningrad, sur la mer Baltique, constitue une enclave entre Pologne et Lituanie, séparée de la mère patrie russe par la Lituanie et la Biélorussie. Par ailleurs, les quelques modifications territoriales internes touchant la Russie d’Europe, vis-à-vis de la situation de la fin des années 1950, sont les suivantes : – en 1991, la province autonome des Adyghes est élevée au rang de république autonome des Adyghes, capitale Maïkop ; – en décembre 1992, l’Ingouchie se sépare de la Tchétchénie et devient, au sein de la Russie, la république autonome d’Ingouchie, capitale Nazran ; – les régions (oblast) de Krasnodar et de Stavropol sont devenues provinces autonomes au sein de la Fédération de Russie ; – les villes de Moscou et de Saint-Pétersbourg jouissent d’un statut de villes fédérales.
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Les États existants Enfin, peu après son accession à la présidence, au début 2000, Vladimir Poutine décrète un découpage administratif du territoire de la Russie en sept régions fédérales, aux compétences encore mal définies — la réforme n’étant pas encore réellement entrée en vigueur : – région Centrale, chef-lieu Moscou : oblast de Moscou, Smolensk, Tver, Briansk, Kalouga, Iaroslavl, Koursk, Orel, Toula, Riazan, Vladimir, Ivanovo, Kostroma, Belgorod, Voronnej, Lipetsk, Tambov ; – région du Nord-Ouest, chef-lieu Saint-Pétersbourg : oblast de Leningrad (SaintPétersbourg), Pskov, Novgorod, Vologda, Arkhangelsk, Mourmansk ; républiques de Carélie et des Komis ; – région de la Volga, chef-lieu Nijni-Novgorod : oblast de Nijni-Novgorod, Penza, Saratov, Oulianovsk, Samara, Orenbourg, Kirov, Perm ; républiques de Mordovie, Tchouvachie, des Maris, des Tatars, Oudmourtie, Bachkirie ; – région du Caucase du Nord, chef-lieu Rostov-sur-le-Don : oblast de Rostov, Volgograd, Astrakhan ; territoires autonomes de Krasnodar, Stavropol ; républiques de Kalmoukie, des Adyghes, Karatchevo-Tcherkessie, Kabardino-Balkarie, Ossétie du Nord, Ingouchie, Tchétchénie, Daghestan ; – trois régions asiatiques de l’Oural (Iekaterinbourg), de Sibérie (Novossibirsk) et d’Extrême-Orient (Khabarovsk).
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Saint-Marin
Saint-Marin Le pays en bref État républicain : la république de Saint-Marin. Présidents : deux capitaines-régents élus pour six mois par le Grand Conseil. Représentation parlementaire : une chambre, le Grand Conseil général. Capitale : Saint-Marin. Superficie : 60 km2 ; population : 26 000 habitants ; densité : 433 habitants au km2. Langue : l’italien. Religion : catholique. Monnaie : l’euro ; la lire italienne jusqu’en 2001.
Remarque : De 1789 à nos jours, la république de Saint-Marin est l’un des trois seuls États européens, avec Andorre et le Liechtenstein, à n’avoir modifié ni son territoire, ni son régime politique.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de Saint-Marin Fondée, selon la légende, au IVe siècle apr. J.-C. par saint Marin, un tailleur de pierre originaire de Dalmatie, la ville qui porte son nom, sur les flancs du mont Titan au sud de Rimini, s’organise en république de Saint-Marin (parfois appelée république titane) au XIIIe siècle et se place au XIVe sous la protection des seigneurs de Montefeltre, les futurs ducs d’Urbin. En butte aux convoitises des Malatesta et des Borgia, elle parvient à préserver son indépendance et se dote en 1600 d’une Constitution, ce qui en fait la plus ancienne république encore existante au monde. En 1739, le cardinal Alberoni, légat de la province pontificale de Romagne, dans laquelle la république est enclavée, tente par un coup de force d’annexer Saint-Marin ; il est désavoué en 1740 par le pape Clément XII.
II. La sauvegarde du pays au milieu des tourmentes (1789 à nos jours) En 1796, Bonaparte, général en chef de l’armée d’Italie, dépêche à Saint-Marin le savant Monge, pour assurer la république — au travers de laquelle il salue le maintien de l’esprit républicain au fil des siècles — du respect de son intégrité et lui proposer un agrandissement territorial, proposition qu’elle décline prudemment. Plus tard, roi d’Italie, Napoléon Ier respecte l’indépendance de Saint-Marin, alors enclavée dans le département italien du Rubicon. En 1815, Saint-Marin est pérennisée par le congrès de Vienne. Accueillant Garibaldi, exilé des États italiens en 1849, elle échappe en 1860 au mouvement d’unité italienne. Le 22 mars 1862, elle signe un traité d’amitié avec le nouveau royaume d’Italie, sous la protection duquel elle se place depuis lors. En 1943, elle voit sa neutralité respectée par les armées allemandes, lors de l’occupation d’une partie de l’Italie par celles-ci. Elle accueille de nombreux réfugiés. Le traité d’amitié avec l’Italie, régulièrement renouvelé, fait que Saint-Marin est pleinement incluse dans l’espace économique italien, même si elle demeure politiquement souveraine, ce que symbolise son admission en 1992 à l’ONU.
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Les États existants
Serbie Le pays en bref État républicain : la république de Serbie. Président : Boris Tadic. Représentation parlementaire : une chambre, l’Assemblée nationale. Capitale : Belgrade. Division administrative en 29 districts (okruzi), dont : – Serbie propre (Belgrade), 17 districts, plus la ville de Belgrade : Bor, Branicevo (Pozarevac), Jablanica (Leskovac), Kolubara (Valjevo), Macva (Sabac), Mordvica (Cacuk), Nisava (Nis), Pcinja (Vranje), Pirot, Podunavlje (Smederevo), Pomoravlje (Jagodina), Rosina (Krusevac), Raska (Kraljevo), Sumadija (Kragujevac), Toplica (Prokuplje), Zajecar, Zlativor (Uzice) ; – Voïvodine (Novi Sad), 7 districts : Banat central (Zrenjanin), Batchka septentrionale (Subotica), Banat septentrional (Kikinda), Batchka méridionale (Novi Sad), Banat méridional (Pancevo), Syrmie (Sremska Mitrovica), Batchka occidentale (Sombor) ; – Kossovo-Métohidja (Pristina), 5 districts : Kossovo (Pristina), Kossovo-Pomoravlje (Gnjilane), Kosovska Mitrovica, Petch, Prizren. Superficie : 88 400 km2 (dont Serbie propre : 56 000, Voïvodine : 21 500, KossovoMétohidja : 10 900) ; population : 10 millions d’habitants (dont Serbie propre : 5,8 millions, Voïvodine : 2 millions, Kossovo-Métohidja : 2,2 millions) ; densité : 113 habitants au km2. Langues : le serbe ; des minorités parlent le hongrois en Voïvodine et l’albanais au Kossovo-Métohidja. Religions : orthodoxe ; minorités catholique et musulmane. Monnaies : le dinar en Serbie ; l’euro convertible au Kossovo.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée du pays serbe 1. Des origines à la première indépendance serbe (1180) Au tournant de notre ère, le pays connu aujourd’hui sous le nom de Serbie, du moins pour son territoire principal situé au sud du Danube — pour la partie au nord, voir chapitre Hongrie —, faisait partie de la province romaine de Mésie, puis de Mésie supérieure, avant d’être versé dans l’Empire romain d’Orient (byzantin). Les Serbes, peuple slave originaire du Caucase et qui s’était établi en Saxe (Lusace) au IVe siècle, envahissent au VIIe siècle cette contrée, où ils fondent la principauté de Rascie, et y vivent autonomes (sous suzeraineté byzantine) jusqu’au Xe siècle, époque à laquelle ils passent sous la domination des Bulgares, puis de nouveau sous celle des Grecs.
2. La première Serbie (1180-1459) En 1180, sous le règne d’Étienne Nemanja, grand joupan de Rascie, cette dernière se rend indépendante de Byzance ; puis elle s’agrandit, incorporant le Kossovo, la Zéta (1189), la région de Pirot ; commence alors à apparaître le nom de principauté de Serbie. Le fils aîné d’Étienne Nemanja est couronné roi Étienne I er, une première fois en 1217 par un légat du pape, une seconde fois en 1221 par son frère puîné, le moine saint Sava (futur saint patron de la Serbie), et cette fois-ci dans le rite grec (orthodoxe). L’Église orthodoxe serbe se proclame autocéphale en 1219 (patriarchat de Petch). Devenue royaume au XIIIe siècle, la Serbie devient l’empire de Grande Serbie au XIVe siècle, sous le règne d’Étienne Douchan qui étend sa domination à l’Herzégovine, la
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Serbie Macédoine, l’Épire et la Thessalie. Cette expansion s’accompagne d’un premier essor culturel de la Serbie, qui se manifeste notamment par l’érection de nombreux monastères. À la mort de Douchan, la Grande Serbie se fractionne en de nombreuses principautés. En 1389, à la bataille de Cossovie (Kossovo Polje), les armées serbes sont écrasées par les Turcs, qui vont peu à peu imposer leur domination. En 1459, les Turcs s’emparent de la dernière principauté serbe qui résistait (Smederevo) et — sauf Belgrade qui ne tombera qu’en 1521 — dominent désormais pour plusieurs siècles l’ensemble des populations serbes (hormis le Monténégro).
3. Les Serbes sous le joug ottoman (1459-1789) Pendant longtemps, les Turcs, qui poursuivent leurs conquêtes vers le nord (Croatie, Hongrie, Transylvanie, etc.), sont trop puissants pour que les Serbes puissent tenter de s’en affranchir. Mais dès la fin du XVIe siècle, ils commencent à tenter sporadiquement de se rebeller. Après le second siège de Vienne par les Turcs (1683), l’Autriche entame un long mouvement de reconquête de territoires, qui la conduit à s’emparer de Belgrade en 1688, puis à poursuivre vers la Vieille Serbie (Kossovo), ce qui suscite un nouveau soulèvement des Serbes contre la Turquie. Mais une contre-offensive turque oblige l’armée autrichienne à se replier vers le nord, et une importante colonie serbe de plusieurs dizaines de milliers de personnes, avec à sa tête le patriarche de Serbie, se replie à cette date de Vieille Serbie en Slavonie, autour de Carlowitz — où s’installe le patriarche — et de Neusatz, en Syrmie et au Banat. En 1717, à la suite d’une nouvelle offensive autrichienne, le prince Eugène s’empare de nouveau de Belgrade. En 1718, par la paix de Passarowitz, les Autrichiens rattachent le nord de la Serbie (avec la petite Valachie) à leurs possessions. Mais le royaume autrichien de Serbie a une existence éphémère ; à la suite d’une nouvelle guerre, il est rétrocédé à la Turquie à la paix de Belgrade, en 1739.
II. Le pays serbe en 1789 Depuis 1739, il n’existe donc plus officiellement de Serbie. Toutefois, au sein de l’Empire ottoman, la région géographique de Serbie (ou Servie), région où vivent la majorité des gens de peuplement serbe, s’étend au sud du Danube, dans le bassin de la Morava, affluent du Danube. C’est une région montagneuse, très agricole, où les villes sont peu développées : Belgrade et Sémendria (Smederevo) sur le Danube. En dehors de l’Empire ottoman, il existe depuis 1690-1694 des colonies de peuplement serbe répandues dans les zones de Confins militaires de l’Autriche, en Croatie, en Slavonie, en Syrmie et au Banat. En 1789, la région ottomane de Serbie s’étend politiquement sur le vilayet (pachalik) de Belgrade et sur certaines parties des sandjaks de Novi Bazar, de Krouchevatz et de Vidin.
III. De 1789 à l’indépendance de la Serbie (1878) 1. De 1789 à l’érection d’une principauté de Serbie vassale de la Porte (1830) Éloignée des régions d’Europe où se produisent les grands bouleversements de l’époque révolutionnaire puis napoléonienne, la Serbie n’est que très peu concernée par les événements qui s’y produisent. À la suite de l’assassinat en décembre 1801 du pacha de Belgrade par des janissaires rebelles au gouvernement de la Porte, l’anarchie s’installe dans le pachalik de Belgrade ; les janissaires révoltés y font régner la terreur. Le 2 février 1804, sous la direction d’un marchand de cochons, Georges le Noir ou Karageorge, les Serbes se soulèvent. La prise de Belgrade, le 30 novembre 1806, marque le succès complet de l’insurrection. Karageorge se rend indépendant et devient prince de Serbie. La Serbie couvre le pachalik de Belgrade et six districts (nahije) de ceux de Novi Bazar, Krouchevatz et Vidin, contigus au pachalik de Belgrade.
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Les États existants À la même époque, la Russie rentre en guerre contre la Turquie au sujet des principautés de Moldavie et de Valachie. Le tsar apporte aussitôt son soutien à la rébellion serbe. En juillet 1807, Karageorge signe avec la Russie une convention faisant de la principauté de Serbie un protectorat russe. En mai 1812, la Russie fait sa paix avec la Turquie par le traité de Bucarest ; elle abandonne les Serbes à leur sort. En octobre 1813, la Turquie restaure sa domination sur la Serbie qu’a fuie Karageorge. En 1815, à la suite d’un massacre perpétré par le pacha, la Serbie se soulève de nouveau et le kniaz Milos Obrénovitch, ancien marchand de cochons lui aussi, prend la tête du mouvement le 11 avril. Dès juillet, l’insurrection est maîtresse du pachalik de Belgrade. En novembre 1815, Milos Obrénovitch est reconnu par le pacha de Belgrade comme prince suprême des Serbes sous la suzeraineté du sultan. Son autorité se limite au pachalik de Belgrade (24 000 km2) et, en principe, le prince n’est que l’auxiliaire du pacha de Belgrade. En novembre 1817, Milos Obrénovitch est reconnu prince héréditaire par l’Assemblée serbe. Mais le sultan refuse d’avaliser cette décision. En octobre 1826, par la convention d’Ackermann, la Porte reconnaît à la Russie un droit d’ingérence dans les affaires de Serbie. À la suite de la guerre russo-turque de 1828, la paix d’Andrinople (septembre 1829) confirme l’autonomie de la Serbie. Le 12 décembre 1830, le Sultan reconnaît Milos Obrénovitch prince héréditaire de Serbie. La Serbie devient principauté tributaire de la Porte. Le pacha de Belgrade, qui conserve ses garnisons dans sept forteresses, dont Belgrade, n’interviendra plus dans les affaires intérieures de la principauté, et promesse est faite de rendre à celle-ci ses frontières de l’époque de Karageorge.
2. De 1830 à l’indépendance de la Serbie (1878) Désormais reconnue comme réel État par les puissances, même si elle demeure vassale de la Turquie, la Serbie va jouer un rôle grandissant dans les affaires de la région et constituer une pièce maîtresse dans la lutte d’influence qui va opposer l’Autriche et la Russie pour s’assurer le contrôle politique et économique de la péninsule balkanique. Mais l’alternance sur le trône des Obrénovitch et des Karageorgevitch, qui se produit en règle générale de façon dramatique, contribue à fragiliser le pays. En raison des réticences des pachas qui devaient être dépouillés des six nahijes voisines, Milos Obrénovitch occupe ces dernières. En mai 1833, la Porte reconnaît l’extension de la Serbie à ces six nahijes. La Serbie passe de 24 000 à 37 000 km2 et compte de l’ordre de 700 000 habitants. La capitale en est Belgrade, mais le prince réside à Kragoujévatz. Le pays est divisé en 17 districts : Belgrade, Alexéniatz, Chabatz, Krajévatz, Kragoujévatz, Kraïna (Négotin), Krouchévatz, Oujitsé, Podrigné, Passarowitz (ou Pozarévatz), Rudnik, Sémendria (ou Smederevo), Tchatchak, Tchoupria, Tzernarka, Valiévo, Yagodina. Le prince Milos abdique en juin 1839, la couronne princière passe d’abord à son fils aîné Milan, puis à son fils puîné Michel. Un coup de force renverse ce dernier en août 1842 et l’Assemblée nationale (skouptchina) élit prince Alexandre Karageorgevitch, fils du prince Karageorge. Ce dernier s’efforce de doter le pays d’institutions publiques modernes (lois, administrations, écoles et universités, armée). En décembre 1858, un coup de force oblige le prince Alexandre à s’enfuir ; il est remplacé par l’ancien prince Milos Obrénovitch, puis, après sa mort (septembre 1860), par son fils Michel. Celui-ci est assassiné en mai 1868 et son cousin, Milan IV, lui succède. En avril 1867, à la suite d’un incident survenu à Belgrade en juin 1862, sur intervention des puissances et après de longues négociations, la Porte évacue les sept forteresses serbes et libère la Serbie de sa présence. La révolte paysanne qui se produit en Bosnie-Herzégovine en 1875 entraîne, par voie de contagion, l’intervention de la Serbie et du Monténégro contre la Turquie. Cette dernière les ayant vaincus, la Russie entre en guerre (avril 1877) et vainc à son tour la Turquie (prise de Plevna, décembre 1877).
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Serbie La perspective d’une marche russe jusqu’à Constantinople incite la Turquie à demander la paix. Celle-ci est conclue à San Stefano, le 3 mars 1878. Le traité prévoit la création d’une grande Bulgarie autonome s’étendant du lac d’Ochrida aux rives de la mer Noire, l’accroissement de la Roumanie et du Monténégro et un léger agrandissement de la Serbie, limité à la région de Nisch. Le traité de San Stefano rompant, aux yeux de la Grande-Bretagne et de l’Autriche, l’équilibre balkanique au profit de la Russie et de sa protégée bulgare, le chancelier Bismarck réunit à Berlin un congrès des puissances, qui impose un nouveau traité le 13 juillet 1878. La grande Bulgarie de San Stefano est divisée en trois parties (principauté de Bulgarie vassale, Roumélie orientale autonome au sein de la Turquie, Macédoine laissée à la Turquie), tandis que les agrandissements de la Serbie, prévus à San Stefano, sont légèrement accrus : la Serbie reçoit de la Turquie les districts de Pirot, Nisch, Toplitza et Vranja, qui font passer à 21 le nombre de ses districts et à 48 000 km2 sa superficie, pour une population d’environ 1,8 million d’habitants. De plus, la principauté de Serbie devient indépendante, rompant tout lien avec la Porte ; cette indépendance est reconnue par les puissances. Mais l’occupation de la BosnieHerzégovine et du sandjak de Novi Bazar par l’Autriche-Hongrie porte un coup d’arrêt à l’expansion de la Serbie, qui convoitait ces provinces ottomanes. Enfin, l’îlot d’Ada-Kaleh (fort de Nouvel-Orsova), situé dans le lit du Danube (Portes de Fer) entre la Serbie et la Hongrie, n’est nommément attribué à aucun des deux États. Oublié dans le traité, il est conservé par la Turquie.
IV. La principauté, plus tard royaume, de Serbie (1878-1918) 1. De 1878 à l’issue de la seconde guerre balkanique (1913) Le 28 juin 1881, la Serbie signe avec l’Autriche-Hongrie une convention secrète d’alliance politique ; celle-ci, qui vient compléter un accord commercial et un accord de construction d’une ligne de chemin de fer Belgrade-Salonique, tourne résolument vers l’AutricheHongrie une Serbie déçue par le soutien préférentiel accordé désormais par la Russie à la Bulgarie. En contrepartie, le 6 mars 1882, le prince Milan est proclamé roi Milan Ier de Serbie, avec le soutien de l’Autriche et l’accord des autres puissances. Le pays est élevé désormais au rang de royaume de Serbie. Des différends frontaliers avec la nouvelle Bulgarie voisine et le soutien de l’AutricheHongrie, qui voit d’un mauvais œil la récente annexion de la Roumélie orientale par la Bulgarie, incitent le roi Milan à entrer en guerre contre celle-ci en novembre 1885. Les Bulgares étant vainqueurs, la paix de Bucarest, le 8 mars 1886, rétablit le statu quo ante bellum entre Serbie et Bulgarie. La guerre malheureuse contre la Bulgarie, puis les dissensions au sein de la famille royale finissent par discréditer cette dernière aux yeux de l’opinion publique. En 1888 est votée une nouvelle Constitution au caractère parlementaire prononcé, qui limite les pouvoirs du roi. Le roi Milan abdique en février 1889, et son fils Alexandre Ier est proclamé roi le 6 mars. L’imbroglio se poursuivant au sein de la famille royale — le roi Milan est revenu à Belgrade et dispute le sceptre à son fils, la situation se compliquant de dissensions matrimoniales —, l’armée se résout à intervenir pour faire cesser le scandale. Le 29 mai 1903, des militaires assassinent le roi Alexandre et le 15 juin Pierre Karageorgevitch, fils de l’ancien prince Alexandre Karageorgevitch, devient le roi Pierre Ier de Serbie. Sa politique va prendre une orientation russophile et austrophobe. L’affaiblissement de la Turquie ayant aiguisé l’appétit des États de la région, une Ligue balkanique est formée entre Grèce, Bulgarie, Serbie et Monténégro pour s’en partager les dépouilles européennes (mars-octobre 1912). Le conflit avec la Turquie, qui débute le 8 octobre 1912, se révèle désastreux pour celleci. Le 30 mai 1913, au traité de Londres, la Turquie doit céder la Crète et tout le territoire
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Les États existants qu’elle détient à l’ouest d’une ligne Enos-Midia, ne conservant en Europe que Constantinople et la région bordant les Détroits. Le 30 juin, la Bulgarie, qui avait revendiqué en vain la Macédoine en compensation de son effort de guerre, attaque ses alliés par surprise. Débordée par les Serbes, les Grecs et les Turcs, qui en profitent pour reprendre Andrinople, elle est vaincue le 31 juillet et doit en subir les conséquences. Le 1er août 1913, la paix est signée à Bucarest. La Bulgarie n’obtient qu’un lambeau de Macédoine orientale (dite de Pirin) et la Thrace occidentale. Le reste de la Macédoine est partagé entre la Grèce, qui en annexe la part méridionale avec Florina, Edessa, Salonique et Kavalla, et la Serbie, qui annexe la Macédoine septentrionale et centrale avec Ouskoub, Veles, Ochrida et Monastir. De plus, la Serbie annexe le Kossovo et une partie de la Métohidja (Prizrend), laquelle est partagée avec le Monténégro. Enfin, elle annexe la moitié nord-est du sandjak de Novi Bazar (avec la ville), le sandjak étant lui aussi partagé avec le Monténégro. Mais les puissances, sur les instances de l’Italie et de l’Autriche-Hongrie, ont décidé le 29 juillet de faire de l’Albanie une principauté souveraine. La Serbie, qui avait occupé le nord de l’Albanie, se voit ainsi une seconde fois déboutée dans ses prétentions à obtenir un débouché sur l’Adriatique. Néanmoins, la Serbie vient de doubler de superficie (86 000 km2) et de s’accroître de 1,2 million d’habitants.
2. De 1913 à l’inclusion dans le royaume des Slaves du Sud (1918) L’opinion européenne pressent que la guerre qui vient de s’achever n’a été qu’une première étape et que les ambitions antagonistes qui se sont fait jour dans les Balkans portent en germe les prémices d’un nouveau conflit. Humiliée par l’Autriche-Hongrie, la Serbie de Pierre Ier — qui fut jadis officier dans l’armée française — ne songe qu’à prendre sa revanche et se rapproche à cet effet des puissances de la Triple Entente (France, Grande-Bretagne, Russie). Le 28 juin 1914, l’archiduc François Ferdinand, héritier du trône autrichien, est assassiné à Sarajevo. Le 28 juillet, un mois après l’assassinat où Vienne a vu la main des autorités serbes, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. L’état de belligérance s’étend bientôt à toutes les puissances européennes. À partir d’octobre 1915, attaquée par les forces allemandes, autrichiennes et bulgares, la Serbie est vaincue et, dès janvier 1916, le roi, le gouvernement et l’armée se replient sur Corfou. La Serbie est occupée par les empires centraux, tandis que les débris de son armée rejoignent le front d’Orient (Salonique) pour poursuivre la lutte. Pendant que la guerre suit son cours, les puissances de l’Entente commencent à envisager, en cas de victoire, un démantèlement de l’Autriche-Hongrie, puissance catholique traditionnelle et obstacle, par sa composition même, à une redistribution politique assise sur le principe des nationalités. Dans cette perspective, les Alliés favorisent les aspirations de certains à une union des Slaves du Sud (Slovènes, Croates et Serbes), laquelle — transcendant une divergence multiséculaire d’histoire, de religion et de culture — devrait conduire à un État yougoslave faisant pièce à l’hégémonie allemande dans cette partie de l’Europe. Premier signe tangible d’un rapprochement yougoslave, le 1er juillet 1917 est signé le pacte de Corfou entre le président du conseil serbe Pachitch et Trumbitch, l’ancien maire croate de Spalato. Ce pacte déclare que les Serbes, les Croates et les Slovènes constituent un même peuple qui devra, à l’issue de la guerre, être réuni sous le sceptre des Karageorgevitch. Mais Trumbitch ne représente que l’émigration croate. En avril 1918 se tient à Rome un congrès des nationalités d’Autriche-Hongrie, qui décide la création d’un État des Slaves du Sud sous la dynastie serbe. Le 3 juin, les Alliés, longtemps réticents à l’idée d’une désintégration de l’Autriche-Hongrie, font une déclaration commune (Lloyd George, Clemenceau) sur « leur sympathie pour les aspirations des Tchécoslovaques et des Yougoslaves vers la liberté ». Le 29 octobre, la diète d’Agram proclame l’indépendance du royaume de Croatie-Slavonie et son rattachement au futur royaume des Slaves du Sud.
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Serbie Le 13 novembre, une Assemblée monténégrine réunie à Podgoritza vote la déchéance du roi Nicolas et l’union du Monténégro au futur royaume yougoslave. Prenant acte de ces événements qu’il a grandement inspirés, le prince régent Alexandre de Serbie proclame le 1er décembre 1918 le royaume des Serbes, Croates, Slovènes (SCS), qui a vocation à réunir les Slaves du sud de l’Europe autour de son trône ; le nouveau royaume a pour bases la Serbie, le Monténégro, la Croatie-Slavonie, la Slovénie et la Bosnie-Herzégovine. La Serbie est entièrement incorporée dans le nouveau royaume. Elle va en constituer la province principale, légèrement agrandie en novembre 1919 de petits territoires bulgares, au point d’atteindre une surface de 95 700 km2.
V. La nouvelle Yougoslavie (1918-1941) 1. Le royaume des Serbes, Croates, Slovènes (1918-1929) Les frontières du nouveau royaume demeurent cependant à définir. Les Italiens ont occupé militairement dès novembre Goritz, Trieste, l’Istrie et l’ouest de la Carniole ; ils revendiquent Trieste, l’Istrie et la Dalmatie septentrionale, qui leur ont été promis par les Alliés au traité de Londres (avril 1915), ainsi que Fiume et son arrière-pays. Au printemps de 1919, les vainqueurs de la guerre se réunissent à Paris pour tenir des conférences où seront définis les traités de paix à imposer aux vaincus et les remaniements territoriaux qui en résulteront. Le royaume des Serbes, Croates, Slovènes (SCS) voit ses frontières peu à peu précisées au fur et à mesure de la conclusion de divers traités. Par le traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919, agissant au nom de l’ancienne Cisleithanie, l’Autriche : – cède au royaume SCS : – le tiers méridional de la Styrie (au sud de la Mur), avec Marbourg mais sans Radkersbourg ; – la Carniole, en principe en totalité mais sa partie occidentale est contestée entre l’Italie et le royaume SCS ; par ailleurs, un fragment de Carniole (Weissenfels/ Fusine), aux sources de la Save, est attribué à l’Italie ; – le Miestal, fragment oriental de la Carinthie (région de Draubourg), plus un autre fragment de Carinthie situé au sud de la ligne de crête séparant Carinthie et Carniole ; – la Dalmatie méridionale et les îles afférentes ; – sa part du condominium austro-hongrois sur la Bosnie-Herzégovine ; – renonce à la Carniole occidentale, à l’Istrie et à la Dalmatie septentrionale, qui sont contestées entre l’Italie et le royaume SCS ; – conserve provisoirement le bassin de Klagenfurt (quart sud-est de la Carinthie), mais un plébiscite doit s’y tenir en 1920 pour permettre aux populations (allemandes et wendes) d’opter entre l’Autriche et le royaume SCS. Par le traité de Neuilly du 27 novembre 1919, la Bulgarie cède au royaume SCS les territoires du Timok (rive droite du cours inférieur), de Tsaribrod, de Bossilevgrad (sur la haute Strouma) et le saillant de Stroumitza (Macédoine). Par le traité de Trianon du 4 juin 1920, agissant au nom de l’ancienne Transleithanie, la Hongrie : – cède au royaume SCS : – le royaume de Croatie-Slavonie ; – des parties de Hongrie propre, à savoir : – un fragment méridional du comitat d’Eisenbourg (Vas), encore appelé Prékomourié, et peuplé de Slovènes ;
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Les États existants – une partie du comitat de Zala, encore appelée Medjimourié, et peuplée de Croates ; – deux fragments (Zdala et Gola) du comitat de Somogy situés au nord de la Drave ; – l’angle sud-est du comitat de Baranya (saillant entre Drave et Danube) ; – la majeure partie du comitat de Batch-Bodrog (Batchka) située entre Danube et Tisza (seul le cinquième septentrional du comitat restant à la Hongrie) ; – le tiers occidental du Banat, c’est-à-dire la moitié méridionale du comitat de Torontal et le quart méridional de celui de Temes ; – sa part du condominium austro-hongrois sur la Bosnie-Herzégovine ; – renonce à la ville de Fiume et à son territoire, qui sont contestés entre l’Italie et le royaume SCS ; la ville de Fiume est occupée, depuis septembre 1919, par le poète D’Annunzio, assisté de ses arditi, qui y a proclamé la Régence italienne du Quarnero. En vue du plébiscite de Carinthie, le bassin de Klagenfurt a été divisé par les Alliés en deux zones : zone I (Bleibourg, Vœlkermarkt) et zone II au nord de la précédente. Le plébiscite se tient le 10 octobre 1920 dans la zone I et donne une majorité de 60 % en faveur du maintien en Autriche. Les Alliés décident alors que l’ensemble du bassin de Klagenfurt restera à l’Autriche. Au terme de laborieuses négociations entre les parties, par le traité de Rapallo du 20 novembre 1920 signé entre l’Italie et le royaume SCS, il est décidé que : – l’Italie se voit attribuer la Carniole occidentale (avec Idria et Adelsberg), l’entière Istrie, les îles de Cherso, de Lussin, de Lagosta et de Pelagosa, ainsi que la ville de Zara avec ses abords immédiats, sous forme d’enclave ; – le royaume SCS se voit attribuer la quasi-totalité (hormis Zara) de la Dalmatie septentrionale, ainsi que les autres îles dalmates non énumérées ci-dessus ; – la ville de Fiume, son faubourg slave de Soutchak et une bande de territoire la reliant à Volosca sont érigés en ville libre placée sous le contrôle de la SDN ; le gouvernement italien de Giolitti en chassera D’Annunzio en décembre 1920. Le royaume des Serbes, Croates, Slovènes, capitale Belgrade, atteint ainsi sa dimension quasi définitive (hormis des petits gains en décembre 1922 et janvier 1924). Il s’étend sur une surface de 249 000 km2 pour une population de 12 millions d’habitants. Il est composé des provinces suivantes, qui constituent des entités géographiques reposant sur des bases historiques, mais dont la finalité administrative n’est pas encore définie : – Serbie : 95 700 km2 et 4 100 000 habitants ; ancien royaume de Serbie et territoires cédés par la Bulgarie ; – Monténégro : 9 700 km2 et 200 000 habitants ; ancien royaume ; – Bosnie-Herzégovine : 51 200 km2 et 1 900 000 habitants ; ancien condominium austro-hongrois ; – Croatie-Slavonie : 43 200 km2 et 2 700 000 habitants ; ancien royaume et fragments de Somogy et de Medjimourié ; – Dalmatie : 13 200 km2 et 600 000 habitants ; ancienne province autrichienne de Dalmatie, moins Zara et les îles cédées à l’Italie ; – Carniole-et-Carinthie : 16 200 km2 et 1 100 000 habitants ; ancienne Carniole (sauf partie occidentale), fragments de Carinthie, tiers de Styrie, Prékomourié ; – Banat : 9 800 km2 et 600 000 habitants ; – Batchka : 9 900 km2 et 800 000 habitants ; Batchka et Baranya. Mais si le pays atteint ses dimensions définitives, reste à réaliser l’unité d’un pays confronté aux difficultés que suscite l’entente entre des peuples de coutumes, de religions et de cultures diverses, qui ont vécu séparés depuis si longtemps.
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Serbie À partir de 1921, le royaume SCS fait partie, avec la Tchécoslovaquie et la Roumanie, de la Petite Entente, alliance politique et militaire instituée avec le soutien de la France pour contenir l’esprit de revanche des pays vaincus. Par ailleurs, c’est en août 1921 que meurt le vieux roi Pierre Ier, et son fils, le prince régent Alexandre, lui succède sous le nom d’Alexandre Ier. Au sein de l’Assemblée constituante du royaume se fait très tôt jour un différend entre partisans du centralisme, conduits par le Serbe Pachitch, et partisans du fédéralisme, conduits par le Croate Raditch. Par suite de ce différend, le parti paysan croate de Raditch se retire des débats et laisse la voie ouverte à l’adoption d’une Constitution centraliste, dite du Vidovdan, votée le 28 juin 1921 et récusée dès cet instant par les Croates. Cette Constitution fait du royaume des Serbes, Croates, Slovènes une monarchie parlementaire centraliste. Dès lors, les provinces historiques subsistent, mais sont vidées de toute substance au profit de 33 régions appelées à être les réels cadres administratifs du pays. En 1922, les bouches de Cattaro sont détachées de la province de Dalmatie et rattachées à celle du Monténégro. Le 6 décembre 1922, la conférence des Ambassadeurs décide la cession par l’Albanie au royaume SCS du monastère de Saint-Naoum (entre Ochrida et Prespa) et de la région des Mirdites (attenante à Prizrend). Par le traité de Rome du 27 janvier 1924, signé entre l’Italie et le royaume SCS, la ville libre de Fiume disparaît, ainsi partagée : – la ville de Fiume et la bande de territoire la reliant à Volosca sont annexées par l’Italie ; – le faubourg slave de Soutchak est annexé par le royaume SCS, qui va en faire le grand port yougoslave.
2. Le royaume de Yougoslavie (1929-1941) Le député Raditch ayant été assassiné en juin 1928 en pleine Assemblée nationale par un député monténégrin, de graves troubles se produisent, qui amènent le roi Alexandre Ier à dissoudre l’Assemblée et à suspendre la Constitution, en janvier 1929. Le régime devient dictatorial et, le 3 octobre, le nom de l’État est changé en celui de royaume de Yougoslavie. En 1931, une nouvelle Constitution prévoit une centralisation renforcée impliquant la disparition des anciennes provinces historiques et une nouvelle division du royaume en neuf banovines, plus le district séparé de Belgrade, chevauchant partiellement les anciennes provinces et portant le nom de rivières. Ces banovines sont les suivantes : – district de Belgrade (500 km2) : Belgrade et ses environs ; – Danube (31 500 km2), chef-lieu Novi Sad (Neusatz) : Baranya, Batchka et Banat serbes, Syrmie, partie septentrionale de la Serbie ; – Save (40 500 km2), chef-lieu Zagreb (Agram) : Croatie et Slavonie (sauf un fragment méridional) ; – Drave (10 500 km2), chef-lieu Ljubljana (Laybach) : Carniole et Prékomourié ; – Drina (28 000 km2), chef-lieu Sarajevo : fragment méridional de la Slavonie, partie nord-est de la Bosnie-Herzégovine, partie occidentale de la Serbie ; – Morava (25 500 km2), chef-lieu Nisch : partie nord-est de la Serbie ; – Verbas (19 000 km2), chef-lieu Banja Luka : partie nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine ; – Littoral (20 000 km2), chef-lieu Split (Spalato) : Dalmatie (hormis le littoral ragusain), partie sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine ; – Vardar (37 000 km2), chef-lieu Skopje (Ouskoub) : partie méridionale de la Serbie ; – Zéta (31 000 km2), chef-lieu Cettigné : Monténégro, littoral ragusain, partie sud-est de la Bosnie-Herzégovine, partie sud-ouest de la Serbie.
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Les États existants Le 9 octobre 1934, le roi Alexandre Ier est assassiné à Marseille par l’organisation secrète croate des Oustachis, qui milite pour l’indépendance de la Croatie. Son fils mineur, Pierre II, lui succède, sous la régence du prince Paul. Dans les années suivantes, par suite de l’effacement des pays occidentaux, la Yougoslavie est contrainte de se rapprocher de l’Allemagne et de l’Italie. En août 1939, voulant donner satisfaction tardive aux Croates, le roi Pierre II crée une grande banovine autonome croate dotée d’un parlement à Zagreb, regroupant tous les pays peuplés de Croates et chevauchant les banovines de 1931 : elle regroupe les banovines de Save et du Littoral en totalité, des fragments de celles du Verbas, de la Drina (Slavonie méridionale) et de la Zéta (littoral ragusain). Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la Yougoslavie parvient à se maintenir à l’écart du conflit. Mais au début de 1941, les difficultés italiennes en Grèce amènent Hitler à exiger de la Yougoslavie l’adhésion au pacte tripartite (Allemagne, Italie, Japon). Le régent Paul finit par adhérer le 25 mars 1941, mais il est aussitôt renversé par un coup de force. Hitler décide alors l’invasion de la Yougoslavie par les armées allemandes, italiennes et bulgares. La Yougoslavie est vaincue le 22 avril et Hitler, de concert avec Mussolini, procède sur-le-champ à son démembrement.
VI. Mort et renaissance de la grande Yougoslavie (1941-1991) 1. La Serbie sous le joug allemand (1941-1944) Le royaume de Yougoslavie disparaît, réparti entre : – un État de Serbie (51 000 km2), occupé par les Allemands, réduit à ses dimensions du traité de Berlin de 1878, diminué encore du district de Moravie orientale (Pirot, Vranja) annexé par la Bulgarie ; – un Banat serbe (10 000 km2), théoriquement rattaché à la Serbie mais placé sous protectorat allemand et administré par les « Souabes du Banat », colons implantés au XVIIIe siècle (Hitler avait envisagé de l’appeler État du Prince Eugène) ; – un royaume de Croatie (99 000 km2), gouverné par le chef oustachi Ante Pavelitch, composé de la Croatie-Slavonie historique (hormis Fiume), de la Bosnie-Herzégovine et de la moitié méridionale de la Dalmatie historique ; – un Monténégro (16 000 km2) reconstitué sous protectorat italien dans ses limites de 1914, augmenté au nord-est de la moitié de la part du sandjak de Novi Bazar dévolue en 1913 à la Serbie, mais diminué au sud-est d’un fragment de Métohidja (Ipek, Diakova) et du territoire de Gusinje, et diminué au sud du port de Dulcigno ; – la Bulgarie, qui reçoit le territoire du Timok, la Moravie orientale (Pirot, Vranja) et la majeure partie de la Macédoine ci-devant yougoslave, jusqu’au lac d’Ochrida, soit un accroissement de 28 000 km2 ; – la Hongrie, qui recouvre ses cessions de 1920 de Hongrie propre (sauf le Banat), à savoir la Batchka, l’angle de la Baranya, le Medjimourié et le Prékomourié, soit un accroissement de 12 000 km2 ; – le Reich allemand, qui annexe la partie septentrionale de la Slovénie (banovine de Drave), au nord d’une ligne est-ouest passant au nord de Laybach, soit un accroissement de 10 000 km2 ; – l’Italie, qui annexe la partie méridionale de la Slovénie, avec Laybach, le territoire croate de Delnice, Soutchak, les îles de Veglia et d’Arbe, la Dalmatie septentrionale (dans ses limites du pacte de Londres de 1915, élargies à Trau et à Spalato), les îles de Lissa, de Curzola et de Méléda et les bouches de Cattaro, soit un accroissement de 11 000 km2 ; – l’Albanie italienne, qui reçoit les territoires de Dulcigno et de Gusinje, la Métohidja, le Kossovo et la frange occidentale de la Macédoine ci-devant yougoslave, soit un accroissement de 12 000 km2. Au sein de ce bouleversement figure donc le rétablissement d’une petite Serbie (51 000 km2, 3,8 millions d’habitants) composée du territoire de l’ancienne Serbie du
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Serbie congrès de Berlin accrue de la moitié du sandjak de Novi Bazar, diminuée du district de Pirot, annexé par la Bulgarie, et théoriquement accru du territoire du Banat serbe, lequel est en réalité détaché de la Serbie et administré par les colons allemands (les « Souabes ») du Banat, sous le contrôle allemand. Cette Serbie, occupée par les troupes allemandes, est, à partir d’août 1941, gouvernée par le général Neditch, sous le contrôle étroit des autorités d’occupation. Les annexions, occupations ou protectorats allemands, italiens, hongrois ou bulgares, ainsi que le régime oustachi en Croatie, se heurtent à des mouvements de résistance conduits par le général Mikhaïlovitch (monarchiste) ou par le partisan Tito (communiste), lequel finira par l’emporter. Le Comité national de libération, installé à Jajce (Bosnie) par Tito, adopte en novembre 1943 une structure fédérale et décide le principe d’un futur État fédéral de Yougoslavie, pour éviter le retour aux antagonismes d’avant-guerre. En novembre 1944, les armées soviétiques libèrent Belgrade, mais la Serbie, comme l’ensemble des territoires de l’ancienne Yougoslavie, est en réalité aux mains des partisans de Tito, qui va bientôt s’emparer du pouvoir avec l’assentiment des Occidentaux, qui abandonnent la cause monarchiste.
2. La grande Yougoslavie fédérale et communiste (1945-1991) Le 29 octobre 1945, la monarchie yougoslave est abolie et Tito proclame la république de Yougoslavie. Le 31 janvier 1946 est promulguée la nouvelle Constitution qui confirme la naissance d’une république fédérative de Yougoslavie (communiste), composée de six républiques et de deux provinces autonomes ; la capitale fédérale est fixée à Belgrade, mais chacune des républiques est dotée d’institutions propres. Le découpage entre les six républiques et les deux régions autonomes répond à la double préoccupation suivante : – ériger, autant que possible, des États viables correspondant aux grandes nationalités de la Yougoslavie, d’où l’établissement d’une Macédoine, d’une Serbie, d’une Croatie et d’une Slovénie, et, a contrario, le rétablissement d’une Bosnie-Herzégovine dans ses limites historiques, bien qu’elle constitue une mosaïque de peuples, car son démembrement sur des bases ethniques engendrerait des frontières trop compliquées ; – affaiblir le poids écrasant du peuple serbe, d’où le rétablissement du Monténégro, qui eut dans le passé une vie distincte, et l’établissement de deux provinces autonomes, le Kossovo-Métohidja et la Voïvodine, dont on justifiera la création par la présence de populations allogènes (Albanais au Kossovo-Métohidja, Hongrois en Voïvodine). De ce fait, et en anticipant sur les traités de paix à venir avec la Bulgarie, la Hongrie et l’Italie, qui doivent asseoir les frontières, la Yougoslavie est ainsi constituée : – la république de Serbie, capitale Belgrade, composée de la Serbie proprement dite et des deux provinces autonomes de Kossovo-Métohidja et de Voïvodine (voir détails infra) ; – la république de Croatie, capitale Zagreb (Agram), composée de l’ancienne CroatieSlavonie historique (amputée de la Syrmie), de Fiume, de la Dalmatie historique avec Raguse mais sans Cattaro, et revendiquant la Baranya, le Medjimourié et l’Istrie ; – la république de Slovénie, capitale Ljubljana (Laybach), composée de l’ancienne banovine de Drave et revendiquant le Prékomourié, Goritz, Trieste et la Carniole occidentale ; – la république de Bosnie-Herzégovine, capitale Sarajevo, dans ses limites historiques (condominium austro-hongrois) diminuées de la « fenêtre » de la Sutorina ; – la république du Monténégro, capitale Podgoritza, dans ses limites de 1914 diminuées de la Métohidja mais augmentées des bouches de Cattaro et de la fenêtre herzégovinienne de la Sutorina ; – la république de Macédoine, capitale Skopje (Ouskoub), correspondant à la Macédoine acquise en 1913 par la Serbie, augmentée du saillant de Stroumitza (acquis en 1920) et de la pointe méridionale du Kossovo.
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Les États existants S’agissant des gens de peuplement serbe, les Serbes de Croatie, de Bosnie-Herzégovine et du Monténégro sont exclus de la nouvelle république de Serbie, qui perd aussi la Macédoine. Cette république de Serbie (88 000 km2), capitale Belgrade (qui est aussi la capitale fédérale), est composée de la Serbie proprement dite et des deux régions autonomes de Voïvodine et de Kossovo-Métohidja : a) Serbie proprement dite (56 000 km2) : Serbie du congrès de Berlin, accrue de la moitié septentrionale du sandjak de Novi Bazar (acquise en 1913) et des parcelles bulgares (Timok, Tzaribrod et Bossilevgrad) acquises en 1919 ; b) Voïvodine (21 000 km2), chef-lieu Novi Sad : Banat serbe, Batchka et Syrmie ; c) Kossovo-Métohidja (11 000 km2), chef-lieu Pristina : Kossovo (hormis sa partie méridionale) et Métohidja. La présence de peuplement hongrois en Voïvodine et albanais au Kossovo-Métohidja justifie, aux yeux de Tito, l’autonomie accordée à ces deux régions, et permet conséquemment d’affaiblir le poids de la Serbie au sein de la fédération yougoslave. Le Monténégro est une nouvelle fois reconstitué en tant que l’une des six républiques fédérées, avec pour capitale Podgoritza (qui deviendra Titograd). Les traités de Paris du 10 février 1947 définissent les nouvelles frontières de la Bulgarie, de la Hongrie et de l’Italie, qui cèdent des territoires à divers pays limitrophes. Dans ce cadre : – la Bulgarie cède à la Yougoslavie les territoires annexés en 1941 à savoir le territoire du Timok et la Moravie orientale (Pirot, Vranja) attribués à la Serbie, la Macédoine septentrionale anciennement serbe, désormais république de Macédoine ; – la Hongrie cède à la Yougoslavie les territoires annexés en 1941, à savoir la Batchka, attribuée à la Voïvodine, la Baranya et le Medjimourié, attribués à la Croatie, le Prékomourié, attribué à la Slovénie ; – l’Italie cède à la Yougoslavie l’ancien comté de Goritz (sans la ville elle-même, mais avec son faubourg de Castagnavizza) et la Carniole occidentale (jusqu’aux limites du plateau du Karst dominant Trieste), attribués à la Slovénie, l’Istrie (hormis le territoire de Trieste), Fiume, Zara et les îles de Cherso, Lussin, Lagosta et Pelagosa, attribuées à la Croatie. La Dalmatie septentrionale, prise par l’Italie en 1941, a été dès 1943 donnée par Hitler à la Croatie. Un territoire libre de Trieste est érigé sous le contrôle de l’ONU, car il est revendiqué à la fois par l’Italie et la Yougoslavie ; il est divisé en deux zones : zone A (Trieste et le corridor la reliant à l’Italie) administrée par les Anglo-Américains, zone B (Capodistria, Cittanova) administrée par les Yougoslaves. Par le mémorandum de Londres du 5 octobre 1954, le territoire libre de Trieste est dissous et partagé. La zone A (Trieste et son corridor) est rattachée à l’Italie, la zone B (Capodistria, Cittanova) est rattachée à la Yougoslavie, qui la partage elle-même en deux lots : la partie septentrionale (Capodistria) est attribuée à la Slovénie pour laquelle elle constituera un débouché maritime, la partie méridionale (Cittanova) est attribuée à la Croatie. La Yougoslavie atteint une surface de 256 000 km2 — pour environ 17 millions d’habitants —, qui est ainsi répartie : 88 000 pour la Serbie (21 000 pour la Voïvodine, 11 000 pour le Kossovo), 57 000 pour la Croatie, 20 000 pour la Slovénie, 51 000 pour la BosnieHerzégovine, 14 000 pour le Monténégro, 26 000 pour la Macédoine. C’est désormais un État qui octroie une certaine autonomie politique aux six républiques, tempérée par l’omnipotence du parti communiste, qui contrôle tous les rouages, et la main de fer avec laquelle le maréchal Tito préside la fédération. Les républiques, parmi lesquelles la Serbie, disposent aussi d’une certaine autonomie économique, dans le cadre du régime de l’autogestion imposé aux structures économiques propres à chacune des républiques. La Serbie constitue, au sein de la fédération, la république la plus peuplée et celle qui représente le plus grand poids économique, mais, en dépit de sa situation centrale et de son désir de dominer les autres, son hégémonie politique n’est plus ce qu’elle était avant-guerre.
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Serbie Dès l’origine, la Yougoslavie de Tito se révèle être un partenaire peu commode pour l’URSS. En 1948, la rupture est consommée. La Yougoslavie est expulsée du Kominform et va désormais adopter une politique extérieure indépendante du bloc de l’Est, adhérant plus tard au mouvement des non-alignés ; elle demeure de ce fait nettement plus ouverte que d’autres pays communistes aux échanges avec l’Occident. Tito, devenu président à vie en 1974, meurt en mai 1980 ; lui succède une présidence collégiale mais se réveillent aussi les aspirations nationalistes de certaines républiques (Croatie et Slovénie). Pendant ce temps, l’albanisation rampante du Kossovo-Métohidja — pourtant foyer d’origine et cœur spirituel de la Serbie — provoque les premiers troubles, prémices d’affrontements ultérieurs plus violents, auxquels la Serbie répond par une administration directe de la province. Le 2 juillet 1990, l’Assemblée de la province du Kossovo proclame une république du Kossovo. Elle est aussitôt dissoute par Belgrade, qui décrète l’état d’urgence dans la province. En Serbie même, où en 1989 a été élu président Slobodan Milosevic, un ancien communiste reconverti dans le nationalisme grand-serbe, une nouvelle Constitution, promulguée le 28 septembre 1990, rétablit en théorie un régime démocratique, mais supprime l’autonomie de la Voïvodine et du Kossovo.
VII. De la Yougoslavie à la Serbie (1991 à nos jours) À partir de 1989-1990, l’effondrement en Europe des régimes communistes permet à certains États de la Yougoslavie de revendiquer leur indépendance. Ces pays se dotent de pouvoirs non communistes et s’opposent à la Serbie, qui contrôle désormais le pouvoir fédéral. Successivement, la Slovénie (25 juin 1991), la Macédoine (référendum du 8 septembre 1991), la Croatie (8 octobre 1991), et la Bosnie-Herzégovine (décembre 1991) quittent la fédération yougoslave et proclament leur indépendance. Par référendum du 1 er mars 1992, le Monténégro décide son maintien dans la fédération. La république fédérale de Yougoslavie, désormais restreinte aux deux seules républiques de Serbie et du Monténégro, est ainsi ramenée à une superficie de 102 200 km2, pour environ 10 millions d’habitants. La Serbie, accrue de ses deux régions anciennement autonomes désormais replacées dans le lot commun, entreprend alors de soutenir les populations serbes de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, qui sont entrées en rébellion contre les gouvernements de ces deux pays. La dissidence serbe de Croatie, qui fait perdre temporairement à Zagreb la Krajina et la Slavonie, est matée en grande partie en 1995 et définitivement en 1998 ; cette défaite entame le prestige de la Serbie, inspiratrice de la révolte. Les Serbes de Bosnie, sans atteindre leur objectif qui était de se rattacher à la Serbie, parviennent, à l’issue de plus de trois années de guerre, à faire reconnaître en novembre 1995 leur spécificité par les accords de Dayton, qui instituent une république serbe de Bosnie, au sein d’une Bosnie-Herzégovine confédérale. En vertu de la Constitution de 1990, Milosevic doit, en décembre 1996, céder la place à la tête de la Serbie, mais il fait élire un de ses proches, Milan Milutinovic. En contrepartie, il se fait élire en juillet 1997 président de la fédération yougoslave. Il peut ainsi continuer à mener sa politique au sein d’une Yougoslavie qui s’identifie de plus en plus à la seule Serbie car, en octobre 1997, le Monténégro se dote d’un nouveau président, Milo Djukanovic, qui entreprend de conduire le pays vers plus d’indépendance vis-à-vis de la Serbie. Les événements militaires du printemps 1999 au Kossovo, où la Serbie se voit attaquée par les forces de l’OTAN, achèvent de décider le Monténégro à s’éloigner de la Serbie et à se rapprocher de l’Occident. Au sein donc de la Serbie, la répression s’intensifie contre les menées séparatistes des Albanais (majoritaires à 80 %) au Kossovo ; elle débouche en mars 1999 sur une guerre d’épuration, qui provoque en retour l’intervention militaire de l’OTAN sous forme de bombardements aériens au Kossovo et dans le reste de la Serbie, suivis en juin 1999 d’une occupation militaire et d’une prise en charge de l’administration civile du Kossovo par l’ONU.
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Les États existants La Serbie, durement éprouvée par les bombardements et isolée sur le plan international, finit par rejeter à l’automne 2000 les excès du gouvernement de Milosevic, en élisant à la présidence de la Yougoslavie le candidat de l’opposition, Vojislav Kostunica, qui rompt avec la politique de son prédécesseur et entame à son tour une politique de normalisation avec l’Occident. Cependant, le 22 avril 2001, des élections législatives au Monténégro donnent une victoire — plus étroite qu’espérée — aux partisans de l’indépendance de ce pays vis-à-vis de la Serbie, ouvrant ainsi la voie à un possible éclatement de la Yougoslavie. Le 14 mars 2002 est signé à Belgrade un accord serbo-monténégrin qui prévoit le remplacement de la Yougoslavie par un nouvel État de « Serbie et Monténégro » pour une durée de trois ans, à l’issue de laquelle la Serbie et le Monténégro devraient opter pour la séparation ou l’intégration. Cet accord, qui a reçu l’aval des trois parlements serbe, monténégrin et fédéral, prévoit la mise en place d’une assemblée fédérale unique et la séparation des économies des deux États, le Monténégro adoptant l’euro comme monnaie. Le 5 février 2003, la Yougoslavie devient officiellement la Serbie-et-Monténégro (« État de Serbie et Monténégro »). Mais cette ultime tentative de maintien d’un État yougoslave résiduel ne parvient pas à désarmer le sentiment séparatiste qui subsiste au sein d’une majorité de Monténégrins. Au terme des trois années de transition, à la suite d’un référendum organisé le 21 mai 2006 au Monténégro, donnant une nette majorité en faveur de l’indépendance, la Serbieet-Monténégro éclate au début de juin et, le 5 juin 2006, le parlement de Belgrade proclame à son tour l’indépendance et l’avènement de la république de Serbie. La nouvelle Serbie est ainsi ramenée à sa situation d’avant 1918, et restreinte à une république unitaire, conservant toutefois ses deux provinces autonomes de Voïvodine et de Kossovo-Métohidja. Mais, dans cette dernière province, militairement occupée depuis 1999 par les forces de l’OTAN, un sentiment séparatiste aigu se manifeste dans la très forte majorité albanaise, ce qui entretient la menace d’une proclamation de l’indépendance* de la province, laquelle aurait la faveur de l’Union européenne mais pour laquelle la Russie, jusqu’à présent, oppose son veto.
* Le 17 février 2008, les autorités civiles du Kossovo proclament unilatéralement l’indépendance de la province, indépendance fragile car, si elle est aussitôt reconnue par les États-Unis et certains pays européens (Grande-Bretagne, France), elle est fortement rejetée par la Serbie, soutenue par la Russie, la Chine et d’autres pays européens (Espagne).
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Slovaquie
Slovaquie Le pays en bref État républicain : la République slovaque. Président : Ivan Gasparovic. Représentation parlementaire : une chambre, le Conseil national. Capitale : Bratislava (Presbourg, Poszony). Division administrative en 8 régions (kraj) : Bratislava, Trnava, Trencin, Nitra, Zilina, Banska Bistrica, Presov, Kosice. Superficie : 49 000 km2 ; population : 5,4 millions d’habitants ; densité : 110 habitants au km2. Langue : le slovaque (langue slave). Religion : catholique. Monnaie : la couronne slovaque.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée des contrées slovaques 1. Les Slovaques sous tutelle de la Hongrie Au seuil de notre ère, la Slovaquie est peuplée de Celtes, qui sont bientôt chassés par les Marcomans, eux-mêmes remplacés au IVe siècle par les Quades. Les Slovaques, peuplade slave, s’y installent à partir du VIe siècle ; la région passe au début du IXe siècle sous tutelle de la Grande-Moravie, puis sous celle de la Hongrie à partir du début du Xe siècle. Quoique peuplée de Slaves, la contrée est à partir du milieu du XIVe siècle administrée, comme le reste de la Hongrie, selon le système des comitats, dominés par la noblesse hongroise ou allemande. Seule la paysannerie continue d’y parler le slovaque, langue slave. Dès lors, cette région, avec la Ruthénie voisine, est connue sous l’appellation de Haute-Hongrie. En 1412, Sigimond de Luxembourg, devenu par mariage roi de Hongrie, engage au roi de Pologne Ladislas treize villes « saxonnes » du comitat de Zips (oppida Scepuziensia), situées dans les vallées de la Poprad et de la Hornad, lesquelles constituent dès lors des petites enclaves polonaises (Poprad, Neudorf, Wallendorf, etc.) au sein du royaume de Hongrie. En 1526, lorsque, à la suite de la victoire des Turcs, la Hongrie est de fait partagée, la Haute-Hongrie est entièrement incluse dans la partie de Hongrie qui passe sous l’autorité effective de Ferdinand d’Autriche. Dès 1536, en remplacement de Bude prise par les Turcs, la ville de Presbourg sur le Danube — elle-même peu peuplée de Slovaques en ce temps-là — devient la capitale du royaume de Hongrie sous le nom de Poszony. Lors du premier partage de Pologne (5 août 1772), les treize villes saxonnes du comitat de Zips, concédées en 1412 à la Pologne, sont reprises par la Hongrie et forment dès lors un district particulier, hors comitat de Zips, relevant du palatin. En 1784, la capitale de la Hongrie est transférée de Presbourg à Bude, où s’installent les organes du pouvoir (palatin, conseil de lieutenance). Toutefois, la diète continuera à siéger à Presbourg.
2. Les contrées slovaques en 1789 Comprise dans le royaume de Hongrie, la région slovaque s’étend sur la partie montagneuse de vallées descendant des Carpathes vers le Danube et la Tisza : Waag, Nytra, Gran, Ipoly, Rumava, Hornad, Bodrog. En règle générale, le débouché de ces vallées sur la plaine marque la limite de peuplement slovaque et le début du peuplement hongrois. Ce sont des
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Les États existants vallées fertiles, vouées à l’agriculture et à l’exploitation forestière ; des gisements miniers y sont exploités depuis le Moyen Âge. Au sein de la Hongrie, la Slovaquie ne constitue en 1789 aucune entité administrative particulière ; il existe en revanche un peuple slave, les Slovaques, occupant de façon homogène le versant méridional de la partie occidentale des Carpathes (Tatras, Beskides). Cette contrée et la contrée voisine de Ruthénie subcarpathique — peuplée, elle, de Ruthènes, c’est-à-dire d’Ukrainiens — sont, à cette époque, désignées sous le nom de Haute-Hongrie. Dans le cadre hongrois, la Slovaquie recouvre à peu près : – dans le cercle en deçà du Danube : les comitats de Presbourg (en partie), Neutra, Bars (en partie), Trentsin, Thurosch, Arva, Liptau ; – dans le cercle en deçà de la Theiss (Tisza) : les comitats de Zips (hormis les treize villes saxonnes), Goemoer (en partie), Sarosch, Zemplin, auxquels s’ajoutent les treize villes saxonnes, qui bénéficient d’un statut particulier.
II. Le destin mouvementé du peuple slovaque (1789 à nos jours) 1. De 1789 à l’inclusion dans la Tchécoslovaquie (1918/1920) Les contrées slovaques ne sont en rien concernées par les bouleversements de la période révolutionnaire et napoléonienne. Face à des tentatives plus pressantes de germanisation, les paysans slovaques se révoltent de temps à autre (jacquerie de 1831). Au printemps de 1848, réagissant à la révolution hongroise, les peuples minoritaires de Hongrie réclament une autonomie au sein du royaume. Le 10 mai, une assemblée slovaque se réunit à cet effet à Liptau Saint-Michel, mais ses revendications portées à Vienne n’y produisent aucun écho. Les Slovaques, qui ont aidé le gouvernement de Vienne dans sa reconquête du pouvoir en Hongrie, n’en ont pas été récompensés et ont été laissés inclus dans le royaume. En janvier 1852, la Slovaquie est donc comprise dans la nouvelle division en cinq cercles de la Hongrie, ses comitats faisant partie de deux des cinq cercles : – cercle de Presbourg : comitats de Haute-Neutra, Arva-Thurosch, Bars, Liptau, Trentsin ; – cercle de Kaschau : comitats de Zips, Goemoer, Sarosch, Zemplin. Dans la réorganisation administrative de l’empire d’Autriche résultant du Compromis du 28 juin 1867, la Slovaquie fait partie de la moitié hongroise (Transleithanie) de la double monarchie. La politique de magyarisation, mise en œuvre par le gouvernement hongrois à partir de ce moment, va inciter en retour les Slovaques à émigrer, à prendre conscience de leur identité propre (abbé Hlinka) et, pour certains (Hodza), à envisager une union avec les Tchèques. Pendant la Première Guerre mondiale, les minorités de Hongrie se montrent généralement loyales envers la monarchie. Pendant ce temps, des dirigeants nationalistes tchèques (Masaryk, Benes), réfugiés à Londres ou à Paris, œuvrent auprès de l’Entente en faveur de la constitution, après la victoire, d’un État des Slaves du Nord de l’Autriche-Hongrie, qui regrouperait Bohême, Moravie et Slovaquie. Le Slovaque Stefanik se joint à eux et un Conseil national tchécoslovaque est fondé à cet effet à Paris en 1916. Par la convention de Pittsburgh (mai 1918) signée entre Masaryk, Benes et Stefanik, la Slovaquie doit recevoir une autonomie interne au sein de la future Tchécoslovaquie. À l’automne de 1918, l’effondrement des armées austro-hongroises laisse penser qu’est venu le temps de la dislocation de l’Empire. Réuni le 30 octobre à Turocsz-Szent-Martony (Turcansky-Sveti-Martin), un Conseil national slovaque opte pour la séparation d’avec la Hongrie et l’union à la Bohême-Moravie au sein d’une nouvelle Tchécoslovaquie. Mais une partie des Slovaques accepte mal l’idée de l’union avec une Bohême-Moravie plus développée, qui dominera le nouvel État ; l’abbé Hlinka, venu à Paris plaider la cause de
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Slovaquie l’indépendance slovaque, est expulsé sur demande de Masaryk. La Slovaquie est intégrée dans la nouvelle Tchécoslovaquie, dont les limites doivent être précisées par les traités. Par le traité de Trianon du 4 juin 1920, agissant au nom de l’ancienne Transleithanie, la Hongrie cède à la Tchécoslovaquie les comitats de Presbourg (Poszony), Bars, Neutra, Trentsin, Turosch, Liptau, Arva, Zolyom, Zips, Sarosch et Ungh en entier, ainsi que des parties des comitats de Raab (Gyor), Komorn, Gran (Esztergom), Honth, Nograd, Goemoer, Abauj-Torna, Zemplin, Beregh. Au-delà des comitats de peuplement slovaque, les vainqueurs ont imposé à la Hongrie de céder des comitats de plaine largement peuplés de Hongrois, pour les raisons suivantes : – nécessité de relier par une bande territoriale de plaine (liaisons ferroviaires) les vallées slovaques cloisonnées entre elles ; – volonté de donner à la Tchécoslovaquie une grande ville portuaire sur le Danube ; ce sera Presbourg, rebaptisée Bratislava, ville peuplée d’Allemands et de Hongrois, dont seul l’arrière-pays est slovaque ; – volonté d’établir, là où elle peut exister, une frontière naturelle entre Tchécoslovaquie et Hongrie ; ce sera le Danube, de Presbourg à son confluent avec l’Ipoly, puis le cours inférieur de l’Ipoly ; d’ailleurs, la frontière du Danube est dépassée au droit de Presbourg, la Tchécoslovaquie recevant le faubourg (Engerau) de cette ville situé sur rive droite du fleuve. Le 28 juillet 1920, la conférence des Ambassadeurs transfère de la Tchécoslovaquie à la Pologne le nord-est (Jablonka) du comitat d’Arva (Orava) et le nord-ouest de celui de Zips. Au sein de la nouvelle République tchécoslovaque (140 000 km2, 13 600 000 habitants), la Slovaquie constitue une grande région avec 49 000 km2 et 3 000 000 habitants. Mais l’autonomie interne promise en mai 1918 n’est pas appliquée. Par ailleurs, la Ruthénie subcarpathique, qui forme à l’est un prolongement de la Slovaquie peuplé, lui, de Ruthènes (Ukrainiens), et qui de ce fait aurait dû être incorporée en Ukraine, est « à titre provisoire » aussi rattachée à la nouvelle Tchécoslovaquie.
2. De 1920 à la première indépendance de la Slovaquie (1939) Bien que le régime démocratique installé à Prague se montre, d’une façon générale, nettement plus respectueux des droits des minorités que ceux de la plupart des autres pays de la région, un centralisme politique et économique se fait inévitablement jour au profit des Tchèques, plus nombreux et plus riches, état de fait qui indispose les Slovaques et augmente en leur sein le nombre des partisans de l’indépendance slovaque. En 1928, la limite entre la Slovaquie et la Ruthénie subcarpathique, qui longeait le cours de l’Ungh, est légèrement décalée vers l’ouest (au détriment de la Slovaquie) pour laisser l’entière vallée de l’Ungh à la Ruthénie. Les Allemands de Bohême-Moravie, encouragés par Hitler, réclamaient leur rattachement à l’Allemagne. La conférence de Munich, ayant décidé pour le 1er octobre 1938 la cession à l’Allemagne des régions allemandes de Bohême-Moravie (pays des Sudètes), s’y ajoute la cession à l’Allemagne du faubourg d’Engerau, sur rive droite du Danube face à Presbourg, prélevé sur la Slovaquie. Le 2 octobre, la Pologne annexe à son tour une partie de la Silésie de Teschen tchécoslovaque, ainsi qu’un fragment supplémentaire (Javorina) de l’ancien comitat de Zips, prélevé sur la Slovaquie. Le 6 octobre, le gouvernement tchécoslovaque accorde à la Slovaquie l’autonomie promise en 1918 et jamais octroyée en dépit des revendications slovaques ; la Slovaquie est dotée d’un gouvernement et d’une assemblée. Mgr Tiso, nouveau chef du gouvernement slovaque, est désigné par Prague pour négocier avec la Hongrie une rectification de frontière, réclamée par celle-ci avec l’appui de l’Allemagne. Les pourparlers engagés entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie n’ayant pas abouti, la question est réglée par arbitrage germano-italien. Par le premier arbitrage du Belvédère (Vienne) du 2 novembre 1938, la Tchécoslovaquie restitue à la Hongrie une bande de territoire continue courant le long de la frontière méridionale de Slovaquie et de Ruthénie, d’une surface de 12 000 km2 et majoritairement peuplée de Hongrois.
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Les États existants La Slovaquie y perd presque un quart de son territoire, avec d’importantes villes telles que Komorn, Rimaszombat et Kassa (Kosice). La Slovaquie autonome étant entrée en conflit avec le gouvernement de Prague, celui-ci destitue Mgr Tiso, lequel, en accord avec l’Allemagne, proclame le 14 mars 1939 l’indépendance de la Slovaquie, sous protection allemande. Le lendemain, Hitler obtient de Prague la reconnaissance du fait accompli et impose son protectorat à la Bohême-Moravie ; le jour d’après, la Hongrie s’empare de la Ruthénie subcarpathique. Enfin, le 31 mars, la Hongrie annexe de force à sa nouvelle province de Ruthénie une bande de territoire slovaque de 20 km de large, le long de la frontière ruthénoslovaque. La nouvelle Slovaquie est une république de 37 500 km2 peuplée de 2 500 000 habitants, avec Bratislava (Presbourg) pour capitale. La faiblesse de l’État et ses accords de défense en font un satellite de l’Allemagne.
3. La Slovaquie contemporaine (1939 à nos jours) Par traité du 21 novembre 1939 avec l’Allemagne, la Slovaquie recouvre sur la Pologne (occupée) les territoires d’Orava (Jablonka) et de Zips cédés en 1920 et en 1938. La Slovaquie est entraînée en juin 1941 dans la guerre contre l’URSS. En août 1944, une insurrection se produit contre le gouvernement slovaque. En mars-avril 1945, le pays est occupé par les troupes soviétiques. Le 11 mai 1945, la Slovaquie disparaît pour laisser place à une deuxième république de Tchécoslovaquie, État de nouveau unitaire et qui retrouve de facto ses limites de 1920. Par accord polono-tchécoslovaque du 21 juin 1945, la Tchécoslovaquie cède de nouveau à la Pologne les fragments de l’Orava et de Zips, déjà cédés en 1920 et repris en 1939. Par traité du 29 juin 1945, la Tchécoslovaquie cède à l’URSS la Ruthénie subcarpathique. La frontière est fixée à la limite de 1928, la Slovaquie recouvrant ainsi la bande de 20 km prise par la Hongrie en 1939. La Slovaquie n’est plus qu’une entité géographique. Elle englobe trois régions de la Tchécoslovaquie : Slovaquie occidentale, chef-lieu Bratislava (Presbourg) ; Slovaquie centrale, chef-lieu Banska Bistrica (Neu Sohl) ; Slovaquie orientale, chef-lieu Kosice (Kassa, Kaschau). Par le traité de Paris du 10 février 1947, la Hongrie restitue de jure à la Tchécoslovaquie la bande de territoire slovaque annexée en 1938 ; s’y ajoute un élargissement (Oroszvar) de sa tête de pont (Engerau) située sur rive droite du Danube, face à Bratislava. Dès lors, la Slovaquie suit pour plus de quarante ans le sort de la seconde Tchécoslovaquie (voir chapitre Tchéquie). À la suite des événements du printemps de 1968, réprimés par les forces du bloc communiste européen, une nouvelle Constitution fédéraliste est adoptée en octobre 1968 par la Tchécoslovaquie « normalisée », pour entrer en vigueur le 1er janvier 1969. La nouvelle Tchéco-Slovaquie est un État fédéral composé de deux républiques : la Bohême-Moravie, capitale Prague ; la Slovaquie, capitale Bratislava (Presbourg). La Slovaquie retrouve ainsi une existence propre, avec gouvernement et parlement. Le régime communiste ayant pris fin en Tchéco-Slovaquie en novembre 1989 (« révolution de velours »), une partie de la Slovaquie milite pour recouvrer l’indépendance. Le parti indépendantiste l’ayant emporté en Slovaquie aux élections législatives, un accord de partition, conclu le 2 juin 1992 entre les gouvernements des deux républiques, est ratifié en juillet par les parlements avec effet au 1er janvier suivant. Le 1er janvier 1993, par la partition de la Tchéco-Slovaquie, la république de Slovaquie redevient un État indépendant. En 1996, par suite d’une réforme administrative, le nombre des régions est porté de 3 à 8, qui portent le nom de leur chef-lieu : Bratislava [Presbourg], Trnava [Nagyszombat], Trencin [Trencsen], Nitra [Neutra], Zilina, Banska Bistrica [Neu Sohl], Presov [Eperjes], Kosice [Kassa]. La Slovaquie pose sa candidature à l’adhésion à l’Union européenne. Cette candidature est acceptée le 12 décembre 2002, et l’adhésion devient effective le 1er mai 2004.
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Slovaquie La Ruthénie subcarpathique La Ruthénie subcarpathique (ou Ukraine subcarpathique) est une appellation moderne qui ne recouvre en 1789 aucun État ou province organisé comme tel ; il existe en revanche un peuple slave, les Ruthènes ou Ukrainiens, dont la majeure partie vit audelà des Carpathes et une petite partie seulement en deçà, cette dernière au sein du royaume de Hongrie, plus précisément sur le versant méridional de la partie nord-est des Carpathes. Cette région et la région voisine de Slovaquie sont à cette époque désignées sous le nom de Haute-Hongrie. La Ruthénie subcarpathique s’étend sur la partie septentrionale du haut bassin de la Tisza : cours supérieur de la Tisza, vallées affluentes de l’Ungh, de la Latorcza, de la Borsava, de la Ryka, de la Terobla et du Taracz ; le peuplement ruthène y est très marqué, majoritaire vis-à-vis des autres habitants (Hongrois et Allemands). La région est dotée de cols permettant de communiquer avec la Galicie (Lemberg) et la Bucovine (Czernowitz). La principale richesse y est constituée par l’exploitation forestière, qui donne à la Ruthénie une complémentarité économique avec la plaine de Hongrie. Dans le cadre de la tolérance traditionnelle des Habsbourg pour la diversité de leurs peuples, les Ruthènes parviennent à sauvegarder leur identité au cours des siècles, cette sauvegarde étant favorisée par la fondation en 1649 d’une Église uniate (liée à Rome) propre à la Ruthénie subcarpathique. Au sein de la Hongrie, la Ruthénie subcarpathique recouvre à peu près les comitats d’Unghvar et de Beregh (ce dernier en partie), d’Ugotsch et de Maramarosch (en partie). À l’automne de 1918, à la suite de l’effondrement des armées austro-hongroises, deux Comités nationaux ruthènes rivaux se réunissent, l’un à Lubovna (frontière slovaque) qui réclame l’indépendance, l’autre à Unghvar (Uzhorod) qui demande l’autonomie au sein de la Hongrie. Mais le dirigeant tchèque Mazaryk s’est mis en relation avec un dirigeant ruthène, Zatkovitch, qui demande l’union à la nouvelle Tchécoslovaquie. Par le traité de Trianon du 4 juin 1920, la Hongrie cède à la Tchécoslovaquie les comitats ruthènes d’Unghvar (en entier), de Beregh (en partie), d’Ugotsch et de Maramarosch (ces deux derniers partagés entre Roumanie et Tchécoslovaquie). Selon le principe des nationalités, les comitats ruthènes auraient dû être attribués à l’Ukraine. Mais celle-ci est, entre 1919 et 1921, ravagée par une lutte armée entre diverses factions et les Alliés ne veulent pas prendre le risque de la laisser au voisinage d’une Hongrie elle-même en proie à la révolution communiste. En revanche, une attribution de la Ruthénie à la Tchécoslovaquie présente l’avantage de rendre cette dernière voisine de la Roumanie, reliant ainsi deux piliers de la Petite Entente sur laquelle la France entend s’appuyer dans son action politique européenne. La Tchécoslovaquie accepte la Ruthénie « à titre provisoire », promet d’y établir une autonomie et entend un jour la rétrocéder à l’Ukraine, selon les déclarations de Mazaryk. En 1921, la Ruthénie subcarpathique (12 500 km2, 600 000 habitants) reçoit en effet une certaine autonomie interne (écoles ruthènes et, au sud, hongroises) ; la frontière la séparant de la Slovaquie suit la rive droite de l’Ungh, la capitale de la région étant fixée à Uzhorod (Unghvar). En 1928, la frontière interne entre Slovaquie et Ruthénie est légèrement décalée vers l’ouest, en faveur de la Ruthénie, pour lui laisser l’entière vallée de l’Ungh. Le 6 octobre 1938, conformément aux décisions des accords de Munich, la Tchécoslovaquie accorde à la Ruthénie une plus large autonomie que celle de 1921, et cette province prend le nom d’Ukraine subcarpathique. Elle est désormais dotée d’un gouvernement autonome — présidé par Mgr Volochine — et d’une assemblée. Par l’arbitrage du Belvédère (Vienne) du 2 novembre 1938, la Tchécoslovaquie restitue à la Hongrie une bande continue de territoires courant le long de la frontière méridionale de Slovaquie et de Ruthénie. Cette bande est majoritairement peuplée de Hongrois. En Ruthénie, cette cession fait passer à la Hongrie les villes d’Unghvar, de Bereghsacz, de Munkacz et de Csop. La capitale de la région de Ruthénie est transférée
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Les États existants à Huszt (Chust). La surface de la Ruthénie est ramenée à 12 000 km2, sa population à 400 000 habitants. Le 14 mars 1939, profitant de la déclaration d’indépendance de la Slovaquie, le prélat Volochine proclame l’indépendance de la Ruthénie sous le nom de Carpatho-Ukraine. Le lendemain 15 mars, avec l’accord de Hitler, la Hongrie l’envahit et, le 16 mars, elle décrète l’union de la Ruthénie à elle-même. Le 23 mars, la Hongrie accorde l’autonomie à cette région, qui prend le nom de Karpatalja (Subcarpathie ou Ciscarpathie). Le 31 mars, la Hongrie annexe de force à sa nouvelle Subcarpathie une bande de territoire slovaque de 20 km de large, à l’ouest de l’ancienne frontière. Le 7 avril, la Hongrie retranche de Subcarpathie des fragments de territoire (Nagyszollos, Teczo), rattachés à son territoire principal. La Hongrie est entraînée en juin 1941 dans la guerre contre l’URSS. En mars-avril 1945, la Ruthénie, comme l’ensemble de la Hongrie, est occupée par les armées soviétiques. Le 11 mai 1945, la Tchécoslovaquie est reconstituée. La Ruthénie est de nouveau incorporée dans la Tchécoslovaquie. Mais elle est convoitée par Staline. Par traité du 29 juin 1945, la Tchécoslovaquie cède à l’URSS la Ruthénie subcarpathique. L’URSS l’attribue à sa république fédérée d’Ukraine, dont elle va constituer la nouvelle province (oblast) de Transcarpathie (chef-lieu Uzhorod). La frontière méridionale entre URSS et Hongrie est ramenée à la limite de 1920, ce qui redonne à cette province une minorité hongroise disposant d’une certaine autonomie interne (écoles, université à Uzhorod, journaux) ; la frontière occidentale avec la Slovaquie est ramenée à la limite de 1928. Par le traité de Paris du 10 février 1947, la Hongrie renonce à la Ruthénie subcarpathique en faveur de l’URSS. En 1991, en raison de la déclaration d’indépendance de l’Ukraine (24 août) approuvée par référendum (1er décembre), la Transcarpathie (ancienne Ruthénie) devient province de la nouvelle république d’Ukraine.
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Slovénie
Slovénie Le pays en bref État républicain : la république de Slovénie. Président : Janez Drnovsek. Représentation parlementaire : une Assemblée nationale, chambre législative, un Conseil d’État, chambre consultative. Capitale : Ljubljana (Laybach). Division administrative en 8 régions (regije), plus le « grand Ljubljana » : Primorska (Littoral), dotée de 2 chefs-lieux, Nova Gorica (Nouvelle-Goritz) et Koper (Capodistria) ; Gorenjska (Haute-Carniole), chef-lieu Kranj (Krainbourg) ; Notranjska (Carniole intérieure), chef-lieu Cerknica (Zirknitz) ; Dolenjska (Basse-Carniole), cheflieu Novo Mesto (Rudolfswerth) ; Bela Krajina (Marche blanche), chef-lieu Crnomelj (Tschernembl) ; Stajerska (Styrie), dotée de 2 chefs-lieux, Maribor (Marbourg) et Celje (Cilly) ; Koroska (Carinthie), chef-lieu Slovenj Gradec (Windischgrætz) ; Prekmurje (Prékomourié), chef-lieu Murska Sobota. Superficie : 20 250 km2 ; population : 2 millions d’habitants ; densité : 99 habitants au km2. Langue : le slovène ; des minorités reconnues parlent l’italien (région de Capodistria) ou le hongrois (Prékomourié). Religion : catholique. Monnaie : le tolar.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée des contrées slovènes 1. Des origines à l’avènement des Habsbourg (1282) La contrée qui forme aujourd’hui la Slovénie avait fait partie de l’Empire romain (répartie entre les provinces de Vénétie, Norique, Pannonie supérieure et Dalmatie), puis du royaume des Ostrogoths, avant de subir les invasions slaves. Vers la fin du VIe siècle, les Slovènes, peuple slave, s’y établissent et forment au VIIe siècle un premier État slave, le duché de Carantanie, centré sur l’actuelle Carinthie. En 745, menacés par les Avars, ils se placent sous la suzeraineté bavaroise, puis sont intégrés en 788 dans le royaume franc de Bavière, ce qui leur vaut de faire partie de l’empire de Charlemagne (marquisat du Frioul). Au Xe siècle, la région est envahie par les Hongrois (900-955), puis est incorporée dans le Saint Empire, dont elle constitue la marche de Carniole (chef-lieu Krainbourg), tandis que sa partie méridionale fait partie du marquisat d’Istrie, dépendant des Lombards. À cette époque, la région se germanise en partie, notamment dans les villes. Bientôt morcelée par le mouvement féodal, la région est peu à peu prise en main par les Babenberg, ducs d’Autriche, qui acquièrent la Styrie en 1192 et la Carniole en 1233. Mais la maison de Babenberg s’éteint en 1246. Le roi Ottokar de Bohême, à force d’intrigues, en recueille l’héritage, qu’il accroît en 1269 de la Carinthie. Mais Rodolphe de Habsbourg, empereur depuis 1273, parvient à l’en déposséder et à faire entrer ces pays dans le patrimoine de sa propre maison, en 1282. C’est donc à cette date que la majeure partie des terres peuplées de Slovènes passe sous la domination des Habsbourg.
2. Les Slovènes dans la mouvance des Habsbourg (1282-1789) Dès 1286, la Carinthie est reperdue, au profit du comte de Tyrol, puis reprise en 1336 à l’extinction des mâles de cette maison. Les Habsbourg, qui ont atteint en 1382 les rives de
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Les États existants l’Adriatique — Trieste se donnant à eux pour échapper à Venise —, acquièrent en 1456 le comté de Cilly, et héritent en 1500 des comtés de Goritz, de Gradisca et du margraviat d’Istrie (Mitterbourg). Enfin, une petite partie des Slovènes vivait, au-delà de la Mur (Prékomourié), au sein du royaume de Hongrie. En 1526, ils passent également sous la domination des Habsbourg, quand Ferdinand d’Autriche recueille l’héritage de son beau-frère Louis II de Hongrie, de la maison de Jagellon, mort au champ de bataille de Mohacs, face aux Turcs. Dès lors, répartis entre divers États de la maison d’Autriche (Carniole, Carinthie, Styrie, Goritz et Gradisca), ainsi que le royaume de Hongrie (comitat de Vas/Eisenbourg) pour un petit nombre d’entre eux, les Slovènes vont suivre près de quatre siècles le sort de la maison des Habsbourg.
II. Les Slovènes en 1789 Le pays aujourd’hui connu sous le nom de Slovénie est, en 1789, réparti entre diverses possessions de la maison d’Autriche : – duché de Carniole, capitale Laybach, s’étendant sur le haut bassin de la Save, qui constitue le cœur de l’actuelle Slovénie ; – comté de Goritz et Gradisca, capitale Goritz, s’étendant sur le bassin moyen de l’Isonzo ; – partie méridionale du duché de Styrie, capitale Graz, s’étendant sur le bassin moyen de la Drave ; – fragment du royaume de Hongrie, le Prékomourié, compris dans le comitat hongrois de Vas (Eisenbourg), situé entre les cours supérieur du Raab et inférieur de la Mur. Des minorités slovènes vivent aussi dans la partie méridionale de la Carinthie et dans la région de Trieste. Mis à part le fragment hongrois, la Slovénie s’étend sur des pays héréditaires de la maison d’Autriche, vieilles possessions « allemandes » comprises dans le Saint Empire, cercle d’Autriche. Les Habsbourg y possèdent là des territoires compacts. Toutefois, le duché de Carniole est grevé de deux enclaves ecclésiastiques, situées sur le haut cours de la Save : la seigneurie de Veldes (Bled) appartenant à l’évêque de Brixen, celle de Lack appartenant à celui de Frisingue. Il existe également en Carniole un îlot de peuplement allemand à Gottschee (Kotchevje). La contrée s’étend sur le bassin moyen de la Drave, sur le haut bassin de la Save, sur le plateau du Karst istrien qui la sépare de la Méditerranée, enfin sur le bassin de l’Isonzo. C’est un pays d’agriculture fertile et d’élevage dans les bassins fluviaux, très pelé sur le plateau karstique où l’absence d’eau raréfie l’habitat. La Carniole est située sur l’importante route reliant Vienne au port autrichien de Trieste. Les Slovènes, catholiques et loyalistes, s’accommodent aisément de la domination des Habsbourg, qui respecte leurs traditions, au point qu’ils sont souvent regardés comme des « Autrichiens qui parlent slave ».
III. De 1789 à la fin de la présence autrichienne (1918) 1. De 1789 à la conquête française (1809) Chaque duché ou comté possède ses propres institutions, et c’est en vain que Joseph II a tenté, durant son règne personnel (1780-1790), de les unifier dans son système des 13 gouvernements, les pays slovènes étant temporairement répartis entre le gouvernement d’Autriche intérieure (Styrie, Carinthie, Carniole) et celui de Goritz, Gradisca et Trieste. Les Slovènes, éloignés des champs de bataille, sont dans un premier temps épargnés par les bouleversements de l’ère révolutionnaire. En 1797, l’Autriche remplace Venise dans la possession de la Vénétie, Monfalcone, l’Istrie et la Dalmatie, voisines des régions slovènes. Au recès d’Empire du 25 février 1803 réorganisant l’Allemagne, il est décidé de séculariser la quasi-totalité des États ecclésiastiques.
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Slovénie Dans ce cadre, l’Autriche sécularise à son profit les seigneuries ecclésiastiques de Veldes, possession de Brixen, et de Lack, possession de Frisingue, enclavées dans son duché de Carniole. Le recès porte de 100 à 131 le nombre de voix du collège des princes de la diète de Ratisbonne, par suppression de 18 voix caduques et création de 49 nouvelles voix. La Styrie, la Carinthie et la Carniole apportent trois voix supplémentaires à l’Autriche. Faisant suite à la victoire française contre l’Autriche à Austerlitz, le traité de Presbourg du 26 décembre 1805 laisse intactes les possessions de l’Autriche du côté des régions slovènes ; il se borne à transférer au royaume d’Italie les territoires vénitiens acquis par l’Autriche en 1797 (Vénétie, Monfalcone, Istrie, Dalmatie). Le territoire de Trieste, resté autrichien, formait hiatus entre la Vénétie et l’Istrie devenues italiennes. Le 10 octobre 1807, par l’acte explicatif de Fontainebleau, pour réduire ce hiatus, l’Autriche cède au royaume d’Italie la rive droite de l’Isonzo (prélevée sur le comté de Goritz et Gradisca) et reçoit en contrepartie le petit comté de Monfalcone. Le comté de Goritz est ainsi temporairement coupé en deux, la partie de rive gauche de l’Isonzo restant autrichienne.
2. Les Provinces Illyriennes (1809-1813) À la suite de la victoire française de Wagram, l’empereur Napoléon impose à l’Autriche de nouvelles cessions de territoires au traité de Schœnbrunn (14 octobre 1809). Cette fois-ci, les régions de peuplement slovène sont largement touchées. L’Autriche cède à Napoléon un grand nombre de territoires, parmi lesquels le duché de Carniole et le reliquat du comté de Goritz (rive gauche de l’Isonzo), faisant ainsi passer sous souveraineté française la majeure partie de ses sujets slovènes. Outre ces provinces slovènes, l’Autriche cède aussi à Napoléon la moitié occidentale de la Carinthie, Trieste, l’Istrie autrichienne et la Croatie de rive droite de la Save. Par ailleurs, Napoléon détache de son royaume d’Italie la partie de rive droite de l’Isonzo du comté de Goritz et Gradisca, l’Istrie italienne, la Dalmatie, Raguse et Cattaro et les ajoute aux domaines cédés par l’Autriche pour former les Provinces Illyriennes de l’Empire français, centrées sur Laybach, cœur des populations slovènes (voir encadré). L’emploi du nom d’Illyrie, concession faite à la mode de l’antique, vise aussi à susciter auprès des populations slovènes et croates le réveil d’un particularisme slave assoupi dans le cadre de l’empire des Habsbourg. Les régions slovènes des Provinces Illyriennes recoupent les intendances de Goritz et de Laybach, au sein des neuf intendances provisoires mises en place par l’administration française. Le décret du 15 avril 1811 ramène à six le nombre d’intendances illyriennes : Carinthie (Villach), Carniole (Laybach), Istrie (Trieste), Croatie civile (Carlstadt), Dalmatie (Zara), Raguse-et-Cattaro (Raguse), auxquelles s’ajoute la Croatie militaire. Les zones de peuplement slovène y sont réparties entre les intendances de Carniole, qui retrouve les limites de l’ancien duché du même nom, et d’Istrie, qui regroupe les anciens comtés de Goritz et Gradisca, Monfalcone, Trieste et Istrie vénitienne.
3. Le retour de l’Autriche (1813-1918) En août 1813, les forces coalisées contre Napoléon occupent les Provinces Illyriennes, abandonnées par les autorités françaises. L’Autriche les prend provisoirement en charge, sous le nom de royaume d’Illyrie, en attendant le règlement définitif de leur sort. En juin 1815, le congrès de Vienne confirme à l’Autriche : – le recouvrement de ses possessions héréditaires anciennes, parmi lesquelles la Carinthie, la Carniole, Goritz et Gradisca, Trieste, l’Istrie autrichienne, etc. ; ces territoires, autrefois inclus dans le Saint Empire, font partie de la nouvelle Confédération germanique ; – l’attribution de l’héritage vénitien, hormis les îles Ioniennes ; les territoires qui le constituent sont placés en dehors de la Confédération germanique.
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Les États existants En août 1816, un rescrit impérial réorganise l’ensemble illyrien. Désormais, le royaume d’Illyrie ne sera plus qu’une appellation théorique, les provinces le composant étant replacées dans le statut ordinaire de l’empire d’Autriche. Le royaume d’Illyrie se compose de deux gouvernements (provinces) : celui de Laybach (cercles de Laybach, Neustadt, Adelsberg, Villach, Klagenfurt) et celui de Trieste (cercles de Goritz et d’Istrie, ville libre de Trieste). Le peuple slovène est désormais réparti, au sein de l’empire d’Autriche, entre les entités suivantes : – gouvernement illyrien de Laybach : cercles de Laybach, de Neustadt, d’Adelsberg et, partiellement, de Klagenfurt ; – gouvernement illyrien de Trieste : cercle de Goritz et, partiellement, territoire de Trieste ; – gouvernement autrichien de Styrie : cercles de Marbourg et de Cilly ; – cercle hongrois transdanubien : comitat de Vas (Eisenbourg). En mars 1849, en réaction aux aspirations nationales qui se sont manifestées en 1848 au sein des Slaves du sud de l’Empire, le gouvernement autrichien supprime l’appellation de royaume d’Illyrie. Son territoire est réparti entre trois provinces : Carinthie, Carniole et Littoral (Trieste, Istrie, Goritz). Dans le Compromis du 28 juin 1867, qui divise l’empire d’Autriche en deux parties, autrichienne et hongroise, les pays de peuplement slovène sont tous dévolus à la partie autrichienne (Cisleithanie) de la nouvelle double monarchie, à l’exception du district de la Mur (Prékomourié) dévolu à la partie hongroise (Transleithanie).
IV. La période yougoslave (1918-1990) 1. Les Slovènes divisés entre Italie et Yougoslavie (1918-1941) Durant la Première Guerre mondiale, les Slovènes se sont montrés peu perméables à la propagande panslave et sont restés jusqu’au bout loyaux à l’égard de leur empereur. Malgré tout, au sein de l’élite slovène, un certain rapprochement s’est opéré, au nom de l’illyrisme, avec les Croates et les Serbes, ce qui amène l’abbé slovène Korosetch à cosigner le pacte de Corfou, le 1er juillet 1917, lequel prévoit l’union des Slaves du Sud à l’issue de la guerre. Longtemps hésitants à démembrer l’Autriche-Hongrie, les Alliés ne s’y résolvent qu’au printemps de 1918, et vont favoriser l’émergence d’un nouvel État des Slaves du Sud, construit autour du noyau serbe. Le 26 octobre 1918, le Conseil national de Zagreb, présidé par l’abbé Korosetch et qui regroupe les Slovènes, les Croates et les Serbes de l’Empire, proclame la séparation des territoires slaves du sud de l’Empire d’avec l’Autriche-Hongrie, en vue de leur adhésion au futur royaume des Slaves du Sud en voie de formation. Après la victoire, le prince-régent Alexandre de Serbie proclame le 1er décembre 1918 l’avènement du royaume des Serbes, Croates, Slovènes (SCS), qui a vocation à regrouper les Slaves du sud de l’Europe autour d’une épine dorsale constituée de la Serbie, de la Croatie et de la Slovénie. Si les deux premières ont jusqu’alors constitué des entités administratives, la Slovénie n’a été jusqu’à présent qu’une expression géographique, à laquelle il conviendra de donner des limites précises lors des futurs pourparlers de paix. Par le traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919, l’Autriche, au nom de l’ancienne Cisleithanie, cède un grand nombre de territoires à des États existants ou en voie de formation. S’agissant des terres de peuplement slovène : 1) L’Autriche cède au royaume des Serbes, Croates, Slovènes : – le tiers méridional de la Styrie (au sud de la Mur), sans Radkersbourg mais avec Marbourg (de peuplement allemand isolé) ;
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Slovénie – la Carniole, en principe en totalité, mais sa partie occidentale est contestée entre l’Italie et le royaume SCS ; – le Miestal, fragment oriental de la Carinthie (autour de Draubourg), et en outre un fragment méridional de Carinthie situé au sud de la ligne de crête des Karawanken. 2) L’Autriche cède à l’Italie le comté de Goritz et Gradisca et la ville de Trieste, ainsi qu’un petit fragment de Carniole (Weissenfels/Fusine), situé aux sources de la Save. 3) L’Autriche renonce à la Carniole occidentale, qui est contestée entre l’Italie et le royaume SCS. 4) L’Autriche conserve provisoirement le bassin de Klagenfurt (quart sud-est de la Carinthie), mais un plébiscite doit s’y tenir en 1920 pour permettre aux populations d’opter entre l’Autriche et le royaume SCS. Par le traité de Trianon du 4 juin 1920, la Hongrie, au nom de l’ancienne Transleithanie, cède un grand nombre de territoires à des États existants ou en voie de formation. S’agissant de terres de peuplement slovène, la Hongrie cède au royaume SCS le Prékomourié (district de la Mur), partie méridionale du comitat de Vas (Eisenbourg). En vue du plébiscite de Carinthie, le bassin de Klagenfurt est divisé par les Alliés en deux zones : zone I (Bleibourg, Vœlkermarkt) et zone II (Klagenfurt) au nord de la précédente. Le plébiscite se tient le 10 octobre 1920 dans la zone I et donne une majorité de 60 % pour le maintien en Autriche. Les Alliés décident alors que l’ensemble du bassin de Klagenfurt restera à l’Autriche. Le pacte de Londres d’avril 1915, qui avait décidé l’Italie à entrer en guerre aux côtés de l’Entente, promettait à l’Italie une partie de la Carniole occidentale, sur le plateau du Karst avec Idria mais sans Adelsberg (Postojna), allant jusqu’à la ligne de partage des eaux Save/Adriatique. Cette limite stratégique, qui englobe en Italie des populations slovènes, est déplacée vers l’est jusqu’à inclure Adelsberg, par accord secret entre l’Italie et le royaume SCS, en échange de l’abandon du soutien italien à la cause de la dynastie monténégrine. Par le traité de Rapallo du 20 novembre 1920, signé entre l’Italie et le royaume SCS, la Carniole occidentale, avec Idria et Adelsberg, est attribuée à l’Italie. Les Slovènes sont donc répartis entre les pays suivants : – royaume des Serbes, Croates, Slovènes pour la majorité d’entre eux, dans des régions anciennement autrichiennes ou hongroises réunies dans la nouvelle province yougoslave de Carniole-et-Carinthie ; – royaume d’Italie pour ceux de l’ancien comté de Goritz et de Carniole occidentale, réunis dans la nouvelle province italienne de Goritz ; – république d’Autriche pour ceux de Carinthie restant dans la province de ce nom. En 1923, l’Italie supprime la province de Goritz et la fusionne avec celle d’Udine pour former une grande province du Frioul. En 1927, l’Italie redivise la province de Frioul et reconstitue une province de Goritz plus petite que celle de 1920 ; la région d’Adelsberg (Postumia) est rattachée à la province de Trieste. À la suite de troubles graves entre Serbes et autres nationalités, le roi Alexandre Ier décrète l’uniformisation du pays, qui devient royaume de Yougoslavie (1929). En 1931, les anciennes régions historiques cèdent la place à neuf banovines chevauchant en partie les anciennes provinces et portant des noms de rivières. Dans ce cadre, l’ancienne province de Carniole-et-Carinthie devient la banovine de la Drave (chef-lieu Laybach/Ljubljana). En mars 1938, par suite de l’Anschluss, les Slovènes de Carinthie font désormais partie du Reich allemand.
2. La Slovénie démembrée (1941-1946) L’armée yougoslave ayant été défaite par les armées allemandes, italiennes et bulgares, Hitler décide le 22 avril 1941 le démembrement de la Yougoslavie.
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Les États existants La banovine de la Drave (Slovénie) est divisée en trois parties : – la partie méridionale, au sud d’une ligne ouest-est passant au nord de Laybach, est attribuée à l’Italie, qui en fait la province italienne de Lubiana ; – la partie septentrionale, au nord de la ligne précitée, est attribuée à l’Allemagne, qui rattache : – au gouvernement de Styrie, sous le nom de Basse-Styrie ou Styrie méridionale, l’ancienne partie styrienne (Marbourg, Cilly) ainsi qu’une bande (au sud de la Save) provenant de l’ancienne Carniole ; – au gouvernement de Carinthie, sous le nom de Haute-Carniole ou Carinthie méridionale, la majeure partie de l’ancienne Carniole (Assling, Krainbourg) ; – le Prékomourié est restitué à la Hongrie. Dès l’armistice du 8 septembre 1943, par lequel l’Italie royale met fin aux hostilités avec les Alliés, et en dépit des protestations de la république mussolinienne de Salo, Hitler annexe au Reich allemand divers territoires italiens, parmi lesquels la province de Lubiana, englobée dans la nouvelle zone militaire du Littoral adriatique. Mis à part ceux du Prékomourié, les Slovènes sont de nouveau réunis dans le Reich, dans des conditions, il est vrai, très différentes de celles d’avant 1918 (et encore plus de celles d’avant 1803).
3. La Slovénie, État membre de la Yougoslavie (1946-1991) Dès novembre 1943, la Yougoslavie a été clandestinement restaurée sous forme fédérale par le Comité national de Libération installé à Jajce par les forces communistes de Tito, lequel veut prévenir le retour des antagonismes engendrés par la centralisation de l’entre-deux-guerres. La Constitution de janvier 1946 entérine la structure fédérale de la nouvelle Yougoslavie. La Slovénie apparaît pour la première fois comme un État, la république fédérée de Slovénie, capitale Laybach/Ljubljana. Son territoire correspond, à cette date, à celui de l’ancienne province de Carniole-et-Carinthie (banovine de la Drave), diminuée du Prékomourié. Les traités de Paris du 10 février 1947 définissent les nouvelles frontières de l’Italie et de la Hongrie, qui cèdent des territoires à divers pays limitrophes. Dans ce cadre, la Hongrie cède le Prékomourié à la Yougoslavie, république de Slovénie. L’Italie cède à la Yougoslavie, république de Slovénie, l’ancien comté de Goritz (sans la ville elle-même, mais avec son faubourg de Castagnavizza) et la Carniole occidentale, jusqu’aux limites du plateau du Karst dominant Trieste. La ville de Trieste, la bande de territoire la reliant à l’Italie et la région de Capodistria sont érigées en territoire libre de Trieste placé sous le contrôle de l’ONU. Par le mémorandum de Londres du 5 octobre 1954, le territoire libre de Trieste est dissous et partagé. La zone A (Trieste et son corridor) est rattachée à l’Italie, la zone B (Capodistria, Cittanova) est rattachée à la Yougoslavie qui la partage elle-même en deux parties. La partie méridionale de la zone B (Cittanova) est rattachée à l’Istrie croate, tandis que la partie septentrionale de la zone B (Capodistria) est rattachée à la république de Slovénie, pour laquelle elle constituera une fenêtre maritime, avec le port de Capodistria (Koper) et une voie ferrée le reliant au reste du pays. La Slovénie, avec 20 250 km2 et 1 500 000 habitants, atteint alors sa dimension définitive. C’est désormais un État qui, au sein de la fédération de Yougoslavie, dispose d’une certaine autonomie, tempérée par l’omnipotence du parti communiste, qui contrôle tous les rouages, et la main de fer avec laquelle le maréchal Tito préside à l’ensemble de la Yougoslavie. Elle constitue, au sein de la fédération, la république de loin la plus riche et prospère, ce qui accroît les motifs de son désir de devenir un jour indépendante. Des minorités slovènes continuent à vivre en Carinthie autrichienne et en Italie (Frioul et région de Trieste).
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Slovénie V. La Slovénie indépendante (1991 à nos jours) La mort de Tito (mai 1980) et l’effondrement des régimes communistes en Europe (19891990) incitent certains États de Yougoslavie à revendiquer leur indépendance. En avril 1990 ont lieu en Slovénie des élections libres. En juillet de la même année, l’Assemblée adopte une déclaration visant à l’indépendance. Le 23 décembre 1990, un référendum donne plus de 88 % des voix en faveur de l’indépendance. Le 25 juin 1991, la Slovénie se sépare de la fédération yougoslave et devient la république (indépendante) de Slovénie, dotée d’un régime démocratique. À l’issue d’une brève guerre (26 juin-18 juillet), la Yougoslavie lui accorde l’indépendance. Dès lors, pour la première fois de son histoire, la Slovénie peut mener une existence réellement autonome. Elle réoriente très vite ses échanges avec l’Occident, notamment avec l’Autriche et l’Italie, qui sont ses plus fermes soutiens. Elle se déclare candidate à l’entrée dans l’Union européenne. Sa candidature est acceptée le 12 décembre 2002, et l’adhésion devient effective le 1er mai 2004. Les Provinces Illyriennes Le terme d’Illyrie est une appellation historique imprécise datant de l’époque romaine, recouvrant alors les contrées situées entre Danube et Adriatique et, de façon plus restrictive, celles situées sur la bordure nord-est de l’Adriatique. Depuis longtemps, elle ne représente plus rien sur le plan politique, tout en qualifiant, sur le plan intellectuel, la littérature des Slaves du sud de l’Europe, dont le foyer demeure Raguse (Dubrovnik). Les pays qui vont, de 1809 à 1813, être compris sous le nom de Provinces Illyriennes sont écartelés depuis le Moyen Âge entre : – États de la maison d’Autriche : Carniole, Carinthie, Goritz, Trieste, Istrie ; – couronne de Hongrie, aussi possédée par la maison d’Autriche : Croatie-Slavonie ; – république de Venise : Monfalcone, Istrie, Dalmatie, bouches de Cattaro et îles ; – républiques de Raguse et de Polizza. Il n’existe alors aucune conscience politique illyrienne. Dès octobre 1797, la république de Venise est partagée, au traité de Campo-Formio, entre la France qui reçoit les îles Ioniennes, la Cisalpine qui reçoit la Vénétie occidentale, l’Autriche qui reçoit la Vénétie orientale, l’Istrie, la Dalmatie et les bouches de Cattaro. Confirmées en 1801 par la paix de Lunéville, ces dispositions sont remaniées en 1805 par la paix de Presbourg, aux termes de laquelle l’empereur Napoléon s’empare de la part autrichienne (Vénétie orientale, Istrie, Dalmatie, Cattaro), en vue de l’attribuer à son propre royaume d’Italie, avec occupation par les armées françaises. Cette occupation se heurte à l’hostilité russo-monténégrine, qui empêche la prise de possession de Cattaro et indirectement provoque l’occupation de Raguse, puis son annexion (janvier 1808). À la suite de sa nouvelle victoire de Wagram, Napoléon impose à l’Autriche la paix de Schœnbrunn (14 octobre 1809), par laquelle il la dépouille, entre autres territoires, de la Carinthie occidentale (cercle de Villach), de la Carniole, de la part du comté de Goritz et de Gradisca sise sur rive gauche de l’Isonzo, de Trieste, du margraviat d’Istrie et de la partie de Croatie située sur rive droite de la Save. Par décret du 14 octobre 1809, Napoléon détache de son royaume d’Italie la part du comté de Goritz et de Gradisca sise sur rive droite de l’Isonzo, l’Istrie italienne, la Dalmatie, Raguse et Cattaro (finalement occupée en 1807), et les agrège aux provinces précitées pour former l’ensemble appelé Provinces Illyriennes de l’Empire français. Les raisons qui poussent Napoléon à agir de la sorte sont d’abord stratégiques et économiques : les Provinces Illyriennes devront assurer une liaison continue vers la Turquie et l’Orient, et en même temps barrer la route à la contrebande anglaise en direction de l’Europe centrale.
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Les États existants
Cependant, l’emploi du qualificatif d’Illyrie, outre la concession faite à la mode du retour à l’Antiquité, vise aussi à susciter, dans les populations slovènes et croates des Provinces, le réveil d’un particularisme slave qui s’était assoupi sous la tutelle autrichienne et qui doit seconder les visées napoléoniennes. Certes, les Provinces ne sont pas de peuplement homogène, car s’y trouvent des Allemands en Carinthie et en Carniole, des Italiens à Goritz, à Trieste, en Istrie et en Dalmatie. Mais la majorité des habitants est slave (Slovènes et Croates) ; en dépit de l’administration française, d’ailleurs slavophile, cet état de fait dote les Provinces d’une touche slave très prononcée, symbolisée par le choix de Laybach (Ljubljana), ville slave, pour capitale. Le mouvement intellectuel appelé « illyrisme » (réunion des Slovènes et des Croates) y trouvera sa source. Pour l’heure, par décret du 25 décembre 1809, les Provinces Illyriennes, placées sous l’autorité d’un gouverneur général (le maréchal Marmont) résidant à Laybach, sont provisoirement réparties en neuf intendances civiles, équivalentes aux départements du reste de l’Empire : Goritz, Villach, Laybach, Trieste, Fiume, Carlstadt, Zara, Spalato, Raguse. S’y ajoute l’intendance militaire de Croatie, couvrant la partie des Confins militaires autrichiens située sur rive droite de la Save, donc annexée par la France, et où les Français décident de conserver le système frontalier d’auto-administration (zadrugas) hérité de l’ère autrichienne. En octobre 1809, à Schœnbrunn, l’Autriche a aussi cédé à la France, entre autres territoires, le duché de Salzbourg (Salzbourg, Berchtesgaden, Windisch Matrei), dont Napoléon a réservé le sort. Par le traité de Paris du 28 février 1810, signé entre la France et la Bavière, cette dernière reçoit divers territoires de la France et en cède au grand-duché de Wurtzbourg, au royaume d’Italie et à la France. Dans ce cadre, la France cède à la Bavière le duché de Salzbourg, hormis le territoire de Windisch Matrei conservé par la France. La Bavière cède à la France le Tyrol oriental (Pusterthal) à l’est du seuil de Toblach. Ces deux territoires (Tyrol oriental et Windisch Matrei) sont réunis et rattachés à l’intendance de Villach des Provinces Illyriennes. Les Provinces Illyriennes atteignent alors leur apogée de 55 000 km2 pour environ 1 500 000 habitants. Par décret du 15 avril 1811, le nombre d’intendances civiles des Provinces est ramené à six, divisées en districts (arrondissements) : – Carinthie : Villach, Lienz ; – Carniole : Laybach, Adelsberg, Neustadt (Novo-Mesto) ; – Istrie : Trieste, Goritz, Capodistria, Rovigno ; – Croatie civile : Carlstadt, Fiume, Segni ; – Dalmatie : Zara, Sebenico, Spalato, Lesina, Makarska ; – Raguse-et-Cattaro : Raguse, Cattaro, Curzola. S’y ajoute la Croatie militaire (Carlstadt), inchangée. Les forces coalisées contre Napoléon envahissent (août 1813) les Provinces Illyriennes. L’occupation s’achève par la prise de Raguse (janvier 1814), au terme d’un siège de quatre mois. Les Autrichiens sont chargés d’administrer les Provinces Illyriennes jusqu’à la paix.
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Suède
Suède Le pays en bref État monarchique : le royaume de Suède. Souverain : le roi Charles XVI Gustave, de la maison de Bernadotte. Représentation parlementaire : une chambre unique, le Riksdag. Capitale : Stockholm. Division administrative en 24 comtés (læn) : Stockholm (Stockholm), Uppsala (Uppsala), Södermanland ou Sudermanie (Nyköping), Västmanland ou Westmanie (Västeras), Värmland ou Warmie (Karlstad), Örebro (Örebro), Kopparberg (Falun), Gävleborg (Gävle), Ostergötland ou Ostrogothie (Linköping), Kalmar (Kalmar), Jönköping (Jönköping), Kronoberg (Växjö), Blekinge (Karlskrona), Skaraborg (Mariestad), Älvsborg (Vänesborg), Göteborg-Bohus (Göteborg), Halland (Halmstad), Kristianstad (Kristianstad), Malmöhus (Malmö), Gotland (Visby), Västernorrland (Härnösand), Jämtland (Östersund), Västerbotten (Umea), Norrbotten (Lulea). Superficie : 450 000 km2 (dont 38 000 de bras de mer et cours d’eau internes) ; population : 8,6 millions d’habitants ; densité : 19 habitants au km2. Langue : le suédois. Religion : protestants (luthériens) à 95 %. Monnaie : la couronne suédoise.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Suède 1. Des origines à l’avènement de Gustave Vasa (1523) Peuplée à l’origine de tribus scandinaves, la Suède ne connaît un début d’unification que vers l’an 1000, lorsque le roi Olaf Skotkonung unit la Suède et la Gothie, christianise le pays et prend le titre de roi de Suède. Entre 1150 et 1300, la Suède connaît sa première extension par la conquête progressive de la Finlande, qui devient duché suédois (grandduché à partir de 1581). Vers 1250 est fondée la ville de Stockholm, capitale du royaume. En 1397, la Suède entre, en compagnie de la Norvège, dans l’Union de Kalmar dominée par le Danemark. Mais cette union est orageuse et la Suède la quitte une première fois en 1439, puis définitivement en 1523, à l’initiative de Gustave Ier Vasa, qui redonne à la Suède l’indépendance et une dynastie nationale.
2. L’ascension de la Suède sous les Vasa (1523-1654) Après avoir chassé les Danois, Gustave Vasa rend la monarchie héréditaire et se rallie à la Réforme, s’emparant ainsi des biens ecclésiastiques. Puis lui-même et ses successeurs vont s’efforcer avec succès d’étendre de tous côtés les domaines de la couronne de Suède, en affrontant tour à tour le Danemark, la Pologne et la Russie. La Suède conquiert les terres du nord (Laponie et pourtour de Botnie), ainsi que l’Estonie, arrachée aux chevaliers Porte-Glaive. À la suite de guerres avec la Pologne, la Suède s’oriente vers la domination de la Baltique ; sous les règnes de Gustave II Adolphe le Grand et de ses successeurs, elle conquiert en 1617 l’Ingrie et la Carélie russes, en 1629 la Livonie polonaise, en 1645 les provinces danonorvégiennes de Jemtland et de Herjedale, avec les îles de Gotland et d’Œsel. Désormais courtisée par la France, qui lui a offert une alliance dès 1629, la Suède participe avec éclat à la guerre de Trente Ans, ce qui lui vaut d’acquérir en 1648 la Poméranie citérieure, Rugen, Stettin, les terres mecklembourgeoises de Wismar, Pœl et Neukloster, les duchés (évêchés) de Brême et de Verden, et à son roi de devenir, pour un siècle et demi, prince du Saint Empire.
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Les États existants 3. Grandeur et décadence de la Suède (1654-1789) La dernière descendante des Vasa, la reine Christine, l’« Amazone du Nord », abdique en 1654 au profit de son cousin le prince de Deux-Ponts, qui devient roi de Suède sous le nom de Charles X Gustave. Ce dernier poursuit l’œuvre de conquête et, à la suite d’une nouvelle guerre avec le Danemark, en 1658, la Suède s’empare de la Scanie et des provinces danoises de Blekinge, de Halland et de Bohus. C’est pour un demi-siècle l’apogée de la puissance suédoise, qui décline ensuite, à partir du règne de Charles XII (1697-1718), sous les assauts conjugués de la Russie, du Danemark, de la Pologne et de la Prusse. Au terme de la « guerre du Nord » (1700-1709), où la Suède, quoique se battant héroïquement, finit par être battue, elle doit partout céder du terrain : Brême et Verden sont perdus en 1719, la moitié sud de la Poméranie citérieure en 1720, une partie de la Carélie, l’Ingrie, l’Estonie, la Livonie en 1721, et une partie de la Finlande en 1743. Par ailleurs, le royaume est affaibli par de fréquentes ruptures dynastiques, liées à l’absence d’héritiers mâles : maison de Hesse-Cassel en 1720, maison de Holstein-Gottorp en 1751. Cette faiblesse se double, au long du XVIIIe siècle, de querelles internes entre les « Chapeaux », partisans de la reprise par la force des terres cédées à l’ennemi, et les « Bonnets », partisans d’une politique de paix et d’expansion économique.
II. Le royaume de Suède en 1789 En 1789, la Suède est un vaste royaume couvrant la majeure partie de la péninsule scandinave, à l’exception de sa frange occidentale occupée par la Norvège. D’une surface de 450 000 km2 pour une population d’environ 2 millions d’habitants, la Suède est baignée à l’est par le golfe de Botnie et la mer Baltique, au sud et au sud-ouest par les détroits danois ; elle est bornée à l’ouest et au nord par la Norvège, dont la sépare la longue chaîne des Alpes scandinaves. C’est un pays de vastes plateaux au nord, de basses plaines au sud, doté d’un climat rigoureux laissant peu de possibilités à l’agriculture. L’exploitation d’une forêt couvrant plus de la moitié du territoire et une industrie naissante liée à la présence de nombreuses mines constituent les principales ressources de la Suède. À cette date, les domaines de la couronne de Suède sont les suivants : 1) le royaume de Suède (2 000 000 habitants), capitale Stockholm, composé des provinces suivantes : a) royaume de Suède proprement dit : Upland (Uppsala et Stockholm), Sudermanie (Nyköping), Néricie (Örebro), Westmanie (Westeras), Dalécarlie (Hedemora) ; b) royaume de Gothie : Ostrogothie (Linköping), Smoland (Kalmar), Westrogothie (Goteborg), Warmie (Karlstad), Scanie (Malmö), Dalie, Bohus, Halland, Blekinge, îles d’Öland et de Gotland ; c) Norrland : Gestrickland (Gefle), Helsingland, Herjedale, Medelpad, Jemtland, Angermanie (Hernösand), Westrobotnie ; d) Laponie, en six marches : Tornea, Lulea, Pitea, Umea, Aoselela, Jemtland ; 2) le grand-duché de Finlande (500 000 habitants), composé des provinces suivantes : duchés de Finlande propre, de Satakunda et de Carélie, comtés de Nyland, de Tavastland, de Savolas et d’Ostrobotnie, îles Aland ; 3) les possessions allemandes (100 000 habitants), incluses dans le Saint Empire : la Poméranie suédoise, capitale Stralsund, composée de la moitié septentrionale de la Poméranie citérieure ; les îles de Rugen et de Pœl, les enclaves côtières de Wismar et de Neukloster ; le roi de Suède, au titre de la Poméranie, dispose d’une voix dans le cercle de Basse-Saxe, ainsi qu’au banc laïque du collège des princes de la diète impériale de Ratisbonne.
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Suède III. De 1789 à l’annexion de la Norvège (1814) 1. La perte de la Finlande (1809) C’est un royaume affaibli, diminué vis-à-vis de la brillante situation qu’il avait connue au siècle précédent et ramené au rang de puissance secondaire, qui aborde dans l’alliance française — toujours en vigueur — la période de la Révolution. À une politique d’abord très contre-révolutionnaire, à l’initiative du roi Gustave III qui entend coaliser l’Europe pour soutenir Louis XVI, succède une attitude plus neutre, lorsque Gustave IV Adolphe monte sur le trône (1792) après l’assassinat de son père : l’alliance est renouvelée avec la France républicaine. Conséquence indirecte des remaniements allemands opérés par le recès d’Empire de février 1803, par un arrangement particulier, le 26 juin 1803, la Suède restitue au duché de Mecklembourg-Schwerin ses enclaves de Wismar, de Neukloster et l’île de Pœl, sous réserve d’une clause de rachat éventuel en 1903 ou en 2003. Mais, à mesure de l’intrusion croissante de la France dans les affaires d’Allemagne, les relations se détériorent entre la Suède et la France. Le 31 octobre 1805, la Suède entre dans la coalition austro-russe et déclare la guerre à la France. Celle-ci, victorieuse, occupe militairement la Poméranie suédoise au début de 1807. L’armistice de Schletow du 18 avril 1807 fige les positions, la France continuant à occuper la Poméranie sans toutefois l’annexer. La Suède étant devenue son ennemie, Napoléon, à Tilsitt (juillet 1807), accorde tacitement à la Russie le droit de mainmise sur la Finlande. En conséquence, en 1808, la Russie envahit et occupe celle-ci. Se rangeant dans le camp de l’Angleterre, la Suède doit subir l’assaut des armées françaises. Rendu responsable de la perte de la Finlande, le roi Gustave IV est renversé en mars 1809 par un coup d’État. La diète, tout en élaborant une nouvelle Constitution (juin) dans un sens libéral, cherche alors à faire la paix avec la France et la Russie. Le 17 septembre 1809, par le traité de Friederikshamn (Hamina) conclu avec la Russie, la Suède cède à la Russie la Finlande et une partie du territoire de la Laponie. La Russie s’engage à faire de l’ensemble de ces territoires un gouvernement particulier, sous le nom de grand-duché de Finlande, dans lequel le particularisme finlandais sera respecté (emploi de la langue finnoise). La nouvelle Constitution suédoise prévoit une réorganisation administrative du royaume de Suède en 24 comtés (ou laen) recouvrant parfois, mais pas toujours, les anciennes provinces : – Suède propre (8 comtés) : – Stockholm : parties des anciens Upland et Sudermanie ; – Uppsala : partie de l’ancien Upland ; – Westeras : partie de l’ancienne Westmanie ; – Nyköping : partie de l’ancienne Sudermanie ; – Örebro : ancienne Néricie et partie de l’ancienne Westmanie ; – Karlstad : ancienne Warmie ; – Stora-Kopparberg (Falun) : ancienne Dalécarlie ; – Gefleborg : anciens Gestrickland et Helsingland ; – Gothie (12 comtés) : – Linköping : ancienne Ostrogothie ; – Kalmar : partie de l’ancien Smoland ; – Jönköping : partie de l’ancien Smoland ; – Kronoberg (Wexiö) : partie de l’ancien Smoland ; – Blekinge (Karlskrona) ; – Skaraborg (Mariestad) : partie de l’ancienne Westrogothie ;
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Les États existants – Elfsborg (Wenersborg) : parties des anciennes Dalie et Westrogothie ; – Göteborg (Gothembourg) et Bohus : Bohus et parties des anciennes Dalie et Westrogothie ; – Halmstad : ancien Halland ; – Khristianstad : partie de l’ancienne Scanie ; – Malmö : partie de l’ancienne Scanie ; – Gotland (Wisby) ; – Norrland (4 comtés) : – Norrbotten (Pitea) : parties des anciennes Westrobotnie et Laponie ; – Westerbotten (Umea) : parties des anciennes Westrobotnie et Laponie ; – Westernorrland (Hernösand) : anciens Medelpad et Angermanie ; – Jemtland (Östersand) : anciens Jemtland et Herjedale.
2. L’acquisition de la Norvège (1814) Par le traité de Paris du 6 janvier 1810, la paix est conclue entre la France et la Suède. La France restitue pleinement à la Suède la Poméranie suédoise ; en contrepartie, la Suède adhère au blocus continental. Le duc de Sudermanie était monté sur le trône en 1809 sous le nom de Charles XIII, mais était sans descendance ; le duc d’Augustenbourg avait été choisi pour héritier. À la suite de sa brusque mort en mai 1810, la diète, en août de la même année, choisit comme nouveau prince héritier le maréchal Bernadotte, prince de Ponte-Corvo, qui devient le prince royal Charles-Jean. Peu après, confrontée à la mauvaise foi de la Suède qui, officiellement alliée de la France et en guerre contre l’Angleterre, tolérait une contrebande à Göteborg (Suède) et à Stralsund (Poméranie), la France réoccupe en 1812 la Poméranie. Alors, la Suède change de camp et, contre promesse formelle d’obtenir à la paix la Norvège en compensation de la Finlande, adhère à la coalition anti-française. À la suite de sa volte-face, la Suède attaque en 1813 le Danemark, allié de la France, et le vainc. Par le traité de Kiel du 14 janvier 1814, le Danemark cède à la Suède le royaume de Norvège et la Suède cède en retour au Danemark la Poméranie suédoise. La Suède renonce ainsi définitivement à toute présence en Allemagne et arrondit son territoire en régnant sur l’ensemble de la péninsule scandinave. Mais la Finlande a été irrémédiablement perdue dans l’alliance de 1812. Toutefois, la Norvège n’entend pas devenir suédoise. Cette volonté se traduit en mai 1814 par la déclaration d’indépendance, l’adoption d’une nouvelle Constitution et le choix d’un roi, Christian-Frédéric, mais elle ne tient pas, face à l’hostilité des puissances et à la détermination du régent suédois Charles-Jean, qui entre en guerre pour prendre possession de ce pays. Par la convention de Moss du 4 novembre 1814, le royaume de Norvège est uni au royaume de Suède en union personnelle, le roi de Suède et de Norvège constituant, avec la politique extérieure, le seul lien entre les deux royaumes. L’union des deux royaumes forme un domaine appréciable de 770 000 km2, peuplé seulement de 3 500 000 habitants.
IV. La Suède, de 1814 à nos jours 1. De 1814 à la perte de la Norvège (1905) De 1814 à nos jours, la vie de la Suède, du fait d’une rigoureuse politique de neutralité, va se dérouler sans conflit, ni intérieur ni extérieur. La Constitution de 1809, encore en vigueur de nos jours, y assure une grande stabilité politique, et elle parviendra à se tenir à l’écart des guerres qui ensanglantent l’Europe.
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Suède Cette stabilité politique s’accompagne, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, d’un grand essor économique, d’un accroissement du commerce extérieur, assis sur les ressources forestières et minières, et sur la qualité de la production industrielle. Sur un plan territorial, trois questions demeurent non définitivement résolues au début du XXe siècle : le devenir des anciennes possessions allemandes de la Suède, celui de la Norvège qui supporte avec peine la domination suédoise, le sort des îles Aland, possédées comme le reste de la Finlande par la Russie, mais peuplées presque exclusivement de Suédois. En juin 1903, la Suède renonce à l’éventuel rachat de Wismar, de Neukloster et de Pœl, prévu lors de la cession de 1803 au Mecklembourg-Schwerin. S’agissant de la Norvège, au XIXe siècle, le développement économique important de ce royaume autonome et le renouveau culturel (littérature) du pays avaient ravivé l’aspiration de ses habitants à l’indépendance (avortée en 1814). À la suite d’un veto du roi de Suède à l’établissement d’un service consulaire norvégien décidé par le gouvernement de Christiania, l’Assemblée norvégienne proclame le 7 juin 1905 l’indépendance de la Norvège. Par le traité de Karlstad du 31 août 1905, la Suède se résigne à reconnaître l’indépendance de la Norvège. La séparation s’opère sans effusion de sang.
2. De 1905 à nos jours La séparation d’avec la Norvège fait qu’en 1905 la Suède atteint la situation territoriale encore en vigueur à notre époque. La Suède reste neutre pendant la Première Guerre mondiale. Cependant, elle profite de l’indépendance de la Finlande (décembre 1917), résultant de la révolution russe, pour revendiquer en 1919 le rattachement à elle-même des îles Aland, cédées en 1809 en même temps que la Finlande, en dépit d’un peuplement suédois. La nouvelle Finlande pare le coup en accordant dès juin 1920 une large autonomie aux îles Aland (parlement autonome, usage exclusif de la langue suédoise, interdiction aux Finlandais de s’y établir). En conséquence, le 26 juin 1921, le conseil de la SDN rejette la demande suédoise et avalise la situation de large autonomie de l’archipel. Le royaume de Suède atteint sa situation définitive et son organisation interne, hormis la création d’une préfecture propre à la ville de Stockholm, reste inchangée depuis 1809. Les comtés ont toutefois, dans certains cas, retrouvé leurs appellations d’origine, la nomenclature étant désormais la suivante : – Suède : Stockholm (ville et campagne), Uppsala, Sudermanie (ancien Nyköping), Westmanie (ancien Westeras), Warmie (ancien Karlstad), Örebro, Kopparberg (ancien Stora-Kopparberg), Gefleborg ; – Gothie : Ostrogothie (ancien Linköping), Kalmar, Jönköping, Kronoberg, Blekinge, Skaraborg, Elfsborg, Goteborg et Bohus, Halland (ancien Halmstad), Kristianstad, Malmöhus (ancien Malmö), Gotland ; – Norrland : Norrbotten, Westerbotten, Westernorrland, Jemtland. De 1940 à 1945, la Suède est l’un des très rares pays d’Europe à parvenir à se maintenir en dehors du second conflit mondial. Après la fin de la guerre froide, qui a longtemps coupé en deux l’Europe, la Suède renonce en 1991 à sa neutralité traditionnelle, et pose sa candidature à l’entrée dans la Communauté européenne. Celle-ci est effective le 1er janvier 1995.
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Suisse Le pays en bref État républicain : la Confédération suisse (ou Confédération helvétique), État fédératif. Président : élu pour un an par ses pairs, les sept membres du Conseil fédéral (le gouvernement). Représentation parlementaire : l’Assemblée fédérale, composée de deux chambres, le Conseil national, dont les membres représentent la Suisse entière, le Conseil des États, où chaque canton délègue deux représentants. Capitale : Berne. Division politique et administrative en 23 cantons : Zurich, Berne, Lucerne, Uri (Altdorf), Schwyz, Unterwald — lui-même divisé en deux demi-cantons : Nidwald (Stans) et Obwald (Sarnen) —, Glaris, Zoug, Fribourg, Soleure, Bâle — lui-même divisé en deux demi-cantons : Bâle-Ville et Bâle-Campagne (Liestal) —, Schaffhouse, Appenzell — lui-même divisé en deux demi-cantons : App.-Rhodes-Intérieures (Appenzell) et App.-Rhodes-Extérieures (Herisau) —, Saint-Gall, Grisons (Coire), Argovie (Aarau), Thurgovie (Frauenfeld), Tessin (Bellinzone), Vaud (Lausanne), Valais (Sion), Neuchâtel, Genève, Jura (Delémont). Superficie : 41 300 km2, dont 1 300 km2 de lacs ; population : 7 millions d’habitants ; densité : 170 habitants au km2. Langues : trois officielles (l’allemand 63 %, le français 19 %, l’italien 8 %) ; une nationale, sans être officielle (le romanche 0,6 %) ; la plupart des Suisses alémaniques utilisent un dialecte, le schwyzertutsch ; le romanche se répartit en romanche proprement dit (hautes vallées du Rhin) et ladin (Engadine). – Cantons purement germanophones : Zurich, Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwald, Glaris, Zoug, Soleure, Bâle, Schaffhouse, Appenzell, Saint-Gall, Argovie,Thurgovie. – Cantons purement francophones : Vaud, Neuchâtel, Genève, Jura. – Canton purement italophone : Tessin. – Cantons bilingues français-allemand : Fribourg et Valais (majorité francophone), Berne (majorité germanophone). – Canton trilingue allemand-romanche-italien : Grisons. Religions : catholiques 46 % ; protestants 40 %. Cantons « catholiques » : Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwald, Glaris (mixte), Zoug, Fribourg, Soleure, Appenzell-Rhodes-Intérieures, Saint-Gall, Grisons, Tessin, Valais, Jura. Cantons « protestants » : Zurich, Berne, Glaris (mixte), Bâle, Schaffhouse, AppenzellRhodes-Extérieures, Argovie, Thurgovie, Vaud, Neuchâtel, Genève. La tradition historique est, en cette matière, parfois trompeuse : ainsi, le canton de Genève, historiquement protestant, est aujourd’hui à majorité catholique. Monnaie : le franc suisse.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Suisse 1. Des origines à la naissance de la Confédération (1291) À l’époque de la conquête romaine (à partir de 57 av. J.-C.), le territoire de la Suisse actuelle est peuplé d’Helvètes, à l’ouest, et de Rhètes, à l’est, peuplades celtiques établies en ces lieux aux alentours du IIe siècle av. J.-C. Les Helvètes sont versés dans la province romaine de Germanie supérieure, les Rhètes dans celle de Rhétie.
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Suisse Au Ve siècle apr. J.-C., le pays est envahi par les Burgondes à l’ouest et les Alamans à l’est. Les Francs conquièrent la région, en vainquant les Alamans en 496, puis les Burgondes en 532. L’abbaye de Saint-Gall est fondée en 614. Après avoir fait partie de l’empire de Charlemagne, à son démembrement définitif (888), les Alamans sont compris dans le royaume de Germanie (duché d’Alémanie) tandis que les Burgondes sont englobés dans le royaume de Bourgogne transjurane, jusqu’au rattachement de ce dernier au Saint Empire (1032). À cette époque, et pour deux siècles, la Suisse se morcelle en une multitude de fiefs, certains étant ecclésiastiques et d’autres détenus par un certain nombre de maisons héréditaires, parmi lesquelles on peut citer la maison de Zæhringen (1127-1218), qui brille d’un vif éclat, mais aussi les maisons de Kybourg, de Werdenberg, de Montfort, de Toggenbourg, de Lenzbourg, de Gruyères, de Neuchâtel, et surtout celle de Habsbourg, qui prend d’autant plus d’importance au XIIIe siècle qu’elle hérite des Kybourg, eux-mêmes héritiers des Zæhringen, et que son représentant, Rodolphe, accède en 1273 au trône impérial.
2. De 1291 à l’achèvement de la Confédération des XIII Cantons (1513) C’est contre les prétentions de cette maison de remettre en cause l’immédiateté impériale, que les hommes libres d’Uri et de Schwyz ont obtenue en 1231 et 1240, qu’a lieu la conspiration du Grutli (1291) entre les représentants des pays d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald, première alliance perpétuelle, à l’origine de l’histoire de la Confédération. C’est toutefois en 1309, date à laquelle l’empereur Henri VII de Luxembourg accorde à Unterwald l’immédiateté et reconnaît ainsi les privilèges des hommes libres des trois pays, que cette alliance est entérinée au sein du Saint Empire. Des villes en révolte contre leurs princes se joignent peu à peu aux trois cantons primitifs : en premier lieu, Lucerne, dont la venue en 1332 agrandit de façon notable le territoire des confédérés, faisant du lac qui les unit le « lac des Quatre-Cantons (forestiers) » ; ensuite, Zurich (1351), Glaris et Zoug (1352), Berne (1353). La Confédération, qui atteint ainsi pour un siècle et quart le nombre de huit cantons (les « vieux cantons »), étend considérablement son domaine, mais son caractère évolue car, aux cinq cantons ruraux où tous les hommes libres sont citoyens — Schwyz, Uri, Unterwald, Glaris, Zoug — s’opposent désormais trois cantons urbains — Lucerne, Zurich, Berne — aux gouvernements aristocratiques, plus peuplés et plus riches et auxquels les cantons forestiers cèdent la prééminence. Le XVe siècle est une période d’expansion pour les huit cantons suisses, qui se sentent désormais suffisamment forts pour guerroyer avec leurs voisins (France, Savoie, Milan, maison d’Autriche) et qui, au gré de ces guerres et d’héritages bienvenus (Toggenbourg, Gruyères), arrondissent leur territoire de bailliages vassaux, sujets selon les cas d’un, de quelques ou de tous les cantons. Par ailleurs, les Confédérés commencent à s’assurer le concours perpétuel de pays associés (qui paraissent à la diète confédérale) ou alliés (qui n’y paraissent pas) : Appenzell, Saint-Gall (ville et abbaye), Bienne, Mulhouse, partie méridionale de l’évêché de Bâle, Valais, ligues des Grisons. Enfin, la Confédération s’agrandit elle-même par l’admission de cinq nouveaux cantons : Fribourg et Soleure (1481), Bâle et Schaffhouse (1501), enfin Appenzell (qui, de simple allié en 1411, accède en 1513 au rang de membre à part entière). Dès lors, en 1513, la Confédération regroupe 13 cantons, situation qui va perdurer pendant près de trois siècles, jusqu’à la tourmente liée à la Révolution française. Par ailleurs, depuis 1499 (traité de Bâle), la Confédération cesse de relever des administrations judiciaire et fiscale du Saint Empire, ce qui consacre son indépendance de fait, prélude à l’indépendance de droit, qui n’interviendra qu’un siècle et demi après (1648).
3. De 1513 à 1789 Les Suisses, belliqueux, n’hésitaient pas à se faire la guerre entre eux ni à combattre leurs voisins. À la suite de leur défaite à Marignan (1515) face aux armées françaises menées par François Ier, ils changent de politique et signent en 1516 une paix perpétuelle avec la France, qui devient ainsi pour longtemps un puissant allié. Dès lors, ils renoncent à prendre part de façon directe aux conflits européens, se contentant de pourvoir de soldats l’Europe entière : soldats catholiques pour les princes catholiques et protestants pour les princes protestants.
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Les États existants En revanche, des conflits éclatent en Suisse, comme en maintes autres contrées d’Europe, en raison de l’introduction de la Réforme, lesquels se terminent en 1531 par une paix qui divise les cantons : sept restent catholiques (Uri, Schwyz, Unterwald, Lucerne, Zoug, Fribourg, Soleure), quatre deviennent protestants (Zurich, Berne, Bâle, Schaffhouse) et deux mixtes (Glaris, Appenzell). D’autre part, le Corps helvétique (la Confédération et ses alliés) atteint sa plénitude territoriale par la conquête sur la Savoie du pays de Vaud et d’une partie du Chablais (1536) et Genève accède en 1581 au rang d’ultime allié de la Confédération. Les traités de Westphalie (1648) entérinent cet état de fait, en faisant sortir la Confédération helvétique du Saint Empire et en lui garantissant sa neutralité lors de conflits ultérieurs. Au XVIIIe siècle, devenus désormais plus pacifiques, les Suisses s’adonnent au développement économique de leur pays, tout en poursuivant leur politique d’envoi de mercenaires à l’étranger.
II. Le Corps helvétique en 1789 La Confédération helvétique et ses alliés constituent, en 1789, un corps politique très varié, réunissant sur un espace restreint une mosaïque de territoires aux statuts divers : cantons urbains ou ruraux, pays associés ou alliés, bailliages propres ou communs, républiques ou principautés. Du point de vue territorial, le Corps helvétique comprend la Confédération des « Très Louables Cantons », ses pays sujets, ses pays associés ou alliés, leurs propres pays sujets. Il s’agit d’un ensemble très complexe qui se décline ainsi :
A. LES TREIZE CANTONS ET LEURS PAYS SUJETS 1. Les treize cantons et leurs sujets particuliers – Zurich : ville de Zurich, bailliages sujets, deux villes libres vassales (Stein-sur-le-Rhin, Winterthour) ; – Berne : ville de Berne, bailliages intérieurs, bailliages allemands (Argovie), avoueries françaises (Vaud), quatre villes libres vassales (Brugg, Lenzbourg, Aarau, Zofingue) ; – Lucerne : ville de Lucerne, bailliages sujets, deux villes vassales (Sempach, Sursee), abbaye de Saint-Urbain ; – Uri : le pays, la Leventine sujette, la vallée libre d’Urseren ; – Schwyz : le pays, les métairies du lac de Zurich, pays vassaux de Kussnacht et de March, pays forestier d’Einsiedeln ; – Unterwald : vallée Ob dem Wald, vallée Nid dem Wald ; – Zoug : le pays, les grands bailliages sujets ; – Glaris : le pays, le comté sujet de Werdenberg ; – Bâle : ville de Bâle, pays de Bâle ; – Fribourg : ville de Fribourg, paroisses sujettes et avoueries ; – Soleure : ville de Soleure, bailliages sujets ; – Schaffhouse : ville de Schaffhouse, bailliages sujets ; – Appenzell : Rhodes Intérieures, Rhodes Extérieures.
2. Les vingt-trois bailliages communs à divers cantons – l’avouerie du Rheinthal, commune aux 8 vieux cantons et à Appenzell ; – les deux avoueries de Sargans et de Thurgovie et les « bailliages libres supérieurs », communs aux 8 vieux cantons ; – les « bailliages libres inférieurs », le comté de Baden et les trois villes de Bremgarten, Mellingen et Rapperswil, communs à Zurich, Berne et Glaris ;
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Suisse – les trois avoueries d’Utznach, Gaster et Gamis, communes à Schwyz et Glaris ; – les avoueries de Bellinzone, Riviera et Val Blenio, communes à Uri, Schwyz et Nidwald ; – les avoueries de Locarno, Val Maggia, Lugano et Mendrisio, communes à tous les cantons sauf Appenzell ; – les avoueries de Schwarzenbourg, Morat, Grandson et Échallens, communes à Berne et à Fribourg.
3. Les deux États libres sous la protection des cantons forestiers – l’abbaye d’Engelberg ; – le bourg de Gersau.
B. LES ONZE ÉTATS ASSOCIÉS OU ALLIÉS 1. Les trois États associés (paraissant à la diète) – l’abbaye de Saint-Gall, divisée en deux parties : le pays Maison Dieu (vieux pays) et le comté de Toggenbourg. L’abbé est un ancien prince du Saint Empire, dont il porte encore le titre ; il possède quelques seigneuries dans l’Empire, en Allgau et dans le Brisgau ; – la ville de Saint-Gall ; – la ville de Bienne, possession nominale de l’évêque de Bâle, mais en fait indépendante.
2. Les huit États alliés (ne paraissant pas à la diète) – les trois ligues des Grisons (« République des trois ligues perpétuelles de la HauteRhétie »), tenant diètes alternées à Ilanz, Coire et Davos : – Ligue supérieure ou grise, chef-lieu Ilanz : Rhin antérieur, partie occidentale du Rhin postérieur ; le prince-abbé de Disentis est membre de cette ligue ; – Ligue caddée (Casa Dei) ou Maison-Dieu, chef-lieu Coire : vallée du Rhin, partie orientale du Rhin postérieur, Engadine ; – Ligue des dix droitures ou juridictions, chef-lieu Davos : région de Davos et du Prættigau ; – pays sujets : avoueries de Bormio (ou Worms), de Valteline et de Chiavenna (ou Clæven) ; – seigneurie libre de Haldenstein, sur le Rhin en aval de Coire, sous la protection des trois Ligues ; [Au sein des Grisons, la maison d’Autriche conserve une enclave, la baronnie de Rhæzuns (sur le Rhin), qui fait partie de la Ligue grise et appartient au Corps helvétique. L’évêque de Coire, prince du Saint Empire et résidant à Furstenau sur le Rhin postérieur, y possède un petit territoire (5 000 âmes) qui fait partie de la Ligue grise. Enfin, sur l’Inn, il existe une enclave germanique, la seigneurie de Tarasp, possession du prince de Dietrichstein, qui est indépendante des Grisons et fait partie du Saint Empire, cercle d’Autriche.] – la république du Valais : république du Haut-Valais, pays sujet du Bas-Valais ; – la ville de Mulhouse, alliée aux seuls cantons protestants, enclavée dans l’Alsace française ; – la principauté de Neuchâtel, appartenant depuis 1707 au roi de Prusse, répartie en souveraineté de Neuchâtel et comté de Vallengin ; – la ville et république de Genève, séparée du territoire suisse par une partie de rivage lémanique (Versoix) appartenant à la France ; – l’évêché de Bâle, pour sa partie helvétique : Val-Moutier, Erguel, Bellelay, La Neuveville ; l’évêque de Bâle, résidant à Porrentruy, est l’allié de la Confédération pour ses possessions citées ci-dessus, et membre du Saint Empire pour ses possessions de Porrentruy, Saint-Ursanne, Delémont, Arlesheim, Schlingen et Idstein. L’ensemble du Corps helvétique (Confédération et alliés) couvre un territoire d’un seul tenant, à l’exception de la ville de Mulhouse enclavée en Alsace française, de la ville de Genève (en cinq parcelles) enclavée entre France et Savoie et de deux parcelles du canton de Soleure séparées du territoire principal par la partie germanique de l’évêché de Bâle. Le
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Les États existants territoire helvétique est grevé de l’enclave germanique de Tarasp sur l’Inn et de l’enclave milanaise (autrichienne) de Campione sur le lac de Lugano. Les cantons suisses et leurs pays alliés apparaissent comme des États souverains, les affaires communes traitées à la diète étant limitées à quelques sujets : les bailliages communs, l’alliance française. L’hostilité entre cantons catholiques et protestants se manifeste à tout propos. Il n’y a pas en 1789 d’unité de vue politique de la Suisse. La Suisse est un pays de hautes vallées de montagne (la partie occidentale du massif alpin, les crêtes du Jura) enserrant une plaine de dimension réduite (le « plateau suisse »). Ses eaux s’écoulent dans quatre directions : mer du Nord (Rhin, Reuss, Aar, Sarine), Méditerranée occidentale (Rhône), mer Adriatique (Tessin, affluent du Pô), mer Noire (Inn, affluent du Danube). Par sa situation à cheval sur les lignes de crête des Alpes occidentales, jointe à ses particularismes politiques et à la division religieuse et linguistique de ses habitants, qui parviennent néanmoins à vivre dans une relative entente, ce pays est, au siècle des Lumières, un défi aux esprits rationnels qui ne rêvent que frontières naturelles, uniformisation des coutumes, des esprits et des âmes. Sur un territoire de 42 000 km2 (Confédération et alliés), la Suisse compte de l’ordre de 1 800 000 habitants, dont 950 000 pour les cantons, 350 000 pour leurs dépendances et 500 000 pour les pays alliés. La Suisse de 1789 est un pays prospère, d’agriculture et d’élevage développés, d’artisanat diversifié (textiles, horlogerie, etc.), qui jouit d’une réputation de richesse et de bien–vivre.
III. De 1789 à l’achèvement territorial (1815) 1. De 1789 à l’avènement de la République helvétique (1798) Grâce à leur politique de neutralité, les Confédérés restent longtemps à l’écart du conflit qui oppose la France révolutionnaire à divers pays d’Europe, et dont les champs de bataille se trouvent en Allemagne et en Italie. Mais la radicalisation progressive du conflit, jointe à la volonté de plus en plus affichée par les révolutionnaires de France de propager les idées nouvelles, va à la longue produire ses effets sur la vie de la Suisse. Le premier heurt touche l’évêque de Bâle, allié de la Confédération, qui se trouve dès 1792 dépossédé par la France de la partie germanique de ses États (voir partie « États disparus ») ; mais la partie helvétique de ses États n’est pas touchée par cette spoliation. En 1797, à l’autre extrémité du Corps helvétique, profitant des bouleversements opérés en Lombardie par le général Bonaparte, les bailliages de Bormio, Valteline et Chiavenna, pressurés par les Grisons, sollicitent la protection de celui-ci. Bonaparte conseille aux Grisons de faire des trois bailliages un État libre qui constituerait une quatrième ligue grisonne. Devant leur refus, Bonaparte annexe en octobre 1797 à la République cisalpine les trois bailliages de Bormio, Valteline et Chiavenna. Bonaparte, qui est devenu tout-puissant en Italie, convainc le directeur Reubell de mettre la main sur la Suisse, qui l’intéresse pour des raisons financières (richesse supposée du pays) et stratégiques (liaison entre France et Italie, le Piémont n’étant pas encore français). Il s’appuie sur les patriotes suisses en lutte contre les aristocraties cantonales, qui sont représentés à Paris par César de La Harpe et le baron Ochs, bien introduits auprès du Directoire. Dès décembre 1797, en prélude à cette mainmise, la France envahit et annexe la partie helvétique de l’évêché de Bâle (Val-Moutier, Bellelay, Erguel, La Neuveville), et la rattache au département français du Mont-Terrible, constitué dès mars 1793 de la partie germanique de l’évêché ; l’évêque est dès lors entièrement dépossédé de ses États. L’année 1798 est celle des grands remaniements au sein de la Suisse. Tout d’abord, le 24 janvier, les Vaudois, révoltés contre Berne, proclament à Lausanne la République lémanique. Le 29 janvier, à la suite d’un vote exprimé par ses habitants le 4 janvier, la ville de Mulhouse est réunie à la France, et annexée au département français du Haut-Rhin.
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Suisse Le 6 février 1798, les Français occupent Bienne. Le 7, le Conseil de ville décide la réunion de Bienne à la France ; elle est rattachée au département du Mont-Terrible. Les armées françaises ayant progressivement occupé le territoire helvétique depuis le mois de février, le général Brune, commandant de l’armée, décrète le 16 mars le remodelage de la Confédération helvétique et pays alliés en trois républiques : – la République rhodanique, capitale Lausanne, en cinq départements : Léman (Vaud), Sarine-et-Broye (Fribourg), Oberland, Valais, Tessin (pays italiens) ; – la République helvétique, capitale Zurich, en douze cantons : Bâle, Argovie, Baden, Thurgovie, Schaffhouse, Zurich, Saint-Gall, Appenzell, Sargans, Lucerne, Soleure, Berne ; – la République telligovienne, capitale Lucerne, regroupant les petits cantons du centre de la Suisse. Cette décision suscite de vives protestations de la part des partisans de l’unité helvétique, soutenus à Paris par Ochs et La Harpe, qui agissent pour faire valoir leur point de vue.
2. La République helvétique (1798-1803) Une Assemblée constituante réunie à Aarau, à l’initiative du commissaire français Lecarlier, proclame le 12 avril 1798 la République helvétique « une et indivisible », qui sera dirigée par un directoire de cinq membres siégeant à Lausanne, la capitale. La République recouvre le territoire de l’ancienne Confédération et de ses alliés, à l’exception de : – Chiavenna, Bormio et la Valteline annexés à la Cisalpine ; – l’évêché de Bâle, Bienne et Mulhouse rattachés à la France ; – Genève sur le point de l’être ; – la principauté de Neuchâtel, laissée en toute indépendance au roi de Prusse. Après un premier découpage en 22 cantons très vite remanié, la République se compose de 19 cantons égalitaires du point de vue politique, administrés chacun par un préfet : – neuf cantons couvrent à peu près d’anciennes entités politiques : Zurich, Lucerne, Bâle, Fribourg (appelé au début Sarine-et-Broye), Soleure, Schaffhouse, Valais, Rhétie (Grisons), Thurgovie ; – quatre cantons proviennent du démantèlement de l’ancien pays de Berne : Berne, Argovie, Oberland, Vaud ; – six cantons proviennent de découpages ou réunions d’anciens territoires : Waldstætten (réunion d’Uri, Schwyz, Unterwald et Zoug), Baden (réunion du comté de Baden et des bailliages libres), Sæntis (réunion de l’Appenzell et du nord de Saint-Gall), Linth (réunion de Glaris, du sud de Saint-Gall et de la Marche schwyzoise), Bellinzone (réunion de la Leventine, de Blenio, Riviera et Bellinzone), Lugano (réunion du Val Maggia, de Locarno, Lugano et Mendrisio). Toutefois, les Grisons (Rhétie) refusent d’adhérer à la République helvétique et les cantons de Suisse centrale ne s’y résignent qu’à la suite d’une période de résistance armée. Par ailleurs, à la suite de l’occupation de Genève par les troupes françaises, les habitants de la ville votent le 15 avril la réunion de Genève à la France. Le territoire genevois est groupé avec le Chablais et le Faucigny, prélevés sur le département du Mont-Blanc, et le pays de Gex, prélevé sur celui de l’Ain, pour former le nouveau département français du Léman (chef-lieu Genève). Le régime constitutionnel qui régit la République helvétique, calqué sur celui de la France voisine, va à l’encontre des traditions particularistes multiséculaires qui ont eu cours en Suisse jusqu’à cette date. Une double opposition s’y fait donc jour très vite : celle des tenants de l’ancien régime confédéral, celle d’une certaine bourgeoisie urbaine qui, satisfaite sur le principe d’un tel régime, lui reproche son caractère trop centralisateur, joint à sa nature de système importé de l’étranger. Dès lors, la Suisse est sans cesse en proie à des luttes internes. Par ailleurs, de mars à septembre 1799, l’intervention des armées de la coalition austrorusse contre la France met en péril la nouvelle République helvétique, qui n’est sauvée que par la victoire de Zurich (septembre) remportée par le général Masséna.
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Les États existants En juin 1800, les Grisons sont définitivement agrégés à la République helvétique en tant que 19e canton. Profitant de ce que les habitants du Valais se plaignaient de la rigueur de l’occupation française, le premier consul Bonaparte, dans l’idée d’un meilleur contrôle de la route franco-italienne, décrète le 25 mai 1802 la séparation du Valais de la République helvétique, ainsi ramenée à 18 cantons, et son érection en République valaisanne, indépendante mais placée sous la protection des Républiques française, helvétique et italienne. En contrepartie, la France cède à la République helvétique le Frickthal, détaché du Brisgau, ainsi que les deux villes forestières de rive gauche du Rhin (Laufenbourg et Rheinfelden), lesquels territoires la France avait reçus de l’Autriche — agissant pour le compte du duc de Modène — en février 1801 à la paix de Lunéville. Le Frickthal et les deux villes forestières sont rattachés au canton d’Argovie. Depuis sa prise du pouvoir en France (1799), le premier consul Bonaparte est sollicité par les différents partis qui se déchirent en Suisse. En août 1802, il retire par calcul les troupes françaises d’occupation ; aussitôt les fédéralistes se soulèvent contre le gouvernement helvétique. Bonaparte accepte en septembre la demande de médiation formulée par les deux partis. Les troupes françaises réoccupent la Suisse (octobre). Une Consulte de députés helvétiques se réunit à Paris (décembre) pour débattre d’une nouvelle Constitution.
3. La Confédération helvétique de la période napoléonienne (1803-1815) Coupant court à l’enlisement des débats de la Consulte réunie à Paris, Bonaparte lui remet, le 19 février 1803, l’Acte de médiation par lequel il rétablit la Confédération helvétique, dont il s’institue médiateur. La Suisse est désormais de nouveau dotée d’une Constitution fédérale, dirigée par un landamman assisté d’une diète, qui se tiendra chaque année dans l’un des six cantons directeurs (Fribourg, Berne, Soleure, Bâle, Lucerne, Zurich), dont l’avoyer ou le bourgmestre sera élu landamman pour un an. La nouvelle Confédération se compose de 19 cantons : – les treize cantons historiques : Zurich, Berne, Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwald, Glaris, Zoug, Fribourg, Soleure, Bâle, Schaffhouse, Appenzell ; – six nouveaux cantons : Argovie, Thurgovie, Saint-Gall, Grisons, Tessin, Vaud. Le canton de Berne renonce à l’Argovie et à Vaud, celui d’Uri à la Leventine, celui de Zurich au bailliage de Sax et à la ville de Stein-sur-le-Rhin, celui de Glaris à Werdenberg. La ville de Stein est attribuée à Schaffhouse, Engelberg à Unterwald, Gersau à Schwyz, Morat à Fribourg et Schwarzenbourg à Berne. Les six nouveaux cantons sont ainsi constitués : – Thurgovie : l’ancienne avouerie ; – Tessin : la Leventine uranaise et les bailliages italiens ; – Vaud : les avoueries bernoises du sud-ouest et les bailliages de Grandson et d’Échallens ; – Argovie : les avoueries bernoises de basse Aar, les bailliages libres, les villes de Bremgarten et Mellingen, le comté de Baden, le Frickthal, Laufenbourg et Rheinfelden ; – Grisons : l’ancienne Ligue, sauf les bailliages italiens cédés à la République italienne, plus la seigneurie de Tarasp et le territoire de Furstenau (évêché de Coire), officiellement sécularisé le 25 février 1803 ; – Saint-Gall : ville et vieux pays, Toggenbourg, Rheinthal, Gams, Sargans, Gaster, Utznach, Rapperswyl, bailliage zurichois de Sax et comté glarinois de Werdenberg. Le 25 février, au recès d’Empire, la seigneurie de Tarasp (au prince de Dietrichstein) et le territoire de Furstenau (à l’évêque de Coire) sont cédés à la Confédération helvétique, canton des Grisons. Le seul territoire à statut ambigu subsistant dans les Grisons est désormais la baronnie de Rhæzuns, toujours possession de la maison d’Autriche. Enfin, la Confédération cède à la France la vallée de Dappes, dans le Jura vaudois.
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Suisse La Suisse retrouve alors la paix intérieure, sous le regard vigilant de son médiateur, pour plus de dix ans. En décembre 1805, la Prusse cède à la France la principauté de Neuchâtel (voir partie « États disparus »). À la paix de Schœnbrunn (octobre 1809), l’Autriche cède à Napoléon un certain nombre de territoires, parmi lesquels la baronnie de Rhæzuns, qui devient donc pays réservé tout en continuant à faire partie des Grisons. En février 1810, en marge du traité de Paris par lequel la Bavière cède au royaume d’Italie le Trentin et la moitié du Tyrol méridional, Napoléon rétrocède au royaume d’Italie la baronnie de Rhæzuns. En octobre 1810, dans le cadre de mesures d’application du Blocus continental, les troupes italiennes occupent le canton du Tessin. D’autre part, en novembre, la France annexe la République valaisanne. À la suite des revers de la France, en novembre 1813, l’Italie évacue le Tessin. En décembre, les Autrichiens, en route pour la France, font transiter leurs troupes par le territoire helvétique. L’ancien évêché de Bâle, Neuchâtel, Genève et le Valais, abandonnés par les Français, sont occupés par l’Autriche. Partout en Suisse se rétablissent les anciens régimes ; une diète réunie à Zurich abolit le 29 décembre l’Acte de médiation. La principauté de Neuchâtel est rendue au roi de Prusse, la baronnie de Rhæzuns à l’Autriche. L’abolition de l’Acte de médiation a rouvert la voie aux querelles entre anciens cantons exigeant de retrouver leurs possessions et nouveaux cantons résolus à maintenir leur indépendance. En mars 1814, les puissances déclarent qu’elles considèrent la division en 19 cantons comme intangible et proposent à Berne de l’indemniser de la perte de Vaud et de l’Argovie par la cession des parties suisses de l’ancien évêché de Bâle, qui ne sera pas rétabli, et ce malgré les protestations de ses habitants qui, francophones et en majorité catholiques, répugnent à passer soug le joug des Bernois, protestants et germanophones.
IV. La Confédération à l’époque contemporaine (1815 à nos jours) 1. La Suisse confédérale (1815-1848) Genève, Neuchâtel et le Valais avaient obtenu de la diète helvétique la décision de principe de les incorporer à la Confédération à titre de cantons. Grâce à l’influence qu’a conservée sur le tsar Alexandre Ier son ancien précepteur, le Genevois César de La Harpe, le congrès de Vienne confirme la reconnaissance de Genève, de Neuchâtel et du Valais comme cantons de la Confédération (juin 1815). Du point de vue territorial, le congrès adopte les mesures suivantes : – la ville de Mulhouse restera à la France et les bailliages italiens de Bormio, Valteline et Chiavenna au royaume Lombard-Vénitien ; – la vallée de Dappes est rendue à la Suisse (canton de Vaud) ; – la baronnie de Rhæzuns est cédée par l’Autriche à la Suisse (canton des Grisons) ; – l’ancien évêché de Bâle (parties helvétique et germanique) est attribué à la Suisse (canton de Berne), hormis les enclaves de rive droite du Rhin (Schlingen, Idstein) laissées au grand-duché de Bade et le district d’Arlesheim attribué à la Suisse (canton de Bâle) ; – seize communes savoisiennes, dont Carouge, situées à proximité immédiate de Genève, sont cédées par la Sardaigne à la Suisse (canton de Genève). Par ailleurs, sur requête de la Suisse, par la déclaration de Vienne du 20 mars 1815, les puissances ont reconnu la neutralité de la Confédération. La diète de Zurich adopte le 7 août 1815 le nouveau Pacte fédéral entre les 22 cantons : les 19 cantons de l’Acte de médiation auxquels s’ajoutent les trois nouveaux cantons de Genève, du Valais et de Neuchâtel, ce dernier ayant le double statut de canton helvétique et de principauté en union personnelle avec le roi de Prusse.
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Les États existants La Confédération recouvre des États souverains et fédérés, dirigés chacun par un chancelier assisté d’une diète. Les cantons directeurs, qui alterneront tous les deux ans, sont réduits à trois : Berne, Lucerne et Zurich. Après l’intermède des Cent-Jours, la France de Louis XVIII se voit contrainte de signer une paix moins favorable qu’en 1814. Au second traité de Paris (20 novembre 1815), la France cède à la Suisse les communes de Versoix, Prégny et Grand-Saconnex qui, rattachées au canton de Genève, permettent à ce dernier de se souder au territoire du reste de la Suisse. Cette acquisition marque l’aboutissement de la formation territoriale de la Suisse, qui ne connaîtra plus, à quelques rectifications près, de modification de sa frontière extérieure. La neutralité helvétique est solennellement garantie par les puissances signataires, et étendue à la partie septentrionale de la Savoie sarde (Chablais, Faucigny et Genevois savoisiens) que la Suisse a le droit d’occuper militairement en cas de conflit impliquant la Sardaigne. Les cantons étaient, à deux exceptions près, soumis à une administration interne unitaire ; les deux exceptions étaient les cantons d’Unterwald et d’Appenzell qui, pour des raisons historiques anciennes, étaient partagés en deux demi-cantons : Nidwald et Obwald, pour Unterwald ; Rhodes-Intérieures et Rhodes-Extérieures pour Appenzell. En 1831, à la suite de troubles nés de revendications des campagnes sur les privilèges des villes, deux autres cantons se divisent en deux : – pour Bâle, une assemblée réunie à Liestal décide la séparation de la campagne vis-à-vis de la ville ; – pour Schwyz, les districts extérieurs réunissent à Lachen une assemblée qui décide la partition d’avec les districts intérieurs. En 1833, le canton de Schwyz restaure son unité. Le canton de Bâle officialise sa partition en deux demi-cantons : Bâle-Ville (la ville et quelques communes suburbaines), Bâle-Campagne (le reste, avec Liestal pour capitale). À partir de la fin des années 1830, le gouvernement helvétique est aux mains de radicaux anticléricaux qui aspirent à réduire l’influence de l’Église en Suisse. L’affaire de la suppression des couvents d’Argovie (janvier 1841) ravive les querelles traditionnelles entre catholiques et protestants ; des troubles s’ensuivent. Le 11 décembre 1845, une alliance défensive séparée (Sonderbund), contraire à l’esprit, sinon à la lettre, du Pacte fédéral, est conclue entre sept cantons catholiques : Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwald, Zoug, Fribourg et Valais. Le 20 juillet 1847, la diète fédérale décrète le Sonderbund dissous comme incompatible avec le Pacte. En novembre, la guerre dure 25 jours et se termine par la défaite des sept cantons catholiques. Cette défaite ouvre la voie à une révision du Pacte dans un sens plus centralisateur. Par ailleurs, le 1er mars 1848, réagissant aux événements de France, les partisans républicains de Neuchâtel proclament la rupture des liens de Neuchâtel avec le roi de Prusse et l’instauration de la République. Le roi de Prusse refuse d’avaliser ce coup de force.
2. La Suisse fédérale (1848 à nos jours) Le 12 septembre 1848, la Confédération helvétique adopte une nouvelle Constitution qui la transforme réellement et définitivement en État fédéral — tout en conservant le titre, désormais trompeur, de Confédération —, par la suprématie reconnue aux institutions fédérales (Conseil fédéral et deux chambres, Tribunal fédéral), qui siègent désormais à Berne, capitale fédérale de la Suisse. Cette Constitution est toujours en vigueur. Les royalistes neuchâtelois tentent en septembre 1856 un coup de force contre le régime républicain ; ils sont faits prisonniers. Après menaces de la Prusse de reprendre par les armes la principauté, sur médiation de l’empereur Napoléon III est signé le 26 mai 1857 le traité de Paris : contre la libération des prisonniers royalistes, le roi de Prusse renonce à ses droits sur la principauté de Neuchâtel, désormais reconnue par la Prusse comme république et canton helvétique au même titre que les 21 autres cantons.
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Suisse En 1860, la Suisse profite du transfert de la Savoie de la Sardaigne à la France pour revendiquer le rattachement à elle-même du Chablais, du Faucigny et du Genevois français, mais Napoléon III rejette sa demande, se bornant à respecter la clause de neutralité militaire des régions précitées. En contrepartie, il accorde unilatéralement l’élargissement de la petite zone franche économique sarde (créée en 1816 autour de Genève) à l’ensemble du Chablais, du Faucigny et du nord du Genevois français. En décembre 1862, la route de Gex au fort des Rousses et la moitié occidentale de la vallée de Dappes sont restituées par la Suisse à la France, en échange de parcelles de terrain sur les pentes du Noirmont. Dès lors la Suisse, qui a apaisé ses conflits internes — hormis celui du Jura bernois —, s’adonne essentiellement à un développement économique qui, en un siècle va la faire passer de la situation d’État montagnard pauvre à celui de pays florissant, par la qualité de ses industries et surtout le développement de son réseau bancaire, lequel fait de la Confédération un pays refuge, favorisé par sa politique de neutralité armée, qui sera respectée en 1870, 1914 et 1940. Par suite de l’adhésion de la Suisse à la Société des Nations, la neutralité militaire portant sur le Chablais, le Faucigny et le Genevois français est abolie. Le traité de Versailles (28 juin 1919) mentionne également la suppression des petites zones franches autour de Genève, la grande zone de 1860 ayant été abolie par la France. Du fait des difficultés économiques autrichiennes nées de la défaite, la principauté de Liechtenstein se tourne vers la Suisse, qui accepte d’entrer avec elle en union postale (1921) puis douanière (1923). La Suisse avait émis des réserves sur la suppression en 1919 des petites zones franches genevoises. Le 1er décembre 1933, à l’issue d’un long conflit juridique arbitré par la Cour de La Haye, elles sont rétablies par l’accord de Territet. La question jurassienne — le peuple francophone et majoritairement catholique de l’ancien évêché de Bâle rattaché de force à Berne en 1815 — était restée non réglée, en dépit d’une mise en sommeil de plus d’un siècle. Mais, au milieu du XXe siècle, la question se réveille brusquement. En octobre 1950, au sein du canton de Berne, une votation reconnaît officiellement une identité au peuple jurassien, francophone et majoritairement catholique, provenant de Bienne et de l’ancien évêché de Bâle. En mars 1970, les Bernois accordent aux Jurassiens le droit à l’autodétermination. En juin 1974, une votation organisée dans les six districts romands donne une majorité à la séparation, mais seuls les trois districts de Porrentruy, de Delémont et des Franches-Montagnes, qui ont voté positivement, formeront le nouveau canton du Jura. S’y ajouteront quelques communes du district de Moutier, après nouvelle votation en 1975. Le 24 septembre 1978 naît le 23e canton suisse, le canton du Jura, capitale Delémont. Dès lors, la Suisse est parvenue à la structure interne qu’elle connaît encore de nos jours. Refusant pendant longtemps de s’intégrer dans les alliances internationales pour cause de neutralité (ONU, OTAN, Union européenne), elle poursuit une politique de développement autonome, ce qui ne l’empêche pas d’accueillir sur son territoire de nombreuses organisations internationales, séduites par son caractère de pays neutre. Toutefois, à la suite d’une votation positive de ses citoyens, la Suisse finit par adhérer en septembre 2002 à l’ONU, dont elle devient le 190e membre.
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Les États existants
Tchéquie Le pays en bref État républicain : la République tchèque. Président : Vaclav Klaus. Représentation parlementaire : deux chambres, une Chambre des députés, un Sénat. Capitale : Prague. Division administrative en 13 régions (kraj), plus Prague-Capitale : Bohême centrale (Prague), Bohême méridionale (Ceské Budejovice [Budweis]), Pilsen, Karlovy-Vary [Carlsbad], Usti nad Labem [Aussig], Liberec [Reichenberg], Hradec Kralové [Kœniggratz], Pardubice, Olomouc [Olmutz], Moravie méridionale (Brno [Brunn]), Moravie septentrionale (Ostrava [Mærisch Ostrau]), Zlin, Vysocina (Jihlava). Superficie : 79 000 km2 ; population : 10,3 millions d’habitants ; densité : 130 habitants au km2. Langue : le tchèque (langue slave). Religions : catholique en majorité, protestante pour une minorité. Monnaie : la couronne tchèque.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la BohêmeMoravie 1. Des origines à l’avènement de la maison de Luxembourg (1310) Au seuil de notre ère, la Bohême est peuplée de Celtes, qui sont bientôt chassés par les Marcomans, peuplade germanique. Les Tchèques au Ve siècle, puis les Moraves au VIe siècle, peuples slaves, s’installent dans le pays. Au VIIe siècle, le Franc Samo y forme temporairement un premier État unitaire. Au VIIIe siècle, les Tchèques forment un duché unitaire, qui devient héréditaire dans la dynastie des Prémyslides. Au début du IXe siècle se constitue le royaume de GrandeMoravie, qui va englober fugitivement la Slovaquie et la Bohême, mais disparaît à la fin du même siècle sous la poussée des Hongrois. Au Xe siècle, à la mort de saint Wenceslas, duc de Bohême, ce pays reconnaît la suzeraineté des rois de Germanie. Au milieu du XIe siècle, la Bohême annexe la Moravie, qui, érigée par la suite en margraviat, suivra désormais sans interruption les destinées de la Bohême. En 1086, la Bohême est érigée en royaume. Élective au début, la monarchie devient héréditaire en 1230. À la mort du dernier des Prémyslides (1306), la couronne redevient élective et passe fugitivement à la maison de Habsbourg, puis échoit en 1310 à la maison de Luxembourg, qui va régner jusqu’en 1437.
2. Le règne de la maison de Luxembourg (1310-1437) La Bohême brille d’un vif éclat sous les rois de la maison de Luxembourg. Sous le règne de Jean Ier l’Aveugle, elle acquiert la Haute-Lusace (1329) et la suzeraineté sur la majeure partie des duchés de Silésie (1335) ; la première est une contrée saxonne comprise entre l’Elbe et la Neisse, la seconde est le haut bassin de l’Oder. Son fils, l’empereur Charles IV, roi de Bohême, accroît ses États du reliquat de la Silésie, et de la Basse-Lusace (1370). De plus, dans le cadre du Saint Empire, lors de la fixation des règles de l’élection impériale (Bulle d’or de 1356), il décrète son royaume de Bohême premier membre laïc du collège des sept électeurs ; le roi de Bohême sera archi-échanson
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Tchéquie de l’Empire. À cette époque s’intensifie l’établissement en Bohême-Moravie d’Allemands nobles, mais aussi paysans, venus mettre en valeur le pays. Sous le règne de Charles IV, Prague devient pour un temps la capitale de l’Empire ; elle est dotée d’un archevêché (1344) et d’une université (1348). Sous le règne de Wenceslas IV (1378-1419), la Bohême est secouée par les effets du mouvement réformateur de Jean Hus ; la mort de celui-ci sur le bûcher (1415) déclenche des troubles révolutionnaires. En 1419, les hussites font subir une première défenestration à des notables catholiques au château de Prague. Le frère de Wenceslas, le nouveau roi Sigismond, après plusieurs tentatives infructueuses de croisade, accepte un compromis religieux, les Compactata, élaboré par le concile de Bâle en 1433.
3. De 1437 à l’avènement de la maison d’Autriche (1526) La mort de Sigismond (1437) est suivie d’une période de troubles, avec un règne de deux ans de l’empereur Albert de Habsbourg, suivi du règne — controversé — d’un noble tchèque utraquiste, Georges de Podiebrady (1458-1471). Lui succèdent deux rois de la maison polonaise des Jagellon, Ladislas II (1471-1516) et Louis II (1516-1526), également roi de Hongrie. Les Habsbourg contractent alors des alliances heureuses avec les Jagellon : Ferdinand, frère puîné de Charles Quint, épouse Anne, sœur de Louis II, lequel épouse Marie, sœur de Charles Quint et de Ferdinand. En 1526, Louis II meurt à la bataille de Mohacs face aux Turcs de Soliman le Magnifique, Ferdinand recueille la couronne de Bohême (ainsi que celle de Hongrie) ; elle va demeurer pendant près de quatre siècles possession habsbourgeoise.
4. La couronne de Bohême, possession des Habsbourg (1526-1789) La vie en Bohême-Moravie se déroule paisiblement durant les règnes des trois premiers souverains de la maison d’Autriche, Ferdinand Ier, Maximilien II et Rodolphe II. Ce dernier se fixe à Prague (1582-1612), qui redevient un temps capitale de l’Empire. Toutefois, le protestantisme gagne du terrain dans le pays, sous une forme qui bénéficie de la tolérance du pouvoir : la « confession tchèque », compromis entre luthéranisme et utraquisme. Mais à partir du règne de Mathias, auquel succède Ferdinand II en 1618, souffle un esprit de reconquête catholique. La seconde défenestration de Prague (1618), de deux lieutenants généraux du royaume par des protestants, met le feu aux poudres. S’ensuit la guerre de Trente Ans (1618-1648), qui embrase peu à peu l’Allemagne et bientôt l’Europe : déchéance de Ferdinand en 1619 par la diète de Bohême, remplacé par l’électeur palatin Frédéric V, un calviniste, lequel est vaincu par Ferdinand en 1620 à la bataille de la Montagne blanche et s’enfuit (« roi d’un hiver »). Une forte répression s’abat sur la Bohême : perte de toute autonomie, la chancellerie étant transférée à Vienne et les provinces administrées depuis cette ville, diète et pouvoirs locaux concentrés dans les mains de la noblesse allemande, monarchie — jusqu’ici élective — proclamée héréditaire dans la maison d’Autriche, application générale de la Contre-Réforme. Les vicissitudes de l’extension de la guerre à l’Allemagne amènent, en 1635, l’empereur Ferdinand à céder à l’électeur de Saxe les deux Lusaces, qui dépendaient de la Bohême. Les traités de Westphalie mettent fin au conflit (1648). La Bohême-Moravie en sort très éprouvée et fortement asservie aux Habsbourg. Un siècle plus tard, un dernier événement historique vient entamer la composition des pays de la couronne de Bohême : la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748). Dès le début, vaincue par le roi Frédéric II de Prusse, la reine (future impératrice) Marie-Thérèse doit se résigner à traiter : par la paix de Breslau (1742), elle cède à la Prusse la majeure partie de la Silésie — hormis les principautés de Teschen en totalité et de Troppau en partie — ainsi que le comté (bohême) de Glatz. En dépit de ses efforts ultérieurs, elle ne parviendra jamais à les recouvrer. Imbu des idées des Lumières, Joseph II met à profit son règne personnel (1780-1790) pour entreprendre la réforme de ses États en maints domaines. Sur le plan administratif, il
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Les États existants entend les unifier en créant treize gouvernements dotés d’institutions semblables : la Bohême d’une part, la Moravie et la Silésie d’autre part formeront deux des treize gouvernements. Cette réforme, qui suscite l’hostilité des provinces, attachées à leur particularisme, est abandonnée par son fils François II, dès son avènement au trône (1790).
II. La Bohême-Moravie en 1789 Le royaume de Bohême, le margraviat de Moravie et le duché de Silésie (ce dernier réduit depuis 1742) forment, au sein des possessions de la maison d’Autriche, ce qu’on a coutume d’appeler les pays de la couronne de Bohême, ou de saint Wenceslas. La Bohême (53 000 km2) est un plateau recouvrant le haut bassin de l’Elbe ; il forme un losange fermé (« quadrilatère ») dont trois côtés sont constitués de chaînes de montagnes (monts des Géants au nord-est, monts Métalliques au nord-ouest, Forêt de Bohême au sud-ouest), tandis que le quatrième côté au sud-est (les monts de Moravie) est une barrière plus faible qui la sépare de la Moravie. Prague, sa capitale, est située sur la Moldau (Vltava), affluent de l’Elbe. La Moravie (21 000 km2) est une région de moyennes montagnes recouvrant principalement le bassin de la March (Morava), affluent de rive gauche du Danube ; les monts de Moravie à l’ouest la séparent de la Bohême, les Petites Carpathes à l’est, de la HauteHongrie. La Silésie autrichienne (5 000 km2) correspond aux quelques fragments méridionaux de l’ancienne Silésie restés autrichiens après 1742. Elle s’étend sur la zone de partage des eaux de l’Oder et de la Vistule au nord et sur le seuil (« porte de Moravie ») aisément franchissable, qui donne accès à la Moravie. L’homogénéité du peuplement tchèque de ces pays a été peu à peu altérée par une germanisation qui a commencé dès l’installation de colons allemands sous les Prémyslides, s’est poursuivie sous les Luxembourg et s’est accentuée après la guerre de Trente Ans. De ce fait, les Allemands en viennent à représenter le tiers des habitants de Bohême, le quart de ceux de Moravie, la moitié de ceux de Silésie autrichienne ; les Allemands sont groupés de façon homogène en Bohême autour d’Eger (Cheb), de Carlsbad (Karlovy Vary), d’Aussig (Usti nad Labem), de Reichenberg (Liberec), de Trautenau (Trutnov) et de Krumau (Krumlov), en Moravie autour de Mærisch Trubau (Moravska Trebova) et de Znaïm (Znojmo). Prague est une ville majoritairement allemande. L’ensemble des pays de Bohême compte environ 4 000 000 habitants. Les contrées de la couronne de Bohême sont tout à la fois froides et fertiles, riches en agriculture et en élevage. Le sous-sol est doté de nombreuses richesses minières et minérales (eaux) qui en font une région très active sur le plan industriel (verreries). Plusieurs villes sont des centres prospères, mais la ville de Prague jouit d’un éclat particulier en raison de ses activités, de son ancienne université (1348) et de son aspect monumental. Du point de vue territorial, l’ensemble des pays de la couronne de Bohême se répartissent de la façon suivante : – royaume de Bohême, capitale Prague, composé du capitanat de Prague et de 16 cercles : Rakonitz (Schlan), Kœniggratz, Beraun, Kaurzim, Bunzlau, Bidschow (Gitschin), Chrudim, Czaslau, Tabor, Budweis, Prachin (Pisek), Klattau, Pilsen, Ellbogen, Saatz, Leitmeritz ; – margraviat de Moravie, capitale Brunn, composé de 6 cercles : Brunn, Iglau, Znaïm, Hradisch, Olmutz, Prerau (Weisskirchen) ; – duché de Silésie, capitale Troppau, réduit à la principauté de Teschen et à des parties de celles de Tropau, Jægerndorf et Neisse ; il est composé de 2 cercles : Troppau, Teschen (séparés par le saillant morave de Mærisch Ostrau). La couronne de Bohême fait partie du Saint Empire et procure à cet égard un bonnet électoral au chef de la maison d’Autriche, qui dispose en tant que roi de Bohême d’un siège au conseil électoral de la diète impériale de Ratisbonne. Elle est toutefois située en dehors de la division en dix cercles dudit Empire.
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Tchéquie III. La Bohême-Moravie autrichienne (1789-1918) 1. De 1789 au Compromis austro-hongrois (1867) La Bohême-Moravie, située au cœur des États de la maison d’Autriche, n’est pas directement affectée par les bouleversements de l’époque napoléonienne. En 1804, elle est incluse dans le nouvel empire d’Autriche, créé par l’empereur François pour rassembler l’ensemble de ses possessions, et en 1806 la disparition du Saint Empire romain germanique lui fait perdre son rôle clé d’électorat d’Empire. En juin 1815, les pays de la couronne de Bohême sont inclus dans la Confédération germanique, nouvel ensemble allemand institué sous la présidence de l’empereur d’Autriche. Dans la réorganisation administrative de l’empire d’Autriche (août 1816), le royaume de Bohême forme à lui seul un gouvernement (province), tandis que la Moravie et la Silésie autrichienne sont réunies en un gouvernement de Moravie-et-Silésie, comprenant huit cercles. Dans la première moitié du XIXe siècle commence à se manifester un sentiment national sous l’impulsion d’un groupe d’intellectuels, les « Éveilleurs », des linguistes, des écrivains et des historiens, parmi lesquels se distingue Palacky, le « père de la nation » tchèque. Ce mouvement prône l’austroslavisme, c’est-à-dire l’établissement d’une autonomie tchèque au sein de l’empire d’Autriche. Il se manifeste dans une Bohême-Moravie économiquement prospère, qui tend à devenir la première région industrielle de l’empire. Au début de 1848, réagissant aux événements d’Europe, un mouvement tchèque se constitue pour réclamer la restauration d’un ensemble autonome comprenant la Bohême, la Moravie et la Silésie ; ce mouvement refuse de s’associer au parlement allemand de Francfort. Par ailleurs, un congrès des Slaves de l’empire se réunit à Prague pour faire valoir les droits des Slaves en Autriche. Le gouvernement de Vienne fait dissoudre le congrès par la force armée (juin 1848). En mars 1849, en réaction aux aspirations nationales de 1848, l’empire d’Autriche est doté d’un système centraliste et divisé en 18 pays de la couronne (Kronlænder). Les pays de Bohême forment désormais trois de ces pays : Bohême (Prague), Moravie (Brunn), Silésie (Troppau). S’ensuivent près de vingt ans de politique réactionnaire.
2. De 1867 à la fin de la présence autrichienne (1918) Les défaites subies par l’Autriche en Italie (1859) puis face à la Prusse (Sadowa, en 1866) affaiblissent le pouvoir de Vienne, qui cherche à désarmer l’opposition latente des Hongrois, en partageant avec eux le fardeau de l’empire. Le Compromis du 28 juin 1867 signé entre l’Autriche et la Hongrie ne fait aucune place à la reconnaissance de la Bohême, pourtant vieux royaume possédant des droits égaux à ceux de la Hongrie à se voir conférer l’autonomie. Les trois pays de la couronne de Bohême deviennent trois des dix-sept pays de la Couronne constituant la moitié autrichienne (Cisleithanie) de la nouvelle double monarchie. Les Tchèques, profondément ulcérés de ce déni de justice, refusent d’envoyer des représentants au parlement de Cisleithanie. Mais l’empereur François-Joseph n’est pas personnellement hostile aux revendications des Tchèques. En septembre 1871, sur son invite, la diète de Bohême élabore les droits fondamentaux par lesquels elle propose d’établir les rapports entre la Bohême-Moravie et le reste de la Cisleithanie, droits s’inspirant de ceux reconnus en 1867 à la Hongrie. Cette tentative avorte en novembre 1871 devant les pressions conjuguées des Allemands de Bohême-Moravie, de la Hongrie et de l’Empire allemand. Les pays de la couronne de Bohême restent donc répartis en trois pays de la Couronne (Cisleithanie) : – Bohême, capitale Prague, divisée en 14 cercles : Prague, Campagne de Prague, Budweis, Pisek, Pilsen, Eger, Saatz, Leitmeritz, Bunzlau, Gitschin, Kœniggratz, Chrudim, Czaslau, Tabor ;
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Les États existants – Moravie, capitale Brunn, divisée en 7 cercles : Brunn, Campagne de Brunn, Olmutz, Neu-Titschein, Hradisch, Znaïm, Iglau ; – Silésie, capitale Troppau, divisée en 2 cercles : Troppau, Teschen. Dès lors, les milieux intellectuels tchèques se divisent entre vieux-tchèques, partisans de l’austroslavisme (s’inspirant de Palacky), c’est-à-dire de l’affirmation slave dans un loyalisme dynastique, et jeunes-tchèques, partisans d’une séparation nette, voire de l’indépendance tchèque (mouvements des sokols). Toutefois, dès 1882, le bilinguisme allemand/tchèque est imposé aux fonctionnaires. L’université de Prague devient aussi bilingue. Le mouvement tchèque s’épanouit sur un plan culturel. Il prépare les esprits à l’autonomie politique. Tout au long de la Grande Guerre, le peuple tchèque fait preuve de loyalisme à l’égard de la monarchie et se trouve, comme les autres peuples de l’empire, durement éprouvé par le conflit. Dès 1915 s’installent à Paris et à Londres des dirigeants tchèques nationalistes (Masaryk, Benes) prêts à profiter d’une victoire de l’Entente pour obtenir l’indépendance de la BohêmeMoravie ; ils reçoivent bon accueil des milieux intellectuels français (Ernest Denis). En 1916, ils créent à Paris, avec le Slovaque Stefanik, un Conseil national tchécoslovaque. En décembre 1917, Clemenceau autorise la formation d’une armée tchèque, qui se joint en 1918 à celles des Alliés ; les dirigeants tchèques ont convaincu ceux-ci de la justesse de leur cause. Pendant ce temps, le nouvel empereur Charles Ier, qui a succédé en 1916 à FrançoisJoseph, tente vainement d’octroyer une réelle autonomie aux Slaves de l’empire, dans le cadre d’un État confédéral dont la Bohême-Moravie et la Slovaquie réunies constitueraient un élément. La défaite des puissances centrales entraîne la dislocation de l’Autriche-Hongrie. Le 18 octobre 1918 à Washington, puis le 28 à Prague, Masaryk proclame l’avènement d’un nouvel État, la république de Tchécoslovaquie. Cet État, qui doit se constituer autour des deux pôles de Bohême-Moravie et de Slovaquie (ancienne Haute-Hongrie), doit voir ses frontières et conditions d’existence définies par la future conférence de la paix qui se tiendra à Paris.
IV. La Bohême-Moravie contemporaine (1918 à nos jours) 1. La première Tchécoslovaquie (1918-1939) Au printemps de 1919 se tiennent à Paris les négociations de paix. Les pays vaincus n’y sont pas conviés. En revanche, les nouveaux États qui leur succèdent peuvent exprimer leur avis. Il en résulte cinq traités signés avec les États vaincus. Par le traité de Versailles du 28 juin 1919, l’Allemagne, au nom de la Prusse, cède à la Tchécoslovaquie le territoire de Hultschin, prélevé sur la Silésie prussienne et qui correspond à la part septentrionale de la principauté de Troppau annexée par la Prusse en 1742. Par le traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919, l’Autriche, au nom de l’ancienne Cisleithanie : – cède à la Tchécoslovaquie la Bohême, la Moravie et la moitié occidentale (Troppau) de la Silésie autrichienne, ainsi que deux fragments de Basse-Autriche, l’un au sud de Znaïm, l’autre à l’ouest de Gmund ; – renonce à la moitié orientale (Teschen) de la Silésie autrichienne, laquelle est disputée entre la Pologne et la Tchécoslovaquie. Devant l’intransigeance de la Pologne et de la Tchécoslovaquie au sujet de Teschen, le sort de ce pays n’est réglé qu’aux conférences de Spa et des Ambassadeurs en juillet 1920. La Silésie de Teschen est partagée entre les deux pays : – la part orientale, avec la ville de Teschen, est attribuée à la Pologne ;
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Tchéquie – la part occidentale, avec la gare de Teschen et les villes d’Oderberg et de Friedeck, est attribuée à la Tchécoslovaquie, ce qui lui assure une liaison ferroviaire à fort débit (ligne Kassa-Oderberg) entre la Moravie et la Slovaquie. La Bohême, la Moravie et la majeure partie de l’ancienne Silésie autrichienne font donc désormais partie de la nouvelle Tchécoslovaquie. Cet État représente 140 000 km2 et 13 600 000 habitants, dont 52 000 km2 et 6 700 000 habitants pour la Bohême, 22 000 km2 et 2 700 000 habitants pour la Moravie, 4 500 km2 et 700 000 habitants pour la Silésie tchécoslovaque (Troppau, Hultschin, moitié de Teschen). Le nouvel État se dote en 1920 d’une Constitution calquée sur celle de la France. Pourvu d’un réel régime démocratique, ce qui n’est pas si fréquent en Europe centrale, il participe, avec la Roumanie et la Yougoslavie, à la Petite Entente, alliance défensive créée avec l’appui de la France. Toutefois, il est miné à l’intérieur par des questions de minorités : Allemands en Bohême-Moravie, Hongrois en Slovaquie, Ruthènes, et surtout par l’antagonisme entre Tchèques et Slovaques, qui se fait rapidement jour. Les Allemands de Bohême-Moravie n’ont pas été admis au bénéfice du plébiscite en 1919, au motif que la Bohême-Moravie constituait un tout géographique indispensable à la prospérité et à la sécurité de la nouvelle Tchécoslovaquie. Quoique la République leur reconnaisse des droits de minorité, plutôt mieux respectés qu’en d’autres pays, ils récusent leur appartenance à cet État. Après l’Anschluss (mars 1938), qui a eu pour effet d’encercler en majeure partie la Bohême-Moravie par le territoire du Reich, certains milieux allemands « des Sudètes » réclament leur incorporation dans ce dernier. En mai 1938, un rapport de lord Runciman, envoyé sur place par les Occidentaux, conclut au bien-fondé de leur revendication. Devant les menaces allemandes à ce sujet, sur médiation de Mussolini, une conférence se réunit le 29 septembre 1938 à Munich, tenue entre quatre puissances (Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, France) en l’absence des Tchécoslovaques. Elle décide et impose à la Tchécoslovaquie la cession, le 1er octobre, à l’Allemagne d’un territoire « des Sudètes » (29 000 km2) prélevé sur la Bohême (Krumau, Eger, Carlsbad, Saatz, Aussig, Reichenberg, Trautenau), sur la Moravie (Mærisch Trubau, NeuTitschein), avec l’entière Silésie de Troppau (y compris Hultschin) ; l’ensemble devient la nouvelle province allemande des Sudètes, chef-lieu Reichenberg. Sur ultimatum polonais du 30 septembre, la Tchécoslovaquie cède le 2 octobre à la Pologne la moitié de la Silésie de Teschen conservée en 1920, avec Oderberg et la gare de Teschen, mais sans Friedeck (1 000 km2). La Bohême-Moravie-Silésie se voit ramenée de 79 000 à 49 000 km2.
2. Le protectorat de Bohême-Moravie (1939-1945) En violation de ses engagements (verbaux) pris à Munich, Hitler fait valoir des considérations historiques et géopolitiques pour imposer le 15 mars au président Hacha la dissolution de la Tchécoslovaquie, l’indépendance de la Slovaquie et l’entrée de la BohêmeMoravie dans le Reich allemand sous forme de protectorat. Le gouvernement tchécoslovaque (Benes) se réfugie à Londres. Dès le début du second conflit mondial, procédant, de concert avec Staline, au cinquième partage de la Pologne, le 19 octobre 1939, Hitler annexe au Reich allemand la partie de Silésie de Teschen annexée par la Pologne en 1920 et 1938 ; elle est rattachée à la Silésie allemande. En 1941, le territoire de Hultschin et la Silésie de Teschen (sauf le fragment resté tchécoslovaque en 1938) sont versés dans la province allemande de Grande-Haute-Silésie. La Bohême-Moravie subit un très dur régime d’occupation : fermeture des universités, travail obligatoire pour l’Allemagne, déportations, etc. Cependant, par sa position centrale, elle est jusqu’en 1945 épargnée par les combats. À la fin de la guerre (1946), les Tchèques se vengeront — avec l’accord des vainqueurs donné à la conférence de Potsdam — en chassant de force les Allemands des Sudètes, résolvant ainsi de façon brutale la question de cette minorité.
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Les États existants 3. La seconde Tchécoslovaquie (1945-1992) Le 11 mai 1945, les vainqueurs de l’Allemagne restaurent la république de Tchécoslovaquie dans ses limites de 1920 ; elle perdra la Ruthénie subcarpathique en juin 1945. La Bohême-Moravie-Silésie redevient l’élément principal de la Tchécoslovaquie, nouvelle république unitaire. Le 21 juin 1945, la frontière tchéco-polonaise de 1920 est rétablie. Au sein de la Tchécoslovaquie, la Bohême-Moravie représente sept régions : Bohême centrale (Prague), Bohême méridionale (Budejovice), Bohême occidentale (Pilsen), Bohême septentrionale (Usti), Bohême orientale (Hradec Kralové), Moravie méridionale (Brno), Moravie septentrionale (Ostrava). Tout d’abord, dès 1946, un régime démocratique est restauré, mais avec une forte participation de communistes, soutenus par l’alliance formelle du pays avec l’URSS et la présence sur place de troupes d’occupation soviétiques. En février 1948, par le « coup de Prague », les communistes accroissent leur mainmise sur le pouvoir. Le 9 mai, une nouvelle Constitution instaure une république de démocratie populaire et, en juin, le président Benes cède la place au communiste Gottwald. Le pays va vivre pour vingt ans la condition d’État satellite de l’URSS, membre du pacte de Varsovie et du Comecon. Au printemps de 1968, une nouvelle direction communiste tente d’humaniser le régime par l’adoption d’un programme de réformes ; cette tentative est réprimée en août 1968 par les forces du bloc communiste européen, et l’ancien régime communiste est rétabli. Une nouvelle Constitution fédéraliste est adoptée en octobre 1968 par la Tchécoslovaquie « normalisée », pour entrer en vigueur le 1er janvier 1969. La nouvelle Tchéco-Slovaquie est un État fédéral composé de deux républiques : la Bohême-Moravie, capitale Prague ; la Slovaquie, capitale Bratislava (Presbourg). La Bohême-Moravie est dotée d’un gouvernement et d’un parlement. Le mouvement de protestation se poursuit à l’initiative des milieux intellectuels du pays (au sein desquels Vaclav Havel). Profitant de l’environnement international, la Tchéco-Slovaquie met fin au régime communiste en novembre 1989 (« révolution de velours »). Le 29 novembre, la Constitution est amendée dans le sens du pluralisme et l’élection, le 29 décembre, de Vaclav Havel à la présidence de la Fédération marque le retour à une Tchécoslovaquie démocratique.
4. La Tchéquie (1993 à nos jours) Dès le retour de la liberté, une partie de la Slovaquie milite pour recouvrer son indépendance. Le parti indépendantiste y ayant remporté les élections, un accord de partition, conclu le 2 juin 1992 entre les gouvernements des deux républiques, est ratifié en juillet par les parlements avec effet au 1er janvier suivant. Le 1er janvier 1993, par la partition de la Tchéco-Slovaquie, pour la première fois depuis des siècles, la Bohême-Moravie s’incarne seule dans un État indépendant, la Tchéquie (ou, moins bien, République tchèque). Ce nouveau pays, doté d’atouts économiques importants, engage fermement une politique de rapprochement avec l’Occident : adhésion à l’OTAN, partenariat avec l’Europe de l’Ouest, candidature à l’adhésion à l’Union européenne. Sa candidature à l’Union est acceptée le 12 décembre 2002, et l’adhésion devient effective le 1er mai 2004. Bohême-Moravie, République tchèque ou Tchéquie ? Le terme historique qui désigne le pays tchèque est celui de Bohême-Moravie, qui rappelle la double origine tchèque — Bohême, en tchèque, se dit Tchesky — et morave des peuples slaves frères qui l’habitent. L’ensemble est souvent, jusqu’en 1918, désigné plus simplement par le nom de Bohême. En 1918, pour symboliser le fait que le nouveau pays est issu des deux nations tchèque et slovaque, on crée pour lui un néologisme, la Tchécoslovaquie. Au sein de ce pays, on emploie dès cette époque le terme de Slovaquie pour en désigner la partie slovaque, issue de l’ancienne Hongrie.
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Tchéquie En 1939, la partie slovaque fait sécession et prend naturellement le nom de Slovaquie ; la partie tchèque, incorporée de force dans le Reich hitlérien, reprend le nom historique — « à consonance germanique » — de Bohême-Moravie. La Tchécoslovaquie est reconstituée en 1945, et devient en 1969 la Tchéco-Slovaquie, république fédérale. En 1993, quand les deux républiques fédérées se séparent, on désigne de nouveau sans hésiter le pays slovaque par le nom de Slovaquie. Pour le pays tchèque, les temps n’étant plus à reprendre le vieux terme historique de Bohême-Moravie — qui évoque pour certains de mauvais souvenirs (le protectorat allemand), mais qui curieusement reste persona grata en matière de cristallerie —, il paraît logique que s’impose le terme de Tchéquie, pays des Tchèques. Les historiens et les géographes, dès le début des années 1990, utilisent ce terme. Mais, pour des raisons aberrantes, l’habitude se prend dans la presse, puis dans l’édition, d’employer l’appellation République tchèque, terme officiel bien indigeste, aussi incongru que si l’on disait à tout propos République française pour la France, ou République italienne pour l’Italie ; laissons ces termes aux diplomates en mal de traités. En bon français, le pays des Tchèques se doit d’être la Tchéquie, tout comme celui des Slovaques la Slovaquie, celui des Slovènes la Slovénie, celui des Croates la Croatie, etc. La Tchécoslovaquie La Tchécoslovaquie est une création du XXe siècle. Les peuples slaves du centre de l’Europe (Tchèques, Moraves et Slovaques) ont suivi des voies politiques très différentes dès le haut Moyen Âge. Les Tchèques et les Moraves, unis très tôt, forment un royaume qui va perdurer au fil des siècles. Les Slovaques sont au contraire, dès le Xe siècle, incorporés dans le royaume de Hongrie. En 1526, ils passent tous sous la domination de la maison d’Autriche, mais à des titres différents : Ferdinand Ier hérite de deux couronnes distinctes, celle de Bohême et celle de Hongrie. Cette situation va se poursuivre jusqu’en 1918, faisant des Tchèques et des Slovaques des peuples dont l’origine est commune et les langues proches, mais que le reste sépare : histoire, cadre de vie, culture, religion. C’est à l’étranger, à Londres et à Paris, que deux hommes politiques, réfugiés en 1915, Masaryk et Benes, parviennent à intéresser les Alliés à la cause tchécoslovaque ; ils créent à Paris en 1916 un Conseil national tchécoslovaque. Par ailleurs, ils signent avec un dirigeant slovaque en exil, Stefanik, les accords de Pittsburgh (mai 1918), par lesquels il est convenu d’édifier une Tchéco-Slovaquie, au sein de laquelle la Slovaquie bénéficiera d’un statut d’autonomie. Les milieux politiques de l’Entente vont considérer désormais la création de la Tchécoslovaquie comme une pièce maîtresse destinée à affaiblir les influences allemande et hongroise dans l’Europe d’après-guerre et à y accroître le rôle de la France et de la Grande-Bretagne. Alors que s’effondrent les armées austro-hongroises, le 18 octobre 1918 à Washington, puis le 28 à Prague, Masaryk proclame la séparation de la Bohême-Moravie d’avec l’empire, et l’avènement de la république de Tchécoslovaquie, nouvel État devant se constituer autour des pôles de la Bohême-Moravie et de la Slovaquie (comitats hongrois peuplés de Slovaques). Le 30 octobre, un Conseil national slovaque réuni à Turocsz-Szent Martin (Turcansky-Sveti Martin) proclame à son tour la séparation de la Slovaquie d’avec la Hongrie et son union à la Bohême-Moravie dans une nouvelle Tchécoslovaquie. La Tchécoslovaquie est officiellement née ; reste à en préciser les limites. Les traités de Versailles et de Saint-Germain (1919) pour la partie tchèque, de Trianon (1920) pour la partie slovaque, complétés par les conférences de Spa et des Ambassadeurs (1920), donnent à ce pays ses frontières (voir les chapitres Tchéquie, Slovaquie).
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Les États existants Au terme de ces remaniements, la nouvelle Tchécoslovaquie recouvre 140 500 km2 et 13 600 000 habitants ainsi répartis : – Bohême (Prague) : 52 000 km2 et 6 650 000 habitants ; – Moravie (Brunn) : 22 500 km2 et 2 650 000 habitants ; – Silésie (Troppau) : 4 500 km2 et 700 000 habitants ; – Slovaquie (Presbourg) : 49 000 km2 et 3 000 000 habitants ; – Ruthénie (Unghvar) : 12 500 km2 et 600 000 habitants. Plusieurs remarques peuvent être faites au sujet de ce nouveau pays : 1) Le principe des nationalités, si hautement affiché par les Alliés, a été bafoué lors de la délimitation de la Tchécoslovaquie. En Bohême-Moravie, les Tchèques ont obtenu de conserver les frontières historiques (chaînes de montagne entourant le quadrilatère) pour raisons stratégiques. En Slovaquie et en Ruthénie, la frontière méridionale englobe des régions à peuplement majoritairement hongrois, pour donner à la Tchécoslovaquie un débouché fluvial sur le Danube (Presbourg), une frontière naturelle fluviale (Danube-Ipoly), et pour donner aux vallées slovaques et ruthènes cloisonnées une ligne de communication au pied des monts. 2) De ce fait, avec 3 millions d’Allemands, principalement en Bohême et en Moravie, et 750 000 Hongrois, principalement en Slovaquie et en Ruthénie, la Tchécoslovaquie s’expose à un sérieux manque de cohésion nationale, d’autant que les minorités regardent avec nostalgie leurs mères patries (Autriche ou Allemagne, Hongrie) dont elles ont été arbitrairement séparées. 3) La Ruthénie subcarpathique, peuplée de Ruthènes c’est-à-dire d’Ukrainiens, n’était pas a priori revendiquée par la Tchécoslovaquie. Les Alliés, ne voulant ni la laisser à la Hongrie, ni la donner à l’Ukraine en proie à de graves troubles, l’ont attribuée à la Tchécoslovaquie qui l’a acceptée « à titre provisoire, en attendant de la restituer à l’Ukraine » et a promis de lui accorder l’autonomie interne. La conférence de Munich impose le 1er octobre 1938 à la Tchécoslovaquie la cession à l’Allemagne d’un territoire « des Sudètes » de 29 000 km2, prélevé sur la Bohême, sur la Moravie, avec la Silésie de Troppau en entier, ainsi que du faubourg d’Engerau (face à Presbourg), prélevé sur la Slovaquie. Sur ultimatum polonais, la Tchécoslovaquie cède le 2 octobre à la Pologne un fragment (Javorina) du comitat de Zips, prélevé sur la Slovaquie, ainsi que la moitié de la partie de Silésie restée tchécoslovaque en 1920 (1 000 km2). Par perte de 30 000 km2, la Tchécoslovaquie voit sa surface ramenée à 110 500 km2. Par l’arbitrage du Belvédère du 2 novembre 1938, la Tchécoslovaquie cède à la Hongrie une bande de territoire continue courant le long de la frontière de la Slovaquie et de la Ruthénie, d’une surface de 12 000 km2 et peuplée majoritairement de Hongrois. La Tchécoslovaquie est ainsi ramenée à une superficie de 98 500 km2. Le 14 mars 1939 est proclamée l’indépendance de la république de Slovaquie, liée à l’Allemagne par alliance militaire. Le même jour est proclamée l’indépendance de la Ruthénie subcarpathique, laquelle prend le nom de Carpatho-Ukraine. Le 15 mars 1939, en violation de ses engagements (verbaux) de Munich, Hitler impose au président Hacha la dissolution de la Tchécoslovaquie, l’indépendance de la Slovaquie et l’entrée de la Bohême-Moravie dans le Reich allemand, sous le régime du protectorat. Le même jour, l’armée hongroise envahit la Ruthénie et, le 16 mars, la Hongrie annexe la Ruthénie subcarpathique. En trois jours, la Tchécoslovaquie résiduelle a disparu, répartie entre l’Allemagne pour 49 000 km2, la république de Slovaquie pour 37 500 km2, la Hongrie pour 12 000 km2. Le 11 mai 1945, la république de Tchécoslovaquie est restaurée dans ses limites de 1919 par les Alliés.
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Tchéquie Par ailleurs, par traité du 29 juin 1945, la Tchécoslovaquie cède à l’URSS la Ruthénie subcarpathique, laquelle est rattachée à l’Ukraine. La Tchécoslovaquie reconstituée couvre désormais une surface de 128 000 km2. Elle redevient république unitaire et se trouve répartie en dix régions : Bohême centrale (Prague), Bohême méridionale (Budweis), Bohême occidentale (Pilsen), Bohême septentrionale (Aussig), Bohême orientale (Kœniggratz), Moravie méridionale (Brunn), Moravie septentrionale (Ostrau), Slovaquie occidentale (Presbourg), Slovaquie centrale (Neu Sohl ou Banska Bistritza), Slovaquie orientale (Kassa). Par traité de Paris du 10 février 1947, la Hongrie restitue officiellement à la Tchécoslovaquie la bande de territoire slovaque annexée en 1938 ; s’y ajoute un élargissement (Oroszvar) de la tête de pont (Engerau) située sur rive droite du Danube, face à Presbourg (Bratislava). Dès le mois de mai 1946, des élections législatives ont révélé l’audience des communistes dans l’opinion publique ; le gouvernement était depuis lors dirigé par le communiste Gottwald. Le 25 février 1948, sous la pression de la rue, Benes accepte la formation d’un gouvernement à majorité communiste. En mai, la Tchécoslovaquie devient officiellement une république communiste. Une nouvelle Constitution transforme, le 1er janvier 1969, la Tchécoslovaquie en un État fédéral, qui prend le nom de Tchéco-Slovaquie, composé de deux États : – la Bohême-Moravie (ou Tchéquie), capitale Prague, d’une surface de 79 000 km2, couvrant les anciennes Bohême, Moravie et Silésie tchécoslovaque ; – la Slovaquie, capitale Bratislava (Presbourg), d’une surface de 49 000 km2. Chaque État dispose d’un gouvernement et d’un parlement propres. La capitale fédérale est fixée à Prague. À la suite de la « révolution de velours », le 29 novembre 1989, le parlement fédéral abolit le rôle dirigeant du parti communiste. La Tchéco-Slovaquie redevient un État démocratique. Depuis la fin du régime communiste, une partie de la Slovaquie milite de nouveau pour recouvrer son indépendance. Un accord de partition, conclu le 20 juin 1992, est approuvé en juillet par les parlements des deux États. Le 1er janvier 1993, la Tchéco-Slovaquie est dissoute et laisse place à deux États successeurs indépendants : la Tchéquie et la Slovaquie.
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Les États existants
Turquie Le pays en bref État républicain : la République turque. Président : Abdullah Gül. Représentation parlementaire : une chambre unique, la Grande Assemblée nationale turque. Capitale : Ankara. Division administrative en 8 régions (elles-mêmes subdivisées en 79 vilayets) : Thrace, Côtes des mers de Marmara et Égée, Côte de la Méditerranée, Côte de la mer Noire, Anatolie occidentale, Anatolie centrale, Anatolie sud-orientale, Anatolie orientale ; les vilayets de la Thrace (la seule région située en Europe) sont au nombre de cinq : Istanbul, Çanakkale, Edirne, Kirklareli, Tekirdag ; la ville-agglomération de Constantinople (Istanbul), située de part et d’autre du Bosphore, forme deux vilayets, un de Thrace et un des Côtes des mers de Marmara et Égée. Superficie : 779 500 km2, dont 23 800 km2 en Europe ; population : environ 66 millions d’habitants, dont 8 millions en Europe ; densité : 85 habitants au km2 (335 pour la partie européenne). Langue : le turc, langue du groupe ouralo-altaïque, écrite en caractères latins depuis 1928 ; des minorités parlent le kurde, le grec ou l’arménien. Religion : musulmane. Monnaie : la livre turque. Remarques La Turquie contemporaine est en grande majorité située géographiquement en Asie, continent auquel se rattache le peuple turc par sa culture, sa langue, ses mœurs et sa religion. Cependant subsistent de ce pays en Europe une région, la Thrace orientale, et une ville majeure, Constantinople (Istanbul), ultimes reliquats de l’époque où la Turquie dominait l’Europe balkanique. C’est pourquoi la Turquie a sa place dans cet ouvrage, à l’heure où, au terme d’un long processus d’occidentalisation — en certains domaines — amorcé à l’époque d’Ataturk, ce pays vient de se voir, non sans de nombreuses réticences, reconnaître le droit à faire partie, dans un avenir indéterminé, de l’Union européenne. Le présent chapitre, fidèle à l’esprit de l’ouvrage, ne traitera que de l’histoire de la Turquie en Europe, laissant volontairement de côté les détails de l’histoire ancienne et contemporaine de ce pays en Asie, voire en Afrique.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Turquie 1. Des origines à la conquête de Constantinople par les Turcs (1453) Au cours du IIe millénaire av. J.-C., tandis que s’épanouit en Anatolie centrale la civilisation de l’empire des Hittites, les peuples thraces, venus d’Asie centrale, s’installent durablement dans l’angle sud-est de l’Europe, contrée à laquelle ils donnent leur nom. Puis les « peuples de la mer », des Proto-Illyriens, s’installent sur l’ensemble de la partie occidentale de l’Asie Mineure (Détroits, Troade, Phrygie, Lydie, Mysie), et abattent la puissance hittite vers 1250 av. J.-C. Alors que l’Asie Mineure est, à la fin du millénaire, soumise à l’emprise des Grecs (prise de Troie, à la date controversée), la Thrace demeure longtemps à l’écart de l’influence grecque, ce qui lui vaut de développer sa propre civilisation. Conquise en 513 av. J.-C. par les Perses, elle tombe ensuite sous l’hégémonie d’Athènes, à la suite des guerres médiques, avant d’être annexée par la Macédoine de Philippe II (vers 340). Convoitée à l’époque hel-
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Turquie lénistique par les différents successeurs d’Alexandre, elle est conquise par Rome en 168 av. J.-C. et devient la province de Thrace, tandis que l’Asie Mineure est aussi peu à peu incorporée dans la sphère romaine. À partir de 395 apr. J.-C., ces régions — désormais fortement hellénisées — font partie de l’Empire romain d’Orient, puis de l’Empire byzantin, dont la ville de Constantinople, fondée en 330 sur le Bosphore en remplacement de l’ancienne Byzance, est instituée capitale. La Thrace est ensuite un champ d’invasions successives, dont la plus durable est celle des Bulgares au VIIe siècle, tandis que les Grecs byzantins se maintiennent à Constantinople. Les Turcs ottomans, originaires d’Asie centrale, s’infiltrent d’abord en Asie Mineure au début du XIVe siècle, puis ils passent les Détroits au milieu dudit siècle et asservissent les empires serbe (1389) et bulgare (1396). Au milieu du XVe siècle, les Turcs parachèvent leur domination en prenant Constantinople, capitale des Byzantins (1453).
2. L’Empire ottoman en Europe (1453-1789) La prise de Constantinople, qui met un point final à la domination byzantine, est très vite suivie de la conquête de la péninsule grecque par les Ottomans. De plus, ceux-ci s’emparent, en un siècle (1462-1571), de presque toutes les îles grecques : Lesbos en 1462, Nègrepont en 1470, Rhodes en 1522, Chios en 1566, Chypre en 1571. La Crète vénitienne résistera jusqu'en 1669 et seules les îles Ioniennes (de Corfou à Cérigo) demeureront vénitiennes. Dans la première moitié du XVIe siècle, poussant leur avantage, les Turcs annexent, sur le pourtour de la mer Noire, la Dobroudja, le Boudjak (basse Bessarabie) et le Jedisan (Petite Tartarie), qui assurent la liaison terrestre avec le khanat de Crimée, vassalisé dès 1475, puis ils vassalisent les principautés de Valachie, de Moldavie et de Transylvanie, et se rendent maîtres d’une moitié de la Hongrie (1526). Les deux sièges de Vienne (1529, 1683) marquent la limite extrême de l’expansion ottomane et, depuis l’échec du second, la Turquie apparaît comme un État en déclin, sur la défensive, voué à perdre peu à peu toutes ses conquêtes européennes. La contre-offensive autrichienne de la fin du XVIIe siècle conduit à la cession de la Hongrie turque et de la suzeraineté sur la Transylvanie (1699), puis à la perte du Banat, de la Serbie et de la petite Valachie (1718). Ces deux dernières provinces sont toutefois reprises en 1739 et, dès lors, la frontière entre Autriche et Turquie semble durablement établie sur la ligne de la Save et du Danube, la forteresse de Belgrade constituant un point d’ancrage de la ligne de défense ottomane. Longtemps une menace pour l’Europe chrétienne, la Turquie n’est plus au XVIIIe siècle qu’une proie que convoitent l’Autriche et la Russie, contrecarrées par les autres puissances qui redoutent le déséquilibre politique qui en résulterait. De ce fait, le déclin de la Turquie va durer un siècle et demi, fait d’abandons successifs de toutes les provinces européennes. À la suite de la guerre russo-turque de 1768, où la Turquie est vaincue, elle doit en 1774 céder à la Russie les ports de Kimbourn, à l’embouchure du Dniepr, d’Azov, à l’embouchure du Don, de Kertch et de Yéni-Kalé, en Crimée, et le territoire côtier des Zaporogues (angle côtier situé entre Boug et Dniepr), renoncer à sa suzeraineté sur le khanat de Crimée et reconnaître à la Russie un droit de regard sur les principautés danubiennes (Moldavie et Valachie), ainsi qu’un droit de protection sur les chrétiens de l’ensemble de l’Empire ottoman ; la Russie s’appuiera ultérieurement sur cette clause pour s’ingérer dans les affaires turques. Pour prix de son intervention dans le règlement de paix entre Russie et Turquie, l’Autriche se fait céder en 1775 par la Porte la Bucovine, région septentrionale de la principauté de Moldavie. Le sultan agit ici en tant que suzerain de la principauté, amputée d’une de ses provinces, en dépit des protestations de son hospodar.
II. La Turquie en 1789 La Turquie, ou Empire ottoman, est un grand ensemble politique à cheval sur trois continents : Europe, Asie, Afrique. La Turquie d’Europe, ou Roumélie, est elle-même un vaste sous-ensemble couvrant le sud-est de la péninsule européenne (région balkanique), à
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Les États existants savoir la Grèce et ses îles, la Macédoine, l’Albanie, la Roumélie propre, la Bulgarie, la Serbie, la Bosnie, l’Herzégovine, les bords de la mer Noire et, à titre d’États tributaires, les principautés de Moldavie, de Valachie et du Monténégro (les Monténégrins récusant leur état de vassalité), ainsi que la république de Raguse. La capitale, Constantinople, située sur la rive européenne du détroit du Bosphore, est à la charnière de la Turquie d’Europe et de la Turquie d’Asie. La Turquie d’Europe, à laquelle se borne le présent chapitre, englobe des régions très différenciées géographiquement, comprenant les massifs montagneux des Alpes dinariques, du Pinde, du Rhodope, des Balkans et, touchant aux Carpathes, les bassins fluviaux du Danube inférieur, du Sereth, de la Maritza, du Vardar, du Drin, etc. Les climats en sont très contrastés : climat méditerranéen de la côte albanaise et de la Grèce, climats rigoureux des massifs montagneux (Bosnie), climats continentaux des régions du nord-est (plateau bulgare, région danubienne). La production agricole s’en ressent : les productions céréalières des grandes plaines du nord-est font contraste avec les productions méditerranéennes (olivier, vigne, pêche) de la péninsule grecque. Le réseau urbain est assez développé, témoignant de l’ancienneté de l’implantation humaine organisée en ces contrées : Constantinople, Andrinople, Sofia, Monastir, Salonique, Larissa, Athènes, Raguse, Belgrade, Bucarest, Jassy en constituent les principaux éléments. Héritage de l’histoire, le peuplement est lui-même très bigarré : Grecs de la péninsule hellénique et des îles, Albanais, Serbes au nord-ouest (Serbie, Bosnie), Bulgares, MoldoValaques, pratiquement tous restés chrétiens — hormis une partie des Albanais et des Serbes — en raison de la politique de tolérance religieuse pratiquée par la Porte. Les Turcs sont partout en minorité, sauf aux abords de Constantinople, se bornant à une présence dans les villes où ils assument les fonctions administratives et militaires. En 1789, la Turquie d’Europe ou Roumélie, dirigée depuis Monastir ou Sofia par le beylerbey de Roumélie, est principalement divisée en divers vilayets, gouvernés par des pachas à trois queues, eux-mêmes subdivisés en sandjaks (pachas à deux queues) : – vilayet de Roumélie, chef-lieu Monastir ou Sofia, couvrant la Roumélie proprement dite, la Thrace, la Macédoine, l’Albanie, l’Épire, la Thessalie et la Grèce continentale, avec les sandjaks de Kavalla, Salonique, Trikala, Janina, Valona, Delvino, Elbasan, Scutari d’Albanie, Duhogin, Prizrend, Ochrida, Ouskoub, Kustendil, Krouchevatz ; – vilayet de Morée, chef-lieu Tripolitsa ; – vilayet des Îles ou de Djézaïr, chef-lieu Gallipoli, couvrant les îles de l’Archipel (Égée), de Crète et de Chypre, et quelques régions côtières (Dardanelles, Acarnanie) en Europe, ainsi qu’en Asie (Smyrne) ; – vilayet de Bosnie, chef-lieu Trawnik, réparti en 31 capitanats féodaux ; – vilayet de Serbie, chef-lieu Belgrade ; – vilayet de Silistrie, chef-lieu Silistrie, couvrant la Bulgarie, la Dobroudja, le Boudjak (Bessarabie), le Jedisan (Petite Tartarie). S’y ajoutent divers États tributaires : – les principautés de Valachie, capitale Bucarest, et de Moldavie, capitale Jassy, gouvernées par des hospodars nommés par la Porte ; (voir chapitre Roumanie) – la république de Raguse, sur la mer Adriatique, république marchande gouvernée selon un système inspiré de Venise ; (voir partie « États disparus ») – enfin, aux yeux des Turcs, quoique les Monténégrins récusent un tel lien de vassalité, la principauté de Monténégro, dirigée par un prince-évêque résidant à Cettigné. (voir chapitre Yougoslavie) Au sein de l’Empire ottoman subsistent des entités politiques particulières, disposant d’une large autonomie : république monastique du Mont-Athos en Chalcidique, pays des Mirdites en haute Albanie, des Souliotes en Albanie méridionale, des Maïnotes en Morée. Par ailleurs, l’imperfection de l’administration turque et l’éloignement de Constantinople favorisent, dans certaines provinces, l’ambition de fonctionnaires ottomans, qui tentent de se rendre quasi indépendants de la Porte, en constituant de grands États féodaux
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Turquie (grands pachaliks) : Pasvan Oglu à Vidin, Boutshati à Scutari d’Albanie, Ali de Tébélen plus tard à Janina.
III. De 1789 au congrès de Berlin (1878) 1. De 1789 à la perte de la Bessarabie (1812) L’impératrice Catherine II ayant, par son « voyage en Crimée », où Sébastopol figurait comme porte de Constantinople, manifesté son intérêt pour la reprise du projet de partage de l’Empire ottoman — esquissé en 1782 avec l’Autriche —, les hostilités ont repris en septembre 1787 entre la Turquie et la Russie, l’Autriche se joignant à cette dernière en février 1788. Après des succès laborieux sur la Turquie, l’Autriche, en raison de ses difficultés intérieures, du changement de souverain (avènement du pacifique Léopold II) et de l’inquiétude provoquée par les événements de France et de Pologne, signe le 4 août 1791 la paix de Sistova avec la Turquie. Restituant Belgrade dont elle s’était emparée en octobre 1789, l’Autriche se fait céder par la Turquie la ville de Vieil-Orsova sur le Danube et le district de l’Unna, pointe extrême à l’ouest de la Croatie turque (Bosnie). Abandonnée par l’Autriche, son attention étant de nouveau attirée par la Pologne, la tsarine Catherine doit de nouveau renoncer à ses projets de partage ottoman. Par la paix de Jassy du 9 janvier 1792, elle se contente de gains limités. La Russie annexe le Jedisan (Petite Tartarie), avec le port d’Otschakow (et bientôt, en 1794, celui d’Odessa). La frontière russo-turque est ainsi ramenée du Boug au Dniestr. En octobre 1797, au traité de Campo-Formio, la France a reçu sa part des dépouilles de la défunte république de Venise, sous forme de la province du Levant vénitien, composé des sept îles Ioniennes et de quatre points de terre ferme d’Albanie. En prenant Malte (juin 1798), dont le tsar Paul Ier était devenu protecteur, puis en s’emparant de l’Égypte, possession ottomane, Bonaparte mécontente à la fois la Russie et la Turquie. Entre octobre 1798 et mars 1799, ces deux pays alliés conquièrent sur les Français l’ensemble des îles Ioniennes et leurs quatre points de terre ferme. Par convention turco-russe (mars 1800), l’ancien Levant vénitien est ainsi réparti : – les îles Ioniennes deviennent la république des Sept-Îles Unies, État fédéral tributaire de la Porte, mais avec garnisons russes et droit de regard de la Russie ; – les quatre points de terre ferme d’Albanie (Butrinto, Parga, Prévéza, Vonizza) sont annexés par la Turquie, avec promesse d’autonomie. En juin 1802, adhérant à la paix d’Amiens, la Turquie renonce à sa suzeraineté sur la république des Sept-Îles Unies, qui devient en théorie indépendante, en fait soumise à un protectorat purement russe. Les Serbes se soulèvent en 1804 contre l’oppression des janissaires. La prise de Belgrade, le 30 novembre 1806, marque le succès de l’insurrection conduite par Karageorge. Celuici proclame alors l’indépendance de la Serbie, dont il se nomme prince. En juillet 1807, il signe avec la Russie une convention faisant de la Serbie un protectorat russe. Le territoire de ce protectorat couvre le vilayet de Belgrade et six districts des sandjaks de Novi Bazar, Krouchevatch et Vidin. Par annexe secrète au traité de Tilsitt (7 juillet 1807), la Russie autorise Napoléon à reprendre possession des îles Ioniennes et de ses quatre points de terre ferme d’Albanie. Les Français réoccupent les îles, mais ne parviennent à se réinstaller qu’à Parga, sur le continent. Le 30 janvier 1808, la France abolit la république de Raguse et la rattache au royaume d’Italie. La Turquie perd ainsi l’un de ses États tributaires. À l’initiative de la France, la Turquie avait destitué en 1806 les hospodars de Moldavie et de Valachie, jugés trop russophiles. La Russie avait réagi en entrant en guerre en novembre 1806 contre la Porte et en occupant les principautés. Napoléon, à Tilsitt puis à Erfurt, avait promis au tsar la neutralité française dans ses entreprises balkaniques. Mais, en 1811,
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Les États existants inquiet de la tournure prise par la politique française, Alexandre se résolvait à terminer le conflit avec la Turquie. La paix est signée à Bucarest le 28 mai 1812. La Russie évacue les principautés danubiennes et renonce à soutenir le prince de Serbie, Karageorge, contre promesse d’une amnistie, d’une autonomie pour la Serbie, assortie de la réoccupation des forteresses serbes par des garnisons turques. La Turquie cède à la Russie l’entière Bessarabie (région comprise entre Pruth et Dniestr), à savoir : – la partie turque (Boudjak), qui dépendait directement de l’Empire ottoman ; – la partie moldave, pour laquelle la Porte agit une nouvelle fois en tant que suzerain de la Moldavie, la Russie en dédommageant financièrement la Moldavie. La frontière entre Russie et Turquie est ainsi ramenée sur le Pruth et sur la branche septentrionale (Kilia) des bouches du Danube.
2. De 1812 à la perte de la petite Grèce (1830) Dès octobre 1813, la Russie ayant abandonné la Serbie, la Turquie reprend le contrôle de la Serbie, qui redevient province ottomane. En 1814, la ville de Parga (basse Albanie) est définitivement perdue pour la France, et réannexée par la Turquie. À la suite d’un nouveau massacre perpétré par le pacha de Belgrade, une nouvelle insurrection s’est produite en Serbie en avril 1815, sous la direction de Milos Obrénovitch. En novembre 1815, Milos Obrénovitch est reconnu par le pacha de Belgrade comme prince suprême des Serbes, en théorie auxiliaire du pacha. Son autorité se limite au seul pachalik de Belgrade. Le pacha de Janina, Ali de Tébélen, avait réussi à se constituer en 1811 au sein de l’Empire un domaine autonome, couvrant la Thessalie, la basse Albanie et l’Albanie moyenne. Son assassinat en 1822 par les troupes ottomanes ramène l’Albanie et la Thessalie dans le régime ordinaire de l’Empire ottoman. Depuis avril 1821, une révolte de la Morée et de la Crète, étendue ensuite à Scio (Chios) et Samos, s’est produite contre l’autorité turque et, depuis juin 1822, une petite Grèce s’est proclamée indépendante à Épidaure, tandis que des massacres sont perpétrés à Scio et que le sultan fait appel au pacha d’Égypte, Méhémet-Ali, pour rétablir l’ordre en Crète et en Morée. Par hatte-chérif du 16 juin 1824, le sultan cède à Méhémet-Ali les pachaliks de Morée et de Candie. Une double révolte s’était produite en 1821 dans les principautés danubiennes ; devant l’absence d’appui russe, ces deux révoltes avaient été matées en trois mois par la Turquie. Profitant des difficultés de la Porte en Grèce, la Russie impose à la Turquie la convention d’Ackermann (octobre 1826), aux termes de laquelle la Turquie évacue les principautés danubiennes, accepte de partager avec la Russie le protectorat sur celles-ci, et accorde à la Russie un droit de regard dans les affaires de la nouvelle principauté de Serbie. Par ailleurs, la France, la Grande-Bretagne et la Russie sont venues au secours de la Grèce, confrontée à la reprise en main de Méhémet-Ali ; la bataille navale de Navarin (octobre 1827) provoque la rupture de leurs relations avec la Porte. En avril 1828, la Russie déclare la guerre à la Turquie. S’étant finalement emparée d’Andrinople en 1829, la Russie contraint la Turquie à signer le traité d’Andrinople, le 14 septembre de cette année-là. Par ce traité, la Turquie : – cède à la Russie les bouches du Danube, la frontière entre les deux pays étant désormais ramenée à la branche méridionale (Saint-Georges) des bouches ; – accepte que les hospodars de Moldavie et de Valachie soient élus à vie et que les principautés, juridiquement turques, soient placées sous la protection de la Russie ; – reconnaît la création d’une principauté de Grèce, tributaire de la Porte, aux frontières imprécises, mais comportant la Morée, la Livadie et quelques îles de mer Égée ;
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Turquie – reconnaît l’autonomie de la Serbie, dont le statut reste à préciser. Par le traité de Londres du 3 février 1830, les puissances créent un royaume de Grèce, encore tributaire de la Porte, dont le territoire, prélevé sur l’Empire ottoman, sera ainsi composé : Morée (Péloponnèse), Livadie (Attique, Béotie, Étolie, Acarnanie) jusqu’à une ligne Arta-Volos, île de Nègrepont (Eubée), archipel des Cyclades, archipel des Sporades.
3. De 1830 au congrès de Berlin (1878) Le 12 décembre 1830, le sultan reconnaît officiellement Milos Obrénovitch comme prince héréditaire de Serbie. La Serbie devient principauté tributaire de la Porte. Le pacha de Belgrade, qui conserve l’autorité sur les garnisons turques de 7 forteresses, dont Belgrade, n’interviendra plus dans les affaires intérieures de la principauté. Le territoire de celle-ci est provisoirement limité au pachalik de Belgrade, mais le sultan promet de l’étendre ultérieurement aux six districts qui en avaient fait partie à l’époque de Karageorge. Au printemps de 1832, en confirmation de la décision de principe de 1824, par firman impérial, l’île de Candie (Crète) est détachée du vilayet des Îles et rattachée au vilayet d’Égypte. En juillet 1832, contre paiement d’une indemnité, la Porte accorde l’indépendance au royaume de Grèce, qui sort ainsi définitivement des limites de l’Empire ottoman. Les Samiens, révoltés depuis dix ans contre le pouvoir ottoman, se voient refuser leur rattachement au royaume de Grèce. En contrepartie, le 11 décembre 1832, ils obtiennent qu’au sein de l’Empire l’île de Samos soit érigée en principauté tributaire, dont le prince sera un chrétien nommé par la Porte, assisté d’une représentation parlementaire propre, le tout sous garantie de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie. Le prince de Serbie avait occupé les six districts serbes situés en dehors de l’ancien pachalik de Belgrade. En mai 1833, la Porte reconnaît l’extension de la Serbie à ces six districts, qui sortent ainsi de l’Empire ottoman proprement dit. Les réformes engagées dès 1831 dans l’Empire ottoman s’étaient heurtées en BosnieHerzégovine à l’hostilité des beys (princes féodaux bosniaques). La Porte réagit en supprimant en 1837 les 39 capitanats, qui sont remplacés par 7 sandjaks administrés selon le régime ordinaire de l’Empire. En 1840, dans le cadre de la politique de réformes (Tanzimat) entreprise dans l’Empire ottoman, celui-ci est territorialement réorganisé en 36 vilayets, dont 15 couvrent la partie européenne (Roumélie), auxquels s’ajoute le district particulier de Constantinople, à cheval sur Europe et Asie : – Andrinople (Thrace) ; – Silistrie (basse Bulgarie, Dobroudja) ; – Boghdan (principauté de Moldavie) ; – Eflak (principauté de Valachie) ; – Vidin (haute Bulgarie) ; – Nissa (haute Bulgarie) ; – Ouskoub (Macédoine) ; – Syrsp (principauté de Serbie) ; – Belgrade (les sept places turques de Serbie) ; – Bosna Seraï (Bosnie-Herzégovine) ; – Roumélie (Albanie, principauté de Monténégro, partie de la Macédoine) ; – Janina (Épire) ; – Salonique (Macédoine, Thessalie) ; – Djézaïr (îles de l’Archipel, Rhodes, Chypre) ; – Crète (rattachée à l’autorité du pacha d’Égypte). Le 1er juin 1841, le pacha Méhémet-Ali devient pacha héréditaire d’Égypte, sous suzeraineté de la Porte, mais doit renoncer à la Syrie et restitue à la Turquie l’île de Crète, qui est maintenue comme vilayet distinct de celui des Îles (Djézaïr).
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Les États existants Une querelle franco-russe sur la protection des Lieux saints n’ayant pu être réglée par la négociation, en juin 1853 la Russie envahit la Moldavie. La Porte lui déclare la guerre en octobre, bientôt rejointe par la France et la Grande-Bretagne (mars 1854). La guerre de Crimée, où la Russie est vaincue, se clôt par le traité de Paris du 30 mars 1856. Il met fin au protectorat russe sur les principautés danubiennes, toujours juridiquement tributaires de la Porte, et la Russie doit céder : – à la Turquie, les bouches du Danube, qui sont rattachées au vilayet de Silistrie ; – à la principauté de Moldavie, la partie méridionale de la Bessarabie, large bande s’étendant le long du bas Pruth et de la branche de Kilia du Danube. Les principautés de Moldavie et de Valachie ont contourné l’interdiction de fusionner, décidée par les puissances, en élisant le même prince régnant, Alexandre Couza, en janvier 1859. La Porte admet, en novembre 1861, l’union des deux principautés, mais pour un temps limité au règne du prince. En décembre 1861, les assemblées des deux principautés proclament l’union sous le nom de principauté de Roumanie. Le prince Alexandre Couza ayant dû abdiquer en février 1866, lui succède en mai Charles de Hohenzollern-Sigmaringen et, le 11 octobre, la Turquie approuve une nouvelle Constitution qui officialise la fusion des deux principautés en une principauté de Roumanie. En avril 1867, à la suite d’un incident et sur intervention des puissances, la Turquie évacue les sept forteresses de Serbie et le vilayet turc de Belgrade est supprimé. En 1877, un vilayet de Kossovo, chef-lieu Pristina, est créé en Macédoine orientale. Une révolte bulgare, durement réprimée (avril 1876), a entraîné une guerre (avril 1877) entre la Russie et la Turquie. La Roumanie est entrée en guerre aux côtés de la Russie, en vue d’obtenir son indépendance vis-à-vis de la Porte. Vaincue à Plevna (janvier 1878), la Turquie signe le 3 mars le traité de San Stefano. Aux termes de ce traité, la Turquie : – cède à la Roumanie les bouches du Danube et la Dobroudja septentrionale (Tulcea, Constantza) jusqu’à une ligne passant à 10 km au sud de Constantza ; en contrepartie, la Roumanie rétrocède à la Russie la Bessarabie méridionale reçue en 1856 ; – cède à la Serbie le territoire de Nisch ; – cède au Monténégro divers territoires prélevés sur ses provinces d’Herzégovine (Nikschitz), de Novi Bazar et de haute Albanie (entre autres les ports de Spizza et d’Antivari) ; – renonce aux territoires suivants qui vont constituer une grande Bulgarie, tributaire de la Porte mais en fait cliente de la Russie (qui l’occupera pendant deux ans) : – la Dobroudja méridionale, limitée au nord par une ligne passant à 10 km au sud de Constantza, et englobant Mangalia, Baltchik, Bazardjik et Silistrie ; – la Bulgarie proprement dite, entre Danube et Balkan, Timok et mer Noire ; – la Roumélie orientale (Philippopolis) ; – la partie septentrionale de la Thrace orientale (Kirk-Kilissi) ; – la Macédoine presque entière (Ouskoub, Ochrida, Kastoria, Kavalla, et l’île de Thasos), la ville de Salonique et la presqu’île de Chalcidique en étant seules exclues. En paiement de ses bons offices dans le règlement de la crise, le 4 juin 1878, la Turquie cède à bail à la Grande-Bretagne l’île de Chypre. L’île reste juridiquement turque, mais sera administrée par la Grande-Bretagne, moyennant redevance annuelle.
IV. De 1878 à l’avènement de la Turquie contemporaine (1923) 1. De 1878 à la perte de la Bulgarie et de la Bosnie-Herzégovine (1908) Le traité de San Stefano provoque les protestations de la Grande-Bretagne — intéressée à l’intégrité de la Turquie — et de l’Autriche-Hongrie, pour qui les promesses faites antérieurement par la Russie au sujet de la Bosnie-Herzégovine n’ont pas été tenues.
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Turquie Précédé par les accords anglo-russe du 1er juin et austro-russe du 6 juin, le congrès de Berlin, réuni le 13 juin sur proposition de Bismarck, aboutit le 13 juillet 1878 au traité de Berlin, qui bouleverse les décisions de San Stefano, la Turquie y subissant des conditions moins désastreuses, la Bulgarie et la part du Monténégro étant réduites, les parts de la Serbie et de la Roumanie étant augmentées. Aux termes de ce traité, la Turquie : – cède à la Roumanie les bouches du Danube, la Dobroudja septentrionale et la part septentrionale de la Dobroudja méridionale (Mangalia) ; – cède à la Serbie les districts de Pirot, Nisch, Toplitza et Vranja ; – cède au Monténégro une étroite bande au nord-ouest (prélevée sur le sandjak de Novi Bazar) et quelques territoires au sud-est (prélevés sur l’Albanie turque), avec le port d’Antivari sur l’Adriatique ; – cède à l’Autriche le port de Spizza sur l’Adriatique ; – renonce à la moitié méridionale (« Quadrilatère ») de la Dobroudja méridionale et à la Bulgarie proprement dite, avec le sandjak de Sofia, qui sont érigées en une principauté de Bulgarie, tributaire de la Porte, qui sera confiée à un prince chrétien, avec occupation militaire de la Russie pour neuf mois ; – dote d’un statut autonome, avec gouverneur chrétien, la province de Roumélie orientale, réduite au haut bassin de la Maritza prolongé à l’est jusqu’à la mer Noire ; – accorde l’indépendance aux trois principautés de Roumanie, de Serbie et du Monténégro ; – concède à l’Autriche-Hongrie le droit d’occupation militaire du sandjak de Novi Bazar ; – concède à l’Autriche-Hongrie l’administration civile et l’occupation militaire de la Bosnie-Herzégovine, qui reste toutefois juridiquement turque ; – accorde à la Grèce le principe d’une rectification en sa faveur de la frontière grécoturque en Thessalie et en Épire, rectification devant faire l’objet de négociations à venir. Enfin, l’îlot d’Ada-Kaleh (fort de Neu-Orsova), situé au milieu du Danube, dans les Portes de fer entre la Serbie et la Hongrie, et occupé par une garnison turque, n’est attribué en propre à aucun de ces deux États. Oublié par le traité de Berlin, Ada-Kaleh est conservé par la Turquie, quoique désormais fort éloigné du territoire ottoman. Perdant brutalement 237 000 km2 et plus de 8 millions d’habitants, la Turquie se voit ramenée en Europe à une superficie d’environ 326 000 km2, dont 170 000 pour les possessions immédiates d’Europe, 50 000 pour la Bosnie-Herzégovine, 10 000 pour le sandjak de Novi Bazar, 63 000 pour la Bulgarie et 33 000 pour la Roumélie orientale ; sa population en Europe s’élève à environ 9,3 millions, dont 5 millions pour les possessions immédiates, 1,2 million pour la Bosnie-Herzégovine, 0,15 million pour le sandjak de Novi Bazar, 2,1 millions pour la Bulgarie et 0,9 million pour la Roumélie orientale. Du point de vue administratif, la partie continentale européenne de la Turquie (possessions immédiates) est divisée en huit vilayets : Constantinople, Andrinople, Salonique, Monastir (l’actuelle Bitola), Kossovo, Scutari d’Albanie, Janina, Selfidje (l’actuelle Servia grecque) ; s’y ajoute le sandjak de Novi Bazar, sous occupation militaire austro-hongroise. Les subdivisions de la Bosnie-Herzégovine, de la Bulgarie et de la Roumélie orientale sont décrites dans les chapitres Bosnie-Herzégovine et Bulgarie. S’y ajoute la Turquie insulaire en deux vilayets : vilayet des Îles ou Djézaïr (chef-lieu Rhodes, avec Thasos, Samothrace, Lemnos, Imbros, Ténédos, Lesbos, Chios, Icarie et le Dodécanèse), vilayet de Crète (chef-lieu La Canée) ; ainsi que la principauté tributaire de Samos et l’île de Chypre, turque mais cédée à bail à la Grande-Bretagne. La Turquie usant de moyens dilatoires dans la cession des territoires albanais à remettre au Monténégro, en encourageant les Albanais à résister, les puissances font une démonstration navale conjointe devant le port de Dulcigno et, par la convention de novembre 1880, la Turquie cède officiellement Dulcigno au Monténégro, en compensation des territoires albanais prévus au traité de Berlin, qu’elle conserve en définitive. Les Grecs se heurtant à la mauvaise volonté de la Porte et à la résistance des Albanais en Épire, les puissances contraignent la Turquie, en mai 1881, à céder à la Grèce la province de Thessalie et un fragment méridional de l’Épire (Arta).
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Les États existants Le 18 septembre 1885 se produit en Roumélie orientale un soulèvement contre l’autorité ottomane et en faveur de l’union à la Bulgarie ; le 21 septembre, le prince Alexandre de Bulgarie proclame à Philippopolis l’union de la Roumélie orientale à la Bulgarie. Les puissances refusant cette entorse faite au traité de Berlin, un compromis est trouvé le 5 avril 1886 par la convention de Top Hané, aux termes de laquelle, moyennant de petites rectifications de frontière en faveur de la Turquie, la Porte reconnaît l’union personnelle de la Bulgarie et de la Roumélie orientale, cette dernière restant juridiquement turque avec pour gouverneur le prince Alexandre. À la suite d’un soulèvement en Crète en 1895, la Grèce apporte son soutien aux insurgés, ce qui provoque un conflit (avril 1897), dans lequel la Grèce est vaincue par la Turquie. Sur intervention des puissances est signé le 4 décembre 1897 le traité de Constantinople, qui stipule quelques légères rétrocessions de territoires de la Grèce à la Turquie, sur la frontière entre Thessalie et Macédoine. En revanche, la Turquie accorde à l’île de Crète un statut d’autonomie, sous la garantie des puissances ; toujours juridiquement turque, la Crète sera désormais administrée par un haut-commissaire chrétien, assisté d’une assemblée ; le haut-commissaire choisi sera le prince Georges, second fils du roi des Grecs. L’ensemble de ces reculs ottomans dans les Balkans renforce le sentiment de frustration qu’éprouvent ceux des Turcs qui souhaitent moderniser la vie politique et économique du pays, pour le hisser au rang des autres puissances européennes et s’opposer à leurs convoitises. Une Constitution avait été proclamée par la Porte en décembre 1876 pour contrer les tentatives d’ingérence des puissances dans les affaires intérieures de la Turquie, mais elle était restée lettre morte. Un groupe d’officiers des armées turques stationnées dans les Balkans — parmi lesquels Enver Pacha et Kémal Pacha — fonde une organisation secrète, la Société de la liberté, qui entend faire triompher par la force le retour à la constitution de 1876, et qui s’appuie sur le mouvement jeune-turc, créé à Paris, qui poursuit les mêmes buts. En juillet 1908, la révolution jeune-turque, qui s’est emparée du pouvoir à Constantinople, rétablit la Constitution de 1876, jamais appliquée. Le gouvernement ottoman prévoit en conséquence l’élection d’une assemblée où seraient appelés à siéger des députés de Bosnie-Herzégovine et de Roumélie orientale (provinces juridiquement turques). Avec la complicité du ministre russe des Affaires étrangères, Isvolsky, agissant de son propre chef, l’Autriche-Hongrie envisage l’annexion de la Bosnie-Herzégovine, la Russie obtenant en contrepartie l’ouverture des Détroits à sa marine de guerre. Le prince Ferdinand de Bulgarie y voit alors l’occasion de rompre les liens de vassalité de sa principauté vis-à-vis de la Porte ; il reçoit l’appui de l’Autriche et de la Russie. Le prince Ferdinand prend prétexte de l’incident « du pilaf » du 12 septembre 1908 : le grand vizir n’ayant pas invité le représentant bulgare à la réception des ambassadeurs, sous prétexte que la Bulgarie n’est pas étrangère à la Turquie, ce dernier quitte Constantinople. Le 22 septembre 1908, Ferdinand proclame l’indépendance de la Bulgarie. Le 5 octobre, il proclame l’indépendance de la Roumélie orientale et son union à la Bulgarie, lui-même prenant le titre de tsar des Bulgares. Le 6 octobre 1908, l’Autriche-Hongrie décrète : – l’annexion à elle-même de la Bosnie-Herzégovine, moyennant compensation financière à la Porte ; – la restitution, libre de toute occupation militaire, du sandjak de Novi Bazar à la Turquie. La Turquie d’Europe est ramenée à une superficie d’environ 180 000 km2, hormis les îles, pour une population d’environ 6 millions d’habitants.
2. De 1908 à la fin de la seconde guerre balkanique (1913) En avril 1909, moyennant compensations financières, la Turquie reconnaît le fait accompli en Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie et en Roumélie orientale, qui sont ainsi définitivement retranchées de l’Empire ottoman.
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Turquie L’Italie convoitait la Tripolitaine turque. Ayant conquis Tripoli et Benghazi, devant la résistance turque à l’occupation du reste du pays, les Italiens font une démonstration navale en direction des Dardanelles et occupent en mai 1912 les îles du Dodécanèse. La Turquie voulant avoir les mains libres en prévision de la crise qui se rapproche dans les Balkans, la paix est rétablie par le traité de Lausanne du 18 octobre 1912. Outre la Tripolitaine et la Cyrénaïque, la Turquie cède temporairement à l’Italie l’archipel du Dodécanèse ; lorsque l’Italie se sera rendue maîtresse de l’ensemble de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, elle s’engage à restituer le Dodécanèse à la Turquie. Profitant des embarras de la Turquie dans les Balkans, le 24 novembre 1912, l’assemblée de Samos proclame l’union de la principauté de Samos à la Grèce. De même, le 28 novembre 1912, une Assemblée nationale albanaise, réunie à Durazzo, proclame l’indépendance de l’Albanie. Le 15 mars 1913, la Grèce débarque des troupes à Samos et entérine le rattachement de la principauté de Samos à elle-même. L’affaiblissement continuel de la Turquie excitant la convoitise de ses voisins, une Ligue balkanique s’était formée (mars-octobre 1912) entre Grèce, Bulgarie, Serbie, Monténégro pour s’en partager les dépouilles européennes. Le conflit entre ces pays et la Turquie, entamé le 8 octobre 1912, se révèle désastreux pour cette dernière. Par le traité de Londres du 30 mai 1913, la Turquie : – cède à la Grèce l’île de Crète ; – renonce à ses îles de mer Égée et à ses provinces continentales d’Europe situées à l’ouest d’une ligne Enos-Midia (Thrace orientale), tous territoires dont le sort sera réglé ultérieurement par les puissances. Le 30 juin 1913, la Bulgarie, qui avait en vain revendiqué toute la Macédoine septentrionale pour prix de son effort de guerre, attaque ses alliés par surprise. Débordée par les Grecs, les Serbes et les Turcs, qui reprennent Andrinople, elle est vaincue le 31 juillet. Le 10 août 1913 est signé le traité de Bucarest, qui répartit les anciennes provinces continentales européennes de la Turquie ; le 29 septembre 1913 est signé le traité de Constantinople, qui répartit les îles de la mer Égée. Par ces traités : – la Turquie conserve les abords de Constantinople et des Détroits, la majeure partie de la Thrace orientale (hormis un fragment septentrional cédé à la Bulgarie) à l’est de la Maritza (rive gauche), la ville d’Andrinople et un large morceau de territoire sur rive droite de la Maritza de Svilengrad à Dimotika, les îles d’Imbros et de Ténédos ; – la Bulgarie reçoit la frange orientale de la Macédoine septentrionale (Macédoine du « Pirin »), la Thrace occidentale, entre Mesta et Maritza, avec le littoral de la mer Égée, un fragment de Thrace orientale, le long de la mer Noire ; – la Grèce reçoit la Macédoine méridionale, l’Épire, les îles de Thasos, Samothrace, Lemnos, Lesbos, Chios, Samos, Icarie ; – la principauté d’Albanie, dont la création a été décidée le 29 juillet par les puissances, se voit dotée de la partie centrale de l’Albanie, de Scutari à Butrinto et à Koritza ; – le Monténégro reçoit la moitié sud-ouest du sandjak de Novi Bazar, une partie de la Métohidja (Petch) et le territoire de Gusinje ; – la Serbie reçoit la Macédoine septentrionale et centrale, le Kossovo (Pristina) et une partie de la Métohidja (Prizrend), la moitié nord-est du sandjak de Novi Bazar ; – enfin, l’Autriche-Hongrie reçoit l’îlot d’Ada-Kaleh, sur le Danube, qu’elle attribue en propre à la Hongrie. La Turquie d’Europe se voit d’un coup ramenée à une surface de 22 000 km2 pour environ 1 300 000 habitants ; la Porte ne conserve plus en Europe qu’un territoire très restreint, avec cependant sa capitale, Constantinople.
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Les États existants 3. De 1913 à la conclusion du traité de Lausanne (1923) Ayant conclu un traité d’alliance avec l’Allemagne en août 1914, la Turquie entre dans le conflit en octobre de la même année aux côtés des Empires centraux, dans l’espoir de prendre sa revanche sur ses vainqueurs d’hier. Étant entrée en guerre contre la Turquie, la Grande-Bretagne annexe unilatéralement l’île de Chypre le 5 novembre 1914. Au printemps de 1915, la Turquie oppose une résistance victorieuse aux troupes francobritanniques qui ont déclenché une offensive sur les Dardanelles, et les oblige à se replier sur Salonique. Pour décider la Bulgarie à entrer en guerre aux côtés des Empires centraux, par la convention du 6 septembre 1915, la Turquie cède à la Bulgarie : – le territoire turc de rive droite de la Maritza, avec Karagatch (gare d’Andrinople) et Dimotika ; – une mince bande de territoire sur rive gauche de la basse Maritza, avec la ville d’Enos ; – un fragment de territoire au nord d’Andrinople, sur rive gauche de la Maritza. La défaite bulgare de septembre 1918 oblige la Turquie à signer l’armistice de Moudros le 30 octobre de la même année. À la suite de l’occupation de l’ouest de la Turquie asiatique par les vainqueurs — en particulier, les Grecs débarquent à Smyrne —, le général Mustapha Kémal se dresse contre le pouvoir impérial, et installe un contre-pouvoir à Ankara. C’est cependant avec le gouvernement de Constantinople qu’est signé le 10 août 1920 le traité de Sèvres, dénoncé aussitôt par les nationalistes turcs comme une trahison. Aux termes de ce traité, la Turquie cède : – à la Grèce la Thrace orientale, de la Maritza à la mer Noire, à l’exception de Constantinople et de ses abords immédiats, et d’une bande de territoire le long des Dardanelles et de la mer de Marmara — prévue pour être internationalisée —, les îles d’Imbros et de Ténédos, ainsi que le vilayet d’Aïdin (ou de Smyrne) sur la côte occidentale d’Asie Mineure ; – à l’Italie, à titre définitif, le Dodécanèse ; – à la Grande-Bretagne, à titre définitif, l’île de Chypre. Après avoir imprudemment pris la décision d’élargir en 1920-1921 leur champ d’occupation de l’Asie Mineure en direction d’Ankara, les troupes grecques doivent reculer devant la contre-offensive de Mustapha Kémal, abandonner Smyrne (septembre 1922), qui est incendiée, et la Thrace orientale (octobre). Le 2 novembre 1922, Mustapha Kémal contraint l’assemblée d’Ankara (réticente) à voter l’abolition du sultanat. Le régime est placé sous statut provisoire, et l’ancien sultan Méhémet VI demeure toujours calife. Placés face à l’avancée victorieuse de Mustapha Kémal, les vainqueurs de la guerre sont contraints de renégocier les conditions de paix avec la Turquie. Par le traité de Lausanne du 24 juillet 1923, qui se substitue à celui de Sèvres, la Grèce doit rétrocéder à la Turquie : – la Thrace orientale jusqu’à la limite de la Maritza, et même au-delà de ce fleuve à la hauteur d’Andrinople et de son faubourg de Karagatch (quartier de la gare) ; – les îles d’Imbros et de Ténédos ; – le vilayet d’Aïdin (Smyrne). Les autres clauses territoriales du traité de Sèvres sont confirmées, et le sort de l’îlot d’AdaKaleh, sur le Danube, oublié à Berlin (1878), à Bucarest (1913) et à Sèvres (1920) est enfin juridiquement réglé : l’îlot d’Ada-Kaleh est cédé par la Turquie à la Roumanie. Désormais la Turquie, recentrée sur l’Asie Mineure, a atteint ses limites définitives en Europe, réduite à Constantinople (Istamboul) et à la Thrace orientale, divisée en trois vilayets : Andrinople (Edirne), Kirklareli, Tekirdag.
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Turquie V. La Turquie contemporaine (1923 à nos jours) Le 29 octobre 1923 est proclamée la république de Turquie, dont la capitale est symboliquement transférée à Ankara. Mustapha Kémal en devient président, et prend le titre d’Ataturk (Père de tous les Turcs). Il va contraindre par la force la Turquie à se laïciser et à s’occidentaliser. Le 3 mars 1924 est aboli le califat, dernier vestige de l’Empire ottoman. Puis sont prises successivement de nombreuses mesures : – suppression des écoles et tribunaux religieux en 1924 ; – proclamation d’une nouvelle Constitution en avril 1924 ; – obligation du port du chapeau et interdiction du port du fez ou du tarbouche en 1925 ; – suppression des associations religieuses en 1925 ; – adoption du calendrier grégorien, d’un Code pénal et d’un Code civil inspirés de l’Occident en 1926 ; – abolition du statut de religion d’État pour l’islam en 1928 ; – adoption de l’alphabet latin pour écrire le turc en 1928 ; – etc. Désormais, la Turquie, qui parvient à préserver sa neutralité durant la Seconde Guerre mondiale, s’efforce, au-delà de la mort de son fondateur (1938), de préserver les « acquis » de la révolution par un développement économique en liaison avec l’Occident (membre de l’OTAN à partir de 1962), tout en menant une vie politique agitée, qui alterne périodes de fonctionnement démocratique pluraliste et périodes de dictature militaire. En juillet 1974, pour venir en aide aux Turcs de Chypre qu’elle estime menacés par le coup d’État opéré dans cette île par les militaires grecs, la Turquie envahit le tiers septentrional de Chypre, qu’elle rattache temporairement à elle-même sous le nom d’État fédéré turc de Chypre (1975-1983), avant de le constituer en État satellite, la « république turque du nord de Chypre », État qui n’est reconnu que par elle-même. La situation que la Turquie entretient à Chypre a pour effet de geler le processus de rapprochement avec l’Europe occidentale, par suite de l’opposition de la Grèce, elle-même membre de l’Union européenne. Le règlement de la crise chypriote paraît devoir être un préalable à toute nouvelle tentative de rapprochement avec l’Europe.
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Les États existants
Ukraine Le pays en bref État républicain : la république d’Ukraine. Président : Victor Iouchtchenko. Représentation parlementaire : une chambre unique, le Parlement. Capitale : Kiev. Division administrative en 1 république autonome, la Crimée (chef-lieu Simféropol), et 24 régions (oblast) : Transcarpathie (ch.-l. Uzhorod), Tchernivtsi (ou Tchernovzy ou Czernowitz ou Cernauti [Bucovine]), Ivano-Frankivsk (ou Stanislav), Lviv (ou Lvov ou Lemberg), Ternopil (ou Tarnopol), Rivne (ou Rovno), Volhynie (ch.-l. Loutsk), Jytomyr (ou Zitomir), Khmelnytskyï (ou Proskourov), Kiev, Vinnytsia, Tcherkassy, Kirovograd, Odessa, Mykolaïv (ou Nicolaïev), Tchernihiv (ou Tchernigov), Soumy, Poltava, Dnipropetrovsk (ou Dniepropetrovsk), Kherson, Zaporogues, Kharkiv (ou Kharkov), Donetsk, Louhansk (ou Lugansk). Superficie : 603 700 km2 ; population : 52 millions d’habitants ; densité : 86 habitants au km2. Langues : l’ukrainien ; on parle aussi le russe. Religions : orthodoxe ; une minorité catholique ou uniate. Monnaie : le grivna.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée du pays ukrainien 1. De l’empire de Kiev à la partition entre Pologne et Russie (IXe-XVIIIe siècles) Au début de notre ère, la région que recouvre aujourd’hui l’Ukraine est peuplée par les Scythes et les Sarmates, avant d’être le témoin de passages successifs d’envahisseurs, les Goths, les Huns, qui ne se fixent pas dans cette contrée. À partir du VIIe siècle, les Slaves orientaux commencent à s’établir durablement dans la région. À la fin du IXe siècle, les Varègues (ou Russes), venus de Scandinavie, s’installent dans la région de Kiev et y bâtissent un grand empire. Mais, dès le XIe siècle, les Petchénègues, puis les Coumans se rendent maîtres de la partie méridionale de ces régions, tandis qu’une petite partie des Russes ukrainiens, installés sur la haute Tisza (au-delà des Carpathes), sont englobés dans le royaume de Hongrie. À partir du XIIIe siècle, les Tatars (ou Mongols) prennent la maîtrise de la partie septentrionale de l’Ukraine ; au même moment, les Lituaniens s’emparent de la partie occidentale (Volhynie, Podolie) et prennent Kiev au XIVe siècle, alors que les Polonais s’emparent de la partie extrême occidentale (Galicie). À la fin du XIVe siècle, l’Ukraine est partagée entre la domination hongroise pour une petite partie à l’ouest, la domination polono-lituanienne — les deux peuples s’étant unis en 1386 — à l’ouest et au centre, la domination tatare au sud et à l’est. Aux XVe et XVIe siècles, les Russes étendent leur domination sur la partie septentrionale, les Cosaques sur la partie orientale (boucle du Dniepr), les Turcs s’emparent du littoral de la mer Noire et vassalisent les Tatars de Crimée, les Polonais s’ancrent dans la partie occidentale, où ils convainquent une partie des Ukrainiens orthodoxes de revenir dans le giron de la catholicité (unions de 1439, puis de 1596), tout en gardant le rite oriental (Église ruthène ou uniate). Au XVIIe siècle, les Russes vassalisent les Cosaques et se rendent maîtres, en 1654, de la majeure partie de l’Ukraine. En 1764, la tsarine Catherine II destitue le dernier hetman des Cosaques, et ceux-ci, perdant leurs franchises, seront complètement intégrés en 1775 dans l’Empire russe.
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Ukraine En 1772, au premier partage de la Pologne, la Galicie, en partie peuplée d’Ukrainiens, est transférée à l’Autriche. À la suite de la guerre russo-turque de 1768, la Turquie, vaincue, cède en 1774 à la Russie les ports de Kimbourn, à l’embouchure du Dniepr, d’Azov, à l’embouchure du Don, de Kertch et de Yéni-Kalé, en Crimée, et le territoire côtier des Zaporogues (angle côtier situé entre Boug et Dniepr) ; de plus, elle renonce à sa suzeraineté sur le khanat de Crimée, qui redevient en théorie indépendant, en fait soumis aux ingérences de la Russie. En 1775, la Bucovine — partie septentrionale de la principauté de Moldavie, tributaire de la Porte —, qui est à moitié peuplée d’Ukrainiens, est à son tour cédée à l’Autriche par le sultan. Enfin, en 1783, la Russie annexe le khanat de Crimée (Crimée, Tauride, Kouban), annexion reconnue en 1784 par la Porte.
2. L’espace ukrainien en 1789 En 1789, l’Ukraine — « marche », en russe — ne recouvre aucune réalité politique. Il s’agit seulement d’une vague appellation couvrant certaines régions du sud de l’Empire russe. En revanche, il existe un peuple ukrainien, rameau du peuple slave des Russes proprement dits, séparé du tronc principal au cours des âges par les poussées mongoles, polono-lituaniennes, cosaques et turques ; ce rameau dispose d’un lien fédérateur, la langue ukrainienne. Les pays peuplés par les Ukrainiens s’étendent de la chaîne des Carpathes à la région du Don, du bassin du haut Dniepr aux rives septentrionales de la mer Noire. Hormis les hauteurs des Carpathes — à l’ouest — et les montagnes de Crimée — au sud —, il s’agit principalement de vastes plaines fertiles (greniers à blé), couvrant les bassins du Dniestr, du Boug, du bas Dniepr et une partie de celui du Don. En 1789, la répartition politique des régions peuplées, en totalité ou en partie, d’Ukrainiens est la suivante : – la Ruthénie subcarpathique, région du haut bassin de la Tisza, est incorporée dans le royaume de Hongrie, possession de la maison d’Autriche : comitats d’Unghvar (Uzhorod) et d’Ugotsch, partie de ceux de Beregh et de Maramarosch ; – la Galicie et la Bucovine constituent le royaume de Galicie, nouvelle couronne de la maison d’Autriche depuis 1772, divisée en 19 cercles ; – la Volhynie, la Podolie et la partie sud-ouest (rive droite du Dniepr) de l’Ukraine proprement dite font partie du royaume de Pologne : palatinats de Volhynie (Rowno), de Podolie (Kamenetz), de Kiew (sans la ville) et de Bratislaw ; – la partie nord-est (rive gauche du Dniepr) de l’Ukraine proprement dite, la région des Cosaques et la Crimée font partie de l’Empire russe : gouvernements de Tchernigov, Kiev, Poltava, Kharkov, Iekaterinoslav, Cherson, Tauride, Kouban, Pays des Cosaques du Don ; – le Boudjak et le Jedisan, qui forment le littoral de la mer Noire entre Danube et Boug, font partie de l’Empire ottoman, dont ils constituent deux sandjaks du vaste vilayet de Silistrie.
II. L’Ukraine sous tutelle de la Russie (1789 à nos jours) 1. De 1789 à la naissance de la république d’Ukraine (1918) L’impératrice Catherine II ayant conservé ses vues d’expansion au détriment de l’Empire ottoman, les hostilités ont repris en septembre 1787 entre la Turquie et la Russie, l’Autriche se joignant à cette dernière en février 1788. Abandonnée par l’Autriche — qui, préoccupée par les événements de France et de Pologne, a fait sa paix avec la Turquie en 1791 —, son attention étant de nouveau attirée par la Pologne, la tsarine Catherine décide de mettre fin au conflit. Par la paix de Jassy du 9 janvier 1792, elle se contente de gains limités. La Russie annexe le Jedisan (Petite Tartarie), avec le port d’Otschakow (et bientôt, en 1794, celui d’Odessa). La frontière russo-turque est ainsi portée du Boug au Dniestr. Réagissant aux tentatives de réforme constitutionnelle opérées en Pologne, la Russie intervient, les armes à la main, de concert avec la Prusse, en 1792. Par la convention du 23 janvier 1793, ces deux pays procèdent au second partage de la Pologne.
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Les États existants Outre des territoires relevant du grand-duché de Lituanie, la Russie annexe sur la Pologne proprement dite : – les palatinats de Kiew et de Bratislaw ; – le tiers oriental de celui de Volhynie ; – le reliquat du palatinat de Podolie (à l’est du Zbroucz). Après un ultime sursaut polonais, au traité de Saint-Pétersbourg du 24 octobre 1795, la Pologne disparaît complètement, partagée entre la Prusse, l’Autriche et la Russie. Outre de nombreux territoires provenant du grand-duché de Lituanie, la Russie annexe sur la Pologne : – les deux tiers occidentaux du palatinat de Volhynie ; – la moitié orientale, à l’est du Boug, de celui de Cholm. Les régions ukrainiennes, du fait de leur situation très orientale en Europe, ne sont pas directement touchées par les remous de l’époque révolutionnaire et napoléonienne. Elles continuent cependant à subir les effets indirects des ambitions russes aux dépens de la Turquie. À propos d’un différend relatif aux principautés danubiennes, la Russie rentre en guerre contre la Turquie en novembre 1806 et occupe les principautés. Après cinq ans, en prévision des hostilités à venir avec la France, Alexandre se résout à mettre fin au conflit avec la Turquie. La paix est signée à Bucarest le 28 mai 1812. La Turquie cède à la Russie l’entière Bessarabie (région comprise entre Pruth et Dniestr), à savoir : – la partie turque (Boudjak), qui dépendait directement de l’Empire ottoman ; – la partie moldave, pour laquelle la Porte agit une nouvelle fois en tant que suzerain de la Moldavie, la Russie en dédommageant financièrement la Moldavie. La frontière entre Russie et Turquie est ainsi portée au Pruth et à la branche septentrionale (Kilia) des bouches du Danube. En 1812, à l’issue de ce traité, les terres ukrainiennes sont, pour plus d’un siècle, réparties de façon inégale entre : – l’Autriche, qui en possède la part occidentale : Galicie, Ruthénie subcarpathique, Bucovine (voir chapitre Autriche) ; – la Russie, qui en possède la part orientale : Ukraine proprement dite, région des Cosaques, Volhynie, Podolie, Crimée, Tauride, Jedisan, Boudjak (voir chapitre Russie). Durant tout le XIXe siècle, la Russie va mettre en valeur les régions ukrainiennes nouvellement conquises, qui constituent pour l’Empire une avancée de premier ordre : terres agricoles très fertiles — les « terres noires » — qui vont constituer un grenier à blé, source de fructueuses exportations ; espaces de colonisation, où s’établissent des Russes, mais aussi des étrangers (notamment des Allemands) ; exploitation des ressources minières (charbon, fer), que le chemin de fer évacue vers les lieux de consommation, dans la seconde partie du siècle ; nouvelle façade maritime de l’Empire sur le littoral de la mer Noire, que la Russie va doter de ports de guerre (Sébastopol) ou de commerce (Odessa), susceptibles de contribuer à sa politique offensive d’ingérence dans les affaires de la Turquie et d’influence sur les nombreux peuples slaves (et autres) des Balkans. Dans ce cadre, l’Ukraine, que les Russes appellent la Petite Russie, n’est à leurs yeux qu’une partie du vaste ensemble que représente désormais la Russie, peuplée de gens que le pouvoir tient pour des Russes à l’égal de ceux de Grande Russie, de Russie blanche, etc. De ce fait, les tentatives de renouveau de l’identité ukrainienne se heurtent, à cette époque, à une ferme volonté de russification : rattachement autoritaire de l’Église uniate à l’Église orthodoxe en 1839, interdiction de l’emploi et de l’enseignement de la langue ukrainienne. Dans les parties soumises à l’Autriche (Galicie, Ruthénie, Bucovine), le nationalisme ukrainien peut plus aisément s’exprimer. Si la paysannerie ukrainienne (ruthène) y est socialement soumise à la noblesse polonaise ou hongroise, l’Église uniate y subsiste de
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Ukraine façon officielle (en harmonie avec le catholicisme autrichien) et les villes de ces régions (en particulier Lemberg/Lwow) deviennent des foyers intellectuels et culturels où se maintiennent les valeurs et traditions de la nation ukrainienne. Les Ukrainiens de la partie occidentale sont, en 1914, engagés dans le premier conflit mondial au sein des armées autrichiennes, ceux de la partie orientale au sein des armées russes. Profitant de la révolution de février 1917 en Russie, dès le 15 mars 1917 se réunit à Kiev une assemblée (rada) qui répond aux aspirations des nationalistes ukrainiens. Le 20 novembre 1917, la rada proclame à Kiev une république nationale d’Ukraine, qui se déclare autonome vis-à-vis de la Russie et se dote d’un gouvernement. Le 25 décembre, les bolcheviks d’Ukraine, soutenus par le gouvernement révolutionnaire russe, fondent concurremment à Kharkov une république soviétique d’Ukraine. Le 22 janvier 1918, le gouvernement nationaliste de Kiev proclame l’indépendance de la république d’Ukraine.
2. L’Ukraine soviétique (1918-1941) Le 9 février 1918, le gouvernement nationaliste ukrainien signe avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie le traité (séparé) de Brest-Litowsk, par lequel, au-delà de la frontière de la « Pologne du Congrès », la frontière occidentale de l’Ukraine, entre Biélorussie et Galicie autrichienne, est fixée sur une ligne Pruznan-Tarnograd ; l’Autriche-Hongrie promet en outre d’accorder l’autonomie à la Galicie orientale. La Crimée est séparée de l’Ukraine, et conservée par la république de Russie. En novembre 1918, dès la capitulation des armées allemande et austro-hongroise, la Galicie orientale et l’Ukraine anciennement russe deviennent le champ clos de luttes entre des armées polonaise, bolchevique, russe-blanche, nationaliste ukrainienne, et alliées. La population ukrainienne de Galicie orientale se soulève et proclame, le 9 novembre 1918, à Lemberg (Lwow) une république d’Ukraine occidentale ayant vocation à rassembler la Galicie orientale, la Bucovine septentrionale et la Ruthénie subcarpathique. Au printemps de 1919, les Polonais se rendent maîtres de l’ensemble de la Galicie orientale, tandis que les bolcheviks russes occupent l’Ukraine centrale et les Russes blancs l’Ukraine orientale et méridionale. Kiev change de mains à maintes reprises. Le pays sombre dans la confusion et les malheurs de la guerre. Le 14 mars 1919, le communiste ukrainien Rakosi proclame à Kharkov la république soviétique d’Ukraine, qui s’oppose au régime nationaliste ukrainien. Par le traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919, agissant au nom de l’ancienne Cisleithanie, l’Autriche — parmi de nombreux territoires — renonce à : – la Galicie orientale, qui est contestée entre la Pologne et l’Ukraine ; – la Bucovine, qui est cédée en totalité à la Roumanie, quoique sa partie septentrionale soit de peuplement ruthène. En décembre 1919, prenant le dessus sur les nationalistes, le gouvernement soviétique d’Ukraine transfère la capitale du pays à Kharkov. Par le traité de Trianon du 4 juin 1920, agissant au nom de l’ancienne Transleithanie, la Hongrie cède à la Tchécoslovaquie la Ruthénie subcarpathique, à savoir les comitats ruthènes d’Ungvar (en entier), de Beregh (en partie), d’Ugotsch et de Maramarosch (ces deux derniers partagés entre Roumanie et Tchécoslovaquie). La Tchécoslovaquie occupe la Ruthénie « à titre provisoire », promet d’y établir une autonomie et entend un jour la rétrocéder à l’Ukraine. À la suite d’un long conflit entre la Russie bolchevique et la Pologne, par le traité de Riga du 18 mars 1921, outre des terres russes, la Pologne annexe sur l’Ukraine la Volhynie presque entière. Le sort de la Galicie orientale demeure toujours réservé. Par le « traité d’alliance » du 30 décembre 1922, la république soviétique d’Ukraine forme, avec les républiques soviétiques de Russie, de Biélorussie et de Transcaucasie, l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS).
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Les États existants Dès lors, la république d’Ukraine va suivre le destin de l’URSS (voir chapitre Russie). Le 18 mars 1923, la conférence des Ambassadeurs attribue la Galicie orientale à la Pologne, en dépit de son peuplement majoritairement ukrainien (voir chapitre Pologne). L’Ukraine, capitale Kharkov, reçoit ainsi ses limites définitives de l’entre-deux-guerres, qui en font un pays de 450 000 km2, peuplé d’environ 30 millions d’habitants. S’étendant du Dniestr (qui la sépare de la Roumanie) au Donetz, elle couvre les bassins inférieurs du Boug et du Dniepr, et se compose des anciennes provinces russes de Podolie, Kiev, tiers méridional de Tchernigov, Poltava, Kharkov, Iekaterinoslav, Cherson, Tauride. Des populations ukrainiennes vivent toujours dispersées entre trois autres pays : la Pologne (Galicie orientale), la Tchécoslovaquie (Ruthénie subcarpathique) et la Roumanie (Bucovine). Sur rive gauche du Dniestr, en territoire ukrainien, l’URSS crée le 12 octobre 1924 une république autonome de Moldavie, capitale Balta, qui reste cependant subordonnée à l’Ukraine. En 1932, l’Ukraine est redivisée en cinq provinces (oblast) : Kharkov, Kiev, Iekaterinoslav (ou Dniepropetrovsk), Odessa, Vinnitsa. Le 21 janvier 1934, la capitale de l’Ukraine est transférée de Kharkov à Kiev. Profitant de la déclaration d’indépendance de la Slovaquie, le 14 mars 1939, le prélat Volochine, chef du gouvernement autonome de la Ruthénie subcarpathique (rebaptisée Ukraine subcarpathique depuis octobre 1938), proclame l’indépendance de cette région autonome sous le nom de Carpatho-Ukraine. Mais, le 15 mars 1939, la Hongrie envahit la Ruthénie et, en accord avec Hitler, l’annexe le 16 mars. Le pacte germano-soviétique, signé le 23 août 1939 à Moscou, envisageait dans un article secret le démantèlement de la Pologne entre les deux pays. À la suite de la guerre éclair de septembre, où l’armée polonaise a été vaincue, l’Allemagne et l’URSS procèdent le 12 octobre au cinquième partage de la Pologne. Dans ce cadre, l’URSS annexe le tiers oriental de ce pays. Parmi les territoires conquis par l’URSS sont rattachés à l’Ukraine les palatinats de Volhynie, Tarnopol, Stanislawow, et la moitié orientale de celui de Lemberg (Lwow). Profitant de l’effondrement de la France, qui prive la Roumanie d’un appui potentiel, l’URSS adresse le 26 juin 1940 à cette dernière un ultimatum, auquel la Roumanie se plie le 28 juin en cédant à l’URSS : – la Bucovine septentrionale (départements roumains de Cernauti et de Storojinet) ; – l’entière Bessarabie, dont la Russie avait été dépossédée en 1918-1920 au profit de la Roumanie. Le 1er août 1940, l’URSS : – attribue à l’Ukraine la Bucovine septentrionale, l’extrême nord de la Bessarabie (région de Khotin) et le Boudjak, ou tiers méridional de la Bessarabie (départements roumains d’Ackermann, d’Ismaïl, et partie de celui de Cahul) ; – détache de l’Ukraine la moitié sud-ouest (le long du Dniestr) de l’ancienne république autonome de Moldavie, pour l’agréger aux deux tiers centraux de la Bessarabie nouvellement conquise et constituer ainsi une nouvelle république fédérée de Moldavie, capitale Kichinev, distincte de l’Ukraine et membre à part entière de l’URSS ; – rattache sans autonomie à l’Ukraine la moitié nord-est (région de Balta) de l’ancienne république autonome de Moldavie.
3. L’Ukraine sous le régime allemand (1941-1944) L’Allemagne ayant déclenché en juin 1941 son offensive contre l’URSS, la Roumanie s’est rangée aussitôt dans le camp allemand. Dès juillet 1941, l’avance des armées allemandes, qui occupent l’Ukraine, permet à la Roumanie de réannexer les territoires qu’elle avait dû céder à l’URSS en juin 1940. De ce fait, l’Ukraine est amputée de la Bucovine septentrionale, de la région de Khotin et du Boudjak.
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Ukraine De plus, Hitler attribue à la Roumanie un territoire anciennement ukrainien : les deux tiers méridionaux de la Podolie, entre Dniestr et Boug ; ce territoire est annexé de facto à la Roumanie sous le nom de Transnistrie. Le 1er août 1941, Hitler rattache la Galicie orientale (ukrainienne depuis 1939) à son Gouvernement général de Pologne. En 1942, l’Allemagne instaure un Commissariat général d’Ukraine, capitale Rovno, divisé en six districts : Volhynie (chef-lieu Rovno) — auquel est rattaché le tiers septentrional de Podolie non cédé à la Roumanie —, Zitomir, Kiev, Nicolaïev, Dniepropetrovsk, Crimée (chef-lieu Melitopol). Le district de Crimée ne comprend toutefois pas la presqu’île du même nom. Ce commissariat ne couvre pas les territoires cédés à l’ouest au Gouvernement général de Pologne ou à la Roumanie, ni les territoires du nord-est de l’Ukraine (Tchernigov, Kharkov), conservés sous administration militaire. L’Ukraine constitue pour l’occupant allemand une source de matières premières, alimentaires et minières, qu’il entreprend aussitôt d’exploiter à son profit. Certains Ukrainiens, par anticommunisme ou par nationalisme, se rangent ouvertement du côté de l’Allemagne.
4. L’Ukraine contemporaine (1944 à nos jours) L’offensive des armées soviétiques restaure la république soviétique d’Ukraine et contraint la Roumanie à signer à Moscou l’armistice du 12 septembre 1944, aux termes duquel elle évacue la Transnistrie, la Bucovine septentrionale, la Bessarabie, qui sont aussitôt réannexées de fait par l’URSS, et attribuées à l’Ukraine. De même, l’URSS réannexe de fait la Galicie orientale, jusqu’à la limite du San. Le 11 mai 1945, la Tchécoslovaquie est reconstituée. La Ruthénie subcarpathique, arrachée à la Hongrie, est provisoirement réincorporée au sein de ce pays. Par traité du 29 juin 1945, la Tchécoslovaquie cède la Ruthénie subcarpathique à l’URSS, laquelle l’attribue à sa république d’Ukraine, dont elle va former une nouvelle province (oblast), celle de Transcarpathie, chef-lieu Uzhorod (Unghvar). Par le traité polono-soviétique du 16 août 1945, la Galicie est officiellement partagée entre sa partie occidentale, qui redevient polonaise, et sa partie orientale, qui est attribuée à l’URSS, république d’Ukraine. La frontière entre les deux parties est tracée en ligne droite, plus à l’est que la ligne de 1939, laissant cette fois-ci la ville de Przemysl à la Pologne (la ligne tangentant ses faubourgs). La Galicie orientale constitue désormais trois nouvelles provinces d’Ukraine, à savoir : Lemberg (ou Lviv), Tarnopol (ou Ternopil), Ivano-Frankovsk (ancienne Stanislawow). Par les traités de Paris du 10 février 1947, la Hongrie renonce à la Ruthénie subcarpathique et la Roumanie à la Bucovine septentrionale et à la Bessarabie, le tout en faveur de l’URSS. La Bucovine septentrionale est réattribuée à l’Ukraine, la Bessarabie repartagée entre l’Ukraine et la république fédérée de Moldavie, selon les limites fixées le 1er août 1940. L’Ukraine atteint alors une superficie de 577 000 km2. Elle recouvre désormais, et pour la première fois depuis les temps reculés, l’ensemble des régions où vivent des populations ukrainiennes. Dès 1945, en dépit de son appartenance à l’URSS, l’Ukraine obtient un siège de représentant à l’ONU en voie de formation. De 1945 à 1990, elle suit de nouveau le sort commun à toutes les républiques membres de l’URSS et subit, durant cette période une politique de russification tendant à faire disparaître le particularisme culturel ukrainien. Le 25 février 1954, pour le 300e anniversaire de la « réunion » de l’Ukraine à la Russie, cette dernière cède à l’Ukraine l’oblast de Crimée (27 000 km2), ce qui porte à près de 604 000 km2 la surface définitive de l’Ukraine. Celle-ci est dès lors divisée en 25 régions (oblast) : Transcarpathie (Uzhorod), Tchernovzy, Stanislav, Lvov (ou Lviv), Tarnopol, Rovno, Volhynie, Zitomir, Proskurov, Kiev, Vinnitsa,
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Les États existants Tscherkassy, Kirovograd, Odessa, Nicolaïev, Tchernigov, Soumy, Poltava, Dniepropetrovsk, Cherson, Crimée (Simféropol), Zaporogues, Kharkov, Donetzk, Lugansk. Mais l’évolution des conditions politiques en URSS à la fin des années 1980 favorise la manifestation de forces centrifuges. Emboîtant le pas à la Russie, qui en juin 1990 vote sa souveraineté vis-à-vis de l’URSS, l’Ukraine proclame le 16 juillet 1990 sa souveraineté vis-à-vis de l’Union soviétique. Puis, la désagrégation soviétique suivant son cours, le 24 août 1991, la république d’Ukraine proclame son indépendance. Le 8 décembre 1991, à Minsk, les présidents des républiques de Russie, de Biélorussie et d’Ukraine proclament la fin de l’URSS et son remplacement par une confédération, la Communauté des États indépendants (CEI). Le 21 décembre 1991, l’Ukraine adhère formellement à la CEI. Le 29 avril 1992, un parlement réuni en Crimée proclame unilatéralement l’indépendance de la Crimée, majoritairement peuplée de Russes. Après intervention armée, le parlement ukrainien vote le 2 novembre 1995 une Constitution faisant de la Crimée une république autonome au sein de l’Ukraine. La nouvelle république indépendante se heurte très vite à de grandes difficultés dans le domaine économique, dues à deux raisons produisant simultanément leurs effets : le régime de transition rapide vers une économie de marché et le découplage de liens économiques étroits et anciens avec la Fédération de Russie. S’y ajoutent des difficultés d’ordre politique : différends avec la nouvelle Russie sur les modalités du statut d’autonomie de la Crimée et sur le partage de la flotte de la mer Noire, basée à Sébastopol. De ce fait, l’Ukraine — contrairement à la Biélorussie — s’engage délibérément dans une politique de rapprochement avec les pays d’Europe occidentale et centrale, susceptible de compenser l’affaiblissement des liens avec la Fédération de Russie.
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Vatican
Vatican Le pays en bref État monarchique : État de la Cité du Vatican (monarchie élective). Souverain : le pape Benoît XVI. Représentation parlementaire : néant ; le pape est souverain absolu, qui gouverne son État par l’entremise d’un gouverneur nommé par lui ; le pouvoir législatif est délégué à la Commission pontificale pour l’État de la Cité du Vatican, composée de cardinaux. Capitale : Vatican, au sein de la ville de Rome ; dépendances : à Rome, basiliques de Sainte-Marie-Majeure, Saint-Jean-de-Latran, Saint-Paul-hors-les-Murs et quelques autres édifices ; dans la campagne romaine, palais de Castel Gandolfo. Superficie : 0,44 km2 ; population : 750 habitants ; densité : 1 700 habitants au km2. Langue : l’italien ; le latin pour les questions religieuses ; le français pour la diplomatie. Religion : catholique ; le catholicisme est religion d’État. Monnaie : l’euro ; la lire vaticane, en parité avec la lire italienne, jusqu’en 2001.
Remarques Le pape est à la fois le chef de l’Église universelle (catholique) et le souverain d’un État temporel. Chef de l’Église universelle en tant qu’évêque de Rome, et donc successeur de saint Pierre — sur la personne de qui Jésus-Christ décida de bâtir son Église —, il dirige depuis Rome la hiérarchie religieuse ainsi que l’ensemble des services administratifs de l’Église répartis dans le monde entier. Souverain d’un État temporel, si réduit soit-il aujourd’hui, il dispose à cet effet de toutes les prérogatives d’ordre politique reconnues au chef d’un État indépendant. Seul ce second aspect sera abordé dans le présent ouvrage. Le choix de Rome pour siège de l’Église catholique universelle résulte de la conjonction de deux facteurs différents : – un facteur religieux et historique : le pape est le successeur de saint Pierre, mort martyrisé à Rome, et qui fut le premier évêque de cette ville ; – un facteur politique : Rome était, aux premiers temps du christianisme, la capitale d’un empire puissant qui, après sa conversion officielle à la religion chrétienne, devait faciliter la diffusion de cette dernière ; l’empire disparut, mais le siège pontifical demeura, et se maintient encore aujourd’hui en ce lieu. L’État de la Cité du Vatican ne date que de 1929, mais il est l’héritier des États romains, encore appelés États de l’Église ou pontificaux, qui ont existé du haut Moyen Âge à 1870. Il est donc légitime de traiter ici l’histoire de ces États, qui ont constitué pendant plus d’un millénaire le domaine temporel de la papauté.
I. Des origines à 1789. Histoire résumée des États de l’Église 1. Des origines à la naissance des premiers États romains (756) À l’origine de l’ère chrétienne, les papes n’ont qu’une autorité purement religieuse s’étendant surtout sur la communauté des chrétiens de Rome. Mais le christianisme, en dépit des persécutions, se développe dans l’ensemble de l’Empire romain et gagne les hautes sphères de la société romaine, si bien qu’au début du IVe siècle le culte chrétien est autorisé par l’édit de Milan (313). À la fin du même siècle, sous le règne de Théodose, il devient l’unique religion de l’Empire.
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Les États existants C’est en 313 que la papauté acquiert ses premiers domaines (Latran), mais il ne s’agit encore que de biens privés. Le déplacement de la capitale de l’Empire à Constantinople (330), la faiblesse puis la chute (476) des derniers empereurs d’Occident, qui se sont installés à Ravenne, les vicissitudes nées de la conquête successive de l’Italie par les Ostrogoths (493), les Byzantins (554) puis les Lombards — qui ne s’emparent toutefois ni de Ravenne ni de Rome, de Naples, de la Sicile et de la Sardaigne, conservés par Byzance — font que les papes acquièrent peu à peu une autorité morale de protecteurs sur la région de Rome, où subsiste cependant un gouverneur byzantin (duc) dépendant de l’exarque de Ravenne. En 730, lassés de l’impéritie de Byzance face aux incursions des Lombards, les Romains secouent le joug impérial et se donnent au pape Grégoire II, qu’ils font duc de Rome. Le duché de Rome (Patrimonium Petri, ou « patrimoine de saint Pierre ») couvre alors le Latium, la Sabine, un fragment de l’Étrurie et un morceau de l’Ombrie (autour de Pérouse). Mais les papes ne possèdent alors ce duché que sous la suzeraineté, il est vrai nominale, de Byzance. Enfin, en 756, les Francs ayant été appelés à la rescousse par le pape, Pépin le Bref vainc les Lombards et se rend maître des provinces qu’ils avaient conquises sur Byzance : exarchat de Ravenne et Pentapole italienne (Rimini, Pesaro, Fano, Senigallia, Ancône, mais aussi Urbin, Gubbio, etc.). Il en fait aussitôt don au pape, dont les États touchent désormais aux deux mers Tyrrhénienne et Adriatique, et qui, avec l’appui de Pépin, s’affranchit de Byzance.
2. De 756 à l’installation des papes en Avignon (1308) Ce premier domaine territorial des papes va peu à peu s’étendre grâce à des donations successives faites par de grands personnages. L’empereur Charlemagne arrondit les donations de son père (Ferrare, Bologne, Grosseto, Orvieto), le duc de Pouille et de Calabre, Robert Guiscard, après avoir fait hommage de vassalité aux papes (1052) pour ses domaines d’Italie méridionale, leur fait don de la ville de Bénévent en 1077. Cette même année, la comtesse Mathilde, qui régnait en Toscane, lègue certains de ses domaines aux papes (confins de Toscane, bassin inférieur du Pô), mais cet héritage leur est longtemps disputé par les empereurs. Ces acquisitions ne sont pas exemptes de pertes ultérieures, certaines temporaires, d’autres pour de longues périodes (Ferrare, par exemple). De plus, par faiblesse, les papes sont souvent contraints de déléguer leurs pouvoirs à des républiques (Bologne, Pérouse, Ancône, SaintMarin) ou à des princes (les Montefeltre à Urbin, les Malatesta à Rimini, etc.). Loin de l’Italie, dans le bassin inférieur du Rhône, à la suite de la croisade des albigeois, les papes acquièrent en deux temps le Comtat Venaissin : une première fois en 1229, cédé par le comte Raymond de Toulouse, cession cassée par l’empereur ; une seconde fois en 1274, des mains du roi de France. En 1308, pour fuir les troubles politiques qui agitent l’Italie, et singulièrement la ville de Rome, le pape Clément V décide de transférer sa résidence dans son domaine provençal du Comtat Venaissin, mais l’incommodité des lieux l’amène finalement à se fixer à Avignon, qui appartient alors aux comtes de Provence.
3. De 1308 à 1789 De 1308 à 1377, Avignon est donc le siège de la papauté. En 1348, le pape achète le comté d’Avignon (la ville et ses alentours) à la comtesse de Provence, la reine Jeanne. En 1377, le pape Grégoire XI reprend le chemin de Rome. Peu de temps après survient le grand schisme d’Occident, et les antipapes, soutenus par la France, se réinstallent à Avignon. Durant tout le schisme (1378-1409), la chrétienté est divisée en deux obédiences, mais il en est de même pour les États de l’Église, qui sont temporairement partagés de facto entre les antipapes d’Avignon (Avignon et le Comtat Venaissin) et les papes de Rome (les domaines italiens). Aux XVIe et XVIIe siècles, les papes, qui deviennent des souverains fastueux, trouvent enfin la force de réunir progressivement à leur administration directe les divers éléments de leurs États : Romagne (1504), Pérouse et Bologne (1506), Marches (1545), Ferrare (1598), Urbin (1631), Castro (1649).
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Vatican II. Les États pontificaux en 1789 Les États de l’Église constituent l’État temporel des papes. Ce pays s’étend sur l’Italie centrale, chevauchant la crête des Apennins, bordé par la Méditerranée (Latium) comme par l’Adriatique (Marches, Romagne). Rome en est la capitale. Peuplé d’environ 2 500 000 habitants, dont 400 000 à Rome même, ce pays jouit en Europe d’une mauvaise image. Les esprits éclairés attribuent à l’omnipotence d’un clergé, maître de l’administration, les tares qu’ils croient déceler dans le gouvernement des États romains : immobilisme politique, absence de liberté, archaïsme agricole, faiblesse de l’activité artisanale ; une telle vision est excessive, la papauté s’employant, comme beaucoup de princes laïques, à développer agriculture et commerce. Mais le manque de richesses du pays rend le Saint-Siège tributaire des impôts prélevés par les Églises, d’où la grande dépendance de la papauté envers les États de l’Europe catholique. Les États romains, en 1789, se répartissent ainsi :
1. Le groupe italien des États pontificaux – cinq territoires : le Patrimoine de saint Pierre, l’Orviétan, le Pérugin, la Sabine, la Campagne de Rome ; de cette dernière dépend l’enclave de Ponte-Corvo située à proximité, dans le royaume des Deux-Siciles ; – pays titrés : le duché de Bénévent, qui constitue une petite enclave dans le royaume des Deux-Siciles, le duché de Castro, le duché de Spolète, la marche d’Ancône ; – quatre légations : Urbin-et-Pesaro, Romagne, Ferrare et Bologne ; – le gouvernement de Citta-di-Castello.
2. Le groupe provençal des États pontificaux – la légation du comté d’Avignon ; – la vice-légation du Comtat Venaissin, capitale Carpentras.
III. De 1789 à la fin des États pontificaux (1870) 1. De 1789 à la proclamation de la République romaine (1798) Les événements révolutionnaires de France, depuis 1789, ne manquent pas de se répercuter sur les populations des territoires pontificaux de Provence. À la suite de vœux de rattachement à la France exprimés par les Avignonnais dès juin 1790, suivis d’un bref conflit dans le Comtat Venaissin avec des éléments contre-révolutionnaires, l’Assemblée constituante française décide en septembre 1791 l’annexion à la France d’Avignon et du Comtat Venaissin. Le pape refuse de reconnaître cette annexion. Indigné du sort qui est fait au clergé en France (Constitution civile) et de la spoliation dont il a été victime quant à ses États provençaux, horrifié de l’exécution du roi Louis XVI, le pape se joint en 1793 à la coalition anti-française. La campagne victorieuse de Bonaparte en Italie le contraint à signer à Bologne un armistice en juin 1796, à la suite de l’occupation de ses légations de Ferrare et de Bologne par les troupes françaises. Bologne proclame dès ce moment la République bolonaise, dont la Constitution sera calquée sur celle de la France. Le sénat de la ville, survivance de l’époque républicaine, désigne une junte destinée à rédiger la Constitution, qui ne sera adoptée qu’en septembre et jamais appliquée. Un soulèvement de « patriotes » à Reggio (août 1796) a permis à Bonaparte d’occuper le duché de Modène, et il a avalisé la proclamation (début octobre) d’une république de Modène et Reggio. Bonaparte suscite la réunion d’un congrès à Bologne, lequel proclame, à la fin du mois d’octobre 1796, la République cispadane, regroupant le duché de Modène et les légations pontificales de Bologne et de Ferrare. En décembre 1796, un nouveau congrès réuni à Reggio décide que la République cispadane, une et indivisible, sera le creuset de l’unité italienne. Il adopte le drapeau tricolore (vert-blanc-rouge) et met en œuvre une Constitution. Bologne aurait voulu imposer la
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Les États existants sienne, mais des dissensions se font jour et imposent à Bonaparte le transfert du congrès à Modène (janvier 1797) ; la Constitution sera achevée en mars. Elle prévoit la division du pays en dix petits départements. Après de longues négociations, les États de l’Église signent à Tolentino (19 février 1797) un traité de paix avec la France, entérinant la perte d’Avignon, du Comtat Venaissin et des légations de Ferrare et de Bologne. À la suite des tergiversations pontificales, Bonaparte exige et obtient la cession supplémentaire de la Romagne à la Cispadane. En juin 1797, la population d’Ancône se soulève et chasse le légat pontifical. La marche d’Ancône devient République ancônitaine. En décembre 1797, des troubles éclatent à Rome à l’instigation des Français (Bassal). La mort fortuite du général Duphot est le prétexte d’une intervention armée de la France, qui entraîne en février 1798 la proclamation de la République romaine (ou tibérine) à laquelle s’agrège aussitôt la République ancônitaine. Le pape est transféré à Florence. La République romaine voit donc son territoire restreint aux domaines pontificaux du versant tyrrhénien, plus Spolète et la marche d’Ancône. Selon sa Constitution, elle est, « à la française », divisée en huit départements, dirigés chacun par un préfet consulaire.
2. De 1798 à l’annexion française de Rome (1809) En juin 1798, la République romaine vend Bénévent et Ponte-Corvo au royaume des Deux-Siciles. De mai 1799 à juin 1800, période dite des Treize Mois, la contre-offensive austro-russe provoque la chute de la République romaine, la retraite des troupes françaises, le rétablissement du pouvoir pontifical, tandis que le pape Pie VI, déporté en France, vient à mourir à Valence (novembre 1799), le coup d’État de Bonaparte qui devient premier consul, l’élection à Venise (février 1800) de Pie VII, qui gagne Rome, la restauration officielle par Bonaparte, victorieux à Marengo (juin 1800), des États de l’Église dans leurs limites définies à Tolentino. En juillet 1801, la signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège, qui règle définitivement les nombreuses questions religieuses en suspens en France, se traduit par une amélioration sensible des relations entre les deux pays. En juin 1802, le royaume des Deux-Siciles restitue aux États de l’Église les enclaves de Bénévent et de Ponte-Corvo. La bonne entente rétablie avec la France amène le pape à se rendre à Paris pour le sacre de Napoléon comme empereur. Mais, à partir de mars 1806, les relations se tendent de nouveau, car le pape refuse de reconnaître Joseph Bonaparte comme roi de Naples, invoquant la nécessité de la cérémonie préalable « de la haquenée », symbole de la vassalité de Naples vis-à-vis du Saint-Siège. Napoléon riposte à de telles prétentions en détachant, en juin 1806, des États de l’Église les enclaves de Bénévent et de Ponte-Corvo, qu’il érige en principautés souveraines en faveur de Talleyrand (Bénévent) et de Bernadotte (Ponte-Corvo). La situation politique dans le royaume de Naples (troubles, tentatives de conquête de la Sicile) nécessite l’intervention constante des troupes françaises. Pour assurer la continuité terrestre entre les royaumes d’Italie et de Naples, Napoléon décide, en cotobre 1807, l’occupation des Marches pontificales (légation d’Urbin, marche d’Ancône). En février 1808, pour lutter contre la contrebande anglaise, les troupes françaises occupent Rome et Civitavecchia. Le 2 avril 1808, par décret impérial pris à Saint-Cloud, les Marches pontificales sont rattachées au royaume d’Italie, dont elles vont former les trois départements du Métauro (Ancône), du Musone (Macerata) et du Tronto (Fermo). Dès lors, les relations entre la France et le Saint-Siège redeviennent mauvaises, l’empereur exigeant que le pape se range à ses côtés, le pape protestant vainement contre les empiétements continuels faits à sa souveraineté. Pour mettre un terme à cette situation, Napoléon, par le décret de Schœnbrunn (17 mai 1809), décide l’annexion à la France des États de l’Église. Pie VII excommunie Napoléon, qui le déporte à Savone (juillet).
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Vatican 3. De 1809 à l’annexion italienne de Rome (1870) Le 17 février 1810, un sénatus-consulte organise les anciens États de l’Église en deux départements de l’Empire français : – Rome ou Tibre : Rome, Frosinone, Rieti, Tivoli, Velletri, Viterbe ; – Trasimène : Spolète, Foligno, Pérouse, Todi. Rome est proclamée deuxième ville de l’Empire, l’héritier impérial devra porter le titre de roi de Rome et il est envisagé que l’archichancelier Cambacérès y tienne une cour officielle. Cependant, la présence française à Rome est de courte durée. L’effondrement de l’Europe napoléonienne rétablit la plupart des États anciens de la péninsule. Au congrès de Vienne (1814-1815), les États de l’Église sont restaurés dans leur configuration d’avant 1796, sauf le fragment des Légations qui se trouvait au nord du Pô, mais y compris Bénévent et Ponte-Corvo. Avignon et le Comtat Venaissin sont toutefois conservés par la France, malgré les protestations du pape. Les divisions administratives traditionnelles de 1789 sont également remises en vigueur. En 1832, l’organisation administrative des États romains est redistribuée en 6 légations (dirigées par un légat), 14 délégations (dirigées par un vice-légat) et une comarque : comarque de Rome ; délégations de Frosinone (dont dépend Ponte-Corvo), Bénévent (enclavée), Civitavecchia, Viterbe, Orvieto, Rieti, Spolète, Pérouse, Camerino, Macerata, Fermo, Ascoli, Ancône, Lorette ; légations de Velletri, Urbin-et-Pesaro, Forli, Ravenne, Bologne et Ferrare. En 1848, malgré l’évident esprit de réforme qui animait le pape Pie IX dès le début de son règne, les populations romaines subissent le contrecoup des révolutions européennes. La république est proclamée en février 1849. Le pape s’enfuit à Naples et revient en 1850 sous la protection d’armées françaises ; les États de l’Église sont alors une nouvelle fois restaurés. En 1859, à la suite des défaites autrichiennes face aux armées franco-sardes, l’Autriche retire ses troupes d’Italie centrale. La Romagne et les Légations rejettent l’autorité pontificale et réclament leur rattachement à la Sardaigne. En mars 1860, des plébiscites organisés dans les pays révoltés entérinent le rattachement au royaume de Sardaigne de la Romagne et des Légations, c’est-à-dire des légations de Ferrare, Bologne, Ravenne et Forli. En octobre 1860, de nouveaux plébiscites confirment le rattachement de l’Ombrie et des Marches pontificales au royaume de Sardaigne, à savoir : légation d’Urbin-et-Pesaro, délégations d’Ancône, Lorette, Ascoli, Fermo, Macerata, Camerino, Pérouse, Spolète, Orvieto, Rieti, Bénévent et enclave de Ponte-Corvo (qui dépendait de celle de Frosinone). Les États romains sont désormais restreints à la comarque de Rome, à la légation de Velletri et aux délégations de Viterbe, Civitavecchia et Frosinone (amputée de Ponte-Corvo), le tout sous la protection diplomatique et militaire de la France. En mars 1861, le royaume de Sardaigne devient royaume d’Italie et affirme le principe de la fixation à Rome de sa capitale, mais le roi et le gouvernement restent provisoirement à Turin, dans l’attente d’une solution de la question romaine. En septembre 1864, conformément à la convention franco-italienne de Turin, le royaume d’Italie transfère sa capitale à Florence et s’engage à respecter l’intégrité du territoire résiduel du Saint-Siège. Napoléon III ayant rappelé (août 1870) les troupes françaises stationnées dans les États romains en raison de la guerre franco-prussienne, l’armée italienne envahit ceux-ci et s’empare de Rome en septembre 1870. L’union à l’Italie est votée par les Romains en octobre 1870. En décembre, la capitale du royaume est transférée à Rome, tandis que le pape se retire dans son palais du Vatican.
IV. De 1870 à nos jours 1. De 1870 à la création de la Cité du Vatican (1929) Les États de l’Église ont vécu, leurs territoires étant intégrés à l’Italie en y prenant le titre de provinces.
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Les États existants Les modifications suivantes y seront apportées : délégations d’Ascoli et de Fermo réunies en une province d’Ascoli ; légation d’Urbin-et-Pesaro dénommée province de Pesaro ; délégations de Pérouse, de Spolète, de Rieti et d’Orvieto réunies en une province de Pérouse ; comarque de Rome, légation de Velletri, délégations de Viterbe, de Civitavecchia et de Frosinone (sans Ponte-Corvo) réunies en une province de Rome ; enclave de Ponte-Corvo rattachée à la province de Capoue, délégation de Bénévent augmentée d’une partie de l’ancienne Principauté ultérieure napolitaine pour former la province de Bénévent. Le royaume d’Italie vote le 13 mai 1871 une loi des garanties, qui, sans reconnaître la souveraineté du pape, lui reconnaît le droit à des honneurs souverains, l’inviolabilité devant les tribunaux italiens et le droit de légation, avec immunité diplomatique pour ses représentants. Cependant, les papes qui se succèdent au Vatican refusent pendant plus d’un demi-siècle de reconnaître la nouvelle situation politique qui les a privés de leurs États. Ils s’opposent aux visites à Rome de souverains étrangers. La société romaine est durablement divisée entre parti noir (les tenants du pape) et parti blanc (ceux du roi).
2. L’État de la Cité du Vatican (1929 à nos jours) Le gouvernement de Mussolini, qui recherche le soutien de l’Église, élabore un compromis avec le pape. Par les accords de Latran (12 février 1929), le royaume d’Italie cède en toute souveraineté au Saint-Siège la Cité du Vatican, qui devient un minuscule État et rend officiellement au pape ses prérogatives de souverain temporel. La Cité du Vatican groupe 750 habitants sur 44 hectares et se compose ainsi : – le palais et les jardins du Vatican, avec gare et poste ; – les basiliques majeures de Saint-Pierre-du-Vatican, de Sainte-Marie-Majeure, de SaintJean-de-Latran et de Saint-Paul-hors-les-Murs ; – divers édifices dans la ville de Rome ; – le palais de Castel Gandolfo, dans la campagne romaine. Le nouvel État est reconnu par tous les pays du monde. Doté d’une petite armée (réduite aujourd’hui à la garde suisse), il voit sa neutralité respectée par les armées allemandes, lors de l’occupation de Rome par celles-ci (1943-1944). L’État de la Cité du Vatican constitue de nos jours l’assise territoriale qui permet à la papauté de tenir un rang de choix dans l’action diplomatique internationale.
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Partie III – Les États disparus
Ces États ont eu une existence, brève ou longue, entre 1789 et 2008.
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Aalen Abréviations utilisées dans cette partie : – MSE : membre du Saint Empire en 1789 ; – RE : recès d’Empire du 25 février 1803. Aalen (ville impériale, MSE) — La ville d’Aalen, dans le Jura souabe, est située sur la Kocher. Au RE, elle est attribuée au Wurtemberg. Aix-la-Chapelle (ville impériale, MSE) — Jadis ville du couronnement des empereurs, carrefour commercial entre l’Allemagne rhénane et les Pays-Bas, Aix-la-Chapelle demeure une place commerçante importante. Au RE, elle est attribuée à la France. Ancônitaine (république) → Vatican Anhalt (duché et principautés, MSE) → Allemagne Anspach (margraviat, MSE) → Allemagne Arenberg (duché, MSE) → Allemagne Aspremont-Linden (comte, MSE) — Le comte d’Aspremont-Linden possède le comté de Reckheim, près de Maastricht. Au RE, le comté est attribué à la France et le comte en est indemnisé par l’abbaye de Baindt, en Souabe, érigée en comté. En 1806, le comté de Baindt est médiatisé par le Wurtemberg. Auersperg (prince, MSE) — Le prince d’Auersperg, grand maréchal de Carinthie, possède le comté immédiat de Thengen, dans le Hégau au nord de Schaffhouse. En 1806, le comté est médiatisé par le grand-duc de Bade. Augsbourg (évêché, MSE) — L’évêché d’Augsbourg, qui compte de l’ordre de 70 000 habitants, comprend un territoire principal qui s’étend sur rive gauche du Lech, depuis la ville d’Augsbourg (exclue) jusqu’aux crêtes des Alpes, ainsi que de petits territoires enclavés dans l’angle formé par le confluent du Danube et du Lech, parmi lesquels celui de Dillingen (sur le Danube), où réside l’évêque. Au RE, l’évêché d’Augsbourg est attribué à la Bavière. Augsbourg (ville impériale, MSE) — La ville d’Augsbourg, sur le Lech, est une importante place de commerce et de banque (les Fugger). Sauvegardée au RE, elle est annexée en 1805 par la Bavière. Bade (margraviat, MSE, puis grand-duché) → Allemagne Baindt (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Baindt, en Souabe, est située au nord de Weingarten et de Ravensbourg. Au RE, l’abbaye est attribuée au comte d’Aspremont-Linden. Bâle (évêché, MSE) — L’évêché de Bâle, capitale Porrentruy, s’étire le long de la crête du Jura, des bords du Doubs aux bords du Rhin, de l’Alsace aux rives du lac de Bienne. La ville de Bâle, forte de sa prospérité commerciale (port et pont sur le Rhin) et de son université, s’est peu à peu détachée de son évêque. La rupture est définitivement consommée lors de l’entrée (1501) de la ville de Bâle dans la Confédération et de son passage (1527) à la Réforme, ce qui entraîne le repli de l’évêque à Porrentruy. Celui-ci, pour sauvegarder le catholicisme dans ses États, doit s’allier aux cantons catholiques (1580) pour ses provinces les plus méridionales. La partie helvétique de l’évêché de Bâle, francophone, comprend les bailliages du ValMoutier, de Bellelay, de l’Erguel et de La Neuveville. La souveraineté épiscopale sur la ville de Bienne n’est plus que purement nominale. Pour ces territoires, l’évêque de Bâle est l’allié de la Confédération helvétique. La partie germanique comprend : – les pays francophones d’Ajoie (Porrentruy), de Saint-Ursanne, de Delémont et des Franches-Montagnes ; l’enclave francophone de Montsevelier, située entre le Val-Moutier et le canton de Soleure ; – les pays germanophones de Laufon et d’Arlesheim, ainsi que les enclaves germanophones de Schlingen et d’Idstein sur la rive droite du Rhin. Le prince-évêque de Bâle, qui réside ordinairement à Porrentruy, la « petite Athènes du Jura », est également lié à la France par une alliance régulièrement renouvelée.
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Les États disparus Inquiet de l’effervescence de ses sujets attisée par les événements de France, le prince-évêque de Bâle sollicite en 1790 la protection de l’empereur. Ce dernier lui envoie du Brisgau un corps autrichien en mars 1791, pour maintenir l’ordre. La présence de troupes étrangères sur le territoire épiscopal, formellement contraire à l’alliance reconduite en 1780 entre la France et l’évêché de Bâle, donne à la France révolutionnaire le prétexte à une intervention. À la suite de la déclaration de guerre de la France à l’Autriche, les troupes françaises du général de Custine occupent Porrentruy le 30 avril 1792. Le prince-évêque se réfugie à Bienne. Le 19 décembre 1792, une Assemblée nationale, réunie à Porrentruy à l’initiative de la France, prononce la déchéance du prince-évêque et proclame la République rauracienne, laquelle recouvre la partie germanique de l’évêché, à l’exclusion des deux enclaves de rive droite du Rhin (Schlingen et Idstein) et de celle de Montsevelier, lesquelles restent les seules possessions germaniques de l’évêque. Mais très vite, face à une anarchie désorganisant la vie politique de la République rauracienne, la Convention envoie des représentants qui intriguent en faveur de son annexion à la France. Le 7 mars 1793, une nouvelle Assemblée vote la réunion de la République rauracienne à la France, décision entérinée le 23 mars par la Convention. L’ancienne République va former le département du Mont-Terrible (chef-lieu Porrentruy) composé de deux districts : celui de Porrentruy (23 000 âmes) avec l’Ajoie, Saint-Ursanne et les FranchesMontagnes ; celui de Delémont (17 000 âmes) avec les vallées de la Birse et de la Sorne. Les territoires helvétiques de l’évêché de Bâle sont en situation provisoire de régence, par suite de la fuite de l’évêque à Constance. Dès décembre 1797, en prélude à l’occupation de la Suisse décidée par le Directoire, la France occupe et annexe la partie helvétique de l’évêché de Bâle (Val-Moutier, Bellelay, Erguel, La Neuveville) ainsi que l’enclave « germanique » de Montsevelier, toutes rattachées au département du Mont-Terrible. Le 6 février 1798, les Français occupent Bienne. Le 7, le Conseil de ville vote la réunion de Bienne à la France ; la ville est rattachée au Mont-Terrible. Au RE, les enclaves de rive droite du Rhin (Schlingen et Idstein), dernières possessions de l’évêque de Bâle, sont attribuées à l’électeur de Bade. Bamberg (évêché, MSE) — L’évêché de Bamberg, qui compte moins de 200 000 habitants, couvre un territoire compact sur le cours supérieur du Main, autour de Bamberg, sa capitale, Cronach et Forcheim, avec une enclave (Vilseck) située au sein du Palatinat-Sulzbach. Au RE, l’évêché de Bamberg est attribué en quasi-totalité à la Bavière, hormis quelques fragments à la Prusse (Anspach). Bassenheim (comte, MSE) — Le comte de Bassenheim possède la seigneurie d’Ollbruck, près d’Andernach. Au RE, la seigneurie est attribuée à la France et le comte en est indemnisé par l’abbaye de Heggbach, moins les villages de Mietingen et de Suhlningen, en Souabe. En 1806, Heggbach est médiatisée par le Wurtemberg. Batave (république) → Pays-Bas Bavière (duché électoral, MSE, puis royaume) → Allemagne Bayreuth (margraviat, MSE) → Allemagne Bénévent (principauté) — Le petit territoire de Bénévent, maigre héritier de l’ancien grand duché lombard, constitue, depuis le XIe siècle, une enclave pontificale dans le royaume de Naples, plus précisément dans l’intendance napolitaine de Principauté ultérieure. En juin 1806, en riposte aux prétentions du pape Pie VII, qui refuse de reconnaître son frère Joseph comme roi de Naples s’il ne se reconnaît pas vassal de la papauté, Napoléon, qui est en train d’anoblir ses dignitaires, détache des États de l’Église l’enclave de Bénévent (comme celle de Ponte-Corvo) et l’érige en principauté souveraine en faveur de Talleyrand. Cette principauté est réellement souveraine, dans les limites qu’impose Napoléon. Ainsi, à Bénévent, Talleyrand envoie son représentant personnel (de Beer), introduit le Code Napoléon, impose le français comme langue officielle, fait restaurer les monuments, etc. Quoique n’étant jamais venu à Bénévent, le prince Charles-Maurice s’y montre attaché. En juin 1814, Murat s’empare de Bénévent et l’annexe au royaume de Naples. En juin 1815, Bénévent est restitué au Saint-Siège.
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Bentheim Bentheim (comte, MSE) — Le comte de Bentheim-Bentheim possède le comté du même nom et le petit comté de Steinfurt, les deux sur la Vechte, dans le nord-ouest de la Westphalie, au nord-ouest de Munster. Depuis 1753, le comte a engagé son comté de Bentheim à l’électeur de Hanovre et, en 1783, celui-ci l’a unilatéralement annexé. Au RE, le comté de Bentheim est rendu au comte. En 1806, les deux comtés sont médiatisés par le grand-duc de Berg. Une autre branche, celle des comtes de Bentheim-Tecklembourg-Rheda, possède la seigneurie de Rheda, aux sources de l’Ems, en Westphalie. Cette seigneurie est médiatisée en 1808 par le grand-duc de Berg. Berchtesgaden (prévôté, MSE) → Allemagne Berg (grand-duché) → Allemagne Beuron (abbaye, MSE) — L’abbaye de Beuron, en Souabe, est située sur le Danube en amont de Sigmaringen. Au RE, l’abbaye est attribuée au prince de Hohenzollern-Sigmaringen. Biberach (ville impériale, MSE) — La ville de Biberach est située sur la Riss, en Souabe. Au RE, elle est attribuée au margrave de Bade, rétrocédée en 1806 au Wurtemberg. Bienne (ville libre) — La ville de Bienne, sur le lac du même nom en Suisse, est en 1789 un État associé à la Confédération helvétique. Elle s’est libérée en 1528 de la tutelle de l’évêque de Bâle en embrassant la Réforme. En 1798, elle est annexée par la France. Bolonaise (république) → Italie (Modène et Légations) Bopfingen (ville impériale, MSE) — La ville de Bopfingen est située sur l’Eger, en amont de Nœrdlingen. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Bouillon (duché) → Belgique Brême (ville impériale, MSE) → Allemagne Bretzenheim (principauté, MSE) — Le comté de Bretzenheim, érigé en principauté en 1790, a été constitué peu de temps auparavant de la seigneurie de Bretzenheim, sur la Nahe, avec Winzenheim, achetée à l’électeur de Cologne par Charles-Théodore de Palatinat-Bavière au profit d’un fils naturel. Au RE, la principauté est attribuée à la France et le prince reçoit en indemnité l’abbaye et la ville de Lindau, qui constituent une île du lac de Constance. Il cède en 1804 sa nouvelle principauté de Lindau à l’Autriche, contre des terres médiates en Bohême. Brisgau (landgraviat, MSE) → Allemagne, Autriche Brixen (évêché, MSE) — L’évêché de Brixen, qui groupe de l’ordre de 25 000 habitants, est éclaté en diverses parcelles situées dans le Tyrol méridional (Brixen, haut Val di Fassa, Gaderthal, Taufererthal), dans le Tyrol oriental (Anras) et dans le haut bassin de la Save en Carniole (Veldes). En tant que comte princier de Tyrol, l’empereur possède l’avouerie de l’évêché. Au RE, l’évêché de Brixen est attribué en totalité à l’Autriche. Brunswick (duché, MSE) → Allemagne Buchau (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Buchau est située en Souabe, près du lac Feder, entre la ville libre du même nom, le bailliage habsbourgeois de Saulgau et l’abbaye de Schussenried ; l’abbaye de Buchau possède le bailliage de Strassberg, sur la Schmeie, affluent de rive gauche du Danube en amont de Sigmaringen. Au RE, l’abbaye de Buchau est attribuée au prince de La Tour-et-Taxis. Buchau (ville impériale, MSE) — La ville de Buchau est située près du lac Feder, en Souabe. Au RE, elle est attribuée au prince de La Tour-et-Taxis. Buchhorn (ville impériale, MSE) — La ville de Buchhorn (aujourd’hui Friedrichshafen) est située au bord du lac de Constance. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Castell (comté, MSE) — Le comté de Castell se trouve dans le haut Palatinat, près de Schwarzenberg, et possède aussi un petit domaine sur la rive gauche du Danube, en amont d’Ulm. En 1806, il est médiatisé par la Bavière. Cisalpine, puis Italienne (république) → Italie Cispadane (république) → Italie (Modène et Légations) Cisrhénane (république) → Allemagne (Mayence), France
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Les États disparus Coire (évêché, MSE) — L’évêché de Coire, jadis très étendu, est réduit en 1789 à un petit territoire de 5 000 habitants autour de Furstenau, sur le Rhin postérieur, résidence de l’évêque (voir chapitre Suisse). Au RE, l’évêché de Coire est attribué à la République helvétique. Cologne (archevêché électoral, MSE) → Allemagne Cologne (ville impériale, MSE) — Ville d’étape sur le bas Rhin (rive gauche), dotée d’une université, jadis ville hanséatique, Cologne est une grande ville de commerce et de navigation. Au RE, elle est attribuée à la France. Constance (évêché, MSE) — L’évêché de Constance est constitué de trois petits territoires sur le lac du même nom, Meersbourg (résidence de l’évêque), Reichenau et Bohlingen, plus la seigneurie de Konzenberg, isolée sur le haut cours du Danube, près de Tuttlingen, le tout comptant 10 000 habitants, avec en plus quelques bailliages médiats en Thurgovie et dans le comté de Baden, sous souveraineté helvétique (Arbon, Zurzach, etc.). Au RE, l’évêché de Constance est attribué au margrave de Bade. Cornelimunster (abbaye, MSE) — L’abbaye de Cornelimunster est située en Rhénanie, près d’Aix-la-Chapelle. Au RE, l’abbaye est attribuée à la France. Corvey (évêché, MSE) — L’évêché de Corvey, ancienne abbaye sécularisée en 1783 et élevée au rang d’évêché princier, est situé sur le moyen Weser, entre l’évêché de Paderborn et le duché de Brunswick. Au RE, l’évêché est attribué au prince de Nassau-Dillenbourg (branche Orange-Nassau). Courlande (duché) → Lettonie Cracovie (république) → Pologne Croy-Solre (duc, MSE) — Le duc de Croy-Solre possède le comté de Mengen, sur rive gauche du Rhin. Au RE, le comté est attribué à la France et le duc en est indemnisé par le comté de Dulmen, sur rive droite de la Lippe, provenant de l’évêché de Munster et qui devient duché de Croy-Dulmen. En 1806, le duché est médiatisé par le duc d’Arenberg. Dantzig (ville libre) — Ancienne capitale du duché de Pomérélie, ville hanséatique depuis 1350, Dantzig est rattachée à la Pologne en 1454, sous forme d’État vassal disposant d’une Constitution propre, les Coutumes de Dantzick. En 1772, elle est isolée du reste de la Pologne par les annexions prussiennes du premier partage. En 1793, elle est à son tour annexée par la Prusse, devenant le chef-lieu de la province de Prusse occidentale. En 1807, la Prusse doit la céder à Napoléon, qui en fait une ville libre, la république de Dantzig, sous la protection de la France, jusqu’en 1813. Redevenue prussienne, chef-lieu de la Prusse occidentale de 1815 à 1824, puis de nouveau à partir de 1878, peuplée d’Allemands à 90 %, elle devient le grand port de la Prusse (activités portuaires, constructions navales). Par le traité de Versailles, parce qu’elle est essentiellement allemande mais doit constituer le grand débouché maritime de la Pologne restaurée, elle est érigée de nouveau en ville libre, sous la protection de la SDN. En 1919, le territoire de Dantzig (1 900 km2 pour 325 000 habitants) est trois fois plus étendu que ceux des villes libres de 1454-1793 et de 1807-1813, allant à l’est jusqu’à la Nogat, et aussi plus étendu au sud-ouest de la ville. En revanche, il ne comprend plus que la moitié orientale de la presqu’île de Hel (comme avant 1793) et qu’un court tronçon de la Frische Nehrung. La ville libre est de nouveau une enclave côtière limitrophe à la fois de la Prusse orientale allemande et du « corridor » donnant à la Pologne l’accès à la mer. Le traité de Paris du 9 novembre 1920 précise son statut et ses rapports avec la Pologne. Placée sous l’autorité et la protection de la SDN, qui y délègue un haut-commissaire, la ville libre dispose d’un gouvernement et d’un parlement propres, qui en garantissent la spécificité germanique. En revanche, elle est placée dans le périmètre douanier de la Pologne, représentée par un commissaire général ; la Pologne est chargée de sa représentation diplomatique, dispose en ville d’une poste polonaise et surtout détient la maîtrise du port et des chemins de fer. Malgré cela, les Polonais créent dans l’entre-deux-guerres le port voisin de Gdynia — situé, lui, en territoire polonais —, ce qui provoque une stagnation de l’activité de Dantzig. Le gouvernement de la ville libre, aux mains des nationaux-socialistes dès 1933, réclame le ratta-
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Deux-Ponts-Birkenfeld chement à l’Allemagne, qui devient effectif le 1er septembre 1939, jour du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. À partir de 1945, Dantzig est rattachée à la Pologne dont elle devient le grand port. Deux-Ponts-Birkenfeld (duché, MSE) → Allemagne Deux-Siciles (royaume) → Italie Dietrichstein (prince, MSE) — Le prince de Dietrichstein, grand échanson du duché autrichien de Carinthie, possède depuis 1686 la seigneurie de Tarasp, sur l’Inn dans les Grisons, érigée plus tard en principauté. Au RE, sa principauté est attribuée à la Confédération helvétique et il reçoit en indemnité l’abbaye médiate de Neu-Ravensbourg, en Souabe près du lac de Constance, qui appartenait à l’abbé de Saint-Gall. Il la vend en 1804 à l’Autriche. Dinkelsbuhl (ville impériale, MSE) — La ville de Dinkelsbuhl est située sur la Wœrnitz, en Franconie. Au RE, elle est attribuée à la Bavière, qui la cède en 1803 à la Prusse. Dortmund (ville impériale, MSE) — Située en Rhénanie entre Ruhr et Lippe, jadis ville hanséatique, Dortmund est une cité de commerce et d’industrie. Au RE, elle est attribuée au prince d’Orange-Nassau. Edelstetten (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes d’Edelstetten, en Souabe, est située dans le Burgau. Au RE, l’abbaye d’Edelstetten est attribuée au prince de Ligne. Eichstædt (évêché, MSE) — L’évêché d’Eichstædt, d’environ 60 000 âmes, est constitué d’un territoire principal le long de l’Altmuhl, autour de la ville d’Eichstædt, sa capitale, et assorti de cinq bailliages enclavés dans le margraviat d’Anspach : Sandsee, Wernfels-Spalt, Abenberg, Ahrberg-Ornbau, Wahrberg-Herrieden. Au RE, l’évêché d’Eichstædt est ainsi réparti : – la majeure partie, avec la ville, au grand-duc de Toscane, électeur de Salzbourg ; – les cinq bailliages enclavés dans le margraviat d’Anspach (Sandsee, Wernfels-Spalt, Abenberg, Ahrberg-Ornbau, Wahrberg-Herrieden) à la Bavière. Elbe (principauté) → Italie (France italienne) Elchingen (abbaye, MSE) — L’abbaye d’Elchingen, en Souabe, est située sur le Danube en aval d’Ulm. Au RE, l’abbaye d’Elchingen est attribuée à la Bavière. Ellwangen (prévôté, MSE) — La prévôté d’Ellwangen possède un territoire qui s’étire d’un seul tenant sur la haute vallée de la Jagst, laquelle baigne la ville prévôtale du même nom. Au RE, la prévôté d’Ellwangen est attribuée au Wurtemberg. Elten (abbaye, MSE) — L’abbaye d’Elten est située près du Rhin, dans le duché de Clèves. Au RE, l’abbaye est attribuée à la Prusse. Erbach (comté, MSE) — Le comté d’Erbach, possession des comtes de ce nom, s’étend entre le bas Main et le bas Neckar, à l’est de Darmstadt. En 1806, il est médiatisé par la Hesse-Darmstadt. Essen (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes d’Essen est située sur la Ruhr. Au RE, l’abbaye est attribuée à la Prusse. Esslingen (ville impériale, MSE) — La ville d’Esslingen est située sur le Neckar, en amont de Stuttgart. Au RE, elle est attribuée au Wurtemberg. Esterhazy (prince) — Le prince Esterhazy, d’une grande famille hongroise au service des empereurs, achète en 1803 au prince de Ligne l’abbaye d’Edelstetten, en Souabe, que ce dernier vient de recevoir au RE. Edelstetten est médiatisée en 1806 par la Bavière. États de l’Église ou romains ou pontificaux (monarchie) → Vatican États-Unis des îles Ioniennes (république) → Grèce Étrurie (royaume) → Italie Fiume (ville libre) — Fiume (Rijeka en slave) est une ville portuaire située au bord de la mer Adriatique, au fond du golfe du Quarnero. Elle est en 1789 la ville principale du littoral hongrois, étroite façade maritime de la Croatie civile entre l’Istrie autrichienne et les Confins militaires de Croatie. Une route, appelée Louisenstrasse, la relie à Carlstadt et à Agram. Les îles de Veglia et de Cherso, situées dans le golfe face à Fiume, sont vénitiennes.
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Les États disparus Après avoir longtemps dépendu des patriarches d’Aquilée, la ville devient possession de la maison d’Autriche en 1466, par acquisition de l’empereur Frédéric III. Située hors du Saint Empire, port franc depuis 1719, elle bénéficie d’un certain essor au cours du XVIIIe siècle et devient le débouché naturel de la Hongrie. La ville elle-même, qui compte de l’ordre de 3 000 âmes, est peuplée d’habitants parlant italien, mais l’arrière-pays est de peuplement croate. La ville et son territoire immédiat (corpus separatum) n’appartiennent pas au royaume de Croatie, mais forment un district particulier administrativement rattaché à la Hongrie. Française en 1809 (Provinces Illyriennes), elle redevient autrichienne en 1815. En 1816, au sein des pays de la couronne de Hongrie, la ville de Fiume et sa région sont de nouveau érigées en un district particulier, distinct du royaume de Croatie et relevant directement du palatin de Hongrie, sauf une interruption de 1849 à 1868, la ville y étant temporairement croate. À partir de 1868, Fiume devient le grand port de la Transleithanie, doté d’industries maritimes (constructions navales, torpilles), tête de ligne de la compagnie hongroise de navigation Ungaro-Croata, relié à Budapest par une ligne de chemin de fer (BudapestAgram-Carlstadt-Fiume) évitant le territoire cisleithan. En 1919, la ville est disputée entre l’Italie et la nouvelle Yougoslavie. Le 12 septembre 1919, par un coup d’éclat, le poète Gabriel D’Annunzio, à la tête de ses arditi, s’empare de la ville de Fiume et proclame la Régence italienne du Quarnero, petit État comprenant Fiume, Soutchak et le territoire les reliant à Volosca, avec un fragment d’arrière-pays. Il y établit un régime d’essence corporatiste (préfiguration du fascisme). En novembre 1920, un compromis est trouvé entre l’Italie et le royaume SCS : la ville de Fiume, avec son faubourg slave de Soutchak et une bande de territoire côtier les reliant à Volosca, est érigée en ville libre placée sous le contrôle de la SDN. Le territoire de la ville libre correspond à celui de la Régence italienne du Quarnero, réduit à sa bande côtière entre Fiume et Volosca. Le 25 décembre, le nouveau gouvernement italien (Giolitti) fait bombarder la ville pour en déloger D’Annunzio. En mars 1922, par un coup de force, le gouvernement de la ville libre de Fiume devient d’essence fasciste, avant même que Mussolini ne soit appelé au pouvoir à Rome (octobre). En janvier 1924, la ville libre de Fiume est dissoute et ainsi partagée : – la ville de Fiume et la bande de territoire la reliant à Volosca sont attribuées à l’Italie ; – le faubourg de Soutchak est attribué au royaume SCS. Le rattachement à l’Italie a un effet très négatif sur l’activité du port privé d’arrière-pays, tandis que les Yougoslaves développent le port de Soutchak (Porto-Barros). Francfort (ville impériale, MSE) — Située sur le cours inférieur du Main, à la croisée de routes commerciales, la ville de Francfort-sur-le-Main occupe une place de choix en Allemagne centrale. Elle comprend un territoire principal autour de la ville et un petit fragment enclavé entre l’évêché de Mayence (rive droite) et le pays nassovien. Érigée en ville libre depuis le milieu du XIIIe siècle, elle bénéficie depuis 1356 (Bulle d’or) du privilège d’être la ville de l’élection et du couronnement des empereurs : il s’agit d’une position purement honorifique, la diète siégeant à Ratisbonne et l’empereur résidant à Vienne. La ville est une petite république commerçante et banquière, d’une superficie de 100 km2 et peuplée d’environ 40 000 habitants, gouvernée par un sénat et un bourgmestre. Au RE, la ville de Francfort est l’une des six villes sauvegardées ; elle conserve son territoire principal autour de la ville, mais perd au profit de Nassau sa petite enclave. Le 12 juillet 1806, l’archevêque de Mayence, qui devient prince-primat de la Confédération du Rhin, médiatise la ville libre de Francfort et l’incorpore à son archevêché. Le princeprimat y transfère sa résidence. Après 1815 → Allemagne Francfort (grand-duché) → Allemagne Friedberg (burgraviat, MSE) — Le burgraviat de Friedberg, possédé par le ganerbinat de ce nom — ligue de petits seigneurs reconnue immédiate —, est situé dans la haute Hesse, au nord de Francfort. En 1806, il est médiatisé par la Hesse-Darmstadt.
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Friedberg Friedberg (ville impériale, MSE) — Friedberg est située dans la haute Hesse, au nord de Francfort. Au RE, elle est attribuée au landgrave de Hesse-Darmstadt. Frisingue ou Freisingen (évêché, MSE) — L’évêché de Frisingue, d’environ 20 000 habitants, est composé d’un grand territoire qui s’étire le long de l’Isar, en aval de Munich, avec la ville de Frisingue elle-même, d’autres parcelles en Haute-Bavière (Isen), au Tyrol oriental (Innichen), en Haute-Autriche (Waidhofen), dans le haut bassin de la Save (Lack ou Bischflack) et surtout du comté de Werdenfels (Garmisch-Partenkirchen, Mittenwald) aux confins de la Bavière et du Tyrol. Au RE, l’évêché de Frisingue est ainsi réparti : – la majeure partie (Frisingue, Isen, Werdenfels), à la Bavière ; – les enclaves de Waidhofen, d’Innichen et de Lack, à l’Autriche. Fugger (comtes et prince, MSE) — Les comtes Fugger, célèbre famille de tisserands d’Augsbourg devenus banquiers des empereurs, anoblis et pourvus de domaines souverains, se répartissent en trois branches : celle de Kirchberg-Weissenhorn, qui possède le comté de Kirchberg et la seigneurie de Weissenhorn, sur l’Iller au sud d’Ulm, la seigneurie de Pfaffenhofen sur la Zursam au sud de Donauworth, etc. ; celle de Glœtt qui possède les seigneuries de Glœtt, Obendorf, au sud de Donauworth, de Kircheim, à l’ouest d’Augsbourg, etc. ; celle de Babenhausen, titrée princière en 1803, qui possède Babenhausen, Dietenheim, etc. sur ou près de l’Iller. En 1806, les terres des comtes et prince Fugger sont médiatisées en majeure partie par la Bavière, quelques parcelles allant au Wurtemberg. Fulde (évêché, MSE) — L’évêché de Fulde, ancienne abbaye sécularisée en 1752, sur la rivière du même nom dans la région de haute Hesse, est peuplé d’environ 90 000 habitants. Au RE, l’évêché est attribué au prince de Nassau-Dillenbourg (branche Orange-Nassau). Furstenberg (principauté, MSE) → Allemagne Gagaouzie (république) → Moldavie Gehmen (seigneurie, MSE) — La petite seigneurie de Gehmen, possession du baron de Bœmelbourg enclavée dans l’évêché de Munster, est située tout près de la ville de Borken. En 1806, elle est médiatisée par le prince de Salm-Kyrbourg. Gênes (république) → Italie Genève (république) — La république de Genève est, en 1789, un petit État urbain de 30 000 âmes, allié de la Confédération helvétique, situé à l’extrémité occidentale du lac Léman. Il est réparti en cinq parcelles : la ville de Genève et la parcelle de Perrey, toutes deux sur le Rhône et enclavées entre la France et la Savoie sarde, la parcelle de Jussy enclavée en territoire savoisien, la parcelle de Genthod, sur le lac, enclavée en territoire français, celle de Céligny, sur le lac, enclavée dans le pays bernois de Vaud. Grande cité intellectuelle et marchande, la ville de Genève est l’un des foyers de l’industrie horlogère. Possession épiscopale au Moyen Âge, puis des comtes de Genève qui s’éteignent en 1410, elle devient alors savoyarde jusqu’en 1524, date à laquelle elle s’émancipe et s’allie aux cantons de Berne et de Fribourg ; embrassant la Réforme en 1533, elle devient la « Rome » du calvinisme. Au début de 1798, en même temps que la Suisse, les troupes françaises occupent le territoire de Genève. Les Français favorisent le réveil des revendications populaires et, le 15 avril, les Genevois votent le rattachement de la république de Genève à la France. Le territoire genevois est regroupé avec le Chablais et le Faucigny, prélevés sur le département du Mont-Blanc (arrondissements de Carouge, de Thonon et de Cluses), et l’arrondissement de Gex, prélevé sur celui de l’Ain, pour former le nouveau département du Léman, dont Genève devient le chef-lieu. En décembre 1813, les défaites françaises provoquent l’abandon de Genève par les autorités françaises. La ville est occupée par les Autrichiens. En juin 1815, la ville de Genève est admise, de même que Neuchâtel et le Valais, comme nouveau canton de la Confédération helvétique. Gengenbach (abbaye, MSE) — L’abbaye de Gengenbach, dans l’Ortenau, est située sur la Kinzig, près d’Offenbourg. Au RE, l’abbaye de Gengenbach est attribuée au margrave de Bade. Gengenbach (ville impériale, MSE) — La ville de Gengenbach, dans l’Ortenau, est située sur la Kinzig. Au RE, elle est attribuée au margrave de Bade.
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Les États disparus Gernrode (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Gernrode est enclavée dans les États de la maison d’Anhalt, à laquelle elle appartient. Au RE, elle est sécularisée au sein de la maison d’Anhalt. Giengen (ville impériale, MSE) — La ville de Giengen est située sur la Brenz, dans le Jura souabe. Au RE, elle est attribuée au Wurtemberg. Gimborn (seigneurie, MSE) — La seigneurie de Gimborn, possession du comte de Wallmoden, est située dans le pays de Berg, à l’est de Cologne. En 1806, elle est médiatisée par le grand-duc de Berg. Gmund (ville impériale, MSE) — La ville de Gmund est située sur la Rems. Au RE, elle est attribuée au Wurtemberg. Goslar (ville impériale, MSE) — Située au nord du Harz, Goslar est une vieille cité minière. Au RE, elle est attribuée à la Prusse. Grisons (république des trois ligues) — Répartis sur le bassin supérieur du Rhin (tributaire de la mer du Nord), sur la haute vallée de l’Inn (tributaire de la mer Noire), sur les vallées montagnardes de la Moesa, de la Maira et du Poschiavino (tributaires de l’Adriatique), partagés entre langues allemande, romanche et italienne, entre religions catholique et protestante, association de trois ligues, les Grisons, en 1789, sont à échelle réduite la réplique de la Confédération helvétique dont ils sont des alliés. La ligue caddée, ou ligue Maison-Dieu, qui date de 1396, rassemble les communautés paysannes de la vallée du Rhin, de la moitié orientale du Rhin supérieur, de l’Engadine et des vallées italiennes de la Maira et du Poschiavino. Sa capitale est Coire. La ligue supérieure, ou ligue grise — d’après la couleur des sarraus de ses paysans —, qui date de 1424, rassemble, autour du prince-abbé de Disentis, les communautés du Rhin antérieur, de la moitié occidentale du Rhin postérieur et de la vallée italienne de la Moesa. Sa capitale est Ilanz. La ligue des dix droitures, ou des dix juridictions, qui date de 1436, rassemble les communautés du Prættigau et de la région de Davos, sa capitale. En 1471, des représentants des trois ligues jurent à Vazerol, au centre des Grisons, une alliance perpétuelle. La « république des trois ligues perpétuelles de la Haute-Rhétie ou des ligues grises » tient régulièrement une diète commune, en alternance à Ilanz, Coire et Davos. En 1512, les trois ligues s’emparent des avoueries italiennes de la Valteline, de Bormio et de Chiavenna, dont elles font des pays sujets qu’elles conserveront jusqu’en 1797, hormis une interruption de 1620 à 1639 pour la Valteline. En 1798, les Grisons, dépossédés par la Cisalpine de leurs sujets italiens, deviennent le canton de Rhétie de la République helvétique, puis en 1803 le canton des Grisons de la nouvelle Confédération. Guastalla (duché) → Italie, France Gutenzell (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Gutenzell, en Souabe, est située sur la Roth, près d’Ochsenhausen. Au RE, l’abbaye de Gutenzell est attribuée au comte de Tœrring. Hambourg (ville impériale, MSE) → Allemagne Hanovre (électorat, MSE, puis royaume) → Allemagne Heggbach (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Heggbach, en Souabe, est située au nord de Biberach. Au RE, l’abbaye de Heggbach est ainsi répartie : – la majeure partie, avec l’abbaye, au comte de Bassenheim ; – les villages de Mietingen et de Suhlningen, au comte de Plattenberg. Heilbronn (ville impériale, MSE) — La ville de Heilbronn est située sur le moyen Neckar. Au RE, elle est attribuée au Wurtemberg. Helvétique (république) → Suisse Herford (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Herford est située dans le comté prussien de Ravensberg. Au RE, l’abbaye est attribuée à la Prusse. Hesse (landgraviats, MSE, puis électorat et grand-duché) → Allemagne
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Hildesheim Hildesheim (évêché, MSE) — L’évêché d’Hildesheim, avec son enclave de Dassel, est peuplé d’environ 70 000 âmes ; il est situé au pied du versant septentrional du Harz, entre les deux territoires du duché de Brunswick. Au RE, l’évêché est attribué au roi de Prusse. Hohenlohe (principauté, MSE) — La principauté de Hohenlohe, répartie en diverses branches (Bartenstein, Schillingsfurst, Neuenstein, etc.), est située sur le cours de la Jagst, affluent du Neckar, avec deux bailliages enclavés en d’autres lieux (Schillingsfurst et Kirchberg). Le prince de Hohenlohe-Bartenstein possède la seigneurie médiate d’Oberbronn en Alsace, attribuée au RE à la France, et pour laquelle il reçoit comme indemnité les bailliages wurtzbourgeois de Haltenbergstetten, Lautenbach, Jaxtberg et Braunsbach. En 1806, la principauté est médiatisée par le Wurtemberg, sauf les enclaves de Schillingsfurst et de Kirchberg, qui vont à la Bavière. Hohenzollern (principautés, MSE) → Allemagne Hollande (royaume) → Pays-Bas Irsee (abbaye, MSE) — L’abbaye d’Irsee, en Souabe, est située sur la Wertach, affluent du Lech, en aval de Kaufbeuren. Au RE, l’abbaye d’Irsee est attribuée à la Bavière. Isembourg (principauté et comtés, MSE) — Les domaines formant le comté du HautIsembourg se répartissent en deux éléments : le comté proprement dit (Birstein, Meerholz, Budingen, Wæchtersbach), entre Nidder et Kinzig, à l’est de Francfort, et la seigneurie d’Offenbach (Offenbach, Neu-Isembourg) au sud-est de cette ville. Les terres sont partagées entre le prince d’Isembourg-Birstein et les trois comtes d’IsembourgBudingen, -Wæchtersbach et -Meerholz. En 1806, la parenté du prince d’Isembourg-Birstein avec Dalberg, prince-primat de la nouvelle Confédération du Rhin et homme lige de Napoléon en Allemagne, lui donne de sauver sa principauté, qui devient membre de la Confédération ; le prince médiatise les terres des trois comtes et sa principauté couvre désormais l’ensemble du domaine d’Isembourg. En 1813, la principauté est saisie par la coalition réunie contre Napoléon et administrée par l’Office d’administration centrale créé par le baron Stein. En 1816, elle est médiatisée par les Hesses : la Hesse-Cassel annexe la moitié du comté de Haut-Isembourg (Birstein, Wæchtersbach et Meerholz) ; la Hesse-Darmstadt annexe l’autre moitié (Budigen) et la seigneurie d’Offenbach. Isny (ville impériale, MSE) — La ville d’Isny est située dans l’Allgau, non loin du lac de Constance. Au RE, elle est attribuée au comte de Quadt. Jever (seigneurie, MSE) → Allemagne (Oldenbourg) Kaiserheim (abbaye, MSE) — L’abbaye de Kaiserheim (ou Kaisheim), en Souabe, est située au nord de Donauworth. Au RE, l’abbaye de Kaiserheim est attribuée à la Bavière. Kaufbeuren (ville impériale, MSE) — La ville de Kaufbeuren est située sur la Wertach, dans la haute Bavière. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Kaunitz-Rietberg (prince, MSE) — Le prince de Kaunitz, l’illustre ancien chancelier de Marie-Thérèse d’Autriche, possède la petite seigneurie de Rietberg, en Westphalie, aux sources de l’Ems. En 1807, la seigneurie de Rietberg est médiatisée par le royaume de Westphalie. Kempten (abbaye, MSE) — L’abbaye d’hommes de Kempten, en Souabe, couvre un territoire d’importance notable, qui s’étend d’un seul tenant sur le haut bassin de l’Iller, lequel baigne la ville abbatiale. Au RE, l’abbaye de Kempten est attribuée à la Bavière. Kempten (ville impériale, MSE) — La ville de Kempten est située sur l’Iller, en Souabe. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Kniphausen (seigneurie, MSE) → Allemagne (Oldenbourg) Kœnigsegg (comtés, MSE) — Les comtes de Kœnigsegg possèdent deux comtés en Souabe : Aulendorf sur la Schussen, et Rothenfels sur l’Iller. Rothenfels est vendu en 1804 à l’Autriche, Aulendorf est médiatisé en 1806 par le Wurtemberg. Kroutchevo (république) → Macédoine La Leyen (comté, MSE, puis principauté) — Le comte de La Leyen possède deux terres souveraines : la seigneurie de Bliescastel dans le Palatinat, près de Deux-Ponts, et le comté de Hohengeroldseck dans l’Ortenau, sur la Kinzig. Au RE, il perd la seigneurie de Bliescastel, attribuée à la France, contre une indemnité financière.
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Les États disparus En 1806, la parenté du comte avec Dalberg, prince-primat de la nouvelle Confédération du Rhin et homme lige de Napoléon en Allemagne, lui donne de sauver son État subsistant (Hohengeroldseck), élevé au rang de principauté membre de la Confédération. En 1813, la principauté est saisie par la coalition réunie contre Napoléon et administrée par l’Office d’administration centrale créé par le baron Stein. En 1814, elle est provisoirement attribuée à l’Autriche, qui la cède en 1819 au grand-duché de Bade. La Tour-et-Taxis (principauté, MSE) → Allemagne Lémanique (république) → Suisse Leutkirchen (ville impériale, MSE) — La ville de Leutkirchen (ou Leutkirch) est située près de l’Iller, en Souabe. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Leutkircher Heide (ligue de villages impériaux, MSE) — La ligue de la Leutkircher Heide regroupe 39 villages impériaux, en Souabe, sous la direction d’un bailli impérial résidant à Gebratzhoffen. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Liège (évêché, MSE) → Belgique Ligne (comté, MSE) — Le prince de Ligne, célèbre homme de guerre et homme de lettres, possède la seigneurie de Fagnolles, près de Philippeville, érigée en comté souverain de Ligne en 1770. Au RE, son comté étant annexé par la France, il en est indemnisé par l’abbaye de femmes d’Edelstetten, en Souabe, dans le Burgau, et la vend sur-le-champ au prince Esterhazy. Ligurienne (république) → Italie (Gênes) Limbourg-Styrum (comte, MSE) — Le comte de Limbourg-Styrum, modeste descendant des comtes de Limbourg, possède le comté du même nom dans le pays de Berg, ainsi que la seigneurie immédiate d’Oberstein, dans l’Eifel, et divers domaines médiats aux Pays-Bas. Au RE, la seigneurie d’Oberstein est attribuée à la France, et le comte en est indemnisé par une rente annuelle. En 1808, le comté de Limbourg-Styrum est médiatisé par le grand-duc de Berg. Limpourg (comté, MSE) — Le comte Puckler possède le comté de Limpourg (capitale Gaildorf), sur la Kocher, en Souabe. En 1806, le comté est médiatisé par le Wurtemberg. Linange ou Leiningen (principauté, MSE) — La principauté de Linange est située à l’ouest de Mannheim, dans le Palatinat de rive gauche du Rhin. Le prince de Linange en possède la moitié avec Durkheim, sa résidence, et possède aussi les seigneuries alsaciennes médiates de Dachsbourg (Dabo) et de Weihersheim ; l’autre moitié de Linange est partagée entre le comte de Linange-Westerbourg — qui y possède Grunstædt et possède aussi le comté de Westerbourg, dans le bassin de la haute Lahn —, et les comtes de Linange-Guntersblum et de Linange-Heidersheim. Au RE, la principauté est attribuée à la France. Le prince en est indemnisé par la constitution à son profit d’une nouvelle principauté de Linange, capitale Walldurn, sise entre Main, Tauber et Neckar, composée : – des anciens bailliages mayençais de Miltenberg, d’Amorbach et de Bischoffsheim-surla-Tauber, qui formaient la moitié méridionale, au sud du Main, de la principauté d’Aschaffenbourg ; – des anciens bailliages wurtzbourgeois de Grunsfeld, Lauda, Hartheim et Rittberg ; – des anciens bailliages palatins de Boxberg et Mosbach ; – des abbayes médiates d’Amorbach et de Gerlachsheim. Le comte de Linange-Westerbourg est indemnisé de sa perte par les anciens bailliages mayençais de Billigheim et de Neidenau. Les autres comtes sont indemnisés de leur perte par des rentes. En 1806, la principauté de Linange et les seigneuries de Billigheim et de Neidenau sont médiatisées par le grand-duc de Bade. Lindau (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Lindau, en Souabe, sans juridiction territoriale, est située dans l’île-cité du même nom (ville libre) sur le lac de Constance. Au RE, l’abbaye de Lindau est attribuée au prince de Bretzenheim. Lindau (ville impériale, MSE) — La ville de Lindau est située dans une île du bord du lac de Constance. Au RE, elle est attribuée au prince de Bretzenheim. Lippe (principauté et comté, MSE) → Allemagne
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Lobkowitz Lobkowitz (prince, MSE) — Le prince de Lobkowitz possède le comté de Sternstein (Neustadt-sur-la-Waldnaab), dans le haut Palatinat, au nord de Wieden. En 1806, le comté est médiatisé par la Bavière. Lœwenstein-Wertheim (prince et comte, MSE) — Le prince de Lœwenstein-Wertheim et le comte du même nom possèdent en commun le comté de Lœwenstein, terre médiate du Wurtemberg située près de Heilbronn, et le comté de Wertheim, terre immédiate sur le cours moyen du Main ; le prince possède en outre le comté de Putlange (Puttlingen), terre médiate sise entre Sarrelouis et Sarrebruck, et la seigneurie immédiate de Scharfeneck, près de Landau ; le comte possède en outre le comté immédiat de Virnebourg, dans l’Eifel à l’ouest de Coblence. Au RE, Putlange, Scharfeneck et Virnebourg sont attribués à la France. Le prince est indemnisé par les bailliages anciennement wurtzbourgeois de Rothenfels et de Hombourg, le comte par le bailliage anciennement wurtzbourgeois de Freudenberg. En 1806, le comté de Wertheim est médiatisé, la majeure partie passant au grand-duc de Bade, sauf la part de rive droite du Main laissée à l’archevêque de Mayence, et les seigneuries de Heubach, Brauberg et Habitzheim, qui vont à la Hesse-Darmstadt. Lombard-Vénitien (royaume) → Italie, Autriche Looz-Coswarem (duc, MSE) — Le duc de Looz-Coswarem possède des domaines dans les Pays-Bas autrichiens, parmi lesquels le comté de Nyel, à l’immédiateté douteuse. Au RE, il est néanmoins indemnisé de ses pertes par les bailliages de Rheina et de Wolbeck, provenant de l’évêché de Munster, qu’il érige en principauté de Rheina-Wolbeck. En 1806, sa principauté est médiatisée par le grand-duc de Berg. Lubeck (évêché, MSE) — L’évêché de Lubeck, peuplé d’environ 20 000 habitants, est composé de deux territoires enclavés dans le Holstein, celui d’Eutin, ville-résidence de l’évêque, et celui de Ratekau, proche du cours de la Trave. L’évêque de Lubeck est de religion évangélique. Depuis 1773, l’évêque de Lubeck, de la maison de Gottorp-Eutin, est aussi duc d’Oldenbourg à titre héréditaire. Au RE, l’évêché de Lubeck est ainsi réparti : – la majeure partie au duc d’Oldenbourg (qui est l’évêque lui-même) ; – le territoire compris entre Trave, Baltique et lac de Minnelsdorf, à la ville de Lubeck. Lubeck (ville impériale, MSE) → Allemagne Lucques (république, puis duché) → Italie Lucques et Piombino (principauté) → Italie Maïnotes (république) → Grèce Massa et Carrare (duché) → Italie Mayence (archevêché électoral, MSE) → Allemagne Mayence (république) → Allemagne (Mayence), France Mecklembourg (duchés, MSE, puis grands-duchés) → Allemagne Memel (territoire libre) → Lituanie Memmingen (ville impériale, MSE) — La ville de Memmingen est située près de l’Iller, en Souabe. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Menton (ville libre) → Monaco Metternich (comte, MSE) — Le comte de Metternich — en 1789, le père du futur chancelier d’Autriche — possède, enclavées dans l’électorat de Trèves, les seigneuries immédiates de Winnebourg et de Beilstein. Au RE, ses seigneuries sont attribuées à la France et il reçoit en indemnité la majeure partie de l’abbaye d’Ochsenhausen, en Souabe, hormis son bailliage de Tannheim. Ochsenhausen est en 1806 annexée par le Wurtemberg. Modène (duché) → Italie Moldavie (principauté) → Roumanie Mont-Athos (république) → Grèce Mulhausen (ville impériale, MSE) — Mulhausen est située sur l’Unstrut, en Thuringe. Au RE, elle est attribuée à la Prusse.
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Les États disparus Mulhouse (république) — La république de Mulhouse, sur l’Ill en Alsace, d’abord ville impériale, s’allie au XVe siècle aux cantons suisses et fait reconnaître son indépendance en 1468 par les Habsbourg, avant de passer à la Réforme. En 1789, elle est un des États alliés de la Confédération helvétique. Depuis le milieu du XVIIIe siècle, elle est un grand centre d’industrie textile (coton, laine), dont les toiles peintes (les « indiennes ») sont très réputées. En 1798, à la suite d’un long blocus douanier, elle se réunit à la France. Munster (évêché, MSE) — L’évêché de Munster, comptant de l’ordre de 350 000 habitants, est le plus vaste des États ecclésiastiques du Saint Empire. Il couvre d’un seul tenant le bassin presque entier de l’Ems et se répartit en deux moitiés, l’évêché supérieur (au sud) autour de la ville de Munster, l’évêché inférieur (au nord) autour des villes de Meppen et de Clappenbourg, ces deux moitiés étant reliées entre elles par une mince bande de territoire le long de l’Ems ; s’y ajoute un petit territoire, celui de Twistingen, enclavé dans le comté hanovrien de Hoya. Au RE, l’évêché de Munster est ainsi réparti : – la ville de Munster et la partie de l’évêché située à droite d’une ligne Olphen-Seperad Kakelsbesch-Heddinschel-Ghischink-Notteln-Hulschofen-Nannhold-Nienborg-UltenbrockGrimmel-Schœnfeld-Greven-cours de l’Ems jusqu’au confluent avec l’Hopsterna, à la Prusse ; – les bailliages de Vechte et de Kloppenbourg, au duc d’Oldenbourg ; – le bailliage de Meppen, au duc d’Arenberg ; – le reste du bailliage de Dulmen, au duc de Croy ; – les restes des bailliages de Bevergeren (ou Rheina) et de Wolbeck, au duc de LoozCoswaren ; – les bailliages de Bocholt et d’Ahaus, aux 2/3 pour Salm-Salm et au 1/3 pour Salm-Kyrbourg, à répartir ultérieurement ; – le reste du bailliage de Hortsmar, au rhingrave de Salm. Naples (royaume) → Italie Napolitaine (république) → Italie Nassau (principautés, MSE, puis duché) → Allemagne Neresheim (abbaye, MSE) — L’abbaye de Neresheim, en Souabe, est située au sud de la prévôté d’Ellwangen. Au RE, l’abbaye de Neresheim est attribuée au prince de La Tour-et-Taxis. Nesselrode (comte, MSE) — Le comte de Nesselrode possède la seigneurie de Reichenstein, enclavée dans le comté de Wied-Runkel (rive droite du Rhin), ainsi que les seigneuries de Burgfrey et Mechernich, dans le Juliers. Au RE, ces deux seigneuries sont attribuées à la France et le comte en est indemnisé par une rente annuelle. En 1806, Reichenstein est médiatisée par le duc de Nassau-Usingen. Neuchâtel (principauté) — La principauté de Neuchâtel est, en 1789, un petit État de 800 km2 et 40 000 habitants s’étendant sur le versant oriental du Jura, de la rive occidentale du lac du même nom à la crête des montagnes. Il s’agit d’un pays d’agriculture médiocre, couvert de prés et de forêts, subissant un climat rigoureux. Mais l’artisanat y est très développé, notamment l’industrie horlogère dont il est, avec Genève, l’un des principaux foyers. La principauté se divise en deux parties attenantes : la souveraineté de Neuchâtel (Neuchâtel, Landeron, Bouchy, Val-de-Travers) et le comté de Vallangin (Vallangin, Val-de-Ruz, Le Locle, La Chaux-de-Fonds). Possession jusqu’en 1395 de la maison comtale de Neuchâtel, elle est disputée ensuite entre divers prétendants, échoit aux margraves de Bade-Hochberg jusqu’en 1504, puis est transmise par mariage à la maison d’Orléans-Longueville jusqu’à son extinction en 1707. Par crainte de son puissant voisin, le roi Louis XIV, qui veut faire élire son candidat, le prince de Conti, la principauté se donne alors au roi de Prusse, vague héritier des droits anciens de la maison d’Orange-Nassau, mais qui présente l’avantage d’être un correligionnaire (Neuchâtel est protestante) et un souverain fort éloigné ; toutefois, comme la Prusse proprement dite, la principauté de Neuchâtel reste en dehors du Saint Empire. En revanche, elle est depuis la fin du XIVe siècle un État allié de la Confédération helvétique.
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Niedermunster En 1798, la principauté est laissée en dehors de la République helvétique et devient donc un pays indépendant de la Suisse. En décembre 1805, après la victoire d’Austerlitz, la Prusse se voit contrainte, moyennant l’acquisition du Hanovre, de céder à l’empereur Napoléon la principauté de Neuchâtel, le duché de Clèves et le margraviat d’Anspach, à charge pour lui de les attribuer aux princes de son choix. Le 1er avril 1806, Napoléon donne la principauté de Neuchâtel en apanage au maréchal Berthier. Quoique prince souverain, ce dernier ne s’y rendra jamais, se contentant de la faire administrer par un intendant, le baron de Lespérut. En décembre 1813, à la suite des défaites françaises, le baron de Lespérut et les Français abandonnent la principauté de Neuchâtel, qui est rendue à la Prusse par les coalisés. En 1815, la principauté de Neuchâtel est admise comme nouveau canton de la Confédération helvétique. Toutefois, elle conserve comme prince le roi de Prusse (union personnelle), situation ambiguë — source de complications ultérieures. Le 1er mars 1848, réagissant aux événements de France et soutenus par les radicaux suisses, les partisans républicains de Neuchâtel proclament la rupture des liens de Neuchâtel avec le roi de Prusse et l’instauration de la république. Ce changement, accueilli favorablement par la Suisse, est rejeté par le roi de Prusse. En septembre 1856, les partisans monarchistes de Neuchâtel tentent un coup de force contre le régime républicain en s’emparant de la ville du Locle et du château de Neuchâtel. Ils sont bientôt faits prisonniers. Au début de 1857, le roi de Prusse menaçant de reprendre par la force sa principauté, la Suisse mobilise ses troupes. Une médiation a lieu, à l’initiative de Napoléon III, qui aboutit au traité de Paris (26 mai 1857) par lequel, en échange de la libération des prisonniers et de la fin du bannissement des monarchistes exilés, le roi de Prusse renonce à sa souveraineté sur Neuchâtel, qui devient ainsi définitivement une république au même titre que les 21 autres cantons suisses. Niedermunster (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Niedermunster est située à Ratisbonne et sans pouvoir territorial. Au RE, l’abbaye est attribuée à l’archevêque-électeur de Mayence. Nœrdlingen (ville impériale, MSE) — La ville de Nœrdlingen est située sur l’Eger, dans la plaine du Ries. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Nordhausen (ville impériale, MSE) — La ville de Nordhausen est située au sud du Harz. Au RE, elle est attribuée à la Prusse.
Nuremberg (ville impériale, MSE) — La ville de Nuremberg, sur la Pegnitz, est depuis le Moyen Âge une cité florissante d’art, d’artisanat et de commerce. Annexée une première fois par la Prusse en 1801, elle redevient ville libre au RE, mais elle est annexée en 1806 par la Bavière. Obermarchtal (abbaye, MSE) — L’abbaye d’Obermarchtal (ou Marchtal), en Souabe, s’étend du lac Feder au Danube, en amont d’Elchingen. Au RE, l’abbaye d’Obermarchtal est attribuée au prince de La Tour-et-Taxis. Obermunster (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes d’Obermunster est située à Ratisbonne et sans pouvoir territorial. Au RE, l’abbaye est attribuée à l’archevêque-électeur de Mayence. Ochsenhausen (abbaye, MSE) — L’abbaye d’Ochsenhausen, sur la Rottern en Souabe, est située à mi-chemin entre Biberach et Memmingen. Au RE, l’abbaye est ainsi répartie : – la majeure partie (cinq bailliages) avec l’abbaye, au comte de Metternich ; – le bailliage de Tannheim, au comte de Schæsberg. Odenheim et chapitre de Bruchsal — La prévôté d’Odenheim et le chapitre de Bruchsal, sans souveraineté territoriale, sont situés en Rhénanie ; leur titulaire — en fait l’évêque de Spire — est néanmoins prince souverain. Au RE, ils sont attribués au margrave de Bade. Œttingen (principautés, MSE) — Les principautés d’Œttingen-Spielberg et d’ŒttingenWallerstein sont situées dans le haut Palatinat. Le prince d’Œttingen-Wallerstein, reconnu héritier de la branche d’Œttingen-Baldern éteinte en 1799, possède également depuis lors la seigneurie de Dachstuhl, dans le Palatinat de rive gauche du Rhin. Au RE, il perd cette seigneurie, attribuée à la France, et reçoit en indemnité diverses abbayes médiates en Souabe. En 1806, les deux principautés sont médiatisées par la Bavière.
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Les États disparus Offenbourg (ville impériale, MSE) — La ville d’Offenbourg est située sur la Kinzig, en Ortenau dont elle est le centre. Au RE, elle est attribuée au margrave de Bade. Oldenbourg (duché, MSE, puis grand-duché) → Allemagne Ortenbourg (comté, MSE) — Le comté d’Ortenbourg est enclavé en Basse-Bavière, non loin de Passau. En 1805, le comte cède sa terre immédiate à la Bavière, contre un fief bavarois. Osnabruck (évêché, MSE) — L’évêché d’Osnabruck, peuplé d’environ 120 000 habitants, couvre le haut bassin de la Hase (affluent de l’Ems), laquelle baigne la ville d’Osnabruck. Cet évêché a la particularité d’avoir alternativement pour titulaire un évêque catholique et un évêque luthérien. Au RE, il est attribué au roi d’Angleterre, électeur de Hanovre. Ostein (comte, MSE) — Le comte d’Ostein possède la seigneurie de Mylendonk, entre Juliers et électorat de Cologne. Au RE, la seigneurie est attribuée à la France et le comte en est indemnisé par l’abbaye médiate de Buxheim, en Souabe, érigée en seigneurie immédiate. En 1806, Buxheim est médiatisée par la Bavière. Ottobeuren (abbaye, MSE) — L’abbaye d’Ottobeuren, en Souabe, est située près de Memmingen. Au RE, l’abbaye d’Ottobeuren est attribuée à la Bavière. Paderborn (évêché, MSE) — L’évêché de Paderborn, comptant de l’ordre de 60 000 habitants, est situé aux sources de la Lippe. Au RE, l’évêché est attribué au roi de Prusse. Pappenheim (comté, MSE) — Le comté de Pappenheim, possession des comtes de ce nom, est situé sur l’Altmuhl, en amont d’Eichstædt. En 1806, le comté est médiatisé par la Bavière. Parme (duché) → Italie Parthénopéenne (république) → Italie Passau (évêché, MSE) — L’évêché de Passau, comptant de l’ordre de 60 000 habitants, est constitué d’un territoire cohérent situé autour de la ville de Passau, sur le Danube, et couvrant le bassin de l’Iltz, sur rive gauche de ce fleuve. Au RE, l’évêché de Passau est ainsi réparti : – la ville et le territoire en deçà des confluents de l’Inn et de l’Iltz, à la Bavière ; – le territoire au-delà de ces confluents, au grand-duc de Toscane, électeur de Salzbourg. Pays-Bas Unis (royaume) → Pays-Bas, Belgique Petershausen (abbaye, MSE) — L’abbaye de Petershausen, en Souabe, est située sur la rive droite du Rhin, face à la ville de Constance. Au RE, l’abbaye est attribuée au margrave de Bade. Pfullendorf (ville impériale, MSE) — La ville de Pfullendorf est située au sud de Sigmaringen, en Souabe. Au RE, elle est attribuée au margrave de Bade. Piombino (principauté) → Italie Plettenberg (comte, MSE) — Le comte de Plettenberg possède les seigneuries de Witten et d’Eyss, dans le Limbourg. Au RE, les seigneuries sont attribuées à la France et le comte en est indemnisé par les villages de Mietingen et de Suhlningen, détachés de l’abbaye de Heggbach, en Souabe, et érigés en seigneuries. En 1806, elles sont médiatisées par le Wurtemberg. Polizza (république) — En 1789, la petite république slave de Polizza se trouve située dans les hauteurs du mont Mossor, lequel domine le littoral dalmate à la hauteur d’Almissa ; la république est comprise dans l’angle que forme la rivière Cetina. Souvent qualifiée de « Saint-Marin slave », la république de Polizza, capitale Gata, quoique enclavée dans la province vénitienne de Dalmatie, est autonome vis-à-vis de Venise, se contentant de lui verser tribut depuis 1647. Il s’agit d’une république aristocratique dirigée par un comte-grand élu pour un an par l’assemblée des nobles ; elle est divisée en douze villages (comtés) dirigés chacun par un comte-petit. La république compte de l’ordre de 5 000 Polizzains. En juin 1807, soutenus par un détachement russo-monténégrin arrivé par mer, les Polizzains se soulèvent contre l’Italie. Le territoire de la république est occupé par les troupes françaises présentes en Dalmatie. Le 18 juin, le provéditeur général de Dalmatie Dandolo décrète l’abolition des privilèges de la république de Polizza, dès lors annexée à la Dalmatie italienne.
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Ponte-Corvo Ponte-Corvo (principauté) — Le petit territoire de Ponte-Corvo constitue depuis le siècle une enclave pontificale dans le royaume de Naples ; administrativement rattaché à la Campagne de Rome, Ponte-Corvo est enclavé dans l’intendance napolitaine de Terre de Labour. XVIe
En juin 1806, en riposte aux prétentions du pape Pie VII, qui refuse de reconnaître son frère Joseph comme roi de Naples s’il ne se reconnaît pas vassal de la papauté, Napoléon, qui est en train d’anoblir ses dignitaires, détache des États de l’Église l’enclave de Ponte-Corvo (comme celle de Bénévent), et l’érige en principauté souveraine en faveur de Bernadotte. En août 1810, Bernadotte, qui devient prince royal de Suède, renonce à sa principauté de Ponte-Corvo, que Napoléon attribue au prince Lucien Murat, deuxième fils du roi de Naples. En juin 1814, profitant de la défaite de Napoléon qui l’émancipe dans la conduite des affaires de son royaume, Murat s’empare de Ponte-Corvo et l’annexe au royaume de Naples. En juin 1815, Ponte-Corvo est restitué au Saint-Siège. Principautés-Unies de Moldavie et de Valachie (principautés) → Roumanie Provinces-Unies (république) → Pays-Bas Prum (abbaye, MSE) — L’abbaye de Prum est située dans le massif de l’Eifel, à l’ouest de Gerolstein ; l’abbé de Prum est en fait l’archevêque-électeur de Trèves (union personnelle depuis 1576). Au RE, l’abbaye de Prum est attribuée à la France. Prusse (royaume, MSE) → Allemagne Quadt (comte, MSE) — Le comte de Quadt possède les seigneuries de Wickeradt et de Schwanenberg, situées entre Juliers et électorat de Cologne, sur rive gauche du Rhin. Au RE, ces seigneuries sont attribuées à la France. Il reçoit en indemnité la ville d’Isny et l’abbaye Saint-Georges, située dans cette ville, lesquelles sont médiatisées en 1806 par le Wurtemberg. Quarnero (régence italienne) → États disparus (Fiume) Quedlinbourg (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Quedlinbourg est située au pied du Harz, sur la Bode, affluent de la Saale. Au RE, l’abbaye est attribuée à la Prusse. Raguse (république) — L’antique république de Raguse (Dubrovnik en slave), parfois qualifiée de « Venise slave », est une république maritime indépendante de Venise depuis 1358, tributaire de la Porte depuis 1458, trait d’union entre l’Italie, les Balkans slaves et l’Empire ottoman. Bastion du catholicisme, cette république aristocratique emprunte à Venise ses institutions politiques (un Sénat, un Conseil des Dix, un recteur élu chaque mois), à Florence ses influences culturelles (usage du latin et de l’italien, beaux-arts), tout en demeurant authentiquement slave par le peuplement et en constituant le berceau de la littérature slave illyrienne. Sa ligne politique se résume à ne mécontenter personne (distribution de cadeaux à tous ses voisins) pour sauvegarder son indépendance et maintenir l’activité de son port. La république étire son territoire le long du littoral dalmate, entre les bouches de la Narenta (exclues) appartenant à la Dalmatie vénitienne et celles de Cattaro (exclues) appartenant à l’Albanie vénitienne. Le territoire ragusain englobe la presqu’île de Sabioncello et les îles de Lagosta et de Meleda. Par peur des convoitises vénitiennes, Raguse a cédé en 1718 à la Turquie (paix de Passarowitz) deux bandes de territoire le long des vallées de la Klek (entre Raguse et la Dalmatie) et de la Sutorina (entre Raguse et les bouches de Cattaro), qui isolent Raguse de sa puissante voisine et constituent deux « fenêtres » turques rattachées à l’Herzégovine. En 1789, le territoire ragusain couvre environ 1 000 km2 pour une population de l’ordre de 30 000 habitants. En mai 1806, la république de Raguse est occupée par les troupes françaises de Dalmatie en route vers Cattaro, et un commissaire impérial est dépêché à Raguse afin de surveiller le gouvernement de la République. Le général Marmont, gouverneur militaire de la Dalmatie, décrète le 30 janvier 1808 que la république de Raguse a cessé d’exister. En mars 1808, elle est rattachée au royaume d’Italie, en 1809 aux Provinces Illyriennes de l’Empire français, en 1815 à la Dalmatie autrichienne.
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Les États disparus Ratisbonne (évêché, MSE) — L’évêché de Ratisbonne, qui regroupe de l’ordre de 9 000 habitants, est composé de 3 petits territoires situés sur rive gauche du Danube, face à la ville de Ratisbonne (elle-même exclue de l’évêché) : la seigneurie de Donaustauf (résidence de l’évêque) et celle de Worth, riveraines du fleuve, la seigneurie de Hohenbourg, située plus loin entre Palatinat supérieur et principauté de Palatinat-Neubourg. Au RE, l’évêché est ainsi réparti : – la seigneurie de Donaustauf est attribuée à l’archevêque-électeur de Mayence ; elle est réunie à la ville de Ratisbonne pour former la principauté de Ratisbonne ; – les seigneuries de Worth et de Hohenbourg sont attribuées à la Bavière. Ratisbonne (ville impériale, MSE) — La ville de Ratisbonne, sur le Danube, est le siège de la diète « perpétuelle » (permanente) du Saint Empire. Au RE, elle est attribuée à l’archevêque-électeur de Mayence. Rauracienne (république) → États disparus (Bâle) Ravensbourg (ville impériale, MSE) — La ville de Ravensbourg est située sur la Schussen, non loin du lac de Constance. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Rechtern-Limpourg (comte, MSE) — Le comte de Rechtern-Limpourg possède la seigneurie de Speckfeld, en Franconie. En 1806, la seigneurie est médiatisée par la Bavière. Reipoltskirchen (seigneurie, MSE) — La seigneurie de Reipoltskirchen, dans le Hundsruck au nord de Kaiserslautern, est une copossession de la comtesse de Hillesheim et de la comtesse de Parkstein-Isembourg, fille naturelle de l’électeur palatin Charles-Théodore. Au RE, la seigneurie est attribuée à la France et les comtesses en sont indemnisées par des rentes annuelles. Reuss (principauté et comtés, MSE) → Allemagne (Thuringe) Reutlingen (ville impériale, MSE) — La ville de Reutlingen est située non loin du haut Neckar, dans le Jura souabe. Au RE, elle est attribuée au Wurtemberg. Rhodanique (république) → Suisse Riedesel (baron, MSE) — Le baron de Riedesel possède les seigneuries de Lauterbach, Stockhausen, Moos et Freinsteinau, en haute Hesse. En 1806, ces seigneuries sont médiatisées par la Hesse-Darmstadt. Rieneck (comté, MSE) — Le petit comté de Rieneck, sur rive droite du Main moyen, appartient à la maison de Nostitz. En 1806, il est médiatisé par l’archevêque de Mayence. Roggenbourg (abbaye, MSE) — L’abbaye de Roggenbourg, en Souabe, est située à l’ouest de Krumbach, son territoire chevauchant la Biber et la Gunz, affluents du Danube. Au RE, l’abbaye de Roggenbourg est attribuée à la Bavière. Romaine (république) → Vatican Roquebrune (ville libre) → Monaco Roth (abbaye, MSE) — L’abbaye de Roth, en Souabe, est située sur la Roth, à l’ouest de Memmingen. Au RE, l’abbaye de Roth est attribuée au comte de Wartemberg. Rothenbourg-sur-la-Tauber (ville impériale, MSE) — La ville de Rothenbourg, en basse Franconie, est située sur la Tauber. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Rottenmunster (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Rottenmunster, en Souabe, est située sur le Neckar, au sud de Rottweil. Au RE, l’abbaye de Rottenmunster est attribuée au duc de Wurtemberg. Rottweil (ville impériale, MSE) — La ville de Rottweil est située sur le haut Neckar. Au RE, elle est attribuée au Wurtemberg. Saint-Blaise (abbaye, MSE) — L’abbaye d’hommes de Saint-Blaise, située dans le Brisgau sur l’Alb, affluent de rive droite du Rhin, n’est pas immédiate, mais son abbé est souverain du comté de Bonndorf, vaste territoire triangulaire s’étendant plus à l’est entre le landgraviat de Baar (aux Furstenberg), celui de Stuhlingen (aussi aux Furstenberg) et le canton suisse de Schaffhouse. Au RE, l’abbaye et le comté de Bonndorf sont attribués à l’ordre de Malte. Saint-Emmeran (abbaye, MSE) — L’abbaye de Saint-Emmeran est située à Ratisbonne et sans pouvoir territorial. Au RE, l’abbaye est attribuée à l’archevêque-électeur de Mayence.
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Saint-Gall Saint-Gall (abbaye) — L’abbaye de Saint-Gall, en Suisse, est en 1789 un État associé à la Confédération helvétique. Située non loin du lac de Constance, elle est divisée en deux parties : le pays Maison Dieu (vieux pays) et le comté de Toggenbourg. L’abbé est un ancien prince du Saint Empire, dont il porte encore le titre ; il possède aussi quelques seigneuries médiates dans l’Empire, en Allgau (en particulier l’abbaye de Neu-Ravensbourg) et dans le Brisgau. L’abbaye de Saint-Gall est englobée en 1798 dans la République helvétique. Saint-Gall (ville libre) — La ville de Saint-Gall, sur la Steinach en Suisse, est en 1789 un État associé à la Confédération helvétique. Elle s’est libérée au XVIIe siècle de la tutelle de l’abbé de Saint-Gall. En 1798, elle est englobée dans la République helvétique. Saint-Georges d’Isny (abbaye, MSE) — L’abbaye de Saint-Georges, en Souabe, est située à Isny (ville libre), sans pouvoir territorial. Au RE, l’abbaye est attribuée au comte de Quadt. Saint-Ulrich et Saint-Afra (abbaye, MSE) — L’abbaye de Saint-Ulrich et Saint-Afra, en Souabe, est située dans la ville d’Augsbourg. Au RE, l’abbaye est attribuée à la Bavière. Salm (principautés et comtés, wild- et rhingraviat, MSE) → Allemagne Salmansweiler ou Salem (abbaye, MSE) — L’abbaye de Salmansweiler, en Souabe, près du lac de Constance, est située entre la ville libre d’Uberlingen, le territoire épiscopal de Meersbourg et le comté de Heiligenberg (aux Furstenberg) ; elle possède des dépendances : le bailliage d’Ostrach (au nord du comté d’Heiligenberg), le territoire de Stetten (sur le Danube en amont de Sigmaringen) et celui de Schemmerberg (sur la Riss en aval de Biberach). Au RE, l’abbaye de Salmansweiler (ou Salem) est ainsi répartie : – le territoire de Salmansweiler proprement dit, au margrave de Bade ; – le bailliage d’Ostrach et la seigneurie de Schemmerberg, au prince de La Tour-et-Taxis ; – le couvent de Stetten, au prince de Hohenzollern-Hechingen. Salzbourg (archevêché, MSE) → Allemagne Samos (principauté) → Grèce Sardaigne (royaume) → Italie Saxe (duché électoral, MSE, puis royaume) → Allemagne Saxe [Weimar, Cobourg, Gotha, etc.] (duchés, MSE) → Allemagne (Thuringe) Sayn-Altenkirchen (comté, MSE) → Allemagne (Bayreuth et Anspach) Sayn-Hachenbourg (comté, MSE) — Le comté de Sayn-Hachenbourg, situé dans la vallée de la Sieg, entre Berg et Nassau, est issu de la division en 1636 de l’ancien comté de Sayn, partagé entre Altenkirchen, qui échoit peu après au margrave d’Anspach, et Hachenbourg, qui finit par échoir par mariage aux burgraves de Kirchberg. En 1799, à la mort sans descendance du dernier burgrave, le comté de Sayn-Hachenbourg passe au prince de Nassau-Weilbourg, mari de la sœur du défunt. Sayn-Wittgenstein (prince, MSE) — Le prince de Sayn-Wittgenstein possède le comté de Wittgenstein et Berlebourg, aux sources de la Lahn en haute Hesse, ainsi que la seigneurie de Hombourg, dans le pays de Berg. En 1806, le comté est médiatisé par la HesseDarmstadt, tandis que la seigneurie de Hombourg l’est par le grand-duc de Berg. Schæsberg (comte, MSE) — Le comte de Schæsberg possède les seigneuries de Kerpen et de Lommersum, dans le Juliers. Au RE, les seigneuries sont attribuées à la France et le comte en est indemnisé par le bailliage de Tannheim — hormis le village de Winterrieden —, détaché de l’abbaye d’Ochsenhausen, en Souabe, et érigé en seigneurie. En 1806, Tannheim est médiatisé par le Wurtemberg. Schœnborn (comte, MSE) — Le comte de Schœnborn possède la seigneurie de Wiesentheid, dans le haut Palatinat, près de Schwarzenberg. En 1806, elle est médiatisée par la Bavière. Schœnbourg (princes et comtes, MSE) — Les princes et comtes de Schœnbourg possèdent — sous suzeraineté de l’électeur de Saxe — le comté de Waldenbourg et les seigneuries de Glauchau et de Hartenstein, sur le cours supérieur de la Mulde, au nord de Zwickau, en Haute-Saxe. En 1806, leurs possessions sont médiatisées par le roi de Saxe. Schœnthal (abbaye, MSE) — L’abbaye de Schœnthal, en Souabe, est située dans le pays de Hohenlohe, sur la Jagst. Au RE, l’abbaye de Schœnthal est attribuée au duc de Wurtemberg.
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Les États disparus Schussenried (abbaye, MSE) — L’abbaye de Schussenried, en Souabe, est située aux sources de la Schussen, au sud de Biberach et près du lac Feder. Au RE, l’abbaye de Schussenried est attribuée au comte de Sternberg. Schwæbisch Hall (ville impériale, MSE) — La ville de Hall est située sur la Kocher. Au RE, elle est attribuée au Wurtemberg. Schwarzbourg (principautés, MSE) → Allemagne (Thuringe) Schwarzenberg (principauté, MSE) — La principauté de Schwarzenberg se compose de deux éléments : le comté de Schwarzenberg, dans le haut Palatinat, et le landgraviat de Klettgau, sur le Rhin supérieur avoisinant Schaffhouse. En juillet 1806, les États du prince sont médiatisés : Schwarzenberg par la Bavière, le Klettgau par le grand-duché de Bade. Schweinfurt (ville impériale, MSE) — La ville de Schweinfurt, en basse Franconie, est située sur la rive droite du Main. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Sept-Îles Unies (république) → Grèce Serbes, Croates, Slovènes (royaume) → Serbie Serbie-et-Monténégro (république) → Serbie Sinzendorf (comte, MSE) — Le comte de Sinzendorf, grand écuyer tranchant d’Autriche, possède le burgraviat de Rheineck, sur le Rhin près d’Andernach. Au RE, le burgraviat est attribué à la France et le comte en est indemnisé par le village de Winterrieden, détaché du bailliage de Tannheim (lui-même détaché de l’abbaye d’Ochsenhausen), en Souabe, et érigé en 1805 en burgraviat. En 1806, Winterrieden est médiatisé par la Bavière. Sœflingen (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Sœflingen, en Souabe, est située sur le Danube, attenante à Ulm. Au RE, l’abbaye de Sœflingen est attribuée à la Bavière. Solms (principauté, MSE) — La principauté de Solms, répartie entre quatre branches princières ou comtales de la maison de Solms (Brauenfels, Hohensolms, Rœdelheim, Laubach), s’étend sur le cours de la Lahn en deux parties (Brauenfels, Hohensolms, Greifenstein à l’ouest de Giessen, Hungen, Gruningen, Lich, Laubach à l’est). En 1806, la principauté est médiatisée, les terres à l’ouest par le duc de Nassau, les terres à l’est par le grandduc de Hesse-Darmstadt. Souliotes (république) → Grèce Spire (évêché, MSE) — L’évêché de Spire, regroupant 30 000 âmes, est réparti en 3 morceaux sur la rive gauche du Rhin : l’un autour de Spire (la ville elle-même exclue), le second autour de Deidesheim, le dernier autour de Kirweiler, ainsi qu’un grand territoire sur rive droite, autour de Philippsbourg et de Bruchsal (résidence de l’évêque). De plus, en tant que prince-prévôt de Wissembourg, l’évêque possède, sous souveraineté française, Rheinzabern, Lauterbourg et Dahn. Au RE, l’évêché de Spire est ainsi réparti : – les territoires de rive gauche du Rhin, à la France ; – les territoires de rive droite, au margrave de Bade. Spire (ville impériale, MSE) — Spire est située sur le Rhin moyen (rive gauche). Au RE, elle est attribuée à la France. Stadion (comte, MSE) — Le comte de Stadion, illustre diplomate et ministre au service de l’Autriche, possède la seigneurie de Thannhausen en Bavière, et les seigneuries de Stadion et de Warthausen en Souabe, près du Danube en amont d’Ulm. En 1806, Thannhausen est médiatisée par la Bavière, et Warthausen et Stadion par le Wurtemberg. Stavelot et Malmédy (abbaye, MSE) → Belgique Sternberg (comte, MSE) — Le comte de Sternberg, membre d’une vieille maison franconienne possessionnée en Bohême, a hérité en 1780 du dernier comte de Manderscheid les comtés de Gerolstein et de Blankenheim, dans l’Eifel. Au RE, ces comtés sont attribués à la France et le comte en est indemnisé par les abbayes de Schussenried et de Weissenau, en Souabe. En 1804, le comte vend Weissenau à l’Autriche. En 1806, Schussenried est médiatisée par le Wurtemberg. Stolberg (comtes, MSE) — Les comtes de Stolberg-Wernigerode possèdent, dans le Harz, le comté de Stolberg — sous suzeraineté de l’électeur de Saxe — et le comté de Wernigerode —
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Strasbourg sous suzeraineté du roi de Prusse. Une branche cadette, les comtes de Stolberg-Geldern, possède le comté de Kœnigstein, dans le Taunus. Les Stolberg possèdent en commun le comté de Rochefort, dans le Luxembourg, dont la perte au RE leur est compensée par des rentes annuelles. En 1806, Kœnigstein est médiatisé par la Hesse-Darmstadt. En 1806, Stolberg et Wernigerode sont médiatisés par le roi de Saxe, avant d’être cédés en 1807 à la Westphalie. Strasbourg (évêché, MSE) — L’évêché de Strasbourg est constitué de fiefs d’Empire (20 000 habitants), à savoir des territoires sur rive droite du Rhin — un territoire autour d’Oberkirch et d’Oppenau, dans l’Ortenau, et un autre autour d’Ettenheim, dans le Brisgau —, ainsi que de fiefs de France, constitués de 10 bailliages médiats sous souveraineté du roi de France (Saverne, résidence de l’évêque, Dachstein, Kochersberg, Wantzenau, Schirmeck, Benfeld, Marckolsheim, Rouffach, Soultz, Eguisheim). Au RE, l’évêché, médiatisé de longue date sur rive gauche du Rhin (en Alsace), voit ses deux territoires de rive droite (Oberkirch et Ettenheim) attribués au margrave de Bade. Tchécoslovaquie (république) → Tchéquie Telligovienne (république) → Suisse Teutonique (ordre, MSE) — Le grand maître de l’Ordre teutonique, ordre purement allemand qui remonte à l’époque des Croisades (1128), a rang de prince ecclésiastique souverain pour ses possessions ; il réside à Mergentheim, en Franconie, capitale de l’Ordre. Les domaines de l’Ordre sont répandus dans tout le Saint Empire, et divisés en douze bailliages : Franconie, Alsace et Bourgogne, Autriche, Adige, Coblence, Altenhesen (en Belgique), Westphalie, Lorraine, Hesse, Saxe, Thuringe, Utrecht. Parmi toutes ces possessions, quelques territoires en Franconie et en Souabe méritent d’être cités : outre la « principauté de Mergentheim », à cheval sur le cours moyen de la Tauber, un territoire notable situé sur rive droite du Neckar, avec les villes de Neckarsulm et de Gundelsheim, un territoire attenant au sud-est à la prévôté d’Ellwangen, avec la ville de Kapfenbourg, un territoire à l’est d’Ulm, avec la ville de Bollingen, un territoire dans le Brisgau, au nord de Villingen, avec le bourg d’Obereschach, un territoire en haute Souabe, entre la principauté de Furstenberg et le canton suisse de Schaffhouse, avec Blumenfeld, un territoire bordant le lac de Constance, non loin de cette ville, un territoire près de Stockach, avec le bourg de Hohenfels, enfin un territoire au sud de Buchau, avec le bourg d’Altshausen. Au RE, l’Ordre teutonique se voit indemnisé de ses pertes de rive gauche du Rhin par l’attribution de chapitres, d’abbayes et de couvents médiats du Vorarlberg, de Souabe autrichienne, ainsi que des couvents médiats des diocèses d’Augsbourg, de Constance et de Souabe, mais sans gain de territoires immédiats. Le surlendemain de sa victoire d’Eckmuhl (22 avril 1809), Napoléon signe le décret de Ratisbonne (24 avril), par lequel il supprime la souveraineté de l’Ordre teutonique au sein de la Confédération du Rhin, ordre dont l’archiduc Antoine était devenu le grand maître à Presbourg (1805). Les biens de l’ordre sont annexés par les divers membres de la Confédération. Thoren (abbaye, MSE) — L’abbaye de femmes de Thoren est située sur la basse Meuse, près de Ruremonde. Au RE, l’abbaye est attribuée à la France. Tibérine (république) → Vatican Tœrring (comte, MSE) — Le comte de Tœrring, grand maître des chasses de Bavière, possède le comté de Gronsfeld, enclavé dans le Limbourg autrichien. Au RE, le comté est attribué à la France et le comte en est indemnisé par l’abbaye de Guttenzell, en Souabe. En 1806, Guttenzell est médiatisée par le Wurtemberg. Toscane (grand-duché) → Italie Transnistrie (république) → Moldavie Transpadane (république) → Italie (Milan et Mantoue) Traun (comte, MSE) — Le comte de Traun, d’une illustre famille de militaires au service de l’Autriche, possède le petit comté d’Egloff, en Souabe au nord-est de Lindau. En 1806, le comté est médiatisé par le Wurtemberg. Trente (évêché, MSE) — L’évêché de Trente, peuplé d’environ 150 000 âmes, s’étend d’un seul bloc sur le bassin moyen de l’Adige. Au RE, l’évêché de Trente est attribué à l’Autriche.
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Les États disparus Trèves (archevêché électoral, MSE) → Allemagne Trieste (territoire libre) → Italie, Slovénie, Croatie Uberlingen (ville impériale, MSE) — La ville d’Uberlingen est située au bord du lac de Constance. Au RE, elle est attribuée au margrave de Bade. Ulm (ville impériale, MSE) — La ville d’Ulm, sur la rive gauche du Danube, est une importante place militaire. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Union soviétique ou URSS (république) → Russie Ursberg (abbaye, MSE) — L’abbaye d’Ursberg, en Souabe, est située sur la Mindel, à l’est de Krumbach. Au RE, l’abbaye d’Ursberg est attribuée à la Bavière. Valachie (principauté) → Roumanie Valais, puis Valaisanne (république) — Le Valais est, en 1789, une petite république alpine de 5 000 km2 faisant partie du Corps helvétique en tant qu’État allié de la Confédération. Il couvre la haute vallée du Rhône, depuis ses sources jusqu’aux abords de Saint-Maurice, puis la seule rive gauche de ce fleuve de Saint-Maurice au lac Léman. Sa capitale est Sion. Le Bas-Valais constitue un bailliage sujet du Haut-Valais, contre la domination duquel il se révolte de temps à autre. L’ensemble du Valais compte environ 50 000 habitants, tous catholiques ; on y parle allemand des sources à Loèche, français de Loèche aux rives du lac. Le Valais faisait partie du royaume de Bourgogne transjurane. Le morcellement féodal qui s’y produit aux XIe et XIIe siècles donne à l’évêque de Sion de se tailler des fiefs dans le Haut-Valais, tandis que le comte de Savoie s’avance dans le Bas-Valais. L’évêque s’allie alors aux communautés paysannes des montagnes, les « dizains », pour résister aux ambitions savoyardes. Au début du XVe siècle, les sept dizains de Conches, Brigue, Viège, Raron, Loèche, Sierre et Sion s’érigent en république fédérative présidée par l’évêque de Sion. Ils s’allient aux quatre cantons forestiers (1473) et à Berne (1475) et s’emparent en 1475 du Bas-Valais savoisien (Martigny, Saint-Maurice, Aigle), dont ils font un pays sujet. Ils s’allient à la Confédération en 1529 ; en 1536, pour s’opposer à l’expansion bernoise, ils prennent au duc de Savoie l’ensemble du Chablais, mais doivent en 1564 en restituer la majeure partie, ne conservant que le Chablais oriental (rive gauche du Rhône de Monthey au lac). En 1627, ils déchoient l’évêque de son pouvoir temporel et instituent la république oligarchique qui subsiste encore en 1789. Par sa situation sur la route stratégique reliant la France à la Cisalpine — le Piémont n’est pas encore sous domination française —, le Valais intéresse le général Bonaparte. En février 1798, les troupes françaises du général Brune envahissent le territoire helvétique. En mars 1798, le Valais, transformé en département, est inclus dans la République rhodanique en compagnie de quatre autres départements : Sarine-et-Broye (Fribourg), Léman (Vaud), Oberland, Tessin (bailliages italiens). En avril 1798, le Valais constitue l’un des 19 cantons de la nouvelle République helvétique, avec Sion pour chef-lieu. Toutefois, le HautValais n’accepte qu’à contrecœur son inclusion dans la République helvétique. En juin 1799, les habitants du Haut-Valais profitent de l’offensive des armées de la coalition austro-russe contre la France pour se soulever contre cette dernière. Les Français reprennent le Valais en septembre et l’occupent de façon rigoureuse. Le premier consul Bonaparte se souciait toujours de la maîtrise de la route franco-italienne. Profitant de ce que les habitants du Valais se plaignent du régime d’occupation militaire, le 25 mai 1802, il décrète la séparation du Valais de la République helvétique et son érection en République valaisanne, indépendante quoique placée sous la protection conjointe des Républiques française, helvétique et italienne. La République valaisanne sera gouvernée par un grand bailli résidant à Sion, sa capitale. Le premier consul se préoccupe aussitôt d’engager les travaux de réalisation de la route du Simplon, qui doit achever la liaison entre Paris et Milan. En 1810, les travaux routiers, en voie de finition, coûtent cher à la France qui en supporte seule les frais, bien qu’en principe ils eussent dû être partagés entre France et Valais. Plus tard, l’empereur Napoléon, roi d’Italie, qui désire posséder la souveraineté sur cette route, a vainement proposé aux autorités valaisannes la cession à la France de la rive gau-
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Varsovie che du Rhône, du Léman à Brigue. Par le décret de Fontainebleau du 12 novembre 1810, il annexe à la France la République valaisanne, qui devient le département français du Simplon. En décembre 1813, à la suite des revers français, les Français évacuent le département du Simplon, qui est alors occupé par les Autrichiens. En juin 1815, le Valais est admis, de même que Neuchâtel et Genève, comme nouveau canton de la Confédération helvétique. Varsovie (grand-duché) → Pologne Venise (république) → Italie Waldbourg (comté, MSE) — Le comté de Waldbourg, situé en Souabe non loin de la Schussen, avec Waldsee pour capitale, est possession des princes de Truchsess-Waldbourg, écuyers tranchants de l’Empire. En 1806, le comté est médiatisé par le Wurtemberg. Waldeck (principauté, MSE) → Allemagne Wangen (ville impériale, MSE) — La ville de Wangen est située sur l’Argen, dans l’Allgau, non loin du lac de Constance. Au RE, elle est attribuée à la Bavière. Wartenberg (comte, MSE) — Le comte de Wartenberg possède le comté du même nom, dans le Palatinat de rive gauche du Rhin. Au RE, le comté est attribué à la France et le comte en est indemnisé par l’abbaye de Roth, en Souabe. En 1806, Roth est médiatisée par le Wurtemberg. Weil der Stadt (ville impériale, MSE) — La ville de Weil est située sur la Wurm, à l’ouest de Stuttgart. Au RE, elle est attribuée au Wurtemberg. Weingarten (abbaye, MSE) — L’abbaye de Weingarten, en Souabe, est comprise entre le comté habsbourgeois de Tettnang, le comté de Waldbourg et la ville libre de Ravensbourg ; cette abbaye possède la seigneurie de Blumeneck, enclavée dans le Vorarlberg habsbourgeois, où se trouve l’abbaye (médiate) de Saint-Gérold. Au RE, l’abbaye de Weingarten et la seigneurie de Blumeneck (Vorarlberg) qui en dépend sont attribuées au prince de Nassau-Dillenbourg (Orange-Nassau). Weissenau (abbaye, MSE) — L’abbaye de Weissenau, en Souabe, est située près du lac de Constance, entre les villes de Buchorn (aujourd’hui Friedrichshafen) et de Ravensbourg. Au RE, l’abbaye de Weissenau est attribuée au comte de Sternberg. Werden (abbaye, MSE) — L’abbaye de Werden est située sur la Ruhr, au nord de Berg. Au RE, l’abbaye est attribuée à la Prusse. Westphalie (royaume) → Allemagne Wettenhausen (prévôté, MSE) — La prévôté de Wettenhausen, en Souabe, est située sur la Kemmlach, au sud de Gunzbourg. Au RE, la prévôté est attribuée à la Bavière. Wetzlar (ville impériale, MSE) — Située sur la Lahn, dans la haute Hesse, Wetzlar est le siège de la cour judiciaire du Saint Empire. Au RE, elle est attribuée à l’archevêque-électeur de Mayence. Wied-Runkel (prince, MSE) — Le prince de Wied-Runkel possède le comté de Wied et le comté de Bas-Isembourg, sur la rive droite du Rhin au nord de Coblence, la seigneurie de Runkel, à cheval sur le cours de la Lahn, ainsi que le comté de Créhange (Kriechingen), en Lorraine près de Sarreguemines. Au RE, le comté de Créhange est attribué à la France, qui l’avait annexé dès 1793, et le comte en est indemnisé par les bailliages d’Altenwied et de Neurbourg, provenant des domaines de rive droite du Rhin de l’électorat de Cologne. En 1806, les domaines du prince sont ainsi médiatisés : – la moitié de Runkel de rive droite de la Lahn, par le grand-duc de Berg ; – la moitié de Runkel de rive gauche de la Lahn, les comtés de Wied et de Bas-Isembourg, les bailliages d’Altenwied et de Neurbourg, par le duc de Nassau. Wildenbourg (seigneurie, MSE) — La seigneurie de Wildenbourg, possession du comte de Hatzfeldt, est située dans le pays de Berg, à l’est de Cologne. En 1806, elle est médiatisée par le grand-duc de Berg. Wimpfen (ville impériale, MSE) — La ville de Wimpfen est située sur le moyen Neckar. Au RE, elle est attribuée à Bade, et aussitôt rétrocédée à la Hesse-Darmstadt. Windsheim (ville impériale, MSE) — La ville de Windsheim, en basse Franconie, est située sur l’Aisch. Au RE, elle est attribuée à la Bavière, qui la cède en 1803 à la Prusse.
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Les États disparus Wissembourg (prévôté, MSE) — La prévôté de Wissembourg, en Alsace, est située sur la Queich, affluent du Rhin ; ses terres relèvent de la suzeraineté du roi de France, quoique le prévôt — en fait l’évêque de Spire — soit toujours prince souverain. Au RE, la prévôté est attribuée à la France. Wissembourg-en-Nordgau (ville impériale, MSE) — La ville de Wissembourg, en Franconie, est située sur la Rezat. Au RE, elle est attribuée à la Bavière, puis dès 1803 à la Prusse. Worms (évêché, MSE) — L’évêché de Worms, comptant 16 000 habitants, est composé de cinq petits territoires sur rive gauche du Rhin : un autour de Worms (la ville elle-même exclue), celui de Direnstein et celui de Neu Leiningen, ainsi que deux territoires sur rive droite, dont celui de Laupertheim. Au RE, l’évêché de Worms est ainsi réparti : – les territoires de rive gauche du Rhin, à la France ; – les territoires de rive droite, au landgrave de Hesse-Darmstadt. Worms (ville impériale, MSE) — Worms est située sur le Rhin moyen (rive gauche). Au RE, elle est attribuée à la France. Wurtemberg (duché, MSE, puis royaume) → Allemagne Wurtzbourg (évêché, MSE, puis grand-duché) → Allemagne Yougoslavie (royaume, puis république) → Serbie-et-Monténégro Zell (ville impériale, MSE) — La ville de Zell est située sur le Harmersbach, affluent de la Kinzig, en Ortenau. Au RE, elle est attribuée au margrave de Bade. Zwiefalten (abbaye, MSE) — L’abbaye de Zwiefalten, en Souabe, est située sur la rive gauche du Danube, en face de celle d’Obermarchtal. Au RE, l’abbaye est attribuée au duc de Wurtemberg.
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Partie IV – Annexes
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Saint Empire
Saint Empire Le Saint Empire romain germanique ou, mieux, de « nation allemande » (Heiliges Rœmisches Reich Deutscher Nation) représente en 1789 un vaste ensemble hétéroclite couvrant en Europe centrale de l’ordre de 660 000 km2, peuplé d’environ 28 à 30 millions d’habitants. Géographiquement, il s’étend, du nord au sud, de la mer Baltique (Lubeck) à la mer Adriatique (Trieste) et, d’ouest en est, de la mer du Nord (Ostende) aux plaines polonaises (Teschen) et hongroises (Presbourg). Il englobe la très grande majorité des pays de peuplement allemand, hormis quelques exceptions notables comme la Prusse proprement dite, le Schleswig, l’Alsace, les pays alémaniques de la Confédération helvétique et les îlots de peuplement allemand de Transylvanie, du Banat, de la Volga, etc. Inversement, quoique se prétendant germanique, le Saint Empire inclut de nombreux peuples non allemands : Danois du Holstein, Flamands et Wallons des Pays-Bas, Français de Montbéliard ou de l’évêché de Bâle, Italiens du Trentin, de Goritz ou de Trieste, Slovènes de Carinthie ou de Carniole, Tchèques et Moraves de Bohême-Moravie, Sorabes de Lusace. Le Saint Empire est circonscrit par une frontière bien nette : la mer Baltique, la limite séparant le Holstein du Schleswig, la mer du Nord, la frontière couvrant les ProvincesUnies, la mer du Nord de nouveau, les frontières du royaume de France, de la Confédération helvétique, de la république de Venise, des royaumes de Croatie puis de Hongrie, du royaume de Pologne. Couvrant une bonne part de l’Europe centrale, il englobe des régions géographiquement très diverses : montagnes des Alpes et des pourtours de Bohême, grandes plaines du Nord, vallées industrieuses (Rhin, Danube), etc. Le réseau urbain est très dense à l’ouest (Pays-Bas, vallée du Rhin), plus clairsemé à l’est (Hanovre, Berlin, Prague, Vienne, Munich, Augsbourg). Le Saint Empire se veut l’héritier de l’empire de Charlemagne et, à travers lui, de l’Empire romain d’Occident. Toutefois, il est plus directement le successeur de deux des trois royaumes issus du partage de Verdun (843) : la Lotharingie et la Germanie ; la Francie s’en est définitivement séparée. À la mort du dernier des descendants de Charlemagne (911), la couronne impériale devient élective. Le Saint Empire est vraiment fondé par Othon Ier, fils d’Henri l’Oiseleur, de la maison de Saxe, qui d’abord roi (936) prend le titre d’empereur en 962. Lui et ses successeurs ramènent la Lotharingie, la Bohême et l’Italie dans le giron de l’Empire. Diverses maisons se succèdent sur le trône impérial, sans qu’elles parviennent à faire du Saint Empire — peu à peu réduit à l’Allemagne par perte de la Bourgogne, l’Italie, la Provence, les Pays-Bas septentrionaux, la Suisse, l’Alsace et la Lorraine — un État cohérent au pouvoir central incontesté. En effet, à l’inverse d’autres maisons royales qui, peu à peu, réduisent le pouvoir féodal de leurs vassaux, les empereurs germaniques sont constamment en butte aux menées de la papauté, qui leur dispute la prééminence, et de leurs vassaux, qui parviennent à se constituer pour eux-mêmes de puissants États et qui contestent toujours plus sa suzeraineté à l’empereur. Sur le trône impérial, à la maison de Saxe succèdent les maisons de Franconie (10241125), de Souabe, de Hohenstaufen (1138-1254) puis, après le Grand Interrègne, pour la première fois la maison d’Autriche (1273-1308). Lui succède la maison de Luxembourg, à laquelle appartient l’empereur Charles IV, qui édicte par la Bulle d’or (1356) les règles d’élection au pouvoir impérial ; l’empereur sera désormais élu par un collège de sept électeurs : – l’archevêque de Mayence, archichancelier d’Allemagne, – l’archevêque de Cologne, archichancelier d’Italie, – l’archevêque de Trèves, archichancelier de Gaule, – le roi de Bohême, archiéchanson, – le comte palatin du Rhin, archisénéchal, – le margrave de Brandebourg, archichambellan,
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Annexes – le duc de Saxe, archimaréchal. À partir de 1438, et sauf une brève interruption (1742-1745), l’empereur est toujours élu dans la maison de Habsbourg, entraînant une hérédité de facto au sein d’un système de jure électif. Cependant les épreuves ne vont pas manquer qui mettront à mal la cohésion du Saint Empire : la Réforme au XVIe siècle, qui va le diviser en deux camps, la guerre de Trente Ans, qui va le ravager au XVIIe siècle et asseoir durablement l’ingérence de la France dans les affaires allemandes, puis la montée de la Prusse au XVIIIe siècle, laquelle va bientôt disputer à la maison d’Autriche sa prééminence au sein de l’Empire. Ces événements se conjuguent pour interdire aux Habsbourg tout espoir de transformer un jour le Saint Empire en un État moderne. En 1789, il demeure un conglomérat d’environ 1 200 princes se prétendant souverains, parmi lesquels 294 États (80 ecclésiastiques, 163 laïques, 51 villes libres) députent à la diète impériale. Le Saint Empire, en 1789, n’est donc nullement un État, au sens que l’on donne de nos jours à ce mot, mais une confédération extrêmement lâche, qui ne tient que par la force des ans, où les membres se font la guerre entre eux et mènent une politique indépendante, nouant des alliances ou affrontant directement des États extérieurs à l’Empire, cependant que certains États — et non des moindres — ont un pied dans l’Empire et un pied à l’extérieur (Autriche, Prusse, Grande-Bretagne, Suède). Il représente une institution complexe, lourde et inefficace, écartelée entre quatre capitales : Vienne (résidence de l’empereur), Francfort (ville de l’élection), Ratisbonne (siège de la diète impériale), Wetzlar (siège de la cour judiciaire). On ne saurait, dans le présent ouvrage, détailler les quelque 1 200 à 1 300 princes souverains. Seuls seront cités ceux qui sont représentés à la diète de Ratisbonne. Ils y sont répartis en trois collèges délibérant séparément.
A. COLLÈGE ÉLECTORAL (8 VOIX) La Bulle d’or, comme on l’a vu, avait institué sept électeurs : Mayence, Cologne, Trèves, Bohême, Palatin du Rhin, Brandebourg, Saxe. Au XVIe siècle, la Réforme les a répartis en deux camps : quatre catholiques (Mayence, Cologne, Trèves, Bohême), trois protestants (Palatin du Rhin, Brandebourg, Saxe). Au moment de la guerre de Trente Ans, le comte palatin du Rhin, calviniste, qui s’est dressé contre l’empereur en acceptant des révoltés tchèques la couronne de Bohême, se fait confisquer, une fois vaincu, son bonnet électoral par l’empereur, qui le transfère sur la tête du duc de Bavière, catholique. Mais aux traités de Westphalie (1648), le comte palatin retrouve un bonnet, assorti du titre d’architrésorier, tandis que le duc de Bavière conserve le sien. Le collège compte alors huit électeurs, cinq catholiques et trois protestants. En 1692, pour le remercier de son soutien, l’empereur accorde au duc de BrunswickLunebourg le titre d’électeur de Hanovre, nouvel électorat qui ne sera avalisé par la diète qu’en 1708. On compte donc à cette date neuf électeurs, cinq catholiques et quatre protestants. Mais en 1777, par extinction de la maison de Bavière, le comte palatin devient aussi duc de Bavière. Le nombre d’électeurs est ramené à huit : cinq catholiques (Mayence, Cologne, Trèves, Bohême, Bavière) et trois protestants (Brandebourg, Saxe, Hanovre). L’appartenance religieuse est de grande importance, car la majorité catholique contribue à favoriser l’élection régulière d’un Habsbourg — lui-même roi de Bohême, donc électeur. On peut relever que les électeurs de Saxe, devenus depuis longtemps catholiques, à titre personnel, pour pouvoir accéder au trône de Pologne, ont à honneur d’assumer leur dignité ancienne de chef du corps évangélique (protestant) en « votant protestant » à chaque nouvelle élection.
B. COLLÈGE DES PRINCES (100 VOIX) Il regroupe, en deux bancs, 94 voix viriles (individuelles) et 6 voix curiales (collectives).
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Saint Empire 1. Banc ecclésiastique Il se compose de 33 voix viriles et de 2 voix curiales. Presque toutes les voix sont catholiques, à l’exception de celle de l’évêque de Lubeck (évangélique) et de celle de l’évêque d’Osnabruck (alternante entre catholique et luthérienne). La liste en est la suivante : Archevêque de Salzbourg, archevêque de Besançon, grand maître de l’Ordre teutonique, évêque de Bamberg, évêque de Wurtzbourg, évêque de Worms, évêque d’Eichstædt, évêque de Spire, évêque de Strasbourg, évêque de Constance, évêque d’Augsbourg, évêque de Hildesheim, évêque de Paderborn, évêque de Frisingue, évêque de Ratisbonne, évêque de Passau, évêque de Trente, évêque de Brixen, évêque de Bâle, évêque de Liège, évêque d’Osnabruck, évêque de Munster, évêque de Lubeck, évêque de Coire, évêque de Fulde, abbé de Kempten, prévôt d’Ellwangen, grand prieur de l’ordre de Malte, prévôt de Berchtesgaden, prévôt de Wissembourg, abbé de Prum, abbé de Stavelot-Malmédy, évêque de Corvey, banc de prélats souabe, banc de prélats rhénan.
2. Banc laïque Il se compose de 61 voix viriles et de 4 voix curiales. La liste en est la suivante : Archiduc d’Autriche, duc de Bourgogne, duc de Bavière, duc de Magdebourg, comte palatin de Lautern, comte palatin de Simmern, comte palatin de Neubourg, duc de Brême, comte palatin de Deux-Ponts, comte palatin de Veldenz, comte palatin de Lautereck, duc de Saxe-Weimar, duc de Saxe-Eisenach, duc de Saxe-Cobourg, duc de Saxe-Gotha, duc de Saxe-Altenbourg, margrave de Brandebourg-Culmbach-Bayreuth, margrave de Brandebourg-Anspach, duc de Brunswick-Celle, duc de Brunswick-Grubenhagen, duc de Brunswick-Calenberg, duc de Brunswick-Wolfenbuttel, prince de Halberstadt, duc de Poméranie citérieure, duc de Poméranie ultérieure, duc de Verden, duc de MecklembourgSchwerin, duc de Mecklembourg-Gustrow, duc de Wurtemberg, landgrave de Hesse-Cassel, landgrave de Hesse-Darmstadt, margrave de Bade-Bade, margrave de Bade-Durlach, margrave de Bade-Hochberg, duc de Holstein-Gluckstadt, duc de Holstein-Gottorp, duc de Saxe-Lauenbourg, prince de Minden, duc de Savoie, landgrave de Leuchtenberg, princes d’Anhalt, comtes-princiers de Henneberg, prince de Schwerin, prince de Cammin, prince de Ratzebourg, prince de Hersfeld, comte-princier de Montbéliard, duc d’Arenberg, prince de Hohenzollern, prince de Lobkowitz, prince de Salm, prince de Dietrichstein, prince de Nassau-Hadamar, prince de Nassau-Dillenbourg, prince d’Auersperg, prince d’Ostfrise, prince de Furstenberg, prince de Schwarzenberg, prince de Liechtenstein, prince de La Touret-Taxis, prince de Schwarzbourg, collège des comtes de Souabe, collège des comtes de Wettéravie, collège des comtes de Franconie, collège des comtes de Westphalie. Certaines maisons royales ou princières, qui cumulent les possessions, disposent de plusieurs voix à ce banc laïque : – Habsbourg, 2 voix (Autriche, Bourgogne) ; – Wittelsbach, 8 voix (Bavière, Lautern, Simmern, Neubourg, Deux-Ponts, Veldenz, Lautereck, Leuchtenberg) ; – Hohenzollern de Brandebourg-Prusse, 6 voix (Magdebourg, Halberstadt, Poméranie ultérieure, Minden, Cammin, Ostfrise) ; – Hanovre, 6 voix (Brême, Celle, Grubenhagen, Calenberg, Verden, Lauenbourg) ; – Danemark, 2 voix (Gluckstadt, Gottorp) ; – Zæhringen de Bade, 3 voix (Bade, Durlach, Hochberg) ; – Wurtemberg, 2 voix (Wurtemberg, Montbéliard) ; – Mecklembourg-Schwerin, 3 voix (duc de Schwerin, Gustrow, prince de Schwerin) ; – Anspach-Bayreuth, 2 voix (Anspach, Bayreuth). Sur un plan confessionnel, les 65 voix se répartissent ainsi : – 1 voix alternante : la voix curiale des comtes de Wesphalie ;
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Annexes – 22 voix catholiques : les 2 voix d’Autriche, les 8 voix du Palatinat-Bavière, les voix de Savoie, Arenberg, Hohenzollern, Lobkowitz, Salm, Dietrichstein, Auersperg, Furstenberg, Schwarzenberg, Liechtenstein, La Tour-et-Taxis, la voix curiale des comtes de Souabe ; – 42 voix évangéliques : les autres. Les voix curiales (2 ecclésiastiques et 4 laïques) sont ainsi composées : a) Banc de prélats souabe Abbés de Salmansweiler, Weingarten, Ochsenhausen, Elchingen, Irsee, Ursperg, Kaisersheim, Roggenbourg, Roth, Weissenau, Schussenried, Obermarchtal, Petershausen, Wettenhausen, Zwiefalten, Gengenbach, Neresheim, Isny, abbesses de Hegbach, Guttenzell, Rothenmunster, Baindt, Sœflingen. b) Banc de prélats rhénan Bailli teutonique de Coblence, prévôt d’Odenheim et chapitre de Bruchsal (Spire), abbé de Saint-Emmeran, abbesse de Niedermunster, abbesse d’Obermunster (tous trois sis à Ratisbonne), abbesse de Quedlinbourg, abbesse de Gernrode (Anhalt), abbé de Werden, abbé de Cornelimunster, abbés de Saint-Ulrich et Saint-Afra à Augsbourg, abbesse de Gandersheim. c) Collège des comtes de Wettéravie Princes et comtes de Solms (Brauenfels, Hohensolms, Rœdelheim, Laubach), princes et comtes de Nassau (Usingen, Weilbourg, Sarrebruck), princes et comtes d’Isembourg (Birstein, Budingen, Meerholz, Wæchtersbach), comtes de Stolberg (Gedern et Ortenberg, Stolberg, Wernigerode), princes et comtes de Sayn-Wittgenstein (Berlebourg, Wittgenstein), comtes de Salm (wild- et rhingraves), princes et comtes de Linange (Hartenbourg, Heidesheim), comte de Westerbourg, prince de Schœnbourg, comte de Créange (Wied-Runkel), comte de Reuss de Plauen, comte d’Ortenbourg. d) Collège des comtes de Souabe Comte de Heiligenberg (Furstenberg), abbesse de Buchau, comte d’Alschausen (bailli teutonique d’Alsace et Bourgogne), prince d’Œttingen, comte de Montfort (Autriche), comte de Helfenstein (Palatinat), comte de Klettgau (Schwarzenberg), comte de Kœnigsegg, comte de Waldbourg, comte d’Eberstein (Bade), seigneur de Hohengeroldseck (La Leyen), comtes de Fugger, seigneur de Hohenems (Autriche), seigneur d’Egloff (Traun), comte de Bonndorf (abbé de Saint-Blaise), comte de Thannhausen (Stadion), seigneur d’Eglingen (La Tour-et-Taxis), comte de Khevenhuller, comte de Kufstein, prince de Colloredo, comte de Harrach, comte de Sternberg, comte de Neipperg. e) Collège des comtes de Franconie Princes et comtes de Hohenlohe, comtes de Castell, comtes d’Erbach, princes et comtes de Lœwenstein-Wertheim, héritiers des comtes de Limpourg, comte de Rheineck (Nostitz), seigneur de Reichelsberg (Schœnborn), seigneur de Wiesentheid (Schœnborn), comte de Windischgrætz (personnaliste), Orsini de Rosenberg (personnaliste), comte de Starhenberg, comte de Wurmbrand (personnaliste), comte de Giech (personnaliste), comte de Grævenitz (personnaliste), comte de Puckler (personnaliste). f) Collège des comtes de Westphalie Seigneur de Sayn-Altenkirchen, comtes de Hoya, de Spiegelberg et de Diepholz (les quatre à Hanovre), duc de Holstein-Gottorp (Oldenbourg), comte de Tecklembourg (Brandebourg), comtes de Schleiden et de Sassenbourg, seigneur de Kerpen (les trois à Arenberg), comte de Wied (Wied-Runkel), comte de Schaumbourg (Hesse-Cassel et Lippe-Buckebourg), comte de Lippe, comte de Bentheim, comtes de Virnebourg (Lœwenstein), seigneur de Rietberg (Kaunitz), comte de Pyrmont (Waldeck), comte de Gronsfeld (Tœrring), comte de Reckheim (Aspremont), seigneur d’Anholt (Salm), seigneur de Winnebourg (Metternich), comte de Holzappel (Anhalt-Bernbourg), seigneur de Witten (Plettenberg), seigneur de Gehmen (Limbourg-Stirum), seigneur de Gimborn (Wallmoden), seigneur de Wickeradt (Quadt), seigneur de Mylendonk (Ostein), seigneur de Reichenstein (Nes-
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Saint Empire selrode), seigneur de Dyck (Salm-Reifferschiedt), comte de Platten (personnaliste), seigneur de Rheineck (Sinzendorf), comte de Fagnolles (prince de Ligne).
C. COLLÈGE DES VILLES LIBRES (51 VOIX) Il regroupe 51 voix, en deux bancs : banc rhénan (14 voix), banc souabe (37 voix).
1. Banc rhénan Cologne, Aix-la-Chapelle, Lubeck, Worms, Spire, Francfort-sur-le-Main, Goslar, Brême, Hambourg, Mulhausen, Nordhausen, Dortmund, Friedberg, Wetzlar.
2. Banc souabe Ratisbonne, Augsbourg, Nuremberg, Ulm, Esslingen, Reutlingen, Nœrdlingen, Rothenbourg-sur-la-Tauber, Schwæbisch Hall, Rottweil, Uberlingen, Heilbronn, Schwæbisch Gmund, Memmingen, Lindau, Dinkelsbuhl, Biberach, Ravensbourg, Schweinfurt, Kempten, Windsheim, Kaufbeuren, Weil der Stadt, Wangen, Isny, Pfullendorf, Offenbourg, Leutkirchen, Wimpfen, Wissembourg-en-Nordgau, Giengen, Gengenbach, Zell, Buchhorn, Aalen, Buchau, Bopfingen. Sur un plan confessionnel, les 51 villes se répartissent ainsi : – 13 villes catholiques : Cologne, Aix-la-Chapelle, Rottweil, Uberlingen, Schwæbisch Gmund, Weil der Stadt, Wangen, Pfullendorf, Offenbourg, Gengenbach, Zell, Buchhorn, Buchau ; – 5 villes mixtes : Augsbourg, Dinkelsbuhl, Biberach, Ravensbourg, Kaufbeuren ; – 33 villes protestantes : les autres. Par ailleurs, sur un plan régional, le Saint Empire est, depuis Charles Quint, divisé en dix cercles : quatre catholiques (Bavière, Autriche, Bourgogne, Bas-Rhin), quatre mixtes (Franconie, Haut-Rhin, Souabe, Haute-Saxe), deux protestants (Basse-Saxe, Westphalie).
A. CERCLE D’AUTRICHE Archiduc d’Autriche, ducs de Styrie, de Carinthie et de Carniole, comtes de Goritz avec Trieste, de Tyrol, de Souabe autrichienne (tous à l’Autriche), évêque de Trente, évêque de Brixen, bailli teutonique pour l’Autriche, seigneur de Tarasp (Dietrichstein).
B. CERCLE DE BOURGOGNE Duc de Brabant, comtes de Hainaut, de Flandre, de Namur, ducs de Luxembourg, de Limbourg, de Gueldre, marquis d’Anvers, seigneurs de Malines et de Tournai (tous à l’Autriche).
C. CERCLE ÉLECTORAL OU DU BAS-RHIN Électeur de Mayence, électeur de Trèves, électeur de Cologne, électeur de Palatinat-Bavière, duc d’Arenberg, prince de La Tour-et-Taxis, bailli teutonique de Coblence, seigneur de Belstein (Nassau), comte de Bas-Isembourg (Trèves), duc de Westphalie, comte de Recklingshausen, bailli d’Erfurt (les trois à Cologne), burgrave de Rheineck.
D. CERCLE DU HAUT-RHIN 1. Banc des princes ecclésiastiques Évêque de Worms, évêque de Spire, prévôt de Wissembourg (Spire), évêque de Strasbourg, évêque de Bâle, évêque de Fulde, grand prieur de Malte à Heitersheim, abbé de Prum (Trèves), prévôt d’Odenheim et chapitre de Bruchsal (Spire).
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Annexes 2. Banc des princes laïques Comtes de Simmern, de Lautern, de Veldenz et de Lautereck, duc de Deux-Ponts (tous au Palatinat), landgrave de Hesse-Cassel, landgrave de Hesse-Darmstadt, prince de Hersfeld (Hesse-Cassel), comte de Sponheim (Bade), Nomény en Lorraine (voix personnaliste des Habsbourg), prince de Salm, comtes de Weilbourg, d’Usingen et de Sarrebruck, seigneurs d’Idstein et d’Ottweiler (les cinq à Nassau), comte de Waldeck, comte de Solms-Braunfels, comte d’Isembourg-Birstein.
3. Banc des comtes et seigneurs Hanau-Munzenberg (Hesse-Cassel), Hanau-Lichtenberg (Hesse-Darmstadt), Hohensolms, Rœdelheim et Laubach (les trois à Solms), Kœnigstein en Wettéravie (Mayence et Stolberg), Budingen, Wæchtersbach et Meerholz (les trois à Isembourg), wild- et-rhingraves de Grehweiler, Grumbach, Daun, Linange-Dachsbourg et Westerbourg (les deux à Linange), Munzfelden (Trèves et Nassau-Usingen), Wittgenstein et Berlebourg (les deux à Sayn-Wittgenstein), Falkenstein (Autriche), Reipoltskirchen, Créange (Wied-Runkel), Wartenberg, Bretzenheim-surla-Nahe (Cologne), Dachstuhl (Œttingen-Baldern), Ollbruck (Bassenheim).
4. Banc des villes libres Worms, Spire, Francfort-sur-le-Main, Friedberg, Wetzlar.
E. CERCLE DE SOUABE 1. Banc des princes ecclésiastiques Évêque de Constance, évêque d’Augsbourg, prévôt d’Ellwangen, abbé de Kempten.
2. Banc des princes laïques Duc de Wurtemberg, margraves de Bade, de Durlach et de Hochberg (les trois à Bade), princes de Hechingen et de Sigmaringen (Hohenzollern), abbesse de Lindau, abbesse de Buchau, comte de Thengen (Auersperg), comte de Heiligenberg (Furstenberg), comte d’Œttingen, comte de Sulz et Klettgau (Schwarzenberg), comte de Vaduz et Schellenberg (Liechtenstein), seigneur de Scheer et Eglingen (La Tour-et-Taxis).
3. Banc des prélats Abbés de Salmansweiler, Weingarten, Ochsenhausen, Elchingen, Irsee, Ursperg, Kaiserheim, Roggenbourg, Roth, Weissenau, Schussenried, Obermarchtal, Petershausen, Wettenhausen, Zwiefalten, Gengenbach, Neresheim, Isny, abbesses de Hegbach, Guttenzell, Rothenmunster, Baindt, Sœflingen.
4. Banc des comtes et seigneurs Alschhausen (bailli teutonique d’Alsace et Bourgogne), Tettnang et Langenargen (Autriche), Œttingen-Baldern, Stuhlingen, Baar et Mœskirch (les trois à Furstenberg), Wiesensteig et Mindelheim (les deux à Bavière), Kinzigerthal, Œttingen-Wallerstein, TruchsessZeil-Wuerzach et Wolfegg-Waldsee (les deux à Waldbourg), Rothenfels et Aulendorf (les deux à Kœnigsegg), Gundelfingen, Eberstein (Bade), Fugger Marx, Hans et Jacob, Hohenhems (Autriche), Justingen (Wurtemberg), Bonndorf (abbé de Saint-Blaise), Egloff (Traun et Abensberg), Thannhausen (Stadion), Hohengeroldseck (La Leyen).
5. Banc des villes libres Augsbourg, Ulm, Esslingen, Reutlingen, Nœrdlingen, Schwæbisch Hall, Uberlingen, Rottweil, Heilbronn, Schwæbisch Gmund, Memmingen, Lindau, Dinkelsbuhl, Biberach, Ravensbourg, Kempten, Kaufbeuren, Weil der Stadt, Wangen, Isny, Leutkirchen, Wimpfen, Giengen, Pfullendorf, Buchhorn, Aalen, Bopfingen, Buchau, Offenbourg, Gengenbach, Zell.
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Saint Empire F. CERCLE DE BAVIÈRE 1. Banc ecclésiastique Archevêque de Salzbourg, évêque de Frisingue, évêque de Ratisbonne, évêque de Passau, prévôt de Berchtesgaden, abbé de Saint-Emmeran, abbesse de Niedermunster, abbesse d’Obermunster (tous trois sis à Ratisbonne).
2. Banc laïque Duc de Bavière, comte de Neubourg (Palatinat), comte de Sulzbach (Palatinat), landgrave de Leuchtenberg (Bavière), comte de Sternstein-sur-la-Naab (Lobkowitz), comte de Haag (Bavière), comte d’Ortenbourg, comte de Staufenehrenfels (Palatinat), comte d’Obersulzbourg (Bavière), comte de Hohenwaldeck (Bavière), comte de Breiteneck (Bavière), ville de Ratisbonne.
G. CERCLE DE FRANCONIE 1. Banc ecclésiastique Évêque de Bamberg, évêque de Wurtzbourg, évêque d’Eichstædt, grand maître de l’Ordre teutonique à Mergentheim.
2. Banc des princes laïques Margrave de Bayreuth (Brandebourg), margrave d’Anspach (Brandebourg), comte de Henneberg (Saxe électorale), comte de Henneberg (Saxe ducale), comte de Henneberg (HesseCassel), prince de Hohenlandsberg, prince de Lœwenstein-Wertheim, prince de Hohenlohe-Waldenbourg.
3. Banc des comtes Hohenlohe-Neuenstein, Castell, Wertheim, Rheineck-dans-le-Spessart (Nostitz), Erbach, Limpourg, Seinsheim (Schwarzenberg), Reichelsberg (Schœnborn), Wiesentheid (Schœnborn), Welsheim (Wurtemberg), Hausen (Brandebourg).
4. Banc des villes libres Nuremberg, Rothenbourg-sur-la-Tauber, Windsheim, Schweinfurt, Wissembourg-en-Nordgau.
H. CERCLE DE HAUTE-SAXE Électeur de Saxe, électeur de Brandebourg, duc de Saxe-Weimar, duc de Saxe-Eisenach, duc de Saxe-Cobourg, duc de Saxe-Gotha, duc de Saxe-Altenbourg, prince de Querfurt (Saxe électorale), duc de Poméranie citérieure (Suède), duc de Poméranie ultérieure (Brandebourg), prince de Cammin (Brandebourg), princes d’Anhalt, abbesse de Quedlinbourg, abbesse de Gernrode (Anhalt), chapitre de Walkenried (Brunswick), prince de Schwarzbourg-Rudolstadt, prince de Schwarzbourg-Sondershausen, comte de Mansfeld (Brandebourg et Saxe), comte de Stolberg, comte de Barby (Saxe électorale), comtes de Reuss, comte de Schœnbourg, comte de Hohenstein (Hanovre et Brandebourg).
I. CERCLE DE BASSE-SAXE Duc de Magdebourg (Brandebourg), ducs de Brême, Celle, Grubenhagen, Calenberg, Lauenbourg (les cinq à Hanovre), duc de Brunswick-Wolfenbuttel, prince de Halberstadt (Brandebourg), ducs de Schwerin et Gustrow (les deux à Mecklembourg-Schwerin), ducs de Holstein-Gluckstadt et Gottorp (les deux à Danemark), évêque de Hildesheim, évêque de Lubeck, prince de Schwerin (Mecklembourg-Schwerin), prince de Ratzebourg (Mecklembourg-Strelitz), prince de Blankenbourg (Brunswick-Wolfenbuttel), comte de Rantzau (Danemark), six villes libres de Lubeck, Goslar, Mulhausen, Nordhausen, Hambourg, Brême.
J. CERCLE DE WESTPHALIE Évêque de Munster, duc de Clèves (Brandebourg), duc de Juliers (Palatinat), évêque de Paderborn, évêque de Liège, évêque d’Osnabruck, duc de Verden (Hanovre), prince de Minden
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Annexes (Brandebourg), évêque de Corvey, abbé de Stavelot-Malmédy, abbé de Werden, abbé de Cornelimunster, abbesse d’Essen, abbesse de Thoren, abbesse de Herford, princes de Hadamar et de Dillenbourg (Nassau), duc d’Ostfrise (Brandebourg), prince de Meurs (Brandebourg), duc d’Oldenbourg, comte de Wied, comte de Sayn-Altenkirchen et Hachenberg (Hanovre et Kirchberg), comte de Schaumbourg (Hesse-Cassel), comte de Schaumbourg-Lippe, prince de Lippe-Detmold, comte de Bentheim (Hanovre), comte de Bentheim-Steinfurt, comte de Tecklembourg (Brandebourg), comte de Hoya, de Spiegelberg et de Diepholz (les trois à Hanovre), comte de Virnebourg (Lœwenstein-Wertheim), comte de Rietberg (Kaunitz), comte de Pyrmont (Waldeck), comte de Gronsfeld près Maastricht (Tœrring), comte de Reckheim (Aspremont), seigneur d’Anholt-sur-la-vieille-Yssel (Salm-Salm), seigneurs de Winnebourg et de Belstein (Metternich), comte de Holzappel (Anhalt-Bernbourg), seigneur de Witten (Plettenberg), comtes de Blankenheim et de Gerolstein (les deux à Limpourg), seigneur de Gehmen (Limbourg-Stirum), seigneur de Gimborn et Neustadt (Wallmoden), seigneur de Wickeradt (Quadt), seigneur de Mylendonk (Ostein), seigneur de Reichenstein (Nesselrode), seigneur de Kerpen-sur-l’Eft (Arenberg), comte de Schleiden (Arenberg), comte de Hallermunde (Platten, personnaliste), trois villes libres de Cologne, Aix-la-Chapelle, Dortmund.
K. MEMBRES NON INSCRITS DANS LES CERCLES Roi de Bohême (Autriche), margrave de Moravie, duc de Silésie, margrave de Lusace, électeur de Hanovre, archevêque de Besançon, duc de Savoie, prince de Montbéliard (Wurtemberg), comte de Sassenbourg (Arenberg), seigneur de Landskron (Nesselrode), seigneur de Hombourg (Sayn-Wittgenstein), comte de Helfenstein (Palatinat), comte de Montfort (Autriche), abbés de Saint-Ulrich et Saint-Afra à Augsbourg, de Beuron, de Schœnthal, d’Ottobeuren, d’Elten, abbesses de Gandersheim, d’Edelstetten, seigneur de Dyck (SalmReifferschiedt), seigneur de Jever (Anhalt-Zerbst), seigneur de Kniphausen, etc. Les trois cercles de la chevalerie d’Empire, noblesse immédiate : – cercle souabe, en cinq cantons : Danube, Hegau-Algau-Bodan, Neckar-Forêt-NoireOrtenau, Kocher, Kreichgau ; – cercle franconien, en six cantons : Odenwald, Steigerwald, Geburg, Altmuhl, Baunach, Rhœn-et-Werra ; – cercle rhénan, en trois cantons : Haut-Rhin, Moyen-Rhin, Bas-Rhin. Les ganerbinats (Friedberg, Gelnhausen) et les villages libres (Leutkircher Heide, Gochsheim, Sennfeld). Au terme de dix années de guerre, la France révolutionnaire étant parvenue à faire admettre par les principaux souverains du Saint Empire sa mainmise sur la rive gauche allemande du Rhin, s’ensuit un vaste marchandage visant à indemniser les princes héréditaires dépossédés sur rive gauche du Rhin. Le principe retenu est le suivant : – l’ensemble des terres allemandes du Saint Empire (domaines héréditaires, territoires ecclésiastiques et villes libres) sises sur rive gauche sont cédées à la France ; – la quasi-totalité — hormis l’électorat de Mayence et les deux ordres militaires (teutonique, de Malte) — des terres ecclésiastiques de rive droite sont sécularisées et confisquées, sans indemnités, à leurs souverains d’Église ; – la majeure partie, sauf six, des villes libres de rive droite perdent leur statut impérial ; – les princes héréditaires — et eux seuls — dépossédés sur rive gauche sont indemnisés sur rive droite, le plus souvent par des terres prises sur les anciens domaines ecclésiastiques et les anciennes villes libres ; – la chevalerie d’Empire dépossédée sur rive gauche n’est pas indemnisée. Les conclusions des tractations, déjà concrétisées par un certain nombre de traités passés en 1801/1802 entre la France et les principaux souverains allemands, sont entérinées par un document officiel de l’Empire, le recès principal du 25 février 1803, qui énumère les compensations attribuées aux souverains indemnisés (voir détails dans les chapitres Allemagne et Autriche et dans la partie « États disparus »).
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Saint Empire Il s’agit là d’un bouleversement considérable du Saint Empire, puisqu’il ampute ce dernier de 66 000 km2, soit 10 % de son territoire, et d’environ 4 millions d’habitants, soit 13 % de sa population. Cet important sacrifice est accepté d’un cœur léger par les grands souverains de l’Allemagne, car ils sont, à part l’Autriche, largement indemnisés par des domaines venant, sur rive droite, arrondir leurs possessions antérieures. Le Saint Empire est ramené à huit cercles, par disparition de celui de Bourgogne et fusion des deux cercles du Rhin, très amoindris. Le collège électoral est porté à dix membres, par la disparition de Trèves et de Cologne, mais l’apparition de quatre nouveaux électeurs : Salzbourg, Bade, Wurtemberg, Hesse-Cassel. Sa composition confessionnelle est désormais la suivante : – quatre catholiques : Mayence, Bohême, Palatinat-Bavière, Salzbourg ; – six protestants : Saxe, Brandebourg, Hanovre, Bade, Wurtemberg, Hesse-Cassel. Cette situation nouvelle constitue dès lors une menace à terme pour la pérennité du maintien de la couronne impériale dans la maison d’Autriche. Le collège des princes est porté de 100 à 131 voix par disparition de 18 voix, éteintes ou absorbées par la France (ou la Suisse) : Besançon, Worms, Bâle, Liège, Coire, Wissembourg, Prum, Stavelot-Malmédy, banc de prélats souabe, banc de prélats rhénan, Bourgogne, Lautern, Simmern, Deux-Ponts, Veldenz, Lautereck, Savoie, Montbéliard. Et création de 49 voix nouvelles (indiquées dans la liste par un astérisque *). Sa composition est désormais la suivante : Autriche (Habsbourg), Haute-Bavière (Wittelsbach), *Styrie (Habsbourg), Magdebourg (Brandebourg), Salzbourg (Lorraine-Toscane), *Basse-Bavière (Wittelsbach), Ratisbonne (électeur de Mayence), *Sulzbach (Wittelsbach), Ordre teutonique, Neubourg (Wittelsbach), Bamberg (Wittelsbach), Brême (Hanovre), *Misnie margraviat (Saxe électorale), *Berg (Wittelsbach), Wurtzbourg (Wittelsbach), *Carinthie (Habsbourg), Eichstædt (Lorraine-Toscane), Cobourg (Saxe-Cobourg), Bruchsal-Spire (Bade), Gotha (Saxe-Cobourg), Ettenheim-Strasbourg (Bade), Altenbourg (Saxe-Altenbourg), Constance (Bade), Weimar (Saxe-Weimar), Augsbourg (Wittelsbach), Eisenach (Saxe-Eisenach), Hildesheim (Brandebourg), Anspach (Brandebourg), Paderborn (Brandebourg), Bayreuth (Brandebourg), Frisingue (Wittelsbach), Wolfenbuttel (Brunswick), *Thuringe (Saxe électorale, Weimar et Cobourg), Celle (Hanovre), Passau (Wittelsbach), Calenberg (Hanovre), Trente (Habsbourg), Grubenhagen (Hanovre), Brixen (Habsbourg), Halberstadt (Brandebourg), *Carniole (Habsbourg), Bade, *Teck (Wurtemberg), Durlach (Bade), Osnabruck (Hanovre), Verden (Hanovre), Munster (Brandebourg), Hochberg (Bade), Lubeck (Oldenbourg), Wurtemberg, *Hanau (Hesse-Cassel), Gluckstadt (Danemark), Fulde (Orange-Nassau), Gottorp (Danemark), Kempten (Wittelsbach), Schwerin duché (Mecklembourg-Schwerin), Ellwangen (Wurtemberg), Gustrow (Mecklembourg-Schwerin), ordre de Malte, Darmstadt (Hesse-Darmstadt), Berchtesgaden (Lorraine-Toscane), Cassel (Hesse-Cassel), *Westphalie (Hesse-Darmstadt), Poméranie citérieure (Suède), *Plœn (Danemark), Poméranie ultérieure (Brandebourg), *Brisgau (Modène), Lauenbourg (Hanovre), Corvey (Orange-Nassau), Minden (Brandebourg), *Misnie burgraviat (Saxe électorale), Leuchtenberg (Wittelsbach), Anhalt, Henneberg (toutes Saxes), Schwerin principauté (Mecklembourg-Schwerin), Cammin (Brandebourg), Ratzebourg (Mecklembourg-Strelitz), Hersfeld (Hesse-Cassel), *Tyrol (Habsbourg), *Tubingue (Wurtemberg), *Querfurt (Saxe électorale), Arenberg, Hechingen (Hohenzollern-Hechingen), *Fritzlar (Hesse-Cassel), Sternstein (Lobkowitz), Salm (Salm-Salm), Dietrichstein, Hadamar (Orange-Nassau), *Zwiefalten (Wurtemberg), Dillenbourg (Nassau-Dietz), Auersperg, *Starkenbourg (Hesse-Darmstadt), Ostfrise (Brandebourg), Furstenberg, Schwarzenberg, *Gœttingue (Hanovre), *Mindelheim (Wittelsbach), Liechtenstein, La Tour-et-Taxis, Schwarzbourg, *Ortenau (Modène), *Aschaffenbourg (électeur de Mayence), *Eichsfeld (Brandebourg), *Blankenbourg (Brunswick), *Stargard (Mecklembourg-Strelitz), *Erfurt (Brandebourg), *Usingen (Nassau-Usingen), *Weilbourg (Nassau-Weilbourg), *Sigmaringen (Hohenzollern-Sigmaringen), *Kyrbourg (Salm-Kyrbourg), *Baar-et-Stuhlingen (Furstenberg), *Klettgau (Schwarzenberg), *Buchau (La Tour-et-Taxis), *Waldeck, *Lœwenstein-Wertheim, *Œttingen-Spielberg, *Œttingen-
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Annexes Wallerstein, *Solms-Braunfels, *Hohenlohe-Neuenstein, *Hohenlohe-WaldenbourgSchillingsfurt, *Hohenlohe-Waldenbourg-Bartenstein, *Isembourg-Birstein, *KaunitzRietberg, *Reuss-Plauen-Greiz, *Linange, *Ligne-Edelstetten, *Looz-Wolbeck, collège des comtes de Souabe, collège des comtes de Wettéravie, collège des comtes de Franconie, collège des comtes de Westphalie. Parmi ces 131 voix, un grand nombre sont désormais concentrées sur la tête de grands États de la nouvelle Allemagne, qui les ont reçues par les indemnisations du recès ou, à défaut, se sont fait largement doter de voix nouvelles ; par exemple, les 10 électeurs accaparent à eux seuls 64 voix, plus 2 alternantes : – Habsbourg-Autriche, 7 voix : Autriche, *Styrie, *Carinthie, Trente, Brixen, *Carniole, *Tyrol ; – Wittelsbach-Bavière, 13 voix : Haute-Bavière, *Basse-Bavière, *Sulzbach, Neubourg, Bamberg, *Berg, Wurtzbourg, Augsbourg, Frisingue, Passau, Kempten, Leuchtenberg, *Mindelheim ; – Mayence, 2 voix : Ratisbonne, *Aschaffenbourg ; – Salzbourg, 3 voix : Salzbourg, Eichstædt, Berchtesgaden ; – Saxe électorale, 3 voix : *Misnie margraviat, *Misnie burgraviat, *Querfurt ; plus 2 voix alternantes : *Thuringe, Henneberg ; – Brandebourg, 13 voix : Magdebourg, Hildesheim, Anspach, Paderborn, Bayreuth, Halberstadt, Munster, Poméranie ultérieure, Minden, Cammin, Ostfrise, *Eichsfeld, *Erfurt ; – Hanovre, 8 voix : Brême, Celle, Calenberg, Grubenhagen, Osnabruck, Verden, Lauenbourg, *Gœttingue ; – Bade, 6 voix : Bruchsal-Spire, Ettenheim-Strasbourg, Constance, Bade, Durlach, Hochberg ; – Wurtemberg, 5 voix : *Teck, Wurtemberg, Ellwangen, *Tubingue, *Zwiefalten ; – Hesse-Cassel, 4 voix : *Hanau, Cassel, Hersfeld, *Fritzlar. Du point de vue confessionnel, le collège des princes se répartit entre 77 voix protestantes, 53 catholiques et 1 alternante. Le collège des villes libres est réduit à six membres, tous protestants : Hambourg, Brême, Lubeck, Francfort-sur-le-Main, Augsbourg, Nuremberg. En décembre 1805, l’une des clauses du traité de Presbourg, qui rétablit la paix entre la France et l’Autriche, stipule que, en échange de la cession de nombreux territoires, l’Autriche incorpore à ses États l’électorat de Salzbourg. L’électeur de Salzbourg — l’ancien grandduc de Toscane Ferdinand III, frère de l’empereur — est transféré à Wurtzbourg (cédé par la Bavière), érigé en électorat de Wurtzbourg, lequel se substitue, au sein du collège électoral, à l’ancien électorat de Salzbourg. Le 22 juillet 1806 — dix jours après la proclamation officielle de la nouvelle Confédération du Rhin regroupant, sous la protection de Napoléon, seize États de l’Allemagne moyenne —, celui-ci déclare ne plus reconnaître le Saint Empire, et donne jusqu’au 10 août à l’empereur germanique pour en tirer les conséquences, faute de quoi il envahira l’Autriche. Le 6 août 1806, l’empereur François II d’Allemagne (François Ier d’Autriche) proclame la dissolution du Saint Empire romain germanique.
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Républiques sœurs
Républiques sœurs Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, on redécouvre les trésors de l’Antiquité, la vogue se répand des références aux auteurs grecs et latins et, sous l’influence des Lumières, certains se prennent à rêver à l’avènement d’une société égalitaire, qui abolirait les privilèges en restaurant les vertus antiques — dont on crédite les cités grecques et la Rome républicaine, et que l’on oppose à l’arbitraire et à l’inégalitarisme qui ont cours en Europe à cette époque. La Révolution française, singulièrement après l’abolition de la monarchie (1792), affiche sa volonté d’imiter les républiques anciennes — citoyenneté athénienne et gravitas romaine — et ses idéaux de justice et d’égalitarisme se répandent parmi les esprits « éclairés » de l’Europe. Au gré des victoires des armées françaises, des révolutions, fomentées ou soutenues par la France, amènent des « patriotes » au pouvoir en divers lieux, lesquels fondent des républiques « sœurs » de la Grande Nation (la France), qu’ils entendent façonner en s’inspirant des principes mis en application par les révolutionnaires français (unicité du pays, Constitution, législation, voire départementalisation). C’est ainsi que, de 1792 à 1810, naissent, vivent et meurent en Europe des régimes imités du modèle français, et asservis aux vues de la France, laquelle intervient à tout moment dans les affaires de ces républiques, et parfois les dirige elle-même par le biais de ses représentants, civils ou militaires. La république de Mayence (novembre 1792-mars 1793), capitale Mayence, rassemble les pays allemands situés entre Alsace, Rhin et Nahe. Après quatre mois d’existence, elle décide sa réunion à la France, mais une offensive autrichienne rétablit l’ordre ancien. La République rauracienne (décembre 1792-mars 1793), capitale Porrentruy, est proclamée dans la partie germanique de l’évêché de Bâle : Ajoie (Porrentruy), Delémont, Saint-Ursanne, Franches-Montagnes, Laufon, Arlesheim. Moins de quatre mois plus tard, elle est annexée par la France, qui en fait le département du Mont-Terrible. La république de Monaco (janvier-février 1793), capitale Monaco, naît d’un soulèvement contre le prince ; elle est annexée le mois suivant par la France. La République batave (février 1795-mai 1806), capitale Amsterdam, succède aux Provinces-Unies, qu’elle transforme en un État unitaire. Elle est celle des républiques sœurs qui dure le plus longtemps, mais sous trois Constitutions (1798, 1801, 1805) imposées au gré des événements par la France. En mai 1806, elle se transforme en royaume de Hollande. La République bolonaise (juin-octobre 1796), capitale Bologne, recouvre les légations pontificales de Bologne et de Ferrare. Née des suites de l’occupation des Légations par les troupes de Bonaparte, elle se fond cinq mois plus tard dans la Cispadane. La république de Modène et Reggio (octobre 1796), capitale Modène, fait suite à l’invasion du duché de Modène par Bonaparte. Elle se fond très vite dans la Cispadane. La République cispadane (octobre 1796-juillet 1797), capitale Bologne, réunit la Bolonaise et l’ancien duché de Modène ; elle comprend les provinces de Bologne, Ferrare, Modène, Reggio et Massa-Carrare. En février 1797, elle s’accroît de l’ancienne légation de Romagne, cédée par le pape à Tolentino. En mai 1797, elle perd les provinces de Modène et de Reggio, transférées d’autorité par Bonaparte à la Transpadane. Fin juillet 1797, elle est réunie à la nouvelle Cisalpine. La République transpadane (décembre 1796-juillet 1797), capitale Milan, est instituée par Bonaparte, après tergiversations du Directoire (la région est dotée depuis l’été 1796 d’une Administration générale de Lombardie). Elle se compose à l’origine des anciens duchés autrichiens de Milan et de Mantoue. Elle s’augmente en mars 1797 des provinces vénitiennes de Bergame, Brescia et Crémone, qui se sont soulevées contre Venise. En mai 1797, Bonaparte lui transfère les provinces de Modène et de Reggio, prélevées sur la Cispadane. Début juillet 1797, Bonaparte la transforme en République cisalpine.
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Annexes La République ancônitaine (juin 1797-février 1798), capitale Ancône, qui recouvre la marche pontificale d’Ancône, naît d’un soulèvement contre le légat du pape. Huit mois plus tard, elle se réunit à la nouvelle République romaine. La République ligurienne (juin 1797-juin 1805), capitale Gênes, résulte de la démocratisation imposée par Bonaparte à la république aristocratique, après un soulèvement réprimé par celle-ci. Elle se compose du territoire de l’ancienne république. En juin 1805, elle est annexée à la France. La République cisalpine (juillet 1797-janvier 1802), capitale Milan, est créée au début de juillet 1797 à partir de la Transpadane. Fin juillet, elle absorbe la Cispadane. En octobre 1797, Bonaparte l’augmente de la Valteline, Bormio et Chiavenna, pris aux Grisons. Dans le même temps, des dépouilles de Venise, elle reçoit le reliquat des territoires de l’antique république situés à l’ouest de l’Adige. En septembre 1800, elle reçoit de la France (Piémont) le Novarais. En janvier 1802, elle cède la place à la République italienne. La République cisrhénane (septembre-novembre 1797), capitale Mayence, est composée des pays allemands situés sur rive gauche du Rhin, depuis l’Alsace jusqu’à la frontière batave. Proclamée avec le soutien du général Hoche, chargé d’administrer la région, elle est récusée par le Directoire, qui veut fixer la frontière de la France sur le Rhin. La mort de Hoche sonne le glas de cette république, qui est en novembre annexée à la France. La République lémanique (janvier-mars 1798), capitale Lausanne, naît d’une révolte des Vaudois contre les autorités de Berne. Elle se fond en mars dans la Rhodanique. La République romaine, ou tibérine (février 1798-mai 1799), capitale Rome, résulte d’une intervention armée de la France, consécutive à des troubles. Elle se compose du Latium, des duchés de Castro, Spolète et Bénévent et de la légation d’Urbin-et-Pesaro. La République ancônitaine la rejoint aussitôt. En juin 1798, elle vend Bénévent et Ponte-Corvo aux Deux-Siciles. En mai 1799, elle doit céder la place à la restauration du pouvoir pontifical. Les Républiques (mars-avril 1798) rhodanique, capitale Lausanne, helvétique, capitale Zurich, et telligovienne, capitale Lucerne, sont décrétées par le général Brune, qui commande les troupes françaises d’occupation. Elles se fondent un mois plus tard dans la République helvétique. La République helvétique (avril 1798-février 1803), capitale Lausanne, comprend l’ancien territoire de la Confédération helvétique, hormis les Grisons, qui refusent d’y adhérer, Chiavenna, Bormio et la Valteline passés à la Cisalpine, Genève, Bienne, Mulhouse et l’évêché de Bâle, annexés par la France, et Neuchâtel, laissé au roi de Prusse. En juin 1800, les Grisons y sont incorporés. En mai 1802, Bonaparte en détache le Valais, qui devient la République valaisanne, mais lui donne en compensation le Frickthal et Tarasp. En février 1803, elle cède la place à une nouvelle Confédération helvétique, dont Bonaparte sera médiateur, mais qui n’a plus le caractère de république sœur. La république de Lucques (janvier 1799-juin 1805), capitale Lucques, prend la suite de la vieille république aristocratique du même nom, démocratisée à la suite de son occupation par la France. En juin 1805, elle cède la place à la principauté de Lucques et Piombino. La République parthénopéenne, ou napolitaine (janvier-mai 1799), capitale Naples, est proclamée à l’instigation du général Championnet, sur la moitié continentale (Naples) du royaume des Deux-Siciles. Elle laisse la place en mai à une restauration des Bourbons-Sicile. La République italienne (janvier 1802-mars 1805), capitale Milan, succède, sans modification territoriale, à la Cisalpine. Dotée d’une Constitution centralisée et autoritaire, d’un président de la République (Bonaparte lui-même), elle doit en mars 1805 céder la place au nouveau royaume d’Italie, dont Napoléon devient le souverain. La République valaisanne (mai 1802-novembre 1810), capitale Sion, est constituée du Valais, détaché de l’Helvétique. Elle est placée sous la protection conjointe des Républiques française, helvétique et italienne. La plus tardive des républiques sœurs, elle est annexée en novembre 1810 à l’Empire français. N. B. En raison de l’offensive austro-russe dite des Treize Mois (mai 1799-juin 1800), qui se traduit par la reconquête temporaire de la péninsule italienne par les ennemis de la France, les Républiques cisalpine, ligurienne et de Lucques sont abrogées durant cette période, puis restaurées au retour offensif des armées du premier consul Bonaparte.
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Les pays réservés de Napoléon Ier
Les pays réservés de Napoléon Ier Tout au long de sa vie de général et d’homme d’État (1796-1815), Napoléon Bonaparte est confronté aux vicissitudes de la politique européenne. Ses vues dominatrices, sa détermination à intervenir en toute occasion dans les affaires de l’Europe, sa ténacité à abattre l’Angleterre par le blocus continental, l’aversion qu’il suscite auprès de nombre de cours d’Europe le conduisent à mener des guerres incessantes sur le continent. Son génie militaire et la valeur des armées qu’il commande font que, pendant très longtemps, il sort vainqueur de ces conflits, ce qui lui donne de conquérir toujours plus de territoires à chaque nouvelle conclusion de paix. Ces territoires contribuent à augmenter le patrimoine de la France, à arrondir les États soumis à son influence, à récompenser des fidèles de Napoléon. Cependant, lors des tractations de paix, Napoléon prend de plus en plus, au fil du temps, l’habitude de faire attribuer à la France — tant qu’il est premier consul — et plus tard, devenu empereur, de se faire attribuer à titre personnel certains territoires, dont il pourra disposer à son gré : ce sont les pays réservés. Ces provinces, ces morceaux de territoire, qu’il maintient pendant un temps plus ou moins long dans une position d’attente, lui permettent d’agir efficacement sur les souverains des États limitrophes, en leur faisant miroiter la perspective d’en être les bénéficiaires s’ils se rangent à ses vues. Dans l’attente d’une décision sur le sort final réservé à ces pays, Napoléon les fait administrer par des commissaires venus de Paris et, empereur, s’en adjuge temporairement les revenus financiers. C’est ainsi que, de 1801 à 1813, les contrées suivantes vont connaître quelque temps le sort de pays réservés.
Frickthal (partie du Brisgau située sur rive gauche du Rhin en amont de Bâle) et les deux villes forestières de Laufenbourg et de Rheinfelden (également situées sur rive gauche du Rhin) – 9 février 1801, traité de Lunéville, cédés par l’Autriche à la France ; – 25 mai 1802, rétrocédés à la République helvétique, en compensation de l’érection du Valais en république indépendante. Toscane (grand-duché) – 9 février 1801, traité de Lunéville, remise par l’Autriche à la France, pour attribution au duc de Parme, « infant » d’Espagne (branche cadette des Bourbons-Parme) ; – 21 mars 1801, traité d’Aranjuez, remise au fils du duc de Parme (le futur Louis Ier d’Étrurie), contre l’acquisition du duché de Parme par la France. Parme, Plaisance et Guastalla (duché) – 21 mars 1801, traité d’Aranjuez, doit être cédé par son duc à la France, en compensation de la Toscane (Étrurie), cédée à son fils Louis (le duc de Parme refusant de céder son duché, Bonaparte consentira à attendre sa mort pour en prendre possession) ; – octobre 1802, mort du duc de Parme ; le duché devient un pays réservé à la disposition de la France ; – 30 mars 1806, petit duché de Guastalla détaché du duché de Parme, pour être donné par Napoléon à sa sœur Pauline, qui le revendra en juillet 1806 à Napoléon, roi d’Italie, pour être incorporé au royaume d’Italie ; – 30 mai 1808, duché de Parme (Parme et Plaisance) incorporé dans l’Empire français (département du Taro). Présides de Toscane (cinq places fortes napolitaines sur le littoral toscan) – 28 mars 1801, traité de Florence, cédés par les Deux-Siciles à la France, à titre de pays réservé ;
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Annexes – octobre 1802, rétrocédés à l’Étrurie (Toscane), en compensation au refus de lui céder le duché de Parme, devenu vacant par la mort du duc. Partie occidentale de l’île d’Elbe (deux tiers de l’île), autour de Porto Ferraïo – 21 mars 1801, traité d’Aranjuez, ce territoire — possession du prince de Piombino sous suzeraineté de la Toscane — détaché de la Toscane et cédé à la France, à titre de pays réservé. Partie orientale de l’île d’Elbe (un tiers de l’île), autour de Porto Longone – 28 mars 1801, traité de Florence, cédée par les Deux-Siciles à la France, à titre de pays réservé. Capraïa (île) – 10 juin 1802, traité de Paris, cédée par la République ligurienne à la France, à titre de pays réservé, en compensation de gains territoriaux sur le continent. Archipel de l’île d’Elbe (Elbe et dépendances, plus Capraïa) – mars 1801 et juin 1802, rassemblé en un pays réservé ; – 7 avril 1809, incorporé à l’Empire français (département de la Méditerranée). Neuchâtel (principauté) – 15 décembre 1805, traité de Schœnbrunn, cédée par la Prusse à Napoléon, à titre de pays réservé, en compensation du gain du Hanovre pris à la Grande-Bretagne ; – 1er avril 1806, rétrocédée par Napoléon au maréchal Berthier, fait prince souverain de Neuchâtel. Clèves (duché), partie de rive droite du Rhin – 15 décembre 1805, traité de Schœnbrunn, cédé par la Prusse au prince du Saint Empire qui sera désigné par Napoléon, en compensation du gain du Hanovre pris à la GrandeBretagne ; – 15 mars 1806, rétrocédé, avec Berg, au maréchal Murat, fait duc de Berg et Clèves et prince du Saint Empire (grand-duc de Berg le 12 juillet 1806). Berg (duché) – 16 décembre 1805, traité de Schœnbrunn, cédé par la Bavière au prince du Saint Empire qui sera désigné par Napoléon, en compensation du gain du marquisat d’Anspach, cédé lui-même la veille à la Bavière par la Prusse en compensation du gain du Hanovre pris à la Grande-Bretagne ; – 15 mars 1806, rétrocédé, avec Clèves, au maréchal Murat, fait duc de Berg et Clèves et prince du Saint Empire (grand-duc de Berg le 12 juillet 1806). Tyrol (comté princier), bordure méridionale au sud d’une ligne nord-ouest/sud-est allant du triplex Tyrol/Suisse/royaume d’Italie à Madonna di Campiglio, Rovereto, sud de Trente et val Sugana – 26 décembre 1805, traité de Presbourg, cédée par l’Autriche à la Bavière, comme l’ensemble du comté princier de Tyrol ; – 27 décembre 1805, lettre de Napoléon à l’électeur de Bavière, expressément réservée par Napoléon, en vue d’un éventuel rattachement à son royaume d’Italie ; – 25 mai 1806, traité de Munich, finalement cédée à la Bavière, qui la rattache à sa province du Tyrol. Dortmund (ville) – 23 octobre 1806, décret impérial, confisquée au prince d’Orange-Nassau par Napoléon, qui se l’attribue à titre de pays réservé ; – 21 janvier 1808, traité de Paris, rétrocédée au grand-duché de Berg, en compensation de la cession par ce dernier à la France de la forteresse de Wesel. Corvey (principauté) – 23 octobre 1806, décret impérial, confisquée au prince d’Orange-Nassau par Napoléon, qui se l’attribue à titre de pays réservé ;
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Les pays réservés de Napoléon Ier – 15 novembre 1807, à l’occasion de la proclamation de la Constitution de ce royaume, rétrocédée au royaume de Westphalie. Fulde (principauté), hormis les bailliages de Herbstein et de Michelau – 23 octobre 1806, décret impérial, confisquée au prince d’Orange-Nassau par Napoléon, qui se l’attribue à titre de pays réservé ; – 16 février 1810, traité de Paris, rétrocédée au nouveau grand-duché de Francfort. Herbstein (bailliage dépendant de Fulde, enclavé dans la Hesse-Darmstadt) – 23 octobre 1806, décret impérial, confisqué au prince d’Orange-Nassau par Napoléon, qui se l’attribue à titre de pays réservé ; – 11 mai 1810, traité de Paris, rétrocédé au grand-duché de Hesse-Darmstadt. Michelau (bailliage dépendant de Fulde, enclavé dans le Wurtzbourg) – 23 octobre 1806, décret impérial, confisqué au prince d’Orange-Nassau par Napoléon, qui se l’attribue à titre de pays réservé ; – 8 mai 1810, traité de Paris, rétrocédé au grand-duché de Wurtzbourg. Jever (seigneurie) – 7 juillet 1807, traité de Tilsitt, remise par la Russie à la France, pour attribution au royaume de Hollande ; – 11 novembre 1807, traité de Fontainebleau, remise au royaume de Hollande. Ioniennes (îles), avec leurs cinq points de terre ferme d’Albanie – 7 juillet 1807, traité de Tilsitt (articles secrets), remises par la Russie à Napoléon, qui se les attribue à titre de pays réservé. Cottbus (cercle prussien, enclavé dans la Saxe électorale) – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, remis par la Prusse à Napoléon, pour attribution au royaume de Saxe ; – 22 juillet 1807, convention de Dresde, remis au royaume de Saxe, en échange de divers territoires décrits infra. Vieille Marche, Magdebourg (duché) pour la moitié de rive gauche de l’Elbe, Saale (cercle), Mansfeld (comté) pour la moitié prussienne, Hohenstein (comté), Halberstadt (principauté), Minden (principauté), Ravensberg (comté), Hildesheim (principauté), Paderborn (principauté), Herford et Quedlinbourg (anciennes abbayes), Eichsfeld avec Treffurt (bailliage), Goslar, Nordhausen et Mulhausen (villes), Grubenhagen avec son enclave d’Elbingerode (duché), Calenberg (duché) pour son tiers méridional (Gœttingue) ; tous territoires prussiens – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, cédés par la Prusse à Napoléon, à titre de pays réservés ; – 1er septembre 1807, décret impérial, rétrocédés au royaume de Westphalie. Ostfrise (principauté) – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, cédée par la Prusse à Napoléon, à titre de pays réservé ; – 11 novembre 1807, traité de Fontainebleau, rétrocédée au royaume de Hollande. Osnabruck (principauté) avec son enclave de Wiedenbruck – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, cédée par la Prusse à Napoléon, à titre de pays réservé ; – 15 novembre 1807, à l’occasion de la proclamation de la Constitution de ce royaume, rétrocédée au royaume de Westphalie. Munster (principauté), Cappenberg (prévôté), Lingen (comté), Tecklimbourg (comté), la Marck (comté) avec la cosouveraineté sur Lippstadt (partagée avec la LippeDetmold) ; tous territoires prussiens – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, cédés par la Prusse à Napoléon, à titre de pays réservés ; – 21 janvier 1808, traité de Paris, rétrocédés au grand-duché de Berg, en compensation de la cession par ce dernier à la France de la forteresse de Wesel.
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Annexes Lunebourg (duché), Brême (duché), Hoya (comté), Diepholz (comté), Verden (principauté), Calenberg (duché) pour ses deux tiers septentrionaux (Hanovre) ; tous territoires prussiens – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, cédés par la Prusse à Napoléon, à titre de pays réservé de Hanovre ; – 14 janvier 1810, traité de Paris, rétrocédés au royaume de Westphalie. Lauenbourg (duché) avec son enclave de Neuhaus sur rive droite de l’Elbe – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, cédé par la Prusse à Napoléon, à titre de pays réservé de Hanovre ; – 13 décembre 1810, sénatus-consulte, incorporé dans l’Empire français (département des Bouches-de-l’Elbe). Bayreuth (margraviat) avec son enclave de Caulsdorf en Thuringe – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, cédé par la Prusse à Napoléon, à titre de pays réservé ; – 28 février 1810, traité de Paris, rétrocédé à la Bavière. Erfurt (bailliage) avec ses trois enclaves de Blankenhain, Bas-Cranichfeld et Muhlberg (ou comté d’Untergleichen) – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, cédé par la Prusse à Napoléon, à titre de pays réservé ; lors de la célèbre entrevue d’Erfurt (27 septembre-14 octobre 1808), Napoléon reçoit chez lui l’Europe entière. Basse-Hesse (principauté), Hersfeld (principauté), Ziegenhain (comté), avec la seigneurie enclavée de Pless, Haute-Hesse (principauté) pour la partie de Hesse-Cassel, fragments de Hoya et Diepholz (comtés), Naumbourg, Fritzlar, Neustadt et Amœneubourg (bailliages), Gelnhausen (ville), Holzhausen (village) ; tous territoires de la Hesse-Cassel – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, confisqués sur la Hesse-Cassel par Napoléon, à titre de pays réservé ; – 1er septembre 1807, décret impérial, rétrocédés au royaume de Westphalie. Schmalcalde (seigneurie) – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, confisquée sur la Hesse-Cassel par Napoléon, à titre de pays réservé ; – 15 novembre 1807, à l’occasion de la proclamation de la Constitution de ce royaume, rétrocédée au royaume de Westphalie. Hanau (comté), hormis les bailliages de Bobenhausen, Dorheim, Henckelsheim, Munzenberg, Ortenberg et Rodheim – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, confisqué sur la Hesse-Cassel par Napoléon, à titre de pays réservé ; – 16 février 1810, traité de Paris, rétrocédé au nouveau grand-duché de Francfort. Bobenhausen, Dorheim, Henckelsheim, Munzenberg, Ortenberg et Rodheim (bailliages dépendant du Hanau, enclavés dans la Hesse-Darmstadt) – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, confisqués sur la Hesse-Cassel par Napoléon, à titre de pays réservé ; – 11 mai 1810, traité de Paris, rétrocédés au grand-duché de Hesse-Darmstadt. Bas-Catzenellenbogen (comté) – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, confisqué sur la Hesse-Cassel par Napoléon, à titre de pays réservé. Brunswick (duché), hormis le bailliage de Thedingshausen, sur le bas Weser – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, confisqué par Napoléon, à titre de pays réservé ; – 1er septembre 1807, décret impérial, rétrocédé au royaume de Westphalie. Thedingshausen (bailliage), dépendant du duché de Brunswick – 9 juillet 1807, traité de Tilsitt, confisqué sur le duché par Napoléon, à titre de pays réservé de Hanovre ;
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Les pays réservés de Napoléon Ier – 14 janvier 1810, traité de Paris, rétrocédé au royaume de Westphalie. Barby (comté), Gamern et Sangershausen (bailliages), Mansfeld (comté) pour partie de la moitié saxonne – 22 juillet 1807, convention de Dresde, cédés par le royaume de Saxe à Napoléon, à titre de pays réservé, en échange du cercle de Cottbus ; – 1er septembre 1807, décret impérial, rétrocédés au royaume de Westphalie. Magdebourg (citadelle, sur rive droite du thalweg de l’Elbe, avec ses alentours, omise à Tilsitt) – 8 septembre 1808, traité de Paris, cédée par la Prusse à Napoléon, qui la place sous cosouveraineté franco-westphalienne ; – 14 janvier 1810, traité de Paris, part française rétrocédée au royaume de Westphalie. Innviertel (Quartier de l’Inn), Hausruckviertel pour sa moitié occidentale, Salzbourg (duché), hormis l’enclave de Windisch Matrei au Tyrol ; tous territoires autrichiens – 14 octobre 1809, traité de Schœnbrunn, cédés par l’Autriche à Napoléon à titre de pays réservés ; – 28 février 1810, traité de Paris, rétrocédés à la Bavière. Windisch Matrei (enclave salzbourgeoise au Tyrol) – 14 octobre 1809, traité de Schœnbrunn, cédée par l’Autriche à Napoléon, à titre de pays réservé ; – 28 février 1810, traité de Paris, incorporée dans les Provinces Illyriennes de l’Empire français (intendance de Villach). Rhæzuns (baronnie, enclave autrichienne dans les Grisons) – 14 octobre 1809, traité de Schœnbrunn, cédée par l’Autriche à Napoléon, à titre de pays réservé ; – 28 février 1810, traité de Paris, rattachée au royaume d’Italie (département du HautAdige). Ratisbonne (principauté) – 16 février 1810, traité de Paris, cédée par le nouveau grand-duc de Francfort à Napoléon, à titre de pays réservé ; – 28 février 1810, traité de Paris, rétrocédée à la Bavière. À la fin du mois de février 1810, ne subsistent plus comme pays réservés à la discrétion de l’empereur Napoléon que les îles Ioniennes, en butte aux attaques de la marine anglaise, le bailliage d’Erfurt et ses trois dépendances, le comté du Bas-Catzenellenbogen sur le Rhin.
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Annexes
Confédération du Rhin Au lendemain de la signature du traité de Presbourg (décembre 1805), l’empereur Napoléon entend profiter de l’abaissement de l’Autriche pour pousser son avantage et créer une Allemagne moyenne (au centre et au sud) soustraite aux influences de l’Autriche et de la Prusse (elle-même agrandie au nord par l’absorption du Hanovre). D’une part, il réunit le duché de Clèves (de rive droite du Rhin), cédé par la Prusse, et le duché de Berg, cédé par la Bavière, en un duché de Berg et Clèves qu’il confie (mars 1806) à son beau-frère Joachim Murat, promu de ce fait prince du Saint Empire, le nouveau duché constituant, face à la Prusse, un premier glacis protecteur de la France, laquelle se limite pour l’instant à la frontière du Rhin. D’autre part, il entend simplifier de façon radicale la situation territoriale de l’Allemagne centrale et méridionale en n’y conservant qu’un nombre restreint d’États dévoués à la France. Outre la Bavière, le Wurtemberg et Bade, le duché de Berg et Clèves et l’archevêché de Mayence, dont le titulaire (Dalberg) s’est fait l’homme lige de Napoléon en Allemagne, il convient d’y conserver quelques États d’importance dont la fidélité à la France sera sans faille. C’est ainsi que sont retenus des princes tels que le landgrave de Hesse-Darmstadt, les princes de Nassau et de Salm, le duc d’Arenberg. À rebours, l’électeur de Hesse-Cassel et le prince d’Orange-Nassau, pour cause d’influence prussienne, les princes de Furstenberg, de Schwarzenberg, de La Tour-et-Taxis, de Linange, de Hohenlohe, etc., pour cause d’influence autrichienne, et en dépit de leur importance, sont sacrifiés lors des tractations qui se tiennent à Paris au cours du printemps de 1806, menées du côté français par Talleyrand sous le contrôle constant de l’empereur Napoléon. Le « bon plaisir » de l’Empereur permet même à quelques princes de piètre importance de survivre à une telle hécatombe pour des raisons très subjectives, telles que l’excellente impression faite à Napoléon à Presbourg en décembre précédent (le prince de Liechtenstein), d’anciennes relations avec la famille de l’impératrice Joséphine (le prince de HohenzollernSigmaringen), des parentés avec l’électeur Dalberg (prince d’Isembourg et comte de La Leyen) ou un mariage en vue avec une nièce de Murat (prince de Hohenzollern-Hechingen). Par acte constitutif du 12 juillet 1806, signé bilatéralement entre la France et chacun des seize États appelés à en être membres, est créée la Confédération du Rhin (Rheinbund). La Confédération du Rhin est placée sous le patronage de l’empereur Napoléon qui s’en institue protecteur, et sous la présidence de l’archevêque-électeur de Mayence Dalberg. À la diète fédérale qui doit tenir des sessions à Francfort, ses seize membres sont répartis en deux collèges : celui des rois et celui des princes. Leur composition est la suivante : Collège des rois (six membres) : – l’archevêque de Mayence, président du collège, élevé à la dignité de prince-primat avec titre d’Altesse éminentissime ; – les deux rois de Bavière et de Wurtemberg ; – le grand-duc de Bade ; – le landgrave de Hesse-Darmstadt et le duc de Berg et Clèves, élevés à la dignité de grands-ducs avec titre d’Altesse royale. Collège des princes (dix membres) : – le prince de Nassau-Usingen, président du collège, élevé au rang de duc ; – le duc d’Arenberg ; – le prince de Nassau-Weilbourg ; – les deux princes de Salm-Salm et de Salm-Kyrbourg ; – les deux princes de Hohenzollern-Hechingen et Hohenzollern-Sigmaringen ; – les deux princes d’Isembourg-Birstein et de Liechtenstein ; – le comte de La Leyen, élevé au rang de prince.
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Confédération du Rhin L’ensemble de la Confédération regroupe de l’ordre de 7 500 000 sujets vivant sur une surface d’environ 130 000 km2. La capitale en est fixée à Francfort-sur-le-Main, la ville libre ayant été attribuée pour la circonstance au prince-primat, qui y transfère sa résidence. Ses membres déclarent le 1er août 1806 se séparer à jamais du Saint Empire ; ils procèdent entre eux à des clarifications de territoires et médiatisent nombre d’États situés dans ou en limite de leurs domaines et non retenus dans la Confédération ; il est toutefois stipulé que les princes ainsi médiatisés conserveront leurs droits privés et féodaux. Une clause essentielle aux yeux de Napoléon, qu’il saura toujours faire jouer à l’occasion, est celle qui institue le contingent militaire de 63 000 hommes que les membres s’engagent à mettre à sa disposition. En regard du contingent de 200 000 hommes que le protecteur s’engage à mettre en œuvre « pour sauvegarder l’indépendance germanique », les différents membres s’engagent à lui fournir : – Bavière : 30 000 hommes ; – Wurtemberg : 12 000 hommes ; – Bade : 8 000 hommes ; – Berg : 5 000 hommes ; – Hesse-Darmstadt : 4 000 hommes ; – autres membres au total : 4 000 hommes. Enfin, la Confédération du Rhin est ouverte à l’adhésion ultérieure de nouveaux membres germaniques. Prenant acte de leur retrait signifié le 1er août 1806 par les seize confédérés, l’empereur François II dissout le Saint Empire romain germanique. Par ailleurs, Napoléon ne donne pas suite au projet de statut fondamental présenté dès le 4 août par le prince-primat, conformément aux stipulations de l’acte constitutif, et qui aurait dû définir le fonctionnement des institutions confédérales. Napoléon n’entend en rien s’ingérer dans les affaires intérieures des États membres ; il ne souhaite qu’influer sur leur politique extérieure et utiliser leur contingent militaire prévu en cas de conflit. 17e membre : en dépit de sa parenté avec l’empereur d’Autriche, l’électeur de Wurtzbourg, ancien grand-duc Ferdinand III de Toscane transféré à Salzbourg en février 1803 puis à Wurtzbourg en décembre 1805, adhère le 25 septembre 1806 à la Confédération, au sein de laquelle il siégera dans le collège des rois ; pour la circonstance, il est élevé à la dignité de grand-duc de Wurtzbourg et mettra un contingent de 2 000 hommes à la disposition du protecteur. 18e membre : le 11 décembre 1806, par le traité de Posen, l’électeur devenu roi de Saxe adhère à la Confédération, où il siégera dans le collège des rois, s’engageant à mettre 20 000 hommes à la disposition du protecteur. 19e à 23e membres : le 15 décembre, par un autre traité de Posen, les cinq ducs de Saxe de la ligne ernestine (Saxe-Weimar-Eisenach, Saxe-Cobourg-Saalfeld, Saxe-Gotha-Altenbourg, Saxe-Meiningen, Saxe-Hildbourghausen) adhèrent à la Confédération, où ils siégeront dans le collège des princes, s’engageant à mettre au total 2 000 hommes à la disposition du protecteur. 24e à 35e membres : le 18 avril 1807, par cinq traités de Varsovie, douze nouveaux princes adhèrent à la Confédération, au sein de laquelle ils siégeront dans le collège des princes. Il s’agit : – du duc d’Anhalt-Bernbourg et des deux princes d’Anhalt-Dessau et d’Anhalt-Cœthen, élevés au rang de ducs (contingent de 700 hommes au total) ; – du prince de Waldeck (400 hommes) ; – du prince de Lippe-Detmold et du comte de Schaumbourg-Lippe, élevé au rang de prince (650 hommes au total) ; – des deux princes de Schwarzbourg-Rudolstadt et de Schwarzbourg-Sondershausen (650 hommes au total) ; – des quatre princes de Reuss (400 hommes au total), à savoir prince de Reuss-Greiz (branche aînée) et trois princes de Reuss-Schleiz, de Reuss-Ebersdorf et de Reuss-Lobenstein (branche cadette disposant d’une seule voix au collège des princes).
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Annexes 36e membre : le jour même de sa création officielle (18 août 1807), le nouveau royaume de Westphalie, dont le roi Jérôme est frère de Napoléon, adhère à la Confédération, au sein de laquelle son souverain siégera dans le collège des rois. Le royaume apportera un contingent de 25 000 hommes au protecteur. 37e membre : le 18 février 1808, le duc de Mecklembourg-Strelitz adhère à la Confédération (collège des princes), pour un contingent de 400 hommes. 38e membre : le 22 mars 1808, le duc de Mecklembourg-Schwerin adhère à son tour à la Confédération (collège des princes), pour un contingent de 1 900 hommes. 39e membre : par le traité d’Erfurt du 14 octobre 1808, le duc d’Oldenbourg est le dernier prince à adhérer à la Confédération du Rhin, pour un contingent de 800 hommes. Il siégera dans le collège des princes. Par le traité de Paris du 16 février 1810, l’archevêché de Mayence est remanié et sécularisé en grand-duché de Francfort, au profit de Dalberg qui devient grand-duc et demeure président de la Confédération. Celle-ci recouvre alors 350 000 km2 et compte 14 500 000 sujets, répartis entre 39 souverains, mais 38 États seulement du fait de la fusion administrative des deux duchés de Nassau depuis août 1806. Le contingent militaire total de la Confédération dépasse les 120 000 hommes. Le collège des rois compte neuf membres : – les quatre rois de Bavière, de Wurtemberg, de Saxe et de Westphalie ; – les cinq grands-ducs de Bade, de Berg, de Francfort, de Hesse-Darmstadt et de Wurtzbourg. Le collège des princes compte trente membres : – les treize ducs de Nassau-Usingen, d’Arenberg, des cinq Saxes, des trois Anhalt, des deux Mecklembourg et d’Oldenbourg ; – les dix-sept princes de Nassau-Weilbourg, des deux Hohenzollern, des deux Salm, d’Isembourg, de Liechtenstein, de La Leyen, de Waldeck, des deux Lippes, des deux Schwarzbourg et des quatre Reuss. Toutefois, cette division en deux collèges est toute théorique, la diète ne s’étant jamais réunie du fait de l’opposition des grands États membres, qui entendent demeurer indépendants, et de l’insouciance à cet égard du protecteur Napoléon, qui a décidé de ne pas intervenir. Ne restent en Allemagne en dehors de la Confédération que l’Autriche, la Prusse, la Poméranie suédoise, le Holstein danois, les trois villes hanséatiques, les pays allemands cédés à la Hollande (Jever, Ostfrise) et les « pays réservés » à l’empereur Napoléon (Lauenbourg, Erfurt, Catzenellenbogen). Dans la perspective d’intensifier le blocus contre l’Angleterre, le 13 décembre 1810, Napoléon annexe à la France la Hollande, l’Oldenbourg, les villes hanséatiques, les deux principautés de Salm, le duché d’Arenberg et le Lauenbourg, plus une partie du grandduché de Berg et du royaume de Westphalie. De ce fait, la Confédération du Rhin perd environ 35 000 km2 et 1 000 000 sujets ; elle est ramenée à 35 membres, par disparition des duchés d’Arenberg et d’Oldenbourg et des principautés de Salm-Salm et de Salm-Kyrbourg. En 1813, la perte de prestige de la France due aux difficultés en Espagne et à l’échec de la campagne de Russie amène ses ennemis à redresser la tête. La Prusse, qui vient de changer de camp, commence à inciter les États allemands à abandonner l’alliance française. Les deux ducs de Mecklembourg et les trois princes d’Anhalt quittent la Confédération et se joignent à la coalition contre la France. La Confédération est ramenée à 30 membres. Quelques jours avant la bataille de Leipzig, par le traité de Ried du 8 octobre 1813 signé avec les coalisés, la Bavière quitte la Confédération et se tourne contre la France, contre promesse de conserver la couronne royale et ses gains territoriaux. Le 26 octobre, le grand-duc de Wurtzbourg quitte à son tour la Confédération, qui est ramenée à 28 membres.
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Confédération du Rhin La décomposition de la Confédération s’accélère du fait du retrait des Français de l’Allemagne. Le 4 novembre 1813, les coalisés proclament sa dissolution. Le mois de novembre voit ses membres la quitter peu à peu au gré des signatures de traités avec la Prusse ou l’Autriche : Saxe-Weimar (le 1er), Wurtemberg (traité de Fulde, le 2), les deux Lippe (le 5), Bade (traité de Francfort, le 20), Nassau (traité de Francfort, le 23), Hesse-Darmstadt (idem), Saxe-Cobourg (le 29). La Confédération, moribonde, en vient à ne plus compter que les rois de Saxe et de Westphalie, les grands-ducs de Berg et de Francfort, les princes d’Isembourg et de La Leyen, tous prisonniers ou chassés de leurs États qui sont séquestrés par les coalisés. C’est alors que la Confédération disparaît sans gloire. Construction circonstancielle née de l’initiative d’un souverain étranger à l’Allemagne, la Confédération ne peut survivre à la chute de son fondateur. Elle aura néanmoins eu pour effet de favoriser la rupture de l’Allemagne avec le système médiéval de la Kleinstatterei et l’émergence d’États de dimension moyenne, retardant ainsi pour plusieurs décennies l’unification allemande.
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Annexes
Confédération germanique La chute du système napoléonien en Allemagne incite dès 1813 les puissances coalisées contre la France à envisager une autre forme d’organisation du monde allemand. À cet égard, deux tendances contradictoires s’affirment au grand jour : – un mouvement revendiquant l’unité allemande, répandu dans les milieux intellectuels et « éclairés » de l’Allemagne, soutenus en cela par la Prusse (baron Stein) et, dans une moindre mesure, par l’Autriche, et qui considère que le processus de simplification engendré par la France révolutionnaire, puis napoléonienne, doit aller jusqu’à son terme en faisant de l’Allemagne un tout, une nation unitaire — ou à défaut fortement fédérée —, à l’égal des autres nations de l’Europe ; – une volonté tout aussi affirmée, de la part des souverains des grands États allemands, qui s’appuient sur les traités signés en 1813, de conserver tout à la fois la souveraineté sur l’ensemble de leurs domaines, anciens ou récents, et l’indépendance de fait acquise lors de la disparition du Saint Empire. Ne rétablir aucune autorité superétatique serait faire injure à l’opinion publique, mais l’hypothèse d’une restauration pure et simple du Saint Empire est écartée par la Prusse et l’Autriche, les deux pays qui comptent en Allemagne, pour les raisons suivantes : – la Prusse n’en veut pas, car elle ne veut pas restaurer la primauté effective de la maison d’Autriche ; – l’Autriche n’en veut pas, car elle craint que le changement de majorité confessionnelle intervenu en 1803 dans le collège des électeurs ne lui fasse perdre à terme le trône impérial au profit de la Prusse ; – les deux puissances, rejointes en cela par les autres États subsistants, n’en veulent pas, car restaurer l’Empire serait faire droit aux revendications des princes médiatisés en 1806, voire des sièges ecclésiastiques ou des villes médiatisés en 1803, ce qui signifierait un morcellement de leurs possessions. Les puissances victorieuses, réunies en congrès à Vienne pour territorialement réorganiser l’Europe, doivent aussi se pencher sur cette question et les négociations s’éternisent, lorsque l’annonce du retour de Napoléon de l’île d’Elbe vient réveiller les esprits et, dans la crainte que l’Allemagne méridionale ne regarde une nouvelle fois du côté de la France, hâter l’émergence d’une solution moyenne, une Confédération suffisamment lâche pour satisfaire les particularismes. Par l’acte fédéral du 8 juin 1815 est créée la Confédération germanique, qui sera définitivement assise par l’acte final du 15 mai 1820. Les limites extérieures de la nouvelle Confédération recouvrent à peu près celles de l’ancien Saint Empire, à l’exception notable du retranchement des anciens évêché de Liège et Pays-Bas autrichiens. De ce fait, comme pour le Saint Empire, quelques souverains (Autriche, Prusse, Danemark, Pays-Bas, Grande-Bretagne) n’y entrent que pour une partie de leurs domaines, en conservant l’autre partie (généralement la plus importante) en dehors de la Confédération. À sa constitution, la Confédération recouvre 632 000 km2 et 30 millions d’âmes, et se compose des 39 États suivants : – l’empire d’Autriche, pour ses provinces « d’Empire » : Autriche, Salzbourg, Tyrol et Vorarlberg, Styrie, Carinthie, Carniole, Goritz, Trieste et Istrie autrichienne, Bohême, Moravie et Silésie autrichienne ; – les sept royaumes de Prusse (hormis ses provinces de Prusse et de Posnanie), de Bavière, de Saxe, du Hanovre (au roi de Grande-Bretagne), de Wurtemberg, de Danemark (pour les seuls duchés de Holstein et de Lauenbourg) et des Pays-Bas (pour le seul grandduché de Luxembourg) ; – l’électorat de Hesse-Cassel ;
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Confédération germanique – les six grands-duchés de Bade, de Hesse-Darmstadt, d’Oldenbourg, de Saxe-Weimar, de Mecklembourg-Schwerin et de Mecklembourg-Strelitz ; – les dix duchés de Nassau-Usingen, de Nassau-Weilbourg, de Brunswick, de SaxeGotha-Altenbourg, de Saxe-Cobourg-Saalfeld, de Saxe-Meiningen, de Saxe-Hildbourghausen, d’Anhalt-Dessau, d’Anhalt-Bernbourg, d’Anhalt-Cœthen ; – les dix principautés de Lippe-Detmold, de Schaumbourg-Lippe, de Waldeck, de Schwarzbourg-Rudolstadt, de Schwarzbourg-Sondershausen, de Reuss-Greiz (ligne aînée), des trois Reuss (ligne cadette) réunies sur une voix (Schleiz, Ebersdorf, Lobenstein), de Hohenzollern-Hechingen, de Hohenzollern-Sigmaringen, de Liechtenstein ; – les quatre villes libres de Francfort, Lubeck, Brême et Hambourg. Les princes laïques médiatisés en 1806 et non restaurés gardent des privilèges et des droits politiques reconnus par la Confédération. La finalité de la Confédération germanique est de maintenir la sécurité, l’indépendance et l’intégrité des divers États qui la composent. Pour ce faire, elle s’assemble à Francfort en une diète placée sous la présidence de l’empereur d’Autriche et sous la vice-présidence du roi de Prusse. Cette diète, dont la première séance se tiendra le 5 novembre 1816, se compose des représentants des princes ou gouvernements des États membres, sans aucune représentation élective. Elle a pour but de traiter uniquement des affaires fédérales : litiges entre membres, politique extérieure de la Confédération, organisation militaire des forces armées fédérales. Les affaires constitutionnelles ou de décision de guerre ou de paix sont traitées en assemblée plénière composée de 70 voix. Les affaires courantes sont traitées en assemblées restreintes (ou ordinaires) où le nombre de voix est réduit à 17. Les compositions en voix des deux assemblées sont détaillées plus loin. La création la plus concrète de la Confédération germanique est la mise sur pied d’une armée fédérale de 500 000 hommes, au caractère défensif, disposant dès l’origine de trois forteresses fédérales (Mayence, Landau, Luxembourg) portées ultérieurement à cinq par adjonction de celles de Rastadt et d’Ulm. L’armée se compose de dix corps ainsi répartis : Ier, IIe et IIIe (Autriche), IVe, Ve et VIe (Prusse), VIIe (Bavière), VIIIe (Wurtemberg, Bade, Hesse-Darmstadt), IXe (Saxe royale, Nassau, Hesse-Cassel, Luxembourg), Xe (Hanovre, Brunswick, Holstein, les deux Mecklembourg, Oldenbourg, les trois villes hanséatiques). Les autres petits États forment la réserve. En mars 1816, la mort sans descendance du dernier duc de Nassau-Usingen réunit définitivement les deux duchés en un seul duché de Nassau, sous la souveraineté du duc de Nassau-Weilbourg. La Confédération germanique est ramenée à 38 membres. Le landgrave de Hesse-Hombourg est le seul des princes médiatisés à avoir été restauré en 1816 dans ses droits de souveraineté. En 1817, le landgraviat de Hesse-Hombourg est admis au sein de la Confédération germanique, dont le nombre de membres est de nouveau porté à 39. À la suite de ces changements, la composition en voix des assemblées de la diète de Francfort est la suivante : Assemblée plénière (70 voix) : – 6 pays à quatre voix : Autriche, Prusse, Bavière, Saxe royale, Hanovre, Wurtemberg ; – 5 pays à trois voix : Bade, Hesse-Cassel, Hesse-Darmstadt, Holstein, Luxembourg ; – 3 pays à deux voix : Brunswick, Mecklembourg-Schwerin, Nassau ; – 25 pays à une voix : chacun des autres. Assemblée restreinte (17 voix) : – 11 pays à une voix virile : Autriche, Prusse, Bavière, Saxe royale, Hanovre, Wurtemberg, Bade, Hesse-Cassel, Hesse-Darmstadt, Holstein, Luxembourg ; – 28 pays se partageant six voix curiales, répartis en six curies d’une voix chacune : – 1re curie : Saxe-Weimar, Saxe-Gotha, Saxe-Cobourg, Saxe-Meiningen, SaxeHildbourghausen ;
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Annexes – 2e curie : Brunswick, Nassau ; – 3e curie : Mecklembourg-Schwerin, Mecklembourg-Strelitz ; – 4e curie : Oldenbourg, Anhalt-Dessau, Anhalt-Cœthen, Anhalt-Bernbourg, Schwarzbourg-Rudolstadt, Schwarzbourg-Sondershausen ; – 5e curie : Hohenzollern-Hechingen, Hohenzollern-Sigmaringen, Liechtenstein, Lippe-Detmold, Schaumbourg-Lippe, Waldeck, Reuss-Greiz, voix commune des trois Reuss cadettes, Hesse-Hombourg ; – 6e curie : Francfort, Lubeck, Brême, Hambourg. Par le protocole du 6 avril 1818, l’Autriche fait entrer dans la Confédération germanique ses duchés polonais d’Auschwitz et de Zator, provenant de son royaume de Galicie. L’extinction (février 1825) de la maison de Saxe-Gotha-Altenbourg ouvre la voie à un remaniement territorial des duchés saxons de la branche ernestine. Il en résulte un partage (novembre 1826) du duché vacant entre les trois autres duchés, qui deviennent : SaxeMeiningen-Hildbourghausen, Saxe-Cobourg-Gotha, Saxe-Altenbourg. La Confédération germanique est ramenée à 38 membres. En 1825, au sein de la branche cadette de Reuss, l’extinction du rameau de Lobenstein provoque la fusion de cette principauté avec celle d’Ebersdorf, qui devient Reuss-EbersdorfLobenstein. Les deux principautés, avec celle de Reuss-Schleiz, étant représentées à la diète fédérale par une voix collective, le nombre de membres de la Confédération reste inchangé. Par la convention de Berlin du 8 juin 1825, le comte de Bentinck est parvenu à faire reconnaître sa qualité de seigneur souverain de Kniphausen. Par l’acte fédéral du 9 mars 1826, la seigneurie de Kniphausen est admise dans la Confédération germanique. Toutefois, elle ne disposera pas de voix particulière à la diète, où elle sera représentée par le grand-duché d’Oldenbourg. À la suite de la révolution belge d’août 1830 aboutissant à la partition du royaume des Pays-Bas Unis en deux royaumes de Belgique et des Pays-Bas, un traité des Vingt-Quatre Articles est signé le 20 octobre 1831 par les puissances, lequel stipule la partition des provinces du Limbourg et du Luxembourg. La partie orientale du Luxembourg (Luxembourg) reste grand-duché de Luxembourg, possession du roi des Pays-Bas et membre de la Confédération germanique. La partie occidentale du Luxembourg (Arlon) devient province belge du Luxembourg et sort à ce titre de la Confédération germanique. La partie occidentale du Limbourg (Hasselt) devient province belge du Limbourg. La partie orientale du Limbourg (Maastricht) reste province néerlandaise du Limbourg, mais entre dans la Confédération germanique, pour compenser le retrait du Luxembourg belge. En 1847, par suite de l’extinction de la branche d’Anhalt-Cœthen, le duché d’AnhaltCœthen est pris en charge par celui d’Anhalt-Dessau. Le duché d’Anhalt-Cœthen restant une entité propre, il n’y a pas modification du nombre de membres de la Confédération. La révolution française de 1848 provoque l’explosion des revendications unitaires en Allemagne. Le 12 juillet, la diète de la Confédération germanique remet ses pouvoirs entre les mains du Parlement constituant qui s’est réuni à Francfort depuis le 18 mai et a proclamé l’Empire allemand. Le vicariat d’Empire est confié provisoirement à l’archiduc Jean. Le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse renonce (28 avril 1849) à la couronne impériale que lui a décernée le Parlement (28 mars). Ce dernier, qui s’est réfugié à Stuttgart, est dispersé (juin) par les troupes autrichiennes. Le 20 décembre, l’archiduc Jean renonce à son vicariat. Par convention du 7 décembre 1849, les princes de Hohenzollern-Hechingen et de Hohenzollern-Sigmaringen abdiquent simultanément en faveur de leur lointain cousin le roi de Prusse. Les deux principautés réunies deviennent une nouvelle province du royaume de Prusse. La Confédération germanique est ramenée à 36 membres. En septembre 1850, l’Autriche décrète la réactivation de la Confédération germanique. La Prusse, qui avait tenté en vain de mettre sur pied une union restreinte (parlement d’Erfurt), est contrainte d’y souscrire le 28 novembre (reculade d’Olmutz).
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Confédération germanique En 1853, par suite de l’extinction du rameau d’Ebersdorf-Lobenstein de la branche cadette de Reuss, la principauté de Reuss-Ebersdorf-Lobenstein est réunie à celle de ReussSchleiz, qui prend le nom de Reuss-Gera. Du fait de la voix collective attribuée à cette branche cadette, le nombre de membres de la Confédération n’en est pas modifié. En revanche, à la même époque, les duchés d’Anhalt-Dessau et d’Anhalt-Cœthen, restés séparés en 1847, sont fusionnés en un seul duché d’Anhalt-Dessau-Cœthen. De ce fait, la Confédération germanique est ramenée à 35 membres. Par convention du 13 avril 1854, le grand-duché d’Oldenbourg médiatise la seigneurie de Kniphausen. Cette dernière étant représentée à la diète par le grand-duché, la composition de la diète n’est pas modifiée. En 1863, par suite de l’extinction de la branche d’Anhalt-Bernbourg, le duché d’AnhaltBernbourg disparaît, rattaché à celui d’Anhalt-Dessau qui devient duché d’Anhalt. La Confédération germanique est ramenée à 34 membres. Par le traité de Vienne du 30 octobre 1864 faisant suite à la victoire austro-prussienne contre lui, le Danemark cède à l’Autriche et à la Prusse le Schleswig, le Holstein et le Lauenbourg. Ces deux derniers duchés restent membres de la Confédération, mais leur voix est suspendue. En mars 1866, à la mort sans postérité de son landgrave, le landgraviat de Hesse-Hombourg est réuni au grand-duché de Hesse-Darmstadt en union personnelle. De ce fait, la composition de la diète reste inchangée. La Prusse réclamant une réforme de la Confédération germanique, pour y combattre la prééminence autrichienne, et récriminant contre l’administration autrichienne au Holstein, la majorité de la Confédération vote le 14 juin 1866 la mobilisation de l’armée fédérale contre la Prusse. À la suite de sa défaite dans la guerre austro-prussienne qui a suivi, par le traité de Prague du 23 août 1866, l’Autriche accepte la dissolution de la Confédération germanique et reconnaît à la Prusse le droit de remanier une Allemagne dont elle-même sera exclue. Le 24 août, l’Autriche annonce à la diète fédérale que la Confédération germanique doit se considérer comme dissoute. Cette date marque la fin de la domination autrichienne et le début de la domination prussienne en Allemagne.
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Annexes
Confédération de l’Allemagne du Nord et Empire allemand (IIe Reich) Depuis le congrès de Vienne (1815), l’Allemagne vivait sous le régime de la Confédération germanique, organisme suffisamment lâche pour permettre à ses membres, surtout aux plus puissants, de mener une vie politique autonome (voir annexe Confédération germanique). Le système de Metternich assurait à l’Autriche une prépondérance d’autant plus marquée qu’elle paraissait le garant du maintien des structures en vigueur, lesquelles satisfaisaient les petits États. En contrepoint, la Prusse apparaissait de plus en plus comme une puissance ambitieuse, tendue vers le dessein d’unifier l’Allemagne ; l’extension du Zollverein prussien en avait administré la preuve. Certes, le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse avait échoué dans sa tentative de profiter des troubles de 1848 pour prendre la tête d’une petite Allemagne (parlement d’Erfurt, mars 1850) et avait dû « reculer » à Olmutz (novembre 1850) devant l’Autriche ; on sentait bien que la Prusse humiliée chercherait sa revanche. L’arrivée du comte de Bismarck aux affaires (septembre 1862) et son habileté à tirer profit de l’affaire des duchés danois (1863-1866) finissent par permettre à la Prusse de se substituer définitivement à l’Autriche à la tête du corps germanique. La Prusse et l’Autriche s’étant partagé l’administration de leur condominium sur les duchés danois (août 1865) et les membres de la Confédération germanique étant divisés sur l’avenir de ceux-ci, Bismarck saisit toute occasion d’envenimer ses relations avec l’Autriche tant sur l’administration du Holstein que sur la question de la réforme de la Confédération, pour laquelle il présente des revendications radicales (avril 1866). Il crée ainsi les conditions du conflit de juin-juillet 1866, où il obtient une victoire complète sur l’Autriche et ses alliés. Dès le 10 juin 1866, la Prusse réclame l’exclusion de l’Autriche de la Confédération germanique. Le 14 juin, réagissant à l’expulsion par la Prusse des troupes autrichiennes du Holstein, la Confédération germanique vote contre celle-ci la mobilisation des contingents fédéraux. La Prusse déclare alors qu’à ses yeux la Confédération est dissoute. Pour parer à tout risque d’intervention française, la Prusse s’est accordée dès juillet avec la France sur les points suivants : contre l’acceptation par la France de l’exclusion de l’Autriche du corps germanique et de l’expansion de la Prusse en Allemagne, celle-ci s’engage à respecter le royaume de Saxe, à limiter son influence aux États situés au nord du Main et à consulter par plébiscite les habitants du Schleswig. La France accepte d’avance l’annexion par la Prusse du Hanovre, de la Hesse électorale, de Nassau et de Francfort. En conséquence, par le traité de Prague du 23 août 1866, qui met fin aux hostilités entre la Prusse et l’Autriche, cette dernière : – ratifie la dissolution de la Confédération germanique ; – donne son accord à une réorganisation de l’Allemagne dont elle sera exclue ; – accorde à la Prusse de pouvoir former, au nord du Main, une union plus étroite, après avoir opéré toute modification territoriale qu’elle jugerait convenable, sauf en Saxe royale ; – convient que pourra se former au sud du Main une autre union à définir (l’Autriche en étant exclue). Le 24 août se tient à Augsbourg la dernière séance de la Confédération et l’Autriche annonce aux participants que la Confédération germanique doit se considérer comme dissoute.
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Confédération de l’Allemagne du Nord et Empire allemand (IIe Reich) La Prusse annexe le Hanovre, la Hesse électorale, le Nassau et Francfort. Elle déclare que ses provinces « polonaises » de Prusse et de Posnanie doivent faire partie de la future Confédération. Une union préliminaire de la plupart des États de l’Allemagne du Nord avait été mise au point par le traité de Berlin du 18 août ; la Prusse en achève l’institution par l’accession de la Haute-Hesse (3 septembre) et du royaume de Saxe (21 octobre). Enfin, par la conclusion d’alliances militaires secrètes avec les États allemands du sud du Main, la Prusse contourne partiellement le veto mis par la France à l’union complète de l’Allemagne. Le projet prussien de Confédération de l’Allemagne du Nord est approuvé le 9 février 1867 par les gouvernements des États appelés à en faire partie. Un parlement constituant se réunit à Berlin le 24 février pour entériner sa Constitution. Des 34 membres composant l’ancienne Confédération en 1866 ne subsistent plus que 22 membres par suite de : – l’éviction de trois membres du corps germanique : Autriche, Liechtenstein, Luxembourg ; – la non-participation, stipulée à Prague, de trois membres : Bavière, Wurtemberg, Bade ; – la disparition de six membres : Hanovre, Hesse électorale, Hesse-Hombourg, Holstein, Nassau, Francfort. Les 22 membres subsistants ne représentent en réalité que 21 États et un tiers, la HesseDarmstadt n’entrant dans la nouvelle Confédération que pour l’une de ses trois provinces (Haute-Hesse), la seule qui soit située au nord du Main. La Confédération se compose de : – deux royaumes : Prusse et Saxe ; – cinq grands-duchés : Hesse-Darmstadt, Mecklembourg-Schwerin, Mecklembourg-Strelitz, Oldenbourg, Saxe-Weimar-Eisenach ; – cinq duchés : Anhalt, Brunswick, Saxe-Cobourg-Gotha, Saxe-Meiningen, Saxe-Altenbourg ; – sept principautés : Lippe-Detmold, Schaumbourg-Lippe, Waldeck, Schwarzbourg-Sondershausen, Schwarzbourg-Rudolstadt, Reuss-Greiz, Reuss-Schleiz ; – trois villes libres : Lubeck, Brême et Hambourg. Elle est présidée, à titre héréditaire, par le roi de Prusse. La Confédération de l’Allemagne du Nord couvre 415 000 km2 et réunit 30 millions d’habitants, dont 24 millions pour la seule Prusse, 2 millions pour la Saxe royale et 3 millions pour les autres États. La fixation à Berlin de sa capitale symbolise le déplacement du centre de gravité de l’Allemagne vers la Prusse. Concernant ses rouages internes, la Confédération de l’Allemagne du Nord diffère de la situation antérieure par l’apparition d’institutions communes allant dans le sens d’une fédéralisation de l’Allemagne : chancelier fédéral contresignant les actes du président, nationalité commune, représentations communes à l’étranger, législation fédérale, armée et marine communes. De plus, le traditionnel Conseil fédéral (Bundesrat) représentant les souverains se voit flanqué d’un parlement (Reichstag) élu au suffrage universel, transcendant les États, et dont la Prusse, par son poids démographique, va s’assurer le contrôle. Quant au Conseil fédéral, sa composition se calque sur celle de la diète de Francfort de l’ancienne Confédération ; chaque État membre garde le nombre de voix qu’il y détenait, aux deux exceptions suivantes : – la Prusse passe de quatre à dix-sept voix, ajoutant à ses quatre anciennes voix les quatre du Hanovre, les trois du Holstein, les trois de la Hesse électorale, les deux de Nassau et celle de Francfort ; – la Hesse-Darmstadt est ramenée de trois à une voix, n’entrant dans la Confédération que pour l’une de ses trois provinces. La composition du Conseil fédéral (43 voix) est donc la suivante : – un État à dix-sept voix (Prusse) ; – un État à quatre voix (Saxe) ; – deux États à deux voix (Brunswick, Mecklembourg-Schwerin) ; – dix-huit États à une voix (les autres États).
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Annexes Selon les stipulations du traité de Prague, les pays du sud du Main sont invités à constituer une Confédération de l’Allemagne du Sud, mais celle-ci ne verra jamais le jour en raison de la méfiance qu’inspire la Bavière aux autres États. En juillet 1867, la frontière du Main est franchie, du point de vue strictement économique, par la constitution d’un conseil fédéral et d’un parlement douaniers, dont font partie la Confédération et les États allemands du sud du Main. En juillet 1870, les trois États du sud du Main honorent leurs alliances militaires secrètes avec la Confédération et prennent part à la guerre victorieuse contre la France. Par traités signés avec la Prusse, à Versailles ou à Berlin, du 15 au 25 novembre 1870, les royaumes de Bavière et de Wurtemberg, les grands-duchés de Bade et de Hesse-Darmstadt adhèrent à la Confédération de l’Allemagne du Nord pour l’ensemble de leurs territoires. Le roi Louis II de Bavière s’étant montré très réticent à renoncer à une partie de sa souveraineté, Bismarck a dû forcer le destin en l’isolant dans son attitude d’hostilité et en lui accordant un certain nombre de privilèges de pure forme : – accession des Wittelsbach à la présidence héréditaire (puis au trône impérial) en cas d’extinction des Hohenzollern ; – postes et chemins de fer propres à la Bavière ; – représentations particulières à l’étranger et accréditations de ministres étrangers à Munich ; – supplément de voix (six au lieu de quatre) au Conseil fédéral pour donner à la Bavière le second rang ; – autonomie des corps d’armée bavarois (avec numérotation propre) au sein de l’armée fédérale. La Confédération compte désormais 25 membres. Le Conseil fédéral voit son nombre de voix porté de 43 à 58 par adjonction des voix suivantes : – six voix pour la Bavière (au lieu de quatre à Francfort) comme indiqué précédemment ; – quatre voix pour le Wurtemberg ; – trois voix pour le grand-duché de Bade ; – deux voix supplémentaires pour la Hesse-Darmstadt, qui retrouve ainsi ses trois voix de la diète de Francfort, en raison de l’inclusion de ses deux provinces méridionales. Quant au parlement de la Confédération (Reichstag), par son principe d’attribution d’un député pour 100 000 habitants, il marque plus nettement encore la prépondérance prussienne. Sur 382 sièges, la Prusse en détient 236, la Bavière 48, la Saxe royale 23, le Wurtemberg 17, Bade 14, la Hesse-Darmstadt 9, le Mecklembourg-Schwerin 6, la SaxeWeimar 3, l’Oldenbourg 3, le Brunswick 3, Hambourg 3, la Saxe-Meiningen 2, la SaxeCobourg 2, l’Anhalt 2, les onze autres États 1 chacun. Le 10 décembre 1870, le parlement de la Confédération vote l’instauration de l’Empire allemand (Deutsches Reich). Le 18 janvier 1871, à Versailles, le roi de Prusse Guillaume Ier est proclamé empereur allemand (Deutscher Kaiser) par une assemblée de princes souverains de l’Allemagne. Le nouvel Empire allemand, le IIe Reich, n’est que le prolongement de la Confédération de l’Allemagne du Nord, dont il conserve toutes les institutions, se contentant d’en changer les titres. Le traité de Francfort du 10 mai 1871 entérine la cession par la France à l’Allemagne de l’Alsace (sauf Belfort) et de la partie nord-est de la Lorraine. Le territoire cédé, appelé Alsace-Lorraine, n’est donné en propre à aucun des États allemands, mais va constituer une commune Terre d’Empire (Reichsland), placée sous l’administration directe de l’empereur. Elle n’est en conséquence pas représentée au Conseil fédéral ; à partir de 1874, elle sera admise à envoyer 15 députés au parlement de Berlin. L’Empire allemand de 1871 couvre 540 000 km2 pour 41 millions d’habitants. Il va durer jusqu’en novembre 1918.
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Chronologie des actes diplomatiques majeurs
Chronologie des actes diplomatiques majeurs à implications territoriales de 1789 à nos jours Pour les modalités et conséquences des traités, se reporter aux pays concernés.
Partages de la Pologne et guerre turque 4 août 1791 — traité de Sistova Autriche-Turquie 9 janvier 1792 — traité de Jassy Russie-Turquie 23 janvier 1793 — convention Prusse-Russie — 2e partage de la Pologne 24 octobre 1795 — traité de Saint-Pétersbourg Prusse-Autriche-Russie — 3e partage
Guerre de la première coalition (1792) 5 avril 1795 — traité de Bâle France-Prusse 16 mai 1795 — traité de La Haye France-République batave 15 mai 1796 — traité de Paris France-Sardaigne 7 août 1796 — traité de Paris France-Wurtemberg 22 août 1796 — traité de Paris France-Bade 19 février 1797 — traité de Tolentino France-Saint-Siège 18 octobre 1797 — traité de Campo-Formio France-Autriche
Guerre de la seconde coalition (1799) 9 février 1801 — traité de Lunéville France-Autriche 21 mars 1801 — traité d’Aranjuez France-Espagne 28 mars 1801 — traité de Florence France-Deux-Siciles 6 juin 1801 — traité de Badajoz Espagne-Portugal 24 août 1801 — traité de Paris France-Bavière 25 mars 1802 — traité d’Amiens France-Grande-Bretagne 20 mai 1802 — traité de Paris France-Wurtemberg 23 mai 1802 — traité de Paris France-Prusse 25 février 1803 — recès principal d’Empire
Guerre de la troisième coalition (1805) 15 décembre 1805 — traité de Schœnbrunn France-Prusse 16 décembre 1805 — convention secrète de Schœnbrunn France-Bavière 26 décembre 1805 — traité de Presbourg France-Autriche 12 juillet 1806 — traité de Confédération des États du Rhin à Paris, France-seize États allemands — création de la Confédération du Rhin
Guerre de la quatrième coalition (1806) 4 novembre 1806 — décret impérial — disparition de la Hesse-Cassel 7 juillet 1807 — traité de Tilsitt France-Russie
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Annexes 9 juillet 1807 — traité de Tilsitt France-Prusse 22 juillet 1807 — convention de Dresde France-Saxe 18 août 1807 — décret des Tuileries — création du royaume de Westphalie 11 novembre 1807 — traité de Fontainebleau France-Hollande 21 janvier 1808 – traité de Paris France-Berg
Expansion de la France en Italie 2 avril 1808 — décret de Saint-Cloud — annexion des Marches pontificales par l’Italie 24 mai 1808 — sénatus-consulte — annexion de l’Étrurie (Toscane) par la France 17 mai 1809 — décret de Schœnbrunn — annexion de Rome et de l’Ombrie par la France
Guerre de la cinquième coalition (1809) 24 avril 1809 — décret de Ratisbonne — abolition de l’Ordre teutonique 17 septembre 1809 — traité de Frederickshamn Suède-Russie 14 octobre 1809 — traité de Schœnbrunn (ou de Vienne) France-Autriche 14 janvier 1810 — traité de Paris France-Westphalie 16 février 1810 — traité de Paris France-archevêque de Mayence 28 février 1810 — traité de Paris France-Bavière 16 mars 1810 — traité de Paris France-Hollande 19 mars 1810 — traité de Lemberg Autriche-Russie
Expansion de la France en Europe 9 juillet 1810 — décret de Rambouillet — annexion de la Hollande 12 novembre 1810 — décret de Fontainebleau — annexion du Valais 13 décembre 1810 — sénatus-consulte — annexion d’Arenberg, de Salm, d’Oldenbourg, des villes hanséatiques et de parties de Berg et de Westphalie 26 janvier 1812 — décret impérial — rattachement administratif de la Catalogne à la France 28 mai 1812 — traité de Bucarest Russie-Turquie
Guerre de la sixième coalition (1813) 2 décembre 1813 — traité de Francfort Hesse-Cassel-puissances 14 janvier 1814 — traité de Kiel Suède-Danemark 30 mai 1814 — traité de Paris France-ses vainqueurs 3 juin 1814 — traité de Paris Autriche-Bavière 3 mai 1815 — traité de Vienne Autriche-Russie 18 mai 1815 — traité de Presbourg Prusse-Saxe 31 mai 1815 — traité de Vienne Pays-Bas-puissances 8 juin 1815 — acte fédéral, à Vienne — création de la Confédération germanique 9 juin 1815 — acte final du congrès de Vienne 23 septembre 1815 — traité de Paris Prusse-Hanovre 23 septembre 1815 — convention de Paris Prusse-Danemark 5 novembre 1815 — traité de Paris inter-puissances — îles Ioniennes 19 novembre 1815 — traité de Paris France-Sardaigne 20 novembre 1815 — traité de Paris France-ses vainqueurs 14 avril 1816 — traité de Munich Autriche-Bavière 30 juin 1816 — traité de Francfort Prusse-Hesse-Darmstadt 9 avril 1817 — convention de Francfort Prusse-Oldenbourg 20 juillet 1819 — recès général de Francfort
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Chronologie des actes diplomatiques majeurs Période de la Sainte-Alliance 15 novembre 1826 — acte de partage d’Hildbourghausen sur les duchés de Saxe 14 septembre 1829 — traité d’Andrinople Russie-Turquie 3 février 1830 — traité de Londres — création de la Grèce 20 janvier 1831 — protocole de Londres — création de la Belgique 20 octobre 1831 — traité des Vingt-Quatre Articles — partition Belgique-Pays-Bas 7 décembre 1849 — convention Prusse-Hohenzollern 30 mars 1856 — traité de Paris Russie-ses vainqueurs 26 mai 1857 — traité de Paris Prusse-Suisse 7 août 1858 — convention de Paris — union de la Moldavie et de la Valachie
Période des unités italienne et allemande 10 novembre 1859 — traités de Zurich Autriche-France et France-Sardaigne 24 mars 1860 — traité de Turin France-Sardaigne 14 novembre 1863 — convention de Londres — îles Ioniennes 30 octobre 1864 — traité de Vienne Danemark-Prusse-Autriche 18 août 1866 — traité de Berlin — création de la Confédération de l’Allemagne du Nord 23 août 1866 — traité de Prague Prusse-Autriche 24 août 1866 — convention de Vienne Autriche-France 19 octobre 1866 — procès-verbal de Venise France-Italie 18 juin 1867 — compromis de Vienne Autriche-Hongrie 18 janvier 1871 — proclamation à Versailles — création de l’Empire allemand 20 mai 1871 — traité de Francfort France-Allemagne
Période des guerres balkaniques 3 mars 1878 — traité de San Stefano Russie-Turquie 4 juin 1878 — traité Grande-Bretagne-Turquie 13 juillet 1878 — traité de Berlin inter-puissances 31 août 1905 — traité de Karlstad Suède-Norvège — indépendance de la Norvège 5 octobre 1908 — proclamation de Tirnovo — union et indépendance de la Bulgarie 6 octobre 1908 — décret impérial, à Vienne — annexion de la Bosnie-Herzégovine 18 octobre 1912 — traité de Lausanne Italie-Turquie 30 mai 1913 — traité de Londres Turquie-autres puissances 10 août 1913 — traité de Bucarest Bulgarie-ses vainqueurs 29 septembre 1913 — traité de Constantinople Turquie-ses vainqueurs 17 décembre 1913 — protocole de Florence — création de l’Albanie
Première Guerre mondiale 6 septembre 1915 — convention de Sofia Bulgarie-Turquie 3 mars 1918 — traité de Brest-Litovsk Allemagne-Russie 7 mai 1918 — traité de Bucarest Roumanie-ses vainqueurs 28 juin 1919 — traité de Versailles Allemagne-ses vainqueurs 10 septembre 1919 — traité de Saint-Germain Autriche-ses vainqueurs 27 novembre 1919 — traité de Neuilly Bulgarie-ses vainqueurs 2 février 1920 — traité de Tartu Russie-Estonie 4 juin 1920 — traité de Trianon Hongrie-ses vainqueurs 12 juillet 1920 — traité de Moscou Russie-Lituanie
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Annexes 10 août 1920 — traité de Sèvres Turquie-ses vainqueurs 11 août 1920 — traité de Riga Russie-Lettonie 7 octobre 1920 — accord de Suwalki Pologne-Lituanie 14 octobre 1920 — traité de Tartu Russie-Finlande 20 novembre 1920 — traité de Rapallo Italie-Yougoslavie 18 mars 1921 — traité de Riga Pologne-Russie 6 décembre 1921 — traité de Londres Grande-Bretagne-Irlande 30 décembre 1922 — traité d’alliance — création de l’URSS 24 juillet 1923 — traité de Lausanne Turquie-ses vainqueurs 27 janvier 1924 — traité de Rome Italie-Yougoslavie 12 février 1929 — accords de Latran Italie-Saint-Siège — création de la Cité du Vatican
Prémices de la Seconde Guerre mondiale 13 mars 1938 — proclamation — annexion de l’Autriche 1er octobre 1938 — traité de Munich inter-puissances — Tchécoslovaquie 2 novembre 1938 — arbitrage du Belvédère Hongrie-Tchécoslovaquie
Seconde Guerre mondiale 12 octobre 1939 — accords Allemagne-Russie — partage de la Pologne 12 mars 1940 — traité de Moscou URSS-Finlande 30 août 1940 — arbitrage du Belvédère Hongrie-Roumanie 7 septembre 1940 — traité de Craïova Bulgarie-Roumanie 22 avril 1941 — décret — partage de la Yougoslavie 29 juin 1945 — traité Russie-Tchécoslovaquie 16 août 1945 — accord de Moscou Pologne-URSS 10 février 1947 — traité de Paris Italie-ses vainqueurs 10 février 1947 — traité de Paris Hongrie-ses vainqueurs 10 février 1947 — traité de Paris Roumanie-ses vainqueurs 10 février 1947 — traité de Paris Bulgarie-ses vainqueurs 10 février 1947 — traité de Paris Finlande-ses vainqueurs 17 août 1949 — traité Pologne-URSS 5 octobre 1954 — mémorandum de Londres — partage du territoire de Trieste
Période contemporaine février 1959 — accords de Zurich Grande-Bretagne-Grèce-Turquie — Chypre 8 décembre 1991 — traité de Minsk — substitution de la CEI à l’URSS 14 décembre 1995 — traité de Paris — Bosnie-Herzégovine
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Monarchie ou république ?
Monarchie ou république ? Depuis l’Antiquité, si l’on se réfère au traité d’Aristote La Politique, les hommes disputent des mérites respectifs des différentes sortes de gouvernement de la cité. Si diverses formes monarchiques ont longtemps dominé (Égypte, Mésopotamie, Orient, Grèce et Italie archaïques, Gaule, etc.), c’est pourtant à l’époque antique que la république connaît sa première période de rayonnement, d’abord avec les cités de la Grèce classique — au premier rang desquelles brillent Athènes et Sparte —, puis avec les cités de Carthage et surtout de Rome. L’essor inouï de Rome, jusqu’à dominer l’ensemble du monde méditerranéen, est cause de dissensions internes qui hâtent la chute de la république, remplacée par le principat d’un seul, l’empereur Auguste, lequel instaure alors un avatar de gouvernement monarchique. La chute de l’Empire romain d’Occident laisse le champ libre à la domination de l’Europe par les tribus barbares qui l’ont envahie. Ces tribus ne reconnaissent que l’exercice du pouvoir politique et militaire par les chefs de guerre qui les ont menées à la victoire, tandis que le principe impérial ne s’exerce plus qu’à Constantinople, sur la partie orientale du monde méditerranéen. C’est ainsi que l’Europe du haut Moyen Âge se morcelle en entités régies par un pouvoir monarchique, et la forme républicaine de gouvernement disparaît. Après une période de restauration du pouvoir impérial en Occident par Charlemagne, le pouvoir se fractionne de nouveau entre différents rois, ducs, comtes, etc., et le système féodal qui s’instaure dans de nombreux pays contribue à pousser à l’extrême cet émiettement. Une nouvelle fois, le pouvoir impérial est restauré par Othon le Grand, mais il doit désormais se limiter à l’Allemagne, à la Bourgogne et au nord de l’Italie, s’y heurtant par ailleurs aux ambitions des grands feudataires. C’est alors que l’on assiste à un renouveau urbain, avec l’essor de villes marchandes dans les Flandres, en Allemagne, en France et surtout en Italie. Ces riches cités profitent de l’émiettement politique pour arracher aux princes leur indépendance et s’administrent en république, restaurant par là une forme de gouvernement que l’on avait crue abolie à jamais. Puis la dernière partie du Moyen Âge voit l’émergence de grands États, dont les souverains reprennent en mains les pouvoirs jusqu’ici concédés aux seigneurs féodaux. En différents lieux (France, Angleterre, Flandres, etc.), le pouvoir royal ou ducal parvient à soumettre les villes à son pouvoir, tandis que, dans les villes d’Italie, les luttes entre factions se traduisent souvent, comme dans la Rome antique, par la chute du pouvoir républicain, renversé par un seul homme, qui confisque à son profit le pouvoir municipal. En 1789, l’Europe est essentiellement monarchique : monarchie héréditaire dans la plupart des cas, s’agissant de princes laïques ; monarchie à titre viager pour un certain nombre d’États ecclésiastiques (archevêchés, évêchés, abbayes) subsistant dans le Saint Empire ; monarchie élective enfin, pour l’empereur germanique (Saint Empire), pour le pape (États de l’Église) et pour le roi de Pologne. L’Europe abrite toutefois un certain nombre de républiques, certaines fort anciennes, d’autres plus récentes. Il s’agit presque toujours de petites entités politiques, urbaines (les 51 villes libres du Saint Empire, Mulhouse, Bienne, Genève, Valais, Saint-Gall, Dantzig, Lucques, Raguse), ou plus rarement rurales (Saint-Marin, Polizza, les Souliotes, les Maïnotes). Seules se détachent de l’ensemble par leur puissance et leur étendue les ProvincesUnies, la Confédération des XIII Cantons, les Grisons, Venise et Gênes. Ces républiques ont en commun d’être régies par des gouvernements aristocratiques, qui ont de longtemps confisqué à leur profit le pouvoir au détriment des autres citoyens. Sauf pour la Suisse et les Provinces-Unies, elles apparaissent souvent comme des survivances que seule la force de la tradition maintient en l’état, tout en excitant la convoitise des princes avoisinants. À la suite de l’exemple donné par les insurgents d’Amérique du Nord, qui ont fondé en 1787 la république des États-Unis d’Amérique, et en dépit de l’échec des habitants des PaysBas méridionaux dans leur tentative d’établir en 1790 la république des États Belgiques unis, l’idée républicaine finit par s’imposer en 1792 dans la France révolutionnaire.
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Annexes Pour la première fois depuis l’Antiquité — hormis la brève parenthèse de la république de Cromwell en Angleterre au milieu du XVIIe siècle —, un pays majeur de l’Europe adopte durablement la république, au milieu des troubles intérieurs et face à la guerre avec l’étranger, et le sort favorable des armes amène la France à propager ses idées révolutionnaires en divers lieux de l’Europe, où éclosent à son instigation des « républiques sœurs » qui s’inspirent à leur tour de l’exemple de la « Grande Nation » (voir annexe Républiques sœurs). Cette situation inédite perdure jusqu’au moment où Napoléon, à l’imitation d’Auguste dans l’Antiquité, transforme en France la république en régime impérial (1804), puis quelque temps après fait subir le même sort aux quelques républiques d’Europe qu’il n’a pas voulu annexer à la France, ce qui fait qu’à l’époque du « Grand Empire » (1811-1813) rares sont les républiques qui subsistent en Europe : Helvétique, Saint-Marin, Dantzig, Mont-Athos. À la chute de Napoléon, le principe monarchique triomphe au congrès de Vienne (1815) et les souverains de la Sainte-Alliance réduisent au minimum le nombre de républiques admises à vivre au sein d’une Europe monarchique. Face à trois empires, une quinzaine de royaumes et nombre de grands-duchés, principautés et duchés souverains, les républiques se comptent alors sur les doigts des deux mains : la Confédération helvétique — seul État d’importance —, Francfort, Hambourg, Brême, Lubeck, Cracovie, Saint-Marin et le Mont-Athos. Une telle situation se perpétue tout au long du XIXe siècle, aux deux seules exceptions notables de la France, qui adopte par deux fois un régime républicain, d’abord fugitivement avec la IIe République (1848-1852), puis plus durablement avec la IIIe République (18701940), et de l’Espagne (1873-1874), tandis que les mouvements républicains qui ont jailli en divers autres lieux de l’Europe en 1848 ont été réduits par la force et que deux petites républiques de 1815 ont disparu : Cracovie et Francfort. Ce siècle n’est pourtant pas exempt de création de nouveaux États, mais il apparaît alors naturel aux puissances européennes, qui les parrainent, de doter ces nouveaux États d’un régime monarchique : Grèce, Belgique, Roumanie, Serbie, Bulgarie, Norvège, Albanie, ces deux dernières au début du XXe siècle ; leur souverain est choisi parmi les familles princières d’Europe étrangères à chacun des pays concernés, de façon à se placer d’emblée au-dessus des factions qui composent le pays. Il faut attendre le XXe siècle pour voir un renouveau du principe républicain, à l’occasion de révolutions ou de conflits dévastateurs. Au chapitre des révolutions s’inscrivent le Portugal (1910), la Russie (1917), l’Allemagne et l’Autriche (1918), la Turquie (1923), l’Albanie (19251928, puis 1946), la Grèce (1924-1935, puis 1973), l’Espagne (1936-1947), puis, après la Seconde Guerre mondiale, l’Islande (1944), la Yougoslavie (1945), l’Italie, la Hongrie, la Bulgarie (1946), la Roumanie (1947), l’Irlande (1949), Chypre (1960) et Malte (1974). Au chapitre des créations dues aux guerres mondiales, l’influence déterminante des États-Unis et, dans une moindre mesure, de la France provoque, en 1919 à Paris, le choix de régimes républicains — qui paraissent plus « modernes » — pour la plupart d’entre eux : Tchécoslovaquie, Pologne, Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie. Seule la Yougoslavie, création opérée autour du roi de Serbie, allié des vainqueurs, conserve une forme monarchique. Mais l’idée monarchique demeure en faveur dans certains milieux ; c’est ainsi que, lorsque la Yougoslavie est démembrée en 1941, les États successeurs qui sont destinés à subir l’influence italienne sont dotés de régimes monarchiques (Croatie, Monténégro) ; de même, à la mort du général Franco en 1975, l’Espagne, en théorie monarchie depuis 1947, retrouve un roi qui paraît plus « moderne » et démocrate que bien des chefs d’État républicains. D’une manière générale, les monarchies qui subsistent en Europe sont devenues des régimes politiques aussi démocratiques, sinon plus, que la plupart des États républicains du continent. L’idée monarchique, qui parut un temps désuète — spécialement en France, dont le dernier souverain fut renversé en 1870 —, demeure vivace dans l’esprit de bien des Européens, qui ne la confondent pas avec la tyrannie ou la dictature. Sur les 46 pays européens existant en 2001, décrits dans le présent ouvrage, 13 demeurent des monarchies. Si l’on considère les 15 États de l’Union européenne, 7 sont des monarchies et 8 des républiques. L’idée monarchique, pas si vieillotte que cela, serait-elle une idée d’avenir ?
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Frontières naturelles
Frontières naturelles Depuis l’Antiquité, les obstacles naturels du paysage géographique — mers, fleuves et crêtes de montagnes — ont servi en Europe de lignes privilégiées de démarcation entre territoires. Deux raisons principales à cela : – ils suivent des tracés aisément identifiables, sur lesquels s’établissent des frontières stables et reconnues sans conteste par les États riverains ; – ils représentent en eux-mêmes des limites souvent difficiles à franchir et constituent donc des lignes de défense naturelles sur lesquelles peuvent s’appuyer les États pour se prémunir contre de possibles invasions. L’exemple le plus célèbre de l’époque antique est le limes septentrional de l’Empire romain, qui s’appuie en grande partie sur une ligne constituée du Rhin et du Danube, fleuves regardés comme difficiles à franchir, sauf précisément dans l’angle formé par leurs deux cours supérieurs (champs Décumates), où les deux fleuves sont trop peu larges pour constituer un obstacle et où les Romains doivent pallier cette faiblesse par une ligne de défense terrestre. Au Moyen Âge, l’émiettement politique des territoires et le triomphe de la conception patrimoniale de leur possession font que ces lignes naturelles sont souvent négligées au profit d’une imbrication territoriale qui les chevauche allégrement, et bon nombre de princes règnent sur des ensembles entrecoupés par ces lignes, sans paraître porter une quelconque attention à cet état de choses. C’est aux Temps modernes, avec la constitution de grands États qui se veulent territorialement plus homogènes, que resurgit l’intérêt porté aux frontières naturelles, qui redeviennent des positions stratégiques à conquérir pour assurer la puissance et la prospérité du pays. Cette vision des choses s’accentue au XVIIIe siècle, sous l’influence des Lumières et du despotisme éclairé, qui prônent la constitution d’États cohérents et rationnellement administrés. Elle ne cessera plus d’occuper les esprits des diplomates et des militaires, même si, à partir du XIXe siècle, les aspirations nationalistes viennent régulièrement faire obstacle à une conception trop rationnelle des frontières. Fleuves et rivières Les grands fleuves de l’Europe ont joué, et jouent toujours, un rôle majeur dans l’établissement des frontières. Le Rhin, qui joua un rôle fondamental à l’époque romaine, devient au Moyen Âge un fleuve allemand, tandis que la frontière théorique entre la France et le Saint Empire se situe longtemps plus à l’ouest sur la ligne de l’Escaut et de la Meuse. Ce n’est qu’au XVIIe siècle, avec la politique d’expansion de la France, que le fleuve reprend pour cette dernière une valeur d’objectif à conquérir ; Louis XIV entend « mener ses chevaux boire dans le Rhin » et s’attache à parfaire la conquête de l’Alsace, ébauchée à la paix de Westphalie. La France doit s’identifier à la Gaule romaine et se fixer le Rhin pour ultime limite. Cette théorie trouve son aboutissement à l’époque de la Révolution française, lorsque, au sein du Directoire, la théorie des « frontières naturelles » l’emporte sur celle des « républiques sœurs ». Le premier consul Bonaparte la fait sienne et le recès de 1803 ramène au thalweg du Rhin la frontière du Saint Empire, les pays situés sur sa rive gauche étant donnés à la France ou à la République helvétique. Puis Napoléon en transgressera le principe, en annexant la Hollande et le nord-ouest de l’Allemagne. Au XIXe siècle, les esprits conquérants d’Allemagne prônent le retour au « Rhin allemand », et le sort des armes leur donne raison en soustrayant ce fleuve à tout contact avec la France de 1871 à 1918. Depuis lors, le Rhin a recouvré son rôle de frontière. Aujourd’hui, le Rhin, qui sourd et coule tout d’abord à l’intérieur de la Suisse, forme frontière entre celle-ci et le Liechtenstein puis l’Autriche (Vorarlberg) et, coulant jusqu’à Bâle, entre la Suisse et l’Allemagne — excepté en quatre points : la ville allemande de Constance est une enclave sur rive gauche, les villes suisses de Stein-am-Rhein et de Schaffhouse, avec leurs alentours, des enclaves sur rive droite, enfin un quartier de Bâle, ville suisse, est sur rive droite (le « Petit Bâle »).
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Annexes Après Bâle, le Rhin fait la frontière entre la France et l’Allemagne, jusqu’à Lauterbourg où il devient un fleuve purement allemand, avant de finir son cours en territoire néerlandais. La Meuse joua un temps le rôle de frontière — très théorique — entre la France et l’Empire. Les empiètements incessants des rois de France lui font perdre cette qualité, définitivement en 1766 par la réunion à la France de la Lorraine ducale. Aujourd’hui, et ce depuis 1839, elle n’est plus ligne frontière que sur une faible distance entre Belgique et Pays-Bas, faisant le départ entre le Limbourg belge (rive gauche) et la partie méridionale du Limbourg néerlandais (rive droite), avec la particularité que Maastricht, ville néerlandaise, y forme une enclave sur rive gauche. Le Rhône, complété en amont de Lyon par son affluent la Saône, forma lui aussi un temps frontière entre la France et l’Empire. Cette frontière, entrecoupée de saillants d’Empire sur rive droite (Lyonnais, Vivarais), fut dès la fin du Moyen Âge rendue caduque par l’expansion française entre Rhône et Alpes, même si naguère les bateliers du Rhône qualifiaient encore de riau (royaume) la rive droite et d’empi (empire) la rive gauche. Plus en amont, le Rhône fit frontière pendant deux siècles et demi entre France et Savoie depuis sa sortie du lac Léman jusqu’à Saint-Genix-sur-Guiers, la frontière se poursuivant au-delà sur le Guiers. L’annexion de la Savoie en 1860 a aboli ce rôle. De nos jours, le Rhône ne forme plus frontière, entre France et Suisse, que dans sa traversée du lac Léman. Le Doubs forme frontière sur quelque distance entre la France (Franche-Comté) et la Suisse (Neuchâtel). En Italie, seuls le Pô et ses affluents de rive gauche ont un temps constitué des lignes frontalières. Le Pô lui-même, après un cours supérieur situé à l’intérieur du Piémont, devient, à l’aval de Pavie, ligne de partage entre les États de Milan et ceux de Venise au nord (rive gauche), et ceux de Parme, de Modène et de Ferrare au sud (rive droite) ; seules exceptions : le marquisat de Mantoue, sur rive gauche, possède une bande de territoire sur rive droite et le duché de Ferrare, sur rive droite, en possède une sur rive gauche. Bonaparte abroge cette limite lorsqu’il réunit, en 1797, les Républiques cispadane et transpadane pour former la République cisalpine. Le Pô ne tient plus lieu de frontière que de Pavie à Guastalla, entre la Cisalpine (plus tard royaume d’Italie) au nord et Parme (plus tard France italienne) au sud. Après 1815, et jusqu’en 1859/1866, le Pô retrouve son rôle de frontière entre le Lombard-Vénitien au nord et Parme, Modène, États de l’Église au sud ; seule la bande anciennement mantouane de rive droite, désormais possession du Lombard-Vénitien, continue à faire exception au principe. La Sesia constitue longtemps la frontière entre le Piémont et le duché de Milan, mais au siècle elle cède ce rôle au Tessin, lorsque l’empereur cède le Novarais au roi de Sardaigne — ce qui fait dire à ce dernier, qui grapille peu à peu des territoires : « Le Milanais est un artichaut que je mange feuille à feuille. »
XVIIIe
L’Adda de Côme à Crème, puis l’Oglio tiennent lieu de frontière orientale à Milan, face à Venise et à Mantoue. Quant à l’Adige, il ne joue pendant longtemps aucun rôle frontière, coulant au sein des États de Venise. À partir de la paix de Campo-Formio (1797), il devient la ligne de partage des dépouilles des terres de la défunte Sérénissime, la partie de rive droite (au sud-ouest) allant à la Cisalpine, tandis que la partie de rive gauche (au nord-est) est attribuée à l’Autriche. Cette ligne disparaît en 1805 (Presbourg), lorsque la Vénétie est rattachée au nouveau royaume d’Italie. Enfin le petit Mincio, émissaire du lac de Garde, tient lieu, de 1815 à 1859, de limite administrative interne entre les parties lombarde et vénitienne du Lombard-Vénitien. De 1859 à 1866, il tient lieu de frontière entre l’Italie et l’Autriche, avant de s’effacer à son tour. Â l’extrémité sud-est du continent européen, la Maritza, fleuve de source bulgare tributaire de la mer Égée, tient lieu de frontière dans son cours inférieur d’Andrinople à la mer, d’abord entre la Bulgarie et la Turquie de 1913 à 1919 — partiellement de 1913 à 1915, totalement de 1915 à 1919 —, ensuite entre la Grèce et la Turquie, de 1919 à nos jours.
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Frontières naturelles Le Danube et nombre de ses affluents ont joué, et jouent toujours, le rôle de frontière naturelle. S’agissant du Danube lui-même, si important à l’époque romaine, il ne conserve ensuite un rôle de frontière que dans son cours inférieur, depuis son confluent avec la Save jusqu’à la mer Noire, tandis que le cours supérieur est inclus dans les ensembles allemand et hongrois. Cette moitié inférieure du Danube sert d’abord de frontière septentrionale à l’Empire byzantin, puis à l’Empire bulgare et à la Serbie, enfin à l’Empire ottoman, face à la Valachie vassalisée et à la Hongrie. Il perd en partie ce rôle lorsque la Turquie conquiert au XVIe siècle une grande partie de la Hongrie, mais le retrouve en 1718 lorsque l’Autriche boute les Turcs hors de Hongrie et de Croatie. Depuis lors, ce cours inférieur du Danube ne cesse de servir de frontière, et de façon diverse selon que l’on considère la partie amont, du confluent de la Save aux Portes de fer, ou la partie aval, des Portes de fer à la mer Noire : – la partie amont sert de frontière entre la Hongrie (autrichienne) et la Turquie à partir de 1739, lorsque l’Autriche doit rendre la Petite Serbie dont elle s’était emparée en 1718 ; à partir de 1830, et jusqu’en 1919, elle marque la frontière entre la Serbie et la Hongrie ; après 1919, par suite de l’annexion d’une partie du Banat par la Yougoslavie, seule la moitié inférieure de cette partie tient encore lieu de frontière, désormais entre la Roumanie (qui a annexé l’autre partie du Banat) et la Yougoslavie ; – la partie aval sert continûment de frontière d’abord entre la Turquie et sa principauté tributaire de Valachie — ainsi qu’entre Turquie et Autriche (Petite Valachie) de 1718 à 1739, des Portes de fer au confluent avec l’Olt —, puis entre Roumanie et Turquie, enfin entre Roumanie et Bulgarie à partir de 1878. Enfin, à partir de 1919, le Danube sert aussi de frontière, dans son cours moyen entre Presbourg (Bratislava) et Gran (Esztergom), entre la Hongrie au sud et la Tchécoslovaquie ou la Slovaquie au nord. Quelques affluents du Danube méritent d’être ici mentionnés. L’Inn, dans son cours inférieur, et son propre affluent la Salzach marquent depuis 1815 la frontière entre la Bavière et l’Autriche. La March (Morava), dans son cours inférieur, marque la limite entre l’Autriche et la Hongrie, puis de 1919 à nos jours la frontière entre l’Autriche (ou l’Allemagne de 1938 à 1945) et la Tchécoslovaquie ou la Slovaquie. La Save joue longtemps un rôle comparable à celui du Danube inférieur. À partir de 1718, elle redevient jusqu’en 1908 ligne frontière entre la Croatie autrichienne et la Bosnie, jusqu’en 1919 entre la Croatie et la Serbie. La formation de la Yougoslavie lui fait perdre ce rôle, qu’elle retrouve en 1991 à la dislocation de cette dernière. Quant à la Drina, affluent de la Save, elle fait frontière entre la Serbie et la Bosnie, aux périodes où ces contrées ne sont pas réunies. Enfin le Pruth, dernier grand affluent de rive gauche du Danube, de 1812 à 1919, tient lieu de frontière entre la Moldavie puis la Roumanie d’une part, et la Russie d’autre part, sauf de 1856 à 1878 sur son cours inférieur ; il retrouve ce rôle à partir de 1947, entre Roumanie et Moldavie (soviétique puis indépendante). Plus à l’est, le Dniestr, tributaire de la mer Noire, marque la frontière orientale de la Bessarabie, aux époques où celle-ci n’est pas incluse dans l’État russe ou soviétique : jusqu’en 1812, puis de 1919 à 1942, enfin partiellement à partir de 1991. Le Dniepr, tributaire de la mer Noire, et la Duna, tributaire de la mer Baltique, marquent jusqu’en 1795, sur une partie de leur cours, la frontière entre la Pologne et la Russie. Le fleuve Oural, enfin, tributaire de la mer Caspienne, s’il ne marque pas de frontière politique, est généralement regardé comme une limite — conjointement avec la chaîne de montagnes du même nom — de la Russie d’Europe et donc du continent européen. La Vistule, sur son cours supérieur, tient lieu de frontière entre la Galicie autrichienne et la Pologne — indépendante ou russe —, de 1772 à 1795, puis de 1809 à 1919. Le fleuve Oder et son affluent la Neisse de Gœrlitz marquent à partir de 1945 la frontière entre l’Allemagne et la Pologne. Enfin, l’Elbe, de 1807 à 1815, marque la limite à l’ouest de laquelle Napoléon prend à la Prusse l’ensemble de ses possessions territoriales.
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Annexes À l’autre extrémité du continent, dans la péninsule Ibérique, le Minho forme sur son cours inférieur la frontière entre le Portugal et la Galice espagnole, tandis que le Guadiana, à l’autre bout du Portugal, fait de même entre le Portugal et l’Andalousie espagnole. Montagnes Les chaînes de montagnes d’Europe constituent de tout temps des frontières naturelles par l’obstacle manifeste qu’elles dressent à la circulation des hommes, des marchandises et surtout des armées. Elles se posent aussi souvent en limites de climat, de végétation, etc. et participent ainsi, au cours des siècles, à diversifier les milieux naturels au sein desquels se forgent des peuples distincts. Aussi, depuis l’Antiquité, les montagnes tiennent-elles une place importante dans la distribution des territoires. Toutefois, les chaînes de montagnes sont loin de présenter une configuration unique : certaines sont « infranchissables », d’autres sont très perméables ; certaines sont étroites, d’autres sont massives et se prêtent à un peuplement important. C’est pourquoi, au gré des vagues d’invasion du continent par de nouvelles peuplades, certaines de ces montagnes ont pu naturellement servir de lieux d’implantation. De ce fait, si certaines montagnes ont pu nettement séparer des peuples différents, d’autres ont vu au contraire certaines peuplades s’établir durablement de part et d’autre de leur ligne de crête, celle-ci ne s’opposant pas aux relations entre les gens installés des deux côtés. C’est ainsi qu’en divers lieux se sont constitués des peuples montagnards, dont le mode de vie les rapprochait d’autres montagnards voisins, tout en les opposant aux gens établis en plaine. En conséquence, pendant de longs siècles, des États ont, en Europe, chevauché des lignes de crête sans que ce fait ne trouble les esprits. Ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle, avec les progrès de la pensée « rationnelle » et l’essor de la géographie, que l’on s’est mis en tête dans les chancelleries de vouloir faire coïncider, autant que faire se peut, frontières et crêtes de montagne. Mais les faits sont têtus et, si cette vision des choses l’a parfois emporté, les réalités humaines sont en d’autres lieux venues la tenir en échec. En Grande-Bretagne, les monts Cheviot ont de tout temps marqué la limite entre l’Angleterre et l’Écosse, frontière jusqu’en 1707, depuis lors limite administrative. La chaîne des Pyrénées fait partie des montagnes malaisément franchissables, hormis à ses deux extrémités maritimes. Aussi est-ce naturellement que, depuis longtemps, elle constitue une ligne de partage entre des peuples différents qui se tournent le dos, les seules exceptions à cette règle étant justement les peuples habitant lesdites extrémités : les Basques et Navarrais du côté atlantique, les Catalans du côté méditerranéen. Si les Basques sont très tôt séparés entre deux entités politiques, de part et d’autre de la Bidassoa, les Navarrais vivent jusqu’en 1512 dans un royaume commun qui regroupe la Haute-Navarre au sud et la Basse-Navarre au nord du col de Roncevaux ; à cette date, la Castille s’empare de la Haute-Navarre et la sépare ainsi, sur la ligne de crête, de la BasseNavarre qui est seule conservée par les rois de Navarre (maison d’Albret) ; celle-ci échoit ensuite à la maison de Bourbon, puis à la couronne de France (1607), dont les rois portent dès lors le titre de roi de France et de Navarre. Sur les rives méditerranéennes, le Roussillon, au nord, suit longtemps un destin commun avec le comté de Barcelone (Catalogne), situé au sud des Pyrénées. Il n’en est définitivement détaché qu’en 1659, au traité des Pyrénées. Depuis cette date, la ligne de crête forme la frontière entre la France au nord et l’Espagne (ou l’Andorre) au sud, à deux exceptions notables près : le val d’Aran, aux sources de la Garonne, quoique géographiquement orienté vers le nord, appartient à l’Espagne ; la haute Cerdagne (FontRomeu, Bourg-Madame), orientée vers le sud, fait partie depuis 1659 de la France. Les Vosges, massif ancien et d’altitude moyenne, sont aisément franchissables. Si leur crête sert depuis longtemps à départager le duché de Lorraine des seigneuries d’Alsace — et aussi les contrées de langue française à l’ouest, de langue allemande à l’est —, elle ne constitue pas une lisière politique nette et la frontière entre la France et l’Empire s’appuie plutôt sur les deux fleuves qui l’encadrent : la Meuse d’abord, puis plus tard le Rhin. Ce n’est qu’en 1871 que cette crête joue un rôle politique majeur, lorsque l’Allemagne en fait sa frontière avec la France, rôle qui disparaît en 1918.
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Frontières naturelles Le Jura, avec ses longs crêts entrecoupés de cluses qui facilitent sa traversée, joue très peu le rôle de frontière : seulement de Morez à Jougne, sur la crête du mont Risoux. Partout ailleurs, sa ligne de crête est englobée en France (de Collonges à Morez) ou en Suisse, pour laquelle le Jura forme une des deux chaînes de montagnes constitutives du pays. Les Alpes, massif majeur de l’Europe médiane, constituent une large chaîne en arc, qui s’étend de Gênes à Vienne et au Monténégro. L’ampleur de cette chaîne aux multiples ramifications lui donne d’accueillir en son sein de vastes régions de montagne diversement peuplées. Aussi constitue-t-elle un ensemble complexe qui fait parfois frontière, mais sur lequel se sont également érigés des États montagneux qui chevauchent ses lignes de crête. Sur sa partie occidentale — aujourd’hui entre France et Italie —, la présence de nombreux cols a toujours permis des échanges entre les deux versants. La chaîne entoure le Piémont italien, le séparant de la Ligurie, de la Provence et de la Savoie. Dans sa partie la plus méridionale, du Mercantour à Gênes, la chaîne alpine marqua longtemps la frontière entre le Piémont (savoyard puis sarde) et la république de Gênes. Depuis 1805, elle ne tient plus lieu que de limite administrative. Du Mercantour au Saint-Bernard, si la ligne de crête forma de tout temps une limite culturelle, elle fut souvent chevauchée par les États politiques. Le comté de Nice fut rattaché au Piémont (et à la Savoie) du Moyen Âge à 1860 — avec une interruption de 1793 à 1814 — et même jusqu’en 1947 pour la haute Roya. L’Ubaye (Barcelonnette) fut rattachée au Piémont jusqu’en 1713, le Dauphiné connut des extensions temporaires sur Saluces et sur Pignerol. Le Val d’Aoste, jadis savoyard, et trois des cinq escartons du Briançonnais (Exilles, Bobbio, Château-Dauphin), jadis dauphinois, où l’on parle français sur le versant oriental, illustrent les liens ethniques qui ont uni de tout temps les montagnards de part et d’autre de la crête. Surtout, le duc de Savoie — le « portier des Alpes » — a entrepris très tôt de conquérir des terres sur le versant italien et il est, dès la fin du Moyen Âge, maître d’à peu près l’ensemble du Piémont. Avec la possession de l’Ubaye et l’union du comté de Nice à ses États, ceux-ci chevauchent trois fois la crête des Alpes, de part et d’autre du Dauphiné et de la Provence. Cette situation cesse définitivement en 1860 (en 1947 pour la haute Roya ex-niçoise), à une époque où les ducs — devenus rois de Sardaigne en 1720 — se sont complètement italianisés et ont relâché les liens qui les unissaient aux Savoyards, désireux de devenir Français ; mais pour Nice, ville natale de Garibaldi, le sentiment était à l’époque plus indécis. La partie centrale de la chaîne alpine s’élargit tellement qu’elle abrite en son sein un peuple montagnard, le peuple suisse, dont le pays n’est que montagnes puisque, outre les Alpes centrales, il s’étend sur le Jura oriental (voir supra) et sur l’étroite bande de plaine (le « Plateau suisse ») qui les sépare. La Suisse est, avec l’Autriche voisine, le type même de ces États qui contredisent la théorie des frontières naturelles, laquelle voudrait que les pays se tinssent toujours d’un seul côté d’une ligne de crête. Or la Suisse, pays de hautes vallées, voit naître des rivières qui coulent résolument vers des mers différentes : le Rhin (mer du Nord), l’Inn (mer Noire), le Tessin (mer Adriatique), le Rhône (mer Méditerranée). Certes, le cloisonnement des vallées de Suisse et sa position de point de rencontre de diverses civilisations ont fait que l’on y parle français à l’ouest, allemand au centre et à l’est, italien au midi, romanche au sud-est. Mais la volonté de rébellion des peuples montagnards envers les princes qui voulaient les soumettre les a unis et a forgé une nation quadrilingue qui, campée sur son réduit montueux, se joue des frontières naturelles. Toutefois, sur sa ligne de crête la plus méridionale, du Léman au col du Reichen — là où elle est précisément moins franchissable qu’ailleurs —, la chaîne des Alpes centrales forme une frontière entre la Suisse et la France d’abord, puis l’Italie, frontière entrecoupée par trois zones d’exception où la Suisse déborde sur le versant méridional italien : les vallées descendant des cols du Simplon (Val di Vedro), du Saint-Gothard et du Saint-Bernardin (Tessin), de la Bernina (Val di Poschiavo). La même situation se rencontre sur la partie orientale de la chaîne des Alpes. L’Autriche d’aujourd’hui, qui rassemble la majorité des Allemands de l’ancien empire d’Autriche, couvre cette région de montagnes et de hautes vallées dont les cours d’eau s’écoulent en toutes
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Annexes directions : le Rhin (Vorarlberg) vers la mer du Nord, l’Inn (Tyrol) vers le haut Danube — qui arrose lui-même la Haute- et la Basse-Autriche —, la Mur (Styrie) et la Drave (Carinthie) vers le Danube inférieur. Lui manque le Tyrol méridional, lui aussi peuplé d’Allemands et dont les eaux (Adige) s’écoulent vers le Pô, qui lui fut arraché en 1919 (voir infra). Si de tout temps la chaîne des Alpes algaviennes et bavaroises, au nord du massif, a marqué la frontière entre le piémont bavarois, aujourd’hui allemand, et le Tyrol autrichien, ce n’est que depuis 1919 que la ligne de crête des Alpes rhétiques, au sud, forme la frontière entre l’Autriche et l’Italie, cette dernière ayant obtenu aux pourparlers de paix de Paris que la frontière fût remontée au Brenner, au mépris du principe des nationalités car elle annexait le Tyrol méridional peuplé d’Allemands. À la même époque, la chaîne secondaire des Karawanken, qui avait de longtemps marqué la limite administrative entre les provinces autrichiennes de Carinthie et de Carniole, fut érigée en frontière entre l’Autriche et la Yougoslavie (aujourd’hui la Slovénie) ; là, si la frontière brisait des liens multiséculaires — la Carniole était autrichienne depuis le Moyen Âge —, elle ne transgressait pas le principe des nationalités. Enfin, au sud-est du massif alpin, la chaîne des Alpes dinariques, qui s’étend parallèlement à la côte dalmate, représente une limite naturelle très nette entre la Dalmatie, méditerranéenne par le climat et la végétation, et la Bosnie-Herzégovine, plus continentale. Elle a de tout temps formé une frontière entre la Dalmatie croate, puis vénitienne, autrichienne, française et de nouveau autrichienne, et la Bosnie turque. Cette frontière devient simple limite administrative à partir de 1908, d’abord dans le cadre de l’Autriche-Hongrie de 1908 à 1919, puis de la Yougoslavie de 1919 à 1941 et de 1945 à 1991, de la Croatie de 1941 à 1945. Ce n’est qu’en 1991, avec l’éclatement de la Yougoslavie, qu’elle redevient frontière, désormais entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine indépendantes. En Espagne, le grand plateau central de la Meseta (Castille et León) est bordé au nord par les monts Cantabriques, qui le séparent des Asturies, au nord-est par les monts Ibériques, qui le séparent de l’Aragon, et traversé en son centre par la sierra de Guadarrama, qui marque la limite entre Vieille- et Nouvelle-Castille. Depuis l’unification espagnole, achevée au XVIe siècle, ces montagnes ne servent plus que de limite administrative. En Italie, la chaîne des Apennins a joué pendant longtemps le rôle de frontière, rôle qui a définitivement cessé en 1860, avec l’unité italienne. Sa ligne de crête, qui fait le départ entre les versants tyrrhénien et adriatique de la péninsule, marquait la lisière entre d’une part les États de Parme, de Modène et les Légations pontificales au nord-est, d’autre part la Riviera génoise, Massa-Carrare et la Toscane au sud-ouest. Plus au sud, elle ne servait plus que de limite administrative, en dépit d’altitudes élevées, car les États de l’Église et le royaume de Naples la chevauchaient depuis des siècles. Ce rôle de limite administrative se perpétue de nos jours. La péninsule des Balkans est de nature montagneuse et n’offre partout que des plaines étroites encadrées de chaînes qui les isolent. Parmi celles-ci, trois méritent d’être citées. La chaîne des Balkans, qui va en arc de cercle des Portes de fer (Danube) à la mer Noire : elle forme à l’ouest la frontière entre Serbie et Bulgarie (Turquie jusqu’en 1878) ; dans sa partie centrale et orientale, elle est incluse dans la Bulgarie, mais marqua un temps la frontière entre la Bulgarie et la Roumélie orientale. La chaîne du Rhodope, qui court parallèlement à la rive nord de la mer Égée, marque la frontière entre la Thrace occidentale grecque (turque avant 1913) et la Bulgarie ; dans sa partie orientale (vers la Maritza), elle n’est plus assez élevée pour constituer un obstacle et fut à plusieurs reprises chevauchée par le territoire bulgare (1913-1919 et 1941-1945) lorsque celui-ci allait jusqu’à la mer Égée. La chaîne du Pinde, orientée nord-sud parallèlement à la mer Ionienne, n’a jamais servi, dans les temps contemporains, que de limite intérieure entre l’Épire et la Macédoine méridionale, d’abord au sein de la Turquie, puis de la Grèce à partir de 1913. À l’autre extrémité du continent, dans la péninsule scandinave, la longue chaîne des Alpes scandinaves forme depuis des siècles la limite naturelle entre la Norvège, tournée vers l’Atlantique, et la Suède, qui regarde le golfe de Botnie. Elle forme donc de tout temps la frontière entre ces deux royaumes, rôle atténué durant deux périodes où ils vivent en union personnelle : 1397-1523 (Union de Kalmar, avec aussi le Danemark), 1814-1905.
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Frontières naturelles Un autre ensemble remarquable, au cœur de l’Europe, est représenté par le système de montagnes qui entourent le « quadrilatère » de la Bohême-Moravie : monts des Sudètes au nord-est, monts Métallifères au nord-ouest, monts de la Forêt-de-Bohême au sud-ouest, collines tchéco-moraves au sud-est. Ce système isole peu ou prou la Bohême-Moravie tchèque de contrées allemandes : Silésie et Saxe au nord, Bavière à l’ouest, Autriche au sud, ce qui a facilité au Ier millénaire une implantation avancée du monde slave au sein d’une région germanique ; toutefois, le caractère slave de la Bohême-Moravie a été, depuis le Moyen Âge, altéré par une importante colonisation allemande, notamment en bordure intérieure de cette succession de montagnes, c’est-à-dire sur le pourtour de la Bohême-Moravie. Ce système de montagnes a toujours joué le rôle de frontière pour la Bohême-Moravie (puis pour la Tchécoslovaquie et pour la Tchéquie), soit partiellement, au nord et à l’ouest, lorsque la Bohême-Moravie était autrichienne, soit totalement, dans ses périodes d’indépendance. La seule interruption de ce rôle se situe de 1938 à 1945, lorsque Hitler s’empara des Sudètes, puis du reste de la Bohême-Moravie. La dernière grande chaîne propre à l’Europe est celle des Carpathes, qui forment un grand arc de cercle ceinturant la plaine de Hongrie, de Bratislava aux Portes de fer du Danube. Cette chaîne, assez large en de nombreux endroits, héberge des populations qui, souvent, se distinguent de celles de la plaine hongroise : Slovaques de Haute-Hongrie, Szeklers, Saxons et Roumains de Transylvanie. Pendant de longs siècles, cette frontière naturelle a formé la limite politique du royaume de Hongrie — ou de la Hongrie turque de 1526 à 1697 —, face à la Pologne, à la Moldavie, à la Valachie, à la Turquie ; toutefois, à partir de 1772, l’annexion de la Galicie puis de la Bucovine lui a fait perdre ce rôle au nord. Mais cette frontière n’a pas, comme on l’a vu, constitué une limite ethnique à l’intérieur de laquelle le peuplement aurait été uniformément hongrois. De ce fait, lorsque les vainqueurs de la Première Guerre mondiale ont décidé la disparition de l’Autriche-Hongrie, ils ont durement traité la nouvelle Hongrie en lui retirant, au nom du principe des nationalités, la totalité des régions de montagne bordant intérieurement la ligne de crête des Carpathes, pour les donner au nord à la nouvelle Tchécoslovaquie, à l’est et au sud à la Roumanie. Depuis lors, la ligne de crête de la chaîne des Carpathes ne sert plus de frontière que sur sa partie septentrionale, où elle marque le départ entre la Pologne au nord, et au sud la Tchécoslovaquie de 1919 à 1939, la Slovaquie et la Ruthénie hongroise de 1939 à 1945, la Tchécoslovaquie (remplacée par la Slovaquie en 1993) et la Ruthénie soviétique (puis ukrainienne) de 1945 à nos jours. Enfin, deux chaînes de montagnes, à l’est de l’Europe, jouent un rôle fondamental en ce sens qu’elles marquent géographiquement la limite de ce continent : l’Oural et le Caucase. L’Oural, orienté nord-sud, s’allonge de l’océan Glacial Arctique jusqu’au cours du fleuve Oural, qui prolonge la limite jusqu’à la mer Caspienne. Il sépare traditionnellement la Russie d’Europe de celle d’Asie et, par là même, marque la limite orientale de l’Europe. Le Caucase, qui s’étend de la mer Noire à la mer Caspienne, marque lui aussi la limite entre Europe et Asie, séparant au nord la Russie et au sud des pays qui en firent longtemps partie mais qui ont pris aujourd’hui leur indépendance : la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Mers Les mers ne jouent un rôle de frontière entre les pays d’Europe que dans le cas de détroits (pas de Calais, Øresund, mer d’Irlande, bouches de Bonifacio), golfes (Botnie, Finlande) ou mers fermées (Baltique, Adriatique, Égée). Elles jouent en revanche un rôle majeur dans la délimitation même du continent : Arctique, Atlantique, Gibraltar, Méditerranée, Dardanelles, Marmara, Bosphore, mer Noire, Caspienne.
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Annexes
Étrangetés, particularismes, anecdotes en tout genre Pour achever sur une note plaisante, voici quelques étrangetés, particularismes ou anecdotes qui se rapportent aux États, aux hommes, à la période de notre étude. États de poche Si en 1789 existent en Europe, à côté des grands États, un nombre important d’États de très petite taille, les bouleversements territoriaux du continent durant deux siècles ont pour effet de les faire quasiment tous disparaître. Le Liechtenstein, Saint-Marin, Monaco, Andorre, le Vatican et Malte (république et ordre) sont les derniers très petits États subsistant dans l’Europe d’aujourd’hui. Ils sont chacun les survivants de traditions politiques anciennes, qui ont partout ailleurs disparu par suite de l’émergence des États politiques modernes. Le Liechtenstein est le dernier des petits États princiers héréditaires qui foisonnaient dans le Saint Empire romain germanique jusqu’en 1806. Les Liechtensteinois sont-ils conscients qu’ils doivent la survie de leur État au caprice d’un homme, Napoléon, qui, auréolé de sa victoire, faisait trembler l’Europe entière ? En effet, le Liechtenstein se trouvait géographiquement situé entre la République helvétique et le Vorarlberg, que le traité de Presbourg venait d’attribuer à la Bavière. Or, en 1806, Napoléon avait choisi d’accroître les grands États de l’Allemagne centrale au détriment des petits États de leur voisinage ; dans ce contexte, le Liechtenstein aurait logiquement dû être absorbé par la Bavière. Mais le prince de Liechtenstein, plénipotentiaire pour l’Autriche des négociations de paix de Presbourg en décembre 1805, avait eu l’heur de plaire à Napoléon en cette circonstance, et ce dernier décréta que, quoique fidèle serviteur des Habsbourg, le prince était digne de figurer parmi les membres de la naissante Confédération du Rhin — fleuve qui, comme chacun le sait, baigne la toujours vivante principauté de Liechtenstein. Saint-Marin est la dernière des républiques urbaines qui furent si florissantes dans la péninsule italienne au Moyen Âge, avant de succomber pour la plupart sous la tyrannie d’un prince. Son étroitesse, son absence d’ambitions, ses « vertus républicaines » lui valurent de sauvegarder sa souveraineté à trois reprises : en 1739 vis-à-vis du Saint-Siège, en 1806 face à l’Italie napoléonienne, en 1860 face au mouvement général pour l’unité italienne. Monaco, quant à elle, est justement la dernière de ces principautés italiennes qui se constituèrent à la fin du Moyen Âge sous l’autorité d’un homme audacieux. Annexée par la France révolutionnaire, elle obtint d’être restaurée en 1815 et profita en 1860 de sa situation géographique — enclavement dans le comté de Nice devenu français, qui la séparait de l’Italie en voie d’unification — pour échapper à la fusion dans le nouveau royaume d’Italie. Andorre, pour sa part, est le dernier de ces petits États féodaux d’Occident qui surent longtemps tirer parti d’une suzeraineté lointaine, voire double, pour se ménager une autonomie de fait au fil du temps. Un tel statut, déjà suranné à l’époque de la Révolution, lui convenait si bien que ses habitants revendiquèrent auprès de l’empereur Napoléon le rétablissement de la suzeraineté française que les révolutionnaires avaient abolie. En dépit de la nouvelle Constitution de 1993, qui s’est substituée aux institutions d’origine médiévale et a fait de la principauté un État « moderne », le maintien, même de pure forme, des deux coprinces comme chefs d’État symbolise la continuité historique avec l’Andorre des siècles précédents. Le Vatican, création formelle de 1929, est l’héritier de la tradition remontant à Pépin le Bref et à Charlemagne, qui voulait que, pour assurer pleinement sa primauté spirituelle, le pape ne devait dépendre temporellement d’aucun autre souverain. Cette tradition, rompue par deux fois (1809-1814 et 1870-1929) mais aujourd’hui rétablie, constitue la base matérielle du rayonnement pontifical dans le monde.
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Étrangetés, particularismes, anecdotes en tout genre Quant à Malte, la république est l’héritière territoriale, et l’ordre religieux le continuateur spirituel et hospitalier, d’un des plus anciens ordres de chevalerie qui virent le jour à l’époque des croisades, et constituèrent un temps de véritables puissances politiques avec lesquelles les princes laïques devaient compter. Bien qu’elles ne soient plus des États indépendants, trois entités politiques qui subsistent de nos jours méritent d’être citées, elles-mêmes héritières d’autres traditions politiques : – les villes-États de Hambourg et de Brême, fédérées au sein de la république fédérale d’Allemagne, qui sont les dernières survivantes de la Ligue hanséatique qui groupa au Moyen Âge tant de villes marchandes de l’Atlantique aux steppes russes ; – la république monastique du Mont-Athos, englobée dans la Grèce, dernier représentant de cette tradition d’États ecclésiastiques (évêchés, abbayes, prévôtés), qui jouèrent un rôle notable dans l’histoire politique de l’Europe. Dichotomie confessionnelle Dans un Occident chrétien qui, depuis l’extirpation des hérésies apparues dans les premiers siècles de notre ère, jouissait d’une unité confessionnelle sans faille, les religions protestantes qui se firent jour au XVIe siècle furent perçues comme un facteur grave de troubles et de division dans les pays où elles se répandirent, ce qui explique — sans pourtant les justifier — les guerres de religion de l’époque. L’affaire se résolut en Allemagne, comme en Suisse, par l’adoption du principe d’une religion unique pour chaque État (ou canton). En ce domaine, deux étrangetés subsistaient dans l’Allemagne en 1789 et la seconde se perpétua jusqu’en 1918. Dans l’évêché princier d’Osnabruck, réparti entre catholiques et luthériens, le pouvoir politique alternait entre un évêque catholique et un évêque luthérien, jusqu’à la disparition de cet État en 1803. L’électeur de Saxe Auguste Ier avait été en son temps l’un des plus fermes soutiens de Luther dans son combat contre l’Église et l’empereur. Ses descendants revendiquaient hautement le rang de chef du parti évangélique dans les institutions du Saint Empire, partagées entre catholiques et protestants, tandis que l’électorat de Saxe — selon le principe du cujus regio ejus religio — était devenu en bloc luthérien. Mais à la fin du XVIIe siècle, afin de se faire élire roi de Pologne, l’électeur se convertit au catholicisme. Ses successeurs restèrent catholiques pendant plus de deux siècles, tout en régnant sur un pays luthérien et en continuant à tenir leur rang de chef du parti évangélique dans les institutions germaniques. Étrangetés onomastiques Dans les titulatures officielles de pays, nous pouvons relever les termes de ProvincesUnies (provinces néerlandaises), d’États-Unis (d’Amérique, du Brésil, etc.), de Principautés-Unies (Moldavie et Valachie), qui symbolisent le fait que plusieurs provinces, États, principautés ont décidé librement d’assumer un destin politique commun. Les Anglais, qui ne font jamais rien comme les autres, ont choisi de mettre dans leur titulature Royaume-Uni — au singulier — de Grande-Bretagne et d’Irlande, ce qui constitue une absurdité sémantique, la procédure d’union ne pouvant porter que sur plusieurs éléments et non pas sur un seul. Il est vrai que les Irlandais, à l’instar des Écossais et des Gallois en des temps plus lointains, n’ont guère accepté de gaieté de cœur l’union avec l’Angleterre. Lorsque les révolutionnaires français, à la fin du XVIIIe siècle, suscitèrent en Europe des républiques sœurs, la mode était au retour à l’antique. C’est ainsi qu’on exhuma le nom de peuples anciens (Belges, Bataves, Helvètes, Rauraces, Ligures, etc.) pour désigner un certain nombre de ces républiques. D’autres choisirent une appellation géographique, à l’image des anciennes Gaules cisalpine et transalpine de l’époque romaine, et l’on vit apparaître les noms de Cispadane, Transpadane, Cisalpine et Cisrhénane, comme si Rome était encore le centre du monde politique. Or, si les noms de Cispadane et de Cisalpine étaient bien conformes à la géographie politique du moment — puisque, vue de Bologne, la Cispadane était en deçà du Pô et, vue de Milan, la Cisalpine était en deçà des Alpes —, le terme de Transpadane était géopolitiquement absurde, puisque, vue de sa capitale Milan, cette république ne se situait pas au-delà, mais en deçà du Pô.
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Annexes Quant au terme de Cisrhénane, s’il pouvait à la rigueur se comprendre d’un point de vue local — la république, vue de Mayence, se situait en deçà du Rhin —, il devait paraître bien étrange à la majorité des Allemands qui, eux, vivaient dans le cœur de l’Allemagne de l’autre côté de ce fleuve, et traduisait symboliquement l’assujettissement à la France de cette république sœur, voulue par un général français, Hoche, pour qui le centre du monde était bel et bien Paris. La dignité d’électeur fut toujours très convoitée dans le Saint Empire romain germanique, pour le prestige, l’influence, les avantages politiques qu’elle procurait. Fixé à sept en 1356, le nombre d’électeurs se limitait encore à huit en 1789. Le recès d’Empire de 1803 fit quatre nouveaux électeurs : le grand-duc Ferdinand (de Toscane) pour Salzbourg, le duc de Wurtemberg, le margrave de Bade, le landgrave de Hesse-Cassel. Parés du titre d’électeur, ils ne participèrent jamais à aucune élection, le Saint Empire décédant trois ans plus tard, bien avant l’empereur. Mais le plus étrange se rapporte à l’électeur de Hesse-Cassel. Privé de ses États en 1806 par Napoléon, il les recouvra en 1814 et ambitionna alors de se faire reconnaître roi (des Cattes) par le congrès de Vienne. Cependant le congrès répugna à lui accorder ce titre ; dédaignant alors le titre de grand-duc qu’il aurait pu aisément obtenir — et dont se satisfit son parent de Hesse-Darmstadt —, il choisit, contre toute logique, de conserver son ancien titre d’électeur, en dépit du fait que le Saint Empire n’existait plus, remplacé par une Confédération germanique dont la présidence était héréditaire dans la maison d’Autriche. De 1815 à sa disparition en 1866, la Hesse-Cassel fut donc gouvernée par des électeurs sans élection ! La charmante cité maritime de Raguse, aujourd’hui plus connue sous son nom slave de Dubrovnik, est involontairement à l’origine d’un néologisme à la mode sous la Restauration et qui serait aujourd’hui oublié s’il n’avait été immortalisé par Edmond Rostand dans sa pièce L’Aiglon ; il s’agit du verbe raguser. Le maréchal Marmont, un proche de Napoléon, fut gouverneur général de la Dalmatie en 1806 et mit fin alors à l’indépendance de la république de Raguse. Titré duc de Raguse par l’Empereur en 1808, il le trahit (comme d’autres) en 1814, et son titre servit à créer ce verbe raguser, synonyme de « trahir ». C’est ainsi que l’Aiglon, dans une scène de la pièce citée supra (et parlant d’une autre affaire), apostrophe Marmont par cet alexandrin demeuré célèbre : — Il n’aurait plus manqué que vous ragusassiez ! De l’art de créer des institutions fantômes La Confédération du Rhin, instituée en 1806 par Napoléon pour asseoir son influence dans l’Allemagne moyenne, fut dès l’origine dotée en théorie d’une diète fédérale répartie en deux chambres, le collège des rois et celui des princes, qui devait siéger à Francfort-surle-Main. Chaque nouvelle adhésion — le nombre de membres passa de 16 en 1806 à 39 en 1808 — stipulait scrupuleusement dans quel collège devait siéger le nouvel adhérent. Or, jamais en sept ans d’existence effective ne se réunit la diète de cette Confédération, laquelle ne fut qu’un instrument politique et surtout militaire au service de l’Empereur dans ses visées hégémoniques sur l’Europe. Francfort demeura une coquille vide, et dut attendre la Confédération germanique pour jouir enfin, de 1815 à 1866, des délices de la vie parlementaire. Souverains en balade Si l’on a tendance aujourd’hui à considérer qu’un souverain héréditaire a vocation à s’identifier à un peuple, une nation, un pays dont il symbolise l’unité, ce ne fut pas toujours le cas dans le passé. Des circonstances politiques diverses pouvaient amener certains princes à changer de sceptre, sans pour autant troubler outre mesure leurs consciences, pourvu qu’ils continuassent à régner. C’est ainsi que l’on vit au XVIIIe siècle Stanislas Leszczynski troquer sa couronne de Pologne pour celle de Lorraine, le duc François-Étienne de Lorraine abandonner la Lorraine pour la Toscane, avant d’être élu empereur, le duc Victor-Amédée de Savoie régner sur la
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Étrangetés, particularismes, anecdotes en tout genre Sicile avant de se replier sur la Sardaigne, don Carlos, fils puîné de Philippe V d’Espagne, recevoir le trône de Parme en 1731, l’échanger pour celui des Deux-Siciles en 1738, avant de revenir régner à Madrid en 1759, etc. À l’aube du XIXe siècle, le recès d’Empire de 1803 fut semblablement à l’origine d’une grande vague de transferts de trônes, nombre de petits souverains allemands possessionnés sur rive gauche du Rhin recevant de nouveaux États sur rive droite, sans égard pour leurs anciens et nouveaux sujets. Deux souverains parmi d’autres pourront illustrer ce phénomène, encore récurrent dans la première moitié du XIXe siècle. Le grand-duc Ferdinand III de Toscane, un Habsbourg frère puîné de l’empereur François II, régnait à Florence depuis 1790 quand il fut privé de ses États par Bonaparte en 1799. Dès 1801, il fut contraint de renoncer à la Toscane et, en 1803, reçut au recès d’Empire l’électorat de Salzbourg à titre de compensation. En décembre 1805, nouveau déménagement : il dut céder Salzbourg à son frère et partir régner à Wurtzbourg, d’abord comme électeur puis, à partir de 1806, comme grand-duc. Il dut vraisemblablement concevoir une certaine amertume vis-à-vis de son frère, car il fut le premier, en septembre 1806, des souverains qui adhérèrent à la Confédération du Rhin (instrument de Napoléon) postérieurement à sa création, et fut l’un des derniers à la quitter à l’automne de 1813. Ce qui ne l’empêcha pas, en juin 1815, de revenir à Florence régner de nouveau paisiblement sur la Toscane, comme si rien ne s’était passé. Quant au fils de Louis Ier d’Étrurie, il ajouta à ce nomadisme princier un glissement patronymique intéressant à observer. Petit-fils du duc Ferdinand de Parme, ce Bourbon régna à partir de 1803 sur l’Étrurie (la Toscane), sous le nom de Louis II et sous la régence de sa mère, car il était mineur. En 1807, Napoléon le chassa de Florence, projetant d’en faire le roi Louis Ier de Lusitanie (région septentrionale du Portugal dont Porto eût été la capitale), ce qui ne se fit point eu égard aux déboires de la France au Portugal. En 1815, la Toscane étant rendue à Ferdinand III, et le duché de Parme de son grand-père étant réservé à l’impératrice Marie-Louise, on érigea pour lui un duché de Lucques, où il alla régner sous le nom de Charles-Louis. Enfin, en 1847, à la mort de Marie-Louise, il put enfin venir régner — pour quatre mois — à Parme sous le nom de Charles II. De l’art de gagner de l’argent à peu de frais Quand il fut élevé à la dignité d’empereur des Français, roi d’Italie, Napoléon songea à établir sa famille sur des trônes en Europe ; Joseph eut Naples (puis l’Espagne), Louis la Hollande, Jérôme la Westphalie, Elisa Lucques et Piombino, Caroline (et son mari Joachim Murat) Clèves et Berg, puis Naples. Lucien, qui était brouillé avec Napoléon, n’eut rien. Quant à Pauline, dont l’insouciance et la légèreté étaient connues de son frère, elle reçut seulement en mars 1806 le petit duché de Guastalla, détaché à ces fins de l’ancien duché de Parme, qui était devenu français en 1802. Mais la très parisienne Pauline Borghèse, peu soucieuse d’aller s’enterrer à Guastalla, se garda bien de prendre possession de son duché et le revendit après quatre mois à son frère Napoléon, en tant que roi d’Italie. Elle se satisfit dès lors du titre honorifique de duchesse de Guastalla, qu’elle trouvait décoratif. Une bonne opération financière pour elle, grâce à l’indulgence de son frère, qui lui passait tous ses caprices. De l’importance du protocole Elisa Bonaparte, mariée à Félix Bacciochi, reçut dès juin 1805 de Napoléon l’ancienne république de Lucques et la principauté de Piombino sur lesquelles elle-même et son mari devaient effectivement régner au titre de princes de Lucques et Piombino. Trouvant cette principauté trop étroite à son goût, elle finit, à force d’insistance, par obtenir en 1809 de son frère une sorte de délégation — d’ailleurs très limitée — de pouvoirs pour la Toscane, devenue française en 1808, avec le titre de grande-duchesse de Toscane ; mais cette délégation était personnelle et son mari n’y était pas associé. Et l’on raconte que, lorsque la nouvelle grande-duchesse transféra sa cour de Lucques à Florence, elle se tint dans la berline à la gauche de son mari de Lucques à la frontière — tant il est vrai qu’il la surpassait en dignité en territoire lucquois —, mais que ce dernier lui céda la place à la frontière, car sur le territoire toscan il convenait que ce fût elle qui tînt la place d’honneur.
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Annexes Une frontière est une frontière En 1815, le Saint Empire ne fut pas rétabli, mais remplacé, comme l’on sait, par la Confédération germanique. La force de la tradition était telle que — mis à part la limite occidentale de la Confédération, où les profonds changements territoriaux impliquèrent une redéfinition de frontière de Wesel à Lauterbourg et aux environs de Bâle — la limite extérieure de la Confédération germanique reprit scrupuleusement l’ancien tracé de celle du Saint Empire. En Istrie, cette frontière séparait en 1789 une Istrie vénitienne (deux tiers occidentaux) placée hors de l’Empire et une Istrie autrichienne (tiers oriental) qui y était incluse. En 1815, l’Autriche s’était emparée des possessions de Venise, la Vénétie étant jointe à la Lombardie pour former le Lombard-Vénitien. L’Istrie anciennement vénitienne, pour sa part, avait été administrativement détachée de la Vénétie et réunie à l’Istrie autrichienne pour former une seule entité, le cercle d’Istrie (royaume autrichien d’Illyrie). Mais la limite de la Confédération germanique ne tint pas compte de cette réunification et, de 1815 à 1866, sa frontière, ignorant les subdivisions autrichiennes, passa au beau milieu du cercle d’Istrie. En 1866, la nouvelle Confédération de l’Allemagne du Nord, conformément aux stipulations du traité de Prague, regroupa sous la présidence héréditaire du roi de Prusse l’ensemble des pays allemands situés au nord du Main. Si la Bavière, le Wurtemberg et Bade en furent sans conteste exclus, le grand-duché de Hesse-Darmstadt posa un problème délicat, car si deux de ses trois provinces (Hesse-Rhénane, Starkenbourg) étaient bien situées au sud du Main, la troisième (Haute-Hesse) était, elle, située au nord. Qu’à cela ne tienne ! La Hesse-Darmstadt entra pour la seule Haute-Hesse dans la nouvelle Confédération et cette situation perdura jusqu’en novembre 1870, date à laquelle le reste du grand-duché adhéra à son tour. On tremble encore aux affres qu’aurait éprouvées le grand-duc si la confédération prévue au sud du Main avait réellement vu le jour et si les deux confédérations s’étaient fait la guerre ! Particularismes contemporains Nos esprits cartésiens voudraient que les situations territoriales d’aujourd’hui fussent parfaitement limpides et cohérentes. Il est vrai qu’en deux siècles l’Europe a fait beaucoup de chemin dans cette voie. Subsistent malgré tout quelques petites bizarreries territoriales, qui s’expliquent toutes par le poids de l’histoire mais viennent contredire la vision d’une Europe territorialement rationnelle. Le Kleinwalserthal est une petite vallée dépendant du Tyrol mais située au nord de la crête des Alpes et tournée vers la Bavière. De ce fait, si elle est politiquement autrichienne, elle est économiquement incorporée dans l’espace allemand. Le Val Livigno est un petit bassin de montagne italien tourné vers la Suisse (Grisons), Politiquement italien, le Val Livigno est économiquement rattaché à la Suisse. Même situation pour Campione d’Italia, enclave italienne en territoire tessinois, sur les rives du lac de Lugano, et qui est célèbre par son casino. L’enclave de Llivia, qui obtint en 1659 de rester espagnole au motif qu’elle était une ville et que seuls des villages devaient être cédés à la France en Cerdagne, est aujourd’hui rattachée à la généralité de Catalogne, quoique enclavée dans les Pyrénées-Orientales françaises. Située à vol d’oiseau à moins de deux kilomètres du territoire principal catalan, elle est reliée à Puigcerda par une route neutre qui, depuis les années 1980, enjambe par un grand pont la rivière Raour, la voie ferrée de Villefranche à La Tour-de-Carol et la route nationale 20, ce qui permet enfin aux Espagnols de se rendre à Llivia sans se mélanger aux Français. Chacun chez soi ! Enfin, Baarle-Duc (Baarle-Hertog) est une petite enclave belge (7 km2) aux Pays-Bas, au sud de Breda, et elle est située à environ trois kilomètres du territoire principal belge. Elle touche une ville sœur, Baarle-Nassau, qui elle, comme son nom le laisse penser, est bien néerlandaise.
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Répertoire de concordance des noms de lieux
Répertoire de concordance des noms de lieux Les lieux sont détaillés au nom en usage dans le pays auquel ils appartiennent en 2004. Aachen (Allemagne), Aix-la-Chapelle (fr.), Axminster (angl.), Aquisgran (esp.), Aquisgrana (it.) Abbazia → Opatija Abo → Turku Adelsberg → Postonja Adige (fleuve, Italie), Etsch (all.) Agram → Zagreb Aix-la-Chapelle → Aachen Akkerman → Bielgorod Alba Iulia (Roumanie), Carlsbourg (fr.), Karlsburg (all.), Gyulafehervar (hongr.) Albe-Royale → Szekesfehervar Alexandroupolis (Grèce), Dedeagatch (turc) Allenstein → Olsztyn Altsohl → Zvolen Andrinople → Edirne Antivari → Bar Antwerpen (Belgique, néerl., all.), Anvers (fr.), Antwerp (angl.), Amberes (esp.), Anversa (it.) Anvers → Antwerpen Arba → Rab Argyrocastro → Gjirokastër Athènes → Athine Athine (Grèce), Athènes (fr.), Athens (angl.), Athen (all.), Atene (it.) Auschwitz → Oswiecim Aussig → Usti nad Labem Axios → Vardar Baia Mare (Roumanie), Nagybanya (hongr.) Bakar (Croatie), Buccari (it.) Balaton (lac, Hongrie), Plattensee (all.) Bâle → Basel Banska Bystrica (Slovaquie), Neusohl (all.), Besztercebanya (hongr.) Bar (Yougoslavie), Antivari (it.)
Basel (Suisse, all.), Bâle (fr.), Basle (angl.), Basilea (it.) Bern (Suisse, all.), Berne (fr., angl.), Berna (it.) Berne → Bern Bielgorod (Ukraine), Akkerman (all.), Cetatea Alba (roum.) Bitola (Macédoine), Monastir (turc), Bitolj (serbe) Bled (Slovénie), Veldes (all.) Bohumin (Tchéquie), Oderberg (all.) Bois-le-Duc → ‘s Hertogenbosch Bologne → Bolonia Bolonia (Italie), Bologne (fr., angl.), Bolonia (esp.) Bolzano (Italie), Botzen (fr.), Bozen (all.) Botzen → Bolzano Brac (Croatie), Brazza (it.) Brasov (Roumanie), Cronstadt (fr.), Kronstadt (all.), Brasso (hongr.) Bratislava (Slovaquie), Presbourg (fr.), Pressburg (all.), Poszony (hongr.) Braunschweig (Allemagne), Brunswick (fr.) Brazza → Brac Brême → Bremen Bremen (Allemagne), Brême (fr.), Brema (esp., it.) Breslau → Wroclaw Bressanone (Italie), Brixen (fr., all.) Brixen → Bressanone Brno (Tchéquie), Brunn (fr., all.) Bromberg → Bydgoczsz Bruges → Brugge Brugge (Belgique, néerl.), Bruges (fr., angl.), Brügge (all.), Brujas (esp.) Bruneck → Brunico Brunico (Italie), Bruneck (fr., all.) Brunn → Brno Brunswick → Braunschweig
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Annexes Bruxelles (Belgique, fr.), Brussel (néerl.), Brussels (angl.), Brüssel (all.), Bruselas (esp.), Brussela (it.) Buccari → Bakar Buda (Hongrie), Bude (fr.), Ofen (all.), ancien nom de Budapest, avant la fusion avec Pest Bude → Buda Budweis → Ceske Budejovice Bydgoczsz (Pologne), Bromberg (fr., all.) Canterbury (Grande-Bretagne), Cantorbéry (fr.) Cantorbéry → Canterbury Capodistria → Koper Carlowitz → Sremski Karlovci Carlsbad → Karlovy Vary Carlsbourg → Alba Iulia Carlstadt → Karlovac Cassovie → Kosice Cattaro → Kotor Celje (Slovénie), Cilly (fr.), Cilli (all.) Cernauti → Tchernivtsi Ceske Budejovice (Tchéquie), Budweis (all.) Cesky Tesin (Tchéquie), Teschen (all.) Cheb (Tchéquie), Eger (all.) Chemnitz (Allemagne), Karl-Marx-Stadt (1949-1990) Cherso → Cres Chomutov (Tchéquie), Komotau (all.) Christiania → Oslo Chur (Suisse, all.), Coire (fr.), Coira (it.) Cieszyn (Pologne), Teschen (all.) Cilly → Celje Cinq-Églises → Pecs Cittanova → Novigrad Clèves → Kleve Cluj (Roumanie), Klausenbourg (fr.), Klausenburg (all.), Koloszvar (hongr.) Coblence → Koblenz Coire → Chur Cologne → Köln Coni → Cuneo Constance → Konstanz Constantinople → Istanbul Copenhague → København
Cordoba (Espagne), Cordoue (fr.), Cordova (it.) Cordoue → Cordoba Corfou → Kerkyra Cossovie → Kossovo Courtrai → Korktrijk Cracovie → Krakow Cres (Croatie), Cherso (it.) Cronstadt (Roumanie) → Brasov Cuneo (Italie), Coni (fr.) Curzola → Korcula Czernowitz → Tchernivtsi Czestochowa (Pologne), Tschenstochau (all.) Dagœ → Hiiumaa Dantzig → Gdansk Danube (fleuve, fr., angl.), Donau (all.), Duna (hongr.), Dunaj (slovaque), Dunav (s.-cr., bulg.), Dunarea (roum.), Dunaï (russe), Danubio (esp., it.) Daugava (fleuve, Lettonie), Düna (all.), Dvina (russe) Daugavpils (Lettonie), Dunabourg (fr.), Dünaburg (all.), Dvinsk (russe) Dedeagatch → Alexandroupolis Delémont (Suisse, fr.), Delsberg (all.) Den Haag (Pays-Bas), La Haye (fr.), The Hague (angl.), Haag (all.), La Haya (esp.), L’Aia (it.) Deux-Ponts → Zweibrücken Dorpat → Tartu Douvres → Dover Dover (Grande-Bretagne), Douvres (fr.) Draubourg → Dravograd Dravograd (Slovénie), Draubourg (fr.), Drauburg (all.) Dubrovnik (Croatie), Raguse (fr.), Ragusa (all., it.) Dulcigno → Ulcinj Dunabourg → Daugavpils Dunkerque (France), Dunkerk (néerl.), Dunkirk (angl.), Dünkirchen (all.), Dunquerque (esp.) Durazzo → Durrës Durrës (Albanie), Durazzo (it.) Dvina → Daugava Dzeldzowo (Pologne), Soldau (all.) Édimbourg → Edinborough
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Répertoire de concordance des noms de lieux Edinborough (Grande-Bretagne), Édimbourg (fr.), Edinburgh (all.), Edimburgo (esp., it.) Edirne (Turquie), Andrinople (fr.), Hadrianopolis (grec) Eger (Tchéquie) → Cheb Eger (Hongrie), Erlau (all.) Eisack → Isarco Eisenbourg → Vas Elseneur → Helsingør Engerau → Petrzalka Erlau → Eger (Hongrie) Esseg → Osijek Eszek → Osijek Esztergom (Hongrie), Gran (all.) Etsch → Adige Evros → Maritza Fertö → Neusiedlersee Firenze (Italie), Florence (fr., angl.), Florenz (all.), Florencia (esp.) Fiume → Rijeka Flessingue → Vlissingen Florence → Firenze Francfort → Frankfurt Frankfurt (Allemagne), Francfort (fr.), Francoforte (it.) Freiburg (Allemagne et Suisse), Fribourg (fr.), Friburgo (esp., it.) Freisingen ou Freising (Autriche), Frisingue (fr.) Fribourg → Freiburg Frisingue → Freisingen Fünfkirchen → Pecs Gand → Gent Gdansk (Pologne), Dantzig (fr.), Dantzick (ancien fr.), Danzig (all., angl.), Danzica (it.) Gdingen → Gdynia Gdynia (Pologne), Gdingen (all.) Gênes → Genova Genève (Suisse, fr.), Geneva (angl.), Genf (all.), Ginevra (it.), Ginebra (esp.) Genova (Italie), Gênes (fr.), Genua (all.), Genoa (angl.), Génova (esp.) Gent (Belgique, néerl., all.), Gand (fr.), Ghent (angl.), Gante (esp.) Gjirokastër (Albanie), Argyrocastro (grec)
Glatz → Klodzko Gœttingue → Göttingen Goritz → Gorizia Gorizia (Italie), Goritz (fr., angl.), Görz (all.), Gorica (slovène) Gorki → Nijni Novgorod Gøteborg (Suède), Gothenbourg (fr.), Gothenburg (all.) Gothenbourg → Gøteborg Göttingen (Allemagne), Gœttingue (fr.) Gottschee → Kocevje Gran → Esztergom Groningen (Pays-Bas), Groningue (fr.) Groningue → Groningen Grosswardein → Oradea Grünberg → Zielona Gora Guns → Koszeg Györ (Hongrie), Raab (all.) Gyulafehervar → Alba Iulia Hambourg → Hamburg Hamburg (Allemagne), Hambourg (fr.), Amburgo (it.) Hannover (Allemagne), Hanovre (fr.), Hanover (angl.) Hanovre → Hannover Helsingfors → Helsinki Helsingør (Danemark), Elseneur (fr.), Elsinor (esp.) Helsinki (Finlande), Helsingfors (suédois) Hermannstadt → Sibiu ‘s Hertogenbosch (Pays-Bas), Bois-leDuc (fr.) Hiiumaa (Estonie), Dagœ (all.) Hlucin (Tchéquie), Hultschin (all.) Hradec Kralove (Tchéquie), Kœniggratz (all.) Hultschin → Hlucin Hvar (Croatie), Lesina (it.) Idria → Idrija Idrija (Slovénie), Idria (all., it.) Ielgava (Lettonie), Mitau (all.) Innichen → San Candido Isarco (rivière, Italie), Eisack (all.) Isonzo → Soca Istanbul (Turquie), Constantinople (fr.), Konstantinopel (all.), Constantinopla
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Annexes (esp.), Constantinopoli (it.) ; en réalité, Stamboul (Istanbul) n’est qu’un quartier de Constantinople, sur la rive européenne, au même titre que Péra, Galata, etc. Jægerndorf → Krnov Jülich (Allemagne), Juliers (fr.) Juliers → Jülich Kalinine → Tver Kaliningrad (Russie), Kœnigsberg (all.) Karl-Marx-Stadt → Chemnitz Karlovac (Croatie), Carlstadt (fr.), Karlstadt (all.) Karlovy Vary (Tchéquie), Carlsbad (fr.), Karlsbad (all.) Kassa → Kosice Kaunas (Lituanie), Kauen (all.), Kowno (pol.), Kovno (russe) Kerkyra (Grèce), Corfou (fr.), Corfu (angl.), Korfu (all.), Corfù (it.) Klaipeda (Lituanie), Memel (all.) Kleve (Allemagne), Clèves (fr.) Klodzko (Pologne), Glatz (fr., all.) København (Danemark), Copenhague (fr.), Copenhagen (angl.), Kopenhagen (all.) Koblenz (Allemagne), Coblence (fr., angl.), Coblenza (it.) Kocevje (Slovénie), Gottschee (all.) Kœniggratz → Hradec Kralove Kœnigsberg → Kaliningrad Köln (Allemagne), Cologne (fr., angl.), Colonia (it.) Komarom (Hongrie), Komarno (Slovaquie), Komorn (all.) Komorn → Komarom, Komarno Komotau → Chomutov Konstanz (Allemagne), Constance (fr.), Constanza (esp.), Costanza (it.) Koper (Slovénie), Capodistria (it.) Korcë (Albanie), Koritza (grec) Korcula (Croatie), Curzola (it.) Koritza → Korcë Korktrijk (Belgique, néerl.), Courtrai (fr., angl.) Kosice (Slovaquie), Cassovie (fr.), Kaschau (all.), Kassa (hongr.) Kossovo (Yougoslavie), Cossovie (fr.) Koszeg (Hongrie), Guns (all.)
Kotor (Yougoslavie), Cattaro (it., fr., all.) Kouibychev → Samara Kovno → Kaunas Kowno → Kaunas Krainbourg → Krajn Krajn (Slovénie), Krainbourg (fr.), Krainburg (all.) Krakow (Pologne), Cracovie (fr.), Cracow (angl.), Krakau (all.), Cracovia (esp., it.) Krk (Croatie), Veglia (it.) Krnov (Tchéquie), Jægerndorf (all.) Kvarner (Croatie), Quarnero (fr., it., all.) Kwidzyn (Pologne), Marienwerder (all.) Lagosta → Lastovo La Haye → Den Haag Lastovo (Croatie), Lagosta (it.) Laybach → Ljubljana Lefkada (Grèce), Leucade ou SainteMaure (fr.) Legnica (Pologne), Liegnitz (all.) Leiden (Pays-Bas), Leyde (fr.), Leyden (esp.), Leida (it.) Lemberg → Lviv Leningrad → Saint-Pétersbourg Lesina → Hvar Leucade → Lefkada Leuven (Belgique, néerl.), Louvain (fr.), Löwen (all.), Lovaina (esp.), Lovanio (it.) Leyde → Leiden Libau → Liepaja Liberec (Tchéquie), Reichenberg (all.) Liège (Belgique, fr.), Luik (néerl.), Lüttich (all.), Lieja (esp.), Liegi (it.) Liegnitz → Legnica Liepaja (Lettonie), Libau (all.) Lille (France), Rijssel (néerl.), Lila (esp.), Lilla (it.) Liptoszentmiklos → Liptovsky Sveti Mikulas Liptovsky Sveti Mikulas (Slovaquie), Liptoszentmiklos (hongr.) Lisboa (Portugal), Lisbonne (fr.), Lisbon (angl.), Lissabon (all.), Lisbona (esp., it.) Lisbonne → Lisboa Lissa → Viz Litmannstadt → Lodz
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Répertoire de concordance des noms de lieux Livorno (Italie), Livourne (fr.), Leghorn (angl.), Liorna (esp.) Livourne → Livorno Ljubljana (Slovénie), Laybach (fr.), Laibach (all.), Lubiana (it.) Lodz (Pologne), Litmannstadt (all.) London (Grande-Bretagne), Londres (fr., esp.), Londra (it.) Londres → London Louvain → Leuven Lucerne → Luzern Luzern (Suisse, all.), Lucerne (fr., angl.), Lucerna (esp., it.) Lviv (Ukraine), Lemberg (fr., all.), Leopol (roum.), Lvov (russe), Lwow (pol.) Lvov → Lviv Lwow → Lviv Mærisch Ostrau → Moravska Ostrava Mainz (Allemagne), Mayence (fr., angl.), Maguncia (esp.), Magonza (it.) Malines → Mechelen Marbourg (Slovénie) → Maribor Marianske Lazne (Tchéquie), Marienbad (all.) Maria Theresiopel → Subotica Maribor (Slovénie), Marbourg (fr.), Marburg (all.) Marienbad → Marianske Lazne Marienwerder → Kwidzyn Maritza (fleuve, Bulgarie/Grèce), Evros (grec) Maros → Mures Maros Vasarely → Targu Mures Mayence → Mainz Mechelen (Belgique, néerl.), Malines (fr., angl.), Malinas (esp.) Memel → Klaipeda Meran → Merano Merano (Italie), Meran (all.) Mitau → Ielgava Mittersbourg → Pazin Moldau → Vltava Molotov → Perm Monastir → Bitola Mons (Belgique, fr.), Bergen (néerl.) Moravska Ostrava (Tchéquie), Mærisch Ostrau (all.)
Moscou → Moskva Moskva (Russie), Moscou (fr.), Moscow (angl.), Moskau (all.), Moscù (esp.), Mosca (it.) Moson (Hongrie), Wieselbourg (fr.), Wieselburg (all.) München (Allemagne), Munich (fr., angl.), Monaco (it.) Munich → München Mures (rivière, Roumanie), Maros (hongr.) Nagybanya → Baia Mare Nagyszeben → Sibiu Nagyszombat → Trnava Nagyvarad → Oradea Naples → Napoli Napoli (Italie), Naples (fr., angl.), Neapel (all.), Napoles (esp.) Narenta → Neretva Neisse (rivière, all.), Nysa (pol.) Neretva (fleuve, Bosnie-Herzégovine), Narenta (it.) Neuchâtel (Suisse, fr.), Neuenburg (all.) Neusiedlersee (lac), Fertö (hongr.) Neusohl → Banska Bystrica Neutra → Nitra Nijmegen (Pays-Bas), Nimègue (fr.), Nimega (esp., it.) Nijni Novgorod (Russie), Gorki (19321990) Nimègue → Nijmegen Nitra (Slovaquie), Neutra (all.), Nyitra (hongr.) Novigrad (Croatie), Cittanova (it.) Nuremberg → Nürnberg Nürnberg (Allemagne), Nuremberg (fr., angl.), Norimberga (it.) Nysa → Neisse Oder (fleuve, all.), Odra (pol.) Oderberg → Bohumin Odra → Oder Œdenbourg → Sopron Œsel → Saaremaa Ofen → Buda Olmutz → Olomouc Olomouc (Tchéquie), Olmutz (fr.), Olmütz (all.)
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Annexes Olsztyn (Pologne), Allenstein (all.) Opatija (Croatie), Abbazia (it., all.) Opava (Tchéquie), Troppau (all.) Opole (Pologne), Oppeln (all.) Oppeln → Opole Oradea (Roumanie), Grosswardein (all.), Nagyvarad (hongr.) Osijek (Croatie), Esseg (all.), Eszek (hongr.) Oslo (Norvège), Christiania jusqu’en 1925 Oswiecim (Pologne), Auschwitz (all.) Oulu (Finlande), Uleaborg (suédois) Ouskoub → Skopje Padoue → Padova Padova (Italie), Padoue (fr.), Padua (esp.) Passarowitz → Pozarevac Pazin (Croatie), Mittersbourg (fr.), Mittersburg (all.), Pisino (it.) Pec (Yougoslavie), Peja (albanais), Ipek (turc) Pecs (Hongrie), Cinq-Églises (fr.), Funfkirchen (all.) Pelagosa → Pelagruz Pelagruz (Croatie), Pelagosa (it.) Perm (Russie), Molotov (1940-1957) Peterwardein → Petrovaradin Petrograd → Saint-Pétersbourg Petrovaradin (Yougoslavie), Peterwardein (all.), Petervarad (hongr.) Petrzalka (Slovaquie), Engerau (all.), Poszonyligetfalu (hongr.) Philippopolis → Plovdiv Piacenza (Italie), Plaisance (fr.) Pignerol → Pinerolo Pilsen → Plzen Pinerolo (Italie), Pignerol (fr.) Plaisance → Piacenza Plattensee → Balaton Pless → Pszcyna Plovdiv (Bulgarie), Philippopolis (fr., grec) Plzen (Tchéquie), Pilsen (fr., all.) Podgoritza (Monténégro), Titograd (1945-1991) Pola → Pula Porrentruy (Suisse, fr.), Pruntrut (all.)
Posen → Poznan Postonja (Slovénie), Adelsberg (all.), Postumia (it.) Pozarevac (Yougoslavie), Passarowitz (fr., all.) Poznan (Pologne), Posen (all.) Prague → Praha Praha (Tchéquie), Prague (fr., angl.), Prag (all.), Praga (esp., it.) Presbourg → Bratislava Pszcyna (Pologne), Pless (all.) Pula (Croatie), Pola (fr., it., all.) Quarnero → Kvarner Raab → Györ Rab (Croatie), Arba (it.) Raguse → Dubrovnik Ratisbonne → Regensburg Regensburg (Allemagne), Ratisbonne (fr.), Ratisbona (it.) Reichenberg → Liberec Reval → Tallinn Rijeka (Croatie), Fiume (it., fr., all.) Rimaska Sobota (Slovaquie), Rimaszombat (hongr.) Rimaszombat → Rimaska Sobota Roma (Italie), Rome (fr., angl.), Rom (all.), Roma (esp.) Rome → Roma Saarbrücken (Allemagne), Sarrebruck (fr.) Saaremaa (Estonie), Œsel (all.) Saarlouis (Allemagne), Sarrelouis (fr.) Sainte-Maure → Lefkada Saint-Marin → San Marino Saint-Pétersbourg (Russie), Petrograd (1914-1924), Leningrad (1924-1991) Saint-Sébastien → San Sebastian Saluces → Saluzzo Saluzzo (Italie), Saluces (fr.) Samara (Russie), Kouibychev (19351991) San Candido (Italie), Innichen (all.) San Marino (rép.), Saint-Marin (fr.) San Sebastian (Espagne), Saint-Sébastien (fr.), Donostia (basque) Saragosse → Zaragoza Sarrebruck → Saarbrücken
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Répertoire de concordance des noms de lieux Sarrelouis → Saarlouis Satu Mare (Roumanie), Szatmar (all., hongr.) Schæssbourg → Sighisoara Schaffhausen (Suisse, all.), Schaffhouse (fr.), Sciaffusa (it.) Schaffhouse → Schaffhausen Scutari (Albanie) → Shkoder Scutari (Turquie) → Uskudar Sebenico → Sibenik Semlin → Zemun Sesto Pusteria (Italie), Sexten (fr., all.) Sexten → Sesto Pusteria Shkoder (Albanie), Scutari (fr., it.) Sibenik (Croatie), Sebenico (fr., it., all.) Sibiu (Roumanie), Hermannstadt (all.), Nagyszeben (hongr.) Sighisoara (Roumanie), Schæssbourg (fr.), Schässburg (all.), Segesvar (hongr.) Sillein → Zilina Sion (Suisse, fr.), Sitten (all.) Skopje (Macédoine), Ouskoub (turc) Soca (fleuve, Slovénie), Isonzo (it.) Soldau → Dzeldzowo Soleure → Solothurn Solothurn (Suisse, all.), Soleure (fr.) Sopron (Hongrie), Œdenbourg (fr.), Œdenburg (all.) Spalato → Split Speier (Allemagne), Spire (fr.), Spira (it.), Espira (esp.) Spire → Speier Spis (Slovaquie), Zips (all.), Szepes (hongr.) Split (Croatie), Spalato (it., fr., all.) Sremski Karlovci (Yougoslavie), Carlowitz (fr.), Karlowitz (all.) Stalingrad → Volgograd Steinamanger → Szombathely Stettin → Szczecin Strouma (fleuve, Bulgarie/Grèce), Strymon (grec) Strymon → Strouma Subotica (Yougoslavie), Maria Theresiopel (all.), Szabadka (hongr.) Sudau → Suwalki Suwalki (Pologne), Sudau (all.)
Szabadka → Subotica Szatmar → Satu Mare Szczecin (Pologne), Stettin (fr., all.), Stettino (it.) Szekesfehervar (Hongrie), Albe-Royale (fr.), Stuhlweissenburg (all.) Szombathely (Hongrie), Steinamanger (all.) Tallinn (Estonie), Reval (all.) Tammersfors → Tampere Tampere (Finlande), Tammersfors (suédois) Targu Mures (Roumanie), Maros Vasarely (hongr.) Tarnopol → Tarnow Tarnow (Pologne), Tarnopol (fr., all.) Tartu (Estonie), Dorpat (all.) Tarvis → Tarvisio Tarvisio (Italie), Tarvis (fr., all.) Tchernivtsi (Ukraine), Czernowitz (all.), Cernauti (roum.) Temesvar → Timisoara Teschen → Cieszyn ou Cesky Tesin Theiss → Tisza Thorn → Torun Timisoara (Roumanie), Temesvar (fr., hongr.), Temesburg (all.) Tisza (rivière, Hongrie), Theiss (all.) Titograd → Podgoritza Tolmin (Slovénie), Tolmein (all.), Tolmino (it.) Torino (Italie), Turin (fr., angl., all.) Torun (Pologne), Thorn (fr., all.) Tournai (Belgique, fr.), Doornik (néerl.) Trencin (Slovaquie), Trentschin (all.), Trencsen (hongr.) Trentschin → Trencin Trente → Trento Trento (Italie), Trente (fr.), Trient (all.) Trèves → Trier Trier (Allemagne), Trèves (fr.), Treviri (it.), Treveris (esp.) Trieste (Italie), Triest (all.), Trst (s.-cr.) Trnava (Slovaquie), Tyrnau (all.), Nagyszombat (hongr.) Troppau → Opava Tsaritsyne → Volgograd
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Annexes Tschenstochau → Czestochowa Tübingen (Allemagne), Tubingue (fr.) Tubingue → Tübingen Turcansky Sveti Martin (Slovaquie), Turoc Szent Martin (hongr.) Turin → Torino Turku (Finlande), Abo (suédois) Turoc Szent Martin → Turcansky Sveti Martin Tver (Russie), Kalinine (1931-1990) Tyrnau → Trnava Ulcinj (Yougoslavie), Dulcigno (it.) Uleaborg → Oulu Uskudar (Turquie), Scutari (fr., it.) Usti nad Labem (Tchéquie), Aussig (all.) Vac (Hongrie), Waitzen (all.) Valona → Vlorë Vardar (fleuve, Macédoine/Grèce), Axios (grec) Varsovie → Warszawa Vas (Hongrie), Eisenbourg (fr.), Eisenburg (all.) Veglia → Krk Veldes → Bled Venezia (Italie), Venise (fr.), Venice (angl.), Venedig (all.), Venecia (esp.) Venise → Venezia Ventspils (Lettonie), Vindau (all.) Verceil → Vercelli Vercelli (Italie), Verceil (fr.) Viborg → Viipuri Vienne (Autriche) → Wien Viipuri (Finlande), Viborg (suédois) Vilna → Vilnius
Vilnius (Lituanie), Wilno (pol.), Wilna (all.), Vilna (russe) Vindau → Ventspils Viz (Croatie), Lissa (it.) Vlissingen (Pays-Bas), Flessingue (fr.) Vlorë (Albanie), Valona (it.) Vltava (rivière, Tchéquie), Moldau (fr., all.) Volgograd (Russie), Tsaritsyne (avant 1925), Stalingrad (1925-1961) Waitzen → Vac Warszawa (Pologne), Varsovie (fr.), Warsaw (angl.), Warschau (all.), Varsavia (it.), Varsovia (esp.) Wieselbourg → Moson Wien (Autriche), Vienne (fr.), Vienna (angl., it.), Viena (esp.) Wilno → Vilnius Wroclaw (Pologne), Breslau (fr., all.) Zadar (Croatie), Zara (it., fr., all.) Zagreb (Croatie), Agram (fr., all.) Zara → Zadar Zaragoza (Espagne), Saragosse (fr.), Saragozza (it.) Zemun (Yougoslavie), Semlin (all.), Zimony (hongr.) Zielona Gora (Pologne), Grünberg (all.) Zilina (Slovaquie), Sillein (all.), Zsolna (hongr.) Zips → Spis Znaim → Znomo Znomo (Tchéquie), Znaim (all.) Zvolen (Slovaquie), Altsohl (all.), Zolyom (hongr.) Zweibrücken (Allemagne), Deux-Ponts (fr.)
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Bibliographie
Bibliographie La bibliographie qui suit ne saurait prétendre à l’exhaustivité. Elle vise seulement à signaler quelques ouvrages anciens ou modernes qui traitent, d’une façon plus ou moins détaillée, les questions d’ordre institutionnel ou territorial relatives aux pays d’Europe. Atlas historiques La consultation d’atlas historiques est une aide précieuse pour une bonne compréhension des réalités territoriales. Le lecteur se reportera utilement aux ouvrages suivants : F. SCHRADER (sous la direction de), Atlas de géographie historique, Hachette, Paris, 1896. VIDAL-LABLACHE, Atlas général, Histoire et géographie, Armand Colin, Paris, nombreuses éditions (1914, 1925, 1936, etc.). Georges DUBY (sous la direction de), Atlas historique, Larousse, Paris, 1978. Grosser Atlas zur Weltgeschichte, Westermann, Brunswick, 1988. Josef ENGEL et Ernst Walter ZEEDEN, Grosser Historischer Weltatlas, 3e tome : Neuzeit, Bayerischer Schulbuch Verlag, Munich, 3 tomes, 1981. Ouvrages statistiques annuels Almanach de Gotha, Justus Perthes, Gotha, édition annuelle de 1764 à 1944. Dominique et Michèle FRÉMY, Quid, Laffont, Paris. L’Année stratégique, IRIS, Paris. L’État du monde. Annuaire économique géopolitique mondial, La Découverte, Paris. The Statesman’s Yearbook, Brian Hunter, Londres (bisannuel). Calendario Atlante De Agostini, Istituto geografico De Agostini, Novare. Ouvrages généraux Albert SOREL, L’Europe et la Révolution française, Plon, Paris, 1885. André CORVISIER (sous la direction de), L’Europe à la fin du XVIIIe siècle, Sedes, Paris, 1985. Jacques GODECHOT, La Grande Nation, Aubier, Paris, 1983. Jean de VIGUERIE, Histoire et dictionnaire du temps des Lumières, Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1995. Jean TULARD, Jean-François FAYARD, Alfred FIERRO, Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1987. Jean TULARD, Le Grand Empire, Albin Michel, Paris, 1982. Jean TULARD (sous la direction de), L’Europe de Napoléon, Horvath, Paris, 1989. Jean TULARD (sous la direction de), Dictionnaire Napoléon, Fayard, Paris, 1987. Jean TULARD (sous la direction de), Dictionnaire du Second Empire, Fayard, Paris, 1995. Roger DUFRAISSE, Les Pays sous domination française 1799-1814, CDU, Paris, 1968. Édouard DRIAULT, Napoléon et l’Europe, Paris, 5 vol., 1910-1927. Jacques DROZ, Histoire diplomatique de 1648 à 1919, Dalloz, Paris, 1972. Jean-Baptiste DUROSELLE, Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Dalloz, Paris, 1981. René GIRAULT, Diplomatie européenne et impérialismes, 1871-1914, Masson, Paris, 1979. Comte DE GARDEN, Histoire générale des traités de paix, Amyot, Paris. M. DE CLERCQ, Recueil des traités de la France 1713-1867, Amyot, Paris, 9 vol., 1864-1868. Harold NICHOLSON, Le Congrès de Vienne, 1947. J. PINKERTON et C. A. WALCKENAER, Abrégé de géographie moderne, Dentu, Paris, 1811. Adrien BALBI, Abrégé de géographie, Jules Renouard, Paris, 1834. Ch. DEZOBRY et Th. BACHELET, Dictionnaire général de biographie et d’histoire, Dezobry, Magdeleine et Cie, Paris, 2 vol., 1857.
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Annexes Auguste HIMLY, Histoire de la formation territoriale des États de l’Europe centrale, Hachette, Paris, 2 vol., 1876. Aldo DAMI, Les Frontières européennes de 1900 à 1975, Médecine et Hygiène, Genève, 1976. Jean SELLIER et André SELLIER, Atlas des peuples d’Europe centrale, La Découverte, Paris, 1991. Jean SELLIER et André SELLIER, Atlas des peuples d’Europe occidentale, La Découverte, Paris, 1995. Philippe LEMARCHAND (sous la direction de), L’Europe centrale et balkanique, Éditions Complexe, Bruxelles, 1995. Henry BOGDAN, Histoire des pays de l’Est, Perrin, Paris, 1990. Georges CASTELLAN, Histoire des peuples d’Europe centrale, Fayard, Paris, 1994. Michel FOUCHER (sous la direction de), Fragments d’Europe, Fayard, Paris, 1993. Yves LACOSTE (sous la direction de), Dictionnaire de géopolitique, Flammarion, Paris, 1993. Béatrice GIBLIN et Yves LACOSTE (sous la direction de), Géohistoire de l’Europe médiane, La Découverte, Paris, 1998. François JOYAUX (sous la direction de), Encyclopédie de l’Europe, Seuil, Paris, 1993. Allemagne Alexander DEMANDT, Deutschlands Grenzen in der Geschichte, C. H. Beck, Munich, 1990. Jean-François NOËL, Le Saint Empire, PUF, coll. Que sais-je ?, Paris, 1976. Jacques DROZ, La Formation de l’unité allemande 1789-1871, Hatier, Paris, 1970. Ph. SAGNAC, Le Rhin français pendant la Révolution et l’Empire, Alcan, Paris, 1917. Alfred RAMBAUD, L’Allemagne française sous Napoléon Ier, Paris, 1874. Marcel DUNAN, L’Allemagne de la Révolution et de l’Empire, CDU, Paris, 1954-1955. Marcel DUNAN, Le Système continental et les débuts du royaume de Bavière, Plon, Paris, 1942. Charles SCHMIDT, Le Grand-Duché de Berg, Alcan, Paris, 1905. M. A. FABRE, Jérôme, roi de Westphalie, Paris. André MARTINET, Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, Paris, 1902. Arthur KLEINSCHMIDT , Geschichte des Kœnigsreichs Westfalen, 1893. Paul DARMSTÆDTER, Le Grand-Duché de Francfort, Paris, 1901. Prince Jean Engelbert D’ARENBERG, Les Princes du Saint Empire à l’époque napoléonienne, Presses universitaires, Louvain, 1951. Autriche-Hongrie Louis LÉGER, Histoire de l’Autriche-Hongrie, Hachette, Paris, 1879. Victor-Lucien TAPIÉ, Les États de la maison d’Autriche de 1657 à 1790, CDU, Paris, 1960. Victor-Lucien TAPIÉ, Monarchie et peuples du Danube, Fayard, Paris, 1969. Erich ZÖLLNER, Histoire de l’Autriche (traduit de l’allemand), Horvath, Paris, 1965. Jean VIDALENC, L’Europe danubienne et balkanique, Masson, Paris, 1973. Jean BÉRENGER, Histoire de l’empire des Habsbourg, Fayard, Paris, 1990. Jean NOUZILLE, Histoire de frontières, Berg international, Paris, 1991 (ouvrage traitant des Confins militaires de l’Autriche-Hongrie). Balkans Jacques ANCEL, Peuples et nations des Balkans, A. Colin, Paris, 1930, réédition CTHS, Paris, 1992. Jean VIDALENC, L’Europe danubienne et balkanique, Masson, Paris, 1973. Georges CASTELLAN, Histoire des peuples des Balkans, Fayard, Paris, 1991. PISANI, La Dalmatie de 1797 à 1815, Paris. RODOCANACHI , Bonaparte et les îles Ioniennes, Paris, 1899. Melitta PIVEC-STELÈ, La Vie économique des Provinces Illyriennes, Bossard, Paris, 1930.
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Bibliographie Baltes (pays) Pascal LOROT, Les Pays baltes, PUF, coll. Que sais-je ?, Paris, 1991. Belgique Jean DHONDT, Histoire de la Belgique, PUF, coll. Que sais-je ?, Paris, 1968. Espagne Albert MOUSSET, Histoire d’Espagne, SEFI, Paris, 1947. Pierre VILAR, Histoire de l’Espagne, PUF, coll. Que sais-je ?, Paris, 1947. France Auguste LONGNON, La Formation de l’unité française, Picard, Paris, 1922. Léon et Albert MIROT, Manuel de géographie historique de la France, Picard, Paris, 1980. Théophile LAVALLÉE, Les Frontières de la France, Hetzel, Paris. Alfred FIERRO-DOMENECH, Le Pré carré, Laffont, coll. Pluriel, Paris, 1986. Daniel NORDMAN, Frontières de France, Gallimard, Paris, 1998. F. de DAINVILLE et Jean TULARD, Atlas administratif de l’Empire français, Paris, 1973. Fernand L’HUILLIER, Histoire de l’Alsace, PUF, coll. Que sais-je ?, Paris, 1974. Italie René BAZIN, L’Italie géographique, ethnologique, historique, administrative, etc., Larousse, Paris. Jules ZELLER, Histoire résumée d’Italie, Hachette, Paris, 1901. Georges BOURGIN, La Formation de l’unité italienne, Paris, 1929. Philippe GUT, L’Unité italienne, PUF, Paris, 1972. Paul GUICHONNET, L’Unité italienne, PUF, coll. Que sais-je ?, Paris, 1961. Édouard DRIAULT, Napoléon en Italie, Alcan, Paris, 1906. P. MARMOTTAN, Bonaparte et la république de Lucques, Paris, 1896. Alvise ZORZI, La République du Lion (traduit de l’italien), Perrin, Paris, 1988. Malte Jacques GODECHOT, Histoire de Malte, PUF, coll. Que sais-je ?, Paris, 1981. Pays-Bas André DUBOSQ, Louis Bonaparte en Hollande, Paris, 1911. Maurice BRAURE, Histoire des Pays-Bas, PUF, coll. Que sais-je ?, Paris, 1974. Pologne Waclaw SOBIESKI, Histoire de Pologne, Payot, Paris, 1934. S. ASKENAZY, Napoléon et la Pologne, Paris, 1925. A. BONNEFONS, Frédéric-Auguste, premier roi de Saxe et grand-duc de Varsovie, Paris, 1902. Édouard MALISZEWSKY, La Pologne d’aujourd’hui, Paris, 1926. Portugal Albert-Alain BOURDON, Histoire du Portugal, PUF, coll. Que sais-je ?, Paris, 1968. A. H. DE OLIVEIRA MARQUES, Histoire du Portugal (traduit du portugais), Horvath, Paris, 1978. Russie Hélène CARRÈRE D’ENCAUSSE, L’Empire éclaté, Flammarion, Paris, 1978. Hélène CARRÈRE D’ENCAUSSE, La Gloire des nations, Fayard, Paris, 1990. Suisse L. SUTER et G. CASTELLA, Histoire de la Suisse, Benziger, Einsiedeln, 1928. Édouard GUILLON, Napoléon et la Suisse, Payot, Paris, 1910. Turquie Théophile LAVALLÉE, Histoire de la Turquie, Hetzel, Leipzig, 1859. Robert MANTRAN (sous la direction de), Histoire de l’Empire ottoman, Fayard, Paris, 1989.
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Table des matières
Table des matières Introduction .................................................................................
3
Partie I – Chronologie territoriale de l’Europe (1789 à nos jours)
5
1789-1791 — L’Europe traditionnelle ........................................................................... 1791-1799 — L’Europe et la Révolution française ........................................................ 1800-1815 — L’Europe napoléonienne ......................................................................... 1815-1871 — L’Europe nationaliste .............................................................................. 1871-1920 — L’Europe des puissances .......................................................................... 1920-1945 — L’Europe face aux totalitarismes............................................................. 1945 à nos jours — L’Europe divisée puis réunie ..........................................................
7 9 12 16 19 23 27
Partie II – Les États existants .......................................................... 31 Albanie ........................................................................................................... 33 Le pays en bref.............................................................................................................. 33 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’espace albanais ................................... 1. Une terre sous domination ............................................................................ 2. Le pays albanais en 1789................................................................................
33 33 34
II. La quête difficile de l’identité albanaise (1789 à nos jours) .................................. 1. De 1789 à la création de l’Albanie (1912)..................................................... 2. La principauté d’Albanie (1913-1924)........................................................... 3. L’Albanie républicaine puis royale de Zog (1925-1939) ................................ 4. L’Albanie annexée (1939-1945)..................................................................... 5. L’Albanie communiste (1946-1992).............................................................. 6. L’Albanie contemporaine (1992 à nos jours) ................................................
34 34 35 37 37 38 38
Allemagne ...................................................................................................... 39 Le pays en bref.............................................................................................................. 39 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Allemagne ........................................... A. Histoire générale de l’Allemagne ........................................................................ 1. Des origines à l’instauration du Saint Empire (962)..................................... 2. De 962 à la fin du Grand Interrègne (1273)................................................. 3. De 1273 à la paix de Westphalie (1648) ....................................................... 4. La paix de Westphalie et ses conséquences (1648-1789) .............................. B. Histoire des États de l’Allemagne........................................................................ 1. Autriche (Voir chapitre Autriche)................................................................. 2. Prusse ............................................................................................................. 3. Palatinat-Bavière ............................................................................................ 4. Wurtemberg ................................................................................................... 5. Bade................................................................................................................ 6. Hohenzollern ................................................................................................. 7. Furstenberg ..................................................................................................... 8. La Tour-et-Taxis ..............................................................................................
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40 40 40 41 42 43 44 44 44 45 47 47 47 47 48
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Table des matières 9. Bayreuth et Anspach..................................................................................... 10. Saxe électorale .............................................................................................. 11. Thuringe ....................................................................................................... 12. Anhalt........................................................................................................... 13. Poméranie .................................................................................................... 14. Mecklembourg.............................................................................................. 15. Holstein ........................................................................................................ 16. Oldenbourg .................................................................................................. 17. Hanovre ........................................................................................................ 18. Brunswick-Wolfenbuttel .............................................................................. 19. Lippe ............................................................................................................. 20. Waldeck........................................................................................................ 21. Hesse ............................................................................................................ 22. Nassau.......................................................................................................... 23. Arenberg ....................................................................................................... 24. Salm.............................................................................................................. 25. Mayence ....................................................................................................... 26. Cologne ........................................................................................................ 27. Trèves ............................................................................................................ 28. Salzbourg et Berchtesgaden .......................................................................... 29. Wurtzbourg .................................................................................................. 30. Villes hanséatiques ....................................................................................... 31. Autres États ..................................................................................................
48 48 48 49 49 49 50 50 50 51 51 51 51 52 52 52 53 53 53 53 53 53 54
II. L’Allemagne en 1789. Situation des différents États.............................................. 1. Autriche (voir chapitre Autriche)................................................................. 2. Prusse ........................................................................................................... 3. Palatinat-Bavière et Deux-Ponts................................................................... 4. Wurtemberg ................................................................................................. 5. Bade .............................................................................................................. 6. Hohenzollern................................................................................................ 7. Furstenberg ................................................................................................... 8. La Tour-et-Taxis ............................................................................................ 9. Bayreuth et Anspach..................................................................................... 10. Saxe électorale .............................................................................................. 11. Thuringe ....................................................................................................... 12. Anhalt........................................................................................................... 13. Poméranie suédoise ...................................................................................... 14. Mecklembourg.............................................................................................. 15. Holstein (voir chapitre Danemark) ............................................................. 16. Oldenbourg .................................................................................................. 17. Hanovre ........................................................................................................ 18. Brunswick..................................................................................................... 19. Lippe ............................................................................................................. 20. Waldeck........................................................................................................ 21. Hesse ............................................................................................................ 22. Nassau.......................................................................................................... 23. Arenberg ....................................................................................................... 24. Salm.............................................................................................................. 25. Mayence ....................................................................................................... 26. Cologne ........................................................................................................ 27. Trèves ............................................................................................................ 28. Salzbourg et Berchtesgaden ..........................................................................
54 54 54 55 56 57 57 57 58 58 59 59 60 61 61 62 62 62 62 63 63 63 64 65 66 66 67 67 67
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Table des matières 29. Wurtzbourg .................................................................................................. 30. Villes hanséatiques ....................................................................................... 31. Autres États ..................................................................................................
68 68 68
III. L’Allemagne dans la tourmente révolutionnaire (1789-1815). Évolution des différents États ..................................................................................... 1. Autriche (voir chapitre Autriche)................................................................. 2. Prusse ........................................................................................................... 3. Palatinat-Bavière et Deux-Ponts, plus tard Bavière...................................... 4. Wurtemberg ................................................................................................. 5. Bade .............................................................................................................. 6. Hohenzollern................................................................................................ 7. Furstenberg ................................................................................................... 8. La Tour-et-Taxis ............................................................................................ 9. Bayreuth et Anspach (voir supra Prusse) ..................................................... 10. Saxe électorale .............................................................................................. 11. Thuringe ....................................................................................................... 12. Anhalt........................................................................................................... 13. Poméranie suédoise ...................................................................................... 14. Mecklembourg.............................................................................................. 15. Holstein (voir chapitre Danemark) ............................................................. 16. Oldenbourg .................................................................................................. 17. Hanovre ........................................................................................................ 18. Brunswick..................................................................................................... 19. Lippe et Waldeck .......................................................................................... 20. Hesse ............................................................................................................ 21. Nassau .......................................................................................................... 22. Arenberg ....................................................................................................... 23. Salm ............................................................................................................. 24. Mayence, plus tard grand-duché de Francfort ............................................. 25. Cologne et Trèves ......................................................................................... 26. Salzbourg et Berchtesgaden .......................................................................... 27. Wurtzbourg................................................................................................... 28. Villes hanséatiques ....................................................................................... 29. Autres États .................................................................................................. 30. Berg .............................................................................................................. 31. Westphalie....................................................................................................
69 70 70 74 79 81 84 85 85 86 86 86 87 87 88 88 88 88 90 90 90 93 95 95 96 98 98 99 100 100 100 102
IV. L’Allemagne de la Confédération germanique (1815-1866). Évolution des différents États ..................................................................................... 1. Autriche (voir chapitre Autriche)................................................................. 2. Prusse ........................................................................................................... 3. Bavière .......................................................................................................... 4. Wurtemberg ................................................................................................. 5. Bade .............................................................................................................. 6. Hohenzollern................................................................................................ 7. Saxe royale .................................................................................................... 8. Thuringe ....................................................................................................... 9. Anhalt........................................................................................................... 10. Mecklembourg ............................................................................................. 11. Holstein (voir supra Prusse et chapitres Danemark, Autriche) ................... 12. Oldenbourg .................................................................................................. 13. Hanovre........................................................................................................ 14. Brunswick, Lippe et Waldeck .......................................................................
104 105 105 110 111 111 112 112 113 114 115 115 115 116 117
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Table des matières 15. Hesse ............................................................................................................ 117 16. Nassau .......................................................................................................... 119 17. Villes hanséatiques et ville libre de Francfort ............................................... 119 V. L’Allemagne prussienne (1866-1918). Naissance de la nation allemande ............ 120 1. De la Confédération de l’Allemagne du Nord à l’Empire allemand (1866-1871) ..................................................................... 120 2. L’Empire allemand (1871-1918).................................................................... 122 VI. L’Allemagne de l’entre-deux-guerres (1919-1939). D’une crise économique à une crise idéologique ....................................................... 123 1. La république parlementaire, dite de Weimar (1919-1933) .......................... 123 2. L’Allemagne hitlérienne avant la Seconde Guerre mondiale (1933-1939) ... 126 VII. L’Allemagne et la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Les conquêtes temporaires du IIIe Reich ..................................................................... 127 1. L’expansion (1939-1942) .............................................................................. 127 2. De la défaite à la capitulation (1942-1945) .................................................. 129 VIII. L’Allemagne contemporaine (1945 à nos jours). De la partition à la réunification................................................................................ 1. Les conséquences de la guerre en Allemagne (1945-1949) ........................... 2. L’Allemagne divisée entre les blocs (1949-1990)........................................... 3. L’Allemagne réunifiée (1990 à nos jours) ......................................................
130 130 133 135
Andorre........................................................................................................... 136 Le pays en bref.............................................................................................................. 136 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Andorre ............................................... 136 II. L’Andorre entre France et Espagne (1790 à nos jours).......................................... 136 Autriche .......................................................................................................... 138 Le pays en bref.............................................................................................................. 138 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Autriche .............................................. 1. Des origines à l’établissement des Habsbourg sur le Danube (1282) ........... 2. De 1282 à l’héritage de la Bohême et de la Hongrie (1526) ......................... 3. De 1526 à 1789..............................................................................................
138 139 139 140
II. L’Autriche en 1789. Une puissance européenne majeure ...................................... 1. Les pays du Saint Empire................................................................................ 2. Les pays hors du Saint Empire........................................................................ 3. La secundogéniture de Toscane ......................................................................
142 143 144 144
III. De 1789 à la proclamation de l’empire d’Autriche (1804) .................................. 1. De 1789 à l’entrée en guerre contre la France (1792) .................................. 2. De 1792 à la paix de Campo-Formio (1797) ................................................ 3. De 1797 à la proclamation de l’empire d’Autriche (1804) ...........................
144 144 144 145
IV. De 1804 à l’apogée de l’Autriche (1815) .............................................................. 1. De 1804 à la fin du Saint Empire (1806) ...................................................... 2. De 1806 à la paix de Schœnbrunn (1809) .................................................... 3. De 1809 au rétablissement de la puissance autrichienne (1815) .................
147 147 148 149
V. De 1815 à la transformation en Autriche-Hongrie (1867) ................................... 151 1. De 1815 aux révolutions de 1848 .................................................................. 151 2. De 1848 au Compromis de 1867 ................................................................... 152 VI. De 1867 à l’éclatement de l’Autriche-Hongrie (1918/1919) ............................... 154 1. De 1867 à l’annexion de la Bosnie-Herzégovine (1908) ............................... 154 2. De 1908 à l’éclatement de l’Autriche-Hongrie (1919) .................................. 154
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Table des matières VII. L’Autriche contemporaine (1919 à nos jours)..................................................... 1. La première république d’Autriche (1919-1938) ........................................... 2. L’incorporation de l’Autriche dans le Reich allemand (1938-1945) ............. 3. La seconde république d’Autriche (1945 à nos jours) ...................................
156 156 156 157
Belgique .......................................................................................................... 162 Le pays en bref.............................................................................................................. 162 I. Des origines à 1789. Histoire résumée des contrées belges..................................... 1. De Rome à la maison de Bourgogne ( Ier-XVe siècles)...................................... 2. La conquête bourguignonne (XVe siècle)........................................................ 3. De l’union des Pays-Bas à la sécession du Nord (XVIe siècle) ........................ 4. Les Pays-Bas méridionaux espagnols (XVIIe siècle)......................................... 5. Les Pays-Bas méridionaux autrichiens (XVIIIe siècle) .....................................
162 162 163 163 163 164
II. L’espace belge en 1789 ........................................................................................... 1. Les Pays-Bas autrichiens................................................................................. 2. L’évêché de Liège ............................................................................................ 3. Les abbayes de Stavelot et de Malmédy .......................................................... 4. Le duché de Bouillon......................................................................................
165 165 165 165 166
III. De 1789 à l’avènement du royaume de Belgique (1830) ..................................... 1. La fin des Pays-Bas autrichiens (1789-1795) ................................................ 2. L’annexion à la France (1795-1814) ............................................................. 3. L’incorporation dans le royaume des Pays-Bas (1814-1830) ........................
166 166 166 167
IV. Le royaume de Belgique (1830 à nos jours).......................................................... 168 1. La naissance de la Belgique (1830-1839) ...................................................... 168 2. La Belgique dans les temps contemporains (1839 à nos jours)..................... 170 Biélorussie ...................................................................................................... 172 Le pays en bref.............................................................................................................. 172 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Russie blanche................................... 172 1. La Russie blanche dans la mouvance lituanienne ( XIIIe-XVIIIe siècles) ........... 172 2. L’espace biélorusse en 1789 ........................................................................... 172 II. La mainmise de la Russie (XIXe-XXe siècles)............................................................ 173 1. De 1789 à la naissance de la Biélorussie (1919) ........................................... 173 2. La Biélorussie (1919 à nos jours)................................................................... 174 Bosnie-Herzégovine......................................................................................... 176 Le pays en bref.............................................................................................................. 176 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Bosnie-Herzégovine........................... 176 1. Des origines à la conquête ottomane (1463/1482) ...................................... 176 2. La domination ottomane (1463/1482-1789) ............................................... 176 II. La Bosnie-Herzégovine en 1789 ............................................................................. 177 III. La Bosnie-Herzégovine turque (1789-1878)......................................................... 177 1. De 1789 à l’abolition des capitanats (1837) ................................................. 177 2. De 1837 à l’ingérence austro-hongroise (1878)............................................ 177 IV. L’Autriche-Hongrie en Bosnie-Herzégovine (1878-1919) .................................... 178 1. La Bosnie-Herzégovine sous administration austro-hongroise (1878-1908) 178 2. La Bosnie-Herzégovine annexée à l’Autriche-Hongrie (1908-1919) ............. 179 V. La Bosnie-Herzégovine yougoslave (1919-1991).................................................... 1. La première période yougoslave (1919-1941) ................................................ 2. La période croate (1941-1945) ...................................................................... 3. La seconde période yougoslave (1945-1991) .................................................
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179 179 180 180
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Table des matières VI. La Bosnie-Herzégovine indépendante (1991 à nos jours) .................................... 181 Bulgarie........................................................................................................... 182 Le pays en bref.............................................................................................................. 182 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’espace bulgare ..................................... 182 1. Des origines à la conquête par Byzance (1018) ............................................. 182 2. De la domination byzantine à la domination ottomane (1018-1789) ......... 182 II. L’espace bulgare en 1789........................................................................................ 183 III. De 1789 à l’avènement du royaume de Bulgarie (1908) ..................................... 183 1. De 1789 à l’avènement de la principauté de Bulgarie (1878) ....................... 183 2. De la principauté tributaire au royaume indépendant de Bulgarie (1878-1908)....................................................................................................... 184 IV. La Bulgarie indépendante (1908 à nos jours)....................................................... 1. De 1908 au règlement de la seconde guerre balkanique (1913) ................... 2. De 1913 aux conséquences de la Première Guerre mondiale (1919)............ 3. De 1919 au règlement de la Seconde Guerre mondiale (1947) .................... 4. La Bulgarie contemporaine (1947 à nos jours) .............................................
186 186 186 187 188
Chypre ............................................................................................................ 190 Le pays en bref.............................................................................................................. 190 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de Chypre................................................... 190 1. Une île grecque mais politiquement convoitée .............................................. 190 2. L’île de Chypre en 1789.................................................................................. 191 II. Les vicissitudes d’une position stratégique (1789 à nos jours).............................. 1. La Chypre turque (1789-1878)...................................................................... 2. La Chypre britannique (1878-1960) ............................................................. 3. La république de Chypre (1960 à nos jours) .................................................
191 191 191 192
Croatie ............................................................................................................ 193 Le pays en bref.............................................................................................................. 193 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Croatie .............................................. 1. Des origines à l’union avec la Hongrie (1102).............................................. 2. De 1102 à la dislocation de la Croatie-Slavonie (1526)................................ 3. De 1526 à la réunification (1699)................................................................. 4. De 1699 à 1789..............................................................................................
193 193 193 194 194
II. La Croatie en 1789 ................................................................................................. 194 III. De 1789 à la fin de l’union avec la Hongrie (1918)............................................. 195 1. De 1789 à la première séparation d’avec la Hongrie (1849)......................... 195 2. De 1849 à la séparation définitive (1918) ..................................................... 196 IV. La Croatie contemporaine (1918 à nos jours) ...................................................... 1. La Croatie dans le royaume des Slaves du Sud (1918-1941) ......................... 2. L’État indépendant de Croatie (1941-1945).................................................. 3. La république de Croatie, au sein de la Yougoslavie de Tito (1946-1991)..... 4. La république indépendante de Croatie (1991 à nos jours) ..........................
197 197 199 199 200
Danemark ....................................................................................................... 202 Le pays en bref.............................................................................................................. 202 I. Des origines à 1789. Histoire résumée du Danemark............................................. 202 1. Des origines à l’avènement de la maison d’Oldenbourg (1448)................... 202 2. Le règne des Oldenbourg, jusqu’en 1789 ....................................................... 202
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Table des matières II. Le Danemark en 1789............................................................................................ 203 III. De 1789 à la perte de la Norvège (1814/1815).................................................... 204 IV. De 1815 à la perte du Schleswig-Holstein (1864) ................................................ 204 1. Les prémices de la guerre (1839-1863).......................................................... 205 2. La guerre des Duchés (1863-1864) ............................................................... 205 V. De 1864 à nos jours ............................................................................................... 206 1. De la perte des duchés au retour du Schleswig septentrional (1864-1920) .. 206 2. La période contemporaine (1920 à nos jours) .............................................. 206 Espagne ........................................................................................................... 208 Le pays en bref.............................................................................................................. 208 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Espagne ............................................... 1. Des origines à la conquête arabe (711) ......................................................... 2. De 711 à la fin de la reconquête (1492) ........................................................ 3. De 1492 à l’avènement des Bourbons (1700) ............................................... 4. L’Espagne des Bourbons (1700-1789) ...........................................................
209 209 209 209 210
II. L’Espagne en 1789.................................................................................................. 210 III. De 1789 à la fin de l’ingérence française (1813) ................................................. 211 1. De 1789 à l’avènement de Joseph Bonaparte au trône d’Espagne (1808) .... 211 2. De 1808 au rétablissement des Bourbons (1813) ......................................... 212 IV. De 1813 à la naissance de la seconde république (1931) ..................................... 1. De 1813 à la seconde abdication des Bourbons (1868) ................................ 2. De 1868 au second rétablissement des Bourbons (1874) ............................. 3. De 1874 à l’avènement de la seconde république (1931)..............................
212 212 213 214
V. L’Espagne contemporaine (1931 à nos jours)........................................................ 1. La seconde république (1931-1936) .............................................................. 2. La guerre civile et l’État franquiste (1936-1947)........................................... 3. Un royaume sans roi (1947-1975) ................................................................ 4. La restauration des Bourbons (1975 à nos jours)..........................................
214 214 214 214 215
Estonie ............................................................................................................ 216 Le pays en bref.............................................................................................................. 216 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Estonie ................................................ 216 1. Des chevaliers teutoniques à Pierre le Grand ................................................ 216 2. L’Estonie en 1789........................................................................................... 216 II. La marche difficile à l’indépendance (1789 à nos jours) ...................................... 217 1. De 1789 à l’indépendance (1918/1920) ....................................................... 217 2. De 1920 à nos jours ....................................................................................... 217 Finlande .......................................................................................................... 219 Le pays en bref.............................................................................................................. 219 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Finlande ............................................ 219 1. Lutte d’influence entre Russes et Suédois (xiie-xviiie siècles)........................ 219 2. La Finlande en 1789....................................................................................... 219 II. L’affirmation de la nation finlandaise (1789 à nos jours) .................................... 220 1. De 1789 à l’indépendance (1917) ................................................................. 220 2. La Finlande indépendante (1917 à nos jours) ............................................... 220 France ............................................................................................................. 223 Le pays en bref.............................................................................................................. 223
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Table des matières I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la France................................................ 1. La Gaule, des origines à la fin de l’Empire romain d’Occident (476) ........... 2. La genèse de la France (476-987) .................................................................. 3. La France des premiers Capétiens directs (987-1180) ................................... 4. L’œuvre unificatrice des derniers Capétiens directs (1180-1328) ................. 5. La France des Valois (1328-1589) ................................................................. 6. La France des Bourbons (1589-1789)............................................................
226 226 227 228 229 231 232
II. La France en 1789. Portrait d’une puissance ......................................................... 234 III. La France révolutionnaire (1789-1799) ............................................................... 1. La Révolution sous la monarchie (1789-1792) ............................................. 2. La république à l’époque de la Convention (1792-1795).............................. 3. L’expansion française sous le Directoire (1795-1799)..................................
236 236 241 244
IV. La France napoléonienne (1799-1815) ................................................................ 1. La période du Consulat (1799-1804) ............................................................ 2. L’Empire français, arbitre d’une nouvelle Europe (1804-1807) .................... 3. L’apogée de l’Empire français (1808-1811) ................................................... 4. Déclin et chute de l’Empire français (1811-1814) ........................................ 5. Les Cent-Jours et les deux Restaurations (1814-1815)..................................
247 247 254 258 262 263
V. La France du XIXe siècle (1815-1914) ..................................................................... 264 1. La France monarchique (1815-1870) ............................................................ 264 2. La France républicaine (1870-1914).............................................................. 266 VI. La France du XXe siècle (1914 à nos jours) ........................................................... 1. La Première Guerre mondiale et ses conséquences (1914-1919) .................. 2. L’entre-deux-guerres (1919-1939)................................................................. 3. La Seconde Guerre mondiale et ses conséquences (1939-1947) ................... 4. La France contemporaine (1947 à nos jours) ................................................
267 267 268 271 273
Grande-Bretagne et Irlande du Nord ............................................................... 278 Le pays en bref.............................................................................................................. 278 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Grande-Bretagne............................... 1. Des origines à la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie (1066) ............................................................... 2. De 1066 à l’avènement des Tudors (1485).................................................... 3. De 1485 à l’avènement du Royaume-Uni (1707) ......................................... 4. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne (1707-1789)......................................
279 279 280 281 282
II. La Grande-Bretagne en 1789 ................................................................................. 282 III. De 1789 à la scission du Hanovre (1837) ............................................................ 283 1. De 1789 à la conclusion du congrès de Vienne (1815)................................. 283 2. De 1815 à la scission du Hanovre (1837) ..................................................... 285 IV. De 1837 à la sécession de l’Irlande (1921)........................................................... 286 1. De 1837 à l’éclatement de la Première Guerre mondiale (1914).................. 286 2. De 1914 à la sécession de l’Irlande (1921).................................................... 286 V. La Grande-Bretagne contemporaine (1921 à nos jours) ....................................... 287 Grèce............................................................................................................... 289 Le pays en bref.............................................................................................................. 289 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Grèce ................................................. 289 1. L’Antiquité ...................................................................................................... 289 2. Le Moyen Âge et les Temps modernes............................................................ 290 II. L’espace grec en 1789............................................................................................. 290
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Table des matières 1. Le Levant vénitien .......................................................................................... 291 2. L’Empire ottoman .......................................................................................... 291 III. De 1789 à l’érection du royaume de Grèce (1830).............................................. 291 1. Le destin mouvementé des îles Ioniennes (1797-1817) ................................ 291 2. Le réveil des Grecs (1821-1830) .................................................................... 293 IV. Naissance et expansion du royaume de Grèce (1830-1913) ................................ 1. L’enfance du royaume (1830-1835) .............................................................. 2. Évolution et agrandissement de la Grèce (1835-1864)................................. 3. L’expansion de la Grèce aux dépens de la Turquie (1878-1913) ...................
294 294 294 295
V. La Grèce contemporaine (1914 à nos jours).......................................................... 297 1. La Première Guerre mondiale et ses conséquences (1914-1924) .................. 297 2. La Seconde Guerre mondiale et ses conséquences (1935 à nos jours).......... 298 Hongrie........................................................................................................... 300 Le pays en bref.............................................................................................................. 300 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Hongrie ............................................. 1. Des origines à l’installation des Magyars (896) ............................................ 2. Le règne des Arpad (896-1301) ..................................................................... 3. De l’extinction des Arpad à l’avènement des Habsbourg (1301-1526) ........ 4. Le règne des Habsbourg (1526-1789)............................................................
300 300 300 301 301
II. Le royaume de Hongrie en 1789 ............................................................................ 302 III. De 1789 au Compromis austro-hongrois (1867) ................................................ 304 1. De 1789 à la révolution de 1848.................................................................... 304 2. De 1848 au Compromis de 1867 ................................................................... 304 IV. De 1867 au démantèlement de la Hongrie (1920)............................................... 306 1. De 1867 à l’annexion de la Bosnie-Herzégovine (1908) ............................... 306 2. De 1908 à l’éclatement de la Hongrie (1920) ............................................... 307 V. La Hongrie contemporaine (1920 à nos jours)...................................................... 308 1. La Hongrie royale (1920-1946) ..................................................................... 308 2. La Hongrie républicaine (1946 à nos jours) .................................................. 310 Irlande ............................................................................................................ 312 Le pays en bref.............................................................................................................. 312 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Irlande................................................. 312 1. Des querelles intestines à la domination anglaise (1171) ............................. 312 2. L’Irlande en 1789 ........................................................................................... 313 II. L’Irlande moderne (1789 à nos jours) ................................................................... 313 1. De 1789 à la création de l’État libre d’Irlande (1921)................................... 313 2. L’Irlande contemporaine (1921 à nos jours) ................................................. 314 Islande ............................................................................................................ 316 Le pays en bref.............................................................................................................. 316 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Islande ................................................ 316 1. Entre Norvège et Danemark (1264-1356) .................................................... 316 2. L’Islande en 1789 ........................................................................................... 316 II. L’Islande moderne (1789 à nos jours) ................................................................... 316 1. De 1789 à l’érection du royaume d’Islande (1918)....................................... 316 2. De l’union personnelle à l’indépendance (1944).......................................... 317 Italie ............................................................................................................... 318 Le pays en bref.............................................................................................................. 318
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Table des matières I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’Italie.................................................... 1. Des origines à la chute de l’Empire romain d’Occident (476) .................... 2. De 476 à l’émergence des États italiens des temps modernes (XIVe siècle) .. 3. Le temps des principats (XIVe-XVe siècles)..................................................... 4. La domination de l’Espagne en Italie (XVIe-XVIIe siècles).............................. 5. L’Italie entre Autriche et Espagne (XVIIIe siècle) ...........................................
319 319 320 322 325 328
II. L’Italie en 1789....................................................................................................... 1. Le royaume de Sardaigne .............................................................................. 2. Les duchés de Milan et de Mantoue............................................................. 3. La république de Venise ................................................................................ 4. La république de Gênes ................................................................................ 5. Le duché de Parme........................................................................................ 6. Le duché de Modène..................................................................................... 7. Le grand-duché de Toscane........................................................................... 8. La république de Lucques ............................................................................. 9. La principauté de Piombino ......................................................................... 10. Le royaume des Deux-Siciles ........................................................................
332 333 333 334 334 335 335 335 336 336 336
III. L’Italie dans la tourmente révolutionnaire (1789-1815) ..................................... 1. Le nord-ouest de l’Italie................................................................................ 2. Le nord-est de l’Italie.................................................................................... 3. Le sud de l’Italie............................................................................................
337 337 344 348
IV. L’Italie sous influence autrichienne (1815-1860) ................................................ 1. Le royaume de Sardaigne .............................................................................. 2. Le royaume Lombard-Vénitien ..................................................................... 3. Le duché de Parme........................................................................................ 4. Le duché de Lucques..................................................................................... 5. Le duché de Massa et Carrare ...................................................................... 6. Le duché de Modène..................................................................................... 7. Le grand-duché de Toscane........................................................................... 8. Le royaume des Deux-Siciles ........................................................................
350 351 353 353 354 355 355 355 356
V. L’Italie unifiée (1860-1920) ................................................................................... 1. Le quasi-achèvement de l’unité italienne (1860-1870)............................... 2. Le royaume d’Italie (1870-1915) ................................................................. 3. La Première Guerre mondiale et ses conséquences (1915-1920) ................
358 358 359 360
VI. L’Italie contemporaine (1920 à nos jours) ........................................................... 361 1. L’Italie mussolinienne (1922-1943) ............................................................ 361 2. La fin du royaume d’Italie et les conséquences de la guerre (1943 à nos jours)............................................................................................ 364 Lettonie .......................................................................................................... 366 Le pays en bref.............................................................................................................. 366 I. Des origines à 1789. Histoire résumée du pays letton ............................................ 366 1. Un enjeu régional entre Pologne, Suède et Russie........................................ 366 2. Le pays letton en 1789 ................................................................................. 366 II. La marche difficile à l’indépendance (1789 à nos jours) ...................................... 367 1. De 1789 à l’indépendance (1918/1920) ..................................................... 367 2. De 1920 à nos jours ..................................................................................... 368 Liechtenstein................................................................................................... 369 Le pays en bref.............................................................................................................. 369 I. Des origines à 1789. Histoire résumée du Liechtenstein ........................................ 369
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Table des matières 1. Des origines à l’installation des comtes de Liechtenstein.............................. 369 2. La principauté en 1789 .................................................................................. 369 II. L’accession à l’indépendance ................................................................................. 369 1. De 1789 à l’indépendance (1866) ................................................................. 369 2. De 1866 à nos jours ....................................................................................... 370 Lituanie .......................................................................................................... 372 Le pays en bref.............................................................................................................. 372 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Lituanie ............................................. 372 1. De l’union à la Pologne à la mainmise de la Russie (XIVe-XVIIIe siècles) ........ 372 2. La Lituanie en 1789 ....................................................................................... 373 II. La Lituanie entre tutelle russe et indépendance (XVIIIe-XXe siècles) ....................... 1. De 1789 à la disparition de la Lituanie (1795) ............................................. 2. De 1795 à la restauration de la Lituanie (1918) ........................................... 3. La première Lituanie indépendante (1918-1940).......................................... 4. La Lituanie annexée (1940-1990) ................................................................. 5. La seconde Lituanie indépendante (1990 à nos jours)..................................
373 373 374 375 376 376
Luxembourg.................................................................................................... 377 Le pays en bref.............................................................................................................. 377 I. Des origines à 1789. Histoire résumée du Luxembourg.......................................... 377 1. De la fondation du Luxembourg à la tutelle de l’Autriche (963-1789)......... 377 2. Le Luxembourg en 1789................................................................................. 378 II. Entre annexions et indépendance (1789 à nos jours)........................................... 1. De 1789 à 1815 .............................................................................................. 2. De 1815 à la partition (1831/1839).............................................................. 3. De 1839 à l’indépendance (1890) ................................................................. 4. De 1890 à nos jours .......................................................................................
378 378 378 380 380
Macédoine....................................................................................................... 382 Le pays en bref.............................................................................................................. 382 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Macédoine ........................................ 382 1. D’Alexandre le Grand à la domination ottomane (336 av. J.-C.-1789) ....... 382 2. La Macédoine en 1 789................................................................................... 382 II. Le destin contrarié du peuple macédonien (1789 à nos jours) ............................. 1. La Macédoine turque (1789-1913)................................................................ 2. De la partition à l’érection d’une Macédoine indépendante (1913-1991) ... 3. La Macédoine contemporaine (1991 à nos jours).........................................
383 383 384 385
Malte .............................................................................................................. 386 Le pays en bref.............................................................................................................. 386 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de Malte..................................................... 386 1. Terre de convoitises (218 av. J.-C.-1789)....................................................... 386 2. L’archipel de Malte en 1789........................................................................... 386 II. De la mainmise britannique à l’indépendance ...................................................... 386 1. De 1789 à 1814 .............................................................................................. 386 2. De 1814 à nos jours ....................................................................................... 387 Malte (ordre de).............................................................................................. 388 L’Ordre en bref ...................................................................................................... 388 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de l’ordre de Malte .................................... 388 1. Les Hospitaliers, de Jérusalem à Malte (1098-1789)..................................... 388
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Table des matières 2. L’ordre de Malte en 1789 ............................................................................... 388 II. De la perte de Malte à la souveraineté sans territoire............................................ 389 1. De 1789 à 1822.............................................................................................. 389 2. De 1822 à nos jours ....................................................................................... 389 Moldavie ......................................................................................................... 390 Le pays en bref.............................................................................................................. 390 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Bessarabie.......................................... 390 1. La Bessarabie entre Moldavie et Turquie (XIVe-XVIIIe siècles) ......................... 390 2. La Bessarabie en 1789 .................................................................................... 391 II. Entre Russie, Roumanie et indépendance .............................................................. 1. De 1789 à l’annexion par la Russie (1812) ................................................... 2. De 1812 à la seconde partition de la Bessarabie (1856)................................ 3. De 1856 à l’annexion par la Roumanie (1920) ............................................ 4. La Bessarabie roumaine et la petite Moldavie soviétique (1920-1940) ......... 5. La « grande » république soviétique de Moldavie (1940-1991) .................... 6. La république indépendante de Moldavie (1991 à nos jours) .......................
391 391 391 392 392 393 394
Monaco .......................................................................................................... 395 Le pays en bref.............................................................................................................. 395 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de Monaco ................................................. 395 1. Des Grimaldi aux Goyon-Matignon (XIVe-XVIIIe siècles) ............................... 395 2. Monaco en 1789 ............................................................................................ 395 II. Entre France et Sardaigne (1789 à nos jours)........................................................ 1. L’annexion française (1793-1814) ................................................................ 2. La suzeraineté sarde (1815-1861).................................................................. 3. La protection de la France (1861 à nos jours) ...............................................
395 395 396 396
Monténégro..................................................................................................... 397 Le pays en bref.............................................................................................................. 397 I. Des origines à 1789. Histoire résumée du Monténégro.......................................... 397 1. Des origines à l’émergence du Monténégro (XIVe siècle) ............................... 397 2. Le réduit monténégrin (1389-1789) ............................................................. 397 II. Le Monténégro en 1789 ......................................................................................... 397 III. De 1789 à l’indépendance reconnue du Monténégro (1878).............................. 398 IV. La principauté, plus tard royaume, du Monténégro (1878-1918)........................ 399 1. De 1878 à l’issue de la seconde guerre balkanique (1913)............................ 399 2. De 1913 à l’inclusion dans le royaume des Slaves du Sud (1918) ................ 400 V. Le Monténégro yougoslave (1918-2006) ............................................................... 400 1. La période du royaume des Slaves du Sud (1918-1941) ................................ 400 2. Le Monténégro sous le protectorat italien (1941-1944) ............................... 401 3. La période de la Yougoslavie fédérale et communiste (1945-1991) .............. 402 4. Le Monténégro lié à la Serbie au sein d’une petite Yougoslavie (1991-2006) 403 VI. La république de Monténégro (2006 à nos jours) ................................................ 404 Norvège .......................................................................................................... 406 Le pays en bref.............................................................................................................. 406 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Norvège............................................. 406 1. D’Olaf Ier à l’union au Danemark (900-1789) ............................................. 406 2. La Norvège en 1789 ....................................................................................... 406
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Table des matières II. La quête de l’indépendance (1789 à nos jours) ..................................................... 407 1. De 1789 à l’indépendance du royaume (1905)............................................. 407 2. De l’indépendance (1905) à nos jours .......................................................... 408 Pays-Bas .......................................................................................................... 409 Le pays en bref.............................................................................................................. 409 I. Des origines à 1789. Histoire résumée des Pays-Bas septentrionaux...................... 1. De Rome à la maison de Bourgogne ( Ier-XVe siècles)...................................... 2. La conquête bourguignonne (XVe siècle)........................................................ 3. De l’union des Pays-Bas à la sécession du Nord (XVIe siècle) ........................ 4. Les Provinces-Unies (XVIIe-XVIIIe siècles) ........................................................
409 409 410 410 410
II. Les Provinces-Unies en 1789.................................................................................. 411 III. De 1789 à l’érection du royaume des Pays-Bas (1815) ........................................ 1. La fin des Provinces-Unies (1789-1795) ....................................................... 2. La République batave (1795-1806)................................................................ 3. Le royaume de Hollande (1806-1810)........................................................... 4. L’annexion à l’Empire français (1810-1813).................................................
412 412 412 413 414
IV. Le royaume des Pays-Bas (1815 à nos jours) ........................................................ 1. La naissance du royaume (1814/1815) ......................................................... 2. La sécession de la Belgique (1830/1839)....................................................... 3. La sécession du Luxembourg (1890) ............................................................. 4. Les temps contemporains...............................................................................
414 414 415 416 417
Pologne ........................................................................................................... 419 Le pays en bref.............................................................................................................. 419 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Pologne ............................................. 1. Des origines à l’extinction de la maison de Piast (1370) .............................. 2. De 1370 à l’Union de Lublin (1569) ............................................................. 3. De 1569 au premier partage de la Pologne (1772) et à 1789........................
419 419 420 420
II. La Pologne en 1789 ................................................................................................ 421 III. De 1789 à la disparition de la Pologne (1795) .................................................... 421 1. De 1789 au second partage de la Pologne (1793) ......................................... 421 2. De 1793 au troisième partage et à la disparition de la Pologne (1795) ........ 422 IV. De 1795 à la résurrection de la Pologne (1919) ................................................... 1. De 1795 à la création du grand-duché de Varsovie (1807) ........................... 2. Le grand-duché de Varsovie (1807-1814)...................................................... 3. Du quatrième partage (1815) à la renaissance de la Pologne (1919) ...........
422 422 423 423
V. La Pologne contemporaine (1919 à nos jours) ...................................................... 1. La première république de Pologne (1919-1939) .......................................... 2. La Pologne démantelée (1939-1945)............................................................. 3. La seconde république de Pologne (1945 à nos jours)...................................
425 425 428 429
Portugal .......................................................................................................... 435 Le pays en bref.............................................................................................................. 435 I. Des origines à 1789. Histoire résumée du Portugal ................................................ 435 1. De la Lusitanie au Portugal (IIe siècle av. J.-C.-1789).................................... 435 2. Le royaume du Portugal en 1789 ................................................................... 436 II. Le Portugal contemporain (1789 à nos jours)....................................................... 437 1. De 1789 à l’abolition de la monarchie (1910) .............................................. 437 2. La République portugaise (1910 à nos jours) ................................................ 438
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Table des matières Roumanie........................................................................................................ 439 Le pays en bref.............................................................................................................. 439 I. Des origines à 1789. Histoire résumée des contrées roumaines ............................. 439 1. Des origines à la conquête ottomane (XVe siècle) .......................................... 439 2. La suzeraineté ottomane (XVe-XVIIIe siècles)................................................... 439 II. L’espace roumain en 1789 ..................................................................................... 440 III. De 1789 à l’avènement de la Roumanie (1861)................................................... 1. De 1789 au condominium russo-turc (1829)............................................... 2. De 1829 à l’union des deux principautés (1858).......................................... 3. De 1858 à l’avènement de la Roumanie (1861)............................................
441 441 442 442
IV. De 1861 à l’érection de la grande Roumanie (1920)............................................ 443 1. De 1861 à l’érection de la Roumanie en royaume (1881)............................. 443 2. De 1881 à la constitution de la grande Roumanie (1920)............................ 444 V. La Roumanie contemporaine (1920 à nos jours) .................................................. 1. De 1920 à l’entrée de la Roumanie dans la Seconde Guerre mondiale (1941) ......................................................... 2. La Roumanie dans le second conflit mondial (1941-1947) .......................... 3. La Roumanie républicaine (1948 à nos jours)...............................................
446 446 447 448
Russie.............................................................................................................. 452 Le pays en bref.............................................................................................................. 452 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Russie ................................................ 1. Des origines à la fin de la domination mongole (1480) ............................... 2. De 1480 à l’accession au trône de Pierre le Grand (1689) ........................... 3. La Russie de Pierre le Grand et de ses successeurs (1689-1789) ...................
453 453 453 454
II. La Russie en 1789................................................................................................... 455 III. De 1789 à la conclusion du congrès de Vienne (1815) ....................................... 455 1. De 1789 à la paix de Tilsitt (1807) ................................................................ 455 2. De 1807 à la conclusion du congrès de Vienne (1815)................................. 457 IV. De 1815 à la chute du régime impérial (1917)..................................................... 1. La Russie en 1815 ........................................................................................... 2. De 1815 au congrès de Paris (1856).............................................................. 3. De 1856 à la chute du régime impérial (1917) .............................................
459 459 459 460
V. De 1917 à l’inclusion dans l’URSS (1922)............................................................. 461 1. De 1917 à la paix de Brest-Litovsk (1918)..................................................... 461 2. De 1918 à l’inclusion dans l’URSS (1922) .................................................... 462 VI. De 1922 à la dissolution de l’URSS (1991) .......................................................... 1. L’URSS à sa création (1922)........................................................................... 2. De 1923 au pacte germano-soviétique (1939) .............................................. 3. De 1939 à la rupture avec l’Allemagne (1941) .............................................. 4. De 1941 aux traités de paix de Paris (1947) .................................................. 5. De 1947 à la dissolution de l’URSS (1991)....................................................
464 464 465 466 468 469
VII. La Fédération de Russie (1991 à nos jours)......................................................... 471 Saint-Marin..................................................................................................... 473 Le pays en bref ....................................................................................................... 473 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de Saint-Marin .......................................... 473 II. La sauvegarde du pays au milieu des tourmentes (1789 à nos jours) ................... 473
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Table des matières Serbie.............................................................................................................. 474 Le pays en bref.............................................................................................................. 474 I. Des origines à 1789. Histoire résumée du pays serbe ............................................. 1. Des origines à la première indépendance serbe (1180) ................................. 2. La première Serbie (1180-1459) .................................................................... 3. Les Serbes sous le joug ottoman (1459-1789)...............................................
474 474 474 475
II. Le pays serbe en 1789............................................................................................. 475 III. De 1789 à l’indépendance de la Serbie (1878)..................................................... 475 1. De 1789 à l’érection d’une principauté de Serbie vassale de la Porte (1830) 475 2. De 1830 à l’indépendance de la Serbie (1878).............................................. 476 IV. La principauté, plus tard royaume, de Serbie (1878-1918) .................................. 477 1. De 1878 à l’issue de la seconde guerre balkanique (1913)............................ 477 2. De 1913 à l’inclusion dans le royaume des Slaves du Sud (1918) ................ 478 V. La nouvelle Yougoslavie (1918-1941) .................................................................... 479 1. Le royaume des Serbes, Croates, Slovènes (1918-1929) ................................ 479 2. Le royaume de Yougoslavie (1929-1941)....................................................... 481 VI. Mort et renaissance de la grande Yougoslavie (1941-1991)................................. 482 1. La Serbie sous le joug allemand (1941-1944)................................................ 482 2. La grande Yougoslavie fédérale et communiste (1945-1991)........................ 483 VII. De la Yougoslavie à la Serbie (1991 à nos jours)................................................. 485 Slovaquie......................................................................................................... 487 Le pays en bref.............................................................................................................. 487 I. Des origines à 1789. Histoire résumée des contrées slovaques ............................... 487 1. Les Slovaques sous tutelle de la Hongrie ........................................................ 487 2. Les contrées slovaques en 1789...................................................................... 487 II. Le destin mouvementé du peuple slovaque (1789 à nos jours)............................. 1. De 1789 à l’inclusion dans la Tchécoslovaquie (1918/1920) ....................... 2. De 1920 à la première indépendance de la Slovaquie (1939) ....................... 3. La Slovaquie contemporaine (1939 à nos jours) ...........................................
488 488 489 490
Slovénie .......................................................................................................... 493 Le pays en bref.............................................................................................................. 493 I. Des origines à 1789. Histoire résumée des contrées slovènes................................. 493 1. Des origines à l’avènement des Habsbourg (1282) ....................................... 493 2. Les Slovènes dans la mouvance des Habsbourg (1282-1789) ....................... 493 II. Les Slovènes en 1789.............................................................................................. 494 III. De 1789 à la fin de la présence autrichienne (1918) ........................................... 1. De 1789 à la conquête française (1809) ....................................................... 2. Les Provinces Illyriennes (1809-1813) .......................................................... 3. Le retour de l’Autriche (1813-1918) ..............................................................
494 494 495 495
IV. La période yougoslave (1918-1990) ...................................................................... 1. Les Slovènes divisés entre Italie et Yougoslavie (1918-1941)......................... 2. La Slovénie démembrée (1941-1946) ............................................................ 3. La Slovénie, État membre de la Yougoslavie (1946-1991).............................
496 496 497 498
V. La Slovénie indépendante (1991 à nos jours) ........................................................ 499 Suède .............................................................................................................. 501 Le pays en bref.............................................................................................................. 501
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Table des matières I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Suède ................................................. 1. Des origines à l’avènement de Gustave Vasa (1523)..................................... 2. L’ascension de la Suède sous les Vasa (1523-1654)....................................... 3. Grandeur et décadence de la Suède (1654-1789)..........................................
501 501 501 502
II. Le royaume de Suède en 1789 ................................................................................ 502 III. De 1789 à l’annexion de la Norvège (1814) ........................................................ 503 1. La perte de la Finlande (1809)....................................................................... 503 2. L’acquisition de la Norvège (1814)................................................................ 504 IV. La Suède, de 1814 à nos jours ............................................................................... 504 1. De 1814 à la perte de la Norvège (1905)....................................................... 504 2. De 1905 à nos jours ....................................................................................... 505 Suisse .............................................................................................................. 506 Le pays en bref.............................................................................................................. 506 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Suisse................................................. 1. Des origines à la naissance de la Confédération (1291) ............................... 2. De 1291 à l’achèvement de la Confédération des XIII Cantons (1513)........ 3. De 1513 à 1789 ..............................................................................................
506 506 507 507
II. Le Corps helvétique en 1789 .................................................................................. A. Les treize cantons et leurs pays sujets................................................................. 1. Les treize cantons et leurs sujets particuliers ................................................. 2. Les vingt-trois bailliages communs à divers cantons ..................................... 3. Les deux États libres sous la protection des cantons forestiers ...................... B. Les onze États associés ou alliés .......................................................................... 1. Les trois États associés (paraissant à la diète)................................................ 2. Les huit États alliés (ne paraissant pas à la diète) .........................................
508 508 508 508 509 509 509 509
III. De 1789 à l’achèvement territorial (1815) .......................................................... 1. De 1789 à l’avènement de la République helvétique (1798) ......................... 2. La République helvétique (1798-1803).......................................................... 3. La Confédération helvétique de la période napoléonienne (1803-1815)......
510 510 511 512
IV. La Confédération à l’époque contemporaine (1815 à nos jours) ......................... 513 1. La Suisse confédérale (1815-1848) ................................................................ 513 2. La Suisse fédérale (1848 à nos jours) ............................................................ 514 Tchéquie.......................................................................................................... 516 Le pays en bref.............................................................................................................. 516 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Bohême-Moravie............................... 1. Des origines à l’avènement de la maison de Luxembourg (1310)................. 2. Le règne de la maison de Luxembourg (1310-1437) ..................................... 3. De 1437 à l’avènement de la maison d’Autriche (1526)............................... 4. La couronne de Bohême, possession des Habsbourg (1526-1789) ...............
516 516 516 517 517
II. La Bohême-Moravie en 1789 ................................................................................. 518 III. La Bohême-Moravie autrichienne (1789-1918)................................................... 519 1. De 1789 au Compromis austro-hongrois (1867).......................................... 519 2. De 1867 à la fin de la présence autrichienne (1918) .................................... 519 IV. La Bohême-Moravie contemporaine (1918 à nos jours) ...................................... 1. La première Tchécoslovaquie (1918-1939) .................................................... 2. Le protectorat de Bohême-Moravie (1939-1945) .......................................... 3. La seconde Tchécoslovaquie (1945-1992) ..................................................... 4. La Tchéquie (1993 à nos jours)......................................................................
650
520 520 521 522 522
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Table des matières Turquie ........................................................................................................... 526 Le pays en bref.............................................................................................................. 526 I. Des origines à 1789. Histoire résumée de la Turquie .............................................. 526 1. Des origines à la conquête de Constantinople par les Turcs (1453) ............. 526 2. L’Empire ottoman en Europe (1453-1789) ................................................... 527 II. La Turquie en 1789 ................................................................................................ 527 III. De 1789 au congrès de Berlin (1878)................................................................... 1. De 1789 à la perte de la Bessarabie (1812) ................................................... 2. De 1812 à la perte de la petite Grèce (1830)................................................. 3. De 1830 au congrès de Berlin (1878)............................................................
529 529 530 531
IV. De 1878 à l’avènement de la Turquie contemporaine (1923).............................. 1. De 1878 à la perte de la Bulgarie et de la Bosnie-Herzégovine (1908).......... 2. De 1908 à la fin de la seconde guerre balkanique (1913) ............................. 3. De 1913 à la conclusion du traité de Lausanne (1923) ................................
532 532 534 536
V. La Turquie contemporaine (1923 à nos jours) ...................................................... 537 Ukraine........................................................................................................... 538 Le pays en bref.............................................................................................................. 538 I. Des origines à 1789. Histoire résumée du pays ukrainien ...................................... 538 1. De l’empire de Kiev à la partition entre Pologne et Russie (IXe-XVIIIe siècles) 538 2. L’espace ukrainien en 1789............................................................................ 539 II. L’Ukraine sous tutelle de la Russie (1789 à nos jours) .......................................... 1. De 1789 à la naissance de la république d’Ukraine (1918)........................... 2. L’Ukraine soviétique (1918-1941) ................................................................. 3. L’Ukraine sous le régime allemand (1941-1944) .......................................... 4. L’Ukraine contemporaine (1944 à nos jours)................................................
539 539 541 542 543
Vatican............................................................................................................ 545 Le pays en bref.............................................................................................................. 545 I. Des origines à 1789. Histoire résumée des États de l’Église .................................... 1. Des origines à la naissance des premiers États romains (756)...................... 2. De 756 à l’installation des papes en Avignon (1308) ................................... 3. De 1308 à 1789..............................................................................................
545 545 546 546
II. Les États pontificaux en 1789 ................................................................................ 547 1. Le groupe italien des États pontificaux........................................................... 547 2. Le groupe provençal des États pontificaux ..................................................... 547 III. De 1789 à la fin des États pontificaux (1870)...................................................... 1. De 1789 à la proclamation de la République romaine (1798) ...................... 2. De 1798 à l’annexion française de Rome (1809).......................................... 3. De 1809 à l’annexion italienne de Rome (1870) ..........................................
547 547 548 549
IV. De 1870 à nos jours .............................................................................................. 549 1. De 1870 à la création de la Cité du Vatican (1929) ...................................... 549 2. L’État de la Cité du Vatican (1929 à nos jours)............................................. 550
Partie III – Les États disparus ...................................................... 551 Partie IV – Annexes ..................................................................... 575 Saint Empire ............................................................................................................... 577
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Table des matières Républiques sœurs ...................................................................................................... 587 Les pays réservés de Napoléon Ier ............................................................................... 589 Confédération du Rhin............................................................................................... 594 Confédération germanique......................................................................................... 598 Confédération de l’Allemagne du Nord et Empire allemand (IIe Reich) ................... 602 Chronologie des actes diplomatiques majeurs à implications territoriales de 1789 à nos jours .................................................................................................................. 605 Monarchie ou république ?......................................................................................... 609 Frontières naturelles ................................................................................................... 611 Étrangetés, particularismes, anecdotes en tout genre................................................. 618 Répertoire de concordance des noms de lieux............................................................ 623 Bibliographie............................................................................................................... 631
Table Table des matières ....................................................................................................... 635 Table des cartes ........................................................................................................... 653
652
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Table des cartes L’Europe en 1789 . . . . . . . . . . . . . . . 654
La France 1814-2008 . . . . . . . . . 684-685
L’Europe en 1812 . . . . . . . . . . . . . . . 655
L’Italie 1789-1797 . . . . . . . . . . . 686-687
L’Europe en 1819 . . . . . . . . . . . . . . . 656
L’Italie 1797-1805 . . . . . . . . . . . 688-689
L’Europe en 1914 . . . . . . . . . . . . . . . 657
L’Italie 1805-1814 . . . . . . . . . . . 690-691
L’Europe en 1924 . . . . . . . . . . . . . . . 658
L’Italie 1814-1860 . . . . . . . . . . . 692-693
L’Europe en 1942 . . . . . . . . . . . . . . . 659
L’Italie 1860-2008 . . . . . . . . . . . 694-695
L’Europe en 1949 . . . . . . . . . . . . . . . 660
La Suisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 696-697
L’Europe en 2008 . . . . . . . . . . . . . . . 661
L’Europe centrale et balkanique en 1789 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 698
L’Allemagne en 1789. États héréditaires . . . . . . . . . . . . .662-663 L’Allemagne en 1789. États ecclésiastiques et villes libres impériales . .664-665 L’Allemagne en 1803 . . . . . . . . .666-667 L’Allemagne en 1808 . . . . . . . . . . . . 668 L’Allemagne en 1811 . . . . . . . . . . . . 669 L’Allemagne en 1819 . . . . . . . . . . . . 670 L’Allemagne en 1871 . . . . . . . . . . . . 671 L’Allemagne en 1949/2008 . . . . . . . 672 La Grèce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 673 Les Provinces-Unies et les Pays-Bas 1789-1813 . . . . . .674-675 Les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg 1814-2008 . . .676-677 La France 1789-1799 . . . . . . . . .678-679 La France 1799-1808 . . . . . . . . .680-681 La France 1808-1814 . . . . . . . . .682-683
L’Europe centrale et balkanique en 1807 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 699 L’Europe centrale et balkanique en 1812 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 700 L’Europe centrale et balkanique en 1819 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 701 L’Europe centrale et balkanique en 1881 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 702 L’Europe centrale et balkanique en 1914 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 703 L’Europe centrale et balkanique en 1924 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 704 L’Europe centrale et balkanique en 1942 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 705 L’Europe centrale et balkanique en 1949 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 706 L’Europe centrale et balkanique en 2008 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 707
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L’Europe en 1789
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L’Europe en 1789
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La Grèce Royaume de Grèce
1830
Îles Ioniennes
1864 (britanniques 1815-1864)
Thessalie
1881
Rétrocessions
1897, recouvrées 1913
Crète
1908, confirmée 1913
Samos
1912 (principauté tributaire 1832-1912)
Macédoine méridionale, Épire, Lemnos, Mytilène, Chios, Icarie
1913
Tchamourie, Florina, Macédoine orientale, Thasos, Samothrace
1913, perdues 1941, recouvrées 1947
Thrace occidentale
1919, perdue 1941, recouvrée 1947
Bande de la Maritza
1919 (admin. allemande 1941-1944)
Thrace orientale, Imbros, Ténédos, vilayet d’Aïdin
1920, perdus 1923
Dodécanèse
1947 (italien 1912-1947)
Limites de la Grèce en 2008
673
Vuibert_ABS_DicoEurope_BAT Page 674 Vendredi, 22. février 2008 12:50 12
Les Provinces-Unies et les Pays-Bas 1789-1813
Les Provinces-Unies et les Pays-Bas 1789-1813 Les Provinces-Unies en 1789
+
+
Provinces-Unies au nord du Rhin
1789-déc. 1810, néerlandais déc. 1810-1813, français
Provinces-Unies au sud du Rhin
1789-mars 1810, néerlandais mars 1810-1813, français
Flandre et Limbourg de la Généralité 1789-1795, néerlandais 1795-1813, français Ravenstein et dépendances
1789-1801, bavarois 1801-déc. 1810, néerlandais déc. 1810-1813, français
Flessingue
1789-1807, néerlandais 1807-1813, français
Ostfrise
1789-1807, prussienne 1807-déc. 1810, néerlandaise déc. 1810-1813, française
Jever
1789-1793, à Anhalt-Zerbst 1793-1807, russe 1807-déc. 1810, néerlandaise déc. 1810-1813, française
Kniphausen
1789-1807, indépendante 1807-déc. 1810, néerlandaise déc. 1810-1813, française
Pays-Bas méridionaux (autrichiens) 1789-1793, autrichiens 1793-1813, français Évêché de Liège
1789-1793, indépendant 1793-1813, français
Abbaye de Stavelot-Malmédy
1789-1793, indépendante 1793-1813, française
Duché de Bouillon
1789-1793, vassal de la France 1793-1813, français
Tous les pays représentés sont français en 1813.
674
Vuibert_ABS_DicoEurope_BAT Page 675 Vendredi, 22. février 2008 12:50 12
Les Provinces-Unies et les Pays-Bas 1789-1813
Les Provinces-Unies et les PaysBas 1789-1813 Kniphausen
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Les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg 1814-2008
Les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg 1814-2008 Royaume des Pays-Bas
1814-2008
Haute-Gueldre
1814-1815, prussienne 1815-2008, néerlandaise
Limbourg oriental
1814-1830, néerlandais 1830-1831, belge 1831-2008, néerlandais
Limbourg occidental et Luxembourg occidental
1814-1830, néerlandais 1830-2008, belge
Brabant, Flandre, Hainaut, Namur et Liège
1814-1830, néerlandais 1830-2008, belge
Duché de Bouillon
1814-1815, au duc 1815-1830, néerlandais 1830-2008, belge
Philippeville, Mariembourg et lisière sud
1814-1815, français 1815-1830, néerlandais 1830-2008, belge
Luxembourg oriental (grand-duché)
1814-1830, néerlandais 1830-1831, belge 1831-1890, néerlandais 1890-2008, luxembourgeois
Eupen et Malmédy
1814-1815, néerlandais 1815-1919, prussien 1919-1940, belge 1940-1944, allemand 1944-2008, belge
Nouveaux polders (Flévoland depuis 1987) Le royaume des Pays-Bas Unis en 1815 +
+
+
+
+
+
+
Le royaume des Pays-Bas en 2008
+
+
+
Le royaume de Belgique en 2008
+
+
+
Le grand-duché de Luxembourg en 2008 Limite de chacun des trois États en 2008
676
+
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Les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg 1814-2008
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La France 1789-1799
La France 1789-1799 La France en 1789 Avignon et Comtat Venaissin (pontificaux, 1791 fr.) Savoie (sarde, 1792 fr.) Comté de Nice (sarde, 1793 fr.)
⎧ ⎪ ⎪ ⎪ ⎨ ⎪ ⎪ ⎪ ⎩
32 communes du Palatinat Sarrewerden Créhange Philippsbourg Haut-Salm Horbourg et Riquewihr Rép. rauracienne Monaco
⎫ ⎪ ⎪ ⎪ ⎬ ⎪ (1793 fr.) ⎪ ⎪ ⎭
Montbéliard (wurt., 1793 fr.) Pays-Bas autrichiens, Liège, Stavelot, Bouillon (1793/1795 fr.) Flandre néerlandaise, Venlo, Maastricht (néerl., 1795 fr.) Partie helvétique de l’évêché de Bâle (épiscopale, 1797 fr.) Rép. cisrhénane (1797 fr.) Genève et Mulhouse (rép., 1798 fr.) Piémont (sarde, 1799 fr.) 1. Philippeville 2. Mariembourg 3. Sarrewerden 4. Philippsbourg
5. Landau 6. Haut-Salm 7. Horbourg, Riq. 8. Mulhouse
678
9. Montbéliard 10-11. Évêché de Bâle 12. Genève 13. Monaco
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La France 1789-1799
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La France 1799-1808
La France 1799-1808 La France en 1799 (Piémont, seconde annexion en 1802) Novarais (fr., 1800 cisalpin) Oneille et Loano (fr., 1802 liguriens) Frickthal (brisgovien, 1801 fr., 1802 helv.) Parme (au duc, 1801/1802 fr.) 2/3 île d’Elbe (piombino-tosc., 1801 fr.) 1/3 île d’Elbe (napolitain, 1801 fr.) Présides de Toscane (napolitains, 1801 fr., 1802 tosc.) Capraïa (ligurienne, 1802 fr.) Rép. ligurienne (1805 fr.) Neuchâtel (pruss., 1805 fr., 1806 à Berthier) Clèves (rive droite) (pruss., 1805 fr., 1806 à Murat) Berg (bav., 1805 fr., 1806 à Murat) Kehl (bad., 1805 fr.) Castel (nassovienne, 1806 fr.) Flessingue (batave, 1807 fr.) Wesel (pruss., 1806 à Berg, 1808 fr.) Guastalla (à Parme, 1801/1802 fr., 1806 à Pauline B. puis ital.) Ostfrise (pruss., 1807 fr. puis holl.) Jever (russe, 1807 fr. puis holl.) Osnabruck (pruss., 1807 à Napoléon puis westphal.) Schmalcalde (hess., 1807 à Napoléon puis westphal.) Corvey (à Orange-Nassau, 1806 à Napoléon, 1807 westphal.) Lingen, Tecklembourg, Marck, Munster (pruss., 1807 à Nap., 1808 à Berg) Dortmund (à Orange-Nassau, 1806 à Napoléon, 1808 à Berg) Hanovre, Lauenbourg, Bayreuth, Erfurt (pruss., 1807 à Napoléon) Hanau, Bas-Catzenellenbogen (hess., 1807 à Napoléon) Fulde (à Orange-Nassau, 1806 à Napoléon)
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La France 1799-1808
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La France 1808-1814
La France 1808-1814 La France en 1808 Étrurie (1808 fr.) États de l’Église (1809 fr.) Hanau, Fulde (à Napoléon, 1810 à Francfort) Bayreuth (à Napoléon, 1810 bav.) 1/2 Hanovre (à Napoléon, 1810 westphal.) Hollande méridionale (holl., printemps 1810 fr.) Reste de la Hollande (été 1810 fr.) Arenberg, Salm, Oldenbourg, Brême, Hambourg, Lubeck, partie de Berg, partie de Westphalie (fin 1810 fr.) 1/2 Hanovre, Lauenbourg (à Napoléon, fin 1810 fr.) Erfurt, Bas-Catzenellenbogen (à Napoléon) Valais (1810 fr.) Val d’Aran (esp., 1812 fr., 1813 esp.) Catalogne (esp., 1812-1813 admin. fr.) Limites extérieures du « Grand Empire » des 130 départements (1811-1813) (Hors de la carte : Provinces Illyriennes, pays réservés de Salzbourg, Berchtesgaden, Innviertel, Ratisbonne)
682
Vuibert_ABS_DicoEurope_BAT Page 683 Vendredi, 22. février 2008 12:50 12
La France 1808-1814
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La France 1814-2008
La France 1814-2008 ⎫ ⎪ ⎪ ⎪ ⎬ La France en 1814 ⎪ ⎪ ⎪ ⎭ Philippeville, Mariembourg, Bouillon (fr., 1815 neérl.) Sarrelouis, Sarrebruck (fr., 1815 pruss.) Landau (fr., 1815 bav.) Chambéry, Annecy (fr., 1815 sardes, 1860 fr.) Reste de la Savoie, majeure partie de Nice (sardes, 1860 fr.) Menton, Roquebrune (monég., 1861 fr.) Alsace-Lorraine (fr., 1871 all., 1919 fr., 1940 all., 1944 fr.) Tende, crêtes Mercantour, Chaberton, Mont-Cenis (sardes, 1946 fr.) Andorre, Monaco (principautés protégées) Limites extérieures de la France en 2008
684
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La France 1814-2008
La France 1814-2008 MER DU NORD
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Vuibert_ABS_DicoEurope_BAT Page 686 Vendredi, 22. février 2008 12:50 12
L’Italie 1789-1797
L’Italie 1789-1797 Piémont et Sardaigne Savoie, Nice (sardes, 1792/1793 fr.) Rép. de Gênes, avec Capraïa Milanais, Mantouan (autr., 1796 transpadans, 1797 cisalpins) Valteline, Bormio, Chiavenna (grisons, 1797 cisalpins) Bergamasque, Brescian, Véronais (vén., 1797 cisalpins) Rép. de Venise (1797 autr.) Parme, avec Guastalla Modène (1796 cispadan, 1797 cisalpin) Rép. de Lucques Toscane, avec Lunigiane et Pietrasanta Piombino, avec 2/3 de l’île d’Elbe États pontificaux, avec Bénévent et Ponte-Corvo Marche d’Ancône (pontificale, 1796 Rép. ancônitaine) Légations, Romagne (pontificales, 1796/1797 cispadanes) Deux-Siciles, avec Présides, Giglio, Pianosa, 1/3 de l’île d’Elbe Petits États : Monaco (1793 fr.), Saint-Marin, Raguse, Polizza 1. Monfalcone 2. Guastalla 3. Lunigiane 4. Pietrasanta
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Vuibert_ABS_DicoEurope_BAT Page 687 Vendredi, 22. février 2008 12:50 12
L’Italie 1789-1797
L’Italie 1789-1797 E
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L’Italie 1797-1805
L’Italie 1797-1805 Sardaigne Piémont (sarde, 1799 puis 1802 fr.) Rép. ligurienne Rép. cisalpine (1802 Rép. italienne) Novarais (piémontais, 1800 cisalpin) Polésine (autr., 1801 cisalpine) Vénétie autrichienne et dépendances Parme (1802 fr.) Rép. de Lucques Toscane (1801 Étrurie) Piombino (1801 terre ferme à Étrurie, 2/3 île d’Elbe à France) États pontificaux (1798-1799 Rép. romaine) Rép. ancônitaine (1798 rom., puis pontificale) Deux-Siciles Petits territoires transférés : – Oneille et Loano (fr., 1802 liguriens) – Capraïa (ligurienne, 1802 fr.) – 1/3 île d’Elbe, Pianosa (Deux-Siciles, 1801 fr.) – Présides de Toscane, Giglio (Deux-Siciles, 1801 fr., 1802 étruriens) Petits États : Saint-Marin, Raguse, Polizza 1. Monfalcone 2. Guastalla 3. Lunigiane 4. Pietrasanta
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L’Italie 1797-1805
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L’Italie 1805-1814
L’Italie 1805-1814 Royaume de Sardaigne
⎫ ⎪ Parme, Étrurie (1808 fr.) ⎬ France italienne 1810-1814 ⎪ États pontificaux (1809 fr.) ⎭ France italienne en 1805
Principauté de Lucques et Piombino Massa-Carrare (ital., 1806 lucquoise)
⎫ ⎪ Vénétie (autr., 1806 ital.) ⎪ ⎪ Autres acquisitions du R. d’Italie : ⎬ R. d’Italie 1810-1814 – 1806 : Guastalla (anc. à Parme, puis à Pauline Borghèse) ⎪ – 1808 : Marches pontificales ⎪ ⎪ – 1810 : Trentin, 1/2 Tyrol méridional (anc. bav.) ⎭ Royaume d’Italie en 1805
Dépendances de Vénétie : – Monfalcone (autr., 1806 ital., 1807 autr., 1809 fr.) – Rive droite de l’Isonzo (autr., 1807 ital., 1809 fr.) – Istrie, Dalmatie, Cattaro (autr., 1806 ital., 1809 fr.) Acquisitions françaises en bordure d’Italie : – 1/2 Carinthie, Carniole, Trieste, 1/2 Croatie (autr., 1809 fr.) – Valais (rép., 1810 fr.)
⎫ ⎪ ⎪ ⎬ ⎪ ⎪ ⎭
Provinces Illyriennes 1809-1814
Royaume de Naples Royaume de Sicile Petits États : – Saint-Marin (rép.) – Polizza (rép., 1806 ital., 1809 fr.) – Raguse (rép., 1808 ital., 1809 fr.) – Bénévent (pontifical, 1806 à Talleyrand) – Ponte-Corvo (pontifical, 1806 à Bernadotte) 1810-1814 : frontières des trois États italiens : France, Italie, Naples 1. Monfalcone 2. Guastalla 3. Massa-Carrare 4. Pietrasanta
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L’Italie 1814-1860
L’Italie 1814-1860 Piémont et Sardaigne Savoie (sauf Chambéry, Annecy), Nice Chambéry, Annecy (fr., 1815 sardes)
⎫ ⎪ ⎬ ⎪ ⎭
R. de Sardaigne 1815-1860
Lombardie, sauf Mantoue (autr., 1859 sarde) Vénétie, avec Mantoue (autr., 1866 sarde) Parme (1860 sarde) Guastalla (à Parme, 1847 à Modène, 1860 sarde) Modène (1860 sarde) Massa-Carrare (1829 à Modène, 1860 sarde) Lucques (1847 tosc., 1860 sarde) Toscane (1860 sarde) Pontremoli (tosc., 1847 à Parme, 1860 sarde) Fivizzano (tosc., 1847 à Modène, 1860 sarde) Pietrasanta (tosc., 1860 sarde) États pontificaux (Latium) Légations, Marches, Ombrie, Bénévent, Ponte-Corvo (pontif., 1860 sardes) Deux-Siciles (1860 sardes) Petits États : – Monaco – Saint-Marin – Île d’Elbe (à Napoléon, 1815 tosc., 1860 sarde), sauf Capraïa (à Napoléon, 1815 sarde) 1. Guastalla 2. Pontremoli 3. Fivizzano 4. Pietrasanta
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L’Italie 1814-1860
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L’Italie 1860-2008
L’Italie 1860-2008 L’Italie de 1860 à 2008 (R. de Sardaigne 1860-1861) États pontificaux (1870 ital.) Trentin, Tyrol méridional, Goritz et Monfalcone (autr., 1919 ital., 1943 all., 1945 ital.) Belluno (ital., 1943 all., 1945 ital.) Istrie, Slovénie occidentale, Cherso, Zara, Lagosta (autr., 1919 ital., 1945 youg., 1990 slov./cr.) Slovénie méridionale, Veglia, Dalmatie septentrionale, Cattaro (autr., 1919 youg., 1941 ital., 1943 croate/all., 1945 youg., 1990 slov./cr.) Trieste (autr., 1919 ital., 1945 territoire libre, 1954 ital.) Fiume (autr., 1919 régence, 1921 ville libre, 1924 ital., 1945 youg., 1990 cr.) Mont-Cenis, Chaberton, crêtes du Mercantour, Tende (ital., 1946 fr.) Petits États : Saint-Marin, Cité du Vatican (création 1929) Frontière de l’Italie en 2008
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La Suisse
La Suisse Les XIII cantons en 1789 Bailliages des XIII cantons
⎫ ⎬ (incorporés en 1798) ⎭
Ville et abbaye de Saint-Gall, Grisons Bailliages de Saint-Gall
Valteline, Bormio, Chiavenna (bailliages des Grisons, 1797 cisalpins) Valais (État associé) Bailliage du Valais
⎫ ⎬ (1798 helv., 1803 rép., 1810 fr., 1815 suisses) ⎭
Part helvétique de l’évêché de Bâle, Bienne (1797 fr., 1815 suisses) Part germanique de l’évêché de Bâle (1792 fr., 1815 suisse) Principauté de Neuchâtel (allié, 1798 pruss., 1806 à Berthier, 1815 suisse) Mulhouse (allié, 1798 fr.) Genève (allié, 1798 fr., 1815 suisse)
⎧ Frickthal (autr., 1797 à Modène, 1802 suisse) ⎪ ⎨ Tarasp (à Dietrichstein, 1803 suisse) ⎪ Furstenau (à l’évêque de Coire, 1803 suisse) ⎩ ⎧ Rhæzuns (autr., 1809 à Napoléon, 1810 ital., 1815 suisse) ⎨ ⎩ Banlieue de Genève (fr. ou sarde, 1792 fr., 1815 suisse) Limite actuelle de la Confédération suisse Principauté de Liechtenstein (1920, union douanière)
1789. Corps helvétique :
+ +
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1798. République helvétique :
+ +
1803. Confédération helvétique : 1815. Confédération suisse :
+ +
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