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Traditions musicales chez deux
peuples gour du nord-est de la côte d’ivoire cas des Nafana et des Dégha de la région de Bondoukou
AKA Konin Publications digitales
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Traditions musicales chez deux peuples gour
du nord-est de la côte d’ivoire
:
cas des Nafana et des Dégha de la région de Bondoukou
© Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren (Belgique) 2009 www.africamuseum.be Toute reproduction de cette publication à fin autre que privée ou éducative, que ce soit par impression, photocopie ou tout autre moyen est interdite sans l’autorisation écrite préalable du Service des Publications du mrac, Leuvensesteenweg 13, 3080 Tervuren, Belgique isbn : 978-9-0747-5260-2 Dépôt légal : D/2009/0254/10
Photo de couverture : le musicien San Koffi jouant un petit tambour djémé pour accompagner la danse tchabinngué (Wélékéi, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
AKA Konin 2009
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Traditions musicales chez les Nafana et les Dégha
avant-propos La présente étude sur les traditions musicales des Nafana et des Dégha de la région de Bondoukou a été élaborée après des recherches effectuées en 2008 dans les sous-préfectures de Bondoukou et de Sorobango. Elle s’inscrit en droite ligne de notre volonté d’étudier et de valoriser les cultures musicales de la Côte d’Ivoire qui tendent à disparaître suite aux mutations et autres bouleversements en œuvre dans les sociétés traditionnelles. Dans ce cadre, nous avons effectué, de 2001 à 2007, des missions de recherches ethnomusicologiques soit individuellement, soit en collaboration avec d’autres chercheurs, chez les Agni-N’dénéan, les Koulango (y compris les Lorhon, les Siti, les Birifor), les Agni-Morofwè, les Abbey, les M’batto, les Gban, les Ehotilé, les Abidji et les Ega. Certaines données récoltées ont déjà fait l’objet de publications1. Afin de fournir le maximum d’informations au lecteur, les instruments de musique nafana et dégha, disparus ou tombés en désuétude dont l’existence nous a été révélée sur le terrain seront également mentionnés dans le présent ouvrage. Cette œuvre serait tout à fait incomplète si nous n’exprimions pas ici toute notre gratitude à Sa Majesté Nanan Adou Bibi 2, chef de la province Pinango de Bondoukou, qui ayant perçu l’intérêt de ce travail, a adressé une lettre d’information à tous les chefs des villages concernés. Nous remercions également Monsieur Diaka Kouman, commissaire de police à la retraite, originaire du village dégha de Motiamo pour les riches informations qu’il nous a fournies sur certains aspects de la culture musicale dégha. Nous exprimons aussi notre gratitude aux chefs des différents villages nafana et dégha visités, notamment les chefs de Motiamo, Wélékei, Tambi, Zaghala, Boroponko, Boromba, Tissié, Soko − il s’agit des chefs San Kouadio, Sié Kobenan, Moh Yao François, Oban Kouassi Kra, Kouakou Kouman, San Kouamé JeanMarie, Ouolo San Kouakou Amoro Kamagaté, Tollé Kobenan Benoît − et leurs musiciens pour l’agréable accueil qu’ils nous ont réservé ainsi que pour les précieuses informations fournies sur leurs traditions musicales. Pour terminer nous exprimons notre infinie reconnaissance à Jacqueline Renard, illustratrice scientifique au Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) à Tervuren (Belgique), qui a bien voulu réaliser les dessins et cartes figurant dans la présente publication.
Carte 1 : La Côte d’Ivoire en Afrique. (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2008)
La présente publication est subdivisée en deux parties : Partie I : Les instruments de musique et les genres musicaux traditionnels nafana. Partie II : Les instruments de musique et les genres musicaux traditionnels dégha.
Carte 2 : Situation géographique des Nafana et des Dégha. (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2008.)
1 La Vie musicale chez les Agni-N’dénéan (région est de la Côte d’Ivoire) ; Les Instruments de musique Koulango (région nord-est de la Côte d’Ivoire) ; Les Instruments de musique Gban (région centre-ouest de la Côte d’Ivoire). Ces ouvrages, publiés par le Musée royal de l’Afrique centrale dans la collection « Documents de Sciences humaines et sociales » peuvent être consultés uniquement en ligne sur le site www.africamuseum.be.
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Traditions musicales chez les Nafana et les Dégha
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sommaire
avant-propos les sociétés étudiées
Partie I : Les instruments de musique et les genres musicaux traditionnels nafana Chapitre I – Les idiophones 1. Tambours d’eau Kèrèguè ou kèrè Djidja gnoum ou djidja binngué 2. Hochets Lagongô ou gowoun ou gbogolo 3. Calebasses Soumogolo 4. Grelots de chevilles Sèssègrè 5. Cloches Daouré Donni Lato 6. Clochettes Méné 7. Sonnailles Gbézanganni 8. Cornes de bovidés percutées Nonyèmlè 9. Seau métallique Kandji ou kanidji Chapitre II – Les membranophones 1. Tambours à une peau chevillée Pikô Binngué ou binngué kpô ou toumani Biblié Binngué fian 2. Tambours à une peau lacée Djémé 3. Tambour à deux peaux lacées Pinnguébidèguè 4. Tambour d’aisselle en forme de sablier Logan
3 8 11 12 12 12 12 13 13 13 13 14 14 14 14 14 14 14 14 15 15 15 15 15
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5. Tambours sur calebasse Gbolo ou tchabinngué ou kèrèguè binngué Gbolo binngué 6. Tambours sur métal Binngué
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Chapitre III – Les aérophones 1. Trompes traversières Bônongon ou bonnongon 2. Flûtes traversières Gbofrohoum ou foutou ou afélé
21 21 21 21 21
Chapitre IV – Les genres musicaux traditionnels 1. Musiques funéraires et de réjouissance 2. Musiques funéraires 3. Musiques de chasse 4. Musiques religieuses
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Partie II : Les instruments de musique et les genres musicaux traditionnels dégha Chapitre I – Les idiophones 1. Tambours d’eau Hanchui ou lou 2. Hochets Logan 3. Calebasse percutée sur une poterie Vi 4. Gourdes percutées sur le sol Langôgni 5. Calebasses percutées à l’aide de baguettes Lou 6. Grelots de chevilles Yéga 7. Cloches Daouro Donni Lato 8. Clochettes Yégui
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9. Sonnailles Yéga 10. Cornes de bovidés percutées Nangningra 11. Lames de houe percutées Pali 12. Anneaux de doigts entrechoqués Kpala 13. Xylophone Tchooli 14. Sanza Awéssi
Chapitre II – Les membranophones 1. Tambours à une peau chevillée Sui barô Sui hannon Timmbana ou timmpana Djékoudjè sui Pintini Pétéha Sui Gbogboti sui et gbogboti sui yé Kré sui 2. Tambours à une peau lacée Pitini ou korowéribètèdjégouba Djémé 3. Tambour à deux peaux lacées Benntéré sui 4. Tambours d’aisselle en forme de sablier Longan ou logan 5. Tambours sur cadre Benntéré sui yé Bésse, tabalé, titine 6. Tambour sur calebasse Benntéré
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7. Tambours sur poterie Naya ou kpan-nan sui Vi sui ou kpan-nan sui 8. Tambours sur métal Sui kpla Chapitre III – Les cordophones 1. Arc-en-bouche Djandjoula 2. Harpe fourchue Djourou Chapitre IV – Les aérophones
31 31 31 31 31 32 32 32 32 32 32 33 33 33 33 33 34 34 34 34 34 35 35
1. Trompes traversières Béli et gnigra Chapitre V – Les genres musicaux traditionnels 1. Musiques funéraires et de réjouissances 2. Musiques funéraires 3. Musiques de chasse 4. Musiques de guerre 5. Musiques religieuses 6. Musiques initiatiques Conclusion générale Annexe 1 Annexe 2 Bibliographie
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35 35 36 36 36 37 37 37 37 37 39 39 39 40 40 41 41 41 42 42 42 43 45 47
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les sociétés étudiées2 Les villages nafana se trouvent à la fois en Côte d’Ivoire et au Ghana. En Côte d’Ivoire, et précisément dans le département de Bondoukou, les Nafana se sont installés dans les localités suivantes : Ouolo-tchéi (ou Wélékéi), Gbagnangansié, Bondoukou, Soko, Tissié et Toumogossié (pour la commune et la sous-préfecture de Bondoukou), Tambi, Gboroponko, Sangnobo et Bangounan au large de Kanguélé (dans la sous-préfecture de Sorobango), Yézimala, Gankro, Laoudi-Gan, Gbanhui et Gohondo (dans la sous-préfecture de Sapli-Sépingo)3. Il convient de noter que dans les dernières localités citées dans la sous-préfecture de Sapli-Sépingo, les Nafana, organisés en quartiers, ne s’expriment plus dans leur langue d’origine mais plutôt en koulango. En dehors de ces localités, les autres Nafana s’expriment à la fois en nafana et en koulango. Au Ghana, dans l’arrière-pays de Sampa, l’on trouve le plus grand nombre de villages nafana. Les villages sont uniquement peuplés de Nafana, la langue y est encore intacte, l’islam y a fait son apparition mais l’essentiel est préservé. Les Nafana se distinguent des autres communautés sœurs par la langue qui s’apparente beaucoup au Nafara de Sinématiali, au Kiembara de Korhogo, au Fodonon de Komborodougou ou de Dikodougou. Ils sont d’excellents cultivateurs spécialisés dans la production de la variété d’igname appelée kponan et, autrefois, dans le travail et le trafic de l’or. Quant à leurs traditions et coutumes, ils les ont empruntées aujourd’hui aux Abron et aux Koulango. Tous les Nafana indiquent qu’ils ont pour origine le Nord de la Côte d’Ivoire. D’autres, plus nombreux, mentionnent avec précision les sous-préfectures actuelles de Sinématiali, Karakoro, Napié, Korhogo. Les sages de Ouolo-tchéi, Soko, Tissié et Toumogossié, San-Poro, Bondoukou reconnaissent que leurs ancêtres fondateurs sont venus de la région de Sinématiali et plus précisément de Kagbogho. Ils auraient quitté ce village à la suite de discordes entre familles. Quant aux sages de Tambi, ils soutiennent que leurs ancêtres sont venus de Cacalla, un village situé dans la région de Korhogo. Des travaux de recherche faits sur les Nafana confirment les témoignages des vieux. Ainsi, dans le Mémorial de la Côte d’Ivoire, tome 1, 2e édition, Ami, 1987 à la page 90 (cité par Sié Kobenan), il est écrit ceci « …Alors que certains Nafana se disent autochtones, la grande majorité se donnent une origine sénoufo. Au début du XVIIIe siècle, des rameaux sénoufo progressent vers le sud-ouest pour constituer les chefferies de Bondoukou, de Tambi et de Banda. Ils sont venus de l’ensemble du pays sénoufo (Tambi : Nafana de Sinématiali ; Soko : Tagbana de Niakaramandougou et Sampa : Djimini de Dabakala)… ». 2 Les informations sur les Nafana ont été tirées de l’article de Sié Kobenan, « Connaissance du département. Le peuple nafanan : son origine, son arrivée à Bondoukou », in Le Soleil du Zanzan, Le Journal d’information du Conseil général de Bondoukou, n° 2, octobre-décembre 2006, p. 4. Les informations sur les Dégha proviennent de l’ouvrage de L. Tauxier, Le Noir de Bondoukou. Koulangos, Dyoulas, Abrons etc., Paris, Éditions E. Leroux, 1921, pp. 398 et suiv. 3 Les Nafana représentent 1 % de la population totale du département de Bondoukou (estimations de la Direction régionale de l’Institut national des Statistiques publiées en 2004).
Traditions musicales chez les Nafana et les Dégha
Mais, beaucoup plus fondamentalement, l’histoire du déclin et la dislocation de l’empire du Mali au XVIe siècle avec ses implications au nord de l’actuelle Côte d’Ivoire pourraient nous aider à comprendre les raisons du départ des Nafana du pays sénoufo. En effet, la fin du XVe siècle et le XVIe siècle furent des périodes de grands remous politiques. Ces turbulences ont occasionné des déplacements massifs des populations en Afrique de l’Ouest subsaharienne. Ainsi, on a enregistré l’arrivée de populations de l’ancien empire du Mali. Il s’en est suivi une progression démographique dans l’espace sénoufo. Ce qui a entraîné des conflits de tout genre : attaque des Sénoufo par les Dioula ; au sein même des Sénoufo, des guerres de conquête du pouvoir, etc. Des populations sénoufo, paisibles agriculteurs et/ ou chasseurs, exaspérées par le climat d’insécurité permanente, ont alors émigré vers le Sud-Ouest à la recherche de nouvelles terres. La fondation du royaume Mandé-dioula de Kong au XVIIIe siècle et les guerres impitoyables menées par Samory dans le pays sénoufo ont certainement accentué aussi le mouvement de déplacement des Sénoufo vers le sud-ouest. La migration des Nafana s’est effectuée par de petites vagues successives. D’après les témoignages, la migration nafana ne s’est pas faite de façon massive avec un seul chef. C’est par familles ou quelquefois par groupes d’individus que les Nafana ont progressivement occupé les terres qui sont les leurs aujourd’hui. Chaque famille a occupé en toute indépendance et en toute autonomie une portion de terre sans heurt et sans combat, l’espace étant pratiquement vide d’hommes. Deux conclusions découlent de cette déclaration à savoir que les Nafana font partie des premiers peuples à s’installer à Bondoukou et que les Nafana ne dépendent pas d’un seul chef. Les Nafana de Bondoukou situent leur présence sur leurs terres actuelles longtemps avant l’entrée en scène des Abron. C’est même le chef nafana de Bondoukou, Noleh Akomi, qui aurait accueilli le Gyamanhene Tan Daté qui conduisait la migration abron. Et c’est encore lui qui aurait indiqué l’emplacement actuel du village Zanzan au Gyamanhene. Selon le révérend père Jacob (cité par Sié Kobenan) qui a prêché dans les régions de Bondoukou et Tanda de 1930 à 1938, « les Nafana, peuple pacifique de chasseurs, cultivateurs et de chercheurs d’or, sont arrivés sur leurs terres actuelles au XIIIe siècle ». Enfin partout où ils se sont installés, ils sont les propriétaires terriens sauf à Gbanhui, Yézimala, Gondo et à Laoudi-Gan où les Nafana ont trouvé des Koulango qui leur ont donné des terres. Parmi les peuples les plus anciens à s’installer dans le département, on peut compter les Koulango et les Gabin, tous issus du grand groupe sénoufo. Au regard de ce qui précède, on constate que les Nafana ne dépendent pas d’un chef. Les Nafana n’ont pas de roi. L’autonomie et l’indépendance caractérisent les villages nafana. Il n’existe pas de relations de soumission, d’allégeance, de vassalité encore moins de suzeraineté entre les villages. Il n’existe pas non plus en pays nafana un chef de province, à fortiori un roi, c’est- à-dire un chef qui coifferait un ensemble de villages à lui soumis. Chaque village a son histoire, son territoire, son ancêtre fondateur et ses descendants. Les relations sont fondées sur la fraternité et le respect des différences. À l’instar de leurs frères koulango qui ont réussi à désigner un chef suprême, les Nafana tentent depuis quelques années de se donner un chef. Mais cette tentative n’a pas encore connu un aboutissement heureux à cause de l’indépendance affirmée des villages. Les Dégha sont peu nombreux puisqu’ils n’occupent dans le département
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que trois villages, plus un certain nombre de petits villages de l’autre côté de la frontière du Ghana4. Le nom qu’ils se donnent eux-mêmes est « Déghi » au singulier, « Dégha ou D’ga » au pluriel. Les Dioula les appellent Diammou (au pluriel Diammourou), les Abron Mô et les Koulango et les Nafana Bourou. Selon certains ethnologues, la langue dégha se rapproche du gourounsi (peuple du Burkina-Faso), avec une assez forte influence dagari surtout dans les noms des nombres. Outre leur langue, beaucoup d’entre eux comprennent le koulango. Les Dégha sont venus à une époque fort lointaine d’un pays situé de l’autre côté de la Volta noire et dans le nord, probablement dans le Gourounsi, en même temps sans doute que la tribu des Siti ; sous la poussée d’une invasion dagari, ils furent refoulés jusqu’au sud de Bôlé, passèrent la Volta et fondèrent dans le nord-est et l’est de Bondoukou quatre agglomérations dont trois subsistent encore. L’un des chefs de la migration, nommé Sâfou, fonda à l’est de Bondoukou un groupe de cinq villages qu’il appela Guioboué (village des Guio, du nom de la famille dégha à laquelle il appartenait). Les autres colonies dégha sont Guiarhala ou Zaghala (au nord-est de Tambi) et Ouriké (appelé Bourou ou Bouro ou Bo par les Nafana et Motya ou Motya-mo par les Abron). Quant à la quatrième colonie elle se trouvait à Pédago (appelé Bouroukpoko par les Nafana et Mô par les Abron), entre Tambi et Sorobango ; mais les Nafana de Yakassé étant venus s’établir à Pédago à la suite de la destruction de leur village par les bandes de Samory, les Dégha leur cédèrent la place et se replièrent sur Guiarhala ou Zaghala. Les Dégha, d’après leurs propres traditions, seraient venus il y a fort longtemps des plateaux de la Haute-Volta, du Gourounsi probablement ; leur dialecte a en effet de nombreux rapports avec la langue de ce pays et leur type rappelle beaucoup celui des Dagari du nord. À quelle époque se firent d’une part la descente des Dégha du Gourounsi, d’autre part leur refoulement par les Dagari et leur installation dans le pays actuel ? C’est ce qu’on ne saurait indiquer. Les Dégha d’Assafoumo (Bouroumba) déclarent seulement qu’ils sont venus dans le pays alors que les Koulango et les Nafana y étaient déjà installés, mais avant les Abron. Les Dégha de Motiamo disent venir, eux, de Boudigué à côté de Foughoula. Ils firent ce changement de résidence à l’époque abron sous la conduite de Gamboli, bien postérieur à Safou, qui eut pour successeurs Kossiéma, Kotia et Sassamboto. Là aussi il y a sans doute des chefs oubliés. De plus l’émigration de Boudigué à Motiamo ne fut qu’un changement local qui n’a rien à voir avec l’immigration générale dans le pays. Les Dégha furent tour à tour, et plus ou moins partiellement, sous les dominations ligbi, abron et ashanti. Les Dégha sont fétichistes. Ils font des sacrifices au Dieu du Ciel ou DieuAtmosphère et ils en font également à la Terre. Les Dégha possèdent de nombreux fétiches ou dieux personnalisés, plus ou moins puissants, qu’ils semblent avoir empruntés à leurs voisins Abron, Koulango etc. Les Dégha semblent avoir eu autrefois des sociétés secrètes ban.
4 Les Dégha représentent 0,9 % de la population totale du département de Bondoukou (estimations de la Direction régionale de l’Institut national des Statistiques publiées en 2004).
Partie I
Les instruments de musique et les genres musicaux traditionnels nafana
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Chapitre I – Les idiophones On entend par idiophones des instruments produisant des sons par eux-mêmes, c’est-à-dire dans lesquels la matière dont ils sont faits vibre lorsqu’on les utilise et produit un son qui leur est propre5. Les matériaux sonores qui les composent ne requièrent aucune tension supplémentaire comme dans le cas des instruments à cordes ou des tambours. Ils peuvent être percutés, secoués, raclés ou pincés.
1. Tambours d’eau
1. Un tambour d’eau kèrèguè accompagnant la danse tchabinngué (Wélékéi, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
2. Un tambour d’eau kèrè accompagnant la danse tchogoli tchogoli (Tambi, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Kèrèguè ou kèrè Nous avons observé deux types de tambours d’eau (appelés encore tambours éphémères) en pays nafana. La première variante se compose d’une grande calebasse hémisphérique remplie d’eau dans laquelle frotte une autre demi-calebasse plus petite. La musicienne saisit alors dans une main une petite calebasse en forme de louche qui sert de mailloche ou de baguette. On joue les rythmes sur la calebasse supérieure. L’instrument produit un double son sous l’effet de la percussion : d’une part, un bruit sec et clair dû au choc direct de la baguette sur la calebasse ; d’autre part, un son consécutif à cette frappe, grave, à caractère musical6. Cette variante porte un nom propre selon les localités. À Wélékéi, ce type de tambour d’eau, dénommé kèrèguè (littéralement « calebasse ») est joué par les femmes pour accompagner leur danse tchabinngué. La petite calebasse qui frotte sur l’eau est appelée kèrèguè, la grande calebasse qui contient l’eau, djidja, la petite calebasse en forme de louche, yèlè. Par moment, la musicienne percute le rebord de la grande calebasse avec la louche yèlè. À Tambi, cet instrument s’appelle kèrè et est utilisé par les femmes pour accompagner leur danse tchogoli tchogoli. En Afrique du moins, l’usage du tambour d’eau était-il anciennement reconnu chez les Hottentots. Djidja gnoum ou djidja binngué Djidja gnoum (mot à mot, « calebasse, eau ») et djidja binngué (littéralement « calebasse, tambour ») représentent une autre variante de tambours d’eau qui se présentent de la façon suivante : dans le cas présent, l’eau est mise dans une grande cuvette en émail ; une calebasse relativement petite, renversée, y flotte à la surface. C’est avec une cuillère en calebasse ou une autre demi-calebasse qui sert de mailloche ou de baguette que la musicienne percute la calebasse retournée. Selon des informations recueillies auprès des musiciennes de Tissié, dans la sous-préfecture de Bondoukou, la grande cuvette en émail de leur tambour d’eau djidja binngué était autrefois remplacée par une grande 5 SÖDERBERG (B.), Les Instruments de musique au Bas-Congo et dans les régions avoisinantes. Étude ethnographique, Stockholm, Etnografiska Museet, 1956, p. 32. 6 BRANDILY (M.), « Un exorcisme musical chez les Kotoko », in NIKIPROWETZKI (T.), La Musique dans la vie, l’Afrique, ses prolongements, ses voisins, Paris, OCORA, 1967, p. 61.
Traditions musicales chez les Nafana et les Dégha
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calebasse ; d’où cette appellation de djidja binngué. Pendant le jeu, la musicienne du tambour d’eau djidja gnoum utilise cette technique : avant de percuter la calebasse retournée, elle la saisit avec la main gauche et la frappe avec le « dos » de l’autre demi-calebasse. Ceci pour obtenir différentes tonalités. Les tambours d’eau djidja gnoum et djidja binngué accompagnent respectivement dans les villages de Boroponko et Tissié les danses féminines soumogolo et tchabinngué.
2. Hochets Lagongô ou gowoun ou gbogolo Ils sont faits avec une calebasse (cucurbitacée, Lagenaria vulgaris) sphérique à poignée naturelle dans laquelle sont placés des cailloux ou des graines. Ces hochets, saisis par paire et secoués avec véhémence par les femmes, au rythme de plusieurs danses féminines, produisent un bruit de crécelle. Ils sont employés pour la danse afin d’accentuer le rythme et l’animer quelque peu. Ces hochets en calebasses sont différemment dénommés selon les localités. À Tambi, ils sont appelés lagongô et sont utilisés pour accompagner la danse gbolo. À Boroponko, ils sont dénommés gowoun et interviennent au cours de la danse soumogolo ; à Soko, ces instruments sont appelés gbogolo et accompagnent la danse gbogolo yôrô (« danse des calebasses »). En pays nafana, ces hochets sont des instruments caractéristiques des femmes.
3. Calebasses Soumogolo Ces instruments que nous avons observés dans le seul village de Boroponko sont faits avec une calebasse à manche. Pour la technique de jeu, les musiciennes, au nombre de deux, saisissent, chacune, par le col, une paire de calebasses, et, dans des mouvements alternatifs, percutent chaque cuisse avec une calebasse (col et base). Ce sont ces calebasses qui ont donné leur nom à la danse féminine du même nom soumogolo.
3. Un tambour d’eau djidja gnoum joué pour accompagner la danse tchabinngué (Boroponko, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
4. Musiciennes remuant des hochets en calebasse lagongô pour accompagner la danse gbolo (Tambi, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.) 5. Musicienne jouant des hochets en calebasse gowoun pour accompagner la danse soumogolo (Boroponko, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.) 6. Des calebasses soumogolo servant à rythmer les chants de la danse du même nom soumogolo (Boroponko, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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4. Grelots de chevilles Sèssègrè Le grelot est un instrument constitué d’un anneau en métal se mettant à la cheville, et comportant des renflements formant des cavités dans lesquelles on a placé de petites boules en métal. Les grelots sèssègrè sont enfilés sur une corde que les danseurs enroulent autour des chevilles bandées. Ces grelots sont utilisés comme accessoires musicaux par les musiciens nafana de Boroponko au cours de la danse sakara (pour visuel de grelots de chevilles, voir photo n° 30).
5. Cloches
7. Musicienne jouant une cloche daouré pour rythmer les chants de la danse tchogoli tchogoli (Tambi, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Nous avons observé trois types de cloches en pays nafana. Daouré Elle consiste en une feuille de métal qu’on a repliée pour former deux valves dont les bords verticaux sont rapprochés et parfois soudés ; la base est généralement ovale. Tenue en main au moyen d’une petite poignée en fer, elle est toujours frappée sur la paroi externe à l’aide d’une tige de fer ou d’une baguette de bois. De forme hémisphérique ou conique, les cloches se caractérisent par une vibration plus forte au niveau du bord. Dans le cas de la cloche double, l’instrument comprend deux cloches de grandeurs inégales soudées l’une sur l’autre. L’instrument peut alors produire deux sons de hauteur différente. Nous avons vu, à Tambi, trois cloches daouré rythmant les chants de la danse féminine tchogoli tchogoli. Deux grandes cloches daouré, servant à transmettre des messages, se trouvent à la cour des chefs de Tambi et de Tissié. Donni Cette grosse cloche en bronze, en forme de coupe allongée, a son battant attaché à l’intérieur. Elle ressemble à une cloche d’église. Elle était agitée par une femme au cours de la danse tchabinngué, à Tissié (pour visuel d’une cloche donni, voir photo n° 27).
8. Une cloche lato servant à rythmer les chants de la danse sakara. On aperçoit à l’intérieur de la cloche le battant interne (Boroponko, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Lato Il s’agit d’une cloche métallique à l’intérieur de laquelle est fixée une tige de fer. Elle est mise en vibration par balancement ; d’où son éternel agitement par l’instrumentiste qui en joue. Le son de cette cloche rappelle celui d’une sonnette d’église. Toutes les cloches à battant interne observées en pays nafana sont dénommées lato. Les tintements de cet instrument accompagnent tous les chants exécutés lors de certaines danses religieuses comme les danses do à Tambi, sakara à Boroponko. Les tintements de la cloche lato serviraient d’appel aux génies tutélaires bienfaisants et seraient censés tenir à l’écart les puissances occultes nocives.
Traditions musicales chez les Nafana et les Dégha
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battant interne. D’une taille relativement petite, elle est portée par les prêtresses kèlèfon ou tchèlèfon. À Boroponko, nous avons observé une clochette méné enfilée dans l’accoutrement d’une prêtresse kèlèfon. Elle faisait partie des symboles qu’elle portait lors la danse rituelle. Ces clochettes sont utilisées autant comme accessoires musicaux dont le son est produit par le mouvement corporel de la danseuse que comme instrument de musique proprement dit. Leurs tintements serviraient d’appel aux divinités tutélaires bienfaisantes dans divers cas de pratiques divinatoires.
7. Sonnailles Gbézanganni Elles sont composées de petites bourses triangulaires faites à partir de feuilles de rônier (Borassus aethiopicum ou Borassus flabelliformis) repliées, servant de contenant, remplies de gravillons ou de graines. Suspendues par des cordes ou des ficelles, ces petites bourses sont enroulées autour du pied du danseur. Produisant une musique agréable, cet accessoire sonore fournit un accompagnement aux danseurs associés au masque wo n’go que nous avons vu à Tambi.
9. Une clochette méné enfilée dans un collier de coquillages porté par une prêtresse kèlèfon (Boroponko, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
8. Cornes de bovidés percutées Nonyèmlè Il s’agit de deux cornes de buffle sur lesquelles des musiciens frappent avec des baguettes en bois comme instruments à percussion. Observées à Tambi, ces cornes servent à rythmer les chants de la danse des chasseurs boffouô.
9. Seau métallique Kandji ou kanidji Il s’agit d’un seau métallique dont le manche, saisi par une femme, est percuté tout le temps sur le rebord. Observé à Boroponko, cet objet usuel servait d’instrument à percussion pour la danse des femmes soumogolo.
10. Des sonnailles gbézanganni portées par un accompagnateur du masque wo n’go (Tambi, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
11. Deux cornes de buffle percutées nonyèmlè. Elles sont jouées ici pour accompagner la danse boffouô (Tambi, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
12. La musicienne de droite se sert d’un seau métallique kandji ou kanidji comme instrument à percussion pour accompagner les chants de la danse soumogolo. (Boroponko, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
6. Clochettes Méné Cette clochette de bronze ou de cuivre correspond parfaitement, d’après sa construction, aux cloches occidentales. Elle possède un
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Chapitre II – Les membranophones Les membranophones sont des instruments dont le son est produit par la vibration d’une ou deux membranes tendue(s), qu’on bat ou – mais plus rarement – qu’on frotte. Les tambours sont des membranophones et se distinguent par la forme, le nombre de peaux et le mode de fixation de la peau7.
1. Tambours à une peau chevillée
13. Le grand tambour pikô à la cour du chef de village (Tambi, souspréfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
14. Deux tambours appariés binngué accompagnant le masque wo n’go (Wélékéi, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Les cylindres de ces tambours varient par leur forme. Des chevilles de bois, passant dans les fentes pratiquées sur les bords de la membrane, sont plantées dans des orifices creusés sur le pourtour de la caisse. Une lanière tordue entoure les chevilles, encerclant ainsi la caisse de résonance. Des fentes formant des boutonnières sont découpées sur le bord de la peau pour laisser passer les chevilles. Pour retendre la peau, le musicien enfonce ces piquets à l’aide d’un maillet (marteau en bois) ou d’une pierre que l’on trouve sur place. Pikô Pikô est un grand tambour constitué par un tronc d’arbre, écorcé et évidé de part en part, de façon à ne plus former qu’un cylindre creux, dont l’une des extrémités est recouverte d’une peau. Ce tambour qui se trouve à la cour du chef du canton nafana et chef de village de Tambi, Moh Yao François, est donc de forme tubulaire. Un morceau de percale blanche ceint la caisse de résonance. Il est frappé soit avec deux fines baguettes, soit avec deux baguettes recourbées. Son emploi est toujours réservé à un spécialiste, désigné par le chef et instruit au préalable dans cet art. De tels instruments n’interviennent pas dans les représentations musicales, mais servent, presque exclusivement, à lancer des appels sonores à la population, ou aux seuls notables de la cour, pour annoncer l’arrivée d’un visiteur de marque, le décès d’un notable, l’ouverture de grandes festivités, etc. Il donne aussi le signal d’alarme quand survient un événement important ou inhabituel. Parmi un ensemble d’instruments, il donne le rythme et est, en outre, chargé d’enrichir la sonorité d’ensemble au moyen d’un maximum de variantes rythmiques. Binngué ou binngué kpô ou toumani (singulier, toumané) La caisse de ces tambours rappelle celle d’un calice ou d’un mortier à piler le mil. Il s’agit de tambours appariés (mâle et femelle) qui portent différents noms selon les villages. À Wélékéi, ils s’appellent binngué 8 et interviennent au cours de la danse masquée wo n’go. Ils sont joués par deux musiciens : l’un frappe la peau avec les deux mains, l’autre avec une main et une baguette crochue. À Tambi, ces tambours se nom7 BRINCARD (M.-T.) (sous la direction de), Afrique, formes sonores, Paris, Réunion des musées nationaux, 1990, p. 184.
15. Deux tambours appariés binngué kpô ou toumani (Tambi, souspréfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
8 Binngué : terme générique désignant le tambour en pays nafana.
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ment binngué kpô lorsqu’ils accompagnent la danse des chasseurs boffouô (dans ce cas ils sont joués par deux musiciens, l’un est percuté à l’aide de deux baguettes crochues, l’autre avec les mains) et toumani lorsqu’ils donnent les nouvelles à la cour du chef de village. À Bondoukou, ces tambours appariés appelés binngué accompagnent le masque bedou du quartier Gambeni. Lors des processions, chaque tambour est porté sur l’épaule d’un homme et battu avec deux baguettes crochues. Biblié Ce sont deux petits tambours cylindriques dont l’un présente des entailles au niveau inférieur de la caisse de résonance (des ouvertures de forme triangulaire) et l’autre repose sur le sol à l’aide de quatre petits pieds en forme de créneaux. Ces deux tambours accompagnent, à Tambi, la danse boffouô. Dressés verticalement sur le sol, ils sont battus, chacun, avec une fine baguette. Ils sont munis d’un dispositif de transport. Ce qui suppose qu’ils peuvent être portés à l’épaule et joués dans une position horizontale. Binngué fian Il s’agit de deux petits tambours (binngué, « tambour », fian, « petit ») cylindriques reposant sur le sol à l’aide de petits pieds. De forme cylindrique, ils se distinguent par leur base entaillée en forme de créneaux, ressemblant à quatre pieds. Ces tambours dont l’un est colorié et l’autre d’une patine naturelle accompagnent, à Wélékéi, le masque wo n’go.
16. Un tambour biblié faisant partie de l’ensemble instrumental qui accompagne la danse des chasseurs boffouô (Tambi, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
2. Tambours à une peau lacée Djémé La plupart des tambours djémé que nous avons vus en pays nafana sont de taille relativement petite. Leur forme rappelle celle d’un calice ou d’un mortier à piler le mil. L’extrémité inférieure, ne servant pas à la tension des cordes, est transformée en pied plein, lequel repose sur le sol. Leur extrémité supérieure, évasée ou arrondie est beaucoup plus large que le pied. Le système de tension est réalisé grâce à un tressage de cordes en nylon ou en cuir. Des morceaux de bois faisant office de coins sont insérés entre les cordes qui tendent la peau, ce qui permet un accordage précis. La peau du djémé que nous avons vu à Wélékéi est maintenue à l’aide de trois cerclages métalliques. Si la tension diminue au cours du jeu, le musicien tend la peau à la chaleur d’un petit feu de bois ou de carton. Pour jouer ces instruments, les musiciens les tiennent inclinés entre les jambes. Ils sont battus soit avec les mains, soit avec de fines baguettes, soit simultanément avec une fine baguette et la main. Certains djémé sont portés au cou à l’aide de lanière. Ils sont présents dans plusieurs formations musicales. À Tambi, deux tambours djémé sont utilisés pour accompagner les danses lagongô et do. Pour le jeu des djémé rencontrés à Tambi, les tambourinaires les portaient à l’aide d’une corde qui passait autour du cou. C’est debout qu’ils frappaient leurs instruments, avec les deux mains. À Boroponko, quand ce tambour
17. Un tambour binngué fian (Wélékéi, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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accompagne la danse soumogolo, il est tenu entre les jambes de l’instrumentiste qui le bat avec les mains. Lorsqu’il accompagne la prêtresse kèlèfon, il est frappé avec deux fines baguettes. Un grand tambour djémé, vu à Wélékéi, épouse les mêmes caractéristiques que le tambour djembé utilisé par les Malinké et les Bambara. Il est joué par les jeunes pour accompagner leur danse odié.
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4. Tambour d’aisselle en forme de sablier Logan Le tambour d’aisselle en forme de sablier ou tambour double, connu dans tout l’Ouest africain, est de petite taille et de forme biconique. Ressemblant à un sablier (chronomètre des Anciens), sa caisse est entourée complètement de cordages tendus dans le sens longitudinal et qui sous-tendent les membranes résonantes. Ces cordes passent en pont au-dessus de la partie étranglée du tambour, lequel se porte sous le bras gauche ; cela permet au musicien, tout en gardant les mains libres, de comprimer plus ou moins les cordes (entre son thorax et le bras gauche), d’où des variations de tension des deux membranes, qui permettent d’obtenir des nuances de sons, en sus de ceux obtenus avec une petite baguette recourbée. La gamme de ce tambour est théoriquement infinie en raison de la pression des tendeurs dont elle dépend. Il sert couramment pour la transmission de messages grâce aux sons variés qu’il peut émettre9. L’existence de ce tambour, aujourd’hui tombé en désuétude, nous a été signalée à Boroponko.
22. Un petit tambour d’aisselle logan joué ici par un musicien koulango à Taoudi, dans le département de Bondoukou. Les Koulango, voisins des Nafana, appellent également le tambour d’aisselle logan ou longa. (Photo : Aka Konin, 2008.)
5. Tambours sur calebasse 18. Forme courante du tambour djémé. On aperçoit les morceaux de bois faisant office de coins entre les cordes qui tendent la peau. Il est joué ici pour accompagner la danse soumogolo (Boroponko, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.) 19. Un petit tambour djémé accompagnant la danse tchabinngué (Wélékéi, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.) 20. Un grand tambour djémé (Wélékéi, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
3. Tambour à deux peaux lacées Pinnguébidèguè Ce tambour de forme cylindrique a une double surface de percussion dont les membranes se tendent mutuellement par un lacis en cuir qui passe directement dans des boutonnières. On y trouve des passes affectant la forme des lettres N et W. Entre elles sont insérés des morceaux de bois. Porté à l’aide d’une sangle, il est joué simultanément avec la main et une baguette. Il accompagne, à Tambi, la danse do. Un autre caractère des tambours à deux peaux lacées, c’est qu’ils ne sont décorés ni de sculptures, ni d’incisions, ni de peintures, peut-être pour la bonne raison que la présence des tendeurs, couvrant toute la caisse de résonance, ne le permet pas.
Gbolo ou tchabinngué ou kèrèguèbinngué Ce sont des tambours à membrane dont la caisse de résonance est en calebasse (cucurbitacée, Lagenaria vulgaris). Une peau d’animal est tendue sur une calebasse sphérique dont la partie supérieure a été enlevée. Cette peau est retenue, dans certains cas, par des clous en bois qui s’enfoncent dans des trous percés dans la calebasse à l’aide d’un métal chauffé. Dans d’autres cas la peau est collée sur la caisse de résonance. Pour jouer, la musicienne le tient entre les jambes et frappe la peau à mains nues. Dans tous les villages où nous avons vu cet instrument, il était joué par des femmes. À Wélékéi, il est dénommé gbolo et accompagne la
23. Un tambour gbolo accompagnant la danse tchabinngué (Wélékéi, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
24. Un tambour tchabinngué accompagnant la danse du même nom (Tissié, souspréfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
21. Tambour pinnguébidèguè accompagnant la danse do (Tambi, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
9 KONIN (A.), La Vie musicale chez les Agni-N’dénéan (région est de la Côte d’Ivoire), Tervuren, MRAC, collection digitale « Documents de Sciences humaines et sociales », 2007, pp. 40-41.
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25. Un tambour gbolo binngué portant des sonnailles sangne (Wélékéi, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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danse tchabinngué. La musicienne, assise, le tient entre les jambes, et bat la peau à l’aide des mains ; tandis que d’autres musiciennes frappent la caisse de résonance en calebasse avec de fines baguettes en bois tchètchè (qui donnent le ton). À Tissié, il prend le nom de tchabinngué et fait partie de l’ensemble instrumental qui accompagne la danse du même nom. À Soko, où il est dénommé kèrèguè binngué (mot à mot « calebasse, tambour »), on nous signala tout simplement son existence car nous ne l’avons pas vu employé dans un genre musical propre.
Chapitre III – Les aérophones
Gbolo binngué Littéralement « calebasse, tambour », gbolo binngué a sa caisse de résonance en calebasse. Une peau de bœuf est tendue sur une grosse calebasse sphérique dont la partie supérieure a été enlevée. Cette peau est tendue par un lacis de lanières de rotang qui s’entrecroisent en bas. Sur l’instrument sont rajoutées des sonnailles faites de pièces métalliques comportant des petits trous dans lesquels sont enfilés des anneaux métalliques. Ces sonnailles, appelées sangne vibrent lorsque le musicien joue. Pour jouer ce tambour, on le tient entre les jambes et on frappe la peau à mains nues. Il accompagne, à Wélékéi, la danse funéraire gobingo pratiquée également par les Abron et les Koulango.
1. Trompes traversières
6. Tambours sur métal Binngué Ce sont des tambours jumelés (mâle et femelle) dont la caisse de résonance est en métal forgé. Une peau d’animal est tendue sur un tube métallique de forme conique. La membrane est fixée par l’intermédiaire d’un cercle de métal passé autour de la partie supérieure du tambour et par des vis de serrage. Pour tendre ou détendre la peau, le musicien serre ou desserre ces vis qui maintiennent en place les tendeurs, encastrés dans les coins. Ces instruments reposent à terre sur un support métallique tétrapode. Servant toujours couplés, ils sont battus avec les mains par un seul musicien. Ils accompagnent, à Wélékéi, la danse des jeunes odié.
26. Tambours jumelés binngué accompagnant la danse odié (Wélékéi, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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Les aérophones, également appelés « instruments à air ou à vent », sont ceux dans lesquels, à travers ou autour desquels une certaine quantité d’air est mise en vibration. Contenu dans une cavité, l’air peut être mis en mouvement par l’arête affilée d’un tuyau (flûte), par l’action d’une anche unique (clarinette) ou par la vibration des lèvres (trompes, cors). Quelques instruments agissent directement sur l’air ambiant (rhombes, diables, etc.)10. Les plus représentés chez les Nafana sont les trompes traversières.
Bônongon ou bonnongon Pour la fabrication de ces trompes, les Nafana utilisaient, comme matière première, les cornes d’animaux. Selon les informations fournies par le vieux Kouakou, du quartier Bambarasso, à Bondoukou, il s’agissait de cornes de buffle ou de girafe. À quelques centimètres de la pointe, on pratique un trou qui sert d’embouchure latérale par laquelle le joueur insuffle l’air dans l’instrument. La forme de cette embouchure peut être carrée, rectangulaire, ovale ou losangique. Ces instruments, de forme conique et sans trou d’intonation, servaient pour les cérémonies d’intronisation des chefs de canton. En position de jeu, ils sont tenus en travers, à peu près horizontalement (d’où l’appellation de trompes traversières), le pavillon dirigé à droite ou à gauche du musicien ; la main gauche ou la main droite, tout près de l’embouchure. La colonne d’air est mise en vibration par la pression des lèvres du joueur Au cours de notre recherche, l’existence des trompes bônongon ou bonnongon nous fut révélée à Boroponko, à Bondoukou, à Tissié et à Soko. Mais il ne nous fut pas possible d’en découvrir même un exemplaire.
2. Flûtes traversières Gbofrohoum ou foutou ou afélé Les flûtes sont des tubes dans lesquels l’exécutant fait vibrer l’air en soufflant obliquement dans l’embouchure affilée de l’instrument. La longueur de la colonne d’air, et par conséquent la hauteur du son, est en général modifiée par les trous de jeu percés dans le tuyau. Les flûtes sont le plus souvent tubulaires, mais elles peuvent aussi être globulaires. Pour le jeu, le joueur tient généralement l’instrument le plus souvent à sa droite ; mais il arrive que cette position soit inversée. En dehors de leur signalement, nous n’avons pas vu de flûtes dans les localités visitées. C’est pourquoi, nous ne disposons pas d’éléments précis quant aux caractéristiques propres de ces instruments (par exemple, le nombre de trous, l’essence végétale). Mais de ce que nous savons, toutes les flûtes traversières ont toujours leur extrémité supérieure fermée, une embouchure étant pratiquée sur un côté du tuyau. Les flûtes traversières ont leur origine en Asie où on les trouve reproduites dès le IXe siècle av. J.-C. Difficiles à fabriquer et à jouer, leur sonorité est très agréable et elles permettent d’exécuter des airs élaborés11. L’existence des flûtes gbofrohoum chez les Nafana nous a été révélée à Boroponko, tandis que celle des flûtes foutou ou afélé, à Tissié. 10 JENKINS (J.), Ethnic Musical Instruments, London, Hugh Evelyn for International Council of Museums, 1970, p. 10. 11 MICHEL (A.), Encyclopédie des instruments de musique du monde entier, France, Diagramm Group, 1976, p. 21.
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Chapitre IV – Les genres musicaux traditionnels 1. Musiques funéraires et de réjouissances Gbogolo yôrô : musique exécutée par les femmes lors de funérailles et de réjouissances. Les chants sont uniquement rythmés par plusieurs paires de hochets en calebasses gbogolo. Odié : musique de réjouissance exécutée par des jeunes. Les instruments utilisés sont un tambour djémé et deux tambours sur métal (jumelés) binngué. Soumogolo : musique féminine exécutée lors des funérailles de femmes d’un certain âge, des excisions et des cérémonies de mariage traditionnelles. Les instruments qui exécutent cette musique sont des paires de hochets en calebasses gowoun, des calebasses (percutées sur cuisses) soumogolo, un petit tambour djémé, un tambour d’eau djidja gnoum et un seau métallique kandji ou kanidji. Tchabinngué : musique exécutée par les femmes lors des funérailles d’une personne âgée, des cérémonies de mariage traditionnelles et au cours de la fête de feu de brousse. Les instruments de ce genre musical sont un tambour d’eau kèrèguè ou djidja binngué et un tambour sur calebasse gbolo ou tchabinngué. Wo n’go ou bedou : musique de réjouissance liée à la sortie du masque wo n’go ou bedou qui apparaît au douzième mois de l’année (période de lune). Les masques bedu ou wo n’go sont de lourds masques en bois de forme géométrique. Simples planches découpées, ornées de motifs champlevés ou peintes de couleurs vives (généralement noir, blanc, rouge, jaune, bleu), ces masques sont surmontés soit d’une paire de cornes de type bovidé, soit d’un motif discoïde qui en indique le sexe, masculin ou féminin. Ces masques qui apparaissent avec les moissons étaient un appel à la fécondité et à l’abondance des biens. Leur apparition annonce la nouvelle année. Les instruments de cette musique sont principalement des tambours (binngué ou binngué kpô, binngué fian ou biblié) et des sonnailles en rônier gbézanganni (portées par des danseurs, dans certaines localités).
2. Musiques funéraires Gbolo : musique exécutée par des femmes lors de funérailles de personnes âgées. Les chants sont rythmés par plusieurs paires de hochets en calebasses lagongô et deux petits tambours djémé. Gobingo : musique exécutée par des femmes et des hommes au cours des funérailles. Les instruments sont essentiellement de membranophones dont le principal
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est un tambour sur calebasse gbolo binngué. On retrouve cette danse chez les Abron et les Koulango. Tchogoli tchogoli : musique funéraire exécutée par des femmes (généralement des vieilles) en l’honneur des chefs, des notables. Selon la tradition, une pintade est exigée à chaque occasion par les musiciennes. Les instruments qui exécutent ce morceau sont trois cloches métalliques daouré et un tambour d’eau kèrè.
3. Musiques de chasse Boffouô : danse exécutée pour rendre gloire à un chasseur et aussi pendant les funérailles. Habillés en tenues traditionnelles totara, chapeaux traditionnels djoulé, les chasseurs tiennent à la main des fusils de fabrication artisanale boua. Au cours des prestations, les danseurs simulent des scènes de chasse (traque, abattage d’animaux). Certains se déguisent en animal (buffle). Les instruments qui accompagnent cette danse sont deux tambours appariés binngué kpô, un petit tambour biblié et deux cornes de buffle percutées nonyèmlè.
Partie II
4. Musiques religieuses Do : danse cultuelle exécutée en l’honneur d’une divinité de la nuit dont la vue est interdite aux femmes. Elle a pour objectif d’implorer la clémence de la divinité afin qu’elle conjure un mal. C’est une danse d’exorcisme utilisant comme instruments un tambour à deux peaux lacées pinnguébidèguè, un petit tambour djémé et une cloche à battant interne lato. Kèlèfon ou tchèlèfon : très ancienne danse qui existe dans presque tous les villages nafana car les prêtres et prêtresses kèlèfon ou tchèlèfon jouent dans tout village un rôle protecteur, curatif, de divination. C’est une danse durant laquelle « les génies » sont censés habiter la personne du prêtre ou de la prêtresse kèlèfon ou tchèlèfon pour lui indiquer les causes d’une maladie, faire des prédictions. Les chants de cette danse de possession sont rythmés par des tambours appariés toumani, djémé et des clochettes wéné. Sakaralié : fête/danse exécutée pour rendre un culte à la divinité bienfaisante sakara, pour faire tomber la pluie pendant les périodes de grande sécheresse, conjurer le mauvais sort. Lors des prestations, les danseurs (hommes, femmes, enfants) se peignent le visage avec de la poudre de charbon. Habillés en tenues traditionnelles, les hommes tiennent en mains des branches et dansent en décrivant un cercle. Les instruments utilisés sont une cloche à battant interne lato, des grelots de chevilles sèssègrè, deux tambours appariés toumani et un petit tambour djémé.
Les instruments de musique et les genres musicaux traditionnels dégha
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Chapitre I – Les idiophones
3. Calebasse percutée sur une poterie
1. Tambours d’eau
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Nous avons observé une seule variante de tambour d’eau en pays dégha. Hanchui ou lou
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Il s’agit d’une paire d’objets quotidiens : une demi-calebasse et une poterie. Pour le jeu, la musicienne, assise, percute le dos de la demi-calebasse sur le rebord de la poterie. Nous avons observé cet instrument éphémère à Zaghala et à Boromba où il accompagnait les danses hanchui et hannan lou.
4. Gourdes percutées sur le sol
Langôgni Il s’agit de trois gourdes en calebasses observées à Motiamo. Pour la technique de jeu, chaque musicienne saisit de la main droite son instrument par le col, et le percute sur le sol. Deux des trois musiciennes tout en percutant leurs instruments sur le sol bouchent ou libèrent l’ouverture pratiquée dans la poignée, avec la main gauche. Le bruit produit est assez comparable à celui d’un tambour. Parmi ces gourdes, il y en a une qui ferait la basse. Ces instruments existent dans ce seul village dégha où ils rythment les chants de la danse mandié.
27. Un tambour d’eau hanchui servant à accompagner les chants de la danse du même nom (Zaghala, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.) 28. Un tambour d’eau lou servant à accompagner la danse hannan lou (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Cet instrument se compose d’une grande calebasse hémisphérique, remplie d’eau, dans laquelle frotte une autre demi-calebasse plus petite qu’une femme frappe à l’aide d’une petite cuillère en calebasse qui sert de mailloche ou de baguette. Ces instruments sont joués par les femmes. Pendant le jeu du tambour d’eau hanchui, une autre musicienne percute la grande calebasse avec une baguette en bois. Les tambours d’eau hanchui et lou accompagnent respectivement les danses hanchui et hannan lou à Zaghala et à Boromba.
2. Hochets Logan Ce sont des hochets en calebasse. Saisis par paire et secoués avec véhémence, ils servent d’instruments rythmiques à la danse du même nom.
29. Musiciennes remuant des hochets en calebasse logan pour rythmer les chants de la danse du même nom (Motiamo, souspréfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
30. Une calebasse percutée sur une poterie. Cet ensemble porte le nom de vi et sert à rythmer les chants de la danse hannan lou (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
31. Des gourdes percutées sur le sol langôgni pour accompagner les chants de la danse mandié (Motiamo, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.) 32. Les trois gourdes percutées sur le sol langôgni (Motiamo, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
5. Calebasse percutée à l’aide de baguettes Lou Il s’agit d’une demi-calebasse renversée mais posée à même le sol. Percutée à l’aide de fines baguettes en bois, elle sert d’instrument rythmique à la danse tchémou, pratiquée à Zaghala et à Motiamo.
33. Une calebasse lou percutée à l’aide de deux baguettes (Zaghala, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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6. Grelots de chevilles Yéga (singulier, yéli) Ce sont des instruments constitués d’anneaux en métal se mettant à la cheville, et comportant des renflements formant cavités dans lesquelles on a placé des petites boules en métal. Ces grelots sont enfilés sur une corde que les danseurs enroulent autour de leurs chevilles bandées. Lors de la danse naya, les danseurs dégha du village de Zaghala portent des grelots yéga.
7. Cloches
34. Des grelots de chevilles yéga portés par un danseur lors de la danse naya (Zaghala, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Daouro Comme la plupart des cloches métalliques, les deux cloches daouro que nous avons vues chez les Dégha sont de forme conique. Ce sont des cloches à battant externe, c’est-à-dire qu’elles sont toujours frappées sur la paroi externe à l’aide d’une tige de fer ou d’une baguette de bois. Celle utilisée par les musiciens à Motiamo pour accompagner les prêtresses vogora est une cloche simple, tandis que celle jouée à Zaghala pour rythmer la danse tchémou est une cloche composée ou double. Dans le cas de la cloche double, l’instrument comprend deux cloches de grandeur inégale soudées l’une sur l’autre. L’instrument peut alors produire deux sons de hauteur différente.
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Lato Il s’agit d’une cloche métallique ayant un battant libre suspendu à l’intérieur. Accrochée à la ceinture d’un danseur, elle tinte lorsque celui-ci sautille au cours de la danse bononcola. Ce seul cas a été observé à Boromba.
8. Clochettes Yégui Les clochettes yégui que nous avons vues en pays dégha sont en bronze ou en cuivre. Elles sont de formes différentes. Observées à Boromba au cours de la danse bononcola, elles sont de taille légèrement différente. Elles possèdent, chacune, un battant interne. Elles sont accrochées dans l’accoutrement d’un des danseurs. La petite est enfilée dans une parure faite de coquillages (portée en croix), tandis que la grande est accrochée à la ceinture. Elles sont utilisées autant comme accessoires musicaux dont le son est produit par le mouvement corporel du danseur que comme instruments de musique proprement dits.
38. Une cloche lato accrochée à la ceinture d’un danseur au cours de la danse bononcola (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
35. Une grande cloche daouro accompagnant les prêtres vogora (Motiamo, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.) 39. Une clochette yégui (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
36. Une cloche double daouro accompagnant la danse tchémou (Zaghala, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
40. Une clochette yégui (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Donni Ces grosses cloches en bronze ont une forme de coupe allongée. Elles présentent un battant intérieur, ce qui les fait ressembler aux cloches des églises. Au nombre de trois, elles sont agitées par des femmes au cours de la danse bononcola, à Boromba.
37. Une cloche donni agitée au cours de la danse bononcola (Boromba, souspréfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
9. Sonnailles Yéga Elles sont composées de petites bourses triangulaires faites à partir de feuilles de rônier repliées, servant de contenant, remplies de gravillons ou de graines. Suspendues par des cordes ou des ficelles, ces petites bourses sont enroulées autour du pied du danseur. Ces accessoires musicaux sonores fournissent un accompagnement au cours de la danse tchémou, pratiquée à Zaghala et à Motiamo.
41. Des sonnailles en feuilles de rônier yéga servant à rythmer les chants de la danse tchémou (Zaghala, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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10. Cornes de bovidés percutées
12. Anneaux de doigts entrechoqués
Nangningra Ce sont deux cornes de buffle sur lesquelles des instrumentistes frappent à l’aide de baguettes courbes d’ivoire. Ces cornes rythment les chants de la danse des chasseurs kpan-nan.
Kpala (singulier, kpalé) Il s’agit d’une paire d’instruments à percussion dont l’un ressemble à un grelot sans boule et l’autre à une grosse bague en fer. Pour les utiliser, le grelot sans boule est porté au doigt (majeur) et la grosse bague est passée au pouce de la main droite. Pour produire le son, le rythme, le musicien les entrechoque. Ces accessoires musicaux soulignent le son rythmique et mélodieux des autres instruments, par un tintement métallique. Dans tous les villages où nous avons observé cet instrument, il accompagnait la danse des chasseurs kpan-nan, souvent au nombre de deux dans l’ensemble instrumental. Cependant, à Boromba, nous avons vu un kpalé rythmer les chants de la danse djékoudjè.
13. Xylophone
42. Deux cornes de buffles nangnigra percutées pour rythmer les chants de la danse kpan-nan. (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
11. Lames de houe percutées Pali Des instruments aratoires sont transformés pour la circonstance en des objets destinés à produire un bruit, un rythme. Nous avons observé à Motiamo deux lames de houe pali faisant partie de l’ensemble instrumental de la danse mandié. Saisis par un manche, ces instruments sont percutés à l’aide de baguettes en fer.
43. Des lames de houe pali servant d’instruments rythmiques à la danse mandié (Motiamo, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Tchooli L’instrument est composé de deux traverses en tronc de bananier posées (parallèlement) à même le sol et servant de supports à six lames grossièrement taillées dans du bois sec et léger, celui du parasolier, par exemple. Chaque lame est maintenue en place au moyen de chevilles en bois, plantées dans le support (troncs de bananier) et immobilisant les lames. À la différence des xylophones à résonateurs dont les lames sont frappées en leur milieu, celles des xylophones sur troncs de bananier sont frappées sur leur extrémité. D’une facture rudimentaire, cet instrument se joue à deux. Les deux musiciens sont assis face à face, et jouent simultanément : l’un frappant généralement à l’aide d’une seule baguette la touche donnant le son le plus aigu, l’autre jouant la mélodie à l’aide de deux baguettes. Par moment, les musiciens s’arrêtent pour remettre à leur place les lames parfois écartées de leur position initiale par la percussion. Selon O. Boone12, les touches (lames) de ce type de xylophone sont placées par ordre de tonalité ascendante. D’après A. Schaeffner13, ce type de xylophone, d’origine africaine, a été découvert aux XVIIe-XVIIIe siècles dans les îles Barbades et sur la côte de Guinée et retrouvé depuis au sud de l’Équateur. En Côte d’Ivoire, le xylophone sur troncs de bananier est classé volontiers dans la famille des xylophones dits « du sud » par opposition à ceux « du nord » qui sont d’une facture très élaborée. Le xylophone tchooli est joué, à Motiamo, par de jeunes garçons qui se trouvent aux champs pour protéger la récolte contre les oiseaux et les singes. Son jeu sert à la fois à effrayer les animaux en manifestant la présence de l’homme et à faire passer le temps aux jeunes gardiens. Dans certaines sociétés, la pratique du xylophone sur troncs de bananier est considérée comme un bon apprentissage pour un futur tambourinaire. 12 BOONE (O.), Les Xylophones du Congo belge, Tervuren, Annales du Musée du Congo belge, Ethnographie-Série III, 1936, p. 78. 13 SCHAEFFNER (A.), « Xylophone », in Dictionnaire des civilisations africaines, Paris, Fernand Hazan, 1968, pp. 436-437.
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44. Un kpalé rythmant les chants de la danse djékoudjè (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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45. Une sanza awéssi jouée lors de la fête des ignames à Wélékéi, dans la sous-préfecture de Bondoukou. (Photo : Aka Konin, 2008.)
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14. Sanza
Chapitre Ii - Les membranophones
Awéssi Awéssi est un idiophone par pincement, composé d’une table en bois sur laquelle sont attachées 3 lamelles en fer forgé de longueurs différentes. D’ordinaire, les lamelles sont fixées sur la caisse de résonance au moyen de deux baguettes superposées, entre lesquelles elles sont introduites. Sa forme la plus courante est celle d’un parallélépipède rectangle. Chaque lamelle (lorsqu’elle est pincée) produit un son de hauteur différente ; l’accord se fait en enfonçant plus ou moins les lamelles dans leur fixation, raccourcissant ou allongeant, ainsi la longueur de la partie vibrante. Pendant le jeu, les touches sont tournées vers le musicien. Les touches sont pincées avec le médius et l’index, tandis que le musicien frappe un rythme supplémentaire avec la main sur la caisse de résonance. La position du jeu de la sanza est variable. Elle peut être verticale : le musicien pose l’instrument sur le sol et s’assied dessus, les jambes écartées. Parfois, assis sur une chaise, il incline l’instrument, le jouant dans une position oblique. Enfin, le musicien, assis sur chaise, peut également poser son instrument sur une seconde chaise. Cet instrument a donné son nom à la danse du même nom, awéssi ou ahossi, pratiquée par certains groupes ethniques de la Côte d’Ivoire comme les Abron, les Agni-Morofwè, les Agni-Sanwi, les Koulango, les Dégha. L’awéssi accompagne généralement les chants lors des veillées funéraires. Son existence chez les Dégha de Motiamo nous a été révélée par notre informateur Diaka Kouman.
1. Tambours à une peau chevillée
Sui barô Tambour mâle (sui, tambour, barô mâle), sui barô est un long cylindre sans pied. La caisse de résonance est ceinte d’une étoffe blanche ; il est muni d’un dispositif de transport. Ce tambour ne doit pas être touché par les femmes. Selon des informations recueillies in situ, il aurait plus de cent ans. Dans l’exercice de ses fonctions, ce tambour est incliné sur la jambe gauche du musicien et battu simultanément avec la main et une fine baguette. Les dimensions relevées sur ce tambour sont de 95 cm de haut et 17 cm pour le diamètre de la peau. Il fait partie d’un ensemble instrumental qui accompagne, à Motiamo, la danse guerrière gangn.
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46. Le tambour sui barô (Motiamo, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Sui hannon Signifiant littéralement tambour femelle (sui, tambour, hannon, femelle), sui hannon est un court cylindre sans pied dont la caisse de résonance est légèrement arrondie. Il est muni d’un dispositif de transport. Pendant le jeu, ce tambour est tenu entre les jambes et battu avec les mains. Il forme une paire avec le tambour sui barô au cours de la danse guerrière gangn. Les dimensions de ce tambour sont de 58 cm de hauteur et de 23 cm pour le diamètre de la peau. Timmbana (singulier, timmbanin) Ce sont des tambours appariés (mâle et femelle) dont la forme rappelle celle d’un calice ou d’un mortier à piler le mil. Pendant le jeu, ils sont inclinés (supportés par des fourches ou tout autre objet) et battus par un seul musicien, à l’aide de deux baguettes crochues. Ces tambours accompagnent, à Zaghala, les danses kon’go et naya. À Motiamo, ces tambours appariés sont dénommés timmbana ou timmpana et accompagnent plusieurs danses comme benntéréri, djamééri ou naman et les prêtres vogora.
47. Le tambour sui hannon (Motiamo, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
48. Deux tambours timmbana accompagnant les danses kon’go et naya (Zaghala, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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Djékoudjè sui Signifiant « tambour de djékoudjè », djékoudjè sui un grand tambour cylindrique sans pied, à patine naturelle. Pendant le jeu, il est tenu incliné entre les jambes du musicien qui bat la peau avec les mains. Il accompagne, à Boromba, la danse djékoudjè. Pintini La forme de ces tambours rappelle celle d’un calice ou d’un mortier à piler le mil. Pendant le jeu, ils sont tenus entre les jambes et battus avec les mains. Ils sont munis, chacun, d’un dispositif de transport et accompagnent, à Boromba, la danse djékoudjè.
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2. Tambour à une peau lacée Pitini ou korowéribètèdjégouba De par sa conception, ce tambour que nous avons vu à Motiamo épouse les mêmes caractéristiques que le tambour djembé utilisé par les Malinké et les Bambara. Pour le jouer, le musicien le tient incliné entre les jambes et le bat avec les mains. Ce tambour change de nom en fonction de la danse qu’il accompagne. Quand il accompagne des danses de réjouissance comme les danses logan et naya, il porte le nom de pitini. Lorsqu’il fait partie de l’ensemble instrumental qui accompagne la danse guerrière gangn, il prend la dénomination de korowéribètèdjégouba (littéralement « Dieu faut pas envoyer des guêpes ») qui est le rythme joué par ce tambour.
52. Le musicien, à droite joue le tambour pitini ou korowéribètèdjégouba pour accompagner la danse naya (Motiamo, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.) 53. Un tambour djémé accompagnant les danses naya et kon’go (Zaghala, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
49. Le tambour djékoudjè sui (Boromba, souspréfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
50. Deux tambours pintini accompagnant la danse djékoudjè (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Pétéha Ce petit tambour cylindrique, observé à Boromba, présente des entailles au niveau inférieur de la caisse de résonance. Dressé verticalement sur le sol, il est battu avec une fine baguette pour accompagner la danse des chasseurs kpan-nan. Sui
C’est un tambour dont la forme rappelle celle d’un calice ou d’un mortier à piler le mil. Pendant le jeu, il est tenu entre les jambes du musicien et battu avec les mains. Ce tambour accompagne, à Boromba, la danse kpan-nan. Gbogboti sui et gbogboti sui yé Signifiant respectivement « tambour de gbogboti » et « petit tambour de gbogboti » (yé, signifiant « petit »), gbogboti sui et gbogboti sui yé sont deux tambours dont la forme rappelle celle d’un calice ou d’un mortier à piler le mil. Pendant le jeu, ils sont tenus entre les jambes et battus avec les mains. Le tambour gbogboti sui (recouvert d’une peau de gazelle) est plus grand. Ces deux tambours accompagnent, à Boromba, la danse gbogboti.
51. Un tambour kré sui accompagnant la danse bononcola (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Kré sui Ces tambours ont la forme d’un cylindre sans pied. Dans l’exercice de leurs fonctions, ces tambours sont portés à l’aide d’une sangle, à l’épaule gauche des musiciens qui les battent avec deux baguettes crochues. Au nombre de deux, ils ont été observés à Boromba où ils font partie de l’ensemble instrumental qui accompagne la danse bononcola.
Djémé La caisse de tambour ressemble à un calice ou à un mortier à piler le mil. La peau est maintenue en place par un système de laçage. Entre les cordes qui tendent la peau se trouvent de gros morceaux de bois faisant office de coins. Pour le jouer, le musicien le tient incliné entre les jambes et le bat avec les mains. Observé dans le village de Zaghala, il accompagne plusieurs danses et est joué de deux manières : lorsqu’il accompagne les danses naya et kon’go, le musicien le pose sur le sol (horizontalement) et bat la peau avec les mains ; quand il accompagne la danse béli, il est porté au cou à l’aide d’une courroie et joué avec les deux mains. On nous signala également l’existence de tambour djémé à Motiamo où il accompagnerait plusieurs danses comme djamééri ou naman, gobi, odié. Ne l’ayant pas vu, nous ne savons pas si le djémé de Motiamo a les mêmes caractéristiques morphologiques que celui de Zaghala.
3. Tambour à deux peaux lacées Benntéré sui Il s’agit d’un petit tambour cylindrique à deux peaux lacées. Des cordes latérales, reliant ces deux peaux, le faisant ressembler à un tambour d’aisselle en forme de sablier. Pendant le jeu, il est porté à l’épaule à l’aide d’une fine cordelette. La peau est battue à l’aide d’une baguette en bois. Il accompagne, à Boromba, la danse dangbana ou dangbanaga.
54. Un tambour benntéré sui accompagnant la danse dangbana ou dangbanaga (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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4. Tambour d’aisselle en forme de sablier Longan ou logan Il est formé d’une petite caisse évidée présentant un rétrécissement médian et pourvue d’une peau tendue aux deux extrémités. Des cordes latérales relient ces deux peaux, de sorte que les variations de pression imprimées à ces cordes permettent d’obtenir une variation parallèle de la hauteur des sons en frappant sur la peau du tambour. Comme son nom l’indique, le joueur tient l’instrument sous son aisselle gauche et le bat avec une baguette recourbée qu’il tient de la main droite, parfois aussi à main nue. Cette technique de jeu permet au tambourinaire d’obtenir des glissandi : lorsqu’il presse avec le bras sur les cordes reliant les deux membranes, la tension de celles-ci augmente ; lorsqu’il relâche la pression, la tension diminue14. L’existence du tambour d’aisselle longan ou logan dans le patrimoine organologique des Dégha nous a été révélée par les sages de Zaghala et Diaka Kouman, notre informateur originaire de Motiamo. Là, il ferait partie de l’ensemble instrumental qui accompagne la danse de réjouissance odié. Mais au cours de nos recherches, nous ne l’avons vu dans aucun village (pour le visuel d’un tambour d’aisselle en forme de sablier, voir photo n° 17).
5. Tambours sur cadre Benntéré sui yé Ressemblant à une caisse de batterie, ce petit tambour a sa peau tendue sur un cadre cylindrique court fait de bois. Le mode de tension de la peau est semblable à celui d’une caisse claire qu’on rencontre dans les batteries. Observé à Boromba, ce tambour se joue de deux façons : quand il accompagne la danse dangbanaga ou dangbana, le musicien, debout, le tient au niveau de l’aisselle et percute la peau avec une baguette en bois ; lorsqu’il accompagne la danse djékoudjè, le musicien, assis, le tient entre les jambes et le bat avec une fine baguette tout en pressant la peau avec le pouce de la main gauche ; ce qui lui permet de varier les sons. 55. Le tambour benntéré sui yé accompagnant la danse dangbana ou dangbanaga (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Bésse, tabalé, titine Ce sont des tambours à peau faits d’un cadre en bois de forme carrée ou rectangulaire, recouverts d’une peau unique maintenue avec des clous en fer sur leur partie supérieure. Selon certains organologues, la manière dont les planchettes sont clouées indiquerait une influence européenne. Pour consolider la caisse de résonance, deux barres de bois, formant une croix, sont fixées dans la partie intérieure de l’instrument. La membrane provient de différents animaux domestiques (mouton, bœuf, cabri). Les dimensions du tambour varient en fonction du cadre. 14 KONIN (A.), Les Instruments de musique Koulango (région nord-est de la Côte d’Ivoire), Tervuren, MRAC, collection digitale « Documents de Sciences humaines et sociales », 2007, p. 19.
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Avant chaque utilisation, la membrane doit être réchauffée au feu pour maintenir la tension désirée. Ce qui distingue ces tambours, c’est que la hauteur du cadre est inférieure au diamètre de la peau. Nous avons vu ces tambours sur cadre en pays agni (Abengourou) et éhotilé (Adiaké) où ils accompagnent les danses kléba et konkoma. La technique de jeu varie en fonction de l’instrument. Il peut être placé contre la poitrine du musicien qui le tient par une main, et frappe sur la membrane à rythme répété à l’aide d’une baguette ou des mains. Il peut aussi être tenu par une autre personne pendant que le musicien, à l’aide de deux baguettes, frappe sur la membrane tendue. D’autres peuvent être posés sur les genoux des instrumentistes qui les battent avec de fines baguettes. Les noms agni de ces instruments se rapprochent dans certains cas des dénominations dégha. Le tambour bésse est plus grand et servirait de basse comme le tambour bawn des Agni (frappé de coups plus espacés avec une grosse baguette). Le tabalé se joue certainement avec de fines baguettes comme le tamalé agni. Il est de taille moyenne. En certaines parties de la danse, le musicien joue le tamalé avec une baguette et le pouce ; ce qui lui permet de varier les sons. Lors des prestations, le ton est toujours donné par le tamalé. Quant au tambour titine, de petite taille, il devait être joué avec les deux mains comme le tambour titine ou atidy (« appuyer avec les mains ») des Agni. Les tambours bésse, tabalé, titine, aujourd’hui tombés en désuétude, accompagnaient, à Zagha, une danse dénommée konkoma, qui aurait également existé à Motiamo.
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56. Des tambours sur cadre banwn, pambi, titine, tamalé, akèdèba accompagnant la danse kléba (Amélékia, région d’Abengourou). (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2001.)
6. Tambour sur calebasse
Benntéré C’est un tambour à membrane dont la caisse de résonance est en calebasse. Une peau d’animal est tendue sur une calebasse sphérique dont la partie supérieure a été enlevée. Cette peau est tendue par des courroies en nylon qui couvrent la caisse d’un filet. Pour le jouer, le musicien le tient suspendu au cou et frappe la peau avec les mains nues. Il fait partie de l’ensemble instrumental qui accompagne, à Boromba, la danse dangbana ou dangbanaga.
7. Tambours sur poterie Naya ou kpan-nan sui Ce sont des tambours à membrane dont la caisse de résonance est en poterie. Une peau d’animal est tendue par coins sur un grand pot en terre cuite à panse arrondie avec un col évasé de forme sphéroïde (servant usuellement de jarre à eau). La décoration de leur panse présente un piquetage gravé, sans autre dessin. Pour retendre la peau, le tambourinaire a placé de petits coins en bois au milieu de chaque assemblage de corde. Pour les jouer, les musiciens les posent à même le sol, un peu inclinés. Chaque tambour est joué par un musicien qui percute la peau (retenue par des lanières) de son instrument avec deux baguettes très légères, en moelle de palmier et composées de deux parties : la pièce
57. Un tambour benntéré accompagnant la danse dangbana ou dangbanaga (Boromba, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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faisant marteau est enfoncée comme une cheville dans le manche. Ils sont toujours munis d’une bretelle de suspension en fibres. Le tambour naya accompagne, à Motiamo, la danse du même nom. On le retrouve également dans le village de Zaghala où il accompagnait la danse du même nom. Endommagé, il est remplacé aujourd’hui par deux tambours appariés timmbana pour accompagner la danse naya. Quant au tambour kpan-nan sui (« tambour de kpan-nan »), il fait partie de l’ensemble instrumental qui accompagne, à Boromba, la danse kpan-nan. De par sa taille relativement grande, il est parfois dénommé kpan-nan sui djénou ou kpan-nan sui djénon (« grand tambour de kpannan »). 58. Un tambour naya accompagnant la danse du même nom (Motiamo, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo : Aka Konin, 2008.)
Vi sui ou kpan-nan sui Ces tambours présentent les mêmes caractéristiques morphologiques que les précédents. Toutefois ils se différencient de ceux-ci par leur taille relativement petite. Le tambour vi sui (vi, poterie, sui, tambour) fait partie de l’ensemble instrumental qui accompagne, à Motiamo, la danse naya. Il est battu avec deux baguettes. Deux tambours, identiques au tambour vi sui, nommés kpan-nan sui accompagnent, à Motiamo et à Zaghala, la danse kpan-nan. Celui de Boromba est recouvert d’une peau de gazelle. De par leur taille relativement petite, ils sont parfois appelés kpan-nan sui yé (« petits tambours de kpan-nan »).
8. Tambours sur métal
59. Un tambour kpan-nan sui accompagnant la danse kpannan (Motiamo, sous-préfecture de Bondoukou). (Photo: Aka Konin, 2008).
Sui kpla Sui kpla (mot à mot, « tambours jumeaux ») sont des tambours jumelés (mâle et femelle) dont la caisse de résonance est en métal forgé. Une peau d’animal est tendue sur un tube métallique de forme conique. La membrane est fixée par l’intermédiaire d’un cercle de métal passé autour de la partie supérieure du tambour et par des vis de serrage, faisant office de tendeurs. Pour tendre ou détendre la peau, le musicien serre ou desserre ces vis qui maintiennent en place les tendeurs, encastrés dans les coins. Ces instruments reposent par terre sur un support métallique tétrapode. Servant toujours couplés, ils sont battus avec les mains par un seul musicien. La caisse de résonance des tambours sui kpla peut aussi être en bois. Mais la forme courante est celle avec une caisse en métal. Ils accompagnent, à Motiamo, la danse des jeunes odié qu’on retrouve également en pays nafana (pour un visuel de tambours sur métal, voir photo n° 26).
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Chapitre iii - Les cordophones Les cordophones, ou instruments à cordes, présentent des cordes tendues qui résonnent lorsqu’elles sont pincées (par les doigts ou un plectre), frottées, frappées ou actionnées par le vent)15.
1. Arc-en-bouche Cet instrument à une corde, le plus primitif que l’on connaisse et dont l’existence est attestée en Europe à l’époque paléolithique (gravure rupestre de la grotte des Trois Frères), a été signalé sur le continent africain depuis le Sénégal et le Mali jusqu’au Cap. La première mention de son usage chez les Hottentots remonte au XVIIe siècle (A. Schaeffner cité par K. Aka et G. Guiraud)16. Quand on l’utilise tout simplement comme un instrument de musique, le corps de l’arc est plus fortement courbé que l’arc de chasse. Djandjoula L’arc-en-bouche djandjoula se présente de la manière suivante : entre les deux extrémités d’un arc est tendue une corde provenant du palmier qu’on frappe à l’aide d’une baguette en bambou ; le son est amplifié par la bouche du musicien (qui fait office de résonateur). H. Zemp (cité par K. Aka et G. Guiraud)17 en décrit la technique de jeu : « Le musicien tient l’arc musical de la main gauche, le bras tendu, et fait passer la corde entre ses lèvres, à quelques centimètres du bois. À l’aide d’une mince baguette, il frappe avec la main droite sur la corde, entre sa bouche et le bois de l’arc. Dans la main gauche, il tient également un bâtonnet qu’il appuie rythmiquement sur la corde, raccourcissant ainsi la longueur vibrante. Cette technique de jeu est très répandue en Afrique. Aux deux sons fondamentaux obtenus par la percussion, s’ajoutent des harmoniques formées dans la cavité buccale qui joue le rôle d’un résonateur à volume modifiable. » L’existence de cet instrument chez les Dégha de Motiamo nous a été révélée par notre informateur, Diaka Kouman.
2. Harpe fourchue Djourou La harpe fourchue djourou est un instrument dont les cordes (généralement en fibres végétales) sont tendues entre les deux branches d’une fourche en forme d’arc, fixée sur une calebasse sphérique dont la partie inférieure est ouverte : cette partie est appuyée contre le ventre du musicien qui, en la pressant contre lui ou en l’éloignant, peut faire varier le timbre. Pendant les prestations, il tient généralement l’ins15 JENKINS (J.), op. cit., p. 31. 16 KONIN (A.), GUIRAUD (G.) Les Instruments de musique Gban (région centreouest de la Côte d’Ivoire), Tervuren, MRAC, collection digitale « Documents de Sciences humaines et sociales », 2008, p. 24. 17 Ibid., p. 24.
Dessin 1 : Musicien jouant un arc-en-bouche djandjoula. (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2009.)
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trument horizontalement, pinçant les cordes avec les doigts des deux mains. Destinée à l’accompagnement du chant, la harpe fourchue djourou est jouée par le musicien en vue de se divertir. Les thèmes véhiculés par les chants sont des faits de la vie quotidienne. L’existence de cet instrument à Motiamo nous a été révélée par Diaka Kouman. On retrouve également la harpe fourchue en pays baoulé (centre) où elle porte le même nom. Certains villages agni du Moronou comme N’guinou (centre-est) ont connu cet instrument qu’ils appellent également djourou.
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Chapitre Iv - Les aérophones Les plus représentés dans le patrimoine organologique des Dégha sont les trompes traversières.
1. Trompes traversières Béli et gnigra Pour la fabrication des trompes béli, les Dégha de la localité de Zaghala, ont utilisé comme matière première, les cornes, torsadées et curvilignes de bovidés. Il s’agit des cornes de gazelle dont on a prélevé la pointe et où l’on a percé un trou situé quelques centimètres plus bas et qui sert d’embouchure latérale. Ces instruments, de forme conique et sans trou d’intonation, sont au nombre de 7 dont 6 de taille relativement grande. La petite, l’instrument soliste, se nomme béyé et, au cours des prestations, elle donne le ton, exécute la musique, reprise à l’unisson par les autres trompes, sous forme de vocalises. Ces trompes servaient autrefois à accueillir les guerriers. Aujourd’hui, elles servent pour la danse. Quant à la trompe gnigra dont l’existence nous a été signalée à Motiamo, elle est également faite avec les cornes de bovidés. Il s’agit des cornes de buffle kopinanhon, de gazelle an, de djôho, de khoho et de laou (noms vernaculaires). Servant d’instrument de signalisation, la trompe gnigra accompagne les dignitaires. En position de jeu, les trompes béli et gnigra sont tenues en travers, à peu près horizontalement (d’où l’appellation de trompes traversières), le pavillon dirigé à droite ou à gauche du musicien ; la main gauche ou la main droite, tout près de l’embouchure. La colonne d’air est mise en vibration par la pression des lèvres du joueur.
Dessin 2 : Une harpe fourchue djourou. (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2009.)
60. Musiciens soufflant dans des trompes béli pour accompagner la danse du même nom. À gauche, l’instrument soliste béyé. (Zaghala, sous-préfecture de Sorobango). (Photo : Aka Konin, 2008.)
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Chapitre V - Les genres musicaux traditionnels 1. Musiques funéraires et de réjouissances Awéssi : musique funéraire ou de réjouissances exécutée par les personnes des deux sexes. Le principal instrument rythmant cette musique est une sanza awéssi. Benntéréri : musique funéraire ou de réjouissances exécutée par les personnes des deux sexes. Plusieurs tambours dont deux appariés timmbana ou timmpana rythment cette musique. Dabo : musique de réjouissances des femmes, rythmée par des battements de mains et traditionnellement exécutée au clair de lune. Les chants véhiculent des histoires de la vie quotidienne. Disposées en ronde, les musiciennes entonnent à tour de rôle un chant repris à l’unisson. Djamééri ou naman : danse des masques qui a lieu à la fin de l’année pour annoncer la lune. Cette danse masquée qui a lieu au clair de lune permet de purifier la cité. Les instruments qui l’accompagnent sont constitués principalement de tambours dont deux tambours appariés timmbana ou timmpana et un djémé. Djékoudjè : musique funéraire ou de réjouissances exécutée par les personnes des deux sexes. Lors des prestations, les danseurs s’alignent les uns à la suite des autres et font une ronde. Les chants sont rythmés par un grand tambour djékoudjè sui, deux tambours pintini et un anneau de doigt percuté kpalé. Djourou : musique de réjouissance, exécutée généralement le soir par une personne, qui s’accompagne d’une harpe fourchue djourou. Gobi : musique de réjouissances exécutée par des hommes et des femmes. Trois tambours dont un djémé, deux tambours jumelés (sur métal ou en bois) sui kpla, une cloche métallique daouro accompagnent cette musique. Hanchui : musique exécutée par des femmes pour mettre fin aux cérémonies de mariages traditionnelles. Les chants sont accompagnés par un tambour d’eau hanchui et une calebasse percutée sur une poterie vi. Hannan lou : musique exécutée par des femmes au cours des cérémonies de mariages traditionnels. Les chants sont accompagnés par un tambour d’eau lou et une calebasse percutée sur une poterie vi Kon’go : fête de réjouissance des jeunes filles dont la musique est exécutée pendant la fête des ignames. Lors des prestations, la danseuse, en pagne traditionnel, porte sur la tête un colis enveloppé dans un pagne dans lequel sont incrustés des miroirs. Tenant dans les deux mains des chasse-mouches, et comme prise de possession, elle fait le tour sans que le colis ne tombe. Les chants sont rythmés par des battements de mains et deux tambours appariés timmbana. Logan : musique exécutée par des femmes lors des funérailles et des réjouissances. Les chants sont rythmés par des paires de hochets en calebasse logan. Mandié : musique funéraire et de réjouissances, exécutée par des femmes. L’ensemble instrumental qui rythme cette musique comprend trois gourdes en calebasse (percutées sur le sol) langôgni, des lames de houe percutées pali. Naya : musique exécutée par des hommes et des femmes au cours des funérailles des chefs coutumiers. C’est aussi une danse de réjouissance. Lors des prestations, les danseurs font des acrobaties (se roulent à terre). Les instruments qui accompagnent cette musique sont des tambours en poterie naya, vi sui et des tambours en bois pitini, timmbana, djémé. Pour rythmer les chants, les danseurs portent des grelots de chevilles yéga.
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Odié : musique de réjouissances exécutée par des jeunes. Les instruments utilisés sont un djémé, deux tambours jumelés (sur métal ou en bois) sui kpla, une cloche métallique daouro et un tambour d’aisselle en forme de sablier logan. Tchémou : danse exécutée le septième jour de mariage traditionnel pour accueillir les mariés. Au cours des prestations, chaque danseur tient en main un bâton et porte aux chevilles des sonnailles en feuilles de rônier yéga. Une fille déguisée en mariée, le visage couvert d’un morceau de pagne est assise parmi l’assistance. Chaque danseur, après son exhibition, se dirige vers elle et soulève son voile. Constitués essentiellement d’idiophones, les instruments de musique sont une calebasse percutée lou et une cloche double daouro. Tchooli : musique de réjouissances exécutée généralement par deux personnes à l’aide d’un xylophone sur tronc de bananier tchooli. Wara : danse mixte exécutée au cours des cérémonies de mariage traditionnelles. Plusieurs instruments accompagnent cette danse.
2. Musiques funéraires Dagbanaga ou dagbana : musique funéraire, exécutée par les petits-fils d’une personne âgée décédée. Les instruments qui accompagnent cette musique sont composés d’un tambour sur calebasse benntéré, un petit tambour à deux peaux lacées benntéré sui et un petit tambour sur cadre benntéré sui yé.
3. Musiques de chasse Kpan-nan : très ancienne danse des chasseurs de buffles et d’éléphants exécutée pour rendre gloire à un chasseur ou un groupe de chasseurs, après une chasse fructueuse et aussi pendant leurs funérailles. Lors des prestations, les danseurs sont vêtus de tenues traditionnelles, parés d’amulettes et tiennent en mains des fusils de fabrication artisanale kpamin. Les danseurs simulent des scènes de chasse (traque, abattage d’animaux). Des têtes d’animaux (buffles) sont exhibées. Y prennent également part des femmes et des enfants. L’ensemble instrumental comprend généralement des tambours en poterie kpan-nan sui, des anneaux de doigts percutés kpala, des cornes de buffle percutées nangningra, un tambour à peau lacée pitini, un tambour sui et un tambour pétéha.
4. Musiques de guerre Béli : musique exécutée pour accueillir le retour triomphal des guerriers. Des musiciens répondent par des sortes de vocalises à la musique instrumentale produite par les trompes. C’est une musique dansée par des acteurs en costumes traditionnels de guerre (sortes d’habits en filets). L’ensemble instrumental est composé de sept trompes en cornes de gazelle béli et une cloche double daouro. Gangn : danse mixte exécutée par des initiés. Les hommes (hommes et enfants) dansent avec des gestes symboliques, le torse et les pieds nus, le rein ceint d’un morceau de pagne. Certains danseurs portent des costumes de guerre to n’tianan (incrustés de plusieurs amulettes et miroirs). Plusieurs gestes sont faits des mains par les musiciens de l’assistance qui par moments versent du sable sur le dos des danseurs (signe de respect et de considération chez les Dégha). Certains viennent se coucher devant les danseurs (signe de respect et de soumission). La musique vocale est soutenue par un ensemble instrumental comprenant un tambour sui barô, un tambour sui hannon, un tambour korowéribètèdjégouba.
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Traditions musicales chez les Nafana et les Dégha
Annexe 1
5. Musiques religieuses Gbogboti : musique religieuse exécutée à l’occasion de la fête en l’honneur de la divinité protectrice du village. Cette fête qui regroupe tout le monde a lieu chaque année, au mois d’août, avant les nouvelles récoltes. Les chants sont accompagnés par deux tambours gbogboti sui et gbogboti sui yé. Vogora : musique rituelle pratiquée des jours spéciaux par les prêtres ou devins vogora (singulier, vogoro). Les vogora jouent dans tout village un rôle protecteur, curatif, de divination. C’est une danse durant laquelle « les génies » sont censés habiter la personne du prêtre vogoro pour lui indiquer les causes d’une maladie, faire des prédictions. Cette danse rituelle est le moyen par excellence d’afficher la possession. Lors des prestations, les vogora se vêtent d’une tenue blanche, la tête ceinte d’un morceau de tissu blanc et portent une jupe faite de fibres végétales. Les chants sont rythmés par deux tambours appariés timmbana ou timmpana et une grande cloche daouro.
6. Musiques initiatiques Bononcola : musique liée à la fête de génération bononcola, regroupant tous les quinze ans les jeunes (formant une génération). À la tête du groupe se trouve le barifouô ou coupeur de tête, le visage teint de noir, tenant en main un coupe-coupe. Les autres membres sont vêtus de costumes traditionnels, la tête ceinte d’un morceau de foulard. L’un des initiés porte un accoutrement dans lequel sont enfilées une cloche lato et des clochettes yégui ; ce dernier tient en main une sorte de canne de commandement. Au cours de la danse, les initiés qui dansent en cercle sautillent dans tous les sens. Une femme, vêtue de percale blanche, sacralise l’aire de danse avec une eau lustrale contenue dans un récipicient. La musique instrumentale est produite par deux tambours cylindriques kré sui et trois cloches donni.
Conclusion générale Cette étude a permis, d’une part de révéler au grand public les peuples Nafana et Dégha de la région de Bondoukou, inconnus ou peu connus de la majorité de la population ivoirienne, et d’autre part, de montrer la richesse et la diversité de leur culture musicale. Nombre d’instruments nafana et dégha ont d’ores et déjà disparu. Beaucoup d’autres voient la fréquence de leur emploi se raréfier, et se trouvent donc en voie de disparition avec pour corollaire la perte de certains genres musicaux traditionnels. Face à cette situation qui pourrait devenir irréversible, toutes les cultures musicales ivoiriennes doivent faire l’objet d’un inventaire systématique pendant qu’il en est encore temps. Car du fait de son immatérialité, ce type de patrimoine est le plus menacé. Méditons ensemble sur cette phrase de Juan Goytisolo, écrivain espagnol et président du jury international pour la Première Proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité : « Dans un monde subjugué par l’ubiquité des technologies, la culture orale, qu’elle soit primaire ou hybride, est gravement menacée et justifie une mobilisation internationale pour la préserver d’une extinction progressive18 ». 18 GOYTISOLO (J.), in Première Proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité, Paris, UNESCO, 2001, p. 5.
Terminologie
musicale
supplémentaire
nafana
Cette terminologie que nous donnons dans les pages suivantes concerne les instruments de musique, les danses et les termes d’intérêt musical que nous avons recueillis chez les Nafana de Wélékéi, de Tambi, de Boroponko, de Tissié, de Soko et de Bondoukou. Nafana de Wélékéi Binngué : tambour (terme générique). Binngué bôfon : tambourinaire. Binngué fian : petit tambour. Binngué gbôgô : grand tambour. Binngué manan : timbre du tambour. Golognié : baguettes ou crochets à tambouriner. Houkonississaga : chanter mal. Houkonitchitchiégué : chanter bien. Kôfon : chanteur. Kôm ou koum : funérailles. Kômô ou kô : chanter. Kônmkikô ou koumkô : fin des funérailles. Lékouno : veuvage. Lékouplô : veuf. Lékoutchô : veuve. Manan : la voix. Manan fian : une voix aigue. Manan gra n’ga : une voix grave. Mougoura : conte. Mougoura gbonfon ou mougoura gboufon : conteur. Prangan : jeu. Sagalèfon : chasseur. Sagalèguè : chasser. Se komwourou ou se koumwourou : annonce du décès. Sonnin : rite de libation. Tchèlèfon (pluriel, tchèlèfinguèlè) : prêtre, prêtresse, devin, devineresse. Yébinnguégbon : jouer du tambour. Yèchiôrô : fête. Yèlégnon : fête traditionnelle qui a lieu fin décembre. Yépantchiokiwo : entonner un chant. Yéyô : danser. Yiligué : chanson. Yinniguè ou yinnnguin : mélopées funèbres. Yôfon : danseur de masque. Yôrô : danse.
Nafana de Tambi Figuélié : traditionnelle fête de l’igname qui a lieu chaque année au mois d’octobre. Ilé : chanson. Ilé kô : chanter. Ilé kôfon : chanteur. Koum : funérailles. Kponrô : cérémonie funéraire de tous les morts du village. Elle a lieu chaque année au mois de mai. Mana : la voix. Pibôfon : tambourinaire. Pikin : baguettes ou crochets à tambouriner. Salèfon : chasseur. Sè : chasser. Sinfon : féticheur (adorateur, détenteur de fétiche). Tambi : tambour. Wagalié : fête du fonio qui a lieu chaque année au mois de mai. Yôrô : danse, danser. Nafana de Boroponko Bedou : masque, danse masquée. Fignéguélié : traditionnelle fête de l’igname qui a lieu chaque année au mois de septembre. Ilé : chanson. Ilé kôfon : chanteur. Kèlèfon : prêtre, prêtresse, devin, devineresse. Kôn’go : chanter. Koumourô : funérailles. Mana : la voix, timbre du tambour. Mékisson : rite de libation. Moura : conte. Moura kôfon : conteur. Ninguin : chasser. Oumana kpôwe : un chanteur à la voix grave. Oumana wafian : un chanteur à la voix aiguë. Pingué : tambour. Pingué bilé : petit tambour. Pikan (singulier, pikingn) : baguettes ou crochets à tambouriner. Pikpôgô : grand tambour. Piniri : tambour sur calebasse. Sagalèfon : chasseur. Sakaralié : fête en l’honneur de la divinité protectrice sakara. Elle a lieu chaque année après la fête du fonio. Sinfon : féticheur (adorateur, détenteur de fétiche). Wagalié : fête annuelle du fonio. Wikôgôtchin : cet homme chante mal. Woukôgôtchin : cet homme chante bien.
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Yèchôrô : fête. Yôrô : danse, danser. Nafana de Tissié Bigbôgô : grand tambour. Biligbôgô : fête. Binngué : tambour. Binngué fian : petit tambour. Binngué gnininguin : timbre du tambour. Boffouô : danse des chasseurs. Figniguéligué: traditionnelle fête d’igname qui a lieu chaque année au mois d’octobre. Gnansorogo : fête du feu de brousse qui a lieu chaque année au mois de décembre. Elle a pour but de conjurer le mauvais sort, d’implorer les divinités afin que les récoltes soient bonnes. Kahangan ou binngué kahangan : baguettes ou crochets à tambouriner. Kô : chanter. Koumôron (singulier, konmon) : funérailles. Manan : la voix. Mougoura : conte. Moura gbôfon : conteur. Omananfi : une voix aiguë. Omanangbôgbô : une voix grave. Oumèguèkôgôdjin : cet homme chante bien. Ossimèguèkôgôdjin : cet homme chante mal. Sawalèfon: chasseur. Sawalèguè : chasser. Tchèlèfon : prêtre, prêtresse, devin, devineresse. Toumani : tambours appariés. Wuiésonni : rite de libation. Yiligué ou mèguè : chanson. Yili kô n’gon/ kôfon : chanteur. Yô : danser. Yôrô : danse. Nafana de Soko Bingbôgô : grand tambour. Binngué : tambour. Binngué bikeing: baguettes ou crochets à tambouriner. Binngué fian : petit tambour. Binngué gbôbonfon : tambourinaire. Binngué manan : timbre du tambour. Koumou : funérailles. Manan : la voix. Mananbèrèm : une voix aiguë. Manangbô: une voix grave. Mougoura : conte. Moura gboufon : conteur. Nanchiméwonikougoulonan : rite de libation. Ni : chasser.
AKA Konin
Ouyilékômoudjin : cet homme chante bien. Pannaga : jeu. Sagalèfon: chasseur. Sanguè : fête en l’honneur des divinités qui a lieu chaque année au mois de juin. Sinfon : féticheur (adorateur, détenteur de fétiche). Wouyilékômoudjin : cet homme chante mal. Yèguèchôrô : fête. Yilé: chanson. Yiligué : chanter. Yili kôfon : chanteur. Yôfon : danseur de masque. Yôrô : danser, danse. Nafana de Bondoukou Binngué : tambour. Binngué gbôgô : grand tambour. Binngué fiein : petit tambour. Binngué gbounfon : tambourinaire. Binngué gbongô : jouer du tambour. Binngué kein : baguettes ou crochets à tambouriner. Binngué manan : timbre du tambour. Koum : funérailles. Koum kô : fin des funérailles. Koum gninguin : mélopées funèbres. Koum wourgo : annonce du décès. Lékouplô : veuf. Lékoutchô : veuve. Manan : la voix. Manan fiein : une voix aiguë. Manan gbôgô: une voix grave. Mougoura : conte. Mougoura gbounfon : conteur. Panngaha : jeu. Sagalèhè : chasser. Sagalèfon : chasseur. Tchêlfinglê : prêtre, prêtresse, devin, devineresse. Yèchôrô : fête. Yiléhékôgô : chanter. Yiléhé kôfon : chanteur. Yiligué : chanson. Yiliguékom : entonner un chant. Yiliguékôtchitchégué : chanter bien. Yiliguékôsissaga : chanter mal. Yôrô : danser, danse.
Traditions musicales chez les Nafana et les Dégha
Annexe 2 Terminologie
musicale
supplémentaire
dégha
Cette terminologie que nous donnons dans les pages suivantes concerne les instruments de musique, les danses et les termes d’intérêt musical que nous avons récoltés chez les Dégha de Motiamo, de Zaghala et de Boromba. Dégha de Motiamo Ego, dègoyélé : chanter. Edjingnélagoué : cet homme chante bien. Wagnélagouédjin : cet homme chante mal. Elô sui : jouer du tambour. Gbonnon : fête de réjouissance qui a lieu chaque année. Gnangan : fête à l’honneur des fétiches (divinités) qui a lieu au mois de juillet (avant la consommation des céréales). Hèlô : danse, jeu. Ikakarbalouyé : annonce du décès. Konkoma : danse traditionnelle dont les instruments sont des tambours sur cadre (aujourd’hui disparue). Koumou : fête du renouveau précédant les travaux champêtres et qui a lieu deux fois par an. Kpan-nan : chasser. Kpan-non : chasseur. Louyé : funérailles. M’la : conte. M’la noumouan : conteur. N’za : fin des funérailles. Otarédouôyéyé : une voix aiguë. Otarédouôdjénou : une voix grave. Piti : traditionnelle fête des ignames qui a lieu chaque année au mois d’août. Sala : danseur de masque. Saye : danser. Sui : tambour. Sui dari (singulier, sui da) : baguettes ou crochets à tambouriner. Sui yé : petit tambour. Sui djénou : grand tambour. Sui dègue : timbre du tambour. Sui lôlou : tambourinaire. Taro : la voix. Tchègrèbawinnin : entonner un chant. Timmbana (singulier, timmbanin) : tambours appariés. Vogoro (pluriel, vogora) : prêtre, prêtresse, devin, devineresse. Yégolo : chanteur.
Yélé : chanson. Wanwé : danse traditionnelle dont les instruments sont des tambours sur cadre (aujourd’hui disparue). Dégha de Zaghala Boffouô : danse des chasseurs. Chui (pluriel, chui suin) : tambour. Chui darè (singulier, chui da) : baguettes ou crochets à tambouriner. Chui yé : petit tambour. Chui djénon : grand tambour. Chui lôlou ou chui lôlon : tambourinaire. Chui si : timbre du tambour. Gban : danseur de masque. Hèlô : danse. Konkoma : danse traditionnelle dont les instruments sont des tambours sur cadre (aujourd’hui disparue). Kpan-nan : chasser. Louri : funérailles. Moudoulo : conteur. Moula : conte. Sacra : fête à l’honneur des divinités qui a lieu avant la récolte des vivriers. Sassalô : danseur. Saye : danser. Silèrô : fête. Songnon : traditionnelle fête de l’igname. Tarô : la voix. Tou n’gban : fête qui a lieu avant la récolte du mil. Vogoro (pluriel, vogora) : prêtre, prêtresse, devin, devineresse. Wannin : rite de libation. Yégolo : chanteur. Yélé : chanter, chanson. Yégolotasonmin : cet homme chante bien. Yégolotarasonmin : cet homme chante mal. Dégha de Boromba Bononcola : traditionnelle fête de génération qui a lieu tous les quinze ans. Gbogboti : fête traditionnelle en l’honneur de la divinité qui aurait sauvé le peuple. Elle a lieu chaque année au mois de juin (avant les nouvelles récoltes). Gbônô : traditionnelle fête de l’igname qui se déroule chaque année au mois de septembre. Goyélé : chanter. Hèlou : danse. Kpan-nan : chasser. Kpan-non : chasseur.
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Louri (singulier, loué): funérailles. Molé (pluriel, mola) : conte. Moti : conteur. Saye : danser. Siléha : fête. Sui ou chi : tambour. Sui yé ou chi yé : petit tambour. Sui djénon ou chi djénon : grand tambour. Sui da ou chi da (pluriel, sui dari ou chi dari) : baguettes ou crochets à tambouriner. Sui lôlou ou sui lôlon : tambourinaire. Tarô : voix. Yégolo : chanteur. Yélé : chanson. Yégolo odjinyélagoué : cet homme chante bien. Yégolo wayélagodjin : cet homme chante mal. Yégolo otadjégueri : un chanteur à la voix aiguë. Yégolo otabalé : un chanteur à la voix grave. Vogoro (pluriel, vogora) : prêtre, prêtresse, devin, devineresse.
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Traditions musicales chez les Nafana et les Dégha
Bibliographie BRANDILY (M.), « Un exorcisme musical chez les Kotoko », in NIKIPROWETZKI (T.), La Musique dans la vie, l’Afrique, ses prolongements, ses voisins, Paris, OCORA, 1967, p. 61. BOONE (O.), Les Xylophones du Congo belge, Tervuren, Annales du Musée du Congo belge, Ethnographie-Série III, 1936, pp. 69-144, planches. BRINCARD (M-T.), (sous la direction de), Afrique, formes sonores, Paris, Réunion des musées nationaux, 1990, p. 184. GOYTISOLO (J.), in Première proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité, Paris, UNESCO, 2001, p. 5. JENKINS (J.), (ed.) Ethnic Musical Instruments, London, Hugh Evelyn for International Council of Museums, 1970, 59 p., ill. KOBENAN (S.), « Connaissance du département. Le peuple nafanan : son origine, son arrivée à Bondoukou », in Le Soleil du Zanzan, Le Journal d’information du Conseil général de Bondoukou, n° 2 octobre-décembre 2006, p. 4. KONIN (A.), La Vie musicale chez les Agni-N’dénéan (région est de la Côte d’Ivoire), Tervuren, MRAC, collection digitale « Documents de Sciences humaines et sociales », 2007, 87 p. Voir www.africamuseum.be/publications KONIN (A.), Les Instruments de musique koulango (région nord-est de la Côte d’Ivoire), Tervuren, MRAC, collection digitale « Documents de Sciences humaines et sociales » 2007, 35 p. Voir www.africamuseum.be/publications KONIN (A.), GUIRAUD (G.) Les Instruments de musique gban (région centre-ouest de la Côte d’Ivoire), Tervuren, MRAC, collection digitale « Documents de Sciences humaines et sociales » 2008, 40 p. Voir www.africamuseum.be/publications MICHEL (A.), (éd.), Encyclopédie des instruments de musique du monde entier, France, Diagramm Group, 1976, 320 p. SCHAEFFNER (A.), « Xylophone », in Dictionnaire des civilisations africaines, Paris, Fernand Hazan, 1968, pp. 436-437. SÖDERBERG (B.), Les Instruments de musique au Bas-Congo et dans les régions avoisinantes. Étude ethnographique, Stockholm, Etnografiska Museet, 1956, 284 p., ill. TAUXIER (L.), Le Noir de Bondoukou. Koulangos, Dyoulas, Abrons, etc., Paris, Éditions E. Leroux, 1921, 770 p.
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Les instruments de musique
Gban
(Région centre-ouest de la Côte d’Ivoire)
AKA Konin GUIRAUD Gustave
Publications digitales
L es
instruments de musique gban (Région centre-ouest de la Côte d’Ivoire)
Photo de couverture : Musicienne du groupe musical koukou sa rythmant les chants avec des calebasses koukou (Sakahouo, sous-prefecture d’Oumé). (Photo : Aka Konin, 2005.) © Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren 2008 www.africamuseum.be Toute reproduction de cette publication, que ce soit par impression, photooffset, photocopie, microfilm ou tout autre moyen, est interdite sans l’autorisation écrite préalable du Musée royal de l’Afrique centrale, Leuvensesteenweg 13, 3080 Tervuren, Belgique.
isbn :
978-9-0747-5231-2
Dépôt légal : D/2008/0254/7
Aka Konin & Guiraud Gustave 2008
Aka Konin & Guiraud Gustave
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Avant-propos La présente étude sur les instruments de musique gban a été élaborée après une mission de recherche ethnomusicologique menée en collaboration par trois fonctionnaires du ministère ivoirien de la Culture et de la Francophonie. Entreprises du 7 au 16 août 2005 dans le département d’Oumé, ces recherches ont été effectuées en collaboration par messieurs Antoine Kakou, anciennement conseiller technique en charge de la formation et du patrimoine culturel, Aka Konin, conservateur de musée et Guiraud Gustave, musicienmusicologue. Réalisée dans le cadre d’un partenariat entre le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) à Tervuren (Belgique) et la direction du Patrimoine culturel (DPC) du ministère de la Culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire, cette mission a pu se réaliser grâce à un appui financier du Dr Jos Gansemans du MRAC. Si nous avons décidé de diffuser les données récoltées au cours de cette mission, c’est que les Gban (plus connus sous le nom de Gagou), que des études ethnographiques et anthropologiques ont révélés comme les plus autochtones de la Côte d’Ivoire, sont méconnus du point de vue culturel. En outre, leur patrimoine culturel d’une manière générale est menacé de disparition suite à ce phénomène d’osmose culturelle auquel nous assistons dans cette zone forestière où cohabitent Gban, Gouro et Bété. Afin d’avoir une vue d’ensemble sur le patrimoine organologique des Gban, certains instruments disparus ou tombés en désuétude dont l’existence nous a été révélée soit sur le terrain, soit par la littérature, seront également mentionnés dans le présent ouvrage. En raison de notre séjour relativement court dans les différentes localités visitées, nous ne serons pas en mesure de faire une description organologique complète de tous les instruments observés (mensurations, fabrication, technique de jeu, etc.). Outre une description directe des instruments de musique, cette étude en indique la fonction sociale, c’est-à-dire leur emploi dans les différentes circonstances. En ce qui concerne les aspects musicologiques de la matière, une restriction doit toutefois être faite. Les faits musicaux tels que hauteur du son, rythme, son et mélodie, c’est-à-dire la musique reproduite à l’aide de notes (transcription musicale) est exclue de la présente étude. Nombreux sont ceux qui de quelque façon nous ont aidés et nous tenons à adresser à chacun nos remerciements les plus vifs et les plus chaleureux. Tout d’abord nous remercions sincèrement le Dr Jos Gansemans, anciennement chef du département d’Anthropologie culturelle et de la section d’Ethnomusicologie au MRAC, ayant en charge la gestion de ce vaste projet de recherche en Côte d’Ivoire et qui nous apporte son soutien sur le plan matériel et financier. En outre, nous tenons à remercier monsieur Antoine Kakou, ancien
Les instruments de musique gban
conseiller au ministère ivoirien de la Culture et de la Francophonie, qui, ayant perçu l’intérêt de ces recherches, a tenu à nous accompagner sur le terrain. Par ailleurs, nous adressons nos vifs remerciements à messieurs Kamara Mamadou et Yao Kouakou, respectivement sous-préfets d’Oumé et de Diégonéfla, dont les différentes démarches administratives nous ont facilité le travail sur le terrain. Aussi, nous exprimons notre gratitude aux chefs des différents villages visités, notamment ceux de Lahouda, Gouéda, Tiégba, Bronda, Blékoua, Douagbo, Guépahouo et Sakahouo, et à leurs excellents musiciens pour l’agréable accueil qu’ils nous ont réservé ainsi que pour les précieuses informations fournies sur leur culture musicale. Enfin, nous ne saurions terminer sans exprimer notre reconnaissance à Jacqueline Renard, illustratrice scientifique au MRAC, qui a bien voulu réaliser tous les dessins et cartes figurant dans la présente publication. Abidjan, le 10 octobre 2007 Les auteurs
Carte 1 : La Côte d’Ivoire en Afrique. ( Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2006.) Carte 2 : Situation des villages gban où les enregistrements et les enquêtes ethnomusicologiques ont été effectués. (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2006.)
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Sommaire 4 Avant-propos 8 Introduction 10 Chapitre I : les idiophones
10 1. Idiophones par entrechoc 10 1.1. Calebasses entrechoquées 10 Koukou 11 2. Idiophones par percussion 11 2.1. Xylophones 11 Djomblo 11 2.2. Bâtons de rythme 11 Youkoui 12 2.3. Cloches 12 konzo 13 2.4. Métallophones 13 Konzo 13 3. Idiophones par secouement 13 3.1. Grelots 13 Glé gnangnan 14 3.2. Sonnailles 14 Zaha la 15 Sin 15 3.3. Cuvettes à percussion interne 15 Gliglisson 15 3.4. Hochets en calebasse 15 Sékè 15 4. Idiophones par raclement 16 4.1. Racleurs métalliques 16 Ya 16 5. Idiophones par pincement 5.1. Sanza à lamelles appliquées sur 16 une planchette (lamellophone) 16 Kpété
18 Chapitre ii : les membranophones 18 1. Tambours à une peau chevillée 18 Tingbla 19 Lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè 20 Plédou
Les instruments de musique gban
Pindri ou fintri 21 2. Tambours à une peau lacée 22 Lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè 22
Chapitre iii : les cordophones 24 1. Arcs-en-bouche 24 Dôdô 24 2. Cithares-en-terre 25 Guio môkoun ou guio yèbè 26
Chapitre iv : les aérophones 27 1. Aérophones libres 27 1.1. Rhombes 27 Wroum wroum 27 2. Aérophones par souffle 28 2.1. Sifflets 28 Bi, oupé, gbotin 28 2.2. Trompes traversières 30 Bi 30 2.3. Ocarinas 31 Kpoklé 31 2.4. Flûtes de Pan ou syrinx 32 Founou ou pounou 32 2.5. Flûtes traversières 32 Bikouré 32 2.6. Harmonica en fer 33 Bèhè 33
Conclusion 34 Annexe 1 tableau synoptique des instruments de musique gban 35 Annexe 2 index des instruments de musique cités dans cette étude 36 Annexe 3 genres musicaux traditionnels gban 37 Annexe 4 espèces animales et végétales citées 39 Liste des dessins et des cartes 39 Bibliographie 40
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Introduction Appartenant à l’aire culturelle des Mandé du sud1, les Gban ou Gagou occupent un carré d’environ 50 km de côté, dans une région forestière du centre-ouest de la Côte d’Ivoire. Tous groupés dans la circonscription administrative d’Oumé, une majorité de Gban (30 000 environ) se mêlent à quelque 10 000 Gouro-Kwéni, permettant des métissages bénéfiques à l’évolution des souches génétiques des Gban. Contrairement aux Kwéni du sud, les Gban occupent leur pays avec une assez forte densité, 24 habitants au km², et leurs villages sont beaucoup plus gros, comptant jadis en moyenne plus de 500 habitants. Ils étaient remarquables par leurs cases en couronne, à impluvium, qui ont été interdites par l’autorité militaire peu après la conquête française et ont depuis lors presque entièrement disparu. En dehors de traditions orales locales très vagues, les Gban ne se souviennent pas d’une grande migration collective. On peut simplement dire qu’ils ont été refoulés au xviiie siècle par les Kwéni du sud fuyant les Baoulé. L’enquête menée en 1957 en pays gban par B. Holas2 dans le groupement villageois de Boménanda révèle que les Gban sont les descendants d’un peuple installé jadis aux bords des lagunes ou de la mer, approximativement à l’endroit de l’actuel Dabou. Et ils disent avoir été chassés de ces terres ancestrales par les troupes d’un grand chef de guerre, nommé Gbalé, appartenant selon toute probabilité à l’ethnie appelée aujourd’hui Adioukrou. Les Gban sont généralement connus sous le nom de Gagou (déformation de Ka-gô ou Kagou en gouro-kwéni, qui veut dire « allez-vous en »), appellation qui aurait été donnée à tous les fuyards qui avaient pris contact avec les Gouro à leur arrivée dans la région gouro. Mais ayant pris conscience de la situation un peu dégradante pour l’image de leur peuple, ils rejettent l’appellation de Gagou qu’ils trouvent péjorative et préfèrent Gban qui signifie « puces » dans le sens d’un être minuscule mais agile. En raison donc de leur très petite taille, on a longtemps voulu voir en eux un élément pygmée. Sur le plan de l’organisation sociale, les Gban se subdivisent en quatre grands groupes qui sont : Boka, Nda, Bokabo et Touka. • Boka ou Gbôkoua ou encore Boké-kwa qui signifie « compter sur la force de ses propres mains », comprend six villages : Sakahouo, chef-lieu de canton, Donsohouo, Bodiba, Douagbo, Guépahouo et Digbohouo ; • Nda, « assemblée » ou « réunion », compte neuf villages : Blékoua, cheflieu de canton, Gboménéda, Dondi, Bléanianda, Zadi, Bokéda, Booda, Boéssovoda et Tonla ;
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Le groupe mandé sud comprend les Dan ou Yacouba, les Gouro ou Kwéni, les N’gen ou Ben et les Gban ou Gagou. Les Gban parlent la langue mandé du sud, langue très proche de celle des Dan ou Yacouba qu’ils considèrent d’ailleurs comme des frères. Holas (B), Le Gagou. Son portrait culturel, France, PUF, 1975, pp. 18 et suiv.
Les instruments de musique gban
• Bokabo regroupe onze villages : Dédi, chef-lieu de canton, Lahouda, Gouéda, Bronda, Tiégba, Badié, Niéboda, Bidié, Goudi-Boboda, NiadiGboménédéa et Diégonéfla ; • Touka compte six villages : Doukouya, chef-lieu de canton, Kappa, Louha, Benkro, Yohouda et Goulikao. Le kiriba désigne le clan. À cet effet, il désigne un groupe d’individus issus unilatéralement d’un ancêtre commun. Dans certains cas, ce dernier est représenté par un totem. Le kiriba constitue le support véritable de la structure sociale. Chaque village compte en moyenne 4 à 5 clans. La grande famille ou sa qui se place entre la petite famille et le clan, a un rôle considérable. Le père y tient une place prépondérante. Tout indique dans l’organisation de la société gban la tendance patriarcale et masculine de l’organisation familiale. Le père est à la tête de la famille individuelle. Il est le sakendé, c’est-à-dire le chef de la grande famille sa. Au-dessus des sakendé se trouvent les kiribakendé ou chefs de kiriba (clan). Ces derniers sont généralement les plus âgés et jouissent de beaucoup d’avantages et de respect. Ce sont eux qui offrent les sacrifices aux ancêtres. Ils ont aussi le droit primordial du partage de la terre. Les autres personnages de la hiérarchie sociale sont : bakendé (chef de village) et touakendé (chef religieux et seigneur de la terre). C’est ce dernier qui offre les sacrifices à la puissante divinité de la terre. Les Gban se répartissent en concessions ou soo regroupées en quartiers ou gligba et en villages ou ba. Ils constituent une société bilinéaire divisée en lignages patrilinéaires, les sowidi, qui régissent la chasse au filet et la politique. Ils s’inséraient jadis au niveau du village et à présent à celui du quartier. Mais la société est généralement répartie en lignage matrilinéaire, les kpè, dont dépendent les alliances et les héritages3. Dans leur religion, mal connue, le culte des esprits de la nature paraît avoir été plus important que celui des ancêtres. Ils connaissent une économie d’éleveurs, avec de nombreux bœufs de la petite race des lagunes, et surtout d’arboriculteurs. Le taro était la nourriture de base, la banane appréciée et très valorisée, mais le riz était ignoré. La kola, récoltée à l’occasion, ne jouait aucun rôle important et n’était pas exportée. Tout reposait sur la chasse, surtout la chasse collective au filet dont l’organisation était en rapport avec l’ensemble de la structure sociale. La cueillette jouait aussi un grand rôle. Tout cela rappelle la civilisation des Bété et Dida, de langue krou. L’artisanat était assez médiocre et les forgerons peu nombreux, mais les Gban passaient pour d’excellents tisserands et ils cultivaient jadis le coton. Les marchés étaient inconnus. Il s’agit donc d’une civilisation typiquement forestière et très repliée sur elle-même. Seule l’importance du tissage surprend dans ce tableau4.
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Holas (B.), op. cit., pp. 18 et suiv. Ministère du Plan, ORSTOM (Office de la recherche scientifique et technique Outre-mer), université d’Abidjan (Institut de géographie tropicale), Atlas de Côte d’Ivoire, 1979, pp. B2 a et suiv.
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Chapitre i : les idiophones
2. Idiophones par percussion
On entend par « idiophones » les instruments produisant des sons par eux-mêmes, c’est-à-dire dans lesquels la matière dont ils sont faits vibre lorsqu’on les utilise et produit un son qui leur est propre5. Les idiophones sont nombreux et ont été groupés selon la manière dont la matière est amenée à vibrer : par entrechoc, par percussion, par secouement, par raclement et par pincement. Cette répartition donne ainsi : 1. Les idiophones par entrechoc, 2. Les idiophones par percussion, 3. Les idiophones par secouement, 4. Les idiophones par raclement, 5. Les idiophones par pincement. Les quatre types d’idiophones sont représentés chez les Gban. Cette catégorie d’instruments (idiophones) est la plus riche et la plus représentée dans le patrimoine organologique gban, comme dans la plupart des cultures musicales de la Côte d’Ivoire.
Dans la percussion, note Montandon (cité par B. Söderberg8), un des corps résonne, l’autre pas ; cela permet d’obtenir des sons plus purs que dans l’entrechoc. Chez les Gban, les instruments de ce groupe sont en bois et en métal. Ils sont percutés à l’aide de baguettes en bois ou en métal.
1. Idiophones par entrechoc Les idiophones par entrechoc, selon Hornbostel et Sachs (cités par B. Söderberg6) sont des instruments très simples composés de deux parties ou plus, que l’on frappe l’une contre l’autre. Dans l’entrechoc, selon Montandon (cité par le même auteur7, les deux corps sont producteurs du son). 1.1. Calebasses entrechoquées
1. Trois calebasses koukou servant à rythmer les chants du genre musical koukou sa (Sakahouo, sous-préfecture d’Oumé). (Photo : Aka Konin, 2005.)
Les instruments de musique gban
Koukou Ces instruments sont faits avec une calebasse (cucurbitacée, Lagenaria vulgaris) sphérique à pédoncule. Le fruit, une fois mûr et sec, est vidé à travers un orifice pratiqué dans la partie renflée du fruit. Le bout du pédoncule est sectionné et égalisé. Servant toujours par paire, le jeu des koukou consiste à tenir par le col un instrument dans chaque main et à entrechoquer rythmiquement (verticalement) les deux « queues ». Le bruit produit est assez comparable à celui d’un tambour. Parmi les instruments tenus par chaque musicienne, nous avons des mâles et des femelles. Le mâle, koukou ko, est plus petit et produit un son plus fin tandis que la femelle, koukou da, a une calebasse plus grosse et produit un son plus grave. Les koukou sont les seuls instruments à rythmer les chants sasi ou sasin d’un genre musical exécuté par des femmes dans le village de Sakahouo. Il s’agit de la danse de réjouissance koukou sa ou « musique des calebasses ». 5 Söderberg (B.), Les Instruments de musique au Bas-Congo et dans les régions avoisinantes. Étude ethnographique, Stockholm, 1956, p. 32. 6 Ibid., p. 32. 7 Ibid., p. 32..
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2.1. Xylophones Djomblo L’instrument est composé de deux traverses en tronc de bananier reposant sur le sol et de sept lames grossièrement taillées dans du bois sec et léger, celui du parasolier kwan (Musanga cecropioïdes, Cecropiaceae). On peut aussi utiliser les essences végétales go et warapapa (appellations locales). Chaque lame est maintenue en place au moyen de chevilles en bois, plantées dans le support (troncs de bananier) et immobilisant les lames. De par le nombre de ses lames, le djomblo gban diffère de celui des Baoulé qui en comporte six. Un groupe de trois lames de tailles sensiblement égales est placé à gauche du joueur et un autre groupe identique à sa droite. La lame se trouvant au centre est plus longue que toutes les autres. Chacune des lames porte un nom spécifique. Ainsi, de gauche à droite de l’instrumentiste, on a : • djomblo da mon daha vin, « la lame qui suit la femelle » ; • djomblo da, « la femelle » ; • djomblo komon daha vin, « la lame qui suit le mâle » ; • djomblo ko, « la lame mâle » (nettement plus longue que les autres lames) ; • djomblo komon daha vin, « la lame qui suit le mâle » ; • djomblo da, « la femelle » ; • djomblo da mon daha vin, « la lame qui suit la femelle ». D’une facture rudimentaire, cet instrument peut se jouer à deux. Dans ce cas, les joueurs se font face pour, le plus souvent, jouer des formules mélodico-rythmiques en canon. Cet instrument tend à tomber en désuétude en pays gban. On n’en joue plus que très rarement dans les champs comme épouvantail pour faire fuir les oiseaux et les singes et également dans les cabarets à bangui (vin de 2. Musicienne jouant d’une paire de palme) pour se divertir le soir après de durs travaux champêtres. 2.2. Bâtons de rythme Youkoui Ces instruments, dont le nom signifie littéralement « bâton », consistent habituellement en simples bâtons de bois faits de branches d’arbres coupées, mais ils peuvent aussi être faits de bambou, de planches. Généralement 8
Söderberg (B.), op. cit., p. 38.
calebasses koukou pour rythmer les chants de la danse koukou sa (Sakahouo, sous-préfecture d’Oumé). (Photo : Aka Konin, 2005.)
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ces bâtons mesurent environ 100 cm de long. Pour la technique de jeu les musiciennes les tiennent verticalement et les pilonnent sur le sol. Les femmes s’en servent pour scander leurs chants lors de la danse funéraire ou de réjouissance diè sa ou youkouinê sa, signifiant littéralement « danse des bâtons ». Les principaux instruments accompagnant ce genre musical se réduisent à ces bâtons. Au sujet de l’emploi de ces bâtons comme instruments rythmiques, M. Leenhardt cité par A. Schaeffner9 note que le bruit du pilonnement du sol résonnant dans tous les recoins met les morts ou dieux en fuite. Qualifiés par certains organologues de bâtons pilonnés ou pilonnants, leur rythme sert à marquer la cadence ou, plus exactement, le pas de danse.
Les instruments de musique gban
utilisées dans tous les genres musicaux. Dans un même ensemble, il peut y en avoir deux, trois voire même cinq comme ce fut le cas dans le groupe musical konzal que nous avons enregistré à Tiégba. Ce groupe, dérivant du genre musical alloukou du pays bété, tiendrait sa dénomination des cloches qui en constituent les éléments principaux. Parfois, il arrive qu’un groupe soit formé uniquement par des cloches musicalement complémentaires. Dans ce cas, elles produisent une musique type appelée konzo sa, « danse des cloches ». Le village de Douagbo s’est illustré dans ce genre musical particulier, avec un orchestre de cloches ayant acquis une renommée en pays gban. Jouant sur le mode de la polyphonie stricte, ces cloches produisent des formules rythmiques tuilées. Dans l’ensemble, la cloche dénommée ko ka ka (une onomatopée), sert de métronome et donne toujours le départ des chants. Parmi les konzo, on trouve des cloches mâles et des cloches femelles. Dans la tradition musicale gban, ces cloches sont aussi bien jouées par les hommes que par les femmes. Il n’existe donc aucun interdit ou autre prescription rituelle restrictive se rattachant à la pratique de cet instrument. 2.4. Métallophones Konzo
Comme mentionné plus haut, les Gban appliquent l’appellation konzo à tout métal à battant externe. Cet instrument, dénommé également konzo de par son mode de jeu, est un outil en fer (muni d’un manche en bois) qui sert habituellement à couper les régimes de palmier10. Il est percuté à l’aide d’une baguette métallique konzo kpéa. Nous avons découvert cet instrument dans les villages de Tiégba et Blékoua où il accompagnait la danse dié sa, exécutée par les femmes.
3. Musiciennes du groupe musical diè sa pilonnant sur le sol des bâtons youkoui ou youkoui nê sa pour rythmer leurs chants (Tiégba, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
2.3. Cloches
3. Idiophones par secouement
Konzo
Ce sont des instruments composés d’un certain nombre de parties assemblées de telle sorte que, secouées les unes contre les autres, elles produisent des sons. En pays gban, les idiophones secoués sont faits de diverses matières, végétales et minérales.
Dans la langue gban, konzo désigne la cloche simple en métal. Ce terme désigne aussi tout métal percuté à l’aide d’une baguette (nous le verrons plus loin). La cloche du type le plus répandu en pays gban est en fer. Elle consiste en une feuille de métal qu’on a repliée pour former deux valves dont les bords verticaux sont rapprochés et parfois soudés. Sa base est généralement ovale. Elle est tenue en main au moyen d’une petite poignée en fer soudée sur la partie supérieure des valves. Celles-ci sont toujours frappées sur la paroi externe à l’aide d’une tige de fer ou en bois konzo kpéa. De forme hémisphérique ou conique, les cloches se caractérisent par une vibration plus forte au niveau du 4. Trois cloches métalliques konzo et bord. leurs baguettes en bois konzo kpéa. La hauteur moyenne des konzo varie entre 15 et 20 cm. L’usage de Ces instruments servent de base rythcet instrument est très courant dans la musique gban. Les cloches konzo sont mique au groupe musical ningbla sa (Gouéda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
9 Schaeffner (A.), Origine des instruments de musique. Introduction ethnologique à l’histoire de la musique instrumentale, Paris, Payot, coll. « Bibliothèque musicale », 1936, p. 71.
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5. Deux métallophones konzo et leurs baguettes métalliques konzo kpéa. Ces instruments sont utilisés par les musiciennes du groupe musical diè sa (Tiégba, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
6. Deux grelots de chevilles glé gnangnan servant pour la danse (Douagbo, sous-préfecture d’Oumé). (Photo : Aka Konin, 2005.)
3.1. Grelots Quatre sortes de grelots sont en usage chez les Gban. Glé gnangnan Ces grelots de cheville présentent deux variantes : • la première variante est un petit instrument métallique de forme sphérique qui comprend entre ses deux extrémités une mince fente de 5 à 15 mm dans 7. Des grelots de doigts glé ou gléhé laquelle on a placé un petit caillou ou une petite boule en métal dont la taille portés par un danseur comme acces10
Selon B. Holas, cet outil en fer porterait le nom de ké.
soires sonores pour la danse plédou sa (Bronda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
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empêche le passage dans la fente. Quand on secoue l’instrument, la boule ébranle la paroi de la cavité et sonne. Au nombre de trois ou quatre, ces grelots sont enfilés sur une corde que les danseurs enroulent autour des chevilles (entourées de bandages). • la deuxième variante est un instrument constitué d’un anneau métallique recourbé comportant trois, cinq ou six renflements formant cavités dans lesquelles on a placé un petit caillou ou une petite boule en métal. Utilisés pour la danse, ces anneaux-grelots provoquent par leurs mouvements simultanés un rythme uniforme. L’utilisation de la première variante de glé gnangnan est généralisée dans le pays Gban. Les danseurs l’attachent aux chevilles pour rythmer leurs danses ; les chasseurs le pendent au cou des chiens. Cela permet à leur maître de les localiser lorsqu’ils poursuivent un gibier dans les hautes herbes et la broussaille. Glé ou gléhé Ils forment un bloc de quatre petits grelots enfilés sur une peau de mouton wouèman passée autour des quatre doigts (index, majeur, annulaire, auriculaire) de chaque main. En dansant, le porteur les secoue rythmiquement. Facultatif dans les autres danses, cet accessoire sonore fait partie intégrante, en pays gban, de l’accoutrement du ziza, grand danseur traditionnel de tingbla sa ou « musique des grands tambours jumelés ». À côté de ce modèle courant, il existe aussi un simple grelot appelé glé ou gléhé. Pour son utilisation, il est fixé sur une corde (qui passe par un trou situé dans sa partie supérieure) et porté soit en bandoulière, soit de façon croisée. Il tinte lorsque le porteur se déplace. Autrefois, il était un accessoire aux mains des guerriers. 3.2. Sonnailles Bien souvent, en Côte d’Ivoire, les danseurs utilisent des sonnailles fabriquées ingénieusement avec des feuilles de rônier, des coquillages, des 8. Un grelot glé ou gléhé porté en bangraines, des pièces de monnaie, des anneaux, des fragments de cornes ou d’os doulière (Gouéda, sous-préfecture de suspendus par des cordes ou des ficelles. Diégonéfla). En pays gban, les sonnailles attachées ou enfilées sont de deux types. (Photo : Aka Konin, 2005.) Zaha la Composé des vocables zaha, « rônier » et la, « feuilles », zaha la est l’appellation des sonnailles fabriquées à partir des feuilles de rônier (Borassus aethiopicum ou Borassus flabelliformis). Elles sont composées de petites bourses triangulaires faites à partir de feuilles de rônier repliées, servant de contenant, remplies de grains provenant du quinquéliba (plante tropicale). Suspendues par des cordes ou des ficelles, ces petites bourses sont enroulées autour du pied du danseur ou de la danseuse. Produisant une musique agréable, cet 9. Des sonnailles en feuilles de rônier zaha la (Sakahouo, sous-préfecture accessoire musical sonore fournit toujours un accompagnement au danseur. d’Oumé). (Photo : Aka Konin, 2005.)
Les instruments de musique gban
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Sin
D’après des informations recueillies in situ, cette autre variante de sonnailles est composée de plusieurs coques du fruit d’un arbre. Enfilées sur des cordes ou des ficelles, elles sont enroulées autour de la cheville du danseur. 3.3. Cuvettes à percussion interne Gliglisson Cet instrument éphémère consiste en un récipient métallique (cuvette) contenant de petits cailloux qui percutent l’intérieur du récipient lorsque celuici est secoué ou agité. Gliglisson serait certainement une onomatopée née du bruit produit par ce secouement. Nous avons vu employer ces cuvettes à des fins musicales dans les villages de Bronda et Blékoua. Pour rythmer les chants de leurs danses diè sa et younê sa, les femmes les tenaient dans les deux mains et 10. Cuvette en émail contenant de petits cailloux. Servant à rythmer les les secouaient avec impétuosité (comme si elles vannaient des céréales). 3.4. Hochets en calebasse Sékè
L’existence de cet idiophone nous a été révélée par L. Tauxier11. À part les calebasses entrechoquées koukou, nous n’avons pas vu, durant notre séjour, de calebasses renfermant des cailloux ou des graines. Pour la forme qu’on reconnaît à tous les hochets en calebasse, les sékè sont faits avec une calebasse sphérique à poignée naturelle. À l’intérieur sont placés des cailloux ou des graines. Ces hochets, saisis par leur manche (poignée) et secoués au rythme de la danse, produisent un bruit de crécelle. Ils sont employés pour la danse afin d’accentuer le rythme et l’animer quelque peu. Sékè serait un nom onomatopéique provenant du son produit par cet instrument lorsqu’on le remue. B. Söderberg12 décrit en ces lignes le procédé de fabrication des hochets en calebasse : « Le hochet-calebasse se fabrique comme il suit : une ouverture est pratiquée soit au sommet du col (méthode la plus usitée) soit à la base. La calebasse ayant été évidée et des cailloux ou des graines ou autres petits corps y ayant été introduits, le trou est bouché par des fragments de calebasse, des tampons en bois, des chevilles en bois disposées en croisillons, des fibres de raphia, des épis de maïs, du liège ou des bouchons en résine. » 4. Idiophones par raclement Appelés aussi stridulateurs, râpes, racleurs, bâtons à encoches, les idiophones par raclement comprennent toute une série d’instruments selon 11 12
Tauxier (L.), Nègres gouro et gagou (centre de la Côte d’Ivoire), Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1924, p. 74. Söderberg (B.), op. cit., p. 89.
chants, cette cuvette et son contenant portent le nom onomatopéique de gliglisson (Bronda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
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le principe du raclement. Les idiophones par raclement sont très anciens. Ils existaient à l’ère préhistorique en Europe, en Amérique du Nord et au Mexique. Par contre, ils ont été importés en Amérique du Sud par les esclaves africains. En Afrique, on les retrouve isolément, mais ils sont fort répandus, épousant diverses formes. On en trouve également en Extrême-Orient. En pays gban, nos informateurs nous ont révélé l’existence d’un seul type. 4.1. Racleurs métalliques Ya
Cet instrument en métal forgé comporte sur un côté des encoches successives transversales (sorte de dents de scie), sur lesquelles on frotte une baguette métallique d’environ 15 cm de long, ce qui produit un raclement. Cet instrument était entre les mains des initiés qui l’utilisaient lors de la danse douébolé, danse servant à imiter le buffle. Importée du pays gouro, les initiés y portaient un masque représentant le buffle. On retrouve également le racleur ya dans la musique initiatique et guerrière dénommée lèkèlé destinée à l’enterrement d’un grand guerrier. Les tambours parleurs retraçaient alors l’histoire du grand guerrier qu’avait été le défunt, son fils profitant de cette occasion pour se vanter de son lien parental. 5. Idiophones par pincement
Les instruments de musique gban
lamelles appelées bla sont fixées généralement au dos du support (table ou caisse de résonance) et relèvent leurs extrémités sur lesquelles viennent peser les pouces des deux mains. Elles sont de longueurs différentes ; la lamelle bla du milieu serait la plus longue et ferait office de basse. La mise en vibration des lamelles s’effectue par pincement, c’est-à-dire par une pression du doigt suivie d’un brusque relâchement de l’extrémité de la lamelle. Selon F. Borel14, cette opération implique que les languettes (lamelles) soient placées de manière facilement accessible et sous tension permanente. La vibration devient alors audible par l’intermédiaire du support (la table ou corps de résonance) et d’éléments vibrants. Pour en jouer, le musicien tient son instrument par les côtés, légèrement éloigné de son corps, le clavier (ensemble des lamelles) dirigé contre lui. Assis, il pose son instrument sur ses cuisses. Le lamellophone kpété est surtout joué en soliste : sa sonorité n’est en effet pas assez puissante pour en faire un instrument de manifestation collective. L’existence de cet instrument chez les Gban fut également révélée par l’étude de L. Tauxier15 où il qualifiait abusivement cet instrument de « lyre primitive ». Dénommé gouété par l’auteur, ce lamellophone comportait onze lamelles en bois. Voici la description qu’il fait de cet instrument : « Cette sorte de lyre primitive est composée d’une planche en bois sur laquelle on a fixé, les unes à côté des autres, de petites tiges d’un bois léger que l’on fait vibrer et résonner avec les doigts. C’est là sans doute la lyre primitive qui ait jamais existé, plus primitive certes que la carapace de tortue garnie de boyaux secs Dessin 1 : Un lamellophone kpété (d’après d’animaux que l’on signale chez les premiers Grecs. » une photographie de L. Tauxier). (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2006.)
Appelés aussi linguaphones, les idiophones par pincement sont, selon, B. Söderberg13, des instruments de musique munis d’une ou de plusieurs languettes soulevées à l’une de leurs extrémités et fixées à l’autre. Le seul instrument par pincement dont l’existence nous ait été révélée lors de notre passage a aujourd’hui disparu de la région. 5.1. Sanza à lamelles appliquées sur une planchette (lamellophone) Kpété
N’ayant pu observer cet instrument, nous le décrivons en nous basant sur les informations recueillies in situ. Kpété est un lamellophone qui se compose d’une planchette rectangulaire, le plus souvent prolongée d’une sorte de manche, évoquant ainsi la forme d’une planche à découper. C’est sur cette planche, faisant office de table d’harmonie, que sont fixées, au moyen de fibres végétales tressées, sept petites lamelles végétales (bambou) flexibles et très effilées (se présentant sous la forme de longues pointes à base carrée). Prises généralement entre une ou deux barres transversales (chevalets), les 13
Söderberg (B.), op. cit., p. 112.
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14
Borel (F.), Collections d’instruments de musique, les « sanza », Neuchâtel, Musée d’Eth- nographie, 1986, p. 11.
15
Tauxier (L.), op. cit., p. 266.
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Chapitre ii : les membranophones Les membranophones sont des instruments dans lesquels le son est produit par la vibration d’une ou deux membranes tendues, qu’on bat ou, plus rarement, qu’on frotte. Les tambours sont des membranophones et se distinguent par la forme, le nombre de peaux et le mode de fixation de la peau. Le tambour se compose de deux éléments, une peau de percussion et une caisse de résonance, reliés l’un à l’autre par un troisième élément appelé « système de tension ». Chacun de ces éléments se présente sous des aspects différents suivant les populations chez lesquelles on le considère. D’autre part, la combinaison de l’un ou l’autre aspect d’un élément, avec l’un ou l’autre aspect des autres éléments, conduit forcément à une très grande variété d’instruments16. Les membranophones chez les Gban comportent deux types de tambours, un à peau chevillée et un à peau lacée. Pour la fabrication de la plupart des tambours en pays gban, une essence végétale est utilisée. Il s’agit d’un arbre appelé en langue vernaculaire glouagloua (Cordia millenii, Boraginaceae). Abattu en brousse à l’aide d’une hache plikê, le tronc, une fois sec, est transporté au village. Pour la sculpture du tambour, le forgeron-sculpteur évide d’abord la bille de bois, ensuite il passe à la phase de sculpture proprement dite. Pour réaliser son œuvre, le forgeron-sculpteur utilise alternativement la hache plikê et une herminette môkoun gogouakè. Monsieur Kouadio Douh Boniface, le seul sculpteur de la région que nous ayons rencontré dans le village de Douagbo, dit mettre environ une semaine pour réaliser un tambour moyen et un à deux mois pour les plus grands. Tous les tambours utilisés dans cette région sont recouverts de la peau de gazelle zo ou de biche vè ou voè17.
Les instruments de musique gban
composées de deux parties : la pièce faisant marteau est enfoncée comme une cheville dans le manche môkoun gnran18. Les tambours présentant la deuxième forme diffèrent tout simplement des premiers par un pied qui se rétrécit vers le bas et repose sur le sol en s’élargissant de nouveau, formant ainsi une sorte de socle (cette base de bois faisant partie du même tronc d’arbre que le fût du tambour). Toujours couplés (mâle et femelle), les tingbla sont imposants par leur taille. La femelle est plus grande et produit un son plus grave, tandis que le mâle est relativement plus petit et produit un son aigu. La peau utilisée généralement pour recouvrir le tambour femelle provient de la biche blanche bouè et celle du mâle, de la biche noire gba. Dans la danse tingbla sa « danse ou musique de tingbla » qui leur est consacrée, on rattache à ces deux tambours jumelés deux petits tambours, un plédou au tingbla femelle et un pindri ou fintri au tingbla mâle. Placés en position inclinée dans la cour des chefs de village, de tels instruments interviennent aussi bien dans les représentations musicales que pour lancer des appels sonores à la population ou annoncer l’arrivée d’un visiteur d’importance ou le décès d’un homme – le tambourinaire utilise alors un idiome rythmique spécifique appelé fountrou. Il annonce aussi de façon spéciale le décès d’une femme-gage guiégonlon19. Voici les dimensions relevées sur des spécimens (tingla) : • à Gouéda : tingbla mâle : 126 cm (longueur), 24 cm (diamètre de la peau), tingbla femelle : 173 cm (longueur), 25 cm (diamètre de la peau) ; • à Tiégba : tingbla mâle et femelle : 126 cm (longueur), 24 cm (diamètre de la peau) ; • à Guépahouo : tingbla mâle : 191 cm (longueur), 35 cm (diamètre de la peau), 30 cm (diamètre au pied) ; tingbla femelle : 193 cm (longueur), 34 cm (diamètre de la peau), 29 cm (diamètre au pied).
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12. Musicien jouant de deux longs tambours appariés tingba (Guépahouo, sous-préfecture d’Oumé). (Photo : Aka Konin, 2005.)
1. Tambours à une peau chevillée
11. Musicien jouant de deux longs tambours appariés tingba (Bronda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
Tingbla La première forme des tambours tingbla se présente comme suit : ils sont constitués par un tronc d’arbre débarrassé de son écorce et évidé de part en part, de façon à ne plus former qu’un cylindre creux, dont l’une des extrémités est recouverte d’une peau. Ces tambours sont donc de forme tubulaire. La surface de leur caisse de résonance est généralement unie. La peau est tendue par des ficelles passant sous des tenons enfoncés dans la caisse. Afin de tendre la membrane, le musicien enfonce davantage les tenons à l’aide d’un maillet ou d’une pierre. L’instrument est frappé soit avec deux fines baguettes, soit avec deux baguettes très légères, en moelle de palmier et 16 17
Laurenty (J.-S.), L’Organologie du Zaïre, les membranophones, Tervuren, « Annales du MRAC, Sciences Humaines », vol. 153, tome III, 1996, p. 7. Zo loè et vè loè ou voè loè signifient respectivement « peau de gazelle » et « peau de biche ».
Lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè Composé des vocables lèbè ou léê, « mariage », et môkoun ou yèbè, « tambour », lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè signifie littéralement « tambour de mariage ». C’est un tambour à une peau chevillée dont la caisse de résonance proprement dite est toujours cylindrique. Le pied de ce tambour se rétrécit vers le bas et repose sur le sol en s’élargissant de nouveau. Vers le haut de la caisse de résonance, on note une bande circulaire sculptée, ornée de motifs linéaires incisés. Telle est la forme courante de ces tambours. 18 19
Môkoun gnran : terme générique désignant les baguettes à tambouriner. Cette femme particulière est la fille d’un grand guerrier qui l’avait donnée en mariage, pour se faire pardonner le mal qu’il a commis, certainement lors d’une guerre entre tribus dans ledit village.
13. Deux longs tambours appariés tingba (Sakahouo, sous-préfecture d’Oumé). (Photo : Aka Konin, 2005.)
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Cependant, nous avons remarqué dans le village de Blékoua un tambour de mariage présentant la forme d’un calice ou d’un mortier. Les dimensions de ces tambours varient entre 50 et 65 cm pour la hauteur, 25 à 30 cm pour les diamètres de la peau et du pied (socle). La seconde catégorie épouse simplement une forme en tonneau. Comme leur nom l’indique, ces tambours sont utilisés dans les fêtes ou cérémonies de mariage lèbèlé en annonçant généralement ces heureux événements par une formule rythmique typique : blé lé ko ko. Tenus entre les jambes, tous ces tambours sont joués avec les mains. 14. Forme courante du tambour lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè (Sakahouo, sous-préfecture d’Oumé). (Photo : Aka Konin, 2005.)
15. Deuxième forme du tambour lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè (Blékoua, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.) 16. Troisième forme du tambour lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè (Gouéda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
Plédou
Dans la batterie des tambours, ce petit tambour est toujours apparié. On note un plédou mâle et un plédou femelle. Dans certains cas, le tambour plédou est considéré comme la femelle qui complète un autre type de tambour appelé pindri ou fintri. Ce tambour présente quatre variantes : • caisse cylindrique sans pieds ; • caisse cylindrique se terminant par une base entaillée en forme de créneaux (petits pieds verticaux), servant de pieds ; • caisse effilée épousant la forme d’un calice ou d’un mortier ; • caisse cylindrique se rétrécissant vers le bas et reposant sur le sol en s’élargissant de nouveau (cette variante ressemble à certains tambours de mariage lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè que nous avons décrits plus haut). Les dimensions de la plupart de ces tambours varient entre 25 et 35 cm pour la hauteur, 18 à 20 cm pour les diamètres de la peau et du pied (socle). Généralement polychromes, les tambours plédou sont présents dans presque toutes les formations musicales des Gban. Dans le genre musical tingbla sa (musique des tambours parleurs), le tambour plédou est toujours accroché sur le fût du tingbla femelle.
Pindri ou fintri Ayant presque les mêmes caractéristiques que la troisième forme des tambours plédou, la forme courante du tambour pindri ou fintri se présente comme suit : la caisse de résonance proprement dite est toujours cylindrique. Le pied se rétrécit vers le bas et repose sur le sol en s’élargissant de nouveau. Vers le haut de la caisse de résonance, on note une bande circulaire sculptée, ornée de motifs linéaires incisés. Cependant une exception a été observée dans le village de Blékoua où un petit tambour dénommé plédou avait sur tout le pourtour de sa caisse de résonance (de forme cylindrique) des ouvertures en forme de rectangle. Généralement coloriés, ces tambours dits « tambours mâles » sont toujours joués avec de fines baguettes. Les dimensions relevées sur ces tambours varient entre 25 et 35 cm pour la hauteur, 18 à 20 cm pour les diamètres de la peau et du pied (socle). Régulateur de tout le jeu instrumental, le tambour plédou donne le rythme et la vitesse au morceau. Dans le genre musical tingbla sa ou « musique des tambours parleurs », ce tambour est accroché sur le fût du tingbla mâle. Dans ce genre musical, purement instrumental, les tambours forment un ensemble où chaque instrumentiste joue sur le tambour dont il est le spécialiste.
17. Instrumentiste du groupe musical sama sa jouant de deux tambours plédou (Lahouda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.) 18. Un tambour plédou accompagnant la danse plédou sa (Bronda, souspréfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.) 19. Deux plédou appariés joués pour accompagner la danse tita ou tida (Gouéda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.) 20. Un tambour plédou accroché sur le fût d’un tingbla femelle (Bronda, souspréfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
21. Un tambour pindri ou fintri faisant partie des instruments qui accompagnent le genre musical tia ou tida ou tita (Sakahouo, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.) 22. Un tambour pindri ou fintri faisant partie des instruments qui accompagnent le genre musical tida (Blékoua, souspréfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
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2. Tambours à une peau lacée
23. Un tambour à une peau lacée lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè faisant partie de l’ensemble instrumental qui accompagne la danse sama sa (Lahouda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
Lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè De par sa conception, ce tambour de mariage épouse les mêmes caractéristiques que le tambour djembé du pays mandingue (Malinké et Bambara). S. Blanc20 décrit le mieux ce type de tambour : « Sa forme de calice rappelle celle d’un mortier à piler le mil. Évidé et sculpté en une seule pièce dans un tronc d’arbre, il est constitué d’un « pied » tronconique dont la cavité communique avec une caisse de résonance. L’embase est la partie correspondant au milieu de cet instrument. La partie supérieure du djembé est recouverte d’une membrane en peau de chèvre et le système de tension est réalisé grâce à un tressage de cordes en nylon. La peau est maintenue à l’aide de trois cerclages métalliques. » À l’origine, note l’auteur, « la peau du djembé était cousue, le montage était réalisé à l’aide de fines lanières de cuir tressé, ou de boyaux de vaches. Si la tension diminuait au cours du jeu, le musicien tendait la peau à la chaleur d’un petit feu de bois ou de carton. » Pour jouer ces instruments, les musiciens les tiennent inclinés entre les jambes. Ils sont battus avec les mains. D. L. Léonard21 complète les informations de S. Blanc en donnant une description de cet instrument : « En général, les djembé en Côte d’Ivoire sont sculptés avec du bois rouge. Ce qui permet aux sculpteurs de tailler les instruments avec de fines épaisseurs (1,3 cm ou 2,5 cm). Le diamètre de la table d’harmonie où est tendue la peau varie selon la hauteur de l’instrument. Pour un diamètre de 31 cm, nous avons une hauteur de 57 cm ; pour un diamètre de 32 cm, nous avons une hauteur de 63 cm ; et lorsque le diamètre est compris entre 33 et 34 cm, la hauteur est de 64 cm. Quant à la décoration de l’instrument, elle dépend de l’inspiration du fabriquant ou de la commande faite par l’acheteur. Une interprétation peut être faite des signes ou dessins gravés sur l’instrument. » On distingue trois formes de djembé selon des proportions différentes par rapport à la caisse de résonance (caisses de résonance taillées en hauteur, en carré, très évasées). En Côte d’Ivoire, les bois utilisés pour la réalisation du djembé sont le sipo, l’acajou et le teck. Tous ces bois sont très rouges et durs et permettent d’avoir une très bonne qualité de son. Anciennement, ces tambours étaient recouverts avec de la peau d’antilope, de gazelle ou de biche. Mais de nos jours, ils sont recouverts de peau de chèvre.
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Blanc (S.), Percussions africaines, le tambour « djembé », Paris, Éditions Maurice Sonjon, 1993, p. 24. Léonard (D. L.), L’Introduction du tambour dans l’enseignement de l’éducation musicale dans les lycées et collèges de Côte d’Ivoire : exemple du « djembé », Abidjan, MCF, INSAAC, 2001, p. 15 (mémoire pédagogique CAPEAS).
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Chapitre iii : les cordophones Les cordophones, ou instruments à cordes, ont des cordes tendues qui résonnent lorsqu’elles sont pincées (par les doigts ou un plectre), frottées, frappées ou actionnées par le vent22. Nous avons noté chez les Gban deux types d’instruments à cordes : l’arc-en-bouche et la cithare-en-terre. 1. Arcs-en-bouche Cet instrument à une corde, le plus primitif que l’on connaisse et dont l’existence est attestée en Europe à l’époque paléolithique (gravure rupestre de la grotte des Trois Frères), a été signalé sur le continent africain depuis le Sénégal et le Mali jusqu’au Cap. La première mention de son usage chez les Hottentots remonte au xviie siècle23. Quand on l’utilise tout simplement comme un instrument de musique, le corps de l’arc est plus fortement courbé que l’arc de chasse. Dôdô
L’arc-en-bouche dôdô des Gban se présente de la manière suivante : entre les deux extrémités d’un arc est tendue une corde provenant du palmier qu’on frappe à l’aide d’une baguette en bambou. Le son est amplifié par la bouche du musicien (qui fait office de résonateur). H. Zemp24 décrit dans ces lignes qui suivent la technique de jeu de l’arc-en-bouche : « Le musicien tient l’arc musical de la main gauche, le bras tendu, et fait passer la corde entre ses lèvres, à quelques centimètres du bois. À l’aide d’une mince baguette, il frappe avec la main droite sur la corde, entre sa bouche et le bois de l’arc. Dans la main gauche, il tient également un bâtonnet qu’il appuie rythmiquement sur la corde, raccourcissant ainsi la longueur vibrante. Cette technique de jeu est très répandue en Afrique. Aux deux sons fondamentaux obtenus par la percussion, s’ajoutent des harmoniques formés dans la cavité buccale qui joue le rôle d’un résonateur à volume modifiable. » L’instrument que nous avons observé dans le village de Guépahouo et joué par le musicien Dayoro Pierre était constitué comme suit : le bois formant l’arc était construit à partir d’une branche de caféier café, la corde fine qui le tend provient du palmier à huile lo (Elaeis guineensis), la mince baguette de bois qui sert à frapper la corde est en bambou gnanguin, la pièce de bois que le joueur appuie rythmiquement sur la corde est faite à partir du parasolier kwan. Le dôdô est joué à tout moment : au champ, au village. Pour pouvoir jouer du dôdô, il faut être initié car c’est un instrument qui attirerait les génies 22 Jenkins (J.), Ethnic Musical Instruments, Londres, Hugh Evelyn for International Council of Museums, 1970, p. 31. 23 Schaeffner (A.), « Arc musical », in Dictionnaire des civilisations africaines, Paris, Fernand Hazan, p. 31. 24 Zemp (H.), Musique dan. La musique dans la pensée et la vie sociale d’une société africaine, Paris, Cahiers de l’Homme, 1971, p. 53.
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(il est leur instrument de prédilection). En outre, le dôdô est censé éloigner les mauvais esprits. Le musicien Dayoro Pierre et joueur de dôdô, que nous avons rencontré à Guépahouo, serait un initié, ayant même le secret des plantes (qu’il utilise pour guérir les malades). Il joue par moments des airs pour appeler ses génies. L’art du dôdô se transmet de père en fils chez les Gban. L’accord de la corde monocorde est laissé au libre choix de l’instrumentiste. L’arc-enbouche dôdô serait d’origine gouro. Voici les dimensions relevées sur ce dôdô : • longueur de l’arc (courbé) : 111 cm, • longueur de la corde (tendue) : 102 cm, • longueur de la baguette (en bambou) : 35 cm, • longueur de la baguette (en bois de parasolier) : 22 cm. L’arc-en-bouche d’une manière générale s’est probablement développé de l’arc du chasseur. La pratique de transformer l’arc du chasseur en instrument musical a souvent été décrite dans de vieilles légendes telles que les légendes grecques. Le Dr G. Büttner (cité par R. Hélène25) observa chez les Damara du sud-ouest une telle pratique. Ce missionnaire allemand conta que les Damara, lorsqu’ils se relaxaient, transformaient temporairement leur arc de chasse oüta en instrument musical monocorde. Selon la classification de Hornbostel et Sachs, le dôdô est un arc musical hétérocorde, c’est-à-dire un arc dont la corde est fabriquée d’un matériel 24. Le musicien-guérisseur Pierre Dayoro (71 ans) jouant d’un arcdifférent de celui utilisé pour l’arc proprement dit. en-bouche dôdô (Guépahouo, sous2. Cithares-en-terre En organologie, on appelle cithare tout instrument à cordes dépourvu de manche. Ce terme concerne implicitement tous les instruments dont les cordes sont tendues au-dessus d’un corps unique, soit plat (telle la table d’harmonie du piano), soit cylindrique (tel le tuyau de bambou de la valiha malgache). Certains types de cithares se confondent avec les arcs. Pour cette raison, leur description nécessite la prise en compte soit de la présence de chevalet, soit du fait qu’à l’origine il ne s’agit pas exactement de cordes, mais de tiges de rotin ou de lanière d’écorce. Dans la classification de A. Schaeffner26, la cithare-en-terre appartient à la famille des instruments à tiges courbées ou à lanières d’écorce tendues. Cet instrument insolite est un « phonoxyle » (proche du monocorde) divisé en deux sections, à gauche et à droite du chevalet ; il permet toute différence de hauteurs de son. Guio môkoun ou guio yèbè Composé des vocables guio « terre » et môkoun ou yèbè « tambour », guio môkoun ou guio yèbè signifie littéralement « tambour de terre ». La présence de cet instrument dans le patrimoine organologique des Gban nous a été révélée 25 26
Hélène (R.), Une approche ethnomusicologique de la « capoeira », Belgique/ULB/FSSPE/SSS, 1998-1999, p. 60 (mémoire de fin de cycle). Schaeffner (A.), Origine des instruments de musique. Introduction ethnologique à l’histoire de la musi- que instrumentale, Paris, Payot, coll. « Bibliothèque musicale », 1936, 405 p. 375.
préfecture d’Oumé). (Photo : Aka Konin, 2005.)
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dans le village de Blékoua. Tombé aujourd’hui en désuétude, il se concevait de la façon suivante : sous un hangar à bangui (lieu où l’on consomme du vin de palme), on creuse dans le sol un trou d’environ 25 cm de diamètre et de 50 cm de profondeur faisant office de caisse de résonance. Ce trou est recouvert à l’aide d’un tissu végétal ressemblant à une natte et tiré du palmier à huile lo. De petits bâtons servant de clous maintiennent le tissu au-dessus de la cavité. Au centre du tissu, on fixe une corde de raphia perpendiculaire au sol. Cette corde, au bout de laquelle il y a un crochet, est nouée à une autre qui est parallèle au sol et tendue à environ un mètre de celui-ci grâce à des poteaux latéraux qui se font face et constituent aussi des piliers de la structure du hangar. Les deux cordes se rencontrent en un point en formant un angle droit. La corde parallèle au sol est celle que l’on frappe à l’aide de deux petits bâtonnets. Elle donne deux tons différents. La partie la plus longue de la corde jouée donne le son femelle (ton grave), tandis que la partie la plus courte donne le son mâle (ton aigu). Ici, nous avons un chevalet tenseur, une corde chevalet, qui ne transmet de vibration que parce qu’elle est tendue : l’effort de tension porte beaucoup plus sur elle que sur le rotin, qui est tiré moins par ses extrémités que vers son résonateur. C’est sur la cithare-en-terre guio môkoun ou guio yèbè que les futurs joueurs de tambours parleurs tingbla font leur apprentissage.
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Chapitre iv : les aérophones Les aérophones, également appelés instruments à air ou à vent, sont ceux dans lesquels, à travers ou autour desquels une certaine quantité d’air est mise en vibration. Contenu dans une cavité, l’air peut être mis en mouvement par l’arête affilée d’un tuyau (flûte), par l’action d’une anche unique (clarinette) ou par la vibration des lèvres (trompes, cors). Quelques instruments agissent directement sur l’air ambiant (rhombes, diables, etc.)27. Les aérophones en pays gban se répartissent en deux groupes principaux : les aérophones libres et les aérophones par souffle. 1. Aérophones libres Ce sont les instruments qui font vibrer l’air qui les entoure, par explosion ou par sillage dans cet air ambiant28. 1.1. Rhombes Wroum wroum Les rhombes (que la terminologie anglo-saxonne désigne par le terme expressif de bull roarer) sont parmi les instruments les plus anciens du monde, datant de plus de 25 000 ans. Cet instrument consiste en une lamelle de bambou ou de bois, quelquefois de métal, de 30 cm de long environ, attachée par une extrémité à un fil. Le porteur tient l’autre bout du fil dans sa main, et imprime à l’ensemble un mouvement giratoire dans un plan vertical. La lamelle entre alors en vibration dans l’air, et émet un son d’autant plus puissant que la rotation est rapide. Bien que le rhombe ne produise pas une sonorité véritablement musicale ou rythmique, il est possible de changer la hauteur du son en modifiant la vitesse avec laquelle il est propulsé dans l’air. De par cette technique de mise en vibration de l’instrument, les organologues l’ont classé dans la famille des aérophones libres par rapport aux aérophones par souffle. Contrairement à la plupart des sociétés où le rhombe exprime la voix d’un être surnaturel (dieu, esprit, ancêtre, masque), en pays gban, l’instrument se trouve entre les mains des enfants qui l’utilisent comme épouvantail contre les oiseaux et les petits animaux qui menacent les semences. Le son produit, comparable à un vrombissement caractéristique, a suscité cette appellation onomatopéique wroum wroum. Certains spécialistes qualifient l’instrument de planchette ronflante ou encore de sphère bourdonnante. 27 28
Jenkins (J.), op. cit., p. 24. Laurenty (J.-S.), La Systématique des aérophones de l’Afrique centrale (texte), « Annales du mrac, Nouvelle Série in-4°, Sciences humaines » n° 7, Tervuren, 1974, p. 1.
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Dessin 2 : Un rhombe (d’après un croquis de J. Jenkins). (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2006)
2. Aérophones par souffle Les aérophones par souffle sont ceux où l’air enclos dans une cavité est mis en vibration par un jet d’air buccal ou nasal29. Ce groupe est le plus diversifié dans la classe des aérophones chez les Gban. La profusion de ces instruments à vent est certainement due à ce trait culturel fondamental qu’est la chasse, très active (par le passé) dans cette zone forestière. Mais diverses circonstances ayant relégué cette activité au second plan, ces instruments tendent à tomber en désuétude. 2.1. Sifflets Bi, oupé, gbotin Le sifflet est un instrument formé d’un tube de bois fermé à une extrémité et surmonté d’une partie renflée comportant une embouchure échancrée. Il comporte 3 trous : 2 latéraux près de l’embouchure, le 3e au milieu, en bas du tube. C’est un instrument dont on fait passer l’air par l’embouchure qui le renvoie contre l’arête que comporte l’instrument. Le sifflet est le représentant le plus vaste de cette catégorie, ce qui ne l’empêche point de remplir des rôles multiples. Il est avant tout un instrument de message, utilisé à la chasse, à la guerre ou dans les sociétés secrètes. Son propriétaire l’emporte généralement pendu au cou, de sorte que l’objet est pourvu d’un mode de suspension. Selon S. Chauvet30, citant H. Labouret, « il est probable qu’en Afrique occidentale la transmission par sifflets a précédé celle par tambours et que cette dernière n’a fait que s’adapter, pour traduire la signalisation, sifflée préexistante ». Selon le même auteur31, les néolithiques du Glozel avaient employé, pour le même usage, des os de rennes (phalanges ou os du tarse) dans lesquels ils avaient creusé des trous ne les traversant pas complètement. Chez les Gban, le sifflet est un instrument de chasse. Ils s’en servent lors de leurs expéditions de chasse collective dans la forêt. Ils connaissent tout un répertoire d’appels et de signaux conventionnels pour diriger les 29 30 31
Laurenty (J.-S.), op. cit., p. 1. Chauvet (S.), Musique nègre, Paris, Société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1929, p. 58. Ibid., p. 70.
Les instruments de musique gban
mouvements de la ligne souvent dispersés des rabatteurs, et notamment la manœuvre d’encerclement. On affirme que même les chiens dressés pour la chasse comprennent ce langage sifflé. Le chasseur en sortait aussi un seul ton pour appeler ses chiens égarés pendant la chasse. Selon nos informateurs, le sifflet en bois prend le nom de bi lorsqu’il est fabriqué dans un arbre portant le même nom bi et joué par un homme. Il devient oupé lorsqu’il est joué par les femmes lors des funérailles. Cependant, nous avons remarqué des sifflets appelés bi faits dans du bambou. Le sifflet gbotin présente quant à lui une forme un peu différente des deux autres : relativement plus grand que les sifflets bi ou oupé, le sifflet gbotin est généralement taillé dans du bois d’iroko diè (Chlorophora excelsa). Il mesure environ 20 cm de longueur et 4 cm de diamètre pour l’embouchure. L’extrémité supérieure de cet instrument est partiellement bloquée, de sorte que le souffle du joueur, passant par un étroit conduit, est dirigé sur le rebord biseauté d’un orifice ou « lumière » ménagé dans le tuyau. Cette conception du gbotin permet à l’instrument d’émettre deux sons au plus. Le sifflet gbotin est toujours joué par triplette (soliste, basse, accompagnement). Les trois instruments sont reliés entre eux par une ficelle passant dans des orifices pratiqués dans leurs parties amincies. Les dimensions relevées sur deux sifflets bi dans le village de Lahouda sont : • le petit bi (taillé dans du bois) : 8 cm (longueur) ; • le grand bi (taillé dans du bambou) : 14 cm (longueur). En pays gban, le mot bi est le terme utilisé pour désigner généralement tous les instruments à air ou à vent.
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25. Jeune homme jouant d’un sifflet en bois bi (Lahouda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.) 26. Jeune homme jouant d’un sifflet en bambou bi (Lahoudaga souspréfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.) 27. Des sifflets en bois gbotin joués par triplette (Gouéda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
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28. Une trompe traversière bi en corne de bœuf (Lahouda, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.) 29. Une trompe traversière bi en corne de gazelle (Tiégba, sous-préfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
Les instruments de musique gban
2.2. Trompes traversières
2.3. Ocarinas
Bi
Kpoklé
Comme nous l’avons dit plus haut, l’appellation bi s’applique aussi aux trompes traversières en cornes d’animaux. Pour la fabrication de ces trompes, les Gban ont utilisé comme matière première les cornes torsadées et curvilignes de certains bovidés. Il s’agit des ornements frontaux de buffle zouè ou douè, de gazelle zo (de nos jours on en trouve en cornes de bœuf dodo ou doro) dont on a coupé la pointe pour obtenir un trou qui peut être bouché avec le pouce ou libéré, ce qui permet de varier la hauteur du son. Il est possible ainsi de transmettre différents messages sonores. À quelques centimètres de la pointe, on pratique un trou qui sert d’embouchure latérale par laquelle le joueur insuffle l’air dans l’instrument. La forme de cette embouchure peut être carrée, rectangulaire, ovale ou en losange. Ces instruments, de forme conique et sans trou d’intonation, servent pour la danse, les funérailles d’un personnage important et pour les réjouissances. En position de jeu, elles sont tenues en travers, à peu près horizontalement (d’où l’appellation de trompes traversières), le pavillon dirigé généralement à gauche du musicien qui tient sa main droite tout près du trou de modulation. La colonne d’air est mise en vibration par la pression des lèvres du joueur. Dans son étude sur ce peuple, B. Holas32 relève que les artisans locaux fabriquaient des olifants (trompes en ivoire) zôèman. Mais en raison de la rareté de l’éléphant (en voie de disparition), les trompes en ivoire ont totalement disparu du pays gban. Déjà en 1923, lors de son passage dans la région d’Oumé, L. Tauxier signalait la rareté de ces trompes en ivoire (qu’il appelait man) qui, selon lui, avaient une fonction communicative. Voici les dimensions relevées sur deux trompes bi à Tiégba : • bi (en corne de gazelle) : 20 cm (longueur), 3 cm (diamètre du pavillon), 1 cm (diamètre de l’embouchure), • bi (en corne d’antilope) : 37 cm (longueur), 4 cm (diamètre du pavillon), 1,5 cm (diamètre de l’embouchure).
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Les ocarinas kpoklé sont empruntés au règne végétal. Pour fabriquer ces instruments, les Gban utilisent la coque séchée d’un fruit kpakpa (dont la grosseur ne dépasse pas celle d’une orange), évidé de sa pulpe. De forme ovoïde, cet instrument est muni d’une embouchure à l’une des extrémités et d’un trou presque latéral faisant office de trou de modulation qui, pendant le jeu, est bouché avec le pouce ou libéré. De forme ronde, cette embouchure a un diamètre d’environ 3 cm. Selon B. Söderberg33, cet instrument peut donner deux tons. Traditionnellement, les kpoklé se jouent par triplettes dont l’ordre d’entrée dans la musique traditionnelle gban est le suivant : • kpoklé ko ou instrument mâle, donne toujours le ton ; • kpoklé daha dian ou instrument médian, joue le plus souvent une mélodie semblable à celle jouée par le troisième instrument ; • kpoklé da ou instrument femelle. Accessoires musicaux entre les mains des chasseurs, les kpoklé se jouent en diverses circonstances : pour marquer le départ à la chasse, au retour d’une chasse fructueuse (dans ce cas ce sont les propriétaires du filet « chanceux » qui jouent de ces instruments), pour parader au village après une chasse fructueuse. Comme instruments de chasse, les kpoklé jouent une musique purement instrumentale sans accompagnement. Les kpoklé interviennent aussi lors des fêtes ou cérémonies de mariages lèbèlé. À cette occasion, le son des kpoklé retentit juste après la formule rythmique blé lé ko ko jouée sur le tambour lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè, par l’ami intime du futur marié. Tout un cérémonial est alors organisé pour aller chercher ces instruments rangés au même endroit que le filet de chasse gbintinkè ou sowi (de la famille du futur marié). Une fois que les amis du marié ont pris les kpoklé, ils font une procession à travers le village. Après ce tour du village, on dépose les instruments sur la tête du filet gui bo ou sowi bo. De par leur forme sphérique, certains organologues désignent cette catégorie d’instruments par le terme de flûtes globulaires. Quant à la répartition géographique des ocarinas en Afrique, Struck (cité par B. Söderberg34) a démontré qu’ils se rencontrent sur une bande de l’est vers l’ouest, s’étendant sur la partie équatoriale du contient et surtout dans le bassin du Congo (toutefois, certains auteurs comme Kirby ont révélé 30. Des ocarinas en coque de fruit l’existence de ces instruments chez les Thonga en Afrique du Sud).
kpokpé. On peut voir sur chaque élément les deux orifices (embouchure et trou de modulation) (Bronda, souspréfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
32
Holas (B.), op. cit., p. 70.
33 34
Söderberg (B.), op. cit., p. 195. Söderberg (B.), op. cit., p. 198.
31. Homme jouant d’un ocarina en coque de fruit kpokpé (Lahouda, souspréfecture de Diégonéfla). (Photo : Aka Konin, 2005.)
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2.4. Flûtes de Pan ou syrinx35 Founou ou pounou Appartenant à la famille des instruments dits polycalames (instruments à air et à plusieurs tuyaux), les flûtes de Pan ou encore syrinx sont des séries de flûtes droites (de longueurs graduées) disposées sur une ou deux rangées (juxtaposées), sans trous de jeu, liées ensemble. Chaque tuyau ne produit qu’un son. Généralement ces tuyaux sont maintenus sur les rangées grâce à une ou deux lamelles de bois ligaturées. Au cours de notre mission, ce ne fut que dans le village de Blékoua que l’existence de la flûte de Pan nous fut révélée. Mais il ne nous fut pas possible d’en découvrir même un exemplaire. D’après les informations recueillies auprès du vieux Gnogo Diaba, traditionniste résidant dans ce village, la flûte de Pan founou ou pounou peut avoir une série de dix segments (tuyaux) de roseau (de tailles inégales) dont les plus courts produisent des sons aigus et les plus longs des sons graves. L’existence de l’instrument chez les Gban nous fut également confirmée à Oumé par un Gban du nom de Yobo Nestor. Selon cet autre informateur, certains paysans qui venaient des villages participer aux défilés lors de la célébration de la fête de l’indépendance (à Oumé) en jouaient. Cet instrument a donc bel et bien existé dans le patrimoine organologique des Gban. À propos de l’apparition de cet instrument en Afrique, Sachs (cité par B. Söderberg36) estime qu’elle est de date assez récente. Quant à sa répartition géographique, B. Söderberg note qu’on trouve des exemples de son existence de l’Égypte à l’Afrique du Sud, et du Bas-Congo à l’Ouest africain.
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autel familial (fétiche) auquel il offre des sacrifices. Il se livre à ce cérémonial afin que la chasse se déroule sans incident et qu’elle soit fructueuse. Nous retrouvons dans le mot bikouré, le terme bi, servant à désigner généralement les instruments à vent. En dehors des informations recueillies dans la littérature, nous n’avons pas vu de flûtes dans les localités visitées. C’est pourquoi nous ne disposons pas d’éléments précis sur les caractéristiques propres de ces instruments (par exemple : nombre de trous, essence végétale). Mais de ce que nous savons, toutes les flûtes traversières ont toujours leur extrémité supérieure fermée, une embouchure étant pratiquée sur un côté du tuyau. 2.6. Harmonica en fer Bèhè
De l’allemand « Harmonica », l’harmonica est un petit instrument de musique dont le son est produit par des anches de métal que l’on met en vibration en soufflant et en aspirant39. L’instrument que nous avons observé dans le village de Sakahouo se trouvait entre les mains de musiciennes. Cependant, elles ne l’ont pas utilisé dans un genre musical propre. Pour ce que nous savons, cet instrument accompagne toujours des musiques de réjouissance populaire.
2.5. Flûtes traversières Bikouré Les flûtes sont des tubes dans lesquels l’exécutant fait vibrer l’air en soufflant obliquement dans l’embouchure affilée de l’instrument. La longueur de la colonne d’air, et par conséquent la hauteur du son, est en général modifiée par les trous de jeu percés dans le tuyau. Les flûtes sont le plus souvent tubulaires, mais elles peuvent aussi être globulaires37. Pour le jeu, le joueur tient l’instrument le plus souvent à sa droite ; mais il arrive que cette position soit inversée. Le Dr Neveux, cité par L. Tauxier38, montre l’usage de l’instrument en pays gban. Selon cet auteur, l’instrument se trouve entre les mains des chasseurs : avant d’aller à la chasse, le chasseur va jouer de la flûte bikoué sur son
Dessins 3 & 4 : Deux variantes de flûtes de Pan ou syrinx (d’après des croquis de A. Schaeffner). (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2006.)
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Dans la mythologie grecque, Pan est le Dieu des bergers d’Arcadie (région de la Grèce antique). Il protège et féconde les troupeaux, préside les danses des nymphes (divinités subalternes et féminines des fleuves, des fontaines, des bois, des montagnes) en jouant de la syrinx (flûte à plusieurs tuyaux). Söderberg (B.), op. cit., p. 201. Jenkins (J.), op. cit., p. 24. Tauxier (L.), op. cit., pp. 145-146.
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Le Petit Larousse illustré, Paris, 1977, p. 499.
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Conclusion Le tableau que nous venons de dresser permet au lecteur de se rendre compte de la richesse et de la diversité du patrimoine organologique gban. Notre enquête qui ne prétendait pas à un inventaire exhaustif nous a permis de dénombrer une quantité considérable d’instruments de musique, qui recouvrent toutes les catégories organologiques. La similitude entre certains instruments de musique gban comme les ocarinas kpoklé, les flûtes de Pan founou ou pounou, la cithare-en-terre guio môkoun ou guio yèbè et ceux de certains peuples forestiers d’Afrique centrale confirme à notre avis les hypothèses des anthropologues sur l’origine des Gban de la Côte d’Ivoire. Nombre d’instruments ont d’ores et déjà disparu. Beaucoup d’autres voient la fréquence de leur emploi se raréfier, et se trouvent donc en voie de disparition avec pour corollaire la disparition de certains genres musicaux traditionnels. En outre, les phénomènes d’osmose que nous observons dans cette région de la Côte d’Ivoire ne sont pas à écarter. Entourés par deux grands groupes ethniques que sont les Bété et les Gouro, les Gban subissent une influence culturelle. Ce qui n’est pas sans conséquence majeure. Les phénomènes comme l’exode rural, le changement du mode de vie dans les centres urbains, la scolarisation accrue et particulièrement l’essor des mass média, désormais répandus dans la région, ont confronté la musique traditionnelle gban à des problèmes et des exigences nouveaux, ainsi qu’à la concurrence de la musique dite moderne. En témoignent ces propos très révélateurs du chef de Lahouda, lors de notre passage dans ce village : « Nous n’avons plus de danses traditionnelles ici. Tous les vieux qui dansaient sont décédés. Nous avons presque tout perdu. » À notre question de savoir comment étaient organisées les funérailles d’un ancien du village, il nous a répondu ceci : « Nous louons de la sono en ville pour animer nos veillées funéraires ». Des propos de ce genre, tenus par la plupart des chefs de village, dénotent bien du danger réel qui menace le patrimoine culturel gban, qui mérite de faire l’objet d’un inventaire systématique alors qu’il est encore temps.
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Annexe 1 Tableau synoptique des instruments de musique gban
Classe Idiophones
Membranophones
Cordophones
Aérophones
Type
Procédé de mise en vibration
xylophones : djomblo racleurs : ya bâtons : youkoui ou youkouinê sa cloches : konzo grelots : glé gnangnan, glé ou gléhé métallophones : konzo sonnailles : zaha la sonnailles : sin calebasses : koukou cuvettes : gliglisson lamellophone : kpété hochets en calebasses : sékè
- frappés par percussion directe - raclés - pilonnés - frappées par percussion directe - secoués - frappés par percussion directe - secouées - secouées - entrechoquées - secouées / agitées - lames pincées - secoués
tambours à une peau chevillée : tingbla lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè plédou pindri ou fintri
- frappés par percussion directe - frappés par percussion directe - frappés par percussion directe - frappés par percussion directe
tambours à une peau lacée : lèbè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè
- frappés par percussion directe
arcs-en-bouche : dôdô arcs-en-terre : guio môkoun ou guio yèbè
- cordes frappées - cordes frappées
sifflets : bi, oupé, gbotin trompes traversières : bi, zôèman ocarinas : kpoklé flûtes traversières : bikouré flûtes de Pan : founou ou pounou harmonica en fer : bèhè rhombes : wroum wroum
- vibration d’une colonne d’air - vibration d’une colonne d’air - vibration d’une colonne d’air - vibration d’une colonne d’air - vibration d’une colonne d’air - vibration d’une colonne d’air - vibration de l’air ambiant
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Les instruments de musique gban
Annexe 2 Index des instruments de musique cités dans cette étude
Annexe 3 Genres musicaux traditionnels gban
I. Idiophones Djomblo : xylophone sur tronc de bananier. Glé gnangnan : grelot de cheville. Glé ou gléhé : grelot de doigts, grelots portés en bandoulière ou de façon croisée. Gliglisson : cuvette contenant des gravillons (qu’on remue). Konzo : cloche métallique, métal percuté (métallophone). Koukou : calebasses entrechoquées. Kpété : lamellophone ou sanza. Sékè : hochet en calebasse. Sin : sonnailles en coques de fruit. Ya : racleur métallique. Youkoui ou youikouinê sa : bâton de rythme, « bâton pour la danse » (pilonné sur le sol). Zaha la : sonnailles en feuilles de rônier.
I. Musiques funéraires Guê wodi (wodi « pleurs, chanson funéraire ») : musique funéraire exclusivement exécutée par les femmes et se déroulant sous forme de procession à travers le village. Les chants sont accompagnés par des sonnailles zaha la, des calebasses entrechoquées koukou, des cloches métalliques konzo, des grelots de doigts glé ou gléhé. Iya : complainte faite par les congénères de la défunte lors des veillées funèbres. Les textes allient poésie, émotion et tristesse. Généralement, les chanteuses évoquent des souvenirs et des moments vécus ensemble. Cette complainte peut aussi fustiger les tares sociales. Tida ou tita ou gban sa ou tia (en gouro) : musique funéraire jouée pendant les veillées funèbres. Occasionnellement, tida ou tia ou encore tita peut devenir une musique de réjouissance. Traditionnellement genre musical vocal (sorte d’a cappella), il peut être accompagné par des tambours lèbè monkon ou léê monkon ou lèbè yèbè. Tingbla sa (musique des tambours parleurs) : exécutée pour annoncer le décès d’un homme. À cette occasion, le tambourinaire utilise un idiome rythmique spécifique appelé fountrou. Il annonce aussi de façon spéciale le décès d’une femme-gage guiégonlon (cette femme particulière est la fille d’un grand guerrier qui l’avait donnée en mariage, pour se faire pardonner le mal qu’il a commis, certainement lors d’une guerre entre tribus dans ledit village).
II. Membranophones Lébè môkoun ou léê môkoun ou lèbè yèbè : tambour de mariage dont une variante a une peau chevillée et l’autre a une peau lacée (sorte de djembé). Pindri ou fintri : petit tambour à une peau chevillée dont le pied se rétrécit vers le bas et repose sur le sol en s’élargissant de nouveau. Plédou : tambours à une peau chevillée servant toujours appariés (mâle et femelle) et présentant trois variantes (cf. description). Tingbla : grands tambours à une peau chevillée servant toujours appariés (mâle et femelle). III. Cordophones Dôdô : arc-en-bouche. Guio môkoun ou guio yèbè : cithare-en-terre. IV. Aérophones Bèhè : harmonica en fer. Bi : terme générique pour désigner les instruments à vent ; il désigne le sifflet en bois, en bambou, utilisé par les hommes pour la chasse ; il désigne également la trompe traversière en corne de bovidés (buffle, gazelle, bœuf). Bikouré : flûte traversière. Founou ou pounou : flûte de Pan ou syrinx (série de flûtes droites sans trou de jeu liées ensemble). Gbotin : sifflets en bois joués par triplette (soliste, basse, accompagnement) pour la chasse. Kpoklé : ocarina ou flûtes globulaires en coque de fruit. Servant pour la chasse, ils sont traditionnellement joués par triplette (mâle, médian, femelle). Oupé : sifflet en bois joué par les femmes lors des funérailles. Wroum wroum : rhombe. Zôèman : trompe traversière en ivoire.
II. Musiques de chasse Sowi sa (sowi « filet », sa « danse ») : musique (instrumentale) liée exclusivement à la chasse ; elle est jouée au départ et au retour de la chasse. Constitués essentiellement d’aérophones, ses instruments sont des ocarinas kpoklé, des flûtes de Pan founou ou pounou et des sifflets gbotin. III. Musiques de réjouissance Diè sa ou younê sa ou youkouinê sa (youkoui « bâton », sa « danse ») : musique des femmes dont les chants sont rythmés par des bâtons pilonnés sur le sol. Les musiciennes s’accompagnent souvent d’un ou deux instruments métalliques percutés konzo. Dolia ou glétin yi (danse des coureurs) : danse des coureurs dont les pas consistent à faire semblant de courir. C’est en fait un jeu musical pratiqué par les jeunes gens. Gbègbè sa : danse au cours de laquelle le danseur fait appel à la souplesse du corps. Mais l’exécutant doit se garder de transpirer. Konzal : exécutée exclusivement au clair de lune par les jeunes gens, cette musique de réjouissance est la variante de l’alloukou bété. Ce genre musical (vocal et instrumental) tire son nom de la cloche métallique konzo, instrument prédominant dans l’ensemble instrumental. Outre les cloches konzo (cinq), les autres instruments sont des tambours lèbè mokoun et une trompe traversière bi. Lèbè sa : musique qui annonce le mariage, au cours duquel les amis du marié et tous
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les jeunes gens du village entretiennent une ambiance de fête. Les instruments qui accompagnent cette musique sont des tambours lèbè monkon ou léê monkon ou lèbè yèbè, plédou, pindrin ou fintri, des cloches métalliques konzo. Pour annoncer cet événement heureux, les tambours lèbè monkon ou léê monkon ou lèbè yèbè jouent une formule rythmique du type « blé lé ko ko ». Mli ou zikalo : danse au cours de laquelle les danseurs se tiennent sur un pied comme des équilibristes. Nin gbla sa (littéralement « dépose ton enfant et danse avec moi ») : c’est une musique de réjouissance de groupe exécutée par des jeunes dont l’âge varie entre 18 et 35 ans. Les instruments qui accompagnent ce genre musical (vocal et instrumental) sont des tambours lèbè mokoun, plédou, des cloches métalliques konzo. Plédou sa (littéralement « danse du plédou (tambour) » : c’est une musique instrumentale dansée. Par moments, quand les femmes sont inspirées, elles chantent. C’est une danse de réjouissance mixte. Les instruments qui accompagnent cette musique sont des tambours tingbla, plédou, lèbè mokoun et pindri. Pour rythmer les chants, les danseurs portent aux doigts des grelots glé ou gléhé. Sama sa (littéralement « danse véritable, danse de chez nous, danse du terroir ») : exécutée par les jeunes (il y a le sama sa des femmes), c’est la musique populaire de réjouissance par excellence en pays gban. Les danseurs portent des chevillières en peau de mouton wouèman et tiennent en main une lance gligbin. Ils portent des jupes en fibres synthétiques doudou (traditionnellement en fibres végétales), tiennent en main des queues de bœuf dodowi, portent aux poignets des bracelets en alliage de cuivre zozo. Les principaux termes véhiculés par ce genre musical sont la joie, la tristesse, les événements de la vie, etc. Les instruments qui accompagnent cette musique (vocale et instrumentale) sont des tambours lèbè mokoun, plédou, des cloches métalliques konzo et souvent des trompes traversières bi. IV. Musiques de guerre Gwi sa : musique exécutée par des hommes courageux (les grands guerriers), tous des initiés. Le répertoire musical est essentiellement constitué de chants d’exploits. V. Musiques initiatiques Dôdô : musique instrumentale jouée sur l’arc-en-bouche par des initiés dont certains sont des guérisseurs. Exécutée à tout moment (au champ, au village), elle est censée éloigner les mauvais esprits. L’initié peut jouer des airs pour appeler ses génies. Le musicien peut aussi se faire accompagner par un instrumentiste jouant généralement d’une bouteille vide. L’instrument dôdô serait d’origine gouro. Douébolé : danse de chasse exécutée par des initiés. Consistant à imiter le buffle, les danseurs portent des masques en bois représentant le buffle. Ce masque est appelé niakoré et le porteur niakoré-boïnnko. Cette danse masquée aurait été empruntée chez les voisins Gouro. Un seul instrument accompagne cette danse, le racleur métallique ya. Lèkèlé : danse exécutée par un chasseur ayant tué une panthère. Les prestations consistent en des mises en scène : on suspendait l’animal par le cou, à l’aide d’une corde, à un arbre. Le chasseur qui l’avait tuée devait démontrer l’astuce par laquelle il avait pu abattre ce félin (animal dangereux). Cette danse publique
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pendant laquelle le chasseur devait trancher la corde qui suspendait l’animal à l’arbre sans être vu de personne dans l’assistance pouvait durer parfois toute une journée. Car il s’agissait de tromper la vigilance de l’assistance. Si par malheur, en tranchant la corde suspendant l’animal, le chasseur était vu par quelqu’un, il attraperait durant toute sa vie une maladie d’ordre spirituel (sous forme de paralysie agitante).
Annexe 4 Espèces animales et végétales citées I. Animaux Dodo ou doro : bœuf. Gba : biche noire (Cephalophus niger). Voè ou bouè : biche blanche (Cephalophus maxwelli ou Philantomba maxwelli). Zo : gazelle (Tragelaphus scriptus ). Zouè ou douè : buffle (Syncerus caffer nanus). II. Végétaux Glouagloua : Cordia millenii, Boraginaceae. Gnanguin : bambou. Diè : iroko (Chlorophora excelsa). Koukou : calebasse (Lagenaria vulgaris). Kpakpa : non identifié. Kwan : parasolier (Musanga cecropioïdes, Cecropiaceae). Lo : palmier à huile (Elaeis guineensis). Warapapa : non identifié. Zaha : rônier (Borassus aethiopicum ou Borassus flabelliformis).
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Bibliographie Blanc (S.), Percussions africaines, le tambour « djembé ». Paris, Éditions Maurice Sonjon, 1993, 84 p. Borel (F.), Collections d’instruments de musique, les « sanza ». Neuchâtel, Musée d’Ethnographie, 1986, 181 p. Chauvet (S.), Musique nègre. Paris, Société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1929, 242 p. Hélène (R.), Une approche ethnomusicologique de la « capoeira ». Belgique/ulb/fsspe/sss, 19981999, 118 p. (mémoire de fin de cycle). Holas (B.), Le Gagou. Son portrait culturel. France, puf, 1975, 233 p., planches. Jenkins (J.) (éd.), Ethnic Musical Instruments, Londres, Hugh Evelyn for International Council of Museums, 1970, 59 p. Larousse Illustré (Le Petit –), Paris, 1977, 1790 p. Laurenty (J.-S.), La Systématique des aérophones de l’Afrique centrale (texte). Coll. « Annales du mrac, Nouvelle Série in-4°, Sciences humaines » n° 7, Tervuren, 1974, 479 p. Laurenty (J.-S.), L’Organologie du Zaïre. Les membranophones. Coll. « Annales du mrac, Sciences humaines », vol. 153, tome iii, Tervuren, 1996, 140 p. Léonard (D. L.), L’Introduction du tambour dans l’enseignement de l’éducation musicale dans les lycées et collèges de Côte d’Ivoire : exemple du « djembé ». Abidjan, mcf, insaac, 2001, 57 p. (mémoire pédagogique capeas). Ministère du plan, orstom, université d’Abidjan, Atlas de Côte d’Ivoire. 1979, p. B2 a et suiv. Schaeffner (A.), « Arc musical », in Dictionnaire des civilisations africaines, Paris, Fernand Hazan, 1968, p. 31. Schaeffner (A.), Origine des instruments de musique. Introduction ethnologique à l’histoire de la musique instrumentale. Paris, Payot, coll. « Bibliothèque musicale », 1936, 405 p. Söderberg (B.), Les Instruments de musique au Bas-Congo et dans les régions avoisinantes. Étude ethnographique. Stockholm, 1956, 284 p. Tauxier (L.), Nègres Gouro et Gagou (Centre de la Côte d’Ivoire). Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1924, 370 p. Zemp (H.), Musique dan. La musique dans la pensée et la vie sociale d’une société africaine. Paris, Cahiers de l’Homme, 1971, 314 p.
Les instruments de musique
Koulango
(région nord-est de la Côte d’Ivoire)
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Les instruments de musique koulango (région nord-est de la Côte d’Ivoire)
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Carte 1 : La Côte d’Ivoire en Afrique. (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2006.)
Carte 2 : Situation des villages koulango où les enregistrements et les enquêtes ethnomusicologiques ont été effectués. (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2006.)
Les instruments de musique koulango
Avant-propos La présente contribution, qui traite des instruments de musique koulango, représente le résultat d’un travail de recherche ethnomusicologique mené en collaboration par le Dr Jos Gansemans, ethnomusicologue, et Aka Konin, conservateur de musée. Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un accord culturel entre le royaume de Belgique et la république de Côte d’Ivoire, représentés respectivement par la direction du Patrimoine culturel (DPC) du ministère de la Culture et de la Francophonie et le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) à Tervuren (Belgique). Ces missions furent menées en 2002 dans les régions de Bouna et de Bondoukou. Si nous avons choisi de consacrer une étude sur les instruments de musique koulango, ceci est dû au fait que ce peuple a été étudié par quelques chercheurs du point de vue ethnographique et anthropologique. Mais sa vie musicale n’a jamais fait l’objet de recherches plus poussées. Il était donc nécessaire de compléter ces analyses anthropologiques par une étude de leur culture musicale, étant donné la liaison directe de la musique à la vie sociale. Notre but ici est de contribuer à la connaissance des cultures musicales de la Côte d’Ivoire, qui tendent à disparaître par suite de la modernisation. Afin d’avoir une vue synoptique du patrimoine musical koulango, certaines données qui nous ont été révélées soit sur le terrain, soit par la littérature, seront également mentionnées dans le présent ouvrage. Il convient de noter que lors de cette mission, consacrée essentiellement à l’étude de la musique traditionnelle koulango, nous avons, sur recommandations des autorités traditionnelles de Bouna, effectué des enregistrements dans les localités de Doropo, de Vonkoro et de Tantama. Ces populations, qui se confondent avec les Koulango dont elles parlent la langue, sont en réalité des Lorhon, des Siti et des Birifor. Tout en les nommant ainsi dans la présente publication, nous les rangeons dans le groupe culturel koulango étant donné que certaines études scientifiques les rattachent aux Koulango (1). En raison de notre séjour relativement court dans les différentes localités visitées, nous ne serons pas en mesure de faire une description organologique complète de tous les instruments observés (mensurations, fabrication, etc.) car tel n’était pas le but premier de cette mission. L’analyse du matériel musical et de son organisation (échelle, mélodie, rythme, polyphonie, style, etc.) sera également absente de notre travail en raison de notre incompétence en la matière. Les instruments seront présentés dans l’ordre de la célèbre classification de Sachs-Hornbostel, reprise par H. Zemp (2) : idiophones, membranophones, cordophones, aérophones. Cette division des types instrumentaux en quatre catégories est une classification quasi universellement adoptée par les organologues et les muséologues ; elle se fonde conjointement sur les propriétés sonores de la matière et de l’air et sur quelques procédés de mise en vibration. Cependant, avant d’aborder l’objet même de cet ouvrage, nous tenons à remercier sincèrement les autorités administratives et traditionnelles des Régions de Bouna et de Bondoukou sans la compréhension et la contribution desquelles ce travail n’aurait pu être mené à bien, notamment M. Tra Bi Goï Mathieu, préfet de la Région du Zanzan, Sa Majesté Zakazinda, roi de Bouna, Sa Majesté Kouadio Kra, roi des Koulango de Bondoukou, Sa Majesté Nanan Dagbolo Yao Kouamé Kra, chef de la Province Koulango de Bondoukou, les différents chefs de village et de terre de Bouna et de Bondoukou ainsi que les notables qui les assistent. Notre reconnaissance va aussi au Dr Guido Gryseels, directeur du MRAC, grâce à qui les enquêtes sur le terrain, base de ce travail, ont été possibles. Il nous a également permis d’acquérir du matériel informatique pour le traitement de texte. Nous ne saurions terminer sans exprimer notre reconnaissance au Dr Jos Gansemans, chef du département d’Anthropologie culturelle et chef de la section d’Ethnomusicologie au MRAC, qui nous a familiarisé avec le domaine de l’ethnomusicologie. Nous le remercions pour les enseignements, les directives et les encouragements qu’il n’a jamais cessé de nous donner. Il a aussi bien voulu nous faire bénéficier de son grand savoir en prenant en charge, malgré ses nombreuses occupations, la direction de notre travail dont il a suivi et promu le développement avec une affectueuse sollicitude. Sans ses conseils éclairés et bienveillants, jamais cette étude n’aurait vu le jour. Ensemble, nous avons réalisé des enregistrements sonores sur le terrain, dont une partie a été publiée en 2003 sous forme de CD : Côte d’Ivoire : Koulango. Musique traditionnelle, Fonti Musicali fm 227 et MRAC (3). Nous exprimons, enfin, notre gratitude aux différents peuples visités et à leurs excellents musiciens pour l’agréable accueil qu’ils nous ont réservé dans leurs villages. À tous, nous sommes infiniment reconnaissant. Cf. Ministère du Plan, ORSTOM (Office de la recherche scientifique et technique d’ Outre-mer), université d’Abidjan (Institut de géographie tropicale), Atlas de Côte d’Ivoire, 1979. Cf. TAUXIER (L.), Le Noir de Bondoukou. Koulangos, Dyoulas, Abrons etc., Paris, Éditions E. Leroux, 1921. Cf. DIABATE (H.) (sous la direction de), Mémorial de la Côte d’Ivoire, Tome I, Abidjan, Éditions Ami, 1987.
ZEMP (H.), Musique dan. La musique dans la pensée et la vie sociale d’une société africaine, Paris, Cahiers de l’Homme, 1971, p. 13.
Une référence sera faite à ce CD, chaque fois qu’un enregistrement audio permet d’illustrer un passage.
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Table des matières
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Chapitre i – Les idiophones . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 1. Xylophones . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Sinaga . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Silaw . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Siléléwou . . . . . . . . . . . . . . . .9 2. Hochets . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 Goko . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 3. Grelots . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Tchiman ou tchêtchê . . . . . . . . . . . 10 Praha, siayè, sobigué . . . . . . . . . . . . 11 4. Cloches . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Adahoua et daouro . . . . . . . . . . . . . 11 5. Mortiers et lames de houe percutés. . . . . . . . . . 12 Hôkô et hiôgô . . . . . . . . . . . . . . . 12 6. Lamellophones . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Ahouessi . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Chapitre ii – Les membranophones . . . . . . . . . . . . . .14 1. Tambours à une peau chevillée . . . . . . . . . . . 14
Bingo . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Biwalogo . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Toumblan ou tim’pinlin . . . . . . . . . 14 Tonmaniyo . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Toumanou . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Tatawa . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Ganganbilé . . . . . . . . . . . . . . . .15 Kri n’zri . . . . . . . . . . . . . . . . .15 Kinissi . . . . . . . . . . . . . . . . .15 Kpassouô . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Tchunissini . . . . . . . . . . . . . . . . 16 2. Tambours à deux peaux lacées . . . . . . . . . 17 Yagba . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Ganganga. . . . . . . . . . . . . . . . .17 Gangangô . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Kpoukpouhikpouye ou tégué . . . . . . . . . 17 3. Tambours à une peau lacée . . . . . . . . . . . . .18 Kpassouô ou pèrèdin ou djémé . . . . . . . . . 18 4. Tambours d’aisselle en forme de sablier . . . . . . . . 19 Dondo ou gongondiguè . . . . . . . . . . . 19 5. Tambours en poterie . . . . . . . . . . . . . . 20 Pankporo . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Damignowalogo et damignofifidjo . . . . . . . . 20 6. Tambours sur calebasse . . . . . . . . . . . . . 21 Gobingo ou goko . . . . . . . . . . . . . 21 7. Tambours métalliques . . . . . . . . . . . . . . 21 Pitine ou palogogangangô . . . . . . . . . . .21
Les instruments de musique koulango
Chapitre iii – Les cordophones . . . . . . . . . . . . . . .
22 Guitares artisanales . . . . . . . . . . . . . . 22 Sango . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Chapitre iv – Les aérophones . . . . . . . . . . . . . . . . 23 1. Flûtes traversières . . . . . . . . . . . . . . . 23 Caléhébipôgô et caléhébidah . . . . . . . . . 23 2. Trompes traversières . . . . . . . . . . . . . . 23 Ounougou ou ounougô (pluriel, ounouou) . . . . . 23 3. Accordéons . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Sanmo . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
Annexe 1 : Chronologie des rois koulango de bouna . . . . . . .27 Annexe 2 : Note sur les Lorhon . . . . . . . . . . . . . . . 28 Annexe 3 : Note sur les Birifor . . . . . . . . . . . . . . . 29 Annexe 4 : Note sur les Siti . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Annexe 5 : Terminologie musicale supplémentaire . . . . . . . . 32 Discographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
AKA Konin
Introduction
Entre le Comoé et la Volta s’étend le domaine koulango, les Pakhalla des Dioula, qui demeurent presque tous en Côte d’Ivoire, en dehors de quelques village du Ghana. Il faut leur rattacher les Zazèrè et les Namboy du Comoé, ainsi que les Lorhon, qui représentent leur noyau originel, et même les Téguéssié Lorhon-Lobi, dont la langue est très proche, bien que leur culture et leur civilisation soient du type lobi. D’autres Lorhon, que l’on retrouve dans un village du pays Pallaka, où ils parlent une langue spéciale, et à l’état de caste dans le centre du pays sénoufo, paraissent assez différents. Leur domaine est très hétérogène, s’étendant largement dans les savanes au nord et pénétrant profondément en forêt vers le sud. Leur culture et leur civilisation ne sont pas moins diverses, ce qui témoigne d’une histoire heurtée et complexe (4). La capitale du royaume koulango de Bouna et de Nassian fut fondée en 1760 par un prince dagomba, nommé Garzyao. Faisait partie du vaste réseau de cités marchandes qui couvraient tout l’ouest africain, elle prit son essor. Elle était également à l’époque précoloniale une véritable ville, à la fois capitale du royaume koulango et cité marchande. Elle connut le passage de Binger en 1889. Ouvert à partir du xvie siècle au commerce nord-sud avec des Mandé du moyen Niger, le pays lorhon était ouvert aussi aux envahisseurs. Ainsi, vers 1600, un prince dagomba nommé Garzyao jeta sur lui son dévolu et s’établit parmi les Lorhon. Proches parents des Mossi et des Gourmantché, les Dagomba formaient alors dans le nord du Ghana actuel, près de Yendi, les royaumes dagomba, mamproussi et namouba. Le fils de Garzyao, appelé Boukani, entreprit d’organiser le royaume sur le modèle dagomba. Ainsi, les Lorhon, cultivateurs pacifiques de religion animiste, furent rapidement soumis. Le royaume créé, Boukani débaptisa son peuple et appela ses sujets « Koulango » (pluriel : Koulam) qui signifie « vassaux ou ceux qui ne craignent pas la mort », avec pour ambition de faire des pacifiques Lorhon les sujets d’un État guerrier. Divisé en grands commandements militaires et situé de façon exceptionnelle sur la grande route commerciale allant du Niger à Accra par Kumassi, le royaume devint très rapidement riche et redoutable, et les Koulango nouèrent des relations étroites avec les rois ashanti. Le royaume koulango n’est pas resté figé dans ses limites durant son apogée. Plusieurs vagues successives se sont dirigées vers le sud, assimilant ou chassant les premiers habitants de la région de Bondoukou, les Gbin et les Gour, pour fonder de petits royaumes indépendants dont celui de Nassian. L’essaimage des Koulango dans la région de Bondoukou a commencé par l’histoire d’un prince Issamara. Évincé de ses droits d’héritier, fuyant son royaume par mécontentement, il vint s’installer avec ses partisans près du village actuel de Guiendé, alors capitale d’un petit État gan ou gambo et habité par les Bambara ou Nafana, qu’il conquit par la suite. Il fonda un campement de chasse à l’emplacement actuel de la ville de Tanda où deux de ses fils, Tanda l’aîné et Gboko le cadet, s’installèrent. Face aux querelles nées entre les deux frères, Gboko le cadet s’en alla fonder, au-delà du marigot Mafilé, l’actuel village de Gbokoré. S’appuyant à l’ouest sur le fleuve Comoé et au nord sur un affluent du Comoé, limité au sud par une ligne de collines le séparant du Barabo, le pays Nassian (Nassian sakô) a bénéficié de la rente sur l’une des plus importantes voies commerciales de l’ouest africain précolonial, qui reliait Kong aux comptoirs européens installés sur la côte. Cependant, d’un point de vue politique, le royaume de Nassian ne connut pas le rayonnement et la puissance des royaumes de Bouna, Kong et Bondoukou (5). L’organisation sociale est intéressante surtout du point de vue de la situation des captifs. Ministère du Plan, ORSTOM (Office de la recherche scientifique et technique d’ Outre-mer), université d’Abidjan (Institut de géographie tropicale), Atlas de Côte d’Ivoire, 1979, pp. B2 a et suiv. Texte (ronéotypé) de la direction régionale de l’Industrie et du Tourisme de la région du Zanzan (sans titre et non daté).
Les instruments de musique koulango
Les Pakhalla sont divisés en deux classes : - les notables, chefs et individus qui se sont fait remarquer par un fait quelconque ; - les captifs et les roturiers ou griots (cordonniers, forgerons, tisserands, etc.) forment la seconde classe. Les esclaves sont beaucoup plus heureux chez les Pakhalla que chez les Dioula (6). Les Koulango sont organisés en lignages matrilinéaires bin, unis par des mariages patrilocaux. Ce trait paraît bien ancien et il est commun à beaucoup de peuples voltaïques, mais il a été marqué à Bouna par la dynastie d’origine dagomba qui a importé un système de succession patrilinéaire. Le caractère minuscule des villages koulango bango s’explique en partie par la volonté de chaque lignage de vivre replié sur lui-même. Nous avons affaire ici à une société hiérarchique construite récemment sur un fond d’égalitarisme paléonégritique. Dans le sud, le groupe dominant est en outre fourni par une nationalité étrangère : les Abron. Sans doute, sous l’influence de Bouna, les Koulango avaient cependant dépassé le stade de l’anarchie paléonégritique avant la conquête abron, et ils étaient partout organisés en petits royaumes, dirigés par des rois sacrés, dont Nassian est encore l’exemple (7). Comprenant quatre grandes chefferies dont Bouna, Nassian, Bondoukou et Bagaribo, le royaume, très centralisé, se partage en cinq provinces appelées sakô : Angaye et Dano au nord, Niamdégui à l’est, Yalo à l’ouest, Latrougo au sud, avec des chefferies plus modestes à Piéko, Vigoli, Niamoin, Kouzié, Kalamon, Nakelé. Les chefs de provinces sont issus de la famille royale, composée de trois branches distinctes : Gago, Piawori, Koungan. Le nom de règne de l’actuel roi de Bouna ou Bouna Massa ou Bouna-Essiè est Zakazinda. Souverain des peuples koulango, lobi et dioula, Zakazinda est depuis le 20 octobre 1996 le 29e roi de Bouna (8). L’agriculture koulango est partagée entre la savane, où dominent le mil et le maïs, et la forêt, où tout repose sur l’igname et la banane. Le coton est cultivé partout. L’élevage était médiocre, mais la chasse, très importante, était pratiquée, dans ce pays à moitié désert, par des confréries de chasseurs professionnels. L’artisanat était médiocre, le tissage étant souvent le fait des minorités dioula ou mossi. Les forgerons n’extrayaient pas le fer, mais l’achetaient, surtout chez les Lobi. Traversé depuis le xive siècle par les routes de l’or, le pays était le théâtre d’un commerce important, que les Koulango abandonnaient entièrement aux éléments dioula (9). Du point de vue des croyances religieuses, le Koulango croit en un Dieu unique, créateur de l’univers, maître de toutes choses sur la terre et dans les cieux. Il l’appelle yego. Yego connaît tout et est à la base de tout, nos malheurs, nos joies, nos succès, nos infortunes. Le Koulango, pour se mettre en rapport avec ce Dieu invisible, passe par l’intermédiaire des fétiches. Il est superstitieux et croit sincèrement que les prières et les cérémonies qu’il lui fait sont exaucées. La force et la puissance de chaque individu résident dans son fétiche et surtout dans la magie ou la sorcellerie. Les rois gouvernent dans ces royaumes avec l’aide, le soutien, la protection des fétiches (10). Dans leur religion, le culte des ancêtres est nettement éclipsé par celui des esprits de la nature, qui s’exprime par des sociétés « secrètes », chargées de l’initiation et dont les masques sont la principale réalisation de l’art koulango (11). CANGAH (G.) et EKANZA (S.-P.), La Côte d’Ivoire par les textes. De l’aube de la colonisation à nos jours, Abidjan, NEA, 1978, p. 36. Ministère du Plan, ORSTOM (Office de la recherche scientifique et technique Outre-mer), université d’Abidjan (Institut de géographie tropicale), op., cit., pp. B2 a et suiv.
Document (ronéotypé) de la direction régionale de l’Industrie et du Tourisme de la région du Zanzan.
Ministère du Plan, ORSTOM (Office de la recherche scientifique et technique d’Outre-mer), université d’Abidjan (Institut de géographie tropicale), op., cit., pp. B2 a et suiv. 10 COULIBALY (P.), L’Ancien Royaume de Bouna de Cissé Logossina. Organisation politique, économique et sociale. Abidjan, Université nationale, département d’histoire, mémoire de C : 1, p. 39 (non daté). 11 Ministère du Plan, ORSTOM (Office de la recherche scientifique et technique Outre-mer), université d’Abidjan (Institut de géographie tropicale), op. cit., pp. B2 a et suiv.
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Chapitre i – Les idiophones
1. Xylophone sinaga à 14 calebasses et 14 lamelles. Ici on aperçoit les cocons d’araignée daminan faisant office de mirlitons (Doropo, région de Bouna). (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
De idio (soi-même) et de phonè (la voix), les idiophones sont des instruments faits de matériaux sonores qui ne requièrent aucune tension supplémentaire comme dans le cas des instruments à cordes ou des tambours. Cette catégorie d’instruments est la plus riche et la plus représentée dans le patrimoine organologique des Koulango, comme dans la plupart des cultures musicales de la Côte d’Ivoire. Ils constituent le plus souvent l’élément rythmique dans la musique vocale et s’emploient fréquemment dans les rites magico-religieux. Les nombreux instruments que compte cette catégorie d’idiophones peuvent être groupés selon leur principe de résonance : ils peuvent être frappés, secoués, pincés, ou encore les différentes parties de l’instrument peuvent être frappées les unes contre les autres. Les instruments sont faits de matériaux de formes et de compositions différentes, et il va de soi que leur fonction musicale ne se limite pas toujours au rôle rythmique dans l’accompagnement de chants et de danses.
1. Xylophones De tous les instruments des Noirs d’Afrique ou d’Amérique, le xylophone a été le plus décrit par les voyageurs et le plus reproduit sur des illustrations anciennes (12). Absent ou très rare dans les civilisations côtières et sylvestres, le xylophone à résonateurs en calebasse, connu dans toute l’Afrique occidentale sous le nom de balafon (13), est un instrument caractéristique des zones septentrionales. En Côte d’Ivoire, le balafon n’apparaît réellement qu’à partir des pays sénoufo et lobi et dans quelques contrées koulango. Sinaga Sinaga est le nom donné au xylophone par les Lorhon de Doropo – et que L. Tauxier appelle Koulango Nabé (14). L’instrument comporte 14 lamelles (en bois dur) attachées sur un cadre. Sous chaque lamelle, et accordée en fonction de la hauteur du son, pend une calebasse. De forme sphérique et d’une taille variable correspondant à celle des lamelles, ces calebasses servent de résonateurs (amplificateurs du son produit par les lamelles). Selon O. Boone, « ces lamelles n’influencent en aucune façon la hauteur du son mais ont tout autant pour effet de modifier le timbre du bois qu’on frappe. En principe, chaque calebasse est choisie et coupée de telle sorte que la fréquence de la colonne d’air qu’elle contient soit la même que celle de la touche placée au-dessous. Dès lors, une touche frappée isolément et produisant un son faible, produira, accompagnée d’une calebasse résonatrice appropriée, un son clair, relativement puissant » (15). Ces calebasses sont percées d’un ou deux petits trous que recouvre un fragment de cocon d’araignée daminan. Selon le même auteur, le rôle de cette membrane vibrante est uniquement de produire un son accessoire, comparable à celui du mirliton, mais qui ne modifie en rien le son fondamental produit par les touches. Ce mirliton donne au xylophone un timbre 12 SCHAEFFNER (A.), « Xylophone », in Dictionnaire des civilisations africaines, Paris, Fernand Hazan, p. 438. 13 Du malinké bala (bois) et fo (faire parler), signifiant littéralement « faire parler le bois ». 14 TAUXIER (L.), Le Noir de Bondoukou. Koulangos, Dyoulas, Abrons etc., Paris, Éditions E. Leroux, 1921, p. 552. 15 BOONE (O.), Les Xylophones du Congo belge, Tervuren, « Annales du Musée du Congo belge, Ethnographie, Série III », 1936, p.125.
Les instruments de musique koulango
caractéristique recherché par beaucoup de sociétés. Les lamelles sont frappées avec deux mailloches en bois terminées par une boule en caoutchouc sinalossigué. Ces lamelles ont sensiblement la même longueur, environ 40 cm, seules leur épaisseur et leur largeur varient. Une anse de transport est fixée à cet instrument. Elle se compose d’une tige de rotang courbée en demi-cercle et fixée par des ligatures à la planchette. Pour le jeu, cet instrument repose à terre. Silaw Cet instrument, rencontré dans un village de Bondoukou, précisément à Wolobidi, comporte 16 lamelles et présente sensiblement les mêmes caractéristiques que le précédent. Le mirliton recouvrant les orifices des calebasses s’appelle dirima. Pendant le jeu, les 5 lamelles se trouvant à la gauche du musicien constituent les tons bas. Selon les informations fournies par l’instrumentiste lui-même, ces lamelles représentent les ancêtres et ne sont jamais jouées. En outre, elles font l’objet de rituels. L’anse de transport est en coton. Cet instrument était dans un très mauvais état de conservation. C’est ce qui explique la mauvaise qualité acoustique de la musique jouée par ce xylophone (16). Siléléwou L’existence de ce xylophone à résonateurs nous a été révélée par un informateur, à Yézimala, dans la région de Bondoukou. C’est la raison pour laquelle nous ne disposons pas d’informations précises sur les caractéristiques de cet instrument. Les parties constitutives essentielles du xylophone sont : - le clavier, - le support ou le châssis, - les calebasses. L’accord des touches Nous devons ces lignes à la plume de O. Boone (17) : « C’est la vibration de lames de bois, appelées touches, qui engendre les sons musicaux des xylophones. Les lois auxquelles sont soumises les vibrations de ces lames élastiques diffèrent de celles qui régissent les vibrations des cordes. Le rapport entre le nombre des vibrations, donc la hauteur du son, et la longueur, l’épaisseur, la rigidité, ainsi que le poids spécifique de la lame, s’exprime, comme dans le cas d’une corde vibrante, par une formule fort simple que l’on doit à Riccati et qui a été vérifiée par l’expérience. Cette formule montre que, dans les lames de même substance, le nombre des vibrations est en raison directe de l’épaisseur et en raison inverse du carré de la longueur de la partie vibrante. Or, la hauteur des sons musicaux étant directement proportionnelle au nombre de vibrations, il suffira de diminuer la longueur et d’augmenter l’épaisseur des touches, pour obtenir des sons de plus en plus aigus. » Les Koulango ont appliqué cette loi d’une façon empirique dans la construction de leurs xylophones. Les touches des xylophones ne sont pas disposées dans un ordre quelconque. Avant de s’en servir, les musiciens koulango accordent leurs instruments. Cette disposition a évidemment été établie d’une façon réfléchie et une fois pour toutes lors de la construction de l’instrument. Tous les xylophones observés dans l’aire culturelle koulango présentent la parti16 Cf. CD : Konin (Aka), GANSEMANS (Jos), Côte d’Ivoire : Koulango. Musique traditionnelle, Fonti Musicali fm 227 et MRAC, 2003. 17
BOONE (O.), op. cit., pp. 124-125.
2. Vue de l’ensemble instrumental de la danse silaw : de gauche à droite, un petit tambour kpoukpouhikpouye ou tégué, un xylophone silaw, un gros tambour cylindrique gangangô (Wolobidi, région de Bondoukou). Audio : CD plage 14. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
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cularité d’avoir leurs touches (lamelles) disposées de telle sorte qu’elles produisent des sons se succédant d’une façon régulière depuis le son grave jusqu’au son aigu. Si bien que, représentée graphiquement, la succession des sons se présente comme une ligne ascendante. Cette échelle musicale ascendante continue se retrouve, avec une régularité presque aussi grande, dans la plupart des xylophones qu’on rencontre dans la partie septentrionale de la Côte d’Ivoire.
2. Hochets
3. Musiciennes du groupe musical sésségo, remuant avec impétuosité des hochets en calebasse goko (Kamala, région de Bondoukou). Audio : CD plages 3 & 4. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
Rarement jouet d’enfant, le hochet est un des plus anciens instruments du monde. On en a retrouvé dans l’Égypte ancienne notamment (en roseau, en papyrus et en terre cuite) et en Mésopotamie (en terre cuite), qui datent de 2000 av. J.-C., ainsi que dans la plupart des sociétés préhistoriques des cinq continents (J. Gansemans citant Blades et Schlechter (18)). La classification de Von Hornbostel et Sachs, reprise par J. Gansemans (19), distingue sept catégories différentes de hochets. Le hochet de forme sphérique est le seul type que nous ayons rencontré chez les Koulango. Le même auteur, citant Marcel-Dubois (20), note qu’en général, le hochet se présente comme un idiophone constitué d’un récipient clos en calebasse, en os, en cuir, en bois, en vannerie, en feuilles, en terre cuite ou en métal et contenant des éléments percutants faits principalement de grenailles, de cailloux, de coquillages, de bâtonnets, de noyaux et autres petites graines dures. Dans ce cas, il résonne par une percussion interne. Quand ils sont constitués par une coque recouverte d’éléments percutants, on parle de percussion externe. Selon J. Gansemans (21), la croyance en la force magique de cet instrument est très répandue. Il est, par conséquent, l’un des instruments indispensables pour les guérisseurs, devins, sorciers (Afrique), les shamans (Amérique) et les adeptes de sociétés secrètes. C’est d’autre part un instrument de musique qui donne souvent la base rythmique aux chants et danses exécutés lors de circonstances diverses (rites, cérémonies, divertissements). Goko Ils sont faits avec une calebasse sphérique à manche dans laquelle sont placés des cailloux ou des graines. Ces hochets, saisis par paire et secoués avec véhémence par les femmes, au rythme de la danse funéraire sésségo, produisent un bruit de crécelle. C’est ce bruit qui est à la base du nom onomatopéique de cette danse. Ils sont employés pour la danse afin d’accentuer le rythme et de l’animer quelque peu. Les hochets goko apparaissent non seulement dans les danses funéraires mais également dans les danses religieuses des prêtres et prêtresses kpaléssô.
3. Grelots 4. Danseurs birifor portant des grelots de cheville tchiman pour rythmer la danse de réjouissance bazingué (Tantama, région de Bouna). Audio : CD plages 12 & 13. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
Bien que le grelot en général ait une origine ancienne – les premières sources datent de l’Égypte ancienne (2000 av. J.-C.) et mentionnent des instruments d’abord en argile, puis en bronze – et qu’il soit universellement répandu, ses dimensions restent relativement réduites (Price, cité par J. Gansemans (22)). 18 GANSEMANS (J.) Les Instruments de musique du Rwanda. Étude ethnomusicologique, Tervuren, « Annales MRAC, Sciences humaines » n° 127, 1988, p. 43. 19
Ibid..
20
Ibid.
21
Ibid.
22
GANSEMANS (J.), op. cit., p. 32.
Les instruments de musique koulango
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Tchiman ou tchêtchê C’est un instrument constitué d’un anneau en métal se mettant à la cheville, et comportant un renflement formant cavité dans lequel on a placé une petite boule en métal. Ces grelots sont enfilés sur une corde que les danseurs enroulent autour des chevilles, entourées de bandages. Lors des prestations, les danseurs birifor du village de Tantama portent des grelots tchiman, qui provoquent, par leurs mouvements simultanés, un rythme uniforme. Dénommés tchêtchê par les Koulango de la région de Tanda, ces instruments participent aussi de la percussion lors de la danse des initiés naya, pratiquée dans le village de Torosanguéi. Ces grelots sont également utilisés comme accessoires musicaux par les prêtres et prêtresses kpaléssô que l’on rencontre dans la région. Selon J. Gansemans (23), le grelot est utilisé depuis un passé lointain comme amulette, tant pour les adultes et les enfants que pour les animaux, afin de les protéger des esprits malfaisants. C’est pour cette même fonction protectrice que la mère, soucieuse de la sécurité et de la bonne croissance de son enfant, lui accroche aux chevilles, dès son bas âge, de petits grelots ou un anneau qui produisent pendant la marche le bruit voulu. À côté de cette fonction magique et protectrice, il possède également une fonction pratique, par exemple celle d’effrayer les carnassiers, de maintenir le troupeau de bétail rassemblé, ainsi que celle de traquer le gibier et rythmer la danse. Il peut avoir plusieurs variantes.
5. Ces « derviches tourneurs » lorhon rythment leurs chants avec des grelots de doigt siayè (Doropo, région de Bouna). (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
Praha, siayè, sobigué Ce sont des grelots sans boule, portés aux doigts, et percutés à l’aide d’une grosse bague passée au pouce. Ce type d’idiophone porte un nom propre selon la localité. Les Birifor l’appellent praha et l’utilisent pour rythmer leur danse de réjouissance bazingué. Chez les Koulango de Doropo ou Lorhon, il porte le nom de siayè et est utilisé au cours de la danse funéraire loh sinaga. On le retrouve également dans la danse de réjouissance abou, exécutée dans la même localité. Sobigué est l’appellation de cet accessoire musical par les Siti du village de Vonkoro, qui l’utilisent lors de leur danse de chasse kpan- hanan. Sensiblement de même forme, ces grelots de doigts soulignent le son rythmique et mélodieux des autres instruments par un tintement métallique.
4. Cloches La cloche et la clochette ont fait leur apparition en Afrique à une époque très lointaine, se situant avant 800 av. J.-C, dans une région qui s’étend du Bas-Congo et du Shaba (RDC) jusqu’en Zambie et au Zimbabwe. Elles étaient fabriquées en fer martelé, en bois ou en bronze coulé. Pour Hickmann, cité par J. Gansemans (24), « l’accentuation des mouvements rythmiques par des idiophones (cloches, grelots, sonnailles) lors de danses à caractère magique, date d’une époque très ancienne et se retrouve du Moyen-Orient en Afrique occidentale, tout en passant par la culture pharaonique. » Adahoua et daouro Elle consiste en une feuille de métal qu’on a repliée pour former deux valves dont les bords verticaux sont rapprochés et parfois soudés ; la base 23
Ibid.
24
Ibid.
6. Ouattara Hâki, le chanteur soliste du groupe musical loh sinaga, rythmant ses chants avec un grelot de doigt siayè (Doropo, région de Bouna). (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
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7. Une cloche métallique adahoua utilisée lors de la danse bingo à la cour royale de Bouna. Audio : CD plage 19. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
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est généralement ovale. Elle est tenue en main au moyen d’une petite poignée en fer ou d’un bois souvent sculpté. Elle est toujours frappée sur sa paroi externe à l’aide d’une tige de fer ou d’une baguette de bois. Dans le cas des cloches doubles, l’instrument comprend deux cloches de grandeurs inégales soudées l’une sur l’autre. L’instrument peut alors produire deux sons de hauteurs différentes. Une cloche double observée à Yézimala s’appelle daouro et servait d’instrument rythmique à la danse des prêtres et prêtresses kpaléssô. Nous avons remarqué à Abema, village situé dans la région de Bondoukou, une cloche à battant interne adahoua qui était agitée lors de la danse d’exorcisme sacrabouri. À la tête du groupe, l’un des danseurs tenait l’instrument par le manche et, d’une seule main, la faisait tinter « nerveusement », lorsqu’ils quittaient leur lieu de retraite et se dirigeaient en procession vers la place publique. Ces tintements accompagnaient également tous les chants exécutés lors de cette danse. Le son de cette cloche rappelle celui d’une sonnette d’église. Pour A. Schaeffner (25), « la suspension d’un battant libre à l’intérieur laisserait supposer une influence européenne. » La cloche simple se nomme dans presque tous les villages visités adahoua et est utilisée lors de diverses danses rituelles, religieuses et profanes.
5. Mortiers et lames de houe percutés Hôkô et hiôgô Des instruments domestiques sont transformés pour la circonstance en des objets destinés à produire un bruit, un rythme. Nous avons observé à Bania, dans la région de Bouna, un mortier servant usuellement à piler les aliments hôkô, et qui faisait partie de l’ensemble instrumental qui accompagnait la danse des chasseurs abôffouô. Couché horizontalement sur le sol et frappé à l’aide de deux baguettes en bois tégué, ce mortier faisait la basse, et donnait le ton (le signal). Faisaient également partie de l’ensemble instrumental deux lames de houe hiôgô, percutées à l’aide de baguettes en fer. Traditionnellement, on ajoute à cet ensemble des machettes (coupe-coupe) et des haches. Tous ces objets métalliques servent d’instruments de percussion.
6. Lamellophones
9. Une vue des instruments de la danse funéraire et de réjouissance samérigué : à droite, un mortier hôkô, battu avec deux baguettes en bois tégué (Bania, région de Bouna). Audio : CD plage 15. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
Ahouessi Ahouessi est un idiophone par pincement, composé d’une table en bois sur laquelle sont attachées généralement 3 à 4 lamelles en fer forgé de longueurs différentes (généralement des morceaux de scie à métaux). Sa forme la plus courante est celle d’un parallélépipède rectangle. Chaque lamelle (lorsqu’elle est pincée) produit un son de hauteur différente. L’accord se fait en enfonçant plus ou moins les lamelles dans leur fixation, raccourcissant ou allongeant ainsi la longueur de la partie vibrante. Pendant le jeu, les touches sont tournées vers le musicien. Les touches sont pincées avec le médius et l’index tandis que le musicien frappe un rythme supplémentaire avec la main sur la caisse de résonance. La position du jeu est variable. Elle peut être verticale : le musicien pose l’instrument sur le sol et s’assied dessus, les jambes écartées. Parfois, assis sur une chaise, il incline l’instrument, le jouant dans une position oblique. Enfin, le musicien, assis sur une chaise, pose son instrument sur une seconde chaise.
25 SCHAEFFNER (A.), « Cloche », in Dictionnaire des civilisations africaines, Paris, Fernand Hazan, p. 109.
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L’existence de cet instrument chez les Koulango de la région de Tanda nous a été révélée par un autochtone. Cet instrument, très populaire dans la région de Bongouanou (centre-est du pays), a donné son nom à une danse très célèbre : l’ahossi. La similitude entre les deux appellations ne laisse que fort peu de doute sur l’origine de l’instrument koulango. Il convient de souligner que la région de Tanda est aussi habitée par des Agni. L’ahouessi accompagne généralement les chants lors des veillées funéraires. Certains spécimens ont leurs lamelles en tiges de bambou (de longueurs inégales). Le musicien fait vibrer avec ses doigts les tiges de bambou pour accompagner des chants. L’ahouessi forme avec d’autres idiophones la base rythmique des ensembles musicaux qu’ils animent. Cet instrument étant exclusivement africain et les langues européennes ne possédant pas de terme pour le désigner, on lui a laissé son nom d’origine bantou de la région du Congo, sanza, d’où les premiers exemplaires ont été rapportés dans les musées d’Europe (26). Au sujet de la fonction musicale de l’ahouessi dans la musique populaire koulango, il faut se référer à ces lignes, empruntées à la plume de C. E. Schmidt (27). Selon cet auteur, « l’un des instruments mélodiques africains les plus expressifs, dont le son est d’une beauté, d’une subtilité et d’une richesse polyphonique étonnantes, est la sanza ou la mbira ».
10. Un lamellophone agni ahossi (N’guinou, région de Bongouanou, centre-est de la Côte d’Ivoire). (Photo : Aka Konin, 2004.)
8. Musiciens du groupe musical aboffouô jouant de deux lames de houe hiôgô comme instruments de percussion (Bania, région de Bouna). Audio : CD plage 10 (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
26
ZEMP (H.), op. cit., p. 37.
27 SCHMIDT (C. E.), « Les valeurs iconographiques et musicales de la sanza africaine », in Afrique, formes sonores, Réunion des musées nationaux, Paris, 1990, p. 63.
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Chapitre ii – Les membranophones Ce sont des instruments dans lesquels le son est produit par la vibration d’une ou deux membranes, qu’on bat ou, rarement, qu’on frotte. Les tambours sont des membranophones et se distinguent par la forme, le nombre de peaux et le mode de fixation de la peau. Les membranophones chez les Koulango comportent six types de tambours, un à une peau chevillée, un à une peau lacée, un à deux peaux lacées, un en poterie, un sur calebasse et un à caisse métallique.
1. Tambours à une peau chevillée
11. Le grand tambour bingo de la cour royale de Bouna. Il est joué ici par le musicien Dabila. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
12. Une vue de l’ensemble instrumental de la danse bingo : de gauche à droite, le grand tambour bingo, deux tambours appariés toumblan, une cloche métallique adahoua (cour royale de Bouna). Audio : CD plage 19. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
Bingo Signifiant littéralement « le grand tambour », le bingo est constitué par un tronc d’arbre débarrassé de son écorce et évidé de part en part, de façon à ne plus former qu’un cylindre creux, dont l’une des extrémités est recouverte d’une peau. La peau est tendue par des ficelles passant sous des tenons enfoncés dans la caisse. Afin de tendre la membrane, le musicien enfonce davantage les tenons à l’aide d’un maillet ou d’une pierre. Il est frappé avec deux baguettes recourbées. Il est imposant par sa taille et sa forme. Dans l’exercice des ses fonctions, ce tambour est tenu dans une position inclinée par une personne. Cet instrument intervient dans les représentations musicales et sert aussi à lancer des appels sonores à la population, ou aux seuls notables de la cour, pour annoncer l’arrivée d’un visiteur d’importance, le décès d’un notable, l’ouverture de grandes festivités, la déclaration de guerre, etc. Le son est émis par le battement d’une unique membrane constituée d’une peau d’oreille d’éléphant toulo. L’emploi de cet instrument est toujours réservé à un spécialiste désigné par le chef et instruit au préalable dans cet art. Principal élément d’un ensemble instrumental, ce tambour a donné son nom à la danse royale de Bouna du même nom bingo. Biwalogo Ce tambour, dont l’existence nous a été révélée lors de notre séjour à Bondoukou (28), existe dans certains villages koulango comme à Ouélékéi. L. Tauxier (29) donne une description détaillée de cet instrument : « Le principal tambour, le biwalogo, est rituel pour les funérailles. Il est fort long (plus d’1,5 m) et son diamètre est de 40 cm au moins. Il est cylindrique, renflé vers le milieu, et légèrement aminci à la partie supérieure qui seule porte une peau. Sur le renflement est fixée une grosse poignée de fer. Un jeune homme le tient incliné, une main à la poignée, l’autre sur les chevilles qui soutiennent les cordes de tension du tympan. Un autre homme frappe avec deux baguettes coudées (une fourche légère dont l’une des branches est courte et l’autre, plus longue sert de poignée). Le biwalogo est de couleur brune avec de larges bandes longitudinales plus claires. Quelques plumes de poulet fraîchement collées avec un peu de sang sur la partie supérieure du fût dénoncent le caractère rituel de cet énorme tambour. » Toumblan ou tim’pinlin Ce tambour, présentant une caisse en forme de calice ou de mortier, mesure généralement 150 cm de long. Servant, toujours apparié (mâle et 28 L’information nous a été fournie, en 2002, par Yéboua Didier, promoteur d’un festival de danses traditionnelles dénommé « Zanzan festival ». 29 TAUXIER (L.), op. cit., p. 204.
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femelle), à la transmission de messages, il est recouvert d’une peau d’animal sauvage, notamment d’antilope harnachée que les Koulango nomment bouro. Comme pour les précédents, la peau est tendue par des ficelles passant sous des tenons enfoncés dans la caisse. Afin de tendre la membrane, le musicien enfonce davantage les tenons à l’aide d’un maillet ou d’une pierre. Il trouve un usage semblable au grand tambour d’appel. Ce sont les principaux tambours « parleurs » des Koulango, des Siti et des Birifor. Les derniers cités nomment ces tambours tim’pinlin. Pendant le jeu, ils sont tenus en équilibre par des supports en bois ou tout autre objet (mortier, table, etc.). Ces tambours sont présents dans presque toutes les formations musicales des Koulango. Ils se jouent soit à la main, soit à l’aide de baguettes fourchues. Tonmaniyo Servant toujours couplés, ces tambours présentent les mêmes caractéristiques que les précédents. Ils sont joués avec des baguettes recourbées. Audio : CD plages 5 & 6. Toumanou Le socle de ces tambours relativement moyens est plus effilé que les précédents. Ils servent toujours couplés à la transmission des messages. Pendant le jeu, ils sont tenus en équilibre par un mortier (couché), et battus avec deux fines baguettes recourbées. Tatawa Ce sont deux petits tambours en forme de calice ou de mortier. Battus avec de fines baguettes, ils accompagnent, à Bouna, les danses royales bingo et domba.
13. Deux tambours appariés toumanou de l’ensemble instrumental gobingo (Kamala, région de Bondoukou). Audio : CD plages 1 & 2. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
Ganganbilé De par sa conception, ce petit tambour ressemble sensiblement aux tambours parleurs toumblan ou tim’pinlin, rencontrés dans la région de Bouna et de Bondoukou. Sa caisse de résonance épouse la forme d’un calice ou d’un mortier. Cependant, nous avons noté un nombre relativement important de chevilles en bois (12) destinées à tendre la membrane. Pour le jeu, le tambourinaire le tient obliquement entre les jambes et bat la peau avec des baguettes. Ce tambour fait partie de l’ensemble instrumental qui accompagne la danse de réjouissance bazingué des Birifor de la localité de Tantama. Kri n’zri Ce sont deux tambours de petite taille dont l’un a la forme d’un calice ou d’un mortier, et l’autre celle d’un cylindre à pieds en forme de créneaux. Ils font partie des instruments utilisés par les prêtres et prêtresses kpalessô du village de Yézimala, lors de leur danse rituelle. Dressés verticalement sur le sol, ils sont battus, chacun, avec une fine baguette. Kinissi Ce tambour cylindrique de petite taille présente des entailles au niveau inférieur de la caisse de résonance. Il est joué dans la même position que le précédent lors de la danse d’exorcisme sacrabouri, exécutée dans le village d’Abema. Cependant, lors de leur sortie de retraite pour la place publique, l’un des musiciens jouait de cet instrument dans une position horizontale. Marchant en tête du groupe, il tenait de la main droite l’instrument par le socle et percutait la peau de la main gauche.
14. Le musicien Seydou jouant du tambour ganganbilé (Tantama, région de Bouna). Audio : CD plages 12 & 13. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
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Kpassouô Il s’agit de deux tambours épousant la forme d’un calice ou d’un mortier. L’un est de taille plus grande que l’autre. Ces deux tambours sont joués avec les mains nues. Le petit kpassouô que nous avons observé à Torosanguéi était peint en rouge bleu. Pour le jouer, le musicien tenait son instrument entre les jambes et battait la peau avec les deux mains. Le grand kpassouô, rencontré dans le village de Yézimala, accompagnait la danse funéraire des femmes sésségo. D’après les informations recueillies auprès des musiciennes, c’est le seul tambour utilisé dans ce genre musical.
15. Le musicien du milieu joue d’un tambour kinissi (Abema, région de Bondoukou). Audio : CD plages 7 & 8. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
16. Musicien jouant d’un grand tambour kpassouô pour accompagner la danse funéraire sésségo (Yézimala, région de Bondoukou). Audio : CD plage 3 (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
Tchunissini La plupart de ces tambours ont la forme d’un cylindre sans pieds et leur existence nous a été révélée par G. Niangoran- Bouah (30). Les tchunissini ou tambours de devises sont des tambours parleurs qui accompagnent les rois, les chefs et les dignitaires du royaume dans leurs déplacements officiels à l’intérieur du pays comme à l’étranger. Ces tambours demeurent en permanence près des chefs dans les occasions telles que la fête des ignames, l’intronisation d’un nouveau chef, les funérailles d’un dignitaire défunt, la fête de génération, etc. Dans ces diverses occasions, les tchunissini ne font entendre que la devise du personnage qu’ils accompagnent, même sur le champ de bataille où la présence du souverain est jugée nécessaire pour encourager les combattants. Ces devises tambourinées ont généralement un rapport avec la place et le rôle que joue la province concernée dans l’ensemble de la confédération. Être possesseur d’un tchunissini est un privilège que les rois accordent pour récompenser un citoyen pour des services exceptionnels rendus au pays, à la personne ou la famille du roi. C’est ce dernier lui-même qui choisit la devise à tambouriner pour le récipiendaire et qui devient de ce fait le nom du tambour. Ces cas sont légion chez les Abron qui ont emprunté ces tambours à leurs voisins Koulango de la région de Bondoukou. Dans l’exercice de ses fonctions, ce tambour est porté à l’aide d’une sangle, à l’épaule gauche du musicien qui le bat avec deux baguettes crochues.
Dessin 1 : Un tambour de devises tchunissini (d’après une photographie de G. Niangoran-Bouah). (Dessin : Jacqueline Renard, MRAC, 2006.)
30 NIANGORAN-BOUAH (G.), Introduction à la drummologie, Institut d’ethnosociologie, Abidjan, 1981, p. 115.
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2. Tambours à deux peaux lacées Yagba La caisse de ce tambour cylindrique à deux membranes est faite du fût d’une barrique métallique de pétrole. Les deux membranes sont fixées par une longue lanière enroulée plusieurs fois autour de la circonférence, liant ce système d’attache et le faisant ressembler à un filet. L’instrument est encore très fréquent dans les régions soudanaises d’où il est originaire et où il se dénomme aussi yagba, ainsi que la danse qu’il accompagne. Pendant le jeu, le musicien (traditionnellement assis) bat simultanément les deux membranes avec les mains. Le mot yagba désignait également la danse pendant laquelle le tambourinaire roulait ce tambour par terre, comme un tonneau, tout en frappant avec une baguette. Ganganga Ces deux tambours de forme cylindrique ont une double surface de percussion dont les membranes se tendent mutuellement par un lacis en cuir ou en rotang. On y trouve des passes affectant la forme des lettres N et W ou en filet plus ou moins serré. Entre les passes se trouvent enfoncés des coins en bois. L’un des tambours est d’une taille plus grande que l’autre. Ils sont frappés avec deux grosses baguettes en bois recourbées gangan pila ou gangan kpila. C’est dans une position assise que les musiciens jouent de ces instruments. Ganganga est le terme générique utilisé par les Lorhon pour désigner le tambour.
17. Le musicien du milieu joue d’un tambour yagba pour accompagner la danse de réjouissance du même nom yagba (Wolobidi, région de Bondoukou). Audio : CD plage 18. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
Gangangô C’est un tambour cylindrique dont la caisse de résonance en bois ressemble à un fût. Le mode d’attache de la peau est sensiblement le même que les autres tambours à deux peaux lacées. Il est pourvu d’une lanière en cuir. Déposé à même le sol, il est frappé simultanément avec une baguette et la main. Lors des prestations, ce gros tambour a pour rôle de communiquer les différents chants aux xylophones (de l’ensemble instrumental), qui à leur tour les transmettent aux solistes (cf. photographie n° 2). Kpoukpouhikpouye ou tégué Ressemblant au précédent, celui-ci est de petite taille. Pour le jouer, le musicien, assis, le pose au niveau du genou gauche. Tout en le saisissant par la lanière en cuir, il percute la membrane avec une baguette recourbée. Ce tambour forme une paire avec le précédent (cf. photographie n° 2). Audio : CD plage 14.
18. Tambours à deux peaux lacées ganganga et leurs baguettes gangan pila ou gangan kpila (Doropo, région de Bouna). (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
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3. Tambours à une peau lacée
19. Un petit tambour kpassouô utilisé lors de la danse funéraire gobingo (Kamala, région de Bondoukou). Audio : CD plages 1 & 2. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
Kpassouô ou pèrèdin ou djémé La caisse ressemble à un calice ou à un mortier. Elle est composée de deux éléments formels : la partie supérieure forme un vase (dont l’ouverture du haut sera recouverte par la membrane), la partie inférieure consiste en un socle tronconique évidé dont la cavité communique avec celle de la partie supérieure. Nommé pèrèdin, l’instrument accompagne une danse de réjouissance dénommée abou qui existe dans le village de Doropo. Dans certaines localités comme à Wolobidi, ce type de tambours prend le nom de djémé. Pour jouer ces instruments, les musiciens les tiennent inclinés entre les jambes et les battent avec les mains. Certains kpassouô sont de petite taille et ont un socle beaucoup plus effilé. Ceux-ci sont battus avec des fines baguettes. Ce type de tambours appelé djembé en malinké ou en bambara, est battu pour accompagner des danses dans une grande partie de la savane soudanaise, et également dans la forêt chez les populations ayant subi l’influence de la culture mandingue. Originaire de la région d’Odienné (nord-ouest de la Côte d’Ivoire), ce tambour est joué pour accompagner et soutenir les cérémonies telles que les baptêmes, les mariages, les danses des masques, les décès. De nos jours, il est utilisé dans les orchestres modernes. D. L. Léonard (31) donne une description de cet instrument : « En général, les djembé en Côte d’Ivoire sont sculptés avec du bois rouge. Ce qui permet aux sculpteurs de tailler les instruments avec de fines épaisseurs (1,3 cm ou 2,5 cm). Le diamètre de la table d’harmonie où est tendue la peau varie selon la hauteur de l’instrument. Pour un diamètre de 31 cm, nous avons une hauteur de 57 cm ; pour un diamètre de 32 cm, nous avons une hauteur de 63 cm ; et lorsque le diamètre est compris entre 33 et 34 cm, la hauteur est de 64 cm. Quant à la décoration de l’instrument, elle dépend de l’inspiration du fabriquant ou de la commande faite par l’acheteur. Une interprétation peut être faite des signes ou dessins gravés sur l’instrument. » On distingue trois formes de djembé selon des proportions différentes par rapport à la caisse de résonance (caisses de résonance taillées en hauteur, en carré, très évasées). En Côte d’Ivoire, les bois utilisés pour la réalisation du djembé sont le sipo, l’acajou et le teck. Tous ces bois sont très rouges et durs et permettent d’avoir une très bonne qualité de son. Anciennement, ces tambours étaient recouverts avec de la peau d’antilope, de gazelle ou de biche. Mais de nos jours, ils sont recouverts de peau de chèvre. H. Zemp (32) décrit le processus de fabrication de cet instrument : « Le sculpteur commence à évider la partie supérieure, puis retourne le bloc et évide ce qui deviendra le socle ; progressant alternativement sur les deux côtés vers l’intérieur, il relie à la fin les deux cavités par un trou. Le bord, rabattu de quelques centimètres sur la paroi, est replié et non pas enroulé autour du cerceau. Une lanière en cuir passe tous les 10 cm environ à travers le bord replié et forme un cercle, relié par des passes en zigzag à un cerceau en bande de coton placé à la jointure de la partie bombée et du socle de la caisse. Reliant les passes verticales de ce système de tension, une autre lanière, ou corde, fait plusieurs fois le tour horizontalement. Pour 31 LÉONARD (D. L.), L’Introduction du tambour dans l’enseignement de l’éducation musicale dans les lycées et collèges de Côte d’Ivoire : exemple du djembé, Abidjan, MCF, INSAAC, 2001, p.15 (mémoire pédagogique CAPEAS). 32
ZEMP (H.), op. cit., pp. 41-42.
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retendre la peau de l’instrument, le tambourinaire place de petits coins en bois entre la caisse et les cordes formant le système d’attache. Si la tension de la membrane diminue pendant le jeu, il suffit d’enfoncer plus fort ces coins à l’aide d’un marteau en bois que le tambourinaire garde d’ailleurs souvent attaché sur le côté du tambour, ou d’introduire un nouveau coin. » Pour le jeu du petit tambour djémé rencontré à Wolobidi et qui accompagnait la danse yagba, le tambourinaire le portait à l’aide d’une courroie qui passait au cou et dans le dos. C’est dans une position fléchie que le tambourinaire frappait son instrument, avec les deux mains, serrant le bas de l’instrument entre ses cuisses (33).
4. Tambours d’aisselle en forme de sablier Dondo ou gongondiguè Il est formé d’une petite caisse évidée présentant un rétrécissement médian et pourvue d’une peau tendue aux deux extrémités. Des cordes latérales relient ces deux peaux, de sorte que les variations de pression imprimées à ces cordes permettent d’obtenir une variation parallèle de la hauteur des sons en frappant sur la peau du tambour (34). Comme son nom l’indique, le joueur tient l’instrument sous son aisselle gauche et le bat avec une baguette recourbée qu’il tient de la main droite, parfois aussi à main nue. Cette technique de jeu permet au tambourinaire d’obtenir des glissandi : lorsqu’il presse avec le bras sur les cordes reliant les deux membranes, la tension de celles-ci augmente ; lorsqu’il relâche la pression, la tension diminue. La position de jeu caractéristique de ce tambour a donné naissance à un proverbe dan rapporté par H. Zemp (35) : « Le batteur du tambour-sablier a sa pensée sous son aisselle ». Ces différentes appellations du même instrument montrent bien la différence dialectale entre les Koulango du sud (Bondoukou) et ceux du nord (Bouna). Cette différence dialectale peut se retrouver au sein d’un même grand groupe. Ceci se confirme avec L. Tauxier (36) quand il donne la description d’un tambour-sablier observé à Bouna (lors des funérailles d’un chef de famille) : « Le gangadou est un long tambourin, aux deux peaux réunies par des cordelettes et au fût évidé vers le milieu. Il se tient sous l’aisselle gauche et les pressions plus ou moins fortes du bras, en modifiant la tension des tympans, permettent de varier les sons. À Bouna, les gangadou sont particulièrement allongés et ils sont réservés à une caste très intéressante, des sortes de griots, presque des bardes, car, entre autres fonctions, ils ont celle de recueillir et de conserver la mémoire de tous ce qu’ont fait les rois de Bouna. Dans certaines occasions, ils chantent les gestes des anciens chefs, et un enfant de leur caste à 13 ans sait davantage, dit-on, que les plus doctes vieillards, sur l’histoire des anciens Koulango. » Le tambour d’aisselle dondo fait partie de l’ensemble des tambours de défilés et de marches martiales bindini dont la présence est signalée par G. Niangoran-Bouah (37). Bindini appartient généralement au roi. Il était utilisé pour les défilés et pour les marches martiales qui accompagnent le roi en voyage. Dans ses déplacements, le roi était toujours porté en hamac. En route, 33
Pour photographie d’un djémé, voir photo n° 17.
34 CAMARA (S.), Gens de la parole. Essai sur la condition et le rôle des griots dans la société malinké, Paris-La-Haye, Mouton, 1976, p. 109. 35
ZEMP (H.), op. cit., p. 48.
36 TAUXIER (L.), op. cit., p. 202. 37
NIANGORAN-BOUAH (G.), op. cit., p. 139.
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pour atténuer l’effet de la chaleur et de la fatigue, l’ensemble bindini (38) joue plusieurs airs martiaux ; les chansons ne cessent qu’à l’étape ou à la destination. Par le phénomène d’interférence culturelle, les Abron ont emprunté l’ensemble bindini aux Koulango (du sud).
5. Tambours en poterie Pankporo C’est un petit tambour à membrane dont le corps de résonance en poterie (plus ou moins sphérique) est couvert en haut d’une peau d’oreille d’éléphant. La peau est tendue par un lacis de lanières de rotang qui s’entrecroisent en bas. Le pot, à panse arrondie et au col évasé, est muni d’une bretelle de suspension de fibres. À l’intérieur de l’instrument se trouve une lourde bille roulante dont la nature est tenue au secret. Pour retendre la peau, le tambourinaire a placé de petits coins faits d’os de singe au milieu de chaque assemblage de corde formant le système d’attache. Déposé à même le sol, le musicien percute son instrument avec deux fines baguettes en bois. Il a été noirci à la suie ou directement à la fumée. Rencontré à Vonkoro, cet instrument fait partie de l’ensemble instrumental qui accompagne la danse kpan-hanan des chasseurs Siti.
20. Zénan Bialébohin jouant du tambour pankporo pour accompagner la danse des chasseurs kpan-hanan (Vonkoro, région de Bouna). Audio : CD plage 11. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
Damignowalogo et damignofifidjo Ce sont deux tambours à membrane dont la caisse de résonance est en poterie. Pour le premier, une peau de cabri est tendue par coins sur un pot en terre cuite de forme sphéroïde (servant usuellement de jarre à eau). La décoration de sa panse présente un piquetage gravé, sans autre dessin. Pour retendre la peau, le tambourinaire a placé de petits coins en bois au milieu de chaque assemblage de corde. Pour le second, plus petit, une peau de cabri est tendue sur un pot en terre cuite de forme hémisphérique. Ressemblant à une timbale, il a été noirci à la suie ou directement à la fumée. Dans l’ensemble instrumental, ces deux tambours jouent ensemble. Pour jouer le gros tambour, le musicien le pose verticalement dans un mortier (de cuisine). Quant au petit, il est posé à même le sol. Chaque tambour
21. Tambours en poterie de la danse des initiés naya, avec leurs baguettes : de gauche à droite, damignofifidjo, damignowalogo (Torosanguéi, région de Bondoukou). (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.) Audio : CD plages 16 & 17. 38 Cet ensemble est composé des tambours suivants : un tchunissini, un gobingo et deux dondo.
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est joué par un musicien qui percute la peau (retenue par des lanières) de son instrument avec deux baguettes très légères, en moelle de palmier et composées de deux parties : la pièce faisant marteau est enfoncée comme une cheville dans le manche.
6. Tambours sur calebasse Gobingo ou goko C’est un tambour à membrane dont la caisse de résonance est en calebasse. Une peau de cabri est tendue sur une calebasse sphérique dont la partie supérieure a été enlevée. Cette peau est retenue par des lanières (en nylon) entrelacées qui couvrent la caisse d’un filet plus ou moins serré. Pour le jouer, le musicien le tient entre les jambes et frappe la peau avec les mains nues. Appelé gobingo ou goko (calebasse), cet instrument a donné son nom à la danse funéraire gobingo des Koulango et des Abron. Le tambour gobingo fait également partie de l’ensemble des tambours de défilés et de marches martiales bindini, communs aux Koulango et aux Abron.
7. Tambours métalliques Pitine ou palogogangangô Ce sont des tambours appariés dont la caisse de résonance est en métal forgé. Une peau de mouton ou de cabri est tendue sur un tube métallique de forme conique. La membrane est fixée par l’intermédiaire d’un cercle de métal passé autour de la partie supérieure du tambour et par des vis de serrage, faisant office de tendeurs. Pour tendre ou détendre la peau, le musicien serre ou desserre ces vis qui maintiennent en place les tendeurs, encastrés dans les coins. Ces instruments reposent par terre sur un support métallique tétrapode. Servant toujours couplés, ils sont battus avec les mains, soit par un seul musicien, soit par deux, ensemble. Pitine est l’appellation de ce membranophone chez les Siti de Vonkoro, tandis que palogogangangô est celle donnée à l’instrument par les Koulango. Ces tambours ressemblent aux tumba des orchestres modernes et sont l’œuvre des forgerons koulango danlésé.
22. Kobenan Atta jouant d’un tambour avec calebasse gobingo ou goko. Cet instrument son nom à la danse du même nom gobingo région de Bondoukou). Audio : CD plages (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
caisse en a donné (Kamala, 1 & 2.
23. Tambours appariés en métal pitine pour la danse des chasseurs Siti (Vonkoro, région de Bouna). Audio : CD plage 11. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
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Chapitre iii – Les cordophones Les cordophones, ou instruments à cordes, ont des cordes tendues qui résonnent lorsqu’elles sont frottées, pincées (par les doigts ou un plectre) ou frappées. Contrairement aux idiophones, le patrimoine organologique des cordophones est très pauvre dans la culture musicale koulango.
Guitares artisanales
24. Une guitare artisanale agni sango (N’guinou, région de Bongouanou, centre-est de la Côte d’Ivoire). (Photo : Aka Konin, 2004.)
Sango L’existence de cet instrument koulango, dans la région de Bondoukou, nous a été révélée par l’ouvrage de L. Tauxier (cité en référence). La guitare fait partie de la famille des instruments à cordes pincées munis d’un manche. Ses origines sont obscures. Des instruments de même type (des bas-reliefs assyriens l’attestent) existaient déjà dans l’Antiquité. Son nom étant cependant emprunté à des instruments sans manche, on est tenté de lui trouver une filiation à partir des cithares grecques ou romaines. De nos jours, la guitare a conservé la disposition classique à 6 cordes, comme au xviiie siècle, accordées du grave à l’aigu, mi, la, ré, sol, si, mi, ce qui lui donne une étendue de 3 octaves plus une quinte. Sur la touche qui recouvre le manche se trouvent des « filets » délimitant 19 cases correspondant aux demi-tons tempérés. Le timbre et les possibilités d’expression sont très variés suivant que la corde est attaquée avec la chair ou avec l’ongle, et que l’artiste use ou non du vibrato. Sont également possibles les notes coulées, les trilles, le trémolo et les sons harmoniques (39). On retrouve la guitare artisanale sango dans l’ensemble instrumental qui accompagne la musique de lamellophone ahouessi. Les Morofwè, sous-groupe agni habitant la région de Bongouanou (centre-est de la Côte d’Ivoire), utilisent la guitare artisanale qu’ils appellent également sango, dans leur groupe musical ahossi.
39 MACHUEL (D.), « Musique », in Encyclopédie thématique Weber, Espagne, CIESA, 1972, p. 31.
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Chapitre iv – Les aérophones C’est une catégorie d’instruments de musique dans lesquels, à travers ou autour desquels une certaine quantité d’air est mise en vibration. Quelques instruments agissent directement sur l’air ambiant : rhombes, diables, etc. Les plus représentés dans le patrimoine organologique des Koulango sont les flûtes et les trompes traversières et les accordéons.
1. Flûtes traversières Caléhébipôgô et caléhébidah Ce sont des tuyaux ouverts et cylindriques dans lesquels l’ébranlement vibratoire est produit par une embouchure latérale. De forme tubulaire, ces instruments qu’utilisent les Birifor de Tantama comportent quatre trous ronds dont un d’embouchure et trois de modulation, pouvant être fermés par les doigts. Pour obtenir les sons, l’exécutant fait vibrer l’air en soufflant dans l’embouchure de l’instrument. La hauteur de la colonne d’air, et par conséquent la hauteur du son, est en général modifiée par les trous de jeu percés dans le tuyau. Le son est produit par une mince colonne d’air formée par les lèvres de l’instrumentiste qui lui imprime une certaine vitesse et le dirige sur l’arête de l’embouchure où elle se brise, et met ainsi en vibration l’air contenu dans le tube en émettant ce que les acousticiens appellent un « son tranché ». Pour le jeu, le joueur tient l’instrument le plus souvent à sa droite, mais il arrive que cette position soit inversée. Les flûtes traversières ont leur origine en Asie où on les trouve reproduites dès le ixe siècle av. J.-C. Difficiles à fabriquer et à jouer, leur sonorité est très agréable et elles permettent d’exécuter des airs élaborés (40). La flûte mâle caléhébipôgô est faite dans du bois. Elle émet un son aigu et lors des prestations en duo, c’est elle qui donne le ton. La flûte femelle caléhébidah est faite dans un tuyau plastique (qui sert usuellement pour les installations d’eau). De forme relativement plus grande que la flûte mâle, elle émet un son grave. Ce sont des flûtes « parleuses » ou caléhébi. Ces instruments accompagnent aussi le chef du village en chantant ses gloires lors de ses déplacements publics. Ces musiciens Birifor en tirent, en solo ou en duo, des mélodies charmantes, tantôt lentes, tantôt vives et légères, des méditations philosophiques ou des airs satiriques. Ces flûtes sont jouées aussi bien en solo que lors de l’accompagnement de chants de danse. Souvent, le duo de flûte est une représentation symbolique du couple, origine de la vie, la musique produite étant considérée comme le fruit de cette union. « Bien sûr, comme dans tout ménage, il arrive que l’homme et son épouse ne s’entendent pas. Une discussion peut alors surgir entre flûte mâle et flûte femelle. Ici, toutefois, il n’y a point de mots aigre-doux mais bel et bien de la musique qui malgré l’orage n’en charme pas moins l’oreille. » (41)
2. Trompes traversières Ounougou ou ounougô (pluriel, ounouou) Pour la fabrication de ces trompes, les Koulango de la localité de Yalo, dans la région de Bouna, ont utilisé comme matière première des cornes torsadées et curvilignes de bovidés. Il s’agit des ornements frontaux du 40 MICHEL (A.), Encyclopédie des instruments de musique du monde entier, Diagramm Group, France, 1976, p. 21. 41
BEBEY (F.), Musique de l’Afrique, Paris : coll. « Horizons de France », 1969, p. 83.
25. Duo de flûtes traversières caléhébi lors de la danse bazingué (Tantama, région de Bouna). Audio : CD plages 12 & 13. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
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26. Musiciens soufflant dans des trompes ounougou ou ounougô (cornes de Cob de Buffon) lors des prestations de la danse guerrière ton-honti (Yalo, région de Bouna). Audio : CD plage 9. (Photo : Chris Nieuwenhuysen, 2002.)
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Cob de Buffon dont on a prélevé la pointe et où l’on a percé quelques centimètres plus bas un trou qui sert d’embouchure latérale. Pour obtenir les différentes tonalités, l’exécutant libère ou coupe l’air en bouchant ou non le pavillon de la corne avec la main. Il est possible ainsi de transmettre différents messages sonores. La mélodie et la polyphonie résultent du jeu alternatif et simultané de ces différentes trompes. Ces instruments, de forme conique et sans trou d’intonation, servaient à lancer des appels pour le rassemblement des guerriers. En position de jeu, elles sont tenues en travers, à peu près horizontalement (d’où l’appellation de trompes traversières), le pavillon dirigé à droite ou à gauche du musicien, la main gauche ou la main droite tout près de l’embouchure. La colonne d’air est mise en vibration par la pression des lèvres du joueur. La fonction des trompes ounougou ou ounougô est double : elles servent à signaler et à accompagner la musique de danse. En tant qu’élément de signalisation, l’ounougou ou ounougô se joue pour sonner l’alarme et pour avertir les guerriers de se rassembler afin de combattre les troupes ennemies. La deuxième fonction de la trompe, celle d’accompagnement instrumental de musique de danse, est déterminée par son ambitus restreint d’un ton. Pour cette raison, elle fait toujours partie d’un ensemble instrumental plus vaste. Au nombre de six à Yalo, ces trompes font partie d’un ensemble composé de deux tambours parleurs toumblan et d’une cloche métallique adahoua pour accompagner la danse guerrière ton-honti. H. Zemp (42) note à propos de la fonction musicale et signalétique des trompes que « la trompe en corne d’antilope traversière jouée seule ne produit qu’un seul son, au maximum deux lorsqu’il s’agit d’une petite corne comportant un trou d’intonation. Intégrée dans un ensemble instrumental, elle a essentiellement un caractère rythmique et non mélodique. Au contraire, les trompes du chef, qu’elles soient accompagnées de tambours et sonnent pour une danse ou qu’elles fournissent un signal pour le départ en guerre, ont un caractère mélodique : elles produisent plusieurs (4 à 6) sons distincts et accordés. » Pour A. Schaeffner (43), « Les trompes produisent un son ou deux (à la quinte l’un de l’autre), rarement plus. Composant un orchestre, elles se groupent généralement par paires de même taille et jouant chacune à l’unisson ; en sorte que l’étendue de l’échelle dépend du nombre d’instruments de grandeurs différentes. Mais des cas se présentent où le même instrument émet deux notes distantes d’environ un ton, soit que le joueur, tel le corniste européen, couvre de la main le pavillon de la trompe et abaisse ainsi le son, soit qu’il bouche et ouvre alternativement la pointe découpée de la corne : l’opposition des deux sons peut servir de base à un langage à distance. » Lors des prestations de la danse ton-honti, les trompes ounougou ou ounougô chantent et les tambours glorifient les danseurs. Le début de chaque chant est une sorte de prélude instrumental suivi d’une partie où des voix accompagnent le groupe de trompes et de tambours. Nous ne sommes pas parvenu à déterminer si les formules jouées sur les trompes ounougou ou ounougô, faisant fonction d’instrument de musique, sont une imitation instrumentale du langage parlé, comme c’est par exemple le cas avec les tambours toumblan dont les messages tambourinés sont basés sur la succession de tons hauts et bas du langage parlé.
42 ZEMP (H.), « Trompes sénoufo », in Annales de l’Université d’Abidjan, série F, t. I, fasc. I, Ethnosociologie, 1969, p. 48. 43 SCHAEFFNER (A.), « Trompe », in Dictionnaire des civilisations africaines, Paris, Fernand Hazan, 1968, p. 418.
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3. Accordéons Sanmo L’existence de cet instrument dans le patrimoine organologique des Koulango nous a été révélée par un informateur koulango, originaire de la région de Tanda. N’ayant pas pu observer l’instrument lors de notre mission, nous en donnerons une description à partir de recherche documentaire. L’accordéon est un instrument à vent composé d’un soufflet et d’un ou de deux claviers, dont le jeu déclenche des soupapes auxquelles correspondent des lamelles de métal formant anche libre, qui vibrent au passage de l’air. Les instruments à anche libre sont ceux dans lesquels la languette taillée dans le tuyau est exactement de la même dimension que l’orifice, de sorte qu’elle vibre librement lorsqu’on met l’air en mouvement en soufflant dans l’extrémité supérieure du tuyau ou dans l’embouchure d’un réservoir d’air (44). En Côte d’Ivoire, l’accordéon est l’un des instruments populaires les plus répandus. Il reste l’un des instruments par excellence de la musique baoulé (45). Dans le souci d’adapter l’accordéon aux exigences de la musique populaire des peuples qui en font usage, les facteurs en ont construit un grand nombre de types. Selon A. Michel (46), nous avons les accordéons avec des touches boutons, le petit accordéon piano avec 25 touches pianos et 12 basses, l’accordéon piano 41 touches de piano, 11 registres sopranos et un accoupleur principal, 120 basses et 7 registres basses.
44 JENKINS (J.), Ethnic musical instruments, Londres, Hugh Evelyn for International Council of Museums, 1970, p. 28. 45 La chansonnière baoulé Alla Thérèse a fait de l’accordéon son instrument de prédilection. 46
MICHEL (A.), op. cit., p. 80.
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Conclusion
L’aspect global de la culture musicale des Koulango a subi une modification progressive, qui repose en grande partie sur des données ethnohistoriques. En effet, en l’espace de plusieurs siècles, le vaste royaume de Bouna, créé par les Koulango, a accueilli une grande diversité de groupes ethniques, dont les plus importants sont les Abron et les Lobi. Ces immigrants et leurs patrimoines culturels très différents les uns des autres ont influencé sensiblement l’image de la musique traditionnelle koulango. Ce qui, aux yeux des ethnomusicologues, semble intéressant. Mais ceci inquiète certaines populations koulango, en l’occurrence les Koulango de Doropo ou Lorhon qui voient en cette influence une menace réelle pour leur patrimoine musical. « Nous sommes envahis par les Lobi, population allogène, qui sont en train de nous imposer lentement mais sûrement leur culture », nous confiait en 2002 monsieur Ouattara, un autochtone de cette localité. Ces influences sont déjà perceptibles dans la dénomination que les différentes ethnies vivant ensemble donnent aux mêmes types d’instrument de musique. Ces cas sont légion. Le tambour parleur porte différemment les noms de toumblan, tim’pinlin, toumanou, tonmaniyo. Le xylophone à résonateurs devient par exemple sinaga à Doropo, silaw à Wolobidi et siléléwou à Yézimala. Hormis l’acculturation que subit la culture musicale koulango, cette étude sur le patrimoine organologique des Koulango (y compris les Lorhon, les Siti et les Birifor) nous a permis aussi de détruire nombre de clichés, et en particulier celui bien connu du tambour pris pour le représentant exclusif de la musique traditionnelle. Nous avons montré à travers cette étude qu’il existe, en réalité, en Côte d’Ivoire, un nombre tellement impressionnant d’instruments de toutes sortes, irremplaçables dans leurs rôles respectifs, leurs attributs, que les oublier ou même reléguer certains d’entre eux au second plan serait tout simplement faire preuve d’ignorance.
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Annexe 1
Chronologie des rois koulango de bouna (Issus des branches ou quartiers. Liste chronologique établie par nous, à partir d’une interview accordée en 2002 à Dagbolo Ouattara, historien à la cour royale de Bouna.) Quartier Agbôkôssô Kagro (1er fils de Boukani, fondateur de la ville de Bouna) Kirifou Badakou Karango Bokourougnon Kambokpi Tiki’n ba Logowahiri Zakazinda (l’actuel roi) Quartier Diawasso Diawari Wôkô Tchampouenou Guédouha Gomilé Djégbangô Djarakôrôni Saténiko Quartier Koungasso Kounga Woulougô Amigbarigué Trohonan Balla Kamba Wanifinigui Yiguétéfiguira Rois ne figurant pas sur la liste dynastique (47) Wonan Kankourou (100 ans de règne) Zawari Gbahô
47 Ces rois ne figurent pas sur la liste dynastique parce qu’ils n’ont pas été exemplaires : le roi Wonan fut écarté parce qu’après un séjour à La Mecque il ramena près de 2000 chapelets dans le but d’islamiser toute la région de Bouna ; Gbahô fut aussi écarté parce qu’il imposa son fils comme roi autonome à Yalo.
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Annexe 2 Note sur les Lorhon « Les premiers Lorhon seraient partis de l’ouest, de la région de Korhogo sous la direction d’un certain Kouodo. C’étaient des chasseurs qui, au terme de leurs pérégrinations, se fixèrent sur le site actuel du village de Kouodo. Leurs descendants fondèrent le village de Kennegué […] et un autre sur l’emplacement de Bouna actuel. Ces trois villages ont formé le berceau primitif des Lorhon (48) ». « Ils [les Lorhon] vivaient dans des trous, ils étaient, nus, primitifs et craintifs. Tout leur faisait peur : animaux féroces, tonnerre, éclairs, tout être humain étranger au clan. Les envahisseurs Koulango les firent sortir de leur trou pour les assujettir. Très soumis aux rois de Bouna, ils sont cultivateurs et pêcheurs. Le fétiche, les interdits et la tradition règlent tous les actes de leur vie. Leurs villages importants sont : Doropo, Tingo, Yalo et Kouodo. D’autres, fuyant les contacts humains se sont installés dans les collines de Téhini et se sont mélangés aux Lobis. On les appelle Lorons-Lobis. Enfermés dans les trous de leurs collines et vivant de façon primitive, ils ignorent tout du monde actuel. L’un des rares Européens qui leur a rendu visite fut l’administrateur Augst Burger qui était à Bouna en 1952-1953. (49) »
48 LOUCOU (J-N.), « Histoire de la Côte d’Ivoire. La formation des peuples » in Mémorial de la Côte d’Ivoire, Abidjan, Edition Ami, 1987, p.72. 49
PENAGNOUFA (C.), op. cit., p. 3.
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Annexe 3 : Note sur les Birifor
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Les Birifor, ces composés de Dagomba et de Lobi, tout comme leurs voisins, sont originaires de l’est de la Volta (Nord Ghana) d’où ils sont venus en vagues successives depuis le xviie siècle, submergeant un très léger peuplement koulango. Habitant la localité de Tantama, ces paysans, absolument sans chefs, mais prolifiques, guerriers et excellents cultivateurs, ont poursuivi cette expansion irrésistible pendant l’ère coloniale et depuis l’indépendance, réduisant les Koulango autochtones, seigneurs ou paysans, à l’état d’infimes enclaves. Pratiquant un parler mossi, ce peuple occupe leur savane sèche avec des densités relativement fortes, souvent supérieures à 10, parfois à 30 ou 40. Le fait remarquable est l’absence totale de villages. Leur habitat est absolument dispersé, consistant en grandes maisons familiales isolées, couvrant tout le paysage, et dont l’architecture en terrasse est en contraste total avec la ronde soudanaise. Ce peuple est organisé en grand lignage matrilinéaire, uni par des mariages patrilocaux et regroupé en quelques grands clans tyar, balo. Ces clans, dispersés dans l’espace, sont divisés en moitiés rituellement opposées. En l’absence de villages, l’unité politique est le lignage, bien que quelques lignages, voisins ou apparentés, aient mis au point des procédures d’arbitrage pour régler leurs différends, au lieu du recours aux armes qui leur est habituel. Le seul élément de paix sociale était la neutralité des marchés, toujours situés dans des lieux déserts. Dans cette société absolument sans chef et égalitaire au niveau des lignages, il y avait cependant des esclaves, propriété des patriarches, mais en assez petit nombre. Les castes étaient inconnues. Dans leur religion, le culte des ancêtres jouait un grand rôle et les tombes anciennes échelonnées sur la piste de la migration venue de l’est, font l’objet d’un culte périodique. La grande société d’initiation, le dioro, est peut-être le seul élément de la structure sociale qui dépasse le lignage. Les Birifor sont d’excellents agriculteurs qui se consacrent essentiellement à divers mils et au maïs. Ce sont aussi des chasseurs remarquables et très actifs, comme il est naturel chez un peuple aussi guerrier. L’artisanat est inégal. Les Birifor sont de bons forgerons et ont une grande tradition d’orpaillage. La recherche de l’or était même le seul élément qui amenait le commerce à longue distance, en la personne des Dioula, à se risquer chez des gens aussi farouches pour qui la vie d’un étranger ne pesait pas cher. En revanche, le tissage était connu. Les Birifor étaient célèbres pour la nudité totale à laquelle ils attachaient des valeurs morales de robustesse et de franchise.
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La majorité des ces informations a été tirée de l’ouvrage de L. Tauxier (cité en référence).
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Annexe 4 note sur les Siti
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Les Siti sont un petit groupe de population habitant sur les bords de la Volta noire, au sud-est de Bouna. Originaires du Gourounsi dans la région située entre la Volta noire et Bouna, les Siti n’ont plus actuellement qu’un village : Vonkoro. Ils racontent que leur migration se composait surtout d’hommes, qu’établis dans un pays à peu près inhabité, ils n’ont pu contracter d’union, ont eu peu de descendants et ont vu leurs villages disparaître les uns après les autres par extinction. Outre leur langue, ils comprennent et parlent le koulango. Ils disent que leur vrai nom est Kira et que ce sont les Koulango qui les appellent Siti ou Sitio (Sitigo au pluriel). Les Lobi les désigneraient sous le nom de Konosarala et les Dioula les confondraient avec les Koulango de Bouna sous le nom de Paralla ou Pakhalla. Le village où auraient habité jadis les Siti ou Kira aurait été Ouangarami. Or on n’y trouvait pas de quoi boire. Un chasseur siti, nommé Diann Kosso, vint jusqu’auprès de la Volta noire et y tua un koba. Alors il revint et s’empressa d’annoncer au chef de Ouangarami qu’il avait trouvé un grand marigot. Le chef dit : « Portez-moi là-bas ». Mais le chasseur objecta qu’il fallait demander l’autorisation aux Gbanian qui habitaient de ce côté-là et auquel le fleuve appartenait. Le chef de Ouangarami envoya demander aux Gbanian l’autorisation de s’établir sur les bords de la Volta noire. Les Gbanian répondirent : « Vous venez nous faire la guerre ! Allez-vous en ! » Trois fois les envoyés siti dirent qu’ils ne voulaient pas s’établir là pour faire la guerre aux Gbanian, trois fois ceux-ci, entêtés, refusèrent. Alors le chef de Ouangarami les fit encore retourner en disant : « J’ai soif ! Il faut demander encore une fois pardon aux Gbanian ! » Ceux-ci refusèrent de nouveau. Alors les Siti vinrent sur les bords de la Volta noire et se battirent avec les Gbanian qui furent vaincus, expulsés ou amarrés. Le chef des Gbanian fut lui-même pris. Alors le chef des Siti dit : « Il faut laisser aller le chef des Gbanian et tous les autres prisonniers. » C’est ce qu’on fit et l’on fonda le village de Vonkoro et l’on se réconcilia avec les Gbanian avec lesquels on contracta alliance. Le chef de la conquête, de l’établissement à Vonkoro, fut Baguiagougou. Quant il mourut, son frère (de père) lui succéda. On n’a pas retenu son nom. Ce fut Baguiagougou qui alla trouver le chef du canton de Niandagui, chef dépendant de la petite royauté de Bouna, et se mit sous sa protection. Depuis cette époque, les Siti ont dépendu, par l’intermédiaire du chef de Niandagui, du roi de Bouna. Les chefs qui ne remontent pas au-delà de la 1re moitié du xixe siècle sont : 1. Diakombo qui régna longtemps ; 2. Kokoroko, fils de Diakombo ; 3. Yao, cousin de Kokoroko et frère aîné de Kouabina ; 4. Kouabina, frère puîné de Yao ; 5. Anguiboro, frère puîné de Kouabina, qui fut chef de 1885 à 1912 approximativement. Il y avait déjà une dizaine d’année qu’il était chef quand survint Samory (1895). Samory « cassa » Hymbié, puis Vonkoro. Mais tous les Siti s’étaient réfugiés à Bouna. Alors Samory prit Bouna et fit beaucoup de victimes. Les survivants s’enfuirent à Bôlé où ils habitèrent. Les Siti allèrent de là à Ouandali (Gold-Coast). Quand la colonne anglaise entra à Bouna (1897), en chassant les Sofas de Samory, les Siti furent invités à rentrer chez eux, comme les autres populations, par les Anglais. C’est alors que les Siti revinrent à Vonkoro. Après Anguiboro, Yao Kouma, frère puîné de ce dernier, fut chef de 1912 à 1915. Les Siti cultivent surtout l’igname, mais font aussi du millet (ou petit mil) et du sorgho rouge (ou gros mil rouge). Ils vivent par groupes familiaux. Le chef de groupe ouolonohabénon fait préparer chaque midi et chaque soir pendant toute l’année un grand plat pour les gens de son groupe (hommes, jeunes gens) qui le mangent avec ce que préparent 51 La majorité de ces informations a été tirée de l’Atlas de Côte d’Ivoire (cité en référence) et d’enquêtes orales réalisées en 2002 dans le village de Vonkoro.
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leurs femmes. Les Siti sont fétichistes. Ils offrent des sacrifices principalement à la terre et au ciel-atmosphère. Ils font aussi des sacrifices à un baobab qui protège leur village (arbre protecteur) et à la Volta noire une fois par an. Tous les ans, il y a sacrifice solennel pour les semailles au moment où commencent les pluies. Ils jurent aussi par les pieds de leur chef. Il convient de noter que Vonkoro est un village de chasseurs dont l’actuel chef, Zénan Mougué, est en même temps chef des chasseurs. Lors de notre mission dans cette localité, nous avons constaté que tous les chasseurs portaient le nom de Zénan.
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Annexe 5
Terminologie musicale supplémentaire Cette terminologie que nous donnons dans les pages suivantes concerne les instruments de musique, les danses et les termes d’intérêt musical qu’on rencontre chez les Koulango de Bouna, de Bondoukou, les Lorhon et les Siti. Concernant les Birifor, la littérature sur leur vie musicale étant très pauvre, nous n’avons pas pu obtenir d’autres informations supplémentaires en dehors de celles que nous avons recueillies in situ. Koulango de Bouna Gamina : mirliton recouvrant les orifices des calebasses des xylophones. Hôôkô : mortier à piler (servant d’instrument de percussion). Loumélé : chanter. Loonsiè : griot. Nè : chasser. Timmana : tambour en bois. Vélé : danser. Vélégô : danse. Koulango de Bondoukou Biguéwaloro : fête. Dafiadbigo : fête de la fin et du commencement de l’année, de la terre et de brousse, de la culture et de la chasse, qui se célèbre à la saison sèche, vers la mi-décembre, au moment des feux de brousse. Dongodigo : fête des ignames. Fofié : fête des prêtres koulango et abron célébrée tous les quarante jours. Foungo ou houngo : funérailles. Layo : trompe traversière. Lonngô : guerre. Longo : chanson. Longolosé : chanteur. Ninngo : danser. Ninngo : danse. Nisé : danseur. Paralésé : joueur de tambour. Paralézoungo : tambour (terme générique). Sangodannsé : joueur de guitare (artisanale). Sawalésé : chasseur. Senngô : conte. Senngôsé : conteur. Silamm : xylophone. Silammdannsé : joueur de xylophone. Yôko : mortier à piler (servant d’instrument de percussion). Koulango Nabé ou Lorhon (Doropo, Tingo et Yérégo) Béguélégou : petit tambour. Bélégué : trompe traversière. Binngué : grand tambour. Féélimbigué : flûte traversière. Gobinngué : tambour sur calebasse. Lollé : chanter. Lounsié : griot. Oko : mortier à piler (servant d’instrument de percussion). Paralazinngué : tambour (terme générique). Salé : chasser.
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Saléké : chasse. Sinnbingué : grelot de doigt (bague en général). Soolessié ou salessié : chasseur. Yobou : funérailles. Lorhon du canton des N’zans (village Hagnon ou Hagnan) (52) Bafigué ou bofigué : flûte traversière. Biéné : trompe traversière. Dôô : danseur de masque. Dorézinngué ou darézinngué : tambour (terme générique). Garé : danser. Garo : danse. Gobinngou : tambour sur calebasse. Koto : grand tambour. Koungo : funérailles. Lagaré : danse. Lomélé : chanson. Lomilé : chanter. Okbalé : fête. Périndé ou périnndébi : petit tambour. Saoualé : chasser. Silannga : xylophone. Vélégué : jeu (en général). Yamara : hochet et hochet-sonnailles. Siti
Benndéré : tambour sur calebasse. Bimmbo : grand tambour. Filemmdigué : flûte traversière. Gôlé : trompe traversière. Lonnga : tambour d’aisselle. Pânou : chasseur.
52 Selon L. Tauxier, ces Lorhon se disent originaires du pays actuel des Tagouana (sousgroupe sénoufo vivant à Katiola, dans le centre de la Côte d’Ivoire).
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