ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE RÙM TURC
LES CAHIERS DU BOSPHORE X
ROMANIE BYZANTINE ET PA YS DE RÛM TURC
• HISTOIRE D'...
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE RÙM TURC
LES CAHIERS DU BOSPHORE X
ROMANIE BYZANTINE ET PA YS DE RÛM TURC
• HISTOIRE D'UN ESPACE D'IMBRICATION GRÉCO-TURQUE
Michel BALIVET
LES ÉDITIONS ISIS ISTANBUL
ERRATA
Sommaire, ligne 12. lire ... ROm p. 14, noie 12, ligne 6, lire ... Apollonio, p. 19, noie 18, ligne Il. lile ... prohibens bellum p. 21, noie 22, ligne 2. lire ... par exemple' p. 30, noie 14, lignes 1 cl 3, lire ... Turcoples p. 35, ligne 6, lire. Lalinos noslros p. 40, noie 67, ligne '. lire ... veul bien; cl ligne 6 ... peul-êlre p. 42, ligne l, lire. caléchumènes p. 49, noie 108, ligne 5, lire ... Cheynel p. 56, ligne ID, lire controversistes p. 69, ligne 6, lire. Ahdull"h p. 71, ligne 18, lire . Behmen le Géorgien; cl ligne 26 ... Ispir p. 93, ligne 6, lire. Mourtaloi p. 103, ligne 24, lire . empire p. 134, ligne 27, lire . en 1453 p. 158, noIe 75, lire . l'iloli p. 182, lilre de la panic 4-, ligne 2, lire ... impérialisme légilimé p. 183, ligne 18, li,,· .. Sépulcre p. 184, noIe 9, ligne 4. lire ... Seder p. 201, ligne 2, lire . musulmans he lié no phones de Crèle; el ligne 10. lire ... Hahalllba~1
p. p. p. p. p. p.
202, ligne 3, lire Martol07JArmalole ; cl dernière ligne ... al-Sakhrah 205. ligne 21, lire .. scriptorcs Illcùiac ct inlimae ; el ligne 28 .. Tabulnc 210, ligne Il, lire . Laonici Chaleocandylae 211, ligne 25, li", .. ef. Kourou,is, 5., MWlOuil C"b"l"s, Alhènes. 1972. 214, ligne 23, lire .. Chu vin 228, Ange. Manuel : les pages indi'luées concernenl aussi Manuel lcr Comnène el Manuel Il Paléologue.
©Éditions Isis
Puhlifpar
Les Editions Isis ~emsibey Sokak 10 Beylerbeyi, 81210 Istanbul
ISBN 975-428-062-2
Première impression 1994
A la mémoire de Fevvye Hamm el Ulvi Bey
SOMMAIRE
SYSTEME DE TRANSCRIPTION ........ .......... ......... ............ ............ CARTES.......................................................................................
IX Xl
AVANT-PROPOS ......................................................................... . CHAPITRE PREMIER ORBIS CHRISTlANUS ET DÂR AL-ISLÂM AU-DELA DES CONFLITS: UNE IMBRICATION ARABO-CHRÉTIENNE MÉDIÉVALE ................................................................................
7
CHAPITRE DEUXIÈME RHÔMANIA BYZANTINE ET DIY ÂR-I RÛM TURC: UN CREUSET POLmQUE ET CULTUREL (XIe_xve siècles) .... .......... .....................
27
CHAPITRE TROISIÈME RHÔMANIA BYZANTINE ET DIYÂR-I RUM TURC: UNE AIRE DE CONCILIATION RELIGIEUSE (XIe-xve siècles) ................................ III
CHAPITRE QUATRIÈME DEVLET-I OSMÂNÎYE : UN ESPACE OTTOMAN D'OSMOSE ISLAMO-CHRÉTIENNE (xve-XIX· siècles) .............. ................ ......... 179
GLOSSAIRE .......................................... ........... ...................... ...... 199 BIBLIOGRAPHIE ...... ........ ... ..... ........ .... ....... ........... .... ................... 205 INDEX ......................................................................................... 227
SYSTÈME DE TRANSCRIPTION
Nous avons respecté le plus souvent possible le système turc moderne, en
ce qui concerne les noms. notions ou personnalités lurcs (ou ayant un rapport étroit avec le monde turc) à l'exception des mots passés en français dans une orthographe consacrée par l'usage: Bajazet, Soliman, cadi, cheikh etc. Nous en rappelons les différences par rapport au français: i sans point (1), se prononce avec l'extrémité de la langue ramenée franchement en arrière vers le milieu du palais; ô=eu ; u=ou ; ü=u ; c=dj ; ç=tch ; e=è très ouvert; g=g dur; yumuiak g ou g doux = 1· après e, i, Ô, Ü, se prononce comme y, 2· après " i
sans point, o. u. se prononce par une brève suspension de la voix, comme entre les deux a du français !lahanner", 30 après a, i sans point, 0, u, s'il suit ces voyelles dans la première syllabe du mot, il provoque l'allongement de la voyelle qui le précède: aga "agha" se prononce ô'a ; dal! "montagne" se prononce dâ ; h=h avec une nelte aspiration; s avec cédille (§) = ch. Cf. L. Bazin, Introduction à l'étude pratique de la langue turque, Paris, 1968,9-12. Pour l'arabe et le persan, nous utilisons souplement les principaux systèmes en vigueur, selon leur emploi par les auteurs que nous citons, tout en renonçant généralement, pour des raisons typographiques, aux points diacritiques, hamza, ayn etc. Pour les ouvrages grecs modernes, noms de lieux etc .. nous simplifions
au maximum les transcriptions, selon l'usage et la prononciation modernes, ne tenant pas systématiquement compte des "esprits rudes" ni de la prononciation "érasmienne" du êta (usage érasmien n=è ; grec moderne n=i), ni de la graphie archaïsante de cenains noms géographiques (Véria et non "Berrhoia").
CARTES
LES TROIS ESPACES DE L'AIRE BYZANTINO-TURQUE DÉSIGNÉS COMME "ROMAINS"
Cane 1: La Romanie byzantine au début du XIe siècle (d'après G. Ostrogorsky, Histoire de l'État byzantin, Éd. Payot, Paris 1969).
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Carte III: La Roumélie ottomane (XVne-Xvme siècles) (d'après l'Histoire de l'Empire al/oman sous la direction de R. Mantran, Éd. Fayard, Paris. 1989).
Avant-Propos
Byzantins et Turcs: peuples de tout temps ennemis, irrEductiblement opposés par la langue, la religion, la culture. D'une part une ancienne chn!tientl!, sédentaire et méditerranéenne; de l'autre, des clans nomades de la steppe centreasiatique tard venus à l'islam. État byzantin et Sultanat turc : deux ordres politiques violemment concurrents, se disputant par les armes l'aire anatolienne puis balkanique pendant les quatre derniers siècles du moyen-âge. Quatre-cents ans de conflits guerriers, d'invasions brutales et de contre-attaques destructrices qui finirent par transformer les plus vieilles provinces chrétiennes de l'ancien empire romain en terre d'islam, les zones les plus urbanisées, les terroirs agricoles les plus prospères, en . territoire de parcours pour les troupeaux des pasteurs turcomans. Un empire, grec et chrétien depuis le IV" siècle, devient un sultanat, turc et musulman jusqu'au début du XX". Ce conflit entre deux civilisations et cette substitution d'un ordre politique impérial à l'autre ont été longuement analysés par les historiens et n'ont pas fini d'être matière d'étude, tant les détails du processus sont complexes et les conséquences politiques et culturelles du phénomène perceptibles jusqu'à nos jours. Le travail ici présenté qui aimerait lui aussi apporter une modeste contribution à l'étude des relations byzantino-turques n'entend pas le faire en s'occupant de la partie conflictuelle de cette histoire, bien connue, et très souvent analysée par ailleurs. Mais persuadé du fait que deux peuples, deux cultures, deux civilisations, amenés par les circonstances historiques à vivre étroitement mêlés pendant de nombreux siècles, ne peuvent pas rester totalement imperméables les uns aux autres, ni éviter de s'interpénétrer en quelque manière, nous avons essayé de capter des courants d'idées iréniques et des comportements conciliateurs, plus discrets, plus quotidiens et moins fréquemment mis en valeur que les oppositions frontales et les conflits armés. C'est l'histoire des contacts et des échanges imposés par la cohabitation géographique que nous avons abordée ici, histoire sans laquelle sont mal compréhensibles des phénomènes aussi importants que le recul et la fin de Byzance, l'essor du sultanat seldjoukide et la rapide mise en place de l'État ottoman. C'est également l'histoire d'un espace médiéval trop exclusivement décrit comme une zone d'affrontements et de guerres mais qui fut aussi, et à égalité, - ce qu'il avait d'ailleurs été dès l'antiquité - creuset de traditions
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE RÛM TURC
multiples, aire d'imbrication ethnique, terre de tous les syncrétismes et des fusions interculturelles les plus audacieuses_ Cet espace avait fondé l'identité culturelle et la légitimité politique des Byzantins depuis les tout débuts du moyen-âge. Il eut curieusememt le même rôle chez les Turcs dès leur installation dans la zone à partir du XIe siècle. De même que, on le sait, les Byzantins se considéraient eux-mêmes comme les seuls "Romains" légitimes, et leur territoire comme l'unique et véritable "Romanie", dernier sanctuaire non-violé de l'imperium antique, les Turcs, d'une façon étonnante, se reconnurent très vite, une fois l'espace micrasiatique en partie occupé, comme "Romains" (Rûmî), leur territoire comme "Pays Romain" (Diy{Jr-l Rûm), et leur souverain comme "Sultan Romain" (al-Rllmî)l. Dans certains textes musulmans du bas moyen-âge, le mot ROmÎ est tellement ambigu que seul le contexte peut dire s'il désigne un Grec ou un Turc 2. Et si l'Égypte put parfois être désignée à cause de son oligarchie militaire d'origine turque comme Daw/a al-Etrtîk (l'État des Turcs), le sultanat médiéval seldjoukide puis oltoman, fut essentiellement connu, senti et affirmé dans son originalité, comme le sultanat "Romain" aussi bien dans son assise anatolienne (désignée comme Diy{Jr-l Rûm, parfois même comme Diy{Jr-l Yûnân, le "Pays Grec") que dans son glacis balkanique lequel d'ailleurs finira par monopoliser l'appellation "romaine" dans le terme de Roumélie (Rûmeli, la "Province Romaine" autant dire les anciennes possessions européennes de Byzance)3. De plus, dans celte RomanielPays de Rûm, les aléas politiques ni les affrontements mililaires mulli-séculaires qui dressèrent l'une contre l'autre deux civilisations impériales concurrenles, la gréco-byzantine et la turco-ottomane (ou antérieurement la turco-seldjoukide), n'entraînèrent la disparition totale de l'une au profit de l'autre. S'il y eut substitution politique et remplacement d'une élite dirig~ante par une autre, il ne faut pas pour aulant considérer que cette substitutIOn se fit en un mode d'absolue discontinuité et de fracture nelle. Au contact du monde musul.man arahe, persan ct turc (comme à celui de l'occident latin d'ailleurs), Byzance s'était depuis le haut moyen-âge, lentement, discrètement mais sûrement transformée, de même que les Turcs, à force de vivre en pays "romain", avaient eux-même évolué. Ce double "transformisme" ~tait allé dans le sens d'une certaine érosion des divergences les plus flagrantes entre les deux mondes et de la constitution d'un plus petit dénominateur commun. De 1Diyt!r-l Rûm. par ex. Ibn Ke~l. ~. T~ran. Il. 233. Al-Rûm;, par ex. Ibn Nazif aJ.Hamawi qui œscrve ce ~nne au sultan seldJouku.Je. 1empereur byzantin élanl appelé al-Ashlcari (Laskaris) cf. Cahen. Vanorum. X. 148. •
2~.& les ~rces mameloukes. le terme Rûmi désigne aussi bien les Turcs d'Asie-Mineure (Pelry C~vllian Elut, 72) que les Grecs (la femme grecque d'un sultan mamelouk. par ex Ibn Taghr: Blld1, NUÎûm, Il, l, 108). ., •
3Dawla ai-Eira", par ex. tbn tyi., Budd'i ul-ZuhOr. l, 99, 257. DiyIJr-. YOndn ROm-eli Ibn KemAl loc. cu. . . .
AVANT-PROPOS
3
cette manière, Byzance avait su anciennement utiliser le potentie1 humain. militaire ou culturel que pouvait représenter le voisin musulman et turc, comme ce dernier n'hésita jamais à adopter de la part de l'hellénisme roman<>-byzantin tout patrimoine utile et assimilable.
C'est dire qu'il ne faut jamais confondre le rythme haché et saccadé des successions brutales d'hégémonies politiques et celui, plus lent et plus progressif des osmoses culturelles entre sociétés et civilisations forcées par la conjanclure au voisinage el au côloiement. C'est au second de ces rythmes que l'étude qui suit lenle de se consacrer en s'atlachant à l'analyse des couranls concilialeurs qui circulenl nécessairemenl enlre Ioules les civilisations voisines quelle que soit l'importance des rivalilés et dissemblances qui les séparent. Ces courants sont plus discrels, plus soulerrains mais non moins fondamentaux pour la compréhension des dynamiques hisloriques que les chocs guerriers des impérialismes concurrents. Quelques exemples rapides tirés de l'espace gréco-turc, éclaireront ce propos: si l'histoire militaire peut expliquer d'une manière satisfaisante -du moins partiellement-, la rapidité de l'invasion turque en Analolie elles succès quasi-constants sur le terrain, des armées seldjoukides, des cavaliers lUrcomans ou des troupes d'élite ottomanes, l'histoire des conflits suffit-elle, à elie-seule, à expliquer la durée considérable de la domination turque en des zones anatoliennes et balkaniques où les conquérants furent souvent minoritaires? Comment comprendre que non seulement beaucoup de chrétiens indigènes résistèrenl très mollement aux envahisseurs mais qu'ils passèrent même par collectivités entières à l'ennemi, collaborant avec ce dernier, s'intégrant activement à la société des vainqueurs et leur manifestant même parfois une fidélité sans faille à des moments de crise politique turque où il leur aurait été facile de se libérer de leur domination? Comment saisir en termes d'analyse purement conflictuelle que, en tant de siècles d'une sujétion turque supposée par l'Europe chrétienne particulièrement contraignante. certains groupes (circassiens, crétois, al~~ais?u bosniaques) adoptèrent l'islam sans perdre pour aUlant leur ongmahté linguistique, tandis que d'autres (chrétiens de Karaman, Gagaouzes) restèrent ou devinrent turcophones 10UI en gardant leur identité religieuse 1" C'est là que doit intervenir l'histoire des rapprochements, ~es ~ontacts, des modus-vivendi inter-ethniques. ainsi que l'étude des mollvatlons de ces , cOlnportements conciliateurs. Une enquête systémalique en ~es domaines peut seule fournir les indispensables compléments aux mformallons peu n.uancées Tivrées par l'histoire conflictuelle, et i>"rmettre ainsi une c~mp~henslOn plus satisfaisante de processus historiques aussi fondamentaux en histOIre byzanune et ottomB/le que ceux de la décadence el de la chute de Byzance, ou encore que ceux 4Lcs phénomènes de pérennité culturelle sonl étudiés pour les G~co-onhodoxcs devenu.'!i sujets turcs par Sp. Vryonis, Decline. chop ~ et 7.
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ROMANIS BYZANTINS ST PAYS OS RÙM TURC
de la long~vité de l'occupation twque en pays c/uétien et du relatif équilibre inter_ communautaire qui pennit pendant plusieurs siècles aux' rouages de l'empire ottoman de fonctionner sans empêchement majeur. f' Une telle enquête compone deux exigences: la première, "behavioriste" si l'on veut, qui consistera en la mise en exergue des types de comportements conciliateurs, normatifs ou exceptionnels selon les cas ; la seconde plus "psychanalytique" et prolongement naturel de la première, cherchera il exhumer motivations secrètes et mobiles occultés de ces altitudes de rapprochement intercommunautaire, la plupan du temps non conformes aux normes et aux canons officiels des sociétés impliquées malgré elles dans ces contacts. Enregistrement de comportements et décryptage de mobiles doivent certes se baser rigoureusement sur les sources du temps mais le chercheur en ces domaines doit éviter certains écueils: celui par exemple de prendre au pied de la lettre les pétitions de principes affirmées par les écrits officiels plus soucieux de sauver les apparences que de décrire la conjoncture réelle, et de laisser par contre échapper les nombreux cas de componements pragmatiques que décrivent çà et là sans commentaire paniculier les auteurs, comportements qui collent, eux, très exactement aux réalités contemporaines. Affirmation rigide de principes quasi-intemporels et souplesse extrême du componement quotidien cohabitent non seulement à l'intérieur d'un groupe social mais souvent aussi chez un même individu, avec une propension bien naturel.'e ~ ~ettre en v~leur la première au détriment de la seconde: tel prélat ou grand dlgmtalre byzantlO aura tendance à passer sous silence ses relations étro!tes, adm!nistratives, militai~s ou autres avec un pouvoir "infidèle" qu'il fustige par aIlleurs dans ses écnts théologiques ou politiques. De la même manière, tel chroniqueur turc vantant les exploits des héros gaz; contre les "mécréants" minimisera au maximum la portée des alliances et rapports d'amitié entretenus entre les dits héros et les dits mécréants. De plus si tel ou tel ~nnage, tel ou tel groupe est accusé par une rumeur persistante d'entretenir de c?rdlales ,relations ~vec l'enn~m!, il peut cenes s'agir de ragots ou de propos d adversaIres malveIllants, maIs Il est rare qU'il n'y ait pas un fond de véracité L dans les faits imputéss. , , Tr~vail donc pour l'historien de collation, mais aussi de lecture tnterbnéaire et,de rééval~atio~ de~ témoignages. Souci enfin de ne pas abonder dan~ le sens d u~e ce~lOe ~Istonographie contemporaine, volontairement ou atavlquement natIonalIste, qUI a tendance, en une vision faussement rétrospective 'Les IllilUdes met l ' 'd'It cie ' , l'cm b ~ nga 1 pnOÇJpe cl SOUplC5,;e polilique $Ont par exemple au XIVe celles de
d'A:::: 1'!cZ:~~~:U ~I a~anl~cuùne. et d~ ses contemporains ct amis. J't!mir turc Umur LemOlle dan. son introd:on l :o~~ Palamas, .nfra chop, 3, Sc,lon la I~. ju,.e "".II"!ue de P. façade • une venu loute ..~. /lyr.anc~. les ByzantinS cachent sous une rigidil~ de d'Iboni l';';i ll'<>ppc>K cie t'h:::':qU~ ~d~·PI~liO~- : :L'Driginalilt de Byzance ( .. ,) con,is.a pmb~mes toujoun nouveaux l ,1 e"i.I Il qu DR Imagine ( ... ) dans une imagination qui,"à des jamais n!volulionnaires.,
. UI a Cali IlOUyer de" solutions toujours nouvelles encore que
AVANT-PROPOS
s
et véritablement anachronique, il plaquer sur un passé lointain des rivalités "nationales", des exclusivismes "ethniques", religieux ou culturels, des idéologies étatiques et économiques, et des appétits hégémoniques propres aux deux derniers siècles6. Il sera donc souvent question dans ce travail de "conciliation", d' "entente" entre des peuples supposés "ennemis héréditaires", comme on parlera aussi d' "universalisme" voire de "supraconfessionnalisme" il propos d'id~ologies "impériales" et de systèmes religieux présumés rigoureusement incompatibles. Il ne s'agit ici en aucun cas de jouer du paradoxe ni de chercher il rouvrir inutilement des dossiers historiques classés mais de compléter et d'élargir l'angle d'approche des relations gréco-turques médiévales et post-médiévales, en attirant l'auention, un peu plus qu'on ne le fait d'ordinaire en ces matières, sur les comportements quotidiens peu belliqueux de groupes humains condamnés à vivre en paix dans des sociétés cosmopolites où seule une entente intercommunautaire minimale pouvait permettre le fonctionnement normal des activités professionnelles et de l'ordre civil. Cette majorité silencieuse et pacifique est une réalité d'étude objective et elle fut un groupe de pression aussi déterminant que les élites politiques, militaires et religieuses. Avec un peu d'attention on la retrouve remarquablement égale à elle-même au travers de texteS chronologiquement très éloignés les uns des autres : ".. , chrétiens ou musulmans, Grecs ou Turcs, nous étions tous pareils. Seul le ça"af nous séparait", dit un texte populaire islamo-crétois de la fin de l'empire ottoman. Ce que confirme le témoignage d'un chretien de Karaman de la même époque : "JI ne se passait pas un jour sans que les Turcs des villages voisins ne viennent au marché chez nous. Après leurs courses, ils rentraient dans leurs villages, mais certains d'entre eux restaient comme hôtes dans des maisons amies. Jls panageaient le pain et le gite avec nous. Ils nous invitaient pareillement lorsque nous allions dans leurs villages acheter des chevaux. Lorsque nous nous rencontrions dans la montagne, nous nous souhaitions le bonjour ou le bonsoir en nous inclinant: sabah/ar/mz hay" o/sun ! ... alqamkmmz Myl' o/sun ! Pour la fête de Saint Démètre, le village se remplissait de Turcs qui arrivaient de très loin et même de la région de Konya. Jls assistaient aux f&tes chrétiennes tout comme nous. C'était pour eux une occasion de manger à satiétt. Il n'y avait pas une maison grecque (cnrlTl ptù#l.IIKo, "maison romaine" dit le texte) qui ne leur offn"! ce qu'elle avait de meilleur".
600 ne doit pas perdre de vue que, mame dans des langues curop6ennes aussi innovatrices quant lIa terminologie politique. que le françaiS et l'anglais, si des mots comme -parrie-. ne sont plus ressentis comme des néologismes à partir du XVI~. -nationalit6- ou -nalionalisme- par exemple ne da.enl que de l'e'llIlme fin du XVIII' el du c1fbul XIX' : 0, Bloch el W. von Wanb"'8, Diclionna;rt Irym%gjqyt!. 468. 427. En turc: comme dans d'autres lanpes islamiques. l'emploi de termes comme vulan au sens occidental de "patrie-. apparatt au plus tftt .. l~poque do 11 Rtvolution française, B, Lewis, Lt lunRaR' poli/iq•• dt /'idum. 67.
6
ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC
Ces descriptions, pour nous quasi-contemporaines, sont comme un lointain écho de la remarque suggestive d'un chroniqueur du siècle: " ... a1gré la guerre, l'allée et venue des marchands chrétiens et musulmans n'est pas :terrompue. L'accord règne entre eux. Les militaires s'occupent de leur guerre, les populations restent en paix; tel est l'usage des gens de ce pays quand ils sont en guerre"7.
xme
Chapitre Premier
ORBI$ CHRISTIANUS ET DÂR AL-ISLÂM AU-DELA DES CONFLITS : UNE IMBRICATION ARABO-CHRÉTIENNE MÉDIÉVALE
1- AIRE ARABO-MUSULMANE ET CHRÉTIENTÉS MÉDIÉV ALES : UNE TRADITION NON NÉGLIGEABLE DE CONCILIATION POLITIQUE ET D'ÉCHANGES CULTURELS Pour aborder le plus justement possible le thème des rappons nonconflictuels qui ont pu s'établir entre Byzantins et Turcs, on ne doit jamais perdre de vue que l'on ne touche là qu'à un chapitre paniculier des relations islamochrétiennes au Moyen-Âge. Que, pour des raisons évidentes de complexité, ce domaine d'étude soit companimenté à l'extrême ne doit pas cependant faire oublier qu'en cette matière tous les champs d'investigation, aussi diversifiés et régionalement originaux soient-ils, communiquent entre eux, fonnant un territoire d'un seul tenant dans lequel les limites de chaque lopin n'empêchent pas la continuité du domaine. Ainsi, étudier Byzantins chrétiens et Turcs musulmans dans leur rencontre historique, appelle une indispensable référence aux rappons entretenus antérieurement et parallèlement entre chrétienté du Proche-Orient et islam araho-persan. En tout, politique, culture ou religion, les différentes zones, même les plus éloignées, communiquent et échangent: de telle manière que, par exemple, l'islam espagnol et maghrébin, comme le christianisme latin, sont présents au cœur de l'Orient byzantin et turc, véhiculés par le lettré, le pèlerin, le mercenaire ou le croisé. Il est donc difficile de saisir dans leur complexité les contacts byzantinoturcs, anatoliens ou balkaniques, en laissant totalement dans l'ombre l'arrièrepays araho-persan, le rôle de l'Arménien ou du jacobite, l'interférence franque ou l'appon hispano-maghrébin, sans oublier la présence de communautés juives dont la dispersion géographique et les contacts étroits de centre à centre, fussent-ils très éloignés, pennirent bien des échanges J•
7Le texte i.Jame·cutois est dans K A b E ~_L trad' . . ' vz ayn er . .c..u.hos·Papazakhariou "Documents de est =~~de~ ~~: d'o:;:inccUIOise"; Turcie. VIII/J (1976), 72. Le tém:.ignage klll1l';'anli C. Cahen. Varioru'"., p. 3~. utômena Choma'a. La demlbre remarque est d'Jbn Djubayr. cil~ par
lÉchanges et circulation des œuvres philosophiques ou autres, en particulier pour la zone araboa hispanique. par le biais de traductions Ml qualte maimt juirs arabophones traduisant en IlIlp vulgaire et clercs retraduisanc en latin. cf, Lt livre de l'/chelle dt Maltt'NMt. 19. M
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC ORBIS CHRISTIANUS ET DÂR AL-ISLÂM
Ainsi, l'islam anatolien doit énormément à l'Andalou Ibn Arabi et à Mevlân! originaire du Khorassan. L'influence des intellectuels d'occident, de Jean l'Italien à Barlaam le Calabrais, est loin d'être minime à Byzance; le séjour d'un Raymond Lull à Chypre, d'un Aboulafia au Péloponnèse, les voyages missionnaires des derviches hurûjf d'Iran vers l'Asie-Mineure, montrent à l'envi, que l'on. ne doit pas sous-estimer les influences extérieures exercées sur la zone qui va nous occuper.
De même notre étude qui porte sur les rencontres et échanges de deux sociétés aussi radicalement opposées que le monde turc musulman, nomade et tribal, et le monde byzantin, chrétien et sédentaire, pourrait aisément se prolonger en aval de nos préoccupations, dans un travail portant sur les échanges multiples entre Russes, issus de Byzance à bien des égards, et Turco-Mongols d'Eurasie, confrontés depuis les temps de la Horde d'Or jusqu'à la conquête russe du Turkestan et au-delà. C'est au nom de cette continuité certaine dans l'histoire relationnelle des chrétiens et des musulmans médiévaux, qu'il nous faut, en guise de prologue, effectuer une rapide présentation de l'ensemble des régions de cohabitation islamo-chrétienne qui interférèrent à divers degrés en pays byzantin et turc, des origines de l'islam à la fin du Moyen-Âge.
Les tentatives de rapprochements turco-byzantins ne peuvent, en effet, se comprendre tout à fait sans référence aux démarches semblables menées antérieurement ou parallèlement en d'autres zones de contacts interconfessionnels telles que le Proche-Orient des Abbâsides et des Omeyyades, l'Espagne d'alAndalûs et des taifas, l'Italie et la Sicile des Normands et des Hohenstaufen ou la Pale~tine des croisés. C'est dans ce cadre général et souvent par rapport à lui, que se. s~tue.nt les rapprochements turco-byzantins, et que peut être évaluée leur onglnahté éventuelle2.
9
échel.le qu'avec les petits groupes chrétiens qu'ils connaissaient antérieurement en Arable. Av,:c ces masse~ chrétiennes de Syrie, de Mésopotamie ou d'Égypte: m~nophysl\es ou nestonennes, hostiles depuis longtemps à un pouvoir byzantin qUI les persécute pour des raisons doctrinales, l'entente politique avec les mnsulmans s'établit rapidement, favorisée par des affinités culturelles et linguistiques. Pour beaucoup, l'invasion arabe apparaît comme une délivrance providentielle: "Le Dieu des Vengeances, s'écrie un auteur chrétien du ProcheOrient, nous délivra de la main des Romains par les Ismaélites"3. Contre les Grecs, les chrétiens dissidents s'engagent souvent dans une collaboration ouverte avec les nouveaux venus. Des villes comme Damas sont livrées par leurs habitants, le ralliement aux envahisseurs étant souvent présenté dans les sources comme voulu par Dieu dont un ange, dit par exemple, la rumeur populaire aurait apporté les clefs de Jérusalem aux conquérants arabes 4 . Celte bonne volonté des chrétiens indigènes, outre d'autres raisons, leur permet d'acquérir dans la société nouvelle qui se met en place, un statut beaucoup plus supportable que celui que leur réservait Byzance, melkites mis à part bien entendu. Certains groupes chrétiens auront même une influence politique et culturelle de première importance, de par leurs cadres intellectuels utilisés par les califes: scribes et clercs nestoriens, Syriens jacobites ou même melkites, Coptes ou Arméniens. Le gouvernement des califes traite en général avec modération ses chrétiens dhimmî, à la mesure du besoin qu'il a de leur fidélité contre Byzance, et pour fournir les cadres manquant dans un premier temps à la nouvelle société. Et il parvient la plupart du temps à se gagner l'attachement de ses sujets chrétiens par une politique globalement équitable à leur égardS.
2- ARABES ET CHRÉTlEN'ffis IMPÉRtALES 1- ARABES ET CHRÉTIENTÉS NON IMPÉRIALES
Pour une l.arge part, l'attitude des Turcs envers les chrétiens est un com,~rtement hénté du monde araba-iranien où s'est mis en place dès les débuts de 1Islam un systè,?e de relations spécifiques avec les non-musulmans. Sans entrer d~ns les détails d'une vaste question qui outrepasse notre sujet, on peut néanmolDS relever quelques exemples de conciliation arabo-chrétienne Dès la c~nq~ête, l~~ Arabes ont à régler leur comportement légal et affectif ~vec les c réllens qu Ils rencontrent dans les pays soumis, et cela à une bien plus grande
2sur lb. Arabi el MevU1n1 li: 1 • J 1'1 l' Molin., 36; AbuiDli. au ptlopo·"n' :'seClUlr''''Alebn et tr.BarlaaHm:"infru Ch.p. 3 ; Lull il Chypre, SalaIIÇ • C. ... u a lait: ululi. E. 1.
Avec les chrétiens de tradition impériale, Latins et Grecs, les relations politiques ne purent être au début que conflictuelles et concurrentielles. Mais par la suite, une certaine stabilisation du front en Espagne comme en Anatolie, et
3Bar Hebraeus. ChrVIIÎCOII Eccfesiaslicum, 1. col. 269·274. 40. Khodre. "Chrislianisme, Islam, Arnbilé", Conlaels 110 (1980), 102. Ducellier-Miroir, 44-56. Khilrowo, Itinéraires, 181. J. Muyldermnnll. La dominal;on arobe en Arménie. 103. 5Un évêque neslorien déclare ; "(les musulmans) non seulement n'allnquent pas la religion chrélienne, mais recommandenl notre foi. honorenl les prèlres et les saints du Seigneur et sont les bienfaileurs des églises el des monnslères lsoyahb m. Liber epislularum. ~. Rubens Duval. danll C/Jrpus Scriplorum Chri.flianorum Orielilalium. ScriplOres 5yri, ser. Il, 1. LXIV, Paris 1905. 123. Sur les chrétiens d'orienl el leur accueil à l'islam. infra. M
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• 'è reconnues d. facto par les rivaux, finirent par l'établissement de .ronlt ~es , modifier les rapports arabo-.mpénaux, Entre Arabes et chrétiens de tradition latine, les échanges se n~uent dans 'lé iées en Espagne et en Palestine, selon un rapport Inverse où deux zones P?v. g e' sont les musulmans qui sont ressentis comme intrus et dans le prem.er cas, c d ré' tr ' 'è dans le second, les Francs, On peut joindre à ces eux g~ons comme o.s. me lieu d'échanges particulièrement riche car situé à I~ charmère d,es m~ndes g,:,,", latin et arabe, l'Italie du sud et la Sicile, où l'obé
l'islarnophilie politique et culturelle de l'empereur souabe est attestée par toutes les sources, musulmanes et chrétiennes, hostiles ou amies, Un chroniqueur franc écrit par exemple : "Nombreux étaient les points sur lesquels Frédéric avait adopté les mœurs musulmanes", Il est formellement accusé de ces pratiques proislamiques au concile de Lyon, sa familiarité avec les Ayyoubides qu'il renseigne et qui finissent par lui céder Jérusalem contre négociation, ses conseillers musulmans, ses relations intellectuelles avec des savants arabes, sa connaissance de leur langue, de leurs usages, de leur art dont il s'inspire, fait du monarque Hohenstaufen, imité par son fils Manfred, une illustration particulièrement forte de la perméabilité des mondes chrétiens et musulmans au Moyen-Âge, Selon AbOI Fedâ, ".. , Manfred, son frère Conrad et son père Frédéric avaient encouru 6 Sur la ynste question des relations islamo-chrétiennes en Espagne el en Italie médiévales,
domaines qui ex~ent le cadre de cette étude el sur lesquels il existe une abondante littérature, voir. Il cirre indicatif, le recueil d'articles, "L'islam et l'occident", us Cahiers du Sud 1947. P. Guichard, L'Espagne et ID Sicile mJwllmunes aux Xl et XI! siècles. Lyon 1990. M. T. d'Alverny, • La coMaissance de l'islam en occident du IXe au milieu du Xne siècle_, Setlimane di sludio dei Ctnlm italiann di s'udi sull'u/w medi()~(J, Spolète 1965, el la richC introduction du Uvre dt 1'&"'lIe de MuhoffILl, Cf, aussi C, E, Dufourcq, L'EsfK1g." cQJaluJ" elle Maghreb aIL< xllr el XIV' si~c:/ts. Pari, 1966. Voir aussi. le recueil d'articles "lmage.o; Cl signes de J'orienl dans l'occident méditva'", S.niftallce " (/982),
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l'excommunication parce qu'ils penchaient pour l'islam" ; et Ibn Wasll : "Tous les trois étaient également odieux au pape, le calife des Francs, en raison de leur penchant pour les musulmans", De Manfred et de son entourage, un ambassadeur égyptien dit: "l'eus souvent à m'entretenir avec lui et je trouvai un homme distingué, ami des sciences dialectiques et connaissant par cœur les dix livres de géométrie d'Euclide, Près de la ville où je résidais il y avait une place-forte nommée Lucera dont les habitants sont tous musulmans, On célèbre la prière publique le vendredi et on y professe ouvertement le culte musulman, Il en est ainsi depuis l'époque de l'empereur, père de Manfred, Celui-ci y avait entrepris la construction d'un institut scientifique pour y cultiver toutes les branches des sciences spéculatives; la majeure partie de ses familiers et des fonctionnaires de la cour étaient des musulmans et dans son camp on faisait librement l'appel à la prière et même la prière coranique"7, La Palestine des croisades, de par sa place charnière dans les relations entre chrétiens d'occident, Grecs, Arabes et Turcs fut également un creuset de contacts politiques et de syncrétisme culturel. Là aussi, les Normands d'Antioche se signalent par leur sens du mélange des cultures, un de leurs princes se faisant appeler par exemple sur ses monnaies grecques "Grand Emir Tankridos", Les Provençaux habitués aux contacts avec l'Espagne islamique, ne sont pas non plus réellement dépaysé en orient musulman 8, Par les croisés, la connaissance de l'islam parvint en occident sous un jour moins déformé et même prestigieux à l'occasion -on pense au thème littéraire du "preux Saladin" qui fit fortune en occident-, Les Francs nés ou éduqués en orient, forment un groupe très intégré comme en témoigne le texte célèbre de Foucher de Chartres ou le témoignage d'Usâma sur les Templiers et autres francs acclimatés à la Palestine: "Nam qui fuimus occidentales, nunc facti sumus orientales", dit fièrement le premier, Et le second: "La catégorie des anciens Francs, je veux dire ceux qui sont là depuis un bon bout de temps déjà, sont acclimatés à nos pays et à nos mœurs et ont pris l'habitude de fréquenter les musulmans, Ils ne ressemblent pas, et de loin, aux nouveaux venus, beaucoup 7Sur les milieux "Orecs" arabophones de Sicile. H. Bresc, "De l'État de minorité à l'éa, de
Rsistance : le cas de la Sicile nonnande\ dans Élal ~I colonisation du mo~n-dge, sous la direction de M. BalllI'd. Lyon 19&9. L'émir de Palerme estime grandcmenlle saint iralo-grec: Nil de Rossano et cherche à l'attirer sur ses domaines: MSi tu voulais t'établir auprès de moi. lui «rit-il. tu aurais Iibené de t'installer dans tout le pays qui dépend de moi. et tu jouirais de notre estime el de notre bienveillance", Vie de Saint Nil de ROlsano. P. G. 120. col. 120-121. Le jugement sur les "mœuJ1i musulnumes" de Frédéric Il e.t;' de Mathieu Paris. cité par Benoist-M6cbin. Fr/tUrie Il. 153. nt 144 . ceJui du concile de Lyon. ibidem. 411, 412 ; la citation d'AbOl fcdl est dans
R.H.C.. H;slO~it'ns orientaux 1. 170 ; celle d'Ibn Wasfl se trouve dans F. Gabrieli, Cllroniquts arabes des croistMks, 304 . 8Sur "l'Emir Tankridos", G. Schlumberger, Numismatique de l'orien/lu/in, Paris 1878-82. 4S. 46. Sur les Provençaux et l'islam. le recueil d'articles, Mlslam el chréliens du Midi". Cahiers d, ~Faujea.x 18 (1983) ; R, La.".Ue, de t'orien. chez Pei.. Cardenal., S'IIIfU/IIC<, lI,215 sqq,
.A...,...,
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lus inhumains et brutaux", En Palestine, les ,hostilités franco-musul~anes ne rè 1 b olue ' elles peuvent à l'occasIOn céder le pas aux alhances les p sontpasg eas , , " '" A'hl plus inattendues, Hospitaliers s'al~lant aux Assassms contre, nuoc e, a princesse Sybille renseignant Saladm contre ses propres cOl~patnotes" etc, Les ts militaires n'empe-chent d'ailleurs pas une esume cename entre t S' L ' 'dé é a frron emen , adversaires, chez les chefs comme chez les panicuhers: ~mt ,OUlS est, con~1 ~, par l'émir Husâm ad-Dîn ", .. comme un homme sage etm!elhge,nt à 1extreme , Quant à Saladin, il fut pour les Francs"., .moult bon sarazm .car Il fu moutlarge et de grant bontey", Des voyageurs comme Usâm~ ou ~arawl présentent souvent la population franque sous un JOur plutôt sympathIque , En ce qui concerne les relations politiques arabo-grecques, les confrontations remontent aux origines de l'expansion islamique, et ce qui aggrave le conflit est que les deux peuples reprennent à leur compte et perpétuent la vieille tradition de lutte armée opposant mondes gréco-romain et iran?-sémitique, 1 Mais l'héritage des deux mondes antiques n'est pas seulement confhctuel. Il est aussi fait de fascination culturelle réciproque. Le prestige de la civilisation grecque comme celui de la Mésopotamie ou de l'Iran vont, comme par le passé, nuancer l'hostilité première par une certaine attirance mutuelle. Ainsi postérieurement ou même parallèlement aux affrontements, Arabes et Byzantins entament rapidement un cycle d'échanges et de reconnaissances de facto, d'égal à égal (qui Se perpétue même après l'affaiblissement de Byzance sous les coups des Turcs, les Arabes préférant parfois les Grecs à leurs propres sujets chrétiens plus remuants et les Grecs jouant la cane arabe contre les Francs)lO.
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C'est que Grecs et Arabes ne sont pas présents seulement de chaque côté de leur frontière commune, mais par le jeu des razzias, des guerres et crises intestines, prisonniers, mercenaires, fugitifs et transfuges de chaque camp se retrouvent au cœur même de l'État rival. Il y a ainsi un véritable "lobby" grec à Bagdad comme un clan arabe à Byzance: émirs, vizirs, mères de calife, concubines et favorites, médecins ou secrétaires de la cour des califes sont souvent d'origine grecque: le calife al-Muqtadir (908-932), par exemple, a une mère, une grand-mère el une arrière-grand-mère grecques; une panie de ses grands dignitaires ont la même origine, le commandant de la garde Mu'nis, des gens au 9Sur la I~gende de Saladin en occident. D. Queruel •• Le vaillaRl Turc et courtois Saladin: un oriental à la cour de Bourgogne .• , Slnlfiance Il. 299 sqq. Foucher de Chanres. R. H. C., His/oriens occithntaux. III. 468, UsAma. éd. Miquel. 97. 820- 4S. 90. Les Francs acclimatés à J'orienl el nés sur place sont appelés selon les lieux et les·époques. ,"Poulains", "Gasmules". "Levanlins", "Franco·levanIÎns", "Francs d'eau douce" (luIII su Frengi) etc ... Lewis, Commenl l'islam a découvert l'Europe, 97. Hospilaliers el Assassins, Oelaville Le Roulx, Les Hospitaliers en lerre Suinte. ISO. Sibylle et Saladin. lmâd ad-Din, trad. Massé, 139. Sur Saint Louis, Gabrieli, Chroniques arubes. 326. La cil. sur SaJadin est dans les Gestes des ChiproÎS, Grousset, Croisades, Il,536. AI-Hamwl, Guide, 74.
lOTe) sultan d'Égypte p~~re nommer un grec patriarche d'Alexandri~ plutôt qu'un autochtone, Darrou~s·Acles du Patriarcal, l, fasc. VI, 298-299. Voir aussi les intrigues de.1:i Grecs de Jéruswem pour livrer la ville à Saladin, Grousset-Croisades, n, 81 J-812.
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nom é~ocateur de Yânis, dl, Qaysar, 'un nommé Bunavy qui Se rebelle un moment _et redevient chrétien à Byzance. Dans l'empire grec, des ministres, de hauts fonctionnaires comme le puissant Samonas qui fut pendant quinze ans (896-911) le mw"'tre absolu de l'État et même un empereur, Nicéphore 1er, sont d'origine arabe, el cenains monarques pour leur ouverture envers la civilisation arabe sont · appelés "sarakinopbiles" par le peuple. Entre les périodes de guerre, califes et basileis entretiennent des échanges diplomatiques réguliers qui fournissenl des' · occasions de contacts féconds. Les ambassadeurs sont reçus fastueusement des deux côtés, avec respect et connaissance des usages mutuels. Dans les repas · officiels de la cour de Byzance où figurent des musulmans, le héraut de l'empereur annonce les plats avec la formule suivante: "je jure sur la tête du basileus que parmi ces aliments, il n'y a pas de viande de porc". Une correspondance entre souverains maintient des liens fréquents. Il y a même parfois alliance ouvene entre les deux États, et désir d'établir une paix durable. Théophile écrit à alMa'mûn : "le t'ai écrit pour t'inviler à conclure la paix. Nous serons l'un pOUT l'autre des amis et des alliés; et ainsi nous en retirerons des avantages, notre commerce s'étendra, nos captifs seront délivrés, la sécurité règnera sur les routes · et dans nos territoires l111 . Dans tous les cas, ces multiples contacts politiques encouragent les échanges culturels ; les sources des deux côtés sont explicites à ce sujet : · échanges anistiques et littéraires; échanges scientifiques et savants; échanges de notions, de vocabulaire, de coutumes etc ... ; et dans les zones frontières une osmose populaire encore plus grande: Théophile. sur les conseils de son ambassadeur à Bagdad, construit à Byzance un palais arabe. On sait le rôle des mosaïstes byzantins dans l'ornementation de prestigieuses mosquées comme celle · des Omeyyades à Damas. Léon le Philosophe est sollicité par al-Ma'mOn pour venir enseigner à Bagdad et ce dernier échange avec le savant byzantin des lettres scientifiques. On sait le rôle à Bagdad de QGsta ibn LGqa. mathématicien, médecin, philosophe, traducteur, et bien d'autres pourraient être cités. Les travaux d'H. Grégoire sur les rapports entre épopées arabe et byzantine, reflétant le monde étroitemenl mêlé du limes entre le califat et l'empire, sont bien connus. Le poète bagdadien d'origine grecque, Ibn al-ROmÎ exprime avec force en arabe, le
Il Sur le "lobby" grec du califat arobe. G. C. Miles, cByzantium llIld the Arubs_, D.O.P .. 18. (l964), 8 ; M. Canard .• Les relations politiques ct sociales entre Byzance ct les Arabes*, dans · ibid.. 4t-45 ; Massignon-P"ssion, t, 73, 75, 76. 271, 302-305, 446 sqq, 469 ; J. N..".Uah. L'iNUse Melchite, 68, 69 : Ibn BattOta, Voyages, n. 123. Sur Samonas. R. Janin•• Un arabe ministre à Byzancc : SlllTIonas», E. O., 38 (1935), Sur l'origine OlUbc de Ni~phon:: (Cr, H. Bayncs et H. Moss, Byzant;um, 311. Conseillers et dignitaires "sarrasins" sous l'on VI, Alexandre, Ducellier-Miroir, 254. Sur les empereunl "sarakinophilcs", ibid., 231. Sur les ambassades grtco. arabes, les articles de Miles et Canard. supra; cf. aussi. Lemede, Le premier IuImtUlisIM byuulI;lI. 37. 143. 179. Sur la formule concernant les alimcnL1:i sans porc. M. lzeddin .•UD prisonnier arabe à Byzance au IXe siècle; HArûn-ibn-Yahya_, R. E. 1.. (1941-48). sur la correspondance entre califes et empereurs. M. Hwnidulluh, Arabica 7 (1960). La (cure de Nophilc l aI-Ma'mOn est · cirée p:u VasiJiev. Byzance et les ArabeJ. " 120.
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b b tin . "Enfant de l'Hellade, écrit-il dans un phénom.ène .bi-culdturel'~llar'::~yY::::ce e; non pas fils des nomades du désert"12. poème. Je SUIS fils e 1 us BO-PERSAN ET CHRÉTIENS MÉDIÉVAUX II- ISLAM AENRASION MÉCONNUE A LA CONCILIATION UNE PROP RELIGIEUSE . r que de ce vaste courant d'échanges islamCH:hrétiens qui On pourrait pense , 1 dévelo pe en orient comme en occident au Moyen-Age, dOl.t elre exc. ue, par sa se ~ e toute conciliation d'ordre religieux, ce domalDe foncllonnant le nature mem , . Or '1' t" les clercs et lus souvent par exclusion de la croyance nvale. .: 1 n en es nen, . fes uIamâ déjà étroitement mêlés aux échanges pohtl~ues de par leur rÔle o~~clel dans les sociétés concernées, n'hésitent p~s.à l'oc7a.slOn à adopter des posItIons relativement conciliantes à l'égard de la rehglOn VOls,"e. A
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1_ ISLAM lIT CHRÉTIENTÉS SYRIAQUES
Entre Arabes et chrétiens d'orient, les concessions de part et d'autre ne manquent pas: musulmans acceptant des débats publics a.ve~ les chrétie~s malgré l'interdiction coranique à ce sujet, prélats poussant à la hmlte d~ doctr~~al~ment tolérable en milieu chrétien médiéval l'acceptation de la relatIve légItImIté du message mohammédien. Ainsi, le patriarche nestorien Timothée va jusqu'à écrire: "L'ensemble des Prophètes ont enseign~ l'Unité de Dieu et ~uhammad l'a enseignée aussi. Il suivait donc en cela la vOIe des Prophètes. L ensem~le des Prophètes ont interdit aux hommes de se prosterner devant les démons et d adorer les idoles et les ont sencouragés à se tourner vers l'adoration de Dieu et à se
12er. les remarques de Vasiliev. op. cil. Il sqq. sur les ~changes culturels arabo~bYz:anti.ns. Sur le.1i traductions du grec li J'arabe. Lemerle. Premier humunisme. 2? 28 ; le.... échw:ages sClenufiques, moine grec venant enseigner dans le califat. ibid 28 n.t. 2, étudiants .~bes sUivant les cours .de PseUos, Chranographie. l, XILI, lequel reconnaît par 8.IIJeurs la supénonté.à son éJ>09ue, de ~Ien des savants arabes sur les Grecs. ibid. XI ; Chimie et Alchimie. E. 1., «nI-Klmyalt ; philosophie et hermélisme Proclus/BOrûklOs, Appolonios/Sâlinnus. EmpedocielAmbMuklîs etc ... , cf. les rubriques ~ ces personnages dans E. 1., et aussi H. Corbin, Histoire de la philosophie islamiq~~, 309 sqq., et Grunebaum, XII, Variorum. Sur le palais arabe de Théophl!e, LemerIe, PremIer humanisme, 27 ; Ducellier·Miroir. 257. Les Grecs panicipant à la construction de la mosquée des Omeyyades à Damas, lbn BaUOta. l, 198. Mosaïstes byzantins au service des Califes. Baynes el Moss, 318 : cf. une source arabe citée par M. Hamidullah, «Documents sur les rapp~ns de l'Europe avec l'orient musu.lman au moyen-âge lt, Arabica VII (1960), 285 : "lorsque (le cabfe) alWalid décida de consuuire la mosquée de Damas en l'an 881706·07. le roi des ROm lui fit cadeau de cent mitqiJ/ d'or, de quarante charges (de mules 7, de chnmeaux 7,) de mosaïque et de mille ouvrie~ qui furent employ~s chez lui (nI·Walid)". Sur Léon le Philosophe et al-Ma'mOn, Lemer~e, op. Cil, ISO sqq ; cf au.<;;sÎ le séjour de Photius il Bagdad. ibid 179 et Ducellier-Mirujr, 257. QOsta Ibn LQqa. Nasraliah. 73·77. H. Grigoire, .L·~popée byzantine et ses rapports avec l'épopée turque», AulOur dt l'ipopée bytwIline, Variorum III. Sur Ibn al·ROmi. A. NOr. To KtmmÎcm ka; ICI Byzant;tlll, 94. et R. Ouest, Lift alld Work fi! Ib'l tr Rûmf.
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prosterner devant sa Majesté. De même Muhammad a détourné sa nation du culte des démons et de l'adoration des idoles et l'a poussée vers la connaissance de Dieu et son ~doration, comme étant le seul et en dehors duquel il n'y a point de dieu. n en deVint éVIdent que Muhammad a suivi avec son peuple la voie des Prophètes". Ce sont en erfet les nestoriens qui vont le plus loin dans la voie de la co~ciliation avec les musulmans pour des raisons à la fois politiques, isolés qU'Ils ~ont entre ~onophysites jacobites ou arméniens et "chalcédoniens" grecs ou latinS, et doctrmales : une certaine tendance nestorienne à meUre en relief l'humanité du Christ au détriment de sa divinité, ne devait pas déplaire aux musulmans ; un auteur arabe dit à leur sujet que, parmi les chrétiens, ".. .Ies nest~riens se rapprochent le plus de nos théologiens, leur ressemblent le plus et mamfestent le plus de penchant pour ce que nous disons, nous musulmans"13. Les relations islamo-jacobites ne sont pas mauvaises pour autant et les prélats monophysites jouent parfois franchement la carte arabe, surtout contre les Grecs. Il y a peut-être aussi, sous toutes réserves, une certaine sensibilité religieuse partagée par les deux groupes, l'aniconisme mitigé des arménajacobites se rapprochant plus volontiers de celui très strict de l'islam, que de l'iconodoulie triomphante de Byzance l4. En outre, les couvents en terre d'islam sont à la fois des lieux "horsmorale islamique" où l'on peut, d'après certaines sources, jouir de plaisirs interdits extra-muros (consommation de vin, "contemplation du novice"), et surtout des centres de rencontres interconfessionnelles. Les dialogues interreligieux sont en général le fait de gens qui se connaissent par ailleurs et entretiennent des relations amicales voire cordiales. Les positions que l'on y adopte, ainsi que le ton des débats, sont la plupart du temps modérés et courtois comme en fait foi, entre autres exemples, le célèbre dialogue entre AI-Hashimî et Al-Kindî sous le calife Al-Ma'mûn. Une idée du ton irénique de ce dialogue est donnée par la manière qu'adopte le musulman pour s'adresser à son interlocuteur chrétien, dès le début du texte :" Ce qui me pousse à fécrire, c'est l'affection que j'ai pour toi ( ... ) Je m'adresse à toi par obéissance à l'Apôtre de Dieu, à cause du droit que tu as acquis à notre service et par les conseils que tu nous donnes, et 13 Sur les conseils coraniques d'éviter la controverse religieuse. cf. Coran, 22. 3.8.68 ; 31, 20 ; 40,4. 35. 56. 69. La d~laration de Timothée sur Muhammad fut faite au cours d'un
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aussi à cause de l'affection, de l'amitié et de l'attachement que .tu nous témoignes, et encore à cause de l'estime que te montre mon maître .et cousm, le Comm~deur des Cro ants, de la place qu'il t'a accordée auprès de Iw, de la confiance qu JI a en toi et deyla bonne opinion qu"11 a de tOI'''15 .
2- ISLAM ET CHRISTIANISME LATIN
En Espagne, la présence des trois communautés monothéistes, étroitement imbriquées et la langue arabe qui leur est commune, facilitent les contacts et les débats contradictoires. Des personnalités aux larges vues, issues de cet état de fait multiconfessionnel, émergent dans l'Espagne médiévale. Ainsi en est-il de Raymond Lull qui pousse le dialogue avec l'islam jusqu'à la limite extrême permise par l'optique confessionnaliste, sans verser pour autant dans l'universalisme des soufis dont il dit pourtant explicitement, - et il est un des rares en chrétienté à en témoigner par écrit, ~ s'inspirer directement: "un sarrasin lui avait parlé de ces hommes religieux, les plus appréciés des sarrasins mais aussi des autres, appelés soufis (qui han nom sufies), aux paroles d'amour et aux exemples brefs (e aquel/s han parauies d'amor e exemplis abreuyals) qui procurent à l'homme une grande dévotion. Ces paroles nécessitent une exposition grâce à laquelle l'entendement s'élève plus haut et avec lui croît aussi la volonté de dévotion". Culturellement, Lull est très arabophile, apprend l'arabe, crée des cours de cette langue dans les universités. Il organise des discussions interconfessionnelles en Sicile, exerce ses activités multiples en Espagne, en France et en Italie, Il a en outre des contacts directs avec les musulmans, va plusieurs fois à Tunis et se rend en orient, en Cilicie et à Chypre en particulier où il est en relation avec les Templiers. Il a de l'estime pour les musulmans et J'islam et des concepts de cette religion sont présents dans son œuvre (Livre des Irais sages, Livre des cinq sages, idée du souvenir de Dieu dans l'oraison lullienne, membrar, proche du dhîkr musulman comme de la J1V7fJ171 Ot-oiJ orthodoxe), comme certains spécialistes en décèlent la trace également chez Thomas d'Aquin ou Dante. Lull reste, malgré sa largeur de vue, un mystique
15Sur la contemplation du lersûbe'che (fils de chrilien) dans le couvent (dayr), Massignon. Passion, III, 255. Voir aussi sur la pratique du slulhid bdzî (contemplation du jeune éphèbe), Addas. Ibn Arabi, 272. Cf également le curieux lexie où le calife al-Mu'lazz et ses compagnons se rendent dans un monllSlère sans révéler leur idenlilt : "Un moine demanda qui étaient al~Mu'tazz et ses compagnons. On lui répondit que c'étaient des jeunes de la garde. Que non! répliqua le moine, cc sont les époux rescapts des houris ... Nous mangeAmes, puis al-Mu'tazz dit à un de ses compagnoo, : demande~luj en aparté lequel de nous deux il souhaiterait avoir avec lui sans qu'il le quilte ; et le moine répondit: les deux à la fois au moins. AI~Mu'tazz en rit IMt qu'il s'appuya sur le mur du couvent." Lorsque le calife eut révélé son identité. il rassuru le moine effcoy!! : "Par ma vie. n'abandonne pas les sentiments qui étaient les nÔtres! Je suis désormais ton patron et ton ami ..• Depuis lors et jusqu'à la fin de ses jours, lorsqu'il pa.uait par là, le prince des croyants ne manquait pas de venir manger et boire chez le moine. texte communiqué par CI. Gilliot. La bonne opinion de HA...himf sur Kindi est reproduite dans Tartar, op. cil., 86. Cf. aussi J. M: Fiey, ComnJUlUJlllés syrilUfues en Irun el en Irak, Variorum. lOt
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désireux, avant tout, de convertir les infidèles, mais il est aussi un précuneur de l'humanisme ouvert annoncé également par un Roger Bacon, un Thomas d'Aquin ou un Wycliffe, qui croient au "salut des infidèles". L'école lullienne donnera au xv e des partisans fervents d'un dialogue islarno-chrétien sous le signe de l'irénisme, tels que l'Espagnol Juan de Ségovie et le cardinal Nicolas de Cues16. La même atmosphère d'ouverture !riconfessionnelle règne parfois aussi dans l'Italie médiévale, chez les hommes de religion comme chez les politiques ainsi que nous l'avons vu dans le cas de Frédéric de Hohenstaufen: Nil de Rossano, saint italo-grec, est à la fois l'ami d'un émir et d'un mystique juif. Nous dirons un mot de l'expérience égyptienne de François d'Assise. C'est d'autre part en Italie que l'allemand Nicolas de Cues, que nous venons d'évoquer, couronna sa carrière comme cardinal romain et humaniste: il s'intéressa de très près à l'islam, composant un examen critique du Coran, et surtout écrivant une œuvre franchement universaliste, le De Pace Fidei qui imagine un dialogue pacifique et raisonné entre toutes les religions du monde pour parvenir à une concorde confessionnelle universelle. L'auteur aurait eu " ... une vision qui lui fit connaître qu'entre le petit nombre de personnes brillant par leur expérience de toutes les diversités observées dans les religions à travers le monde, on pourrait facilement trouver un certain accord, et grâce à cet accord, par un moyen approprié et conforme à la vérité, établir une paix perpétuelle en matière de religion". Et le cardinal d'affirmer des propositions nettement universalistes; s'adressant à Dieu, il le prie de faire comprendre à l'humanité" ... qu'il n'y a qu'une religion unique dans la diversité des rites", et que partout, c'est toujours la
16La citation de Lutl sur les soufis est dans le Livre ch "Ami el de l'Aimi. 21. Lull6:ri1 son pœmc "EI!O ccnt nom.o;; de Deu" pour qu'il $oit p~modit ..... comme le!; Sanusins. p~ise+iI. chlll11cnt l'Alcoran dans leurs mosquées", D. T. C. article "Lulle", Enseignement universitaire de l'arabe et du (mare créés par Lull, son voyage en orient (Jérusalem. Rhodes. Chypre. Petite Arnltnie). ibid. Présentation très positive du musulman dans son Livre des cinq sages. Dialogue islnmo-chrétien. M. de Gandillac ... Le thème de la concorde universelle», Postel-Colloqllt. 193. L'oruison lullienne. L. Sala-Molins. Lulle, 89. 101. Duns le Livre du Gemil el des Trois Sages. LuU expose sa conception de l'entente inter-religieuse qui doit se fl1Îre "par raisons démonstratives" et Don -par autorités". idée proche de" celle de l'huTtUlniste grec Georges Tl11pézuntios sur le sujet. ibid, 101 et, Monfa.llani, pa.llsim. Cf. la conclusion du Livr~ du Gentil, Sala-Morins. 129 : ·Cc sont la guerre, la malvcillance cl le fail de s'infliger des déshonneurs el des dommages qui em~chcnt les hommes de convenir d'une seule croyance". Dante. Thomas d'Aquin et l'ishun. cf. Massignon, «Les recherches d'Asin Palacios sur Dante., OptTa minora, l,57 sqq ; M. Asin Palacios. L'islam c:1"ü/;"mi-fé, 16. Le..' idées de Roger Bacon sur le dialogue inter-religieux sont exposks dans son Opus Majus (1266), «Lulle., D. T. C. St Thomas d'Aquin: "Les riles des infi~es peuvenl eue lol!!rts ou pour quelque bien qui en d6coule ou pour quelque mal ain.'ôi tvilt", SOIPllfle" Théologiqw, cilt dans cLibent des cultes., D. T. C. John Wycliffe: "Man can be seved from any sect. oven from Ihe StUllCeDS, if he placc..'ô no obstacle in the way oC salvalion-, De [uJe ai/hoUai, cilt par R. W. Soulhem. Weslern Views of Islam. 82. Juan de Segovie Cait venir cn Savoie oà il râide de 1453 à sa mon, un musulman pour traduire le Coran en lalin el en cSPll8nol. ibid 85-93 et D. T. C., «Jean de Ségovie •.
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. . ' t résupposée. Ceci compris. il sera possible ..... qu·une n.'êmedet um~éutée ~~ !~:g%n~ soit ramenée à une paix unique et harmonieuse" 17 . SI gran e van En Palestine franque comme en Égypte. les contacts int~r-religieux existent aussi. lieux de culte mixtes etc ...• dan.s un contexte qu.,. ~algré la uerre. bénéficie. nous l'avons vu. de l'acclimatatlo~ des Francs à lonent. de la ~odération envers les chrétiens de certaines dynastIes mu~ulmanes. comm,: I.es b'd (beaucoup font l'éloge de l'Égypte où l'on traIte chrétiens et JUIfs ~:~o~~it~. François d'Assise profite de cette ambian~e et réussit à rencontrer en leine croisade le sultan d'Égypte AI-Kâmil ; ce dermer est loué Pm: les sources Phréti r sa modération TI a d'excellents rapports avec Frédénc n. Pour la c ennes pou . . . . . tradition populaire. il se convertit même au ch~suaOlsme avant de mounr. AlÂdil avait eu. lui-aussi. une politique plutôt pacIfiste envers le pape Innocent François. de son côté. est opposé à la guerre saint': et à tout affrontement armé. et il prêche dans les rangs des croisés en leur conseIllant de déposer le~ armes. Sa rencontre avec le sultan. qui a lieu grâce à un frère arabo~hone. bIen que ne dépassant pas le stade de l'ordalie confessionnaliste. est emprelOte de courtOls~e et d'estime mutuelle comme en témoignent les sources. Selon Jacques de VItry. François resta deux semaines l'hôte du sultan. JI Y fut bien traité...... reçu avec beaucoup de courtoisie par le sultan qui lui donna tous les signes de faveur". précise Celano. Le souverain en le quittant lui dit •.d'~près Ernoul. à.lui e~ à ses compagnons" ... que s'ils voloient demorer avec lUI. Il lor donrOlt gran~ tl~re et grans possessions". Pour Jacques de Vitry ...... le sultan l'appela en partIculier et lui demanda de prier le Seigneur pour lui. roi d'Egypte". Là aussi des sensibilités religieuses proches purent peut-être faciliter des contacts: on peut évoquer les développements parallèles et contemporains de la pie/as /J,,/ivi/a/i. franciscaine et du mawlid musulman l8 .
m.
17Nil de Rossano. l'émir et le juif Donnolo. P. G.. 120,92 sqq. Nicolas de Cues, Cribratjo AIIUlrani, td. Hagemann : idem, Lu Paix de la Foi, 30 sqq. 18Lieu de culle mixte à Acre: "Le musulman et l'infid~le se réunissent dans cette mosquée et chacun y faÎt sa prière en se tournant vers Je lieu de sa foi", Ibn Djubayr. R. H. c.. Hist. or.. III. 448-4SI. Un maghrébin de Kairouan est choqué d'avoir vu au Machrek des rassemblements ÎnterM confessionnels : ~J'ai vu réunies toutes les tendances; les traditionalistes (as-sunna), les partisans d'ul-bid'a, les infid~les (al-kuffûr), les juifs, les chrétiens. et les zoroastriens. Chaque parti avait UR responsable qui parlair CI controversait en son nom. Quand ils étaient au complet. l'un des infidèles disait: 'Vous etes réunis pour la controverse; que personne ne prenne argument de son livre ou de son prophète. Nous n'y croyons pa.1i et nous ne complons pas sur eux. Par contre, nous discutons d'après la raison et le syllogisme'. Tous répondaient oui. Lorsque j'ai entendu cela. je D'y suis plus retourné". Tûrikh al·js/dm. cité par Nasrallah, Église Melchite. 83. Processions et ~Ierinages interconfessionels à Damas. Hébron, Ibn Banllta. 1. introd. XLII. XUll, 183, 198.228. Cadres ~gyptiens chrétiens de religion ou d'origine, ibid, 87, 218 ; Joseph Balit. conseiller de Saladin. Grousset-uva"" 313 ; les Annéniens, cadres fatimides, Cahen. Ori· ent et occident. 144, 270. Groussel-Croi,fudes. 1. 83. Il. 445. AI-Kâmil défend les intérêts coptes contre un soufi très populaire de Fusllt. D. Gril, I...JJ Risdla de Safi a/oDin. 126. 127. La politique ayyoubide est assez favorable aux chrétiens et aux juifs. E, Si van. tr.Notes sur la situation des ch~liens à l'~poque ayyllbide >, R.H.R. 172, 2(1967). Témoignage sur al-Kllmil de Olivier de Colonia en 1221 : ~Moi ton prisonnier libéré j'aurai toujours gratitude de tes bienfaits. On De connai1 pas pareil exemple de générosilé envers des prisonniers ennemis. Lorsque le Sejgneur .•
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En Espagne. Italie. ou Palestine. la conciliation inter-religieuse se transforme souvent en conversion formelle à la religion du voisin et le personnage de l'apostat est un type social familier qui. selon les cas. joue un rôle de ~ont entre ces deux cultures. ou manifeste un zèle farouche à l'égard de son ancIenne croyance l9 .
3- ISLAM ET BVZArmNS ~epuis les premières confrontations du VIle siècle. moines et clercs by~ntlDs sont devenus petit-à-petit familiers du monde arabo-musulman. ne
seralt-.ce que par sa proximité géographique; on en connai't la langue à l'occasion. On salt la place que tint. à la cour califale. la famille de Jean Damascène et Jean lui-même. accusé d'ailleurs par certains d'incliner vers l'islam. Par endroits. Grecs et Arabes cohabitent même dans les lieux de culte. à Sainte-Catherine du Sinaï. dans ~a mosqué,: des Omeyyades à Damas. Il y a une mosquée à Constantinople. CertalOs clercs Illustres comme Photius envoyés en ambassade en terre d'islam s'y informent précisément sur les mœurs religieuses musulmanes, Des Ara~ convertis deviennent moines à l'Athos. Des Grecs islamisés fêtent pourtant les Rameaux à Bagdad. Iconoclasme byzantin et aniconisme musulman sympathisent volontiers. Opposés doctrinalement à la guerre sainte. les clercs byzantins n'éprouvent pas nécessairement de l'aversion pour les musulmans: leI évêque grec défend les musulmans contre les autorités byzantines; tel père spiriluel conseille d'aimer les Sarrazins ; dans l'autre camp. leI ou leI Arabe recherche la sympalhie des Grecs et la levée des préjugés hostiles qui les séparenl20 . permis que nous tombions entre tes mains, nous n'avons pas eu l'impression d'etre soumis à un tyron. mais plutôt à l'autorité d'un père qui nous a comblés de bienfaits. qui nous a secouru dans le danger. Tu tI.S soigné nos malades et puni sév~rement ceux. qui se sont moquts de nous, Il est juste qu'on te nomme Kûmil qui signifie 'le parfait', Car tu gouvernes avec sage.'lic. et par ta vertu tu es aUMd~ssus de tous les princes", cité par G. Baseui Sani, L'islam el Saint François. 154. Meme témOignuge de Jacques de Vitry. ibid 153. Bons rnpports de aJ-KAmil avec FrilU:ric Il. Gabrieli. Chrolliques arabes, 294 sqq. Sur la tradition franciscaine de sa conversion in afliculo morlis au c~st~ani.sme. Baseui Sani 166, 167 ; cf. la tradition by~ntine d'un sultan d'Égypte converti au chnsllamsme, Cantacuzène, P. G" 154, 617-620. AI-Ad il et Innocent III, Basetti Sani. 82. Selo~ Thomas de Celano et Milioli. François conseille aux crois~s de ne pas se battre...... prohlbeus bellus. denuntians casum", ibid 149-177, Sur une trace possible du ~jour de François à la cour d'al-Kâmil. dans les sources musulmanes. Ma.'liignon-Passion. Il 314--31S. Gril. RisdÛl. 180-181 el 227-228. Sur le développemenl du Mawlid au XIII', Chodkiewicz·Sceau. 19. 19us cas de conversions sont variés et les destinées ~s diverses: ancien musulman devenu gouverneur de SaIildj dans le comt~ d'Edessc. Grous.c;et-Crojsade.', l, 439. chevalier de Provins, islamisé et établi en Égypte. Selton-Crusades V, 49. et marne un sultnn mamlOk, peut~tre ancien chevalier teutonique. Uidjin (1296-98). R. Irwin, The Middle &m, 70. ain.c;i qu'un cas de cryptoislam chez un souverain, dans la liuéralure hagiogrophique musulmane. Gril, Risdla, 136-138. 20Moines grecs familiers du monde arabe : St Elie, Mile.Ii, D. O. P.• 18. (1964), 6. 7; Bnsile le Jeune. P. G. 109, 653·664. Jean DamQSc~ne accus~ d'incliner vers l'islam par le concile iconocla.lite de 754. Baynes et Moss. 317. Stc-Catherine du Sinât et mosquée des Omeyyades. Ibo BaUatA, supra nI. 18. La mosquée de Constantinople. infra Chap 2. Photius à Bqdad. supra nt. 12. Arabe moine à l'Athos. Miles. op cil. 9, Grecs islamisés retant les Rameaux. Massi,nonPassion. JI, 454. Iconoclastes cl musulmans. Lemerle. Premier humanisfM. 31 sqq ; DucellicrM
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A B zance comme à Bagdad, on org~nis~ volontiers des joutes _ y d un esprit de modération qUI faIt que, par exemple, tel théologIques, ans -bé é 1 G A . . be 'nqueur dans une controverse est h r par es recs. ara V8J P.nsonnler . . d ouve-'ns bien informés de la croyance adverse, et respectueux l'Imitation es s uu 1 • 1 T' des sensibilités religieuses de l'ennemi, certains Frélats .é~gent a, concl lauon arabo-byzantine en un système de philosophie pohtico-r~hgleuse. C est I~ cru:' au X. du patriarche de Constantinople, Nicolas le ~ystlque, représentauf d u~e tradition byzantine de modération envers l'islam qUI se développera p~ la sUIte aussi au profit des Turcs. Nicolas écrit à un souveram ~usul~~ ,:':. p~ur rétablir des rapports d'amitié dont nous ne pren.ons pas aUJo~rd hUI Ilmtl~tlve mais que nous revendiquons plutôt comme un hé~tage paternel . En ~ette attitude d'amitié envers ses interlocuteurs musulmans, NIcolas se ratt~che à 1exemple du célèbre patriarche Photius. Il dit à l'émir: "Le célèbre PhotIUS, mon père dans l'Esprit Saint a été lié avec le père de Votre No~lesse ~'une amitié telle qu'aucun même de vos coreligionnaires et de vos compatnotes n en a éprouvé de semblable pour vous. Photius savait que même si la barrière de la foi sépare, la sagesse, la finesse d'esprit, la constance du caractère, les sentim~nts d'humanité, enflamm,"nt chez ceux qui aiment le bien, l'~mo~r pour ceux q~, possèd~,n~ ces ve~us. C ~t pourquoi il aimait votre père qUI étaIt orné des quahtés dont J al parlé, bIen qu Ils fussent séparés par la différence de religion". Peut-on exposer plus claIrement, et dans la bouche d'un homme d'Église, une minimisation des oppositions doctrinales au profit d'affinités psychologiques étroites entre Arabes et Grecs? Dans une autre lettre adressée probablement au calife Muqtadir (908-932) que le patriarche considère comme " ... un homme très sensé et capable de comprendre les jugements divins", Nicolas expose ses conceptions sur l'ordre politique et diplomatique de son temps où la puissance des califes contribue avec celle des empereurs grecs à l'équilibre providentiel du monde: "Deux grands empires détenant l'ensemble de la puissance sur la terre, celui des Sarrazins et celui des Romains, ont la prééminence et brillent comme deux immenses flambeaux au firmament céleste". Entre ces deux grandes puissances, seule une politique pacifique, faite d'échanges fréquents et d'esprit de concorde, est véritablement réaliste: "II est nécessaire que nous ayons des rapports de communauté et de fraternité et que nous évitions absolument, sous prétexte que nous différons dans notre genre de vie, dans nos coutumes et dans notre religion, d'être dans des dispositions hostiles les uns avec les autres, et que nouS ne nous privions pas de
MiTllir. 230 ; Grunebaum. _Byzantine Iconoclasm and the tnnuence of the lslamic Environment». Islam and MtditvaJ HtJlel/;sm. Variorum. Refus byzantin de la guerre sainte. infra Chap 3. Défcnse des musulmans par des clercs byzantins: 1e..10 patriarches grecs d'Antioche et de Jérusalem, Elie 1er (907-934) et Léonce l'::f (912-924) reprochent à l'empereur de Byzance de maltraiter ses captifs arabes : ·Vous avez, lui écrivent-ils, en traitant ainsi les captifs. violé la religion ch~tienne. Vous n'avez pas le droit de faire cela.. car une telle conduite vous est interdite et contraire aux prœeptes du Christ; ou bien vous ce5.'iCrez d'agir ainsi et vous ne demanderez plus ault prisonniers de se convertir au christianisme. ou bien nous vous excommunierons. Vasiliev, BytJlflce el les A.rabes. li, 286-288. L'amour des Sarrazins. sympathie arabe pour les Grecs. Ducellier-Miroir, 242. 243.
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com,~uniquer p~ lettres à défaut de nous rencontrer". Nous sommes là fort loin d~ 1 Idée de crOIsade et de reeonquête sur l'islam qui animera les Francs deux SIècles plus tard et qui sera toujours étrangère à la mentalité byzantine2t.
I1I- SOUFISME ARABO-PERSAN ET MYSTIQUES CHRÉTIENS: UNE PERCEPTIBLE TENDANCE TRANS CONFES S IONNELLE Aussi audacieuses que pussent être les démarches de certains chrétiens médié~aux en dir"7tion de l'islam, il ne leur était cependant pas possible, sauf
exception très localisée ?ans un temps ou une ambiance particulière (on a évoqué le c.as de certains nestonens très ouverts doctrinalement, de quelques humanistes épn~ de concorde), de reconnaître une légitimité de jure à la religion musulmane, au nsque d'apparaître comme des hérésies relativistes. Ce n'est pas la position de l'isla~, dernière en date des trois révélations abrahamiques, qui n'a aucun scrupule doctnnal à reeonnaître la légitimité partielle du judaïsme et du christianisme.
1- SOUFIS Er NON-MUSULMANS
Cette reconnaissance, en milieu soufi et mystique, peut devenir un franc universalisme supra-religieux qui englobe, dans ses positions les plus maximalistes, à côté des chrétiens et des juifs, monothéistes reconnus, les croyances les plus diverses, hérésies polythéistes ou autres: le célèbre vers de Sanâ'î, "l'impiété et la foi courent toutes deux sur le chemin de Dieu", est comme la charte qui fonde le cosmopolitisme spirituel de beaucoup de mystiques musulmans, selon un maniement du paradoxe libérateur cher au soufisme. On fréquente ainsi à côté des sabéens reconnus comme "Gens du Livre". des mazdéens, des manichéens, des gnostiques de toute origine, des hindous, des bouddhistes etc ... Un derviche insiste fièrement sur le cosmopolitisme de ses maîtres: "Au Persan et à l'Arabe, à l'Hindou et au Turc, au Sindî, au Grec et à l'Hébreu, au Philosophe, au Manichéen, au Sabéen et au Libre-Penseur, je demandai ce dont j'avais besoin et que je recherchais sans trêve"22.
21 Joutes théologiques arabo-byzantines : par exemple celle entre Nic~phore Phocas et AbO-Fids. M. Canard. «Quelques nom~ byzantins dans une pi~çe d'AbO-Firiu, BywlIlÎon, XI. (1936). Libtralion d'un arabe vainqueur dans une controverse, id. d.es aventures d'un prisonnier uabe el d'un patrice byzantinlt, D. O. P.. 19 (956). Souverains bien informl!s de la religion de l'adversaire, cf. correspondance de UaR 1er l'lsaurien et d'Omar Il. Vardao. ~d. Muyldermans. 101102. Sensibilit~ monothéiste des musulmans bien comprise par Manuel 1er Comn~ne. infra Cbap. 2. Les lettres de Nicola.. . Je Mystique sont dans Vasiliev. op. cit.. 11, 399 sqq. nu vers de SanA'i est souvent cité. entre aulres. par Rûmi, Ffhi-mc2-flhi. éd. Mcycrovilch. 19. HaJlâj par example a des disciples Sabéens. Ma"signon-Passion. 1. 243 ; il a des contacts avec les Turcs manicMens. avec des Mazdéens. ibid, 228, 334, 164. La cilBlion du derviche sur ses maîtres divers est de Nâsir-i Khusraw (Xie s.), R. Levy, LiulrlJ.ture ptr~ant. 107.
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2- SOUFIS ET CiIR(mENS
ts 'udéo-musulmans), la relation Avec les chrétiens (sans parler des ~ontac J 'nale des soutis est à la fois personnelle, symbohque et doctn ' , d taCts étroits avec les chrétiens, ni Les soutis n'hésitent pas à avoir é es c~n uérit les chrétiens et est parmi , là ' t 1 thaumaturge gypuen g ceUX-CI avec ceux- ,~ "1 hréliens Les penseurs des deux groupes ~es ' les idées d'AbQ Faradj se eux très populaire, HallâJ a des disclp es c 1 sont en contact ou s'influencent les uns es a~ der~ier et NicétaS Stéthatos des ressentent de celles de Ghazâ!î, et il y a entre ~ enu un célèbre souti dut garder points méthodologiques comm~n~, Tel ~oPt7 evTel Persan chrétien utilise la certaines catégories de sa reh~l~n d or;;~:~ les évangiles et rappelle qu'au terminologie musulmane, Ghazah connal '1 s chrétiens23, jour du Jugement, il Y aura des croyants parmi e , ' lemenet dans une symbolique d'extraction ,ç le chrétien représente souvent Le soutisme batgne parttel rs codé du TasawwuJ' , , d 1 chrétienne et dans e tSCOU "H les Gens du Monastère" dtt Ibn fi l' • e' eureux symboliquement le sou t ut-mem ,', t ,"Les gens du monastère sont les Al-Fâridh, et son commentateur d aJo~ er , , 't el de Jésus dans la religion "saints" (aw/iyâ), héritiers du maqam sptr,t u s dt'vines et les Amants de 'adonnent aux sCience mohammédtenne, ceux qUI s e ' 10 ie selon laquelle le mot même de Dieu", Al-Bîrûnî menttOnne, au ~ , 1éty~o te;me découlerait de sô!, laine dans souti viendrait de sophos, Pour d autre\ \, s Dans une anecdote du MesnevÎ laquelle est fait le vêtement des motnes ~ re tenn 'concours devant le sultan à des de ROmî, des peintres byzantins, o~p~,~ s e:v~ en se contentant de polir les murs artistes chinois, sortent vatnqueurs e pre l ' 1" , et ROmî de donner la " • Il l 'rs et purs comme e cie 1 jusqu'à ce q~ tls devte~~ent c ~" s B zan tins sont les soutis : ils sont sans clef symbohque de 1htstotre .', Le M ~ ']s ont poli leurs poitrines et les ont études sans livres, sans érudition, ais l ,,,24 puriti~ du désir, de la cupidité, de l'avarice et des hatnes , o
1
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. R' -hl 164 165 Disciples chrétiens de Hallâj, 23Lc thaumalurge ~gyptien elles chrét1~~I;j'F~~~~tj ~~" a'hazâÎî. A;in palacios .•Contacts de la Massignon-PassIOn, l, 102. 5~1: arté hrétienne lt L'i.dam el l'occident. 71. 72. Sl~thalos.et
spirilualitt musulmane el de la spmtu.1 c 24' .d cparallelism, Convergence and Influence IR GhazâlÎ. Grunebaum. «Islam and ~el~.llsm"ph'j L~t;raJ.ure and Pietyllo, in Variorum 1 et XII. ~oir t.he Relations of Arab and By~une 1 osa . t son influence en islam. B. Chiesa. CrtalfOne aussi l'œuvre du pseudo-Grégo,re lefi Thaumatu~;I~ Civilian Elite, 252. 428. 272-274. Au(~ur et cadllla dell'~mo. 9.5-110. Sou 15 ~opt~S, hart et sa référence au Kdhin de l'AnCien chrttien et termm~lo~le musulmane . EhaK~lil!j: de Dieu (Coran 2:28), G. Levi dena V!da. cil Testament comme, m'Ulm, e~ à ~dam co~.. Métan es E. Tisserand, 345-391. Ghazâll et les confoTIO delle 'rweut dl Eh~ al-JaUhr .é. '1 g elon al-Ghazâli», Opera Minora, Il, 523 6vaogiles, Massignon, .Le Christ ,~ans es vangl es s M Ha.ek Le Christ dans I/Slam. 271. _sqq, et ' , • 'El d Vin 247-251 Soufo/sophos, selon al-Blrum, 241bn al-Fûridh, ~ ~rmenghe~63L S lJ}~ ô~ cf' l'anecdot~ citée par Asin Palncios, ISI?,,! Corbin, PhilosophIe Islamique, .:~ s , i67 h') rencontre à 8a...sorah Parqad a.~-SlnJi chri&tian~sé, Ilht b:' «dHaml~d bl'1 Saidama'i• 'en:~ christi~nisme'., et Massignon. sur le froc des qui ponalt un a
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Une anecdote nous montre un moine vivant plusieurs siècles dans une montagne pour attendre la révélation moharnmédienne, L'empereur Héraclius est censé avoir été un disciple secret du Prophète, Dans le "conseil des saints" (d1wan al-awliyâ) évoqué par Ibn Arabî comme formant le pivot spirituel de son époque, il y a un Grec de Constantinople, Bistâmî veut mystiquement prendre le zonllllr, ou ceinture des moines, avant de mourir, par humilité, pour ressembler à un intidèle qui se tournerait, à l'ultime instant, vers Di eu2S, La femme chrétienne a un rôle mystique important en Tasawwuf : concubines du Prophète comme Marie la Copte, la princesse byzantine Narkès Hâtûn, mère du deuxième imam, égéries de grands mystiques, La sagesse (Sophia) est parfois personnitiée par une princesse grecque: "Je sentis sur mon épaule, dit dans un poème mystique, Ibn Arabî, le contact d'une main plus douce que la soie, Je me retournai et me trouvai en présence d'une jeune tille, une princesse d'entre ies tilles des Grecs", Cette image de la Sophia, selon H, Corbin, symbolise la sagesse christique (hikmat 7sawÎya) : "étant de la 'race du Christ', cette Sophia-Angelos (ou Sophia-Christos) appartient au monde de Rûm ; elle est l'être féminin non seulement comme théophanie mais comme théophante"26, Il faudrait entin évoquer un sujet beaucoup trop vaste pour être approfondi ici, c'est celui du rôle central de Jésus en soufisme qui peut avoir eu pour conséquence, dans certains cas, de valoriser, au yeux de certains musulmans, "la communauté de Jésus"27,
En tout cela, images poétiques comme symboles mystiques, l'utilisation souCie d'un vocabulaire, de valeurs ou de types de personnages d'origine chrétienne, pouvait, chez un large public musulman peu enclin aux subtilités bâtinÎ, être pris au pied de la lettre et favoriser, dans l'opinion générale, la réputation christianisante de certains soutis, Lorsque Hallâj s'écrie: "Je mourrai dans la religion de la Croix", ou lorsque, selon Attar, il récite un long hymne à Jésus alors qu'il est suspendu "",comme Jésus, au sommet du gibet de l'Amour", soufis (muraqqa'a) porté par les Carmes. «Elie et son rôle trans-historique_, Opera Minora. l, 148. Byzantin!i et Chinois. Rtlmi. Me.mevt. l, 1467. 2S Le moine dans la montagne, Chodkiewicz-Sceau. 99. Héraclius et Muhammad. M. Canard. «Quelques à côté de l'histoire des relations entre Byzance et les Ambes_, S'u~i orien'alistici in (lnore di Giorgio Lev; della Vida. Rome (1956). 99-100. Le Grec de.Con!itantlBoplc.. devenu.un des ubdâl de son époque: "II avait la tête nue el une moustache au pOIl long ... Il a fall profeSSion d'islam et est maintenant un (des ubdû/)", Chodkiewicz, 115. Bist4mî et le l.onnar, Attar, Lt üvre divin, 428-430. 26 Ma rie la Copie, Dermenghem, La vie de MahotM'. 318. Narkès HAlOn. Corbin. En ;.s.~ irunien. IV, 309 sQq. Sur la prince.~se grecque/sophia, 6voqu~e par Ibn Arabi. Corbln. L'imaRinu,;on cr/a,rice, 113, 252 cf. au.\Si l'all~gorie de la princesse pecquc ~s un .~mc: myslique turc, Bombaci. ültlrature turqlle. 343. Dans le p~me Khosraw el Shlrin. ShlllD est Arm6nienne. Levy. Uttlralllre persane. 65. 27Entre autres M. Hayek, op. cil. ; Chodkiewicz-Scea .. ; cf. aussi R. Amaldez. JI$IlJ danJ: la pensle musulmane.
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il est évident que certains comprirent cela dans le sens premier d'une conversion au christianisme. "Ta place est à J'église, dit à Ibn Arabî, un de ses adversaires". Dès qu'il y a, en effet, sens littéral, il y a une possibilité historique d'interprétation littérale et d'impact de cette interprétation sur le plus grand nombre peu versé dans les nuances exégétiques28 • Quant aux ressemblances doctrinales entre un certain soufisme et son équivalent en mystique chrétienne, elles ne purent que créer un terreau propice aux contacts et aux analogies, tout en attirant sur les soufis toutes sortes d'accusations de la part de leurs coreligionnaires. Les zindîq musulmans, tranche Ibn Hanbal, sont ceux qui méprisent les Attributs au profil de la pure spiritualité imitant en cela les chrétiens. D'une manière générale, dit un autre texte, on reconnaît les zindîq au fait qu'ils ressemblent beaucoup aux chrétiens. Certains soufis furent englobés, pour avoir trop jeûné ou méprisé les rapports charnels, dans une accusalion de ruhbâniya ou dévotion monacale que, selon la tradition, le Prophète réprouvail pour ses excès29.
ET DÂR AL-ISLÂM
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s?"iétés placées, par le fruit des circonstances .. siècles, dans une situation d'étroite imbric' pohtl~ues,. pour de nombreux atlOn, et qUI étalent SOuvent prêtes surtout dans leur fraction popul' à aire, une entente . '1 à . ' et de schématisations religieuses 31 • cm e partir de malentendus S.i cette imbrication islamo-chrétienne et hoconverSIOn des Turcs, prépara le terrai l' ara grecque, précédant la n re ationnel entre ces derniers devenus musulmans et Byzance la très an . , clenne confrontaI" r. steppe avec l'empire grec favorisa égal Ion po ltique des peuples de la deux mondes, antérieurem~nt et parallèle~metntà uI,?el ce~ai?e familiarité entre les en IS amlsallon des Turcs.
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Pour beaucoup de soufis, la religion de l'Amour transcende mosquée et église et permet aux mystiques de diverses origines de se rejoindre en un centre qui transcende identité religieuse, nations et rites: "je n'adore, dit Rûmî, ni la croix ni le croissant. Je ne suis ni giaour ni juif' ; et pour le véritable amant de la Vérité, selon Omar Khayyam," ... Ie temple païen et la ka'ba musulmane sont maisons de servilude, le son des cloches est musique de servitude, cordelette, église, chapelet et croix sont vraiment marques de servilude". Car, pour AM Saïd, " ... Ia croyance qui s'appuie sur Allah et la religion de l'Amour sont choses différentes et le Prophète d'Amour n'est ni Arabe ni Gentil"30. Dans le domaine des idées d'autre part, les réflexions des spirituels musulmans et chrétiens, sans se confondre, se recoupent quelques fois sur des concepts et symboles importants comme la Croix, le Verbe et le Coran incréés les charismes, le Tabernacle et le Trône divin, J'élernité du Paradis et de l'Enfe; la Philanthropie divine du christianisme et J'idée de Rahmetullâh islamique, I~ vision de la Lumière divine chère à des Pères grecs comme Syméon le Nouveau Théologien et le Nazar Allâh des soufis elc .... Taules ces analogies, peut-être superficielles ou aventureuses théologiquement, ne purent pas, historiquement, ne pas avoir, une influence certaine sur J'opinion publique et la mentalité de 2S"Je f!1Ourra,i dam. la reli.~ion de ,la Croix", Ma...signon-Pa.fsitm, 111,233, L'hymne rapporté par AIlB:'" Id, .~œuvre. hall,iljlcnne ~Au~r)t, R. E./. (1941·46), 136-138 el GrunebDum, VU. 40,
r9'UJTllm. Ladversaue d.lbn Ara~1 et lég1i!ie, I~n Arabi, Maître de pui.tsance, 21.
Jb~ Ha~~ sur les ZlndÎ~, cllé par MaSSignon-Passion. l, 430 ; ressemblance zindÎq el chrt~,en.s. Ibid 439 ; l'accusation de rUhbdniya, ibid 430, et Laousl-Schismes, 442. Muhammad aunu! dit à un de.~ co~pagnon5'qui s'étaÏf voué au œlibal : "Ou bien lu yeùx elre un moine chrillen, el alors JOIRHOI ouveJ1ement à eux; ou bien lu es des nôtres, et alors lu dois suivre WOlfe ~nna Or DOtre sunna. c'est la vic conjugale", Goldziher. Le dogme el la 10; de l'islam. 117. Rami. Khayyam et AbO Sa'id, cilé par Levy, Lill/ralure persane, 88, 34.
~ 1Selon M. Valsan, la science des dimensions axiaJes , . . Isawf. Eludes traditionnelles (1971) 55 rbe' r&!' de 1ExIstence (la croUt) est une science
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:':lb~lI~h~-:;::~~k~W~, Sa J.• •I? '~19S9)~ Ibn '~~abl ~::~~al~j5:U~~ie~·:~~;;~~:!..: Vérité ... n christique.
èhO:fe~c~.~c~:u:~~o~."na·I-Haqq" est proche du "Je suis la Voie, la
~~mDcle (mishkûl) soutis, el Tabemacic de' CJ6men~A~!':.:'!~~ ~IG~~ dj;a~a'slt) ct
.Un probl~me de mystique compaRe: la mention du nom divi . goue YSSC. Lmusulmane». Revue Thomiste 3 (1952) 679 l'El . 6 d Pan!' n (dhl:tr) dans la mystique Origène, Grunebaum loc cil Philanth~" cmlt u diS, selon J&hm b. SafwAn el Grunebaum, XXI, 105:101, Va~;orum. pie et Rahmelulldh. Lumière divine CI NamT Alldh tr,
Chapitre Deuxième
RHÔMANIA BYZANTINE ET DlYÂR.l ROM TURC UN CREUSET POLITIQUE ET CULTUREL
(XIe·xv e siècles)
1- BYZANCE ET LES TURCS DU VIC AU XIIIe SIÈCLE: UNE TRÈS ANCIENNE FAMILIARITÉ 1- LESCONTAcrs BVZANTlNo-TURCS AVANTLl!XI< SIÈOl!
On a trop souvent présenté l'arrivée des Turcs en monde byzantin comme l'irruption soudaine d'un élément étrange et étranger, et dont l'étrangeté même paralysa les forces de résistance grecque ou arménienne, Cette perception du Turc comme nouveau venu menaçant et imprévisible fut, sans doute, celle des croisés qui connaissaient, dans le meilleur des cas, en fait de musulmans, les Arabes d'Espagne ou de Sicile l , mais qui avaient peu de notion de l'existence de peuples de la steppe, à part peut-être quelques réminiscences des raids hongrois ou les souvenirs flous et mythifiés des terreurs soulevées par les Huns, L'islamisation de ces peuples nouvellement découverts et combattus ajoutait encore à leur étrangeté. En pays byzantin par contre, les peuples turcs ou turco-mongols étaient loin d'être des inconnus. On en connaissait l'existence depuis fort longtemps. Agathias au VIC siècle parlait déjà des Tourkoi 2. Ils sont connus en tant que tribus parcourant les immensités du continent eurasiatique intérieur ; appelés Khazars plus à l'est3• ou Hongrois plus à l'ouest4 • ou de tout autre nom (ouzoiloguz. par exemple. connus dès le Ixe chez Constantin Porphyrogénète)s.
1Voir Cahen. Oritnl II occident. chap. 3. 2Morav. Il. 320. Alliance: entre Turcs occidentaux et Justin Il, Grousset-Steppes. J28-130. TMophylactc Sirnocana parle de l'ambaqde turque à Byzance en 568 (TfPEt:!fkta To., ~). P. G. 113. col 80S A. II est question du Iw.u" (xaydvas). de la monlagDC: de ~KTliy(AkdaR ? ) • ainsi que du Itgat ture à Byzance qui po,stde la dignitt de Tarkan, (mpx<M 885·888. 3-les Turcs de l'orient qui sont appelts Khazars". Thtophylacte dans Motav. Il. 321. 4"Les Hongrois, Turcs de l'occident". Théophylacte dans ibid. Pour Constantin Porphyrog6œtc. dans son De adminislrando imperio. qui consacre aux Turcs ses chapitres 38 et 40. P. G. 113, la "Turquie" commence" ... à trois jours de Belgrade. au pont de Trajan". col 325. 5Morav. n. 228. Voir aussi. Antoine. higou~ne d'Ouzia en 787. Janin. Grands ctnlns, 436.
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une même famille de pasteurs nomades; que leur identité ils sont perçus c?mfime 0 ougrienne ou turco-mongole selon les distinctions linguistique SOIt mn C.... n 1 t rme de TOVnKOS est, à Byzance un des noms ..... uents pour modernes, e e r , . éed S Id· kid es e ~ou es. dêsigner les peuples de la steppe, bien avant 1arnv Scythes ou Sarmates, Pétchénègues ou Coumans6 , les Byzantins ont une rception assez claire des mœurs nomades: le tableau q~e campe ~sell~s a~ X!-e est précIs et cIrconstancIé; 1écnvam dpees usages des tribus d'au-delà du Danube,. . ·b 1 é 1 connat! bien les retours cycliques des mIgratIons tn a es pr~voqu es par es impératifs de la transhumance ou les gue~es.entre clans: la cause.de leur migration était leurs voisins de territOIre, qUI, pIllant et ravageant I~urs .blens, les contraignirent à changer de pays". Ce qui fait la r~outable ongmahté d~ ces populations, continue notre auteur, c'est leur mamère ~e combattre qu~, ne respectant pas les usages de la guerre, déroute et ~ésorganlse leurs adversaIres.: "lis ne sont pas répartis en bataillons, et aucune scIence straté.gl~ue ne les co~dult à la guerre; ils ne connaissent ni arrangement de front, ni aIle drotle, n~ aIle gauche" ; ils n'utilisent pas les armes conventionnelles des armées claSSIques mais, pour éviter le corps-à-corps défavorable aux combattants légèrement armês, ils ne se servent que des armes de jet: " ... ils ne revêtent point de cuirasses, ils ne chaussent point de cnémides et ils n'ont point leur lête assujettie dans des casques; point de bouclier quelconque à leur bras, ... point de glaive à leur ceinture: ils portent seulement des javelines à la main et c'est là leur seule arme défensive". Mais cette ignorance des lois normales de la guerre, est en elle-même une taclique efficace car " ... tous pèle-mèle, en désordre, confondus les uns avec les autres et fons de tout leur mépris de la vie; ils poussent des cris aigus et prolongés et ainsi se ruent sur leurs adversaires". Et Psellos de décrire la redoutable stratégie nomade, fondée sur la mobilité dans l'esquive comme dans l'attaque: si les ennemis plient au premier choc " ... ils fondent sur eux et, s'attachant à leur poursuite, les massacrent sans merci; mais si l'armée ennemie tient bon contre leur assaut. .. , eux aussitôt, faisant volte-face, cherchent leur salut dans la fuite. Et ils fuient non pas en masse mais séparément, qui ici et qui ailleurs ... Après s'être ainsi tous ensemble dispersés chacun à sa manière, et, qui d'une montagne, qui d'un ravin, qui d'un fleuve, à l'improviste ils se rassemblent"7. Ces peuples "turcs" sont non seulement localisés dans leur habitat d'origine, à l'extérieur des frontières de l'empire, mais ils sont aussi présents physiquement à l'intérieur même des territoires grecs. Sources écrites et documents épigraphiques en témoignent. Les proto-Bulgares, par exemple, apparaissent dans l'empire d'Orient dès le règne d'Anastase (491-518), en Thrace, en Macédoine et en Thessalie. Des mariages ont lieu entre Grecs et nouveauX
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venus, encouragês par les /cagan des tribus, et ces mélanges en viennent parfois à former de no~vell~ e~nie.s ~ui finissent par être christianisées, tout en gardant sou~ent I~u~ Identité ~mgulshque ; on a trouvé, par exemple, dans les Balkans, des mscnptl?n. cbr,étiennes ~n turc de 1'0rhon ; on a découven également des vas~s byzantms de 1époque d Héraclius avec des inscriptions turques en caralères ruOlques8.
~es populations tur.q~es ou considérées comme telles par les Byzantins sont, bIen .avant le XIe, ullhsées à des activitês militaires, comme eUes le sont dan~ le.cahfat abbassIde dès le VIlle. De même que sous Ma'mOn (813-833), sous Mu taslm, (~33-842), pUI~ sous Mutawakkil (847-861), il Y a à Bagdad des troupes ~ ~hte et des offiCIers supérieurs turcs qui prennent une place de plus en plus déclslve9 . Deux des quatre chefs de l'expédition arabe contre Amorion en 838, sont Turc.s. L'un d'entre eux, Asinas, pone même le titre de sultanto.l1 y a ~an~ une mOIndre mesure un processus analogue à Byzance. Rappelons 1 ~xlste~ce sous ~éophile (829-842), d'un TdY/la Tr€fxJ
ent~é~ en te~to~re grec, depuis les régions danubiennes l2 , qui occupent'des postllons mlhtatres non négligeables comme le fidèle lieutenant d'Alexis ~omn~ne, Tatikios, ~ui " ... avait sous ses ordres les Turcs qui habitent la région d Achnda (et qUI) étaIt un homme très courageux et intrépide au combat" ; ou les officiers "scy tho-sarmates", Ouzas/O~uz et KaratzaslKaraca, qui se distinguent au combat et dont Anne Comnène décrit avec enthousiasme, l'habileté: "réputés pour leur bravoure, ... passionnés d'Arès, autrement dit des guerriers très valeureux" ; ou encore ce guerrier" ... qui avait souvent désené chez l'autocrator (Alexis Comnène), et qui était de nouveau retourné chez les siens; chaque fois pounant, il avait obtenu son pardon de l'empereur et, à cause d'un si grande
8Lemerle. St Dimltrius, n. 141, 180. cf J. Harmatla. LAngue des Avars II inscriptions nuaiqulS. tS, 24 'qq. 9Vasiliev, Byz.ance el les Arabes, 1.4.:;: ; Bombaci. Littéralure lurque. 31. IOVasiliev,4, 146·148. IIH. Ahrweiler-Smyrne. 21. Sur Bardanios Tourkos, T~phane Conlinu~. Bonn. 6. 8,10. 1211 Ya un archev&:h~ des Turcs vardariotes ~s 1020. Vryonis. _Byzantine and Turkish Societies and IMiT Sources of Manpowcr». Vryonis. B.K.M.. Ill. 130. L'appollalion turque de Deliorman pout dtsigner une région du 8a.o;;-Danube est connue de Kinnamos au P. Nuturel••A propos du Tenou Ormon (Tele Orman) de Kinnamos., G.B. (1981),81-91. Il Y a des Coumans l Lemnos jusqu'au Xive, J. Haldon. "Umnos. Monaslic Holdings and the Byzantine Statc·, Brycr-
xr.
6Voir les rubriques consacrées à ces peuples, dans Morav.: 7psell.,.. Chronographie. Il, 125, 126:
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Continuity. 178.
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. . 1 . ne grande affection: aussi depuis songeait-il de 10UI clémence, JI aV811 pour UI u ' . '1 1 '''13 son cœur auX intérêts de l'empe~ur el se dépensatl-I pour w . 2- BYZANŒEl' LEs TURCS AUX XI" El' XII" S\È(ll!S A) Les
Turcs en Romanie byzantine Présence turque à Byzance
C'est l'anivée massive des Turcs en provenance de l'Iran seldj.o~k!de, qui, d";s la deuxième moitié du XI', accentue les pratiques de recours mlIttaue à des auxiliaires turcs sans que cela apparaisse, pour autant, comme une nou~eauté radicale. Tout le monde, pouvoir central comme gouverneurs de provinces, généraux en révolte ou forces gouvernementales, fait a~ors appel aux Turcs d~nt l'efficacité guerriè~ est très appréciée par tous les partiS en prése~~e, ,à t~1 pOint qu'il parait difficile de se dispenser de leurs servlces',même lorsqu II s a~lt de les utiliser contre leurs propres compatriotes, comme c est le cas à Mantzlkert, en 1071, où un grand nomb~ d'auxiliaires turcs combattent dans les rangs byzantins . contre les troupes d'A1p Arslan. Dans la défaite byzantine, la défection d'une partie des mercenaires o~uz sous la direction d'un certain Damis, joua un certain rôle 'en provoquant dans I;armée de Romain Diogène, un sentiment de découragement et de défaitisme; mais cela ne doit pas nous faire oublier que les déserteurs ne furent qu'une minorité et que la grosse masse des auxiliaires turcs, aux dires d'Attaliatès, devaient se comporter loyalement pendant la bataille l4 . Loyaux sont aussi les cadres turcs de l'armée des Comnène, officiers, guides ou éclaireurs, comme ce "ourrdK1)s/AbQ-Bakr, "vaillant et très vigoureux", qui conseille à l'empereur Manuel, dans une campagne contre les Seldjouki
BAnu. ComMne. J. 151, Il.31. t20. 14Vryonu. Decline. 99. 103 nI. 117. Autre exemple d'utilisation byzantine de ~Turcopoles" Gesta. ~1: mot ".TO~"ouAOt· n'appanû'l qu'au XIIIe, dans les sources byzantines. Morav., Ii. 327. Aln5t 1art'D6e Im~nale apparait-ellc aux Croi~5 comme surtout compos6e de Turcopoles ct ~ ~~Mgue.. Omo, 17,25. Vry.nis B.K.M" III. 134.
t;e
bY~~' 44, 35. S7 et augsl US : "Jean IR'i. Turc de naissance mais ~l~v~ et &luqué à la
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b:en ~aités, en pro~ortion même des se~ices qu'ils rendent à l'Empire. On n hé~l~e pa.s à les Intégrer, à part enttère, dans la hiérarchie aulique et admlnlstratl~e. Aux chefs turcs qui se rallient, les basileis off~nt dignités et h~nn~~ qUi ne manquen~ pas d'éblouir les transfuges, encore proches de leur SlmpItClté nomade et fascinés par les fastes de Constantinople: tel khan turc ..... livra spontanément (une) ville et alIa trouver le basileus comme transfuge,lui et ses parents; aussi fut-il comblé de mille faveurs ... Des archisatrapes des plus en vue, en apprenant la bienveillance et la munificence de l'autocrator, anivèrent à leur tour et obtinrent eux-aussi ce qu'ils convoitaient". (l'un d'entre eux) dans la suite fut aussi honoré du tit~ d'hyperpérilampros"1 6. Tatikios, déjà cité pour son origine turque, possède le titre de grand primmicier, sous le règne d'Alexis Comnène, de même que le Turc Axouch est nommé par Jean Comnène grand
domestique d'orient et d'occident I7 . Lorsque le personnage rallié est quelqu'un de particulièrement important ou utile, on n'hésite pas même parfois à forger de nouvelles dignités inspirées des tit~s musulmans du transfuge comme celle de p.vpqatT7)S dérivant d'emir seyyid, ou à créer des attributs vestimentaires spéciaux, destinés à rappeler par exemple l'origine royal" de tel prince turc passé au service de Byzance: ainsi des princes seldjoukides réfugiés à constantinople et désignés par leur titre royal musulman de malik/p.âJKT}S, et affublés d'un uniforme d'apparat qui plaçait les bénéficiaires dans la hiérarchie palatine, juste en-dessous de l'empereur, au niveau du césar ou du sébastocrator l8 . Ainsi accueillis et intégrés dans la hiérarchie byzantine, certains de ces Turcs, franchissent le pas, décisif dans leur ralliement bien que non obligatoire de la conversion au christianisme l9 : ainsi fit EAxdlJ7)Slllhan ; en ralliant le service. d'Alexis Comnène, " ... il obtint la plus grande de toutes les faveurs, je veux dire 1 \ le saint baptême"20. Ainsi fit aussi "Laotis/Siyâvu~, envoyé de Malikchâh' auprès de l'empereur, qui, non content de faire évacuer, au moyen d'un subterfuge, les places-fortes byzantines occupées par les seldjC)ukides, "".revint, cette: mission accomplie, trouver l'empereur, puis, après avoir reçu le divin baptême, il fut comblé de présents et nommé duc d'Anchialos"21.
16 Anne Comn~ne. Il. 81. 17 lbid• t51. Kinnamos. 43. I8M. Balivel. Milangu Mantran. 35-42. 19Lcs cas de musulmans au service de Byzance et conservant leur religion existent: l'anc!tre de la \ famine An~ma.~ au Xe, Symb>n Magis1er, BaM. 159.160; TzachaslÇaka. qui Ivant de devenir le \ pire ennemi de Byzance. avait mu à la cour de Niœphore Botaniatc ail il avait ~t.! honoœ du titre 'I de Protonobilissime et avait bien appris le grec et les u.~agcs byzantins. Melikoff.D4IIilnNlId. 8S. 20Anne COmMne, Il, 81. 2t Ibid, 66.
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ROMANIS BYZANTINS ST PA
YS DS ROM TURC
. ·t·res de la cour seldjoukide. et dans la Même parmi les plus hauts dlgnl al à Byzance et au christianisme sont famille régnante elle-même. les passages ·nce de la famille de Süleyman ibn enregistrés dès le XIe siècle. comm\ce ~~onite de Koutloumoussi. ou le beauKutulmUJ qui fonde le célèbre monaskt rel a appelé par les sources musulmanes. frère d'Alp Arslan. Erigsen/Chrysos . 1 ou k os. C dernier personnage est une bonne ~n bin y~."s Ya!,~m ~t be zantine que put présenter. au gré des illustration de la doUliIe Idenuté turq.u éré: tel ou tel homme politique habile : circonstances historiques et de s~s I~t HltOn révolté contre son beau-frère. il époux de la sœur d'~lp ~rslan. :; f:~r la colère du sultan; il mettait en coupe vint, en 1070. en ASle-Mmeu~e po 1 '1 fut attaqué par une armée byzantine réglée la région de SébastelSIV~. 0::: 1ainé du futur empereur Alexis lor ; il commandée par ~anu.el Comn ne mais apprenant l'arrivée des troupes vainquit et fit pnsonnler le gén.ér.~ grec. au se;"ice de Byzance sur les conseils seldjoukid~s en~oyéeS co~tre lUI. 1 1~~:aConstantinople oi) il reçut le titre de de son pnsonmer et revm~ avec ôl de tout premier plan. sous le nom de proèdre. et joua déso";'als un r e livraient les différents candidats au trône Chrysoskoulos. dans les ultes que se ons d'arme des liens étroits • . périal Il sut établir avec ses nouveaux compagn lm . . é. bl ·t·é à Manuel Comnène dont il pleura la fin prématurée fut uni d'une v nta e ami 1 1 hro· désespoir profond que rapportent, non sans étonnement, es c ~Iqueurs :v:::t~ns A la mort de ce dernier. il s'attacha à la personne de Nicéphore y . ·à ··1 dit de signalés services notamment en ralliant à la cause du Botamate qUI 1 ren . • 22 prétendant, son cousin Süleyman Ibn Kutulmu, .
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Au XIIe. on trouve d'autres cas d'intimité étroite entre dirigea?ts byzantins et Turcs à leur service: l'amitié et la collaboration entre le baSileus Jean ~I Comnène et le Turc converti Jean Axouch. fut longtemps sans nuages : fait . ·er par les croisés en 1097 pendant le siège de Nicée. Axouch aV8lt été ~~~~n:lla cour d'Alexis en mê~e te~ps que l'héritier du trône qui. devenu empereur lui accorda toute sa confiance2 . Voici ce qu'en dit Nicétas Choniate : "Un étranger. Turc de naissance nommé Axouch. qui n'avait rien de barbare que son orig~ne: devança t~us les autres dans la faveur du prince. Il était fils d'un des prmclpaux officl~rs de Soliman (ibn Kutulmuch). Ayant été conduit à Consla?tin?ple ~près I~ pnse de Nicée. sa bonne fortune l'avait introduit dans le pal~s d ~Iexls et 1empereur charmé de ses belles qualités l'avait donné à son fils qUI était du même âge. pour partager ses divertissements et ses études. La gaîté. la. douce~r. la .nobl~ complaisance du jeune courtisan lui avait gagné le cœur du Jeune pnnce ; JI éwt le plus chéri de ses chambellans. lorsqu' Alexis mourut. Le nouvel empereur
Z2Kululmllf
Koultoumou ••i. P. Lemerle. AcleS tU Ku/ulmus. I-S. Erigsen-Chrysosknuln•• Mflikoff-D
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l'honora de la charge de Grand Domestique. et tandis que l'amitié du prioce l'élevait au-dessus de tous les autres. sa modération le mettait au-desaus de l'envie. Il était respecté de toute la cour ; même les membres de la famille impériale. 10rsqu'i1s le rencontraient. descendaient de cheval pour lui faire honneur"24. Le complot dirigé par Anne Comnène contre son frère Jean ayant ét6 déjoué. Axouch fit preuve en ces circonstances d'une générosit6 non dénuée de sens diplomatique que Nicétas souligne avec emphase ; voyant toute la fortune amassée par sa sœur. Jean décide de confisquer les biens d'Anne au profit de son fidèle serviteur puisque. s'écrie théâtralement le basileus. "... mes proches sont mes ennemis et les étrangers mes amis !" et Axouch dans un bel élan de prudence et une longue période oratoire de demander la grâce de la princesse et de refuser le don impérial: "C'est le patrimoine sacré de votre famille. dit-il habilement. il est juste qu'il y retourne: il serait profané par des mains étrangères. Pour moi je suis déjà comblé de trop de bienfaits et je serai toujours assez riche tant que votre majesté m'honorera de sa bienveillance. L'empereur touché de la généreuse modestie de son vertueux favori répondit: je serais indigne de régner. si je ne· savais sacrifier mon ressentiment avec autant de grandeur d·âme. qu'Axouch son propre int6rét". Et il pardonna à sa sœur2S. Au-delà de l'exagération rhétorique et de l'amplification du discours chères aux Byzantins. grands amateurs d'éloquence à l'antique. on voit l'ascendant pris par Axouch sur l'empereur et le jour favorable sous lequel ce Turc converti nous est présent6 par le chroniqueur. Des cas d'intégration culturelle et religieuse aussi réussis. pouvaient laisser espérer aux dirigeants byzantins. une généralisation du processus de conversion des Turcs et une plus ou moins proche assimilation de ces derniers par la force d'attraction culturelle de Byzance qui avait su en d'autres temps. attirer à sa civilisation el à ses usages bien des envahisseurs. Ainsi pensait Alexis Comnène qui croyait pouvoir convertir à brève échéance" •.. non seulement ces fameux iloipad.s scythes. mais encore toute la Perse. tous les barbares qui vivent en Égypte ou en Libye et qui pratiquent la religion de Mahomet."26. Mais la réalité n'est pas aussi simple. et même les Turcs apparemment bien assimilés. gardent des altaches avec leurs origines. et l'opinion publique grecque ne s'y trompe pas : Jean Axouch dont il vient d'être question. n'est pas toujours bien accepté par tous; après la révolte avortée qu'il fomenta contre le basileus. un de ses détracteurs s'en prend ainsi à ses origines: "Depuis toujours. la race turque est ennemie des Romains. Ce ~ieton d·Ismaël. malgré sa parenté
24Ni"l" Choni.... P.G. 139. col 329-331 : Lebeau, 2SNi",,, Choni.... 332-333. 26Anne Cn~ne. Il.8t.
XIX S sqq.
ROrJANIE BYZANTINE ET PAYS DE RÛM TURC
RHOMANIA BYZANTINE ET DIYÂR·I RÛM TURC
avec l'empereur et les bontés de celui.ei, a agi comme un serpent.~.i1 est, \ Turc il reste"27.
'\.P~u-"-l8I!I,eIlJ37~, même situaJiolLattes!ée dans un rapport pontifical ui affume que les Turcs résIdent en grand nombre dans la ville impérialC33. Enftq: - xve quelques ~mps avant la chute de l'empire, le métropolite de Média, ~ au sa ; ( dans la capItale, remarque que les " ",Agaréniens y pénètrent chaque jour::: q~ pe~sonne ne s'y oppose"34 ; témoignage corroboré par un prélat occidental ~Journant à ~yzance ,au même moment: "lbi enim praeter Latinos, nastras e; ,..ra~c,os, Turcl, Tartari, Saraceni ( .. ,) et aliae innumerae sectae reperiunlur uae ~ut Ibl habitant aut saltem incessanter transeunt"35, q
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. Même à la deuxième génération, un Turc pourtant aussi bien intégré que le fils de Jean Axouch, Alexis, protostrator et gouverneur de Cilicie, garde des contacts avec ses ancien compatriotes qui continuent à exercer sur lui une sorte de fascination culturelle. "Quand il avait été envoyé en Cilicie, raconte Kinnamos, , il se rendit à dessein à lconium ; il se lia d'amitié avec le sultan., ,par la suite, de retour à Byzance, quand il voulut décorer une de ses maisons de banlieue, il n'y mit pas les anciens exploits des Grecs, ni, comme c'est la coutume des dignitaires, les hauts faits du basileus à la gueire ou à la chasse" ,Alexis laissa de côté ces exploits et fit représenter, en sot qu'il était, les faits d'armes du sultan, et divulga par les peintures de sa maison ce qu'il aurait fallu laisser dans l'ombre"28, La langue non plus n'est pas forcément oubliée par les Turcs byzantinisés et la garde turque vardariote qui a une place de premier plan dans le cérémonial de
la cour, acclame encore au XIV. le basileus en langue turque, comme le précise le
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Cette présence visible des Turcs dans Constantinople est donc un phénomè~e co?stant qu~ se met en place dès le XIe et ira en s'amplifiant jusqu'à la fin de 1emp~re. Parmi cette population il y a tout d'abord ceux qu'on po 't
appeler les résIdents "officiels", marchands en rapports commerciaux rég::::s avec les Grecs, groupés autour de leur mosquée, dans un quartier à eux réservé' ambassade~rs du s~ltan, princes seldjoukides en exil ou invités du basileus, A I~ fin du X~I , la rés~dence dans la ville, de marchands turcs assurant la liaison commerciale régulière entre Byzance et Konya ou, par la mer avec Amisos est ' , attestée36,
Traité des Offices29, Ainsi comme on le voit, aux XIe et XIIe, les Turcs ne sont pas des nouveaux venus à Byzance ni même des étrangers radicaux car les habitants de l'empire sont accoutumés à leur présence au cœur même de l'État et dans la capitale, non seulement en la personne de ces Turcs ralliés et christianisés dont nous venons de parler, mais aussi dans leur état "normal" de musulmans, de nomades, de marchands, de pauvres gens ou de derviches. La présence des Turcs vaquant à diverses occupations dans la capitale byzantine ou ailleurs en territoire impérial, est une chose fréquemment attestée par les sources grecques ou étrangères, tout au long du Moyen-Âge, A la fin du XIe le pélerin franc Bartolf de Nangis constate que, dans la cité de Constantin, on peut voir à côté des Grecs, non seulement des Bulgares, des Alains ou des Cou mans, mais même des Turcs 30, Au XIIe, Tzetzès enregistre luiaussi une présence turque dans la ville 31 , Au-X!Ue , kyatdarche Athanase se désole que I<:s -",u.§.u~
Q~ant à la mosquée, nous en avons un certain nombre de mentions depuis le VII,le slècle37 : selon Mukaddasi, il y aurait eu une maison destinée à abriter I~s pns~nniers arabes et contenant probablement une salle de prière dès après 1expédlHon de Maslama contre Constantinople (715·717), ce que confirme Co~stantm Porphyrogénète ..Elle est plusieurs fois mentionnée au XIe par les écnvams arabes; Constantm Monomaque (1042·1054) la fait rétablir pour To~lbeg et on y prononce la hurha au nom du sultan seldjoukide3 8 ' au XIIe nous savons qu'elle se situe près de la mer, au nord de la ville, près de Sainte: Irène ~e .Pérama39 , C'est la même mosquée dont il est question en 1189, dans les négOCIations entre Saladin et Isaac Ange: la prière y fut faite, selon le biographe de Saladm AbO Shâma, devant un grand nombre de fidèles et de marchands résidents, ce qui témoigne de l'i~ponance de la colonie musulmane de Byzance40, La mosquée est pillée et IDcendlée par les Italiens de l'armée croisée en 1204 et c'est par elle que, selon Nicétas Choniate, commence l'incendie de la ville
y habil.enl ..n'onl rien à crai~dre .: ils fonl (out ~ qu'ils veulent sans que nul n'y trouve à redire", M. ~~1zeddl~, Un lexie arabe m~1I sur Constantinople byzantine", lA (1958). 453457. ~ DennIs. MumltJ 1/ in Thes.fulonicu, 36. .Syropou.!os·Laurenl, 103. 351bid, 102, nt. 1. 360uc:llier, .MentaJite: historique et ~aJite:s politiques: L'Islam et les Musulmans vus par les Byzantins du Xlll' siècle. B.F.. 4 (1972),52, 37B ' dans Athanase, Correspondtulce. 350. \ -;3'S - ·1bl ·lograph'le sur la q~~sllon Canard. «Les expé:dluons des Arabes contre Constantinople dans l'Histoire et dus Il 16gendc., J.A., 208 (1926), 94 sqq, ~Ibid, 98 ; Nic6tas Choniale, R.H.C.. Hisr. Grecs. 1.366-367. Canard,96.
!
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC RHOMANIA BYZANTINE ET DIYÂR-I ROM TURC
impériale 41 . Il en est à nouveau question en 1262, où Michel ,.VIII, ~elo~ l'historien MaIafzî, montre à l'envoyé de Baybars, une mosquée qu Il aurait fait construire42 . En ce qui concerne le quartier musulman de Byzance, une source arabe le décrit comme cl~s de murs43 et suffisam?,ent peuplé pour que I~ ,~ul~ Baj~t 1cr, à la fin du XIVe, estime néceSS31re d y faire nommer un cadi ... dlsant qu 11 n'était pas juste que les musulmans s'occupant de commerce. et fréquentant Constantinople, comparussent, pour les litiges et les contestatIOns devant un tribunal d'infidèles"44. Pour ce qui est des grands personnages turcs résidant pour une période plus ou moins longue à Byzance, ambassadeurs du sultan, parfois le sultan lui-même en visite officielle ou différents princes en exil venant chercher refuge auprès du basileus, les exemples ne manquent pas dès le XIe et se multiplent par !a s~ite, ffr t "à domicile" aux Byzantins le spectacle des fastes de la cour seldJouklde. le sultan MasOd, chassé de Konya par son frère s'enfuit à l,a .cour de Jean Comnène où il séjourne avant de récupérer son trone a":,ec l.alde ~es Byzantins; Arab, chassé à son tour, se réfugie lui-aussi dans. la capitale Impénale où il habite jusqu'à sa mort ; un prince danichmendlde, chassé par !es Seldjoukides de son patrimoine fait de même, ainsi que Kaykhusraw 1er, en eXil à la cour d'Alexis In pendant six ans 45 .
~u ~e,
Ara~
Les sultans de Rûm résident parfois en personne, à Byzance, à l'occasion de tractations diplomatiques : en 1162 Kiliç Arslan II est in~ité par Ma~uel Comnène qui lui ménage un accueil somptueux : selon Michel le Synen, "l'hospitalité qui lui fut accordée fut fastueuse. Deux fois par jour ~n.envoy~it au sultan les provisions nécessaires pour sa nourriture dans des récipients d or et d'argent qui tous devenaient sa propriété. A la suite d'un banquet, Manuel fit présent à son hôte de tout le service précieux qui garnissait la table du festin"46.
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A cÔté de cette présence turque reconnue, acceptée ou provoquée par les autorités byzantines, il y a des gens moins faciles à cerner car les informations à leur sujet sont plus occasionnelles ou les sources moins strictement événementielles. Ces Turcs sont des éléments plus populaires, fauteurs de troubles à l'occasion, pauvres ou indigents venant chercher fonune dan. la ricbe capitale byzantine, en s'y introduisant plus ou moins clandestinement: il y a, nous dit Tzétzès, une plèbe cosmopolite composée des fractions les plus corrompues de chaque nation, gens remuants et voleurs, craints et respectés, et parmi eux se trouvent des Turcs. Turc aussi cet adolescent dénué de tout, venu de Bithynie à Constantinople, évoqué à propos d'un miracle de Sainte Théodosie47.
Il existe enfin une catégorie de visiteurs musulmans que l'on néglige souvent car les sources en sont plus hagiographiques : ce sont ces derviches errants, plus ou moins déguisés, missionnaires ou espions dont J'épopée plus que l'histoire a gardé le souvenir, mais qui sont trop souvent attestés pour n'être qu'une simple fiction littéraire. A peu près à l'époque où Tzétzès parle curieusement de ces Turcs " ... qui sont proclamés saints dans Constantinople"48, l'épopée turque du Batttunâme, évoque le séjour clandestin du héros de la geste, Seyyid Battâl, dans la capitale byzantine : le personnage, déguisé en moine, soutient une controverse théologique avec les prélats grecs, en présence de l'empereur, au milieu de l'émoi général 49 , Dans une œuvre plus tardive, le Saltuknâme, il est aussi question de la présence du derviche San Saltuk à Constantinople et de discussions religieuses avec des moines50 . C'est également déguisé en moine, qu'un des personnages du Dâni~mendnâmt, s'introduit dans une place-fone byzantine51 . Les sources historiques ou littéraires évoquent souvent les espions qui, grâce à leurs connaissance des langues de l'adversaire (ce sont souvent des Grecs ou des Arméniens passés à l'islam) et à leur déguisement, s'infiltrent en territoire ennemi; Guillaume de Tyr dit, par exemple, que de nombreux espions se mêlent sans difficulté aux croisés, habillés en Grecs, en Arméniens ou en Syriens52 . Le
41 Niœtas. loc. cit. 42HislOirt des Sultans MamJollu de l'Egypte. trad. M. Quatrermre. 1. 177. Voir aussi al-fl8!8wi. fd. Sourdcl-Thomine, 127; el aJ-Jazarf. M. lzeddin, J.A .. 246 (1958), 453-457.
43/bid. 44-,v KptTTjJl", /(afJovpl&,V', dan, le lexie de Doueas, Bonn. 49 (KafJofJplgâvur). 4SFaste& des relations byzantino-seldjoukides, cf. selon un document arabe cit~ pa~ M. HamiduUah, Arabica. VU (1960), 290 : Togrul Seg envoya à Michel Slralionikos" .. "ccnt pl~ces de chandeliers (atwdr) d'argent. avec de grandes bougies employœs dans les proceSSions royales, ; puis cent cinquante plats de porcelaine: cent pièces d'~toffe brocardks d.'or.· de~x .cen~ tapis etc ... -, Mas'Od et Arab à Constantinople, Callen. Pr/-ott., 28. Princes DâRl~mendl(ies" ibid. -44. Kaykhusraw 1er chez Alexis III. A. Savvid~s. Byzantium in the Ntar East. 95-96. . . 46Michel, ~d. Chabot. l/l, 319. Meme dtsir laclique d'éblouir l'hÔte musulman chez Alexis ./": -Quant" Apelchasem. chaque jour l'empereur ne cessait de lui donner de l'argent. de l'inviter aux baÎns aux courses de chevaux. à la chasse. de lui faire ~galemenl admirer-les colonnes co~moraljves sur les places publiques; il ordonna aux conducteurs de chars d'organiser un concours hippique en l'honneur de son hôte dan,. le th6Atre que contruisit jadis le grand
Constantin. tandis qu'il insistait pour qu'il s'y rendî't chaque jour Cl regardaI les courses de chevaux", Anne Comn~ne, Il, 71 : selon Kinnamos, 136-137, à l'intention de Klllç Arslan Il, Manuel let organisa une œ~monie somptueuse oà le Basileus ~tait assis sur un trône .... tout en or, incrust~ de tous cÔt~s d'une quanlil6 d'escarboucles CI d'hyacintes. Il y avait un nombre incalculable de perles ... (L'empereur) 61ait ~IU d'une robe pourpre d'un travail exnordinaire: .. De chaque CÔI6 du trône. se tenait la hiérarchie des dignitaires ... Quand Klltç Arslan fut am~ au millieu, la stupeur le saisit", 47Tzétzès. Historiae. 359 sqq, Constantin Acropolitc. PC 140. 924, 48Tzétzes, loc. cit.
éd. çatlar, 65-68 ; «AI-Sauli. E.J. ; Bombaci, 262. SOEbu'I-Hayr_j ROmi, Saltuk·n4m., fd. AkaJm, 6·7. 51 Mtlikoff-Dd.i/.. 434, 435. 52/bid., 126-127. Anne Com~ne, lll, 207. 49Bandl Gali Dmam.
Lillirature turqu., 261-
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froc monastique est même un des costumes qu~. perm~t de circuler le plus facilement faisant bénéficier celui qui le porte de 1Immunité accordée la plupart du temps ~ux religieux: "Comment un joli m?ine com":,e toi a-t-il pu v?nir sans dommage?" s'étonne le gouverneur d'une ville byzan~n,e, en voyant ~ver l'espion de Dani§mend, lequel répond sans se démonter: J apporte la CroIX du Messie pour qu'elle protège la ville, ( ... ) n'est-elle pas suf~san.te pour me protéger T'53 C'est, déguisé en moine que. le .cham~llan seldJoukide ZakW?'a pénètre en territoire byzantin pour aller IDvlter dls~rètement le sultan ,exll~ Kaykhusraw 1er à venir reconquérir son trône54 . Et c est .également. sous 1h.ablt d'un ermite mendiant que le vizir BâyezÎd quêtera la subSIstance du Jeune pnnce Mehmed, poursuivi par les soldats de Tamerlan, après l~ bataille d'Ankara en 140255. A l'occasion même, en période de plus grande tensIon ~éco-musulm~e, un véritable moine circulant en zone frontière, peut être pns pour un espIon musulman, comme cela arrive à Basile le Jeune au début du xe56. Les témoignages des chroniques, des épopées ou des vies de saints, l?in de se contredire, semblent donc plutôt corroborer la prés~nce clandestme, à Constantinople, de musulmans venus en territoire ~yzantID pour des raIsons économiques, prosélytiques ou comme agents de renseIgnements.
En ce qui concerne la présence turque en pays byzantin, ce qui est vr~ de la capitale et des villes fortifiées en général, l'est afor/iori du plat pays anatohen, non seulement parce qu'il est, depuis Mantzikert, parcouru ~ar les dIfférents groupes turcs, tribus en razzia ou en transhumance, armée régulière en campagne ou paysans installés à demeure ; mais même en zone redevenue durablement byzantine à la suite de la contre-attaque des Comn~ne.au XIIe, .Ia présence turque est irréversible; lorsqu'une ville repasse sous dommatlon chréllenne, les Turcs de l'endroit refusent souvent de quitter leur résidence et demeurent sur place avec l'assentiment des autorités byzantines. Ainsi les Turcs de GangralÇankm " ... au lieu de la liberté qui était à portée de leur main, ( ... ) préférèrent la servitude volontaire et trouvant le basileus (Jean Comnène) en bonnes dispositions, renforcèrent l'armée romaine d'une quantité appréciable d'hommes"5? Des tribus turcomanes s'installent volontairement en territoire grec, où elles sont accueillies avec le statut" ... d'a!liés et de sujets des Romains"58. Encouragement aussi des autorités byzantines dans le cas des dix mille Cou mans installés par l'empereur Jean ID Vatatzès, dans la région du Méandre et en Phrygie, ou des Turcomans à 53 Mtlikoff-Dani/.• 435. 54Caben-pn-ult. 61.
SSDouCl5, Bo"n. 126. Lors de la prise de Conslantinople en 1453. le prince Orhan qui combattait avec les Byzantins tente de fuir habillt!: en moine, ibid. 301. Cf. aussi la It!:gende de Saladin viiilanl l'Europe sous le froc d'un ermile, D. Queruel, Si.ifianet Il (1982), 305. 56 p .G., 109, 653-664. 57Kinnamos, 24. 58Maximc Planude, Epis,ulat, ta. Trou. 150 sqq : Ahrwemer-Smymt.26.:
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qui le gouvernemen~ promet des " .. .pronoiai sur la terre des Romains", pour encourager leur établissement dans l'empire59. e ' Ai.nsi, capitale ou province, ville ou campagne, les Byzantins ont dès le
XI 1hablt~de de .c~toyer les Turcs, en adversaires bien sOr, mais aussi parfois comme alhés pohhques, comme partenaires commerciaux ou comme voisins ";'raux, e.t quel que soit le jugement de valeur que l'on porte sur eux (et il est loin d être Uniformément défavorable: même les nomades redoutés sont reconnus par les sources grecques comme ayant à l'occasion des sentiments de sympathie ~?ver~ leurs voisi~s chrétiens60 ) on est accoutumé à la présence turque à lmténeur comme à 1extérieur des frontières de l'empire.
Connaissance byzantine des cbose turques Celle omniprésence turque crée, chez les Byzantins, une certaine familiarité de la langue, des usages et de la religion de leurs voisins-adversaires ; ~ celle manière, les Turcs ne sont plus tout-à-fait des inconnus; ils le sont .m~_Rle plutôt moins que les chrétiens d'occident qui déferlent sur Byzance à la même époque6 1• Un lettré comme Jean Tzétzès revendiquant dans un de ses écrits, un certain cosmopolitisme, prétend avoir des notions des langues importantes de son temps; avant le latin ou l'arabe, il affirme pouvoir s'adresser en langue turque aux Cou mans comme aux Turcs seldjoukides : pour saluer les premiers, il associe la formule islamique habituelle au titre couman d'AIIU beg : "};a),aj1a),lK aAniy"".(sic !)62. Quant aux Turcs, il utilise pour s'adresser à eux 59 lbid . 26-21. TModore II Lascaris, dans l'Etoge de son père, ~crit : "& enlevant le Scythe (Couman) des contrœs occidentales, tu as fait de sa race en orient un peuple de scl\litcurs el en l'installant à la place des fils de Perses (les Turcs). tu as arr!t~ leur incessante pouss« vers l'occident", cil. par ûstrogorsky, His/oire de t'Elat bYlOnrin. 466. nI. 3. 60Nicétas Choniale, Bonn, 523, et Odon de Deuil. cil. par Cahen-Pri-on, 115-116. 61Les mœurs des Francs df!crites par Anne Comn~ne lui paraissent au moins aussi curieuses cl inquiétantes que celles des Turcs ~ elle parle de .... .leur caractère instable CC versatile. ainsi que tout ce qui est propre au tempérament celte avec ses conséquences (. .. ). 115 ont toujours la bouche ouverte devant les riches5Cs et à la première occasion, on les voit enfreindre les Irait6s sans scrupules", n, 201. Cf. aussi l'anecdote sur les mœurs batailleuses des croi~s. avec les ~8Crs comme entre eux: "A un carrefour du pays oi) je suis né, dit un Franc à Alexis, il y a un sanctuaire élevé de longue date oi) quiconque désire livrer un combat singulier vient se poster dans cc but et là il demande à Dieu son aide landi!l qu'il attend !Iut place l'homme qui ~era le ~fier·, 230. Quel au jugement de valeur porté par les Byzantins sur les ~trangcrs. il est quelques fois moins défavorable aux musulmans qu'aux Francs: ~Vous avcz la croix !lur 1'~pauJe, s'&:rÎe à l'adresse des Latins Nic~tas Choniate apms le sac de Byzance, et vous saccagez les pays ch~tiens ... Cc n'est pas ainsi que firent les IsmKlites quand ils prirent J~rusalem. mais ils trait~renl les populations avec c16mencc ct humanité", P.G. 139, 953-959
62Spiloguc de sa TMogonit, ta. Bekker, 304-5, cf. Momv. 1343 ; le dire d'AIIU ou d'Alli btg, HannaUa. J.• /nscriplions runique.f turques ln Europe orientales. Ankara 1988. 39-41.
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le terme courant de lcarmdapkarde§, "frère" r.xapaJlTdUT/ dans le texte)63, montrant ainsi qu'il a quelques notions des formulaires en usage chez les peuples turcs,.
['
D' 'è é éraie les chroniqueurs byzantins connaissent une manl re g n . . . ' suffisamment de turc pour pouvoir expliquer les nollOns qUI sont uules à la c\~ " de leur propos: Nicétas sait que le mot men§ûr désigne "une letln: du sul~n" , Depuis longtemps, on connaît les titres turcs et islamiques ; ~n ~~t ce q~ e~~ un calife ou un sultan65. Quand on renonce au trait bien byzanun d arch~ser les réalités du temps66, ou à refuser par purisme d'introduir~ dans u.n t~xte qUI se veut "attique" des mots réputés barbares et mal sonnants6 '. on" salt bIen q.ue ce qu.e l'on s'obstine à nommer un "satrape perse ou achéméDld~ , est. en fatt un émIr turc68 , On connaît le çavU§, le ahi, les titres de hoca, çe/eb" danl§mend. mev/&t4
!.
etc ... 69 A partir du XIIIe et jusqu'à la fin de Byzance, la connai.ssance du turc se fera plus solide: un Pachymère, par exemple, émaille son récIt de terme~ tur~os qui laissent penser qu'il a plus qu'un simple vernis de la lang~e des adversaires , et les savants ont parfois tort de ne pas prendre au pIed de la,.lett~e. les explications que l'historien des Paléologue donne de mots turcs qu Il utlltse : ainsi, lorsqu'il précise que le chef turc Mente~e ~t appelé. "(7a)..dl11raKt~", ce qui signifie, selon lui, "l'homme fort", point n est b~SOlD de recounr à des hypothèses compliquées pour expliquer le mot ; Il suffit de consulter un
63 Th/ogonie, op. cit. 64Niœtas Choniate. Bonn. 55. 6S"Le calife. c'est à dire leur grand prêtre", Kinnamo!
imprononçables", Anne Comn~ne, Il, 228. Le turc n'est pourtant pa.~ une lang~e aussI ~!ran~re à la fille d'Alexis JJI qu'elltieut bien l'avouer: Elle reconnaît par exemple que Ion emplOie, de son temps, plus volontiers le mot de ble (KOLI.,\â) que celui d'''acropole''. III. 48. Le fait d.'utiliser l'image du lion pour ~igner Bohémond juste aprts avoir mentionné Je nom de J'adverswre de cc dernier. le sultan "Lion" (Arslan), n'est &Ûr-être pas fortuit, Ill, 19.
68lbid., Il, 110.
69p. Burguiùe. R. Mantran •• Quelques vers grecs du XIIIe !Oi~Je en caractères arabes», Byzantio1l 22 (1958), 78 ; A. Bryer, .Grteks and TUrltmens : the Pontie Exceplion., D,O.P, 29 (1975), 145 ; Morav., Il, 298, 343, 346 ; Manuel Il, ThtlLttm, 43 : Ac,., d'E,.phigmtnou éd. Lefort, 175, 7~. Zacbariadou, .Observalion. on some Turciea of Paehymeres., R.E.B, 36 (1978), 261-267.
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d~ctionnain: t?rc po~r se persuader qu'il s'agit bien là de l'adjectif "sallam", fort,
vlgoureux,jOlnt au Ittre de beylbeg71 .
. Les ca,s de bilinguisme existent au XIe-XIIe, surtout dans les zones fro?U,ères : Nlc~tas parle ,d'lI.n !lEantin S:Oll]PJ~te~~~ilittgue (§l'y~rrosË; mats ds se ~ul~pltent par la suite: au XIVe à côté des gens du peuple en contact fréquent et tnévttable avec les Turcs, un certain nombre de notables de la cour ou de province, parleront couramment le turc73 ; au XVe, des historiens comme Kananos, Doukas citeront des phrases en turc, montrant qu'ils manient cette langue avec aisance: "Dede sU/lan, erif 1" .. "gavur onal'" .. "A/lM tan", rasQ/ Mohammed 1" etc ... 74 . Quant à la connaissance byzantine des coutumes, usages et croyances turcs, les premiers empereurs Comnène en donnent une bonne illustration: Tout au long de son récit, Anne Comnène démontre que son père Alexis connaît bien les goOts, réactions et caractères de ses interlocuteurs musulmans, connaissance qui lui permet de nouer un écheveau complexe de relations avec les émirs d'AsieMineure75 . Jean Comnène est au fait des mœurs des nomades anatoliens qu'il doit affronter: "Ces hommes ne pratiquaient pas encore l'agriculture, ils buvaient du lait et mangeaient de la viande"76. Il connalt leurs points faibles et sait en tirer un parti stratégique: "Toujours nomades, à la façon des Scythes, et campant sous la tente dans la plaine, ils étaient par là très exposés aux attaques", Du premier coup d'œil, Manuel Comnène est à même d'identifier les tribus turcomanes, d'en nommer les chefs, d'en décrire les habitudes et d'en prévoir les réactions77 , Le même empereur est capable de mener une longue controverse théologique avec le saint-synode et le patriarche, dans le but de ménager la sensibilité religieuse musulmane, en obtenant que soit adoucie la formule d'abjuration prévue à l'usage des musulmans se convertissant à l'orthodoxie, formule qui se présentait comme un anathème contre" le Dieu de Mahomet". Le Tomos de 1180 explique l'affaire en des termes montrant la conscience qu'a le souverain grec de la vénération du nom de Dieu en islam78 : "Ceux des musulmans qui s'approchaient du divin baptême et qui selon la coutume étaient 71 Sllhil-beg, Wittek, Das FUr.flentum Menle.'fche, 29~30 ; suivi par Morav.. Il. 265 ; Alp-kg, Tomaschek. cité par Witlek, loc. cit. : Sa/amal-BeR. Zachariadou-Trade, 106; cf. notre misc au
point dans Turcica, 2S (1993). 72Ni~las. Bonn. 249. 73Cantaeuz~ne, Bonn, JI, 405 .qq., 552-556. 74 Doucas, Bon1l, 114,251 : Kananos. Bon1l. 472. 75Anne Com~ne, l, t2, JI, 70, 71,166, III, 198 ele ... 76Kinnamos, 20.
77lbid., 51. 78 AI-Harawi qui dit avoir rencontn! Manuel 1er à Constantinople. prde de l'empereur une impression favorable: "Je conterai. s'il plail à Dieu ( ... ) toules les bon~s el flveurs qu'eut pour moi le roi Manuel", Guide, 128.
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mis comme cathécumènes en présence de cette malédiction conc~t.le Die~ de Mahomet, éprouvaient continuellement un malaise il ce sUjet : l1s a~went scru ule il prononcer ouvertement un anathème contre DIeu par son. nom . Ces . p . 1 t te sont peut-être signe d'une mauvaIse culture scrupules, continue e ex , . D' à l' . é • d catéchumènes qui leur fait assimiler le vrat leu entit non théo1oglque es . . . t Il attitud divine qu'ils vénéraient dans leur ancienne rehglo~1 mais une e. e e .ne ., . nd respect de Dieu et dOIt pour cette ratson être pnse ' hés' . manu este pas mOIns un gra en considération, de l'avis même de l'empereur: "Devant c'.'s l~tiOnS, notre empereur saint et théosophe s'est penché sur leur ~oute et 11 a estimé que leur révérence à l'égard de Dieu n'est pas absolument I~dlgne de respect. Voulant su rimer l'obstacle où ils butent et l'ambiguïté qUI troub~e leur âme, ( ... ) sa p.p é' . ée Dieu a J'ugé qu'il faut enlever du hvre des catéchèses 79 maJest msptr par l'anathème prononcé contre le Dieu de Mahomet" . S' d'une manière générale, les Byzantins considèrent la religion l, é 's interprétant tout ce qu'ils en savent d'une façon assez l" 1 XIe t XIIe constamment péjorative, la connaissance qu'ils ont de .IS am aux ~ ,a tendance à s'enrichir, alliant une utilisation peu ongmale de la ~Ittérature byzantine de controverse plus ancienne, à une connalss~~e plus, dtrecte des musulmans, Turcs en l'occurence, due aux circonsta~ces ~~Iuque~ d un u;mps où les musulmans ne sont plus les adversaires lointams qu Ils étalent à 1époque abbasside, mais sont partout présents au cœur même de l'empire.
musu1mane avec m pn ,
Le grand nom, en matière de controverse islam~-byzantine, est au XIe, celui d'Euthyme Zigabène, qui écrit à la demande ~'AleXls Comn~ne une ~.omm~ apologétique contre les hérésies, dans laquelle est mtégré un chapItre sm: 1Islam . si l'auteur s'inspire largement de ses prédécesseurs, Jean de Damas, Nlcétas de Byzance et autres, il parvient aussi par un esprit de synthèse ~Ius gr~nd, par u~e sobriété de ton qui sait éviter, par exemple, les plaISanteries parfoIS inconvenantes dans lesquelles pouvait tomber le Damascène80 , à imprimer à son ouvrage un ton neuf qui trahit un nouvau climat psychologique face à l'isla~, moins agressif, plus pondéré. Comme le fait remarquer A.T. Khoury, on est lOlO désormais du temps" ... où les luttes aux frontières mettaient de la fièvre dans les esprits des théologiens. Il ne s'agissait plus de composer des œuvres de combat contre l'islam, pour seconder doctrinalement les empereurs dont les armes s'employaient à reconquérir les régions envahies par l'ennemi"81. Dans tous les cas, les "spécialistes" de la controverse que sont Zigabène ou, au siècle suivant, J'licétas Çhoniate82, font preuve d'une assez bonne connaissance doctrinale de la religion'adverse. -
~9J. Darrt>IIÙ5••Tomos intdi. de t 180 conlre Mahomel•• R.E.8.. 30 (t972), 194-t97. BOA.T. Khowy. Les Ihl%gitn! byzantins et t'i.'rlam. 236. 81 Ibid .• 238.
r82 o.n. Tr/sortit Iafoi orthodoxe. P.G. 140. 105-121.
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La relative familiarité des choses turques et musulmanes, dont on fait montre à Byzance pendant la période comnène, ne doit pas être considérée comme un monopo~e de l'élite politique et intellectuelle de la capitale, comme pourrait le Iwsser crotre la plupart des exemples choisis jusqu'ici. En réalité, c'est un phénomène beaucoup plus global et qui touche l'ensemble de la société byz~ntine, le peuple autant que les dirigeants et les provinces tout autant que la capItale, et plus encore en proportion de leur proximité de la frontière. Cet "esprit de frontière" sur lequel Henri Grégoire fit en son temps les recherches que l'on sait, à propos des contacts arabo-byzantins sur les marches83, se perpétue et s'amplifie avec l'arrivée des Turcs seldjoukides. Tout-d'abord, la notion de frontière elle-même84 ne signifie pas une démarcation stricte entre deux territoires rendus ainsi totalement imperméables l'un à l'autre: sur· î'; '~onfins turco-byzantins, il s'agit plutôt de zones-tampon commandées par telle pl.K;e:forte i qUI change assez fréquemment de mains, entraînant par voie-de consééjuence la , population de la région qui en dépend à changer elle-même dë"protecteur·'. Pour: comprendre le caractère fluctuant de la frontière, il n'est qu'à suivre la destinée à ' partir du XIe de quelques places frontières comme Sozopolis ou Philadelphie, Antioche du Méandre, Sardes ou Tralles : Sozopolis change plusieurs fois de main, pour tomber finalement au pouvoir d'un Byzantin passé aux Seldjoukides; même sort pour Philadelphie, à la fois tête de pont de la présence byzantine en Asie-Mineure occidentale et presque sans cesse en rebellion ouverte contre le gouvernement de Constantinople; Antioche du Méandre, place impériale devant aide et protection aux croisés français de Louis VII, officiellement alliés de Manuel Comnène, non seulement ne leur ouvre pas ses portes mais accueille l'armée turque en déroute comme si elle était une place de sûreté seldjoukide. Plus floue encore est la situation politique de Sardes qui, un temps, se voit divisée entre une garnison turque et un corps de troupe byzantin qui se partagent la place sans trop de difficultés. Quant à Tralles elle passe tellemenl souvent des uns aux autres que sa population la déserte, et elle n'est pas plus tôt réoccupée et reconstruite par les Byzantins, à grand renfort d'hommes,.de matériel el d'argent, qu'elle est aisément investie par un émir turcoman en mal de territoire 85 . Ces fréquents changements d'obédience entraînent une certaine lassitude, un affaiblissement "civique" chez les populations locales qui finissent par opter, 83 ef son recueil d'articles Alltour dt J'épopée byzanlint. Variorum. 84J1 est significatif que le terme turc d6ignant la fronli~re, sm", soit emprunt~ au grec dKlfJOI' (M~likorf·Ddn;I" Il. 321), la notion de fronli~re fixe ~tant ~tran~re au monde nomade ct pISton!
dont sont issus les TuJ'(:s. D'autre pan. au moyen~Age, la fronti~re par excellence. que doit violer le Gazi turc des marches occidentales de l'islam, est celle de Byzance. . 85SozopolisIBurghlu/U1ubortu, Cahen-Pr/·olt,. 373: Philadelphie/AI"lehir••Philadetphie e. autres t.udes•• 8.s., 4 (1984). Anlioche du, M~andre el les Turcs l l'tpoque de t. deWl~me croisade. Odon de Deuil et Guillaume de Tyr. dans Runciman-CrllSDdts, Il.271. Sardes. C, Foss. 8ywntine and T.rkish Sardis. TralleslGÜzethisar. Pachyrœre-Failler, Il. 592-598. cr. aussi ChaDai livrée aux Turcs par un Grec, J. C. Cheynet. dans B.S. 4, 48.
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au nom de raisons plus géographiques et économiques que politiques, culturelles le protecteur le plus proche, donc le plus efficace ; ou encore d ornent à condition de pouvoir rester chez soi : ce et re Ig~euses, ~ur on ralhe le vainqueur u m dé'à lé ' demier cas est illustré par ces Turcs de Gangra dont nous, av?ns ~ par ,qUi préféraient accepter la domination byzantine plutôt que ~ élIDgrer86, ,De même, , les Turcs de Labrida en Paphlagome, un certam nombre l ap rès a pnse par 'Il bti t d sultan 1 d'habitants chrétiens, par attachement pour leur VI e:, 0, nTen u " ,a permission de rester sur place car, commente Nicélas, ",Ils préférèrent Il 1exIl
r .,
un misérable esclav08e"87, Quant Il préférer la protection d'un mon~ue proche, fOt-ii d'une aU,tre religion et culture, c'est le choix clairement expnmé ~ cc:s grou,pes by~tins assés depuis un certain temps sous administration seldJoukide, qUi refusaien~,~ ~evenir sujets du basileus; étant géographique~ent plus ~rès de ,~ony~ ( Ils peuvent facilement aller à Iconium et en revenIr dans l~ Journé~ précIse le chroniqueur, ils supposent que la reconquête grecque n aur~ qu un tem~s et préfèrent rester une fois pour toute sujet du sultan de ROm, plu,tot que de SU~IT de trop fréquents changements de tutelle, avec les risques économIques ou phySiques que cela représente pour les populations civiles88 , Ainsi, dans des marches aux juridictions instables, l'entente locale entre populations de diverses origines, prime très fréquemment le rattachement juridique à un pouvoir central lointain ou trop souvent changeant. Le statu-quo
86Kinnamos. 24. 87 Dans Lebeau, XX, 283-284. . S8 Les Grecs qui vivaient sur les îles du lac KaraIis Oac de Bey~hir) ..... ne se rend81cnt pas au pouvoir de J'empereur. car depuis longtemps ~I~s aux Tu~ ils cn avai~nt adopt6 les cou.t~mes", Kinnamos, 28. Voir aussi l'expédition de Kay·K.husraw l, da?s la régIon d~ M~dre. Il .en ramena unc foule de prisonniers, mais ce prince homme despnt, n§sOIUI de sen f8..l~.des s~Jets fi~les. Aplts les avoir enregistœs sur un rôle o~ l'on marquail leur nom, leur pays, s tls a~8..Ient perdu quelqu'un de leurs effets, si on leur avait enlev~ leurs fils, leurs filles. leurs ~emmes. dleur tit rendre loul ce qui leur avail appartenu. Il mil ensem~le ~u,x .de c~aque famtll~. de c~ue conuœ. Il prit grand soin de leur subsistance. Comme c ~uu~ 1hiver, Il le.ur foumu de quoI se chauffer. C'~t un spectacle digne des temps Mroïques. de vOir le ~ult.an lUI-m6me, une cognée Il la main leur abattre des arbres, ct les Turcs il: son exemple, trav8l1l8..lent pour cux con,une pour leun; rrtres. Arriv~ à Philomelion, le sultan assigna à ses prisonniers des terres. femles. le~r distribuant des instruments de labourage et de quoi ensemen~r. Il leur ~Iara que SI leur ~nu~r maitre (Alexis III) se œconciliait avec lui (Kay Khusraw), Il les renve~t ~s ~~n. ~IRO?, li les maintiendrait pendant cinq ans, exempts de tout impôt. Le terme expu~. 11 n eXigerait. qu une contribution t:rù: supportable qui ne croîtrait jamais. Les frais de perception n'augment~nuenl pas comme dans l'empire grec. Aprh ces g~n~rcuses dispositions, il retourna Il lIcoRl.on. Cette bumanjt~ d'un prince barbare qui l'~tail moins que les empereurs grecs, lUI altac~a mvocablement le cœur de ses prisonniers, lesquels sc virent plus libres et plus heureux qu'Ils . ravaient ~ sous leur ma1tre naturel. Non seulement ils oubli~rent leur Cerre natale, mais me~ quanti~ de Grecs [de l'empire], par villes enti~n:s vinrent avec empressement embrasser la qual!~ des sujets du prince d'Ikonion. En abandonnant J'empire, ils croyaient fuir non pas leur patne, mais le fardeau muhjpli~ des impôts, la mi~re, les saisies, la prison, en un mot toute .Ia terreur des coctions fiscales SOUYent lussi (unestes aux sujets que les cU:sastres de la guerre", Nic6tas Chaniat.. dan. Lebeau, XX, 306-308, et P.G., His/Di,. d'AI.xis lII, Il, 5; Bonn, M5-657.
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intercommunautaire est une question de survie et l'on voit avec le temps des groupes humains que tout semblait séparer finir par faire assez bon méoage ; des paysans chrétiens et des nomades turcomans qui, après des débuts difficiles, en arrivent à cohabiter, sans trop de heurts 89 , Cela peut même aboutir assez rapidement Il une osmose culturelle comme dans le cas de ces Byzantins qui ayant choisi la tutelle seldjoukide, apparaissent Il leurs anciens compatriotes comme devenus presque semblables à leurs maltres turcs, quant Il la manière de vivre ; "Depuis longtemps mêlés aux Turcs, dit Kinnamos, ils en avaient adopté les .coutumes", mais non la religion90 , A l'inverse, certains clans turcomans-Ie fait est rare mais symptomatique, dans certains cas, de la densité des échangesadoptent le christianisme, comme tel clan yahyall d'Anatolie centrale91 ,
De telles "bivalences" culturelles peuvent engendrer la même attitude dans le domaine politique, Autrement dit, on ne fait aucune difficulté à l'occasion, Il se réclamer de deux souverainelés concurrentes: dans le sultanat de ROm, des notables de cour aux plus ,modestes scrihes, les chrétiens, même après deux siècles d'occupation turque, continueront à se considérer comme des sujets byzantins, sans pour autant se départir de leur fidélité au sultan seldjoukide : ainsi une allégeance sans détour envers le souverain turc est-t-elle affirmée. en muge ti'~III_tétraévangi/e écrit à Kayseri au_début du XIIIe siècle: "Le. Présent tétraévangile a été écrit à Césal'ée par le protonotaire Jean Mélitèniotès, durant le , règne glorieux du saint, du très illustre sultan Kaikoupadès,. le fils du sultan Giathatinès Kaichosroès"92. On remarquera le qualificatif de "saint", inauendu sous le plume d'un clerc byzantin parlant d'un monarque musulman. La conscience d'un double rauachement politique apparaît en des inscriptions curieusement composites : une fresque d'église rupestre cn Cappadoce, représentant un "émir Basile" vêtu en counisan seldjoukide avec turban et caftan, associe dans la même dédicace "le très haut et très noble grand sultan" de Konya et le basileus de Constantinople. Même dou.ble allégeance dans l'église conventuelle du monastère Saint-Chariton, restaurée" ... sous le plltrimat de kyr Grégoire et sous le règne du très pieux empereur et autocrate des Romains kyr Andronic, dans les jours où régnait notre m8l"tre, le très noble et grand sultan, Mas'Gd fils de Kay-KâOs"93. L'affaiblissement du pouvoir central encourage non seulement une prise de conscience populaire d'une certaine identité régionale cultureUement mixte, mais 89Supra, nI. 60. 90Supra, nt. 88. 91 Beldiceanu.DtllX villes, 35 nt 1. Cf. aussi le cluitien de Kayseri de la tribu turque des Karakeçeli, 8man, R.P.S.E.I. (1949-50),76 nt. 7. 92Savvi~, 8yuJnlium. in the Ntar Basl, 125.
93 N. el M. Thierry, NouvtlltS Iglises 'Upts/rIS d. C.pptUloc., 202-204 ; F. W. HutudChriS/i•• iry, 38 t.
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il favorise aussi une tendance centrifuge toujours prête à profiter de circonstances troublées pour se manifester sous forme de révolte et de sécession, parmi les cadres politiques et militaires, princes apanagés, gouverneurs de province ou généraux ambitieux. Dans les remous dynastiques qui secouent les régimes commène et seldjoukide à la fin du XIIe siècle, chefs militaires et princes en rébellion profitent de la baisse d'autorité gouvernementale pour se tailler des domaines indépendants, revendiquant à l'occasion la succession des détenteurs . légitimes du trône. Les phénomènes sont rigoureusement symétriques à Byzance et à Konya. Côté grec, la querelle entre les successeurs de Manuel 1er Comnène, entraîne une grave crise dont profite l'armée de la quatrième croisade pour s'emparer de la ville impériale, tandis qu'à Konya, l'héritage de KIhç Arslan II est disputé entre ses dix fils,pendant que gronde une révolte turcomane et que les croisés allemands de Frédéric Barberousse se taillent un chemin à travers l'Asie-Mineure, prenant au passage la capitale seldjoukide94 . Dans les deux cas, les révoltes contre le gouvernement central d'un de deux États anatoliens, vont s'appuyer sur l'autre État qui prête troupes et subsides aux rebelles ou leur accorde accueil, refuge et même reclassement en cas d'échec. II est intéressant de constater que Turcs comme Byzantins cheichent tout naturellement appui sur place en Romanie/ROm, et non chez leurs coreligionnaires respectifs, Arabes, Slaves ou autres. Cl. Cahen souligne justement ce point capital pour notre propos : "C'est un fait qui peut paraître difficile à croire à qui raisonne dans l'esprit de l'histoire ultérieure mais c'est un fait que les relations entre Grecs et Turcs ont été pendant plusieurs générations, en dépit de leurs conflits, plus étroites peut-être qu'entre les uns ou les autres peuples de leurs propres coreligonnaires. Nous avons vu bien des rebelles grecs chercher appui auprès des Turcs, et je ne crois pas que l'histoire byzantine en puisse mettre en face autant qui l'aient fait auprès des Slaves, par exemple, pourtant aussi voisins et forts. De l'autre côté, il est plus remarquable encore que les princes turcs d'Asie-Mineure réduits à fuir à l'étranger le fassent très rarement chez les musulmans de Syrie, de Mésopotamie voire d'Iran, leurs princes fussentils des Turcs, et le font au contraire de façon normale et courante chez les Byzantins (... ). Musulmans ils sont, certes, mais en un certain sens intégrés plus OIiinoins consciemment à l'entité qui s'appelle ROm (... ) ils en font partie et s'y sentent cbez eux, plus que dans le Dâr al-Islâm traditionnel, même quand ils sont chez les infidèles"95.
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. La famil.iarité gréco-turque créée par la proximité géographique et les multiples occasions de conta~ts micrasiatiques depuis le XIe siècle, finissent par engendrer des cadres pohtlques et militaires presque "interchangeables" . parfaitement au f~t des ~faires des deux États byzantin et seldjoukide, ces ~ peuvent .souvent mtervemr ~vec un égal succès, selon leurs intérêts personnels et ~n foncllon du contexte pohuque, dans la vie intérieure de l'un ou l'autre &at et ~~~ y
L'int~gration à l'État rival d~s cadres en rupture avec leur pays d'origine peut êtr~ SOIt tempor~lfe SOit défim,tive ; elle peut s'accompagner ou non d'une co~v.erslOn à la reh.glOn du pa~s d accueil ; elle peut être une simple alliance pohuque ou une véntable mutation culturelle. Mais dans tous les cas, la présence et les activités d'une élite originaire du monde adverse, à l'intérieur même de la soçiété et des rouages de l'État, joue dans le sens d'une meilleure connaissance de la société rivale et d'une accentuation des échanges turco-byzantins. Le transfuge, l'allié d'un temps, le mercenaire ou l'apostat, tiennent, qu'ils le veuillent ou non, un rôle de pont entre les deux mondes. Ce rôle d'intermédiaire est parfois une fonction spécifique d'interprète ou d'ambassadeur: c'est un Grec au service de Kiliç Arslan II qui vient proposer la paix à Manuel Comnène au lendemain de la bataille de Myrioképhalon, comme des Turcs au service de Byzance sont envoyés comme légats auprès de leurs congénères à cause de leur communauté de langue96.
B) Les Byzantins en pays de Rûm
Présence byzantine à Konya Dans le contexte ouvert que nous venons d'évoquer, il n'y a rien d'étonnant à ce que, à la présence turque en territoire byzantin corresponde une présence significative de Byzantins dans le sultanat de Rûm où, à la cour comme en province, dans l'armée comme dans l'administration, bien des postes importants sont occupés par des sujets de l'empereur, d'importation plus ou moi nt récente. L'exemple vient d'ailleurs de haut puisque des membres de la famille impériale elle-même passent à l'occasion en territoire seldjoukide : le propre frère de Jean II Comnène, Isaac, qui cherchait à s'emparer du trône, s'enfuit un temps chez les Turcs ; le fils d'Isaac, Jean, fait plus : il déserte en pleine guerre l'armée byzantine pour un prétexte futile 97 , se réfugie à Konya, devient musulman et épouse une fille du sultan 98 . Entre autres pérégrinations, le futur empereur
961bid, 45-46. Zachariadou, R.E.B. 36 (1978), 262. 94J. C. Cheynet, _Philadelphie, un quan de si~cle de dissidence, 1182-1206_, B.S. (1984), 3954 ~ idem. POlI'Joir el contestali(Jns à Byzance. C. Calten-Pr/-ml.. 55
951bid 170.171.
~.
97 Niutas Choniate. Bonn. 4243, 48-49 : l'empereur avait oblige! son neveu Jean l donoer sou cheval à un Latin. 98ManueJ ru rencontrera l'I!pouse seldjoukide de son cousin lorsqu'il ass~gcra Konya. ibid. 72.
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YZANTINE ET PAYS DE RÛM TURC ROMAN lE B
RHÔMANIA BYZANTINE ET DlYÂR-1 RÛM TURC
. er bro lié avec la cour de Byzance, harcèle la frontière grecque depuis Androruc l , wi . fieffée l'émir turc de Chaldia : "De là, raconte Kinnamos, d b e forteresse que UI a 1 ?n fit maintes expéditions en terre romaine et captura un gran. n?m re de Il . ' 1 'sérable livra comme butin aux Perses, ce qUI lUI valut de pnsonOlers que e ml 99 voir prononcer contre lui l'anathème" . Même chez les Turcomans, pourtant redoutés, on. trouve d';.s aristocrat:s b zantins comme Théodore Ange qui, fuyant les persécution~ d~ me~e An~mc y reur , se réfugie parmi les nomades qUI 1accueIllent bIen. 1er devenu empe . Nicéphore et Théodore Vatatzès qui, eux aussi, fui~nt le régl~ d Andromc, affirment préférer l'exil chez les Turcs à la tyran Ole de 1empereur . 1
•
Beaucoup de ces transfuges convertis ou non, font carrière, comme l'ancien gouverneur grec de Kalonoros/Alâya, devenu gouverneur d.. la pla:e sddjoukide d'Ak~hir, ou comme le conseIller de Klhç Arslan Il, Ihllyâr al-dm Hasan bin Gavrâs, de la célèbre famille de Trébizonde, les Gavras (ra{3p{fs), dont plusieurs membres se mirent au service des' sultans de ~~nya, en embrassant ou non l'islam : on en connaît cinq qui eurent des pOSItIOns en vue à la cour seldjoukide entre 1146 et 1236. Le chancelier que KIltç Arslan II envOJ~ à Constantinople pour négocier la paix avec Manuel Comnène est un chréllen nommé Christophe lOI . La carrière byzantino-turque de Manuel Maurozomès est exemplaire : bi~? connu des annales seldjoukides, où il est appelé "Mafruzum, le tek!ur franc , comme des chroniques byzantines qui lui reprochent ses accointances turques lO2 , membre de l'aristocratie militaire byzantine, proche de l'empereur Manuel Comnène à qui il est probablement apparenté, il recueille chez lui le s~ltan KayKhusraw qui, après la prise de la ville par les crOIsés, a fUIt Constantmople où, exilé, il résidait 103. Le souverain turc se rend tout naturellement chez Maurozomès car ils sont parents; Kay-Khusraw en effet avait épousé la fille de Maurozomès dès avant 1204. Lorsque le sultan reprend le pouvoir à Konya en 1205, il emmène avec lui son beau-père à qui il donne des troupes pour razzier la région du Méandre. Théodore Lascaris qui a besoin d'être en paix sur son front oriental pour pouvoir s'occuper des Francs de Constantinople, cède au sultan, Laodicée/Denizli et ChonailHonaz, et Maurozomès en devient le gouverneur
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pour les Tu,:"sl04. Connu à Konya sous le nom "d'émir Comnène", peut-!tre pour sa possIble parenté avec la famille impériale, il occupe de hautes fonctions ?ans ~e sultanat, ains~ q.ue sa descendance dont on possède des traces sur place Jusqu à la fin du .XlII SIècle.. Il e~t à noter que, bien que lié par le mariage de sa fille avec la famIlle seldJouklde, Il reste chrétien ainsi que les siens, puisque un de ces descendants est, en 1297, enterré dans une église, près de KonyalOS. Kay-Khusraw ne devait pas avoir scrupule à s'entourer de conseillers chrétiens, étant lui même de mère chrétienne, et cherchant probablement à con~eb~la~ce~ ai~si l'influence des milieux orthodoxes musulmans qui, selon Ibn Bîbl,lUI fa.'S8Jt g~e~ de son ~scendance infidèle lO6 . Maurozomès opte clone pour une solutIOn orlgmale qUI consiste à s'intégrer socialement dan. l'État seldjoukide, tout en gardant son identité byzantine, sans hésiter pour autant Il tisser des liens matrimoniaux avec ses nouveaux maîtres. C'est là un premier cas très clair, qui sera suivi de beaucoup d'autres, d'intégration sans assimilation de Grecs à la société turque. La chose est d'ailleurs bien comprise ainsi par les Byzantins et d'autant plus sévèrement jugée qu'un tel comportement risque de faire école. C'est ainsi que Nicétas accuse Maurozomès "... d'être lié par sa race· aux Byzantins mais de leur être étranger par ses pensées". Il lui reproche aussi d'une mainère très significative d'avoir mêlé les races les unes aux autres", faisant allusion au mariage de sa fille avec le sultan lO7 . Il •••
1
Tout cela montre bien qu'à la fin du XIIe siècle, deux conceptions' I s'affrontent déjà à Byzance, qui ne cesseront par la suite de s'opposer fortement, la première consistant à considérer tout contact et toute accommodation avec . l'infidèle comme une trahison politique et une perte d'identité culturelle, la seconde pensant au' contraire que, si les circonstances l'exigent, il est possible de composer avec le voisin musulman, en collaborant politiquement et socialement avec lui tout en conservant sa religion et sa langue propres l08 .
104lbid. loc Cil. IOSlbid. 169 ; voir aussi Wiuek .. L'6pilaphe d'un Comnbe l QURY&».
B)'Wltliolt
(1935) ct
(1937). 1061bn Bibl-Ouda, 32. Selon le meme auteur, la ~'" grecque d'Izzeddlo Kay-KIOs s'appelle Barduliya, 204, et ses oncles grecs, Kir Hayi el Kir Kedid. 265. 284.
107Nicélas Choniale, Orationes, P.G., 139, 136-37, 127. 99Kinnamos, 162. IOOChooiale, BOM, 374. Vie de Jean Vatatùs, td. Heisenberg, B.Z. 14 (I905), 205. 101 Ibn Bibi.Gençosman. 95-98 ; Cahen·Prt-oll. 74: Ibn Bibi appelle le gouverneur de
KaIOIIoro. -Kir Fatld-. Sur Ikhtiylr b. Gavra" ibid. 57, 170. Bryer, cA Byzantine Family : lhe Gabrades.. Variorum. III. Cahen ... Une famille byzanline au service des Seljuqides d'AsieMioeurelt, Variorvm. VIII. Sur Christophe, envoy6 de Kiliç Arslan II, Runciman-Crusadu. II, 356·
57. I02AksanJyl, MUs4meret U/-Ahbdr, td. Turan, 31 ; Choniale, Bonn, 827-28,842 ; Ibn Bibl-Duda. 30-31, 37-38, 41, 131, 140, 353 : Ibo a1-Athir, td. Tomberg, XII. 593. 103Caben·Prl-on, 61-63.
t08 Les familles chréûennes d'Asie-Mineure qui surent tôt s'accommoder du pouvoir huc. sont encore p~senles au XIVe si~cle en territoire musulman oà elles sont souvent actives: Palanw rencontre un "hétériarque~ Maurozoumès li. Pégai 1 Biga, Lettrt. 144. Cene famille est aussi signaJœ à Smyrne, Ahrweiler-Smyrnt, 172. Les Vat&lm. dont un membre organise une ~volte l Philadelphie en 1J82. Beynet, B.S. 4. 40 sqq, ont avec les Tufts, des liens privilégiis ll'6poque de Je.. VI C.. lacu~ne, Gn!goras, Bnnn, Il,741-42. Les Taronil~ - N. Adoutz, «Les Taroni\à à Byzance_, Bytant;on, 9 (1934) ; (l935) ; V. Laurent, .. Alliances et filiation des premiers Taronith., Echo d'Or;tnt, 37 (1938)-. dont un membre s'aUie lUX Olni1jmeodides contre Byzance au XIIe, Anne Comnène. 111,75. sont présents lia cour de l'~mir ottoman au XIve McIe, Palamas·uttrt. 148,
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ROMANIE BYZANTINE E
T PAYS DE RÙM TURC
rque des choses byzantine. ConDaissance tu ,
rtains Byzantins de s'immiscer activement dans la . La v.olon'~e ~ :~ :::ussite dans cet objectif, conduit à se demander si, par soclé~ seldJo~re les Turcs ont eu quelque connaissance e~, partant, quelque leur mtermédi -' '1' t'on byzantine suffisants pour en mtégrer quelques attrait pour la CIVI Isa l ' éléments. Ici une précision s'impose : la présence turque à Byzance, aussi 'bl~ fût-<:lIe, ne peut être comparée quantilativem~nt à la présence ~ue, ~ é é al en Anatolie musulmane à la meme époque: la première e! chrébenne en g n r , . !allés dan 'une caste militaire, des marchands, quelques groupes ms s non en somme ne concerne qu h . t' . é l'une ou l'autre région de l'empire, c ns 1~n1S s ou .' . numéri uement peu de monde. Il n'en est pas de meme en Anatolie t~rque, qUi ne" , Ilq sans raison "pays de ROm" (Diyâr-I Rûm). Entre le XI et le XIV , sappe epas . l 't trè t l' este terre de conquête et l'implantatIOn mu su mane n y es que s l'Anaoler 'èl ' ) ' . incomplète. Selon~ ÇluiUaume de Rubrouck au XIIIe SI ce, 1 n y aurait en Anatolie qu'un musulman pour dix habItants. Les voyageurs des autres contr~s d onde islamique s'indignent d'ailleurs de l'atmosphère peu orthodoxe d un p:y: officiellement musulman où pourtant les chrétiens sonnent les cloches en toute liberté font des processions religIeuses dans la rue, cons,omment ouvertement porc et vin, où un médecin juif peut s'asseOIr à la place d ho~neur avant les ulemâ, où les femmes ne sont pas voilées et les manages intercommunautaires fréquents, chez les dirigeants comme dans le peuple, mû;Ufn;ans épousant des chrétiennes et même, chose impensable sous d'autres cieux, chrétiens convolant avec des musulmanes ou émir turc passant au christianisme pour épouser une souveraine chrétienne lO9 . Au XIve siècle Ibn BattOta, en mettant le pied sur le sol anatolien aura encore conscience que ce pays musulman n'est pas tout-à-fait comme les autres et qu'il présente plusieurs facettes: "La terre de Tu~uie [est] c.on~ue sous le nom de pays des Grecs. On l'a nommée ainsi parce qu elle a ét~ JadIS le pay~ de cette nation ( ... ) Dans la suite les musulmans la conquIrent, et Il s y trouve maintenant beaucoup de chrétiens sous la protection des Turcomans
l09"Oc la Turquie. vous saurez, qu'il n'y a pas un habitant sur dix qui soit sarrasin. Au contraire. tous sont Arméniens ou Grecs", Rubrouck. Voyage, 244. Selon ['Histoire des patriarches d'AJexmuJrie. sous Mas'Od 1" (1116-1156), ·".Ia plus gnmde plll1ie du terriloire (de ce sullan), esl occup6e par des sujets grecs ~ à cause de sa ju.~tice et de son bD," gouve.me~nt. les RQms ~réfèrcnt vivre SOUI son administration". dans O. Turan, cLes souverwns seldjoukides et leurs SUjets n.on musulmans.-, S./., 16, Sur les pratiques publiques des usages chr~tiens en Anatohe. processions. ibid., 94, vin et vignoble. Vryonis-Decline, 239 ~ les ~actions des musulmans non ...lOlioos, Ibn Anlbl us sa_fi' d'Andaln.,ie, 38 ; AbO'I-Fidl. R.H.C.. Hi't. or., l, 180 ; Ibn aIAIhIr, ibid. Il, 29t ; Ibn 8811018. Voyage" Il, 305 ; YAqOI, dan. Cohen-Pré-ott. 164 ; manases, ibid .• 79, Vryonis-Decliu. 227. Les femmes d'Anatolie ne sont pas yoilm. Ibn BallOla, JI. 136-
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SI
mahométans" 110. ~'est dire que la présence des chrétiens ne se limite pas enROm à quelques exIlés de Byzance ou des cadres militaires et administratif. mais qu'elle forme des groupes compacts dans les villes comme dans les campagnes ; dans tous les domaines d'activité, les chrétiens sont présents, artisan. ou commerçants, artistes ou lettrés, paysans, fonctionnaires, soldats, marins _.. Dans ces conditions, on peut supposer que l'impact culturel des chrétiens est particulièrement marqué en pays de ROm, d'autant plus que la vitalité de la civilisation byzantine n'est pas amoindrie par les revers militaires et qu'elle conn .."! même un nouvel essor, dans le domaine de l'an religieux par exemple, y compris en zone dominée par les musulmansl 11_ Or curieusement, l'influence byzantine n'est pas, dans la première société seldjoukide, déterminante. Les sultans de Konya adopteront bien l'aigle bicépbale de l'empire, la facture et les effigies de ses monnaies, certaines fonctions, mesures ou notions linguistiques mais rien en proponion de l'importance numérique des sujets grecs du sultan ni de la place de premier plan tenue par certains dirigeants, convertis ou non 112. La première société turque d'Asie- l, Mineure offre un visage culturel essentiellement irano-islamique. Quant à la . connaissance de la religion et des mœurs byzantines, elle est relativement moins développée que celle du monde turco-musulman par les Byzantins, eu égard aux proponions de population en présence, dans l'une et l'autre société. L'image du chrétien, dans le Dâni~mendnâme par exemple, est à la fois sommaire et caricaJUrale ; c'est bien entendu la loi du genre épique qui veut cela mais l'ouvrage donne aussi un repère psychologique réel sur la mentalité turque des Xll-XlIIe siècles. Si le héros de la geste esl dit parler le grec, que pratiquent plusieurs de ses intimes, eux-mêmes d'origine chrétienne 1l3 , la plupart des notions qu'ont les guerriers musulmans de la civilisation de leurs adversaires, sont très rudimentaires: le désir de dévaloriser la religion de l'ennemi, normal dans un récit à tendance prosélytique et hagiographique, ne doit pas cacher que beaucoup de musulmans de l'époque considérée assimilent sincèrement le christianisme à une idolâtrie proche de celle des anciens arabes, les moines à de dangereux sorciers et la manière de vivre du kâfir à des coutumes impures et bestiales. La geste nous présente les chefs chrétiens jurant par Ut, Menllt ou Hubal, dieux antéislamiques qui font panie de leur panthéon hétéroclite où
1JO'bn BauOta. Il. 225 ; cf. aussi Marco Polo. l, 69. JII Vryonis-Decline. 23Q..243 ; plusieurs 6glises de Cappadoce sont d'6poque seldjoukidc, KIIfll
Kilise (1212), 40 martyr.; de Suve! (1216-1217), SI. Georges de Belisarama (1285-1293), cf. N. Thieny, Pe;nlures d'Asie-Mineure, Variorum. X ; Vryonis. B.K.M., VII. 112L'aigle bic6phale, Cahen-Prt-oll 6d. angl.. 391 ; les monnaies. Vryonis-DecUllt. 473 sqq ; mesure.~. vocabulaire erc ... , Cahen-Pré-all, 127. 128. 187 ; M6Iikoff-Ddni,. 298. 309. 310-
314".
113Ibid .• 266. L'auleur de la Geste n'a, semble-r-U, que peu de notion.~ de grec. d. la phrase fantaisiste de la page 436. ctebsi novlini isrerô.~. ce qui veut dire: soyez les bienvenus» !
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~gurent aussi bien Nemrod que "H/Tistôs". Les chrétiens sont Il placer parmi , .... .Ies homines qui suivent la voie des idoles (put YO/Illda olan adamlar)". Les Turcs reconnaissent certes que les moines chrétiens sont passés maitres en ascétisme mais cette discipline intérieure n'est chez eux qu'une variante de la sorcellerie: tel moine" ... était parfaitement versé dans les disciplines ascétiques (r;yt2tet) ( ... ). Il connaissait la sorcellerie (ct2ta/uk), la magie (sihir), les talismans (tilîsmat), de sorte qu'il faisait travailler les div et les djinns et leur fit construire un monastère". Quant à la manière de vivre des chrétiens, la sorte de nourriture qu'ils ingurgitent suffit Il démontrer leur sauvagerie; elle est décrite par l'auteur du Dt2nilmendnt2me avec précision et dégoQt : "on apporta les plats des begs mécrésnts, écoute, je te dirai le nom de chacun d'eux ( ... ) on dressa sur les tables les viandes de porc (... ), insectes à carapaces, rôtis de rats et ce vin rouge du pays des Francs (... ) c'est ainsi qu'ils se régalèrent dans ce festin (... ). Toute la nuit on festoya et on but tant qu'on était quasi mort"1I4.
Il faut cependant dans de telles descriptions faire la part du bon ton idéologique d'un genre littéraire ayant pour objectif d'édifier les tenants de la vraie religion, en masquant à l'ocCasion des influences culturelles peu compatibles avec l'orthodoxie islamique; ainsi Umur d'Aydm, présenté par son biographe comme le type parfait du saint guerrier musulman, entretient cependant des rapports quasi fraternels avec des dirigeants byzantins et semble même imprégné de culture grecque ll5 .
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c~~r~he~t pas, dan~ un premir temps, à en savoir plus que nécessaire sur une clvlhsation réputée mfidèle et perçue comme un objet de conquête.
Plusieurs facteurs vont réduire la distance relationnelle entre les deu;peuples: côté grec, l'entrée en lice et l'installation durable des chrétiens d'occident dans le .champ d'influence traditionnel de Byzance, soit l'Anatolie puis Constantinople elle-même, et la mésentente croissante qui va en résulter entre les d~ux chrétientés rivales, feront rechercher, par réaction, ~ poss,ibles terrains ..'!_entellle avec les Turçs _de, RO~. Ces derniers, quant à eux, de plus en plus coupés de leurs cousins d'Iran ou de Syrie et devenus les mai·lres musuhnans des vi~u~ pays. arméniens et byzantins, regardent avec plus d'attention vers leurs 3 01sms .occIdentaux, avec lesquels. la communauté d'intérêts et de vues s'accrott. La domination mongole ne fera qu'isoler un peu plus les Turcs anatoliens du monde arabo-islamique et iranien, pour les pousser en direction de l'ouest by~nti~ et balkanique. Ce sont donc des pressions extérieures à chaque groupe, latine d un côté, mongole de l'autre, qui vont provoquer une intensification des ~ontacts entre Turcs et Grecs, affrontements guerriers bien sOr, mais aussi Interpénétration et affinité culturelles. Militairement, les Turcs resteront maitres du terrain mais ils occuperont la place d'autant plus solidement que faute de pouvoir résister par leurs propres forces à leur avance, les Byzantins préfèreront accepter voire faciliter cet état de fait plutôt que d'envisager la domination latine, perçue ç()mme, bien plus ~trangère et "aliénante" que le joug turc. '
3- LA FAMILIARI1É GR&:o-TURQUE JUSQU'AU XUlo Sœcu; : UN BILAN PROVISOIRE
En conclusion, on peut dire qu'aux XIe et XII" siècles, Turcs et Byzantins prennent l'habitude de se côtoyer. Par la force des circonstances politiques, les deux peuples sont obligés de se fréquenter et, de plus en plus'souvent de vivre l'un à côté de l'autre. Pour ce faire, une connaissance mutuelle minimale est indispensable. Cette connaissance est facilitée par la présence de Turcs à Byzance et par celle, plus nombreuse, de Grecs indigènes et de Byzantins transfuges dans le sultanat de Rûm. Elle reste cependant encore très schématique et les jugements de valeurs portés envers le monde voisin, très critiques. On peut avancer, avec prudence, que pour l'époque considérée, les Byzantins connaissent un peu moins mal les Turcs que les Turcs les Byzantins, ces derniers étant habitués depuis longtemps à affronter des peuples originaires de la steppe eurasiatique, alors que les premiers récemment venus à l'islam par l'intermédiaire du monde iranien, et n'ayant d'yeux que pour le modèle persan et pour la propagation de la vraie foi, ne
:::Jbid., l, 253, 327. 434, 436, 277, 350, 22601 Il. 40 ; l, 259, 434, 91-~2. S·U f.ut en crain: GrtSoru. BOM. Il, 649 : 'm2,e.f,..
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ni "apd1Tav 1;t6p..I/OIIO.
II- CHRÉTIENTÉS ANATOLIENNES ET RALLIEMENT AUX TURCS: LE DISCOURS POLITIQUE "TURCOPHILE" ET SES RACINES JUSQU'AU XIIIe SIÈCLE 1- L'ORIENT CHRtrmN FACE A L'IsLAM: UNE COMMUNAUTÉ DE COMPORlEMENJ"
L'acceptation par des chrétiens de la domination musulmane, en haine de leurs coreligionnaires d'une confession rivale, n'est ni nouvelle ni spécifiquement grecque. Nous la rencontrons dès le tout début de l'implantation turque en Anatolie chez les autres chrétiens orientaux: il s'agit d'une logique chrétienne de la collaboration active ou, au minimum, de la non résistance à l'envahisseur musulman, qui cherche sa justification non seulement dans le caractère, ressenti comme insupportable, des brimades endurées sous un régime chrétien concurrent, mais aussi dans le caractère, plus libéral en certains domaines, du régime turc qui le remplace, les deux constatations allant évidemment de pair. De même que la conquête militaire de l'Anatolie par les Turcs s'est accomplie en deux étapes - implantation à l'est et au centre de la péninsule aux
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XI" et xne siècles, conquête de l'Asie-Mineu,,: occidentale fin ~Ie, débu!?'Ne siècles-, le ralliement psychologique au régll~e turc (~tles ~ptiOD~ poli~ques qui en découlent) des chrétiens de la zone consldér~, s est, lUI aUSSI, ~hsé en deux tranches qui sont plus confessionnelles que slnctement chronologtqu.es : la mière concerne l'acceptation du pouvOIr turc par une grande partie des Pre b' Armén'ens ou autres par opposition à Byzance ou éventuellement aux I acolles, 1 1 lai osdo i ti èi'oisés -; la seconde est constituée par le passage ~o on re s .u m na on turque de la majorité des Byzantins par refus de toute mgérence lallne. Dans les deux cas, le discours tenu est à ~~ p~ès le même, fait de ~eux parties rigoureusement complémenlai.res : u~ réqUls,ltOlre sévère et, systé~atique contre le joug de la confession chrétienne nvale, s accompagne d un pl8ldo~er, voire d'un dithyrambe en faveur des nouveaux m8l"treS turCS, le:" de~x ~mpremls bien entendu d'une passion partisane dont il faut faire la part m8ls qUI a 1avantage de mettre en relief par son exagération rhétorique même, .tout un système d'arguments qui, en pays chrétien monophysite et orthodoxe, Joue au profit des Turcs pendant plusieurs siècles et que les conquérants musulmans surent très probablement encourager et utiliser.
n a donc là une constante de comportement des diverses communautés chrétienn~ d'Anatolie face à la domination turque qui mérite d'ê~ soulignée, car
eUe montre à la fois le fossé infranchissable creusé au cours ~es SIècles entre. les confessions chrétiennes rivales et la relative souplesse du régIme turc, en mallè~ de statut religieux des non-musulmans passés sous son contrôle,. souplesse qUI, aux yeux de sujets chrétiens longtemps persécutés pour leurs Idée~ par .Ieurs "coreligionnaires de confession rivale, devait passer pour un franc hbérahsme, même si dans un contexte isl8lDique et turc, il pouvait s'agir de toute autre chose.
2- LE DISCOURS DU RAwEMEIlI" CHEZ LES NON-GRECS A) Avant/es Turcs: Chrétiens d'Orient et Arabes Les racines du discours et le comportement qui en découle, doivent être cherchés hors de l'Asie-Mineure et antérieurement à l'arrivée des Turcs, aux origines memes de la confrontation entre musulmans arabes et chrétiens orientaux.
La division doctrinale des chrétiens d'Orient entre eux est une chose bien connue. On sait aussi que cette division est, entre autres choses, une manifestation en mode religieux d'oppositions politiques, ethniques et linguistiques, les monophysites ou les nestoriens par exemple, défendant leur particularisme copte ou syrien face à un centralisme grec niveleur; le processus joue aussi à l'échelle régionale, les melchites exprimant à leur tour par leur
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attachement "ultramontain" à la nouvelle Rome, le désir de démarquage d'une minorité ou d'un sous-groupe réfractaire aux options de la communauté. L'islam survenant dans un tel contexte, qu'il fOt assimilé à une nouvelle hérésie chrétienne ou perçu comme une croyance radicalement neuve, put apparaltre aux sujets "mal pensants" de l'empire d'Orient, dépourvus de. structures militaires qui leur auraient pennis de s'arracher par leurs propres moyens à la force d'attraction de Byzance, comme une façon commode de le faire par guerriers arabes interposés. Les chrétiens orientaux troquaient une tutelle politique étrangère pour une autre ce qui, de toute façon, ne changeait pas grand chose pour des Égyptiens ou des Syriens accoutumés depuis des siècles à vivre sous domination grecque, romaine ou sassanide, mais acquérant, dans le nouveau corps politique, un statut religieux souvent moins inconfortable que par le passé. Ainsi se nouèrent dès les premières conquêtes musulmanes des liens arabo-coptes ou arabo-syriens dont l'étroitesse fut toujours fonction de la force de rejet par les communautés "non chalcédoniennes" du programme assimilateur de Constantinople. Cette collusion inattendue mettait en évidence plusieurs réalités : c'était d'abord un constat d'échec pour les tenants de l'universalisme "romano-chrétien" ; l'empereur de Byzance n'était plus le souverain "œcuménique" de tous les chrétiens, une partie d'entre eux échappant définitivemant à son orbite l16 . Non seulement Byzance n'avait pas su gérer ses "mal pensants" et aurait toujours du mal à le faire. mais, circonstance aggravante, c'est un nouveau pouvoir politique et religieux concurrent qui allait réussir là où l'empire chrétien avait échoué. Le second point important qui apparaissait aussi sur l'échiquier islamo-chrétien du Proche-Orient médiéval tel qu'il se constitua dès le VIle siècle, c'est le fait qu'une dissidence chrétienne pouvait parfaitement s'accommoder de la tutelle politique de l'islam-tout en considérant d'un point de vue religieux que la nouvelle foi était une idolâtrie, une hérésie ou toute autre chose et jouer contre ses propres coreligionnaires, le jeu des ses nouveaux maltres, à condition que ces derniers reconnussent officiellement son identité confessionnelle. La leçon ainsi tirée du choix arabo-musulman des chrétientés du ProcheOri.ent face à Byzance au VIle siècle ne fut pas oubliée dans les dilemnes politiques ultérieurs et l'on n'hésita pas, en milieu monophysite ou nestorien, à rallier franchement contre Byzance ou contre les Latins à partir des croisades, quand les circonstances l'exigèrent, toute nouvelle hégémonie se mettant en place au nom de l'islam, comme celle des Turcs seldjoukides à partir du XIe siècle.
116 La division doctrinale rend les confessions rivales v6rilabJemeni 61rangeres les unes aux aulres : "Je n'ai rien de commun avec les Orecs. dil un monophysite aux Arabes ; je n'ai ni la meme religion ni les 11'Jêmes sentiments qu'eux", EUlyçhius. P.G.. 111-1105.
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Il s'agit là d'une tradition relationnelle vis-à-vis de la domination musulmane qui se transmet sans solution de continuité parmi les chrétientés indigènes depuis la conquête arabe jusqu'à l'implantation des Turcs, depuis l'Égypte et la Syrie jusqu'à l'Anatolie. Quelques exemples montreront le suivi du comportement nestorien, jacobite et arménien face au pouvoir islamique entre la période d'hégémonie politique du califat arabe et celle du sultanat turc.
Le discours pro-arabe des nestoriens De l'avis des auteurs musulmans eux-mêmes, les chrétiens de confession nestorienne sont ceux qui ont les relations les plus étroites avec les Arabes ; un controverriste musulman du IXe siècle l'affirme clairement. Doctrinalement " .. .les Nestoriens ( ... ) se rapprochent le plus des propos des gens équitables de nos théoiogiens et dialecticiens; [ils] leur ressemblent le plus et [ ... ] manifestent le plus de penchants pour ce que nous disons, nous musulmans". Et cela du vivant même du Prophète: les nestoriens sont bien" .. .les chrétiens dont notre Prophète a loué la cause et fait l'éloge, avec lesquels il a conclu des conventions et des traités"117 ; bonne opinion que, généralement, les nestorienS rendent aux musulmans: les musulmans, affirme un évêque nestorien, " ... non seulement n'attaquent pas la religion chrétienne, mais recommandent notre foi, honorent les prêtres et les saints du Seigneur, sont les bienfaiteurs des églises et des monaslères" 118. Dans le domaine doctrinal, le patriarche Timothée va encore plus loin en reconnaissant explicitement que" ... Mahomet a suivi avec son peuple la voie des Prophètes"\19. Pour une chronique anonyme nestorienne, il est tout-àfait licite de prier à la Ka'ba, " ... car les Arabes ne font rien de neuf, lorsqu'ils adorent Dieu en cet endroit, que de continuer l'antique usage, comme il convient à des gens qui honorent l'ancêtre de leur race"120. N'ayant jamais eu de réelles attacbes politiques avec le monde gréco-byzantin, séparés par ùn profond fossé doctrinal des autres chrétiens d'Orient, coptes, jacobites et arméniens, les partisans de Nestorius, n'éprouvaient aucun scrupule à participer activement au bon fonctionnement du califat, jouant, entre autres, un rôle particulièrement important comme transmeUeurs des sciences helléniques auprès des élites omeyyades et abbassides 121.
Les monophysites
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du discours antl-grec au ralliement
arabe La rancœur accumulée par les monophysites, coptes et jacobites conlre les persécutions byzantines, est un puissant mobile qui les pousse 11 collaborer avec les musulmans: si ceux-ci ont vaincu les Grecs dès le VIle siècle, la cause en est dans " ... Ia tyrannie de l'empereur Héraclius et [des] vexations qu'il avait fait subir aux orthodoxes (c'est-à-dire aux monophysites)"122. C'est bien ainsi que l'écrivain jacobite Bar Hébraeus comprend la "providentielle" apparition des Arabes: "Héraclius s'irrita et envoya dans tout son empire ce décret: quiconque n'adhérera pas [au concile de Chalcédoine] aura le nez et les oreilles coupés et sa maison sera pillée. Alors beaucoup se convertirent ( ... ) C'est pourquoi le Dieu des vengeances nous délivra par les Ismaélites des mains des Romains ( ... ) Ce ne fut pas un léger avantage pour nous d'être affranchis de la méchanceté des Romains et de leur haine envers nous"123. La haine du Byzantin exclut tout contact avec lui: "Quand tu arriveras à Constantinople ... ", conseille Michelle Syrien à un de ses coreligionnaires qui doit se rendre dans la ville impériale Il •••
n'aie de conversation avec aucun de ceux qui s'y trouvent, abstiens~t'en toutes
les fois que tu le pourras"124. Le contraste est grand entre cette méfiance et la chaleur des relations établies entre tel évêque monophysite et les nouveaux dirigeants musulmans: "Le roi manda l'archevêque et lorsqu'il fut arrivé, il l'interrogea, disant: «A l'heure où tu te tenais à l'autel, avec qui parlais-tu alors ? Le saint archevêque répondit et dit au roi : «Je parlais avec mon Dieu., Alors le roi fut rempli d'étonnement et dit à l'archevêque: votre foi est grande, à vous autres, chrétiens». ... Et depuis ce jour, il fut un prophète aux yeux du roi qui l'appelait à chaque instant patriarche et l'emmenait en tout lieu où il allait"12S. Les Arméniens ont une place un peu paniculière dans l'histoire des relations entre chrétiens d'Orient et musulmans. Leur identité culturelle et linguistique les distingue fortement des jacobites, leurs voisins et coreligionnaires, avec lesquels les rappons sont loin d'être toujours cordiaux. Michel le Syrien est très critique par exemple 11 l'égard des raids de cenains seigneurs arméniens dont les populations syriaques pâtissent: "Ils emmenèrent toute la population et s'enfuirent. Dans ceUe captivité, l'évêque Gacobite) fut emmené par ces maudits Annéniens"126.
122Jean de Nikious, 458. 464 ; Ducellier~Mjroir. 26.
117Supra chap. l, nt. 13. TalSr·DiaIo8u<. 90. 118Supra chap. 1. ni. S. 119Supra, nt. 117. 120Cllro1lique n,slorienne anon)'IM, 6d. Guidi, 31. 12IMu.i8JIon.Opera Minora. 25·257 : idem. Passion. l, 188-190.
123 Bar Heb,""u" l, col. 269-274. 124Jld. Chabot, 313. 12SHisloire du Patriarche ISDac. 58--60; Duccllier-Miroir. 77.
126Jld. Chabot. 18.4: Michel dan, le m.!me lexIe oppose le compollemenl anno!nien l celui des Turcs: «Quand les Turcs
arri~renr. il~ u~rent
de mi"ricorde il l'l!prd des ch~tien$ (jacobites)•.
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ROMANIB BYZANTINB BT PAYS DB RÛM TURC
Le bilan des relations multiséculaires. enr;e Armé?i.ens et jaco~it~s est, selon un auteur sydaque du XIIe siècle, lom ~ être .poSltlf, malgré 1unn~ de croyance et les tentatives de rapprochement et d ~ntr81de entre les deux .éghsessœurs: "U y a maintenant 440 ans que les Armémens sont.venus en Syne et ont pris possession de nos régions, nos m~nastère~, nos v~lIages ( ... ). A cell~ époque, vu que le royaume des Armémens étaIt conqUIs p~ les Perses qUI l'occupaient, ils commencèrent peu à peu Il descendre en Sy~e ( ... ). Et ~otre patriarche donna à Jean [le catholicos arménien) un monas~re sItué aux frontiè~ [de la Syrie et de l'Arménie) et y plaça des enfants synens et arméme.ns, qUI apprenaient les deux langues et traduisaient les œuvres des Pères du synaque à l'arménien. Après la mort de notre patriarche et de leur catholicos Jean, ils rompirent leurs engagements et commirent des injustices envers notre peuple ( ... ). Après cela, peu à peu, ils prirent nos églises et I~s ~ODas~res de la Montagne Noire; alors que nous leur avions fourni de l'aIde, Ils devmrent nos adversaires" 127. Ce qui démarque nellement les Arméniens de~ autres chrétientés "nonchalcédoniennes", c'est qu'ils ont une très vieille tradition étatique et militaire, et que c'est, les armes à la main, qu'ils résistent aux envahisseurs musulmans, arabes puis turcs, pour préserver leur indépendance. Mais en dehors de ces périodes d'indépendance, relativement courtes eu égard. aux appétits annexionnistes de ses puissants voisins, sassanides ou romams, arabes ou byzantins, l'Arménie n'eut souvent pour seul choix possible que celui d'opter pour le protectorat' le moins lourd, et pour l'époque qui nous concerne, entre Grecs et musulmans, on préféra souvent les seconds aux premiers: les seigneurs de l'Arménie byzantine supportent mal la férule impériale et en pleine campagne contre les Arabes, les états-majors arméno-grecs sont paralysés par des dissenssions si profondes qu'elles entraînent parfois des trahisons au profit de l'adversaire: l'empereur byzantin Constant II ..... avait écrit ( ... ) à Théodore RestOni pour lui prescrire de renforcer de ses troupes l'armée expéditionnaire; et sur refus, il lui répéta le même ordre avec menace d'être, en cas de nouveau refus, exterminé avec sa race à son retour en Arménie. Contraint par celte menace, Théodore ordonna à contre-cœur à son fils Yard d'accompagner [les troupes grecques) mais il lui recommanda d'abandonner les Grecs dans un moment favorable et de faire cause commune avec l'ennemi ... Alors Vard, fils de Théodore, enhardi par le succès des Ismaëlites, passa sur le bord opposé du /leuve et coupa les cordes qui tenaient le pont de bateaux. L'armée grecque assaillie de tous les côtés périt dans les /lots .. t28 .
127Bar Chalibi. Conlre lu Armini.... 55. t280hevond, 12-13.
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La séparation doctrinale provoque, en Arménie, une attitude anti-greeque qui pousse le clergé grégorien vers des m81""tres doctrinalement plus neutresl29 : contre un prélat "chalcédonien" et une princesse pro-byzantine qui refusent de lui o~ir: u~ pa~arche n'hésite pas à faire appel aux Arabes: "Dans notre pays, leur écnt-Il, Il eXIste un évêque, et même une princesse sans époux qui est unie avec l'évêque, tous deux, ils refusent l'obéissance à votre respectable empire; ils ne veulent pas s'unir à moi qui ai toujours béni votre nom dans mes prières, mais ils se joignent à l'empereur de Rome et, par ce moyen, ils troublent notre pays. Il faut donc vous hâter de les faire périr et de les ôter d'auprès de moi, car Rome les soutient d'une manière efficace par des trésors et par toutes sortes d'autres moyens "130.
B) L'Anatolie chrétienne et ses confins face aux Turcs Jacobites, Arméniens et ouverture aux Turcs Au moment où les Turcs s'implantent en pays monophysite et nestorien, . ces chrétientés ont donc déjà une solide expérience des contacts avec l'islam et la tradition du modus-vivendi voire de la collaboration arabo-chrétienne est passée dans les mœurs depuis longtemps. Il reste à savoir si, au contact d'un nouveau peuple, récemment islamisé, d'une toute autre origine que les Arabes, avec des mœurs également différentes, peuple encore proche de ses origines steppiques. et tribales, les chrétiens locaux vont changer d'attitude. Claude Cahen a fait justice d'une certaine historiographie traditionnelle qui considérait que la conquête turque avait radicalement détérioré les conditions des chrétiens d'Orient et que ce motif exclusif avait été, par exemple, à l'origine de la croisade, les historiens 'ayant ..... inconsciemment conclu du discrédit où était tombé l'empire oltoman à un caractère particulièrement barbare de tous les Turcs en général"'131. Si, d'une part, comme le montre Cahen, c'est en Occident qu'il faut sunout chercher les causes de la croisade, d'autre part, la substitution de l'autorité seldjoukide à celle des fatimides ou autres, n'entraîna pas une aggravation particulière du sort des chrétiens en terre d'islam et les sultans turcs
129Sur unc possible affinit~ "aniconique- CRIrC Arabes eC Arm~niens. Lcmerle~Prelllier humanisme. 34. J30 Jean le Catholicos. Chronique. 87-88. qui salue ainsi le reeoun aux Arabes contre les "Chalâdoniens" : "Le grand patriarche agit ainsi trh prudemment cn se servant du pouvoir pour faire périr des mkhants qui tourmentaient les fi~les". Cf. aussi Vardan. 6d. Muyldermans. 103 : "Le saint patriarche Yohannes expulsa par ordre d'Omar. les Grecs qui s'itaient dispersâ dans toutes nos contr6es", 13lVarioTum, C. J25.
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se montrèrent en général soucieux de respecter les droits traditionnels des dhimmt Si ceux qui appartiennent à des États chrétiens en guerre avec les Turcs, ne ménagent pas leurs critiques à l'égard de l'adversaire, en revanche une fois la période des invasions terminée, desquelles pâtissent à égalité chrétiens et musulmans du Proche-Orient, toutes les sources chrétiennes orientales concordent pour louer le retour à la sécurité et au juste fonctionnement étatique mis en place par les sultans seldjoukides, que les auteurs soient arméniens comme Mathieu d'Edesse, Sarcavag, Stéphane Orpélian, jacobites comme Michel le Syrien ou nestoriens comme Amr Bar Sliba l32 . Les jacobites très rapidement cherchent à s'entendre avec les différents émirs turcs qui sillonnent la haute Mésopotamie et l'Anatolie : avec les Anukides de Mardin, les relations furent le meilleur possible; selon Michel le Syrien, l'émir anukide Timurla~ : " ... procura aux chrétiens de grandes consolations et à l'Église beaucoup d'avantages". Le souverain étant tombé malade, les moines du célèbre monastère de Mar Barsauma envoient une relique pour faciliter sa guérison 133. Avec les Dani~mendides, même intimité qui, toujours selon Michelle Syrien, leur attire, le cas échéant, des représailles de la part des autres chrétiens I34 , les croisés en l'occurence dans l'exemple qui suit, à l'époque du comté franc d'Edesse : sous prétexte que les moines jacobites de Mar Barsauma vivaient en trop bonne intelligence avec leurs voisins de Malatya, les Turcs dani~mendides, le comte d'Edesse " ... envoya des prêtres francs qui entrèrent dans le temple et en retirèrent tout ce qu'ils trouvèrent ( ... ). Ensuite il ordonna à ses soldats d'inspecter les cellules et ils rassemblèrent tout ce qu'ils trouvèrent d'or, d'argent, de cuivre, de vêtements, de tapis. Il dépouilla même le sanctuaire de ses tentures" 135 . Par suite de telles exactions, beaucoup de jacobites se réfugient à Malatya et l'émir de cette ville prend leur défense conre les Francs. L'émir de Harput affirme honorer Saint Barsauma et tenir à l'estime des moines. Illeur fait restituer du bétail qui leur avait été indûment enlevé par ses soldats, et, en racontant ce fait, Michel le Syrien oppose la générosité des Anukides et des Dani§mendides aux méfaits du comte d'Edesse I36 . Avec les Seldjoukides, le scénario est identique: dès 1096, alors que Klllç Arslan assiège Malatya, le métropolite syriaque, Jean Sa'id Bar Sabuni, conseille au gouverneur de livrer la ville. Ce dernier le fait immédiatement exécuter: "Un officier du sultan s'approcha du rempart comme parlementaire et demanda que le vénérable Jean se penchât sur le mur pour écouter ses paroles. Sur l'ordre du gouverneur Gabriel, le vénérable monta sur le mur, tandis que Gabriel se tenait , 1321bid. 123. Le probl~me des Turc, .."'orie.s d'Anatolie eSl ~voq~ par N. Seldiceanu, Turcic;î 20 (1988), 281. \ 133Grouuet_Crolsades. Il, 293. 134Ceue intimitt peut aussi choquer les mu.ulmans. Turan, S.I.. 1 (1953), 73. 1350rou,set-Crolsades. Il, 285·286. 136Ibid., 287.
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près de lui dans une cachette et écoutait. L'officier dit: «Le sultan vous fait dire de livrer la ville et il vous accordera la paix, sinon il la prendra d'assaut et Dieu vous demandera co~pte du s~g du peuple.". L'évêque conseille alors, en privé, au gouverneur de hvrer la CIté aux Turcs: "Quand Gabriel entendit cela, il commença à détester le vénérable évêque ( ... ). Comme Gabriel avait médité la mon de l'évêque, il répondit: «Et toi, tu veux donc livrer la ville aux Turcs .,.. Et irrité ( ... ) il prit la lance, frappa le saint à la tête et le tua"137. Dans l'optique de Michelle Syrien et pour suivre son argumentation pas à pas, le martyr syriaque était dans le juste et faisait preuve de clairvoyance politique pour l'intérêt de ses ouailles, puisqu'une fois la ville tombée entre les mains des Turcs en la personne de Gâzi lbn Dâni§mend, la situation de Malatya s'améliora : "Dâni~mend ne laissa périr personne. Il fit rentrer les habitants dans leurs maisons, fit venir dans la contrée du pain, des bœufs et les autres choses nécessaires et les leur donna ( ... ). Et Mélitène éprouva de nombreux bienfaits du temps de Dani§mend. L'abondance et la prospérité s'accrurent"138. Situation identique à Edesse, du moins tanl qu'un élément étranger, les Francs en l'occurence, ne vient pas penurber le délicat mais assez harmonieux êquilibre turco-chrétien: lorsque Zeng! s'empare d'Edesse en 1144, il se produit les habituels massacres que l'Anonyme syriaque ne cache pas mais qui viennent en grande partie, selon lui, de l'obstination des Francs qui refusent toute trêve malgré l'avis favorable de l'évêque jacobite de la place; de plus, pendant l'assaut, " ... conformément aux mauvais procédés habituels des Francs", les pones de la citadelle avaient été fermées et l'évêque latin avait interdit de les ouvrir sauf s'il en donnait l'ordre en personne; or, il fut tué avant d'atteindre la citadelle. La foule des fuyards jacobites et arméniens s'écrasa au pied de la citadelle sans pouvoir y pénétrer, tandis que les Turcs les sabraient par derrière. Il est significatif que, même dans ces circonstances dramatiques, ce sont les Francs qui, par leur intransigeance, sont, dans la logique des jacobites, rendus responsables du massacre. Les Turcs, quant à eux, font preuve de modération dans la victoire: Zengi empèche ses troupes d'entrer en masse dans la ville et d'en molester les habitants; Syriens et Arméniens" ... rentrèrent paisiblement dans leurs maisons, réconfonés par la clémence de Zeng! qui leur fit distribuer des vivres". Le souverain fait venir le métropolite syriaque et lui fait jurer fidélité aux Zengides tout en lui tenant un discours fon significatif: "Tu sais très bien que cette ville, depuis le temps où les Arabes s'en sont emparés et pendant les deux cents ans où elle est restée sous leur empire, a été florissante comme une capitale.
137 Ibid._ l, SO-51 ; Michel,~. Chabot. Ill, 185-186. 138 Ibid., Ill, 188. Le me.... Michel le Syrien enltetiot les moille.m ",\aûous avec le sulllll seldjoukide, KIIlç Arsl.. 11, à Malalya en 1181, Ill, 390. 394, 395, et Turon, 5.1.. l, n-78.
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. urd'h . '1 . t ans que les Francs l'occupent et ils l'ont dévastée, et AUjo UI, 1 y a ClRquan e N ' est disposé à vous bien .. ils ont ravagé le pays comme vous le voyez. otre pnnce traiter. Vivez en paix, soyez en sécurité sous l'autorité de son emptre et pnez pour sa vie"\39. L' ument est.il turc ou est·ce celui de l'auteur syriaq~e? cel.a importe,peu car les d~x parties, ayant tout intérét à s'entendre, dev~ent r8lson~er. dune . bl 1 Turcs tentant, par bonne pohtlque, de s attIrer la manIère très compara e, es d 1 domaines tout en fidélité d'une communauté syriaque très prése~te ~s eurs . . .' tAchant de la séparer de ses coreligionnaires latlRs, nvaux pohllques dIrects des musulmans ; quant aux jacobites, l'expérience et le rapport des f~rces ,en Présence montraient à l'envi qu'ils avaient moins à perdre comme sUjets d un 't assaux des Francs dans la marche la , . État zengide en plem essor, qu en tan que v . . plus exposée et la moins défendable des États croIsés de Syne. La suite tragique de l'histoire d'Edesse, '?ujours selon les. sources . 1 h ix turc était le seul possIble pour les chréuens de la synaques, montre que e c o . •• ville, toute nouvelle intervention franque r~squant de comprometU;' :~.pe;,~:~ définitivement, le modus· vivendi turco'jacoblte un moment r ta. 1. .an éloigné d'Edesse pour parachever la conquête de la régIon, Zengl y re':'lent tard Il est accueilli par deux cortèges parallèles, celUI des que1ques temps p 1us . . . "II 1 1 musulmans et celui des chrétiens dirigés par le métropoht~ synaq.ue. ~.a ua es chrétiens avec joie, raconte l'Anonyme syriaque, bais~ I.É:anglle et.s mforma avec sollicitude de la santé du métropolitain ( ... ) Zengl vIsIta nos éghses, s~~t montrer leur beauté et ordonna de fabriquer pour elles deux grandes cloches . Souffrant de la goutte, il demanda des prières au métropohte et voulut laver ses pieds malades dans l'eau miraculeuse du puits d'Abgar". ZengÎ a, certes, des raisons politiques précis~s d'~gir ~nsi,. vo~la~t éviter une contre.attaque franque en s'attachant la populatIon jac~blte ; Il dIt d aIlleurs ouvertement à l'évêque syriaque, au moment de qUItter la VIlle, de coopé":r avec zèle à la défense d'Edesse contre les Francs. Mais, dans l'optique du chromqueur, là était la seule issue politique pour la population jacobite. Les évènements ultérieurs en apportent la preuve: au tableau presque idyllique et évidemment accentué pour faire contraste a~ec la suite, l'Ano~yme oppose I:~nconséq~,en~e ~t l'irresponsabilité de la reconquete franque de la VIlle en 1146: Ces fous, dlHl, parviennent à s'introduire dans la place mais négligent de s'empare~ immédiatement de la citadelle, occupés qu'ils sont à piller les maisons, ..... aussl bien au détriment des chrétiens indigènes que des musulmans". Leur coup de main manqué, les Francs évacuent précipitamment la ville, entraînant dans leur
1390rousset.Croisadts,
Il, 880·883. 140ugime de faveur contraire aux prescriptio~5 d'Omar, qui n'âaient pas, il esl vrai. appliquœs
il la Jeure en Anatolie musulmane el sur ses franges. supra nt 109.
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débacle et dans la répression turque qui s'ensuit la population cbr6tienne locale. La Chronique syrienne spécifie bien que les Francs ..... rassembl~rent de force tous les habitants de la malheureuse ville et les obligèrent à partir avec eux ... il. entraÎoorent la population arrachée de ses demeures, sortirent à la deuxième heure de la nuit et mirent le feu aux maisons." L'évêque jacobite qui a pourtant accompagné les Francs dans leur fuite, est arrêté par le comte d'Edesse pour sa turcophilie l41 . A nouveau, les griefs jacobites vont aux Francs: le chroniqueur syriaque met bien en relief l'incohérence stratégique des soldais francs : "TIs ne se demandèrent pas comment ils pourraient résister aux Turcs dans la plaine, alors qu'ils n'avaient pas la force de résister à l'intérieur des murs". Bref, par leur coup d'audace inutile et maladroit, les Latins ont provoqué le malheur des jacobites, en les discréditant auprès de leurs anciens protecteurs : en voyant les Francs incendier les maisons, .... .le malheureux peuple se mit à se lamenter et ils proclamaient bienheureux ceux qui étaient morts la première fois [en 1144), car ils voyaient le feu allumé par les Francs consumer leurs maisons et leurs biens et le glaive des Turcs tiré sur eux .... 42 Nous avons insisté sur la prise d'Edesse car elle est un cas de figure dans les relations tripartites entre jacobites, musulmans et chrétiens "chalcédoniens" à visées politiques et confessionnelles : toute intervention du troisième groupe, violente ou non, est considérée comme nuisible au fragile équilibre instauré entre les deux premiers groupes : en pays syriaque, les partenaires peuvent changer, arabes et byzantins dans un premier temps, turcs et francs ensuite, les jacobites ne dévient pas dans leur comportement: ils refusent invariablement d'être les sujets, excentrés géographiquement et culturellement, d'un État chrétien doctrinalement hostile et politiquement lointain ou mal adapté aux réalités de la zone, que cet État soit grec ou latin. Ils sont, par contre, toujours prêts à accepter une domination musulmane, qu'elle soit arabe ou turque, pourvu qu'elle leur garantisse paix civile et respect de l'identité religieuse. Cela revient sans cesse dans les sources du temps : c'est en promettant d'assurer une vie quotidienne paisible et la sécurité civile que Klhç Arslan, Dâni~mend ou ZengÎ s'attirent la fidélité des jacobites, en soulignant le caractère instable et anarchique des régimes chrétiens antérieurs, celui des chevaliers· brigands d'Edesse ou celui, non moins arbitraire d'un Gabriel de Mélitène l43 . Quant au respect de l'identité religieuse, c'est une des louanges essentielles faites par les auteurs syriaques aux Turcs: "Les Turcs, écrit Michelle Syrien, qui
1410roussel.C,oisades. Il,883·886. 142 tbid., 203. Cf. aussi le, ~glises confi'qllÛS aux c11~tiens d'Alep pli' les autorilb artultides. l la suite de l'attaque de., Francs contre la viIle en 1124, Ibn a1·Shihna, trod. Sauv..... 82, 83. t43 Supra nt. 137.
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occupaient des pays au milieu desquels habitaient les chrétiens, ( ... ) n'avaient point pour habitude de s'informer sur les professions de foi ni de persécuter quelqu'un pour sa profession de foi, comme faisaient les Grecs, peuple méchant et hérétique"I44. Liberté doctrinale et tranquillité civile sont ainsi les deux arguments qui justifient, dans les sources syriaques, le ralliement d'une population chrétienne au régime turc. Un tel comportement, qui parait justifié pour une population peu combative comme les jacobites, est-il envisageable chez un peuple possédant, comme les Arméniens, une solide armature militaire et une vieille tradition étatique ? Entre Arméniens et Byzantins, nous l'avons vu, la rivalité est non seulement religieuse mais politique et militaire et la coopération grécoarménienne a toujours très mal fonctionné face au danger musulman. L'opposition s'aggrava lorsque, à la suite de l'effondrement de l'empire abbasside, l'Arménie, s'étant libérée progressivement de la tutelle arabe pour recouvrer son indépendance, dut faire face à l'expansionnisme des basileis de la dynastie macédonienne qui, prenant prétexte du danger seldjoukide naissant et de l'émiettement des principautés qui rendaient vulnérable le flanc oriental de l'AsieMineure, annexèrent les États arméniens à l'aube de la conquête turque de l'Anatolie, entre 1020 et 1060 environ l45 . L'Arménie devenue province byzantine, fut en butte aux incessantes tracasseries doctrinales de Constantinople qui voulait à toute force rallier ses nouveaux sujets au credo de Chalcédoine. Le moment donc où la poussée tunque atteignait sa force maximale fut celui du paroxysme des querelles théologiques arméno-grecques. A la veille même de la bataille de Mantzikert, l'atmosphère qui règne à Sébaste/Sivas au passage de l'armée byzantine en marche contre les Turcs. montre la haine politico-religieuse qui divise irrémédiablement Byzantins et . Arméniens: des Grecs ayant dit à l'empereur Romain Diogène: "Les Arméniens sont plus acharnés contre nous que les Turcs eux-mêmes ... ", des paroles définitives furent prononçées. " ... Diogène ajouta foi à ces propos et jura avec . menace qu'au retour de son expédition en Perse. il anéantirait la foi arménienne. Les moines, ayant appris ces menace, proférèrent de terribles malédictions et firent des vœux pour qu'il ne revînt pas de cette guerre et que le Seigneur le fit périr"I46.
I44Éd. Chabol. Ill. 222. 1450roussel_Anninie. 553 sqq. 146Madlieu d·Ede.... &J. Dul .. rier, 166.
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Si des religeux arméniens prient ouvertement pour la défaite des Grecs il n'y a rien d'étonnant à ce que les soldats arméniens de l'armée byzantine n'o~nt qu'une résistance très molle aux assauts turcs, et cela pour les mames raisons religieuses q~e leur cle~gé : à Mantzikert " ... Ies troupes des Arméniens, que [les Grecs] voul81ent contrrundre à adopter leur hérésie, prirent la fuite \es preDlÎn CI tournèrent le dos dans la bataille"t47. La lourde férule byzantine avec ses tracasseries doctrinales CI ses vexations administratives, est très mal supportée et l'historien arménien Mathieu d'Edesse la décrit sous les traits les plus sombres: "La puissante nation des Romains vint fondre en nombre considérable sur l'Arménie, et se précipitant sur les fidèles du Christ, les livra impitoyablement à l'extermination et l'esclavage". Dans de telles conditions, pour la chronique arménienne, il n'y a aucune différence entre dominations turque et grecque, entre" ... Ies châtiments terribles qu'a éprouvés l'Arménie de la part des Turcs et de leurs frères les Romains. "La surenchère du discours ne s'arrête pas-là: le stade suivant consiste à soutenir que le joug byzantin est pire que celui des musulmans : "Dans leur marche, [les Grecs] plongèrent les chrétiens [arméniens] dans le deuil plus que n'avaient fait les musulmans"t411. Et enfin, ultime étape du raisonnement. la domination turque est dépeinte comme plus supportable, au moins pour le maintien de l'identité religieuse et culturelle. que celle des Byzantins; on l'appelle de ses vœux et on l'acclame lorsqu'elle se met en place: en écho à la constatation de Michel le Syrien selon laquelle, grâce à la conquête turque. les jacobites furent" ... délivrés de la cruauté des Romains. de leur méchanceté de leur colère. de leur zèle cruel". l'Arménien Mathieu déclare que" .. .lorsque les Turcs eurent subjugué l'Arménie. elle cessa d'être victime des effets de la perversité des Grecs"149. Par contraste avec un régime grec si détesté. la prise de pouvoir par les Seldjoukides. si elle ne se fait pas sans heurts. nous est néanmoins présentée comme une amélioration notable du sort des Arméniens. surtout sous te règne de personnalités attachantes comme celle de Malik Châh : pour.Samuel d·Ani. ce souverain" ... aimait tant notre peuple qu'il demandait pour lui-même nos prières et nos bénédictions". Mathieu d'Edesse. quant à lui, compose un véritable panégyrique en l'honneur du suttan : "Malik Châh se montra bon. miséricordieux et plein de bienveillance pour tes disciples du Christ ... il accorda te repos à l'Arménie .. , son cœur était rempli de mansuétude pour les chrétiens"150. Ainsi
147M ichelle Syrie •. lit. 169. 14SMalhieu. 36. 52. 93. 1490roussel_Croisadu. 1. LlX; Mathieu. t 13. 150S amuel d'Ani. Tables chronoloRiqlles. 451,455. Mathieu, 172. 196-97.
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nous est décrit aussi le gouverneur seldjoukide d'Annénie, ismA'il"" ,prince plein de bienveillance, miséricordieux, pacifique et protecteur de notre nation, Il embellissait les couvents, se montrait l'appui des moines et défendait les fidèles contre les vexations des Perses, Sous son administration, chacun possédait en toute sOreté son héritage paternel et vivait heureux", Ainsi en est-il aussi de Balak, émir de Harput qui, selon Mathieu, a de la bienveillance envers les Annéniens, ou de Saltuk, émir d'Erzurum, ou du chah d'AhlAt, Sôkmen ou enfin de DAni§mend dont Mathieu trace un portrait élogieux 151, Avec la mainmise turque sur les régions de peuplement arménien à partir du xre siècle, l'état d'esprit des chrétiens indigènes ne change donc pas envers les musulmans par rapport à l'époque arabe; le rejet de toute ingérence dogmatique ou politique des Grecs, se confirme avec comme contrepartie une bonne volonté croissante envers un régime turc respectueux de l'identité religieuse et culturelle des Arméniens, Cette bonne volonté se traduit souvent par un ralliement ouvert aux envahisseurs: il y a des seigneurs arméniens dans l'armée seldjoukide comme le Patrice Mekhitar en 1095-96, ou ceux qui combattent contre les soldats de la première croisade -; certains d'entre eux deviennent gouvernelJrs des places conquises par les Turcs comme le gouverneur nommé par le sultan de ROm à Sinope ou celui laissé par l'émir Dâni§mend à Malatya; dans le Dllnijmendn/lme, ~Iusieurs compagnons du héros turc sont arméniens lS2 , Par opportunisme et pour pouvoir garder une marge de manœuvre suffisante entre Turcs, Francs et Byzantins, les différents dynastes arméniens qui tentent de conserver leur position aux XIe-XIIe siècles, savent jouer de l'alliance turque. Ainsi le dernier roi de Kars, Gagik Abas fait au bon moment valoir son amitié ancienne pour To~nJl Beg, le premier sultan seldjoukide, dans le but d'écarter l'invasion que prépare le neveu de ce dernier, Alp Arslan : "Comme c'était un prince avisé et prudent, il imagina un moyen de se sortir d'embarras. Il se revêtit d'habils noirs comme un homme en deuil, et s'assit sur un coussin de même couleur. Lorsque l'envoyé du sultan l'eut vu dans ce costume, il lui en demanda la raison. Gagik lui répondit: «je porte le deuil de mon ami Toghroulbeg.» Cette réponse surprit beaucoup l'envoyé qui, à son retour, raconta au sultan ce qu'il avait vu. Le sultan fut enchanté de la conduite de Gagik et, à la tête de ses armées. il vint lui rendre visite à Kars. Il lui témoigna une vive amitié et une grande joie de le voir et le revêtit d'un costume royal. Gagik offrit un banquet à Alp Arslan. Nous avons entendu dire que. pour un agneau qui fut rôti. il dépensa mille tahégans. Il fit don en même temps à ce prince d'une table qui en valait
ISllbid .. 209, 207. 311; TIll8D. 5./., 1,71; M6IikolT-Danil. 73. 152_.,210; GIS"', 103 ; CWn-Prl-O/l, 72 ; M6Iikoff-Danl,., 99 (BIsOlg). 128 (Ahmel-i Sertis).
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cent mille et mit toutes ses troupes à sa disposition, C'est ainsi que Gagik échappa aux dangers d'une invasion"IS3, Philarète pour s,e tailler un domaine entre Byzantins et Seldjoukides, semble ,ne pas ~VOIf héSité à adopter l'orthodoxie grecque pour obtenir l'appui des Byzantins, pUIS, s'être converti à l'islam pour bénéficier de la protection plus efficace de Malik Châh, Les heutenanls de Philarète, Gabriel et Thoros savent égaleme,nt jouer habilement la carte turque, parfois contre leurs propres compatnotes, C'est ce qu'affirme Guillaume de Tyr au sujet de Thoros : les Annéniens d'Edesse "" ,avoient en grant haine cet home qui les avoit grevez lonc tens en mainters manières, (, .. ) S'il i avoit [quelqu'un de] si hardi qui li ôsast veer [refuser] chose qui li pleust, tantost par les Turcs dont il estoit acoinés fesoit à celui-là estreper ses vignes, ardoir ses blés, tolir ses bêtes"IS4. Le chef arménien Kogh Vasil semble entretenir de bonnes relations avec Dllni§mend et son successeur Vasil Dghâ n'hésite pas à s'allier aux Turcs contre la menace franque, comme le fait aussi le prince cilicien Uan qui soutient l'émir d'Elbistan en compétition avec le sultan de Konya lSS . La hiérarchie ecclésiastique ne fait pas scrupule de rechercher l'appui du "bras séculier" turc; à l'occasion même tel catholicos fait appel au sultan contre un rival. clerc ou prince lS6 . Quant au peuple. il ne suit pas toujours unanimement des chefs qui non seulement se compromettent avec les m8l"tres du moment au gré de leurs intéréts propres. mais le font au détriment du plus grand nombre: dès l'époque de la conquête arabe. les doléances populaires sont nombreuses contre une noblesse plus apte à mettre le pays en coupe réglée qu'à le défendre contre les envahisseurs: "Les chefs des Arméniens (... ) partagèrent le pays d'après le nombre de leurs cavaliers et ils établirent des gens pour faire rentrer l'or et l'argent. Alors on put voir les tourments Hu désespoir ( ... ) car il n'y eut pas un endroit où les hommes pussent échapper ( ... ). Lorsque le seigneur des RestunÎs vit cela, il demanda des troupes aux Ismaëlites pour battre les Arméniens". Gabriel de Mélitènc est détesté de la population de la ville pour avoir rallié la foi des Grecs : "Cil Gabriel est oit nes d'Ermenie. D'abit et de langage se contenoit comme Hermins. mès de foi et de créance estoit-i1 Grifons". Se sentant impopulaire parmi ses sujets. arméniens comme jacobites. il s'appuie selon les cas sur les Turcs ou les Francs pour se maintenir en place lS7 . IS30rousset-Armlnie, 615.
IS4Guillaume de Tyr, R.H. C.. HiS!. occ.. l, 156. 15S Ibn al-Athir, ibid .. His" or.• 1. 293-94, Mathieu d'Edessc. 109; Cahen·Pri-on. 60; voir aussi la carri~re de Mlch : en 1169-70, ..... ayant reçu des renforts de NOr al-Dtn, le seigneur d'Alep. il entra cn Cilicie avec de nombreux Turcs", De:déyan, Chronique. 53 sqq. IS6lbid., 85 : Kay-Khusray, fils de KII'ç Ar.i1an Il .... qui n!anai. sur le pays de ROm. sc mil l aigui~r ses griffes contre le roi Lewon (de Cilicie). Pouss~ par T!r YovhanMs lie c&l:holic05 arménien], et avec la compJicit6 de celui-ci. il marcha avec de nombreuses troupes contre [1. foneresse de] Berdus. dont il s'empara par Ie."i annes", Voir aussi supra nt. 130. IS7SebeOs, 142-143 ; Duc.mer-Mirair, SI-52. Guillaume de Tyr, R.H.C.. HiS!. aTlll., l, 80-81.
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Avec de tels chefs, la population était en droit ~'espén:r qU7des chrétiens nus comme les Francs, sans contentieux hlstonque a~ec les nouv~ux ve. esure de remplacer avantageusement le pouvOIr local dé' fr ffi Arméniens senuent en m 'é d musulmans. Quelques années e r glme anc su Itent. tout en la Plroàt Edgeansste espour détacher les monophysites des latins et pour les faire parexemp e e, 1 t d . d œuvrer, activement et à plusieurs reprises, au remp ac.~men U pouvOir es . 1 . d T rcs C'est que les Francs, à limage des Grecs, ont crOISés par ce UI es u . . d' . M thi déc' maladroitement essayé d'imposer leur doctrine. Avec In .Ignauon, a eu nt l'intolérance latine: "Les fidèles, rebutés par les vexauon~ d~nt les Francs les rendaient victimes, ne venaient plus avec empressement à. 1~gh"7 ; .Ies ~~ de la maison du Seigneur s'étaient fermées, les lampes qU.I 1écl81~81ent s é~ent éteintes, les prêtres étaient courbés sous le joug de la servitude et Jetés en ~nson, ( ... ) les louanges de Dieu étaient empéchées dan~ t?oute la contrée. En dautres endroits, les chapelles arméniennes furent démohes . La conséquence de cette Iitique est immédiate; dès que l'occasion se pré~ente, les "Arméme~s se po tournent vers 1es T urcs de l'aveu même du chroniqueur: Les habitants résolurent de se venger cruellement. Ils se tourn~rent du c?te des Infidèles. Leur ayant envoyé un secret message, les Armémens se hguèrent avec eux et investirent la forteresse"158. 1
...
•
Par deux fois les Arméniens d'Edesse tentent de se libérer des Francs en organisa~ des cClmploiS. En-1112, ils font entrer les Turcs dans I~ vi.lle : "En ces jÔùfS:fà,- quelques Arméniens astucieux, voyant que les Turcs s étalent avancés jusqu'au mur d'Edesse, prêtèrent leur concours aux Turcs et les ~rent entr~r dans une des tours, parce que les Arméniens pensaient que les Turcs s emparerment de la ville". Le comte franc parvient à déjouer la manœuvre maiS, u~ an plus ~d, nouvelle tentative. Le comte est informé" ... qu'une foule d'habitants s'étalent ligués pour livrer Edesse aux Turcs". Cette fois I~ riposte e~t foudroyante: les suspects sont exécutés et la totalité de la populauon annémenne est expulsée. Ainsi, pour Mathieu d'Edesse, le divorce est consommé entre les Francs et les Annéniens, lesquels naguère " ... accoururent avec la croix au-devant des ~rancs, lorsque les Francs vinrent à eux en mendiants ; et maintenant pour pTt~ des bienfaits qu'Edesse leur avait prodigués, ils l'ont accablée des plus indignes traitements"159. ~!!!1s....illusion _sur Byzance, sO)Jvent déçu~ Par les Francs, beaucoup d'Annéniens basculent donc dans le camp turc et s'intégrent sans trop de difficultés dans 'Ia nouvelle société; les struclures ecclésiasliques fonctionnent --nomfaJement sous régime turc, on a trace de synodes -réunis régulièrement et les évi'ljl1es-de Kayseri, Malatya. Sivas ou Niksar rempliss,ent normalement leurs ~n.... ,,-as~rales de même que les centres monastiques autour d'Erzincan ou
t5 8Mathieu. R.H.C.. Hisl. ann.. 1. 8()'81. 159Michelle Syrien. tel. Chabot, III. 196 ; Mathieu, 105-106.
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_d~E~urum continuent à exercer un rayonnement culturel et religieux. Le. Annémens sont présents, nous l'avons vu, dans l'armée et l'administration seldjoukide ; ils figurent à l'occasion, comme mécènes tel ce médecin fondateur d'un caravansérail près de Malatya; leur communauté est présente la capitale d~ s~ltan~t de R~m comme ces clients de cabarets repentis devenus disciples de DJelâleddIn ROml ou cet élève de Abdullân YOnÎnÎ, originaire de Konyal60.
dan;
Les cas pauUden et géorgien Une autre fonne de déviance "chrétienne" très active en Anatolie et dont il faut dire un mot, est celle pratiquée par la secte des Pauliciens. Mame si les spécialistes rattachent ce groupement à une origine extra-chrétienne, le manichéisme persan, ce qui importe pour notre propos, est que les Pauliciens se considèrent eux-mêmes comme d'authentiques chrétiens et qu'ils sont considérés comme tels par leurs détracteurs t61 A ce titre, ils sont un nouvel exemple méritant de figurer à côté des monophysites arméniens ou syriens-{jesquels souvent on les distingue maJ162 - de chrétiens" mal pensants", qui considèrent l'alliance musulmane comme un moyen de préserver leur identité contre les pressions idéologiques et politiques de Byzance. Tout au début de leur histoire, ils prennent l'habitude de se réfugier en territoire arabe en cas de persécutions. Selon un auteur arménien du Ville siècle, déjà persécutés à l'époque du catholicos Nersès III (641-661), les Pauliciens avaient coutume de rechercher le soutien des musulmans. Suivant les sources grecques, Pierre de Sicile en particulier. un de leur premiers chefs, un Arménien 160Cahen~Pri_ott. 172 ; Aflâkî-Derviches tourneurs, Il, 14 ; Bedruddîn Aynî. Ikd ul-Jumdn, cit. par Turan. 5./., 10 (1959), 144 ; voir aussi le ca.. culturelle ment très composite de David de Dwin. fils d'un Persan ct d'une Arménienne musulmane, qui sc convertît au christianisme. Synaxaire, Il.
211. 161 "De l'est à ,'ouest. du nord au sud, j'ai couru, peinant à pied. pour prêcher l'évangile du Christ". dit un chef paulicien, selon Pierre de Sicile, Historia Manichaeorum. P.G., 104. 1293. Pour Mas'Odi. ils forment" ... une secte à mi-chemin entre le maz~isme et le christianisme". J. lvanov. üvres el llgendes bogomiles, 46. Dualistes. ils vouent Mani à l'anathtme et tÎennent à leur identité chrétienne. au nom d'un credo, à la vérité, peu orthodoxe: comme Marcion. ils rejettent l'Ancien Testament; comme les iconoclastes. ils refusent de vénérer les images; comme les musulman!i. ils ne croient pas que le Chri!it soit mort sur la croix. Runciman-ü manichiislM médiéval. 5()..51 ; Ivanov, 46. Une certaine affinÎté de sensibilité religieuse pourrait contribuer à expliquer l'indulgence des empereurs iconoclastes et le constant soutien arabe envers les Pauliciens, Runciman, 41. 162ER Bulgarie en particulier, où J'on désigne les colons déportés d'Anatolie par les Byzantins sous le nom générique d'Arminiens, sans loujours préciser leur appartenance doctrinale: "Dans votre parrie, 6crit le pape Nicolas au prince bulgare Boris en 866, sont venus d'autres ~gions des chrétiens. c'est-à~dire des Gn:cs. des Arméniens el autres; el. ils racontent à leur gR diverses doctrines". Le Byzantin Théophane est, lui, plus explicite lorsqu'il dit qu'co 7SS l'empereur Constantin Copronyme ..... exila en Thrace des Syriens el des Arm6niens qu'il envoyait de Th~odosiopolis (Erzurum) et de Mélilène (Malatya) el par lesquels se ~pandit 1'h6~sie des Pauliciens~. Ivanov, 50.
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d 1 ré 'on d'Erzurum, vient s'installer dans une zone fréquemment occupée par ~ où il fonde son église en toute sécurité. La sévère persécution menée es Michei Rhangabé puis par Léon l'Annénien, au début du Ixe, accentue le ~essus d'installation paulicienne en territoire musulman : créant un "État\.te" vassal des Arabes autour de la ville de Téphriké/Divrij!i, ils intensifient f'urs razzias dans l'empire grec: sous la direction d'un chef énergique, ancien ~ficier de l'année byzantine nommé Carbéas, ils poussent leurs incursions au ~œur de l'Asie-Mineure, de concert avec les émirs de Malatya et de Tarse, collusion qui fit accuser Carbéas de s'être converti à \'islam. Sous le successeur de ce dernier, Chrysocheir, la guerre fait rage et se tennine par la prise de la capitale paulicienne et la victoire, en 872, de l'empereur byzantin Basile le,. Malgré ce succès, les Grecs doutent du loyalisme des populations pauliciennes intégrées à l'empire et la proximité, de l'autre côté de la frontière, des anciens protecteurs arabes de la secte, inquiète suffisamment les autorités impériales, pour qu'à la fin du xe siècle, le basileus Jean Tzimiskès décide d'en déporter un grand nombre le plus loin possible de leurs ex-alliés musulmans, les groupant en Thrace autour de Philippopolis 163.
1e
Pour les adeptes de la secte demeurés en Annénie, l'arrivée des Turcs ne semble avoir interrompu ni leur ardeur guerrière ni leur habitude d'alliance avec les musulmans, puisque, selon une source latine, ils combattent dans les rangs turcs contre les années de la première croisade en 1097-98, à Dorylée comme à Antioche. Les Nonnands de Sicile les affrontent à quinze ans d'intervalle, d'abord en Albanie où certains d'entre eux sont auxilaires dans l'armée byzantine puis en Asie Mineure où d'autres Pauliciens servent dans les troupes seldjoukides, ce qui montre que leurs qualités combatives étaient appréciées par tous les campsl64. La collaboration avec l'islam solidement ancrée dans les mœurs des Pauliciens d'Asie au cours de leur histoire mouvementée, pourrait bien avoir laissé un souvenir chez leurs cousins des Balkans qui semblent avoir fait preuve, lors de la pénétration ottomane, de la même propension à rallier le nouveau pouvoir musulman, en opposition aux persécutions subies de la part de leurs dirigeants orthodoxes ou catholiques, ce qui peut apparaître comme un hel exemple de continuité du comportement islamophile des populations dualistes de la zone balkan()-anatolienne 165.
D faut enfin prendre brièvement en considération une dernière catégorie de chrétiens non-byzantins intervenant fréquemment dans les affaires de l'Anatolie 163 RuDciman.Manichlisml', 36. 37, 39. 42, 45. L'implantation paulicienne fut. selon cenains
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orientale ~édiévale et qui ont, eux aussi, à faire face aux invasions musulmanes arabes pUIS turques: il s'agit des Géorgiens dont l'originalité r~ide dans un; co~munauté c~nfessionnelle partagée avec les Grecs, une vieille tradition étatique et guemère comme leurs voisins arméniens et une identité linguistique et culturelle fortement marquée. On peut se demander si un tel particularisme a des cons~ue.nces ~riginales sur le comportement adopté par les Géorgiens face il la pressIon Islarmque. . Les Géorgiens ont, bien entendu, pour souci prioritaire, de défendre leur mdé~ndance;. Cet objectif, joint à leurs qualités guerrières, fait qu'ils s'opposent du ml~ux qu Ils peuvent à la progression turque à partir du XIe siècle et ils apparatssent, dans le Dâni~mendnâmt!, parmi les plus farouches ennemis des héros. gâzi ; ces. derniers ne peuvent que reconnaître leur efficacité: "D y avait parmI les GéorgIens, un mécréant du nom d'Avkâs; il était redoutable, le maudit, c'é~t un guerrier plein de prestance !". Leur appui est très apprécié de leurs alliés à qUI leur pr~ence redonne courage: un chef géorgien par son audace réussit à retourner la situation en faveur de l'armée chrétienne: "pourquoi fuyez-vous ? "demande-t-i1 aux Byzantins en pleine déroute. Et ceux-ci" ... en apprenant l'arrivée de Behmen les géorgiens tournèrent bride, et l'armée vaincue se rassembla et revint combattre les musulmans. Trois mille musulmans furent martyrs"166. Les sources historiques confirment le souvenir épique de la résistance géorgienne face aux musulmans, installés à Tiflis dès 645. Cette résistance devient même une offensive lorsque, après avoir da accepter la suzeraineté seldjoukide à la fin du XIe, la royauté géorgienne s'émancipe et intervient en Arménie sous domination musulmane, en s'emparant d'Ani. l'ancienne capitale arménienne (1124), en battant plusieurs fois les émirs d'Erzurum (1153, 1205-1208), en annexantlp~ir et Kars, etc .. 167. Mais une lutte de plusieurs siècles contre les musulmans ne fut pas sans créer, ici aussi, des relations autres que belliqueuses ; politiquement, et étant donné les rapports de force en présence, les souverains géorgiens eurent souvent intérêt à ménager leurs puissants voisins musulmans: le roi Bagrat N donna sa nièce en mariage au sultan Alp Arslan ; pour sauver ses domaines, Aghsarthan, prince de Kakhétie se convertit à l'islam. Les Turcs d'ailleurs fonl de même lorsqu'ils se sentent menacés par l'offensive géorgienne du début du XIIIe siècle: Toj!rul châh, émir d'Erzurum, doit non seulement payer tribut à la reine de Géorgie, mais lui ayant livré un de ses fils en otage, il accepte, fait rarissime, que ce dernier se convertisse au christianisme pour épouser la souveraine. Cette politique matrimoniale et transconfessionnelle se poursuit à la génération suivante, puisque la fille de la reine géorgienne et du prince turc christianisé,
savants, ren(are« par la pr~sence d'une aulre population dualiste. celle de clans turcs
Petch6œgues convertis au
manic~isme
CenlJ8le, Ivanov, SI. t64Gesra• 49 ; Anne Com~ne. l, 151.
avant leur arriy~ dans
Ie.~
Balkans, par les Uygur dtAsie~ .
16SSur le S'6le des Bogomiles dans la progression lurque en Bosnic au Xye si~le, BabingerMoho...,. 263.
71
166M~likoff_Do.II.• \, 231, 339. 1670 ,ousset_Levo.,. 145,420-423.
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épousera le sultan de Konya, Kay-Khusraw Il, et après avoir préservé un certain temps sa religion chrétienne, finira par se convertir à l'islarn l68 . De plus les divisions internes des grandes familles géorgiennes sont souvent si profondes que l'on préfère parfois favoriser les musulmans pour porter préjudice à son rivaI: ainsi, au moment où la place musulmane de Tiflis va être prise par un puissant seigneur géorgien, le roi Bagrat IV, craignant que ce fait d'arme de son vassal lui porte ombrage, s'arrange pour faire échouer l'entreprise en faisant libérer l'émir de la ville déjà entre les mains des chrétiens t69 . Entre Géorgiens et musulmans, malgré les conflits politiques, l'interpénétration religieuse et sociale est un phénomène plusieurs fois attesté, par exemple par le synaxaire de l'église géorgienne: le très populaire Saint Abo de Tiflis en est un vivant exemple. Musulman originaire de Bagdad, artiste et fin lettré. il entre au service du prince géorgien Nersès en captivité à Bagdad. En 776, il le suit en Géorgie, apprend la langue du pays et étudie le christianisme qu'il adopte et professe ouvertement ce qui finit par provoquer son exécution en 787. Les Géorgiens, contraints par les circonstances de vivre en terre d'islam, ont peu de mal à s'intégrer: la place tenue par telle ou telle princesse géorgienne à la cour des Seldjoukides, en est une bonne illustration : mère ou épouse de sultan ou de haut fonctionnaires, intime des cercles soufis comme cette "Dame géorgienne" (Gürcü Hâtûn) dont parle Eflâkî ou la mère "ibère" d'un ambassadeur seldjoukide. On trouve des cas d'artistes géorgiens en Asie-Mineure seldjoukide. et surtout des soldats: des contingents géorgiens sont présents dans les rangs tures, dans tous les combats importants de l'histoire du sultanat de ROm, à Yasslçimen en 1230, à Akçaderhent en 1234, à Kosedag en 1243. Somme toule, à l'exception des cas de collaboration militaire ci-dessus, l'hostilité islarno-géorgienne se cantonne surtout aux champs de bataille. Dans la cohabitation quotidienne, la souplesse semble souvent de mise, même en matière religieuse, et l'historien arabe Ibn al-Azraq constate à Tiflis en 1153 que, non seulement les musulmans ne sont pas persécutés par les Géorgiens mais que le roi de Géorgie, Dmitri, tout chrétien qu'il soit, n'hésite pas le vendredi à se rendre à la mosquée, pour honorer ses sujets musulmans l7O .
J681bid .. 417; Cahen .Une campagne du seldjoukide Alp·Arslan en G~orgie», Variorum, VII. 1819; id., Prl-oll. 79.92.230.
169Brosset, Histojre de la GlorXie. I, 317. 110Sain. Abo Synoroire JI, 353~~S4. ~~_~Qfgiens_dlL~uJlanal de ROm, Vryonis, B.K.M.• VII, 13 sqq ; Anne Comnène. Il, 66: Cahen-Prl-oll, 121 ; T. Bayk.... Konya, 134. Ibn aI-Auaq. cit. par Grousset-uvant. 422 ; M. Canard. "Les reines de G~orgie dans l'histoire el la I~gende musulmanes". REl (1969).1. 3sqq.
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C) Le ralli.~nt aux Turc. de. chrétienté. /IOn-grecq"". : un bilan
Il Y a donc. en Asie Mineure comme en Syrie, en Arménie ou dana le Cauc~, des chrétiens non-grecs qui savent trouver un terrain d'entente avec les envahIsseurs m~s~lmans arabes puis turcs: les mobiles de ce comportement sont trè~ souvent re.hgleux. et culturels: lllfus ie la pression dogmatique de Byzance, r~~stance à 1attractIOn culturelle d'un empire propagateur d'un hellénisme s()u~ent négateur d'autres identités. Les raisons sont aussi politiques et conJ?~,cturelles (~lles s,?nt même uniquement cela chez des ~rgiens partageant la fOl chalcéd~.menne des Grecs) : l'aPl'ui musulman est perçu comme un utile ~_~tre~Olds à 1Influence byzantine, qui permet au plus faible de louvoyer cntre les Puissances du temps, dans le but de préserver une certaine autonomie; ainsi , manœuvrent par exemple, les princes arméniens du haut Euphrate et du Taurus dès la deuxième moitié du XIe siècle. Il y a enfin fréquemment une simple absence de choix dans l'élection d'un "protecteur" et c'est justement le cas après l'effondr-:ment de Byzance dans les provinces orientales de son empire, où, au lendemam de Mantzlkert, les chrétiens indigènes doivent nécessairement composer avec les seuls interlocuteurs possibles, restés m.."tres du terrain, les Turcs.
3- LE DISCOURS GREC DU RAlLIEMENT
Ai Grecs et /IOn-grecs: une différence de problématique Il reste à savoir si l'on peut poser dans les mêmes termes les choix qui s'offrent aux Byzantins d'Asie, une fois le régime impérial déstabilisé par l'invasion turque. Une première différence de situation s'impose à l'évidence: pour l'Arménien ou le jacobite, le passage de l'autorité byzantine à l'administration musulmane, n'est rien d'autre que le remplacement d'un pouvoir étranger. par un autre pouvoir étranger, le second étant bien entendu beaucoup plus éloigné idéologiquement, mais étant, en revanche. plus supportable statutairement parlant. Pour le Grec d'Asie Mineure, le recul de Byzance et l'établissement durable de la domination turque au cœur même de la province considérée traditionnellement comme le centre névralgique de l'empire et de sa capacité de résistance aux assauts extérieurs. sonl ressentis comme un violent choc psychologique. La disparition de l'autorité "romaine" légitime, installée en zone micrasiatique depuis l'antiquité, autant dire pour un Byzantin presque de toute éternité, est un bouleversement quasi cosmique de l'équilibre politique normal. Avant les Turcs, les musulmans avaient, certes, envahi périodiquement l'Asie Mineure, y créant insécurité et désolation mais les invasions arabes
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s'étaient raréfiées et la situation avait fini par se stabilise,~ territorial~me~t : ~ntre le califat arabe et l'empire grec, un partage de zones d mfluence s étal! ~~s ~n 1 d art et d'autre du Taurus, et on avait fini par se reconnallre une légItimIté pace ep . XIe 'ècl ') politique mutuelle dans des limites territonales acceptées.: au .. SI e, 1 y ait longtemps que le basileus avait renoncé à toute prétentlOn pohllque au-delà :~ntioche. De même, le calife ne songeait plus ~uère à la conquête d~}la lointaine Constantinople, objectif mystique des premIers conquérants arabes . Des de côtés nous l'avons vu, on en était venu à considérer, selon la fonnule ux d'un patriarche , 'è 1" e, ... que. deux frappante de Constantinople du début d u xe SI.C empires détenant l'ensemble de la puissance sur la terre, celUI des S~azms et celui des Romains, ont la prééminence et brillent comme deux Immenses flambesux au firmament céleste"I72. La pérénn~~'uOJlou"o.iLmu~ da~~~§tion,anatolien
,
longtemPsréputéjmp.L<m~,,!!,,-~~t ~nJait radic~ement nOu,veau, per.çu c()ml1l~
juridiquement iIlé.&i!LIILe ; les Turcs eux-memes en _on~, c()ns~lence, qUI temps une prééminence "honorifique" du bastleus sur les ,..!!!f[<:!l!l§.Pmwtc.es,b.yzantines qu'ils occup'~n!173. L'occupation turqu~ de l'Asie Mineure est aussi ressentie comme culturellement et économIquement destructrice : selon les descriptions byzantines, le paysage même devient méconnaissable, les noms disparaissent, les lieux et les gens changent, se dénaturent, se métamorphosent en quelque chose qui ne rappelle en rien l'ordre ancien. Ainsi se lamentent les auteurs du lemps : là où il y avait jadis "".des demeures magnifiques, des villages très peuplés, des thermes naturels, des portiques, des lavoirs et toul ce qui fait plaisir, [les Turcs] firent un désert; ils dévastèrent les environs au point de faire disparaître toute trace de l'ancienne splendeur [des lieux]". En Anatolie, à cause de l'implantation turcomane, " ... la majorité des villes présente un aspect misérable à ceux dont les anèêtres avaient autrefois habité là. Même le nom de ces villes ruinées est oublié"174, ~enlW1.certain
Quant aux Byzantins restés sur place malgré les malheurs de la conquête, selon les auteurs contemporains, ils s'acculturent rapidement, "barbarisant" avec les barbares, perdant leur langue, leur culture et leur religion : "Les Ismaëlites ont pris sur nous le dessus, constate un acte patriarcal, ils ont réduit bien des nôtres à l'esclavage, jusqu'à leur faire choisir leur athéisme". Mêlés aux Turcs, ils
1 171er. tous les Hadilh ponant sur la prise de Constantinople. le plus célèbre panni les Turcs 1 celui de Muslim. que Mehmet Il citait à ses soldais avant et qui fut inscrit par la suite
~
l'a~c;aul
au fronton de la mosquée du Conquérant : .Certainement vous conquerrez Conslantillople.
Excellents seront l'émÎr el J'armk qui s'en
empareronl~. Ne~rî.
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7S
en adoptent les coutumes. Ils en prennent noms et costumes. Même des clercs, évêques et archevêques s'habillent comme les musulmans et apprennent leur langue au point même d'oublier la leurl7S.
!
La conscience que la survie de l'empire est mise en danger par la perte de l'Asie Mineure, est vive chez les témoins grecs de la conquête turque: "Malheur à nous qui restons maintenant que [l'Anatolie] s'est séparée de l'empire romain! nous vivons dans les pauvres restes d'un ensemble autrefois si grand et si beau dont les parties les plus vitales auraient été coupées"176. Dans ces conditions, toute fraternisation avec les Turcs, responsables directs des malheurs des chrétiens orthodoxes d'Asie-Mineure et de la déstabilisation du monde byzantin, semble par nature impossible. A l'inverse des autres chrétiens d'Anatolie qui pouvaient trouver quelques compensations dans le régime musulman, les Grecs ne paraissent avoir aucune raison d'accepter un pouvoir turc qui est pour eux totalement privatif.
B) Asie contre Europe,' divisions byzantines et affinités "orienlllles" Arriver prématurément à de telles conclusions, c'est faire la part trop belle à une seule catégorie de témoignages, celle qui s'appesantit sur les désordres et les abus consécutifs aux temps de conquête armée; il existe un autre groupe de sources qui concernent plutôt les périodes d'organisation du terrain acquis et qui est loin de tracer un tableau uniformément sombre du sort des provinces byzantines passées sous domination turque l77 . C'est aussi considérer que, face au danger turc, les Grecs formaient un front uni, lié par les mêmes attaches politiques, par les mêmes fidélités civiques, ainsi que par de communs intérêts matériels, économiques et sociaux. Or, dans la réalité de la société byzantine. existent toutes sortes de divisions internes qui limitent fortement le sentiment de solidarité et la conscience communautaire des sujets de l'empire. Ces dissenssions, à l'inverse, peuvent jouer à l'avantage des envahisseurs, pour peu que ces derniers sachent les utiliser, en apparaissant sous leur jour le plus avantageux, provoquant ainsi des ralliements indigènes souvent inattendus. Des divergences politiques et idéologiques, des disparités sociales el régionales, des rivalités personnelles et dynastiques ont souvent créé de larges
éd. Unat.KHymen. Il. 707 ;
Canard, J.A .. 208 (1926),105 sqq: Massignon-Opera Minora 126 sqq.
172Supra chap. 1 nt. 21. t73cr. les rapports caract
174Kinnamos, 190. Manuel II·ILtlers. 44.
175AClts dll Patriarcal. M. Danouzès, 142 ; Kinnamos. 2& : Constantin Atropolitc. P.G. 140. 820; S. Lampros. N.E. 7 (\910). 366.
11~Modore M&ochite. Miscellanea philosophica el MSlorica, 238·241 . 177Sur la prosJX!ritt de l'Asie-MiReu", seldjoukide. Caben-P,.."". t 14 sqq.
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1 fissures dans l'édifice élatique byzantin. Depuis fort lo.ngtemps, par exe~ple,. les provinces asiatiques se démarquent nettemen~ de la ?arue e~péenn~ de empl~ : souverains isauriens, basileis originaires d Amonon ou d Arméme, n ont m la même sensibilité religieuse, ni les mêmes conceptions gouvernementales qu~ les , monarques illyriens ou macédonie.ns ; et il en est ?e même pour l,;,;rpul.auo.ns qui ne réagissent pas d'une façon IdentIque en ASIe ou en Europe . L'hIstOIre médiévale de l'empire est riche en exemples de tensIon entre les deux zones, l'Asie byzantine ayant fréquemment tendance à s'opposer à la capllale et aux provinces balkaniques.
!
Ainsi dans la fameuse querelle iconoclaste, même si les sources ecclésiastiques se sont par la suite appliquées à dissimuler le fait, une tendance hostile aux images existe dans le clergé grec d'Anatolie, bien avant le début de l'iconoclasme officiel : l'hérésie commence en Phrygie ; en Asie-Mineure, conSlate le patriarche Tarasios à la fin du VIlle siècle, " ... des villes entières et des 1 foules de gens sont à cause de cela dans un grand trouble. "Alors que les provinces d'Europe appuient l'usurpateur iconophile Artavasde, l'Asie-Mineure reste fidèle à l'empereur iconoclaste ConSlantin V. Dans son désir de restaurer le culte des images, la basilissa Irène a contre ene les troupes d'Asie-Mineure, alors que les armées d'Europe la soutiennent l79 • L'influence directe des Arabes dans l'aniconisme des Byzantins d'Asie, a été avancée comme hypothèse, déjà par les contemporains de la crise iconoclaste. Le grand pourfendeur des images que fut Léon 11/, asiatique lui-même, était considéré par l'opinion publique de son temps comme quelqu'un qui avait les mêmes conceptions que les musulmans (~. Selon Théophane, ,;"est du calife Yazîd que Léon " ... hérita sa funeste doctrine". Léon était attaché à '''l'arabikon phronima" en matière de représentations cultuelles et les Arabes étaient'censés être ses maîtres; il avait pour conseiller un mystérieux renégat arabe nommé 8Tp7Ip, lequel l'aurait profondément intluencé l80 .
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certaine affinité idéologique semble la rapprocher, par contre, de ses voisins musulmans. On retrouve la tendance anatolienne à prendre le contre-pied de la capitale " et des provinces d'Europe, dans les fréquentes révoltes des gouverneurs ou généraux anatoliens qui ponctuent l'histoire de Byzance. Au IXe siècle, Thomas le Slave parvient à regrouper contre Constantinople, tous les méeontents des thèmes asiatiques avec l'appui des Arabes; Bardas Skléros au xe siècle, proclamé j par les troupes d'Asie, règne plusieurs années en mat"tre sur l'Anatolie, il a le . soutien arabe et l'empereur macédonien Basile n ne met fin à la révolte asiatique que par un arrangement à l'amiable. Celte révolte avait trouvé son principal appui chez les grands propriétaires d'Asie-Mineure, accapareurs des terres des petits paysans libres en violation de la législation impériale. Basile vainqueur met au pas les potentats anatoliens par une législation sévère qui lui aliène les grands propriétaires asiatiques. L'opposition politique se double ici d'une grave différence de conception du régime foncier et de la répartion des terres. Au siècle suivant, une nouven .. cause de discorde dresse l'Asie-Mineure contre le gouvernement central : l'aristocratie militaire d'Anatolie s'estimant brimée par le pouvoir qui est aux mains des fonctionnaires civils de la capitale, entre en lutte ouverte contre Constantinople : entre le parti militaire (TIl urpaTLWTLKOV KpdTOS) d'Asie-Mineure et la bureaucratie civile de Byzance, c'est une lulle sans merci pour le pouvoir. C'est ainsi qu'il faut comprendre la rivalité entre les Doukas et les Comnène: les "stratiotes" asiatiques finissent par triompher de la noblesse militaire d'Europe, lorsque l'anatolien Botaniate bat l'européen Bryenne, et du gouvernement civil des Doukas, lorsque une famille de "stratiotes" asiatiques, les Comnène, monte sur le \rÔne I81 .
C) Grecs d'Asie el Turcs.' du mercenariat lurc au ralliemenl grec
~/
/" Que la propension iconoclaste de certains milieux byzantins soit d'origine arabe, juive, paulicienne, monophysite ou simplement indigène, importe peu ici; ce qui est à relever pour nous, est que, dans la querelle iconoclaste, l'AsieMineure grecque s'oppose aux provinces byzantines d'Europe, alors qu'une
C'est à partir de cette époque, soit la deuxième moitié du XIe siècle, que toutes les factions en présence vont faire systématiquement appel aux Turcs, partout présents en Asie-Mineure, pour les utiliser dans les conflits intestins. Une centaine d'année plus tard, c'est toujours avec l'appui des Turcs que des seigneurs anatoliens comme Théodore Maggaphas de Philadelphie, se révoltent 1 contre la dynastie des Ange l82 . .
J78 Meme l diff~reDces
la fin de l'empire ota le territoire byzantin se r6duil pourtant à peu de chose. les rigionales subsistent: vu du Péloponn~se. par exemple, les gens de Constantinople
apparaissent comme des "orientaux", Mazaris-Journey
10
Hades, 87. Le m!me distinguo
subsiSlera A )'~poque ottomane entre Anatoliens et Rouméliotes : dans le Fondaco dei Turchi à Venise. -Turcs asiatiques et stambouliolCS" et "Turcs bosniens el albanais" vivent séparés, Lewis. Comment l'islam .... JJ8. J79p .G. 98, 156 sqq. ; '-"merle·Premier humanisme, 35 nI. 41. J80Ostrogorsky-Etat bywnrin. 183. 189; Lemerle. op. cit. 33.
18IBnlhier_Mond. byz.. 1,98, 179, 181, 182,236; OslrogolSky. op. cil.. 370. J82}. C. Cheynel, B.S. 4, 47.
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On sait qu'après 1204, c'est un État asiatique byzantin qui entre en lutte contre son rival d'Épire t83 pour la récupération, à son profit, de Constantinople occupée par les Latins; puis, après la reconquête de la ville, l'opinion publique byzantine va se scinder entre partisans de la politique asiatique des Lascaris et tenants de J'orientation européenne de Michel VIII Paléologue. Ces divergences se cristallisent dans la querelle arsénite: les adeptes du patriarche déchu se recrutent essentiellemennt en Asie-Mineure, ils sont anti-Paléologue et favorables à la dynastie asiatique des Lascaris qui avaient assuré la prospérité et la sécurité de l'Anatolie grecque jusqu'à la reprise de Constantinople. A une période où la pression turque s'accentue en Asie-Mineure, un mouvement centrifuge comme le courant arsénite, ne put qu'accentuer le divorce entre Constantinople et l'Anatolie qui se sentait délaissée par les premiers Paléologue, plus préoccupés des affaires d'Occident que de la défense de l'Asie l84 . De cet abandon, les Grecs anatoliens sont conscients dès la récupération de Byzance; J'évènement fut considéré comme de mauvais augure pour le devenir de l'Asie byzantine, s'il faut en croire la réaction d'un haut fonctionnaire de Nicomédie: "Désormais, se lamentait-il, il n'y a plus rien il espérer de bon, puisque les Romains foulent à nouveau le sol de la Ville"185. . Si le gouvernement central délaisse souvent la défense de l'Asie, il n'a garde d'oublier la perception de l'impôt : un système fiscal lourd et mal approprié, appliqué par des agents sans scrupules, achève de déconsidérer le pouvoir impérial en Anatolie: Michel VIII " ...jugea utile de charger le peuple d'impositions, de peur qu'ils ne se soulèvent nageant dans l'abondance ... Il confiait ces mesures à des gens de rien. [Les paysans de Paphlagonie] possédaient en ~uantité les denrées de nécessité, car la terre produisait en abondance; mais ils étalent pauvres en numéraire, car tous ne cultivaient que le strict nécessaire. Comme les taxes étaient calculées en nomismala d'or et d'argent, ils versaient par force la somme imposée et se trouvaient dès lors démunis"186. . Face à une situation sans issue militaire. économique ou financière, le ~oyahs?Ie envers un État qui ne cesse de décevoir, ne peut se perpétuer tn~éfintme~~, S.urlout si un nouveau venu, plus proche géographiquement, plus pUissant mlhtatrement et plus souple fiscalement, propose un terrain d'entente, 1~3A. ~~ilos. TM Eccl~siastjcal COlltToversy, 15 sqq. ; 31 sqq. Le despote d'Épire tente d obtcmf 1alhance musulmane conlre Lascaris. ce que lui reproche le patriarche Germain Loenertz. B.F.G.• 473. 481. ' 184Booj~ Chu,ch RefoTm. 16: 17.91, 116·117. Les Arstnites entretinrent probablement des rappoi SUIVIS avec les Tutcs, s'JI faut en croire l'intimité qui unissait Ars~ne lui~mtme ct le ~~I~. uedin Kay-KâOs Il. Pachymère-Paille,. 337 sqq. d'A$~bIJd;.
204afliel .30. : .Du Jour oi) Constantinople fut prise par les Romains. [les Byzantins 186 le, lurent 8Jblis à cause de l'éloignement des empereurs». lri'::d~ ~2. Il ~ Heu! des ~YoJte's en ~ysje, contre Michel VJIJ, peut~etre fomentées par le iestament. p~n~40. ~s~~pereur me rendIt responsable de celle révolte-, écrit Je p~lal dans son
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garantissant un statU! sh(ble en échange d'un ralliement au nouveau rigime ; il Y a donc rarement hésitation possible pour des populations n'ayant de toute façon que peu à perdre :. le. process~s de rejet définitif de son propre gouvernement ce~tra! et de soumission massive à l'ennemi, se met en place et nous est décrit minutieusement par les sources contemporaines: Les Byzantins d'Asie-Mineure " ... surtout ~eux qui résidaient ~ur les frontières, aux prises de ce côtI! [grec] avec ces mauvais Irattements et atllrés de l'autre [turc] par l'espoir des plus grands avantages, à la seule condition de se rendre volontairement, décid~rent de se rendre, ~t chaq.ue jour ils s'agrégeaient aux Turcs". Après la soumission, la coopérallon aCllve : "Les Turcs qui se servaient d'eux il la fois comme guides et comme alliés, purent s'enhardir avec eux, [contre les Grecs non ralliés]"lIl1. Une réalité que découvrent les Byzantins d'Asie tout au long de la conquête de la province par les Turcs, est que le joug imposé par les nouveaux venus est à l'image des conquérants: cenes, selon la conception grecque traditionnelle, la barbarie reste théoriquement quelque chose qui ne peut à aucun degré, être comparé à la civilisation et à la morale "romaines" représentées exclusivement par les valeurs hellènes et chrétiennes. Pourtant, à l'usage, il s'avère que ces barbares sont capables de faire preuve de sentiments élevés, tels que la clémence, la modération ou la générosité qui peuvent devenir, pour des populations grecques abandonnées à elles-mêmes, un puissant encouragement à rallier le régime turc. Les écrivains byzantins reconnaissent volontiers la hauteur de caractère de certains dirigeants seldjoukides qui sont pourtant les artisans directs de l'effondrement de l'Anatolie grecque. Ainsi, le vainqueur de Mantzikert, le sultan Alp Arslan se comporte-t-il dans le triomphe d'une manière digne de louanges : "Le chef de l'armée ennemie à la vue du basileus des Romains devenu son prisonnier, loin d'êlre exalté par son triomphe, est confus devant l'excès de son succès et se conduit dans la victoire avec une modération telle que nul ne s'y fnt jamais attendu: il console son prisonnier; il lui fait prendre place à sa table; il le comble d'honneurs; il lui attribue une garde du corps; pour lui êlre agréable, il délivre de leurs rers tous ceux qui le désiraient; en fin de compte, il l'affranchit lui même de sa captivité" 188. Cette générosité est bien entendu une efficace arme politique et un bon moyen de propagande pour le régime seldjoukide : à la fin du XIIe siècle, le comportement de Kay-Khusraw le, envers ses prisonniers grecs est rapidement connu en territoire byzantin avec les conséquences inattendues que décrit Nicétas Choniate : le sultan ayant capturé un grand nombre de chrétiens lors d'une campagne dans la vallée du Méandre, il les installa dans la région de
187pachYrMre, 292. 188Psello,. Il. 164 ; Cahen-Variorum. Il.639.
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PhilomelionlAl<§ehir, les regroupant par familles sur des terres fertiles, promettant de laisser partir, une fois revenue la paix avec B.yzance, c~ux qui le l, désireraient, et d'exempter d'impôts pour cmq années ceux qUI préférerwent rester : en pays seldjoukide, leur donnant J'assurance, ce terme expiré, de n'exiger que des , charges modérées. Non seulement, les prisonniers restèrent sur place, mais ayant appris cela, beaucoup de Byzantins quittèrent le territoire impérial et vinrent s'installer volontairement dans le sultanat de ROm pour bénéficier des mêmes conditions foncières et fiscales l89. En milieu byzantin d'Asie occupée, se met assez vite en place un système d'arguments, soit justifiant a posteriori, soit provoquant un comportement de soumission et de collaboration avec l'adversaire. Nous venons de voir les raisons fiscales : trop d'impositions sous régime byzantin, conditions plus légères en terre seldjoukide, dues au désir des souverains de ROm de s'assurer la fidélité de leurs sujets grecs, mais aussi, dans un premier temps du moins, à une efficacité dans la perception des impôts moindre que celle des services fiscaux byzantins. La constatation de l'impuissance militaire croissante des impériaux face à la poussée seldjoukide ou turcomane, est un autre argument de poids qui décourage toute velléité de résistance, créant un véritable défaitisme qui peut même faire douter de la force protectrice de sa propre religion: "Pas un seul jour, fait dire le Danijmendnllme à un chef grec vaincu, la Croix ne m'a donné satisfaction! Pour sa religion je me suis donné tant de mal! ( ... ) J'ai bâti tant d'églises, j'ai distribué tant d'aumônes, et je n'ai eu que des ennuis! ( ... ) Quand cette mauvaise fortune détournera-t-elle sa colère 1"190. Même lorsque la résistance esl techniquement possible, la situation de frontaliers sans cesse exposés aux razzias des nomades ou aux expéditions et contre-expéditions des armées régulières, n'est guère confortable ni même très viable économiquement parlant ; avec leurs terroirs ravagés par la guerre, les habitants des places forces byzantines sont privés du nécessaire vital et n'ont plus qu'à se rendre: "La forteresse nous était devenue une prison, expliquent les habitants d'une ville qui s'est livrée aux Turcs". Même en cas d'effort méritoire de Constantinople pour renforcer une place stratégique importante, une ville trop exposée ne peul résister bien longtemps coupée de ses sources d'approvisionnement. Comme les autres chrétiens d'Orient, les Grecs d'AsieMineure souhaitent avant tout un retour à la paix civile qui leur permette de reprendre une vie normale, et cela même sous la férule d'un régime "infidèle", si ce dernier se trouve être le seul capable d'assurer le retour au calme et au bon fonctionnement des activités locales. En se rendant aux Turcs, des citadins byzantins expriment leur désir de retrouver une existence paisible comme paraît être celle de leurs compatriotes déjà sous domination turque: "Maintenanl nos 189Supra .t. 88. 190Cahe._Prl-on. 115; supra nt. 88 ; M~likoff-D.n;I.-I, 392.
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villages vous obéissent et nous ont oubliés; eux sont contents nous . voulons l'être"191. 1 auSS! nous
III- LES ÉTAPES DE LA COLLUSION POLITIQUE TURCOBYZANTINE 1- LES
NOUVELLES CoNDmONS DES XIII" lIT XIVe SIÈCŒS
A) De l'Asie byzantine à l'hellénisme de RQm Si, au.cours d,es siècles, l'Asie-Mineure grecque avait toujours manifesté sa personnal~té e~ s op~osant sous d~v~rs prétextes au reste de l'Empire et cn ~renant app~,: à 1occaslOn,.sur ses VOISIns musulmans, J'implantation turque qui s avéra défimtive après Mynoképhalon, transforma ce qui n'était que distanciation entre Byzance et son domaine asiatique, en une séparation politique irréversible. L'exist~nce politique de l'Asie byzantine, menacée de, disparition après les ~skans, coïncide de moins en moins avec celle de l'hellénisme anatolien, qui, lUI,. perdure sous les Seldjoukides comme sous les émirats turcomans, s'intégrant actIvement et sans renoncement culturel fondamental, à une société turque de "ROm", en train de se former sur des bases largement cosmopolites et sur l'an d'amalgamer sans trop de mal des traditions diverses. L'intégration de la partie asiatique de la Rhomaïde grecque -le terme est utilisé au XIIIe siècle par Pachymère-
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC RHOMANIA BYZANTINE ET DIYÂR-I ROM TURC
imposé aux autres chrétiens orientaux .mais. avec, des spé~ificités ~ouvelles : contrairement aux Arméniens 193 ou aux Jacobites, 1orthodOXie byzantmo-slave a une extension européenne profondément liée, malgré les différends dont nous avons parlé, à sa jumelle asiatique. Dans le contexte d'irrésistible expansion turque vers l'ouest, qui est celui des XID-XIV" siècles, tout comportement adopté par les Grecs d'Asie en faveur du ralliement aux vainqueurs, ne pouvait pas être ignoré en Europe et, malgré les coodamnations officielles, risquait de servir de modèle à une Romanie européenne à son tour envahie, et ayant à opter sur l'attitude à prendre face à l'adversaire victorieux. Autant dire qu'à l'époque paléologue, le comportement envers les Turcs, de l'Asie byzantine occupée, avait toutes les chances de devenir, mutatis mutandis, celui des Balkans, lorsqu'ils passeraient, eux aussi, sous domination turque. D'autre part, l'incompréhension entre les deux parties de la chrétienté '''chalcédonienne'', la grecque et la latine, qui n'était qu'un des éléments entrant en compte dans les options politiques des Byzantins avant le XIIIe siècle, pèse ensuite de plus en plus lourdement sur les relations entre Turcs, Grecs et chrétiens d'Occident : les deux prises de Constantinople marquent les bornes extrêmes d'une évolution irréversible dans les rapports tripartites, celle de 1204 concrétisant un divorce latino-byzantin qu'aucune bonne volonté ne pourra plus annule[,_celle~4-53-entérinant spectaculairement le. "mariage de raison " grécoturcgyLse.préparaiLdwuis deux siècles et qui ·serru.i_~ltérieurement un des liants importants de l'édifice étatique ottoman dans sa période anté-nationaliste. Dans une telle optique, l'époque de relatif équilibre politique et d'interéchange culturel entre la Romanie asiatique des Laskaris et le sultanat "rilm" des Seldjoukides, puis la fusion dans des émirats turcomans en pleine expansion des dernières enclaves grecques d'Asie-Mineure que ne purent sauver aucune expédition byzantine, catalane ou pontificale, apparaissent comme un temps de prise de conscience progressive de l'impossibilité de faire cohabiter dans la même zone, Francs, Grecs et Turcs, l'expulsion d'un des trois groupes en présence pennetlant seul l'établissement d'un équilibre viable.
D) De ILl diplLlma/ie comnène au parti ami-ILl/in: une "/urcophilie" bymmine ? Après 1204, malgré les tentatives répétées d'union religieuse et de front politique commun face à l'islam, le contentfeux gréco-franc est trop lourd pour
J93A J'exception
t62.
~s
colonies &IlItI!niennes et pau1iciennes des BaJkans
mcnlionD6e~· supra
nt
83
permettre un aCC~rd durable. Les essais de collaboration latino-musulmane ont un ~aractère ~plsodlque ; reste l'association gréco-turque contre les LaJins qui se fait Jour dès 1époque des Comnène et des Ange, qui se fortifie sous les Laskaris à la suit~ de l'occupation de Constantinople par la quatrième croisade et qui devient pra~que courante sous les Paléologue. On pourra désormais parler, à Byzance, de vérItables courants de pensée "Iatinophobes" et de comportements quasi "turcophiles". .
Déjà a~ temps des Comnène, les alliances politiques étaient souvent
mo~~s détermmées par la communauté confessionnelle que par des intérêts
polItIques et régionaux qui pouvaient unir musulmans et chrétiens locaux contre les groupes extra-anatoliens, "de passage" en Asie-Mineure. Aussi tÔt que la fin du XIe siècle, le Franc, pourtant apparu massivement dans la zone presqu'en même temps que le Turc, semble plus étranger au Byzantin qui a tendance à jouer plus volontiers du second contre le premier: ce n'est pas seulement par tactique mais probablement aussi par conviction intime qu'Alexis Comnène obtient l'appui du Turc Tutu§ contre le Franc Roussel (Oursel) : "L'argument qui lui fut le plus efficace pour attirer Toutouch, pour le dire en un mot, était celui-ci: _ce sont deux amis l'un pour l'autre, dit-il, que ton sultan et mon basileus. Or ce barbare d'Oursel dresse ses troupes contre tous les deux, et pour tous les deux aussi il est un ennemi très redoutable ( ... ). Sans cesse il arrache peu à peu quelque nouvelle partie à l'empire romain et il dépouille la Perse de tout ce qu'elle aurait pu revendiquer»". L'intérêt du sultan comme du basileus était bien évidemment de faire front commun contre Oursel afin" ... d'être débarassé d'un si dangereux ennemi qui faisait manœuvrer ses troupes tour il tour contre Romains et Turcs". Le même Alexis Comnène, après les difficiles contacts byzantinofrancs de la première croisade, n'hésite pas dès 1111, à entamer des pourparlers avec le sultan seldjoukide et à l'encourager "... à faire la guerre aux Francs et à les chasser du pays" 194. A l'époque de la deuxième croisade, la collusion gréco-turque se renforce contre des occidentaux que l'on considère de plus en plus, en Anatolie, comme des intrus: au témoignage même de Choniate, Manuel Comnène excite MasQd contre les Allemands, ce que confirme l'es/oire d'EmeUs, en parlant de la trahison des guides grecs de l'armée croisée qui agirent ainsi" ... par le commandement de leur seigneur [le basileus]", car " ... Ii Grézois desloiaux touzjorz béent (haïssent) nostre gent"195. Même constat dans les annales arméniennes: "Nous savons que les empereurs des Grecs n'ont jamais rien fait pour la délivrance des chrétiens. C'est par la faute de ces princes ( ... ) que les infidèles devinrent puissants ( ... ). Les Francs ( ... ) entreprirent aJors des expéditions pour la délivrance des chrétiens, mais, par suite de la trahison et de la perfidie des empereurs grecs, ils t94Anne Comœne, t, t2 : Ibn al-Alhlr, R.H.C., t,28O. 195Choniale, P.O. 139,339: Odon de Deuil, P.I., 185, 1229.
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devaienl être vaincus el détruits par les Turcs". Ibn aI-Athîr, de son côté, rapporte que, dans certains milieux piétisles musulmans, on considérait que, en comparaison de la liédeur des Seldjoukides de ROm pour la guerre sainte, l'empereur grec, par son zèle à chercher l'alliance musulmane contre les croisés, étail une sorte de défenseur de l'islam: "Ne crains-tu donc pas la vengeance de Dieu, s'écrie-t-on à Bagdad à l'encontre du sultan de Konya, toi qui souffres que le malik de RQm ait plus de zèle que toi pour l'islam"I96. Si Manuel Comnène a, en milieu croisé, la réputation de traître à la cause chrétienne et de complice des Turcs, le jugement porté sur le sultan de RClm par ses coreligionnaires musulmans, hors d'Anatolie, on le voit, ne vaut guère mieux. L'atabeg de Mossoul, Nureddîn Zengî, en campagne contre Klhç Arslan II, énumère ses griefs contre le souverain de Konya: ce dernier n'agit en rien comme un musulman; non seulement il ne fait pas la guerre sainte contre les Grecs mais il est leur allié fidèle; dans une lettre à Klhç Arslan, Zengî écrit: "Pour base de notre réconciliation, je vous imposerai certaines conditions ; je pourrai consentir à en retirer quelques-unes, mais il y en a que je maintiendrai fermement: primo, vous renouvellerez votre profession de foi entre les mains de mon envoyé, afin que j'ai le droit de vous laisser régner sur un pays musulman; car mon idée est que vous n'êtes pas un vrai croyant; secundo, quand je vous demanderai un contingent de troupes pour faire la guerre sainte, vous aurez à me le fournir; car vous qui possédez une portion si considérable des pays où l'on professe l'islam, vous vivez en paix avec vos voisins, les Grecs, et vous ne pensez pas à soutenir la cause de Dieu en leur faisant la guerre; au contraire, vous traitez avec eux". "en s'abstenant de combattre les infidèles, accuse un autre texle musulman. (Klhç Arslan) devint semblable à un infidèle". L'écho de ces attaques musulmanes contre "l'axe Byzance-Konya", est perceptible aussi dans les sources grecques: à des ambassadeurs du basileus, le sultan fit savoir" ... que le calife était irrité contre lui, parce qu'il était depuis si longtemps lié d'amitié avec les Romains"197. Violemment anti-Iatin, le dernier des Comnène de Byzance, Andronic, signe un traité avec Saladin où il s'engage à aider les musulmans à chasser les croisés de Palestine, La dynastie des Ange continue la mêll)l' politique islamophile et anti-latine : Isaac, selon Ibn al-Athîr, promet à Saladin de tout faire pour compromettre la progression des troupes de Frédéric Barberousse. ,Les chroniqueurs occidentaux, très hostiles au basileus, accumulent contre lui, accusations fondées et ragots populaires: il aurail envoyé quatre-vingt galères pour seconder Saladin contre les Francs; il reçoit royalement les ambassadeurs de l'Ayyoubide, les comble de cadeaux, permet la reconstruction de la mosquée de Constantinople, ce dont le pape Innocent III lui fait grief. Il aurait, toujours
1960 n!goire le Prttre, R.H.C.. Doc. arm.. l, t91-192 ; Ibn aI-Alhir, loc cit. 197Ibid.. 11,291-292 : lmld al-Dln ai-Isfahani, lrad. Ma..lIé, 227; Kinnamos 186.
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8S
selon les Francs, empoisonné les provisions des croisés et fait adorer par son peuple une idole envoyée par Saladin. Alexis lU, quant à lui, est très lié avec Kay-Khusraw 1er qu'il accueille à Constantinople, lorsque le sultan est momentanément dépossédé de son trône ; l'empereur aurait meme, selon Acropolite, adopté et baptisé le prince turc. De son côté, Kay-Khusraw, redevenu sultan, soutient les droits d'Alexis contre les Francs qui lui ont pris Byzance et , contre Laskaris qui lui dispute l'Asie byzantine, et c'est à la tete des troupes seldjoukides qu'Alexis III et son allié turc sont vaincus par les troupes de Nicée l98 .
2- Cou.uSION 1\JRco-B'YZANTINE ET PÉRlODISATlON (XlII-XV" SIÎ!OJ!S) A) Laskorides et Seldjoukides: l'axe Nicée-Konya au XIII' si~c/e
Si l' on veut tenter d'établir une périodisation de la collusion gréc<>-lurque, telle qu'elle se manifeste au bas Moyen-Âge, la prise de Constantinople en 1204, est bien entendu l'événement majeur qui, non seulement est ressenti par les contemporains comme le véritable début des malheurs de Byzance l99 , mais qui cristallise les oppositions et précipite les nouvelles alliances Jusqu'en 1204, l'empire byzantin est perçu par tous comme le légitime propriétaire de la zone et comme un partenaire fondamental, les Turcs étant seulement les occupants d'une partie du pays de ROm. Les Francs, quant à eux, ne font que passer par la Romanie, leur champ de conquête ne commençant qu'au delà d'Antioche. Après 1204, l'empire "romain" unitaire disparaît et est remplacé par des pouvoirs aux légitimités discutables et effectivement Aprement discutées : Francs et épigones grecs d'Europe, Turcs et épigones grecs d'Asie s'affrontent mais vont aussi entamer des expériences de cohabitation plus étroite que par le passé, gréco-franque dans l'Archipel et en Grèce continentale, gréco-turque en Asie-Mineure. 1204 est donc bien un tournant capital dans l'histoire des rapports
198Bréhier-Mondt byz.. 1,2&4 : Gabrieli. Chroniques arabts, 235 ,; Choni~. ~.H.~. H?", grtes. 1. 366-367 ; Innocent III : «Quin etiam lsakius im~rator ob grau~ Sal~ml fie~ r~clt ID wbe Constantinopolitana Meskitam», ibid., 560 ; sur l'Idole de Saladm. Mathieu Paris '. c~n SU~ etiam et idem SaJadiDUS misi' idolum suurn ConsliUltinopolim imperaloris assensu, ut Ibl pubbee coletur», ibid., loc. cil. Alexis III et Kay-Khusraw tt f , Acropolitc-Heisenbe1'g, 1. 14 ; AkSl:"'yt-
Oençosman. 128 ; tbn Bibi-Duda, 37-38, 43. 330-331. Sur le bapteme du sulllnl!"' AleXIS ~I. Duire Acropolite, loc cil. Th~odore Sk.outariot~s-Salhas, 454. Sur la ba~8Ine d AD~OChe u M~andre en 1211. qui oppose Kay~Khusraw et Alexis III i\ TWod~re L.ascans. Acropobte, 1. 1417 ; Grtgoras, Bonn, l, \7-2\ ; tbn Bibi-Duda. 50-57 : Ibn aI-AI?I,r-Tomberg, I~ 154-155: ) 99 Au XVe si~le encore, 1'on fait partir le débul de!' maux de 1emplIe ~mlm de la pnse de By:unce par les Latins, i\ panir de laquelle" ... La puisS8~ce des Romams fut compl~ement
terras... et humi1i6e. el l'empire ne fui plus en mesure de rtslsler .. , AIOB 1~ Barbues ~~ ~~' profitant de l'absence totale d'obstacle, sc ru~renl, peu de tC!f1P! &pm la ?"" de la ,?I~. sB! u portions de l'orient qui ~Iaicnt restEes soumises aux Ronuun!' • P. Oauuer, lIIIUn mât IMdn d si~ge de ConSlanlinople par tes Turcs (1394-1402) •. R.E.B. 23 (1965). 103.
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de force entre Grecs, Turcs et Francs. A.ux XI et ~e. siècles, il y avait un empire b zantin occupé partiellement et, pensaIt-on, proVIsOIrement par des Turcs et des F~ncs (ainsi que des Arméniens en Cilicie). Au XliIe, il n'y a plus d'empire reconnu par tous mais une Anatolie gréco-tureo-mongole et des Balkans grécolatino-slaves. Les XN et XVe siècles seront des siècles où une dominante turque régit des sujets ou des vassaux, grecs, slaves, francs, arméniens ou autres. L'événement de 1204 révèle des réflexes de solidarité et des affinités psychologiques qui n'avaient j~ais eu l'occasion de se ,,:,ani~ester avec autant de foree : l'épisode de l'incendIe de ConstantIDople qUI VOl! les Grecs et les musulmans unis pour défendre la mosquée de la ville contre les attaques des Italiens et des Flamands, est hautement significatif du sentiment populaire byzantin qui manifeste une islamophilie étroitement générée par un antilatinisme de plus en plus marqué jusqu'à la fin de l'empire et au delà. Les élites ne réagissent pas autrement en comparant les violences des croisés à la magnanimité musulmane2OO. De même, les ragots populaires qui, de plus en plus à partir de 1204, se .colportent en chrétienté occidentale sur les Grecs, sont significatifs d'une certaine conscience latine du rapprochement toujoùrs plus étroit entre Grecs et musulmans. Selon Pachymère, les Byzantins sont considérés par les Occidentaux comme des sortes de "musulmans ,,-uroJléen~"201. Pour l'opinion populaire liiiiiQue.ies-Grecs ne sont pas loin de partager les mêmes croyances idolâtres que les Sarrazins. li a été question de cette idole adorée, selon les croisés, par Saladin et par Isaac Ange202 . Avec les Turcs les rapports ont au moins l'avantage d'être clairs. Ce sont des ennemis, tandis que les Grecs sont pires que des ennemis, ce sont des schismatiques. Ainsi raisonneront Pétrarque au XIve comme Bertrandon de la 200L'~pisode de 1204 où les Byzantins aident les musulmans à défendre la mosquée de 1
Constantinople contre les attaques des Italiens el des f1amands. R.H.e.. His' .. grecs. 1. 366-367. Le discours de Choniate contre les croists. est une illustration quasi normative pour les derniers
r si~cles de Byzance, d'un antilatinisme farouche. générant, chez les Grecs. une attitude plus ouverte et plus souple envers les musulmans: "Vous qui pdtendez l'emporter sur nous dans la foi du Christ. avec la croix sur l'épaule, vous saccagez les pays chréliens. Vous détruisez la croix 1avec la croix. vous détruisez le symbole même que vous avez sur l'épaule. Cc n'est pas ainsi que ftrent les Ismaëliles quand ils prirent Jérusalem. mais ils traitèrent les populations avec clémence et humanitt. Ils ne violèrent pas les femmes latines. fis n'ouvrirent pas les tombeaux chrétiens. " Jls permirent à chacun de se racheter contre une faible somme d'argent. Avec les gens d'une autre religion, ils n'~rent ni du fer. ni du feu. ni de la pe~cution. Mais c'est ainsi que firent les Latins avec DOUS qui sommes des chrétiens", P.G. 139,958-959. cf. aussi TModore Balsamon, P.G. ,1
1
1
1
, 137-320. 201Pachymtre, Bonn. l, 367 : des "Agartnes blancs" ("' ....0.:.- 'Ayap~""iJs .l"", ypaurol>s), dit le texte, faisant une sorte de jeu de mots déprt:ciatif, du genre n ~gre blanc", l'Agadne étant normalement perçu comme "Maure" (mavros), c'est-à-dire noir; cf. aussi en turc l'emploi du mot arap, noir.
202Supra nI. 198.
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Brocquière au XVe siècle, en constatant que les Grecs font beaucoup d'honneur' aux Turcs mais qu'ils détestent les chrétiens obéissant à Rome, ajoutant qu'à tout i choisir, les Turcs sont plus dignes de confiance que les Grecs203. ) Le déplacement vers l'Asie-Mineure des principaux centres de résistance byzantine à la progression latine, contribue à faire entrer plus profondément dans les mœurs les alliances politiques et matrimoniales anatoliennes, les échanges de cadres militaires et administratifs ou les interpénétrations culturelles entre les États micrasiatiques, le Seldjoukide et le Laskaride (sans oublier le Grand Comnène dont nous reparlerons). Ces États se sentent beaucoup plus menacés par des dangers extra-anatoliens que par eux-mêmes, et ont ainsi tendance à se tolérer mutuellement et pacifiquement, et à créer même à l'occasion un véritable "axe Konya-Nicée". Il est symptomatique que, pour les Arabes, qui voient cela de plus loin, le Seldjoukide est désigné comme le "ROmî", et le Byzantin comme "AI-Asker"204. Les souverains des deux États, même en temps de guerre, se ménagent et poussent rarement leur avantage à fond, soucieux de préserver un équilibre anatolien et une alliance potentielle contre un éventuel agresseur extérieur, désireux aussi de juguler les nomades, danger intérieur commun20S . Bien que Laskaris ait vaincu et peut-être tué de ses propres mains Khay-Khusraw 1er en 1211, le fils de ce dernier, Kaykâûs 1er, signa avec Théodore Laskaris une paix qui devint quasi-définitive. Le sultan agit avec modération envers Alexis 1er de Trébizonde qu'il fait prisonnier en 1214, et reçoit royalement, organisant banquets sur banquets et le comblant de cadeaux206 . Prétendants malheureux, cadres mililaires, ou haulS fonctionnaires grecs conlinuenl, comme par le passé, à considérer l'autre Anatolie, la lurque, comme un lieu de refuge ou de fortune préférable à loul autre exil: le cousin de Jean Vatalzès qui a essayé de le renverser en 1225, se réfugie à Konya. Même d'Épire, en 1237, Manuel Ange en fuile, passe par le sullanat de ROm 207 . Mais le plus célèbre de ces transfuges esl Michel Paléologue qui, se sentanl en danger à la cour
203Pétrarque, utlert Senili. éd. Fracasseni. 422-424 ; Brocqui~re. 6;1. Schefer. 148 sqq. : • Autant que j'ai eu affaire aux. Grecs, j'ai plus trouv~ d'amîtl~ aux. Turcs et je m'y fie~s pl~ qu'aux. di~ Grecs" ; pour Gerson aussi," Les Grecs p~~rent les Turcs aux Lalins·, Sermon III/drr.~. Gahmn.
29.
204par exemple,dans la chronique syrienne de Ibn Nazif al-Hamawi : "En cette ann6c ~24112~7, arriva la nou ...elle que le RDmf (Kay-Qubldh 1er) avait pris une grande fonCfCSSC ; milS eD$ulle revint al-Ashkari (Jean UI) qui le repoussa", cit. par Cahen, Variol1lM. X. 148.
205 Aluweiler, Variorum, 111,228·229. 206Seu l Grtgoras di, que TModore La.«aris a 'u6 lui-meme Khay-Khusraw • .BoM••1: 211-21. L'accord entre Kay-KAOs et "J'hrodore "... marque en fait le d~bul d'une pa1x qua5l-d6fiDiuvc entre: los deux étals", C8hen-Prl·otr.. 70. 207Nestongos, cousin de Valalùs, à Konya, Acropolite. BOlln, 1. 37 : MaDuel Anse chez les Turcs, ibid .. 61.
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de Nic6=. passe en territoire turc, occupe un poste important dans l'arm6e oiI il estlRs admi~ de ses compagnons d'arme musulmans_ De plus, il a de l'influence sur le sultan et est désigné par un nom islamique, Sirim a1-Dtn. n donne ainsi un ton ~ personnalisé aux relations de prince à prince, processus qui s'amplifie sous la dynastie que Michel va c~r208.
reste .Iongtemps .en partie byzantine, ainsi que les mesures2\3. Le commerce contrIbue parfOIS même à renforcer les unions matrimoniales témoin ce march~t turc devenu c~tien pour épouser une grecque, scénari~ qui dut se re~~ulre suffisamment souvent pour devenir, à l'occasion un thœte l"tténir ulihsé encore au xve siècle2t4. 1 e,
De leur côté, les Turcs, princes en exil ou soldats en quête de solde, n'hésitent pas à passer la frontière de Nic6e : "Turcs alliés et sujets de l'empire" installés en territoire byzantin, Tourkopouloi (fils de Turcs) de l'année de Nicée, souvent christianisés, "Pronoïaires sur la terre des Romains", occupant d'importantes charges209. Ces installations réciproques sont consolidées par des mariages entre les musulmans et les ch~tiens d'Anatolie comme pour banaliser ! une pratique matrimoniale envisagée mais rarement mise à exécution aux siècles p~ents. Les mariages mixtes se systématiseront aux XlVe et xve siècles2tO.
. Si l'on conmu'"t à l'oc~asion la langue du voisin, l'inter-influence appanI\ Jusq.ue dans les noms: un pnnce turc se nomme "César-Chah" (KaylflTC/tIIh). Un _Bastie Hoca se révolte contre Laskaris. La princesse Ain al-Hayat, d'origine g~gienne,. s'appelle ainsi probablement par ~férence aux cultes de la Zoodot:hos P~~I. Certains Grecs portent des titres et des costumes de la cour seldjoukide. L Influence des fas~ de la cour byzantine est sensible jusque dans le vocabulaire, sans. ~arler du rôle Joué à Konya par des artistes, architectes, techniciens ou musIcIens grecslt5.
Dans l'Anatolie du XIIIe siècle, l'interpénétration culturelle, complément logique des échanges politiques, se renforce et les sociétés de Konya, de Nicée, ou de T~bizonde, deviennent plus composites que jadis car les États anatoliens, par leur relatif isolement de leur hinterland iranien ou balkanique, et par leurs faibles dimensions territoriales, voient se multiplier les occasions de contacts. Nous avons vu que l'argument de la proximité géographique pouvait favoriser bien des échanges et faire même naitre des fidélités politiques "contre nature"211. Les voies de communications au XITI" siècle sontlRs au point et l'axe Konya-Nicée est bien jalonné par des caravansérails, fondés à l'occasion par des chrétiens et ob tous sont très bien accueillis212. Installés sur place ou bien voyageant entre les deux zones; Turcs de Nicée ou Grecs de Konya contribuent à faire circuler marchandises, idées, institutions, techniques et arts, entre l'État musulman et l'État chrétien, créant ainsi un patrimoine anatolien et un niveau de vie commun en bien des domaines. D'accès moins facile qu'elles ne l'étaient à la fin du XIIe siècle, les voies commerciales de Byzance à Konya, sont néanmoins toujours f~uentées. Elles se renforcent même sur leur trajet proprement anatolien. Comme par le passé, les Turcs sont présents dans les grandes foires d'Asie-Mineure comme Chonai. Jean Vatatzès est obligé de promulguer une loi contre l'afflux des produits turcs. La monnaie qui circule 208~ surnom mutulman de Michel Paltologue dan. Baybars aI-MansOrt, cil. par Cahen,
V",..,,..... VIII, 146. Sur los relations ·penonnalistes· des dention baileis avec les sultans infra
~.3.
2 . Abrweiler-Smym.. 26-27 ; sur les contingonts tu"" de l'annte de Niœe, te -Skythikon", ibId .. 22. 2IOyryoni&_D../i••, 227, 221; id .• B.K.M., III, 142, 145. 2115_ Dt. 88. 2.12"Q.uicoDQue vic.ne dans les caravansbails. de quelque religion qu'il soit, esl reçu avec bieD~lIan!"" .Doum
et. d"",ltn!". selon 1. ptlorin russe Builo. Khitrowo-Ili./",/,.,. 244. Un clWlien quI rail conllllllre un khi., Calten-P"'-./I.• 126 nt. 63.
B) Paléologue" émin turcoman.s et chrétiens d'Asie-Mineure du milieu du Xll~ siècle au milieu du XN° siicle La ~installation des Byzantins à Constantinople en 1261, la politique ~olument occidentale du premier des Paléologue et le lent effondrement de l'État sel~jo~!de, vont avoir po~r effet de transformer la péninsule anatolienne, qui
abntalt Jusque là deux épIcentres autonomes de civilisation byzantine et de irano-turque-sans parler de la Cilicie et de Trébizonde-, en deux provlDces excentrées d'empire non-anatolien : Michel VIII comme l'ilkhan mongol s'intéressent peu à l'administration, la mise en valeur et le maintien de l'o~re de la ~gion, favorisant la reprise en main de l'Asie-Mineure par ceux qui aV81ent été considé~ par Byzantins et Seldjoukides comme les ennemis les plus dangereux : les Turcomans nomades ou semi-nomades que ni l'ilkhan ni le basileus ne désirent ou ne peuvent affronter énergiquement. C'est, dès lors, la gaza qui va reprendre. avec une double action : propagation guerrière et civil~sation
213Choniate. BOlln. 653-654, sur les relations commerciales r68uli~RI eatre KODya ct: Constantinople, AflAk:t-Dt'",ichtl' tou,neurs, l, 105-106. R!!seau serr6 des titan lur le ~t anatolion au XII' sikl., 1. Utor, ra,ihl Turt H.,.Ia", 79 sqq. Turcs prâeOI5 l la ponde foin: (IJ".III/YIIP"/panaYIr) de Chonai/Honaz, Michet Acomina'os. ~. Lampro., l, Sfi. Sur la loi somptuaire de Vatalùs, Lebeau XXI. 434-435, Ostrolonky-E/al 467. Monnaies et meswa.
b,...
Cahen-P,/-oll. 127-t30. 214Le marchand musulman ot la chn!lionne, M~likoff-Danil.. 168; Bombaci, Uni"',. ... "'q." 292. 215Le 1"'" connu de ROmlot de Sultan Volod. Bu ...ui~re-Man_, Byvuolion 22 ; voir aussi le alra,Ibntl... de Allkpap. Bombeei, op. oit. 246, 247 ; Kay.arc/ulh. Cahen-Pn-UlI.. S6, 59,61. 65, 2t2 ; Basile Hoc.. SavvieRs. Byvuoli.... 60 ; Ain aI-HaYal, Anlkt-D<",/cM' ,''',,...,,. Il, 366 ; titres et costumes lurc:1Ii chez leI' Grea, Vryonis. B.K. M•• VII : M. Balivet. Mllalt,tI
35-42 ; Cahen-Pn-.II. ~. anBI.. 422-423 ;,des mo~. co!!!JDO ·,di.adi!m.e: ~t.!In, tuR: cRs..Mahmud Kashpd. Divan u.g/ull aI-lU'" ~. AtaIay,.LV,.t66 ; sur lêS uti_ ...... KOIIY" Vryonis-Dtd/••, 235-238.
M.nl'tJII,
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o!IiIbli nt d'une société aux paramètres proches de ceux du nomadisme d'Asie ~- ....e tolérance et capacité d'adaptation et d'assimilation au milieu centraIe , ",_,u . '. 1 Il 1 é . ts turc étranger qui expliquent la relatJve faclbté avec aque e es mIra omans se concilieront leurs sujets non-turcs et non-musulmans. De par leur origine centrasiatique comme par l'influence de .roccupa~on mongole, ces Turcomans n'apparaissent pas s~ulem~nt s~us le J~ur temble larisé en monde sédentaire; si cet aspect est mdémable, Il en eXiste un autre
POPUI s rassurant. Tout d'abord, les nomades du Xl" siècle avaient des relations plus pu ' tendues avec les chrétiens qu'au XIIIe. A la fin de ce SI'ècl e, 1'1 s se sont ad OUCIS. sous des gouverneurs mongols comme Argoun. Cenaio~~J!"ill.us sollt meme devenu~ Les Turcomans ont des contacts avec les chrétiens des ~s. un peu comme l'avaient fait les tribus arabes ins~lIées sur le limes byzantin. en semi-symbiose avec les akritai grecs. Cela se fmt dans le cadre d'un système socio-économique qui se perpétue~a jusqu'à ~'époque oUomane, oa certains villages chrétiens du Taurus nourriront les tnbus en échange de la protection armée, seloÎl un procédé connu sous d'autres cieux2.16. Les baba turcomans sont souvent peu formalistes et entretiennent de bons rapports avec les \>iIlageois chrétiens. d'autant plus que leur islam est plutÔt laxiste : à Sivas au XNe sEcle,i!!-boive])Ldu...yjn etJClS_ m()S'tuées sont vid~. Chez les Turcomans. mêlés aux Mongols. il y a des bouddhistes. des mazdéens, des chamanistes ; certains sont même peut-être athées et ceux qui sont chrétiens nestoriens. sont parfois polygames et font leurs ablutions le vendredi217 . C'est bien de ce double caractère nomade. conquérant et missionnaire d'une part. mais aussi éclectique et syncrétique, qu'héritèrentles gazi du XN" siècle et l'émirat qui finira ~ supplanter tous les autres, le beylik ottoman.
Grâce à ce caractère de tolérance nomade, le mécanisme d'interpénétration ne va pas s'interrompre, mais bien au contraire, 's'amplifier pendant toute l'époque paléologue. Ceue amplification est à la mesure du fossé psychologique qui sépare Anatolie et Balkans, et du rôle de repoussoir joué par les Latins et leurs partisans byzantins, impopulaires par leur politique d'union religieuse comme monnaie d'échange à l'aide militaire franque. Plus que par le passé, ç~e§!Ja djyJsion inter-bY~-!ltine et la cassure, irré)Yarable depuis
tt d'échanges turco-grecs,
216L'expansion turcomane moins guerri~re au XlIrc qu'au Xie, Cahcn~Prl-olt. 300. L'almosp~re 1:uJ'.W~n.s. ~Idi~nu·~tll.l'
r6gime d'Arguuo. GrouS,'ôef·Sltppes, 446448. .i'lolfranle Io,. 35 du; Tun: _tien probable.,.nl, -Georges, fils de Chalzilalas", Acte, de Dionysio•• 122. AIJiiDê. YUrlIl et vilJqeois "... du Taurus au XIX', Hasluck-Chrilliani/)l. 1. 156. 217 Bdbd
.eUpeu.
el vill..eoi •• Vi/dytl-ndme de Haci Bekllf. ~d. GOlpIDarh, 23-24. Sur le laxisme Tun:.m.... Ocak-Babo R...I. 43. Tu... mazelkns el athfes. ibid., 42. Tun:.
des
bouddbistes, S. T.M.A.B.•
151.
M~lik.o".
«Recherches sur les composanles d.u synçn!tisme Bektachi·AJevi»,
390. Nest.riens polyS"'" qui ront leurs abluô.ns le vendredi. Rubrouck.
Voyage.
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.1 ~04, entre chrétiens de Rome et de Constantinople, qui cimentent le plus sGrement le consensus turco-grec. La reprise de Constantinople par les Grecs en 1261, est elle-m8me perçue par certains Byzantins comme un événement destiné à séparer un peu plus Grecs d'Europe et d' Asie. Nous avons vu la réaction de certains notables nic6eDa à l'annonce de la 'reconquête de Byzance et le rôle du schisme arsénite dans l'opposition de deux dynasties et de deux politiques. Laskaris et Asie, Paléologue et Europe218. Lorsque, pendant un certain temps, Michel Paléologue enfourcbera le cheval de bataille de l'union à Rome, anti-unionisme, arsénisme et laskariame vont se rejoindre. pour se dissocier lorsque Andronic Il, successeur de Michel, reviendra à une politique plus orthodoxe. et fera un effort certain mais tardif en direction de l'Asie219 . L'opposition virulente à la politique occidentale de Michel VIII va permettre et nécessiter la mise au point d'un système argumentaire antilatin qui, jusque là n'avait jamais été globalement mis en forme. Une partie de ce discours latinophobe est politique: pour mieux mettre en relief le caractère idéologiquement désastreux de l'union avec Rome, il développe les avantages politiques de l'alliance turque, reprenant en les systématisant l'emprunt n'est vraisemblablement pas voulu - les arguments turcophiles que les Arméniens ou les Jacobites utilisaient jadis contre les Grecs eux-mêmes. Ce discours tourné désormais contre Rome, se forge dès le XIIIe siècle et va s'enrichir et se fortifier sous le coup de pressions exercées non seulement par la papauté (pour réaliser l'union des Églises), mais. fait plus dangereux, par une partie de l'intelligentzia byzantine, à commencer par le pouvoir impérial luimême, qui cherchera dans les concessions religieuses, un moyen d'obtenir l'aide militaire de l'Occident pour tenter d'enrayer le danger turc. Le premier plaidoyer qui associe intimement les méfaits du rapprochement occidental et la relative indépendance spirituelle que permet, en comparaison, la domination turque. apparait d'une manière symptomatique avec la tentative d'union des Eglises au deuxième concile de Lyon en 1274. Parmi les arguments politiques que les orthodoxes opposent à l'union avec Rome, on trouve déjà clairement exprimées des propositions qui seront utilisées à l'envi aux XNe et XVe siècles, lors des deux crises majeures représentées par la conversion de Jean V au catholicisme et par le concile de Florence. A l'argument stratégique selon lequel il faut s'entendre entre chrétiens pour résister aux musulmans, le parti antiunioniste répond catégoriquement qu'iI vaut mieux garder son intégrité spirituelle en devenant sujets turcs que chercher à préserver son indépendance politique en se fondant dans l'Église de Rome. Ce type de raisonnement est appelé à une longue llasup....
ni. 184, 185. 219Cf. l'ensemble des ouvnges de Geanakoplos.
Elrrperor Mo"chae' ""10010'.' lJIId lM Will; Danou~s. Dossl., Grecs de "Unlon de Lyon ; A. Lalou, COIII"",~"",,10 lJIId lM LGIIII.r : lM
ForelRn Po'icy of Andronlc., Il.
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carrière en milieu orthodoxe soumis aux Ottomans220 . La volonté de déprécier toute concession envers Rome conduit par glissement rhétorique à faire l'éloge des chrétiens sous domination turque qui, dès lors, de victimes qu'ils étaient par 'rapport aux Grecs indépendants, deviennent presque un modèle dont le statut et le son sont préférables à ceux de l'onhodoxe soumis aux tracasseries latines. Ainsi se met en place un discours qui aboutira au célèbre et brutal choix de 1453 : "Plutôt le turban turc que la tiare pontificale". Ce discours joue aussi contre les dirigeants byzantins pour peu que la conjoncture politique ou les enjeux matériels ne poussent les populations à choisir une vie prospère et en paix sous les Turcs plutôt que l'existence précaire et inconfonable d'une enclave ou d'une place assiégée, fOt-ce sous leurs propres gouvernants22 !. Les faits, bien sOr, déterminent le discours et à des événements de plus en plus alarmants comme la reprise de la poussée turque dans les terres byzantines dès la fin du XIIIe siècle, correspondent des raisonnements de plus en plus maximalistes et des pratiques de collaboration de plus en plus courantes. Pachymère évoque longuement cette pression turque et les attitudes des chrétiens d'Asie à la fin du XIIIe siècle, face à cette pression comme en témoignent aussi les chroniqueurs turcs. La cohabitation s'ampliflie : les populations locales pactisent, leurs dirigeants en tête. Les dirigeants même les plus latinophiles comme Michel VUl, entretiennent des relations intimes avec les souverains turcs. Michel donne un État danubien à Izzeddln, et les fils de ce dernier se fixent dans l'empire, se christianisant sOuSTe -noiriâé Mélikès, et. obtenant des charges i~Portanies. Andronic II emploie des Turcs et, sous son règne, la Iibené de culte dont bénéficient les musulmans de Constantinople, provoque la fulmination du patriarche Athanase. Andronic III s'allie avec les émirs. Anne de Savoie puis Jean V font de même. On reparlera des pratiques de Cantacuzène à ce sujet222 .
2200arrouzès, op. cit.. 267 : "Si des impies deviennent nos maîtres nous n'en -recevons aucun dommage. dit un controversiste byzanlin. mais si nous communions avec les Italiens, le p~judice est extrême. Qu'un musulman me domine en apparence mais qu'en esprit J'Halâen ne matche pas avec moi", Le même aulcur fail une vérilable apologie de la collaboration entre autorit6s eccl~siastiques d'Anatolie et leurs maîtres turcs: "Le métropolite d'Ikonion. ainsi que d'autres de vos saints éveques dont les diocèses sont asservis aux impies. ont fréquemment besoin de recourir aux autorités [turques] ... ils prononcent des éloges à l'égard des juges; ils emploient tous les moyens pour se les concilier. Pour cettc conduite, ils ~rilen( des louanges," ibid., 233. En plein si«le ottoman. lc raisonnement des controversistes grecs n'aura pas chang~. et Anastesios Gordios dans son Sur Mahomer el conlr~ t~s w'ins, trouvera" ... que le pape constitue pour la foi orthodoxe un danger beaucoup plus grand que Mahomet". ~d. A. Argyriou. 301. 221M. Balivet. «Le personnage du turcophile dans les sources byzantines». T.R.T., 2 (1984). 222Pachyrm-re, Bonn, 1.221-223 el A~lkp~azAde-Atslz, 120. sur Ic ralliement aux Turcs des Anatoliens chritiens. La céltbrc alliance entre Osman et Kôse Mihal. ibid., 99 sqq ; NC$ri-Unat. Koymen, 1. 89 sqq. Michel VIIl et ses bonnes relalions avec le sultan. Acropolite, Bonn, 146 et E./., -GagaoUb ; Wittek. «La descc-ndance chrétienne de la dyna.litie seldjoub, E.O. 33 (1934) ; id., .Yozijioghlu Ail on the Christian Turks of Dobruja•• B.S.O.A.S. 14 (1952) ; Zachariadou. Makedonilra 6 (1964-65): Les Mtlik~,. La .... nt•• Une famille 'urque au service de Byzance: les Mtlik~,., B.Z 49 (1956). Les ,0ldalS 'ures d'Andronic Il. !.aïou. op. ci, .. 291. Lihené de cul'e
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Pendant cette période, l'interpénétration culturelle s'intensifie et la connaissance réciproque progresse: connaissance de la langue et des mœurs, adoptions de noms, d'habits, de titres ou d'institutions, rendent Turcs et Grecs de plus en plus perméables les uns aux autres: Umur d'Aydm selon Grégoras, a une parfaite éducation hellène, il parle grec comme un certain nombre de ses congénères, Vardariotes ou Mourra/ci convertis au christianisme, ou merceoaires \ ~\lslJlmans au service des prélendants impériaux. Notables, chefs de guerres ou diplomates byzantillsconnaiss.ni-felurc, kgénéral Philanlhropène, le gouveneur . Kondofré, les dignitaires, Vatalres ; el Georges Loukas, l'empereur Cantac~ne : lui-même pratiquent la langue des émirs analoliens qu'ils côtoient fréquemment. Dans le peuple comme dans les hautes sphères, les noms à consonnance turque ne sont pas rares. A Byzance ou à Trébizonde, on s'habille volontiers à la turque. Lieux et monuments au cœur même des vieilles métropoles chrétiennes pottent parfois des appellations turco-islamiques: il y a un meydan à Trébizonde, une "citerne de Mahomet" près de Sainle-SophiejtÇo"!l~ll!Î!to~le. A la cour même, le protocole pourtant si conservateur, ne répugne pas à adopter tel ou tel titre purement musulman. Des institutions aussi typiques que le haraç ou les Janissaires ne sont pas inconnus à Byzance223 . Société composite, monde très mêlé, ainsi nous apparaissent de plus en plus au XIve siècle, Byzance et les émirats anatoliens : les mariages interconfessionnels, la présence de mercenaires turcs toujours plus nombreux à Byzance comme de chrétiens au service des Turcs, font que les observateurs extérieurs à la zone, parlent volontiers d'une société de "mixobarbares", et cette impression est encore renforcée par les pratiques et les croyances populaires souvent communes à tous: magie, eschatologie, usage du vin, vénération des saints et des icônes etc. 224 des musulmans à Byzance SOll.Ii Andronic Il. Athana...e, Correspondtnce, 83~8S; It.eddin. JA (1958) 454. Alliance entre dirigeants byzantins et turcs au XIve si~cle. infra chap. 3. 223Sur Umur. supra nt. 115. ~_uIJ.Ç_~ V~a6Qles. Pseudo~Codinos, Trailé.. .181-.182. 2.10; sur les MourtatoilMürted, ibid .• 180. 187 ;-Sur Phitanthropène et les Turcs. Ptanude, ~. Treu. 98. lOS. 118, 119 ; Komdofré gouverneur de Mésothynie nourri depuis son plus jeune Age dans la culture barbare". Cantacuzène, Bonn, l, 341-42 ; Vatatzès el son gendre turc, Gœgons. Bonn.ll. 741-42 ; Georges Loukas. ami d'Umur, Lemerle-Aydin, 171 ; Cantacu~ne et les Turcs. inCra chap. 3. Noms turcs : Mic:.tteL.~.IJl!ra.. chan_ès, Hasluck-ChriSliunil)'. Il. 383 ; Q!iU'iIz.as.. Loenenz. B.F.G.. 98. etc ... ci. Morav. Ü. pa.c;sim ; Naslueel. B.S. 4. 94 sqq et Turcica 20. 281. G~goras se désole de voir à l'~glise mlme ses compatriotes "... se draper dans la robe: du Perse et du ~We". V. Parisot, N.E.M,B.N. 17 (1851),29. Meydan de Trébizonde. infra nt. 242 ; ~~~ de _Mahomel". Clavijo. éd. Lestrange, 87. el Buondelmonli, éd. Legrand, 24~. T~tres m~!l:tmans~4.l,I \ protocole byzantin. Salivet. Milanges Mantran, 37 sqq ; Haraç et JamssalI'Cs à Byzance. N. Oikonomidts. «Le haradj dans l'empite byzantin du Xye si!-cle •• Âclts du l" COlfgrès inttrnat;onal des "udes balkaniquls II du sud-est europltnlt lU (l969), 681-688 ; Syropoloulos. Laurent, 290. 404; Zachariadou, Variorum. XI. 591-597, 224Mariages islam-ch~liens. Yatatùs. supra nI. 223 ; TM~ota
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE RÛM TURC RHÔMANIA BYZANTINE ET DlYÂR-I RÙM TURC
C) De l'Anatolie à la Roumélie: Onomons et chrétientés balkaniques du milieu du XIV" au milieu du XV" siècle
Le passage des Turcs en Europe au milieu du XIve siècle, marque l'entrée des chrétientés balkaniques dans une problématique jusque là réservée aux Anatoliens: celle de la résistance ou de la collaboration avec les envahisseurs. Les mécanismes de la période précédente se continuent mais ce sont les choix qui se réduisent à trois alternatives exclusives: faire le jeu turc, s'exiler en Occident ou adopter une solution médiane consistant à louvoyer sous des potentats locaux entre aide latine, et protectorat musulman. Cette dernière attitude verra d'ailleurs ses marges de manœuvre réduites par la disparition progressive des régions échappant encore à la domination ottomane et par le désintérêt croissant de l'Occident.
Les tentatives d'appel à l'Occident de Jean V, de Manuel Il ou de Jean Vlll, les succès sans lendemain d'un Amédée de Savoie ou d'un Boucicaut comme les échecs cuisants des coalitions anti-turques, qu'elles fussent interbalkaniques ou occidentales, consolidaient les partisans du ralliement aux Turcs, de plus en plus nombreux chez les élites comme dans le peuple, dans une attitude faite de collaboration ouverte avec les musulmans et de rejet massif de toute ingérence franque225 . Dès la deuxième moitié du XIVe siècle et jusqu'à la fin de Byzance, c'est un véritable parti pro-turc qui s'organise à tous les échelons de la société byzantine et balkanique. Faute de pouvoir résister par leurs propres forces ou avec une aide extérieure, les gouvernants, bon gré mal gré, jouent la carle turque pour préserver un minimum d'autonomie et, même, des empereurs aussi engagés sur la voie des concessions à l'Occident que Jean V ou Jean VIII, finissent, devant l'inutilité de leurs professions latinophiles, par mener une politique pro-turque, ressentie en Occident comme une" .. .impia colligatio inter Graecos et Turcos adversus fideles Christi". Dans des contextes certes divers mais selon une logique commune de la collaboration, des actions concertées rassemblent souvent des dirigeants comme Jean V et Murâd 1er, Andronic IV et Savcl, Jean VII et Bajazet
de&: icônes, Vryoni5-D~c1;,u. 486. 489 : chûliens honorant la tombe d'un cheikh musulman. VIi4y<11I4m< d'Hocl Bekt4j. t4. Gatptnarh, 23-24 : dons d'un pnnce seldjoukide à Saint Ilug~ne, Savvl~. ByzanlÎllm. J70. 22Sparlaot de Th~odore Paléologue (1382-1407) et de son alliance avec les Turcs en Ptlopooœse. une inscription rend hommage la son action en des termes significatifs: "Le prince enrôle des hommes puissants. des guerriers féroces. fils d'Agar. pour se mesurer avec les Latins." Voyant la terre toute enti~re aux mains des Agmniens. guiM par son jugement 6clain:, ( ... ) il convclU avec l'~mir qui l'accueillit avec bienveillance; il obtint ainsi un pouvoir ~lonnant sur le ptloportMse", Loenenz, B.F.G.• 229. Les habitanl' de Mi,tra "... sont pr&, à tout endurer plutôt que se soumettre aux Nazir6ens latins (1es Hospila1iers)", ChaJcocondyle. 6d. Darko. 91.
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le" Manuel Il, Soliman le, et Mehmet 1er , Démétrios Paléologue et Murid TI, Théodore et Evrenos226. Ainsi font aussi potentats balkaniques et princes latins du Levant: Mircéa s'allie à MOsA, ainsi que Dan. Constantin Déjanovicth, beau-père de Manuel TI, est un fidèle allié des Turcs. n meurt dans leurs rangs, oil combat aussi Etienne Lazarevitch, à la bataille de Rovine. Marco Kralevitch, Bessarab, Thomas Preubovitch, Spathas, Saint-Supéran, Carlo Tacco, tous, qu'ils soient Slaves, Valaques, Albanais ou Francs, acceptent de s'allier aux Turcs contre leurs coreligionnaires, ce qui montre une totale absence de solidarit6 balkanique. Ainsi fait aussi le deuxième personnage de Byzance, le grand-duc Notaras, appelant les Turcs de ses vœux, travaillant probablement pour eux, cela d'ailleurs au moment même oil curieusement, la deuxième personnalit6 ottomane, le Grand Vizir Hal1I Çandarh, sen d'agent de renseignements aux Byzantins227 ! Ces alliances des souverains et dirigeants sont de plus en plus souvent scellées par une politique matrimoniale généralisée: des princesses de la famille Brankovitch épousent des sultans, Olivera vers 1392, Mara en 1435. La bulgare Tamara est donnée à Murâd 1er. Mûsâ obtient la fille de Mircéa l'Ancien. Les empereurs grecs, quant à eux, à Constantinople comme à Trébizonde, n'ont plus les scrupules qu'ils pouvaient avoir jadis à marier leurs filles avec des Turcs: depuis les noces de Théodo,a Cantacuzène et d'Orhan au milieu du XIVe, la liste des princesses impériales promises à des émirs turcs est longue: Jean V destine sa fille au prince ottoman Halîl, Andronic IV, sa sœur à MurAd 1er. Manuel Il donne une de ses filles à Soliman. La grand-mère de Constantin XI avait épousé un Turc228 . Nous reparlerons des princesses de la famille des Grands-Comnène. 226"impia colligatio ... ", cil. par G.T. Dennis. «The Reign of Manuel Il Palcologus in D.C.A. 159 (1%0), 35. Jean V, ibid 32 sqq. Andronic IV et SavCl, ibid 29 ct 8arker-Manuel /1. 19-22. Jean VII et Bajazet. ibdi 215. Soliman et Manuel. ibid. 2S1255. ~métrios et Murid Il. P. Schreiner... Studien lU den pPaxla XpolltKd-. Miscellanea
Thessalonica. in 1382·1387.,
byzantina Monacensia 6 (1967), 167-170. TModore et Evrenos, supra nt. priœdente. 227Mircéa et Dan de Valachie et les Turcs. Chalcocondyle. hl Darko, 1. 160-J61. Constantin ~janovitch et Etienne J.,azaRvitch aJlits des Turcs. Ostrogorsky-Elat Byzantin. 572-573. Marta Kralévitch. ibid .• loc. cit. Pendant toui le XV e si~cle. les Valaques qui aid~rent les Turcs (Babinger-Mahomel sur Bessarab. 371) seront considë:rts (:omme des "païens, pour s'~tre lS$oci~ aux parens et avoir ~é de leur (:Ô16 contre la chrttient6" ; "Les VaJaques sont pour nous comme des Turcs", leur Voïvode Vlad le Moine. allié des Turcs. est appe~ "cc maudit moine Vlad" : les trois citations ci~dessus sont de source moldave. dans D. Nastase•• Une chronique byzantioe perdue et sa version slavo~roumaine"'. Cyrillom~thodi"num 4 (1971), 119-120. Thomas Preubovilch
despote d'Épi", obtint l'appui du Beylerùey Lala ~ahin en 1380. Ilennis, a.c.A. t59. t06. SaintSuperan. Spathas et tes Turcs, Thinel·Sinor. Il. 17·t9, 236, 29. CArlo Too:<> et les Tun;s, Cronaca d~j
Tacco. 361. Notaras, Doukas. Bonn, 264 ; Hain Çandarh. infra. nt. 235. 2280livera. femme de Bajazet 1er et sa mauvaise influence sur le sultan. Aljtk~-AtsJZ, 138139, et Conslantin le Philosophe, fd. Braun, 9. Mata, lemme de Murid Il. Babinaer-Maho,.", 27. Tamara et Murid 1": "Kf.. Thamari a ftf donnf< au pand Amir AmouraI, pour ta grtc:e du peuple bulgare", Synodikon d. l'tRUst bU/Rare. dans Nastase. art. cil.. lOS nt. 38. MW et ta fille
de Min:fa, N",r!. Unal-Kôymen, li, 476: "Enik Beyi (... ) k.Zlm dahi ana verip .. .". Au Xt" sitele, à une proposition de mariage du sultan scldjoukide. la cour byun\ine avait nI..i comme
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE RÙM TURC RHOMANIA BYZANTINE ET DIYÂR-I RÙM TURC
Dans le mouvement de collaboration avec les Turcs, ~Ias~s moyennes et peuple ne sont pas en reste. L'a~pl~ur du phénomène I~qulète même. le. dirigeants: bien des auteurs du dem.er s.ècle de Byzance, décnvent ces. chr~tien~ qui ..... sont prêts à appellerles Barbares sur ~ux:mêmes. et sur ,~eurs ~.lIes , QUI ..... ne considèrent pas comme un mal la dommatlOn des .mp.es et QUI déclarent même" ... préférer le joug des barbares à l'autorité de leurs propres gouvernants", allant jusqu'à prétendre ..... préserver plus sOrement leur foi en cohabitant avec les Turcs". Ces partisans des Turcs non seulement ..... tournent en dérision ceux qui prétèrent vivre libres qu'être esclaves", non.seuleme~t ils "se groupent contre le pouvoir (byzantin), faisant des démonstrallons publiques et se rassemblant en grande foule, tissant de subtiles intrigues", mais ": .. i1s se rendent ouvert~ment chez les barbares et ils restent avec eux des pénodes de temps déternunées, recevant des cadeaux comme salaire de leur trahison, célébrant notre ruine en buvant avec eux et revenant finalement sans se cacher". A leur retour " .. .ils prêchent librement en public dans l'intérêt des Turcs dont ils veulent faire clairement les maîtres de tous" 229 . Les sources du temps pennettent de dresser une véritable typologie des partisans des Turcs. Il y a des déserteurs de toute espèce: paysans crétois écrasés d'impôts, marins privés d'emploi, soldats et mercenaires qui s'engag~nt dans les rangs turcs, petits seigneurs et leurs hommes lâchés par leur ~ou~01r central et espérant obtenir des avantages du régime turc (tmwr etc.), partIculiers fuyant les rigueurs de la guerre et des sièges, aventuriers et carrié~istes voulant faire fortune dans une nouvelle société, esclaves en fuite, individus poursuivis par la justice, etc. 230 Il Y a l'importante catégorie de ceux qui n'hésitent pas à faciliter la conquête par trahison active, livraison de villes, de places-fortes ou de régions suit: "La fille de l'empereur que la lettre demandait comme ~pouse pour le fils ai~ du barbare. aurail ~ bien malheureuse si elle ~tail panie en Perse ... Le basileus ne pensa pas qu'un tel projet ~tair réalisable", Anne Comnène. ri. 76. Le mariage Théodora-Orhan. Cantacuùne, Bonn. Il, 585·589. Ham et la fille de Jean V, Grtgora.., Bonn, lit, 558 "1'1. La sœur d'Andronic IV et Murâd , er, selon les sources ilaliennes. Dennis. an. cil., 37 nt 49. La fille de Manuel Il et Soliman f', 8acket-Manuel Il. 253 nt 88. Le mari turc de la despina Eudocie. grand-rœre de Constantin XI. Locnertz, B.F.G., 387 "1'1. 229Cydoœs, Cormp'JndanCt, éd. Locnertz, Il, 249 : Syméon de Thessalonique, ~d. Balfour, 63, 56; Manuel Il, L
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entières: ainsi sont supposées avoir été conquises Veria, Edessa, Kastoria, Tégée, Argos, peut-être Trébizonde, Athènes, Thessalonique, des tles de l'Archipel comme Andros ou Imbros231 . On doit aussi signaler le ralliement aux Turcs d'une partie des lettrés byzantins, clercs, écrivains, scribes etc ... L'historien Critoboulos livre son tIe natale aux Turcs, entretient des rapports étroits avec l'amiral ottoman Harnza, devient le chantre de Mehmed II à qui il consacre une chronique dithyrambique ; Laonic Chalcocondyle, autre grand historien du xve siècle, est secrétaire de Murâd II, fréquente les milieux lettrés de la cour ottomane, a ~n:lalions avec son collègue turc Enveri et utilise des sources musulmanes pour écrin: son Histoire, centrée non plus sur Byzance mais sur l'empire ottoman. On peut évoquer aussi le ralliement spectaculaire à l'ordre ottoman. de œlèbres philosophes et humanistes byzantins tels que Amiroutzès, Trapézuntios, Scholarios ou Mathieu Camariolès. Il ne faut pas oublier les scribes grecs restés dans la chancellerie ottomane après 1453, comme Harmonios d'Alhènes ou Dokianos, des traducteurs comme les fils d'Amiroulzès, des conseillers privés du sultan comme Katabolénos ou Kyritzès, des ambassadeurs enfin 232 . C'est que, en plus des raisons religieuses, politiques ou pragmatiques qui avaient contribué à rapprocher intelligentzia byzantine et gouvernants turcs, on constate à l'époque paléologue une amélioration de l'image du Turc chez les intellectuels byzantins, y compris chez ceux qui leur étaient politiquement les plus réfractaires: Grégoras, au XIVe siècle, reconnal't les qualités des Turcs, fait à l'occasion l'éloge de la civilisation musulmane. Théodore Métochite développe le thème du "bon sauvage" en prenant les Turcs pour exemples. Cantacuzène, Pléthon ou Makrembolitès savent eux aussi reconnaître cbez les Turcs certaines vertus, le troisième n'hésitant pas à écrire que" ... Ies musulmans peuvent être humains et miséricordieux, alors que les chrétiens sont impitoyables et durs ; les Turcs n'ont pas le nom de chrétiens mais ils en ont le comportement"233. Certains sultans sont dépeints sous un jour plutôt sympathique: Murâd 1er , par
231Veria, Wittek, B.S.O.A.S. 1413 (1952), 639 sqq. Edessa, E. Stougiannakis, "E&I1tTa,229231. Kasloria, G. Kapsalis, ~aorpa{1(a 6 (1917), 455. T~g~e, Argos, Imbros, Cri.oboulos, Riggs, 130, 196, 142-145. Andros, Thiriel-Sinal, Il, 156. TrtbizoDde, le nlle possible d'Amiroutùs dans la prise de la ville en 1461, Argyriou, B.F. 11. Thessalonique. S)'rMoDBalfour, 233. Athènes, Acles d. Palriarcal, éd. DamlUùs, 179-1SI, 199-201. Le tfIle des CS1>ioos chrétiens au service des Turcs ne doit pas etre oubli~, tel n.!rœtrios Sophianos, ex~cut6 ARhodes pour espionnage, J. Rab)', «Mehmed the Conqueror's Grcck Scriptorium», D,O.P. 31 (1983).26. 232Criloboutos, ~d. Riggs. 12-15,86·89, 142-145, 153. Sur Chalcocondyle à la cour ottomane, M, Cazacu, «Les parentts byzantines et ottomanes de l'historien Laonikos Chalkokond)'le». Turcica 16 (19&4). 95sqq. Amjroulz~s. supra nt. 231. Tra~zuntios. Monfasani ; Scholarios,
infra, chap. 3 et chap. 4. Ma.hieu Camario.ès, A. Bietd,
B.
Z 35 (1935), 337-339. Humonios,
Dokianos, Katabolinos. Kyrilzès, Raby, art. cit., 31, 25, 26, 27. 233Grtgoras, P.G. t48, 1448-49. Métochi.e, Vryonis, B,K.M.. Viti, 283-2&4. Cantac:u~.. et PI~.bon, infra chap. 3. e' D.T.C. Makn:mboli.ès, 1. Sev~enko, .Alexi.,. Makromboli.os IDd his
Dialogue he.wccn .he Rich and .he Poo"" Zlx>mik Rad.v. (Betgrad), 6 (1%0), 196, 191, 218.
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exemple, dont" .. .les Thessaloniciens étaient les amis". Doucas parle de la loyauté de Mehmet 1er, " ... de la douceur avec laquelle il avait traité les nations chrétiennes". Chalcocondyle insiste sur son caractère équitable et pacifique. Pour Sp~rantzès, Murâd Il est un homme paisible, Mehmed Il est encensé par Critoboulos. Même les conquérants de Roumélie, les guerriers gazi ne sont pas toujours décrits par les sources locales comme d'impitoyables oppresseurs. Le gouvernement des Çandarh semble apprécié par les gens de Serrès. Chalcocondyle admire les qualité de Hayreddîn Çandarh. Turahan est dépeint plutôt favorablement par Sphrantzès et on lui attribue une politique modérée envers ses sujets chrétiens, ainsi d'ailleurs qu'à Ahmed Evrenos, tempéré par l'influence de son cheikh234 .
Les Turcs sont d'autant mieux perçus dans certains textes grecs du xve siècle, qu'un certain nombre d'entre eux, et non des moindres, collabor~nt étroitement avec les Byzantins. L'exemple le plus flagrant est celui de la célèbre lignée des grand vizirs Çandarh dont l'un des membres mérita, pour sa politique louvoyante et son esprit fertile en expédients le surnom "d'Ulysse turc". Nous venons de le signaler, dès la prise de Serrès el de Thessalonique, leurs relations avec les chrétiens furent bonnes. Ils eurent des contacts très étroits avec les empereurs grecs dès le temps de Manuel Il. Ali Çandarh conseille ce dernier en secret, contre son propre maitre, Bajazet; il lui sauve même la vie et le renseigne sur la cour turque en échange d'une riche rétribution. lbrâhÎm Çandarh envoyé par Mîlsâ réclamer un tribut à l'empereur, conseille à ce dernier de ne pas payer et lui demande asile à Constantinople avanl de passer au service de Mehmed 1er. Il est l'artisan de l'alliance entre Mehmed et Manuel contre Mûsâ. "II était, dit de lui Doukas, prudent et loyal, étranger au comportement débauché d~s Turcs". Son successeur Halîl, grand vizir de Murâd Il, puis de Mehmed II, est de notoriété publique, la créature des Grecs: "Halîl avait toujours été l'ami des Romains pour deux raisons: d'une part il était doux et facile de caractère; deuxièmement, il acceptait des pots-de-vin de leur part". Pour cela il était appelé gavur or/ag, (l'associé des infidèles). L'amitié qui le liait à Constantin XI et à Notaras, "remontait à leurs pères", selon SadeddÎn et il fut constamment l'allié occulte de l'empereur, dissuadant Murâd II d'attaquer Constantinople au moment du départ de Jean VIII pour J'Italie, et surtout tentant par tous les moyens d'empêcher la prise de la ville par Mehmed II, ce qui finit par causer sa perte235 . 234Chronicon, td. ~ras, 25. Douc~, Bonn, 124, 107. Chalcocondyle, Bonn, 202, 203, 217. Sphrantùs, td. PhlhpPldès, 59. Cntoboutos, supra nt. 232. Les Çandarh et Sems, Ac'es dEsphlgminou. ~d. Lefort, 164-167. Sur Hayreddin Çandarh, Chalcocondyle, Darko, 1,44. Sur Turahan. Sphrantzès. Bonn, 160 et E./ l, .Turakhan Beg", Sur Ahmcd Evrenos et son cheikh Vudravellis, MakedonikiJ 3 (1953-55), 121-141. ' 23S"L'Ulysse turc", CAndemir" éd. Dulu et Cemovodeanu, 76-78. Les exp6dienls des Çandarh. Cbalcocoodyle, Omo, loc. Cil., ; Allkp8$azade-AIS/ .. 139 ; Oruç Beg-AISIZ, 53-54. Ali el
MaDuel, Chalcocondyle-Darko, l, 74-76 ; Allkp8$azade-AIS/z, t37 ; Hoea Sadeddîn, ~d. PllnllllksJzol1u, l, 226-227. Iblihîm el Manuel, ibid. l, 56, et Nelri. Unal-Kôymen, Il, 489, 491 ; Douess. Bonn, 158. Sur Ham elles Grecs, ibid., 235, 251 ; Sadeddîn, Il, 272-73 ; SphranlÙs,
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. . Les Çan~arl~ sont les plus connus de ces Turcs, "associés des infidèles" maIs Ils, sont 1010 ~ être ~n cas d'espèce. Mazaris dans son DialoglUl du morts: parle d un mystérieux KlaudlOtès père d'Aydin" qu'il Il'' b d " d' M l'k appe e 8U "'1 es cochons et. un el Nasar, apparemment mêlés de prb aux intrigues de la cour byzantlne . ne faut pas oublier les princes turcs en exil à Constantinople ou à ThessaloDlque, ~han fils de Süleyman, Orhan, cousin de Mehmed Il et défenseur de Con~tantlOople, ~es fils de filles de Bajazet résidant à la cour de Manuel, etc. CertaJ~s de ces alhés turcs de Byzance se signalent par leur bravoure et leur ardeur guemè~ contre leurs coreligionaires, comme ce Mustafl pilier de la défense de ThessaloDlque contre les assauts de Murâd II, en 143()236.
.n
A la suite d~ ce long surv~1 de quatre siècles de confrontations byzantinoturqu.es, en Anatohe pour les troIS premiers et dans les Balkans pour le dernier, il convIendra de comp~~ter cette étude générale par une sorte "d'arrêt sur image" qui nous permettra d Illustrer les mécanismes entrevus, en les focalisant spatialement, ce qui consistera à délimiter une ou deux zones d'études particulièrement riches en échanges politiques gréco-turcs. Le choix sera anatolien car c'est là que s'élabora la plus longue gestation d'un modus vivendi entre les deux mondes. Nous prendrons l'exemple de Trébizonde, à la croisée de zones culturelles nombreuses que les Grand-Comnène surent harmoniser: monde caucasien, géorgien et I~, Iran, Arménie, Mongols, émirs turcs Dani§mendides, ~engudJukldes, Saltukldes, Seldjoukides, Kara et Akkoyunlu. La longévité de 1 expérience trapézontme de 1204 à 1461, est de plus particulièrement intéressante, Trébizonde survivant même quelque temps à Constantinople. Le deUXIème cas encore plus flagrant de subsistance d'une enclave grecque en pays turc, est celui de Philadelphie qui après avoir été terre de dissidence et d'opposition à Constantinople, préserva, bon an mal an, son autonomie pendant un siècle (1280-1380), gouvernée par des évêques aux fortes personnalités et au long épiscopat, ou par des archontes locaux frondeurs, et protégeant son intégrité, à J'abri de ses murailles certes, mais surtout grâce à sa connaissance du monde turc environnant et à un jeu subtil de balance entre les émirs, agissant elle-même comme un véritable "émirat grec" pour reprendre l'expression d'Hélène Ahrweiller.
Bonn, 180-/81 ; Ibn Kemâl, ~d. Turon, VII, 90-91. Son rôle pendant le siège de 1453 et sa mon, S~hrontzès, Bonn, 265·69, 293-94 ; Pertusi, La Codu,a, 1,238. 2 6Mazaris, Joumey, 33,37, 4t, 45. Orhan, fils de Soliman, Cbalrocondyle, td. DarlI.o, l, 168. Orhan. cousin de Mehmed Il. ibid., 11. 162. Les enfants de Bajazet {'f l Constantinople. DoucIs. Bonn, 98, 99 ; Otuç Beg-AISIZ, 66. Le dtf....ur de Thes"alonique nommt Mustall. Lemer\e,
t58.
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1- DEux EsPACES PRlVnklrés DE CONCILIATION PoLmQUEGRÉCO-1'URQUB A) "Une Byumee Luze" : Le cas de Trébizonde
Trébizonde a eu une destinée très particulière due à des facteurs géographiques et politiques : isolement de la chaîne pontique, refuge d'un fort légitimisme Comnène face à la nouvelle dynastie Paléologue de Constantinople, appuyé par le particularisme des émirats turcomans du nord anatolien échappant longtemps à la centralisation seldjoukide, communication avec le monde caucasien, lazique, Ibérie, qui permet au pays de jouer selon les besoin sur des tableaux fort divers. Cela dit, les relations "symbiotiques" établies avec les émirs turcomans voisins, bien décrites par A. Bryer, ne sont peut-être pas tout-à-fait exceptionnelles. Mis à part le problème de la longévité politique et de la persistance particulièrement forte dans cette région de l'hellénisme anatolien à l'époque ottomane, au Moyen-Âge du moins, il n'y a peut-être pas encore de "Pontic exception" ; nous avons vu le cas de la Cappadoce seldjoukide, nous allons examiner celui de Philadelphie, nous pouvons faire allusion à la Bithynie des premiers Ottomans ou à l'Ionie des Aydmoglu où, entre chrétiens et musulmans, les relations furent étroites, les premiers devant même représenter " une minorité importante jusqu'à la tin de l'empire ottoman 237 .. A l'époque médiévale, Trébizonde n'est qu'un des exemples,régiôriaux d'un ?équilibre islamo-chrétien qui se met en place dans toute L'Anaiolie: surtout à partir de 1204. Il est vrai que ce cas est particulièr~rnen.tréussi et durable; la société ouverte à tous les échanges qui est celle de Trébizonde, ne manque pas de surprendre les observateurs extérieurs, chrétiens et musulmans confondus. AlUmarî constate que l'État de Trébizonde ...... [~semble sous tOJl.s l
l'intention de Marie Comnène" ... qu'il a parlé comm. un bon chrttien", ce qui sous-entend que les Grecs de Trébizonde ne le sont pas !238 Même accusation des sources musulmanes contre les voisins turcomaDa de Trébizonde: Kazvîni dans son Âsarul Bi/M. rapporte qu'à Sivas au XlV' siècle, les mosquées sont presque vides pendant la prière et que les musulmans boivent ~ucoup de vin, tandis que le cadi Ahmed de Nigde aftirme que les Turcomans d Anatohe centrale sont tous des athées. A Erzincan, dont un des émirs, Taharten, épousa une princesse Comnène, .(ln boit du vinenpublic et l'atmosphère est fort peu_lllusulmane, comme en témoigne également le géographe arabe YiiqUt Pour Ibn BattUta, les femmes d'Anatolie sont particulièrement libres. A Erzincan également, les musulmans se plaignent de leur souverain qui, sous l'influence de sa femme, favorise les chrétiens au détriment de ses coreligionnaires. ~ora. femme d'Uzun Hasan protège aussi les chrétiens et fait régner à la cour de son époux une ambiance peu islamique: "Cette despina, écrit un voyageur italien, est la plus religieuse du monde; elle reste une bonne chrétienne et chaque jour la messe est célébrée à la manière grecque à laquelle elle assiste avec dévotion. Harput est habitée en partie par des Grecs et par beaucoup de caloyers"239 . La politique systématique d'alliance matrimoniale des Grand Comnène avec les émirs voisins est présentée comme une particularité de Trébizonde par des contemporains comme Chalcocondyle et, de fait, la liste des unions turcocomnène est impressionnante: au milieu du XIve siècle, Eudoxie, Despoina de Sinope, est la femme de Âdil Beg tbn YakOb, Marie, celle de Fahreddin KuUu Beg; ThéOdoràépouse Hact Emir. Trois des tilles d'Alexis III (1349-1390) sont données à des émirs turcomans ; la sœur du dernier empereur de Trébizonde, David (1458-1461), est mariée à Djihânshâh. Avant qu'Uzun Hasan (1449-1478) n'épouse Théodora Comnène, son père Ali Beg (1447-1449) avait déjà pris pour femme une princesse comnène240.
Même pour les Byzantins de l'époque paléologue, pourtant confrontés sans cesse aux Turcs, les gens de Trébizonde apparaissent comme particulièrement influencés par leurs voisins: non seulement ils sont traités de "Lazes", avec un peu de mépris, mais on affecte de les considérer comme des demi-Turcs, de par leurs coutumes: ainsi le patriarche Germain de la célèbre famille des Gavras reçoit-il du peuple un sobriquet turc car on ..... raillait sa race sous prétexte qu'elle
238BI)'er, V. t23 sqq. AI-Umar!. trad. Quatrellltre. 379-380. Tafur. Ed. Letls. t3t-t32 : OD n', pas trace par ailleurs d'un mariage enlre un empereur de T~bizonde et une Turque. 42-43~'laqQt. dans Colten-Pri-oll.
237Sur Tr&izonde. l'ensemble des travaux de A. Bryer et notamment. TM Empire of Trebizond and lhe Pontos. Variorum V. ; dans ibid. voir en particulier «Greek and TUrkmeR : the PORtie Exceptionlt. Sur les chrétiens dans l'État ottoman à la fin de l'empire. voir 1e.4\ chiffres donnés par Cuinel. Turquie d'Asie.
239J(azvini et Ahmed de Nilde, dans ~-/laba
li".,.
t64,
212. MUlâtiharten et les c~iens. Clavijo, 6d. Le Strange. 12S, 130 et YOtel. MUlalrllarte", 233. Nodora., femme d'Uzun Hasan, Bryer, V. ISO nI. 146.
240ChaJcocondyle, ~d. Darko, Il. 218-219. Brycr, V, 150-1SI.~~~," fils du dernier
empereur. David
Comn~ne,
devint musulman. Miller. Trebil.ond. 109.
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC RHOMANIA BYZANTINE ET DIYÂR-I ROM TURC
avaines origines au milieu des Turcs"241. Il.~t vrai que Trébizonde offre l'image d'un monde volontiers tourn~ vers ses ~OISIDS musulmans et perméable à leurs usages et à leurs mœurs (m81s le sont-Ils tellement plus qu~ le~ autres chrétiens d'Anatolie?). On trOuve des surnoms et des noms de fauulle.Jllustres de probable origine turco- islamique:. Axouch, Gabras, Al~ur, Amiroutzès. D le peuple aussi, les noms turcs eXistent comme en témOIgnent les Actes de V:lon avec des noms aussi curieux pour un chrétien que TIléodore Tzami6tès, "l'homme de la mosquée." n est possible d'autre part que les titres auliques de Trébizonde soient plus turquifiés qu'ailleurs: le prolospalhaire peut y devenir emir condar, l'aJeowulhos, horchi ; le chef fauconnier s'appelle emir dogan. Une princesse impériale épouse d'un émir turc, porte le titre composite de Despoina HlilÛn. "The tekfur (l'empereur), écrit A. Bryer, would receive the ritual Easter acclamations in the maydan (parl5dvlv) and his delal (vlJKTora).a).{os, nightwatchman) would patrol the burç (pourtzios, castle)". Les soldats sont équipés à la turque avec masse et kefiye. Les noms des tribus (çepni), pas plus que leur vie pastorale sous les tentes (çerge), dans les alpages (yayla), n'ont de secret pour les Grecs de Trébizonde. On connaît les hoca, les hacI, les çelebi, les ahi242. En art comme en piété populaire, les échanges turco-trapézontins ne manquent pas : il y a des éléments décoratifs seldjoukides dans l'église de Sainte-Sophie de Trébizonde. La femme de l'émir de Sivas, malade, vient demander sa guérison sur la tombe de Saint Athanase. Un émir pense que les Grecs l'ont vaincu grâce à l'aide de Saint Eugène243 . La vie scientifique, elle-même, est très tournée vers le monde musulman turco-iranien ; les relations avec Tabriz ne sont pas seulement commerciales (route de la soie, etc ... ) mais aussi intellectuelles. Le personnage de Grégoire Chioniadès en est une claire illustration: astronome réputé, le savant alla étudier en Perse, fonda une école à Trébizonde et finit sa carrière comme évêque de Tabriz. L'origine trapézontine du philosophe
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Amirout~s, ministre du ~~rnier souverain Grand-Comnène, n'est probablement pas pour nen dans sa position très souple envers les Turcs et l'islam244. Après l'anne~ion olto~ane de 1461, un certain équilibre turco-grec se perpétue dans la régIOn, témolD de l'ancienne familiarité entre les deux groupes : beaucou~ de soldats chréti~ns intègrent la nouvelle hiérarchie comme martowz. co~me tlmanotes, y c~mpns !es représentants des anciennes familles (Comnène, Amlroutzès). Les UnIons mixtes continuent: la mère de SélÎm 1er est une grecque de la rég~on, Maria/Gülbahar. Pendant tout l'empire ottoman et jusqu'au d~but. ?e n?tre Siècle, la zone ponti que fut un bon exemple de statu-quo et d équlhb~e I~terc~mmunautaire, et même les échanges de populations n'ont pu tout-à-f81t faire dlspar81Ù'e, dans la culture populaire, la vieille communauté des pontioi chrétiens et des karadenizli musulmans (costume, musique ballades histoires drôles etc).24S ' ,
Bi "Un émirat grec" : L'exemple de Philadelphie n y a, entre le cas de Trébizonde et celui de Philadelphie, ressemblances et différences à la fois: ressemblances dans la capacité de résistance culturelle et le maintien, à une échelle bien entendu moins vaste que sur la mer Noire, d'un hellénisme lydien jusqu'à une époque récente. Mais ni les origines dU particularisme philadelphien ni les solutions adoptées par la cité dans la recherche d'un statu-quo avec les Turcs, ne peuvent être confondues avec celles du cas pontique. La géographie politique fait tout d'abord de Philadelphie une ville frontière e siècle, elle est à la fois dont l'importance date des invasions turques. Au boulevard de l'empiré en Lydie et caisse de résonance des affaires seldjoukides. Dans la région devenue marche, par le recul du limes de l'Euphrate au Méandre, renaît le vieil espril de frontière des akrilai. Philadelphie et d'autres villes de la région comme Sardes, Antioche du Méandre, Tripoli el Laodicée, iout en
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241 L'empereur Comnène de T~bizonde est parfois appel~."prince des.LB:zes" p?ur d~nier tOule l~gitimil~ a ses p~entions im~riales : "[Jean Il} paradait avec des insignes Im~naux. alors qu'il n'avait absolument aucun droit à la dignitt im~riale". Pach)'~re. 6:1. Failler. II. 652. C'est aussi SOD titre officiel sans intention nkessairement ~préciative : "Basileus de Trébizonde et de toute la Laziquc", MM Il. 541·542. Le patriarche Germain, traité ironiquement de Lau:. est appelé par Mrision -M.arkoutus", ibid .• 366·367 : le terme vient probablement du turc marpuç (persan. ~_modcm~ • .#~~O~TU') cf. DcveUiollu, ~gal : Andriotis. Etumologj~ uxico : serpentin. zig-zag d'oll tube de narguilé; le surnom veut Illustrer le caractm de Gemwn. suppo~ sinueux et retoB,Ji~BJ~.~ivet. Turcica (1993). - 242L'empereurde Trébi~~.-je;;-FA~h. descend du Grand Domestique de Jean Il Comn~ne. Miller, Trebizond. 24. L'origine du nom Gabras, Bryer. Variorum ilia, 165-166 ; Altamur. Miller. lOS et Bryer-Continuity, 69 ; Amiroutùs, Moray., II, 67~68 ; .Tzamio~s. Brycr. VarioTU"!. _~!... 138 nt. 90. Voir aussi Janin-Grands Centres, 287 : Tzanichet~. de Canik. Tilulature turque. Bryer, 140, -145 ;- «KC1rci», E./. : [)espoina HAtOn, Brycr. loc. cil.. el cf. Kyra HAtOn, fille de ,ROmi, AOW. Derviches tourneurs, 75 etc. Equipement turc des soldats de Tr&izonde. Bryer-Continu;ty. 7S; çepni, ,erge. yayla etc ...• ibid., Variorum. V, 143-148. 243MoUrs seldjoukides de Sainte Sophie... ~~-=-QrMds...c!!!(r<:sJ 290 ; la femme de l'~mir et Sainl Alhanase. Bryer. ibid .• 124 ; l'~mir et Saint Eugène, Savvidès-Byzantium, 170.
244 Yie tconomique. Brycr-Variorum. YII ; vie intellectuelle, id .• IV, 334 sqq. Sur Gltloire Chioniadès. D. Pingn:e. cGregory Chioniades and PaJeologan ASlronomy». D.O.P. 18 (964). Amiroulùs, Argyriou, B.F., Il. 245Martoloz grecs dans l'armée oHomane ap~s 1461, M. Gôkbilgin, «XVI. Yüzyd ba$lannda Trabzon liYBSI Ye dolu Karadeniz bôlgesi». Beltele" 26 (1962), 293-338. Timariote5 cb~iens. Bryer-Continuity, 72-73 ; C. Vil1ain-Gandossi, «Les ~1~menlS balkaniques dans la garnison de Trébizonde à la fin du XVe si~cle», Contributions d l'histoire Iconomiqllt el sociale de "elftPin ollolfUln, colleclÎon Turcica 111, 127 sqq ; H. Lowry, dans Bryer-Contin .. ity, 107 : cVasil Komninos ve Yani Komninos», «Paskal Tzokirid and Todor Pavos ... », cYorgi Amiruhs». N. el J. Beldiceanu. «Biens des Amiroulz!s d'ap~ un registre ottoman de 1487., Travaux el _Mn! 8 (1981), 63 78. Maria/GUlbabar, Bryer-Continu;/)', 82. La communaut~ pontique, Bryer, .The Tourkokratia in lhe Pontos», Neo-Hellenika 1 (1970), 30-53 ; bibliographie dans S. Horuollu, Trabzon, 155 sqq. La danse typique de la mer Noim Colil encore appel6e horon en Turquie et les histoires de Pontioi ou histoires "Iazes sonl toujours populaires chez les G~cs elles Turcs. M
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ROMANIE BYZANTINB ET PAYS DE RÛM TURC RHOMANIA BYZANTINE BT DIYÂR-I ROM TURC
montant une garde vigilante sur la ftonlière, praliquent une fraternisation plus ou moins opportuniste avec l'homologue musulman et, dès la fin du règne des Comnène au moment oil s'affaiblit le pouvoir central, la grande ville lydienne manifeste une forte propension à la sécession et à l'autonomie à l'abri de ses forlifications imposantes qui lui assurent une réputalion d·inviolabilité246. La révolte de Jean Comnène Vatatzès contre Andronic 1er• représente une première tentative d·émancipation. Son échec n'entr8lÎle ni l'éclipse de la ville ni celle de la famille du rebelle dont on retrouve, au XIIIe et au XIVe siècles, des membres qui vont jouer un rôle de bascule entre Byzance et les émirats, rôle qui devient pendant les derniers siècles de Byzance la spécialité des Philadelphiens ainsi que nous le verrons : au XIVe siècle, Jean Vatatzès épouse la fille de l'énlir de Karas. et combat Cantacuzène avec des troupes turques247•
Avec la révolte suivante, celle de Maggaphas (1189-90), c'est une coalition turco-philadelphienne qui se forme contre Byzance pour appuyer le séparatisme de la ville. Le sultan finit par livrer Maggaphas aux impériaux qui l'incarcèrent à Philadelphie. Le rebelle reprend sa liberté après 1204 mais est vaincu par Laskaris. Sa famille reste cependant importante sous l'empire de Nic;ée24ll. A cause de la proximité du gouvernement byzantin transplanté en AsieMineure. la propension des Philadelphiens à l'autonomie est provisoirement jugulée. Mais après la réinstallation des Grecs à Byzance et la désaffection marquée par les Paléologue pour leur province asiatique, ou du moins leur impuissance à la défendre des agressions musulmanes, Philadelphie 'la progressivement prendre de la distance par rapport à Constantinople. Sa position d'enclave en territoire turc, la forte personnalité de ses élites civiles comme la famille Tagaris, et surtout de ses évêques aux épiscopats particulièrement longs, Théolepte (1283-1324) et Macaire Chrysoképhalos (1336-\382) qui résident effectivement dans leur diocèse, vont transformer la place en un véritable "émirat grec" selon l'heureuse formule d'Hélène Ahrwheiler249.
246Sur les Gm:s d·Alajehir lIa fin du XIX', Cuine!, Turqui. d'Asi•• III. 57().S7S. qui donne pour le chef-lieu. 17.000 musulmans pour 4.326 Grccs. et pour le Caw. 27.510 musulmans pour 7.326 Grecs ; selon cet auleur. il y a. à Philadelphie. plus d'4glises que de mosqu"s. Imponantc communaull! sr6:0phoDe aussi l Gillde plts de Kula, Vryonis-D.cli••• 450. Philadelphie! AllI(Ohir. ville frontiere. Cheyne•• "Philadelphie. un quart de sieele de dissidence. 1182-1206". daos Philadelphi• .. av"" I,od... B.S. 4 (1984). 39. Philadelphie "aimte de Dieu e. pour cela imprenable". M.M. 1. SIO. 227-28. 333-3S. 247 Lcs V _ du X" au XIV' sieel... Cheyne!, ibid .• 42 sqq. : Lemerle-Aydln. 219-220 ; id.Philipp... 236-238.
248Magap11as ou Mangaphas. nom turc : "stupide. grosse tete". de _n!:tifa. P. Nuturel. B.S. 4. 95 ; cf. Nic:étas Choniate. Bon.. 522. qui di! que l'on appelait TModore Massaphu, MOTO,Modo,os. Nodo.. le fou. Sur le sort de MagSaphas. Cheynet. 48-50. 249La flllliUe Tapris : D. Nicol ••Philadelphia and the Tagaris Family•• Neo-H.Il.nika 1 (1970), 9-17. Macaire ChrysoUphalos. Foss-Sard... 12S-128 et Aclts du Pa,riarca,. Danou",. 183 : voir aussi Lemerle•• Philadelphie el l'~mirat d'Aydin •• B.S. 4, S7. nt. 11. et G~goire
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Les Pbiladelphiens, gouvernants et simples particuliers, laiques et ecclésiasliques, vont entretenir avec leurs voisins turcs des relations étroites qui seront parfois taxées par les Byzantins de complicité avec l'ennemi. La famille Tagaris est particulièrement active en ce domaine. Au début du XIVe, Manuel Tagaris, grand stratopédarque et gouverneur de la place, est accusé de .,.œ- avec les Turcs, avec lesquels il a d'ailleurs des liens de parenté. Un peu plus tard Georges Tagaris, qui parle bien le turc, obtient des troupes de l'énlir de Saruhan avec qui il était lié depuis longtemps. Dans la deuxième moitié du siècle. l'aventurier Paul Tagaris sème le trouble dans la hiérarchie ecclésiastique, en territoire turc, li Limnia, à Amasya, en ordonnant abusivement des éveques, des prêtres et des diacres, et ce avec l'accord des émirs locaux, trop contents de contrecarrer chez leurs sujets chrétiens l'influence du patriarcat de Constantinople. On vient de parler de Jean Vatatzès qui se rendit redoutable en Tbraee au milieu du XIVe siècle, grâce aux bandes turques" ... que sur sa demande, lui envoyait de Troie, le satrape Soliman son gendre, qui avait épousé sa fille". A la même époque, un autre philadelphien, Mauromatès a suffisamment d'ascendant sur les troupes d'Umur d'Aydln, pour les retourner contre leur bey: "II avait, précise Cantacuzène, beaucoup de familiarité avec les Turcs car il parlait leur langue"m. Après la conquête de leur ville par les ~s derniers entretenaient depuis longtemps des intelligences dans la place et certains étaient meme prêts l leur ouvrir les portes sans parler des musulmans résidant dans la cit6-, les Philadelphiens dont la prospérité économique ne diminue pas251 • continuent l jouer un rôle de pont entre Byzantins et Turcs. n'hésitant pas à devenir des agents doubles si l'on en croit le cas. au début du xve siècle. de Théologos Korax, longuement décrit par Doukas, et très représentatif dans ses excès mêmes de la place originale des Philadelphiens entre l'empire et les émirats: "II y avait un homme de la ville de Philadelphie, chrétien par la foi, magistrat par sa fonction, rusé et fourbe par ses actions. Au temps de l'invasion des Scythes (de Tamerlan), étant alors un des principaux fonctionnaires. il avait livré entre les mains des impies beaucoup de chrétiens et. sous prétexte qu'i1s étaient riches, ils devaient payer tribut à Tamerlan. Les barbares brOlèrent ceux qui ne donnaient rien et l'archevêque de Philadelphie fut soumis à la torture pour l'amener l abjurer sa foi AkYDdinos, ~. A. Constantinide, Hero. 203-20S. Th6olepte. i.fra. "L·~mi ... poc". AhrweiIer. cLa fronû~re et les fronti~res de Byzance en Orient». Varioru..... 111. 221. 2S~anuel Tagaris accusé par Mathieu d'I!p~ de pactise, avec 1.. Tun:s, M." ••I Gobaltu. ~. Kourousis. 284. Sa parenl~ turque, ibid., 285, nt. 4. Georges Tagaris ct 1'6mir de Saruhu, Canlacu~ne~Bonn, Il.591 : le ~re de l'un aVaÎllongtcmps v~cu avec l'autre l Philadelphie. Paul Tasaris. AcIt' dv ParriarcQ'-Darrouùs. 83·84 ; Id.M •• 1. S37. 538. Il. 226-129. La fille de Vatat",. Cantac:uùne. Il. S52-556. Mauromath. ibid .• 405 sqq. 25 Il,temS••ces entrete.ues par Umur d' Ayd,. dans Philadelphi., Lemerle. B.S. 4, 60 : "U persuada quelques uns des ItÔt.... dit un synaxaire de Philadelplûe qui relate le siqe de la ville par l'lmlr Aydmollu. d'OC:C:upe' l'acropole e. de fai", mo.ter par des ..beUes troi ....... de ... salrape5". Prosp6rit6 ~co.omique : F. Pelololli. La Pro,;ca d./ ... mereal.,.., ~. Ev.... 289 ; Devenues turques Philadelphie et Laodic6e continuent l envoyer une part de leun revenus lU patriarcal, Waechtcr. D~T V~rfall thl GriecMnlllml in K/~inas;e" 1" XlVI'" JallrAtlNltn. 62·63.
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC RHÔMANIA BYZANTINE ET DIYÂR-I ROM TURC
chrétienne". On discerne derrière l'hostilité de Doukas, un ralliement de Korax ault Tanares, peut-être dans l'espoir d'une autonomie plus grande de sa ville sous régime tartare que sous domination turque, à l'image de la collaboration des Annéniens avec les Mongols au XIIIe siècle252.
La suite de la carrière de Korax est aussi très suggestive: "Quand il vint à Constantinople, il lia amitié avec un des fonctionnaires de la cour et il l'accompagna fréquemment au palais. Un jour, il y eut un besoin pressant de trouver un interprète pour le palais. Il proposa avec empressement ses services et il traduisit en grec les paroles des Turcs car il connaissait à fond la langue turque. C'est ainsi que les ambassadeurs impériaux s'adjoignirent Théologos (c'était là son nom), à cause de sa parfaite connaissance du turc. Le bilinguisme gréco-turc de certains Philadelphiens était un sOr moyen de faire carrière, et ceci nous l'avons vu dès avant la prise de la ville par les exemples de Vatatzès et Mauromatès. C'était un moyen non moins sûr d'entretenir des intelligences dans les deux camps: "Quand une ambassade était envoyée pour diverses missions, Théologos accompagnait fréquemment les ambassadeurs et c'est au cours de ces missions diplomatiques que Théologos rencontra Bâyezîd, le vizir de Mehmed et devint son ami intime, le fréquentant quotidiennement. Les informations secrètes qu'il recueillait de la part des Romains, ils les chuchotait aux oreilles de Bâyezîd. En retour, à cause de sa loyauté sans équivoque envers les Turcs, il en recevait des informations". Ce rôle d'agent double est aussi une voie rapide de promotion : "Le sort lui fut si favorable qu'il devint ambassadeur général (lcatholikos apokrisiarios) de l'empereur et un fréquent compagnon de table de Bâyezîd et de Mehmed". Déjà dans une lettre de 1373, Cydonès se plaignait à l'empereur Jean V de ces Byzantins qui ..... festoient avec les Turcs et qui célèbrent la ruine des Grecs en buvant avec eux" 253 . Mais ce jeu ambigu ne passe pas inaperçu à Byzance: "Plus tard la rumeur courut que Théologos ne travaillait pas dans l'intérêt des Romains". Il avait partie liée non seulement avec le sultan régnant mais apparemment aussi avec son ennemi le prétendant Düzme Mustafâ, lequel" ... fut exilé à Lemnos par peur que Théologos ne le fit échapper. De plus, les frais de nourriture et ce qui était promis pour couvrir les dépenses de Mustafâ, n'étant pas, de temps en temps, envoyés par les Turcs, J'empereur n'obtint rien de leur part, malgré plusieurs ambassades à cet effet, jusqu'à la venue de Théologos qui lui, termina l'affaire avec succès. De là, les Romains se mirent à avoir à son égard de graves soupçons. L'empereur, quant à lui, ne suspecta jamais rien ou, du moins, il ne le montra pas. Mais Dieu, le sage architecte de toute chose, détruisit en un court 252[.e texte de Doucas sur Korax est dans Bonn, t21-123, 132, 182-185. Collaboration anntnomongole. Cahen. Pri-oll. 230. 321. Les représentants de l'I/khan avaient de plus d~barra.flsé Philadelphie des: attaques d'Aydm et de Germiyan. l, Beldiceanu-Steinherr•• Nores pour l'histoire si~c1e., B.S. 4.29.
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moment les entreprises de Théologos ou plutôt Thollogos Geu de mot utilisant le terme lholos, impur, trouble, bourbeux)"254. La turcophilie de Théologos n'a d'égale que son hostilité virulente envers les Latins, si du moins le Théologos cité par un document vénitien de 1418, est le même que notre Korax : on y apprend que ce personnage et son ont pour habitude de maltraiter les citoyens vénitiens, insultant le bayle, emprisonnant un marchand, allant jusqu'à battre et dépouiller un certain Viuuri pour défendre la cause d'un de ses esclaves turcs qui avait un différend avec un serviteur de Vitturi255 .
ms
Les accointances turques de Korax finirent par causer sa perte lors du siège de Constantinople par Murâd II en 1422 : comme Théologos n'avait pas accompagné les ambassadeurs que Manuel avait envoyés au sultan, les Byzantins " ... furent convaincus qu'il tramait quelque conspiration contre la ville car il avait des relations d'amitié avec les dirigeants turcs et avec leur souverain. L'empereur Manuel qui avait réalisé que le peuple était hostile à Théologos, l'envoya ostensiblement pour négocier la paix avec Murâd qui avait entretemps mis le siège devant la ville et installé son campement dans le monastère de la Source à l'extérieur des remparts. Théologos sortit donc pour rencontrer Murâd et ses nobles. Il parla avec abondance de la paix mais fut, dit-on, incapable de convaincre le tyran. La majorité cependant soutint qu'il lui avait en fait tenu le language sui vant : si vous me faites le solennel serment que je deviendrai gouverneur de la cité, je la livrerai entre vos mains. Un de ses meilleurs amis entendit la conversation. Après avoir conclu un pacte selon lequel lui et ses amis introduiraient les Turcs dans la ville par la porte de la Source, Théologos vint rendre compte de son ambassade à l'empereur, pendant que celui qui avait découvert la trahison en informait preuve à l'appui les notables qui se trouvaient au dehors. Quand Théologos sortit du monastère de la Périplebtos où l'empereur qui était vieux et malade avait fixé sa résidence", il fut pris à parti par un groupe de courtisans et, contre la volonté de l'empereur, il fut exécuté par la garde crétoise dans des conditions particulièrement sauvages. La réaction de Murâd à l'annonce de la mort de Korax confirme les liens étroits qui unissaient les deux hommes: "Lorsque le sultan apprit la mort de Théologos et comment il avait été assassiné, il fut à la fois fou de rage et de douleur", et par mesure de rétorsion il
2S4 Les liens entre MustafA OUzmc et Korax. supposent aussi probablement des relll1ions de Korax avec le complice de DUzme, CUneyd d'Aydin; l'Aydmeli et Philadelphie dont sont ~ri~nairu les deux hommes. eURnt une destinée commune face aux Ottomans : les deux temtoll'eS furent anncxts par ces derniers en ~me temps el les chroniqueurs tutts menent les deux campagnes de 1390 contre Aydin el Al~bir en relation, Ne~ri. éd. Unat-Kôymen, l, 313; A~lk~uade~Atslz.
d'A!ajehir au XIV'
135.
253Cydo~s. Correspondance. td. Loenertz, 1. 156. et P.G. 154, 1005.
2SS Iorgl1, NoIes et extraits. R.o.L 4, 591 ; 8arker·M,mud. 363.
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ROMANIB BYZANTINB BT PAYS DB RÙM TURC RHOMANIA BYZANTINE ET DlYÂR-1 RÙM TURC
fit mettre Il la torture un interprète grec qui se trouvait dans son camp et qu'il considérait comme l'instigateur de la mort de Korax 2S6. A CÔté de ces exemples de laïcs très impliqués dans une collaboration avec les Turcs. on peut citer le cas d'un illustre prélat qui joua un rôle de premier plan non seulement comme père spirituel de toute une génération de moines et de membres de la haute aristocratie byzantine, la famille Choumnos en particulier, mais comme quasi "ethnarque" de Philadelphie, pendant son long épiscopat au cours duquel il renforça les tendances autonomistes de sa ville et sut par son ascendant personnel acquérir une certaine influence sur les Turcs avoisinants. Il s'agit du métropolite Théolepte. L'évêque de Philadelphie. qui résida toujours dans son diocèse malgré l'instabilité de la région, contrairement Il beaucoup de ses collègues anatoliens repliés sur Constantinople, adopta toujours une attitude très indépendante Il l'égard de l'autorité centrale et de ses représentants à Philadelphie. Ses initiatives ne furent pas toujours appréciées du Synode ni du Patriarche. Il rompit même la communion avec le siège patriarcal pendant plusieurs années. Tout cela ne put manquer d'accentuer la tendance autonomiste de Philadelphie par rapport Il la capitale. Forte personnalité qui exerça son influence sur des gens aussi variés que l'empereur Andronic II, la famille Choumnos ou Grégoire Palamas, Théolepte semble avoir entretenu aussi des relations suffisamment étroites avec les Turcs pour leur faire lever le siège de Philadelphie. en 1303. par sa seule intervention auprès de l'émir, si l'on en croit l'auteur de son oraison funèbre 257 . Sa position dogmatique envers les musulmans semble avoir été plus souple que celle de ses collègues de la capitale258 . C'est qu'il avait probablement l'habitude de composer avec les Turcs, dans une cité infiltrée de musulmans. à l'extérieur comme à l'intérieur des murs, puisqu'il y avait une mosquée dans Philadelphie. De plus ses paroissiens et son clergé semblent avoir été très mêlés de gens de probable origine turque, tel ce moine au patronyme curieux de Barthélémy fils d'Idris. La proximité des Turcs se manifeste partout. Dès le XIIIe siècle, à Philadelphie. les noms sont souvent turcs. Nicolas Kazanis. Amirasanis, Kalambakis, Khazaris, Aïtanis, Atumanos etc. Dans la vie quotidienne, l'influence est d'ailleurs à double sens: si l'impôt appelé birimion vient du turc verim, le tissu rouge, fabriqué Il Philadelphie et appelé ivladi par les acheteurs turcs. vient du grec b/ation259 . 256Le ~gyrique anonyme de Manuel Il et de Jean VIll affinne la tnthison de Korax. Il aurait pr6venu Ics habitants de la banlieue de CODstantinople de l'attaque imminente de MurAd JI. mais aurait laisK dans l'ignorance ceux de la ville pour favoriser l'effet de surprise du sultan. P.P. III, 17 sq.
257Bibliographie sur 'l'h
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. Ain,si Philad~lphie, qui depuis la fin du XUe siècle avait vécu de longues pén.odes d autonom.e sous des archontes civils ou des prélats très indépendants. avait-elle s~ ,mener une ~litiqu~ originale envers les Turcs du voisinage, (c'est ~ut-être d ailleurs, le meme dé.SIr de mener une politique personnelle qui, sous 1ImpulSIOn de son évêque Mac8lre Krysoképhalos, lui fait prendre contact avec la Papauté) qui lui permit de s'intégrer sans trop de difficulté au monde turcoanatolien, gardant son identité culturelle, tout en assimilant une partie de celle des conquérants ~t en préservant sa prospérité économique. Que Philadelphie filt ou non au }{Ne SIècle une sorte "d'émirat chrétien" indépendant-elle fut le cas le pl~s conn~ m~is non le seul, si l'on songe Il la principauté christiano-turque de B •.ga/Pega., dtngée par le seldjoukide chrétien Constantin Melek- ou un petit ,?!llet .avant la lettre, paya.nt tribut aux Turcs et gouverné par son évêque. 1expénence gréco-turque qUI se mena dans cette enclave byzantine, ne put passer Inaperçue parmi les dirigeants de Constantinople, à leur tour enclavés par les Ottomans dans la deuxième partie du XIve siècle260 .
• •
son corps et l'enterre dans ceUe dernière ville. Sur la mosq~e de Philadelphie. M~likoff-Dt.tlan. 41 nt. 1 ; Lemerle-Aydin, 107 nI. 2 et ~. Sur une po~~ible garnison turque Il Philadelphie avant l'annexion ottomane, Zachariadou, G.B. (1981),78 nI. 3, Noms et oriline turque. Nasturel. B.S. 4,95-96; LemerJe, B,S. 4, 61, note parmi Ie..o;; d~renseurs de la ville un "Aila~s l'Él)'plien". Sur les Atoumanos de Philadelphie. Ahrweiler. ibid .• 15-16; le nom est turc selon Morav., Il, 79. VtrÎm et iv/adi, Beldiceanu-Steinhcrr, B,s. 4, 30 sqq. ; Zachariadou. G.B .. 79. 260Macaire Chrysok~phalos et son ambassade à Avignon. lemerle. B.S. 4. 56 et nI. 8. Activit~ économique: soie d·AI~ehir. Beldiceanu-Steinherr, art. cit., 31 : -perpcri di Fil.delfe-, Pegolotti. LA Pra/ira. 289. La principautt de BigaIPegai. Wittek. B.S.O.A.S. 14 (1952). 665.
Chapitre Troisième
RHÔMANIA BYZANTINE ET DIYÂR·I RÛM TURC: UNE AIRE DE CONCILIATION RELIGIEUSE (XIe·XVe siècles)
1- ENTRE CONCILIATION POLITIQUE ET DIALOGUE INTERRELIGIEUX : DEUX CAS MAJEURS Pour introduire l'analyse des attitudes de conciliation byzantino-turque en matière religieuse, on peut évoquer deux cas majeurs qui se situent à la charnière du politique et du religieux, de par leur rôle éminent dans les deux domaines, et qui illustreront bien notre propos pour les XIye et XVe siècles, période pendant laquelle ils furent des acteurs de premier plan puisque empereurs, et des témoins particulièrement attentifs puisque écrivains. Il s'agit de Jean YI, environ 12951383, et de son petit-fils Manuel II, 1350-1425, dont la vie couvre la plus grande partie de la dernière époque byzantine, Leurs prises de position dépassent de loin le simple domaine de la politique pour toucher, sans parler de la littérature, au domaine religieux et théologique. Pour ne pas rompre l'homogénéité de ces deux fortes personnalités, nous regrouperons en une seule analyse l'ensemble des questions politiques et religieuses les concernant, fort du fait que politique et religion étaient, à Byzance. en constante interaction. et qu'en christianisme oriental, tout laïc peut devenir théologien de renom comme tout clerc peut tenir un rôle politique de premier plan 1. Nos deux auteurs ont, certes, été étudiés sous de nombreux aspects, et leurs œuvres énormes sont en cours lent d'édition, mais l'on a souvent trop rapidement passé sur leur position envers le monde turco-musulman, se contentant des affirmations traditionnelles: Jean YI, en introduisant le premier les Turcs en Europe, a fait le malheur de l'Empire et a précipité sa chute. Manuel II considérait les Turcs comme les seuls véritables ennemis contre lesquels il chercha constamment l'alliance latine, et, lorsque ceue dernière vint à faire défaut, l'attitude de l'empereur à leur égard, fut toute de passivité et de morne
1Peu de scission entre clercs et laïcs byzantins. contrairement à l'Occident lallD. H. 1. Marron. L'Église de "A.nliquill tardive. 180-181. Le cas de Nicolas Cabasilas. à J'~poque de Cuuacuùne et de Palama~. est un bon ex.empJc de t~o}ogien laïc, M. Lor-Borodine, Un maflre de la spirirualiti byzantine.
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soumission2. De plus, lean et Manuel n'ont pas toujours été mis suffisamment en relation pour leur similitude de comportement et d'idées, l'influence du plus Agé étant pourtant reconnue explicitement par le plus jeune et affirmée avec
fid. Pour bien saisir l'implication des deux hommes dans leur époque, il ne faut pas sous-estimer leur rapport à l'envahissant ordre turco-musulman dans lequel ils sont immergés et qui détermine étroitement leurs réactions. Sans la clef turco-islamique, bien des attitudes des souverains restent dans l'ombre: si on ne connail pas, par exemple, la différence de personnalité et de comportement envers les chrétiens, d'un Murâd le" d'un Bajazet ou d'un Mehmed le" on ne peut saisir la riche palette d'attitudes adoptées par Manuel qui n'eut pas, en face de lui, un islam homogène et un Turc stéréotypé mais une grande variété de personnes et d'idées. On ne doit pas négliger enfin, qu'à la double attitude de Byzance envers le monde extérieur, correspond, la plupart du temps, uoe double lecture des témoignages contemporains où l'on doit tenter de dissocier ce qui se dit et ne se pratique guère de ce qui se pratique sans se dire explicitement. Il y a la position officielle et "canonique", et il y a l'adaptation aux circonsiances. Comme l'histoire byzantine nous en donne maints exemples, la politique impériale allie la plus grande rigueur théorique et idéologique à la non moins grande souplesse diplomatique, politique ou psychologique. Il y a comme un transformisme permanent qui permet d'adapter l'homme byzantin au milieu ambiant éminemment variable au cours du millénaire de l'histoire de l'Empire. Il ne faut pas non plus que, par des analyses un peu trop cartésiennes et modernes, on débusque des contradictions internes, là Où il n'y a, pour les Byzantins du temps, que savant jeu d'équilibre : par exemple, en cherchant simultanément l'alliance de l'Occident pour une croisade contre les Turcs, et le soutien actif des émirs contre les Francs, les hommes d'État de la dernière époque impériale, ne font que reproduire à petite échelle et en mode plus vital, les modèles de leurs ancêtres et le jeu de bascule qui permit toujours à Byzance d'être à la fois d'Orient et d'Occident, chrétienne avec les Latins mais partageant avec le monde musulman bien des valeurs et affinités. C'est à la lumière de cette sorte de principes qu'il peut paraître utile de reprendre l'étude des positions de Cantacuzène et de Manuel envers les Turcs pour en affiner l'analyse, en restituant en particulier, le cadre islamique dans lequel évoluent par la force des choses nos deux personnages, et en se posant la question 2Pour l'importante bibliographie concernant nos deux personnages. nous renvoyons à D. Nicol. TM 8y:tmIi.. Family of Kantakou",nos. el J. Duker·Manut/lI. 3~anueJ se r~nre à J'œuvre et à l'exemple de son "t~s admirable grand_père" C8ntacuùne. D,a/oRu,-Tropp, 6,
UNE AIRE DE CONCILIATION RELIOIEUSI!
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de leur connaissance personnelle ou de leur effort d'information envers l'adversaire, de leur action psychologique (prestige de l'Empire subsistant parmi les Turcs, rayonnement personnel de lean et de Manuel), et de leur conscience· possible d'une voie de survie dans un monde gréco-turc. Autant dire, il faut voir s'il existe, à travers les œuvres des deux souverains, à côté de l'indéniable contrainte imposée par les événements, la trace d'une dynamique de la cohabitation consentie et d'une volonté active d'entente avec les Turcs.
1- JEAN VI CANTACUZÈNE (env. 1295-1383) lIT LES TURcs
Ai La politique turque de Cantoc~ène Pour tenter d'éclairer la position réelle de Cantacuzène envers les Turcs, nous disposons de trois sources principales: )!.propre Histoir. de l'empereurécrivain, conçue comme une justification globale de son rôle politique dans la période troublée des guerres civiles de la première moitié du XIV" siècle, justification qui s'étend à ses pratiques d'appel aux Turcs, courantes, selon lui, 11 son époque où tout le monde utilise des auxiliaires musulmans. Dans son Histoir. Romain., Grégoras, l'ancien ami de lean VI, devenu son adversaire politique et religieux, présente, quant à lui, Cantacuzène COl"-me l'initiateur indiscutable de l'alliance turque et l'introducteur des émirs musulmans en Europe. La chronique d'Enveri, enfin, qui, racontant les hauts faits de son héros, Umur, s'étend à l'occasion sur les relations du Bey d'Aydm avec "Domestikos le Franc", autrement dit Cantacuzène qui occupa la charge de Grand Domestique avant de monter temporairement sur le trône de Byzance. Ces trois témoignages sont précieux car, en se rectifiant l'un l'autre, ils nous permettent d'approcher au plus près l'attitude réelle de Cantacuzène envers les Turcs et l'islam, et son importance dans l'histoire des tentatives de conciliation byzantino-turque au XIVe siècle4 ; Nous examinerons rapidement donc le plaidoyer comme le réquisitoire que soulèvent les pratiques politiques de Cantacuzène envers les Turcs. Car s'il est un point sur lequel les trois sources sont unanimes. c'est la profonde division de l'opinion publique byzantine en ce qui concerne les options pro-turques de lean VI. C'est un des fréquents sujets d'attaque contre lui, qu'il doit souvent réfuter dans ses écrits, ce qui montre l'importance cruciale du problème au XIVe siècle. Dans la geste turque, le souvenir en est conservé. C'est avant tout autre grief, l'accord de Cantacuzène avec les émirs de Saruhan et d'Aydm qui" ...toume une grande partie du pays contre Domestikos et le noircit".
4Les Histo;rt, de Cantacuù:ne et de Or6gol8.~ ~ troûvcnt dans P.G.. \53·154 et 14&-\49. aiDSi que dan. te Corpus da Bonn, La chronique d'Envelf. ~~ ~dilk ellraduile par l, M~likoff·o.S/4n.
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ROMANIB BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC UNE AIRE DE CONCILIATION RELIGIEUSB
Le réquisitoire tout-d'abord: il est soutenu avec vigueur par Grégoras qui dresse, dans son œuvre, le tableau qu'il estime accablant, des amitiés turques du Grand Domestique. Le premier chef d'accusation est mis par l'historien, au livre xxvn de son Histoire Romaine, dans la bouche du rival de Cantacuzène, Jean V, au moment de la guerre civile entre les deux souverains: au mépris de Dieu, affirme le jeune empereur, Cantacuzène s'est uni avec l'émir infidèle de Lydie, Umur. Ils sont allés jusqu'à se faire le serment solennel de mourir l'un pour l'autre". Bien que les Byzantins ne veulent pas Cantacuzène pour empereur, il s'impose de force grâce à l'aide des Turcs qui dévastent la Thrace, se livrant aux pires atrocités. Ils vont jusqu'à éventrer leurs victimes pour se réchauffer pieds et mains dans leurs entrailles, sous les yeux du tyran qui n'éprouve aucune pitié à ce spectacle. voici bien l'homme annoncé par une antique prophétie selon laqueUe.. l'Église et l'État seraient ruinés par le double Kappa (K-anta-K-ouzenos). Non content de devenir l'ami et l'allié des barbares, l'usurpateur n'hésite pas à offrir en mariage une de se filles à son allié ottoman, Orhan, et cette union est funeste à toute la chrétienté. L'alliance très intime avec Umur, comme le désir de sceUer par mariage son aIliance turque, est totalement confirmée par le chroniqueur Enveri qui insiste, lui-aussi sur les liens très personnalisés qui existent entre l'émir d'Aydin et le Grand Domestique: de même que Grégoras affinne qu'en aucun temps, il n'y eut une amitié aussi étroite entre deux hommes que celle qui unissait Cantacuzène et Umur, l'auteur turc écrit qu'ils devinrent frères, sous-entendant probablement un échange de sang selon le rituel turco-mongol du and ou du kankardejlik. Quant au mariage projeté, il semble que Jean VI, avant de donner sa fiUe à son nouvel allié, Orhan, l'ait d'abord proposée à l'émir d'Aydin, si l'on en croit un épisode de la geste turque qui montre, entre autre, que l'émir a une conception si forte de la fraternité militaire qui le lie au Grec qu'il refuse d'épouser ceUe qu'il estime être "la fille de son frère". Cantacuzène lui-même reconnaît, en plusieurs endroits de son Histoire, que" ... depuis longtemps il était lié d'amitié avec Umur, ( ... ) qu'ils correspondaient par lettre", que leurs entretiens se déroulaient sous le signe de la familiarité, qu'Umur était "son ami intime" etes. Un autre grief est avancé par Grégoras contre Can.acuzène : ce dernier a introduit systématiquement ses alliés turcs en Europe, leur donnant des SL'opinion publique byzantine est hostile à cantacuzène ct à ses alliances turques, selon Enveri. Deslan 94. Le f6Juisitoire de Jean V contre Cantacuzène, selon Grtgoras : npOUf Cantacuzène. Umur fuI un ami ardent el passionn~. Il s'était engagé à lui conserve loute sa vic à lui el à ses enfants qui devaient lui succéder. une amitié sans détours. JI li nt parole jusqu'au bout d'une façon dont je crois qu'il n'y a pas d'autre exemple en aucun temps", Bonn Il. 597-98. fraternité entre Andronic IJJ. Cantacuzène el Umur, Mélikoff-Destûn. 84·85 et nt. 1. Le Icanlcardeliik CSt à rapprocher de l'adtlphopoiesis byzantine, Manuel Gabalas. M. Kourousis, 313. Umur refuse "la fille de son frtre", Dtsldn, 106. Loyaur6 d'Umur. admirée de Canracuzène, Cantacuzène, Bonn, Il.
S8S sqq. : l, 482 sqq. ; Il, 398.
liS
cantonnements en Thrace où ils s'installent à demeure avec leurs familles. Ses pratiques ~e recours aux Turcs ont, de plus, donné le mauvais exemple, et me_ les ennemIs de Cantacuzène, Anne de Savoie ou Apokaukos, les utilisent. Au livre XXVIII, c'est dans la bouche du patriarche Calliste, qui a pris parti contre Cantacuzène, que Grégoras met de nouvelles accusations: l'usurpateur ne fait qu'un avec les Turcs; il est prêt à leur livrer l'empire plutôt que de céder devant son rival: "si je ne règne pas, lui fait dire Grégoras à l'intention d'Orban, que Paléologue ne règne pas non plus ; si les Grecs ne sont pas mes sujets, qu'ils deviennent sujets turcs 1" En outre, Cantacuzène a détourné l'or envoyé par les Russes en vue de la réparation de Sainte-Sophie, pour payer ses mercenaires turcs qui ne le quittent jamais et qui règnent pratiquement en m81rres, sur le palais impérial : "Quand ils le veulent et avec facilité, ils font irruption au palais. Il s'agit des prêtres et des dignitaires de cette religion impie qui mènent une vie, pour ainsi dire. de brutes sans contrainte. esc1aves de leur ventre et s'enflammant" sous l'emprise de vin, de passions sans limites. Alors que se déroule la sainte' . liturgie dans le sanctuaire sacré du palais, ces barbares, dans la cour, forment des ' chœurs et couvrent l'office de leurs chants, tout en dansant; avec des hurlements inintelligibles, ils profèrent odes et hymnes à Mahomet, détournant l'attention 1 des fidèles assemblés dans l'église. Ils font la même chose à la table même du basileus avec des cymbales, toutes sortes d'instruments de musique et des chants, selon leurs habitudes impies"6. ,1
!
Cette scène haute en couleur, qui pourrait bien décrire _çes concerts spirituels (semâ) dont les Turcs étaient coûtumiers depuis Djelâleddin ROmi, veut doliner l'impression que, non seulement Cantacuzène ne s'oppose pas aux bruyantes manifestations de ses alliés mais qu'il y trouve un certain plaisir étant devenu peu différent culturellement de sa garde musulmane, comme ses partisans d'ailleurs, un Arsène Tzamplakon que le peuple par dérision, bafoua un jour, en l'affublant symboliquement d'un bonnet turc, comme Palamas que Grégoras associe étroitement aux pratiques pro-turques de son protecteur: l'évêque de Thessalonique, affirme Grégoras aimait à tel point les Turcs"" .qu'il cherchait à en rallier le plus grand nombre possible et en faire des amis et des défenseurs de la cause de Cantacuzène ... cherchant ainsi de ces barbares, une amitié funeste aux Romains". En faisant la part de la diatribe, il reste que Grégoras touche ici un point réel car Cantacuzène reconnait lui·même qu'il est un bon connaisseur des mœurs musulmanes et turques en particulier: il signale qu'il parle le turc, il cannait les coutumes guerrières des beys, expliquant par exemple que"" .c'est une coutume chez ces Barbares lorsque l'un part en razzia, que ceux d'une autre satrapie qui désirent l'accompagner ne soient pas écartés mais au contraire accueillis avec plaisir" ; il est aussi, nous le verrons, familier de leurs croyances populaires. comme de leurs positions doctrinales. L'ouverture politique et
6 Le discours de Calliste sur la complicité entre Cantacuzhe et Orhan, el les ex.œs de la garde (urque au palais impérial ; Grégora.~. Bnnn, III. 194-203.
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culturelle de Cantacuzène et de certains de ses amis en direction des Turcs, n'est donc pas une simple calomnie de Grégoras, puisque même un cantacuzèniste aussi fidèle que le patriarche Philothée s'en inquiétait.7
La désapprobation d'une partie de l'opinion byzantine semble bien montrer qu'en matière de contacts avec les Turcs, Cantacuzène avait dépassé en intimité ce que ses prédécesseurs les plus audacieux avait pu réaliser. Pour se défendre, notre auteur, en politique habile, aligne dans ses écrits, une argumentation serrée: Tout d'abord, contrairement à ce qu'affirme Grégoras, il n'est pas le premier à faire appel aux Turcs : sans parler de la constante pratique byzantine de recours au mereenariat turc depuis le XIe siècle ni de la présence ancienne de Turcs sur le territoire européen de l'Empire, sans même mentionner des personnalités de la génération précédente comme Alexis Philanthropénos connu pour son ascendant sur les Turcs qui le soutinrent souvent, y compris dans sa révolte contre l'Empire, Cantacuzène n'a que l'embarras du choix pour trouver des exemples de recours aux Turcs parmi ses contemporains amis comme ennemis: Andronic III, comme avant lui Andronic II, n'avait-il pas utilisé des Turcs? Lors de l'entrevue de Phocée en 1335/36 où le basileus avait passé alliance avec les émirs de Saruhan et d'Aydin, comme il l'avait déjà fait en 1328 avec Karasl ou en 1329 avec Saruhan et Aydin, ce n'est pas Cantacuzène qui avait dirigé la négociation mais bien Andronic III lui-même, ce que confirme Enven chez lequel c'est le Tefçfùr (Andronic) et non Domestikos (Cantacuzène) qui joue le premier rôle dans l'entrevue, devenant lui-aussi le "frère" de l'émir8. Ce sont les ennemis de Cantacuzène qui, les premiers, en ayant recours à J'aide étrangère, J'ont obligé à faire appel aux Turcs. Il ne s'y serait d'ailleurs résolu qu'après avoir sollicité en vain l'aide des Bulgares et des Serbes. Ceux qui critiquent le plus ses accointances musulmanes, n'hésitent pas à faire de même: Isaac Asen est envoyé auprès d'Orhan pour obtenir une alliance pour le compte d'Anne de Savoie. Puis Mauromatès tente de débaucher Umur, puis Georges Loukas ; Vatatzès a aussi essayé de rallier des Turcs contre Cantacuzène ainsi que
7Sur TzamplakoD. CantacuùDe, Bonn_ II,256-257. Sur Palamas elles Turcs, Gn!goras, Bonn, III. 230. C8ntacuùne parle turc, Bonn, HI. 66 ; Coutumes turques. ibid .. II.591 ; Je semi-nomadisme des Turcs, en plaine pendant J'hiver. en montagne l'~I~ ~ ... car ~tant nomades ils ont de telles coutumes", Cantacuùne. Bonn, J. 341-342 ; proverbe lurc cité par lui, lI, 48. Les remontrances de Philoth6e à Cantacuùne sur ses accointance... avec les Turcs. PG 154.297-298. 8~nce ancienne de Turcs en Europe. C. Asdrascha. ÜJ rlgion des Rhodopes aux xllre el X/ft si~les. 75 sqq. Alexis Philanthropénos ct les Turcs, Planude. éd. Treu. 98. Lel~es 105. 1~8. 119. D. Reinsch. Die Briefe des Mattaios von Ephesos. 207 oà le g~M:ra1 byzantm passe tralt~ -avec Je chef des Barbares" ; il sut gagner l'affection de~ Turcs ct grlce à son prestige parmi eux, sut les cootenir ct les manœuvrer. G~goras. Correspondance, &1. Guilland, 166-113. 372-314. Le Grand Vizir de Mehmed Il. MahmOd Pacha ~Ia.it un Philanthro.,tnos, Critoboulos. 6:1. Reinsch, 88, ct M. Caz.acu. Turcica 16 (l984), 100. Andronic Il et ses mercenaires turcs. Latou. op. cit., 291. Andronic II el scs alliance•• urque•• Lemene-Aydin, 112-114. 249 : M6Iikoff-Destdn. 8385 ; Mantran, Hisl. Empire Ottoman (Beldiceanu), 22.
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Tagaris envoyé à la cour de Saruhan. Jean V lui-même qui critique tant Cantacuzène de ses alliances, n'a aucun scrupule à quémander l'aide turque.9 Or. toutes ces tentatives ont échoué et se sont retournées contre leurs auteurs, car Cantacuzène est le seul qui sache manœuvrer les Turcs grâce à son habileté, à la connaissance de leurs usages et au prestige qu'il a auprès d'eux, étant seul capable de gagner leur confiance ; et notre auteur de donner complaisamment des exemples de Turcs qui lui sont dévoués. De plus, sa politique de statu-quo avec les émirs, loin d'être défavorable aux Byzantins, les met à l'abri des éternelles razzias musulmanes car Umur, par exemple, depuis le temps où il s'est " ... lié à Cantacuzène par la plus étroite amitié, n'a jamais causé de dommages aux pays grecs considérant qu'ils appartenaient à Cantacuzène". Quant au mariage de Théodora Cantacuzène avec Orhan, il n'a été funeste ni à la chrétienté ni à l'intéressée elle-même: celle-ci en effet" ... quoi qu'elle eût épousé un Barbare, se conduisit d'une manière conforme à sa naissance. Bien loin de corrompre la pureté de sa foi en fréquentant les infidèles, elle ne se contenta pas de résister aux efforts qu'ils firent pour la persuader de changer de religion; mais elle en retira plusieurs de leur impiélé, par la force de sa persuasion. Elle renonça au luxe et à la pompe pour employer ses richesses au soulagement des pauvres. Elle délivrait les prisonniers en payant de son bien le prix de leur liberté. Elle était pour les Romains comme un port de salut que Dieu leur avait préparé contre les tempêtes des persécutions des Barbares" lO•
L'auto-justification de Cantacuzène est d'autant plus aisée qu'il savait lui, comme Grégoras, que ce genre d'union islamo-chrétienne ne choquait plus autant que jadis. On n'a pas trace d'une quelconque protestation de l'Église alors que, aux siècles précédents, les unions princières de cette sorte étaient encore fort mal vues. Aux XIve-xve siècles, Serbes, Bulgares, Latins et Grecs, nous J'avons déjà dit, s'alliaient par mariage aux Turcs. Jean V lui-même, dans un épisode rapporté, sans jugement de valeur dans ce cas, par Grégoras, aurait promis sa fille en
9Vain appel de Cantacuùne aux Serbes et aux Bulgares. PG 153. 1145·1149. conlirmt par une chronique slave: les Bulgares ~conduisent l'empereur; les Serbes font de rnlme, et ce. malgœ l'insistance du basileus qui leur prédît les conséquences funestes de leur refus. Naslasc. Cyrillomelhodianom 4 (1977), 107. 1~lI1.ac Asen chez les Turcs, PC 153. 1193·1194 : Ma~matb et Tagaris. supra 11 nt. 250 ~ Georges Loukas. supra 11. nt. 223 ; Vatatzès supra n nt. 247 . Jean V et son appel aux Turcs. PO 154, 261-262. 'Orurcs dévoués à Cantacuzène. PG 153. 1175. 1239-1242 ; territoirc~ de Cantacuùne é~gn6s par le... Turcs. Cantacuzène, Bonn, li. 398. C'était une des clause~ du tnulé ~ Karaburun. M~hkoff~ Desu2n où Andronic III dit à Umur : ~Mon pays. mon empire eSI le tien. ne le d~NIS ~. n'opprime pas les pays grecs". 84. Murâd 1er aussi, selon la chronique slave. Nastasc. art. cU., loc. cit.. respecte le territoire byzantin, grâce au pacte et aux serments pas.~s ~vec Canœcuzbe. Sur le rôle b6n~fique pour les chrétiens de la p~sence à la cour d'Orhan de la pnnce.'iSC Nodera. Cantacul~ne. PC 153. 1273~1276 et Bonn. Il. 585-89 ; même raisonnement en pays bulgare, o~ le mariage d'une princesse royale avec le suhan est fait" ... pour la grâce du peuple bulgare , Na... ta...e. 108 nt. 38.
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mariage à Ham, fils d'Orhan. Il sut d'au~ par;i utiliser le lien matrimonial de sa belle-sœur avec Orhan, pour amadouer Bajazet . A livre IV de son Histoire, racontant son abdication, Cantacuzène dresse 'l pouIl'II'que dont le réalisme et la clairvoyance quant à l'avenir de Byzance, un b1 an h "1 . t fondés en grande partie sur l'expérience des c oses turques qu 1 avait su son érir au cours de sa longue carrière. Au parti favorable à la guerre contre les ~ à la tête duquel se trouve le jeune empereur Jean V, il déclare: "II est aisé de j:~er que vous inclinez à attaquer l'enne~i et que vo~s ~nsez pouvoir les vaincre. Je le souhaite de tout mon cœur mais cela ne m empeche pas de vous proposer la solution qui convient le mieux ,au temps présent. Des hommes sag~s et expérimentés ne sauraient s'exposer à IlOconstance. de l~ fortune san~ a~olr comparé leur force à celle de l'ennemi. Or nous ne saunons Ignorer combien 11 y a de différence entre nous et les Barbares à qui nous avons à faire. Nous ne les surpassons pas en expérience et ils nous surpassent en équipement, en nombre et en ardeur. Ils servent gratuitement et sans paie. Comme ils possèdent une vaste étendue de pays qu'ils nous ont pris en Asie et en Europe, ils feront tout pour s'emparer du reste. La facilité qu'ils ont trouvée dans leurs conquêtes, leur promet de nouveaux succès. Nous avions autrefois des armées capables non seulement de les chasser hors de notre pays, mais aussi de prendre le leur. L'imprudence de notre conduite, et l'ardeur aveugle avec laquelle chacun a recherché ses intérêts au lieu de ceux de l'État, nous a réduits à une si extrême faiblesse, que nous serions fort heureux si nous pouvions conserver ce qui échappe encore à nos ennemis. Nos troupes se sont dissipées et le peu de soldats qui reste est tombé dans une honteuse pauvreté. A moins que l'on ne vous paie, je pense qu'il n'y a personne parmi vous qui veuille prendre les armes bénévolement. Il faut donc réfléchir très sérieusement à toutes ces choses et ne pas rompre la paix avant de savoir quelles possibilités nous avons de remporter la victoire ou d'éviter la défaite. Quand je vous conseille d'éviter la guerre avec les Barbares, ce n'est ni par lâcheté ni à cause de l'inclination que j'ai pour eux. Je les exterminerais tous si c'était possible et je tirerais gloire de leur ruine. Mon aversion ne procède pas seulement de la diversité de leur religion, elle vient aussi de la malfaisance avec laquelle ils ont ravagé la Thrace, pris nos villes, enlevé nos troupeaux et nos gens. D'où vient donc qu'étant animé d'une haine si forte et si juste, je n'ai pas pris les armes, et d'où vient que je vous dissuade de les prendre, alors même que vous paraissez tout disposés à le faire? C'est que, quand je considère notre peu de 11 Pu de protestation de l'Église contre le mariage de TModora et d'Orhan, Nicol~Church and Society, 68. Mariages islamo-chœtiens contemporains, supra Il, nt. 228. Halil et la fille de Jean V, Gn!goras, Bonn, 111,558 sqq., el Pariso~ N.E.M.B.N. 17 (1851), 53 ''!'l' : "Le ~ull8l de l'entrevue [entre Orhan et Jean 'V] fut qu'ils s'engagèrent mutuellement à faue du fils ,d Hyrk.~ (Orban) un gendre de l'empereur... L'empereur appela le jeune fianœ barbare p~s de lUI, pour lUI faire voir, selon un usage depuis longtemps en vigueur, la jeune princesse qui lui I!tail desti~," Cet Ham serait pcut-etre le fils de ThI!odora Cantacuzène ct d'Orhan, Nicol, The Byzantrne Family, t34-135. Sur le rappel de 1. parenlt qui unissaill. belle-,""ur de Jean V elle grand-ptn: de Bajazet 1", Sphranlùs, Bonn, 55.
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puissance actuelle, je ne trouve pas qu'elle nous permette de les combattre. Voulez-vous, me dira-t-on, que nous courbions la tête pour recevoir les coups des Barbares et que nous nous soumettions comme des esclaves à leur domination? Ce n'est point là mon dessein. Mon but est de ne pas perdre par notre hardiesse ce qui . ~o~s reste. Comment peut-on agir ? Il nous faut engager des troupes aUXlhaues égales à celles de nos ennemis et les payer. On doit équiper une flotte car tant qu'ils seront maitres de la mer nous aurons besoin de beaucoup de force pour leur résister. Nous n'aurons pas seulement Orhan à combattre mais tous les Turcs d'Asie. L'auteur de leur secte et de leurs erreurs leur a fait croire que ceux qui meurent en combattant contre nous ou qui tuent un grand nombre de nos gens, remportent des couronnes immortelles. C'est pourquoi je suis d'avis qu'au lieu de commencer la guerre. nous fassions provision d'argent et de troupes. et que nous leur envoyions une ambassade pour renouveler la paix, usant d'adresse plutôt que de force pour tenter de recouvrer les villes qu'ils nous ont usurpées." Mais à ce discours, les jeunes gens du conseil accusèrent Cantacuzène "... d'épargner les Turcs car Orhan était son allié, et ils protestèrent en disant qu'ils étaient prêts à combattre et à montrer qu'ils étaient des hommes et non des femmes. Ils commencèrent la guerre peu après". On ne saurait mieux exposer la situation politique du moment, le déséquilibre des forces militaires en présence, le découragement grec face à l'enthousiasme mystique des gâ1,î turcs et surtout l'inévitable cohabitation, par la paix et la négociation, seuls gages de survie possible pour les plus faibles. C'est à la fois la préfiguration du dernier siècle byzantin et l'apologie de la conciliation turco-byzantine, voie inévitable pour obtenir un sursis politique. Jean V le comprendra à ses dépends, après l'échec de ses ouvertures à Rome et se ralliera vingt ans plus tard aux conseils que lui donnait son beau-père, en adoptant une politique pacifique et franchement turcophile l2.
B) Le dialogue avec l'islam La même clairvoyance qui conduit Cantacuzène, pour préserver ce qu'il peut de l'Empire, à composer politiquement avc les Turcs par des contacts nombreux et une bonne connaissance de l'adversaire, le pousse aussi à établir des relations intellectuelles avec les représentants de la religion concurrente, aussi dangereuse pour l'identité byzantine que la conquête militaire. Non seulement il sait, pour préserver les intérêts des chrétiens sous domination musulmane, entretenir de bonnes relations avec les souverains islamiques, tel le sultan d'Égypte, mais il n'a pas peur de s'avancer sur le terrain théologique, écrivant huit 12 pG 154,303-310; ce bilan politique eSI à rapprocher de celui de Manuel Il en 1421 qui préconise la paix avec les Turcs comme seule voie de survie pour Byzance. Mais. là aussi, le pani de la guerre du jeune Jean VIII l'emponera, Barlc.er-Manut'l Il, 356. Sur la politique p~lurque de Jean V. pendant la dernière panic de son règne. Oennis-Manuel/Tht ltlltrs, 11. 32 sqq.
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longs discours sur. les mérites comparés du christanis~e et de l'islam, à l'attention d'un de ses amis. ancien mus~l~an ~evenu mom~ SO~S le nom de Mélétios, et sollicité par un de ses ex-corehglOnnalres de revenIr à 1Islam, On a mis en doute l'existence du destinataire des Discours contre Mahomet, supposant qu'il s'agissait d'un simple artifice littéraire, Lorsque l'on connait la personnalité de Cantacuzène, son goOt pour les contacts directs avec les musulmans et son imbrication certaine dans les affaires turques, sans oublier la longue présence de sa fille à la cour oltomane, il n'y a pas de raison majeure de douter de la réalité des circonstances des Discours 13, Rien dans les pratiques religieuses contemporaines ne s'oppose non plus à l'existence d'un moine d'extraction musulmane qui aurait gardé contact avec ses anciens coreligionnaires, Pour ne parler que de l'époque Paléologue, il y a à Byzance des moines d'origines très diverses: à côté des moines venus d'Occident dont certains jouent un rôle spirituel important comme les deux maîtres "italiens" de Palamas, il y a des moines célèbres d'origine juive tels le patriarche de Constantinople, Philothée, ou le confesseur et exécuteur testamentaire de Manuel Paléologue, Le synaxaire orthodoxe signale des cas de musulmans devenus moines à l'Athos au XIve siècle l4 , Les sources turques elles-mêmes n'ignorent pas le personnage du converti au christianisme, celui qui a fait acte de tanassur ; il devient même un type littéraire: le poète Hamdî, fils du célèbre soufi Ak~emseddîn, raconte dans son Tuhfetu'/-ushshâq (le Don des amants), l'histoire d'un marchand d'huile de Kayseri venu à Constantinople, qui se convertit au christianisme pour épouser la fille du premier ministre byzantin, Mais, retrouvant un jour à Sainte-Sophie, le Coran qu'il avait abandonné lors de son apostasie, il se repent et s'enfuit avec sa famille à Kayseri où tous deviennent musulmans, Mais le cas le plus populaire est celui, rapporté par YazlclOglu Ali, d'un prince turc converti au christianisme par le patriarche de Constantinople puis ramené à l'islam par un célèbre derviche, On se souviendra aussi du fils de Bâyezîd 1er, élevé à Byzance et qui, chaque jour, demandait à être baptisé, malgré les réticences de J'empereur craignant des complications diplomatiques lS ,
Beon/ra Sec/am Mahometicam Apologiae quatuor et Contra Mahometem Oratianes quatuor. P.G, 154. Doutes sur le destinalaire de l'œuvre. Manuel Il. Dialogue, ~d. Trapp, 44· : Ducellier. BYlaMina 12 (1983), 104.
14Moines italiens, infra; moines d'origine juive: Philolhée. 0, Mercati. Notiûe di Procoro e Demetrio Cidone, 248.311 ; le confesseur de ManuellJ. Sphrantz.ès P.G. 156. col17! sqq. ; moines d'origine musulmane. Synaxaire, Il. 236. 259 ; par ex., Saint Abbas l'ismaélite, f~t~ le 22 novembre. D. Guillaume. Synaxoire métrique. 15Tanassur. Redhouse. 1093. le marchand de Kayseri. Bombaci. Lit/Ira/ure turque. 292. Le prinee turc cbristianist. Wittek. B.S.O.A.S. 14. 650. Le fils de Bajazet devenu c~tien. Doukas. Bonn, 98-99.
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Quant au nom de ~emseddin Isfahâni donné au musulman qui a écrit au moine Mélétios pour le ramener à J'islam, il n'y a pas de raison qu'il soit fictif; Cantacuzène n'avait pas de motif particulier de mentionner le nom de son interlocuteur: ce n'est pas la loi du genre à son époque, et les controversistes, Palamas, Manuel Il ou Bryennios, laissant en général leur interlocuteur musulman dans J'anonymat. Si l'empereur tient à donner l'identité du personnage, c'est qu'il parle de quelqu'un de bien réél 16 , Tout au long du texte, Cantacuzène exprime les opinions de son temps sur l'islam, sans beaucoup d'originalité, s'inspirant en grande partie des écrits sur J'islam du moine latin Ricoldo da Monte Croce, celui que Démétrios Cydonès traduira en grec, C'est par lui qu'il semble connat"tre la sourate AI-MIJ'idD, ·Je voyage nocturne de Muhammad (isrd), l'adoration d'Adam par les Anges, le refus musulman de la crucifixion du Christ, etc, Pourtant, au-delà de la polémique traditionnelle qui inspire bien des développements de l'empereur, on peut çà et là relever des traits plus caractéristiques de la mentalité des Byzantins du XIVe siècle face à l'islam, ou plus simplement inspirés de J'expérience directe qu'a notre auteur des musulmans: lorsqu'il décrit le meurtre rituel où les compagnons du défunt exécutent sur la tombe le maximum de victimes" .. ,pour aider l'â\l1e du mort'\ selon une vieille coutume turccrmongole. peut-être pense-t-il à une scène vécue parmi ses compagnons de guerre turcs, Quant il rapporte les conceptions "apocatastatiques" d'Origène selon lesquelles même les démons seront sauvés, n'a-t-il pas indirectement entendu parler des idées d'Ibn Arabî, si influent parmi les Turcs de son époque, concernant la fin de l'enfer? N'oublions pas que les g{Jzî que fréquenta l'empereur n'étaient pas des soldats ordinaires mais des "guerriersthéologiens", parlant volontiers religion y compris avec les infidèles 17,
16Pal amas parle du "tasimanès", Manuel li du "vieillard" ou du "Perse", infra; Bryennios appelle son interlocuteur "lsmaè!l", "Talismanès". "l'impie" clC., ~d. Argyriou, E.E.B.S. 35 (1966-67). 11 est dirticile d'en savoir plus long sur le destinataire de Cantacuzène. son nom cl sa nisba étant tns CQurants. Tout au plus peut-on préciser qu'Ispahan était célèbre pour son école de tMologicM el de mystiques. Corbin. Islum iranien. IV. 9 sqq. Le personnage du temps le plus connu ~pondanl au nom de Semseddîn IsfahAni est un ex.égète mort en 1348. 8rockelmann, Geschlcht~ dtr arabischen Uterarur, 1. 533. trop tôt donc pour être le destinataire de Cantacuzène dont le diSCOUrs contre J'islam date de 1360. C. GÜlerbock. Der Islam im Lichtt der byzantinisclun Polemil SI. Il
peut s'agir d'un des leUrés penans de la co~r oHomane. L'un des .familiel!; du sultan nomm6 $emseddîn est envoy~ en Perse en 1361. Beldlceanu. Actes dts prem,us sultans. 163. I~n Battala rencontre un Ahi Semseddin à Buesa. mais c'est plus de trente ans avant la rtdacuon de la Controverse. Voyages, Il. 318. ~emseddîn Fenâri dont le nom esl originaire du Khora.'Osan. poulT8.Ïl. à la rigueur, vu de Byzance. passer pour "IsfahAni". mais il esl né en 1351. E./. cFenlrtzAdelt ; Algül. Emir Sultan. 114. 17Canlacuùne dit s'inspirer de Monte Croce. Oratia 1. 600. TraduC!-ion en grec de ~c demtcf par Cydonès, P.G. 154, 1053. Al-Mâ'ida. le voyage noclu':l'c,. Or~t'? 1.600; Or~/Io IV, 61~ ; L'adoration d'Adam. Apologia Il.441 ; refus de la crucifixIOn. Ibid .• 477. Sacnfices humams. Apolagia IV, 545. et Vryonis. _Evidence of Human Sacrifice among (he Early Ottoman ~wks». B.K. M.. IX. Origène et le salut des d~mons. Dratio IV. 686. Ibn Arabi. ct la fin de 1enfer. Chodkiewicz,.Sctau, 166. Les gdzi et leur d~sir de parler religion avec les mfidèles. cf. PaI,amas infra.
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Caractéristique d'un certain courant de pensée de son temps, auquel il se rattache par des maîtres comme Palamas ou Sabbas de Yatopédi, il veut bien reconnallre les éléments positifs de l'islam, à la suite de Mathieu Blastarès qui admet quelques lueurs de grâce (;(dpt.s) dans l'islam, ou de Palamas, Grégoras ou Philothée reconnaissant que par leur rigoureux monothéisme les musulmans sont supérieurs aux païens. Ainsi, l'empereur souligne-t-i1 que l'islam reconnait prophètes et évangile. fi affirme même que certains musulmans sont si proches du christianisme qu'ils lisent l'évangile qu'ils apprécient plus que le coran, mais ils affirment tout cela en cachette, craignant pour leurs vies, utilisant le thème du crypto-christianisme d'une certaine élite musulmane, thème qui devait être si abondamment développé ultérieurement en Orient comme en Occident chrétien. Il parle même d'un calife converti au christianisme sur son lit de mort et enterré pour ce fait séparément de ses prédécesseurs, mélangeant peut-être le motif hagiographique de la conversion in articula mortis au fait historique de l'origine chrétienne de tel sultan mamelouk d'Égypte. Au fil du texte, l'empereur remarque aussi la tendance syncrétiste des Turcs qui n'hésitent pas à identitier par exemple Khidr, personnage si important dans l'islam populaire anatolien sous le nom exactement transmis par l'empereur de HlZlreliez (fusionnant sous cette forme avec Elie), avec le non moins populaire saint chrétien, Georges, pourfendeur de dragons, qui connait d'ailleurs d'autres avatars turcs comme le célèbre derviche San Saltlk l8 . Ainsi, à côté de schémas anciens et livresques qu'il utilise tels quels, Cantacuzène sait aussi porter un regard plus personnel sur l'islam. Ce regard, ille veut probablement plus discret que le point de vue théologique officiel qu'il défend, mais son attitude témoigne d'une certaine souplesse d'approche intellectuelle, assez comparable à ses agissements politiques. Que l'on parle donc de l'homme d'État ou du penseur, Jean Cantacuzène, très clairement dans sa première fonction, plus discrètement dans l'autre cas, sut privilégier une attitude de conciliation et d'ouverture aux Turcs et à l'islam, inévitables réalités du temps. Ce comportement tit rapidement école et fut le pendant politico-religieux des agissements d'hommes d'Église comme Palamas et ses partisans, dont se réclamait d'ailleurs l'empereur.
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2- MANUeL n PALÉOLOGUE (135(}.1425) ET LEs TURcs Ai Manuel Il et ses contacts ottomans
SO!!S plus d'un aspect, Manuel ressemble à son grand-père Cantacuzène dont la forte personnalité ainsi que l'influence politique et diplomatique ne durent cesser de s'exercer dans son entourage, entre son abdication (1355) et sa mort (1383), période capitale dans la formation de Manuel. On sait par exemple que le "moine Joasaph" (nom monastique de Cantacuzène) joua un rôle non négligeable dans les tractations religieuses entreprises entre la cour de Byzance et Rome en 1367 où Jean Y le père de Manuel, sollicité par les envoyés pontiticaux pour engager un débat sur l'union des Églises, déc.Iare ne pouvoir prendre de décision que conjointement avec l'empereur Cantacuzène "son père". Ce dernier dirige tinalementles pourparlers auxquels assiste la famille impériale au grand complet et, entre autres, le jeune Manuel. Comme Jean VI, Manuel mena conjointement une politique de rapprochement avec les Latins et de resserrement des liens turco-byzantins. Sa marge de manœuvre est, dans la deuxième moitié du XIye siècle, beaucoup plus étroite encore que du temps de Cantacuzène; mais leur manière de procéder et surtout le style très personnalisé qu'ils impriment aux relations avec leurs interlocuteurs musulmans, sont les mêmes, les deux sachant s'attacher l'estime et souvent même l'affection de leurs homologues turcs. Comme, nous l'avons vu, Jean VI avait su faire d'Umur un allié tidèle et un ami dévoué et d'Orhan son gendre et son soutien politique -du moins pendant un certain temps-. Manuel sut aussi s'attirer les bonnes grâces et la sympathie de la plupart des dirigeants turcs qu'il côtoya, à l'exception notoire quoique non absolue de Bajazet 1er. Si Manuel n'a que mépris pour un souverain turc qu'il nous dépeint comme un rustre, colérique et amateur de plaisirs grossiers, Bajazet par contre n'est pas insensible au magnétisme de l'empereur dont il disait, selon Sphrantzès, que "... même pour qui ne connaît pas l'empereur. la seule apparence de Manuel fait deviner qu'il est le basileus". Ce "charme" fait de noblesse et d'habileté, beaucoup l'ont ressenti, et Manuel qui sait en jouer avec les occidentaux pendant son voyage en Italie, Paris ou Londres, mais aussi auprès de ses ennemis, ne se prive pas de l'utiliser avec les Turcs comme un atout important; Sphrantzès dit clairement que ".. .les Turcs d'Asie disaient que par sa prestance, l'empereur ressemblait à ce que devait être Mahomet". Quel compliment plus grand pouvait lui faire un musulman! Comme ~on grand-père Cantacuzène, Manuel sut se servir de son aura personnelle pour se tirer de situations particulièrement délicates: ce fut même
18Sabbas de Vatopedi. infra. Mathieu Blaslares P.G. 144. col 1108. Palamas. Dlfense des saints hirychastes. Il. 393-394. G~gora•• Bonn, III. 229. Philothée. P.G. 151, col. 789. Musulmans
crypto-chr6tiens et conversion in articulo morlis. O,at;o l, 601-604. 617-620. L'équation musulmane Khidr-Saint Georges, Apologia. S12. L'avatar ultérieur en San Sahuk. E./., .. San Saillk Ocde».
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son seul atout devant MurSd 1er irrité des velléites d'indépendance du jeune prince l9. Les amitiés, certes intéressées mais solides, qu'il noue avec certains dignitaires ottomans lui permettent d'échapper à de grands dangers comme dans l'épisode de Serrès o~, s'il faut en croire Chalcocondyle, Ali Çandarl~ lui sauve la vie. De même, l'amitié qu'il entretient, selon Oruç, avec le cadI de Gebze, Fazlullllh, facilite sa politique de balance entre les fils de Bajazet qui se disputent le trône paternel après la bataille d'Ankara. C'est avec discernement qu'il sait appuyer Soliman qu'il s'attache en le mariant à une princesse impériale, puis Mehmed 1er contre MOsâ. Par ses choix, Manuel montrait non seulement sa bonne connaissance des affaires turques, mais aussi qu'il savait utiliser les con18cts directs et inévi18bles avec les Ottomans pour é18blir les liens personnels indispensables à un sursis d'existence politique. La participation active quoique involontaire de Manuel aux péripéties inter-turques en Asie-Mineure, a été étudiée avec bonheur, pour la période concernant les campagnes de Bajazet contre les émirs anatoliens, par Élisabeth Zachariadou qui a montré le fruit que l'on peut recueillir à utiliser concurremment des matériaux byzantins et musulmans bien connus séparément mais rarement exploités les uns par rapport aux autres20. On peut appliquer la même méthode 19L'influence de Cantacuzène après son abdication, .Projets de Concile œcuménique», Meycndorf(, Variorum. XI, 164 sqq. Mépris de Manuel Il pour Bajazet. "satrape roué et impu~nt". P.G. 156. col 128, 132. Estime du second pour le premier, Sphrantzès. B~nn, 116. ImpreSSIOn. faite par Manuel à Paris : ~ce noble prince et bel vieillard" (Jean d'Orronvllle) ; "Tous ceux qUI l'ont vu ont ~~ frap~ de sa bonne mine et l'ont jugé dign~ de l'empire" (l'Anonyme de St Deni~), dans G. Schlumberger. Byzance et cro;sade.s, 116. Compliments des Turcs. Sphrantùs. loc .. elf. L'entrevue entre Manuel et Murâd fer à Bursa en 1387, ChaJcocondyle Darko, 1.42-43 ; ChromconZoras, 25-26 ; Sphrantzès, Bonn, 48-49 : Manuel. parvient à c~mer le s~1tan M~rtld 1er. qui l'appelle "Çelebi" et lui dit l'aimer comme un fils. lUI promenant 8Jde et soull.en et lUI co~sedlant d'~viter les contacts étrangers et de faire appel aux Turcs en toute nécessité. Cf. le diSCOUrs identique tenu par Murâd Il à Jean VIII, Syropoulos-Laurent. 183. 20L'~pisode de SelT~s (hiver 1393-94) : "L'empereur (Bajazet) étant à Serrès en M~cédoine, l'empereur grec (Manuel 11) était en visite à la Pone ( ... ) Poussé par Jean (VII). fils de le~pereur Andronic (IV, frère et rivaJ de Manuel), qui se trouvait sur place el touchait une pension de Bajazet, celui-ci s'emporta contre l'empereur (Manuel). On dit mêrTk: qu'il ~itait de le faire assassiner au roUIS d'une audience, mais changea d'avis peu après. L'homme qw empecha la perte de Manuel fut Ali, fils de Hayreddtn (Çandarh) avec lequel Manuel était li~ et qu'il subventionnait", Chalcocondyle·Darko. l, 74-76. Ce que confirme Manuel dans l'Oraison fuûbre pour ÛJ mon de son frère Théodore, éd. Chrysostomid~s, 140 : "Le sultan ordonna à.son g~n~raI sous peine de mon, de nous tuer pendant la nUÎt. M~s Dieu lu~ o!don~a de ne pas le f~re. A~SSltôt que l'assassin (Bajazet) sul que son général avait désobéi, Il lUI en fUI reconnaissant. La subvention versée par Manuel à Ali Çandarll est un motif développé par l'historiographie ottomane de la fin du XVe si~c1e en généraJ hostile aux Çandarh : selon A~lkp8.i8zâde, Manuel envoya à Ali "cent poissons remplis d'or ef d'argent". éd, AfSJZ, 137, anecdote reprise plus tard
par Sadeddîn,
~.
ParmakSlzoglu. l, 226-227 ; MUneccimbajl, ~d. ElÜnsal. ': 142 ..• Manuel el
Fazlullih : "Le Tek,fUr d'Istanbul avait confiance en FazJullâb" (Istanbul tekvün ana 1 tlmad eder idi) AflkpaiBUde-Atslz. 148 ; "Fazlullâ ~tait très ami avec le TekfUr", Oruç-Beg·AtsJz 70 ; "MevlW Fazlu1l4h avait l'amitié du TekfUr~, Sadeddfn, Il, 56, Sur FazluJlAh, cf. GOZ(l\ldl-1 Sultdn Murlid, ~d. Inalclk, 97. Les bonnes dispositions de Soliman Çelebf envers Manuel en 1402 :
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au domaine culturel et religieux. En glanant dans la vie de l'empereur et dans ses écrits des indications sur sa connaissance des choses turques et sur sa perception de la culture et de la religion musulmanes, il est possible qu'apparaisse entre les lignes un personnage moins conventionnel et plus attentif à la réalité culturelle turque, qu'une lecture rapide peut négliger. Dès lors, le témoignage de notre auteur peut n'être plus seulement répétitif d'une tradition byzantine cassante face aux infidèles qu'elle caricature volontiers, mais apparaître comme l'écho relativement fidèle d'une réalité turque contemporaine que l'empereur ne rejette pas nécessairement en bloc, sachant distinguer les idées souvenl inadmissibles pour le théologien, des hommes avec qui, pour le politique, un con\act fructueux est toujours possible.
Bi Les entretiens théologiques avec les Turcs
Le con\act théologique de première importance qu'établit Manuel à Ankara avec un savant musulman (maderris), pendant la campagne anatolienne de Bajaut en 1391, à la suite duquel il écrit une série d'Entretiens, est intéressant par luimême et bien connu. Mais il prend un tout autre relief si on le met à l'épreuve des SOurces musulmans, en tentant, par exemple d'essayer de déterminer si l'atmosphère religieuse et culturelle de l'islam turc à la fin du XNe siècle, telle que nous l'appréhendons à travers les sources musulmanes, correspond aux descriptions de Manuel. On doit aussi se poser la question de l'identité du müderris qui, les éditeurs des Entretiens en conviennent, n'a rien d'un personnage de convention pas plus que l'œuvre de l'empereur ne représente une fiction littéraire. Si l'on admet ces points, le müderris, qui est présenté comme un personnage important; familier du sultan, doit pouvoir être repérable dans un .É18t ottoman encore peu riche en lettrés d'envergure. pour peu que l'on étudie les dictionnaires biographiques (tezkire) concernant cette époque, le $akây.k'unNu 'mânîya de Ta§kliprüzâde en particulier, et les quelques monographies d'ulêma et de cheikhs qui se firent remarquer du temps de Bajazet. Mais il convient, avant "nam dispositio sua est esse ejus filium el non recedere a volontatibus suis", Iorga,
NOlel el
eXlraiu, R.O.L 2-3,258 ; Barker, Munueill. 251·252, 2&1-2&3. Manuel et Mehmed l~r. ibid. 287-289, 320 ; "Dites il mon Père l'empereur, d~cJare le sultan aux ambassadeurs b)'Z8nuns, que grâce il son secours, je suis enlli danll la possession de mes ancêlre.~, et qu'en souvenir de ce service, je lui serai dévoué comme un fils à son père", DoucIS, Bonn, 97. En 1421. l'entourage de Manuel Je pousse à s'emparer du sultan lors de son passage par Consranrinople. car on soupçonne Mehmed de vouloir s'emparer de la ville: "Je ne trahirai pas la parole que je lui ai donRte, déclare le vieil empereur. même si j'étais cenain que sa venue a pour bui de nous prendre noue libertl!-,
manière d'exprimer qu'après son long
~gne,
le souverain dissocie le
so~
de ~I'empire- ~~bond
de celui de ses sujets qui pourront vivre sous régime tUrt sans trop de dlmeult6$, à condlhoD de maintenir la paix il tOUI prix. Sur Manuel en Asie-Mineure avec Bajazet: B. Zachariadou. _Manuel Il Palaelogus on the Suife belween Bâyezîd 1 and KAdi BumAn al-Din Ahmad,." B.S.O.A.S. 43 (1980). 471-481.
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tau!, de dresser un invenwre précis de ce que nous apprend Manuel sur son interlocuteur, après avoir brièvement rappelé le contexte événementiel de la discussion21 • La scène se déroule, pendant l'hiver 1391-92, à Ankara, à la fin de la campagne miliwre de Bajazet contre le cadi Burhaneddîn, émir de Sivas. Les intérêts des deux souverains s'étant heurtés pour la possession d'Amasya, l'Ottoman engagea des opérations contre son rival, auxquelles dut participer l'empereur de Byzance, devenu un simple vassal du sultan. Au cours de cette halte hivernale qui dure un temps ..... pas tout à fait court", l'empereur reçoit l'hospitalité d'un notable turc dont il mentionne la fonction de mUderris (MOVT€p(ST/S). Pour oublier les soucis de la vie miliwre, dans une situation ~ement humiliante de vassalité à l'égard d'un souverain turc qu'il considère comme brutal et grossier, le basileus occupe les quelques loisirs dont il dispose, à discuter théologie avec son hôte musulman qui a manifesté le désir d'enrichir les quelques notions fragmentaires qu'il possède sur le christianisme; il en découle une série de vingt-six entretiens qui permettent aux deux hommes d'examiner les principaux points de désaccord entre les deux religions concurrentes22.
L'altitude double de Manuel dans ses contacts avec l'islam, est très clairement exprimée dans la dédicace de son ouvrage. Alors qu'il prétend rapporter " ... avec répugnance les inepties musulmanes", il affirme dans la même période oratoire, l'intérêt qu'il a pris à relater " ... ce que les propos du vieillard (le mUderris) ont de meilleur", Il a fait cela pour" ... amuser son frère", destinataire de l'ouvrage, ce qui semble un motif bien léger pour un texte composé de vingt six entretiens serrés! C'est que, en Manuel comme en tout lettré byzantin de son temps, il y a toujours l'impératif sous-jacent de justifier toute dynamique de contact avec les Turcs un peu trop voyante, par des raisons qui satisfassent l'orthodoxie sourcilleuse d'une Byzance menacée, elle bon ton liltéraire, En fait, malgré son détachement apparent, il prend un réel plaisir à converser, montre une connaissance certaine de l'islam, suivant en cela non seulement l'exemple de son "admirable grand-père" Cantacuzène, mais aussi de son père Jean V qui, nous
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apprenons ici ce renseignement inédit, n'hésitait pas à parler religion avec Murâd ler23.
.
La description de ces conversations est très vivante et donne une incontestable impression de vécu : les réunions ont lieu. l'au coin du feuil, en pr~ence d'un auditoire formé d'habitants de la ville et d'étrangers de passage, atllrés par la réputation des deux interlocuteurs. De simples curieux marne assIstent aux débats qui se prolongent fort avant dans la nuit, et finissent par S,ombrer da~s le, so~meil. Il est vrai que la difficulté des sujets abordés, par 1 mtermédlalre d un mterprète, ne devaIt pas faciliter les échanges, mais rien ne semble décourager l'intérêt populaire des Anatoliens pour les joutes interconfessionnelles, comme, il en sera question plus loin, Palamas l'avait constaté à Nicée quarante ans plus tôt.
Si les controverses restent serrées ct sans concession doctrinale, comme cela fut, la plupart du temps, le cas dans l'histoire des discussions interreligieuses entre Byzantins et musulmans, le ton, lui, frappe par sa modération, et, autant que faire se peut en ces matières, par sa relative objectivité: l'empereur désire non seulement décrire le plus exactement possible le déroulement des débats, mais, fait à remarquer, a souci de dépeindre son interlocuteur comme il l'a réellement saisi, c'est-à-dire comme un homme pour lequel il a de l'estime, voire une franche sympathie. Ce n'est donc pas le portrait noirci exagérement ou volontairement schématique de l'adversaire, campé par bien des controverses religieuses passées que nous livre l'écrivain, mais bien le personnage réel tel qu'il l'a approché, Les éléments que le texte nous fournit sur le müderris en sont d'autant plus fiables, L'empereur dit lui-même qu'il rapporte littéralement les paroles du musulman "... par souci de probité" 24
~ité par E. Trapp, Manuel Il Palai%gos. Dia/oge mil einem "Perser'" ; partiellement traduit par T. Khoury, Entretiens avec un musulman. 7e controverse, Sources Chrl,;eflMs .. cf. au~i P.G. 156. Sur le problème de l'idenlil6 du Müduris. je dois
La sympathie de l'empereur pour la personnalité du müderris transpar8l"t souvent dans les entretiens: dès la dédicace, Manuel dresse un tableau élogieux de son interlocuteur. Au caractère, ..... il est bien différent de l'odieux satrape (Bajazet)", C'est un esprit ouvert "... qui n'aime pas la chicane et qui se montre disposé à se laisser convaincre", Il est plein de la joie d'apprendre et a beaucoup d'estime pour la doctrine chrétienne. Il est, de plus, animé d'un désir louable d'obtenir des informations de première main sur le christianisme, et non par le prisme déformant des controversistes persans, arabes et turcs, car ceux-ci parlent de ce qu'ils ne connaisent pas et se contredisent dans leurs affirmations2S .
beaucoup aux renseignements fournis par F. Bayramoglu. Qu'il veuille bien trouver ici mes remerciements. Le leXIe du $alcâyik est Mité par A. S. Fural el traduit en allemand par O. Rescher. 22Sur le contexte historique de la campagne de Bajazet. laehariadou. art. cil. ; Barker-Man&U'I. 87 sqq, : Khoury, S.G., 22-28 : YU",I, Kad, Burha..ddin, 103 sqq. : F. Bayramoglu, Hac. Bayram·i Veti. 16-19. Sur la connaissance relative des titres turco-islamiques par Manuel. cf. les relalions tp;,'olaires avec l'Égypte de. Mameluks, H. Lammen" R.O.G. 9 (1907»,359·362, Et aussi son propre commentaire du türc de MevlAn! (pavAwvd's) : "le litre très honorifique accord4! aux plus respeelt, des Turcs", Tht ulters, éd. Dennis, 42, 48 ; Barker-Manue/, 471-473, Dans A§lkpapzade-Atslz. 160, Manuel s'adresse à FazlulUih de Gebze en l'appelant "Mevlânâ Kâdî",
23Trapp• 4-7 ; Khoury. 44-46. Le bon ton littéraire: "J'écris pour recourir aux ~gles linéraires du Dialogue", Khoury. 46. Manuel connait FAtima. Trapp 21. 22 ; l'exemple de CantICuùne, ibid .• 6 ; 1e.1i discu5.liionlô théologiques entre Jean V et Murâd 1er, ibid .. 17 ; Khoury 53. 24Ibid .• 18·21,43-46, 25 lbid .. 25, 45, 47, 157 : Tmpp 15.
21t.e texte des Entretiens est
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Quant à la place et à la fonction de son interlocuteur, Manuel a conscience qu'il s'agit d'un homme important: si l'empereur cite le titre de madtrris, il n'en explique pas la signification, mais il précise que" ... c'est un docteur vénéré et écouté de tous". Il est ..... maître en religion". C'est un homme d'un certain âge, sans que le mot utilisé par Manuel puisse faire préjuger de son âge réel, "vieillard" (ytpoJV) en grec ecclésiastique désignant le niveau de maturité tout autant spirituelle que hiérarchique. Il n'est cependant pas très jeune car il a deux fils en fige de participer à une discussion ardue, aussi ouverts que leur père quant au caractère, ..... gens doués de sens et de sagesse", l'un des deux étant probablement juge26 . C'est un homme riche et chargé d'honneurs, capable d'accueillir chez lui un empereur et sa suite pendant une longue période. C'est un familier de la cour de Bajazet, mais, presque autant que Manuel, il est très critique à l'égard du sultan. Il est arrivé récemment de "Babylone". Il parle non seulement le turc mais aussi le persan et l'arabe, langues dont il se sert en a-parté quand il ne veut pas être compris de l'interprète qui, lui ne connaît que le grec et le turc27 . Si l'on en croit Manuel, les positions intellectuelles du Turc semblent relativement souples par rapport à sa propre loi, puisqu'il dit être prêt à se convertir au christianisme s'il est convaincu par l'argumentation de l'empereur. Le lecteur moderne voit plutôt là un moyen habile d'encourager le Grec à développer largement la controverse dans l'espoir de convertir son interlocuteur. Le basileus souligne aussi que le müderris " ... s'est affranchi de l'interdiction musulmane qui défend de discuter avec les chrétiens, gens trop bien armés pour la dispute religieuse". Tout au long des entretiens, une certaine intimité s'installe entre les deux hommes, encouragéc par une affinité de caractère qui, au delà des divergences religieuses, les rapproche. : tous les deux ont une opinion réservée envers le sultan, aversion chez Manuel, regret du caractère excessif du souverain chez le mUderris. Ce dernier a d'ailleurs maille à partir avec Bajazet qui finit par le révoquer. Les deux interlocuteurs restent courtois et polis même dans les plus nets désaccords. Manuel déclare avoir de l'amitié pour le Turc. Ils plaisantent volontiers entre eux: le maderris demandant par exemple à Manuel une partie de sa chasse pour prix de son retard au rendez-vous lors d'un des entretiens, Manuel rétorque qu'il est d'accord si son hôte accepte d'en manger car c'est du sanglier ,28 En résumé, les entretiens nous apprennent un certain nombre de points concernant le maderris : homme d'un certain âge, docteur de la loi islamique, vénéré par les siens, fin lettré, il est riche et comblé d'honneurs. C'est un familier du sultan, envers lequel il a une attitude réservée qui entraîne peut-être sa révocation. Il a deux fils dont l'un est juge, Au moment du débat (fin 1391), il
26Khoury, 45, 47, 25 ; P.G. 121. 27Khoury, 45, 213: Trap; 212, 249, 294; P.G.. 121. 28 Kho Ul}', 45, 47 ; Trapp, 6, 35 : Manuel, The Lel/er." 50, 51 ; Trapp, 59, 61, 125 : Khoury, 213,55, t57 : Trapp 75: Bayramollu, 45; Trapp 190: P.G.. 120 nI 8.
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vient d'arriver, de "Babylone", à Ankara. Mad.ms recevant un empereur cbez lui, on peut supposer qu'il réside à Ankara, dans la medrese qu'il dirige. C'est donc une personnalité de tout premier plan. Il reste à voir ce que donne la confrontati?n de ces quelques renseignements avec les sources islamiques contemporames. Si l'on consulte le $akâYlk'un-Nu'mllnîya de Ta~kôprüzide, on peut constater qu'un premier savant du temps pourrait correspondre à notre mUdems. Il s'agit de Molli ~emseddîn Fenârl (1350-1431). Devenu tout jeune madems de la medrese Manisur de Bursa en 1368, il poursuivit une carrière brillante de savant et de juriste sous le règne de Bajazet et de ses successeurs, après des études en Égypte où il eut pour condisciples Ahmedî, Hacl Pacha et Bedreddîn. Son âge, la quarantaine, ce qui en fait le contemporain exact de Manuel, et sa position en vue pourraient convenir à l'épithète de "vieillard" que donne l'empereur au madems : car Fenârl, depuis son jeune âge, avait occupé des postes importants. Il avait de plus, plusieurs fils dont un, Mehmed Châh, fut aussi un célèbre made Tris. A un certain moment de sa vie, Fenârl se brouilla avec Bajazet, comme le maderris des Entretiens, et s'enfuit à Karaman d'où le sullan finalement le rappela. Le voyage à "Babylone", signalé par le texte grec, peut correspondre à un séjour au Caire où Fenarî avait fait ses études. Il y a enfin que certaines traditions populaires de Bursa, font état de contacts entre Fenân et l'empereur byzantin. Un point cependant achoppe: dans la vie de Fenârî, il n'est jamais question d'un séjour prolongé à Ankara où le savant aurait occupé une quelconque fonction de maderrii29 • Un autre candidat à l'identification, pourrait être le fondateur de l'ordre des Bayramî, Hacl Bayram Velî, dont la vie, elle, est liée étroitement à Ankara. Hacl Bayram est né soit en 1352, soit en 1339/40, dans la région d'Ankara. Il devint, selon T~kôprüzade, à un moment de sa carrière, müderris de la Kara Medrese d'Ankara fondée par Melike Hâtûn et bien attestée par la suite. Familier de Bajazet, comme le müderris des Entretiens, Hacl Bayram l'est à plus d'un titre. Selon San Abdullâh Efendi, Hacl Bayram tout en restant maderris, occupa le poste de kaplclba~1 à la cour de Bajazet. Il était donc un personnage doublement important. Il était en outre, l'ami d'Emir Sultan, gendre de BajazetlO . Le penchant 29Sur ~emseddÎn Fenm, SakdYlk-Furat. 22 sqq. ; Rescher 11 sqq. ; ~.l.. • Fenâri-Zâc;Je •. Fenlri cn Égypte avec Ahmedî el Haci P~a. Ahmedi, Iskender-Nâme. ~d. Vnver, 3 ; avec Bedreddin ~ Samavna. BedreddÎn-Kurdakul. 332. nt 107. Cf. aussi Gibb. Ottoman Poelry, 261 ; Hüsc)'tn HUsameddin. Molla Fenân. TürA: Tarihi Encümeni Mecmllosi. 18 et 19 (1926-1928). Evlty8 Çelebî. St'yaha'na~. td. Zillioglu. 386. Sur la querelle enlre Bajazet et Fenlri. Dindar-Wdriddt. 13. Contact entre Fenâri et l'empereur de Byzance, d'après les traditions populaires de Bursa. C. Atabeyoglu. «Mollah Fenarilt, Ye~.il Burstnun Sihirli Oyküsü 21 (1985), 10. Il.
30Sayramollu-Hacl Bayram. 1. 12 sqq.• sur la vie de Bayram ; voir aussi Mecdi ECendi. Tercilme-; $alcayiJc. 77 sqq. La Kara Medrese d'Ankara: un documenl de 1571 dit qu'elle Cut fond6c par MurAd
1er el donnée en Waqfà Hacl Bayram. BayramoQIu. op. cit" II no 116 et 117. Bayram. KaplcllNq. de Bajazet. San Abdullah Efendi. SemerdlU'1 fudd. 233-34. Bayram ct Emir Sultan. bmail Hilli Bursavi. Kilab-•.,ilsilendme, 73-74, cl S. Çoruh. Emir Sulran, 189-190,213.
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pour la boisson et pour les plaisirs de la table que Manu~1 ~ttribue à Bajazet, trouve un écho dans les sources turques: selon le MenlJklb'l Hacl Bayram. ce dernier serait venu à Bursa, voir la nouvelle mosquée que construisait le sultan : "n manque, aurait dit le cheikh, une chose importante à cet édifice : il faut installer une taverne (meyhane) aux quatre coins de la mosquée, ce qui encouragera le souverain à venir prier plus souvent." Le sultan comprit la leçon et renonça au vin 31 .
UNE AIRE DE CONCILIATION RELIGIEUSE
11- ÉGLISE BYZANTINE ET CONCILIATION RELIGIEUSE 1- LA CONcn.IATION CoMME RéPoNSE A L'ISLAMISATION A) Ampleur du
Il nous faut donc commencer par envisager le problème de la conversion à l'islam dans sa durée, de la première invasion turque jusqu'à la fin de Byzance (XIe-xv' siècles). Il conviendra ensuite de tenter une rapide typologie des conversions et des convertis. matière extrêmement diverse et variable, avant d'envisager les différents moyens de résistance à l'islamisation utilisés ou conseillés par l'Église à ses fidèles, du martyre et du crypto-christianisme jusqu'à ,une attitude de conciliation et une intégration active dans la société turque.
31Sajazec et la boisson: Manuel parle des banquets fon 8JTO~S que lui impose le sultan pendant le séjour à Anltaœ. Trapp, 120-121. Àj.kp8j8ZJde
~voque
la mauvaise influence d'Ali Çandarh et
de la femme serbe du sultan qui organisaient beuveries sur beuveries (~Laz klZl, Ali PAil mu'Avenctiyilen, ,arab ve kebab meclisi kuruJdu"), ~d. AtSJZ 138. L'anecdote du Menâklb-, Haci Bayram est citk par BayramoAlu. op. cit.. 1. 47. Sadcddin anribue cette histoire à Emir Sultan, 6;1. Parmakmotlu, l, 223. ' 32Bayram et Hamiduddin Ak.."",yl, Sayramoglu, 19. Le, deux fils de Sayram, ibid .• 17,85,86. 33An kara "royaume de Sayram". cil. par E. S. Sapolyo, Turi"" MecmuaSl Il (1968).88. La larilat de Bayram sera 13 plus lurco-anatolienne des trois grandes confréries turques, les bdta~f ttant devenus plus rouméliotes et les mevlevi restant proches des origines persanes de leur fondateur. ms l'origine, la plupart des disciples de Ba)'ram ne comprennent que le turc, Ba)'ramotlu, 45. YazlCIOllu Ahmed Biean, disciple de Bayram, explique qu'il écrit en turc pour ~tre compris de tous, ibid., loc. cil. Pendant toute l'~poque oltomane, Bayram est consiMr6 comme le saint protecteur de la dynastie et de l'Anaiolie (Osmanojullannm ve Anadolu'nun koruyucusu), ibid., 39-40. La lorital compta en son sein les plus importantes personna1it~s politiques, litt6raires et religieuses du XVe si~cle : MurAd n lui-même, E. ~apolyo, Mel.Mpler vt'
phénomène de conversion
La conversion massive de chrétiens à l'islam, nous l'avons vu dans la partie politique de cet exposé, est un phénomène qui préoccupe gravement les élites byzantines, politiques comme religieuses. En l'absence d'appui politique, le bras séeul~er grec étant de ~us en plus défaillant, les dirigeants ecclésiastiques vont deVOIr trouver d'autres solutions que la pure et simple opposition par la force extérieure au concurrent religieux. S'entendre avec le vainqueur va devenir non seulement un moyen de survie mais dans les cas les plus favorables, une façon d'enrayer la fuite des ouailles vers l'islam en leur montrant, par l'exemple des clercs, qu'il est possible, même vaincu politiquement, de subsister religieusement, même, à l'occasion, de prospérer matériellement dans la nouvelle société, et de toute façon de progresser ainsi moralement en se conformant aux vieux modèles scripturaires des fidèles vivant en société païenne (Jacques le Perse, Esther chez Assueurus etc.).
L'épisode, même déformé, peut être un écho du désaccord en ce domaine, entre Bajazet et son entourage, écho qu'auraient recueilli aussi bien Manuel que les auteurs turcs. Hacl Bayram, selon ses biographes, semble avoir quitté un jour, très brusquement, la cour de Bajazet, sans qu'on ait une explication certaine de ce départ soudain. Selon certains, ce serait pour des raisons spirituelles, selon une motivation fréquente en soufisme. Hacl Bayram aurait été invité à Kayseri par le célèbre cbeikh HamiduddÎn et il serait resté en sa compagnie pendant dix années au cours desquelles ils auraient voyagé un peu partout au Proche-Orient. Ce départ dut se situer entre 1393 et 1397, période qui correspond aussi à un moment où Bajazet sévit contre la corruption des cadis de son empire. Hacl Bayram, comme l'interlocuteur de Manuel, a plusieurs enfants, ses deux fils aînés s'appelant Ahmed Baba et Baba Sultan 32 • Ainsi le fondateur de la plus officielle et de la plus turque des trois confréries anatoliennes, pourrait bien être l'hôte de Manuel II en 1391 à Ankara, ville qui deviendra la cité mère du futur ordre BayramÎ. Cela pourrait expliquer la position installée du mMerris des Entretiens dans une ville dont un contemporain disait qu'elle était " .. .Ie siège du royaume d'Hacl Bayram au même titre qu'Edirne était celui du sultan". S'il en était ainsi, la rencontre entre l'un des derniers grands théologiens et hommes politiques de Byzance finissante, et le fondateur d'une tarikat qui symbolisera toujours l'islam mystique turc et anatolien le plus typique, prendrait une valeur particulièrement significative33 .
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Dès l'arrivée des Turcs aux XIe. XIIe siècles, le phénomène d'islamisation se manifeste largement, touchant les élites comme le peuple. Nous avons parlé du passage à l'islam de certains princes. On peut trouver la même chose dans les couches populaires où les conversions et les mariages mixtes donnent naissance à une génération de double origine que l'on appelle à Byzance, muobarbares ou turcopouloi. Aux siècles suivants, avec la décrépitude politique grandissante de Byzance, face aux Turcs dont les armes semblent de plus en plus invincibles, le processus s'accentue. Les mariages turco·chrétiens vont se multiplier entre princes et notables, et les conversions s'accentuer d'une façon critique: les mots pour désigner les apostats s'enrichissent à proportion de l'augmentation de leur nombre: on les appelle "chrétiens agarènes", ahnyan, bourmalcidh~s etc. Chaque jour, dit un auteur du XIve siècle, ..... des foules de chrétiens deviennent musulmans". A la fin de l'empire et aux lendemains de la chute de Tarikatlar Tari";, 448. Je p~te ~eyh1. les f~res YUIC10llu, le cheikh de Mehmed Il, Ak~mseddtn
elc. Bayramollu. SI.
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Constantinople, la cérémonie de passage à l'islam est un spectacle courant que décrivent les observateurs étrangers34. Une typologie des convertis peut même être dressée par certains clercs, Car les conversions cachent des motifs aussi différents que les types de convertis euxmêmes le sont. Face à l'invasion turque, le cadre ecclésiastique se désorganise et les fidèles se retrouvent sans pasteur, ce qui entraîne un premier cas d'islamisation. La constatation des revers incessants des chrétiens sont aussi une puissante raison de ralliement à la religion du vainqueur. Il y a également ceux qui vont faire fortune chez les Turcs, aventuriers de tous poils qui réalisent les opportunités de la nouvelle société laquelle fait parfois figure de mirage pour "hommes nouveaux", ayant tout à gagner de l'abandon de leur ancienne condition servile ou besogneuse. Il y a les cas de conversions par contrainte. Il y a enfin les gens qui fuient le territoire byzantin pour des raisons aussi diverses que personnelles. Une fois le pas franchi, les nouveaux musulmans ont des attitudes diverses : certains versent dans le zélotisme, d'autres restent attachés affectivement aux traditions de leurs pères, d'autres encore adaptent leur nouvelle foi à l'esprit de l'ancienne et adoptent une attitude syncrétiste (adoration des icônes, culte des saints etc.). II y a enfin ceux qui regrettent leur conversion et deviennent crypto-chrétiens, ou néo-martyrs3S •
B) Les réponses de l'Église el des clercs Face à ce phénomène massif et divers, l'Église byzantine adopte une attitude très variée qui n'est pas sans dénoter une grande hésitation qui la fait balancer entre condamnation et souplesse envers les apostats, allant parfois jusqu'à encourager le crypto-christianisme. Sa perplexité vient en premier lieu du
34La ~férence à Jacques le Perse eSI dans Acrn du Pa/Tiareal. éd. Darrouzès. l, 6, 142. Mixobarbares el tu.rcopoulo;, ahrtyan. elc. Vryonis, B.K.M.. III. 132 sqq .• 145. Les nfoules de chrétiens" islamisés. Cydonès. Apologie dans Mercali, Notizie. 374. Rituel d'islamisation. Schiltbergc.v. td. Telfer, 74-75 ; Banholomée Georgevitch. dans Vryonis- Decline, 359. nt 17 ; Postel. De la république des Turcs. 42. 35Typologie des convertis. Monte Croce. trad. Cydonès, P.G. 154, 1 lOS. Diocèses asiatiques sans pasteurs. Athanase. Correspondence. 57. 139, 332 sqq, Victoire musulmane. facleur d'islamisation, infra; l'islamisation pour l'ascension sociale: "gagner de l'argent. devenir des nDiables. vivre dans le luxe". Syméon de Thessalonique. Balfour. 56 ; pour le vizir de Mehmed Albanais converti, c'e!oit le pa..sage à l'islam qui a permis à beaucoup de troquer "leur humble condition pour une grande destinée", Doukas, Bonn. 129-130; voir aussi la confession de Paul Tagaris, M.M.. U. 225 sqq .• qui a fait carrière en pays musulman. Conversions par contrainte. SYfliU/Jire. /, 156. 189 etc ... ; Barlaam. Discours à Benoit XII. P.G. 151,1334. Un Grec qui s'est fait musulman "par d~pit", Acte.or du Patriarcat. l, 6, 179- J80. Convertis zélotes, SyméonBalfour : "ne parents chrétiens, Pazarlès étail acharné contre les chrétiens", J84. Anciens chmicns "aimant les croyances de leurs père!oi n , Manuel )', éd. Khoury, 147. Syncrétisme. Hasluck-Christianity. pass~m ; crypto-chœtiens : dès 1338-39, à Niœe. "ceux qui par crainte gardent la foi dans leur cœur", Actes du Patriarcat, 1. 6. 142. Néo-mBnyrs, Synaxu;re, pa.c;sim, ; Delahaye. «Le manyre de St Nicétas le Jeune». MllanRtS G. Schlumberger. 1,205-211.
rr.
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fait que les clercs eux-mêmes sont touchés par l'islamisation ; les sources musulmanes sont, bien-sOr. intarissables sur ce sujet : les conversions de moines, de prêtres ou même d'évêques sont un lieu commun des épopées historiques ou de vies de saints musulmans. On pourrait considérer cela comme une exagération hagiographique musulmane. Mais les sources byzantines et occidentales confirment le phénomène et enregistrent le passage à l'islam de bon nombre de clercs: tel papas réprimandé par ses supérieurs devient musulman et pille le territoire grec avec ses nouveaux coreligionnaires, tel higoumène fuit avec tous les trésors de son couvent et adopte l'islam pour s'assurer l'impunité36 . En dehors de cette option radicale, la majorité des clercs qui veulent rester fidèles à leur foi se trouve néanmoins confrontée à la grave question de l'attiblde à adopter face au conquérant. Les réponses sont diverses. La première Raction est un raidissement qui peut être double: résistance morale sans concessions - les musulmans sont des barbares avec lesquels il n'y a aucun accommodement possible, ni politique ni moral-, ou résistance physique qui consiste à organiser une opposition armée dirigée par l'autorité ecclésiastique en l'absence du pouvoir politique défaillant. La première est fréquente, la deuxième plus rare. Mais avec l'extension massive de la domination turque, ces deux attitudes deviennent la plupart du temps intenables et sont obligées de céder le pas à des comportements plus souples selon lesquels on accepte de composer avec les vainqueurs en l'absence d'autre issue possible. En cela, on peut vraiment dire que c'est le danger d'islamisation qui engendra, chez les représentants de l'Église byzantine, un gamme d'attitudes conciliatrices, véritable instinct de conservation religieux et culturel. Par opportunisme, ambition personnelle ou rancœur vis-à-vis d'une autorité patriarcale lointaine, à la fois inefficace et tatillonne, beaucoup de prélats ~réfèrent reconnaître le nouveau pouvoir turc avec lequel on collabore !ouvertement, quitte à quelques fois rompre avec Constantinople. Le cas de IDorothée de Périthéorion ,qui <Je_cupe son siège éJlis.:.opal_avec l'aid,,-~es Tu~ ,contre les décisions de l'empereur et du patriarche, est un cas extreme mais significatif du jeu turc de certains prélats. Certains prêtres, pour donner d~ gages de bonne volonté aux conquérants, ont des agissements condamnés avec vigueur, mais le plus souvent en vain, par la hiérarchie. Des clercs livrent leurs ouailles aux Turcs, comme ce Léontios de Balbissa accusé d'avoir livré aux infidèles une chrétienne adultère. Prétres et moines, non seulement font affaire avec les Turcs, 36Encouragement à la pratique secrète du cluislianisme. Acles du ~U!,!arcal, loc. cil. Les c~tien.c; sous domination musulmane "qui observeront selon leurs posslblht~s . les commandemenlS de Dieu, obtiendront aqssi le !oi8lu'" ; "!oians doute l'ennemi ~ous domi~ mAIS YOu.c; reslez ~ de votre âme", ibid .• 153. Conversions de clercs, Méhkoff-Ddlll" 1., 110.210-221 • Anal. Derviche.f tourneurs, Il. 111-112 ; 1. 565, 107, 184; HlCl Bekt~, Vl/dy~lnd".e, S6. K~drinos
Skylil~s, P.G. 122.64 : Buondelmonli, ~d. Legrand, 238 : Doukas, Bonn 2~7.
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mais vendent des lieux de culte aux musulmans. Voulant s'intégrer à la nouvelle société, ils en adoptent usages, coutumes et langue, "barbarisant", comme disent les actes ecclésiastiques. Servant d'ambassadeurs pour les sultans, ils leur accordent les fOJlllules hiérarchiques réservées aux princes chrétiens ("mon fils", "le saint sultan" etc.)37. Ils sont, en échange, reconnus officiellement par les autorités turques, et peuvent alors, dans le meilleur des cas, servir d'inteJlllédiaire entre Byiance et les musulmans, se réclamant conjointement des deux autorités. Leur position en territoire islamique est souvent bonne, et certains clercs en difficulté avec leurs supérieurs menacent parfois de les imiter en passant chez les Turcs. D'autres vont jusqu'à faciliter ou même provoquer la conquête turque pour secouer un pouvoir local détesté: le métropolite de Salone appelle les Ottomans contre la comtesse franque de la place; Dorothée d'Athènes ouvre la ville aux Turcs et les autorités ecclésiastiques de Janina négocient avec les envahisseurs, ce qui fait soupçonner de trahison, dans certaines circonstances critiques, les plus hauts dignitaires comme le patriarche Mathieu accusé de vouloir livrer Constantinople38 . L'attitude politique adoptée par les moines envers les conquérants turcs, semble anciennement dictée par une volonté d'éviter si possible une résistance qui compromettrait le fonctionnement des communautés. L'Athos paraît avoir joué très tôt avec les Turcs, un jeu diplomatique propre. Une tradition certainement apocryphe mais significative d'une réputation, veut que les moines de la Sainte Montagne aient reconnu dès l'époque d'Orhan, la suzeraineté ottomane. Unfinnan édicté à Edirne affiJllle, selon Smyrnakès, que" ... Ies Hagiorites sont devenus sujets ottomans avant les autres raya et ont joui d'exemption et de la protection du sultan". Les moines athonites non seulement mènent des ambassades auprès des sultans comme à Serrès en 1396 auprès de Bajazet, mais ils reconnaissent le pouvoir ottoman bien avant la chute de Byzance,_~DJ"23. Un acte de 1404 interdit tout contactde;'~thonités avec lesTurcspour éviter que les monastères " ... ne recommencent encore une fois à se soumettre au sultan". Les higoumènes
voyagent en pays musulmans pour racheter leurs moines prisonniers. Les monastères font sans gêne des opérations immobilières avec les musulmans, ont de bonnes relations avec eux dès la mise en place des nouvelles autorités, semblent profiter des bonnes dispositions de personnalités comme Ali Pacha, protecteur des chrétiens, ami de Manuel et gouverneur de l'Athos pour un temps39. L'Athos n'est pas une exception. Le monastère de Saint-Jean Prodrome à Serrès, selon une tradition qui rappelle celle citée ci-dessus à propos des tractations diplomatiques anciennes entre la Sainte Montagne et les premiers sultans, aurait, selon un chroniqueur turc, envoyé dès le début du XNe, des émissaires auprès de l'émir oUoman. Ayant, dès ceUe époque, prévu l'inéluctabilité de la domination turque, ils auraient cherché à obtenir par avance des privilèges! Quoiqu'il en soit de ces traditions, un fait est certain, c'est que les propriétés athonites furent peu touchées par la conquête ottomane, moins parfois que par la politique d'accaparement des biens monastiques des Paléologue. SaintJean de Serrès aurait bénéficié d'un firman dès avant la prise de la ville, et c'est peut-être sous l'influence de ses moines que la cité obtint des conditions assez favorables de la part des conquérants. Même en Asie où les spoliations furent plus graves et le recul ou la fuite des communautés très ample. un certain nombre de couvents gardèrent leurs propriétés et continuèrent à fonctionner pendant toute l'époque ottomane40 . Les privilèges ottomans accordés aux couvents, peuvent avoir, entre autres causes, récompensé certaines collaborations aclives où les moines s'allient avec 39 a . Smymakès. Tà "A)'to,," 'Opas. Athènes 1903. 109. Athonites chez ~aiazet le.t, ACles. de lAvra. Lemerlc, IV 1 187. Ralliement officiel des athonites à Munid 11. Schrcmer, Klt".chro~lun. 1.473 et 11 422 sqq; lérissos est turque en 1425. selon Pietro Zeno. ActeJ' de Lov,a, l~. 61. LActe
de 1404 qui interdit aux moines de \' Athos tout contact avec les Turcs pour II!vlter que les monastères ..... ne recommencent encore une fois à se soumellre peu à peu (au suhanr. ~~ de Manuel 11. éd. Arkadios Vatopedino!i. G.P. (1918), 2. 451 ; ACles de KasramoRlI~u. Oikonomidè.'i. 56-59 ; Docheiariou paye le haruç. dès la fin du XIVe siècle. Acles d~ D(I(.:heiarwlA. éd
37Dorothte de P6rilhéorion. Actes du Patriarcat. 1 6. 32, 42, 44. 45. Uontios de Balbissa, Cahen·Pré-olt. 167. Tractations fonci~res entre moines el Turcs, Actes de Lavra, Lemerle, III. 184 ; Actes d'Esphigminou, Lefon. 169 ; vente d'une église par un higoumène à un musulman, Acles du Pa/l'itJrcal. 444. Clercs "barbarisant" Vryonis·Decline. 453 ; Constantin Acropolite, P.O. 140, 820; Douka.". Bonn. 257 Moines ambassadeurs des suhans, InaJcIk.·Tetkikler, 8 ; Iorga. R.O.L.. IV, 2.3. 240. Un métropolite d'Asie-Mineure est accusé par un de ses collègues d'avoir appelé 1'6mir local "son fils" et s'être qualifié lui·même de "père" du Turc, M.M. l, 236 ; "Le saint et illustre sultan", Savvidès. Bywntium. 125. 38Bu4t d'În':estÎture des métropolites. Sûret·' de/1er. éd. Inalclk, 148, 162. J86, 200 ; 8eldiceanu. Acles de Mehm.ed Il. 137. Bonnes conditions des clercs en territoire musulman, M.M., Il. 86-87 ; le dtcrel de Sinan Pasa pour lanina par ex .. Amanlhos. 7f""pwnKd XpoVtKd (1930) 207-209. Mtlropolile s'appuyanl sur les Turcs. MM, 1.412 : JI, 92. 200. PrelalS servanl d'inletJ116diaire entre Byzance et les Turcs comme Macaire de Pisidie sou." Michel VIII, Pachymère, Failler, 336·338. 346-349. Le métropolile de Salone, Chalcocondyle. l, 61-62 ; ChronieonZoras, 31·32. Dorolhœ d'Athènes, AC/l.f du Patriarcal. 199-201. Le patriarche Mathieu et les Turcs. M.M. Il,463-467.
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Oikonomidès
269-271. Higoumènes en pays musulman. ACles de DlOnyslOll. éd.
Oii(Ooomidès, 12 ;'Acle,f de KOlltloumolls. Lemerle, 134·137. OpératioM immobil~re....: emprunt" souscrits auprès des Turcs, Acte.t de KastClmonilOu, 9; Esphi/(menou. 167·169, tractatIOns entre ce dernier monastère et Ali Çandarh. Ali gouverneur de l'Athos. G.P.• 2,450. 40L'ambassade des moines de St Jean de Serrès auprès d'Osman. est rapportte par Yaztclollu, F. Tae:schner et P. Wittek. «Die Vezirfamilie des Gandarlyzidelt, Der.lslam 18 (1929), 72 ~t. 1. ~ traditions concernant des ambassades des grands monastè~s onentaull auprè~ des dm.ge 1 et musulmans pour conserver leurs privilège~ sonl t~s .. anclennes : Ste .Ca~henne ~u S~na e Muhammad. K. Amanlos. Hi.ttoire du n!OIuJS!ere du Smw (en grec). 26.~7 • S8.lnt Macau-e d É&Yire et le Prophète, J. Van Ghistele. Vo)'oRt en tRyptt. 134·135 ; Mar Gabnel du TOrabd!n..et le cal. Omar, M.H. Dolapônü. Deyr d·Umur Tarihi, 63. DeUll moines en\'oy~s en 79~ par I,.mptnlnce Irène pour traiter avec un chef arabe qui dévastait la Cappadoce et la Galant. Janln·Orands Centres. 24. E. Zachariadou, Variorum. XV, 1 sqq. Bonnes cond~t~ons de Sems sous I~ Turcs : pa." une église n'avait été transformée en mosqu~e selon une ttad~t\on l,ocale. Papageorglou. B:l. 3 (1894) 246·247. Sur les monastères anatoliens et leur survie à J6poque ouomane. JanJOGrands Centres, r6gion pontique 121 ; Mysie·Bilhynie, 139, 147, 155. 163. 165. 111, 183. 187.201.203.210 elc ..
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les musulmans, leur servant d'indicateurs et les faisant ~néficier de leur connaissance locale; les traditions grecques, turques ou occIdentales gardent mémoire de tels faits. Les moines des Vlattades de Thes~alonique auraient conseillé à Murâd JI de couper le ravitaillement en eau de la vIlle, durant le siège de 1430. Le supérieur de Kesariani, selon Jacop Spon, aurait aidé les Turcs à prendre Athènes. C'est un moine q~i c~nseille à ~ehm~ JI de construire Rumeli Hisar en 1452, selon Evliya Çelebl. C est un mome qUI détourne les fonds pour la réparation des remparts de Const:mtinople a~ant le siège. Ce ~nt des,,?oines venus d'Asie-Mineure en Crète, qUI sont quahfiés par les autontés vémtiennes "d'amici et benevoli Teucri" pour leurs agissements turcophiles41 ,
C) Église bywntiM et pouvoir turc : une alliance de facto L'accord tacite qui semble tôt s'établir entre clercs, moines byzantins et conquérants turcs, n'est pas fondé sur le seul désir de survie des premiers. Il correspond probablement aussi à l'intérêt politique et institutionnel des seconds qui ont à mettre en place non seulement une structure étatique civile, mais aussi une hiérarchie religieuse tenant compte de la diversité confessionnelle de leurs sujets et de la nécessité de structuration de l'islam ottoman longtemps ballotté par les tendances des derviches anarchiques. Autant dire que, par le jeu des circonstances politiques, décadence du pouvoir civil byzantin et turbulence des mystiques turcs, Église byzantine et autorités ottomanes eurent d'importants intérêts communs. A la fin du Moyen-Âge, en effet, le christianisme byzantin et l'islam turc sont en crise. Ces crises sont autant dues à des facteurs internes qu'à leur confrontation multiséculaire. Du côté byzantin, nous assistons à un phénomène de rééquilibrage du pouvoir et de changement de centre de gravité dans la direction de la société. L'un des éléments de l'ancienne synarchie politico-religieuse fait, en effet, de plus en plus défaut: le pouvoir impérial est à la fois politiquement faible et peu fiable dogmatiquement de par ses accointances latines. L'autorité religieuse, face à la carence du gouvernement impérial, a tendance à se substituer à lui, lorsque son influence diminue ou disparaît complètement sous la pression de l'invasion turque. Dans les provinces byzantines abandonnées à elles-mêmes, l'évêque remplace souvent le gouverneur dans l'administration du temporel. De plus, c'est le monachisme qui fournit la plupart des cadres supérieurs de l'Église. Un peu 4].Certaios des moines des Vlattades «ri virent au sultan: si lu veux prendre Salonique. coupe l'aqueduc qui alimente la ville". Chronique de Hierax, Sathas, M.B. l, 251. Kesariani. communication de M. Kiel. Moine el RumeU Hisar. Evliya Çelebi, ~d. Hammer, J. part. 2. 66-61. Moine qui d610ume les Conds pour la liparation de~ remparts. Runciman. Chute, liS. "Amici Teueri", Thiriet-Asumblles. JI. 23 J.
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paradoxalement, la fraction la plus contemplative du clergé va prendre une place d~ plus e~ plus ~tive ,dans la gestion des affaires du monde et c'est le spectacle dune soclét à dIrection ecclésiastique et monastique qui s'offre souvent aux Turcs lo~qu Ils ~nètrent dans une province ou assiègent une ville byzantine, Le cas de Phlladelph .., gouvernée et défendue par son évêque pendant de nombreuses ann~, nous l'avons vu, n'en est que l'exemple le plus connu. Celle vision d'une SOCIété ~héocratiqu~ chrétienne - de facto sinon de jure - dans les régions en passe d être conquIses, JOInte aux conceptions propres à l'islam en matière d'encadrement. des dhimmÎ par leurs propres chefs religieux, exerça probablement une Inlluence Importante dans la future organisation des millet ottomans.
7.
Le malaise religieux à Byzance, vient aussi de la prise de conscience que la seule solution possible devant l'invasion musulmane, réside dans une attitude de conciliation politique vis-à-vis des conquérants. Cela apparut avec force lorsque les Turcs commencèrent à envahir les provinces européennes de l'empire, plaquerefuge jusqu'au milieu du XIVe siècle, pour les réfugiés de l'Asie byzantine. Les Turcs en Europe, cela signifiait qu'il n'y avait plus de zone d'où pouvait partir le ~établ!ssement de l'empire. Le fait est nouveau pour les Byzantins: à l'époque des IDvaSlons arabes ou seldjoukides, c'est d'Europe qu'était venue la reconquête comme à l'inverse, elle était venue d'Asie pour reprendre Constantinople aux Latins. Dans la deuxième moitié du XIve siècle, les Turcs étant partout et exerçant une pression non seulement politique mais religieuse. en convertissant à la religion concurrente une grande partie de la population conquise, il apparaît à beaucoup qu'il faut composer ou prendre le risque d'être assimilé par les vainqueurs. Alors qu'à Byzance, le pouvoir des mystiques, en la personne des moines, croît au détriment des autorités civiles défaillantes, les Turcs connaissent aussi une crise religieuse engendrée par le délicat problème des relations entre les mystiques et l'autorité politique. Mais le malaise est ici différent. A Byzance, c'est dans le but de sauver un ordre social et d'assurer une continuité administrative que l'Église accepte de prendre le relais du pouvoir politique décadent. Elle œuvre donc pour le maintien de l'ordre établi et fait figure de facteur stabilisant qui neutralise partiellement les risques de dissolution sociale dûs à la décrépitude de l'Empire.
Les mystiques turcs sont, au contraire, un élément perturbateur, à tendance anarchique et centrifuge, qui lutte systématiquement contre toute construction étatique et contre toute tentative de mise au pas par le pouvoir politique. L'État seldjoukide de Konya avait déjà eu à pâtir gravement des révoltes mystiques, MMî, kalender, etc. L'État ottoman, dans sa période formatrice, eut à subir les mêmes assauts de groupes mystiques dont le but avoué était de renverser le pouvoir politique au nom de particularismes régionaux, sociaux ou dogmatiques. Les premiers sultans ottomans s'emploieront à mater les mystiques opposés à
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leur consolidation, avant de les as~gir et de I~ endiguer dans des insti~tions stables pour tenter d'en faire des aillés du pouvOIr. Le cas des bekl4lt est clair à ce sujet. En bref, le monachisme byzantin qui tient souvent les rênes de l'Église, t un facteur d'ordre et de stabilité qui tente de compenser le déséquilibre ~litique alors que les représentants de la mystique turque sont des fauteurs de désordre: farouchement opposés il la mise en ordre étati~ue et l'organisation administrative échaffaudée par le pouvoir ottoman. Autant dire que les Ouomans et les moines byzantins seront, par la force des circonstances, des alliés, les premiers il la recherche d'un nouveau corps politique pour remplacer l'empire expirant, ce nouvel État leur assurant un cadre politique et une aut~n~mie religieuse et administrati ve ; les seconds, favorables il une structure religieuse solide et bien hiérarchisée, leur facilitant la soumission des chrétiens et leur fournissant peut-être un modèle institutionnel pour organiser leurs propres mystiques42 .
2- LA CoNauATION COMME TRAOmON DocTRINALE
A) Pacifisme 011 résisfllllce armée: Un débat éthique permanent L'acceptation d'une relative entente avec les Turcs ne correspond pas, de la pan de l'Église byzantine, 11 une simple option politique et à des opponunités institutionnelles. Elle a aussi un fondement doctrinal et scripturaire qui ne doit pas être perdu de vue si l'on veut saisir l'ensemble des motivations du componement conciliateur des clercs byzantins envers les musulmans en général, et les Turcs en paniculier. Le problème de la résistance il l'envahisseur musulman, pose aux Byzantins la question de la légitimité de la lutte armée, donc de la guerre sainte, ce qui n'est qu'un sous-chapitre de la vaste thématique des relations entre l'Église et la violence que l'on ne peut qu'effleurer ici. Recourir 11 la violence, même pour la plus juste des causes, est-il compatible avec les préceptes évangéliques d'amour du prochain et de non-résistance physique aux persécutions du Monde? S'il existe un imponant assoniment de textes bibliques autorisant, dans cenains cas, l'utilisation de la violence ad majoram Dei gloriam, il ne peut, en aucun cas, rivaliser avec le riche appareil de références évangéliques prônant les mérites d'une attitude pacifique et non agressive 11 l'égard des ennemis. 42 0 .'y • pas d'61ud. sysltmatique sur 10' relalion. s~cifiqu•• oi"re hitran:hi. eccltsiastiquo byzantine et pouvoir turc au Moyen-Âge. Vryonis-Decline analyse essentiellement les aspects d&orpnisateun de l'invasion turque. Voir N. Oikonomid~s «Monast~res el moines lors de la
canquete
01101lII/I0>.
SOdosl FOTSchunRtn 35 (1976). 1-10.
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Ces justifications scripturaires encouragent la législation ecclésiaatique à prohiber, le plus souvent possible, le recours il la violence, aux armes et à toute forme d'agressivité. C'est, bien sOr, une position de principe sans cesse contournée, mais qui, refusant toute légitimité éthique il l'acte violenl, ne put qu'avoir une influence "en creux" sur une société byzantine profondément aaacbée aux valeurs chrétiennes qu'elle cherche inlassablement il appliquer tout en en reconnaissant l'inaccessibilité pour le commun des fidèles. C'est dire qu'à Byzance oil l'on hésite à reconnaître même aux soldats qui protègent l'empire, même il ceux qui meurent en le défendant, un mérite moral quelconque, le recours aux armes, s'il est toléré pour les laies, sinon excusé, est sévèrement puni chez les ministres du "cuhe non sanglant" et chez ceux qui font profession d'imiter le Christ dans son message de paix, clercs, prêtres ou moines.
Ce n'est pas un hasard si la tradition monachique orientale a été désignée, et de plus en plus souvent au bas moyen-âge, par le terme d'hésychasme qui en est comme la quintessence, les moines étant ces "pacifiques", ces "hésychastes" dont le componement ne peut être que non-violent vis-à-vis de l'ami comme de l'adversaire, au risque de se dénier eux-mêmes et toutes les valeurs religieuses qu'ils représentent. Sans oublier non plus que l'attitude monastique représente· le modèle à imiter par la société civile; autant dire que le pacifisme monachique a toutes les chances d'être "contagieux" et, pour dire le moins, de ne pas encourager la résistance armée aux envahisseurs sunout si, politiquement et militairement, celle-ci semble sans issue43 . Le ralliement, ou plutôt la non opposition des moines byzantins 11 l'avance musulmane. a donc, entre autres raisons, un fondement à la fois
scripturaire et juridique, plus perceptible qu'en Occident chrétien. La notion de moine-soldat qui se développe avec un succès grandissant à l'occasion des croisades, en chrétienté latine, affecte peu le monde byzantin, qui continue à considérer avec méfiance toute manifestation guerrière accomplie par un
43Quelques r6f6rences à titre purement indiCaliC sur un tberne beaucoup trop vaste pour eue abord6 dans le cadre de celte ilude : l'utilisation de la violence. Ps. 149.6-8. Jâ.us venu apporter le "glaive", Mt. tO. 34·36 ; Le. 12. 49-.53,: cf.. aussi ,des t~ltes no~. ·bellici~les· daos leur Connulation .mais interprétés comme Justlficaufs scnpluraues de Imlervenllon arm6e des chrétiens contre l'infid~le ; voir 10.111 palll58.geR invoqués par Urbain Il J?OUl le d6clenc~ment ~ la premi~re croisade: "II vous faut beaucoup souffrir en mon nom ... Je vous donneras la VOIX el l'éloquence", Ge:"'", S. Pacifi~me el refus de la violence, Mt S, 1-12; Le. 6. 20-26 : Mt. .~6. 5152 ; Jn.• 18. 10-11 ; Mt. S. 38-42 elc ... Sur la Ouerre Sainle li! Byzance, V. Laun:DI. .Lul6e de Guerre Sainte ct la tradition byzantine», Revue d'Histoire du Sud-&I eump/en 23 (l~). 7~-98. A un musulman qui juslifie l'idû: de Querre Sainle, Ni"las de Byzance ~pond : ïu icns qu'il y. de~ meurtres It!gitimes et d'aulre.~ qui !!:onl iII~gilimes ... ne comprend.~-Iu pas que tout meunre. par là-même qu'il esl meurtre, est ta fuir et abominable ?", P.G. lOS. 744. 836. -Le culle non sanglant''' texte de l'épiclèsc onhodoxe (" ... rrpoa#POIJEII tTOl nj" ( ... ) dva(JjOKTOII ),arpda,l'), MiRas S)'nekdimtls. 248.
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CODlelllplatif, mt-c:e pour la meilleure des causes, telle que la défense des clln!tiens contte les infidèles44. La ~istance armée est donc rarement considérée comme une valeur positive et nlême les laïcs y sont peu encouragés par les autorités ecclésiastiques. Les soldats, pourtant dans le légitime exercice de leurs fonctions, sont SOuvent consid~ comme souillés par l'usage de la violence dans la bataille et, de ce fait, ne peuvent prétendre 11 la palme du martyr. Ce ne sont pas, en effet, pour des prouesses guerrières, que les fameux saints militaires sont véné~ par l'église d'Orient mais pour des raisons d'ordre éthique, caritatif ou "homologistique". Contte l'empereur Nicéphore Phocas qui voulait que l'on honorât ses soldats morts au combat 11 l'égal des martyrs, le patriarche Polyeucte statuait ainsi: "comment pourrait-on considérer ceux qui ODt tué 11 la guerre comme des martyrs ou comme égaux aux martyrs, alors que les Saints Canons les soumettent à pénitence en les écartant pour trois ans de la sainte et vénérable communion". Lors de cette affaire, l'opinion publique considérait la prétention de l'empereur à obtenir que soit consacré un culte 11 ses soldats tombés au champ d'honneur comme "une étrange décision", et cela, non seulement en milieu ecclésiastique, mais aussi parmi les dignitaires du sénat, comme le précise l'historien Zonaras qui rapporte cette anecdote4S•
Le recours aux armes, s'iI est un mal souvent nécessaire pour les lafcs, devient un scandale s'il est le fait d'un clerc et est sévèrement condamné. Kédrénos rapporte le cas d'un prêtre d'Héraclée de Cappadoce qui, alors qu'il disait la messe" ... apprit l'arrivée des Sarrasins; il laissa là le sacrifice et s'éloigna, vêtu comme il l'était, et tenant en main le simandre, il s'employa à interdire l'entrée de l'église aux ennemis qui survenaient, en blessant un grand nombre, en tuant même quelques uns et mettant les autres en fuite". Pour cet acte qui peut pourtant sembler dicté par la légitime défense et par le désir courageux de défendre son église contre les assauts des musulmans, l'évêque suspendit le prêtre de ses fonctions, avec pour résultat que ce dernier, probablement indigné de n'avoir pu " ... obtenir son pardon, passa aux Agarènes, abjura le christianisme et, non
44Sur Je peu do suc:œs A Byzance de l'idée de croisade, Ducellier, B.F. 4 (1972), 42-44. Selon les
Canons des Conciles. église et clergé ont UDe exclusive (onction de pri~re envers la nation ; meme en cas de danser, aucune intervenlion plus active n'cst envisag6e. Canon 1 du Concile de
Rhall~, et POII~. Il, 107, 232. L'idée de -,uerre sainte- e~ chez les tMologiens byzantins. appliqu~ l la guerre intérieure. Athanase. Correspondenct, 42, dans la tradition paulinienne de spiritualisation des images de guerre ou d'armes, Bph. 6, IG-J7. 4SLes saints militaires sonl lOuvent en n!bellion conlre leur autorité de lutelle : St Ménas est _~~, Synami" J, 478 : St Serse et St Bacchus refusent d'ob6ir A Jeurs suphle..., ibid.. 24647. I1hSI que les quarante martyrs de S&a.'ile. ütoMTgicun. 804. Tous subissent sans r6sistance \es peiDes ~ui leur sont infligée•. St Hi~ron. qui refuse d'etre en~16, hite cependant. maigri! s.
Chalœdoine, Canon 83 de, Canon, apo'toliques,
force phYSique, ua affronlement avec le5 recruteurs, "... pour 6vilcr un combat sanglan''', S,.IUIlI",
443. PIIocas el Polyeucte. Zona.... Bn••• III. 506.
content de ravager en leur compagnie la Cappadoce et les poussa jusqu'à ce qu'on nomme Asie-Mineure".
~mea
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adj_nu,
Même aventure racontée par Pachymère à propos d'un jeune moine du couvent de la Péribléptos de Constantinonle, envoyé pour s'occuper d'une dépendance du monastère en Bithynie, zone fréquemment razziée par les 1ùrcs : le moine fut" ... touché d'un sensible déplaisir de voir les terres du couvent toutes ruinées par les courses et les brigandages des Turcs. Comme il était naturellement hardi et propre à l'exercice des armes, quoique fort éloigné de sa profession, il assembla une troupe de paysans, à la tate desquels il se mit. Son supérieur et le patriarche ne pouvant souffrir qu'il se portât 11 des actions si éloignées de la modestie religieuse et si contraires 11 l'esprit de retraite, les lui défendirent sous de grandes peines". Dans ce cas, le bouillant conlemplatif I\C passe pas aux musulmans, mais, pour se soustraire aux sanctions ecclésiastiques autant que pour pouvoir continuer des activités belliqueuses apparemment plus en conformité avec son tempérament que la psalmodie monacale, se met sous la protection du bras séculier, en la personne de l'empereur qui finit par renvoyer le moine 11 la tête de sa troupe de paysans affronter les pillards turcs, non cependant sans avoir longtemps hésité par peur de braver l'autorité ecclésiastique en utilisant un moine à des tâches aussi peu compatibles avec son étal. L'hésitation du monarque était due. selon l'opinion du chroniqueur. 11 " ... un vain respect des règles monastiques ...... l'auteur. voulant probablement souligner ainsi que les réticences canoniques n'étaient pas de mise quand on avait l'aubaine rare de trouver un meneur d'homme, fOt-ii moine, capable de tenir tête aux Turcs. L'initiative impériale fut d'ailleurs couronnée de succès: 11 l'appel des gens du pays qui demandaient instamment qu'on leur renvoyât un si habile capitaine, l'empereur donna son accord et le jeune moine " ... rétablit en peu de temps la sécurité"46 . Mais l'interdiction juridique de recours l la violence faite aux clercs ne saurait porter tout-à-fait si elle n'était justifiée par des références éthiques foodées bien entendu sur l'écriture. Les textes sont, en effet, nombreux qui proscrivent in principio l'utilisation de la violence par les moines, depuis les prescriptions évangéliques d'amour de l'ennemi et de renoncement à l'utilisation du glaive, jusqu'aux injonctions pauliniennes conseillant de se soumeure aux maitres temporels. Dans ceue perspective, Isidore Glabas, dans la deuxième moitié du XlV" siècle, conseille aux Thessaloniciens. dans une homélie, de se soumettre à leurs nouveaux maîtres, les Ouomans, qui viennent de s'emparer de la ville: il se base pour ce faire, sur l'Épître aux Romains (13/1-7) : "Que chacun se soumeue aux 46Le p~t.. d'H6raclée, K6d~no,-Skylitz~,. P.G. 122,64: Le moine Hilarion. Pachytœ... B•••• 596.
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autori~ en charge. Car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu". Cel~ pour conséquence que toute résistance aux autorités en place -les Turcs ICI, rappelons-le-est, dans cette optique, considérée comme une rebellion " ... contre l'ordre établi par Dieu"47.
?
B) MOfJ/JChismJ! oriental et non-chrétiens: un esprit d'ouverture certain D'Isaac le Syrien au XIX· siècle : un courant ancien et durable En outre, conséquence capitale pour les relations avec les non-chrétiens, ce sont les moines qui, en ces domaines, donnent le ton : eu égard à l'exigence morale de la voie qu'ils ont choisie, ils sont souvent invités par leurs pères spirituels, à ne pas verser dans l'agressivité instinctive du commun ni même dans la simple outrance verbale: à un moine qui se plaint d'habiter un lieu où il est maltraité par les musulmans qu'il appelle avec humeur "les très pervers Agarènes", son directeur de conscience rétorque: "Appeler les Agarènes «très pervers» et «haïssables», cela n'est pas bien. Car il est écrit: «Aimez vos ennemis, traitez bien ceux qui vous haïssent.» Il ne faut donc pas, mon frère, que nous appelions ces gens-là «très pervers» : au contraire, il nous faut les honorer et les aimer comme des bienfaiteurs, et prier assidûment le Seigneur pour eux en disant: .Pardonne-leur, Père, leurs offences, car ils ne savent pas ce qu'ils font», et en demandant à Dieu leur conversion. Si donc, mon frère, tu désires devenir un parfait disciple du Christ, tu ne leur feras pas violence"48. Un irénisme semblable, pour rare qu'il dOt être et probablement peu mis en pratique par la moyenne des clercs, n'en restait pas moins une attitude nonnative qui n'encourageait certes pas la résistance, même simplement morale, à l'envahisseur.
Il existe, nous l'avons dit, dans le monachisme oriental, une tradition bienveillante à l'égard des non-chrétiens, juifs d'abord, païens ensuite, et musulmans enfin, ces derniers étant, selon les cas, classés parmi les premiers ou parmi les seconds. Selon un processus très spécifique de la tradition chrétienne orientale, les partisans de cette tendance bienveillante, contrebalancent sans cesse l'influence des tenants d'une interprétation plus rigoriste des choses de la religion: ce qui permet, en toute matière, doctrinale, disciplinaire ou morale, de rééquilibrer constamment toute exégèse trop maximaliste, "selon l'akrivie" (KaT dKpl{Jla), par une contre-interprétation plus souple, "selon l'économie" (KaT OIKOVOjlla). 47Lc Jexle d'Isidore G1abas est tdité par Lampro,. NE 9 (l9t2), 390. 48V;e de Sainr Jean /'EréflUlpolile. éd. Halkin, A.B. 86 (1968), 19-20.
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Selon cette dernière optique, ceux qui sont en dehors de la fcree d'attraction du message chrétien, retrouvent cependant une place minimale dans l'histoire du sa.lut: sous l'identité de "chrétiens naturels" ou de "justes parmi les Gentils". AIDSI Irénée d~ Lyon affirme-t-il que parmi les païens" ... ceux qui aiment Dieu et, à leur mamère, le servent, seront sauvés". Basile de Césarée, de son côté n'~ésite pas à écri~e. que " .. .les infidèles, s'ils sont bons, voient les anges". En c; qUI concerne les JUIfs, cerlams Pères à la suite de Saint Paul, qui, dans l'Epllre aux Romains (3/1-2), rappelle que les juifs ont une importance considérable car " .. .les oracles de Dieu [leur] ont été confiés", soulignent avec force la place prééminente des juifs dans l'édification de l'Église et Maxime le Confesseur dit qu'ils forment l'un des deux murs qui soutiennent l'Église49. Face à une école exégétique plus rigide, la benevola interprtratio eut toujours ses représentants dans le christianisme oriental, et on enregistre son influence depuis les Pères du désert jusqu'au monachisme gréco-russe du siècle dernier. Isaac le Syrien, par exemple, conseille à un disciple, d'accorder " .. .les mêmes bienfaits, les mêmes honneurs, au juif, à l'infidèle, ( ... ), d'autant plus que lui aussi est un frère pour toi, puisqu'il participe à la même nature humaine". A l'autre extrémité chronologique de l'histoire du monachisme oriental, une anecdote russe rapporte le même état d'esprit chez un starets grec venu du mont Athos en Russie au XIX'. A un pélerin qui insultait les juifs et se plaignait amèrement d'eux, le moine athonite oppose la tradition, constante selon lui, des Pères de l'Église et des hésychastes en particuler : "tu n'as pas le droit, lui dit-il, d'insulter et de maudire ainsi les juifs. Dieu les a créés comme il nous a créés nous mêmes. T~ devrais avoir du respect pour eux et prier pour eux et non les maudire. Crois-moi, le dégoût que tu as pour eux vient du fait que tu n'es pas enraciné dans l'amour de Dieu et que tu n'as pas la prière intérieure. Je vais te lire un passage des saints Pères à ce sujet. Écoute, voici ce qu'écrit Marc l'Ascète: «L'âme qui est intérieurement unie à Dieu devient, tant sa joie est grande, comme un enfant simple et bon, qui ne condamne personne, Grecs, païens, juifs ou pécheurs. mais les considère tous du même regard purifié. trouve de la joie dans le monde tout entier, et désire que tous louent Dieu-{lrecs, juifs et païens.» Et Macaire le Grand d'Égypte brûle d'un si grand amour que, si c'était possible, il voudrait faire de soi la demeure de tous, sans différence entre bons et mauvais. Voici, cher frère ce que pensent les Pères. Je te recommande donc de mettre de côté ta violence ... "50.
49"L'akrivic" ou "discerncmenl rigourcux", par cx .• Diadoque de Photic~. œuvres spÎrÎtflellts, S.c. S Icr. 107 : "l'«:onomie", adaptalion à la faiblesse humaine par la pédagogie divine. Jean Climaque. L'Echelle Sainte, 363. 379. Irénée, cité par Khodre. Conlacll 66 (1969). 168. Basile de Césll!te, P.G. 3t. 123t. Maxime le Confesseur, P.G. 90. 432 sqq. 50lsaac le Syrien, Sefllences. 8. Le pi/trin russe. trois r/dts in/dits. 47.
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UDe attitude hésychaste du cODtact avec les musulmaDs
n est particulièrement significatif que dans ce dernier texte, c'est un moine grec. de tradition hésychaste et alhonite qui, par des réfé~nces philocaliques, tente de modérer un anti-judaïsme souvent latent dans la RussIe du temps, au nom d'un impératif spirituel incontournable, celui de 1'~C1Vx{a, de la paix intérieurè, avec son complément extérieur d'attitude irénique (on peut peut-être supposer aussi qu'en tant que sujet ottoman, il est peu habitué à voir les juifs maltraités, eu égard à la position relativement privilégiée qu'ils ont en terre ottomane, qui contraste fortement avec la mauvaise situation des juiveries en pays slaves et germaniques). L'hésychasme semble avoir, en effet, souvent représenté une tendance relativement modérée dans l'attitude de l'Église de tradition byzantine vis-à-vis des non-chrétiens. Théolepte de Philadelphie, l'un des maîtres de Grégoire Palamas au XIVe siècle, affirme devant l'empereur qui venait le consulter sur un problème de protocole, qu'il n'y a aucun mal à appeler "frère" un souverain musulman, et cela au grand scandale des autres évêques outrés d'un tel laxisme verbal: "L'empereur se trouvant obligé d'écrire au sultan de Babylone, faisait difficulté de lui donner la qualité de frère, bien que les plus pieux empereurs eussent coutume de la lui donner depuis longtemps. En effet, n'ayant pas voulu traiter le pape de père, parce qu'il semblait être dans l'erreur, quelle apparence de traiter de frère un impie et un ennemi déclaré de la Croix du Sauveur? Ayant proposé cette difficulté aux évêques, les uns et les autres apportèrent divers expédients, mais celui de Philadelphie, nommé Théolepte, s'efforça de guérir le scrupule de l'empereur, en lui montrant par l'autorité des Saintes Écritures, qu'il n'y a point de mal à traiter le sultan de frère. ( ... ) Ce discours que l'évêque de Philadelphie avait fait sur le champ et sans l'avoir médité, excita un grand scandale [parmi les autres évêques]"SI. D'autre part, Théoleple semble, nous l'avons vu, dans son diocèse entouré par les émirats turcs, avoir eu un certain ascendant sur les Turcs, et, selon l'auteur de son oraison funèbre, son preslige auprès d'eux, aurail suffi en 1303 à faire lever aux Turcs le siège de PhiladelphieS2 . Un autre maître hésychaste du XIve siècle, Sabbas de Vatopédi, se signale par ses bons rapports avec les musulmans pendant le séjour de douze années qu'il effectua en Palestine et au Sinaï. D'après son disciple et biographe Philothée Kokkinos, sa réputation était grande parmi les musulmans et, lorsqu'il alla à Jérusalem, une foule d'admirateurs était massée sur son chemin : "Tous tombaient à ses pieds, lui embrassant mains et pieds avec beaucoup de respect et
d'admiration: Il Y avait là non seulement des gens de notre religion mais un nombre conSIdérable de musulmans". Tout le monde admirait la vertu du moine C.ela vint aussi aux or~iIIes " ... du chef des Ismaélites qui, sans perdre de temps: vI~nt V~1f le samt et I~, demande Instamment de dire quelque chose (Sabbas, Il la sUIte d un vœu refusatt de parler), afin d'entendre quelque conseil de sa bouche vertueuse. Il lui offre en récompense une grande quantité d'argent", que bien entendu le mOine refuse. . Comm~ Sab~as désirait .a1ler de Jérusalem au Sinaï, un homme pieux lui obtint les servIces d un chameher musulman. Juché sur l'animal, le moine quitta Jérusalem mais" ... dès qu'il fut sorti de la ville, il sauta en bas de sa monture, désireux de faire à pied les vingt jours nécessaires au voyage. Il demanda Il son guide m.usulman de manIer à sa place sur le chameau car il ne supportait pas, comme Il nous le confia plus tard ---c'est Philolhée qui parlc-, de se reposer sur le chameau alors que le chamelier devail supporter la fatigue d'un si long voyage, une telle situation élanl pour lui inadmissible. Sabbas donna aussi les provisions au musulman landis que lui se contentait de manger un peu d'herhe ramassée le long du chemin. Avec un peu d'eau, ce fut la seule nourriture qu'il prit jusqu'au Sinaï ... Le musulman le priait instamment de monter sur le chameau. Il insistait en disant que lui-même et les provisions étaient là pour le service de Sabbas. Il insista pendant de nombreux jours mais sans résultat. Il s'étonnait beaucoup de cette attitude et, trouvant Sabbas plus divin qu'humain, il tombait à ses pieds qu'il embrassait avc effusion. Bien que de race Barbare, il montrait cependant ainsi, qu'il n'était pas vraiment un barbare, Il avail en effel de la raison, du bon sens et une âme capable d'accueillir le bon grain. 11 obtint ainsi, ne fOt-ce qu'en petite quantité, joie et profit au spectacle de la grande force spiriluelle de Sabbas, de son humilité, de sa douceur. Par ce simple spectacle, Sabbas gagna le cœur du chamelier, lout endurci qu'il fOt. Quand ils parvinrent au terme du voyage, le musulman dut prendre le chemin du retour, partagé entre joie et tristesse: joie, car d'une manière inattendue, il avait élé jugé digne de voir un homme aussi merveilleux; mais lrislesse car il ne pouvail endurer l'idée de le quiller. Désolé de devoir se séparer de Sabbas, il rentra néanmoins dans son pays"S3. Les moines grecs, on le voit par cet exemple, étaient amenés à parcourir l'Orient, pour raison de pélerinage, ou de séjours de longue durée dans les prestigieux couvents de Palestine ou du Sinaï. Ils avaient ainsi l'habitude de vivre en milieu musulman. Leur présence en terre d'islam pouvait avoir aussi pour cause la captivité ou le rachal d'autres moines prisonniers. Grégoire le Sinane fut fait prisonnier à Lattakie. Les moines de l'Alhos sont souvent capturés par des pirates. Dionysios, fondaleur du monastère homonyme de l'Alhos, Charilon de
SI'Tb&>lepte el Andronie Il, Pachymè .. , Bonn, Il, 247-248. S2Nictphore Choumnos. éd. Boissonade, V, 230·2:U.
53philolhte Kokkinos, Vie de Subbos de VU/opidi. 123, ISO. ISI, 96. 98.
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Koutloumous, Isidore Glabas, vont récupérer leurs moines contre rançon en pays turc54• Au XIVe siècle, beaucoup de moines, de par leurs origines micrasiatiques ou de par leur formation dans les grands centres monastiques d'Anatolie ou du Procbe-Orien~ gardent des attaches étroites avec des régions passées sous contrôle musulman. Moines formés au Sinaï comme Grégoire ou Philothée, moines d'Auxence comme les mallres de Palamas, Nicodème ou Athanase Lépentrinos, ou moines sinaïtes venus par le Latros à Patmos ou à l'Athos, tous connaissent les musulmans pour les avoir côtoyés au cours de leurs pérégrinations ou pour en avoir subi en Europe même les incursions 55 . Or, ceue promiscuité souvent envahissante dans l'ordre politique, n'empêche pas une aUitude assez fréquente d'ouverture dans les relations privées entre moines et musulmans. Ibn BattGta, qui ne peut être taxé de sympathie particulière pour le christianisme et ses représentants, remarque avec surprise lors de son passage à Constantinople, le bon accueil que les moines font aux musulmans. Il décrit l'un de ces moines" ... vêtu d'habits de crin et coiffé d'un bonnet de feutre ; il avait une longue barbe blanche et une belle figure qui présentait les traces des pratiques pieuses auxquelles il se livrait. Devant et derrière lui marchait une troupe de moines. Il tenait à la main un bâton et avait au cou un chapelet. Il demanda qui j'étais, puis s'arrêta et m'envoya chercher. Je me rendis près de lui. Il me prit la main et dit à un Grec qui connaissait la langue arabe: «Dis à ce Sarrazin, c'est-à-dire musulman, que je presse la main qui est entrée à Jérusalem et le pied qui a marché dans la Sakhrah, dans la grande église appelée Komâmah (le Saint Sépulcre), et dans Bethléem». Cela dit, il mit sa main sur mes pieds et la pressa ensuite sur son visage. Je fus étonné de la bonne opinion que ces gens-là professent à l'égard des individus d'une autre religion que la leur ... ". Un autre moine, " ... vieillard d'une belle figure, ayant une chevelure superbe, qui portait l'habit des moines en gros drap noir se leva devant moi et me dit : «Tu es l'hôte du roi et il convient que nous te traitions avec honneul'» "56.
54Grtgoire Je Sinaïte prisonnier à Lattakie. D. Balfour, Saint Gregory. 62 ; Dionysia!' de J'Atho.li, Actes. ~. Oikonomidès. 10-12 ; Chariton. Acles de Koutloûmou5, éd. Lemerle. 134-137; Isidore Gavas chez les Turc.lii. Ivankos. Orai,ton fun~bTe. éd. Legrand, 107 et Laourdallii, Homélies. 56. 58. Gabriel de Thessalonique chez les Turcs, Enkomion. td. Laourdas, Makedoniko 4 (1955-60), 352270. SS~&oire le SinaJte à Ste Catherine, BaJfour, op. cil.. 62 sqq. PhilotMe Kollinos au SinaI. D.T.C. sous rubrique. Sur la vie de PhilOlhée. Meyendorff. /lyuuI'ium and ,he Rise of Russia. 173181. Ni~me ct Athanase de St Auxence en Bithynie. Janin-Grands Centres, 45 : PalamasDlfense. XLII. Boojarnra, Church ReJorm. 39-40.41,43 ; Janin, 229 ; incursions turques à I·AIhos. Sy/UUOire l, 334, Il. 259 ; Meyendorrr, Pu/umas. 53. 561bn BanO.a. Il. 441-443.
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Une chose est cependant la cordiali~ dans les relations sociales ct le sens de l'ho~pitalité réservé aux musulmans, autre chose l'opinion que les milieux monast.ques se fon.t de la doctrine islamique. Tout le monde ne pense peut· être pas c?mme Grégo~re le SIDaïte que .' .. .Jes démons quand ils prennent forme humaIDe, ~evêtent 1apparence des Ismaélites", mais les opinions sont en généraI ~.ès négat.v~s. Cela ne doit pas cacher cependant que l'on sait reconnaitre à I.sla~ certaIDs éléments positifs ; on lui concède çà et là chez les auteurs ecclés.asuques, une lueur de grâce, un sens rigoureux du monothéisme reodant les musu~mans supérieurs aux païens, des vertus morales certaines et parfois supérieures à celles des chrétiens, et même, dans la tradition ouverte de Maxime le Confesseur, on peut reconnaître que" ... Ie Saint Esprit est à l'œuvre, même chez les barbares et les nomades". Là cependant, s'arrête la bienveillance doc~nale à I:égar~ de l'isl~ que peut formuler la pensée monastique byzantine. Il n est questIOn DI de lég'lImer le Prophète des musulmans, ni de concéder une valeur particulière à sa doctrine, comme purent le faire en d'autres climats tel théologien nestorien ou tel humaniste épris d'universalismeS7. ' .
C) Moines byzantins et soufis : les affinités mystiques
Il reste, au delà des prises de positions officielles, une certaine affinité mystique entre moines grecs et soufis musulmans que l'historien moderne constate, et qui ne fut probablement pas insensible aux intéressés eux-mêmes, au moins dans leur frange la plus audacieuse qui fut parfois amenée à mettre en valeur des similitudes, toujours déniées, il est vrai, par les instances doctrinales officielles. Au Moyen-Âge, christianisme byzantin et soufisme baignent souvent en effet, dans une ambiance spirituelle commune où les analogies de formulation ou les attitudes de piété sont fan proches. Le "fou en Christ" (salos/(]dAos, môros/p.wpos) orthodoxe ressemble assez au ma/dmatl musulman, jusque dans ses manifestations les plus particulières: on a évoqué le moine Sabbas de Vatopédi qui refusa de parler pendant plusieurs années, supportant patiemment les désagréments sociaux que ce vœu provoquait. Attar, dans son /Iahl-Nâme, parle d'un maldmalî de Bagdad qui refusait de parler. Quand, très raremen~ il rompait le silence, il justifiait son vœu en déclarant: "puisqu'on ne peut parler de ce qu'est la certitude divine, voilà
S7La cil. de G~goire le Sinaïte. P.O. ISO. 1258. Lueur de grâce chez les musulmans. Mathieu Bla."ita~~. P.O. 144. 1108 ~ monotMi~me rigoureux des musulmans. Philothie, ~. KaYmaki." 492. 587 ; Palamas Dlfense. ~d. Meyendorff. Il. 393-394 ; Gn!goras. Bnnn. III. 229. Ven.. morale. des musulmans, Mak .. mboli.ès. ~d. Sev~enko. Z.R.• 6 (1%0). 196·197. Le Sain. Espri. chez le!; barbares et les nomades. Maxime le Confesseur. P,O. 90. 297.
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urquoi je me tais"S8. Au XIVe siècle, il semble que les hésychastes soient :uséS d'une certaine réserve envers le culte des icÔnes, à l'égal des Bogomiles avec qui ils entretiennent des contacts. CeUe réputation "d1iconomachie", fondée ou non, ne pouvait qu'être bien vue de l'aniconisme musulm~.n. De p.lus, lors de la querelle hésychaste, les palamites seront souvent accusés d mnovation, dans le sens où certains soulis sont taxés de bid'a S9. Le rôle pivot d'Élie dans le mysticisme populaire musulman (en symbiose avec Khidr, H'Zlreliez) se retrouve dans l'hésychasme où il est considéré comme le créateur de la "prière du cœur". Cette prière, si importante pour le moine byzantin, comme le vocabulaire mystique qui l'exprime et la méthode corporelle qui l'accompagne, sont très proches des développements musulmans dans ce domaine. La P.VIjP.71 ~oiJ et le dhîkr, comme invocation incessante de Dieu, ont probablement plus que des ressemblances fortuites. Leur exposition systématique en christianisme et en islam, fut l'œuvre de contemporains: les développements de Grégoire le Sinaïte (1255-1346) sur la prière de Jésus dont il propose le premier la formule invocatoire acceptée universellement par la suite, sont contemporains de ceux de Ibn Atâ'Allâh (mort en 1309) sur le dhîkr. Ghazâlî (mort en 1111) et Nicéphore l'hésychaste (deuxième moitié du XIIIe siècle), décrivent les conditions de l'oraison en termes identiques : pour le premier, le sauli" ... se retire seul avec lui-même dans un coin" ; le second conseille à son disciple " ... de rester assis à l'écart dans un coin". Dans les deux types d'expériences, le caractère "phatique" est très marqué: des phénomènes lumineux sont décrits comme accompagnant le dhîkr musulman comme la "prière du cœur" byzantine. L'idée du "cœur" (qalb et Kap8{a), lieu de la prière est centrale dans les deux mystiques. Les "énergies incréées" des théologiens grecs seraient peutêtre à rapprocher des spéculations sur les "attributs divins non créés" en islam60 . S8Attar. Le Uvrt divin, 167-171. S9 Sur les maldmatîya. M. Molé. Les my.ftiques musulman.f, 73 sqq. Sur les "fous en Christ", A. Fe....tugi~re, Vie de Syméon le Fou; et 1. Grosdidier de Matons. "Les thèmes d'Mification dans la Vie d'Andrt Salas", TM 4 (1970). L'accusation d'iconomachie à l'encontre de certains Msychastes. Meyendorff-Palamas. 55 sqq. 134. Ressemblance avec les Bogomiles. ibid .. loc. cit. L'accusation "d'innover" à Byzance, Nicol. Church and Society, 26 et en islam, Classicüme et déclin culturel dmJS l'histoire de l'islam. 3S (R. Brunschvig). 6<>élie. initiateur de i'Hésychasme. D.T.C.. cPalamas~ et "Palamite (controverse),. ; Hlzlreliez. Hasluck, Chris/ianiry. 327. 332. 333. 822 ; Massignon, "Elie et son rôle transhistorique». O.M.• l, 142 sqq. Sur les ressemblances entre la pri~re du cœur et le dhîlcr, J. Gouillard, Petite Philocalie, 234-235, el L. Gardet. cUn probl~me de mystique comparklt Revue Thomis/e 3 (1952), 642-679. Ghazâlî, dans son IhyO' 'ul~m a/-din (Revivification des sciences de la religion), utilise le mot ziJwiya. "coin". d'otl "cellule", Anawati et Gardel. Mystique musulmane. J91 nt 22, ce qui correspond au kellinn des a,..cètes grecs. La fonnule h~sychaste la plus utilisée est propos&: dans La vie contemplative de Grégoire le Sinaïte. P.G. ISO. Ibn All'AIIAh et Gdgoire le Sinai'te, Grunebaum. "Islam: Experience of the Holy and Concept of Manlt, Variorum XI, 24. "Le cœur (al-qalb) est central, car il est le lieu où les réalités transcendantes entrent en contact avec J'homme; il est J'organe de l'intuition et de la révélation (at-Iaja/Ii) divine". Abd alKanm al-Ini, trad. T. Burckhardt, 25. Pour Palamas. Défense, 1,80. le cœur (Ij Kap8la) " ... eSl l'organe directeur. le trône de la grâce où se trouve l'intelligence". Les phénomènes lumineux, Gardet, Rtvue Thomiste. 671-672. Les développements sur la lumi~re "thaborique" par référence à
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Les idées sur le thème du "trÔne divin" ('arsh), sur la "niche" ou "tabernacle des lumières" (mishkât al-anwâr) d'un Ghazâlî ou d'un Ibn Arabî, sont 11 mettre en regard avec les développements d'un Clément d'Alexandrie ou d'un Grégoire de Nysse sur le "tabernacle". On peut évoquer aussi la notion soulie de silsila et la "chaîne (d'ÀU<1ts) des saints" de Syméon le Nouveau 'Ibéologien61, ou la célèbn: méthode dite apophatlque des Pères grecs, utilisée aussi par ROmi. La subhmatl~n mystique du concept de "guerre sainte" qui permet d'opposer la gue~e extérieure et la "grande guerre sainte" (al-jihâd al-'akbar) ou guerre mtérleure, fondée sur un hadîth et souvent développée en islam, se retrouve chez les théologiens byzantins 62 . Nous parlerons plus loin des analogies eschatologiques islamo-chrétiennes dominées par le rôle central du Christ 11 la lin des temps; nous évoquerons aussi les audaces de certains soufis qui, dans leur universalisme, prétendent englobCr parfois des idées aussi peu assimilables en climat musulman que la Trinité ou la divinité du Christ63 . C'est dans une atmosphère faite de telles affinités et sensibilités spirituelles fort proches, qu'il faut situer la personnalité de Grégoire Palamas et ses contacts avec les musulmans, tels qu'il les décrit à l'époque de sa captivité dans l'émirat ottoman.
la transfiguration du Christ sur le mont Thabor. V. Lossky. Thiologi~ mystique. 671-672 ; non·crééelô~, Ma..signon-Pas.fion, III, 148 ; Los... ky. 65 sqq. ; Grunebaum. "Parallelism. convergence and influence in the relations of Arab and Byzantine philosophy. literalure and piely», Variorum. Xll. 110. 61 Le tabernacle des lumièrelô (mishkdt al-anwdr), cf. les trait~lô de Ghazâli. trad. Oeladrière. et d'Ibn Arabi, trad. Va1sân. Le tabernacle (~ 0Jr77VJf) chez G~goire de Nysse. Vit: dt: Molst:, SC. 225. Sur la silsila, voir par ex .. Cl. Adda... Ibn Arabt. 175-117.273.371-317 ; "aAV<7l5. Syrœon le Nouveau Théologien, Chapitres rhloloJ:ique!, 81. 62Le raisonnement apophatique cher aux Pères grecs. est aussi ulilÎ~ par ROmÎ : "Nous aurons une certaine connailôsMce de Dieu qui contient tOUI en connailôsanl non pa" ce qu'il est mais ce qu'il n'est pas", CI~ment d'Alexandrie. cit. par Lossky./magt: t:t rt:sst:mb/anct:. 14; "Avant de tout récuser, l'affirmation de Dieu t'~chappe ; j'ai tout ni~ afin de pouvoir percevoir un effluve de l'affirmation", ROmÎ, MalhnawÎ, éd. Meyerovitch, 1423. A/-jiMd al-'akbar, cf. le IuJdîlh "nous somme.... revenus de la petile guerre sainte vers la grande guerre sainte", selon le Prop~te. retour d'une campagne contre les infidèles; commenté par ROmi, Malhnawr : "6 rois, nous avons tu6 l'ennemi ext~rieur mais en nous demeure un ennemi pire que lui", ~. Meyerovitcb, 137-138. "6MJ.l.os l~pds. Athanase de Contantinople. Correspondence. 42 ; Palamas, Homllies : "La véritable guerre civile, celle qui a lieu en nous-memes", 51. 63 1nfra, nt. 86. D'autres analogies conceptuelles. symboliques ou doctrinales, peuvent fU'e relevées entre soufisme et mystique de l'orient chrétien: lelô 12 stations de la Sagesse. sous le signe des douze verbes prophétiques. selon Ibn Arabi dans FMSÛS aJ-Hik.am, cf. trad. partielle Burckhardt, font penser à certains développements du célèbre Canon pénitentiel de SI Andd de Crète: "En donnant la vie aux douze patriarches, Jacob a dres~ mystiquement devant tes yeu, ô mon âme. une échelle d'a...cension par les œuvres, disposanl ses douze fils comme autant de degri:s pour une montée vers la Sagesse". ~d. Fyrillas. 96 ; l'isangt:los patristique et les soufis. ClassicisfJ'U! el diclin. (P. Meier). 236. la tour d'Herma... , dans le PasteMr. 6d. Hamman, 137 sqq., et le mur de brique d'Ibn Arabi. Chodkievicz-Sctau. 159-160 : la nDlion spirituelle "d'étnn&~·. xénos, gartb, Syméon le Nouveau Th~ologien, Chapitre.! Thlologiquts, 46-47 : Corbin. Phi/osophit islamique. 323 ; Cla.fSÈCüme el dlclin ... 35, t:'c.
nénergies incréées" et "attributs divinlô
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC
III- TRADITION CONCILIATRICE ET INNOVATIONS : LES NOUVELLES APPROCHES BYZANTINES DE L'ISLAM TURC AUX XIV· ET XV· SIÈCLES 1- UNE DtMARCIIB MONASTIQUE AU XIV" SIècLE : GRÉGOIRE PALAMAS (12961359) ET Lm TURCS A) Des Bogomiles aux Latins : l'homme de tous les contacts Le personnage est sans conteste un des pôles religieux de la dernière époque byzantine, à la fois défenseur de la tradition mystique hésychaste et organisateur d'un système théologique qui repense et ramasse en un exposé très structuré, un tondensé de la théologie byzantine médiévale, qu'il exprime en des termes nouveaux qui provoquent bien des oppositions à Byzance comme en Occident. Sa pensée est à la fois celle d'un homme de tradition voulant défendre un dépôt ancien, et l'initiateur d'un langage nouveau. Son action suit également ce double rythme: il est un moine médiéval traditionnel, peu versé en culture profane et dont l'idéal est le retirement contemplatif; mais il est aussi un homme d'action qui s'engage ouvertement dans le parti de Cantacuzène et se trouve au centre des controverses politiques et religieuses de son temps. Et surtout, et c'est cela qui nous concerne ici, il ne craint pas les contacts, il les recherche même, y compris avec les interlocuteurs les plus décriés à Byzance, hérétiques, schismatiques et infidèles, ce qui le fit accuser d'hérésie par ses ennemis, Grégoras ou Akyndinos, et qui dénote un esprit d'ouverture certain qui lui fit fréquenter sans hésitation, Bogomiles, Latins et Musulmans.
A ce sujet, les attaques constantes de ses adversaires portent sur des points qui ont probablement une certaine réalité: il semble bien que Palamas ait fait partie d'un groupe qui avait des affinités, du moins extérieures, avec les Bogomiles, puissants à Thessalonique et même à l'Athos aux XIV· et XV· siècles: souplesse dans les pratiques rituelles, détachement vis-à-vis du culte des icônes, priorité à la vie intérieure. Palamas fréquenta un chef bogomile, ancien moine de l'Athos; son ami Isidore et lui-même sont accusés de ne pas respecter le jeOne ; l'un de ses maitres est taxé comme lui d'iconomachie et certaines de ses fréquentations athonites sont condamnées pour iconoclasme64 . Grégoras reproche également à Palamas de favoriser la théologie latine, ce qui dénote une certaine sympathie de l'archevêque de Thessalonique pour les Latins, ce en quoi les gens de sa génération se distinguent de leurs successeurs. Car au milieu du XIVe siècle, on peut encore être à la fois, tenànt de l'orthodoxie
UNE AIRE DE CONCILIATION RELIOIEUSE
traditionnelle byzantine et favorable aux contlli:ts religieux avec l'Occident, ce qui ne sera plus le c~ à.la fin du siècle où la "Iatinophronie" byzantine .'opposera farouche,:,ent.à 1antl-uDJoDJs~e du pani monastique. Palamas est d'autant plu. ouve,: ~ 1OccIdent ~ue, au sem même du monachisme byzantin, certain. maitres en spmtuahté parmI les plus réputés, sont originaires d'Italie6s. Il convient, en effet, de garder présent à l'esprit que, si l'influence des centres spirituels orientaux (Sinaï, Palestine, Asie-Mineure) fut prépondérante dans l'évolution de l'hésychasme athonite, elle ne doit pas faire oublier la pan que prirent certains moines d'Occident dans le renouveau spirituel du XIV. siècle. Deux des principaux inspirateurs de Grégoire Palamas furent des moines venus d'Italie. Même si par "Italie", il faut entendre la zone méridionale de la péninsule, sous obédience culturelle et religieuse byzantine, il est néanmoins curieux de penser que le premier témoin, daté avec certitude, de l'utilisation d'une technique respiratoire dans la prière de Jésus, fut un moine qui non seulement était natif d'Italie, mais un converti du catholicisme. Les seuls détails biographiques que nous possédions sur Nicéphore J'Hésychaste (autrement appelé le Solitaire), viennent de la plume de Palamas dont le témoignage ne laisse pas place au doute: "Nicéphore, qui était d'origine itaJienne, reconnut l'hérésie [de ses compatriotes) ; il rejoignit donc notre Église orthodoxe; avec les coutumes de ses pères, il rejeue leur héritage et préfère notre empire à son propre pays, parce que la parole de vérité s'y dispense correctement; il Y vient donc, adopte la vie la plus rigoureuse, celle des moines, et choisit comme lieu d'habitation celui qui porte le nom de la sainteté, c'est-à-dire J'Athos .. ."66. Il est à signaler en passant, que J'ennemi le plus acharné de la méthode corporelle systématisée par Nicéphore, est un de ses compatriotes, l'Italien Barlaam de Calabre. Palamas fait allusion à un autre Italien parmi les maîtres qui lui transmirent la tradition hésychaste " ... de leur propre bouche (&d crr6/loros o//(dou)". Ce moine s'appelait Nil, et était originaire d'Italie (Nâ),ov l/(Elvov, TIl" 'Iro),Wv). Ce moine Nil pourrait bien être le personnage évoqué par Pachymère dans un passage d'ailleurs assez obscur, qui semble avoir été le chef de file d'un courant de pensée très maximaliste, centré sur la pauvreté monastique et la limitation des donations pieuses faites aux institutions ecclésiastiques. Il parait avoir fait école sous le règne de Michel VIII, être devenu un intime du despote Jean Paléologue et un ami de Théolepte de Philadelphie auquel Choumnos se réfère, dans son Éloge de Théolepte, comme à un personnage illustre.
le
64Les attaques diverses conlre Palamas. Meyendorff.Palamas, 55 sqq. (frtqucntation des Bogomiles). Le Bogomilisme byzantin a pour centre au XV e.
si~cle.
Thessalonique. D.
Obolensky. The B08omîls, 255-256, iconomachie, non respect du jeQne canonique, Grt:goras. Bonn. Il. 786. 898. ; P. G. 150. 882 ; Akindynos. Lellers. passim.
ISI
6SphiiolMe, Contre GrigUTa.f, P.G. ISI, 836. 66palama.f;. Di/ense. 321.
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Probablement moine au mont Saint-Auxenee, au-dessus de Chalcédoine, il ..... était originaire de Sicile, raconte Pachymère, et il arriva pour le malheur de l'empire romain; il enseignait aux hommes la parcimonie et la circonspection dans les dons ..... de peur de donner trop d'argent à des communautés religieuses qui en avaient suffisamment, et ce à leur détriment spirituel; " ... il s'en suivit nécessairement que, de toutes les personnes qui avaient du bien, aucune ne fit plus de don, parce que, selon la règle de ces gens, il était convenable aussi de refuser des bienfaits". Par cette doctrine ..... qui nécessiterait un exposé à part (que malheureusement pour l'historien des idées sociales à Byzance, Pachymère ne juge pas utile d'entreprendre), la loi du partage s'affaiblit. .. Le despote (Jean Paléologue), qui avait entre autres qualités, de l'attachement pour les moines (nl if>t},.0J16vaxov), reçoit donc comme des amis de la vertu ces gens qui se glissent dans sa maison; il s'en suivit que la confusion régna quelque peu dans ses largesses aux familiers à cause de leur enseignement" 67 . Ces théories sur la limitation des biens monastiques rappellent celles que soutiendra le philosophe Georges Gémiste Pléthon (env. 1360-1452) et nous renvoient aussi aux idées sur la répartition des biens entre tous, soutenues, non sans succès, par certains derviches turcs extrémistes auprès des populations chrétiennes et des moines au début du XVe siècle68 . L'éclectisme de Palamas qui ne lui faisait pas hésiter à rencontrer les milieux les plus divers, va s'enrichir grâce au séjour forcé que le prélat dut faire en territoire turc en 1354-1355.
D) L'expérience turque.' la lettre de captivité La lettre et les sources musulmanes confrontation
une nécessaire
La Lettre que Grégoire Palamas écrivit à son Église de Thessalonique, alors qu'il était prisonnier en Asie-Mineure, présente un grand intérêt documentaire. Elle fournit à l'historien de Byzance un aperçu sur le devenir des dernières provinces asiatiques de l'empire peu de temps après leur passage définitif sous domination musulmane. C'est également un témoignage précieux sur le premier État ottoman. Palamas annonce son intention descriptive dès le début du texte: "Ce que j'ai donc compris de la providence de Dieu, lorsque je fus emmené en captivité en Asie et que je voyais les chrétiens et les Turcs habiter et circuler ensemble, les uns menant les autres, je le raconterai." Il réalise en effet ce dessein 67Sur Barlaam. Meyendorff-Palamas. 6S sqq. Sur Nil l'Italien, Nic~phore Choumnos. Éloge de TMalept<, 6<1. Boissonade, 217·218 ; Pachy~re, 6<1. Failler. 288; Palamas. Difense. loc. cit. 68P1tthon expose ses hUes sur le partage des terres dans !ion M'moire pour Manuet M. Lambro~. P.P., Ill. 260-261. cf. aussi les ,heories du derviche B6rklilce MustafA (vers 1410·1416). rappon~s par Doukas. Bonn, 111- JJ5 : "Cet homme prie hait aux Turcs la pauvreté et leur enjoignait de meUre, excepté les femmes. tout en commun".
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narratif en décri.vant ",:rupuleusement ce qu'il a entrevu de la soci~ turque et surtout des relations mtses en place entre vainqueurs et vaincus dana le cadre du jeune État. en formation. A ce titre, pour l'étude des comportements intercomm~n.au~res au XIVe siècle vus de Byzance, c'est un texte fondamental par son ongtnahté de style, de ton, tout autsnt que par la forte et influente personnalité de son auteur69. Tout cela est bien connu et a été souvent évoqué. Ce qui, par contre, a ~ moins fréquemment mis en relief, c'est l'intérêt de première ordre qu'il peut y avoir à remettre le texte en perspective, dans le contexte musulman et turc o~ il fut écrit. Seule en effet une référence systématique aux sources musulmanes et turques, contemporaines de la Lel/re, peut permettre d'en apprécier, par recoupement, la valeur historique réelle. Dans cette optique, le texte de Palamas mérite largement une nouvelle lecture. Notre document est avant tout un compte-rendu rédigé à chaud et non un exercice d'écriture car l'auteur, selon son propre aveu, "a délaissé depuis longtemps l'ambition littéraire". C'est une expérience directe vécue au jour le jour, dans des conditions souvent pénibles, et non un cadre artificiel dressé pour permettre une joute théologique de convention. De plus, le ton imprimé par Palamas à sa leure est dans l'ensemble modéré et peu agressif à l'égard des musulmans. Il ne fait défaut à cet impératif de retenue que dans les premières lignes du texte où il sacrifie aux invectives habituelles contre les Turcs "les plus barbares entre tous les barbares" et nous tenterons d'expliquer la signification de cette exception. La modération de l'évêque le démarque de la liuérature traditionnelle des controverses islamo-cbrétiennes ; même si l'auteur en utilise l'arsenal dialectique, il se sépare franchement des polémiques anciennes par une certaine objectivité qui, tout en soulignant les travers et les erreurs de l'adversaire, n'hésite pas à en reconnaître aussi les qualités. Il serait vain de spéculer sur les intentions de notre auteur en dehors d'une relecture attentive de la lettre qui, seule, pourra nous permettre de préciser si Palamas est guidé par une volonté d'innovation en matière diplomatique et psychologique à l'égard des Turcs, ou s'il se contente de se conformer à des pratiques d'ouverture en direction des Ottomans, courantes à son époque mais qui n'avaient pas, jusqu'à lui, été consignées par écrit parce que jugées peu avouables.
69palamas. LeI/Tt d son txlis<. éd. A. Philippidis·Braa" TM (.1979) 7, 111·221. Le dessein narratif de.t'auteur, ibid., 136. A la suite de la Ltttre, se trouve le dialogue (dIU/lXU) enue Palamas el les "Chianai", 168-185.
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La lettre est, tout d'abord, un écrit pastoral qui se veut didactique voire nonnatif : en bon évêque, Palamas désire que le récit de ses aventures en Asie soit un document utile d'infonnation sur l'islam pour des paroissiens qui le connaissent mal. Selon ses propres tennes, il écrit" ... surtout à ceux qui sont avides d'être infonnés", mais il souhaite aussi que son attitude à l'égard des Turcs ait valeur d'exemple et d'édification pour ses coreligionnaires. Le sujet abordé fournirait au plus haut point matière à un ouvrage: "les questions que [les Turcs) nous ont posées, les réponses que nous leur avons données, leur acquiescement à
celles-ci, bref, toutes les conversations que nous avons eues en cours de route, si quelqu'un s'occupait à le mettre par écrit tout cela serait d'un très grand agrément aux oreilles des chrétiens".
Une typologie byzantine des Turcs Ébauche d'un précis sur les musulmans en vue de futures et inévitables confrontations, la lettre apparaît dans sa composition comme un essai de typologie objective des adversaires. Les Turcs ne sont pas présentés aux lecteurs comme une masse homogène mais comme un conglomérat d'éléments très disparates, ce qui a pour effet de les humaniser en leur faisant perdre de leur compacité effrayante pour les chrétiens. Palamas ne décrit plus un mythe lointain et un peu flou mais une société réelle avec toute sa diversité, déroutante mais aussi rassurante. Il n'existe pas un '''infidèle'' stéréotypé et reproduit à de multiples et identiques exemplaires mais des types humains diversifiés comme dans toute société, les uns franchement détestables, les autres tolérables, certains presque sympathiques.
Grégoire nous présente successivement quatre sortes d'interlocuteurs musulmans très différents dans leur manière de traiter les chrétiens et avec lesquels, par voie de conséquence, il entretint des relations très variables. La tentative palamite de classification des musulmans, bien que faite dans le cadre restreint et peu systématique d'une leure, serait à rapprocher de celle de Ricoldo da Monte Croce qui, dans son célèbre traité, divise, lui-aussi, les musulmans en quatre groupes70. Les deux premières espèces de "barbares" sont à rejeter sans nuances; les deux autres par contre méritent l'attention.
70Ibid .. loc. cil. ; ibid., 138. 150. Sur Monte Croce cl ses cJa.1isifications. trad. Cydon~5ô, P.G. 154. tl05 : il distingue les gens islamisés par la force; ceux devenus musulmans par conviction: ceux qui ne veulent p8.1i renoncer à la foi de leurs pères musulmans, par respect filial; el enfin ceux devenus musulmans par goût du confon el par laxisme moral.
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1,. L~s Gaz! e? ca"'.pagll. ou l'allroll'.m.II' .oll/."iollll.' : ~
La premIère ca~gone d ennemIs rencontrés par Palamas, est celle composée de ses ~ropres raVIsseurs, autrement dit l'armée turque en campagne que l'auteur décnt sans améntté dans .les paragraphes initiaux de sa lettre, lesquels correspondent aux tout premIers temps de son périple forcé. Ce groupe nous est présenté sous un Jour totale~~nt négatif; il est caractérisé par un inquiétant mélange de brutahté, de cupIdIté, et de fanatisme. Ces gens sont tout d'abord à redouter militairement: ."iole!US, ~llards! i~'è.P"l's~~ur cilef en tê.te,~ ~sa~rc:LOlLrançO.nn.YJl.O-"csatl~falre_un bestial appétit de jouissance: "Ils vivent de l'arc, de l'épée et de la débauche, 'trouvant leur plaisir à faire des esclaves, à s'adonner aux meurtres, aux pillages, aux rapines, à la luxure, aux adultères, aux amours contre nature." Incontestablement, l'archevêque définit ici à sa manière quelques traits marquants des combattants de la Foi, célèbres dans le monde musulman sous le nom de gâzî, et en particulier, leur manière de combattre qui se caractérise par de rapides et destructrices razzias.
Les termes utilisés pour désigner ces expéditions gâzÎ en terre byzantine pourraient paraître excessifs et dictés par l'exaspération d'une victime de ces raids; ils sont curieusement très proches dans leur forme de ceux choisis par le chroniqueur turc Enverî pour louer les hauts faits de guerre de l'émir d'Aydm, strict contemporain de Palamas; loin de minimiser les brutalités des conquérants gâzî, Enveri en exalte la noble ardeur guerrière dans le style épique qui convient à son Des/ân : "Le pacha projeta une nouvelle guerre sainte ... il désirait voir encore son épée verser le sang, il désirait faire encore gémir ses ennemis". A Chio: ..... le sang coulait comme un torrent, la montagne et la plaine étaient couvertes de corps" ; cruauté meurtrière pour le Byzantin, zèle admirable pour le Turc. II en va de même des autres accusations portées par Palamas à l'encontre des envahisseurs: l'asservissement des vaincus: "ils prirent des garçons, des vierges, des jeunes femmes sans nombre" ; le pillage: "ils firent [à Chio) un pillage général, ils s'emparèrent de ... ses biens et de ses étoffes ... ils prirent ... de l'or et de l'argent sans mesure" ; quant à la débauche et aux amours contre nature, pourtant poncifs traditionnels contre les infidèles, ils sont également consignés dans Enveri mais comme justes récompenses pour un juste combat: Umur donne à l'émir HlZlr ..... nombre de vierges au visage de lune, chacune étant sans pareille entre mille. Il lui donna aussi de heaux garçons Francs pour qu'il dénouât les tresses de leurs cheveux". Mais le gâzÎ ne se livre pas à n'importe quelle guerre. Le combat qu'il mène est sacré, voulu par Dieu, une gâzâ pour faire avancer le liâr al-islâm ; le gâzî n'est pas un simple pillard, mais, comme le définit le chroniqueur Ahmedi, " .. .l'instrument de lueligion de Dieu, un serviteur de Dieu qui nettoie la terre de la souillure du polythéisme (§irk) ; le gâzÎ, c'est le glaive de Dieu .. 7t . 7 1Leure. 140-142 ; Mélikorf-DeJldn. 59 ; Ahmedi, ~d, AISIZ. 7.
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gaz"
Palamas a bien saisi le caractère mystique du phénomène et il comprend que c'est celte mystique qui justifie chez l'ennemi toute action militaire, quels qu'en soient les excès; il relate donc fidèlement cette conviction, abelTltion dit-il, selon laquelle non seulement les combattants de l'islam commettent" ... les crimes les plus inimaginables", "... mais encore croient même que Dieu les approuve". A LampsaquelLapseki, le métropolite de Thessa10nique doit affronter pour la première fois les assauts verbaux de ces guerriersthéologiens qui veulent à toute force engager des discussions sur les mérites comparés de l'islam et du christianisme. Le prélat qui supporte mal la morgue religieuse et le triomphe bruyant de ses ravisseurs, résume cependant scrupuleusement leur argumentation. Un principe simple la condense que l'on pourrait exprimer ainsi : la religion du plus fort est toujours la meilleure. La victoire d'un peuple est une preuve indiscutable de la véracité de sa religion. Champs de batailles et joutes doctrinales se confondent et se justifient mutuellement. Si Mahomet" ... parti du fond de l'orient est arrivé ·vainqueur jusqu'à l'Occident", comme dira le "tasimanès" de Nicée, c'est que son message était vrai et, de ce fait, avait l'appui divin, et si les chrétiens tombent sous la coupe des musulmans, ..... c'est (affirment les ga~j de Lampsaque) un signe du manque de fondement" du christianisme. Tout en insistant sur la faiblesse, dans J'optique du théologien chrétien, d'une telle argumentation, Palamas a bien garde d'en sous-estimer la portée politique, et il y répond avec soin à partir d'un contre-argument traditionnel selon lequel, le monde étant imparfait, l'imperfection y domine, et c'est pour cela que la force brute y triomphe: ..... ces gens impies, haïs de Dieu", ne comprennent pas que leur triomphe, c'est-à-dire celui de la brutalité n'est que le signe métaphysique de J'imperfection de ce monde dominé par le Malin dont ils sont les serviteurs72. L'archevêque de Thessalonique met soigneusement en relief ce raisonnement car il sait que les constantes victoires des musulmans en AsieMineure sont utilisées par les Turcs pour miner la résistance morale des chrétiens à l'islamisation. Il précise plus loin dans le texte que la préoccupation primordiale des chrétiens d'Anatolie était de trouver une explication plausible au scandale théologico-politique des constants revers des Byzantins face aux mécréants: "la plupart d'entre eux [réclamaient] l'explication d'un si grand délaissement de notre peuple par Dieu". D'autres auteurs grecs du temps confirment l'importance de cet angoissant problème pour le peuple. Les autorités civiles et religieuses cherchent à apporter, nous l'avons dit, les réponses les plus satisfaisantes: l'empereur Manuel Paléologue écrit spécialement sur ce sujet un Discours pour ceux que scandalise le succès des impies. Un successeur de Palamas sur le siège de·Thessalonique, écrira aux chrétiens d'Ancyre, de Césarée et de Gangra, sous domination turque pour les encourager à résiste~ à la pression 72utln. loc ci•.
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de l'islam, comme le fait à plusieurs reprises, le patriarcat, à J'intention des habitants de Nicée, occupée par les Turcs, en minimisant les contraintes de la servitude ex.térieure, largement compensées par la liberté intérieure que ne peut pas leur rav.r les nouveaux maitres : ..... sans doute J'ennemi vous domine mais vous restez les maîtres de voln: ime, [et ainsi] ceux qui par crainte garderont la foi dans leur cœur et observeront selon leurs moyens les commandements de Dieu obtiendront aussi le saluL" Le découragement engendré par les succès militaires turcs et les conséquences négatives qu'en tirent parfois les chrétiens quant à l'efficacité de leur religion, n'échappent pas aux auteurs musulmans qui rapportent largement la chose. Même les clercs sont présentés comme pleins d'indécision devant l'inexplicable et constante défaite des Grecs devant les armées de l'islam : "-Savez-vous pourquoi, demande un moine à ses confrères, ces musulmans remportent la victoire 1- Nous ne le savons pas, répondirent-ils"13 . Une auln: raison d'ordre éthique, est avançée par les interlocuteurs tures de Palarnas à Lampsaque, pour expliquer leur victoire: non seulement, l'islam est une religion plus parfaite que le christianisme, mais le fidèle musulman se conforme plus strictement à sa foi que le chrétien à la sienne: les Turcs, rapporte l'archevêque de Thessalonique, ..... se targuent de l'emporter sur les Romains par leur amour de Dieu". Même argument dans les sources turques : la seule explication satisfaisante aux succès des Tures, de l'aveu même des moines est que, contrairement aux chrétiens, les musulmans ..... gardent les paroles de leurs prophètes et aiment chacun(e) d'eux". Que l'on situe l'origine des malheurs qui fondent sur la chrétienté dans la mauvaise conduite des fidèles, c'est là un argument suffisamment fréquent chez les chrétiens pour qu'il fOt connu même des sources musulmanes. Il est en effet, sur toutes les lèvres. Laïcs ou ecclésiastiques l'utilisent à l'envi: " ... nos affaires vont mal, parce que nous ne faisons pas la volonté de Dieu ; comme dit un des prophètes : si vous ne faites pas la volonté de Dieu, il enverra contre vous des bêtes féroces"14. Le plus curieux est que les deux adversaires sont d'accord sur le même point : ce n'est pas le message du Christ qui est en cause, bien que les musulmans le considèrent comme incomplet par rapport à la loi de Muhammad ; c'est bien l'incapacité des chrétiens à le meure en pratique qui est à la source ~ calamités qui s'acharnent sur Byzance: .... .Ies infidèles, rapporte un AUemand qUI 73 lb id., 142-144. "A ceux que scandalisent lcs 5UC~S des impies", MUI~1 JI. Khoury. S•.C.• 35. ni. 2 ; A. Argyriou a montœ que ce discours est cn rait de ,. plume de MlCIlre M~. SnuIi • tal' 314 (1986) 62 sqq. LeU... aux chlll.i.... d·Asi.-Mi....... Sy"- de ThossaIoruq.... toi. Balfour, 22 Leure~ aux çh~tiens de Nic~c. Acles du Patriarcat. ~d. Darrouz~s. ~.'k 1J3~~. o6couragement des chr6tiens el de leurs clercs. Saillit-N'"", U. Akaba, 6--1 ; 1 0 1'., 392. rel" dos _ 14LettlY!. 142; S.lt.t·NdlfUl,loc. cil. : P. Karlin.HayI.r,"1:" polilique "'.... cooq ouomans dans un texte hagiographique. Ca. 1431), 8,,,,0"on 35 (1965), 351.
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a vécu longtemps parmi les Turcs, disent que tous les territoires qu'ils ont pris aux chrétiens, ils ne les doivent ni à leur pouvoir ni à leur sagesse ni à leur sainteté, mais ils les ont à cause de l'injustice, de la perversité et de l'arrogance que les chrétiens leur témoignent; ainsi le Dieu Tout-Puissant a décidé que les infidèles s'empareraient du pays des chrétiens, car ceux-ci ne se comportent avec justice ni dans l'ordre temporel ni dans l'ordre spirituel, parce qu'ils adulent richesses et honneurs, que le riche traite le pauvre avec dédain et par ce qu'ils ne se confonnent pas à la doctrine que le Messie leur a donnée ... Ils n'observent pas la loi du livre Inûl qui est appelé Évangile, ni les règles qui y sont contenues". Le défaitisme peut aller encore plus loin : non content d'admettre que l'on est mauvais chrétien, on va parfois jusqu'à reconnaître que l'adversaire a une supériorité morale certaine. Un écrivain byzantin écrit que" .. .les musulmans peuvent être humains et miséricordieux, alors que les disciples du Christ, lequel fut par nature humain et miséricordieux, sont impitoyables et durs; les ,Turcs n'ont pas le nom de chrétiens mais en ont le comportement". Même opinion chez un Italien: "Quant plaira à Dieu que Sarrasins se convertirons à la foy crestienne, i1z seront crestiens légitimes: pourquoi ils observent la leur foy bestielle, que jamais ne la faillent; et nous, de la saincte foy, ne faisons mille partis, avecque peu de foy et peu de charité"75. .~ célèbre philosophe ~éthon estime que les musulmans ont souvent une PlusJ!~ute_idée-deJ)ieu ~J!U~Q.vidence qlle les chrétie!)S. Pour Théodore Métochite, les Turcs ont des vertus naturelles et une simplicité supérieures à celles des chrétiens, ce qui explique leurs victoire. Même Palamas, son disciple Philothée ou leur adversaire Grégoras, pour fustiger les positions supposées hérétiques de leurs opposants en théologie, n'hésitent pas à louer le monothéisme des musulmans qu'ils opposent aux conceptions pernicieuses des nostalgiques du paganisme. Contre Palamas, Grégoras écrit que les Turcs" ... ne nient pas qu'il y a un Dieu créateur de toute chose. Mais Palamas, lui, a minimisé la grave et audacieuse perfection de cet article de foi. "Palamas, de son côté, estime les musulmans supérieurs, à cause de leur croyance en un Dieu unique, au polythéisme antique admiré par son adversaire le philosophe Barlaarn 76.
Dans un tel contexte psychologique, les chrétiens partent souvent perdants dans leurs contacts fortuits ou imposés ave les musulmans, lesquels ont beau jeu, comme les Glizi de Lampsaque, d'utiliser à fond l'argument de leur supériorité religieuse et morale, fondé sur leur succès militaire ; et un prélat comme Palamas, conscient de ses responsabilités pastorales, réagit d'une manière d'autant plus cassante qu'il évalue à sa juste mesure, la force démoralisatrice et le
75 Schiltberger,77 ; ~cvCenko, Z.R.• 56. 6. p. 218, p. 196. Pliloli, 188. 76 Plfthon, P.G.. 160, 980. Thfodol'C Méloçhite,_,,,p/ UKIJIJ';;v, Misu!1qnea. 732-734. Philoth6e, P.G. 151,789. Gregoras, Bonn. III. 229.- Palamas, Dlfens';-j92-395.-
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danger éventuellement attractif pour les Grecs vaincus, du discours triomphaliste des combattants turcs.
2. Les apostaIs ou 1. refus d. la discus.ion: Le deuxième type de musulmans présenté par Palamas est justement le groupe de ceux qui ont œdt à un tel discours et se sont convertis à la foi des vainqueurs : de ces gens, renégats chrétiens ou anciens juifs qu'il rencontre en Bithynie, il n'y a rien à espérer et tout à craindre. Ils adoptent, en effet, une attitude prosélyte très marquée et n'hésitent pas à user de violence à l'égard de leurs anciens coreligionnaires, comme pour se légitimer auprès de leurs nouveaux compatriotes. Tel officier turc" ... avait la plus grande haine contre les chrétiens vu qu'il était fils de chrétien, de telle sorte qu'il était encore plus infidèle que les infidèles". Pour ces apostats Palamas n'a que mépris. Il aimerait bien ne pas trop s'étendre sur leurs cas mais, poussé par les Turcs à controverser avec eux, il est obligé d'en parler et ainsi de reconnaître implicitement la position en vue que certains d'entre eux ont su acquérir chez les Turcs, et jusqu'à la cour des émirs ottomans. La réticence de l'archevêque envers ces ..... hommes qui n'avaient étudié et appris de Satan rien d'autre que blasphème et impudence envers no~e Seigneur Jésus-Christ", vient du fait que les apostats, catégorie peu apprécIée de toute façon, se multiplient, du temps de Palamas, selon un rythme particulièrement inquiétant, aligné sur celui de la progression turque en territoire chréti~n .. Sources turques et grecques entérinent le changement rapide du paysage rehgleu~ q~e provoque la conquête turque: "Le muezzin ~emplace la cl",:h~,.écn.t un ~nvam ottoman; nuit et jour en place de kyTle eleison on réCIta /â Ilahe lilallâh et en place de Hrislos, on entendit Muhammed Resûllu/âh"77.
Si le prélat est laconique à leur égard, c'est probablement qu'il ne veut ~, dans une lettre à ses ouailles, accorder trop d'importance à un phénomène à la fOIS douloureux, mal curable ct contagieux. D'autres auteurs cependant n'hésitent pas à aborder le problème de front pour tenter d'en démontrer les conséquences funestes et décourager les éventuels candidats à l'islami~ation. A ceux qUI se convertissent dans l'espoir d'obtenir " .. .Ia richesse et la glOIre et toutes les choses qui sont agréables ici-bas [et qui] s'imaginent trouver auprès des Bar~ u~ rang excellent", Manuel Paléologue tente de démontrer qu'il n'y a p~ d'asslmllaU,?n véritable pour des renégats: non seulement ils s'auirent le mépns de ceux qu Ils
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71"Le fils de chr~tjen plus infid~le que les in.fid~~es". SyrM~. ~~. ~al~ou~6s1~ interlocuteurs de Palamas en Bithynie. appelts "Chlonal". u.."r~. 1ai" ~nt ,au::,~ rapport &vu leur identit~ •. M. Balivet, 8yl.an'i~n. 5~ (1982), 24 sqq. : les ~hl':t,l~me ~ la ~ivination. cf. T. le kdhiii (devin) islamique el p~.lslam;!u;.; ,sur ,ce dem:~:~ ~'hiOIl dl l'Arabie cell,rale cl la Fadh. "kâhin", El; ct du même auteur'i . ,\'!nOIIO~ ;ro';:ükrullih b $ehibeddtn Bdce'illtevdr'". veille de rH/gire. Sur l'islamisation. 8 cllatlon e... e., . , éd. A1SIZ. 54.
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ont trahis mais sont considérés avec méfiance par leurs nouveaux coreligionnaires et de ceUe façon ne réussissent que difficilement à faire carrière: "Leur esprit creux ne parvient finalement à rien [et] ils restent dans des positions secondaires". La nouvelle société dans laquelle ils tentent de s'intégrer, les rejette avec raison car " ... comment celui qui a facilement foulé aux pieds les coutumes dans lesquelles il avait vécu, conserverait-il avec soin celles qu'il a acceptées récemment 1 Et celui qui est manifestement mauvais pour sa race et pour luimême, comment serait-il utile à un autre 1" C'est ce qu'exprime un proverbe turc rapporté par un voyageur français: "Tout homme qui a été méchant chrétien ne fera jamais bon Turc". Même lorsque le converti réussit au-delà de toute espérance, on garde des doutes sur la pureté de ses intentions : à propos d'un grand-vizir d'origine grecque, un chroniqueur ottoman fait une généralisation significative: "Si le vizir est un infidèle, il cherche toujours à nuire à la vraie foi". Dans la discussion théologique que soutient Palamas à la cour d'Orhan, l'attitude des nouveaux convertis à l'islam, tranche sur celle des musulmans de souche par sa violence. A la fin de l'entretien, l'un des apostats" ... insulta le grand archevêque de Dieu de façon ignoble et, se ruant sur lui, le soumeta"78.
3, Les dirigeants politiques ou la curiosité intellectuelle: En comparaison de ce zèle pour le moins intempestif, l'attitude des dignitaires oUomans est présentée par l'évêque comme modérée et empreinte de civilité: "Les archontes turcs prirent respectueusement congé du métropolite". Choqués par les manières de l'agresseur de Palamas, ils" ... le retinrent, lui firent beaucoup de reproches et le conduisirent devant l'émir"79. C'est ici une toute autre catégorie de musulmans que nous décrit le prélat qui n'a pas grand chose à voir avec le fanatisme des gâzî en campagne ou l'agressivité des musulmans de fraîche date. Avec ce troisième groupe, les lecteurs de la Lettre font connaissance d'une catégorie qui n'est pas dépourvue de qualités et avec qui il est possible d'établir des relations acceptables, sans pour autant arriver à une identité de vues: il s'agit de la classe des dirigeants turcs, qui, de guerriers qu'ils restent dans les territoires à conquérir, savent se transformer en administrateurs dans les régions durablement conquises. Ceux-ci traitent les non-musulmans d'une toute autre façon. Si Süleyman, le fils aîné du souverain ottoman, ménage peu le dignitaire byzantin qu'est Palamas, c'est qu'il est, au moment de leur rencontre, en "territoire de guerre" (dâr al-harh) et que, de ce fait, il ne pense qu'en termes de conquête et de prise de guerre, " ... ayant espoir d'obtenir [par rançon] des milliers de pièces de monnaie". Orhan, le père de Süleyman, par contre, et Ismâîl, le petit-fils de l'émir, se comportent en dirigeants et gérants d'une région conquise, pacifiée et devenue leur domaine propre et une portion intangible du dâr al-Îs/âm. A ce titre, ?SLe discours de Manuel Il sur les apostats est dans P.G. 156. 2t7~219. Le proverbe est dans GreJor, Relalion d'lin vayage d Con,rtantinfJple, 266 : "Er kim fena Giaour oJmichidi, echeci (sic! *IÏ) musulman olur", La citation du chroniqueur oUornan est de ASlkpaf8.l8de et concerne ROm Mehmed Pasa, &1. AtSIZ, 194. L'apostat qui frappe Palamas. DialexÎs. 182. 79 Le respect des archontes turcs pour Palamas. ibid., 182, 184.
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leur ~omporte~ent à l'égard d'~n dirigeant religieux influent parmi leun sujets ~hrétlens.' manlf~te une attentIon et un intérêt proportionnels à la qualité des mformatlOns qu Ils pourront obtenir, concernant la foi de leurs dhimmf sur laquelle ils ne sont pas forcément bien renseignés. .Dans cette o~tique, Orhan s'empresse de profiter de ce qu'il tient en son POUV?" un thé~loglen chrétle.n renommé pour tâcher d'en savoir plus sur la doctnne du Chnst et sur ce qUI la différencie des croyances musulmanes. Cette curiosité, Palamas dit en comprendre ,et en apprécier la légitimité: elle est le fait d'un homme " ... qui a sous son autorité de nombreuses nations". Une telle responsabilité en fait un personnage qui ne peut se contenter d'une information sommaire, s'il veut êlre capable de gouverner des' sujets de cultures et religions différentes et même concurrentes: "S'il appartient à l'esclave et au premier venu d'avoir des clartés sur un seul dogme, le souverain, lui, doit avoir des clartés sur tous les dogmes, et des clartés conformes à la vérité". C'est pour ce légitime et utile souci d'information de l'émir que l'archevêque consent à expliquer la doctrine chrétienne. Car, insiste notre prélat avec presqu'autant de conviction que de diplom~tie, au souverain, " ... Dieu a donné, selon moi. une connaissance souveraine", en joutant sur le double sens d'av6€I'TLlI"os, authentique et seigneurial 80. Ismâîl, petil-fils d'Orhan, semble, lui aussi, animé d'une sérieuse volonté de mieux connaître la religion adverse; il est curieux de tout ce qui touche au christianisme, mœurs monastiques, comme l'abstinence de viande, pratiques communes aux deux religions telles que l'aumône, articles de foi fondamentalement opposés, sur la mort du Christ, la mission prophétique de Muhammad, l'adoration de la croix ou l'incarnation. Palamas perçoit bien sOr une certaine ironie chez le jeune prince qui cherchait à "... railler et calomnier notre religion comme inconvenante". Mais ce qui domine surtout dans le tableau brossé par le prélat, c'est l'amabilité et le désir de contact d'Ismâîl qui prend l'initiative de la rencontre avec des égards peu habituels envers un prisonnier: "II envoya quelqu'un vers nous pour m'inviter, me séparant des autres prisonniers. Et il s'assit avec moi sur un gazon moelleux, entouré de quelques archontes. Et après que nous nous fîlmes assis, on nous servit, à !)loi des fruits, à lui de la viande". L'évêque a probablement refusé la viande qui lui était proposée puisque la discussion débute par une question sur l'abstinence de viande. Le prince turc est dépeint comme très tolérant, puiqu'il accepte la contradiction, y compris sur des sujets aussi délicats que la croyance en la mission de Muhammad que, sans précaution oratoire, l'évêque déclare rejeter; et c'est bien l'impression domin~te que le Grec garde d'un entretien où lsmâîl supporte avec calme l'argumentation
80lbid., 170. La confrontation entre un prélat orthodoxe ~put~ et le sultan préfigure les fUI~ rapports entre le premier patriarche ap~s la prise de Byzance par les Turcs, Gennadlos Scholanos. loinlain disciple de Palamas. et Mehmed Il.
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qui lui esl opposée : "II n'entra pas en f~reur pour autant,. bi~n que, au dire de ceux qui le connaissent, il soil de ceux QUI sonl durs el particuhèremenlacbarn6a contre les chrétiens". L'expérience direcle de Palamas ~mble vouloir inf'umer une de ces réputations bAlivemenl étayées, comme pour husser entendre que lous les Turcs ne sonl pas aussi mauvais et intraitables que la rumeur commune veut le faire croireBI • 4. lAs dirig'/Jllt' reUgi.wt ou ÜI cOllciliatioll doctrill/JI. : La quatrième el dernière catégorie de Turcs que Palamas met en ~cè?e ?ans sa le':lre est assez proche, par son caractère ouvert, de la précédente : Il 5 agIt de certains lettrés et savants en religion, que le prélat désigne par le titre persan de daMShmand (turc danilfMnd qui fuI aussi le nom d'une des premières dynasties turques d'Asie-Mineure au XIe siècle). Avec ces gens, pour le prélat, la discussion semble possible car ils ont les connaissances dogmatiques nécessaires el la modération d'espril indispensable à une véritable confrontation inter-religieuse, arguments théologiques en main.
Au cours du séjour de l'archevêque dans l'émirat ottoman, c'est le seul cas où Palamas prend l'initiative de provoquer une discussion, et ce malgré les problèmes de différence de langue: "Quand nous vtmes que le tosi/IIaMs s'était assis avec quelques autres à l'ombre de la porte, pour jouir de la fraîcheur de l'air, comme l'exigeaille temps --<:ar on était en juillet- tandis que des chrétiens, à ce qu'on pouvait conjecturer, étaient assis en face, nous nous assîmes nous aussi. Je demandai alors, en m'asseyant là, si quelqu'un connaissait les deux langues dont j'avais hesoin. Et comme quelqu'un se présentait, je lui demandai de s'adresser aux Turcs de ma part"B2. Cette initiative de l'évêque signifie probablement qu'il considère son séjour en Asie comme un moyen providentiel de faire connattre le christianisme aux Turcs, comme il le dit en commençant sa missive. Cela montre aussi sa constante curiosité des choses de l'islam, sur lequel il a, hien sûr, les BtlsmIJI e. Palamas, 1.411", 146-148. Sur Ismin, cr. Schreine., KI.inchron;un, l, 95 o~ Save" liJJ de Mudd 1" est appett I.miit. Mai, EDvelf cite un t,miit rd. de Sotiman 1er, MUkrimiD Khalit, DIU_,I,B3. B2uII", 1S4. On DOle clan, ce p....ge ta promi5Cui.t .... heun. des G.... el des Turcs. Si tes communaut6s ont tendance l se regrouper autour des lieux de culte. ibid .• 144. 150, cela ne semble rien avoir de syst6matique. La population de Nic6e e~ plus nombreuse autour du monasl~re de Saint~Hyacintbe. prû:ise le texte de Palamas. mais cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de
chmien. ailleun. Voir c:ependan. Ibn Bandta. qui parle à Antalya. de qumie.. ~pan!. par des mu", o~ vi. chaque groupe e.hnique, Voyog.., li, 259. La quati.t du pon peu. expliquer dan. la ....de ville de Pamphylie une implant••ion communautaire de .ype ,undut. Sur tesfondllk. Lewis, COIfUMII' l'islam ...• 116. Il Y a peut~tre aussi des disparitâ ~gionales et un traitement difffrent des non·musulmans selon les beylik : quelles que soient les RPOnses, ces sortes de questiOftS que luscite I8ft1 cesse la Lettre, montrent l'importance de tout premier plan de ce document pour l'Anatolie du XIVC 1*10. La facili~ qu'a PaJanuu; pour trouver son inteqmle montre en outre que Je bilinguisme est (~uenl l Ni=' une vingtaine d'annœs apr6s la prise de la ville par les Turcs.
UNE AIRE DB CONCILIATION RBLIGIBUSB
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connaiss~ces. traditionnelles d'un apologisle byzantin, mais qu'il aimerail
connattre ln SlIII, et de la bouche même d'un musulman. n est bien conscieDl qu'un affi?emenl.des notions que l'on a, en chrétienté grecque, sur l'islam, a toute cbance d être u~~le, e! p~ur empêcher les chrétiens devenus sujets turcs de succomber à IlslamlSat.on, et pour mieux armer les Byzantins encore indépendants contre une propagande musulmane, somme toute très efficace, et intellectuellement très élaborée, malgré le mépris affecté depuis des siècles par les controversistes grecs à l'égard d'un système religieux réputé fruste et barbare et donc inadapté au raffinement conceptuel des Byzantins. Mais il est d'autres facteurs qui peuvent éclairer le désir d'échange du prélat: tout d'abord, l'épisode avec le ddnymend se silue à la fin de son séjour en pays ottoman ; il a donc eu le temps de se familiariser avec une société islamochrétienne toute nouvelle pour lui, et qu'il découvre n'être pas aussi oppressive et violente que ses premiers contacts avec les gtlû de Lampsaque, pouvaient le laisser craindre. Avec surprise, il voit "... les chrétiens et les Turcs habiter et circuler ensemble ... ", les seconds bien sOr dominant les premiers, mais cela finalement sans trop d'hostilité et dans un certain libéralisme ambiant qui permet aux Grecs de garder leurs églises où '' ... l'on célèbre librement le Christ". Autour de ces églises, des chrétiens en toute sécurité "... habitaient et menaient des existences de moines ou de séculiers, ports accueillants à ceux qui y abordaient à cause de la captivité". Certains de ces chrétiens ont même, sans avoir à renier leurs convictions, des places influentes dans la société oUomane comme "... l'hétériarque Maurozoumès qui nous fournit la subsistance pendant presque trois mois et, en outre, nous débarrassa de la compagnie des barbares et nous pria et nous procura le moyen d'enseigner selon l'habitude, à l'église" ; comme aussi le médecin d'Orhan, Taronitès qui a suffisamment d'influence sur l'émir pour faire améliorer notablement la condition du métropolite prisonnierBJ. . Palamas reprend donc confiance en lui-même, malgré sa condition de captif, un captif laissé d'ailleurs curieusement très libre de ses mouvements: à ce sujet, il signale avec étonnement que c'est une pratique habituelle de .Ia part de ~ gardiens: "Une fois que les gardiens nous ont ame~~ dans la 1~a1.té ou I.a ville qui leur avait été fixée, retournant chacun chez sm, .Is nous la.ssent habller où nous voulons et rencontrer ceux que nous désirons". Fort de sa nouvelle expérience, Grégoire n'hésite donc pas à provoquer une discussion théologique spontanée et cela, en pleine rue, au risque de créer a~troupement et déso~ public, et de s'attirer des réactions hostiles de. la populatlO~ com~e des ~u~on~ musulmanes toujours sourcilleuses en matière de man~festallons rehg.euse publiques qui pourraient échapper à leur contrôle. Or, nen de tout cela ne se
=1
83 Lttlre 144 148 150 Sur les nOlables byzantins el leur influence sous œaime.l~a. Grands Ctntr~" 187. q~i signale d'autres cu en Bithynie ~ x(VC sik\e ; cf. 105 œUfS ~ «Lettres de 1453., R.E.B. 22 (1%4),72 sqq. Sur tes _'DS non·""U mans 6mirs, Ibn Battdt.. li, 305 ; Doueas, //oM. 23.
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roduit et la discussion a lieu dans le calme et la modération réciproque, chacun ~es interlocuteurs poussant même très loin la bonne volonté verbale, la souplesse rhétorique et le désir certain de mettre en évidence le plus grand dénominateur commun entre les deux religions rivales. Le lieu de cette rencontre, Nicée, n'est certes pas indifférent; cela n'a pas assez été souligné. Il faut faire appel aux sources musulmanes qui, seules, sont à même de restituer J'atmosphère, intellectuellement très dynamique et psychologiquement très ouverte, qui règne dan~ ce premier c~ntre univer:sitaire ottoman en train de se mettre en place, vers 1époque du séjour anatohen de l'évêque. La prise de Nicée par les Ottomans, loin de mettre un terme à J'importance culturelle d'une ville qui avait connu deux conciles œcuméniques et avait été le bastion de J'hellénisme sous les Laskaris, réactiva en l'islamisant un centre qui allait rapidement acquérir une réputation certaine dans l'islam oriental au point d'être qualifiée par Abdurrahman al-Bistamî au XY' siècle, de "nid de savants"84.
Au lendemain de la conquête, l'émir Orhan transforme, aux dires de Ne§ri et d'Âslkpa§azâde, églises en mosquées, et monastères en medrese. Jouxtant Sainte-Sophie, la célèbre église du concile qui sera connue désormais sous le nom de Cuma mescidi, la première medrese ottomane est construite par le souverain turc, qui lui donne son nom, Orhan Gâzî medresesi. L'auteur ottoman de biographies, Ta~koprüzâde écrit dans son ~akâylk'un-Nu'mânîya : "Le sultan Orhan fit construire un collège dans la ville d'Iznik qui fut, d'après ce que j'ai entendu dire par les autorités en la matière, la première école construite dans l'État ottoman". Une lignée de savants de renom vont se succéder à la tête de cette institution. Le tout premier müderris en fut DâvOd de Kayseri, mort en 751 HJ1350, qui s'illustra en monde musulman pour ses commentaires d'Ibn Arabi: "Parmi les savants de son temps, dit de lui Ta~koprüzâde, on trouve le savant, le pratiquant, le vertueux et parfait mollâ DâvOd al-Kayserî al-Karamani qui travailla d'abord -
84Libené relative des prisonniers. ûttre. ISO. Sur Nîcl!eJfznik. E.1.. bnik "nid de savants", Adnan Adlvar, Osman" Türklerind~ IHm. 12.
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reconnus et lor~que DIlvOd de Kayseri mourut, le sultan Orhan le nomma il sa place et les étudIants de son époque ont bénéficié de son enseignement"M. L'enseignement professé au milieu du XIV' siècle il lznik comme d'ailleurs dans les c~lIèges de Bursa, la première capitale ottomane où enseignent de f?rtes personnahtés comme Molli Fenâri, professeur il la medrese Manâsur il partir. de 77~. H./J368-69, ~t domi.né par la pensée du grand souli espagnol Ibn ArabI dont ~ mfl.uence sur 1AnatolIe turque remontait à son long séjour dans la Konya seldJoukl~e ~u début du xm' siècle. Cette influence s'était perpétuée et renforcée sous 1action du dIscIple préféré du cheikh, Sadreddîn de Konya: l'importance de Sadreddin est exprimée par un autre commentateur d'Ibn Arabi qui affirme que J'intention de ce dernier" ... ne peut être comprise de manière conforme à la raison et à la loi si ce n'est par l'étude des travaux de SadJeddin". La lignée de commentateurs turcs d'Ibn Arabi se continua et fut implantée en pays ottoman par DâvOd qui était originaire d'Anatolie centrale où il avait travaillé avant de venir s'établir à Iznik, ville dont il fit un centre de diffusion actif de la pensée d'Ibn Arabi comme le fit un peu plus tard, à Bursa, Mollâ Fenâri dont un des ancêtres avait été disciple de Sadreddin de Konya. Or, le grand souli espagnol et ses élèves ne répugnent pas, à l'occasion, à converser avec les non-musulmans. Une anecdote nous montre le cheikh lui-même, entrant dans une église, assistant à J'homélie du prêtre, à l'issue de laquelle il entame une discussion serrée mais courtoise sur les mérites comparés des deux religions. Au temps de Sadreddin, certains de ses disciples semblent avoir poussé très loin la tentative d'accord doctrinal entre l'islam et le christianisme, au cours de rencontres communes. De plus, l'orientation isawî d'Ibn Arabi et de ses continuateurs pour qui "Jésus, Fils de Marie", joue une place particulièrement importante tant dans la quête mystique que dans le cycle eschatologique islamiques, put, dans certains cas, donner à croire que cette école de pensée avait des tendatices christianisantes. Cette opinion, fondée ou non doctrinalement, pouvait faciliter. voire encourager les relations intercommunautaires. C'est donc un islam ouvert, favorable aux discussions avec les nonmusulmans et très attaché à la personnalité de "Jésus Fils de Marie" (Isâ Bin Meryem), bref dans la ligne de l'école d'Ibn Arabi, que Palamas découvre à Iznik, un islam qui ne rappelle que de très loin le prosélytisme fruste et brutal des géùJ de Lampsaque. On peut ainsi restituer le véritable contexte de la discussion entre l'archevêque et le dâni§mend, et mieux comprendre la relative sérénité qui l'accompagne; sans oublier que Palamas représente lui aussi, une école de pensée byzantine relativement souple envers J'islam. Il n'hésite pas à reconnai'tre que, au moins, en ce qui concerne la croyance monothéiste, christianisme et islam partagent la même notion fondamentale. Théolepte; un des mat"tres hésychastes de 85 Neiri• fd. Unal-K6ymen, l, 163 ; Ailkpai~zide, fd. AI"',
119 ; T"Ik/jpriizAde, «1. Pu,,~ 7-8.
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Grégoire, ne craignait pas, nous l'avons vu, de dire devant le Saint-Synode de Constantinople assemblé, qu'on peut appeler "frères" même les Sarrazins. De même, un écrivain contemporain et partisan de Palamas dans la quereIJe hésychaste, admet sans difficulté qu'il Y a, chez les infidèles, une lueur de grAce86. Dans une telle disposition d'esprit, les interlocuteurs, vont dès le début de la discussion faire preuve de bonne volonté, en sélectionnant les points d'accord qui existent entre les deux religions: le Grec énumère les ressemblances et, en premier lieu les rites funéraires d'un enterrement musulman qu'il a suivi avec attention. Il décrit précisément le transport du corps du défunt (ham/) : ..... nous vfmes un groupe de barbares qui portait un mort en terre". Il remarque le voile blanc ('uzra) utilisé à cette occasion (Ta KLf3t,)noll ULvliOuLlI iuraJ.p.tllOlI J.EIJ/(dts) et mentionne exactement le takblr dit par l'imam, les mains levées en signe d·invocation. auquel répond l'assemblée: " ... ayant alors levé les mains le tllSimanès fit à voix haute une prière, reprise par l'assistance." Palamas interprète avec exactitude la prière funèbre (sa/âtu-/-janâza) qu'il a entendue en disant : ..... c·est en faveur des morts et à l'adresse de Dieu que s'est élevée l'invocation [des officiants turcs]. Et l'imam de confirmer la justesse de l'interprétation du chrétien: "nous avons demandé à Dieu pour le défunt, le pardon des fautes de son âme", le texte grec transcrivant ici assez fidèlement les paroles de la prière musulmane adressée à Dieu pour le mort : "Auprès de Toi, nous venons intercéder en sa faveur. Pardonne-lui. purifie-le de ses fautes". Le prélat juge favorablement la cérémonie à laquelle il a assisté: "j'ai, déclare-t-il au dânijmend en guise d'entrée en matière. trouvé bon le rite que vous avez célébré". Il aimerait en connal"tre le détail: "Je serais heureux d'apprendre en outre ce que vous avez dit là à Dieu". Grégoire évoque aussi la notion de pardon des péchés (uvyyvoJjl.T/) qu'il sait ou suppose importante pour les musulmans aussi (gafr). la notion de pardon sous-entendant non seulement celle de juge (ma/ik yawm-d-d1n. Kpt Ti}s : "dans tous les cas, c'est le juge qui a le pouvoir d'accorder le pardon"), mais aussi un Dieu miséricordieux. idée fondamentale pour les deux communautés (iJ.E7fjl.WlI, rro).L{J.Eos; rahmân. rahlm)87. 86Moua Feniri, ibid .. 22 sqq. et E./. • Fenâri-Zâde». SadreddÎn, et l'importance de son ex~g~se de l'œuvre d'Ibn Arabi, scion JAmi. Addas. Ibn'Arabî, 274-275. DlivOd et FenArî. diffuseurs de la doctrine d'Ibn Arabi en pays oltoman. Tqk6prUzAde, op. cil. et cFenlri», E./. Cf. aussi. M. Bilge. III osmant. 1Mdreseleri. 89. Ibn Arabi dans une ~glise. Ibn Arabi·Maître de puissance, 21 sq. disciples de Sadreddîn et choit;en•• ROm!. Fihi·nul-Fihi. 164. L'orlenlotion isaw! d'Ibn Arab!. Cbodkievicz-Sctau. 99. 147. ISO etc. Sur J'école byzantine relativement ouverte à l'islam, supra nt. 57. Dans un «rit intdir, Palamas d~clare : "Nous voyons aujourd'hui que tous les barbares reconnaissent un dieu unique créateur de l'univers : la théologie apophafique découle nkessaircment de cette reconnaÎssance". Meyendorff. Variorum. XIV. 549 : cf. le raisonnement
apophatique chez ROmi, supra nt. 62. S'La description de la célimonie musulmane esc dans la UI/re. 152·154, ainsi que le début de la discussion enlre ('imam et J'évaque. Sur le rite funéraire islamique et les notions doctrinales tvOQuhs à cette occasion, Boubakeur, Théologie islamique, 290·296. Quelques analogies d'expreuion entre Jes rites musulmans et orthodoxes purent favoriser la compuhension mutuelle: "Tu as répandu ta grAce sur Abraham et sur sa Camille". ibid., 292·293 ; "Venez, descendance d'Abraham", Funérailles orthodoxes, éd. D. Guillaume, 27. "Si tu peUl te passer de le
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.' ~ métropolite de Thessalonique met ensuite en avant un article de foi qu JI Salt être. partagé p~ les chrétiens et les musulmans: le Jugement Dernier. ~es spéculatIOns IslamIques concernant "Jésus. Maître de l'heure" ne sont pas Ignorées du théologIen byzantin et peuvent aisément être mises en parallèle avec la croyance des chrétiens en la deuxième parousie du Christ: "selon vous aussi di.t-i1 aux Turcs, c'est le Christ qui viendra comme juge de tout le genre humain·: C est là un thè~~ é.v(l~ué souvent par les controversistes contemporains et ulténeurs, dès qu JI s agit de trouver une assise commune rendant seule possible la discussion interconfessionnelle88 . Si Palamas revient plusieurs fois. avec .insistance sur le problème de la divinité du Christ. le dânijmend. quant à lui semble vouloir éviter d'aborder la question de front: il reconnaît volontiers conformément au Coran que n ••• le Christ aussi est un serviteur de Dieu [et que les musulmans] acceptent tous les prophètes et le Christ, et les quatre livres descendus d'auprès de Dieu, dont l'un est l'évangile du Christ". Mais il semble contrarié d'avoir à entamer une discussion systématique à ce sujet, devant la foule de curieux, chrétiens comme musulmans, qui s'assemble pour écouter. Pour bien comprendre les hésitations du Turc à trop parler publiquement sur la persona Christi. on peut évoquer plusieurs motifs plausibles: il y a peut-être un désir de ne pas interrompre une dicussion prometteuse en abordant dès le début un sujet où les divergences islamo-chrétiennes sont incontournables. 11 se peut qu'il y ait aussi chez l'imam une certaine hésitation à affronter sans préparation un interlocuteur qui apparaît dès l'abord comme un apologiste professionnel. Mais l'explication la plus probable des réticences de musulman est moins théologique que socio-religieuse : le dâni~mend doit avoir pleinement conscience que la foule qui l'entoure n'est homogène ni dans sa composition ethnique, ni dans ses origines culturelles ni dans ses convictions idéologiques89 . Au XIve siècle. l'émirat ottoman a une population très composite : certaines villes sont peuplées majoritairement de chrétiens comme Ooynük où Ibn Battûta est obligé de loger chez une grecque car dans cette cité" ... il n'y a qu'une seule maison occupée par des musulmans". L'historien Grégoras, à l'époque où Palamas séjourne à Nicée, décrit ainsi les habitants de la métropole punir", Boubakeur, 293 ; "En ta bonté, ne tiens pa.o; compte des péc~s q~'en ~t qu'homme et, que mortel il a commis en cette vie", Funérailles orthodoxes, 46. Le texte Islamique des funérailles remonte, selon la tradition, au Prophèle, el son expre.'ision a peu .changé. communication de D. Gril; celui des orthodoxes est aUribué à Jean Damasc~ne, communication de Mgr Stéphane de Naziance. 88S ur Jésus et "la science de l'heure" (ashrdt o/·sa'o). la "descente de Jésus" (NlU,ûl'/sa) et la théorie du Sceau de la Sainteté universelle assimilé à Jésus par Ibn Arabi, M. Hayek. u Christ dans l'islam. 241 sqq, et Chodkiewicz·Sceau. 147 sqq. 89 Les h~sitations de J'imam sont sensibles dans la ûttre : "II avait l'air contrari6 eC. ap~s un court silence. se mit à parler d'abondance : car de nombreux Chlitiens et Tutes s'61aicnt rassemblés pour écouler". 154.
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de Bithynie: "Là s'étaient réunis tous les Bithyniens, tant ceux de race barbare que les indigènes, et la population de sang mêlé (mix~barbares), indépendamment de ceux qui, nés de. même race que nous, ont été r~~lIts par quelque fatal hasard il la nécessité de servir les barbares comme esclaves . Dans une population aussi brassée, les comportements religieux et les attachements culturels peuvent se manifester de façons aussi diverses qu'imprévisibles. Les actes patriarcaux adressés aux ha~itants de Nicée, une quinzaine d'années avant la captivité de Palamas, font bIen ressortir les choix possibles aux Grecs d'Asie: si les uns ont franchement adopté l'islam sans retous envisageable à leus ancienne religion, d'autres balancent encore; bien que devenus musulmans, ils regardent parfois avec nostalgie en direction du christianisme. Certains, estime le patriarcat, sont capables de rentrer dans le giron de l'Église avec éclat, au risque d'être condamnés comme relaps, ce qui leur permettra de mériter" ... comme Jacques le Perse, la couronne du martyr". Quant à ceux qui, par peur des représailles, refuseront de revenir publiquement au christianisme, mais qui, du moins" ... garderont la foi dans leur cœur et observeront selon leurs moyens les commandements de Dieu, ils obtiendront aussi le salut", ce qui est, à la fois, attestation de l'existence de crypta-chrétiens à Nicée, justification théologique de leur attitude et encouragement à leur prolifération, en l'absence de moyens plus officiels de rattachement à l'Église91 . Mais tous les indigènes islamisés récemment n'ont pas, bien entendu, une vocation de martyrs ou une attirance particulère pour la pratique secrète du christianisme. Dans la majorité des cas où la conversion n'entraîne pas le zèle anti-chrétien évoqué plus haut à propos des apostats rencontrés par Palamas, il reste aux convertis ou à leurs proches descendants un attachement plus ou moins conscient à des racines culturelles chrétiennes. Ils gardent souvent une sensibilité vive et une écoute précise dès que l'on aborde des questions concernant le Christ, sa fonction et ses attributs. Manuel Paléologue décrit, à la fin du XIVe siècle, son jeune interprète à Ankara comme quelqu'un qui" ... était issu de chrétiens, aimait les croyances de ses parents et s'opposait par la pensée [aux musulmans)". L'empereur ajoute d'ailleurs immédiatement que la sympathie de l'interprète pour la foi de ses pères n'en faisait pas un chrétien pour autant car il ne prenait pas position contre l'islam " ... autant qu'il eat convenu", et il s'en prenait aux Turcs linon ouvertement ll92. Quant aux musulmans d'origine qui assistent à la dicussion entre Palamas et le dlJnilmend. une fraction notable d'entre eux doit être influencée par les 900ôynük. ville majoritairement chrétienne. Ibn SanGla. Il. 328. Un siècle plus lard la ville sera
devenue un cen~ soufi imponant, B.yramoAlu, 75, 76. GregonlS. tll. PariSOI, N.E.M.B.N., 17
posi~ons souples, n.ou.s l'avons vu, adoptées par un certain islam anatolien IIÙ s~ucleu~, dans I~ ~ha~on d'~n Arabî, d'accorder il Jlous, fils de Marie, une place hlérarchlq~e privilégIée. Amsi, le ddnijmend doit-il savoir qu'en acceptant de parler publ!que~ent d~ ~hrist devant la foule bariolée de Nicée, il peut s'exposer à ~es réactions l~prévl~lbles, non toujours conformes il l'orthodoxie musulmane il lImage de ce q~ Il ~vmt, v~rs la même époque il Bursa, il un voyageus arabe de passage: ce dernIer, d après 1écrivain ottoman Kastamonulu Utin, entendit dans la gran~e mosquée de Bursa (VI. cami), un prédicateur populaire (v
(1851), 61.
91 Actes du Pa,riarcaJ, 1.6 142, 153. 92Manuelll. tll. Khoury, S.C.• t47.
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93Kaslamonulu UtifT. Tezkirt. S6 ; Süleyman Çelcbî, Mtvlid. ~d. TimulW;. IV. V.
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Seigneur"94. On peut supposer les mêmes so~s-entendus ~hatologiques .chez les interlocuteurs turCS de Palamas, croyance pUisée dans le nche corpus scnpturaire musulman, concernant le rôle de Jésus à la fin des temps. Selon Hindî, ..... tous les habitants de la Terre croiront en Jésus et tous les hommes formeront une seule communauté religieuse". Ibn Arabî exalte encore plus la place de Jésus qui est, pour cet auteur, ..... le sceau de la sainteté comme il est aussi le sceau du cycle du royaume (tl/am al-mulk), sa venue étant le signe de l'approche de la fin des temps"95. Dans ce contexte, il n'y a donc pas de désaccord fondamental entre chrétiens et musulmans, en ce qui concerne le rôle eschatologique de Jésus, et sur ce point du rnoins, la discussion peut se clore sereinement. Mais le statu-quo entre Grecs et Turcs ne se situe pas uniquement dans une commune vision du Jugement dernier. Au-delà du doctrinal, la Lellre de Palamas a des résonnances politiques et diplomatiques, et peut facilement être lue comme une sorte de Charte fondant un certain type de relations possibles entre prélats chrétiens et dignitaires musulmans dans un État à direction islamique, selon un style fait de pondération religieuse et de réalisme politique. On ne peut s'empêcher de penser à la future collaboration entre Gennadios Scholarios, lointain disciple et admirateur de Palamas, et premier patriarche de l'Istanbul ottomane, et le sultan Mehmed II, esprit ouvert, curieux et lettré, tout à la fois dans la lignée directe du courant intellectuel inauguré à hnik au XIve siècle, et dans le même désir que son ancêtre Orhan d'être informé correctement des croyances de ses sujets chrétiens.
5. Les gens de la rue ou l'engouemenl populaire: On pourrait rajouter aux quatre types étudiés, une dernière catégorie de musulmans que Palamas ne décrit pas spécifiquement mais dont il suggère la présence par touches très expressives, au fil de ses jours de captivité: c'est le petit peuple ottoman, aux origines certes diverses, "mixobarbares" disait Grégoras, mais animé d'une même passion pour la discussion religieuse qui le fait se rassembler nombreux dès les premiers échanges entre le prélat grec et le savant musulman, pour écouter avidement, manifester collectivement ou intervenir individuellement aux moments chauds du débat. Ni l'abstraction des thèmes ni les barrières linguistiques ne le découragent. On a vu Manuel II dans la controverse d'Ankara, évoquer avec étonnement ces gens simples suivant avec assiduité le débat théologique ardu qu'il mène par voie d'interprète, quitte à s'endormir à certains moments de baisse d'attention ! C'est cette même curiosité insatiable pour les choses de la religion, y compris pour une croyance étrangère, qui pousse les
94U /lrt, 160. 9SHindi• MlUllakhnb VI. 56, cil. par Hayek, 256. Ibn Arabi. Fulûhal al·Ma"";yy. Il, 9. cil. par 149.
Chodkievicz~Sceau.
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gardiens turcs de Palamas à l'assaillir d . manquaient pas d'intérêt96. e questIOns qui, selon l'évêque, ne
6. De. moines olympien. aux Abdatan., Rllm' Sous la lume de Palamas, apparaît ainsi un islam ottoman naissant très co~forme à la ~ité perç~~ dans les s~ur~es musulmanes ou autres dont la Le"" laisse entrevoir, ~ le .mlheu du XIV . Siècle, une forme savante et une vitalité ulaire ui ar 1 SUIte, selon les Circonstances, se complèteront ou s' pop , q , p a l' d opposeront ,ortement. A nouvea 1 ét u e m ropo Ite e Thessalonique apporte un témoigna e aisément g rése superposable aux sources turques car le "nid de savants" . ' que rep nte, nous l' 1 . av?ns vu, ,e premier émirat ottoman, aux yeux de T8ljkiiprilzâde, est également le heu où s élab~rent des doctrines mystiques quelque peu anarcbiques et très chères au~ gens Simples, et où s'amplifie et se consolide l'influence déjà ancienne des baba. turbulents, des derviches errants de type kalender ou torlak et des cheikhs chansmatlques de toutes origines, turcomans illettrés et savants persans.
n est, à relever que la fécondité mystique qui avait été celle, à l'époque byzantine, dune ré,glOn toute centrée sur le monachisme olympien, ne diminue ~as a~ec la ;onquete turque: elle s'islamise assurément mais garde la même mtenslté. A limage d~ la Bithynie chrétienne et de sa "Sainte Montagne" célèbre p~ur s,:s c?ntemplallfs (le terme d' 'Aywv 'Opes fut appliqué à l'Olympe de Blthyme bien avant de désigner l'Athos), le vi/Ilyet de Hüdavendigâr conserva pendant toute l'époque ottomane une réputation de terre riche en saints personnages97 . , Dans la fo~dation même de l'État ottoman apparaissent ces Abdalân.J Rum dont parle A§lkpa§azâde, derviches qui participent militairement à la progression turque, fondant des zâwiya et con ven issant les populations locales des territoires conquis. Dans· la majorité des cas, ces Abdallln·J Rûm turcs, originaires d'Azerbaïdjan comme Geyikli Bâbâ ("le Père Cerf') et Abdâl MûSô, d'Iran comme Mehmed-i Kq§terî ou d'Asie centrale comme Abdâl Murâd, remplacèrent probablement les Ka)'6YTJPo, grecs en fuite et occupèrent leurs installations. Ces derniers se replièrent le plus souvent sur la "Sainte Montagne" d'Europe, le Mont·Athos, fidèles en cela, au·delà de la conjoncture politique, au traditionnel essaimage du monachisme micrasiatique en direction des Balkans. On sait le rôle de Saint Athanase, moine de l'Olympe de Bithynie, dans le 96Scholarios I!crivit un Canon en l'honneur de Saint GrlgoÎre Palamas. «"Vtt! complètes de Gennade Scholarios. M. Petit, IV Grégora~ er le" "mixobarhare."~, ~u('lra nI. 90; le!; auditcurs peu anentifs d'Ankara. Manuel Il. éd. Khoudry. 25 ; les gardiens turcs de Palamas CI leurs questions. LeIlTe, 150. 97Sur les bâW; du premier émirat oUoman, cf. Ocak~Baba Resul, chap IV ; 1. MélikoIT .Un ordre de dervlches colonisateurs: les Scktachis. leur rôle !iocial el leUrs rappons avec les premiers sultans ottomans.,., Milanges O. L. Barkan. 149-157; H. AigU!. Bllrsa'da OSManl. su"anlon ve Emir Sultan; EvUya Celebf, Seyahulnûmt, éd. Ziltiollu. Il. 358 sqq. La -!ainte Montagne'" désignant l'Olympe de Bithynie. Bréhier, Monde Byzantin Il. 539.
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développement du monachisme athonite. Palamas lui-même fut fortement innuencé par des m81"tres hésychastes de Bithynie, Nicodème, Elie, Athanase etc., ce qui, entre parenthèse, pennet de saisir une autre probable raison, spirituelle celle-là, de l'intérêt porté par l'évêque de Thessalonique à une région qui avait été un des centres les plus actifs de l'hésychasme et de la spiritualité monastique; on peut d'ailleurs s'étonner que la Lettre ne fasse aucune allusion à l'ancienne réputation mystique de la Bithynie, malgré le séjour du prélat au pied même de l'Olympe. Le départ de beaucoup de moines devant les conquérants musulmans, ne veut pas cependant dire que tous les centres monastiques de Bithynie ou de Mysie disparurent: les établissements urbains, comme Saint-Hyacinthe de Nicée où séjourne le prélat, subsistent souvent, ainsi que certains couvents de la campagne tels que le célèbre monastère d'Elegmoi qui existait encore au XVIIIe siècle98 • Bien des moines, de plus, se convenissent ; la littérature hagiographique turque insiste complaisamment sur le fait : tel disciple d'HaCl Bekt⧠est le fils d'un moine passé à l'islam, tel anachorète grec transforme son ermitage olympien en teldce et continue sur place une carrière de derviche. Et, quoi qu'il en soit de leur destinée ultérieure, les moines chrétiens de l'Olympe laissèrent un souvenir suffisamment fort pour que le nom de la montagne restât pendant toute l'époque ottomane celui de Kejij Dag," la montagne des moines".
En tout cela, la Lettre de Palamas comme les vilâyetnâme ou les chroniques ottomanes. laissent apparaître la même fascination du peuple turc ou grec pour les hommes de religion et les mystiques, fascination qui, en \ m~ de facto sinon de jure, les barrières confessionnelles. favorise les i contacts: l'empressement de la foule musulmane de Nicée autour du prélat 1 byzantin ou la curiosité de ses gardiens turcs, sont des attitudes qu'enregistrent 1 aussi les traditions populaires: selon celles-ci par exemple, dès avant la prise de Bursa, le Bâbâ Abdâl Murâd qui habitait près de la ville, était vénéré par les Byzantins de la place, pour les miracles qu'il accomplissait. et les Grecs le nourissaient. Inversement, on gardait encore au XVIIIe siècle, dans la population musulmane. le souvenir des grands pouvoirs thaumaturgiques qu'avaient possédés. au Moyen-Âge, les moines de l'Olympe. et on croyait. rapporte 98Les AbdallJn-1 RIlm, chez AI,kpOjazade, td. Atm, 237 ; Geyikli Baba, TOjkOp!Üz.lde, II, Abdâl Musa. ibId. 13; Mebmed·i KUj .. n, ibid. 20 : Abdâl Murâd, ibid. 13. Atbanase de l'Athos prend
J'habit monastique au mona.'it~re de MaJeïnos sur Je mont KyJJÙna.'i près de Lelkt/Osmaneli, JaninGrands C~",res. 116. Les m8i"'tres olympiens de Palamas, ibid. 45 ; Meyendorff-Palamas. 40; Palamas-Dlfense. XLI. sur Saint-Hyacinthe, Janin. op. cit.. 121-12S. Elegmoi. ibid. 147; autres ~nasœre5 bithyniens et leur survivance à l'~poque turque: TUlla. 2 monast~res jusqu'au XVIIIe, Ibid. S6 ; ApoJ)'ont omo. Sr-Constantin jusqu'au XIX t , ibid. 139 ; GemliklKios. 2 mona.'itères jusqu'au XVIIIe, ibid. 155. 163; Triglia. jusqu'au d~bul de notre siècle le monastère des Saints~res. ibid. 167. Les actes palriarcaux du XVIIe parlent de cinq mona.'i~re." bilhynien.~, ibid. 187. Il y. un mtlochion du monastère athonite de Vatopédi dans l'île d'Avi8 dans la mer de Mannara au XVIIe, ibid. 201. Un monasttre et un mllochion de Koulloumous dans. J'île de Mannan (Procon~se),
ibid. 210.
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C~ndémir, qU'iI.s a~aient été non seulement capables" ... de ne vivre que d'une de s'envoler du sommet de la ohve par sem~lRe : malS qu'il leur anivait m~ntage ~e Blthyme pour venir jusqu'à Sainte-Sophie à Constantinople par la VOle des rurs" !99 ' Il •••
2- LES DISCIPLES DE PALAMAS lIT L'OUVER11JRE AUX TuRcs En parlant des disciples de Palamas. il faut dès l'abord faire une distinction entr~ les parti~s de l'évêque de Thessalonique qui contribuèrent à faire triompher
ses. Idées et à IDtégrer ses formulations nouvelles dans la théologie byzantine. Phtlothée en est le cas le plus important, et la génération suivante qui. une fois le Pal~tsme reconnu onhodoxe et son chef canonisé, adopta les orientations de GrégOIre comme un tout se confondant avec l'orthodoxie. Qu'il s'agisse des disciples immédiats et ou des épigones plus lointains. nous allons essayer de déterminer dans quelle mesure la même majorité des clercs byzantins qui avaient accepté le système palamite en théologie, imita le comportement conciliant que le théologien avait manifesté envers les Turcs et l'islam. Philothée Kokkinos, l'un des principaux disciples de Palamas et l'artisan de sa canonisation, une fois devenu patriarche de Constantinople. présente dans ses Antirrhétiques, les musulmans que rencontre son maître en Asie-Mineure comme des "gens sages" vis-à-vis desquels Palamas a une mission providentielle: "J'affirme que Dieu a envoyé Palamas parmi les Turcs au moyen de cetle captivité pour le salut des païens comme les apôtres de jadis". Et son message. continue Philothée, a une portée universelle, car il est valable non seulement pour les juifs, Philothée est lui-même un converti du judaïsme. mais aussi pour les musulmans. Ailleurs, il présente son aulre maîlre Sabbas. nous en avons parlé, au milieu d'un auditoire musulman qui, non seulement est attentif et respectueux. mais dont "le cœur est prêt à recevoir le bon grain". Les successeurs de Palamas sur le siège de Thessalonique comme ceux de Philothée sur le trône patriarcal, semblent avoir continué, de plus en plus poussés par les circonstances, encerclement de Constantinople, prise de Thessalonique, à chercher une entenle avec les Turcs" ... dans l'intérêt de leurs ouailles", comme le dira l'un d'en Ire eux. Ils étaienl tout prêts à dissocier le 99 Le disciple d'Haci Bektâ~, fils de moine islamisé, s'appelle Seyh BAli. Vildyel·nâme d'Hacl Bekt~, éd. Gtnpanarh, 45. Moine- de l'Olympe devenu musulman. SenAi Eiendi. Menaklb~, Emir Sullan, 60-63, Sur Je Ke~i~ Da~. Evliya, éd. Zlllioglu. 2. 374 sqq. Abdll MurAd et les Byzantins., Belig. GüJde,fle-j Riyûz-j /rfdn, 212. Les ~moines volants.~. Candémir. éd. Dutu-Cernovodeanu. 68 ; le thème du saint qui vole. puende, revient souvent dans les traditions turques. 1. M~likoff', «Le.<;; origines centre-asiatiques du soufisme anatolien,., Turcica 20 (1988),12-13. Cf, aussi les traditions populaires d'Istanbul sur Hezarienn, ~I'homme volant~ ; ainsi que "l'homme valut" qui accompagne le suhan Klhc Arstan Il à Constantinople. lors de la visite de ce dernier dans la capitale byzantine en 1162, Nicéta<;; ChoRiate, pa 152.457-458.
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devenir de l'Église orthodoxe de celui du pouvoir politique byzantin de plus en plus discrédité par sa politique d'union à Rome, et de toute f~on. réduit à l'état de fantoche entre les mains des OUomans. De plus, la séeulansatlon des bIens du clergé menée par les empere~ aux abois, ne CO?tri~uait pas à renfo~r la fidélité d'autorités ecclésiastiques qUI, passées sous donunation turque, dev81ent composer avec les nouveaux maîtres, respectueux d'ailleurs en général, des biens de l'Église lOO.
11 s'ensuivit, de la part des prélats, toute une série d'attitudes de bonne volonté, voire de collaboration avec les autorités turques qui n'étaient pas sans irriter le gouvernement de Constantinople. Isidore G1abas, l'un des successeurs de Palamas sur le siège épiscopal de Thessalonique, non seulement conseille à ses compatriotes de se soumettre sans résistance aux envahisseurs, mais se rend luimême plusieurs fois chez les Turcs. En lant que métropolite, il prend en main les intérêts de ses fidèles auxquels il sert d'intermédiaire devant les autorités, selon un système qui se met en place de son temps et sera celui des millet ottomans à l'époque classique. Dans ses sermons il rappelle ses visites à Bajazet 1er qui lui accorda des faveurs " ... plus grandes que ce qu'on aurait jamais pu espérer". 11 chapitre les fidèles en leur intimant l'ordre de ne plus murmurer contre ceux qui les protègent et qui supportent pour eux la brutalité des conquérants. Justifiant scripturairementla soumission aux autorités turques, il dit à mi-mot que ce sont ses interventions qui évitent le pire à sa ville: " ... à cause de nos nombreux péchés, nous avons été condamnés à l'esclavage, mais juste au moment où nous nous attendions à supporter le pire, nous avons, vous le savez, éprouvé une grande satisfaction". Toujours à Thessalonique, à la fin du siècle, un candidat au siège devenu vacant, intrigue auprès des Turcs pour obtenir la charge, sans tenir compte de l'avis patriarcal. C'est finalement Gabriel qui est élu et qui va comme ses prédécesseurs, jouer fructueusement son rôle d'intermédiaire auprès des Turcs, avec lesquels il semble avoir composé avec succès dès avant son élévation au siège métropolitain. En 1394, une lettre patriarcale lui reproche ses tractations foncières avec les musulmans: "Comment ta sainteté qui prétend enseigner la bonne conduite chrétienne, agit-elle comme les Turcs et pratique-t-elle l'injustice ?"IOI
lOOPllil_ Kokkinos, Antirrhltlques contre Grigoras, P.G. 151. t130. Id. Vie de Sabbas, 123, ISO, 151,96,98. Les origines juives de PIIilothée, D.T.C. sous rubrique. Voyages d'tvêques chez (u~bre sur la mort d'Isidore Glabas. td. Legrand, 107. IOILes contacts turcs de Glabas et les conseils de soumission donn~s la 5C.1I administJ'Û. "Huit homo!lie. pour la Sainl ~~Ire·, Hellenika 5 (1954), 56, el N.E. 9 (19t2), 387·392. Sur les intrigues d'un candidat au si~ge de Thes.ulonique, Actes du Patriarcat. 1.6. 305-306. Gabriel et ses contacts turcs. ibid., 220 : et Encom;cm, 6J. Laourda5. Mukidon;1ciJ 4 (1955-60), 366 sqq.
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Les patriarches eùx-mêmes, pourtant soucieux de freiner les pratiques de
reco~rs aux Turcs, de. ~lus en plus courantes chez les prélats, reconnaissent la
relat.lve. bonn~ condItion que les Turcs accordent aux églises sous leur dominatIOn, l81ssant ci.'culer qui veut. "Bien que souffrant de la conquête turque, ~nt en 1384 le patnarche Nil à Urbain VI, nous jouissons d'une complète lberté, pouvant recevolf des lettres, en envoyer, ayant toute latitude pour cboisir, ordonn~r et envoy~r des évêques où nous voulons, et pour nous occuper de toutes les aff81~s ecclé~lasllqu~ sans aucun obstacle, jusqu'au cœur même des régions Infi.dèles . Cert81ns patnarches, comme Mathieu, à la fin du XIVe siècle, sont obligés de se défendre d'avoir été en connivence avec les Turcs' ''l'accusati [contre ?,oil, écrit-il, est que, ay~nt ~n~oyé un ambassadeur à l'ém~ (Bajazet),]: me serrus arrangé, de ma propre Imlialive, pour obtenir sa protection"t02. , A la fin de l'empire, un nouveau facteur puissant va pousser les prélats
d~ns 1.alhance turqu~ : c'est la pression de Rome et du pouvoir impérial byzantin IUI-me~e, pour réaliser une union des Églises, très impopulaire dans l'opinion byzantine. DésormaIs, clercs anli-unionistes et oltomans parlent le même langage .politique "Iatinophobe", comme l'exprime fortement le chroniqueur grec du concile de Florence: " ... Les conseils de la.majorité des chrétiens et de nos amis (le pani opposé à l'union avec Rome) coïncidaient avec ceux des infidèles. En effet, lorsque Paul Asanès (l'ambassadeur byzantin), se trouvait en mission auprès de l'émir (Murâd II), ses vizirs lui dirent: "Qu'est-ce qui pousse l'empereur à se rendre chez lès Latins? S'il a quelque difficulté, qu'il en fasse pan et notre maître y remédiera; il trouvera auprès de notre maître un meilleur remède que chez les Latins, et plus profitable sera à l'empereur l'amitié de l'émir que celle des Latins ... mais les avis de tous furent tenus pour rien"103. Le chef des antiunionistes, Marc d'Ephèse, qui s'est illustré au concile d'union par sa franche opposition à Rome, à son retour à Constantinople, n'acceptant pas l'élection d'un unioniste sur le trône patriarcal, s'enfuit tout naturellement à Bursa, puis à Ephèse, sa ville épiscopale, le telTitoire turc étant considéré par les anti-
unionistes comme un refuge contre les pressions "latinophronesu104 . Mais c'est surtout le successeur de Marc d'Ephèse à la tête du pani antiunioniste, Georges Scholarios, qui représente le meilleur exemple de l'aboutissement de la voie de conciliation avec les Turcs, tracée par ses prédécesseurs depuis Palamas. Imitateur de Palamas, Scholarios l'est plus que tous ses contemporains: en son honneur, il compose un long canon dans la ligne des ac%uthies écrites un siècle plus tôt par Philothée Kokkinos. Comme Palamas, et à la différence de la plupan de ses collègues anti-unionistes, il adopte
les Turcs ·pour J'inttrat de leurs ouailles", Monodie
102Nii cl sa lettre-à Urbain VI, M.M.. Il. 86-87. Mathieu de Conslanlinople. ibid .. 463-461. 103Syropoulos.Laurent, 183. 104Marc 'Eug~niko5 à ,Ephèsc, L. Pelil. «Acolouthie de Marc Eug~nicos. archeveque d~ Studi Bizantini2 (1927), 198·199.
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1 ngtemps une attitude modérée envers l'Occident. Il va même beaucoup plus I~in et est un temps soupçonné de "Iatinop~nie.", Il cause de sa c~nnaisaance du latin de ses amitiés italiennes et de sa fasclDation pour le Thonusme. Ce n'est que 'tardivement et probablement pour des raisons plus politiques que théologiques, qu'il acceptera d'être choisi par M~ d~~, sur son lit de mort, comme "chef de l'Assemblée des Orthodoxes" anti-uruorustes. De même qu'il est ouvert envers les Latins, il est comme Palamas, prêt il. composer politiquement avec les Turcs, s~ns refuser non. plus I~s con~cts culturels et religieux avec eux. Lors de la pnse de Constantinople, 11 échOit en partage 1 un riche musulman d'Edirne qui le traite avec honneur. Car sa réputation était parvenue chez les Ottomans et jusqu'aux oreilles de Mehmed Dès avant la prise de Constantinople, si l'on en croit le chroniqueur Critoboulos ".. .Ia renommée de la sagesse, de l'intelligence et de la vertu de cet homme extraordinaire était parvenue jusqu'au sultan". C'est d'une part, pour profiter des connaissances intellectuelles de Scholarios - on sait les intérêts culturels et philosophiques du sultan - et pour J'utiliser à la réorganisation ecclésiastique des vaincus que Mehmed II " .. .Ie rechercha aussitôt après la prise de la viIle, désireux de voir cet homme et de l'entendre traiter de philosophie. L'ayant donc fait chercher avec beaucoup de peine, il finit par le trouver à Andrinople, chez un notable, gardé comme un prisonnier, mais traité avec distinction. Car son maître, bien que son ennemi, avait reconnu ses qualités". Dès lors, s'instaurent des relations privilégiées entre le sultan turc, curieux de culture grecque, et le. savant moine byzantin, dans la droite ligne des contacts iréniques établis entre Palamas et Manuel Paléologue, avec leurs interlocuteurs musulmans. Mais ces relations sont beaucoup plus étroites et durables, eu égard aux circonstances politiques à travers lesquelles Scholarios, devenu le premier patriarche grec ottoman joua sans réserve le rôle de réorganisateur de l'orthodoxie que lui dévolut le sultan. Toujours selon Critoboulos, les relations entre les deux hommes sont avant tout celles d'un souverain éclairé appréciant la culture et l'esprit du lettré grec : "Le sultan, l'ayant vu et s'étant convaincu qu'il n'était pas au dessous de sa renommée pour la philosophie, pour l'intelligence et pour la vertu, et encore pour la force et la grâce de son raisonnement, l'admira plus que tout autre et le traita avec distinction et honneur". Comme il le réalisa pour d'autres lettrés byzantins, il en fit un de ses familiers, car il aimait à s'entourer de savants et bons connaisseurs en sciences helléniques (Amiroutzès, ses fils etc.). Aussi lui accordait-t-il "... Ie droit d'entrer chez lui, la libre parole dans son entretien, et se réjouissant de ses manières, de ses discours et de ses réponses, il lui fit de larges et précieux présents".
n.
Ce n'est que dans un deuxième temps que le souverain, l'ayant jugé digne de confiance, ..... se décida à l'établir comme Patriarche des chrétiens lui donnant la puissance, le pouvoir et le règne dans l'Église", et ceci, en respectant les usages byzantins sur lesquels le renseigna Gennadios -nom monastique de
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Scholarios-, afin. de garder l'intégrité et la crédibilité d'une fooction capitale pou~ le bon fonctIOnnement futur de l'ethnie grecque ottomane. Le pouvoir patriarcal, pour être accepté sans réticence par tous, fut exercé 1 nouveau " ... comme il l'avait été sous les empereurs romains". Le 6 janviser 1454, le sultan se conformant Il l'usage traditionnel, recut Gennadios en audience solennelle, lui remit les insignes de sa charge et l'investit en usant de la formule suivante : "deviens patriarche, sois assuré de notre amitié et garde tous les privilèges dont ont joui tes prédécesseurs". Puis il le fit conduire 1 sa nouvelle métropole, l'église des Saints-Apôtres remplaçant Sainte-Sophie convertie en mosquée. Là, le patriarche fut intronisé selon l'usage par le métropolite d'Héraclée, puis, juché sur un magnifique cheval que lui avait offert Mehmed n, il fit le tour de la ville en procession. Ainsi que l'avait fait jadis Palamas fortuitement, Gennadios, de par sa fonction et de par l'intérêt que portait le sultan à de tels sujets, dut expliquer le christianisme au sultan. Mehmed : "... i1 s'entretint beaucoup et à fond avec lui sur la religion et la théologie des chrétiens", soit au palais du sultan soit au patriarcat où le souverain venait souvent" ... ayant avec lui ses hommes les plus estimés et les plus savants". En ces occasions, l'atmosphère était confiante et Gennadios pouvait" ... parler sans crainte et librement". Toute sa vie, Mehmed n ne se départit pas de son estime envers celui qu'il considérait comme son collaborateur en affaires ecclésiastiques et son conseiller théologique en ce qui concernait la religion de ses sujets chrétiens onhodoxes pour lesquels il affectait, avec la caution patriarcale, de se considérer comme le nouveau basileus. Pour le sultan, Gennadios écrivit donc plusieurs traités sur le christianisme dont l'un, traduit par le cadi de Veria, en turc transcrit en caractères grecs, est le premier document de la riche littérature ultérieure des chrétiens turcophones ottomans appelés "chrétiens de Karaman". En aucun de ses ouvrages, Gennadios ne s'est plaint de Mehmed II. 11 regardait même comme un miracle le sort relativement clément que le sultan avait réservé aux Grecs vaincus, parlant dans un de ses écrits de ses relations d'amitié avec le monarque et de la bonté ({itJ,llll6po"na) que ce dernier lui témoignai os. Philosophe et humaniste avant de devenir moine, le premier patriarche grec ottoman tenta ainsi, dans le cadre de l'orthodoxie doctrinale et dans les limites de ses fonctions pastorales, de s'accorder au mieux avec le nouvel tOSLatinophiiie de 5cholarios, " ••
rt' cIlmpWts. fd. Petit, IV, 414-4t5 ; III, 115·lt6. Chef de
l'ulltemhl~ de" nrthodoxelii", VIII, 27. Prisonnier li Edirne. Criloboulos. Reinscb. 90-91. et Irai" avec honneur par son mail~ turc, Elogt funlbu dt Sophianol. œuvrts. H. Petit. 1. 279-280. Scholarios CORRU de Mchmed Il avant 1451. Critoboulos. 91. Le sultan le (ait rccheœher et l'interroge sur la philosophie. puis se l'auache comme familier et le 'ail nommer patriarche. ibid., loc. Cil. : Sphranlm. Bonn. 304-307 ; Histo,ia PoUliea COIISlalllillOpolttn, Btnut. 21-28 ; Historia Pdtriarchka Conslanlinopoltos, BOlln. 80-82. Les trait~ de Scholarios pour Mehmed Il. P.G. 160; Con/tllio fidti prior, cOll/tlsin fldti po",r;o,. 319-352. La ·philanthropio· de Mehmed Il pour Gennadios, œllvnl. IV. 266.
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ROMANIB BYZANTINB BT PAYS DB ROM TURC UNB AIRB DB CONCILIATION RBLIGIBUSB
tl't de modérée envers l'Occident. Il va même beaucoup plus lonstemPS une a 1 u pçonné de "Iatinophronie", l cause de sa connaissance du loin et est un temps sou • . ti ur le Thomis C ' 1 . de ses amitiés italiennes et de sa ,ascma on F ,;,,~. e n est abn'tard· ent et probablement pour des raIsons plus politiques que que . Ivem "1 ......tera d'être choisi par Marc d'Ephèse, sur son lit de mort, théologIques. qu 1 a -r " . . . comme "chef de l'Assemblée des Orthodoxes anli-uruorustes. De même qu'il est ouvert envers les Latins, il est comme Palamas, prêt à.
J't'quement avec les Turcs, sans refuser non plus les contacts composer po 1 1 d l ' de C tantinople l'-ho' culturels et religieux avec eux. Lors . e a p~se .ons ,1 "" It en • 'che musulman d'EdIrne qUI le tratte avec honneur. Car sa partage .. un n ., 11 de Mebm réputation était parvenue chez les Otto';"~I\S et Jusq~ aux orel. es . ed Dès avant la prise de Constantinople, SI 1o~ en CroIt le cbroruqueur Critoboulos " 1 renommée de la sagesse, de l'intelhgence et de la vertu de cet homme e~~:Ordinaire était parvenue jusqu'au sul~an". C'est d'~ne p~, pour profiter des connaissances intellectuelles de Schol~?s - on salt le~ m!érêts cult~re~s et h'losophiques du sultan - et pour l'utlhser à la réorgantsatlOn ecclésIastIque :~ vaincus que Mehmed Il ".. .le rechercha a~ssitôt ap~ès la ~rise ,de la ville, désireux de voir cet homme et de l'entendre traIter de phllosophl~. L ayant donc fait chercher avec beaucoup de peine, il finit par le trouver à Andnnople, chez un notable, gardé comme un prisonnier, mais traité .av,: distinction. ~ar son maitre, bien que son ennemi, avait reconnu ses qualttés . Dès lors, s mstaurent des relations privilégiées entre le sultan turc, curieux de culture grecque, et le. savant moine byzantin, dans la droite ligne des contacts iréniques établis entre Palamas et Manuel Paléologue, avec leurs interlocuteurs musulmans. Mais ces relations sont beaucoup plus étroites et durables, eu égard aux circonstances politiques à travers lesquelles Scholarios, devenu le premier patriarche grec ottoman joua sans réserve le rôle de réorganisateur de l'orthodoxie que lui dévolut le sultan. Toujours selon Critoboulos, les relations entre les deux hommes sont avant tout celles d'un souverain éclairé appréciant la culture et l'esprit du lettré grec : "Le sultan, l'ayant vu et s'étant convaincu qu'il n'était pas au dessous de sa renommée pour la philosophie, pour l'intelligence et pour la vertu, et encore pour la force et la grâce de son raisonnement, l'admira plus que tout autre et le traita avec distinction et honneur". Comme il le réalisa pour d'autres lettrés byzantins, il en fit un de ses familiers, car il aimait à s'entourer de savants et bons connaisseurs en sciences helléniques (Amiroutzès, ses fils etc.). Aussi lui accordait-t-i1 "... Ie droit d'entrer chez lui, la libre parole dans son entretien, et se réjouissant de ses manières, de ses discours et de ses réponses, il lui fit de larges et précieux présents".
n.
Ce n'est que dans un deuxième temps que le souverain, l'ayant jugé digne de confiance, "•.• se décida à l'établir comme Patriarche des chrétiens lui donnant la puissance, le pouvoir et le règne dans l'Église", et ceci, en respectant les usages byzantins sur lesquels le renseigna Gennadios -nom monastique de
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Scholarios-, afin de garder l'intégrité et la crédibililé d'une fonction capitale pour le bon fonctionnement futur de l'ethnie grecque ottomane. Le pouvoir patriarcal, pour être acceplé sans réticence par 10us, fut exercé l nouveau "... comme il l'avait été sous les empereurs romains". Le 6 janviser 1454, le sultan se conformant à l'usage traditionnel, recut Gennadios en audience solennelle, lui remit les insignes de sa charge et l'investit en usant de la formule suivante : "deviens patriarche, sois assuré de notre arniti6 et garde tous les privilèges dont ont joui tes prédécesseurs". Puis il le fit conduire. sa nouvelle métropole, l'église des Saints-Apôtres remplaçant Sainte-Sophie convertie en mosquée. U, le patriarche fut intronisé selon l'usage par le ml!tropolite d'Héraclée, puis, juché sur un magnifique cheval que lui avait offert Mehmed U, il fit le tour de la ville en procession. Ainsi que l'avait fait jadis Palamas fortuitement, Gennadios, de par sa fonction et de par l'intérêt que portait le sultan à de tels sujets, dut expliquer le christianisme au sultan. Mehmed : "... i1 s'entretint beaucoup et. fond avec lui sur la religion et la théologie des chrétiens", soit au palais du sultan soit au patriarcat où le souverain venait souvent" ... ayant avec lui ses hommes les plus estimés et les plus savants". En ces occasions, l'atmosphère était confiante et Gennadios pouvait" ... parler sans crainte et librement". Toute sa vie, Mehmed Il ne se départit pas de son estime envers celui qu'il consid6rait comme son collaborateur en affaires ecclésiastiques et son conseiller théologique en ce qui concernait la religion de ses sujets chrétiens orthodoxes pour lesquels il affectait, avec la caution patriarcale, de se considérer comme le nouveau basileus. Pour le sultan, Gennadios écrivit donc plusieurs traités sur le christianisme dont l'un, traduit par le cadi de Veria, en turc transcril en caraclères grecs, est le premier document de la riche Iiuérature ultérieure des chrétiens turcophones ouomans appelés "chrétiens de Karaman". En aucun de ses ouvrages, Gennadios ne s'est plaint de Mehmed Il. Il regardait même comme un miracle le sort relativement clément que le sultan avait réservé aux Grecs vaincus, parlant dans un de ses écrits de ses relations d'amitié avec le monarque et de la bonté (~).a.,,[a) que ce dernier lui témoignaI os. Philosophe et humaniste avant de devenir moine, le premier patriarcbe grec oUoman tenta ainsi, dans le cadre de l'orthodoxie doctrinale et dans les limites de ses fonctions pastorales, de s'accorder au mieux avec le nouvel IOSLatinophiiie de Scholarios.
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE RÙM TURC
"cm reur" musulman, lequel acceptait volontiers co~me le. proclame sa . pe Il d ses successeurs dans les documents diplomatiques grecs ou Iltu1ature et ce e e ' ''l'E . latins à l'adresse des puissances chrétiennes, de se présenter co.mme , ml~ des Turcoromains", "le Basileus et .Autocr~tor des de~x ,~t~t\Oents d ASIe et d'Europe", ou ''l'ImperalOr Dei Gralla Turqwaeque Graecl&e .
••
Chapitre Quatrième DEVLET-[ OSMÂN1YE : UN ESPACE OTTOMAN D'OSMOSE ISLAMO-CHRÉTIENNE (XVe-XIx e siècles)
1- MYSTIQUES ET PoLmQUES 1\JRro-BY"ZAImNS A lA FIN DU MOYEN-ÂGE: CHocs FRONI"AUX iNœR-Mustn.MANS lIT AuJANœCHRISTlANO-SULTANœNNE
Au cours du dernier siècle de l'histoire de Byzance, l'attitude de conciliation militante envers les Turcs d'une partie du clergé byzantin fut étroitement fonction de son opposition farouche à tout compromis religieux avec l'Occident chrétien, que plusieurs empereurs tentèrent de pratiquer en échange d'un possible secours militaire de la chrétienté d'obédience pontificale. Les moines furent au premier rang de l'opposition à la politique impériale pro-occidentale. S'il ne manifeste pas le désir de prendre directement la direction de l'État, le parti monachique tend de plus en plus à pousser la société gréco-orthodoxe vers un compromis global avec un pouvoir temporel turc qui semble devoir irrémédiablement remplacer une autorité impériale en pleine décrépitude. CeUe option pro-turque avait aux yeux de beaucoup de clercs un double avantage: celui de préserver les intérêts spirituels et matériels de l'Église et celui d'accroître le rôle politique de ceUe dernière dans une société islamique que I"on savait respectueuse des droit essentiels des non-musulmans. Préservation dogmatique et matérielle allant de pair avec le renforcement de I"emprise ecclésiastique directe sur la société orthodoxe, I"acceptation de I"ordre olloman devenait un moyen aisé de conquérir, sous la houlette du sultan bien sOr, l'entière autorité politicospirituelle sur la chrétienté orientale que le patriarche avait toujours dû partager avec I"empereur. A un basileus déconsidéré par sa faiblesse politique et ses compromissions dogmatiques, pouvait se substituer, sous protection turque, un seul et unique "Chef de la Nation Romaine" (ethnarque) et un patriarche dont l'œcuménicité sur le monde chrétien, avait trouvé un nouveau défenseur temporel, le sultan, trop heureux de battre en brêche, par archevêque de la Nouvelle Rome interposé, les prétentions universelles du pontife de l'ancienne Ramet. Si pour les clercs byiantins l'acquisition d'un certain pouvoir temporel passait par la reconnaissance d'un nouveau maître politique étranger, le sultan se 106r.a titul...re romano-byzantine ~ sultans. M.M.• Il,87; H. Ahrweiler, .Une lettre en grec du sultan Bayezid U., Turcica 1 (1969), 155 : N. Vatin •• Une tentative d'ouvcnure diplomatique: la lettre de cmmcc d'un envoy~ de Bajazet Il aup~s de Louis XI», Vuria Turcica lU. 3.
1La problématique des clercs onhodoxes enlre Occident et Turcs e.">t analy5Û par Runcimao. Grea. Church. notamment 75-111, 165-185.
ISO
ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC DEVLET_) OSMÂN!YE
substituant li l'ancien protecteur naturel, l'empereur, mis ~ors-jeu .par les circonstances historiques, les mystiques turcs les plus e.x~m.stes aV81~nt un~ ambition politique plus vaste et un objo:ctif pour la satisf81re p~us rad.cal : '~ s'agissait de prendre la direction de la soclé~ musulm.ane en suppnmant ceux qUI prétendaient en assurer le contrôle exclusIf, li savOIr .Ies sultans ottomans. ~a rspective volontiers universaliste et supraconfesslonne~le des soufis anllpe ottomans cone urrenç81't directement les prétentions œcumémques des sultans en
ces domaines. Bref, par le jeu des intérêts et des ambitions ~litiq~es, les moin,~ grecs apparurent comme des alliés fiables de la dynastie d Osman.. prêts li .s mté~er activement dans la nouvelle société alors que les ~ervlches qu~ .av.alent puissamment contribué à la conquête. g(Jzî et au prem.er succès m.l~talre et religieux des souverains ottomans, deva.ent, pour leur frange la plus rad.ca~e du oins s'engager dans une lutte impitoyable contre les sultans par une série de ;av": révoltes qui, se succèdant à intervalles réguliers aux XV· et XVI~ siècles, mirent plusieurs fois en péril l'ordre établi. Ces révoltes contra.gmrent Ics sultans à mener une repression sévère contre les plus dangereux, tout en mettant les autres sous haute surveillance dans des cadres institutionnels rigides et en proscrivant de la part des soufis tout transconfessio~a.lisme trop ~arq.ué qui risquait de décompartimenter les communautés rehg.euses de 1empire sur l'équilibre desquelles était fondé l'ordre étatique ottoman (c'est le sens probable des multiples procès en hérésie menés aux XVIe et XVIIe siècles par les ulema contre des mystiques musulmans trop peu discrets dans leurs concessions doctrinales au christianisme)2.
2- ŒcuMÉNlcITÉ OrroMANE CONTRE SUPRACONFESSIONNAlISME SOUFl
Le sultan s'estimant le détenteur exclusif de tout universalisme politique, en tant que successeur légitime de différentes œcuménicités romano-byzantine, islamique, persane, comme de tout supraconfessionalisme idéologique de par sa position d'arbitre des diverses religions de son empire, il ne pouvait que juguler toutes les tentatives universalistes d'origine mystique, apparaissant comme des projets concurrençant dangereusement ses propres prétentions en ces matières. C'est la possession de Constantinople qui fonde tout-d'abord la prétention universaliste des sultans de l'aveu même des chrétiens, Grecs ou Italiens: "celui qui détient Constantinople, écrit un de ces derniers, est de plein droit maître de l'univers". Devenu "Empereur Œcuménique", "Grand Roi" (Basileus), Souverain
2R~voltes de derviches. ~pression el surveillance ottomane au XVII: si~cle. Ocak. O.A. 3 (1982), 73~77.
t02.
Proœs en htr6sie. aux XVII: el XVIIe si!;cles. M. Balivet./.,tamochristiana 16 (1990), 93-
181
du Monde" (Chah-. Djihan) etc., le sultan possède aussi une position "césarienne". d'arbitre ~es religions présentes dans ses États, une fonction supraconfes:'lOnnelle QUI en fait le maltre de peuples aux cultes les plus divers ; comme le d.t avo:c ~mphase un chroniqueur turc du XVe siècle, rassemblant sous sa plume les" prmc.paux peuples et religions de son temps, le sultan est (ou prétend ~tre) ... Ie Calife des Arabes, le Chah des Persans, le Kaghan des Talares (prétentIOn ottomane à l'héritage mongol), le Radja des Indes, le César de Rome e~ 1'~le~andre de la Grèce, le Vénérable d'Égypte et du Yémen, le Négus d ÉthIOpIe et du Soudan, le Salomon du temps présent". Le sultan a aussi, bien· sOr, une préte~tion universaliste, confessionnelle et islamique celle-là, en récupérant le litre de sultan et surtout la dignité de calife une fois le rival égyptien éliminé3. Universalisme et supraconfessionalisme sultaniens passent avant tout par l'élimination de toute concurrence des mystiques en ces domaines, donc par l'institutionalisation systématique et la mise au pas des groupes religieux. Cette
exigence d'organisation confessionnelle stricte va s'inspirer de deux traditions: l'un d'origine islamique qui est l'organisation classique des dhimmî en millet ; l'autre, moins sOre mais probable, d'origine byzantine, qui est la création d'un véritable clergé musulman, d'une hiérarchie ecclésiastique sunnite dirigée par un patriarche musulman, le Cheikh ul-lsl1ùn, et la "monastérisation" des derviches4 •
3- DES MoYENS EFFICACES DE MtSE AU PAS DES MYSTIQUES: MlUE1S lIT STIl.UCnJRES EccLÉSIASTIQUES
Les deux traditions sont favorables aux chrétiens: la première, selon un schéma bien connu en monde musulman, par la reconnaissance statutaire de chaque confession non musulmane, officialise l'ethnie orthodoxe (et arménienne)S, à l'exclusion du catholicisme (et du protestantisme), qui n'aura d'existence légale ultérieure qu'à travers la spécificité des diverses nations européennes reconnues par l'empire. Ce parti-pris en faveur du patriarche grec favorise également un "pan-orthodoxisme" à direction hellénique, au détriment des Slaves en particulier. Le second principe directeur, en utilisant le prototype chrétien, le valorise et crée une certaine uniformisation structurelle des 3"Celui qui d~lienl Constantinople ... \ Trap~zun,ios-u dut! J~"trt. 94-99. La IÎlulaturc univer.;a1iste des sultans. lIya.~ Efendi cil. par Yéra...imo.... FondalÎon. 230-231. Les sultans lures remplacent dt facto les califes au XVIe si&:le mais la revendication
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE RÙM TURC DEVLET-IOSMÂN!YE
confessions de l'empire en en unifiant les structures au nom d'une idée sousjacente selon laquelle la hiérarchie et les institutions de type ecclésiastique, favorisent le projet impérial en tant qu'elles canalisent les groupes mystiques et leur propension centrifuge et anarchique tout en facilitant la surveillance des dits groupes par le pouvoir civil. Tous ces principes d'encadrement sont, en revanche, défavorables aux
dissidenlS musulmans. chi'ites ou autres. car non seulement ils ne reconnaissent pas la diversité du millet musulman (alevi. druzes, yeûdî, etc.), mais dénaturent leur différence en les fonctionnarisant quand ils ne les éliminent pas physiquement en période de crise. Dès le XV· siècle, la mise en place de rouages islamiques et impériaux pour gérer les communautés religieuses de l'État ottoman, passe en priorité par un accord des dirigeants avec les chrétiens (et les juifs qui entrent, eux-aussi, comme dhimmî bien structurés, dans le système)6. Par contre, le bon fonctionnement de ces rouages, nécessite l'élimination des représentants les plus extrémistes du tasawwuJ. Le mysticisme islamique qui avait été, du XI· au XV· siècle, facteur de conquête turque et d'islamisation en Anatolie et dans les Balkans, tend, par son trop grand succès sur les masses, à échapper aux politiques qui mènent contre lui un combat sans merci à partir du XV· siècle et au-delà. Les sultans s'opposent aux derviches dans la mesure où ces derviches ont une tradition centrifuge et rehelle à l'autorité de la dynastie; ils ne tolèrent des soufis que ceux qui acceptent d'être organisés en institutions publiques, officiellement reconnues et contrôlées. L'évolution respective des rapports entre pouvoir politique et autorité religieuse dans les deux mondes byzantin et turc, nous l'avons vu, facilite, dès le XIV· siècle, les contacts entre pouvoir turc et Église byzantine: les moines byzantins, amenés à remplacer provisoirement leur autorité civile, défaillante politiquement et répulsive doctrinalement, sont à la recherche d'un protecteur fiable qui les laisse fonctionner religieusement et administrativement. Les gouvernants turcs, eux, sentant échapper leurs mystiques, les récupèrent par prise de corps, mais ont besoin d'un modèle solide d'institutionalisation contemplative qu'ils trouvent chez les Grecs.
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avec une reconnaissance de légitimité réciproque. D'où la solennité et la valeur volontairement emblématique de la scène "jouée" par Mehmed Il et Gennadios
dans une rencontre, "fondatrice" des relations à-venir entre confessions ottomanes7 . .Dans cette scène célèbre, entre le patriarche et le sultan, il faut y insister, la caulion est mutuelle et d'une égale portée idéologique pour les deux parties: si Mehmed garantit la continuité de l'Église orthodoxe et la protection doctrinale co~t~e Rome, G~nnadios de son côté investit le nouvel empereur du pouvoi~ légilime nécess",re et suffisant pour que les orthodoxes lui obéissent. Et c'est en vertu de cela que le nouveau basileus prodigue au nouveau patriarche des marques d'honneur scrupuleusement conformes au rituel traditionnel. Ce jeu-fondateur est fait dans une optique de politique à long terme très consciente chez le nouveau souverain comme le montre, par exemple son refus d'entrer dans l'église qu'il a attribuée au patriarche, pour éviter tout précédent utilisable ultérieurement par un parti musulman plus radical toujours prêt à s'approprier les églises conquises par voie de guerre (certains puritains du temps vontjusqu'à demander la destruction de Sainte-Sophie), renouvelant également ainsi le geste du calife Omar au SaintSépulchre.C'est aussi plus qu'en tant que lettré curieux, comme empereur "romain" gardien de la doctrine, qu'il demanda à Gennadios des informations théologiques précises sur ses sujets orthodoxes8 . L'investiture par l'autorité religieuse légale, du souverain supraconfessionnel que Mehmed Il estime être, est reconnue par lui si indispensable pour éviter toute contestation ultérieure, qu'il la renouvelle avec les deux autres groupes religieux importants de son empire: le groupe arménien tout d'abord avec lequel les Turcs avaient toujours entretenu des relations particulières indépendantes des Grecs (outre les différences doctrinales, connues des musulmans depuis longtemps). Mehmed investit donc solennellement en 1461 le patriarche Ovakim, rappelé de Bursa. Quant aux juifs, le rôle de protection politique du sultan à leur égard, va s'amplifier par la suite avec l'arrivée des sépharades ibériques à la fin du XV· siècle, mais le jeu-fondateur est. là aussi. dès les lendemains de la conquête de Constantinople (vers 1455), joué avec force conviction par le souverain et le premier HahambllJl ottoman, Moshe KapsaIi. lequel va, dès lors, jouer un rôle de rassembleur des juifs dans "la Terre Promise" que représente l'empire ottoman" ... terre propice à la vie et dévolue par l'Éternel"
4- L'INvEsnTuRE SUPRACONFl'SSIONNELLE DU SULTAN: UN TRIPLE JEUFoNoAlEUR roUR UN IMPÉRIALISME LÉGITIMÉ(GENNADlOS, OVAKIM, KAPSALI)
C'est donc une alliance entre partisans du mai tien et du renforcement des structures religieuses, que celle qui s'établit, très vite, dès 1453, entre le nouveau maitre du siège impérial et l'ancien pouvoir ecclésiastique, alliance qui va de pair
6Sur les juifs onomans. cf. les éludes de A. Galante,
Histoir~ des juifs tk Turquie.
7Sur Gennadios et Mehmed Il, supru chap. 3. nt. 105. 8Puritanisme musulman et dC!ilruclion de Sainte-Sophie. Y~rasimos-Folldo,jon. 242 nt. 508.
Omar refuse de prier dans le Sainl·S~pulcre pour 6viter que )'tglise soil islami. par la sui le. Hasluck-Christianity. 1. 7 ; Mehmed Il reste à J'extérieur de l'église patriarcale pour la l''n!mc raison. M. Crusius. Turcograecia. 16. Gennadios informe le sullan sur le christianisme. ibid.• loc. 'cil. Écho de ces contacfs chez Druç Beg "Le sullan Mehmed. aptts avoir conquis Constantinople. fut étonné à la vue de Sainle·Sophie. Il interrogea les Rûm el les Francs. les moine..c; el les pacriarches, el ceux. des Rûm el des Francs qui connai~..a.ienl l'hisloire'', 6;1. AtSl:l. 110.
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ROMANIE BYZANTINB BT PAYS DE ROM TURC DEVLET-I OSMÂNtYB
aux juifs persécutés d'Europe, selon l'exp,ression d'un rabbi~ ~'Edirne au XVe siècle; de même que Salonique, devenue ville-refuge pour les JUifs pm;, la volonté des sultans, sera comparée un peu plus tard, par Samuel Usque .. ,à notre respectable mère Jérusalem elle-même", Selon ~xactement le mê~e processu~ q~e pour Gennadios, Mehmed JI fait rechercher, d après le Se~e,r Ellyahu Zu~,~ Bhe Kapsali, l'homme le plus en vue d~ la communauté JUive : K~psah .. , fu~ conduit devant le roi qui l'appela Rabbi (ce qUI en langue turque se dit hoca) et lUi parla avec considération ( .. ,) le roi le traita avec honneur et ordonna qu'il rot ramené chez lui à cheval, escorté par les nobles et les dignitaires de la cour du roi", Par la suite, comme il le fit avec Gennadios, le sultan eut des ,entretiens théologiques avec Kapsali et lui demandait fréquemment conseil sur des ' problèmes concernant la communauté juive ottomane9, Si la caution judéo-arménienne fait du sultan le chef de plusieurs groupes religieux non-musulmans qui échappent à l'attraction du patriarche grec, Mehmed en tant qu'empereur, n'a garde de minimiser la volonté œcuménique du patriarche orthodoxe, seul capable de concurrencer les prétentions universelles du pape et par voie de conséquence de fortifier les ambitions politiques ottomanes en direction de l'Occident catholique, œcuménicité partiarcale et expansionnisme ottoman se rejoignent dans un même désir, doctrinal l'un, politique l'autre, d'unifier sous un même pouvoir l'ensemble du monde chrétien, Dans cette optique, le patriarche est un atout majeur de la politique européenne du sultan dont l'aval lui permet de mener légitimement une campagne de ralliement des chrétiens sous sa férule lO ,
5- LEs OR1lIOOOlŒS ET LE SULTAN: Du RALLIEMENT À LA COLLABORATION
Le sultan conscient de l'efficacité de l'argument doctrinal dans le ralliement orthodoxe aux Turcs, se présente habilement comme le nouveau bras séculier de l'Église byzantine, favorisant les orthodoxes au détriment du catholicisme qu'il va jusqu'à interdire dans certains cas, Déjà Murad JI, au moment du concile de Florence, mettait en valeur l'argument selon lequel, en matière de préservations doctrinales, les orthodoxes avaient tout intérêt à s'allier avec les, Turcs, ce qu'admettait d'ailleurs la fraction la plus anti-unioniste des Grecs, Par proclamation écrite et par envoi d'émissaires-souvent des chrétiens à leur service-Ies sultans savent convaincre aussi du bien-fondé du ralliement politique, archontes, gouverneurs et garnisons des places-fortes convoitées, en
9patriarcat 8I'J1Kinien el gouvernement ottoman. K. Bardakjian ••The Rise or the Armenian Palriarchate of Constantinople» dans Braude-Lewis. Christians and Jew.~, 1. 89-100 ; Mantran. Istanbul. 49. Le rabbin d'Edirne cicé ici est Isaac Sarrati. dans Nehama. Isra/Utes. J. 116. Samuel U&que et Salonique, ibid" lit, 47-48, Mehmed Il el Mo,he Kapsali, cf, Elie Kapsali, S.dez EU y
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éch~ge de la liI':"rté religieuse et d'une certaine autonomie administrative: aux habitants de Jamn? assiégée, le général turc, Sinân Pacha, conseille" .. ,de se soumettre volontaIFement et de ne pas croire au discours des Francs qui ne peu~ent e~ aucun cas vous aider si ce n'est en vous détruisant. Je vous jure, c~ntlDue-t-II,que vous ~'aurez à craindre ni l'esclavage, ni la levée de vos enfants, DI la destrucuon des églises; nous ne construirons pas de mosquées et les cloches de vos églises pourront sonner selon votre coutume", Aux archontes grecs du Pé!oponnèse tentés par le ralliement, Mehmed Il fait parvenir le document SUivant: "Le Grand Seigneur et Grand Emir, le sultan Mehmed à tous les Archontes de nos domaines qui désirent se rallier à moi. Sachez que mon estimé serviteur Hasan Bey, vint à moi pour m'apprendre que vous désiriez devenir mes sUjets, Et vous voulez connaître mes conditions que je vous pose dès maintenant: je vous jure que je ne porterai pas la main sur vos biens, sur vos· enfants, sur vos têtes; bien au contraire, je vous donnerai la paix et vous serez' dans de meilleures conditions qu'auparavant" 1l, La politique monastique des Ottomans est, en général, avantageuse, les souverains ménageant leurs alliés nalurels : des firmans protègenl souvent les intérêts et propriétés des monastères, dans le Pont comme en Bithynie, en Macédoine, au Mont-Athos, à Serrès ou à Thessalonique, Vis-à-vis de l'Église séculière, le comportement des sultans est tout aussi accommodant : bora, d'investiture pour les métropolites ralliés, liberté de circulation pour les prélats visitant leurs collègues ou leurs ouailles, pouvoirs ecclésiasliques et patriarcaux accrus, Bien des églises sont laissées en leur possession, les lieux de culte vétustes sont réparés, de nouveaux sanctuaires sont construits malgrè les interdictions de lajuridiclion islamique à cel égard: selon un contemporain, les Kopliilü bâtirent plus d'églises que Justinien; aux XVI'-XVII' siècles, il y a une trentaine d'églises à Salonique: dans la seule île de Samos, une dizaine de monastères sont des fondalions d'époque ottomane 12
Il Le sultan se présente comme défenseur des orthodoxes, Inwclk ....1be Policy of Mehmed 11 toward the Greek Population of Istanbul_, Variorum. VI. 236~237. Perskution du catholidsme l. Chypre par Grecs el Turcs, K. Kyrris. _Modes de survivance. de tra.n..donnation el d'adaptalion du n!gime colonial latin de Chypre apœs la canquete ottomane_, dans Balard. Étal el Colonisalion. 153 SQq. ; el Inalclk, Variorum. VIII. 5. 6. Accord Turcs el Grecs aBri-unionistes. Syropoul~ Laurent. 183 : "Les conseils de la majorité de..'i chn!liens (opposés à l'union avec Rome), et ceux des infid~les concordaient... Plus profitable sera à l'empereur (byzantin) l'amiti~ de l'~mir (ottoman) que celle des Latins~. SinAn Pacha et Janina, Nicol, TM D~spotat~ 01 Epiros, 201-203. Mehmed Il el les archonles du Péloponnèse. MM.. III, 290. 12Dans le Pont: Selim 1er el Sumela. Dosith« de J~rusaJem, dans Legrand, BibtioKraplri~ hellénique du XVIIIe s.. Il. 120-122 ; S. Horuluollu. Trabl(ln Vt (t'Vrts;"În Tarih; t.terleri. S7 ; 8ryer. «The Tourkokralia in Ihe PORlos_. N~o-Hellenik.a, 1. 41. En Bithynie. Janin-Grallds Centres. 121. 139. 147, 155. 163. 165. 171. Au Mont Athos. X~ropot.mou. S. Binon. Xiropotamou el St Paul, 149-150 ; Dionysiou. lachanadou. «Ottoman documents from lhe Archives of Dionysiou_, SUdtm-For.tchungen 28 (1969) ; Acles de Dionysio", ~. Oikonomidà. J, 11. 187 ; Esphi8~nou. Actes. ~ Lefort, 169. 172 ; Kastamonilou. ÂCI~S. M. Oikonomidh. S. 9 ; Serrès et St-Jean Prodrome. A. Guillou. 11., Ardive.t de St-J~an Prodro~. 155 : 1. Beldiceanu. _La prise de Serres el le Firman de 1372 en faveur du monasl~re de SI Jean Prodrome». Acla
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ROMANIB BYZANTINB BT PAYS DB ROM TURC DBVLBT_I OSMÂNtYB
La œponse des clercs ne se fail, en général, pas atlen~re : elle esl favorable au voir lurc qu'elle facilite en lui accordanl ~ollaborallon el ~nne volonté. pou . -'pugnenl pas il faire appel aux Inbunaux lurcs qu Ils pn!fèrent il Les momes ne '" . . ' .al l'occasion il leur propre juridiction, ni il fa\l'e des trac.talions commercl ~ av~
les musulmans : le monaslère alhonile de Kastamonltou, par exemple, n hésite pas il porter un différend qui l'oppose il un autre monastè~ de la montagne, devant le cadi, ni il emprunter de l'argent il un Turc d~ Salonique. t;>ès av~t la fi~ de Byzance. le patriarcat devait souvent.r~JJ:Cl~r à 1ordre.de~ momes qUI pœfénuent recourir aux tribunaux turcs qu'à la Jundlctlon eccléslasliqu,e. Au moment de la conquèle, beaucoup de religieux font spontanément acte d a\lége~ce. Dans la ligne de Gennadios, les patriarches manifestent, longtemps un loyalisme otloman ué Le patriarche Maxime, en 1480, donne la tolérance du sultan en exemple mar: ~ de Venise qui persécule les orthodoxes : "Le Grand et Très-Haut au og e (Mehmed II), étant d'une autre religion, laisse les chœtÎens el tous les M onarqu .. .. 11· autres libres, en ce qui concerne leurs opmlons el 1eur •· 101. agit même directement pour protéger les minorités inquiétées pour leur croyan~e ; pour protéger les Arméniens de Valachie, ......il a ~rit et env~yé des officle~ a~ec l'ordre que la loi de Dieu ne souff~ pomt, vlOl.ence, et Il .a em~~~,é Blnsl. la persécution". Au XVII· siècle, le palnarche d Anli?Che M8C8I~ écnt .. Que Dieu perpétue l'empire des Turcs pour les si~les des s~ècl.es ! car I~S perçOivent I~urs impôts sans se pœoccuper de religion RI de savOir SI leurs sUjets sont chœtl~ns ou nazaréens, juifs ou samaritains". Et aussi tard qu'en 1798, e~ pleme œvolution française, le patriarcat grec publie à Istanbul une brochure destmée aux Hislorica 4 (1965), 15-24 : E. Zachariadou, «Barly Otloma~ Documen!s of the Prodromos Mona5lcry (Senes)., Siidost-F(}rschllftgen 28 (1969) ; Salomque. M. Kiel cNotes.. on Sorne
Turkish MonumenlS in Thessaloniki., Ba/Ica. S,.dies Il (1970), 129-130; O. Stog.oglou, Le mmttulln patriarcal des Vlat/odes à Salonique (en grec), 73 sqq. Le cél~bre g~néral otto,man Turahan Bea: fonda m6mc un mon~re qui pone encore aclue!~emen.t son nom, Douraclltuli .: P. ArabaDtinos, Chronograpme d'Epire (en grec), 1. 162. Berât d Inve~tllures pour les J'D6tropohtes ralJi~s. Beldiceanu, Actes, 137 : Inalclk. Sûre,·; defter-; sQncok-i Arnavid. no: 148. 162, 186. Libert6 de circulation des prélat •• M.M .. Il. 86·87 ; Daniel, m.!.ropolit. d'Ep~ .. v.n 1476· 1482. et son voyage en Orient. Dhiighisis. Pouvoirs patriarcaux accrus, Runciman-Greal Church. 18H82. Selon cantemir, 6<1. Ou.u. 101-102. Kôprulü MU"afl Pacha a penni. la con..ruction de plus d'6g1ises que n'avait fail Justinien car, disait le Grand Vizir à son entourage, on ne peU! pas plus oblipr les chr6liens à vivre sans ~g1i5CS que ~es musulmans sans ~q.uécs ; cf. ausSI fb. Barth6l~my, Hilloire de Ùl Turquie. 318: en Serbie. en 1690. le Grand VIZir ordonna que Ion construisll des ~glises et que l'on fit venir de.'II prêtres dans )ell village.'II qui en étaient d~pourvus. Sa popularill! fut ~s 10/1 grande dans la contrée aupfÙ des indig~n.. ; "Voyez, .urai!-i~ dit à ses officicB. ce que produit la toJl!rance. J'ai augmentl! la PUi5sance de notre monarque et j'BI forcé ces bonnes lens à bénir notre gouvernement qu'ils baissaient-. Cf. aussi la lettre de Soliman le Magnifique à François lcr en 1528 : Dans tous les lieux de culte qui sont "... entre les mains des
chrfticns, personne, sous mon ~gne de justice, ne peUl inquil!ter ni troubler ceux qui les habitent. Jouissant d'un repos padaÏl l J'ombre de ma protcccion souveraine, il leur e.'IIt penni" d'accomplir les ~monies et les rites de leur religion. Ét8blis en pleine skurit~ dans les I!ditices consacr6s" leur culte et dans leun quartiers. il est impossible que qui que ce soil les lounnenle et les moleste dan, 1. moindre des choses", Jean Chesn.... Voyage d. M. d'Aramon, 260-261. Cf. aussi le KQ"""l1am~ de lS16 selon lequel les musulmans qui, dans certains villages, commettent des cJlactions c:ontre les chmiens. doivent itre chass6s de ces villBles, N. Beldiceanu, Variorum. Ill, 116.30 6sJiscs l Saloniqu. aux XV" et XVII' ,i«I•• , Kiel. Bu/Ican S,.die. Il (1970), t28. l.e5 ~teS
de Samos, Tourn.fon, 1. 322.323.
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fidèles qui fustige les idées nouvelles tout en ponant au pinacle la domination ottomane: IIVoyez comme Notre-Seigneur, miséricordieux et omniscient, a arrangé les choses, afin de pœserver à nouveau l'intégrité de notre foi sainte et onhodoxe: Il a élevé du néant ce puissant empire des Ottomans, il la place de notre .emplre romain (b~zantin~ qui avait de toute façon commencé il dévier, pour ce qUI est de notre espnt chrétien orthodoxe. Et il a élevé cet empire OtIOmau audessus de tout autre empire, afin de prouver de façon cenaine que ceci étail en accord 'avec sa volonté divine. Ne faites aucunement atlention, il tous ces nouveaux espoirs de Iibené que l'on professe. L'Écriture sainte dit que nous devons prier constamment pour notre Empereur Oe sultan)"l3. La population suit, la plupan du temps, son clergé, car l'économie et la prospérité matérielle ont souvent été mises il mal par les régimes précédents. La justice ottomane est en général plutôt équitable, au minimum, elle ne fait pas acception de confession selon le témoignage des sujets non-musulmans eux. mêmes: telle veuve grecque, d'après Cantémir. obtient, à force de démarches, la tête des onze janissaires qui ont assassiné son mari. Même dans une littérature aussi anti'turque que les Actes des néo-manyrs orthodoxes, les tribunaux chargés de juger les chrétiens relaps, apparaissent la plupan du temps comme peu désireux de prononcer des verdicts trop lourds et n'en viennent souvent il condamner les accusés que par la volonté propre de ces derniers recherchant par tous les moyens à être exécutés, au nom d'une exaltation intérieure bien connue des manyrologes. Les cas de néo-manyrs comme Damaskinos de Constantinople ou Gédéon de Karakallou sont caractéristiques d'un farouche désir de témoignage par le sang des intéressés et d'une cenaine longanimité des autorités: le premier. à la fin du XVII· siècle, islamisé, puis repenti et devenu moine à l'Athos, décide" de verser son sang pour le Christ". Il vint il Constantinople et ..... commença là il interpeler les musulmans pour leur faire renier Mahomet. Cette audace était si grande que les Turcs le prenaient pour un fou et ne tenaient pas compte de lui. Mais le bienheureux insistait: il prêchait par toute la ville, jusque devant le grand vizir, pour proclamer sa foi au Christ-Dieu. Il fut soumis à plusieurs reprises il la flagellation. puis reçut finalement la sentence qu'il attendait et eut la tête tranchée". Le second néo-martyr, un siècle plus tard, devenu lui-aussi musulman, puis moine à l'Athos, ..... obtint de ses supérieurs la permission de s'engager sur la voie du manyre volontaire". Il avoue en public qu'il a renoncé il l'islam pour redevenir chrélien el est traduil comme relaps devant le cadi, lequel lui fait servir du café ! " ... L'accusé le jeta au visage du juge, en raillant l'apparence trompeuse de la religion de Mahomet. 11 semblait tout faire pour attirer sur lui la fureur des Turcs et les pires châtiments; mais, pris pour un fou, il fut soumis à ùn~ violente bastonnade et put être recueilli, il demi-mon par des I3Acles dt Kaslamonittlu, 7. 9, 56-57. Acte" d'al1~gcancc de religieux à Chypre. twcak. Variollfm, VIII, 6-1. La citation du patriarche Maxime en 1480 esl dans M.AI.• V. 284; telle de Màcaire d'Anlloche. cr. TM TrtlVels tJf MU'-UTi".t, 6.1. Laura Ridding, IS. La brochure de 1198 est dan!\. Th. Papadopoullos, Sludies. 143-145.
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chrétiens des environs"_ Il provoque ensuite des soldats turcs sans parvenir à être condamné el ce n'esl qu'à la troisi~me provocation publique qu'il est finalement jugé et exécutél4 _ Dans ces anecdotes comme dans les sources les plus diverses, le fonctionnaire ottoman, cadi ou autre, apparail en général comme peu porté au maximalisme et toléranl. "Le cadi de Jérusalem, constate un ~Ierin allemand, était un sarrazin simple el droit, doué d'une grande vertu morale. Son erreur était simplement de croire que tout homme pouvait être sauvé par sa propre foi, cene dans laquene il était né, pourvu qu'il la conserve fidèlement. J'ai pudeur à dire qu'à SOD départ, quelques ~Ierins eurent les larmes aux yeux de tristesse car il était pour nous comme un ~re". D'une grande largeur d'espril sonl aussi le fonctionnaire oltoman qui accueille Lady Montagu à Belgrade ou le grand vizir Rüslem pacha qui, selon le témoignage de l'ambassadeur impérial à Constantinople, aurait confié à son interlocuteur qu'il ne croyait pas "... que ceux qui onl mené une vie sainte et pure en ce monde, seraient livrés aux tourments éternels, quene que soit la religion qu'ils aient pratiquée". Le haut fonctionnaire que fut Ta,koprüzâde écrit de son côté: "que Dieu nous préserve de ceux qui montrenl du fanatisme en malière de religion !"15. Les Occidentaux, peu suspects d'exagérer un phénomène qui joue plutôt contre eux, ne peuvent néanmoins s'empêcher de constater un certain loyalisme des chrétiens ottomans: "les chrétiens ne veulent pas d'autre domination que cene des Turcs", écrit Crusius au XVIo siècle. Sélim l or qui n'a pourtant pas laissé une réputation de bienveillance excessive puisque les sources turques elles-mêmes le qualifient de "cruel" (yavuz), esl populaire chez les Grecs pour avoir doté certains monastères comme Suméla ou Xéropotamou. Une chronique grecque anonyme le désigne comme un "... homme vaillant, juge sage et équitable qui aima beaucoup les chrétiens et l'Église de Christ; de son temps furent bâties beaucoup d'églises chrétiennes. Il ordonna que tous les temples de Dieu fussent embellis ; et, à côté des anciennes églises, il s'en éleva de nouvenes". Les sources grecques du XVIe siècle, présentent aussi Mehmed II, pourtant conquérant de Byzance, sous un jour favorable. L'attachement des chrétiens à la dynastie d'Osmân apparail çà et là dans 14"Leo ciwJes que les Bulgares imposent 110ulS sujet. grecs sonl infiniment plus lourdes que celles que 1. cruault c1cs Turcs aUnUl inventees", Cydt>tWs cil6 par ZakythiD", La On.. " I.. Balksns. SI-52. La .euve et los Il janissaires. Canltmir, ~. Dutu, 169-170. Damaskinos de eousIIDliDople, 5ynDaire, l, 508 ; Géck!on de Karakallou, ibid .. Il, 273. Cf. aussi A. Galland, 6<1. ~herrer, 200-201. 011 un jeune Grec Aqui on a fait lire la ,hahdda par surprise. refuse de se conslCl~n:, pour cela comme musulman. Qrçoncis. bAlonn~. il penislc dans son refus: "Le ~YIDIIC8II v~y~t ceste ~stance. l'envoya au StamboJ Efendi pour lui de.,.ader ce qu'il faudroit tme ..; Cclw:C:1 ayant ~ns connaissance cxacte du rait. dit quc puisqu'il n'avoit pu voulu se faire turc d abord, JI ne VO)'81t pas que les proœdures qu'on avoit faites contre luy l'cussent rendu d'une relipoa qu'il ne youloit pas embrasser·. 1Sp
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les .s~urces oil la dyn~tie turque est considérée comme la lignée impériale légitime. Pour les tradllons populaires roumaines, le sultan turc successeur légitime du basileus, est "l'honnête empereur" qui règne à "Tsarigrad". Un âudit grec du xvmo siècle rédige un Catalogue des empereurs rolllDi,.. d'Augus/e-CistJr au sultan Osman 11116• On remarque ainsi, accompagnant l'expansion ottomane un ralliement massif des populations non-musulmanes, ralliement qui s'assortit souvent d'un processus de conaboration active avec les conquérants. Cela facilita grandement la progression et l'implantation durable des Turcs en pays chrétien: de Caffa à Athènes, on constate des cas de collusion gréco-turque au détriment des Latins : bien des places sont livrées grâce à l'aide des Grecs, clergé et moines en tete (Veria, Kastoria, Edessa, Athènes, Salonique, Caffa, Candie). Des espions grecs travaillent pour les Turcs à Rhodes comme en Crète oil des clercs sont accusés d'être des amiei Teueri. Les cadres militaires comme les membres de l'aristocratie byzantine ne.se font pas scrupule d'intégrer les rangs turcs; princes, archontes et sold~~ jpuent ouvertement la carte ottomane, comme en Péloponnèse le despote Dérn!!.trius Paléologue, les archontes, Krokondylos ou Mathieu Asan accusés par un c/.lroniqueur d'être, pour leur trahison, " ... l'origine de tous les maux en M'Iré4:"'; des membres de la famille impériale byzantine résident à la cour de Mèhmed Il, deviennent musulmans, et occupent divers écbelons dans la nouvelle société, vizirs, amiraux, sipâhi, nuJrtoloz, timariotes, percepteurs etc. L'élite intellectuelle de l'ancien régime n'hésite pas, sans s'islamiser, à intégrer la nouvelle classe dirigeante : le sultan a des conseillers, un scriptorium, des interprètes, des architectes, des musiciens, des historiographes grecs l7 . 16Crusius, TUl'COgraecia. 250. ~Iim 1er bien vu par les c:hmicns. Chronicon bnve. en appendice de Doukas-BOM. S23. Les habitants de Chio· ... aiment bien plus la domination des Tutcs que des chrétiens", Th6venot, 159. Mchmed Il bien jugé par les chroniques pOpulaires arec:ques du sièclo, 1. Raby, D.O.P. 37 (1983), 28. Les Roumains ot TSarignd, P. Dioconu, .Aspect de l'i~ impériale dans le folklore roumain», Byztllllino (1971), 195-196. Les ',"peUII,! ro"",iru d'AuRUllt Il Osman III. dans Moraux, Cala/ogut. 38-39. Les Turcs. hl!ritiers des Romains. pour
xvr
certaim. Occidentaux. F. Le!ilringanl. «Guillaume Postel et l'obsession turque», dans PostelColloque. 271-2'4 ; et Yérasimos ••La Hisloria Universale de Turchi de F. Sansovino-, Turcica (1988), 27-30. l'Orecs et Afmtniens favorisent la prise de Carra en 1475. N. Beldiceanu, Variorum. VI. 69. Un' On:e aide les Turcs à entrer dan" Candie. Can~mir. His",i" dt l'Empire Olltltrldlt. 1. 99. Sur les
trahisons indig~nes au profit des Turcs supra, chap. 2. A Rhodes, un nomn o.1im6lrios Sophianos est edcut~ comme espion turc, Raby, D.O.P. 37 (1983), 26. Preans grecs, amie; ,t bt!nt!voli Teuer;, Thiriet, Âut!mbllls, Il, 231. Le despote ~lMlri05. PaI~olOSue cl les Turcs, Babinger-M.homtt, 189-194, 198, 201 "1 .. 206. 211 "1., 215 ,q. 235. Arthonte. nlli6s aUIl Turcs : Krokondylos. Mathieu A$8.n. cf. Sphranlùs. ~d. Philippid~. 82. 89 ; le fils de Thomas Pal~ologuc Gi~ devenu bty/erbty. ibid .• 93. Le neveu du demit'f empereur de Byzance. qui avait fui cn lIalic. revint vivre Ala COUf du sullan ; selon Spandugino••... bien qu'il cOI ~ ch~ et de nation ch~ticnnc, Bajazet Il voulait cependant qu'il !iOit respect~ de tous ct hononS au-dessus de tout autre seigneur·. Iorga. Byta"'·, apris Byzance. S7. Mart%l. chRliens. Berindei. Kùus-· Martin VeinslCin. «Acles de Murêd III sur la Rgion de Vidin», SUdosl-Forsclulllglll 35 (1976). SI nt 229. Sipdhi non-musulmans. Beldiceanu. Âcles. 71-72 : perccptcun c:hr6tiens. ibid., 112113. 146. IS2. Timariolcs chRtiens. Inalcl1c.. Telkikler. 137 5Q'l. Scriptorium grec du sultan. Raby. art cit~. 2S-27 ; architectes. Y~rasimos. Fondation, 14S-1S0: anisles. 141 ; conseillers
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Ce ralliement du parti de l'intelligentsia byzantine entraine la constitution d'un puissant groupe grec à la cour ottom~e qui jouera un rôle capital jusq~'à la fin de l'empire: on sait la place des Phananotes, de personnalités comme MIchel Cantacuzène dit ~eytanol!lu, de Panayotis Nicousios, d'Alexandre Mavrocordato ou du diplomate gréco-ottoman Kostaki Musurus Pacha. Les collaborateurs arméniens et juifs, et même certains Occidentaux dissidents ou non (Hussites, protestants hongrois, Génois, Espagnols et~.) ne manq~ent pas n?n plus aux Ottomans. Ces ralliés, convertis ou non, Jouent aussI un rôle Important à l'époque ottomane classique dans tous les domaines d'activité, du "Grand Juif' Don Joseph Nassy duc de Naxos à Bonneval Pacha, et aux différents conseillers militaires ou intellectuels d'origine européenne l8 . Le ralliement massif des non-musulmans au pouvoir turc, entraine soit l'officialisation d'un statu-quo interconfessionnel relativement conciliant mais où les frontières religieuses sont respectées, soit une islamisation pure et simple de groupes et d'individus qui préfèrent adopter la foi, et donc le statut social et fiscal plus avantageux des vainqueurs. En fait les deux situations sont complémentaires et jouent en faveur du métissage culturel et du syncrétisme religieux car les frontières culturelles des millet, jusqu'au raidissement nationaliste du XIX· siècle, restent très perméables. Quant à l'islamisation "à l'ottomane", elle ne représente certainement pas une uniformisation culturelle ni même religieuse, la plupart des convertis gardant une partie de leur héritage passé, au moins à titre d'état d'esprit ou de sensibilité particulière, quand ils n'ont pas tendance à faire fusionner leurs deux patrimoines en un alliage de type bektt4î.
C'est en cela que le "melting-pot" culturel et religieux qui est celui des élites comme du peuple ottoman de l'époque moderne et contemporaine, est directement issu non seulement de l'inter-perméabilité des mil/et mais aussi du phénomène de la conversion à l'islam, lequel ne découragea jamais la récupération des divers dépôts culturels antérieurs. Tout au contraire, sur une longue durée, la conversion plus ou moins imparfaite, jointe à la longue cohabitation et donc aux mêmes conditions matérielles et économiques que partagent tous les sujets du
grecs du sultan. Vryonis-B.K.M.• XIII. 276 ; peintres. Babinger-Mahomtl, 462 sqq. ; musiciens. O. Cioranesco. «La contribution de D6ritrc Candémir aux ~tudes orientales_, Turcica 7 (1975), 207-211 ; historiens grecs du sultan, Chalcocondyle, ~d. Oarlc.o et Critoboulos. ~d. Reinsch. 18$eytanoAlu, cf. Iorga, Byzance après ByzallCt. 119 ; Runciman-Grtat Church, 197. Sur les Phanariotes, Symposium de J974 (Thessalonique). Nicousios. Mavrocordato. cf. Cant~mir. ~d. Outu. 267-283. Kostaki Musurus Pacha, S. Kuneralp, «Bir osmanh diplomau, Kostaki Musurus P~a 1807-1891-, Btlltttn 34 (1970), 421 sqq. L'essor des Arménien1io Onoman1io, MantranIstanbul. 50-52. Collaboration jud~o-turque, Lewis, Commtnt l'islam .... 100. 124. Hussites et T~, eues, 6:1. Gandillac, 17-18. Protestants Hongrois. Cosaques vieux-croyants qui pré~rentla d~mlnation turque. Arnold·Chr;slianity, in Stavr;anos. 10. Génois pas~s aux Turcs, Raby, art. Clh!, 28. et Tafur, 112-113. Joseph Nassy, cf. Galante, Don Joseph Nassi, duc de Naxos, el id., Eslher Kyra, d'apr~s de nOUVQUX dOCumtnlS. Bonneval Pacha, S. Gorccix. Bonneval Pacha. Cf. aussi B. Benousar. Chr/tiens d'Allah, sur le rôle des apostats chez les Ottomans. Cf. Man..... , Hill. Emp. 011.,277-278,423,274,715,423 .tc.
us
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sultan, ~ondui~ non à une islamisation profonde et uniforme, mais à une culture composite qUI .non seulement n'entame pas le noyau dur des millet nonmusulmans, maIs encore, transfonne l'islam lui·même en une perspective très souple et très ~~gl?ba~te. A ce titre, l'islamisation "à l'ottomane", puissant moteur.de conclhatlon 1Oter-communautaire et de syncrétisme culturel mérite • une rapIde analyse.
6- UNE ISLAMISAnON À L'OiToMANE : MELTlNG-PoT RELIGIEUX ET MÉllSSAGE
OJLlUREL ~a conversion à yislam est un moyen efficace de brassage et de syncrétisme par récupération et nouveau "mixage" de plusieurs dépôts culturels. Ce phénomène perdure pendant toute l'histoire ottomane classique, et le rôle des convertIs ne faIt que croître dès le XV· siècle. Lieux et gens convertis à la nouvelle religion amplifient par leur héritage divers le caractère pluriconfessionneJ et multieulture! de l'espace ottoman.
Les lieux, tout-d'abord: ils sont islamisés à une large échelle surtout à partir de BazajetlI, mais assez lentement. Une ville comme Salonique en fournit une bonne illustration : des basiliques aussi prestigieuses et aux dimensions aussi imposantes que Saint-Démètre, Sainte-Sophie et la Rotonde Saint-Georges, ne furent transformées en mosquées que longtemps après la conquête turque de 1430, soit sous Bajazet Il pour la première, et respectivement en 1524 et en 1590191 pour les deux autres l9 D'autre part, les sites islamisés ont souvent une telle réputation multiséculaire que les musulmans doivent se livrer à des systèmes d'équivalence serrés afin que l'ampleur de fréquentation ne diminue pas avec l'islamisation. Le célèbre Saint Démètre qui avait donné lieu à un culte fervent à l'époque byzantine, devient ainsi pour les musulmans de Salonique le "Père automne" (Kaslm Baba) avec la fêle duquel (26 octobre) s'arrêtent saison de navigation et service, qu'il faille ou non le rattacher à Kaslm Baba, derviche qui prêcha l'islam dans la région à la fin du XIve siècle. De la même manière la très chrétienne et très populaire Sainte Euphémie de Silivri devient sans rupture de culte la non moins musulmane et non moins populaire Cadid. L'équivalence musulmane peut même épouser l'ancienne dénomination chrétienne : Sainte-Thècle de Constantinople devient Toklu Dede. le célèbre Saint Minas, Emineh Baba etc ... Les bekl{J~î, entre autres, passèrent maîtres dans ce jeu souple et sans heurts,
191slamisation des ~glises de Thesulonique. Oimilriadi!i. Torroypa;(a. 290 sq.
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. 1enee, d'a mbivalence d'équlva . • de. dédoublement ou de substitution des saints et pélerinages de la religion popullllre20. Si les lieux sont largement islamisés, les sociétés co~quises .Ie Sont également, et à une grande échelle : toutes les catégones sociales et professionnelles sont affectées par le processus, .à commencer par ceux ~ui auraient dO normalement apporter le plus de réslstan~e,. les clerc.s. CertaIns abandonnent spontanément leur état pour embrass~r la relIgion des vlllnqueurs au nom de motifs très divers : un higoumène athon~te emporte les U:ésors de son é lise avant de se faire musulman; Doukas dit aVOir vu, au lendemllln de la chute d! Constantinople des religieuses, " ... s'habiller de vêtements barbares, faisant offrande au faux prophète et confessant sans vergogne la foi non .sainte de celuici". Des fils de clercs s'intègrent parfois brillamment à la. s~lété .ottomane : Kocarnustafli Pacha est fils d'un prêtre de Serrès, tel grand VIZir bosmaque est le neveu d'un archimandrite21 . Aristocrates, hauts fonctionnaires et notables des régimes pré-ottomans n'hésitent pas non plus à embrasser l'islam : les princes de sang byzantins comme le fils du dernier despote de Mistra, Démétrios Paléologue, les fils de Georges Amiroutzès, Has et MesÎh Pacha qui appartiennent à la famille Paléologue ainsi que Hüseyin Bey de Lemnos ; le célèbre Grand Vizir de Mehmed II, MahmOd Pacha, se rattache à la fois à la famille régnante de Serbie et à celle de Trébizonde, un bey/erbey de Roumélie est le fils de Paléologue Gidès ; le neveu du podestat de Péra, Imperialis, devient aussi musulman22.
Les convertis occupent une place importante dans l'empire, battant en brèche l'influence des vieilles familles turques: les kaplku//arz peuvent accéder aux postes les plus hauts, comme le célèbre Ibrâhîm, Grand Vizir de Soliman ou le non moins illustre architecte Sinân, et même des hommes de religion de premier plan comme MoUâ Husrev qui aurait été, selon certains, le fils d'un "émir grec". Pour de simples paysans qui accédaient ainsi à des postes inespérés, la fidélité à un régime qui avait assuré leur promotion était souvent sans faiUe. Un Grand Vizir, Albanais islamisé, justifie avec enthousiasme le dev~irme qui a
20St _Dt.œtre devenue la mosqu6c Kasimiye. ibid .• 292-294. Fin de la navigation et du service miliWR: pour la Saint ~~ à "époque oHamane, Cantémir-Dutu. 97. Le derviche Kaslm Baba. Birge-Bdtashi, 70 sqq .• ct Hasluck-Christianily, 526. 549. EuphémicJCadid. Cantémir, 123. Saintt-Th"leIToklu Dede. Janin-Géographie. 148 ; Saint-MinaslEmineh 8aba-Hasluclc.Chrislianiry. 528. Le synclitisme cultuel des Bekl{J/i, ibid .• passim. 21 L'h.jgourine islamisé. Buondelmonti, 238. Les religieuses habill6cs à la musulmane. Doukas. ~. Magoulias, 206. Kocamustaf4paja fils de pr!tre, Reindl, Mdnn., um Bdyezfd. 302 nt. 2. Le
Grand-Vitir cl son oncle Archimandrite, Cantémir, 187-188. 22Le fils de ~metrios Pal60Iogue, lorga-BYL après BYl., 56. 411; fils d'Amiroulùs. Argyriou et Lagarrigue, B.F. Il (1987),29 sqq. Has et Me,Th, Reindl·Mitnner, 270; Kiel, Balkan S,udi" Il (1970), 136. Hüseyin bey de Lemnos, Valin, D.A. IV, 35. MahmQd Pacha, gréco·serbe, Kiel, art. cit~. 12S. Pal~ologue Gidès. Sphranlùs-Philippidès, 93. Imperialis, Raby, art. cité, 28.
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fait de lui, issu du milieu le plus humble, le plus haut dignitaire de l'empire turc :. "Les ~ttoman~ avec ~agesse onl choisi les plus défavorisés des paysans parmi les natIOns qUI ne crOient pas au vrai Dieu et en ont fait de vrais croyants, des officiers victorieux et d'illustres gouverneurs; et je suis l'un de ceux-ci"23. Si certains convertis sont de zélés musulmans, versant volontiers dans le fanatisme pour faire oublier leur ancien état, la plupart restent proches de leur ancien milieu qu'ils favorisent ouvertement à l'occasion, au risque de choquer leurs nouveaux coreligionnaires comme ROm Mehmed Pacha, accusé par les chroniqueurs turcs de vouloir rendre Istanbul aux Grecs. Solr.ullu originaire de Serbie, restaure le patriarcat serbe. Certaines familles sont même il moitié chrétiennes et il moitié musulmanes, comme ceUes du Grand Vizir MahmOd Pacha, de l'historien athénien Chalcocondyle ou de ce bey/erbey Iskender, fils d'un Génois et d'une Grecque, dont le frère est un marchand chrétien de Péra. Dans certains cas, les convertis gardent un important reliquat de leur ancienne culture qui oriente leurs aUirances, comme IbrâhÎm Pacha faisant l'éloge des Grecs et de la statuaire antique24 . Les convertis haut-placés qui jouent un rôle qualitativement important de par leurs fonctions, ne doivent pas cependant faire oublier la masse de ceux qui passent à l'islam tout en restant dans des positions inférieures; ceux-là, c'est par leur nombre qu'ils jouent un rôle non négligeable. Des régions s'islamisent largement comme l'Albanie, la Crète ou la Bosnie. On devient musulman pour échapper au haraç ou parce que l'on est sensible à la souple propagande syncrétiste des derviches, pour laisser de côté des motifs plus personnels2.'i. Mais cette islamisation non seulement n'entraîne pas une perte d'identité des convertis, nous l'avons vu, mais eUe s'accompagne parfois d'une double pratique religieuse, ouverte dans le cas des Albanais rencontrés par Lady Montaigu au XVIlle siècle et qui aUaient à la mosquée le vendredi et à l'église le dimanche, ou clandestine dans les cas de crypto-christianisme ou de cryptojudaïsme. La pratique concurremment d'un islam de surface et de sa religion d'origine dans le secret pouvait, bien entendu, être la réaction normale de ceux qui
23S ur Ibrahim Pacha et SinAn. cr. Manlran. Hbt. Emp. Ott.. 146-152- 159. 173. 171. 186-187. 222. 346 : 668-677. Mollâ Husrev, peul·etre d'origine grecque, Babinger-Muhomtr. 583. comme SinAn. Vogt-Turquie Ollomane. 97. et Yérasimos-Fondarioll. 145-148. Le discours du vizir
albanais. cf. Douka.. . -Magouliao;;, 13. Le dt\llÏrme comme promotion sociale. WeissmannJanissaires, 14. Protestation de Turcs contre le pouvoir Irop grand des kapd:ullarl issus du Lewili-Commenll'J.tlam .... 193. 24ROm Mehmed veui rendre Istanbul aux Grecs, selon A~lk~, 194. Sok.uUu restauraleut du patriarcat serbe. Vryonis. B.K.M.. 111. 151. FamiUes islamo·ch~tiennes, Kiel, an. citE, 136 ~ Reindl-MlInntr, 240 ; Cazacu, Turcico 16 (1984), 95 sqq. La culture grecque d'IbrAhim Pacha, Vryonis, B.K.M., XIII, 272 ; Hammer-Empirt Ottoman. V, 189. 251slarnisation de l'Albanie. de la Bosnie. de la C~te, Vryonis-B,K.M.• X. 168·169 : Bogomiles islamisés. ibid .. X, 153.
dev~Îrme.
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aient étl! convertis par la force comme cela a pu arriv~r ici et là, ou de ccux av 1 s de leur plein gré mais regrettant ultl!neurement leur acte. Le devenus musu man d' 1 de cette sorte M' 1 S naxaire orthodoxe enregistre beaucoup ~xemp es . ' . lU.. a y . rè d' ne autre religion pouvait découler aussI de COnviCtions pratl~ue sec t~ e~alistes comme chez les dlJnme qui justifiaient parfois leur . 1 bo h 1 mystiques et uruv . J'uive et musulmane en disant que a uc e et e cœur ne dou bl e pratique, ." 1 1 ê pas plus que le monde inténeur et spmtue, et e monde peuvent tre un, 26 extérieur et matériel ne le sont . Toutes ces pratiques finissent, à long terme, par tra~sformer l'islam ottoman en une souple foi populaire commune à tous. Dhlmmf ottomans, convertis, musulmans de souche en viennent à partager œ,aucoup de croy~ces, de coutumes religieuses, qui les unissent bien plus que les d!fférences doctrinales ne les séparent. C'est là l'originalité de l'espace ?tto?,an qUI, f~t, à so.n apogée, ~lus souvent un lieu d'intégration et de schématisatIOn populalf~ uDl.fiante, qu une zone divisée en companiments eth no-religieux étanches et en Identités culturelles exclusives et concurrentes.
7- VERS UNE IIJEN1TIÉ OIToMANE
En cela il est possible de parler de "melting pot", et même d'évoquer une "ottoman way of life" réalisée selon une optique culturelle qui provoque à la longue, une conscience d'unité politique et l'émergence d'un véritable civisme ottoman, résultant d'une longue cohabitation conciliatrice entre des communautés que cette conscience unitaire mit, un certain temps, dans un.e situa~on ~e fait, supraconfessionnelle et supra-ethnique avant que la réactton natIOnaliste et confessionnaliste du XIxe siècle ne mette fin au cosmopolitisme de la période antérieure. Le monde ottoman à l'époque classique a, de l'avis même des observateurs étrangers, une certaine unité : les divers groupes cohabitent assez harmonieusement et puisent dans la vie quotidienne à un "pot commun" fait d'us et coutumes, de folklore, de concepts, qui est le patrimoine de tous. Hasluck en son temps avait analysé cette commune culture ottomane et ses recherches restent précieuses car elles représentent le dernier état d'accord intercommunautaire à l'extrême fin du XIX· et au début du XX' siècle, juste avant la dissolution de l'Empire. Il ne s'agit pas de revenir systématiquement sur ce riche domaine mais de dégager rapidement quelques exemples de la communauté religieuse et
26Lady Monlagu, sur les Albanais, L'Islam au péril des femmes. 139. Sur le crypto-judaïsme. Scholem-Sevi. passim. Sur le crypto-christianisme. Synaxaire. pa.\.IIiiim. La bouche ct le cœur ne peuvent ltre un, Scholem-Grands COUTUIIU. 337.
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cult~r~lI~ des ethnies ottomanes, aboutissement populaire de tendances concdlatnccs et supraconfessionnelles multiséculaires. . Vivant et travaillant étroitement mêlés, spatialement ct profeSSIOnnellement, dans les corporations de métier (tsnIifJ par exemple, les mi/~t ottomans partagent inévitablement les mêmes valeurs et coutumes : des habitudes. culinaires à la musique et aux contes, en passant par les noms patronymiques ou le vocabulaire technique, chrétiens, juifs et musulmans échangent, s'interpénètrent, coïncident parfois jusqu'à la fusion en une seule communauté d'idées et de componements : NasreddÎn Hoca ou Karagôz font rire tout le monde. On trangresse allègrement les interdits religieux: à l'image des grands, Selîm II "l'ivrogne" ou Murâd IV s'attardant en longues libations avec Beklî Mustafâ, beaucoup de musulmans consomment de l'alcool. Pêcbeurs turcs et grecs éprouvent selon un voyageur européen du XVIe siècle, la même aversion pour coquillages, escargots, grenouilles et tonues. Le patrimoine culinaire et les plats appréciés sont par contre communs à tous, et cela jusqu'à nos jours, où les descendants des anciens sujets des sultans, apprécient toujours à leur juste valeur le bOrek/boureki /bri/<, le dlJner kebab/yiro/chawarmo. et même l'imam baylldl ou le ya/ancl do/ma ! Les mêmes superstitions animent tout le monde, SainteSophie engendre le même riche fonds de croyances populaires pour musulmans et chrétiens. Tous ont les mêmes peurs apocalyptiques et connaissent le thème de "la pomme rouge", tous chantent et dansent un même répertoire, amane ou tchiftetelli, au son des mêmes instruments, du daou/ au bag/ama, de la zuma au santoun'l7, Le mélange peut devenir parfois tellement intime que les noms sont interchangeables, les alphabets. les langues: tel groupe musulman parle grec ou géorgien et écrit en caractères arabes, tel groupe chrétien ne connaît que le turc qu'il écrit en caractères grecs ou arméniens. On trouve ici un "Papaz Ahmed", là un "Selçuk fils de Kosta" ou un "Manol fils de ~ahin". Les cardeurs chrétiens ont pour patron un souti musulman et les Arméniens d'Alep gardent pieusement la mémoire d'un derviche martyrisé 28
27Sur les tlnaf, Manlran. Hisl. Emp. 011., 217, 252. 8ekrî MustafA el MurAd IV. Cant~mir. 149· 151. Les aversions culinaires ottomanes, Busbecq, 35; Ie.~ recettes communes, T. Mallos. Middle
Easl Coqkbook. ; sur Nasreddîn Hoca,
l'~d.
de GOlpinarli ; sur Karagôz et son introduction cn Asie-
Mineure par Mehmed Kushlerî (m. 1399-1400), cf. Manlran. _Les inscriptions turques de Brousse.,Oriens. 12 (1959), 158-159. Sainte-Sophie dans les folklores grec et turt, Y~rasimos Fonda/ion. La pomme rouge, Vryonh.-Decline. 437-438. Les traditions populaires communes, musicales ou autres, ibid .• l'ensemble du chap VIt. 28Sur les chrétiens de Karaman. ibid .. 452-461. Sur les musulmans grécophones. Ozbayn et Zakhos-Papazakhariou, Turcicu 8 (1988), 280-281. Musulmans arménophones, Cui net. l, 121. Arm6no-Juifs. Galante-Juifs d'Anatolie. 313-317. ~Papaz Ahmed", Dimitriadis-To1Toypa;la, 93, 94, 100, Selçuk fils de Kosla, Manol fils de Sahin. Naslu~l. BS 4. 94 sqq. ; N, 8eldiœanu. TllfCica (1988).280-281. Georges fils de Hadji La1a. Actes de Dionysiau, 122. HallAj palfOn des. cardeurs chrétiens el musulmans. Massignon-Passion. Il. 37. Armtniens d'Alep et Nessimi. BuriU. 36.
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On pourrait penser que ces mélanges sont essentiellement populaires et consécutifs il la simplicité des milieux conce~é;', composé~ de ge~s ftus~ peu conscients des différences culturelles ou religieuses. MBls e~ fBlt, .artistes et intellectuels n'agissent pas différemment. Des Orecs el des JUifs devl~nnent de rép tés musiciens du Divan et poètes en langue ottomane. Un prêtre écnt en grec ~a1IA' un avocat grec compose des gazel ottomans en l'honneur de MevIAnA. ;.u:r l'in:\'tation artistique ou l'affinité poétique, on. passe. quelquefois insensiblement il l'échange mystique et religieux : des chrélle~s deVienent ou mevlevr, tel hymnographe grec, premier chant~e. au patriarcat, est en é~olt contact avec des derviches qui jouent un concert spmtu~1 en son. honneur ~e JOur de son enterrement. Les intellectuels échangent vol~ntle~ aussI : ~ucuon ~n turc d'œuvres grecques et occidentales par des savants Islamisés; demches parfOIS comme le traducteur pour Mehmed Il de l'Histoire de l'édification de Constantinople et d~ Sainte-Sophie ... d'origine euro~enn~ co~me l'érudit hongrois converti IbrAhim Mütefemka fondate~r de Il"!p~m~ne turque, ou comme le traducteur d'extraction polonaise en relation avec 1hlstonen Hezârfenn ; et même un évêque francais devenu musulman et ami de Kâtib Çelebi. Des prêtres consultent des savants musulmans. sur la date d~ ~âques. Hoca turcs et papadhès grecs ont des réputations de guénsseurs, sont VISités et vénérés par tous et ont, à l'occasion, des relations amicales et savantes entre eux; "Une fois, raconte un moine orthodoxe de la fin du siècle dernier, j'allai, à Sainte-sophie et y rencontrai un groupe de mullahs. J'entrai en conversation affectueuse avec eux. Ils me dirent que dans ce temple avaient jadis retenti les discours de Saint Jean Chrysostome. Ces paroles d'un mullah turc me firent un tel effet que depuis ce jour je ressentis en moi un penchant nouveau pour la prédication". Philosophes, médecins, hommes de religion partagent la même admiration de la science antique, même s'ils ne la connaissent que par ses interprètes médiénux, grecs ou arabes: qu'ils soient musulmans, chrétiens ou juifs, tous connaissent et citent PlatonlEflâtûn, Lokman Hekim/Hipprocrate, BâlinOsiAppollonios de Tyane, ProclusIBOrOklOs etc ...29.
b.ktl4.'
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contribuant ainsi à abaisser bien des scrupules confessioonalistes : Mebmed n assis~ à ~a ~esse, le Grand Vizir est présent aux cérémonies pascales, tel autre haut dignitaire ottoman va en pélerinage il Sainte-Paraskévi ete.30 Ainsi, pratiques et goOts communs, sensibilités et comportements partsgés, simplification doctrinales et convictions universalistes font que dans le cadre ottoman, musulmans, chrétiens et juifs se sont souvent entendus, à partir de malentendus doctrinaux certes (entretenus ou non par les derviches et les tenants d'idées syncrétistes), mais d'une réelle entente qui sut faire taire uo temps les divisions confessionnelles, linguistiques et culturelles. Le ciment de cet accord était une fidélité certaine à la dynastie régnante qui se manifesta t6t dans les millet non-musulmans, dirigeants en tête, et jusqu'à une époque tardive, il y aura des non-musulmans conscients de leur "ottomanité"31. 8- EN GUISE D'ÉPITAPHE : Au terme de cette longue étude, il convient de rappeler que nous n'avons pas cherché à taire les malentendus et la méconnaissance profonde qui soustendirent une partie des relations entre les deux mondes évoqués ici, le chrétien grec et le musulman turc. La chose est trop évidente pour la nier.
Grands seigneurs et notables, par conviction universaliste ou par politique, ne se font pas faute d'assister aux cérémonies les plus diverses,
Ce que nous avons essayé de montrer, c'est que ces rapports d'hostilité ne furent pas les seuls mais qu'il exista aussi, dans la RomanioJPays de ROm grécoturque, des courants d'entente et de conciliation, qui agirent probablement à un autre plan, populaire, quotidien, individuel, myslique. Ces courants coexistèrent, souvent au même moment et dans le même espace, avec l'hostilité politique, l'affrontement militaire, la rivalité ethnique, linguistique ou religieuse. Ces mouvements conciliateurs, il faut y insister une ultime fois, sont une dynamique historique trop peu étudiée et en dehors de laquelle il est impossible de comprendre d'une manière satisfaisante la nalure réelle des relations intercommunautaires en monde turco-byzantin puis ottoman. Si ce travail a su attirer l'attention sur ce point, il aura atteint son objet.
290 .... et juifs musiciens du Divan, Canlémir, 145-146; O. Cio....sco, Turcica 7 (1975), 207211 ; O. 1. Papadopoutos, XlJf4JoAal... 318-323 ; K. el U. Reinhan!, Turquie, 38. Nue ~riYanl sur Hallaj, Massignon-Pas.ion. IV, 85. Avocat grec mevlev!, Minniro,lu, Ol /J,€pfJltTt1rll, 393.
Il espère aussi avoir apporté sa modeste contribution au courant de réhabilitation de deux États à qui les historiens actuels rendent enfin justice: pas plus que l'empire byzantin n'avait été, au moyen-Age, ce conglomérat de
Hymoographe5 croc. honor~s par le. derviches, Pierre du P~lopon~se, et Zahsria Ef.ndi, Papadopoulos, loc. cil .• Reinhard. loc. cil. Traducteun du grec ou autre langue en ottoman, Ytruimos~Fondalion. 113,310.245; Adnan Adlvar. La Science chez les Turcs ottomans. 46; M. Baynkdar, Varia Turcica 10 (1988). 193. 203 : Olk.n-Pe."e de /·Islam. 336. 342 ; Ibrahim MOtefenilca, Baynkdar, 208. et Mantran, Hi.,. Emp. 011.. 274, 7". Hezirfenn et le Polonais islamiM! Ali Bey, vtrasimos, 245. Kltib Çelebi et le clerc f"..çai. islamiM!. Lewis-Comme., /'I.Iam .... tSI. Hongrois latini.te à la cour du .ultan. ibid .. 73.1'rftm qui consultenl des hoca sur la date de Nq..., A. Okan, "/IlIIbu/ Ev/ira/on, 93. Thaumalura" des deux religions V\!1II!r6s par tous. M. Balivet. B.F. 16 (1990). Conversation islamo-chûlienne .. Sainte-Sophie. Archimandrite Spiridon. Mts Missions en Siblrie. 37. AnatOn. Balinùs clc. cf. E.I. sous rubrique.
30Me hmed 11 à la ....... Babinger-Mah"mel. S08 : le gtand vizir lUX œh!monies poscaIes, t..... Byt. apTil Byz .• 235-236. Dignitaires oUomans l Sainte-Paraskevi. Cut6mir. 98, 302. Le drogman Panayoti pos.tde le tapi. de prie", musulman (seccode), "par diJIIÎt~", Lody M........ 28. 31·Civisme- ottoman des non-musulmans. Kuneralp. Bllltt,n (1970) ; A. Mavroyâi. NtMl " SOlly,nirs " A. Galante. Hillo;u des Juifs dl Turq"i" VIII. 1. 62. 73. 87 ctc ... Sur
l'ottomanismc de cenains Anm!niens.
B,II",,.
so.
104 (1990) : K. Pamukciyan••QualRI
en vers Ilf1'nEniens sur le sullan Mahmut lb" 1053-1069.
Louaacs
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fanatisme religieux et de rejet du monde extéri~~r qu'a p?pularisé une. certaine historiographie occidentale .mal remise de la tradltlonne~le ~ncomPn:hensl~n en~ Latins et Grecs, héritiers nvaux de Rome et du chnstlan~sme anuque, 1empire ottoman ne fut ce seul "homme malade" fait de despotisme et de sauvagerie répressive tel que l'a perçu une partie de .l'opinion publique européen~e du ~. ~t du début du XX. siècle. Il sut être aUSSI, à la sUite de Byzance, le heu pnvlléglé d'une tentative d'équilibre intercommunautaire qui fut, pendant plusieurs siècles une relative réussite que constatent et dont se souviennent sujets et observateurs jusqu'à l'extrême fin de l'État des sultans. C'est cene atmosphère populaire. pacifique et pluraliste que constate par exemple Gérard de Nerval à Constantinople en 1843. Cela lui parOI'"! si digne d'intérêt qu'il introduit et conclut son Voyage en Orient par des remarques et des citations attirant l'attention de ses lecteurs sur la rare tolérance qui continue à régner dans la capitale des sultans en pleine Crise des Nationalités. L'écrivain français cite un célèbre apologue du fondateur des "derviches tourneurs", Djelâleddin ROmi. prônant l'entente intercommunautaire ; "Quatre compagnons de route. un Turc un Arabe. un Persan. un Grec. voulurent faire un goûter ensemble; ils se cotisèrent de dix paras. Mais il s'agissait de savoir ce qu'on achéterait ; - üzüm. dit le Turc. - ineb, dit l'Arab. - inghûr. dit le Persan. stafilion. dit le Grec. Chacun voulant faire prévaloir son goût sur celui des autres. ils en étaient venu aux coups. lorsqu'un derviche qui savait les quatre langues appela un marchand de raisin. et il se trouva que c'était ce que chacun avait demandé". Nerval insiste sur l'ambiance qui est encore celle de l'empire ottoman lors de son passage; "Je me suis senti païen en Grèce. musulman en Égypte. panthéiste au milieu des Druses et dévôt sur les mers aux astres-dieux de la Chaldée; mais à Constantinople. j'ai compris la grandeur de cette tolérance qu'exercent aujourd'hui les Turcs". Cette tolérance entre les communautés ottomanes est même. selon le poète. plus grande que celle que l'on peut trouver en Europe occidentale; À Constantinople ..... quatre peuples différents vivent ensemble sans trop se haïr; Turcs. Arméniens. Grecs et Juifs. enfants du même sol et se supportant beaucoup mieux les uns les autres que ne le font chez nous les gens de diverses provinces et de divers partis" 32 .
• •
32Ncrval, Voyage en Orient. &1. F. Herbault. Il.401 ; J'anecdote des quatre compagnons
es. dans
le MathMWr de RamI. &1. Vitray-Meyerovitch et Mortazavi, .516. "Je me suis senlÎ paYen en Grtce ... •• Nerval. 400-401 ; ·Qualre peuples .. .". ibid .• 171.
GLOSSAIRE (Notions. noms et termes notables utilisés dans l'ouvrage)
Abbasides = ~ynastie de califes (Koufa, Bagdad. 7SO-1258). Abddlân-~ Rum = gro~pes. de derviches populaires d'Anatolie médiévale. Ac%uthle = office hturglque byzantin. Amane = chant populaire turc. Agarène ou Agarénien =terme byzantin pour musulman. Agion Or?s = "la Sainte Montagne". désigne surtout l'Athos et l'Olympe de Blthyme. Ahi =membre d'une confrérie religieuse et professionnelle. Akritas = soldat byzantin. gardien de la frontière de l'empire. Akko!un/u = dynastie turcomane (Diyarbaktr. Tabriz etc .• fin XIVe-début XVIe). Alevl = groupe rehgleux hétérodoxe de Turquie. vénérant particulièrement Ali. a/-Anda/ûs = l'Espagne musulmane médiévale. Ange = dynastie byzantine (1185-1204). Antirrhétiques = réfutation. Apocatastase = théorie origéniste sur la restauration finale de la création. anges déchus compris, dans l'innocence première. Apophatisme =raisonnement qui consiste à définir Dieu par ce qu'il n'est pas. Arsénite = partisan du patriarche byzantin Arsène (1255-59; 1261-67). Artukides = dynastie turque (Mardin. fin XIe-I409). Autokrator = l'empereur byzantin. Aydmog/u = dynastie turque d'Anatolie (Izmir. Birgi. début XIVe-début XVe). Ayyoubides = dynastie musulmane (Egypte. Syrie etc ... 1171-1250). Bâbâ. bâbâi =cheikhs turcomans. Baby/one =Bagdad ou Le Caire. Bag/ama = instrument de musique. Basileus = l'empereur byzantin. Bâtinî =ce qui se rapporte au monde intérieur. Bayramî =derviches de la confrérie d'Haci Bayram. Bek~î =derviches de la confrérie d'Haci Bek~. Bey/Beg = emir, chef militaire. Bey/erbey = gouverneur de province. Beylik = émirat turcoman. Bogomiles = secte dualiste de Bulgarie. Borek = plat ture. Ca/oyer/Ka/oyéros = moine grec. Çarjaf = voile porté par les femmes.
ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE R'ÛM TURC
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GLOSSAIRE
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Çelebi "gendeman", leuré, prince. . . Choleldoniens nom donné par les mon?physltes aux ByzantlDs et autres chrétiens partisans du concile de Chalcédome. Cheykh UI-Isldm le plus haut dignitaire de l'islam ottoman. CIJIIIMM dynastie byzantine (1081-1185). . Croisades: 1ère (Pierre l'Ennite, Godefroy de Bouillon etc. 1096-1(99) 2èrne (Conrad m, Louis VII, 1147-1149) 3ème (Frédéric Barberousse, Richard Coeur-de-Lion, PhilippeAuguste, 1189-1192) ~ (Boniface de Montferrat, Dandolo etc. 1202-1204), détournée sur Constantinople Sème (André Il de Hongrie, Jean de Brienne, 1219-1221) 6ème (Frédéric n, 1228-1229) 7ème et Sème (Louis IX, 1248-1254 et 1270). DlinijmendlTalismanitasimanis savant, lettré, imâm. Dlinijmendides dynastie turque (Si vas, Malatya, tin Xle-l 178). Daoul instrument de musique. Dawla al-Atrale l'Etat mamlûk d'Egypte (1250-1517). D8r al-Ham le territoire de la guerre non soumis ll'islam. D8r al-Isldm le territoire musulman. Despoina 1 Despina = titre donné aux princesses byzantines. DespolDt d'Epire principauté byzantine (1204-1340). D.spolDt de Mistra principauté byzantine (1357-1460). DestlJn poème épique. D.vlet-i Osmânîye l'Etat ottoman. Devlirme = recrutement de jeunes balkaniques pour l'armée Ilt l'administration ottomanes. Dhikr remémoration répétitive du nom de Dieu. Dhimmf = sujet non-musulman d'un Etat islamique. Diglnis Akritas Héros de l'épopée byzantine. Diyllr-,'Rûm l'Anatolie. Diyllr-l Yûnân = la Karamanie. D/JMr kebab plat turc. Dynastie d'Amarion dynastie byzantine (820-867). Dynastie macldonienn. dynastie byzantine (867-1056). Esnlif = corporation. Ethnarque Chef de la "nation orthodoxe" ottomane. Fatimides dynastie de califes (Tunisie, Egypte etc. 909-1160). Finnan ordonnance du sultan. Francs/Efranj/Frenk chrétiens d'Occident. Gagoouus chrétiens turcophones de Moldavie. GaV celui qui fait une expédition guerrière (gaza) chez les infidèles. Goul = poème lyrique. les Gentils les "Nations parennes".
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GiaourlGav6r le mécréant. Giritli = chrétiens turcophones de Crète et de l'archipel égéen. Grand D~mestique, Grand Logothèle, Grand Primmicier titres auliques byzanuns. Grands Comnène = dynastie byzantine (Trébizonde, 1204-1461) Grands Seldjoukides = dynastie turque (Ispahan etc. milieu Xle-1194) Hac, = pélerin. Hmn"h ~ récit ~aditionnel rapportant un acte ou une parole du Prophète. HaglOnte mOlOe du Mont-Athos. HCl1IJtJIIÙXJI, Grand-Rabbin. Haraç taxe de capitation levée sur les non-musulmans. Hâ,6n titre turco-mongol donné aux princesses. Hétériarque = dignitaire byzantin. Hésychosme = doctrine mystique byzantine basée sur l'invocation du nom de Jésus. Higoumèn. Supérieur de couvent orthodoxe. Hoca maitre, professeur. Hutba = sermon du vendredi. Hur6ji = derviches se rattachant à Fadlallâh d·Astarâbâd. Hyperpéri/ampros = titre aulique byzantin. IbèrelGurcü ;, Géorgien. Iconoclaste/lconomache adversaire du culte des Images. /conodoule partisan du culte des Images. I/khan titre du gouverneur mongol d'Iran. Imam bay,/d, = plat turc. Isâ bin Meryem Jésus fils de Marie. Isâwî = mystique musulman se rattachant particulièrement llsi (Jésus). Jacobites chrétiens syriaques monophysites. KâJir = infidèle. Kagan = titre royal turc. Ka/ender = derviche mendiant. Kankan/ef = "frère de sang". Kap,kullan = les esclaves civils et militaires du sultan ottoman. Karag/Jz = pen;onnage principal du théâtre d'ombres ottoman. Karakoyun/u dynastie turcomane (Van, Tabriz etc. tin XIV-I467). Karamanl,larlKaraman/idhès = chrétiens turcophones d'Anatolie. KaramâtlChorismata miracles, dons. Kanndatf<ardal frère. Kejiye tichu qui couvre tête et épaules. Kefif-Dal "La Montagne des Moines", l'Olympe de Bithynie (Ulu DaI). Loskarides= dynastie byzantine (Nicée, 1204-1261) LatinophrônelUnioniste partisan byzantin de l'union des Eglises grecque et latine. LazelLozique peuple et région de la Mer Noire.
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE RÙM TURC GLOSSAIRE
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MaMtrratflM,14mt derviche anticonformiste. MantOkertlMa/azgirt victoire des Seldjoukides sur les Byzantins en 1071. MartolovAmartole soldat chrétien au service des Ottomans. Mill/dm "station" spirituelle du mystique. MawlidlM,vlül = poèmes sur la nativité de Mohammad. Mellciles = chrétiens d'Orient fidèles aux décisions du concile de Chalcédoine. Men8kib~ = récit des exploits d'un saint personnage. MengudjllJcjdes dynastie turque (Erzincan, Divrigi, XIIe-milieu xme). MesnevîlMa/hnawî = nom d'une œuvre de Djelâleddîn ROmÎ. Mev/&uj = "notre M8I"tre". M,vlevYou "derviches loumeurs" = confrérie issue de Mevlânâ Djelâleddîn ROmî. Meydan la place publique. Millel groupe ethnico-religieux de l'empire ottoman. Mixobarbares enfants issus d'unions turco-byzantines. Mourta/Oi = Turcs chrétiens au service de Byzance. Müderris = professeur d'un établissement d'enseignement juridique et religieux
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(medrese).
Myrsailis = titre aulique byzantin. Myrioklphalon victoire seldjoukide sur l'armée byzantine en 1176. Nasreddîn Hoca héros d'un cycle d'histoires comiques populaires turques. Néo-Marlyrs = manyrs chrétiens orthodoxes d'époque ottomane. Olympien = se rapportant à l'Olympe de BithynielUlu Dag. Omeyyades = dynastie de califes (Damas, 661-750). Ol/omans dynastie turque (Bursa, Istanbul, 1280-1922). Papas prêtre grec. Parousie = retour du Christ à la fin des temps, pour le jugement dernier. Pauliciens = secte dualiste professant une doctrine faite de christianisme et de manichéisme. Pelile-Arménie = Etat arménien de Cilicie (1080-1375). Phi/oeaUe =recueil de textes concernant la prière intérieure en usage chez les moines gréco-slaves. Perses archaïsme byzantin pour Turcs. POn/, Pondios, KaradenizU = région et habitant de la Mer Noire. Prolospalllaire, Proloslralor, Prolovesliaire = titres auliques byzantins. Rahip = moine. Raya, reaya sujets ottomans soumis à l'impôt; sujets non-musulmans des sultans. Rhômaïde, Rhômania, Romanie = l'empire byzantin. RomainlRûmî Byzantin. Roumélie (Rûm-eli) = les provinces balkaniques de l'empire ottoman. Ruhbâniya la voie monastique. Sabéens adeptes d'une secte gnostique de Mésopotamie. Sainl-Auxence ensemble monastiQue byzantin au sud-est de Chalcédoine. al-Sakhra/ = le Dôme du Rocher à Jérusalem.
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Saltukides = dynastie turque (Erzurum, fin XIe-début XIIIe). Santouri = instrument de musique. Sarakinophrâne = celui qui pense comme un musulman. Satrape = terme byzantin pour Emir. Seldjoukides de Rûm = dynastie turque d'Anatolie (Nicée puis Konya, 1077-da>ut XIIIe). Semli/Samll = audition mystique; concert soufi. Silsila ="la chaîne" spirituelle qui, dans le soufisme, lie m8l"tres et disciples. Simandre = pièce de bois sur laquelle on frappe pour l'appel à la prière chez les moines orientaux . Sinal'te = qui se rapporte au couvent de Sainte-Cstherine du Sinaï. Sipâhî = cavalier. StaretsIYérondas = "l'Ancien", titre donné aux pères spirituels russes et grecs. Subt1§1 = responsable d'une circonscription administrative ottomane. Synaxaire = recueil de vies de saints chrétiens d'Orient. Tagma persikon = corps d'armée turc au service de Byzance. Taifas = principautés de l'Espagne musulmane médiévale. TarîqaITarîkal = Confrérie de derviches. Tasawwuf= la mystique musulmane, le soufisme. Tchiftetelli = nom de danse. Tekfûr =souverain ou gouverneur chrétien. Tekke =couvent de derviches. Timâr =terre dont le revenu est donné à un dignitaire civil ou militaire appelé timariote. Tornos = décret patriarcal. Torlak = derviche hétérodoxe. Tsarigrad = ConstantinopleJJstanbul pour les Slaves et les Roumains. Turcoman/Türkmen =Turcs nomades et semi-nomades. Turcoplesfl'ourkopouloi = corps d'armée byzantin ou franc d'origine turque. Ulemll = Docteurs de la Loi coranique. Varda riotes Turcs chrétiens originaires de Macédoine. Velî/Walî = le saint. Vilâyetnâme = Vie de saint musulman. Voïvode = chef civil ou militaire dans les Balkans. Zindîq = hérétique musulman. Zonnar = ceinture portée par les chrétiens. Zôodochos Pigi = "Source qui reçoit la Vie", l'une des appellations byzantines de la Vierge Marie. Yahyall = nom d'un clan turcoman. Yaiancl dolma plat turc. Yezîa. = secte d'origine discutée, répandue en Syrie et en Irak. Yürük = Turcs nomades. Zâwiya/lâviye = cellule, couvent de derviches. Zuma = instrument de musique.
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BIBLIOGRAPHIE
Nota: Les abréviations utilisées dans les notes figurent ci-dessous en caractères italiques précédant les ouvrages et revues concernés. Certaines éditions datées selon le calendrier musulman sont suivies de la lettre H., (Hégire).
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Abbâssidcs : 56 Abdâlân-I Rûm : 171 Abgar (pu ils) : 62 Aboulatia: 8 AbU Faradj : 22 AbOI Fedâ : 10 AbU Sa'id : 24 AbO Shâma : 35 AbO Yazid Bislâmi: 23 Achrida (Macédoine): 29 Acropolile : 85 al-Âdil: 18 Agaréniens-Agarènes: 35,131,140,142 Agalhias : 27 Aghsarthan : 71 Ahi : 40, 102 Ahmed Baba: 130 Ahmcd de Nigde: 101 Ahmcdî. 129, 155 AÏlani. : 108 Akçaderbenl : 72 Akkoyunlu : 99 Akoloulhos: 102 AkrÎlai : 90, 103 Akrivie: 142 Ak~ehirlPhilomelion : 48, 80 Ak~emseddin : 120 Alains: 34 Alam al-Mulk: 170 AI-Âdil: 18 AI-Asker : 87
ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC
INDEX
Albanais-Albanie: 70, 1}5, 192, 193 Alep: 195 Alevi: 182 Alexis 1"" (de Trébizonde) : 87 Alexis II/ Ange : 36, 85, 10 1 Ali Beg (père d'Uzun Hasan): 101 Ali Pacha Candarl! : 98, 124 Allemands : 46, 83 Alp Arslan : 30, 32, 66, 71, 79 Altamur : 102 Altu Beg: 39 Amane: 195 Amasya: 105, 126 Amédée VI de Savoie: 94 Amiei Teucri: 189 Amirasanis : 108 Amiroutzès (Georges): 97, 102, 103, 176, 192 Amisos: 35 Amorion : 29, 76 Amr Bar Sliba : 60 Anastase (empereur byzantin) : 28 Anatoliques : 81 Anchialos : 31 al-Andalûs : 8 And: 102, 114 Andrinople cf. Edirne: 176 Andronie le, Comnène: 45, 48, 84 Andronic " Paléologue: 91, 92, 108, 116 Andronie III Paléologue: 92, 116 Andronic IV Paléologue: 94, 95 Andros: 97 Ange (dynastie): 9, 35,48,77.83,84,86,87, 121, 143 Ange, Alexis lJJ : 36, 85. 101 Ange, Isaac : 36, 86, Ange, Manuel: 30, 32, 36, 41, 43, 46-48, 83, 84, 87,94,95,98,99, 105, 107,111-113,120,121,123-130,135,156,159,168,170.176 Ange, Théodore: 48 Ankara/Ancyre: 38,124-126,129,130,156,168,170 Anne de Savoie: 92, 11 S, 116 Antioche de Syrie: 10-12, 70, 74, 85, 186 Antioche du Méandre: 43, 103 Antinflétiques : 173 Apokaukos : 11 5 Arabikon phronirna : 76
Arabie: 9 ArgoS: 97 Argoun: 90 Arménie/Arméniens: 7, 9, 37, 54, 57-S9, 61, 64-71, 73 76 82 86 91 99 106, 186, 19S, 198 ' , , , • , 'Arsh: 149 Artavasde : 76 Artukides : 60 AsanlAsen/Asanès (famille): 116,175,189 Asinas: 29 Assassins: 12 Atabeg: 84 Athanase (patriarche) : 34,92, 102, 146, 171, 172 Athènes : 97, 134, 136, 189 Athos (Mont) : 19, 120, 134, 135, 143, 14S, 146, ISO, 1SI, 171, 185, 187 AUal iatès : 30 AUar: 23, 147 Atumanos : 108 Auxence: 146, 152 Avkâs: 71 Awliyâ : 22, 23 Axouch : 31-34, 102 Axouch, Jean: 32-34 Axouch, Alexis: 34 Aydm/GÜ1.elhisar: 52. 93, 99. lOS, 113, 114, 116, \55 Aydmoj\lu: 100 Ain al-Hayat : 89 Ayyoubides : 10, \8 Azerbàidjan: 17\
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Barlaam le Calabrais: 8 Baba: 90,130, \71, 172. 191 Baba Sultan: 130 Bâbâi: 137, 17\ Babylone: 128. 129, 144 Bacon (Roger): 17 Bagdad: 12, 13, 19,20,29,72. 84, \47 Bagrat IV: 71,72 Bajazetle'lBeyâzid le'lBâyezid IC': 36, 94, 120, 123, 174 Bajazet Il : \91 Balak: 66 Balinus/Apollonios de Tyane: 196 Balkans: 29, 70, 82, 86, 90, 99, 171, 182 Bardanios Tourkos : 29
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC
INDEX
231 Bardas Sklèros : 77 Bar Hebraeus cf, Abû Faradj : 22 BaAlama: 195 Barthélémy fils d1dris : 108 Bartolf de Nangis: 34 Basile zer : 70 Basile Il : 77 Basile de Césarée: 143 Basile (émir) : 45 Basile Hoca : 89 Basile le Jeune: 38 Bâtini: 23 al-Ballâl : 37 Ballâlnâme : 37 Baybars: 36 Bâyezfd Pacha (grand vizir de Mchmct IC') : 38, 106 Bayram Veli (Hac.): 129 Bayrami: 129, 130 Bedreddin de Samavna: 129 Behmen :71 BekliMustafâ: 195 BektachlBekt⧠(Hac.): 172 BektachilBcktâ§i : 138, 190, 191, 196 Belgrade: 188 Berât: 185 Benrandon de la Brocquière : 86 Bessarab : 95 Bethléem: 146 BeylBeg: 41, 105, 113, IlS, 185, 192 Beyle!bey: 192, 193 Beylik : 81. 90 Bid'a: 148 BigalPegai : 109 al-Biruni: 22 Bistâmi (Abdurrahman al-) : 164 Bistâmi (AbO Yâzid) : 23 Bithynie: 37, 100, 141, 159. 168, 171-173. 185 Blastarès (Mathieu) : 122 Blation : 108 Bogomiles: 148, 150 Bonneval Pacha: 190 Bosnie: 193 BOlaRiale (Nicéphore) : 32, 77 Bouddhistes: 2 l , 90
Boucicaut: 94 Bourmakidhès: 131 BorekIBourekilBrik : 195 Brankovitch, Olivera et Mara : 95 Bryenne (Nicéphore) : 77 Bryennios (Joseph) : 121 Burhaneddin : 126 Bulgares-Bulgarie: 28, 34, 116, 117 Bunavy: 13 Burç (Pounzios) : 102 BursaIBrousse: 129. 130. 165, 169, 172, 175,183 Cadi/Qâdi/lKadi : 36, lOI, 124, 126, 177, 186-188 Cadid: 191 CaffaiKaffa : 189 Le Caire: 129 Calliste: Ils Caloyer: 101 Camariotès, Mathieu: 97 CandémirlCantemir: 172 Candie: 189 Cantacuzène, Michel: 190 Cantacuzène, Théodora: 95, 117 Cappadoce: 45, 81,100.140,141 Capsali cf, Kapsali: 182-184 Carbéas: 70 Catholicos : 58, 67, 69 Caucase: 73 Câzûluk: 52 Celano: 18 César-ChahiKaysarchâh : 89 Césarée cf. Kayseri: 45, 143. 156 Chalcédoine (concile): 57, 64. 152 Chalcédoniens: 15, 63 Chalcocondyle Laonic : 97 Chaldée: 198 Chamanistes : 90 Chaldia: 48 Charsianon : 81 Cheikh ul-Islâm : IBI Chi'ites: 182 Chio/Chios/Sak.z : 155 Chioniadès Grégoire: 102 ChonailHonaz : 48, 88
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Choumnos : 108. 151 Christophe: 48 Chrysocheir : 70 Chrysoskoulos cf. Erigsen : 32 Chypre: 8. 16 Cilicie: 16.34.67.86.89 Citerne de Mahomet: 93 Clément d'Alexandrie: 149 Comnène Alexis le,: 29.31-33.41.42.83 Comnène Andronie 1er : 45. 48. 84. 104 Comnène Anne: 29. 33. 41 Comnène Eudoxie: 101 Comnène Isaac : 47 Comnène Jean. fils d'Isaac: 47 Comnène Jean Il :32. 47 Comnène Manuel JC' : 46 Comnène Manuel. frère d'Alexis 1er : 32 Comnène Marie: 101 Comnène Vatatzès Jean: 87. 88. 104. 105 Grand Comnène: 87.95.99-101. 103 Conrad de Hohenstaufen: 10 Constant Il : 58 Constantin V Copronyme : 76 Constantin VII Porphyrogénète: 27. 35 Constantin IX Monomaque: 35 Constantin XI : 95. 98 Constantin Melek : 109 Coumans : 28. 34. 38. 39 CritobouloslKritoboulos: 97, 98, 176 Crète/Crétois: 96,107.136,189,193 Crusius (Martin) : 188 Cuma Mescidi : 164 Cydonès Démétrios: 121 Çandarh : 98, 99 Çandarh Ali : 98, 124 Çandarh Halîl : 95 Çandarh Hayreddîn : 98 Çandarh Ibrâhîm : 98 ÇelebilTchelcbi : 40, 102. 136, 196 Çepni: 102 Çerge: 102 Daces: 149
1 NDEX
Damas: 9. 13. 19.42 Damaskinos de Constantinople: 187 Damis: 30 Dan: 95 Dâni§mend : 38. 40, 61, 63. 66, 67, 162 163 165-16 Dâni§mcnd (Gâzî ibn) : 61 ., 9 Dâni§mendide : 60. 99 Dâni§mendnâme : 37. 5 \, 52, 66, 71. 80 Dante: 16 Danube: 38 Dâr al-Harb : 160 Dâr al-lslâm : 46. 155, 160 David (de Trébizonde) : 101 Dâvûd de Kayseri: 164, 165 Déjanovicth (Constantin) : 95 Delal/vuKTOTaÀaÀlos: 102 DespinalDespoina: 101 Despoina Hâtûn: 102 Destân: 155 Dev§irme: 192 Dhîkr: 16, 148 Dhimmî: 9, 60,137. 16\, 181, 182. 194 Dionysios : 145 Dîv: 52 Dîwân al-Awliyâ : 23 Diyâr-i Rûm : 50, 81 Djelâlcddîn cf. Rûmî: 22,24,69,87, 115,149, 198 Djihânshâh: 101 Djinn: 52 Dmitri: 72 Domcstikos le Franc cf. Cantacuzène: 113. 116 Dorothée d'Athènes: 134 Dorothée de Périthéorion : 133 DoryléelEski§ehir : 70 DoucasiDoukas: 41. 77, 98,105,106,192 Doner kebab/Yiro/Chawarma: 195 Donme: 194 Druzes: 182 Düzme Mustafa: 106 EdesselUrfa : 60-63. 65, 67, 68 Edesse (comte d') : 60 EdessaIVodena : 97, 189 Edirne/Andrinople: 134, 176, 184
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1 NDI!X 235
EflâkîlAflâkî: 72 Egypte-Egyptiens: 18, 169 Elbistan : 67 Elegmoi : 172 Elie: 122, 172, 184 Elie 1er (patriarche) : 172 Emineh Baba/St Minas: 191 Emir Dogan : 102 Emir Sultan: 129 Enverî: 97, 113, 114, 116, 155 Ephèse/AyasoluklSelcuk: 32,175, 176, 195 ErigsenlChrysoskoulos : 32 Eraclès (Estoire d') : 83 Ernoul: 18 Erzincan: 68, ID 1 Erzurum: 66, 69-71 Esnâf: 195 Espagne: 8-11, 16, 19,27 Esther: 131 Ethnarque: 108, 179 Euclide: Il Euphémie/Cadid : 191 Eurasie: 8 Evliya Celebi : 136 Evrenos (Ahmed) : 98 _ Fahreddîn Kutlu Bcg: 101 Fazlullâh de Gebze: 124 Fenârî (Mali a, voir ~emseddîn): 129, 165 Fetvâ/fatwâ: 169 Firman: 134, 135. 185 Flamands : 86 Florence (concile) : 91, 175, 184 Foucher de Chartres: Il France: 16 François d'Assise: 17, 18 Francs: 10-12, 18, 21, 48, 52, 60-63, 66-68, 81-86, 95, 112, 155, 185 Frédéric Barberousse: 46, 84 Frédéric II de Hohenstaufen: 10, 17, 18 Fusûs al-Hikam : 164 Gabriel de Mélitène : 63, 67 Gafr: 166 Gagik Abas : 66
Gangra/Çankon : 38, 44, 156 Gavras/Gabras (famille): 49, lOI, 102 Gavrâs (lhtiyâr al-dîn Hasan bin-) : 48 Gavur ortag. : 41, 98 Gazel: 196 Gâzî: 71, 90, 98,119,121,155,156,158,160,163,165,180 Gcbze: 124 Gédéon de Karakallou : 187 Gennadios cf- aussi Scholarios: 97,170,175-177,182_184,186 Géorgie-Géorgiens :69, 71-73, 99 Germain (patriarche): 101 Gevher Hâtûn : 32 Geyikli Bâbâ : 171 Ghazâlî (Abû Hâmid) : 22, 148, 149 Giaour/gavur : 24, 41, 98 Giathalinès Kaichosroès (Giyâth al-Dîn Kay-Khusraw le'): 45 Glabas/Glavas (Isidore) : 141, 146, 174 GOynük: 167 Grand Domestique: 33. 113, 114 Grand Domestique d'orient ct d'occident: 31 Grand Primmicier : 31 Grégoire (Kyr, patriarche) : 45 Grégoire de Nysse: 149 Grégoire le Sinaïte: 145. 147, 148 Grégoras (Nicéphore): 93, 97,113-117,122, ISO, 158, 167. 170 Gürcü Hâtûn : 72 Hac.: 102 Hac.Emir: 101 Hac. Pacha: 129 HadÎth' 149 Hagioritcs : 134 Hahamba§. : 183 Hâlîl (prince olloman) : 95, 98, 117 Hallâj : 22, 23, 196 Haml: 166 Hamdî :120 HamiduddînIHamîd al-Kayserî: 130 Ham?_a (amiral de Mehl1lcd II) : 97 Haraç : 93, 193 al-Harawî: 12 Harl1lonios d'Athènes/Murâd le RÛl1lî : 97 HarputiKharflCrl : 60, 66, 101 Hasan Bey: 185
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a1-Hashimi; 15 Héraclée de Cappadoce; 140 Héraelée (métropolite d') ; 177 Héraclius; 23, 29, 57 Hésyehasme; 139, 144, 148, 151, 172 Hezârfenn ; 196 Hikmat 'Îsawiya ; 23 Hindi; 170 Hindous; 21 Hlristôs; 52 Hlzlr (émir) ; 155 Hlzlreliez : 122, 148 Hoca ; 40, 89, 102, 184, 196 Hohenstaufen: 8, 10, 17 Hongrois; 27,190, 196 Horehi; 102 Horde d'Or; 8 Hospitaliers: 12 Hubal; 51 Huns; 27 Hurûfi; 8 Husâm ad-Din; 12 Husrev (Mollâ) ; 192 Hussites; 190 Hutba; 35 Hüdavendigâr; 171 Hüseyin (Bey de Lemnos): 192 Hyperpérilampros ; 31 Ibérie: 100 Ibn Arabi (Muhyiddîn. cheikh al-Akbar) : 8. 23. 24. 121. 149. 164. 165, 169, 170 Ibn Atâ'Allâh : 148 Ibn al-Athir : 84 Ibn al-Azraq : 72 Ibn Battûta: 50, lOI, 146, 167 Ibn Bîbi: 49 Ibn al-Fâridh : 22 Ibn al-Rûmî: 13 Ibn Wasîl: Il lbrâhim (Grand Vizir de Soliman le Magnifique) : 192 Ibrâhim Müteferrika: 196 IconiumlKonya: 34. 35, 36.44-49.51.67.69.72,81,84.85,87-89.137,165 lJahi-Nâme: 147
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I1haolllkhan : 31, 81, 89 Imam baylldl: 195 Imbros: 97 Indes: 181 lneb: 198 lnghûr: 198 Innocent III : 18, 84 InzilllnjîllÉvangile : 22, 62, 122. 158. 167 Ionie: 100 Iran: 8, 12,30.46.53,99.171 Irène (impératrice) : 35.76 Irénée de Lyon: 143 lsâ Bin Meryem : 165 Isaac le Syrien: 142. 143 Isawî: 165 Isidore (ami de Palamas) : 150 lskender (Beylerbcy): 193 Ismaëlites : 58, 67,74 Ismâîl (petit-fils d'Orhan) : 160. 161 Ismâ'îl (gouv. seldj.) : 66 Isrâ: 121 Italie-Italiens: 10. 16. 17. 19.35,86.98,101.120,123,151,158.180 Ivladi: 108 Iznik cf. Nicée: 164. 165. 170 lZl.eddîn Kay- Kaûs : 92. 45 Jacobites: 9. 15.54.56-65,67.82,91 Jacques de Vitry: 18 Jacques le Perse: 131. 168 Janinalloannina: 134. 185 Janissaires: 93. 1R7 Jean (Calholicos arménien) : SH Jean VI Cantacuzène: III. 113. 114. 122,123 Jean Damascène : 19 Jean l'ilalien : 8 Jean V Paléologue: 91. 92.94.95. 106, 114.117-119,123.126 Jean VIII Paléologue: 94. 9K. 151. 152 Jean Sa'id Bar Sabuni : 60 Jérusalem :9,10.144-146.184.188 al-Jihâd al-'akbar: 149 Joasaph (nom monaslique de Jean VI Cantacuzène) : 123 Juan de Ségovie: 17 Justinien: 185
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Ka'ba: 24, 56 Kâfir: 51 KaganlKaghan : 29, 181 KaikoupadèsIKay-Qubâdh : 45 Kakhétie : 71 Kalambakis : 108 Kalender: 137, 171 Ka).6YTJpodCaloyer: 171, 10 1 Kalonoros/AlâyalAlanya: 48 al-Kâmil: 18 Kananos (Jean) : 41 Kankarde§lik: 114 Kap.c.b8§' : 129 Kap.kullan : 192 Kapsali/Capsali (Elie), : 182, 184 Kapsali/Capsali (Moshe) : 183 Karadenizli : 103 Karagôz: 195 Karakoyunlu : 99 Karaman-Karamani: 129, 164, 171 Kara medrese (Ankara) : 129 Karas.: 104, 116 KaratzaslKaraca : 29 Kannd8§lKarde§ : 40 Kars: 66, 71 Kas.m Baba: 191 Kasimiye/St-Démèlrc (mosquée) : 191 Kastamonitou (mona.tère) : 186 Kasloria : 97, 189 Katabolenos : 97 Katholikos Apokrisiarios : 106 Kâtib Çelebi cf. Hadji Khalfa. 196 Kay-Kâûs 1er : 87 Kay-Khusraw le, : 36, 38, 79, 85 Kay-Khusraw Il : 72 Kayse~i/Cé~arée dc Cappadoce: 45, 68, 120, 130, 164, 165 Kazams (N.colas) : 108 KazvÎni : 10 1 Kédrénos-Skylitzès : 140 Kefiye: 102 Kesariani : 136 Ke§i§ Da~ : 172 Khazars : 27, 108 Khidr/Hizir: 122, 148
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K.lIÇ Arslan le, : 60, 63 K.lIÇ Arslan Il : 46, 48, 84 al_Kindt: 15 Kinnamos (Jean) : 34,45,48 Klaudiotès : 99 Kocamustafâ Pacha: 192 Kogh Vasil : 67 Komâmah (St Sépulcre) : 146 Kondofré : 93 Konyallconium : 34-36,44-49,51,67,69,72,81,84,85,87-89 13 Korax (Théologos) : 105-108 ' 7,165 KoSlaki Musurus Pacha: 190 Koutloumoussi (monastère) : 32, 146 Kôprülü : 185 Kôsedaj\ : 72 Kralevitch (Marco) : 95
Kp' rris: 166 Krokondylos: 189 Kyrie Eleison: 159 Kyritzès : 97 Labrida: 44 Lâ I1âhe \11allâh : 159 Lampsaque/Lapseki: 156-158, 163, 165 LaodicéelDcnizli : 48, 103 LascarislLaskaris (famille): 78, 81-83, 85, 87, 89, 91,104,164 LascarislLaskaris (Théodore 1cr) : 48, 87 Lât: 51 Latinophronie: 151, 176 Lâtili: 169 Latros ' 146 Lauakie: 145 Lazarevitch (Etienne) : 95 Lazes : 99-101 Lemnos: 106, 192 Léon III l'lsaurien : 76 Léon V l'Arménien: 70 Léon le Philosophe: 13 Léontios de Balbissa : 133 Libye: 33 Limes: 13, 90, 103 Limnia: 105 Lokman HekimlHippocrale: 196 Loukas (Georges) : 93, 116
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24\ Louis VU: 43 Lucera: Il LulllLulle (Raymond) : 8, 16 Lykandos: 81 Lydie: 103, 114 Macaire (pair. d'Antioche): 186 Macaire (Krysoképhalos): 104, 109 Macaire d'Egypte (saint) : 143 Macédoine: 28, 185 MaggaphasIMangaphasIMankafa (Théodore) : 77, 104 MahmOd Pacha (Grand Vizir) : 192, 193 al-Mâ'ida: 121 Makrembolitès : 97 Makrîzf: 36 Malâmatî: 147 MalatyaIMélitène : 60, 61, 63, 66-70 Malik: 84, 166 Malik/pO!"MKns : 31 Malikchâh : 31, 65, 67 al-Ma'mOn: 13, 15 Manâsllr medresesi : 129, 165 Manfred de Hohenstaufen: 10, Il Manichéens: 21 Manol, fils de ~ahin : 195 Mantzikert : 30, 38, 64, 65, 73, 79 Manuel 1er Comnène: 46 Manuel Il Paléologue : 123 Maqâm :22 Mar Barsauma : 60 Marc d'Ephèse: 175, 176 Mare l'Ascète: 143 Mardin :60 MarialGülbahar: 103 Marie Comnène: 10 1 Marie la Copte: 23 Martoloz: 103, 189 Maslama: 35 Mas'Od 1er : 45 Mas'Od Il : 36, 83 Mathieu (Patriarche): 134, 175 Mathieu d'Edesse : 60, 65, 68 Mauromatès de Philadelphie: 105 Mauro7.0mèslMafrulum (Manuel) : 48, 49
Mavrocordato (Alexandre) : 190 Maxime (patr,) : 186 Maxime le Confesseur: 143, 147 Mazaris: 99 Mazdéens: 21, 90 MawlidIMawlidIMevlüt : 18 MéandrclBUyük Menderes: 38, 43, 48, 79, 103 Medrese: 129, 164, 165 Medrese (Kara, Ankara) : 129 Mehmed Châh Fenârîo#lu : 120 Mehmed 10 ' : 93,112,124 Mehmed 10' al-Kiriscî: 38 Mehmed Il: 97-99,136,170, 176, 177, 183-186, 188 189 192 196 Mehmed-i Kü§terî: 171 ' , , , 197 Mekhitar (patrice) : 66 Mélétios (moine) : 120, 121 Melik Nasar : 99 Melike Hâtûn: 129 Mélitèniotès (Jean) : 45 MelkitesIMelchites : 9, 54 Membrar: 16 Menâkib-i Hacl Bayram : 130 Menât: 51 Mengudjukides : 99 Men§Or: 40 Mesîh Pacha : 192 MesnevîlMathnawî : 22 Mésopotamie: 9, 12, 46, 60 Mente§e: 40 Mevlânâ Djelâeddîn cf. Rûmî: 8,40, 196 Mevlevî : 196 Meydanl/.lQïtSalllll: 93 Meyhane : 130 Michel le, Rhangabé : 70 Michel VIII Paléologue: 78 Michelle Syrien: 36,57,60,61,63,65 Millet: 109, 137, 174, 181, 182, 190, 191, 195, 197 Mirsaïtis/Emir Seyyid : 31 Mishkât al-Anwâr : 149 Mistra: 192 Mixobarbares: 93, 131, 168, 170 Monophysites: 9, 15,54,55,57,59,68,69,76 Montagne Noire: 58 Montagu (Lady Mary): 188, 193
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Morée: 189 Môrosl~cupàs:
147 Mossoul: 84 MourtatciIMürted : 94 Muhammed ResQllulâh : 159 Mukaddasi : 35 Mu'nis: 12 aJ·Muqtadir: 12 Murâd le, : 94, 95, 97, 112, 124, 127 Murâd II : 95, 97·99, 107, 136, 175, 184 Murâd IV: 195 Mustafâ (défense de Thessalonique) : 99 aJ·Mu'tasim : 29 al·Mutawakkil : 29 Müdems : 125·130, 164 Myrioképhalon : 47, 81 Mysie: 172 Narkès Hâtûn : 23 NasreddÎn Hoca : 195 Nassy (don Joseph, duc de Naxos) : 190 Nazar Allâh : 24 Négus: 181 Nemrod: 52 Nersès (prince géorgien) : Nersès III (catholicos) : 69 Nerval (Gérard de) : 198 Nestoriens: 9, 14, 15,21,54·56,59.60,90, 147 Ne~rî: 164 Nic~: 32, 85, 87, 88, 104, 127, 156, 157, 164, 167·169, 172 Nlcephore 1er : 13 Nicéphore Il Phocas : 140 Nicéphore III Botaniate : 32 Nicéphore l'Hésychaste : 148, 151 Nicétas de Byzance: 42 Nicétas Choniate : 32, 35, 42, 79 Nicétas Stéthatos : 22 Nicodème (maître de Palamas): 146, 1 Nicolas de Cues : 17 Nicolas le Mystique: 20 Nicomédicllznikllzmit : 78 NiksarlNéo-Césarée : 68 Nil l'Italien: 151 Nil de Rossano : 17
n
n
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Nomismata : 78 Normands: 8, 10, Il, 70 Notaras (Loukas) : 95,98 NureddÎn : 84 Oguz : 27, 29, 30 Omar: 183 Omar Khayyam : 24 Omeyyades: 8, 13, 19, 56 Olympe de BithyniclKe~i~ DalVU1u Dai!: 171 Orhan (sultan ouoman) : 114, 164, 165 Orhan (cousin de Mehmed Il) : 99 Orhan (fils de Süleyman) : 99 Orhan Gâzî Medresesi : 164 Orhon/Orkhon : 29 Origène: 121 Orpélian (Stéphane) : 60 Oruç Bey: 124 Oursel : 83 Ouzas/Oguz : 29 OUloi/OgUl : 27 Ovakim : 182, 183 Pachymère: 40, 81, 86, 92,141,151,152 Palamas (Grégoire): 108, 144, 149, 150, 151, 152 Palestine: 8,10,11,12,18,19,84,144,145,151 Paléologue: 40. 78, 81, 82, 83, 89·91, 97,100, lOI, 104, 115,120,135,192 Paléologue (Démétrios): 95, 189, 192 Paléologue (Jean, despote) : 151 Paléologue (Jean VIIl), cf. Jean VIII : 94, 98, 151, 152 Paléologue (Manuel Il) : 123 Paléologue (Michel VIlI) : 78 Panayotis (Grand Drogman): 190 Papaslpapadhès: 133, 196 Papaz Ahmed : 195 Paphlagonie: 44, 78 Patmos: 146 Patrice: 66 Paul (saint) : 143 Paulieiens : 69, 70 Péloponnèse: 8, 185, 189 Péra: 192, 193 Péribléptos (monastère) : 141
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE RÙM TURC
INDEX
245 Persans-Perse: 21, 22, 33,40,48,52,58,64,66,69, 83, 102, 127, 128, 131, 162, 168, 171, 181, 198 Pétchénègues : 28 Pétrarque: 86 Phanariotes : 190 Philadelphie/Ala§ehir: 43, 77, 99, 100, 103-105, 108, 109, 137, 144, 151 Philanthropénos (Alexis) : 116 Philanthropie: 24 Philarèle : 67 PhilippopolisIFlibe/Plovdiv : 70 Philomelion!Ak§ehir : 48, 80 Philothée Kokkinos : 144, 173, 175 Phocée: 116 Photius: 19, 20 Phrygie: 38, 76 Pierre de Sicile: 69 PlalonlEnâtûn : 196 Pléthon (Georges Gémiste) : 152 Plovdiv cf Philippopolis : 70 llo),vÜE"os: 166 Polyeucte (patriarche): 140 Ponl: 19,43,47,58, 105, 185 Pontioi : 103 lloV1TaknslAbû Bakr: 30 La Porte: 107, 162 Preubovitch (Thomas) : 95 Proclus/Bûrûklûs: 196 Proèdre: 32 Pronoïaires : 88
"pouollx: 30 Protonotaire: 45 ProtospathairelEmir Candar: 102 Protoslrator : 34 Psellos: 28 Qalb: 148 Qaysar: 13 Qûsta ibn Lûqa: 13 Rabbi: 184 Radja: 181 Rahmân Rahîm : 166 Rahmetullâh : 24 RayalRc'âyâ : 134
RestunÎ: 67 RestOni (Théodore) : 58 Rhomaj'de : 81 Ricoldo da Monte Croce: 121,154 Riyâzet: 52 Romains: 9, 20, 33, 38, 39, 45, 57, 58, 65, 74, 78, 79, 83, 84, 88 98 106 115,117,141. 143, 157, 177, 189 ' , , Romain Diogène: 3D, 64 Rome: 55, 59, 87, 91. 92, 119, 123, 174,175, 179, 181, 183, 198 Rotonde SI-Georges: 191 Roumélie: 94, 98, 192 Ravine: 95 Rubrouck (Guillaume de) : 50 Ruhbâniya : 24 Rûm/Romanie : 23, 30, 36, 44-47, 50-53, 66, 69, 72, 80, 81, 82, 84, 85, 87, 197 Rûm (Diyâr-I) : 50, 81 Rumeli Hisar: 136 Rûm-ili/Roumélie : 94, 98, 192 Le Rûmî: 87 Rûmî (Djclaleddîn, Mcvlânâ): 69,115,198 Rûm Mehmed Pacha: 193 Rüstem Pacha: 188 Sabbas de Vatopédi : 122, 144, 147 Sabéens: 21 Sadeddîn : 98 Sadreddîn de Konya: 165 Saint Abo : 72 Saints-Apôtres: 177 Saint Athanase: 102, 171 Saint-Auxence : 152 Saint-Barsauma cf. Mar-Barsauma : 60 Sainte-Catherine du Sinaï: 19 Saint-Chariton de Konya: 45 Saint Chari ton de Koutloumous : 145 Saint Démètre de Salonique: 191 Saint Eugène: 102 Sainte Euphémie: 191 Saint François d'Assise: 17, 18 Saint Georges: 122, 191 Sainte-Irène de Pérama : 35 Saint Jean Chrysostome: 196 Saint-Jean Prodrome à Scrrès : 135
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DB ROM TURC
Saint-Hyacinthe: 172 Saint Louis: 12 Saint MinasIEmineh Baba: 191 Sainte Paraskévi : 197 Saints-Pères (monastère des) : 143 Saint-Sépulcre: 146 Sainte-Sophie à Constantinople: 93, 173, 196 Sainte.Sophie de Trébizonde: 102 Saint-Supéran (Pierre de) : 95 Sainte-Thèclelfoklu Ocde: 191 Sainte Théodosie : 37 Sakhrah : 146 SaklZ cf. Chio: 155 Saladin: Il, 12, 35, 84-86 Salâtu-I-Janâza: 166 Salomon: 181 Salone: 134 Salonique cf Thessalonique: 97-99, 115, 136, 150, 152, 156, 157, 167, 16S 171-174,184-186,189,191 Salos/.EdAos: 147 Salluk (émir d'Erzurum) : 66 Saltuknâme : 37 IaM!LITQKLslSaglam Bey: 40 Samonas: 13 Samos: 185 Samuel d'Ani: 65 Sanâ'î: 21 Santouri : 195 Sarakinophiles : 13
MIPQKT}//6,ppwv: 76 Sarea vag : 60 Sardes: 43, 103 San Abdullâh Efcndi : 129 San Saltuk : 37, 122 Sârim al-Dîn : 88 Sarmates: 28, 29 Sarrazins: 19,20,74,86,146,166,188 SaruhanlLydie : 105, 113, 116, 117 Savci : 94 Scholarios (Georgcs, Gennadios): 170, 175-177 Scythes: 28, 33, 41, 105 Sébaste/Sivas: 32, 64 Sébastocrator : 31 Seder Eliyahu Zuta: 184
1 NDEX
___---------------------------~~~7 Selçuk fils de Kosta : 195 Selim Il : 195 Semâ: 115 Serbes-Serbie: 116,117,192,193 Serrès: 98,124, 134, 135, 185, 192 Seyyid Bauâl : 37 l:LQovsISiyavu§ : 31 Sicile: 8, 10, 16,27,69,70, 152 Sihir : 52 Silivri: 191 Silsila : 149 Sinaï: 19, 144-146, 151 Sinân (architecte): 192 Sinân Pacha: 185 Sindi: 21 Sinope: 66, 101 Sipâhî: 189 Slaves: 46, 77, 82, 86, 95, 144, 181 Sôf: 22 Sokullu Mehmcd Pacha: 193 Soliman ou Süleyman (lils de Bajazet le') : 95, 105, 124 Soliman le Magnifique: 192 Sophia Angelos/Sophia Christos : 23 Sophos : 22 Soudan: 181 Source (monastère de la) : 107 SozopolislBurghlu/Uluborlu : 43 S6kmen : 66 Spathas : 95 Sphrantzès : 98, 123 Spon (Jacob) : 136 Stalilion : 198 Suba§1 des Cochons: 99 Suméla: 188 Süleyman Ibn Kutulll1u§ : 32 l:VYYvWl117: 166 Sybille (princesse franque) : 12 Sy,?éon le Nouveau théologien: 24, 149 Syne: 9, 10,46,53,56,58,62,73, 169 Syriens: 9, 37, 55, 61, 69, 58 ~akâyik'un-Nu'mânîya: 125, 129, 164 ~emscddÎn Fenârî (mollâ) : 129 ~emscddîn Isfahânî: 121
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ROMANIE BYZANTINE ET PAYS DE ROM TURC
~eytano#lulMichel
Cantacuzène: 190
Tabriz: 102 Taceddin Kürd1 : 164 Tafur (Pero) : 100 Tagaris : 104, 105. 117 Tagaris (Georges) : 105 Tagaris (Manuel) : 105 Tagaris (Paul) : 105 rdYJ1a "€fXIlK6v : 29 Taharten : 10 1 Taifas: 8 Tamara (princesse bulgare): 95 TamerlanITimur-Lenk : 38. 105 Tanassur: 120 TankridoslTancrède (prince d'Antioche) : Il Tarasios : 76 Tarikalltarîqa : 130 Taronitès : 163 Tarse: 70 Tartares : 106 Tasawwuf : 22, 23, 182 Tasimanès: 156, 162, 166 T~këprüzâde: 125, 129. 164. 171. 188 Tatikios : 29. 31 Taurus: 73, 74, 90 Tchinelelli: 195 Tégée: 97 Tekfur : 48, 102, 116 Tekke: 172 Templiers: Il, 16 TéphrikélDivri#i : 70 Tétraévangile : 45 Tezkire : 125 Thèmes: 7, Il,29,77. 81, 89, 97.122,141,149,167,170,195 Théodora Comnène: 10 1 Théodore Mélochite : 97, 158 ThéodosiopolislErLurum : 66, 69, 70, 71 Théophile (empereur bY7.antin) : 13,29 Théolepte de Philadelphie: 108, 144, 151 ThéologosITollogos (Korax): 105, 106, 107 Théophane (chroniqueur) : lOS, Théophane (Le continuateur de): 29 Théophanie: 23
--
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Théophante : 23 Thessalie: 28 799 IlS, 136, ISO, 152, 156, 157, 167, 169, Thessalonique/Salonique: 9 - , 171_174,184-186, 189, 191 Tholos : 107 Thomas d'Aquin: 16, 17 Thomas le Slave: 77 Thomisme: 176 Thoros: 67 Thrace: 28,70, lOS, 114, IlS, 118 Tiflis: 71, 72 nUsmat: 52 Timariotes : 103, 189 . Timothée (patriarche nestonen) : 14 Timurta~: 60 Tacco (Carlo) : 95 To~rul Beg (sultan) : 35, 66 To~rul Chah (émir d'Erzurum) : 71 Taklu Dede cf. Ste-Thècle: 191 Tomos: 41 Torlak: 171 Tourkoi: 27 Tourkopouloi : 88 Tourkos : 29 Tralles: 43 Trapézuntios (Georges) : 97 Trébizonde: 48, 87-89, 93. 95, 97. 99-103. 192 Tripoli du Méandre: 103 Troie: 105 Tsarigrad : 189 Tuhfetu'I-Ushshâq : 120 Tunis: 16 Turahan: 98 Turkestan: 8 Tu(u~ : 83 Tzamiôtès (Théodore): 102 Tzamplakon (Arsène) : 115 Tzétzès (Jean) : 34, 37, 39 UlamâlUlemâ: 14, 50, 125, 169, 180 UluCami :169 al-Umarî: 100 Umur d'Aydm : 52, 93, 105 Urbain VI : 175
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ROMANIB BYZANTINB BT PAYS DB ROM TURC
UsâmalOusima: Il, 12 Usque (Samuel): 184 Uzra: 166 Uzum!üzüm: 198 Uzun Hasan: lOI Vliiz: 169 Valachie: 186 Valaques: 95 Vardariotes : 34, 93 Vasil Dghl: 67 Vatatzès (officier byzantin) : 93, 106, 116 Vatatzès (Jean III) : 38 Vatatzès (Nicéphore) : 48 Vatatzès (Théodore) : 48 Vatopédi: 122, 144, 147 Vazelon : 102 Vilâyetnâme : 172 Vitturi: 107 Vlattades: 136 Wycliffe (John): 17 Xéropotamou : 188 Yahyah: 45 Yakûb Pacha: 10\ Yalancl dalma: 195 Yâqût: lOI Yasslçimen : 72 Yavuz: 188 Yayla: 102 Yazlcloj!lu Ali: 120 Yazid: 76 Yezîdi: 182 YOnini (Abdullân) : 69 Zakarya (vizir) : 38 ZandaqafZindîq : 24 Zâwiya: 171 ZengîlZanki: 61- 63, 84 Zigahène (Eulhymc) : 42 Zonaras: ) 40 Zonnar: 23 Zoodochos Pigi : 89