Hervé Rousseau, Jean-Philippe Verhoye et Jean-François Heautot
Les syndromes aortiques aigus
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Hervé Rousseau, Jean-Philippe Verhoye et Jean-François Heautot
Les syndromes aortiques aigus
Hervé Rousseau Service de radiologie Centre hospitalier universitaire de Rangueil 1, Avenue Jean-Poulhes TSA 50032 31059 Toulouse Cedex 9
Jean-Philippe Verhoye Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
Jean-François Heautot Service de radiologie Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
ISBN-13 : 978-2-287-79928-0 Springer Paris Berlin Heidelberg New York
© Springer-Verlag France, Paris, 2009
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Maquette de couverture : Jean-François Montmarché
Préface M. Laskar
Pour des raisons variées conjuguant souci de mieux faire pour les patients, désir de progrès, mais aussi ivresse du pouvoir et envie d’hégémonie, les deux dernières décennies du XXe siècle ont vu s’éloigner les chirurgies cardiaque et vasculaire. C’était oublier que le patient est un et que l’aorte est à l’humain ce que le tronc est à l’arbre. Sa pathologie débute à la valve aortique et se prolonge loin dans ses branches. En ce début de XXIe siècle, la croissance exponentielle des connaissances et des technologies impose à certains d’entre nous une focalisation des activités vers des domaines dont le morcellement et les limites n’ont plus rien à voir avec les spécialités traditionnelles de la médecine et de la chirurgie et seule la fusion de ces compétences d’exception permet l’approche dont le patient a besoin afin d’être pris en charge au mieux de sa propre histoire, de ses spécificités, de son passé et de son espérance de vie. L’ouvrage d’Hervé Rousseau, Jean-Philippe Verhoye et Jean-François Heautot réunit en une vue humaniste et encyclopédique les compétences de nombreux acteurs de disciplines aussi différentes que la génétique, l’anatomopathologie, la radiologie ou la chirurgie autour d’un sujet unique. De nombreux chapitres montrent
tant l’étroite connivence entre techniques endoluminales et chirurgie traditionnelle dite ouverte qu’il est bien logique de penser que les décisions thérapeutiques, optimales pour un patient donné, ne peuvent être prises qu’en ayant une connaissance suffisante de ces deux domaines et la formation de l’acteur thérapeutique de demain, quel que soit son nom, doit obligatoirement comporter un savoir de ces deux approches. Le degré d’implication, le champ des connaissances de chacun seront variables en fonction de son lieu d’exercice, du nombre et du type de patients recrutés. Espérons seulement que le développement des techniques moins invasives ne fasse pas disparaître, par défaut de pratique, la maîtrise de la chirurgie lourde dont certains patients continueront d’avoir besoin car il faudrait alors envisager la mise en place de quelques centres spécialisés dans la prise en charge des complications des techniques endoluminales par des acteurs ayant conservé cette pratique, une sorte de conservatoire historique de la chirurgie à l’image de ce que sont les artisans capables de restaurer le Parlement de Bretagne lorsqu’il fut détruit par le feu.
Liste des auteurs
Georges Abboud
Stéphane Aubert
Service de radiologie Centre hospitalier d’Arras Boulevard Georges-Besnier BP 914 62022 Arras Cedex
Service de chirurgie cardio-thoracique Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière Institut du cœur 47-83, boulevard de l’Hôpital 75651 Paris Cedex 13
Issam Abouliatim Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-Le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
Kais Akkari Service de radiologie et imagerie cardiaque et vasculaire Hôpital cardiologique CHRU de Lille 59037 Lille Cedex
Éric Allaire Service de chirurgie vasculaire, d’imagerie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Paris XII, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
Jean-Marc Alsac
Julien Auriol Service de radiologie Hôpital Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50 032, 31059 Toulouse Cedex 9
Jean Bachet Senior Consultant Cardiovascular Surgeon Department of Cardiovascular surgery Zayed Military Hospital P.O. Box 61350 Abu Dhabi United Arab Emirates
Jean-Aubert Barra Service de chirurgie cardio-thoracique et vasculaire Hôpital de la Cavale-Blanche Boulevard Tanguy Prigent 29200 Brest
Jean-Pierre Becquemin Service de chirurgie vasculaire, d’imagerie médicale Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Paris XII 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
Service de chirurgie vasculaire, d’imagerie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Paris XII, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
Jean-Paul Beregi
Philippe Asseman
Éric Bezon
Unité de soins intensifs cardiologiques Hôpital cardiologique CHRU de Lille 59037 Lille Cedex
Service de chirurgie cardio-thoracique et vasculaire Hôpital de la Cavale-Blanche Boulevard Tanguy Prigent 29200 Brest
Service de chirurgie cardiaque et vasculaire Hôpital cardiologique CHRU de Lille 59037 Lille Cedex
VIII
Les syndromes aortiques aigus
The-Bao Bui
Hervé Corbineau
Département de radiologie Faculté de médecine et des sciences de la santé Université de Sherbrooke 3001, 12e Avenue Nord Sherbrooke QC J1H 5N4 Canada
Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-Le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
Doron Carmi
Service de chirurgie cardio-vasculaire Hôpital Rangueil 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50 032 31059 Toulouse Cedex 9
Département de chirurgie cardio-vasculaire Centre hospitalier et universitaire d’Amiens Hôpital Sud 80054 Amiens Cedex 10
Yves Castier Service de chirurgie vasculaire, d’imagerie médicale Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Paris XII 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
Véronique Chabbert Service de radiologie Hôpital Rangueil 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50 032 31059 Toulouse Cedex 9
Xavier Chaufour Service de chirurgie vasculaire CHU Purpan TSA 40031 31059 Toulouse Cedex 9 Unité mixte Inserm U858 Institut de médecine modéculaire Rangueil, IFR31 BP 84225 31432 Toulouse Cedex 4
Laurent Chiche Service de chirurgie vasculaire Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière 47-83, boulevard de l’Hôpital 75651 Paris Cedex 13
Philippe Cluzel
Christophe Cron
Camille Dambrin Service de chirurgie cardio-vasculaire Hôpital Rangueil 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50 032 31059 Toulouse Cedex 9
Bertrand De Latour Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-Le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
Christophe Decoene Service d’anesthésie et réanimation Hôpital cardiologique, CHRU de Lille 59037 Lille Cedex
Roland Demaria Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Centre Hospitalier Universitaire de Montpellier Hôpital Arnaud-de-Villeneuve 371, avenue du Doyen-Gaston-Giraud 34295 Montpellier Cedex 5 Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Université Montpellier 1 UFR de Médecine 2, rue École-de-Médecine CS 59001 34060 Montpellier Cedex 2
Philippe Demers
Service de radiologie interventionnelle Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière 47-83, boulevard de l’Hôpital 75651 Paris Cedex 13
Département de chirurgie cardiaque Institut de cardiologie de Montréal 5000, rue Bélanger Montréal, H1T 1C8, Québec Canada
Claude Conil
Pascal Desgranges
Service de radiologie Hôpital Rangueil 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50 032 31059 Toulouse Cedex 9
Service de chirurgie vasculaire Hôpital Henri Mondor 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil Cedex
Liste des auteurs
Caroline Dourmap-Collas
Patrick Jégo
Pôle thoracique, cardio-vasculaire et métabolique Service de cardiologie – prévention cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-Le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
Département de médecine interne Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Sud 16, boulevard de Bulgarie 35203 Rennes Cedex 02
Francis Joffre Erwan Flécher Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-Le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
Virginie Fouilloux Service de chirurgie thoracique, cardio-vasculaire et angiologie Centre Hospitalier Universitaire de Limoges Hôpital Dupuytren 2, avenue Martin-Luther-King 87042 Limoges Cedex
Iradj Gandjbakhch Service de chirurgie cardio-thoracique Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière Institut du cœur 47-83, boulevard de l’Hôpital 75651 Paris Cedex 13
Service de radiologie Hôpital Rangueil 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50 032 31059 Toulouse Cedex 9
Francis Juthier Service de chirurgie cardiaque Hôpital cardiologique Boulevard du Professeur-Jules-Leclercq 59037 Lille Cedex
Matthias Karck Division of Thoracic and Cardiovascular Surgery Hannover Medical School Carl-Neuberg-Str. 1 30625 Hanovre Allemagne
Philippe Khau Van Kien Laboratoire de génétique moléculaire Institut universitaire de recherche clinique (IURC) CHU de Montpellier/INSERM U827 641, avenue du Doyen Gaston-Giraud 34093 Montpellier Cedex 5
Emmanuel Gardet
Edouard Kieffer
Service de chirurgie thoracique, cardio-vasculaire et angiologie Centre Hospitalier Universitaire de Limoges Hôpital Dupuytren 2, avenue Martin-Luther-King 87042 Limoges Cedex
Hicham Kobeiter
Laurent Gengler Service de radiologie et imagerie cardiaque et vasculaire Hôpital cardiologique, CHRU de Lille 59037 Lille Cedex
Service de chirurgie vasculaire Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière 47-83, boulevard de l’Hôpital 75651 Paris Cedex 13
Service de chirurgie vasculaire, d’imagerie médicale Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Paris XII 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
Mohamed Koussa Service de chirurgie vasculaire Hôpital cardiologique, CHRU de Lille 59037 Lille Cedex
Jean-François Heautot Service de radiologie Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-Le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
Amor Krimi Unité de recherche clinique de l’hôpital Henri Mondor 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
IX
X
Les syndromes aortiques aigus
Louis Labrousse
Christophe Lions
Service de chirurgie cardio-vasculaire Hôpital Haut-Lévêque Avenue de Magellan 33604 Pessac Cedex
Service de radiologie et imagerie cardiaque et vasculaire Hôpital cardiologique, CHRU de Lille 59037 Lille Cedex
Mario Lachat
Stéphane Lopez
Service de chirurgie cardio-vasculaire Hôpital universitaire de Zurich 100, Rämistrasse 8094 Zurich Suisse
Service de chirurgie cardio-vasculaire Hôpital Rangueil 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50 032 31059 Toulouse Cedex 9
Thierry Langanay Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-Le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
Marc Laskar Service de chirurgie thoracique, cardio-vasculaire et angiologie Centre Hospitalier Universitaire de Limoges Hôpital Dupuytren 2, avenue Martin-Luther-King 87042 Limoges Cedex
Alain Leguerrier Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-Le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
Bertrand Léobon Service de chirurgie cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rangueil 1, avenue Jean Poulhes TSA 50032 31059 Toulouse Cedex 9
Anne Le Pabic Service de chirurgie cardio-thoracique et vasculaire Hôpital de la Cavale-Blanche Boulevard Tanguy Prigent 29200 Brest
Pascal Leprince Service de chirurgie cardiaque Institut de cardiologie Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière Institut du cœur 47-83, boulevard de l’Hôpital 75651 Paris Cedex 13
Nicolas Louis Service de chirurgie vasculaire, d’imagerie médicale Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Paris XII 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
Patrick Maison Unité de recherche clinique de l’hôpital Henri Mondor 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
Mareck Majewski Service de chirurgie vasculaire, d’imagerie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Paris XII 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
Marie-Agnès Maracher Service de radiologie Hôpital Rangueil 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50 032 31059 Toulouse Cedex 9
Bertrand Marcheix Service de chirurgie cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rangueil 1, avenue Jean Poulhes TSA 50032 31059 Toulouse Cedex 9
Jean Marzelle Service de chirurgie vasculaire, d’imagerie médicale Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Paris XII 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
Pierre Massabuau Service de cardiologie Centre Hospitalier Universitaire de Rangueil 1, avenue Jean Poulhes TSA 50032 31059 Toulouse Cedex 9
Liste des auteurs
Dieter Mayer
Alain Pavie
Service de chirurgie cardio-vasculaire Hôpital universitaire de Zurich 100, Rämistrasse 8094 Zurich Suisse
Service de chirurgie cardio-thoracique Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière Institut du cœur 47-83, boulevard de l’Hôpital 75651 Paris Cedex 13
Marco Midulla
Olivier Pellerin
Service de radiologie et imagerie cardiaque et vasculaire Hôpital cardiologique, CHRU de Lille 59037 Lille Cedex
Service de radiologie interventionnelle cardio-vasculaire & viscérale Hôpital Européen Georges Pompidou 75015 Paris
Arnaud Mommerot
Université Paris V René Descartes 75005 Paris
Département de chirurgie cardiaque Nouvel hôpital civil 1, place de l’Hôpital 67091 Strasbourg Cedex
Karine Morcel Département d’obstétrique, gynécologie et médecine de la reproduction Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Sud 16, boulevard de Bulgarie 35203 Rennes Cedex 2
Ramiro Moreno INSERM U858 CHU de Rangueil 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50 032 31059 Toulouse Cedex 9
Zial Negaiwi Service de radiologie et imagerie cardiaque et vasculaire Hôpital cardiologique, CHRU de Lille 59037 Lille Cedex
Franck Nicoud Institut de mathématiques et modélisation de Montpellier CNRS-UMR 5149 Université de Montpellier II Place Eugène-Bataillon 34095 Montpellier
Philippe Otal Service de radiologie Hôpital Rangueil 1, avenue Jean-Poulhes, TSA 50 032 31059 Toulouse Cedex 9
Francis Pesteil Service de chirurgie thoracique, cardio-vasculaire et angiologie Centre Hospitalier Universitaire de Limoges Hôpital Dupuytren 2, avenue Martin-Luther-King 87042 Limoges Cedex
Thomas Pfammater Service de radiologie diagnostique et interventionnelle Hôpital universitaire de Zurich Rämistrasse 100 8094 Zurich Suisse
Alain Prat Service de chirurgie cardiaque Hôpital cardiologique Boulevard du Professeur-Jules-Leclercq 59037 Lille Cedex
M. Quintin Département de la recherche clinique et du développement Hôpital Saint Louis Assistance Publique Hôpitaux de Paris 75010 Paris
Zoran Rancic Service de chirurgie cardio-vasculaire Hôpital universitaire de Zurich 100, Rämistrasse 8094 Zurich Suisse
XI
XII
Les syndromes aortiques aigus
Matthieu Revest
Marc Schepens
Service des maladies infectieuses et réanimation médicale Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-Le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
St. Antonius Hospital Department of Cardiothoracic surgery Koekoekslaan 1 3435 CM Nieuwegein Pays-Bas
Hervé Rousseau
Service de chirurgie vasculaire, d’imagerie médicale Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Paris XII 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil
Service de radiologie Centre hospitalier universitaire de Rangueil 1, avenue Jean Poulhes TSA 50032 31059 Toulouse Cedex 9
Daniel Roux
Fabrice Schneider
Jean-Philippe Verhoye
Service de chirurgie cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rangueil 1, avenue Jean Poulhes TSA 50032 31059 Toulouse Cedex 9
Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Centre hospitalier universitaire de Rennes Hôpital Pontchaillou 2, rue Henri-Le-Guilloux 35033 Rennes Cedex 9
Johanna Salazar
Serge Willoteaux
Service de chirurgie thoracique, cardio-vasculaire et angiologie Centre Hospitalier Universitaire de Limoges Hôpital Dupuytren 2, avenue Martin-Luther-King 87042 Limoges Cedex
Service de radiologie CHU-Radiologie C 4, rue Larrey 49933 Angers Cedex 9
Marc Sapoval Service de radiologie interventionnelle cardio-vasculaire & viscérale Hôpital Européen Georges Pompidou 75015 Paris Université Paris V René Descartes 75005 Paris
Chapitre
4
Radio-Anatomy Sommaire of the Thoracic Aorta. Jos C.
Préface M. Laskar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
V
ÉTAT DE L’ART 1 – Aspects génétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. Khau Van Kien et R. Demaria
Crosse 8 – Quand et comment remplacer la crosse de l’aorte ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 J. Bachet
3
2 – Imagerie des syndromes aortiques aigus . . . 17 P. Massabuau et H. Rousseau 3 – Imagerie des flux aortiques par IRM. Application clinique sur la pathologie aortique thoracique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 H. Rousseau, R. Moreno, M. Midulla, B. Marcheix et F. Nicoud
AORTE ASCENDANTE ET CROSSE Généralités 4 – Dissection aortique aiguë de type A Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 A. Mommerot et P. Demers
Aorte ascendante 5 – Intervention de Tyrone David dans les dissections aortiques de type A . . . . . . . . . . . 63 E. Bezon, F. Juthier, A. Le Pabic, J.-A. Barra et A. Prat
9 – Endoprothèses peropératoires : un plus ? Pour quelle dissection ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 D. Roux et B. Léobon 10 – Les stents grafts de l’aorte thoracique : fenestrations, branches et techniques alternatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 T.-B. Bui et H. Rousseau 11 – Complications et évolution chronique de la chirurgie après dissection aiguë de la racine aortique ou de la crosse . . . . . . . 117 J.-P. Verhoye et J.F. Heautot
AORTE DESCENDANTE Dissection de type B 12 – Dissections aiguës non compliquées Des stents grafts pour qui ? . . . . . . . . . . . . . . 127 H. Rousseau, B. Marcheix, V. Chabbert, C. Dambrin, C. Cron, S. Lopez, C. Conil, P. Massabuau, M.-A. Maracher, J. Auriol, P. Otal, F. Joffre et J.-P. Beregi
6 – Stents grafts de l’aorte thoracique ascendante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 H. Rousseau, B. Marcheix, V. Chabbert, C. Dambrin, C. Cron, S. Lopez, C. Conil, P. Massabuau, M.-A. Maracher, J. Auriol, P. Otal et F. Joffre
13 – Dissection aortique et syndrome de malperfusion. Indications et techniques des traitements endovasculaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 G. Abboud, C. Lions, A. Prat, Z. Negaiwi, K. Akkari, C. Decoene, L. Gengler, P. Asseman, M. Midulla, M. Koussa, S. Willoteaux et J.-P. Beregi
7 – Bentall et syndromes aortiques aigus . . . . . . 75 P. Leprince, S. Aubert, A. Pavie et I. Gandjbakhch
14 – Traitement chirurgical de la dissection aiguë de type B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 M. Schepens
XIV
Les syndromes aortiques aigus
15 – La malperfusion rénale insidieuse . . . . . . . . . 151 J.-P. Verhoye, B. de Latour et J.-F. Heautot 16 – Dissection aortique et grossesse . . . . . . . . . . . 157 H. Corbineau et K. Morcel
23 – Traitement des anévrysmes infectieux : chirurgie classique ou traitement endovasculaire ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 D. Carmi, O. Pellerin, L. Labrousse et M. Sapoval
PLAQUES AORTIQUES EMBOLIGÈNES 17 – Organisation du suivi des dissections aortiques aiguës Registre IRAD et registre national SFC-SFR-SCTCV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 C. Dourmap-Collas
Hématomes et ulcères 18 – Hématomes intramuraux et ulcères athéroscléreux pénétrants de l’aorte thoracique descendante : stratégies de prise en charge . . 171 L. Chiche, P. Cluzel et E. Kieffer
Rupture d’anévrysme non traumatique 19 – Stratégie de prise en charge des ruptures aortiques thoraciques non traumatiques . . . 181 X. Chaufour
Rupture traumatique de l’aorte 20 – Traitement chirurgical des ruptures aiguës de l’isthme aortique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 T. Langanay, E. Flécher et A. Leguerrier 21 – Rupture traumatique de l’aorte : traitement endovasculaire . . . . . . . . . . . . . . . 205 B. Marcheix, V. Chabbert, C. Cron, S. Lopez, J. Auriol, C. Dambrin et H. Rousseau
Lésions mycotiques aiguës 22 – Lésions mycotiques aiguës - Généralités . . . . 217 M. Revest et P. Jégo
24 – Prise en charge de la plaque aortique emboligène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 I. Abouliatim, B. de Latour et A. Leguerrier
FISSURATION ET RUPTURE D’AAA 25 – Fissuration et rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale : traitement endovasculaire . . . . . . . . . . . . . . . 243 P. Desgranges, H. Kobeiter, J.-M. Alsac, J. Marzelle, E. Allaire, M. Majewski, A. Krimi, P. Maison, F. Schneider, N. Louis, M. Quintin, Y. Castier et J.-P. Becquemin
ISCHÉMIE AORTIQUE AIGUË 26 – Ischémie aortique aiguë, prise en charge chirurgicale et endovasculaire . . . . . . . . . . . . 259 F. Pesteil, J. Salazar, E. Gardet, V. Fouilloux et M. Laskar 27 – Évolution de la chirurgie de la crosse aortique en urgence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265 M. Karck
CONCLUSION 28 – Perspectives de prise en charge moderne des syndromes aortiques aigus . . . . . . . . . . . . 273 M. Lachat, Z. Rancic, D. Mayer, T. Pfammatter
Partie 1
État de l’art
Chapitre
1
Aspects génétiques P. Khau Van Kien et R. Demaria
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les trois principaux syndromes génétiques avec AAT/DA . Syndrome de Marfan classique (type I, MIM#154700) Syndrome de Marfan de type II (SMF-II, MIM#154705) et syndrome de Loeys-Dietz (LDS, MIM#609192) . . . . Syndrome d’Ehlers-Danlos de type vasculaire (SED vasculaire, MIM#130050) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prédispositions génétiques non syndromiques aux AAT/DA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Études d’agrégation familiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mutations du gène NOTCH1 dans l’association bicuspidie de la valve aortique et AAT/DA . . . . . . . . . . . Mutations des gènes MYH11 et ACTA2 responsables d’artériomyopathies ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Autres loci impliqués dans les prédispositions non syndromiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3 3 4 6 8 10 10 10 11 12 12 13
Introduction « Un éclair dans un ciel serein »… : cette expression livresque, parfois dispensée aux étudiants pour décrire la brutalité de survenue des dissections de l’aorte ascendante, illustre en renvoyant à la fatalité un des verrous auxquels se confronte la médecine prédictive et préventive suscitée par les progrès de la génétique. En effet, les dissections aortiques (DA) sont un syndrome aortique aigu particulièrement sévère pour lequel une prévention peut être efficace chez des sujets à haut risque génétique. Dans le syndrome de Marfan, véritable pathologie modèle pour l’ensemble des prédispositions génétiques aux anévrysmes de l’aorte thoracique et/ou dissections aortiques (AAT/DA), ces moyens de prévention ont fait la preuve de leur efficacité et ce d’autant plus qu’ils sont institués tôt dans l’évolution de la maladie (1, 2). Ainsi, un diagnostic précoce facilité par la génétique et une prise en charge pluridisciplinaire adaptée ont permis d’observer un gain de survie de 25 à 30 ans depuis les 40 dernières années (3, 4). Les données issues de l’identification de nouveaux gènes responsables d’AAT/DA
suscitent également à court ou moyen terme la perspective d’une médecine prédictive et préventive, à l’image de celle qui est aujourd’hui proposée dans d’autres affections communes (formes mendéliennes de cancer du sein et de l’ovaire par exemple). Déjà, les recommandations pour la prévention du risque aortique chez les patients Marfan (5) ont été étendues empiriquement aux autres prédispositions par des comités d’experts internationaux (tableau I) (6).
Les trois principaux syndromes génétiques avec AAT/DA La maladie modèle pour les prédispositions génétiques aux AAT/DA est de loin le syndrome de Marfan, qui représenterait environ 5 % des cas de dissection aortique tous âges confondus et 50 % des cas avant l’âge de 40 ans (7, 8). Il s’agit d’une maladie modèle car : – c’est l’une des maladies mendéliennes les plus fréquentes ; – des critères diagnostiques consensuels permettent d’uniformiser les pratiques ; – le suivi longitudinal et la prévention du risque aortique sont efficaces ; – les développements récents de la recherche et de la génétique ont soulevé l’espoir de pouvoir mieux caractériser les patients et surtout de disposer dans l’avenir d’un traitement étiopathogénique des AAT/DA très prometteur (9, 10). Récemment, l’identification de mutations du gène TGFBR2 puis du gène TGFBR1 (gènes des récepteurs 1 et 2 du transforming growth factor β (11, 12) chez des sujets réunissant les critères diagnostiques de Marfan a conduit à distinguer « le syndrome de Marfan classique ou de type I » (SMF-I, MIM#154700) en rapport avec les mutations du gène de la fibrilline de type 1 (FBN1) du « syndrome de Marfan de type Boileau-Jondeau ou de type II » (SMF-II, MIM#154705). Parallèlement, un nouveau syndrome, le « syndrome de Loeys-Dietz » avec AAT/DA comme manifestation cardinale, égale-
4
Les syndromes aortiques aigus Tableau I – Prévention des dissections aortiques dans les maladies héréditaires (syndrome de Marfan, syndrome d’Ehlers-Danlos et « maladie annulo-ectasiante »), d’après un comité d’experts issus de la Société européenne de cardiologie et de l’American College of Cardiology (6). Classe I : preuve ou accord unanime sur l’utilité et l’efficacité d’une procédure ou d’un traitement. Classe IIa : utilité ou efficacité d’une procédure ou d’un traitement débattue mais arguments et opinion favorables. Niveau de preuve de classe C : données d’évaluation limitées.
Recommandations
Classe I
Classe IIa
Niveau de preuve
1- Traitement bêtabloquant à vie
+
C
2- Surveillance régulière des diamètres aortiques
+
C
3- Chirurgie prophylactique de remplacement de la racine aortique avant que le diamètre n’excède 50 mm chez les patients avec histoire familiale
+
C
4- Chirurgie prophylactique de remplacement de la racine aortique avant que le diamètre n’excède 55 mm
+
C
5- Restriction modérée de l’activité physique
ment causé par des mutations des gènes TGFBR1 et TGFBR2, a été décrit (SLD, MIM#609192, (13)). Enfin, le troisième syndrome discuté ici est le syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire (anciennement type IV), causé par des mutations du gène du procollagène de type III (COL3A1). Il existe d’autres syndromes génétiques rares, non détaillés ici, où les AAT/DA sont des complications plus ou moins fréquentes (polykystose rénaleMIM#173900 (14), ostéogenèses imparfaitesMIM#166200 (15), Cutis-Laxa-MIM#123700 (16), syndrome de Turner (17), etc.).
Syndrome de Marfan classique (type I, MIM#154700) Le syndrome de Marfan survient de par le monde sans prédilection pour le sexe ou l’ethnie avec une fréquence estimée entre 1 et 3 pour 10 000 naissances (18, 19). Le diagnostic est classiquement établi à partir des critères de Gand (tableau II) qui permettent l’évaluation objective et pluridisciplinaire de nombreux items cliniques, radiologiques ou génétiques pour sept systèmes : squelettique, cardio-vasculaire, oculaire, pulmonaire, cutané, dural et familial/génétique (20). Aucun de ces critères n’est spécifique de la maladie lorsqu’ils sont évalués indépendamment mais leur combinaison permet d’établir le diagnostic (tableau II). Une variabilité phénotypique intra- ou interfamiliale considérable (expressivité) est communément observée et la pénétrance est considérée comme quasi complète à l’âge adulte. Les cas sporadiques issus de parents non atteints représentent environ un quart à un tiers des cas et ceci est confirmé par les études génétiques qui permettent de documenter les cas de transmission de novo (21). Il
+
C
existe fréquemment des sujets qui présentent une forme incomplète et chez qui le diagnostic ne peut être porté avec certitude. Ceci est particulièrement vrai chez l’enfant, surtout lorsqu’il s’agit de cas sporadiques. En ce sens, le développement des tests génétiques, qui permettent de compléter la recherche des critères de Gand, et aussi probablement les nouvelles méthodes d’imagerie fonctionnelle sont d’un grand intérêt (22). Le syndrome de Marfan est causé par des mutations du gène FBN1, qui s’étend sur plus de 237 kb sur le chromosome 15 (en 15q21), avec un transcrit de 11 626 pb. Il s’agit d’un grand gène contenant 65 exons codant pour la fibrilline de type 1, protéine de 350 kDa et constituant majeur des microfibrilles calcium-binding (10-12 nm) qui, associées à l’élastine, constituent les fibres élastiques du tissu conjonctif (23). Le précurseur de la fibrilline de type 1 est composé de 2 871 acides aminés et présente une structure remarquable de domaines structuraux répétés en tandems composant des modules riches en cystéine dont la majorité correspondent aux motifs consensus calcium-binding et/ou epidermal growth factor like (modules cb-EGF like ou EGF like) ou transforming factor β-binding (modules TB ou 8 Cys) (fig. 1) (24). Cette structure multimodulaire est également caractéristique des autres fibrillines (de types 2 et 3, essentiellement exprimées au stade embryonnaire) ainsi que des protéines latentes TGF-β-binding (LTBP), qui forment la « famille des gènes fibrilline-LTBP » (25). Plusieurs travaux récents montrent que, du fait de ces propriétés, la fibrilline joue un rôle important au sein de la matrice extracellulaire dans la régulation de la biodisponibilité tissulaire des cytokines du TGF-β et par voie de conséquence sur cette voie de signalisation (cf. infra fig. 2 dans « Syndrome de Marfan de type II ») (26-28). À ce jour,
Aspects génétiques Tableau II – Critères diagnostiques du syndrome de Marfan selon la classification de Gand, d’après de Paepe et al., 1996 (20). Pour un cas index : Présence de critère majeur dans au moins deux systèmes (qui peut être génétique) et implication (atteinte mineure) d’au moins un autre système. Pour l’apparenté d’un cas index qui réunit indépendamment les critères : Présence d’un critère majeur familial/génétique, d’un critère majeur dans un autre système et implication (atteinte mineure) d’un autre système.
Systèmes
Critères diagnostiques de Gand Majeurs
Squelettique - Atteinte majeure si au moins 4 critères majeurs - Atteinte mineure si au moins 2 critères majeurs ou 1 majeur et 2 mineurs
Cardio-vasculaire - Atteinte majeure si présence d’un critère majeur - Atteinte mineure si présence d’au moins un critère mineur
Oculaire
Pectus carinatum Pectus excavatum nécessitant une chirurgie Ratio envergure/taille ou segment inf./sup. > 1,05 (en l’absence de scoliose) Signes du pouce et du poignet Scoliose > 20° ou spondylolisthesis Extension réduite des coudes (< 170°) Déplacement médial de la malléole interne à l’origine de pieds plats Protrusion acétabulaire
Pectus excavatum non chirurgical Hypermobilité articulaire Palais haut et arché avec chevauchement des dents Aspect facial caractéristique (dolichocéphalie, hypoplasie malaire, enophtalmie, rétrognatie, fentes palpébrales orientées en bas et en dehors)
Dilatation de l’aorte ascendante avec ou sans insuffisance aortique et impliquant au moins les sinus de Valsalva Dissection de l’aorte ascendante (type A)
Prolapsus valvulaire mitral avec ou sans insuffisance mitrale Dilatation du tronc de l’artère pulmonaire, en l’absence de sténose pulmonaire valvulaire ou périphérique ou sans cause évidente, si < 40 ans Calcification de l’anneau mitral si < 40 ans Dilatation ou dissection de l’aorte thoracique descendante ou de l’aorte abdominale si < 50 ans
Ectopie du cristallin
Cornée anormalement plate (après mesure d’au moins deux critères mineurs par kératométrie) Longueur axiale du globe oculaire augmentée (après mesure par échographie) Hypoplasie irienne ou du muscle ciliaire, causant un myosis diminué
Néant
Pneumothorax spontané(s) Bulles apicales (objectivées par la radiographie thoracique)
Néant
Vergétures significatives, non associées avec des changements de poids importants, des grossesses, ou d’autres causes apparentes Hernie récurrente ou cicatricielle
Ectasie durale lombosacrée (scanner ou IRM)
Néant
- Atteinte majeure si présence du critère majeur - Atteinte mineure si présence d’au moins un critère mineure
Pulmonaire Considéré comme une atteinte mineure si présence d’un critère
Peau et téguments Considéré comme une atteinte mineure si présence d’un critère
Dural
Mineurs
Considéré comme un critère majeur si présent
Histoire familiale/génétique
Présence d’un apparenté du premier degré (parent, Néant fratrie, enfant) réunissant indépendamment les critères. Présence d’une mutation connue pour entraîner un syndrome de Marfan dans le gène FBN1 Présence d’un haplotype au locus FBN1, transmis par descendance, connu pour être associé avec un syndrome de Marfan diagnostiqué sans équivoque dans la famille
Fig. 1 - Représentation schématique de la structure multimodulaire de la fibrilline de type 1.
5
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Les syndromes aortiques aigus
plus de 600 mutations dans le gène FBN1 sont répertoriées dans la base de données UMD-FBN1, disponible sur Internet (http://www.umd.be) (21). Les mutations sont très peu récurrentes (environ 10 %), majoritairement privées et réparties tout au long du gène, sans point chaud (en dehors de l’exceptionnelle forme néonatale, où les mutations de novo surviennent dans la région des exons 24-32). Les grands réarrangements sont rarement décrits et la majorité des mutations (environ deux tiers) sont des mutations faux-sens, substituant un acide aminé impliqué dans la formation de pont disulfure (cystéines), dans la liaison au calcium ou dans la maintenance de la structure des modules consensus cb-EGFlike. Dans ces situations, l’effet que l’on peut prédire est un effet dominant négatif : antagonisme entre le produit de l’allèle sauvage et de l’allèle muté au niveau des fibres élastiques (défaut qualitatif). Le reste des mutations correspond à des mutations non-sens ou d’épissage, prédictives de la formation d’un peptide tronqué qui, lorsqu’il est majoritairement dégradé, résulte en une haplo-insuffisance : défaut quantitatif de production de fibrilline de type 1. Ces deux mécanismes interagissent avec les deux rôles physiologiques principaux de la fibrilline de type 1 (structure des fibres élastiques et biodisponibilité tissulaire du TGF-β) et représentent probablement la clé des corrélations génotype-phénotype qui, longtemps limitées, commencent à être établies grâce à l’enrichissement des bases de données internationales (29). Cependant, ces corrélations restent pauvres et la très grande variabilité des phénotypes observés entre patients apparentés ou non pour une même mutation illustre l’importance de facteurs modificateurs, environnementaux et/ou génétiques. Par conséquent, il n’est pas possible de prédire un phénotype pour une mutation donnée ou d’en établir un pronostic précis. De plus, les mutations du gène FBN1 peuvent aussi rendre compte d’autres manifestations, regroupées sous le terme de « fibrillinopathies de type 1 » : ectopie du cristallin familiale (MIM#129600), syndrome de Schprintzen-Goldberg (MIM#182212), AAT/DA familiaux non syndromiques (cf. infra, MIM#132900), forme dominante du syndrome de Weill-Marchesani (MIM#608328), phénotype MASS (MIM#604308) ou même atteintes squelettiques isolées (30). Pour toutes ces raisons, les tests génétiques dans le syndrome de Marfan représentent un réel challenge, pour un bénéfice parfois limité. En effet, en raison de la grande hétérogénéité allélique, l’identification d’une mutation délétère du gène FBN1 n’est pas suffisante seule pour établir le diagnostic de syndrome de Marfan alors que l’évaluation des critères clinico-radiologiques de Gand le permet dans la grande majorité des cas (tableau I) (20). De plus, toutes les méthodes et stratégies appliquées au diagnostic génétique à ce jour décrites ont une sensibilité incomplète, rapportée entre 64 et
93 % chez les sujets réunissant les critères de Gand et 42 à 60 % chez les sujets chez qui il manque un critère (apporté par l’identification d’une mutation) (25, 31, 32). Ainsi, les tests génétiques pour le syndrome de Marfan manquent de sensibilité et de spécificité. Toutefois, ceux-ci sont particulièrement indiqués dans deux situations : 1- chez les sujets chez qui l’apport du critère familial/génétique (tableau II) est susceptible de compléter le score clinique et d’aboutir au diagnostic (particulièrement chez l’enfant et dans les formes sporadiques), permettant ainsi de mettre en place la prévention (cf. infra, (5)) ; 2- chez les sujets réunissant les critères préalablement à l’analyse afin, d’une part, de confirmer le diagnostic et, d’autre part, de pouvoir disposer d’un test permettant de conduire rapidement et simplement l’enquête familiale. Dans notre expérience, la recherche d’une mutation délétère du gène FBN1, identifiée à partir d’un cas index chez son apparenté, permet de clarifier son statut dans environ 50 % des cas (33). L’identification de la mutation est, de plus, un préalable indispensable à toute demande de diagnostic prénatal ou préimplantatoire, en dehors de toute autre considération, notamment du fait de l’hétérogénéité génétique. Toutefois, compte tenu du pronostic actuel de la maladie, les demandes sont rares. Enfin, les perspectives récentes de thérapie basée sur le blocage de la voie de signalisation du TGF-b pour traiter préventivement les AAT/DA (cf. infra) soulignent le besoin de disposer d’un diagnostic précoce, rigoureux et précis, grandement facilité par les tests génétiques (qui permettent d’obtenir un critère diagnostique indépendamment de l’âge et du phénotype). En effet, il est probable que seuls les patients atteints de syndrome de Marfan ou de prédispositions génétiques apparentées puissent bénéficier de ces thérapies (cf. infra (34, 35)).
Syndrome de Marfan de type II (SMF-II, MIM#154705) et syndrome de Loeys-Dietz (LDS, MIM#609192) En 1993, Boileau et al. (36) ont décrit une famille française avec de nombreux sujets présentant des critères squelettiques et cardio-vasculaires de Marfan et dont le défaut génétique n’était pas localisé sur le chromosome 15 (locus FBN1) mais sur le bras court du chromosome 3 en 3p24.2-p25 (locus MFS2) (37). Dix ans plus tard, à partir d’un jeune patient japonais présentant un syndrome de Marfan et un réarrangement chromosomique complexe de la région 3p24.1 (centromérique par rapport au locus MFS2), interrompant le gène TGFBR2 (gène du récepteur II du TGFβ), une mutation d’épissage et trois mutations faux-sens de ce gène ont été
Aspects génétiques
identifiées dans cinq familles avec un syndrome de Marfan, dont la famille française liée au locus MFS2 (11). Les données concernant la position conservée de ces mutations dans le domaine sérine-thréonine kinase du récepteur, la coségrégation des mutations avec les atteintes cliniques dans les pedigrees correspondants, les tests in vitro, démontraient que les mutations du gène TGFBR2 pouvaient être responsables de syndrome de Marfan. Quelques mois après cette découverte, des mutations des gènes TGFBR1 et TGFBR2 étaient également impliquées dans un nouveau syndrome avec AAT/DA et des caractéristiques marfanoïdes (13). Le syndrome de Loeys-Dietz (SLD) est caractérisé par une triade : anévrysmes/tortuosité artérielle diffuse, hypertélorisme et anomalie du palais ou de la luette (fente ou équivalent) (13, 38). En plus des signes constituant cette triade, les auteurs rapportaient également de nombreuses atteintes, plus inconstantes : cardio-vasculaires, squelettiques/craniofaciales, cutanées, neurocognitives, etc. Finalement, dans une revue récente, ils distinguent le SLD de type I (typique) d’un
type II très proche sur le plan phénotypique du syndrome d’Ehlers-Danlos de type vasculaire (cf. infra) (38). Par la suite, des mutations des gènes TGFBR1 et TGFBR2 ont été identifiées par d’autres équipes chez des sujets Marfan réunissant les critères de Gand, mais chez qui le critère majeur oculaire (ectopie du cristallin) est toujours absent, confirmant ainsi la distinction entre le type I ou classique en rapport avec les mutations du gène FBN1 et le type II (12, 39). Cette distinction est cependant en partie artificielle et surtout génétique car il existe de nombreux patients ayant un syndrome de Marfan « classique » sans critère majeur oculaire. Il est donc probable que l’ectopie du cristallin dans le type I ait pour substrat le rôle de la fibrilline de type I dans la structure et la solidité des fibres de la zonule plutôt que celui de régulateur du pool de TGF-β disponible (fig. 2). En reprenant systématiquement les mutations du gène TGFBR1 (n = 20) et du gène TGFBR2 (n = 42) respectivement rapportées chez 22 et 49 cas-index réunissant les critères de Gand (SMF-II) ou non (syndromes de Loeys-Dietz, Marfan incom-
Fig. 2 - Représentation schématique de la voie de signalisation du TGF-β dans le contexte des AAT/DA du syndrome de Marfan et des syndromes apparentés. A. Transduction du signal TGF-β : (1)- Des complexes latents de petite taille (SLC pour small latent complex) composés d’homodimères de TGF-β inactifs associés avec les peptides LAP (latency-associated peptide) et la protéine latent TGF-β-binding-1 (LTBP1) interagissent avec l’extrémité N-terminale de la fibrilline de type 1 pour former des complexes latents de grande taille (LLC pour large latent complex). Les homodimères de TGF-β peuvent être libérés du complexe LLC et (2), constituer le ligand de la sousunité II du récepteur du TGF-β (TGFBR2) qui (3), en association avec une sous-unité I (TGFBR1), recrute d’autres sous-unités I et II pour former un complexe récepteur tétrahétérodimérique transmembranaire qui, une fois constitué, aboutit à la phosphorylation des sous-unités I (4). Une fois activé, le domaine sérine/thréonine kinase des sous-unités I phosphoryle la protéine « receptor-regulated Smad » (R-Smad) (5) qui, en association avec la protéine Smad-4 (6), est transloquée dans le noyau (7). Dans le noyau, ce complexe protéique Smad s’associe à des facteurs et co-facteurs de transcription pour former un complexe (8) se liant sur des éléments promoteurs de gènes cibles, régulant ainsi leur transcription (9). B. Un modèle potentiel pour les AAT/DA dans le contexte du syndrome de Marfan et des syndromes apparentés : une mutation du gène de la fibrilline de type 1 ou des gènes TGFBR1/TGFBR2 conduit à une dérégulation de la signalisation TGF-β conduisant à une altération de l’expression des gènes cibles qui, elle-même, entraîne une accélération de la dégénérescence de la média et de la rigidité aortique, conduisant à l’apparition d’AAT/DA.
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Les syndromes aortiques aigus
plets, forme non syndromique d’AAT/DA), Mizugushi et Matsumoto (40) pointent l’hétérogénéité allélique importante des phénotypes en rapport avec les mutations des gènes des récepteurs I et II du TGF-β. Il existe cependant un paradoxe entre la perte de fonction déduite ou documentée de ces récepteurs induite par certaines mutations et les stigmates d’hypersignalisation TGF-β objectivées sur tissu aortique des patients (13, 34, 38, 40-42). Par exemple, chez l’homme, la mutation non-sens p.Arg495X du gène TGFBR2, responsable d’un arrêt prématuré de la traduction, était associée à une augmentation de la signalisation TGF-β dans le tissu aortique du patient correspondant (38). De même, dans un modèle de souris transgénique déficiente en kinase-TGFBR2, une hypersignalisation TGF-β était observée (43). Des études complémentaires menées sur ce modèle souris indiquent, comme premier élément de réponse, la présence de mécanisme de régulation en aval des récepteurs (« rétrocontrôle ») (44). Une première caractérisation de l’interactome du TGF-β montre la très grande complexité et diversité des facteurs impliqués dans cette voie de signalisation qui mobilise une multitude d’équipes de recherche clinique ou fondamentale (45). Ainsi, il apparaît désormais clair que les mutations des gènes FBN1, TGFBR1 et TGFBR2 sont à l’origine d’un très large spectre de manifestations cliniques et que les AAT/DA dans le syndrome de Marfan et les syndromes apparentés ont au moins en partie pour support physiopathologique une hypersignalisation TGF-β (fig. 3). Sur cette base, les expériences menées à partir de souris transgéniques, visant à bloquer cette voie de signalisation à l’aide d’anticorps neutralisants ou de losartan (ARA2 : antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II), se sont montrées particulièrement efficaces pour prévenir les AAT/DA et d’autres complications du syndrome de Marfan (à l’exception de l’ectopie du cristallin) (10, 46). Le mécanisme précis à partir duquel les inhibiteurs de l’angiotensine II (ARA2 ou IEC) interagissent avec la voie de signalisation du TGFβ est encore en partie obscur. Le rôle de la thrombospondine 1 semble toutefois important (47). Néanmoins, s’agissant de classes médicamenteuses connues de longues date chez l’homme, des essais cliniques prospectifs de phase III réalisés à partir d’ARA2 (losartan) ou d’IEC classique (périndopril), sont déjà appliqués à des cohortes de patients ayant un syndrome de Marfan de par le monde et les premiers résultats encourageants de ces études soulèvent de très grandes attentes de la part des patients et de leurs familles (9, 48).
Syndrome d’Ehlers-Danlos de type vasculaire (SED vasculaire, MIM#130050) Les syndromes d’Ehlers-Danlos (SED) représentent un groupe hétérogène d’anomalies héréditaires du tissu conjonctif caractérisées par une hyperextensibilité cutanée, une hyperlaxité articulaire et une fragilité tissulaire. La classification de Villefranche (49) distingue sept entités principales (types : classique, hypermobile, vasculaire, cyphoscoliotique, arthrochalasique, dermatoparexis et les autres formes) et remplace la classification précédente (de « Berlin » (50)) afin de prendre en compte les aspects biochimiques et génétiques des SED. Les AAT/DA sont classiquement associés au SED vasculaire (anciennement type IV) et très rarement décrits dans les autres types de SED (51). Transmis selon une hérédité autosomique dominante, le SED vasculaire est causé par des mutations du gène COL3A1 (gène du procollagène de type III). La prévalence de ce syndrome très rare est estimée entre 1/50 000 et 1/150 000 (19, 52). Toutefois, le diagnostic est particulièrement difficile à établir du fait d’une variabilité phénotypique importante, y compris entre sujets atteints d’une même famille et il est fréquent que les enquêtes familiales et les tests génétiques révèlent la présence de patients pauci-symptomatiques avec des manifestations subcliniques, porteurs de mutation non ambiguë (53). Afin de faciliter les démarches diagnostiques, les critères de Villefranche définissent les indications des tests biochimiques ou génétiques qui seuls, en pratique, peuvent permettre un diagnostic de certitude (notamment du fait de la similitude des manifestations cliniques avec le SLD de type II ; tableau III) (49). Le SED vasculaire a un pronostic sévère avec, comme première cause de décès, des ruptures/dissections artérielles, notamment aortiques. La plus grande série rapportée à ce jour comporte 220 patients et 199 de leurs apparentés atteints (diagnostic confirmé par les tests de laboratoire) (54). La médiane de survie dans cette cohorte était de 48 ans avec des événements artériels répartis pour moitié au niveau du thoracoabdominal, dans 25 % des cas au niveau cervico-encéphalique et dans 25 % des cas au niveau des membres. Les complications artérielles récidivantes chez les patients sont à type de dissections spontanées ou plus rarement d’anévrysmes disséquants (66 %), de ruptures spontanées (64 %), fistules artérioveineuses (15 %) et d’anévrysmes fusiformes (14 %) (55). Classiquement, les artères musculaires de moyen calibre sont les plus fréquemment touchées (56). Ainsi, les AAT/DA ne sont pas réellement caractéristiques du SED vasculaire et restent l’apanage du syndrome de Marfan. Cependant, ils peuvent survenir y compris au niveau de l’aorte ascendante et sont souvent fatals (55-57).
Aspects génétiques Tableau III – Critères de Villefranche-sur-Mer pour le syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire d’après Beighton et al., 1998 (50).
Critères majeurs
Critères mineurs
1. Peau fine, translucide
1. Acrogérie
2. Fragilité ou rupture artérielle/ intestinale/utérine
2. Hypermobilité des petites articulations
3. Ecchymoses extensives
3. Rupture musculaire ou tendineuse
4. Aspect facial caractéristique (« visage de madone »)
4. Pied-bot varus équin 5. Varices précoces 6. Fistule artérioveineuse 7. Pneumothorax/hémopneumothorax 8. Récessions gingivales 9. Histoire familiale positive ou mort subite inexpliquée chez un parent proche
La présence d’au moins deux critères majeurs est hautement indicative du diagnostic et les tests de laboratoire sont fortement recommandés.
Le gène COL3A1 est composé de 51 exons (les exons 4 et 5 sont fusionnés), distribués sur plus de 38 kb sur le bras long du chromosome 2, en 2q24.3-q31. Il code pour la chaîne pro α-1(III) du collagène, une protéine de 1 466 acides aminés parmi lesquels 1 029 sont situés dans le domaine triple hélice, caractérisé par une succession de triplets répétés Gly-X(1/3)Pro-Y. L’organisation génomique de la famille des gènes des collagènes fibrillaires est étroitement liée à l’évolution des espèces et provient de la duplication d’un gène ancestral. Par conséquent, ces gènes ont des homologies de séquence très importantes, surtout au niveau du domaine triplehélice qui comporte 42 exons débutant invariablement par un codon glycine et dont l’alternance d’exons, composé d’un multiple de 18 ou de 33 codons, est remarquablement superposable (58). Du fait de cette structure singulière, tous les exons de ce domaine sont en phase avec le cadre de lecture et le motif d’acides aminés Gly-X(1/3Pro)Y indispensable à la formation de la triple hélice. Des modifications post-traductionnelles complexes du procollagène de type III aboutissent au clivage des propeptides, puis à la formation d’unités d’homotrimères de collagène III, qui forment avec d’autres unités collagènes des structures microfibrillaires de plus en plus complexes jusqu’aux faisceaux de fibres périodiques de collagène (59). Plusieurs conséquences importantes peuvent être extraites de ces particularités :
1- parce que le collagène de type III est un homotrimère, la synthèse d’une quantité égale de chaîne normale et mutée chez les patients résulte en la production d’un ratio 7 unités triple-hélice anormales pour 1 unité triple-hélice normale (effet dominant négatif) ; 2- du fait des importantes homologies de séquences avec des séquences génomiques correspondantes longtemps restées indéterminées, les tests génétiques ont été jusqu’à un passé récent limités aux analyses des ARN et des transcrits (ADN complémentaire) ; 3- les analyses biochimiques des collagènes (électrophorèse en SDS-PAGE (60)), techniques peu réalisables en dehors d’équipes hautement spécialisées compte tenu de la très haute technicité et des moyens nécessaires, sont régulièrement citées en méthodes de référence pour le diagnostic (54). Ainsi, aucune mutation n’est identifiée à partir de l’ARN chez 40 % des patients présentant un profil anormal du collagène de type III sur l’électrophorèse (54, 55, 57) ; 4- le type de mutations identifiées à ce jour du gène COL3A1 reflète probablement le biais méthodologique (analyses de l’ARN). Il s’agit de substitutions de résidus glycine obligatoires du domaine triple hélice dans environ deux tiers des cas et dans la très grande majorité des cas restants, de mutations d’épissage prédictives de la synthèse d’une protéine raccourcie, en phase avec le domaine triple hélice (cf. supra)
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Les syndromes aortiques aigus
(61). Toutes ces mutations ont un pronostic sévère sur l’architecture du tissu conjonctif (effet dominant négatif, qualitatif). Trois mutations non-sens, prédictives d’un effet au moins partiel sur la quantité de collagène synthétisée (haplo-insuffisance, par diminution de la stabilité des transcrits mutés) ont été décrites (62). De façon surprenante, aucune corrélation ne pouvait être déduite vis-à-vis de la sévérité des symptômes entre effet dominant négatif et haplo-insuffisance alors que de telles corrélations sont bien établies dans l’ostéogenèse imparfaite (MIM#166200, gènes COLIA1 et COLIA2 essentiellement) et dans les modèles de souris transgéniques (63). Toutefois, la question de savoir si la physiopathologie sous-jacente de cette maladie modèle dépend de l’impact des mutations sur la trame collagénique (effet structural) ou si, comme dans le syndrome de Marfan, elle dépend également d’autres mécanismes (i.e. voies de signalisation comme le TGF-β), reste en suspens.
Prédispositions génétiques non syndromiques aux AAT/DA Les descriptions de familles avec plusieurs cas d’AAT/DA chez des sujets ne présentant pas de syndrome particulier ont longtemps suggéré la présence d’une composante génétique (64-66). Les formes frustres de syndrome de Marfan et d’Ehlers-Danlos vasculaire ont été les premières à être reconnues dans des familles d’AAT/DA sans autres symptômes remarquables (identification de mutations des gènes FBN1 et COL3A1 et secondairement des gènes TGFBR1 et TGFBR2) (12, 21, 40, 42, 61, 67-69). Au cours de la dernière décennie, des progrès importants ont été enregistrés sur l’agrégation familiale des AAT/DA et sur l’identification de certaines entités phénotypiques familiales (qui doivent être distinguées de syndromes individuels reconnaissables), notamment les associations avec la bicuspidie de la valve aortique (BVA) ou avec la persistance du canal artériel (PCA). De plus, l’identification ou la localisation de nouveaux gènes impliqués dans les formes non syndromiques d’AAT/DA a révélé une importante hétérogénéité de facteurs et ouvert la voie à de nouvelles perspectives sur la physiopathologie des AAT/DA, voire des maladies artérielles (artériomyopathies).
Études d’agrégation familiale Parmi les données de la littérature qui permettent d’évaluer l’agrégation familiale des AAT/DA, Biddinger et al. (70) ont réalisé une étude cas-témoin rétrospec-
tive à partir de sujets opérés d’AAT/DA ou d’anévrysme de l’aorte abdominale (n = 158), en recueillant les principaux événements cardio-vasculaire chez leurs apparentés au 1er degré (groupe cas, n = 843) et les apparentés au 1er degré de leurs conjointes (groupe témoin, n = 547, 114 conjointes non apparentées). Bien que le risque relatif ainsi établi était relativement faible (respectivement de 1,8 ; 10,9 et 1,8 pour les pères, les frères et les sœurs), l’analyse des pedigrees des 158 patients suggérait la présence d’un sous-groupe de patients porteurs de prédisposition génétique (16 pedigrees (soit 10 %) étaient en faveur d’une hérédité mendélienne). D’autres études ont ensuite documenté les bases héréditaires des AAT/DA (71, 72) et les données d’une étude récente portant sur 520 sujets porteurs d’AAT mettent à la lumière du jour les impressions cliniques (73). Selon les auteurs, les trois principales conclusions sont : 1- en l’absence de syndrome de Marfan, plus de 20 % (21,5 %) des patients présentant un AAT ont des antécédents familiaux d’AAT/DA, le plus souvent compatibles avec une hérédité autosomique dominante (avec une pénétrance variable en fonction de l’âge et peut-être du sexe) ; 2- ces patients sont significativement plus jeunes que les patients sans antécédents familiaux (cas sporadiques) avec une progression plus sévère des dilatations de l’aorte ; 3- des corrélations entre le site de la dilatation (sinus aortiques, aorte ascendante, aorte descendante) existent entre les cas index et leurs apparentés atteints et la prévalence de l’hypertension artérielle ne semble être significative que dans les familles concernées par une atteinte de l’aorte descendante. Ainsi, différentes entités génétiques semblent êtres impliqués dans les AAT/DA, en fonction de leurs localisations. D’autres études convergent avec ces données (74) et d’autres corrélations sont également suggérées et partiellement confirmées (cf. infra), avec les anévrysmes d’autres territoires artériels, notamment intracrâniens (74, 75).
Mutations du gène NOTCH1 dans l’association bicuspidie de la valve aortique et AAT/DA La bicuspidie de la valve aortique (BVA, valve aortique composée de deux valvules fonctionnelles au lieu de trois) est l’anomalie cardiaque congénitale la plus fréquente, avec une prévalence estimée à 1-2 % dans la population générale et un discret excès de sujets masculins (76, 77). La BVA peut être associée chez les patients et/ou au sein des familles avec de nombreuses anomalies et malformations cardiaques, notamment de la voie d’éjection du ventricule gauche et de l’aorte
Aspects génétiques
(78). Dans la plupart des cas, la BVA est asymptomatique mais peut exposer à des complications sévères, notamment aux AAT/DA (78, 79). Il est désormais bien établi que les AAT/DA qui surviennent dans un contexte de BVA sont en rapport avec un défaut de développement de la racine aortique plutôt qu’avec des phénomènes mécaniques liés à des lésions de jet (78). La composante héréditaire de la BVA est élevée avec un déterminisme majoritairement génétique (80, 81). Ainsi, la question de savoir si la probabilité de développer un AAT/DA est identique pour tous les sujets porteurs de BVA ou si certains d’entre eux sont plus volontiers prédisposés est une question de santé publique. Les développements attendus de la génétique seront importants pour cibler les risques, adapter le suivi des patients, voire comprendre la physiopathologie sous-jacente afin de disposer de thérapies ciblées. Les premiers résultats ont été obtenus grâce à l’identification par Carg et al. (82) de mutations du gène NOTCH1 dans deux familles avec BVA et/ou AAT/DA autosomique dominant. Parmi les dix sujets porteurs d’une mutation (dont quatre avec AAT), sept présentaient une BVA (quatre avec une calcification prononcée de la valve aortique et deux avec des anomalies cardiaques associées) et les trois autres, une valve tricuspide mais calcifiée. Les auteurs montrent que les mutations du gène NOTCH1 seraient à l’origine d’un défaut de développement et d’une calcification secondaire de la région de l’anneau aortique et de la valve. D’autres équipes ont ensuite confirmé ces données avec une prévalence d’environ 10 % de mutations du gène NOTCH1 chez les sujets porteurs de BVA et d’AAT, indiquant un risque élevé d’AAT/DA en rapport avec cette prédisposition (83, 84). D’autres études sont nécessaires pour caractériser les corrélations génotype/phénotype des mutations du gène NOTCH1 (à ce jour seules des mutations faux-sens ont été identifiées), pour préciser les risques cardio-vasculaires associés et établir les modalités d’un suivi spécifique, notamment dans un contexte familial d’AAT/DA avec BVA. La voie de signalisation NOTCH est impliquée dans plusieurs types de maladies vasculaires et de nouvelles cibles thérapeutiques seront probablement identifiées prochainement (85, 86). Enfin, le gène NOTCH1 ne serait impliqué que dans environ 10 % des prédispositions aux AAT/DA avec BVA et d’autres gènes (dont quatre sont localisés sur les bras longs des chromosomes 5, 13, 15 et 18) seraient également impliqués (87, 88). Il est probable que d’autres mécanismes physiopathologiques interviennent. Les développements futurs de la génétique médicale et des tests génétiques devraient permettre de décortiquer les entités sous-jacentes dans les familles d’AAT/DA avec BVA.
Mutations des gènes MYH11 et ACTA2 responsables d’artériomyopathies ! La persistance du canal artériel (PCA) est, avec une fréquence estimée à environ 1/2 000 naissances (89), la deuxième anomalie congénitale cardio-vasculaire. La PCA est généralement considérée comme sporadique et bénigne. Elle récidive cependant dans 5 % des fratries, suggérant la présence d’une composante génétique. Une PCA est détectée chez 35 % des patients atteints d’un syndrome de Loeys-Dietz (38) et peut survenir isolément ou dans un contexte polymalformatif. Elle peut également coségréger selon une hérédité autosomique dominante avec les AAT/DA au sein de familles, en l’absence de tout syndrome identifiable indiquant une prédisposition génétique particulière (90, 91). Ceci a pu être confirmé grâce à l’étude attentive de 40 sujets issus d’une famille française : la famille « Bourgogne » (composée à ce jour plus de 200 sujets) au cours d’un protocole de dépistage comportant examens d’imagerie (écho-Doppler transthoracique, IRM aortique conventionnelle et fonctionnelle (92)) et une analyse génétique, permettant de localiser l’association AAT/DA et PCA sur le bras court du chromosome 16 (93). Sur ce sous-pedigree de trois générations, il y avait quatre cas de DA (un de type A et trois de type B), quatre cas d’AAT de la racine aortique et 11 cas de PCA (dont six détectés par écho-Doppler). Il existait également d’autres événements vasculaires, notamment cinq cas d’accidents vasculaires cérébraux (dont deux en rapport avec un anévrysme/dissection carotidien) et trois cas de mort subite chez des sujets de moins de 45 ans. Tous les sujets, même asymptomatiques, porteurs de l’haplotype associé à la maladie, avaient une rigidité aortique marquée lors des mesures en IRM fonctionnelle (92). Chez les sujets âgés de moins de 35 ans, l’évaluation de la compliance aortique permettait de distinguer une valeur seuil de 1,3 mm2/mmHg permettant de séparer les sujets porteurs ou non de l’affection (93). Ces données ont par la suite été confirmées par l’identification du gène MYH11 comme responsable de l’association AAT/DA et PCA dans cette famille (cf. infra) (94). Rétrospectivement, il apparaît que l’évaluation fine des propriétés élastiques de la paroi aortique, avec des méthodes très précises, peut fournir un phénotype intermédiaire puissant qui pourrait s’avérer utile pour identifier de nouvelles prédispositions aux AAT/DA. Comme cité plus haut à propos du syndrome de Marfan, les données s’accumulent pour souligner le rôle majeur et très précoce de la rigidité aortique dans la physiopathologie des AAT/DA ainsi que le potentiel important de l’imagerie aortique fonctionnelle pour le dépistage et le suivi des patients (22, 48, 95).
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Les syndromes aortiques aigus
Le gène MYH11 comporte 43 exons répartis sur environ 150 kb en 16p13.12-p13.13, à partir desquels sont transcrites, par épissage alternatif, quatre isoformes de chaîne lourde de myosine spécifique du muscle lisse qui, associées avec les chaînes légères, composent la myosine et les filaments épais du cytosquelette des cellules musculaires lisses. L’identification de mutations délétères du gène MYH11 dans l’association AAT/DA et PCA a fourni le premier exemple de l’implication des protéines contractiles produites spécifiquement par les cellules musculaires lisses dans les maladies artérielles héréditaires (94). Par la suite, l’identification de mutation du gène ACTA2 qui code pour l’isoforme vasculaire de l’actine spécifique du muscle lisse dans 14 familles d’AAT/DA a confirmé le rôle majeur de la contraction des cellules musculaires lisses dans la physiopathologie des AAT/DA (96). Les données récentes indiquent que les mutations du gène MYH11 sont relativement spécifiques de l’association rare AAT/DA et PCA alors que les mutations du gène ACTA2 pourraient être impliquées dans 14 % des AAT/DA familiaux non syndromiques (35, 96, 97). L’examen histologique de fragments d’aortes issus de la chirurgie de patients porteurs de mutation de MYH11 ou d’ACTA2 montre des aspects classiques de dégénérescence de la média (élastolyse et fragmentation des lames élastiques de la média, dépôt de matériel mucopolysaccharide-like et raréfaction des cellules musculaires lisses (94)), mais également des plages d’hyperplasie de cellules musculaires lisses, notamment au niveau des vasa vasorum de l’adventice aortique réduisant considérablement la lumière de ceux-ci avec des aspects de dysplasie fibro-musculaire (35, 96). Ceci, comparé avec certaines manifestations inhabituelles car précoces et sans facteur de risque notable, dans les familles rapportées (accidents vasculaires cérébraux, infarctus du myocarde, voire livedo réticulaire, etc.), suggère la présence d’une maladie artérielle oblitérante plus généralisée, associée aux mutations des gènes MYH11 et ACTA2. Le profil d’expression obtenu à partir de tissus ou de cultures de myocytes aortiques de deux patients porteurs de mutations de MYH11, semble distinct du syndrome de Marfan et des syndromes apparentés : absence d’hypersignalisation de TGF-β mais surexpression d’IGF-1 (insulin-like growth factor 1), d’angiotensine II et stigmates d’inflammation vasculaire macrophagique (35). Bien que ces données très récentes ne permettent pas de préjuger de l’importance relative d’un effet direct du dysfonctionnement des protéines contractiles induit par les mutations ou d’un effet indirect sur le remodelage artériel, l’orientation du phénotype des cellules musculaires lisses et leur viabilité, l’implication de voies de signalisation…, les analogies avec les myopathies congénitales et les cardiomyopathies familiales
causées par les mutations des gènes paralogues ACTA1, ACTAC ou MYH7 sont nombreuses (35, 94). Ainsi, le terme « artériomyopathies » semble plus approprié pour décrire ces entités physiopathologiques récentes.
Autres loci impliqués dans les prédispositions non syndromiques Des études de liaison réalisées sur le génome entier à partir de plusieurs familles d’AAT/DA non syndromiques ont permis de localiser trois gènes de prédisposition aux AAT/DA qui restent à identifier. Le premier locus, nommé TAAD1 par les auteurs et AAT2 ou FAA2 dans les principales databases (MIM#607087), est localisé sur une région de 7,8cM du bras long du chromosome 5, en 5q13-q14 (98). Cette localisation a été confirmée par une équipe finlandaise (99). Les rares données cliniques rapportées par les deux équipes pour 16 familles analysées indiquent la présence d’AAT/DA autosomiques dominant avec une pénétrance incomplète liée à l’âge et au sexe (manifestations plus tardives et moins fréquentes chez les femmes), sans autres anomalies remarquables avec une atteinte élective de l’aorte ascendante (sans notion d’atteinte de la valve aortique). Un deuxième locus : FAA1 ou AAT1 (MIM#607085), sur le chromosome 11q23-q14 a été identifié à partir d’une grande famille avec des dilatations/dissections de l’aorte thoracique mais aussi dans d’autres territoires artériels, notamment l’aorte abdominale et les branches de la crosse aortique (100). Récemment, l’équipe a étendu de 5Mb la taille du locus initialement cartographié sur une région de 2,3 cm par l’observation de deux événements de recombinaison chez deux enfants, chez qui la prise en compte d’une dilatation de la racine aortique s’est avérée erronée (101). Ceci illustre l’inadaptation de certains normogrammes de référence lorsqu’ils sont utilisés chez des sujets avec une petite surface corporelle et notamment chez l’enfant (5, 102). Enfin, un troisième locus a été cartographié en 15q24-q26 (103), à partir de plusieurs familles dans lesquelles les AAT/DA concernent aussi bien l’aorte ascendante que descendante, avec une pénétrance élevée aussi bien pour les femmes que les hommes. D’autres gènes restant à identifier sont probablement impliqués dans la physiopathologie des AAT/DA.
Conclusions Les dissections aortiques sont un syndrome aortique aigu relativement rare mais sévère, avec une forte composante d’entités mendéliennes hétérogènes sousjacentes. Les progrès enregistrés dans la prise en charge
Aspects génétiques
du syndrome de Marfan ont permis d’observer un gain substantiel sur la survie des patients. Au cours de la dernière décennie, les progrès de la génétique ont commencé à démembrer les défauts génétiques ainsi que les phénotypes associés à certaines de ces entités, parfois reconnaissables, et ceci a permis l’identification de mécanismes physiopathologiques, cibles potentielles de thérapie préventive. Les espoirs ou promesses d’une médecine prédictive permettant une prévention efficace du risque aortique, au sein des familles concernées par les prédispositions aux AAT/DA, sont désormais tangibles. Cette étape qui sera probablement achevée dans un futur proche est susceptible de modifier profondément notre conception actuelle et « uniciste » des syndromes aortiques aigus, en caractérisant différents cadres nosologiques requérants des modalités de prise en charge adaptées et spécifiques. Le transfert des résultats issus du domaine de la recherche aux applications cliniques bénéficiant aux patients constituera certainement le plus grand challenge, notamment dans le domaine des tests génétiques. D’ores et déjà, la génétique médicale se révèle un partenaire important de la pluridisciplinarité dans la prise en charge des syndromes aortiques aigus.
Remerciements Nous remercions les instances de la délégation interrégionnale de la recherche clinique Sud-Méditérannée pour son soutien dans le cadre du Programme hospitalier de Recherche clinique 2007 et du projet intitulé : « Dépistage génétique des anévrysmes de l’aorte thoracique et/ou dissections aortiques (AAT/DA) : séquençage haut débit de 6 gènes de prédisposition (étude principale) et étude cytogénétique (étude ancillaire) », plus particulièrement le Pr Philippe Godard et le Dr Christine Delonca ainsi que nos partenaires, le Dr Patrick Collignon, le Dr Olivier Dupuy, Le Pr Frédéric Collart et le Pr Nicole Philip.
POINTS ESSENTIELS 1. Les prédispositions génétiques aux anévrysmes
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de l’aorte thoracique et/ou dissections aortiques (AAT/DA) peuvent être syndromiques (syndrome de Marfan et syndromes apparentés, syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire) ou non. Actuellement, grâce à une prise en charge et à une prévention adaptée et précoce du risque aortique, l’espérance de vie des patients atteints de syndrome de Marfan tend vers la normale. L’identification récente des mutations des gènes TGFBR1 et TGFBR2 a permis de mieux comprendre la physiopathologie des AAT/DA et de mettre en évidence l’implication de la voie de signalisation du TGF-β dans le syndrome de Marfan et les syndromes apparentés. Les progrès récents réalisés dans le domaine du syndrome de Marfan permettent d’espérer disposer prochainement de traitements préventifs étiopathogéniques. Les tests génétiques peuvent être très utiles pour le diagnostic et le dépistage familial dans un contexte d’AAT/DA (Marfan, Loeys-Dietz, Ehlers-Danlos vasculaire ou prédisposition non syndromique, etc.) mais ils comportent des limites. En dehors du syndrome de Marfan, plus de 20 % des patients ayant présenté un AAT/DA ont au moins un antécédent familial chez un parent proche, reflétant la forte proportion d’entités mendéliennes hétérogènes, très majoritairement autosomiques dominantes avec pénétrance incomplète liée à l’âge qui sont impliquées dans les AAT/DA non syndromiques. L’association AAT/DA et bicuspidie de la valve aortique (BVA) est elle-même hétérogène sur le plan génétique. L’identification récente du gène NOTCH1 indique que le risque de développer un AAT/DA chez un sujet porteur de BVA est, au moins en partie, fonction de l’éventuelle susceptibilité génétique sous-jacente. L’identification de mutation dans les gènes MYH11 et ACTA2 permet de mettre en évidence le rôle majeur des protéines contractiles spécifiques des cellules musculaires lisses artérielles dans le maintien de la vasculature et permet de démembrer un nouveau groupe de prédisposition aux AAT/DA : les « artériomyopathies ».
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Les syndromes aortiques aigus
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Chapitre
Imagerie des syndromes aortiques aigus
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P. Massabuau et H. Rousseau
Sommaire Place de l’échocardiographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Place du scanner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Aspects physiopathologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dissection aortique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hématome pariétal aortique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ulcère athéromateux pénétrant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Imagerie et pronostic des syndromes aortiques aigus . . . . . Nouvelles méthodes échographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Agents de contraste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Échocardiographie tridimensionnelle . . . . . . . . . . . . . . . Échographie intravasculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Échographie et procédures interventionnelles . . . . . . .
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Les syndromes aortiques aigus regroupent trois entités : la dissection aortique, l’hématome intrapariétal, l’ulcère athéromateux pénétrant. Ils s’inscrivent dans un contexte physiopathologique et épidémiologique associant hypertension artérielle, athérome, bicuspidie, syndrome de Marfan, d’Ehlers-Danlos, maladie annulo-ectasiante. L’ensemble de ces facteurs contribue à fragiliser l’intima et la média (1, 2). La survenue d’un syndrome aortique aigu impose un diagnostic rapide. En effet, dans la dissection aortique, le risque létal est de 1 à 2 % par heure (2-4). Le tableau clinique, très évocateur, n’est pas spécifique. L’électrocardiogramme est normal dans 31 % des cas et révèle des modifications non spécifiques dans 42 % des cas, dans l’étude IRAD (3, 5). Il n’existe aucun marqueur biologique. La méthode d’imagerie employée aura plusieurs objectifs : une description précise des lésions, une classification topographique, une recherche d’extension aux troncs supra-aortiques, aux collatérales en particulier viscérales, aux structures voisines (péricarde, plèvre, médiastin). Ce bilan exhaustif permet d’évaluer la sévérité et le potentiel évolutif des lésions. Il détermine la stratégie thérapeutique. L’objectif de ce chapitre est de faire le point sur l’imagerie et de préciser son impact sur la prise en charge actuelle de cette pathologie complexe. Le cliché thoracique est normal chez 10 à 20 % des patients. Il reste très contributif dans la mesure où il
apporte plusieurs éléments en faveur d’une pathologie aortique ou d’une complication de celle-ci : élargissement du médiastin, déplacement de calcifications, épanchement pleural. L’angiographie, longtemps considérée comme la méthode de référence, a été supplantée par les nouvelles techniques d’imagerie : l’échographie, la tomodensitométrie, la résonance magnétique. Le choix de la méthode dépend de multiples facteurs : disponibilité, performance du matériel, expérience de l’équipe, risque et tolérance de l’examen. Dans l’étude IRAD, la tomodensitométrie (75 %) et l’échographie (72 %) sont les plus utilisées. Le recours à l’angiographie (22 %) et à la résonance magnétique (19 %) est plus rare (6). En pratique, le diagnostic repose rarement sur une seule technique. La moyenne est de 1,8 examens par patient (4). La tomodensitométrie est la plus utilisée en première intention (63 %), viennent ensuite l’échographie (32 %), l’angiographie (4 %) et la résonance magnétique (1 %). Actuellement, ces deux derniers examens n’ont plus leur place dans le cadre du diagnostic en urgence de ce syndrome.
Place de l’échocardiographie L’échocardiographie a l’avantage d’être disponible et réalisable au lit du patient, dans les unités de soins intensifs. L’examen transthoracique n’autorise qu’une exploration des segments ascendant et horizontal de l’aorte. La qualité de la fenêtre ultrasonore peut limiter son rendement. Pour le diagnostic de dissection, la sensibilité est comprise entre 77 et 80 %, la spécificité entre 93 et 96 % (7). À l’inverse, cet examen est déterminant dans l’évaluation de la fonction ventriculaire, dans la recherche d’une insuffisance aortique ou d’un épanchement. Dans le cadre d’un syndrome aortique aigu, l’échographie transœsophagienne doit être réalisée au moyen d’une sonde multi-plan. Celle-ci limite l’importance de la zone aveugle située à la jonction de l’aorte ascendante et horizontale, générée par l’interposition
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Les syndromes aortiques aigus
de la bronche souche. Le protocole d’examen est rigoureux, il impose : le respect des contre-indications, une sédation, un monitorage tensionnel, électrocardiographique et oxymétrique. L’analyse complète de l’aorte thoracique permet de distinguer les lésions selon les deux types de la classification de Stanford. Le type A regroupe les atteintes de l’aorte ascendante, quels que soient leur extension ou leur point de départ. À l’inverse, le type B désigne les lésions respectant l’aorte ascendante. Cette classification a un impact majeur sur la conduite thérapeutique immédiate. Le type A implique une sanction chirurgicale précoce. Les lésions de type B sont, dans un premier temps et en l’absence de complication, traitées médicalement (2). Le rendement de l’échographie peut être amélioré par l’utilisation d’agents de contraste intraveineux non iodés et par l’imagerie tridimensionnelle (8). L’échographie intravasculaire, en voie de développement, pourrait avoir des applications dans le cadre des traitements interventionnels.
Place du scanner Le scanner joue actuellement un rôle essentiel aussi bien pour faire le diagnostic que pour évaluer l’extension des lésions et le retentissement sur les organes. L’examen commence par une acquisition sans injection de produit de contraste limité à l’aorte thoracique, avec une épaisseur de coupe de 3 à 5 mm afin d’étudier l’aorte en totalité. Le volume d’acquisition des coupes après injection doit comprendre l’aorte et les axes iliaques en totalité au cours de la même injection. Le débit d’injection idéal est de 3 à 5 mL/s et la quantité injectée dépend du nombre de couronnes de détecteurs (4-64), soit de 120 à 60 mL environ sans dépasser 2 mL/kg de masse corporelle. Le but est d’obtenir un rehaussement optimal et constant tout le long de l’aorte et des axes iliaques. L’épaisseur de coupe est de 0,6 à 1,2 mm afin de favoriser la résolution spatiale indispensable pour les reconstructions multi-planaires de qualité et l’étude des collatérales aortiques viscérales. Dans tous les cas, un passage tardif (50 s) en coupes épaisses permet d’évaluer le rehaussement du faux chenal quand celuici est mal opacifié lors du premier passage et permet d’évaluer le retentissement parenchymateux des atteintes viscérales. Ces deux dernières méthodes (l’échographie et le scanner) sont très utilisées dans le cadre des syndromes aortiques et sont certainement complémentaires. Vouloir comparer les performances de ces deux techniques est certainement illusoire, en particulier en raison de
leur évolutivité très rapide sur le plan technologique et du fait de l’expertise et de la disponibilité spécifiques de chacune des techniques dans chaque centre.
Aspects physiopathologiques Il faut distinguer les trois entités des syndromes aortiques aigus même si elles sont liées.
Dissection aortique La dissection aortique est la conséquence d’une rupture de l’intima. Le sang pénétrant dans la média provoque un clivage de la paroi qui se propage habituellement dans le sens antérograde, plus rarement de façon rétrograde. Ce processus donne naissance aux quatre signes caractéristiques de la dissection : le flap intimal, le vrai et le faux chenal, la porte d’entrée. Le flap intimal est la conséquence du clivage de la média. Au plan anatomique, il est constitué de l’intima et des deux tiers de la média. Il se présente sous la forme d’une image linéaire intraluminale mobile (fig. 1). Selon le site, l’âge du patient, les lésions pariétales préexistantes, il peut être fin, épais ou calcifié. Sa mobilité est rythmée par le cycle cardiaque, elle augmente au voisinage de la porte d’entrée (9). Un flap très mobile pourrait être un élément de mauvais pronostic : 24 % de mortalité contre 8 % en cas de faible mobilité. Les performances du scanner et de l’échographie sont sensiblement équivalentes. La sensibilité (96 %), la spécificité (95 %) et la précision diagnostique (96 %) de l’imagerie échographique bidimensionnelle sont excellentes. L’utilisation du mode temps-mouvement (fig. 2) améliore le rendement grâce à une meilleure identification des artefacts (10). L’échographie transthoracique permet de visualiser le flap au niveau de l’aorte ascendante (fig. 3). L’incidence sus-sternale est très contributive pour l’analyse de l’aorte horizontale et des troncs supra-aortiques (fig. 4). Le flap intimal divise la lumière aortique en deux chenaux (fig. 5). Le vrai chenal, circulant, expansif en systole, est le siège d’un flux rapide (3). Le faux chenal est souvent plus large. Le flux, plus lent, se traduit par la présence d’un effet de contraste spontané animé de mouvements lents à l’échographie, et d’une opacification retardée et plus lente au scanner. Cette stase peut provoquer la formation d’un thrombus pariétal qui évolue parfois vers une thrombose complète du faux chenal. Ce phénomène, considéré comme un élément de bon pronostic, doit être distingué d’un hématome pariétal. Des images fines, linéaires, unissant le flap à la paroi, sont parfois observées au niveau du faux chenal. Ces images, décri-
Imagerie des syndromes aortiques aigus
A
B
Fig. 1 – Dissection de l’aorte descendante, mode bidimensionnel (A), mode TM (B), flap intraluminal (flèche).
Fig. 2 – Dissection de l’aorte ascendante. A. Vue longitudinale, flap (flèches). B. Mode TM amplitude de déplacement du flap intimal (flèche). C. Doppler couleur en mode TM (couleur dans le vrai chenal).
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Fig. 3 – Dissection de l’aorte ascendante – échographie transthoracique : flap intimal (flèche).
Fig. 4 – Incidence sus-sternale : arche aortique, émergence des troncs supra-aortiques (flèches).
A B
Fig. 5 – Dissection aortique, mode bidimensionnel (A), mode TM (B). Thrombose partielle du faux chenal : vrai chenal (V Ch), faux chenal non thrombosé (F Ch), faux chenal thrombosé (Th).
Imagerie des syndromes aortiques aigus
tes sous le nom de « cobwebs », correspondent à des résidus de la média (fig. 6). Elles contribuent à différencier le vrai et le faux chenal (11). Certains pièges diagnostiques de flap intimal doivent être évités. En échographie, on distingue deux types d’artefacts : par réverbération ou effet miroir. Les premiers ont fait l’objet d’une étude in vitro consistant à immerger, côte à côte, deux ballonnets représentant l’aorte et l’oreillette gauche (12). L’artefact se présente sous la forme d’une image linéaire dont la position varie en fonction du degré d’inflation des deux ballonnets. Il correspond à la réflexion de l’interface oreillette-aorte (fig. 7). L’artefact de réverbération est uniquement observé au niveau de l’aorte ascendante où il évoque un flap. Il apparaît surtout en cas de dilatation de l’aorte ou lorsque le diamètre de celle-ci est supérieur à celui de l’oreillette gauche. Il présente des mouvements lents, non rythmés par le cycle cardiaque. Il s’étend souvent au-delà de la paroi aortique. La distance entre l’artefact et la sonde est égale au double du diamètre de l’oreillette gauche. Le flux couleur a le même aspect sur les deux versants de l’image. Les artefacts de type miroir sont très fréquents (80 %) au
niveau de l’aorte horizontale et descendante. Les études in vitro montrent qu’ils ne surviennent qu’en présence d’une interface air-liquide. In vivo ils donnent une image de double lumière aortique (fig. 8). Au scanner, les principaux artefacts sont liés au mouvement de l’aorte qui peut entraîner de fausses images de dissection, en particulier au niveau de la racine de l’aorte. Ces artefacts sont sensiblement moindres avec les dernières générations de scanner et le gating cardiaque. D’autres artefacts peuvent être rencontrés, en particulier quand le produit de contraste trop concentré stagne au niveau des troncs innominés ou de la veine cave supérieure. La porte d’entrée correspond au point de rupture de l’intima. Sa topographie a une incidence sur l’indication thérapeutique. La porte d’entrée se présente sous la forme d’une solution de continuité du flap. Le flux, souvent rapide, se dirige, en systole, vers le faux chenal. Dans certains cas, on observe, en diastole, un petit flux dirigé vers le vrai chenal. Le mode Doppler couleur améliore sa détection (fig. 9). Au cours d’un même cycle, le flux peut être mono-, bi-, tri- ou quadriphasique. Le Doppler pulsé mesure le gradient de pression entre les deux chenaux (figs. 10 et 11). La porte d’entrée
Fig. 6 – Dissection de l’aorte descendante : vrai chenal (V Ch), faux chenal (F Ch), cobweb (flèche).
Fig. 7 – Artefact de réverbération sur l’aorte ascendante.
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Fig. 8 – Artefact en miroir dans l’aorte descendante.
Fig. 9 – Dissection de l’aorte ascendante. A. Porte d’entrée (flèche). B. Flux couleur dirigé vers le faux chenal à travers la porte d’entrée vrai chenal (V Ch), faux chenal (F Ch).
Fig. 10 – Dissection de l’aorte descendante. A. Flux couleur allant de vrai (V Ch) vers le faux chenal (F Ch). B. Doppler pulsé, flux au niveau de la porte d’entrée.
Imagerie des syndromes aortiques aigus
Fig. 11 – Dissection de l’aorte descendante. A. Deux flux couleur dirigés vers le faux chenal (F Ch) en systole. B. Vers le vrai chenal (V Ch) en diastole.
est très rarement détectée en transthoracique. L’apport du mode transœsophagien est déterminant, avec une sensibilité globale de 90 %. Elle varie en fonction du site. Pour les segments ascendant, horizontal et descendant, elle est respectivement de 89, 83 et 100 %, à l’échographie. La spécificité échographique est de 100 % au niveau des trois segments (10). La sensibilité du scanner est excellente au niveau de l’aorte descendante, elle est moindre au niveau de l’aorte ascendante et horizontale. L’utilisation de gating cardiaque et les reconstructions multiplanaires permettent d’améliorer les performances diagnostiques de cette technique. Une exploration minutieuse révèle le plus souvent l’existence de plusieurs portes d’entrée (fig. 12). Au niveau
Fig. 12 – Dissection aortique : porte d’entrée multiples (flèches).
de l’aorte descendante, l’imagerie permet de visualiser dans certains cas une succession de petits flux de communication entre les deux chenaux, très régulièrement espacés. Des études anatomiques et tomodensitométriques montrent qu’il s’agit en fait des ostia des artères intercostales ou médiastinales (11-13). En dehors des signes pathognomoniques, l’échographie contribue à l’analyse de certaines complications : l’extension aux branches collatérales, l’atteinte valvulaire aortique, l’extension aux structures voisines : péricarde, plèvre, médiastin. La propagation du processus disséquant aux troncs coronaires reste rare mais sévère et quelques cas, diagnostiqués en mode transœsophagien, ont été rapportés (14). La dissection des troncs
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supra-aortiques doit être recherchée par un examen transthoracique en incidence sus-sternale. L’origine de l’artère sous-clavière gauche est bien visualisée par voie transœsophagienne (fig. 13). Au-delà de l’isthme, l’échographie n’est plus contributive. L’échographie permet surtout d’évaluer l’insuffisance valvulaire aortique qui est présente dans 40 à 76 % des cas (15). Trois mécanismes de fuite, directement liés au processus disséquant, ont été rapportés. Dans le premier cas, la fuite, centrale, est la conséquence d’un défaut de coaptation valvulaire secondaire à la dilatation de la racine aortique (15, 16). Le deuxième type est un prolapsus sigmoïdien secondaire à une extension de la dissection à une valve ou à une commissure (17). La fuite est excentrique. Le troisième type est provoqué par la déhiscence du flap intimal dans la chambre de chasse du ventricule gauche (fig. 14). L’obstruction diastolique de l’orifice
aortique par le flap peut, dans certains cas, permettre une relative stabilité hémodynamique. Dans d’autres cas, l’obstruction d’un ostium coronaire par le flap peut être à l’origine d’un syndrome coronarien (7, 18). L’analyse précise, transœsophagienne, de ces différents mécanismes est fondamentale dans la stratégie thérapeutique. Elle permet d’évaluer la faisabilité d’une chirurgie conservatrice de la valve. Ce dernier point justifie la réalisation d’une échographie transœsophagienne peropératoire lorsque le diagnostic de dissection a été fait exclusivement par scanner. En revanche, l’examen transthoracique reste indispensable. Il est le seul moyen de quantification de la fuite. L’examen échographique de l’orifice aortique et de l’aorte ascendante apporte également des éléments complémentaires sur le terrain (sclérose et calcification) et le contexte étiologique (bicuspidie, maladie annulo-ectasiante). Dans le
Fig. 13 – Dissection de l’aorte horizontale. A. Flap intimal avec porte d’entrée (flèche). B. Extension du flap intimal dans l’artère sousclavière (SC). V Ch : vrai chenal, F Ch : faux chenal.
Fig. 14 – Flap de dissection prolabant dans la chambre de chasse du ventricule gauche (flèche).
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cadre d’un syndrome de fissuration, l’examen transthoracique permet de détecter, de quantifier et d’évaluer la tolérance d’un épanchement péricardique. L’épanchement pleural et l’hématome médiastinal sont mieux documentés par le mode transœsophagien (fig. 15). Malgré la qualité de l’image, plusieurs diagnostics différentiels doivent être envisagés : une plaque d’athérome épaisse, hypoéchogène, ou avec débris mobiles, un anévrysme compliqué de thrombus mural, du tissus adipeux péri-aortique ou une masse tumorale médiastinale, un vaisseau collatéral de type veine azygos ou un tronc innominé, un abcès péri-aortique, un sinus de Theile, une lésion post-traumatique (20). Le scanner permet non seulement de faire le diagnostic de la dissection, mais également d’évaluer les complications péricardiques, pleurales ou médiastinales, mais il ne permet pas actuellement l’évaluation de la valve aortique. À l’inverse, il permet de visualiser les portes d’entrées distales et de faire le bilan exact des extensions aux collatérales et le retentissement aux organes sous-diaphragmatiques. Ainsi, avec ces deux examens, on peut répondre à la classification de Stanford, décrite plus haut et qui est la plus utilisée pour la décision thérapeutique. Mais, à cette définition, il faut rajouter les éventuelles portes de réentrée et surtout l’extension aux collatérales, visuali-
sées au mieux par le scanner. En effet, la classique approche binaire, type A/type B de Stanford, ne suffit plus pour la prise en charge moderne de cette pathologie, du fait des connaissances physiopathologiques actuelles des syndromes de malperfusion et de leur prise en charge spécifique, en particulier avec les techniques endovasculaires récentes. Plusieurs mécanismes peuvent entraîner un syndrome clinique de malperfusion viscérale et une classification séparant les mécanismes dits statiques de ceux qui sont considérés comme étant dynamiques ont été décrits avec le scanner. Le caractère statique est décrit comme l’extension du flap intimal dans les artères viscérales avec - ou non - une porte de réentrée distale permettant de décomprimer le vrai chenal. La lésion dynamique est décrite comme résultant d’une compression de la vraie lumière aortique par la fausse lumière suite à une hyperpression dans cette dernière. Enfin, un arrachement ostial complet avec section de l’intima d’une collatérale soit au niveau de l’ostium, soit dans la branche elle-même, peut être observé. Cette dernière peut être à l’origine d’une ischémie de la branche par rétraction d’une partie de l’intima comme un élastique après une tension trop importante. En fait, ces lésions peuvent être associées rendant plus difficiles le diagnostic et la prise en charge (figs. 16, 17 A et B, 18).
Fig. 15 – Dissection de l’aorte descendante, vrai chenal (V Ch), faux chenal avec thrombose partielle (F Ch), épanchement pleural (flèche).
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A
B
C
D
Fig. 16 – La dissection dynamique est liée à une compression de la vraie lumière aortique par la fausse lumière suite à une hyperpression dans cette dernière. Le flap aortique peut occlure l’ostium de l’artère viscérale et entraîner une ischémie, l’arrachement du pédicule artériel controlatéral peut occlure cette branche (A) ou non (B). C. La dissection statique est décrite comme l’extension du flap intimal dans les artères viscérales. D. L’absence de porte de réentrée distale peut entraîner une compression du vrai chenal et une ischémie d’aval.
Fig. 17 - A. Dissection de type B. Arrachement du flap intimal de l’aorte descendant avec compression du vrai chenal (porte d’entrée au niveau de l’isthme : flèche). B. Extension statique de la dissection sur la mésentérique supérieure (A), obstruction dynamique de l’ostium de la rénale droite (B), arrachement de la rénale gauche par le flap aortique avec collapsus du vrai chenal par le faux (C, D).
Imagerie des syndromes aortiques aigus
Fig. 18 – Ischémie rénale droite et mésentérique par extension statique d’une dissection de type B.
Hématome pariétal aortique La première description a été réalisée en 1920 par Krukenberg. L’hématome est défini comme un saignement siégeant au niveau de la couche externe de la média, sans porte d’entrée, ayant l’apparence d’un épaississement localisé de la paroi (21). Il est la conséquence de la rupture des vasa vasorum. Ce réseau nourricier de la paroi aortique donne des ramifications dans les couches externes de la média. L’âge et l’athérome favorisent le développement d’un néo-réseau, plus fragile, qui peut se rompre sous l’effet d’un stress pariétal ou d’un traumatisme direct. D’autres hypothèses physiopathologiques ont été avancées : l’existence de micro-portes d’entrée, le développement à partir d’un ulcère athéromateux pénétrant (22, 23). Le saignement intrapariétal provoque un clivage longitudinal et circonférentiel de la média. Dans le cadre des syndromes aortiques aigus, l’incidence de l’hématome est comprise entre 9 et 28 % (21, 23, 24), et varie en fonction de la méthode de diagnostic. Dans deux tiers des cas, il est situé au niveau de l’aorte descendante. Le diagnostic d’hématome intrapariétal repose sur l’association de trois signes : un épaississement pariétal, l’absence de porte d’entrée et de flap (10, 25-29). Le diamètre aortique est souvent augmenté. L’épaississement de la paroi est circulaire ou en croissant, supérieur à 5 mm. Il s’accompagne d’un déplacement centro-luminal des calcifications intimales. L’extension longitudinale est supérieure à 10 mm.
L’image en croissant est homogène, elle présente une texture similaire à celle d’un thrombus. Cet aspect dépend en réalité de l’ancienneté de l’hématome (fig. 19). Dans les premières heures ou lors d’une reprise de saignement, l’hématome peut présenter des zones hypoéchogènes et hyperdenses au scanner, d’où l’intérêt de coupes sans produit de contraste en début d’examen de scanner (fig. 20) (30). Comme dans la dissection, l’hématome intrapariétal peut s’accompagner d’une suffusion sanguine vers le médiastin, la plèvre ou le péricarde. Les signes en imagerie de l’hématome doivent être distingués d’une dissection aortique compliquée d’une thrombose du faux chenal, d’un anévrysme avec thrombus pariétal, d’une plaque d’athérome, d’un ulcère athéromateux pénétrant (10, 24, 30, 32, 33). La sensibilité et la spécificité de l’échographie transœsophagienne ou du scanner, dans le diagnostic et la caractérisation anatomique, sont proches de 100 % pour les deux techniques. L’hématome de paroi présente une modalité évolutive décrite sous le nom d’« ulcer like projection » (34, 35). Elle se traduit par le développement progressif d’une image hypoéchogène ou hypodense au scanner et rehaussée par le produit de contraste, communiquant avec la lumière aortique. L’aspect est très proche de l’ulcère athéromateux pénétrant (figs. 21, 22). Plusieurs complications peuvent apparaître : un faux anévrysme, une dissection, une rupture pariétale, qui sont bien visibles en échographie et au scanner (23, 28, 35-37).
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Fig. 19 – Différents aspects d’hématome intrapariétal. A. Homogène. B. Centre hypoéchogène et déplacement des calcifications intimales (flèche). C et D. Quasi-totalité de la circonférence aortique.
Fig. 20 – Hématome intrapariétal, spontanément hyperdense avant l’injection de produit de contraste, hyperdense après l’injection. De petits defects de la surface intimale peuvent être visualisés (flèche).
Fig. 21 – Évolution de l’hématome intrapariétal. Apparition d’une zone non échogène (A), d’un petit flux à l’intérieur de l’hématome (B), enregistrement du flux en Doppler pulsé.
Imagerie des syndromes aortiques aigus
Fig. 22 – Évolution de l’hématome intrapariétal avec aspect « ulcer like projection » (flèches). Aspect d’« ulcer like » semblable au scanner.
Ulcère athéromateux pénétrant Cette lésion est due à l’érosion profonde d’une plaque d’athérome. Après perforation de la limitante élastique interne, elle atteint la média. Dans le cadre des syndromes aortiques aigus, cette pathologie se distingue par un contexte différent : sujets plus âgés, athéromateux, tabagiques. Les lésions intéressent presque exclusivement l’aorte descendante. Leur extension circonférentielle et longitudinale reste très modérée. Une suffusion dans la plèvre et le médiastin est possible mais modérée. En échographie transœsophagienne ou au scanner, l’aspect caractéristique est celui d’une plaque d’athérome proéminente, présentant une ulcération en cratère, large et profonde (supérieure à 2 mm), de contours irréguliers (fig. 23). Selon son degré d’ancienneté ou d’évolution, la lésion prendra l’aspect d’un hématome pariétal ou d’un faux anévrysme sousadventitiel (38-44).
Imagerie et pronostic des syndromes aortiques aigus Les trois pathologies se distinguent par un risque létal élevé. L’étape diagnostique doit permettre d’évaluer ce risque et d’approcher le pronostic. La classification en types A et B constitue la première étape. Pour la dissection aortique, une atteinte de type A représente a priori une indication chirurgicale. L’attitude est moins formelle pour l’hématome intrapariétal. Une première étude comparant l’évolution des dissections et des hématomes, tous types confondus, a montré une évolution plus péjorative des hématomes (26). Deux autres travaux consacrés aux atteintes de type B montraient un meilleur pourcentage de survie des hématomes par rapport aux dissections. La différence était significative pour l’une (p = 0,009), non significative (p = 0,39) pour l’autre (45-47). Une méta-analyse regroupant 143 cas d’hématomes de paroi montre que la chirurgie est
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Fig. 23 – Ulcère aortique pénétrant, centré par une plaque athéromateuse à l’échographie transœsophagienne et au scanner.
plutôt bénéfique dans les types A et délétère en cas de type B. Dans les hématomes type A, deux paramètres enregistrés lors de phase aiguë apparaissent comme des éléments de bon pronostic : une épaisseur < 11 mm (p < 0,05) et un diamètre maximal < 48 mm : p < 0,05 (48). Dans une autre série associant les types A et B, le diamètre maximal des groupes avec et sans complications était respectivement de 49 ± 9 mm et de 30 ± 3 mm, p = 0,02 (49). Les hématomes pariétaux évoluent souvent en deux phases. Les facteurs prédictifs de complications précoces sont : un diamètre supérieur à 50 mm (p < 0,005), un type A : p < 0,05 (50-51). Les facteurs d’évolution tardive ont : la présence d’une plaque ulcérée (p < 0,005), des zones hypoéchogènes (p < 0,02), une épaisseur * 16 mm (p = 0,01), un diamètre maximal * 53 mm, p = 0,04 (32, 50, 51). La présence d’un ulcère athéromateux pénétrant aggrave le pronostic (52).
Nouvelles méthodes échographiques Agents de contraste L’utilisation d’agents de contraste intraveineux reste encore ponctuelle (8). En cas de bas débit ou de dissection spiroïde, elle sert à différencier le vrai et le faux chenal. Elle améliore la détection des portes d’entrée (fig. 24). En présence d’un hématome de texture hétérogène, l’injection de contraste pourra établir l’existence d’une communication avec la vraie lumière. Un cas de rupture de dissection a pu être diagnostiqué par échographie transthoracique (52).
Imagerie des syndromes aortiques aigus
Fig. 24 – Dissection de l’aorte descendante. A. B. C. Détection de petites portes d’entrée (flèches) par injection d’un agent de contraste. Vrai chenal (V Ch), faux chenal (F Ch).
Échocardiographie tridimensionnelle La reconstruction tridimensionnelle d’images transœsophagiennes est utile dans l’analyse de la porte d’entrée (fig. 25). Elle donne un aperçu plus objectif de sa forme et de ses dimensions. L’imagerie transthoracique et transœsophagienne en temps réel est spectaculaire mais son véritable intérêt est en cours d’évaluation.
Échographie intravasculaire Les sondes intravasculaires sont composées d’un cathéter de petit calibre muni d’un microtransducteur de haute fréquence. Introduites par voie percutanée, veineuse ou artérielle, dirigées par contrôle radiologique, elles fournissent une image bidimensionnelle du vaisseau et des structures adjacentes. Les premières études concernaient l’analyse des plaques d’athérome, la mise en place des filtres caves. L’exploration intravasculaire a un grand intérêt dans la dissection aortique. Elle différencie la paroi des deux chenaux par le nombre de couches tissulaires qui les composent, avec une sensibilité de 97 % et une spécificité de 100 %. Le faux chenal se caractérise par la présence de cobwebs et de thrombus
(53). Le coût de cette technique limite son utilisation en temps que moyen de diagnostic. Un nouveau type de sonde intravasculaire combine l’imagerie bidimensionnelle et le mode Doppler. Ces sondes s’avèrent plus performantes que l’échographie transœsophagienne dans plusieurs domaines : la détection des portes d’entrée, la mesure du gradient de pression entre les deux chenaux, la visualisation des branches collatérales et l’analyse des mécanismes du syndrome de malperfusion. À ce titre, elles ont un rôle déterminant dans les procédures de fenestration vasculaire (54-56).
Échographie et procédures interventionnelles Le potentiel évolutif des syndromes aortiques aigus impose souvent une sanction chirurgicale ou endovasculaire urgente. Des traitements non chirurgicaux sont en cours de développement : les stents grafts, les stents non couverts et la fenestration. Ils s’adressent essentiellement aux lésions de type B et représentent une alternative à la chirurgie chez les patients à risque. Les stents grafts aortiques sont placés sous contrôle radiologique. L’échographie transœsophagienne est utile dans les trois phases de la procédure : le positionnement du stent, le déploiement, le contrôle du résultat (57, 58).
Fig. 25 – Dissection aortique. Échographie transœsophagienne avec reconstruction tridimensionnelle : flap intimal et porte d’entrée (flèche).
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Dans un premier temps, le rôle de l’échographie consiste à surveiller la progression des guides et des cathéters porteurs dans la lumière aortique et à détecter d’éventuelles complications : décollement de plaque d’athérome, passage dans le faux chenal, lésions intimales (fig. 26). La sonde d’échographie peut servir de repère radiologique pour le positionnement du stent. Après déploiement de la prothèse, le résultat immédiat est évalué sur l’aspect de la lumière aortique, du stent, de la partie exclue. La recherche d’une fuite est primordiale. Un effet de contraste spontané est souvent observé au sein de la lumière. Il traduit le ralentissement du flux secondaire à l’hypotension induite avant le largage du stent graft, pour prévenir son éventuelle migration. Dans ce contexte, la surface du stent, souvent irrégulière en raison d’une expansion incomplète, présente parfois de petits filaments mobiles. L’échographie transœsophagienne est indispensable pour apprécier l’évolution de la zone exclue. La présence de contraste spontané ou la constitution d’un thrombus témoigne de l’efficacité de la procédure. L’échographie contribue à la détection des fuites et à l’analyse de leurs mécanismes. Plusieurs types ont été décrits (59). Le type I traduit une expansion incomplète du stent (fig. 27). Le type II correspond à une alimentation du faux chenal par des vaisseaux collatéraux. Certaines fuites peuvent être liées à une anomalie du stent graft :
défaut de fabrication, disjonction des mailles (type III), ou porosité du tissu (type IV). L’identification de ces mécanismes permettra d’en corriger certains. L’échographie transœsophagienne pourra guider le positionnement d’un ballonnet intraluminal, son inflation optimisera le contact entre le stent graft et la paroi (fig. 28). Les fuites justifient parfois la mise en place de coils, bien détectés par échographie (fig. 29). Les procédures endoluminales s’adressent souvent à des patients âgés, porteurs de cardiopathies évoluées et sévères. L’échographie transœsophagienne assure un monitoring optimal de la fonction cardiaque et de la volémie (fig. 30). Au total, les deux examens essentiels pour le diagnostic des syndromes aortiques sont l’échographie et le scanner. Leur rôle est confirmé et officialisé par les recommandations européennes : classe I (60). Grâce à ses multiples modalités, l’échocardiographie occupe une place fondamentale car elle est accessible en urgence, en milieu cardiologique, en réanimation et en peropératoire. Le scanner a également une place essentielle du fait de son accessibilité et des informations fournies sur l’ensemble de la pathologie aortique et de ses branches, et permet d’évaluer les complications ischémiques viscérales. Mais à l’évidence, il faut insister sur la complémentarité de ces deux examens.
Fig. 26 – Incidents de procédure interventionnelle : contact du guide avec une prothèse valvulaire aortique (A), pénétration du guide dans un thrombus pariétal (B).
Imagerie des syndromes aortiques aigus
Fig. 27 – Fuite par expansion incomplète du stent (flèche).
Fig. 28 – Procédure de stenting. A. Stent plicaturé (flèche). B. Inflation d’un ballonnet. C. Expansion complète du stent.
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Fig. 29 – Coils dans un faux chenal.
Fig. 30 – Incident au cours de la mise en place d’un stent graft : déchirure de l’artère iliaque. A. Ventricule droit collabé (flèche). B. Ralentissement circulatoire avec effet de contraste spontané dans l’oreillette gauche (flèche).
Imagerie des syndromes aortiques aigus
POINTS ESSENTIELS 1. 2. 3. 4.
Sensibilité et spécificité. Disponibilité. Évaluation de l’insuffisance aortique. Contribution aux procédures interventionnelles endoluminales.
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Chapitre
Imagerie des flux aortiques par IRM Application clinique sur la pathologie aortique thoracique
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H. Rousseau, R. Moreno, M. Midulla, B. Marcheix et F. Nicoud
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Méthode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Technique d’imagerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Post-processing . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Introduction La rupture, complication majeure des lésions de l’aorte thoracique, peut être prévenue si une surveillance correcte est pratiquée et si des critères objectifs sont utilisés pour savoir quels sont les patients redevables d’une intervention préventive. En effet, en cas de rupture plus de 50 % des patients décèdent avant d’arriver à l’hôpital et si la mortalité postopératoire est située entre 6-10 % pour les patients traités à froid, elle est de six fois supérieure en cas de rupture (1-3). Mais la prise en charge des pathologies aortiques reste difficile et souvent empirique. En effet, le clinicien est exposé à un dilemme qui doit mettre en balance le risque de rupture d’un anévrysme ou d’une dissection de l’aorte thoracique et le risque lié à toute réparation chirurgicale ou endovasculaire, en particulier en raison de l’âge et des comorbidités, le plus souvent multiples chez ces patients (4). Cependant, il n’existe pas de méthode validée pour quantifier le risque de rupture spécifique de chaque patient présentant un anévrysme ou une dissection de l’aorte. En pratique, la décision d’un traitement, chirurgical ou endovasculaire, d’une pathologie aortique thoracique est fondée essentiellement sur une notion de taille des lésions (critère du « diamètre maximum » typiquement de 6 à 6,5 cm), dimension à partir de laquelle le risque de rupture est considéré comme supérieur au risque opératoire (5-8). Ces décisions thérapeutiques sont fondées sur les études épidémiologiques mais celles-ci peuvent être critiquées. En effet, des études autopsiques nous ont montré que des petits anévrys-
mes pouvaient se rompre avant d’atteindre le diamètre seuil et qu’à l’inverse, des anévrysmes larges ne présentent pas ce type de complication. En d’autres termes, cela veut dire qu’une intervention fondée sur le seul critère de diamètre peut amener à réaliser un traitement trop tard après la rupture de petits anévrysmes et peut à l’inverse pousser à réaliser une chirurgie alors qu’elle n’est pas nécessaire chez certains patients qui présentent des anévrysmes relativement importants. Il est donc clair que de nouveaux critères sont nécessaires pour prédire de façon fiable le risque de rupture d’une lésion de l’aorte thoracique en fonction des caractéristiques hémodynamiques propres du patient. Depuis les dernières décennies, de nombreuses publications nous ont montré l’intérêt des études hémodynamiques des flux aortiques pour évaluer le risque d’évolution anévrysmale ou de rupture. Parmi les paramètres mis en évidence, il semble exister deux paramètres essentiels qui peuvent se résumer en un rapport entre la tension pariétale de l’anévrysme sur la résistance de la paroi qui, en fonction de son augmentation, doit faire suspecter un risque de rupture (9-11). Mais ce rapport ne représente que deux des paramètres que l’on peut utiliser pour évaluer de façon objective le risque évolutif. La mécanique des fluides numérique (MFN) est une méthode de modélisation largement utilisée dans le domaine de l’industrie pour évaluer le design et les composantes de la structure dans différents domaines de l’industrie automobile, de l’espace ou le nucléaire. Cette méthode est précise et reproductible et permet de modéliser les structures grâce à une discrétisation fine des objets en éléments finis. Appliquée au monde médical, ces méthodes mathématiques appelées « computational fluid dynamics » (CFD) par les anglophones, permettent une imagerie fonctionnelle de l’aorte. Grâce aux progrès de l’imagerie, cette technologie permet ainsi l’évaluation de nombreux paramètres du flux comme les champs des vitesses et des pressions endovasculaires, en complément de l’imagerie morphologique de l’aorte thoracique. Ainsi, actuellement, il est
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Les syndromes aortiques aigus
possible d’envisager, en un temps acceptable, une évaluation à la fois morphologique et hémodynamique en 3D avec des équipements standard, de façon totalement atraumatique, en particulier grâce à l’IRM (12-16). L’objectif de ce chapitre est de faire « un état de l’art » des différentes méthodes d’imagerie fonctionnelle de l’aorte thoracique par les MFN et de préciser leur place pour évaluer différentes pathologies thoraciques avant, puis après, un traitement par stent graft.
Méthode Entre novembre 2006 et octobre 2007, 14 patients ont été évalués pour différents types de pathologie de l’aorte : 4 anévrysmes thoraciques, 1 ulcère pénétrant, 1 hématome de paroi, 7 dissections et une rupture traumatique de l’aorte. Cette étude concernait 13 hommes et 1 femme de 62,2 ans d’âge moyen (32-79). Différents types de prothèses ont été utilisés (Medtronic : 8 [2 Talent, 6 Valiant], Gore : 3, Bolton : 2, Jotec : 1). Au total, 16 IRM fonctionnelles ont été pratiquées, pour certains avant et après traitement.
Technique d’imagerie Acquisition des images : Tous les examens IRM ont été réalisés sur un système 1,5 Tesla (Intera, Philips Medical Systems, Hollande) avec une antenne de surface à 5 éléments. Le protocole associait : 1. Une série injectée avec du gadolinium, avec une incidence en parasagittal oblique, couvrant la totalité de l’aorte thoracique (champ de vue de 450 × 450 × 126 mm) avec une résolution spatiale de 0,88 × 0,88 × 1,80 mm. Cette acquisition était réalisée avec un « gating » cardiaque, référence temporelle, afin d’identifier l’instant cardiaque lors de l’acquisition. 2. Une séquence dynamique du type balanced steady state free precession (b-SSFP), également sagittale oblique, pour couvrir toute l’aorte thoracique avec 20 à 40 phases cardiaques. 3. Une imagerie en contraste de phase (PC) 2D réalisée perpendiculairement à l’axe des vaisseaux pour l’étude des flux en entrée et sortie de l’aorte thoracique, ainsi que sur les troncs supra-aortiques, afin d’obtenir une vélocimétrie locale.
Post-processing Les images obtenues initialement au format DICOM étaient converties au format analyse-7.5 (Mayo Clinic, Rochester, États-Unis). D’autres logiciels étaient également utilisés avec, en particulier, la méthode Level Set en 3D pour l’étape d’extraction géométrique (Matlab 7.0, the Math Works, Inc.). Une grille numérique nécessaire à la MFN était ainsi obtenue par discrétisation de la géométrie (Amira 4.1, TGS, Computer System, ÉtatsUnis) (17). Le même logiciel Matlab était ensuite utilisé pour évaluer les mouvements de la paroi aortique sur des images dynamiques à travers un algorithme qui estimait les « champs des transformations non linéaires ». Enfin, une région d’intérêt définie au sein de la lumière vasculaire était pratiquée pour extraire la vélocité à chacun des niveaux d’entrée et de sortie du volume artériel à modéliser. L’objectif de ces différentes étapes de post-traitement était de passer des données patient-spécifiques fournies par l’imagerie, en « conditions initiales » (CI) adaptées et imposées de façon explicite dans les calculs MFN. L’étape suivante concernait le lancement du calcul haute performance (HPC) destiné à résoudre les équations de Navier-Stokes dans le code mécanique des fluides (AVBP 6.0, CERFACS, Toulouse, France). Pour imposer au calcul les mouvements réalistes de la paroi, AVBP se servait de la formulation lagrangienne eulérienne arbitraire (ALE) basée principalement sur les références réalistes provenant du post-processing initialement détaillé. Les conditions hémodynamiques étaient synchronisées avec les mouvements de la paroi aortique, sur l’ensemble des vaisseaux aortiques et des troncs supra-aortiques. Une fois pratiquées ces différentes étapes, deux voies d’analyse étaient ouvertes. La première essentiellement morphologique donnait des informations sur la compliance artérielle (Cd) (m/mmHg) et sur le coefficient de distensibilité (DC) en mmHg-1. La deuxième voie s’intéressait aux paramètres fonctionnels liés au flux sanguin. Les images fonctionnelles sur le vaisseau modélisé permettaient ainsi d’évaluer de façon quantitative, à l’aide d’une échelle de couleur, la vélocité (cm/s), la vorticité (s-1), les gradients de pression (mmHG), la tension pariétale (N/m) et les forces de cisaillement (Wall Shear Stress ou WSS en N/m2).
Imagerie des flux aortiques par IRM
Résultats Ces examens ont pu être réalisés environ en 30 minutes, soit quelques minutes de plus qu’un examen normal d’une pathologie aortique. Les analyses de chacun des paramètres ont été pratiquées à chaque étage de l’aorte thoracique aussi bien avant la mise en place d’un stent graft qu’après. Cette analyse a été pratiquée sur l’ensemble de l’arche aortique, mais aussi au niveau de la partie proximale, au milieu et à la partie distale des stents grafts. Comme le montrent les différents exemples présentés dans les figures 1 et 2, on peut constater les modifications importantes des différents paramètres en raison ou non de la présence d’une endoprothèse thoracique et leur très grande variation en fonction du moment de l’acquisition systolique ou diastolique. Au niveau des zones d’implantation de l’endoprothèse, on a pu constater un WSS différent en systole et en diastole avec une augmentation des valeurs respectives de +12 % et +35 %, mais également on a pu noter de façon constante des anomalies au niveau des zones de plicature et au niveau des branches de division des vaisseaux supra-aortiques (figs. 3 et 4).
Parallèlement, on a constaté des modifications importantes de la vélocité et de la vorticité, en particulier au niveau des zones de plicature (+ 210 ± 30 cm/s vs 115 ± 18/s et 50 ± 12 cm/s vs 75 ± 20 cm/s, respectivement en systole et en diastole). À distance des zones de plicature, le débit redevenait normal mais la vorticité persistait. De même, l’évaluation de la compliance des différents segments vasculaires après la mise en place du stent graft montrait des modifications importantes de ce paramètre et du coefficient de distensibilité du fait de la rigidité du stent.
Discussion Depuis plusieurs décennies, la décision thérapeutique préventive des pathologies aortiques est fondée uniquement sur un critère morphologique représenté par le diamètre maximum de l’aorte (5-7). Les techniques d’imagerie moderne permettent à présent d’avoir des informations morphologiques et fonctionnelles concernant les flux et la mobilité de la paroi aortique, dans le même temps (18, 19). Ces informations fonctionnelles sont essentielles pour la compréhension de la
Fig. 1 – Mise en place de deux stents grafts sur l’aorte descendante pour une dissection de type B ( extrémités du stent graft).
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Les syndromes aortiques aigus
A
B
Fig. 2 – A. Vitesse et turbulences : en systole à gauche et diastole à droite. Les vitesses sont maximales dans la partie distale du stent graft et les turbulences au niveau d’une plicature du stent graft (). B. Forces de cisaillement (WSS) à la paroi (N/m2). En systole à gauche et diastole à droite. On note une augmentation de ces WSS aux extrémités du stent graft et au niveau des courbures aortiques.
Fig. 3 – Angiographie d’une rupture traumatique de l’aorte avant puis après la mise en place d’un stent graft. Présence d’une disparité de calibre au niveau du faux anévrysme de la crosse aortique, liée à l’expansion complète de la prothèse en regard de la lésion pariétale.
Imagerie des flux aortiques par IRM
Fig. 4 – Lignes de vitesses à différents moments du cycle cardiaque. On peut noter les turbulences et les accélérations des flux en regard des changements de calibre de la lumière aortique et des angulations.
physiopathologie cardio-vasculaire et la prise en charge de ces pathologies, aussi bien pour les anévrysmes que les dissections. L’objectif de ce chapitre est de montrer l’intérêt de l’étude des paramètres hémodynamiques, à la fois sur un plan qualitatif et quantitatif, de l’arche aortique chez des patients présentant différentes pathologies de l’aorte thoracique. Dans la littérature, on sait que le risque de rupture, de dissection ou de décès par des complications aortiques augmente de façon exponentielle quand l’aorte atteint un certain diamètre (en règle > 6 cm). Le risque de rupture ou de dissection est d’environ 4 % par an et le pourcentage de décès en grande partie lié à la pathologie aortique, est d’environ 12 % par an. Le taux combiné de rupture, dissection et décès est d’environ 16 % par an (20). Pour toutes ces raisons, actuellement, on considère que le diamètre minimum pour proposer un traitement chirurgical d’une pathologie aortique est de 5,5 cm pour l’aorte ascendante et de 6,5 cm pour l’aorte descendante (8). Des tailles inférieures sont appliquées pour les patients qui présentent un syndrome de Marfan et pour ceux qui ont une histoire familiale de pathologie aortique par rupture ou dissection. Même si le choix de la mesure du diamètre maximum de l’anévrysme pour estimer le risque de rupture est basé sur des données épidémiologiques et statistiques, ce « gold-standard » est loin d’être parfait, comme nous l’avons vu plus haut. En fait, le clinicien manque cruellement de critères objectifs pour déterminer de façon fiable le risque de rupture chez ces patients porteurs de ce type de pathologie. Certains auteurs ont essayé de trouver d’autres facteurs prédictifs, cliniques ou morphologiques, pour évaluer ce risque évolutif et pour déterminer le
moment propice pour proposer un traitement invasif. Ainsi, des équations, basées sur des données démographiques incluant l’âge, la présence de douleurs, la présence d’un syndrome obstructif pulmonaire et le diamètre aortique ont été testées (21). Ce type d’équation a permis de façon rétrospective de confirmer que la majorité des patients qui bénéficient d’une réparation chirurgicale de l’aorte ont une probabilité de rupture qui va jusqu’à 8 %, pourcentage supérieur aux risques opératoires dans des mains entraînées. D’autres auteurs ont proposé, toujours dans le même objectif d’affiner le risque de rupture, de rapporter la surface de la lumière aortique au niveau du diamètre maximum de la lésion à la taille du patient (22). Quoi qu’il en soit, le principe général de ces algorithmes décisionnels est de se baser sur un diamètre, ce qui reste critiquable pour les raisons suivantes. En effet, le critère du diamètre aortique maximum se base sur la loi physique de Laplace qui montre que la tension sur la paroi de l’anévrysme est proportionnelle à son diamètre. Sans aucun doute, cette loi physique est vraie mais plusieurs études cliniques ont montré les limites de cette loi. L’étude rétrospective de Darling et al. concernant 24 000 autopsies pendant une période de 23 ans a montré qu’environ 13 % des anévrysmes de moins de 5 cm étaient rompus et que dans 60 % des anévrysmes supérieurs à 5 cm (incluant 54 % de ceux compris entre 7 et 10 cm) n’étaient pas rompus au moment du décès (23). D’autre part, la loi de Laplace n’explique pas pourquoi certains patients qui ont le même diamètre aortique lors d’une première exploration vont avoir une nature évolutive différente, avec certains anévrysmes qui augmentent rapidement alors que d’autres restent stables pendant très longtemps.
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On peut vraisemblablement expliquer les limites de cette loi de Laplace pour deux raisons : 1. La première est fondée sur des principes physiques car l’anévrysme a rarement un aspect purement cylindrique ou sphérique pour lequel la loi de Laplace simplifiée qui ne tient pas compte de la courbure locale de la paroi ni de sa pression transpariétale est valide. À l’inverse, les anévrysmes ont en général une forme complexe avec différentes courbures vasculaires. En utilisant uniquement le diamètre aortique pour prédire la tension pariétale de l’anévrysme on ne tient pas compte du rôle essentiel de la forme de cet anévrysme. En effet, il est connu que la pression pariétale sur la paroi aortique anévrysmale est directement dépendante de la forme de l’anévrysme (du profil, de la tortuosité et de l’asymétrie de celuici). Ainsi, les anévrysmes de l’aorte thoracique avec des diamètres équivalents et des pressions artérielles semblables (et donc des risques de rupture basés sur la loi de Laplace identiques en théorie) peuvent avoir des contraintes sur la paroi aortique très différentes d’un point à un autre. 2. La deuxième raison tient au fait que le risque de rupture d’un anévrysme de l’aorte thoracique est lié non seulement à la tension pariétale mais aussi à la résistance de la paroi de l’anévrysme. Pour cette raison, il faut tenir compte d’un ratio stress pariétal sur résistance de la paroi pour évaluer le risque réel de rupture (24). Il semble donc indispensable de trouver des critères plus objectifs que le diamètre pour évaluer le risque de rupture. À l’inverse de l’aorte abdominale où les données de la littérature sont très riches, les informations concernant l’aorte thoracique sont plus rares. Ceci tient vraisemblablement au fait que l’exploration de l’aorte thoracique est plus difficile que la pathologie abdominale qui se base surtout sur des données échographiques, cependant, il semble raisonnable d’extrapoler les résultats observés dans les études sur les aortes abdominales à la pathologie de l’aorte thoracique. Ainsi, on sait que plusieurs paramètres vont intervenir sur le risque évolutif d’un anévrysme : outre la tension pariétale (pic du stress pariétal), la résistance de la paroi de l’anévrysme, la vitesse d’expansion de celui-ci, l’augmentation de l’épaisseur du thrombus endoluminal vont jouer un rôle. Le pic du stress pariétal (PWS) peut être considéré comme un facteur prédictif de rupture essentiel (10). La valeur du PWS sur une aorte saine est de l’ordre de 12 N/cm2, alors qu’elle est de 29 à 45 N/cm2 dans un anévrysme (25, 26). Il a été montré que le point de rupture se situe en regard du pic du stress pariétal (27) et que chez les patients symptomatiques ou présentant une rupture, le PWS est significativement plus élevé que pour les patients traités de façon élective (PWS de
1,11 MPa en aigu versus 0,67 MPa pour les patients traités à froid ; p = 0,008), alors que la différence entre le diamètre maximum n’était pas significative dans cette étude (28). La localisation du pic de stress pariétal était pratiquement toujours située, chez des patients traités en urgence, sur la partie postérieure de l’anévrysme, ce qui correspond également au site préférentiel de rupture des aortes opérées en urgence (23). Paradoxalement, Heng et al. (28) ont montré, à l’aide des CFD appliqués à une cohorte de 70 patients porteurs d’AAA, que le PWS était situé sur la face antérieure de l’anévrysme dans 60 % des cas, ce qui n’est pas en concordance avec les publications antérieures, comme nous l’avons vu plus haut. Ceci pourrait être expliqué par le fait que les patients qui peuvent bénéficier d’un traitement chirurgical en situation de rupture sont des patients qui ont survécu à la rupture, l’hémorragie étant limitée au rétropéritoine alors que les patients qui présentent une rupture sur la face antérieure ont une hémorragie intrapéritonéale qui est le plus souvent fatale. D’autre part, Vorp et al. ont montré que la résistance de la paroi à la rupture pour un anévrysme est de l’ordre de 65 N/cm2 alors que la résistance pariétale d’une aorte non anévrysmale peut aller jusqu’à 121 N/cm2 (25). La rupture survenant quand le rapport pic de stress pariétal sur résistance de la paroi devient nul, il semble évident que ces deux paramètres sont essentiels à analyser pour évaluer le risque de rupture d’un anévrysme (29). Un autre critère est la vitesse d’expansion. Sur une étude de 171 patients, Irose et al. ont montré que la vitesse d’expansion d’un anévrysme de l’aorte thoracique était supérieure à celle d’une aorte abdominale (0,42 contre 0,28 cm/an) (30). Intuitivement, il est classique de penser qu’un anévrysme qui grossit rapidement doit être considéré comme à plus haut risque de rupture. Mais ce critère n’a de valeur que pour les petits anévrysmes que l’on peut surveiller pendant une période de temps, en d’autres termes, ce critère n’a pas d’intérêt pour les anévrysmes qui sont déjà à une certaine taille. D’autres auteurs se sont intéressés au thrombus intraluminal et à sa variation de volume dans le temps. Ils ont montré qu’une augmentation rapide du volume du thrombus intraluminal était un meilleur critère que l’augmentation de taille du diamètre aortique. Plusieurs études ont montré que le thrombus présentait différentes couches : une couche interne bien formée au niveau de la lumière ; une couche intermédiaire médiale partiellement dégradée et en périphérie une couche nettement plus dégénérée et amorphe (31). Les tests de résistance ont montré que la lumière interne était beaucoup plus résistante que la couche médiale. Cependant, le rôle du thrombus dans un anévrysme sur
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la distribution du stress pariétal reste discuté. Certains évoquent l’hypothèse que la présence d’un thrombus diminue la transmission du stress pariétal (32, 33) alors que d’autres auteurs estiment que le thrombus n’a pas d’effet sur la progression des anévrysmes (34). À l’inverse, d’autres auteurs ont montré que le thrombus pariétal tend à diminuer la résistance de la paroi aortique et que probablement le thrombus sert de barrière à l’oxygène entre la lumière pariétale et les parois de l’anévrysme, ce qui pourrait être à l’origine d’une hypoxie pariétale et d’une dégénération de la paroi (35). Le rôle des métalloprotéinases dans la matrice pariétale ont également vraisemblablement un rôle important (36). Ces constatations mettent en évidence que l’évaluation de stress pariétal dans le sac anévrysmal tout seul est probablement insuffisant pour prédire un risque de rupture dans la mesure où la résistance pariétale n’est pas la même partout dans le sac. Il semble donc essentiel d’incorporer le thrombus pariétal dans toutes les analyses de stress de la paroi sur des évaluations en 3D car sans aucun doute, ce thrombus doit avoir une influence sur la distribution du stress sur la paroi aortique. À l’inverse des études du PWS, plusieurs études ont montré que la force de cisaillement pariétal (WSS) joue probablement un rôle négligeable sur l’évolution du sac anévrysmal, ceci pour trois raisons : 1. la présence d’un thrombus pariétal comme nous l’avons vu empêche la transmission de ces forces de cisaillement sur la paroi de l’aorte ; 2. chez les patients qui présentent un anévrysme de l’aorte abdominale, le plus souvent la paroi intimale n’est plus reconnaissable de telle sorte que la couche endothéliale n’est certainement plus fonctionnelle dans l’anévrysme ; 3. finalement, l’importance de la force de cisaillement engendrée par le flux sur la paroi aortique est probablement insignifiante par rapport à la pression pariétale sur le sac anévrysmal (37). Au total, les études hémodynamiques des anévrysmes par les CFD pour évaluer les turbulences et les différentes forces en présence dans le sac anévrysmal sont essentielles pour comprendre et estimer le risque de rupture (38). Ces méthodes d’analyse des éléments finis sont précises et reproductibles et permettent de modéliser les structures grâce à une discrétisation fine des objets. La MFN est obtenue en divisant la géométrie de l’objet en un nombre d’éléments finis. Quand ce nombre d’éléments augmente, et la taille de chacun de ces éléments diminue, la précision de cette analyse est augmentée. Le problème est ensuite la gestion de ces informations, c'est-à-dire la puissance informatique et le temps nécessaire pour les traiter.
Pour des raisons de facilité et de reproductibilité, de nombreux auteurs se sont intéressés à l’utilisation de la MFN appliquées au scanner. Ces données d’imagerie sont confrontées aux mesures des pressions sanguines non invasives. L’avantage de cette technique est double : sa reproductibilité et la résolution spatiale obtenue avec le scanner. Mais ces analyses sont réalisées dans des conditions statiques et donc sans intégrer les paramètres dynamiques de flux et de rhéologie de la paroi en fonction du cycle cardiaque. D’autre part, la pression systolique périphérique ne reflète pas de façon fiable la valeur réelle de la pression dans le sac, qui peut être variable dans le temps et dans l’espace. Il est clair que l’influence de l’onde de pression au niveau de l’aorte ascendante n’est pas comparable à celle retrouvée au niveau de l’aorte abdominale : absence de l’onde dicrote, pic de pression supérieur compensé par une différence de forme de la courbe de pression. Plus récemment, des études avec le scanner couplé à un gating cardiaque ont été publiées (12, 15, 16). Si la reproductibilité et la résolution spatiale sont intéressantes, l’inconvénient majeur du scanner est de ne pas fournir des informations dynamiques sur le flux. À l’inverse, plus récemment, certains auteurs ont réalisé des évaluations cliniques par vélocimétrie par contraste de phase de l’aorte thoracique, à partir d’imagerie MR dynamique avec des IRM 3 Tesla (13, 39-41). Ainsi, il est possible d’obtenir des vitesses encodées dans les trois directions de l’espace et pour tout le volume d’exploration. Ce protocole d’imagerie présente des inconvénients qu’il faut souligner. La durée d’acquisition pour cette séquence en contraste de phase est voisine des 30 minutes. Si l’on rajoute les 30 à 40 minutes nécessaires pour obtenir l’étude morphologique, ce type d’imagerie paraît peu adapté à la pratique clinique courante. Mais l’inconvénient majeur aujourd’hui est lié à la limite en résolution spatiale voisine de 5 mm dans les trois directions. À l’inverse, dans notre expérience, l’imagerie a été pratiquée sur une IRM 1,5 Tesla avec une durée d’examen d’environ 5 à 10 minutes de plus qu’une exploration habituelle (30 à 40 minutes). Cette technique d’imagerie nous a permis d’obtenir non seulement des informations morphologiques mais également fonctionnelles, qualitatives et quantitatives, avec l’évaluation de la vélocité, de la vorticité, de la pression pariétale et de la compliance, paramètres essentiels pour l’évaluation des lésions aortiques. Sur les différentes figures, on constate que la vélocité est augmentée dans les zones de changement de calibre ou de sténose. L’étude de la vorticité a montré également des modifications importantes au niveau des courbures vasculaires, en entrée de prothèse et à l’extrémité distale de celle-ci. L’évaluation de la compliance de
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la paroi aortique a montré également une grande disparité entre les zones sans prothèse et à l’intérieur des prothèses. Ces variations sont également importantes entre les extrémités de la prothèse et au centre de celleci. Au total, les informations obtenues à partir d’examens standardisés permettent dès à présent d’évaluer l’importance des forces exercées au sein d’un anévrysme avant un traitement, mais aussi aux extrémités d’un stent graft sur la paroi aortique. Ainsi, il semble qu’une évaluation plus précise des lésions aortiques est actuellement possible pour aider à la décision thérapeutique. L’analyse des flux et de la paroi aux extrémités d’un stent graft est également possible, permettant ainsi de mieux analyser le risque évolutif de certaines lésions. Les applications théoriques des MFN sont multiples et concernent en particulier les dissections de type B. Actuellement, cette pathologie est difficile à traiter par manque de critères objectifs permettant d’évaluer les risques évolutifs. L’augmentation de taille d’une dissection chronique est estimée entre 0,1 à 0,74 cm/an (42), mais elle est très variable et dépend de plusieurs paramètres, en particulier du diamètre initial de l’aorte (supérieur à 4 cm) et du diamètre et de la perméabilité du faux chenal. Le critère habituel de taille (> 6 cm) est également appliqué pour une décision thérapeutique comme pour les lésions anévrysmales (6). Cependant, d’autres auteurs ont montré que chez 23 % des patients qui présentaient une rupture, l’aorte mesurait 10 cm de diamètre (43). Ce qui montre bien, comme pour les anévrysmes, que le diamètre seul peut être pris en défaut. Pour cette pathologie, l’utilisation des CFD devrait fournir des critères plus objectifs pour évaluer les différentes pressions qui règnent à l’intérieur du vrai et du faux chenal et donc du risque évolutif pour décider d’un geste thérapeutique. Cette technique des CFD devrait permettre également d’évaluer virtuellement, grâce aux calculs mathématiques, les bénéfices et les risques des différents traitements qui sont actuellement proposés sur des bases purement empiriques. Ainsi, il serait possible d’évaluer les résultats théoriques d’un traitement soit en fermant ou au contraire en ouvrant une porte d’entrée distale. Cependant, la limite principale de cette méthode appliquée aux dissections est la difficulté de visualiser avec précision le flap intimal en raison de sa petite taille et ses grands déplacements. Une autre application pourrait être l’évaluation des stents grafts thoraciques. En effet, les différents constructeurs ont proposé des modèles de fantômes pour évaluer leurs dispositifs mais la plupart de ces évaluations in vitro sont souvent très loin de la réalité à la fois sur le plan de l’anatomie que sur le plan des caractéristiques physiologiques de ces fantômes (44). L’intérêt des CFD serait d’évaluer, sur des patients, les
différents matériels qui peuvent être utilisés pour analyser la réponse entre la prothèse et la paroi aortique mais également pour analyser les mouvements et les forces pariétales exercées par le flux sanguin au sein du stent graft et ainsi d’apprécier les risques de lésions de fatigue du matériel (15, 45, 46). Ces évaluations devraient aboutir vraisemblablement à des améliorations technologiques de ce type de matériel, mais également probablement à des modifications de leur mode d’utilisation (16). En effet, comme nous l’avons vu sur les quelques exemples montrés plus haut, il est possible d’évaluer les turbulences et les forces pariétales exercées au niveau des plicatures et à distance des stents grafts. Certainement en modifiant la zone d’implantation et peut-être les caractéristiques du matériel, il serait possible d’éviter ces problèmes hémodynamiques et les lésions de rupture ou de dissection que l’on peut observer parfois sur la paroi aortique en aval d’une prothèse (47). D’autre part, les études dynamiques permettent de mieux évaluer les différents diamètres systolo-diastoliques de la paroi aortique et ainsi de choisir de façon plus précise le surdimensionnement de ces prothèses en fonction de la taille réelle de l’aorte (48). Une autre application intéressante concerne l’évaluation de la pression pariétale exercée sur la paroi du sac anévrysmal après la mise en place d’un stent graft aortique. Cette analyse devrait en partie résoudre le problème des « endotensions » où il n’est pas mis en évidence de fuite périprothétique mais où l’on constate une augmentation de taille du sac anévrysmal et pour lequel la décision thérapeutique est parfois difficile. D’autres applications des CFD peuvent être envisagées, en particulier les études de flux au niveau de la racine de l’aorte où certains auteurs ont montré les turbulences et le reflux pendant la diastole du flux sanguin aortique vers la valve (41). Ces turbulences pourraient expliquer en partie la pression sur la paroi aortique et l’évolution anévrysmale au niveau du premier segment de l’aorte observée dans ce type de pathologie. Enfin, d’autres applications en dehors de la pathologie aortique peuvent être proposées, en particulier l’évaluation de la nature des plaques coronaires ou carotidiennes. Ces évaluations permettraient d’apprécier le risque d’instabilité d’une plaque et le risque de formation d’un thrombus ou de migration embolique, ainsi que leur évolution sous traitement médicamenteux (49). Bien sûr, ces méthodes d’évaluation hémodynamique ont leurs limites. La première erreur peut être liée à un problème de reconstruction de la géométrie par insuffisance de la résolution spatiale et du contraste par la méthode d’imagerie. Cependant, les nouvelles technologies d’imagerie moderne devraient diminuer cet inconvénient. Mais la limite principale, commune à toutes les méthodes d’MFN, est liée au problème de
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l’extraction de la géométrie qui est partiellement réalisée par l’ordinateur et doit être complétée par une extraction manuelle qui peut être, bien sûr, source d’erreur et entraîner une variabilité d’un observateur à un autre. Nous avons vu que certains auteurs utilisent le scanner, qui présente des avantages de résolution spatiale et de reproductibilité, en utilisant simplement la pression systolique périphérique comme référence. En fait, cette mesure réalisée sans évaluation des flux est d’une part imprécise, d’autre part très variable dans le temps, ce qui rend l’évaluation des MFN très approximative. À l’inverse, notre méthode fait appel à l’IRM pour associer les informations morphologiques et hémodynamiques dans le même temps. Cette méthode est sans aucun doute beaucoup plus « réaliste », mais nécessite une séquence supplémentaire et un temps de calcul beaucoup plus important. Un autre facteur d’erreur est lié au nombre d’éléments finis utilisés pour la discrétisation du volume d’intérêt. Des travaux ont été réalisés pour évaluer les performances de ces MFN. Il a ainsi été démontré qu’en augmentant la densité du maillage de 9 000 à 20 000 éléments, on améliorait la performance de l’analyse des Peak Wall Stress de simplement 1,2 % (27). Donc, en augmentant le nombre d’éléments finis au-delà d’une certaine limite, on augmente la précision diagnostique de façon marginale, au prix d’une puissance de calcul et d’un temps de calcul considérablement augmentés. Pour ces raisons, la plupart des auteurs se limite à un nombre de 20 à 30 000 éléments en fonction de la complexité de la géométrie de l’anévrysme. Avec notre méthode, nous pouvons estimer que, pour une aorte thoracique depuis la valve aortique jusqu’aux artères rénales, nous obtenons une résolution de maillage de 205 000 tétraèdres avec 40 000 triangles de surface. Il faut souligner que ces besoins varient en fonction des paramètres hémodynamiques étudiés. Ils sont d’autant plus importants que l’on évalue la pression pariétale et les forces de cisaillement alors qu’ils ont un faible rôle sur la vorticité et la vélocité. Le problème de l’augmentation de ces éléments finis est lié à la multiplication de la quantité d’informations obtenues, et donc des besoins en moyens informatiques et du temps nécessaire pour traiter les données. Il faut rappeler que ces techniques d’évaluation – pour être utiles sur le plan clinique – doivent être réalisées dans un temps limité. Un autre inconvénient est lié à l’absence de mesure de l’épaisseur et de la résistance de la paroi. Il est classi-
que de reconnaître que cette dernière est inversement proportionnelle à l’épaisseur de la paroi (50). L’épaisseur de cette paroi peut être en fait très variable d’un point à un autre à l’intérieur de l’anévrysme et, sans aucun doute, les difficultés d’évaluation de cette épaisseur avec les techniques d’imagerie actuelles représentent une des limites de la méthode. Une autre limite de cette technique est liée à l’absence d’évaluation par les MFN des propriétés du tissu de la paroi de l’aorte anévrysmale et donc de la résistance à la rupture. Enfin, la présence du thrombus intraluminal est également une limite. Celui-ci est présent dans environ 75 % des cas, mais comme on l’a vu plus haut le rôle du thrombus pariétal sur la tension pariétale et la résistance de la paroi et donc le risque de rupture sont très discutés. L’effet du thrombus sur la tension pariétale est d’autre part dépendant du diamètre de l’anévrysme, de la longueur de cet anévrysme, de l’épaisseur pariétale, de la pression endoluminale, de l’épaisseur et du volume du thrombus et de ses caractéristiques, en particulier son homogénéité. Pour toutes ces raisons, l’impact du thrombus sur le risque de rupture est complexe et sans aucun doute nécessite plus d’investigations.
Conclusion L’évaluation du risque de rupture d’une pathologie de l’aorte uniquement sur la base du diamètre maximum est tout à fait insuffisante et les critères doivent tenir compte de deux paramètres essentiels, l’augmentation de la pression pariétale et la diminution de la résistance de la paroi. Pour ces différentes raisons, de nombreuses études hémodynamiques ont été réalisées ces dernières années sur la pathologie aortique. Celles-ci ont montré les limites de la loi de Laplace et l’intérêt de l’évaluation par les CFD de différents paramètres hémodynamiques. Ces évaluations mathématiques permettent d’apprécier les différentes forces régnant au sein de la lumière vasculaire ainsi que sur la paroi in vivo. Les développements futurs de ces modèles d’évaluation de la rhéologie de la paroi aideront sans aucun doute la prise de décision thérapeutique et la surveillance des procédures endovasculaires. En ayant ces outils, des études prospectives devraient valider ces méthodes et préciser la place de ces nouvelles techniques d’imagerie et fonctionnelles pour la décision thérapeutique.
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POINTS ESSENTIELS 1. L’évaluation du risque de rupture d’une patho-
logie de l’aorte uniquement sur la base du diamètre maximum est tout à fait insuffisante, car ce risque est très variable d’un patient à un autre. 2. En fait, deux paramètres sont essentiels pour évaluer le risque de rupture, l’augmentation de la pression pariétale et la diminution de la résistance de la paroi. 3. L’évaluation par les CFD des différents paramètres hémodynamiques permet actuellement, de manière non invasive, d’apprécier les différentes forces qui règnent au sein de la lumière aortique ainsi que la résistance de la paroi in vivo. 4. Ces méthodes permettront certainement d’aider les cliniciens pour une prise de décision thérapeutique et pour surveiller les procédures endovasculaires.
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Partie 2
Aorte ascendante et crosse Généralités
Chapitre
4
Dissection aortique aiguë de type A Généralités A. Mommerot et P. Demers
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Classification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Classification de DeBakey . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Classification de Stanford . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Histoire naturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Facteurs prédisposants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hypertension artérielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Maladies du tissu conjonctif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Anomalies valvulaires congénitales . . . . . . . . . . . . . . . . . Lésions iatrogènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Grossesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Utilisation de drogues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dégénérescence de la média . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Brèche intimale initiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Présentation clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Manifestations systémiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Examens paracliniques diagnostiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Aortographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tomodensitométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Imagerie par résonance magnétique . . . . . . . . . . . . . . . . Échocardiograpbie transthoracique et transœsophagienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Principes chirurgicaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Survie précoce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Survie tardive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Réoparations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Suivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Introduction La dissection aiguë de l’aorte thoracique ascendante est une condition pathologique potentiellement catastrophique, exigeant une prise en charge tant diagnostique que thérapeutique urgente. Le processus de dissection aortique se caractérise par la séparation des couches de la paroi artérielle aor-
tique (média et adventice) par le sang pulsatile systémique. L’extension de la dissection à partir de la brèche intimale initiale peut se faire de façon antérograde vers l’aorte distale ou au contraire de façon rétrograde vers l’aorte proximale à des degrés variables. La dissection aortique se caractérise alors par la création d’une fausse lumière (FL) dans la paroi aortique, en parallèle de la vraie lumière (VL), les deux structures étant séparées par le « flap » intimal. Le terme « aigu » se réfère aux dissections prises en charge dans les 14 jours suivant le début des symptômes, le terme chronique étant dévolu aux dissections vues après ce délai de 14 jours (1-3).
Classification La nécessité d’une prise en charge optimale des patients porteurs d’une dissection aiguë de l’aorte explique l’importance d’une classification de cette pathologie complexe. Cette classification doit être tout à la fois simple et compréhensible de tous pour garantir la meilleure approche thérapeutique même en condition d’urgence, et synthétiser toutes les situations cliniques possibles définissant ainsi pour tout praticien un schéma thérapeutique applicable à toutes les situations. Les tentatives de classification des dissections aiguës de l’aorte ont été nombreuses. Cependant, deux d’entre elles sont les plus utilisées. Il s’agit de celle de DeBakey et celle établie par l’Université de Stanford en Californie.
Classification de DeBakey La première, et la plus utilisée des classifications, a été introduite en 1965 (4) et modifiée en 1982 (5) pour respecter les critères fonctionnels de la classification de
52
Les syndromes aortiques aigus
Stanford. Elle se divise en trois stades selon la localisation de la brèche intimale d’une part, et l’extension de la dissection d’autre part. Ainsi, le type I signifie que la dissection intéresse l’aorte ascendante et s’étend au-delà du tronc artériel brachio-céphalique (TABC), tandis que le type II est confiné à l’aorte ascendante. Lorsque l’aorte ascendante proximale au TABC n’est pas touchée par le processus de dissection, alors elle correspond à un type III.
Classification de Stanford Cette classification fonctionnelle, établie par Daily et al. en 1970 (6), repose sur l’élément essentiel du pronostic et de la prise en charge, c’est-à-dire la localisation de la dissection sur l’aorte ascendante, sans tenir compte ni de la localisation de la brèche intimale initiale, ni de l’extension distale du processus (fig. 1). Ainsi, la classification de Stanford est-elle plus simple à utiliser dans la mesure où elle se partage seulement en deux : – Stanford de type A, lorsque l’aorte ascendante est prise dans le processus de dissection (DeBakey types I et II) ; – Stanford de type B, lorsque l’aorte ascendante n’est pas intéressée (DeBakey type III).
Un sous-type de dissection où la brèche intimale initiale se situe au niveau de l’aorte descendante, avec une extension de dissection rétrograde vers l’aorte ascendante, anciennement classé « DeBakey type IIID » par Reul et al. en 1975(7), est actuellement décrit sous le terme de « rétro-A ». Ces dissections « rétro-A » sont rares puisqu’elles ne représentent que 6 % des dissections de type A (8). Cette approche fonctionnelle correspond tout à fait aux mécanismes physiopathologiques de la dissection aortique, dans la mesure où l’implication de l’aorte ascendante est l’élément prédictif principal du comportement biologique de la maladie, incluant les complications fatales. De plus, son avantage est de simplifier le diagnostic. En effet, il est plus facile en pratique clinique d’identifier l’atteinte de l’aorte ascendante de façon précise, plutôt que la localisation de la brèche intimale initiale ou l’extension exacte du processus, ce que ne permet pas la classification de DeBakey. Enfin, le système de classification de Stanford facilite le processus de prise de décision clinique et la prise en charge thérapeutique du patient. Les dissections aiguës de type A doivent être traitées chirurgicalement dans presque tous les cas, et les patients avec dissection de type B peuvent bénéficier d’un traitement médical, d’une chirurgie précoce ou d’une approche endovasculaire, indépendamment de la présence ou non d’une complication majeure. Ainsi, cette méthode de classification a connu depuis 30 ans un taux d’acceptation important parmi les praticiens, du fait qu’à l’heure actuelle elle est la plus employée dans les principales publications internationales sur le sujet.
Épidémiologie
Fig. 1 – Illustration de la classification de Stanford. Les schémas A, B et C correspondent toutes à des dissections aiguës de type A car elles impliquent l’aorte ascendante, tandis que les figures D, E et F correspondent aux dissections de type B. La brèche intimale initiale est localisée : A) dans l’aorte ascendante B) dans l’arche aortique C) dans l’aorte descendante, correspondant actuellement aux termes « rétro-A » ou type III-D. D’après Miller DC (1983) Surgical management of aortic dissections: indications, perioperative management, and long-term results. In: Doroghazi RM, Slater EE, ed. Aortic dissection. New York: McGraw-Hill, p. 196 (avec permission).
La dissection aortique se rencontre dans toutes les tranches d’âge de la population, mais la majorité des cas se situent entre 50 et 69 ans (9). Typiquement, les patients avec dissection de type B sont plus âgés que ceux se présentant avec une dissection type A (2, 10). Toutes les études indiquent une nette prédominance masculine avec un ratio homme-femme de 2 ou 3 pour 1. L’incidence exacte de la dissection aortique a été difficile à déterminer dans la mesure où, par le passé, cette maladie a été longtemps sous-estimée car sous-diagnostiquée, avec un grand nombre de patients mourant avant d’arriver à l’hôpital, sans diagnostic post-mortem. En 1964, dans une étude suédoise portant sur 6 480 autopsies, l’incidence était estimée à 5,2 par million-depopulation-par-année (11), supérieure à l’incidence des ruptures d’anévrysmes de l’aorte abdominale, et
Dissection aortique aiguë de type A - Généralités
supérieure de quatre fois à l’incidence des anévrysmes thoraciques rompus. Plus récemment, l’incidence de dissection aortique était estimée entre 5 et 30 cas-parmillion-de-population-par-année (12). Les dissections aortiques intéressant l’aorte ascendante (Stanford de type A) représentent approximativement les deux tiers des dissections aortiques. Cependant, il faut réaliser que ces données sont largement sous-estimées car elles ne tiennent pas en compte les patients décédés soudainement, ou de complications avant d’atteindre le milieu hospitalier, et sans examen post-mortem. De plus, il apparaît que jusqu’à 38 % des diagnostics de dissection aortique ne sont pas posés lors d’une évaluation hospitalière initiale, et 28 % des diagnostics ne sont faits que lors de l’examen autopsique (2, 13).
Histoire naturelle L’histoire naturelle des dissections aortiques est encore assez mal connue. Les données disponibles sont essentiellement issues de séries autopsiques historiques. Cependant, ces études nous permettent de dire que la dissection aortique aiguë non traitée est une condition pathologique hautement létale. En effet, l’étude publiée par Shennan en 1934 (14) rapporte que 40 % des patients qui présentaient une dissection impliquant l’aorte ascendante étaient décédés immédiatement, 70 % mourraient dans les 24 premières heures, 94 % dans la première semaine et la totalité des patients étudiés étaient décédés à 5 semaines. Plus récemment, Meszaros et al. (15) ont rapporté un taux de décès préhospitalier de 21 %, tous types de dissection aortique aiguë confondus. La plupart des patients avec dissection de type A non traitée décèdent par rupture intrapéricardique, se traduisant par une tamponnade cardiaque brutale et massive. Les autres causes de mortalité incluent les insuffisances aortiques aiguës à l’origine de défaillance cardiaque, les ischémies coronaires par compromis des ostia coronariens par le processus de dissection, l’occlusion des branches aortiques à destinée céphalique ou viscérale, et les ruptures libres. Cette évolution défavorable a été considérablement modifiée par le traitement chirurgical, qui constitue le traitement de référence pour les dissections aiguës de type A comparativement au traitement médical (2). Seuls 10 % des dissections aiguës ont un potentiel de « cicatrisation » et de chronicisation ; dans presque tous les cas, un site de réentrée distale est trouvé, permettant une décompression de la fausse lumière (16, 17). En général, après le processus initial de dissection aiguë le faux chenal reste perméable, mais peut rarement se
thromboser, indépendamment de la présence ou non d’un site de réentrée. Lorsque le faux chenal reste perméable, il est susceptible de poursuivre son expansion pour aboutir à la formation d’un faux anévrysme.
Facteurs prédisposants Hypertension artérielle Chez les patients avec dissection aortique, la prévalence de l’hypertension artérielle varie entre 45 et 80 % (1, 2, 10, 17), la plus importante étant rencontrée chez les patients avec dissection de type B. L’hypertension artérielle non contrôlée favorise la dégénérescence des cellules musculaires lisses de la paroi aortique, associée à d’autres modifications histologiques, augmentant ainsi la susceptibilité de la paroi artérielle à disséquer (18). Bien que les évidences suggérant que l’hypertension en soi pourrait initier le processus de dissection manquent, elle n’en demeure pas moins un facteur de risque reconnu majeur.
Maladies du tissu conjonctif Les maladies héréditaires du tissu conjonctif (syndromes de Marfan ou Ehler-Danlos) sont associées à un risque accru de dissection aortique. Le syndrome de Marfan, décrit par Antoine-Bernard Marfan en 1896, se transmet sur un mode autosomique dominant, et se caractérise par une mutation du gène FBN1 sur le chromosome 15, codant pour la glycoprotéine fibrilline-1, composant majeur des fibres élastiques de la matrice extracellulaire (19, 20). La prévalence du syndrome de Marfan dans les larges séries de dissection aortique s’échelonne entre 5 et 12 % (2, 10). Les complications aortiques liées au syndrome de Marfan, incluant les dissections aiguës et les ruptures, représentent la première cause de mortalité chez ces patients. Lorsqu’un patient atteint du syndrome présente une histoire familiale de Marfan, son risque de dissection ou rupture est considérablement élevé (20, 21).
Anomalies valvulaires congénitales Certaines affections cardiaques congénitales sont associées à un risque accru de dissection aortique comparativement à la population générale. Parmi elles, les plus significatives sont la bicuspidie aortique, la coarctation de l’aorte et le syndrome de Turner. Dans une série autopsique de 186 cas de dissections aortiques de type A (22), la prévalence des valves uni- ou bicuspides était
53
54
Les syndromes aortiques aigus
de 9 %. De même, le risque de dissection aortique périet postopératoire après tous les types de chirurgie cardiaque est augmenté chez les patients porteurs de valve aortique bicuspide, particulièrement chez les patients avec dilatation de l’aorte ascendante associée (23, 24). La dissection aortique des patients avec coarctation touche préférentiellement l’aorte ascendante, et la dissection s’étend rarement au-delà de la coarctation. Cependant, lorsque la coarctation n’a pas été corrigée au préalable, la stratégie de canulation artérielle de la circulation extracorporelle doit être réfléchie au préalable, voire modifiée, et occasionnellement un conduit extra-anatomique pour court-circuiter la coarctation peut s’avérer nécessaire (25, 26).
Lésions iatrogènes La dissection aortique est une complication rare des manœuvres de cathétérisation cardiaque, et autres techniques interventionnelles diagnostiques et thérapeutiques percutanées. Ces dissections sont habituellement limitées, localisées en sous-intimal et ne requièrent une cure chirurgicale que dans de rares cas. Les dissections peuvent également compliquer les procédures de chirurgie cardiaque. En effet, sur 7 000 interventions, la dissection aortique aiguë compliquait 0,3 % des cas (27).
Physiopathologie Deux facteurs contribuent à la dissection aortique : – une faiblesse constitutionnelle de la paroi aortique, – un événement initiateur.
Dégénérescence de la média La dégénérescence médiale kystique est un processus pathologique non spécifique, impliquant une perte de cellules musculaires lisses de la média, une désorganisation des limitantes élastiques et une accumulation de mucopolysaccharides (31). Ces anomalies architecturales sont à l’origine de changements dans la distribution des contraintes pariétales de cisaillement et circonférentielles, pouvant conduire à la création d’une brèche intimale (32). Cependant, on sait aujourd’hui que ce terme de dégénérescence médiale kystique n’est pas approprié. Chez les patients jeunes, ce sont les désorganisations du tissu élastique qui prédominent, tandis que chez les personnes âgées, ce sont plutôt les cellules musculaires lisses qui deviennent anormales. De fait, le terme classique non spécifique devrait-il être remplacé par une description plus spécifique en « type élastique » et « type musculaire lisse ».
Brèche intimale initiale Grossesse Chez les femmes de moins de 40 ans, environ 50 % des dissections aortiques surviennent au cours du troisième trimestre de la grossesse, ou lors du travail ou de la délivrance ; seule la moitié ont une affection héréditaire du tissu conjonctif identifiée (28). Les changements hémodynamiques et hormonaux culminant en fin de grossesse sont supposés être la cause de ces dissections chez les patientes prédisposées.
Utilisation de drogues La consommation de cocaïne, particulièrement en inhalation sous forme de crack, est associée à la survenue de dissection aortique (29, 30). Il est supposé que la dissection est la conséquence d’une hypertension artérielle sévère et brutale et de la décharge de catécholamines associée à la prise de cocaïne. Dans ces conditions, le diagnostic de dissection aortique aiguë doit toujours être présent à l’esprit devant un patient consommateur avoué consultant pour douleur thoracique.
L’événement initiateur de la dissection aortique est la constitution d’une brèche intimale dans la plupart des cas, autorisant la pénétration du sang systémique dans la paroi aortique, et la séparation progressive des couches de la média pour former un « flap » intimal. La brèche intimale initiale permet ainsi la communication entre les deux lumières. Seulement 2 à 4 % des dissections aortiques n’ont pas de brèche intimale initiale identifiée et sont habituellement confinées à l’aorte thoracique descendante (9). L’hématome intramural (HIM), dû à la rupture de vasa vasorum, est une autre condition, bien que peu fréquente, pouvant aboutir à une dissection franche. Les études physiologiques suggèrent que la brèche intimale initiale se situe dans les zones pariétales de grandes fluctuations de pression et de ratio dP/dt élevé (33). Elle présente classiquement une orientation transversale et occupe un tiers ou deux tiers de la circonférence. Dans les dissections de type A, la majorité des brèches intimales (60-70 %) se situent dans l’aorte ascendante, distalement à la jonction sino-tubulaire (9, 34, 35).
Dissection aortique aiguë de type A - Généralités
Présentation clinique Caractéristiques Les patients avec dissection de type A sont classiquement plus jeunes que les patients avec dissection de type B, cette dernière étant plus fréquente chez les patients d’âge moyen ou avancé. Les deux types de dissection peuvent se rencontrer chez la femme, particulièrement la jeune femme enceinte, mais est exceptionnelle chez les enfants et les adolescents (2, 10).
Douleur La douleur thoracique est le symptôme le plus commun. Elle est en général sévère, intense, localisée au niveau de la région rétrosternale ou postérieure interscapulaire. Un rapport de l’IRAD (International Registry of Acute Aortic Dissection) affirme que dans 87 % des cas une douleur thoracique brutale constitue le symptôme de présentation, localisée en antérieur chez 71 % des patients avec dissection de type A (2).
Manifestations systémiques Le compromis des branches collatérales aortiques, la rupture ou fuite aortique, et la compression des organes adjacents par l’expansion de la fausse lumière constituent les manifestations systémiques les plus courantes rencontrées au cours d’une dissection aortique. Les signes d’ischémie intéressent les membres supérieurs et/ou inférieurs dans 20 % des cas, les reins dans 15 % des cas, le myocarde dans 10 % des cas, le cerveau dans 5 % des cas et le territoire splanchnique et/ou la moelle épinière dans 3 % des dissections (34, 36). Les complications vasculaires, lorsqu’elles sont présentes, constituent un élément péjoratif du pronostic précoce, influant sur la mortalité opératoire (tableau I).
Examens paracliniques diagnostiques Faire un diagnostic précis et rapide est une nécessité vitale pour déterminer la stratégie thérapeutique optimale des patients se présentant avec des signes évocateurs de dissection aortique aiguë. Le tableau clinique peut être trompeur et un nombre non négligeable de dissections aiguës de type A ne seront pas identifiées (2). De fait, l’étape initiale du diagnostique repose sur un degré élevé de suspicion de la part du clinicien en
Tableau I – Complications vasculaires périphériques et taux de mortalité associés, dans une série de 128 patients avec dissection aortique de type A. D’après Fann et al. (34).
Complications vasculaires
Prévalence (n)
Mortalité opératoire (n)
AVC
6 ± 3 % (7)
14 ± 14 % (1)
Paraplégie
6 ± 3 % (7)
43 ± 19 % (3)
Absence de pouls
38 ± 5 % (48)
25 ± 6 % (12)
Ischémie rénale
12 ± 4 % (15)
53 ± 13 % (8)
Ischémie viscérale
6 ± 3 % (8)
50 ± 18 % (4)
charge du patient. Après quoi, une batterie d’examens complémentaires est à la disposition du praticien pour confirmer ou infirmer son hypothèse diagnostique.
Aortographie Pendant longtemps, l’aortographie par voie rétrograde selon la technique de Seldinger constituait le « gold standard » du diagnostic pour les dissections aiguës de l’aorte (37, 38). Ce dernier reposait alors sur la détection de signes directs et indirects : visualisation d’une double lumière ou du flap intimal, compression de la vraie lumière par le faux chenal, épaississement de la paroi aortique, régurgitation aortique, images d’ulcérations de la paroi aortique ou encore un positionnement anormal du guide du cathéter dans l’aorte (39, 40). La sensibilité et la spécificité de l’aortographie pour le diagnostic de dissection aiguë s’échelonnent entre 80-90 % et 85-95 % respectivement (17, 39, 41). Cependant, cette technique est invasive et implique l’injection de produit de contraste iodé, ce qui, comparativement aux nouvelles méthodes d’imagerie, la rend actuellement obsolète. De plus, en situation d’urgence, la réalisation d’une coronarographie n’est pas indiquée en l’absence d’antécédent de chirurgie coronarienne ou d’histoire clinique suggérant la coexistence d’une coronaropathie.
Tomodensitométrie La tomodensitométrie (TDM) thoracique est un examen non invasif, simple et rapide à réaliser, et qui peut généralement être obtenue sans délai en cas d’urgence dans la plupart des centres hospitaliers. De plus, les
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Les syndromes aortiques aigus
scanners les plus modernes permettent la réalisation de reconstructions tridimensionnelles de grande qualité. Dans l’évaluation des patients suspects de dissection aiguë, la TDM possède une sensibilité de 82-100 % et une spécificité entre 90 et 100 % (17, 39, 41-45).
Imagerie par résonance magnétique L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est un examen non invasif qui a l’avantage, a contrario de la TDM, de ne pas nécessiter l’injection de produit de contraste iodé (les angiographies par résonance magnétique utilisent l’administration intraveineuse de gadolinium). L’IRM peut produire des images de haute qualité dans tous les plans (sagittal, coronal, transverse et oblique) permettant une analyse complète de l’aorte entière dans toutes ses sections. Plusieurs études ont montré que l’IRM présente une sensibilité et une spécificité entre 95 et 100 % (17, 39, 41, 43-45). L’inconvénient de l’imagerie par résonance magnétique est son manque de disponibilité immédiate, en particulier en cas d’urgence, et qu’elle ne peut pas être réalisée de façon sécuritaire chez les patients porteurs de stimulateurs, défibrillateurs ou autres implants métalliques (46). D’autres limitations de cet examen concernent les temps relativement longs d’acquisition des images, ce qui est rédhibitoire dans le cas de patients instables.
Échocardiographie transthoracique (ETT) et transœsophagienne (ETO) L’échocardiographie transthoracique (ETT) est une technique devenue très séduisante et populaire du fait de sa grande disponibilité rapidement, elle est non invasive, réalisée facilement au lit du patient, et n’implique pas l’utilisation de produit de contraste néphrotoxique (39, 45). L’échocardiographie transœsophagienne (ETO) peut également être réalisée en soins intensifs, sous légère sédation et anesthésie locale. Dans l’évaluation d’une dissection aortique aiguë, l’élément diagnostique clé est la visualisation et localisation du « flap » intimal dans l’aorte ascendante, visible sur plusieurs vues et ondulant dans la lumière aortique indépendamment des mouvements de la paroi aortique ou des autres structures cardiaques (39, 42, 43, 47, 48). La sensibilité de l’ETO pour la détection d’une dissection aortique aiguë varie entre 97 et 100 %, et sa spécificité s’échelonne entre 68 et 98 % (39, 41-45, 47, 49, 50).
Prise en charge Le diagnostic de dissection aortique aiguë de type A posé, la thérapeutique doit s’établir de façon urgente pour prévenir le décès par rupture ou les lésions organiques irréversibles. Nous l’avons vu, le traitement chirurgical doit être considéré devant tout patient avec dissection aiguë de type A ; les complications potentiellement létales sont la rupture et la tamponnade (1, 2, 4, 5, 16, 17, 35, 51-55). Nous ne détaillerons pas les techniques chirurgicales dans la mesure où elles seront présentées plus précisément dans d’autres chapitres. Nous décrirons donc brièvement les principes chirurgicaux et présenterons les résultats.
Principes chirurgicaux La règle généralement admise est qu’en cas de complication vasculaire périphérique associé à la dissection, la correction de la lésion « centrale » ou proximale doit primer et précéder l’intervention vasculaire chirurgicale ou percutanée. Dans la plupart des centres, les patients présentant un hématome intramural aigu de type A sont pris en charge de façon identique aux dissections aiguës de même type du fait du haut risque de mortalité chez les patients non traités (56-58). Le premier objectif du traitement chirurgical des patients avec dissection aiguë de type A est le remplacement de l’aorte ascendante. La brèche intimale, si elle est localisée dans l’aorte ascendante ou l’arche, doit en principe être totalement réséquée, et les couches disséquées de la paroi doivent être reconstituées par un surjet continu, distalement et proximalement, pour oblitérer le faux chenal. En cas de régurgitation aortique, la compétence valvulaire est obtenue par reconstruction des sinus de Valsalva et du culot aortique et par resuspension des commissures, ce qui est possible dans la majorité des cas (59). Si le culot aortique est sévèrement endommagé par le processus de dissection, que le patient présente une pathologie du tissus conjonctif héréditaire, ou une maladie annulo-ectasiante sévère, ou encore que la valve doit être remplacée pour une autre raison (rétrécissement aortique), alors il convient de remplacer totalement le culot aortique avec réimplantation des ostia coronaires, soit par technique du tube prothétique valvé (Bentall), soit par les techniques de préservation valvulaire selon Yacoub ou David (60-62).
Dissection aortique aiguë de type A - Généralités
Perspectives
Survie tardive
Si l’approche endovasculaire est maintenant bien établie pour les dissections aortiques de type B, il n’en est pas de même pour les dissections de type A. Quelques cas de dissection intéressant l’aorte ascendante, traités par endoprothèse couverte, ont été rapportés avec succès (63-65), pouvant donner une perspective thérapeutique intéressante, au moins pour les patients âgés et à haut risque chirurgical. Ce point de traitement sera discuté plus en détail dans un chapitre dédié de cet ouvrage.
Dans la série rétrospective sur 30 ans de l’université de Stanford, les taux globaux de survie des patients avec dissection aiguë de type A (incluant la mortalité hospitalière), à 1, 5, 10 et 15 ans étaient de 67, 55, 37 et 24 % respectivement (10). Pour les patients en vie ayant quitté l’hôpital, ces mêmes taux étaient de 91, 75, 51 et 32 % respectivement. Le tiers des décès tardifs était de nature cardiaque, et au moins 15 % étaient reliés aux complications ou à l’extension de la dissection. L’analyse multivariée avait identifié l’âge avancé, et un antécédent d’intervention cardio-vasculaire comme étant des facteurs prédictifs indépendants de mortalité tardive. Dans la série la plus récente publiée par l’équipe de Stanford sur les dissections aiguës de type A (67), les déterminants indépendants de mortalité tardive étaient : l’âge, une sternotomie itérative, un antécédent d’accident vasculaire cérébral, l’hypertension, une pathologie hépatique, une tamponnade, l’atteinte de l’arche aortique, et la date à laquelle le patient a été opéré ; les premiers patients de la série ayant une survie tardive moins favorable. La courbe de survie actuarielle des patients opérés à l’université de Stanford entre 1963 et 2000 d’une dissection aiguë de type A est rapportée dans la figure 2.
Résultats Survie précoce Les progrès effectués dans les domaines des moyens diagnostiques, des techniques chirurgicales, de la protection myocardique, de la circulation extracorporelle et de réanimation, ont permis de faire diminuer sensiblement les taux de mortalité opératoires des dissections aortiques aiguës de type A au cours des dernières décennies. Malgré tout, même à l’heure actuelle, le risque de mortalité précoce postopératoire chez les patients traités chirurgicalement reste élevé. Un rapport de l’IRAD (2), incorporant 289 patients avec dissection aiguë de type A, traités par chirurgie dans 12 centres internationaux de référence, entre 1996 et 1999, a démontré un taux de mortalité à 30 jours de 26 % (fig. 2). L’université de Stanford rapportait également un taux de mortalité opératoire de 26 % pour 174 patients opérés entre 1960 et 1992, diminuant de 38 % entre 1963 et 1976, à 27 % pendant la période 19881992 (10). Dans cette série, les facteurs indépendants de mortalité précoce étaient l’âge avancé, l’hypertension, la présence d’une tamponnade préopératoire et l’insuffisance rénale. Dans le sous-groupe des patients opérés d’une dissection aortique aiguë de type A, issu du registre international des dissections aortiques (IRAD), les facteurs prédictifs de mortalité incluaient l’âge, le début brutal des douleurs thoraciques, l’existence d’une altération hémodynamique préopératoire, une insuffisance rénale, l’absence d’un pouls et des anomalies électrocardiographiques (66), mettant en lumière l’importance des facteurs intrinsèques aux patients dans le pronostic.
Fig. 2 – Survie actuarielle après traitement chirurgical de dissections aortiques aiguës type A chez 323 patients consécutifs opérés au Centre médical de l’Université de Stanford entre 1963 et 2000. Extraits de Demers (68) (avec permission).
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Les syndromes aortiques aigus
Réopérations Malgré une opération réussie lors de la phase aiguë, une dégénérescence anévrysmale de la fausse lumière dans les autres segments de l’aorte peut survenir chez un nombre substantiel de patients, pouvant conduire à une rupture tardive et décès, ou nécessiter une réintervention. Les réopérations tardives dans les suites d’une cure chirurgicale de dissection aortique aiguë de type A sont techniquement difficiles et nécessitent généralement une reconstruction extensive de l’aorte, avec une mortalité à 30 jours, rapportée dans la dernière décennie, très élevée (10, 69, 70). Dans l’expérience de Stanford sur 30 ans, la liberté de réopération à 1, 5, 10 et 15 ans des patients opérés de dissection aiguë de type A, était de 94, 83, 65 et 65 % respectivement (10). Dans la série la plus récente (67), le sexe (masculin), le syndrome de Marfan, la présence d’une coronaropathie, l’absence de pouls périphérique et l’atteinte de l’arche aortique étaient reconnus comme étant des éléments associés à un risque accru de réopération tardive. La courbe actuarielle de liberté de réopération aortique proximale ou distale après cure chirurgicale de dissection aiguë de type A à l’université Stanford entre 1963 et 2000 est présentée dans la figure 3.
Ces examens sont réalisés en postopératoire à des intervalles de 3 à 6 mois pendant la première année, puis chaque année pour une durée indéfinie. Une ETT devrait également être réalisée sur une base annuelle pour évaluer la fonction valvulaire aortique et l’évolution de la racine. Le contrôle strict de la pression artérielle est un élément majeur du traitement postopératoire de ces patients.
POINTS ESSENTIELS 1. La dissection aortique aiguë de type A est une
condition pathologique pourvoyeuse d’une mortalité immédiate spontanée très élevée. De fait, elle représente une urgence chirurgicale absolue. 2. La symptomatologie douloureuse est commune, non spécifique, mais présente des caractéristiques qui doivent alerter le praticien et le conduire à mettre tous les moyens en œuvre, sans délai, pour affirmer ou infirmer l’hypothèse diagnostique. 3. Le diagnostic positif de dissection type A repose sur la mise en évidence du flap intimal de dissection au niveau de l’aorte ascendante, soit par ETO, soit par angio-scanner, selon les disponibilités locales en urgence. 4. Le traitement est chirurgical. La correction centrale prime sur le traitement des éventuelles complications vasculaires périphériques associées, et consiste à effectuer un remplacement prothétique de la portion d’aorte ascendante intéressée par le processus de dissection, jusqu’à la crosse aortique.
Références
Fig. 3 – Liberté actuarielle de réopération aortique proximale ou distale après cure chirurgicale de dissections aortiques aiguës de type A chez 323 patients consécutifs opérés au Centre médical de l’université de Stanford entre 1963 et 2000. Extrait de Demers (68) (avec permission).
Suivi Un suivi médical régulier ainsi qu’une surveillance périodique par imagerie sont nécessaires pour les patients opérés d’une dissection aortique. La réalisation d’IRM ou de TDM de façon sériée est indispensable pour détecter les complications évolutives aortiques.
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Partie 2
Aorte ascendante et crosse Aorte ascendante
Chapitre
5
Intervention de Tyrone David dans les dissections aortiques de type A E. Bezon, F. Juthier, A. Le Pabic, J.A. Barra et A. Prat
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Avantages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Inconvénients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Indications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
63 63 64 64 64
Introduction La popularité grandissante des interventions de conservation de la valve aortique par réimplantation (intervention de Tyrone David) dans le traitement des anévrysmes de la racine aortique et leurs bons résultats à moyen terme (1, 2) ont conduit certaines équipes à la proposer dans le traitement des dissections aortiques de type A (3-6). Si un certain consensus technique règne pour le traitement chirurgical des dissections aortiques de type A (7, 8), malgré l’absence de données répondant formellement aux exigences de la médecine « fondée sur la preuve », l’indication de l’intervention de Tyrone David dans les dissections aortiques de type A reste en revanche très débattue. La controverse est nourrie par certaines des caractéristiques de cette intervention pouvant être perçues comme incompatibles avec l’objectif essentiel du traitement chirurgical des dissections aortiques de type A : sauver la vie du malade (9).
Avantages Elle présente essentiellement deux avantages majeurs et un relatif. Le premier avantage, immédiat, est qu’elle assure une hémostase chirurgicale plus aisée au niveau de la suture proximale dans ce contexte fortement hémorragique. En effet, contrairement au remplace-
ment de l’aorte ascendante supracoronaire et au remplacement composite de l’aorte ascendante (intervention de Bentall), où la suture proximale est réalisée bord à bord, elle est assurée au cours de l’intervention de Tyrone David par une première ligne intraventriculaire sous-annulaire fixant la prothèse vasculaire au ventricule gauche, puis par une seconde intraprothétique fixant la valve native à l’intérieur de prothèse vasculaire. Cette suture proximale « protégée » équivaut à une suture en moins risquant de saigner (10). Le deuxième avantage est qu’elle permet d’éviter le traitement anticoagulant à vie, et son corollaire de complications non négligeables, en particulier hémorragiques du fait de l’absence de valve cardiaque mécanique (1114). Cette absence de traitement par antivitamine K devient même prépondérante chez les femmes jeunes en âge de procréer. De plus, l’absence de traitement anticoagulant semblerait favoriser la thrombose secondaire du faux chenal restant (6), la perméabilité du faux chenal constituant un facteur de risque connu d’évolution ectasiante du faux chenal, de réintervention sur l’aorte distale et de décès tardif (15-17). Le troisième avantage tout aussi appréciable est, par cette technique, d’éliminer l’ensemble des tissus disséqués de la racine aortique donc de prévenir toute évolution ectasiante du segment 0 et la nécessité d’une réintervention à risque. Ces réinterventions sur l’aorte proximale exposent les patients à un risque opératoire élevé, proche de l’intervention initiale (18-20). Le taux de réintervention sur l’aorte proximale varie grandement dans les séries publiées, de 4 à 40 % (18, 20-26) et est essentiellement fonction de la pathologie et du geste effectué en première intention, conservant ou non le segment 0 (21, 22, 27-29). Ce troisième avantage est donc relatif puisque si l’intervention de Tyrone David prévient la réintervention sur l’aorte proximale, l’intervention de Bentall en fait autant (3).
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Les syndromes aortiques aigus
Inconvénients Le principal écueil, unanimement reconnu, est que l’intervention de Tyrone David est complexe et longue à réaliser (1, 2), ces deux caractéristiques prenant tout leur sens au milieu de la nuit, en urgence, chez un patient dont le pronostic vital est en jeu (30). Si la technique de cette intervention n’est pas parfaitement maîtrisée à froid par le chirurgien en charge de cette urgence et l’équipe qui l’entoure, mieux vaudra recourir à une technique plus conventionnelle.
Indications Loin des attitudes extrêmes, il semble possible de dégager des indications raisonnables. La maladie annuloectasiante du sujet jeune avec une valve aortique tricuspide, qu’elle rentre ou pas dans le cadre d’une maladie dégénérative identifiée ou non, semble être la meilleure indication. L’intervention de Tyron David permet en effet d’éviter le traitement anticoagulant au long cours inhérent à l’intervention de Bentall. De même, une porte d’entrée intéressant la racine aortique avec destruction d’un sinus de Vasalva chez un sujet jeune avec une valve aortique tricuspide constitue une indication raisonnable. La limite d’âge de 65 ans peut être calquée sur celle d’implantation des bioprothèses en position aortique (31). Logiquement, les équipes entraînées revendiquent un élargissement de ces indications raisonnables en incluant, d’une part, certains patients ayant une valve bicuspide et, d’autre part, tous les patients jeunes. Si la présence d’une valve aortique bicuspide ne prête pas à la discussion quant au nécessaire remplacement associé de la racine aortique (32-36), la conservation de cette valve dépend étroitement du type anatomique de bicuspidie et de l’état des sigmoïdes. Le type 0 de la classification de Sievers (37), malheureusement le plus rarement rencontré, se prête parfaitement à une chirurgie conservant la valve dès lors que les sigmoïdes sont parfaitement souples. Dans ce cas, la réalisation de plusieurs cas à froid en chirurgie programmée de conservation d’une valve bicuspide, dans le cadre d’une intervention de Tyrone David pour traitement d’un anévrysme de la racine aortique, paraît indispensable avant d’envisager de la réaliser chez un patient ayant une dissection aortique de type A. En revanche, l’élargissement des indications à tous les patients jeunes,
atteints d’une dissection aortique de type A et ayant une valve aortique tricuspide, semble une idée intéressante apparaissant d’une part comme une technique moins complexe que la conservation d’une valve bicuspide et, d’autre part, comme le prolongement de la meilleure indication du Tyrone David dans les dissections de type A. La dilatation préexistante de la racine aortique disséquée n’est pas toujours aisée à identifier comme le prouve la grande variabilité du taux d’interventions de Bentall pratiquées initialement et du taux de réintervention sur le segment 0 dans les séries publiés (18, 20-29). La mesure peropératoire de l’orifice aortique peut se révéler particulièrement utile au moment du choix décisionnel ; un anneau aortique dilaté doit sûrement conduire le chirurgien à remplacer la racine aortique (18). Finalement, en l’absence de critères permettant de prédire de manière fiable une évolution défavorable de la racine aortique restante, le jeune âge et une valve aortique tricuspide sont une bonne indication de l’intervention de Tyrone David.
Conclusion La canulation artérielle axillaire, la réalisation de l’anastomose distale sur aorte ouverte avec arrêt circulatoire et perfusion cérébrale sélective en hypothermie modérée (7, 8) et une protection myocardique d’excellente qualité permettent aux équipes, en ayant l’expérience à froid, de réaliser l’intervention de Tyrone David en cas de dissection aortique de type A chez les patients ayant un anévrysme de la racine aortique préexistant et une valve aortique tricuspide. Face au risque d’évolution ectasiante de la racine aortique laissée en place, il paraît raisonnable d’étendre les indications de cette intervention aux patients jeunes sans dilatation préexistante du segment 0. La présence d’une valve bicuspide n’est pas une contre-indication formelle mais ne devra être réservée aux formes anatomiques favorables. Tout chirurgien ayant une parfaite maîtrise de la chirurgie conservatrice de la valve aortique, prenant en charge un patient atteint d’une dissection aortique de type A et envisageant de faire une intervention de Bentall, devrait se poser la question d’une conservation valvulaire si la valve est souple et macroscopiquement normale. En l’absence de règle formelle, l’expérience et l’intérêt du malade se mêlent et orientent le choix de réaliser ou non cette intervention dans de telles circonstances.
Intervention de Tyrone David dans les dissections aortiques de type A
POINTS ESSENTIELS 1. L’intervention de remplacement de la racine aor-
tique, avec conservation de la valve aortique par réimplantation (intervention de Tyrone David), est complexe et longue à réaliser en cas de dissection aortique de type A ; mais elle assure une hémostase chirurgicale plus aisée au niveau de la suture proximale, évite le traitement anticoagulant à vie et élimine l’ensemble de la paroi de la racine aortique. 2. L’amélioration de la prise en charge des patients atteints de dissection de type A permet aux équipes, en ayant l’expérience à froid, de réaliser alors l’intervention de Tyrone David chez les patients ayant un anévrysme de la racine aortique pré-existant avec une valve aortique normale. Face à l’incertitude de l’évolutivité de la racine aortique, il paraît raisonnable d’en étendre les indications aux patients jeunes sans anévrysme de la racine aortique.
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Chapitre
Stents grafts de l’aorte thoracique ascendante
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H. Rousseau, B. Marcheix, V. Chabbert, C. Dambrin, C. Cron, S. Lopez, C. Conil, P. Massabuau, M.-A. Maracher, J. Auriol, P. Otal et F. Joffre
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quand la lésion aortique touche uniquement la zone 0 de l’aorte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Techniques hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Stents grafts fenestrés ou stents grafts à branche . . . . . . . . .
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Introduction Si les bénéfices théoriques des stents grafts, par rapport à la chirurgie, sont plus flagrants dans le domaine de la pathologie de l’aorte descendante comparée à l’aorte abdominale, sans aucun doute, une différence encore plus nette devrait être constatée pour l’aorte ascendante. En effet, les anévrysmes et les dissections de l’aorte ascendante sont traités, depuis des décennies, par un remplacement du segment aortique pathologique sous circulation extracorporelle et hypothermie profonde en cas d’atteinte de l’arche. Malgré les progrès de la réanimation et de la chirurgie, le taux de mortalité reste élevé ainsi que le taux de complications dominées par les problèmes neurologiques en particulier chez les patients âgés (1-6). En théorie, une solution purement endovasculaire ou associée à un pontage devrait permettre de faire baisser le taux de ces complications, du fait de l’absence de thoracotomie ou de clampage aortique. Initialement, l’application des stents grafts à l’aorte descendante paraissait plus accessible que l’aorte abdominale, du fait du caractère rectiligne de ce segment vasculaire et de l’absence de bifurcation comme pour l’aorte abdominale. Mais l’expérience nous a montré à quels points les problèmes rencontrés étaient différents, à la fois pour des raisons anatomiques (diamètre, courbure, collatérales) mais aussi pour des problèmes hémodynamiques. La pathologie de l’aorte thoracique ascendante pose encore plus de difficultés pour les mêmes raisons anatomiques et hémodynamiques. Sur le plan anatomique, on doit résoudre le problème des collatérales qui supportent mal l’ischémie (coronaire,
troncs supra-aortiques), la proximité des valves aortiques qui peuvent poser des soucis pour la mise en place des introducteurs et au cours du largage de la prothèse. Enfin, sur le plan anatomique, il faut rajouter le diamètre de l’aorte, le plus souvent incompatible avec les diamètres des prothèses actuellement commercialisées, la courbure vasculaire avec une différence des rayons interne et externe de l’aorte ascendante. La distance du point de ponction et la tortuosité de l’arche aortique sont autant de contraintes supplémentaires, pour placer correctement ce matériel. Mais à côté de ces paramètres anatomiques, les problèmes hémodynamiques sont également majeurs et peuvent être à l’origine d’une migration du matériel au cours de l’implantation. Ces problèmes hémodynamiques peuvent être résolus en faisant baisser la pression aortique soit par des moyens médicamenteux ou par stimulation électrique pour provoquer une tachycardie ventriculaire (7, 8). Quand la pathologie touche la portion proximale de l’arche aortique, différentes solutions endovasculaires peuvent être proposées, en fonction de la localisation exacte de celle-ci et de son extension aux troncs supraaortiques : 1. Quand la lésion aortique touche uniquement la zone 0 de l’aorte, soit avant l’origine du tronc artériel brachio-céphalique, un stent-graft court peut être utilisé. 2. Les techniques hybrides, associant un pontage extraanatomique pour revasculariser les troncs supraaortiques et la mise en place d’un stent graft sur l’arche aortique sont proposées dans les autres cas. 3. Les solutions purement endovasculaires faisant appel à des modifications des stents grafts soit par fenestration, soit par ajout d’une branche latérale, sont une autre alternative pour ce type lésion, mais nécessitent une évolution technologique importante. L’objectif de ce chapitre est de faire le point des différentes alternatives endovasculaires pour traiter les pathologies qui touchent l’aorte ascendante.
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Quand la lésion aortique touche uniquement la zone 0 de l’aorte Un stent graft court peut être utilisé, éventuellement associé à la mise en place d’un stent dans le TABC ou la carotide gauche pour assurer la perfusion de ces collatérales (figs. 1, 2 et 3). Les cas où toutes ces conditions anatomiques sont réunies sont rares. De plus, il faut rappeler que ces lésions courtes de l’aorte ascendante sont également idéales pour une chirurgie conventionnelle avec un faible taux de morbi-mortalité. Enfin, les stents grafts actuellement disponibles pour la pathologie thoracique sont manifestement peu adaptés à la pathologie de l’aorte ascendante, car soit trop longs ou de diamètre insuffisant. D’autre part, la longueur des porteurs parfois insuffisante et leur manque de souplesse restent des limitations majeures. Cependant, quelques cas ont été rapportés dans la littérature à la fois pour traiter des faux anévrysmes ou des dissections (9-13).
Fig. 1 – Mise en place d’un stent graft de l’arche aortique en suivant l’implantation de deux stents métalliques, un sur le TABC et l’autre sur la carotide gauche.
A
B
C
Fig. 2 – A. Patient de 30 ans ayant eu une réparation de l’aorte ascendante pour une dissection aiguë de l’aorte thoracique 1 an avant. Présence d’un faux anévrysme chronique de l’aorte ascendante augmentant progressivement de diamètre. La porte d’entrée au pied du tronc brachio-céphalique était difficile à visualiser, mais on notait un rehaussement tardif des densités en regard (). B. Ce patient présentant une valve aortique mécanique, le dispositif de largage ne pouvait pas être placé au travers de la valve. La prothèse a été retirée de son dispositif et introduite inversée dans un introducteur long de 24 F (Cook), placé juste au-dessus de la valve. Cette méthode a permis de placer la prothèse en regard de la lésion, au-dessus du TABC, sans léser la valve. C. Les contrôles angiographiques, puis un scanner à un an, ont montré l’exclusion de ce faux anévrysme et la diminution progressive de ses diamètres.
Stents grafts de l’aorte thoracique ascendante
Fig. 3 – Traitement d’une dissection de type A traitée par une prothèse courte Gore (40 × 100 mm). (Avec l’aimable autorisation de reproduction du Dr M. Dake.)
Techniques hybrides Sans aucun doute, le bénéfice principal de ces traitements endovasculaires concerne les lésions de l’aorte ascendante étendues à la portion horizontale de l’arche. Dans ce cas, le traitement endovasculaire doit faire appel le plus souvent à la création d’un pontage carotido-carotidien isolé ou avec un prolongement vers la sous-clavière gauche (14). Cette intervention permet ainsi d’augmenter la longueur du collet proximal en couvrant l’origine de la carotide gauche et de la sousclavière gauche. Ces techniques permettent d’éviter une sternotomie et sont le plus souvent bien tolérées. Le taux de perméabilité de ces pontages est respectivement de 88 % en 3 ans et 84 % à 5 ans, avec une perméabilité secondaire de 90 % (15). Quand la pathologie aortique touche l’origine du TABC, un pontage intrathoracique est nécessaire. Dans ce cas, après une sternotomie médiane et une héparinisation, un clampage latéral de l’aorte est réalisé pour permettre l’anastomose proximale aortique du pontage aorto-carotidien. Cette intervention ne nécessite pas de circulation extracorporelle. D’autres techniques consistent à réaliser deux pontages séparés avec des tubes de 10 à 12 mm, aorto-carotidiens. De tels pontages ont un recul suffisant avec une perméabilité à 1 et 3 ans, de 83 et 72 % respectivement (16, 17). En revanche, les publications concernant l’association de ces pontages aux stents grafts de l’arche sont rares mais elles ont le mérite de montrer la faisabilité mais aussi les limites de la méthode. Mélissano et al. ont publié leur expérience en combinant ces deux techniques pendant la même phase opératoire. La mortalité à 30 jours, les AVC, les paraplégies étaient respectivement de 6,3, 3,1 et 3,1 % (18). Les
décès liés à l’anévrysme ont été également décrits dans 16,5 % des cas dans cette série. Le taux de fuite de type I était également important (12,5 %). Dans une autre série, Czerny et al. ont rapporté des taux de fuite de type I de 33,3 % pour les stents grafts placés après le TABC (zone 1 de l’aorte), vraisemblablement en raison d’un collet court (19). Une autre série de Bergeron et al. présente les résultats de 15 remplacements de toute l’arche (portion 1, 2 et 3 de l’aorte) et 10 remplacements des segments 1 et 2 de l’aorte. Le taux de décès ainsi que le taux d’accident vasculaire cérébral postopératoire étaient de 8 % dans les deux cas. Au cours du suivi, aucune fuite secondaire n’a été décrite (17). Moins classique, une autre méthode de pontage fémoro-carotidien a été décrite par certains auteurs (20). Même si ces méthodes sont attractives, aucune donnée scientifique actuellement suffisante ne nous permet de savoir si elle peut être considérée comme la méthode de choix. En effet, de nombreuses questions persistent en particulier : quelle est la perméabilité à long terme de ces pontages aorto-carotidiens qui alimentent toute la vascularisation cérébrale ? Quelle est la durée à long terme de ces stents grafts dans cette portion de l’aorte où les contraintes mécaniques et hémodynamiques sont sensiblement différentes des autres portions de l’aorte ?
Stents grafts fenestrés ou stents grafts à branche L’évolution technologique des stents grafts a permis d’envisager l’utilisation des stents grafts à branche ou « fenêtrés » pour étendre les indications du traitement
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des anévrysmes de l’aorte abdominale sans collet proximal en fixant la prothèse sur un collet sain supra-aortique (21). Les résultats de ces techniques sophistiquées semblent favorables à l’étage abdominal (22). À l’étage thoracique, différents types de stents grafts « fenêtrés » ont été proposés pour maintenir la perfusion des collatérales recouvertes par le stent graft, soit par « scalloping » de l’extrémité proximale du stent graft, soit en créant un ou plusieurs orifices en regard des collatérales (fig. 4). La première solution est intéressante car l’implantation du stent graft est plus aisée. Elle permet de traiter des lésions anévrysmales sacciformes limitées au côté opposé aux collatérales supra-aortiques dans la concavité de l’arche. Cependant, elle soulève le problème du devenir à long terme, avec un risque de fuite de type I, compte tenu de la zone très limitée de portion saine de l’aorte pour l’ancrage proximal. La deuxième solution consiste à pratiquer des orifices en regard des principales collatérales, sur le stent graft, avant de le mettre en place. Cette méthode nécessite une parfaite représentation 3D des troncs supraaortiques, aussi bien avant la mise en place sur un scanner pour réaliser la prothèse adaptée à la configuration anatomique complexe de l’arche aortique, que pendant la pose. Il faut également préciser que les difficultés techniques d’implantation sont maximales en raison des courbures de l’arche, des tortuosités vasculaires et de la distance par rapport au point de ponction. Enfin, les mêmes inquiétudes sur le devenir à long terme sont évidentes. L’expérience acquise avec la pathologie abdominale, nous a montré que la solution la plus efficace pour prévenir les fuites était de fixer en périphérie de l’orifice dans le polyester une bague en Nitinol®. Une fois en place en regard des orifices des troncs supra-aortiques, une prothèse couverte sur ballonnet est dilatée au-delà du diamètre de l’anneau en nitinol dans la collatérale, de telle sorte que la branche soit parfaitement fixée et évasée dans l’aorte pour assurer l’étanchéité. La limite de cette technique est son devenir à long terme, quand on sait que ce matériel va être soumis à environ 70 mouvements par minute, tout au long de la vie du patient. Certains ont suggéré une autre alternative pour créer ces fenestrations dans un deuxième temps après l’implantation du stent graft, par abord homolatéral rétrograde des collatérales (23). Cet orifice dans le tissu peut être réalisé soit par des techniques de cathétérisme classique, avec des aiguilles, guides et ballons, puis en mettant en place un stent pour écarter le polyester (fig. 5), soit à l’aide de laser ou de dispositif de cautérisation. L’avantage de ce principe est de faciliter la pose du stent graft, et de créer plus simplement l’orifice dans le poly-
ester en étant sûr d’être en regard de l’ostium. Le risque, en revanche, est de léser la paroi aortique ou des collatérales au cours de ces manipulations, ou de détériorer le polyester. Pour prévenir les fuites autour de ces orifices, la mise en place d’une prothèse couverte au travers cet orifice peut être envisagée. L’autre alternative purement endovasculaire est l’utilisation de stents grafts à branche. Inoue et al. ont été les premiers à décrire une prothèse à branche appliquée à la pathologie thoracique. Le principe était d’utiliser un stent graft aortique de fabrication « artisanale » en polyester, associé à des anneaux de Nitinol®, avec une ou plusieurs branches pour assurer la vascularisation des collatérales (fig. 6) (24). Un taux de succès technique de 60 % seulement a été rapporté en raison des complications d’accès ou d’endofuites (25). Cette prothèse, utilisée par d’autres auteurs avec des résultats plus favorables, démontre que ce type de stent graft peut être utilisé, mais avec des limites techniques évidentes et que le taux de complications neurologiques reste important (26). Plus prometteuse, est une technique décrite par Chuter et al. qui permet de résoudre, en grande partie, les problèmes techniques (27, 28) (fig. 7). Cette méthode consiste à aborder la carotide primitive droite pour créer un pontage intercarotidien et sous-clavier puis d’implanter un stent graft court, par la carotide droite, dans l’aorte ascendante avec une branche longue pour le TABC et une extension courte pour l’aorte distale. Un deuxième stent graft est ensuite mis en place en co-axial, dans le moignon aortique, par voie fémorale. Différents modèles ont été développés par cet auteur, et quelques cas cliniques ont été publiés (29, 30). Probablement, les développements technologiques nous permettront, dans un futur proche, d’envisager un stent graft avec une ou deux branches, facile à mettre en place par voie fémorale, éventuellement associé à un simple geste de pontage extra-anatomique intercarotidien. Pour cela, des progrès technologiques importants sont nécessaires pour simplifier la procédure, diminuer la taille des introducteurs et augmenter leur flexibilité. Mais, en raison des difficultés inhérentes à la courbure de l’arche aortique et leur problème hémodynamique, plus la méthode sera simple, plus elle aura des chances de succès. Ainsi, certainement les stents grafts avec une seule branche seront dans un avenir proche la meilleure solution. En attendant le développement de ces stents grafts à branches adaptées à l’arche aortique, les techniques hybrides continueront à jouer un rôle important dans la prise en charge de cette pathologie, en particulier pour les patients présentant des comorbidités.
Stents grafts de l’aorte thoracique ascendante
A
B Fig. 5 – Création d’une fenestration in vivo, sur un modèle ani-
C Fig. 4 – Différents types de fenestrations réalisées sur du matériel commercialisé : A. Simple fenestration réalisée entre deux ressorts métalliques, avec deux marqueurs pour faciliter le placement. B. Fenestration avec renforcement des berges par une bague en Nitinol®. Cette bague sert de repère radio-opaque de l’orifice et surtout permet de fixer un stent graft sur la branche collatérale. Ce stent graft est légèrement surdilaté par rapport au diamètre de la bague en Nitinol®, ce qui améliore l’étanchéité de l’ensemble. Cependant, le risque théorique de fuites secondaires est important, du fait du mouvement permanent au cours de chaque contraction cardiaque, de deux éléments non solidaires. C. Stent graft Evita® (Jotec), avec un large « scalloping », permet de recouvrir les troncs supra-aortiques. Un stent non couvert placé en regard des collatérales permet un meilleur contact du tissu sur la paroi aortique controlatérale de l’arche évitant ainsi les fuites de type I.
mal. Réalisée à l’aide d’aiguilles précourbées (Brockenbrough needle, Medtronic Vascular), cette méthode a l’avantage de permettre la fenestration une fois que le stent graft est en place, évitant ainsi les erreurs de « sizing » ou de mise en place. Cette méthode permet également de résoudre des problèmes de couverture involontaire de collatérales. À l’inverse, la réalisation de cette fenestration à l’aide d’aiguilles et de ballon entraîne des altérations du tissu, qui semblent localisées, et qui peuvent être résolues par la mise en place d’un stent à l’intérieur. D’après Tse et al. (23).
Fig. 6 – Différents modèles de prothèses « à branche » d’Inoue, avec le dispositif d’implantation (25, 31). Chaque collatérale doit être cathétérisée par voie rétrograde pour récupérer un guide fixé à l’extrémité de chaque branche. Une fois celle-ci placée, dans chaque collatérale la prothèse aortique est larguée.
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Fig. 7 – Technique de Chuter (27). Création d’un pontage intercarotidien, puis carotido-sous-clavier gauche, avec ligature de l’origine de la sous-clavière gauche. A, B. Mise en place de l’introducteur par artériotomie carotidienne droite. C, D. Largage de la portion aortique du stent-graft. E, F. Largage de la branche du TABC, fermeture de l’artériotomie, cathétérisme du moignon aortique distal par voie fémorale. Mise en place de l’extension aortique, puis ligature de l’origine de la carotide gauche.
Stents grafts de l’aorte thoracique ascendante
POINTS ESSENTIELS 1. Les stents grafts de l’aorte thoracique ascendante
posent des difficultés pour des raisons : 1/ anatomiques (proximité des collatérales et des valves aortiques, diamètre de l’aorte et courbures vasculaires), 2/ hémodynamiques avec un risque de migration du matériel. 2. En attendant le développement de ces stents grafts à branches adaptés à l’arche aortique, les techniques hybrides continueront à jouer un rôle important dans la prise en charge de cette pathologie, en particulier pour les patients présentant des comorbidités.
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Chapitre
7
Bentall et syndromes aortiques aigus P. Leprince, S. Aubert, A. Pavie et I. Gandjbakhch
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Techniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Choix de la technique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Introduction Écrire un chapitre sur l’opération de Bentall dans un livre dédié aux syndromes aortique aigus revient à se poser la question de la technique chirurgicale la plus adaptée au traitement des dissection aiguës de type A. En effet, les dissections de type A intéressent le plus souvent la racine aortique et peuvent éventuellement être associées à une insuffisance valvulaire aortique. Malgré cela, le traitement chirurgical le plus souvent retenu est le remplacement de l’aorte ascendante par un tube sus-coronaire, après suspension des commissures. Toutefois, le remplacement complet de la racine aortique par un tube composite est parfois préféré. Enfin, les techniques plus récentes de remplacement de la racine aortique avec conservation de la valve native semblent donner des résultats intéressants. Après avoir succinctement décrit les différentes techniques, nous essaierons d’analyser leurs avantages et inconvénients vis-à-vis des résultats à court et long termes.
Techniques La technique la plus souvent utilisée consiste à remplacer l’aorte ascendante par un tube sus-coronaire (fig. 1). Au niveau de la racine aortique, le sommet de chaque commissure est suspendu par un point transfixiant, ce qui permet dans la majeure partie des cas de corriger une éventuelle insuffisance valvulaire aortique
apparue du fait de la dissection. Le faux chenal peut éventuellement être encollé afin d’appuyer la suture sur des tissus plus solides. Dans le cas du remplacement de la racine aortique par un tube composite, la technique habituelle est celle du Bentall modifié. La valve aortique et la racine sont réséquées, après dissections des ostia coronaires. Elles sont remplacées par un tube en Dacron® ou éventuellement en péricarde (tube composite Shilling), dans lequel est insérée une prothèse valvulaire mécanique ou biologique. Chaque ostium coronaire est ensuite réimplanté au niveau du tube (fig. 2). Les techniques plus récentes dites conservatrices (technique de remodelage de Yacoub ou technique d’inclusion de David) consistent à remplacer la racine par un tube synthétique tout en réimplantant la valve native dans ce tube (fig. 3). Bien entendu, les ostia coronaires doivent, là encore, être réimplantés dans le tube.
Choix de la technique Le choix de la technique reste controversé. Le but premier du traitement chirurgical d’une dissection aiguë est de corriger une complication potentiellement létale à très court terme. Toutefois, si ce but est rempli, la technique utilisée doit aussi limiter autant que faire se peut le taux de réopération à distance. Le choix de la technique la plus simple, à savoir l’implantation d’un tube sus-coronaire, peut sembler le plus adapté et représente dans les séries environ 75 % des cas. Ce choix est particulièrement justifié chez les patients âgés chez lesquels un temps de clampage et une circulation extracorporelle (CEC) courts permettent de limiter la morbi-mortalité postopératoire. Même s’il n’existe aucune étude comparant les différentes techniques de façon randomisée, les études de cohortes dans lesquelles le choix de la technique est laissé au chirurgien
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Les syndromes aortiques aigus
Fig. 1 – Tube sus-coronaire.
Fig. 3 – Chirurgie conservatrice de la valve aortique. A. Résection de la racine aortique. Reste les ostia coronaires et les sigmoïdes. B. Valve aortique native réimplantée dans le tube (type David).
Fig. 2 – Bentall. A. Tube composite et coronaire gauche réimplanté dans le tube. B. Les anastomoses du tube composite sont terminées et reste l’anastomose de l’ostium coronaire droit.
Bentall et syndromes aortiques aigus
montrent que l’âge de patients traités par un tube suscoronaire est en général plus élevé. Ainsi, dans la série de l’équipe de Hanovre (1), l’âge moyen des patients opérés par un tube sus-coronaire était de 60 ± 11 ans contre 56 ± 13 et 54 ± 13 ans chez les patients ayant eu un remplacement de la racine aortique. Dans le premier cas, les temps de clampage et de CEC moyen étaient de 74 ± 29 et 141 ± 54 minutes, contre 108 et 189 minutes en cas de remplacement de la racine aortique par un tube composite et 156 et 209 minutes en cas de remplacement de la racine avec conservation de la valve. Ces durées sont loin d’être rédhibitoires puisque, dans cette série, la chirurgie la plus longue était associée à une mortalité postopératoire moindre (10,4 % contre 28 % pour le Bentall et 26 % pour le tube sus-coronaire), ainsi qu’à un taux moindre de réopérations pour hémorragie (8 % contre 14 et 17 %). Cette différence était observée pour des raisons certainement liées à la sélection des patients et à l’amélioration de leur prise en charge globale au cours des années les plus récentes. Toutefois, aucune série ne rapporte réellement de différence de morbi-mortalité postopératoire en fonction de la technique et dans les études multivariées, les données inhérentes à l’état préopératoire du patient sont souvent les seuls facteurs de risque de mortalité ou d’hémorragie postopératoire (2). Ceci ne signifie pas forcement qu’il n’existe pas de différence mais peutêtre aussi que le choix de la technique est réalisé de façon appropriée par le chirurgien. En effet, dans les situations où la racine aortique est particulièrement délabrée, l’implantation d’un tube sus-coronaire peut conduire à la survenue de complications hémorragiques majeures nécessitant parfois de reclamper l’aorte pour remplacer la racine aortique. Cela permet en effet de réaliser une suture proximale directement sur l’anneau aortique, le risque hémorragique se limitant alors essentiellement à la suture distale et éventuellement à celle des ostia coronaires. Il est à noter que, dans le cas des dissections chroniques opérées par Bentall, Jault et al. rapportaient un taux de réopération de 10 % à 9 ans, soit relativement faible (3). Des résultats similaires ont été rapportés avec le Bentall dans le cas des dissections aiguës (4). Bien que plusieurs auteurs abondent dans ce sens, aucune donnée réellement scientifique ne vient corroborer cette assertion. Si les études restent finalement peu décisives sur le choix de la technique vis-à-vis des suites immédiates, un certain nombre de conclusions se dégagent des suivis à distance. Plusieurs auteurs s’accordent à conclure que la nécessité d’une anticoagulation au long court liée à
l’utilisation d’une prothèse valvulaire aortique mécanique diminue la probabilité de thrombose du faux chenal au niveau de l’aorte thoracique descendante, ce qui pourrait en favoriser l’évolution anévrysmale. Ainsi, dans l’étude de Gariboldi et al., la réalisation d’un Bentall avec un tube composite apparaît comme un facteur de risque indépendant de persistance d’un faux chenal circulant (5). Par ailleurs, l’équipe de la Cleveland rapportait une survie à long terme moins bonne chez les patients ayant eu un Bentall avec un tube composite (6). Ces éléments seraient donc plutôt en faveur d’une conservation de la valve aortique native, que ce soit par un tube sus-coronaire simple soit par un remplacement de la racine avec conservation de la valve. Il est à noter que chez le sujet âgé, si les lésions de la racine nécessitent son remplacement, le Bentall sera réalisé avec un tube composé d’une prothèse biologique, ce qui permettra d’exclure le problème des anticoagulants. Finalement, le choix entre le tube sus-coronaire et le remplacement de la racine avec conservation de la valve va essentiellement dépendre des circonstances. Dans le cas d’une maladie de Marfan, il est assez bien établi que de ne pas changer la racine aortique expose à un risque élevé de réopération du fait d’une dilatation de celle-ci. Le choix s’oriente plutôt vers un remplacement de la racine avec conservation de la valve aortique, à condition néanmoins que l’opérateur ait une expérience suffisante de cette technique. À cette restriction près, cette chirurgie donne d’excellents résultats, tant à court qu’à long terme (1). Sinon, le Bentall avec un tube composite s’impose. En l’absence de maladie patente des tissus élastiques, s’il existe une dilatation de la racine aortique, on pourra là encore proposer un remplacement de la racine aortique avec conservation de la valve native, l’utilisation d’un tube composite, ou encore une technique intermédiaire qui consiste à ne remplacer que le sinus non coronaire qui est le plus souvent le plus dilaté. Dans les autres situations, si la valve aortique est intacte, un tube sus-coronaire est parfaitement indiqué.
Conclusion La dissection aiguë de l’aorte ascendante est une urgence chirurgicale. Le but du traitement est avant tout salvateur et la technique utilisée doit prioritairement répondre à cette notion de survie postopératoire. Cela étant, le choix de la technique peut malgré tout prendre en compte son impact sur l’évolution ultérieure.
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Les syndromes aortiques aigus
POINTS ESSENTIELS 1. Dans les dissections aiguës touchant l’aorte
ascendante, la racine aortique peut être traitée selon trois modalités : 1) conservation de la racine et implantation d’un tube sus-coronaire ; 2) remplacement de la racine et de la valve aortique par un tube composite selon la technique de Bentall modifiée ; 3) remplacement de la racine avec conservation de la valve aortique native. 2. La technique la plus fréquemment utilisée est l’implantation d’un tube sus-coronaire après suspension des commissures, notamment lorsque le contexte (âge, complications, etc.) nécessite une durée de clampage et de CEC courte. 3. Dans le cas des maladies du tissu élastique type Marfan, il est recommandé de remplacer toute la racine aortique.
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Partie 2
Aorte ascendante et crosse Crosse
Chapitre
8
Quand et comment remplacer la crosse de l’aorte ? J. Bachet
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quand remplacer la crosse de l’aorte ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lésions chroniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lésions aiguës . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Comment remplacer la crosse de l’aorte ? . . . . . . . . . . . . . . . . Voies d’abord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Voies d’abord artériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Protection cérébrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Réparation aortique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Remplacement complet de la crosse horizontale . . . . . . Réimplantation des vaisseaux du cou . . . . . . . . . . . . . . . Techniques inhabituelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Techniques hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Introduction La chirurgie des lésions chroniques ou aiguës de la crosse aortique demeure un acte lourd. Cette chirurgie doit pourtant être entreprise car la tendance naturelle de ces lésions, qu’elles soient dégénératives ou liées à une dissection, est de se rompre. L’indication opératoire doit donc être le résultat d’une stricte évaluation de la lésion et de son évolution, mais aussi – et bien sûr – de l’état clinique et physiopathologique du malade. En dehors de l’urgence, tout doit concourir à ce que cette évaluation soit exhaustive car les risques de l’acte chirurgical, même s’ils ne sont pas nuls, restent très en deçà du risque que fait courir au patient l’évolution spontanée de sa lésion. Bien que d’énormes progrès aient été accomplis depuis trois décennies dans le traitement des lésions chroniques et aiguës intéressant la crosse de l’aorte, la chirurgie de remplacement de ce segment vasculaire reste encore grevée d’une morbi-mortalité non négligeable. En particulier, les lésions neurologiques postopératoires permanentes ou transitoires ne sont pas exceptionnelles. Aussi, pendant toute cette période, la plupart des améliorations techniques décrites ont porté plus sur la réduction du taux de ces complications que sur les procédés de remplacement proprement dits.
Avec la mise au point et la diffusion des endoprothèses, il semble que les choses changent depuis quelques années, et l’on a vu apparaître des techniques dites « hybrides », associant la chirurgie proprement dite avec des techniques endoluminales. L’utilisation de la circulation extracorporelle elle-même est quelquefois mise en question avec les techniques dites de « translocation vasculaire ». Deux questions majeures, cependant continuent de se poser : 1. Quand doit-on remplacer la crosse de l’aorte : a. en cas de lésion chronique ; b. en cas de dissection aiguë ? 2. Les nouvelles techniques hybrides et de translocation sont-elles supérieures aux techniques dites conventionnelles dans leurs résultats immédiats et à long terme ? Ce sont ces différents points que nous tenterons d’examiner dans ce chapitre, à la lumière de notre expérience et d’un examen de la littérature.
Quand remplacer la crosse de l’aorte ? Lésions chroniques Anévrysmes dégénératifs et dissections chroniques Il existe peu d’études spécifiques concernant les anévrysmes de la crosse aortique proprement dits. Toutes les données développées ici sont le résumé d’études portant essentiellement sur les anévrysmes de l’aorte ascendante, descendante ou de l’aorte thoraco-abdominale. Il semble cependant légitime d’extrapoler ces données aux anévrysmes de la crosse de l’aorte qui, s’ils ont une spécificité de situation anatomique, ne diffèrent pas des autres anévrysmes en ce qui concerne leur cause, leur développement et leurs complications. Les critères définissant le caractère anévrysmal d’une dilatation aortique ne sont pas clairement établis. Pour de nombreux auteurs, un diamètre * 3,5 cm est
82
Les syndromes aortiques aigus
considéré comme limite inférieure de dilatation pathologique de l’aorte. Ce chiffre repose sur des études radiologiques (CT scan) faites chez des sujets « normaux » non hypertendus et non diabétiques (1, 2). Mais elles ne tiennent pas compte des considérables variations naturelles de la taille de l’aorte normale avec l’âge, le genre, la taille et la masse corporelle. Surtout, elles ne prennent pas en compte la morphologie du segment aortique en cause. En effet, la perte de parallélisme des parois du vaisseau est un élément fondamental de la détermination pathologique. Une aorte parfaitement tubulaire de 4 cm de diamètre peut n’être pas anévrysmale alors qu’un segment aortique de 4 cm de diamètre isolé entre deux portions d’une aorte de 2,5 cm de diamètre est à coup sûr un anévrysme. Pour ce qui concerne les indications thérapeutiques, on peut leur associer les dilatations aortiques liées à l’évolution des dissections chroniques. Celles-ci sont le résultat soit d’une dissection aiguë de type A passée inaperçue ou non opérée soit, beaucoup plus fréquemment, le résultat de la dilatation progressive d’un faux chenal persistant en aval d’un remplacement aortique prothétique. Ces évolutions sont plus fréquentes en cas de désordres du tissu conjonctif et de ses constituants, en particulier des anomalies des fibres élastiques et de la fibrilline. Elles se voient donc particulièrement fréquemment au cours de l’évolution des dissections opérées chez les sujets atteints de syndrome de Marfan (3). De plus, la survenue de ces dilatations anévrysmales est d’autant plus fréquente que le diamètre initial de l’aorte disséquée est important (4). Avant l’ère de la chirurgie ou au début de celle-ci, la mortalité, 5 ans après le diagnostic, était de 80 % pour les malades porteurs d’anévrysmes de l’aorte thoracique et de 75 % pour les malades souffrant de dissection chronique de type B (5, 6). Plus récemment, il a été montré que 42 % des malades porteurs d’anévrysmes dégénératifs non traités meurent dans les 5 ans suivant le diagnostic (7) et que 50 % environ des décès sont dus à une rupture (8). La rupture doit donc être prévenue par l’acte chirurgical. Pour en poser l’indication, il est important d’apprécier les éléments qui concourent à sa possible survenue. Ceux-ci sont de trois ordres : – la taille de la lésion anévrysmale au moment du diagnostic ; – la rapidité d’expansion de l’anévrysme ; – les facteurs pathologiques associés. La taille de l’anévrysme est probablement le facteur prédominant dans la survenue de la rupture. La loi de Laplace nous enseigne, en effet, que la force (tension) exercée sur les parois d’un cylindre est proportionnelle à la pression du fluide circulant, proportionnelle au rayon du cylindre est inversement proportionnelle à
l’épaisseur de la paroi. L’application de cette loi à des modèles biologiques peut être discutée. Il n’en reste pas moins que le risque de rupture varie de façon exponentielle avec le diamètre de l’aorte (ou de l’anévrysme). Ainsi, les anévrysmes dont le diamètre est inférieur à 4 ou 5 cm ont un risque faible de rupture (0-12 %) (9), tandis que les anévrysmes de plus de 6 cm de diamètre ont un risque de rupture 5 fois plus élevé (7), avec un taux linéaire de rupture de 3,7 % par an et de rupture ou dissection aiguë de 6,9 % par an (10). Un autre élément de majeure importance est la vitesse d’expansion de l’anévrysme. Celle-ci s’apprécie par comparaison à intervalles réguliers des diamètres de l’aorte en coupe sur des examens tomodensitométriques (CT scan) ou de résonance magnétique nucléaire (IRM). Un indice d’expansion peut être calculé en rapportant le chiffre d’augmentation des diamètres au temps écoulé entre deux examens successifs (11). En effet, il semble avéré que plus l’anévrysme est important, plus son expansion s’accélère (9). Ainsi, dans une étude récente, l’expansion annuelle moyenne des anévrysmes de plus de 5 cm de diamètre était de 7,9 mm alors qu’elle n’était que de 1,7 mm pour des anévrysmes de diamètre inférieur. D’autres études ont montré que des anévrysmes de moins de 4 cm de diamètre se dilataient à une vitesse deux fois moindre que des anévrysmes plus importants (* 8 cm) (12). Enfin, il semble prouvé qu’en passant d’un diamètre de 40-49 mm à un diamètre de 60-69 mm, un anévrysme voit son risque de rupture ou de dissection aiguë être multiplié par huit (13). Mais d’autres facteurs entrent en jeu. Les anévrysmes de l’aorte ascendante ont un taux de rupture plus élevé que ceux de l’aorte descendante qui, eux-mêmes, se rompent plus fréquemment que les anévrysmes de la crosse, pour un diamètre identique. Enfin, l’âge est évidemment un facteur de risque, en lui-même. Griepp et al. ont montré que le risque de rupture des anévrysmes de l’aorte thoracique descendante était multiplié par un facteur 2,6 pour chaque tranche de 10 ans d’âge (14). Les indications chirurgicales reposent donc sur l’appréciation relative du risque de rupture (ou de dissection) et du risque chirurgical. Poser l’indication est relativement simple lorsque l’on se trouve d’emblée devant un anévrysme de très gros volume ou très symptomatique (fig. 1). Sauf contre-indication majeure, la chirurgie est impérative. Cette éventualité est heureusement rare. Beaucoup plus fréquents sont les cas où l’on est en présence d’un anévrysme totalement asymptomatique, découvert de façon fortuite au cours d’un examen systématique, ou parce qu’il est associé à une autre lésion aortique ou cardio-vasculaire. Là encore, la taille et l'évolution de la lésion sont des éléments importants
Quand et comment remplacer la crosse de l’aorte ?
d’appréciation. Dans une étude portant sur 114 anévrysmes de l’aorte thoracique, Griepp et al. ont montré que la médiane du diamètre aortique au moment de la rupture était de 5,8 cm (14). Le risque était par ailleurs multiplié par 1,9 pour chaque centimètre supplémentaire de diamètre. Les lésions des dissections chroniques sont volontiers plus étendues que les anévrysmes dégénératifs et leur l’évolution est souvent particulière. On sait, en effet, qu’à diamètre aortique égal, les dissections chroniques augmentent plus rapidement de volume que les anévrysmes dégénératifs. Par ailleurs, ces dissections peuvent survenir sur des sujets atteints de dystrophie aortique ou de syndrome de Marfan, ce qui ajoute à la faible résistance de leur paroi. On peut donc dire que, sauf contre-indication majeure, tous les anévrysmes de la crosse de l’aorte qui atteignent 5,5 cm de diamètre, ou dont le diamètre croît de plus de 5 mm par an, doivent être opérés. Mais restent les malades chez qui l’indication opératoire est la plus difficile à poser : ceux dont l’anévrysme est asymptomatique, dont la taille reste relativement petite (de 4 à 5 cm) et qui semble évoluer lentement. Il semble que la meilleure solution soit de renforcer la surveillance en augmentant la fréquence des examens non invasifs de contrôle.
Fig. 1 – Volumineux anévrysme de la crosse de l’aorte.
Syndrome de Marfan et anévrysmes dystrophiques Les anévrysmes de la crosse de l’aorte sont rarement, pour ne pas dire presque jamais, isolés chez les malades atteints de syndrome de Marfan ou de dystrophie annulo-ectasiante familiale. Ils sont en général associés à un anévrysme de la racine aortique et de l’aorte ascendante. C’est bien évidemment cet élément qui détermine l’indication opératoire. Et l’on sait de façon certaine que tous les malades dont une telle lésion atteint 4,5 cm de diamètre doivent être confiés au chirurgien, ce d’autant qu’il s’agit le plus souvent de sujets jeunes ou qui ont des antécédents familiaux de rupture ou de dissection aiguë de l’aorte. Par ailleurs, du fait même de la résistance de la paroi aortique, liée à la maladie sous-jacente, le taux de ruptures et/ou de dissections aiguës est plus important que pour les lésions dégénératives. Faut-il, dès lors, chez ces patients, remplacer systématiquement la crosse de l’aorte lors d’un remplacement complet de la racine aortique et de l’aorte ascendante ? Dans une étude publiée récemment (15), et portant sur la période 1993-2005, nous avons étudié le taux de remplacement de la crosse de l’aorte chez 54 sujets porteurs de syndrome de Marfan et qui nous étaient adressés, soit pour remplacement électif de la racine aortique, soit pour dissection aiguë de type A, soit pour dissection chronique ou résiduelle. Cette expérience suggère que la réponse à cette question est négative. En effet, chez les 25 patients opérés électivement, 17 l’ont été dans notre centre. Tous ces malades ont une intervention de remplacement complet de la racine aortique par tube valvé ou avec préservation de la valve aortique. Huit patients avaient été opérés ailleurs. Parmi eux, 5 avaient eu une intervention conservant indûment la racine aortique. Aucun de ces 25 malades n’avait à l’origine une dilatation de la crosse de l’aorte. Il a été nécessaire de remplacer secondairement la crosse de l’aorte dans deux cas chez nos patients (11 %), du fait de la survenue d’un faux anévrysme et d’une dissection rétrograde de type B, 6 ans et 9 ans, respectivement, après la première intervention. Chez les malades opérés initialement dans un autre centre, un remplacement secondaire de la crosse aortique a été pratiqué systématiquement chez deux malades réopérés pour dilatation majeure du culot aortique laissé en place. On peut donc dire que les anévrysmes secondaires de la crosse aortique chez les malades souffrant de syndrome de Marfan, et opérés de façon élective d’un anévrysme de la racine aortique et/ou de l’aorte ascendante, sont très rares. Il paraît donc légitime de ne pas systématiquement remplacer la crosse de l’aorte chez ces malades.
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Les syndromes aortiques aigus
Lésions aiguës Dissections aiguës Étant donné l’effrayante mortalité spontanée de l’affection, les circonstances de l’urgence, l’état critique des malades et les difficultés techniques de la chirurgie, on a longtemps considéré que l’unique but de l’acte chirurgical d’urgence était d’empêcher le malade de mourir de rupture, de tamponnade, de malperfusion ou d’insuffisance aortique aiguë. La technique standard consistait donc (et consiste encore dans de trop nombreux cas) à remplacer l’aorte ascendante seule, en reséquant, si possible, la porte d’entrée, et éventuellement en remplaçant la valve aortique, sans étendre la réparation au-delà de l’origine du tronc artériel brachio-céphalique. Dans certains cas de délabrement majeur de la racine aortique et, bien sûr, dans les syndromes de Marfan, il était généralement admis que la meilleure solution était la réalisation d’une intervention de Bentall. La crosse restait ignorée. Les idées changèrent au début des années 1990. D’une part, il fut observé que, contrairement à une idée reçue (16), la porte d’entrée siégeait ou s’étendait sur la crosse de l’aorte dans près d’un tiers des cas et que l’absence de résection de cette porte d’entrée conduisait à de mauvais résultats immédiats et à moyen terme (3, 17). D’autre part, l’étude de ces résultats a amené à constater la persistance d’un faux chenal perméable en aval de la réparation dans une proportion très importante de malades, la survenue de dilatations anévrysmales majeures de ces faux chenaux, avec nécessité de pratiquer des réopérations risquées pour éviter la rupture, cause principale de décès tardifs (18, 19). Il apparut donc qu’un autre but de la chirurgie d’urgence, moins directement impératif, mais également important, était de réaliser la réparation la plus complète et la plus stable possible pour prévenir les complications tardives. En 1988, nous avons publié ce qui semble avoir été la première série consistante de remplacements de la crosse aortique dans les dissections aiguës de l’aorte (20). Il s’agissait dans la grande majorité des cas de remplacements partiels de la crosse aortique dans sa partie antérieure. Dans le même temps, Westaby, en Angleterre, promouvait la pratique systématique de l’anastomose distale « ouverte » sous arrêt circulatoire et hypothermie profonde (21), tandis que Kazui, au Japon, commençait à prôner le remplacement systématique de toute la crosse aortique sous arrêt circulatoire distal et perfusion cérébrale sélective en hypothermie modérée (22). Dans notre expérience de chirurgie d’urgence de la dissection aortique de type A, portant sur 233 patients,
la crosse de l’aorte fut remplacée, partiellement ou totalement, chez 70 malades (30 %) dont 57 survécurent à l’intervention, et non abordée chez 163 autres dont 129 survécurent. Un remplacement secondaire de la crosse distale et/ou de l’aorte descendante fut nécessaire chez 4 (7 %) des 57 premiers et chez 28 (22 %) des seconds, ce qui semble tout à fait significatif en faveur du remplacement de la crosse aortique. De même, dans son étude portant sur 95 malades dont 30 ont eu un remplacement partiel (24) ou total (6) de la crosse aortique, Westaby rapporte un taux de mortalité immédiate de 6 % et un taux de réopérations à distance de 5 % (23). Kazui, sur un série de 240 patients opérés entre 1983 et 2001 et dont 194 ont eu un remplacement partiel (40) ou total (154) de la crosse de l’aorte, rapporte une mortalité globale de 12 % mais de seulement 6 % depuis 1996, et, à 10 ans un taux de survie de 72 % et d’absence de réopérations de 77 % (24). Ces résultats ont été amplement confirmés depuis par de nombreux groupes (25-29). Ainsi, on peut dire que le remplacement, au moins partiel, de la crosse de l’aorte est bénéfique sur les résultats immédiats mais surtout sur les résultats à long terme, en réduisant le taux résiduel de perméabilité du faux chenal et, donc, le taux de réinterventions et de décès à distance. Ceci semble encore plus vrai chez les sujets atteints du syndrome de Marfan. Il n’existe aucune étude spécifique rapportant des remplacements de la crosse de l’aorte dans ce type de pathologie. Cependant, dans notre expérience, les malades atteints de syndrome de Marfan et opérés d’une dissection aiguë avaient un risque relatif de réopération à distance 4 fois plus élevé que les patients opérés électivement d’un anévrysme de la racine aortique et un risque relatif de réopération 6 fois plus élevé que les malades non atteints du syndrome de Marfan, opérés d’une dissection aiguë (15). Comme nous l’avons indiqué plus haut, un remplacement secondaire de la crosse de l’aorte ne fut nécessaire que chez 4 malades (16 %) sur les 25 opérés initialement d’un anévrysme de la racine aortique. Encore est-il que chez deux de ces malades, le remplacement a été systématique lors d’une réopération sur l’aorte proximale. En revanche, sur les 19 patients opérés initialement d’une dissection aiguë, un seul avait eu un remplacement de la crosse aortique. Un remplacement secondaire de la crosse aortique a été nécessaire chez 14 des 18 autres (78 %) au cours d’une deuxième (11 patients) ou d’une troisième ou quatrième intervention (3 patients).
Quand et comment remplacer la crosse de l’aorte ?
Par ailleurs, chez dix d’entre eux (53 %), le remplacement de l’aorte descendante (4) ou thoraco-abdominale (6) a été rendu nécessaire, du fait de la persistance d’un faux chenal perméable. Certes, on peut arguer du fait que cette expérience est étendue dans le temps et limitée en nombre et que les patients n’ont pas tous profité des techniques considérées maintenant comme optimales, à savoir, la canulation de l’artère axillaire droite, la perfusion antérograde de l’aorte, la perfusion sélective des vaisseaux cérébraux, et la confection d’une anastomose distale « ouverte », tous éléments qui concourent indubitablement à une réduction de la perméabilité du faux chenal et du taux de malperfusion. On peut également faire valoir que le remplacement systématique en urgence de la crosse de l’aorte chez ces patients comporte un certain risque de mortalité et de morbidité, qui en réduit les éventuels avantages. On peut aussi remarquer que les remplacements secondaires de la crosse aortique ne se sont accompagnés d’aucun décès et, donc, comportent un risque limité. Il n’empêche. Le nombre important de réinterventions et la nécessité de remplacer secondairement la crosse de l’aorte dans la grande majorité des cas devraient inciter à une attitude plus audacieuse et à l’extension systématique du remplacement vers la crosse aortique, lors de l’intervention d’urgence chez ces patients jeunes qui payent déjà un lourd tribut à leur affection.
Comment remplacer la crosse de l’aorte ? Après avoir considéré le temps et les indications de la réparation aortique, reste à en décrire les différentes modalités et à discuter leurs avantages et inconvénients respectifs.
l’aorte. C’est de loin la moins traumatisante des voies d’abord du thorax et celle à laquelle il faut toujours donner la priorité. Elle permet d’avoir un très bon accès à toute la crosse aortique jusqu’à l’isthme et même, chez certains sujets maigres, à la partie initiale de l’aorte descendante. Après ouverture du péricarde et des reliquats adipeux du thymus, la dissection et le contrôle de la partie horizontale de la crosse et des premiers centimètres des vaisseaux supra-aortiques, sont gênés par la présence du tronc veineux innominé. Il ne faut pas hésiter à le clamper, le lier et le sectionner. Ceci n’a aucune conséquence clinique si ce n’est, chez 5 à 10 % des patients, un léger œdème du membre supérieur gauche qui se résout en quelques jours.
Sternotomie médiane associée à une thoracotomie antéro-latérale Dans certains cas de lésions de la crosse aortique étendues à une partie importante de l’aorte descendante, il peut être nécessaire pour aborder ce segment vasculaire de compléter la sternotomie médiane verticale par une thoracotomie antéro-latérale. Celle-ci se pratique généralement dans le 5e ou le 6e espace intercostal et part du bord gauche du sternum. Elle s’arrête le plus souvent sur la ligne axillaire moyenne. Il est nécessaire de prévoir à l’avance ce type de voie d’abord car il faut que le patient soit légèrement tourné vers la droite. Il faut savoir que l’association de ces deux voies d’abord est assez délabrante, source de douleurs et donc de complications ventilatoires postopératoires non négligeables.
Double thoracotomie antérieure Voies d’abord La crosse de l’aorte est d’abord verticale, antérieure droite, puis horizontale oblique d’avant en arrière et de droite à gauche, puis à nouveau verticale et postérieure gauche. Ceci a pour conséquence les variations et les difficultés d’abord chirurgical selon que la lésion anévrysmale intéresse la partie proximale de la crosse de l’aorte, sa partie distale ou l’ensemble du segment et/ou qu’elle est associée à une lésion anévrysmale des segments adjacents.
C’est la première voie d’abord qui fut employée dans la chirurgie de la crosse de l’aorte. Elle est rapidement tombée en désuétude du fait de son caractère très délabrant, des complications pulmonaires qu’elle entraîne et surtout du fait, qu’avec les techniques modernes de CEC, d’hypothermie et d’arrêt circulatoire, la plupart des remplacements de la crosse de l’aorte peuvent se faire par sternotomie médiane. Elle a cependant connu récemment un regain d’intérêt avec la technique dite « Arch First Technique » (cf. infra).
Sternotomie médiane verticale
Thoracotomie postéro-latérale gauche
C’est la voie d’abord majeure de toute la chirurgie cardiaque. Elle constitue également la voie d’abord la plus usitée (90 % des cas) dans la chirurgie de la crosse de
En matière de crosse aortique, elle est employée en présence de lésions limitées de la crosse postérieure, n’impliquant pas d’abord de l’aorte ascendante.
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Elle implique que le malade soit intubé avec une sonde à double courant permettant l’exclusion du poumon gauche pendant les manœuvres de dissection, de contrôle et de canulation. Elle se pratique généralement dans le 4e espace intercostal. Elle donne un jour variable sur la crosse de l’aorte selon la morphologie du malade. Elle est, en particulier, peu favorable lorsque les malades sont de petite taille ou obèses. Comme toutes les thoracotomies, c’est une voie d’abord douloureuse, impliquant la mise en place d’un protocole de lutte contre la douleur dans les suites opératoires immédiates. Dans certains cas de lésions anévrysmales de la crosse postérieure étendues à l’aorte descendante, une deuxième thoracotomie peut être pratiquée dans le 6e ou 7e espace intercostal gauche par la même incision cutanée. Ces thoracotomies étagées permettent un excellent jour sur toute l’aorte descendante mais elles sont délabrantes. Les risques de fractures de côtes, la douleur postopératoire, l’instabilité de la cage thoracique après la fermeture sont sources de complications postopératoires.
Voies d’abord artériel À la différence des techniques chirurgicales concernant d’autres segments de l’aorte, le remplacement de la crosse aortique doit s’intéresser simultanément à deux grandes catégories d’action : le mode de remplacement de l’aorte elle-même et de ses branches essentielles que sont les vaisseaux du cou, mais également la protection de l’encéphale pendant le temps d’exclusion de la circulation cérébrale. Ces techniques de protection de l’encéphale sont variables dans leur principe, leurs modalités, leur mise en place. On ne peut donc les envisager sans décrire d’abord les divers modes d’accès vasculaire et, donc, les différentes techniques de canulation artérielle.
Canulation de l’aorte ascendante C’est bien entendu la technique standard dans la plupart des interventions de chirurgie cardiaque. Elle est trop utilisée pour que nous la décrivions ici. En matière de remplacement de la crosse aortique, elle peut être utilisée si l’aorte ascendante est épargnée par le processus pathologique. Mais alors, elle comporte le risque d’entraîner des embolies fibriniques ou athéromateuses dans les vaisseaux à destinée cérébrale. Elle peut constituer, par ailleurs, une gêne dans le champ opératoire lors de la réparation de la crosse. En matière de dissection aiguë, elle a été remise au goût du jour récemment par le groupe de Hanovre (30), suivi par quelques autres groupes (31, 32).
Malgré les excellents résultats rapportés, il ne nous semble pas que cette technique soit à recommander. En effet, elle exige que la sternotomie soit faite et le péricarde ouvert avant la mise en place de la CEC, ce qui peut se révéler délétère. Le risque de rupture de l’adventice aortique et, donc, d’hémorragie majeure lors de la canulation n’est pas nul. Enfin, il est absolument nécessaire de changer de site de canulation lors de la reprise de la CEC à la fin de l’arrêt circulatoire.
Canulation de l’artère fémorale Jusqu’à une date récente, la canulation de l’artère fémorale était quasi systématique. C’est, en effet, un vaisseau d’abord facile, sauf chez les sujets très obèses. Son calibre est en général suffisamment important pour que soit mise en place une canule permettant un grand débit à la CEC. Par ailleurs, lorsque le triangle de Scarpa est ouvert, il est aisé et rapide de canuler également la veine fémorale par une canule remontant jusque dans l’oreillette droite et de mettre en route la circulation extracorporelle. Ceci peut se révéler particulièrement utile en cas d’anévrysme de la crosse postérieure prolongé sur l’aorte descendante et abordé par thoracotomie gauche ou en cas de grande instabilité hémodynamique au cours d’une dissection aiguë. La canulation fémorale n’est cependant pas sans inconvénient. Elle peut se faire en aval d’une obstruction iliaque méconnue et ne pas permettre un débit artériel adéquat. Mais surtout, elle peut, chez des sujets très athéromateux, mobiliser des plaques, des débris ou des thrombus muraux et créer des embolies graves, en particulier cérébrales. Enfin, en cas de dissection de l’aorte thoraco-abdominale, elle peut être la cause de dilatation du faux chenal et de malperfusion ou de rupture. Pour toutes ces raisons, de nombreux chirurgiens choisissent actuellement la canulation de l’artère axillaire droite ou du tronc artériel brachio-céphalique qui ont l’avantage de permettre une perfusion antérograde de l’aorte.
Canulation de l’artère axillaire droite (33-35) Cette canulation a de nombreux avantages. On peut même penser qu’elle constitue un progrès majeur dans la chirurgie de la crosse aortique. En matière de dissection aiguë de l’aorte, il semble acquis que c’est la technique de choix et qu’elle a sûrement abondamment contribué à l’amélioration des résultats opératoires dans la dernière décennie (36-41). L’artère peut être abordée facilement dans le sillon delto-pectoral ou sous la clavicule. Dans ce segment,
Quand et comment remplacer la crosse de l’aorte ?
elle est exceptionnellement intéressée par un athérome important ou par le processus de dissection. Elle permet par définition, une perfusion antérograde de toute l’aorte à partir du tronc artériel brachio-céphalique. Par là même, elle ne nécessite pas que soit changé le site de canulation lorsque la CEC est reprise à la fin de la réparation aortique. Enfin, elle peut autoriser le maintien de la perfusion antérograde du cerveau par la carotide droite, en cas d’arrêt circulatoire. La canulation de l’artère axillaire droite est plus difficile et généralement plus longue que la canulation fémorale. La canulation proprement dite suit les mêmes règles que la canulation de l’artère fémorale. On a pu reprocher à l’artère axillaire droite d’être de petit calibre et ne pas permettre l’insertion d’une canule de calibre suffisant pour assurer un débit artériel adéquat. La canulation peut donc également se faire après insertion termino-latérale sur le vaisseau, d’un greffon en Dacron® de 10 mm de diamètre et de quelques centimètres de long dans lequel on insère la canule artérielle. Ce procédé a l’avantage de permettre une perfusion distale du membre supérieur pendant la CEC et permettrait de ne pas traumatiser l’artère lors de la canulation et lors de sa réparation. Mais il nous paraît compliqué, long, source d’hémorragie sur la suture et sans réel avantage.
A
Canulation du tronc artériel brachio-céphalique (fig. 2 a, b) C’est une technique encore peu usitée, et qui, pourtant, possède bien des avantages (42). Chez la plupart des adultes, le tronc artériel brachiocéphalique a un diamètre compris entre 10 et 15 mm, voire plus. Il peut sans difficulté accueillir une canule de type aortique droite ou angulée. Sa longueur (5 à 7 cm) est également suffisante pour que la canulation, faite distalement, ne gêne pas la réparation aortique, le clampage du vaisseau ou sa réimplantation. Souvent, ce segment artériel est indemne, pour tout ou partie, de lésions pariétales et sa canulation est sans risque d’embole de plaques ou de thrombus. Il est très simplement accessible par la sternotomie et son abord ne nécessite aucune autre incision. Quelle que soit la pathologie en cause, et comme pour l’artère axillaire, sa canulation permet de conduire toute la CEC sans changement de site de canulation et de perfuser, si besoin, le cerveau droit. La canulation se fait exactement comme la canulation de l’aorte ascendante.
B Fig.2 – A. Principe de canulation du tronc artériel brachio-céphalique (TABC). B. Canulation du TABC.
Protection cérébrale Actuellement, les techniques de protection de l’encéphale se divisent selon deux grands concepts : – les méthodes visant à diminuer au maximum les besoins métaboliques du cerveau, elles reposent essentiellement sur l’hypothermie profonde ; – les méthodes tendant à fournir au cerveau ses besoins métaboliques malgré l’exclusion circulatoire, elles regroupent toutes les techniques de perfusion cérébrale antérograde.
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Hypothermie profonde (43) C’est une technique qui reste très employée. Elle se définit comme le refroidissement de l’ensemble de l’organisme à une température égale ou inférieure à 20° C. Elle est obtenue par refroidissement du malade par la circulation extracorporelle. Cette technique a de nombreux avantages : – elle est d’une grande simplicité et ne requiert aucun équipement particulier autre qu’un circuit de CEC ordinaire avec un échangeur thermique efficace ; – elle a l’énorme intérêt de permettre un arrêt circulatoire global et d’éviter tout clampage aortique dangereux ou difficile. Mais elle est grevée d’un certain nombre d’inconvénients qui en limitent l’intérêt et en restreignent actuellement les indications : 1. Les critères permettant de déclencher l’arrêt circulatoire ne sont pas parfaitement définis. Ainsi, de nombreux auteurs considèrent que l’on peut arrêter la CEC dès que la température rectale atteint 20° C. Il a cependant été démontré qu’à cette température la consommation en oxygène du tissu cérébral est encore de 19 % et, surtout, que la diminution de la consommation d’oxygène étant exponentielle, elle ne devient jamais nulle (44, 45). 2. La nécessité d’éviter d’importants gradients de température entre les organes et à l’intérieur d’un organe donné (en particulier l’encéphale) oblige à refroidir puis à réchauffer les malades de façon progressive. Ceci exige donc des temps de CEC longs. Ces très longues durées de CEC, responsables de nombreux désordres inflammatoires, de troubles importants de la coagulation, augmentent incontestablement le risque infectieux et conduisent donc à des complications postopératoires indues. 3. Mais le problème majeur reste celui du temps d’arrêt circulatoire autorisé pour mener à bien la réparation aortique. Il semble actuellement admis que, chez l’homme, la durée de sécurité n’excède pas 45 minutes (46). Bien que la plupart des gestes requérant un arrêt circulatoire puissent se faire dans ce délai, aucun chirurgien ne peut prévoir que des difficultés imprévues, une anatomie particulière, ne vont pas obliger à un arrêt circulatoire de durée supérieure et donc entraîner pour le patient un incontestable risque. Pour toutes ces raisons, les résultats obtenus avec l’hypothermie profonde isolée varient beaucoup dans la littérature mais sont dans l’ensemble décevants en termes de complications neurologiques (47-51). En particulier, si le taux d’accidents définitifs reste acceptable, l’incidence des troubles de conscience et cognitifs immédiats et à moyen terme reste très importante.
Perfusion cérébrale rétrograde par la veine cave supérieure en hypothermie profonde (52) Ses promoteurs ont pensé que, au cours de l’arrêt circulatoire en hypothermie profonde, le flux sanguin cérébral pouvait être inversé et maintenu par une perfusion allant du système veineux au système artériel à travers le réseau capillaire puis artériolaire et qu’ainsi on pourrait maintenir l’homéostasie métabolique (52). Elle consiste donc à perfuser de façon rétrograde, à travers la veine cave supérieure, du sang oxygéné refroidi à la température générale de la CEC. Elle est donc indissociable de l’hypothermie profonde. Le circuit de CEC est un circuit habituel auquel on ajoute une ligne de court-circuit (« shunt ») entre la ligne artérielle et la ligne de drainage de la veine cave supérieure. Le débit doit être réglé pour que la pression dans la veine cave supérieure soit maintenue entre 20 et 25 mmHg, de façon à éviter les phénomènes d’hyperperfusion et les complications en résultant. Cette technique a rapidement été adoptée par un grand nombre de centres et reste encore assez largement utilisée. En effet, plusieurs auteurs ont rapporté des résultats favorables en comparaison avec les résultats de l’hypothermie profonde isolée (53-55). En particulier, il semble admis que la limite de temps d’arrêt circulatoire permise pour la réparation artérielle ait été repoussée à 60 minutes (56). Pourtant, son mode d’action et ses résultats sont actuellement largement remis en question aussi bien sur le plan expérimental que sur le plan clinique (5763). Il semble qu’actuellement un consensus général s’est dégagé pour estimer que la rétroperfusion cérébrale par la veine cave supérieure n’est pas une méthode de protection cérébrale proprement dite, mais qu’elle ne fait que maintenir de façon efficace l’hypothermie du cerveau en irrigant essentiellement le système veineux dure-mérien, autorisant ainsi des temps d’arrêt circulatoire augmentés.
Perfusion cérébrale sélective antérograde Son principe est d’apporter au cerveau les métabolites énergétiques nécessaires et non plus de limiter les conséquences de l’ischémie induite par l’arrêt circulatoire général. Elle consiste à perfuser, dans le sens physiologique, le tronc artériel brachio-céphalique et l’artère carotide primitive gauche avec du sang oxygéné à un débit et une pression suffisants pour maintenir un apport métabolique adéquat, à la température choisie. En pratique, après abaissement de la température au niveau désiré et canulation des troncs supra-aortiques, la CEC principale est interrompue, entraînant un arrêt circulatoire de tout l’hémicorps inférieur. La perfusion
Quand et comment remplacer la crosse de l’aorte ?
cérébrale sélective est alors mise en route. La plupart des auteurs sont d’accord pour estimer qu’aux niveaux de température généralement choisis, un débit cérébral de 10 mL/min/kg de poids corporel est suffisant pour maintenir correctement l’homéostasie (64). C’est pendant le temps d’arrêt circulatoire distal, à aorte ouverte, que se font le remplacement de la crosse et la réimplantation des troncs supra-aortiques. Lorsque d’autres gestes chirurgicaux doivent être associés au remplacement de la crosse aortique (chirurgie valvulaire, remplacement de la racine aortique, etc.), ils sont en général faits pendant ce temps de réchauffement. Ceci présente l’avantage de synchroniser la durée des gestes chirurgicaux avec la durée de la CEC et de ne pas prolonger celle-ci inutilement. Il existe plusieurs modalités de perfusion sélective antérograde. Elles différent essentiellement sur trois points : – la température centrale ; – la température du perfusat cérébral ; – le type de canulation des vaisseaux cérébraux.
Température centrale De nombreux auteurs utilisant la perfusion cérébrale sélective antérograde continuent de l’associer à l’hypothermie profonde généralisée. Ils considèrent en effet que ceci leur confère une plus grande sécurité pour la protection viscérale et médullaire lors de l’arrêt circulatoire de l’hémicorps inférieur et permet, en cas de nécessité, d’interrompre la perfusion cérébrale sélective pendant un certain laps de temps. Nous pensons que cette façon de faire n’est pas utile, car, d’une part, elle associe tous les inconvénients de l’hypothermie profonde généralisée aux éventuels inconvénients de la perfusion cérébrale sélective, d’autre part, parce qu’il est largement prouvé que l’arrêt circulatoire distal d’une durée de 45 à 60 minutes peut être conduit en hypothermie moyenne (23 à 25° C de température rectale) sans que cela entraîne de complications ischémiques, viscérales ou médullaires (64, 65).
Au circuit habituel de CEC, sont ajoutées une ligne artérielle et une pompe spécifiques avec un échangeur thermique indépendant de celui du circuit principal (fig. 3). Dans cette technique, le tronc artériel brachio-céphalique et l’artère carotide primitive gauche sont canulés latéralement par l'intermédiaire de bourses tendues sur des tourniquets. Des canules coudées à deux orifices ont été spécialement élaborées pour cet usage. Elles existent en plusieurs diamètres, ce qui permet de les adapter au calibre du vaisseau. Du fait de la très basse température du sang perfusé, un débit de 5 à 7 mL/min/kg de poids peut être utilisé sans danger, à la condition que la pression carotidienne soit maintenue à un minimum de 60 mmHg car, à cette température, l’autorégulation du débit sanguin cérébral disparaît pour laisser place à un rapport direct pression-débit. Lorsque la température rectale atteint 27° C, la CEC générale est interrompue, les vaisseaux du cou sont clampés à l’origine et la perfusion sélective débutée. L’anastomose distale sur l’aorte (quelles qu’en soient les modalités) est alors constituée. La prothèse est clampée en amont de cette anastomose et la CEC générale est reprise. La réimplantation des vaisseaux supra-aortiques peut alors être faite soit « en bloc », soit séparément en commençant par l’artère sous-clavière gauche. Le temps d’arrêt circulatoire de l’hémicorps inférieur est donc réduit au temps de l’anastomose distale. Cette technique a prouvé son efficacité et son innocuité en fournissant des résultats très supérieurs à ceux obtenus avec l’hypothermie profonde isolée, en termes de mortalité mais surtout de complications neurologiques (65).
Perfusion cérébrale par du sang très froid (10 à 12° C) ou technique de Guilmet (66, 67) Elle a pour but d’associer les avantages du refroidissement cérébral avec les avantages de la perfusion au sang oxygéné (distribution uniforme du froid à tout l’encéphale, maintien de l’apport métabolique, conservation du pH du fait du pouvoir tampon de l’hémoglobine). La perfusion cérébrale sélective se fait donc avec du sang refroidi à 10-12° C tandis que la température centrale (rectale) est maintenue à 25-27° C.
Fig. 3 – Circuit de perfusion et technique de canulation des vaisseaux du cou dans la technique de Guilmet.
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Elle n’est cependant pas sans inconvénients : – elle exige un circuit de CEC relativement sophistiqué et onéreux ; – la canulation latérale des vaisseaux du cou n’est pas sans danger, en cas de dissection aiguë ou d’athéromatose sévère de ces vaisseaux ; – à l’origine, la technique a été décrite pour être utilisée avec canulation artérielle fémorale. L’utilisation de plus en plus fréquente de la canulation de l’artère axillaire droite ou du tronc artériel brachiocéphalique pour la CEC générale rend son utilisation plus difficile.
Perfusion cérébrale sélective antérograde au sang en hypothermie moyenne ou technique de Kazui (68) Elle diffère de la technique de Guilmet par le niveau de température de la perfusion cérébrale et par le mode de canulation des vaisseaux supra-aortiques. Le circuit habituel de CEC est peu modifié. Seule est ajoutée une ligne de dérivation de la ligne artérielle principale, par laquelle on pourra perfuser le tronc artériel brachio-céphalique et l’artère carotide gauche à la température de la CEC systémique. La température centrale du malade est abaissée entre 23 et 25° C. Lorsque ce niveau de température est atteint, la CEC est arrêtée. Lorsque la réimplantation des vaisseaux du cou se fait « en bloc », la crosse de l’aorte est ouverte et le tronc artériel brachio-céphalique et l’artère carotide gauche sont canulés par l’intérieur. Lorsque les vaisseaux du cou sont réimplantés séparément, ils sont clampés à leur origine, puis sectionnés et canulés sélectivement (fig. 4).
Fig. 4 – Technique de canulation et de perfusion dans la méthode de Kazui (les vaisseaux du cou sont ici réimplantés séparément).
La canulation étant endoluminale, on peut utiliser des canules à ballonnet autogonflable telles, par exemple, que les canules de cardioplégie rétrograde, ou bien des canules spécialement dessinées et fabriquées pour cet usage. Pour maintenir ces canules en place, les vaisseaux doivent être contrôlés par un lac et serrés autour de la canule par un tourniquet. La perfusion est faite au débit de 10 mL/min/kg, en maintenant la pression carotidienne entre 60 et 70 mmHg. Dès que l’anastomose distale est terminée, on peut reprendre la circulation générale par l’artère fémorale, si celle-ci a été canulée ou, mieux, dans le sens antérograde, si la prothèse possède une branche collatérale. Les canules sont retirées en maintenant un certain débit de perfusion de façon à éviter l’aspiration d’air dans les vaisseaux du cou, ou à chasser les éventuels emboles solides ou gazeux. Du fait de sa simplicité de mise en œuvre et de l’innocuité du mode de canulation des vaisseaux du cou, la technique de Kazui a acquis une grande popularité (64, 70, 71). Nous-mêmes avons, depuis quelques années, adopté la technique de perfusion en hypothermie modérée associée à la canulation de l’artère axillaire droite ou du tronc artériel brachio-céphalique. C’est actuellement notre technique de choix (tableau I ; fig. 5 a, b). Tableau I – Schéma de notre technique actuelle de protection cérébrale lors des remplacements de la crosse aortique.
Sternotomie médiane verticale Canulation Artère axillaire droite ou tronc artériel brachio-céphalique
Ligature-section du tronc veineux innominé Canulation de l’oreillette droite Température rectale : 25-28° C Température nasopharyngée : 23-25° C
Arrêt circulatoire distal
Clampage origine du TABC Perfusion axillaire ou TABC : 10 mL/kg/min Ouverture de la crosse
Canulation artère
Perfusion bilatérale : carotide gauche 10 mL/kg/min Résection de la crosse Découpe de la coiffe des vaisseaux du cou ou section des vaisseaux
Anastomose distale
Découpe de la prothèse Réimplantation de la coiffe ou des vaisseaux Purge de la prothèse
Reprise de la CEC complète
Réchauffement
Anastomose ou réparation proximale
Quand et comment remplacer la crosse de l’aorte ?
A
Elle se pratique généralement par l’artère axillaire droite, mais il a été proposé récemment de la conduire par canulation de l’artère carotide droite par l’intermédiaire d’un greffon de Dacron® cousu en termino-latéral (72). Bien que les résultats colligés soient bons (73-75), la perfusion unilatérale nous semble quelque peu dangereuse, car environ 10 % des humains ont des anomalies anatomiques du cercle de Willis et donc une absence de connexions fonctionnelles entre les deux hémisphères ou entre les hémisphères et le cerveau postérieur. La perfusion unilatérale risque donc de maintenir en ischémie sévère une partie plus ou moins importante de l’encéphale et de se traduire par des désordres neurologiques postopératoires graves. À notre sens, cette technique ne doit donc s’employer que pour des lésions chroniques de malades chez qui une évaluation complète de la vascularisation cérébrale a pu être effectuée. Par ailleurs, la mise en place d’une ligne de perfusion dans l’artère carotide gauche étant d’une grande facilité et ne demandant que quelques secondes ou minutes, les raisons de priver les malades de cette sécurité sont difficilement compréhensibles.
Faut-il perfuser ou reperfuser l'artère sous-clavière gauche ?
B Fig. 5 – A. Schéma de notre technique actuelle de perfusion des vaisseaux du cou en hypothermie modérée. B. Vue opératoire de la technique.
Perfusion cérébrale sélective antérograde unilatérale droite Pour simplifier au maximum la perfusion cérébrale, certains auteurs ont proposé récemment de perfuser en hypothermie moyenne (25 à 28° C) uniquement les artères carotide et vertébrale droites à travers la canulation de l’artère axillaire droite, au prétexte que les connections artérielles entre les deux hémisphères cérébrales sont nombreuses et fonctionnelles. Cette technique avait déjà été proposée dès 1986 par le groupe de Stanford (71), mais cette expérience limitée ne sembla pas avoir eu de suites.
Dans la plupart des expériences de perfusion sélective des vaisseaux du cou, rapportées dans la littérature, seuls sont perfusés le tronc artériel brachio-céphalique et l'artère carotide gauche. Il semble que cela n'entraîne guère de complications. Ceci est vrai à plusieurs conditions. Chaque fois qu'on le peut, il faut vérifier avant l'intervention l'anatomie et la qualité de la circulation vertébrale et basilaire. Lorsque l'artère vertébrale gauche est très dominante, voire exclusive, la perfusion de l'artère sous-clavière gauche va se révéler indispensable. Dans tous les cas, il est indispensable d'éviter un vol cérébral postérieur. Il faut donc que l'artère sous-clavière soit clampée ou, mieux, obstruée par une sonde de Foley de petit diamètre pendant tout le temps de la perfusion cérébrale. Dans notre expérience, portant sur plus de 230 patients, nous avons observé cinq cas de paralysie des nerfs moteurs oculaires constituant une importante infirmité pour les malades. Il s'agissait dans tous les cas de suites de réinterventions difficiles pendant lesquelles l'artère sous-clavière gauche ne pouvait être obstruée ou avait été liée. Enfin, comme il a été démontré par Griepp (76) et Biglioli (77), l'artère sous-clavière gauche participe par le réseau vertébral à l'axe spinal antérieur. Sa suppression peu entraîner une altération de la circulation dans des cas de vascularisation aléatoire de cet axe (dissection chronique avec malperfusion, remplacement préa-
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lable de l'aorte abdominale, etc.). Nous avons ainsi observé deux cas de paraplégies postopératoires chez des malades pour qui la sous-clavière gauche n'a pu être réimplantée et qui souffraient d'une dissection chronique distale. Pour ce qui concerne les techniques utilisant des endoprothèses, il s'agit d'un domaine de controverse encore vive et non résolue, que nous laissons aux spécialistes de ces techniques.
Réparation aortique Remplacement complet de la crosse horizontale Il intéresse les lésions pour lesquelles il est nécessaire de pratiquer l’anastomose distale en aval de l’artère sousclavière gauche, au niveau de l’isthme aortique. C'est le seul que nous considèrerons dans ce chapitre. Les modalités de remplacement de toute la crosse aortique sont nombreuses. Les variations concernent : – l’anastomose distale ; – la réimplantation de vaisseaux du cou ; – les techniques alternatives.
Anastomose distale simple Quelles qu’en soient les modalités, elle doit être faite très soigneusement. En effet, son étanchéité doit être parfaite car, une fois la réparation aortique terminée et le montage remis en charge, il est pratiquement impossible de retourner dans cette zone pour compléter l’hémostase. L’anastomose est généralement faite bord à bord par un surjet continu de polypropylène 3 ou 4/0. Pour assurer l’étanchéité d’emblée, il n’est pas inutile de renforcer la suture de la prothèse par une bandelette de feutre de Téflon®. On peut également réaliser la suture par une série de points séparés en « U » appuyés sur des attelles de Téflon® et passés dans l’aorte de dehors en dedans, puis dans la prothèse de dedans en dehors, et noués à l’extérieur. Ceci a le mérite de légèrement invaginer la prothèse à l’intérieur de la lumière aortique. C’est une technique particulièrement utile lorsqu’existe un certain degré d’incongruence entre le diamètre de l’aorte et le diamètre de la prothèse aux dépens de cette dernière. On peut enfin anastomoser par un surjet continu l’extrémité distale de la prothèse à l’intérieur de l’aorte, à un ou deux centimètres de la recoupe aortique, puis utiliser le rebord aortique restant pour constituer, sur la
prothèse, une deuxième ligne de suture. En cas de fuite modérée de la première ligne de suture, le saignement est empêché par le doublage aortique.
Anastomose distale en « trompe d’éléphant » L’anastomose distale peut également être faite en « trompe d’éléphant » selon la technique proposée par Borst (78). Cette technique a l’avantage de faciliter une éventuelle réintervention sur l’aorte distale par thoracotomie gauche en cas de lésion résiduelle évolutive. Elle est donc indiquée chez des sujets chez qui, d’emblée, l’aorte descendante est dilatée ou chez des sujets déjà opérés d’une dissection aiguë de type A avec dissection résiduelle chronique (79, 80). Après préparation du moignon aortique distal, la prothèse en Dacron® est invaginée en elle-même sur environ dix centimètres. Les deux segments invaginés l’un sur l’autre sont introduits dans l’aorte distale. La suture est faite entre le moignon aortique et la prothèse sur la ligne de retournement de celle-ci, soit par un surjet continu de polypropylène 3 ou 4/0, soit par une série de points séparés eu « U » appuyés sur des attelles de Téflon®. Une fois la suture terminée, la prothèse est désinvaginée et son extrémité proximale tirée en dehors de l’aorte distale (fig. 6 a, b, c, d).
Réimplantation des vaisseaux du cou La réimplantation des trois vaisseaux à destinée cérébrale ou brachiale peut se faire « en bloc » en réimplantant, au sommet de la prothèse vasculaire, une coiffe contenant l’origine des trois artères, ou bien séparément. Dans quelques cas particuliers, les deux techniques peuvent être associées, un des vaisseaux, très endommagé, étant réimplanté séparément alors que les deux autres sont réimplantés « en bloc ».
Réimplantation « en bloc » Pour les mêmes raisons que l’anastomose distale, il vaut mieux ne pas pratiquer la réimplantation par l’intérieur de l’aorte, de façon à assurer une suture aussi parfaite que possible d’emblée, la partie postérieure de la réimplantation n’étant plus accessible une fois le montage terminé et remis en charge. Une collerette contenant les trois orifices vasculaires est donc découpée. Elle doit être la plus étroite possible, de façon à éliminer au maximum tout tissu pathologique. Néanmoins, elle doit permettre la constitution facile de l’anastomose en toute sécurité.
Quand et comment remplacer la crosse de l’aorte ?
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Fig. 6 – A. Technique de la trompe d’éléphant : la prothèse invaginée sur elle-même est introduite dans l’aorte descendante. B. La prothèse est cousue à l’aorte le long du pli d’invagination. C. La partie interne de la prothèse est retirée vers l’extérieur. D. Les vaisseaux du cou sont réimplantés dans la partie extérieure de la prothèse.
On découpe au sommet de la prothèse vasculaire un orifice ovalaire correspondant exactement à la coiffe des vaisseaux du cou. Il faut, pour que cette découpe ne se révèle pas trop grande au moment de la suture, très bien étirer la prothèse (le gaufrage de celle-ci doit disparaître sous la tension). Avec les prothèses tissées, il est préférable que les découpes soient faites au thermocautère pour éviter l’effilochage des bords de la prothèse et l’éventuelle migration de fibres dans les vaisseaux cérébraux. La coiffe est alors cousue directement sur la découpe, par un simple surjet de polypropylène 4/0
(fig. 7 a, b). Là encore, la suture doit être commencée à l’extrémité distale, à la pointe de la découpe prothétique et l’hémi-surjet postérieur fait en premier.
Réimplantation « séparée » des vaisseaux du cou Lorsque l’origine des troncs supra-aortiques ne permet pas une réimplantation correcte (présence d’athérome, dissection délabrante, etc.), il est préférable de réimplanter séparément chaque vaisseau. C’est une technique adoptée quasi systématiquement par certains groupes ou dans certains pays, comme le Japon.
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Fig. 7 – A. Schéma de la réimplantation « en bloc » des vaisseaux du cou. B. Vue opératoire après la réimplantation.
Pour éviter la répétition d’anastomoses fastidieuses et également le risque de saignement lié à toutes les sutures, il existe actuellement des prothèses aortiques préparées industriellement, assorties de trois ou quatre branches collatérales permettant une réduction significative du temps de réparation et, éventuellement, d’arrêt circulatoire. La technique la plus simple est de réimplanter les vaisseaux de la gauche vers la droite en commençant par l’artère sous-clavière gauche, puis la carotide gauche, enfin le tronc artériel brachio-céphalique. Chaque artère cervicale est sectionnée distalement, en zone saine. La suture entre le court segment latéral et le vaisseau est faite en termino-terminal par un simple surjet de polypropylène 5/0. Si le cerveau est perfusé de façon sélective et que des canules endo-luminales sont placées dans la carotide gauche et le tronc artériel brachio-céphalique, elles sont laissées en place pendant la constitution du surjet et enlevées juste avant que celui-ci ne soit fini et les fils noués. Certains ont proposé de reprendre la circulation extracorporelle dès que l’artère sous-clavière gauche est réimplantée, en clampant le tube aortique juste en amont de ce vaisseau, puis de remettre en charge la carotide gauche dès qu’elle est réimplantée et de faire de même, enfin, avec le tronc artériel brachio-céphalique. Ceci a l’intérêt de diminuer le temps d’exclusion cérébrale. Mais cela implique que l’on ait canulé la prothèse aortique, soit directement, soit par l’intermédiaire du tube collatéral prévu à cet effet.
Kazui a décrit une méthode dans laquelle il réimplante l’artère sous-clavière gauche, puis, remettant en charge ce vaisseau, reprend la circulation extracorporelle de façon antérograde à travers la prothèse aortique. Il confectionne ensuite l’anastomose proximale de la prothèse aortique et, après purge aérique de cette prothèse, déclampe, remet en charge les artères coronaires et réchauffe le malade. Il réimplante alors, successivement, la carotide gauche et le tronc artériel brachio-céphalique (81). Il réduit ainsi au maximum le temps d’exclusion cérébrale. Dans la technique de canulation latérale du tronc artériel brachio-céphalique et de la carotide gauche décrite par Guilmet et al. (66, 67), les vaisseaux du cou peuvent être réimplantés sans hâte puisqu’il n’y a jamais interruption de la perfusion sélective. En revanche, cette méthode exige que le vaisseau soit clampé en amont de la canule.
Techniques inhabituelles Technique de la double prothèse (82) Ses promoteurs utilisent un moyen de réduire le temps d’exclusion vasculaire cérébrale en employant la perfusion cérébrale antérograde, par l’intermédiaire d’un tube prothétique cousu en termino-terminal sur une coiffe contenant les vaisseaux du cou. Pendant ce temps, le remplacement de la crosse aortique proprement dite est effectué et enfin, les deux prothèses sont anastomosées l’une à l’autre en termino-latéral.
Quand et comment remplacer la crosse de l’aorte ?
Après ouverture du thorax, mise en place de la CEC, la température centrale du malade est abaissée entre 10 et 13° C. Lorsque cette température est atteinte, la circulation est arrêtée. Le malade est mis en position déclive (Trendelenburg) prononcée, la crosse de l’aorte est ouverte. Une coiffe contenant les trois orifices des vaisseaux du cou est découpée de façon adéquate. Une prothèse en Dacron® de 16 mm de diamètre est alors taillée selon un biseau correspondant à la taille de la coiffe des vaisseaux supra-aortiques et cousue à celle-ci en termino-terminal. Une canule artérielle est alors introduite dans la prothèse et la perfusion cérébrale antérograde est mise en route pour maintenir un débit aux alentours de 10 mL/min/kg et une pression aux environs de 50 mmHg. L’anévrysme de la crosse de l’aorte est alors réséqué. Une prothèse de longueur et de diamètre appropriés est cousue sur l’aorte distale puis sur l’aorte proximale. Si l’artère fémorale a été canulée, on peut alors reprendre la CEC générale, après purge soigneuse de l’aorte et de la prothèse et commencer à réchauffer le malade. La prothèse des vaisseaux du cou et la prothèse aortique sont alors anastomosées l’une à l’autre, en termino-latéral, pendant un bref temps de clampage latéral de la prothèse aortique. Sinon, le réchauffement n’étant pas entamé, les deux prothèses sont anastomosées l’une à l’autre pendant un deuxième temps bref d’arrêt circulatoire. On peut aussi canuler la partie distale de la prothèse aortique, la clamper en amont de la canule et reprendre la CEC générale et le réchauffement du malade tandis que l’on réalise l’anastomose entre les deux prothèses. Ainsi, le temps maximal d’ischémie cérébrale se résume aux périodes de montage de la prothèse sur les vaisseaux du cou et au temps d’anastomose entre les deux prothèses.
Technique de la « crosse première » (« arch first technique ») (83, 84) Elle est destinée à permettre le traitement en un temps de lésions étendues pouvant inclure l’aorte ascendante, la crosse de l’aorte et l’aorte descendante et de réduire, autant que possible, la durée de l’arrêt circulatoire nécessaire pour la reconstruction aortique. La voie d’abord choisie est la thoracotomie bilatérale dans le 4e espace intercostal. Le circuit de CEC doit comprendre une ligne de dérivation artérielle destinée à la perfusion des vaisseaux cérébraux à travers la prothèse. La température centrale du malade est descendue jusqu’à 16° C. Après section du tronc veineux innominé, la crosse de l’aorte et les vaisseaux supra-aortiques sont disséqués et contrôlés sur lacs. Le paquet méso-adipeux contenant les nerfs phrénique, récurrent et pneumogastrique gauches, est isolé sur lac pour les préserver.
Lorsque la température centrale désirée est atteinte, la CEC est interrompue. Il est important de placer le malade en position de Trendelenburg pour éviter l’irruption d’air dans les vaisseaux à destinée cérébrale. Certains d’ailleurs préfèrent clamper ces vaisseaux à quelques centimètres de leur origine pendant l’arrêt circulatoire. La crosse aortique est ouverte. Les vaisseaux du cou sont alors réimplantés, soit « en bloc », soit « séparément » à une prothèse de taille et de longueur adéquates possédant une branche latérale. La prothèse est alors clampée de part et d'autre de la réimplantation des vaisseaux du cou. Une canule artérielle est alors mise en place dans la branche latérale de la prothèse et la perfusion des vaisseaux du cou mise en route au débit d’environ 10 mL/min/kg. Si l’artère axillaire droite a été canulée, la perfusion cérébrale est faite par ce vaisseau. Ainsi, le temps d’ischémie cérébrale est réduit au temps d’ouverture de la crosse et de réimplantation des vaisseaux. Ceci excède rarement 30 minutes. Dès lors, l’anévrysme de l’aorte descendante est ouvert longitudinalement. La partie distale de la prothèse est descendue à l’intérieur de l’aorte descendante et anastomosée en zone saine. Après purge de la partie distale de la prothèse, celle-ci est déclampée et la CEC reprise à plein débit, tandis que l’on entame le réchauffement du malade. La partie proximale de la prothèse est alors anastomosée sur l’aorte ascendante. Si un geste est nécessaire à ce niveau (remplacement valvulaire aortique, intervention de Bentall, plastie mitrale, etc.), il est effectué en général à ce moment.
Techniques hybrides Les variantes de technique hybride sont multiples. Elles utilisent cependant toutes le même principe, qui est de traiter la lésion de la crosse aortique et son éventuelle extension à l’aorte descendante par mise en place d’une endoprothèse armée dans la crosse aortique et l’aorte descendante par ouverture de la crosse horizontale (85, 86).
Techniques utilisant la circulation extracorporelle Elles sembleraient particulièrement utiles en cas de dissection aiguë ou chronique intéressant l’aorte distale. Dans ces cas, en effet, elles permettent l’effacement du faux chenal sur toute la zone située en regard de l’endoprothèse et peuvent donc amener à une « guérison » au moins partielle de la dissection à ce niveau. En l’absence de portes d’entrée secondaires distales, on a pu voir la disparition complète de la dissection sur toute la hauteur de l’aorte thoraco-abdominale. Mais cette éventualité n’est pas fréquente.
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Lésions intéressant toute la crosse de l’aorte et étendues à l’aorte descendante. « Frozen Elephant Trunk Technique » Après mise en route de la CEC, refroidissement du malade et mise en œuvre des protections cérébrale et myocardique, la crosse de l’aorte est ouverte et réséquée. La section distale se fait transversalement immédiatement en arrière de l’artère sous-clavière gauche. L’endoprothèse, dont la taille et la longueur ont été prédéterminées avant l’intervention par mesure faites sur CT-scan et angiographie, est introduite dans le sens antérograde jusqu’à ce que son extrémité distale soit en regard d’une zone saine d’aorte descendante où l’on puisse l’appuyer sur environ 2 à 2,5 cm. Le bon positionnement de l’endoprothèse est en général vérifié par échographie transœsophagienne. L’endoprothèse est alors larguée. Selon les types de prothèse utilisée, l’extrémité distale est amarrée solidement par gonflement d’un ballonnet ou passivement par expansion thermique. L’extrémité proximale de l’endoprothèse est alors suturée à la recoupe proximale de l’aorte horizontale. Une fois l’endoprothèse mise en place, son extrémité proximale est anastomosée à une prothèse vasculaire non armée sur laquelle on va réimplanter les vaisseaux du cou « en bloc » ou séparément. Pour faciliter cette intervention et éviter la constitution de l’anastomose entre les deux prothèses, Haverich et al. ont développé récemment une prothèse mixte, dont l’extrémité distale est armée et dont la moitié proximale est une prothèse ordinaire, repliée à l’intérieur de la partie armée (87). L’ensemble est introduit dans l’aorte descendante et amarré de façon adéquate. Puis la partie non armée de la prothèse est désinvaginée et utilisée pour remplacer la crosse horizontale et réimplanter les vaisseaux du cou. Plusieurs expériences de ces différentes techniques ont été publiées ces dernières années. Il est trop tôt pour exactement apprécier leur éventuel bénéfice. Les résultats immédiats semblent bons (88-91). Mais ces techniques ne sont pas dépourvues d'inconvénients. En particulier, alors que l’on pourrait penser que la mise en place de l’endoprothèse se fait facilement et rapidement, les temps de CEC et d’arrêt circulatoire distal sont longs, et, en tout état de cause, pas inférieurs à ceux généralement rapportés pour la chirurgie conventionnelle (92). Par ailleurs, ces techniques ne semblent pas mettre complètement à l’abri d’une complication neurologique per- ou postopératoire immédiate. Le taux d’accidents vasculaires cérébraux est identique, voire supérieur à celui observé avec la chirurgie conventionnelle, et plusieurs cas de paraplégie ont été rapportés (92). En particulier, il semble acquis que les anévrysmes trop étendus sur l’aorte descendante doivent être exclus de ces méthodes. Il faut, en
effet, éviter que l’extrémité distale de l’endoprothèse dépasse D7 ou D8 pour ne pas compromettre l’ensemble de la vascularisation médullaire à travers les artères intercostales concernées (92). Pour ce qui concerne le long terme, même si, dans de nombreux cas, l’anévrysme ou la dissection chronique de la crosse postérieure et de l’aorte descendante ont régressé, le devenir des endoprothèses reste inconnu et il semble qu’il ne soit pas entièrement dénué de complications. Lorsque l’artère sous-clavière gauche a été détachée, de nombreux auteurs la réimplantent. Ceci se fait, soit par pontage carotido-sous-clavier gauche, soit par implantation d’un tube de Dacron® anastomosé latéralement sur l’aorte ascendante par clampage latéral. D’autre choisissent de la lier et, en cas d’ischémie postopératoire du membre supérieur gauche, de pratiquer secondairement un pontage carotido-sous-clavier gauche. Ceci, cependant, n’est pas sans danger et ne doit être fait qu’à la condition que la circulation cérébrale ait été vérifiée et que l’on ait l’assurance que l’artère vertébrale gauche ne constitue pas la voie préférentielle de vascularisation du cerveau postérieur.
Techniques n’utilisant pas la circulation extracorporelle Elles sont destinées à traiter les lésions de la crosse horizontale chez des malades chez qui la mise en œuvre d’une circulation extracorporelle, d’un arrêt circulatoire et ventilatoire constitue un risque majeur. Elles impliquent que l’aorte ascendante soit saine. Leur principe repose sur la translocation de l’origine des vaisseaux supra-aortiques sur l’aorte ascendante par l’intermédiaire de tubes prothétiques par sternotomie médiane, puis par la mise en place dans la crosse de l’aorte, par voie périphérique, d’une endoprothèse (93). Dans un premier temps, la crosse de l’aorte et les vaisseaux du cou sont disséqués et contrôlés. Une prothèse à trois branches dont le diamètre correspond à celui des vaisseaux du cou est préparée. Le plus souvent, on utilise une prothèse bifurquée destinée à la chirurgie de la bifurcation aorto-iliaque, à laquelle on ajoute une branche de même calibre. Le corps de cette prothèse est alors implanté à la partie antéro-droite de l’aorte ascendante, sous clampage latéral. Le site de clampage doit donc être soigneusement repéré, en s’aidant éventuellement de l’échographie transœsophagienne ou épiaortique. L’anastomose est faite par surjet continu au polypropylène 4/0. Puis les vaisseaux du cou sont successivement clampés à quelque distance de leur origine, sectionnés et le moignon sur la crosse aortique lié. Chaque vaisseau est alors anastomosé en termino-terminal à la branche prothétique correspondante, par un simple surjet de
Quand et comment remplacer la crosse de l’aorte ?
polypropylène 5/0. On peut aussi réimplanter directement l’artère sous-clavière gauche dans la carotide primitive gauche. Une fois cette translocation effectuée, une endoprothèse de longueur et de diamètre adéquats est mise en place par voie périphérique (le plus souvent par abord de l’artère fémorale ou iliaque gauche) et amarrée, d’une part sur l’aorte ascendante juste après l’implantation de la prothèse des vaisseaux du cou, et d’autre part sur la crosse postérieure ou l’aorte descendante. Ces techniques dont l'usage semble se développer peuvent être d'un très grand intérêt en cas de rupture imminente ou constituée, pour laquelle la chirurgie conventionnelle, lourde à mettre en place, est grevée d'une morbi-mortalité excessive. En revanche, elles nous semblent discutables pour les lésions chroniques opérées électivement. Elles sont en effet censées constituer des interventions moins lourdes et destinées à éviter la CEC et les techniques de protection cérébrale. Or : – la translocation implique une sternotomie médiane et donc a les mêmes inconvénients, de ce point de vue, que la chirurgie conventionnelle ; – les contre-indications à la CEC sont très exceptionnelles et les techniques de perfusion sélective des vaisseaux du cou ont montré leur innocuité. En tous cas, elles ne sont pas plus dangereuses que l'exclusion successive des trois vaisseaux nécessitée par les différentes anastomoses des prothèses vasculaires ; – la mise en place de la prothèse vasculaire sur l'aorte ascendante, éventuellement athéromateuses n’est pas un geste anodin, car il peut être l’occasion de migration de débris athéromateux, de lésions de clampage, ou, chez des malades possiblement coronariens, d’une défaillance ventriculaire gauche par augmentation brutale de la post-charge au moment du clampage ; – enfin, et surtout, les résultats immédiats ne semblent pas supérieurs à ceux obtenus avec la chirurgie conventionnelle (94-97), tandis que les résultats à moyen et long termes restent totalement inconnus.
Conclusion La multiplicité des techniques aussi bien de protection cérébrale que de remplacement prothétique de la crosse de l’aorte rend compte des difficultés auxquelles le chirurgien doit faire face dans cette chirurgie. On peut cependant dire qu’après cinq décennies d’efforts, de mises au point et d’expériences cliniques, la chirurgie des anévrysmes de la crosse aortique s’est beaucoup
simplifiée et est parvenue à un niveau de faisabilité et de sécurité tout à fait satisfaisant. Une technique très codifiée, reproductible et systématique permet dans l’écrasante majorité des cas une chirurgie sans heurts ni drames. Pour ce qui concerne les lésions de la crosse antérieure et de l’aorte horizontale, nous employons depuis plusieurs années la technique indiquée au tableau I, qui nous a permis d’obtenir des résultats tout à fait satisfaisants en termes de mortalité et de complications neurologiques. En effet, les techniques conventionnelles continuent de représenter pour nous les techniques de référence (« the Gold Standard ») et restent associées aux meilleurs résultats à long terme. Entre avril 1986 et décembre 2007, nous avons opéré 246 patients dont 70 (30 %) en urgence (pour dissection aiguë de l'aorte) en utilisant la perfusion sélective des vaisseaux du cou. Soixante-cinq malades (26 %) avaient subi un ou plusieurs remplacements de l'aorte thoracique dans le passé. Chez 217 malades (85 %), le cerveau a été perfusé au sang froid selon la technique de Guilmet, tandis que chez les 30 derniers patients le cerveau a été perfusé à la température de la CEC (25° C) selon la technique de Kazui. Les durées moyennes et extrêmes de CEC, de perfusion cérébrale et d’arrêt circulatoire distal ont été respectivement de 121 min (65248), 53 min (15-90) et 32 min (11-57). La mortalité globale a été de 16 % (10 % pour les interventions électives et 21 % pour les urgences). Un accident neurologique fatal a été observé chez 11 patients (4,7 %) mais seulement chez 3 % des patients opérés électivement. Un accident neurologique non fatal est survenu chez 12 patients (7 % des survivants) mais chez 3 % des malades opérés électivement. Chez les 30 malades opérés récemment selon la technique de Kazui, nous n’avons observé qu’un décès (3 %) et un épisode transitoire de confusion mentale (3 %). Les facteurs de risque de décès et d’accident neurologique retrouvés à l’analyse multivariée étaient l’âge au-dessus de 65 ans et l’urgence (χ2, p < 0,02). Le sexe et le type de lésion n’ont eu aucune influence sur les résultats, non plus que les durées de CEC, de perfusion cérébrale ou d’arrêt circulatoire distal. En particulier, il n’a pas été établi de relation entre la durée de l’arrêt circulatoire et la survenue d’accident neurologique. Les différentes températures de perfusion cérébrale se sont révélées également efficaces et sûres. Nous restons donc convaincus que les techniques dites « conventionnelles » de remplacement de la crosse de l’aorte restent les plus à même de fournir aux malades des résultats immédiats et à long terme de grande qualité, en particulier lorsqu’elles sont associées aux
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techniques physiologiques de protection cérébrale que constituent les différentes modalités de perfusion sélective antérograde des vaisseaux du cou. On peut donc, actuellement, envisager sans crainte, ce type d’interventions pour des lésions moins évoluées ou chez des malades plus âgés qu’autrefois. Par ailleurs, l’émergence des techniques hybrides permettra, peut-être, d’offrir une solution à des patients réputés, jusque-là, inopérables. L’avenir nous le dira.
POINTS ESSENTIELS Avec la mise au point et la diffusion des endoprothèses, il semble que les choses changent depuis quelques années, et l’on a vu apparaître des techniques dites « hybrides », associant la chirurgie proprement dite avec des techniques endoluminales. Cependant, deux questions majeures continuent de se poser : 1. quand doit-on remplacer la crosse de l’aorte en cas de lésion chronique et en cas de dissection aiguë ? 2. les nouvelles techniques hybrides et de translocation sont-elles supérieures aux techniques dites conventionnelles dans leurs résultats immédiats et à long terme ?
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Chapitre
Endoprothèses peropératoires : Un plus ? Pour quelle dissection ?
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D. Roux et B. Léobon
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 Bases anatomopathologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 Faux chenal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 Éventuelles complications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 Chirurgie de la dissection aortique de type A par remplacement de l’aorte ascendante et endoprothèse non couverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Principes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Patients et méthodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 Chirurgie combinée associant un remplacement prothétique de la crosse de l’aorte à l'implantation d'un stent couvert au niveau de l’aorte thoracique descendante . . . . . . . . . . . . . . . . 107 Perspectives d’avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 Technique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
Introduction La dissection aortique aiguë est une fracture longitudinale de la paroi de l’aorte. Le traitement vise à réduire et à fixer la lésion, cette « aorto-synthèse » va permettre une restauration ad integrum de l’anatomie de l’aorte indispensable pour éviter les complications et conduire à la guérison par cicatrisation.
Bases anatomopathologiques La nature fortement élastique de la paroi aortique est sa caractéristique principale. Lors de son examen microscopique, on retrouve les trois couches habituelles : – l’intima constituée par une monocouche de cellules endothéliales qui se juxtaposent, elles sont imbriquées les unes dans les autres et fortement liées, elles adhèrent puissamment à une couche de collagène riche en élastine. L’intima constitue la partie « imperméable » de l’aorte ;
– la média est faite d’unités lamelles constituées d’une cellule de type myocyte prise entre une lamelle élastique interne et une lamelle élastique externe, on trouve également des fibres de collagène et de la substance fondamentale. Il faut 28 unités lamelles pour constituer l’épaisseur de la média aortique. La média constitue la partie « élastique » de l’aorte ; – l’adventice est essentiellement constitué de fibres de collagène. C’est la partie « résistante » de la paroi de l’aorte. Elle a aussi un rôle nourricier puisque c’est là que se trouvent les vasa vasorum. L’évolution de la paroi aortique peut se faire selon deux mécanismes : – l’athérosclérose, les causes sont exogènes (diabète, hypercholestérolémie, infections, inflammations, désordres immunologiques) ; elles aboutissent à l’oblitération des vasa vasorum, survient alors l’ischémie de la paroi, son corollaire étant l’évolution fibreuse qui, avec la perte d’élasticité, favorise le développement des anévrysmes ; – la média-nécrose kystique est le mécanisme du vieillissement qui est soit naturel, soit accéléré dans les pathologies du tissu élastique comme la maladie de Marfan ou la maladie d’Ehlers-Danlos. Cette évolution provient d’un déséquilibre entre l’activité du myocyte qui baisse et celle des protéinases et des activateurs du plasminogène qui augmentent, tout ceci aboutit à une fragmentation et à une désorganisation des fibres élastiques, et à l’apparition de lacunes kystiques remplies de substance fondamentale. D’un point de vue purement anatomopathologique, en microscopie, rien ne différencie la média aortique d’une personne âgée de celle d’un sujet jeune présentant un syndrome de Marfan, donc la média-nécrose ne suffit pas à elle seule à expliquer la survenue de la dissection aortique aiguë. Il faut une conjonction de facteurs dont certains restent inconnus. De façon schématique, on peut dire que pour que survienne une dissection aortique aiguë, il faut un jet puissant (bicuspidie, hypertension artérielle systémi-
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Les syndromes aortiques aigus
que), un endothélium ayant perdu son étanchéité, une média ayant évolué vers la média-nécrose et un adventice relativement résistant afin d’éviter la rupture aortique aiguë. De façon imagée, on peut comparer cela à une affiche sur un mur décollée par un jet d'eau. Si l’affiche est plastifiée, fortement collée à un support solide et si le jet d’eau est faible, il ne se passera rien ; en revanche si le jet d’eau est puissant, le papier poreux, la colle et le support de mauvaise qualité, l’affiche va se décoller facilement. C’est ce qui se passe dans les dissections aortiques aiguës lors du clivage de la média. Toutes les dissections aortiques peuvent être caractérisées par la séparation longitudinale de la paroi en deux parties au niveau de la couche médiane. Le stade inaugural est appelé le moment « aigu » rendant particulièrement net le début de l’affection. La déchirure habituellement transversale est appelée « orifice d’entrée ». À partir de là, le sang passe dans la média soit de façon antérograde, soit de façon rétrograde, c’est ce que l’on appelle la fausse lumière ou faux chenal, séparée de la vraie lumière par un flap intimal, en fait fausse appellation car il est constitué d’intima et d’une partie de la média. Les portes d’entrée principales siègent à 70 % dans l’aorte ascendante, à 20 % au niveau de la crosse et les 10 % restant se situent dans l’aorte descendante. Le pourcentage de la circonférence intéressée par la dissection est en général de 50 %. Les portes d’entrée secondaires sont quasiment toujours présentes, constituées par une rupture intimomédiale ou plus souvent par l’arrachement de collatérales.
Pronostic Faux chenal Le pronostic dépend de l’évolution du faux chenal. La dissection est souvent localisée à la partie externe de la média donc la paroi externe du faux chenal est mince et fragile, notamment au niveau de la porte d’entrée, ce qui peut entraîner soit des extravasations sanguines, soit des ruptures provoquant un hémopéricarde et une tamponnade ou un hémothorax gauche, selon la topographie. Si la rupture du faux chenal se fait vers la lumière du vrai chenal, il se crée alors un orifice de réentrée. Enfin, en l’absence de rupture, surviendra alors à long terme une dilatation chronique à type d’anévrysme.
Éventuelles complications Le pronostic dépend aussi d’éventuelles complications : – l’insuffisance aortique en général provoquée par le capotage des sigmoïdes quand le faux chenal atteint l’anneau, le mécanisme peut aussi être une déchirure de la valve ou une dilation de l’anneau (Marfan) ; – le mécanisme de malperfusion : l’extension de la dissection autour de l’orifice d’une collatérale de l’aorte peut entraîner une ischémie qui est soit dynamique, soit statique. En termes chirurgicaux, nous parlerons plutôt de réversible ou d’irréversible, entraînant selon la localisation un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral, une paraplégie, une insuffisance rénale aiguë, une ischémie mésentérique, une ischémie des membres inférieurs. Quand le faux chenal est circulant, la fermeture d’une porte d’entrée peut mettre à plat la fausse lumière et le vrai chenal retrouve alors une perfusion normale. En revanche, s’il y a du thrombus ou si la collatérale est arrachée, bien que la réparation en amont ferme la porte d’entrée, l’ischémie va persister, et il faudra associer au geste chirurgical un geste de radiologie interventionnelle. Les dissections aortiques aiguës sont des urgences chirurgicales en raison du risque de rupture aiguë de l’aorte ascendante. Le traitement chirurgical habituel, réalisé sous circulation extracorporelle, consiste à remplacer l’aorte ascendante, mais aussi parfois la crosse lorsqu’une porte d’entrée a été identifiée à ce niveau (1, 2). L’insuffisance aortique, quasi constante, est traitée par plastie ou par remplacement valvulaire. En fait, cette technique chirurgicale traite 20 % de l’aorte alors que la dissection aortique aiguë est une maladie de l’aorte dans son ensemble. Les portes d’entrée secondaires presque toujours présentes sont responsables d’un faux chenal circulant dans 70 % des cas, d’où le risque de complications aiguës ou d’évolution anévrysmale (3-5). Le traitement chirurgical idéal consisterait à remplacer l’aorte dans son intégralité, ceci étant techniquement impossible, plusieurs équipes ont cherché à mettre au point une technique de stenting peropératoire afin d’étendre au maximum la portion aortique traitée. Deux techniques ont été décrites : 1. remplacement de l’aorte ascendante et mise en place d’endoprothèse non couverte en aval ; 2. chirurgie combinée associant un remplacement prothétique de la crosse de l’aorte à l'implantation d'un stent-graft au niveau de l’aorte thoracique descendante.
Endoprothèses peropératoires : Un plus ? Pour quelle dissection ?
Chirurgie de la dissection aortique de type A par remplacement de l’aorte ascendante et endoprothèse non couverte Principes Un malade ayant présenté une dissection aortique aiguë de type A ne peut être considéré comme guéri que si le faux chenal n’est plus circulant, et si les deux cylindres aortiques sont en contact (aorto-synthèse) et cicatrisés (6-9). Idéalement, il faudrait supprimer la porte d’entrée principale (c’est le rôle du geste chirurgical), mais aussi les portes d’entrée secondaires par une endoprothèse couverte, seule technique envisageable mais qui n’est pas toujours possible car les lésions sont souvent multiples et à proximité des branches collatérales de l’aorte. C’est pourquoi nous avons cherché une solution permettant de traiter de façon étendue, rapide et efficace, l’ensemble de l’aorte disséquée. D’où l’idée de mettre en place une endoprothèse non couverte, implantée pendant l’arrêt circulatoire dans l’arche et l’aorte thoracique descendante (10). Le principe est d’utiliser la force radiale d’un stent pour appliquer les deux feuillets disséqués l’un contre l’autre quelles que soient les topographies des portes d’entrée et des collatérales de l’aorte. À la différence des endoprothèses couvertes, ces stents ne compromettent pas la perfusion des branches collatérales de l’aorte, notamment des troncs supraaortiques. Le mécanisme d’action des stents non couverts est étayé par les résultats de travaux expérimentaux (1113). Après création d’une dissection de l’aorte thoracique descendante chez l’animal (chien), la mise en place de stents non couverts entraîne la disparition du faux chenal et la cicatrisation (histologiquement documentée) de l’aorte en regard des zones stentées. Nous avons donc mis au point, avec la Société SaintCôme Chirurgie (Marseille), le Djumbodis dissection system® (DDS). Ce type de stent a déjà été utilisé par plusieurs équipes en France et en Europe (10, 14,15). Une étude rétrospective, ici présentée, avait pour but d’établir la faisabilité de cette technique combinée et d’analyser les résultats cliniques et physiopathologiques.
Patients et méthodes Population Entre le 9 novembre 2000 et le 9 novembre 2005, 22 patients ont été traités pour une dissection de type A étendue à l’arche ou à l’aorte thoracique descendante par remplacement de l’aorte ascendante et mise en place d’un DDS. Il s’agissait de 7 femmes (32 %), de 15 hommes (68 %). Leur âge moyen était, lors de l’intervention, de 61 ± 11,4 ans. Le délai moyen entre le premier symptôme de dissection et l’intervention était de 2,4 jours ± 4,1. La gravité de l’état de ces malades au moment de l’intervention était évaluée par Euroscore. L’Euroscore moyen était de 9,9 ± 2,8. Aucun de ces malades ne présentait de syndrome de Marfan. Certains présentaient au moment de l’intervention des complications de leur dissection aortique aiguë, cellesci sont récapitulées dans le tableau I. Tous les patients présentaient une dissection de l’aorte ascendante et de la crosse aortique, trois (13,6 %) ne présentaient pas d’extension à l’aorte thoracique descendante. Tableau I – Description des complications des dissections aortiques présentes en préopératoire.
Insuffisance aortique de grade
0 1 2 3 4
4 9 6 3 0
18 % 41 % 27 % 14 % 0%
Hémopéricarde
5
23 %
Infarctus du myocarde
5
23 %
Accident vasculaire cérébral
2
9%
Paraplégie
3
14 %
Ischémie rénale
0
0%
Ischémie intestinale
1
4%
Ischémie de membre
3
14 %
Technique d’implantation de l’endoprothèse Le DDS est un stent en acier 316 L, déployé au moyen d’un ballon compliant, s’adaptant à tous les diamètres de l’aorte entre 20 et 50 mm. Ce stent n’étant pas autoexpansible, il maintient les deux cylindres aortiques en contact sans exercer sur eux de contrainte radiaire excessive.
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Les syndromes aortiques aigus
Trois longueurs sont disponibles : 4, 9, 14 cm ; entre chaque élément de 4 cm, une articulation de 1 cm de long permet au stent de se courber lors de la mise en place et d’épouser la forme de la crosse de l’aorte jusqu’à la région isthmique (fig. 1). Ce stent est introduit au niveau de la crosse sous contrôle de la vue ou au niveau de l’aorte thoracique descendante sous contrôle radioscopique, d’où la nécessité de prévoir lors de l’installation du malade un accès pour l’amplificateur de brillance. La mise en place peropératoire du stent est effectuée au cours d’un arrêt circulatoire, soit complet en hypothermie profonde, soit partiel avec perfusion cérébrale antérograde ou rétrograde. La suite de l’intervention se déroule classiquement, lors de la suture distale du tube en Dacron® avec l’aorte, il faut éviter les mailles du stent qui peut sectionner le fil de suture.
Fig. 1 – Djumbodis dissection system®. À gauche : trois tailles de stent Djumbodis® après déploiement : 14, 9, 4 cm. À droite : implantation d’un stent Djumbodis® au niveau de l’arche de l’aorte sur une pièce anatomique. Noter la bonne perméabilité des ostia des troncs supra-aortiques.
Suivi et analyse statistique Les données cliniques et paracliniques ont été recueillies de façon rétrospective. L’analyse a été faite en termes de survie (Kaplan Meyer), d’évolution du faux chenal (circulant ou non), données comparées par le test du khi2. Les données descriptives sont délivrées sous forme de moyennes accompagnées d’écart-type et de l’intervalle. Les logiciels utilisés étaient Excel® (Microsoft) et Stat View® (Abocus Concept).
Résultats Toutes les interventions ont été réalisées sous circulation extracorporelle avec arrêt circulatoire en hypothermie. Huit patients ont été opérés avec une perfusion cérébrale antérograde durant l’arrêt circula-
toire avec une durée d’arrêt circulatoire partiel de 22,3 minutes, la température moyenne est de 24,4° C. Les 16 autres ont eu un arrêt circulatoire complet de 27 minutes, la température moyenne est de 20,7° C. La durée moyenne de l’arrêt circulatoire lors des implantations de DDS dans la portion initiale de l’aorte descendante restait dans les limites : 29 minutes (± 15). Tous les opérateurs n’ont remplacé que l’aorte ascendante. En ce qui concerne les gestes réalisés sur la valve aortique, celui-ci a pu être conservateur dans 20 cas sur 22 (91 %), dans les deux autres cas, une intervention de Bentall a été réalisée. Dans quatre cas, il a fallu réaliser un pontage coronarien sur la coronaire droite (18 %). À l’ouverture de l’aorte ascendante, puis pendant l’arrêt circulatoire, une ou plusieurs portes d’entrée ont pu être localisées. Dans 19 cas (86 %), elles étaient situées sur l’aorte ascendante. Dans quatre cas (18 %), on notait une porte d’entrée dans l’arche aortique. En ce qui concerne l’implantation des stents DDS, on note que toutes les arches aortiques ont été traitées par un stent, sauf une qui a fait l’objet d’un encollage des feuillets disséqués. Quatre aortes thoraciques descendantes ont été traitées par un stent. La durée de séjour en secteur de réanimation allait de 2 à 19 jours et était en moyenne de 9,1 jours. Les complications survenues durant la période postopératoire chez les 20 patients ayant survécu à l’intervention étaient les suivantes : 14 patients (70 %) ont présenté un retard à l’extubation de plus de 24 heures ou une réintubation. Chez sept patients (35 %), on notait une insuffisance rénale (> à 200 μmol/L), trois accidents vasculaires cérébraux étaient constatés en postopératoire (15 %). L’un d’entre eux était présent à l’intervention. Il y a eu une ischémie digestive présente en préopératoire. Les conséquences des infarctus du myocarde, des accidents vasculaires cérébraux et des paraplégies étaient toujours présentes en postopératoire. La durée moyenne du suivi était de 278 jours. Il n’y a pas eu de patients perdus de vue. Il y a eu six décès sur la durée du suivi. Deux sont des décès peropératoires, le premier dû à une hémorragie incontrôlable de l’aorte, l’autre dû à une incompétence myocardique secondaire à un infarctus périopératoire malgré un pontage sur la coronaire droite. Quatre patients sont morts en postopératoire, le premier est mort d’un infarctus étendu du mésentère au 3e jour postopératoire alors que les signes d’ischémie digestive étaient déjà présents en préopératoire. Les deux suivants sont morts 15 jours et 16 jours après l’opération. Le dernier patient est décédé d’une hémorragie cérébrale au 95e jour postopératoire sans occlusion carotidienne. La mortalité opératoire est donc de 9,1 %. La mortalité hospitalière au 30e jour postopératoire est de 22,7 %. La mortalité à 1 an est de 27,3 %. La courbe de survie de Kaplan-Meyer des 22 patients suivis est représentée à la figure 2.
Endoprothèses peropératoires : Un plus ? Pour quelle dissection ?
La figure 3 montre la perméabilité des troncs supraaortiques plus de 5 ans après la mise en place de stent au niveau de l’arche aortique. L’évolution physiopathologique de la dissection a elle aussi été analysée. Nous avons étudié le devenir du faux chenal entre l’examen préopératoire et l’examen de contrôle postopératoire le plus récent chez les patients disposant de ces deux examens (n = 18 en raison de deux décès peropératoires, d’un décès avant le scanner de contrôle et d’un scanner manquant). En préopératoire, les deux zones de l’aorte étudiée (arche et aorte descendante) étaient chez ces 18 patients le siège d’un faux chenal circulant, sauf chez trois patients où l’aorte thoracique descendante n’était pas disséquée. Chez ces 18 patients, des stents étaient mis en place dans toutes les arches disséquées (n = 18) et seulement dans 3 des 15 aortes descendantes disséquées. La comparaison de l’évolution du faux chenal au niveau de ces 18 arches (toutes stentées) et au niveau des 15 aortes descendantes disséquées (deux seulement étaient stentées) est résumée dans la figure 4. On notait
que 12 faux chenaux sur 18 circulant en préopératoire se sont thrombosés au niveau des arches, soit 67 %, 7 faux chenaux se sont thrombosés au niveau des aortes thoraciques descendantes sur 15 circulants en préopératoire, soit 47 %. L’analyse statistique par le test du khi2 met en évidence une thrombose significative plus élevée (p = 0,0104) tant au niveau de l’arche (où un stent a été mis en place chez chacun des 18 patients) qu’au niveau de l’aorte thoracique descendante (où seulement deux stents ont été mis sur les 15 patients avec une aorte descendante disséquée). La comparaison de l’évolution du faux chenal au niveau des 20 segments d’aorte disséquée et stentée (18 arches toutes stentées et deux aortes descendantes stentées) et au niveau des 13 segments d’aorte disséqués non stentés est résumée dans la figure 4. Sur ces 20 segments d’aorte initialement disséqués et traités par un stent, 13 faux chenaux se sont thrombosés (65 %). Chez les mêmes 18 patients, 13 segments de l’aorte descendante disséquée n’étaient pas stentés et six d’entre eux
A
B
Fig. 3 – Reconstruction à partir d’examens tomodensitométriques Fig. 2 – Courbe de survie cumulée (Kaplan-Meyer).
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de contrôle de stents Djumbodis®, pour des dissections de type A. A. Stent unique. B. Stents multiples. Noter la bonne expansion dans le vrai chenal de l’arche aortique des stents Djumbodis® et la bonne perméabilité des troncs supra-aortiques.
B
Fig. 4 – Nombre de faux chenaux circulants dans les différentes portions de l’aorte étudiées en pré- et postopératoire. A. La thrombose du faux chenal en postopératoire est significativement plus fréquente au niveau des arches aortiques (toutes porteuses d’un stent Djumbodis®) qu’au niveau des aortes thoraciques descendantes (dont trois seulement sont stentées). B. La thrombose du faux chenal en postopératoire est significativement plus fréquente au niveau des segments stentés (dix-huit arches et deux descendantes) qu’au niveau des segments d’aorte non stentés.
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Les syndromes aortiques aigus
se sont thrombosés (46,2 %). Là encore, les segments stentés présentaient finalement plus de thromboses que les segments non stentés (p = 0,0083).
Discussion L’aorte disséquée présente au-delà de la portion remplacée par l’intervention une évolution anévrysmale fréquente et relativement rapide. L’apparition de l’anévrysme est évaluée à environ 40 % à 5 ans (3-8). Les facteurs indépendants influençant cette évolution sont la persistance d’une fausse lumière dans l’aorte thoracique descendante et le diamètre initial de l’aorte isthmique (6) ; de plus, il faut remarquer que beaucoup de ces patients 5 ans après le traitement de la dissection ne sont pas en état de subir une nouvelle intervention lourde (6). Le problème du traitement de l’aorte disséquée en aval de la portion remplacée reste donc posé et pourrait éventuellement servir de guide pour le traitement d’une dissection de type B. Le premier objectif de cette étude était de montrer la faisabilité technique et l’absence de sur-morbi-mortalité attribuable à cette technique combinée. Du point de vue technique, on remarque que la faisabilité du traitement ne pose pas de problème majeur puisque la durée de l’arrêt circulatoire est restée pour tous les patients dans la limite du temps admis en fonction de la température, y compris pour la mise en place du DDS dans l’aorte thoracique descendante sous contrôle radioscopique. De plus, il n’a pas été rapporté de complications mécaniques graves lors de la mise en place du DDS. Dans notre série, la mortalité opératoire est de 2 pour 22 patients, soit 9,1 %. La littérature retrouve des chiffres variant entre 4,9 % et 15 %. La mortalité hospitalière dans notre série est de 22,7 % pour 15,3 à 21 % dans la littérature (16, 18, 19). La survie moyenne au terme du suivi de 178 jours est de 72,7 %. Les séries publiées rapportent une survie à moyen terme d’environ 70 % entre 2 et 5 ans (16-18). En toute rigueur, les deux décès survenus de façon brutale au cours du premier mois postopératoire sans diagnostic en l’absence d’autopsie sont à considérer comme des échecs de la technique. On peut également considérer les chiffres avec les précautions d’usage concernant les petits effectifs comme du même ordre de grandeur que ceux généralement rapportés pour la chirurgie de dissection de type A. Les complications constatées en péri- et postopératoire sont essentiellement représentées par les ventilations prolongées (> 24 heures) ou les réintubations (14 sur 20 patients vivants en postopératoire, soit 70 %). Elles sont assez nombreuses mais classiques après ce type d’intervention. Aucune de ces complications res-
piratoires n’a entraîné de décès. Il y a eu sept insuffisances rénales postopératoires (35 %) et trois accidents vasculaires cérébraux (15 %). Le taux d’accidents vasculaires cérébraux rapporté dans la littérature est aussi de cet ordre (17, 18). La morbi-mortalité dans notre courte série semble donc comparable aux données généralement rapportées. La faisabilité du traitement combiné par remplacement de l’aorte ascendante et mise en place d’un stent non couvert nous apparaît pouvoir être admise, autant pour la technique de pose que pour la survenue de complications générales. Le deuxième objectif était d’évaluer l’évolution physiopathologique de l’aorte disséquée après ce traitement combiné. L’idée du traitement par le stent non couvert dans la dissection aortique à la phase aiguë vient de la constatation que la mise en place d’un stent est le moyen le plus simple et le plus efficace de traiter les dissections instrumentales, traumatiques ou spontanées des autres artères (iliaques, fémorales, rénales, etc.). Ces procédures aboutissent le plus souvent à un bon résultat avec perméabilité de l’artère et cicatrisation de la paroi. Cette idée est confortée par les données des études expérimentales publiées depuis plus de 10 ans (11-13). Celles-ci montrent que, sur des modèles expérimentaux de dissection aortique récente, la mise en place de stent non couvert entraîne la disparition du faux chenal et la cicatrisation de l’aorte en 6 semaines. Cette cicatrisation permettrait le renforcement d’une aorte native, préférable à terme à son remplacement par une prothèse. Pour que ce processus ait toutes les chances de se produire, il est important que la mise en place du stent soit réalisée dans les premiers jours de la dissection avant que ne se produise la dilatation du feuillet externe qui rendrait incertaine la réapplication des deux feuillets, ceci est en accord avec la bonne prise en charge d’une dissection aortique urgente, depuis le diagnostic clinique jusqu’au bloc opératoire. Cette approche de traitement par stent non couvert est différente de celle des équipes qui implantent lors du traitement chirurgical des dissections aortiques aiguës des endoprothèses couvertes dans l’aorte descendante. Dans cette série, la comparaison entre l’évolution de la perméabilité des faux chenaux, des segments traités par stents et des segments non traités, montre que le nombre de faux chenal circulant est significativement plus faible dans les lésions stentées (p = 0,0083). Ceci s’explique par l’existence de multiples portes d’entrée qui peuvent réalimenter le faux chenal tout le long de la dissection. Comme l’ont montré les travaux expérimentaux (15-17), la disparition du faux chenal et la cicatrisation
Endoprothèses peropératoires : Un plus ? Pour quelle dissection ?
de toute l’aorte ne peuvent donc être obtenues de façon constante que si la totalité de la zone disséquée est stentée. Notre technique vise, au terme de son développement, un traitement extensif de l’aorte thoracique mais aussi éventuellement de l'aorte abdominale (fig. 5). En effet, elle n’entraîne en principe pas d’occlusion des branches collatérales du segment de l’aorte traitée comme l’ont montré trois études expérimentales sur le modèle canin de dissection de l’aorte thoracique descendante (11-13) et les données sur les troncs supraaortiques de cette première série. On peut penser que les occlusions dynamiques, dues à la compression de la vraie lumière des collatérales de l’aorte par le faux chenal circulant, seront potentiellement levées par un traitement réduisant la perméabilité de ce faux chenal. En revanche, les occlusions statiques, dues à l’invagination de l’intima avec collatérale arrachée, ne seront pas levées par ce type de traitement. La question de l’évolution à long terme du système ne trouvera de réponse qu’avec un recul plus long. Sur un patient traité voici plus de 5 ans, nous n’avons pas constaté de complications sur les troncs supra-aortiques, ni de migration (fig. 3). Le risque d’une migration secondaire de système non couvert semble faible en raison de l’intégration du stent à la paroi aortique par le phénomène de recouvrement par un néo-intima. Enfin, le risque de fistule aorto-œsophagienne ou aorto-pulmonaire ne peut être formellement exclu à long terme, même si l’absence d’autoexpansion de ce stent la rend moins probable.
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En conclusion, notre étude démontre la faisabilité d’un traitement combiné de dissection aortique de type A étendue au-delà de l’aorte ascendante par remplacement conventionnel de celle-ci puis la mise en place d’un stent non couvert DDS dans l’arche ou dans l’aorte thoracique descendante. Ce stent influe positivement sur l’évolution physiopathologique de la dissection aortique puisqu’il permet de réduire significativement le nombre de faux chenaux circulants dans la portion stentée permettant d’espérer réduire l’évolution anévrysmale. Il n’entraîne pas d’augmentation de la mortalité, ni de la morbidité. Enfin, il nous paraît souhaitable d’envisager d’étendre ce traitement à l’ensemble de l’aorte disséquée afin d’assurer une bonne perfusion distale et d’obtenir la cicatrisation de l’aorte dans sa globalité.
Chirurgie combinée associant un remplacement prothétique de la crosse de l’aorte à l'implantation d'un stent couvert au niveau de l’aorte thoracique descendante Certains patients présentent des lésions associées : – dissection aortique aiguë de type A plus un anévrysme de l’aorte thoracique descendante dans sa portion proximale ; – dissection aortique aiguë de type A avec une deuxième porte d’entrée au niveau de l’isthme ;
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Fig. 5 – A. Dissection de type A étendue à l’ensemble de l’aorte avec des portes d’entrée multiples. B. Résultat du traitement chirurgical actuel après remplacement de l’aorte ascendante, une grande partie de l’aorte reste disséquée. C. Résultat espéré après traitement combiné par remplacement de l’aorte ascendante et stenting extensif de l’aorte disséquée par stents Djumbodis®.
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– dissection aortique aiguë de type B rétrograde atteignant l’aorte ascendante et antérograde jusqu’à l’aorte abdominale. Dans tous ces cas, le geste chirurgical doit d’abord porter sur l’aorte ascendante et la crosse dans un premier temps, ceci doit s’effectuer par un abord antérieur (sternotomie). Dans un deuxième temps, le malade sera abordé par thoracotomie latérale gauche pour traiter l’aorte thoracique descendante. Pour faciliter ce deuxième temps, un excédant de la prothèse servant à reconstruire la crosse est laissé libre dans la lumière de l’aorte thoracique descendante. C’est la technique dite de la « trompe d’éléphant ». Deux interventions sont nécessaires à quelques semaines ou quelques mois l’une de l’autre, rendant particulièrement lourd ce type de traitement chirurgical en termes de mortalité et de morbidité. Afin de pouvoir traiter toutes les lésions de l’aorte thoracique, une prothèse mixte a été inventée. Elle associe : un tube en Dacron® à un stent couvert (fig. 6). Les indications sont identiques : porte d’entrée au niveau de l’isthme aortique, anévrysme de l’aorte thoracique descendante proximale. Si les lésions sont étendues, on peut même, par voie fémorale, prolonger le traitement en mettant un deuxième stent couvert. Cette technique récente n’a fait l’objet de publications que sous forme de « case report » (21-23). La technique chirurgicale est celle d’un remplacement de la crosse aortique par un tube en Dacron®, lequel est prolongé par un stent couvert. Cette prothèse combinée peut être fabriquée extemporanément en suturant un tube en Dacron® à un stent couvert à mémoire de forme en Nitinol® (fig. 6) ou bien en utilisant une prothèse combinée du commerce (E-Vita®) (fig. 7). Cette technique est remarquablement efficace s’il y a une seule porte d’entrée dans la région isthmique, dans ce cas elle est occluse, le faux chenal ne circulant plus, les ischémies des collatérales sont levées et la cicatrisation aortique peut intervenir. L’autre indication est le traitement d’une ectasie anévrysmale de la région isthmique de l’aorte thoracique. Par rapport au stent non couvert, cette technique ne peut être utilisée que si la totalité de l’arche aortique est remplacée par un tube en Dacron®.
Fig. 6 – Prothèse combinée fabriquée extemporanément. Une Talent® est suturée à un tube en Dacron®.
Cette technique est donc intéressante mais doit être réservée au traitement de la région isthmique et du premier segment de l’aorte thoracique descendante. La crosse, l’aorte thoracique basse et l’aorte abdominale ne peuvent être traitées en raison des collatérales. En conclusion, les deux techniques sont complémentaires et relèvent d’indications différentes : 1. le stent non couvert permet d’éviter le remplacement de la crosse, ou si la crosse est remplacée chirurgicalement, on peut mettre en place le DDS dans l’aorte thoracique descendante, voire jusqu’à l’aorte abdominale ; 2. le stent couvert permet d’éviter la technique de la « trompe d’éléphant ».
Perspectives d’avenir Dans l’immense majorité des cas, l’urgence d’une dissection aortique aiguë tient au risque de rupture aiguë dans le péricarde, cause de mort de loin la plus fréquente dans les séries de patients non opérés. Certains malades présentent des contre-indications au traitement chirurgical conventionnel, en particulier en présence d’un accident vasculaire cérébral, ou chez les patients âgés de plus de 80 ans. Afin d’améliorer les résultats, chez les malades pour lesquels une circulation extracorporelle est contre-indiquée, il peut être proposé une technique de wrapping de l’aorte ascendante et de la crosse.
Technique Nous avons utilisé une procédure identique à celle mise au point depuis longtemps pour réaliser les wrapping des anévrysmes de l’aorte ascendante (24, 25). Celles-ci consistent à pratiquer les différentes étapes suivantes : – dissection de l’aorte ascendante et de la crosse jusqu’à l’artère sous-clavière gauche ; – prothèse en Dacron® d’un diamètre adapté ouverte longitudinalement ; – l’aorte est enveloppée dans cette prothèse, des orifices pour les troncs supra-aortiques sont réalisés ; – les berges de la prothèse doivent être à 1 cm l’une de l’autre afin que la suture soit sous tension ; – pendant la dissection et la suture, l’anesthésiste doit pratiquer une hypotension contrôlée. Six malades ont été traités ainsi : deux présentaient des antécédents d’accident vasculaire cérébral et quatre étaient âgés de plus de 80 ans. Nous avons eu un incident peropératoire (plaie de l’artère pulmonaire) nécessitant la mise en place d’une circulation extracorporelle. En postopératoire, au 11e jour, un malade a été repris en raison d’une insuffisance aortique mal tolé-
Endoprothèses peropératoires : Un plus ? Pour quelle dissection ?
rée. La durée du suivi est de 6 mois à 3,5 ans. Il n’y a pas eu pendant cette période de décès imputable à la dissection. Un patient a présenté un lymphome dont l’évolution a été fatale.
Discussion Cette technique est fiable et reproductible, elle a mis dans tous les cas le malade à l’abri d’une rupture aortique aiguë dans le péricarde. Cette intervention laisse toutefois en place deux types de lésions : l’insuffisance aortique et les portes d’entrée (principale et secondaires) avec pour corol-
laire un faux chenal circulant comportant un risque de complications aiguës à type d’ischémie ou chroniques à type d’anévrysme. D’où l’idée d’associer au wrapping la mise en place d’un DDS. Cette procédure est effectuée après le wrapping, l’endoprothèse est introduite par voie fémorale positionnée immédiatement au-dessus des sigmoïdes aortiques, par la suite selon l’étendue des lésions d’autres prothèses peuvent être positionnées dans l’aorte thoracique et dans l’aorte abdominale. Le but ultime étant de traiter toute l’aorte disséquée et de corriger l’insuffisance aortique. Nous avons terminé la première phase qui consistait à mettre au point cette technique in vitro.
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Fig. 7 – A. Prothèse hybride commercialisée par Jotec®. B. La partie distale de la prothèse hybride est déployée dans l’aorte descendante. C. Après avoir suturé circonférentiellement la prothèse hybride à la prothèse de l’arche en aval de la sous-clavière gauche, les branches supra-aortiques sont réanastomosées sur la prothèse de l’arche aortique. D. La partie proximale de la prothèse de l’arche aortique est ensuite réanastomosée sur la partie terminale de l’aorte ascendante. D’après Karck (23).
Fig. 9 – Stenting in vitro de cette crosse aortique, noter la bonne ouverture du DDS au ras des commissures de la valvule aortique.
Fig. 8 – Wrapping in vitro d’une crosse aortique, noter le passage des troncs supra-aortiques.
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Les syndromes aortiques aigus
Les figures 8 et 9 montrent la procédure terminée, elle a été réalisée ici in vitro sur une aorte de cadavre humain. Nous allons maintenant démarrer la deuxième phase qui comportera une expérimentation chez l’animal.
POINTS ESSENTIELS Les auteurs décrivent deux méthodes alternatives pour la chirurgie des dissections aortiques de type A : 1. remplacement prothétique de la crosse de l’aorte et implantation d'un stent non couvert de l’aorte thoracique descendante ; 2. chirurgie combinée associant un wrapping de l’aorte ascendante et une implantation d'un stent non couvert dans la vraie lumière de l’arche aortique.
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Chapitre
Les stents grafts de l’aorte thoracique : fenestrations, branches et techniques alternatives
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T.-B. Bui et H. Rousseau
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 Fenestrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112 Fenestrations préfabriquées sur mesure . . . . . . . . . . . . . 112 Fenestrations in vivo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Techniques alternatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 Branches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Introduction Le traitement endovasculaire à l’aide de stent graft au niveau de l’arche aortique est à son début. Des concepts novateurs et intéressants tels que des branches, des fenestrations préfabriquées, fenestrations in vivo ou techniques alternatives pour maintenir la perméabilité des branches de l’arche aortique seront décrits ainsi que leur expérience clinique. Les stents grafts représentent une alternative thérapeutique très attrayante, mais posent des problèmes encore difficiles à résoudre. Malgré les progrès technologiques récents au niveau des systèmes de largage, des modifications de l’architecture des stents grafts, la réparation endovasculaire des lésions impliquant l’arche aortique reste difficile et associée à des défis techniques importants. L’arche aortique est une région anatomique beaucoup plus difficile d’approche que les lésions de l’aorte descendante. La variabilité des vaisseaux brachiocéphaliques tant au niveau de leurs divisions anatomiques que la distance entre elles et le flux aortique plus élevé au niveau de l’arche sont des facteurs qui rendent encore plus complexe le déploiement précis des stents grafts. Aucune erreur de planification et ou d’installation du stent graft n’est permise à cause des risques thromboemboliques au niveau de l’arche aortique (1, 2). Nous proposons une description des techniques qui permettent de réaliser un traitement endovasculaire au niveau de l’arche aortique. Le but primaire dans le traitement d’un anévrysme de l’arche avec un stent graft est d’utiliser une zone de
fixation plus proximale, plus saine ou plus sûre pour le résultat immédiat et à long terme. Les fenestrations, les branches ou les techniques alternatives sont alors utilisées pour garder le flux dans les vaisseaux que l’on juge importants à préserver. Au niveau de l’artère sous-clavière gauche notamment, nous évitons de la recouvrir dans les situations suivantes (1) : 1. quand la vertébrale droite est absente ou la vertébrale gauche est fortement dominante (fig. 1) ;
A
B Fig. 1 – A. Absence de la vertébrale droite. B. Pontage carotidosous-clavier et installation d’un stent graft thoracique recouvrant l’origine de l’artère sous-clavière gauche.
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Les syndromes aortiques aigus
2. quand la vertébrale gauche se termine par une branche cérébelleuse sans contribuer à l’artère basilaire (fig. 2) ; 3. quand il y a un pontage à préserver (coronarien ou autre). Au niveau des carotides : quand on juge que la circulation par le cercle de Willis est insuffisante par l’imagerie, par test d’occlusion directe, ou dans le cas où la carotide est considérée comme unique car l’autre carotide est occluse ou sévèrement sténosée.
Fig. 2 – Contre-indication à la couverture de l’artère sous-clavière gauche dans ce cas sans pontage carotido-sous-clavier au préalable.
Fenestrations Fenestrations préfabriquées sur mesure Un stent graft avec fenestration comprend l’architecture de base d’un stent graft avec une portion aortique primaire composée de stents métalliques avec, dans la plupart des cas, un support longitudinal qui permet l’apposition parfaite à l’arche aortique (3-5). Les fenestrations sont préfabriquées pour chaque patient (sur mesure par console 3D) et sont placées de façon stratégique vis-à-vis des origines des vaisseaux que l’on veut préserver, mais tout en respectant l’architecture des stents de la prothèse principale. Ces fenestrations ne doivent pas nuire au déploiement initial ni à la stabilité du corps principal ou au niveau du stenting de ces fenestrations. Les fenestrations peuvent être taillées à l’usine de fabrication (fig. 3) ou à la salle d’opération à l’aide d’un cauter. Pour éviter le risque de déchirure de la fenestration, il est conseillé de coudre ces marges avec un fil de Prolène® et aussi un anneau de Nitinol® peut être incorporé et cousu à cette fenestration (fig. 4). Les marqueurs radio-opaques sont aussi cousus autour de la fenestration pour ainsi identifier l’orifice et, de même,
un cathéter préalablement installé (à l’usine) dans l’introducteur primaire permet de retrouver la ou les vaisseaux concernés de façon plus aisée (fig. 5). Les fenestrations simples n’augmentent pas la taille de l’introducteur et dépendent de l’expansion complète du stent graft pour éviter les fuites. Il est à noter qu’il est préférable de placer la fenestration loin des mailles du stent adjacent. Les stents grafts qui présentent un espace plus important entre les mailles du stent sont donc avantagés. Il est à noter qu’il est nécessaire que le stent graft ne soit que partiellement déployé pour pouvoir orienter les fenestrations préfabriquées dans les orifices des vaisseaux, et ce n’est que quand l’accès aux vaisseaux brachiocéphaliques est sûr que le stent graft aortique est complètement déployé. De façon anecdotique, les premiers stents grafts thoraciques fenestrés ont été installés par notre équipe et l’équipe de Toulouse en 1997. Dans ce cas, le stent graft était taillé avec un cauter ophtalmique jetable et la fenestration était centrée sur la tige connectrice d’un stent graft Talent (fig. 6). Le suivi de onze ans chez ce patient asymptomatique confirme la stabilité d’un tel système (fig. 7). Le stent graft Najuta (2) et ses variantes sont en cours d’évaluation au Japon. Il consiste en un stent graft fait de stents en Z, connectés ensemble par des tiges de support longitudinal. La membrane est faite de PTFE et cousue à l’endosquelette aux deux extrémités. Les fenestrations sont placées sur mesure tout au long de la grande courbure du stent graft (fig. 8). Le stent graft Najuta a été utilisé avec succès chez 65 patients avec un suivi de 3 ans, il y a eu 2,2 % d’accident vasculaire cérébrale et 2,2 % de mortalité (S. Ishimaru, communication personnelle 2008).
Fig. 3 – Fenestration originale d’un stent graft de Cook, de première génération.
Les stents grafts de l’aorte thoracique : fenestrations, branches et techniques alternatives
A
B
Fig. 4 – A. Fenestration de 2e génération de Cook avec anneau de Nitinol® bordant l’orifice. B. Vue rapprochée d’une fenestration de 2e génération de Cook.
Fig. 7 – Suivi à l’IRM. 11 ans post-installation du stent graft Talent fenestré.
Fig. 5 – Stent graft fenestré de Cook pour le traitement de l’arche avec trois fenestrations correspondantes aux trois vaisseaux brachiocéphaliques (avec l’aimable autorisation du Docteur E. Verhoeven).
Fig. 8 – A. Anévrysme post-traumatique impliquant l’arche aortique (avec l’aimable autorisation du Docteur S. Kawaguchi et du Docteur Y. Yokoi). B. Résultat immédiat post-installation du stent graft fenestré qui a permis une couverture très proximale tout en gardant la perméabilité au niveau des vaisseaux de l’arche.
Fenestrations in vivo
A B C Fig. 6. – A. Anévrysme post-traumatique traité en 1996 à Toulouse (avec l’aimable autorisation du Professeur H. Rousseau). B. Fenestration taillée par notre équipe à l’aide d’un cauter ophtalmique, centrée sur la tige correctrice du stent graft Talent. C. Résultat immédiat post-installation du stent graft Talent, montrant l’exclusion de l’anévrysme avec maintien de la perméabilité de l’artère sous-clavière gauche.
Jusqu’à maintenant, toutes les fenestrations in vivo, au niveau de l’arche aortique, décrites chez l’humain ont été faites de façon rétrograde (6), soit par ponction percutanée de l’artère brachiale soit par ponction ou exposition des carotides. Les différentes ponctions initiales de la membrane peuvent être faites avec un guide (extrémité rigide), suivies par l’introduction d’un système de microballon ou de ballon muni de lames coupantes (cutting balloon) et enfin installation d’un stent. De façon intéressante, ce concept a aussi été réalisé par notre équipe en 1996 lors du traitement d’une couverture intentionnelle de l’artère sous-clavière gauche associée à un vol sous-clavier (fig. 9). Le suivi à ce jour de ce cas montre qu’il n’y a pas de problème hémodynamique au niveau du membre supérieur gauche. Mis à part les guides, des méthodes alternatives peuvent être utilisées selon nous pour faire le premier passage in vivo : aiguille transeptale, système de radiofréquence et laser. Les études de membranes in vitro ainsi que d’explants post-fenestration in vivo par notre
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Les syndromes aortiques aigus
équipe montrent qu’il n’y a pas de déchirure longitudinale autour de la fenestration (7). Le fait de placer une portion de membrane non supportée (entre deux couronnes de stents) n’est pas idéal pour la ponction rétrograde car cette membrane tend à être repoussée plus loin de l’ostium de la branche par l’aiguille ou le guide lors de la ponction. Dans ce cas, un ballon non compliant introduit par voie fémorale peut être gonflé dans la prothèse aortique pour maintenir le support de la membrane. Le suivi à long terme chez ces patients est aussi excellent avec une perméabilité maintenue (suivi de 7 à 10 ans). Les études expérimentales chez l’animal ont montré que la fenestration in vivo peut se faire relativement facilement de façon rétrograde et plus difficilement par voie antégrade. La ponction antégrade in vivo au niveau de l’arche aortique nécessite un marquage pour l’identification de l’ostium de la branche à ponctionner : stent, ballon rempli de contraste, coils détachables, injection de contraste en temps réel. Plus adaptée, selon nous, pour l’aorte abdominale, la ponction antégrade in vivo a peu d’utilité au niveau de l’arche aortique car les vaisseaux sont facilement accessibles par voie percutanée.
Fig. 9 – Stent installé à Toulouse en 1997 par voie rétrograde via l’artère brachiale gauche pour la fenestration in vivo de la membrane d’un stent graft Talent (avec l’aimable autorisation du Professeur H. Rousseau).
grafts aortiques actuels qui n’ont pas la capacité de se conformer parfaitement autour de ces petits stents grafts des branches. En revanche, dans un contexte d’urgence, pour traiter une couverture involontaire d’une branche supra-aortique, ce concept peut être réalisé sans difficulté. L’ajout d’une couronne de matériel autour du petit stent graft rendra plus intéressant ce concept car il diminuerait des petites fuites périprothèses.
Fig. 10 – Ponction percutanée de l’artère carotidienne gauche en vue d’une installation d’un stent graft à l’origine de l’artère carotidienne gauche, en parallèle au stent graft thoracique (avec l’aimable autorisation du Docteur F. Criado).
Fig. 11 – Image montrant une procédure alternative pour maintenir la perméabilité du tronc innominé et de l’artère carotidienne gauche dans un cas de stent graft qui débute à l’aorte ascendante (avec l’aimable autorisation du Docteur F. Criado).
Techniques alternatives Récemment, Criado (8, 9) a décrit son expérience avec la pose de stents et de stents grafts de petites tailles introduits de façon rétrograde au niveau de l’artère brachiale gauche ou au niveau de la carotide gauche (fig. 10), en parallèle à un stent graft aortique introduit par voie fémorale (figs. 11 et 12). Ce concept intéressant et facilement faisable tant au niveau technique qu’au niveau du matériel risque, selon nous, d’entraîner des fuites de type I avec certains types de stents
Fig. 12 – Stent installé par voie rétrograde à l’origine de l’artère carotidienne gauche.
Les stents grafts de l’aorte thoracique : fenestrations, branches et techniques alternatives
faite de Dacron® ultra-mince (fig. 16). Ce concept permet de traiter les pathologies de l’arche à l’aide du stent graft non modulaire, ne nécessitant pas d’extension au niveau des branches. Il possède plusieurs mécanismes indépendants (fig. 17) qui permettent de diriger ces branches à partir de l’introducteur primaire et aussi de jouer sur la longueur du stent graft tel qu’un accordéon. Le TALA est de plus complètement rétractable dans son introducteur (24 French) primaire.
Fig. 13 – Modèle du stent graft bifurqué de Chuter (avec l’aimable autorisation du Docteur T. Chuter).
Branches Les stents grafts avec branches préfabriquées sont en théorie supérieurs aux systèmes de fenestrations en ce qui concerne la durabilité et le respect de la direction du flux vers les vaisseaux de l’arche, mais sont en revanche plus difficiles à installer, nécessitant un délai d’attente assez long (6 à 8 semaines) et sont associés à des introducteurs plus volumineux (24-30 French). Les branches permettent un jeu d’angulation plus important que des fenestrations fixes (10, 11). Ces stents grafts nécessitent pour la plupart une extension dans les vaisseaux avec des stents grafts ou des stents de plus petit calibre pour maintenir la stabilité de la connexion avec le vaisseau concerné. Seul le modèle préconisé par Chuter (12, 13) peut ne pas avoir besoin d’extension car ce modèle est introduit par voie carotidienne droite comme un stent graft abdominal, avec une branche pour le tronc innominé et une branche (plus large) pour l’aorte thoracique distale (fig. 13). L’utilisation de ce stent graft nécessite souvent un pontage temporaire ou permanent entre les deux carotides et aussi par le même geste un pontage entre la carotide et la sous-clavière gauche (fig. 14). Le suivi des cas réalisés (six cas selon Chuter, communication personnelle 2008) avec ce concept est de 3 ans et montre une perméabilité des branches ainsi que du stent graft aortique. Inoue (14) a popularisé à la fin des années 1990 un stent graft en Dacron® avec branches préfabriquées et incorporées au stent graft primaire, qui nécessitent un déploiement de guides de traction complexes. Malgré de bons résultats et un suivi impressionnant (15), ce stent graft n’a pas eu un impact significatif au niveau de la communauté endovasculaire internationale. Le système TALA (fig. 15) est un tout nouveau concept de stent graft avec des branches dirigeables dans les artères brachiocéphaliques. L’endosquelette en Nitinol® est fabriqué manuellement et la membrane est
Fig. 14 – Schéma montrant le pontage carotido-carotidien et le pontage carotido-sous-clavier gauche (avec l’aimable autorisation du Docteur T. Chuter).
Fig. 15 – Stent graft TALA avec son endosquelette en Nitinol®.
Fig. 16 – Stent graft TALA avec branches intégrées.
Side prœg
Side prœg
Sheath
Fig. 17 – Système de déploiement des branches du stent graft TALA.
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Les syndromes aortiques aigus
Conclusion Le traitement endovasculaire à l’aide de stent graft au niveau de l’arche aortique est à son début. Des concepts novateurs et intéressants tels que des branches, des fenestrations préfabriquées ou in vivo sont décrits avec tous un bon suivi à moyen terme. Aucun des concepts actuels n’est facilement disponible ni assez polyvalent pour avoir une approbation et un usage à grande échelle. Le stent graft à une ou deux branches est selon nous le concept qui est le plus près de la commercialisation.
POINTS ESSENTIELS 1. Tous les patients présentant une dissection de
2.
3.
4.
5.
type B ne sont pas redevables d’un stent graft, d’après les données actuelles de la littérature. Ils sont en revanche contre-indiqués dans certaines situations cliniques et en fonction de certains critères anatomiques. Les formes compliquées (rupture ou syndromes de malperfusions, en particulier liés à un mécanisme dynamique) doivent être prises en charge en premier par des méthodes endovasculaires, si l’anatomie s’y prête. Les contre-indications aux bêtabloquants, les patients âgés, les douleurs persistantes et les hypertensions artérielles non contrôlées sont des indications de stent graft. Les patients associant plusieurs critères anatomiques défavorables (taille de l’aorte > 40 mm ou augmentation rapide du diamètre, perméabilité du faux chenal ou thrombose partielle de celui-ci, ou dilatation fusiforme de l’isthme de l’aorte) sont de bons candidats si l’anatomie aortique s’y prête sans risque. La prise en charge par un stent graft doit si possible être réalisée dans les 6 premiers mois.
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Chapitre
Complications et évolution chronique de la chirurgie après dissection aiguë de la racine aortique ou de la crosse
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J.-P. Verhoye et J.F. Heautot
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 Tubes aortiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 Chirurgie de la racine aortique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 Dépistage en imagerie des complications post-dissection aiguë de la racine aortique et de la crosse après traitement chirurgical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Dilatations anévrysmales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Faux anévrysmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
L’imagerie s’avère souvent le moyen de diagnostic de ces complications mais la méconnaissance des reconstructions chirurgicales de la racine aortique ou de la crosse, pratiquées en urgence, peut dérouter l’interprétation du radiologue. Le propos de ce chapitre est donc de présenter ces techniques chirurgicales et leur traduction en imagerie pour cataloguer les complications inhérentes à ces reconstructions ou leurs vices techniques.
Introduction
Tubes aortiques
L’objectif du suivi postopératoire précoce reste fondé sur le contrôle de la pression artérielle, le dépistage des malperfusions et la surveillance des diamètres aortiques (fig. 1). Au-delà de cette période, il n’est pas rare de constater une insuffisance de suivi, confrontant le praticien à la découverte de complications tardives d’expression clinique variable, voire de découverte fortuite.
Il s’agit d’un remplacement de l’aorte ascendante (fig. 2) épargnant la racine aortique. Ce tube prothétique est suturé en proximal, le plus souvent sur la jonction sino-tubulaire, et s’étend plus ou moins loin sur l’aorte ascendante et la crosse. L’hémi-arche chirurgicale (fig. 3) consiste en un remplacement prothétique de l’aorte ascendante qui se prolonge dans la concavité de la crosse. Le remplacement de la crosse (figs. 4 et 5) nécessite, lui, l’exérèse complète de la crosse aortique native et la réimplantation de la palette des troncs supra-aortiques sur la convexité du tube prothétique. Afin de faciliter la suture de la distalité du tube prothétique sur l’aorte descendante, la technique opératoire peut être facilitée en invaginant le tube prothétique dans l’aorte descendante, laissant flotter au final l’extrémité distale du tube dans la lumière aortique selon la technique de la « trompe d’éléphant » (fig. 5).
Chirurgie de la racine aortique
Fig. 1 – Schéma de la racine de l’aorte en coupe double oblique parallèle au grand axe. Les différents diamètres à mesurer sont : 1°) l’anneau aortique, 2°) les sinus de Valsalva, 3°) la jonction sino-tubulaire, 4°) l’aorte ascendante.
Cette chirurgie consiste à remplacer ou réparer les entités anatomiques de la racine aortique que sont l’anneau et ses valvules aortiques, les sinus de Valsalva, les ostia coronaires natifs, et la jonction sino-tubulaire. Selon la porte d’entrée, seule la valve aortique sera remplacée et un tube sera inséré au-dessus des sinus de Valsalva sur la jonction sino-tubulaire en remplace-
118
Les syndromes aortiques aigus
A
B
Fig. 2 – Dissection de type A opérée. Angioscanner 2D reformaté (A) et reconstruction VR (B). Tube simple. Remplacement d’un segment de l’aorte ascendante moyenne sans remplacement valvulaire ni réimplantation des coronaires ou des troncs supra-aortiques. Le tube prothétique se caractérise par des bords strictement parallèles aux contours annelés. La racine et la crosse conservent les contours lisses et courbes du vaisseau natif. Le faux chenal reste circulant sur la crosse et l’aorte descendante. À noter : le faux anévrysme du tronc commun de l’artère coronaire gauche (découverte fortuite en postopératoire).
A
B
Fig. 3 – Tube valvé (Bentall). Hémi-arche avec réimplantation du TABC. A. Reformatée 2D. B. Rendu de surface. Valve aortique mécanique. Présences d’images d’addition au niveau de la suture distale du tube, à surveiller (risque de faux anévrysme).
A
B
Fig. 4 – Remplacement de l’aorte incluant le segment horizontal. Interposition d’un tube prothétique entre le tube aortique et le TABC. Réimplantation de la carotide gauche et de la sous-clavière gauche. Noter la dilatation de l’isthme (49 mm) qu’il faudra également surveiller à long terme.
Complications et évolution chronique de la chirurgie après dissection aiguë de la racine aortique ou de la crosse
A
B
C Fig. 5 – Trompe d’éléphant. Conservation de la valve native (A) et des sinus de Valsalva (B). Réimplantation des TSA (C).
ment de l’aorte ascendante. Le patient conserve donc les sinus de Valsalva et leurs ostia coronariens natifs (fig. 6). Certains délabrements de la valve et de la racine nécessitent un remplacement complet (exemple : dissection sur valvules calcifiées). Cette technique nécessite la suture d’un tube prothétique valvé (biologique ou mécanique) sur l’anneau aortique natif après avoir réséqué les sinus de Valsalva et détaché les boutons coronariens (ostia droit et gauche). Ceux-ci seront
réimplantés dans le tube prothétique après la création de néo-ostia en position anatomique (fig. 3). Il s’agit de l’intervention de Bentall (1). L’intervention de Cabrol (2) est une déclinaison de la technique de Bentall où les ostia coronariens, ne pouvant être réimplantés en situation anatomique, ou détachés des sinus de Valsalva, seront reliés entre eux par un pontage termino-terminal. Ce pontage sera réinséré en latéro-latéral à la face postérieure du tube aortique prothétique valvé (fig. 7). Plus récemment, dans les cas de dissections des sinus de Valsalva sans délabrement ni pathologie préexistante des valvules aortiques, il a été proposé un remodelage des sinus de Valsalva selon la technique de Tyron David (3, 4). Cette technique (fig. 8) permet une conservation des valves et des commissures natives qui seront suturées à l’intérieur d’un tube prothétique dont la partie proximale sera fixée à la face externe de l’anneau aortique. Dans ce cas de figure, les ostia coronariens auront été libérés des sinus natifs et réimplantés en situation anatomique dans le tube prothétique. La partie distale du tube sera réinsérée plus ou moins haut sur l’aorte ascendante en fonction du niveau de la porte d’entrée principale. Cette technique permet de conserver la valve native du patient. Dans le cadre des dissections, notamment chez les patients ayant un syndrome de Marfan pour lesquels le risque de dissection de type B n’est malheureusement pas exclu, elle évite le traitement anticoagulant avec son risque hémorragique majeur. Ces techniques chirurgicales de dissection aiguë de la racine aortique et de l’aorte ascendante nécessitent d’en maîtriser les principes afin de dépister au cours de leur suivi à long terme les éventuelles complications ou évolutions.
Dépistage en imagerie des complications post-dissection aiguë de la racine aortique et de la crosse après traitement chirurgical Dilatations anévrysmales Elles concernent par définition les segments d’aorte native, qu’ils se situent au niveau de la racine ou de la crosse (fig. 9). La cinétique de dilatation dans le temps reste un élément fondamental de l’évaluation du risque de rupture. C’est pourquoi toute dilatation constatée doit toujours faire l’objet si possible d’une comparaison scrupuleuse à une iconographie antérieure et doit être réévaluée en cas de doute par un contrôle ultérieur
119
120
Les syndromes aortiques aigus
A
B
Fig. 6 – Remplacement valvulaire, tube aortique, conservation des Valsalva. Valve biologique.
A
B
C
D
E
Fig. 7 – Intervention de Cabrol. Pontage interposé entre les deux artères coronaires, anastomosé en latéro-latéral à la face postérieure de l’aorte. Sur un scanner sans synchronisation cardiaque, peut facilement être pris pour une dissection de la racine de l’aorte. Reconstruction 3D MIP : anastomose postérieure (A), coronaire gauche (B), coronaire droite (C). Reconstruction 3D en rendu de volume (VR) (D et E).
Complications et évolution chronique de la chirurgie après dissection aiguë de la racine aortique ou de la crosse
A
B
C
D
Fig. 8 – Intervention de Tyrone David. Insertion du tube sur l’anneau aortique et suspension des cuspides valvulaires à l’intérieur du tube (A et B). C’est la technique la plus élaborée de construction de la racine aortique. Elle évite la dilatation ultérieure des sinus de Valsalva. Les coronaires sont réimplantées dans le tube. La valve native est conservée (C). Reconstruction VR (D).
rapproché à trois mois. Pour nous, une majoration de plus 10 mm dans l’année représente un risque non négligeable de rupture.
A
Faux anévrysmes Par définition, il s’agit d’une déhiscence sur une zone de suture qui peut être due à une mauvaise étanchéité initiale ou à un lâchage secondaire. Ceci induit la constitution d’un hématome qui s’organise en faux
B
Fig. 9 – Évolution anévrismale de la racine à distance d’un remplacement de l’aorte ascendante en urgence. MIP (A) et VR (B).
121
122
Les syndromes aortiques aigus
anévrysme. Ces faux anévrysmes peuvent être à l’origine de deux phénomènes : soit une compression de voisinage (cavité cardiaque notamment atrium droit, toit de l’oreillette gauche), soit un risque de rupture. Il n’existe pas de facteur prédictif de rupture. Leur simple découverte doit de principe faire envisager un traitement chirurgical (figs. 10 et 11).
A
Ce chapitre, focalisé sur les complications chirurgicales, ne doit pas faire oublier la nécessaire vigilance sur les segments non opérés (l’aorte descendante), avec l’analyse du vrai et du faux chenal, et des artères viscérales. Le radiologue doit également analyser soigneusement les segments non disséqués qui peuvent évoluer pour leur propre compte (racine de l’aorte, aorte ascendante dans les dissections de type B, artères iliaques) (fig. 12). Actuellement, le moyen le plus simple, le plus accessible et le plus fiable est l’angioscanner, qui pose toutefois le problème de la tolérance rénale du produit de contraste iodé et de l’irradiation pour des examens répétés. Il reste la référence pour des contrôles ponctuels, notamment grâce aux techniques de gating (synchronisation cardiaque) et doit systématiquement comprendre la totalité de l’aorte et des vaisseaux pelviens. L’IRM, qui reste préférable au long terme, procure une moins bonne résolution notamment pour le dépistage des faux anévrysmes, et un moins grand champ (exploration limitée au thorax). Le scanner doit venir en complément au moindre doute.
Conclusion On ne trouve que ce que l’on cherche, et l’on ne cherche bien que ce que l’on connaît. Le but de ce chapitre est de faire comprendre au chirurgien la nécessité du suivi à long terme et au radiologue les techniques chirurgicales les plus usuelles, en attirant son attention sur les images clés afin qu’il puisse conférer toute la pertinence nécessaire à son compte rendu.
B Fig. 10 – Faux anévrysme sur Bentall. Reconstruction MIP oblique (A) et axiale (B). Image d’addition autour du tube valvé.
POINTS ESSENTIELS 1. Un suivi à long terme est nécessaire pour les dis-
sections aortiques opérées. 2. Le chirurgien doit connaître les avantages et les
Fig. 11 – Faux anévrysme géant autour de la suture distale du tube. Opéré au stade de rupture. Décès sur table.
inconvénients des différentes techniques d’imagerie : • scanner : très accessible, très précis ; • IRM : meilleure innocuité, images moins précises. 3. Le radiologue doit être familier des différentes techniques utilisées : • tubes prothétiques (contours annelés) ; • avec ou sans remplacement de la valve ; • avec ou sans réimplantation des artères coronaires. 4. Il doit connaître les complications et évolutions potentielles : • faux anévrysmes sur suture ; • évolution anévrysmale des segments natifs.
Complications et évolution chronique de la chirurgie après dissection aiguë de la racine aortique ou de la crosse
A
B
C
D
E
F
Fig. 12 – Dissection aortique de type B. Évolution anévrysmale de l’aorte ascendante au cours du suivi. A. Scanner initial. B et C. Contrôle à 3 ans. Intervention (Tyrone David et crosse avec trompe d’éléphant). Le segment de tube prothétique laissé libre dans l’aorte descendante proximale a pu être pris à tort pour une dissection sur lésion de clamp ou suture (E et F). L’aorte descendante reste à surveiller : croissance lente du diamètre en regard de la porte d’entrée, pouvant nécessiter à terme un deuxième temps chirurgical.
Références 1. Bentall H, De Bono A (1968) A technique for complete replacement of the ascending aorta. Thorax 23: 338-9 2. Cabrol C, Pavie A, Gandjbakhch I et al. (1981) Complete replacement of the ascending aorta with reimplantation of the coronaryarteries: new surgical approach. J Thorac Cardiovasc Surg 81: 309-15
3. David TE, Feindel CM (1992) An aortic valve-sparing operation for patients with aortic incompetence and aneurysm of the ascending aorta. J Thorac Cardiovasc Surg 103: 61721 4. Miller DC (2003) Valve-sparing aortic root replacement in patients with the Marfan syndrome. J Thorac Cardiovasc Surg 125: 773-82
123
Partie 3
Aorte descendante Dissection de type B
Chapitre
Dissections aiguës non compliquées. Des stents grafts pour qui ?
12
H. Rousseau, B. Marcheix, V. Chabbert, C. Dambrin, C. Cron, S. Lopez, C. Conil, P. Massabuau, M.-A. Maracher, J. Auriol, P. Otal, F. Joffre et J.-P. Beregi
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 Aspects physiopathologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 Quel est le risque pour une dissection non compliquée d’évoluer vers une complication ou un décès et est-ce que ce risque justifie l’utilisation des stents grafts à titre préventif ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 Est-ce que le traitement par stent graft est fiable et durable ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Est-ce que l’analyse des données de la littérature est toujours vraie au vu des progrès technologiques et de l’évolution de la prise en charge endovasculaire de ces dissections ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Introduction Alors qu’il existe un large consensus en faveur du traitement chirurgical des dissections intéressant l’aorte ascendante, le traitement des dissections de l’aorte thoracique descendante reste controversé. À quelques exceptions près, la plupart des équipes ont en effet adopté, depuis plus de 10 ans, une attitude conservatrice dans le traitement des dissections aiguës de l’aorte thoracique descendante, le traitement chirurgical étant réservé aux complications. Les raisons de cette attitude étaient fondées sur trois constats : 1. la mortalité opératoire reste relativement élevée ; 2. les résultats à long terme sont comparables que les malades aient été traités médicalement ou chirurgicalement ; 3. le traitement médical stabilise la dissection et prévient le décès précoce dans la majorité des cas. Ces observations sont le fruit d’une analyse des différentes études publiées à ce jour et du registre international sur les dissections aiguës de l’aorte thoracique descendante (International Registry of Acute Dissection, IRAD) actuellement en cours, qui montre une mortalité à 30 jours significativement inférieure avec le traitement médical comparé à la chirurgie (10 vs 30 %) (1). Ces données sont confirmées par une étude suédoise
récente qui montre une survie actuarielle à 5 ans de 82 % et 69 % à 10 ans chez les patients traités médicalement (2). Cette approche thérapeutique, bien ancrée, a été remise en question par deux publications en 1999 du New England Journal of Medicine qui ont montré l’intérêt des stents grafts pour la prise en charge de cette pathologie (3, 4). Dans l’étude de Stanford, 19 patients avaient bénéficié de la mise en place d'un stent graft pour dissection aiguë. Un succès technique était rapporté dans tous les cas. La mortalité précoce était de 16 % (trois patients) dont deux furent la conséquence d'une rupture du faux chenal. L'évolution précoce avait montré une thrombose complète du faux chenal dans 79 % des cas et une thrombose partielle dans 21 % des cas. Après un contrôle à 6 mois, il avait été observé une disparition complète du faux chenal (4). La seconde expérience a été rapportée par les groupes de Hambourg et de Bologne. Vingt-quatre patients présentant une dissection aortique de type B (subaiguë ou chronique), non randomisés, bénéficièrent pour 12 d'entre eux d’un stent graft, et pour 12 d’un traitement chirurgical conventionnel. Aucune mortalité précoce n’a été rapportée. À 3 mois, il existait une thrombose complète du faux chenal, une absence d'occlusion des branches de l'aorte, une absence de déplacement ou de plicature du stent graft. À l'opposé, dans le groupe chirurgical, la mortalité était de 33 % à 12 mois (pour deux patients par rupture du faux chenal) (3). Dans ces deux articles, il avait été démontré qu’en plaçant un stent graft en regard des portes d’entrée de l’aorte thoracique, il était possible d’effondrer la pression dans le faux chenal et de permettre la thrombose du faux chenal et l’expansion du vrai chenal. Ainsi, il semblait possible d’empêcher l’évolution anévrysmale et la rupture de l’aorte. La limite principale de ces deux articles était leur durée de suivi limitée à 12 mois maximum. Depuis, la littérature s’est enrichie de très nombreux articles qui ont permis de montrer l’efficacité des stents
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Les syndromes aortiques aigus
grafts pour les dissections compliquées ; en revanche, leur place pour les formes non compliquées reste discutable (5). La question est de savoir si toutes les dissections non compliquées peuvent bénéficier d’un traitement par un stent graft. Seules des études à large échelle comparative permettront de répondre à cette question. Cependant, le développement technologique, comme dans bien d’autre domaine, a poussé les indications thérapeutiques avant même d’avoir les réponses. L’objectif de ce chapitre est d’essayer de définir si les stents grafts doivent être proposés ou non à toutes les dissections de type B.
Aspects physiopathologiques Pour mieux comprendre la prise en charge thérapeutique de ces dissections, il paraît essentiel de préciser quelques notions nouvelles de physiopathologie. Classiquement, on distingue les dissections aiguës des dissections chroniques, ces dernières correspondant à toutes les dissections de plus de 14 jours, soit près d’un tiers des dissections au moment du diagnostic (6). Mais cette classification fondée essentiellement sur le risque de mortalité précoce, significativement plus élevée dans les 14 premiers jours, est actuellement dépassée. En effet, cette classification ne permet pas de déterminer quels sont les patients qui doivent bénéficier d’un traitement chirurgical ou endovasculaire en plus du traitement médical. Il semble préférable actuellement de diviser les dissections en forme compliquée ou non compliquée. En effet, il est clair que les complications telle que les ruptures, les extensions, le développement de pseudo-anévrysme du faux chenal, les douleurs persistantes, les hypertensions résistantes ainsi que les malperfusions nécessitent un traitement chirurgical ou endovasculaire en urgence. D’autre part, sur le plan thérapeutique endovasculaire, il faut différentier les dissections récentes (< 6 mois), des dissections de plus de 6 mois qui peuvent poser des problèmes techniques du fait de l’organisation de la dissection avec un épaississement du flap intimal, une thrombose partielle du vrai ou du faux chenal, pouvant rendre impossible la mise en place d’un stent graft. De plus, à côté de la classification de De Bakey, une classification anatomique plus précise est indispensable. Il est en effet essentiel de déterminer la ou les portes d’entrée ou de réentrée, de préciser le type d’extension statique, dynamique ou mixte de cette dissection aux artères viscérales ou aux membres inférieurs pour mieux définir la stratégie thérapeutique.
Dans ce contexte, la question est de savoir s’il faut élargir les indications des stents grafts aux formes non compliquées de dissections de type B, compte tenu des bons résultats observés dans la littérature. Avant d’envisager d’élargir les indications à toutes les formes de dissections de type B, on doit s’efforcer de répondre à trois questions : 1. Quel est le risque pour une dissection non compliquée d’évoluer vers une complication ou un décès et est-ce que ce risque justifie l’utilisation des stents grafts à titre préventif ? 2. Est-ce que le traitement par stent graft est suffisamment fiable et durable pour effectivement éviter la survenue d’une complication aortique à long terme et ne pas entraîner plus de complications que le traitement médical classique, associé à une surveillance stricte et à un traitement spécifique lors de la survenue d’une complication ? 3. Enfin, est-ce que l’analyse des données de la littérature est toujours vraie au vu des progrès technologiques et de l’évolution de la prise en charge endovasculaire de ces dissections ?
Quel est le risque pour une dissection non compliquée d’évoluer vers une complication ou un décès et est-ce que ce risque justifie l’utilisation des stents grafts à titre préventif ? Pour essayer de répondre à la première question, nous devons faire appel à l’histoire naturelle de la maladie. Le registre IRAD (1), actuellement en cours, nous apporte de manière prospective les données cliniques et le devenir de plusieurs centaines de patients présentant une dissection. On constate que la mortalité précoce est de 13 %, liée à une rupture dans 70 % des cas, une ischémie viscérale dans 19 % des cas ou à des complications neurologiques dans les autres cas. Ainsi, on considère que 20 % des dissections sont compliquées au moment du diagnostic, et vont nécessiter un traitement en urgence (1, 7, 8). Mais il faut noter qu’après 14 jours le taux de mortalité est très faible. On voit également que les dissections aiguës non compliquées sont de loin les formes les plus fréquentes et ont un pronostic très nettement supérieur aux formes compliquées et ne semblent pas nécessiter d’autre traitement que le traitement médical. En effet, en l’absence de traitement, le taux de survie des dissections de type B non compliquées est de 91, 89 et 80 % respectivement à un mois, un an et cinq ans (9). Cependant, 20 à 28 % des dissections de type B vont développer secondairement un anévrysme qui va nécessiter un traitement dans les 40 à 50 mois, avec une rupture dans 18 % des cas (10-12). L’analyse la plus récente de ce registre IRAD nous permet de constater que 87 % des patients qui passent
Dissections aiguës non compliquées. Des stents grafts pour qui ?
les 30 premiers jours ont un taux de survie moyen de 90 ± 4,3 % et 77,6 ± 66 % respectivement à un an et trois ans. Cette étude nous permet aussi de comparer les taux de survie à un an et trois ans de la chirurgie (respectivement de 95,8 et 82,8 %) et du traitement par stent graft (88,9 et 76,2 %) (13). Ainsi, d’après la littérature, passé la phase aiguë, 15 à 25 % des patients vont décéder dans les trois ans dont 31 à 66 % pour des causes en relation avec la pathologie aortique (incluant les ruptures, l’évolution de la dissection ou les décès après une chirurgie secondaire) (14-17). Une autre publication a rapporté chez des patients survivants après la phase aiguë que 75 % n’ont pas présenté de rupture ou de décès et 60 % n’ont pas présenté de rupture ou nécessité d’intervention aortique (11). Une publication plus récente d’une équipe suédoise a permis d’analyser un suivi de patients traités médicalement sur une période de 15 ans. Le taux de survie chez les patients ayant passé la phase aiguë était de 100, 82 et 69 % respectivement à un an, cinq ans et dix ans, ce qui n’était pas très différent de la population globale suédoise (2). Après cinq et dix ans, 85 et 82 % des patients, respectivement, n’ont pas présenté de décès en rapport avec la dissection et seulement 15 % ont présenté une évolution anévrysmale. L’analyse de ces données laisse penser que les survivants après la phase aiguë ont un bon pronostic et que la moitié de tous les décès pendant le suivi sont liés à d’autres causes que la pathologie aortique. À l’inverse, une étude comparative concernant 80 patients traités à Rostock et Hambourg, même si elle est rétrospective, a montré que sur des courbes actuarielles de survie de Kaplan-Meyer le taux de mortalité à 12 mois pour les patients traités médicalement était de 27,5 % contre seulement 5,1 % pour les patients traités par stents grafts, ce qui a motivé la mise en place de l’étude INSTEAD (18) (fig. 1).
Fig. 1 – A. Courbe de survie de 80 patients présentant une dissection de type B traités médicalement. Le taux actuariel de survie à 1 an était de 72,5 %. B. Chez le même nombre de patients, les courbes de Kaplan-Meyer montraient un taux de survie à un an de 94,9 %, chez les patients traités par stent graft. D’après Nienaber et al. (18).
Au total, les avis peuvent être divergents, mais il semble qu’une minorité de patients ait une évolution anévrysmale, mais il faut tenir compte du fait qu’en pratique beaucoup de patients présentant une dissection de type B non compliquée sont perdus de vue et le taux de mortalité ou d’évolution anévrysmale est vraisemblablement sous-estimé.
Est-ce que le traitement par stent graft est fiable et durable ? Est-ce que le traitement par stent graft est suffisamment fiable et durable pour effectivement éviter la survenue d’une complication aortique à long terme et ne pas entraîner plus de complications que le traitement médical classique, associé à une surveillance stricte et à un traitement spécifique lors de la survenue d’une complication ? Depuis près de 10 ans, les études ont montré que l’utilisation des stents grafts permettait d’exclure la porte d’entrée et ainsi d’obtenir la dépressurisation du faux chenal et la thrombose de celui-ci (5). De ce fait, une expansion du vrai chenal, une diminution du diamètre aortique (ou remodelage), ainsi qu’une reperfusion des artères distales sont observées. Il semble donc évident que l’utilisation des stents grafts permet de diminuer le risque de rupture aortique. Cependant, ces techniques endovasculaires ne sont pas dénuées de leurs propres complications. La majorité des articles sur l’utilisation des stents grafts pour les dissections de type B concernent des indications pour des formes compliquées et très peu concernant les formes non compliquées de dissection. Une méta-analyse concernant 36 études sur un total de 609 patients dont 197 dissections chroniques est intéressante à évaluer même si on ne sait pas exactement le caractère symptomatique ou non des patients (5). Le taux de mortalité à j30 était de 3,2 % pour une survie à 6 mois, 1 an et 2 ans respectivement de 94 %, 92,7 % et 91 %. Le taux de complications majeures (vitales ou nécessitant une réintervention) était de 8 %, incluant les dissections rétrogrades de l’aorte ascendante (observée dans 1,9 ± 0,6 %) et les accidents vasculaires cérébraux. Le taux de ces complications était cependant sensiblement inférieur pour cette indication par rapport aux dissections aiguës. Au total, au vu de cette méta-analyse, on peut constater que les complications locales ou neurologiques ne sont pas exceptionnelles et que les reprises endovasculaires ou chirurgicales sont nécessaires dans 2,3 ± 0,6 et 1,5 ± 0,6 % des cas respectivement (5). Il faut souligner également un effet centre avec un taux de complication sensiblement supérieur dans les centres à faible expérience (inférieur à 20 cas) (tableau I).
129
130
Les syndromes aortiques aigus Tableau I – Caractéristiques des patients rapportés et résultats de la méta-analyse (5).
Caractéristiques des patients Données disponibles n
Nombre d’événements n
39
-
1 007
-
Nombre de patients présentant une dissection aortique
609
-
60,5
Âge patients (ans)
442
-
61,0
Genre masculin
240
182
75,8 ± 2,6
Dissection aiguë
427
248
58,1 ± 1,8
Présentation avec une rupture
491
79
16,1 ± 12
Succès technique
551
541
98,2 ± 0,5
Conversion chirurgicale
609
7
2,3 ± 0,6
Procédures endovasculaires complémentaires
324
5
1,5 ± 0,6
Complications globales
449
61
13,6 ± 1,5
Complications majeures
449
50
11,2 ± 1,4
Complications mineures
449
11
2,4 ± 0,7
Complications liées au stent graft
429
29
6,8 ± 1,2
Dissection type A rétrograde
429
8
1,9 ± 0,6
Complications d’accès
429
10
2,3 ± 0,7
Complications neurologiques
518
15
2,9 ± 0,7
AVC
518
10
1,9 ± 0,6
Paraplégie
609
5
0,8 ± 0,4
Mortalité hospitalière
524
27
5,2 ± 0,9
Mortalité hospitalière liée au stent graft
397
9
2,3 ± 0,7
Mortalité hospitalière non liée au stent graft
397
16
4,0 ± 0,9
Nombres d’études incluses Nombre total des patients rapportés
%
Résultats
Une autre série publiée en 2006 par R Fattori et al. est également intéressante à analyser, car elle représente la série la plus importante de patients (n = 457) traités par un même modèle de stent graft pour des pathologies de l’aorte thoracique (19). L'analyse du sousgroupe des dissections dans le cadre de ce registre multicentrique concerne 180 patients consécutifs traités entre novembre 1996 et mars 2004. Tout à fait logiquement, les résultats montrent une mortalité hospitalière des patients traités pour des complications aiguës sensiblement plus élevée que pour les patients
présentant une dissection chronique (13,5 % vs 2,1 %, p = 0,003). Les taux de survie moyen des patients traités en urgence étaient également inférieurs (86,2 ± 5,7 % à 30 jours, 83,2 ± 6,3 % à 12 mois et 83,2 ± 6,3 % à 3 ans), comparé aux taux de survie des patients vus sans complication (97,1 ± 1,4 % à 30 jours, 92,6 ± 2,4 % à 12 mois, et 81,9 ± 5,5 % à 3 ans). De même, les complications majeures postopératoires, en particulier les événements neurologiques (16,2 % contre 4,2 % dans des cas électifs, p = 0,01), étaient sensiblement plus élevées chez les patients présentant des complica-
Dissections aiguës non compliquées. Des stents grafts pour qui ?
tions aiguës que ceux qui n’en présentaient pas (40,5 contre 10,5 %, p < 0,001). La seule étude randomisée comparant le traitement médical au traitement par stent graft pour les formes non compliquées de dissection chronique (supérieure à 14 jours et inférieure à 52 semaines) est actuellement en cours de publication. Cette étude INSTEAD (Investigation of Stent-Graft in Patient with type B Aortic Dissection), concernait 136 patients traités dans sept centres avec un suivi régulier pendant 2 ans (18). Les résultats préliminaires, présentés par Nienaber au congrès de Franck Veith à New York en novembre 2006, ont montré un taux de succès pour les stents grafts de 100 % sans aucune complication peropératoire. Cette étude a montré une augmentation peu importante mais non significative de la mortalité à un an dans le groupe traité par stent graft (8,6 vs 3 %), mais il faut noter un taux de mortalité particulièrement faible dans le groupe médical. Cependant, 11 % des patients traités médicalement ont dû bénéficier d’une conversion par stent graft, deux pour malperfusion et quatre pour une évolution anévrysmale du faux chenal. À l’inverse, le risque de complications majeures (rupture, évolution anévrysmale, malperfusion et conversion) était sensiblement inférieur dans le groupe stent graft. De même, les chances de remodelage (thrombose du faux chenal et diminution du diamètre aortique) étaient significativement supérieures, dans ce groupe (97 vs 53 % ; p = 0,003). Malgré tout, comme le critère primaire de ce protocole était la survie, les conclusions des auteurs étaient de ne pas proposer un stent graft à titre préventif pour les dissections chroniques non compliquées et de les réserver aux formes compliquées. Mais il faut noter que les résultats tardifs (supérieur à cinq ans) seront essentiels pour déterminer le bénéfice à long terme du traitement préventif des dissections chroniques par stent graft.
Est-ce que l’analyse des données de la littérature est toujours vraie au vu des progrès technologiques et de l’évolution de la prise en charge endovasculaire de ces dissections ? La littérature nous a montré que la prise en charge endovasculaire a évolué depuis ces dix dernières années, pas seulement pour des raisons techniques mais aussi en raison d’une meilleure évaluation des critères de succès. On a vu d’après la littérature, aussi bien chirurgicale que médicale, que les auteurs s’accordent pour dire que la thrombose du faux chenal est un critère essentiel pour éviter une complication secondaire. Initialement, le concept était de se contenter d’un traitement de la porte d’entrée avec un stent graft court pour éviter les compli-
cations médullaires, placé le plus souvent en regard de l’isthme. En fait, de nombreuses études sur le traitement par stent graft des dissections montrent un taux de thrombose du faux chenal souvent que partiel, le plus souvent limité à la zone recouverte par les stents grafts. Gaxotte et al. ont montré sur une étude française de 50 patients avec un suivi moyen de 15 mois (3-66 mois) que l’augmentation significative du diamètre de la vraie lumière et la réduction du diamètre du faux chenal (de 19,00 à 32,9 mm) et de l’aorte (de 55,1 à 49,3 mm) n’étaient observées que quand le faux chenal était complètement thrombosé (fig. 2) (20). À l’inverse, aucune diminution significative n’était observée en l’absence de thrombose complète, ce qui laisse à penser que seule la thrombose du faux chenal doit être considérée comme un succès et doit pousser les médecins à faire tout pour créer la thrombose de celui-ci, ce qui n’est pas le cas dans la majorité des articles publiés sur ce sujet. Différentes solutions endovasculaires peuvent être proposées pour améliorer les résultats. Ainsi, le taux de paraplégie étant en moyenne inférieur à 2 %, d’après la littérature, la majorité des auteurs préconisent l’utilisation de stents grafts plus longs, actuellement disponibles sur le marché, pour favoriser la thrombose du faux chenal de l’aorte thoracique, et améliorer les résultats à long terme. Plusieurs auteurs ont également proposé de compléter la mise en place d’un stent graft, par la pose d’un stent non couvert pour améliorer l’expansion de la vraie lumière et favoriser la thrombose du faux chenal (20, 21). Enfin, toute fuite doit être considérée comme un échec et nécessite un traitement complémentaire pour permettre la thrombose totale du faux chenal. Ces données sont confirmées par d’autres articles (22, 23). Un autre élément important est le moment de l’intervention. Kusagawa et al. soulignent que l’obstruction du faux chenal est observée plus souvent dans les dissections aiguës que chroniques (76 vs 36 %), ce qui laisse à penser qu’en retardant la mise en place des stents grafts, on diminue les chances de succès (24). Ces résultats sont confirmés par l’étude de Kato qui a montré que la réduction du faux chenal était observée respectivement, dans 93 %, 75 % et 50 % des cas aux différents niveaux de l’aorte thoracique quand le stent graft était placé dans les 6 premiers mois, contre des valeurs en moyenne de 72 %, 60 % et 38 % quand le stent graft est placé après cette date (23). En dehors du fait que, traitées tardivement par des stents grafts, les dissections ont moins de chance d’être guéries, ces résultats soulèvent le problème des difficultés thérapeutiques que l’on risque d’observer si le traitement est différé, du fait des modifications de la membrane intimale qui devient plus épaisse et fibreuse, et des remaniements anatomiques que l’on observe également avec le temps pouvant empêcher la mise en place du stent graft.
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De même, l'analyse du registre multicentrique déjà cité nous montre que les patients vus précocement présentent en moyenne un diamètre aortique plus petit et pour cette raison présentent un taux d’endoleak secondaire après mise en place d’un stent graft nettement inférieur, et de ce fait un taux d’augmentation du diamètre aortique sensiblement inférieur comparé aux dissections chroniques (3,2 % contre 23,3 %, p = 0,001) (19). Quoique statistiquement non significatif également, un taux inférieur de procédures secondaires ou de rupture aortique mortelle secondaire a été observé pour les dissections aortiques aiguës. On voit donc que les résultats seront certainement différents si on adopte une attitude thérapeutique plus complète pour obtenir une thrombose du faux chenal et si les patients sont traités plus précocement. Au total, la question est de savoir s’il est acceptable – compte tenu des données ci-dessus – à la fois sur le plan clinique et en termes de coût, de traiter tous les patients sans complication avec un stent graft alors que 85 % d’entre eux n’auront pas de complication aortique dans les 10 ans ? Probablement non, mais la réponse est dans l’analyse plus fine de la littérature pour faire ressortir un sous-groupe de patients chez qui on peut distinguer des facteurs de risque évolutifs qui permettraient de sélectionner les patients redevables d’un stent graft. Ainsi, on sait que certains patients présentent un risque plus important de morbidité et qu’ils peuvent être identifiés précocement. Deux paramètres vont ressortir des études : des critères cliniques et anatomiques. Sur le plan clinique, les patients âgés (> 70 ans) ont un risque nettement plus élevé. Il semble exister également une triade clinique qui permet de déterminer le risque de mortalité : la présence d’un choc ou d’une hypotension (odds ratio de mortalité de 12,36 (95 % CI 3,6–42,9), un syndrome de malperfusion (OR de 18,36 [95 % CI 2,2–32,1]) et un hématome péri-aortique témoignant d’une prérupture (OR : 5,05 [95 % CI 1,4–17,8]) sont autant de signes péjoratifs. Prise isolément, la mortalité en cas d’hypotension est de 56 %, 28,9 % en cas de syndrome de malperfusion et 10,5 % en cas d’hématome péri-aortique. À l’inverse, les formes non compliquées ont une mortalité de 1,3 % seulement (25). De nombreuses études ont montré également que certains paramètres anatomiques sont également prédictifs d’une évolution anévrysmale du faux chenal avec un risque de rupture secondaire, complication le plus souvent létale. La perméabilité du faux chenal est retrouvée de façon constante dans la plupart des études (26). D’autres auteurs ont associé deux facteurs prédictifs (perméabilité du faux chenal et diamètre aortique initial supérieur à 40 mm) (26, 27). Ainsi, Kato et al. ont montré sur un recul de 7 ans que 75 % des patients
associant ces deux critères présentaient un risque évolutif avec un diamètre aortique de 60 mm ou plus, 20 % d’entre eux avec une augmentation rapide et qu’un patient sur quarante présentait une rupture. Le pourcentage de patients qui nécessite une intervention est de 88, 68 et 60 % respectivement à un, trois et cinq ans, d’après cette étude (27). L’étude suédoise a également démontré l’intérêt du traitement préventif chez les patients présentant un diamètre supérieur à 40 mm, associé à un hématome de paroi avec une image « d’ulcère like » (2). Pour d’autres auteurs, la perméabilité du faux chenal et la localisation de la zone la plus dilatée en regard de l’isthme semblent jouer un rôle déterminant (28, 29). De même, le degré de dilatation fusiforme de la partie proximale de l’aorte descendante, associée au diamètre aortique et à la perméabilité du faux chenal semblent être des critères majeurs de risque évolutif des dissections de type B non compliquées (29). Ces résultats ont été confirmés par d’autres auteurs qui ont montré que la taille de l’aorte (OR 1,61, 95 % CI 1,20–2,15 ; p = 0,001) et la perméabilité du faux chenal (OR 3,88, 95 % CI 1,20–12,61, p = 0,02) étaient les deux facteurs essentiels du pronostic à long terme (30). Plus récemment, l’analyse du registre IRAD a permis de montrer le rôle d’une thrombose partielle du faux chenal (fig. 3). Le suivi médian pour les 201 patients examinés dans cette analyse était de 2,8 ans. La figure 3 montre les courbes de Kaplan-Meyer de mortalité stratifiées selon le statut du faux chenal. Le taux de mortalité était sensiblement supérieur (p < 0,001) chez les patients présentant une thrombose partielle du faux chenal, avec des taux de mortalité à un et trois ans de 15,4 ± 8,8 % et 31,6 ± 12,4 %, respectivement, contre un taux de mortalité de 5,4 ± 4,2 % et 13,7 ± 7,1 % chez les patients présentant un faux chenal perméable et 0 % et 22,6 ± 22,6 % chez les patients présentant une thrombose complète. L’hypothèse physiopathologique des auteurs est d’évoquer une augmentation de la pression moyenne dans le faux chenal quand la thrombose est partielle, transformant le faux chenal en « cul-de-sac » alors qu’elle est identique à la pression du vrai chenal qui communique largement avec le faux chenal par les multiples portes d’entrée quand le faux chenal est complètement perméable ou inférieure quand le faux chenal est thrombosé (31). Le problème des anticoagulants dans le cadre des dissections a été soulevé récemment (32). L’article de Tsai et al. montre clairement qu’une thrombose partielle du faux chenal est un facteur prédictif indépendant de mortalité secondaire accrue. D’autre part, la coagulation intravasculaire disséminée, complication fréquente dans le cadre de cette pathologie, devrait bénéficier d’une anticoagulation. Peu d’information sont actuellement disponibles dans la littérature pour évaluer le
Dissections aiguës non compliquées. Des stents grafts pour qui ?
bénéfice d’un traitement anticoagulant préventif dans le cadre de cette pathologie et certains auteurs ont soulevé l’intérêt d’une telle étude, prospective (32). Plusieurs inconvénients sont bien sûr à discuter : 1. un risque accru de rupture, mais en fait aucun argument scientifique formel ne permet d’étayer cette hypothèse ; 2. un risque accru de complications peropératoires si nécessaire, mais la protamine devrait éviter ces complications ; 3. les anticoagulants empêcheraient la thrombose du faux chenal après la mise en place d’un stent graft, c’est probablement vrai, même on n’a pas de preuve formelle. Au total, probablement les anticoagulants seraient justifiés uniquement au début des symptômes avant qu’une décision endovasculaire ou chirurgicale ne soit portée, ceux-ci devant être interrompus si un geste invasif est pratiqué. À l’inverse, certains argumentent que la perméabilité du faux chenal est présente dans plus de 70 % des cas, alors que l’augmentation du diamètre aortique n’est en moyenne que de 3,3 ± 4,2 mm/an et que, pour cette raison, ce seul critère semble insuffisant pour décider d’un traitement (26). Cependant, dans cette étude, quand le faux chenal est perméable le taux de progression est significativement plus important que le groupe avec un faux chenal thrombosé (3,3 mm/an vs –1,4 mm/an) (p < 0,0001) (26). Évolution des diamètres du faux chenal
Fig. 3 – Courbe de Kaplan-Meier de mortalité stratifiée en fonction de la perméabilité du faux chenal. Les valeurs de p ont été calculées avec le test de log-rank. D’après Tsai et al. (31).).
dehors des formes compliquées (rupture ou syndromes de malperfusions, en particulier liés à un mécanisme dynamique), devraient être les contre-indications aux bêtabloquants telles que les syndromes obstructifs respiratoires chroniques, les patients âgés, les douleurs persistantes, les hypertensions artérielles non contrôlées (11). Les patients associant plusieurs critères anatomiques défavorables (taille de l’aorte > 40 mm ou augmentation rapide du diamètre, perméabilité du faux chenal ou thrombose partielle de celui-ci, ou dilatation fusiforme de l’isthme de l’aorte) pourraient être également de bons candidats si l’anatomie aortique s’y prête sans risque. Le moment de la prise en charge est également important, car nous avons vu que les chances de succès sont sensiblement plus élevées si la décision thérapeutique est précoce.
POINTS ESSENTIELS 1. La mise en place d’un stent graft de principe pour
Fig. 2 – Relations entre un faux chenal complètement thrombosé (A : ligne pleine) ou partiellement thrombosé (B : ligne pointillée) et la mesure du diamètre du faux chenal sur toute la population. La différence est significative entre les contrôles avant et 3 mois après le traitement (p < 0,005). D’après Gaxotte (20).
Conclusion En conclusion, on dispose actuellement d’une expérience suffisante pour permettre l’individualisation de sous-groupes de malades à risque de complications susceptibles de justifier la mise en place d’un stent graft de principe. Les meilleures indications cliniques, en
tous les syndromes aortiques aigus ne semble pas actuellement justifiée par les études cliniques. 2. Les meilleures indications cliniques, en dehors des formes compliquées, devraient être les contre-indications aux bêtabloquants, les patients âgés, les douleurs persistantes et les hypertensions artérielles non contrôlées. 3. Les patients associant plusieurs critères anatomiques défavorables (taille de l’aorte > 40 mm, augmentation rapide du diamètre, perméabilité du faux chenal ou thrombose partielle de celuici) sont également de bons candidats si l’anatomie aortique s’y prête sans risque. 4. Le moment de la prise en charge est également important, car les chances de succès sont sensiblement plus élevées si la décision thérapeutique est précoce.
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Chapitre
Dissection aortique et syndrome de malperfusion. Indications et techniques des traitements endovasculaires
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G. Abboud, C. Lions, A. Prat, Z. Negaiwi, K. Akkari, C. Decoene, L. Gengler, P. Asseman, M. Midulla, M. Koussa, S. Willoteaux et J.-P. Beregi
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Syndrome de malperfusion-symptomatologie . . . . . . . . . . . 136 Mécanismes physiopathologiques - Classification anatomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136 Examens paracliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 Place de l’angioscanographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 Place de l'IRM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 Place de l'échographie vasculaire périphérique . . . . . . . 139 Place de l’artériographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Traitements endovasculaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Fenestration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Mise en place de stents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Conclusion et prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
Introduction La société européenne de cardiologie a publié en 2001 une nouvelle classification en cinq classes pour des lésions acquises aiguës de l’aorte (tableau I). Dans ce chapitre, seule la dissection aortique de classe 1 sera discutée. Cette dissection aortique est caractérisée par un clivage longitudinal plus ou moins étendu de la média de l’aorte. Le plan de clivage est habituellement situé entre les deux tiers internes et le tiers externe de la média et aboutit à la création de deux chenaux, le vrai (VC) et le faux (FC) séparés par le voile (flap) intimal. L’extension du clivage est en général antérograde mais peut être rétrograde. Le faux chenal a un trajet hélicoïdal. Il est habituellement de siège antérieur et droit au niveau de l’aorte ascendante, supérieur et légèrement postérieur au niveau de la crosse, postérieur et gauche au niveau de l’aorte descendante. Le passage du sang de la lumière artérielle vers la concavité se fait par un ou plusieurs orifices d’entrée et se propage le long de l’aorte à hauteur de l’isthme ou dans la région immédiatement sous-isthmique. Un orifice de sortie peut exister en distalité mais n’est pas constant, rendant le FC circulant ou non. Le diamètre du VC est souvent inférieur à celui du FC, qui peut alors exercer un effet de masse sur la lumière du VC et occasionner une malperfusion d’aval.
La dissection aortique est une urgence médicoradio-chirurgicale redoutable mettant rapidement en jeu le pronostic vital (1, 2). C’est une pathologie complexe et dynamique avec des mécanismes physiopathologiques variés susceptibles d’être à l’origine d’une ischémie viscérale. Le diagnostic et la prise en charge doivent être réalisés rapidement avec la technique la plus fiable et la moins invasive possible. Selon la classification de Stanford, les dissections de type A intéressent l’aorte ascendante, quel que soit le siège de l’orifice d’entrée. Les dissections de type B respectent l’aorte descendante, l’orifice d’entrée étant généralement situé sur l’aorte ascendante, parfois sur la crosse. Le type A constitue presque toujours une indication chirurgicale, en urgence, avec un remplacement de l’aorte ascendante. Le type B relève en première intention d’un traitement médical, sauf en cas de complications (3). Cependant, cette classique approche binaire ne correspond plus aux modalités de prise en charge du fait des nouvelles connaissances physiopathologiques et de la persistance d’une mortalité élevée (20 % à 1 mois en cas de dissection de type A et 10 % en cas de type B). Tableau I – Classification des lésions aiguës de l’aorte selon le type d’atteinte pariétale.
Classe 1
Dissection aortique classique, avec une membrane intimale séparant le vrai et le faux chenal.
Classe 2
Rupture de la média, avec formation d’un hématome intramural.
Classe 3
Discrète et minime dissection sans hématome, voussure excentrique localisée à la porte d’entrée.
Classe 4
Rupture de la plaque conduisant à un ulcère athéromateux pénétrant, avec un hématome habituellement sous-adventitiel.
Classe 5
Dissection traumatique ou iatrogène.
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Les syndromes aortiques aigus
Cette mortalité est en grande partie en rapport avec la présence d’un syndrome de malperfusion qui était méconnu ou pris en charge trop tardivement.
Syndrome de malperfusion-symptomatologie Le syndrome de malperfusion est défini dans ce contexte par l’ischémie d’un organe au cours d’une dissection aortique (tableau II). Les malperfusions peuvent concerner les organes suivants : le cœur, le cerveau, la moelle et, en cas d’extension de la dissection à l’aorte abdominale et aux axes iliaques, le tube digestif, les reins et les membres inférieurs. Ce type de complication aggrave la morbidité et la mortalité déjà élevées liées aux complications thoraciques de la dissection (4, 5). Plusieurs mécanismes peuvent être responsables de cette malperfusion. Suivant ce ou ces mécanismes, un traitement endovasculaire devra être mis en œuvre. Devant une dissection aiguë de l’aorte, les symptômes faisant suspecter un syndrome de malperfusion doivent être reconnus afin d’être traités en urgence. Une anurie et/ou une insuffisance rénale doivent faire évoquer une ischémie rénale. L’état de la vascularisation rénale est particulièrement important à contrôler rapidement, dès le diagnostic de la dissection. En effet, secondairement, l’apparition d’une insuffisance rénale dans un contexte de réanimation ou en postopératoire (remplacement de l’aorte ascendante) peut être multifactorielle. Le diagnostic précoce de malperfusion rénale permet de mettre en œuvre rapidement le traitement endovasculaire adapté. Dans un contexte de dissection aortique s’étendant à l’aorte abdominale, une douleur spontanée ou provoquée par la palpation doit conduire en urgence à porter le diagnostic d’ischémie digestive. Cette ischémie est Tableau II – Clinique des syndromes de malperfusion dans les dissections aortiques avec extension à l’aorte abdominale.
Symptômes aigus
Symptômes chroniques
Rein
Anurie Insuffisance rénale HTA
HTA sévère Insuffisance rénale
Digestifs
Douleurs abdominales (palpation ++) Ischémie hépatique
Angor digestif
Membre inférieur
Ischémie aiguë
Claudication intermittente
difficile à confirmer par les examens paracliniques, mais conduit au décès en l’absence d’un traitement dans les heures qui suivent l’apparition des symptômes. Enfin, une ischémie de membre inférieur sera facilement dépistée par la symptomatologie habituelle (membre froid et douloureux et absence de pouls). Les symptômes observés à la phase aiguë d’une dissection doivent conduire en urgence à une prise en charge thérapeutique. Celle-ci doit parfois être réalisée avant la réparation de l’aorte thoracique ascendante en cas de dissection aortique de type A (6, 7). Au stade chronique, qu’il s’agisse d’une dissection de type B traitée médicalement ou d’une dissection de type A opérée, les symptômes témoignant d’une malperfusion peuvent se révéler dans le suivi. Il peut s’agir d’une HTA réfractaire, d’un angor digestif ou d’une claudication intermittente d’un membre inférieur. Un bilan morphologique de la dissection devra être réalisé afin de planifier le traitement approprié en fonction du mécanisme de la malperfusion.
Mécanismes physiopathologiques Classification anatomique Le traitement des malperfusions est actuellement possible par voie endovasculaire : mise en place de stents artériels dans les branches viscérales de l’aorte abdominale, dans les axes iliaques, dans l’aorte abdominale, fenestration du voile intimal, pose d’un stent-graft aortique thoracique, association de ces différentes techniques. Ces thérapeutiques semblent permettre d’obtenir de meilleurs résultats que la chirurgie en cas de complications de malperfusion. Afin de choisir le traitement adéquat, il est indispensable de connaître la morphologie de la dissection dans l’aorte et les branches vasculaires afin de comprendre les mécanismes à l’origine de ou des malperfusions. Ces mécanismes de malperfusion viscérale ont été étudiés en 1997 par l’équipe de Williams et al. (8). Ces auteurs ont proposé une classification séparant les mécanismes dits statiques de ceux qui sont considérés comme étant dynamiques. Le caractère statique est décrit par analogie aux lésions classiques athéromateuses réduisant le calibre artériel comme une sténose ostiale ou proximale. La lésion dynamique est décrite comme résultant d’une compression de la vraie lumière artérielle par la fausse lumière suite à une hyperpression dans cette dernière. Cette classification ne décrit cependant pas tous les cas de figures possibles et il est souvent difficile de relier les symptômes aux mécanismes ; il en résulte des difficultés thérapeutiques. En réalité, toutes les lésions sont dynamiques. La lésion définie comme « statique » est une extension de la dis-
Dissection aortique et syndrome de malperfusion. Indications et techniques des traitements endovasculaires
section dans une artère viscérale sans porte de sortie. Cette extension entraîne une réduction du vrai chenal par compression du faux chenal où le sang rentre mais ne peut sortir. Compte tenu de l’aspect borgne de la lésion, celle-ci se thrombose faisant porter à tort le diagnostic de lésion statique. L’extension de la dissection le long de l’aorte se fait de façon spiroïde. De ce fait, le voile intimal peut prendre une position variable par rapport aux branches viscérales de l’aorte abdominale. L’analyse de la dissection aortique en fonction de la position du flap de dissection dans l’aorte, puis de l’atteinte des artères viscérales et enfin de la recherche d’un arrachement ostial afin de rechercher une possible dissection ou un arrachement ostial, permet d’orienter la séméiologie scanographique, en vue d’un traitement approprié (fig. 1). Cette approche permet de retrouver dans une étude (9) sur 61 patients que les lésions de type 1c et 1d avec syndrome de malperfusion conduisent à la réalisation
d’une fenestration, alors que les lésions de type 2a, 2b, 2c, 3c, conduisent à la mise en place d’un stent dans l’artère touchée par la dissection avec ischémie d’aval.
Examens paracliniques Les objectifs des techniques d’imagerie devant une suspicion clinique de dissection aortique sont rapportés dans le tableau III. Les examens à notre disposition sont l’échographie trans-thoracique, l’échographie transœsophagienne (ETO), l’angioscanographie (AS), l’IRM et l’artériographie. L’ETO, l’AS, l’IRM présentent des sensibilités identiques et élevées (> 90 %) dans le diagnostic de dissection aortique (2, 8-12). L’ETO Tableau III – Objectifs de techniques d’imagerie devant une suspicion clinique de dissection aortique.
- Poser le diagnostic de dissection aortique - Déterminer l’extension sur l’aorte - Repérer le vrai et le faux chenal sur toute la hauteur de l’aorte ; étudier la position du voile intimal - Rechercher des portes d’entrée et localisation - Diagnostiquer les complications thoraciques de la dissection - Préciser l’extension aux branches collatérales et rechercher les signes de souffrance ischémique : 1. Troncs supra-aortiques 2. Viscérales (reins et digestif) 3. Axes iliaques (membres inférieurs) - Étude des artères iliaques en vue d’un geste endovasculaire (extension de la dissection, diamètre pour le passage d’une endoprothèse thoracique éventuelle) et des axes fémoraux (abord)
Fig. 1 – Classification proposée pour l’évaluation des lésions en cas de dissection aortique avec extension abdominale. Représentation schématique, de type scanographique, dans le plan axial transverse de l’aorte abdominale et d’une branche viscérale (9). Type 1 : Position perpendiculaire (type 1a) ou parallèle (type 1b) du flap intimal dans l’aorte par rapport aux artères viscérales sans compression ; position perpendiculaire (type 1c) ou parallèle (type 1d) du flap intimal dans l’aorte par rapport aux artères viscérales avec compression responsable de malperfusion. Type 2 : Malperfusion par extension de la dissection aortique à l’ostium (type 2a), en proximal (type 2b) d’une artère viscérale sans porte de sortie à ce niveau ou avec porte de sortie étroite (type 2c) ou large (type 2d). Seul le mécanisme type 2d n’entraîne pas de syndrome de malperfusion. Type 3 : Arrachement ostial complet type 3a), partiel (type 3b) avec section nette de l’intima ou bien flap persistant en intra-artériel pouvant entraîner une sténose (type 3c). Cette dernière lésion est souvent à l’origine de malperfusion.
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Les syndromes aortiques aigus
répond partiellement aux objectifs cités ; elle ne permet pas de réaliser le bilan complet de la dissection puisqu’elle se limite à l’étude de l’aorte thoracique.
Place de l’angioscanographie (fig. 2) L’AS doit couvrir un volume d’acquisition important (thoraco-abdomino-pelvien) permettant une étude complète de l’aorte disséquée et de ses branches. Ses performances dans l’exploration de l’aorte sont bien établies (13, 15). L’apport technologique de l’acquisition hélicoïdale dans le diagnostic de la dissection aortique a amélioré sa sensibilité, qui varie de 88 à 100 %. L’essentiel des objectifs cités peut être atteint par cette technique. L’exploration est menée sans, puis avec injection de produit de contraste. Les protocoles d’acquisition des coupes axiales sont variables et dépendants des performances des appareils utilisés. C’est grâce à cette technologie que les syndromes de malperfusion ont pu être mieux étudiés et compris. C’est également la technique de choix pour leur dépistage et leur analyse sur un plan pratique. Le diagnostic d’une dissection repose sur la mise en évidence d’un flap intimal, qui peut être hyperdense avant injection de produit de contraste, et c’est souvent le déplacement des calcifications intimales qui affirme le diagnostic. Après injection de produit de contraste, le flap apparaît dans 80 % des cas comme une structure linéaire, fine, cernée par le produit. Dans les dissections chroniques, le flap peut s’épaissir et devenir calcifié. Les portes d’entrée apparaissent comme une discontinuité du flap et sont fréquentes au niveau de la crosse. Généralement, l’opacification des deux chenaux se fait de manière asymétrique. Le faux chenal, plus large, s’opacifie avec retard et son rehaussement persiste plus longtemps. Il peut être partiellement thrombosé. Le
A
diagnostic peut être difficile lorsque le faux chenal est totalement thrombosé, pouvant être confondu avec un anévrysme thrombosé. L’angioscanographie a plusieurs buts en fonction de la demande. Le premier est d’affirmer le diagnostic de la dissection, et d’éliminer une urgence thérapeutique. Le deuxième est d’établir une étude détaillée des images avec, en particulier, une analyse de la position du flap et un bilan d’extension de la dissection aux branches collatérales à la recherche d’un syndrome de malperfusion périphérique. Le troisième serait le suivi des malades traités chirurgicalement ou médicalement. Dans ces dernières indications, l’IRM devrait être préférée, notamment pour réduire l’irradiation et l’injection du produit iodé pour le patient.
Place de l'IRM (fig. 3) L’IRM permet le diagnostic de la dissection aiguë et de ses complications avec une bonne sensibilité ; elle est actuellement peu utilisée comme moyen diagnostique d’urgence, en raison de son manque de disponibilité et de la difficulté de réalisation chez un patient pouvant être en état hémodynamique instable. L’IRM est proposée le plus souvent en postopératoire et dans le cadre de la surveillance. L’examen peut se faire par l’antenne corps ou une antenne en réseau phase ; il doit permettre l’étude vasculaire des troncs supra-aortiques jusqu’aux axes iliaques compris. Le diagnostic de dissection en IRM repose sur la mise en évidence du voile intimal et du double chenal. Lorsque le faux chenal est rapidement circulant, la membrane intimale est visible sous la forme d’une bande linéaire de signal intermédiaire en écho de spin T1, séparant deux chenaux circulants vides de signal. La visibilité de ce voile intimal peut être
B
Fig. 2 – Angioscanographie de l’aorte thoracique. La reconstruction zoomée (A) sur l’aorte thoracique en mode multiplanaire sagittale oblique permet d’identifier une dissection de l’aorte thoracique descendante avec une porte d’entrée située 1 cm après l’origine de l’artère sous-clavière gauche. La coupe axiale transverse thoracique (B) montre une dissection touchant l’aorte thoracique ascendante et descendante avec un anévrysme de l’aorte thoracique ascendante.
Dissection aortique et syndrome de malperfusion. Indications et techniques des traitements endovasculaires
Fig.3 – Reconstruction en mode MIP d’une ARM de l’aorte thoracique dont la portion descendante a été traitée par un stent graft thoracique afin de couvrir la porte d’entrée, d’exclure la perfusion du faux chenal, de thromboser celui-ci, d’obtenir une expansion du vrai chenal et une réduction du faux et une réduction de l’anévrysme thoracique.
plus difficile si le flux au sein du faux chenal est ralenti ; toutefois, la variation du signal d’une coupe à l’autre au sein de ce faux chenal permet en général de porter le diagnostic de dissection avant la réalisation de la séquence d’ARM 3D-gadolinium. Les portes d’entrée sont détectées sur les séquences en pondération T1 sous la forme d’une solution de continuité de la membrane intimale parfois associée à des phénomènes de flux (baisse localisée du signal du faux chenal). L’ARM 3D-gadolinium, avec l’étude des coupes natives et du MPR, permet de bien visualiser la membrane intimale séparant les deux chenaux rehaussés, le plus souvent de façon asynchrone. Sur cette acquisition injectée, l’orifice d’entrée se présente comme une communication entre les deux chenaux rehaussés. En cas de dissection de l’aorte thoracique descendante se prolongeant sur l’aorte abdominale, il faut chercher une extension de la dissection aux branches viscérales de l’aorte abdominale ou une compression du voile intimal sur leur ostium ; l’implication thérapeutique est importante car un traitement endovasculaire doit être réalisé en cas de mauvaise perfusion digestive ou rénale. Que l’on se trouve dans la situation d’une dissection de type A opérée, d’une dissection de type B traitée médicalement ou par voie endovasculaire, la surveillance radiologique est fondamentale. L’IRM avec ARM 3D-gadolinium est l’examen de choix pour cette surveillance. À noter que les stents grafts en acier sont non analysables en IRM (artefact).
Place de l'échographie vasculaire périphérique L’échographie-doppler vasculaire à la recherche d’une malperfusion viscérale est décevante même si elle est disponible au lit du malade. Malgré la présence de
symptômes en faveur d’une ischémie viscérale nette, l’échographie-doppler montre souvent un flux dans les artères des organes malperfusés. Cet examen ne permet donc pas de poser le diagnostic de malperfusion ou d’en éliminer la présence. En revanche, cet examen peut être utile en cas d’absence d’angioscanographie pour préciser la position du flap dans l’aorte abdominale, pour retrouver le vrai et le faux chenal sur des critères de vrai chenal de petite taille par exemple, pour proposer de repérer l’origine des artères viscérales quant à leur naissance du vrai ou du faux chenal. Cet examen permet de préparer l’acte interventionnel endovasculaire en diminuant la quantité de contraste nécessaire au bilan initial.
Place de l’artériographie L’artériographie, bien qu’ayant été utilisée pendant longtemps, ne l’est plus actuellement pour le diagnostic de dissection mais uniquement en complément de bilan (avant pose d’un stent graft thoracique par exemple) ou pour réaliser un geste interventionnel endovasculaire.
Traitements endovasculaires À côté des traitements chirurgicaux tels les pontages, fenestration chirurgicale (16) ou fermeture de porte d’entrée, les techniques endovasculaires se sont développées du fait de leur meilleure tolérance dans le contexte de dissection aortique avec malperfusion (11).
Fenestration La fenestration (fig. 4) par voie endovasculaire est spécifique au traitement des dissections aortiques. Cette technique est réalisée chaque fois qu’une malperfusion est suspectée en association avec un mécanisme dynamique (ou encore de type 1c et 1d). Le principe est de créer un orifice de communication large entre le vrai et le faux chenal ou d’augmenter le passage de sang entre ces deux chenaux (17). La première technique rapportée consiste en la création d’une porte de sortie par perforation du flap intimal, du vrai vers le faux chenal, par une aiguille trans-septale. Actuellement, cette technique est rendue plus sûre par l’utilisation d’une sonde d’échographie endovasculaire ; ceci permet de repérer la position du voile intimal et de guider le geste au moment de la perforation (18). Une fois le trou créé dans le flap, celui-ci est élargi par angioplastie avec un ballonnet de plus de 12 mm de diamètre.
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Les syndromes aortiques aigus
L’autre technique de fenestration, dite technique du ciseau (19), consiste à introduire un guide rigide dans le vrai et un autre guide dans le faux chenal, les deux au travers d’un même introducteur armé (8F minimum, 45 cm de long) mis en place par voie fémorale. Un point fixe sur les guides avec avancée saccadée et franche de l’introducteur permet d’obtenir une déchirure du flap. On observe soit une déchirure du flap en son centre, soit une déchirure aux extrémités du flap, soit une poursuite de la dissection sur le reste de la circonférence avec extension sur la hauteur de l’aorte qui a été fenestrée. Ce dernier mécanisme est le plus fréquent. Il peut alors être utile de déplier le flap avec l’inflation d’un ballon de large diamètre (supérieur à 12 mm) dans l’aorte thoracique et retrait jusqu’en iliaque, ballon gonflé. Il faut également se méfier des risques de repliement du flap déchiré qui peut se retourner et entraîner une ischémie des membres inférieurs (20). La mise en place d’un stent complémentaire sera alors nécessaire. Il est également important de réaliser un stenting du flap en dessous de la fenestration si le faux chenal est perfusé sans porte de sortie ; il y a un risque de rupture aortique liée à l’hyperpression dans le faux
chenal. Enfin, la fenestration par la technique du ciseau n’a pas besoin d’être extensive en longueur ; une fenestration sur 3 à 5 cm semble suffisante. Cela permet le plus souvent de lever la pression dans le faux chenal, de décomprimer le vrai, de lever l’ischémie liée au mécanisme dynamique, d’éviter les complications, de se laisser une possibilité de revenir une fois l’épisode aigu terminé pour envisager une fermeture de l’ensemble des portes d’entrée. Dans certains cas toutefois, la fenestration du voile intimal au niveau de l’aorte sous-rénale n’est pas suffisante pour lever la compression dynamique sur les artères rénales et digestives ; ceci peut s’expliquer par la circulation préférentielle du sang dans le vrai chenal, vers ces organes à basse résistance provoquant une attraction du voile intimal qui reste plaqué contre les ostiums (effet venturi). Il peut être nécessaire de compléter le geste par la mise en place d’un stent aortique dans la vraie lumière, au-dessus des troncs digestifs, ou bien de poser un stent-graft thoracique. Le plus souvent, il faut continuer la fenestration jusqu’en regard des artères malperfusées. La technique de fenestration est réservée aux urgences avec ischémie viscérale sévère.
A
B
C
D
Fig. 4 – Malperfusion digestive liée à un mécanisme dynamique avec compression du vrai chenal par le faux chenal (A et B). Artériographie par injection de contraste dans l’introducteur 8F en cours de fenestration (C) avec un guide dans le vrai et un guide dans le faux chenal ; flap intimal replié dans l’aorte. Contrôle en IRM (coupe axiale transverse ; séquence B-TFE ; D) de la fenestration montrant l’image classique du vrai chenal à l’intérieur du faux chenal.
Dissection aortique et syndrome de malperfusion. Indications et techniques des traitements endovasculaires
Cette technique, réalisée en moins d’une heure en salle d’angiographie, permet une levée immédiate des symptômes. En cas de lésion rénale et d’un traitement retardé, une nécrose tubulaire aiguë peut se surajouter avec récupération de la fonction rénale en 3 semaines. En cas de symptômes chroniques, il est rare de devoir réaliser une fenestration.
Mise en place de stents La mise en place de stents (fig. 5) dans les artères d’organes concernés par la malperfusion est réalisée avec des endoprothèses classiques. L’utilisation de stent à force radiale importante est préférable en cas de compression du vrai chenal par le faux. C’est pour cette raison que nous préférons utiliser actuellement des stents sertis sur ballonnet. Le positionnement d’un stent à l’origine d’une branche viscérale peut parfois être délicat ; ce stent doit en effet repousser le faux chenal qui comprime le vrai dans l’artère mais également à l’origine de celle-ci. Le stent doit donc déborder dans l’aorte et s’appuyer sur le faux chenal, mais celui-ci ne représente pas un bon support ; il faut alors prévoir une partie du stent dans l’artère suffisamment longue pour maintenir l’ensemble. La négociation du virage entre l’aorte et l’artère malperfusée peut être difficile si le stent sur ballon, avec force radiale importante dépasse 3 cm en longueur. Il faut également se méfier de l’absence d’athérome qui retiendrait le stent après expansion et donc du risque, au retrait du ballon, de bascule du stent dans l’aorte, emporté par le ballon. Le diamètre de largage du stent doit être égal voire supérieur à celui de l’artère traitée pour éviter toute mobilisation secondaire. Les arrachements ostiaux, avec malperfusion (type 3 c) relèvent également de la mise en place de stent.
A
Les mécanismes de malperfusion sur les branches viscérales de l’aorte abdominale et sur les axes iliaques peuvent être associés. Lorsqu’une fenestration est nécessaire, c’est ce geste qui est réalisé en premier ; il est souvent nécessaire de compléter cette fenestration par la pose de stent sur une ou plusieurs branches. Cependant, la compréhension des lésions restantes n’est pas toujours aisée sur le contrôle angiographique après fenestration. Ceci souligne l’importance du bilan morphologique de départ par angioscanographie pour la compréhension des mécanismes de malperfusion, avant la réalisation de l’artériographie. Il est parfois utile de réaliser l’intervention en deux temps avec une nouvelle évaluation clinique et par imagerie (écho doppler ou angioscanographique). En cas de dissection de type B, la mise en place d’un stent graft (fig. 6) pour fermeture de la porte d’entrée à l’étage thoracique est une possibilité thérapeutique (21, 22) ; elle est rarement réalisée en urgence pour traiter des syndromes de malperfusion. Leur disponibilité, la nécessité d’un bilan au préalable et la régression lente des symptômes après implantation en sont les principales raisons. La pose de stent graft thoracique, réalisée en urgence, est indiquée en cas de rupture du faux chenal. En cas de symptômes sub-aigus ou chroniques, le traitement par stent graft peut être proposé après évaluation anatomique. La disparition des symptômes peut prendre plusieurs semaines du fait de la thrombose du faux chenal et de la régression lente de celui-ci. Nous associons systématiquement au traitement endovasculaire un traitement médical et une surveillance en réanimation ou en soins intensifs cardiologiques (2). La tension artérielle doit être contrôlée même s’il est nécessaire d’avoir recours à plusieurs anti-hypertenseurs par voie veineuse. Nous instaurons un traitement anticoagulant avec héparine par voie veineuse en
B
Fig. 5 – Coupe axiale transverse (A) d’une extension de dissection dans l’artère rénale gauche entraînant une malperfusion rénale gauche à l’origine d’une HTA réfractaire à traiter par stenting rénal. Reconstruction en mode MPR coronale curviligne (B) d’une angioscanographie de contrôle d’un stenting rénal bilatéral pour lésion athéromateuse de l’artère rénale gauche et malperfusion rénale droite avec arrachement ostial.
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Les syndromes aortiques aigus
A
B
Fig. 6 – Artériographie en OAG 45° avant la pose d’un stent graft thoracique (A) montrant l’opacification du vrai et du faux chenal et une artériographie après implantation du matériel (B) confirmant l’exclusion du faux chenal.
cas de malperfusion afin de lutter contre l’ischémie des organes. La dissection aortique n’est plus pour nous une contre-indication à l’héparine en cas de malperfusion associée. La dose utilisée doit permettre d’obtenir une anticoagulation efficace. Après fenestration, stent sur les branches viscérales ou stent graft, nous poursuivons l’anticoagulation jusqu’à levée de la malperfusion et disparition des symptômes. Aucun traitement antiagrégant n’est utilisé.
Conclusion et prise en charge En conclusion, les malperfusions viscérales doivent être recherchées systématiquement (de préférence par angioscanographie thoraco-abdo-pelvienne) au cours
des dissections aortiques car leur présence et l’absence de prise en charge conduisent à une mortalité élevée. Elles peuvent bénéficier de thérapeutiques endovasculaires efficaces. Leur présence entraîne une modification de la prise en charge des patients et fait évoluer le trop classique dogme : la dissection de type A doit être opérée, la dissection de type B doit être traitée médicalement. La prise en charge actuelle doit être orientée en fonction de la présence ou non d’une complication. Le traitement de la complication est l’urgence, puis vient le temps du traitement préventif. Les dissections de type B comme celles de type A peuvent se compliquer de syndrome de malperfusion. Il est donc important d’hospitaliser les patients pour réaliser le bilan nécessaire, faire une surveillance initiale et adapter le traitement. Reposant sur une prise en charge multidis-
Fig. 7 – Algorithme décisionnel thérapeutique dans les dissections aortiques.
Dissection aortique et syndrome de malperfusion. Indications et techniques des traitements endovasculaires
ciplinaire, l’organigramme suivant est proposé permettant, a priori, une réduction de la mortalité et morbidité de cette pathologie (fig. 7).
POINTS ESSENTIELS 1. La prise en charge des dissections aortiques ne
2. 3. 4.
5.
6.
doit plus être en fonction de la localisation de la dissection, mais bien en fonction de la présence ou non de complication. La mortalité de la dissection aortique est liée à ses complications cardiaques et périphériques. Les syndromes de malperfusion sont présents dans 40 % des cas de dissection aortique. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien est le seul examen qui permet d’évaluer l’ensemble de l’aorte et de ses branches offrant une prise en charge optimale. Le choix du traitement endovasculaire par fenestration, stent thoracique ou stent périphérique, doit être fait en fonction du mécanisme de la complication. La surveillance des dissections aortiques permet de prévenir les complications tardives d’ectasie aortique ou de malperfusion chronique.
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Chapitre
Traitement chirurgical de la dissection aiguë de type B
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M. Schepens
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Indications chirurgicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Hypertension incontrôlable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Malperfusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Enrouement aigu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 Techniques chirurgicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 Considérations générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 Considérations techniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 Voies d’abord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 Techniques de perfusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
Rupture La localisation de la rupture n’est pas toujours facile à identifier (fig. 1). La rupture est habituellement à l’origine d’un hémothorax gauche (rarement bilatéral). Les hémothorax ne doivent pas être confondus avec les épanchements pleuraux uni- ou bilatéraux minimes ou modérés qui peuvent survenir durant la phase de suivi initial (2).
Introduction Quatre-vingt-dix pour cent des patients avec une dissection aortique de type B peuvent être traités médicalement (1). Il en est de même pour les hématomes intramuraux de type B et les ulcères pénétrants qui représentent également des syndromes aortiques aigus. Le but du traitement est de stabiliser la pression artérielle par les bêtabloquants, de maîtriser la douleur par des antalgiques simples ou des morphiniques, d’assurer un monitorage hémodynamique et de contrôler cliniquement la survenue de malperfusions digestives, rénales ou des membres inférieurs. Les dernières conclusions de l’International Registry of Aortic Dissections confirment l’efficacité de cette prise en charge avec une mortalité hospitalière qui est de l’ordre de 11 %. Un des principaux risques dans le suivi de ces dissections est la dilatation anévrysmale de l’aorte disséquée. Cette évolution impose un suivi annuel par imagerie.
Fig. 1 – Angioscanner. Rupture d’une dissection de type B.
Hypertension incontrôlable La chirurgie est indiquée également dans le cas d’une hypertension incontrôlable et/ou avec douleur malgré une thérapie médicale maximale.
Malperfusion
Indications chirurgicales La chirurgie ou le traitement endovasculaire de dissection aortique aiguë de type B (ou hématome intramural ou ulcère pénétrant) est impératif chez les patients qui présentent les cas suivants.
Les mécanismes de malperfusion tels qu’ils ont été classifiés par Beregi et al. (3) et Gaxotte et al. (4) résident dans l’extension du processus disséquant dans une collatérale. Le faux chenal peut être partiellement ou complètement thrombosé. Le flap intimal peut également
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Les syndromes aortiques aigus
s’invaginer dans la lumière du vaisseau disséqué. L’occlusion d’une branche majeure ou distale de l’aorte peut jouer un rôle important dans le tableau clinique initial : les patients peuvent se présenter avec paraplégie, paraparésie (due à l’occlusion d’artères intercostales majeures), abdomen aigu (dû à l’ischémie intestinale ou à un infarctus), anurie (due à l’occlusion des artères rénales), ischémie de membres inférieurs (due à l’occlusion d’une ou des deux artères iliaques ou de l’aorte abdominale distale), ou la combinaison de ces tableaux cliniques. Très souvent, ces tableaux cliniques sont aigus. Parfois, le tableau clinique est fruste, rendant indispensable l’exploration angioscanographique. L’insuffisance rénale et l’infarctus mésentérique sont à l’origine du taux élevé de mortalité dans les dissections aortiques aiguës de type B. L’occlusion d’une collatérale de l’aorte augmente la mortalité. Une paraplégie aiguë après dissection aortique de type B sans implication d’un autre territoire vasculaire demeure une indication controversée parce que, dans la plupart des cas, le déficit médullaire reste inchangé malgré la chirurgie (1, 5-7).
Enrouement aigu Un élargissement évolutif du diamètre aortique pourrait devenir évident sur des clichés de thorax successifs mais il est mieux apprécié sur des angioscanners répétés. Un enrouement aigu est un signe alarmant dû à la mise en tension brutale du nerf récurrent par élargissement de l’arche aortique distale. Ceci est une indication d’angioscanner urgent (fig. 2).
Techniques chirurgicales Considérations générales La chirurgie conventionnelle des dissections aortiques de type B doit être considérée comme une procédure de sauvetage qui vise à interposer, en urgence, un tube prothétique de Dacron® avec réimplantation des artères viscérales. Le remplacement de l’aorte descendante proximale réduit significativement le risque de rupture. Il interfère peu avec la vascularisation médullaire. Les remplacements complets de l’aorte descendante thoraco-abdominale en urgence, dans le cadre d’une dissection aiguë, sont beaucoup plus rarement pratiqués. Cette chirurgie est plus volontiers réservée aux cas de dissection chronique. Cette chirurgie de l’aorte disséquée peut être associée à des gestes d’exérèse viscérale ou des sacrifices d’organes ou de membres ischémiques.
Considérations techniques Les parois aortiques disséquées sont très fragiles et friables. Le clampage vasculaire classique doit être évité. Il est préférable d’utiliser des clamps à patin caoutchouté. Dans certains cas, l’arrêt cardiaque en hypothermie profonde peut éviter le clampage. Les sutures seront renforcées ou appuyées sur des bandelettes de Téflon® (figs. 3 et 4). Suivant les équipes, les zones d’anastomoses peuvent être renforcées par l’utilisation de colles biologiques (8). Il est nécessaire de réaliser que la chirurgie de la dissection aortique de type B est techniquement très exigeante. Les sections aortiques proximales et distales doivent être complètes. Cette technique permet ainsi d’inclure toutes les couches de l’aorte disséquée dans l’anastomose, ce qui n’est pas toujours
Fig. 2 – Ce patient présentait une dissection de type B non compliquée, traitée médicalement. Il développe soudain un enrouement dû à la dilatation anévrismale rapide du segment disséqué. La dissection s’est étendue a retro vers la crosse. L’image de gauche (angioscanner) montre la dissection aiguë et la dilatation de la crosse. L’image du milieu montre l’angiographie préopératoire. L’intervention a consisté en un remplacement en urgence de la crosse et de l’aorte descendante proximale sous CEC. À droite, l’angioscanner de contrôle à 3 mois.
Traitement chirurgical de la dissection aiguë de type B
évident en cas de dissection aiguë. Par opposition à la dissection chronique, toutes les couches aortiques doivent être solidarisées et le flap intimal ne doit pas être réséqué. Le sang doit être redirigé dans la vraie lumière reconstruite permettant sa réexpansion complète, et optimisant la perfusion des collatérales. Au niveau proximal, il est facile d’identifier le vrai et le faux chenal en ouvrant le clamp aortique après arrêt de la circulation extracorporelle.
Fig. 3 – Interposition d’un court tube prothétique au niveau de l’aorte descendante proximale dans le cas de dissection de type B rompue.
cotomie gauche, une double thoracotomie gauche ou une thoraco-phréno-laparotomie gauche. Parce qu’un contrôle optimal de l’aorte est nécessaire, il est essentiel de choisir la voie d’abord la meilleure. L’abord du 4e espace intercostal (bord supérieur de la 5e côte) permet au chirurgien d’aborder toute l’arche aortique (et même l’aorte ascendante) et la moitié proximale de l’aorte descendante, tandis que l’abord par le 5e espace intercostal (bord supérieur de la 6e côte) fournit une bonne exposition de l’arche distal et de l’aorte descendante jusqu’au niveau de la 10e ou 11e vertèbre thoracique. Un contrôle plus distal et la visibilité de la zone du hiatus peuvent devenir difficiles voire problématiques. Dans ces circonstances, il peut être nécessaire de réaliser une 2e thoracotomie plus caudale à travers la même incision cutanée. Ainsi, l’extrémité antérieure de l’incision cutanée peut être étendue vers le bas le long du gril costal. Si une réparation thoraco-abdominale est à prévoir, il dépendra du type de l’anévrysme. La voie d’abord est choisie ; mais en général une thoracophréno-laparotomie, avec abord à travers le 5e espace intercostal et trans-section du gril costal, est la bonne voie d’abord. Ce n’est que dans les anévrysmes thoracoabdominaux de type IV qu’un abord par la 10e ou 11e côte gauche est utile. Cet abord peut également être choisi pour créer une réentrée chirurgicale dans la région des ostia des vaisseaux viscéraux.
Techniques de perfusion Malgré le fait que, dans les expériences initiales, la plupart des interventions ont été réalisées sous simple clampage aortique (technique de clampage et suture), cette technique n’est plus utilisée en raison de l’hypertension proximale difficile à contrôler avec effet délétère sur le cœur et le cerveau, hypotension distale extrême et ischémie d’une majeure partie de l’organisme incluant les reins, l’intestin et la moelle épinière. De plus, il a été montré que vingt à trente minutes sont la durée limite d’occlusion aortique en normothermie, cette durée étant insuffisante pour réaliser des réparations complexes, ce qui est toujours le cas dans les dissections aiguës de type B. Fig. 4 – Des bandelettes de Téflon® sont utilisées pour renforcer la zone de suture (à l’extérieur ou à l’intérieur, et entre les couches).
Circulation extracorporelle atrio-fémorale (cœur gauche) Voies d’abord Les vaisseaux fémoraux gauches doivent être accessibles, donc le pelvis du patient doit être tourné vers l’arrière avec le thorax en position de décubitus latéral droit. Le chirurgien a le choix entre une simple thora-
La plupart des chirurgiens préfère actuellement la circulation extracorporelle (CEC) cœur gauche. Avec cette technique, le sang oxygéné est prélevé dans l’atrium gauche (à travers l’auricule gauche), ou la veine pulmonaire supérieure ou inférieure gauche, et reperfusée par l’artère fémorale gauche (directement ou en utilisant un segment de prothèse suturé sur l’artère fémorale com-
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Les syndromes aortiques aigus
mune) dans l’hémicorps inférieur, réduisant ainsi le temps d’ischémie de tous les organes distaux, incluant la moelle épinière. Bien que, dans les anévrysmes chroniques, il soit possible de canuler directement l’aorte descendante proximale, ceci est contre-indiqué chez les patients avec dissection aortique de type B qui nécessite un traitement chirurgical. L’utilisation de circuit hépariné peut éviter l’héparinisation systémique. À cause de la déperdition thermique importante, la température du corps descend en dessous de 32° C, ce qui procure une protection supplémentaire aux organes. Les échangeurs thermiques permettent de réchauffer le sang à la fin de la procédure. Le maintien d’une perfusion distale pendant le clampage est le principal avantage de cette CEC atrio-fémorale. Les organes abdominaux incluant les intestins et les reins ne sont pas en situation d’ischémie, et l’ischémie médullaire est réduite, limitant le risque de paraplégie ou de paraparésie. Même lorsqu’un segment proximal d’aorte abdominale, incluant des vaisseaux des branches viscérales, est exclu de la circulation par clampage, une perfusion sélective vers les collatérales permet aux artères viscérales d’être perfusées de façon continue. Le clampage proximal de l’arche aortique ne doit pas être un problème puisque, théoriquement, l’arche n’est pas intéressée dans la dissection (bien que l’hématome puisse s’étendre autour de l’arche distal rendant l’identification des structures moins fiable. En distalité, il est conseillé d’utiliser des clamps protégés de manière à ne pas endommager la paroi aortique fragile. Une anastomose distale ouverte peut être réalisée après arrêt de la pompe (9, 10).
Circulation extracorporelle (partielle ou totale, arrêt circulatoire en hypothermie profonde) L’utilisation d’une CEC par voie fémoro-fémorale nécessite une héparinisation complète. Une protection viscérale optimale peut être réalisée en refroidissant le patient. Un arrêt circulatoire en hypothermie profonde peut être obtenu sous contrôle d’un encéphalogramme iso-électrique, et d’une température naso-pharyngée et rectale à 18°. Cette technique permet de réaliser des anastomoses ouvertes, sans clampage. Dans ce cas, la dissection du poumon doit être particulièrement méticuleuse pour limiter le risque de saignement thoracique ou d’hémorragie intrapulmonaire grevant de façon significative la morbidité pulmonaire. Il est donc important de disséquer le moins possible le poumon, le laissant si nécessaire adhérent au sac anévrysmal.
Étapes chirurgicales Le contrôle de l’aorte disséquée aiguë doit être réalisé avec un soin extrême du fait de la fragilité de la paroi aortique, ne tenant le plus souvent qu’à l’adventice.
Afin de réduire le temps de CEC, il est possible de tenter de contrôler l’aorte au préalable. Le clampage de l’arche aortique souvent entre l’artère sous-clavière et la carotide gauche nécessite de contrôler au mieux le passage du nerf pneumogastrique et du récurrent. Après le contrôle proximal, le contrôle distal est effectué. Sous clampage des deux extrémités, l’aorte est ouverte longitudinalement et les berges exposées. Les artères intercostales refluantes sont suturées dans la région thoracique haute, en revanche le reflux des artères intercostales plus distales est contrôlé à l’aide de cathéter d’occlusion et réimplantées sous forme de palette dans le tube prothétique. Malgré tout, cet exercice reste difficile sur les aortes disséquées pour lesquelles les palettes anastomotiques sont très friables avec des risques hémorragiques non négligeables. Certaines équipes pensent que la réimplantation de ces intercostales est contre-indiquée en cas de dissection aiguë. La trans-section complète de l’aorte proximale et distale est réalisée. Les différentes tuniques de la paroi aortique sont identifiées et renforcées par des bandelettes de Téflon® ; il est important de réaliser la trans-section aortique à au moins 2 cm du clamp afin de faciliter les sutures dans les meilleures conditions possibles. Le matériel prothétique utilisé est le plus souvent un Dacron® tricoté anastomosé en termino-terminal. Les manœuvres de purge sont indispensables afin de limiter toute embolie gazeuse au niveau des vaisseaux cérébraux au moment de tester l’anastomose proximale. Lorsque l’hémostase est acceptable, la longueur de prothèse sera alors calculée afin d’envisager l’anastomose distale. Lorsque cela est possible, la prothèse de Dacron® pourra être enfouie sous les parois de l’aorte native pour limiter au maximum les contacts avec le parenchyme pulmonaire. Dans certains cas, ceci n’est pas possible et certaines équipes préconisent l’utilisation de patch de PTFE ou de péricarde bovin. Avant les progrès techniques de cette chirurgie, la fenestration chirurgicale était souvent le seul geste salvateur envisageable. De nos jours, cette solution n’est plus que rarement utilisée, les progrès techniques endovasculaires permettant de réaliser des fenestrations tout aussi efficaces et beaucoup moins risquées. Malgré tout, dans certains cas, les techniques endovasculaires peuvent être impossibles ou échouer. Le chirurgien doit alors envisager ce geste (11). La fenestration chirurgicale peut être envisagée à n’importe quel niveau de l’aorte, néanmoins elle est réalisée le plus fréquemment au niveau de l’aorte abdominale pour traiter les malperfusions viscérales. Elle a été décrite la première fois par Chau en 1955. Pour notre part, nous préférons une voie d’abord par thoraco-phréno-laparotomie basse au niveau de la 11e côte. Celle-ci permet un abord rétro-péritonéal de la dissection tout en préservant l’intégrité postérieure
Traitement chirurgical de la dissection aiguë de type B
du diaphragme (figs. 5 et 6). Elle permet également un bon contrôle de l’aorte thoracique basse et de toute l’aorte abdominale jusqu’à la bifurcation aortique. Une fois l’aorte distale et proximale contrôlée à ce niveau, le segment clampé est incisé longitudinalement en regard des collatérales viscérales compromises en prenant garde de ne pas inciser l’ostium des artères rénales qui sont placées dans une situation antéro-latérale. Il faut inciser l’aorte dans une zone non disséquée, ce qui facilitera la suture de cette aortotomie. En effet, la fragilité du faux chenal rend parfois l’hémotase difficile. L’aortotomie réalisée, le flap intimal est incisé et excisé dans les deux directions aussi loin que possible. Durant cette manœuvre, les saignements itératifs sont récupérés à l’aide d’un aspirateur récupérateur de sang (cell saver). Le but de cette manœuvre chirurgicale est donc de lever l’obstacle que représente le flap intimal devant les ostiums des collatérales viscérales majeures. Enfin, l’aortotomie est refermée à l’aide d’un double surjet de Prolène® 4/0 en cas de fragilité importante de cette aortotomie. Les points seront appuyés sur des bandelettes de Téflon®. Un contrôle de la vitalité des organes dépendant de la zone opérée est indispensable. En fonction des constatations, une résection d’anses intestinales ou une revascularisation directe par pontage peuvent être envisagées, anatomiques ou extra-anatomiques en fonction des organes ou des membres inférieurs considérés. Par exemple, un pontage fémorofémoral croisé ou axillo-bi-fémoral peut être une alternative au niveau des membres inférieurs lorsque la fenestration intimale ne semble pas restaurer une perfusion distale satisfaisante (12, 13).
Fig. 6 – Création d’une réentrée abdominale (fenestration).
Résultats Les résultats des dissections aortiques de type B traitées chirurgicalement doivent être interprétés avec prudence. Ils dépendent de la co-morbidité associée au geste chirurgical et du niveau d’entraînement des équipes. Suivant les séries, les mortalités hospitalières excellentes de 6,5 % ont pu être décrites par Massouda (14) ; à l’opposé, certaines équipes décrivent un taux de mortalité de l’ordre de 32 % comme l’expriment Appelbaum et al. (15-17).
Conclusion Au vu des récents progrès, le traitement endovasculaire des dissections aortiques de type B, non invasif, semble donner des résultats prometteurs dans la prise en charge des dissections compliquées. Le traitement chirurgical conventionnel n’est plus envisagé qu’en cas d’échec du traitement endovasculaire. Cette chirurgie reste malgré tout très spécifique et ne doit être pratiquée que par des équipes entraînées, référentes en chirurgie de l’aorte thoraco-abdominale, permettant ainsi une prise en charge multidisciplinaire optimale.
POINTS ESSENTIELS 1. Au vu des récents progrès, le traitement endo-
Fig. 5 – Différentes voies d’abord : à gauche thoracotomie postéro-latérale gauche (pour l’aorte descendante proximale) ; au milieu thoraco-phréno-laparotomie (résection thoraco-abdominale) ; à droite lombotomie gauche (pour fenestration).
vasculaire des dissections aortiques de type B, semble donner des résultats prometteurs dans la prise en charge des dissections compliquées. 2. Ce chapitre est consacré au traitement chirurgical conventionnel qui n’est plus envisagé qu’en cas d’échec du traitement endovasculaire. 3. Ces techniques ne doivent être pratiquées que par des équipes entraînées, référentes en pathologie de l’aorte thoraco-abdominale, permettant ainsi une prise en charge multi-disciplinaire optimale.
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Les syndromes aortiques aigus
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Chapitre
La malperfusion rénale insidieuse
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J.-P. Verhoye, B. de Latour et J.-F. Heautot
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 Cas n° 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 Cas n° 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
Introduction Les deux situations qui définissent une dissection aortique aiguë compliquée de type B sont d’une part la menace de rupture et, d’autre part, les menaces d’infarctus d’organes, par malperfusion artérielle, dynamique par compression du vrai chenal (VC) par le faux chenal (FC), ou statique par dissection d’une collatérale de l’aorte (1, 2). Ces situations de dissections compliquées sont le plus souvent évidentes. Le problème est plus complexe dans le cas de la malperfusion rénale. Son expression est souvent silencieuse (3, 4) avec découverte à distance d’une atrophie rénale. Dans d’autres cas, une hypertension artérielle (HTA) rebelle permet de suspecter l’ischémie rénale chronique (5). Cette malperfusion rénale est causée soit par une compression du VC par le FC (ischémie dynamique), soit par l’extension de la dissection à l’artère rénale (ischémie statique) (1, 6). Les autres malperfusions, spinale, mésentérique ou des membres inférieurs, sont plus faciles à détecter car d’expression clinique plus évidente. Afin d’illustrer ce propos, nous rapportons deux cas cliniques successifs de dissection aiguë de type B ayant présenté une malperfusion rénale d’expression clinique silencieuse avec atrophie rénale unilatérale réversible après fermeture par endoprothèse de la porte d’entrée.
que commune gauche. La perfusion dans cette artère est restaurée par mise en place d’un stent auto-expansible dans la vraie lumière. Un angioscanner de contrôle postopératoire immédiat permet de compléter le diagnostic en révélant une réelle dissection complète de type B. Le tronc cœliaque, l’artère mésentérique supérieure et l’artère rénale droite sont malperfusés du fait d’une compression du vrai chenal par le faux chenal (ischémie dynamique) (fig. 1). Le rein droit est atrophique (95 mm de hauteur) et non fonctionnel à la scintigraphie. Le rein gauche est en hypertrophie compensatrice (142 mm de hauteur) (fig. 2). Ce patient présente une hypertension artérielle récente mais n’a pas suivi le traitement recommandé. Une semaine après son admission, il présente des signes aigus d’ischémie mésentérique. Il est décidé de traiter cette malperfusion secondaire par la fermeture de la porte d’entrée principale de la dissection au moyen d’une endoprothèse couverte dans l’aorte thoracique descendante, ceci permettant de rediriger le flux san-
Cas n° 1 Il s’agit d’un homme de 44 ans admis pour ischémie aiguë de membre inférieur. Une angiographie peropératoire met en évidence une dissection de l’artère ilia-
Fig. 1 – Angioscanner initial. Le faux chenal occupe toute la lumière aortique et comprime le vrai chenal. L’artère rénale droite est sous-perfusée et le rein droit présente un défaut de rehaussement traduisant l’ischémie dynamique.
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Les syndromes aortiques aigus
Fig. 2 – Angioscanner initial. Le rein droit malperfusé est atrophique, le rein gauche normo-perfusé est hypertrophique.
Fig. 4 – Angiographie peropératoire, injection dans l’aorte ascendante. Opacification du vrai et du faux chenal. Le premier stent (non couvert) de l’endoprothèse est libéré par retrait de la gaine. La porte d’entrée est située au pied de l’artère sous-clavière gauche, qui doit être couverte.
guin vers le vrai chenal et les branches qui en naissent, et de décomprimer le faux chenal (figs. 3 à 6). On constate alors une franche régression de la symptomatologie mésentérique associée, quelques semaines plus tard, à une récupération de la taille du rein droit (113 mm) et à une régression de l’hypertrophie du rein gauche (128 mm) (fig. 7). La scintigraphie permet d’attester d’une complète récupération fonctionnelle de rein atrophique avec une symétrie de captation des traceurs (DMSA, DTPA). La pression artérielle systolique de ce patient est actuellement à 120 mmHg avec deux agents (bêtabloquant et IEC).
Fig. 5 – Angiographie peropératoire, injection dans l’aorte ascendante. Après largage de l’endoprothèse, la porte d’entrée est occluse. L’artère carotide primitive gauche reste perméable. Le segment initial de l’artère sous-clavière gauche est occlus, le segment distal reste opacifié grâce au cercle des artères vertébrales.
Fig. 3 – Angiographie peropératoire, opacification du vrai chenal dans l’aorte abdominale. Défaut de rehaussement avec aspect « suspendu » des artères digestives et rénale droite hypoperfusées.
Fig. 6 – Angiographie peropératoire, contrôle final, injection de l’aorte abdominale. Les artères naissant du vrai chenal sont reperfusées. L’artère rénale gauche (qui naissait du faux chenal et s’est trouvée exclue par la fermeture de la porte d’entrée) a été stentée à partir du vrai chenal et présente une perméabilité satisfaisante.
La malperfusion rénale insidieuse
Fig. 7 – Angioscanner à 6 mois. Les deux reins ont retrouvé une
Fig. 8 – Angioscanner initial. Large porte d’entrée dans l’aorte
taille symétrique et une morphologie normale, traduisant le « réveil » du rein droit « hibernant ».
descendante.
Cas n° 2 Il s’agit d’un patient de 54 ans, initialement admis pour une dissection compliquée de type B (fig. 8). L’angioscanner initial montre l’artère rénale droite naissant du vrai chenal et la gauche du faux chenal. Les deux reins sont de taille normale (110 mm). Malgré une image de collapsus du vrai chenal (fig. 9), l’examen écho-doppler atteste d’une symétrie de perfusion. La créatininémie est normale (104 μmol/L). La pression artérielle est difficile à contrôler malgré cinq agents antihypertenseurs, mais très vite la fonction rénale s’altère (150 μmol/L) et un nouveau bilan angioscanner et écho-doppler est réalisé. Celui-ci montre un rein gauche normalement perfusé, mesuré à 120 mm, tandis que le rein droit est malperfusé et ne mesure plus que 90 mm, traduisant une atrophie ischémique par compression de la vrai lumière, selon un phénomène d’ischémie dynamique (fig. 10). La scintigraphie confirme la non-fonctionnalité du rein droit et l’efficacité fonctionnelle du rein gauche. Le taux de filtration glomérulaire global est de 74 mL/min. Du fait de ces constatations, une endoprothèse couverte est mise en place pour occlure la brèche intimale principale de la dissection (fig. 11), permettant une ré-expansion de la vraie lumière qui permet la restauration d’un flux de bonne qualité au niveau de l’artère rénale droite. Deux semaines plus tard, l’angioscanner et l’écho-doppler montrent une perfusion correcte des deux artères rénales et des dimensions symétriques (110 mm) des deux reins (figs. 12 et 13). L’angioscanner à un an est tout à fait superposable (fig. 14). La scintigraphie montre une captation normale et symétrique des deux reins (droit 60 %, gauche 70 %, globale 65 %). La pression artérielle est normale avec deux antihypertenseurs.
Fig. 9 – Angioscanner initial. Compression du vrai chenal par le faux chenal. L’artère rénale droite est hypoperfusée et le rein droit se rehausse moins que le gauche.
Fig. 10 – Angioscanner initial. Asymétrie de taille des reins aux dépens du côté droit malperfusé.
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Les syndromes aortiques aigus
Fig. 11 – Angioscanner à j6. L’endoprothèse couvre la porte d’entrée. On observe une thrombose de l’aorte du faux chenal proximal et une reperfusion du vrai chenal. Noter pour mémoire l’ostium commun TABC–CPG, et la vertébrale gauche naissant de la crosse.
Fig. 14 – Angioscanner à 1 an. Les deux reins conservent une trophicité symétrique.
Conclusion
Fig. 12 – Angioscanner à j6. Réexpansion du vrai chenal. Le rein gauche reste correctement perfusé par le faux chenal malgré l’avulsion de l’ostium de l’artère rénale gauche (échec du stenting).
Fig. 13 – Angioscanner à j6. Les deux reins ont retrouvé une taille normale.
L’atrophie rénale silencieuse est un risque non négligeable de l’évolution de la malperfusion dans les dissections aiguës compliquées de type B. Les deux cas rapportés ici représentent des exemples flagrants d’évolution ischémique insidieuse. Dans le premier cas, la raison principale du traitement endovasculaire fut la menace d’ischémie mésentérique. La récupération du rein droit au contrôle scanographique était surprenante. Ceci nous conduit à proposer le concept de rein hibernant. En effet, les facteurs prédictifs de succès de la revascularisation rénale sont une pression glomérulaire supérieure à 30 mmHg, un index de résistance périphérique inférieur à 0,80 et une hauteur rénale supérieure à 9 cm (7-9). Dans ce premier cas, toutes ces conditions étaient réunies pour permettre le retour à fonction normale Dans ce type de situation, le rein est antérieurement sain. En l’absence de lésion de l’artère, sa fonction n’est compromise que par la diminution de la pression de perfusion glomérulaire. Le traitement antihypertenseur majore cette hypoperfusion, définissant pour nous le concept de rein hibernant. Ceci nous a incité à traiter le second patient dès que les signes précoces d’atrophie rénale évolutive sont apparus, et ce malgré l’absence de toute manifestation clinique péjorative (10). La malperfusion rénale dans les dissections aortiques est souvent négligée du fait d’une absence d’expression clinique. Une recherche systématique de cette malperfusion associée à une prise en charge endovasculaire (11-13) peut permettre d’éviter l’atrophie rénale insidieuse encore trop souvent mésestimée.
La malperfusion rénale insidieuse
POINTS ESSENTIELS 1. Le dépistage de l’ischémie rénale insidieuse doit
être systématique. 2. Tout bilan de dissection aortique aiguë doit
impérativement comprendre l’exploration vasculaire des reins. 3. Le bilan d’imagerie doit apprécier le flux dans les artères rénales, mais également la trophicité (hauteur des reins). 4. Le scanner est actuellement le moyen le plus fiable et le plus accessible pour réaliser ce bilan. Le doppler et la scintigraphie ne permettent pas toujours d’apprécier l’existence d’un flux résiduel dans les artères rénales. 5. La fermeture de la porte d’entrée au moyen d’une endoprothèse ou la fenestration sousrénale peuvent permettre de restaurer un flux efficace en cas d’ischémie dynamique, et de réactiver un rein hibernant, même décrété non fonctionnel.
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Chapitre
Dissection aortique et grossesse
16
H. Corbineau et K. Morcel
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157 Grossesse et syndrome de Marfan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157 Grossesse et syndrome de Turner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 Survenue d’une dissection au cours de la grossesse . . . . . . . 159 Désir de grossesse et antécédent de dissection aortique . . . 160 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Introduction La survenue d’une dissection aortique au cours de la grossesse est un événement rare. Malgré cela, tous les services de chirurgie cardiaque sont occasionnellement confrontés à cette pathologie. Bien que la survenue d’une dissection aortique au cours de la grossesse a été décrite pour la première fois en 1944, la prise en charge d’une telle pathologie fait toujours l’objet de débats. En fait, la problématique est double : si l’un des aspects concerne la prise en charge de patientes jeunes présentant une dissection aortique au cours de la grossesse, la situation la plus fréquemment rencontrée pour laquelle un avis spécialisé médico-chirurgical est demandé est celle d’une grossesse envisagée chez une patiente porteuse d’un syndrome de Marfan ou d’un syndrome de Turner. Un troisième aspect bien que plus marginal peut également être envisagé : que doit-on conseiller à une patiente présentant un désir de grossesse et ayant déjà présenté une dissection aortique ? Lors de la grossesse, des études anatomopathologiques ont mis en évidence plusieurs modifications histologiques (1). Les principales anomalies observées sont une fragmentation des fibres de réticuline et une diminution de mucopolysaccharide. Une perte de la corrugation des fibres élastiques a également été observée. Tous ces éléments fragilisant la paroi aortique entraînent de fait une augmentation du risque de dissection au cours de la grossesse. Cette augmentation du risque est loin d’être négligeable puisqu’environ 50 % des dissections observées chez la femme de moins de 40 ans surviennent au cours de la grossesse, la moitié d’entre elles survenant au cours du troisième trimestre (2, 3).
Grossesse et syndrome de Marfan Si le risque de dissection aortique au cours de la grossesse chez une patiente porteuse d’un syndrome de Marfan a rapidement été identifié comme étant élevé, il a fallu attendre 1981 avant de pouvoir apprécier ce risque de dissection sur ces terrains particuliers. Ainsi, Pierritz (4) a présenté une étude rétrospective exposant le devenir de 26 patientes porteuses d’un syndrome de Marfan et concluait que le risque d’une dissection aortique pendant la grossesse était faible si la patiente présentait une atteinte cardiovasculaire minime. Ce risque a pu être nettement précisé grâce à une étude prospective réalisée par la même équipe et publiée en 1995 (5).
Fig. 1 – Angioscanner, reconstruction 2D sagittale oblique (reformat). Dissection aortique de type B chez une femme enceinte (3e trimestre). La survenue de douleurs thoraciques et d’une ischémie du membre inférieur dans un contexte d’HTA ont motivé le scanner, et permis le diagnostic et le traitement (césarienne en urgence et réalisation d’un pontage fémoro-fémoral croisé). Fenestration endovasculaire sous-rénale à j5 pour menace d’ischémie mésentérique. À quatre ans, remplacement de l’aorte ascendante (Tyron David) et de la crosse pour évolution anévrysmale.
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Les syndromes aortiques aigus
Cette étude rapporte le suivi prospectif de 21 patientes porteuses du syndrome de Marfan et pour lesquelles 45 grossesses ont été suivies. Le statut cardiologique de ces patientes a été particulièrement étudié à l’aide d’échocardiographies régulières. Cette étude disposait d’un groupe contrôle de 18 patientes de même âge, également porteuse d’un syndrome de Marfan, et n’ayant pas présenté de grossesse dans la période de suivi. Cette étude avait permis de conclure au faible risque à la fois maternel et fœtal lorsque l’atteinte cardiovasculaire était mineure et que le diamètre de la racine aortique était inférieur à 40 mm. Cette étude établissait par ailleurs le faible risque d’aggravation des diamètres aortiques au cours de la grossesse chez les patientes réunissant ces deux conditions. En effet, au-delà de 40 mm, il est apparu que la grossesse favorisait à long terme la croissance de la racine aortique. Enfin, cette étude signalait le risque particulièrement élevé d’un nouvel événement cardiovasculaire lors d’antécédent de dissection aortique. Pour les auteurs, il apparaît essentiel de prescrire un traitement bêtabloquant chez ces patientes au cours de la grossesse, en particulier au cours du troisième trimestre, comme l’a également recommandé Shores, surtout s’il existe une augmentation de diamètre de la racine aortique, une régurgitation aortique même minime, et bien évidemment une dissection (6). Le suivi échocardiographique reste indispensable quelle que soit la condition cardiovasculaire de départ. Plus récemment, une étude similaire (7) étudiant le suivi de 44 femmes porteuses d’un syndrome de Marfan ayant présenté 78 grossesses a conclu dans le même sens en insistant sur la nécessité d’un suivi maintenu dans le post-partum puisque sur les cinq dissections aortiques observées, trois sont survenues après l’accouchement. Dans trois cas sur cinq, le diamètre de la racine aortique était chez ces patientes supérieur ou égal à 40 mm. Enfin, une récente étude prospective a présenté en 2005 le résultat de suivi de 127 patientes porteuses du syndrome de Marfan entre 1993 et 2004 (8). Parmi ces 127 patientes, 61 ont eu une ou plusieurs grossesses et 23 d’entre elles avaient pu être suivies prospectivement sur le plan échocardiographique avant, pendant et après leur grossesse. Le groupe contrôle comportait 66 patientes également Marfan n’ayant pas eu de grossesse au cours du suivi et parmi elles, 22 avaient pu avoir un suivi échocardiographique suivant le même protocole. Il a ainsi été observé, dans le groupe des patientes ayant présenté une grossesse, une absence de variation significative du diamètre de la racine aortique, mais dans le suivi, une croissance plus rapide de la racine aortique si le diamètre initial était supérieur à 40 mm. La comparaison du groupe grossesse versus femme sans enfant a permis d’établir l’absence de différence de croissance de la
racine aortique, mais si le diamètre initial est supérieur à 40 mm, la croissance de la racine aortique apparaît plus élevée chez les patientes ayant eu une grossesse. De ces différentes études, on peut donc retenir les règles suivantes pour la prise en charge des patientes porteuses du syndrome de Marfan et désirant une grossesse : 1. le risque de complication cardiovasculaire apparaît faible et acceptable lorsque le diamètre de la racine aortique est inférieur ou égal à 40 mm ; 2. chez les patientes ayant un diamètre de la racine aortique supérieur à 40 mm, outre leur augmentation du risque de survenue d’événements cardiovasculaires graves au cours de la grossesse, celle-ci a un effet à long terme et potentialise et augmente la vitesse de croissance de la racine aortique ; 3. il est légitime de prescrire un traitement bêtabloquant chez ces patientes au cours de la grossesse, en particulier au cours du troisième trimestre ; 4. le suivi échocardiographique strict est indispensable même en l’absence d’anomalie aortique initiale ; 5. la surveillance et le traitement bêtabloquant doivent être maintenus au moins 3 mois après l’accouchement ; 6. enfin, toutes ces études signalent le risque particulièrement élevé d’un nouvel événement cardiovasculaire en cas de grossesse chez une patiente ayant un antécédent de dissection aortique. L’une des questions qui reste en suspens est l’attitude thérapeutique à avoir chez les patientes présentant une racine aortique d’un diamètre entre 40 et 50 mm et désirant une grossesse. Si la majorité des auteurs déconseillent la grossesse, il a été suggéré dans ce cas la réalisation d’un remplacement prophylactique de l’aorte ascendante. La place de ce traitement chirurgical n’est pas actuellement définie pour ce sous-groupe de patientes, un cas de dissection aortique de type B ayant été rapporté au cours de la grossesse chez une patiente ayant eu une chirurgie préventive sur l’aorte ascendante (9).
Grossesse et syndrome de Turner Les grossesses spontanées chez les femmes porteuses d’un syndrome de Turner (ST) sont relativement rares (2 %) (10). La pratique du don d’ovocytes a transformé le pronostic de fertilité et a permis de mettre en évidence que la grossesse chez ces femmes présentait un risque accru de morbidité et de mortalité du fait, essentiellement, des complications cardiovasculaires associées au ST (cardiopathie congénitale, hypertension artérielle, dissection aortique, ischémie myocardique). Le risque de dissection aortique durant la grossesse est
Dissection aortique et grossesse
estimé à 2 % et le risque calculé de décès multiplié par 100 (11, 12). Entre 1961 et 2006, 85 cas de dissection aortique chez des femmes ayant un ST ont été rapportés, dont 7 lors d’une grossesse après assistance médicale à la procréation (13). Sur ces 7 cas observés, il y a eu 6 décès. Comme dans le syndrome de Marfan, le risque de dissection aortique est augmenté lorsque le diamètre de la racine aortique est supérieur à 40 mm. Cette limite absolue recommandée (14) ne paraît cependant pas parfaitement adaptée au ST, du fait de leur stature plus petite par rapport à la population générale. Matura (15) propose un nouveau critère, dit index aortique, en rapportant le diamètre de l’aorte ascendante à la surface corporelle. Dans son étude basée sur le suivi de 166 patientes porteuses du ST, il apparaît que le risque de dissection aortique est augmenté pour un index aortique supérieur à 2,5 cm/m2. Cette augmentation du risque de dissection aortique chez les femmes porteuses du ST et désirant une grossesse a conduit à l’élaboration d’une prise en charge spécifique. En préconceptionnel, il est recommandé d’effectuer un bilan cardiovasculaire comprenant une échocardiographie, une IRM de l’aorte, un électrocardiogramme (16) ainsi qu’un avis cardiologique avec évaluation de la tension artérielle. Durant la grossesse, les recommandations les plus récentes (17) proposent de mesurer le calibre aortique par échographie à la fin des 1er et 2e trimestres, mensuellement lors du 3e trimestre et dans les 8 à 15 jours après l’accouchement.
Survenue d’une dissection au cours de la grossesse La survenue d’une dissection aortique au cours d’une grossesse, que ce soit chez une patiente porteuse du syndrome de Marfan ou non, pose des problèmes extrêmement spécifiques et difficiles pour lesquels une approche multidisciplinaire est essentielle entre cardiologue, chirurgien cardiaque, obstétricien et pédiatre. Il s’agit, nous l’avons dit, d’une complication rare, pour laquelle de nombreux cas cliniques ont été rapportés. Immer, en 2003, a présenté une revue de la littérature sur 20 ans (18). Au cours de cette période ont ainsi été publiées 45 dissections de type A et 12 de type B survenues au cours de la grossesse. Un certain nombre de ces dissections sont survenues dans le post-partum (11 % de type A et 40 % de type B). On retrouve dans cette étude l’influence du syndrome de Marfan puisque 44 % des dissections aortiques observées chez ces patientes étaient des dissections de type A, 42 % étant des dissections de type B. Un autre élément important est l’incidence de la bicuspidie aortique mise en évidence dans
10 % des dissections de type A survenues au cours de la grossesse, élément déjà identifié comme facteur de risque (19). Les auteurs recommandent ainsi la nécessité d’un suivi très rigoureux chez les patientes présentant un syndrome de Marfan, une bicuspidie aortique ou une racine aortique élargie. Si le diamètre de la racine aortique est supérieur à 40, un remplacement de l’aorte ascendante prophylactique avant la grossesse est préconisé. Dans tous les cas, les patientes doivent être traitées par des bêtabloquants. Parallèlement, le suivi échocardiograhique de la racine aortique reste essentiel. En cas de survenue de dissection de type A, les auteurs recommandent avant la 30e semaine d’aménorrhée la réalisation d’une chirurgie cardiaque en urgence. Après 30 semaines d’aménorrhée, l’attitude recommandée est l’accouchement par césarienne suivi immédiatement de chirurgie cardiaque. Dans tous les cas, les auteurs insistent sur la nécessité d’un suivi rigoureux jusqu’à trois mois après l’accouchement. Si la prise en charge des dissections aortiques survenant lors du 3e trimestre de la grossesse est maintenant à peu près bien codifiée, il n’en est pas de même lorsque la dissection survient avant le terme de viabilité du fœtus à savoir 28 semaines de grossesse. La survenue d’une dissection avant 28 semaines de grossesse est en effet une situation exceptionnelle. La sévérité de la situation cardiovasculaire impose la prise en charge chirurgicale maternelle en urgence comme cela a été rapporté ponctuellement par de nombreuses équipes. Il a été ainsi rapporté à de multiples reprises des interventions de remplacement de l’aorte ascendante par intervention de Bentall ou autre avant le terme de 28 semaines de grossesse permettant le sauvetage maternel sans forcément compromettre le déroulement de la grossesse (7, 8, 20, 21). Il est vrai que la réalisation d’une intervention sous circulation extracorporelle (CEC) chez une femme enceinte reste une situation délicate avec un risque fœtal qui peut être important. Pomini, dans une revue de la littérature publiée en 1996, et étudiant le résultat d’une chirurgie sous CEC chez 40 patientes (22) rapportait une mortalité maternelle de 0 %, la mortalité embryofœtale étant de 12,5 %. Les auteurs insistent sur la nécessité de maintenir un débit de CEC ainsi qu’une pression de perfusion correcte afin d’obtenir la meilleure perfusion fœtale possible. Cette CEC doit dans la mesure du possible être réalisée en normothermie (aucun décès fœtal rapporté dans la littérature dans cette situation) alors que la mortalité fœtale en cas de chirurgie sous CEC en hypothermie fait état d’une mortalité embryofœtale de 24 %. En dehors du problème de la température de la circulation extracorporelle, la CEC peut elle-même être à l’origine de la mort fœtale par malperfusion induite par une CEC rétrograde avec canulation artérielle fémorale (23).
159
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Les syndromes aortiques aigus
Au-delà de la 28e semaine de grossesse, la prise en charge d’une dissection aiguë de l’aorte ascendante fait l’objet d’un consensus avec césarienne première suivie immédiatement de la chirurgie aortique. Quelques cas d’accouchement par voie basse ont été décrits dans ce contexte mais restent l’exception. Il ne faut pas oublier que même en dehors d’un syndrome de Marfan, la grossesse doit être déconseillée lorsque le diamètre de la racine aortique dépasse 40 mm (24).
Désir de grossesse et antécédent de dissection aortique Dans cette situation, tous les auteurs sont unanimes pour déconseiller formellement une grossesse. En effet, le risque évolutif apparaît extrêmement élevé chez ces patientes. Deux cas de grossesse sont rapportés dans la littérature chez des patientes ayant déjà présenté une dissection aortique. La première publication (5) présente le cas d’une patiente ayant présenté une dissection aortique 6 mois avant le début de la grossesse et traitée chirurgicalement par remplacement de l’aorte ascendante par intervention de Bentall, cette dissection s’étendant jusqu’à l’aorte thoracique descendante. Chez cette patiente toxicomane, la grossesse avait été déconseillée. Il a été noté l’absence d’évolution de l’aorte disséquée au cours de la grossesse permettant la naissance d’un enfant en bonne santé à terme. Une semaine après la naissance, la dissection s’est étendue et a été traitée par remplacement de l’aorte thoraco-abdominale trois mois plus tard. La seconde publication (8) rapporte le cas d’une patiente porteuse d’un syndrome de Marfan ayant présenté une dissection de type A limitée à l’aorte ascendante 7 ans avant la grossesse et qui avait été traitée par remplacement de l’aorte ascendante par intervention de Bentall. Cette patiente a présenté une dissection de type B à la 27e semaine traitée médicalement. À la 34e semaine de grossesse, une césarienne avait été réalisée, permettant la naissance d’un enfant en bonne santé. La patiente a bénéficié d’un remplacement de l’aorte descendante 10 jours plus tard. Dans notre expérience, nous avons été amenés à prendre en charge une patiente qui avait présenté, à l’âge de 26 ans, une dissection aortique de type A compliquée de paraparésie et d’ischémie d’un membre inférieur traitée en urgence par remplacement de l’aorte ascendante supracoronaire et fenestration de l’aorte abdominale. Trois mois plus tard, la survenue de douleurs thoraciques avec élargissement de l’aorte horizontale a imposé la réalisation en urgence d’un remplacement de l’aorte horizontale avec trompe d’éléphant. Trois ans plus tard, devant l’élargissement de
l’aorte thoracique descendante, un remplacement de la totalité de l’aorte descendante a été réalisé. Toute grossesse a été déconseillée chez cette patiente. Deux ans plus tard, la patiente a pu mener à terme une grossesse sans complication cardiovasculaire avec accouchement par césarienne.
Conclusions Au vu de ces résultats, les attitudes suivantes peuvent être recommandées. La grossesse doit être déconseillée chez une femme présentant une racine aortique d’un diamètre supérieur à 40 mm, que ce soit dans le cadre d’un syndrome de Marfan ou non, ou si la patiente à déjà présenté un épisode de dissection aortique. Au-delà de cette dimension, un remplacement prophylactique de l’aorte ascendante peut être proposé, sachant qu’il ne supprime pas le risque d’événement aigu au cours de la grossesse, surtout en cas de syndrome de Marfan. Dans tous les cas suivants : bicuspidie aortique, élargissement de la racine aortique supérieur à 40 mm, syndrome de Marfan, un traitement par bêtabloquants doit être institué, l’aorte ascendante doit être l’objet d’un suivi échocardiographique strict, ce suivi devant être maintenu jusqu’à 3 mois après l’accouchement. Si une dissection survient au cours de la grossesse avant 28 semaines, la chirurgie cardiaque doit être réalisée d’emblée, en veillant à maintenir une perfusion antérograde, la CEC devant être si possible réalisée en normothermie. Au-delà de 28 semaines, la césarienne doit être réalisée en premier en bloc opératoire de chirurgie cardiaque, pour que la chirurgie de l’aorte ascendante soit immédiatement réalisée.
POINTS ESSENTIELS Ce chapitre permet de définir les recommandations concernant : 1. La prévention des dissections chez les patientes à risque. 2. La prise en charge de cette pathologie sur le versant vasculaire et obstétrical, quand elle survient pendant la grossesse.
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Chapitre
Organisation du suivi des dissections aortiques aiguës. Registre IRAD et registre national SFC-SFR-SCTCV
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C. Dourmap-Collas
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Données du registre IRAD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Épidémiologie et étiopathogénie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 Explorations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 Cas particuliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 Registre national SFC-SFR-SCTCV : l’ONSAA . . . . . . . . . . . 166 Pourquoi un tel observatoire national ? . . . . . . . . . . . . . 166 Comment participer à l’ONSAA ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Données du registre IRAD L’International Registry of Acute Aortic Dissection ou IRAD est un registre multinational qui a inclus, de janvier 1996 à décembre 2003, les patients présentant une dissection aortique aiguë (DAA) dans 12 centres de référence (États-Unis, Espagne, Allemagne, Italie, Israël). Depuis Hagan et al. en 2000 (1), de nombreuses publications apparaissent issues des données de ce registre.
Épidémiologie et étiopathogénie
Introduction La dissection aortique est une affection peu fréquente mais grave. C’est une déchirure de la paroi aortique au sein de la média à partir d’un orifice que l’on nomme porte d’entrée, faisant communiquer la lumière aortique (vrai chenal) et un nouveau chenal créé au sein des tuniques artérielles : le faux chenal. La dissection aortique dans sa forme aiguë est observée dans les 14 jours suivant le début des symptômes (la dissection aortique chronique est observée ultérieurement). La classification de Stanford et Daily, la plus simple, distingue deux types de dissection : le type A intéressant l’aorte ascendante et/ou la crosse aortique et le type B intéressant seulement l’aorte descendante. Compte tenu des progrès de l’imagerie et de la prise en charge thérapeutique, un registre international multicentrique (12 centres de référence) a été mis en place à partir de 1996 jusqu’en décembre 2003. Depuis le 15 novembre 2007, le groupe Urgence et soins cardiaques intensifs de la Société française de cardiologie (SFC) a ouvert un Observatoire national des syndromes aortiques aigus (ONSAA).
Dans le registre IRAD, l’âge de survenue de la dissection aortique aiguë est de 63,1 ans avec un antécédent d’hypertension artérielle (HTA) dans 72,1 % des cas et/ou de maladie athéromateuse dans 31 % des cas, en particulier dans le type B. Un syndrome de Marfan est retrouvé dans 4,9 % des cas, un antécédent de chirurgie cardiaque dans 17,9 % des cas, une cause iatrogénique dans 4,3 % des cas (1, 2). Dans les DAA de type A, un diamètre aortique * 5,5 cm est trouvé chez 41 % des patients, plus fréquemment chez le patient ayant un syndrome de Marfan (3). La prise de cocaïne est rarement associée à la dissection aortique, touchant dans ce cas l’aorte descendante chez le sujet jeune, de race noire, hypertendu (4). La dissection aortique aiguë touche le sujet jeune, défini par un âge inférieur à 40 ans, dans 7 % des cas dans ce registre. Chez le sujet jeune, l’HTA apparaît moins fréquente (25 %). En revanche, on retrouve significativement plus de syndromes de Marfan, de bicuspidie aortique ou d’élargissement de l’aorte ascendante (5). Chez le sujet âgé de 70 ans et plus, on retrouve le plus souvent une HTA, une maladie athéromateuse ou une cause iatrogène (6). La dissection aortique aiguë touche moins souvent la femme (32,1 %), avec un âge en revanche plus élevé (7). Ce registre a également permis de s’intéresser à l’impact des variations circadiennes et saisonnières sur la
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Les syndromes aortiques aigus
prévalence de la dissection aortique aiguë. Il apparaît ainsi que la DAA survient plus fréquemment d’une part entre 6 h du matin et midi, plus particulièrement entre 8 et 9 heures du matin (p < 0,001), d’autre part l’hiver (p = 0,008) et en particulier en janvier (p < 0,001) du moins chez le patient de moins de 70 ans, non hypertendu ou non diabétique (8, 9).
Clinique La douleur est le symptôme le plus fréquemment retrouvé (95,5 %), thoracique (72,7 %) ou abdominale (29,6 %), brutale (84,8 %) et intense (90,6 %), parfois migratrice (16,6 %). La douleur est plus souvent thoracique et antérieure dans les DAA de type A, abdominale et/ou dorsale dans les DAA de type B (1). L’hypertension artérielle est retrouvée chez 49 % des patients, plus souvent dans la DAA de type B (70,1 %). Par ailleurs, 34,6 % des patients sont normotendus lors de l’examen et 16,4 % hypotendus ou en état de choc, plus souvent dans la DAA de type A (24,6 %) (1). L’examen clinique est peu contributif par ailleurs, avec l’abolition d’un pouls périphérique dans 15,1 % des cas et un souffle diastolique d’insuffisance aortique (IA) dans 31,6 % des cas (44 % dans les DAA de type A). On observe un accident cérébro-vasculaire dans 4,7 % des cas et une insuffisance cardiaque dans 6,6 % des cas (1). La clinique apparaît encore plus fruste et/ou atypique à partir de 70 ans. En revanche, on observe plus fréquemment une instabilité hémodynamique (46 vs 32 %) (6). La présentation clinique ne diffère pas significativement avant ou après l’âge de 40 ans (5). Chez la femme, la présentation clinique est plus souvent neurologique (coma, confusion) et est plus souvent associée à une instabilité hémodynamique. La rupture, risque majeur de la dissection aortique, est plus fréquemment observée chez la femme, avec en imagerie un hématome péri-aortique, un épanchement péricardique (avec risque de tamponnade) ou un épanchement pleural (7). L’ischémie aiguë de membre inférieur associée à une DAA de type B s’accompagne plus fréquemment d’une ischémie viscérale, en particulier l’insuffisance rénale aiguë (OR 2,7) et l’ischémie mésentérique (OR 6,9) (10). L’existence ou l’apparition d’une insuffisance rénale est significativement associée à une HTA plus difficile à contrôler et une atteinte plus fréquente d’une branche naissant de l’aorte et en particulier l’ischémie mésentérique (11).
Pronostic Période hospitalière et risque chirurgical La mortalité hospitalière des DAA est de 27,4 % avec, par ordre décroissant, une mortalité hospitalière de 58 % pour les DAA type A traitées médicalement, 31,4 % pour les DAA de type B traitées chirurgicalement, 26 % pour les DAA de type A traitées chirurgicalement et 10,7 % pour les DAA de type B traitées médicalement (1). Les facteurs associés à une surmortalité hospitalière des DAA de type B sont l’absence de douleur thoracique ou dorsale à l’admission (OR 3,5), l’atteinte d’un vaisseau collatéral (OR 2,9) et surtout l’instabilité hémodynamique (hypotension, choc) (OR 23,8). Les auteurs parlent ainsi de « deadly triad » (10-13). Dans le cas des patients avec DAA de type B opérés, les seuls paramètres prédicteurs de mortalité opératoire sont l’âge supérieur à 70 ans (OR 4,32) et l’instabilité hémodynamique préopératoire (OR 6,05) (14). Concernant la dissection aortique de type A, il a été élaboré à partir du registre IRAD un score prédictif de risque de mortalité hospitalière comprenant l’âge * 70 ans (OR 1,70), la douleur thoracique d’emblée brutale (OR 2,60), l’instabilité hémodynamique (hypotension, état de choc) ou la tamponnade (OR 2,97), l’insuffisance rénale (OR 4,77), l’absence d’un pouls (OR 2,03), ou une anomalie ECG (OR 1,77) (6, 15, 16). En revanche, un antécédent de chirurgie cardiaque n’apparaît pas comme un facteur influençant significativement défavorablement la moralité hospitalière, avec une tendance, toutefois, pour les patients avec antécédent de remplacement valvulaire aortique (17). De même, le diamètre maximal aortique n’est pas associé à la mortalité (3). Il a également été élaboré plus récemment, à partir du registre IRAD, deux scores prédictifs de risque de mortalité opératoire des patients avec dissection aortique de type A, le premier modèle incluant des paramètres uniquement préopératoires (l’âge * 70 ans, un antécédent de chirurgie cardiaque, une instabilité hémodynamique, une tamponnade, une douleur migratrice, l’absence d’un pouls, ou une anomalie ECG) associés dans le deuxième modèle à des paramètres opératoires (en particulier l’hypotension et la nécessité d’une revascularisation coronaire). En pratique, une surmortalité opératoire est plus souvent observée chez le patient instable (18). La mortalité hospitalière apparaît plus élevée chez le patient de 70 ans atteint de dissection aortique de type
Organisation du suivi des dissections aortiques aiguës. Registre IRAD et registre national SFC-SFR-SCTCV
A (43 vs 28 %), l’âge étant retrouvé comme un facteur indépendant de mortalité hospitalière (6). En revanche, elle ne diffère pas significativement avant ou après l’âge de 40 ans (22 vs 24 %) (5). Le pronostic est plus réservé chez la femme. La mortalité hospitalière est significativement plus élevée (OR 1,4), en particulier entre 66 et 75 ans. La mortalité chirurgicale de la DAA de type A est également plus élevée chez la femme (32 vs 22 %) (7).
Lors du suivi Après la prise en charge hospitalière, le suivi du patient doit être organisé compte tenu du pronostic de la DAA de type B observé dans le registre IRAD. En effet, la survie à 3 ans (suivi moyen de 2,3 ans) est respectivement pour les patients traités médicalement, chirurgicalement ou par technique endovasculaire, de 77,6 ± 6,6 %, 82,8 ± 18,9 %, et 76,2 ± 25,2 %. Les facteurs indépendants prédictifs de mortalité retrouvés sont le sexe féminin (HR 1,99), un antécédent d’anévrysme aortique (HR 2,17) ou de maladie athéromateuse (HR 2,48), ou la présence durant l’hospitalisation d’une insuffisance rénale (HR 2,55), d’un épanchement pleural (HR 2,56) ou surtout d’une instabilité hémodynamique (hypotension, état de choc) (HR 12,5) (19). La thrombose partielle du faux chenal, par rapport à un faux chenal circulant, est également un facteur indépendant de mortalité après la période hospitalière (RR 2,69) (20). En revanche, l’atteinte de la crosse aortique ne paraît pas dans ce registre associé à une mortalité plus importante lors du suivi à 3 ans (21,0 ± 6,9 % vs 19,9 ± 11,1 %) (21). Concernant la DAA de type A, après la période hospitalière, le pronostic des patients opérés (90,1 % des cas) est bon, avec, à 1 et 3 ans, une survie estimée à 96,1 ± 2,4 % et 90,5 ± 3,9 % (vs 88,6 ± 12,2 % et 68,7 ± 19,8 % en l’absence d’intervention). Les facteurs de risque de mortalité à long terme retrouvés en analyse multivariée sont l’existence d’un antécédent de maladie athéromateuse (RR 2,17) ou de chirurgie cardiaque (RR 2,54) (22).
cardiogramme est normal dans 31,3 % des cas. En cas d’anomalie, on retrouve le plus souvent des modifications non spécifiques de la repolarisation (41,4 %) (1). Dans le registre IRAD, un angioscanner est effectué en première intention dans 61,1 %, une échocardiographie transthoracique et/ou transœsophagienne dans 32,7 % des cas, une imagerie par résonance magnétique (IRM) dans 1,8 % des cas et une artériographie dans 4,4 % des cas (1, 23).
Traitement Dans le registre IRAD, 72 % des dissections aortiques de type A sont pris en charge chirurgicalement et 80 % des DAA de type B sont pris en charge médicalement (1). La prise en charge est moins souvent chirurgicale à partir de 70 ans (64 vs 86 %) (6). La prise en charge de la DAA de type B apparaît dans le cas de l’existence d’une ischémie aiguë de membre inférieur plus souvent endovasculaire (31 vs 10 %) avec d’excellents résultats à 18 mois (93 % de sauvetage de membre) (10).
Cas particuliers Dissection aiguë de l’aorte abdominale La dissection aiguë isolée de l’aorte abdominale (IAAAD) est rare. Dans le registre IRAD, 18 patients, d’âge moyen 67,7 ± 13,6 ans et 67 % d’hommes, ont une IAAAD ne représentant que 1,3 % des DAA de type B. Cliniquement, le patient présente plus fréquemment une douleur abdominale, une ischémie mésentérique, une ischémie aiguë de membre inférieur ou une hypotension. La prise en charge est médicale, chirurgicale ou endovasculaire pour respectivement 12 (66,6 %), 5 (27,8 %) et 1 (5,6 %) d’entre eux. La mortalité hospitalière est de 5,6 % (1 patient, traité médicalement), et le suivi réalisé pour 12 des 17 survivants patients constate une survie de 93,3 ± 12,6 % à 1 an et 73,3 ± 27,2 % à 5 ans (4 patients, tous traités médicalement) (24).
Explorations La radiographie thoracique est d’un apport diagnostique insuffisant, en l’absence d’anomalie retrouvée dans 12,4 % des cas. Elle mettra en évidence le plus souvent un élargissement du médiastin (61,6 %). Les images spécifiques telles que le double contour aortique ou le déplacement interne des calcifications intimales sont observées respectivement dans 25,8 et 14,1 % des cas. D’autres signes peuvent se rencontrer comme un épanchement pleural gauche (19,6 %). De même, l’électro-
Hématome intramural Dans le registre IRAD, la prévalence de l’hématome intramural est de 5,7 % des syndromes aortiques aigus non traumatiques, touchant le sujet en général plus âgé (68,7 vs 61,7 ans), avec une atteinte plus fréquente de l’aorte descendante (60 % des cas). Cliniquement, les patients ont une douleur initiale significativement plus intense mais moins de signes cliniques évocateurs. Le diagnostic est plus tardif avec nécessité de requérir à
165
166
Les syndromes aortiques aigus
plus d’explorations. La mortalité est comparable à celle de la DAA plus classique (20,7 vs 23,9 %), que ce soit dans les cas d’atteinte de l’aorte descendante (8,3 vs 13,1 %) ou ascendante avec une létalité importante (39,1 vs 29,9 %). Seuls 7 patients (sur 58) ont, dans ce registre, un hématome de paroi concernant la crosse aortique : aucun décès n’est survenu pendant le suivi, 6 patients étant traités médicalement. Une évolution vers la DAA est notée chez 16 % des patients (25).
– d’évaluer les performances des thérapeutiques appliquées ; – d’établir une base de données susceptible d’orienter des études cliniques, épidémiologiques et thérapeutiques ultérieures ; – de rapprocher les spécialités concernées par la prise en charge des syndromes aortiques aigus, cardiologues, radiologues, chirurgiens cardiovasculaires et chirurgiens vasculaires.
Registre national SFC-SFR-SCTCV : l’ONSAA
Comment participer à l’ONSAA ?
Le groupe Urgence et soins cardiaques intensifs de la Société française de cardiologie (SFC) a ouvert le 15 novembre 2007 un Observatoire national des syndromes aortiques aigus (ONSAA) placé sous l’égide de la SFC, de la Société française de radiologie (SFR), de la Société française de chirurgie thoracique et cardiovasculaire (SFCTCV) et de la Société de chirurgie vasculaire de langue française (SCV).
Pourquoi un tel observatoire national ? Nous ne disposons pas à ce jour de données françaises globalisées sur la prise en charge des syndromes aortiques aigus (SAA) qui, ces dernières années, ont vu d’une part leur cadre étiopathogénique démembré et, d’autre part, leur pronostic amélioré par l’apport de nouveaux moyens diagnostiques et thérapeutiques. Les résultats du registre international IRAD ne sauraient exactement s’appliquer à la réalité et aux spécificités d’une prise en charge nationale. Il en est de même des observations rapportées par les expériences monocentriques françaises qui, en dépit de leurs mérites indéniables, pèchent par le caractère habituellement catégoriel de leur recrutement et leurs délais d’inclusion couvrant des stratégies de prise en charge évolutive dans le temps. L’ONSAA a pour objectifs : – d’estimer l’incidence actuelle des SAA dans la prise en charge des urgences cardiovasculaires ; – de mesurer la part respective de chacune des entités étiopathogéniques des SAA ; – d’observer et évaluer les filières cliniques et les modalités de prise en charge diagnostiques et thérapeutiques des SAA ; – d’évaluer le pronostic global intrahospitalier actuel des SAA ; – d’évaluer les performances des différents examens du diagnostic ;
– Ouverture : 15 novembre 2007 – Durée : 6 mois jusqu’au 15 mai 2008 – Recueil des données : Il s’effectue en ligne via Internet sur le site sécurisé des registres de la Société française de cardiologie https://www.registre-sfc.org. Pour accéder à ce site, la SFC fournira un identifiant et un mot de passe spécifique au(x) référent(s) de chaque centre participant qui en fera la demande. Pour tout renseignement s’adresser à
[email protected]. Chaque centre aura accès à l’ensemble de ses propres données. – Participants : Toutes structures d’hospitalisation, publiques ou privées, prenant en charge ce type d’affection. Naturellement multidisciplinaire et transversal, l’ONSAA s’appuie sur le rapprochement synergique des cardiologues, radiologues et chirurgiens. Dans chaque centre, les trois disciplines sont invitées à désigner un ou mieux deux référents chargés de la collecte, du contrôle et du transfert des données recueillies. Deux référents sont suggérés avec un senior encadrant un jeune médecin en formation dans le cadre d’un sujet de mémoire ou de thèse. – Comité d’organisation. Ses membres représentent chacune des sociétés qui assurent la promotion de l’observatoire : Claude Barnay (CNCHG), Pascal Desgranges, (SCV), Philippe Grenier (SFR), Alain Pavie (SFCTCV), Jacques Puel (SFC). – Comité scientifique : Jean-Pierre Cambou (épidémiologiste), Jean-Pierre Collet (cardiologue), Claude Dubois (cardiologue réanimateur libéral), Hélène Eltchaninoff (cardiologue), Jean-Pierre Laissy (radiologue), Pascal Leprince (chirurgien), Pierre Massabuau (échocardiographiste), Jacques Puel (cardiologue). – Exploitation des données. Nous souhaitons que, sous le contrôle du comité scientifique et avec son soutien, l’ONSAA permette la valorisation du travail des jeunes référents.
Organisation du suivi des dissections aortiques aiguës. Registre IRAD et registre national SFC-SFR-SCTCV
POINTS ESSENTIELS 1. IRAD est un registre multinational qui a inclus,
de janvier 1996 à décembre 2003, les patients présentant une dissection aortique aiguë (DAA) dans 12 centres de référence (États-Unis, Espagne, Allemagne, Italie, Israël). Depuis Hagan et al. en 2000, de nombreuses publications apparaissent issues des données de ce registre. 2. Ne disposant pas à ce jour de données françaises globalisées sur la prise en charge des syndromes aortiques aigus (SAA), le groupe Urgence et Soins cardiaques intensifs de la Société française de cardiologie (SFC) a ouvert, le 15 novembre 2007, un Observatoire national des syndromes aortiques aigus (ONSAA) placé sous l’égide de la SFC, de la Société française de radiologie (SFR), de la Société française de chirurgie thoracique et cardiovasculaire (SFCTCV) et de la Société de chirurgie vasculaire de langue française (SCV).
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Partie 3
Aorte descendante Hématomes et ulcères
Chapitre
Hématomes intramuraux et ulcères athéroscléreux pénétrants de l’aorte thoracique descendante : stratégies de prise en charge
18
L. Chiche, P. Cluzel et E. Kieffer
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 Frontières diagnostiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 Traitement des UAPA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173 Traitement des HIMA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
Introduction Récemment individualisés au sein des syndromes aortiques aigus comme des variants de la dissection aortique (DA), les hématomes intramuraux de l’aorte (HIMA) et les ulcères athéroscléreux pénétrants de l’aorte (UAPA) posent des problèmes de prise en charge diagnostique et thérapeutique en partie liés à une connaissance imparfaite de leur physiopathologie. Après en avoir rappelé les principales caractéristiques anatomocliniques, nous exposons dans ce chapitre les modalités thérapeutiques actuelles de ces deux pathologies, incluant les données plus récentes concernant leur prise en charge endovasculaire. Jusqu’en 1985, toute douleur thoracique rapportée au clivage de la paroi de l’aorte par un hématome était considérée comme une DA. En 1986, Stanson et al. (1) ont individualisé les UAPA, lésions athéroscléreuses avec ulcération qui pénétrait la limitante élastique interne et entraînait la formation d’un hématome à l’intérieur de la média, comme une nouvelle entité anatomoclinique mimant la DA. Selon Harris et al. (2), les UAPA intéressent préférentiellement l’aorte thoracique descendante distale puis l’aorte sous-rénale, l’aorte thoracique descendante moyenne puis proximale et, enfin, l’aorte abdominale suprarénale. L’aorte ascendante (3, 4) et la crosse aortique (4-8) sont plus rarement intéressées, probablement en raison de la moindre atteinte de ces segments par les lésions athéroscléreuses. De manière similaire, Yamada et al. (9) ont rapporté en 1988 les caractéristiques radiologiques et l’évolution de 14 malades, isolés parmi 34, chez lesquels le bilan d’imagerie effectué pour douleur thoracique avait initialement conclu au diagnostic de DA. L’absence de
visualisation d’une communication entre la lumière aortique native et l’hématome contenu dans l’espace néoformé par la dissection était l’unique critère de sélection rétrospective des malades. S’appuyant sur les constatations macroscopiques de deux cas autopsiques, les auteurs fournissaient dans cette article une description déjà précise des HIMA, qu’ils avaient, depuis 1985, précédemment baptisés « dissection aortique sans rupture intimale » (10). Par analogie avec la DA typique, et en raison d’implications pronostiques et thérapeutiques superposables, il est habituel d’appliquer aux HIMA les critères topographiques de la classification de Stanford (11). Dans la revue faite par Maraj et al. (12), les HIMA de type A, intéressant l’aorte ascendante, représentaient 57 % des cas. Ceux de type B, épargnant l’aorte ascendante, en représentaient 43 % mais ce taux est certainement sous-estimé si l’on se réfère à ce que l’on observe dans notre pratique courante.
Frontières diagnostiques Établir un diagnostic précis entre DA, UAPA et HIMA est une étape primordiale de la prise en charge thérapeutique des malades. En effet, si le traitement médical des dissections aiguës non compliquées de l’aorte thoracique descendante est couramment admis, les indications et modalités du traitement des UAPA et des HIMA restent controversées. L’existence d’un lambeau intimal traversant la lumière aortique signe la dissection, surtout lorsque celui-ci est mobile (13). Par conséquent, le diagnostic de DA ne doit pas être retenu en l’absence de lambeau sur la simple visualisation d’un hématome pariétal. Schématiquement, la distinction entre HIMA et UAPA repose principalement sur la démonstration dans ces derniers cas d’une ulcération pariétale mettant en communication la lumière aortique et les couches externes de la paroi, reflet de l’étiologie des lésions (rupture de plaque plutôt qu’hémorragie par rupture des vasa
172
Les syndromes aortiques aigus
vasorum) (fig. 1). D’autres critères permettent d’affiner la distinction entre HIMA, UAPA et DA (tableau I). Habituellement, HIMA et UAPA surviennent chez des malades âgés de plus de 70 ans, hypertendus de longue date et de manière sévère. L’âge moyen de survenue des DA de type A est de près de 20 ans inférieur, alors qu’il est sensiblement identique en cas de DA de type B. Cliniquement, rien ne permet de distinguer les trois variantes. Une douleur thoracique antérieure est plus volontiers rapportée en cas d’atteinte de l’aorte ascendante. Une douleur dorsale ou interscapulaire évoque davantage l’atteinte de l’aorte thoracique descendante, majoritaire en cas d’UAPA (90 %) et d’HIMA (71 %) (13). En cas d’HIMA ou d’UAPA, cette douleur est isolée, sans manifestation d’ischémie viscérale ou des membres. Au plan anatomo-pathologique, la propagation de l’hématome responsable du clivage pariétal est souvent plus étendue en cas de DA. Elle est la plus limitée en cas d’UAPA (fig. 2) et alors vraisemblablement contenue par la présence de nombreuses plaques athéroscléreuses massivement calcifiées. Au cours des DA,
B
A
C
Fig. 1 – Représentation schématique de la dissection aortique et de ses variantes. A. Dissection aortique classique, avec séparation des deux chenaux par un lambeau intimal. B. Ulcère athéroscléreux pénétrant : la séparation des couches internes de la média fait suite à l’évolution d’un ulcère creusant la paroi ou à une rupture de plaque athéroscléreuse. C. Hématome intramural, survenu en l’absence d’effraction intimale et disposé de manière concentrique au sein de la paroi.
l’hématome se développe habituellement à proximité de la lumière, dans les couches internes de la paroi. Cela expliquerait la tendance à la compression du cylindre interne par le cylindre externe. La localisation plus superficielle de l’hématome en cas d’HIMA, parfois sous-adventicielle, expliquerait le taux plus élevé de
Tableau I – Caractéristiques distinctives entre hématomes intramuraux (HIMA), ulcères athéroscléreux pénétrants (UAPA) et dissections (DA) aortiques.
Caractéristiques Profil du malade
HIMA
UAPA
DA
Sujet âgé, hypertendu
Sujet âgé, hypertendu
Sujet plus jeune, hypertendu Syndrome de Marfan,
bicuspidie aortique, Athérosclérose variable
Athérosclérose sévère
Athérosclérose variable, souvent minime
Symptomatologie
Violentes douleurs thoraciques et/ou dorsales, parfois migratrices
Signes cliniques
Absents
Absents
Asymétrie de tension et pouls Ischémie viscérale et/ou périphérique Déficit neurologique Insuffisance aortique (type A)
Imagerie Localisation préférentielle
Aorte descendante
Aorte descendante distale ou moyenne
Aorte ascendante ou descendante (répartition équivalente)
Anomalie pariétale
Hématome non opacifié Épaississement pariétal
Hématome rarement opacifié Épaississement pariétal
Faux chenal rapidement opacifié (parfois thrombosé) Compression du vrai chenal
Lambeau intimal
Absent ou épais et non mobile
Rare, irrégulier, épais
Habituel, lisse, mince, mobile, trajet spiralé
Lésion initiale
Hémorragie intrapariétale (zones anéchogènes)
Ulcère pénétrant la paroi
Déchirure intimale
Extension des lésions
Limitée
Limitée
Extension longitudinale fréquente
Calcifications intimales
Fréquemment visualisées, déplacées vers la lumière aortique
Diamètre aortique (*)
Souvent large (5,5 cm)
Le plus large (6,2 cm)
Souvent moins large (5,2 cm)
AAA associé
Fréquent
Fréquent
Plus rare (sauf type B chronique)
* Les chiffres entre parenthèses correspondent au diamètre aortique moyen observé par Coady et al. (13). AAA : Anévrysme de l’aorte abdominale.
Hématomes intramuraux et ulcères athéroscléreux pénétrants de l’aorte thoracique descendante : stratégies de prise en charge
lorsqu’un étroit suivi clinique et radiologique est possible, dans les formes non compliquées et tant que la dilatation aortique reste modérée (< 5 cm). La récidive douloureuse sous traitement médical, la survenue d’embolies distales, les suffusions hématiques sous-pleurales, l’accroissement rapide du diamètre aortique et a fortiori les ruptures aiguës, sont considérés comme des indications opératoires formelles (tableau II). L’intervention conventionnelle consiste en un remplacement prothétique aortique qui doit impérativement inclure le site de l’ulcération (fig. 4). La pré-
Fig. 2 – Ulcère athéroscléreux pénétrant à l’union des segments moyen et inférieur de l’aorte thoracique descendante.
rupture et l’absence de prolapsus du cylindre interne dans la lumière aortique observée sur les examens d’imagerie ou au cours de l’intervention. Selon Coady et al. (13), HIMA et UAPA surviennent plus volontiers sur des aortes déjà dilatées (respectivement 5,5 cm et 6,2 cm en moyenne) que les DA (5,2 cm, p = 0,01). Enfin, l’association d’un anévrysme de l’aorte abdominale est banale en cas d’UAPA (42,1 %), fréquente en cas d’HIMA (29,4 %) et plus rare en cas de DA (13, 14). En termes pronostiques, HIMA et UAPA semblent se comporter de manière plus péjorative que les DA. Dans la série de Coady et al. (13), les taux de rupture documentés en cas d’atteinte de l’aorte thoracique descendante ont été d’environ 35 % pour les HIMA et 42 % pour les UAPA, contre 4 % en cas de DA. L’atteinte de l’aorte ascendante se complique de rupture dans plus de deux tiers des cas d’HIMA et d’UAPA et dans moins de 8 % des cas de DA. Il est cependant habituel d’intervenir précocement sur les DA de type A, ce qui fait certainement sous-estimer leur mauvais pronostic spontané.
Fig. 3 – Aspect opératoire d’un anévrysme de l’aorte thoracique descendante développé à partir d’un ulcère athéroscléreux pénétrant.
sence d’un hématome intramural étendu et la nécessité d’effectuer les anastomoses en zones saines conduisent souvent à remplacer un long segment aortique. Dans la série de Stanson et al. (1), un taux préoccupant (29 %) de complications médullaires semblait directement en rapport avec l’étendue du segment aortique remplacé et l’absence de réimplantation des artères à destinée médullaire.
Traitement des UAPA Les premières recommandations, formulées par l’équipe de la Mayo Clinic (1, 15) dès l’individualisation de la pathologie, étaient largement en faveur d’une attitude chirurgicale urgente en cas d’UAPA symptomatique. En l’absence de douleur, la lente progression des UAPA vers un anévrysme aortique (fig. 3) et la faible incidence de complications menaçant le pronostic vital observée par Hussain et al. (16) sont pourtant à l’origine du concept de traitement médical de ces lésions. Ce dernier, institué d’emblée dans près de 60 % des cas de la littérature, associe un contrôle de la pression artérielle (avec maxima ne dépassant pas 120 mmHg), et des douleurs. Ce traitement est licite chez des malades ayant un risque chirurgical élevé et des conditions anatomiques peu propices à un traitement endovasculaire,
Tableau II – Indicateurs de progression de la pathologie aortique indiquant un traitement chirurgical conventionnel ou endovasculaire précoce (d’après Ahmad et al. (22)).
– Douleur « aortique » persistante malgré un traitement médical bien conduit – Accroissement de l’épaisseur de la paroi ou du diamètre aortique – UAPA de diamètre supérieur à 20 mm ou de profondeur supérieure à 10 mm – Accroissement du volume ou de l’extension d’un HIMA – Hématome extra-adventitiel – Hémothorax évolutif – Apparition d’un HIMA compliquant l’évolution d’un UAPA
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Les syndromes aortiques aigus
Fig. 4 – Aspects radiologique et opératoire d’un ulcère athéroscléreux pénétrant (flèche) du segment proximal de l’aorte thoracique descendante.
Les techniques endoluminales ont acquis une place de choix dans le traitement des UAPA. L’embolisation percutanée à l’aide de coils métalliques (17) visant à contrôler une hémorragie par rupture d’un faux anévrysme aortique ne peut avoir qu’un effet temporaire. En revanche, l’exclusion des UAPA à l’aide d’endoprothèses couvertes (fig. 5) constitue une alternative fiable à la chirurgie conventionnelle et procure d’excellents
résultats tardifs sous réserve que les conditions anatomiques s’y prêtent (18-27). Le bénéfice du traitement est d’autant plus marqué chez les malades âgés présentant de multiples co-morbidités chez lesquels une chirurgie directe est difficile à envisager. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer au regard de la courte distance d’aorte couverte, le risque de complications médullaires n’est pas nul (< 4 %) (19) mais reste inférieur à celui décrit en chirurgie conventionnelle (< 8 %). En cas d’UAPA développé à proximité de l’isthme aortique, il est parfois nécessaire d’effectuer une transposition première de l’artère sous-clavière gauche dans la carotide primitive pour améliorer les conditions d’ancrage proximal de l’endoprothèse et réduire le risque de survenue d’une endofuite immédiate ou secondaire. Lorsqu’elle est effectuée, la couverture délibérée de l’artère sous-clavière gauche est cependant souvent très bien tolérée sous réserve que puisse se développer une suppléance vertébro-sous-clavière efficace.
Traitement des HIMA
A
B Fig. 5 – Aspects angiotomodensitométriques d’un ulcère athéroscléreux pénétrant du segment moyen de l’aorte thoracique descendante. A. Clichés préopératoires. B. Clichés après mise en place d’une endoprothèse couverte.
Récemment sont apparues des publications (28-30) remettant en cause la chirurgie aortique urgente en cas d’HIMA de type A, alors que celle-ci reste unanimement admise pour les DA de même localisation. Du fait de la propension des HIMA de type B à évoluer vers une authentique DA, se pose également la question du traitement aortique préventif, par voie chirurgicale conventionnelle ou endovasculaire, chez les malades dont l’hypertension artérielle est peu ou mal contrôlée. Le traitement médical est de mise à l’admission de tous les malades, quelle que soit la localisation anatomique de l’HIMA. Au stade aigu, il vise à supprimer les douleurs et à obtenir une pression artérielle systolique comprise entre 100 mmHg et 120 mmHg. Outre des antalgiques majeurs, sont habituellement administrés par voie intraveineuse un antagoniste calcique et un bêtabloquant, parfois associés à un dérivé nitré. La surveillance tensionnelle en unité de soins intensifs est assurée par la mesure continue d’une pression artérielle sanglante. La surveillance clinique, échographique (surtout par voie transœsophagienne) et/ou tomodensitométrique doit être rigoureuse et répétée, afin de minimiser le risque de méconnaissance d’une complication potentiellement grave. Les épanchements pleuraux sont habituellement drainés. En revanche, la péricardocentèse se conçoit à notre sens et en accord avec Harris et Braverman (31) comme une mesure d’extrême urgence uniquement. En cas de survenue d’un volumineux épanchement péricardique, elle ne doit pas faire différer l’intervention chirurgicale et ne doit selon nous pas constituer l’essentiel du traitement,
Hématomes intramuraux et ulcères athéroscléreux pénétrants de l’aorte thoracique descendante : stratégies de prise en charge
comme cela a parfois été proposé (28), hormis chez les malades à très haut risque chirurgical. La ponction transpariétale antérieure à l’aiguille, dont les mérites en cas de tamponnade avec arrêt cardiaque sont évidents, comporte un risque majeur en cas de dilatation de l’aorte ascendante. Une voie sous-xyphoïdienne doit lui être préférée. Au stade chronique, le contrôle de la pression artérielle repose le plus souvent sur l’administration orale d’inhibiteurs calciques, d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou de bêtabloquants. Une surveillance tensionnelle doit être effectuée tous les trois mois. La surveillance morphologique doit être au moins bi-annuelle. Par définition, il n’existe ni porte d’entrée intimale ni lambeau intimal en cas d’HIMA. Contrairement à ce qui est proposé pour les DA où parfois seule la porte d’entrée peut être fermée, le traitement chirurgical conventionnel des HIMA consiste en un remplacement prothétique de la totalité de l’aorte pathologique, de manière à pouvoir effectuer des sutures en zones saines. Cela suppose, comme en cas d’UAPA (14), le remplacement d’un segment étendu d’aorte, avec les conséquences que cela implique lorsque les artères à destinée viscérale ou médullaire sont incluses dans la zone critique. Une revue de 332 cas de la littérature (32) indique que la mortalité hospitalière des HIMA, toutes localisations confondues, est de 14 % (47 décès/332 cas). Celle des HIMA de type A (21 %, 30 décès/142 cas) est supérieure à celle des HIMA de type B (9 %, 17 décès/190 cas). Le traitement médical isolé conduit au décès de 26 % des malades ayant un HIMA de type A et de 7 % de ceux ayant un HIMA de type B. En cas de traitement chirurgical conventionnel, le taux de décès hospitaliers est de 16 %, que l’HIMA soit de type A ou de type B. Ce dernier résultat s’explique vraisemblablement par une extrême gravité initiale des malades porteurs d’un HIMA de type B chez lesquels l’indication chirurgicale a été retenue. Les décès surviennent habituellement dans les 72 premières heures suivant l’admission. Une fois passée cette période critique, l’évolution des HIMA est hautement variable. L’opportunité d’un traitement médical conservateur ou chirurgical doit être discutée en fonction du potentiel évolutif propre à chaque localisation. En raison du risque élevé de rupture qu’ils comportent, il a longtemps été fortement recommandé de traiter chirurgicalement et sans délai les malades ayant un HIMA de type A, y compris ceux normotendus ou chez qui la pression artérielle est contrôlée par le traitement médical (33). Cette recommandation était corroborée par le taux de décès de 57 % rapporté après traitement médical chez 47 % des 49 malades colligés dans la littérature en 1997 et ayant un HIMA de type A (34). En raison de la morbidité directement liée à l’intervention
et de l’observation de cas de régression spontanée d’HIMA de type A, il a plus récemment été suggéré (30) de traiter médicalement les malades octogénaires sous couvert d’une surveillance radiologique régulière. Certains centres (28, 29) ont progressivement étendu cette indication et ont remis en cause le traitement chirurgical urgent des HIMA de type A. Sohn et al. (29) ont rapporté, avec un recul moyen de 30 mois, une évolution favorable chez six malades traités médicalement, dont deux présentaient à l’admission un épanchement péricardique. Dans une série de 24 malades ayant un HIMA de type A et 81 malades ayant une DA de type A, Song et al. (28) ont observé des taux de mortalité globale de 8 % en cas d’HIMA et de 20 % en cas de DA. La mortalité des 18 malades du premier groupe traités médicalement, dont trois ont été opérés après survenue d’une DA typique et deux ont eu une péricardocentèse, a été de 6 %. Celle des 12 malades du second groupe traités médicalement a été de 58 %. Selon ces auteurs, l’absence de flux au sein de la paroi disséquée expliquerait le pronostic plus favorable des HIMA de type A comparés aux DA de même localisation. En raison d’un potentiel évolutif plus favorable (35), il est unanimement admis que les HIMA de type B doivent être traités médicalement de première intention, sous réserve qu’une surveillance morphologique soit possible à long terme. La persistance de douleurs malgré un traitement antalgique et antihypertenseur bien conduit, l’augmentation du diamètre aortique au-delà de 40 mm et une épaisseur pariétale supérieure à 10 mm doivent faire reconsidérer l’opportunité d’une intervention chirurgicale conventionnelle ou endovasculaire visant à mettre à l’abri de la survenue d’une complication majeure, dissection extensive, rupture ou évolution anévrysmale (36). Un bilan tomodensitométrique préopératoire précis est indispensable, tant pour évaluer l’opportunité d’une intervention que pour effectuer les mesures nécessaires à la réalisation d’un éventuel traitement endovasculaire (fig. 6). Cependant, du fait de l’absence de porte d’entrée et de lambeau intimal, le bénéfice à attendre des endoprothèses couvertes dans le traitement des HIMA de type B n’est pas évident (37). L’aspect souvent limité de l’extension longitudinale des lésions et une invasivité réduite plaident sans doute en leur faveur (22, 38-42) (fig. 7), en particulier chez les malades présentant une douleur thoracique non résolutive sous traitement médical. La procédure comporte néanmoins un risque de rupture aortique durant le passage des guides et cathéters ou secondairement, inhérent au fait que seule une partie de l’épaisseur pariétale contient l’intégralité du flux sanguin et sert d’appui au dispositif (41, 43). De plus, l’évolution en amont et en aval de l’endoprothèse est imprévisible, tant en ce qui concerne le diamètre aortique que la survenue d’un ulcère pariétal ou d’une
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Les syndromes aortiques aigus
A B
Fig. 6 – Tomodensitométrie montrant un hématome intramural de l’aorte thoracique. Mesures de l’épaisseur pariétale maximale (1), du diamètre luminal maximal (2) et du diamètre aortique maximal (3) : A) au niveau de l’isthme aortique ; B) au niveau de l’aorte thoracique descendante moyenne.
A
D
B
C
E
Fig.7 – Hématome intramural de l’aorte thoracique descendante. A. L’aortographie de face ne montre aucune anomalie. B. L’aortographie en incidence oblique antérieure gauche montre une impression de rigidité pariétale (flèche) liée à la présence de l’hématome. C. L’épaississement pariétal est parfaitement authentifié sur la tomodensitométrie. D. Aortographie montrant une endoprothèse couverte déployée depuis l’isthme aortique sur 12,5 cm. E. Aspect tomodensitométrique final au niveau de l’aorte thoracique descendante.
Hématomes intramuraux et ulcères athéroscléreux pénétrants de l’aorte thoracique descendante : stratégies de prise en charge
migration de l’hématome vers les extrémités de l’endoprothèse. La multiplication du nombre de malades traités et suivis avec un recul suffisant devrait cependant permettre de démontrer, dans un avenir proche, le bénéfice à long terme de cette procédure.
POINTS ESSENTIELS 1. Les hématomes intramuraux et les ulcères athé-
roscléreux pénétrants de l’aorte thoracique descendante sont des variantes de la dissection aortique. Leur présentation clinique en est identique. Leur modalité évolutive est fonction du diamètre aortique et de leur topographie. 2. L’aorte thoracique descendante est la localisation préférentielle des ulcères pénétrants. Par analogie avec la dissection aortique, les hématomes intramuraux sont classés en type A et type B, d’égale fréquence de survenue, selon respectivement qu’ils intéressent ou non l’aorte ascendante. 3. L’exclusion des ulcères pénétrants à l’aide d’endoprothèses couvertes en est devenue le traitement de choix lorsque les conditions anatomiques s’y prêtent. Le risque médullaire de la procédure, non nul, est inférieur à celui de la chirurgie conventionnelle. 4. Les hématomes de type A sont traités par remplacement aortique conventionnel lorsque l’état général le permet. Ceux de type B sont traités médicalement en l’absence de dilatation aortique majeure ou de douleur résistant aux traitements antalgique et antihypertenseur. Le bénéfice des endoprothèses couvertes dans cette indication reste à démontrer.
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Partie 3
Aorte descendante Rupture d’anévrysme non traumatique
Chapitre
Stratégie de prise en charge des ruptures aortiques thoraciques non traumatiques
19
X. Chaufour
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 Techniques chirurgicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182 Technique opératoire en chirurgie conventionnelle . . . 182 Technique opératoire par exclusion endovasculaire . . . 183 Stratégie opératoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 Rupture aortique vraie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 Rupture aortique contenue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 Rupture aortique avec fistules aorto-œsophagiennes ou aorto-bronchiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186
Introduction De nombreux articles et ouvrages ont été publiés au sujet de la prise en charge des lésions de l’aorte thoracique descendante, mais il existe très peu d’articles consacrés à la prise en charge des ruptures non traumatiques de l’aorte thoracique descendante. Les ruptures non traumatiques de l’aorte thoracique descendante sont le plus fréquemment dues à la rupture d’un anévrysme de l’aorte thoracique. Les autres étiologies sont, par ordre de fréquence dégressive, les ruptures par dilatation anévrysmale du faux chenal d’une dissection aortique chronique, les ruptures d’hématomes intramuraux ou d’ulcères aortiques. Les ruptures spontanées non traumatiques de l’aorte sans pathologie préexistante sont extrêmement rares, seuls quelques cas sont rapportés dans la littérature (généralement dues à une déchirure aortique sur plaque d’athérome localisée, ou à une nécrose aortique, ou à un amincissement de la paroi aortique par corticothérapie au long cours) (1, 2). Les ruptures d’anévrysme de l’aorte thoracique descendante sont responsables généralement d’un hémothorax massif, ne laissant pas le temps d’intervenir chirurgicalement dans la plupart des cas et sont donc presque toujours rapidement mortels. Moins de 20 % des patients qui ont présenté un arrêt cardio-respiratoire dû à une rupture de l’aorte thoracique descen-
dante ont récupéré une activité cardiaque après réanimation ; mais la mortalité de « ces 20 % de rescapés » reste extrêmement élevée puisqu’elle est supérieure à 80 % (3). Mais dans certains cas, la rupture de l’anévrysme de l’aorte est contenue pendant un certain temps par le médiastin et/ou par les adhérences pulmonaires : ces ruptures de l’aorte thoracique descendante sont dénommées en fonction des auteurs comme des ruptures contenues, des ruptures colmatées, des fissurations, des pré-ruptures, des hématomes périaortiques, ou des ruptures vraies. Quels que soient les termes employés, c’est la stabilité hémodynamique du patient qui va déterminer la stratégie opératoire à choisir en urgence. Il faut savoir évoquer le diagnostic de rupture d’un anévrysme de l’aorte thoracique descendante lors de l’apparition d’un hémothorax gauche ou droit, d’une hématémèse ou d’une hémoptysie, avant la rupture cataclysmique mortelle. Si de nombreux cas d’hémothorax secondaires à une rupture d’anévrysme sont décrits dans la littérature médicale, la majorité d’entre eux sont des hémothorax de la cavité pleurale gauche, mais plusieurs cas de rupture dans la cavité pleurale droite ont été rapportés (4-7). Mais la rupture peut être contenue par les adhérences inflammatoires entre la coque de l’anévrysme et la plèvre pariétale limitant extension de l’hématome. Dans de rares cas, la rupture de l’anévrysme est révélée par des hémoptysies annonciatrices ; du fait de la présence d’une fistule aortobronchique (8-10). Des épisodes d’hématémèse à répétition peuvent être eux aussi annonciateurs, avant une hématémèse cataclysmique lors de fistule aortoœsophagienne primitive, d’un anévrysme de l’aorte thoracique descendante (11, 12). Ces patients se présentent avec un syndrome aortique aigu associant un collapsus et une douleur dont le siège peut être thoracique, dorsal ou abdominal (13). Les deux principales conséquences de la survenue d’un hémothorax sont hémodynamiques et respiratoires. Dans le cadre d’un hémothorax aigu dû à une rupture d’anévrysme de l’aorte thoracique, les signes hémody-
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namiques prédominent sur les signes respiratoires. La radiographie de thorax montre un épanchement pleural associé à un élargissement du médiastin. Le drainage thoracique initial est contre-indiqué car il va majorer le saignement et va décompenser un état hémodynamique déjà précaire. Si l’état hémodynamique est stabilisé, le diagnostic est confirmé par un angioscanner thoraco-abdominal. L’angioscanner est l’examen de référence qui permet d’étudier au mieux la morphologie de l’anévrysme et ses rapports, de mesurer les collets proximaux et distaux, d’étudier les angulations, de visualiser parfois le niveau de la rupture ou d’une fistule aorto-bronchique ou aorto-œsophagienne, d’étudier les accès artériels iliaques. Les ruptures des anévrysmes de l’aorte thoracique descendante doivent être opérées d’urgence, sans attendre un bilan cardio-pulmonaire préopératoire habituel pour une chirurgie aortique (optimisation du traitement cardiaque, coronarographie, exploration fonctionnelle respiratoire, etc.). La menace vitale ne permet pas de réaliser ces explorations. Le but du traitement en urgence est d’obtenir en urgence une hémostase rapide ; deux options thérapeutiques doivent être envisagées : 1- l’hémostase chirurgicale ; 2- l’hémostase par exclusion endovasculaire par une endoprothèse couverte.
Clampage aortique simple Le clampage aortique simple par thoracotomie postéro-latérale permet de contrôler très rapidement l’aorte sans circulation extracorporelle (CEC), ni shunt inerte pour réaliser le remplacement prothétique direct. Les clamps sont placés de part et d’autre de la rupture, l’anévrysme est ouvert sur son axe afin de réaliser une mise à plat greffe aorto-aortique. Mais lorsqu’il existe des adhérences importantes, il existe un risque de rupture cataclysmique avant le contrôle aortique. La dissection des adhérences pulmonaires peut être parfois très difficile et hémorragique, nécessitant de réaliser une résection pulmonaire atypique ou une lobectomie d’hémostase. Le retentissement hémodynamique, sur les fonctions rénales, viscérales et médullaire, est maximal. L’utilisation d’un shunt inerte pour réaliser le remplacement prothétique direct (shunt sous-clavier-fémoral ou thoraco-abdominal en fonction de l’anatomie de l’anévrysme), n’a pas sa place dans le cadre de l’urgence. La mise en place d’un tel shunt demande au moins 30 minutes d’installation, et doit être réalisée avant le clampage aortique, ce qui est illusoire dans le cadre de l’urgence. Le but du shunt est de diminuer le risque d’ischémie viscérale et rénale et médullaire. Mais le shunt inerte ne protège pas aussi bien que la mise en place d’une CEC fémoro-fémorale, du fait d’un moindre débit de perfusion.
Techniques chirurgicales Clampage aortique avec CEC Technique opératoire en chirurgie conventionnelle Voie d’abord La voie d’abord élective est une thoracotomie postérolatérale ; le niveau de la thoracotomie dépend de la localisation de l’anévrysme thoracique (du 4e au 6e espace intercostal). Le choix de l’espace intercostal dépend de l’étendue de l’anévrysme vers l’artère sousclavière gauche ou vers le diaphragme. La sternotomie médiane verticale a l’avantage de pouvoir très rapidement contrôler l’aorte proximale au niveau de l’artère sous-clavière, mais elle ne permet pas de contrôler et réparer l’aorte thoracique descendante. La technique chirurgicale consiste, dans la plupart des cas, à réaliser une mise à plat-greffe aorto-aortique prothétique après contrôle de l’aorte saine sus- et sousjacentes pour les anévrysmes fusiformes. Pour les petits anévrysmes sacciformes, une simple résection de l’anévrysme avec angioplastie prothétique peut être suffisante. L’alternative est l’exclusion-pontage à partir de l’aorte ascendante par sterno-laparotomie. Quelle que soit la technique choisie, quatre types de stratégies peuvent être proposés pour obtenir une hémostase aortique rapide.
Avant la réalisation de la thoracotomie, on met en place une CEC partielle fémoro-fémorale. Par un abord fémoral, une longue canule veineuse atrio-cave est positionnée sur guide par la veine fémorale commune, une seconde canule est introduite par voie fémorale artérielle. Cette CEC partielle fémoro-fémorale va permettre de récupérer le sang provenant de l’aorte dès l’ouverture du thorax et permettre une oxygénation optimale grâce à l’oxygénateur, et de limiter le temps d’ischémie médullaire, rénale et viscérale par perfusion rétrograde distale. La place de l’oxygénateur est primordiale dans cette chirurgie lorsque tout le poumon gauche est affaissé lors de la dissection ou par l’hématome périaortique. Cette CEC fémoro-fémorale permet aussi de faire un arrêt circulatoire en hypothermie profonde si nécessaire dans les cas les plus difficiles. Bien évidemment, l’utilisation d’une CEC nécessite une héparinisation systémique à 300 UI/kg ou l’utilisation de circuit préhépariné. L’utilisation de l’héparine avant le contrôle et le clampage aortique a le désavantage d’augmenter le risque de saignement au niveau de la rupture ou de diffuser un hématome péri- ou intrapulmonaire aggravant les difficultés de dissection de l’aorte. La mise à plat-greffe de l’anévrysme est réalisée selon la technique habituelle.
Stratégie de prise en charge des ruptures aortiques thoraciques non traumatiques
Clampage endoluminal aortique premier Avant la réalisation de la thoracotomie, on positionne un cathéter à ballonnet au niveau de l’aorte thoracique par voie fémorale rétrograde. L’intérêt de la mise en place première de ce cathéter à ballonnet va permettre de réaliser un clampage endoluminal au cas où le contrôle aortique proximal serait difficile ou en cas de détérioration de l’état hémodynamique. Il faut utiliser des cathéters à ballonnet de gros diamètre (ballon compliant sur guide 0,035) montés sur guide et soutenus par un désilet long afin que le ballon ne glisse pas à chaque pulsation. Une alternative est d’introduire un cathéter à ballonnet par voie artérielle axillaire positionnée au niveau de l’isthme aortique, l’intérêt de ce type de clampage endoluminal est qu’il ne nécessite pas de désilet, il suffit de le maintenir en place par une légère traction continue, afin qu’il ne soit pas entraîné par le flux aortique (14). On réalise ensuite la thoracotomie postéro-latérale afin de réaliser la mise à plat greffe aorto-aortique selon la technique précédemment décrite ; le clampage aortique par le cathéter à ballonnet sera utilisé en fonction de l’état hémodynamique du patient ou des difficultés de contrôle de l’aorte thoracique proximale.
pour calculer les longueurs et diamètres des collets aortiques proximaux et distaux de part et d’autre de l’anévrysme, pour évaluer les angulations des collets, ainsi que d’évaluer les axes iliaques comme accès. Il faut de plus pouvoir disposer des endoprothèses couvertes adaptées et d’un plateau technique adéquat pour l’exclusion endovasculaire. L’endoprothèse couverte peut le plus souvent être introduite par voie fémorale et être déployée après repérage du collet aortique proximal. Une extension sera déployée, si nécessaire, après repérage du collet aortique distal. Si le collet aortique proximal est de longueur insuffisante, une transposition de l’artère carotide gauche et de l’artère sous-clavière gauche peut être réalisée par voie cervicale. Si le collet aortique distal est trop proche du tronc cœliaque, on peut revasculariser l’artère hépatique de manière rétrograde après ligature du tronc cœliaque, l’endoprothèse couverte sera positionnée en même temps que la voie d’abord abdominale. Lorsque l’état hémodynamique le permet, la pose d’une endoprothèse couverte est une alternative très intéressante puisque cette technique est beaucoup plus simple et plus rapide que la chirurgie conventionnelle. L’intervention a très peu de retentissement hémodynamique et va permettre une exclusion de l’anévrysme sans clampage aortique, ni thoracotomie.
Exclusion-pontage L’exclusion-pontage consiste à exclure l’aorte thoracique descendante en ligaturant l’aorte juste en aval de l’artère sous-clavière et au niveau de l’aorte supracœliaque par sterno-laparotomie ; l’aorte abdominale est revascularisée par un pontage extra-anatomique à partir de l’aorte ascendante. Cette technique n’a que rarement sa place dans le cadre de l’urgence. Elle peut être envisagée lorsqu’une sternotomie a été réalisée en extrême urgence pour clamper l’aorte thoracique descendante sur un patient réanimé en décubitus dorsal. L’aorte thoracique descendante n’étant pas contrôlable par cette voie d’abord, l’exclusion-pontage peut donc être une des techniques de sauvetage (15).
Stratégie opératoire Le choix de la stratégie opératoire dépend bien évidemment des opérateurs et des plateaux techniques disponibles, mais il dépend surtout de la stabilité hémodynamique du patient et du type de rupture. Dans la pratique, il faut bien distinguer deux tableaux cliniques bien différents : les ruptures vraies en plèvre libre avec choc hémodynamique et les ruptures contenues avec un retentissement hémodynamique bien supporté.
Rupture aortique vraie Technique opératoire par exclusion endovasculaire L’intérêt de l’exclusion endovasculaire est de pouvoir très rapidement colmater la brèche au sein de l’anévrysme sans ouverture du thorax, ni clampage aortique. En revanche, les limites de cette technique sont essentiellement liées à la morphologie de l’anévrysme et au plateau technique pour être réalisée en urgence. Comme pour toute exclusion endovasculaire aortique, il faut que le patient présente une hémodynamique suffisamment stable pour avoir bénéficié d’un angioscanner thoraco-abdominal de bonne qualité permettant d’étudier au mieux la morphologie de l’anévrysme
Les ruptures vraies en plèvre libre constituent une urgence extrême, elles sont responsables généralement d’un hémothorax massif, ne laissant pas le temps d’intervenir chirurgicalement dans la plupart des cas. Les signes hémodynamiques prédominent sur les signes respiratoires. Le drainage pleural est à proscrire pour ne pas aggraver le collapsus. Du fait de l’instabilité hémodynamique par hémorragie massive, le risque de « désamorçage cardiaque » est maximal ; il apparaît licite de prendre le temps de mettre en place un cathéter à ballonnet par voie fémorale ou par voie axillaire afin de pouvoir clamper l’aorte en amont de la rupture aortique. La thoracotomie pos-
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téro-latérale est réalisée en urgence pour clamper l’aorte au plus vite. Le challenge de cette chirurgie est d’obtenir un contrôle de l’aorte thoracique descendante proximale en zone saine, mais il faut faire attention lors de la dissection de bien rester à distance de la zone de rupture ou de ne pas mobiliser des adhérences pleurales qui colmataient une brèche pleurale. Le clampage endovasculaire permet de limiter le risque de désamorçage avant d’avoir obtenu un contrôle aortique proximal en amont de la rupture. Certaines équipes préfèrent mettre en place une CEC afin de pouvoir récupérer le sang dès l’ouverture du thorax et améliorer l’oxygénation si besoin, mais l’héparinisation systémique à 300 UI/kg et le temps de mise en place de la CEC risquent de majorer l’hémorragie et le collapsus, au détriment d’un contrôle premier de l’aorte thoracique proximale.
Rupture aortique contenue Les ruptures aortiques contenues sont généralement bien tolérées sur le plan hémodynamique car les adhérences de la plèvre viscérale avec la paroi de l’anévrysme aortique contiennent l’hématome périanévrysmal. Le retentissement sur le plan respiratoire est généralement modéré. Dans de nombreux cas, cette rupture contenue évolue depuis plusieurs jours avant le diagnostic. La majorité de ces patients a bénéficié d’un angioscanner thoracoabdominal permettant d’explorer au mieux la morphologie de l’anévrysme. Chez ces patients, deux options thérapeutiques sont donc envisageables : l’exclusion endovasculaire ou la mise à platgreffe aorto-aortique. Le choix de ces deux options thérapeutiques dépend essentiellement de la qualité de collets aortiques proximaux et distaux, du terrain du patient et de l’équipe médicale de garde. Si l’on opte une mise à plat-greffe aorto-aortique, il est recommandé d’utiliser une CEC partielle fémorofémorale qui permet d’obtenir de meilleur résultat comme dans la chirurgie élective. La mise en place d’une CEC fémoro-fémorale ne prend qu’une quinzaine de minutes et va permettre de récupérer le sang dès l’ouverture du thorax, de plus elle permet d’assurer un bon équilibre hémodynamique de part et d’autre de la zone clampée et de limiter le risque d’ischémie médullaire, rénale et viscérale et d’optimiser l’oxygénation si nécessaire. L’utilisation d’une CEC majore le risque de lésions pulmonaires hémorragiques lors de la libération des adhérences pleuro-pulmonaires avec l’anévrysme, du fait de l’héparinisation systémique. Lorsque l’hémomédiastin est très volumineux, que la rupture est intrapleurale ou au ras de l’artère sous-clavière gauche, ou que le patient a déjà eu une thoracoto-
mie, un arrêt circulatoire en hypothermie profonde peut aussi être réalisé afin d’obtenir un contrôle aortique proximal optimal. Si l’on opte pour une exclusion endovasculaire, l’étude précise préopératoire des accès vasculaires iliaques et de l’anévrysme thoracique sur l’angioscanner thoracoabdominal permet de choisir l’endoprothèse couverte adéquate à l’anévrysme. L’intervention est réalisée sous anesthésie générale sous hypotension relative afin de ne pas majorer le risque hémorragique, la montée des endoprothèses couvertes sur guide extrarigide permet de se positionner au niveau du collet aortique proximal en restant à distance de la brèche aortique, si nécessaire une deuxième endoprothèse couverte est déployée au niveau du collet aortique distal. L’exclusion endovasculaire est une alternative très intéressante puisque cette technique est beaucoup plus simple et plus rapide que la chirurgie conventionnelle, mais il faut savoir aussi reconnaître les limites de la technique liées à la morphologie de l’anévrysme.
Rupture aortique avec fistules aorto-œsophagiennes ou aorto-bronchiques Les fistules aorto-œsophagiennes primitives compliquant les anévrysmes de l’aorte thoracique descendante sont rares, et de très mauvais pronostic du fait du caractère septique de la fistule aorto-digestive et de la rupture aortique. Le traitement idéal est de réaliser une mise à plat-greffe de l’anévrysme, soit par une allogreffe artérielle, soit par une prothèse en Dacron® protégée par une épiploplastie, associée dans le même temps opératoire d’un stripping de l’œsophage avec œsophagostomie cervicale et jéjunostomie pour réaliser une œsophagoplastie secondaire (15). L’alternative est de ne pas réaliser de revascularisation in situ, en revascularisant l’aorte cœliaque à partir de l’aorte thoracique ascendante, avec ligature aortique de part et d’autre de l’anévrysme thoracique par une sterno-laparotomie. Mais, dans la pratique, un certain nombre de ces patients ont des tares médicales importantes aggravées par des épisodes d’hématémèse à répétition, l’exclusion endovasculaire reste donc une option thérapeutique afin de colmater la brèche aortique très rapidement et de réévaluer le patient à distance de l’hémorragie. Nous rapportons le cas d’une femme traitée dans le service en urgence, pour une hématémèse sur fistule primitive aorto-œsophagienne d’un anévrysme de l’aorte thoracique descendante de 85 mm. Deux endoprothèses couvertes ont permis d’exclure l’anévrysme de façon efficace sans endofuite, ni récidive hémorragique (fig. 1). Mais devant la récidive d’épisodes septiques, un transit œsophagien à la gastrographine montre le mou-
Stratégie de prise en charge des ruptures aortiques thoraciques non traumatiques
lage externe de l’endoprothèse couverte à deux mois et demi de l’exclusion anévrysmale sans aucune cicatrisation de la fistule (figs. 2 et 3). Les fistules aorto-bronchiques primitives compliquant les anévrysmes de l’aorte thoracique descendante sont encore plus rares (figs. 4 et 5). Il existe généralement des hémoptysies annonciatrices avant la rupture cataclysmique dans les bronches (8-10). La réparation in situ consiste en une mise à plat-greffe de l’anévrysme par thoracotomie postéro-latérale gauche, soit par une allogreffe artérielle, soit par une prothèse en Dacron® protégée par une épiploplastie. Les lésions pulmonaires sont généralement des petites fistules périphériques pouvant généralement être traitées avec des points appuyés sur la coque de l’anévrysme et de la colle biologique. Des résections pulmonaires segmentaires
d’hémostase sont parfois nécessaires ; la lobectomie est rarement nécessaire. La revascularisation extra-anatomique à partir de l’aorte ascendante peut aussi être envisagée en cas de lobectomie associée ou de suppuration manifeste. L’aorte cœliaque à partir de l’aorte tho-
Fig. 3 – Angioscanner thoracoabdominal après réalisation d’un transit œsophagien à la gastrographine à 2 mois et demi de l’exclusion endovasculaire : persistance de la fistule thoraco-œsophagienne avec exclusion endovasculaire toujours efficace.
Fig. 1 – Fistule primitive aorto-œsophagienne d’un anévrysme de l’aorte thoracique descendante rompu dans l’œsophage : exclusion par deux endoprothèses couvertes TAG réalisées en urgence pour hématémèse.
Fig. 4 – Angioscanner thoracique d’une fistule aorto-bronchique primitive. Rupture contenue par la plèvre viscérale.
Fig. 2 – Transit œsophagien à la gastrographine à 2 mois et demi de l’exclusion endovasculaire moulant l’endoprothèse couverte : persistance de la fistule thoraco-œsophagienne expliquant la récidive du syndrome septique.
Fig. 5 – Angioscanner thoracique d’une fistule aorto-bronchique primitive. Prise de contraste au sein du parenchyme pulmonaire et de l’hémothorax.
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racique ascendante, est associée à une thoracotomie gauche pour permettre une mise à plat de l’anévrysme avec ligature aortique proximale et distale et hémostase pulmonaire. L’exclusion endovasculaire est une option thérapeutique rapidement efficace, mais avec le risque d’infection secondaire non négligeable comme pour les fistules aorto-œsophagiennes.
Résultats La plupart des résultats de la prise en charge des ruptures non traumatiques des anévrysmes de l’aorte thoracique descendante sont des cas cliniques ou des séries d’une dizaine de patients. La majorité des séries de la littérature incluent des résultats de chirurgie élective et de chirurgie en urgence. La mortalité postopératoire est très variable, de 17 à 100 % (3, 12, 16-20). De telles différences montrent bien la disparité des tableaux cliniques lors de la prise en charge en urgence de ces ruptures non traumatiques de l’aorte (rupture aortique vraie avec choc hémodynamique versus rupture contenue sans choc hémorragique). Quelles que soient les séries, le risque de paraplégie est de l’ordre de 10 à 20 %, le risque d’insuffisance rénale de 5 à 15 %. Sur une série de 120 patients traités pour anévrysmes de l’aorte thoracique descendante, Hayashi et al. ont utilisé une CEC partielle ou totale dans 84 % des cas, et à chaque fois en urgence (10 cas). Après analyse multivariée, un seul facteur prédictif de mortalité est significatif : la rupture anévrysmale préopératoire (17). Il est donc très difficile de définir une stratégie opératoire très systématisée de prise en charge en urgence du fait de la disparité des cas cliniques et des équipes médicales. Les résultats encourageants des cas rapportés traités par exclusion endovasculaire, dans la littérature, incitent à développer cette technique aux patients les plus critiques (5, 18-22). Dans tous les cas, un diagnostic préopératoire précis par angioscanner avait pu être réalisé en préopératoire pour permettre l’exclusion endovasculaire par endoprothèse couverte avec de bons résultats. Bell et al. présentaient une survie de 83 % à 30 jours et 71 % à 1 an pour 20 patients traités en urgence par exclusion endovasculaire pour des ruptures contenues de l’aorte thoracique descendante non traumatique (19). Ce taux de survie très élevé témoigne malgré tout que la majorité des patients traités dans ces séries présentaient un anévrysme de l’aorte thoracique descendante au stade de rupture contenue ou au stade d’anévrysme symptomatique sans rupture vraie. L’instabilité hémodynamique n’est pas forcément une contre-indication à l’exclusion endovasculaire si l’on
dispose d’un kit d’endoprothèse couverte et d’une équipe médicale de garde formée à cette technique, ainsi que du plateau technique adéquat.
Conclusion Les ruptures d’anévrysme non traumatiques de l’aorte thoracique descendante sont des urgences vitales. Le premier objectif est de contrôler l’hémorragie afin de maintenir un état hémodynamique stable. Le choix d’une exclusion endovasculaire première semble être la technique de choix pour parvenir à colmater le plus rapidement possible la brèche aortique. Bien entendu, la morphologie de l’anévrysme thoracique et le plateau technique sont les facteurs limitants principaux à cette technique. Chez un patient dont l’état hémodynamique reste précaire malgré la réanimation, il est tout à fait concevable de ne traiter que la zone de fissure, sans traiter l’ensemble de l’aorte thoraco-abdominale, qui sera pris en charge dans un second temps si le patient survit à sa rupture de l’aorte thoracique. Lorsque la rupture est contenue et que l’état du patient est stable, il faut considérer soit la mise à plat-greffe sous CEC partielle fémoro-fémorale, soit l’exclusion endovasculaire. Le choix des deux techniques dépend essentiellement de la morphologie de l’anévrysme, des antécédents du patient et des équipes chirurgicales.
POINTS ESSENTIELS 1. Les ruptures d’anévrysme non traumatiques de
l’aorte thoracique descendante sont des urgences vitales. Le choix de la stratégie opératoire dépend surtout de la stabilité hémodynamique du patient et du type de rupture. 2. Le choix d’une exclusion endovasculaire première semble être la technique de choix pour parvenir à colmater le plus rapidement possible la brèche aortique. Bien entendu, la morphologie de l’anévrysme thoracique et le plateau technique sont les facteurs limitant principaux à cette technique. 3. Lorsque la rupture est contenue et que l’état du patient est stable, il faut considérer soit la mise à plat-greffe sous CEC partielle fémoro-fémorale, soit l’exclusion endovasculaire. Le choix des deux techniques dépend essentiellement de la morphologie de l’anévrysme, des antécédents du patient et des équipes chirurgicales.
Stratégie de prise en charge des ruptures aortiques thoraciques non traumatiques
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Partie 3
Aorte descendante Rupture traumatique de l’aorte
Chapitre
Traitement chirurgical des ruptures aiguës de l’isthme aortique
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T. Langanay, E. Flécher et A. Leguerrier
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 Présentation clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 Patients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 Traitement chirurgical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194 Technique chirurgicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195 État de l’art . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 Histoire naturelle. Mise au point . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 Lésions associées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 Paraplégie postopératoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 Traitement endovasculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Traitement médical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Stratégie thérapeutique actuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Propositions pour une stratégie personnalisée . . . . . . . . . . . 200 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
diminué par l’utilisation d’un système de perfusion de l’hémicorps inférieur pendant le temps de clampage aortique. Mais l’héparinisation systémique imposée par l’utilisation d’une circulation extracorporelle (CEC) risque d’aggraver des lésions associées, notamment cérébrales ou pulmonaires, en provoquant ou majorant une hémorragie qui peut être létale. Ainsi, l’existence de lésions associées engageant le pronostic vital en ellesmêmes ou risquant d’être aggravées par l’héparinisation générale peut soulever de difficiles problèmes de priorité lésionnelle et conduire dans certaines circonstances à différer la réparation aortique sous contrôle médical strict afin de permettre la prise en charge première des lésions extra-aortiques (4-6).
Présentation clinique Introduction Les ruptures aiguës de l’isthme aortique représentent 85 % des lésions de l’aorte secondaires à un traumatisme fermé du thorax. Si les conditions de survenue sont variées, le dénominateur commun est un choc violent associant des mécanismes de décélération brutale et d’écrasement (1). Ces lésions sont graves puisque 80 % des blessés décèdent sur les lieux mêmes de l’accident et que seulement 20 % des accidentés vont survivre au traumatisme initial et vont pouvoir être transférés vers l’hôpital. Et, seuls 20 % de ces survivants initiaux vont eux-mêmes pouvoir survivre en l’absence de prise en charge médico-chirurgicale en urgence. Les ruptures isthmiques surviennent généralement dans un contexte de polytraumatisme et sont souvent associées à d’autres lésions sévères mettant en jeu également le pronostic vital. La mortalité opératoire reste élevée, aux alentours de 20 %, pour l’ensemble des équipes (2, 3), elle apparaît en grande partie due aux lésions associées. L’apparition d’une paraplégie postopératoire, qui est d’étiologie multi-factorielle, constitue la complication gravissime de toute chirurgie de l’aorte thoracique descendante. Ce risque peut être
Patients Entre octobre 1976 et juin 2007, 70 patients (59 hommes et 11 femmes) ont été opérés d’une rupture aiguë de l’isthme aortique au CHU de Rennes. L’âge des blessés s’étalait entre 14 et 72 ans avec une moyenne de 28 ± 10,5 années ; 44 patients (63 %) avaient moins de 30 ans (fig. 1).
Fig. 1 – Répartition des patients en fonction de l’âge.
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Les syndromes aortiques aigus
Toutes les données cliniques et paracliniques ont été analysées rétrospectivement à partir de notre base de données informatisée, les éléments étant rentrés en temps réel dans la base de données pendant l’hospitalisation du patient. La base de données est régulièrement remise à jour à partir des informations recueillies en consultation ou par le suivi téléphonique des patients. Toutes les données font ensuite l’objet d’une analyse à l’aide du logiciel d’analyse statistique SPSS. Tous les blessés ont été victimes d’un accident violent comportant toujours un mécanisme de décélération brutale. Soixante-quatre patients (91,5 %) relevaient d’un accident de la circulation : conducteur ou passager d’une voiture 42 fois (60 %), accident de moto 18 fois (25,7 %), piéton 2 fois (2,8 %) et cycliste 2 fois. Six patients (8,5 %) étaient tombés d’une hauteur élevée (8 à 10 mètres), chute d’un toit ou accident de parachutisme. Il est à noter une très nette diminution des accidents de voiture (1 patient) et une augmentation importante des accidents de moto (5 patients) au cours des trois dernières années qui viennent de s’écouler, traduisant au moins en partie l’efficacité des mesures de sécurité actives et passives dont bénéficient aujourd’hui les conducteurs et les passagers des véhicules à quatre roues. À l’admission, 31 patients (44 %) étaient en état de choc hypovolémique avec une hémodynamique instable. Onze patients (16 %) présentaient une détresse respiratoire aiguë, accompagnant six fois un volet costal (8,5 %). Cinq patients (7 %) présentaient un tableau de pseudo-coarctation avec abolition des pouls fémoraux. Chez deux d’entre eux (2,8 %) il existait des signes évidents d’ischémie aiguë des membres inférieurs en rapport avec une thrombose complète de l’aorte en aval de la rupture de l’isthme. Un patient (1,4 %) présentait une paraplégie préopératoire secondaire à une fracture du rachis responsable d’une lésion de la moelle épinière, un patient présentait une paraparésie et un patient des signes neurologiques déficitaires du membre supérieur droit.
Fig. 2 – Radiographie thoracique de face : élargissement du médiastin supérieur.
présence évoque d’emblée le diagnostic et conduit aujourd’hui à la réalisation d’un scanner avec injection en urgence. Cet élargissement était présent chez plus de 80 % de nos blessés. Quarante-quatre patients (62 %) ont eu une artériographie (fig. 3). Il s’agissait essentiellement des patients les plus anciens de notre série, l’amélioration des techniques radiologiques et l’avènement des scanners spiralés puis multi-barrettes ont peu à peu conduit à réserver aux cas de diagnostic très difficile l’artériographie qui, pendant longtemps, est restée le « gold standard » pour le diagnostic des ruptures de l’isthme. C’est ainsi que pour les 20 patients les plus récents de la série le diagnostic a été posé sur les images scanographiques, mettant en évidence un élargissement de l’aorte isthmique ou une perte du parallélisme des parois aortiques (fig. 4). Aujourd’hui, la réalisation en urgence d’un examen scanner corps entier fait souvent partie de la prise en charge initiale des polytraumatisés car il permet de réaliser un bilan complet et rapide de l’ensemble des lésions notamment thoraciques. C’est ainsi que le diagnostic de rupture de l’isthme est parfois porté en premier sur cet examen sans signe clinique évocateur préalable.
Diagnostic La possibilité d’une rupture aortique a été évoquée devant différents signes cliniques et radiologiques diversement associés et, en premier lieu, l’existence d’un traumatisme thoracique à la suite d’un choc violent. Le classique élargissement du médiastin supérieur sur la radiographie thoracique standard de face est le signe le plus fréquent, même s’il n’est pas toujours constant et si l’interprétation du cliché, pris parfois dans de mauvaises conditions chez un patient polytraumatisé et allongé, reste parfois difficile (fig. 2). Sa
Fig. 3 – Aortographie : perte de parallélisme des parois aortiques.
Traitement chirurgical des ruptures aiguës de l’isthme aortique Tableau I – Lésions associées à la rupture aortique. Traumatisme
Fig. 4 – Scanner : rupture de l’isthme aortique.
Chez quatre patients, le diagnostic a été posé directement en salle d’opération après la réalisation d’une thoracotomie de sauvetage en urgence, l’état hémodynamique très instable du patient ne permettant pas la réalisation de la moindre investigation complémentaire. Enfin, c’est l’apparition au 11e jour après l’accident d’un souffle systolique chez un patient hospitalisé en réanimation qui a conduit à réaliser une échographie transœsophagienne, faisant évoquer le diagnostic de rupture de l’isthme confirmé secondairement par l’aortographie. Seuls six patients (8,5 %) présentaient une rupture isolée de l’isthme aortique, tous les autres blessés (64 patients-91,5 %) présentaient des lésions associées sévères dont la coexistence reflète l’amplitude et la violence du traumatisme. Toutes ces lésions associées sont détaillées dans le tableau I. Quinze patients présentaient un coma (21,5 %), 17 fois (24 %) une laparotomie première en urgence a été réalisée avant la chirurgie aortique et un patient a bénéficié d’une embolisation de la rate et du rein avant la réparation aortique.
Patients
Thorax - Fracture de côtes - Volet costal - Fracture du sternum - Rupture bronche
40
Tête - Fracture du crâne - Contusion cérébrale + coma
27
Orthopédique - Membre inférieur - Membre supérieur - Bassin - Rachis - Maxillo-facial - Clavicule
52
Viscérale - Rupture rate - Contusion rein - Contusion ou plaie foie - Rupture diaphragme - Rupture vessie - Divers
24
Nombre
%
40 12 7 2
57 57 17 10 3
2
38 3
15
21
29 18 20 7 9 3
74 41 26 29 10 13 4
11 8 8 2 1 2
34 16 11 11 3 1,5 3
Traitement chirurgical Quarante-quatre patients (63 %) ont été opérés moins de 24 heures après l’accident (fig. 5). À l’inverse, 26 patients (37 %) ont été traités de manière différée, soit par une chirurgie conventionnelle (24 patients), soit par une endoprothèse (2 patients). Ce délai, qui pouvait s’étendre au-delà d’un mois, était dû soit à un diagnostic tardif, la rupture aortique étant méconnue, masquée par des lésions associées majeures (12 patients), soit de principe, 14 patients, car la présence de lésions associées sévères (5 polytraumatismes avec lésions orthopédiques sévères et multiples, 2 ruptures de rate, 1 contusion hépatique, un coma de grade 3 et des contusions pulmonaires sévères), faisait
Fig. 5 – Répartition des patients selon le délai séparant l’accident de la réparation aortique.
craindre que la chirurgie aortique en urgence n’aggrave ces lésions et soit plus délétère et risquée qu’une réparation différée sous contrôle strict en réanimation. Soixante-huit patients ont été opérés de manière conventionnelle et deux à l’aide d’une endoprothèse (fig. 6). Soixante-cinq patients ont été opérés par thoracotomie postéro-latérale gauche avec ouverture du thorax dans le quatrième espace inter-costal. Trois sternotomies médianes verticales dont deux sous massage cardiaque externe ont été réalisées chez des patients en
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Les syndromes aortiques aigus
Fig. 6 – Les différentes techniques de protection médullaire utilisées dans cette série de patients.
état hémodynamique plus qu’instable. De façon à diminuer le risque de paraplégie postopératoire, nous avons eu recours à chaque fois que c’était possible à l’utilisation d’une circulation extracorporelle partielle pour réaliser une perfusion distale de l’hémicorps inférieur soit 63 patients (93 %). Un patient a été opéré à l’aide d’un shunt inerte de Gott et quatre patients sans protection médullaire particulière par clampage aortique simple. Il s’agissait essentiellement dans notre expérience récente des patients opérés en catastrophe (fig. 6). Le temps de clampage aortique varie entre 21 et 110 minutes (58 minutes en moyenne) selon l’importance des lésions et des difficultés de réparation. Il n’a pas été noté de différence en fonction de l’utilisation ou non d’une circulation extracorporelle. Dans quatre cas (5,7 %), la réparation aortique a été conduite en arrêt circulatoire sous hypothermie profonde en raison de l’extension proximale de la déchirure aortique à la portion horizontale de la crosse aortique. La rupture aortique était circonférentielle chez 39 patients (65 %), incomplète dans 20 cas (33 %) et bifocale une fois (2 %). Une suture directe a pu être réalisée chez 31 patients (44 %) mais 37 fois (54 %) l’extension des lésions a nécessité la mise en place d’un tube prothétique afin de rétablir la continuité aortique. Au total, nous avons réalisé quatre thoracotomies de sauvetage (trois sternotomies et une thoracotomie postérieure). La coexistence chez deux patients de lésions associées sévères (polytraumatisme et contusion pulmonaire), contre-indiquant une éventuelle héparinisation systémique et d’une lésion aortique considérée comme instable, nous a conduit à implanter, au 2e jour après l’accident, une endoprothèse afin de prévenir la survenue d’une rupture jugée comme imminente.
Résultats La mortalité hospitalière (0 à 30 jours) s’établit à 18,5 %, soit 13 décès sur 70 opérés. Six patients sont décédés en salle d’opération, dont trois des quatre thoracotomies de sauvetage. Sept patients sont décédés pendant la période postopératoire. Le délai, les circonstances et les causes de décès sont détaillés dans le tableau II. Un patient a présenté une paraplégie de niveau T3, apparue 72 heures après la réparation aortique et qui a totalement régressé en 3 mois (1,5 %). Ce patient a été opéré sous circulation extracorporelle avec un temps de clampage aortique de 59 minutes, une pression artérielle moyenne de perfusion distale de 80 mmHg pendant le temps de clampage aortique et des pertes sanguines totales de 450 mL pendant les premières 24 heures. Le seul élément favorisant retrouvé par l’analyse rétrospective des données est la ligature de deux paires d’artères inter-costales pendant le temps de réparation aortique compte tenu de l’anatomie des lésions. L’apparition retardée de cette paraplégie et sa régression totale en 3 mois constituent des éléments en faveur d’un éventuel mécanisme d’ischémie reperfusion. Onze survivants opératoires (19 %) présentaient une hypertension artérielle séquellaire. L’âge moyen de ce sous-groupe de patients est de 22,7 ± 6,4 ans et pour tous, sauf deux patients, la réparation avait nécessité la mise en place d’un tube prothétique. Aucune cause particulière n’a été mise en évidence pour expliquer cette hypertension, et tous sont bien contrôlés par le seul traitement médical.
Traitement chirurgical des ruptures aiguës de l’isthme aortique Tableau II – Circonstances, dates et étiologies des décès hospitaliers. Date chirurgie/ accident
Lésions associées
Décès/ chirurgie
Étiologie décès
5e jour
Contusion cérébrale
j0
Hémorragie cérébrale
11e jour
Contusion pulmonaire
j0
Hémorragie alvéolaire
Immédiate
Contusion pulmonaire
j0
Hémorragie alvéolaire
Immédiate
Thoracotomie sauvetage
j0
Défaillance multiviscérale + hémorragie diffuse
Immédiate
Thoracotomie sauvetage
j0
Souffrance cérébrale + hémorragie diffuse
Immédiate
Thoracotomie sauvetage
j0
Hémorragie diffuse
Immédiate
Contusion cérébrale
j1
Hémorragie cérébrale
Immédiate
Thrombose aortique
j1
Défaillance multiviscérale
2e jour
Thrombose aortique
j2
Défaillance multiviscérale
Immédiate
Inhalation préopératoire
j2
Détresse respiratoire aiguë
Immédiate
Rupture bronche + contusion pulmonaire
j10
Septicémie
Immédiate
Rupture bronche + contusion pulmonaire + hématome extradural
j13
Détresse respiratoire aiguë + souffrance cérébrale
2e jour Endoprothèse
Contusion pulmonaire et cérébrale
j31
Détresse respiratoire aiguë
Technique chirurgicale Le patient est installé en décubitus latéral droit avec une rotation du bassin vers la gauche de façon à exposer les vaisseaux fémoraux au niveau du triangle de Scarpa gauche (fig. 7) (7, 8). Le patient est intubé à l’aide d’une sonde à double courant, permettant de réaliser une exclusion bronchique et l’affaissement du poumon gauche pendant le temps chirurgical aortique. De façon à surveiller en continu la pression artérielle systémique et la pression de perfusion de l’hémicorps inférieur pendant le temps de clampage aortique, un cathéter artériel est mis en place dans l’artère radiale droite et un autre dans l’artère pédieuse droite (c'est-àdire du côté opposé à la canulation artérielle fémorale). Une ou deux voies veineuses périphériques de bon calibre sont installées en complément d’une voie veineuse centrale. Selon l’état général du patient (âge, antécédents cardio-respiratoires ou insuffisance rénale), une sonde de Swan-Ganz sera éventuellement mise en place. Une sonde gastrique et une sonde vésicale complèteront la préparation anesthésique du patient. La voie d’abord consiste en une large thoracotomie postéro-latérale gauche avec ouverture du thorax au niveau du 4e espace intercostal. Elle procure un accès excellent sur l’isthme aortique mais permet également d’aborder la portion horizontale de la crosse, l’artère pulmonaire, l’aorte thoracique descendante et la face latérale gauche du cœur.
Fig. 7 – Thoracotomie postéro-latérale gauche. Installation du patient en décubitus latéral droit.
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Les syndromes aortiques aigus
La canulation artérielle fémorale sera de principe conseillée avant la réalisation de la thoracotomie car elle permet une retransfusion sanguine rapide et massive en cas de rupture aortique survenant pendant la thoracotomie ou la dissection médiastinale. Un système d’aspiration-lavage-retransfusion est utilisé pour évacuer l’hémothorax, la retransfusion sanguine pouvant être réalisée soit en périphérie, soit par la circulation extracorporelle. Plusieurs sites de canulation veineuse pour l’installation de la CEC pourront être utilisés en fonction des habitudes des équipes et des conditions anatomiques locales. L’utilisation des canules veineuses fémorales de dernière génération, dont la mise en place et la montée jusque dans l’oreillette droite sont facilitées, permet le plus souvent d’obtenir un excellent drainage veineux et d’éviter la canulation directe de l’artère pulmonaire, ce qui dans le contexte du traumatisme peut s’avérer parfois délicat. Ces canules veineuses pourront au besoin être montées sur guide et leur positionnement vérifié à l’aide d’une sonde ETO mise en place lors de l’installation du blessé. En cas d’hémodynamique très instable, il pourra être effectué une sternotomie médiane verticale, mieux tolérée sur le plan hémodynamique que la thoracotomie postéro-latérale, et de réalisation plus rapide tout en permettant l’installation d’une circulation extracorporelle et le clampage de l’aorte après ouverture large de la plèvre gauche. La dissection médiastinale doit être douce et soigneuse, en respectant l’hématome qui contient la rupture et prévient ainsi la survenue d’une hémorragie active dans la plèvre. En cas de rupture aiguë, l’utilisation du système d’aspiration-lavage-retransfusion et des aspirations de la CEC permet une retransfusion immédiate et massive par la voie artérielle fémorale et le maintien d’une hémodynamique stable pendant le contrôle de l’aorte. Afin d’éviter la survenue de cet accident aigu pendant la dissection, le poumon est décollé précautionneusement de la plèvre médiastinale et l’aorte contrôlée en amont et en aval de la rupture avant d’aborder l’hématome proprement dit. La plupart du temps, il est nécessaire de contrôler séparément la partie distale de l’aorte horizontale et l’artère sousclavière gauche. La plèvre médiastinale est incisée verticalement en regard de la partie distale de l’arche aortique, de l’artère sous-clavière gauche et de l’aorte thoracique descendante haute. Les vaisseaux sont disséqués de façon atraumatique et repérés sur lacs de façon à pouvoir effectuer un clampage immédiat, au cas où une hémorragie aiguë surviendrait pendant la dissection de l’hématome. La dissection est effectuée de façon centripète, de la périphérie de l’hématome vers la zone de rupture en restant dans le plan périaortique (fig. 8). Au fur et à mesure de la progression, on va retirer tout ce qu’il est possible de l’hématome sans risque de pro-
Fig. 8 – Vue opératoire de la rupture aortique avec l’hématome médiastinal et l’aspect soufflé de la paroi aortique.
voquer une hémorragie aiguë. L’aorte est contrôlée le plus près possible en aval de la rupture de façon à limiter le nombre d’artères intercostales intéressées dans la zone de clampage aortique. Ceci permet de préserver au mieux la vascularisation médullaire et de limiter le saignement résiduel au niveau de la zone de clampage aortique. Le plus souvent, il existe un saignement rétrograde via les artères intercostales au niveau de la zone de clampage, qui peut nécessiter le contrôle et le clampage sélectif individuel de ces artères. Elles ne doivent pas être ligaturées ni suturées mais au contraire préservées autant que possible afin de sauvegarder la vascularisation de la moelle épinière dorsale. En cas de recoupe aortique, on s’attachera à les préserver au maximum. En cas de réparation différée de l’aorte, la transformation fibreuse de l’hématome peut rendre la dissection plus difficile que pour une rupture récente. Dans tous les cas, l’hématome rend difficile l’identification du nerf récurrent gauche qui peut être lésé lors de la dissection aussi bien que lors de l’accident lui-même. Ainsi, une paralysie récurrentielle postopératoire n’est pas rare dans notre expérience. Le clampage de l’aorte sera réalisé le plus tard possible au cours de la dissection, de façon à limiter au maximum la durée du clampage et l’éventuelle ischémie médullaire qui en résulte. On aura cependant soin de tout préparer d’emblée pour un clampage immédiat au cas où une hémorragie aiguë surviendrait pendant le temps de dissection. De la même façon, la circulation extracorporelle devra pouvoir être débutée immédiatement. Une aortotomie transversale est réalisée à l’aplomb de la lésion qui est ensuite analysée (fig. 9). La rupture peut être circonférentielle, incomplète avec préservation du mur postérieur ou plus complexe avec une déchirure spiroïde. La continuité aortique est rétablie soit par une suture directe soit par une interposition prothétique. À chaque fois que possible, nous préférons réaliser une suture directe avec un surjet continu de polypropylène 4/0 car cela permet d’obtenir une restitution ad integrum de l’aorte sans aucune séquelle (fig. 10). De façon à éviter des tractions intempestives sur la suture, il peut être nécessaire de disséquer large-
Traitement chirurgical des ruptures aiguës de l’isthme aortique
État de l’art Histoire naturelle. Mise au point
Fig. 9 – Aspect de la déchirure après ouverture de l’aorte.
Fig. 10 – L’aorte a été réparée par suture directe.
ment les deux extrémités aortiques afin de pouvoir les mobiliser. La suture directe est le plus souvent possible lorsque la rupture est incomplète car la partie postérieure de la paroi aortique évite la rétraction des deux extrémités. Cela peut être plus difficile en cas de déchirure spiroïde avec perte de tissu ou en cas de chirurgie différée. Dans ces situations, une prothèse en Dacron® tissé, prétraitée et étanche d’emblée, est suturée en termino-terminal aux deux extrémités aortiques. Il convient de toujours garder présent à l’esprit que le clampage de la partie distale de l’arche aortique, plutôt que l’aorte en aval de l’artère sous-clavière gauche, augmente la post-charge pour le ventricule gauche et diminue la circulation collatérale pour l’hémicorps inférieur et la moelle épinière puisque l’artère sous-clavière gauche se trouve exclue. Il convient donc à chaque fois que c’est possible d’essayer de clamper en aval de l’artère sous-clavière gauche afin de préserver cette importante voie de suppléance.
Dans sa classique série autopsique (9), Parmley rapporte que 89,7 % des patients victimes d’une rupture traumatique de l’aorte décèdent dans les 6 heures qui suivent l’accident et que seulement 9 % des victimes survivront au-delà de la 24e heure faute de réparation chirurgicale. Ainsi, depuis 1958, toute rupture aiguë de l’isthme aortique a été considérée comme une urgence chirurgicale absolue par crainte d’une rupture imminente, et la réparation aortique une course contre la montre. Cependant, au fil du temps et de l’expérience croissante des équipes, il est apparu que ce dogme chirurgical devait être nuancé et que, parfois, cette attitude thérapeutique agressive pouvait être plus dangereuse que bénéfique pour le patient. La lésion aortique est rarement isolée (10, 11), ainsi dans la série de Pate (10), seuls deux des 59 patients présentent une rupture isolée de l’aorte, les lésions associées jouant un rôle important dans la mortalité hospitalière. Ces auteurs remettent en question les conclusions de Parmley, argumentant qu’il s’agit d’une étude rétrospective autopsique comportant de nombreux biais de sélection. De la même façon, Williams (12) considère que Parmley a surestimé le risque de rupture secondaire de l’aorte et que de nombreux patients pourraient subir une laparotomie ou une chirurgie orthopédique avant la réparation aortique avec un risque très faible de rupture soudaine du faux anévrysme. Dans sa série de 33 patients présentant une rupture de l’isthme aortique, Cernaianu a démontré une relation nette entre le taux de survie des patients et le délai séparant l’accident et l’hospitalisation. À l’inverse, aucune relation n’a pu être établie entre la survie des patients et le délai séparant l’hospitalisation et le diagnostic d’une part, ainsi qu’entre le diagnostic et la réparation aortique d’autre part (13).
Lésions associées Les nombreuses séries publiées (6, 10, 11) démontrent bien que la rupture aortique est rarement isolée et que les lésions associées sont responsables pour une lourde part de la mortalité hospitalière (tableau III). Quatre mécanismes principaux peuvent être mis en jeu : 1- la lésion associée peut en elle-même engager le pronostic vital (rupture splénique, contusion hépatique ou cérébrale) ;
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Les syndromes aortiques aigus
2- le nombre et la gravité des lésions associées peuvent engendrer un choc hypovolémique réfractaire et une défaillance multi-organe ; 3- l’héparinisation systémique imposée par l’utilisation d’une circulation extracorporelle peut aggraver une contusion pulmonaire ou cérébrale, et provoquer une hémorragie létale ; 4- certaines lésions (fracture ouverte, volumineux hématome des membres) peuvent devenir septiques. Les travaux récents (13-15) font état d’une mortalité hospitalière entre 5 et 35 %, ce qui est en accord avec les données rapportées par Von Oppell dans sa méta-analyse (3). Tableau III – Rôle des lésions associées dans la mortalité opératoire.
Patients (n)
Décès (n)
Décès dus aux lésions associées N
%
Katz (15)
35
5
4
80
Mattox (11)
32
6
6
100
Pate (15)
59
6
2
33
Langanay (5)
57
9
5
55
Paraplégie postopératoire Le taux de paraplégie postopératoire rapporté dans la littérature varie entre 3 et 33 % selon les équipes et les techniques de protection médullaire utilisée pendant le temps de clampage aortique (3, 15-17). Dans sa classique méta-analyse, effectuée à partir de 87 séries et incluant 1492 patients opérés d’une rupture aiguë de l’isthme aortique, Von Oppell (3) compare les taux de mortalité hospitalière et de paraplégie en fonction de la technique de protection médullaire utilisée pour réparation aortique (tableau IV). Quand une perfusion distale de l’hémicorps inférieur est utilisée, le risque de paraplégie décroît de façon significative par rapport à un clampage simple de l’aorte (6,1 contre 19,2 %, p < 0,0001). La différence entre les systèmes passifs et actifs de perfusion distale apparaît également significative (11,1 contre 2,3 % de paraplégie). Ces données ont été confirmées par d’autres équipes. Dans une revue de la littérature incluant 749 patients, Zeiger (18) retrouve 2,9 % de paraplégie lorsqu’une circulation extracorporelle est utilisée contre 20,4 % en cas de clampage aortique simple. Kodali (14) rapporte une différence de 3,2 contre 28,5 % et Pate un taux de 3,8 contre 26,7 % (11).
En revanche, l’utilisation d’une circulation extracorporelle, qu’elle soit totale ou partielle, nécessite une héparinisation systémique du patient et, par ce biais, est responsable d’un accroissement de la mortalité et de la morbidité opératoires, risquant en particulier d’induire une hémorragie gravissime au niveau des contusions pulmonaires ou cérébrales. Le groupe des patients opérés après héparinisation systémique a un taux de mortalité opératoire de 18,2 contre 11,9 % pour ceux opérés sans héparine (p < 0,01) dans l’étude de Von Oppell (3). En 1984, Mattox (15) prônait la technique du clampage aortique simple sans protection médullaire particulière. Dans sa série, le taux de paraplégie n’était pas significativement plus élevé qu’une CEC soit utilisée ou non (4,5 contre 8,3 %). Ceci avait conduit de nombreux chirurgiens à considérer que la technique du clampage simple était aussi efficace que l’utilisation d’une perfusion distale pour prévenir le risque de paraplégie postopératoire et qu’ils pouvaient éviter l’utilisation d’une circulation extracorporelle. Cependant, Katz (16) a bien démontré l’importance du mur des 30 minutes pour le clampage aortique au-delà duquel le risque de lésion médullaire augmentait de façon dramatique en l’absence d’utilisation d’un système de perfusion distale. Au total, compte tenu des différences très significatives du taux de paraplégie postopératoire rapportées par de nombreux auteurs, il se dégage actuellement un consensus dans la communauté chirurgicale pour considérer l’utilisation d’un système de perfusion active distale pendant le temps de réparation aortique comme une nécessité absolue et, ce, même si la protection n’est jamais parfaite (19, 20). De façon à essayer de concilier la nécessité d’utiliser un système de perfusion distale sans augmenter le risque opératoire engendré par l’héparinisation systémique, il a été proposé d’utiliser un système sans héparine avec une pompe centrifuge (3). Les circuits préhéparinés représentent une alternative intéressante dans la mesure où ils peuvent théoriquement permettre une réduction ou une suppression de l’héparinisation systémique. Mais leur utilisation dans cette indication reste limitée et l’absence totale d’héparinisation reste très controversée. Tableau IV – Comparaison des taux de mortalité et de paraplégie postopératoires selon la méthode de protection médullaire utilisée (d’après Von Oppell). 1 492 patients
Mortalité (%)
Paraplégie (%)
Clampage simple
443
16
19,2
Perfusion distale
985
15
6,1
Passive
424
12,3
11,1
Active
561
17,1
2,3
Traitement chirurgical des ruptures aiguës de l’isthme aortique
Traitement endovasculaire La mise en place d’une prothèse par voie endovasculaire afin de traiter une rupture de l’aorte thoracique a été proposée depuis une douzaine d’années. C’est une technique moins invasive qui nécessite simplement l’abord chirurgical ou percutané des artères fémorales, sous couvert d’une héparinisation beaucoup plus légère, voire absente en cas de contre-indication. La mortalité opératoire apparaît faible, entre 0 et 6 % (2127), de même que la morbidité. Aucune paraplégie post-implantation et aucune insuffisance rénale n’ont été rapportées (28, 29), pourtant cette nouvelle technique n’est pas exempte de problème, i.e. impossibilité de cathétérisme et de monter des sondes en raison d’artères iliaques petites et calcifiées, dissection des axes iliaques et fuite paraprothétique primitive (28, 29). Les patients doivent également répondre à un certain nombre de critères, notamment anatomiques, pour être éligibles à une endoprothèse (30). Au vu de la littérature, le traitement endovasculaire en urgence de ces lésions apparaît efficace et sûr, avec des résultats satisfaisants à court et moyen termes (2831). Il représente en particulier le traitement de choix en cas de patient polytraumatisé, évitant toute héparinisation importante et permettant le traitement rapide des lésions associées (29-31). Il persiste cependant des questions en ce qui concerne la survenue des complications tardives et le devenir à long terme de ces endoprothèses pour lesquelles un suivi très à distance s’impose avant de pouvoir tirer des conclusions définitives.
Traitement médical Le concept de traitement médical des dissections aortiques aiguës introduit par Wheat (32) en 1984 a été proposé pour la première fois par Aronstam (33) pour le traitement des ruptures aiguës de l’aorte, cette stratégie a été ensuite reprise par plusieurs groupes (34, 35). Walker (36), dans une revue extensive de la littérature, a retrouvé 64 patients traités médicalement dans l’attente de la chirurgie aortique et Stulz (37), en 1991, rapporte l’absence de décès parmi les patients traités selon cette méthode conservatrice. Le contraste entre les bons résultats ainsi obtenus et la mortalité opératoire élevée secondaire aux lésions associées ont conduit de nombreux chirurgiens à remettre en question le dogme de la réparation aortique sans délai et à redéfinir les priorités thérapeutiques. C’est ainsi que de nouvelles stratégies ont été proposées pour une prise en charge médico-chirurgicale des ruptures aiguës de l’aorte avec, dans certains cas, une réparation différée
de la lésion aortique (4, 5, 20, 37-42). Bien que la plupart des auteurs n’aient pas observé de décès en cas de chirurgie différée parmi les patients pris en charge médicalement, le risque de rupture différée ne peut pas être exclu, comme le rappelle Maggisano (43), qui rapporte deux décès par rupture aortique survenue 72 heures après l’admission dans l’unité de soins intensifs. Heureusement, cet accident semble très rare car, à l’exception des cas de rupture complète, l’adventice et les structures médiastinales environnantes constituent une enveloppe fibreuse solide réduisant le risque de rupture secondaire (36, 38, 39).
Stratégie thérapeutique actuelle La fréquence et la gravité des lésions associées aux ruptures de l’isthme dans notre série (tableau I) sont corrélées aux données récentes de la littérature. Sept des dix décès (70 %) (les trois décès survenus après thoracotomie de sauvetage sont exclus de principe de la réflexion) sont directement en rapport avec une lésion associée, six d’entre elles pouvant avoir été aggravées par l’héparinisation systémique nécessitée par la circulation extracorporelle : deux lésions hémorragiques cérébrales faisant suite à un traumatisme crânien sévère, trois détresses respiratoires sur contusion pulmonaire et une souffrance neurologique. Le 4e décès par détresse respiratoire est survenu un mois après la mise en place d’une endoprothèse chez un patient présentant une contusion pulmonaire bilatérale très sévère ayant nécessité le maintien prolongé sous ventilation artificielle. Aucun patient, hors thoracotomies de sauvetage, n’est décédé d’une hémorragie par rupture de l’isthme proprement dite. Au vu de notre expérience et des données de la littérature, nous avons décidé en 1995 de modifier notre stratégie thérapeutique (6, 40, 44). Entre 1976 début de cette série et 1994, 43 patients (groupe A) ont été traités selon la règle d’or de la réparation aortique immédiate et depuis 1995, 27 patients (groupe B) ont été pris en charge en tenant compte des lésions associées (fig. 11). Bien qu’il soit toujours très difficile de comparer des groupes de patients différents opérés à des périodes différentes, la mortalité opératoire apparaît beaucoup plus basse dans le groupe B avec 8,3 % que dans le groupe A (18,6 %) (fig. 12). De principe, les thoracotomies de sauvetage ont été analysées à part car leur problématique est d’emblée différente et la question d’une chirurgie différée ne se pose évidemment pas. Il est important de noter également qu’aucun patient n’est décédé d’une rupture aortique en cas de chirurgie différée.
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Les syndromes aortiques aigus
Fig. 11 – Les deux époques de notre série.
Fig. 12 – La mortalité opératoire varie selon les deux époques de notre série.
Propositions pour une stratégie personnalisée À la lumière des résultats ainsi obtenus (5, 6, 11, 38, 40, 41), nous sommes désormais convaincus que la meilleure chance pour le patient repose sur la redéfinition
des priorités thérapeutiques avec la nécessité de traiter en premier les lésions susceptibles d’engager à court terme le pronostic vital. Cette stratégie est présentée sur la figure 13. La réparation aortique doit être effectuée immédiatement en cas de rupture isolée de l’isthme ou associée à des lésions ne mettant pas en jeu le pronostic vital. En cas de lésion associée sévère, mettant en jeu
Traitement chirurgical des ruptures aiguës de l’isthme aortique
Fig. 13 – Algorithme décisionnel de la prise en charge des ruptures de l’isthme en 2007.
le pronostic vital, et de lésion aortique stable, la réparation aortique sera effectuée dans un deuxième temps après le traitement de la lésion associée létale. Dans ce cas, le patient doit être maintenu dans une unité de soins intensifs, la lésion aortique étant surveillée par des contrôles rapprochés scanographiques ou échographiques endo-œsophagiens, sous contrôle strict de la pression artérielle sanguine et de la tension exercée sur la paroi aortique par l’utilisation de bêtabloquants (42). En cas de lésion aortique instable faisant craindre une rupture imminente et de lésions associées sévères, la mise en place d’une prothèse par voie endovasculaire représente la technique de choix aujourd’hui. Si les conditions requises, notamment anatomiques, ne sont pas réunies, la réparation aortique sera réalisée sous couvert d’un système de perfusion distale ne nécessitant pas d’héparinisation systémique, telles les pompes centrifuges avec circuit préhépariné. Le clampage aortique simple ne devrait plus aujourd’hui être utilisé que comme une technique de dernier recours dans les thoracotomies de sauvetage effectuées en catastrophe. La difficulté majeure consiste à définir quelles sont les lésions aortiques à haut risque de rupture. C’est sur l’existence d’éléments cliniques tels qu’un hémothorax gauche récidivant, un syndrome de pseudo-coarctation, une instabilité hémodynamique et scanographique (aspect de la rupture, importance de l’hématome médiastinal, etc.) que l’on redoutera l’imminence de la rupture.
Aujourd’hui, le traitement chirurgical conventionnel reste notre premier choix et le traitement endovasculaire n’est proposé que pour les patients présentant une lésion aortique considérée à haut risque de rupture imminente et des lésions associées susceptibles d’être aggravées par une héparinisation générale.
Conclusion Les ruptures aiguës de l’isthme aortique sont des lésions graves mettant en jeu le pronostic vital, qui relèvent d’une réparation aortique en urgence. Elles sont cependant généralement associées à d’autres lésions sévères mettant également en jeu le principe vital, qui peuvent être au premier plan et masquer la rupture de l’isthme. Ceci justifie un bilan précoce actif et exhaustif chez tous les polytraumatisés. En cas de lésion isolée, ou de lésion instable faisant craindre une rupture imminente ou de malperfusion distale, une réparation aortique chirurgicale en urgence est indispensable. Dans d’autres circonstances, le traitement chirurgical de la rupture de l’isthme doit être différé, de façon à permettre la prise en charge première d’autres lésions sévères associées qui constituent la première cause de mortalité hospitalière dans les ruptures de l’isthme et majorent de façon très importante le risque opératoire. Quelles que soient l’heure et les circonstances de la chi-
201
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Les syndromes aortiques aigus
rurgie, une perfusion distale de l’hémicorps inférieur, réalisée à l’aide d’une circulation extracorporelle partielle ou d’une pompe centrifuge avec circuit préhépariné, doit être effectuée pendant le temps de clampage aortique de façon à prévenir la survenue d’une paraplégie postopératoire.
POINT ESSENTIEL Les ruptures aiguës de l’isthme aortique engagent le pronostic vital et constituent des urgences chirurgicales cardiovasculaires majeures. Elles surviennent souvent dans un contexte de polytraumatisme et la rupture est rarement isolée. La mortalité opératoire est élevée, souvent secondaire aux lésions associées. L’apparition d’une paraplégie postopératoire, d’étiologie multifactorielle, peut être prévenue par l’utilisation d’un système de perfusion de l’hémicorps inférieur pendant le temps de clampage aortique. Mais l’héparinisation systémique imposé par la circulation extracorporelle risque d’aggraver les lésions associées, notamment cérébrales ou pulmonaires. L’existence fréquente de ces lésions peut donc soulever de difficiles problèmes de priorité lésionnelle et conduire dans certains cas à différer la réparation aortique.
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Chapitre
Rupture traumatique de l’aorte : traitement endovasculaire
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B. Marcheix, V. Chabbert, C. Cron, S. Lopez, J. Auriol, C. Dambrin et H. Rousseau
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205 Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205 Traitement conventionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205 Concept de prise en charge différée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206 Endoprothèses et traitements endovasculaires . . . . . . . . . . . 206 Stratégie thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208 Limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
quée dans 55 à 65 % des cas. Le mécanisme traumatique responsable de la lésion aortique entraîne un polytraumatisme dans plus de 90 % des cas (6). Différents types de lésion aortique peuvent se rencontrer, allant de la simple brèche intimale à la transsection complète impliquant les trois tuniques, en passant par des lésions associées de l’intima et de la média (2, 7). La lésion le plus souvent rencontrée chez les survivants est une rupture aortique partielle avec déchirure de l’intima et de la média entraînant un faux anévrysme aortique (2).
Introduction Les ruptures traumatiques de l’aorte thoracique (le plus souvent isthmiques) ont longtemps été considérées comme une urgence absolue nécessitant un traitement chirurgical immédiat. Depuis la fin des années 1990, de nouveaux modes de prise en charge ont été développés. Le traitement endovasculaire des traumatismes aortiques est aujourd’hui considéré comme une alternative valable à la chirurgie conventionnelle, permettant d’exclure de façon durable la lésion aortique tout en réduisant les taux de morbidité et de mortalité opératoires. Les principaux avantages sont d’éviter une thoracotomie, de limiter ou d’éviter l’héparinisation ainsi que le syndrome inflammatoire lié à l’utilisation de la circulation extracorporelle, d’éviter tout clampage aortique.
Physiopathologie Les ruptures de l’aorte thoracique par traumatisme fermé du thorax représenteraient 20 % des décès après accident de la voie publique avec une mortalité préhospitalière de 80 à 90 % (1, 2). En l’absence d’une prise en charge adaptée, 30 % des survivants arrivant en milieu hospitalier décèderaient au cours des 6 premières heures (3). Le mécanisme traumatique est généralement une décélération violente. La région de l’isthme aortique est la plus souvent concernée. Dans les séries autopsiques de Feczko (4) et Williams (5), l’aorte isthmique était impli-
Traitement conventionnel Le dogme de la prise en charge chirurgicale immédiate de tout traumatisme aortique repose sur l’étude de Parmley, publiée en 1958, qui mettait l’accent sur un taux de mortalité très élevé au cours des premières heures chez les survivants (2). Malgré les progrès de la chirurgie et de la réanimation au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les taux de mortalité et de morbidité associés à la chirurgie conventionnelle restent élevés (1, 8). Les taux de mortalité de la chirurgie conventionnelle rapportés en 1994 dans la méta-analyse de Von-Oppel, oscillent entre 0 et 54,2 % en fonction des études avec un taux de mortalité moyen de 21,3 % (8). La plupart des décès surviennent en postopératoire, principalement du fait de l’aggravation des lésions associées du fait de la procédure aortique. Plus récemment, Jahromi et al. rapportaient une mortalité opératoire de 8 à 15 % en fonction du recours ou non à une assistance circulatoire (9). Les principaux facteurs de risque de mortalité sont la sévérité des lésions associées, l’état de choc préopératoire (lié à la lésion aortique dans seulement 25 % des cas) et l’existence sous-jacente d’une cardiopathie ischémique. La survenue d’une paraplégie est la principale complication de la chirurgie conventionnelle. En cas de clampage simple de l’aorte thoracique, le risque de survenue d’une paraplégie est de 20 %. Le risque est majeur lorsque le temps de clampage aortique excède 30 minutes (8). Il
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Les syndromes aortiques aigus
n’est que de 2 % lorsqu’une assistance circulatoire est mise en place (9). Un autre inconvénient de la chirurgie conventionnelle est l’héparinisation du patient polytraumatisé. Même si les circuits de circulation extracorporelle plus récents enduits d’héparine ou d’analogues permettent une réduction de l’anticoagulation, une héparinisation minimale reste indispensable avec, d’une part, un risque non négligeable de saignement, en particulier encéphalique, et d’autre part un syndrome inflammatoire important principalement lié aux circuits de CEC et à l’utilisation de protamine.
Concept de prise en charge différée Dès le début des années 1970, Akins et al. évoquaient la possibilité d’un traitement différé de traumatismes aortiques pour des patients sélectionnés présentant des lésions associées majeures (10). La prise en charge initiale consistait en une stabilisation des patients, puis en la mise en place d’un traitement antihypertenseur. Plus tard, en 1995, Pate et son équipe démontraient qu’un contrôle rigoureux de la pression artérielle (PAS < 140 mmHg) permettait d’éviter la rupture aortique secondaire et de retarder le traitement de 12 heures à 24 semaines (6). Par la suite, la faisabilité et les avantages d’une prise en charge différée des traumatismes aortiques stables ont été confirmés par de nombreuses études (10-14). Ces travaux permettaient donc une prise en charge chirurgicale systématiquement différée, avec une réduction des taux de mortalité et de morbidité opératoires, en comparaison aux procédures conventionnelles réalisées en urgence (15, 16). Au regard d’autres travaux récents, cette stratégie ne serait pas dépourvue de tout danger, certains auteurs rapportant un risque de rupture aortique secondaire de 4 % au cours de la première semaine (1, 13, 17). Dans ces conditions, si les traumatismes aortiques stables ne sont plus considérés comme une urgence absolue nécessitant une prise en charge chirurgicale immédiate, une prise en charge systématiquement différée ne semble pas être sans risque. Aujourd’hui, de la même façon que d’autres équipes (18-21), nous avons opté pour la position intermédiaire d’une prise en charge en « urgence différée » des traumatismes aortiques stables, c’est-à-dire au cours des 24 premières heures post-traumatiques (22).
Endoprothèses et traitements endovasculaires Le développement des thérapeutiques endovasculaires appliquées aux pathologies de l’aorte thoracique descendante permet aujourd’hui de proposer une alterna-
tive au traitement chirurgical conventionnel. Les principaux intérêts de ces procédures endovasculaires sont d’éviter à la fois la thoracotomie, la circulation extracorporelle et le clampage aortique, c’est-à-dire les principales causes de complication post-chirurgicale. Actuellement, l’école de Stanford reste une référence avec la plus grande série mondiale rapportée de chirurgie endovasculaire de l’aorte thoracique descendante. Mitchell et al. rapportent un taux de mortalité opératoire de 8,7 % et un taux de paraplégie de 3,6 % (23, 24). Ces résultats devraient être encore améliorés grâce au développement des endoprothèses de seconde et de troisième générations (25, 26). Les améliorations techniques sont constantes, notamment en termes de calibre et de souplesse du dispositif de largage et de l’endoprothèse. La principale limitation de ces traitements est la nécessité d’un suivi radiologique rapproché et prolongé. Si les résultats à moyen terme (8 à 10 ans) ne montrent pas de complications tardives spécifiquement liées au matériel, l’évolution à plus long terme reste inconnue et doit faire l’objet d’une observation constante (22, 23, 26).
Stratégie thérapeutique Notre stratégie thérapeutique a sensiblement évolué au cours du temps. Le développement d’une structure radio-chirurgicale dédiée aux traitements endovasculaires des pathologies aortiques nous permet de disposer d’un stock d’endoprothèses de différentes tailles et de différentes marques, ainsi que d’avoir une équipe multidisciplinaire (radiologue, chirurgien cardiovasculaire, anesthésiste-réanimateur, cardiologue, manipulateurs radio et infirmières spécialisées) rapidement disponible. Dans ces conditions, les patients peuvent, aujourd’hui, être traités en urgence. Dès le diagnostic de rupture traumatique de l’aorte thoracique évoqué, le patient est pris en charge en unité de soins intensifs ou de déchocage. Le bilan clinique confirme la probabilité d’une lésion aortique, évalue la stabilité hémodynamique et la gravité des lésions associées. Un monitorage classique (ECG, pression artérielle sanglante) est mis en place et la première étape de la prise en charge consiste en la restauration d’une stabilité hémodynamique en prenant soin de maintenir la pression artérielle systolique inférieure à 120 mmHg. En cas de nécessité, un traitement antihypertenseur est rapidement mis en place, associant bêtabloquants et traitements vasodilatateurs (nitroprusside et/ou inhibiteurs calciques). Un examen tomodensitométrique multi-coupes avec injection de produit de contraste thoraco-abdomino-pelvien est réalisé en urgence. Le bilan lésionnel recherche la cause d’une éventuelle
Rupture traumatique de l’aorte : traitement endovasculaire
instabilité hémodynamique, en particulier à l’étage abdominal, de type traumatisme splénique nécessitant rapidement une intervention chirurgicale. Des reconstructions multiplanaires de la lésion aortique sont ensuite effectuées. L’examen tomodensitométrique décrit la lésion aortique (flap intimal ou faux anévrysme post-traumatique, diamètre et longueur de la lésion) et la localise. La faisabilité d’un traitement endovasculaire est évaluée : recherche un abord vasculaire de calibre suffisant, en particulier, calibre et rectitude des artères fémorales communes, iliaques et aortes abdominale et thoracique, existence de calcifications, diamètres de l’aorte saine sus- et sous-jacente, longueur du collet proximal, distance de la lésion à l’ostium de l’artère sous-clavière gauche, distance entre les ostia de l’artère carotide primitive gauche et de l’artère sousclavière gauche. L’examen tomodensitométrique permet également d’évaluer la stabilité de la lésion aortique et recherche des signes de gravité : rupture complète, hématome médiastinal, fuite de produit de contraste, hémothorax gauche. Finalement, l’imagerie est l’élément clef du bilan paraclinique, elle permet de choisir l’option thérapeutique et précise l’urgence de la prise en charge. Lorsque l’option endovasculaire est privilégiée, le choix du matériel découle de l’analyse tomodensitométrique de la lésion. Le diamètre de l’endoprothèse doit être de 15 % (10 à 30 %) plus grand que l’aorte saine sus- et sous-jacente. La longueur doit être au moins 40 mm plus longue que la lésion traitée. En pratique, les diamètres utilisés oscillent entre 24 et 36 mm et les longueurs entre 80 et 100 mm. Les introducteurs correspondants ont un calibre de 18 à 24 F, soit un diamètre artériel minimum nécessaire à la mise en place du système de 6 à 8 mm. Les procédures sont réalisées sous anesthésie générale. Le patient est installé en décubitus dorsal. Le champ opératoire inclut les deux triangles de Scarpa, le membre supérieur gauche lorsqu’un abord brachial est planifié, ainsi que l’abdomen et le thorax, pour d’éventuelles laparotomie ou thoracotomie en urgence en cas de complication majeure. Une console de circulation extracorporelle est préparée et maintenue à disposition pendant toute la procédure. Le patient est équipé d’au moins deux voies veineuses 18 G, d’une voie centrale 4 lumières, d’un monitorage de la pression artérielle par un cathéter radial droit (en cas de couverture de l’ostium de l’artère sous-clavière gauche), d’une sonde urinaire permettant une surveillance de la diurèse horaire et de la température périphérique du patient. Une antibioprophylaxie (céfuroxime 1 500 mg) est administrée par voie intraveineuse au moment de l’incision cutanée. La jonction ilio-fémorale infra-inguinale est exposée au triangle de Scarpa du côté
anatomiquement le plus favorable à l’introduction de l’endoprothèse. Après injection intraveineuse d’héparine à la dose de 75 UI/kg, un introducteur court 5 F est mis en place dans l’artère fémorale commune du côté de l’abord chirurgical pour la mise en place d’un guide superstiff de 260 cm de long et de 0,035 de calibre (Back-up Meier/Boston Scientific ; Amplatz/Boston Scientific ou Lunderquist/Cook) dans la crosse aortique. Une forme courbe comparable à la courbure de l’arche aortique du patient est donnée à la partie proximale du guide avant son introduction pour faciliter son placement dans la crosse aortique. Un introducteur fémoral controlatéral 6 F de 30 cm de long (Cordis, Johnson & Johnson) est mis en place par voie percutanée. Il sert à la mise en place d’une pigtail de 5 F dans l’aorte ascendante et d’un guide 0,018 (Guide Cordis 0,018 SV-5 180 cm™, Cordis Johnson Johnson Company, Issy-les-Moulineaux) dans l’artère sous-clavière gauche pour repérer son ostium. Après retrait de l’introducteur 5 F et artériotomie transversale, le dispositif de largage de l’endoprothèse est monté sur le guide superstiff en regard de la lésion aortique sous contrôle scopique, sous l’incidence oblique antérieure gauche adaptée à l’anatomie du patient et, ce, de façon à visualiser au mieux la terminaison de l’arche aortique et le tiers proximal de l’aorte descendante. Le déploiement de l’endoprothèse est réalisé sous un double contrôle angiographique et échographique transœsophagien après obtention d’une hypotension contrôlée (PAS < 70 mmHg) par injection de drogues hypotensives (urapidil/Eupressyl®, nicardipine/Loxen®) ou par augmentation du débit des gaz anesthésiques halogénés. La pigtail est remise en place dans l’aorte ascendante au travers de la prothèse déployée et une nouvelle série angiographique vérifie l’exclusion complète de la lésion aortique, ce qui est confirmé par l’échographie transœsophagienne qui visualise la thrombose de la lésion en quelques minutes. En cas de besoin, l’ancrage de la prothèse en amont et en aval de la lésion peut être complété par inflation prudente d’un ballon dans l’endoprothèse (Stent graft balloon Catheter Reliant™, Medtronic France, Boulogne-Billancourt). Les introducteurs sont ensuite retirés, l’artère fémorale commune exposée est refermée par points séparés de monofilaments 5/0 (Prolène®). Une anticoagulation à visée préventive est maintenue pendant toute la durée de l’hospitalisation et associée dès le lendemain de l’intervention à une antiagrégation plaquettaire (aspirine 250 mg par jour). Le suivi consiste ensuite à la réalisation d’une imagerie (radiographies standard, échographie transœsophagienne et tomodensitométrie ou IRM) au 7e jour postopératoire, aux 3e, 6e, 12e mois puis tous les ans.
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Les syndromes aortiques aigus
Résultats De janvier 1996 à juillet 2005, trente-trois patients (29 hommes, âge moyen : 35,8 ± 17,8 ans et 4 femmes, âge moyen : 55,6 ± 9,8 ans) présentant une rupture traumatique de l’aorte thoracique isthmique ont été traités par voie endovasculaire (22). Le score moyen de gravité des blessures (ISS) était de 40,2 ± 10,7 (de 13 à 57) et tous présentaient une contre-indication à la chirurgie conventionnelle. Deux patients ont été perdus de vue (5,12 %). Pour les 31 autres patients, la durée moyenne du suivi clinique et radiologique a été de 2,7 ± 2,4 ans (durée maximale : 8 ans) avec un suivi de plus de 5 ans pour 10 patients (figs. 1 à 4). Le diamètre moyen de la lésion aortique était de 37,1 ± 10,6 mm (de 25 à 70 mm). Le diamètre moyen du collet proximal était de 25,9 ± 3,2 mm (de 21 à 30,5 mm). La distance moyenne entre la lésion aortique et l’ostium de l’artère sous-clavière gauche était de 17,9 ± 13,7 mm (de 0 à 55 mm). Dans tous les cas, le diamètre de l’artère fémorale commune utilisée pour la mise en place de l’introducteur était d’au moins 6 mm. Quatre types d’endoprothèses thoraciques droites ont été utilisés : Excluder® (Gore & Associates) (n = 4), Talent™ (Medtronic, Inc) (n = 27) et Vanguard® (Boston Scientific) (n = 2). Le diamètre moyen des endoprothèses était de 28,4 ± 4,1 mm (de 24 à 40 mm). La longueur moyenne était de 111,8 ± 17,4 mm pour une longueur couverte de 97,2 ± 13,6 mm (de 70 à 130 mm). L’abord vasculaire a été réalisé au niveau de la jonction ilio-fémorale infra-inguinale et une seule endoprothèse a été utilisée pour tous les patients. La durée moyenne de la procédure a été de 105,0 ± 47,1 minutes (de 60 à 210 minutes). Vingt-neuf patients ont reçu un bolus d’héparine par voie intraveineuse à la dose de 75 UI/kg. Quatre patients (12,2 %) n’ont pas reçu d’héparine en raison de lésions hémorragiques encéphaliques sévères. Aucune complication liée à la non-héparinisation des patients n’a été notée. L’ostium de l’artère sous-clavière gauche a été couvert chez neuf patients (27,3 %) et la portion proximale non couverte de l’endoprothèse a été déployée en regard de l’ostium de l’artère sous-clavière gauche chez 23 patients (69,7 %). La lésion aortique a été exclue chez 30 patients, soit un succès primaire obtenu dans 90,9 % des cas. Trois patients ont présenté une endofuite primaire (type 1 : n = 1, type 4 : n = 2). Ces trois endofuites ont spontanément thrombosé au cours du premier mois. Aucun
patient n’est décédé au cours de l’intervention. Aucune conversion en chirurgie conventionnelle n’a été nécessaire. Un patient (3 %) a présenté une rupture de l’artère iliaque externe au cours de l’intervention, l’hémorragie a rapidement été contrôlée par un ballon d’occlusion aortique gonflé au niveau sous-rénal. Un pontage ilio-fémoral a ensuite été réalisé au cours de la même procédure par un abord rétropéritonéal. Cinq patients (15,5 %) ont présenté une complication au cours des 30 premiers jours postopératoires. Un patient a présenté une paraparésie spontanément résolutive en 3 jours sous traitement médical. Un autre patient a subi une embolectomie pour ischémie aiguë du membre supérieur gauche par thrombose artérielle au niveau d’un introducteur brachial. Deux patients ont été réopérés pour faux anévrysme de l’artère brachiale. Ces complications brachiales sont survenues au début de notre expérience. En raison de cette morbidité importante, nous avons ensuite cessé d’utiliser de façon systématique un abord brachial, qui a été remplacé par la mise en place d’un guide 0,018 dans l’artère sous-clavière gauche par voie fémorale. Un patient a présenté une atélectasie lobaire supérieure gauche (j4), nécessitant la mise en place d’une endoprothèse bronchique pendant trois mois. En tomodensitométrie, l’affaissement moyen des lésions aortiques au cours du premier mois a été de 11,5 ± 7,9 mm. Trois patients (9,1 %) ont présenté une augmentation transitoire du diamètre du faux anévrysme aortique. À 6 mois, toutes les lésions aortiques s’étaient totalement affaissées, soit un diamètre aortique au niveau de l’endoprothèse exactement comparable au celui de l’aorte saine sus- et sousjacente. Aucun patient n’est décédé au cours du suivi. Aucune endofuite secondaire, aucune migration, aucune torsion, aucune angulation ou coudure, ni aucune infection d’endoprothèse n’ont été observées au cours du suivi. Toutes les prothèses sont restées perméables. Deux patients ont présenté une complication au-delà du 30e jour : un thrombus asymptomatique a l’extrémité distale de l’endoprothèse, 2,9 ans après la procédure malgré une antiagrégation plaquettaire quotidienne correctement suivi. Ce thrombus a disparu en 3 mois sous anticoagulation orale (INR compris entre 2 et 3). Un autre patient a présenté une fracture asymptomatique du stent en Nitinol® de l’endoprothèse 7 ans après la procédure. À 5 ans, la survie actuarielle globale et la survie actuarielle sans réintervention aortique étaient de 100 %. La survie actuarielle sans complication était de 96,1 % ± 3,8 % à 1 an et de 85,5 % ± 10,6 % à 5 ans.
Rupture traumatique de l’aorte : traitement endovasculaire
Fig. 1 – Examens tomodensitométriques multi-coupes préopératoires réalisés avec injection de produit de contraste, montrant deux aspects possibles de rupture traumatique de l’isthme aortique (patient 1 : A-C, patient 2 : D-F).
Fig. 2 – Examen tomodensitométrique préopératoire (A et B). Exemple de reconstruction en trois dimensions permettant de visualiser la lésion et le faux anévrysme dans l’espace. Angiographie réalisée en début de procédure correspondant au même patient.
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Les syndromes aortiques aigus
Fig. 3 – Angiographies réalisées avant (A, C) et après (B, D) déploiement de l’endoprothèse. Couverture de l’ostium de l’artère sous-clavière gauche (B). Portion non couverte de l’endoprothèse disposée en regard de l’ostium de l’artère sous-clavière gauche, l’artère sousclavière gauche reste perméable (D). Exclusion complète des lésions, absence d’endofuite sur les figures B et D.
Fig. 4 – Contrôles tomodensitométriques (A-E) et IRM à distance (F). Coupes tomodensitométriques axiales avec injection de produit de contraste (A, B). Absence d’endofuite, exclusion de la lésion aortique et affaissement complet du faux anévrysme aortique. Exemples de reconstructions tomodensitométriques en trois dimensions (C-E). C : la portion non couverte de l’endoprothèse est placée en regard de l’ostium de l’artère sous-clavière gauche qui reste perméable. D : exclusion de l’artère sous-clavière gauche, absence d’endofuite et réinjection de l’artère sous-clavière gauche par l’artère vertébrale homolatérale. F : contrôle IRM à 4 ans, perméabilité de l’endoprothèse, absence d’endofuite.
Rupture traumatique de l’aorte : traitement endovasculaire
Limites Les limites potentielles du traitement endovasculaire des ruptures traumatiques de l’aorte sont de possibles problèmes d’accès vasculaire principalement liés à la taille des dispositifs de largage et au petit calibre des artères fémorales communes chez le patient jeune, la disponibilité d’endoprothèse de différentes tailles pour une prise en charge en urgence et la possibilité de ruptures de l’aorte thoracique ascendante ou horizontale. Le succès de ces procédures dépend essentiellement de la sélection rigoureuse des patients en termes d’anatomie des lésions prises en charge : un collet proximal d’au moins 10 mm est indispensable. Si ce critère n’est pas respecté, la couverture de l’artère sous-clavière gauche est une option valable et efficace, à condition que la distance entre la naissance de l’artère carotide primitive gauche et l’artère sous-clavière gauche soit suffisante. Dans ce cas, si l’artère vertébrale controlatérale est perméable, de même que le polygone de Willis (angiographie sélective peropératoire), la réalisation d’un pontage carotido-sous-clavier gauche n’est pas nécessaire avant la procédure (42, 43), à condition d’une surveillance rapprochée en postopératoire. La revascularisation sous-clavière gauche n’est alors réalisée que dans un second temps, et seulement en cas d’ischémie vertébro-basilaire gauche ou d’ischémie du membre supérieur gauche manifeste.
Le débat concernant la mise en place d’une endoprothèse droite au niveau de l’aorte isthmique (arche aortique distale) semble avoir trouvé une solution avec l’avènement des prothèses de dernières générations, beaucoup plus souples que les premiers dispositifs utilisés. L’accès vasculaire demeure un problème majeur, en particulier lorsque les procédures sont réalisées en urgence. Des axes iliaques sténosés, tortueux, calcifiés ou de calibre inférieur à 8 mm peuvent gêner la progression des introducteurs de la même façon que le spasme artériel fréquemment rencontré chez les patients jeunes en état de choc. Des abords alternatifs iliaques par voie rétropéritonéale, aortique abdominale, aortique thoracique basse, voire axillaires droits, peuvent être discutés.
Conclusion Même si les expériences rapportées dans la littérature médicale (18-21, 27-41, 44) restent limitées (tableaux I et II), en termes de nombre de patients concernés (pathologie rare) et en termes de durée du suivi des patients traités, le traitement endovasculaire des ruptures traumatiques de l’aorte thoracique apparaît aujourd’hui comme une réelle alternative à la chirurgie conventionnelle. Le principal avantage des traitements endovasculaires est aujourd’hui de permettre une
Tableau I – Revue de la littérature (18-21, 27-41). Résultats rapportés des principales séries de traitement endovasculaire des traumatismes fermés de l’aorte thoracique.
Thompson et al. (27) Fujikowa et al. (28) Orend et al. (29) Lachat et al. (18) Daenen et al. (28) Czermak et al. (29) Melnitchouk et al. (30) Scheinert et al. (31) Marty-Ané et al. (32) Orford et al. (33) Amabile et al. (21) Peterson et al. (34) Agostinelli et al. (19) Broux et al. (20) Hoornweg et al. (35) Pratesi et al. (37) Tehrani et al. (38) Neschis et al. (39) McPhee et al. (40) Saratzis et al. (41) Total
n
Mortalité
Paraplégie
Autres complications
5 6 11 12 7 6 15 10 9 9 17 11 15 13 28 11 30 20 14 9 258
0 1* 1* 1* 1* 0 1 0 0 1 0 0 2* 1 4* 1* 2 4* 0 0 20 (7,7%)
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 2 complic. vasc. 1 endofuite secondaire 0 1 endofuite secondaire 0 1 insuffisance rénale aiguë 0 1 complic. vasc., 1 AVC, 1 endofuite primaire 1 endofuite primaire, 3 complic. vasc. 0 0 1 embolie pulmonaire 1 endofuite secondaire 0 1 complic. vasc., 1 AVC, 1 endofuite primaire 1 endofuite primaire, 1 conversion 2 complic. vasc., 1 ins. rénale aiguë 1 endofuite secondaire
*décès non lié à la procédure ; complic. vasc. : complication vasculaire périphérique ; ins. rénale aiguë : insuffisance rénale aiguë.
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Les syndromes aortiques aigus Tableau II – Complications après traitement endovasculaire des traumatismes fermés de l’aorte thoracique (44). n
Traitements
Complications peropératoires Endofuites (type 1) Lésions vasculaires périphériques Migration de l'endoprothèse Hémoparésie
4 6 1 1
Dilatation (1) ou seconde endoprothèse (3) Réparation (2) ou pontage (4) Seconde endoprothèse
Complications postopératoires Endofuites (type 1)
13
Seconde endoprothèse (6), Conversion (2) Embolisation (1), abstention (4) Abstention, seconde endoprothèse Pontage (2), thrombectomie (1) Prothèse endobronchique
Endofuites (type 3) Ischémie aiguë de membre Atélectasie lobaire sup. G AIT Fistule aorto-œsophagienne Pseudo-coarctation Collapsus de l’endoprothèse Mortalité Rupture aortique AVC Insuffisance respiratoire
2 5 1 1 1 1 1
Thoracotomie Dilatation Seconde endoprothèse
2 1 1
exclusion précoce et complète de la lésion aortique sans risque d’aggraver les lésions associées présentes dans plus de 90 % des cas et avec des taux de mortalité et de morbidité opératoires inférieurs à ceux de la chirurgie conventionnelle. Grâce aux progrès dans l’organisation de structures spécialisées, les indications de ces procédures rapides s’étendent, aujourd’hui, aux patients instables. L’extension des indications aux patients ne présentant pas de contre-indication à la chirurgie conventionnelle reste l’objet de débats.
POINTS ESSENTIELS 1. Le traitement endovasculaire des ruptures trau-
matiques de l’aorte thoracique apparaît comme une véritable alternative au traitement chirurgical conventionnel. 2. Les taux de morbidité et de mortalité opératoires sont nettement réduits en comparaison avec le traitement chirurgical conventionnel. 3. Ces procédures hybrides, radio-chirurgicales, nécessitent une imagerie préopératoire et peropératoire précise. 4. Le suivi à long terme des patients traités par endoprothèse est indispensable.
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Partie 3
Aorte descendante Lésions mycotiques aiguës
Chapitre
Lésions mycotiques aiguës. Généralités
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M. Revest et P. Jégo
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217 Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217 Facteurs de risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217 Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218 Microbiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218 Présentation clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218 Examens complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219 Anatomie pathologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220 Pronostic et traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220 Cas particuliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221 Aortites à salmonelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221 Aortites syphilitiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222 Aortites tuberculeuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Introduction Les atteintes infectieuses de l’aorte sont rares. Elles se caractérisent par une endartérite d’origine infectieuse le plus souvent compliquée par la formation d’un anévrysme, communément appelé anévrysme mycotique. L’adjectif « mycotique » peut créer une certaine confusion, pouvant laisser présager de la nature fongique de l’anévrysme alors que les bactéries représentent la majorité des causes de ces infections. Ce terme a été introduit par Osler en 1885 pour décrire un anévrysme vasculaire infectieux prenant l’aspect d’un « champignon frais » chez un patient souffrant d’une endocardite infectieuse. Il faut le comprendre comme désignant toute formation anévrysmale vasculaire d’origine infectieuse. Avant l’ère des antibiotiques, le diagnostic était fait le plus souvent en post mortem et 86 % des cas étaient, syphilis exclue, secondaires à une endocardite infectieuse (1). Actuellement, les causes sont variées. Chaque étiologie possède des caractéristiques physiopathologiques, cliniques et thérapeutiques propres. À côté des bactéries pathogènes classiques comme Staphylococcus aureus ou Streptococcus spp., la syphilis, les salmonelloses ou la tuberculose ont une importance toute particulière et seront donc étudiées séparément.
Épidémiologie Ces infections sont rares. Dans une série autopsique portant sur 22 000 cas, réalisée à Boston entre 1902 et 1951, les anévrysmes mycotiques représentaient 2,6 % de tous les anévrysmes, ces derniers n’étant retrouvés que chez 1,5% des patients (2). Dans une autre étude de 20 000 autopsies de la Mayo Clinic réalisée entre 1925 et 1954 (3), seulement 6 des 178 anévrysmes aortiques retrouvés étaient d’origine infectieuse. L’analyse de quatre séries plus récentes, publiées entre 1946 et 1975, retrouve 78 cas d’anévrysmes aortiques mycotiques (47). Enfin, une étude rétrospective de la Mayo Clinic retrouve entre 1976 et 1999 (8), 29 cas d’anévrysmes infectieux aortiques dont neuf intéressant l’aorte thoracique et 20 l’aorte abdominale. Il existe une prédominance masculine dans ces affections avec un sex-ratio de 3 hommes pour 1 femme (9-11). L’âge moyen de survenue est de 65 ans (9-11). Pour les aortites survenant dans le contexte particulier d’une endocardite infectieuse, l’âge moyen est de 40 ans et il n’existe pas de prédominance de sexe (12).
Facteurs de risques Les facteurs de risque sont essentiellement marqués par ceux de l’athérosclérose : sexe masculin, âge, tabagisme, hypertension artérielle, diabète, dyslipidémie (8-10). Les anomalies congénitales de l’aorte (coarctation, ductus arteriosus) représentent aussi des situations à risque (12). Le statut immunitaire du patient semble également jouer un rôle avec un risque accru en cas d’immunodépression causée par le diabète, les traitements corticoïdes et immunosuppresseurs et les hémopathies. Le virus de l’immunodéficience acquise ne constitue pas un facteur de risque d’acquisition d’aortites infectieuses par l’immunodépression qu’il induit, mais les troubles du métabolisme des lipides provoqués par les
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Les syndromes aortiques aigus
thérapeutiques antirétrovirales (13) créent les conditions nécessaires à la survenue d’athérome et donc d’aortites infectieuses.
Physiopathologie Quatre mécanismes principaux sont en cause (14) : – infection de l’intima artérielle lésée à l’occasion d’une bactériémie : les facteurs de risque de ce type d’atteinte sont essentiellement représentés par l’athérosclérose, avec ou sans anévrysme, et les thrombi intraluminaux. Soixante-dix pour cent des infections secondaires d’anévrysmes athéromateux concernent l’aorte abdominale, alors que 30 % intéressent des anévrysmes de l’aorte thoracique (15 % pour l’aorte ascendante et 15 % pour l’aorte descendante) ; – embolisation des vasa vasorum par le germe en cause : il s’agit du mécanisme physiopathologique principal de l’atteinte aortique de la syphilis (15). Il reste cependant rare de manière générale, pouvant parfois être rencontré dans l’endocardite infectieuse (12) ; – traumatisme de la paroi artérielle avec contamination directe : le plus souvent d’origine iatrogène, consécutif à un cathétérisme artériel ou à un geste chirurgical, impliquant alors fréquemment des germes nosocomiaux ; – extension d’un foyer infectieux contigu : l’aortite est alors secondaire à une spondylodiscite thoracique, une infection pulmonaire ou une médiastinite. L’atteinte infectieuse de la paroi artérielle aboutit à une endartérite, fréquemment suivie par la formation d’un anévrysme ou d’un faux anévrysme. Ces anévrysmes auront le plus souvent un aspect sacciforme mais peuvent également apparaître comme fusiformes ou cupuliformes.
Microbiologie Avant le développement de l’antibiothérapie, les germes les plus fréquemment en cause étaient les streptocoques et Treponema pallidum (16). Depuis l’arrivée des antibiotiques et leur utilisation importante, la nature des germes responsables s’est modifiée. Actuellement, les bactéries le plus souvent retrouvées au niveau thoracique sont les cocci à Gram positif qui représentent 60 % des cas. Parmi eux, Staphylococcus aureus occupe, selon les études, entre 30 et 50 % de tous les cas d’aortites. Viennent ensuite les streptocoques, plus particulièrement impliqués dans les anévrysmes associés aux endocardites infectieuses avec une atteinte fréquente de l’aorte proximale, les entérocoques et les
pneumocoques (17-19). La fréquence des aortites à bacilles à Gram négatif est évaluée entre 20 et 40 % des cas selon les études (8, 10-12, 20-24). Le genre Salmonella est alors le plus fréquemment en cause. Quelques cas d’infections à Campylobacter fetus ont été rapportés, intéressant essentiellement l’aorte abdominale (25, 26). On note avec ce germe une extension rapide de la taille de l’anévrysme, ces infections survenant le plus souvent sur des terrains immunodéprimés et l’association à des néoplasies notamment digestives est souvent rapportée (27). Les mycobactéries peuvent donner une atteinte de l’aorte thoracique et seront détaillées plus loin (cf. infra « Cas particuliers »). De nombreux autres germes ont occasionnellement été décrits – Legionella pneumophila (28), Clostridium septicum (29), Pasteurella multicoda (30), Haemophilus influenzae (31), Brucella melitensis (32), Nocardia asteroides (33), Burkholderia pseudomallei (34) – mais leur fréquence reste très faible. L’atteinte aortique fongique est très rare, mettant en cause Candida, Aspergillus, Cryptococcus. D’exceptionnels cas de paracoccidioïdomycoses avec atteinte aortique ont été rapportés. Ce type d’aortite survient alors dans un contexte d’infection fongique disséminée avec, dans les cas d’aspergillose ou de paracoccidioïdomycose, l’association à un foyer fongique pulmonaire préexistant (10, 12, 35).
Présentation clinique Les caractéristiques des aortites sont résumées dans le tableau I. Les signes cliniques sont peu spécifiques occasionnant souvent un retard diagnostique. La fièvre est l’élément le plus constant (70 %). En cas d’aortite thoracique, des douleurs scapulaires, dorsales ou thoraciques sont retrouvées dans 60 % des cas. Des douleurs abdominales sont également possibles en cas d’atteinte thoracique, mais ne sont présentes que dans 20 % des cas. L’aortite abdominale se manifeste en revanche essentiellement par des douleurs abdominales. Des frissons peuvent être le témoin d’une bactériémie persistante et des localisations infectieuses secondaires sont possibles par embolies septiques (8, 10, 11). Les signes compressifs sont présents en cas d’anévrysme thoracique de gros volume et leur caractère dépend de la localisation précise de cet anévrysme : dysphagie, dyspnée, toux, voix bitonale par compression du nerf récurrent gauche, syndrome cave supérieur. En cas de rupture de l’anévrysme dans la trachée ou l’œsophage, se produiront hémoptysies ou hématémèses massives (10, 12, 36).
Lésions mycotiques aiguës. Généralités
Examens complémentaires Une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, supérieure à 10 000/mm3, est retrouvée dans 65 à 83 % des cas (8, 12). La radiographie thoracique standard peut parfois retrouver l’anévrysme aortique thoracique, représenté par une opacité médiastinale de taille variable, de même densité que le reste de l’aorte. Le scanner avec injection de produit de contraste est l’examen d’imagerie le plus utile pour mettre en évidence l’aortite. Il montre une prise de contraste inhomogène de la paroi vasculaire avec rupture d’un éventuel liseré de calcifications présent initialement. La paroi s’amincit et il apparaît une inflammation périvasculaire. Ensuite, le diamètre aortique augmente pour former un anévrysme ou un faux anévrysme. La présence d’air dans la paroi vasculaire est signalée comme étant spécifique d’une atteinte infectieuse. Des signes indirects peuvent orienter le diagnostic comme la présence d’adénopathies péri-aortiques ou de foyers infectieux de contiguïté (37). L’échographie transœsophagienne est utile pour mesurer la taille exacte de l’anévrysme ou l’épaisseur de la paroi (38, 39). Elle est également intéressante en cas de suspicion de dissection aortique associée. L’imagerie par résonance magnétique a peu d’intérêt par rapport au scanner. Certaines équipes utilisent le PET-scan afin de prouver le caractère inflammatoire de l’anévrysme mais cette technique reste en évaluation (18). La scintigraphie aux polynucléaires marqués n’est plus utilisée mais peut avoir un intérêt en cas de doute diagnostique en montrant une hyperfixation au niveau de l’aorte infectée (40). L’aortographie peut être réalisée en préopératoire si les renseignements fournis par le scanner sont insuffisants. Le caractère invasif de cet examen en limite cependant les indications. Elle peut être de réalisation dangereuse en cas d’atteinte infectieuse délabrante de la paroi artérielle avec fort risque de rupture. Les hémocultures ont une importance capitale dans la prise en charge de ces infections. Elles représentent le seul moyen de diagnostic microbiologique avant une éventuelle intervention chirurgicale. Elles ne sont malheureusement pas systématiquement positives. L’analyse de la littérature retrouve des hémocultures positives seulement dans 50 à 90 % des cas. Ce relatif faible taux de positivité est probablement en partie lié à la fréquence de la prise d’antibiotiques avant leur réalisation. La présentation clinique peu spécifique entraîne en effet souvent la prescription d’une antibiothérapie présomptive avant que le diagnostic d’atteinte infectieuse de l’aorte ne soit fait. Mais, même en l’absence d’antibiothérapie préalable, les hémocultures ne sont pas toujours positives (8, 10, 12, 20). Leur positivité dépend du type de germe en cause et du mécanisme de
l’atteinte de la paroi artérielle. Les hémocultures sont notamment rarement positives en cas de germes anaérobies. De même, les infections intéressant en premier lieu l’intima artérielle, telles que la surinfection d’anévrysme athéromateux ou les traumatismes endovasculaires, se caractérisent souvent par des hémocultures positives alors que les infections sans contact initial avec la lumière aortique, telles que les extensions d’un foyer infectieux contigu, possèdent une fréquence d’hémocultures positives moindre.
Tableau I – Caractéristiques épidémiologiques, cliniques et bactériologiques des aortites infectieuses.
Données
Résultats
Sex-ratio homme/femme – cas général – endocardite infectieuse
3:1 1:1
Âge moyen – cas général – endocardite infectieuse
65 ans 40 ans
Facteurs de risque
Athérosclérose : – tabac – diabète – HTA – hyperlipidémie Immunodépression : – diabète – corticothérapie – néoplasie
Symptômes
Fièvre (75%) Douleurs – thoraciques, scapulaires, dorsales (60 %) – abdominales (20%) Frissons (16%), sueurs (5%) Signes compressifs : dyspnée, dysphagie, voie bitonale, syndrome cave supérieur
Micro-organismes
Cocci à Gram positif : 60 % – Staphylococcus aureus : 30 à 50 % – streptocoques – entérocoques – pneumocoques Bacilles à Gram négatif : 20 à 40 % Salmonella spp. en majorité
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Les syndromes aortiques aigus
Anatomie pathologique Jusqu’à peu, les séries s’intéressant aux données histopathologiques des aortites infectieuses étaient limitées à des séries autopsiques. Récemment, une équipe a analysé les résultats de l’étude anatomopathologique de 29 pièces opératoires chez des patients ayant subi une intervention chirurgicale pour aortite infectieuse (8). Cela a permis de retrouver six grands types d’anomalies de la paroi artérielle en cas d’atteinte infectieuse : – Type 1 : inflammation aiguë transmurale avec abcès focaux de la paroi aortique préalablement altérée avec calcifications et amincissement de la média. Cet aspect est retrouvé pour 55 % des aortites. Les hémocultures sont positives dans 81 % des cas et celles de la paroi aortique dans 67 % des cas. – Type 2 : inflammation chronique de la paroi artérielle avec infiltrat lympho-histiocytaire survenant sur une paroi altérée par de l’athérome. Ce type est retrouvé dans 20 % des cas, avec des hémocultures et une culture du mur aortique positives dans 17 % des cas. – Type 3 : inflammation aiguë transmurale et abcès sans athérome sous-jacent, rencontrés dans 4 % des cas. Les hémocultures sont alors positives une fois sur deux, alors que la culture de la paroi est constamment positive. – Type 4 : inflammation granulomateuse de la média sans atteinte de l’intima, en rapport avec des infections à mycobactéries, retrouvée dans 4 % des cas de cette étude. – Type 5 : pseudo-anévrysme avec rupture de la média adjacente à la zone d’insertion de l’anévrysme dont le mur est constitué seulement d’une néo intima et d’un adventice sans média. Cela concerne 7 % des aortites, avec des hémocultures et une culture du mur artériel toujours négatives dans cette étude.
– Type 6 : présent chez 7 % des patients et caractérisé par une inflammation chronique non granulomateuse de l’adventice, sans atteinte de la média ou de l’intima. Les hémocultures sont toujours négatives et la culture de la paroi artérielle positive dans 100 % des cas.
Pronostic et traitement Le pronostic est, d’une part, conditionné par l’atteinte infectieuse et les complications spécifiques qu’elle peut entraîner (sepsis sévère, choc septique, embolies avec localisations infectieuses secondaires) et, d’autre part, par le risque de rupture de cet anévrysme (6, 41, 42). Sans traitement, l’évolution se fait vers l’augmentation progressive du volume de l’anévrysme aboutissant à la rupture, fatale en l’absence d’intervention chirurgicale en urgence. La mortalité opératoire en cas de rupture de l’aorte est très élevée. Le facteur de mortalité principal est représenté par le retard diagnostique. Les autres facteurs de risque de décès sont représentés par l’existence de co-morbidités préalables comme une immunodépression et le type de germe en cause. Les infections à bacille à Gram négatif ont un pronostic plus sombre que celles à Gram positif, avec un risque de rupture des anévrysmes respectivement de 72 et 25 % (11, 14). Le traitement doit associer un traitement chirurgical et un traitement médical. À de rares exceptions près, la mortalité reste proche de 100 % lorsqu’un traitement médical seul ou un traitement chirurgical seul est entrepris. L’antibiothérapie sera débutée au mieux avant l’intervention chirurgicale et sera adaptée aux données des hémocultures. Elle doit être rapidement bactéricide, et prescrite à fortes posologies. Les schémas
Tableau II – Traitement antibiotique des principales aortites infectieuses à pyogènes après chirurgie et mise en place d’une prothèse. Bactéries
Molécules
Posologies
Durée
Staphylococcus aureus méticilline sensible
Cloxacilline + gentamicine + rifampicine
150 à 200 mg/kg/j 3 mg/kg/j 20 mg/kg/j
6 semaines (2 semaines de gentamicine)
S. aureus méticilline résistant
Vancomycine + gentamicine + rifampicine
30 à 50 mg/kg/j 3 mg/kg/j 20 mg/kg/j
6 semaines (2 semaines de gentamicine)
Streptocoques et pneumocoques
Amoxicilline + gentamicine
200 mg/kg/j 3 mg/kg/j
2 semaines de bithérapie puis 4 semaines d’amoxicilline seule
Entérocoques
Amoxicilline + gentamicine
200 mg/kg/j 3 mg/kg/j
4 à 6 semaines de bithérapie
Salmonelles
Céfotaxime + gentamicine
200 mg/kg/j 3 mg/kg/j
6 semaines (3 à 5 jours de gentamicine)
Lésions mycotiques aiguës. Généralités
thérapeutiques sont proches de ceux préconisés dans l’endocardite infectieuse. Ils associent le plus souvent initialement un aminoside à une bêtalactamine et le traitement sera poursuivi au moins quatre à six semaines après l’intervention chirurgicale, avec surveillance étroite des patients et réalisation répétée d’hémocultures pendant et après la fin du traitement. Le suivi des patients après l’arrêt de l’antibiothérapie sera prolongé (8, 10, 12, 20), afin de dépister au plus tôt une éventuelle récidive qui imposerait une reprise chirurgicale. La chirurgie est réalisée après le début de l’antibiothérapie (36). De nombreux prélèvements opératoires dont la paroi aortique excisée doivent être adressés au laboratoire de microbiologie. Des propositions de traitement des principales étiologies bactériennes des aortites infectieuses sont fournies dans le tableau II. Sous traitement, le pronostic est bon avec un taux de survie, selon les études et surtout selon les conditions diagnostiques et thérapeutiques, variant de 75 à 100 % (8, 12). Rappelons l’importance du suivi prolongé de ces patients.
Cas particuliers Certaines aortites bactériennes ont des caractéristiques physiopathologiques, cliniques et thérapeutiques qui méritent d’être précisées. Il s’agit des aortites dues aux salmonelles, à la syphilis et à la tuberculose. Les caractéristiques des différentes aortites sont présentées dans le tableau III.
Aortites à salmonelles Cinq pour cent des gastro-entérites à salmonelles non typhi se compliquent d’une bactériémie. Parmi ces bactériémies, le taux d’infection vasculaire à salmonelles est de 10 à 40 %. Ce risque d’infection vasculaire est surtout présent après 50 ans et presque nul en dessous de cet âge (43-45). L’atteinte aortique est beaucoup plus fréquente que l’atteinte des artères périphériques. Elle intéresse dans 83 % des cas l’aorte abdominale, et l’aorte thoracique dans les 17 % restants (43-45). Elle survient toujours sur une paroi artérielle lésée par l’athérosclérose (43-45). L’âge moyen des patients atteints d’aortite à salmonelles est de 61 ans. Ces infections touchent plus l’homme que la femme avec un sex-ratio de 3:1 (43, 46). Les sous-espèces les plus fréquemment rencontrées sont citées dans le tableau IV (46). Le tableau clinique n’est pas toujours bruyant. Le délai diagnostique après l’apparition des premiers symptômes peut d’ailleurs être prolongé, évalué à 38 jours en moyenne, avec des extrêmes allant de 1 à 240 jours. Le seul symptôme présent est souvent la fièvre. Elle est retrouvée dans 75 % des cas (43, 46). Les autres signes rencontrés sont les frissons, les sueurs, les douleurs dorsales, thoraciques et abdominales. Les signes de gastro-entérite sont peu fréquents, même si la salmonelle est retrouvée à la coproculture (43, 46). Le diagnostic est posé par les hémocultures qui sont positives dans 85 % des cas. En cas de négativité, la coproculture peut être d’une certaine aide en retrouvant une salmonelle.
Tableau III – Caractéristiques des aortites thoraciques à salmonelles, syphilitiques et tuberculeuses.
Données
Salmonelles
Syphilis
Tuberculose
Âge moyen (année)
61
60
50
Sex-ratio (H:F)
3:1
1:1
1:1
Athérome
+++
-
+/-
Tableau clinique
Bruyant
Découverte souvent fortuite
Peu bruyante
Diagnostic
Hémocultures et coprocultures
Sérologie
Tuberculose souvent connue au moment du diagnostic
Tableau IV – Répartition des sérogroupes de salmonelles impliquées dans les aortites infectieuses, d’après Soravia-Dunand et al. (46).
Micro-organismes Salmonella typhimurium Salmonella enteritidis Salmonella cholerasuis Salmonella groupe D autre que S. enteritidis Salmonella groupe B autre que S. typhimurium Salmonella groupe C autre que S. cholerasuis Salmonella dublin Salmonella groupe E Salmonella sp.
Nbre de cas (%) 31 16 16 16 6 5 3 1 6
221
222
Les syndromes aortiques aigus
L’aortite à salmonelles est constamment fatale en l’absence de traitement (47, 48). La mortalité reste de 36 % sous traitement médicochirurgical (43, 46), associant une antibiothérapie par céphalosporines de troisième génération à forte dose, idéalement débutée avant la chirurgie, et la mise en place d’une prothèse vasculaire (49). Le traitement antibiotique doit être maintenu 6 à 8 semaines après la chirurgie par une céphalosporine de troisième génération. Les fluoroquinolones peuvent constituer une alternative (43, 46). Même si certaines équipes rapportent des succès thérapeutiques sous antibiothérapie au long cours (50, 51), l’association d’un traitement chirurgical à l’antibiothérapie semble nécessaire, puisque la mortalité de ces aortites en cas de traitement médical isolé reste de 96 %.
Aortites syphilitiques La syphilis, cause autrefois fréquente d’aortite thoracique (52), est devenue une pathologie rare grâce à l’utilisation large des antibiotiques en médecine courante. Pour autant, son diagnostic reste souvent méconnu et doit être évoqué devant un anévrysme de l’aorte thoracique. L’atteinte aortique apparaît 10 à 40 ans après la primo-infection (15, 53) et correspond à la phase tertiaire de la maladie. Elle survient chez 30 % des patients non traités, occasionnant des signes cliniques chez 10 à 15 % d’entre eux (53). Elle représente l’une des principales causes de décès avec les atteintes du système nerveux central. Très tôt au moment de l’infection par Treponema pallidum, les spirochètes atteignent l’adventice aortique (52). Des zones de nécrose de la média artérielle vont alors apparaître par endartérite oblitérante des vasa vasorum, aboutissant à un amincissement de la paroi artérielle et à la formation d’un anévrysme (15, 53). Certains aspects sont particuliers à la nature syphilitique d’un anévrysme aortique. Contrairement aux aortites bactériennes classiques qui se développent surtout aux dépens d’une artère athéromateuse et qui se situent donc surtout au niveau abdominal, l’anévrysme syphilitique, d’allure le plus souvent sacciforme (52-54), touche l’aorte ascendante dans 50 % des cas. L’arche aortique et l’aorte descendante sont respectivement touchées dans 20 à 30 % des cas et 10 à 20 % des cas, tandis que l’aorte abdominale n’est pratiquement jamais atteinte (53). De plus, l’anévrysme peut être associé à d’autres atteintes vasculaires comme les sténoses coronaires ostiales avec réseau d’aval sain (15, 55, 56). L’évolution de l’aortite syphilitique est insidieuse avec un diagnostic qui est souvent tardif. L’examen clinique est pauvre, et il n’est pas rare que le diagnostic ne se fasse de façon fortuite, à l’occasion d’un examen d’imagerie.
Les signes infectieux sont absents : il n’existe ni fièvre, ni hyperleucocytose. Des signes compressifs sont possibles en cas d’anévrysme volumineux (57). Les examens d’imagerie sont peu spécifiques. Ce sont les examens sérologiques qui vont le plus aider au diagnostic étiologique. Les tests non spécifiques (VDRL : veneral disease research laboratory) ne sont positifs que dans 40 % des cas. En revanche, les tests spécifiques comme le TPHA (Treponema pallidum particle haemaglutination assay) sont positifs dans 90 % des cas (15). Lorsque le VDRL et le TPHA sont tous les deux positifs, on se situe dans une syphilis active. Lorsque seul le TPHA est positif avec un VDRL négatif, la syphilis est ancienne, guérie, l’anévrysme s’étant développé au moment de la syphilis active et évoluant alors pour son propre compte. La situation est souvent très avancée au moment du diagnostic avec un anévrysme de grande taille et un pronostic sans traitement réservé. La mortalité est de 80 % à 2 ans suivant le diagnostic, avec une médiane de survie estimée de 6 à 9 mois suivant l’apparition des premiers symptômes (53). Le décès survient classiquement au moment de la rupture de l’anévrysme. Le pronostic est donc d’autant meilleur que le diagnostic est posé précocement. La prise en charge associe un traitement médical au traitement chirurgical. L’antibiothérapie consiste en l’administration de benzathine-pénicilline 2,4 millions d’unités en une injection intramusculaire par semaine pendant trois semaines. En cas de neurosyphilis, qu’il faudra dépister par la réalisation systématique d’une ponction lombaire, le traitement repose sur la pénicilline G à raison de 14 millions d’unités par jour en injection intraveineuse pendant 15 jours (58). La chirurgie est le plus souvent nécessaire pour traiter l’anévrysme aortique avec mise en place d’une prothèse vasculaire (59). Une insuffisance aortique pourra être traitée dans le même temps par remplacement valvulaire.
Aortites tuberculeuses Cette présentation est très rare (60). Elle touche dans 66 % des cas l’aorte abdominale avec constitution d’un anévrysme sacciforme (61), et l’aorte thoracique dans 33 % des cas (62). L’âge moyen de survenue est de 50 ans. Il n’existe pas de prédominance de sexe. Cette atteinte survient dans un contexte de tuberculose disséminée dans 46 % des cas, alors qu’elle représente la seule manifestation de la tuberculose dans 38 % des situations (62, 63). L’athérosclérose intervient peu dans la genèse de l’anévrysme tuberculeux. L’extension d’un foyer tuberculeux adjacent constitue le mode d’atteinte de l’aorte le plus classique, retrouvé dans 75 % des cas. Les autres mécanismes sont représentés par la
Lésions mycotiques aiguës. Généralités
dissémination hématogène du bacille tuberculeux qui se fixera alors sur une zone de la paroi lésée par l’athérome. La présentation est peu bruyante. Dans 63 % des cas, la tuberculose est déjà connue au moment du diagnostic de l’aortite (62). Les signes cliniques sont classiques avec altération de l’état général, fièvre, sueurs nocturnes (64, 65). Les douleurs thoraciques ou dorsales sont présentes chez 44 % des patients. Parfois, la situation clinique est dramatique avec hémoptysie ou hématémèse massive à l’occasion d’une fistule aorto-bronchique ou aorto-œsophagienne (62, 66, 67). La rupture de l’anévrysme est possible (68, 69). Sans traitement, la mortalité est de 100 %. La taille de l’anévrysme n’est pas, dans le cas précis de l’aortite tuberculeuse, un facteur de mauvais pronostic. En revanche, le caractère symptomatique de l’anévrysme indique un risque de rupture proche qui doit inciter à une chirurgie rapide. Le traitement associe la chirurgie à l’antibiothérapie. Le traitement médical ou chirurgical seul ne permet pas de guérir cette infection avec une mortalité de 100 %. En associant les deux, la survie est estimée selon les cas à 75-100 % (62, 63). Contrairement aux autres étiologies infectieuses d’aortite, il n’est pas nécessaire de débuter le traitement médical avant la prise en charge chirurgicale. La durée de l’antibiothérapie n’est pas codifiée. Il doit probablement être prolongé, d’une durée de 12 mois. Le suivi doit être étroit pendant et après le traitement antibiotique afin de ne pas méconnaître une récidive sur prothèse.
Conclusion Les aortites thoraciques infectieuses regroupent donc un ensemble de pathologies variées dont les caractéristiques physiopathologiques, diagnostiques et thérapeutiques dépendent du micro-organisme responsable. Les aortites syphilitiques et tuberculeuses sont particulières par leur présentation et leur association moins fréquente à l’athérosclérose, principal facteur de risque des aortites dues aux autres étiologies microbiennes. La prévention de l’athérosclérose est donc d’une grande importance afin de prévenir ces infections de pronostic gravissime et de traitement difficile.
POINTS ESSENTIELS 1. Les atteintes infectieuses de l’aorte correspon-
dent à des infections rares au pronostic sévère. 2. Leur principal facteur de risque est représenté
par l’athérosclérose. 3. Leur diagnostic repose bien entendu sur l'image-
rie au premier rang de laquelle se situe le scanner aortique injecté, mais également sur la réalisation de nombreuses hémocultures qui permettent d'obtenir au plus tôt la preuve de l’atteinte infectieuse et de guider le traitement. 4. Leur traitement repose sur une prise en charge médicochirurgicale, qui associe une antibiothérapie prolongée à la mise en place d'une prothèse aortique. 5. Les aortites à salmonelles occupent une placent particulière de par leur fréquence et leur association systématique à l’athérome.
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225
Chapitre
Traitement des anévrysmes infectieux : chirurgie classique ou traitement endovasculaire ?
23
D. Carmi, O. Pellerin, L. Labrousse et M. Sapoval
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 Traitement chirurgical classique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 Traitement endovasculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232 Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233
Introduction Décrits pour la première fois par Osler en 1885 (1), les anévrysmes mycotiques ou anévrysmes infectieux sont des anévrysmes généralement douloureux, de progression rapide, voire rompus pendant l’intervention chirurgicale. Le terme d’anévrysme mycotique n’est en outre pas adéquat car ces anévrysmes sont le plus souvent consécutifs à un abcès d’origine bactérienne. L’histoire de la maladie retrouve en général une notion de fièvre, d’hyperleucocytose et des hémocultures positives. Ils s’associent souvent à une pathologie sousjacente grave pouvant mettre en jeu le pronostic vital (néoplasie, immunosuppression, etc.). La prise en charge de ces anévrysmes reste un des principaux challenges thérapeutiques du chirurgien vasculaire. Le traitement classique de cette affection est la chirurgie qui associe traitement antibiotique, résection large de l’anévrysme et des tissus environnants, et revascularisation soit extra-anatomique, soit in situ par implantation d’une prothèse artificielle. Ce traitement de référence est associé à un fort taux de morbi-mortalité. Aussi, le développement des endoprothèses et leurs bons résultats chez les patients à haut risque (2) rendent le traitement endovasculaire envisageable comme alternative. Cette technique reste malgré tout objet de controverse car elle n’associe pas, au cours de la procédure, la résection élargie du tissu infecté. Dans ce chapitre, nous comparerons les résultats publiés des deux alternatives thérapeutiques pour les anévrysmes mycotiques : le traitement chirurgical et le traitement endovasculaire.
Traitement chirurgical classique Pour commencer, deux points importants doivent êtres soulignés. 1. La rareté des anévrysmes mycotiques explique que le nombre d’articles publiés sur le sujet soit relativement faible, et corresponde le plus souvent à des « case-report » plutôt qu’à des séries homogènes de patients. 2. En outre, et bien que le contexte clinique soit entièrement différent, les auteurs dans la littérature associent volontiers anévrysmes infectieux et infection secondaire de prothèse de par le contexte infectieux commun. Depuis les années 1960 et jusqu’aux années 1980, le traitement chirurgical des anévrysmes infectieux thoraciques a consisté en une excision large des tissus infectés associée à une ligature de l’aorte et un pontage extra-anatomique (3, 4). Le but principal étant de limiter le risque de contamination du substitut prothétique. Le premier temps opératoire de cette intervention très lourde est la sterno-laparotomie, permettant ainsi d’effectuer la revascularisation extra-anatomique (pontage entre l’aorte ascendante et l’aorte cœliaque ou sous-rénale). Ce temps est suivi par une thoracotomie gauche pour la ligature/exclusion de l’aorte thoracique. Dans certains cas, un pontage axillo-fémoral peut être une alternative, même si la perfusion rétrograde de l’aorte ne semble pas dans ce cas pouvoir être optimale. Dans le cas où l’anévrysme infectieux est situé au niveau de l’aorte transverse, ou au niveau du segment IV, le pontage extra-anatomique est dans la majorité des cas irréalisable de par la présence des branches collatérales majeures (5) et la réalisation d’une revascularisation in situ obligatoire. L’amélioration de la prise en charge péri- et postopératoire de la chirurgie thoraco-abdominale, depuis le début des années 1990 (5, 6), a conduit à proposer une chirurgie de revascularisation in situ en première intention. Ces techniques chirurgicales sont moins agressives (une seule voie d’abord), plus courtes et sem-
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Les syndromes aortiques aigus
blent permettre de meilleurs résultats à long terme (7) avec, en particulier, l’absence de cul-de-sac aortique sur lequel bute chaque ondée systolique. Initialement, le geste consistait à remplacer le fragment aortique réséqué par une prothèse artificielle en Dacron® (5-8). Compte tenu des bons résultats obtenus avec des homogreffes dans le traitement chirurgical des endocardites et dans le but de diminuer le risque des récidives infectieuses sur prothèse, l’implantation d’allogreffes est actuellement préférée (9-11) lorsque leur disponibilité le permet. La meilleure résistance aux infections de ces substituts est probablement liée à la viabilité des ces tissus, associée à une concentration plus élevée des antibiotiques et à la présence de cellules immunocompétentes au niveau de leur paroi (12). En outre, les progrès de la cryopréservation des homogreffes ont permis d’éliminer les complications à type de rupture ou d’anévrysme secondaire (12-16) décrites initialement avec les allogreffes fraîches ou avec les anciennes méthodes de congélation. Les alternatives thérapeutiques, en absence d’homogreffes, consistent à utiliser des prothèses vasculaires, si possible imbibées de rifampicine (17, 18, 19), ou à associer une application locale d’antibiotique dans de la colle biologique (12, 18, 20). Enfin, dans tous les cas où cela est techniquement possible, la reconstruction devrait être recouverte d’épiploon (5) pour l’isoler du poumon ou des viscères afin de prévenir une fistule secondaire gravissime. Dans le cas où les lésions sont limitées, une simple excision de la paroi aortique et une réparation avec un patch peuvent être effectuées, utilisant un patch de Dacron®, de péricarde, d’allogreffe artérielle ou de veine provenant d’un prélèvement de la veine fémorale superficielle (22).
La mortalité opératoire rapportée dans les séries récentes de la littérature est résumée dans le tableau I. Elle varie entre 5 et 75 %, et atteint globalement 1015 % dans les séries récentes (15-19, 25). La revue rétrospective de Cinà débute en 1966, ce qui explique le taux plus élevé rapporté. Cette mortalité est supérieure à celle des interventions similaires sur l’aorte thoraco-abdominale liées à l’athérosclérose. En effet, le chirurgien fait face à la même problématique concernant les défaillances postopératoires respiratoire, rénale et neurologiques, mais il s’y rajoute en plus les comorbidités propres à ces patients (immunosupression, diabète, insuffisance rénale, âge supérieur à 70 ans) (5, 15-20, 23, 25), le contexte septique, l’urgence souvent et le geste chirurgical fréquemment plus complexe. Cina et al. (20) décrivent, dans leur récente revue de littérature, des survies précoces similaires dans les séries de chirurgies urgentes et programmées, ce qui peut s’expliquer par le fait que les anévrysmes mycotiques rompus sont le plus souvent contenus par la plèvre, ce qui permet de maintenir un état hémodynamique stable jusqu’en salle d’opération. Les résultats à moyen et long termes sont conditionnés par les récidives infectieuses. Dans les séries récentes, des récidives ont été décrites dans 5-15 % des cas (5, 6, 24) et principalement liées à des germes agressifs tels que Staphylococcus aureus (5, 6, 17, 23). Il n’y a pas de consensus en ce qui concerne la durée du traitement antibiotique. Les durées préconisées sont au moins de 6 semaines (15, 16), voire plus longues dans certaines conditions (12). Pour certains même, le traitement devrait être poursuivi à vie (5, 18, 19) lorsqu’il s’agit d’une infection à Salmonella ou lorsque l’infection est active au moment de l’intervention.
Tableau I – Résultats chirurgicaux des séries récentes d’anévrysmes thoraciques (ou thoraco-abdominaux) infectés (à noter que certaines séries incluent les infections de prothèses).
Nombre de patients
Mortalité opératoire
Greffon utilisé
Chan et al. (4) Cina et al. (20)
22 73 (revue de la littérature)
Dacron® Dacron® + polytétrafluoroéthylène
Muller et al. (17) Oderich et al. (19) Hsu et al. (18) Vog et al. (10)
33 43 19 (9 suprarénal) 49 (sont inclus des infections prothétiques) 179 (infections prothétiques) 42 (39 infections prothétiques) 11 (dont 8 touchant la crosse aortique) 25
14 % (3/22) Greffe extra-anat. : 66 % (2/6) in situ : 75 % Chirurgie urgente : 74 % Chirurgie réglée : 75 % 36 % 21 % 5% 6% 20 % 14 % 11 %
Arterial allograft Arterial allograft Dacron®
12 %
Dacron®
Kieffer et al. (16) Teebken et al. (15) Malouf (24) Hsu (25)
Dacron® Dacron® Dacron® Arterial allograft
Traitement des anévrysmes infectieux : chirurgie classique ou traitement endovasculaire ?
Chez certains patients à culture négative, l’étiologie infectieuse est déduite de l’histoire de la maladie (17, 24). Dans ces cas, le risque de récidive infectieuse semble moins probable que lorsque l’anévrysme est situé dans un environnement purulent ou à proximité des structures infectées (ostéomyélite). Enfin, la « classique » faible survie des patients présentant un anévrysme mycotique à Salmonella n’a pas été confirmée dans la série de Hsu et al. (25) où aucun décès à distance n’est rapporté chez 14 patients suivis. La surveillance biologique à long terme associe numération formule sanguine (leucocytose), VS et CRP. Notre attitude, comme celle d’autres auteurs (20), consiste à arrêter le traitement antibiotique après trois mois consécutifs de normalisation des marqueurs biologiques. En résumé : une surveillance annuelle clinique, biologique et radiologique à vie semble licite dans ce contexte. L’IRM ou l’examen tomodensitométrique peuvent être les examens de référence (16, 19), mais également la scintigraphie aux leucocytes marqués (marqueur de l’inflammation) qui semble plus performante pour distinguer un remaniement postopératoire (sérome, hématome, etc.) d’une véritable infection (26, 27).
Traitement endovasculaire Les bons résultats obtenus depuis le début des années 1990 par le traitement endovasculaire, en particulier dans les situations urgentes, expliquent que cette technique soit apparue comme attractive dans la prise en charge de cette pathologie infectieuse (28). En effet, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent (tableau I), les comorbidités souvent associées et les risques opératoires de la chirurgie classique expliquent les résultats encore très moyens de cette approche. En outre, ces séries proviennent d’équipes « expertes » dans ce domaine et parfaitement entraînées à cette chirurgie. Il est probable qu’un certain nombre de ces patients ne soient pas opérés, ou opérés avec des résultats encore moins bons dans d’autres centres. L’approche endovasculaire pose, quant à elle, le problème de l’absence d’excision large et de détersion du champ opératoire infecté. Ce point technique est considéré comme essentiel dans la prise en charge chirurgicale à ciel ouvert car permettant de diminuer le risque de réinfection locale par contamination du greffon implanté. Aussi, le bénéfice potentiel de l’apport miniinvasif des endoprothèses doit-il être comparé au risque probablement supérieur de récurrence infectieuse. Malgré cela, la littérature retrouve un nombre croissant de « case report » et de petites séries de cas rapportant des résultats encourageants (tableau II). Dans la majo-
rité des cas, les patients décrits sont des patients qui ont été considérés comme contre-indiqués à la chirurgie classique par les équipes les prenant en charge. En ce qui concerne le bilan en termes d’imagerie, le meilleur examen nous semble être la tomodensitométrie (TDM). En effet, comme les localisations de ces anévrysmes peuvent être multiples, nous recommandons la réalisation d’une TDM thoraco-abdomino-pelvienne (figs. 1 et 2). Elle est réalisable avec une injection unique de produit de contraste et au cours d’une apnée unique sur les appareils les plus récents. Un triple balayage devrait être utilisé car le rehaussement tardif de la paroi aortique infectée aide au diagnostic de lésion inflammatoire ou infectée. Il permet, en outre, le diagnostic de lésions multiples ou emboliques dans le cas d’emboles septiques associés (rate, foie, reins). Ainsi, Jones et al. (2) rapportent un décès par rupture d’une localisation secondaire non diagnostiquée. En ce qui concerne l’imagerie par résonance magnétique, son usage peut être envisagé, mais avec précaution. En effet, les calcifications pariétales ne sont pas visualisables, et la définition spatiale – moindre qu’en TDM – gêne pour l’évaluation précise d’une éventuelle rupture contenue et des relations de l’anévrysme avec les branches à destinée viscérale dont les rapports précis par rapport aux zones de couverture de l’endoprothèse sont primordiaux. Les différents cas rapportés (tableau II) dans la littérature ne retrouvent pas de différence avec ceux des séries chirurgicales en termes de germes impliqués ou de présentation clinique (des découvertes pauci-symptomatiques aux cas avec rupture initiale). À noter la description de trois cas d’anévrysmes tuberculeux (4749), dont celui illustrant les figures 1 et 2 et utilisant une endoprothèse Talent™ (Medtronic, Minneapolis, États-Unis).
Fig. 1 – Angiographie périopératoire d’un anévrysme infectieux tuberculeux chez un patient de 68 ans.
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Les syndromes aortiques aigus
Fig. 2 – Contrôle par tomodensitométrie postopératoire. La reconstruction 3D montre le contact étroit entre la cavité tuberculeuse et l’endoprothèse.
La mortalité rapportée (tableau II) semble similaire, voire inférieure, à celle décrite après chirurgie classique avec un taux précoce d’environ 10 % qui atteint 20 % à 2 ans. Ces chiffres sont identiques à ceux du travail récent de Kan et al. sur le sujet (55). On peut objecter que probablement seuls les bons résultats sont publiés, mais la même critique est opposable aux séries chirurgicales récentes. En termes de morbidité opératoire, les complications systémiques sont moindres car la mise en place d’une endoprothèse nécessite un abord miniinvasif qui peut, si nécessaire, être réalisé sous anesthésie locale. En outre, elle évite l’utilisation d’une circulation extracorporelle avec l’héparinisation à forte dose et le clampage aortique, ce qui concourt au maintient d’une bien meilleure stabilité hémodynamique au cours de la procédure. Ces différents points rendent théoriquement cette chirurgie moins agressive et permettent une extubation plus précoce et un meilleur contrôle hémodynamique postopératoire, ce qui limite le risque de dysfonction d’organes (rein, foie, cœur) post-implantation ainsi que de complication neurologique (33). Cependant, les comorbidités et la présentation du patient parfois déjà en état de choc expliquent qu’aient été décrites des insuffisances rénales (30, 35), des ischémies coliques (30, 35) ainsi que des cas de paraplégie postopératoire (30). La mise en place et le déploiement de l’endoprothèse dans ce contexte septique sont sans particularité propre, bien qu’aient été rapportées des ruptures per-procédure (2) ainsi que des migrations (35) ou des malpositions responsables d’endofuites de type I (2). Initialement limité à la portion descendante de l’aorte thoracique et aux lésions d’aspect sacciforme, le traitement endovasculaire a élargi récemment ses indications aux régions paraviscérales, que ce soit par com-
binaison avec une chirurgie extra-anatomique associée ou l’utilisation de prothèses fenêtrées (30, 31, 35, 43, 56), voire d’endoprothèses à branches latérales (57). Enfin, et comme en chirurgie, il persiste une controverse sur le meilleur matériel à utiliser. Si quelques auteurs continuent à préférer les endoprothèses « home-made » fabriquées à partir de tubes prothétiques (voire de tissus autologues (30)) et de stents de Gianturco, le plus simple et théoriquement le plus efficace semble être d’utiliser les endoprothèses commercialisées qui seront imprégnées d’antibiotiques (rifampicine ou vancomycine) en per-procédure (35) (l’antibiotique est injecté dans la gaine porteuse de l’endoprothèse quelques minutes avant son utilisation). En pratique, tous les dispositifs actuellement ont été utilisés dans ce contexte infectieux sans qu’une supériorité d’un sur les autres ne se dégage. Ils sont soit en polyester (Dacron®) (Aneurx™, MedtronicZenith™, Cook) soit en polytétrafluoroéthylène (PTFE) (TAG Excluder™, Gore) et le métal soit du nitinol (métal à mémoire de forme), soit à base d’acier inoxydable. La possible supériorité du PTFE sur le Dacron® en termes de capacité de résistance à la colonisation bactérienne (44) n’est pas d’un point de vue clinique scientifiquement prouvée à l’heure actuelle dans ce contexte. Le choix du dispositif comprend évidement sa disponibilité (en cas d’anévrysme rompu), mais aussi sa taille en longueur et sa souplesse qui déterminent sa capacité à atteindre et couvrir toute la zone pathologique. Encore plus que dans la pathologie athéromateuse, le respect de collets d’au moins 2 cm semble primordial pour la durabilité des résultats. En effet, dans ce contexte septique, la fragilisation des parois artérielles
Traitement des anévrysmes infectieux : chirurgie classique ou traitement endovasculaire ? Tableau II – Résultats du traitement endovasculaire des anévrysmes thoraciques et thoraco-abdominaux infectés (inclus un certain nombre de faux anévrysmes infectés).
Nombre de patients
Germes
Résultats-suivi
Semba et al. (29]
3
Madhavan et al. (30) Kinney et al. (31) Krämer et al. (32)
1 1 4
Lepore et al. (33) Ishida et al. (34) Stanley et al. (35) Bell et al. (36) Lamme et al. (37) Stoica et al. (38) Krohg-Sorensen et al. (39)
3 1 4 1 2 1 3
Ting et al. (40) Nishimoto et al. (41) Kotzampassakis et al. (42) Jones et al. (2)
1 1 1
Proteus mirabilis Clostridium septicum Non connu Staphylococcus Escherichia coli Escherichia coli Staphylococcus epidermitis Staphylococcus aureus Staphylococcus aureus Staphylococcus aureus Staphylococcus aureus Streptococcus Staphylococcus aureus Clostridium/Salmonella Salmonella Staphylococcus aureus Streptococcus empyema Streptococcus Salmonella Salmonella Salmonella
Décédé-25 mois (NR*) Vivant-24 mois Vivant-4 mois Vivant-12 mois Décédé-10 mois (NR*) Vivant-34 mois Vivant-9 mois Vivant-12 mois Vivant-7 mois Vivant-suivi <3 ans Décédé-2 jours (R**) Vivant-12 mois Vivant-15 mois Vivant-27 mois Vivant-24 mois Vivant-15 mois Vivant-18 mois Décédé-11 jours (NR**) Vivant-12 mois Vivant-12 mois Vivant-6 mois 2 décès (R*) à 5 et 62 mois
Alpagut et al. (46) Steichen et al. (47) Labrousse et al. (48) Loh et al. (49) Rayan et al. (50) Gonzalez-Fajardo et al. (51) Sayed et al. (52) Lee et al. (53) Jorna et al. (54) Total
1 1 1 1 1 1
Salmonella (n = 2) Streptococcus pneumoniae Non connu (n = 6) Non connu Mycobacterium tuberculosis Mycobacterium tuberculosis Mycobacterium tuberculosis Staphylococcus aureus Salmonella Non connu Enterococcus Streptococcus
Vivants-12, 12, 26 mois Décédé- < 1 mois (R*) Vivant- 6 mois 6 décès R* (13 %) 3 décès NR** (6 %) suivi moyen : 12 mois (1-62)
9
3 1 1 47
Vivant-7 mois Vivant-6 mois Décédé-20 mois (R*) Vivant-6 mois Vivant-7 mois Décédé- < 1 mois (R*)
*NR : décès non relié à l’infection ou à l’endoprothèse ; **R : décès relié à l’échec du traitement endovasculaire.
par l’infection et la réaction inflammatoire environnante doit faire prendre une marge de sécurité probablement supérieure. L’étude attentive de la littérature montre cependant que le suivi moyen des patients atteint à peine 1 an. À l’évidence, ce délai est trop court pour pouvoir parler de guérison même si des cas de diminution de la taille du sac anévrysmal ont été décrits (36, 41). Le terme de stabilisation devrait plutôt être utilisé. Comme Kan
(55), nous retrouvons que l’absence d’éradication du foyer infectieux est prédicteur d’échec du traitement endovasculaire (48), qui doit alors être considéré comme palliatif en l’absence de conversion possible vers la chirurgie classique. Dans ce contexte, la durée optimale de l’antibiothérapie reste inconnue et controversée. En effet, il est bien connu que, même après débridement chirurgical et culture, environ 25 % des anévrysmes mycotiques res-
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Les syndromes aortiques aigus
tent sans germe précis diagnostiqué (2). En outre, au stade du traitement, les hémocultures reviennent négatives dans un nombre de cas significatif (lésion spontanément détergée ou infection « décapitée » par une antibiothérapie à l’aveugle). Ainsi, dans la série de Jones (2), la durée du traitement n’a pas excédé 6 semaines et deux patients n’ont pas reçu d’antibiothérapie au long cours avec cependant des résultats corrects (7/9 survivants). Pour la plupart des auteurs cependant, la durée minimale du traitement devrait être d’au moins 6 mois (35, 38, 40, 42, 43). À notre avis, cette attitude semble devoir être suivie, ce d’autant que le germe a été isolé et permet une antibiothérapie orale au long cours et bien supportée. L’éradication de foyers infectieux locaux ou à distance est bien entendu également un critère important d’arrêt du traitement (48, 55). Enfin, le suivi de ces patients devrait être organisé pour pouvoir les surveiller « à vie ». Nous proposons dans ce contexte un protocole combinant TDM injectée et radiographie sous plusieurs incidences de l’endoprothèse pour vérifier son bon positionnement, son intégrité structurale (rupture de stent), l’évolutivité du sac anévrysmal ± des lésions secondaires ou associées. Parallèlement, une surveillance biologique des marqueurs de l’inflammation (CRP, VS), mais aussi l’utilisation de l’imagerie scintigraphique (26, 27), semblent être pertinentes pour orienter la décision d’arrêt du traitement antibiotique et l’intervalle de surveillance.
Conclusion Le faible nombre de cas rapportés dans la littérature ne permet pas de conclure de manière formelle sur la prise en charge comparée (chirurgie versus traitement endovasculaire) des anévrysmes infectieux. Cependant, le traitement endovasculaire semble être associé à une mortalité et une morbidité opératoire équivalente, voire inférieure au traitement chirurgical classique. Il semble que, sous couvert d’une antibiothérapie efficace et d’une anatomie favorable, un contrôle au moins à moyen terme puisse être obtenu. Les résultats à long terme de la chirurgie sont très bons pour les patients survivants, avec un taux faible de récurrence. À l’opposé, le manque de données à plus de 2 ans de suivi chez les patients traités par endoprothèse reste la limitation majeure de la littérature actuelle pour conclure sur la durabilité de la procédure. Aussi, une approche théorique de la stratégie de prise en charge peut-elle être proposée (fig. 3), avec trois situations principales d’utilisation du traitement endovasculaire : « destination therapy », « bridge vers la chirurgie » et traitement final. En pratique, si le patient n’est pas éligible à la chirurgie classique (que ce soit lié à sa présentation en collapsus où à cause de ses comorbidités), le traitement endovasculaire permettra, de par son caractère mini-
Fig. 3 – Stratégie médico-chirurgicale proposée pour la prise en charge des anévrysmes infectieux.
Traitement des anévrysmes infectieux : chirurgie classique ou traitement endovasculaire ?
invasif, le contrôle immédiat de l’anévrysme. Si ce sont les comorbidités (âge, état cardiaque ou rénal, etc.) qui contre-indiquent la chirurgie classique, il est probable que le geste doive alors être considéré comme « destination therapy ». Dans les autres cas, soit le patient est stabilisé, voire guéri par le traitement endovasculaire et une simple surveillance est réalisée (thérapie finale), soit une conversion est prévue plus ou moins rapidement en cas d’échec ou de non-contrôle de la maladie (bridge). Le choix initial pour un malade éligible aux deux techniques est probablement purement théorique car cet algorythme est, en pratique, à modifier en fonction de l’expérience chirurgicale et endovasculaire des équipes qui prennent en charge ces patients, ainsi que probablement des germes mis en cause et de leur sensibilité, ainsi que des conditions anatomiques locales (longueur des collets en particulier). Pour conclure, l’amélioration de l’arbre décisionnel passe probablement par la création d’un registre international recensant tous les cas pris en charge en s’attachant à distinguer précisément les décisions thérapeutiques initiales (destination thérapie vs bridge vs destination finale), leurs résultats et les causes de passage d’une stratégie vers une autre. Seul ce type d’étude permettra en effet de confirmer les éléments initiaux de la littérature en faveur du caractère équivalent voire supérieur du traitement endovasculaire.
Remerciements Nous remercions le Dr M.C. L’Hortolary pour la relecture attentive et les corrections apportées à ce document.
POINTS ESSENTIELS Dans ce chapitre, les auteurs comparent les résultats publiés des deux alternatives thérapeutiques pour les anévrysmes mycotiques : le traitement chirurgical et le traitement endovasculaire.
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Partie 4
Plaques aortiques emboligènes
Chapitre
Prise en charge de la plaque aortique emboligène
24
I. Abouliatim, B. de Latour et A. Leguerrier
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 Pathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 Aspect anatomopathologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 Imagerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 Aortographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 Échocardiographie transthoracique . . . . . . . . . . . . . . . . . 238 Échocardiographie transœsophagienne . . . . . . . . . . . . . 238 Scanner multi-barrettes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238 IRM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238 Principes du traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238 Traitement chirurgical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238 Traitment médical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
Introduction Les plaques athéromateuses de l’aorte représentent une pathologie très fréquente notamment chez le sujet âgé. Si, habituellement, elle reste asymptomatique, elle peut faire l’objet de complications notamment par un phénomène de thrombose associée, à l’origine de complications emboliques voire de complications obstructives. La thérapeutique de fond est avant tout médicale basée sur des traitements antiagrégants et anticoagulants. La chirurgie est indiquée en cas de complication ou en cas de risque embolique particulier.
Définition C’est une lésion d’artériosclérose ayant un diamètre supérieur à 4 mm ou des ulcérations supérieures à 2 mm hypoéchogènes (4). On peut différencier deux groupes : les thrombus principalement formés de caillots mobiles et des plaques ulcériques calcifiées pouvant se rompre. La conséquence de cette lésion est l’embole cérébral, digestif, rénal ou des membres inférieurs et supérieurs.
Aspect anatomopathologique C’est l’association d’une artérothrombose aortique et d’une sclérose composée de lipides en son centre. Les plaques sont irrégulières ou non, mobiles ou non, leur évolution est imprévisible, elles peuvent se fissurer, s’ulcérer ou augmenter de taille et/ou se calcifier. Un cas particulier est à signaler concernant les traumatismes aortiques. Moins d’une dizaine de cas ont été publiés en littérature (5). La prévalence du thrombus mobile de l’aorte thoracique est comprise entre 1 et 10 % en fonction du type d’accident (3). Récemment, en 2004, Meissner et al. (6) ont montré que sur 588 patients explorés par échocardiographie transœsophagienne (ETO), les plaques complexes (> 4 mm ou mobile) étaient présentes dans 7,6 % des cas. Parmi ces derniers, 0,2 % étaient situés sur l’aorte ascendante, 2,2 % sur la crosse aortique et 6 % sur l’aorte descendante.
Imagerie Pathologie Aortographie Cette pathologie est rare et intéresse surtout le sujet âgé (en moyenne 70 ans) (1). Sa localisation peut toucher toute l’aorte ; toutefois, l’aorte transverse et isthmique est la localisation la plus fréquente (2, 3).
En raison des manipulations endovasculaires, il y a un risque emboligène très important et cet examen n’est plus recommandé actuellement.
238
Les syndromes aortiques aigus
Échocardiographie transthoracique C’est un premier examen de débrouillage, surtout pour la crosse aortique. La limite de cet examen a été fixée à bien apprécier l’aorte descendante.
Échocardiographie transœsophagienne C’est l’examen de référence depuis 1990 (1, 7, 8). Toute l’aorte peut être visualisée jusqu’au diaphragme, mis à part une zone aveugle du fait de l’interposition de la trachée mais les sondes multi-plans permettent de résoudre ce handicap. Cet examen permet de décrire le thrombus (mobilité et dimension) et de voir l’ulcération, les plaques athéromateuses ainsi que les calcifications. Tous les paramètres morphologiques (thrombus, mobilité, ulcération) sont bien décrits (9). Une zone est particulièrement intéressante à explorer ; en effet, le ligament artériel est le siège fréquent de trombus menaçant : six fois sur 10 pour Choukroun (3). Il est important de refaire cet examen – surtout si une décision chirurgicale est prise – la veille de l’intervention pour vérifier que le trombus n’a pas disparu.
Scanner multi-barrettes Il permet de localiser précisément les lésions et d’avoir un aspect d’ensemble de l’aorte thoraco-abdominale. Dans les années 2000, le scanner était considéré comme moins performant que l’ETO mais il s’agissait alors de scanners d’ancienne génération. Actuellement, les scanners à 32 voire 64 barrettes sont aussi performants, voire supérieurs, à l’ETO, mais il n’y a à ce jour aucune étude le démontrant (figs. 1 et 2).
Fig. 2 - Même patient. Coupe horizontale montrant l’adhérence à la paroi postérieure de l’aorte.
Il faut toutefois se méfier des faux positifs en raison de turbulences simulant de fausses images de thrombus (2). L’avenir est à l’association scanner et Pet (tomographie d’émission par positron) pour identifier les plaques instables, les études sont en cours (10, 11).
IRM Cet examen est recommandé dans l’insuffisance rénale aiguë ou lors d’allergie à l’iode (12). Il sous-estime les plaques par rapport à l’ETO (13). Toutefois, il peut être intéressant pour contrôler la progression ou la régression de la plaque aortique (14).
Principes du traitement Il n’y a rien de codifié dans la prise en charge thérapeutique des plaques athéromateuses emboligènes de l’aorte. La prise en charge thérapeutique a pour but de limiter les complications emboliques, cérébrales et périphériques liées à cette pathologie.
Traitement chirurgical
Fig. 1 - Coupe axiale montrant les rapports du thrombus avec l’aorte isthmique. Thrombus aortique emboligène chez un homme de 65 ans, siégeant au niveau de la crosse de l’aorte ayant provoqué une ischémie aiguë du membre supérieur gauche et des deux membres inférieurs.
La chirurgie doit être réservée en cas d’échec du traitement médical, compte tenu de la lourdeur du geste, mais également des cas de récidives constatés après chirurgie (15). Certains auteurs conseillent la chirurgie surtout chez les sujets jeunes présentant un thrombus volumineux menaçant lorsqu’il existe, de surcroît, des épisodes multiples d’accidents vasculaires emboliques (9, 16). La voie d’abord dépend de la localisation de la plaque d’athérome. La sternotomie médiane avec un arrêt circulatoire court est réservée à des atteintes de
Prise en charge de la plaque aortique emboligène
l’aorte ascendante, horizontale ou isthmique. La thoraco-phréno-laparotomie est réservée aux plaques intéressant l’aorte thoracique descendante. En tout état de cause, il convient de compléter le traitement chirurgical par une anticoagulation dont le seuil reste à déterminer (15) et une surveillance radiologique stricte par ETO et IRM doit être réalisée tous les 3 mois pendant un an. La place du traitement endovasculaire est évoquée chez les patients présentant des récidives emboliques, le but est alors d’exclure les lésions du flux sanguin mais l’indication tient avant tout à une anatomie favorable et doit bien entendu être réservée à des équipes entraînées. Cette option n’est valable que lorsque la plaque menaçante est clairement ciblée et restant localisée, ce qui est l’exception concernant cette pathologie diffuse (17).
Traitement médical Il n’y a à ce jour pas d’essai thérapeutique contrôlé des anticoagulants permettant de donner des recommandations claires. Néanmoins, ce qui est admis par tous est de prodiguer un traitement lorsque la plaque présente une épaisseur de 4 ou 5 mm. L’importance de l’imagerie pour la caractérisation de la plaque semble être la première étape indispensable à un traitement médical qui reste à ce jour empirique. En effet, comme cela était déterminé pour les lésions carotidiennes, la notion de la plaque à risque conditionne la nature du traitement médical à délivrer. Une plaque épaisse (supérieure à 4 ou 5 mm), irrégulière et peu calcifiée, présente un risque relatif embolique supérieur à une plaque peu épaisse, lisse et calcifiée (18). Bien entendu, ce risque relatif est potentialisé par d’autres facteurs de risques emboliques tels qu’une FA, une hypercoagulabilité liée à un taux élevé de fibrinogène, d’homocystéine (19, 20) ou à la présence d’anticoagulants lupiques et une dyslipidémie associée surtout chez les patients présentant une hypercholestérolémie familiale. Les anticoagulants peuvent être délétères si la plaque est peu calcifiée et régulière du fait de l’effet antithrombotique qui potentialise la fragmentation de la plaque à risque (21). Dans ce cas précis, les antiagrégants sont recommandés. En revanche, les bénéfices d’un traitement anticoagulant existent lorsqu’il s’agit d’une plaque épaisse et mobile (22), les statines pourraient, par leur effet antiplaquettaire, réduire les événements emboligènes (23). Le traitement préventif par dépistage systématique des plaques à risque tient donc toute sa place, surtout lorsqu’il existe des complications cérébrales ou périphériques d’allure embolique.
Les moyens d’imagerie dont on dispose actuellement, incluant la reconstruction tridimensionnelle, devraient nous permettre d’identifier les groupes de patients à très haut risque chez lesquels la prévention doit être la priorité.
Conclusion Le rôle des plaques aortiques emboligènes est maintenant bien établi dans la survenue d’embole central ou périphérique surtout chez le sujet âgé. Actuellement, le traitement médical (anticoagulant ou antiagrégant) probablement associé à une statine reste la première option. Le traitement chirurgical est réservé aux événements à répétition ou aux situations extrêmement menaçantes pour des sujets en bon état général, car ce type d’intervention reste encore lourd. La prise en charge endo-vasculaire trouve peut être sa place, mais les études sont peu nombreuses. Toutefois, il n’existe toujours pas d’étude randomisée pour définir de façon claire la place de chaque type de traitement dans la prise en charge de cette pathologie.
POINTS ESSENTIELS 1. Les plaques aortiques peuvent survenir sous
deux formes cliniques : le thrombus formé de caillots mobiles ou la plaque ulcérée menaçant de rupture. Le principal risque reste l’embolie systémique. Cette pathologie intéresse surtout les personnes âgées et touche fréquemment l’aorte transverse et isthmique. 2. L’échocardiographie transœsophagienne reste l’examen de référence, facile et rapide, permettant de localiser la plaque et d’apprécier ses dimensions. Cet examen est complété par le scanner multi-barrettes de plus en plus performant. 3. Le traitement chirurgical est préconisé lors de l’échec d’un traitement médical bien conduit. Il reste réservé aux sujets jeunes présentant un volumineux thrombus et/ou lorsqu’il existe des épisodes d’embolie systémique multiples. Ce traitement est toujours complété par un traitement anticoagulant. Le seuil de 5 mm ainsi que les caractéristiques morphologiques de la plaque conditionnent la nature du traitement médical. En effet, lorsque la plaque est régulière et peu calcifiée, un traitement antiagrégant est préféré. Le traitement endovasculaire peut être préconisé en cas d’anatomie favorable et lorsque la plaque est localisée et menaçante de migration.
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Les syndromes aortiques aigus
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Partie 5
Fissuration et rupture d’AAA
Chapitre
Fissuration et rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale : traitement endovasculaire
25
P. Desgranges, H. Kobeiter, J.-M. Alsac, J. Marzelle, E. Allaire, M. Majewski, A. Krimi, P. Maison, F. Schneider, N. Louis, M. Quintin, Y. Castier et J.-P. Becquemin
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243 Formation des équipes au traitement endovasculaire . . . . . 243 Sélection des patients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244 Appréciation de l’état hémodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . 245 Évaluation de la morphologie des AAIR . . . . . . . . . . . . . . . . . 245 Faisabilité endovasculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246 Transfert au bloc opératoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246 Prise en charge par l’équipe d’anesthésie . . . . . . . . . . . . 246 Prise en charge par l’équipe chirurgicale en vue du traitement endovasculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247 Suites opératoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249 Mortalité postopératoire immédiate . . . . . . . . . . . . . . . . 249 Taux de mortalité à 30 jours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249 Morbidité postopératoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249 Réflexions pour l’avenir : vers l’étude randomisée ECAR . . 251 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
Introduction La rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale ou de l’artère iliaque (AAIR) est grevée d’un taux de mortalité spontané de plus de 80 % (1). La « mise à plat greffe chirurgicale » de l’anévrysme est le traitement de référence des AAIR mais le taux de mortalité de cette intervention rapporté par une méta-analyse sur 171 études compilées depuis 1955 est de 48 % (2). Le traitement endovasculaire s’est avéré un traitement faisable et une méthode efficace (3-5) dans le traitement des anévrysmes aorto-iliaques asymptomatiques. Il apporte en outre une diminution des transfusions périopératoires, une diminution de la morbidité et de la mortalité à 30 jours par rapport à la chirurgie conventionnelle (CC) (6, 7). Concernant les AAIR, le traitement endovasculaire présente l’énorme intérêt de réaliser l’hémostase sans nécessiter le recours à une laparotomie et un clampage aortique. Le premier cas d’anévrysme rompu traité avec succès par une endoprothèse a été rapporté par l’équipe du Montefiore
Hospital à New York en 1994 mais la même année, c’est équipe de B. Hopkinson à Nottingham qui en fit la première publication (8). Depuis 1994, le traitement endovasculaire AAIR a fait son chemin et plusieurs groupes se sont joints dans cette entreprise. Dans une étude prospective récente, nous avons montré que la mortalité à 30 jours du traitement endovasculaire des AAIR était de 23,5 % (9). Une récente étude de la « Cochrane Database » (10) a colligé un total de 891 AAIR traités par endoprothèse. Cette étude conclut que le traitement endovasculaire est faisable dans un groupe d’AAIR sélectionné. Par rapport à la CC, le traitement endovasculaire des AAIR entraîne une diminution du taux de mortalité précoce à 18 % (extrêmes 0-53 %), une réduction des pertes sanguines, de la durée d’hospitalisation en soins intensifs et des complications postopératoires précoces. Dans cet article, les modalités actuelles de prise en charge endovasculaire des AAIR seront discutées.
Formation des équipes au traitement endovasculaire La formation des équipes et les problèmes de logistique qu’implique la circulation rapide du patient d’un site à l’autre représentent les obstacles principaux rencontrés à la mise en route du traitement endovasculaire des AAIR. Ce traitement en urgence nécessite la présence d’une équipe expérimentée d’infirmières, de chirurgiens, d’anesthésistes et de radiologues aux procédures endovasculaires et chirurgicales conventionnelles. On observe que le nombre et l’expertise des opérateurs endovasculaires s’accroissent avec le temps, et devraient rapidement permettre de disposer d’équipes compétentes disponibles 24 h/24, pour ne plus voir récuser un patient pour le motif d’« indisponibilité d’opérateur entraîné ».
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Les syndromes aortiques aigus
Sélection des patients En raison de la faiblesse du recrutement de la plupart des centres avec une moyenne de dix patients par an, certaines équipes chirurgicales ont décidé d’inclure dans leurs séries des AAI symptomatiques, mais non rompus. L’inclusion de ces cas permet d’augmenter le nombre de cas traités en urgence par méthode endovasculaire mais permet aussi, grâce à un taux de mortalité postopératoire moyen de 10 %, d’améliorer artificiellement les statistiques. Dans cet exposé, seuls les AAIR seront pris en compte. Il n’existe actuellement pas de consensus parmi les chirurgiens permettant de déterminer quel patient présentant un AAIR devrait bénéficier d’une intervention (11). La plupart d’entre eux opèrent une sélection, parfois drastique, pouvant aller jusqu’à ne proposer une intervention qu’à seulement 1 patient sur 3 ayant atteint l’hôpital vivants (12). Certains scores prédictifs de mortalité existent et ont été validés rétrospectivement, mais leurs résultats ne sont en général disponibles qu’une fois l’intervention terminée (13). Beaucoup des premiers traitements endovasculaires d’AAIR ont été réalisés à titre compassionnel sur des groupes de patients récusés pour la CC en raison de co-morbidités
majeures, et d’une faible espérance de survie (14). Reste à déterminer si ces scores seront toujours valides chez les patients traités par endovasculaire. Dans notre institution, le premier cas d’AAIR traité par endovasculaire a été réalisé en janvier 2001 en raison de circonstances favorables : une stabilité hémodynamique, une anatomie favorable, et la disponibilité du matériel et opérateurs entraînés. Après cette date, le traitement endovasculaire a été effectué dès « qu’il était réalisable » c’est-à-dire lorsque quatre conditions étaient réunies : 1. conditions hémodynamiques stables après réanimation permettant la réalisation d’un angioscanner ; 2. à l’angioscanner, l’anatomie favorable de l’AAIR au traitement endovasculaire ; 3. disponibilité d’un chirurgien expérimenté en techniques endovasculaires ; 4. présence d’une endoprothèse adaptée à la morphologie du patient. Dans les autres cas (grande instabilité hémodynamique, anatomie non favorable, non-disponibilité du matériel ou d’un opérateur entraîné), une CC a été effectuée selon la technique de référence : la mise à plat greffe de l’AAIR. Cet algorithme thérapeutique de la prise en charge des AAIR est résumé dans la figure 1.
Fig. 1 – Algorithme de prise en charge des AAIR dans notre institution depuis 2001.
Fissuration et rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale : traitement endovasculaire
Appréciation de l’état hémodynamique La première étape de la prise en charge des AAIR est basée sur l’évaluation hémodynamique du patient par les anesthésistes. L’instabilité hémodynamique n’empêche pas l’utilisation de la technique endovasculaire mais la majorité des AAIR traités par endovasculaire dans la littérature présentaient une stabilité hémodynamique (pression artérielle systolique > 80 mmHg), sans arrêt cardiaque. La plupart des patients traités par CC ont été écartés du traitement endovasculaire en raison d’instabilité hémodynamique grave qui exigeait un contrôle de l’hémorragie immédiat, et ne permettait pas de réalisation d’un angioscanner. D’après notre expérience, ils représentent 20 % des patients ayant un AAIR rompu. Certains auteurs comme Veith préfèrent une limite inférieure de la pression artérielle à 50 mmHg et garder une hypotension hémostatique. Nous pensons que la pression artérielle doit être maintenue plus de 80 mmHg sans le concours de drogues vasoactives pour éviter une ischémie cardiaque, splanchnique, rénales et cérébrale. Dans le cas contraire, un « direct-au-bloc » est indiqué afin de clamper l’aorte au plus vite par CC. Cette situation ne s’est présentée que dans huit cas sur une série consécutive de 37 AAIR (22 %), représentant 40 % des indications de CC.
Évaluation de la morphologie des AAIR En préopératoire, un angioscanner spiralé de l’aorte thoracique à l’artère fémorale commune est recommandé avant un traitement endovasculaire si le patient est stable hémodynamiquement. Il permet non seulement le diagnostic positif de rupture de l’AAIR, mais est aussi utile pour évaluer la morphologie de l’AAIR afin de poser l’indication du traitement endovasculaire, et de prévoir les mensurations de l’endoprothèse à utiliser. Une endoprothèse inadaptée peut entraîner des fuites ou entraîner une conversion qui est associée à une mortalité élevée dans la plupart des études. La morphologie de l’AAIR est appréciée sur des coupes axiales, par le radiologue et le chirurgien. Les critères anatomiques retenus comme favorables à la mise en place d’une endoprothèse sont un collet proximal aortique supérieur à 15 mm, un diamètre proximal du collet aortique inférieur à 32 mm, une absence d’angulation du collet aortique supérieure à 90° et des artères iliaques perméables sans rétrécissement ou tortuosité sévère. Une fois posée l’indication de traitement endovasculaire sur les critères hémodynamiques et morphologiques, celui-ci ne peut être entrepris qu’en cas de
disponibilité d’un opérateur expérimenté aux techniques endovasculaires, et de l’ensemble du matériel endovasculaire nécessaire à la procédure au bloc opératoire. Toutefois, il peut être judicieux d’envisager des critères anatomiques moins stricts chez les patients ayant un AAIR, en particulier ceux avec des collets infrarénaux larges. Le traitement endovasculaire électif des AAA à collets larges n’a pas été associé à une incidence accrue de fuites proximales (15). Une application stricte des critères imposés par l’industrie trop prudente est tout à fait justifiée en électif, mais semble restrictive dans le traitement en urgence des AAIR. Afin de gérer en endovasculaire une proportion plus élevée d’AAIR, un élargissement des critères peut être envisagé comme un collet sous-rénal de 10 mm, voire la couverture d’une artère rénale. Un rapport d’Adam suggère que le diagnostic clinique d’AAIR est suffisant pour conduire le patient au bloc opératoire (16). Cependant, la confirmation de la présence d’un AAIR associé à une rupture par le scanner semble primordiale pour assurer le diagnostic positif avant une procédure endovasculaire, et exclure tout autre diagnostic différentiel de pathologie intra-abdominale (17). Willmann et al. ont établi que les reconstructions en trois dimensions de scanner spiralé pouvaient permettre de réunir les données suffisantes au choix de la taille de l’endoprothèse en cas d’AAIR (18). Cependant, ces reconstructions peuvent encore prendre un temps précieux, et la plupart des centres expérimentés se contentent d’images de scanner en coupes axiales fines pour établir le profil de l’endoprothèse à utiliser. D’autres techniques d’imagerie comme l’angiographie par résonance magnétique (ARM) ont prouvé leur efficacité à froid mais n’ont pas encore été testées en cas d’AAIR rompu (19). L’ARM est encore rarement disponible en urgence, et nécessite souvent un plus long temps d’acquisition et d’interprétation. L’échographie ne représente pas un examen fiable dans la détection de la rupture d’un AAIR, et n’a pas été validée dans le bilan préopératoire morphologique des AAI à froid (20). L’artériographie peropératoire de calibration (APC) semble séduisante car elle éviterait le délai préopératoire nécessaire à la réalisation du scanner. Cependant, il nous semble plus difficile de déterminer précisément la taille de l’endoprothèse à utiliser, car cet examen, contrairement au scanner, ne révèle pas le thrombus ou les plaques athéromateuses pouvant être présentes sur les zones de fixation. Dans les séries de traitement endovasculaire électif, l’APC seule ne semble permettre de prévoir la taille correcte de l’endoprothèse que dans 60 % des cas. Cette attitude doit donc être réservée à des cas exceptionnels de patients en instabilité hémodynamique contre-indiquant le délai du scanner, mais
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permettant la réalisation d’une APC dans le but de poser, au bloc opératoire, l’indication du traitement endovasculaire (21). La rapidité d’exécution du scanner est un point critique pour le bon déroulement de la prise en charge. Une étude récente de Lloyd et al. (22) présente l’observation de 56 patients ayant un AAIR non traité. Leur survie médiane sans traitement était de 10 heures, avec plus de 85 % de survivants après 2 heures d’observation. Cela suggère que la plupart des patients arrivés en vie à l’hôpital ont déjà subi un processus d’autosélection. Dans notre étude, le scanner spiralé était obtenu avec un délai moyen de 43 minutes, ce qui représente une amélioration comparée aux résultats publiés il y a une dizaine d’années de 63 minutes pour réaliser un scanner aortique en urgence (17). Ce temps de transit du patient par le scanner est souvent utile à la préparation de la salle du bloc opératoire, permettant un gain de temps par la suite durant l’intervention. Ainsi, si un scanner peut être obtenu rapidement, la grande majorité des patients supporteront bien cet examen, qui est indispensable pour optimiser l’efficacité du traitement endovasculaire. Ce scanner doit néanmoins être lu en moins de 10 minutes, ce qui nécessite une grande habitude et une parfaite collaboration entre les équipes chirurgicales et radiologiques.
Faisabilité endovasculaire Sur le total des 37 patients, 27 (73 %) présentaient rétrospectivement des critères morphologiques d’AAIR requis pour un traitement endovasculaire. Mais parmi les 29 patients chez qui a pu être réalisé un scanner préopératoire, 22 présentaient une anatomie favorable à la mise en place d’une endoprothèse. Le taux de faisabilité sur des critères hémodynamiques et morphologique était donc de 59 %. Seulement 17 patients (46 %) ont pu bénéficier d’un traitement endovasculaire, en raison de l’absence de disponibilité d’un opérateur et/ou de matériel endovasculaire adapté. Dans la littérature, les taux de faisabilité anatomiques s’échelonnent de 34 à 100 % (10).
Transfert au bloc opératoire Prise en charge par l’équipe d’anesthésie Pendant la mise en place de voies veineuses de gros calibre, d’une sonde urinaire et d’un monitorage sanglant de la pression artérielle (cathétérisme de l’artère
radiale), le remplissage vasculaire est débuté. Son objectif est d’éviter les à-coups tensionnels et de maintenir une pression artérielle aux alentours de 80 mmHg avant la pose de l’endoprothèse. L’induction d’une anesthésie générale pour un traitement chirurgical conventionnel d’un AAIR est souvent associée à une chute tensionnelle. L’anesthésie locale peut permettre d’éviter ces variations hémodynamiques majeures. La faisabilité du traitement endovasculaire des AAI à froid sous anesthésie locale est bien établie (23). Dans l’étude de l’équipe de Zurich, l’infiltration inguinale bilatérale à la lidocaïne semblait efficace, et ne nécessitait une conversion en anesthésie générale pour un élargissement de l’exposition que dans 11 % des cas. Dans la série de Lachat et al., 15 patients sur 21 (71 %) traités par endoprothèses bifurquées pour AAIR ont pu l’être complètement sous anesthésie locale. Seuls deux patients sur les 17 (12 %) de notre série ont été traités sous anesthésie locale. En effet, dans notre expérience initiale, ces patients sous anesthésie locale paraissaient très agités, en raison de douleurs violentes dues à la rupture aortique, qui semblaient exacerbées par les manipulation endovasculaire intraaortiques. Plus tard dans la procédure, l’ischémie des membres inférieurs (résultant de l’occlusion des fémorales communes) s’ajoutait à l’inconfort du patient. Une anesthésie locale inguinale ne permet pas de soulager totalement le patient qui subit d’autres douleurs que celles infligées par l’exposition des artères fémorales. Une analgésie inadaptée entraîne des réponses physiologiques nuisibles au bon déroulement de l’intervention, et des artefacts à l’imagerie dus aux mouvements intempestifs du patient. De plus, l’utilisation croissante d’endoprothèses aorto-uni-iliaques chez ces patients s’accompagne d’une augmentation de la réalisation de pontages croisés inter-fémoraux, dont la tunnélisation impose souvent une conversion en anesthésie générale. Alors que, dans leur expérience, les équipes de Nottingham et de Eindhoven débutent sous anesthésie locale avec sédation légère, puis convertissent en anesthésie générale pour le déploiement de l’endoprothèse et la réalisation du pontage croisé, nous préférons réaliser l’ensemble de l’intervention sous anesthésie générale (88 % des cas). Cela nous semble améliorer le confort du patient, stabiliser son comportement hémodynamique durant l’intervention, et le protéger de souffrance myocardique. De plus, l’anesthésie générale améliore aussi le confort de l’opérateur, puisqu’elle limite les artefacts au cours des procédures endovasculaires sous scopie, et permet ainsi le déploiement plus rapide et plus précis de l’endoprothèse.
Fissuration et rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale : traitement endovasculaire
Prise en charge par l’équipe chirurgicale en vue du traitement endovasculaire Les deux trépieds fémoraux sont généralement abordés chirurgicalement et les artères fémorales communes disséquées et contrôlées. Les guides et les deux introducteurs étaient mis en place sous scopie. On réalise alors une angiographie à l’aide d’une sonde « pig tail » et d’un injecteur pour visualiser les artères rénales, le collet aortique proximal et les artères iliaques (iliaques primitives, internes et externes). L’endoprothèse est ensuite déployée. Il existe deux types de traitement endovasculaire, soit par prothèse bifurquée, utilisée normalement lors du traitement d’AAIR à froid, soit par montage aorto-mono-iliaque (figs. 2 et 3). En cas
de l’utilisation d’une endoprothèse aorto-mono-iliaque, on réalise ensuite un pontage fémoro-fémoral croisé afin d’assurer la revascularisation du membre inférieur controlatéral. L’ancillaire utilisé en urgence est le même que celui utilisé électivement mais doit être immédiatement disponible, idéalement préparé dans un kit dédié (tableau I). Tableau I – Ancillaire pour traitement endovasculaire d’AAIR.
2 introducteurs 9 F, 10 cm (Terumo™) 2 guides souples angulés 0.035, 150 cm (Terumo™) 1 sonde Vanschie n° 2, 0.035, 5 F, 40 cm (Cook™) 1 guide Lunderquist extra-stiff, 0.035, 2.60 m (Cook™) 1 introducteur14 F, 45 cm (Cook™) 1 ballon Coda (14 F) de 32 mm/40 mm ; 120 cm (Cook™) 1 robinet 3 voies Lipido (Cair™) 2 seringues Luer-lok (BD plastipak™) 1 tubulure de raccord pour injecteur 1 sonde pigtail graduée 5 F, 0.035, 1 m
Choix de l’endoprothèse adaptée
Fig. 2 – A, B : AAA rompu en intra- et rétropéritonéal. C : Mise en place en urgence d’une endoprothèse aorto-uni-iliaque.
Fig. 3 – AAA rompu traité en urgence par une endoprothèse aorto-uni-iliaque. Noter que deux tentatives de pose d’occluder ont été nécessaires dont un ayant migré en para-iliaque G.
Alors que les endoprothèses aorto-aortiques ont été abandonnées dans le traitement des AAIR, l’attention se focalise maintenant sur les endoprothèses à extension iliaque. Les endoprothèses bifurquées paraissent plus physiologiques que les aorto-uni-iliaques et évitent d’avoir recours à un pontage croisé fémoro-fémoral. Au cours du traitement endovasculaire des AAIR, les endoprothèses aorto-uni-iliaques peuvent présenter des avantages. Elles sont utiles pour exclure un anévrysme iliaque controlatéral (24), sont facilement et rapidement déployables (25) et permettent un contrôle hémorragique rapide. En revanche, le pontage interfémoral associé rend souvent indispensable le recours à une anesthésie générale, au moins en fin d’intervention. Bien que, dans notre série, la durée moyenne d’intervention n’apparaisse pas significativement différente entre ces deux types d’endoprothèses, la rapidité du contrôle hémorragique est certainement en faveur des endoprothèses aorto-uni-iliaques. Une prolongation de la durée de cathétérisation du jambage controlatéral des endoprothèses bifurquées, ou des difficultés liées à son déploiement, peuvent entraîner des pertes sanguines significatives. Chez un patient de notre série, l’impossibilité de cathétériser le jambage controlatéral d’une endoprothèse bifurquée a conduit à la dégradation hémodynamique franche du patient qui, malgré un clampage endoaortique et une conversion chirurgicale conventionnelle rapide, a entraîné le décès sur table du patient. Depuis ce cas, toutes les endoprothèses posées dans le service pour AAIR rompu ont été des aorto-uni-iliaques dégressives.
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De nombreuses marques d’endoprothèses proposent donc actuellement des « kits d’urgence », en aortouni-iliaques, offrant une variété suffisante de corps prothétiques et d’extension iliaques pour composer une endoprothèse adaptée à l’anatomie du patient. Une mesure de la longueur aorto-iliaque, et du diamètre au collet aortique, sur les coupes axiales scanographiques semble suffisante pour planifier une endoprothèse aorto-uni-iliaque adaptée. Dans notre expérience, trois diamètres d’endoprothèses (24, 28, 32 mm) ont été posés dans 53 % des cas, avec une surestimation du diamètre du collet aortique de 20 % (« oversizing »). On peut donc concevoir d’avoir toujours en stock ces trois diamètres d’endoprothèse pour faire face à la majorité des morphologies d’AAIR qui se présentent. À l’avenir, une meilleure connaissance des besoins en matériel endovasculaire d’urgence devrait permettre de fournir suffisamment les stocks d’endoprothèses au bloc opératoire, afin de ne plus avoir à récuser un patient pour le motif d’« indisponibilité de matériel ». Une aortographie de contrôle est réalisée avant la fermeture, afin d’éliminer toute endofuite de type I ou III. Les endofuites de type I et III étaient traitées lors de la même intervention si possible. Les endofuites de type II et IV
étaient acceptées. Les endofuites de type II ne devaient être traitées qu’en cas d’expansion de l’anévrysme durant le suivi postopératoire.
Contrôle endovasculaire de la rupture Certains auteurs proposent l’utilisation de ballons occlusifs intra-aortiques, placés par voie fémorale ou humérale (26) afin d’obtenir une hémostase temporaire avant l’exclusion définitive de l’AAIR rompu (27). Malgré la crainte d’une détérioration hémodynamique brutale chez ces patients, seul un ballon occlusif a été inflaté (fig. 4) pour réaliser un clampage intra-aortique lors du premier cas de notre série, avec un bon résultat. Il ne s’est pas avéré nécessaire de renouveler ce geste d’urgence par la suite car nous avons écarté les AAIR instables. Les ballons occlusifs ne sont d’ailleurs pas dépourvus de complications : embolies rénales ou digestives, ruptures aortiques ou iliaques. En situation hémodynamique instable, un déploiement rapide de l’endoprothèse peut permettre un contrôle hémorragique définitif. Cependant, la prise en charge endovasculaire des patients instables passera peut-être par un
Fig.4 – A, B : AAA rompu en rétropéritonéal. C : Mise en place d’un ballon d’endoclampage. D : Mise en place d’une endoprothèse bifurquée.
Fissuration et rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale : traitement endovasculaire
contrôle endovasculaire. Le temps nécessaire pour la mise en place d’un ballon devrait être théoriquement inférieur au temps nécessaire à un clampage aortique d’urgence (moins de 10 minutes). L’expérience montre que ce délai n’est pas toujours respecté en raison de problèmes d’organisation. La préparation d’un kit de clampage d’urgence pourrait permettre à une équipe entraînée de raccourcir la procédure (tableau II). Il est très important de gonfler le ballon en amont d’un introducteur long afin d’éviter sa migration lors du rétablissement de l’hémodynamique. Tableau II – Kit de clampage aortique pour AAIR. - Cathéter IV 64 mm de 18 Gauge (Terumo™) - Guides 0.035, 150 cm souple (Terumo™) - Introducteur 9 F, 10 cm (Terumo™) - Introducteur 45 cm, 12-F(Cook™) - Ballon d’endoclampage reliant 12 F (46 mm) (Medtronic™) - Guides extra-stiff 0.035, 260 cm Lunderquist (Cook™) - Bouteille de 50 cc de produit de contraste - Sonde vertébrale 5 F 1 m (Cordis™) - Seringues 20 cc Luer-lok (BD Plastipak™) - Robinet 3 voies Lipido (Cair™)
Suites opératoires Mortalité postopératoire immédiate Dans notre série publiée, trois conversions de chirurgie endovasculaire en CC ont été nécessaires sur 17 patients (17 %), se soldant à chaque fois par le décès au bloc des patients dans les premières 24 heures : – pour difficulté de cathétérisme du jambage controlatéral d’une endoprothèse bifurquée, entraînant un délais dans l’hémostase de l’anévrysme ; – pour récupérer le système de largage de l’endoprothèse bloqué dans l’aorte ; – pour effectuer l’hémostase chirurgicale d’une endofuite majeure de type I distale non contrôlable en endovasculaire. Ces décès postopératoires immédiats sont dus à des causes propres à la technique endovasculaire, et à l’impossibilité d’assurer rapidement une hémostase. Ces erreurs techniques paraissent perfectibles grâce à l’expérience croissante des opérateurs et à l’amélioration des matériaux utilisés. Donaldson et al. considèrent qu’une cause iatrogène est impliquée dans deux tiers des décès en postopératoire immédiat de la CC (28). Le traitement endovasculaire évite les « dommages collatéraux » souvent
associés à la dissection du collet aortique dans l’hématome intra- ou rétropéritonéal. De plus, la laparotomie entraîne rapidement une hypothermie associée à des troubles de la coagulation, qui augmente les difficultés d’hémostase.
Taux de mortalité à 30 jours Dans notre série publiée, le taux de mortalité à 30 jours était de 23,5 % dans le groupe traitement endovasculaire contre 50 % dans le groupe CC (p = 0,09). Dans le groupe endovasculaire, quatre patients sont décédés dans les 30 jours postopératoires : trois patients dans les premières 24 heures suivant leur intervention, et un patient au 14e jour postopératoire d’une colite ischémique associée à un syndrome de défaillance mutiviscérale. Dix patients sont décédés avant le 30e jour postopératoire dans le groupe CC : cinq dans les premières 24 heures suivant l’opération, un d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë au 13e jour, un d’anoxie cérébrale dans les suites d’une cholécystectomie au 19e jour, un d’un sepsis de prothèse au 24e jour, et un d’ischémie viscérale au 28e jour Le caractère moins invasif du traitement endovasculaire des AAIR à froid sur la physiologie du patient est bien documenté dans la littérature. Son retentissement sur les fonctions cardiaques, respiratoires et rénales, est moindre que celui du traitement chirurgical conventionnel (29, 30). La réduction de la réponse inflammatoire (cytokines) par le traitement endovasculaire présente un intérêt tout particulier dans le cas des AAIR (31). Les cytokines sont impliquées dans le développement de défaillances multiviscérales survenant dans les suites de la chirurgie aortique (32). Et la défaillance multiviscérale est une cause essentielle de mortalité dans les suites opératoires à moyen terme des AAIR (33).
Morbidité postopératoire Ischémie viscérale Un patient du groupe endovasculaire et trois patients du groupe CC ont présenté une ischémie digestive postopératoire, entraînant le décès pour trois d’entre eux. Les patients avec une hypotension préopératoire sont davantage susceptibles de développer une ischémie colique dans les suites d’une chirurgie aortique conventionnelle (34). Le traitement endovasculaire des AAIR à froid semble moins se compliquer de colite ischémique que le traitement chirurgical conventionnel (35). Certains auteurs suggèrent qu’une, voire les deux artères hypogastriques, peuvent être couvertes sans risque par une endoprothèse (36, 37). Ces observations portaient sur de petites séries de patients traités de
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façon élective, et rien ne semble confirmer ces résultats en cas d’AAIR. Le seul cas d’ischémie colique dans le groupe ENDO avait subi une couverture par l’endoprothèse de l’hypogastrique gauche. Il faut par ailleurs noter que l’équipe du Montefiore Hospital utilise une endoprothèse « home-made » aorto-uni-iliaque qui impose la couverture systématique de l’hypogastrique homolatérale. Ils n’ont pas mis en évidence une incidence plus élevée d’ischémie colique après couverture en urgence de l’hypogastrique homolatérale. Cependant, l’équipe de Leicester a montré une incidence de 40 % de claudication fessière après traitement à froid d’AAIR avec cette même endoprothèse (38). La conservation autant que possible de la vascularisation hypogastrique nous apparaît donc recommandée dans le traitement endovasculaire des AAIR, surtout dans le cas d’AAIR, où le risque d’ischémie digestive est majeur. Le traitement endovasculaire présente une morbidité propre en rapport avec sa technique.
Syndrome compartimental Le syndrome compartimental abdominal se complique souvent de défaillance multiviscérale (39), reconnue comme la cause principale de mortalité des patients traités par CC pour un AAIR. Afin de prévenir le syndrome compartimental intra-abdominal, certaines équipes préconisent même de différer la fermeture de l’abdomen après traitement chirurgical conventionnel des AAIR (40). Le nouveau problème lié à la nature mini-invasive du traitement endovasculaire des AAIR est que l’absence d’ouverture de l’abdomen risque d’accroître la pression intra-abdominale par persistance de l’hématome rétropéritonéal. Cela devrait entraîner davantage de syndromes compartimentaux dans les suites opératoires immédiates. Cependant, un rapport récent montre qu’une augmentation de la pression intra-abdominale n’entraîne pas toujours de syndrome compartimental (41). De plus, le drainage de l’hématome rétropéritonéal n’est pas systématique au cours de chirurgie ouverte conventionnelle (42). Un patient de notre série a toutefois nécessité une reprise chirurgicale par voie rétropéritonéale, au premier jour postopératoire, pour évacuation d’un volumineux hématome et décompression abdominale. Ce patient était devenu anurique avec une défaillance hémodynamique ne répondant plus à une réanimation adaptée, associée à une pression intra-abdominale supérieure à 25 mmHg. Ces troubles ont été améliorés immédiatement après décompression chirurgicale de l’abdomen.
Endofuites et récidives de rupture L’endofuite est un terme générique qui décrit « l’impossibilité d’obtenir ou de maintenir une fixation satis-
faisante entre la paroi aortique et l’endoprothèse implantée dans l’AAIR (43). L’endofuite de type I (au site de fixation) et celle de type III (au site de jonction de la prothèse modulable) sont des facteurs de risques significatifs de rupture tardive des AAIR (44). Leurs conséquences en présence d’un sac anévrysmal rompu ne sont pas encore bien documentées. Nous décrivons deux cas d’endofuites de type I dans le suivi des patients du groupe endovasculaire. L’une était contenue et a pu être traitée à froid par technique endovasculaire. Mais l’autre s’est compliquée d’une récidive de rupture et mérite une attention particulière. Lorsque ce patient s’est présenté la première fois en urgence, il semblait être un bon candidat au traitement endovasculaire, du fait de sa stabilité hémodynamique et de la morphologie favorable de son AAIR. De plus, ses antécédents de chirurgie aortique et d’abdomen hostile nous l’ont fait considérer comme un patient à risque pour la CC. C’est pourquoi nous avons décidé de traiter ce patient par endovasculaire, bien qu’aucune endoprothèse adaptée n’ait été disponible en urgence, au moyen d’un convecteur Cook Trifab (habituellement prévu pour convertir une endoprothèse bifurquée en aorto-uni-iliaque). Même si ce traitement a permis l’exclusion satisfaisante à court terme du faux anévrysme, il n’aurait pas dû être considéré comme définitif, et aurait dû faire l’objet d’un traitement complémentaire avant la sortie du patient. Il paraît donc important de garder à l’esprit que, même une fois exclu, l’AAIR rompu est toujours un sac perforé dans le rétropéritoine. Dans ces conditions, la moindre défaillance de l’endoprothèse, telle qu’une migration ou une endofuite de type I, peut conduire immédiatement à une « rerupture », et exposer à nouveau le patient à un fort risque de morbidité et de mortalité. Enfin, même si ce cas présente un échec technique du traitement endovasculaire, conduisant à une récidive de la rupture et à une réintervention endovasculaire, ce patient a finalement survécu à deux reprises à un AAIR rompu en abdomen hostile. Cette expérience prouve que le traitement endovasculaire des AAIR doit être réalisé initialement de la façon la plus satisfaisante possible, afin d’éviter toute défaillance technique même tardive conduisant à la « rerupture ». Cela est parfois difficile à réaliser dans un contexte d’urgence, et peut nécessiter une intervention complémentaire à froid, une fois l’hémorragie maîtrisée et le matériel adapté rendu disponible. À l’inverse, les endofuites de type II sont considérées comme bénignes et à faible risque de rupture anévrysmale (45). Leur histoire naturelle est aussi mal connue dans les AAIR. Nous ne recensons aucune endofuite de type II dans cette série de patients traités pour AAIR. L’équipe de Zurich décrit pourtant un taux de 20 %
Fissuration et rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale : traitement endovasculaire
d’endofuite de type II tardives, toutes accompagnées de résorption de l’hématome rétropéritonéal, et aucune associée à une expansion ou une rupture de l’AAIR.
Conversions en CC Les trois complications peropératoires dans le groupe endovasculaire ayant nécessité une conversion en CC se sont soldées par un taux de mortalité à 30 jours de 100 %. Dans la littérature, la mortalité associée à la conversion des AAIR à froid dépasse 20 % (46). Les trois conversions ont été nécessaires pour une endofuite distale massive, une difficulté de cathétérisation de jambage retardant l’hémostase, et l’impossibilité de retirer le système de largage de l’endoprothèse.
Réflexions pour l’avenir : vers l’étude randomisée ECAR Les résultats du traitement endovasculaire des AAIR présentés sont ceux d’un centre pionnier en France, déjà riche d’une grande expérience endovasculaire. Comparables à ceux d’autres séries de la littérature récente, ils sont très encourageants, et peuvent être considérés suffisants par les « endo-enthousiastes » pour faire la preuve de l’efficacité et de la supériorité de cette nouvelle technique, alors que les « endo-septiques » préfèrent attendre les résultats d’études multicentriques randomisées. Mais comment randomiser ces patients ? Il paraît impossible de randomiser les patients en grande instabilité hémodynamique, qui ne peuvent à l’heure actuelle que bénéficier d’un traitement chirurgical conventionnel. Concernant les patients éligibles sur critères hémodynamiques et morphologiques pour le traitement endovasculaire, leurs suites opératoires apparaissent meilleures que celles de la CC dans les premières études. Pourtant, la seule étude randomisée portant sur un faible nombre de patients (n = 32) (47) n’a pas pu mettre en évidence de différence significative entre traitement endovasculaire et CC (53 vs 53 %). Plus déroutant est le résultat d’une étude (48) non randomisée comparant le traitement endovasculaire des AAIR « à chaque fois qu’il est possible » versus la CC pour les autres patients : dans cette étude le taux de mortalité hospitalière est de 35 % dans le groupe endovasculaire vs 39 % dans le groupe chirurgie. On pourrait s’attendre à un meilleur taux après traitement endovasculaire car il existe un biais évident dans la répartition des groupes puisque les patients en instabilité hémodynamique, et donc les plus à risque de complication postopératoire, sont traités d’office par CC. De même, les patients présentant des caractères morphologiques difficiles avec un collet aortique
proximal court, connus pour avoir des suites opératoires plus difficiles, sont récusés pour le traitement endovasculaire. Les études randomisées ne se heurtent pas aux considérations éthiques, notamment au fait d’obtenir un consentement éclairé. En urgence, il n’est pas nécessaire d’obtenir un consentement éclairé du patient. Dans une approche plus générale du problème, ce que nous souhaiterions démontrer est le bénéfice en termes de morbi-mortalité postopératoire apporté par l’introduction du traitement endovasculaire dans l’arsenal thérapeutique des AAIR. Ceci justifie une étude randomisée multicentrique dont le but est de comparer le traitement endovasculaire et la chirurgie conventionelle dans une cohorte d’un minimum de 160 patients porteurs d’un anévrysme aorto-iliaque rompu (appelée étude ECAR) arrivant vivants à l’hôpital et pouvant bénéficier des deux techniques (tableau III). En résumé, les patients doivent être stables hémodynamiquement, avoir bénéficié d’un scanner permettant d’objectiver la rupture et une anatomie favorable à la pose d’une endoprothèse. La situation d’urgence ne permet pas la randomisation par patient. L’unité de randomisation sera la semaine pour chaque centre, une semaine de traitement endovasculaire en alternance avec une semaine de traitement par CC et cela d’une manière synchrone pour l’ensemble de tous les 15 centres de l’étude (tableau IV et fig. 5). Cette méthode aboutira à la formation de deux groupes homogènes non biaisés avec des effectifs comparables sur les 156 semaines d’inclusion. Cette méthodologie a aussi l’avantage de faciliter la planification des équipes. Cette étude a reçu le soutien d’un projet hospitalier de recherche clinique national en 2006 et l’avis favorable du Comité de protection des personnes de notre établissement en juillet 2007. L’objectif principal est de comparer la mortalité à 30 jours des patients présentant des AAIR pouvant être traités par les deux techniques. Les objectifs secondaires sont de comparer dans les deux groupes : – la morbidité (cardiaque, pulmonaire, rénale, neurologique, digestive) à 30 jours ; – la durée de séjour en soins intensifs. Les principaux résultats attendus sont une diminution significative de la mortalité de la chirurgie endovasculaire par rapport à la CC et une diminution de la morbidité.
Conclusion Une diminution des taux de mortalité et de morbidité périopératoires peut être obtenue, chez des patients sélectionnés présentant un AAIR rompu, grâce au trai-
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Les syndromes aortiques aigus Tableau III – Résumé synoptique de l’étude ECAR. Titre Gestionnaire Investigateur Coordonnateur Population concernée Nature du soin évalué
Nombre de centres Nombre de patients prévus Objectif principal Objectifs secondaires
Critères d’inclusion
Critères de non-inclusion
Critères d’évaluation
Méthodologie statistique
Durée de participation d’un patient
Calendrier de l’étude
Étude randomisée comparant le traitement Endovasculaire et la Chirurgie conventionnelle des Anévrysmes Rompus aorto-iliaques (ECAR) Assistance Publique – Hôpitaux de Paris Pr. Pascal Desgranges et Pr Hicham Kobeiter Patients porteurs d’un anévrysme aorto-iliaque rompu arrivant vivants à l’hôpital Essai prospectif, multicentrique, contrôlé, randomisé par semaine dont le but est de comparer le traitement endovasculaire et la chirurgie conventionnelle dans une cohorte d’un minimum de 160 patients porteurs d’un anévrysme aorto-iliaque rompu arrivant vivants à l’hôpital et pouvant bénéficier des 2 techniques 15 centres en France 160 patients au total Comparer la mortalité à 30 jours des patients présentant des anévrysmes aorto-iliaques rompus pouvant être traités par les 2 techniques (traitement endovasculaire et chirurgie conventionnelle) Comparer dans les 2 groupes à 30 jours : - La morbidité (cardiaque, pulmonaire, digestive, rénale, neurologique, autre) - La durée de séjour en soins intensifs - Quantité de sang transfusée - Âge * 18 ans - Information sur la recherche donnée - Anévrysme aorto-iliaque rompu diagnostiqué par tomodensitométrie abdominale avec injection (TDM) : - Anévrysme développé sur l’aorte abdominale sous-rénale native ou les artères iliaques - État hémodynamique stable : pression artérielle systolique à l’arrivée du patient supérieure à 80 mmHg en l’absence de remplissage continu et d’administration de catécholamines à fortes doses - Critères anatomiques : > Collet proximal aortique >10 mm, > Diamètre proximal du collet aortique < 32 mm > Absence d’angulation du collet aortique > 90° et des artères iliaques perméables sans rétrécissement ou tortuosité sévère - Plateau technique validé par une fiche d’expérience du centre : > Opérateur avec prérequis : 15 traitements d’AAA par endoprothèse à froid > Matériel endovasculaire nécessaire à la procédure au bloc opératoire - État hémodynamique instable - Critères anatomiques de non-inclusion - Anévrysmes asymptomatiques - Anévrysmes douloureux non rompus ou emboligènes - Anévrysmes mycotiques, faux anévrysmes septiques - Anévrysmes post-traumatiques - Anévrysmes supra-rénaux, thoraco-abdominaux - Impossibilité d’obtenir un TDM abdominal avec injection - Patients non affiliés à la sécurité sociale et les personnes protégées - Femmes enceintes et allaitantes Le taux de mortalité du traitement chirurgical conventionnel des anévrysmes aorto-iliaques rompus est de 50 %. Nous proposons de comparer ce traitement avec le traitement endovasculaire dans le but de réduire la mortalité et la morbidité. Le critère de jugement principal évalué à 30 jours est la survie. Les critères secondaires sont : l’évaluation des fonctions cardiaques, pulmonaires, rénales, digestives et neurologiques. Deux paramètres seront appréciés particulièrement : la quantité de sang transfusée, le nombre d’heure/jour de réanimation. Les analyses statistiques seront réalisées sous la responsabilité du Dr P. Maison à l’URC de Créteil. Le logiciel utilisé sera SAS 8.0 (SAS Institute, NC). L’analyse principale sera descriptive, une analyse secondaire analytique sera réalisée entre sousgroupe de patients. Les résultats seront exprimés en moyenne et déviation standard pour les variables continues ou en pourcentage pour les variables discontinues. Les analyses seront réalisées en intention de traiter, suivi d’une analyse per protocole. Un effet centre sera recherché. La comparaison du critère principal et des autres paramètres dichotomiques sera réalisée par test du χ2. Les paramètres continus seront comparés après vérification de leur distribution par une analyse de variance. La comparaison de la survie jusqu'à j30 sans événement (morbi/mortalité) sera réalisée par un test de log rank en univarié et modèle de Cox en multivarié. Les patients seront suivis pendant 30 jours. Les patients pourraient être suivis à 3 ans ; cependant, le critère de jugement (mortalité) ne permet pas de réaliser un tel suivi (nécessité d’un TDM annuel). Une étude ancillaire (suivi de cohorte) pourra être proposée ultérieurement avec des critères pertinents tels que les fuites ou la rupture. Les patients seront recrutés sur une période de 36 mois. La durée totale de l’étude sera de 37 mois. Date de démarrage de l’étude : 07 janvier 2008.
Fissuration et rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale : traitement endovasculaire Tableau IV – Les différents centres recrutés dans l’étude ECAR. AnesthésistesréanimateursTitre
Centres
Chirurgiens vasculaires
Radiologues
01 CHU Henri Mondor (Créteil)
Pr DESGRANGES Pr ALLAIRE Pr BECQUEMIN Dr MARZELLE Dr LOUIS Dr SCHNEIDER Dr COCHENEC Dr MAJEWSKI
Pr KOBEITER Dr DEUX Pr RAHMOUNI
Dr SENECHAL Pr MARTY
02 CHU Bichat (Paris)
Pr CASTIER Pr LESECHE Dr FRANCIS Dr MAURY
Pr LAISSY Dr SERFATI Dr PASI
Pr DESMONTS
03 CHU Dijon
Pr STEINMETZ Pr BRENOT Dr BERNE Dr FAVIER
Dr LOFFROY Pr RICOLFI Pr KRAUSE Dr COUDERT Dr MARTIN
Pr GIRARD
04 CHU Lille
Pr HAULON Dr KOUSSA Dr AZZAOUI Dr D’ELIA PIERVITO
Pr BEREGI
05 CHU Hôpital Nord (Marseille)
Pr ALIMI Dr BOUFI Dr HARTUNG Dr CERQUETTA
Dr KBAIER Dr RAMIS
Pr MARTIN
06 CHU La Timone (Marseille)
Dr AMABILE Pr PIQUET Dr PENARD Dr DEMASI
Pr BARTOLI
Pr AUFFRAY Dr HAMANA
07 CHU LA Timone (Marseille)
Pr MAGNAN Pr BRANCHEREAU
Pr BARTOLI
08 CHU Arnaud de Villeneuve (Montpellier)
Pr ALRIC Dr BERTHET Dr CANAUD Pr MARTY-ANE
Pr VERNHET- KOVACSIK
09 CHU HEGPompidou (Paris)
Pr JULIA Dr ALSAC Dr SEPULVEDA Pr FABIANI
Pr SAPOVAL
10 CHU La Cavale Blanche (Brest)
Pr GOUNY Dr BADRA Dr BRAESCO
Dr NONENT
11 CHU Hôpital Nord (Saint-Étienne)
Pr FAVRE Dr ALBERTINI Pr BARRAL
12 CHU Tours
Pr LERMUSIAUX Dr BLEUET Dr MARTINEZ
13 Hôpital Saint-Joseph (Paris)
Dr FUKUI Pr LAURIAN Dr GIGOU
14 CHU Saint-Roch (Nice)
Pr BATT Pr HASSEN-KHODJA Dr ELIXENE Dr SOSA Dr DECLEMY
15 CHU Toulouse
Pr CERENE Pr FOURNIAL
Pr ARVIEUX
Dr LAGARRIGUE
Dr MARTEAU
Pr ROUSSEAU Dr CHABBERT
Dr MORIN
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Les syndromes aortiques aigus
Fig. 5 – Algorithme de prise en charge des AAIR dans le cadre de l’étude ECAR.
tement endovasculaire. Ce traitement est faisable dans 59 % des cas d’AAIR satisfaisant à des critères hémodynamiques et morphologiques. Certains patients ne peuvent bénéficier du traitement endovasculaire, en raison d’une sévère instabilité hémodynamique, ou d’une morphologie difficile de leur AAIR, et doivent être traités par CC. Le meilleur examen d’imagerie permettant le choix de l’endoprothèse appropriée est le scanner spiralé, dont les coupes axiales apparaissent suffisantes pour en prévoir les mesures idéales. Une endoprothèse aortouni-iliaque dégressive déployée sous l’anesthésie générale nous semble représenter la solution d’hémostase la plus rapide et la plus fiable. La plupart des premières complications opératoires ont été observées en début d’expérience. L’expertise des équipes et la disponibilité croissante du matériel endovasculaire ont permis de diminuer les complications propres à la technique endovasculaire. Ajouter le traitement endovasculaire en urgence à l’arsenal thérapeutique des AAIR demande un effort d’organisation et de formation des équipes soignantes, mais constitue à l’évidence un progrès dans la prise en charge de ces patients. De nouvelles études sont nécessaires pour confirmer ces résultats ; notamment, une randomisation des malades semble nécessaire afin de déterminer les groupes de malades pouvant bénéficier d’un traitement endovasculaire et ceux pouvant bénéficier d’un traitement chirurgical.
Notre message n’est pas d’« abandonner les clamps pour les guides », mais d’encourager les centres qui reçoivent ce type d’urgence vitale à proposer, lorsqu’elle est techniquement réalisable, cette option thérapeutique. Nous sommes convaincus que l’ajout du traitement endovasculaire dans l’arsenal thérapeutique du chirurgien, à une place qui commence à être bien définie par la plupart des centres expérimentés, devrait permettre de réduire significativement, pour la première fois depuis un demi-siècle, la mortalité postopératoire des AAIR, tous traitements confondus.
POINTS ESSENTIELS Il existe quatre conditions optimales permettant le traitement endovasculaire d’un AAA rompu : 1. la stabilité hémodynamique qui autorise notamment la réalisation d’un scanner ; 2. l’anatomie favorable ; 3. la présence d’une équipe entraînée à la mise en place d’endoprothèses pour AAA ; 4. le matériel disponible : stock d’endoprothèses, kits d’urgence (ballon d’endoclampage). Une étude randomisée multicentrique est en cours, comparant le traitement endovasculaire à la chirurgie conventionnelle dans les anévrysmes rompus (= ECAR).
Fissuration et rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale : traitement endovasculaire
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Partie 6
Ischémie aortique aiguë
Chapitre
Ischémie aortique aiguë, prise en charge chirurgicale et endovasculaire
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F. Pesteil, J. Salazar, E. Gardet, V. Fouilloux et M. Laskar
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259 Étiologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259 Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 260 Examens complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 260 Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262
Introduction L’ischémie aiguë par occlusion de l’aorte abdominale représente une situation rare mais souvent dramatique pour le patient, le pronostic vital étant engagé. La prise en charge doit être très rapide chez des patients souvent fragiles du fait des facteurs de comorbidité associés, et parfois responsables de l’occlusion aortique, et du fait des conséquences physiopathologiques de l’occlusion aortique. L’occlusion de l’aorte est effectivement responsable d’une ischémie bilatérale des membres inférieurs remontant jusqu’aux cuisses. Elle est donc responsable d’une rhabdomyolyse majeure, entraînant une acidose métabolique et une hyperkaliémie. Cette rhabdomyolyse est aussi responsable de l’atteinte rénale, celle-ci pouvant être favorisée aussi par l’extension de la thrombose aux artères rénales. L’atteinte des artères viscérales est particulièrement péjorative. L’augmentation brutale de la post-charge liée à l’occlusion peut décompenser une cardiopathie associée. La prise en charge chirurgicale précoce est seule garante des chances de survie et de sauvetage des membres et ne doit pas être retardée par la réalisation des examens complémentaires. La mortalité reste élevée malgré une prise en charge optimale se situant aux alentours de 50 %.
Étiologies Elles sont nombreuses et représentées pour l’essentiel par les embolies à point de départ cardiaque et les thromboses artérielles in situ compliquant des lésions athéromateuses sténosantes de la bifurcation aortoiliaque. Les deux mécanismes peuvent être associés. Les embolies d’origine cardiaque sont le fait d’une arythmie complète par fibrillation auriculaire présente dans 40 à 100 % des cas (1-5), compliquant elle-même une cardiopathie souvent évoluée arrivée au stade de l’insuffisance cardiaque. Les autres étiologies classiques, thrombus intracardiaque, embolie paradoxale, myxome et autres tumeurs intracardiaques sont exceptionnellement en cause. La thrombose aortique in situ représente actuellement la principale cause d’occlusion aortique aiguë (fig. 1). Elle complique l’évolution de sténoses évoluées de la bifurcation aorto-iliaque chez un sujet souffrant d’une artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs. Ces sujets présentent souvent des lésions étendues et calcifiées des axes ilio-fémoraux. L’occlusion peut être le fait d’une complication en regard d’une plaque : fracture, hémorragie intra-plaque, ulcération. Une embolie peut aussi être en cause chez ces patients polypathologiques. Exceptionnellement, il a été rapporté dans la littérature quelques cas de thromboses aiguës d’anévrysmes aortiques. La présence de lésions sténosantes en aval semble représenter un facteur favorisant (6, 7). Des cas d’occlusions aortiques ont été rapportés aussi chez le nouveau-né (8). Les lésions iatrogènes survenant après cathétérisme représentent alors la première cause d’occlusion aortique. Certaines affections telles que la maladie de Takayashu, la maladie de Kawasaki et les cardiopathies congénitales peuvent être en cause (8). Des occlusions aortiques responsables d’embolies périphériques ont été également rapportées au cours d’affections inflammatoires de l’intestin telles que la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique (9).
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Les syndromes aortiques aigus
Elles semblent être liées à un état d’hypercoagulabilité du fait d’un état pro-inflammatoire chronique, l’interleukine 6 et le tumor necrosis factor altérant la fonction endothéliale. Parfois, il existe une thrombophilie associée (9). Les traumatismes fermés de l’abdomen peuvent être responsables d’occlusions aortiques par rupture intimale ou dilacération pariétale incomplète, entraînant une thrombose. Le mécanisme le plus souvent impliqué est une compression directe de l’abdomen au cours d’un accident de la voie publique ou du travail plus ou moins associé à une hyperextension du rachis lombaire (10-12). Ces traumatismes aortiques ont aussi été rapportés au cours d’accidents sportifs (surf) et de manière iatrogène après compression abdominale par un ballon au cours d’une pyélographie (12). Dans ce contexte traumatique, l’atteinte aortique est rarement isolée et le bilan lésionnel doit être complet, imposant souvent une laparotomie (10-12). En effet, des lésions associées sont présentes dans 59 à 70 % des cas (11, 12). Des fractures des apophyses transverses lombaires doivent faire évoquer ce diagnostic (11). La dissection aortique n’entraîne généralement pas de thrombose aortique, celle-ci progressant de manière hélicoïdale, s’arrêtant généralement avant ou au niveau de la bifurcation aorto-iliaque et les formes s’étendant au-delà, ne touchant en principe qu’un axe iliaque. On observe plutôt dans ce contexte un syndrome de malperfusion lié à la compression du vrai chenal par le faux. Les thromboses aortiques peuvent aussi être la conséquence d’un état d’hypercoagulabilité. La thrombopénie immunoallergique doit être systématiquement évoquée chez un patient anticoagulé par héparine. Les déficits en antithrombine III, protéines C et S ainsi que le syndrome des antiphospholipides et les syndromes myéloprolifératifs peuvent aussi être en cause (13, 14). Les cancers évolués peuvent être associés à des états d’hypercoagulabilité responsables de throm-
boses récidivantes malgré le traitement anticoagulant et intéressant tous les territoires. Le pronostic est alors particulièrement péjoratif. Enfin, les thromboses aortiques peuvent compliquer un acte de cathétérisme (15) ou une chirurgie aortique, de manière précoce le plus souvent, qu’elle soit conventionnelle ou endovasculaire, dans le cadre notamment du traitement endovasculaire des anévrysmes aortiques ou des lésions occlusives aorto-iliaques (16).
Diagnostic Le sujet est le plus souvent un homme âgé de 70 ans ou plus. De manière brutale ou rapidement progressive, apparaissent des signes d’ischémie aiguë des deux membres inférieurs. Le caractère bilatéral des troubles et l’extension des signes vers la racine des membres doivent faire évoquer le diagnostic d’occlusion aortique. Le patient présente souvent une altération de l’état général liée à ses affections associées, insuffisance cardiaque ou néoplasie et au retentissement systémique de l’ischémie des membres qui se manifeste précocement. Tous les pouls sont abolis, les membres sont froids, pâles ou cyanosés. Les signes ischémiques peuvent intéresser la paroi abdominale. La présence de douleurs abdominales, l’abolition des bruits hydro-aériques et la distension de l’abdomen doivent faire craindre une extension aux artères viscérales et un infarctus mésentérique. Les signes neurologiques sensitivo-moteurs sont fréquents. Le tableau peut être celui, trompeur, de paresthésies des membres ou d’une paraplégie flasque (17, 18). Le contexte et l’abolition des pouls fémoraux sont alors déterminants pour le diagnostic étiologique de cette paraplégie. Une tension douloureuse des loges musculaires doit impérativement être recherchée. La phlegmatia coerulea ou phlébite bleue étendue aux deux membres est aussi un piège. L’importance de l’œdème remontant jusqu’à la racine des membres fait cependant la différence. Chez le nouveau-né, l’occlusion même brutale de l’aorte peut être relativement bien tolérée et entraîner peu de symptômes, voire rester asymptomatique (8).
Examens complémentaires
Fig. 1 – Thrombose aortique sous-rénale.
Malgré une prise en charge rapide et optimale, le pronostic reste sombre tant sur le plan vital que fonctionnel. Les examens complémentaires ne doivent pas retarder la prise en charge chirurgicale. Le diagnostic repose sur l’examen clinique et les examens orientent
Ischémie aortique aiguë, prise en charge chirurgicale et endovasculaire
vers un diagnostic étiologique. Ils peuvent guider la stratégie chirurgicale mais celle-ci doit pouvoir être adaptée et modifiée en peropératoire. L’électrocardiogramme peut objectiver une arythmie complète par fibrillation auriculaire ou des signes d’hyperkaliémie. L’écho-doppler lorsqu’il est disponible est l’examen le plus rapide. Il peut préciser le siège précis de l’occlusion et l’état des vaisseaux orientant ainsi vers une origine purement embolique ou thrombotique. L’analyse de l’aorte et des vaisseaux iliaques est cependant parfois difficile chez les patients obèses ou présentant un météorisme abdominal. Lorsqu’il est réalisé, il doit aussi préciser l’état des axes sous-claviers qui peuvent servir de site donneur dans le cadre d’une revascularisation extra-anatomique par pontage axillofémoral. L’angioscanner injecté peut pallier ces limites mais le recours à une injection iodée majore le risque d’altération de la fonction rénale et son indication doit être discutée au cas par cas en fonction du contexte étiologique présumé. C’est actuellement un examen rapidement accessible en urgence et les acquisitions sont réalisées en quelques minutes. L’artériographie ne doit plus être réalisée en préopératoire car elle retarde souvent de plusieurs heures la prise en charge chirurgicale.
Traitement La réanimation médicale doit s’attacher à contrôler la douleur, maintenir une hydratation satisfaisante et corriger une éventuelle acidose ainsi qu’une hyperkaliémie. Les options thérapeutiques dépendent de l’étiologie et de l’état vasculaire de l’axe aorto-iliaque. Le patient doit être installé de manière à pouvoir s’adapter à toutes les situations en peropératoire. Il doit être pris en charge dans un bloc permettant la réalisation d’une angiographie et d’une prise en charge endovasculaire éventuelle. Le patient est installé en décubitus dorsal. Les champs opératoires doivent comprendre les membres inférieurs, les triangles fémoraux, l’abdomen et permettre l’accès à une artère axillaire. Le contrôle scopique doit pouvoir être mené de l’aorte suprarénale jusqu’au réseau jambier. En cas d’embolie chez un sujet âgé et fragile, l’intervention peut être menée sous anesthésie locale. Dans les autres cas, une anesthésie générale est préférable. Les artères fémorales sont contrôlées puis la désobstruction réalisée à l’aide de sondes de Fogarty au niveau de chaque axe ilio-fémoral. Le réseau d’aval est aussi désobstrué. Les artères sont remises en charge. Un contrôle artériographique permet alors de rechercher
une sténose iliaque et de la traiter dans le même temps opératoire. En cas de lésions iliaques proximales, l’angioplastie sera réalisée selon la technique du « kissing balloon ». En cas d’impossibilité de recanalisation des deux axes iliaques, la revascularisation chirurgicale sera alors assurée par un pontage aorto-bifémoral ou axillobifémoral selon l’état physiologique du patient. Si un axe peut être reperméabilisé de manière satisfaisante, l’autre axe pourra être revascularisé par un pontage croisé. Les indications d’aponévrotomies de décharge doivent être larges dès la moindre perception de tension douloureuse des masses musculaires et réalisées dans le même temps opératoire, de manière à limiter au mieux la rhabdomyolyse et limiter ainsi l’atteinte rénale. Elles doivent intéresser toutes les loges. Les occlusions aortiques ou iliaques compliquant une chirurgie aortique, qu’elle soit conventionnelle ou endovasculaire, obéissent aux mêmes règles de prise en charge. Le plus souvent, un problème local explique l’occlusion que ce soit une plicature ou une torsion d’une branche prothétique, une lésion de clampage, un défaut d’expansion d’une endoprothèse le plus souvent dans la partie distale de l’axe iliaque. Après désobstruction de l’axe iliaque, la cause doit être traitée : raccourcissement ou réaxation d’une branche de prothèse, angioplastie et stenting d’une lésion de clampage, angioplastie en cas de défaut d’expansion d’une endoprothèse (19-21). En dehors des situations fréquentes liées à une embolie ou une thrombose, les occlusions aortiques liées à une autre étiologie doivent bénéficier d’une prise en charge spécifique. En cas de traumatisme, le scanner paraît indispensable pour diagnostiquer des lésions associées, hépatiques, rénales, spléniques ou osseuses. Ces lésions sont présentent dans 59 à 70 % des cas (11, 12). L’aorte infrarénale est touchée dans 92 % des cas (11). Une atteinte de l’intestin grêle est présente dans 59 % des cas (12). La réparation doit être directe dans ce contexte et éviter au mieux le recours à un matériel prothétique. Compte tenu de la fréquence des lésions viscérales associées justifiant une laparotomie exploratrice, une prise en charge endovasculaire isolée ne semble pas être la meilleure alternative. Si le traumatisme a entraîné une plaie et une occlusion aortique, une sonde à ballon d’occlusion aortique peut cependant être utile pour assurer un clampage temporaire en cas d’instabilité hémodynamique avant de pouvoir contrôler l’aorte en zone saine. Les occlusions aortiques survenant chez les nouveau-nés sont souvent bien tolérées voire asymptomatiques et peuvent généralement être prises en charge
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médicalement par un traitement anticoagulant (8). Une surveillance échographique de la résorption du thrombus est alors indispensable. Dans les dissections aortiques, les syndromes de malperfusion des membres inférieurs peuvent être pris en charge de manière conventionnelle ou endovasculaire. En cas d’atteinte unilatérale, un pontage croisé ilio-fémoral peut simplement corriger la mauvaise perfusion d’un membre si un axe iliaque est sain. En cas d’atteinte bilatérale, le scanner est indispensable pour choisir le geste le plus adapté : mise en place d’une endoprothèse, stenting ou fenestration endovasculaire (22).
Résultats Les occlusions aortiques d’origine embolique ou thrombotique sont responsables d’une mortalité élevée de l’ordre de 50 %. Le taux de sauvetage de membre varie de 80 à 100 % (23). Ces chiffres soulignent, à eux seuls, le risque vital de l’occlusion aortique. Le mauvais pronostic justifie la mise en œuvre de mesures préventives telles que l’anticoagulation efficace des patients arythmiques, le dépistage précoce des thrombopénies immunoallergiques et une prise en charge agressive des patients présentant un anévrysme associé à des sténoses iliaques. Une insuffisance cardiaque, une occlusion aortique intéressant les artères rénales ou digestives (10) et un état d’hypercoagulabilité surtout au cours des cancers représentent des facteurs de mauvais pronostic (24). Chez les sujets moribonds ou présentant un tableau d’ischémie dépassée, l’abstention chirurgicale peut être discutée. En cas de traumatisme aortique, la mortalité est aussi élevée, de l’ordre de 40 à 44 % (10-12). Le taux d’amputation varie de 7 à 9 % (10-12).
Conclusion L’occlusion aortique aiguë représente une entité clinique rare. Les étiologies sont dominées par les thromboses aorto-iliaques in situ et les embolies. Elles compromettent le pronostic vital de patients âgés présentant souvent des facteurs de comorbidité d’ordre cardiaque. Le retentissement physiopathologique est important, justifiant une prise en charge rapide qui ne doit pas être retardée par la réalisation d’examens complémentaires d’imagerie, l’artériographie pouvant actuellement être réalisée pendant l’intervention, ce qui permet alors de guider le choix de la technique de revascularisation.
POINTS ESSENTIELS 1. La thrombose aortique aiguë met en jeu le pro-
nostic vital du patient par la rhabdomyolyse, l’acidose métabolique et l’hyperkaliémie. C’est une urgence vitale donc la mortalité est de l’ordre de 50 %. 2. En préopératoire, l’échographie est l’examen le plus facilement accessible et l’angioscanner l’examen de référence, même si le recours à une injection de produit de contraste majore le risque d’insuffisance rénale. L’artériographie sera faite en peropératoire. 3. L’installation du patient sur la table d’opération doit permettre d’adapter le geste opératoire en fonction de la qualité des axes iliaques découverts après une thrombo-embolectomie faite par un abord fémoral bilatéral. Tous les axes doivent être accessibles, y compris les artères axillaires pour un éventuel pontage axillo-fémoral ou bifémoral.
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M. Karck
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265 Évolution de la technique de la « trompe d’éléphant » . . . . . 265 Expérience personnelle de la technique de la « trompe d’éléphant » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266 Patients et méthodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266 Résultats et suivis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267 Commentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269
Introduction Pour des raisons anatomiques, le segment proximal de l’aorte descendante est moins accessible par sternotomie médiane que l’aorte horizontale. La plupart des chirurgiens préfèrent donc une approche en plusieurs étapes pour traiter les lésions intéressant à la fois l’aorte horizontale et l’aorte descendante. L’introduction de la technique de la « trompe d’éléphant » par Borst en 1983 a grandement facilité la chirurgie de ce type de pathologie (1). Le principe de base consiste à laisser dépasser une certaine longueur de tube prothétique dans l’aorte d’aval au niveau de l’anastomose distale. L’intervention suivante est réalisée par thoracotomie latérale, le segment prothétique situé dans l’aorte étant utilisé pour compléter le remplacement de l’aorte descendante. Après les publications initiales de notre équipe et l’article de Crawford publié en 1990, cette méthode est devenue de plus en plus commune pour traiter les patients avec des lésions aortiques complexes (2, 3). Plusieurs modifications de la technique originale ont été décrites. Coselli a introduit la technique de la « trompe d’éléphant » inversée, tandis que Carel a décrit une variante bidirectionnelle pour le remplacement de l’aorte descendante, qui facilite la seconde et la troisième étape de la procédure pour le remplacement de l’arche aortique et de l’aorte thoraco-abdominale (4, 5). L’idée d’utiliser une prothèse en « trompe d’éléphant » comme une endoprothèse, introduite dans l’aorte descendante, a été décrite par le groupe de Buffolo, qui a utilisé cette approche dans une grande série
de patients avec une dissection de type B (6). Avec l’avènement des endoprothèses aortiques thoraciques, il est devenu possible de placer une endoprothèse dans une prothèse en « trompe d’éléphant » préalablement implantée par chirurgie de l’arche aortique (7). Bien que les complications inhérentes à la « trompe d’éléphant » soient rares et semblent largement évitables, des inquiétudes ont été rapportées concernant la tension accrue de la ligne de la suture (8, 9). Ces inquiétudes ont motivé des modifications de la technique originale. Des anastomoses plus en amont sur un segment d’aorte moins dilaté ont été proposées. Ainsi, Svensson a suggéré de placer l’anastomose sur l’arche aortique entre la carotide primitive gauche et la sousclavière gauche (9). Une autre approche a été publiée par Kuki et al. qui rapportent une série de 17 patients chez qui l’anastomose de la « trompe d’éléphant » a été confectionnée au pied du TABC. Avec cette technique, les troncs supra-aortiques seront réimplantés dans le tube aortique par l’intermédiaire de trois pontages prothétiques (8). Les limites de cette technique sont l’extension de la trompe d’éléphant qui passe de 7-8 cm selon les suggestions de Borst à plus de 15 cm. Ce long segment prothétique flottant est susceptible d’être source de complications telles que des plicatures prothétiques à l’origine d’occlusion aortique. Crawford rapporte un risque accru d’embolie périphérique dû aux battements de la « trompe d’éléphant » à l’origine de paraplégies (10).
Évolution de la technique de la « trompe d’éléphant » Les complications qui peuvent être attribuées à la « trompe d’éléphant » elle-même et au risque cumulatif de l’intervention par étapes induisent à envisager une évolution vers de nouvelles procédures et un plan qui permettent de diminuer le risque chirurgical du traitement des anévrysmes aortiques étendus. Les techniques de traitement chirurgical en un temps
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réalisé par large thoracotomie constituent un défi chirurgical remarquable mais risqué (11, 12). Ils doivent donc être limités à des patients sélectionnés. Une nouvelle évolution de la technique de la « trompe d’éléphant » se propose d’atteindre ce but en utilisant un nouveau type de prothèse vasculaire hybride confectionnée en salle d’opération munie d’un stent à son extrémité distale (13). Tandis que ces publications décrivent l’utilisation de la technique de la « trompe d’éléphant » congelée chez des patients porteurs d’anévrysme ou de dissection chronique, des publications plus récentes se focalisent sur son utilisation chez des patients avec dissection aiguë de type A (14, 15). Des résultats précoces et à moyen terme utilisant cette approche semblent favorables, particulièrement pour la thrombose du faux chenal (14).
Expérience personnelle de la technique de la « trompe d’éléphant » Patients et méthodes Entre septembre 2001 et avril 2004, 22 patients présentant des pathologies combinées de l’arche aortique et de l’aorte descendante ont été opérés utilisant une prothèse hybride (16) faite d’une prothèse vasculaire tissée avec un stent en acier cousu à l’intérieur de l’extrémité proximale (fig. 1). L’âge moyen était de 62 ans (4777 ans). Sept patients avaient plus de 70 ans. Neuf patients étaient de sexe féminin. La majorité (n = 11) présentait une dissection de type A, 10 chroniques, et 1 de type variante aiguë. L’autre pathologie la plus fréquente (n = 7) était un anévrysme proche de l’artère sous-clavière (proximale ou distale). Un plus petit nombre (n = 4) présentait une dissection chronique de type B. Les pathologies cardiaques additionnelles comprenaient coronaropathie sévères (n = 9) et pathologies valvulaires aortiques (n = 3). Les diamètres des stents de la prothèse hybride allaient de 30 à 46 mm, et les stents avaient une longueur de 22 mm. La portion proximale de la prothèse hybride était non stentée, constituée d’un type de Dacron® compatible avec une suture chirurgicale conventionnelle. Le système de largage comprenait un introducteur flexible 39 French, et un introducteur interne 34 French en guise de pousseur central. Le retrait de l’introducteur externe avec point fixe sur le pousseur central permettait le déploiement de la portion stentée de la prothèse hybride. Le tube de Dacron® proximal était largué par retrait simultané de l’introducteur en maintenant le pousseur fixe.
Tous les patients ont été opérés sous circulation extracorporelle (CEC). La canulation centrale de l’aorte ascendante et de l’atrium droit était la technique de référence. Une hypothermie profonde était ensuite réalisée (à 25° C de température rectale). Après induction de l’arrêt cardiaque par cardioplégie, la CEC était interrompue. L’arche aortique était incisée longitudinalement. La perfusion cérébrale antérograde sélective, avec sang refroidi à une température de 15° C et un volume de 240-450 mL/min, était débutée après canulation ostiale de l’artère carotide commune gauche et du TABC. Ensuite, l’extrémité stentée de la prothèse hybride était déployée dans l’aorte descendante. Chez les cinq premiers patients elle était implantée sur guide rigide placé par voie antérograde. Après un cas de perforation de la paroi aortique avec le système d’introduction chez un patient présentant une aorte descendante tortueuse, un mode d’approche transfémoral (téléphérique) a été utilisé chez tous les patients suivants. Le site de largage distal de la prothèse était au niveau de la 10e vertèbre thoracique, ou en dessous, chez tous les patients. Après déploiement, le segment stenté de la prothèse était modelé sur la paroi aortique à l’aide d’un ballon de taille appropriée (Medtronic, États-Unis). Ensuite, le segment de prothèse de Dacron® non stenté était suturé à l’aorte au pied de l’artère sous-clavière gauche, avant réimplantation de la palette des troncs supra-aortiques. Une anastomose prothéto-aortique de l’aorte ascendante terminait la procédure. Chez six patients porteurs d’un tube valvé, une anastomose prothéto-prothétique a été réalisée. Chez 20 patients, la totalité de l’arche aortique et le segment proximal de l’aorte descendante ont été remplacés par cette technique. Chez dix d’entre eux, l’aorte ascendante a été également remplacée. Chez deux autres patients présentant un anévrysme limité à l’aorte descendante proximale, l’implantation de la prothèse hybride dans l’aorte descendante a été
Fig. 1 – Prothèse hybride (« Chavan-Haverich » (CH) endograft, Curative GmbH, Dresden, Germany) commercialisée par Jotec®, associant une prothèse en polyester et un stent graft en distalité.
Évolution de la chirurgie de la crosse aortique en urgence
réalisée avec une incision longitudinale en T de 3 à 4 cm de l’arche aortique. Le segment non stenté de l’endoprothèse a été suturé en aval de l’artère sous-clavière gauche avant fermeture de l’aortotomie. Un des deux patients a nécessité une revascularisation myocardique complète et l’autre un remplacement de la valve aortique pour rétrécissement valvulaire, utilisant une bioprothèse. Dix autres patients ont nécessité une procédure additionnelle (revascularisation myocardique : huit patients, remplacement valvulaire : deux patients).
Résultats et suivi Il n’y a pas eu de décès per-procédure. L’implantation de la prothèse a été possible chez tous les patients, sauf un. Ce patient présentait une sinuosité marquée de l’aorte descendante en aval du segment anévrysmal à exclure. L’implantation a été tentée sur un guide placé par voie antérograde. L’extrémité du système d’introduction n’a pas pu progresser au-delà du segment sinueux et a entraîné une performation de la paroi aortique qui a nécessité une réparation chirurgicale et l’implantation d’une endoprothèse par voie fémorale pour couvrir le segment perforé et anévrysmal. Chez tous les patients suivants, un abord fémoral et la mise en place par voie rétrograde d’un guide récupéré en proximal ont été préférés pour l’implantation du segment stenté de la prothèse hybride dans l’aorte descendante. Chez un patient présentant une dissection aortique chronique de type A, la paroi aortique du faux chenal juste en aval de l’origine de la sous-clavière gauche a été accidentellement lésée pendant la préparation chirurgicale. Bien que cette lacération soit suturée et que la suite de l’intervention se déroule sans problème, le patient est décédé d’un hémothorax gauche à deux jours de l’intervention. L’autopsie a révélé que l’hémorragie était causée par la rupture du segment réparé. La durée moyenne (± déviation standard de la CECI) du temps de clampage de la crosse de l’aorte, de l’arrêt circulatoire en hypothermie, de la perfusion cérébrale antérograde sélective, et du déploiement de la partie stentée de la prothèse hybride a été respectivement de 239 ± 76, 136 ± 43, 74 ± 19, 62 ± 14, et 12 ± 5 minutes. Une reprise pour saignement a été nécessaire chez deux patients. Quatre patients se sont réveillés avec une dysfonction neurologique centrale ; chez deux d’entre eux, elle fut transitoire et totalement résolutive après la sortie. Deux des quatre patients présentaient un antécédent d’accident vasculaire cérébral corrélé anatomiquement au scanner cérébral préopératoire. Il n’y a pas eu de mortalité tardive après un suivi moyen de 14 mois. Les scanners postopératoires ont montré la thrombose complète de l’espace périprothétique autour du
segment stenté de la prothèse hybride dans l’aorte ascendante chez les sept patients présentant un anévrysme athéromateux. La même constatation a été effectuée chez les deux patients présentant une dissection de type B associée. Chez les 12 patients restants présentant une dissection aortique, le suivi a montré la thrombose du faux chenal de l’aorte descendante jusqu’au niveau des stents chez tous les patients sauf un, ce dernier présentant une petite endofuite dans le faux chenal à l’origine de l’artère sous-clavière gauche. Le reste du faux chenal était thrombosé chez ce patient. Le patient refusant une réintervention, la cause exacte de cette endofuite reste incertaine. Chez un patient présentant une dissection de type A, le segment stenté de la prothèse n’a pas pu être placé de façon satisfaisante dans la prothèse aortique thoracoabdominale préalablement implantée. Les stents ont migré en proximal pendant et après le largage provoquant une endofuite distale. Cette dernière a été traitée deux semaines plus tard en plaçant une endoprothèse commerciale (Talent, Medtronic) par voie transfémorale, étendant ainsi l’endoprothèse hybride en distalité dans la prothèse thoraco-abdominale. À la sortie, le patient présentait une endofuite de type 3, réduite à une minime extravasation de contraste au suivi à 6 mois. Comme l’anévrysme s’était thrombosé et que son diamètre restait stable, le patient bénéficie d’une simple surveillance tomodensitométrique (fig. 2).
Fig. 2 – a. La partie distale de la prothèse hybride est déployée dans l’aorte descendante. b. Après avoir suturé circonférentiellement la prothèse hybride à la prothèse de l’arche en aval de la sous-clavière gauche, les branches supra-aortiques sont réanastomosées sur la prothèse de l’arche aortique. c. La partie proximale de la prothèse de l’arche aortique est ensuite réanastomosée sur la partie terminale de l’aorte ascendante
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Les syndromes aortiques aigus
Commentaires Notre approche permet de traiter définitivement les lésions de l’arche aortique et de l’aorte descendante en un temps, en utilisant une prothèse hybride qui combine les caractéristiques d’un stentgraft et d’une prothèse vasculaire conventionnelle. Le segment distal stenté de la prothèse hybride est implanté sous contrôle fluoroscopique dans l’aorte descendante à travers l’ouverture de l’arche aortique, tandis que le segment proximal non stenté est utilisé pour remplacer l’aorte d’amont de façon conventionnelle. La technique du téléphérique par voie transfémorale nous a permis d’éviter tout mauvais placement du segment stenté de cette prothèse hybride (fig. 3). L’intervention conventionnelle de « trompe d’éléphant » nécessite une réintervention par thoracotomie latérale, car l’espace périprothétique autour de la « trompe d’éléphant » reste circulant avec un risque de dilation anévrysmale ultérieur de ce segment aortique (17, 18). À l’opposé, la technique de la « trompe d’éléphant » hybride telle que nous la décrivons permet la thrombose progressive de l’espace périprothétique de l’aorte descendante jusqu’au niveau des stents. Il n’a pas été observé d’évolution anévrismale de l’aorte descendante chez nos patients, que la thrombose soit complète ou non. Pour réduire le calibre du dispositif d’introduction, nous utilisons un Dacron® de 0,36 mm d’épaisseur, plus fin que le Dacron® chirurgical conventionnel. Ceci nous impose de parfaire l’étanchéité de ce Dacron® par une colle de fibrine.
Fig. 3 – Scanner d'un patient ayant une dissection chronique de type A traité par l'implantation d’un stent graft hybride. On note la thrombose partielle du faux chenal de l'aorte descendante autour du stent graft, une semaine après l'opération.
Un taux de mortalité précoce de 4,5 % est tout à fait acceptable. Malgré tout, l’incidence d’accident vasculaire cérébral chez quatre de nos 22 patients reste préoccupante. Il est encore difficile de préciser si cellesci sont inhérentes à la technique de largage endovasculaire ou à la durée de l’arrête circulatoire (70 mn en moyenne), bien qu’il y soit associée une perfusion cérébrale antérograde sélective (19). Aucun patient de notre série n’a présenté de paraplégie par lésion médullaire. Chez les deux patients avec anévrysme limité à l’aorte descendante, d’autres options, telles que l’implantation rétrograde ou antérograde d’un stent graft, avec ou sans transposition de l’artère sous-clavière, auraient pu être une alternative thérapeutique à notre approche. Nous pensons toutefois que les résultats favorables qui peuvent être obtenus par arrêt circulatoire en hypothermie modérée avec perfusion cérébrale sélective de la chirurgie intéressant l’arche aortique justifient bien la technique décrite ici. L’utilisation de la prothèse hybride permet un ancrage sûr de son segment vasculaire prothétique proximal par une anastomose suturée circonférentielle distale à l’origine de l’artère sous-clavière au prix d’un temps probablement accru d’arrêt circulatoire, comparé au temps nécessaire à l’implantation antérograde d’un stent graft conventionnel avec ou sans fixation pariétale interne. De plus, les deux patients présentant des zones d’ancrage distal à l’artère sous-clavière trop courte pour permettre une fixation satisfaisante d’un stent graft conventionnel. Aussi, nous considérons à la fois l’implantation antérograde et rétrograde d’un stent graft conventionnel comme un choix thérapeutique suboptimal. D’un autre côté, la transposition de l’artère sous-clavière associée avec un stent graft conventionnel n’apparaît pas moins complexe que l’implantation d’une prothèse hybride, quand d’autres pathologies cardiaques sont traitées dans le même temps par CEC. De même que d’autres observations, au cours du suivi de stent graft endovasculaire, nous avons observé la formation complète ou accentuée de thrombus autour de la « trompe d’éléphant » réfrigérée après un suivi moyen de 14 mois à ce jour (fig. 4) (20). Dans certains cas, nous avons trouvé une rétraction de l’anévrysme thrombosé, qui est commune après traitement par stent graft (21). Les deux phénomènes, formation de thrombus dans l’espace périprothétique et rétraction de l’anévrysme exclue, sont une indication de la réduction du stress aortique pariétal réduisant ainsi le risque de rupture du segment aortique endoprothésé. Cette constatation, associée à un faible taux de mortalité et de morbidité périopératoire, renforce le concept thérapeutique d’un traitement combiné antérograde en un temps, associant chirurgie ouverte et endovasculaire des lésions complexes de l’aorte thoracique à l’aide d’une prothèse
Évolution de la chirurgie de la crosse aortique en urgence
Références
Fig.4 – Dix mois après la mise en place du stent graft hybride, l'espace périprothétique est complètement thrombosé. On peut noter l’expansion du stent graft et la rétraction du diamètre aortique par rapport au contrôle postopératoire.
hybride ou d’autres variantes réunies sous l’appellation de technique de la « trompe d’éléphant » hybride. Une évaluation supplémentaire de cette modalité thérapeutique est bien entendu nécessaire.
Conclusion Le concept thérapeutique d’un traitement combiné endovasculaire et chirurgical conventionnel en un temps dans la chirurgie de la crosse aortique reste séduisant, notamment dans les situations urgentes ou aiguës. Les résultats préliminaires rapportés dans ce chapitre confortent l’intérêt de la technique de la trompe d’éléphant hybride. Une évaluation à moyen terme et sur une cohorte de patients plus importante devrait nous permettre de mieux sélectionner les indications dans la chirurgie aiguë et réglée. L’amélioration du matériel et notamment l’étanchéité du segment de prothèse tissée devrait encore plus faciliter l’utilisation de ce concept.
POINTS ESSENTIELS Les auteurs décrivent une technique chirurgicale pour traiter les lésions de l’arche aortique et de l’aorte descendante en un temps, en utilisant une prothèse hybride qui combine les caractéristiques d’un stent graft et d’une prothèse vasculaire conventionnelle. Le segment distal stenté de la prothèse hybride est implanté sous contrôle fluoroscopique dans l’aorte descendante à travers l’ouverture de l’arche aortique, tandis que le segment proximal non stenté est utilisé pour remplacer l’aorte d’amont de façon conventionnelle.
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Partie 7
Conclusion
Chapitre
Perspectives de prise en charge moderne des syndromes aortiques aigus
28
M. Lachat, Z. Rancic, D. Mayer et T. Pfammatter
Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273 Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273 Ulcère aortique pénétrant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274 Hématome intramural . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274 Dissection aortique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275 Imagerie diagnostique et/ou thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . 277 Scanner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277 Résonance magnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277 Échographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277 Sonographie duplex . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278 Angiographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278 Intravascular ultrasound . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278 Mesures thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279 Management du patient présentant un SAA . . . . . . . . . . 279 Management de la pression artérielle . . . . . . . . . . . . . . . 279 Management de la crase sanguine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279 Chirurgie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280 Interventions endovasculaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280 Discussions et conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283
migre dans l’abdomen et le bassin. Une seconde douleur intense dans l’abdomen surgit et la malade consulte son généraliste. La malade est hospitalisée à cause du syndrome douloureux et d’une hypertension sévère. Le scanner dévoile une casuistique passion-
Introduction
Fig. 1 – Implantation de deux stents grafts.
À l’origine (1), le syndrome aortique aigu (SAA) a été défini comme étant une entité rassemblant des pathologies aiguës de l’aorte thoracique ayant une présentation clinique et un risque évolutif identique ainsi que des mesures thérapeutiques similaires ; ce sont la dissection aortique (DA), l’hématome intramural (HIM) et l’ulcère aortique pénétrant (UAP). Au sens large, l’ensemble des pathologies de l’aorte thoracique devraient être inclues (anévrysme symptomatique, aortite inflammatoire ou infectieuse, etc.). Ce chapitre se limitera au trio d’origine (UAP, HIM, DA) (2-4). Le cas illustré dans les figures 1 et 2 montre de manière unique le lien commun de ces trois lésions. La malade de 81 ans en question développe une douleur rétrosternale déchirante qui se calme brièvement, puis
Fig. 2 – Angio-scanner performé 3 mois après l’intervention.
Je dédie cet article aux spécialistes radiologues, chercheurs et cliniciens, sans qui la plupart des techniques du traitement moderne des pathologies aortiques n’auraient jamais atteint le niveau d’aujourd’hui, en espérant qu’à l’avenir cette discipline survive dans une dimension comme nous la connaissons de par le passé.
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Les syndromes aortiques aigus
nante, et difficile à résoudre par chirurgie conventionnelle. L’aorte thoracique montre un ulcère aortique pénétrant, le segment de l’aorte thoracoabdominale est remanié par un hématome intramural. L’aorte abdominale présente un anévrysme méconnu jusqu’alors. Cet anévrysme montre une membrane de dissection et l’hématome rétropéritonéal signe la rupture de l’anévrysme. La malade n’ayant auparavant jamais noté d’épisode douloureux, il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’il s’agisse d’un événement complètement nouveau. La malade a été traitée par l’implantation simultanée de deux stents grafts (d’abord abdominal puis thoracoabdominal), sous anesthésie locale. Après avoir réglé le problème de l’hypertension artérielle, la malade a pu rentrer à la maison au troisième jour après l’intervention. L’alternative chirurgicale, avec approche thoracoabdominale, n’aurait certainement pas été aussi favorable.
Physiopathologie Le SAA est généralement spontané mais peut être provoqué lors de manipulations endoluminales (à but diagnostique ou thérapeutique, telle la dilatation coronaire) (5). L’ulcère aortique pénétrant survient sur rupture de plaque artériosclérotique et aboutit généralement à la formation d’un anévrysme sacculaire. L’hématome intramural survient probablement dans les couches externes de la paroi aortique (média externe et/ou adventice) et est défini par l’absence de flux sanguin local. La DA peut survenir de manière spontanée ou secondaire à un UAP ou HIM. Par définition, une DA est confirmée lorsqu’un flux sanguin est démontré dans la fausse lumière. L’UAP et l’HIM peuvent être le point de départ d’une dissection classique. Cette dernière peut progresser de manière antégrade ou rétrograde. Au niveau histologique, la membrane élastique interne n’est pas interrompue lors d’HIM, alors qu’elle l’est lors d’UAP et de DA.
Ulcère aortique pénétrant Décrit initialement par Stanson en 1986 (6) comme étant un ulcère artérioscléreux avec rupture de la membrane élastique interne, l’ulcère aortique pénétrant est une lésion focale de la paroi aortique prenant son origine dans un accident évolutif d’une plaque artériosclérotique (fig. 3). C’est pourquoi les malades présentant ce genre de lésion sont plutôt âgés et ont une maladie vasculaire plus prononcée. L’UAP est responsable de 10 % environ des SAA. Le diagnostic différentiel se porte entre l’UAP et le thrombus endoluminal ulcériforme. Le site de prédilection se situe sur l’aorte des-
Fig. 3 – Ulcère aortique pénétrant.
cendante. L’UAP peut être associé à l’HIM. L’UAP isolé se rencontre plus fréquemment dans l’aorte ascendante, alors que l’UAP associé à un HIM se trouve dans plus de 90 % des cas dans l’aorte descendante. La malignité de la lésion dépend surtout du moment où le diagnostic est posé. La lésion au stade aigu peut évoluer vers l’hémorragie intramurale ou la dissection, ou aboutir à la formation d’un pseudo-anévrysme et se rompre, et ceci plus fréquemment (jusqu’à 40 %) que ne le font l’hématome intramural ou la dissection au stade aigu. Un cratère de 2 cm de diamètre et 1 cm de profondeur est un facteur de risque de rupture. La localisation est un critère pronostique, l’UAP de l’aorte ascendante représentant le risque le plus élevé, alors que la localisation sur l’aorte descendante est moins maligne. Le pronostic à long terme des UAP ayant pu être suivi par traitement conservateur est comparable à celui des UAP opérés ou traité de manière interventionnelle. Les lésions découvertes de manière fortuite peuvent être considérées comme stables et suivies par imagerie (scanner, résonance magnétique) (7-11).
Hématome intramural L’hématome intramural a été décrit par Krukenberger en 1920 (12) comme étant une dissection sans lésion visible de l’intima (fig. 4). On suppose que la lésion survient en relation avec une pathologie des vasa vasorum (rupture), mais ceci n’a toujours pas été validé. L’HIM est responsable de 10 à 40 % des cas de syndrome aortique aigu. L’HIM est tout comme l’UAP noté chez des malades généralement plus âgés que ceux présentant une dissection aortique. On peut l’observer en relation avec l’hypertension artérielle mais aussi avec un UAP. Un syndrome de malperfusion (hypoperfusion) est rare chez l’HIM. L’HIM peut se résoudre de manière spontanée ou progresser pour augmenter de taille et finalement provoquer une dissection ou se rompre. Le
Perspectives de prise en charge moderne des syndromes aortiques aigus
Dissection aortique La dissection aortique (DA) est typiquement caractérisée par un flux sanguin dans la paroi aortique (fig. 5).
Fig. 4 – Hématome intramural.
taux de progression dépend de la localisation (type A : 50-100 %, type B : 50-80 %). Certains critères prédictifs d’évolutivité ont été notés : présence d’UAP, âge élevé, diamètre aortique > 4,0-4,5 cm, épaisseur de l’hématome > 1 cm. L’absence de traitement aux bêtabloqueurs est un facteur évolutif négatif. L’épanchement péricardique et les douleurs rebelles sont également des critères d’évolutivité lors de localisation de l’aorte ascendante. Comme l’HIM est sous-jacent à l’adventice, le taux de rupture est élevé (35 %) et supérieur au taux de rupture de la dissection (4 %). Les épanchements péricardiques ou pleuraux et les hémomédiastins sont souvent présents et s’expliquent par une perméabilité augmentée de la paroi aortique. L’évolution est souvent imprévisible. La mortalité au stade aigu peut être supérieure à 20 %. Un taux de résolution spontanée de 50-80 % à 6 mois a été observé, mais une détérioration peut survenir chez 18 % des patients et l’apparition d’une dissection aortique chez 27 %. À 4 ans, environ 50 % des malades suivis par traitement conservateur sont décédés et plus de la moitié des décès sont dus à une rupture aortique. À l’opposé, 87 % des malades opérés sont encore en vie. Une série comparative de 53 HIM de type B et de 57 DA type A montre que seulement 2/53 HIM de type B ont dû être opérés (mortalité de 0 %), alors que 14/57 des DA de type A ont requis une chirurgie (mortalité de 14 %). À 6 ans, 11 HIM seulement ont progressé. La survie à 5 ans est de 90 % pour HIM et de 62-79 % pour la dissection de type B. Le consensus actuel est de proposer un traitement conservateur (bêtabloqueurs et suivi radiologique) chez les malades âgés, présentant des comorbidités et ayant un UAP de l’aorte distale. Les malades ayant une lésion de l’aorte descendante d’aspect instable ou évolutif semblent profiter d’un traitement chirurgical ou interventionnel. La chirurgie reste l’option de premier choix en ce qui concerne les lésions de l’aorte ascendante (13-22).
Fig. 5 – Dissection aortique.
Elle peut survenir dans l’aorte ascendante, l’arche ou l’aorte descendante et évoluer de manière antégrade ou rétrograde. L’incidence est de 2,9-3,5 par 100 000 habitant année. Environ 54 % des dissections touchent l’aorte ascendante et 46 % la descendante (23) (fig. 6).
Fig. 6 – Classification typique des dissections aortiques.
DA de type A (et arche) La dissection de type A présente une mortalité spontanée initiale d’environ 1-2 % par heure avec une mortalité spontanée de 50 % à deux semaines après émergence des symptômes initiaux. Les complications classiques majeures sont la tamponnade péricardique sur rupture pariétale et/ou l’insuffisance aortique sévère avec développement d’un syndrome de bas débit cardiaque ainsi qu’un syndrome d’hypoperfusion cérébrale ou viscérale dû à un flux compromis par la dissec-
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Les syndromes aortiques aigus
tion. Les malades avec ischémie viscérale ont la mortalité la plus élevée (89 %). La survie à 5 ans des malades opérés varie entre 63 et 73 %.
DA de type B La dissection de type B simple à une mortalité à 30 jours de 10 % (fig. 7). Le risque de rupture de la DA type B au stade aigu est de 4-8 %. Le risque de rupture augmente significativement en cas d’hypertension ou de douleurs réfractaires et lors de la présence d’hématome médiastinal ou d’épanchement péricardique ou pleural. Les malades âgés, présentant un état de choc ou de malperfusion, ont une mortalité à 30 jours nettement plus élevée (25-90 %). Les malades pouvant être suivis avec un traitement conservateur ont un taux de survie supérieur à 70 % à 5 ans. Environ 30 % des dissections ont leur origine dans l’arche aortique (figs. 810 et tableau I).
Fig. 9 – Hypoperfusion et dissection aortique. Modifiée d’après Williams (33). La combinaison d’obstruction dynamique et d’obstruction statique est fréquente.
Tableau I – Risque évolutif et taux de mortalité en fonction de la localisation de la lésion aiguë primaire (approximation extrapolée). HIM
Fig. 7 – Dissection aortique de type B typique. La déchirure initiale est juste en aval de la sous-clavière gauche. On note deux canaux (vraie et fausse lumière) dont l’un (vraie lumière) est collabé. On note également de nombreuses déchirures de ré-entrée au niveau des intercostales et du tronc cœliaque arrachés tout comme une déchirure de décharge principale au niveau thoracal.
Dissection Rupture Mortalité (30 jours) Registry (IRAD) Chirurgie ER Conservatif UAP Dissection Rupture Mortalité (30 jours) Registry (IRAD) Chirurgie ER Conservatif Dissection
Fig. 8 – Classification modifiée en fonction du site d’entrée de la dissection. Cette classification modifiée permet de mieux déterminer le risque évolutif des lésions selon leur origine.
Rupture Mortalité (30 jours) Registry (IRAD) Chirurgie ER Conservatif
Toutes localisations
Type A (et arche)
Type B
20-50 % 20-50 %
-
12-20 % 10 % 15-25 %
19 % 10-50 % 25-55 %
11 % 20 % < 10 % 10 % 10 %
Type A Toutes localisations (et arche)
Type B
15-30 % 10-30 %
60 % 10-45 %
10 % 10 %
19 % 10 % 25 %
57 % < 20 % 100 %
16 % 15 % < 10 % 10 %
Type A Toutes localisations (et arche)
Type B
20 %
25 %
10%
30 % 20-50 % < 25 % 30-50 %
33 % 20 % 20 % 50 %
25 % 25-75 % < 10 % 10 %
Cave : les valeurs mentionnées ne sont à considérer que comme ordre de grandeur (24-32, 49-77).
Perspectives de prise en charge moderne des syndromes aortiques aigus
Fig. 10 – Syndrome de malperfusion sur invagination de la membrane de dissection.
Imagerie diagnostique et/ou thérapeutique Les possibilités diagnostiques et thérapeutiques ont évolué de manière significative ces 15 dernières années avec une amélioration substantielle du pronostic au stade aigu. Cette évolution est la conséquence de l’avancée en imagerie (scanner) et techniques radiologiques endovasculaires (stenting et/ou fenestration et implantation de stents grafts) et de la compréhension de la problématique engendrée par la dissection aortique (complication statique et/ou dynamique). Deux radiologues d’exception doivent être ici mentionnés : Mike Dake et David Williams, qui ont été les contributeurs principaux dans ce domaine.
Fig. 11 – Angioscanner montrant une dissection s’étendant à la racine de l’aorte et au sinus coronarien.
Résonance magnétique La résonance magnétique n’est généralement pas appropriée pour examiner un malade instable, surtout lors de présentation nocturne. En revanche, et par son absence de radiations, l’IRM est l’examen des choix pour suivre le malade, surtout jeune, à long terme.
Scanner
Échographie
L’angioscanner doit idéalement inclure les vaisseaux supra-aortiques (y compris la bifurcation carotidienne) et fémoraux, de manière à apprécier l’extension d’une dissection (étendue des vaisseaux disséqués). La prise d’images en phase artérielle et veineuse tardive peut donner des informations sur le flux sanguin dans la vraie et fausse lumière et détecter des syndromes obstructifs. La technologie moderne permet de réaliser un examen du cœur dans un laps de temps inférieur à 20 secondes, ce qui ne prolonge pas l’examen de manière significative et fournit des informations sur les fonctions myocardique, valvulaire et coronariennes qui peuvent être importantes pour la prise en charge du malade en phase initiale. Un timing judicieux permet de réaliser d’abord le scanner cardiaque suivi par les deux phases d’angiographie avec 80 mL de produit de contraste au total. L’examen peut être répété au décours de la chirurgie ou du traitement endovasculaire (fig. 11).
L’échographie n’est plus l’examen de choix pour détecter une dissection aortique. Sensibilité et spécificité demeurent indiscutées, mais les informations livrées par le scanner sont largement plus utiles (examen des troncs supra-aortiques et viscéraux « en passant ») et plus rapidement fournies. En outre, le scanner est indépendant de l’opérateur. Mais l’échographie a gardé ses lettres de noblesse comme examen peropératoire (quantification de l’insuffisance aortique, de l’épanchement péricardique ou détection des anomalies intracardiaques ou valvulaires associées, appréciation du résultat de reconstruction de la valve aortique et appréciation qualitative du flux dans l’aorte descendante) ou pour guider la navigation lors d’implantation de stent graft. En outre, l’échographie permet de différencier hématome intramural et dissection localisée avec flux très lent ou minime (plus difficile à différencier au scanner).
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Les syndromes aortiques aigus Tableau II – Arsenal d’imagerie radiologique diagnostique et procédural à disposition.
Sonographie duplex Le duplex est essentiel pour quantifier les flux sanguins dans les vaisseaux disséqués en préopératoire et postopératoire, en particulier les artères carotidiennes et rénales.
Diagnostic Scanner Échographie
Angiographie
+ (HM) peropératoire (carotides, rénales) peropératoire (–)
IVUS
-
IRM
-
Duplex
Angiographie L’angiographie représente l’examen de choix pour la mesure de pression dans la fausse et la vraie lumière, surtout des vaisseaux viscéraux, difficile d’accès à la sonographie duplex. En outre, l’angiographie est l’instrument de base pour réaliser les gestes endovasculaires.
Intervention
Suivi
(–)
(+) (–)
(+)
(+)
Fenestration/ stenting SG Navigation (ER) -
+
+ : examen de premier choix ; HIM : hématome intramural ; (+) : pas le premier choix ; - : seulement lors d’indication spécifique ; ER : endovascular repair.
Intravascular ultrasound
Mesures thérapeutiques L’intravascular ultrasound (IVUS), ou échographie endovasculaire, peut être très utile pour la navigation lors d’intervention endovasculaire, notamment pour s’assurer que les guides sont effectivement dans la lumière d’intention, et pour s’orienter quant à la position correcte des endoprothèses. En plus, c’est la technique d’imagerie de choix pour réaliser une fenestration de la membrane de dissection (fig. 12 et tableau II).
Management du patient présentant un SAA Les malades présentant une douleur thoracique aiguë devraient être inclus dans un protocole spécifique, pris en charge par une équipe spécialisé et traités de manière prioritaire, jusqu’à exclusion d’une entité vasculaire potentiellement létale (fig. 13).
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Fig. 12 – Angio-scanner effectué en pré- et postopératoire montrant une dissection de type A compliquée (atteinte des vaisseaux supraaortiques, hypoperfusion de la rénale gauche et de l’iliaque commune droite. a) Stade préopératoire. a1) Dissection supra-aortique. a2) Lésion primitive dans l’arc proximal. a3) Hypoperfusion rénale gauche. Collapsus de la vraie lumière. a4) Hypoperfusion de l’iliaque gauche. b) Résultat postopératoire. b1) Dissection persistante (flux duplex normal). b2) HIM résiduel après collage de l’arc. b3) Perfusion rénale gauche rétablie. Vraie lumière décomprimée. b4). Perfusion iliaque rétablie.
Perspectives de prise en charge moderne des syndromes aortiques aigus
Fig. 13 – Algorithme de traitement en vigueur à l’hôpital universitaire de Zurich. TA (lésion aortique de type A : origine de la lésion dans l’ascendante ou extension rétrograde jusqu’à l’ascendante), Arche (origine de la lésion aortique dans l’arc ou extension rétrograde jusqu’à l’arc), TB (lésion aortique de type B : origine de la lésion dans la descendante), OR (open repair), ER (endovascular repair).
lée n’a pas obligatoirement d’effet sur le rapport dp/dt, car il peut rester sans effet sur la dp (dp sans vasodilatateur : 80 mmHg [160 mmHg-80 mmHg], dp avec vasodilatateur : 80 mmHg [120 mmHg-40 mmHg]). Si, pour l’HIM et l’UAP, il est clair que la réduction de la tension pariétale est indispensable, la situation est plus complexe en cas de dissection aortique. – Hypertension et DATA (aorte ascendante) : Le traitement de choix comporte un vasodilatateur veineux (par exemple : nitroglycérine). L’utilisation de bêtabloquant doit être évitée en cas d’insuffisance aortique majeure, car la diminution de la fréquence cardiaque augmente le taux de régurgitation à travers la valve aortique incompétente. – Hypertension et DATB (aorte descendante non compliquée) : titrage d’un bêtabloquant de manière à atteindre une fréquence cardiaque de 60’ combiné à un traitement comprenant vasodilatateur et diurétique, avec comme but une pression systolique < 110 mmHg. – Hypertension et DATB (aorte descendante avec gradient de pression entre les extrémités supérieures et inférieures) : réduction de la pression artérielle aux membres supérieurs de manière à atteindre une pression de perfusion moyenne aux membres inférieurs > 50 mmHg et < 70 mmHg et une diurèse conservée.
Management de la crase sanguine Après avoir exclu un infarctus aigu du myocarde (ECG, enzymes), restent deux pathologies essentielles : l’embolie pulmonaire (EP) et la lésion aortique. L’anamnèse et la clinique peuvent orienter le diagnostic, mais finalement ce dernier passe par l’angioscanner aortique. La discussion du diagnostic et du traitement de l’embolie pulmonaire dépasse le cadre de ce chapitre. Si la DA de type A (DATA), en particulier lors d’épanchement péricardique significatif, et la DA de type B (DATB) compliquée (rupture aortique, trouble de perfusion médullaire ou complication thoracoabdominale) doivent être traitées sans délai ; à l’inverse, les autres lésions aortiques peuvent être prises en charge initialement de manière conservative.
Management de la pression artérielle Une réduction de la pression sanguine, et donc de la tension pariétale instantanée, peut être essentielle en cas de lésion aortique. La mesure la plus appropriée pour atteindre ce but est l’application d’un bêtabloquant diminuant le rapport dp/dt. Le vasodilatateur appliqué de manière iso-
Une coagulation intravasculaire disséminée est présente chez quasiment l’ensemble des malades ayant une DA (46), ce qui est un facteur de risque pour le développement de thromboses aiguës (responsable pour plus de 30 % des complications létales) dans la fausse lumière. En outre, la thrombose partielle de la fausse lumière est un facteur pronostique d’évolution défavorable, alors qu’à l’opposé l’absence de thrombose dans les canaux de dissection est corrélée car le meilleur résultat à long terme (47). En conséquence, les auteurs recommandent (48), en cas de dissection simple de l’arche ou de l’aorte descendante, de démarrer une héparinisation thérapeutique dès la pose du diagnostic. Le risque hémorragique est minime et surtout théorique, alors que le bénéfice potentiel est grand. L’anticoagulation orale est probablement justifiée pour au moins 6 semaines ; période de temps où la fausse lumière est fortement thrombogène. Les auteurs proposent l’anticoagulation pour 3 mois avec réévaluation basée par imagerie. Il semble raisonnable de ne pas hépariniser/anticoaguler les malades présentant un HIM, sous risque de provoquer un saignement plus important dans la paroi aortique, ce qui pourrait dégénérer en une DA.
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Les syndromes aortiques aigus
Chirurgie et lésions de type B
Chirurgie Chirurgie et lésion de type A La chirurgie résout les trois problèmes majeurs de la dissection de type A : l’insuffisance aortique, la rupture de l’aorte et la malperfusion en rétablissant un flux normal à l’entrée de l’aorte descendante (transformant la dissection de type A en dissection de type B). Les trois points clés de la chirurgie sont : 1. reconstruction ou remplacement de la racine aortique à l’aide d’un conduit valvulé et réimplantation des coronaires ; 2. reconstruction ou remplacement prothétique de l’arche aortique ; 3. remplacement prothétique de l’aorte ascendante. L’intervention se fait sous assistance circulatoire extracorporelle et en arrêt circulatoire avec hypothermie (18-24 degrés Celsius) pour le geste sur l’arche aortique (fig. 14).
Chirurgie pour les lésions de l’arche Il n’existe pas d’évidence spécifique dans la littérature contemporaine en ce qui concerne les lésions plus ou moins localisées à l’arche aortique. Nous proposons l’algorithme en vigueur à l’hôpital universitaire de Zurich : lorsque la lésion aortique s’étend à l’aorte ascendante, le principe de traitement est le même que pour les lésions de l’aorte ascendante. Lorsque la lésion s’étend à l’aorte descendante, le traitement est conservateur pour les lésions simples ou intervention lors de lésions compliquées ou d’UAP combiné à un HIM.
A
Elle consiste en un remplacement prothétique du segment aortique problématique. Les lésions de l’aorte descendante proximale et de l’arche sont traitées par une thoracotomie gauche, alors que les lésions s’étendant à l’aorte descendante distale ou à l’aorte abdominale nécessitent un abord largement plus étendu, généralement thoracoabdominal. Les malades sont refroidis à 34 degrés pour diminuer le risque de paraplégie ou d’ischémie viscérale et/ou périphérique lors du temps de clampage aortique, ou plus si un arrêt circulatoire est nécessaire pour le geste sur l’arche aortique. Les problèmes peropératoires principaux sont les troubles de la crase (CIVD lors de DA, trouble de la fonction plaquettaire et des facteurs de la coagulation dus à la CEC et l’hypothermie profonde) et la fragilité tissulaire de l’aorte disséquée, surtout si les anastomoses sont réalisées dans des tissus encore disséqués. Les problèmes postopératoires sont nombreux et leur description détaillée dépasse le cadre de cet article (fig. 15).
Interventions endovasculaires Interventions des lésions de type A Les interventions endovasculaires dans ce type de lésions visent principalement à résoudre une malperfusion viscérale responsable d’une mortalité lourde ou périphérique. L’intervention peut être effectuée avant une chirurgie aortique thoracique chez les malades stables. La thrombose des artères viscérales est traitée par lyse ou thrombo-aspiration. L’obstruction dynamique
B
Fig. 14 – Technique utilisée à l’hôpital universitaire de Zurich. A) CEC avec retour sanguin par la sous-clavière droite. Perfusion cérébrale antégrade lors de l’arrêt circulatoire. B) Reconstruction de la racine aortique et de l’arc, combiné avec un remplacement prothétique de l’ascendante.
Perspectives de prise en charge moderne des syndromes aortiques aigus
est résolue par fenestration et/ou implantation d’un stent pour obtenir une ré-expansion de la lumière aortique ou viscérale comprimée. Des interventions hybrides, combinant un geste chirurgical et l’utilisation simultanée d’une prothèse endovasculaire ont été rapportées ces dernières années (49-50). Il s’agit généralement de l’implantation par arche ouverte d’un stent graft pour couvrir une déchirure de l’intima très distale et inatteignable par l’abord antérieur (sternotomie) ou pour forcer l’expansion de la vrai lumière dans la descendante pour augmenter la perfusion distale (fig. 16).
Interventions sur les lésions de type non A non B Cf. supra.
Interventions sur les lésions de type B
Fig. 15 – Le pontage axillo-fémoral est une option valable chez les malades aigus et à risque prohibitif pour la chirurgie directe, pour résoudre une malperfusion notamment périphérique. Chez ce malade, le diagnostic n’a été posé qu’après un délai (dû au malade) de plusieurs jours, alors qu’il était déjà en état d’anurie et paraparétique et il a été considéré comme inopérable pour une chirurgie exhaustive. La mise en place d’un pontage axillo-bifémoral a résolu le problème de l’ischémie rénoviscérale et périphérique.
A
En 1993, David Wiliams (51) a introduit le principe de la fenestration de la membrane de dissection afin d’éliminer le gradient de pression responsable de la compression de l’une ou l’autre lumière et de rétablir ainsi une perfusion adéquate. En 1996, Mike Dake (52) modifia cette technique en associant la pose d’un stent dans la lumière compromise. La technique de fenestration/stenting reste une option valable à ce jour. Les auteurs ont fait l’expérience d’une rupture inattendue de l’aorte thoracique suite à cette manœuvre chez un patient jeune présentant une DATB et malperfusion périphérique. C’est pourquoi désormais nous ne pratiquons la technique de fenestration/stenting chez les malades jeunes qu’en combinaison avec la pose d’un stent graft préliminaire sur le site d’entrée de la dissection.
B
Fig. 16 – Chirurgie classique et technique hybride en cas de dissection de type A. A) Un stent graft, pour couvrir une déchirure dans l’arc distal, est implanté sous assistance endoscopique à travers l’arc aortique ouvert (arrêt circulatoire). B) Imagerie pré- et postopératoire montrant un résultat satisfaisant avec disparition de la dissection.
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Les syndromes aortiques aigus
L’implantation de stents grafts pour occlure la lésion primitive (tear lors de dissection, HIM, UAP) et obtenir une réexpansion de la vraie lumière a été introduite par Mike Dake en 1994 (53). La thrombose consécutive de la fausse lumière est considérée comme un stade de guérison de la maladie. Certains auteurs ont proposé en outre de traiter d’emblée non seulement le segment aortique où le tear initial a pris naissance, mais aussi l’aorte disséquée dans sa totalité notamment avec l’utilisation de stents non couverts au niveau du départ des artères viscérales. Cette méthode semble être efficace, mais ne peut actuellement pas être recommandée sur la base d’une évidence quelconque (figs. 17 à 21).
cal conventionnel combiné à un geste endovasculaire). L’arche aortique, l’aorte descendante et l’aorte thoracoabdominale peuvent être traitées par implantation de
En résumé À l’heure actuelle, l’ensemble des lésions de l’aorte (à l’exception de la DATA avec insuffisance aortique majeure et/ou tamponade péricardique) sont traitables de manière interventionnelle ou hybride (acte chirurgi-
A
Fig. 17 – Syndrome de malperfusion sur dissection de type B. Persistance d’une compression dynamique après fenestration par ballon d’angioplastie. Problème résolu par l’implantation d’un stent nu.
B
Fig. 18 – Syndrome de malperfusion réno-viscérale. A) La mesure de pression invasive montre un gradient de pression moyen de 25 mmHg. B) Après implantation d’un stent graft, le gradient a disparu et on note l’expansion de la vraie lumière ainsi que la thrombose de la fausse lumière.
A
B
Fig. 19 – Dissection de type B avec signes de rupture. a) Rupture contenue: extravasation de produit de contraste et hématome périaortique. b) Stabilisation par implantation d’un stent graft (TAG) de 20 cm de longueur et couvrant le départ de la sous-clavière gauche.
Perspectives de prise en charge moderne des syndromes aortiques aigus
Fig. 20 – Traitement endovasculaire par implantation d’un stent graft (TAG, Gore) pour UAP combiné à un HIM de la descendante distale.
Fig. 21 – Traitement endovasculaire par implantation d’un stent graft pour DATB avec syndrome douloureux persistant et effusion périaortique/pleurale. La dilatation du stent graft par ballon d’angioplastie pour ré-expandre la vraie lumière peut produire une déchirure de la membrane de dissection, et n’est dans notre expérience pas nécessaire (même en cas de rupture contenue). En l’espace de trois mois, le SG s’est ouvert de manière totale, réappliquant la membrane de dissection à l’adventice.
stents grafts branchés ou de stents grafts conventionnels après réimplantation chirurgicale des vaisseaux supra-aortiques et/ou viscéraux (technique hybride) (54-77).
Discussion et conclusions La notion de syndrome aortique aigu vise à attirer l’attention du non-spécialiste en maladies vasculaires, y compris des jeunes internes sur cette entité, pour pouvoir améliorer le pronostic de la maladie. Il est notable qu’environ 40 % des pathologies aiguës de l’aorte thoracique ne sont pas diagnostiqués d’emblée (78). En outre, un nombre non négligeable de décès étiquetés
d’origine cardiaque se révèle à l’autopsie comme étant en fait de nature aortique. Comme le décours de la maladie dépend du traitement initial, il semble impératif de poser un diagnostic correct rapidement. Le scanner qui permet d’investiguer l’ensemble de l’arbre aortique et le cœur en l’espace de quelques minutes seulement est actuellement l’élément diagnostique clé. Les lésions aiguës de l’aorte ascendante représentent un risque dégénératif majeur, qu’il s’agisse de dissection aortique, d’hématome intramural ou d’ulcère pénétrant, et requièrent un traitement chirurgical sans délai. Le bénéfice à court et long terme de cette intervention est bien documenté. Les lésions simples de l’aorte descendante sont généralement traitées avec un bêtabloquant et mises sous observation radiologique à long terme. Une intervention n’est nécessaire que lors d’une complication évolutive majeure (rupture aortique, malperfusion en aval de la lésion, douleurs ou hypertension résistantes, lors de lésions évolutives et de développement d’anévrysme). L’ulcère aortique pénétrant associé à un hématome mural représente un risque évolutif certain et peut également être intégré dans ce groupe d’indication. La chirurgie ouverte n’améliore pas le pronostic et n’est actuellement pratiquée que pour les échecs du traitement conservateur et endovasculaire. Les techniques endovasculaires (la fenestration avec ou sans pose de stent et/ou l’implantation de stents grafts couvrant la lésion ou l’entrée de la dissection), montrent un taux de complications nettement inférieur à la chirurgie classique, ce qui semble justifier leur utilisation de manière plus libérale. Il est plus difficile de se prononcer sur la stratégie à suivre en cas de lésions localisées à l’arche aortique, car celles-ci sont malheureusement traditionnellement inclues dans le groupe des lésions de type A et n’ont pas été analysées de manière séparée ou spécifique. Pour en savoir plus, il serait impératif à l’avenir de décrire, si possible, une lésion en fonction de son origine exacte (type A, arche et type B), de son étendue et de son évolution. L’auteur recommande une attitude expectative similaire aux lésions de l’aorte descendante lors de lésions s’étendant vers l’aorte descendante et une attitude agressive pour les lésions progressant en direction de l’aorte ascendante ou la touchant. L’anticoagulation en cas de dissection aortique (probablement aussi pour la dissection de type A opérée) semble bénéfique et devrait être considérée chez les malades sans risque majeur de rupture.
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Les syndromes aortiques aigus
POINTS ESSENTIELS 1. Exclure une pathologie aortique (SAA) lors de
syndrome douloureux thoracique aigu, en particulier lorsque la douleur a un caractère migratoire (en direction du cou ou des membres inférieurs). 2. En cas de suspicion de SAA, ordonner en premier lieu un angio-scanner thoraco-abdominal afin d’apprécier la lésion et son étendue et pour exclure un syndrome de malperfusion viscérale (souvent longtemps silencieux). 3. Induction d’une hypotension contrôlée dès qu’un SAA est détecté. Le bêtabloquants représentent le médicament de premier choix et n’est contreindiqué qu’en cas de bradycardie sévère, d’intolérance notoire et lors d’insuffisance aortique majeure. En cas de tamponnade péricardique, une pression de perfusion > 50 mmHg (pression artérielle moyenne-pression veineuse centrale) au moins doit être maintenue. 4. Les lésions de l’aorte ascendante (dissection, ulcère pénétrant et hématome pariétal) ou l’atteignant de manière rétrograde sont de pronostic grave et doivent être adressées rapidement à un spécialiste. La prise de contact doit être immédiate lors d’épanchement péricardique, d’insuffisance aortique majeure ou lors de malperfusion des troncs brachiocéphaliques. 5. Les lésions simples et stables de l’arche et de l’aorte descendante peuvent être traitées par traitement conservateur et suivi radiologique. 6. L’HIM aigu peut se rompre ou se transformer en dissection. L’ulcère pénétrant aigu peut dégénérer en HIM, induire une dissection ou se rompre. Le syndrome de malperfusion viscérale lors de dissection a une mortalité très élevée. 7. Les lésions compliquées (malperfusions viscérales, médullaire ou périphérique, fuite hémorragique, hypertension ou douleurs réfractaires) ou instables (dégénérescence anévrysmale, hématome périaortique évolutif) nécessitent également une prise de contact non différée avec un spécialiste. 8. Le traitement de choix des lésions compliquées de l’arche et de l’aorte descendante est interventionnel (fenestration, stenting, pose de stents couverts). 9. L’évolution à long terme des malades traités est semblable à celle des malades n’ayant pas nécessité de traitement chirurgical ou endovasculaire. L’évolution spontanée de la dissection aortique présentant deux lumières non thrombosées est plus favorable que celle où la fausse lumière est complètement thrombosée, ou nettement plus favorable que lorsque la fausse lumière ne l’est que de manière partielle. 10. Le traitement au long cours devrait inclure un bêtabloquant et probablement en phase initiale une anticoagulation orale et un suivi à long terme clinique et radiologique.
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