■ Hommage à Jean-Marcel Jeanneney
Hommage à Jean-Marcel Jeanneney (1910 – 2010)
© Photo Pierre Bonte Joseph
Fondateur et président de l’OFCE de 1981 à 1989
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orsque j’eus l’honneur de succéder à Jean-Marcel Jeanneney en janvier 1990, René Rémond eut pour lui ces mots : « En réfléchissant au chemin parcouru, je voudrais dire que l’Observatoire est une belle aventure, aventure institutionnelle et aventure intellectuelle qu’il fallait concevoir et imaginer. C’est le mérite, l’intuition et le génie de Jean-Marcel Jeanneney d’en avoir mené de front la conception et la réalisation ». Jean-Marcel Jeanneney lui répondit dans son style inimitable, spirituel et modeste, en utilisant une formule qu’il affirma avoir empruntée à François Mitterrand : « quels que soient les mérites d’une action passée, il faut toujours remettre des bûches au feu ». Il n’y a pas de meilleure définition de son exceptionnel parcours comme de ses neuf années de présidence de l’OFCE. Peu de serviteurs de l’État peuvent prétendre avoir été des pédagogues de l’État. Jean-Marcel Jeanneney est de ceux-là : il a servi l’intérêt général en rendant la puissance publique plus savante des réalités économiques, et la rendant plus savante, il l’a rendue plus clairvoyante dans ses analyses et mieux assurée dans ses choix. Lui qui avait été reçu à l’Agrégation de sciences économiques l’année même de la publication de La Théorie générale de Keynes – que beaucoup s’empressent aujourd’hui de lire enfin –, il a abandonné sans regret l’économie littéraire pour embrasser pleinement la révolution de l’économie quantitative de l’après-guerre, qu’il a entrepris de diffuser en France. Comprenant, comme peu l’avaient compris à l’époque, l’importance des modèles et de la prévision pour un État qui entendait piloter, et pas seulement réguler l’économie, il n’aura de cesse de développer la culture économique dans l’administration et la classe politique françaises. Malgré quelques expériences décourageantes ici ou là, il a largement accompli sa mission historique. Il aimait les longues et implacables séries de chiffres et les graphiques rigoureux et parlants (la première édition des Forces et faiblesses de l’économie française de 1956 comporte pas moins de 107 graphiques !). Il les aimait passionnément, comme en témoigne le superbe ouvrage que nous avons proposé ensemble à Fayard, en 2004, Les Économies de l'Europe occidentale. Mais ce n’était pas, ce n’était jamais pour couper court à la discussion, bien au contraire : c’était pour que le débat économique s’instaure sur un socle de faits stylisés solides et partagés par tous, et que ce langage commun favorise les échanges contradictoires. Il eut le courage, la liberté, d’avancer des propositions que l’air du temps considérait alors et considère toujours, comme iconoclastes : créer de la monnaie pour investir, se dégager des dogmes pour préparer l’avenir (« oser vite une monnaie commune » fut le titre qu’il donna à un article publié en 1988).
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Dans les pages qui suivent, nous reproduisons sa Lettre du 27 mai 1987, parue voilà près de 25 ans donc, dans laquelle il en appelle à un protectionnisme européen. Ses propos demeurent d’une remarquable actualité et son audace « raisonnable » apparaît plus convaincante que jamais. Ce n’est qu’aujourd’hui, au moment où il nous faut déplorer sa perte, que je réalise combien, avec l’ensemble des personnels de l’OFCE, nous avons marché dans ses pas. Il avait, chevillée au corps et à l’esprit, une véritable éthique empirique : c’est peut-être, après celui du courage consistant à assumer sa liberté, son enseignement le plus précieux. Combien fut grande sa joie que j’accepte la mission de constituer, à la demande du Président de la République, la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, et comme nous discutâmes longtemps du rapport remis il y a tout juste un an ! Il s’agissait, de fait, de la poursuite naturelle de son projet intellectuel. Mais il était également attaché à l’analyse économique la plus originale et la plus complexe, lui qui soulignait dans Forces et faiblesses de l’économie française, quarante ans avant les travaux contemporains sur l’économie de la connaissance, l’importance pour la croissance d’une nation des « structures mentales » (formation professionnelle, culture et recherche scientifiques, esprit public). « Les qualités des hommes importent plus encore que les richesses naturelles à la prospérité d’un pays », écrivait-il si justement. On appelle cela aujourd’hui la théorie de la croissance endogène. En cet automne 2010, plus de 50 ans après la publication de ce livre visionnaire dans le propos et dans la méthode, et à quelques semaines d’un centenaire que nous attendions comme une fête, Jean-Marcel Jeanneney s’est éteint alors que l’OFCE publie l’édition 2011 de L’économie française, qui est devenue une référence dans le débat public. À la fin du mois de juillet, je lui rendis visite afin de l’entretenir du projet que j’avais formé pour lui rendre hommage et que les personnels de l’OFCE avaient accueilli avec enthousiasme. Il en fut, je crois, touché, et me donna son accord pour l’organiser, qu’il soit ou non présent ajouta-t-il. Cela sera fait dans les mois qui viennent et nous aurons alors l’occasion de méditer et de prolonger ses contributions à l’analyse économique qui, pour celles qu’il a rédigées lorsqu’il était président de l’OFCE, seront regroupées dans un recueil en cours de préparation. L’esprit de Jean-Marcel Jeanneney vit tous les jours à l’OFCE. Il imprègne nos débats, il détermine notre façon d’écrire, aujourd’hui comme au temps de sa présence quotidienne. Le meilleur hommage que nous puissions lui rendre consiste à être toujours fidèles à notre indépendance. Jean-PaulFitoussi
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Lettre de l’OFCE n° 45, mercredi 27 mai 1987
Chômage en Europe et commerce mondial Jean-Marcel Jeanneney On parle de moins en moins du chômage. La presse française et l’audiovisuel se bornent à égrener discrètement au long des mois des statistiques indiquant qu’il s’aggrave. Les hommes politiques de toutes tendances paraissent considérer que sa persistance à un haut niveau est pour longtemps inéluctable. Au sein de la Communauté économique européenne la situation de la France n’est pas la pire à cet égard : le taux de chômage y est certes supérieur à ce qu’il est en RFA, mais inférieur aux taux anglais, irlandais, néerlandais, belge, portugais et espagnol. Piètre consolation ! Au total la CEE compte actuellement 17 millions de chômeurs, soit un taux moyen de 11,4 %. Situation intolérable, par les souffrances qu’elle engendre, par la perte de croissance qu’elle implique et par les risques politiques qu’elle fait peser sur les démocraties. Ce serait une faute grave et une grande imprudence de s’y accoutumer, fût-ce en l’accommodant d’un coûteux traitement social. Certes des taux d’intérêt trop élevés et des endettements trop lourds, des capacités d’autofinancement insuffisantes, des réglementations trop rigides du temps de travail et des salaires sont des freins aux créations d’emplois. Mais l’ampleur, la généralité et la persistance du chômage sont dues aussi, et sans doute plus encore, aux conditions dans lesquelles les concurrences extérieures s’exercent en Europe. À quoi on doit remédier.
De nouvelles conditions de concurrence… Il n’est pas question de mettre en doute les bienfaits potentiels de spécialisations qui permettent de tirer parti au mieux d’avantages naturels et de capacités humaines différents d’une régions à l’autre du monde, comme aussi des économies d’échelle ainsi rendues possibles. On ne doit pas méconnaître non plus l’utilité de concurrences internationales, qui aiguisent l’ingéniosité technique, stimulent l’ardeur au travail et obligent à offrir des produits de qualité. Sans elles, routine et laisser-aller enliseraient les économies dans la médiocrité. Mais gardonsnous d’en conclure qu’on puisse, sans de graves dommages pour l’activité économique et le niveau de vie en Europe, laisser son territoire ouvert à toutes les importations de marchandises, d’où qu’elles viennent, quelles que soient les conditions physiques, humaines et techniques de leur production. Car il est des importations qui détruisent massivement des emplois, sans qu’en contrepartie des exportations viennent en compenser les effets.
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Moins que jamais l’Europe ne doit demeurer envoûtée par les sirènes d’un libre-échange qui, plus dangereux maintenant qu’autrefois, risque de l’être plus encore dans un avenir proche, les progrès techniques réalisés depuis une vingtaine d’années ayant modifié profondément les conditions de la concurrence mondiale. — Le coût des transports maritimes et aériens a été si bien réduit que les distances ne sont plus du tout un frein aux échanges. — La transmission des informations à travers l’espace planétaire est devenue instantanée et le prix des télécommunications presque négligeable. — Beaucoup de connaissances techniques nécessaires à la production en masse de biens de consommation d’usage courant se sont banalisées, si bien qu’elles peuvent être assez aisément mises en œuvre en de nombreux pays du monde, même par des entreprises petites. — De très grandes entreprises, ne se contentant pas de techniques connues, réalisent d’amples recherches pour abaisser les prix de revient ou créer et lancer des produits originaux. Grâce aux brevets qu’elles prennent et à la complexité des savoir-faire qu’elles acquièrent, elles disposent de quasimonopoles, au moins temporaires. La plupart de ces entreprises qui ont un rôle croissant dans l’économie mondiale, ont leur siège aux États-Unis ou au Japon, quelques-unes seulement en Europe. Leurs équipes dirigeantes sont souvent formées d’hommes originaires de pays divers, mais l’autorité suprême y est exercée par des nationaux, naturellement sensibles aux intérêts de leur pays lorsqu’ils ont à décider des lieux où faire exécuter des fabrications. Or la création d’entreprises européennes nouvelles de cette dimension est très difficiles, tout au moins avec des capitaux privés, car les coûts des recherches, expérimentations et mises au point sont devenus si élevés qu’il faut des capitaux propres considérables pour pouvoir financer ces énormes dépenses préalables et prendre le risque d’échouer dans certains cas.
…chassent les industries hors d’Europe Ces quatre facteurs tendent à provoquer de nouvelles localisations industrielles aux dépens de l’Europe, puisqu’en dépit des progrès de l’automation, les productions pour lesquelles les frais de main-d’œuvre sans haute qualification constituent une part prépondérante des coûts sont encore nombreuses. Une grande distance entre lieu de production et lieu de vente ayant cessé d’être un handicap, il est avantageux de produire dans des pays où les salaires sont extrêmement bas – cinq et parfois dix fois moindres qu’en Europe –, où les charges sociales et fiscales sont très légères et où l’on peut disposer des travailleurs habiles, mais résignés, contraints à l’obéissance par des régimes plus ou moins dictatoriaux. Dans ces pays-là des techniques inventées et déjà pratiquées ailleurs se sont de plus en plus et de mieux en mieux mises en œuvre par des capitalistes locaux pour produire massivement et à bas prix des marchandises destinées moins à leurs marchés nationaux qu’à des pays riches. C’est là aussi que les grandes entreprises
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innovatrices sont portées à transférer une partie de leurs usines et de leurs soustraitances, qu’elles peuvent commander et contrôler aisément grâce à la rapidité des voyages et à l’instantanéité des communications. Sinon c’est dans leur propre pays qu’elles sont naturellement portées à les maintenir de préférence ou même à les rapatrier s’il leur apparaît que l’environnement intellectuel et technique d’un pays développé leur est bénéfique. Ces délocalisations d’industries ont commencé depuis plusieurs décennies ; mais leurs conséquences vont s’aggravant. D’abord parce que les changements affectant la répartition géographique des productions mondiales ne s’accomplissent que graduellement. Parce qu’aussi leurs effets, qui s’étaient trouvés atténués pendant la première moitié des années quatre-vingt par la hausse du dollar, sont maintenant accentués par sa forte baisse, qui détériore les capacités concurrentielles de l’Europe non seulement vis-à-vis des États-Unis, mais aussi des pays du Sud-est asiatique dont les monnaient sont rattachées assez étroitement au dollar. Dans le même temps l’Europe ne peut plus guère espérer compenser des importations accrues en développant ses exportations vers le Tiers Monde, trop fortement endetté, ou vers les pays de l’OPEP, dont le moindre prix du pétrole a fortement amputé les revenus. À tout cela s’ajoute une menace complémentaire. Les États-Unis, dont la croissance économique des années 1983 à 1985 s’est accompagnée d’énormes déficits de leur balance commerciale et de leur balance des paiements courants, seront contraints d’y remédier. Il est douteux que la baisse du dollar, si ample soitelle, y puisse suffire avant longtemps. Il est d’autre part à craindre que l’économie américaine entre en récession à la fin de 1987. Pour ces deux raisons, l’administration américaine, si libérale que soit la doctrine qu’elle professe, ne pourra probablement pas, ou même ne voudra pas résister aux pressions de toutes sortes qui s’exercent, au Congrès et ailleurs, en faveur de mesures protectionnistes brutales. Or si les nouveaux pays industriels et d’autres aussi voient leurs débouchés américains se restreindre, ils tenteront de faire déferler leurs produits sur l’Europe.
… avec des effets désastreux sur l’emploi Les effets sur l’emploi d’importations à bas prix, qui sont déjà déplorables, risquent donc de le devenir plus encore. Des entreprises saines seraient acculées à une fermeture brutale. D’autres, qui survivraient provisoirement, verraient leurs parts de marché restreintes, tout en étant obligées d’abaisser leur prix de vente. Avec des marges bénéficiaires laminées et des possibilités d’autofinancement réduites ou supprimées, elles ne pourraient plus ni renouveler leur matériel, ni innover. Elles seraient, à terme plus ou moins lointain, inéluctablement condamnées.
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Des mécanismes plus insidieux sont aussi à prendre en compte. Chacun des pays européens qui constate ou redoute que des importations déséquilibrent sa balance des paiements est conduit, pour y parer, à amenuiser le pouvoir d’achat des ses habitants. Ce faisant, il réduit certes ses importations, mais aussi les débouchés offerts à toutes ses activités. Cette politique de restriction de la demande intérieure détériore l’emploi à moins qu’elle réussisse à accroître assez les exportations. Or comme aucune diminution du pouvoir d’achat ne peut être telle qu’elle aligne les revenus européens sur ceux des pays à bas salaires, ni même puisse suffire à compenser la présente baisse du dollar à l’égard des concurrences américaines, c’est principalement chez ses voisins qu’il lui faut chercher à exporter davantage. Ceux-ci devront réagir à leur tour pareillement. Un cercle vicieux européen, de récession, s’instaure.
D’où la nécessité d’une protection douanière Les États-Unis se sont acharnés depuis plus de trente ans à faire baisser les droits de douane par tous les pays signataires de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), au point que la plupart de ces droits n’ont plus guère d’incidence. Cependant on a admis allègrement qu’un pays, lorsqu’il estime, à tort ou à raison, certaines importations trop dommageables les contingente, soit d’autorité, soit par un accord de limitation, dite volontaire, passé avec le pays exportateur, ou encore qu’il obtienne l’engagement de son concurrent de ne pas abaisser ses prix à l’exportation au-dessous d’un minimum. Un protectionnisme existe donc sous des formes multiples et plus ou moins camouflées. De telles restrictions au commerce sont nocives à plusieurs titres. Les quantités ou les prix admis à l’importation sont fixés arbitrairement. L’octroi des contingents ou la fixation d’un prix minimum procure aux importateurs une rente injustifiée en leur concédant gratuitement le droit de vendre à un prix supérieur à celui qu’ils auraient pratiqué sans cela. Les profits supplémentaires dont ils bénéficient ainsi leur permettront de devenir, par autofinancement, des concurrents plus dangereux encore. Et l’administration des contingents et le contrôle des prix à l’importation impliquent une bureaucratie nombreuse, qui est constamment tentée de se laisser corrompre, tant sont grands les intérêts privés en jeu. Contre des concurrences extérieures trop destructrices d’emploi il n’est en fait d’autre parade européenne acceptable que d’accorder ouvertement une protection tarifaire à certaines industries. Et cela sera d’autant plus nécessaire qu’en 1992 tous les obstacles nationaux, très divers, existant encore à la circulation des marchandises entre États membres de la CEE et avec l’extérieur auront été levés. Actuellement ils protègent plus ou moins, tant bien que mal, chaque État contre certaines importations de provenance de pays tiers. Leur disparition rendra indispensable une véritable union douanière – comme l’a voulu le traité de Rome du 25 mars 1957 – qui permette de mener à l’intérieur des frontières d’un marché commun des politiques communautaires, à la fois conjoncturelles et structurelles, qui soient
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suffisamment autonomes. Le dire est s’attirer les foudres de tous les tenants du libreéchange, y compris ceux qui se voilent la face devant les obstacles dévergondés mis aux importations. Mais il est grand temps de l’affirmer à nouveau 1, en préconisant de recourir exclusivement à des taxes à l’importation, qui sont la seule forme de protectionnisme respectueuse d’un sain fonctionnement des mécanismes de marché. Le droit de douane est en effet assimilable à un coût supplémentaire de transport constitué par un impôt prélevé au passage de la frontière du pays importateur, majorant d’autant le prix du bien importé. Il laisse vendeurs et acheteurs libres de fixer comme ils l’entendent les prix et les quantités offertes et demandées. Le supplément de prix imposé à l’acheteur ne tombe pas dans l’escarcelle du producteur ou d’un intermédiaire, mais procure une ressource à un budget public. Enfin le tarif qui fixe le droit frappant chaque catégorie de marchandise ne laisse à l’administration des douanes aucune occasion de favoritisme. À supposer que la Communauté économique européenne décide de recouvrer sa pleine souveraineté en matière tarifaire et d’en user pour instaurer, majorer ou supprimer des droits de douane à ses frontières, tout en abolissant tout autre entrave à l’importation, de quels principes devrait-elle s’inspirer dans son action ?
Quelles productions protéger ? Il s’agit de favoriser le développement de structures productives qui correspondent aux aptitudes actuelles et potentielles de la main-d’œuvre européenne. De nombreux travailleurs, quels que soient les efforts de formation, ne pourront accomplir que des tâches relativement simples. À tous ceux ayant de hautes qualifications ou aptes à en acquérir on doit s’efforcer de proposer des emplois leur donnant l’occasion de les faire valoir. Aussi convient-il de protéger des industries 2 capables d’offrir toute la variété d’emplois souhaités, que ce soit en chacune d’elles ou globalement. Le souci de favoriser le maintien ou la naissance en Europe de productions suffisamment variées se justifie aussi parce que l’amélioration de l’emploi sera 1. Les justifications théoriques du protectionnisme ont été exposées, ainsi que les conditions institutionnelles d’un protectionnisme européen, dans : J.-M. Jeanneney, Pour un nouveau protectionnisme, Editions du Seuil, 1978, 160 pages (traduit en espagnol et en japonais). 2. L’industrie et l’agriculture sont les seules activités pouvant véritablement être protégées. Il n’est pas question ici des productions agricoles car la CEE leur accorde déjà une protection efficace grâce à ces droits de douane variables que constituent les « prélèvements ». Protection pleinement justifiée par des considérations à la fois économiques, sociales, écologiques et d’indépendance alimentaire, même si des surplus en résultant posent un grave problème qui doit recevoir une solution. Les droits de douane pourraient aussi être le cas échéant utilisés à des fins non plus structurelles, mais conjoncturelles, pour protéger l’économie européenne contre les effets d’une baisse excessive des cours du change réel d’une monnaie de l’un de ses partenaires commerciaux. Une surtaxe douanière ad valorem uniforme serait appliquée à toutes les importations et marchandises (à l’exception de matières premières non produites en Europe) en provenance de la zone dont la monnaie se serait dépréciée. Les distorsions de concurrence qui résultent de taux de change effectifs réels aberrant sont le sujet d’un article de Jacques Le Cacheux et François Lecointe à paraître dans le numéro 20 de la Revue de l’OFCE en juillet 1989.
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stimulée si l’augmentation de la demande adressée à un secteur industriel se répercute sur des fournisseurs de celui-ci qui soient européens. Plus l’économie européenne sera complexe, plus la probabilité sera grande qu’un accroissement de revenus et d’activité se propage en elle avec des effets multiplicateurs bienfaisants, tandis qu’une Europe spécialisée dans un petit nombre de productions verrait toute relance interne provoquer un déficit, bientôt insupportable, de sa balance des paiements. Une telle politique impliquerait une soigneuse étude préalable des productions existantes ou possibles, afin d’évaluer pour chacune d’elles le degré et la durée de protection nécessaires à leur survie, leur développement ou leurs débuts. On recourrait à des droits de douane dont les montants seraient très différents selon les produits, et devraient être dans certains cas permanents, dans d’autres provisoires et dégressifs. Ils auraient pour raison d’être de procurer à des industries anciennes un délai pour remédier à leurs insuffisances et à des industries nouvelles le temps d’acquérir l’expérience qui leur permettra de résister aux vents du large. Des choix seraient à faire. On laisserait sans aucune protection celles qui seraient capables, grâce à leurs techniques, d’affronter les concurrences tant de pays à bas salaires que de pays développés. Et sans protection non plus d’autres qui seraient sacrifiées parce que sans intérêt majeur pour l’économie européenne ou exigeant des droits d’un niveau déraisonnable.
Réponses à des objections Quatre objections principales seront faites, auxquelles il convient de répondre par avance. 1) On dira que les consommateurs pâtiraient de devoir payer des prix plus élevés à cause des droits appliqués à l’entrée. L’inconvénient serait mineur si en contrepartie le chômage était fortement réduit. Au reste ces droits étant versés au budget de la Communauté européenne permettraient de réduire à due concurrence – ou de ne pas augmenter – la taxe à la valeur ajoutée qui est affectée à ce budget et qui, incorporée aux prix est supportée par les consommateurs. De surcroit, si le chômage s’en trouvait, comme nous le croyons, fortement réduit et l’activité accrue, de grands allègements de charges sociales et d’importantes ressources supplémentaires seraient procurés aux finances publiques des États, ce qui leur permettrait de réduire leurs impôts. Alors les habitants de l’Europe seraient gagnants à la fois en tant que travailleurs et en tant que consommateurs. 2) On invoquera le tort qui serait fait aux pays en voie de développement, exportateurs de produits manufacturés en Europe. En vérité leur intérêt est que l’Europe réussisse, en se rapprochant du plein emploi, à retrouver une croissance qui en fera pour eux un client plus riche qu’aujourd’hui. Un avenir meilleur pour les pays du Tiers Monde ne sera d’ailleurs pas obtenu – contrairement à ce qui est le plus souvent affirmé – par leur intégration plus poussée dans l’économie mondiale, qui accroîtrait leur spécialisation et leur dépendance alimentaire tout en détruisant
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leurs structures sociales, mais par un développement de l’économie de chacun axée davantage sur elle-même. C’est à quoi les pays riches doivent les aider généreusement, par des dons plus que par des prêts, et en ne s’offusquant pas qu’ils maintiennent un protectionnisme déjà largement pratiqué, et le rationalisent. 3) On objectera le risque que des représailles soient exercées à l’encontre de la Communauté par des pays riches ou pauvres. Des négociations commerciales devraient évidemment être ouvertes. Outre qu’il serait aisé d’y faire valoir que la plupart des plaignants pratiquent eux-mêmes un fort protectionnisme et selon des modalités condamnables, les autorités européennes et leurs diplomates y seraient en position de force, car la Communauté, du fait du haut niveau de vie moyen d’une population de 320 millions d’habitants, continuerait à offrir aux exportateurs de ces pays des débouchés à peu près égaux à ceux procurés par les États-Unis et beaucoup plus importants que ne le fait aucun autre ensemble territorial existant dans le monde 3. Au jeu des représailles réciproques l’Europe ne serait pas le plus grand perdant. 4) On redoutera enfin qu’en l’absence même de représailles d’autres continents protègent pareillement leurs économies – ce qui serait légitime – et qu’il en résulte une stagnation, voire une certaine réduction du commerce mondial. Ce serait oublier que ce commerce doit être considéré non comme une fin en soi, mais comme un moyen, qu’il convient de doser pour le mettre au service de l’emploi des hommes et de la croissance des économies. L’obstacle véritable à ces propositions protectionnistes est qu’elles sont iconoclastes, car la doctrine du libre-échange a été érigée en dogme. Au XIXe siècle l’Angleterre, détentrice d’une prépondérance industrielle, s’est efforcée d’imposer un libéralisme commercial conforme à ses intérêts, mais s’est heurtée aux résistances justifiées de l’Allemagne et des États-Unis. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale les États-Unis, forts de leur grande avance technologique, ont fait de même, mais avec plus de succès en raison de leur puissance politique et parce qu’un monde en croissance rapide et proche du plein emploi pouvait l’admettre sans dommage. Aujourd’hui la logique implacable des faits commande à une Europe aux prises avec un chômage dramatique de ne pas accepter d’être victime d’une idéologie surannée. L’enjeu est vital pour elle et, à travers elle, pour l’économie mondiale.
3. ( ) La place de l’Europe des douze dans le commerce mondial comparée à celles des États-Unis et du Japon est le sujet d’un article de Monique Fouet et alii à paraître dans le numéro 20 de la Revue de l’OFCE en juillet 1987.
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Un trésor de 11 milliards d’euros ? Henri Sterdyniak OFCE, Centre de recherche en économie de Sciences po Université Paris Dauphine
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Selon certains travaux récents, les retraités bénéficient d’avantages fiscaux de l’ordre de 11 milliards d’euros, dont la mise en cause permettrait de financer les retraites et la dépendance. L’article montre que les avantages fiscaux dont bénéficient les retraités (12,5 milliards d’euros, soit 1 375 euros par ménage) sont équivalents, ramenés à la population concernée, aux avantages dont bénéficient les actifs (25,7 milliards, soit 1 600 euros par ménage). L’État pourrait certes gagner 1,8 milliard en faisant passer le taux de CSG sur les retraites à 7,5 % et en imposant les avantages familiaux des retraités. Mais, l’équité imposerait de réindexer en même temps les retraites sur les salaires (ce qui pourrait coûter 10,4 milliards d’euros). Par ailleurs, maintenir le système actuel de retraite et faire face à la montée en charge de la dépendance nécessite 90 milliards de dépenses supplémentaires.
Mots-clés : Impôt sur le revenu. Dépenses fiscales. Retraites.
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■ Henri Sterdyniak
es hauts fonctionnaires de Bercy 1 et du CAS 2 ont découvert un trésor de 11 milliards d’euros : les avantages fiscaux dont bénéficient les retraités. Il suffirait de supprimer ces avantages pour rembourser la dette sociale 3, financer les retraites 4 et la dépendance 5. De plus, ces avantages profitent aux retraités les plus riches : leur suppression irait donc dans le sens de la justice fiscale. Ainsi, reprenant cette analyse, sans esprit critique, Libération du 15 juin peut-il écrire : « 11 milliards, c’est le coût pour les finances publiques de l’écart de taxation entre actifs et retraités ».
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Cependant, cette phrase est contestable. Elle suppose en effet que les actifs ne bénéficient, eux, d’aucun avantage fiscal, qu’ils sont taxés sur l’ensemble de leurs revenus. Selon le rapport de la Cour des comptes de février 2010, le total des dépenses fiscales serait de 146 milliards. Quelle est la part de ces avantages qui bénéficient aux seuls actifs ? Dans un système d’imposition à la française où des taux d’imposition nominaux relativement forts sont compensés par de nombreux avantages fiscaux, chaque catégorie d’agents économiques (salariés, retraités, rentiers, entreprises) bénéficie de certains avantages fiscaux, plus ou moins justifiables. On peut certes envisager une grande réforme fiscale, qui supprimerait l’ensemble des dépenses fiscales. Reste cependant à bien les définir 6. Mais serait-il justifiable de supprimer les dépenses fiscales profitant aux seuls retraités, sans toucher celles profitant aux actifs ? Peut-on comme le rapport du CAS (2010) épingler les dispositifs dérogatoires profitant aux seniors et oublier ceux qui profitent aux actifs, ceux qui réduisent la charge des revenus du capital et tous les dispositifs dits incitatifs ? Nous nous proposons ici de comparer les dépenses fiscales qui bénéficient aux actifs et celles qui bénéficient aux retraités. Nous verrons que leur poids est relativement similaire : 12,5 milliards pour les retraités, soit 1 375 euros par ménages ; 25,5 milliards pour les actifs, soit 1 600 euros par ménages. La prise en compte des frais professionnels des actifs (et en particulier de ceux à hauts revenus) est excessive et représente un avantage fiscal comme celle des retraités. L’alignement des taux de CSG des retraités imposables sur celui des actifs ne rapporterait que 1,2 milliard ; la fiscalisation des majorations familiales rapporterait 600 millions. Au total, le gain procuré par la suppression de ces deux avantages ne serait que de 1. Voir Olivier Ferrand et Fabrice Lenseigne (2010) : « Réformer les retraites : quelles solutions progressistes ? », Note de la Fondation Terra Nova. 2. Voir CAS (2010) : Vieillir ensemble plus longtemps, chapitre 10, « La fiscalité des seniors ». 3. Proposition du Conseil des prélèvements obligatoires (2009) : La répartition des prélèvements obligatoires entre générations et l’équité intergénérationnelle, page 63. 4. Proposition de Terra Nova (2010). 5. Proposition 13 de Valérie Rosso-Debord (2010) : « Mission sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes », Rapport d’Information, n° 2647, Assemblée Nationale. 6. La décote, le quotient familial, les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires sont-ils des dépenses fiscales ou des composantes normales du barème fiscal ?
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UN TRÉSOR DE 11 MILLIARDS D’EUROS ? ■
1,8 milliard alors que le surcroît de dépenses nécessaires pour maintenir à l’identique notre système de retraite est de l’ordre de 80 milliards d’euros et celui nécessaire pour aboutir à un système satisfaisant de protection contre la dépendance est de 10 milliards d’euros. Ce n’est pas la hausse de la fiscalité sur les retraités qui peut financer ces hausses.
1. Les avantages fiscaux des retraités et des actifs 1.1. La CSG-CRDS Les salariés paient un taux de CSG-CRDS de 8 % sur leur salaire (en fait, sur 97 % de leur salaire, 3 % étant censés représenter les frais professionnels). Les retraités, dont le revenu fiscal de référence dépasse un certain seuil (9 876 euros pour les revenus de 2009) paient, sur leur retraite, un taux de 7,1 %. Ils semblent donc bénéficier d’un avantage fiscal de 0,9 %. Toutefois, les retraites complémentaires (Agirc-Arrco, retraites d’entreprises) sont soumises à une cotisation maladie supplémentaire de 1 %, de sorte que le prélèvement total, pour elles, est de 8,1 %. L’avantage fiscal ne bénéficie qu’aux régimes de base 7. L’avantage fiscal pour les retraites de base représente environ 1 180 millions d’euros. Jadis, les retraités ne payaient pas de cotisations maladie. On avait estimé qu’il était inutile de faire payer des cotisations sur des prestations ; il était plus simple de fixer directement le montant des prestations à un niveau satisfaisant (c’est encore la logique qui prévaut pour les prestations familiales). À partir de 1980, les retraites ont été soumises à des cotisations maladie, dont le taux a progressivement augmenté. Ensuite, la création, puis la montée en puissance de la CSG ont permis de réduire la charge portant sur les salaires, en en faisant glisser une partie sur les pensions et les revenus du patrimoine. Ce processus est allé à son terme pour les retraites complémentaires ; il est allé au-delà pour les revenus du patrimoine (qui sont désormais imposés pour financer la protection sociale à 12,1 % en faisant la somme de la CRDS, de la CSG et des prélèvements sociaux) : il reste 0,9 % d’écart pour les retraites de base. Toutefois, les gouvernements successifs ont voulu éviter que la création de la CSG ne pèse sur les pensions des retraités les plus pauvres (ainsi que sur les indemnités des chômeurs ou sur les prestations familiales). Les retraités dont le revenu fiscal de référence est inférieur à une certaine limite (9 876 euros) ne payent pas de CSG-CRDS ; ceux dont le revenu fiscal de référence est compris entre 9 876 euros et 11 750 euros payent un taux réduit de 4,3 %. Cet avantage fiscal coûte environ 5 160 millions 8. 7. Ce point est oublié par la fondation Terra Nova (2010) et le CAS (2010). 8. Cette évaluation est plus forte que celle du CAS (2010) qui étrangement ne tient compte que des pensions du secteur privé.
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Le remettre en cause reviendrait à imposer de fortes réductions de pouvoir d’achat aux retraités parmi les plus pauvres (de 8 ou 3,7 %). La limite de 11 750 euros représente à peu près le niveau du SMIC, qui, naguère, avant le développement de la précarité au sein de la population active, était considéré comme le seuil de pauvreté. N’est-il cependant pas choquant que les salariés à bas salaires supportent une CSG-CRDS à 8 % alors que les retraités aux revenus équivalents en sont exemptés ? Mais, les salariés à bas salaires perçoivent, eux, le RSA activité ou la PPE. Comme le montre le tableau 1, à des niveaux comparables de bas revenus, la ponction nette sur les revenus des salariés est plus faible que celle sur les revenus des retraités. Pour les salariés à très bas salaires, le RSA activité est nettement supérieur à la CSG-CRDS versée ; leur situation est meilleure que celle des retraités qui ne paient pas la CSGCRDS (cas A) ou qui bénéficient du taux réduit (cas B). À un niveau de revenu plus élevé (cas C), les salariés perçoivent la PPE alors que le retraité de même revenu paie la CSG-CRDS au taux plein. Les retraités à basse retraite ne sont donc pas avantagés par rapport aux salariés à bas salaires si on considère l’ensemble CSG-CRDS/RSAPPE 9. Tableau 1 : Comparaison de la situation des retraités et des salariés à bas niveaux de revenus En euros par mois
Salarié A Retraité A Salarié B Retraité B 0,5 SMIC 0,75 SMIC Salaire net/retraite CSG-CRDS Salaire net RSA activité PPE Revenu disponible
615 -52 563 186 749
615 0
615
922 -73 849 99 948
922 -40
882
Salarié C SMIC
Retraité C
1 230 -104 1 125
1 230 -87
82 1 207
1 143
Source : Calcul de l’auteur.
Il est donc erroné de répéter, comme le font Olivier Ferrand et Bruno Palier (de la fondation Terra Nova), que Monsieur Antoine Zacharias paie moins de CSGCRDS qu’un smicard. Antoine Zacharias est imposé au titre des prélèvements sociaux sur sa retraite-chapeau au taux de 8,1 % ; le Smicard paie1,8 %. Remarquons, par ailleurs, que les prestations familiales ne sont pas non plus assujetties à la CSG, c’est un avantage fiscal qui bénéficie aux actifs, de l’ordre de 1 900 millions d’euros. 9. Valérie Rosso-Debord (2010) propose d’instaurer pour les retraités une CSG plus progressive en créant de nouvelles tranches intermédiaires, de 0 à 7,5 %. Mais, le grand avantage de la CSG réside dans le fait qu’elle est un impôt simple, proportionnel. Le rendre progressif pour certaines catégories de revenus compliquerait encore le système français.
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Les chômeurs bénéficient d’un taux de 6,7 %, plus bas que celui des retraités (7,1 %). Comme pour les retraités, ils bénéficient d’une exonération totale ou d’un taux réduit à 4,3%, en dessous des mêmes limites de revenu (coût : 2 250 millions pour l’exonération et 120 millions pour le taux réduit). 1.2. L’impôt sur le revenu Le système de l’impôt sur le revenu comporte de nombreux avantages fiscaux 10. On peut y trouver 5,4 milliards d’euros de dépenses fiscales profitant aux retraités, mais aussi 14,6 milliards profitant aux actifs (tableau 2). Les retraités bénéficient, certes, d’un surprenant abattement pour frais professionnels : 10 % de leur retraite avec un plafond de 3 606 euros par foyer fiscal. C’est bien une niche fiscale qui rapporte 1 442 euros aux foyers de retraités les plus riches (mais ceux-ci payent déjà au moins 15 451 euros d’impôt). Il faut cependant comparer le traitement des retraités à celui des salariés. Ces derniers ont droit à un abattement pour frais professionnels de 10 % de leur salaire, avec un plafond de 13 948 euros. Faut-il considérer que cet abattement correspond vraiment à des frais réels, de sorte que l’abattement retraités serait une niche fiscale et que l’abattement salariés serait en totalité la compensation de dépenses effectivement engagées ? Rien n’est moins sûr. Qui peut penser qu’un salarié ayant, par exemple, un salaire mensuel de 5 000 euros a vraiment 500 euros chaque mois de frais professionnels, sachant qu’il bénéficie déjà de titres-restaurant et que l’employeur prend en charge la moitié de ses frais de transport ? Un salarié ayant un salaire mensuel de 10 000 euros a ses repas d’affaires, ses frais de missions, sa documentation, souvent son ordinateur portable, parfois un véhicule, totalement pris en charge par son entreprise. A-t-il vraiment 1 000 euros par mois de frais professionnels supplémentaires ? Ce montant élevé est pour les salariés aussi une niche fiscale, qui permet au fisc de ne pas avoir à traiter de nombreuses demandes d’imposition aux frais réels, qui compense aussi les possibilités qu’ont les non-salariés de faire passer une partie de leurs dépenses personnelles en frais professionnels. D’ailleurs, pour la CSG-CRDS, le législateur a sagement plafonné à 3 % du salaire le montant des frais professionnels des salariés. Faisons comme lui : supposons que les frais professionnels ne représentent en moyenne que 3 % du salaire. Il faut alors considérer que l’abattement actuel « frais professionnels » est une niche de 2,7 milliards pour les retraités ; de 6,9 milliards pour les salariés. Par ailleurs, les personnes âgées de plus de 65 ans ayant de faibles revenus bénéficient d’un abattement de leur revenu de 2 276 euros (si ce revenu ne dépasse pas 14 010 euros) ; de 1 138 euros (si ce revenu est compris entre 14 010 euros et 22 590 euros). Cet abattement coûte à l’État 250 millions en perte de recettes d’impôt sur le revenu. Pour les personnes concernées, le gain en impôt sur le revenu est faible (319 euros pour une pension de 14 000 euros ou 159 euros pour une 10. Nous reprenons, sauf avis contraire, les évaluations de Voies et Moyens, Tome II (2010).
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pension de 22 000 euros), mais, comme le CAS (2010) le remarque, l’impact sur l’allocation-logement est important pour les faibles retraites (70 euros par mois pour une pension de 1 000 euros par mois). De façon similaire, les actifs à bas salaires bénéficient dans le calcul de leur allocation-logement de la non-prise en compte de la PPE ou du RSA. Naguère, les personnes seules (généralement des veuves) qui avaient élevé un enfant conservaient le bénéfice d’une demi-part supplémentaire. En fait, le système fiscal est toujours injuste pour les personnes seules (qui n’ont droit qu’à une part) relativement aux couples (qui ont droit à 2 parts). Selon la logique des unités de consommation, les personnes seules devraient avoir 1,33 part (soit 2/1,5). Mais cela aboutirait (que le système d’imposition soit individuel ou familial) à décourager le mariage (ou le PACS) : un couple déclaré aurait droit à 2 parts ; un couple non déclaré à 2,66 parts. Cette injustice était donc surcompensée par le fait que les personnes vivant seules, qui avaient élevé un enfant, avaient droit à 1,5 part. Ce dispositif avait le défaut de décourager le remariage. Puis le gain résultant de ce dispositif a été plafonné à un niveau relativement bas (884 euros). En 2009, cet avantage a été mis en extinction. Les législateurs en ayant oublié la logique, l’avantage n’a été maintenu que pour les personnes qui ont élevé seules un enfant. Le coût en 2010 était de 1 560 millions d’euros. Il devrait être réduit de 900 millions d’ici 2013, selon Voies et Moyens, Tome II (2010). Nous ne considérons pas que le quotient familial, qui tient compte de la taille des familles au moment du calcul de l’impôt, soit un avantage fiscal. C’est le cas pourtant de la demi-part supplémentaire à partir du troisième enfant, puisque celleci est excessive par rapport aux unités de consommation, telles que les évaluent l’OCDE, l’INSEE ou Eurostat. Cet avantage fiscal coûte 600 millions. Il est, selon nous, justifié puisqu’il compense le fait que les prestations familiales sont loin de couvrir le coût des enfants, en particulier en ce qui concerne les classes moyennes. De façon générale, les prestations sociales ne sont pas imposables. Le rapport du CAS évalue le coût de la non-imposition de l’APA (allocation personnelle d’autonomie) à 100 millions et celui des majorations de retraites pour les personnes ayant élevé 3 enfants ou plus à 580 millions. Ce rapport oublie que, en sens inverse, les actifs bénéficient de la non-imposition des prestations familiales (pour 1 600 millions), des indemnités pour maladie longues et coûteuses (240 millions), des indemnités pour accidents du travail et maladies professionnelles (500 millions). Dans tous ces cas, la non-imposition compense la faiblesse des prestations. Le CAS pointe la réduction d’impôt dont bénéficient les personnes dépendantes accueillies dans un établissement spécialisé (25 % des dépenses nettes de l’APA, soit un coût de 155 millions) et même le crédit d’impôt pour l’aménagement des logements des personnes âgées ou invalides (coût 30 millions). Il s’agit pourtant de dépenses indispensables qu’il n’est pas scandaleux de soustraire du revenu imposable des personnes concernées. Ces déductions sont aussi légitimes que les réductions d’impôt pour frais de garde ou frais de scolarité dont bénéficient les familles (coût : 1 325 millions).
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Les retraités bénéficient certes de la non-imposition des indemnités pour départ à la retraite (50 millions), mais les actifs bénéficient surtout de la non-imposition des heures supplémentaires (coût : 1,6 milliard) ; de la non-imposition des primes aux impatriés et aux expatriés (100 millions) ; de l’imposition à un taux réduit des stock-options (40 millions) ; de la non-imposition de sommes reçues au nom de l’intéressement, de la participation, des produits de l’épargne salariale et des produits de ces placements (pour 1,45 milliard) ; de la non-imposition de la participation des employeurs aux tickets restaurant, chèques vacances et frais de transports (pour 390 millions), soit un total de 3,6 milliards. Remarquons que la suppression des avantages fiscaux liés à l’IR ne fournirait pas a priori un euro supplémentaire ni à la retraite, ni à la dépendance. Aucun euro des 900 millions économisés sur l’imposition des veuves ayant élevé des enfants ne sont allés à la famille ou à la retraite. Il en serait de même des économies qui pourraient être réalisées sur les frais professionnels des retraités : il irait au budget de l’État, pas au système de protection sociale. 1.3. Taxe d’habitation et taxe foncière Les personnes de plus de 60 ans (et les invalides) bénéficient d’une exonération totale de la taxe d’habitation si leur revenu fiscal de référence ne dépasse pas une certaine limite (9 876 euros pour la première part ; 2 637 par demi-part supplémentaire). Le dispositif de dégrèvement général, qui s’applique à tous les contribuables, plafonne la taxe d’habitation à 3,44 % du revenu fiscal de référence moins un abattement de 5 038 euros. Le gain de l’avantage spécifique « personnes âgées » par rapport au dégrèvement général est donc au maximum de 166 euros pour une personne seule, de 207 euros pour un couple. Le dégrèvement général coûte 2,8 milliards ; le dégrèvement spécifique, personnes âgées et handicapés, 1,25 milliard (dont 0,9 million pour les personnes âgées), mais le surcoût du dégrèvement spécifique par rapport au dégrèvement général n’est que de 300 millions. Les personnes de plus de 75 ans (et les invalides), les titulaires du minimum vieillesse ou de l’AAH bénéficient d’une exonération totale de la taxe foncière si leur revenu fiscal de référence ne dépasse pas une certaine limite (9 876 euros pour la première part ; 2 637 par demi-part supplémentaire). Les personnes âgées de plus de 65 ans, sous cette limite de ressources, bénéficient d’un dégrèvement de 100 euros. Ces exonérations et dégrèvements ont un coût de 330 millions. Dans les deux cas, il s’agit bien de dépenses fiscales à finalité sociale, qui bénéficient à des retraités dont le revenu est inférieur au salaire minimum, l’objectif étant de leur permettre de rester dans leur logement malgré la perte de revenu que représente la retraite (et surtout le veuvage).
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Naguère, la société considérait que le revenu minimal décent était le SMIC. C’est progressivement devenu le RMI (nommé maintenant le RSA socle). Considérons une personne seule. En 2010, un travailleur au SMIC a un revenu disponible de 1 074 euros (en incluant la PPE) ; une personne sans ressources, au RSA, dispose de 461 euros. Le minimum vieillesse est de 709 euros. Faut-il considérer que le minimum vieillesse est supérieur de 50 % au RSA (les retraités pauvres sont mieux traités que les personnes d’âge actif sans ressources) ou qu’il est inférieur de 34 % au montant minimal dont la société considère qu’un salarié a besoin pour vivre ? Les avantages fiscaux des personnes âgées à faible revenu sont une survivance de cette période où l’on considérait comme défavorisés ceux dont le revenu était inférieur au SMIC, alors qu’aujourd’hui ceux dont le revenu est supérieur au RSA semblent déjà bien traités. 1.4. L’impôt de solidarité sur la fortune Mais, il y a aussi des avantages fiscaux qui ne bénéficient qu’aux plus riches. En matière d’ISF, les actifs bénéficient d’un avantage fiscal par rapport aux retraités, que ni Terra Nova, ni le CAS ne jugent bon d’évoquer : l’exonération des biens professionnels. Cet avantage est justifié par la nécessité de retenir en France des chefs d’entreprises, de les inciter à y développer leurs activités, à y créer des emplois. Certes, mais il ne s’agit pas moins d’une niche fiscale par rapport aux autres détenteurs de patrimoine et par rapport aux retraités. Les capitalistes retraités perdent ces deux avantages, ce qui explique que certains s’installent à l’étranger au moment de leur retraite. Cet avantage est signalé mais pas évalué dans Voies et Moyens, Tome II. Comme le patrimoine professionnel représente 12 % du patrimoine des ménages et qu’il est reparti de façon particulièrement inégalitaire, un calcul sommaire amène à penser que son inclusion augmenterait le produit de l’ISF de 24 %, soit de 1 milliard. Depuis la loi Dutreil, les titres de leur entreprise détenus par les salariés ou mandataires sociaux ne comptent que pour 25 % de leur valeur. Cet avantage est maintenu pour les salariés retraités. Il est évalué à 130 millions par Voies et Moyens Tome II, ce qui est sans doute trop faible. Il ne bénéficie en fait qu’aux dirigeants de très grandes entreprises.
2. Peut-on supprimer les avantages fiscaux des retraités ? Le faut-il ? L’analyse à laquelle nous venons de procéder a illustré toutes les complications du système français. Un système plus simple, avec moins de dépenses fiscales, serait certes préférable. Mais il serait injuste et absurde de n’appliquer ce genre de réforme qu’aux retraités. Les retraites déjà liquidées ne sont indexées que sur les prix (et pas sur les salaires). Dans les années récentes, le pouvoir d’achat du salaire moyen a augmenté au taux moyen de 0,8 % l’an. Les salariés peuvent donc absorber des hausses de
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cotisations sans perte de pouvoir d’achat ; ce n’est pas le cas des retraités. Imaginons que l’on ait indexé les retraites à moitié sur les prix, à moitié sur les salaires, alors les retraites seraient plus élevées de 4 % en 2010, soit 10,4 milliards d’euros. On peut certes demander aux retraités actuels de participer à la solidarité nationale en payant plus d’impôt, mais ne faudrait-il pas en contrepartie leur donner des gains de pouvoir d’achat dans les périodes où les actifs en ont ? Le Président de la République a pris l’engagement de ne pas réduire le pouvoir d’achat des retraités. Ceci empêche toute hausse générale de la fiscalité portant sur les retraités, sauf si, en même temps, les retraites retrouvaient des hausses de pouvoir d’achat. Par ailleurs, le Président de la République a pris l’engagement de restaurer le niveau du minimum vieillesse en l’augmentant de 25 %. Le gouvernement s’est engagé à respecter l’accord de 2003 selon lequel le minimum contributif majoré net devait atteindre 85 % du SMIC net. Toute hausse de la fiscalité sur les revenus les plus faibles des retraités devrait donc être compensée par une hausse du minimum vieillesse et du minimum contributif. La majoration de retraites pour les personnes ayant élevé trois enfants et plus est certes problématique. Elle récompense les pères comme les mères (alors que le fait d’avoir eu une famille nombreuse n’a pas d’impact sur la carrière et donc la retraite des hommes contrairement à celle des femmes). Elle est proportionnelle : un homme cadre dont la parenté n’a pas eu d’impact sur la carrière perçoit beaucoup plus qu’une femme ouvrière, qui a effectivement subi des pertes de salaires. La seule justification de la majoration est qu’elle compense la moindre capacité d’épargne et donc d’accumulation de patrimoine provoquée par le fait d’avoir élevé des nombreux enfants. En sens inverse, ce sont bien les familles nombreuses qui assurent le dynamisme démographique français qui permet de financer les retraites. Aucune réforme ne peut se faire au détriment des familles nombreuses. On peut donc envisager de soumettre cette majoration à l’IR, de la réserver aux femmes, de la rendre en partie forfaitaire, de l’utiliser pour aider les familles nombreuses au moment où les enfants sont présents, mais certainement pas la détourner vers un autre objectif que l’aide aux familles nombreuses. Comme le montre le tableau 2, le montant total des avantages fiscaux dont bénéficient les retraités (12,5 milliards d’euros, soit 1 375 euros par ménage) est équivalent, ramené à la population concernée, au montant total des avantages dont bénéficient les actifs (25,7 milliards, soit 1 600 euros par ménage). Il serait socialement inique (et économiquement peu rentable) de supprimer les petits avantages fiscaux qui ne profitent qu’aux retraités de faible pension alors qu’on maintiendrait les exonérations qui profitent à des salariés bien rémunérés (comme celle des heures supplémentaires, de la participation) ou à des rentiers (comme celles de l’ISF, des revenus des capitaux, etc.). On ne peut toucher à l’exonération de la CSG-CRDS des faibles pensions, car les retraités de faible pension ne sont pas favorisés par rapport aux salariés à bas salaires et on ne peut
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baisser leur revenu disponible de 8 %. Peut-on toucher aux frais professionnels des retraités sans toucher aux frais professionnels des actifs à salaires élevés ? Tableau 2 : Les avantages fiscaux des retraités et des actifs En millions d’euros
CSG-CRDS taux réduits/exonération Exonération prestations familiales RSA activité +PPE IRPP Personnes âgées de condition modeste 0,5 part supplémentaires personnes ayant eu des enfants à charge 0,5 part supplémentaire à partir du 3e enfant Frais de garde, de scolarité Personnes dépendantes Plan d’épargne retraite PERP Impatriés, expatriés, stock-options Plan d’épargne salariale, participation Titres-restaurant, chèques vacances,… Prestations familiales/Majorations de retraites Indemnités de départ en retraite Indemnités de maladie du travail et accidents professionnelles Indemnités maladie longues et couteuses/APA Heures supplémentaires Frais professionnels Total IR Taxe d’habitation Taxe foncière ISF Total
Actifs
Retraités
120 / 2250 1 900 2400 /3200
1 180/5 160
250 1 560 (en extinction) 600 1 325 155+30 410 50+50+40 1 450 390 1 600
580 50
500 240 1 200 6 900 14 615
1 070 25 695
100 2 670 5 395 300 330 70 12 435
Sources : Évalution de l’auteur à partir de Voies et Moyens, Tome II et de LFSS, Présentation des mesures d’exonération de cotisations et contributions.
Reste donc 1,8 milliard qui pourrait être gagné en faisant passer le taux de CSGCRDS des retraités à 8 % et en imposant les avantages familiaux des retraités. Mais, il faudrait, en même temps, dégager 10,4 milliards pour réindexer quelque peu les retraites. Par ailleurs, maintenir le système actuel de retraite et faire face et à la montée en charge de la dépendance nécessite 90 milliards de dépenses supplémentaires. On est loin du compte.
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ANNEXE I La parité des niveaux de vie : objectifs et réalisation Quels objectifs ? L’objectif d’un système de retraite bismarkien est de garantir aux salariés un niveau de vie équivalent durant leur retraite à celui des salariés en activité, occupant un poste équivalent. Ainsi, les salariés ont la garantie de conserver après la retraite le niveau de vie de leurs collègues en activité, sans avoir à faire d’effort d’épargne. C’est un avantage du modèle social européen. Naturellement, cette parité ne vaut que pour les salariés ayant un salaire normal, donc ne s’applique pas au sommet de la distribution des salaires. Cet objectif pose cependant plusieurs problèmes : 1) Faut-il comparer les retraités aux salariés occupés à temps plein ou à l’ensemble des personnes d’âge actif (salariés à temps plein, à temps partiel, chômeurs, inactifs et exclus) ? Faut-il faire baisser le niveau des retraites par rapport aux salaires quand augmentent le taux de chômage, le taux d’emploi à taux partiel, le nombre des exclus ? 2) Le niveau des salaires augmente avec l’âge. Faut-il comparer la pension avec le salaire moyen ou avec le salaire de fin d’activité, qui, lui, est supérieur de 30 % (pour ceux qui continue à travailler à temps plein de 55 à 60 ans) ? 3) Les actifs ont des enfants à leur charge. En moyenne, deux actifs (de 30-50 ans) ont 1,85 enfant à leur charge. Si les prestations familiales couvraient la charge des enfants, ceci ne devrait pas influencer le rapport souhaitable entre pension et salaire. C’est le cas au niveau des ménages les plus pauvres (des titulaires du RSA), mais pas au niveau des ménages aux revenus moyens. Par exemple, une famille avec deux enfants et un revenu de l’ordre de 3 fois le SMIC devrait avoir 1 183 euros de prestations sociales et de réductions d’impôts pour avoir le même niveau de vie qu’une famille sans enfant de même revenu ; elle n’a que 233 euros (20 %). À titre illustratif, considérons une société imaginaire (tableau AI.1). À un instant donné, le salaire augmente avec l’âge de 25 à 45 ans, puis diminue légèrement (je reprends la distribution des salaires en France). Chaque actif a un enfant (à 30 ans pour une moitié, à 35 pour l’autre), qui reste à sa charge jusqu’à 20 ans. L’enfant compte 0,4 unité de consommation de 0 à 15 ans, 0,67 de 15 à 20 ans. Les prestations familiales sont de 10 % du salaire moyen de 0 à 15 ans, de 12 % de 15 à 20 ans. Selon ces hypothèses, il apparaît que le niveau de vie des plus de 55 ans est obligatoirement beaucoup plus fort que celui de la moyenne des actifs, ceci provenant non de salaires exorbitants mais du fait qu’ils n’ont plus d’enfant à charge. Obtenir une répartition plus équitable des niveaux de vie selon l’âge est avant tout une question de niveau des prestations familiales 11. Le revenu moyen par UC est de 84,8 si on ne considère que les adultes, de 83,6 pour l’ensemble de la population. Quel doit être l’objectif de niveau 11. C’est ce que refusent de voir Terra Nova (2010) ou Louis Chauvel (Le Monde du 26 mai 2010). Rien ne justifie de comparer le revenu des retraités à celui des seuls actifs de moins de 55 ans, comme le fait Terra Nova. Louis Chauvel attribue le revenu le plus élevé des 55-60 ans au fait d’être né dans une génération porteuse, chanceuse et dominatrice sans corriger de l’effet « enfants à charge », sans voir que toutes les générations passeront par la période 55-60 ans !
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de retraite : 84,8 ou 83,6 ? En tout état de cause, avec un niveau de pension de l’ordre de 84, les retraités ont, à la fois, un niveau de vie nettement supérieur à celui des 25-50 ans (+6 %) et nettement inférieur à celui des 55-60 ans (-23 %). Tableau AI.1 : Niveau de vie selon l’âge Salaire
Prestation
UC
Revenu par UC
25-30 ans
75
0
1
75
30-35 ans
90
5
1,2
35-40 ans
99
10
1,4
77,9
40-45 ans
106
10
1,4
82,9
45-50 ans
114
11
1,53
81,7
50-55 ans
112
6
1,33
88,7
55-60 ans
108
0
1
Moyenne
100
79,2
108 84,8 / 83,6
Source : Calcul de l'auteur.
4) Les salariés épargnent tout au long de leur carrière, d’autant plus qu’ils ont un salaire élevé. La plupart réussissent à acquérir leur résidence principale. 65 % des retraités salariés possèdent leur résidence principale contre 50 % des salariés (30 % en accession, 20 % en toute propriété). La prise en compte des loyers implicites amène donc à augmenter d’environ 13 % le revenu des retraités, de 10 % celui des salariés 12. Faut-il en tenir compte dans l’objectif de niveau de pensions ? Au niveau des salaires les plus faibles, l’accession à la propriété n’est pas possible ; la carrière n’est guère ascendante ; les prestations familiales couvrent une part importante de la charge des enfants. La retraite doit être de l’ordre du dernier salaire pour assurer la parité des niveaux de vie. Au niveau des salaires moyens-supérieurs, l’accession à la propriété est généralisée ; la carrière est ascendante ; les prestations familiales sont relativement faibles ; la retraite doit être de l’ordre de 70 % du dernier salaire pour assurer la parité du niveau de vie. Les retraités ont alors un niveau de vie proche de celui de la moyenne des salariés en activité, mais nettement plus faible que celui des 55-60 ans en activité (puisque ceux-ci n’ont déjà plus d’enfants et possèdent déjà leur résidence). 5) Dans le système français, les retraites ne sont pas indexées sur les salaires. Le niveau de vie relatif des retraités baisse donc de 18 % en 20 ans (si le salaire réel augmente de 1 % par an). Même si la parité est assurée à 60 ans, elle ne l’est plus à 80 ans. La pension moyenne est plus faible de 12 % que le niveau assuré à 60 ans.
12. En sens inverse, les retraités doivent souscrire une complémentaire santé dont le coût est de l’ordre de 1 200 euros par an (soit 6 % de leur revenu) alors que le coût pour un salarié est de l’ordre de 480 euros par an (2,4 % de leur revenu) souvent pris en charge, en grande partie, par l’entreprise.
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UN TRÉSOR DE 11 MILLIARDS D’EUROS ? ■
Quels bilans ? Selon l’enquête Revenus sociaux et fiscaux 2007, le revenu d’activité annuel moyen des 25-60 ans est de 22 069 euros ; la pension moyenne des plus de 60 ans est de 15 780 euros, soit de 71,5 % du revenu d’activité. En ce qui concerne le niveau de vie relatif des retraités (c’est-à-dire le revenu par unité de consommation), le tableau AI.2 montre qu’il est possible de fournir des évaluations allant de 105 % à 90 %. Toujours selon l’enquête Revenus fiscaux et sociaux de 2007 13, le niveau de vie moyen des retraités est de 102 % de celui de l’ensemble de la population, chiffre qui passe à 105 % si on tient compte des loyers implicites. Mais, le ratio passe à 96 % (99 % avec les loyers) si on compare les retraités aux actifs (en enlevant les enfants de la comparaison) ; à 93 % (96 % avec les loyers) si on compare les retraités aux actifs occupés. Tableau AI.2 : Niveau de vie des individus en 2007 En euros par an
Moyenne
Médiane
Actifs
22 470
19 690
Actifs occupés
23 100
20 180
Chômeurs
14 740
12 940
Etudiants
20 490
16 900
Retraités
21 540
18 130
Autres inactifs
17 680
13 780
Enfants
19 000
16 440
Ensemble
21 080
18 170
Source : INSEE, Enquête Revenus sociaux et fiscaux, 2007.
Cependant, les chiffres moyens sont trompeurs. En effet, le vieillissement de la population fait que la richesse, et donc les revenus financiers, se concentre chez des personnes âgées. Les revenus financiers des Wendel, des Bettencourt, des Dassault se retrouvent donc dans la moyenne des revenus des personnes de plus de 65 ans, ce qui est peu pertinent pour juger du niveau de vie des salariés retraités 14. On ne peut construire une catégorie sociale de retraités en mélangeant les seniors vivant d’une pension de retraite publique avec les capitalistes âgés et utiliser le revenu moyen et le patrimoine moyen de cette catégorie pour juger du niveau et de l’évolution souhaitable des retraites publiques, comme le fait Terra Nova (2010, page 25). 13. Depuis 2005, l’enquête redresse les revenus du patrimoine de sorte qu’ils ne sont plus sous-estimés comme naguère. 14. Terra Nova (2010) écrit : « Le niveau de vie relatif des retraités est d’ailleurs sous-évalué, on l’a vu : il ne tient pas compte, pour des raisons de calcul statistique, des gains de plus-values. Or le patrimoine moyen des retraités est 2,25 fois supérieur au patrimoine des actifs. » On le voit, Terra Nova mélange allègrement les retraités salariés et les riches rentiers âgés.
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■ Henri Sterdyniak
Caricaturons un peu. Imaginons un pays où il y a 70 actifs de revenu 1 ; 30 retraités de revenu 0,7 et 1 capitaliste de revenu 20. Supposons que le riche rentier ait 66 ans. Est-il licite d’écrire : « le revenu moyen des plus de 60 ans est de 1,32 (21/31), nettement plus fort donc que celui des actifs » et de laisser croire qu’il est urgent de diminuer le niveau des retraites ? Si on considère les chiffres médians, le niveau de vie des retraités est de 100 % de celui de l’ensemble de la population (103 % avec les loyers implicites), de 92 % (95 % avec les loyers) si on compare les retraités aux actifs ; à 90 % (93 % avec les loyers) si on compare les retraités aux actifs occupés. Compte tenu du bas niveau de vie relatif des enfants (-10 % par rapport à l’ensemble de la population), les retraités apparaissent légèrement favorisés si on les compare à l’ensemble de la population, nettement défavorisés si on les compare aux actifs, avec le même niveau de vie si on les compare à l’ensemble des adultes d’âge actif (actifs occupés, chômeurs et retraités). Les retraités ont un niveau de vie légèrement inférieur à celui des actifs à tous les niveaux de revenus, sauf au niveau le plus bas (tableau AI.3) 15. Tableau AI.3 : Distribution des niveaux de vie des ménages des retraités et des ménages d'actifs en 2007 En euros par an
1er décile (D1)
Ménage de retraité (1)
Ménage d'actif (2)
Rapport (1)/(2)
10 573
10 367
1,02
2ème décile (D2)
12 523
13 112
0,96
3ème décile (D3)
14 199
15 131
0,94
4ème décile (D4)
15 770
16 958
0,93
Médiane (D5)
17 427
18 974
0,92
6ème décile (D6)
19 591
21 094
0,93
7ème décile (D7)
22 378
23 826
0,94
8ème décile (D8)
26 188
27 619
0,95
9ème décile (D9)
33 646
35 124
0,96
Source : INSEE, Enquête Revenus sociaux et fiscaux, 2007.
Au total, le revenu (y compris loyers imputés) des retraités est de l’ordre de 95 % de celui des actifs (y compris chômeurs), de 100 % de celui des adultes d’âge actif (y compris chômeurs et inactifs). C’est satisfaisant ; ce n’est scandaleux, ni dans un sens, ni dans l’autre. Le trou noir de la redistribution en France est le bas niveau de vie des familles avec enfants.
15. Il est donc faux d’écrire comme Terra Nova (2010) : « Sur le plan intergénérationnel, et ce quel que soit le niveau de revenu, le niveau de vie des retraités d’aujourd’hui est supérieur à celui des actifs ».
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UN TRÉSOR DE 11 MILLIARDS D’EUROS ? ■
ANNEXE II Une anthologie Laurent Joffrin, Libération, le 15 juin : « L’uniformisation des taux de CSG allègerait en proportion le fardeau que l’on s’apprête à faire peser sur les plus jeunes des actifs. Une mesure que la gauche et la droite officielles se gardent bien de proposer, mais qui court parmi les experts les plus lucides. ». Problèmes : Laurent Joffrin veut-il diminuer de 8 % le revenu des retraités les plus pauvres ? S’il ne s’agit que d’augmenter le taux de 6,6 % à 7,5 %, le gain n’est que de 1,2 milliard. On voit mal quel est le fardeau qui va peser sur les plus jeunes des actifs, puisque la hausse des cotisations a été repoussée. Enfin, qui sont ces « experts les plus lucides » ? Ce sont les hauts-fonctionnaires de Bercy qui veulent réduire les dépenses sociales. Olivier Ferrand, Terra Nova, le 18 juin 2010 (et, à maintes reprises, dans la presse) : « Est-il juste qu’Antoine Zacharias, ancien PDG de Vinci et titulaire d’une retraite-chapeau de 2,5 millions d’euros par an, paie un taux de CSG (6,6 %) inférieur au taux acquitté par un salarié au SMIC (7,5 %) ? Est-il juste qu’un couple de retraités à 5 000 euros par mois bénéficie d’abattements pour frais professionnels au titre de l’impôt sur le revenu alors que le smicard, qui, lui, engage des frais pour aller travailler (les frais de voiture par exemple), n’en bénéficiera pas (car il n’est pas imposable) ». Problèmes : – Antoine Zacharias est-il vraiment représentatif des retraités ? Pourquoi ne pas prendre Michel Pébereau et ses stock-options, comme représentant des salariés ? De plus, Antoine Zacharias paie un prélèvement (CSG-CRDS+cotisations maladie) de 8,1 %, le smicard paye, lui, 1,8 % si on compte CRDS+CSG-PPE (voir tableau 1). — Il faudrait comparer un couple de retraités à 5 000 euros par mois et un couple de cadres actifs à 10 000 euros par mois. Le fisc attribue au couple de retraités des frais professionnels de 3 606 euros (ce qui leur fait une économie d’impôt de 1 082 euros) ; il attribue au couple d’actifs des frais professionnels de 12 000 euros (ce qui leur fait une réduction d’impôt de 3 600 euros). Mais ce couple d’actifs a-t-il vraiment 1 000 euros par mois de frais professionnels ? On aimerait une évaluation objective de ces frais professionnels. L’avantage fiscal est sans doute plus fort pour les cadres que pour les retraités. Par ailleurs, il n’est certainement pas justifié pour les actifs de considérer que les frais professionnels sont proportionnels au salaire : un cadre vit à Paris, sa carte orange lui coûte 0,5*60 euros, le Smicard qui vit en lointaine banlieue la paie lui 0,5*109 euros. – L’IR ne peut pas plus aider les smicards qu’en ne leur faisant pas payer d’impôt. À partir de là, il est absurde de reprocher au système de ne pas réduire l’impôt de quelqu’un qui n’en paye pas. Les frais qu’induit l’emploi pour les salariés à bas salaires sont pris en compte par le RSA activité ou la PPE. Par ailleurs, les 100 euros de frais professionnels mensuels du Smicard selon le fisc se traduisent bien par une hausse de 35 euros de son allocation-logement. Bruno Palier et Najat Vallaud-Belkacem, Le Monde du 8 septembre 2010 : « La réforme des retraites est injuste pour les jeunes générations …Les retraités d’aujourd’hui voient, seuls, leur pouvoir d’achat préservé ».
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■ Henri Sterdyniak
Problème : Le gouvernement a refusé toute hausse des cotisations sur les salariés du privé. Depuis 2003, les salariés ont eu des gains de pouvoir d’achat, contrairement aux retraités. « Retraite, dépendance, santé : la collectivité investit toutes ses marges de manœuvres financières dans des réformes au profit des générations âgées ». Problème : Les réformes visent, au contraire, à réduire les dépenses. Faut-il prétendre que le gouvernement sacrifie l’éducation au profit de la santé ou des retraites, alors que c’est la même politique de réduction des dépenses publiques qui pèse sur l’école et l’hôpital ? « La politique fiscale est une essoreuse à pouvoir d’achat pour les jeunes. Le quotient conjugal et le quotient familial sont des niches fiscales qui redistribuent 37 milliards d'euros par an des célibataires sans enfants (les jeunes, pour l'essentiel) vers les couples et les familles nombreuses… Le passage à un paiement individualisé de l'impôt, comme partout ailleurs dans l'OCDE, redistribuerait 24 milliards d'euros par an vers les célibataires 16 ». Problème : Les auteurs ignorent que ce sont surtout les personnes âgées qui vivent seules (et pas les jeunes). Faut-il dénoncer une politique familiale généreuse qui bénéficie en particulier aux familles nombreuses et donc aux enfants et à leurs parents (des 35-55 ans et pas des retraités), une politique familiale qui a permis à la France de conserver un taux de fécondité satisfaisant, proche de 2 enfants par femme, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de pays de l’OCDE ? Faut-il préconiser une réforme fiscale qui augmenterait l’impôt des familles et des plus pauvres, les familles mono-actives pour favoriser les célibataires et les couples à deux revenus, sans enfants ? Les auteurs concluent : « Nous voulons réaffirmer la valeur et l'importance de la solidarité intergénérationnelle comme cœur de la solidarité nationale. On ne peut continuer à diviser ainsi la société, en opposant toujours les intérêts des uns à ceux des autres ». Problème : Opposer les jeunes et les retraités, c’est précisément ce qu’ils viennent de faire. Certes, il faut plus d’argent pour les enfants, pour les jeunes, pour l’éducation (des crèches à l’université), mais c’est une stratégie destructrice et suicidaire que de prétendre dégager ces moyens en remettant en cause les dépenses de santé, les retraites, les revenus des familles.
16. Les auteurs font de plus une erreur de chiffrage. Le coût du quotient conjugal n'est que de 6,5 milliards (voir, Elise Amar et Sophie Guérin : « Se marier ou non : le droit fiscal peut-il nous aider à choisir ? », Économie et Statistique, n° 401, 2007), Les jeunes de moins de 20 à 30 ans ne paient que 5 milliards d'IR ; il est absurde de prétendre que l'IR les surtaxe de 37 millards.
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ANNEXE III Mais oui c’est bien sûr… (Ce que nous apprend Louis Chauvel) Louis Chauvel nous l’apprend : « Généralement, on feint d’ignorer, comme Henri Sterdyniak, que les ménages de retraités sont aussi de petite taille : alors que les salaires des quadras font vivre aussi leur progéniture, les jeunes seniors, de plus en plus d’anciens couples biactifs, sont l’exemple modal des « Dinks » (double income, no kids, deux revenus, pas d’enfant) du marketing américain ». (Le Monde du 26 mai 2010). Aurions-nous oublié que les salaires des actifs servent également à faire vivre leurs enfants ? Admettons-le un instant 17. Pour comparer le niveau de vie de famille de tailles différentes, il faut donc obligatoirement, comme le font tous les instituts de statistiques (Eurostat, l’INSEE ou l’OCDE) et le système français du quotient familial, diviser le revenu de la famille par le nombre d’unité de consommation (ou par le quotient familial). On ne peut comparer sans précaution le revenu de familles de tailles différentes. On ne peut considérer que les prestations familiales suffisent à faire vivre les enfants et que les autres revenus sont utilisés par les seuls adultes. Ceci a deux conséquences. La première est que le quotient familial est une composante nécessaire de l’impôt progressif. Celui-ci doit tenir compte de la taille de la famille. On ne comprend pas ce que veut dire la Résolution adoptée par la CFDT en Juin 2010 qui écrit : « Le barème de l’impôt doit être appliqué aux revenus des personnes, et non plus à ceux des ménages. Rien ne peut justifier que l’aide fiscale apportée aux ménages par le biais du quotient familial soit d’autant plus importante que leurs revenus sont élevés. Il doit être remplacé par une allocation forfaitaire par enfant ». Puisque les parents partagent, selon Louis Chauvel, leurs revenus avec leurs enfants, le barème fiscal ne peut être appliqué qu’aux familles, pas aux individus. Sinon, un couple de retraités sans enfant ayant un revenu de 5 000 euros serait considéré comme ayant le même niveau de vie qu’une famille avec 3 enfants ayant le même revenu. On ne comprend pas non plus la logique sociale de la proposition de la Convention du Parti Socialiste de 2010 : « Afin de moderniser l’impôt et de le mettre en phase avec des évolutions sociologiques importantes, dues notamment à l’accroissement du travail des femmes dans notre société, nous souhaitons aller vers une individualisation progressive de l’impôt et des prestations sociales, qui est la condition nécessaire de l’instauration du prélèvement à la source ». Individualiser l’impôt, c’est refuser la logique selon laquelle les parents partagent leurs revenus avec leurs enfants. La deuxième conséquence est que si le niveau de vie des enfants, et le niveau de vie des familles avec enfants est plus bas que celui de la moyenne de la population, c’est dû au fait que les prestations familiales sont très loin de compenser le coût des enfants (sauf pour de très bas niveaux de revenus). Une grande partie de l’écart de niveau de vie entre les 35-50 ans (qui ont le plus souvent des enfants à charge) et les 55-65 ans (qui n’ont plus d’enfant à 17. C’est cependant étrange puisque c’est notre argument pour défendre le quotient familial (Voir : « Pour défendre le quotient familial », Économie et Statistique, juillet 1992 ), pour s’opposer à l’individualisation de la fiscalité (Voir « Contre l’individualisation des droits sociaux », Revue de l’OFCE, n° 90, juillet 2004) ou pour réclamer que les prestations familiales soient indexées sur les salaires et non sur les prix (Voir : « Prestations et minima sociaux : la question des indexations… », Regards croisés sur l’économie, n°4, septembre 2008.
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■ Henri Sterdyniak
charge) vient de la taille de la famille. Ceci ne peut être corrigé par la seule baisse du niveau relatif des retraites (qui laisserait intact les inégalités entre les célibataires, les couples sans enfants et les familles). Pour assurer l’égalité des niveaux de vie entre des ménages de compositions et d’âges différents, il faut obligatoirement revaloriser très fortement les allocations familiales et maintenir un traitement fiscal équitable des familles. Nous sommes donc heureux que Louis Chauvel nous rejoigne : le système fiscal doit tenir compte du fait familial ; les prestations familiales doivent être fortement revalorisées.
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Les déterminants de la synchronisation cyclique Tunisie-zone euro Fathi Elachhab École Supérieure des Sciences Économiques et Commerciales de Tunis
[email protected]
Cet article vise à déterminer les causes de la synchronisation/ désynchronisation cyclique entre la Tunisie et ses principaux partenaires européens : l’Allemagne, la France et l’Italie. En suivant l’évolution temporelle des déterminants de la synchronisation, retenus dans la littérature, conjointement à celle des corrélations croisées, on a spécifié les facteurs potentiels du couplage/découplage cyclique. À l’aide d’une équation de long terme de cointégration, on a analysé le poids réel de l’intensité des échanges, des structures industrielles et des structures d’offre sur les changements au cours du temps des corrélations bilatérales. Les résultats montrent que (i) la synchronisation entre la Tunisie et la France est liée à l’intensité des échanges bilatéraux et à la similarité des politiques économiques ; (ii) la baisse des échanges bilatéraux et la dissimilarité des structures d’offre expliquent le découplage cyclique avec l’Allemagne ; (iii) avec l’Italie, c’est la dissimilarité des structures industrielles et du fonctionnement des marchés des biens et du travail qui sont à l’origine de la désynchronisation.
Mots-clés : Synchronisation cyclique. Intégration économique. Cointégration.
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■ Fathi Elachhab
L
e déclenchement de la crise financière internationale a conduit à un ralentissement significatif de l’activité économique dans la zone euro en 2009. La question se pose alors de savoir si et avec quelle ampleur ce ralentissement pourrait influencer les conjonctures des économies du sud de la Méditerranée, notamment la Tunisie, pays qui, dés le début des années 1990, avait signé des accords d’association avec l’Union économique européenne.
La réponse à cette question passe, en pratique, par l’analyse du degré de la synchronisation de la conjoncture tunisienne avec celle de la zone euro et l’étude des mécanismes de propagation des chocs qui favorisent les co-mouvements. Cet article analyse la chronologie des faits à l’origine de ce débat et identifie les interdépendances entre la Tunisie et ses principaux partenaires commerciaux européens : l’Allemagne, l’Italie et la France ainsi que les facteurs déterminants ayant influé, jusqu’à un passé récent, les couplages cycliques bilatéraux 1. Des travaux pionniers de Backus et Kehoe (1993) aux articles de Kose, Prasad et Terrones (2003), de Stock et Watson (2005), ou plus récemment de Kose, Otrock et Prasad (2008), beaucoup de progrès ont été réalisés dans les analyses sur les comouvements cycliques des pays développés et/ou en voie de développement. Pour autant, aucun consensus ne s’est dégagé sur les causes des couplages des cycles et les déterminants de la synchronisation font encore débat. Pour certains (Frankel et Rose, 1998 ; Forbes et Chinn, 2003 ; Imbs, 2004 ; Baxter et Kouparitsas, 2005) ce sont les interdépendances commerciales et financières qui seraient à l’origine de la synchronisation cyclique. Pour d’autres, ce sont plutôt les chocs communs subits simultanément par les différents pays (Gregory, Head et Raynold, 1997 ; Kose, Otrok et Whiteman, 2003). Dans les pays de la région méditerranéenne, et encore moins en Tunisie, les études sur les co-mouvements des cycles économiques sont restreintes. Sauf quelques contributions (Bernd et al, 2004 ; Gallegati et al ,2004 ; et Elachhab, 2007), il n’existe pas, à ce jour, d’analyses sur les déterminants de la synchronisation qui fassent référence, encore moins de travaux sur les mécanismes de transmission des fluctuations. Cet article vise à combler ce vide et à déterminer les facteurs du couplage/découplage cyclique entre la Tunisie et ses partenaires européens. Contrairement à la littérature empirique existante, qui s’appuie sur des techniques économétriques en coupe transversale, on se propose, ici, d’analyser les déterminants de la synchronisation du cycle tunisien en utilisant une approche distincte qui utilise les outils de l’économétrie des séries temporelles. Notre objet est donc double : tout d’abord, survoler la littérature économique en vue de préciser les 1. Les trois pays européens précités constituent les principaux partenaires commerciaux traditionnels de la Tunisie. La structure des échanges tunisiens avec l’étranger a toujours été caractérisée par une forte concentration sur ces pays. En 2002, par exemple, la part des exportations vers l’Allemagne, l’Italie et la France a été, respectivement, de 11,4 %, 21,3 % et 31,0 %. Quand aux importations, elles étaient respectivement de 8,9 %, 19,5 % et 25,6 % (Banque centrale, rapport annuel 2003).
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LES DÉTERMINANTS DE LA SYNCHRONISATION CYCLIQUE TUNISIE-ZONE EURO ■
différents facteurs de la synchronisation et voir dans quelle mesure ils ont conditionné et/ou permis une meilleure appréhension du couplage cyclique entre les pays. Puis, dans le cadre tunisien qui est le nôtre, s’intéresser à la mesure du poids réel de ces facteurs à l’aide des différentes méthodes économétriques que nous aurons mises en exergue. Cet article est organisé de la manière suivante : la première section identifie le cycle conjoncturel tunisien ainsi que ceux de ses principaux partenaires européens et étudie les co-mouvements bilatéraux. En suivant les idées d’Otto et al. (2001), cette section propose une analyse détaillée de la stabilité des corrélations bilatérales à l’aide de l’estimation des fonctions de densité. La deuxième section présente une revue de la littérature des déterminants de la synchronisation et décrit les facteurs potentiels des couplages/découplages du cycle tunisien. Une analyse économétrique du poids de ces facteurs dans l’évolution temporelle des co-mouvements cycliques est présentée dans la troisième section. Enfin une place importante est réservée à la portée des résultats de la politique monétaire menée et de la gestion de la politique budgétaire tunisienne.
1. Le cycle économique national et la synchronisation L’identification du cycle économique (cycle de croissance) nécessite au préalable la décomposition de la série en une composante tendancielle et une composante cyclique résiduelle. En pratique, il n’y a pas de séparation nette entre la tendance et le cycle ; les deux inter-réagissent. Pour construire des indicateurs conjoncturels, qui peuvent être facilement comparés entre les pays, on suppose que la tendance et le cycle sont dissociables. Plusieurs techniques d’estimation du cycle économique ont été proposées et la préférence pour une technique ou une autre dépend, dans une large mesure, des objectifs de l’analyse et des caractéristiques spécifiques de la série considérée (Canova, 1998). Nous retenons, dans cet article, deux méthodes de décomposition, à savoir le filtre HP (Hodrick-Prescott) et le filtre BP (Passe Bande de Baxter et King, 2005). Le filtre HP a connu un grand succès dans les analyses sur le cycle économique. Son grand mérite est de fournir un langage commun permettant aux conjoncturistes de comparer leurs résultats (Chateau et Henin, 1994). Il présente cependant la faiblesse d’extraire des cycles sans périodicité minimale. Dans la mesure où le cycle économique est défini comme un ensemble de fluctuations conjoncturelles dont la durée est comprise entre une et douze années (Burns et Mitchell, 1946), l’utilisation de ce filtre apparaît alors sans fondements théoriques suffisants. Aussi, nous a-t-il paru plus enrichissant d’adopter une méthode qui permet d’extraire avec exactitude une composante cyclique dont la périodicité est comprise entre une durée minimale et une durée maximale. Le filtre BP présente l’avantage de requérir un tel a priori théorique et d’être plus proche de la définition du cycle.
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■ Fathi Elachhab
Les écarts à la tendance du PIB trimestriel tunisien 2, obtenus par les méthodes HP(1600) et BP(6,32) sont présentés dans le graphique 1a et se révèlent très similaires. À part quelques différences minimes enregistrées au niveau des amplitudes, les deux composantes cycliques retracent la même évolution et conservent la même datation historique. Graphique 1 : Cycles de croissance estimés de la Tunisie et des pays européens, 1990:1-2006:4 a) Cycle tunisien
b) Cycles européens
En % du PIB tendanciel
En % du PIB tendanciel
0,0 3
0,08
Filtre BP
0,0 2
0,06
0,0 1
0,04
0,0 0
0,02
-0,01
0,00
-0,02
Cycle italien
-0,02
Cycle français
Filtre HP
-0,03 -0,04 1990
Cycle allemand
1992
1994
1996
1998
-0,04
2000
2002
2004
2006
-0,06 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
Source : Calculs de l’auteur.
Les écarts conjoncturels des PIB des trois pays européens, l’Allemagne, l’Italie et la France, sont reproduits sur le graphique 1b 3. Selon ce graphique, il apparaît une similitude nette entre les phases des mouvements cycliques des trois conjonctures, essentiellement depuis le premier trimestre 1993. À partir de 1999, on observe une baisse d’amplitude au fil du temps et une consolidation de la synchronisation, particulièrement expliquée par les efforts déployés à l’occasion de l’adoption de la monnaie unique (Kaiser, 2005). Les conditions d’identification des co-mouvements entre cycle tunisien et cycles allemand, italien et français sont sévères et statiques si on se limite à calculer les coefficients de corrélation sur des périodes assez larges. Pour mettre en évidence des co-mouvements significatifs et expliquer les phases de synchronisation et désynchronisation, on a établi l’évolution à travers le temps des corrélations croisées des cycles du PIB (Rolling correlations). On a calculé les coefficients de corrélations sur une fenêtre mobile de cinq ans et on a retenu ceux qui sont les plus prononcés sur une période de plus ou moins six trimestres (graphique 2). 2. La série du PIB trimestriel tunisien est obtenue à partir de l’Institut National de la Statistique (INS). Elle a été corrigée des variations saisonnières par la méthode X11. 3. Les séries des PIB trimestriels désaisonnalisées de l’Allemagne, de la France et de l’Italie sont obtenues à partir de la base de données du FMI “International Financial Statistics”.
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LES DÉTERMINANTS DE LA SYNCHRONISATION CYCLIQUE TUNISIE-ZONE EURO ■
Graphique 2 : Corrélations maximales entre le cycle tunisien et les cycles européens a) Cycle tunisien vs cycle français
b) Cycle tunisien vs cycle allemand et italien
0,7
0,8 0,7 Cycle tunisien vs
0,6
Corrélation cyclique
0,6
0,5
cycle allemand
0,5
0,4
0,4 0,3 0,3 0,2 0,1 0,0 1990
Cycle tunisien vs cycle italien
0,2 0,1 1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
0,0 1 99 0
1 99 2
1 99 4
1 99 6
1 99 8
2 00 0
2 00 2
2 00 4
2 00 6
Source : Calculs de l’auteur.
L’examen visuel du graphique 2a donne à penser qu’il y a une augmentation graduelle de la corrélation croisée du cycle tunisien avec le cycle français, à partir du deuxième trimestre 2000, atteignant une valeur de 0,6 à la fin de la période. On peut notamment distinguer une baisse substantielle durant la période allant du troisième trimestre 1998 au deuxième trimestre 2000, expliquée essentiellement par les retombées négatives de la crise financière asiatique sur la zone euro. Pour l’Italie et l’Allemagne, on note, au contraire, une baisse des co-mouvements durant la période d’analyse (graphique 2b). Ainsi, bien qu’il existe une assez forte synchronisation entre les trois conjonctures européennes (graphique 1b), les comouvements entre les fluctuations cycliques en Italie et en Allemagne avec la conjoncture tunisienne affichent une baisse graduelle. Tableau 1 : Corrélation du cycle tunisien avec ses principaux partenaires
Allemagne Moyenne Maximum Minimum Italie Moyenne Maximum Minimum France Moyenne Maximum Minimum
1995 :1-2000 :4
2001 :1-2006 :4
1995 :1-2006 :4
0,54 0,75 0,37
0,42 0,61 0,21
0,48 0,75 0,21
0,44 0,73 0,11
0,32 0,47 0,01
0,38 0,73 0,01
0,34 0,56 0,04
0,56 0,63 0,37
0,45 0,63 0,04
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■ Fathi Elachhab
L’examen des corrélations cycliques et leurs dispersions sur les périodes 19952000 et 2001-2006 fait ressortir des faits importants (tableau 1). Il apparaît que la corrélation cyclique moyenne avec l’Allemagne et l’Italie a diminué durant la période 2001-2006 alors même que des accords d’association Tunisie-zone euro sont entrés en vigueur dès 1998. Ainsi, bien que la Tunisie soit devenue plus intégrée par rapport à la zone euro, les mouvements cycliques affichent une nette baisse de la synchronisation. Il apparaît aussi que la dispersion de la corrélation avec l’Italie (mesurée par la différence entre les corrélations maximales et minimales) est significativement plus élevée durant la première période 1995-2000, ce qui peut s’expliquer par la prédominance de comportements cycliques idiosynchratiques. La corrélation avec l’Allemagne affiche, quant à elle, une symétrie au niveau des dispersions sur les deux périodes. En vue d’examiner la stabilité des corrélations bilatérales entre la Tunisie et ses principaux partenaires, on a estimé les fonctions de densité (histogrammes lissés) pour les périodes 1995-2000 et 2001-2006 (graphique 3). Ces fonctions permettent de dégager des comportements spécifiques à l’intérieur de la distribution des corrélations croisées ; en particulier, elles permettent de détecter si des changements dans l’allure de la synchronisation se sont produits entre les deux souspériodes. Au regard du graphique 3, il est possible de distinguer, pour la France et l’Italie, des distributions unimodales, pour les deux sous-périodes, avec des densités dominantes pour les corrélations respectives de 0,7 et 0,6. La fonction de densité des co-mouvements du cycle tunisien avec le cycle allemand présente une distribution bimodale sur la période 2001-2006 et ses modes se situent aux niveaux respectifs de 0,5 et 0,8. Cette structure bimodale pourrait s’expliquer par la superposition de densités unimodales caractérisant des sous-périodes différentes. Pour la France la fonction de distribution (pour les deux sous-périodes) se trouve plus à droite que celles de l’Allemagne et de l’Italie. Les écarts de densité des corrélations bilatérales de la période 2001-2006 et de 1995-2000 sont particulièrement marqués en haut de la distribution. Les changements au niveau international affectant la structure des relations commerciales bilatérales pourraient, probablement, expliquer ces écarts de densité. Au total, ces divergences dans l’évolution de la synchronisation de la conjoncture tunisienne et celles de ses principaux partenaires amènent à s’interroger sur les causes des couplages/découplages cycliques et sur les mécanismes de transmission qui ont favorisé les co-mouvements. Les prochaines sections essaieront d’analyser cette question. On se propose alors de dresser une revue sélective de la littérature sur les déterminants de la synchronisation. On tentera ensuite de confronter les différentes explications avec les données du cycle tunisien.
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LES DÉTERMINANTS DE LA SYNCHRONISATION CYCLIQUE TUNISIE-ZONE EURO ■
Graphique 3 : Densité de Kernel des corrélations croisées entre le cycle tunisien et les cycles européens 5
7
2001:1 - 2006:4 6
2000:1 - 2006:4
4 De ns ité
De ns ité
5 4 3
3
1995:1 - 2000:4 2
1995:1 - 2000:4
2
1 1 0
0 10
20
30
40 50 60 70 80 90 100 Corrélation (en %) cycle tunisien vs cycle tunisien
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Corrélation (en %) cycle tunisien vs cycle allemand
7
2001:1 - 2006:4
6
De ns ité
5 4 3 2
1995:1 - 2000:4
1 0
10
20
30 40 50 60 70 80 90 100 Corrélation (en %) cycle tunisien vs cycle français
Source : Calculs de l’auteur.
2. Les sources des couplages/découplages du cycle tunisien Comme nous l’avons vu dans la section précédente, les mouvements cycliques en Tunisie sont devenus de plus en plus synchrones avec ceux de la France et découplés de ceux de l’Allemagne et l’Italie. Généralement, les cycles économiques d’une économie ouverte et leur synchronisation avec les conjonctures des autres pays sont déterminés par l’interaction de trois composantes : une première composante, dite commune, expliquée par des chocs communs, tels que les chocs pétroliers ; une deuxième composante, idiosynchratique, associée à des chocs spécifiques telles que les variations de la politique monétaire ou budgétaire et une troisième composante, résultant de la transmission des chocs d’un pays à un autre. Il est notable que des chocs communs subis par différents pays conduisent à des mouvements synchrones des cycles nationaux. C’est, en effet, un débat ancien que celui de savoir si les couplages cycliques peuvent être expliqués par des chocs communs, ou bien alors que, même en présence de ces chocs, des découplages peuvent subsister. On dispose d’une littérature parcimonieuse sur le sujet (Kwark, 1999 ; Clark et Shin, 2000 ; Otto et al., 2001). En réponse à des chocs communs, l’évolution conjoncturelle des systèmes économiques ne peut se produire de façon symétrique que si les structures économiques sont proches, notamment les structures industrielles, les marchés des biens et du travail et les systèmes financiers.
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■ Fathi Elachhab
Le deuxième facteur de la synchronisation est la transmission internationale des chocs. Les travaux auxquels nous ferons référence sont ceux de Frankel et Rose (1998), Heathcote et Perri (2002) et Bordo et Hebling (2003). Selon ces auteurs, les chocs idiosynchratiques, qui sont essentiellement spécifiques aux pays, peuvent se transmettre d’un pays à un autre et engendrer des mouvements cycliques synchrones, en présence d’interdépendances commerciales et financières. On ne peut exclure, toutefois, que même en présence de ces interdépendances, des découplages cycliques peuvent subsister lorsque l’intégration commerciale ou financière influence les degrés de spécialisation des pays dans les secteurs où ils disposent d’avantages comparatifs (Krugman, 1993). Savoir lesquels de ces facteurs sont déterminants dans la synchronisation est une question empirique, mais la présence de ces phénomènes de compensation, tant pour les chocs communs que pour l’intégration, peut expliquer le manque d’une tendance manifeste à la coévolution des conjonctures économiques. Le graphique 4 décrit les mécanismes sous-jacents à la synchronisation des cycles. Graphique 4 : Les déterminants de la synchronisation Chocs communs
Politiques Communes
Intégration financière
+ Similarité
+
Dissimilarité
_
+
Synchronisation
Structures productives
Intégration commerciale
Source : Inspiré de Imbs, 2003.
2.1. Les déterminants de la synchronisation : une revue de la littérature Dans les analyses économiques sur le cycle économique, plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer les co-mouvements cycliques, allant des relations commerciales et financières à l’intégration monétaire et à la similarité des politiques fiscales. Toutefois, en dépit de la pluralité des études théoriques et empiriques sur la question, il n’y a eu, jusqu’à nos jours, aucun consensus sur le rôle joué par chacun de ces déterminants dans la synchronisation cyclique. L’annexe I présente une synthèse de quelques contributions récentes sur le poids réel de ces facteurs. Dans ce qui suit, nous retenons ceux qui paraissent les plus pertinents pour expliquer les couplages/découplages du cycle tunisien avec ceux de ses partenaires européens.
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2.1.1. L’échange commercial Sur le plan théorique, l’effet de l’ouverture commerciale sur la synchronisation des cycles est ambigu. Frankel et Rose (1998) avancent que l’ouverture commerciale permet de contribuer à la transmission des cycles entre les économies. À ce titre, l’élimination des barrières au commerce externe conduit à une diffusion plus rapide des chocs de demande d’une économie à l’autre, qui serait renforcée par des effets de débordement en termes de technologie et de savoir, et ce d’autant plus que les économies échangent entre elles, qu’elles-mêmes suscitent un surcroît d’échanges commerciaux (effet d’écho). Une plus grande intégration commerciale devrait renforcer la synchronisation des cycles. Pour Krugman (1993), au contraire, on peut observer le résultat inverse si l’ouverture commerciale s’accompagne d’une spécialisation plus poussée des pays dans les secteurs où ils disposent d’avantages comparatifs. Dans ce cas, les structures des échanges des pays seraient différentes et chaque pays serait plus susceptible d’être l’objet de chocs sectoriels asymétriques. Une plus grande intégration commerciale devrait ainsi produire des cycles idiosynchratiques. L’effet global d’une intégration commerciale sur le cycle économique dépend alors de la nature intra ou inter-industrielle des échanges bilatéraux. Si les flux commerciaux sont dominés par des échanges intra-industriels, comme cela est le cas des échanges entre la majorité des pays développés, l’intégration commerciale s’accompagnerait d’une synchronisation cyclique. Dans le cas contraire, où les flux commerciaux sont dominés par des échanges inter-industriels, un découplage cyclique s’impose. Dans la littérature économique, plusieurs mesures de l’intensité des échanges bilatéraux ont été proposées. Nous retenons dans cet article, deux indicateurs. Le premier, proposé par Frankel et Rose (1998), définit la part des échanges bilatéraux entre deux pays i et j comme Exportationij ,t + Importationij ,t Exportationi monde + Importationi monde + Exportation j monde + Importation j monde
Le deuxième (Bower et Guillemineau, 2006 ; Clark et Van Wincoop, 2001) définit le taux d’ouverture bilatérale par : Exportationij ,t + Importationij ,t PIBinom + PIBnom ,t j ,t
Ces indices sont calculés en utilisant les données sur les échanges bilatéraux tunisiens de la base Chelem. 2.1.2. L’intégration financière À l’image de l’intégration commerciale, l’effet de l’intégration financière sur la synchronisation des cycles est aussi ambigu. Une grande partie de la littérature
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■ Fathi Elachhab
montre que l’augmentation des placements financiers à l’étranger conduit à une plus grande sensibilité de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises aux chocs financiers externes, renforçant ainsi la synchronisation. Kalemli-Ozcan, Sorensen et Yosha (2001) montrent, cependant, que l’intégration financière permet un meilleur partage du risque et conduit les économies à se spécialiser dans les secteurs où elles disposent d’avantages comparatifs, ce qui réduit les corrélations entre les cycles. Imbs (2004) tient compte de l’ensemble de ces effets et parvient à des résultats intéressants pour la zone euro : l’effet de l’intensité des échanges financiers joue globalement en faveur d’une spécialisation mais aussi, paradoxalement, d’une synchronisation des cycles. En Tunisie, l’accélération de l’intégration financière au cours de ces vingt dernières années a été moins marquée que le développement des flux commerciaux. À titre d’exemple, les flux d’investissement étrangers (investissements directs, IDE, et investissements de portefeuille) ont été, particulièrement, faibles (graphique 5). Graphique 5 : Évolution des entrées d’IDE et d’investissement de portefeuille en Tunisie En % du PIB 12 10,6
10 IDE Portefeuille 8
6 4,5
4,5
4
4,0
3,8
3,4
3,9
3,4 2,4
2
1,9
1,8
1,4
1,3 0,7
0
0,2
1990
0,2
0,4
1992
0,2
0,2
1994
0,2
0,2
2,3
2,6
2,3
1,8
0,3
1996
0,4
1998
0,2
0,3
0,1
2000
0,1
2002
0,1
0,2
2004
0,2
0,3
0,2
2006
Source : Institut d'économie quantitatives (IEQ).
La part des IDE dans le PIB est passée, en effet, de 0,7 % en 1990 à 4 % en 2000 et à 4,5 % en 2007 (exception de l’année 2006 où la part de l’investissement direct étranger dans le PIB est passée à 10 % grâce à l’ouverture du marché des télécommunications). Ainsi, malgré une libéralisation du compte capital, entamée
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depuis 2005 4, la Tunisie est demeurée faiblement intégrée aux marchés financiers internationaux, comme le montre l’indice de Chin et Ito (2007). Tableau 2 : Évolution de l’indice de Chin et Ito
Allemagne France Italie Tunisie
1990 2,53 0,18 0,18 -1,13
2000 2,53 2,53 2,53 -1,13
2006 1,99 2,53 2,53 -1,13
L’indice Kopen de Chin et Ito (2007) est un indicateur composite de quatre variables : le taux de change, les restrictions sur le compte courant, les restrictions sur le compte capital et le degré d’ouverture commerciale. Plus l’indice est élevé, plus les restrictions sur les mouvements des capitaux sont faibles. Source : Chin et Ito (2007)
2.1.3. Les structures industrielles Les données générales sur la nature des impulsions à l’origine des fluctuations conduisent à penser que celles-ci sont définies en grande partie par des chocs spécifiques inter-industriels (Clark et Shin, 2000 ; Funk, Hall et Ruhwedel 1999 et Kwark 1999). Les économies dont les structures industrielles sont proches tendent à subir et transmettre ces chocs communs de manière similaire et véhiculent, par conséquent, des cycles économiques de plus en plus en phase. Cette similarité dans les structures industrielles serait même sous-estimée d’après Imbs (1999) qui, en utilisant un système d’équations simultanées, met en évidence un poids beaucoup plus important des chocs sectoriels spécifiques que ceux dus à l’échange externe. Pour mesurer la similarité/dissimilarité de la spécialisation industrielle entre la Tunisie et ses partenaires européens, on a utilisé l’indice de dissimilarité de la spécialisation industrielle de Krugman (1991)
ISij , t =
M
∑
k =1
Sik , t − S jk ,
t
où Sik,t définit la part de la valeur ajoutée du secteur k dans la valeur ajoutée globale du pays i. Cet indice prend des valeurs entre 0 et 2 ; des valeurs proches de 2 sont signe de fortes dissimilarités. Pour calculer cet indice de dissimilarité, on a rapproché les nomenclatures de l’Institut d’Économie Quantitative (IEQ) et celle de l’OCDE 5. La nomenclature de 4. Voir à ce sujet Boulila G., « Mobilité des capitaux en Afrique du Nord », Commission Économique Africaine, Rabat, 2007. 5. Selon la nomenclature de l’OCDE, l’horlogerie est considérée dans la rubrique « appareil électrique et optique ». Celle-ci est posée, selon la nomenclature tunisienne, dans la rubrique « produits divers ». La production plastique, considérée selon la nomenclature de l’OCDE sous la rubrique « Industrie chimique », est prise en compte, selon la nomenclature tunisienne, dans la rubrique « industries diverses ».
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l’IEQ répartit le secteur industriel en 11 branches d’activité : Industries agroalimentaires, Matériaux de construction, Industries mécaniques et électriques, Industries chimiques, Industries du textile de l’habillement et du cuir, Industries manufacturières diverses, Hydrocarbures, Mines, Electricité, Eau, Bâtiment et Génie civil (annexe II). 2.1.4. Similarité des politiques économiques Généralement, les mouvements cycliques sont la conséquence de l’action de facteurs et de processus variés. Ils peuvent être déclenchés par différents types de chocs affectant l’offre et la demande. En outre, l’amplitude et la durée des cycles reflètent la dynamique de propagation de ces chocs ainsi que leurs facteurs d’amortissement, eux-mêmes déterminés par les évolutions technologiques, le comportement et les anticipations des agents économiques. Les politiques économiques influencent le cycle, non seulement en agissant directement sur l’offre et la demande globales, mais aussi en déterminant les anticipations des agents. En passant en revue les données concernant les liens entre les fluctuations macroéconomiques et les politiques économiques dans un contexte international, il est possible de penser que, même en dehors d’une union monétaire, des politiques économiques communes peuvent conduire à des mouvements cycliques plus ou moins synchrones entre les pays. Ainsi, en présence de chocs communs, ou lorsque les économies subissent des chocs transmis à partir des pays tiers, les profils temporels des réactions des prix, de la production et des composantes de la demande à des variations similaires des politiques économiques, pourraient être semblables d’une économie à une autre (Otto et al., 2003). Pour mesurer le degré de similarité des politiques économiques et leurs effets sur le couplage/découplage des cycles économiques entre la Tunisie et ses principaux partenaires, deux indicateurs seront retenus : le premier a trait à la similarité des politiques monétaires, à savoir la différence entre les taux d’intérêt réel bilatéraux (et leur volatilité)
(
δ ii ,t − i j ,t
)
Le deuxième définit plutôt la similarité/dissimilarité de la politique budgétaire et est donné par la différence entre les parts des dépenses publiques bilatérales (et leur volatilité)
δ
Gi ,t PIBi ,t
−
G j ,t PIB j ,t
Gi et Gj,définissent les dépenses de consommation publiques dans les pays i et j respectivement.
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2.1.5. Les facteurs financiers et les marchés de crédits Selon la théorie économique, 6 il existe un cycle financier relatif à l’évolution du crédit ainsi qu’à celle des prix des actifs financiers. Borio et al. (2001) considèrent que ce cycle est fortement procyclique et renforce l’amplitude du cycle de l’activité. Ainsi, la progression du crédit lors des phases ascendantes du cycle et son retournement brutal, lors des phases de contraction, alimentent et amplifient les fluctuations réelles (Balke, 2000 ; Hofmann, 2004 ; Calza et al., 2006 ; Calza et Sousa, 2006). L’analyse des déterminants des co-mouvements des cycles réels d’activité ne pourrait donc ignorer l’évolution des variables financières. La synchronisation ou les co-mouvements des cycles réels pourraient bien être expliqués, en partie, par une homogénéité des systèmes financiers. Pour mesurer le degré d’homogénéité des systèmes financiers et leurs effets sur le couplage/découplage des cycles réels, on a retenu la différence d’évolution des crédits bancaires entre la Tunisie et ses principaux partenaires. En Tunisie, en effet, les banques constituent les principaux vecteurs de l’intermédiation financière et fournissent l’essentiel du crédit à l’économie 7, soit
Ci ,t PIBi ,t
−
C j ,t PIB j ,t
où Ci et Cj définissent, respectivement, les crédits accordés au secteur privé dans les pays i et j. 2.1.6. Autres facteurs Un autre facteur puissant de renforcement de la synchronisation est la similitude des structures économiques. Les économies dont les structures économiques sont proches présentent des mécanismes similaires de propagation des chocs et s’ajustent de manière identique aux chocs externes. La similarité des structures économiques reflète la similarité des structures industrielles, la similarité des marchés des biens et du travail (notamment leur flexibilité), ainsi que la similarité des systèmes financiers. Faute de données relatives à la flexibilité du marché du travail en Tunisie, nous retenons, pour mesurer la similarité/dissimilarité des structures économiques, les différences respectives des taux d’épargne et des productivités de travail bilatéraux (Camacho et al., 2005). La première définit les similarités/dissimilarités économiques du côté de la demande ; la deuxième, celles du côté de l’offre. 6. Pour une revue de la littérature sur le cycle de crédit, cf. L. Clerc, « Le cycle de crédit, une revue de la littérature : intermédiation, prime de financement externe et politique monétaire », Bulletin de la Banque de France, octobre 2001. 7. La taille et le rôle des marchés financiers sont très faibles en Tunisie. La capitalisation boursière ne dépassait pas les 10 % du PIB en 2004.
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■ Fathi Elachhab
À terme, la synchronisation des fluctuations conjoncturelles pourrait aussi être affectée par d’autres facteurs immatériels ou institutionnels, tels que, droit de propriété, la capacité de rendre compte, etc. Otto et al. (2002) expliquent que les fondements des échanges des actifs réels ou financiers est l’existence d’un système juridique renforçant les droits de propriété. Une meilleure qualité du respect de droit induit des coûts de plus en plus faibles des échanges. Une plus grande similitude des systèmes juridiques et institutionnels pourrait, ainsi, conduire à amplifier la synchronisation des cycles. 2.2. Les facteurs du couplage/découplage du cycle tunisien En vue de saisir les facteurs responsables du couplage/découplage du cycle tunisien, on a suivi l’évolution temporelle des facteurs de la synchronisation, définis dans le paragraphe précédent, conjointement à celle des corrélations croisées. La plupart des données utilisées pour construire ces indicateurs sont annuelles, ce qui rend difficile la comparaison de leur évolution avec les corrélations cycliques, qui ont plutôt une fréquence trimestrielle. On a tout de même représenté les évolutions conjointes, après interpolation cubique de certains indicateurs. L’annexe 3 présente une description détaillée des données utilisées et de leurs sources. Selon le graphique 6, il apparaît que la part des échanges bilatéraux entre la Tunisie et la France et le taux d’ouverture ont suivi, tous les deux, la même évolution que les corrélations croisées. L’un et l’autre ont enregistré une croissance continuelle durant la période d’observation. L’intensité des échanges bilatéraux a donc participé activement au couplage cyclique. Ainsi, bien que l’indice de dissimilarité industrielle n’ait cessé d’augmenter, les chocs sectoriels spécifiques (effet Krugman) ont été faibles et l’intégration commerciale avec la France a favorisé la synchronisation des cycles. La contribution des structures économiques aux co-mouvements cycliques a été négative, essentiellement du côté de l’offre (écart de productivité du travail) pour la plupart des périodes (exception la période 1998-2000). Autrement dit, la dissimilarité des conditions de l’offre entre les deux pays a généralement, et souvent de façon substantielle, contribué à atténuer la synchronisation. Cette action tient aux dissimilarités des facteurs d’amortissement des chocs, traduisant une nette divergence dans les réactions des deux économies aux chocs communs. L’examen de la contribution des politiques économiques montre une plus grande similitude des politiques monétaire et budgétaire dans les deux pays, essentiellement à partir de 1999, date de création de la monnaie unique dans la zone euro. Avec un recul de 15 ans, les volatilités respectives des écarts des taux d’intérêt et des parts des dépenses publiques semblent avoir diminué, traduisant une nette similitude dans les actions monétaires et budgétaires.
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Graphique 6 : Tunisie vs France Corrélation maximale
7
8
Part des échanges bilatéraux
6
7
Corrélation cyclique 5
6
4
5
3
4
2
3
1
2
Ouverture bilatérale
0 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 100
1 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
Indice
9
90
8
1,0
80
Dissimilarité des structures industrielles
Écart entre les parts des dépenses publiques
0,8
70
7
6
0,6
Volatilité de l'écart
60
0,4 50
5
entre les dépenses publiques
0,2
40
0,0 1990
1992
1994 1996
1998 2000
2002 2004
2006
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
8
6
7
Écart entre les taux d'intéret
Écart des indices de productivité
6
4 3
5 4 3
1,4
2
1,2
1
1,0
2
0
0,8
1
0,6
0
0,4
-1 1990
5
Volatilité de l'écart
entre les taux d'intéret
0,2 1992
1994
1996
1998
44
2 00 0
2002
2004
2 00 6
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
En % du PIB
40
Écart entre les parts des crédits
accordés aux secteurs privés 36
32
28
24 1990
1992
1994
1996
1998
2000
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L’observation de l’évolution des écarts entre les parts de crédit accordés aux secteurs privés, la concordance entre les systèmes financiers français et tunisien ne paraît pas significative, les liens entre les cycles réels étant plus nets. Pour autant, une baisse plus ou moins marquée de ces écarts est observée durant la période 19972002, expliquée essentiellement par les retombées négatives de la crise financière asiatique. Les marchés de crédit tunisiens et français ne paraissent donc pas réagir aux mêmes déterminants. Pour l’Allemagne, l’évolution des indicateurs de la synchronisation montre que la part des échanges bilatéraux et le taux d’ouverture se sont comportés de manière semblable à l’évolution des corrélations croisées, l’un a enregistré une baisse relative et l’autre une stagnation. Pour l’Italie, ces deux indicateurs ont suivi une voie essentiellement différente, enregistrant une croissance graduelle sur toute la période d’observation. Il existe donc une relation négative entre l’intégration commerciale et le couplage cyclique. Vu l’allure de l’indice de dissimilarité industrielle, cette relation négative pourrait s’expliquer, en partie, par la prédominance de l’effet Krugman. L’intégration commerciale avec l’Italie s’est accompagnée d’une plus grande spécialisation dans les secteurs où la Tunisie disposait d’avantages comparatifs. Les deux pays sont alors plus susceptibles de faire l’objet de chocs asymétriques. L’étude des mouvements des indices de similarité/dissimilarité des structures économiques (écarts de productivité du travail et écarts dans la distribution de crédit) et des politiques budgétaires et monétaires montre des résultats similaires à ceux de la France. Les contributions des écarts de productivité et des écarts de distribution de crédit aux co-mouvements cycliques sont négatives alors que celle des politiques économiques est positive. Deux raisons peuvent expliquer ce résultat. D’une part, les trois pays adhérant à une même zone monétaire ont un degré élevé d’intégration des marchés des biens et des marchés financiers ainsi qu’une relative similarité dans la flexibilité des marchés du travail. D’autre part, le comportement des politiques économiques dans les trois pays est encadré par le Traité de Maastricht et le Pacte de stabilité et de croissance, qui fixent certaines règles de conduite de la politique monétaire et de gestion des finances publiques. Au total, il semble donc que la synchronisation cyclique entre la Tunisie et la France est liée essentiellement à l’intensité des échanges bilatéraux et à la similarité des politiques économiques. Les résultats de l’Allemagne et de l’Italie présentent naturellement des configurations inverses ou la synchronisation présente des mouvements plutôt décroissants. La baisse des échanges bilatéraux ainsi que la dissimilarité des structures d’offre expliquent le découplage avec l’Allemagne. Avec l’Italie, c’est plutôt la dissimilarité des structures industrielles et du fonctionnement des marchés des biens et du travail qui sont à l’origine de la désynchronisation.
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Graphique 7 : Tunisie vs Allemagne et Italie Corrélations maximales
8
7
7
Cycle tunisien vs cycle allemand
Part des échanges bilatéraux Tunisie vs Italie
6
6
5
5
4
Part des échanges bilatéraux Tunisie vs Allemagne
4
3
Ouverture bilatérale Tunisie vs Italie
3
Cycle tunisien vs cycle italien
2
2
1
1
Ouverture bilatérale Tunisie vs Allemagne 0
0
1990 1992 Indice 120
100
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
1 99 2
1 99 4
1 99 6
1 99 8
2 00 0
2 00 2
2 00 4
2 00 6
16
Dissimilarité des structures industrielles Tunisie vs Allemagne
80
1 99 0
12
Dissimilarité des structures industrielles Tunisie vs Italie
Écart des indices de productivité Tunisie vs Italie
8
60
4 40
Écart des indices de productivité Tunisie vs Allemagne
0
20 0 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
-4 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
6
1,4 1,2 1,0
0,4 0,2 1990
4
Écart entre les taux d'intérêt Tunisie vs Italie
4
3
3
2
2
1
1 1 ,2 1 ,0
0
0 ,8
0,8 0,6
5
5
Écart entre les taux d'intérêt Tunisie vs Allemagne
0 ,6
Volatilité de l'écart entre les taux d'intérêt 1992
1994
1996
1998
2000
2002
Volatilité de l'écart entre les taux d'intérêt
0 ,4
2004
2006
1 99 0 1 99 2 1 99 4 1 99 6 1 99 8 2 00 0 2 00 2 2 00 4 2 00 6
4 ,5
Écart entre les dépenses publiques Tunisie vs Allemagne 0,5
5
Écart entre les dépenses publiques Tunisie vs Italie
4 ,0
3 ,0
2
1 ,4 1 ,2
0,4
1
2 ,5 1 ,0
Volatilité de l'écart entre les dépenses publiques
2 ,0 0 ,8 0 ,6
0,3
4 3
3 ,5
Volatilité de l'écart entre les dépenses publiques
0
0 ,4 0,2 1 99 0 1 99 2 1 99 4 1 99 6 1 99 8 2 00 0 2 00 2 2 00 4 2 00 6
0 ,2 1 99 0 1 99 2 1 99 4 1 99 6 1 99 8 2 00 0 2 00 2 2 00 4 2 00 6
70 En % du PIB
60 50 40
Écart entre les parts de crédits accordés aux secteurs privés publiques Tunisie vs Allemagne
30 20 10
Écart entre les parts de crédits accordés aux secteurs privés publiques Tunisie vs Italie
0 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
Source : ???
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Tableau 3 : Les causes de synchronisation/désynchronisation Tunisie Intensité Structure Écart de Politiques Marchés Résultat avec des échanges industrielle productivité économiques de crédits France (+) (+) synchronisation Allemagne (-) (-) + désynchronisation Italie désynchronisation + (-) (-) + Notes : Les chiffres entre parenthèses désignent les t-Student.
3. Les changements au cours du temps de la synchronisation Vu l’importance des déterminants de la synchronisation pour les petites économies, il est très surprenant de constater qu’à ce jour très peu se sont véritablement penchés sur la mise en évidence du rôle de ces facteurs dans les changements des co-mouvements cycliques au cours du temps. Certes, de nombreux travaux ont cherché à identifier les déterminants de la synchronisation en coupe transversale mais aucun d’entre eux n’a pu apporter de véritables explications sur les évolutions temporelles des couplages cycliques. Probablement cela relève-t-il d’un défaut de méthodologie empirique susceptible de répondre à la question de façon dynamique. Nous retenons dans cet article une approche basée sur l’estimation d’une simple forme réduite des coefficients de corrélation et de leurs déterminants. Cette méthode est particulièrement intéressante car elle permet d’incorporer les interactions entre l’indice des co-mouvements et ses facteurs fondamentaux dans une relation de long terme de cointégration. L’absence de relation stable, à long terme, peut alors être interprétée comme rejet de l’hypothèse que les déterminants fondamentaux pris en compte ne peuvent expliquer les changements, au cours du temps, des corrélations cycliques. Le moyen le plus simple pour estimer la relation de long terme liant les corrélations cycliques aux fondamentaux est d’appliquer les MCO à la régression Corrt,t-20 = c + a1trend + a2echanget-20 + a3simindt-20 + a4productivitét-20 + a5politiquet-20 + a6créditt-20
(1)
Où c est une constante, les ai (i=1…5) les paramètres de long terme, échange : l’intensité des échanges, simind : l’indice de dissimilarité industrielle, productivité : l’écart des indices de productivité, politique : l’écart des indicateurs de politiques économiques et crédit : l’écart des part de crédits. Néanmoins, le calcul des coefficients de corrélation sur une fenêtre mobile de cinq ans crée, par construction, un problème d’autocorrélation des résidus (Barrell et Gottschalk, 2004). Pour corriger ce problème, la relation de cointégration est estimée par les moindres carrés ordinaires dynamiques (Stock et Watson, 1993), en ajoutant p décalages passés et futurs dans les différences premières des fondamentaux à la régression (1).
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Avant de passer aux estimations proprement dites, les conditions de stationnarité des variables ont été vérifiées. Les tests de racine unitaire « DickeyFuller Augmenté » (ADF) montrent, d’une part, que pour les trois pays les corrélations croisées sont intégrées à l’ordre un, I(1), et d’autre part, que certaines variables, telles que l’indice de dissimilarité industrielle, possèdent un ordre d’intégration I(0) 8. Le tableau 4 présente les résultats des estimations des relations de long terme ainsi que les tests de stationnarité et de normalité sur les résidus respectifs 9. Selon ce tableau, il apparaît que les résidus estimés respectent les conditions de stationnarité (test ADF) et, dans certains cas, les caractéristiques de normalité (test de JarqueBera). Il existe donc, pour les trois pays, des relations de cointégration entre les corrélations cycliques et leurs fondamentaux. Pour la France et l’Italie, les coefficients trouvés sont conformes à ce qui est suggéré par la théorie. L’intensité des échanges bilatéraux fait augmenter, à long terme, les corrélations croisées et accentue la synchronisation cyclique. Par contre, la hausse de la dissimilarité industrielle, avec l’Italie, réduit les co-mouvements, résultats d’ailleurs trouvés dans la majorité des travaux empiriques (Imbs, 2004 ; Calderon et al., 2002 et Inklaar et al., 2005). La variable écart de productivité, qui mesure les différences des structures de l’offre entre les deux pays, admet un signe négatif dans la majorité des estimations. En fait, l’effet anticipé de cette variable est ambigu, il dépend de la nature des chocs communs ou idiosyncratiques qui ont caractérisé la période d’observation. Le signe négatif signifie que les mécanismes d’ajustement aux chocs communs, dans les deux pays, sont différents produisant ainsi un plus grand découplage cyclique. Un terme de tendance déterministe est également introduit. Ce terme a un impact négatif sur les corrélations mais son ampleur est faible. Celui-ci peut, éventuellement, représenter les mouvements de libéralisation, enclenchés depuis le début des années 1990, qui, jusqu’à ce jour, ne se sont pas soldés par un renforcement des échanges commerciaux ou financiers. Pour l’Allemagne, l’intensité des échanges admet un impact significatif sur les corrélations croisées lorsqu’on considère respectivement la part des échanges bilatéraux et le taux d’ouverture. Toutefois, l’effet demeure négatif même si on élimine de l’équation de long terme l’indice de dissimilarité industrielle, ce qui contredit les prédictions théoriques. Le coefficient de l’indice de dissimilarité industrielle témoigne d’un effet négatif sur les co-mouvements cycliques, ce qui peut paraître surprenant. En effet, l’évolution temporelle de cet indice (graphique 7) témoigne d’une stagnation, essentiellement à partir de 1996, période au cours de laquelle le découplage cyclique entre la Tunisie et l’Allemagne était 8. Les tests de stationnarité ne sont pas reportés dans cet article. Les détails des tests sont disponibles auprès de l’auteur, sur simple demande. 9. Pour vérifier la robustesse des résultats, on a estimé l’équation (1) pour un retard p=10. Les résultats trouvés pour les trois pays ne sont pas très différents de ceux reportés au tableau 3.
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■ Fathi Elachhab
manifeste. D’autres facteurs ont dû contribuer à expliquer ce découplage, notamment la nature asymétrique des impulsions à l’origine des fluctuations. Il est probable que l’Allemagne et la Tunisie ont subi des chocs idiosynchratiques durant cette période et le poids relativement important de ces chocs pourrait expliquer la désynchronisation cyclique entre les deux pays. Tableau 4 : Estimation de l’équation de long terme par les moindres carrés dynamiques : 1995:1- 2006:3 Corrélation Tunisie avec
France (1)
(2)
Allemagne
(3)
(4)
(1)
(2)
Italie
(3)
(4)
(1)
(2)
(3)
(4)
Constante
10,42 0,68 9,37 0,67 1,45 2,86 1,70 4,85 0,41 1,12 0,40 -0,53 (4,74) (1,97) (2,60) (1,28) (3,41) (1,68) (1,86) (1,31) (0,68) (9,49) (0,68) (-0,97)
Tendance
-0,06 -0,04 -0,06 -0,04 -0,01 -0,001 -0,01 -0,04 -0,03 -0,04 0,0005 -0,02 (-5,53) (-3,40) (-2,03) (-3,09) (-1,42) (-0,16) (-1,26) (-1,17) (-3,86) (-6,78) (0,33) (-2,19)
Part des échanges bilatéraux Ouverture bilatérale
4,03 (5,58)
--
1,56 (0,96)
--
-9,79 (-3,03)
--
-9,52 (-1,49)
--
1,87 (1,08)
--
-3,75 (-1,53)
--
--
11,95 (5,66)
--
8,39 (3,05)
--
-21,86 (-4,44)
--
-1,69 (-0,32)
--
4,43 (3,45)
--
0,54 (0,32)
Dissimilarité -3,58 -7,76 -3,53 -11,06 -3,88 -2,50 -1,02 -27,41 -28,99 -24,93 -62,42 -51,63 industrielle (-3,77) (-1,53) (-0,15) (-1,83) (-0,70) (-0,34) (-0,16) (-0,86) (-7,92) (-6,76) (-5,36) (-6,22) Productivité
-0,18 -0,01 -0,22 - 0,01 0,01 -0,03 0,02 0,004 -0,02 -0,01 -0,10 -0,1 (-7,40) (-0,75) (-1,97) (-0,50) (0,45) (2,19) (0,47) (0,01) (-2,38) (-0,89) (-3,60) (-3,46)
Taux directeurs
-0,02 0,12 (-1,66) (3,50)
Consommation publique Crédits
--
--
--
--
-0,18 0,12 (-0,88) (1,31)
0,12 -0,08 (0,56) (-2,89) --
--
--
--
-0,05 0,28 (-0,45) (0,40)
-0,006 -0,01 (-0,06 (-1,28) --
--
--
--
0,41 0,28 (2,67) (2,80)
-0,20 -0,06 -0,14 -0,06 0,26 -0,003 0,02 -0,04 0,06 0,05 0,08 0,09 (-4,76) (-4,48) (-2,58) (-3,31) (2,68) (-0,19) (1,25) (-0,73) (7,56) (3,97) (9,42) (7,49)
Dw 1,88 2,49 1,84 2,29 2,50 2,14 2,54 2,29 1,71 1,65 1,96 2,09 Résidus ADF -7,21 -8,67 -6,70 -8,87 -6,41 -6,91 -7,61 -6,65 -7,22 -6,54 -6,27 -7,08 Jarque Bera 0,59 1,89 1,47 -8,87 0,47 0,62 1,49 1,38 0,45 1,12 3,49 0,62
L’examen de la contribution des différents éléments de la synchronisation au couplage/découplage cyclique entre la Tunisie et ses principaux partenaires européens montre que le resserrement de la synchronisation tient essentiellement à la dissimilarité des structures industrielles et à la différence des conditions d’offre (tableau 5). Pour l’Allemagne et l’Italie, la contribution de ces deux facteurs est assez importante et assez stable au cours du temps. Cependant, cette contribution n’intervient pas dans la même mesure dans les deux pays. Pour l’Allemagne, la dissimilarité des structures d’offre explique environ 32 % de la variance de l’indice
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de corrélation cyclique. Pour l’Italie, on observe un moins grand effet ; les différences des conditions d’offre n’expliquent que 28 % de cette variance. Cette différence des conditions d’offre reflète en partie les rigidités du marché du travail en Tunisie ainsi que les distorsions sur le marché des biens et le marché des crédits. Tableau 5 : Parts contributives des facteurs du couplage/découplage cyclique
France Intensité des échanges Intensité des échanges Politique économique Intensité des échanges Politique économique Dissimilarité des structures industrielles Dissimilarité des structures productives Dissimilarité des structures financières Allemagne Intensité des échanges Intensité des échanges Dissimilarité des structures productives Intensité des échanges Politique économique Dissimilarité des structures industrielles Dissimilarité des structures productives Dissimilarité des structures financières Italie Dissimilarité des structures industrielles Dissimilarité des structures industrielles Dissimilarité des structures productives Intensité des échanges Politique économique Dissimilarité des structures industrielles Dissimilarité des structures productives Dissimilarité des structures financières
R2
F stat
0,54
6,97 (Prob=0,01)
0,63
7,42 (Prob=0,001)
0,97
32,56 (Prob=0,000)
0,43
3,10 (Prob=0,08)
0,75
21,89 (Prob=0,000)
0,91
6,91 (Prob=0,000)
0,34
2,92 (Prob=0,09)
0,62
14,31 (Prob=0,000)
0,96
31,65 (Prob=0,000)
La contribution nette des échanges bilatéraux avec la France est significative. L’intensité des échanges a généralement, et de façon substantielle, contribué à faire augmenter les co-mouvements cycliques (54 % de la variance de l’indice de corrélation). Ce résultat est normal étant donné la forte concentration des échanges commerciaux tunisiens avec le marché français. En fait, la plus grande synchronisation des cycles tunisien et français et l’importance croissante des échanges bilatéraux dans la transmission des fluctuations pourrait susciter de nouveaux enjeux pour la politique commerciale et, d’une manière générale, la politique macroéconomique, essentiellement durant les périodes de crise.
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■ Fathi Elachhab
■
Conclusion
Dans cet article on a cherché à identifier les facteurs du couplage/découplage cyclique entre la Tunisie et ses partenaires européens en proposant une méthode alternative aux travaux existants, basée sur l’économétrie des séries temporelles. Cette méthode permet d’incorporer les interactions entre l’indice de corrélation et les facteurs de la synchronisation dans une relation de cointégration de long terme. Les résultats montrent que la synchronisation cyclique entre la Tunisie et la France est liée essentiellement à l’intensité des échanges bilatéraux et à la similarité des politiques économiques. Avec l’Allemagne et l’Italie, on note des configurations inverses où la synchronisation présente des mouvements plutôt décroissants. La baisse des échanges bilatéraux ainsi que la dissimilarité des structures d’offre expliquent le découplage avec l’Allemagne. Avec l’Italie, c’est plutôt la dissimilarité des structures industrielles et du fonctionnement des marchés des biens et du travail qui sont à l’origine de la désynchronisation. Certes, le couplage cyclique entre la Tunisie et la France tend à faire augmenter le phénomène de contagion. Dans les périodes de crises, telle que la crise financière actuelle, l’économie tunisienne ne saurait être à l’abri des phases récessives françaises. Les récessions qu’a connues l’économie tunisienne étaient, dans l’ensemble, bénignes et peu sévères (Elachhab, 2007a), mais des mesures de corrections portant sur la politique monétaire et budgétaire seraient nécessaires pour restaurer le fonctionnement normal de l’économie. Pour évaluer le rôle de la politique publique dans l’absorption ou la transmission des contractions de la zone euro il convient de se poser deux questions sur les modalités de son action. La première est de voir si la politique économique tunisienne devrait être symétrique ou asymétrique à celle appliquée dans la zone euro. La deuxième est de déterminer si l’action publique doit se limiter à fournir un filet de sécurité dans les périodes de crises ou, alternativement, doit-elle suivre son action même durant les périodes d’expansion. Il est évident qu’en l’absence de chocs communs de grande ampleur, les chocs spécifiques nationaux ou sectoriels restent relativement importants pour l’évolution de la conjoncture (Elachhab, 2007a, b). Dans ce cadre, des politiques économiques idiosynchratiques efficaces peuvent contribuer à une croissance économique plus stable et plus performante. Cependant, en présence de cycle symétrique, une coordination des politiques économiques est essentielle. Elle permet d’internaliser les externalités positives, notamment celle des politiques budgétaires (effet de débordement). En conséquence, sans nier la nécessité de la coordination des politiques économiques, on pourrait se demander si, en Tunisie, la politique monétaire et la politique budgétaire ne devraient pas être conduites par un pacte de stabilité et de croissance, à l’image de ce qui est appliqué dans la zone-euro. La conduite de la politique monétaire serait plutôt contra-cyclique et la politique budgétaire focalisant ses orientations sur le solde budgétaire et la dette de l’État. Cette question
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est loin d’être suffisamment comprise et analysée, en particulier les effets de ces politiques sur la stabilité des prix et le maintien de la croissance. Elle serait de plus en plus au cœur des débats sur la relation Tunisie-Europe lorsque les aspects de la synchronisation se trouvent renforcés et que les mécanismes de transmission se trouvent diversifiés.
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LES DÉTERMINANTS DE LA SYNCHRONISATION CYCLIQUE TUNISIE-ZONE EURO ■
Kwark N.-S., 1999, Sources of international business fluctuations: country-specific shocks or worldwide shocks?, Journal of International Economics, 48(2), pp. 367-385. Otto G., G. Voss et L. Willard, 2001, « Understanding OECD output correlations », Reserve Bank of Australia Research Discussion Paper, n° 2001-05. Otto G., G. Voss et L. Willard, 2003, A cross section study of the international transmission of business cycles, University of Victoria, Canada, mimeo. Stock J. H. et M. W. Watson, 1993, « A simple estimator of cointegrating vectors in higher order integrated systems », Econometrica, 61 (4), 783-820. Stock J. H. et M. W. Watson, 2005, « Understanding Changes in International Business Cycles », Journal of the European Economic Association, Vol. 3:5, pp. 968-1000.
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■ Fathi Elachhab
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ANNEXE Tableau A1. Les déterminants de la synchronisation des cycles économiques (études en coupe transversale) Pays et période d’observation
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Frankel et Rose (1998)
Mesure de la synchronisation
Corrélations bilatérales des composantes 21 pays industrialisés cycliques des PIB, des 1953-1993 indices de production industrielle et des taux de chômage
Méthodologies
Résultats
Corrélations expliquées par l’intensité des échanges instrumentée. Les instruments : distance, langue, frontière
L’intensité des échanges bilatéraux a un effet positif et déterminant sur la synchronisation
Otto et al. (2001)
L’intensité des échanges bilatéraux (+), l’investissement direct étranger (+), Corrélations expliquées par l’intensité des l’investissement en portefeuille (-), la volatilité du taux d’intérêt et du taux de change (-) et Corrélations bilatérales échanges bilatéraux, l’intégration financière, 17 pays de l’OCDE l’interdépendance des politiques économiques la dissimilarité des structures industrielles (-) des taux de croissance 1960q1-2004q4 (volatilité du taux d’intérêt et du taux de sont significatifs. Dans un modèle plus des PIB change) et la similarité généralisé, c’est, plutôt, l’accès commun aux des structures économiques nouvelles technologies, les systèmes juridiques similaires et …qui expliquent la corrélation des taux de croissance
Clark et Wincoop (2001)
Les cycles des États américains et des régions Corrélations expliquées par l’intensité des Corrélations bilatérales économiques européennes sont plus synchrones échanges bilatéraux, la distance, la similarité 9 États américains des composantes que ceux des pays de l’UE. L’intensité des des systèmes juridiques et institutionnels et 14 pays européens cycliques des PIB et échanges a des effets positifs sur les co-mouveet la similarité des politiques monétaires de l’emploi ments cycliques. Les politiques monétaires et et budgétaires fiscales n’ont pas d’effets concrets
Kalemli-Ozcan, Sorensen et Yosha (2001)
Étas-Unis et 11 pays de l’OCDE
Indice d’asymétrie
Examen du lien entre l’asymétrie et la spécialisation
Une forte spécialisation conduit des fluctuations asymétriques
Calderon et al. (2002)
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Bordo et Hebling (2003)
Corrélations expliquées par l’intensité des échanges et la similarité des structures industrielles
Les mêmes pays que Frankel et Rose 1965-1998
Corrélations expliquées par l’intensité des échanges intra et interindustriels et des variables de gravité
L’effet de l’échange interindustriel est mitigé. L’effet de l’échange intra industriel est significatif mais plus faible que celui trouvé par Frankel et Rose
Corrélations expliquées par l’intensité des Effet relativement élevé des échanges Corrélations bilatérales échanges, le nombre d’années durant lesquelles commerciaux. Restriction sur les mouvements 59 pays (1880-2001) des taux de croissance il y a des restrictions sur les mouvements des des capitaux non significative. La variable 120 pays (1952-2001) des PIB capitaux et le nombre d’années durant du taux de change n’est pas robuste d’un point lesquelles le taux de change est fixe de vue statistique
Kose et al. (2003)
Imbs (2004a)
Même indicateur que Frankel et Rose
76 pays 1960-1999
Corrélations respectives des taux de Corrélations expliquées par l’ouverture L’ouverture commerciale est non significative, commerciale, les échanges avec le G7, l’échange avec le G7 est (+). Les restrictions sur croissance du PIB et de la consommation de l’ouverture financière, la volatilité des termes le compte capital sont (-). La volatilité des terchacun des pays avec de l’échange, les politiques fiscales et les mes de l’échange (-) est significative dans le ceux de l’économie restrictions sur le compte capital modèle des corrélations des PIB mondiale
24 pays 1980-1990
Corrélations bilatérales des cycles des PIB
Système d’équations simultanées estimé par L’intégration financière agit sur la spécialisation TMC. Corrélation dépend des échanges, de et affecte positivement la synchronisation. la spécialisation, des restrictions du compte La spécialisation et les échanges capital et des positionsdes investissements bilatéraux sont significatifs en portefeuille
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LES DÉTERMINANTS DE LA SYNCHRONISATION CYCLIQUE TUNISIE-ZONE EURO ■
Gruben et al. (2002)
147 pays développés Corrélations bilatérales et en voie de des composantes développement cycliques des PIB 1960-1999
L’intensité des échanges bilatéraux a un effet positif sur la synchronisation des cycles. Dans les pays en voie de développement, cet effet est plutôt faible. Les pays dont les structures productives sont asymétriques admettent des corrélations cycliques faibles. L’effet des échanges commerciaux sur la synchronisation est d’autant plus faible que l’asymétrie des structures productives est élevée
> 100pays 1970-1995
Camacho et al. 2005)
Les variables qui sont robustes pour l’estimation sont : les échanges bilatéraux et la distance entre Corrélations des cycles Modèle à effets fixes, utilisant la méthode des les couples de pays. Les variables non robustes des PIB valeurs extrêmes (Extreme bound analysis) sont : la similarité industrielle, l’union monétaire, l’échange bilatéral, la similarité des structures des importations et des exportations
La différence des corrélations est expliquée par Les pays de l’UEE, le La spécialisation, l’épargne, la productivité du les différences de spécialisation (part de l’indusCanada, le Japon, Le Indice synthétiques travail, les échanges bilatéraux et la politique trie et de l’agriculture dans la production de trois mesures Norvège et fiscale sont significatifs. Les variables de la politotale), le taux d’épargne, la productivité du de la synchronisation les États-Unis tique monétaire ne sont pas liées travail, les échanges bilatéraux et les variables 1965-2003 aux découplages cycliques de politiques économiques
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Babetskii (2005) 10 pays émergeants 1990q1-2002q2
Inklaar et al. (2005)
PIB
Régressions à paramètres évolutifs (time-varying La convergence des chocs de demande s’expliparameter) pour mesurer la convergence des que par l’intensité des échanges bilatéraux. Pour chocs d’offre et de demande dans un modèle les chocs d’offre le résultat est ambiguë. La volaespace-état. Les séries des chocs d’offre et de tilité du taux de change est (non) négativement demandes sont déterminées, par une analyse liée à la convergence des chocs de demande VAR structurel. Le coefficient de convergence (d’offre) dynamique est mesuré par le filtre de Kalman.
L’intensité des échanges affecte la synchronisation, mais l’effet est plus faible que celui de Corrélations expliquées par plusieurs variables Frankel et Rose. Aussi la similitude des flux Corrélation des cycles 21 pays de l’OCDE du modèle structurel. La sélection des variables d’échange, la similarité des politiques des PIB 1970-2003 est réalisée par la méthode « Extreme Bound monétaires et fiscales et la monnaie unique ont (données trimestrielles) Analysis » un effet positif sur la synchronisation. L’ampleur de tous ces facteurs est à peu prés égale à celle de l’intensité des échanges
Source : Haan, Inklar et Richard (2005).
■ Fathi Elachhab
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Baxter et Kouparitsas (2004)
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Tableau A2 : Nomenclatures IEQ et OCDE IEQ (Tunisie)
OCDE
Industries agroalimentaires
Fabrication de produits alimentaires, boissons, et produits à base de tabac
Matériaux de construction
Fabrication d'autres produits minéraux non métalliques
Industries mécaniques et électriques
Fabrication de produits métallurgiques de base et d'ouvrages en métaux Fabrication de machines et de matériel n.c.a. Fabrication d'appareils électriques et d'optique Fabrication de matériels de transport
Industries chimiques
Fabrication de produits chimiques Fabrication d'articles en caoutchouc et en matières plastiques
Textile, habillement et cuir
Fabrication des textiles et produits textiles Fabrication du cuir et des produits en cuir
Industries manufacturières diverses
Production de bois et d'articles en bois Fabrication de papier, d'articles en papier et carton ; édition et imprimerie Activités de fabrication n.c.a.
Hydrocarbures
Extraction de matériaux produisant de l'énergie Fabrication de produits pétroliers; cokéfaction ; combustibles nucléaires
Mines
Activités extractives, sauf extraction de matériaux produisant de l'énergie
Électricité Eau
Production et distribution d’électricité, de gaz et d’eau
Bâtiment et Génie civil
Construction
Selon la nomenclature de l’OCDE, l’horlogerie est prise en compte dans la rubrique « appareil électrique et optique » et selon la nomenclature tunisienne, dans la rubrique « produits divers ». La production plastique, est prise en compte selon la nomenclature de l’OCDE, dans la rubrique « Industrie chimique » et selon la nomenclature tunisienne, dans la rubrique « industries diverses ».
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■ Fathi Elachhab
Tableau A3 : Données utilisées et leurs sources PIB tunisien trimestriel
Institut National de la Statistique
PIB trimestriels des partenaires européens Échanges bilatéraux (exportations et Importations)
International Financial Statistics (IFS) FMI Base de données Chelem
Répartition sectorielle du PIB
Institut d’Économie Quantitative et Comptes Nationaux des pays de l’OCDE Volume II 2008
Dépenses publiques
Institut d’Économie Quantitative et Comptes Nationaux des pays de l’OCDE Volume II 2008
Taux d’intérêt
International Financial Statistics et Banque de France
Emploi
Institut d’Économie Quantitative et Comptes Nationaux des pays de l’OCDE Volume II 2008
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Le marché du travail dans la crise : un cadrage statistique Olivier Marchand Claude Minni
Cette contribution a pour objectif de présenter une description générale des conséquences de la crise de 2008-2009 sur le marché du travail français pour éclairer le contexte socioéconomique dans lequel ont été mis en place les dispositifs publics ou négociés qui sont analysés par J. Freyssinet *. La crise économique de 2008-2009 a eu un impact important sur la situation de l’emploi mais, relativement au repli de la production, les destructions d’emplois que l’on a observées ont été de moindre ampleur que lors de la récession de 19921993. Le coût de la crise a été en bonne partie supporté par la frange la plus jeune et la moins qualifiée de la population active, celle qui connaît le plus l’emploi précaire, le sous-emploi et le chômage récurrent. En outre, on observe une dégradation moyenne de la qualité des emplois retrouvés, à la fois du point de vue des statuts d’emploi et des durées travaillées.
* Voir dans la même revue J. Freyssinet : Les négociations collectives et les politiques publiques face aux « conséquences sociales » de la crise économique
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Mots clés : Crise. Cycle de productivité. PIB. Heures travaillées. Emploi. Chômage.
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■ Olivier Marchand et Claude Minni
D
ans un premier temps, on s’efforcera de caractériser les grandes évolutions récentes de la production, de la productivité, de l’emploi et du chômage par comparaison avec les deux dernières phases de ralentissement marqué de l’économie, à savoir la récession du début des années 1990 et le coup d’arrêt du début des années 2000. On a choisi pour ce faire de dater dans chaque cas le retournement de l’activité (respectivement premier trimestre 1992, premier trimestre 2001, premier trimestre 2008) puis d’analyser les évolutions comparées des variables d’intérêt au cours des deux ou trois années qui suivent.
On décrira ensuite de façon plus fine les évolutions de l’emploi à partir d’indicateurs de stocks mais aussi de flux. Enfin on mènera le même type d’analyses à propos des évolutions du chômage.
1. Cadrage général : les grandes évolutions de la période 2008-2009 rapprochées des phases de ralentissement de 1992-1993 et de 2001-2002 1.1. PIB et productivité par tête De façon à obtenir des évolutions plus sensibles à la conjoncture, on a choisi de raisonner ici sur les seules activités marchandes non agricoles. En ce qui concerne le PIB, les années 2008 et 2009 connaissent un choc beaucoup plus marqué que ceux du début des années 1990 ou 2000 : du premier trimestre 2008 au premier trimestre 2009, le PIB marchand chute de plus de 5 %, à comparer au - 2 % de 1992-1993 et au simple ralentissement de 2001-2002 (graphique 1). Toutefois, à l’issue de ces quatre trimestres de dérapage, une reprise, certes timide et fragile, intervient de façon plus précoce que lors de la récession de 1992-1993. Il est donc très difficile de comparer ces chocs pour juger de l’efficacité relative des dispositifs mis en place pour contrer leurs effets négatifs sur la situation du marché du travail. Tout ce que l’on peut dire, c’est que la crise récente appelait nécessairement des moyens beaucoup plus importants que les phases précédentes. Dans les secteurs marchands non agricoles la productivité par tête (valeur ajoutée moyenne par emploi) s’est dégradée de près de 3 % en quatre trimestres au cours de la crise de 2008-2009, alors qu’en 1992-1993 elle avait seulement stagné. Au deuxième trimestre 2010, neuf trimestres après le début de la crise, la productivité par tête n’est pas encore revenue à son niveau initial, alors qu’au deuxième trimestre 1994, elle était de 2 % supérieure à son niveau du premier trimestre 1992. Cela tient, au moins en partie, à l’affaiblissement tendanciel des gains de productivité qui seraient à l’œuvre depuis le premier choc pétrolier ; ainsi,
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alors qu’au cours de la décennie 1990 la productivité des emplois de l’ensemble de l’économie a progressé de 1,3 % par an, au cours de la décennie 2000 elle n’a crû que de 0,7 % l’an (+1,2 % si l’on fait abstraction des années de crise 2008-2010). Mais il n’est guère possible d’aller au-delà de ces simples constats, dans la mesure où le cycle actuel de productivité n’est pas achevé. On ne peut donc pas savoir si l’on assiste à un nouveau ralentissement du rythme de croissance de la productivité, de même qu’on ne peut se prononcer sur les délais d’ajustement de l’emploi à la production au cours de la crise récente. Graphique 1 : PIB et productivité par tête en 1992-1994, 2001-2003 et 2008-2010 Base 100 aux premiers trimestres 1992, 2001 et 2008
104
102 PIB01 produc t92
produc t01
100 produc t08 98
PIB92
96
PIB08
94 T0
T1
T2
T3
T4
T5
T6
T7
T8
T9
T10
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Champ : Salariés des secteurs marchands non agricoles. Source : Comptes nationaux trimestriels et estimations d’emploi, Insee.
1.2. Emploi Ces évolutions de la productivité par tête montrent que les conséquences sur l’emploi de la récession de 1992-1993 ont été relativement plus sévères que celles de la dernière période et que celles du ralentissement de 2001-2002, au cours duquel l’emploi s’est bien maintenu, que ce soit en termes d’emploi total ou en termes d’emploi salarié marchand. Les destructions nettes d’emplois ont donc été relativement nombreuses durant les années 1992 et 1993, alors qu’il n’y en a pas eu dix ans plus tard en dépit d’une croissance presqu’aussi décevante la première année (graphique 2). Pour ce qui est de 2008-2009, les réductions d’effectifs salariés dans les secteurs marchands sont légèrement plus amples qu’en 1992-1993 (- 3,3 % sur deux ans contre - 2,9 %) mais, eu égard à la chute de l’activité enregistrée entre le début de 2008 et le début
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■ Olivier Marchand et Claude Minni
de 2009, l’ajustement aurait pu être beaucoup plus brutal. Toutefois, celui-ci n’est peut-être pas encore totalement achevé du fait du retard dans l’ajustement de la productivité. Pour ce qui est de l’emploi total, l’évolution depuis le premier trimestre 2008 est très proche de celle observée en 1992-1993 ; lors de la crise récente, l’évolution de l’ensemble des emplois non salariés et des emplois non marchands a donc été plus favorable qu’en 1992-93 et a compensé le différentiel du secteur marchand. Graphique 2 : Emploi salarié des secteurs marchands non agricoles et emploi total en 1992-1694, 2001-2003 et 2008-2010 Base 100 aux premiers trimestres 1992, 2001 et 2008 102 emps mna01
emptot01
100
emptot92 emptot08 98 emps mna92 emps mna08 96 T0
T1
T2
T3
T4
T5
T6
T7
T8
T9
T10
T11
Champ : France métropolitaine. Source : Estimations d’emploi, Insee.
Au cours de l’année 2009 et au début de l’année 2010, les réductions d’effectifs ont été également un peu atténuées par des mesures de réduction de la durée moyenne du travail qui ont pesé sur le volume d’heures travaillées et favorisé ainsi la productivité horaire du travail (graphique 3). Le phénomène avait toutefois été plus marqué lors de la récession de 1992-1993 et en 2001-2002, où, dès la première année du retournement, l’ajustement sur l’emploi avait été amorti grâce à la flexibilité du temps de travail. En 1992-1993, on avait assisté à un développement sensible du travail à temps partiel, en 2001-2002, à une baisse de la durée collective du travail. En 2009, c’est essentiellement à travers le recours au chômage partiel que le temps de travail a diminué.
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Graphique 3 : Heures travaillées et productivité horaire en 1992-1994, 2001-2003 et 2008-2010 Base 100 aux premiers trimestres 1992, 2001 et 2008
105 p ro d h e u re s 9 2 103
p ro d h e u re s 0 1
101 p ro d h e u re s 0 8 h e u re s 0 1
99
97
h e u re s 9 2
h e u re s 0 8
95 T0
T1
T2
T3
T4
T5
T6
T7
T8
T9
T10
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Champ : Salariés des secteurs marchands non agricoles de France métropolitaine. Source : Comptes nationaux trimestriels, Insee.
1.3. Chômage Le contexte démographique et les comportements d’activité aux âges extrêmes ont nettement évolué entre les années 1990 et les années 2000. Au début des années 1990, les premières générations du « baby-boom » avaient encore des âges de « pleine activité », tandis que les générations les plus jeunes, celles nées à la fin des années 1960 ou au tout début des années 1970, alimentaient encore massivement le marché du travail ; les taux d’activité des jeunes baissaient rapidement avec l’allongement des études et ceux des seniors s’étaient stabilisés depuis la fin des années 1980. Au début du nouveau millénaire, la situation est tout autre. Les premières générations du « baby-boom » atteignent progressivement les âges où les taux d’activité diminuent rapidement, tandis que le marché du travail est alimenté par les générations moins nombreuses nées après 1975. Le contexte démographique contribue donc à peser sur la progression de la population active par rapport aux années 1990, bien que le solde migratoire ait augmenté sur la période. D’un autre côté, les taux d’activité des jeunes se sont stabilisés et ceux des seniors ont progressé, contribuant ainsi à accroître la progression de la population active par rapport aux années 1990. L’impact de la démographie et celui des comportements d’activité sur les évolutions respectives de l’emploi et du chômage se sont en quelque sorte compensés et le lien emploi-chômage est resté fort. Alors que la hausse du taux de chômage est limitée sur la période intermédiaire : +1,1 point entre fin 2001 et fin 2003, elle est plus importante et sensiblement équivalente en 1992-1993 et en 2008-2009, avec respectivement +2,1 et +2,3 points en deux ans. On voit même qu’à pertes d’emplois à peu près identiques, l’accroissement du nombre de chômeurs est plus sensible sur les dernières années qu’en 1992-1993 (graphique 4). REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
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■ Olivier Marchand et Claude Minni
Graphique 4 : Emploi total et chômage BIT en 1992-94, 2001-03 et 2008-10 Base 100 aux premiers trimestres 1992, 2001 et 2008
104
140 n b rch o m 0 8 (é ch . d ro ite )
103
130 n b rch o m 9 2 (é ch . d ro ite )
102
120
e m p to t0 1 (é ch . g a u ch e ) 101
110 n b rch o m 0 1 (é ch . d ro ite )
100
100
e m p to t9 2 (é ch . g a u ch e )
99
e m p to t0 8 (é ch . g a u ch e )
98
90 80
T0
T1
T2
T3
T4
T5
T6
T7
T8
T9
T10
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Champ : France métropolitaine. Sources : Estimations d’emploi et enquêtes Emploi, Insee.
2. Analyse fine des évolutions de l’emploi 2.1. Les stocks Le retournement de l’emploi s’est produit au printemps 2008 mais c’est l’année 2009 qui a été la plus noire en termes de destructions d’emplois. Sur les deux années, le nombre de salariés des secteurs marchands non agricoles chute de près de 550 000 et l’emploi total d’environ 430 000, ce qui fait que, fin 2009, l’économie française retrouve un niveau d’emploi proche de ce qui prévalait à la mi-2006. On observe d’autre part le décalage habituel entre la reprise timide de l’activité qui se produit au deuxième trimestre 2009 et la moindre dégradation de l’emploi qui intervient six mois plus tard et semble se confirmer au premier semestre 2010 (+ 0,2 % pour le nombre de salariés des secteurs principalement marchands au cours de chacun des deux trimestres, mais presque uniquement du fait de l’intérim). Sectoriellement, la crise a surtout marqué son empreinte sur l’emploi industriel, et encore plus si l’on considère l’emploi intérimaire du point de vue du secteur utilisateur et non du secteur employeur : l’industrie a supprimé plus de 80 000 postes de travail en 2008 et plus de 170 000 en 2009, auxquels s’ajoutent les 150 000 emplois d’intérimaires détruits entre le deuxième trimestre 2008 et le premier trimestre 2009. Toutefois, cette forme particulière d’emploi, totalement en phase avec la conjoncture économique, est repartie à la hausse dès le deuxième trimestre 2009. Pour l’industrie, qui perdait tendanciellement des emplois depuis le début de la décennie, la crise n’a fait qu’accentuer cette baisse, face il est vrai à une très forte chute de la valeur ajoutée trimestrielle (-10 % au cours des dix trimestres
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suivant le retournement de 2008). Mais pour la construction et le tertiaire marchand, il s’agit véritablement d’un retournement qui dans le premier cas se produit au quatrième trimestre 2008 et se poursuit en 2009 et au premier semestre 2010, alors que dans le second cas les pertes d’emploi (hors intérim) n’affectent que la période allant du troisième trimestre 2008 au troisième trimestre 2009. Par type de contrat, l’intérim a constitué pour les entreprises le premier et principal facteur d’ajustement au repli de l’activité économique, perdant en une année 235 000 postes (-35 %), soit beaucoup plus que lors des ralentissements précédents. De la mi-92 à la mi-93 l’emploi intérimaire avait aussi reculé, mais seulement de 50 000 postes (-20 %) (graphique 5). Fin 2009, le nombre d’intérimaires reste inférieur à ce qu’il était dix ans auparavant Même si l’activité intérimaire et donc les recrutements ont repris au cours de l’année 2009, c’est l’un des premiers signes que le coût de l’ajustement a été en bonne partie supporté par la frange la plus jeune et la moins qualifiée de la population active. S’agissant du partage entre CDI et CDD, les données de l’enquête Emploi montrent qu’en 20082009, la part des CDI dans l’emploi salarié privé a continué à progresser, passant de 85,6 % à 87,5 % entre la fin 2007 et l’été 2009, avant de se retourner (graphique 6), alors que la part des CDD (hors emplois aidés) dans l’emploi salarié privé a baissé du début 2008 au début 2009 mais semble se redresser au début 2010 (graphique 7). Au second trimestre 2010, 86,5 % des salariés du privé sont en CDI, 7,1 % sont en CDD, le reste correspondant à des emplois aidés et à des missions d’intérim. Au total, au cours du premier semestre 2010, la proportion des personnes de 15 à 64 ans en CDD ou en intérim augmente, alors que celle des personnes en CDI continue à diminuer, ce qui va dans le sens d’une dégradation moyenne de la qualité des emplois retrouvés par les victimes de la crise. Graphique 5 : Nombre d'intérimaires en fin de trimestre de 1990 à 2010 Données en fin de trimestre corrigées des variations saisonnières, en milliers 700
600
500
400
300
200
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
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Champ : Population des ménages de France métropolitaine. Source : Estimations d’emploi, Insee.
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■ Olivier Marchand et Claude Minni
Graphique 6 : Part des CDI dans l’emploi salarié privé de 2003 à 2010 Données en moyenne trimestrielle corrigées des variations saisonnières, en % 88
87
86
85
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Champ : Population des ménages de France métropolitaine. Concept : CDI du privé et des entreprises publiques. Source : Enquêtes Emploi, Insee.
Graphique 7 : Part des CDD dans l’emploi salarié privé de 2003 à 2010 Données en moyenne trimestrielle corrigées des variations saisonnières, en % 8,0
7,5
7,0
6,5
6,0 2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Champ : Population des ménages de France métropolitaine. Concept : CDD du privé et des entreprises publiques, hors emplois aidés et apprentissage. Source : Enquêtes Emploi, Insee.
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LE MARCHÉ DU TRAVAIL DANS LA CRISE : UN CADRAGE STATISTIQUE ■
Comme l’a observé le groupe Alpha dans son rapport « Crise et pauvreté : une analyse sectorielle qualitative », il semble donc bien que l’ajustement a d’abord porté sur les salariés du marché externe avec le non-renouvellement de CDD et surtout le moindre recours à l’intérim. Dans un deuxième temps, à partir de l’automne 2008, les entreprises ont privilégié des mesures de flexibilité interne portant sur le temps de travail, chômage partiel surtout : selon l’enquête Emploi, la part des personnes en situation de chômage partiel ou technique dans l’emploi s’accroît de 0,2 % à 1 % entre l’été 2008 et le printemps 2009 (graphique 8). Enfin, dans un troisième temps, elles ont réduit le volume d’emploi interne, mais souvent dans le cadre de plans sociaux et de départs volontaires qui ont atténué les conséquences sociales des mesures prises vis-à-vis des titulaires de contrats stables. Graphique 8 : Part du chômage partiel ou technique dans l’emploi de 2003 à 2010 Données en moyenne trimestrielle corrigées des variations saisonnières, en % 1,2
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0 2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
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Champ : Population des ménages de France métropolitaine. Source : Enquêtes Emploi, Insee.
Autre forme particulière d’emploi, l’emploi à temps partiel représente une proportion croissante des emplois en 2009 après avoir baissé en 2008 (graphique 9). Au sein des emplois à temps partiel, la composante du sous-emploi que représente le temps partiel subi s’accroît également en 2009. Comme de son côté le chômage partiel s’étend fortement à partir du deuxième semestre 2008, le sous-emploi dans son ensemble est en hausse sensible sur toute l’année 2009 et encore au début de 2010. Les hommes ont été plus touchés que les femmes par la crise, en lien avec les réductions d’emplois dans l’industrie, la construction et l’activité d’intérim. Selon l’âge, les pertes d’emplois affectent à la fois les jeunes et les 25-50 ans alors que les taux d’emploi des plus âgés ont continué à progresser, surtout si l’on mesure ces derniers en recourant au concept plus pertinent de taux d’emploi « sous-jacent » qui corrige l’effet de la structure démographique (graphique 10).
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■ Olivier Marchand et Claude Minni
Graphique 9 : Part des temps partiels dans l’emploi salarié de 2003 à 2010 Données en moyenne trimestrielle corrigées des variations saisonnières, en % 19
18
17
16 2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
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Champ : Salariés des ménages de France métropolitaine. Source : Enquêtes Emploi, Insee.
Graphique 10 : Taux d’emploi par sexe et âge de 2003 à 2010 Données en moyenne trimestrielle corrigées des variations saisonnières, en % 85
75
65
55 15-64 ans
15-64 ans /hommes
15-64 ans /femmes
15-24 ans
25-54 ans
55-64 ans s ous -jac ent
45
35
25 2003
2004
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Champ : Population des ménages de France métropolitaine. Source : Enquêtes Emploi, Insee.
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2.2. Les flux L’analyse quantifiée des évolutions des flux d’emplois trimestriels ne peut actuellement être menée de façon rigoureuse à partir de l’enquête Emploi du fait de difficultés d’ordre méthodologique. Toutefois, il est possible de commenter qualitativement ces évolutions des entrées-sorties de l’emploi au cours des années 2008-2009. Les transitions emploi-chômage ont été relativement stables de 2003 à 2007, avec même une baisse marquée au cours de la dernière année. Mais à partir du quatrième trimestre de cette année 2007, les pertes d’emplois gonflent sensiblement, passant progressivement d’un rythme trimestriel de moins de 400 000 actifs à environ 500 000. Au cours des deux années 2008 et 2009, cette reprise s’alimente essentiellement de fins de CDD et surtout de fins de mission d’intérim. Par contre, les ruptures de CDI augmentent très peu. En sens inverse, les transitions chômage vers emploi reculent au second semestre 2007 et surtout durant l’année 2008, avant de reprendre un peu en 2009, mais beaucoup plus sur des emplois précaires (notamment d’intérimaires) que sur des postes stables, et plus souvent aussi qu’auparavant vers des situations de sousemploi. Comme les flux de l’emploi vers l’inactivité ou de l’inactivité vers l’emploi évoluent de façon beaucoup plus régulière sur toutes ces années, on voit que la dégradation de l’emploi de 2008 résulte en grande partie de la conjugaison de destructions accélérées d’emplois temporaires et de moindres recrutements, tandis qu’en 2009 la légère reprise de ces recrutements vient quelque peu atténuer l’effet des suppressions d’emplois qui se poursuivent. Ces informations issues de l’enquêtes Emploi sont confortées par les données sur les mouvements de main-d’œuvre venant de la DARES et portant sur les établissements de dix salariés ou plus hors emplois intérimaires et transferts entre établissements d’une même entreprise (graphiques 11 à 13) : le taux d’entrée moyen dans les établissements de dix salariés ou plus a plongé à partir de la fin 2007 pour passer en dessous du niveau du taux de sortie à l’automne 2008. Bien que les deux taux remontent à partir du premier semestre 2009, le solde reste négatif jusqu’au quatrième trimestre 2009, dernier point connu. Les variations affectant les entrées dans l’emploi (forte baisse en 2008 suivie d’une légère remontée à partir du printemps 2009) seraient encore plus fortes si l’intérim était pris en compte. Les recrutements sur CDI s’effondrent également à la rentrée 2008 mais ne reprennent pas en 2009. S’agissant des sorties de l’emploi, la montée observée dans les statistiques sur les mouvements de main-d’œuvre apparaît plus précoce (mi 2006mi 2007) que celle décrite par l’enquête Emploi et les motifs de ces sorties diffèrent quelque peu entre les deux sources : dans la source administrative, les effets de la crise se font particulièrement sentir à travers la forte baisse des démissions et l’augmentation des licenciements économiques.
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■ Olivier Marchand et Claude Minni
Graphique 11 : Mouvements de main-d’œuvre dans les établissements de 10 salariés ou plus de 2003 à 2009 Données trimestrielles corrigées des variations saisonnières, en % de l’emploi en début de trimestre 11,5
11,0
10,5 Taux d'entrée Taux de s ortie 10,0
9,5
9,0 2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Champ : Établissements de 10 salariés ou plus du secteur concurrentiel de France métropolitaine, hors emplois intérimaires et transferts entre établissements d’une même entreprise. Source : DMMO-EMMO, Dares.
Graphique 12 : Taux d’entrée en CDD et CDI de 2003 à 2009 Données trimestrielles corrigées des variations saisonnières, en % de l’emploi en début de trimestre 4,0
9,0
3,5
8,5 Taux d'entrée en CDI (éc h. gauc he)
3,0
8,0
2,5
7,5
2,0
7,0 Taux d'entrée en CDD (éc h. droite)
1,5
6,5
1,0
6,0 2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Champ : Établissements de 10 salariés ou plus du secteur concurrentiel de France métropolitaine, hors emplois intérimaires et transferts entre établissements d’une même entreprise. Source : DMMO-EMMO, Dares.
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LE MARCHÉ DU TRAVAIL DANS LA CRISE : UN CADRAGE STATISTIQUE ■
Graphique 13 : Taux de sortie pour fin de CDD, démission et licenciement économique de 2003 à 2009 Données trimestrielles corrigées des variations saisonnières, en % de l’emploi en début de trimestre
7,8 3,2 Taux de s ortie pour fin de CDD (éc helle de droite)
2,8
7,4
2,4 7,0
Taux de dém is s ion (éc helle de gauc he)
2,0
6,6
1,6 1,2
6,2
0,8 5,8
Taux de s ortie pour lic enc iem ent éc onom ique (éc helle de gauc he)
0,4 0,0
5,4 2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Champ : Établissements de 10 salariés ou plus du secteur concurrentiel de France métropolitaine, hors emplois intérimaires et transferts entre établissements d’une même entreprise. Source : DMMO-EMMO, Dares.
3. Analyse fine des évolutions du chômage 3.1. Les stocks L’aggravation du chômage, liée au retournement conjoncturel du printemps 2008 et aux destructions nettes d’emplois qui en découlent, marque surtout la période allant de la rentrée 2008 à la fin de l’année 2009. Les nouveaux chômeurs sont plutôt des hommes que des femmes (cf. les secteurs particulièrement touchés de l’industrie et de la construction) et plutôt des jeunes que des « adultes », en particulier parmi les moins qualifiés d’entre eux (graphiques 14 et 15). Comme souvent lors des phases récessives, les victimes de l’ajustement ont été les « outsiders » sur le marché du travail. Mais, fait nouveau par rapport aux années 1992-1994 ou 2001-2003, le taux de chômage des seniors s’est accru cette fois-ci pratiquement autant que celui des actifs de 25 à 50 ans : + 1,8 point contre + 2 points entre le premier trimestre 2008 et le quatrième trimestre 2009. Quant aux jeunes, leur taux de chômage a augmenté de + 6,4 points sur la même période, soit nettement plus que pour les adultes (même en tenant compte de la différence de niveau), phénomène habituel en phase de dégradation de la conjoncture économique.
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Graphique 14 : Taux de chômage au sens du BIT selon le sexe de 1990 à 2010 Données en moyenne trimestrielle corrigées des variations saisonnières, en % 13 12
F em m es
11 10 E ns em ble 9 8 Hom m es 7 6 5
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
Champ : Population des ménages de France métropolitaine. Source : Enquêtes Emploi, Insee.
Graphique 15 : Taux de chômage au sens du BIT par tranche d’âge de 1990 à 2010 Données en moyenne trimestrielle corrigées des variations saisonnières, en %
25 15-24 ans 20
15 E ns em ble
10
25-49 ans 5
50 ans et plus
0 1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
Champ : Population des ménages de France métropolitaine. Source : Enquêtes Emploi, Insee.
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Autre effet de la crise, le chômage de longue durée, dont la part s’est allégée dans un premier temps avec les inscriptions massives de nouveaux chômeurs, explose en 2009 ce qui reflète bien l’accroissement des durées de chômage. Le nombre de chômeurs de plus d’un an d’ancienneté augmente ainsi de près d’un tiers entre 2008 et 2009 et leur part parmi l’ensemble des chômeurs passe de 32,5 % début 2009 à 39,1 % début 2010 (graphique 16). Ce mouvement qui va se poursuivre en 2010 illustre bien l’acuité de la question des chômeurs arrivant actuellement en fin de droits et n’ayant pas, pour une proportion significative d’entre eux, d’autres ressources de remplacement. Graphique 16 : Part du chômage de longue durée de 2003 à 2010 Données en moyenne trimestrielle corrigées des variations saisonnières, en % 45
40
35
30 2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Champ : Chômeurs au sens du BIT des ménages de France métropolitaine. Note de lecture : Au deuxième trimestre 2009, 39,3 % des chômeurs sont au chômage depuis plus d’un an. Source : Enquêtes Emploi, Insee.
3.2. Les flux De façon symétrique à la question des flux d’emplois, l’enquête Emploi permet d’observer les entrées et les sorties du chômage. Comme on l’a vu, la hausse des entrées dans le chômage a été alimentée, surtout en 2008, par les sorties plus nombreuses de l’emploi, notamment en provenance de l’intérim. Cette hausse s’explique également par l’accroissement du nombre de personnes passant de l’inactivité au chômage, des jeunes pour la plupart. Mais on observe aussi que les effectifs des personnes qui restent au chômage entre un trimestre et le suivant se sont beaucoup accrus en 2008 et 2009, ce qui renvoie aux commentaires sur l’évolution du chômage de longue durée qui précèdent.
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■ Olivier Marchand et Claude Minni
Du côté des sorties du chômage, leurs variations tiennent plus à celles des sorties vers l’emploi qu’à celles des sorties vers l’inactivité : net recul en 2008 précédant l’augmentation des entrées, puis légère reprise en 2009. Mais, comme on l’a dit à propos des flux d’emplois, la qualité des emplois ainsi retrouvés s’est dégradée du point de vue à la fois des statuts d’emploi et des durées travaillées. Les mobilités opérées, qu’il y ait eu ou non passage par le chômage, sont de plus en plus subies (cf. complément C au rapport au Conseil d’analyse économique de M. Lemoine et E. Wasmer sur les mobilités des salariés). Tout ceci est cohérent avec les statistiques de flux en provenance de Pôle emploi, qui permettent en particulier de suivre trimestriellement les motifs de sortie des demandeurs d’emploi : en décembre 2009 (derniers chiffres connus), 44,0 % des demandeurs sortis des listes ont repris un emploi, soit - 6,4 points de moins qu’en décembre 2007 (tableau 1 et graphique 17). Parmi ces demandeurs, 28,7 % ont retrouvé un CDI (contre 31,3 % un an auparavant) et 10 % un contrat aidé (contre 6,9 %) ; de plus 27,6 % d’entre eux occupent maintenant un emploi à temps partiel, soit 2,7 points de plus qu’en septembre 2008. Au total, la forte augmentation du chômage enregistrée en 2008 et 2009 s’explique donc par davantage d’entrées, moins de sorties et, parmi elles, moins de sorties vers l’emploi. En outre ces sorties « positives » s’effectuent vers des emplois de moindre qualité, générateurs de chômage récurrent. Graphique 17 : Taux de sortie pour reprise d’emploi des inscrits à Pôle emploi en catégorie A, B et C de décembre 2002 à décembre 2009 En % 7,0
6,5
6,0
5,5
5,0
4,5
dec -09
juin-09
s ept-09
déc -08
m ars -09
juin-08
s ept-08
déc -07
m ars -08
juin-07
s ept-07
déc -06
m ars -07
juin-06
s ept-06
déc -05
m ars -06
juin-05
s ept-05
déc -04
m ars -05
juin-04
s ept-04
déc -03
m ars -04
juin-03
s ept-03
déc -02
m ars -03
4,0
Champ : Sortants dans le dernier mois du trimestre des listes de Pôle emploi en catégories A, B et C de France métropolitaine présents sur les listes à la fin du trimestre précédent. Note de lecture : 4,8 % des inscrits à Pôle emploi en catégories A, B et C à la fin de septembre 2009, sont sortis des listes fin décembre 2009 et ont repris un emploi à la sortie. Source : Enquête sortants Dares-Pôle Emploi.
78
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En %
déc-0 7 E n se m b le
4 58 3 0 0
m ars-0 8 451 500
ju in -08
sept-08
déc-0 8
432 300
424 800
4 0 8 900
m a rs-0 9 431 700
juin-09
sept-0 9
dec-0 9
461 900
459 600
4 81 1 0 0
R ep rise d 'e m p lo i F orm a tio n R etra ite , D R E A rrê t de re cherche d'em ploi te m p oraire N o n -re n o u ve lle m e n t vo lo n ta ire d e la d e m an d e N on-renouvelle m ent accidentel de la dem ande D é faut d'actualisation suivi d'une ré in scrip tion R a d ia tio n a d m inistra tive A u tre m o tif de sortie
5 0 ,4 9 ,6 2 ,5 7,6 2 ,8 5 ,6 14,7 2 ,2 4,6
5 2 ,2 1 0 ,5 2 ,3 8 ,0 2 ,9 5,7 11,8 2 ,2 4 ,1
4 9 ,0 1 1 ,1 2 ,1 8 ,0 3 ,0 6 ,0 1 4 ,5 2 ,4 3,9
4 7 ,6 1 0 ,3 2 ,0 7 ,7 3 ,0 6,9 1 6 ,0 2 ,1 4 ,4
4 4 ,9 1 1 ,5 2 ,7 7 ,9 2 ,9 6 ,3 1 6 ,9 2 ,1 4,7
4 3 ,6 1 0 ,0 1 ,5 7 ,7 3 ,6 7,6 1 9 ,3 2 ,0 4 ,6
4 5 ,7 9 ,7 1 ,7 7 ,6 3 ,3 7 ,9 1 7 ,6 1 ,7 4,7
4 4 ,2 9 ,5 1 ,8 7 ,6 3 ,2 9,0 18 ,1 1 ,7 5 ,0
4 4 ,0 1 0 ,9 2 ,3 7 ,7 3 ,0 8 ,1 1 7 ,9 1 ,8 4,2
Ensemble
100
100
100
100
100
100
100
100
100
79
Source : Enquête sortants Dares-Pôle emploi.
LE MARCHÉ DU TRAVAIL DANS LA CRISE : UN CADRAGE STATISTIQUE ■
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Tableau : Sorties des listes de Pôle Emploi par motif réel
■ Olivier Marchand et Claude Minni
■ Conclusion
La crise économique de 2008-2009, la plus importante que la France ait connue depuis la Seconde guerre mondiale, a eu un impact important sur la situation de l'emploi mais, relativement au repli de la production, les destructions d'emplois que l'on a observées ont été moindres cette fois-ci que lors de la récession de 1992-1993. L'adaptation s'est opérée tout d'abord par des mesures de flexibilité externe, à travers notamment une réduction drastique de l'activité intérimaire. Les entreprises ont ensuite recouru à des mesures de flexibilité interne portant sur le temps de travail, en particulier en utilisant de façon assez massive les dispositifs de chômage partiel. Enfin, elles ont pu réduire le volume d'emploi interne, mais avec des conséquences moins graves pour les titulaires de contrats stables. Le coût de la crise a donc été en bonne partie supporté par la frange la plus jeune et la moins qualifiée de la population active, celle qui connaît le plus l'emploi précaire, le sous-emploi et le chômage récurrent. En outre, on observe une dégradation moyenne de la qualité des emplois retrouvés, à la fois du point de vue des statuts d'emploi et des durées travaillées.
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Les négociations collectives et les politiques publiques face aux « conséquences sociales » de la crise économique Jacques Freyssinet Professeur émérite Paris I
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Une critique souvent adressée au système français de négociation collective est qu’il répondrait à une logique de protection des droits des insiders et laisserait à l’État la charge de la gestion sociale des outsiders. La récession économique qui éclate en 2008 constitue une expérience significative puisque le partage des responsabilités est remis en question sous l’impact d’un choc brutal. Même si l’on acceptait le dualisme insiders/ outsiders à titre de première approximation, l’expérience des années 2008 et 2009 ne validerait pas l’hypothèse d’un partage des tâches entre « partenaires sociaux » et État. Dans presque tous les domaines, les dossiers sont négociés « à trois » et les financements sont combinés. Plus que l’hypothèse d’un partage hiérarchisé des publics, c’est celle d’un tripartisme masqué que nous retiendrons. De ce fait, le degré de complexité et d’irrationalité des modes d’intervention et de financement s’est sensiblement accru. Aujourd’hui, chacune des fonctions est partagée entre les différents acteurs avec des cofinancements multiformes. Ce système fractionné est soumis à des logiques parfois contradictoires qui sont définies par des acteurs faiblement coordonnés. Les frontières entre dispositifs sont arbitraires et instables. Les droits et statuts des personnes couvertes (ou non couvertes) sont hétérogènes et se révèlent incompatibles avec une gestion maîtrisée des transitions professionnelles. On mesure l’ampleur des lacunes, des gaspillages d’efforts et de ressources, ainsi que des inégalités injustifiées qui résultent de cet empilement d’initiatives disparates. Mots clés : Syndicats. Négociation collective, Politiques publiques.
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■ Jacques Freyssinet
Introduction Problématique Une critique souvent adressée au système français de négociation collective est qu’il répondrait à une logique de protection des droits des insiders et laisserait à l’État la charge de la gestion sociale des outsiders. Cette thèse a notamment été défendue à propos de l’indemnisation chômage à partir de l’ANI 1 du 24 février 1984 qui instaurait une dualité entre le régime paritaire d’assurance et le régime public de solidarité 2. Elle a trouvé une seconde illustration à propos de la formation professionnelle continue. Les dispositifs nés de la négociation collective y ont longtemps bénéficié aux seuls salariés (et spécialement aux travailleurs qualifiés des grandes entreprises), tandis que les chômeurs étaient renvoyés à des dispositifs publics. Plus largement, une position constamment tenue par le patronat et souvent reprise par les syndicats affirme la légitimité et la nécessité d’un partage des responsabilités entre d’une part, les fonctions qui relèvent d’un financement assis sur la masse salariale et de normes fixées par la négociation collective et, d’autre part, celles qui doivent reposer sur un financement et une gestion par l’État. Une manifestation récente en est apparue dans le débat relatif à la responsabilité de prise en charge des chômeurs en fin de droits. On peut s’interroger sur les fondements théoriques de ce découpage dont on observe qu’il est aussi instable dans le temps que variable selon les pays. Cependant, quel que soit son caractère arbitraire, les acteurs politiques et sociaux semblent en accepter le principe et ne débattre que du tracé de la frontière. Sous cet aspect, il est instructif d’observer les moments où le partage des responsabilités est remis en question sous l’impact de chocs exogènes à la sphère de régulation sociale : les décisions prises par les différents acteurs révèlent alors la conception qu’ils ont de leurs responsabilités respectives, ainsi que la fonction de préférence implicite qui commande la répartition de leurs ressources. La récession économique qui éclate en 2008 constitue un exemple significatif du fait de la brutalité et de l’ampleur de son impact. Contexte Au troisième trimestre 2008, les acteurs politiques et sociaux prennent tardivement conscience de la gravité de la crise économique. Parallèlement aux mesures de sauvetage du système financier, puis de relance économique, des dispositifs de gestion sociale sont mobilisés. Leur mise en œuvre est conditionnée, infléchie et parfois ralentie, d’une part, par les modes spécifiques de production des 1. Accord national interprofessionnel. 2. Avant 1958, l’indemnisation du chômage reposait sur le seul régime de l’aide publique. L’ANI du 31 décembre 1958 y avait ajouté un régime complémentaire d’assurance. La loi du 16 janvier 1979 avait opéré la fusion des deux régimes (Daniel, Tuchszirer, 1999).
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LES POLITIQUES PUBLIQUES FACE AUX « CONSÉQUENCES SOCIALES » DE LA CRISE ÉCONOMIQUE ■
normes et des instruments d’action en matière d’emploi, d’autre part, par l’effet d’inertie résultant des choix de la période antérieure. La régulation de l’emploi s’opère en France depuis une quarantaine d’années par l’intermédiaire d’une imbrication de plus en plus complexe et multiforme de l’action publique et de la négociation collective (Freyssinet, 2010). Tantôt, l’État contraint les acteurs sociaux à la négociation. Tantôt, il les y incite et s’engage par avance, plus ou moins clairement, à en valider les résultats. Tantôt encore, les acteurs sociaux prennent l’initiative d’une négociation pour prévenir une intervention de l’État ou tenter d’en infléchir le contenu. Souvent, les interactions sont moins asymétriques : une négociation entamée voit sa conclusion suspendue à des engagements qu’acceptera de prendre l’État ; une négociation bloquée reprend sous la menace d’une intervention publique… La loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007 définit pour la première fois une procédure d’articulation entre la production des normes légales et celle des normes négociées au niveau interprofessionnel. Si elle introduit un certain degré de transparence, elle ne peut faire oublier que les accords interprofessionnels sur l’emploi sont toujours, dans une mesure variable, les conséquence d’arrangements tripartites partiellement consensuels et partiellement conflictuels, partiellement explicités et partiellement masqués. La nature des compromis est étroitement dépendante de la conjoncture du marché du travail. L’expérience de la période qui va de l’été 2008 et à l’été 2010 confirme ce constat tiré d’une longue histoire. Dans la période qui précède la crise économique, la phase de forte réduction du taux de chômage a fait sentir ses effets. —En premier lieu, elle a permis au gouvernement d’accélérer la réduction du volume d’emplois aidés, notamment non marchands, au profit de mesures générales censées stimuler la demande de travail (telles les exonérations de charges sociales patronales), puis l’offre de travail (tels les avantages fiscaux et sociaux aux salariés pour les heures supplémentaires). La récession éclate alors que cette politique est en pleine action. —En second lieu, l’hypothèse de difficultés croissantes de recrutement et à terme le risque de pénuries de main-d’œuvre qualifiée a déterminé la stratégie patronale lors de la négociation de l’ANI sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008. Le développement des mécanismes de mobilité interne et externe en échange de contreparties sur la sécurisation des parcours professionnels a été au centre du compromis. (Fabre, Lefresne, Tuchszirer, 2008 ; Freyssinet, 2007). Les négociations interprofessionnelles qui s’engagent à l’automne 2008 doivent mettre en œuvre les orientations définies dans l’accord du 11 janvier ; les négociateurs sont pris à contre-pied par le renversement de la conjoncture.
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Méthode Compte tenu de leur interdépendance, il serait absurde de dissocier l’analyse des mesures décidées par l’État de celles qui ont été négociées au niveau interprofessionnel entre patronat et syndicats. De plus, il est difficile dans le second cas de distinguer, fin 2008 et début 2009, entre ce qui relève de la mise en œuvre de l’ANI du 11 janvier 2008 et ce qui traduit une réaction immédiate à la dégradation du marché du travail. Enfin, il est malaisé de tenter de distinguer selon les objets ou champs d’intervention tant les chevauchements sont nombreux. C’est cependant cette dernière option qui est retenue ici sur la base de l’observation des processus de prise de décision. Selon ce critère, quatre « blocs » peuvent être distingués : la gestion sociale du chômage, la formation professionnelle continue, les emplois aidés, enfin, la question logiquement transversale, mais dans les faits largement autonomisée, de l’insertion des jeunes. Pour terminer, nous traiterons de la création d’un instrument global et présenté comme transitoire pour gérer les aspects sociaux de la crise : le Fonds d’investissement social (FISO). L’analyse qui est proposée porte sur le mode de production des normes et des dispositifs ainsi que sur leur contenu. Les difficultés ne doivent pas être sousestimées. — Nous ne disposons que d’une période d’observation relativement brève (deux ans) au cours de laquelle s’imbriquent la poursuite par inertie d’évolutions antérieures et l’émergence progressive d’orientations nouvelles. Les enseignements esquissés ont un caractère provisoire. — L’appréciation des normes et dispositifs ne peut se limiter à l’examen de leur contenu. Elle exige une évaluation de leur effectivité. Un travail délicat d’interprétation des données statistiques doit fournir des éléments de diagnostic sur l’impact respectif des dispositifs publics et des dispositifs négociés à l’égard des différentes catégories du salariat. L’annexe IV de cet article, rédigée par Olivier Marchand et Claude Minni fournit ces éléments. — L’effet des dispositifs nationaux est partiellement déterminé par les stratégies ou comportements des acteurs décentralisés, en particulier les branches, les territoires et les entreprises. Ce serait l’objet d’une autre étude pour laquelle, à ce jour, très peu d’informations sont disponibles 3.
1. Le chômage La gestion de l’accroissement brutal du chômage crée un chantier où l’on voit de manière typique s’imbriquer la mise en œuvre de mesures prises dans un contexte d’avant crise et l’adjonction de dispositions adoptées dans l’urgence et souvent présentées comme temporaires. Les changements concernent principalement l’accompagnement des chômeurs, l’indemnisation du chômage stricto sensu, les reclassements après licenciements économiques et le chômage partiel. 3. Voir cependant sur ce point l’annexe 1.
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1.1. L’accompagnement des chômeurs Dans ce premier domaine, l’initiative revient totalement au gouvernement (Rousseau, 2009) ; elle est antérieure à l’éclatement de la crise. La loi du 13 janvier 2008 impose la fusion de l’ANPE et des Assédic. Elle implique le transfert au futur Pôle emploi de la quasi-totalité des mesures d’accompagnement des demandeurs d’emploi, désormais partiellement financées par un transfert forfaitaire des ressources de l’Unédic 4. Une conséquence majeure en est la disparition de certains dispositifs jusqu’alors réservés aux seuls bénéficiaires de l’assurance. Tous les demandeurs d’emploi ont désormais les mêmes droits dans ces domaines, ce qui constitue un facteur positif de réduction des inégalités. La loi du 1er août 2008 introduit la notion d’offre raisonnable d’emploi qui permet un durcissement du contrôle de la disponibilité des demandeurs d’emploi. Formellement, cette mesure est postérieure à la récession, mais elle avait été annoncée par le gouvernement dès le 6 mai lors d’une réunion tripartite. Elle reflétait alors une logique antérieure à l’éclatement de la crise. L’impact de cette dernière devrait normalement se traduire par une réduction des radiations pour refus d’offre, conséquence logique du reflux des offres « raisonnables » disponibles. L’effet initialement redouté de radiation d’une fraction des demandeurs d’emploi ne serait, de ce fait, pas observé, au moins dans l’immédiat 5. Les changements intervenus dans les dispositifs d’accompagnement des demandeurs d’emploi ont donc tendu à réduire les inégalités dont étaient victimes les chômeurs non couverts par le régime d’assurance. Il faut y ajouter le fait que le passage du RMI au RSA (infra point 1.2b) devrait entraîner une inscription plus large des bénéficiaires de ce minimum social comme demandeurs d’emploi, donc leur accès à l’offre des prestations d’accompagnement. L’impact de la crise se manifeste d’une autre manière. Il naît de l’engorgement de Pôle emploi et de la baisse de qualité de l’accompagnement qui en résulte et qui risque de frapper plus fortement les demandeurs d’emploi les plus en difficulté. 1.2. L’indemnisation du chômage Longtemps limité au domaine de l’assurance chômage, le débat sur l’indemnisation s’élargit, fin 2009, aux responsabilités de l’État du fait de l’acuité du problème des « fins de droits ». a)Assurance chômage L’ANI du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail se limitait à l’énoncé de quelques principes (simplifier des filières, accorder des indemnisations améliorées mais plus courtes, éviter que le régime des activités réduites ne se 4. À l’exception de mesures d’importance limitée (voir Annexe 2). 5. Selon Pôle emploi, le nombre des personnes radiées pour refus d’offre raisonnable d’emploi se compterait en dizaines.
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transforme en revenu de complément…). Il renvoyait à la négociation spécifique qu’il programmait sur ces thèmes. Celle-ci s’est déroulée dans un tout autre contexte entre le 15 octobre et le 23 décembre 2008. Sous le seul aspect qui nous intéresse ici, celui de l’impact sur les inégalités, ses résultats sont complexes. — L’introduction d’une filière unique avec une durée d’indemnisation égale jour pour jour à la durée de cotisation (entre un plancher et un plafond) est acceptée dans son principe par toutes les organisations, à l’exception de la CGT 6. Les discussions portent sur la durée de la période de référence 7 et sur le coefficient de proportionnalité 8. Le passage de filières discontinues à un principe unique engendre, pour les catégories qui se situaient au voisinage des frontières des anciennes filières, des effets d’allongement ou de restriction des droits à indemnisation. L’effet négatif se concentre sur certaines catégories qui bénéficiaient de durées d’indemnisation relativement longues 9. C’est l’un des principaux arguments avancés par les quatre syndicats qui refusent de signer l’accord. — La réduction de six à quatre mois de la durée minimum de cotisation pour ouvrir droit à prestations constitue une indiscutable avancée au bénéfice des travailleurs les plus précaires. — La prime forfaitaire pour les jeunes non indemnisés, prévue par l’article 3 de l’ANI du 11 janvier, disparaît. Le patronat avait proposé dans la négociation plusieurs versions d’une prime remboursable qui aurait été versée aux jeunes ayant travaillé cinq, puis quatre mois. Lorsqu’il accepte la réduction à quatre mois de la durée minimum d’affiliation pour l’ensemble des chômeurs, il retire du projet d’accord la prime forfaitaire pour les jeunes 10. — Pour les activités réduites ou occasionnelles, le patronat abandonne ses propositions initiales visant à restreindre les possibilités d’accès à l’indemnisation. Un groupe de travail sera créé pour étudier la question 11. — En ce qui concerne le chômage saisonnier, les dispositions restrictives introduites par l’ANI de 2005 sont supprimées 12. 6. La CGT propose l’introduction de deux filières. La première, réservée aux salariés précaires (moins de 12 mois d’affiliation au cours des 60 derniers mois), appliquerait le principe un jour de cotisation = un jour d’indemnisation. La seconde assurerait cinq ans d’indemnisation aux chômeurs ayant cotisé douze mois d’affilée. Un fort dualisme serait ainsi créé au sein du régime puisque le douzième mois d’affiliation pourrait apporter quatre années d’indemnisation additionnelle. 7. Finalement fixée à 28 mois (ou 36 mois pour les salariés de 50 ans et plus). 8. Le patronat proposait 4 jours d’indemnisation pour 5 jours de cotisation. 9. Une controverse éclate sur le nombre de chômeurs dont les droits seront réduits. Ils sont potentiellement concentrés dans les filières 3 et 4. Pour la filière 3 (moins de 50 ans, au moins 16 mois d’affiliation dans les 26 derniers mois), le droit était de 23 mois ; seront perdants tous ceux dont la durée d’affiliation sera inférieure à 23 mois dans les 28 derniers mois. Pour la filière 4 (plus de 50 ans, au moins 27 mois d’affiliation dans les 36 derniers mois), le droit était de 36 mois ; seront perdants ceux qui auront plus de 27 mais moins de 36 mois d’affiliation dans les 36 derniers mois. 10. Formellement, cette position est en contradiction avec la rédaction de l’article 3.d de l’ANI du 11 janvier : « Il est instauré pour les jeunes de moins de 25 ans, involontairement privés d’emploi et ne remplissant pas les conditions de durée d’activité antérieure ouvrant l’accès aux allocations du régime d’assurance chômage, une prime forfaitaire servie par celui-ci » (Souligné par nous). 11. Il ne semble pas avoir été mis en œuvre. 12. Cet accord limitait à trois le nombre de périodes successives de versement des allocations ; il était donc sur le point de commencer à faire effet.
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— Notons enfin que, conformément à sa position de principe inchangée, le patronat rejette d’entrée une nouvelle fois la proposition faite par la CGT, la CGT-FO et la CFTC d’introduire une sur-cotisation sur le travail précaire. Il s’agit pour ces organisations d’en pénaliser, donc d’en décourager l’usage. La CFDT ne s’associe pas à cette demande en considérant qu’elle pénaliserait les sous-traitants au bénéfice des grandes entreprises qui transfèrent sur eux la gestion de la précarité. Sans porter ici un jugement d’ensemble sur l’ANI du 23 décembre 2008 13, soulignons que, du point de vue des droits à l’assurance, il va dans le sens d’une réduction des inégalités entre travailleurs stables et travailleurs précaires puisque, dans le cadre d’un taux de cotisation inchangé 14, il réduit les droits d’une fraction des salariés relativement stables au bénéfice des précaires et des saisonniers 15. Les interventions ultérieures du gouvernement renforcent cette tendance. — Dans le cadre de la procédure de l’agrément, il est conduit à reconnaître la validité de l’argument d’illégalité avancé par la CGT-FO contre la disposition restrictive concernant les réinscriptions de travailleurs précaires 16. Le seuil minimum de 4 mois de cotisation pourra donc redonner des droits à indemnisation sans contrainte additionnelle. — À la suite du sommet social du 18 février 2009, le gouvernement crée pour une période de 12 mois une prime de 500 euros pour les demandeurs d’emploi ayant travaillé entre deux et quatre mois dans les 28 mois précédant leur entrée au chômage. Sans être limitée aux jeunes, cette mesure a de fait pour objet de compenser le non respect dans l’ANI du 23 décembre 2008 de l’engagement qui avait été pris à leur égard dans l’ANI du 11 janvier 2008 17. b) Minima sociaux Si l’intervention du gouvernement est déterminante quant à la mise en œuvre de l’ANI sur l’assurance chômage, il n’apporte, en revanche, aucune amélioration dans le régime de solidarité malgré les demandes de revalorisation présentées par les acteurs sociaux, en particulier dans le cadre de l’ANI du 8 juillet 2009 sur « la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l’emploi » 18. Un changement majeur est intervenu dans un autre domaine avec la création du RSA qui entre en vigueur le 1er juin 2009 et qui constitue de facto un nouveau régime d’indemnisation du chômage et du sous-emploi 19. 13. Signé, du côté syndical, par la seule CFDT. 14. Et dont la réduction au 1er juillet 2009 a même été un moment envisagée. 15. Ce qui explique la critique de certains syndicats sur le thème : « Il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul ». 16. Afin d’apaiser les craintes de la CGPME, qui redoutait une ruée des étudiants additionnant des petits boulots de vacances, l’ANI prévoyait qu’en cas d’indemnisation sur la base de quatre mois, une réouverture des droits dans les douze mois suivants exigerait une nouvelle durée d’affiliation préalable d’au minimum six mois 17. Pour des raisons diverses, l’impact de cette mesure sera très faible. Au total, 40 000 primes auraient été versées entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2010. 18. Accord signé par toutes les organisations sauf la CGT. 19. Même s’il jouait déjà partiellement ce rôle, l’accès au RMI n’était soumis (théoriquement) qu’à l’obligation de signature d’un contrat d’insertion ; l’inscription à l’ANPE ne constituait qu’une option.
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Ici encore, nous ne sommes pas en présence d’une initiative conçue pour faire face à la crise. Centré sur l’incitation à la reprise d’emploi, le RSA s’insère dans le cadre prégnant des politiques d’activation des chômeurs et des inactifs. En 2007 et début 2008, ces politiques répondent aux craintes relatives à des difficultés croissantes de recrutement, voire à des pénuries de main-d’œuvre à moyen terme. Si la loi du 1er décembre 2008 intervient après l’éclatement de la crise, c’est pour généraliser sans en modifier le principe un dispositif instauré en août 2007 à titre expérimental par la loi TEPA. Une innovation essentielle du RSA, relativement aux minima sociaux auxquels il se substitue, est de poser le principe que ses bénéficiaires sont soumis à l’obligation de recherche d’emploi 20. Le rapport intermédiaire du comité d’évaluation du RSA 21 esquisse un inventaire des questions posées par la transformation du contexte, en particulier par le fait que, conçu pour renforcer l’incitation à la reprise d’emploi, le RSA a vu paradoxalement sa partie « socle » se développer initialement aux dépens de sa partie « chapeau ». c) Chômeurs en fin de droits La question des responsabilités respectives des différents mécanismes d’indemnisation est une nouvelle fois posée à propos du problème des chômeurs en fin de droits. Il convient de l’examiner en détail puisqu’il s’agit d’une illustration typique des débats sur le partage des responsabilités entre État et partenaires sociaux 22. À l’origine, l’assurance chômage créée par l’ANI du 31 décembre 1958 s’inspire de l’expérience des systèmes de retraite. Le régime paritaire constitue un régime complémentaire de l’aide publique aux chômeurs ; les signataires de l’ANI revendiquent simultanément la généralisation de cette dernière 23. En 1978, une première crise financière de l’assurance chômage aboutit à la loi du 16 janvier 1979 qui unifie les deux régimes, public et paritaire, et en confie la gestion à l’UNEDIC. En 1982, une seconde crise financière conduit, après diverses péripéties, à la création en 1984 d’un système dualiste dans lequel ceux des chômeurs qui sont indemnisés relèvent soit du régime paritaire d’assurance, soit à défaut du régime public de solidarité. Le patronat a imposé cette conception contre la position initialement unanime des organisations syndicales. Selon lui, il existerait deux types de chômage. Le premier correspondrait aux restructurations et aux mobilités indispensables au bon fonctionnement du marché du travail ; il relèverait d’un financement par cotisations sur une assiette salariale et d’une gestion paritaire. Le second résulterait d’un déficit global d’emplois et des phénomènes de 20. Cette obligation devient, dans le régime « chapeau », celle de rechercher un autre emploi dès lors que le revenu de l’emploi occupé est inférieur à un minimum fixé par décret (500 euros selon le décret du 15 avril 2009).Dans le régime « socle », l’obligation de recherche d’emploi n’est suspendue qu’à titre exceptionnel et temporaire en cas de difficultés sociales majeures (Rousseau, 2009). 21. aef .info, Dépêche n° 125015, 23/12/09. 22. Nous n’évoquons pas ici la controverse prolongée sur l’évaluation du nombre prévisible de chômeurs en fin de droits sans autres ressources. 23. Ce qu’ils n’obtiendront qu’en 1967.
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marginalisation ou d’exclusion du marché du travail qui en résultent ; il relèverait de la solidarité nationale et d’une prise en charge par l’État. On peut se demander si progressivement les organisations syndicales ne se sont pas ralliées, avec des formulations différentes, à cette thèse du partage des responsabilités. La perspective de l’épuisement des droits à l’assurance pour plus d’un million de chômeurs au cours de l’année 2010 relance le débat. Depuis 1984, l’accès au régime dit de solidarité a été durci avec, en particulier, l’exigence de cinq années d’emploi au cours des dix dernières années. De nombreux sortants de l’assurance ne bénéficient donc pas de l’allocation dite de solidarité 24. L’ANI du 8 juillet 2009 sur « la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l’emploi » avait prévu la création d’un groupe de travail sur les fins de droits dans le cadre de la deuxième phase de la négociation qui était programmée pour s’ouvrir à la rentrée. En pratique, le sujet ne sera véritablement abordé que les 5 et 12 février 2010, à la veille d’un sommet social convoqué à l’Elysée. Aucun accord ne se dégage alors, sauf pour prolonger d’un an la CRP et pour envisager un renforcement du suivi des chômeurs dans les mois qui précèdent leur arrivée en fin de droits. — Le MEDEF affirme d’abord, par la bouche de Laurence Parisot, que le problème des fins de droits est «de la compétence exclusive du gouvernement » 25. Après le sommet social du 15 février, il réclame des analyses statistiques plus approfondies et accepte le principe d’un financement partagé entre l’État et l’Unédic, mais refuse l’allongement des droits à l’assurance. — La CGPME propose un an d’exonération des charges sociales patronales pour l’embauche de chômeurs en fin de droits. — La CGT demande la prolongation des droits à l’assurance, l’accès à l’allocation de solidarité spécifique (ASS) de tous les chômeurs sans revenu, la prolongation en 2010 de l’allocation équivalent retraite (AER) et de l’allocation de fin de formation (AFF) 26. Le financement serait assuré par une sur-cotisation patronale sur les emplois précaires et l’abandon du bouclier fiscal. — La CGT-FO demande une « bonification » des droits à l’assurance, l’élargissement de l’accès à l’ASS avec revalorisation de celle-ci, ainsi que le maintien de l’AER au minimum pour 2010. — La CFDT refuse l’allongement des droits à l’assurance pour ne pas mettre en cause l’ANI du 23 décembre 2008 qu’elle a été seule à signer du côté syndical. Elle demande l’assouplissement des conditions d’accès à l’ASS et l’amélioration des droits qui s’y rattachent, la pérennisation de l’AER, l’accès au RSA des jeunes de moins de 25 ans sortant de l’assurance sans pouvoir accéder à l’ASS. Le financement serait assuré par suppression du bouclier fiscal et la création d’une 24. Selon les calculs de Pôle emploi, seuls 17 % des sortants de l’assurance bénéficieraient de la solidarité. 25. Conférence de presse du 19 janvier 2010. 26. En fait, il s’agit de l’Allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation (AFDEF) créée en avril 2009 par le gouvernement pour se substituer à l’AFF qu’il avait décidé de supprimer avant l’éclatement de la crise.
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tranche supplémentaire de l’impôt qui porterait sur les hauts revenus. L’État assumerait donc la totalité de la responsabilité 27. — La CFTC propose, outre l’assouplissement temporaire des conditions d’accès à l’ASS et la pérennisation de l’AER, l’offre aux chômeurs en fin de droits d’une formation qualifiante dans le cadre d’une CRP ou d’un CTP aménagé avec maintien de l’indemnisation (infra point 3). Elle se prononce pour un cofinancement assuré par l’Unédic, l’État, les collectivités territoriales et les fonds de la formation. Le gouvernement, par la bouche de Laurent Wauquiez, secrétaire d’État à l’Emploi, estime d’abord que « l’indemnisation des chômeurs relève avant tout de la responsabilité des partenaires sociaux » 28. Les organisations patronales et syndicales n’ayant pu se mettre d’accord sur une position commune avant le sommet social du 15 avril, Nicolas Sarkozy peut à cette occasion se borner à renvoyer à l’établissement d’un diagnostic partagé, selon lui encore non réalisé. Il exclut la création d’une nouvelle allocation d’assistance et donne la priorité à la formation rémunérée ou, à défaut, à une allocation avec contrepartie d’activité. Sans plus de précision, il évoque le principe d’un financement commun. Enfin, il donne un accord de principe pour le maintien de l’AER en 2010. Dans le cadre de la négociation sur la gestion sociale des conséquences de la crise sur l’emploi (2e phase), les organisations patronales et syndicales estiment, après une séance tenue le 20 février, être arrivées au terme de leurs discussions et demandent une réunion tripartite. Au cours de cette dernière séance, les divergences se sont précisées. Le patronat n’accepte qu’une participation temporaire et ciblée de l’Unédic ; elle se situerait dans le cadre de formations ou de contrats aidés, en priorité pour les chômeurs de longue durée (CLD). De leur côté, les syndicats refusent : — le financement par l’Unédic des contrats aidés, qu’ils estiment relever de la responsabilité de l’État ; — la limitation du dispositif aux seuls CLD, ce qui impliquerait l’exclusion des salariés jeunes et/ou précaires ; — l’exonération des charges sociales patronales en cas d’embauche d’un chômeur en fin de droits. Cependant toutes les organisations acceptent le principe d’un cofinancement des mesures par l’État et l’Unédic (voire le FPSPP 29). Après plusieurs réunions tripartites stériles, un accord est enfin trouvé le 15 avril entre l’État, les organisations patronales et syndicales, à l’exclusion de la CGT, sur un « Plan de rebond vers l’emploi » susceptible de couvrir 345 000 chômeurs en fin 27. Cependant, la CFDT ne s’oppose pas à ce que l’Unédic contribue de façon transitoire au financement de ces mesures (par exemple, pour le renforcement de l’accompagnement), comme elle le fait pour l’APLD (activité partielle de longue durée). 28. Entretien accordé au Parisien, mardi 19 janvier 2010. 29. Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (infra point 2.2).
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de droits. Le compromis élimine les sources principales de conflit entre les trois parties. — Les contrats aidés sont inclus dans le plan, comme le souhaitait le patronat, mais sont totalement à la charge de l’État, pour tenir compte des objections syndicales 30. — Des formations nouvelles, au nombre de 45 000, sont financées par les fonds paritaires : FPSPP pour les frais pédagogiques, Unédic pour la rémunération. Il s’y ajoute par redéploiement 25 000 formations proposées par Pôle emploi 31. — L’APEC 32 finance, par prélèvement sur ses réserves, 15 000 accompagnements renforcés de cadres. — L’État et l’Unédic financent à parts égales une « aide exceptionnelle de retour à l’emploi » d’une durée de 6 mois et de même niveau que l’ASS. Elle est destinée aux chômeurs qui n’auront pu bénéficier des mesures précédentes, mais qui ne les auront pas refusées 33. On trouve là une réponse temporaire et conditionnelle aux demandes syndicales d’assouplissement des conditions d’accès à l’ASS. Au total, sur 755 millions d’euros de dépenses nouvelles (en incluant l’APEC), 62 % proviennent de ressources paritaires. En l’occurrence, il n’est donc pas possible d’estimer que les acteurs sociaux aient renvoyé sur l’État la responsabilité de la gestion des outsiders. Comme c’est le cas pour le FPSPP, une partie significative des ressources paritaires est affectée aux catégories les plus en difficulté sur le marché du travail. Il est, à l’évidence, impossible d’apprécier dans quelle mesure cette orientation résulte de la volonté des acteurs sociaux ou de la pression exercée sur eux par l’État. 1.3. La gestion sociale des restructurations (CRP, CTP) Les deux principaux dispositifs de gestion socialisée des restructurations 34 connaissent des évolutions différentes : l’indemnisation est améliorée pour les CRP (convention de reclassement personnalisé), tandis le champ géographique est élargi pour les CTP (contrat de transition professionnelle). a) Les CRP n’étaient pas évoquées par l’ANI du 11 janvier 2008 parmi les négociations à venir qu’il programmait. C’est l’éclatement de la crise qui conduit les négociateurs de l’ANI sur l’assurance chômage à y inclure ce dossier. Les syndicats demandent d’une part, un alignement de la durée et du niveau de l’indemnisation sur ceux des CTP 35, d’autre part, des possibilités d’admission en CRP au terme d’un emploi précaire (CDD et intérim) ou après un licenciement non économique. 30. 50 000 CIE (contrats initiative emploi) nouveaux et 120 000 CAE (contrats d’accompagnement dans l’emploi) par redéploiement. 31. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé qu’il solliciterait les régions pour 20 000 formations additionnelles. Les conseils régionaux, qui ont été totalement écartés des négociations, ont fait savoir qu’ils poursuivraient leur propre politique en lien direct avec les autres acteurs régionaux. 32. Association pour l’emploi des cadres. 33. Ce dernier point est la cause principale du refus de signature de la CGT. 34. Pour une présentation d’ensemble : Bobbio, 2009. 35. Soit 80 % du salaire de référence pendant un an.
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Ils obtiennent des satisfactions partielles sur le premier point : la durée maximale est portée de 8 à 12 mois ; l’allocation est portée à 80 % du salaire brut pendant 8 mois, puis 70 % pendant 4 mois au lieu de 80 % pendant 3 mois, puis 70 % pendant 5 mois. En revanche, ils n’obtiennent rien sur le second point, ce qui a pour conséquence de renforcer les inégalités de droits entre titulaires de CDI et salariés en emploi précaire en cas de restructurations. Par ailleurs, la question de l’amélioration de l’accompagnement est renvoyée à la responsabilité de Pôle emploi. Sur ces bases, toutes les organisations syndicales signent l’ANI du 23 décembre 2008 « portant reconduction du dispositif des CRP ». L’ANI du 8 juillet 2009 sur « la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l’emploi » étend aux 12 mois de la durée des CRP le taux d’indemnisation de 80 % du salaire brut (environ 100 % du salaire net). b) Les CTP relèvent de la seule responsabilité de l’État. L’impact de la crise se traduit par des adjonctions successives sur la liste des zones géographiques couvertes par le dispositif : aux 7 zones où avait été expérimenté le dispositif depuis 2006 s’en ajoutent d’autres par étapes en 2009 et 2010 36, tandis que le dispositif est prolongé pour les licenciements prononcés jusqu’au 1er décembre 2010. Il n’y a, en revanche, pas de modification des prestations d’accompagnement qui sont désormais assurées par Pôle emploi et non plus par une filiale de l’AFPA. Dans l’ANI du 8 juillet 2009 sur « la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l’emploi », les signataires demandent à l’État d’ouvrir, à titre expérimental, l’accès au dispositif d’accompagnement du CTP « aux anciens titulaires de CDD ou de contrats d’intérim bénéficiant des allocations du régime d’assurance chômage » (article 16). Si l’État a donné une réponse de principe positive, des expérimentations n’ont été lancées qu’à l’été 2010 et à très petite échelle 37. Notons qu’avec le nouveau mode de calcul de la durée d’indemnisation (un jour indemnisé pour un jour cotisé, avec un minimum de quatre mois), une large partie des travailleurs précaires ne pourrait bénéficier que très brièvement de cette extension. Rappelons aussi que lors des négociations de fin 2008, le patronat avait refusé aux syndicats l’extension de la CRP aux travailleurs précaires. * * * Le cas des CRP et des CTP est emblématique de l’ambiguïté d’une réflexion en termes d’insiders et d’outsiders. Les victimes de licenciements économiques sont aujourd’hui majoritairement des hommes travaillant à temps plein dans l’industrie et ayant une ancienneté élevée. Dans la problématique traditionnelle, ils sont typiquement des insiders ou encore des membres de marchés du travail internes. En revanche, ce sont eux qui ont les durées de chômage les plus élevées et les plus fort risques de déclassement en cas de retour à l’emploi. Faut-il ranger les CRP et les CTP parmi les mesures typiques d’un traitement privilégié des insiders ? Ne 36. Le nombre de bassins concernés doit atteindre 40 d’ici la fin 2010. 37. 900 personnes au total dans six bassins d’emploi.
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constituent-ils pas plutôt des dispositifs ciblés sur des catégories particulièrement menacées d’exclusion ? Dans ce domaine, le partage des responsabilités entre État et partenaires sociaux est surprenant. L’Unédic prend en charge un régime qui ne s’applique qu’aux salariés des entreprises de moins de 1 000 salariés tandis que, d’une part, les plus grandes entreprises assument elles-mêmes le financement des mesures de conversion (principalement, par le congé de reclassement) et que, d’autre part, l’État assure avec le CTP 38 un accompagnement plus favorable que celui du CRP dans des bassins d’emploi où la reconversion professionnelle est jugée particulièrement difficile 39. Le croisement de critères relatifs à la nature juridique du licenciement, à la taille de l’entreprise et à la situation du bassin d’emploi détermine le découpage des frontières entre dispositifs et le partage des responsabilités entre acteurs 40. Il est difficile de trouver une justification aux inégalités qui en résultent. 1.4. Le chômage partiel (ou activité partielle) Un dispositif qui semblait en voie d’extinction progressive se voit soudain accorder une importance majeure tant par la politique publique que par la négociation collective, les deux modes d’intervention étant étroitement imbriqués. a) L’ANI du 11 janvier 2008 ignore la question du chômage partiel. La négociation sur ce sujet naît dans l’urgence, fin 2008, sous la pression des pouvoirs publics. Rapidement, un accord interprofessionnel est signé sous condition d’un accroissement de la contribution financière de l’État. Celui-ci donne aussitôt une réponse positive. — L’avenant du 15 décembre 2008 porte de 50 à 60 % du salaire brut (environ 75 % du salaire net) le taux d’indemnisation du chômage partiel, avec un minimum horaire passant de 4,42 à 6,84 euros. Il est accompagné d’une lettre adressée par les signataires aux pouvoirs publics demandant que le dispositif soit ouvert à tous les salariés 41. — L’État porte de 600 à 800 heures (par exception, 1000 heures dans certaines branches) la durée maximale annuelle de recours au temps partiel. Il accroît de 1,20 euro sa subvention horaire. La durée maximale du « chômage partiel total » 38. Y compris, à titre exceptionnel, pour des entreprises de plus de 1 000 salariés. 39. Le niveau d’indemnisation est le même dans les deux dispositifs depuis la signature de l’avenant du 11 septembre 2009 pour les CRP ; auparavant, il était plus favorable pour les CTP. À la différence des CTP, l’accès à l’indemnisation spécifique des CRP exige deux ans d’ancienneté dans l’emploi ; à défaut, la personne peut utiliser les droits à indemnisation acquis au titre de l’assurance chômage. Sous cet aspect, la restriction de la CRP aux insiders est explicite. Le rapport présenté en octobre 2009 par Philippe Dole (IGAS) met en évidence une meilleure organisation du suivi dans le cadre des CTP relativement aux CRP (Dole, 2009). En mai 2010, les effectifs estimés étaient de l’ordre de 80 000 pour la CRP et de 15 000 pour le CRP. 40. Le rapport de la « mission parlementaire d’information sur la flexicurité à la française » (rapport Morange) préconise, an avril 2010, « la généralisation du CTP sur tout le territoire à l’ensemble des personnes licenciées pour motif économique actuellement éligible ». Le deuxième rapport de Philippe Dole (IGAS) sur les CRP et CTP préconise la négociation d’« un cadre juridique unifié fusionnant CTP et CRP » (Dole, 2010). 41. Alors qu’en étaient exclus les salariés dont le salaire hebdomadaire habituel était inférieur à 18 fois le SMIC horaire.
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(fermeture temporaire d’un établissement) est portée de quatre à six semaines. L’indemnisation est ouverte à tous les salariés. Sur cette base, l’avenant est signé par sept organisations 42. b) Lors du sommet social du 18 février 2009, Nicolas Sarkozy propose que des conventions entre l’État et les branches ou les entreprises permettent de porter de 60 à 75 % du salaire brut (environ 90 % du salaire net) l’indemnisation du chômage partiel. L’Unédic contribuera au financement tandis que la formation professionnelle accompagnera les phases de chômage partiel. Après négociations entre l’État et l’Unédic, il est créé pour l’année 2009 un régime nouveau dit d’activité partielle de longue durée (APLD). En échange d’une subvention majorée provenant dans une première phase de l’État, ensuite de l’Unédic, l’entreprise s’engage à faire bénéficier le salarié d’un entretien de professionnalisation et du maintien de son emploi pendant une durée double de celle de la convention. Le Bureau de l’Unédic approuve la convention avec l’État à l’unanimité (sauf l’abstention de la CFE-CGC) le 15 avril 2009 43. Notons que le régime de l’APLD s’efforce de stimuler l’usage du temps non travaillé au bénéfice de la formation. Dans la convention qu’elle signe, l’entreprise s’engage à « proposer un entretien individuel sur les actions de formation et de bilan susceptibles d’être engagées pendant la période d’APLD ». Sous cet aspect, l’expérience semble décevante 44. L’horizon de prévision généralement très court des entreprises qui anticipent un recours aux activités réduites semble peu compatible avec les délais nécessaires pour construire et réaliser une action de formation 45. c) L’ANI du 8 juillet 2009 concernant « la gestion des conséquences de la crise économique sur l’emploi » consacre l’un de ses titres au chômage partiel. Il s’agit principalement de demandes adressées par les signataires aux pouvoirs publics : — porter le contingent annuel à 1 000 heures pour l’ensemble des branches ; — permettre l’accès à l’indemnisation « individuellement, par roulement et de façon identique » pour des salariés exerçant la même activité ; — aménager les contreparties exigées en cas de conventions APLD lorsqu’un accord collectif prévoit l’utilisation du temps libre pour la formation ou pour des tâches de tutorat. 42. La CGT reconnaît l’amélioration de l’indemnisation, mais la juge insuffisante. De plus, comme d’autres syndicats, elle aurait souhaité un contrôle pour éviter les effets d’aubaine au bénéfice de certaines entreprises. Elle refuse de signer. Du côté patronal, la CGPME, qui n’était pas signataire de l’accord fondateur du 23 février 1968, conditionne son ralliement à l’obtention d’une aide additionnelle du gouvernement aux PME. Son exigence ayant été satisfaite (subvention portée de 1,20 à 1,40 euro pour les entreprises de 250 salariés et moins), elle adhère à l’ANI de 1968 et signe l’avenant. 43. Le 4 décembre 2009, l’Unédic a reconduit le financement pour l’année 2010. 44. Pour un premier bilan global : Biehler, 2010. 45. Cependant, la convention État-FPSPP prévoit, pour l’année 2010, 190 millions d’euros pour la formation des salariés en activité partielle.
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Le gouvernement donne rapidement satisfaction sur le premier point. La seconde demande est prise en compte grâce à une disposition insérée dans la loi du 25 novembre 2009 sur la formation professionnelle. Un ANI du 2 octobre 2009, préparé par un groupe de travail paritaire issu de la négociation précédente, introduit deux améliorations mineures au régime du chômage partiel : l’harmonisation de l’assiette de calcul de l’indemnisation avec celle, plus favorable, de l’APLD et la prise en compte du chômage partiel dans le calcul des congés payés. L’accord est signé par toutes les organisations patronales et syndicales. * * * Par nature, l’indemnisation du chômage partiel est réservée aux insiders. Cependant, son développement, depuis la fin de 2008, a surtout résulté de l’accroissement des financements publics, même si l’apparition d’une contribution de l’Unédic pour l’APLD introduit un changement qualitatif notable. Nous sommes dans un domaine de quasi consensus tripartite ; les désaccords éventuels ne portent, dans le cas de la CGT, que sur l’insuffisance des dispositions adoptées.
2. La formation professionnelle La formation professionnelle continue constitue, à première vue, une illustration typique du partage des tâches entre la négociation collective qui prend en charge les insiders, en l’occurrence les salariés, et d’autre part, les pouvoirs publics (État et régions) qui assurent la formation des chômeurs. Même si cette vision est simpliste 46, elle traduit bien la logique fondatrice du système français de formation professionnelle continue. Plusieurs changements profonds ont été décidés ou amorcés dans ce domaine juste avant l’éclatement de la crise. La nouvelle conjoncture a accéléré ou infléchi certaines évolutions. Le partage des responsabilités est devenu de ce fait plus complexe. 2.1. L’arrière-plan Si l’on néglige pour l’instant l’insertion des jeunes (infra point 4), les ANI sur la formation professionnelle continue n’ont traité que tardivement et marginalement du cas des chômeurs. Leur prise en charge n’est rendue possible qu’après l’ouverture aux demandeurs d’emploi adultes des contrats de qualification, puis des contrats de professionnalisation 47. Aucune allocation spécifique de ressources ni aucun objectif 46. En premier lieu, la formation continue des agents des fonctions publiques est assurée par les pouvoirs publics en tant qu’employeur. En second lieu, les formations d’insertion professionnelle des jeunes relèvent, dans une large mesure, de dispositifs négociés. Pour une présentation d’ensemble : Mainaud, 2009. 47. Lors de sa création par l’accord du 20 septembre 2003 (Accord sur la formation tout au long de la vie professionnelle), le contrat de professionnalisation est présenté comme plus accessible ou plus adaptable aux publics les plus en difficulté parce qu’il est moins exigeant en matière d’accès à une qualification que l’ancien contrat de qualification.
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chiffré n’est associé à ces mesures. En revanche, l’Unédic avait créé et financé dès 1961 des Allocations de formation pour les chômeurs indemnisés. L’histoire de l’intervention du régime d’assurance chômage en matière de formation est complexe. À la veille de la loi du 13 janvier 2008, les Assédic finançaient deux types de prestations : en premier lieu, des actions de formation ayant fait l’objet d’un agrément ou de la signature d’une convention, en second lieu, des formations préalables à l’embauche proposées aux employeurs ayant déposé une offre d’emploi à l’ANPE. Seuls les chômeurs bénéficiant de l’assurance chômage étaient concernés. Une division des tâches s’opérait donc entre les deux régimes paritaires. Quant à la formation continue des salariés peu qualifiés, elle ne bénéficiait d’aucune mesure spécifique avant l’ANI du 20 septembre 2003 qui crée les périodes de professionnalisation 48. La négociation de l’ANI du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail est l’occasion de reposer l’ensemble du problème. Il contient les engagements suivants : — « Afin de favoriser l’accès au marché de l’emploi des salariés les moins qualifiés ou dont la formation est inadaptée ou qui accèdent le moins souvent à une formation qualifiante, le déploiement des dispositifs prévus par l’ANI du 5 décembre 2003 doit être accéléré et amplifié » (article 7). — « Des moyens spécifiques seront mis en place pour assurer la qualification ou la requalification des salariés et des demandeurs d’emploi notamment ceux les plus éloignés de l’emploi (indemnisés ou non) dont le déficit de formation fragilise leur entrée, leur maintien, leur évolution ou leur retour dans un emploi » (article 15). Ces éléments prouvent que le problème n’était pas ignoré des partenaires sociaux. Cependant, l’ANI ne fait pas figurer la formation professionnelle continue dans le programme des négociations interprofessionnelles qu’il établit. Seul est prévu pour 2009 le bilan de la mise en œuvre de l’ANI du 20 septembre 2003, tel que le prévoyait cet accord. Il n’est, de ce fait, pas aisé de mesurer, dans les négociations qui s’ouvrent en septembre 2009, le poids respectif de la volonté autonome des acteurs sociaux et de la pression des pouvoirs publics. — Dès le 18 septembre 2007, le Président de la République affirme que « notre système de formation professionnelle (…) est à bout de souffle » et annonce que le gouvernement va engager une réforme « au cours des toutes prochaines semaines » 49. — Le 16 mai 2008, il assigne trois objectifs à la réforme de la formation professionnelle, dont le premier est ainsi formulé : « Utiliser les fonds de manière plus juste et plus efficace ». 48. On peut aussi considérer que le droit individuel à la formation, introduit par le même accord, crée une opportunité et une stimulation pour les salariés peu qualifiés, bien qu’il ne constitue pas une mesure ciblée. Cependant, l’enveloppe de 20 heures par an (même cumulable sur 6 ans) n’offre guère la perspective de formations qualifiantes. 49. Discours au 40e anniversaire de l’Association des journalistes de l’information sociale.
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— Le 17 juin, le secrétaire d’État en charge de l’Emploi, Laurent Wauquiez, évoque la possibilité d’une loi-cadre préalable à la négociation. — Le « document d’orientation » envoyé par le gouvernement aux négociateurs, conformément aux termes de la loi du 31 janvier 2007 50, fixe quatre priorités, parmi lesquelles : « rendre le système plus juste ». — À la veille de la séance de négociation prévue pour être la dernière 51, Christine Lagarde et Laurent Wauquiez publient un texte où ils énoncent les cinq objectifs du « projet de loi que présentera le gouvernement au début de l’année 2009 » 52. Le premier objectif est : « mieux orienter les fonds de la formation professionnelle vers les demandeurs d’emploi et les salariés peu qualifiés ». Les auteurs se bornent à souhaiter que ce projet de loi puisse s’appuyer sur un accord des partenaires sociaux. L’interaction est donc permanente entre la négociation interprofessionnelle et les pressions répétées et menaçantes émanant des pouvoirs publics. Les négociateurs apparaissent simultanément : — au départ, porteurs d’une volonté de résoudre la question de l’accès à la formation des travailleurs (salariés et demandeurs d’emploi) faiblement qualifiés ; — ensuite, convaincus que la réponse qu’ils apporteront sera une condition pour que la loi à venir respecte les termes de l’accord ; — enfin, inquiets de voir l’État récupérer par ce biais une fraction des fonds mutualisés de la formation professionnelle afin de financer une politique dont ils estiment qu’elle relève de sa responsabilité. 2.2. L’accord et la loi L’ANI du 7 janvier 2009 53 est signé par toutes les organisations patronales et syndicales. Il couvre de multiples domaines et notre analyse ne porte que sur un aspect partiel, celui qui concerne les salariés et demandeurs d’emploi peu qualifiés. Dans ce domaine, en application de l’article 15 de l’ANI du 11 janvier 2008, les signataires conviennent d’amplifier les actions au bénéfice de ceux des salariés et demandeurs d’emploi qui sont handicapés par un « déficit de formation ». Les outils d’intervention mis en œuvre sont constitués par les instruments déjà existants, en particulier l’ouverture des contrats de professionnalisation aux « publics les plus éloignés de l’emploi ». Il s’y ajoute pour les demandeurs d’emploi un dispositif nouveau, la « préparation opérationnelle à l’emploi » (POE) issue d’une proposition de la CGPME. La POE consiste en une action de formation d’au maximum 400 50. Loi de modernisation du dialogue social. 51. Fixée au 21 décembre, cette séance n’est finalement pas la dernière ; d’ultimes discussions se déroulent les 6 et 7 janvier 2009. 52. Les Echos, 19/12/2008. 53. « Accord sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels ». Voir notamment : Luttringer, Willems, 2010b.
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heures destinée à fournir « un socle de compétences professionnelles » nécessaire pour satisfaire une offre d’emploi déposée auprès de Pôle emploi. On y reconnaît l’un des nombreux avatars qu’ont connus les « stages de mise à niveau » créés par l’État dès la fin des années 1970. L’innovation majeure se situe dans le domaine du financement avec la transformation du Fonds unique de péréquation (FUP) en Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Le nouveau Fonds, outre les attributions de l’ancien (péréquation financière entre les OPCA et les OPACIF), est chargé de financer la réalisation des objectifs que fixe l’accord : « former chaque année 500 000 salariés supplémentaires parmi les moins qualifiés et 200 000 demandeurs d’emploi de plus qu’aujourd’hui » (ANI, Préambule du titre 2). Ses ressources proviennent d’une fraction des contributions légales que versent les entreprises aussi bien pour le plan de formation et la professionnalisation que pour le Congé individuel de formation (CIF) 54. Le pourcentage est fixé chaque année par le CPNFP 55 ; il ne peut dépasser 13 % de ces contributions. Des ressources importantes peuvent ainsi être dégagées pour « la qualification et la requalification » des salariés et demandeurs d’emploi désignés par l’article 15 précité, mais l’accord ne fixe qu’un plafond sans garantir de minimum 56. Le taux des obligations légales des entreprises reste inchangé ; l’effort se réalise donc par réallocation de ressources au profit des salariés et demandeurs d’emploi souffrant d’un déficit de formation. Comme pour l’assurance chômage, la négociation collective introduit un effort redistributif dans le cadre d’un taux de contribution globalement inchangé. Enfin, s’agissant de la formation initiale différée, qui concerne en priorité les salariés n’ayant pas obtenu en formation initiale une qualification professionnelle reconnue, les rédacteurs du projet innovent peu. L’article 18 reprend presque mot pour mot l’article 12 de l’ANI de 2003 57. La difficulté cruciale est celle du financement. Si les signataires confirment la possibilité d’une prise en charge par les OPACIF 58 du coût des actions d’accompagnement, de bilan de compétences et de VAE 59, ils renouvellent leur demande à l’État pour qu’il assure le financement d’une année de formation. Présentée en 2003, la demande était restée sans écho ; elle est formulée dans les mêmes termes en 2009. 54. L’acceptation de cet effort financier est liée à la volonté que les instances paritaires contrôlent directement l’utilisation de leurs ressources. Les cofinancements jugés nécessaires s’organiseront dans le cadre de conventions avec les différents partenaires possibles dans « le respect du champ de compétences » de chacun. 55. Comité paritaire national pour la formation professionnelle. 56. Jusqu’à l’avant-dernière version du projet d’accord, il était prévu un pourcentage fixé annuellement en fonction de la situation conjoncturelle entre un minimum (5 %) et un maximum (12 %). Le taux minimum a disparu du texte final. 57. La seule différence notable porte sur la définition des bénéficiaires potentiels. L’ANI de 2003 désignait « les salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant ou au terme du premier cycle de l’enseignement supérieur » ; celui de 2008 est plus restrictif : « avant le premier cycle de l’enseignement supérieur ». On peut interpréter ce changement soit comme une réduction des ambitions, soit comme une volonté de ciblage sur ceux qui sont les plus menacés d’exclusion du marché du travail. 58. Organisme paritaire collecteur agréé du CIF. 59. Validation des acquis de l’expérience.
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À l’exclusion de ce dernier point, et malgré de nombreuses passes d’armes au cours du processus législatif, le texte final de la loi 60 respecte, sauf quelques exceptions non négligeables, les termes de l’accord dans les domaines qui nous intéressent. ■ La préparation opérationnelle à l’emploi, absente des premières versions, est finalement introduite dans la loi conformément aux termes de l’ANI. ■ Le FPSPP est l’objet d’un double débat. — Un premier « document de travail » gouvernemental le transforme en « fonds national ». La composition de son conseil d’administration est fixée par décret. Sur ce point lourdement conflictuel, les signataires de l’accord obtiennent le respect de ses termes dans le texte final de la loi. — Le même document de travail est muet sur le plafond des contributions au Fonds. En revanche, il prévoit que ses ressources sont affectées « dans les conditions fixées par une convention cadre entre le Fonds national et l’État » 61. Le texte final de la loi réintroduit le plafond de contribution qui figure dans l’ANI (13 %) ; il y ajoute un minimum (5 %) qui avait disparu de la version finale de l’ANI alors que les syndicats le réclamaient. Le taux de contribution sera fixé chaque année par arrêté interministériel après consultation des partenaires sociaux. L’affectation des ressources est déterminée par un accord entre les partenaires sociaux. La « déclinaison » de cet accord donne lieu à une convention cadre signée entre l’État et le Fonds. Même si la signification juridique de la notion de « déclinaison » reste mystérieuse, il est clair qu’elle traduit la volonté de l’État de dire son mot sur l’utilisation des ressources du FPSPP dont, par ailleurs, il déterminera le montant (infra point 5). ■ La demande adressée à l’État de financer une année de formation initiale différée pour les personnes non ou faiblement diplômées se heurte au même silence que celle qui avait été formulée dans l’ANI de 2003. Dans le « document d’orientation » de juillet 2008, le gouvernement suggérait, pour « établir les conditions d’un droit à la formation différée », de dégager des moyens sur les crédits affectés à la professionnalisation. Nous trouvons là un nouvel exemple de débat sur le partage des responsabilités dans la prise en charge de catégories défavorisées. Dans ce cas, le refus de l’État est renouvelé. * * * Incontestablement, la situation des salariés et des demandeurs d’emploi les plus défavorisés dans l’accès à la formation professionnelle a été l’un des enjeux majeurs de la négociation de l’accord et de la préparation de la loi (Ferracci, 2010). La création du FPSPP fournit les moyens d’un effort permanent, quoique d’ampleur 60. Loi du 24 novembre 2008 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. 61. Les inquiétudes des signataires de l’accord quant à une mainmise de l’État sur les ressources du Fonds sont alimentées par les débats qui, dans le même temps, accompagnent la création du FISO (infra point 5).
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variable, en direction de cette catégorie. Le mode de financement du Fonds, avec un niveau global inchangé des taux de contribution obligatoire des employeurs, implique une réallocation d’une fraction des ressources mutualisées aux dépens des modes d’usage antérieurs 62. Quant à l’ampleur et à l’efficacité de ce redéploiement, elles requièrent des appréciations complexes (Mériaux, 2009 ; Marx, 2010). — La faiblesse des offres d’emploi disponibles et l’incertitude sur les conditions d’une éventuelle reprise économique devraient conduire logiquement à amplifier l’effort en faveur de formations portant sur des compétences de base et des compétences transversales pour les demandeurs d’emploi comme pour les salariés menacés de licenciement ou victimes du chômage partiel. Il semble que la priorité demeure en fait accordée aux formations courtes supposées répondre à des emplois existants. — Les salariés intérimaires ou en CDD n’ont bénéficié d’aucun dispositif ciblé alors qu’ils ont été les principales victimes des suppressions d’emplois. À ce jour, les formations en situation d’activité partielle ne concernent que des effectifs minuscules. — Dénoncés à de multiples reprises, les dysfonctionnements liés à l’empilement des dispositifs et la multiplicité d’intervenants faiblement coordonnés n’ont été que faiblement réduits par la création du FISO (infra point 5). Le redéploiement de la formation professionnelle continue au bénéfice des salariés et demandeurs d’emploi les plus en difficulté et dotés des statuts les plus précaires est certes un objectif unanimement accepté, mais sa mise en œuvre n’est qu’embryonnaire.
3. Les emplois aidés Ce domaine relève de la seule décision des pouvoirs publics et constitue, au moins dans son principe, un instrument typique d’action en direction des outsiders, surtout s’il s’agit d’emplois non marchands. L’impact de la crise se traduit principalement par une relance budgétaire des contrats aidés existants et par la création de nouvelles aides à l’embauche. L’introduction du contrat unique d’insertion est plus une modeste mesure de rationalisation qu’un instrument d’action contre la crise. 62. La loi laisse aux accords de branche la liberté de répartir le prélèvement total entre les différentes contributions obligatoires : CIF, DIF, plan de formation, professionnalisation. Les accords conclus à ce jour minimisent les prélèvements sur les plans de formation. Ce sont donc les autres rubriques qui sont principalement affectées, en particulier les périodes et contrats de professionnalisation qui, en principe, sont destinés aux travailleurs les moins qualifiés (Luttringer, Willems, 2010a). Le calcul restera à faire de l’apport additionnel net du FPSPP aux publics « handicapés par un déficit de formation ». Il est clair que la négociation collective de branche a eu pour effet de réduire l’ampleur de l’impact sur les insiders.
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3.1. Une relance budgétaire Depuis 2002, les gouvernements successifs avaient mené une politique tendancielle de réduction du volume des emplois aidés. Cette volonté était confirmée par la loi de finances pour 2008 qui marquait un nouveau recul associé à des prévisions optimistes sur l’évolution de l’emploi et du chômage. Le projet de loi de finances pour 2009, présenté en septembre 2008, se bornait à renouveler le financement de 230 000 emplois aidés non marchands déjà prévus en 2008 63. Le changement de cap est annoncé par le discours du Président de la République à Rethel, le 28 octobre 2008, dans le cadre du plan d’action pour l’emploi qui constitue la troisième étape du plan de lutte contre la crise. Le nombre d’emplois aidés non marchands dans le projet de loi de finances pour 2009 est augmenté de 100 000 pour atteindre 330 000. Le chiffre est porté à 360 000 dans la loi de finances pour 2010. Malgré les justifications emberlificotées qui sont données, il s’agit bien d’un retour en arrière, mais il est partiel puisqu’on reste loin des maxima antérieurs. Il est présenté comme provisoire parce que lié à la conjoncture. En 2009, des taux exceptionnels de prise en charge par l’État auraient permis la prescription de 380 000 contrats marchands et de plus de 100 000 contrats marchands, mais on ne dispose pas d’informations détaillées sur les caractéristiques des bénéficiaires, sauf sur la part des jeunes 64. 3.2. Les aides à l’embauche La principale mesure nouvelle est l’aide aux entreprises de moins de 10 salariés pour toute embauche nouvelle (mesure dite « zéro charge »). Annoncée le 4 décembre 2008 dans le cadre du plan de relance de l’économie, elle est mise en œuvre par un décret du 19 décembre. C’est une aide dégressive entre 1 et 1,6 SMIC pendant douze mois ; les conditions d’accès sont très larges (par exemple, il suffit d’un CDD d’au moins un mois). Le double ciblage (moins de 10 salariés, moins de 1,6 SMIC) oriente vers des emplois plus facilement accessibles à des publics en difficulté 65. La nature de l’aide laissait prévoir qu’elle serait largement utilisée avec des effets d’aubaine massifs 66. Inclues dans le plan de relance de l’économie, ces mesures ont une durée d’application limitée. Dans la même logique se rangent les aides à l’embauche des jeunes en contrat d’alternance (infra point 4.1). 3.3. Le contrat unique d’insertion En application de la loi du 1er décembre 2008, qui généralise le RSA, un décret du 25 novembre 2009 crée à dater du 1er janvier 2010 le contrat unique d’insertion 63. 64. 65. 66.
Alors qu’une enveloppe complémentaire de 60 000 contrats avait été introduite pour le 2e semestre 2008. Ils représentent 25 % des contrats non marchands et 50 % des contrats marchands. Les jeunes représenteraient 2/3 des embauches et les demandeurs d’emploi 40 %. Le niveau cumulé d’un million d’entrées a été atteint en avril 2010.
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(CUI). Recommandée par la Cour des comptes, cette mesure ne constitue qu’une demi simplification. En effet, deux modalités du contrat unique subsistent, respectivement pour le secteur non marchand (Contrat d’accompagnement dans l’emploi-CAE) et le secteur marchand (Contrat initiative emploi-CIE). Leurs modalités d’utilisation sont assouplies. Les contrats réservés aux titulaires de minima sociaux, respectivement le contrat d’avenir (CAV) pour le secteur non marchand et le contrat d’insertion-revenu minimum d’activité (CI-RMA) pour le secteur marchand, sont supprimés. Leurs anciens bénéficiaires ont accès aux deux modalités du CUI.
4. L’insertion des jeunes Les trois aspects analysés jusqu’ici correspondent à des rubriques classiques de la politique de l’emploi : chômage, formation professionnelle, emplois aidés. Les jeunes constituent une population qui est concernée par les dispositifs mis en œuvre dans ces trois domaines. Ils ont de plus fait l’objet de mesures complémentaires spécifiques. L’une des raisons en est la surréaction de l’emploi des jeunes au cycle économique, tant sous l’aspect du taux d’emploi ou de chômage que du point de vue des risques de déqualification ou déclassement (Fondeur, Minni, 2006). La création de dispositifs ciblés sur les jeunes a résulté le plus souvent de l’initiative des pouvoirs publics, depuis les plans Barre dès la fin des années 1970 jusqu’aux « emplois jeunes » de 1997. Cependant, les formations en alternance sont nées et ont évolué dans le cadre de négociations interprofessionnelles, depuis l’accord du 26 octobre 1983 qui crée les contrats de qualification, les contrats d’adaptation et les stages d’initiation à la vie professionnelle jusqu’aux contrats de professionnalisation de l’ANI du 20 septembre 2003. La crise de 2008 semble en ce domaine caractérisée par l’effacement de la négociation collective qui laisse aux pouvoirs publics la pleine responsabilité du dossier. — Comme nous l’avons vu (supra point 1.2), l’ANI du 23 décembre 2008 sur l’assurance chômage ne donne pas suite à l’article 3 de l’ANI du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail. Cet article prévoyait une prime forfaitaire pour les jeunes demandeurs d’emploi non indemnisés. — L’ANI du 7 janvier 2009 sur la formation professionnelle ne contient aucune disposition spécifique aux jeunes puisque le contrat de professionnalisation concerne, depuis 2003, l’ensemble des « publics les plus éloignés de l’emploi » sans que l’âge soit pris en considération 67.
67. Cependant, dans les faits, le contrat de professionnalisation reste un dispositif essentiellement dédié aux jeunes ; le nombre annuel des contrats « adultes » est en 2009 de l’ordre de 3 000.
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L’initiative revient à l’État 68. La réflexion est menée au sein de la « commission sur la politique de la jeunesse » qui est installée en mars 2009 par Martin Hirsch et qui présente en juillet un Livre vert réunissant 57 propositions (Commission, 2009). En parallèle, les choix politiques sont adoptés en deux étapes principales. 4.1. Le plan d’urgence en faveur de l’emploi des jeunes Présenté par le Président de la République le 24 avril 2009, le plan d’urgence mobilise 1,3 million d’euros 69 dont l’essentiel va à des incitations financières aux entreprises. — La priorité est donnée au renforcement des formations en alternance avec, pour la période qui va du 1er juin 2009 au 1er juin 2010, l’objectif de 320 000 entrées en contrats d’apprentissage et 170 000 entrées en contrats de professionnalisation. Dans ce but, de nouvelles exonérations de charges sociales et des primes à l’embauche sont introduites 70. — 80 000 contrats aidés supplémentaires sont créés : 50 000 CIE marchands et 30 000 CAE non marchands. — Pour la rentrée 2009, 50 000 contrats d’accompagnement formation sont créés pour les jeunes inscrits à Pôle emploi ou dans une Mission locale. — Une prime de 3 000 euros est attribuée en cas d’embauche en CDI d’anciens stagiaires. Les organisations patronales se félicitent du contenu du plan. Les organisations syndicales ont des appréciations différenciées, mais soulignent toutes que le principal du financement va aux entreprises. 4.2. Le plan « Agir pour la jeunesse » C’est à nouveau le Président de la République qui présente, le 29 septembre 2009, un ensemble de mesures partiellement inspirées par le Livre vert. Il comporte quatre annonces principales. — Le RSA est étendu aux jeunes de moins de 25 ans sous condition qu’ils aient été en emploi pendant deux ans (ou 3 214 heures) au cours des trois dernières années 71. 68. Ainsi qu’aux régions, mais l’information est lacunaire sur les initiatives diversifiées qu’elles ont prises depuis 2008. 69. 584 M€ en 2009 et 702 M€ en 2010 provenant du FISO (infra point 5). 70. Principalement : – la prime pour l’embauche d’un jeune en contrat de professionnalisation (1 000 ou 2 000 € selon son niveau de diplôme), – la prime pour l’embauche d’un apprenti supplémentaire dans les entreprises de moins de 50 salariés (1 800 €), – le dispositif « zéro charge » pour le recrutement d’un apprenti dans les entreprises de plus de 10 salariés. Ces mesures ont été prolongées jusqu’au 31 décembre 2010. 71. Alors que le gouvernement annonçait au départ que 160 000 jeunes seraient « concernés à terme », il juge aujourd’hui cette cible « inatteignable ». Les estimations non officielles parlent désormais de quelques dizaines de milliers de jeunes.
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— Un service public de l’orientation est créé. Les dispositions de mise en œuvre seront insérées dans la future loi sur la formation professionnelle. — Il est reconnu un droit à l’emploi ou à la formation pour les 16-18 ans avec divers dispositifs pour assurer le suivi des « décrocheurs » du système scolaire. — Le Président demande aux partenaires sociaux d’engager une négociation sur la création d’une procédure de pré-recrutement par les entreprises. Celles-ci financeraient les études de jeunes en échange d’un engagement de travail pris par ceux-ci pour une durée limitée. Il semble que ce soit le seul point sur lequel ait été envisagée une intervention de la négociation collective pour des mesures concernant les jeunes. À ce jour, cette initiative est restée sans réponse. Le problème de l’emploi des jeunes constitue un domaine où organisations patronales et syndicales ont fait connaître leurs besoins ou leurs revendications aux pouvoirs publics, mais n’ont pris aucune initiative autonome. La pleine responsabilité de ces derniers semble avoir été implicitement admise.
5. Le FISO, le FUP et le FPSPP Dès l’origine, une imbrication ambiguë est créée entre le pilotage des ressources publiques et des ressources paritaires face aux conséquences sociales de la crise. Les ressources mobilisées durablement par la négociation collective pour la formation des moins qualifiés (FUP, puis FPSPP) semblent devoir être intégrées dans le programme d’urgence que lancent les pouvoirs publics avec un contenu plus diversifié. — Rappelons que l’ANI du 7 janvier 2009, qui ne sera validé par la loi qu’en novembre 2009, prévoit la mise en place du FPSPP en 2010. Compte tenu de l’urgence des besoins engendrés par la crise, les signataires de l’ANI décident d’utiliser dès 2009 une partie des ressources du FUP 72 pour remplir immédiatement les missions attribuées dans l’avenir au FPSPP. Rapidement s’amorce la négociation d’une convention-cadre avec l’État, celui-ci abondant de 160 millions d’euros 73 les 200 millions provenant des ressources du FUP. Trois catégories prioritaires sont définies : les salariés les plus exposés à la perte de leur emploi, les salariés en chômage partiel, les demandeurs d’emploi qui ont besoin d’une formation pour favoriser leur retour rapide à l’emploi. La convention est signée le 21 avril 2009 ; son préambule précise qu’elle a vocation « à participer aux objectifs du FISO ». — En effet, dans l’intervalle, le Président de la République, évoquant une demande de la CFDT 74, a annoncé lors de la « conférence sociale » du 18 février 2009 la 72. Le Fonds unique de péréquation (FUP) n’avait jusqu’alors pour fonction que la péréquation financière entre les OPCA et les OPACIF. 73. Dont 80 millions d’euros prélevés sur des crédits du FSE (Fonds social européen). 74. La CFDT demandait la création d’un fonds d’investissement social doté de 5 à 10 milliards d’euros qui offrirait des formations qualifiantes aux salariés sans emploi ou en sous-emploi. Son financement aurait été assuré par l’abandon de la loi TEPA.
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création, pour une durée de deux ans, d’un Fonds d’investissement social (FISO) doté de 2,5 à 3 Md€ dont l’État assurerait la moitié du financement 75, le solde provenant des ressources de la formation professionnelle et de l’assurance chômage. Certes, il est affirmé que chaque partie conserve « son autonomie de décision et de gestion », mais une cellule de pilotage tripartite « fixe les objectifs », puis « est chargée d’animer le fonds et d’évaluer les actions menées et les dispositifs gérés » 76. Patronat et syndicats craignent une nouvelle tentative de mainmise de l’État sur les ressources paritaires. Le FISO est installé le 10 avril 2009, mais il faut attendre le 2 juin pour qu’un accord soit trouvé sur les critères de soutien des projets 77. — En novembre, le CPNFP 78 propose de fixer à son maximum (13 %) la contribution au FPSPP pour sa première année de fonctionnement en 2010 et rappelle l’engagement de l’État à apporter un cofinancement. En décembre, le projet de décret régissant le FPSPP est objet de conflit : les signataires de l’ANI sont unanimes à y voir une tentative de reprise en main de la gestion du Fonds par l’État 79. Un ANI du 12 janvier 2010 fixe l’affectation des ressources du Fonds et la liste des publics prioritaires. — En parallèle s’amorce la difficile négociation de la convention-cadre État-FPSPP. Elle est finalement mise au point le 15 mars au terme d’un nouvel affrontement qui porte sur le degré de contrôle que l’État peut exercer tant pour l’identification des publics que pour l’affectation des ressources du FPSPP aux différents postes de dépenses. L’annexe financière prévoit 1,06 milliard d’euros de dépenses en 2010. Si 380 millions sont consacrés à la poursuite de la mission de péréquation entre les OPCA qu’assurait jusqu’alors le FUP, le solde, soit 670 millions va à la mission de « qualification et requalification des salariés et demandeurs d’emploi ». Les ressources globales proviennent pour 830 millions d’euros des cotisations des entreprises, pour 150 millions du FSE et seulement pour 80 millions de l’État. Ce sont donc bien, pour l’essentiel, les ressources paritaires qui alimentent les actions en faveur des salariés et demandeurs d’emploi handicapés par l’insuffisance ou l’inadaptation de leurs qualifications 80. * * * 75. Sur les 1,5 milliard d’apport de l’État, seuls 800 millions correspondent à des crédits nouveaux. 76. FISO, Document constitutif. 77. Six objectifs sont retenus : – soutien aux salariés et aux demandeurs d’emploi exposés à la crise (activité partielle, prime de 500 €…), –appui à la reconversion des salariés licenciés économiques (CTP, CRP…), –formation des demandeurs d’emploi (dont l’AFDEF – Allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation - se substituant à l’AFF – Allocation de fin de formation), –appui aux démarches territoriales et sectorielles de gestion de la crise, –politiques en direction des jeunes (contrats de professionnalisation et d’apprentissage, CIE, CAE…), –soutien à la création d’emploi (ateliers et chantiers d’insertion…). 78. Comité paritaire national pour la formation professionnelle. 79. Le décret n’est finalement adopté que le 19 février 2010. 80. Un nouvel épisode du conflit sur le partage des pouvoirs et des ressources a été amorcé en juillet dernier lorsque le gouvernement a fait connaître, à la grande colère des partenaires sociaux, son intention de ponctionner une fraction des excédents du FPSPP pour financer ses propres dépenses dans le domaine de la formation professionnelle.
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L’histoire enchevêtrée du FUP, du FISO et du FPSPP fait émerger une nouvelle géographie des populations prioritaires de la politique de l’emploi et de la formation. Elles regroupent les salariés et demandeurs d’emploi faiblement qualifiés, les salariés directement menacés de perte d’emploi et les chômeurs partiels. Cet ensemble est sécant relativement à la division classique entre insiders et outsiders. Il fait l’objet d’une définition conjointe des priorités et d’une mobilisation conjointe des ressources publiques et paritaires, soit dans le cadre des conventions FUP – État ou FPSPP – État, soit dans le cadre du FISO. Sans pouvoir présumer du caractère durable de cette orientation, soulignons qu’elle rompt avec la logique traditionnelle d’un partage des publics. À l’opposé, les titulaires d’emplois précaires, malgré quelques progrès à la marge, restent dans une large mesure écartés des principaux dispositifs, publics ou conventionnels, qui interviennent en cas de perte d’emploi. Il resterait à apprécier dans quelle mesure les régions, ou plus largement les acteurs territoriaux, assurent à cet égard un rôle partiel de substitution. Seuls des fragments d’information sont disponibles ; ils ne permettent pas de dégager des résultats généralisables.
Quelques enseignements 1. L’examen des diagnostics et des dispositifs adoptés face à la crise de l’emploi conduit une nouvelle fois à mettre en cause la pertinence des analyses dualistes du marché du travail, par exemple, l’opposition entre insiders et outsiders ou celle entre marché primaire et marché secondaire. Ces problématiques reposent sur une double hypothèse : — celle d’une forte homogénéité intragroupe s’opposant à une forte hétérogénéité intergroupe, — celle d’une faible mobilité entre les deux groupes. Si la profondeur de la segmentation des marchés du travail est indiscutable à la lumière de multiples indicateurs, on voit mal où faire passer la frontière qui séparerait deux catégories bien caractérisées. En particulier, la distinction entre CDI et contrats temporaires n’apparaît plus pertinente 81. De plus, la mobilité, positive ou négative, est devenue intense entre les segments, tandis que les risques de chômage ne s’opposent pas de façon simple 82. 81. Rappelons que : – feu les CNE (Contrat nouvelle embauche) et CPE (Contrat première embauche) étaient des CDI ; – les temps partiels très courts à horaires instables (type caissières de grandes surfaces) sont généralement des CDI ; – dans la phase finale de la négociation de l’accord du 11 janvier 2008, l’ensemble des syndicats sont tombés d’accord pour exiger que le nouveau contrat à objet défini soit un CDD alors que le patronat demandait un CDI. 82. Rappelons que : – les ouvriers de l’industrie victimes de licenciements économiques avec une forte ancienneté étaient typiquement des insiders alors qu’ils courent le plus grand risque de chômage de longue durée ou de reclassement avec déclassement dans un segment inférieur du marché du travail ; – que les intérimaires sont, de loin, les premières victimes de la crise, mais qu’ils sont les premiers à profiter de la reprise, contrairement à ce qu’enseigne la théorie insiders-outsiders.
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2. Même si l’on acceptait ce dualisme à titre de première approximation grossière, l’expérience des années 2008 et 2009 ne validerait pas l’hypothèse selon laquelle les « partenaires sociaux » négocieraient des mesures réservées aux insiders et abandonneraient les outsiders à la responsabilité des pouvoirs publics Par exemple, l’État a fortement mis l’accent sur le chômage partiel (ou l’activité partielle) qui est typiquement réservé aux insiders. À l’opposé, alors que la formation professionnelle continue avait depuis son origine favorisé les insiders, les fonds paritaires interprofessionnels (FUP, puis FPSPP) sont depuis 2009 ciblés sur les chômeurs ou les salariés menacés du fait de leur faible qualification. En pratique, dans presque tous les domaines, les dossiers se sont négociés « à trois » et les financements sont combinés. Le cas des chômeurs en fin de droits en fournit une illustration typique. Plus que l’hypothèse d’un partage hiérarchisé des publics, c’est celle d’un tripartisme masqué que nous retiendrons. Bien entendu, ceci laisse entière la question de la fonction de préférence implicite de chacun des acteurs et de leur influence respective dans la définition des compromis finalement adoptés. 3. Gérard Cornilleau et Mireille Elbaum ont montré que la conjonction en 2008 et 2009 de réformes institutionnelles majeures (la création de Pôle emploi, la renégociation de l’assurance chômage, la généralisation du RSA…) et d’une dégradation profonde de la situation de l’emploi créait un contexte qui à la fois favorisait et exigeait une remise à plat globale des dispositifs de prise en charge des personnes privées d’emploi ou situées aux marges du marché du travail (Cornilleau, Elbaum, 2009). Non seulement, l’occasion a été manquée, mais le degré de complexité et d’irrationalité des modes d’intervention et de financement s’est sensiblement accru. Aujourd’hui chacune des fonctions est partagée entre les différents acteurs avec des cofinancements multiformes 83. Ce système fractionné est soumis à des logiques parfois contradictoires qui sont définies par des acteurs faiblement coordonnés. Les frontières entre dispositifs sont arbitraires et instables. Les droits et statuts des personnes couvertes (ou non couvertes) sont hétérogènes et se révèlent incompatibles avec une gestion maîtrisée des transitions professionnelles. On mesure l’ampleur des lacunes, des gaspillages d’efforts et de ressources, ainsi que des inégalités injustifiées qui résultent de cet empilement d’initiatives disparates.
Références bibliographiques Alpha, 2009, Crise et pauvreté : une analyse sectorielle qualitative, Groupe Alpha, Centre d’études prospectives, octobre. Biehler Marc (Rapporteur), 2010, Rapport du groupe de travail « activité partielle de longue durée », Cellule de pilotage du FISO, février. 83. Voir annexe II.
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Bobbio Myriam, 2009, « Les dispositifs publics d’accompagnement des licenciements en 2008 », Premières synthèses, n° 48-2. Commission sur la politique de la jeunesse, 2009, Livre vert, Haut commissaire à la jeunesse, La Documentation française, juillet. COE (Conseil d’orientation pour l’emploi), 2010, Mutations économiques, reclassement, revitalisation, Rapport, 6 juillet. Cornilleau Gérard, Elbaum Mireille, 2009, « Indemnisation du chômage : une occasion manquée face à la crise ? », Lettre de l’OFCE, n° 307. Daniel Christine, Tuchszirer Carole, 1999, L’État face aux chômeurs. L’indemnisation du chômage de 1884 à nos jours, Paris, Flammarion. Dole Philippe, 2009, Rapport relatif à la mise en œuvre de l’accompagnement vers l’emploi des licenciés pour motif économique par le CTP et la CRP, Comité de pilotage national du CTP et de la CRP, octobre. Dole Philippe, 2010, Le CTP et la CRP : évaluation d’une approche systémique de l’accompagnement pour le retour durable à l’emploi des personnes licenciées pour motif économique, Comité de pilotage national du CTP et de la CRP, juillet. Fabre Alexandre, Lefresne Florence, Tuchszirer Carole, 2008, « L’accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail. Une tentative d’évaluation », Revue de l’OFCE, n° 107, p.5-28 Ferracci Pierre, 2010, « Le FPSPP sera un test difficile et salutaire entre l’État et les partenaires sociaux », aef.info, Document n° 2728, 3 février. Fondeur Yannick, Minni Claude, 2006, « L’accès des jeunes à l’emploi », INSEE, Données sociales, p.283-291. Freyssinet Jacques, 2007, « L’accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail : un avenir incertain », La revue de l’IRES, n° 54, p.3-40. Freyssinet Jacques, 2010, Négocier l’emploi. Cinquante ans de négociations interprofessionnelles sur l’emploi et la formation, Paris, Liaisons sociales. Luttringer Jean-Marie, Willems Jean-Pierre, 2010a, « La loi du 24 novembre 2009 : quel impact sur les financements paritaires ? », aef.info, Document n° 2735, 5 février. Luttringer Jean-Marie, Willems Jean-Pierre, 2010b, « La loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle », Droit social, n° 4, p.417-423. Mainaud Thierry, 2009, « La dépense nationale pour la formation professionnelle continue et l’apprentissage en 2007 », Premières synthèses, n° 49.2. Marx Jean-Marie (Rapport du groupe de travail présidé par), 2010, La formation professionnelle des demandeurs d’emploi, Fonds d’investissement social, janvier. Mériaux Olivier, 2009, « La mobilisation dans l’urgence de la formation permettra-t-elle de répondre aux effets de la crise ? », aef.info, Dépêche n° 110751, 13 mars. Présidence de la République, 2010, Réunion de bilan d’étape avec les partenaires sociaux, 10 mai. Rousseau Yves, 2009, « Le suivi du chômage et des personnes tenues de rechercher un emploi après les lois de 2008 », Droit social, n° 11, p.1101-1113.
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ANNEXE I Les pratiques décentralisées
L’effectivité des normes et dispositifs publics ou interprofessionnels est fonction de l’usage qu’en font les acteurs aux niveaux inférieurs, notamment les branches, les régions et territoires, les entreprises. L’information dans ce domaine reste, à ce jour, partielle et disparate. Une contribution significative sur les comportements des entreprises a été apportée par le rapport établi par le groupe Alpha à la demande de l’ONPES (Alpha, 2009). L’étude, non représentative, est réalisée sur dix cas d’entreprises appartenant à quatre secteurs contrastés (BTP, automobile, grande distribution alimentaire, logistique). Elle est complétée par l’expérience d’un cabinet de reclassement. Face aux réductions de niveaux d’activité, un schéma dominant se dégage. Selon la gravité de la situation, il peut comprendre trois étapes successives : — recours à la flexibilité externe : intérim, CDD, rapatriement de prestations extériorisées… — recours à la flexibilité interne : réduction des heures supplémentaires, modulation du temps de travail, chômage partiel, congés payés imposés, envois en formation, mobilité entre les sites… — réduction de l’emploi interne : mobilité intragroupe, départs volontaires, PSE… Ce n’est que dans les cas d’urgence que les trois registres sont mobilisés simultanément. Le fait que les deux premiers types de mesures sont souvent aujourd’hui épuisés contraindrait dans l’avenir à un recours plus généralisé au troisième en l’absence de reprise confirmée. Du côté du reclassement, le rapport souligne la dégradation qualitative des offres d’emploi aussi bien en termes de précarité que de niveau de salaire. Elle est accompagnée d’un accroissement de la sélectivité à l’embauche, donc de risques accrus de déclassement ou d’exclusion. Les auteurs voient dans ces résultats une illustration de la dualisation du marché du travail. La diversité des instruments mobilisés par les entreprises et de leurs conséquences sur l’emploi ou sur le salaire des catégories concernées ainsi que la variété des trajectoires en cas de recherche de reclassement rendraient peut-être plus pertinente une interprétation en termes de segmentation croissante 84. 84. Par exemple, ce sont les ouvriers des grandes entreprises industrielles qui sont les plus menacés soit de déclassement vers des emplois précaires de services aux personnes, soit de chômage d’exclusion en cas de refus de leur part de conditions d’emploi et de travail dégradées.
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ANNEXE II Fonctions, institutions et financements L’Unédic Le régime d’assurance chômage avait à l’origine pour fonction d’assurer aux salariés de l’industrie et du commerce privés d’emploi (donc à l’exclusion du chômage partiel) une indemnisation complémentaire à l’aide publique. Ultérieurement, le régime a décidé de financer des mesures de politique active de l’emploi. Cette tendance a connu son apogée avec le PARE (ANI du 1er janvier 2001) avant d’être, en principe, brutalement stoppée par la fusion ANPE-Assédic : l’Unédic verse désormais à Pôle emploi une contribution globale au titre des mesures de politique active. Cependant, la situation est moins simple qu’il n’y paraît. ■
Dans le cadre de l’ANI du 23 décembre 2008, l’Unédic conserve trois dispositifs supposés exercer un effet d’activation : — l’indemnisation des activités occasionnelles et réduites concerne des personnes qui ont été en emploi (constamment ou à certains moments) durant la période indemnisée ; — l’aide différentielle de reclassement pour les allocataires de plus de 50 ans ou indemnisés depuis plus de 12 mois bénéficie à des salariés en emploi ; — l’aide à la création ou à la reprise d’entreprise bénéficie à des titulaires d’emplois non salariés.
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L’Unédic finance, avec une contribution de l’État, les CRP dont les titulaires ont le statut de stagiaires de la formation professionnelle
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Depuis avril 2009, l’Unédic a accepté de contribuer au financement de l’APLD, c’est-à-dire d’un complément de revenus versé à des salariés en activité partielle.
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Le 15 avril 2010, il a été convenu que l’Unédic contribuerait pour moitié au financement de l’aide exceptionnelle de retour à l’emploi, aide qui est destinée à ceux qui ont épuisé leurs droits à l’assurance chômage.
La formation professionnelle continue L’ANI du 9 juillet 1970 et la loi du 16 juillet 1971 règlent les dépenses de formation professionnelle continue que les entreprises doivent engager au bénéfice de leurs salariés. Les fonds mutualisés créés ultérieurement ne dérogent pas à ce principe : — le congé individuel de formation (1982) bénéficie à des salariés d’une entreprise adhérente au fonds paritaire ; ces salariés ont droit au retour dans l’entreprise au terme de leur congé ;
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— les formations en alternance de jeunes (1983) et, plus tard, d’adultes (2003) se font dans le cadre de contrats de travail de type particulier signés par une entreprise adhérente au fonds paritaire 85. Il faut attendre l’ANI du 7 janvier 2009 et la loi du 24 novembre 2009 pour qu’une partie significative des ressources versées par les entreprises aux fonds paritaires soit affectée à des non salariés : — soit, pour le financement de formations au bénéfice des chômeurs qui souffrent d’un handicap en matière de formation ; — soit, pour le financement de « préparations opérationnelles à l’emploi » (POE) qui correspondent à des offres d’emploi déposées à Pôle emploi. Plus récemment, le FUP, puis le FPSPP ont été sollicités pour diverses tâches de financement : — pour les CRP et les CTP, — dans le cadre des activités partielles, — au bénéfice des chômeurs en fin de droits, — pour moitié, dans l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation (AFDEF). * * * On n’observe donc ni un clair partage des publics, ni un clair partage des fonctions entre les pouvoirs publics et les fonds gérés paritairement. Rappelons que du côté des pouvoirs publics, le partage des responsabilités est conflictuel entre État et conseils généraux en matière de RSA, tandis qu’il demeure instable entre État et conseils régionaux tant en matière de formation continue qu’en matière de politique active de l’emploi où les régions multiplient les initiatives.
85. Une exception temporaire a existé dans le cas des « stages d’initiation à la vie professionnelle » qui donnaient seulement le statut de stagiaire de la formation professionnelle.
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ANNEXE III Chronologie des principaux textes 2008 11 janvier - ANI sur la modernisation du marché du travail 13 février - Loi sur la réforme du service public de l’emploi 1er août - Loi sur l’offre raisonnable d’emploi 28 octobre - Discours du président de la République à Rethel: plan d’action pour l’emploi comme troisième étape du plan de lutte contre la crise 14 novembre - ANI sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) 1er décembre - Loi généralisant le Revenu de solidarité active (RSA) 15 décembre - Avenant à l’ANI du 21 février 1968 sur l’indemnisation du chômage partiel 19 décembre 2008 - Décret créant une aide à l’embauche pour les TPE 23 décembre - ANI relatif à l’indemnisation du chômage 23 décembre - ANI portant reconduction du dispositif des conventions de reclassement personnalisé (CRP) 2009 7 janvier - ANI sur la formation tout au long de la vie professionnelle 26 et 29 janvier - Arrêté et décret sur l’indemnisation du chômage partiel 18 février - Sommet social tripartite à l’Elysée 27 mars - Décret instituant la prime exceptionnelle de 500€ pour certains salariés privés d’emploi 30 mars - Arrêté d’agrément de la convention relative à l’indemnisation du chômage 10 avril - Installation du Fonds d’investissement social (FISO) 21 avril - Signature de l’accord FUP - État 22 avril - Décret créant l’Allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation (AFDEF) 24 avril - Plan d’urgence en faveur de l’emploi des jeunes 29 avril - Décret relatif à l’activité partielle de longue durée (APLD) 1er juillet - Réunion tripartite à l’Elysée
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8 juillet - ANI relatif à la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l’emploi 11 septembre - Avenant relatif à la CRP (amélioration de l’indemnisation) 29 septembre - Plan « Agir pour la jeunesse » 2 octobre - ANI relatif au chômage partiel (amélioration des bases de calcul de l’indemnisation) 24 novembre - Loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie 25 novembre - Décret relatif au contrat unique d’insertion 30 décembre 2009 - Décret sur les contrats de transition professionnelle (CTP) : prolongation et extension 2010 12 janvier - ANI portant sur l’affectation des ressources du FPSPP 15 février - Sommet social 19 février - Décret relatif au FPSPP 15 mars - Convention-cadre État / FPSPP 15 avril - « Plan de rebond vers l’emploi » (chômeurs en fin de droits) 10 mai - Sommet social 25 août – Décret instaurant l’extension du RSA aux moins de 25 ans
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ANNEXE IV La politique de l’emploi dans la crise Olivier Marchand, Claude Minni, statisticiens économistes Fournir des éléments statistiques de diagnostic sur l’impact respectif des dispositifs, publics ou négociés, mis en place récemment pour répondre aux conséquences de la crise, en distinguant les différentes catégories de salariés, n’est pas aisé. De fait, l’information disponible est très variable selon le type de mesures étudiées : chômage, formation professionnelle, emplois aidés, insertion des jeunes. Cette insuffisance de résultats statistiques d’évaluation tient à plusieurs facteurs : absence de chiffres, difficultés méthodologiques, manque de recul temporel… Ainsi les statistiques concernant le formation des chômeurs pour l’année 2009, élaborées par Pôle Emploi ne sont pas encore disponibles ce qui empêche toute analyse de la formation professionnelle dans la crise. Enfin, des évaluations ont été parfois réalisées mais non rendues publiques. D’un point de vue plus général, selon le récent rapport de la Cour des comptes sur la mise en œuvre de plan de relance de l’économie française, « le dispositif de pilotage retenu a privilégié l’efficacité d’exécution sur le système d’informations ». Ce rapport souligne les faiblesses du dispositif de suivi des effets du plan de relance avec des objectifs et indicateurs de performance partiels et peu instructifs en terme d’impact, voire inexistants. Il mentionne également la difficulté de l’évaluation macro-économique, citant notamment le cas de l’aide à l’embauche dans les TPE, mesure pour laquelle « l’impact sur l’emploi est très difficile à estimer, dans un contexte de forte baisse des effectifs, particulièrement dans les petites entreprises ».
I. Le chômage I. a. L’accompagnement des chômeurs La plupart des informations sur ce sujet relèvent de Pôle emploi. Concernant l’accompagnement des chômeurs, le nombre moyen de demandeurs d’emploi suivis par conseiller est connu mensuellement. Il n’a cessé de s’élever avec l’afflux de nouveaux demandeurs : fin août 2010, un conseiller suivait en moyenne 103 demandeurs d’emploi, contre 95 fin janvier 2010, 92 fin août 2009 et 85 fin janvier 2009. Plus de 6 000 conseillers suivaient plus de 130 demandeurs d’emploi en août 2010. La situation est très variable suivant les régions, le nombre de demandeurs d’emploi par conseiller étant de l’ordre de 50 en Corse, en Martinique et en Guadeloupe, tandis qu’il dépasse les 120 en Franche-Comté et dans le Nord-Pas de Calais. On ne dispose pas de données plus fines que ce ratio général, qui tend à montrer que les bénéfices concernant la qualité de l’accompagnement des chômeurs attendus par la fusion des services de l’ANPE et de l’Unédic ont été largement contrebalancés par les conséquences de l’engorgement des services de Pôle emploi lié à l’afflux des nouveaux demandeurs.
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Par ailleurs, Pôle emploi n’a rien publié au sujet de l’impact du passage du RMI au RSA sur le volume des inscriptions. Il n’existe pas non plus de séries concernant le nombre de personnes radiées pour refus d’offre raisonnable d’emploi, ni d’études sur les conséquences de la création d’une filière d’indemnisation unique par l’accord de fin 2008 en termes d’effets sur les inégalités entre demandeurs d’emploi. Par contre, le nombre de personnes concernées par la prime mensuelle de 500 euros pour 12 mois, introduite à la suite du sommet social de février 2009 pour les demandeurs d’emploi ayant travaillé entre deux et quatre mois dans les 28 mois précédant leur entrée au chômage, a pu être estimée à environ 50 000 d’avril à juillet 2010. I. b. Chômeurs en fin de droits Sur le sujet des chômeurs en fin de droits, Pôle Emploi a publié une courte étude : sous l’hypothèse d’une croissance de 1,3 % du PIB en 2010 qui s’accompagnerait d’une hausse du nombre de demandeurs d’emploi de 102 000 en glissement annuel, le nombre de sorties du régime d’assurance chômage pour fin d’indemnisation de personnes inscrites précédemment en catégories A, B ou C a été estimé à 1 million pour l’ensemble de l’année 2010 (au cours de la dernière décennie le maximum observé a été d’environ 850 000, en 2005 et 2009). Ce chiffre très élevé est le résultat de la forte augmentation du nombre d’entrées en chômage en 2009, mais aussi des nouvelles règles d’indemnisation qui ont permis à de nouveaux chômeurs d’être pris en charge avec une indemnisation prenant fin en 2010. Sur la base des situations observées par le passé, la situation des personnes arrivées en fin de droit en 2010 se répartirait ainsi dans les six mois qui suivent la fin des droits : 200 000 pourraient percevoir une indemnisation au titre de l’ASS, l’AER ou l’AFDEF ; 220 000 pourraient bénéficier du RSA ; 100 000 seraient inscrits et de nouveau indemnisés après s’être ouvert des droits ; 90 000 sortiraient des listes suite à une reprise d’activité. Resteraient alors environ 400 000 personnes sans indemnisation, ni activité. I. c. La gestion sociale des restructurations (CTP, CRP) Le nombre de bénéficiaires d’une mesure de reclassement des salariés suite à un licenciement économique, convention de reclassement personnalisé (CRP) ou contrat de transition professionnelle (CTP), a rapidement progressé avec la crise. De 2006 à la fin du 3e trimestre 2008, le nombre de personnes concernées était stable, aux environs de 30 000. De fin 2008 à début 2009, les effectifs présents dans ces mesures ont presque triplé et, à la fin du 1er semestre 2010, 115 000 personnes sont concernées (99 000 en CRP et 16 000 en CTP) (graphique ). Fin 2009, six bénéficiaires sur dix d’une CRP ou d’un CTP sont des hommes ; 22 % ont 50 ans ou plus, soit l’équivalent de leur poids dans l’emploi. Alors que moins de six salariés sur dix sont employés ou ouvriers, c’est le cas de plus de sept bénéficiaires d’une CRP ou d’un CTP.
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Graphique : Évolution des stocks de bénéficiaires de CRP et CTP 120000 CTP 100000
CRP
80000
60000
40000
2010 T2
2010 T1
2009 T4
2009 T3
2009 T2
2009 T1
2008 T4
2008 T3
2008 T2
2008 T1
2007 T4
2007 T3
2007 T2
2007 T1
2006 T4
2006 T3
2006 T2
2006 T1
2005 T3
0
2005 T4
20000
Champ : France métropolitaine. Source : Pôle emploi, Dares.
La crise ayant touché en premier lieu les hommes, leur proportion dans les mesures de reclassement suite à un licenciement économique est passé de cinq à six sur dix de la fin 2007 à la fin 2009. Par contre les répartitions selon l’âge et la catégorie socio-professionnelle ont été peu modifiées par la crise (tableau A1). Tableau A1. Évolution des stocks de bénéficiaires de CRP et CTP Répartitions en %
Ensemble Sexe Hommes Femmes Age Moins de 25 ans Entre 25 et 49 ans 50 ans ou plus Qualification Ouvriers et employés non qualifiés Ouvriers et employés qualifiés Professions intermédiaires Cadres
Fin 2007 Fin 2008 Fin 2009 Ensemble Ensemble Ensemble dont CRP dont CTP 28 720 42 640 92 610 77 210 15 400 49 51
52 48
60 40
59 41
63 37
6 74 20
7 73 20
6 72 22
6 71 22
7 72 21
15 58 13 14
15 59 14 12
16 56 14 14
15 56 14 15
22 57 13 8
Champ : France métropolitaine. Source : Pôle emploi, Dares.
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I. d. L’activité partielle S’agissant de l’activité partielle (appelé aussi chômage partiel ou technique), le montant remboursé aux entreprises, publié dans les rapports budgétaires, est de l’ordre de 300 millions en 2009. Avec un taux de prise en charge forfaitaire de l’État de 3,5 euros par heure, cette somme représente l’équivalent de 50 000 emplois à plein temps. Selon les estimations du ministère de l’Emploi, chaque épisode d’activité partielle dure en moyenne huit semaines par salarié concerné avec une réduction de la durée hebdomadaire de travail d’environ un tiers, et de 50 à 60 % des épisodes d’activité partielle correspondent à des salariés distincts. Sur cette base, le nombre de salariés au moins une fois en activité partielle en 2009 est estimé entre 430 000 et 510 000, et le nombre de personnes en situation de chômage partiel ou technique au cours d’une semaine moyenne de l’année aux environs de 130 000. Ce dernier chiffre est estimé à 190 000 par l’enquête Emploi selon les déclarations des individus, mais un certain nombre de salariés ayant connu une réduction de la durée du travail spécifique à leur entreprise sans lien avec les dispositifs d’activité partielle déclarent être au chômage partiel ou technique à l’enquête.
II. Les emplois aidés Le volume des emplois aidés a régulièrement baissé de 2000 à 2008 puis s’est stabilisé en 2009 (1,2 millions). Fin 2009, on comptait un million de bénéficiaires d’un contrat marchand aidé, dont 607 000 contrats en alternance, 98 000 contrats aidés (CIE, RMA ET SEJE) et 298 000 emplois correspondant à d’autres exonérations (Insertion par l’activité économique, ACCRE et Accompagnement des restructurations). Le nombre de bénéficiaires d’un contrat non marchand aidé (CAE, CAV, emplois jeunes) s’élevait à 242 000 à la même date (tableau A2). Depuis le 1er janvier 2010, le Contrat Unique d’Insertion a été créé. Dans le secteur non marchand, il prend la forme du Contrat d’accompagnement vers l’emploi (CUI-CAE), tandis que le Contrat d’avenir (CAV) est abrogé. Avec la crise, les moyens affectés à ces dispositifs ont été amplifiés par rapport à 2008, d’abord par le plan d’action pour l’emploi annoncé en octobre 2008, puis par le plan d’action en faveur des jeunes de la mi 2009 avec une enveloppe spécifique dégagée en juin pour 30 000 « CAE passerelle », contrats d’une durée d’au moins un an destinés aux jeunes embauchés par des collectivités territoriales ou des associations, avec l’objectif de faciliter leur passage du secteur non marchand vers le secteur marchand. Il y a eu 358 000 entrées en contrats aidés non marchands sur l’ensemble de l’année 2009 (260 000 conventions de CAE et 98 000 de contrats d’avenir), soit 82 000 de plus qu’en 2008. Au cours du premier semestre 2010, les entrées ont de nouveau progressé : 184 000 conventions de Contrat unique d’insertion ont été signées, soit 37 000 de plus que le nombre d’entrées en CAE et CAV au cours des six premiers mois de 2009.
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Tableau A2. Évolution des entrées et du nombre de bénéficiaires d’un emploi aidé En milliers, données cvs pour le nombre de bénéficiaires
Nombre de bénéficiaires en fin d'année
Entrées
Emploi marchand aidé dont contrats aidés du secteur marchand hors alternance dont contrats en alternance Emploi non marchand aidé Emploi aidé total
2007
2008
2009
2007
2008
2009
786
716
726
1 135
1 052
1 003
161
62
117
225
125
98
439
468
425
619
633
607
364 1 151
276 992
358 1 084
248 1 383
184 1 236
242 1 245
Champ : France métropolitaine. Note : L'emploi marchand aidé comprend les contrats aidés du secteur marchand hors alternance (contrat initiative emploi (CIE), contrat insertion revenu minimum d'activité (CI-RMA) et soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE)), les contrats en alternance (contrat de professionnalisation et contrat d'apprentissage), les autres exonérations (dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), zones de redynamisation urbaine (ZRU), zones franches urbaines (ZFU)), l'insertion par l'activité économique, l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE) et l'accompagnement des restructurations (allocation temporaire dégressive, congés de conversion, préretraite progressive). L'emploi non marchand aidé correspond aux contrats aidés du secteur non marchand (contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), contrat d'avenir (CAV), emplois jeunes, contrat emploi consolidé (CEC)). Les entrées correspondent aux entrées totales (entrées initiales + reconductions de contrats). Source : ASP (Agence des services et de paiement), traitement Dares.
Ce volume plus important d’entrées en contrats aidés non marchand n’a que très partiellement compensé les destructions d’emplois dans les secteurs concurrentiels. L’emploi aidé dans le secteur non marchand a ainsi augmenté de 60 000 postes en 2009 après deux années de recul, puis de nouveau augmenté de près de 30 000 au cours du premier semestre 2010. Pour ce qui est des contrats aidés du secteur marchand, l’effet sur l’emploi, en tenant compte des effets d’aubaine et de substitution, est beaucoup plus limité. D’ailleurs, le nombre de bénéficiaires a baissé au cours de l’année 2009 (- 49 000), comme cela avait déjà été le cas en 2008. La hausse du nombre de bénéficiaires d’un Contrat initiative emploi (CIE, devenu en 2010 CUI-CIE), + 33 000 en un an, n’a pas compensé la baisse du nombre de bénéficiaires d’un Contrat en alternance (- 26 000) et d’un Contrat jeune en entreprise (- 55 000), mesure en voie d’extinction car supprimée depuis le 1er janvier 2008. En janvier 2010, le Contrat unique d’insertion s’est substitué au CIE et au CI-RMA en prenant la forme du CIE (CUI-CIE). Au cours du premier semestre 2010, l’augmentation du nombre de titulaires d’un CIE ou d’un CUI-CIE a accéléré (+ 44 000 en un semestre), alors que le nombre de personnes en alternance reculait de 24 000, tandis que les derniers titulaires d’un Contrat jeune en entreprise sortaient de la mesure (- 4 000). On ne dispose pour l’instant pas d’informations détaillées sur les emplois aidés par catégories de publics pour la période la plus récente, sauf pour les jeunes (voir
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infra). Dans le secteur non marchand, les seniors (50 ans ou plus) représentent 20 % des embauches en 2009, proportion stable par rapport à 2008.
III. L’insertion des jeunes III. a. Le plan d’urgence en faveur de l’emploi des jeunes La DARES met en ligne sur le site du ministère du Travail (rubrique jeunes et politiques de l’emploi) des données sur les flux d’entrée et les stocks de jeunes de 16 à 25 ans dans les différentes mesures de politique de l’emploi (alternance, emplois marchands et emplois non marchands). Dans le secteur non marchand, on compte un quart de jeunes de moins de 26 ans dans les embauches en 2009, proportion en augmentation de + 4 points par rapport à 2008, en lien avec la mise en place des « CAE passerelle » et le poids accru des embauches en CAE. Ces dernières augmentent beaucoup plus que celles en CAV et la part des jeunes y est nettement plus élevée (32 % contre 6 %). Avec l’alternance, les jeunes sont très majoritaires dans les contrats aidés du secteur marchand. Toutefois, entre fin 2008 et fin 2009, leur part parmi les nouveaux bénéficiaires de ces contrats diminue de 86 % à 84 % en raison de la diminution du poids de l’alternance, peu dynamique en début d’année. Hors alternance, les jeunes sont proportionnellement deux fois plus nombreux qu’en 2008 dans les entrées en contrat aidé marchand (44 % contre 22 %) du fait de l’enveloppe supplémentaire débloquée pour les CIE jeunes. Avec les nouvelles exonérations de charges sociales et l’introduction de primes à l’embauche, le plan d’avril 2009 se fixait pour objectif 320 000 entrées en contrats d’apprentissage et 170 000 entrées en contrat de professionnalisation de juin 2009 à mai 2010. De juillet 2009 à juin 2010 il a été dénombré 285 000 entrées en apprentissage et 120 000 entrées de jeunes de moins de 26 ans en contrat de professionnalisation. Les entrées en contrat d’apprentissage ont été proches en 2009 et au premier semestre 2010 de celles de 2008 et, fin juin 2010, l’effectif d’apprentis est le même qu’un an auparavant (405 000). Au second semestre 2009, les entrées de jeunes en contrats de professionnalisation se sont situées au même niveau qu’au second semestre 2008, tandis qu’au cours des premiers semestres 2009 et 2010 il y a eu le même nombre d’entrées, en retrait par rapport à 2008. Au total, on comptait 152 000 jeunes de 16 à 25 ans en contrat de professionnalisation fin juin 2010, soit 18 000 de moins qu’un an auparavant. L’évolution des stocks pour les jeunes non qualifiés, ceux de niveau Vbis et VI, est conforme à l’évolution générale, à la fois pour les contrats d’apprentissage et de professionnalisation. Pour les autres contrats aidés à destination des jeunes l’objectif était de 80 000 contrats supplémentaires : 50 000 marchands (CUI-CIE) et 30 000 non marchands (CUI-CAE). L’augmentation des entrées dans ces deux types de contrats a été importante. Au premier semestre 2009, les entrées étaient déjà plus nombreuses qu’au cours des six premiers mois de 2008. Au cours de l’année 2009, le
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nombre d’entrées en CIE (respectivement CAE) a augmenté de 37 000 (respectivement 33 000) par rapport à 2008, puis au cours du premier semestre 2010 l’augmentation a été 41 000 (respectivement 30 000) par rapport au premier semestre 2009. Au total, le nombre des jeunes en CIE et en CAE a augmenté respectivement de 61 000 et 40 000 au cours de l’année 2009, la progression ayant été importante à la fois pour les jeunes non qualifiés et les autres. Compte tenu de l’extinction du contrat jeunes en entreprise, l’effectif total du nombre de jeunes en emploi aidé a augmenté de 50 000 de juin 2009 à juin 2010. On ne dispose pas de chiffres concernant les contrats d’accompagnement formation pour les jeunes inscrits à pôle Emploi ou dans les missions locales. III. b. Le plan agir pour la jeunesse Le RSA a été étendu à partir de l’été 2010 aux jeunes de moins de 25 ans, mais sous la condition très restrictive qu’ils aient été en emploi pendant l’équivalent de deux ans à plein temps au cours des trois dernières années. Alors que le gouvernement avait évoqué un chiffre de 160 000 jeunes concernés à terme chaque année pour un coût de 250 millions d’euros par an, seuls 20 millions ont été budgétés pour les trois derniers mois de 2010, correspondant à 15 000 jeunes en année pleine, soit dix fois moins que le chiffre initialement avancé.
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PRÉVISION
La route vers la déflation ? Perspectives 2010-2011 pour l’économie mondiale * OFCE, Centre de recherche en économie de Sciences Po Département analyse et prévision
* Ce texte synthétise l’analyse de la conjoncture menée par le département analyse et prévision de l’OFCE à l’automne 2010. Il a été rédigé par Hervé Péléraux, Danielle Schweisguth et Xavier Timbeau. Il s’appuie sur le travail d’une équipe dirigée par Xavier Timbeau et composée de Céline Antonin, Christophe Blot, Marion Cochard, Amel Falah, Eric Heyer, Sabine Le Bayon, Catherine Mathieu, Paola Monperrus-Veroni, Hervé Péléraux, Mathieu Plane, Christine Rifflart et Danielle Schweisguth. Il intègre les prévisions disponibles au 15 octobre 2010.
Depuis un an, l’économie mondiale s’est engagée sur la voie du redressement, après un choc récessif d’une ampleur sans précédent dans la période contemporaine. Les difficultés budgétaires de certains pays en zone euro ont déclenché une nouvelle crise financière au printemps mais ces inquiétudes n’ont, jusqu’à présent, pas eu de répercussions sur la région dans son ensemble, dopée par la vigueur de la reprise allemande. Et si l’économie américaine paraît s’essouffler, le volontarisme réaffirmé de la FED rassure. Les pays émergents quant à eux, emmenés par l’Asie, ont retrouvé ou dépassé le précédent pic d’activité. Pourtant le ver est dans le fruit. Les économies développées sont prises dans une trappe à liquidité. En engageant la consolidation budgétaire trop tôt, elles courent le risque d’entrer en déflation. La hausse des taux réels qui en résulterait aggraverait la récession. Les multiplicateurs budgétaires et l’absence de relais de la politique monétaire commandent, pour pouvoir maîtriser la trajectoire de la dette publique, de procéder à une relance budgétaire globale, en tout cas à l’échelle européenne, accompagnée d’une réduction de l’incertitude financière et des changes. Les prévisions de croissance présentées ici écartent pour l’instant le scénario déflationniste mais sa probabilité est élevée à une échéance un peu plus longue.
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■ Département analyse et prévision
Vue d’ensemble L’année 2009 ressort comme la pire, économiquement, depuis la Grande Dépression. Peu de zones du monde ont échappé à la catastrophe. À vrai dire, seules quelques régions ont été épargnées, l’Asie hors Japon, l’Afrique et le Moyen-Orient, qui ont continué à croître quand la récession s’abattait sur le monde développé. La zone euro a été lourdement frappée (baisse du PIB de 4 % en 2009), le Japon (-5,2 %) et les pays de l’Est (-7 %), à un degré moindre les États-Unis (-2,6 %) et l’Amérique latine (-2,3 %). Parmi les grands pays de la zone euro, les baisses sont aussi spectaculaires. L’activité en Italie et en Allemagne s’est contractée respectivement de 5,1 et 4,7 %, quand la France a réalisé la seconde « meilleure performance » de la zone, en ne reculant que de 2,5 % (tableau 1). Si 2009 marque le paroxysme de la crise, elle est aussi celle de l’interruption de la chute libre de l’activité, et, dans la plupart des régions du monde, d’un rebond de l’activité, étalé entre le premier et le troisième trimestres. La reprise de l’activité s’est confirmée jusqu’au deuxième trimestre de l’année 2010, bien que son rythme soit trop faible pour assurer un retour à la situation de la fin 2007. Ainsi, le taux de chômage ne montre que des signes de stabilisation à des sommets rarement observés par le passé.
La crise n’est pas finie La reprise de la croissance dans le courant de 2009, principalement sous l’effet de l’arrêt du déstockage, ne doit pas créer l’illusion que la crise est bel et bien terminée. Dans la plupart des pays, un an après la fin de l’effondrement des PIB, les pertes de production sur le point haut du cycle (le premier trimestre 2008) sont considérables (tableau 2 et encadré 1). En termes de PIB, les pays les moins touchés sont la France et les États-Unis, avec des pertes respectives de 2,2 et 1,1 %. Si l’Allemagne peut aussi être rattachée à cette catégorie, c’est surtout grâce à une performance exceptionnelle au deuxième trimestre 2010, avec une croissance de 2,2 %, qui a ramené les pertes de production par rapport au premier trimestre 2008, de 4,8 % au premier trimestre 2010 à 2,7 % au deuxième. Le Japon, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie comptent quant à eux au nombre des pays les plus meurtris par la crise, avec des pertes de production s’étalant de 4,3 à 5,6 %. En termes de PIB par tête, qui prend en compte le dynamisme de la population des pays pour apprécier l’effet de la récession sur le niveau de vie de leurs habitants, le classement précédent est peu modifié, avec en queue de peloton toujours l’Italie, et cette fois en tête l’Allemagne, qui profite de la baisse de sa population.
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Tableau 1 : Perspectives de croissance mondiale Taux de croissance annuels, en %
Poids1 dans le total Allemagne France Italie Espagne Pays-Bas Belgique Autriche Finlande Portugal Grèce Irlande Zone euro Royaume-Uni Suède Danemark Union européenne à 15 12 nouveaux pays membres Union européenne à 27 Suisse Norvège Europe États-Unis Japon Canada Pays industriels Pays candidats à l’UE2 Russie Autres CEI3 Chine Autres pays d’Asie Amérique latine Afrique Moyen-Orient Monde
4,4 3,2 2,8 2,1 1,0 0,6 0,6 0,5 0,4 0,3 0,3 16,4 3,4 0,5 0,3 20,5 2,7 23,3 0,5 0,4 24,1 21,8 6,7 2,0 56,3 1,2 3,2 1,3 11,0 13,2 7,9 3,4 2,5 100
PIB en volume 2009
2010
2011
-4,7 -2,5 -5,1 -3,7 -3,9 -2,7 -8,1 -3,8 -2,6 -2,0 -7,6 -4,0 -5,0 -4,7 -5,1 -4,3 -3,4 -4,1 -1,5 -1,4 -4,1 -2,6 -5,2 -2,5 -3,5 -4,3 -7,9 -4,7 9,1 2,8 -2,3 2,6 2,0 -1,0
3,4 1,7 1,1 -0,2 1,9 2,0 2,2 1,4 1,5 -3,6 -0,5 1,7 1,7 3,9 1,7 1,8 1,3 1,7 2,6 1,0 1,7 2,6 3,1 3,0 2,2 6,5 4,5 4,7 10,0 8,1 6,2 5,0 4,1 4,5
2,5 1,6 1,2 0,4 1,8 1,8 2,1 1,6 0,7 -2,4 1,1 1,7 1,4 2,7 2,0 1,6 2,8 1,7 1,8 2,6 1,7 1,7 1,8 1,9 1,7 3,3 4,6 5,2 9,2 6,7 3,7 5,5 5,1 3,7
1. Pondération selon le PIB et les PPA de 2007 estimés par le FMI. 2. Croatie, République de Macédoine et Turquie. 3. Communauté des États indépendants. Sources : FMI, OCDE, sources nationales, calculs et prévision OFCE octobre 2010.
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■ Département analyse et prévision
Tableau 2 : Pertes de production et augmentation du taux de chômage 2008q1/ 2010q2
France Allemagne
Italie
Japon
EU
R-U
Espagne
PIB/habitant, (en %)
-3,5
-2,3
-7,1
-4,1
-3,2
-5,8
-6,0
PIB (en %)
-2,2
-2,7
-5,6
-4,3
-1,1
-4,5
-4,6
Chômage (en points)
+2,1
-0,6 (+1,3)*
+2,2
+1,3
+4,9
+2,6
+10,8
* Pour l’Allemagne, le chiffre entre parenthèses cumule les variations du chômage et du chômage partiel. Sources : Comptabilités nationales, calculs OFCE.
L’exposition des pays au chômage peut quant à elle mal refléter les pertes de production subies. En particulier, si le chômage n’a pas augmenté en Allemagne entre le premier trimestre 2008 et le deuxième trimestre 2010 (il a même légèrement diminué), c’est grâce au recours massif au chômage partiel qui a maintenu les licenciés potentiels dans l’emploi. Le même dispositif ayant été mis en place au Japon, le nombre des nouveaux sans-emplois y a été aussi plus faible qu’ailleurs. Le gonflement du chômage a au contraire été spectaculaire aux États-Unis et en Espagne, du fait d’une plus grande flexibilité des marchés du travail et d’un impact de la crise sur la construction, secteur intensif en main-d’œuvre, plus prononcé. La crise a donc profondément affecté les pays développés, qui sont encore loin d’avoir retrouvé le niveau d’activité qui prévalait au tournant de 2007 et de 2008. Ce point de départ pris pour faire le bilan de la crise à la mi-2010 n’est d’ailleurs que le point d’arrivée du sentier de croissance particulièrement pentu qui s’était instauré depuis 2002 (graphique 1).
Encadré 1 : Bulles, déséquilibres et récession Il est indiscutable que la crise est intervenue dans un contexte de bulles, financière et immobilière, et de déséquilibres macroéconomiques. Ainsi, la récession pourrait être la correction de mécanismes non soutenables. Garantir un sentier de croissance soutenable aurait nécessité de ne pas laisser se former ces déséquilibres, ce qui aurait, éventuellement, conduit à une croissance moins forte. Sous cette hypothèse, le point de référence ne devrait pas être le point haut du PIB (2008q1), mais un point situé sur un sentier tendanciel moins pentu. Par rapport à ce sentier virtuel, les pertes d’activité apparaîtraient moins importantes. Ainsi, l’ampleur de la crise ne serait que le corollaire de l’ampleur des déséquilibres antérieurs, et la situation présente, le simple retour à des « fondamentaux ». Pour autant, ce sentier tendanciel plus vertueux n’a pas existé. En particulier, le niveau d’activité atteint en 2008q1 et la chute d’activité nous laissent aujourd’hui avec des capacités productives inemployées, physiques comme humaines, considérables. Les personnes qui avaient un emploi au début de 2008, et qui l’ont perdu durant la récession, se retrouvent au chômage à la mi-2010 et sont de facto disponibles pour travailler. La baisse généralisée des taux d’utilisation des capacités de production témoigne de l’importance du volume de capital inemployé hérité des années de forte croissance. La chute de demande induite par la perte de richesses ou de revenus complète le tableau.
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Si l’économie avait suivi le sentier virtuel soutenable, le système de prix, de production et de capital serait différent. La crise ne s’y serait pas produite et le plein emploi aurait été conservé. Mais l’économie n’a pas suivi ce sentier. Un autre stock de capital a été accumulé, un autre système de prix a prévalu. En revanche, l’économie s’est approchée du plein emploi et la crise est intervenue à partir de là. L’impact de la crise ne peut donc s’apprécier qu’à partir de ce qui est connu (le sentier effectif que l’économie a suivi) et non par rapport à la situation virtuelle d’une croissance équilibrée sur le passé. En particulier, c’est le niveau de capital et d’emploi de 2008q1 qui doit servir de référence lorsqu’il s’agit d’apprécier les forces déflationnistes à l’œuvre ou de déterminer quelles doivent être les réponses de politique économique. En effet, celles-ci se justifient parce qu’un important stock de capital ou de personnes involontairement au chômage caractérisent la situation présente. Nous comparerons ici ce qui est observé à ce qui a été observé et non pas en référence à une situation virtuelle impossible à caractériser (autrement qu’en disant qu’elle est plus soutenable). De plus, le retour au plein emploi des capacités (à la suite par exemple d’un vigoureux plan de relance) ne signifierait pas le retour à la configuration de prix et de production de 2008q1, mais à une nouvelle configuration, éventuellement plus soutenable. Autrement dit, le choc subi par le véhicule circulant au-delà de la vitesse autorisée n’est pas moins fort du fait que ce n’est pas la vitesse constatée mais la vitesse autorisée qu’il aurait fallu utiliser comme point de référence.
Graphique 1 : PIB par tête en parité de pouvoir d’achat US dollars 2005, ppa
45 000
40 000 États-Unis (éch. droite) 35 000
40 000
Royaume-Uni
30 000
35 000
Zone euro Japon
30 000
25 000 99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
09
10
35 000 Allemagne
30 000 France Italie Espagne
25 000 99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
11
Sources : Comptabilités nationales, Banque mondiale, calculs et prévision OFCE octobre 2010.
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■ Département analyse et prévision
La chute libre a été interrompue par des politiques économiques vigoureuses … Les plans massifs de soutien au secteur financier, les politiques monétaires expansionnistes, les mesures non conventionnelles de soutien au marché interbancaire ainsi que le jeu des stabilisateurs automatiques renforcé par les plans de relance budgétaire mis en place à la fin de l’année 2008 ou au début de l’année 2009 ont permis d’enrayer la dangereuse mécanique dépressive. Une partie des leçons des années 1930 a été tirée, et la grande majorité des pays développés, comme les pays émergents qui en avaient les moyens, ont engagé des politiques de soutien. Les stabilisateurs automatiques, comme les plans de relance, ont entraîné un creusement des déficits publics et un gonflement des dettes publiques conséquent. Entre 2007 et 2010, dans la zone euro, le déficit public a ainsi augmenté de 5,7 points de PIB ; la dette publique brute est passée de 66 points de PIB à presque 85, soit environ 20 points d’accroissement. Aux États-Unis, de 2007 à 2010, le déficit public s’est creusé de plus de 8 points de PIB, augmentant la dette publique de plus de 25 points de PIB. Pour enrayer la spirale baissière qui menaçait les économies, les gouvernements ont donc mis en place des plans de relance qui, à la fin de 2008, ont été coordonnés, par le G20 en particulier, pour faire face à l’accélération de la dégradation de la situation conjoncturelle. Le premier plan de relance américain date de février 2008, celui du Japon d’août de la même année. La stratégie européenne fut plus tardive et davantage conçue comme une réponse à l’urgence sous la pression des événements, que comme un outil traditionnel de régulation des fluctuations conjoncturelles. Les plans des poids lourds européens ont été décidés en novembre 2008 (Allemagne) et en décembre (France), puis ont été complétés au début de l’année 2009. Seule l’Espagne a engagé des mesures de soutien plus tôt dans l’année, orientées en faveur du secteur du logement, au vu il est vrai de l’importance prise par ce secteur dans l’économie nationale. Les années 2008 et 2009 marquent donc le caractère expansionniste pris par les impulsions budgétaires dans les principaux pays développés (tableau 3). Au cours de la crise, les pays anglo-saxons se sont, comme à l’accoutumée, distingués par leur volontarisme, ainsi que le Japon, toujours traumatisé par son expérience déflationniste des années 1990. Les impulsions ont aussi été positives dans les grands pays de la zone euro, sauf en Italie, restée très en retrait. Au cœur de la crise, l’impulsion de l’Allemagne est restée inférieure à l’effort consenti par la France et l’Espagne, mais reste positive en 2010, à la différence des deux autres pays. La conséquence de ces plans de relance a été un creusement prononcé des déficits dans tous les pays, l’Espagne, les pays anglo-saxons et le Japon affichant tous des dégradations supérieures à 7 points de PIB. La détérioration des déficits a été moins forte en Allemagne, en France et en Italie, sous l’effet d’une évolution spontanée plus modérée. Les stabilisateurs automatiques sont pourtant réputés être plus actifs dans les pays européens, du fait de l’existence d’un système de protection sociale
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plus développé que dans les pays anglo-saxons. Au vu de l’impact de la récession sur l’évolution spontanée des déficits aux États-Unis et au Royaume-Uni, force est de constater que les stabilisateurs automatiques y ont joué plus intensément, probablement sous l’effet d’une plus grande sensibilité des prélèvements fiscaux à l’activité qui a davantage pénalisé le côté recette des budgets publics. Ce n’est en tout cas pas, comme on aurait pu le croire, l’effet comparé des stabilisateurs automatiques sur l’activité qui a justifié une impulsion budgétaire plus forte au États-Unis et au Royaume-Uni et moindre en Europe. Tableau 3 : Impulsions budgétaires et évolution spontanée des soldes publics En points de PIB
2008/2009 Allemagne
Solde public* Évolution spontanée Impulsion
France
Italie
Espagne
-3,0
-1,3
1,2
-3,1
2,1
-0,1
-0,1
1,9
0,9
1,4
-1,1
1,2
0
1,3
-3,8
Évolution spontanée
2,9
0,3
0,1
3,3
Impulsion
2,2
-0,3
-1,4
0,5
Solde public*
-3,3
-0,6
0,7
-3,2
Évolution spontanée
3,1
-0,1
-0.1
2,9
Impulsion
0,2
0,7
-0,6
0,3
-12,8
1,8
2.2
-8,8
10,5
0,4
-0,4
10,5
2,3
-2,2
-1,8
-1,7
-8,8
0,6
0,7
-7,5
5,1
0,4
2,2
7,7
Solde public* Impulsion
Royaume-Uni Solde public* Évolution spontanée Impulsion
Japon
2011
-5,1
Solde public*
Évolution spontanée
États-Unis
Cumul (2008-2011)
2010
3,7
-1,0
-2,9
-0,2
-8,7
0,4
1,2
-7,1
Évolution spontanée
5,8
-0,4
-0,3
5.1
Impulsion
2,9
0
-0,9
2,0
Solde public*
Solde public*
-7,4
2,3
-0,1
-5,2
Évolution spontanée
3,6
-0,7
-0,1
3,1
Impulsion
3,8
-1,6
0,2
2,1
* Le solde public considéré ici est le solde primaire, c'est-à-dire hors charges d’intérêt, puisqu’à court terme cette composante du déficit ne dépend ni de la conjoncture ni de mesures délibérées. La variation du solde public primaire est égale à l’opposé de la somme de l’évolution spontanée, qui est liée au jeu des stabilisateurs automatiques (moins de rentrées fiscales, plus de dépenses sociales durant la récession), et de l’impulsion qui reflète l’évolution délibérée des déficits sous l’effet principalement des plans de relance. Sources : Comptabilités nationales, Projets de lois de finance, calculs et prévision OFCE octobre 2010.
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■ Département analyse et prévision
… mais certains pays sont plus touchés que d’autres Les grands pays développés ont tous connu au cours de la crise la plus importante chute d’activité depuis la Seconde Guerre mondiale, dont la cause est l’intégration de leurs systèmes financiers et l’importance de leurs liens commerciaux. Les pays les plus ouverts se sont enfoncés davantage (l’Allemagne, le Japon) mais repartent plus vite. La moins bonne performance du Japon est liée à l’appréciation du yen, qui détériore sa compétitivité et dégrade ses performances à l’exportation. Par ailleurs, les prix de l’immobilier continuent de chuter au Japon, comme ils l’ont fait depuis le début des années 1990, ce qui renforce les tensions déflationnistes. Les États-Unis ont moins chuté que les autres pays grâce à la taille de leur marché intérieur, qui atténue l’effet de « second tour » du commerce extérieur, et à l’ampleur de leur plan de relance. La France a finalement une performance moyenne. Elle se démarque de l’Italie qui est pénalisée par la quasi-absence de relance budgétaire. Elle surclasse aussi l’Espagne et le Royaume-Uni qui ont été affectés par l’éclatement d’une bulle immobilière alors que la dette des ménages y était élevée. Si l’Allemagne s’en sort mieux aujourd’hui, c’est peut-être parce que le recours au chômage partiel a préservé la situation des entreprises. Il a permis de réduire rapidement leurs coûts, sans trop affaiblir le revenu des ménages et sans rompre le contrat de travail. Maintenus dans leur emploi, les salariés ont été peu affectés par l’incertitude et n’ont eu qu’à réintégrer leur poste de travail quand les carnets de commandes se sont remplis à nouveau. On peut évoquer d’autres facteurs, comme l’orientation géographique du commerce extérieur, ou encore les spécialités sectorielles ou de gamme des industries, mais ces éléments ne paraissent pas déterminants dans la reprise allemande. La contrainte de main-d’œuvre anticipée par les entreprises allemandes, en lien avec le vieillissement de la population, ainsi que le haut niveau de leur taux de marge avant le déclenchement de la crise – la part des salaires dans la valeur ajoutée avait beaucoup baissé en Allemagne antérieurement à la crise (graphique 2) – expliquent probablement que l’Allemagne ait cherché par tous les moyens à conserver son tissu productif en limitant les ruptures de contrats ou de relations qui le fondent. Cette stratégie, publique comme privée, s’avère aujourd’hui pertinente. Les performances des pays émergents sont beaucoup plus hétérogènes. Les pays les plus touchés sont ceux qui souffraient de déséquilibres macroéconomiques importants avant la crise (Russie, pays baltes, Hongrie) ou dont l’intégration commerciale avec les pays voisins est particulièrement élevée (Mexique, pays avancés d’Asie). Les pays émergents qui s’en sortent le mieux sont ceux qui bénéficient d’un marché intérieur d’une taille importante (Chine, Inde, Indonésie, Brésil) et qui ont mis en œuvre des plans de relance conséquents. Le tableau 4 détaille les facteurs permettant d’expliquer les différences de performances entre pays. En ce qui concerne les taux de change, la dépréciation de la livre a redonné du souffle aux exportations britanniques tandis que l’appréciation
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du yen a mis en difficulté le secteur exportateur japonais qui souffre d’une concurrence très âpre avec ses voisins asiatiques. Les monnaies des pays émergents se sont toutes fortement dépréciées à la suite de la panique qu’a déclenché la faillite de Lehman Brothers. Cependant, les conséquences ont été très variables selon la présence ou non de déséquilibres macroéconomiques. Les pays d’Asie et d’Amérique latine ont tiré les leçons des crises des années 1990/2000 et réduit leur endettement extérieur tout en accumulant des réserves de change. Ils ont pu tirer parti du regain de compétitivité apporté par la baisse de leur taux de change effectif réel. Graphique 2 : Part des salaires dans la valeur ajoutée* En %
75 Royaume-Uni 70
65
États-Unis
Allemagne
60
55
France
50 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09
* Valeur ajoutée totale au coût des facteurs, corrigée de la non salarisation Source : Perspectives économiques, OCDE, n° 87.
Mais les pays d’Europe centrale et orientale ont été déstabilisés par les fuites de capitaux (investissements directs et de portefeuille) et la pression exercée sur leurs systèmes de change. Les pays en change fixe (pays baltes) ont dû soutenir leur parité au prix de restrictions budgétaires majeures. Les pays en change flexible se sont trouvés en situation d’insolvabilité du fait d’un endettement important en devises étrangères, à la fois dans le secteur public et chez les agents privés. Les pays les plus en difficulté ont fait appel au Fond monétaire international (FMI), dont l’aide est conditionnelle à des cures d’austérité très sévères (Hongrie, pays baltes). La Russie a dû faire face à une ruée bancaire due à la perte de confiance des déposants, et donc à un formidable credit-crunch. La chute du crédit a entraîné l’effondrement de la production industrielle et la paralysie des secteurs protégés (services et bâtiment). La Russie est venue en aide à son système bancaire par l’injection d’argent public et/ou des nationalisations, mais elle n’a pas pu empêcher une forte contraction de la demande intérieure et une baisse des salaires.
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■ Département analyse et prévision
Tableau 4 : Canaux de transmission de la crise aux différents pays
Taux de change
Système bancaire, Plans de Faillites relance, transmission Bulle (désindutriaEffet richesse à la restrictions immobilière lisation) budgétaires politique monétaire Pays développés
France
Neutre
-
-
+
--
--
Allemagne
Neutre
Neutre
-
++
--
Neutre
Zone euro
Neutre
-
-
Neutre
--
--
+
--
-
Neutre
--
--
Neutre
---
--
++
---
--
--
-
-
++
-
--
Royaume-Uni États-Unis Japon
Pays émergents Asie Amérique latine Europe centrale et orientale
++
Neutre
Neutre
+++
-
++
+
Neutre
Neutre
+
-
+
--
-(surtout pays baltes, Hongrie et Russie)
-
--
---
-
Source : OFCE
Le deuxième facteur rendant compte des différences de performances entre pays est l’éclatement d’une bulle immobilière au sein du pays. Si l’éclatement de la bulle des subprime aux États-Unis est au cœur de la crise, de nombreux pays ont également connu un emballement des prix de l’immobilier dans les années 2000. Cette flambée des prix s’est souvent accompagnée d’un endettement excessif des ménages. L’Espagne est un cas typique où l’effondrement des prix des logements a engendré des faillites de promoteurs immobiliers et de ménages. Les caisses d’épargne ont dû être renflouées ou regroupées à cause de leur exposition aux crédits immobiliers. L’activité dans le secteur de la construction s’est effondrée, avec une baisse de 44 % de l’investissement logement et la destruction de 37 % des emplois du secteur. Le Royaume-Uni a également enregistré une chute importante des prix de l’immobilier, mais ceux-ci sont repartis à la hausse dans le courant de l’année 2009. L’impact global a été moins négatif qu’en Espagne, grâce notamment à l’activisme du gouvernement britannique et de la Banque d’Angleterre dans la gestion de la crise. La banque Northern Rock a été nationalisée en février 2008 alors
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qu’elle était au bord de la faillite. La baisse rapide des taux d’intérêt directeurs s’est répercutée directement sur les charges financières des ménages, endettés à taux variables. Ce regain de pouvoir d’achat a permis de limiter la chute d’activité au Royaume-Uni. Parmi les pays développés, c’est aux États-Unis que les conséquences de la crise immobilière sont les plus lourdes. Celle-ci a paralysé le secteur bancaire, avec la faillite de la banque Lehman Brothers mais aussi d’institutions plus petites spécialisées dans les crédits hypothécaires. Les ménages ont connu des faillites en cascade, entraînant la perte de leur logement. Le crédit s’est effondré, tant pour les ménages que pour les entreprises. La chute des prix de l’immobilier est à l’origine d’une perte équivalente à 200 points de revenu disponible brut dans le patrimoine des ménages. Cet « effet de richesse » conjugué à la hausse du chômage a engendré une remontée de 4 points du taux d’épargne. La purge n’est aujourd’hui pas terminée et les agents continuent à se désendetter. Les banques adoptent un comportement prudent et préfèrent placer leurs liquidités en réserve à la banque centrale plutôt que d’accorder des crédits à risque. La « machine à consommer » américaine semble bel et bien en panne… L’Allemagne, en raison d’une démographie peu dynamique, n’a pas connu d’emballement des prix immobiliers ni d’endettement excessif. Elle est aujourd’hui en meilleure posture que ses voisins pour profiter de la reprise mondiale. C’est dans les pays baltes que la crise atteint son paroxysme. L’emballement fulgurant des prix immobiliers, financé par des crédits en devises étrangères, a pris fin avec l’assèchement du crédit provoqué par la crise des subprime. Toutes les composantes de la demande intérieure se sont effondrées et la chute du PIB, qui a atteint 15,6 % en 2009, pourrait se poursuivre en 2010. La perte de richesse découle de la chute du prix des actifs boursiers dans tous les pays, et immobiliers dans certains. Les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine sont moins touchés du fait d’une part plus faible de la capitalisation boursière dans le PIB et de l’absence de crises immobilières. Les prix de l’immobilier ont chuté en 2008 à Hong Kong et Singapour, mais se sont à nouveau emballés courant 2009, effaçant largement les pertes constatées. Les États-Unis sont les plus touchés car les fonds de pensions, détenus par les ménages, sont majoritairement investis en actions. En ce qui concerne la politique budgétaire, nous avons mesuré l’impact global de l’accroissement des dépenses publiques, lié à la fois aux plans de relances et aux stabilisateurs automatiques, puis à la restriction budgétaire consécutive à l’arrêt des mesures de soutien et aux plans de rigueur mis en œuvre dans certains pays. L’impact global est neutre en zone euro et au Royaume-Uni, mais reste franchement positif en Allemagne, aux États-Unis et au Japon. Il est légèrement positif en France. Au sein des pays émergents, l’Asie a été la zone la plus volontariste en termes de relance avec des plans annoncés dépassant souvent 10 % du PIB. Le plan de relance massif de la Chine, centré sur les infrastructures, a redynamisé toute la zone en
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■ Département analyse et prévision
« boostant » les importations chinoises. À l’autre bout de l’échelle, les pays d’Europe centrale et orientale souffrent comme nous l’avons vu de mesures d’austérité drastiques, dictées soit par le FMI soit par les critères de Maastricht. Certains pays de la zone euro (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne) sont également contraints à des restrictions budgétaires conséquentes du fait d’attaques spéculatives sur leur dette souveraine, qui ont fait s’envoler les primes de risque sur les rendements des obligations d’État. Les systèmes bancaires de tous les pays développés ont été touchés par la crise des subprime, du fait de la dispersion géographique des produits « titrisés ». Le Japon a été relativement épargné car son système financier, plus fermé, était moins exposé aux actifs toxiques. L’Europe centrale et orientale a été particulièrement touchée car la plupart des pays ne possèdent pas de banques domestiques, mais sont financés par des institutions bancaires d’Europe de l’Ouest. Celles-ci, lorsqu’elles ont été affectées par la crise, ont commencé par couper les crédits dans les segments les plus risqués. Cette fuite vers la qualité a généré un assèchement du crédit dans les pays les plus fragiles. Les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine ont été globalement moins affectés car leur économie est moins financiarisée (l’investissement repose en grande partie sur l’autofinancement), le corollaire étant que leurs systèmes financiers sont moins développés. Ce relatif « sous-développement » des systèmes financiers explique leur moindre exposition aux actifs toxiques. L’une des conséquences de la chute d’activité mondiale est la multiplication des faillites dans le secteur industriel. Le risque qui en résulte est celui d’une destruction définitive de capacités de production, si celles-ci ne sont pas reconstituées localement lors de la reprise. On assiste actuellement à une redistribution des capacités de production mondiales en faveur de l’Asie émergente et au détriment de la plupart des pays développés, Japon en tête. Parmi les pays d’Europe, l’Allemagne échappe au phénomène grâce à une spécialisation géographique et sectorielle (biens d’équipements et biens intermédiaires) du commerce extérieur très favorable.
L’heure est au redressement des comptes publics Face à la dégradation des déficits publics, l’année 2010 marque un tournant, avec l’apparition d’impulsions budgétaires négatives dans beaucoup de pays. Les impulsions en Allemagne et en Italie restent positives, mais deviendraient franchement négatives l’année prochaine, s’alignant alors sur la politique restrictive déjà menée en 2010 par les autres pays. Sur l’ensemble de la période 2008-2011, tous les pays auront vu leur déficit s’accroître, d’au moins 3 points de PIB pour les plus épargnés, de près de 10 points pour l’Espagne. Au total, l’impulsion cumulée pour la période 2008 à 2011 des États-Unis et du Japon est franchement positive, encore positive pour l’Allemagne, presque neutre ou neutre pour la France, l’Italie et le Royaume-Uni et franchement négative pour l’Espagne. Autant la mise en œuvre de plans de relance concertés relevait de la coordination bien comprise pour en amplifier les effets, autant les choix budgétaires sont
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aujourd’hui non coordonnés. Chaque pays se trouve confronté à des déficits considérables, des perspectives de croissance médiocres, une dette publique significativement augmentée. Le consensus politique autour de la bonne réponse à la crise se délite, on s’effraye de l’état des finances publiques et la seule issue possible semble un resserrement budgétaire massif. À la réaction coordonnée dans l’urgence à une crise globale, se substitue maintenant une gestion locale des dégâts de la crise. En Europe, la pression des pairs se combine à l’appréciation résignée de la situation budgétaire quand ce ne sont pas les marchés financiers qui sont le prétexte pour un rapide redressement des finances publiques. Si le monde était unanime dans l’analyse de la crise bancaire et financière et donc dans le remède à appliquer au plus fort de la crise à la fin de l’année 2008 et au début de l’année 2009, il est aujourd’hui morcelé. La référence à l’extérieur ne se fait que pour l’exemple de la vertu (l’Allemagne) ou de l’implacable logique économique qui s’abat sur les impécunieux (la Grèce). Ainsi, tous les pays développés ou presque s’engagent simultanément dans un resserrement des finances publiques.
Les multiplicateurs budgétaires sont (toujours) positifs Or, comme le rappelle fort utilement le Fond monétaire international 1 les multiplicateurs budgétaires sont aussi positifs qu’ils l’étaient il y a quelques trimestres. Ce qui avait justifié une coordination budgétaire pour amplifier les effets des plans de relance dans un monde globalisé reste vrai. Le resserrement synchrone des finances publiques aura l’effet inverse, c’est-à-dire un impact récessif puissant, parce qu’amplifié par la simultanéité de la mise en œuvre des mêmes politiques fondées sur une analyse limitée partout à une vision étroite et résignée de la situation économique nationale. Rappelons qu’en déprimant l’activité, les politiques restrictives ne produisent pas une amélioration des finances publiques à hauteur de l’effort ex ante. Certes, elles réduisent le déficit public, mais le freinage de l’activité qu’elles induisent limite le gain espéré. Pour des multiplicateurs budgétaires entre 1 et 1,5, habituellement retenus comme vraisemblables à l’horizon de deux ans 2, 1 point de restriction budgétaire améliore le déficit public d’une valeur comprise entre 0,25 et 0,5. La résistance à la baisse du ratio de dette publique au PIB est accentuée par la progression inférieure aux attentes du dénominateur et par la baisse moins rapide du numérateur. Si par ailleurs on intègre l’amplification induite par la simultanéité des plans de redressement budgétaire, alors on peut envisager des multiplicateurs plus élevés. À court terme, le multiplicateur intégrant les effets joints peut ainsi atteindre 2. Dans cette configuration, la politique budgétaire aurait, à court terme, un effet 1. FMI, World Economic Outlook, octobre 2010, chapitre III. 2. Valeur que le FMI retrouve (1,3), par une analyse statistique sur des épisodes passés de resserrement budgétaire, World Economic Outlook, octobre 2010, chapitre III.
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paradoxal : le déficit public ne s’améliorerait pas et donc la restriction budgétaire accroîtrait la dette publique en point de PIB. Nous ne sommes probablement pas dans une configuration aussi particulière. Il n’est reste pas moins que l’objectif de dette publique s’éloigne chaque fois que l’on veut s’en rapprocher ou que l’effort à consentir en termes d’activité perdue pour atteindre l’objectif de désendettement est bien plus important que ce qu’une trop simple arithmétique pourrait faire croire 3. Certaines analyses évoquent un schéma dans lequel les multiplicateurs budgétaires seraient nuls ou négatifs. Des effets ricardiens, ou même antikeynésiens, seraient à l’origine d’un fonctionnement inverse de l’économie. Il faut rappeler comment sont établies de pareilles propriétés : elles découlent d’une construction théorique, donc d’hypothèses discutables et surtout n’ayant jamais reçu de validation empirique 4. Là encore, le FMI pointe 5 que l’on observe des effets positifs d’une restriction budgétaire uniquement lorsque la dépréciation du change peut compenser l’impact dépressif de la politique budgétaire par le gain de compétitivité. Cet argument peut valoir à la marge, dans le cas d’un pays, mais ne peut pas s’appliquer à l’économie mondiale. L’année 2010 va donc être marquée, à peu près partout, par le freinage de l’activité qu’imposent les plans d’assainissement ou la non-reconduction des mesures existantes. Après le sursaut de 2010, la croissance mondiale devrait ralentir l’année prochaine, de 4,4 à 3,8 %, emmenée par le tassement dans les pays développés, de 2,2 à 1,8 %, mais aussi par les pays émergents, de 3,1 à 2,8 %, qui, dans leur ensemble, ne renouvelleront pas les plans de relance arrivés à échéance.
La restriction budgétaire dans un contexte de trappe à liquidité pourrait conduire à une déflation généralisée La prise en compte des multiplicateurs rend beaucoup plus difficile la stabilisation des finances publiques. Mais la situation dans laquelle se trouvent les économies développées est autrement plus grave. De nombreux indices renvoient à un diagnostic de trappe à liquidité, c’est-à-dire une situation d’inefficacité de la politique monétaire. Or, dans une telle configuration, la politique monétaire ne pourra pas contrebalancer l’impact récessif des politiques budgétaires. En freinant l’activité alors que la crise n’est pas encore résorbée, le risque est alors grand qu’un enchaînement déflationniste s’installe et entraîne l’économie mondiale dans une récession durable. 3. Pour compléter cette analyse, il convient d’intégrer l’effet induit sur les taux d’intérêt (l’écart dit critique entre les taux d’intérêt et la croissance est la variable importante) et l’impact sur les prix, une déflation jouant alors très négativement sur l’écart critique. 4. Voir sur ce point Creel J., B. Ducoudré, C. Mathieu et H. Sterdyniak, Revue de l’OFCE, n° 92, janvier 2005. 5. FMI, World Economic Outlook, octobre 2010, chapitre III.
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Une trappe à liquidité est une situation dans laquelle la politique monétaire expansive ne parvient pas à stimuler l’activité. Krugman et al. 6 la définissent comme une situation où le taux d’intérêt réel nécessaire pour retourner au plein emploi est négatif. Ceci suppose que les agents économiques anticipent une inflation franchement positive (i.e. supérieure à 2 % par an) pour le moyen terme. Or, de plus en plus d’agents se préparent à la déflation 7; Dans la situation présente, le principal moteur de la trappe à liquidité est l’incertitude. Cette incertitude est alimentée par plusieurs facteurs : — des institutions financières encore en « stress » quant à leur bilan (particulièrement en Europe) ; un secteur productif non financier en partie marqué par des dettes accumulées pendant la phase de crise aiguë et qui constituent un risque pour leurs actionnaires, pour leurs financeurs, leurs salariés ou leurs fournisseurs ; — la multiplicité des trajectoires possibles des économies développées dans les trimestres qui viennent (retour ou non à une activité haute, inflation ou déflation), multiplicité renforcée par le caractère partiellement auto-réalisateur des anticipations agrégées quant à cette trajectoire ; — une incertitude quant à la politique économique elle-même, qui peut être largement modifiée en cas de panique spéculative des marchés financiers (la politique budgétaire grecque en est un exemple édifiant) ; — une incertitude quant au contexte social, dont le chômage est une composante mesurable ; — une incertitude quant aux parités des principales monnaies (graphique 3). La volatilité des monnaies est accentuée par la tentative de chaque zone d’utiliser le change à son avantage et par l’effet en retour, sur les marchés des changes, de l’appréciation des marchés financiers sur la situation économique et budgétaire de chaque pays. Certains symptômes de la trappe à liquidité sont particulièrement frappants : les spreads publics privés sont très élevés (graphique 4), bien qu’ils soient inférieurs au pic atteint au plus fort de la crise bancaire (entre le quatrième trimestre 2008 et le premier trimestre 2009). En zone euro ou au Royaume-Uni, ils restent très audessus des valeurs observées en 2002-2003 au cœur de l’éclatement de la bulle internet. Ces écarts de taux sont dus à des taux publics très bas (0,5 % par an en zone euro) et des taux privés nominaux bas (3,2 % par an en zone euro). Pour les agents économiques qui anticipent la déflation, ces taux nominaux bas correspondent pourtant à des taux réels élevés voire très élevé 8.
6. Krugman P. R., K. M. Dominquez, et K. Rogoff, « It’s Baaack: Japan's Slump and the Return of the Liquidity Trap », Brookings Papers on Economic Activity, 1998(2), 137. 7. Voir dans ce dossier l’étude spéciale « Politique monétaire : attention à la trappe ». 8. Voir dans ce dossier l’étude spéciale « Politique monétaire : attention à la trappe ».
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■ Département analyse et prévision
Graphique 3 : Volatilité de la parité euro-dollar 6
0,3 Volatilité historique Volatilité implicite (éch.droite)
5
0,25
4
0,2
3
0,15
2
0,1
1
0,05 99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Note : La volatilité historique est définie comme l’écart-type des variations du taux de change sur une fenêtre glissante de un an. La volatilité implicite est déduite du prix des options de couverture de taux de change. Elle traduit la variabilité du niveau du taux de change. Sources : OFCE, Datastream.
Graphique 4 : Spreads publics-privés En points de %
8 Royaume-Uni
7 6 5
Etats-Unis
4 3 2
Zone euro (France)
1
Japon
0 -1 03/01/05
03/12/05
03/11/06
03/10/07
03/09/08
03/08/09
03/07/10
Sources : OFCE, Datastream.
Les spreads sont une première indication. Leur hausse est cependant limitée par un mécanisme de fuite vers la qualité et de sélection des entreprises qui se présentent sur le marché obligataire (accepter une prime de risque élevé sur les marchés obligataires, c’est signaler qu’on est mal jugé). Les taux des Credit Default Swap (CDS) sont ainsi très élevés, bien plus élevés que dans la récession précédente. Les taux bancaires aux entreprises, en particulier aux petites entreprises sont eux élevés
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LA ROUTE VERS LA DÉFLATION ? ■
(d’après la Banque de France, les taux sur les crédits bancaires à moyen terme augmentent pour les petites tranches, en France). Les flux de passifs sont un autre symptôme de la trappe à liquidité, encore plus frappant si nécessaire (graphique 5). Rapportés à la valeur ajoutée, ce qui prend en compte le ralentissement de l’activité, les flux de passifs sont à un plus bas depuis onze ans (l’information nécessaire n’est pas disponible pour les périodes antérieures). Les flux de passifs montrent la contraction à la fois du crédit bancaire et du financement par obligations (titres de créances) qui n’est pas compensé par des flux de financement par action. L’absence de financement est caractéristique d’entreprises en position difficile (bilans dégradés), défensive (pas de débouchés anticipés) ou d’investisseurs prudents à l’extrême (de plus en plus d’anticipations négatives). Le léger rebond au premier trimestre 2010 (dernier point connu) ne modifie pas le diagnostic. La dispersion parmi les pays européens est assez grande (largement moins préoccupante en France ou en Allemagne), mais le diagnostic vaut pour la zone dans son ensemble. On retrouve des éléments similaires pour les États-Unis et le Royaume-Uni. Graphique 5 : Flux de passif des sociétés non financières, zone euro, rapporté à la VA Flux cumulé sur 4 trimestres (en % de la VA des SNF)
40 35 30
Crédits (zone euro)
Crédits (hors zone euro)
Titres de créances
Actions cotées
Actions non cotées
25 20 15 10 5 0 -5 99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
08
Sources : OFCE, Banque centrale européenne (BCE).
Comment sortir d’une trappe à liquidité ? Le moment est particulièrement critique. Le resserrement budgétaire qui s’annonce va renforcer les mécanismes qui entretiennent la trappe à liquidité. Les anticipations ne sont pas encore toutes ancrées sur la déflation ou une trajectoire de croissance basse (i.e. marquée définitivement par la crise). Or, le resserrement va renforcer les anticipations négatives. Par ailleurs, il maintiendra ou accentuera les pressions déflationnistes (ceci est un euphémisme pour désigner le chômage, voir
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■ Département analyse et prévision
l’encadré 2). Au total, l’effort budgétaire sera contredit par les effets multiplicateurs, amplifiés par une absence de coordination. Mais d’autre part, la bascule des anticipations peut renforcer la mécanique dépressive. Une autre leçon de l’analyse historique du FMI est que la politique monétaire peut renverser le schéma. Mais, une fois tombé dans la trappe à liquidité, ce levier est inopérant. Dans la situation de trappe à liquidité, nous ne pouvons pas attendre que la politique monétaire stimule l’économie et compense ainsi l’effort de réduction des déficits publics. La priorité est de sortir de la trappe à liquidité. Ainsi, l’effort budgétaire aura un impact plus faible sur l’activité et l’objectif de stabilisation ou de réduction des dettes publiques en point de PIB sera plus facile à atteindre. Pour sortir de la trappe à liquidité, il faut une politique budgétaire globalement expansionniste. Localement, certains pays peuvent avoir à choisir la restriction, mais la politique budgétaire doit être de nature à réduire l’incertitude des agents qui y sont le plus soumis. Sortir de la trappe à liquidité suppose également de réduire l’incertitude macroéconomique en stabilisant les taux de change et en éloignant la possibilité de défaut souverain par un mécanisme de soutien non conditionnel aux dettes publiques de chacun des pays développés. Ce soutien est également la condition pour que chaque État ait la possibilité de réduire l’incertitude dans son espace géographique. Une fois la trappe à liquidité refermée, il sera alors possible de procéder à la consolidation budgétaire. Compte tenu des multiplicateurs et de l’inefficacité actuelle de la politique monétaire, il faut, pour réduire les déficits publics et surtout contrôler les dettes publiques à moyen terme, commencer par creuser au moyen d’une politique de relance les déficits. L’engagement quasi généralisé dans la stratégie inverse risque fort de libérer des forces dépressives incontrôlables.
Encadré 2 : Nous sommes en pré-déflation Au cours de ces dernières années, la trajectoire de l’inflation a été perturbée par la survenue de chocs, d’abord à la hausse, avec l’envolée du prix du pétrole et des matières premières alimentaires, puis à la baisse avec leur effondrement à partir de la mi-2008 au fur et à mesure que la récession gagnait l’économie mondiale, à la hausse enfin à nouveau avec le rebond des matières de base. La grande volatilité des composantes énergétique et alimentaire de l’indice des prix, largement déterminées par les marchés mondiaux, ainsi que les effets de base qu’elle induit pour le calcul des évolutions annuelles, ont occulté le fort ralentissement de l’indice des prix sous-jacent. Mesurant l’inflation d’origine endogène, ce dernier est passé d’une évolution annuelle de 2,5 à 0,8 % entre août 2008 et septembre 2010 aux États-Unis, et de 1,9 à 1 % dans la zone euro (graphique). Le sous-emploi des ressources productives, illustré par la formation de surcapacités de production sans précédent et par l’explosion du chômage, a profondément altéré la dynamique
142
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de formation des prix et des salaires. Le conflit de répartition se résout désormais au détriment des salariés, qui parviennent de plus en plus difficilement à faire valoir leurs revendications salariales. L’alignement des anticipations sur la baisse des prix, avec les gains automatiques de pouvoir d’achat qui en résulterait, risquerait bien de précipiter ce processus auto-réalisateur. Graphique : Inflation sous-jacente En %, en glissement annuel
4 3
États-Unis
2 1
Zone euro
0 Japon
-1 -2 97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Sources : OFCE, BCE, Bureau of Labor Statistics, Eurostat.
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Trimestres
Années
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T1
2009 T2 T3
T4
T1
2010 T2 T3
T4
T1
1,30 94 1,10
1,36 97 1,14
1,43 94 1,15
1,48 90 1,11
1,38 91 1,13
1,27 92 1,17
1,29 86 1,20
1,35 83 1,16
Taux d'intérêt directeurs des banques centrales1 États-Unis 0,25 Japon 0,1 Zone euro 2,0
0,25 0,1 1,4
0,25 0,1 1,0
0,25 0,1 1,0
0,25 0,1 1,0
0,25 0,1 1,0
0,25 0,1 1,0
Taux de change1 1 euro =...$ 1 $ =…yen 1 £ =…euros
2011 T2 T3
T4
1,27 85 1,17
1,25 87 1,17
1,25 90 1,17
0,25 0,0 1,0
0,25 0,0 1,0
0,25 0,0 1,0
2009
2010
2011
1,25 90 1,17
1,39 94 1,12
1,32 88 1,17
1,25 88 1,17
0,25 0,0 1,0
0,25 0,0 1,0
0,25 0,1 1,3
0,3 0,1 1,0
0,3 0,0 1,0
Royaume-Uni
1,1
0,5
0,5
0,5
0,5
0,5
0,5
0,5
0,5
0,5
0,5
0,5
0,7
0,5
0,5
Taux d'intérêt à long terme1 États-Unis Japon Zone euro Royaume-Uni
2,7 1,3 4,1 3,4
3,3 1,5 4,2 3,6
3,5 1,4 4,0 3,7
3,4 1,3 3,8 3,7
3,7 1,3 4,1 4,0
3,4 1,3 3,8 3,7
2,7 1,1 3,5 3,2
2,6 1,1 3,5 3,0
2,6 1,2 3,5 3,1
2,7 1,3 3,5 3,1
2,8 1,3 3,5 3,1
2,9 1,3 3,5 3,1
3,2 1,4 4,0 3,6
3,1 1,2 3,7 3,4
2,7 1,3 3,5 3,1
Prix du pétrole, Brent, en $1 Prix du pétrole, Brent, en €1
44,3 34,0
58,8 43,2
68,2 47,7
74,6 50,5
76,3 55,1
78,4 61,5
76,8 59,5
78 58
80 63
82 66
85 68
90 72
61 44
77 58
84 67
-15,9
10,5
16,1
9,7
5,7
15,3
6,7
4,0
3,0
3,0
2,0
2,0 -25,7
44,6
17,3
Matières premières industrielles2
1, Moyenne sur la période. 2, Variation par rapport à la période précédente, en %. Sources : Taux de change et pétrole : relevé des cotations quotidiennes. Taux longs : T-Bond à 10 ans aux États-Unis, Benchmark à 10 ans au Japon, cours moyen des obligations d’État à 10 ans pour la zone euro, obligations d’État à 10 ans au Royaume-Uni. Matières premières industrielles : indice HWWA (Hambourg). Prévision OFCE octobre 2010.
■ Département analyse et prévision
144
Tableau 5 : Principales hypothèses de taux de change, taux d'intérêt et matières premières
PRÉVISION
Zone euro : quand l’Union ne fait pas la force * Perspectives 2010-2011 pour l’économie européenne OFCE, Centre de recherche en économie de Sciences Po Département analyse et prévision
La crise des dettes souveraines au début de l'année 2010 a pour l'instant eu un impact limité sur la croissance de la zone euro. Cette dernière a en particulier été forte au deuxième trimestre avec un rebond à 1 % (après 0,3 % au premier trimestre). L'activité a d'abord été tirée par des facteurs techniques puis par le redressement de l'investissement. La performance de l'Allemagne a été impressionnante (+2,2 % de croissance au deuxième trimestre 2010). Les facteurs qui ont soutenu la croissance au premier semestre 2010 continueraient d'être actifs en fin d'année. De ce fait, le PIB de la zone euro progresserait de 1,7 % en moyenne en 2010. Mais les interrogations liées aux dettes publiques ont laissé des traces, puisque les primes de risques sur les taux publics restent élevées dans plusieurs pays jugés fragiles par les marchés financiers (Grèce, Portugal, Espagne, Italie et Irlande) et que des plans de rigueur très forts ont été adoptés dans plusieurs pays, ce qui pèsera sur leur demande intérieure et donc sur les débouchés des autres pays. En 2011, la croissance du PIB de la zone euro resterait de 1,7 %, moins forte que ce que la dynamique entrevue en 2010 aurait pu laisser supposer. En effet, la restriction budgétaire deviendra générale dans la zone, intervenant alors même que le PIB par tête est inférieur de 4,2 % à son niveau du début 2008, que le taux de chômage reste élevé (9,9 % en 2011) et que le financement des entreprises reste problématique.
* Ont contribué à cette étude : Céline Antonin, Christophe Blot, Sabine Le Bayon et Paola Monperrus-Veroni.
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■ Département analyse et prévision
Vue d’ensemble Le premier semestre 2010 fut d’abord marqué par la crise des finances publiques dans la zone euro. Partie de la Grèce, dont les révélations successives sur la situation budgétaire ont suscité la méfiance des investisseurs, la panique a gagné, par un effet de contagion, les marchés obligataires des pays européens –Irlande, Portugal et Espagne – dont les finances publiques avaient été le plus fragilisées par la crise financière. Cette spéculation s’est nourrie des nombreuses hésitations européennes sur les conditions de l’organisation de la solidarité à l’intérieur de la zone euro. L’Union fut alors plongée dans une crise qui montrait ses insuffisances institutionnelles et son incapacité à trouver une solution rapide face au premier choc de grande ampleur subi depuis sa création. Si des réformes visant à améliorer la coordination des politiques budgétaires restent nécessaires, les pays membres sont cependant parvenus à endiguer la crise en adoptant un plan de soutien à la Grèce et en créant un fonds temporaire de stabilisation. Cependant, ces solutions n’ont pas permis de réduire les primes de risque, relativement aux taux allemands, qui se situent toujours à des niveaux pénalisant l’activité dans ces pays (graphique 1). Graphique 1 : Primes de risque sur les taux publics En points
10 Grèce Irlande Italie Portugal Espagne
8
6
4
2
0 2007
2008
2009
2010
Source : Datastream.
Malgré cette crise, le premier semestre 2010 a confirmé le regain d’activité dans la zone euro. L’activité fut d’abord tirée par des facteurs techniques, puisqu’au premier trimestre, la contribution des stocks à la croissance fut de 0,9 point. La demande intérieure hors stocks fut peu dynamique, contribuant pour 0,1 point à la croissance tandis que la contribution du commerce extérieur était fortement négative (-0,7 point). Les résultats du deuxième trimestre témoignent d’un
146
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ZONE EURO : QUAND L’UNION NE FAIT PAS LA FORCE ■
renforcement de la croissance, le PIB ayant progressé de 1,0 %. La performance inédite de l’Allemagne, dont le PIB a augmenté de 2,2 %, explique en partie l’amélioration de l’activité dans la zone euro, qui s’est cette fois-ci appuyée sur la reprise de la demande intérieure et notamment celle de l’investissement productif. Sur l’ensemble de la zone euro, la FBCF productive a en effet crû de 2,5 % au deuxième trimestre. Bien que très marquée en Allemagne, cette reprise s’est manifestée dans de nombreux pays de la zone euro, Une dynamique globalement favorable se poursuivrait au cours du deuxième semestre 2010 ; la demande intérieure serait le principal moteur d’une croissance attendue à 0,5 % par trimestre. C’est en Allemagne que la croissance serait la plus forte. Elle atteindrait 3,4 % cette année, grâce à un acquis qui s’élève d’ores et déjà à 2,8 % et grâce à l’effet favorable de mesures budgétaires qui soutiendraient encore l’activité. Les stocks continueront à être le principal moteur de la croissance en France puisqu’ils contribueront à hauteur de 0,7 point par trimestre à l’activité, qui devrait finalement croître de 1,7 % en 2010. Des facteurs structurels spécifiques, l’effondrement du secteur de la construction, et la mise en œuvre des premières mesures d’austérité budgétaire maintiendraient l’Espagne en récession sur l’ensemble de l’année 2010 (-0,2 %). La dernière place du palmarès de la croissance reviendrait à la Grèce, qui se verrait imposer une cure d’austérité sans précédent. L’impulsion budgétaire serait effectivement négative et supérieure à 6 points de PIB en 2010 ce qui expliquerait en partie la baisse du PIB estimée à 3,6 %. Sur l’ensemble de la zone euro, l’activité augmenterait de 1,7 % en 2010. À ces exceptions près, la dynamique de l’année 2010 aurait pu laisser augurer de perspectives plus favorables en 2011 si le carcan du Pacte de stabilité et la pression des marchés financiers n’avaient pas conduit l’ensemble des pays de la zone euro à adopter des mesures de restriction budgétaire qui vont freiner la croissance en 2011. Ces mesures sont pourtant prématurées dans la mesure où les effets de la crise sont loin d’être effacés. Le PIB par tête reste en effet inférieur de 4,2 % à celui du premier trimestre 2008. Le chômage n’a toujours pas entamé sa décrue et touchait 10,1 % de la population active en août 2010. La zone euro n’est pas sortie de la trappe à liquidité. Le financement des SNF reste à un niveau très faible (graphique 2) et, malgré la baisse des taux directeurs de la banque centrale, la prime de risque sur les obligations privées se maintient à un niveau élevé. L’éventail de mesures adoptées au sein de la zone euro viendra freiner la timide reprise de l’investissement, ainsi que la croissance de la consommation des ménages. La baisse des prestations sociales ou les mesures de hausse de la TVA pèseront en effet sur les revenus dans un contexte où le maintien d’un niveau élevé de chômage devrait modérer la hausse des salaires. Ce contexte réduirait de fait les perspectives de débouchés des entreprises et l’investissement n’augmenterait plus que de 0,4 % en rythme trimestriel en 2011 contre 0,6 % lors des deux derniers trimestres 2010. Au total, la croissance trimestrielle moyenne de la demande intérieure en 2011 s’élèverait à 0,2 %. Avec une impulsion budgétaire négative en 2011 (-1,2 point de
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■ Département analyse et prévision
PIB) et en supposant que l’effet multiplicateur est unitaire, l’effet récessif de la politique budgétaire serait estimé à -0,3 point de croissance par trimestre. Graphique 2 : Flux de financement des SNF En % de la VA
40 Actions 35
Dette
30 25 20 15 10 5 0 2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : Banque centrale européenne.
Enfin, le choix de l’austérité généralisée – l’impulsion budgétaire sera en effet négative dans tous les pays en 2011, allant de -0,3 pour la Finlande à -4,4 points en Grèce – engage les pays de la zone euro dans la voie d’une coordination inefficace où chaque pays subit non seulement les effets de son plan d’austérité budgétaire mais également celui de ses principaux partenaires. Ce faisant, les pays de la zone euro se privent à la fois du moteur interne et d’une partie du moteur externe de la croissance, induisant un ralentissement supplémentaire de l’activité. Toutefois, cette contraction de la demande intérieure de la zone euro induira une contribution légèrement positive du commerce extérieur de la zone en 2011. Les exportations augmenteraient en effet de 1,4 % par trimestre tandis que la croissance trimestrielle des importations ne serait en moyenne que de 1,2 %. Sur l’ensemble de l’année 2011, avec une croissance de son PIB de 2,5 %, l’Allemagne contribuerait fortement à la performance de la zone euro lors que la progression de l’activité serait, à l’exception de la Finlande, inférieure à 2 % dans le reste de la zone. Alors que la Grèce demeurerait le seul pays encore en récession, la croissance serait dans l’ensemble insuffisante pour permettre une décrue significative du chômage. Celui-ci atteindrait 9,8 % fin 2011. Il baisserait essentiellement en Allemagne, se stabiliserait en Espagne, mais continuerait à augmenter en France et en Italie. Le risque de déflation serait encore élevé. La hausse du prix du pétrole, dont l’effet serait amplifié par la dépréciation de l’euro, viendrait encore alimenter l’inflation jusqu’au premier trimestre 2011 où elle s’établirait à 1,4 %. Ensuite, l’inflation globale convergerait vers l’inflation sous-jacente et
148
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ZONE EURO : QUAND L’UNION NE FAIT PAS LA FORCE ■
ralentirait à 1,1 % en glissement en fin d’année 2011, soit un taux bien inférieur à l’objectif fixé par la Banque centrale européenne (BCE).
Une consommation privée atone La consommation privée a renoué avec la croissance depuis le dernier trimestre 2009, après 6 trimestres consécutifs de baisse. Sa progression est toutefois restée modérée (0,2 % au quatrième trimestre 2009 puis au premier trimestre 2010, 0,5 % au deuxième trimestre 2010). Selon nos prévisions, elle resterait atone, avec des taux de croissance trimestriels de 0,2 % jusqu'à fin 2011. De ce fait, après une baisse de 1,1 % en 2009, la consommation des ménages croîtrait de seulement 0,7 % en 2010 et de 0,8 % en 2011. La diversité des comportements des ménages de chaque pays de la zone euro a été nette en 2009, avec une consommation privée qui a continué de progresser en France et en Autriche, qui a peu baissé en Allemagne et en Belgique, qui a reculé plus franchement en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal et en Finlande (entre -1 % et -2,5 %) et encore plus nettement en Espagne (-4,2 %), en Irlande (-7,3 %) ou en Grèce (-1,8 % en 2009, -4,8 % attendus en 2010). La hausse de la consommation depuis fin 2009 est intervenue dans un contexte où le revenu disponible des ménages ralentissait et où l'inflation accélérait en lien avec l'évolution du prix du pétrole. C'est donc la baisse du taux d'épargne observée à partir de la mi-2009 (de 1,2 point, à 14,6 % du RDB au premier trimestre 2010) qui a soutenu la consommation privée. Une des raisons pourrait être la forte hausse de la confiance des consommateurs après la chute de 2008-2009, puisqu'elle retrouve sa moyenne de long terme dans la zone euro (comme en France et aux Pays-Bas) d'après l'enquête de la Commission européenne. Elle est même supérieure à sa moyenne de long terme en Allemagne, en Autriche, en Belgique et en Finlande. Quatre pays demeurent à l'écart, puisque la confiance des consommateurs est encore loin d'avoir retrouvé sa moyenne de long terme en Espagne, en Italie, au Portugal et en Grèce 1. Le regain de confiance des ménages trouve sans doute sa source dans l'amélioration des perspectives sur le marché du travail (avec un taux de chômage qui augmente moins depuis plusieurs trimestres et qui devrait baisser dès la fin 2010) et dans une moindre mesure dans la hausse de leur richesse financière, en lien avec la hausse tendancielle des marchés boursiers depuis mars 2009. Ainsi, la richesse financière nette des ménages de la zone euro, qui avait perdu 1 600 milliards d'euros entre mi-2007 et le premier trimestre 2009 (soit 40 points de revenu), a effacé 80 % de cette perte depuis lors (graphique 3). Dans certains pays, l'accélération de la croissance de la consommation des ménages au premier semestre 2010 est liée à des politiques publiques. C'est le cas en Espagne, qui a continué de bénéficier des effets positifs de la prime à la casse. Concernant les trois plus grands pays de la zone euro, le soutien gouvernemental, visible dans les statistiques d'immatriculations de nouvelles voitures en 2009 (au 1. Les données pour l'Irlande ne sont plus disponibles depuis mai 2008.
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■ Département analyse et prévision
premier semestre en Allemagne, les trois derniers trimestres en Italie, toute l'année en France), a pris fin et pèse donc plutôt sur la consommation. L'anticipation de la hausse de la TVA dans plusieurs pays a temporairement eu un effet positif sur la consommation privée avant son entrée en vigueur. Sont concernés la Grèce (avec une première hausse de deux points le 15 mars 2010, puis une deuxième hausse de 2 points le 1er juillet 2010), puis le Portugal, l'Espagne et la Finlande (hausse de 1 point le 1er juillet 2010). Cette mesure qui a incité les ménages à anticiper leurs achats pèsera sur leur consommation au troisième trimestre 2010. C'est déjà le cas en Grèce où la consommation privée a reculé de 6,2 % au deuxième trimestre 2010. Graphique 3 : Richesse financière nette et dette des ménages En milliards d'euros
En % du RDB
12500
100 Richesse nette Financière (éch.gauche)
12000
95
Dette en % du RDB (éch.droite)
11500
90
11000
85
10500 80 10000 75
9500
70
9000
65
8500 8000
60 99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Sources : BCE, Eurostat.
Depuis la mi-2009, le revenu nominal des ménages a très peu progressé (+0,3 % en glissement annuel par trimestre), pâtissant de la baisse de la masse salariale (-0,5 % par trimestre), avec un emploi en recul depuis la mi-2008 et un salaire par tête en ralentissement depuis fin 2008. Ainsi, fin 2009, le salaire par tête n'augmentait plus que de 1,4 % sur un an (contre plus de 3 % en moyenne en 2008). Les seuls éléments qui ont soutenu le revenu en 2009 étaient la poursuite de la baisse des charges d'intérêt (-1,4 point de revenu), ainsi que les stabilisateurs automatiques et les mesures de soutien gouvernementales (baisse des impôts et hausse des prestations sociales). Après avoir soutenu le revenu des ménages en 2009, la politique budgétaire aurait un impact négatif en 2010 et/ou 2011 selon les pays (hausse des impôts en France et en Espagne, augmentation de cotisations en France, baisse des salaires des fonctionnaires et gel des pensions en Espagne, hausse de la fiscalité locale et des prix des services administrés en Italie). Seuls les ménages allemands seront peu affectés
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par la rigueur (tout au plus baisse de quelques allocations en 2011), bénéficiant même en 2010 de baisses d'impôts. Malgré les politiques restrictives mises en place, le revenu nominal des ménages progresserait plus franchement en 2010 et 2011, avec la reprise progressive de l'emploi (en Allemagne et en Espagne notamment). Cependant, du fait du rebond de l'inflation, le revenu réel des ménages se contracterait en 2010. Le ralentissement de l'inflation en 2011 (à 1,1 % sur un an à partir du deuxième trimestre 2011 contre 1,5 % au deuxième trimestre 2010) permettrait au revenu réel des ménages de croître à nouveau en 2011, mais ne serait pas suffisant pour que la consommation privée accélère. De plus, après sa baisse en 2010 à 14,4 % du revenu, notamment sous l'effet de la baisse prévue du taux de chômage, le taux d'épargne se stabiliserait en 2011 dans l'ensemble de la zone euro. Les comportements d'épargne resteraient très divers : le taux d'épargne diminuerait en Allemagne et en Espagne, tandis qu'il se stabiliserait en France et monterait un peu en 2011 en Italie.
Fin de l'ajustement dans le secteur immobilier Après avoir reculé de 18 % entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2010, l'investissement en logement a progressé au deuxième trimestre 2010. Ce rebond (+1,1 %), principalement lié aux évolutions en Allemagne, n'est pas l'amorce d'une véritable reprise. Certes nous inscrivons dans nos prévisions des taux de croissance positifs pour l'investissement immobilier, mais ils seraient modérés, accélérant lentement pour atteindre 0,4 % en rythme trimestriel fin 2011. Concernant les prix immobiliers, leur ajustement progressif entamé en 2006 s'est accentué depuis 2009, puisque les prix diminuent désormais dans la zone euro (de 3 % en moyenne en 2009). Les baisses de prix les plus fortes en 2009 concernent l'Irlande (-13,7 %), l'Espagne (-7,4 %) et la France (-7,1 %). La baisse est faible en Allemagne et en Italie (respectivement -0,2 % et -0,5 %). Au premier semestre 2010, la France fait figure d'exception avec une hausse des prix de 3,8 %, mais cette embellie ne devrait être que temporaire (voir dans ce dossier « Immobilier : l'étau des taux réels » dans la partie « France : go, stock and … »). Nous anticipons en effet un redémarrage lent de l'investissement en logement puisque malgré la faiblesse des taux d'intérêt hypothécaires, le crédit ne repart pas franchement. Plusieurs facteurs contraignent aujourd'hui la reprise du secteur immobilier : d'abord, une limitation de l'offre de crédit liée au coût du financement des banques et à leurs contraintes de bilan, ensuite un niveau d'endettement très élevé historiquement. Les ménages cherchent ainsi depuis 2008 à limiter la croissance de leur endettement. Ceci s'est traduit par une hausse de seulement 1,3 point de RDB en deux ans de leur taux d'endettement, à 96,9 % au premier trimestre 2010, après une augmentation de 21 points entre 1999 et 2007. D'après l'enquête auprès des banques conduite par la BCE, le pourcentage net des banques qui indiquent un durcissement des conditions d'octroi de crédits au logement est reparti à la hausse depuis le début de l'année 2010 (après l'amélioration
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■ Département analyse et prévision
observée en 2009). Ce sont moins les perspectives sur le marché immobilier que les contraintes de bilan et le coût du financement qui sont à l'origine de ce mouvement qui s'est traduit par des marges plus élevées et des conditions de durée plus strictes. En revanche, la demande nette de prêts au logement a progressé au deuxième trimestre 2010, poursuivant la tendance à l'amélioration initiée fin 2008. Depuis novembre 2009, les nouveaux prêts pour le logement ont cessé de se contracter, progressant même de 11 % en moyenne sur un an en juillet et août 2010. Ils restent cependant nettement inférieurs à leur niveau d'avant la crise. Malgré le durcissement des conditions des prêts, les taux sur les nouveaux emprunts hypothécaires sont très bas (à 4,75 % en août), même s'ils sont remontés depuis juillet dans le sillage de la hausse des taux courts. Les permis de construire accordés, qui avaient baissé de 50 % depuis leur pic de 2005-2006, sont relativement stables depuis le début de l'année 2009. Ceci conforte l'idée d'un redémarrage très lent dans le secteur immobilier.
Investissement des entreprises : rebonds sans suite Après trois trimestres d’ajustement massif de la FBCF productive fin 2008 et début 2009, et trois trimestres marqués par l’arrêt de la dégradation, le deuxième trimestre 2010 s’est soldé par un rebond de l’accumulation de capital productif (+2,6 %). Bien qu’un peu en retrait par rapport au dynamisme des composantes stables de la demande, notamment des exportations, la FBCF productive a contribué positivement à la croissance du PIB de la zone euro pour la première fois depuis la mi-2008. Le taux d’investissement n’a été ramené qu’à son niveau de juin 2009 sans pouvoir effacer la perte cumulée depuis le début de la crise financière, qui atteint 1,4 point de valeur ajoutée. Mais ce mouvement de reprise de l’accumulation n’est pas partagé uniformément par les pays de la zone euro. Il est surtout le résultat d’un sursaut de la FBCF en Allemagne, les autres grands pays ayant connu une reprise nettement moins marquée. Du côté de la demande adressée aux entreprises, la dynamique de reprise paraît solidement engagée si l’on en croit l’évolution des entrées de commandes. Cependant, du côté de l’offre, plusieurs éléments d’incertitude suggèrent la persistance d’une certaine inertie de l’accumulation. Le taux d’utilisation des capacités n’a fait qu’entamer sa remontée depuis le creux de la fin 2009, et demeure à un niveau historiquement très faible. D’après la BCE, le volume des crédits accordés aux entreprises a encore baissé au mois de juin 2010 (-19,7 % en glissement annuel) et les conditions de crédit aux entreprises se sont retendues depuis le deuxième semestre 2009, notamment à cause de l’augmentation du coût d’accès au financement de marché. En effet, depuis le printemps, les taux sur les nouveaux crédits ont augmenté autant sur les courtes que sur les longues échéances, en dépit du desserrement des taux publics et des taux du marché monétaire. Quant à la disponibilité des ressources internes, l’incertitude n’est pas non plus levée. Parmi les grands pays de la zone euro, seules l’Allemagne et l’Espagne ont connu un complet redressement du taux d’autofinancement des SNF en 2009 (graphique 4),
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bien que pour des raisons différentes. Seules les entreprises espagnoles ont réussi à dégager une augmentation du taux d’épargne, alors qu’en Allemagne c’est la dégradation plus rapide de l’investissement que de l’épargne qui a joué. En France, le taux d’autofinancement a poursuivi la baisse entamée en 2004, alors qu’en Italie, si le rebond du taux d’épargne des entreprises a permis au taux d’autofinancement de récupérer son niveau d’avant la crise, ce dernier demeure à un niveau historiquement faible. Graphique 4 : Taux d’autofinancement des sociétés non financières En %
120 France Allemagne Italie Espagne
110 100 90 80 70 60 50 40 30 91
92 93
94
95 96
97
98 99
00
01 02
03
04 05
06
07 08
09
Sources : Instituts nationaux de statistiques, calculs OFCE.
À la fin 2009 la situation économique et financière des entreprises était donc assez hétérogène parmi les grands pays de la zone euro, montrant une capacité de résistance différente face à la crise. Le taux de marge avait subi une nette dégradation partout à l’exception de l’Espagne. Il restait très élevé en Allemagne, il descendait en dessous de la moyenne des vingt dernières années en France, et poursuivait son effondrement à un rythme plus marqué en Italie. Cependant seules les SNF françaises réussissaient à afficher une augmentation de leur rentabilité économique. La profitabilité augmentait néanmoins dans tous les pays, grâce à la diminution des charges d’intérêt. Le taux d’endettement poursuivait sa hausse en France et en Italie et augmentait pour la deuxième année en Allemagne. Au premier semestre 2010, dans le secteur marchand, le taux de marge a pu se redresser en Allemagne et en Italie à la suite d’une inflexion des coûts salariaux unitaires, mais il poursuit sa baisse en France, où le rythme de progression des coûts salariaux unitaires reste positif et s’accélère (graphique 5). Les rémunérations par salarié ont bien recommencé à croître à un rythme assez soutenu en France et en Italie, plus faible en Allemagne, mais c’est le redressement spectaculaire de la productivité dans les autres pays qui marque la différence par rapport à la France.
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■ Département analyse et prévision
Cette reprise moins marquée de la productivité française s’explique par un plus fort ralentissement des destructions d’emploi qu’en Italie et par un moindre dynamisme de l’activité qu’en Allemagne. En Espagne la stabilité des coûts salariaux unitaires s’explique par une décélération à la fois de la productivité et des rémunérations. Graphique 5 : Taux de marge dans le secteur marchand En %
45 43 41 39 37
France Allemagne Espagne Italie
35 33 92
93
94
95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
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Sources : Instituts nationaux de statistiques, calculs OFCE.
Le profil de l’investissement serait encore dynamique au deuxième semestre 2010, tiré par le processus de reconstitution des stocks et par le cycle d’accumulation des pays émergents. Mais l’inflexion de la tendance des échanges ainsi que l’impact négatif des plans de rigueur dans les pays de la zone euro réduiraient le rythme de croissance de la FBCF productive en 2011. Notre scénario prévisionnel pour la zone euro n’inscrit donc pas la partielle récupération du taux d’investissement qui aurait lieu aux États-Unis. La reprise de l’accumulation à un rythme de 1,9 % en 2010 et de 2,9 % en 2011, moins rapide que l’évolution de la demande stable, ne permettrait une hausse que de 0,2 point du taux d’investissement productif. Une dynamique de la FBCF plus soutenue redresserait le taux d’investissement de 0,9 point par rapport au creux de la fin 2009-début 2010 en Allemagne et de 0,5 point de PIB en Espagne (graphique 6). En France et en Italie la reconstitution des capacités de production n’inscrirait qu’une reprise de 0,1 et 0,2 point respectivement du taux d’investissement.
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Graphique 6 : Taux d’investissement productif En % de la valeur ajoutée 15
14 13 12 11 10 9
Zone euro 15 Espagne France Allemagne Italie
8 7 6 95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
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Sources : Instituts nationaux de statistiques, calculs OFCE.
Emploi : La productivité d’abord Depuis le creux atteint au premier trimestre 2008 (7,2 %) le taux de chômage moyen dans la zone euro a crû sans cesse, atteignant 10 % au deuxième trimestre 2010. Après une courte reprise des créations d’emploi au premier trimestre 2010, les destructions nettes d’emploi sont reparties à la hausse au deuxième trimestre. Elles se sont élevées à 4 millions depuis le début du retournement. L’augmentation du nombre de chômeurs fut cependant moindre (3,8 millions de personnes) en raison du retrait d’activité de 192 000 personnes. La baisse de la population active a été plus massive en Allemagne où elle s’inscrit sur une tendance longue de baisse de la population, moins en Italie et en Espagne, où le nombre d’actifs a repris sa croissance au premier semestre 2010 après la baisse en 2009. En France, la population active a continué d’augmenter depuis la crise, le nombre de chômeurs supplémentaires ayant dépassé le nombre d’emplois détruits. Avec des créations d’emplois et moins d’actifs, l’Allemagne a pu afficher une baisse du taux de chômage dès la mi-2009, retrouvant le niveau d’avant la crise (7,0 % au deuxième trimestre 2010), alors que ce dernier a crû de 7,9 points en Espagne, de 2,1 points en France et de 1,9 point en Italie. L’Allemagne et l’Italie ont pu mieux préserver l’emploi grâce à un recours plus massif au chômage partiel. En Allemagne, le nombre de chômeurs partiels a atteint 1,5 million en mai 2009, soit 3,5 % de la population active. En mars 2010, il était encore élevé : 800 000 personnes (1,9 % de la population active). En Italie, le nombre d’heures de chômage partiel qui avait été multiplié par trois en 2009 a encore augmenté début 2010 et demeure à un niveau encore très élevé en septembre. Le résultat a été l’ajustement de la durée du travail le plus important depuis vingt ans.
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■ Département analyse et prévision
Après le creux du premier trimestre 2009 le cycle de productivité s’est redressé, redevenant positif avec la reprise de l’activité début 2010 (graphique 7). La productivité horaire s’est également rétablie, après avoir connu une moindre dégradation, car l’ajustement de la durée du travail a largement dépassé celui de l’emploi. Graphique 7 : Cycles de productivité dans la zone euro En glissement annuel
4 3 2 1 0 -1 Productivité horaire Productivité du travail
-2 -3 -4 2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : Eurostat.
À l’horizon de la prévision, la productivité continuerait de progresser à un rythme élevé dans la zone euro, bien qu’en ralentissement. Les destructions d’emploi se poursuivraient jusqu’au premier semestre 2011. L’emploi progresserait à un rythme plus soutenu en Allemagne et en Espagne, atone en Italie, alors qu’en France il poursuivrait sa baisse à la fin 2011, si bien que dans l’ensemble de la zone euro, la baisse du chômage ne serait que de 0,2 point d’ici la fin de l’année 2011 (graphique 8).
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Graphique 8 : Taux de chômage En % de la population active 22 Zone euro France Allemagne Italie Espagne
20 18 16 14 12 10 8 6 4 97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
Sources : Instituts nationaux de statistiques, calculs OFCE.
Commerce extérieur : l’impossible ajustement Profitant du mouvement de rattrapage du commerce mondial, la reprise des échanges s’est confirmée dans la zone euro. Au cours du premier semestre 2010, les exportations ont progressé de 3,4 % tandis que les importations augmentaient de 4,2 %. La contribution du commerce extérieur à la croissance fut en conséquence négative, notamment au premier trimestre 2010 où elle s’est élevée à -0,7 point. La décomposition géographique des échanges montre que le commerce extra-zone fut particulièrement dynamique (graphique 9). Graphique 9 : Échanges intra et extra zone euro En % du PIB
3
En milliards d’euros
900
Solde en % du PIB (en cumul sur 4 trimestres) (éch. gauche) Commerce extra-zone
2,5
800
Commerce intra-zone
2
700
1,5
600
1
500
0,5
400
0
300 200
-0,5 96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Source : Eurostat.
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■ Département analyse et prévision
En valeur, les importations en provenance de pays hors de la zone euro ont crû de 15,4 % sur le semestre alors que le taux de croissance des échanges intra-zone était deux fois plus faible. Le solde commercial de la zone a ainsi enregistré un déficit de 4,3 milliards d’euros (-0,2 point de PIB) au deuxième trimestre. Néanmoins, en cumul sur quatre trimestres, ce solde reste positif. Parmi les pays de la zone, l’Allemagne fut à nouveau le moteur de la croissance du commerce extérieur. Les exportations allemandes en volume ont augmenté de 8,7 % sur le semestre quand celles de la France, de l’Italie ou de l’Espagne n’ont pas dépassé 6 %. Cette performance permet ainsi à l’Allemagne de reprendre les parts de marché perdues au plus fort de la crise. À l’exception de l’Italie qui continuera à perdre des parts de marché, les positions relatives de ces pays devraient se stabiliser une fois que le mouvement de rattrapage du commerce mondial aura pris fin (graphique 10). Graphique 10 : Parts de marché des principaux pays de la zone euro 2003 = 100
120 110 Allemagne 100 Espagne
90 80 Italie
France
70 60 00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
Sources : FMI, Comptes nationaux, calculs OFCE.
En ligne avec la croissance de la demande adressée, le rythme trimestriel de la croissance des exportations serait en 2011 de 1,6 % en Allemagne, de 1,5 % en France et de 1,3 % en Espagne. Ce rythme serait insuffisant pour insuffler un dynamisme plus solide à la croissance espagnole. Alors que la demande interne sera contrainte par la consolidation budgétaire, le commerce extérieur n’apporterait pas le soutien dont l’économie espagnole aurait pourtant besoin pour sortir plus rapidement de la crise. La contribution extérieure à la croissance serait positive en fin d’année 2010 mais nulle à chaque trimestre de l’année 2011 dans ce pays. En effet, la demande adressée sera également contrainte par la généralisation des restrictions budgétaires dans tous les autres pays de la zone euro en 2011. Ceci pèsera donc sur la croissance des exportations qui sont pour près de 60 % à
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ZONE EURO : QUAND L’UNION NE FAIT PAS LA FORCE ■
destination d’autres pays de la zone euro. Par ailleurs, à moins d’une sortie improbable de la zone euro, l’Espagne et plus encore la Grèce, ne peuvent espérer regagner en compétitivité vis-à-vis de leurs principaux partenaires qu’à l’issue d’un processus désinflationniste d’autant plus long et couteux en termes de croissance que les autres pays de la zone euro s’engagent aussi dans la voie de l’austérité. Dans ce schéma, l’Irlande paraît être moins exposée dans la mesure où, malgré une dégradation plus forte des finances publiques, sa position compétitive s’est légèrement améliorée depuis la fin de l’année 2008. Cette stratégie d’austérité dans l’ensemble de la zone euro est donc totalement contreproductive. Elle réduit la demande intérieure des pays et freine considérablement l’ajustement relatif des pays dont le déficit courant était fortement dégradé et qui tentent aujourd’hui de regagner en compétitivité afin de soutenir leur croissance. Ainsi, pour l’ensemble de la zone euro, les importations, et donc la demande adressée intra-zone, n’augmenteraient en moyenne que de 1,2 % par trimestre en 2011, après une croissance de près de 2 % par trimestre en fin d’année 2010. La demande adressée hors zone euro serait toutefois légèrement plus dynamique, ce qui stimulerait les exportations. Elles progresseraient alors de 1,4 % en rythme trimestriel en 2011. La contribution du commerce extérieur à la croissance de la zone euro serait de 0,1 point par trimestre.
Finances publiques : sauve qui peut Contrepartie des plans de relance, des recapitalisations des banques et de la baisse d’activité, les déficits publics se creusent massivement depuis 2007 dans l’ensemble des pays de la zone euro. En 2009, à l’exception du Luxembourg et de la Finlande, aucun des 16 pays membres n’a réussi à respecter le seuil de 3 % fixé par le traité de Maastricht, les pays les plus fragiles affichant même des déficits records (-14,3 % en Irlande, -13,6 % en Grèce, -11,2 % en Espagne, -9,4 % au Portugal, tableau 1). Plus spectaculaire que leur niveau a été la rapidité avec laquelle les déficits se sont creusés : entre 2007 et 2009, le déficit s’est creusé de 14,4 points de PIB en Irlande, de 13,1 points en Espagne, et de 8,5 points en Grèce. Avec un ratio déficit/PIB proche du seuil de 3 %, les pays les plus vertueux sont, en 2009, l’Allemagne, la Finlande et l’Autriche. Viennent ensuite, en position intermédiaire, l’Italie et les Pays-Bas, la Belgique, et enfin la France. Après deux années consécutives de creusement du solde public en zone euro (déficit de 1,8 % du PIB en 2008 et de 6,1 % du PIB en 2009), l’année 2010 devrait prolonger la tendance, avec un déficit public de 6,3 %. En effet, alors que les pays les plus fragiles ont commencé à réduire leur déficit public, ce sont paradoxalement les pays les moins fragiles de la zone (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, Finlande et Autriche) qui contribuent à creuser le déficit. Contrairement à l’année 2009, où les causes de dégradation des soldes publics (stabilisateurs automatiques, plans de relance, contraction du PIB de -4,0 % en moyenne), identiques dans tous les pays, étaient combinées à des causes spécifiques dans certains pays fragiles (recapitalisation du secteur bancaire en Irlande, crise de l’immobilier en Espagne,
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■ Département analyse et prévision
etc.), on assiste en 2010 à une divergence des scenarii et à une bipolarisation de la zone euro. Tableau 1 : Évolution du solde public dans les pays de la zone euro entre 2007 et 2011 En % du PIB
Pays/année
2007
2008
2009
2010 (prévision)
2011 (prévision)
Zone euro 11*
-0,6
-1,9
-6,1
-6,3
-5,0
0,2
0,0
-3,3
-4,8
-3,5
France
-2,7
-3,3
-7,5
-7,7
-6,4
Italie
-1,5
-2,7
-5,3
-5,5
-4,8
1,9
-4,1
-11,2
-9,7
-7,8
Allemagne
Espagne Pays-Bas
0,2
0,7
-5,3
-6,2
-3,5
Belgique
-0,2
-1,2
-6,0
-4,8
-4,1
Irlande
0,1
-7,3
-14,3
-11,6
-10,0
Portugal
-2,6
-2,8
-9,4
-7,3
-5,6
Grèce
-5,1
-7,7
-13,6
-8,7
-7,2
Finlande
5,2
4,2
-2,2
-3,3
-3,0
Autriche
-0,4
-0,4
-3,4
-4,7
-4,0
* Hors Chypre, Luxembourg, Malte, Slovaquie et Slovénie. Sources : Eurostat, prévision OFCE octobre 2010.
Les quatre pays les plus fragilisés par la crise (Espagne, Grèce, Irlande et Portugal) sont, depuis le début de l’année 2010, confrontés à des craintes sur la soutenabilité de leur dette, ce qui se traduit par une augmentation de la prime de risque exigée par les investisseurs, particulièrement visible sur les taux obligataires à 10 ans (graphique 1). Chaque pays fragilisé a été mis en demeure de réduire son déficit. Des mesures d’austérité ont donc été instaurées dès cette année dans ces pays (encadré), se traduisant par des impulsions budgétaires 2 fortement négatives (graphique 11).
2. L'impulsion budgétaire somme l'effet des mesures spécifiques de relance et des autres mesures structurelles. Elle est donc calculée hors évolution automatique liée au cycle des recettes et des dépenses publiques.
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ZONE EURO : QUAND L’UNION NE FAIT PAS LA FORCE ■
Graphique 11 : Impulsions budgétaires en 2010 et 2011 En points de PIB
3 2 1 0 -1 -2 -3 2010
-4
2011
-5 -6 -7 ZE
All
Fr
It
Esp
PB
Bel
Irl
Port
Gr
Fin
Aut
Source : Prévision OFCE octobre 2010.
Encadré : Cap sur l’austérité dans les pays fragiles Sans surprise, c’est la Grèce qui pratiquerait l’impulsion négative la plus forte. Entre janvier et mars 2010, elle a adopté trois programmes fiscaux successifs, combinant hausses des prélèvements obligatoires (taxe sur les grandes fortunes, augmentation de la TVA de 19 à 21 %, augmentation des taxes sur les alcools, le tabac et les carburants), coupes salariales dans la fonction publique (gel des embauches, réduction des primes, gels des plus hauts salaires), privatisations et réforme des retraites, pour une économie globale de 4,8 milliards d’euros. En mai 2010, un nouveau programme d’austérité a été élaboré, conjointement avec le FMI et la Commission européenne, visant à économiser 30 milliards d’euros supplémentaires (soit 11 points de PIB) d’ici 2013. Ce programme prévoit l’augmentation des recettes de l’État grec de 7,8 milliards d’euros d’ici 2012, notamment grâce à une nouvelle hausse de deux points de la TVA (entrée en vigueur le 1er juillet 2010), une augmentation des taxes sur l’alcool, le tabac et les carburants et la création d’un impôt sur les constructions illégales. La réduction des dépenses (suppression des 13e et 14e mois de salaire des fonctionnaires et des 13e et 14e mois de pension des retraités, réforme des retraites, baisse des investissements publics) devrait également permettre une économie de 7,6 milliards d’euros d’ici 2012. En Irlande, l’heure est également à la restriction : après des économies budgétaires de 3 milliards d'euros en 2009, ce sont 4 milliards d'euros (soit 2,5 points de PIB) qui ont été économisés en 2010, dont 980 millions d’euros de dépenses courantes, 960 millions d’euros de projets d’investissement et 760 millions d'euros de dépenses sociales. En outre, même si ces mesures n’apparaissent pas dans le déficit public au sens du traité de Maastricht 1, l’Irlande doit supporter le poids de la recapitalisation de ses banques 2. La réduction des dépenses devrait se poursuivre en 2011, pour un montant supérieur à 3 milliards d’euros. Le détail des mesures pour les quatre prochaines années sera précisé en novembre 2011. En Espagne, dans la cadre d’un plan global d’économies de 50 milliards d’euros (soit 5 % du PIB) d’ici 2013, le gouvernement a adopté, en mai 2010, un décret-loi prévoyant
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■ Département analyse et prévision
des économies de 15 milliards pour 2010 et 2011. La rigueur passera à la fois par une hausse des recettes fiscales (hausse de la TVA, hausse de l’impôt sur les revenus du capital, fin d’une déduction d’impôt sur le revenu mise en place en 2008) et par une baisse des dépenses, via une baisse des salaires des fonctionnaires de 5 % en moyenne dès le mois de juin et une baisse de l’investissement. En 2011, les réductions de dépenses devraient s’amplifier, avec l’instauration d’un gel du salaire des fonctionnaires et des pensions de retraite, et la poursuite de la diminution de l’investissement public. Quant au Portugal, le vote du budget 2011, qui doit avoir lieu avant le 15 octobre, s’annonce sous le signe de l’austérité, dans le sillage du plan annoncé en mai 2010. Le retour du déficit en dessous des 3 %, prévu en 2013, passe essentiellement par la réduction des dépenses : diminution de 5 % de la masse salariale dans le secteur public, grâce à la baisse des salaires supérieurs à 1 500 euros (pouvant aller jusqu’à 10 % pour les salaires les plus élevés), non remplacement d’un départ à la retraite sur deux, plafonnement de certaines niches fiscales, diminution du revenu minimum d’insertion, réduction voire disparition de certaines allocations (notamment celles pour l'emploi des jeunes). Une nouvelle augmentation de TVA est également prévue : après une hausse de 1 point en juillet 2010, la TVA augmenterait de 2 points pour passer à 23 %. 1. Les recapitalisations ne creusent pas le déficit public, puisqu’il s’agit d’une opération en capital et non en compte courant. 2. L’Irlande doit faire face à une forte hausse du coût de sauvetage de son système bancaire. L’État, qui a déjà injecté 22,9 milliards d’euros dans l’Anglo Irish Bank, devrait consentir un effort supplémentaire de 6,4 milliards d’euros en principe, et 11,4 milliards d’euros dans la pire des hypothèses. En outre, Allied Irish a besoin de 3 milliards d’euros supplémentaires avant la fin de l’année, et Irish Nationwide de 2,7 milliards. Au total, ce sont donc 40 milliards d’euros supplémentaires (20 points de PIB) qui pourraient s’ajouter aux 18,2 milliards d’euros de déficit prévus cette année.
L’ensemble des mesures restrictives mises en place devrait se traduire par une résorption du déficit en 2010 de 4,9 points en Grèce, de 2,7 points en Irlande, de 2,1 points au Portugal et de 1,5 point en Espagne. La contrepartie de ces mesures a été l’impact négatif sur la croissance : en 2010, le PIB se contracterait de 3,6 points en Grèce, de 0,2 point en Espagne et de 0,5 point en Irlande. Malgré les mesures de rigueur, le PIB croîtrait de 1,5 % en 2010 au Portugal, en raison d’un effet d’acquis. Les autres pays de la zone profitent de taux d’intérêt obligataires bas 3, et ne veulent pas compromettre le retour de la croissance par des politiques restrictives, d’autant que l’activité a encore besoin de soutien public, le financement privé tardant à soutenir l’investissement. En conséquence, en 2010, leurs impulsions budgétaires sont positives (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Finlande, Autriche), ou faiblement négatives (France, Belgique). En 2011, en revanche, la cure d’austérité serait généralisée en zone euro, l’objectif prioritaire étant de réduire les déficits. En effet, les craintes sur la soutenabilité des finances publiques perdurent, et les taux d’intérêt, qui sont actuellement à un niveau bas historique, devraient nécessairement augmenter avec la reprise économique mondiale, creusant un peu plus les déficits. Par conséquent, 3. Fin août 2010, les taux des obligations à 10 ans de la zone euro (hors Grèce) sont passés en dessous des 3 %.
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ZONE EURO : QUAND L’UNION NE FAIT PAS LA FORCE ■
les impulsions budgétaires fortement négatives se poursuivraient dans les pays fragilisés (-4,4 points de PIB en Grèce, -2,6 au Portugal, -2,0 en Irlande, -1,8 en Espagne). Dans l’ensemble de la zone euro, le taux de croissance atteindrait 1,7 % en 2011, comme en 2010, mais cette fois en présence d’une impulsion budgétaire fortement négative, amputant la croissance à hauteur d’un point de PIB. Tableau 2 : Date de retour annoncée du déficit public dans les limites du Pacte de stabilité et de croissance 2011
2012
2013
2014 ou après
Finlande Malte
Belgique Italie Slovaquie
Allemagne Autriche Chypre Espagne France Portugal Slovénie
Irlande Luxembourg Pays-Bas Grèce
Sources : Programmes de stabilité et de convergence (avril 2010), Economic Adjustment Programme for Greece, ECFIN (mai 2010).
Parmi les trois plus grands pays, la France serait celui qui pratiquerait l’impulsion budgétaire négative la plus forte en 2011 (-1,4 point de PIB). Après avoir atteint 7,7 % du PIB en 2010, le déficit public français devrait se réduire de 1,3 point de PIB en 2011, dans un contexte de croissance molle (1,6 % en 2011). Les mesures restrictives devraient se matérialiser par la réduction des niches fiscales et sociales pour 10 milliards d’euros (0,5 point de PIB), la fin complète des mesures de relance (0,3 point de PIB) et la hausse structurelle des prélèvements obligatoires (0,4 point de PIB), liée principalement aux effets de trésorerie induits par la réforme de la taxe professionnelle (TP) à laquelle s’ajoute la variation de l'élasticité des recettes fiscales au PIB 4. En Allemagne, les plans de relance votés en 2008 et 2009 avaient déployé leurs effets en 2010, faisant profiter la reprise d’une impulsion budgétaire positive de 1,4 point de PIB. Le déficit s’était dégradé en conséquence, passant de 3,3 % en 2009 à 4,8 % en 2010. En 2011, la disparition progressive des dépenses liées aux plans de relance conduirait à une impulsion négative de 0,8 point à laquelle s’ajouterait l’effet du plan de rigueur présenté en juin pour 0,3 point supplémentaire. Ceci permettrait une réduction du déficit à 3,5 %, accélérant le processus de rééquilibrage des comptes publics prévu initialement pour 2013. En Italie, où la dégradation du solde public a été surtout conjoncturelle en 2009, l’amélioration de la composante cyclique du solde a permis au déficit de se stabiliser à 5,5 % en 2010, malgré une impulsion positive de 0,7 point. En 2011, une 4. Les recettes fiscales qui avaient été plus que proportionnellement amputées par la chute du PIB bénéficient de la reprise de la croissance.
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■ Département analyse et prévision
impulsion négative de 0,6 point, pesant surtout sur les dépenses des collectivités locales, améliorerait le déficit, à 4,8 %. Malgré ces mesures, des incertitudes demeurent. D’abord, dans les pays fragiles, où une cure d’austérité trop rigoureuse risque fort d’achever le malade : en 2011, un sixième de l’impulsion budgétaire négative en zone euro, soit -0,2 point, serait imputable à l’Irlande, au Portugal et à la Grèce réunis, alors qu’ils ne représentent que 6 % du PIB de la zone. Alors que ces pays connaissent la récession, ou au mieux une croissance faible, les engagements de réduction du déficit sont à prendre avec circonspection. Quant aux autres pays, il semble peu probable qu’ils parviennent à respecter les engagements pris dans le cadre des programmes de stabilité et de convergence (tableau 2), en particulier ceux qui ne commenceront leur cure d’austérité qu’en 2011.
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Zone euro : résumé des prévisions Variations par rapport à la période précédente, en %
T4 0,2 0,0 0,2 -0,1 -1,2 -0,2 -1,9 -1,9 2,0 1,3 -0,4
T1 0,3 -0,2 0,2 0,2 -0,4 1,1 -1,5 -0,4 2,4 4,0 0,5
2010 T2 T3 1,0 0,5 0,4 0,0 0,5 0,2 0,5 0,2 1,8 0,6 2,6 0,9 1,3 0,3 1,3 0,0 4,4 2,0 4,4 2,0 0,7 0,9
T4 0,5 0,0 0,2 0,2 0,6 0,9 0,3 0,1 1,8 1,9 1,2
T1 0,3 0,2 0,2 0,1 0,4 0,5 0,1 0,2 1,4 1,3 1,2
2011 T2 T3 0,3 0,4 0,2 0,3 0,2 0,2 0,1 0,1 0,4 0,4 0,5 0,5 0,1 0,2 0,2 0,3 1,4 1,4 1,2 1,2 1,2 1,2
T4 0,4 0,3 0,2 0,1 0,5 0,5 0,4 0,4 1,4 1,2 1,2
-1,2 -1,0 -0,3 1,0 8,8
-0,3 -0,4 0,6 0,2 9,3
-0,2 0,5 0,1 -0,4 9,7
-0,1 0,0 0,3 0,4 9,8
0,1 0,7 0,2 0,9 0,2 0,3 -0,7 0,0 0,0 1,1 1,5 1,6 9,9 10,0 10,0
0,3 0,2 0,0 1,5 9,9
0,2 0,0 0,1 1,4 9,9
0,2 0,0 0,1 1,1 9,9
0,2 0,0 0,1 1,1 9,9
0,2 0,0 0,1 1,1 9,8
-1,2
-0,2
0,4
1,2
0,4
0,4
0,5
0,5
0,5
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* Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle. Sources : Eurostat, calculs et prévision OFCE octobre 2010.
0,9
0,4
0,3
2008 2009 2010 2011 0,3 0,2 0,4 2,3 -1,1 1,1 -2,7 -5,5 0,6 0,5 0,2 0,4 -0,1 0,1 3,3 7,6 -1,7 -1,9 0,2 0,0
-4,0 1,7 -4,2 1,6 -1,1 0,7 2,5 1,4 -11,3 -0,1 -15,9 2,8 -7,7 -3,1 -10,4 -2,7 -12,9 10,8 -11,6 9,8 -0,5 0,8 -2,6 -0,7 -0,8 0,3 9,4 -0,6 -6,1 1,2 -2,6
0,5 1,4 -0,2 1,4 9,9 -0,1 -6,3 0,0 2,6
1,7 1,5 0,8 0,5 2,3 3,0 1,1 1,1 7,2 6,7 1,2 1,0 0,4 0,3 1,1 9,9 -0,4 -5,0 -1,2 1,7
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PIB PIB par tête Consommation des ménages Consommation publique FBCF totale dont FBCF productive FBCF construction totale dont FBCF logement Exportations de biens et services Importations de biens et services Variations de stocks, en points de PIB Contributions Demande intérieure hors stocks Variations de stocks Commerce extérieur Prix à la consommation (IPCH)* Taux de chômage, au sens du BIT Solde courant, en points de PIB Solde public, en points de PIB Impulsion budgétaire PIB USA
2009 T2 T3 -0,1 0,4 -0,3 0,3 0,0 -0,1 0,6 0,5 -2,0 -1,1 -2,6 -0,1 -1,5 -1,8 -2,3 -2,5 -1,3 2,8 -2,8 2,6 -0,9 -0,4
T1 -2,5 -2,6 -0,5 0,7 -5,3 -10,2 -1,5 -2,3 -7,9 -7,3 -0,4
PRÉVISION
France : « Go, stock and ... » * Perspectives 2010-2011 pour l’économie française OFCE, Centre de recherche en économie de Sciences Po Département analyse et prévision
* Cette prévision a été réalisée à l’aide du modèle trimestriel de l’économie française, e-mod.fr, par une équipe dirigée par Éric Heyer, composée de Christophe Blot, Marion Cochard, Hervé Péléraux et Mathieu Plane. La prévision tient compte des informations disponibles à la fin septembre 2010 et intègre les comptes nationaux trimestriels de septembre 2010, à savoir le compte emplois-ressources jusqu’au deuxième trimestre 2010 et les comptes d’agents jusqu’au premier trimestre 2010. Le modèle repose sur les données et les concepts de la comptabilité nationale base 2000 et est estimé sur la période 1978-2003. La prévision est quant à elle présentée aux prix de l’année précédente chaînés.
Le bilan économique de l’année 2009 est ambivalent. En moyenne annuelle, l’économie française a enregistré sa plus profonde récession depuis la Grande Dépression des années 1930. Mais l’année 2009 a également été marquée par le retour précoce, dès le deuxième trimestre, de la croissance économique. Celle-ci s’est même accélérée en fin d’année. Cette sortie rapide de récession a été facilitée par la mise en place d’une politique économique expansionniste (politique de « go ») : face à ce choc de demande mondiale de grande ampleur, la mise en place d’une action rapide et concertée des politiques économiques a permis à l’économie française de s’écarter de la dynamique observée 80 ans plus tôt et sur laquelle elle s’engageait. Avec l’arrêt programmé des mesures du plan de relance, l’économie française devra trouver un second souffle pour éviter une rechute dès 2010. Celui-ci proviendrait à court terme de la poursuite du « rebond par les stocks » qui s’est amorcé en France au deuxième trimestre. Au cours du prochain semestre, cette « reprise technique » devrait se poursuivre : les variations de stocks contribueraient pour près de 1,2 point à la croissance du PIB. Mais ce rebond pourrait ne constituer qu’une parenthèse : au-delà de cet épisode technique, qui devrait s’achever début 2011, de nombreuses incertitudes demeurent, annihilant tout espoir de relais par la demande. Après l’arrêt en 2010 des mesures du plan de relance, l’orientation budgétaire change radicalement de cap en 2011 en devenant largement restrictive (politique de « stop »). En dégradant les bilans déjà fragiles des entreprises ou des banques, les effets à court terme de cette stratégie de sortie de crise pourraient être considérables d’autant que les stratégies nationales, en Europe notamment, seront quasi identiques d’un pays à l’autre et amplifieront les effets récessifs. Dans ces conditions, la cure d’austérité empêcherait l’enclenchement d’un enchaînement vertueux permettant à l’économie française de croître à un rythme supérieur à son potentiel et donc au chômage de baisser.
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Vue d’ensemble 1 Le bilan économique de l’année 2009 est ambivalent. En moyenne annuelle, l’économie française a enregistré sa plus profonde récession depuis la Grande Dépression des années 1930 (tableau 1, graphique 6). Les effets de la crise financière sur l’économie réelle se sont brutalement matérialisés au quatrième trimestre 2008 avec un effondrement spectaculaire (-6,7 %) de la production industrielle (IPI) et du PIB (-1,4 %). Sur sa lancée de la fin 2008, l’activité en France a continué de se contracter fortement au cours du premier trimestre 2009 (-7,2 % pour l’IPI et -1,5 % pour le PIB), subissant la conjonction de chocs économiques violents, concomitants et mondiaux qui se sont succédé depuis l’été 2007. Outre cette répercussion sur la production, la crise a laissé des traces profondes à la fois sur le marché du travail et sur les finances publiques en 2009 : le premier a connu la plus forte dégradation de son histoire avec plus de 330 000 destructions d’emplois et une progression du taux de chômage de près de 2 points en un an, le ramenant à un niveau jamais observé depuis 10 ans. Quant aux finances publiques, les chiffres de dégradation du déficit et de la dette attestent de l’ampleur de la crise. Les déficits sont passés en un an de 3,4 à 7,5 points de PIB, alors que la dette publique a atteint un niveau sans précédent en s’établissant à 77,6 points de PIB, contre 67,5 un an auparavant. Tableau 1 : Les périodes de récession en France En %, moyenne annuelle
1921 1927 1930 1931 1932 1934 1935 1938 1975 1993 2009 PIB PIB par tête
-4,4 -5,0
-2,0 -2,1
-2,6 -3,5
-3,9 -4,8
-8,8 -8,8
-3,4 -3,5
-2,5 -2,5
-2,5 -2,5
-1,1 -1,4
-0,9 -1,3
-2,5 -3,0
-4,5 -5,4
-5,1 -6,0
-7,2 -7,2
-4,2 -4,3
-1,6 -1,6
-1,8 -1,8
1,0 0,7
-0,2 -0,6
-0,5 -1,0
En % en glissement annuel fin d’année
PIB PIB par tête
-1,0 -1,6
-1,1 -1,2
Sources : INSEE, CEPII (Pierre Villa), calculs et prévisions OFCE.
Mais l’année 2009 a également été marquée par le retour précoce, dès le deuxième trimestre, de la croissance économique. Celle-ci s’est même accélérée en fin d’année (0,6 % au quatrième trimestre, graphique 2), résultat flatteur qui, couplé à l’apparition de signaux positifs, qu’ils soient externes (reprise du commerce mondial permettant un redressement de la demande étrangère adressée à la France) ou internes (reprise de l’emploi dans l’intérim, amélioration de la confiance des ménages et du moral des industriels, baisse du coût de financement de l’économie), indiquait que le processus de dégradation de l’activité était terminé et pouvait laisser augurer une sortie crise imminente et sans heurt de l’économie française. 1. Cette partie a été rédigée par Éric Heyer.
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FRANCE : « GO, STOCK AND ... » ■
La politique budgétaire expansionniste a permis une sortie de récession rapide… Cette sortie rapide de récession a été facilitée par la mise en place d’une politique économique expansionniste. Face à ce choc de demande mondiale de grande ampleur, la mise en place d’une action rapide et concertée des politiques économiques a permis d’éviter que ne se reproduise la séquence des enchaînements dépressifs des années 1930. Le soutien du gouvernement au secteur financier, la mise en place par la Banque centrale européenne (BCE) de mesures non conventionnelles sans précédent et l’important soutien budgétaire ont contribué à limiter l’effondrement de la dépense privée et ont permis à l’économie française de s’écarter de la dynamique observée 80 ans plus tôt et sur laquelle elle s’engageait, lui évitant alors de plonger dans une nouvelle Grande Dépression (graphique 1). Graphique 1 : Évolutions comparées du PIB par tête pendant les crises… Indice 100 en t-9
105
105 … de 1993
100
100 … de 2008
95
95
90
90 … de 1929
85
85
80
80 t-9
t-8
t-7
t-6
t-5
t-4
t-3
t-2
t-1
t
t+1
t+2
t+3
t+4
t+5
t+6
Sources : Comptabilité nationale, P. Villa, calculs et prévisions OFCE.
Sans cette politique économique expansionniste en 2009, la baisse du PIB en France en moyenne annuelle aurait été, selon nos simulations, de -4,3 % (au lieu de -2,5 %) et l’activité aurait continué à se contracter au cours de chacun des trimestres de cette année (graphique 2). Par ailleurs, l’analyse des crises précédentes nous enseigne que la sortie de crise associée à un choc financier et immobilier commun à un grand nombre de pays développés est lente et de faible ampleur 2. Avec l’arrêt programmé des mesures du 2. Pour plus de détails se référer à « From recession to recovery : how soon how strong ?», Word Economic Outlook, avril 2009.
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■ Département analyse et prévision
plan de relance qui ont soutenu l’économie française en 2009, cette dernière devra donc trouver un second souffle pour éviter une rechute dès 2010. Graphique 2 : Taux de croissance trimestrielle du PIB en 2009… En %
1,0 0,6 0,5
0,3
0,1 0,0
-0,1
-0,5
-0,4
-0,5
-1,0 -1,5
-1,5 … réalisé
… hors stimulus budgétaire
-2,0 -2,1 -2,5
t1
t2
t3
t4
Sources : Comptabilité nationale, calculs OFCE.
… et l’enclenchement d’une reprise technique en 2010 Or, la reprise, certes chaotique mais réelle, de l’économie française depuis le deuxième trimestre 2009 n’est pas le seul signe d’une amélioration du climat économique. Depuis plusieurs trimestres, un certain nombre d’indicateurs confirment l’amélioration de la situation économique : En premier lieu, une reprise de la croissance dans les pays émergents s’est engagée. Après une baisse de 1 % en 2009, la croissance mondiale devrait s’établir à plus de 4 % en 2010, permettant un redressement de la demande étrangère adressée à la France après son effondrement sans précédent observé entre la mi-2008 et la mi2009 (graphique 3). Cela a permis au commerce extérieur d’être l’unique moteur de croissance au cours du premier trimestre 2010, en contribuant à 0,6 point à la croissance du PIB. Par ailleurs, à l’image de ce que l’on observe dans de nombreux pays, les enquêtes de conjoncture indiquent une amélioration du moral des agents économiques privés (graphique 4) : c’est notamment ce que traduisent les climats des affaires dans l’industrie et dans les services qui ont retrouvé leur niveau moyen de longue période. Du côté des ménages, leur moral a cessé de plonger et se redresse lentement tout en restant encore à un niveau dégradé.
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FRANCE : « GO, STOCK AND ... » ■
Graphique 3 : Environnement international En %, glissement annuel
6
20 Croissance mondiale 15 10
3
5 0
0 -5 Demande adressée à la France (éch. droite)
-3
-10 -15 -20
-6 97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
Sources : Comptabilités nationales, calculs et prévisions OFCE.
L'indicateur avancé de l'OFCE, qui exploite l’information contenue dans les enquêtes auprès de l’industrie, des services, du bâtiment et des ménages, anticipe la poursuite de la reprise au cours du second semestre 2010 avec une croissance moyenne par trimestre de 0,6 % 3. Graphique 4 : Évolution de la confiance… Solde d’opinion, centré réduit
3
3
2
… dans l'industrie
2 … dans les services
1
1
0
0
-1
-1 … des ménages (éch. droite)
-2 -3
-2 -3
91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10
Source : INSEE.
3. Pour plus de détails, se référer à l’encadré « Indicateur avancé ».
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■ Département analyse et prévision
Cette amélioration du moral des industriels et la poursuite de la reprise de l’activité s’appuient sur un « rebond par les stocks » qui s’est amorcé en France depuis le deuxième trimestre 2010. À l’instar de leurs homologues étrangers, les chefs d’entreprises français, surpris par la violence inédite du ralentissement de la demande, ont vu leurs stocks s’accumuler massivement début 2008. Depuis, ils puisent fortement dans ces derniers, amplifiant par là-même l’arrêt de la production. Après cinq trimestres de fort déstockage – qui ont amputé de 2,7 points la croissance du PIB –, les chefs d’entreprises jugent que leurs stocks sont revenus à un niveau normal. La forte baisse du ratio stocks sur ventes corrobore l’idée selon laquelle le fort déstockage semble être achevé 4. Cela devrait permettre à la production de repartir de façon technique afin de répondre à la demande, aussi maigre soit elle, sans que cela n’indique toutefois un redémarrage durable de l'activité industrielle. Ce phénomène a déjà été observé au deuxième trimestre 2010 avec une contribution des stocks à la croissance de 0,6 point. Au cours du prochain semestre, cette « reprise technique » devrait se poursuivre : les variations de stocks contribueraient pour près de 1,2 point à la croissance du PIB. Au total, ce rebond par les stocks expliquerait les deux tiers de la croissance économique de 2010.
2011 : fin de la « reprise technique » et plan de rigueur Mais ce rebond pourrait ne constituer qu’une parenthèse : au-delà de cet épisode technique, qui devrait s’achever au deuxième trimestre 2011, de nombreuses incertitudes demeurent, annihilant tout espoir de relais par la demande. Après l’arrêt en 2010 des mesures du plan de relance, l’orientation budgétaire change radicalement de cap en 2011 en devenant largement restrictive. Une politique budgétaire de « go and stop » S’il est plus que probable, comme nous l’envisageons dans notre scénario, que la politique de taux de la BCE demeure accommodante tant que la solidité de la reprise économique en Europe ne sera pas assurée 5, l’impulsion budgétaire fortement expansionniste en 2009 (2,6 points de PIB) et quasi nulle en 2010 ferait place à une impulsion franchement négative en 2011 (-1,3 point de PIB).
Ce changement d’orientation de la politique budgétaire se déroulera dans des conditions qui restent quasi identiques à celles qui prévalaient lors de la mise en place du plan de relance en 2009 (graphique 5) et qui en a assuré l’efficacité. En effet, malgré la reprise technique décrite précédemment, le rebond restera limité, et ne permettra pas de retrouver, loin de là, les niveaux d’activité observés au début de l’année 2008. En termes d’output gap, c’est-à-dire d’écart de la production effective à la production potentielle, comme de PIB par tête d’ailleurs, la 4. Pour plus de détails, se référer à la partie « Entreprises ». 5. Pour plus de détails se référer à la partie « Politiques monétaires ».
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conséquence de la crise est claire : une diminution brutale que les évolutions récentes et prévues pour 2010 ne combleront pas, mais stabiliseront (graphique 5). Certes, outre cette marche d’escalier sur la production, la crise a également pu avoir un impact sur le potentiel des économies développées. Sur ce point, la forte stimulation due aux politiques économiques rend plus hypothétique l’évaluation de la nouvelle trajectoire potentielle de l’économie et complexifie le choix de la politique de sortie de crise et du tempo de sa mise en place. Pour autant, la violence du choc initial permet de lever toute ambiguïté dans le cas de la France : même à considérer que cette crise ait eu un impact puissant sur la croissance potentielle de l’économie, cela ne permettrait toutefois pas d’annuler les surcapacités engendrées par celle-ci et accumulées depuis deux ans. Comme le suggère le graphique 5, l’écart de la production effective à son niveau potentiel reste, quel que soit le scénario de croissance potentielle retenu, fortement négatif, caractérisant une situation de demande agrégée insuffisante et de capacités de production excédentaire. Graphique 5 : Écart de production en France Écart en % entre la production effective et la production potentielle
3
Hypothèse alternative (Croissance potentielle de l'économie divisée par 2 depuis le début de la crise)
2 1
3 2 1
0
0
-1
-1
-2
-2
-3
-3 Scénario central 1,7 % en 2010 1,6 % en 2011
-4 -5
-4 -5
-6
-6 90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
Sources : INSEE, comptes trimestriels, OFCE, e-mod.fr de 2010 à 2011.
Le choix d’une stratégie de sortie de la crise est critique : son efficacité est fonction de la conjoncture dans laquelle celle-ci est mise en place. Comme l’illustre le graphique 6, et suivant les travaux de Heyer (2010) et Creel, Heyer, Plane (2011), le multiplicateur budgétaire dépend étroitement de la position de l’économie dans le cycle 6 : mener une politique de sortie de crise dans un contexte conjoncturel morose, comme cela sera le cas fin 2010, aura des conséquences lourdes sur l’activité (tableau 2). 6. Heyer Éric (2010) : « Efficacité de la politique économique et position dans le cycle : le cas de la défiscalisation des heures supplémentaires », Document de travail de l’OFCE, octobre. Creel Jérôme, Éric Heyer et Mathieu Plane (2011) : «Petit précis de politique budgétaire par tous les temps », Revue de l’OFCE, n°116, janvier, à paraître. REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
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■ Département analyse et prévision
Graphique 6 : Multiplicateur des dépenses publiques selon que l’économie se situe en... Impact d’une hausse permanente des dépenses publiques d’1 point de PIB, en écart au compte central, en %
2
2 … bas de cycle
1
1 … milieu de cycle
0
0 … haut de cycle
-1
-1 1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Sources : INSEE, comptes trimestriels, OFCE, e-mod.fr.
Tableau 2 : Résumé de la simulation d’une politique de rigueur* selon la position dans le cycle de l’économie Écart au compte central, en %
PIB
Emploi
Taux de chômage
Solde des APU
Haut de cycle Milieu de cycle Bas de cycle Haut de cycle Milieu de cycle Bas de cycle Haut de cycle Milieu de cycle Bas de cycle Haut de cycle Milieu de cycle Bas de cycle
1 an
5 ans
10 ans
-1,2 -1,2 -1,2 -94 -95 -96 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4
-0,6 -0,7 -1,2 -128 -157 -238 0,5 0,6 0,9 0,7 0,6 0,4
0,3 -0,5 -1,6 57 -129 -464 -0,2 -0,5 -0,7 1,1 0,7 0,2
* La politique de rigueur est ici une baisse permanente d’1 point des dépenses publiques Sources : INSEE, comptes trimestriels, OFCE, e-mod.fr.
En dégradant les bilans déjà fragiles des entreprises ou des banques, les effets à court terme de cette stratégie de sortie de crise pourraient être considérables – enclenchant un multiplicateur budgétaire supérieur à 1 – d’autant que les stratégies nationales, en Europe notamment, seront quasi identiques d’un pays à l’autre et amplifieront les effets récessifs. De manière symétrique à ce qui a prévalu pour le plan de relance, le resserrement de la politique budgétaire permettra bien de
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FRANCE : « GO, STOCK AND ... » ■
réduire rapidement les déficits publics. Mais l’impact de cette réduction rapide du déficit sur la croissance sera important et immédiat : il infléchira les anticipations de croissance future, ce qui pèsera en retour sur les finances publiques, annulant en partie l’effet bénéfique initial. Cela aura également comme effet joint une persistance du chômage à un niveau élevé et pourrait avoir des conséquences à moyen terme en reportant les déficits publics sur les agents privés. Par ailleurs, bien que le pilotage des taux directeurs par la BCE reste toujours accommodant, la persistance d’une trappe à liquidité – illustré par la nouvelle augmentation depuis le début de l’année de l’écart entre les taux d’intérêt des entreprises et le rendement des obligations publiques – limite son efficacité. Dans ces conditions, la cure d’austérité va empêcher l’enclenchement d’un enchaînement vertueux permettant à l’économie française de croître à un rythme supérieur à son potentiel et donc au chômage de baisser.
Encadré 1 : L’impact économique de la politique de « stop and go » dans les années 1993-1996 L’épisode actuel rappelle le pilotage économique effectué par les gouvernements BalladurJuppé au cours de la période 1993-1997 : après avoir soutenu quelque peu l’activité par des baisses d’impôts, une augmentation des allocations et un plan de relance des travaux publics à la reprise économique – mesures qui avaient permis à l’économie française de sortir dès 1994 de la récession (3,3 % de croissance en glissement annuel en fin d’année contre -0,2 un an auparavant) –, le gouvernement Juppé avait en 1995 procédé à des hausses d’impôts (augmentation de 2 points de TVA passant de 18,6 % à 20,6 % , création de la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS)) et un gel des dépenses publiques afin de lutter contre les déficits publics, de manière à respecter les critères du Traité de Maastricht. L’impact sur l’activité fut immédiat avec un ralentissement de la croissance en 1995 et 1996 (1,1 % en glissement annuel pour les deux années) et une augmentation du taux de chômage de 1 point au cours de ces deux années (graphique). Chômage et croissance au cours des années 1993-1996 En %, t/t-4
En % de la population active
4,0
T aux de chômage (éch. droite)
Politique de “stop” Hausse de la CSG et des cotisations chômage
3,0
11
10,5
2,0 10 1,0 0,0
Politique de "go" Balladurette,baisse d'impôt,hausse des allocations,relance des travaux publics
-1,0
G lissement annuel du PIB
9,5
Politique de "stop" Hausse de 2 pts de la TVA, création de la CRDS, gel des dépenses publiques
9
-2,0
8,5 1992
1993
1994
1995
1996
Sources : INSEE, calculs OFCE.
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■ Département analyse et prévision
Pas de redémarrage du crédit … Point de départ à toute reprise de l’activité au cours des vingt dernières années, le redémarrage du crédit ne devrait pas constituer, en 2010 et 2011, le relais efficace pour pérenniser la croissance. Du côté de l’offre, le ralentissement du revenu des ménages induit par l’explosion du chômage, cumulé à une forte dégradation du bilan des entreprises, font peser une incertitude supplémentaire sur le risque de défaut des agents privés et renforce les banques dans leur stratégie de limitation de prise de risque. Cette stratégie adoptée dans un contexte de dégradation des profits et de surplus record de capacités de production, devrait inciter les entreprises à se désendetter. … et une poursuite du désendettement des agents privés Du côté des entreprises, un faisceau d’indices conduit à envisager une faible croissance de l’investissement dans les trimestres à venir. Le principal se situe du côté de la demande : le faible rebond de l’activité des entreprises ne permettra pas d’absorber l’intégralité du surplus des capacités de production apparu au cours de la crise et sera un puissant frein à une véritable reprise de l’investissement (graphique 3). Du côté de l’offre également, la très faible profitabilité du capital, couplée à un taux d’autofinancement très dégradé et des sources de financement externes moins abondantes, devrait conduire les sociétés non financières (SNF) à adopter une politique d’investissement extrêmement prudente afin de rétablir progressivement leur situation financière dans un univers où les marchés financiers restent extrêmement instables. La formation brute de capital fixe (FBCF) des SNF, qui a baissé de -7,9 % en 2009, devrait poursuivre sa correction en 2010 (- 1,9 %) avant de légèrement repartir en 2011 (1,7 % en moyenne annuelle). Le taux d’investissement devrait s’établir à 18,3 % fin 2011, niveau légèrement supérieur à celui qui prévalait à la suite de l’éclatement de la bulle Internet au début des années 2000 (17,3 %) et très largement supérieur aux niveaux observés au cours des années 1993 et 1997 (respectivement 16,6 % et 16,3 % 7).
Le crédit sera également freiné par les pertes de patrimoine immobilier et financier enregistrées par les ménages au cours des deux dernières années. Le retournement simultané des marchés financier et immobilier a eu un impact direct sur la richesse nette des ménages. Alors que cette dernière n’a cessé de progresser au cours des dix dernières années, sous l’effet conjugué de la hausse des marchés financiers et surtout des prix de l’immobilier, atteignant près de 10 fois le revenu disponible brut (RdB) en 2007, la perte de richesse nette enregistrée en 2008 et 2009 se poursuivra en 2010 et aura une incidence sur leur potentiel et leur velléité d’endettement. L’investissement des ménages continuerait de s’ajuster en 2010 (-3,1 % en 2010 après -8,6 % en 2009). 7. Pour plus de détails se référer à la partie « Entreprises ».
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Graphique 7 : Taux d'investissement* et taux d’utilisation des capacités de production des SNF En %
En %
20
90 Taux d'investissement productif
19 85 18 80 17 75
Taux d'utilisation des capacités de production (éch. droite)
16
15
70 81
83
85
87
89
91
93
95
97
99
01
03
05
07
09
11
* Investissement des SNF / Valeur ajoutée des SNF. Sources : INSEE, comptes trimestriels, OFCE, e-mod.fr de 2010 à 2011.
Une consommation moins dynamique… Mise à mal en 2008 par le choc inflationniste survenu à la fin 2007, puis par la crise bancaire qui a conduit à un durcissement des conditions de crédit, la consommation des ménages a bien résisté en 2009 en contribuant positivement à la croissance (0,3 point en moyenne annuelle). Cette bonne résistance trouve son origine dans l’effet conjugué du recul de l’inflation et de l’impact du plan de relance – notamment de la prime à la casse –. Malheureusement ces deux facteurs vont aller en s’amenuisant en 2010. C’est le cas notamment de la prime à la casse mise en place au début de l’année 2009 qui a permis de soutenir le marché automobile français et par là-même la consommation des ménages. Le redémarrage de la consommation des ménages en 2009 a donc culminé au quatrième trimestre 2009, pour s’interrompre au premier semestre 2010. À l’horizon de notre prévision nous envisageons un sentier de croissance de la consommation inférieur à 1 % l’an, rythme deux fois plus faible que celui observé avant la crise. … pénalisée par une croissance peu riche en emplois… Sur le marché du travail, les entreprises profiteront de cette reprise technique pour rétablir progressivement leur productivité qui augmenterait de 2,3 % en moyenne annuelle en 2010, et de 1,7 % en 2011. La croissance dans les trimestres à venir sera, selon nous, très peu riche en emplois : l’emploi marchand continuera à croître jusqu’à la fin 2010 (+ 74 000 emplois), avant de baisser à nouveau en 2011
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■ Département analyse et prévision
avec le ralentissement de la croissance (-71 000 emplois, tableau 3) 8. D’ici à la fin de l’année 2011, nous envisageons une nouvelle dégradation du taux de chômage : celui-ci s’établirait à 9,7 % fin 2011, après 9,4 % fin 2010. Tableau 3 : Évolution du marché du travail en France Variations annuelles, en fin d’année (en milliers)
Glissement annuel
2006
2007
2008
2009
2010*
2011*
Population active observée Emploi total - Emplois marchands - Emplois aidés non-marchands - Autres emplois non-marchands Chômage
136 300 205 38 57 -164
133 360 286 -24 98 -227
49 -40 -83 -77 120 89
192 -333 -407 38 36 525
17 74 74 -16 16 -57
41 -52 -71 0 20 93
* Prévisions OFCE. Sources : INSEE, prévisions OFCE 2009 et 2010, e-mod.fr.
Dans ce contexte de forte dégradation du marché du travail, la politique de l’emploi, par l’intermédiaire du traitement social, ne jouera pas son rôle de « stabilisateur » du chômage. Après avoir amplifié la hausse du chômage en 2008, du fait de leur réduction, les emplois aidés dans le secteur non-marchand, en légère hausse en 2009 et à nouveau en baisse en 2010, permettront tout juste de revenir au niveau observé en milieu d’année 2008, représentant une baisse des effectifs de près de 55 000 personnes par rapport à son niveau de fin 2007 alors que dans le même temps le chômage aura augmenté de 650 000. … et un taux d’épargne toujours élevé Le retournement constaté sur les marchés financier et immobilier a également impacté significativement la richesse nette des ménages en 2009. Celle-ci a baissé de près de 80 points de Revenu disponible brut (RdB) depuis le début de la crise. Cela s’explique à 80 % par une perte de richesse immobilière (62 points de RdB). Nous excluons tout retour au niveau antérieur à l’horizon de notre prévision, sans envisager toutefois une poursuite de cette correction en 2010 et 2011 (graphique 8) qui passerait de 7,7 fois le montant du RdB en 2007 à 6,9 fois en 2011. Cette forte destruction de valeur du patrimoine des ménages les incitera à poursuivre leur désendettement. L’effet de richesse négatif, et surtout l’épargne de précaution résultant de l’explosion du chômage, ont engendré une forte hausse du taux d’épargne en 2009 qui efface en l’espace d’une année la moitié de la baisse enregistrée entre 2002 et 2008 (tableau 4). En 2010 et 2011, le taux d’épargne devrait se maintenir au-dessus des 16 %, niveau très significativement supérieur à celui des vingt dernières années 8. Pour plus de détails se référer à la partie « Marché du travail ».
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(15,0 %). Selon ces hypothèses, la consommation des ménages ne devrait donc pas être un soutien vigoureux de l’activité au cours des prochains trimestres. La croissance de la consommation atteindrait 1,4 % en 2010 et 0,8 % en 2011 après 0,6 % en 2008, rythme peu soutenu et très inférieur à celui observé entre 1998 et 2000 (3,4 % l’an) et au cours des dix dernières années (2,6 % l’an) 9. Graphique 8 : Évolution de la richesse nette des ménages En % du RdB 800 700 600 500 400
Richesse nette immobilière
300 200
Richesse nette financière
100 78
80
82
84
86
88
90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
Sources : Comptes nationaux, calculs OFCE.
Tableau 4 : Les déterminants des variations du taux d’épargne en France En points
Variations réalisées/estimées Écart critique (g – r)** Effet richesse immobilière Variation du chômage Mesures Sarkozy a Réforme fiscale
2002-2008
2009*
2010*
2011
-1,5 0,1 -1,6 -0,1 -0,1 0,3
0,8 -0,1 0,3 0,4 – –
-0,1 0,1 -0,1 0,0 – –
0,0 0,1 -0,1 0,1 – –
a Pour plus de détails, se référer à Valérie Chauvin et alii (2004) : « Évaluation du plan de relance de l’économie française », Document de travail de l’OFCE, n° 2004-04, mai. D’après l’INSEE, sur les 15 milliards d'euros rendus à la consommation par ces mesures, seuls 1,5 à 2 milliards ont été réellement dépensés et auraient alors permis une baisse de 0,2 point du taux d’épargne en 2004 compensée partiellement par une hausse de 0,1 point en 2005. * Prévisions OFCE. ** L’écart critique est la différence entre le taux de croissance du revenu des ménages (g) et le taux d’intérêt à long terme (r). Cet écart résume la capacité des ménages à emprunter. Sources : Calculs OFCE, e-mod.fr.
9. Pour plus de détails, se référer à la partie « Ménages ».
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Au total, au cours de l’année 2010, l’activité devrait croître de nouveau, soutenue principalement par la reconstitution des stocks des entreprises. Le rythme d’activité sera de 1,7 % en moyenne annuelle et de 2 % en glissement annuel, rythme toutefois trop faible pour pouvoir parler de reprise. En 2011, la mise en place d’une politique budgétaire restrictive annihilera tout espoir de relais interne à la parenthèse technique. En progressant de 1,6 % en moyenne annuelle en 2011 et de 1 % en glissement annuel, le PIB connaîtra un rythme de croissance inférieur à son potentiel (tableau 5). Le déficit des administrations publiques devrait s’établir respectivement à 7,7 % du PIB et 6,4 % en 2010 et 2011, après 7,5 % en 2009, portant la dette de publique à 82,7 % du PIB en 2010 et 87,3 % en 2011, contre en 78,1 % en 2009 (tableau 5). Tableau 5 : Résumé de la prévision pour 2010 et 2011 En %, moyenne annuelle
Taux de croissance du PIB Importations Consommation des ménages Consommation des administrations Investissement total Exportations Contribution à la croissance Demande intérieure hors stocks Variations de stocks Solde extérieur Taux de croissance du PIB de la zone euro Autres indicateurs Inflation (IPC) Taux d’épargne (en % du RdB) Taux de chômage Solde public (en point de PIB) Dette publique (en point de PIB) Taux de croissance du PIB (en glissement)
2007 2,3 5,7 2,5 1,5 5,9 2,5
2008 0,1 0,3 0,5 1,6 0,3 -0,8
2009 -2,5 -10,6 0,6 2,8 -7,0 -12,2
2010 1,7 8,6 1,4 1,5 -2,0 9,9
2011 1,6 8,0 0,8 1,1 1,0 7,5
2,9 0,2 -0,9 2,9
0,7 -0,3 -0,3 0,3
-0,6 -1,8 -0,2 -4,0
0,7 0,9 0,1 1,7
1,0 1,1 -0,4 1,7
1,5 15,5 8,0 -2,7 63,8 2,2
2,8 15,4 7,4 -3,4 67,5 -2,0
0,1 16,2 9,1 -7,5 78,1 -0,5
1,5 16,1 9,4 -7,7 82,7 2,0
1,0 16,1 9,6 -6,4 87,3 1,0
Sources : INSEE, comptes trimestriels ; OFCE, prévision e-mod.fr pour 2010 et 2011.
Une meilleure performance relative de la France au cours de la crise Le rythme de sortie de crise de l’économie française inscrit dans nos prévisions à l’horizon 2011 est très légèrement inférieur à celui envisagé pour ses principaux partenaires (tableau 5, graphique 9). Cela s’explique intégralement par une meilleure performance de l’économie allemande à l’horizon 2011.
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Une première explication provient d’une orientation différente des politiques budgétaires en 2010 et 2011 : alors qu’elle devrait être assez fortement restrictive en France (-1,4 point de PIB), elle soutiendrait, en revanche, la croissance allemande (0,4 point de PIB). En neutralisant cet effet, la reprise envisagée pour l’économie française serait spontanément proche de celle de l’économie allemande. Une deuxième explication réside dans le fait que, depuis le début de la crise, l’économie française a mieux résisté que ses principaux partenaires, Allemagne compris (graphique 10). Graphique 9 : Croissance du PIB en France et dans le reste de la zone euro Glissement annuel en % 6,0 Tensions géo-
France
politiques
4,0
Politique de relance et reprise technique
Hausse du prix du pétrole
2,0 Zone euro hors France 0,0
Crises asiatique et russe
-2,0
TVA sociale allemande
Éclatement de la bulle technologique
Politique de rigueur Hausse du pétrole et crise financière
-4,0
-6,0 1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
Sources : Eurostat, INSEE, comptes trimestriels, OFCE, e-mod.fr à partir du troisième trimestre 2010.
Les raisons de cette meilleure résistance sont maintenant bien connues et ont été largement commentées dans nos publications antérieures 10 : elles ont trait à une moindre exposition extérieure, à des stabilisateurs automatiques plus développés, à des agents privés moins endettés, à des effets de richesses financière et immobilière moins négatifs ainsi qu’à un marché du travail plus protecteur que dans les autres grands pays.
10. Pour plus de détails, se référer à : « France : la mer se retire », Revue de l’OFCE, n°109, avril.
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Graphique 10 : Niveau du PIB en indice en France et chez ses partenaires européens 100=1998
130 125 France 120 Zone euro hors France
115 110 105 100 1997
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
Sources : Eurostat, INSEE, comptes trimestriels, OFCE, e-mod.fr à partir du troisième trimestre 2010.
Encadré 2 : L’indicateur avancé : croissance meilleure qu’attendu * La reprise de l’économie française, après la récession de 2008/09, s’est avérée être assez chaotique, avec une accélération du PIB au quatrième trimestre 2009, un ralentissement au premier trimestre de cette année et, de manière un peu surprenante, une nouvelle accélération au deuxième. De fait, des facteurs techniques difficilement quantifiables par l’indicateur, liés d’un côté au ralentissement du déstockage et de l’autre aux achats d’automobiles anticipant la fin de la « prime à la casse », ont rythmé la reprise de l’activité. Il n’en demeure pas moins que sur un an, l’indicateur décrit une trajectoire moins dynamique que les comptes nationaux, avec une hausse du PIB de 1,3 % contre 1,7 % selon les comptes. Données (aux prix de l’année précédente chaînés) PIB en %, t/t-1
2009T4
2009T1
2009T2
2010T3
Comptes nationaux
0,6
0,2
0,7
–
2010T4 –
Indicateur
0,4
0,3
0,2
0,4
0,8
Pour la seconde moitié de 2010, l’indicateur anticipe la poursuite de la reprise avec une croissance moyenne par trimestre de 0,6 %. La bonne tenue du climat des affaires dans les secteurs productifs (industrie, bâtiment et services) procure toujours une contribution positive à la croissance, quoique n’accélérant pas par rapport au premier semestre. Conjointement au climat des affaires, la dépréciation de l’euro au printemps va développer ses effets favorables sur la croissance à partir du troisième trimestre de même que le relâchement monétaire de 2009, qui produit encore des effets positifs en 2010. Seule la confiance des ménages, toujours très déprimée, contribue négativement à l’indicateur. Au total, les facteurs positifs dominent * L’indicateur avancé est élaboré par Hervé Péléraux.
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largement ce qui incite à penser que les bons chiffres du deuxième trimestre sont reconductibles pour la fin de l’année. Selon ces prévisions, la croissance sur l’ensemble de l’année atteindrait 1,7 %, un peu plus qu’attendu à l’heure actuelle par le gouvernement (1,5 %). Le taux de croissance trimestriel du PIB selon les comptes nationaux et selon l’indicateur* En %, t/t-1
1,0 Indicateur 0,5 0,0 -0,5 Comptes nationaux
-1,0 -1,5 -2,0 2007
2008
2009
2010
* L’estimation est réalisée avec des variables muettes valant 1 au quatrième trimestre 2009 et au premier trimestre 2010. Source : INSEE, prévisions OFCE.
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Inflation : jeu de masque 11 Dans la première moitié de 2010, l’indice des prix à la consommation (IPC) a poursuivi sa reprise, engagée à l’été 2009, après une brève séquence de baisse à la miannée impulsée par l’effondrement du prix du pétrole (graphique 11). Le quasidoublement du prix du brut, tant en dollars qu’en euros, depuis le point bas atteint au cœur de la récession s’est traduit par un violent rebond de la composante « énergie » de l’indice des prix, passant d’une baisse sur un an de 16,2 % à l’été 2009, à une hausse de 11,9 % à l’été 2010. Dans une moindre mesure, l’indice du prix des produits alimentaires a suivi une trajectoire semblable à celle de l’énergie, récupérant 1 % sur un an au deuxième trimestre 2010, après un recul de - 0,7 % au troisième trimestre 2009. Ces deux composantes de l’indice des prix devraient maintenir une contribution positive à l’inflation d’ensemble d’ici à la fin 2011, mais selon des profils opposés. L’inflation d’origine énergétique, dopée par une base de calcul des évolutions annuelles exceptionnellement basse un an auparavant, a atteint un point haut au deuxième trimestre 2010. Même si le prix du pétrole, et dans la foulée l’indice français du prix de l’énergie, poursuivent leur hausse, leur glissement annuel devrait désormais se replier, avec, à l’horizon de la fin 2010 et de la fin 2011, un ralentissement de l’IPC « énergie » à 9 % puis 4 % respectivement. Graphique 11 : Taux d’inflation en France* En %, t/t-4
3,5 3,0
Prév .
2,5
Ensemble
2,0 1,5 1,0 Hors énergie, alimentation et tabac
0,5 0,0 -0,5
91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11
* Glissement annuel des moyennes trimestrielles de l’indice. Sources : INSEE, calculs et prévisions OFCE.
Au contraire, l’IPC « alimentaire » devrait quant à lui accélérer, sous l’effet du spectaculaire regain de vigueur des prix des matières premières agricoles sur les 11. Cette partie a été rédigée par Hervé Péléraux.
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marchés mondiaux, dont l’approvisionnement va en outre être perturbé par l’interruption des exportations de céréales provenant de Russie et d’Ukraine, durement frappées cet été par la canicule et les incendies. Au final, l’inflation des prix alimentaires devrait atteindre 1,3 % en 2010 et 3,5 % en 2011 (tableau 6). Ces prévisions tablent sur des évolutions plus sages que lors de la dernière vague de hausse en 2008 qui avait vu le glissement annuel de l’IPC alimentaire culminer à 5,5 % au deuxième trimestre 2008. Mais le contexte de l’époque poussait alors davantage à un emballement des prix alimentaires, quand le secteur subissait un alourdissement de ses coûts de production lié à la diffusion, dans le système productif, du choc pétrolier et de l’accélération des salaires. Tableau 6 : Glissement annuel des prix* En %
Poids 2010 en %
2009
2010
2011
Alimentation Énergie Produits manufacturés Services Tabac Hors énergie, alimentation, tabac
16,3 7,3 31,1 43,6 1,8 74.7
-0,2 -5,0 -0,3 1,9 3,6 1,0
1,3 9,0 -0,3 1,2 8,7 0,7
3,5 4,0 -0,3 0,6 0 0,2
Ensemble
100
0,4
1,5
1,0
* Calculé sur les moyennes des quatrièmes trimestres de chaque année. Sources : INSEE, calculs et prévisions OFCE.
Le jeu de ces composantes de l’indice des prix, largement déterminées par les marchés mondiaux, a masqué, dans la première moitié de 2010, le fort ralentissement de l’indice sous-jacent mesurant l’inflation d’origine endogène (graphique 11), quoique ce dernier ait été perturbé par le traitement de la baisse de la TVA dans la restauration (encadré 3). D’un côté la baisse du prix des produits manufacturés, et, de l’autre, le ralentissement du prix des services témoignent de l’effet d’une récession sans précédent sur les mécanismes de formation des prix et des salaires. Durant la récession, les entreprises ont d’abord bénéficié de l’effondrement du prix des approvisionnements en matières premières ; l’allégement induit des coûts de production a contribué à freiner la hausse des prix de vente, voire à susciter des baisses. Ces phénomènes étant communs à l’ensemble des économies exportatrices, les prix des biens et des services importés ont eux aussi subi les mêmes influences, renforçant l’affaissement des prix de vente sur le marché français. L’autre explication de la désinflation des biens et services du secteur privé se trouve dans le freinage de l’évolution des salaires qui s’est ajouté à l’effet « prix des matières premières » pour modérer les coûts de production. Selon l’enquête sur l’Activité et les conditions d’emploi de la main-d’œuvre (enquête ACEMO du ministère du Travail), la progression du salaire mensuel de base de l’ensemble des salariés a ralentit de 3 à 1,8 % en glissement annuel entre le quatrième trimestre
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2008 et le deuxième trimestre 2010 (graphique 12). Ce freinage renvoie d’un côté aux gains automatiques de pouvoir d’achat procurés par la baisse du prix des matières premières qui a spontanément dopé le pouvoir d’achat des ménages sans que ne soient nécessaires une hausse des salaires nominaux. De l’autre, la contraction de l’emploi et l’explosion du chômage ont placé les salariés en position de faiblesse dans le processus de négociation des salaires au sein des entreprises. Graphique 12 : Salaires individuels et taux d’inflation En %, t/t-4
4
Indice des prix à la consommation hors tabac Salaire nominal mensuel de base
3
2
1 Pourvoir d'achat du salaire mensuel de base
0
-1 99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Sources : Enquête ACEMO, INSEE, calculs OFCE.
Ces orientations désinflationnistes pour les services et déflationnistes pour les produits manufacturés devraient perdurer à l’horizon de la prévision, sous l’effet d’abord du maintien de conditions très dégradées sur le marché du travail en 2010 et en 2011 et de la poursuite du rebond de la productivité du travail qui allègera les coûts salariaux unitaires. Ensuite, le rebond de l’inflation d’origine énergétique devrait être arrivé à son terme au deuxième trimestre 2010, ce qui par la suite rendra du pouvoir d’achat aux ménages. Et le regain de hausse des prix alimentaires ne devrait pas être à même de contrecarrer les pressions déflationnistes à l’œuvre dans l’économie. Les produits manufacturés perdraient ainsi coup sur coup 0,3 % en 2010 et en 2011, et l’indice du prix des services poursuivrait son ralentissement, à 1,2 et 0,6 % respectivement (tableau 6). Au total, l’inflation d’ensemble accélèrerait nettement en 2010, 1,5 % contre 0,4 % en 2009, mais sous le seul effet de la reprise des prix de l’énergie et de l’alimentation. En effet, hors énergie, alimentation et tabac, l’indice ralentirait de 1 % en 2009 à 0,7 % en 2010. En 2011, ces facteurs ponctuels ne parviendront plus à occulter les inclinations déflationnistes et l’inflation d’ensemble retomberait à 1 % (0,2 % pour l’inflation hors énergie, alimentation et tabac).
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Encadré 3 : Baisse de la TVA dans la restauration : un effet inflationniste apparent ! L’indice des prix global agrège une multitude de biens et de services dont les évolutions ne relèvent pas toujours du fonctionnement propre de l’économie, mais de phénomènes exogènes générateurs de volatilité, comme les chocs pétroliers, ou de décisions administratives, comme le prix du tabac ou la modification de la fiscalité. Pour mieux cerner les phénomènes inflationnistes résultant de mécanismes endogènes, les statisticiens calculent un sous-indice appelé indice sous-jacent, en ôtant de l’indice général les produits à prix volatil (énergie, certains produits alimentaires frais) et les produits à prix administré (santé, tabac, tarifs publics). Le nouvel ensemble ainsi obtenu est ensuite corrigé des mesures fiscales pour éliminer l’effet de décisions gouvernementales affectant directement le prix payé par le consommateur. Enfin l’indice sous-jacent final est obtenu en lui appliquant une correction des variations saisonnières. L’inflation sous-jacente reflète ainsi mieux que l’inflation d’ensemble l’évolution des prix résultant de la confrontation de l’offre et de la demande et fournit une image plus fidèle de la dynamique conjoncturelle des prix dans les économies de marché. Ainsi en France, l’inflation sous-jacente est elle restée beaucoup plus inerte que l’inflation d’ensemble qui a spectaculairement répercuté le choc pétrolier jusqu’à l’été 2008, le contre-choc durant la récession puis le raffermissement des prix de l’énergie jusqu’à l’été 2010. Dans le même temps, l’inflation sous-jacente a suivi un profil similaire à celui de l’indice d’ensemble, mais de manière très atténuée, le flux et le reflux des prix de l’énergie ne se transmettant que progressivement aux autres prix. En outre, l’effet des facteurs endogènes à l’origine de la formation des prix n’est plus dominé par l’exceptionnelle volatilité des prix de l’énergie, révélant alors une accélération de l’inflation jusqu’au point haut du cycle au début de 2008, puis une décélération durant la crise. Inflation d’ensemble et inflation sous-jacente En %, t/t-4
4 Ensemble 3 Sous-jacent 2
Indice sous-jacent annulant la correction de l'effet TVA dans la restauration
1
0
-1 2007
2008
2009
2010
Sources : Insee, calculs OFCE.
Mais la mesure de l’inflation sous-jacente reste encore perturbée par un choc à la mi-2009, alors qu’en théorie elle n’aurait pas dû l’être. Entre juin et juillet 2009, l’inflation sous-jacente est brutalement passée de 1,5 % à 2,2 %, interrompant le recul amorcé un an auparavant et
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obscurcissant pour un temps le message délivré par l’indice. En abaissant le taux de TVA dans la restauration de 19,6 % à 5,5 % au premier juillet 2009, le gouvernement espérait, conformément aux termes du Contrat d’avenir signé en avril 2009 avec la corporation des restaurateurs, obtenir une baisse des prix pour le consommateur. L’ampleur de cette baisse aurait du être de 11,78 % par rapport au prix initial TTC (nouveau prix de 105,5 pour un produit valant initialement 119,6). Une telle baisse, si elle a lieu, imprime un choc négatif au sous-indice des prix « Hôtels-Cafés-Restaurants », et par conséquent à l’indice agrégé, choc étranger à l’évolution spontanée des prix puisque résultant d’une décision administrative. Pour remédier à ce problème, l’INSEE applique un coefficient correcteur destiné à annuler, dans la variation des prix des biens concernés, la part due à la baisse de la TVA. En l’occurrence, il s’agit ici d’annuler la baisse de 11,78 % en redressant les postes concernés de l’indice d’un coefficient égal à 119,6/105,5 (soit une majoration effective de 13,36 %). Si les restaurateurs avaient joué le jeu de la baisse de la TVA, cette correction n’aurait dû laisser subsister que l’évolution spontanée de l’indice sous-jacent, et, en tout état de cause, ne pas faire apparaître de choc à la baisse. Contre toute attente, cette correction fait apparaître une hausse de l’indice, ce qui signifie que les prix dans la restauration n’ont pas diminué autant que prévu. Dans ces conditions, la correction pour mesure fiscale apparaît contre-productive, puisqu’elle génère un choc haussier sur l’indice sous-jacent qui masque temporairement la perception des tendances désinflationnistes de l’économie. Pour en prendre la mesure, nous avons, à titre d’illustration, recalculé un indice sous-jacent en éliminant la correction pour l’effet « baisse de TVA », et qui révèle une baisse de plus de la moitié du rythme d’inflation sous-jacente en un an.
Ménages sous pression fiscale La récession a durement frappé le revenu nominal des ménages (tableau 7). La masse salariale s’est particulièrement ressentie de la compression de l’emploi (- 1,3 %), en passant d’une hausse de 3,1 % en 2008 à une stagnation en 2009. À cet effet, lié à la réduction du nombre d’heures travaillées, s’est ajouté le ralentissement de la rémunération moyenne par heure, de 2,7 % en 2008 à 1,3 % en 2009. L’excédent brut d’exploitation des entreprises individuelles s’est lui fortement contracté, près de 4 %, tandis que l’excédent brut des ménages hors entreprises individuelles suivait le même chemin, avec un recul de 2,1 %. Deux éléments majeurs ont toutefois limité les conséquences potentiellement désastreuses de la récession sur le revenu des ménages. En premier lieu, les amortisseurs sociaux ont joué leur rôle traditionnel de stabilisateur du revenu. Les prestations sociales ont ainsi cru de 5,3 % en termes nominaux en 2009, contre 3,5 % en 2008, sous l’effet de l’augmentation de l’indemnisation chômage notamment. Les prélèvements ont aussi marqué le pas, avec d’un côté un ralentissement des cotisations sociales nominales de 2,4 % en 2008 à 1,6 % en 2009, et un effondrement des impôts de 4,4 %, dû à la contraction de l’assiette fiscale, à la dégressivité des taux marginaux d’imposition et à la suppression des deux derniers tiers de l’impôt sur le revenu pour les ménages modestes. Au total, le revenu
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disponible brut des ménages a très fortement ralenti en termes nominaux, mais n’a pas diminué, passant d’une croissance de 3,2 % en 2008 (et même 5,2 % en 2007) à une hausse de 1 % en 2009. En plus des amortisseurs sociaux, la désinflation est le second élément qui a soutenu le revenu. L’effondrement du prix des matières premières en 2009, et plus particulièrement du prix du pétrole, a entraîné une baisse du déflateur de la consommation, passant d’une progression de 2,9 % en 2008 à une baisse de 0,6 % en 2009, qui a opportunément redonné du pouvoir d’achat aux ménages. En termes réels, le revenu disponible brut s’est élevé de 1,6 %, accélérant même par rapport à 2008 où la hausse réelle n’avait été que de 0,3 % (tableau 7). L’apparente insensibilité du revenu disponible brut réel au cours de la récession a permis de prémunir l’économie française de l’enclenchement d’une spirale dépressive où la contraction du revenu aurait conduit à une baisse drastique de la consommation avec des effets multiplicateurs très négatifs. En 2010 et en 2011, avec un retour à des évolutions positives, l’évolution des prix ne contribuera plus à soutenir le revenu réel. La ré-accélération du revenu disponible brut à 2,4 % en 2010 en termes nominaux sera rognée par le rebond de l’inflation (+1,1 %), de telle sorte, qu’avec une hausse de 1,3 % en termes réels, le revenu réel ralentira par rapport à 2009. En 2001, l’inflation ralentira à nouveau, 0,8 %, mais pas avec une amplitude suffisante pour compenser le ralentissement du revenu nominal à 1,6 %. La progression du revenu réel sera donc amputée de 0,5 point par rapport à 2010, pour s’établir à 0,8 %, très loin de sa moyenne de longue période (2,3 %). Tableau 7 : Éléments du compte des ménages En %, volume, moyenne annuelle
Revenu disponible brut dont : Salaires bruts Cotisations sociales Prestations sociales EBE ménages purs + EBE des EI* Dividendes et intérêts nets Impôts (yc CSG et ISF) Déflateur de la consommation Consommation Taux d’épargne (en % du RDB)
2009
2010
2011
Moyenne 1985-2007
1,6
1,3
0,8
2,3
0,6 2,1 5,9 -2,3 -0,3 -3,8 -0,6 0,6
1,3 1,0 2,2 1,5 0,4 2,3 1,1 1,4
0,6 1,6 1,5 1,6 1,9 3,3 0,8 0,8
2,3 1,8 2,4 2,3 3,4 4,2 1,8 2,2
16,2
16,1
16,1
14,9
* L’excédent brut d’exploitation des ménages purs correspond aux loyers perçus par les ménages propriétaires ou aux loyers fictifs correspondant au logement qu’ils occupent en tant que propriétaires. L’excédent brut d’exploitation des entrepreneurs individuels correspond au solde du compte d’exploitation des entreprises individuelles. Sources : INSEE, calculs et prévisions OFCE.
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Au-delà des effets mécaniques liés à l’inflation, rien ne plaide pour un redressement de la progression du revenu disponible en 2011. L’emploi devrait repartir à la baisse, ce qui freinera à nouveau la masse salariale, et l’arrivée en fin de droits des chômeurs n’ayant pas bénéficié du dispositif gouvernemental d’aide exceptionnelle, qui ne concerne qu’un nombre limité de personnes, diminuera l’indemnité moyenne par chômeur. Masse salariale et prestations sociales ralentiraient donc respectivement de 0,8 et 1 point en termes nominaux par rapport à 2010. Les ménages seront aussi mis à contribution en 2011 dans le cadre du plan de redressement des finances publiques. Le budget présenté par le gouvernement prévoit en effet des prélèvements supplémentaires sur les ménages (principalement la suppression du crédit d’impôt sur les dividendes, 645 millions, l’imposition aux contributions sociales des contrats d’assurance-vie, 1,6 milliard, la suppression du taux réduit de TVA sur les offres « triple play », 550 millions, et la suppression ou la réduction d’exonération de cotisations employeurs, 400 millions, et enfin la contribution sur les hauts revenus et les revenus du capital, 495 millions), pour un montant total de 4,1 milliards, soit 0,3 point de revenu disponible 12.
Consommation : fin des mesures de soutien Depuis le début de la crise, la consommation des ménages suit une trajectoire particulièrement heurtée, avec une phase de creux marquée en 2008, une reprise en 2009, puis un nouveau tassement dans la première moitié de 2010 (graphique 13). Mise à mal en 2008 par le choc inflationniste survenu à la fin 2007, puis par la crise bancaire qui a conduit à un durcissement des conditions de crédit, la consommation, et notamment celle de produits manufacturés (28,2 % du total), a fortement rebondi en 2009, sous l’effet des mesures gouvernementales de soutien. Ces dernières ont consisté en la mise en place d’un système de « primes à la casse » visant à stimuler les achats d’automobiles, segment de la consommation particulièrement sensible à la dégradation des conditions de crédit. Le principe de ces primes est calqué sur celles déjà mises en place dans le passé (primes Balladur en 1994, Juppé en 1996) en accordant un bonus de 1 000 euros pour la mise au rebut d’un véhicule de plus de 10 ans associée à l’achat d’un véhicule neuf. L’effet de cette mesure s’est développé tout au long de 2009, avec, comme en 1994 et 1996, une montée en charge progressive qui a culminé à la veille de l’extinction du dispositif, les acheteurs n’ayant pas encore profité du dispositif ayant été poussés à le faire avant sa fin programmée au premier janvier 2010 13 (graphique 14) La contrepartie de la flambée des immatriculations de véhicules 12. Pour plus de détails, voir la partie « budget ». 13. Pour éviter un choc négatif trop violent, le gouvernement a prévu une sortie de la mesure en plusieurs étapes, avec l’abaissement de la prime de 1 000 euros à 700 euros à partir du premier janvier 2010, puis à 500 euros au premier juillet. Mais au vu de l’effondrement des immatriculations en 2010, il semble que les ménages aient cherché à profiter des primes maximales en 2009 plutôt que de déborder sur 2010, lorsque la subvention est moindre.
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neufs au quatrième trimestre 2010 a été un dégonflement du flux en 2010. Les primes créent un effet d’aubaine temporaire qui pousse les ménages concernés à anticiper le renouvellement de leur véhicule. Mais le pendant de cette accélération est un reflux massif des ventes une fois épuisé le stock de véhicules pouvant prétendre au bénéfice de la mesure ou le dispositif arrivé à échéance. Quoi qu’il en soit, l’année 2010 ne se démarque pas des expériences passées en montrant que les primes provoquent des coups d’accordéon dans un volume donné de marché mais ne permettent d’augmenter durablement les ventes. Probablement, les immatriculations seront-elles amenées à évoluer durablement sous leur moyenne historique dans les prochaines années, comme ce fut le cas à la fin des primes instaurées dans les années 1990. Graphique 13 : Consommation des ménages selon le type de produits En %, t/t-1, volume
3,5 2,5 Consommation totale 1,5 * 0,5 -0,5 Produits manufacturés
Services -1,5 -2,5 2007
2008
2009
2010
2011
* Acquis de croissance en août 2010 pour le troisième trimestre 2010. Sources : INSEE, calculs OFCE.
Le redémarrage de la consommation des ménages en 2009 a donc culminé au quatrième trimestre 2009, pour s’interrompre au premier semestre 2010 qui a subit le contrecoup du dynamisme antérieur. La consommation au premier trimestre 2010 n’a d’ailleurs été prémunie d’un recul que grâce au dynamisme de la consommation d’énergie (en hausse de +2,9 % pour une part dans l’ensemble de la consommation des ménages de 6,6 %), dopée par un hiver plus rude qu’à l’accoutumée 14. Mais au-delà de ces à-coups qui obscurcissent sa lecture, le sentier de croissance de la consommation s’est infléchi de plus de moitié depuis le début de la crise en 2008, passant d’un rythme d’expansion de 2,2 % l’an entre 2000 et 2007, 14. Si la consommation des ménages est restée stable au premier trimestre 2010, la consommation hors produits énergétiques a baissé de 0,2 %.
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à 0,9 % l’an depuis lors. Les mesures de soutien de 2009, si elles ont été utiles pour soutenir ponctuellement la consommation et éviter l’enclenchement de mécanismes dépressifs, n’ont toutefois pas empêché sa baisse de régime. Graphique 14 : Immatriculation de véhicules de tourisme neufs En milliers, cvs 250 Primes
Primes
Primes
"Balladur"
"Juppé"
"Fillon"
200
150
100
90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
Source : INSEE.
Cette baisse de régime, si elle a été précipitée par le choc pétrolier au tournant de 2007 et de 2008, a une origine plus profonde qui touche à la dégradation de la situation patrimoniale des ménages durant la crise. Le retournement du marché boursier à l’été 2007, ainsi que le repli des prix immobiliers engagé au début de 2008, ont induit un effet de richesse négatif qui a pénalisé la consommation au profit de l’épargne. En moyenne, le taux d’épargne s’est élevé de 1,2 point de RDB entre 2006 et 2009, annulant une bonne partie de la baisse enregistrée entre 2002 et 2006, qui avait quant à elle pour origine un effet de richesse positif lié à la bonne tenu de l’immobilier et des marchés financiers sur cette période. À ces facteurs de ralentissement de la consommation, est venue s’ajouter l’explosion du chômage qui a suscité un supplément d’épargne de précaution. À l’horizon de la prévision, la consommation continuerait à croître selon le rythme ralenti qui s’est instauré en 2008. La bonne tenue des dépenses en produits manufacturés sur les deux premiers mois du troisième trimestre (+ 0,8 % d’acquis en août) laisse intacte la perspective d’un redressement après la baisse du début de l’année. Au total, la consommation croîtrait durant les deux derniers trimestres de 2010 à un rythme voisin de celui du deuxième trimestre (0,3/0,4 %), mais subirait en 2011 le contrecoup du ralentissement du revenu disponible alors que rien n’inciterait les ménages à abaisser leur taux d’épargne.
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Immobilier : l’étau des taux réels Après leur point bas de la première moitié de 2009, les prix de l’immobilier ancien ont engagé un rebond, avec, selon l’indice Notaires-INSEE, une hausse sur un an de 6 % au deuxième trimestre 2010 (graphique 15). Selon l’indice de la FNAIM, la reprise a été beaucoup moins marquée, 2,3 % sur un an au plus fort du rebond au quatrième trimestre 2009, et surtout paraît marquer le pas avec le retour à la baisse au deuxième trimestre 2010. L’indice de la FNAIM, dont les évolutions préfigurent souvent celles de l’indice Notaires-INSEE car fondées sur des promesses de vente signées avant les actes authentiques, n’incite gère à l’optimisme pour les prochains trimestres et pourrait préfigurer une rechute du marché. Graphique 15 : Taux de croissance du prix des logements anciens En %, t/t-4
220
Indice Notaires-INSEE
200 180
Indice FNAIM
160 140 120 100 80 97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
Sources : INSEE, FNAIM, calculs et prévisions OFCE.
Au-delà du caractère avancé de l’indice de la FNAIM qui pourrait constituer les prémisses d’une retombée, nombre de facteurs négatifs à l’origine de la correction du marché sont toujours à l’œuvre. Les taux d’intérêt sur les nouveaux crédits ont certes nettement reculé et sont revenus, au deuxième trimestre 2010, à leur point bas de la seconde moitié de 2005 vers 3,5 %. Mais, perpétuant l’écart qui s’était créé avec les taux sur les obligations d’État à 10 ans au paroxysme de la crise, les taux hypothécaires restent plus élevés que les taux sur les actifs sans risque, ce qui témoigne toujours de la réticence des banques à la prise de risque. De plus, le niveau élevé du chômage et le ralentissement induit du revenu des ménages frappent les dossiers d’endettement d’un aléa supplémentaire. La poursuite de la baisse de la durée moyenne des prêts au premier semestre 2010, passée au total de 225 à 210 mois entre la fin 2007 et la mi-2010, selon l’Observatoire Crédit Logement/CSA, constitue par ailleurs un autre indice de la prudence des banques. Les flux de
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■ Département analyse et prévision
nouveaux crédits à l’habitat s’en ressentent, avec une reprise depuis un an, mais qui est loin d’avoir ramené la production à son niveau d’avant crise. Du côté de la demande, les moteurs du marché peinent à entretenir le rebond des prix. Le retournement à la hausse des rendements locatifs de l’immobilier entre 2008 et 2009 a redonné un peu d’attrait à l’investissement dans l’immobilier, quand dans le même temps le rendement réel des obligations d’État à 10 ans se repliait (graphique 16). L’embellie a cependant été de courte durée, et la reprise des prix a de nouveau renvoyé le rendement locatif à la baisse, si bien qu’à la mi-2010, est réapparue une prime de risque négative pour l’immobilier, accentuée par la désinflation à l’œuvre depuis un an qui a renversé la baisse des taux réels malgré le recul des taux nominaux. Graphique 16 : Taux d’intérêt réels sur les obligations d’État à 10 ans et rendement locatif de l’immobilier* En %
7 Taux à 10 ans 6 5 Rendement locatif 4 3 2 1 91
93
95
97
99
01
03
05
07
09
11
* Le rendement de l’immobilier de logement a été calculé en compilant pour l’année 2003 diverses sources relatives, d’un côté au loyer annuel moyen en France par m2 et, de l’autre, au prix moyen observé à l’achat sur la même période. Il rapporte le loyer au prix. Pour l’ensemble du territoire français, c’est une approximation vraisemblable du rendement locatif. Les séries historiques ont ensuite été reconstituées sur cette base au moyen des indices de loyer et de prix des logements établis sur longue période par J. Friggit (CGPC). Par convention, le rendement locatif de l’immobilier a été dégrevé de 2 %, correspondant à la dépréciation du capital. Il s’entend hors frais de transactions et hors fiscalité. Il s’agit du rendement instantané, c'est-à-dire du rendement pour la première période du placement. Il n’inclut pas les flux de revenus futurs escomptés ni les plus-values potentielles.
Sources : INSEE, FNAIM, Chambre des Notaires de Paris, J. Friggit (CGPC), Thomson Financial, calculs OFCE.
Pour la fin 2010 et 2011, la poursuite du mouvement de désinflation continuera à tendre les taux réels, maintenant les rendements locatifs sur une trajectoire haussière, ce qui passe par une baisse des prix compte tenu du moindre dynamisme attendu des loyers. Les prix devraient ainsi avoir atteint le maximum de leur rebond au deuxième trimestre 2010 pour s’engager dans un nouveau mouvement de repli, -1,7 % dans la seconde moitié de l’année ramenant le glissement annuel de 6 % au deuxième trimestre à 4,3 % au quatrième. La baisse se prolongerait en 2001, avec un nouveau recul de l’ordre de 3 %. 194
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Marché du travail : Le chômage s’installe 15 La dégradation du marché du travail s’est interrompue au début de l’année 2010, avec la création de 51 000 emplois au premier semestre (contre 333 000 destructions d’emplois en 2009). Cette reprise s’explique d’abord par les créations d’emplois observées dans le secteur marchand (+34 000), tirées par le dynamisme de la croissance début 2010. Par ailleurs, les créations annoncées d’emplois aidés dans le secteur non-marchand ont été effectives fin 2009, entraînant une hausse de 11 000 emplois en moyenne au deuxième trimestre 2010 par rapport au quatrième trimestre 2009. Cette progression de l’emploi s’est par ailleurs accompagnée d’une baisse de la population active de 27 000 personnes au premier semestre 2010, favorisant la baisse du chômage, qui atteignait ainsi 9,3 % de la population active au deuxième trimestre 2010, contre 9,6 % à la fin 2009. L’évolution du marché du travail a ainsi été beaucoup plus favorable que nous ne l’avions prévu, car la productivité dans le secteur marchand a évolué modérément, et n’a pas comblé au cours du premier semestre le retard qu’elle avait accumulé par rapport à la tendance de long terme depuis le début de la crise. Tableau 8 : Emploi et chômage Variations annuelles, en milliers, au dernier trimestre
Glissement annuel
2006
2007
2008
2009
2010S1 2010*
2011*
Population active observée - Emploi total - Emplois marchands - Emplois aidés non marchands - Autres emplois Chômage
136
133
49
192
-23
17
41
300 205 38 57 -164
360 286 -24 98 -227
-40 -83 -77 120 89
-333 -407 38 36 525
55 38 11 6 -78
74 74 -16 16 -57
-52 -71 0 20 93
* Prévisions OFCE.
Sources : INSEE et ministère du Travail, prévisions OFCE.
Nos prévisions de croissance pour le second semestre 2010 devraient permettre à l’emploi de progresser encore légèrement malgré le retour d’une productivité plus dynamique. À l’inverse, le coup de frein donné à la croissance en 2011 par la mise en place du plan de rigueur et la fin de la « reprise technique », conjugué à une productivité toujours dynamique, devrait tirer à nouveau l’emploi marchand à la baisse et porter le taux de chômage à 9,7 % de la population active.
15. Cette partie a été rédigée par Marion Cochard.
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■ Département analyse et prévision
L’Emploi marchand : le prix de la rigueur L’emploi marchand a légèrement repris au premier semestre 2010, avec la création de 51 000 emplois. Ces créations s’expliquent entièrement par la reprise de l’intérim (+ 54 000, graphique 17), mais l’évolution de l’emploi hors intérim a également marqué une nette inflexion. Cette évolution a été bien plus favorable que ce que nous inscrivions lors de notre précédente prévision, car le net rebond de la productivité marchande que nous anticipions n’a pas eu lieu. Graphique 17 : Emploi dans le secteur de l’intérim, et marchand hors intérim En milliers
18 000
800 Emploi marchand hors intérim (éch.gauche )
17 500
700
17 000
600
16 500
500
Intérim (éch.droite)
16 000
400 2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Sources : INSEE, ACOSS.
Conséquence de l’effondrement de l’activité, la productivité marchande s’est effondrée de 3,9 % entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2009 et l’écart à la tendance de productivité atteignait 3,4 % au premier trimestre 2009 (graphique 18). Cette baisse de la productivité est le résultat du comportement des entreprises, qui attendent la confirmation du retournement conjoncturel avant d’ajuster leurs effectifs, et ont perçu tardivement l’ampleur exceptionnelle de la chute de l’activité lors de cette crise. La productivité a donc repris à partir du deuxième trimestre 2009, lorsque les employeurs ont procédé à des réductions d’effectifs, augmentant de 2,8 % entre le premier trimestre 2009 et le premier trimestre 2010. Nos prévisions d’avril tablaient sur une poursuite de la fermeture du cycle de productivité jusqu’à la fin 2011, mais au cours du premier semestre, le rebond de productivité ne s’est pas produit puisque celle-ci a cru de 0,8 %, portant le retard de productivité par rapport à la tendance de long terme à 1,5 % au deuxième trimestre 2010 (graphique 18).
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Graphique 18 : Cycle de productivité Écart à la tendance de long terme, en %
4 Services
Secteur marchand
2 0 -2 -4 Industrie -6 -8 90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
Sources : Comptes nationaux, modèle e-mod.fr.
Ce tassement de la productivité par tête s’explique certainement en grande partie par l’évolution de la durée du travail et le développement de formes d’emplois à temps réduit et/ou précaire. Nous ne disposons pas de statistiques fiable de durée du travail, mais de nombreux indicateurs laissent penser qu’une partie de l’ajustement sur le marché du travail aurait été effectuée via une modification des formes d’emploi au sein des entreprises, en réduisant le temps de travail plutôt qu’en procédant à des réductions d’effectifs. Le moindre recours aux heures supplémentaires et l’augmentation du nombre de salariés dans le dispositif de chômage partiel ont permis d’abaisser le temps de travail au début de la crise. Ainsi, si les statistiques d’heures supplémentaires sont trop récentes pour pouvoir être corrigées des variations saisonnières, la série semble indiquer que le recours a baissé au cours de la crise, et a légèrement repris, à un niveau inférieur à celui précédant la crise. De même, le chômage partiel, après s’être développé au début de la crise, a commencé à décroître dès le troisième trimestre 2009, mais se maintient à un niveau supérieur à celui d’avant crise (graphique 19). Ce mouvement semble se pérenniser aujourd’hui avec le développement du temps partiel subi. L’enquête Emploi montre ainsi l’explosion du nombre de personnes se déclarant en situation de temps partiel, souhaitant travailler davantage (+ 20 % entre le premier trimestre 2008 et le deuxième trimestre 2010, soit près de 200 000 personnes). Ces différents éléments expliquent donc en partie les moindres destructions d’emplois depuis le début de la crise. Par ailleurs, le nombre d’emplois de très courte durée se développe. Les intentions d’embauches des entreprises enregistrées par l’ACOSS montrent qu’au deuxième trimestre 2010, 62 % des intentions d’embauche concernaient des contrats de moins d’un mois, contre 59 % début 2008. De même, les chiffres des
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■ Département analyse et prévision
demandeurs d’emplois en fin de mois (DEFM) inscrits à Pôle emploi montrent que si le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A (hors activité réduite) a baissé au premier semestre 2010, le nombre de demandeurs d’emplois en catégories B et C (demandeurs d’emploi en activité réduite) a, au contraire, continué à croître tout au long de la période. Ces indications vont dans le sens d’une hausse de la précarité de certaines catégories de travailleurs, qui effectuent des va-et-vient entre emplois très courts et chômage. Graphique 19 : Chômage partiel et heures supplémentaires En millions
En milliers
190
300 Nombre d'heures supplémentaires (en millions , éch. gauche)
180
250 200
Chômage partiel (en milliers de personnes, éch. droite)
170
150 100
160 50 150
0 2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : ACOSS, INSEE enquête emploi.
Sous l’hypothèse d’une stabilité du temps de travail à l’horizon 2011, nous inscrivons en prévision une reprise de la productivité qui augmenterait de 2,3 % en moyenne annuelle en 2010, et 1,7 % en 2011. L’emploi marchand continuera donc à croître jusqu’à la fin 2010 (+74 000 emplois), avant de baisser à nouveau en 2011, faut de croissance suffisante (-71 000 emplois).
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Graphique 20 : Cycle de productivité Écart à la tendance de long terme, en %
2 1 0 -1 -2 -3 -4 80
82
84
86
88
90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
Source : INSEE, calculs OFCE.
Encadré 4 : Où en est le cycle de productivité ? Notre analyse et nos prévisions d’emploi s’appuient largement sur le cycle de productivité, c’est-à-dire l’écart de productivité par rapport à la tendance de long terme. Ce cycle de productivité est calculé à l’aide de l’équation d’emploi écrite sous la forme d’un modèle à correction d’erreur. Ce type de modèle permet d’estimer une relation de cointégration – ou relation de long terme – et une dynamique de court terme de la variable expliquée. Dans notre modèle, l’emploi marchand dépend de la valeur ajoutée du secteur marchand, d’une tendance linéaire – qui comporte des ruptures de tendance sur la période d’estimation – et de la durée du travail. Le cycle de productivité est le résidu de la relation de long terme. L’estimation de l’équation sur la période 1978-2009 est la suivante : ⎛ ⎞ ⎛Q ⎞ d log N t = 0.7* d log Qt −1 − 0.18 ⎜⎜ log ⎜ t −1 ⎟ − 0.46* t + 0.24* t 9 2 − 0.03* ht −1 ⎟⎟ + 0.6 + ε t (25 . 7 ) (1 1. 5) (7 .8 ) (1 .4 ) (3 .6 ) ⎝ Nt −1 ⎠ (11 .1 ) ⎝
⎠ rel a ti on d e lo n g t erme
où N est l’emploi marchand, Q la valeur ajoutée marchande, t une tendance sur toute la période, t92 une tendance à partir de 1992t1, et h le temps de travail. On pourrait toutefois choisir d’estimer le modèle sur une période plus courte, puisque les chiffres des deux dernières années sont encore provisoires. Or, la crise a conduit à un effondrement de la productivité tel que l’on observe des différences importantes dans les estimations selon la période d’estimation. L’estimation du modèle sur la période 1978q12007q4 fait en effet apparaître une rupture dans la tendance de productivité en 2002, qui porte la croissance annuelle tendancielle de la productivité à 1,4 %. En revanche, l’estimation du même modèle sur la période 1978q1-2009q4, qui intègre les données couvrant la période de crise, ne fait plus apparaître de rupture de tendance. Dans ce cas, la tendance de productivité croît de 1,1 % par an. Les conséquences sur le cycle de productivité – et donc sur l’analyse de l’ajustement de l’emploi à venir – sont majeures. Le graphique suivant illustre les
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■ Département analyse et prévision
cycles de productivité pour les deux périodes d’estimation et montre que l’hypothèse retenue dans notre prévision d’une tendance de productivité à 1,1 % est bien plus favorable en termes d’emploi que l’hypothèse alternative de tendance à 1,4 %, qui porterait le retard de productivité à 4,5 % de sa tendance de long terme. Une telle hypothèse nous conduirait à inscrire un fort rebond à venir de la productivité pour combler l’écart avec la tendance de long terme, avec un scénario d’emploi marchand bien plus pessimiste. Cycles de productivité marchande selon la période d’estimation Écart à la tendance de long terme, en %
3 Estimation sur la période 1978q1-2009q4
1,5 0 -1,5 -3
Estimation sur la période 1978q1-2007q4
-4,5 -6 80
82
84
86
88
90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
Sources : INSEE, calculs OFCE. On ne peut en outre exclure la possibilité que la crise ait conduit à une nouvelle rupture de la tendance de productivité, sachant que les conséquences de ce choc ne peuvent être qu’imparfaitement captées tant que le cycle ne se sera pas refermé.
Emploi non marchand : fin de la relance Après une phase de recul de l’emploi aidé dans le secteur non marchand, l’ampleur de la crise a contraint le gouvernement à revenir au traitement social du chômage en 2009. Le nombre de contrats aidés signés est donc passé de 276 300 en 2008 à 358 500 en 2009, au-delà de l’objectif initialement annoncé de 330 000. La durée de ce type de contrats étant limitée à 9 mois pour le contrat d’accompagnement vers l’emploi (CAE) et à 11 mois pour le contrat d’avenir (CA), l’impact sur le stock d’emplois aidés est plus mesuré. La hausse du nombre de contrats aidés en vigueur au quatrième trimestre 2009 représentait ainsi en hausse de près de 40 000 environ par rapport à la même période de l’année précédente (228 200 emplois contre 190 000 au quatrième trimestre 2008), mais demeurait inférieur à son niveau de la fin 2007 (267 400 emplois). Compte tenu de la persistance d’un marché du travail très dégradé, il est aujourd’hui peu probable que le gouvernement revienne à une politique de suppressions massives des contrats aidés dans le secteur non marchand. Nous
200
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faisons l’hypothèse dans notre prévision d’une légère baisse du nombre d’entrées en contrats aidés, qui devrait approcher 330 000, c’est-à-dire le chiffre initialement annoncé pour 2009. Les effectifs de contrats aidés devraient donc baisser à mesure que les entrées massives de l’année 2009 arriveront en fin de contrat, pour se stabiliser légèrement au-delà de 200 000 emplois. Tableau 9 : Glissement annuel des prix* En fin d’année (T4)
Durée du contrat (en mois) Entrées (en milliers)
EJ 60 2,0 1,0 0,4 0,0 0,0 10,2 4,9 1,6 0,0 0,0
2007 2008 2009 2010 2011 2007 2008 2009 2010 2011
Effectifs (en milliers)
CEC 33 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 3,3 0,3 0,0 0,0 0,0
CAE 9 248,0 169,0 260,1 238,2 238,2 165,6 103,3 156,5 140,3 140,3
CA 11 113,2 106,3 98,0 91,0 91,0 88,4 81,4 70,2 64,6 64,2
EJ – 361,1 276,3 358,5 329,2 329,2 267,4 190,0 228,2 204,9 204,6
Légende : Les contrats aidés du secteur non marchand comprennent les emplois jeunes (EJ), les contrats emploi consolidé (CEC), les contrats d’accompagnement à l’emploi (CAE) et les contrats d’avenir (CA). Les emplois jeunes et les CEC sont des dispositifs en extinction. Sources : INSEE et ministère du Travail, prévisions OFCE.
Graphique 21 : Emplois aidés dans le secteur non marchand En milliers
600 juin 2000
septembre 2002
500 400 300 200
octobre 2005 août 1990
100 0 85
87
89
91
93
95
97
99
01
03
05
07
09
11
Source : DARES.
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201
■ Département analyse et prévision
Chômage : vers une remontée en 2011 Après deux années de hausse exceptionnelle du chômage (+614 000 entre fin 2007 et fin 2009), la reprise des créations d’emplois au premier semestre 2010 a permis une baisse du nombre de chômeurs de 78 000. La France métropolitaine compte désormais 2 624 000 chômeurs, soit 9,3 % de la population active. Les révisions des séries statistiques d’emploi et de chômage n’ont pas permis de corriger l’incohérence observée en 2009 entre les chiffres d’emploi issus de sources administratives et le chiffre du chômage donné par l’enquête Emploi. L’évolution de la population active calculée comme la somme de l’emploi total et du chômage indique en effet une hausse de la population active de 192 000 personnes en 2009, ce qui ne cadre pas avec ses principaux déterminants : la structure démographique de la population et les comportements d’activité sur le marché du travail. En effet, ces deux éléments plaident en faveur d’un ralentissement, voire d’une baisse de la population active. Le vieillissement de la population, d’abord, a conduit à un ralentissement tendanciel de la population active, qui augmenterait de 70 000 personnes par an aujourd’hui, contre 200 000 au début des années 2000. Les comportements d’activité, par ailleurs auraient dû peser sur la participation au marché du travail. Si la suppression progressive des dispositifs de départs anticipés va dans le sens d’une hausse de la population active (+38 000 actifs en 2009), la dégradation de la conjoncture aurait dû en revanche largement compenser cet effet, via deux phénomènes. D’abord, l’effet de flexion, c’est-à-dire le retrait du marché du travail d’une population découragée (chômeurs et jeunes essentiellement), aurait dû peser sur la population active à hauteur de 78 000 personnes. Ensuite, la création du CRP et du CTP, deux dispositifs d’accompagnement renforcé des victimes de licenciement économique, a pour effet de faire basculer leurs bénéficiaires dans la catégories des personnes en formation, donc dans l’inactivité au sens du BIT. Les fortes destructions d’emplois de l’année 2009 ont eu pour effet la montée en puissance de ces dispositifs, qui concernaient près de 120 000 personnes au deuxième trimestre 2010 et auraient amputé la population active de 54 000 personnes en 2009. Au regard de ses déterminants économiques et démographiques, l’évolution de la population active aurait donc dû être légèrement négative (-22 000 en 2009), et le nombre de nouveaux chômeurs légèrement endeçà du nombre de destructions d’emplois. Le défaut de bouclage observé sur le marché du travail pour l’année 2009 (tableau 10) est donc de 214 000 pour l’année 2009, et laisse à penser à une possible révision des chiffres d’emplois pour l’année 2009. Nos prévisions de baisse progressive du nombre de CRP/CTP ainsi que le ralentissement de la dégradation du marché du travail devraient conduire à une hausse de la population active de 54 000 personnes en 2010 et 41 000 en 2011. Au final, le nombre de chômeurs devrait très légèrement augmenter au second semestre 2010 – à 9,4 % de la population active, contre 9,3 au deuxième trimestre –, et reprendre sa hausse en 2011 à la suite des destructions d’emplois et de la hausse de
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la population active. Le taux de chômage atteindrait 9,7 % de la population active fin 2011. Cette persistance d’un marché du travail dégradé se traduit par une forte hausse du chômage de longue durée, qui touche désormais plus de 36 % des demandeurs d’emploi inscrits en catégories A,B et C à Pôle emploi, soit 1 440 000 personnes. Cet allongement de la durée du chômage pèsera donc encore sur la situation des chômeurs à l’horizon de la prévision, par les pertes de compétences et d’indemnisation qu’il entraîne. Tableau 10 : Projection de population active Variations, en milliers, au dernier trimestre
glissement annuel
2006
2007
2008 2009* 2010S1 2010*
Population active potentielle
196
188
89
-22
14
54
41
164
111
88
72
28
57
29
Population active observée
26 18 -12 136
43 32 2 133
-32 41 -8 49
-78 38 -54 192
10 3 -27 -23
5 5 -13 17
-23 2 34 41
Défaut de bouclage
-60
-55
-40
214
-37
-37
0
- Projection tendancielle au sens du BIT - Effet de flexion - Effet retrait d'activité - Effet retrait d'activité CTP/CRP
2011*
* Prévisions OFCE Légende : L’effet de flexion correspond à l’entrée sur le marché du travail d’inactifs, en cas de baisse du chômage. Les retraits d’activité comprennent les pré-retraites et les formations. Sources : INSEE et ministère du Travail, prévisions OFCE.
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203
■ Département analyse et prévision
Les entreprises n’ont pas fini d’éponger la crise 16 Après quatre années de croissance forte de l’investissement des sociétés non financières (SNF) (5 % en moyenne en volume de 2004 à 2007 dont 7,9 % pour la seule année 2007), soutenue par une croissance relativement dynamique du PIB (2,2 % en moyenne) et un recours massif à l’endettement, celui-ci s’est contracté entre le deuxième trimestre 2008 et le début de l’année 2010 sous l’effet de la chute d’activité révélant des surcapacités de production extrêmement élevées. Au cours des huit trimestres suivant le point haut de début 2008, la valeur ajoutée (VA) des SNF a baissé de 4,8 % et la formation brute de capital fixe (FBCF) a perdu 12,5 %. Cet effet d’accélérateur a conduit à une baisse du taux d’investissement productif de 1,5 point de VA des SNF entre début 2008 et début 2010, celui-ci atteignant 18,3 % de la VA au premier trimestre 2010, revenant ainsi à son niveau de la mi2006 (graphique 22). Cependant, au deuxième trimestre 2010, l’investissement des entreprises a renoué avec la croissance (1,1 % en glissement trimestriel). La question qui se pose alors est de savoir si cette hausse est annonciatrice d’une reprise de l’investissement ou au contraire n’est-elle qu’un simple phénomène ponctuel dans un processus d’ajustement non encore terminé. Si la baisse du taux d’investissement n’est pas terminée, elle devrait néanmoins être limitée (- 0,2 point de VA entre le deuxième trimestre 2010 et le premier trimestre 2011). Celui-ci devrait même légèrement augmenter à nouveau au cours de l’année 2011 (0,1 point de VA), sans que cela puisse toutefois être qualifié de reprise de l’investissement. La croissance de la FBCF prévue pour les 6 trimestres à venir (0,4 % par trimestre en moyenne) resterait extrêmement molle pour plusieurs raisons. Premièrement, malgré la baisse de l’investissement, les taux d’utilisation des capacités de production (TUC) restent très bas dans l’industrie. Ces surcapacités seront longues à éponger et seront le principal frein à la reprise de l’investissement. Deuxièmement, la profitabilité du capital physique a connu une chute brutale depuis début 2008 et se situe à des niveaux très bas. À l’horizon de notre prévision, cette profitabilité ne s’améliorerait pas en raison de la politique de rigueur en 2011 qui rogne les marges des entreprises, de la faible croissance attendue et dans une certaine mesure de la trappe à liquidité qui subsiste. De plus, avec un taux d’autofinancement toujours très bas et dans un contexte de perte de valeur des entreprises, la question de la soutenabilité de la dette des SNF se pose plus que jamais et le processus de désendettement à peine entamé devrait se prolonger, au détriment d’une reprise de l’investissement. Après avoir connu une baisse historique de 7,9 % en volume en 2009, la FBCF des SNF continuerait donc de diminuer en 2010 (- 1,9 %) avant de croître mollement en 2011 (1,7 %).
16. Cette partie a été rédigée par Mathieu Plane.
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Graphique 22 : Taux d’investissement productif (en volume) et FBCF productive En % de la VA des SNF
En %
20
12 FBCF productive (éch. droite)
9 -1,3 point (6 trimestres)
19
6 3
18
0 -1,5 points (12 trimesres)
17 -2,3 points (10 trimestres)
16
-3 -6
Taux d'investissement productif (éch. gauche)
-9
15
-12 80
82
84
86
88
90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
Sources : INSEE, prévisions OFCE.
Le long chemin de la réduction des surcapacités L’accumulation de capital productif depuis 2004, soutenue par la hausse de l’endettement, s’est nettement accélérée en 2006 et 2007. Ce mouvement a entraîné une hausse du taux d’investissement productif de 2,3 points de VA en quatre ans, dont 1,8 point pour la seule période 2006 et 2007 (graphique 22), mais cela ne s’est pas traduit par des surcapacités de production durant cette période, bien au contraire : les taux d’utilisation ont atteint un point haut fin 2007, proche de celui atteint fin 2000 juste avant l’éclatement de la bulle internet (graphique 23). En revanche, depuis le deuxième trimestre 2008, la chute de la valeur ajoutée n’a pas provoqué un ajustement aussi rapide du capital productif laissant apparaître rapidement des surcapacités extrêmement élevées. Entre le début de l’année 2008 et le deuxième trimestre 2009, le TUC dans l’industrie (calculé par la Banque de France) a perdu 13,6 points, dont près de 9 points au cours du dernier trimestre 2008 et du 1er trimestre 2009, au paroxysme de la récession. À titre de comparaison, lors de crise précédente liée à l’éclatement de la bulle Internet, le TUC avait baissé de 5,9 points en 9 trimestres. Et lors de la dernière récession en 1993, le TUC a perdu 10,2 points en quinze trimestres. La chute actuelle des TUC est sans comparaison avec les crises précédentes à la fois en ce qui concerne son ampleur mais surtout sa vitesse. Depuis le troisième trimestre 2009, le TUC s’est redressé de 6,2 points mais reste encore à un niveau extrêmement bas, en-dessous du point bas de 1993 et à 6 points de sa moyenne de long terme.
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■ Département analyse et prévision
Cependant, le TUC est un indicateur des capacités de production uniquement dans l’industrie. Or, cette crise touche particulièrement le secteur de l’industrie et la seule analyse des TUC peut surestimer l’excès de surcapacités dans l’ensemble du secteur marchand. En effet, la chute de la valeur ajoutée depuis le début de l’année 2008 jusqu’au dernier trimestre connu (deuxième trimestre 2010) a été de 2,1 % mais elle a été de 10,1 % pour le seul secteur de l’industrie et de 12,5 % pour l’industrie manufacturière (-1,2 % pour les services marchands) (tableau 11). La part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale a baissé de 1,4 point au cours des dix derniers trimestres (passant de 17 % au 1er trimestre 2008 à 15,6 % au deuxième trimestre 2010), une telle baisse en si peu de temps n’ayant jamais été observée depuis la Seconde Guerre mondiale. Lors de la crise du début des années 1990, la part de l’industrie a chuté de 0,4 point de VA au cours des dix trimestres suivant le début de la crise. Et lors de la crise lié à l’éclatement de la bulle Internet, la part de l’industrie dans la VA n’a diminué que de 0,1 point en dix trimestres. La crise actuelle est marquée par la violence de la chute de l’industrie manufacturière par rapport au secteur des services marchands, nettement moins impactés. La baisse du TUC nettement plus marquée au cours de cette crise par rapport aux crises précédentes s’explique en partie par la structure des impacts sectoriels de la récession. Étant donné ces différences d’impact sectoriel d’une crise à l’autre, le TUC doit être uniquement interprété comme un indicateur des tensions sur les capacités de production dans l’industrie mais dont l’analyse ne doit pas être généralisée à l’ensemble des sociétés non financières. Tableau 11 : Variation de la valeur ajoutée au cours des dix trimestres suivant la crise En %
Industrie Industrie manufacturière Services marchands Total Part de l’industrie dans la VA totale (en pts de %)
1992.1-1994.2 2001.1-2003.2 2008.1-2010.2 -1,6 1,0 -10,1 -1,7 -1,1 -12,5 1,6 2,8 -1,2 0,6 1,3 -2,1 -0,4
-0,1
-1,4
Sources : INSEE, calculs OFCE.
Afin de mesurer les tensions au sein des sociétés non financières, et non plus uniquement au sein de l’industrie, nous avons construit un TUC pour l’ensemble des SNF à partir d’une mesure de capacité de production potentielle qui combine la croissance du stock de capital productif des SNF à la croissance tendancielle de la productivité du capital. Cette mesure indique également un excès de capacité très élevé mais, contrairement au TUC dans l’industrie, n’affiche pas une situation historique, l’ensemble des SNF ayant déjà connu des excès de capacité semblables, voire supérieures, en 1993. En revanche, cette nouvelle mesure confirme l’idée que les entreprises n’avaient jamais vécu une telle chute des taux d’utilisation sur une période aussi courte (graphique 23).
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Graphique 23 : Taux d’utilisation des capacités de production En %
En %
82
90 TUC Industrie INSEE (éch.gauche)
86
80 78
82 76 TUC Industrie Banque de France (éch.gauche)
78
74
74 72
TUC SNFEI OFCE (éch.droite)
70
70 82
84
86
88
90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
Sources : Banque de France, INSEE, calculs OFCE.
Quelle que soit la mesure retenue, le choc actuel sur les capacités de production pèsera sur la dynamique d’investissement pour les trimestres à venir. Entre le début 2008 et la fin 2009, la part du capital productif dans la valeur ajoutée des SNF a crû de 14 points, atteignant 183 % de la VA (graphique 24), et ce malgré la chute de la FBCF de 11,6 %. Graphique 24 : Ratio (Capital productif / valeur ajoutée)* des SNF et TUC En %
Solde d’opinions, échelle inversée
188
71 Ratio Capital / VA annuelle glissante des SNFEI (en volume) (éch. gauche)
184
73
180 75 176 77
172 TUC des SNFEI (éch. inversée droite)
168 164
79
81 160 81
83
85
87
89
91
93
95
97
99
01
03
05
07
09
11
* en volume Sources : INSEE, calculs OFCE.
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■ Département analyse et prévision
Depuis le début de l’année 2010, ce ratio diminue avec la hausse des TUC mais celui-ci resterait fin 2011 encore 11 points au-dessus de la valeur de début 2008. De même, notre mesure du TUC des SNF se redresserait de 1 point en 2010 et 2011 et atteindrait 74,6 % à l’horizon de notre prévision, soit un niveau encore bien inférieur à sa moyenne de long terme (77,3 %) et très loin du niveau de début 2008 (80,1 %). Dans un contexte de croissance molle, il faudrait une réduction nettement plus forte de l’investissement pour réduire significativement les surcapacités de production fin 2011. Une très forte augmentation du taux de déclassement ou une chute de la tendance de productivité du capital permettrait également d’absorber plus rapidement les surcapacités. Mais cela aurait des conséquences négatives sur la profitabilité des entreprises et donc sur l’investissement.
Des financements moins abondants et une profitabilité en berne Depuis la fin 2003, la hausse de l’endettement des SNF a augmenté de 54 points de VA et cette hausse s’explique intégralement par la dynamique du crédit bancaire, la part des titres hors actions dans la VA étant quasiment identique entre fin 2003 et début 2010. Les conditions de crédit bancaire extrêmement favorables pour les entreprises les ont conduit à recourir massivement au crédit bancaire jusqu’à la mi2008 au détriment des autres types de financement, accentuant la part de ce type de crédit dans leur passif. En revanche, au quatrième trimestre 2008, juste après la faillite de Lehman Brothers, le marché obligataire privé s’est en partie substitué au marché bancaire dans le financement des SNF. La restriction bancaire, en particulier sur les crédits à court terme et notamment pour les PME, à laquelle s’ajoute la formation d’une trappe à liquidité depuis octobre 2008 qui n’est pas encore complètement résorbée, ont conduit les SNF à diversifier leurs financements. Depuis le quatrième trimestre 2008, le recours au marché obligataire par les SNF est devenu supérieur au financement par crédit bancaire. En moyenne, de début 2009 à mars 2010, le flux de financement trimestriel moyen des SNF par crédit bancaire a représenté 2,8 % de VA trimestrielle (3 fois moins que la moyenne de longue période) contre 8,8 % de VA pour les titres hors actions (2 fois plus que la moyenne de longue période) (graphique 26). Si l’écart de taux entre les emprunts des SNF et les taux des obligations publics a baissé d’octobre 2008, pic de la crise de liquidité, à fin 2009, celui-ci n’a jamais retrouvé le niveau d’avant-crise (graphique 25) et augmente à nouveau depuis février 2010. Avec la chute des cours boursiers, les entreprises ont diminué leur recours au financement par action depuis la fin 2007 et ce jusqu’à début 2009. Avec la remontée des cours boursiers de mars 2009 à mars 2010, le flux d’actions au passif des SNF s’est accéléré, représentant 10,9 points de VA en moyenne par trimestre, rythme supérieur à la moyenne de longue période (9,5 points de VA). Si les flux de financement par le crédit bancaire ont atteint un niveau que l’on n’avait pas observé depuis la fin 2003, à l’inverse les flux dynamiques des obligations et actions ont
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atténué le ralentissement des flux de passif des SNF, ces derniers évoluant à un rythme comparable à celui de 2005 mais restant encore au-dessus de celui de 20032004 (graphique 26). Graphique 25 : Spread à court et long terme En points de pourcentage
3
Taux SNF moins 1 an - OAT 1an
2,5 2
Taux SNF à moyen et long terme - OAT 5 ans
1,5 1 0,5 0 2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Sources : Banque de France, calculs OFCE.
Graphique 26 : Flux de financement des SNF En % de la VA des SNF
50 Actions Titres hors actions Crédits à LT Crédits à CT
45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
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Sources : Banque de France, calculs OFCE.
De plus, le taux d’autofinancement des SNF reste bas au deuxième trimestre 2010 à 64,5 %, certes au-dessus du point bas du deuxième trimestre 2008 (51,3 %), mais bien en-dessous de sa moyenne de long terme (81 %). À l’horizon de notre prévision, ce taux d’autofinancement ne s’améliorerait pas, le ralentissement de
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■ Département analyse et prévision
l’investissement n’étant pas suffisant pour compenser le tassemenent du taux d’épargne des SNF entamé par la hausse de la pression fiscale en 2011. Avec un taux d’autofinancement bas, les entreprises restent très dépendantes des financements externes. Or, dans un marché du crédit où les spreads ré-augmentent et un marché des actions sous tension, pris entre la crise des dettes souveraines et les effets des politiques de rigueur sur la croissance, le recours au financement externe devient de plus en plus contraignant et de plus en plus coûteux pour les entreprises. Dans ce contexte, les entreprises n’auront d’autres choix que de limiter leurs investissements. Enfin la profitabilité du capital productif des SNF 17, dont la baisse tendancielle a été masquée par les fortes réappréciations du capital, a connu une forte chute à partir du début de l’année 2008 et se situe à un niveau historiquement bas (équivalent à celui de fin 1993-début 1994). Et il n’y aura pas d’amélioration significative de cette profitabilité à l’horizon de notre prévision, notamment en raison de la politique de rigueur qui entame les marges des entreprises (graphique 27). Graphique 27 : Profitabilité du capital productif des SNF (avec et sans réévaluation du capital) En %
14 12 10
…avec réevaluation
8 6 …sans réevaluation
4 2 0 -2 80
82
84
86
88
90
92
94
96
98
00
02
04
06
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Sources : INSEE, calculs OFCE.
Plusieurs facteurs conduisent donc à prévoir une faible croissance de l’investissement dans les trimestres à venir. Tout d’abord du côté de l’offre, la très faible profitabilité du capital, couplée à un taux d’autofinancement très dégradé et des sources de financement externes moins abondantes, conduirait les SNF à avoir 17. Elle se mesure comme l’excédent brut d’exploitation moins la consommation de capital fixe, les intérêts nets versés et l’impôt sur les sociétés rapporté au capital productif. Une autre mesure intègre la réévaluation du capital productif au numérateur (graphique)
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une politique d’investissement extrêmement prudente. Cela leur permettant de rétablir progressivement leur situation financière dans un univers où les marchés financiers restent extrêmement instables. Du côté de la demande, la faible croissance attendue en 2010 et 2011 (respectivement 1,7 % et 1,6 %) et les fortes surcapacités qui subsistent à l’horizon de notre prévision seront un puissant frein à une véritable reprise de l’investissement.
Les stocks sauvent la croissance Après 4 ans et demi de restockage, le troisième trimestre 2008 a été un tournant dans la politique de gestion des stocks des entreprises. Ayant mal anticipé l’ampleur du retournement de l’activité, les entreprises ont ralenti leur production et ont commencé à puiser dans leurs stocks seulement à partir du troisième trimestre 2008 mais de façon modérée au regard de la chute de la demande. Ce mouvement s’est accéléré les trimestres suivants et a amputé la croissance du PIB de 2,7 points de PIB du troisième trimestre 2008 au troisième trimestre 2009. Plusieurs éléments laissent à penser que les entreprises arrivent à la fin du processus de déstockage, ce qui contribuerait fortement à la croissance des prochains trimestres. Tout d’abord, selon l’enquête auprès des chefs d’entreprise, le niveau des stocks de produits finis, tel qu’il est perçu par les industriels, serait encore à des niveaux historiquement bas au troisième trimestre 2010 (graphique 28), et ce malgré une contribution positive des stocks à la croissance de 1 point de PIB du quatrième trimestre 2009 au deuxième trimestre 2010. Graphique 28 : Variations de stocks et enquête En pts de PIB
Solde d’opinions, en %
2
-8 Variations de stocks (en % du PIB) (éch.gauche)
1
0
0
8
-1
16 Enquête niveau des stocks industrie (éch. inversée,droite)
-2
24
-3
32
-4
40 78
80
82
84
86
88
90
92
94
96
98
00
02
04
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Sources : INSEE, calculs OFCE.
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■ Département analyse et prévision
Deuxièmement, à partir des comptes de patrimoine et des comptes trimestriels, nous avons reconstitué une série en niveau des stocks (en volume). Étant donné que les services ne détiennent qu’une très faible part des stocks, nous avons reconstitué une série de stocks uniquement pour le secteur marchand hors services. La part des stocks dans la valeur ajoutée marchande hors services a décru tendanciellement depuis le début des années 1980 et est restée relativement stable depuis 2000 (graphique 29). Depuis le début de l’année 2008, avec la chute brutale de la valeur ajoutée des branches industrielles, la part des stocks dans cette valeur ajoutée a nettement augmenté et a atteint un point haut au premier trimestre 2009. En l’espace d’un an, le niveau des stocks s’est accru de près de 10 points de valeur ajoutée, ce qui traduisait un excédent de stocks par rapport l’activité. Depuis le deuxième trimestre 2009, la part des stocks dans la valeur ajoutée marchande baisse fortement sous l’effet de l’accélération du déstockage et de la sortie de récession de l’économie. De début 2009 jusqu’au deuxième trimestre 2010, ce ratio a baissé de 15 points de VA et atteint désormais un niveau bien en-dessous de celui d’avant crise. Au niveau sectoriel, l’automobile a déstocké depuis la fin 2008, c'est-à-dire en 7 trimestres, plus de 120 % de sa valeur ajoutée annuelle d’avant crise. Un tel rythme de déstockage ne semble pas tenable. À titre de comparaison, lors de la crise du début des années 1990, l’industrie automobile avait déstocké 35 % de sa valeur ajoutée annuelle en l’espace de 10 trimestres. Graphique 29 : Niveau des stocks En Mds d’euros de 2000
En pts de VA des branches marchandes hors services
420
170
410
160
Niveau des stocks (en volume) (éch. gauche)
400
150
390 140 380
Niveau des stocks (en pts de VA trim. annualisé) (éch. droite)
370
130 120
360
110
350 340
100 78
80
82
84
86
88
90
92
94
96
98
00
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Sources : INSEE, calculs OFCE.
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06
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Au regard des ces différents indicateurs, la reprise technique entamée fin 2009 devrait se prolonger en raison du moindre déstockage des entreprises au second semestre 2010, suivie d’une phase de léger restockage en 2011. Un tel mouvement entraînerait une contribution des stocks à la croissance de 0,6 % au troisième et quatrième trimestre 2010, puis de 0,2 % au début de l’année 2011 avant une contribution nulle sur les trimestres suivants. Au final, les variations de stocks contribueraient pour 1,8 point de PIB à la croissance cumulée de 2010 et 2011 (1,6 % en glissement annuel en 2010 et 0,2 % en 2011). Ce comportement des entreprises permettrait de maintenir la part des stocks dans la valeur ajoutée à 104 % au cours de l’année 2011, soit un niveau bien en-dessous de celui observé avant-crise (112 %). Une hypothèse moins conservatrice serait d’envisager un retour progressif vers le niveau d’avant-crise mais cela entraînerait un mouvement encore plus marqué de restockage. Cette hypothèse n’est pas inscrite dans notre compte mais doit être envisagée comme un risque haussier pour la croissance des prochains trimestres.
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■ Département analyse et prévision
Commerce extérieur : l’étau se desserre 18 La première moitié de l’année 2010 a confirmé le mouvement de rattrapage du commerce mondial. Il s’est traduit en France par une progression semestrielle des exportations et des importations de 6,5 % et de 5,4 %. Le commerce extérieur ne fut qu’un soutien modéré à l’activité puisque la contribution à la croissance fut positive au cours du premier trimestre (+0,5 point) mais négative le trimestre suivant (-0,4 point). Les échanges ont été particulièrement dynamiques avec les pays asiatiques et dans les secteurs des biens d’équipement et des biens intermédiaires. Cependant, malgré la vigueur de la reprise, les exportations et les importations n’ont toujours pas recouvré leurs niveaux d’avant la crise. Les volumes échangés sont en effet encore inférieurs de 7 % au niveau observé au premier trimestre 2008. Par ailleurs, les importations ayant été plus dynamiques que les exportations dans cette phase de reprise, le solde commercial des biens et services s’est de nouveau dégradé malgré la baisse de la facture énergétique. Le déficit s’élevait à 12,1 milliards au deuxième trimestre 2010 soit, 2,5 % du PIB (graphique 30). Graphique 30 : Le commerce extérieur français En Mds d’euro
80
160
Importations (en volume, prix chaîné, éch. gauche)
120
60
Exportations (en volume, prix chaîné, éch. gauche)
80
40
40
20
Solde commercial hors énergie (envaleur)
0
0
Solde commercial (en valeur)
-20
-40 90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
Source : Comptes nationaux.
Ce déficit ne devrait pas se réduire en fin d’année 2010. En volume, les importations progresseraient de 6,6 % au deuxième semestre 2010 contre 4,7 % pour les exportations. En 2011, la demande intérieure étant contrainte par les mesures de restrictions budgétaires, le rythme de croissance des importations ralentirait à 1,3 %. L’austérité budgétaire généralisée dans la zone euro contraindra également la demande adressée et donc les exportations qui seront en conséquence essentiellement stimulées par la demande hors zone euro. L’amélioration de la 18. Cette partie a été rédigée par Christophe Blot.
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compétitivité enregistrée en début d’année 2010 serait également un élément favorable à la croissance des exportations à condition qu’elle se confirme et que la forte volatilité, observée sur le marché des changes depuis le début de la crise financière, s’atténue. Notre scénario inscrit une stabilisation des parts de marché ainsi qu’une contribution neutre du commerce à la croissance en 2011. Pour autant, il serait fallacieux de parler d’une amélioration de la situation commerciale française puisque ces évolutions du commerce sont liées à la faiblesse de la demande intérieure française qui avait été jusqu’ici le moteur de la croissance. Pour autant, le commerce extérieur ne prendra pas le relais pour garantir une croissance suffisante qui réduirait significativement le niveau du chômage.
Le reste de l’industrie prend le relais de l’automobile Fortement touchées pour la crise, les exportations du secteur automobile étaient reparties à la hausse au deuxième trimestre 2009 à la faveur des primes à la casse adoptées par les principaux partenaires européens de la France. La fin de ces dispositifs pourrait faire ressurgir les difficultés à l’exportation qu’affichait ce secteur avant la crise. Déjà, les nouvelles immatriculations marquent le pas dans de nombreux pays européens ce qui se traduit par une baisse des exportations en valeur quelle que soit la gamme de véhicules de tourisme considérée (graphique 31). Les exportations de véhicules de moyenne gamme sont pour l’instant moins touchées, mais il y a une nette rupture de tendance dans les deux autres catégories de véhicules depuis la fin de l’année 2009. Dans l’ensemble, les différentes mesures prises en Europe pour soutenir les constructeurs automobile n’auront donc apporté qu’un court répit au secteur automobile français. Ainsi, dès la fin du dispositif de primes à la casse mis en place outre-Rhin, on a observé un recul de 2,5 % des ventes vers l’Allemagne au premier semestre 2010. Enfin, le solde des échanges pour l’ensemble du secteur automobile s’est à nouveau dégradé au deuxième trimestre 2010 (-1,34 milliard d’euros contre -1,08 le trimestre précédent). Néanmoins, la confirmation de la reprise mondiale dans l’industrie a permis aux échanges dans les autres secteurs industriels de prendre le relais de l’automobile (graphique 32). Ainsi, la contribution du secteur automobile à la croissance des exportations en volume est passée de 1,5 point au cours du deuxième semestre 2009 à zéro au premier semestre 2010. Dans le même temps, la contribution du secteur des biens d’équipement est devenue positive (2,3 points) alors qu’elle était de -0,2 point le semestre précédent. Enfin, la contribution du secteur des biens intermédiaires a également augmenté, passant de 1,8 point à 2,3 points. Cette réorientation de la structure des échanges se reflète également sur la décomposition géographique avec une forte accélération des échanges avec les pays asiatiques au cours du premier semestre 2010. Les exportations de biens à destination de l’Asie ont cru de 19,5 % en valeur sur cette période. Les importations ont augmenté de 15,6 %. La reprise plus rapide en Asie ainsi que la spécialisation industrielle de ces pays expliquent cette forte progression des échanges. Au sein de la zone euro, les
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■ Département analyse et prévision
échanges de biens intermédiaires et d’équipement ont sans doute compensé la perte de vitesse du secteur automobile – le marché européen étant le premier marché de destination pour les exportations d’automobiles françaises – puisque la croissance des exportations et des importations de biens s’est stabilisée entre 4,1 % et 4,3 % au premier semestre 2010 comme au dernier semestre 2009. Graphique 31 : Échanges de biens manufacturés en volume 2008T2 = 100
110
100
90
80 Biens de consommation Automobile Biens d 'équipement Biens intermédiaires
70
60 2008
2009
2010
Source : Comptes nationaux.
Graphique 32 : Exportations d’automobiles en valeur par gamme de véhicule En millions d’euros
900
30
750
25
600
20
Entrée de gamme
450
15
Moyenne gamme Gamme supérieure (échelle de gauche ) 300
10 sept-08
déc-08
mars-09
juin-09
sept-09
déc-09
Source : Douanes.
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mars-10
juin-10
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Compétitivité et parts de marché : le calme plat Pour l’ensemble des biens, les exportations ont progressé de 7,2 % sur le premier semestre 2010, un rythme très proche de celui de la demande adressée à la France, ce qui permet donc de stabiliser les parts de marché à l’exportation. Il ressort donc que la crise n’aura pas eu d’effets notables sur les parts de marché françaises. En effet, la hausse enregistrée dans la phase de dégradation des échanges mondiaux entre la fin 2008 et le premier trimestre 2009, fut effacée lors de la reprise. La moindre exposition – relativement à l’Allemagne – de la France au commerce mondial aura sans doute amorti la chute des exportations au plus fort de la crise et contribué inversement à une croissance moins rapide des exportations, relativement à la demande adressée, dans la phase de reprise du commerce mondial. Cette stabilisation des parts de marché devrait se poursuivre à l’horizon de notre prévision (graphique 33). En fin d’année 2010, la croissance des exportations s’inscrirait encore dans le mouvement de rattrapage mondial. Elle s’élèverait respectivement à 2,2 % et 1,9 % pour les troisième et quatrième trimestres contre 2,0 et 1,8 % pour la croissance de la demande adressée. La dynamique serait ensuite enrayée en 2011 en raison de la fin du rattrapage et des mesures qui freineront la demande chez nos partenaires européens. Le rythme trimestriel de croissance des exportations serait alors compris entre 1,6 et 1,5 %. Graphique 33 : Compétitivité et parts de marché à l’exportation 120 Parts de marché (Pdm)
110
Taux de change effectif réel (une hausse correspond à un gain de compétitivité-prix) 100
90
80 Retour des Pdm au niveau observé avant la crise 70
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
Sources : FMI, Comptes nationaux, calculs et prévisions OFCE, octobre 2010.
L’effet des gains de la baisse de l’euro sur les parts de marché serait donc faible. Depuis 2008, la forte volatilité sur le marché des changes (graphique 34) a pu être un frein au dynamisme des échanges, et la dépréciation de la monnaie unique ne peut être bénéfique que dans la mesure où elle s’inscrit durablement dans le temps et pas uniquement vis-à-vis du dollar. Nous anticipons un tel mouvement en 2011.
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■ Département analyse et prévision
L’euro se maintiendrait autour de 1,25 dollar et cette baisse se répercuterait favorablement sur le taux de change effectif réel et donc sur la compétitivité-prix à l’exportation. Graphique 34 : Volatilité du taux de change euro - dollar 7
0,3 Volatilité historique
6
Volatilité implicite (éch. droite)
0,25
5
0,2
4 0,15 3 0,1
2
0,05
1 0
0 99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Note : La volatilité historique correspond à l’écart-type, en glissement sur les 12 derniers mois, des variations du taux de change euro – dollar. La volatilité implicite est calculée à partir du prix des options sur la parité euro – dollar. Source : Datastream.
Néanmoins, au cours de la période d’appréciation de l’euro, les entreprises françaises ont été contraintes de réduire leurs marges à l’exportation afin de limiter les pertes de marché 19. Elles pourraient donc profiter de l’inversion de la tendance pour améliorer leur profitabilité. C’est en tout cas ce que montre une analyse de la transmission des chocs de taux de change aux indices de prix à l’exportation dans quatre secteurs manufacturés : le secteur des biens de consommation, le secteur automobile, le secteur des biens d’équipement et le secteur des biens intermédiaires. L’analyse s’appuie sur l’estimation pour chacun de ces secteurs d’un modèle VAR à trois variables : l’indice de prix à l’exportation, l’indice de prix à la production et le taux de change effectif nominal. Des fonctions de réponse sont ensuite simulées afin d’évaluer – pour un choc unitaire de taux de change – la transmission aux prix à l’exportation. Il ressort qu’une dégradation de la compétitivité conduit les entreprises des secteurs considérés à réduire leur prix en euros afin d’absorber au moins en partie le choc négatif (graphique 35). Ce fut précisément la stratégie des entreprises françaises pendant la phase d’appréciation de l’euro, elles ont réduit leur marge à l’exportation afin d’atténuer les pertes de 19. Voir Blot et Cochard (2010) : « Compétitivité des pays de la zone euro : le coût de la compétitivité à tout prix », Lettre de l’OFCE n°322.
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parts de marché. Symétriquement, on peut donc anticiper qu’une dépréciation de l’euro entraînera une hausse des prix en euros. Les entreprises pourraient ainsi refaire en partie leurs marges. Dans ces conditions, le gain à court terme permis par la baisse de l’euro sera en partie absorbée, dans le secteur manufacturé, par les comportements de marge des entreprises ce qui expliquerait pourquoi les gains en termes de parts de marché seraient peu significatifs à l’horizon de notre prévision. Pour autant, cette dépréciation aura des effets sur les exportations françaises. D’une part, elle mettra un terme aux pertes de parts de marché enregistrées depuis 2001. Enfin, le rétablissement des marges des entreprises pourrait les amener à accroître les investissements de productivité qui seront favorables à plus long terme. Graphique 35 : Réponse des prix à l’exportation à un choc unitaire de taux de change 0
-0,25
Biens d'équipement
-0,5
Biens de consommation automobile
-0,75
-1
-1,25
Biens intermédiaires
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 14 15 16 Nombre de trimestres
Note : Le trait plein indique que la réponse est significative, c’est-à-dire inclue dans un intervalle de confiance de plus ou moins 2 écart-type. Sources : Calculs OFCE, septembre 2010.
Importations : austérité généralisée Comme pour les exportations, le profil de croissance des importations au cours de l’année 2010 fut lié au mouvement de rattrapage du commerce mondial, expliquant notamment la croissance de 3,9 % des volumes de biens et services importés au deuxième trimestre 2010. Ce mouvement devrait se poursuivre dans la deuxième partie de l’année. Le taux de pénétration retrouverait ainsi rapidement le point haut atteint au premier semestre 2008 (graphique 36). En 2011, ce dynamisme retomberait sous l’effet du ralentissement de la demande intérieure, lié aux mesures de restrictions budgétaires. La contribution du commerce extérieur devrait être encore négative (- 0,3 point par trimestre) au cours des deux prochains trimestres. En effet, pour la fin de l’année 2010, la demande intérieure française
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■ Département analyse et prévision
serait relativement plus dynamique que celle de ses principaux partenaires de la zone euro, expliquant alors notamment pourquoi la croissance des importations sera plus dynamique que celle des exportations. Pour l’année 2011, le mouvement de consolidation généralisée des finances publiques pèsera sur la consommation publique ou privée ainsi que sur l’investissement. En moyenne, la croissance trimestrielle de la demande intérieure hors stocks serait de 0,2 % en France comme dans le reste de la zone euro. La France ne pourra donc pas vraiment espérer tirer profit d’une demande extérieure dynamique qui viendrait compenser la faiblesse de la demande interne. La contribution du commerce extérieur à la croissance serait par conséquent nulle sur l’ensemble des trimestres de l’année 2011. Graphique 36 : Le taux de pénétration en France En % de la demande intérieure
35
31
27
23
19
15 91
93
95
97
99
01
03
05
Sources : Comptes nationaux, prévision OFCE septembre 2010.
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07
09
11
FRANCE : « GO, STOCK AND ... » ■
Déficit public : retour à la niche 20 La crise économique va laisser des traces durables sur les finances publiques de la France. Le solde public a chuté de 5 points de PIB entre 2007 et 2010 et la dette publique s’est alourdit de 19 points de PIB en l’espace de trois ans. Désormais, l’heure est à la rigueur en Europe et le gouvernement s’est fixé l’objectif ambitieux de ramener le déficit public de 7,7 % du PIB en 2010 à 3 % en 2013. La première étape de cette réduction s’est jouée dans le vote du budget 2011 dans lequel le gouvernement table sur un déficit public de 6 % du PIB en 2011. Cette amélioration du solde public de 1,7 point de PIB en un an est sans précèdent depuis 1959 (date des premiers chiffres publiés par l’INSEE), ce qui informe quant à l’ampleur de l’ajustement budgétaire prévu. Pour arriver à ses fins, le gouvernement prévoit une croissance de 2 % malgré une impulsion budgétaire négative de 1,6 point de PIB, dont 0,4 point lié à la fin des mesures du plan de relance. Une part importante de la réduction du déficit public structurel serait imputable à la hausse des taux de prélèvements obligatoires (PO) (1 point de PIB), dont la moitié s’explique par la réduction des niches fiscales et sociales (0,5 point de PIB). Les taux de PO reviendrait ainsi en 2011 à leur niveau d’avant crise, en 2008 (42,9 % du PIB). Pour le reste, le gouvernement table également sur une inflexion sans précédent de la dépense publique (0,5 % en volume) et ce malgré la hausse des chargesd’intérêtde0,1pointdePIB. Notre prévision de déficit public pour 2011 diffère de celle du gouvernement de 0,4 point de PIB pour deux raisons. Premièrement, l’impact de la rigueur serait plus marqué sur notre scénario de croissance que sur celui du gouvernement. Avec une croissance de 1,6 %, l’écart conjoncturel sur le solde public serait de 0,2 point de PIB. Deuxièmement, la croissance de la dépense publique dans notre scénario serait plus dynamique que celle prévue par le gouvernement. En effet, le gouvernement table sur une croissance de la dépense publique primaire en 2011 de seulement 0,3 %. Au regard de l’évolution tendancielle de la dépense publique primaire avant la crise (1,7 % en volume en moyenne sur les cinq dernières années, 2,2 % au cours des 10 dernières années, 2,4 % au cours des 20 dernières années) l’objectif affiché par le gouvernement semble très volontariste au vu des réformes annoncées. Si la fin des mesures de relance, le contrôle serré des dépenses de l’État et l’annonce d’un plan de réduction de 2,5 milliards d’euros des dépenses de santé vont conduire à une inflexion du rythme de croissance des dépenses publiques, celles-ci ne pourront pas ralentir aussi fortement en raison notamment de prestations sociales toujours dynamiques dans un contexte de marché du travail qui continue à se dégrader en 2011. Cette différence de rythme de croissance de la dépense publique contribue à une différence de 0,2 point de PIB sur le solde public.
20. Cette partie a été rédigée par Mathieu Plane.
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■ Département analyse et prévision
Le déficit public de la France, après avoir atteint 7,7 % du PIB en 2010, serait de 6,4 % du PIB en 2011 (tableau 12). La dette publique continuerait à augmenter en 2011 pour s’établir à 87,3 % du PIB en 2011 (contre 82,7 % du PIB en 2010). Tableau 12 : Principaux agrégats des finances publiques En points de PIB
Solde public au sens de Maastricht Dépenses publiques (DP) Taux de croissance des DP** (en volume) Prélèvements obligatoires Dette publique au sens de Maastricht
2008
2009
2010*
2011*
-3,3 52,8 1,2 42,9 67,5
-7,5 56,0 3,3 41,6 78,1
-7,7 56,4 2,5 41,9 82,7
-6,4 56,1 1,0 42,9 87,3
* prévisions OFCE * * déflatées par le prix du PIB Sources : INSEE, MINEFE, calculs OFCE.
Réduction des niches fiscales : principale mesure pour améliorer le solde structurel Le déficit public augmente depuis 2007 et la dégradation de 5 points de PIB du solde public entre 2007 et 2010 est principalement le résultat de la très mauvaise conjoncture (croissance du PIB de -0,2 % en moyenne sur la période). Les stabilisateurs automatiques contribuent en effet à dégrader le déficit public de 3,5 points de PIB sur cette période (tableau 13), L’impulsion budgétaire contribue à augmenter le déficit public de 2,1 points de PIB entre 2007 et 2010. La quasitotalité de l’impulsion 21 est concentrée sur 2009 (2 points de PIB) en raison principalement du plan de relance (1,3 point de PIB) mais aussi de la baisse structurelle des PO (0,2 point de PIB lié principalement à la montée en charge de la loi TEPA et la baisse du taux de TVA dans la restauration) et de l’accélération des dépenses publiques primaires hors plan de relance (0,8 point de PIB). En 2010, l’impulsion budgétaire serait nulle en raison de la fin d’un certain nombre de mesures du plan de relance (-0,9 point de PIB) mais qui sont compensées par des nouvelles mesures fiscales (0,5 point de PIB), notamment la réforme de la taxe professionnelle, et des dépenses publiques primaires hors plan de relance encore dynamiques (0,6 point de PIB). En 2011, l’impulsion budgétaire serait de -1,4 point de PIB en raison de la fin complète des mesures de relance (0,3 point de PIB) et de la hausse structurelle des PO (0,9 point de PIB) avec notamment la réduction des niches fiscales (0,5 point de PIB) et les effets de trésorerie liés à la réforme de la taxe professionnelle (0,3 point de PIB). 21. L’impulsion budgétaire est calculée à partir de la variation des taux de PO hors évolution spontanée des recettes fiscales et ne prend en compte que les dépenses publiques primaires hors prestations chômage.
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Enfin, malgré l’augmentation de 23,5 points de PIB de la dette publique brute entre 2007 et 2011, la charge d’intérêts ne serait pas plus élevée en 2011 qu’en 2007 (2,7 points de PIB) en raison de la nette baisse des taux publics en 2009 et qui devrait rester à des niveaux bas en 2010 et 2011. La diminution de la charge d’intérêts a été particulièrement spectaculaire en 2009, ramenant ainsi son poids dans le PIB au même niveau que celui qui prévalait en1988 (2,4 points du PIB), période où la dette publique brute était inférieure à 33 % du PIB. La baisse de la charge d’intérêts a été de 10,7 milliards d’euros en 2009 (0,5 point de PIB) alors que la dette publique a augmenté de 174 milliards d’euros (10,6 points de PIB) entre 2008 et 2009. Avec un taux apparent constant entre 2008 et 2009, la charge de la dette publique aurait augmenté de 0,9 point de PIB. L’économie générée par la baisse des taux a permis de compenser à hauteur de 70 % le coût budgétaire des mesures de relance ex ante. En prenant en compte, l’impact du plan de relance sur la croissance en 2009 (0,6%), le coût budgétaire ex post est alors intégralement compensé par les baisses de taux. En 2010 et 2011, malgré des taux d’intérêts toujours très bas, la charge d’intérêts augmenterait respectivement de 0,2 et 0,1 point de PIB sous l’effet de l’augmentation de la dette publique. Cette dernière augmenterait de 4,6 points de PIB en 2010 et 2011, soit une variation équivalente malgré un niveau de déficit public plus bas en 2011 qu’en 2010 et une croissance nominale du PIB comparable. Cela s’explique par le fait que les flux de créances viendraient diminuer la dette publique de 1,2 point de PIB en 2010 alors qu’au contraire ceux-ci l’augmenteraient légèrement en 2011 (0,3 point de PIB). En 2010, le gouvernement compte sur le remboursement progressif des prises de participation dans les banques via la Société de Prise de Participation de l’État (SPPE) et les prêts d’urgence accordés aux constructeurs automobiles ainsi que sur la réduction de la trésorerie de l’État. Les prêts d’urgence accordés à la Grèce et la mise en œuvre des investissements d’avenir ne contribueraient que modérément à la hausse de l’endettement brut en 2010. À moyen terme, la dette publique brute va continuer à augmenter et un scénario dans lequel cette dernière dépasse 100 % du PIB n’est pas à exclure au cours de la prochaine décennie 22. Des ajustements budgétaires inédits 23 pour éponger l’endettement passé sont à attendre au cours des prochaines années. Par le passé, les périodes de consolidation budgétaire ont toujours eu lieu durant les périodes de forte activité, la croissance étant le premier levier pour réduire les déficits publics. Or la croissance actuelle ne présente pas de véritable dynamique de reprise, engluée par un chômage de masse et un investissement toujours en berne. Réduire à tout prix le déficit public en période de croissance fragile risque de stopper l’activité et d’augmenter le chômage sans permettre d’atteindre les objectifs en matière de 22. Pour plus de détails, voir E.Heyer, M.Plane et X.Timbeau « Quelle dette publique à l’horizon 2030 en France ? », Revue de l’OFCE, n°112, janvier 2010. 23. Pour plus de détails, voir M.Plane « Programme de stabilité 2010-2013 : le grand bluff des chiffres ? », Clair & net de l’OFCE, mai 2010.
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■ Département analyse et prévision
finances publiques (voir la partie dans la synthèse sur les multiplicateurs budgétaires au cours du cycle). Une autre politique est envisageable mais nécessite une coordination au niveau européen. La France paierait cher en termes de déficit public et de déficit extérieur une politique de soutien à l’activité si, dans le même temps, ses partenaires commerciaux pratiquent une politique restrictive. Seule une modification de la stratégie économique au niveau de zone euro pourrait modifier le destin de l’Europe. En renforçant la solidarité européenne pour faire barrage à la pression des marchés financiers, les gouvernements des pays de la zone euro devraient se fixer un objectif de réduction des déficits publics conditionné à des objectifs de croissance et d’emploi. Si l’Europe ne modifie pas rapidement sa stratégie économique, la décennie à venir sera celle de la déflation, de la croissance molle et du chômage de masse. Se posera alors le problème de la soutenabilité du modèle économique de la zone euro. Tableau 13 : Contribution des recettes et des dépenses publiques à la variation du solde public En points de PIB
2008
2009
2010
2011
Variation solde public (1) – (2)
-0,6
-4,2
-0,2
1,3
(1) Variation des recettes publiques dont
-0,1
-1,1
0,4
1,0
0 -0,5 0,1 0,2
-0,7 -0,2 -0,5 0,2
0,6 -0,5 0,3 0
0,2 0,8 0,1 0
0,5
3,2
0,5
-0,3
0
0,6
-0,3
-0,3
0,8
2,2
0,0
0,0
0,2 -0,1 -0,3 0,6
-0,5 0,3 0,5 3,0
0,2 0,2 0,4 -0,1
0,1 0,1 -0,2 0,0
0,1
2,0
0,0
-1,4
Mesures plan de relance (a) Autres mesures structurelles (b) Evolution spontanée (c) Recettes non fiscales (2) Variation des dépenses publiques dont Mesures plan de relance + mesures sociales* (d) Ecart entre la croissance tendancielle des dépenses primaires (hors chômage) et la croissance du PIB (e) Charges d’intérêts (f) Prestations chômage (g) Autres mesures structurelles (h) Stabilisateurs automatiques (-c+e+g) Impulsion budgétaire (hors prestations chômage et hors évolution spontanée des PO) (-a-b+d+h)
*y compris les mesures qui ont été prolongées en 2010 ** DP = Dépenses Publiques (c) il s'agit de l'évolution spontanée des recettes fiscales (hors mesures discrétionnaires), qui reflète la différence de dynamique des assiettes fiscales par rapport à celle du PIB. Si l’on suppose que l’élasticité moyenne de long terme des recettes fiscales au PIB est unitaire, on observe qu’elle est inférieure à 1 en période de ralentissement et supérieure à 1 en période de reprise (e) il correspond à l'écart entre la croissance du PIB tendanciel et celle du PIB effectif (c'est-à-dire la variation de l'écart de production à sa tendance), pondéré par la part des dépenses primaires dans le PIB. Il reflète le fait que les dépenses primaires (hors prestations chômage) augmentent au rythme du PIB tendanciel indépendamment de la croissance observée. Sources : MINEFE, calculs OFCE.
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De la réduction des dépenses publiques à la hausse des PO En 2009, la dépense publique a progressé de 3,3 % en euros constants en raison notamment du plan de relance (0,6 point de PIB) et de la forte augmentation des prestations chômage (0,3 point de PIB). La dépense publique primaire a quant à elle crû de 4,6 % en euros constants, la baisse des taux d’intérêt absorbant une partie de l’accélération des dépenses. En 2010, la dépense publique ralentirait à 2,5 % en euros constants sous l’effet du contrecoup d’une partie des mesures du plan de relance et des mesures sociales (-0,3 point de PIB). En revanche, cet effet est compensé par la hausse des prestations chômage (0,2 point de PIB), par la nette augmentation des dépenses militaires (0,2 point de PIB) en raison des livraisons importantes de matériels et des spécificités associées d’enregistrement comptables, et par la hausse des charges d’intérêts (0,2 point de PIB). La dépense publique primaire ralentirait en revanche nettement plus que la dépense publique totale : elle passerait donc de 4,6 % en euros constants en 2009 à 2,2 % en 2011 (1,8 % si l’on contrôle de l’effet comptable des dépenses militaires). En 2011, le gouvernement s’est fixé un objectif très ambitieux de ralentissement de la croissance de la dépense publique (0,5 % en euros constant) (graphique 37) malgré la hausse de 0,1 point de PIB de la charge d’intérêt. Pour cela, le gouvernement table sur la fin définitive des mesures de relance (-0,3 point de PIB) et du contrecoup des livraisons de matériel militaire (-0,2 point de PIB). De plus, le gouvernement prévoit 160 000 créations d’emplois dans le secteur marchand en 2011, ce qui permettrait de réduire le taux de chômage et les prestations sociales. Dans notre prévision, nous prévoyons environ 70 000 destructions d’emploi marchand et une hausse du taux de chômage de 0,3 point. Cet écart de dynamique des prestations sociales explique à lui seul 0,4 point de croissance de la dépense publique (0,2 point de PIB). Enfin, dans le PLFSS 2011, il est prévu une économie sur les dépenses de santé de 2,5 milliards d’euros, ce qui, selon le gouvernement, permettrait à la croissance de l’ONDAM d’atteindre 2,9 % en valeur en 2011. Sous l’effet principalement des mesures de relance (0,7 point de PIB) et de la chute des élasticités des recettes fiscales au PIB (0,5 point de PIB), notamment de l’impôt sur les sociétés, le taux de PO a chuté de 1,1 point de PIB en 2009. En 2010, malgré la réforme de la taxe professionnelle (-0,5 point de PIB), le taux de PO a augmenté de 0,4 point de PIB en raison du contrecoup du plan de relance (0,6 point de PIB) et du rebond spontané de certaines recettes fiscales par rapport au PIB (0,3 point de PIB). En prenant en compte le rebond spontané de l’assiette fiscale et la fin de la plupart des mesures du plan de relance, le rebond de l’IS contribuerait à lui seul à une hausse de 0,7 point de PIB du taux de PO en 2010. En 2011, le taux de PO augmenterait de 1 point de PIB sous l’effet des nouvelles mesures fiscales, notamment la réduction des niches fiscales et sociales (0,5 point de PIB), et le contrecoup de la réforme de la taxe professionnelle et la fin complète des mesures de relance (0,4 point de PIB au total). Enfin, la réaction des recettes fiscales au PIB rapporterait 0,1 point de PIB.
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■ Département analyse et prévision
Graphique 37 : Dépenses publiques (avec et sans charges d’intérêts) En %, en euros constants 5,0
D épens es publiques
4,5 D épens es publiques primaires 4,0 3,5 3,0
P révis ion P LF 2011 et program m e pluriannuel 2012-2014
2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014
Sources : INSEE, calculs OFCE, PLF 2011 et programme pluriannuel des finances publiques 2012-2014.
Au total, la fiscalité devrait augmenter de 18,7 milliards d’euros en 2011, dont 10,9 milliards seraient contenus dans le PLF 2011 et le PLFSS 2011 (tableau 14). Sur ces 10,9 milliards d’euros, 9,5 milliards seraient liés à la réduction de niches fiscales et sociales qui se décomposent de la façon suivante : 3 milliards seraient issus de la réforme des retraites, 3,8 milliards du remboursement de la dette sociale, avec une modification de la fiscalité pour le secteur de l’assurance, et 2,7 milliards seraient liés à d’autres mesures qui comprennent notamment la suppression du taux réduit de TVA sur les offres composites triple play (1,1 milliard) et la suppression ou réduction d’exonérations de cotisations employeurs, en particulier pour les emplois à domicile (0,9 milliard). En-dehors de la réduction des niches fiscales, le PLF et la PLFSS de 2011 contiennent des mesures qui augmenteront les PO de 1,4 milliard d’euros (taxe systémique sur les banques, hausse de 0,1 point du taux de cotisation AT-MP et contribution supplémentaire de 1 % sur les hauts revenus et les revenus du capital dans le cadre de la réforme des retraites). Au final, sur les 10,9 milliards d’euros de hausse de PO issus du PLF 2011 et le PLFSS 2011, 4,5 milliards seraient supportés par les ménages selon le principe de la base fiscal, ce qui représente 41 % de la charge globale. En revanche, l’incidence fiscale en direction des ménages devrait être nettement plus élevée, un certain nombre de mesures devant se traduire par une hausse des prix. C’est le cas notamment pour la hausse de la fiscalité sur le triple play et les contrats d’assurances. L’incidence fiscale supportée par les ménages serait donc comprise entre 60 % et 70 % de la nouvelle charge fiscale pour 2011.
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Tableau 14 : Mesures fiscales et sociales ayant un impact en 2011 En milliards d’euros
Niches fiscales (PLF 2011 et PLFSS 2011)
9,5
Retraites (niches fiscales)
3,0
Retraites-chapeaux : suppression de l'abattement de 1000 euros pour l'imposition des rentes et instauration d'une contribution salariale spécifique de 14 % Stock-options : hausse de la contribution patronale de 10% à 14 % et de la contribution salariale de 2,5% à 8%. Suppression crédit impôt sur les dividendes Annualisation des allègements généraux de charges sociales Suppression du plafonnement de la quote part pour frais et charges sur les dividendes reçus par une société mère de ses filiales Remboursement dette sociale (niches fiscales)
0,11 0,07 0,6 2,0 0,2 3,8
Taxation sociale au fil de l'eau des compartiments « euros » des contrats d’assurance vie multisupport Réduction de moitié de l’exonération de taxe sur les conventions d’assurance dont bénéficient les contrats d’assurance maladie « solidaires et responsables » Taxation des sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés du secteur de l’assurance.
1,1
Autres mesures (niches fiscales)
2,7
1,6
1,1
Suppression ou réductions d'exonérations de cotisations employeurs Hausse du forfait social Réduction de 50% à 25% du crédit d'impôt photovoltaïque Limitation du champ de la déduction de 3 % de CSG pour les frais professionnels Suppression du taux réduit de TVA sur les offres composites triple play Assujettissement aux cotisations sociales des rémunérations versées par des tiers Taxe sur les véhicules de société Autres mesures contenues dans PLF 2011 et PLFSS 2011
0,9 0,35 0,2 0,025 1,1 0,1 0,04 1,4
Contribution supplémentaire de 1 % sur les hauts revenus et les revenus du capital Hausse de 0,1 point du taux de cotisation patronale AT-MP Taxe systémique sur les banques Sous-total mesures PLF 2011 et PLFSS 2011
0,5 0,4 0,5 10,9
Sous-total ménages Sous-total entreprises Mesures contenues dans le PLF 2010, PLFSS 2010 et PLF 2009
4,5 6,4 8,7
Réforme taxe professionnelle Prolongation mesure relance crédit impôt recherche Suppression de l'IFA Imputation du RSA sur la PPE Limitation du bénéfice de la demi-part supplémentaire aux contribuables vivant seuls ayant eu un enfant à charge pendant au moins 5 ans Baisse du seuil cession valeurs mobilières Autres Autres mesures Total
4,8 3,3 -0,4 0,3 0,2 0,1 0,4 -0,9 18,7
Sources : Rapport économique social et financier du PLF 2011, calculs OFCE. REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
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I. Résumé des prévisions pour l'économie française Moyenne annuelle, en %
En % de variation aux prix chaînés : PIB Importations Dépenses de consommation des ménages FBCF totale, dont : Sociétés non financières Ménages Administrations publiques Exportations Contribution des stocks à la croissance, en % Demande intérieure hors stocks Compte des ménages, en termes réels % Salaires bruts Salaires nets Prestations sociales Prélèvements sociaux et fiscaux Revenu disponible Taux d'épargne, en % du RDB Déflateur de la consommation en glissement % en moyenne % Compte des sociétés non financières, en % Taux de marge Taux d'épargne Taux d'investissement (en volume) Taux d'autofinancement (hors stock) Compte du reste du monde et des administrations Taux de prélèvement obligatoire, en % du PIB Solde public au sens de Maastricht, % du PIB Solde commercial, en milliards € (1) Emploi salarié, en glissement annuel % Emploi total, en glissement annuel % Chômage BIT, en millions Taux de chômage BIT moyen, en % Taux de change $/€ Taux d'intérêt à court terme (2) Taux d'intérêt à long terme (3)
2009
2010
2011
-2,5 -10,6 0,6 -7,0 -7,9 -8,6 0,6 -12,2 -1,8 -0,6
1,7 8,6 1,4 -2,0 -1,9 -3,1 -0,7 9,9 0,9 0,7
1,6 8,0 0,8 1,0 1,7 0,2 -0,1 7,5 1,2 0,9
0,6 0,4 5,9 -1,3 1,6 16,2 -0,4 -0,6
1,3 1,4 2,2 1,7 1,3 16,1 1,3 1,1
0,6 0,4 1,5 2,5 0,8 16,1 0,8 0,8
29,8 12,8 18,9 63,7
30,4 13,1 18,2 67,6
30,4 12,5 18,3 65,1
40,6 -7,6 -37,1 -1,5 -1,3 2,6 9,1 1,39 1,2 3,6
40,9 -7,9 -49,2 0,3 0,4 2,7 9,4 1,30 0,7 3,3
42,0 -6,8 -56,1 -0,4 -0,4 2,8 9,7 1,25 0,7 3,2
(1) FAB/FAB, au sens de la comptabilité nationale. (2) Taux PIBOR puis EURIBOR à trois mois. (3) Taux des OAT à 10 ans. Sources : INSEE, comptes trimestriels ; prévision OFCE en 2010-2011, octobre 2010.
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II. France. Ressources et emplois en biens et services, aux prix chaînés Niveau (prix chaînés)
Taux de croissance annuels en %
2009.1
2009.2
2009.3
2009.4
2010.1
2010.2
2010.3
2010.4
2011.1
2011.2
2011.3
2011.4
2009
2010
2011
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2007
Taux de croissance trimestriels en %
PIB Importations
1639
-1,5
0,1
0,3
0,6
0,2
0,7
0,6
0,6
0,4
0,2
0,2
0,2
-2,5
1,7
1,6
531
-5,8
-3,2
-0,2
2,8
2,0
3,9
3,2
2,9
1,2
1,4
1,3
1,2 -10,6
8,6
8,0
Dépenses de conso. des ménages
928
0,1
0,2
0,3
0,9
0,0
0,3
0,4
0,3
0,1
0,1
0,1
0,1
1,4
0,8
Dépenses de conso. des administrations
369
0,6
0,8
0,8
0,6
0,0
0,4
0,2
0,2
0,3
0,3
0,3
0,3
2,8
1,5
1,1
FBCF totale, dont :
345
-2,4
-1,6
-1,3
-1,0
-0,9
0,8
0,1
0,3
0,2
0,2
0,3
0,2
-7,0
-2,0
1,0
Sociétés non financières
191
-3,2
-1,9
-1,1
-1,1
-1,0
1,1
0,2
0,3
0,4
0,4
0,5
0,3
-7,9
-1,9
1,7
Sociétés financières
14
-6,8
-6,7
-4,3
-2,5
-0,6
1,2
0,1
0,3
0,2
0,1
0,0
0,0 -16,2
-5,4
0,9
Ménages
87
-2,3
-1,9
-1,9
-1,5
-0,5
0,1
-0,3
0,2
0,1
0,1
0,1
0,1
-8,6
-3,1
0,2
Administrations publiques
52
1,1
1,1
-0,3
0,0
-1,5
0,8
0,2
0,2
-0,2
-0,2
-0,2
-0,2
0,6
-0,7
-0,1
2
2,5
2,5
2,2
2,2
2,0
1,8
0,8
0,8
0,7
0,5
0,4
0,3
11,0
7,5
2,9
488
-7,6
-0,6
1,6
1,0
4,5
2,8
2,2
1,9
1,6
1,6
1,5
1,5 -12,2
9,9
7,5
Contribution Demande intérieure hors stocks
-0,4
0,0
0,1
0,5
-0,2
0,4
0,3
0,3
0,2
0,2
0,2
0,2
0,7
1,0
Variations de stocks
-0,8
-0,6
-0,3
0,6
-0,2
0,6
0,6
0,6
0,2
0,0
0,0
0,0
-1,8
0,9
1,1
Solde extérieur
-0,3
0,7
0,4
-0,5
0,6
-0,3
-0,3
-0,3
0,0
0,0
0,0
0,0
-0,2
0,1
-0,4
Exportations
229
Sources : INSEE, comptes trimestriels ; prévision OFCE en 2010-2011, octobre 2010.
-0,6
FRANCE : « GO, STOCK AND ... » ■
ISBLSM
0,6
Taux de croissance annuels en %
2009.2
2009.3
2009.4
2010.1
2010.2
2010.3
2010.4
2011.1
2011.2
2011.3
2011.4
2009
2010
2011
Déflateur de la consommation
-0,5
-0,2
0,1
0,3
0,6
0,3
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
-0,6
1,1
0,8
Taux de salaire horaire
-0,4
0,7
0,7
0,7
0,7
0,2
0,5
0,5
0,4
0,3
0,3
0,3
1,3
2,2
1,6
Sources : INSEE, comptes trimestriels ; prévision OFCE en 2010-2011, octobre 2010.
IV. Emploi et productivité par tête Taux de croissance annuels en %
2009.2
2009.3
2009.4
2010.1
2010.2
2010.3
2010.4
2011.1
2011.2
2011.3
2011.4
2009
2010
2011
Taux de croissance trimestriels en % 2009.1
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
2009.1
Taux de croissance trimestriels en %
- Effectifs
-0,8
-0,7
-0,5
-0,2
0,0
0,3
0,1
0,0
0,1
-0,2
-0,2
-0,2
-2,2
-0,4
-0,2
- Productivité par tête
-1,4
0,9
0,8
0,8
0,2
0,5
0,5
0,6
0,5
0,3
0,3
0,2
-1,5
2,2
1,7
Branches principalement marchandes
Sources : INSEE, comptes trimestriels ; prévision OFCE en 2010-2011, octobre 2010.
■ Département analyse et prévision
230
III. Déflateur de la consommation et taux de salaire horaire
V. Éléments du compte des ménages
Taux de croissance annuels en %
2009.2
2009.3
2009.4
2010.1
2010.2
2010.3
2010.4
2011.1
2011.2
2011.3
2011.4
2009
2010
2011
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
2009.1
Taux de croissance trimestriels en %
Salaires bruts (1)
-0,2
0,3
0,2
0,2
0,3
0,6
0,4
0,4
0,1
-0,1
-0,1
-0,1
0,6
1,3
0,6
Salaires nets (1)
-0,3
0,2
0,2
0,1
0,3
0,8
0,4
0,4
0,1
-0,2
-0,2
-0,2
0,4
1,4
0,4
1,2
3,4
0,4
0,6
-0,2
0,7
0,6
0,6
-0,2
0,5
0,5
0,5
5,9
2,2
1,5
0,5
0,8
0,6
-0,1
0,1
0,6
0,6
0,5
0,0
0,0
-0,1
-0,1
1,6
1,3
0,8
15,9
16,4
16,6
15,8
15,8
16,1
16,2
16,4
16,3
16,2
16,0
15,8
16,2
16,1
16,1
Taux d'épargne en logement
8,5
8,3
8,1
8,1
8,0
8,0
7,9
7,9
7,9
7,9
7,9
7,9
8,2
8,0
7,9
Taux d'épargne financière
6,3
7,0
7,4
6,7
6,7
7,0
7,3
7,6
7,5
7,3
7,1
6,9
6,8
7,2
7,2
Taux d'épargne en % du RDB
(1) Aux prix chaînés de l'année précédente. Sources : INSEE, comptes trimestriels ; prévision OFCE en 2010-2011, octobre 2010.
231
FRANCE : « GO, STOCK AND ... » ■
Prestations sociales (1) Revenu disponible réel (1)
Taux de croissance annuels en %
2009.1
2009.2
2009.3
2009.4
2010.1
2010.2
2010.3
2010.4
2011.1
2011.2
2011.3
2011.4
2009
2010
2011
Taux de croissance trimestriels en %
Importations en volume
-5,8
-3,2
-0,2
2,8
2,0
3,9
3,2
2,9
1,2
1,4
1,3
1,2
-10,6
8,6
8,0
Prix des importations
-3,4
-0,4
0,8
1,7
1,6
1,4
0,0
0,0
-0,2
0,0
0,1
0,2
-5,2
4,3
0,3
-2,1
-0,2
0,5
0,7
0,8
1,2
0,8
0,7
0,5
0,5
0,5
0,5
-3,4
2,9
2,5
-7,6
-0,6
1,6
1,0
4,5
2,8
2,2
1,9
1,6
1,6
1,5
1,5
-12,2
9,9
7,5
Prix des exportations
-2,2
-1,0
-0,1
0,2
0,8
0,9
0,4
0,2
-0,2
-0,1
-0,1
-0,2
-3,5
1,6
0,3
Demande mondiale
-9,1
-1,4
3,6
3,7
4,0
3,5
2,0
1,8
1,5
1,5
1,5
1,5
-12,7
12,9
7,1
Sources : INSEE, comptes trimestriels ; prévision OFCE en 2010-2011, octobte 2010.
VII . Taux d'intérêt et taux de change Taux de croissance annuels en %
2009.2
2009.3
2009.4
2010.1
2010.2
2010.3
2010.4
2011.1
2011.2
2011.3
2011.4
2009
2010
2011
Taux de croissance trimestriels en % 2009.1
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
Demande interne Exportations en volume
À court terme (1)
2,0
1,3
0,9
0,7
0,7
0,7
0,7
0,7
0,7
0,7
0,7
0,7
1,2
0,7
0,7
À long terme (2)
3,6
3,8
3,6
3,5
3,5
3,2
3,2
3,2
3,2
3,2
3,2
3,2
3,6
3,3
3,2
1 euro = ... Dollar
1,30
1,36
1,43
1,48
1,38
1,27
1,29
1,35
1,27
1,25
1,25
1,25
1,39
1,32
1,25
Taux d'intérêt :
(1) Taux PIBOR puis EURIBOR à 3 mois (2) Taux des OAT à 10 ans Sources : INSEE, comptes trimestriels ; prévision OFCE en 2010-2011, octobre 2010.
■ Département analyse et prévision
232
VI. Commerce extérieur et parts de marché
P R ÉV IS I O N
Fiche thématique et Fiches pays
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
■ Céline Antonin
Pétrole : un calme trompeur
A
lors que l’OPEP souffle ses cinquante bougies, elle a tout lieu de se réjouir. La décision de réduire massivement les quotas début 2009 pour enrayer la baisse des cours a été couronnée de succès : depuis près d’un an, le prix du baril de Brent converge vers 80 dollars, sur fond de reprise timide de la croissance dans les pays de l’OCDE, de persistance d’une offre excédentaire et de l’appréciation récente du dollar. Notre scénario prévisionnel retient l’hypothèse d’une croissance modérée de la demande mondiale de pétrole en 2010 et en 2011, essentiellement tirée par les pays non membres de l’OCDE. Après une progression dynamique fin 2010, l’offre demeurerait atone en 2011, surtout du fait des pays non OPEP. Ainsi, l’excès d’offre devrait se résorber, maintenant les prix du Brent au-dessus des 80 dollars. Combinée à la stabilisation de la parité du dollar par rapport à l’euro et à la résorption de capacités de production excédentaires, cela devrait conduire à une lente augmentation des prix, qui pourrait s’accélérer en fin de période si des tensions sur l’offre venaient à apparaître.
Premier semestre 2010 : stagnation des prix sur fond de volatilité Après une remontée rapide des cours du pétrole au premier semestre 2009, au rythme mensuel moyen de 9,6 %, la progression du prix du Brent s’est fortement ralentie au second semestre, avec une croissance mensuelle moyenne de 2,9 %. Depuis janvier 2010, le prix du baril stagne autour du prix de 77 dollars, évoluant entre 70 et 90 dollars. Certes, il demeure volatil, comme en témoigne la mini-flambée des cours en avril 2010, avec un pic à 88 dollars. Cependant, la crainte d’un emballement des cours a été de courte durée ; quatre jours ont suffit pour que le baril retrouve son niveau de mars. La convergence des prix du pétrole s’explique par plusieurs facteurs : Tout d’abord, l’offre a su s’adapter à une hausse de la demande, car les capacités de production restent excédentaires. Entre le deuxième trimestre 2009 et le deuxième trimestre 2010, l’offre a crû de 2,8 million de barils par jour (Mbj) alors que la demande ne progressait que de 1,9 Mbj. L’offre en provenance des pays non OPEP a mieux résisté que prévu : entre mai 2009 et mai 2010, la Chine a accru son offre de 110 000 bj, la Colombie de 130 000 bj, les États-Unis de 220 000 bj et la Russie de 260 000 bj. En outre, la production des onze pays membres de l’OPEP soumis à quotas 1 atteint 27,0 Mbj en mai 2010 – 29,3 Mbj si l’on inclut l’Irak – soit 2,2 Mbj de plus que le plafond instauré par l’OPEP. Malgré cet effort supplémentaire, le taux d’utilisation des capacités de production de l’OPEP est à peu près stable : il atteint 85,2 % au deuxième trimestre de 2010, contre 87,8 % un an plus tôt. Soutenue au premier semestre 2010 par les plans de relance dans les principaux pays consommateurs, la croissance de la demande mondiale a légèrement diminué depuis le milieu de l’année, principalement en raison d’une baisse de la demande chinoise. Ce sont les pays non membres de l’OCDE qui ont tiré la demande (+1,4 Mbj entre juillet 2009 et 1. Sur les douze pays membres de l’OPEP, seul l’Irak n’est pas soumis à quotas.
234
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
PÉTRÔLE : UN CALME TROMPEUR ■
juillet 2010), notamment l’Amérique latine et le Moyen-Orient. Parmi les pays de l’OCDE, seuls les États-Unis ont continué à jouer un rôle majeur dans la consommation mondiale de pétrole. En Europe, la consommation a continué de se contracter (-0,5 mbj) malgré l’effet des plans de relance. En outre, les stocks de l’OCDE demeurent à des niveaux historiques : ils atteignent quatre-vingt-quatorze jours de demande en avril 2010 (dont soixante pour les stocks commerciaux). Aux États-Unis, ils représentent quatre-vingt-dixsept jours de demande en juillet 2010, un niveau inégalé depuis 2003. L’appréciation du dollar par rapport à l’euro a également été un facteur de modération des cours. Ainsi, alors qu’un dollar s’échangeait contre 0,71 euro en juin 2009, il valait 0,82 euro en juin 2010. Quant à l’écart entre prix des futures à trois mois et prix spot, il est stable autour de 2 dollars en moyenne mensuelle depuis le début de l’année 2010. Pour autant, les mouvements spéculatifs n’ont pas diminué : le volume des transactions ayant le pétrole comme sous-jacent représenterait environ trente-cinq fois celui de la sphère du pétrole physique 2.
Fin 2010-2011 : la lente appréciation du pétrole Jusqu’au second trimestre 2011, le prix du pétrole croîtrait faiblement, au rythme de 3 % par trimestre, en raison de la faible demande des pays de l’OCDE, de l’existence de capacités de production inutilisées et du haut niveau des stocks. Au second semestre 2011, la croissance s’intensifierait, surtout dans les pays émergents, tandis que l’offre des pays hors OPEP stagnerait, entraînant une progression plus dynamique des prix, avec un baril à 90 dollars fin 2011. La baisse du cours du pétrole en dessous des 70 dollars est improbable. En effet, la structure des prix demeure en contango (situation dans laquelle les contrats futures à trois mois s’échangent au-dessus du prix spot). La production des pays non OPEP stagnerait en 2011, avec des baisses de production attendues au Mexique, en Norvège et au Royaume-Uni. Dans le même temps, l’OPEP n’augmenterait sa production que de 0,9 Mbj : lors de la prochaine réunion à Vienne le 14 octobre, l'OPEP ne devrait pas modifier ses quotas. Dans un tel cas de figure, le dynamisme de la consommation pourrait engendrer des tensions sur les prix, légitimant notre prévision d’un baril à 90 dollars fin 2011. Pour autant, une flambée des cours semble hors de propos. La crise de 2007 ayant favorisé les efforts d’efficacité énergétique, l’intensité pétrolière continuerait à décroître (-2,5 % prévus en 2011), ce qui modèrerait la croissance de la demande mondiale (2 % en 2010 et 1,8 % en 2011). Les principaux responsables de la croissance de la demande seront les pays du Moyen-Orient, d'Amérique latine (notamment le Brésil) ou l’Inde. Quant à la Chine, deuxième importateur mondial de pétrole derrière les États-Unis, elle ne devrait plus représenter que 30 % de la croissance de la consommation (contre près de 50 % en 2010), lorsque le gouvernement retirera progressivement son plan de soutien à l’économie. En outre, le taux d’utilisation des capacités de raffinage dans le monde est descendu à 81 % en 2009, le plus bas niveau depuis quinze ans. Quant aux capacités de production du brut, elles sont excédentaires dans les pays membres de l’OPEP, qui produisent 2. Rapport du groupe de travail sur la volatilité des prix du pétrole, ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, sous la présidence de Jean-Marie Chevalier, février 2010.
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
235
■ Céline Antonin
actuellement 29,3 Mbj pour des capacités de production de 32,3 Mbj. En juillet 2010, les pays ayant les taux d’utilisation des capacités de production les plus faibles sont l’Arabie Saoudite (69,4 %), le Qatar (76,6 %), le Koweït (88,5 %) et les Émirats arabes unis (88,5 %). Quant à l’Irak, qui a produit 2,4 Mbj en 2009, il envisage d’augmenter de près d’un tiers sa production de pétrole en 2011, et de la quintupler d’ici 2016. Enfin, bien qu’il soit difficile à évaluer 3, le pic pétrolier (peak oil) ne serait pas encore atteint, sans compter sur la montée en puissance de nouvelles sources de pétrole (les pétroles lourds vénézueliens, les sables bitumeux au Canada et au Brésil, ou l’offshore très profond). Prix du pétrole Brent et différentiel entre production et quota 4
Excédent de production par rapport au juillet 2008 pic à 133 dollars de baril quota (OPEP 11) en Mbj Prix du pétrole Brent en dollars (éch. de droite)
3,5 3 2,5
140 120 100 80
2
60
1,5 40
1
20
0,5
0
0
Entre le T3 2006 et T2 2007, le quota est réduit de 1,7 Mbj
-0,5 -1 2001
2002
2003
2004
2005
2006
janv.2009:le quota est ramené de 28,2 à 24,8 Mbj
2007
2008
2009
-20 -40
2010
Source : Datastream.
Un répit provisoire ? Le cours de l’or noir demeure néanmoins volatil. L’offre est en effet dépendante des aléas politiques et du bon vouloir de l’OPEP 4. Actuellement, les pays se montrent assez laxistes sur le respect des quotas, mais si leur attitude venait à se durcir, comme ce fut le cas en 2006-2007 (cf. graphique), il faudrait se préparer à une nouvelle flambée des cours. Par ailleurs, le désastre du forage Deepwater Horizon (BP) pourrait à moyen terme ralentir l’exploration en eaux profondes. Fin mai 2010, le président américain a décrété un moratoire de six mois sur l’octroi de permis de forages pétroliers en mer. Si d’autres pays tels l’Angola, le Brésil ou les pays de la mer du Nord lui emboîtaient le pas, l’impact sur la production mondiale de pétrole pourrait être de 0,8 à 0,9 Mbj en 2015 5. Par conséquent, l’ère du pétrole stable pourrait être de courte durée. 3. Si les experts s’accordent sur le nombre de barils déjà extraits (environ 1 000 milliards de barils), les estimations sur les réserves restantes sont fortement divergentes : le secrétaire général de l’OPEP estime que les réserves certaines s'élèvent à environ 1 300 milliards de barils, alors que l’Institut d’études géologiques des ÉtatsUnis considère qu’il y a encore 3 000 milliards de barils de pétrole brut conventionnel dans le sous-sol terrestre. 4. D’autant que la part de l’OPEP dans la production mondiale (42 % en 2009) devrait augmenter dans les prochaines années. 5. Selon le directeur général de l’Agence Internationale de l’Energie.
236
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
Équilibre sur le marché pétrolier et prix des matières premières industrielles Millions de barils/jour sauf mention contraire, cvs
2009
Demande mondiale
2010
2011
T1
T2
T3
T4
T1
T2
T3
T4
T1
T2
T3
T4
82,8
84,9
85,1
84,9
84,5
86,8
86,6
86,3
86,6
88,1
88,2
87,7
En taux de croissance 1 Intensité pétrolière
1
2010
2011
84,4
86,1
87,6
-1,7
2,0
1,8
-0,6
4,4
3,8
-1,1
-2,4
-2,0
Production mondiale
83,3
83,6
84,5
85,0
85,8
86,4
86,3
85,9
87,0
87,3
87,0
87,0
84,1
86,1
87,1
Dont : OPEP 2
33,5
33,8
34,0
34,3
34,6
34,8
35,0
35,2
35,8
35,7
35,7
36,0
33,9
34,9
35,8
Non OPEP
49,8
49,8
50,5
50,8
51,2
51,5
51,3
50,7
51,2
51,6
51,3
51,0
50,2
51,2
51,3
Variations de stocks
0,6
-1,4
-0,5
0,1
1,3
-0,5
-0,3
-0,4
0,4
-0,7
-1,2
-0,7
-0,1
-0,4
-1,0
Dont OCDE
0,9
0,1
-0,1
-0,2
-0,1
0,2
0,0
0,2
-0,1
0,0
-0,2
-0,1
0,2
0,1
-0,1
44,3
58,8
68,2
74,6
76,3
78,4
76,6
78,0
80,0
82,0
85,0
90,0
61,5
77,3
84,3
Prix des matières premières industrielles 1
-15,9
10,5
16,1
9,7
5,7
15,3
6,7
4,0
3,0
3,0
2,0
2,0
-25,7
44,6
17,3
Taux de change 1 € = … $
1,30
1,36
1,43
1,48
1,38
1,27
1,29
1,26
1,25
1,25
1,25
1,25
1,39
1,30
1,25
Prix du pétrole Brent 3
1. En %, variation par rapport à la période précédente. 2. Hors Angola et Équateur. Bien que ces deux pays soient membres de l’OPEP depuis 2007, ils ne sont soumis à aucune contrainte de quotas. 3. En dollars, moyenne sur la période. Sources : EIA (pétrole), indice HWWA Hambourg (matières premières industrielles), calculs et prévision OFCE octobre 2010.
237
PÉTRÔLE : UN CALME TROMPEUR ■
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
PIB mondial
1
2009
■ Christine Rifflart
États-Unis : une reprise dans le doute
A
près un recul du PIB de plus de 4 % entre fin 2007 et mi 2009, la reprise qui s’était amorcée aux États-Unis au troisième trimestre 2009 semble tourner court au printemps 2010. En dépit des politiques économiques jusqu’alors très expansionnistes pour soutenir le secteur privé, les ressorts de la croissance n’apparaissent pas encore suffisamment solides pour conforter la dynamique engagée, alors que les plans de relance budgétaires arrivent progressivement à échéance. Dès lors, l’incertitude qui pèse sur les perspectives de croissance à court et moyen termes, conjuguée aux risques de déflation à l’horizon 2011, nécessitent le maintien de la vigilance des autorités américaines. La gestion de la sortie de crise apparaît d’autant plus délicate qu’elle intervient à un moment où les outils de politique monétaire ne semblent pas avoir d’effets sur les comportements des agents privés et où le coût budgétaire des plans de relance va appeler des mesures restrictives.
La reprise était pourtant bien engagée … À partir des comptes nationaux publiés le 28 août dernier avec la deuxième estimation du PIB du deuxième trimestre 2010, la croissance aura été plus faible en 2007, la récession plus profonde et la reprise plus modérée que ce qui était précédemment inscrit dans les comptes. Notamment, la révision de la croissance du deuxième trimestre, de 0,6 % à 0,4 % sur un trimestre, témoigne d’un essoufflement de la reprise après seulement deux trimestres très dynamiques soutenus principalement par le moindre déstockage fin 2009 puis le léger restockage début 2010. Ces mouvements de stocks expliquaient à eux seuls plus de moitié des 1,2 % et 0,9 % de croissance enregistrée sur ces deux trimestres (0,7 et 0,6 point respectivement). Le reste de la dynamique était due au quatrième trimestre 2010, à la très forte contribution du commerce extérieur (bonnes performances des exportations et chute des importations) puis au premier trimestre 2010, au redémarrage de l’investissement des entreprises. Le ralentissement de la croissance enregistrée au printemps dernier s’explique par la fin de cette reprise technique liée aux variations des stocks et par la forte remontée du taux de pénétration des importations, après un niveau excessivement bas pendant la récession. Rapporté à la valeur ajoutée des entreprises non financières, le niveau des stocks est revenu vers sa moyenne de long terme. Les enquêtes auprès des commerçants confirment d’ailleurs qu’après un an et demi d’ajustement, le stockage involontaire a disparu. Simultanément, alors que la progression des ventes à l’exportation ralentissait, l’envolée des importations a freiné la croissance du PIB de 1,1 point sur un trimestre. Ceci a eu pour effet de gonfler le déficit courant à 3,4 % du PIB, après 2,4 % un an plus tôt (pour une croissance de 3 % sur la période). Cette hausse des importations est malgré tout allée de pair avec une forte accélération de l’investissement productif. La baisse du stock de capital en 2008 et 2009, du fait de la fermeture de nombreuses unités productives et d’investissements insuffisants dans les entreprises en activité, nécessite aujourd’hui une remise à niveau des installations. L’ajustement a été moins violent en ce qui concerne les équipements et logiciels (le stock a baissé faiblement en 2009 et l’investissement est reparti nettement plus rapidement fin 2009). Certes, cet ajustement a permis une amélioration de la productivité du capital dans
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ÉTATS-UNIS : UNE REPRISE DANS LE DOUTE ■
les SNF. En pourcentage de la valeur ajoutée des SNF, le taux d’investissement est reparti à la hausse au deuxième trimestre 2010. Dans l’industrie manufacturière, le taux d’utilisation des capacités productives progresse depuis juillet 2009. Il a rattrapé la moitié de ce qu’il avait perdu pendant la récession. Mais la situation des ménages reste délicate. Selon la version des comptes nationaux d’août dernier, la baisse de la consommation a été plus longue (de deux trimestres) et plus violente (0,5 point de baisse supplémentaire en cumulé à 2,4 % entre fin 2007 et le deuxième trimestre 2009) que ce qui se dégageait des précédentes versions tandis que le taux d’épargne a été révisé à la hausse de près de 2 points sur la période. De même, la reprise amorcée depuis un an est plus faible et reste sur un rythme de 1,7 % sur un an.
… mais les inquiétudes prennent le dessus Plusieurs signes témoignent du ralentissement de l’activité au cours de l’été. La production industrielle n’a augmenté que de 1,1 % en moyenne sur juillet et août par rapport au deuxième trimestre, après 1,6 % au trimestre précédent. Dans le secteur manufacturier, l’indicateur global d’activité donné par l’Institute of Supply Management se replie depuis juin, sous l’effet d’une moindre progression des carnets de commandes, et l’indicateur de la Réserve fédérale de Philadelphie confirme le mouvement en août. Dans le secteur non manufacturier, la tendance est la même. Dès lors, les inquiétudes s’installent sur la solidité de la reprise alors que les plans de soutien à la croissance arrivent à échéance. Du côté des ménages, la confiance est en berne. La consommation reste largement embrumée par la mauvaise situation financière, un taux de chômage qui ne baisse pas et un patrimoine total net qui baisse malgré le désendettement. Le revenu réel des ménages stagne sur un an et le rattrapage enregistré au premier semestre pourrait tourner court au second. En effet, le rebond de l’emploi au printemps dernier était lié aux embauches ponctuelles par le gouvernement fédéral pour le recensement 2010. Mais depuis juin 2010, l’emploi salarié total se replie et la progression très lente de l’emploi privé ne suffit pas à compenser la fin des contrats temporaires dans le secteur public. Les secteurs de la construction et la finance continuent de détruire des emplois et, seuls, les secteurs des services aux entreprises et du commerce de détail sont véritablement créateurs nets d’emplois. Dans ce contexte, les nouvelles inscriptions aux prestations chômage restent élevées (supérieures à 450 000 par semaine) et le taux de chômage se maintient autour de 9,5 % (9,6 % en août). L’excès d’offre de main-d’œuvre pèse sur la progression des salaires. Au cours des quatre derniers trimestres, celle-ci n’a cessé de ralentir et sur un an, le rythme du salaire horaire du secteur privé est passé de 3,8 % au deuxième trimestre 2008 à 2,7 % au deuxième trimestre 2009 et à 2,4 % au deuxième trimestre 2010. Il atteint 2,1 % sur un an en août dernier et 0,9 % en terme réel corrigé de l’inflation. Globalement, la part des revenus du travail dans le revenu des ménages a baissé de plus de 5 points depuis le début de la crise, largement compensée par les aides fiscales et subventions du gouvernement. Seul élément positif, les ménages bénéficient d’un contexte de désinflation où les prix stagnent depuis plusieurs mois. Alors que les ressorts des revenus salariaux sont cassés, la situation patrimoniale des ménages reste dégradée. Malgré les efforts continus de désendettement (la dette brute des ménages est passée de 128,5 % du RDB fin 2007 à 115,8 % mi 2010), le patrimoine net des ménages s’est contracté au printemps dernier sous l’effet du repli des valeurs financières. Après les sommets atteints mi-2007, lorsque la richesse nette représentait 6,3 fois le revenu annuel des ménages, la crise immobilière a ramené celle-ci à 4,5 fois le revenu au début 2009. Au printemps 2010,
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■ Christine Rifflart
après plus d’un an d’ajustement, elle atteint 4,7 fois le revenu. Tout comme l’enrichissement passé avait alors permis une détente de celui-ci, la perte de richesse pèse et pèsera durablement sur le niveau du taux d’épargne et de consommation des ménages. D’ailleurs, les nouvelles commandes de biens de consommation en chute libre depuis fin 2007, stagnent depuis le début de l’année. Les flux nets de nouveaux crédits restent négatifs et après une amélioration en 2009, les indicateurs d’activité dans la construction replongent dans le rouge. L’expiration de l’extension des crédits d’impôt pour les primo-accédants au 30 avril 2010 s’est traduite par la chute de ventes de logements, dans un contexte d’offre toujours excédentaire. Les prix continuent à baisser. Ils sont revenus au niveau du début des années 2000. Dans ce contexte, l’action des politiques économiques reste fondamentale. Selon le Trésor américain, le plan de relance de 787 milliards de dollars sur la période 2009-2019 (réévalué par le Congressional budget office (CBO) à 814 milliards) adopté en février 2009 par le Congrès serait réalisé pour près de 440 milliards au deuxième trimestre 2010. Grâce à ce plan, le PIB réel serait actuellement supérieur de 2,7 à 3,2 % à ce qu’il serait en l’absence du plan et 2,5 à 3,6 millions d’emplois auraient été épargnés. Mais la plupart des réductions fiscales aux ménages et entreprises et des aides financières du gouvernement fédéral aux États arrivent à échéance dans le courant de l’année 2010 (la fin des plans de relance aura un effet négatif sur le déficit de 2011 de 0,5 % du PIB). Un nouveau plan de 50 milliards de dollars (0,3 point de PIB) a été voté au début de l’année pour soutenir l’emploi. Mais d’autres mesures ont été prises pour compenser dès 2011 ce surcroît de dépenses. Les baisses d’impôts votées en 2001 et 2003 par le gouvernement Bush arrivent à échéance et ne seront pas reconduites sur les plus hauts revenus (200 000 dollars par individu et 250 000 dollars par famille), les banques seront taxées au titre de leur responsabilité dans la crise financière (90 milliards sur dix ans), les incitations fiscales aux énergies fossiles sont supprimées. Ces mesures devraient permettre de réduire le déficit de près de 60 milliards de dollars en 2011, soit 0,4 % du PIB. L’impulsion budgétaire devrait donc être neutre en 2010 et négative de 0,9 % du PIB en 2011. Dans ces conditions, les perspectives de croissance à l’horizon 2011 et au-delà ne sont guère favorables. Tant que le marché du travail ne donnera pas de signes de raffermissement, les ménages seront peu enclins à desserrer leur taux d’épargne. Leur priorité restera d’apurer leur situation financière. Or, l’orientation budgétaire pourrait devenir encore plus restrictive si les républicains venaient à emporter les prochaines élections législatives de mi-mandat. Nous n’avons pas fait cette hypothèse. Il n’empêche que la confiance n’est pas vraiment au rendez-vous pour stimuler la consommation et l’investissement. Sous l’effet d’un revenu disponible qui progresserait en termes réels, de 1,2 % et 1,4 % en 2010 et 2011 respectivement (1 % et 2,1 % avant impôt), les dépenses des ménages n’augmenteraient que de 1,4 % et 1,6 % tandis que l’investissement des entreprises, après le bon premier semestre 2010, ralentirait progressivement. Les effets de la crise pourraient peser durablement sur le PIB américain. En effet, il est possible que celui-ci ne rattrape pas à moyen terme, la perte de croissance de ces dernières années compte tenu des ajustements qui sont en cours.
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États-Unis : résumé des prévisions Variations par rapport à la période précédente (sauf mention contraire), en %
T4 1,2
T1 0,9
2010 T2 T3 0,4 0,3
T4 0,4
T1 0,4
2011 T2 T3 0,5 0,5
T4 0,5
-0,1 -0,8 -10,4 -10,6 -10,3 -7,8 -10,3 -126
-0,4 1,5 -2,7 -5,3 -1,9 -0,3 -2,8 -162
0,5 0,4 0,2 2,5 -0,4 2,9 5,1 -128
0,2 -0,4 -0,3 -0,2 -0,4 5,6 1,2 -37
0,5 -0,4 0,8 -3,2 1,9 2,7 2,7 44
0,5 1,0 4,5 6,2 4,1 2,2 7,3 63
0,3 0,3 2,0 2,0 2,0 1,8 1,5 65
0,4 0,2 1,6 2,0 1,5 1,7 1,5 50
0,4 0,0 1,6 2,0 1,5 1,7 1,3 30
0,5 -0,1 1,6 2,0 1,5 1,6 1,2 30
0,4 -0,1 1,4 2,0 1,2 1,6 1,0 30
0,4 -0,1 1,4 2,0 1,2 1,6 1,0 30
-1,7 -0,2 0,7 -0,2 8,2 -2,7
-0,3 -0,3 0,4 -1,0 9,3 -2,4
0,5 0,3 -0,4 -1,6 9,7 -2,8
0,1 0,7 0,5 1,5 10,0 -2,8
0,4 0,6 -0,1 2,4 9,7 -3,0
1,1 0,1 -0,8 1,8 9,7 -3,4
0,5 0,0 0,0 1,1 9,6 -3,8
0,5 -0,1 0,0 0,6 9,6 -3,8
0,5 -0,2 0,0 0,4 9,6 -3,8
0,5 0,0 0,0 0,8 9,5 -3,8
0,4 0,0 0,0 0,7 9,5 -3,8
0,5 0,0 0,0 0,8 9,4 -3,8
-2,5
-0,1
0,4
0,2
0,3
1,0
0,5
0,5
0,3
0,3
0,4
0,4
1. Conformément aux comptes nationaux américains, le poste dépenses publiques inclut ici la consommation et l’investissement publics. 2. Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle.
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Sources : Bureau of Economic Analysis (BEA), Bureau of Labor Statistics (BLS), prévision OFCE octobre 2010.
2008 2009 2010 2011 0,0 -1,0 -0,3 2,8 -6,3 -24,0 0,3 6,0 -2,6 -37,6
-2,6 -3,6 -1,2 1,6 -18,4 -22,9 -17,1 -9,5 -13,8 -113,1
2,6 1,4 1,4 0,9 4,9 2,5 5,5 11,7 12,5 55,6
1,7 0,5 1,6 0,4 7,3 9,3 6,8 7,0 6,7 30,0
-0,7 -3,3 1,8 -0,5 -0,6 1,3 1,1 1,1 -0,4 3,8 -0,3 1,5 5,8 9,3 9,6 -4,7 -2,7 -3,5 -6,3 -11,3 -11,0 1,6 0,8 0,0 0,3 -4,0 1,7
2,1 -0,2 -0,2 0,7 9,5 -3,8 -9,8 -0,9 1,7
ÉTATS-UNIS : UNE REPRISE DANS LE DOUTE ■
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
PIB PIB par tête Consommation des ménages Dépenses publiques 1 FBCF privée dont Logement Productive Exportations de biens et services Importations de biens et services Variations de stocks Contributions Demande intérieure hors stocks Variations de stocks Commerce extérieur Prix à la consommation 2 Taux de chômage, en % Solde courant, en points de PIB Solde public, en points de PIB Impulsion budgétaire PIB zone euro
2009 T2 T3 -0,2 0,4
T1 -1,2
■ Danielle Schweisguth
Japon : à la recherche d’un relais de croissance
L’
économie japonaise a vigoureusement rebondi après avoir touché le fond au premier trimestre 2009. Le PIB a repris 4,8 % en cinq trimestres, effaçant ainsi plus de la moitié de ses pertes. Le commerce extérieur et le soutien budgétaire du gouvernement ont largement contribué à tirer l’économie japonaise hors du gouffre. Mais la croissance commence à s’essouffler au deuxième trimestre 2010 à cause de l’atonie de la demande intérieure. Les agents privés conservent un comportement prudent. Avec une situation qui reste dégradée sur le front de l’emploi, les ménages épargnent en grande partie les surplus de revenus engendrés par les transferts gouvernementaux. Quant aux entreprises, elles privilégient la reconstitution de leurs marges en exerçant une pression sur les coûts salariaux. Les investissements privés sont encore prudents. Avec le ralentissement attendu du commerce mondial et le tassement progressif des mesures de soutien gouvernementales, le Japon est à la recherche de relais de croissance internes capables de maintenir l’économie sur une trajectoire de croissance proche de 2 % par an, selon l’objectif des pouvoirs publics. Pour ce faire, le gouvernement de Naoto Kan mise sur une vingtaine de secteurs clés (énergie renouvelable, tourisme médical, etc.) qui seront stimulés par des allègements fiscaux, des subventions à l’investissement, un assouplissement des conditions d’immigration ainsi que des mesures visant à attirer les investissements directs étrangers. La croissance atteindrait 3,1 % en 2010 puis ralentirait à 1,8 % en 2011.
Une compétitivité dégradée qui pèse sur le secteur exportateur Le commerce extérieur a été le principal moteur de la reprise, contribuant à hauteur de 4 points à la croissance du PIB entre le premier trimestre 2009 et le deuxième trimestre 2010. À titre de comparaison, cette même contribution était de 2,6 points en Allemagne (deuxième exportateur mondial après la Chine) et de 0,4 point en zone euro. Cette bonne performance japonaise est due à la vigueur de la reprise dans les pays émergents d’Asie, qui représentent 53 % des débouchés pour les exportations nippones (contre 36 % il y a dix ans). Celles-ci ont ainsi repris 43 % en cinq trimestres, après avoir baissé de 36 % en volume. Elles restent cependant inférieures de 9 % à leur niveau d’avant-crise, et le dynamisme des exportations est appelé à ralentir au Japon à partir du troisième trimestre 2010. Le retour du commerce mondial à son niveau d’avant-crise marque en efffet la fin du rebond technique et le retour à une trajectoire de croissance plus régulière. Le taux de croissance trimestriel de la demande adressée au Japon retomberait ainsi à 2,1 % en 2011 contre 5,5 % en moyenne depuis le deuxième trimestre 2009. Par ailleurs, la reprise du mouvement d’appréciation du yen depuis le mois de mai dégrade la compétitivité des industries nippones, déjà très affaiblie. À la suite de la faillite de la banque Lehman Brothers, le taux de change effectif réel du yen s’était apprécié de plus de 30 % entre août 2008 et janvier 2009, contribuant à une perte de 16 points de parts de marché en un seul trimestre. Le Japon n’a regagné que 8 points de parts de marché et la tendance est repartie à la baisse depuis le deuxième trimestre 2010.
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JAPON : À LA RECHERCHE D’UN RELAIS DE CROISSANCE ■
Production industrielle en volume et taux d’utilisation des capacités de production 120 110 100 90 80 70
Production industrielle (en niveau) Taux d'utilisation des capacités de production
60 50 92
93
94
95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Source : MITI (Ministère japonais de l’économie, du commerce et de l’industrie).
Du côté de l’offre, les indicateurs indiquent une pause dans le mouvement de reprise. La production industrielle est quasi stable depuis le début de l’année, après avoir rebondi de plus de 30 % en 2009 (cf. graphique). Elle n’aura repris que 60 % du terrain perdu depuis le pic de 2008, ce qui indique que l’économie japonaise est encore largement en surcapacité productive. Le taux d’utilisation des capacités de production (TUC) suit la même tendance. Après avoir repris 30 points sur les 45 points perdus pendant la crise, le TUC a marqué un coup d’arrêt en janvier 2010, le dernier point disponible confirme l’inflexion de la tendance avec une baisse de 2 points. Le TUC se trouve aujourd’hui à un niveau de 8 points inférieur à sa moyenne de long terme. Dans un tel contexte, on ne peut guère compter sur l’investissement privé pour tirer la croissance à l’échéance 2011. Les entreprises ont certes redressé leur situation financière avec des profits en hausse de 170 % depuis le creux du premier trimestre 2009 et leur productivité s’est nettement améliorée. Mais les excès de capacités ne laissent place qu’à des investissements de renouvellement des équipements ou d’amélioration de la productivité. Ainsi le taux d’investissement ne progressera que très marginalement, de 13,2 % au deuxième trimestre 2010 à 13,7 % fin 2011. Pour mémoire, il avait atteint 16,2 % début 2008. L’emploi s’est dégradé pendant la crise (-1,7 million), mais on estime que près de 2 millions d’emplois ont été sauvés grâce au dispositif de chômage partiel, ce qui représente 3 % de la population active. Si le gouvernement n’a pas l’intention de mettre fin au dispositif, il n’en reste pas moins qu’une hausse de l’emploi ne pourra avoir lieu avant que l’économie n’ait absorbé ce surplus de main-d’œuvre sous-utilisée. La sous-utilisation des facteurs capital et travail conduisent le Japon à s’enliser à nouveau dans la déflation. Seules les variations des prix des matières premières alimentaires et énergétiques permettent de modérer le rythme de décroissance des prix, qui se stabilise à -0,6 % en glissement annuel fin 2011.
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■ Danielle Schweisguth
Une économie toujours sous perfusion Dans de telles circonstances, la demande intérieure peut-elle prendre le relais de la croissance ? Si l’ajustement de l’emploi a été freiné par les mesures de chômage partiel, les salaires ont subi les effets de l’ajustement des coûts du travail opéré par les entreprises. Au cours de l’année 2009, on observe une baisse de 4,8 % de la rémunération mensuelle nominale, qui s’explique à 80 % par la baisse des heures travaillées. Si le nombre d’heures travaillées progresse depuis janvier 2010 en glissement annuel, le salaire horaire n’a commencé à se redresser qu’au mois de juin. Nous anticipons une légère augmentation du nombre d’heures travaillées à l’horizon 2011 (144 heures par mois en moyenne contre 142 heures début 2010 et 150 heures avant la crise). Par contre les pressions déflationnistes persistantes ne permettraient pas de progression du salaire horaire, qui devrait rester stable à l’horizon 2011. Compte tenu du choc sur la masse salariale qu’ont subi les ménages japonais durant la crise, la consommation des ménages a plutôt bien résisté grâce à des transferts gouvernementaux qui s’élèvent à 1,4 point de PIB sur six trimestres (chèques aux ménages en juin 2009, nouvelles allocations familiales en juin 2010) et un ajustement à la baisse du taux d’épargne. Depuis le creux conjoncturel du premier trimestre 2009, le revenu disponible des ménages à augmenté de 1,8 % en termes réels alors que la masse salariale s’est contractée de 1,3 %. Sur la même période, la consommation des ménages a repris 3,2 %, la baisse du taux d’épargne ayant été encouragée par des mesures gouvernementales d’incitation à la consommation (prime à la casse, système des « éco-points », etc.). À l’horizon 2011, la consommation des ménages continuera de progresser mais à un rythme plus modéré (1,4 % en rythme moyen annualisé) du fait d’une lente remontée du taux d’épargne et d’un arrêt progressif des mesures de relance. Malgré le vieillissement démographique, les japonais conservent une préférence marquée pour le futur et chercheront à reconstituer leur patrimoine largement écorné durant la crise. L’impulsion budgétaire négative (-1,6 point) en 2010 est le reflet d’une brusque remontée des rentrées fiscales, en particulier de l’impôt sur les sociétés. Mais elle masque la poursuite de l’effort budgétaire du gouvernement pour soutenir l’économie. Loin du tournant de la rigueur observé en Europe, le Japon vient d’annoncer un nouveau plan de relance le 10 septembre. Les dépenses engagées sont de l’ordre de 0,2 % du PIB, qui viennent s’ajouter aux 6 % du PIB que représentent la somme des cinq plans de relance déjà annoncés depuis le début de la crise. Mais la reconduction au poste de premier ministre de M. Naoto Kan le 14 septembre dernier pourrait bien marquer le tournant de la rigueur au pays du soleil levant. Celui-ci prépare en effet une réforme fiscale qui a pour but de rétablir l’équilibre des comptes publics (solde primaire) à l’horizon 2020, avec l’objectif intermédiaire de diviser par deux le déficit primaire d’ici 2015. Les pistes évoquées seraient celles d’un doublement du taux de TVA qui passerait de 5 à 10 %, avec en contrepartie une baisse du taux d’impôt sur les sociétés de 40 à 25 % afin de revigorer le tissu productif. La réforme s’accompagne d’un effort de réduction des dépenses de fonctionnement du gouvernement (chaque ministère a déjà été prié de revoir à la baisse son budget de 10 %).
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Japon : résumé des prévisions Variations par rapport à la période précédente, en %
2009
2011
T2
T3
T4
T1
T2
T3
T4
T1
T2
T3
T4
-4,4 -4,3 -1,4 0,6 -6,4 -8,8 -7,2 3,5 -24,9 -17,6 0,1
2,3 2,4 1,3 0,2 -3,2 -5,2 -9,6 8,6 10,4 -4,9 0,3
-0,1 -0,1 0,6 0,1 -2,4 -1,7 -7,2 -1,2 8,5 6,3 0,1
0,9 0,9 0,7 0,7 0,4 1,7 -2,9 -1,3 5,7 1,5 -0,3
1,2 1,3 0,5 0,6 0,4 0,8 0,3 -0,9 7,0 3,0 -0,2
0,4 0,4 0,0 0,3 0,3 1,5 -1,3 -2,7 5,9 4,1 -0,3
0,2 0,2 0,2 0,0 0,2 1,0 0,2 -3,0 2,5 2,5 -0,3
0,4 0,4 0,4 0,0 0,2 1,0 0,2 -3,0 2,4 2,5 -0,3
0,7 0,7 0,4 0,0 0,2 1,0 0,2 -3,0 1,8 1,5 0,0
0,3 0,4 0,2 0,0 0,4 1,0 0,2 -2,0 1,8 1,5 0,0
0,5 0,5 0,4 0,0 0,4 1,0 0,2 -2,0 1,8 1,0 0,0
0,5 0,6 0,5 0,0 0,4 1,0 0,2 -2,0 1,8 1,0 0,0
-1,2 -1,1 -0,6 0,3 -2,8 -0,1 -8,5 -8,5 1,7 1,0 0,4
-5,2 -5,1 -1,0 1,5 -13,9 -19,1 -13,9 8,0 -24,1 -16,8 0,0
-2,0 -1,3 -1,6 -0,1 4,5 1,8
0,1 0,1 1,7 -1,0 5,1 3,0
-0,1 -0,2 0,5 -2,2 5,4 3,1
0,6 -0,3 0,6 -2,1 5,2 3,3
0,5 0,1 0,7 -1,1 4,9 3,9
0,1 -0,1 0,5 -1,0 5,2 3,0
0,1 0,0 0,1 -0,9 5,2 3,3
0,3 0,0 0,1 -0,9 5,1 3,5
0,3 0,3 0,1 -1,0 5,2 3,5
0,2 0,0 0,1 -0,7 5,2 3,5
0,3 0,0 0,2 -0,6 5,3 3,5
0,3 0,0 0,2 -0,6 5,3 3,5
-0,9 -0,4 0,2 1,4 4,0 3,3
-3,3 -0,3 -2,0 -1,3 5,1 2,8
1,2 -0,3 2,3 -1,0 5,1 3,4
0,9 0,2 0,6 -0,7 5,3 3,5
-2,1
-9,8
-7,5
-7,6
-1,3 0,3
4,9 -4,0
-1,6 1,7
0,2 1,7
Solde public, en points de PIB Impulsion budgétaire PIB zone euro
2008 2009 2010 2011
T1
-2,5
-0,1
0,4
0,2
0,3
1,0
0,5
0,5
0,3
0,3
0,4
0,4
3,1 1,8 3,0 1,9 1,9 1,2 1,4 0,1 -1,0 1,2 1,7 4,2 -8,9 0,4 -4,6 -10,1 26,2 9,3 11,3 7,7 -0,2 0,0
245
* Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle. Sources : Economic and Social Research Institute, Cabinet Office ; Ministry of Public Management, Home Affairs, Posts and Telecommunications ; Ministry of Health, Labor and Welfare ; prévision OFCE octobre 2010.
JAPON : À LA RECHERCHE D’UN RELAIS DE CROISSANCE ■
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
PIB PIB par tête Consommation des ménages Consommation publique FBCF totale dont Productive privée Logement Publique Exportations de biens et services Importations de biens et services Variations de stocks, en points de PIB Contributions Demande intérieure hors stocks Variations de stocks Commerce extérieur Prix à la consommation* Taux de chômage, au sens du BIT Solde courant, en points de PIB
2010
■ Danielle Schweisguth
Chine : à contre-courant
A
lors que les grandes économies de la planète commencent à s’essouffler avec l’arrivée de la rigueur budgétaire, la Chine est une fois de plus à contre-courant. Le gouvernement cherche à réfréner un emballement du crédit et du prix des actifs (immobiliers surtout) et craint plus l’inflation que la déflation. La banque centrale a déjà resserré à trois reprises sa politique monétaire en relevant de 1,5 point le taux de réserves obligatoires depuis le début de l’année. Le gouvernement a également décidé de laisser le yuan s’apprécier face au dollar depuis le 21 juin 2010. Fin septembre 2010, le yuan s’était déjà apprécié de 2 %, ce qui correspond à un rythme annuel de 8 % environ. L’économie chinoise, qui a crû de 9 % en 2009 alors que le monde était en récession pour la première fois depuis l’après-guerre, s’installe sur un sentier de croissance à peine inférieur à celui qu’elle suivait avant la crise. Seuls les déterminants de la croissance ont changé, un surcroît d’investissement étant venu compenser le manque à gagner du côté du commerce extérieur. On anticipe une croissance de 10 % en 2010 et de 9,2 % en 2011 du fait de la fin du plan de relance. Chine : résumé des prévisions Variations par rapport à la période précédente, en %
2008
2009
2010
2011
PIB
9,6
9,1
10,0
9,2
Importations
4,6
4,9
37,0
15,0
Exportations
8,2
-12,7
35,4
16,4
Demande adressée
3,0
-13,3
17,7
8,7
Sources : China statistical information services, FMI, prévision OFCE octobre 2010.
Une performance unique… Au cours de la crise financière, la production industrielle chinoise n’a jamais reculé. Son taux de croissance annuel s’est infléchi de 18 % en 2007 à 5 % fin 2008. Depuis janvier 2008, la production industrielle chinoise s’est ainsi accrue de près 40 %, alors que dans les grands pays développés elle est encore de 10 % inférieure à son niveau de janvier 2008 (graphique). Ce résultat est d’autant plus remarquable que la Chine est un pays très ouvert avec une part des exportations dans le PIB de 35 % en 2007. Cette part tombe à 21 % si l’on exclut le contenu en importations des exportations chinoises. Avec une chute de la demande adressée de 19 % entre septembre 2008 et mars 2009, c’est un choc extérieur négatif de près de 4 points de PIB qu’a subi la Chine au cours de la crise. On mesure ainsi le succès du plan de relance gouvernemental (12 points de PIB sur deux ans) concentré sur les investissemens en infrastructure et complété de mesures de soutien à la consommation, qui aura permis à la Chine de maintenir un taux de croissance supérieur à la cible du gouvernement (8 %) tout au long de la crise.
246
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
CHINE : À CONTRE-COURANT ■
Production industrielle, pondérée par la valeur ajoutée industrielle 140 Chine
130
Japon
120
Autre Asie
110
G7 (sauf Japon) Autres PVD
100 90 80 70 60 50 40 2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Sources : Global Insight (sources nationales), calculs OFCE.
… avec un coût caché non négligeable Le seul « hic » de cette stratégie de relance est le poids que fait peser sur les finances publiques locales le programme d’investissements massifs du gouvernement. Le gouvernement central ne prend en charge qu’un quart des dépenses de relance, le reste étant à la charge des collectivités locales, qui n’ont, en théorie, pas le droit de contracter de dettes. Pour contourner cette interdiction, elles ont créé des plateformes de financement locales (PFL). Il en existe aujourd’hui 6 000 dans tout le pays, dont 3 800 ont été créées en 2009. La capitalisation des PLF se fait soit par le transfert d’actifs fonciers, soit par la prise de participation de fonds d’investissement créés par des banques chinoises, ou encore par la falsification de prêts à court terme, qui font office de dotation fictive en capital. Afin d’augmenter leur capacité de prêts, les PLF pratiquent aussi des opérations hors bilan (cession de prêts et titrisation). La quasi-totalité des fonds sont prêtés à des entreprises d’État, dont la profitabilité est élevée (6 % du chiffre d’affaire en 2009). Mais le risque de générer une nouvelle série de prêts non performants est réel. Selon le gouvernement, 23 % des crédits alloués par les PLF comportent un risque de défaut élevé. Le surendettement des collectivités locales obligera le gouvernement à prendre en charge le coût de ces mauvaises dettes. En 2009, les nouveaux crédits des PLF pourraient représenter jusqu’à 21% du PIB. La dette publique totale de la Chine avoisinerait alors 71 % du PIB en 2009, contre 19 % officiellement. Ce niveau de dette reste cependant soutenable compte tenu de la croissance chinoise, du niveau élevé de l’épargne (50 %) et de l’abondance de liquidités générée par les dépôts bancaires. Mais les ménages supporteront en grande partie le poids de la dette du fait de la rémunération à un taux réel négatif de leurs dépôts et de la fiscalisation future des pertes des PLF. L’inquiétude se porte plutôt sur la surchauffe du secteur immobilier générée par l’envolée du crédit. Au mois d’avril 2010, le gouvernement a pris des mesures de refroidissement qui semblent avoir porté leurs fruits. Mais un retournement trop brutal du secteur dégraderait la solvabilité des plateformes de financement des collectivités locales, qui utilisent les terrains comme collatéraux.
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
247
■ Amel Falah
Asie : vase communicant
L
a crise a mis en évidence la très forte résilience de l’Asie. En effet, dès le deuxième trimestre 2009, après une chute sans précédent de l’activité de -5,2 % entre le troisième trimestre 2008 et le premier trimestre 2009, l’activité a connu un fort rebond (+10,5 % entre le deuxième trimestre 2009 et le deuxième trimestre 2010). Le dynamisme des économies émergentes d’Asie a permis un redémarrage de la demande mondiale qui a contribué à la stabilisation des économies avancées, comme le Japon et l’Allemagne, dont l’activité est fortement dépendante de la conjoncture mondiale. Les économies asiatiques sont entrées en crise avec des fondamentaux relativement solides, ce qui a permis un redémarrage rapide de l’activité. Cette croissance est essentiellement alimentée par deux facteurs : les exportations (forte reprise du commerce extérieur grâce aux échanges intra-régionaux, en particulier à destination de la Chine) et le soutien apporté à la demande intérieure par la mise en place de politiques de relance favorisant l’activité industrielle des principaux pays de la zone. Ces politiques ne seraient cependant pas suffisantes pour enclencher une dynamique de croissance indépendante des autres zones et valider l’hypothèse d’un découplage. Dans cette reprise, l’Asie ne fait que gagner des parts de marché perdues dans le reste du monde, comme le résultat d’une désindustrialisation accélérée par la crise. Au premier trimestre 2010, la production (cf. graphique) et les exportations ont retrouvé leur niveau d’avant la crise dans la plupart des pays d’Asie, y compris les économies les plus durement touchées. Ce mouvement traduit la spécialisation des économies asiatiques, avec un rôle moteur de l’activité industrielle dans la croissance économique. L'industrialisation a été favorisée par des politiques industrielle et commerciale actives et par un protectionnisme accroissant les profits des entrepreneurs. La Chine et l’Inde sont en tête, mais le phénomène n’est pas limité à ces deux pays. Malgré ces performances impressionnantes, nous prévoyons une croissance de 7,9 % en 2011 contre 9,0 en 2010. En effet, les incertitudes sur la conjoncture mondiale (craintes sur l’activité économique américaine, déflation au Japon, incertitudes sur les finances publiques en zone euro) et sur les facteurs financiers (notamment en Europe) pourraient ralentir le rythme de croissance d’une zone qui reste fortement dépendante des autres régions.
248
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
ASIE : VASE COMMUNICANT ■
Indice de la production industrielle 2008=100
115 110 105 100 95 90 85
Monde Japon Etats-Unis Zone euro Emergents Asie
80 75 70 65 2007
2008
2009
2010
Source : Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis.
Tableau 1 : Zone Asie détaillée : résumé des prévisions de PIB Variations par rapport à la période précédente, en %
Corée du Sud Asie Rapide
Poids 6,8 20,3
2008 2,3 3,6
2009 0,2 0,2
2010 5,6 7,3
2011 4,7 5,0
Taïwan
3,9
1,0
-2,2
8,0
4,5
Hong Kong
1,5
2,3
-3,0
6,4
4,6
Singapour
0,9
1,9
-1,4
14,9
4,6
Thaïlande
3,6
2,5
-2,3
7,9
4,4
Indonésie
6,0
6,0
4,6
6,0
6,0
Malaisie
1,7
4,7
-1,8
7,0
5,3
2,6 48,5 24,4 51,5 100,0
3,7 9,6 6,4 4,7 7,1
1,0 8,7 5,7 2,8 5,7
6,1 10,0 9,4 8,1 9,0
4,4 9,2 8,6 6,7 7,9
Philippines Chine Inde Asie hors Chine Total
Sources : FMI, Global Insight, prévision OFCE octobre 2010.
2009-2010 : retour à la normale La Chine afficherait une croissance spectaculaire de 10 % en 2010. Des pays asiatiques, la Chine est celui qui a le moins souffert de la crise. En 2009 son taux de croissance est de 8,7 %, contre une contraction mondiale de 1 % (voir dans ce dossier la fiche « Chine : à contre-courant »). L’économie indienne a connu une croissance vigoureuse aux premier et
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
249
■ Amel Falah
second trimestres 2010 (+11,8 % et +9,6 % en glissement annuel, après +7,5 % au trimestre précédent), en particulier dans le secteur manufacturier, en raison d’un fort rebond des investissements (+18,6 % au premier trimestre 2010 en glissement annuel contre 9 % au quatrième trimestre 2009, soit le taux de croissance le plus élevé enregistré depuis 2007). Tous les secteurs ont connu une expansion rapide (commerce, hôtellerie, transports et télécommunications). Le secteur agricole a également enregistré une bonne performance, grâce à des moussons modérées. Le dynamisme de la production industrielle devrait se poursuivre. Le PIB de la Corée s’est fortement accru : 8,1 % au premier trimestre 2010 en glissement annuel, +7,1 % au second trimestre, soit la plus forte progression depuis le quatrième trimestre 2002. La vigueur de ses exportations (+13,9 % au second trimestre 2010 en glissement annuel) alimentée par la dépréciation du won, ainsi que la réaction efficace des pouvoirs publics ont renforcé la demande intérieure. Les performances de l’industrie ont été robustes, avec une progression de +19,5% de la production industrielle au second trimestre 2010 (en glissement annuel). L’amélioration du marché du travail et la confiance des consommateurs ont soutenu la consommation des ménages (+6,3 % au premier trimestre 2010 en glissement annuel). Singapour affiche une croissance spectaculaire de 18,7 % au deuxième trimestre 2010 en glissement annuel, avec une révision à la hausse de 17,4 % au premier trimestre 2010. La production industrielle a bondi de +45,3 % au second trimestre 2010, favorisée par une croissance rapide dans l’électronique et la pharmacie. La croissance de Taiwan a atteint un sommet inégalé depuis trente ans (12,5 % en glissement annuel au premier trimestre 2010), soutenue par les investissements (+31,1 %) et les exportations (+34,1 %). Avec une croissance de 6,1 % au second trimestre 2010, l’économie indonésienne reste performante. Après une année difficile, les investisseurs et les entreprises étrangères semblent à nouveau séduits par l’Indonésie, dont la monnaie s’est montrée particulièrement stable en ces périodes troublées. La croissance est également soutenue par la consommation des ménages. En effet, le gouvernement a procédé à des transferts en espèces vers les ménages les plus pauvres. Les bonnes récoltes ont renforcé les revenus en milieu rural. La croissance de la Malaisie a connu un rythme beaucoup plus rapide que prévu au second trimestre 2010 (+8,9 %), tirée par la reprise mondiale des importations de produits électroniques. Aux Philippines, la consommation privée reste le premier moteur de la croissance (+8,0 % au premier trimestre 2010), soutenue par la hausse des revenus des immigrés. Au second trimestre 2010, le PIB a fait un bond de +7,1 % à Hong Kong et de 12,1 % en Thaïlande. Tableau 2 : Zone Asie : résumé des prévisions de commerce international Variations par rapport à la période précédente, en %
2008
2009
2010
2011
Importations
7,3
-7,6
28,7
12,8
Exportations
5,8
-8,8
29,6
14,4
Demande adressée
3,6
-10,4
20,9
10,0
Sources : FMI, prévision OFCE octobre 2010.
250
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
ASIE : VASE COMMUNICANT ■
2010-2011 : cela va durer La croissance resterait globalement vigoureuse dans les pays émergents en 2010. En 2011, une fois que le cycle de reconstitution des stocks aura pris fin et que les mesures de relance budgétaire arriveront à terme dans plusieurs pays, la croissance du PIB en Asie devrait connaître un rythme plus modéré mais aussi plus durable (7,9 %). En Inde, l’investissement et l’activité industrielle soutiendront la croissance. Tandis que le pays doit lutter contre la pauvreté et le chômage, il est confronté à une inflation galopante qui oscille autour de 13 % (premiers mois de 2010). La banque centrale a relevé deux fois ses taux directeurs, pour l’endiguer, mais en vain. Malgré les performances économiques, le gouvernement indien est confronté à des problèmes sociaux qui pèsent sur les décisions de réduire en douceur le plan de soutien mis en place pour faire face à la crise. En Corée, l'activité économique est de plus en plus tirée par le secteur privé. La reprise devrait être entraînée par le rebond de l'investissement. Les échanges extérieurs devraient également contribuer à soutenir la croissance. En effet, les exportations (+7 % au second trimestre 2010) ainsi que les importations (+7,1 % au second trimestre 2010) devraient continuer de croître au même rythme, d’autant que la croissance du PIB au second trimestre a été de 1,5 %. Le dynamisme des exportations aura de plus en plus d’effet sur la demande intérieure, en favorisant l’investissement des entreprises et l’emploi. Ces pays ont à la fois augmenté leur production industrielle et leurs échanges internationaux au premier semestre 2010 et cette tendance va se poursuivre en 2011. En bref, les perspectives de croissance des pays émergents sont prometteuses. Les interventions avisées des pouvoirs publics et le renforcement des cadres économiques aident de nombreux pays émergents à accélérer leur demande intérieure et à attirer des flux de capitaux. Le rebond du commerce mondial (4,5 % en 2010 et 3,7 en 2011) favorisera aussi la reprise dans de nombreux pays. Mais ces pays doivent veiller à ce que les dispositifs budgétaires mis en place pour soutenir l’activité économique durant la crise soient supprimés progressivement lorsque la reprise est consolidée. Si les mesures budgétaires deviennent permanentes, la dette publique risque d’augmenter.
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
251
■ Christine Rifflart
Amérique latine : la croissance retrouvée
A
près deux trimestres de repli de l’activité dans l’ensemble de la région, la reprise de la croissance engagée au deuxième semestre 2009 ne se dément pas. Au printemps 2010, le PIB de la région a dépassé de 3 % son niveau d’avant-crise de l’été 2008. Face aux risques de surchauffe, les politiques économiques commencent à se resserrer dans certains pays. À la différence des grandes économies occidentales, l’Amérique latine n’aura finalement été que modérément affectée par les turbulences de la crise financière. La croissance devrait être supérieure à 6 % sur l’ensemble de l’année 2010 et ralentir à 3,7 % en 2011.
Une croissance bien installée…. Au deuxième trimestre 2010, la croissance régionale a atteint 7,4 % sur un an, soit 2,8 % sur un trimestre, un rythme bien supérieur au potentiel de la zone. En tête, arrivent le Pérou (10,1 % sur un an au deuxième trimestre), l’Argentine (9,2 %), le Brésil (8,7 %), le Mexique (7,7 %) tandis que le Venezuela, confronté à d’importants problèmes structurels dans le domaine énergétique, affiche le plus mauvais score avec une contraction du PIB de 1,9 % sur un an malgré la reprise de 3,1 % en rythme instantané. Bénéficiant d’un environnement monétaire stimulant, des derniers effets des plans de relance et d’un climat de confiance très favorable, l’activité s’appuie dans tous les pays sur une forte reprise de l’investissement des entreprises (28,6 % sur un an au Chili, 26,6 % au Brésil et 18,3 % en Argentine) et de la consommation des ménages (10,7 %, 6,7 % et 8,5 % sur un an dans chacun des pays respectivement). Sur le plan externe, plusieurs pays (Brésil, Chili,..) ont pu tirer parti du dynamisme de la demande asiatique et de la reprise des termes de l’échange pour stimuler leurs recettes d’exportations. Malgré l’envolée des importations au premier semestre, les balances courantes ne se sont que peu dégradées, même si les excédents passés tendent progressivement à disparaître. Les déficits courants atteignent 2,3 % du PIB au Brésil, 0,3 % au Mexique et 0,8 % au Pérou au deuxième trimestre. À en juger par l’abondance des réserves de change qui ne cessent de s’accumuler dans l’ensemble de la région (à l’exception du Venezuela), et des taux de change restés fermes au premier semestre face au billet vert, les besoins de financement qui devraient tendre à s’accroître dans les prochains trimestres sont largement couverts par les entrées de capitaux étrangers. Une étude du FMI de 2010 souligne que, malgré la forte contraction des crédits des banques étrangères vers les pays émergents pendant la crise financière, les prêts à l’Amérique latine ont particulièrement bien résisté du fait des caractéristiques propres aux réseaux bancaires locaux 1. Mais le maintien du capital de confiance des investisseurs étrangers s’appuie également sur la solidité de ses fondamentaux. La mise en place dans le courant des années 1990-2000 de politiques d’assainissement des finances publiques et de cibles d’inflation nécessaires pour ancrer les anticipations ont eu raison des inquiétudes des investisseurs étrangers qui pesaient sur la région en période de crise. Avec la reprise de la croissance, les autorités reviennent à la gestion de leurs fondamentaux. Au Brésil, le déficit 1. Kamil Herman et Rai Kulwant, The Global Credit Crunch and Foreign Banks' Lending to Emerging Markets: Why Did Latin America Fare Better?, IMF Working Paper No. 10/102.
252
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
AMÉRIQUE LATINE : LA CROISSANCE RETROUVÉE ■
public sur les douze derniers mois est revenu de 4,5 % en octobre 2009 à 3,4 % en août 2010 (1,5 et 2 % avant la crise). Le Chili, frappé par un tremblement de terre dévastateur en février dernier, devrait enregistrer une réduction de son déficit public de 4,4 % du PIB en 2009 à 1,7 % cette année et retrouver un excédent à moyen terme. Sur les marchés financiers, à l’exception de l’Argentine et du Venezuela, les spreads sur les titres souverains sont revenus à leur niveau d’avant 2008, créant des conditions favorables de refinancement de la dette publique. Simultanément, après un ralentissement en 2009 dans certains pays (ils avaient été divisés de moitié au Brésil, en Argentine et au Mexique mais s’étaient maintenus au Chili), les flux d’investissements directs étrangers devraient recommencer à abonder cette année et l’année prochaine.
… mais contrée par les tensions inflationnistes qui déjà ressurgissent Combinée à des perspectives dégagées à moyen terme, la forte croissance régionale devrait très vite buter sur des goulets d’étranglement. À l’exception du Mexique où le PIB effectif est probablement en deçà de son niveau potentiel, le déficit de production est en train de disparaître dans la plupart des pays. Au Venezuela et en Argentine, des pénuries d’électricité bloquent l’activité dans plusieurs secteurs. L’inflation reste élevée malgré des prix officiellement sous contrôle : 30 % et 11,1 % en août respectivement (voire deux fois plus en Argentine où les autorités réduiraient les données officielles afin de limiter les charges d’intérêt de la dette publique, qui seraient indexées à l’inflation). Dans d’autres pays, la reprise des pressions inflationnistes a conduit les autorités à resserrer les politiques monétaires. Au Brésil, après l’accélération de l’inflation au premier semestre, le relèvement de 2 points du taux SELIC depuis le 28 avril dernier à 10,75 % a permis de la ramener vers son taux objectif de 4,5 %. Le resserrement monétaire a également commencé au Chili (où les taux étaient descendus à 0,5 % pour une inflation négative pendant plusieurs mois) et au Pérou. Il devrait apparaître en 2011 au Mexique et en Colombie. La fin progressive des politiques monétaires et budgétaires expansionnistes devrait mettre un frein à la croissance en 2011, sans la casser pour autant tant la dynamique est bien engagée. La difficulté pour les autorités sera de maintenir l’activité autour de son potentiel pour éviter les écarts inflationnistes, voire de profiter de la confiance des investisseurs étrangers pour accroître ce potentiel à moyen terme. Amérique latine : résumé des prévisions Variations par rapport à la période précédente, en %
2008
2009
2010
2011
4,0
-2,3
6,2
3,7
Argentine
6,8
0,8
8,4
4,5
Brésil
5,1
-0,2
7,8
3,8
Mexique
1,5
-6,6
5,3
3,4
Importations
6,0
-18,9
20,0
5,6
Exportations
2,1
-7,8
17,5
4,0
Demande adressée
2,5
-6,5
16,9
4,1
PIB
Sources : FMI, calculs et prévision OFCE octobre 2010.
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
253
■ Marion Cochard
PECO : lente reprise
A
vec une baisse de l’activité de la zone de 5,7 % en 2009 en moyenne, la crise économique et financière a durement touché les pays d’Europe centrale et orientale. L’ampleur de la récession, amorcée par l’effondrement du commerce mondial et celui du crédit, a finalement dépassé celle de la zone euro. Les perspectives de croissance demeurent par ailleurs mesurées, se démarquant nettement de celles des pays émergents d’Asie ou d’Amérique latine, qui semblent d’ores et déjà retrouver les niveaux d’activité d’avant-crise.
Europe centrale La plupart des pays d’Europe centrale ont retrouvé un sentier de croissance positif à la fin de l’année 2009. Pour autant, la reprise de la production industrielle dans ces pays a été essentiellement tirée par la reprise du commerce mondial, et si l’activité du secteur bancaire semble revenir à la normale, la demande intérieure n’a pas encore réellement redémarré. Dans l’ensemble des pays de la zone, le taux de chômage a connu une forte hausse et la tension sur le crédit pèse encore sur la consommation. L’investissement s’est effondré (16 % en République tchèque depuis début 2008, -13,6 % en Pologne, -10 % en Hongrie…), et restait orienté à la baisse dans la plupart des pays au deuxième trimestre 2010. À cela vient s’ajouter la poursuite de la crise immobilière en Hongrie ou dans les pays baltes. À l’horizon de notre prévision, le commerce devrait continuer à tirer la croissance des pays d’Europe centrale, grâce à la reprise des échanges mondiaux et la dépréciation du change à l’issue de la crise. De même qu’en Pologne, cette reprise du commerce extérieur devrait progressivement tirer l’investissement, la baisse du chômage, d’ores et déjà amorcée, permettra la reprise progressive de la consommation des ménages. À l’image des pays de la zone euro, la faiblesse persistante de la demande intérieure sera entretenue par la mise en place de plans de rigueur. Nombre de pays en grande difficulté (Hongrie, pays baltes…) ont engagé des restrictions budgétaires dès 2009, dans le cadre de l’aide conditionnelle du FMI. La Hongrie a ainsi procédé à des baisses de dépenses sociales et une hausse de la TVA en 2009, et devrait être imitée par la plupart des pays de la zone dès 2010. Comme en zone euro, ces éléments laissent donc augurer d’une reprise très lente. Les économies baltes sont exsangues, après une crise d’une ampleur sans précédent (15,6 % du PIB en 2009). Le secteur de l’immobilier demeure en crise, la situation du marché du travail s’est très fortement dégradée, et le mouvement de désendettement engagé devrait se poursuivre. Leurs régimes de change n’ont pu être sauvés qu’au moyen de politiques d’austérité drastiques. Ce changement de cap budgétaire a été particulièrement marqué en Estonie, dans l’objectif d’intégrer au plus vite la zone euro. Grâce au contrôle des finances publiques et aux fortes pressions déflationnistes générées par la récession – qui ont ramené l’inflation de 11,6 % à -2,1 % en glissement annuel entre avril 2008 et octobre 2010 –, l’Estonie est ainsi parvenue à remplir les critères de Maastricht en 200 19, et rejoindra la zone euro le 1er janvier 2011.
254
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
PECO : LENTE REPRISE ■
Au final, le PIB dans les pays baltes devrait rester orienté à la baisse en 2010 (-0,3 %), avant de repartir modérément en 2011 (+2,8 %). Dans l’ensemble, la croissance des pays d’Europe centrale restera faible, à 1,3 % et 2,8 % en 2010 et 2011, et le niveau de l’activité économique restera nettement inférieur à celui d’avant-crise.
Russie La Russie a été l’un des pays les plus durement touchés par la crise économique et financière (-7,9 % de l’activité économique en 2009). La chute du prix des matières premières, principale source du financement de la croissance russe, a renforcé l’impact du rationnement du crédit. Le choc financier a pris une ampleur particulièrement importante en Russie, où la restriction persistante du crédit a été entretenue par un bank-run à la suite de la dépréciation du rouble en début de crise. La chute du crédit a entraîné l’effondrement de la production industrielle et la paralysie des secteurs protégés (services et bâtiment). Si la dépréciation du rouble a été en grande partie corrigée, permettant le retour de la confiance des épargnants, la reprise russe demeure cependant fragile. La demande intérieure s’est fortement contractée, en raison des difficultés de financement et de la dégradation du marché du travail. Le taux de chômage a augmenté à plus de 9 % en 2009 et les salaires ont baissé très rapidement, tirant la consommation à la baisse. La chute de l’investissement a repris au premier trimestre 2010. Après avoir atteint un niveau historiquement bas, les enquêtes de conjoncture se sont redressées depuis le second semestre 2009, sans pour autant retrouver leurs niveaux d’avant-crise. Les graves incendies qui ont paralysé le pays pendant l’été 2010 devraient par ailleurs peser sur la croissance de la fin d’année. Si nos prévisions de hausse du prix du pétrole à 90 dollars fin 2011 permettent d’anticiper un retour progressif de la croissance russe, celle-ci devrait rester modérée, à 4,5 et 4,6 % en 2010 et 2011, permettant tout juste à l’activité de retrouver son niveau d’avantcrise. Prévisions de croissance dans l’ensemble de l’ex-bloc de l’Est Variations par rapport à la période précédente, en %
Croissance du PIB Nouveaux pays de l'UE Pologne République tchèque Hongrie Pays baltes Russie Autres CEI 1 Total
Poids 34,4 13,8 5,7 4,9 2,2 46,4 17,9 100,0
2008 4,0 5,1 2,5 0,6 -0,8 5,6 5,1 4,9
2009 -3,4 1,8 -4,1 -6,3 -15,6 -7,9 -4,7 -5,7
2010 1,3 2,8 1,8 0,9 -0,3 4,5 4,7 3,4
2011 2,8 3,3 2,8 2,4 2,8 4,6 5,2 4,1
1. Communauté des États indépendants. Sources : Comptes nationaux, prévision OFCE octobre 2010.
1. Le taux d’inflation moyen au cours des douze derniers mois ne doit pas dépasser de plus de 1,5 point celui de la moyenne des trois pays les moins inflationnistes membres de l’Union européenne. Avec une inflation de 0,7 % en glissement annuel, l’Estonie respectait ce critère en juillet 2010, lorsque son adhésion pour le 1er janvier 2011 a été approuvée.
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■ Catherine Mathieu
Royaume-Uni : virage dangereux
D
epuis la fin 2009, l’économie britannique a retrouvé le chemin de la croissance : le PIB a augmenté de 1,2 % au deuxième trimestre 2010, après avoir enregistré une hausse de 0,4 % au premier trimestre comme au trimestre précédent. Ces trois trimestres consécutifs de croissance sont cependant loin d’avoir effacé l’impact de la crise sur l’activité : le PIB reste inférieur de 4,7 % à son niveau du premier trimestre 2008. Pour la première fois depuis le début de la crise, l’emploi a augmenté au deuxième trimestre 2010, soit de 0,6 %. Ceci s’est accompagné d’une baisse de 0,2 point du taux de chômage (mesuré selon le concept du BIT) à 7,8 %, alors qu’il était de 5,2 % au début 2008. Alors que l’économie est en sous-emploi et que la hausse des salaires est faible (de l’ordre de 1,7 % pour les salaires nominaux en rythme annuel), l’inflation, mesurée selon l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) n’a pratiquement pas baissé depuis le début de la crise : elle était de 3,1 % en juillet dernier, contre 4,1 % en novembre 2008. L’inflation a été soutenue jusqu’à une période récente par la baisse du taux de change effectif de la livre, puis par le relèvement de 2,5 points du taux normal de TVA en janvier 2010, annulant la baisse qui avait été introduite pour treize mois en décembre 2008 dans le cadre du plan de soutien à la croissance. Mais, hors fiscalité indirecte, l’inflation était de 1,5 % seulement en juillet dernier, contre 4,2 % en novembre 2008. Le déficit public s’est fortement creusé pendant la crise, passant de 2,7 % du PIB en 2007 à 11,3 % du PIB en 2009, tandis que la dette publique brute au sens de Maastricht augmentait de 45 % à 68 % du PIB (soit un ratio toujours moins élevé que celui de la zone euro, à près de 80 %). Les marchés ont feint de craindre un risque de défaut de la dette publique britannique, notamment lorsque les tensions ont commencé à monter sur les titres publics grecs, mais ils ont su retrouver leurs esprits en ce qui concerne le Royaume-Uni : à la mi-septembre, le taux d’intérêt sur les titres publics à dix ans était de 3,2 %, au lieu de 4 % au printemps dernier. La baisse des taux d’intérêt publics à dix ans a d’ailleurs été similaire au RoyaumeUni et en Allemagne depuis cette date.
Indicateurs conjoncturels : à la croisée des chemins ? Du quatrième trimestre 2009 au deuxième trimestre 2010, la production a augmenté de 4,2 % dans l’industrie manufacturière, mais elle reste inférieure de 11 % à son niveau d’avant la crise. Sur la même période, la production s’est redressée de 6,7 % dans le bâtiment mais reste inférieure de 6 % à son niveau d’avant la crise. Dans les services, la production a augmenté de 1,6 % mais après avoir chuté nettement moins que dans les autres secteurs de l’économie, et elle est inférieure de 3 % seulement à son niveau d’avant la crise. Les indicateurs conjoncturels avaient atteint un point bas au début de 2009 et se sont redressés jusqu’à l’été 2010, où ils se sont stabilisés. C’est notamment le cas des opinions des industriels sur les perspectives de production. Les opinions des enquêtes sur l’investissement dans l’industrie manufacturière se sont améliorées jusqu’en juillet. Le taux d’utilisation des capacités de production a augmenté de près de 5 points entre la mi-2009 et la mi-2010, pour atteindre 77,3 %, mais reste inférieur à la moyenne de long terme de
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ROYAUME-UNI : VIRAGE DANGEREUX ■
80,7 % et au niveau d’avant crise (82 %). Au vu des enquêtes, l’investissement des entreprises continuera à augmenter au cours des mois à venir. Au total, les informations conjoncturelles disponibles à la mi-septembre suggèrent une croissance proche de 0,7 % au troisième trimestre et de 0,6 au quatrième trimestre 1. La croissance bénéficierait du soutien des achats effectués par les ménages avant une nouvelle hausse de 2,5 points du taux normal de TVA qui entrera en vigueur le 4 janvier 2011 (cf. infra).
Politique économique : le grand écart La politique économique britannique se trouve dans une situation singulière au regard des années précédentes : l’austérité budgétaire programmée par le gouvernement fait que la politique monétaire reste seule à pouvoir soutenir la croissance, alors que le mandat donné à la Banque d’Angleterre en termes d’inflation n’est pas respecté. Le gouvernement de coalition des conservateurs et des libéraux, issu des élections de mai dernier, a décidé de mettre en place une politique budgétaire plus restrictive que celle du précédent gouvernement, et ce dès 2010. Les trois priorités du budget sont, dans l’ordre : la réduction des déficits, les entreprises, l’équité. Le gouvernement souhaite ramener à l’équilibre le solde public hors investissement et corrigé de la conjoncture en 2015-2016 2, ce qui représenterait un déficit de 1,2 % du PIB au sens de Maastricht, et commencer à faire baisser la dette publique nette rapportée au PIB à partir de 2014-2015. Le plan à l’horizon 2015-2016 repose pour 80 % sur une réduction de dépenses publiques et pour 20 % sur une hausse des recettes. Les dépenses publiques commenceront à baisser dès le second semestre 2010. En 2011, la baisse en volume serait de l’ordre de 1,5 % pour la consommation publique et de 20 % pour l’investissement public. Le détail des coupes budgétaires ne sera annoncé qu’en octobre, mais on sait d’ores et déjà que les traitements des salariés du secteur public seront gelés pendant deux ans (sauf pour ceux gagnant moins de 21 000 livres par an), soit une réduction de dépenses de 0,2 point de PIB. Du côté des recettes, le gouvernement a décidé d’augmenter de 2,5 points le taux normal de TVA, pour le faire passer à 20 % en janvier 2011 (soit 0,8 point de PIB de recettes supplémentaires). Pour soutenir les entreprises – deuxième priorité du budget – le gouvernement a supprimé la hausse d’un point des cotisations sociales employeurs, qui devait entrer en vigueur en avril 2011, en maintenant celle des cotisations sociales employés. Le taux d’imposition principal sur les sociétés sera abaissé de 28 % à 27 % en avril 2011 (puis d’un point par an jusqu’en avril 2014). Au titre de l’équité, les mesures principales sont, en 2011, un relèvement du seuil de l’abattement de l’impôt sur le revenu, une hausse de la fiscalité sur les plus-values et la mise en place d’un impôt sur les banques à partir de janvier (selon des modalités à définir). L’impulsion budgétaire serait négative d’environ 2,8 points de PIB en 2011. Nous faisons l’hypothèse qu’étant donné l’ampleur des restrictions budgétaires annoncées, le Comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre (CPM) continuera
1. C’est ce que suggère notre indicateur de croissance, estimé sur la base de l’indice de la production industrielle, de l’indice des ventes de détail, des enquêtes auprès du commerce de gros et des services financiers. Pour une présentation, voir : Charpin F. et C. Mathieu : « Un indicateur de croissance à court terme au Royaume-Uni », Revue de l’OFCE, n° 89, avril 2004. 2. En termes d’année fiscale, qui commence en avril au Royaume-Uni.
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■ Catherine Mathieu
de soutenir la croissance, bien qu’il ne remplisse pas le mandat qui lui est fixé en termes d’inflation. L’inflation est en effet depuis janvier 2010 supérieure au haut de la fourchette de la cible de la politique monétaire (3 % pour l’IPCH). Selon l’ONS, la hausse de 2,5 points du taux de TVA en janvier 2010 a eu un impact de 1,2 point sur l’indice des prix à la consommation. La hausse de la TVA de janvier 2011 maintiendra à nouveau l’IPCH au-dessus de la cible pendant les premiers mois de l’année. Le CPM laisserait cependant son taux directeur à 0,5 % d’ici la fin 2011, tenant compte des capacités de production excédentaires et d’un taux de chômage élevé. La politique non conventionnelle d’achats d’actifs (200 milliards de livres sterling depuis novembre 2009) serait maintenue à l’horizon de notre prévision, pour éviter l’apparition de tensions sur les marchés du crédit.
2011 : la croissance privée de moteur public Le gouvernement a construit le budget sur une hypothèse de forte réduction des déficits publics et du poids de l’État dans l’économie, en faisant le pari que la demande privée prendrait le relais. C’est une hypothèse très audacieuse. Déjà, la Confédération des industriels britanniques (CBI) s’inquiète de voir les réductions d’investissement public annoncées nuire à la croissance. Dès le début 2011, le pouvoir d’achat des ménages sera rogné par la hausse de la TVA. Dans une situation de taux de chômage élevé, les augmentations de salaires resteront limitées. La situation patrimoniale des ménages s’est quelque peu améliorée depuis le début de l’année 2010 : poursuite du désendettement (passé du niveau record de 167 % du revenu annuel au début de 2008 à 156 % au début de 2010), quasi-stabilité des cours boursiers et légère hausse des prix de l’immobilier (4 % en glissement sur un an à l’été 2010). En l’absence d’effet richesse notable, les ménages continueraient à baisser leur taux d’épargne, qui ne serait plus que de 1,5 % en 2011, au lieu de 3,2 % au deuxième trimestre 2010. La baisse passée de la livre (26 % en termes de taux de change effectif réel entre février 2007 et octobre 2009) a permis de stabiliser les parts de marché des exportateurs britanniques en 2010 et devrait conduire à de légers gains de parts de marché en 2011. Mais la croissance des pays de la zone euro, principaux marchés à l’exportation du Royaume-Uni, ne s’annonce pas particulièrement porteuse et limitera la hausse des exportations. La contribution du commerce extérieur à la croissance serait d’environ 0,9 point de PIB en 2011. Après avoir chuté de 5 % en 2009, le PIB augmenterait de 1,7 % en 2010 et de 1,4 % seulement en 2011. Le principal risque à la baisse de notre prévision est celui d’une restriction budgétaire de grande ampleur non seulement au Royaume-Uni mais partout en Europe. Le taux de chômage a augmenté de 2,8 points pendant la crise au Royaume-Uni, soit une hausse relativement modérée au regard des cycles précédents. Cette moindre dégradation du marché du travail tient en grande partie à la poursuite de la hausse des effectifs dans le secteur public, qui n’est désormais plus d’actualité. Les jeunes sont aussi les premières victimes de la crise de 2008, avec un taux de chômage en hausse de 6 points, et proche de 18 %. Au-delà de l’horizon de notre prévision, la situation de l’emploi risque d’être plus dégradée qu’aujourd’hui.
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Royaume-Uni : résumé des prévisions Variations par rapport à la période précédente, en %
-2,4 -1,3 0,0 0,3 -0,1 0,3 3,0 2,1 7,1 7,8 -2,0
-2,5
-0,1
T4 0,4 0,2 0,8 0,7 -1,8 -2,9 -2,5 2,6 3,7 4,5 -1,0
0,0 0,4 -0,2 0,3 -0,1 -0,3 1,5 2,1 7,9 7,8 -0,5
0,4
0,2
T1 0,4 0,3 0,0 0,7 2,7 7,2 -7,4 0,4 -0,7 2,0 -0,3
2010 T2 T3 1,2 0,7 1,0 0,5 0,7 0,6 1,0 -0,1 1,6 -0,1 0,4 1,2 15,7 1,2 -8,6 -6,0 2,3 2,8 2,4 1,8 0,0 0,2
0,6 0,9 0,7 0,4 -0,7 -0,1 3,1 3,3 8,0 7,8 -2,6
0,3
1,0
T4 0,6 0,3 0,6 -0,2 -0,1 1,0 1,2 -6,0 2,2 1,2 0,2
0,4 0,3 0,1 0,1 0,2 0,2 2,9 2,8 7,8 7,8 -2,1
0,5
0,5
T1 0,1 -0,1 -0,1 -0,4 -0,1 0,9 1,2 -6,0 1,6 0,4 0,1
2011 T2 T3 0,2 0,3 0,0 0,2 0,1 0,2 -0,5 -0,5 0,2 0,4 0,8 0,6 1,2 1,2 -4,0 -2,0 1,6 1,6 0,7 0,7 0,0 0,0
-0,2 0,0 -0,1 -0,1 0,3 0,2 3,2 2,9 7,8 7,8 -2,0
0,3
0,3
2008 2009 2010 2011 T4 0,3 0,2 0,2 -0,5 0,4 0,6 1,2 -2,0 1,6 0,7 0,0
0,1 0,1 -0,1 -0,1 0,2 0,2 2,9 2,6 7,9 7,9 -2,0
0,4
0,4
-0,1 -0,7 0,4 1,6 -4,7 0,0 -23,4 23,3 1,0 -1,2 0,0
-5,0 -5,6 -3,3 1,0 -15,1 -17,5 -27,0 18,2 -11,1 -12,3 -1,2
1,7 1,4 1,1 0,8 1,2 1,0 1,6 -1,1 1,6 0,6 1,5 3,5 6,5 8,2 -3,6 -19,0 5,9 7,8 8,5 3,9 0,0 0,0
-0,3 -4,5 1,4 -0,5 -1,1 1,2 0,7 0,7 -0,9 3,6 2,2 3,0 5,7 7,6 7,9 -1,6 -1,3 -2,3 -4,9 -11,3 -10,9 1,0 2,8 -1,0 0,3 -4,0 1,7
0,5 0,0 0,9 2,9 7,9 -2,0 -8,8 -2,8 1,7
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1. Y compris ISBLSM. 2. Y compris acquisitions moins cessions d'objets de valeur. 3. Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle. 4. Au sens de Maastricht, selon la comptabilisation de l’ONS. Sources : ONS (Quarterly National Accounts, 2nd quarter 2010, 28 septembre 2010), prévision OFCE octobre 2010.
ROYAUME-UNI : VIRAGE DANGEREUX ■
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PIB PIB par tête Consommation des ménages 1 Consommation publique FBCF totale 2 dont Productive privée Logement Publique Exportations de biens et services Importations de biens et services Variations de stocks, en points de PIB Contributions Demande intérieure hors stocks Variations de stocks Commerce extérieur Prix à la consommation 3 Taux de chômage, au sens du BIT Solde courant, en points de PIB Solde public 4, en points de PIB Impulsion budgétaire PIB zone euro
2009 T1 T2 T3 -2,3 -0,8 -0,3 -2,5 -0,9 -0,5 -1,2 -0,7 -0,1 -0,6 0,1 -0,5 -8,1 -5,8 1,4 -7,0 -11,5 -2,2 -19,5 5,3 5,3 3,8 3,9 9,0 -8,3 -1,5 0,9 -7,5 -2,5 1,2 -1,4 -1,1 -1,3
■ Paola Monperrus-Veroni
Allemagne : cavalier seul
L’
économie allemande paraît jouer le rôle de locomotive dans la reprise qui a touché la plupart des pays de la zone euro. Avec un taux de croissance trimestriel de +0,5 % et de +2,2 % respectivement au premier et au deuxième trimestre 2010, l’acquis de croissance (+2,8 %) laisse prévoir un taux de croissance pour l’année en cours (+3,4 %) bien supérieur à la moyenne de la zone euro (+1,7 %). Cette performance ne fait que partiellement compenser les résultats de l’année 2009 (-4,7 %) lorsque l’Allemagne connaissait la plus profonde récession parmi les grands pays de la zone euro et le niveau du PIB par habitant n’a récupéré que la moitié de la perte enregistrée depuis 2008. Du fait de sa spécialisation, l’industrie allemande profite de l’affermissement de la reprise mondiale et du cycle d’investissement. Mais les trois plans de relance votés en 2008 et 2009, déployant leur plein effet en 2010, contribuent aussi largement à cette performance. Leur effacement progressif ainsi qu’un plan de rigueur visant le rééquilibrage rapide des comptes publics pèseront sur la croissance de la demande intérieure en 2011, qui serait aussi freinée par un environnement européen peu favorable à une reprise robuste de l’accumulation. Le pragmatisme qui avait prévalu dans la gestion de la crise cèderait donc le pas au dogme de la vertu de l’équilibre budgétaire, limitant ainsi la transmission du dynamisme des échanges à tous les composants de la demande intérieure. Avec cette stratégie de sortie de crise, l’Allemagne refuse de jouer véritablement la locomotive de la zone euro en reproposant un schéma de croissance inadapté à l’ensemble des pays membres, qui ne fera qu’accroître l’écart du niveau de PIB par habitant.
2010 : l’emballement Au-delà des anticipations les plus optimistes, le rebond de la croissance au premier semestre 2010 est marqué par le dynamisme du commerce extérieur et par la croissance retrouvée de la demande intérieure. Dès le deuxième trimestre toutes les composantes de la demande intérieure ont retrouvé un taux de croissance positif. La consommation privée a renoué avec la croissance après un an de recul. L’investissement productif privé a maintenu le dynamisme déjà enregistré en début d’année (+4,7 % après +4,5 % au premier trimestre). Le sursaut de l’investissement en bâtiment au deuxième trimestre découle de deux facteurs exceptionnels : un regain d’activité après un hiver rude et des travaux publics tirés par les plans de relance axés sur les infrastructures. La contribution des échanges extérieurs est devenue fortement positive au deuxième trimestre après le moindre déstockage qui avait provoqué un rebond des importations, dégradant le solde courant au premier trimestre. Une parité euro/dollar favorable, une forte croissance dans les pays où sa présence commerciale est bien établie et le redémarrage vigoureux du cycle d’investissement dans les pays en voie d’industrialisation ont permis à l’Allemagne de reprendre les parts de marché perdues dans la crise. La principale contribution à la croissance de la valeur ajoutée au premier semestre vient de l’industrie et des services aux entreprises, celle du bâtiment étant marginale en dépit de la reprise du secteur. La production industrielle après avoir retrouvé un rythme de progression positif en début d’année a enregistré une accélération très marquée au deuxième trimestre,
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ALLEMAGNE : CAVALIER SEUL ■
tirée par des ventes à l’étranger davantage dynamiques et satisfaites en partie par le déstockage. La très forte reprise des commandes de biens intermédiaires et d’investissement au deuxième trimestre 2010, notamment dans la mécanique et l’électroménager, a été surtout tirée par les pays extérieurs à la zone euro. Elle suggère le maintien d’une activité soutenue au deuxième semestre 2010, même si l’enquête Ifo de septembre auprès des entreprises montre un moindre optimisme dans les anticipations à six mois. La situation des entreprises allemandes à la mi-2010 n’est pas très dégradée. Malgré la forte correction de la fin 2008 et du premier trimestre 2009, le taux de marge reste élevé. Malgré une baisse du taux d’épargne plus marquée que lors de la crise de 2001, la plus forte contraction de l’investissement permet de redresser le taux d’autofinancement. Il n’en reste pas moins que le taux de rentabilité économique des entreprises allemandes a bien baissé en 2009, effaçant les forts gains enregistrés depuis 2004. La dégradation du taux de profitabilité est néanmoins faible grâce à des charges d’intérêt en baisse en dépit d’une hausse du taux d’endettement. Le redressement du taux de marge depuis la mi-2009 va de pair avec le retour de la baisse des coûts salariaux unitaires, principalement dû au rebond de la productivité, alors que la croissance des rémunérations par salarié retrouve le dynamisme connu entre 2006 et 2008. L’emploi total a renoué avec un taux de croissance positif depuis le premier trimestre 2010, suivant la reprise de l’emploi intérimaire déjà amorcée au deuxième trimestre 2009. Les 148 000 emplois salariés détruits depuis la crise l’ont été principalement dans le secteur marchand et notamment dans l’industrie, où les destructions d’emplois persistent au deuxième trimestre 2010 et se chiffrent à 355 000 postes depuis le quatrième trimestre 2008. Le nombre de chômeurs partiels, qui était monté jusqu’à 1,5 million en mai 2009 (3,5 % de la population active), a entamé sa décrue depuis pour atteindre 800 000 personnes à la dernière date connue de mars 2010, soit 1,9 % de la population active. Il a été accompagné par l’augmentation de la durée du travail, qui avait joué le rôle d’amortisseur de l’emploi, ayant expliqué la plus grosse partie de l’ajustement du volume d’heures travaillées pendant la crise. Le dispositif de chômage partiel a ainsi joué son rôle d’amortisseur sur la consommation des ménages, dont la contribution à la croissance du PIB a été nulle en 2009 au pire moment de la récession. Après les années fastes de décrue du chômage, qui avait entraîné, jusqu’à la fin 2008, des hausses des salaires effectifs plus rapides que celles des salaires négociés, le salaire conventionnel a beaucoup ralenti en 2009. Début 2010 il a retrouvé un certain dynamisme, mais du fait du chômage partiel, le différentiel entre salaire conventionnel et effectif (dérive salariale) a atteint un niveau jamais observé depuis la récession de 1993. Le pouvoir d’achat des salaires a été aussi érodé par la reprise de l’inflation et bien que le poids de la fiscalité sur les ménages ait été allégé (augmentation de l’allocation pour enfant à charge, baisse de l’impôt sur le revenu, réduction des cotisations chômage), la baisse des transferts et des revenus du patrimoine ont conduit à une faible progression du revenu disponible réel des ménages notamment au deuxième trimestre 2010. Le maintien d’un certain dynamisme de la consommation a impliqué une forte baisse du taux d’épargne, après la reconstitution de l’épargne fin 2009 et début 2010, qui avait suivi la dépense accrue en automobiles. Les signaux positifs en provenance du marché de l’emploi ont tiré vers le haut la confiance des ménages, qui s’est couplée d’une baisse moins marquée des immatriculations après l’ajustement ayant suivi la fin de la prime à la casse en septembre 2009.
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■ Paola Monperrus-Veroni
2011 : la lucidité Nos prévisions pour le deuxième semestre 2010 sont marquées par la poursuite d’une reprise technique caractérisée par la fin du déstockage et par la transmission à l’investissement du dynamisme des échanges, bien qu’à un rythme ralenti par rapport au premier semestre. Ensuite l’effet négatif de la fin des plans de relance (impulsion négative de 0,8 point de PIB) coïnciderait avec la mise en place du plan de rigueur (0,3 point de PIB en 2011) affectant les ménages (réduction de l’assiette de l’allocation pour les chômeurs de longue durée, réduction de l’allocation pour enfant à charge, réduction de l’emploi public) et les entreprises (baisse des subventions). Bien qu’à court terme l’horizon semble plus serein qu’à long terme, l’absence d’importants déséquilibres sur le marché immobilier, dans la situation financière des ménages et des entreprises et la bonne gestion du marché du travail, limiteraient le processus de désendettement et les phénomènes d’hystérèse craints dans d’autres pays. L’enquête Ifo sur l’investissement conduite auprès des entreprises au printemps 2010 indique bien une hausse des programmes de dépense d’investissement, notamment dans l’extension des capacités. Mais la forte correction de l’investissement depuis 2009 n’a fait que stabiliser le ratio stock de capital/valeur ajoutée au niveau élevé atteint après la forte accumulation de surcapacités intervenue en 2008. De plus, si les grandes entreprises ne signalent pas de difficultés d’accès au crédit selon l’indicateur sur les contraintes de crédit de l’Ifo d’août et selon l’enquête de la Bundesbank, les PME pourraient faire face à des critères de solvabilité plus sévères et surtout pâtir de la restructuration des banques publiques (Landesbanken). La composante publique de l’accumulation s’essoufflerait avec l’épuisement progressif du programme d’investissement public du plan de relance. Ces éléments justifient la poursuite de la formation de capital à un rythme moins soutenu après le sursaut de 2010 (+3,7 % après +5,6 %). Nous prévoyons une amélioration du marché du travail, qui serait néanmoins marquée par une plus forte sortie des dispositifs de chômage partiel vers l’emploi ayant peu d’effets sur le taux de croissance de l’emploi salarié (+0,2 % en 2010 et +0,5 % en 2011). Le ralentissement des salaires conventionnels, plus marqué encore pour les salaires effectifs ne permettrait pas le maintien du pouvoir d’achat. Seule la baisse du taux de prélèvement obligatoire limiterait le recul du revenu disponible réel des ménages. Ces derniers iraient puiser dans leur épargne afin de maintenir un rythme de consommation de peu supérieur à la moyenne de la décennie (+0,9 % en 2011 après -0,1 % en 2010). La politique budgétaire après avoir soutenu la croissance en 2009 (impulsion positive de 1,4 point de PIB) infléchirait le profil de la reprise avec une impulsion négative de 1,1 point de PIB. Après avoir autorisé le gonflement du déficit (de 3,3 % en 2009 à 4,8 % en 2010) le gouvernement allemand ne s’autoriserait pas d’écart du chemin qui doit le conduire au rééquilibrage des finances publiques en 2013 selon la procédure pour déficit excessif ouverte en décembre 2009. Il ferait preuve d’une grande rigueur en accélérant ce processus avec un déficit qui atteindrait 3,5 points de PIB en 2011. Le rythme de croissance à l’horizon de la prévision (+2,5 % en 2011) ramènerait le PIB par habitant à son niveau d’avant la crise, sans pour autant refermer complètement l’output gap cumulé depuis le déclenchement de la crise.
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Allemagne : résumé des prévisions Variations par rapport à la période précédente, en %
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T4 T1 0,3 0,5 0,5 0,1 -0,2 -0,1 -0,3 2,0 -1,0 1,6 -2,7 4,5 0,1 1,3 5,5 -13,6 2,7 3,1 -1,8 6,7 -2,1 -0,9
-1,4 0,2 -2,7 0,8 7,2
0,1 -1,0 1,4 0,2 7,6
-0,3 1,4 -0,4 -0,4 7,5
-0,4 -1,3 2,0 0,3 7,4
0,6 1,1 -1,3 0,8 7,3
1,3 0,1 0,9 1,0 7,0
-2,5
-0,1
0,4
0,2
0,3
1,0
T1 -3,4 -1,8 0,3 1,1 -9,5 -15,4 1,5 1,1 -10,2 -5,4 -1,2
263
* Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle. Sources : Bundesbank, Statistisches Bundesamt, prévision OFCE octobre 2010.
2010 T2 T3 2,2 0,8 0,5 0,5 0,6 0,2 0,4 0,4 4,8 1,4 4,7 1,6 2,9 0,1 12,0 4,0 8,2 2,6 7,0 2,6 -0,8 -0,6
T4 0,8 0,5 0,2 0,3 1,3 1,6 0,1 3,0 2,4 2,4 -0,4
T1 0,3 0,3 0,2 0,1 0,3 0,6 0,3 -1,5 1,7 1,5 -0,5
2011 T2 T3 0,4 0,5 0,1 0,1 0,2 0,2 0,1 0,1 0,3 0,4 0,6 0,6 0,3 0,3 -1,5 -1,0 1,7 1,6 1,3 1,2 -0,6 -0,6
2008 2009 2010 2011
0,4 0,2 0,1 1,4 6,7
0,4 0,2 0,1 1,3 6,5
0,2 -0,1 0,2 1,2 6,5
0,2 -0,1 0,3 1,0 6,4
0,2 0,0 0,3 1,0 6,4
0,2 0,0 0,3 1,1 6,3
0,5
0,5
0,3
0,3
0,4
0,4
T4 0,5 0,1 0,2 0,1 0,6 0,6 0,3 1,0 1,6 1,2 -0,6
0,7 -4,7 -0,4 -3,3 0,6 -0,1 2,3 2,9 1,6 -12,2 2,6 -19,1 -1,8 -1,0 5,1 7,3 2,0 -14,3 2,9 -9,4 -1,2 -1,5
3,4 1,3 -0,1 3,0 5,6 6,9 3,6 3,9 15,2 14,0 -0,7
2,5 1,1 0,9 0,8 3,7 4,7 1,6 4,0 9,5 8,4 -0,6
1,1 -0,2 -0,2 2,8 7,3 6,7 -0,0 -0,2 0,3
1,5 0,8 1,1 1,1 6,9 6,5 -4,8 1,4 1,7
1,3 0,1 1,0 1,1 6,4 6,0 -3,5 -1,1 1,7
-1,8 -0,3 -3,2 0,2 7,4 5,0 -3,3 -0,8 -4,0
ALLEMAGNE : CAVALIER SEUL ■
PIB PIB par tête Consommation des ménages Consommation publique FBCF totale dont Productive privée Logement Publique Exportations de biens et services Importations de biens et services Variations de stocks, en points de PIB Contributions Demande intérieure hors stocks Variations de stocks Commerce extérieur Prix à la consommation (IPCH)* Taux de chômage, au sens du BIT Solde courant, en points de PIB Solde public, en points de PIB Impulsion budgétaire PIB zone euro
2009 T2 T3 0,5 0,7 0,0 0,2 0,3 -1,0 0,6 0,8 -1,3 0,7 -1,7 0,1 -1,4 0,5 1,3 5,5 -1,4 3,2 -4,8 4,4 -2,2 -0,8
Variations par rapport à la période précédente, en %
2009
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
PIB PIB par tête Consommation des ménages Consommation publique FBCF totale1 dont Productive Bâtiment Exportations de biens et services Importations de biens et services Variations de stocks, en points de PIB Contributions Demande intérieure hors stocks Variations de stocks Commerce extérieur Prix à la consommation (IPCH)2 Taux de chômage, au sens du BIT Solde courant, en points de PIB Solde public, en points de PIB Impulsion budgétaire PIB zone euro
2010
2011
2008 2009 2010 2011
T1
T2
T3
T4
T1
T2
T3
T4
T1
T2
T3
T4
-2,9 -3,1 -0,8 -0,1 -5,0 -8,3 -2,1 -11,7 -9,2 0,1
-0,3 -0,4 0,0 0,8 -2,3 -2,8 -1,7 -1,8 -2,9 -0,2
0,4 0,3 0,6 -0,3 -0,5 1,0 -1,7 2,8 1,3 -0,3
-0,1 -0,3 0,0 -0,2 0,7 2,1 -0,6 -0,2 3,3 0,4
0,4 0,3 0,1 -0,5 1,4 3,3 -0,4 3,0 2,7 0,6
0,5 0,3 0,0 0,3 1,3 3,7 -0,9 3,3 0,8 0,1
0,3 0,0 0,2 0,2 0,3 0,2 0,4 1,2 1,0 0,1
0,3 0,2 0,2 0,2 0,4 0,2 0,5 1,2 1,0 0,1
0,3 0,2 0,2 0,1 0,4 0,3 0,5 1,2 0,9 0,1
0,3 0,2 0,2 0,1 0,4 0,3 0,5 1,2 0,9 0,1
0,3 0,2 0,2 0,1 0,4 0,3 0,5 1,2 0,9 0,1
0,3 0,2 0,2 0,1 0,4 0,3 0,5 1,2 0,9 0,1
-1,3 -2,1 -0,8 0,8 -4,0 -4,5 -3,4 -3,9 -4,3 0,4
-5,1 -5,8 -1,7 0,6 -12,2 -16,8 -7,9 -19,1 -14,6 0,0
1,1 0,4 0,5 -0,2 2,3 7,8 -2,4 7,4 6,5 0,2
1,2 0,7 0,8 0,6 1,8 1,9 1,6 5,4 3,8 0,1
-1,5 -0,8 -0,5 1,4 7,4
-0,3 -0,3 0,3 0,9 7,6
0,2 -0,1 0,3 0,1 7,9
0,1 0,7 -0,9 0,7 8,3
0,2 0,2 0,0 0,8 8,4
0,3 -0,5 0,6 0,9 8,6
0,2 0,0 0,0 0,9 8,8
0,2 0,0 0,0 0,8 8,9
0,2 0,0 0,1 0,8 8,9
0,2 0,0 0,1 0,8 8,9
0,2 0,0 0,1 0,8 8,8
0,2 0,0 0,1 0,8 8,8
-2,5
-0,1
0,4
0,2
0,3
1,0
0,5
0,5
0,3
0,3
0,4
0,4
-1,1 -0,3 0,1 3,5 6,7 -3,4 -2,7 0,3 0,3
-3,5 -0,4 -1,2 0,8 7,8 -2,9 -5,3 -0,1 -4,0
0,7 0,3 0,1 1,1 8,7 -2,8 -5,5 0,7 1,7
0,9 -0,1 0,4 0,8 8,9 -3,0 -4,8 -0,6 1,7
1. Les comptes nationaux trimestriels italiens ne permettent pas d’isoler la FBCF publique. La FBCF en logement étant fournie avec un trimestre de retard par rapport aux autres composantes, on présente le total bâtiment. 2. Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle. Sources : ISTAT, calculs de l’auteur, prévision OFCE octobre 2010.
■ Paola Monperrus-Veroni
264
Italie : résumé des prévisions
■ Sabine Le Bayon
Espagne : cure d’austérité
L
e PIB espagnol a renoué timidement avec la croissance au premier semestre 2010, après sept trimestres de baisse. Avec 0,1 % puis 0,2 % respectivement de croissance au premier puis au deuxième trimestre 2010, l'Espagne reste cependant largement à la traîne de la zone euro dont le PIB a crû de 0,3 % puis de 1 % sur la même période. La progression du PIB espagnol a reposé entièrement sur la demande intérieure, tandis que le commerce extérieur contribuait négativement à la croissance, contrairement à ce qui s'était passé depuis le début de la crise. Après une chute de 10 % entre fin 2007 et fin 2009, la reprise de la demande intérieure est liée à trois éléments : d'abord un mouvement de restockage, ensuite une progression de l'investissement productif au deuxième trimestre 2010, enfin une consommation privée dynamique tirée de façon temporaire par des mesures gouvernementales. La reprise du commerce mondial, qui avait soutenu la croissance fin 2009 via une reprise des exportations, n'a pas été suffisante au premier semestre 2010, les importations ayant progressé plus vite que les exportations, en lien avec cette demande intérieure plus dynamique. L'investissement en logement a continué de se contracter, dans un contexte où les surcapacités se résorbent lentement, les ménages cherchant plutôt à assainir leur situation financière (désendettement, hausse du taux d'épargne). Le secteur de la construction resterait sinistré, plombant la croissance à l'horizon de la prévision. Le mouvement de reprise entrevu dans le secteur industriel serait tué dans l'œuf par une politique budgétaire très restrictive visant à rassurer les marchés financiers à court terme et à retrouver un déficit de 3 % du PIB en 2013. Le seul soutien à la croissance viendrait de la politique monétaire.
Une reprise temporaire de la demande intérieure L'embellie du début d'année 2010 s'est accompagnée d'une inversion de signe des contributions de la demande intérieure et du commerce extérieur à la croissance du PIB. En effet, alors que depuis le début de la crise le commerce extérieur limitait la baisse du PIB induite par une contraction intense de la demande intérieure, c'est le contraire qui s'est produit au premier semestre 2010. Mais cette croissance de la demande intérieure (0,2 % puis 0,7 % respectivement au premier puis au deuxième trimestre) repose principalement sur un rebond de la consommation des ménages qui n'est pas durable, car lié à la prime à la casse mise en place mi-2009 et à l'anticipation des achats avant la hausse de la TVA au 1er juillet 2010. La prime à la casse a en effet dopé les ventes de voitures à partir de septembre 2009 : après un recul des immatriculations de l'ordre de 40 % fin 2008 et début 2009, la remontée a été spectaculaire avec des taux de croissance compris entre 30 et 45 % en glissement annuel entre fin 2009 et mi-2010. Autre élément de soutien à la consommation, la hausse de la TVA de deux points en juillet 2010 (le taux général passant de 16 à 18 % et le taux réduit de 7 à 8 %), qui a stimulé la consommation privée temporairement avant son entrée en application. La faible progression du revenu disponible des ménages et le mouvement de désendettement (-6 points de RDB en deux ans, soit un taux d’endettement de 125 % début 2010) auraient en effet justifié une consommation des ménages atone au début de l'année 2010.
266
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
ESPAGNE : CURE D’AUSTÉRITÉ ■
Le recul de la masse salariale initié début 2009 a été moins fort que précédemment. Tandis que l’emploi salarié se contracte moins depuis la mi-2009, les salaires par tête au contraire ralentissent de plus en plus (avec une progression de 1,3 % mi-2010, contre 6 % fin 2008 sur un an). Le niveau élevé du taux de chômage (20 % au deuxième trimestre 2010) pèse en effet sur les négociations salariales. Le revenu des ménages a seulement été soutenu par les stabilisateurs automatiques (baisse de l'élasticité de l'impôt sur le revenu au PIB et hausse des prestations chômage) et la politique monétaire (baisse des charges d'intérêt de 2,3 points de RDB entre fin 2008 et début 2010). Finalement le rebond de la consommation privée au premier trimestre 2010 dans un contexte de revenu faible a entraîné une légère baisse du taux d'épargne des ménages de 18,8 % fin 2009 à 18,6 %. Le ralentissement de la croissance des salaires conjugué à une demande des ménages déprimée depuis 2008 (à l’exception du premier semestre 2010) s’est traduit par une inflation sousjacente quasi nulle entre fin 2009 et juin 2010. Son accélération depuis juillet n’est due qu’à la hausse de la TVA. L’inflation, après avoir été négative mi-2009, est remontée à 1,8 % en août, en raison des effets de base liés au prix du pétrole. L’ajustement dans le secteur immobilier entamé en 2007 s'est poursuivi : l’investissement en logement a chuté de 43 % en trois ans. Malgré la baisse importante du nombre de mises en chantier depuis 2007 (de l'ordre de 80 % jusqu'au premier trimestre 2010), le stock de logements neufs disponibles a continué d'augmenter en 2009 (de 90 000 unités) et était de 690 000 fin 2009 selon le ministère du Logement. La correction n'est donc pas terminée dans ce secteur, d'autant plus que la demande reste faible. La conjonction de taux sur les nouveaux emprunts hypothécaires historiquement bas (2,5 % en juillet 2010) et de prix immobiliers en baisse (-12 % depuis le début de l'année 2008) se traduit par une diminution nette du taux d'effort calculé par la Banque d'Espagne qui aurait dû relancer les transactions si le marché du travail n'était pas aussi mal orienté. La reprise de la demande (extérieure depuis la mi-2009, interne au premier semestre 2010) a mis fin à la chute de l'investissement productif. Après avoir baissé de près de 30 % en deux ans, il a renoué timidement avec la croissance. Quant aux variations de stocks, elles ont contribué positivement à la croissance au premier semestre 2010. La situation des entreprises s’est améliorée : leur taux de marge est élevé, leur taux d’autofinancement est passé de 30 % début 2008 à 80 % début 2010. Cependant, leur taux d’endettement bancaire demeure élevé (près de 140 % du PIB) et elles peuvent peu compter sur le crédit pour se financer, du fait du durcissement des conditions d’octroi de crédit au deuxième trimestre 2010 à la suite des tensions sur les marchés financiers. Le rebond des importations depuis la fin 2009 a été net mais le taux de pénétration demeurait encore inférieur de 4 points à la mi-2010 à son niveau de la fin 2007. Depuis le début de l’année 2009 (à l’exception du deuxième trimestre 2010), les exportations ont plus progressé (ou moins baissé initialement) que la demande adressée, permettant à l’Espagne de regagner des parts de marché à l’exportation et ainsi d’effacer en partie la chute de 2008, même si l’érosion amorcée en 2004 demeure.
La politique budgétaire hypothèque le retour de la croissance L’évolution du PIB inscrite en prévision est marquée principalement par l’impact de la politique budgétaire restrictive mais aussi par la décélération du commerce mondial en 2011 après un rattrapage d’après-crise en 2009-2010. La poursuite de la baisse des coûts salariaux unitaires dans l’industrie permettrait cependant aux entreprises espagnoles de stabiliser leurs parts de marché à l’exportation.
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
267
■ Sabine Le Bayon
Les premières mesures de rigueur inscrites dans le budget 2010 ont été complétées en janvier 2010 lors de l’actualisation du programme de stabilité puis en mai 2010, alors que l’Espagne était malmenée sur les marchés financiers dans le sillage de la Grèce. En effet, la dégradation du solde public de 13,1 points de PIB entre 2007 et 2009 – du fait de la chute de la demande intérieure et des plans de relance – et la faiblesse des perspectives de croissance ont fait naître des doutes sur la soutenabilité des finances publiques espagnoles, alors même que sa dette publique était encore faible au sein de la zone euro (53,2 % du PIB en 2009, contre 78,7 % dans l’ensemble de la zone). Les agences de notation ont dégradé la note sur la dette souveraine espagnole depuis le printemps 2010. Les primes de risque sur les obligations publiques et les CDS de dette publique espagnole ont atteint des sommets : ces dernières oscillent entre 2 et 2,5 points depuis mai 2010, avec une forte volatilité, tandis que le taux sur les obligations publiques à dix ans (4,2 % à la mi-septembre) est supérieur de 1,7 point au taux allemand. Certes ces primes sont de moindre ampleur que celles qui affectent la Grèce, mais les tensions persistent malgré les mesures de rigueur déjà annoncées. Dans le contexte actuel de restriction budgétaire, les prévisions de croissance du gouvernement pour 2011 semblent en effet bien optimistes (1,3 %, contre 0,4 % selon nos prévisions), rendant difficilement atteignables les objectifs de solde public (-9,3 % du PIB en 2010 et – 6 % en 2011, après -11,2 % en 2009). L’impulsion budgétaire devrait être de -2,2 % en 2010 et de -1,8 % en 2011. Pour 2010, les hausses d’impôt représentent 1 point de PIB et concernent exclusivement les ménages (hausse de la TVA, fin de la déduction d’impôt mise en place en 2008 et hausse de l’impôt sur les revenus du capital). Des réductions de dépenses à hauteur de 0,7 point ont été inscrites dans notre prévision (baisse des salaires des fonctionnaires, baisse de l’investissement et non remplacement de départs en retraite dans la fonction publique). La fin de plusieurs pans du plan de relance amputerait aussi la croissance en 2010. En 2011, outre l’effet de la hausse de la TVA, les ménages ne bénéficieront plus de la déduction d’impôt de 2 500 euros en cas de naissance. Les réductions de dépenses s’amplifieront (0,9 point de PIB), dans la lignée de celles de 2010, avec en plus un gel des pensions. La fin des dernières mesures du plan de relance pèsera sur l’investissement en construction. La consommation privée progresserait faiblement après la correction du troisième trimestre 2010 (imputable à la fin de la prime à la casse et à la hausse de la TVA), pâtissant de la politique budgétaire, malgré la timide reprise des créations d'emplois et la baisse du taux de chômage en 2011. Le taux d'épargne baisserait peu en raison du désendettement. L’investissement des entreprises serait bridé par une demande faible. L'activité dans le secteur immobilier cesserait de se dégrader, avec un taux d’investissement en logement qui se stabiliserait à 4,1 % du PIB (soit 3,4 points en dessous du pic de 2006-2007). La persistance des tensions sur les marchés financiers devrait continuer d'affecter le financement des banques – qui doivent se tourner massivement vers la Banque centrale européenne pour obtenir des liquidités – et donc in fine celui des agents privés espagnols. Selon l'enquête réalisée par la Banque d'Espagne, c'est la détérioration des conditions d'accès au financement des établissements de crédits au deuxième trimestre 2010 (sur le marché interbancaire et les marchés obligataires) qui a entraîné un nouveau durcissement des conditions d'octroi de crédits. En raison de la faiblesse de la demande, accentuée par les problèmes de financement de l'économie, le PIB ne croîtrait que de 0,4 % en 2011 (contre 1,7 % dans la zone euro).
268
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
Espagne : résumé des prévisions Variations par rapport à la période précédente, en %
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
2009 T2 T3 -1,1 -0,3
T4 -0,2
T1 0,1
2010 T2 T3 0,2 -0,1
-1,4 0,7 -5,6 -8,4 -3,2 -9,5 -6,6 -7,4 0,5
-1,0 0,1 -4,4 -7,3 -2,0 -4,4 -0,9 -3,1 0,4
-0,4 -0,1 -2,8 -2,9 -2,7 -7,1 2,8 -0,1 0,3
0,2 -0,6 -2,0 0,1 -3,6 -6,5 2,8 1,3 0,2
0,9 0,3 -1,7 -0,2 -3,0 -5,0 3,9 4,0 0,4
1,2 0,7 -0,7 1,2 -2,2 -2,3 0,7 2,8 0,6
-2,1 -0,2 0,7 0,5 16,6
-1,7 -0,2 0,8 -0,7 17,9
-0,9 -0,1 0,8 -1,0 18,7
-0,5 0,0 0,4 0,2 19,0
0,2 0,1 -0,2 1,3 19,3
-2,5
-0,1
0,4
0,2
0,3
2011 T2 T3 0,1 0,2
T4 0,2
T1 0,1
-0,4 -0,4 -0,2 1,0 -1,2 -1,5 2,2 1,4 0,7
0,1 -0,4 0,0 1,0 -0,9 -1,5 2,0 1,4 0,8
0,1 -0,4 0,1 0,5 -0,2 -1,0 1,3 1,0 0,8
0,2 -0,4 0,2 0,5 -0,1 -1,0 1,3 1,0 0,8
0,2 -0,4 0,4 0,5 0,2 0,0 1,3 1,0 0,8
0,2 -0,4 0,4 0,5 0,4 0,5 1,3 1,0 0,8
0,7 0,2 -0,7 1,6 20,0
-0,4 0,1 0,2 1,8 20,2
0,0 0,1 0,1 1,7 20,1
0,0 0,0 0,0 1,7 20,1
0,1 0,0 0,0 1,5 20,0
0,1 0,0 0,0 1,4 19,9
0,1 0,0 0,0 1,3 19,8
1,0
0,5
0,5
0,3
0,3
0,4
0,4
269
1. Les comptes trimestriels espagnols ne permettent pas d’isoler l’investissement public. 2. Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle. 3. En 2009 et 2010, les mesures exceptionnelles de trésorerie dégradent le solde public respectivement de 0,8 point de PIB et de 0,1 point. Sources : INE, prévision OFCE octobre 2010.
T4 0,2
2008 2009 2010 2011 0,9 -0,7 -0,6 5,8 -4,8 -3,9 -5,5 -10,7 -1,1 -5,3 1,1
-3,7 -0,2 -4,5 -0,5 -4,2 1,4 3,2 0,1 -16,0 -6,3 -21,4 -2,0 -11,0 -9,7 -24,5 -16,5 -11,6 9,6 -17,8 7,4 0,4 0,6
-0,7 -6,3 -0,3 -0,8 1,8 3,4 4,1 -0,3 11,4 18,1 -9,7 -5,5 -4,1 -11,2 1,0 1,3 0,3 -4,0
-0,7 0,2 0,2 1,6 19,9 -5,3 -9,7 -2,2 1,7
0,4 0,2 0,6 -1,2 0,3 2,8 -1,9 -4,0 6,1 5,0 0,8 0,2 0,2 0,1 1,5 19,9 -5,1 -7,8 -1,8 1,7
ESPAGNE : CURE D’AUSTÉRITÉ ■
PIB PIB par tête Consommation des ménages Consommation publique FBCF totale1 dont Productive Construction totale dont : logement Exportations de biens et services Importations de biens et services Variations de stocks, en points de PIB Contributions Demande intérieure hors stocks Variations de stocks Commerce extérieur Prix à la consommation (IPCH) 2 Taux de chômage, au sens du BIT Solde courant, en points de PIB Solde public, en points de PIB Impulsion budgétaire 3 PIB zone euro
T1 -1,6
Variations par rapport à la période précédente, en %
2009
REVUE DE L’OFCE ■ 115 ■ OCTOBRE 2010
PIB PIB par tête Consommation des ménages Consommation publique FBCF totale dont Biens d’équipement Logement Publique Exportations de biens et services Importations de biens et services Contributions à la croissance Demande intérieure hors stocks Variations de stocks1 Commerce extérieur Prix à la consommation (IPCH)2 Taux de chômage, au sens du BIT Solde courant, en points de PIB Solde public, en points de PIB Impulsion budgétaire PIB zone euro
2010
2011
2008 2009 2010 2011
T1 -1,5 -1,6 0,1 0,6 -2,4 -3,4 -2,3 1,1 -7,6 -5,8
T2 0,1 0,0 0,2 0,8 -1,6 -2,2 -1,9 1,1 -0,6 -3,2
T3 0,3 0,1 0,3 0,8 -1,3 -1,3 -1,9 -0,3 1,6 -0,2
T4 0,6 0,4 0,9 0,6 -1,0 -1,2 -1,5 0,0 1,0 2,8
T1 0,2 0,0 0,0 0,0 -0,9 -1,0 -0,5 -1,5 4,5 2,0
T2 0,7 0,5 0,3 0,4 0,8 1,1 0,1 0,8 2,8 3,9
T3 0,6 0,5 0,4 0,2 0,1 0,2 -0,3 0,2 2,2 3,2
T4 0,6 0,5 0,3 0,2 0,3 0,3 0,2 0,2 1,9 2,9
T1 0,4 0,3 0,1 0,3 0,2 0,4 0,1 -0,2 1,6 1,2
T2 0,2 0,1 0,1 0,3 0,2 0,4 0,1 -0,2 1,6 1,4
T3 0,2 0,0 0,1 0,3 0,3 0,5 0,1 -0,2 1,5 1,3
T4 0,2 0,1 0,1 0,3 0,2 0,3 0,1 -0,2 1,5 1,2
-0,4 -0,8 -0,3 0,7 8,7
0,0 -0,6 0,7 -0,2 9,1
0,1 -0,3 0,4 -0,5 9,2
0,5 0,6 -0,5 0,4 9,5
-0,2 -0,2 0,6 1,5 9,5
0,4 0,6 -0,3 1,8 9,3
0,3 0,6 -0,3 1,7 9,4
0,3 0,6 -0,3 1,7 9,4
0,2 0,2 0,0 1,3 9,4
0,2 0,0 0,0 0,8 9,6
0,2 0,0 0,0 1,1 9,6
0,2 0,0 0,0 1,0 9,7
-2,5
-0,1
0,4
0,2
0,3
1,0
0,5
0,5
0,3
0,3
0,4
0,4
1. Prévisions réalisées sous l’hypothèse d’une contribution neutre des stocks à la croissance. 2. Pour les trimestres, glissement annuel. Pour les années, moyenne annuelle. Sources : Comptes trimestriels – INSEE, prévision OFCE octobre 2010.
0,1 -2,5 -0,5 -3,1 0,5 0,6 1,6 2,8 0,3 -7,0 2,6 -8,5 -2,7 -8,6 -2,9 0,6 -0,8 -12,2 0,3 -10,6
1,7 1,1 1,4 1,5 -2,0 -2,1 -3,1 -0,7 9,9 8,6
1,6 1,0 0,8 1,1 1,0 1,6 0,2 -0,1 7,5 8,0
0,7 -0,3 -0,3 3,2 7,4 -2,3 -3,3 0,0 0,3
0,7 0,9 0,1 1,7 9,4 -1,9 -7,7 -0,3 1,7
1,0 1,1 -0,4 1,0 9,7 -1,9 -6,4 -1,4 1,7
-0,6 -1,8 -0,2 0,1 9,1 -2,0 -7,5 2,5 -4,0
■ FRANCE
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France : résumé des prévisions
ÉTUDE SPÉCIALE
Politiques monétaires : attention à la trappe * OFCE, Centre de recherche en économie de Sciences Po Département analyse et prévision
En dépit de l'amélioration généralisée de la conjoncture, les banques centrales des grands pays industrialisés n'ont pas mis un terme aux mesures non conventionnelles adoptées en réponse à la crise financière. Les écarts de production étant très négatifs et le chômage restant élevé, le risque de déflation n’est toujours pas écarté, aux États-Unis en particulier. En Europe, aux États-Unis et au Japon, les banques centrales n’ont pratiquement plus de marges de manœuvre pour baisser les taux d’intérêt et s’appuient sur le maintien des mesures non conventionnelles pour stimuler l’économie. L'aversion pour le risque demeure, les agents privilégiant toujours la liquidité et les actifs sans risque. Il semble bien que l'économie mondiale soit au bord d’une trappe à liquidité. En conséquence, les grandes banques centrales maintiendraient les taux directeurs à leur niveau plancher en 2010 et 2011. Certaines mesures non conventionnelles arriveront prochainement à échéance mais de nouveaux programmes d’achats de titres publics pourraient être lancés si la croissance n’est pas suffisamment solide. C’est ce qui se dessine depuis la fin de l’été aux États-Unis. Au final, la déflation serait évitée mais la croissance resterait faible, nécessitant toujours le soutien de politiques monétaires accommodantes.
*
Ont contribué à cette étude spéciale : Christophe Blot, Sabine Le Bayon, Catherine Mathieu, Christine Rifflart et Danielle Schweisguth
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■ Département analyse et prévision
M
algré la confirmation de la reprise, les banques centrales maintiennent leur vigilance. Les écarts de production tout comme le niveau d’activité par tête sont en effet encore loin d’avoir retrouvé les niveaux qu’ils avaient avant la crise. Le chômage reste élevé et le risque de déflation n’est toujours pas écarté. Sous l’effet de la hausse du prix du pétrole, les indices de prix sont repartis à la hausse mais l’inflation sous-jacente continue à baisser. L’économie mondiale pourrait donc encore être dans une situation de trappe à liquidité. Les banques centrales n’ont plus de marges de manœuvre pour baisser les taux d’intérêt (graphique 1) et s’appuient sur le maintien des mesures non conventionnelles pour stimuler l’économie. Pourtant, bien que nécessaires, ces mesures ont eu pour l’instant un effet limité. Les conditions monétaires et financières montrent que l’appétit pour le risque n’est pas revenu et que les agents privilégient encore la liquidité et les actifs sans risque. Les banques centrales devraient donc maintenir le statu quo sur les taux d’intérêt en 2010 et 2011. Par contre, certaines mesures non conventionnelles arriveront à terme mais il semble de plus en plus probable que les banques centrales lancent de nouveaux programmes d’achats de titres si la croissance n’est pas suffisamment solide : à la mi-octobre c’est ce qui se dessine aux États-Unis. Graphique 1 : Taux directeurs En %
7 Réserve fédérale 6
Banque d'Angleterre
5 4 3 BCE 2 1
Banque du Japon
0 99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Sources : Banque centrale européenne, Réserve fédérale, Banque d’Angleterre, Banque du Japon.
La trappe à liquidité renvoie à une situation où le taux d’intérêt atteint un niveau plancher et où la politique monétaire ne parvient plus à stimuler l’économie par le recours aux instruments conventionnels. L’image de la trappe correspond à l’idée que toute monnaie supplémentaire émise par la banque centrale est immédiatement absorbée – comme si elle tombait dans une trappe – par une demande de monnaie qui devient infiniment élastique au taux d’intérêt. Monnaie et titres deviennent alors parfaitement substituables.
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POLITIQUES MONÉTAIRES : ATTENTION À LA TRAPPE ■
La notion de demande de monnaie est cependant poreuse et les banques centrales ne contrôlent pas directement l’offre de monnaie. Néanmoins, la trappe à liquidité conserve toute sa pertinence dans sa capacité à décrire une situation où la politique monétaire devient partiellement ou totalement inopérante. En effet, en supposant que le comportement de la banque centrale soit caractérisé par une fonction de réaction qui relie le taux d’intérêt à l’écart de croissance et à l’écart de l’inflation à sa cible, tout choc négatif sur la croissance nécessite une baisse du taux d’intérêt. Dans un environnement faiblement inflationniste et où les taux d’intérêt sont bas, les marges à la baisse sont réduites en cas de choc de forte amplitude. En l’absence de toute autre réaction de politique économique, la demande n’est pas suffisamment stimulée et l’économie s’enfonce progressivement dans la récession puis dans la déflation. Les banques centrales peuvent alors recourir aux mesures dites non conventionnelles. Par des programmes d’achats de créances publiques ou privées, elles tentent d’avoir une prise directe sur la structure par terme des taux d’intérêt. Elles fournissent en quantité abondante des liquidités au système bancaire afin d’encourager le crédit. Elles peuvent également chercher à influencer les anticipations d’inflation et de taux futurs. En effet, une hausse de l’inflation anticipée permet de réduire le taux d’intérêt réel ex-ante, de même que les banques centrales espèrent que l’engagement sur une politique de taux faibles à un horizon long redonnera confiance aux agents privés et les incitera ainsi à consommer et investir. Ainsi, au-delà du taux d’intérêt déterminé par la banque centrale, la trappe à liquidité pointe l’incapacité du système financier à se porter sur des projets risqués. La préférence pour la liquidité et la sécurité deviennent infinie. Malgré l’offre abondante de refinancement offerte par la banque centrale, les banques commerciales réduisent les nouveaux crédits accordés aux agents privés non financiers. Les cours boursiers diminuent, le crédit ralentit et les écarts des taux privés sur les taux publics s’accroissent. Tous les ingrédients pouvant entraîner l’apparition de la trappe à liquidité et le risque de déflation sont aujourd’hui réunis. La crise financière a provoqué le blocage du système financier et des circuits de financement. L’arrêt de la demande fut brutal et l’écart de production a atteint un niveau jamais observé depuis la Grande Dépression. Les banques centrales ont été promptes à réagir et, bien que nécessaires, leurs interventions n’auraient pas permis à l’économie d’éviter de sombrer si elles n’avaient pas reçu le soutien des politiques budgétaires. Ce stimulus va cependant prendre fin en 2010 et surtout en 2011. De nombreux gouvernements s’apprêtent même à s’engager sur la voie de la restriction budgétaire ; l’impulsion sera globalement négative. Il est dans ces conditions essentiel d’établir un diagnostic précis sur l’efficacité de l’action des banques centrales. Si la trappe à liquidité ne parvenait pas à être refermée, l’économie mondiale pourrait s’enfoncer dans la récession en l’absence d’autre soutien à la demande.
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■ Département analyse et prévision
1. États-Unis : le plan vigi-déflation est lancé La dégradation des indicateurs d’activité depuis le printemps dernier aux ÉtatsUnis a souligné la fragilité de la reprise américaine et la nécessaire prudence que les autorités doivent avoir pour gérer cette sortie de crise. Face à l’atonie de la demande interne et l’entrée dans un processus de trappe à liquidité, la politique monétaire américaine reste préoccupée par le risque de déflation. Le taux objectif des Fonds fédéraux est maintenu entre 0 et 0,25 % depuis janvier 2009 et le recours à la politique non conventionnelle de la Réserve fédérale est confirmé. Le montant du bilan de la Réserve fédérale a augmenté régulièrement jusqu’en mai 2010 pour frôler 2 400 milliards de dollars (soit 16,5 % du PIB – après 6,5 % à la veille de la crise) avant de se stabiliser. Mais les objectifs et les instruments mis en œuvre de façon ad hoc évoluent selon les impératifs de la crise. Les opérations de soutien aux marchés mises en place fin 2007 et 2008 pour lutter contre le risque de crise systémique sur les marchés financiers ont été progressivement abandonnées (en septembre 2010, il ne subsiste que les Term Asset Backed Securities Loan Facilities ouverts à tout détenteur de titres adossés à des crédits aux ménages et aux entreprises) au profit d’autres modes d’intervention sur des marchés de titres à long terme visant à parer au risque de déflation (graphiques 2 et 3). En dépit du soutien massif des politiques budgétaire et monétaire pendant la récession, la reprise de l’activité au second semestre 2009 ne s’est pas accompagnée d’une solidification des bases de la demande, à savoir une reprise de l’emploi générant une hausse des revenus et de la consommation sur laquelle s’appuierait la reprise de l’investissement. Face au niveau élevé du chômage, aux sombres perspectives d’évolution de leurs revenus et à la baisse de valeur des actifs, les ménages privilégient l’ajustement financier en se désendettant. Les entreprises non financières tentent elles aussi de réduire leur exposition financière : rapportée à leur richesse nette, leur dette n’a jamais été aussi élevée (57,3 % fin 2009, contre 42,7 % fin 2007) et surtout la valeur de leur actif en bâtiments a baissé de plus de 30 % en deux ans. Les faillites restent nombreuses et le risque d’une déflation pèse sur les décisions d’investir. Malgré les injections massives de liquidités de la Banque centrale auprès des institutions financières et du marché des titres pour faire baisser les taux privés, le canal du crédit ne fonctionne plus. Les flux nets de crédits hypothécaires en direction des ménages sont de plus en plus négatifs et les crédits à la consommation ne repartent toujours pas (graphique 4). Les entreprises non financières quant à elles financent leurs investissements essentiellement par fonds propres et émissions d’obligations. L’appel aux crédits bancaires a repris légèrement depuis le début de l’année mais reste traditionnellement peu utilisé par les entreprises (graphique 5).
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POLITIQUES MONÉTAIRES : ATTENTION À LA TRAPPE ■
Graphique 2 : Actif du bilan de la Réserve fédérale En millions de dollars
3000000
Titres publics ou garantis Facilités de crédit Aides spécifiques Autres
2500000 2000000 1500000 1000000 500000 0 2008
2009
2010
Source : Réserve fédérale.
Graphique 3 : Passif du bilan de la Réserve fédérale En millions de dollars
3000000 Réserves auprès des Banques fédérales 2500000
Dépots auprès des Banques fédérales Repo
2000000 1500000
Monnaie en circulation Autres
1000000 500000 0 2/1/07
2/7/07
2/1/08
2/7/08
2/1/09
2/7/09
2/1/10
2/7/10
Source : Réserve fédérale.
Simultanément, les conditions de prêts proposées par les banques commerciales se sont détendues. Selon les enquêtes auprès des banques, elles sont revenues à leur niveau d’avant la crise. Les établissements financiers n’ont a priori plus de difficultés à refinancer leurs opérations à court terme. Après le resserrement des taux lié à la crise grecque du printemps dernier, le spread entre le LIBOR et l’OIS à trois mois est revenu à son niveau d’avant la crise des subprimes et les opérations principales de
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■ Département analyse et prévision
refinancement auprès de la Réserve fédérale (primary credit) n’ont pas été utilisées malgré l’extinction progressive des facilités exceptionnelles de prêts au cours du premier semestre. Même s’il est difficile d’appréhender le volume des transactions qui ont eu lieu, les banques ont donc pu bénéficier des faibles taux du marché interbancaire. Face à la faible demande de crédits des agents privés, les banques commerciales ont peu eu besoin de se refinancer sur les autres marchés. Leurs nouveaux engagements baissent sur le marché des titres de dette depuis la fin 2009, que ce soit sur le marché à long terme (obligataire et prêts non bancaires), ou à très court terme (open market). Leurs nouvelles ressources viennent principalement de la progression des dépôts à vue et à terme. Ces liquidités sont déposées dans les réserves des banques fédérales, rémunérées à 0,25 %, au lieu d’alimenter le canal du crédit. La contrainte de désendettement des ménages combinée à la constitution d’une épargne de précaution pour faire face à l’incertitude qui les entoure, pèse lourdement sur l’activité de financement des banques. La baisse du prix des actifs immobiliers, l’importance du chômage dans un pays où les mailles de la protection sociale sont lâches et la perspective du resserrement budgétaire en 2011 favorisent l’attentisme et bloquent les prises de décisions. Face à l’incertitude et donc aux risques de voir leur situation financière et patrimoniale se dégrader, ménages et entreprises jouent la prudence. Dès lors, les conditions de prêts qui peuvent paraître attractives n’ont pas prise sur la demande de prêts et sur les décisions des agents privés. Cette situation conduit au blocage des circuits de financement et à la mise en place d’une trappe à liquidité dans le système financier américain. Graphique 4 : Flux nets de crédits aux ménages En millions de dollars
1400 1200 1000 800 Crédits hypothécaires
600 400
Crédits à la consommation
200 0 -200 -400 -600 90
92
94
96
98
00
02
Source : Flow of Funds, Réserve fédérale.
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04
06
08
10
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Graphique 5 : Variations nettes des engagements financiers des SNF En millions de dollars
1500 Crédits Obligations Actions Investissement direct étranger Autres
1000 500 0 -500 -1000 -1500 95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Source : Flow of Funds, Réserve fédérale.
L’entrée dans ce processus de trappe à liquidité rend la politique de la Réserve fédérale inopérante : les taux courts sont à un niveau plancher proche de 0 et les taux longs privés restent insensibles à la baisse des taux longs publics (graphique 6). L’impact de la politique monétaire sur l’économie est réduit du fait de la non transmission de la politique monétaire au secteur privé et renforce le pessimisme général qui tend à peser sur l’inflation et les anticipations d’inflation. Graphique 6 : Taux nominal sur les obligations publiques et privées En %
10 9 8 7
Titres publics à 5 ans Titres publics à 10 ans Titres publics à 20 ans Corporate AAA Corporate BAA
6 5 4 3 2 1 2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : Réserve fédérale.
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Face à l’atonie de la demande, l’inflation a fortement ralenti en 2010. Les prix à la consommation ont progressé de 1,1 % sur un an en septembre et si l’on exclut les composantes les plus volatiles, l’énergie et l’alimentation, la progression est de 0,8 %. Plusieurs types de biens et services affichent une baisse de leur prix. C’est le cas des loyers, de l’habillement et des loisirs dont les prix reculent depuis le début de l’année (-0,4 %, -1,2 % et -1,3 % sur un an en septembre respectivement). Dans ce contexte, les anticipations inflationnistes sont orientées à la baisse. Mesurées par l’écart de rendement entre les titres publics nominaux et ceux indexés sur l’inflation (à la liquidité relative des deux marchés près), les anticipations à cinq ans sont passées de 2 % en janvier 2010 à 1,3 % en septembre dernier, très inférieures à l’inflation effective et anticipée d’avant la crise financière. Les enquêtes auprès des prévisionnistes, diffusées par la Réserve fédérale de Philadelphie, confirment le mouvement. Entre le premier et le troisième trimestre 2010, les projections d’inflation sont passées de 2,1 % à 1,8 % à l’horizon de la fin 2011. Simultanément, la probabilité que l’inflation se situe entre 0,5 % et 1,4 % est passée de 24,3 % en début d’année à 43,3 %. Si le risque d’une baisse des prix en 2011 reste faible pour le moment (quoique supérieur à 2 %), il n’en est pas moins à considérer, et au moins autant, sinon plus, que celui d’une inflation supérieure à 3 % (la probabilité est de 2,4 % dans les dernières enquêtes et baisse régulièrement depuis le début de l’année) (graphique 7). Graphique 7 : Probabilité anticipée de déflation ou d’inflation pour fin 2011 En %
50 45 40
Premier trimestre 2010 Deuxième trimestre 2010 Troisième trimestre 2010
35 30 25 20 15 10 5 0 4 % ou +
3,5 à 3,9 3,0 à 3,4 2,5 à 2,9 2,0 à 2,4 1,5 à 1,9 1,0 à 1,4 0,5 à 0,9 0,0 à 0,4
< 0,0
Source : Survey of Professional Forecasters, Réserve fédérale.
Cette baisse de l’inflation, combinée à des anticipations qui prolongent la tendance, a deux effets. Tout d’abord, elle modifie les comportements de consommation et d’investissement des agents privés. Les ménages sont tentés de différer leurs dépenses courantes afin de bénéficier de prix plus intéressants. Dans le
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POLITIQUES MONÉTAIRES : ATTENTION À LA TRAPPE ■
secteur de l’immobilier, la baisse du prix des actifs incite également les investisseurs à attendre quelques temps. Du coté des entreprises, la contraction du prix des biens de capital (le déflateur de l’investissement productif a baissé de 2,2 % sur un an au deuxième trimestre) joue là aussi négativement sur les prises de décision. Le deuxième effet porte sur les effets induits sur les taux d’intérêt réels. Alors que le taux réel est négatif sur les titres publics à cinq ans indexés sur l’inflation et de 1,3 % sur ceux à vingt ans, le coût réel du crédit reste élevé sur les titres privés. Le taux hypothécaire est stable à 2,5 % depuis la mi-2009 et les rendements sur les obligations émises par les entreprises notées AAA et BAA ont très peu baissé par rapport à la période précédant la crise financière (graphique 8). Graphique 8 : Taux publics et privés indexés sur l’inflation * En %
9
Titres publics à 5 ans Titres publics à 10 ans Titres publics à 20 ans Taux hypothécaire Titres privés AAA Titres privés BAA
8 7 6 5 4 3 2 1 0 -1 2005
2006
2007
2008
2009
2010
* Treasury Inflation Protected Securities (TIPS) et taux privés déflatés des anticipations d’inflation mesurées à partir des TIPS à vingt ans. Sources : Réserve fédérale, calculs OFCE.
Seul levier pour stimuler la prise de risque : renverser les anticipations inflationnistes par une nouvelle politique d’achats massifs de titres publics ou garantis par l’État qui fait pression sur la courbe des taux (graphique 9). En septembre 2010, plus de 85 % de l’actif de la Banque centrale est constitué de titres dont plus de la moitié par des Mortage-backed Securities (MBS) des Government Sponsored Enterprises Freddie Mac et Fannie Mae, 2 % par les facilités de prêts aux ménages et aux entreprises (Term Asset Backed Securities Loan Facilities) et moins de 4 % par les aides directes à certaines entreprises (AIG, ..). Avec l’arrivée à maturité de certains MBS (en plus des 140 milliards de titres déjà remboursés en juin 2010, 400 milliards de remboursement sont attendus d’ici à la fin 2011), la Banque s’est engagée lors de la réunion du FOMC du 10 août 2010 à racheter des obligations du Trésor américain. La détention de MBS a atteint son point haut fin août et baisse légèrement depuis, au profit des bons du Trésor. Cette politique d’achats massifs de
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■ Département analyse et prévision
titres longs est sous-tendue par l’idée que l’acquisition (en cours ou anticipée) d’un stock important de titres publics par la Banque centrale modifiera les conditions du marché, notamment la composition de l’offre de titres. Les titres étant imparfaitement substituables, les investisseurs devront adapter leur portefeuille au profit de titres privés de bonne qualité, ce qui fera progressivement pression sur les rendements. Graphique 9 : Courbe des taux publics En %
4,5 14/08/2009 15/04/2010 15/06/2010 16/08/2010 15/10/2010
4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 0
1 3 6 1 an mois mois mois
3 ans
5 ans
7 ans
9 ans 10 ans
Source : Réserve fédérale.
Cet objectif de baisse des taux longs nominaux s’accompagne d’une stratégie visant à retourner les anticipations d’inflation. Pour l’heure, les autorités monétaires considèrent que « l’inflation sous-jacente est en dessous des niveaux que le Comité (de politique monétaire) juge cohérent avec son mandat d’assurer le plein emploi et la stabilité des prix ». C’est pourquoi lors de la réunion du 21 septembre dernier, les membres du FOMC ont réitéré la possibilité d’introduire de nouveaux outils (déjà débattue fin août) : — conduire de nouveaux achats de titres publics de long terme (avec le risque de créer des distorsions mal mesurées sur ces marchés et d’alimenter des tensions) ; — améliorer la communication et la transparence concernant les modalités de sortie de cette politique monétaire particulièrement accommodante afin de rassurer les investisseurs sur le risque d’une résurgence des tensions inflationnistes au moment de cette sortie ; — réduire les intérêts payés sur les réserves excédentaires des banques (à 0,10 % par exemple) afin d’inciter les déposants à prêter au secteur non financier ou sur le marché monétaire à court terme. La baisse potentielle du taux des fonds fédéraux ne pourrait néanmoins excéder 10 à 15 points, d’autant que le marché des fonds
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fédéraux, jugé trop peu rémunérateur, pourrait alors devenir trop peu liquide et favoriser une hausse du taux ; — ou encore augmenter temporairement la cible d’inflation à moyen et long termes au-delà du niveau jugé compatible avec la stabilité des prix afin de protéger les agents engagés sur des contrats à long terme, d’un alourdissement de la charge financière réelle. Un nouveau round d’assouplissement monétaire via de nouveaux achats de titres du Trésor semble être privilégié par la Réserve fédérale. Dès lors, anticipant une baisse des taux réels et une reprise de l’activité, les principaux indices boursiers sont remontés tandis que la devise américaine, davantage soumise aux anticipations de baisses de taux d’intérêt longs nominaux, a flanché au profit des autres monnaies, atteignant à la mi-octobre 1 euro pour 1,4 dollar (graphique 10). Cette situation devrait pourtant tourner court prochainement. Compte tenu du sous-emploi des facteurs de production et d’une demande en berne, l’inflation devrait continuer de ralentir dans les prochains trimestres. Hors énergie et alimentation, les prix à la consommation augmenteraient de 0,1 % par trimestre jusqu’à la fin 2011. En intégrant la hausse du prix du pétrole et de l’alimentation, la progression passerait à 0,2 % (0,8 % sur un an à la fin 2011). L’entrée en déflation n’est donc pas retenue dans notre scénario à l’horizon de la fin 2011 mais le risque existe. La réaction favorable des marchés, après la réunion du FOMC de septembre, s’est modifiée à la mi-octobre : les taux à dix ans qui avaient sensiblement baissé au troisième trimestre se sont ressaisis. Ils pourraient progresser de 2,6 % au quatrième trimestre 2010 à 2,9 % fin 2011. La volatilité du taux de change devrait cesser et le dollar se raffermir face à l’euro. Graphique 10 : Taux de change euro/dollar 1 euro = ... dollars?
1,65 1,60 1,55 1,50 1,45 1,40 1,35 1,30 1,25 1,20 1,15 02/01/07 02/06/07 02/11/07 02/04/08 02/09/08 02/02/09 02/07/09 02/12/09 02/05/10 02/10/10
Source : Datastream.
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■ Département analyse et prévision
2. Zone euro : la Banque centrale européenne à contre-courant ? Alors que la Banque centrale européenne (BCE) annonçait en début d’année 2010 la fin progressive des programmes de mesures non conventionnelles, les nouvelles tensions qui sont apparues au printemps du fait de la crise budgétaire grecque ont décalé ce calendrier. En raison de l’exposition des banques de la zone euro sur les marchés obligataires, les craintes de nouvelles pertes liées à un hypothétique défaut souverain dans la zone euro ont ravivé les inquiétudes sur le marché interbancaire, notamment sur les échéances plus longues (graphique 11). Dans ces conditions, la BCE a maintenu ses procédures d’appels d’offre à taux fixes et a réactivé les programmes de swap lui permettant de fournir des liquidités en dollar. La BCE a également annoncé le 10 mai son intention d’intervenir sur les marchés obligataires publics et privés de la zone euro afin de remédier aux dysfonctionnements apparus au cours du premier semestre. Ce faisant, la BCE remettait implicitement en cause le dogme selon lequel la Banque centrale ne devait en aucun cas apporter de soutien financier à un État de la zone euro en difficulté 1. Néanmoins, le répit fut de courte durée. Le marché obligataire reste marqué par une forte volatilité. Le taux public grec à dix ans a baissé de façon spectaculaire entre le 7 et le 10 mai, en passant de 12,2 % à 7,9 %. Mais, dès le mois de juin, il dépassait à nouveau 10 % avant de baisser à partir du mois de septembre. Si la BCE s’est montrée prompte à réagir, abandonnant même un principe considéré pourtant comme intangible, son action peine cependant à infléchir durablement les conditions financières et à avoir un effet sur l’activité de crédit. Graphique 11 : Tensions sur le marché interbancaire En point
2,5 EURIBOR-OIS à 3 mois 2
EURIBOR-OIS à 1 an
1,5 1 0,5 0 -0,5 20/06/05
20/04/06
20/02/07
20/12/07
20/10/08
20/08/09
20/06/10
Source : Datastream.
1. La BCE n’a toutefois pas manqué de souligner, comme à son habitude, l’importance de réduire les déficits budgétaires.
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POLITIQUES MONÉTAIRES : ATTENTION À LA TRAPPE ■
2.1. Mesures prises par la BCE pour financer l'économie La BCE qui envisageait en début d'année 2010 de normaliser peu à peu les conditions entourant les opérations de refinancement a dû se résoudre à y renoncer, retardant ainsi le dégonflement de son bilan. La crise de la dette souveraine dans la zone euro et les doutes qui en ont découlé sur la capacité des banques à faire face à ce choc après celui des subprime ont compliqué le financement des banques. L'envolée des primes de risque sur les CDS des banques de la zone euro en mai et juin 2010 témoigne en effet des interrogations des marchés financiers sur leur solvabilité, effet qui semble amplifié par la fragilité macroéconomique interne à chaque pays (graphique 12). Graphique 12 : Primes de risques sur les CDS de banques de la zone euro En points de base
250
1400 BNP Paribas Banco Santander
200
1200
National Bank of Greece (éch. droite) 1000
150
800 600
100
400 50 200 0 1/1/08
0 1/5/08
1/9/08
1/1/09
1/5/09
1/9/09
1/1/10
1/5/10
1/9/10
Note : ces primes concernent la dette senior à une échéance d'un an. Sources : Datastream, Thomson Reuters.
De ce fait, la BCE a décidé de retarder la fin des programmes de mesures non conventionnelles adoptés en 2008, pour permettre aux banques de se financer à différentes échéances et de tenter d'influer sur le marché interbancaire pour ces différentes maturités 2. En effet, en mars dernier, la BCE avait annoncé qu'elle ne changerait pas les conditions d'attribution des opérations principales de refinancement (hebdomadaires), mais qu'elle reviendrait à une procédure d'appel d'offre à taux variables pour les opérations de refinancement à plus long terme, c'est2. Alors qu'avant la crise financière, la BCE effectuait des injections de liquidité à échéance d'un mois et de trois mois à taux variable et fixait les montants distribués, depuis octobre 2008, les opérations de refinancement s'effectuent à taux fixe et la BCE sert la totalité des demandes des banques. De plus, depuis avril 2008, des opérations de refinancement à échéance de six mois ont lieu et trois injections à douze mois ont été menées entre juin et décembre 2009.
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à-dire celles portant sur des échéances de trois mois à partir de fin avril 2010, les opérations d'une durée de six mois et un an n'ayant plus vocation à être conduites. Finalement, la BCE est revenue depuis fin mai à des opérations de refinancement à trois mois à taux fixe, les demandes des banques étant totalement servies. De plus, une opération d'une durée de six mois a eu lieu début mai, à un taux égal à la moyenne des taux de soumission des opérations hebdomadaires effectuées durant cette période de six mois. Ce mécanisme s'appliquera aussi pour les interventions à échéance de trois mois à partir d'octobre 2010. En revanche, aucune nouvelle opération à un an n'a eu lieu. La BCE a par ailleurs réactivé le dispositif d'échanges de devises avec les autres banques centrales et apporte de la liquidité en dollars pour des durées de sept jours et de trois mois depuis mai 2010 aux banques de la zone ayant des positions en dollars. La BCE va donc continuer de fournir aux banques la liquidité qu'elles souhaitent pour pallier les défaillances du marché interbancaire qui semblent devenues chroniques. Les dernières évolutions montrent cependant un tassement des liquidités injectées par la BCE, la fin de l'opération menée fin juin 2009 pour une durée d'un an (pour un montant de 442 milliards d'euros) n'ayant été que partiellement compensée par la hausse des montants distribués dans le cadre des opérations principales de refinancement et par l'injection de 131 milliards pour une durée de trois mois le 1er juillet dernier (graphique 13). La réduction de l'excédent de liquidité est le signe que les conditions de financement des banques s'améliorent, notamment pour celles des pays jugés fragiles par les marchés financiers, même si des tensions persistent. Graphique 13 : Facteurs d'élargissement de la liquidité dans la zone euro En milliards d'euros
800 Opérations principales de refinancement Opérations de refinancement à plus long terme Autres opérations *
700 600 500 400 300 200 100 0 99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
*Il s'agit principalement des achats de titres dans le cadre des Covered bond purchase programme et Securities markets programme. Source : BCE.
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POLITIQUES MONÉTAIRES : ATTENTION À LA TRAPPE ■
Contrairement aux autres banques centrales, la BCE a peu fait appel aux achats de titres pour relancer le financement de l'économie depuis le début de la crise. Il est vrai que les obligations ne représentent qu'une faible part du passif des entreprises non financières (2 %) ou des institutions financières (14 %). Ainsi le Programme d'achat d'obligations sécurisées (Covered bond purchase programme) annoncé en mai 2009 ne visait qu'à acheter pour 60 milliards d'euros d'obligations sécurisées (soit 3 % du total de l'actif de la BCE). Il a pris fin comme prévu fin juin 2010, 27 % des achats ayant été effectués sur le marché primaire et le reste sur le marché secondaire. À la suite des tensions sur les marchés de dette souveraine dans la zone euro, qui se sont peu à peu étendues à d'autres pays que la Grèce, la BCE a aussi décidé début mai 2010 d'acheter des obligations publiques et privées de la zone euro (Securities Markets Programme). Ces nouvelles mesures visent à améliorer la liquidité et la profondeur du marché des titres, mais la BCE n'a pas donné les montants prévus de ces interventions. Elle a, par ailleurs, précisé que ces injections de liquidité seraient stérilisées pour qu'elles n'aient pas d'impact sur la taille de son bilan et donc sur la création monétaire, via des reprises hebdomadaires de liquidité en blanc. Au 1er octobre, la BCE détenait pour 63,3 milliards d'euros d’obligations dans le cadre du Securities Markets Programme, soit un montant relativement faible. Cependant, la somme des titres détenus dans le cadre de ces deux programmes est proche du montant des opérations principales de refinancement, représentant presque 20 % des liquidités injectées par la BCE, contre 60 % pour les opérations de refinancement à plus long terme. In fine, le bilan de la BCE s'est légèrement dégonflé, l'actif étant passé de 2 150 milliards d'euros fin juin 2010 à 1 860 milliards début octobre 2010, mais reste bien supérieur aux 1 500 milliards observés en septembre 2008 avant la faillite de Lehman Brothers. La situation est donc loin d'être normalisée.
2.2. Un financement des banques et des entreprises toujours problématique La nécessité pour la BCE de poursuivre ses injections massives de liquidité reflète l’absence de retour à la normale sur les marchés interbancaires. Le problème de confiance entre les banques est donc loin d'être apaisé, et a même été ravivé à la suite des tensions sur les dettes souveraines de la zone euro. Les difficultés de financement de banques à la suite de cette crise sont aussi étayées par l'enquête de la BCE menée dans la deuxième quinzaine du mois de juin auprès des banques. En effet, ces dernières ont indiqué que l'accès au marché monétaire et surtout les émissions de titres de créances avaient été plus difficiles au deuxième trimestre 2010, contrairement aux trimestres précédents. L'impact des tensions sur les marchés financiers sur leurs fonds propres et leur distribution de crédit est mis en avant par 40 % des banques. Les marchés financiers se sont inquiétés de l'exposition des banques au risque souverain. Les prêts des établissements de crédit aux administrations publiques de la
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zone euro et les titres émis par les administrations publiques représentent en effet respectivement 3 % et 5 % de leur actif. Les tensions sur les dettes souveraines peuvent fragiliser le bilan des banques via trois facteurs : — Elles doivent provisionner les pertes potentielles, ce qui peut être le cas quand la note d'un émetteur dont elle détient des titres est dégradée. — Les actifs étant comptabilisés à leur valeur de marché, la baisse des prix des obligations qu'elles détiennent (corollaire de la hausse des rendements exigés) se répercute automatiquement sur leur bilan. — La dégradation des titres qu'elles possèdent augmente le niveau des fonds propres qu'elles doivent afficher. En effet les ratios de solvabilité rapportent les fonds propres à l'actif des banques pondéré par le risque potentiel des différentes catégories d'actifs. L'atténuation des tensions sur les dettes souveraines en juillet 2010 s'est répercutée assez rapidement sur les primes de CDS des banques de la zone euro. Mais ces dernières restent très dépendantes des annonces budgétaires des différents pays et de la réaction des marchés, puisque les primes sont remontées en août avant de redescendre en octobre 2010. Elles sont proches de 100 points de base en France, comprises entre 150 et 260 en Espagne et autour de 600 points pour les banques grecques. La publication de stress tests menés sur un grand nombre d'établissements financiers de l'Union européenne qui visait à rassurer les marchés financiers n'a pas atteint son but, les marchés ayant jugé ces tests ni assez sévères ni transparents, malgré la simulation d'un choc de dette souveraine effectuée dans un contexte de récession. Du fait des problèmes de financement des banques, la normalisation des critères d'octroi de crédit aux entreprises observée depuis le début de l'année 2009 a été stoppée net au deuxième trimestre 2010. Ce durcissement c’est accentué tant pour les PME que pour les grandes entreprises, avec un impact sur les montants de crédit accordés et sur la durée des prêts. Les flux de crédits ont continué de reculer en pourcentage de la valeur ajoutée des entreprises non financières (graphique 14). Dans le même temps, les flux d'actions se tassent, tandis que les flux d'obligations redémarrent. Les émissions ont sans doute été favorisées par la baisse des rendements sur les obligations privées (graphique 15). L'écart avec les taux publics reste cependant élevé, notamment pour les entreprises les plus risquées, notées BBB. De plus, la fuite vers la sécurité, qui a bénéficié aux actifs publics à court terme, maintient un écart de rendement entre actifs privés et publics à un niveau historiquement élevé.
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Graphique 14 : Flux de financement des entreprises non financières En % de la valeur ajoutée
20 Prêts accordés aux SNF Obligations émises par les SNF Actions émises par les SNF
15
10
5
0
-5 00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Sources : Eurostat, BCE.
Graphique 15 : Rendements des obligations des sociétés non financières et taux publics En %
12 11 10 9 8
Taux sur les obligations privées notées BBB Taux sur les obligations privées notées AA Taux public à 1 an (France) Taux public à 10 ans (Zone euro)
7 6 5 4 3 2 1 0 4/2/02 4/12/02 4/10/03 4/8/04 4/6/05 4/4/06 4/2/07 4/12/07 4/10/08 4/8/09 4/6/10
Note : les rendements des obligations privées correspondent à des maturités de cinq à dix ans Source : Datastream.
2.3. Canaux bouchés En réaction au choc récessif subi par la zone euro, la BCE est massivement intervenue en alimentant la liquidité sur le marché interbancaire et en baissant progressivement le principal taux directeur, maintenu à 1 % depuis mai 2009. La trappe à liquidité correspondant à une situation où la Banque centrale ne parvient
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plus à agir (faire baisser) sur les taux d’intérêt réels notamment à long terme, l’efficacité de l’action de la BCE dépend donc de la transmission de ses décisions à l’ensemble des taux d’intérêt ainsi que sur les anticipations des agents en matière d’inflation et de taux d’intérêt futurs. L’impact de la politique monétaire est d’autant plus fort que : – la baisse des taux directeurs est importante, – les agents anticipent que les taux futurs seront maintenus à un faible niveau, – les agents anticipent que cette action va augmenter l’inflation future. Si le taux long public moyen de la zone euro a bien baissé au cours de la crise, passant de 4,6 % en juillet 2007 à 2,9 % en septembre 2010, l’ampleur de la baisse n’est pas comparable à celle du taux directeur de la BCE – qui a perdu 3,25 points – et, surtout, cette baisse n’a pas entraîné une baisse suffisante des taux d’intérêt réels ex-ante (graphique 16). Alors qu’en termes réels, l’EONIA est devenu négatif en janvier 2009, les taux longs publics ou privés réels sont rarement descendus sous la barre de 1,5 % alors que la situation macroéconomique nécessite probablement des taux réels négatifs afin de stimuler plus activement la demande. Graphique 16 : Taux réels ex ante En %
5 4,5 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 -0,5 -1 -1,5 -2 06/01/03
Eonia Taux longs publics Taux longs privés
06/01/04
06/01/05
06/01/06
06/01/07
06/01/08
06/01/09
06/01/10
Note : les anticipations d’inflations sont extraites des rendements des obligations indexées émises dans la zone euro. Sources : BCE, Datastream et Agence France Trésor.
Cet effet limité de la politique monétaire s'explique à la fois par une baisse limitée des taux nominaux mais aussi par l'ancrage des anticipations d'inflation autour de la cible de 2 % fixée par la BCE. Après avoir connu un creux à 1 % en novembre 2008, les anticipations de marché sont ensuite remontées à 2 %. Elles ont de nouveau baissé depuis avril 2010 et ont atteint 1,5 % fin août. Les résultats des enquêtes auprès des professionnels, qui sont communiqués par la BCE, indiquent également que l'inflation anticipée à un horizon de un an s'élève à 1,5 %. L'ancrage
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autour de la cible de 2 % est même encore plus marqué dès lors que les professionnels sont interrogés sur leurs anticipations à un horizon de cinq ans. Si la crédibilité de la politique monétaire est un élément important de son efficacité, une conception plus souple de l'objectif de prix pourrait renforcer la capacité de la BCE à réduire le taux réel. En effet, étant donné le maintien d'un écart de production fortement négatif, la transmission de la politique monétaire serait d'autant plus efficace si la Banque centrale parvenait à accroître les anticipations d'inflation et donc à baisser, par ce biais, le taux d'intérêt réel ex-ante. Pour l'instant, le scénario d'une accélération de l'inflation est écarté par les prévisionnistes. Il faut néanmoins souligner que la dispersion des anticipations s'est accrue, ce qui reflète leur plus grande incertitude. Ainsi, la probabilité d'une inflation supérieure à 3,5 % dans 5 ans 3 est de 2,1 % (tableau). Elle avait atteint un pic à 3,2 % au deuxième trimestre 2009. Le scénario déflationniste à un horizon de deux ans est perçu comme moins probable qu'au deuxième trimestre 2009 mais cette possibilité, bien que faible, à un horizon de cinq ans, ne se réduit que très marginalement. La probabilité estimée par les prévisionnistes s'élève effectivement à 1,3 % au troisième trimestre 2010 contre 0,7 % un an plus tôt. Tableau : Probabilité anticipée de déflation ou d’inflation Tableau 1 : Dans deux ans
Dans cinq ans
Inflation <0 %
Inflation >3,5 %
Inflation <0 %
Inflation >3,5 %
2010 q3
1,8
0,6
1,3
2,1
2010 q2
1,3
0,8
1,4
1,7
2010 q1
2,4
1,2
1,4
2,0
2009 q4
2,3
0,8
1,0
1,4
2009 q3
3,4
0,5
0,7
1,9
2009 q2
3,4
0,7
0,4
3,2
2009 q1
1,2
0,7
0,3
1,2
2008 q4
0,1
0,9
0,2
1,6
2008 q3
0,2
2,3
0,3
1,8
2008 q2
0,0
1,0
0,2
0,9
2008 q1
0,0
0,7
0,3
1,1
Source : BCE (Survey of Professional Forecasters).
3. Contrairement à l’hypothèse de déflation qui a une traduction directe, il est plus délicat de déterminer un seuil à partir duquel on considère qu’il y a une accélération de l’inflation. Le point retenu à 3,5 % correspond simplement à une des valeurs les plus hautes retenue par la BCE dans l’élaboration de son questionnaire aux professionnels.
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■ Département analyse et prévision
Enfin, l’action de la politique monétaire dépend des anticipations de taux futurs. D’une part, une baisse des taux futurs anticipés réduit les taux longs aujourd’hui par un effet de structure par terme des taux d’intérêt. D’autre part, dans les modèles macroéconomiques néo-keynésiens, la demande dépend également de la demande anticipée. Ainsi, une baisse des taux anticipée est censée accroître la demande future et par ce canal des anticipations, la demande et donc la croissance actuelle, ce qui renforce l’importance du canal des anticipations dans les politiques de sortie de la zone de trappe à liquidité. À partir des taux d’intérêt sur les obligations publiques à différentes maturités, il est possible de déterminer une mesure des taux à un an à différents horizons. Si l’indicateur ainsi calculé ne peut être considéré stricto sensu comme une mesure de l’orientation de la politique monétaire future, il donne néanmoins une indication sur l’état des anticipations de marché sur l’évolution des taux courts. Il semblerait alors que les marchés n’anticipent pas de fortes modifications des taux courts à un horizon d’un an puisque le taux anticipé à un an dans un an est 1 % (graphique 17). Ce taux augmente ensuite traduisant de fait que les marchés anticipent une augmentation des taux à court terme à partir de l’année 2012. Cette augmentation serait assez progressive et ne dépasserait pas 3 % à un horizon de quatre ans. Graphique 17 : Taux à un an anticipés En %
5
4
3
2
1
0 01/08/08
1 an dans 1 an 1 an dans 2 ans 1 an dans 3 ans 1 an dans 4 ans
01/01/09
01/06/09
01/11/09
01/04/10
01/09/10
Sources : Datastream, calculs OFCE.
Dans ces conditions, on ne peut exclure que le canal de transmission de la politique monétaire par les variations de taux d’intérêt soit bouché ou pour le moins entravé. La répercussion de la baisse des taux directeurs de la BCE sur les taux longs réels est limitée d’une part parce que l’ampleur de la baisse des taux longs nominaux est modeste relativement au choc subi par la zone euro, et d’autre part, parce que les anticipations d’inflation ne sont pas suffisamment élevées pour accélérer la baisse
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réelle des taux d’intérêt. Enfin, dans la mesure où le contexte déflationniste est généralisé, les banques centrales pourront difficilement activer le canal du taux de change sauf à s’engager dans une guerre des monnaies où chaque banque centrale tenterait successivement de bénéficier d’une dépréciation de sa monnaie. La forte volatilité des taux de change depuis le début de la crise traduit d’ailleurs cette incapacité à mobiliser le canal du taux de change. Il reste néanmoins qu’aujourd’hui, la Réserve fédérale s’est clairement exprimée sur la poursuite du soutien de la politique monétaire. La BCE n’est pas allée aussi loin en matière de communication et pourrait s’inscrire à contre-courant des actions des autres banques centrales. L’euro s’apprécierait, rendant encore plus difficile la fermeture de la trappe à liquidité et la sortie de déflation. Néanmoins, la BCE s’est montrée plutôt pragmatique dans sa gestion de la crise. Elle a jusqu’ici réagi assez promptement aux perturbations du marché interbancaire. Il faut souhaiter qu’elle sera tout aussi attentive à la situation sur le marché des changes sous peine de freiner encore un peu plus la croissance dans la zone euro.
3. Royaume-Uni : objectif croissance À l’automne 2010, le Comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre (CPM) maintient le cap, à la fois en ce qui concerne le taux directeur et les programmes d’achats d’actifs : le taux de base est resté fixé à 0,5 % depuis mars 2009 et le programme d’achats d’actifs à 200 milliards de livres sterling depuis novembre 2009. Sur le marché interbancaire, les taux d’intérêt demeurent faibles bien qu’en légère augmentation depuis le printemps : ainsi, le taux à trois mois s’approchait de 0,75 % au début octobre, au lieu de 0,63 % il y a six mois (graphique 18). Sur les marchés obligataires publics, les bruits d’une possible dégradation de la notation britannique, qui avaient couru au printemps dernier lorsque les tensions ont commencé à monter sur les titres grecs, ont rapidement disparu. Ainsi, le taux d’intérêt sur les obligations publiques à dix ans n’était que de 3 % début octobre 2010, contre près de 4 % à la mi-mars. Cette baisse est du même ordre que celle observée dans les grands pays industriels sur la période (0,8 point en Allemagne, 1,4 point aux États-Unis). Compte tenu d’une inflation passée de 3,4 % en mars à 3,1% en septembre, le taux d’intérêt public à long terme est désormais proche de 0 % au Royaume-Uni. La montée en charge de la politique non conventionnelle d’achats d’actifs est visible dans le bilan de la Banque d’Angleterre (graphique 19). L’actif de la Banque a atteint 250 milliards de livres sterling à la fin 2009, soit près de 18 % du PIB. L’actif n’a jamais retrouvé les niveaux les plus hauts lors de la crise du marché interbancaire, à l’été 2008 et l’on peut noter un léger amorçage de diminution de l’actif depuis le début de l’été 2010. Cependant, le dégonflement du bilan de la Banque d’Angleterre n’est toujours pas d’actualité, pour plusieurs raisons. Tout d’abord,
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seule la Banque d’Angleterre sera susceptible de soutenir la croissance dans les prochains mois. Les déclarations récentes de David Cameron, Premier ministre britannique, illustrent clairement que le gouvernement souhaite confier à la seule politique monétaire l’objectif de soutenir la croissance à court terme 4, alors que la politique budgétaire doit être consacrée uniquement au rééquilibrage des comptes publics, objectif de moyen terme. Par ailleurs, hors du Royaume-Uni, les risques d’une déflation prennent de l’ampleur, notamment aux États-Unis : si les grandes banques centrales cherchent à soutenir l’inflation dans les prochains mois en déployant de nouvelles mesures non conventionnelles et si les perspectives d’une hausse des taux directeurs s’éloignent dans les grands pays industriels, la tâche de la Banque d’Angleterre, axée sur la croissance, pourra se poursuivre plus aisément. Graphique 18 : Taux directeurs et taux du marché interbancaire au Royaume-Uni En points
7 6
Taux du marché interbancaire à 3 mois
5 4
Taux de base de la Banque d'Angleterre
3 2
Swap à 3 mois du taux au jour le jour
1 0 2/1/03 2/11/03 2/9/04
2/7/05
2/5/06
2/3/07
2/1/08 2/11/08 2/9/09
2/7/10
Source : Banque d’Angleterre.
La politique économique britannique se trouve de fait dans une situation singulière au regard des années précédentes : l’austérité budgétaire programmée par le gouvernement fait que la politique monétaire reste seule à pouvoir soutenir la croissance, alors que le mandat donné à la Banque d’Angleterre en termes d’inflation n’est pas respecté, et n’est pas en passe de l’être à brève échéance. Depuis le début de la crise, l’inflation est restée supérieure à la cible de politique monétaire, fixée à 2, pour l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), avec une marge de +1/-1 %. L’inflation n’a pratiquement pas baissé depuis le début de la crise : elle était de 3,1 % en septembre dernier, contre 4,1 % en novembre 2008 (graphique 20). L’inflation a été soutenue jusqu’à une période récente par la baisse 4. « I have always been a fiscal conservative, but a monetary activist » David Cameron, Conférence de presse du 11 octobre 2010.
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du taux de change effectif de la livre, puis par le relèvement de 2,5 points du taux normal de TVA en janvier 2010, annulant la baisse qui avait été introduite pour treize mois en décembre 2008 dans le cadre du plan de soutien à la croissance. Selon l’ONS, la hausse de 2,5 points du taux de TVA en janvier 2010 a eu un impact de 1,2 point sur l’indice des prix à la consommation. Hors fiscalité indirecte, l’inflation était de 1,6 % seulement en septembre dernier, contre 4,2 % en novembre 2008. Graphique 19 : Actif du bilan de la Banque d’Angleterre En millions de livres sterling
300000
Autres actifs Opérations de refinancement à plus long terme Opérations d'open market à court terme Avances au gouvernement Obligations et autres titres de marché
250000 200000 150000 100000 50000 0 2007
2008
2009
2010
Source : Banque d’Angleterre.
Graphique 20 : Taux d’inflation au Royaume-Uni En %,m/m-12
5 IPCH 4 3 Cible
2 1 0
IPCH hors fiscalité indirecte
-1 -2 97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
Source : ONS.
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De l’été 2007 à mars 2009, la livre sterling a chuté de 27 % par rapport à l’euro et de 30 % par rapport au dollar américain, soit une baisse de même ampleur en termes de taux de change effectif réel (graphique 21). Cette baisse a ramené la devise britannique à un niveau plus soutenable pour les exportateurs britanniques. Les parts de marché à l’exportation, après dix années de dégradation ininterrompue, se sont enfin stabilisées. Depuis mars 2009, la livre s’est appréciée de 12 % par rapport à l’euro pour s’établir à 1,21 euro en septembre 2010. Vis-à-vis du dollar américain, la livre a connu dans le même temps, d’abord une hausse plus marquée, suivie d’une baisse et au final une hausse de 11 % par rapport à mars 2009 en s’établissant à 1,57 livre pour un dollar en septembre. Nous avons retenu une hypothèse de stabilité du taux de change effectif réel de la livre d’ici la fin 2011. Graphique 21 : Taux de change de la livre sterling 1995 = 100
160 150
Taux de change e ffe c tif ré e l
1 liv re = ...e u ro s
140 130 120 110 100 90
1 liv re = ...d o lla rs
80 70 60 78
80
82
84
86
88
90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
Sources : Banque d’Angleterre, FMI.
Selon la règle de Taylor, le taux neutre serait à l’automne 2010 voisin de 2,5 %, en intégrant une constante de 2,5 % pour refléter le taux d’intérêt réel d’équilibre, l’inflation à 3,1 % pour une cible de 2 % et un écart de production négatif de l’ordre de 9 points. Les conditions monétaires s’étaient fortement assouplies de l’automne 2007 au début 2009 (graphique 22), sous le double effet de la dépréciation du taux de change et des baisses de taux d’intérêt, bien que la crise bancaire ait dans un premier temps réduit l’impact de cet assouplissement en resserrant les conditions de crédit sur certains segments du marché. Elles se sont durcies au cours des deux trimestres suivants sous l’effet principal du ralentissement de l’inflation 5. À l’horizon 2011, les conditions monétaires resteraient quasiment inchangées.
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Graphique 22 : Conditions monétaires au Royaume-Uni 5 4
Indicateur
3 2 1 0 -1 -2
Taux d'intérêt réels **
-3 -4
Ecart du taux de change effectif réel à sa tendance*
-5 -6 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11
* Pondéré par son poids dans l’indicateur (0,2). ** Moyenne (taux d’intérêt public à dix ans /taux du marché interbancaire à trois mois) – glissement annuel des prix à la consommation – croissance lissée du PIB. Sources : OCDE, calculs et prévision OFCE octobre 2010.
Depuis la fin 2009, l’économie britannique a retrouvé le chemin de la croissance : le PIB a augmenté de 1,2 % au deuxième trimestre 2010, après avoir enregistré une hausse de 0,4 % au premier trimestre comme au trimestre précédent. Mais l’économie reste en sous-emploi, avec une production inférieure de 11 points au niveau qu’elle aurait eu si la croissance s’était maintenue à son rythme d’avant la crise. Dans l’industrie manufacturière, les capacités de production inutilisées sont élevées, bien que le taux d’utilisation ait commencé à se redresser à partir du troisième trimestre 2009. Pour la première fois depuis le début de la crise, l’emploi a augmenté au deuxième trimestre 2010 (de 0,6 %). Ceci s’est accompagné d’une baisse de 0,2 point du taux de chômage (mesuré selon le concept du BIT) à 7,8 %, soit 2,6 points de plus qu’au début 2008. Avec une économie en sous-emploi et une hausse des salaires faible (de l’ordre de 1,7 % pour les salaires nominaux en rythme annuel), huit des neuf membres du CPM estiment qu’il n’y a pas de risque inflationniste et votent depuis plusieurs mois en faveur d’un statu quo de la politique monétaire. Un des membres pense que la reprise de la demande est suffisamment solide pour ne pas être compromise par la restriction budgétaire, mais craint que l’inflation ne reste durablement plus élevée, et souhaite donc d’ores et déjà une hausse de taux directeur de 0,25 %. 5. L’indice des conditions monétaires est calculé ici en prenant en compte l’IPCH. Ce dernier est affecté par la baisse du taux normal de TVA à la fin 2008, puis par les relèvements successifs du taux de TVA au début de 2010 et de 2011. Ces variations de fiscalité indirecte accentuent l’assouplissement des conditions monétaires en 2010 et 2011, après un durcissement plus important en 2009. Que l’on considère l’IPCH ou l’indice hors fiscalité indirecte, les conditions monétaires délivrent malgré tout un message similaire à l’horizon de notre prévision : elles sont plus détendues en 2010 et 2011 qu’elles ne l’étaient avant la baisse de TVA de 2008.
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■ Département analyse et prévision
Nous faisons l’hypothèse qu’étant donné l’ampleur des restrictions budgétaires annoncées, le Comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre (CPM) continuera de soutenir la croissance, bien qu’il ne remplisse pas le mandat qui lui est fixé en termes d’inflation. En janvier 2011, le taux normal de TVA sera de nouveau augmenté de 2,5 points, ce qui maintiendra l’IPCH au dessus de 3 % pendant les premiers mois de l’année. Le CPM laisserait cependant son taux directeur à 0,5 % d’ici la fin 2011, tenant compte des capacités de production excédentaires et d’un taux de chômage élevé. La politique non conventionnelle d’achats d’actifs (200 milliards de livres sterling depuis novembre 2009) serait maintenue à l’horizon de notre prévision.
4. Japon : aux grands maux les grands remèdes Le Japon s’enfonce dans la déflation depuis le début de l’année 2009. L’indice des prix à la consommation a atteint un point bas à -2,5 % en glissement annuel en octobre 2009 à cause de la chute des prix du pétrole (graphique 23). Il est revenu à -0,9 % en août 2010, tiré par les prix de l’énergie et les prix agricoles. L’évolution de l’indice sous-jacent est plus inquiétante : il s’est enfoncé à un plus bas historique de -1,7 % en mai 2010. Cette contre-performance est à interpréter avec précaution car l’on estime à -0,5 point d’indice la contribution de la suppression des frais de scolarité pour les élèves du secondaire, effective en avril. L’effet de base ramènera le sous-jacent à -1,2 % en glissement annuel en avril 2011. Graphique 23 : Indice des prix à la consommation au Japon En % 3 2
Total Sous jacent
1 0 -1 -2 -3 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11
Sources : Statistics Bureau of Japan, prévision OFCE octobre 2010.
La situation n’en reste pas moins préoccupante. En période de déflation, les taux d’intérêt réels sont positifs, alors que la conjoncture nécessiterait des taux négatifs (graphique 24). Le rythme de croissance de l’économie japonaise a ralenti au
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POLITIQUES MONÉTAIRES : ATTENTION À LA TRAPPE ■
deuxième trimestre 2010. Les ressorts de croissance interne sont pauvres et l’appréciation du yen face au dollar (+15 % depuis le mois de mai 2010, +50 % depuis juillet 2007) pèse sur la compétitivité des exportateurs nippons et accentue la déflation en diminuant les prix des produits importés. Le rebond du PIB de 4,8 % en cinq trimestres n’aura que partiellement résorbé les surcapacités productives. La production industrielle se situe encore 15 % en dessous de son niveau d’avant crise. Le taux de chômage n’a augmenté que de 1,2 point depuis le début de la crise, mais on estime à 3 % de la population active le nombre de salariés maintenus dans l’emploi grâce au dispositif de chômage partiel. Le surcroît d’activité nécessaire pour générer de nouvelles tensions sur les prix semble aujourd’hui hors d’atteinte par la seule dynamique interne de la croissance. Le Japon se trouve aujourd’hui en situation de trappe à liquidité. L’incapacité de la politique monétaire à stimuler l’économie par une baisse des taux d’intérêt est renforcée par l’incertitude des agents sur l’évolution des prix et de l’activité économique. La seule façon de détendre les conditions monétaires est d’ancrer les anticipations d’inflation sur un sentier positif, ce qui revient à s’engager à soutenir l’économie jusqu’à la fermeture de l’écart de production. Graphique 24 : Taux d’intérêt au Japon En % 2,2
Taux d'intérêt directeur de la Banque du Japon Taux interbancaire à 3 mois Taux des bons du trésor à 10 ans
2 1,8 1,6 1,4 1,2 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 00
01
02
03
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05
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10
Source : Banque du Japon.
Dans cette optique, on ne peut que saluer l’action conjointe du gouvernement de Naoto Kan et du gouverneur de la Banque du Japon (Masaaki Shirakawa) pour tenter d’enrayer la hausse du yen et relancer l’économie. Deux nouveaux plans de relance ont été annoncés depuis la rentrée, pour un montant global de 1,2 point de PIB. Ils ne donneront pas lieu à de nouvelles émissions obligataires mais seront financés par des rentrées fiscales supérieures aux attentes (en particulier de l’impôt sur les sociétés) et des charges d’intérêt plus faibles que prévu. La Banque du Japon (BoJ) a quant à elle mis en œuvre un éventail important de mesures dans le but de limiter la hausse du yen et de détendre les taux d’intérêt longs.
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■ Département analyse et prévision
En juin 2010, la BoJ a mis en place un nouveau dispositif de soutien au crédit, ciblé sur les entreprises actives dans des domaines prometteurs (R&D, santé, environnement, énergie, etc.). La BoJ leur consent, sous certaines garanties, des prêts à taux très bas (taux des liquidités au jour le jour) d’une maturité d’un an, renouvelables au maximum trois fois. Le montant total des prêts ne pourra dépasser 3 000 milliards de yen (0,6 point de PIB). Le 30 août 2010, elle a lancé un dispositif de refinancement à taux fixe d’une maturité de six mois pour 10 000 milliards de yen (2 points de PIB) qui est venu s’ajouter à la facilité à trois mois pour un montant maximal de 20 000 milliards de yen (4 points de PIB) déjà en place. Le 15 septembre 2010, la BoJ est intervenue sur les marchés des changes alors que la parité yen/dollar passait sous le seuil de 83 yen pour 1 dollar. Cette action, qui s’est déroulée le lendemain de la confirmation de Naoto Kan à son poste de premier ministre, à la suite du résultat des primaires au sein du Parti démocrate du Japon, avait une visée politique claire. Le Premier ministre cherchait à montrer qu’il utiliserait tous les instruments disponibles pour éviter une appréciation trop importante de la monnaie nippone. Le jour même de l’intervention, le taux de change est revenu à 85 yen pour 1 dollar, mais la victoire a été de courte durée. Dès le 20 septembre, le yen reprenait son mouvement d’appréciation pour atteindre le niveau de 81 yen un mois plus tard. Le 6 octobre 2010, lors de la réunion du comité de politique monétaire, la Banque du Japon a revu à la baisse son évaluation de la situation économique au Japon et décidé de frapper un grand coup. Elle a adopté un plan d’assouplissement de la politique monétaire en trois actes : une baisse du taux directeur à zéro (contre 0,10 précédemment), ce qui n’était pas arrivé depuis 2006, l’ancrage de la politique de taux zéro dans la durée avec l’engagement de ne pas augmenter les taux d’intérêt tant que la stabilité des prix n’est pas acquise dans une optique de moyen terme (par stabilité des prix on entend une inflation comprise entre zéro et 2 %), et enfin une proposition d’établir un fond temporaire de 5 000 milliards de yen (1 point de PIB) destiné à financer des achats d’actifs (titres d’État pour 3 500 milliards, billets de trésorerie ou obligations d’entreprise pour 1 000 milliards, et le reste en actifs plus risqués comme des placements immobiliers japonais et des fonds négociés en bourse). Ce programme devrait être adopté le 28 octobre lors de la prochaine réunion du comité de politique monétaire. Son but est de soutenir le prix des actifs (et donc de faire baisser les taux longs) et d’injecter des liquidités directement dans le secteur privé. Malgré cet activisme du gouvernement et de la Banque du Japon, les agents économiques restent frileux. L’augmentation de l’offre de crédit ne pourra être efficace que si la demande est au rendez-vous, ce qui n’est pas garanti. Selon une enquête réalisée par le ministère de l'Économie, du Commerce et de l’Industrie, si le taux de change se maintient au niveau de 85 yen pour 1 dollar, 80 % des entreprises interrogées développeraient leur production à l’étranger et 40 % d’entre elles délocaliseraient des unités de production dans d’autres pays.
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Les perspectives économiques en débat
L
es prévisions occupent une place particulière dans le débat public en économie. Elles sont généralement considérées comme des prédictions, qualifiées fréquemment d’optimistes ou de pessimistes, comme si elles dépendaient de l’humeur des équipes qui les réalisent. Certes, en un sens, la prévision est un art tant elle dépend des signes précurseurs que nous livre le présent, de l’interprétation des évolutions en cours, de la capacité des économistes de sélectionner les informations pertinentes parmi celles, multiples, dont l’intérêt n’est qu’anecdotique. Mais elle est surtout une science puisqu’elle consiste à déduire des informations dont on dispose sur le présent une vision de l’avenir. Elle ne peut être formulée en dehors d’un cadre général d’interprétation, c’est-à-dire d’une théorie qui met en relation les informations que l’on privilégie et les variables que l’on cherche à prévoir. Parmi ces informations, certaines, cruciales, ne sont pas vraiment disponibles car, pour l’essentiel, elles dépendent de décisions à venir et qu’il n’existe pas vraiment de théorie permettant de déduire des données existantes ce que seront ces décisions. Il faut donc formuler des hypothèses alternatives et retenir celles qui nous paraissent les plus vraisemblables. Dès lors, les erreurs de prévision peuvent avoir au moins trois origines : une insuffisance d’information sur le présent, une mauvaise spécification théorique, la non réalisation de certaines hypothèses. De surcroît, il existe une incertitude irréductible au sens où certains événements sont imprévisibles, alors même que leur conséquence sur l’activité économique est déterminante. Voilà pourquoi les chiffres associés à une prévision sont éminemment fragiles, qu’ils doivent être considérés comme conditionnels aux hypothèses que l’on formule, aux données dont on dispose et au cadre théorique dans lequel on raisonne. Il m’a donc semblé nécessaire que les prévisions réalisées par l’OFCE soient publiées en même temps qu’un débat autour de ces prévisions. Cela offre le double avantage de rendre explicite le doute inhérent à tout exercice de prévision pour les raisons déjà exposées, et de participer au pluralisme nécessaire à l’indépendance et au sérieux des études économiques. Une prévision, pour rigoureuse qu’elle soit, n’est pas un exercice mécanique au terme duquel la vérité serait révélée, mais une « histoire » raisonnée du futur délivrant des résultats incertains. Il est utile d’en comprendre d’emblée les limites, pour ne point s’en servir comme d’un argument d’autorité, à l’instar de ce qui est trop fréquemment le cas. Jean-Paul Fitoussi
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■ LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES EN DÉBAT
Débat sur les perspectives économiques à court terme du 20 octobre 2010 Participants au débat :
Natacha Valla : Économiste en chef chez Goldman Sachs Gilbert Cette :
Professeur d’économie associé à l’Université de la Méditerranée
Jean-Paul Fitoussi, Éric Heyer, Mathieu Plane et Xavier Timbeau : OFCE
Jean-Paul Fitoussi : Je remercie vivement Natacha Villa et Gilbert Cette d’avoir bien voulu examiner les prévisions de l’OFCE et de se prêter au débat. Nous serions, dans un premier temps, très heureux d’entendre vos observations sur la prévision concernant l’économie mondiale et européenne. Natacha Valla : Si j’ai bien lu le message principal de votre scénario global, le monde court le risque aujourd’hui d’être confronté à une trappe à liquidités. C’est le point central de votre scénario. Cette situation date déjà pour l’économie japonaise, qui a peu de chances d’en sortir en 2011. En revanche, j’aurais plus d’interrogations par rapport à la situation de la zone euro, étant données les rigidités nominales dont l’économie européenne peut faire preuve et étant donnée la façon dont la politique monétaire de la BCE a été mise en œuvre. Second point, présent dans l’ensemble des documents, votre positionnement critique par rapport à la consolidation budgétaire généralisée, c’est-à-dire non coordonnée, ne prenant pas en compte les externalités et les effets de spill over qui peuvent émerger d’une économie à l’autre. Ces spill over ont effectivement joué en faveur de l’économie mondiale lorsque les plans de relance ont été introduits. Le souci principal qui ressort de votre prévision est celui d’une consolidation trop précoce et pas assez étalée dans le temps, ce qui permettrait d’éviter ces effets d’interaction négative. Il est vrai que la consolidation est beaucoup plus tolérable dans un contexte où le taux de change peut s’ajuster pour contrebalancer ses effets restrictifs. C’est donc un thème paradoxal pour la situation de l’économie mondiale parce que les États-Unis et la zone euro se trouvent actuellement, de ce point de vue, dans des situations opposées. Ces forces contraires entre l’ajustement du change et les politiques budgétaires restrictives se compensaient effectivement dans la zone
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LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES EN DÉBAT ■
euro début 2010 lors de la phase de dépréciation de l’euro. Aujourd’hui la problématique s’y est inversée de façon brutale. L’évolution des changes a été volatile sur les derniers mois écoulés, et le monde est passé brusquement d’une problématique de faiblesse de l’euro à une problématique de faiblesse du dollar. Étant donnée votre deuxième thématique centrale qui, avec la trappe à liquidité, est la déflation, la problématique des interactions entre les différentes zones monétaires me paraît cruciale, et il convient de souligner ces contrastes. Aujourd’hui, si l’ajustement du dollar se confirme, les États-Unis de ce point de vue seront dans une position beaucoup plus simple que la nôtre, ce qui leur permettra de consolider leur budget. Malgré cela, les États-Unis restent la zone économique la plus préoccupante et de loin en matière de perspectives économiques. Le risque de déflation y est beaucoup plus fort que dans la zone euro (où il reste à mes yeux négligeable), malgré l’ajustement des changes, dans le contexte d’une demande intérieure anémique et où des incertitudes persistantes pèsent sur les prix de l’immobilier américain, par le biais notamment des foreclosure. Pour moi, la problématique de consolidation va s’appliquer aux États-Unis, mais pas aussi vite que ce que les changes pourraient permettre. Un autre point intéressant de la prévision est le petit encadré sur les bulles, point central pour la crise mais aussi pour la reprise, en particulier les bulles de l’immobilier et des prix d’actifs. Ne peut-on pas presque dire que l’Europe a eu de la chance de voir la bulle immobilière américaine exploser au moment où elle développait elle-même une bulle de crédit, depuis une demi-décennie ? Ce coup de frein sur le crédit bancaire lié à la récession sera potentiellement un problème pour la reprise, mais il faut faire de mauvaise fortune bon cœur et considérer que la modération dans la croissance du crédit est intervenue avant que la question de la bulle du crédit ne devienne critique. Sur la thématique de la déflation : la série de facteurs que vous invoquez derrière ce risque me semble juste, stress financier, incertitudes sur le potentiel de croissance, incertitudes au niveau des politiques économiques, sociales et des changes. Si l’on vous suit, il suffirait de lever ces incertitudes pour éliminer le risque de déflation. Or, si la Fed faisait du quantitative easing et les gouvernements européens de la consolidation, l’incertitude serait fortement réduite et pourtant le risque déflationniste ne disparaîtrait pas. Autre remarque sur la déflation et la consolidation : quid des risques extrêmes non abordés dans votre scénario central ? Dans les discussions des politiques macroéconomiques, c’est pourtant un élément important. Pour la politique de quantitative easing de la Fed, par exemple : étant donnée la forte réactivité de la politique économique américaine, si celle-ci, même à longue échéance, devait repartir, il y aurait peut-être alors un risque, non pas de déflation, mais de revirement brutal vers l’inflation. Concernant la consolidation budgétaire européenne, l’événement extrême à ne pas négliger est un renouveau de tensions brutales sur les marchés souverains, qui pourrait induire une augmentation potentiellement substantielle et durable du coût de refinancement des États sur les
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■ LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES EN DÉBAT
marchés. Si tel était le cas, l’augmentation du coût de la dette grèverait les moyens disponibles pour les autres postes de dépense publique. Les investisseurs, après le phénomène grec, conservent une défiance maladive vis-à-vis des comptes nationaux européens. Jean-Paul Fitoussi : Alors comment expliquez-vous le glissement du dollar ? Natacha Valla : Il a été très abrupt et essentiellement lié à la politique quantitative de la Fed. En termes bilatéraux, les glissements les plus violents ont eu lieu lorsque les marchés ont compris que la politique quantitative allait être renouvelée, alors que la BCE continuerait sa stratégie dite « de sortie » vers une normalisation de la liquidité et des taux. Gilbert Cette : Je suis d’accord avec ce qu’à dit Natacha concernant les risques de déflation : à part le Japon, où cette situation n’a rien de nouveau, de tels risques paraissent très réduits. Certes les anticipations d’inflation sont actuellement faibles, mais inflation faible ne signifie pas déflation. Par ailleurs, l’invocation des mouvements de change en l’espèce me paraît toujours un peu spécieuse : les mouvements de change se traduisent par un transfert d’inflation entre zone, ils réduisent l’inflation de la zone dont la monnaie s’apprécie, mais l’augmente pour l’autre zone, en l’occurrence les États-Unis actuellement. Jean-Paul Fitoussi : En essayant de replacer ces événements dans un schéma théorique, le plus simple à concevoir est le modèle de Mundel-Flemming qui dit qu’une politique restrictive en Europe conduit en principe à la dépréciation de l’euro. Une politique monétaire expansionniste aux États-Unis conduit à la dépréciation du dollar. Il y a donc un élément non coopératif fort dans l’affrontement de ces deux politiques. C’est cela qui fait penser qu’il y a un risque de déflation. Natacha Valla : Oui. La situation non coopérative de politique macroéconomique la plus critique pour 2011 me semble être liée aux tensions possibles entre l’ajustement (ou pas) des politiques budgétaires et la position de la BCE. Jean-Paul Fitoussi : La position de la BCE est bonne actuellement. Les débats qui continuent d’avoir lieu à la BCE montrent bien que la probabilité du quantitative easing est aussi forte. La réaffirmation par le Président de la BCE que ces méthodes, qui sont très éloignées des traités, seront poursuivies par la BCE est très innovant. Par ailleurs si la BCE rachetait tous les titres publics, il n’y aurait pas de risque de taux sur la dette publique. Gilbert Cette : Je ne souhaite pas m’impliquer dans cette partie du débat, mais je ferai à ce stade deux remarques. La première est que ces politiques font l’objet de discussions parfois vives en Europe, et l’existence d’un tel débat est une bonne chose. Ensuite, les interventions des derniers mois montrent que toutes les autorités ayant en main les leviers du policy mix ont su intervenir de façon pragmatique et
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cohérente, parfois dans l’urgence, afin en particulier de préserver la cohésion de la zone euro. Ce constat est bien entendu rassurant. Natacha Valla : Il faut distinguer deux aspects différents. L’intervention sur les marchés de dette publique n’est pas conduite avec l’intention d’augmenter les volumes de liquidités sur les marchés. Mais par ailleurs, la BCE donne encore aux banques un accès à des liquidités bon marché, sans limites quantitatives. Or la BCE est dans une position beaucoup plus confortable que la Fed, car même en laissant cette fenêtre ouverte aux banques, dans le courant de l’automne, l’aspect réellement quantitatif de la politique monétaire s’est spontanément réduit. Pour la BCE l’excès de liquidités était égal à environ €100 milliards en septembre contre seulement 40 à 60 milliards d’euros aujourd’hui. La Fed c’est déjà incroyablement plus que cela, et elle s’apprête à rajouter entre 500 et 1 000 milliards de dollars sur les marchés l’an prochain. Mais en effet, la vraie révolution copernicienne fut lorsque la BCE décida, en mai, de violer le traité pour acheter des titres publics. La BCE devient la seule institution européenne capable en cas de crise de réguler les marchés de la dette publique. Enfin autre question : que vont faire les banques centrales des pays émergents ? Jean-Paul Fitoussi : On a parlé de politique de consolidation budgétaire, si on veut qu’elle soit cohérente, ne doit-elle pas être différenciée selon les pays ? Certains pays sont amenés à faire un effort beaucoup plus important que celui qu’il devrait faire ; je pense par exemple à l’Italie. Gilbert Cette : Concernant la comparaison des stratégies de consolidations des finances publiques observées entre l’Europe et les États-Unis, il faut souligner deux particularités américaines. Tout d’abord, la hausse du taux d’épargne des ménages tant attendue aux États-Unis se produit à un rythme soutenu. Le taux d’épargne a ainsi augmenté d’environ quatre points en 2008 et 2009, et pourrait se poursuivre. Le calendrier de la consolidation ne peut ignorer ces évolutions, et doit éviter une dépression trop brutale de la demande intérieure. Ensuite, la productivité horaire du travail n’a pas ralenti, voire a même accéléré durant la crise. Une telle évolution peut résulter d’une accélération de la croissance tendancielle de la productivité sousjacente, ou de recompositions sectorielles ou encore des processus d’ajustements de la force de travail très atypiques en période de crise. Des travaux sont en cours pour analyser ces évolutions, qui peuvent avoir des conséquences fortes sur l’évaluation de la croissance potentielle américaine et donc sur l’effort de consolidation adapté dans ce pays. Concernant l’Europe, un premier enseignement est celui d’un certain échec de la gestion des évènements de 2003, lorsque la France et l’Allemagne, entre autres pays, se sont retrouvées en situation de déficit excessif. L’occasion d’une réelle rénovation du Pacte de stabilité et de croissance n’a alors pas été complètement saisie. Au lieu d’une prise en compte des écarts de situations initiales, en particulier concernant l’endettement public, nous en restons essentiellement à des indicateurs homogènes plaqués à des situations très différentes.
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Natacha Valla : Dans le cadre des réflexions sur les sanctions budgétaires en contrepartie d’une solidarité avec mutualisation des risques, il ne faut pas faire l’économie d’approfondir le concept de dette. Il semble étrange de rester sur des concepts de seule dette publique. Dans le cas de l’Italie par exemple, l’endettement de l’État est certes dégradé, mais l’endettement total national, incluant la dette des entreprises et des ménages, apparaît comme l’un des meilleurs dans la zone euro. Gilbert Cette : Il faut néanmoins demeurer très prudent : les situations patrimoniales des États peuvent parfois changer très rapidement. L’Irlande fournit une forte illustration de telles évolutions rapides : l’endettement public y était d’environ 20 % du PIB en 2007 et il devrait dépasser 75 % du PIB en 2010 et 90 % du PIB en 2011. Les situations patrimoniales peuvent être modifiées à une vitesse fulgurante. Autrement dit, une situation patrimoniale relativement favorable n’exonère par d’une forte attention sur les flux. Jean-Paul Fitoussi : Je serais curieux de connaître la dette totale du pays en y mettant la dette publique, la dette des entreprises et la dette des ménages. Parlons du Royaume-Uni, pensez vous que la politique qui est suivie actuellement participe à la déstabilisation de l’Europe ou au contraire est-ce une bonne politique ? Gilbert Cette : Le Royaume-Uni fournit tout d’abord un autre enseignement. Ce pays est le seul dans lequel une composante importante du plan de relance à consisté en une forte baisse du taux normal de TVA durant une année. Avec un peu de recul, on voit la confirmation qu’une telle politique est peu efficace en termes de soutien de l’activité, et plus encore en termes de soutien aux publics les plus directement touchés par la crise. Par ailleurs, elle perturbe fortement les calendriers de consommation. Concernant l’ampleur de la consolidation budgétaire, l’effort considérable envisagé par les autorités britanniques est à la hauteur des déficits publics dans ce pays : plus de 11 points de PIB en 2009 et en 2010… Natacha Valla : La bouffée d’air que le Royaume-Uni a pu avoir par le biais de l’ajustement des changes a largement été exploitée, et on ne peut pas en espérer beaucoup plus si l’ajustement du dollar se confirme dans les mois à venir. Jean-Paul Fitoussi : L’une des leçons en matière budgétaire, c’est qu’en réalité, l’essentiel des déficits et de la dette publics vient des stabilisateurs automatiques ; le fait de faire de la consolidation budgétaire, c’est d’une certaine façon empêcher les stabilisateurs automatiques de fonctionner. Gilbert Cette : Il me semble qu’il faut présenter les choses différemment. Prenons par exemple le cas de l’Allemagne. De nombreux accords de branches déclinés ensuite par des accords d’entreprises y prévoient qu’en cas de chocs il est possible de réduire transitoirement la durée du travail et les salaires. La mise en œuvre de ces dispositifs a été, avec le chômage partiel, très efficace dans ce pays durant la crise. Ces dispositifs sont des stabilisateurs peut être plus performants que ceux auxquels nous sommes habitués en France, et qui passent par des destructions d’emplois et des dépenses publiques d’indemnisation du chômage.
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Jean-Paul Fitoussi : Les stabilisateurs qui proviennent de négociations collectives ne sont pas des stabilisateurs « privés ». Xavier Timbeau : Je suis d’accord, c’est une des forces de l’Allemagne, mais je pense qu’on glorifie à posteriori un modèle qui était tourné vers la seule obsession de la compétitivité. Pris dans un choc dont on n’imaginait pas l’ampleur, il est apparu une qualité inespérée. En préservant le contrat de travail, y compris au détriment de la rémunération, il a permis de préserver l’outil de production et, paradoxalement, de réduire l’incertitude pour le salarié. D’autres systèmes, comme en France, reposent sur la fiscalité ou la protection sociale (et fondés sur un socle plus conflictuel, de droits plutôt que de négociation) n’ont pas réussi à empêcher les faillites. Au moment où l’activité a repris partiellement, les commandes n’ont pu être assurées que (principalement) par les entreprises allemandes. Ce qui au départ était un schéma de flexibilité, visant à contrôler les risques d’inflation salariale, s’est révélé être une assurance très forte contre les risques extrêmes, ce qui n’était pas du tout sa vocation première. Gilbert Cette : La culture d’accords de réduction de la durée du travail et des salaires pour préserver l’emploi est née dans ce pays au début des années 1990, dans la métallurgie. Ces accords se sont ensuite multipliés et diffusés. La culture de tels accords a donc émergé avant la rigueur salariale que connaît ce pays depuis la seconde moitié de la décennie 1990. Ils sont intrinsèquement associés à la préoccupation de protéger l’emploi. En France, comme dans d’autres nombreux pays, la stabilisation passe plus directement par des ajustements d’emplois. Jean-Paul Fitoussi : Nous avons fait le tour du monde en 80 minutes, nous allons parler de la France. Natacha Valla : Sur la France, mes deux questions portent essentiellement sur la demande intérieure. D’abord la consommation privée qui, dans les prévisions, reste finalement assez atone en raison de l’évolution du marché du travail. En particulier, la détérioration du marché du travail fin 2011 est très atypique. Une seconde question porte sur l’effet richesse : concernant l’évolution des patrimoines financiers, on remarque une reprise de leur valorisation assez massive cette année. Or, ce qui compte n’est-il pas le changement de la valorisation du patrimoine plutôt que son niveau ? Ce « delta » devrait suffire à avoir un effet richesse positif. Jean-Paul Fitoussi : En principe c’est la différence de valorisation (delta) ; l’effet de richesse joue à la baisse comme à la hausse, si la consommation diminue à la suite de la baisse de la richesse, elle devrait reprendre lorsque la richesse recommence à augmenter. Mais l’effet de richesse en France n’est pas très important. Éric Heyer : Non seulement il n’est pas très important mais la richesse financière dont vous parlez ne ressort pas significativement dans notre équation de comportement d’épargne.
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■ LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES EN DÉBAT
Natacha Valla : Sur le taux d’épargne, vous notez dans le rapport qu’il est remonté d’un point en moins d’un an, ce qui est vrai. En revanche, peut-on vraiment dire que le taux d’épargne ne va pas venir en soutien à la consommation sur la seconde moitié de 2011, même si le marché du travail marquait un point d’inflexion ? La dynamique de l’épargne, ainsi que l’évolution du marché du travail et des revenus du travail présentées dans les prévisions sont discutables. Éric Heyer : L’augmentation de l’épargne observée en 2009 ne fait que compenser la moitié de la baisse enregistrée depuis 2003 : le taux d’épargne actuel n’est donc pas à des niveaux historiquement hauts. Par contre, par quelle dynamique la baisse de l’épargne s’enclencherait ? Dans notre scénario de stabilisation du taux de chômage, l’épargne de précaution réapparaît, et compenserait l’effet richesse immobilier. Gilbert Cette : La prévision France de l’OFCE est, en termes de croissance du PIB, totalement dans la moyenne du consensus actuel. Elle est en revanche plus atypique concernant la composition de la demande. Éric Heyer : Ce qui est surtout atypique dans notre prévision, c’est le scénario trimestriel. Gilbert Cette : En effet, c’est une première originalité. Sur la fin de la prévision, la croissance du PIB prévue n’y est que de 0,2 % par trimestre, soit moins de 1 % de croissance du PIB en annuel. Il manque peut être une discussion sur le sous-jacent de croissance en sortie de prévision et sur l’impact de l’effort de consolidation. Par ailleurs en termes de composition de la demande, la forte contribution des stocks est aussi atypique, et on pourrait la discuter. De ce point de vue aussi, la prévision de l’OFCE est atypique. Un autre élément atypique est la faible contribution de la consommation des ménages. Cette faiblesse repose sur trois éléments qui prêtent à discussion : i) la prévision est assez pessimiste concernant l’emploi. En ce domaine, on ne comprend pas encore bien ce qui s’est passé au premier semestre 2010, mais le choix que vous faites de pencher sur une lecture accidentelle de cette amélioration certes surprenante peut prêter à discussion ; ii) la prévision est également pessimiste concernant les salaires, qui y ralentissent fortement ; iii) enfin, la prévision stabilise le taux d’épargne des ménages à environ 16 %. Ce choix aboutit à ce que, contrairement à ce qui est habituellement observé, les effets sur la consommation du ralentissement du revenu disponible des ménages ne sont pas amortis par une baisse du taux d’épargne. Ces choix qui pénalisent la demande intérieure, contrairement à celui qui est retenu concernant les stocks, prêtent à discussion. En revanche, il me semble que l’on peut trouver la prévision optimiste concernant l’investissement des entreprises, pour deux raisons. Tout d’abord, comme c’est d’ailleurs souligné dans le document, le taux d’utilisation des capacités de production demeure très bas, cette situation atypique étant d’ailleurs non totalement expliquée. Par ailleurs, la situation financière des entreprises françaises mériterait peut être un examen plus approfondi. Quand on compare la France aux autres pays de la zone euro, en particulier dans l’articulation entre taux de marge et taux d’épargne des entreprises, il apparaît que la France connaît une situation particulière. Dans tous les pays, le
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LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES EN DÉBAT ■
taux de marge a sensiblement baissé durant la crise. Mais en France, le taux d’épargne des entreprises a beaucoup moins chuté qu’ailleurs en 2009 car l’effondrement de l’impôt sur les sociétés y a fortement amorti les effets de la crise. Un tel effondrement de l’IS, très spécifique à la France, masque en partie les effets très défavorables de la crise sur la situation financière des entreprises. C’est pourquoi il y a un optimisme peut être exagéré sur la capacité d’autofinancement des entreprises françaises. Natacha Valla : Le plan de relance était surtout ciblé sur l’investissement. Avec son arrivée à terme, il y a sans doute des raisons de rester prudents sur la pérennité de la reprise du cycle de l’investissement. Avec les bons chiffres du deuxième trimestre, a-t-on réellement touché le point d’inflexion ? Éric Heyer : Selon vous, nous avons été trop pessimistes sur la consommation et trop optimiste sur l’investissement ! Sur le graphique de l’output gap trimestriel on voit bien qu’il continue à être négatif, ce qui veut bien dire que 0,2 c’est très loin du potentiel qui est plutôt de 0,45. C’est pour cela que l’on fait augmenter le taux de chômage. Pour les stocks, notre analyse nous indique un fort potentiel de reprise lié à l’arrêt du déstockage, voire même à un restockage dans les trimestres à venir. Imposer une contribution nulle me paraît très risqué dans le contexte actuel, risqué dans le sens que l’on peut passer à côté de quelque chose d’assez important et qu’il peut y avoir des bonnes nouvelles puisqu’il y aura soit un nouveau déstockage soit un restockage. Par ailleurs, les chiffres en glissement annuel sont beaucoup plus parlants que les moyennes annuelles : nos prévisions sont de 2 % en 2010 et 1 % en 2011. Sur l’investissement vous nous reprochez d’être trop optimiste…. on aurait pu effectivement être plus restrictif. Mathieu Plane : On pense également que l’ajustement sur l’investissement n’est pas complètement terminé. Nous partageons le diagnostic que les surcapacités vont être longues à éponger et que la situation financière des entreprises reste dégradée, à la fois du côté du taux de profitabilité du capital ou du taux d’autofinancement. Cependant, avec la bonne surprise observée sur l’investissement au deuxième trimestre 2010, et le rebond de la croissance que l’on prévoit au second semestre, il était difficile d’être plus pessimiste sur l’investissement. Natacha Valla : Je comprends la réflexion sur le scénario déflation lorsque celuici se place dans la perspective d’une croissance potentielle virtuellement inchangée malgré la crise. Par exemple, les modèles d’inflation basés sur l’output gap sont devenus de très médiocres outils depuis un an. Ainsi, le point d’inflexion dans la décélération de l’inflation sous-jacente n’est pas cohérent avec un output gap (négatif) persistant (lui-même lié à l’hypothèse d’une croissance potentielle constante). Éric Heyer : Notre modélisation prend en compte ce problème en faisant jouer le NAIRU avec le taux de chômage. Cette élasticité est par ailleurs fonction de l’output gap.
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■ LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES EN DÉBAT
Gilbert Cette : Les évaluations du PIB potentiel, sur le moyen terme, reposent sur l’hypothèse d’un stock de capital exogène, avec des lois de mortalité constantes. Or, durant la crise, des déclassements accélérés et des faillites ont pu réduire ce stock de capital, et en conséquence le PIB potentiel. Le niveau des écarts de PIB a pu en être affecté. Éric Heyer : Ce même graphique montre bien qu’avec une hypothèse de croissance potentielle divisée par deux au cours de la crise, vous restez néanmoins encore dans des zones très négatives d’output gap. Xavier Timbeau : Nous calculons l’ouput gap avec la définition conventionnelle, où la croissance potentielle est inchangée et court à partir d’avant la crise. Cet output gap est utilisé à posteriori pour qualifier la situation présente, mais il n’intervient pas dans la modélisation que nous utilisons pour projeter la trajectoire des économies. Ainsi, la pression déflationniste est opérée par le taux de chômage et non l’output gap. L’hypothèse que nous utilisons n’est donc pas déterminante et nous ne sommes pas soumis à une erreur quant à cette notion dans notre raisonnement. Jean-Paul Fitoussi : Est-ce que la note AAA de la France est menacée ? Natacha Valla : Il faudrait un représentant de Moody’s pour répondre ! Réponse rapide : à court terme non. Par rapport aux chiffres des finances publiques, Bercy a suffisamment bien ficelé le dossier pour 2011. Le flux d’informations qui nous est parvenu ces derniers mois pour 2010 est positif du point de vue de la consolidation des finances publiques. Les perspectives du projet de loi de finances pour 2011 sont réalistes, car nous avons environ 50 milliards d’euros qui reviendront mécaniquement dans les caisses de l’État français l’année prochaine. Ça aide. Au-delà, en revanche, cela reste à voir. Gilbert Cette : Signalons par ailleurs que les pouvoirs publics gardent en main le joker de la suppression d’autres niches importantes dont les effets sur la croissance sont, selon de nombreuses analyses, très faibles. On peut par exemple évoquer la TVA réduite dans la restauration ou les exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires. Mathieu Plane : En réalité, ce n’est pas 50 milliards qui reviendront mécaniquement dans les caisses de l’État mais plutôt 15 milliards d’euros avec la fin du plan de relance et le contrecoup de certains mesures du PLF 2010, en particulier la taxe professionnelle. Les nouvelles mesures fiscales décidées dans le cadre du PLF pour 2011, avec notamment la réduction d’un certains nombres de niches fiscales, représentent près de 11 milliards d’euros de hausse de la pression fiscale et le gouvernement prévoit un ralentissement sans précédent de la dépense publique malgré la hausse des charges d’intérêt.
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ÉTUDE SPÉCIALE
La hausse des taux longs est-elle inévitable ? * OFCE, Centre de recherche en économie de Sciences Po Département analyse et prévision
Depuis 2007, la crise, les plans de relance et le sauvetage du secteur financier ont entraîné un gonflement considérable des dettes publiques dans la plupart des pays industrialisés et par conséquent une hausse de l’offre de titres publics. Si la demande de titres n’augmentait pas à proportion de l’offre, les taux d’intérêt à long terme remonteraient inévitablement. Or, dans un contexte de finances publiques dégradées, la capacité des États à se financer à moindre coût, et donc la persistance de taux d’intérêt bas à long terme revêt une importance toute particulière. Dans cet article, nous nous proposons d’étudier un certain nombre de facteurs susceptibles d’avoir une influence sur ces taux longs. Après avoir montré que les facteurs explicatifs traditionnels des taux longs ne suffisent pas à expliquer la baisse récente des taux, nous identifions quels sont les principaux acteurs sur le marché des titres publics. Nous tentons ensuite de comprendre les ressorts de la demande de titres, en particulier de la part des investisseurs institutionnels, principaux acquéreurs de titres publics : l’Europe nous apparaît comme un exemple privilégié, dans la mesure où les réformes des normes comptables Solvabilité 2 et IAS-IFRS sont susceptibles d’avoir un impact non négligeable sur les stratégies d’investissement des « zinzins ».
*Ont contribué à cette étude spéciale : Céline Antonin, Christophe Blot, Mathieu Plane.
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■ Département analyse et prévision
L
a crise, les plans de relance et le sauvetage du secteur financier ont entraîné un gonflement considérable des dettes publiques dans la plupart des pays industrialisés en l’espace de deux ans. La dette publique brute des ÉtatsUnis a augmenté de 22 points de PIB entre 2007 et 2009, pour atteindre 83 % du PIB. Au Japon, l’augmentation a été du même ordre (26 points) et la dette publique brute atteint 193 % du PIB en 2009. Dans la zone euro, les plans de relance moins ambitieux grèvent moins fortement les finances publiques : la dette brute représente 78,7 % du PIB en 2009, soit une hausse de 13 points « seulement » par rapport à 2007 mais les situations budgétaires sont très hétérogènes, les dettes les plus importantes étant observées en Grèce ou en Italie où elles dépassent 115 % du PIB. Enfin, au Royaume-Uni, la dette est passée de 44,7 % en 2007 à 68,1 % en 2009. Cette dégradation devrait se prolonger pour deux raisons : d’une part, le retour de la croissance sera insuffisant pour permettre un rétablissement rapide des recettes fiscales et une réduction des dépenses ; d’autre part, les déficits budgétaires sont encore considérables 1. Dans ces conditions, la capacité des États à se financer à moindre coût revêt une importance toute particulière. La situation des finances publiques sera en effet d’autant plus soutenable que les taux d’intérêt obligataires publics réels resteront bas. Inversement, une hausse incontrôlée des taux réels pourrait provoquer un « effet boule de neige » qui mettrait en péril le financement, comme l’illustre l’exemple grec depuis le début de l’année. Or, la détermination des taux d’intérêt résulte de la confrontation d’une offre et d’une demande de titres. Si la trajectoire de l’offre de titres publics est à la hausse, sous l’effet du gonflement des dettes publiques, les pressions sur les taux dépendront également des facteurs liés à la demande. Même si l'offre de dette publique est élevée, il n'y aura pas de difficultés de financement ou de hausse des taux d'intérêt si la demande de dette publique par les acquéreurs est également élevée. Qui sont les acquéreurs des dettes publiques et quels sont les motifs pouvant les amener à réduire ou accroître la part des dettes publiques dans leur portefeuille ? Ces principaux pourvoyeurs de fonds sont-ils prêts à absorber une plus grande quantité de titres publics sans réclamer une prime de risque supplémentaire ? Alors que la crise grecque avait fait craindre une défiance générale des investisseurs vis-à-vis des titres publics en zone euro, dans un contexte où aucun pays n’était épargné par la dégradation des finances publiques, la baisse paradoxale des taux publics dans les pays de la zone euro hors pays fragiles 2 (graphique 1) a démontré que le besoin de sécurité constituait un élément moteur du comportement des investisseurs, et que la demande de titres publics n’avait pas faibli. Il ne semble donc pas y avoir de phénomène de défiance générale vis-à-vis de la dette mais probablement une plus grande sélectivité.
1. En 2010, d’après nos prévisions, le déficit public atteindrait -11,0 % du PIB aux États-Unis, -7,5 % du PIB au Japon, et -6,3 % du PIB en zone euro. 2. Espagne, Grèce, Irlande et Portugal.
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LA HAUSSE DES TAUX LONGS EST-ELLE INÉVITABLE ? ■
Sans prétendre quantifier les mouvements futurs de taux, nous nous proposons d’étudier un certain nombre de facteurs susceptibles d’avoir une influence sur ces taux longs, en insistant sur les facteurs de demande, trop souvent occultés dans le débat public. Après avoir montré que les facteurs explicatifs traditionnels des taux longs ne suffisent pas à expliquer la baisse récente des taux, nous identifions quels sont les principaux acteurs sur le marché des titres publics. Nous tentons ensuite de comprendre les ressorts de la demande des titres, en particulier de la part des investisseurs institutionnels, principaux acquéreurs de titres publics : l’Europe nous apparaît comme un exemple privilégié, dans la mesure où les réformes des normes comptables Solvency 2 et IAS-IFRS sont susceptibles d’avoir un impact non négligeable sur les stratégies d’investissement des « zinzins ». Graphique 1 : Taux d’intérêt sur les obligations à 10 ans En % 14
12 G rè ce 10
8
6
Irla n d e P o rtu g a l
4
E sp a g n e Z E h o rs G R , E S P , IR L e t P O R
2
0
ja n v.-0 9 m a rs-0 9 m a i-0 9
ju il.-0 9 se p t.-0 9 n o v.-0 9 ja n v.-1 0 m a rs-1 0 m a i-1 0
ju il.-1 0 se p t.-1 0
Source : Datastream.
1. L’énigme des taux longs La dégradation de la situation des finances publiques se traduit mécaniquement par une augmentation de l’offre de titres obligataires sur les marchés, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, modifie la détermination du taux long d’équilibre. Théoriquement, cet accroissement de l’offre de titres publics devrait entraîner une augmentation du taux d’intérêt. L’estimation d’un modèle de détermination des taux longs nominaux permet d’estimer l’ampleur de cet effet (encadré 1). Il ressort qu’une augmentation de 1 point du déficit budgétaire entraînerait une hausse du taux d’intérêt de 0,18 point. Une estimation complémentaire montre par contre que l’effet de la dette n’est pas significatif.
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■ Département analyse et prévision
Encadré : Analyse des déterminants des taux d’intérêt à long terme La spécification estimée pour les taux d’intérêt nominaux à long terme fait intervenir le taux d’inflation, le taux court, le taux de croissance du PIB et le solde budgétaire (courant ou primaire) ou la dette. Une accélération de l’inflation ou de la croissance et une hausse des taux à court terme devraient entraîner une hausse des taux longs nominaux. Une augmentation du déficit budgétaire ou de la dette publique reflète une augmentation de l’offre publique de titres, ce qui doit pousser à la hausse les taux publics à long terme. Le modèle est estimé en données de panel pour 20 pays de l’OCDE sur la période 1990-2009 en données annuelles. Les résultats des différentes spécifications sont reproduits dans le tableau ci-dessous. Les signes des coefficients sont conformes aux effets attendus et sont le plus souvent significatifs. En particulier, il ressort qu’une augmentation de 1 point du déficit provoque une hausse comprise entre 0,18 et 0,2 point des taux nominaux. L’effet de la variable de dette est significatif mais beaucoup plus faible : une hausse de 10 points de la dette publique brute entraîne une augmentation des taux inférieure à 0,1 point. Enfin, il faut souligner la faiblesse apparente du coefficient de l’inflation qui est au plus de 0,17 dans la spécification initiale. Néanmoins, une partie de l’effet de l’inflation est également captée par la variable de taux court nominal, qui reflète également l’impact la transmission de la politique monétaire sur les taux longs. Estimation des taux longs nominaux Variable explicatives
Modèle de base
Modèle 2
Modèle 3
Modèle 4
Constante
1,71 (0,11)
1,11 (0,21)
1,97 (0,12)
1,64 (0,29)
Taux court
0,64 (0,02)
0,64 (0,03)
0,72 (0,02)
0,75 (0,02)
Taux d’inflation
0,17 (0,05)
0,14 (0,05)
0,08 (0,05)
-0,09 (0,05)
Taux de croissance du PIB
0,13 (0,02)
0,11 (0,03)
0,04 (0,02)
0,37 (0,08)
Taux de croissance potentielle Solde budgétaire (en % du PIB)
-0,18 (0,02)
-0,20 (0,02)
Solde budgétaire primaire (en % du PIB)
-0,12 (0,02)
Dette publique brute (en % du PIB) Test d’Hausman
0,009 (0,004) 28,61
31,89
20,18
12,5
Note : Les écart-types sont entre parenthèses. Le test d’Hausman conduit à privilégier le modèle estimé avec des effets fixes individuels.
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LA HAUSSE DES TAUX LONGS EST-ELLE INÉVITABLE ? ■
Cette modélisation ne permet cependant pas de capter l’ensemble des facteurs susceptibles de modifier la demande de titres obligataires et par conséquent la détermination du taux d’intérêt. Ainsi, pendant la période de resserrement de la politique monétaire des États-Unis entre juin 2004 et juin 2006, les taux longs américains publics sont restés quasi-stables, passant de 5,5 % à 5,3 % (graphique 2). La principale explication avancée pour rendre compte de cette énigme s’appuie sur l’accumulation de réserves de changes par la Chine et les pays producteurs de pétrole, réserves placées ensuite en obligations du Trésor américain. Graphique 2 : Taux longs publics aux États-Unis et taux directeur de la Réserve fédérale En %
6 5 4 3 2 Taux directeur politique monétaire
1
Taux long public 0 2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : Datastream, Réserve fédérale.
Ces pays ne sont cependant pas les seuls à accumuler des excédents. Le Japon et les pays industrialisés d’Asie ont également dégagé des excédents courants et acquis massivement des titres émis par le Trésor américain 3. En 2000, la Chine et les pays de l’OPEP détenaient 3,2 % de l’encours de titres émis par le Trésor américain (tableau 1). En 2006, lorsque les déséquilibres financiers internationaux ont atteint un record et que le prix du pétrole progressait, ces pays, essentiellement par l’intermédiaire de leurs réserves officielles de change, ont accumulé plus de 500 milliards de dollars de titres pour un montant émis de 4 862 milliards, soit plus de 10 % de l’encours. En ajoutant le Japon et les autres pays industrialisés d’Asie, ce chiffre s’élevait à 28 %. En 2009, malgré la réduction des déséquilibres internationaux, la part des titres du Trésor américain détenue par des non-résidents s’est stabilisée, mais celle de la Chine a continué à augmenter pour dépasser 11 %. 3. Parmi les pays industrialisés, c’est le cas aussi de l’Allemagne. Mais le montant détenu de titres du Trésor américain est relativement plus faible et surtout très stable, légèrement inférieur à 50 milliards de dollars fin 2009 comme en fin d’année 2000.
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■ Département analyse et prévision
Tableau 1 : Détention étrangère de titres du Trésor américain En milliards de dollars
2000
2006
2009
3358 (33,1)
4862 (35,7)
7782 (54,5)
1021
2126
3697
dont : Chine
60
397
895
Japon
318
623
766
Asie
143
228
378
OPEP
48
110
207
Encours de titres du Trésor (en % du PIB) Détention étrangère de titres du Trésor
Autres Asie : Hong Kong, Taïwan, Singapour, Corée du Sud et Thaïlande. Source : Département du Trésor, Réserve fédérale (Flow of Funds).
Ces éléments, qui tiennent à l’évolution récente du système monétaire international 4, expliquent en partie pourquoi une prévision hors-échantillon à partir des modèles estimés dans l’encadré surestime le taux d’intérêt nominal des États-Unis observé entre 2005 et 2008 (graphique 3). Cet écart dépassait même 1,7 point en 2007. Mais l’explication est incomplète dans la mesure où il existe également des écarts entre les valeurs observées et estimées des taux longs publics dans de nombreux pays industrialisés. En Allemagne et au Royaume-Uni, l’écart ente les taux simulé et observé a atteint respectivement 1,1 et 2,5 points en 2007 (graphique 4), alors que les monnaies de ces deux pays ne jouent pas un rôle aussi central que le dollar dans le système monétaire international. De fait, une analyse de la détermination des taux d’intérêt à long terme et des risques associés à l’augmentation des dettes publiques et des déficits budgétaires ne peut donc sans doute pas se réduire à l’extrapolation des variables macroéconomiques. Des facteurs influençant l’offre et surtout la demande structurelle de titres, qui ne sont pas pris en compte dans une modélisation économétrique, peuvent conduire à nuancer le risque de taux. En particulier, outre la demande des banques centrales, le rôle des investisseurs institutionnels (compagnies d’assurance, fonds de pension et fonds d’investissement) est essentiel, d’autant que la réglementation prudentielle de ces acteurs a subi ou devrait subir de profonds changements susceptibles de modifier leur allocation de portefeuille.
4. Voir notamment Dooley M. P, D. Folkerts-Landau & P. Garber (2004) : « The revived Bretton Woods System », dans International Journal of Finance and Economics 9, pp. 307-313.
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Graphique 3 : Taux publics américains estimé et observé En %
7 Estimation modèle 3 6
Estimation modèle de base
5 Observé 4
3 2004
2005
2006
2007
2008
2009
Notes : Les séries observées pour le taux nominal sont obtenues à partir d’une prévision hors échantillon, déterminée à partir des modèles présentés dans l’encadré et estimés jusqu’en 2003. Source : OCDE, Estimation OFCE.
Graphique 4 : Taux publics estimés et observés En %
8 7
Estimé - Royaume-Uni
6 Estimé - Allemagne 5
Observé - Royaume-Uni
4 3
Observé - Allemagne
2 2004
2005
2006
2007
2008
2009
Notes : Les séries observées pour le taux nominal sont obtenues à partir d’une prévision hors échantillon, déterminée à partir des modèles présentés dans l’encadré et estimés jusqu’en 2003. Source : OCDE, Estimation OFCE.
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■ Département analyse et prévision
2. Émetteurs et détenteurs de dette publique 2.1. Les émetteurs de dette publique L’analyse des comptes des patrimoines financiers des agents permet de déterminer les émetteurs et les détenteurs de titres de dette 5. La répartition des encours montre que les gouvernements – centraux ou locaux – sont les principaux émetteurs de titres de dette (tableaux 2 à 5). Aux États-Unis, les émissions publiques représentent 45 % des émissions totales en 2009 (tableau 2), soit 12 500 milliards de dollars. Du fait d’une financiarisation croissante de l’économie, cette part a fortement diminué depuis 1960 où elle atteignait 80 %. Depuis, d’autres acteurs ont progressivement réalisé des émissions croissantes sur les marchés de dette. Les entreprises dites « sponsorisées » par le gouvernement, telles que Fannie Mae et Freddy Mac, ont vu leur part doubler après 1990, notamment avec la titrisation croissante des prêts immobiliers aux ménages. De même, les émissions réalisées par les ABS 6 (Asset-backed securities), inexistantes en 1980 ont atteint 15 % de l’encours total en 2006. On peut imaginer que même en l’absence de forte réglementation de l’activité de titrisation, le poids de ces acteurs déclinera à court terme. Au Japon, la part des émissions du gouvernement est en hausse et atteint 65 % en 2009 (tableau 3). Tableau 2 : Principaux émetteurs de titres de dette aux États-Unis En % du total
Gouvernement fédéral
Gouvernements locaux
GSE
SNF
Banques
ABS
Compagnies financières
Total en % du PIB
1960
49,8
29,6
1,6
16,0
1,1
0,0
1,9
91,1
1970
35,1
34,1
4,4
19,3
4,8
0,0
2,2
80,8
1980
31,8
29,9
6,9
18,1
10,4
0,0
2,9
78,4
1990
35,3
28,5
5,7
16,3
8,5
3,2
2,5
118,5
2000
28,2
19,1
13,9
19,2
9,0
6,7
3,9
123,7
2006
23,6
18,8
12,8
16,3
9,4
15,2
4,0
155,2
2009
27,8
17,5
11,0
16,0
12,1
12,4
3,3
185,7
GSE : Government-sponsored enterprises : entreprises soutenues par le gouvernement. SNF : sociétés non financières. Source : Comptes financiers (Flow of Funds), Réserve fédérale.
5. Par titres de dette on entend l’ensemble des titres émis à court ou à long terme par des agents privés (financiers ou non financiers) ainsi que par des administrations publiques (locales, fédérales ou nationales). 6. Les ABS sont des produits financiers dits structurés, c’est-à-dire dont la valeur est gagée par un collatéral. Par extension, on qualifie d’ABS les fonds émetteurs de ce type d’actifs.
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Tableau 3 : Principaux émetteurs de titres de dette au Japon En % du total
Gouvernement
SNF
SF
Total en % du PIB
2000
60
2006
61
15
25
163,0
7
32
232,4
2009
65
7
28
255,7
Source : Comptes financiers (Flow of Funds), Banque du Japon.
Au Royaume-Uni et dans la zone euro, il est possible d’opérer la distinction entre les titres de dettes de court terme et ceux de long terme. Il ressort alors que les institutions financières sont les principales émettrices de titres à court terme en raison de leur activité sur les marchés interbancaires. Au Royaume-Uni, cette part atteint 84 % en 2009 (tableau 4). Elle est néanmoins en baisse depuis 2000, alors que l’on observe une demande de financement croissante de la part du gouvernement pour des échéances courtes. Les émissions publiques de titres de créances à court terme, quasi-inexistantes en 2000, comptaient pour plus de 11 % du total en 2009. Pour ce qui est des titres de dette à long terme, la part des émissions du gouvernement britannique dans les émissions est passée de 40,7 à 30,3 % entre 2000 et 2009, alors qu’elle a augmenté pour les sociétés financières. Tableau 4 : Principaux émetteurs de titres de dette à long terme / court terme au Royaume-Uni En % du total
Entreprises privées
Entreprises publiques
Sociétés financières
Gouvernement
Total en % du PIB
2000
24,5 / 7,9
0,0 / 0
34,8 / 91,3
40,7 / 0,8
83,1 / 32,2
2006
20,3 / 5,3
0,4 / 0
52,0 / 90,0
27,3 / 4,7
124,7 / 31,0
2009
16,8 / 4,5
0,3 / 0
52,7 / 84,0
30,2 / 11,5
189,7 / 35,8
Source : Comptes financiers (Flow of Funds), Banque d’Angleterre.
Dans la zone euro 7, l’encours de titres hors actions et hors produits financiers dérivés est passé de 86,4 % du PIB en 1995 à 135,9 % du PIB en 2009 (graphique 5). Cela représente un encours de titres de dette de plus de 11 800 milliards d’euros en 2009 contre environ 4 700 milliards en 1995. La hausse de près de 50 points de PIB de l’encours de titres de dette est principalement liée à l’augmentation des titres de crédit émis par les sociétés financières, ceux-ci passant de 29 % du PIB en 1995 à près de 60 % du PIB en 2009 (ce qui représente 7. Cinq pays ne sont pas inclus dans les calculs pour la zone euro car les données ne sont pas disponibles sur longue période : Irlande, Luxembourg, Slovénie, Chypre et Malte.
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■ Département analyse et prévision
5 200 milliards d’euros en 2009) (graphique 5). Les titres de crédit émis par les APU ont augmenté de 15,2 points de PIB entre 1995 et 2009, dont 12,6 points au cours des deux seules dernières années sous l’effet de la chute des recettes fiscales liée à la crise et le coût des plans de relance. En 2009, les titres de crédit émis par les APU représentaient 67,4 % du PIB (soit 5 863 milliards d’euros). Enfin, les titres de crédit émis par les sociétés non financières ont augmenté de 3,6 points de PIB en treize ans mais ne représentent que 8,7 % du PIB en 2009 (soit 761 milliards d’euros). Avec cette montée en puissance des sociétés financières sur le marché des émissions de titres de dette, leur part dans le marché total des encours de titres hors actions a bondi de 33,6 % en 1995 à 44 % en 2009 (tableaux 5 et 5bis). Cependant, le développement des participations croisées et de la titrisation au sein des sociétés financières a pu conduire à une hausse de l’endettement brut de ces sociétés sans pour autant augmenter l’endettement net. Il est néanmoins difficile de chiffrer quelle est la contribution de cette pratique financière dans la hausse globale de l’encours de titres hors actions des sociétés financières. Si la dette nette des sociétés financières a certainement moins augmenté que la dette brute, ce phénomène de ramifications financières a néanmoins développé les interconnections et les interdépendances entre les institutions financières et accentué le risque systémique. Malgré la très forte augmentation de l’endettement public au cours des deux dernières années, la part des titres de dette des APU dans l’ensemble des titres de dette a diminué entre 1995 et 2009. Elle représente actuellement 49,6 % de l’ensemble du marché alors qu’elle était de plus de 60 % en 1995. Enfin la part des titres de dette émis par les sociétés non financières est relativement stable et ne représente que 6,4 % du marché total (contre 6 % en 1995). Graphique 5 : Encours de titres de dette inscrits au passif* de la zone euro 140 Part de la dette des SNF dans le total (en %) Part de la dette des SF dans le total (en %)
120
Dette des SNF (en % du PIB)
Part de la dette des APU dans le total (en %) 100 80
Dette des SF (en % du PIB)
60 40 Dette des APU (en % du PIB)
20 0 95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
* Les titres de dette sont les titres hors actions (hors produits financiers dérivés) Sources : Comptes financiers, Eurostat, calculs OFCE.
310
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06
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08
09
LA HAUSSE DES TAUX LONGS EST-ELLE INÉVITABLE ? ■
L’Allemagne est le pays le plus gros émetteur de titres de dette de la zone euro (hors produits financiers dérivés) et représente à elle seule 27,6 % du marché de la dette en 2009 (tableau 5). Avec respectivement 20,4 % en France et 19,2 % en Italie, les trois plus gros pays de la zone euro représentent 67,2 % du marché total des titres de dette de la zone. Les Pays-Bas ont l’encours de dette, rapporté au PIB, le plus important d’Europe avec 215,7 %, ce qui représente plus de 10 % de l’encours total européen. Au final, avec l’Espagne dont l’encours de titre de dette représente 9,5 % du total de la zone euro, les cinq plus grands pays de la zone représentent 87,1 % de l’encours d’émission de titres hors actions, soit plus de 10 300 milliards d’euros, dont environ 4 960 milliards de titres émis par les APU et 4 740 milliards émis par les sociétés financières. Au sein des pays de la zone euro, certains se distinguent par une part importante de titres émis par les APU dans les émissions totales : c’est le cas de la Grèce, la Belgique et de l’Italie et dans une moindre mesure de la France, de la Slovaquie et du Portugal. À l’inverse, d’autres pays de la zone ont une part importante de titres émis par les sociétés financières : c’est le cas des PaysBas, de l’Allemagne, de l’Espagne et dans une moindre mesure de l’Autriche. Enfin, dans certains pays, les SNF recourent très peu aux marchés obligataires pour se financer. C’est le cas de l’Espagne, de l’Italie et de la Belgique. En revanche, le recours aux marchés de dette par les SNF est beaucoup plus développé au Portugal, en France, en Finlande et en Autriche. Tableau 5 : Encours de titres de dette* inscrits au passif
dans la zone euro en 2009 Répartition (en %)
Belgique Allemagne Grèce Espagne France Italie** Pays-Bas Autriche Portugal Slovaquie Finlande Zone euro à 11
Titres de dette*
Contribution de la dette de chaque pays à la dette totale de la zone euro à 11 (en %)
SNF
SF
APU
En milliards d’euros
3,5 4,2 9,7 1,5 14,8 2,4 3,1 10,5 18,6 12,5 17,5
28,3 54,0 2,6 54,2 29,8 32,3 74,2 47,8 30,6 31,7 39,4
68,2 41,8 87,7 44,3 55,3 65,3 22,6 41,8 50,8 55,8 43,2
428 3262 282 1123 2410 2273 1234 406 217 38 151
126,2 136,1 121,0 106,6 126,4 149,5 215,7 147,8 129,0 59,5 87,9
3,6 27,6 2,4 9,5 20,4 19,2 10,4 3,4 1,8 0,3 1,3
6,4
44,0
49,6
11823
135,9
100,0
En % du PIB
* Les titres de dette sont les titres hors actions (hors produits financiers dérivés). ** Pour l’Italie, les chiffres sont ceux de 2008 sauf pour les APU dont le montant a été évalué à partir de la variation de la dette publique. Sources : Comptes financiers, Eurostat, calculs OFCE.
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■ Département analyse et prévision
En 1995, tous les pays de la zone euro, à l’exception de la Belgique et de la Finlande, avaient un encours de titres de dette, en points de PIB, inférieur au niveau de 2009 (tableaux 5 et 5bis). Entre 1995 et 2009, deux pays ont vu leur contribution à l’encours de dette total de la zone euro significativement augmenter : ce sont les Pays-Bas et l’Espagne en raison de l’expansion très forte de titres de dette émis par les sociétés financières. En Espagne, en 1995, les titres de dettes inscrits au passif des sociétés financières représentaient moins de 5 % de l’encours total alors que cette part représentait en 2009 plus de 54 %. Aux Pays-Bas, cette part est passée de 53 % en 1995 à plus de 74 % en 2009. Les deux seuls pays dont les encours de titres hors actions au sein des sociétés financières ont diminué au cours des quinze dernières années sont la Grèce et la Belgique. Tableau 5bis : Encours de titres de dette* inscrits au passif dans la zone euro en 1995 Répartition (en %)
Titres de dette*
Contribution de la dette de chaque pays à la dette totale de la zone euro à 11 (en %)
SNF
SF
APU
En milliards d’euros
Belgique
2,9
28,8
68,2
347
159,9
7,3
Allemagne
3,7
55,8
40,5
1583
82,1
33,5
Grèce
0,8
10,7
88,5
85
84,4
1,8
Espagne
7,6
4,8
87,6
265
57,9
5,6
France
16,5
28,3
55,2
862
71,8
18,2
En % du PIB
Italie
1,6
4,3
94,0
899
104,4
19,0
Pays-Bas
3,5
53,2
43,3
392
122,2
8,3
Autriche
5,1
38,4
56,5
147
80,9
3,1
Portugal
12,3
5,2
82,4
51
56,6
1,1
Slovaquie
33,4
27,8
38,7
5
35,3
0,1
Finlande
6,0
32,5
61,6
90
89,9
1,9
Zone euro à 11
6,0
33,6
60,5
4727
86,4
100,0
* Les titres de dette sont les titres hors actions (hors produits financiers dérivés). Sources : Comptes financiers, Eurostat, calculs OFCE.
2.2. Les détenteurs de dette publique Du côté de la demande de titres, le modèle japonais se distingue assez nettement (tableau 6) puisque l’essentiel des titres émis par les administrations publiques sont détenus par des institutions financières, assurances, fonds de pensions et organismes de dépôt. Cette part dépasse 83 % en 2009. De fait, l’augmentation continue de la
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LA HAUSSE DES TAUX LONGS EST-ELLE INÉVITABLE ? ■
dette japonaise depuis la crise des années 1990 n’a jamais créé de tensions sur les taux d’intérêt. Celle-ci fut systématiquement absorbée en interne. Tableau 6 : Principaux détenteurs de titres de dette publique du Japon 2000
2006
2009
696 536 (138,4)
950 692 (187,3)
993 751 (209,6)
448 490
592 635
618 130
Part des titres publics détenue par les assurances et les fonds de pension en %
23,4
27,9
30,1
Part des titres publics détenue par la Banque centrale en %
10,3
12,7
8,1
Part des titres publics détenue par des organismes de dépôt en %
31,6
45,8
45,5
Total passif gouvernement en Mds de ¥ (en % du PIB) dont titres émis en Mds de ¥
Sources : Comptes financiers (Flow of Funds), Banque du Japon.
Les modes de financement de l’économie britannique, et plus encore étatsunienne, sont comparativement beaucoup plus dépendants de l’extérieur. Au Royaume-Uni, le « reste du monde » détient effectivement 28 % de la dette publique (tableau 7). Cette part dépasse 45 % aux États-Unis (tableau 8). Le lien avec les déséquilibres réguliers de la balance courante de ces deux pays est ici évident. Le tableau 1 montre en effet que pour les États-Unis, une part croissante de ces titres était détenue par des institutions officielles d’Asie – Banque centrale de Chine notamment – ou des pays de l’OPEP. Au Royaume-Uni, la dette se retrouve principalement dans le bilan des intermédiaires financiers (60,7 % en 2009) et notamment les fonds de pensions qui détenaient encore plus de 30 % de la dette émise. Il faut néanmoins noter que cette part a baissé de 20 points depuis 2006. Aux États-Unis, la part de la dette publique détenue directement par les ménages dépassait celle détenue indirectement par ces mêmes ménages via les fonds de pension et les compagnies d’assurance-vie. De fait, pour les États-Unis, l’enjeu pour la détermination des taux dépendra principalement de la pérennité du système monétaire international et de sa capacité à orienter l’épargne des pays en situation d’excédents vers les États-Unis. Nous ne disposons pas de données agrégées concernant la zone euro. En outre, nous ne pouvons pas distinguer dans le secteur « Reste du monde » les pays de la zone euro des autres pays. Pour chaque pays étudié, les autres pays de la zone euro sont donc considérés comme des non résidents. Les comptes financiers ne sont pas suffisamment détaillés pour permettre de distinguer entre les titres de dette publique et de dette privée détenus par les agents résidents. De plus, nous n’avons pas d’informations sur l’origine des titres inscrits à l’actif des résidents. Ces derniers ont en effet à leur actif à la fois des titres émis par des agents résidents mais aussi émis par d’autres pays, notamment de la zone euro.
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■ Département analyse et prévision
Tableau 7 : Principaux détenteurs de titres de dette publique du Royaume-Uni
Total titres en Mds de £ (en % du PIB) dont titres obligataires en Mds de £ Part dette obligataire détenue par IF en % (dont assurance et fonds de pension) Part dette obligataire détenue par agents non résidents en %
2000
2006
2009
332,6 (34,1)
471,8 (35,5)
856,5 (61,5)
330
452,4
798,7
60,3 (57,7)
51,7 (53,4)
59,9 (31,3)
18,9
29,9
29,9
IF : Compagnies d’assurances, fonds de pensions & mutual funds. Source : Comptes financiers (Flow of Funds), Banque d’Angleterre.
Tableau 8 : Principaux détenteurs de titres de dette publique des États-Unis Total titres Part (en %) des titres du gouvernement fédéral détenus par Total dette du gouvenebrute US en Reste du Cies d’Assument fédéral Mds de $ rance. et Mutual monde (dont Banque (1) en Ménages (en % du PIB) institutions fonds de Funds Centrale Mds de $ officielles) Pension 2000
5 662 (56,9)
3 358
17,2
15,2
13,1
6,7
30,4 (19,1)
2006
8 680 (64,8)
4 862
8,1
16,0
11,6
5,2
43,7 (32,1)
2009
12 311 (87,2)
7 782
9,4
10,0
11,1
8,6
47,7 (36,9)
(1) Savings Bonds & Treasury Securities. Source : Comptes financiers (Flow of Funds), Réserve fédérale.
La part des titres hors actions émis par des agents résidents (hors produits financiers dérivés) détenus par les non-résidents représentait en 2009 en moyenne 63,2 % pour les 11 pays de la zone euro (tableau 9). Dans seulement deux pays, l’Italie et la Slovaquie, les non résidents sont minoritaires dans le financement des émissions de titres d’agents résidents. En revanche, cinq pays dépendent à plus de 75 % de financements extérieurs : Pays-Bas, Finlande, Autriche, Portugal et Grèce. Par rapport à la situation de 1995, les pays sont plus dépendants de l’extérieur pour leur financement, même si une grande partie des capitaux reste en Europe. En 1995, en moyenne dans les pays de la zone euro, la part détenue par les nonrésidents de titres de dette émis par les résidents était de 27,5 %. Seuls les titres de dette des Pays-Bas et de la Finlande étaient détenus majoritairement par des nonrésidents. Tous les pays de la zone euro ont vu la part des non-résidents dans le financement de leur dette augmenter. Les pays qui ont connu la plus forte augmentation du financement extérieur au cours des quinze dernières années sont le Portugal, la Grèce et l’Espagne qui ont profité du développement des marchés de capitaux, de la globalisation financière mais surtout de la création d’une zone
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LA HAUSSE DES TAUX LONGS EST-ELLE INÉVITABLE ? ■
monétaire unique en Europe pour financer leur développement économique. Un des buts du marché unique a été de créer un grand marché de titres qui, jusqu’à la crise financière, a plutôt bien fonctionné, avec des écarts de rendements entre les titres des pays relativement faibles. En revanche, la plus grande dépendance vis-à-vis de l’extérieur dans le financement des pays de la zone euro reflète des interdépendances de plus en plus fortes entre les pays de la zone euro mais n’est pas un bon indicateur de déséquilibre si les financements extérieurs ont été compensés par l’achat de titres d’autres pays venant gonfler l’actif des résidents. Tableau 9 : Répartition du financement entre résidents et non résidents des titres dette émis par des résidents de pays de la zone euro* En %
1995 Belgique Allemagne Grèce Espagne France Italie Pays-Bas Autriche Portugal Slovaquie Finlande Zone euro à 11
Résidents 79,8 74,8 78,3 75,3 73,8 83,6 36,7 54,8 78,6 89,9 48,0 72,5
2009 Non résidents 20,2 25,2 21,7 24,7 26,2 16,4 63,3 45,2 21,4 10,1 52,0 27,5
Résidents 40,2 47,5 24,5 27,6 27,3 56,7 9,2 21,4 23,3 88,4 15,3 36,8
Non résidents 59,8 52,5 75,5 72,4 72,7 43,3 90,8 78,6 76,7 11,6 84,7 63,2
* Les comptes financiers publiés par Eurostat ne nous permettent pas de distinguer à la fois entre les titres hors actions privés et publics inscrits à l’actif des résidents mais aussi ne fournit pas d’informations sur l’origine des titres détenus. À partir de l’encours de titres hors actions inscrit au passif des secteurs institutionnels de chaque pays et des titres hors actions inscrits à l’actif du reste du monde pour chaque pays, nous en avons donc déduit la part des titres hors actions détenus par les non résidents pour chaque pays. La part des titres hors actions émis par des résidents et détenue par les résidents est déduite par solde. Sources : Eurostat, calculs OFCE.
En moyenne, dans la zone euro en 2009, les résidents possèdent 108,8 points de PIB de titres hors actions à leur actif (contre 135,9 % à leur passif). Les pays dont les résidents possèdent le plus de titres à leurs actifs sont la Belgique, les Pays-Bas, la France et l’Allemagne (tableau 10). À l’inverse, ce sont la Grèce, l’Espagne et la Slovaquie qui en possèdent le moins. Dans tous les pays, ces actifs sont en grande majorité détenus par des sociétés financières (77,9 % en moyenne dans les pays de la zone euro) avec un maximum de 91,3 % pour la France. La part très élevée des sociétés financières dans la détention des titres hors actions pour les pays européens est liée d’un côté aux mécanismes de titrisation et de participations croisées entre les sociétés financières et de l’autre côté
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■ Département analyse et prévision
aux besoins de sécurité recherchés par les institutions financières, notamment pour répondre aux exigences de solvabilité. À l’exception de l’Italie, les ménages détiennent une faible part en compte propre de titres de dette (15,5 % en moyenne). Les SNF et les APU détiennent une très faible part des titres hors actions (respectivement 4,2 % et 2,4 %). La seule exception est la Finlande, dont les APU détiennent plus de 27 points de PIB de titres de dette. Tableau 10 : Principaux détenteurs de titres hors actions (hors produits financiers dérivés) des résidents des pays de la zone euro en 2009* Répartition (en %) Résidents
En points de PIB SNF
SF
APU
Ménages
Belgique Allemagne Grèce Espagne France Italie** Pays-Bas Autriche Portugal Slovaquie Finlande
158,9 117,6 66,1 64,2 119,5 107,3 121,2 104,4 102,0 65,4 74,2
3,4 4,5 3,3 5,0 4,2 4,2 3,5 3,1 1,3 16,7 2,6
80,3 80,6 79,9 83,8 91,3 48,8 87,0 78,8 85,5 81,4 57,1
1,4 2,0 1,2 4,2 1,7 0,9 2,8 2,7 1,1 0,7 37,0
14,9 12,9 15,6 7,1 2,8 46,1 6,7 15,4 12,1 1,2 3,4
Zone euro à 11
108,8
4,2
77,9
2,4
15,5
* Les comptes financiers publiés par Eurostat ne nous permettent pas de distinguer entre les titres hors actions privés et publics ** Pour l’Italie, les chiffres sont ceux de 2008. Sources : Eurostat, calculs OFCE.
Depuis 1995, les titres hors actions détenus par les résidents de la zone euro ont gonflé de plus de 34 points de PIB (tableaux 10 et 10bis) et cette augmentation a été particulièrement forte en Autriche et en France, et dans une moindre mesure en Allemagne, aux Pays-Bas et au Portugal. En revanche, ces actifs ont diminué en Belgique et en Grèce et ont faiblement augmenté en Espagne et en Italie. Dans tous les pays de la zone euro, à l’exception du Portugal, de l’Espagne et de la Slovaquie, la part des sociétés financières dans les actifs de titres hors actions possédés par les résidents a augmenté entre 1995 et 2009 et cela est particulièrement visible en Belgique, en France et en Autriche.
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LA HAUSSE DES TAUX LONGS EST-ELLE INÉVITABLE ? ■
Tableau 10 bis : Principaux détenteurs de titres hors actions (hors produits financiers dérivés) des résidents des pays de la zone euro en 1995 * Répartition (en %) En points de PIB
Résidents SNF
SF
APU
Ménages
Belgique Allemagne Grèce Espagne France Italie** Pays-Bas Autriche Portugal Slovaquie Finlande
169,8 72,2 74,5 50,4 62,3 95,9 73,2 57,8 59,4 33,7 45,4
1,9 16,0 0,5 3,7 12,3 4,0 3,8 9,5 0,4 4,3 19,5
55,2 66,8 72,0 86,1 71,6 45,6 85,0 61,1 96,7 84,3 45,0
0,1 0,9 0,0 0,0 2,8 0,5 0,3 1,4 0,3 10,0 28,1
42,8 16,3 27,5 10,2 13,3 49,9 11,0 28,0 2,6 1,4 7,3
Zone euro à 11
74,6
9,6
64,6
1,3
24,5
* Les comptes financiers publiés par Eurostat ne nous permettent pas de distinguer entre les titres hors actions privés et publics ** Pour l’Italie, les chiffres sont ceux de 2008. Sources : Eurostat, calculs OFCE.
À l’exception de la Belgique et de la Slovaquie, le passif en titres de dette des résidents des pays de la zone euro est supérieur à l’actif de ces derniers et cet écart s’est accru depuis 1995. Cet écart est de 26,1 points de PIB en moyenne dans les 11 pays de la zone euro et il a augmenté de 18,8 points de PIB depuis 1995 (graphique 6). Avec la création d’une zone économique intégrée et la mise en place d’une monnaie unique, qui ont permis une plus grande mobilité du capital dans la zone euro, il semble logique que les pays de la zone euro aient eu de plus en plus recours à des financements en provenance d’autres pays de la zone. À l’exception des Pays-Bas, dont la dégradation du solde entre l’actif et le passif des titres résidents peut être la contrepartie de l’amélioration du solde de la Belgique avec la constitution de grosses structures financières belgo-néerlandaises, le solde entre l’actif et le passif des titres résidents s’est le plus creusé en Grèce, en Espagne, en Autriche, en Italie et au Portugal au cours des quinze dernières années. La France fait partie des pays de la zone euro les plus équilibrés, le solde entre l’actif et le passif des titres de dettes des résidents étant proche de l’équilibre et ne s’étant pas dégradé entre 1995 et 2009.
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■ Département analyse et prévision
Graphique 6 : Écart entre l’actif et le passif des titres de dette pour les résidents de la zone euro En % du PIB 40 1995 2009
20 0 -20 -40 -60 -80 -100 Bel
All
Grè
Esp
Fr
Ita
PB
Autr
Port
Slov
Finl
Zone euro à 11
Sources : Eurostat, calculs OFCE.
Même si l'offre de dette publique est élevée, il n'y aura pas de difficultés de financement ou de hausse des taux d'intérêt si la demande de dette publique par les investisseurs institutionnels (sociétés d’investissement, fonds de pension et sociétés d’assurance) est également élevée. C’est d’ailleurs le cas du Japon : malgré la forte hausse du taux d'endettement public, il n'y a pas eu de hausse des taux d'intérêt en raison de la forte demande de titres publics par les investisseurs. La situation pourrait s’avérer similaire aux États-Unis avec la très forte demande de titres publics par les investisseurs institutionnels domestiques et par les non-résidents, et dans la zone euro, notamment en raison des réformes des règles comptables européennes et de leur impact direct sur le comportement des investisseurs institutionnels.
3. Stratégies d’investissement des investisseurs institutionnels Les développements précédents ont illustré le rôle essentiel des investisseurs institutionnels (sociétés d’investissement, fonds de pension et compagnies d’assurance), qui sont les principaux acquéreurs de titres publics. Ces mêmes investisseurs gèrent effectivement le plus souvent une épargne longue et, dans une perspective de garantir un capital – notamment pour les fonds de pension – leur stratégie d’investissement les conduit à privilégier les titres longs et notamment des titres de dette publique ou privée. Ainsi, aux États-Unis comme au Royaume-Uni, la part des titres de dettes publics ou privés dans le bilan des assurances et des fonds de pension varie entre 25 et 35 % selon les années (tableau 11). Aux États-Unis, les fonds de pension et les compagnies d’assurance ont, depuis 2000, consacré une part
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croissance de leur portefeuille d’actifs, qui dépassent 14 000 milliards de dollars en 2009, à des titres de dette publique et privée. Il en va de même pour le Japon, où seules les détentions d’actifs émis par le Trésor sont renseignées. Par ailleurs, même s’ils constituent un motif de placement plus hétérogène couvrant aussi bien des échéances courtes que longues, les OPCVM allouent une partie de leur portefeuille d’actifs à des titres de dette (tableau 12). Les OPCVM monétaires vont ainsi privilégier les titres du marché monétaire et donc les titres publics émis sur ces marchés. Enfin, les autres peuvent avoir des stratégies d’investissement très diversifiées, et selon le profil de risque se porter plus ou moins sur les marchés obligataires (publics ou privés). Le tableau 12 montre notamment qu’aux États-Unis, 35 % du bilan des mutual funds est investi en titres de dette, soit l’équivalent de 3 590 milliards de dollars. La part des titres émis par le Trésor américain progresse par ailleurs depuis 2000. Cette part est largement négligeable au Royaume-Uni alors même que l’encours du bilan des OPCVM est plus important que celui des assurances et des fonds de pension. Tableau 11 : Part des titres de créances (dont titres du Trésor) dans l’actif des Compagnies d’assurance et des fonds de pension En %
États-Unis
Zone euro à 10**
Royaume-Uni
Japon (a)
2000
26,3 (3,6)
16,6
24,6 (11,5)
(18,5)
2006
26,0 (3,0)
25,0
30,8 (11,0)
(29,1)
2009
31,2 (5,5)
24,6*
36,9 (10,5)
(35,7)
* Pour la zone euro, les chiffres sont ceux de 2008. ** Les chiffres sont en pourcentage du PIB. Note (a) : pour le Japon, seule la part des titres émis par le gouvernement est renseignée. Sources : Comptes financiers (Flow of Funds), Réserve fédérale,Banque d’Angleterre, BCE, Banque du Japon.
Tableau 12 : Part des titres de créances (titres du Trésor) dans l’actif des OPCVM En %
États-Unis
Zone euro à 10** (a)
Royaume-Uni
2000
23,0 (3,5)
16,2
12,0 (0,3)
2006
25,1 (2,6)
17,6
8,6 (0,0)
2009
35,0 (6,4)
15,0*
9,3 (1,9)
* Pour la zone euro, les chiffres sont ceux de 2008. ** Les chiffres sont en pourcentage du PIB. Note (a) : pour la zone euro, ce sont les titres de créance y compris ceux émis par le secteur privé et correspondent aux titres hors actions (hors produits financiers structurés). Sources : Comptes financiers (Flow of Funds), Réserve fédérale,Banque d’Angleterre, BCE, Banque du Japon.
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Tableau 13 : Actifs financiers détenus par les différents investisseurs institutionnels en 2008 En millions de dollars courants
États-Unis Royaume-Uni Zone euro Allemagne Autriche Belgique Espagne Finlande France Grèce Irlande Italie Luxembourg Pays-Bas Portugal
Fonds d'investissement
Compagnies d'assurance et fonds de pension
Total
Total en % du PIB
9 930 089
13 969 603
23 899 692
165
925 070
4 294 232
5 219 301
181
6 094 733 1 309 133 155 508 126 011 281 893 233 560 1 549 430 13 524 832 178 251 275 2 539 186 89 020 23 146
6 088 453 2 340 238 146 317 324 049 472 274 67 832 2 339 498 19 058 355 111 714 567 142 635 1 395 591 111 521
12 183 186 3 649 371 301 825 450 060 754 168 301 392 3 888 929 32 582 1 187 290 965 842 2 681 821 1 484 611 134 667
89 100 73 89 47 112 137 9 447 42 248 * 170 55
Note : Les chiffres en italique sont des chiffres de 2007, convertis en dollars 2008. * Pour le Luxembourg, on ne prend en compte que les actifs financiers détenus par les compagnies d’assurance dans le total, à des fins comparatives. Source : OCDE, Recent Trends in Institutional Investors Statistics (OCDE 2008).
Au cours des dix dernières années, les investisseurs institutionnels sont devenus les principaux gestionnaires de l’épargne des ménages dans la plupart des pays de l’OCDE. Non seulement, ces investisseurs gèrent des sommes considérables (notamment 24 000 milliards de dollars aux États-Unis et 12 000 milliards de dollars en zone euro, voir tableau 13), mais en outre, la part moyenne des actifs détenus par les ménages de l’OCDE et gérés par les investisseurs institutionnels est passée de 36 à 44 % des actifs financiers totaux entre 1995 et 2005, d’après la BRI. Un mouvement de réallocation de portefeuille de la part de ces investisseurs est donc susceptible d’avoir un impact sur le prix des obligations d’État. Jusqu’en 2009, il ne semble pas qu’il y ait de mouvement de fuite vers la sécurité des investisseurs institutionnels (tableaux 11 et 12) dans les pays de la zone euro, contrairement aux États-Unis et au Japon. Cette situation est-elle susceptible de changer avec la mise en place des nouvelles normes comptables à l’échelle européenne, telles Solvency 2 et IAS-IFRS ? Les deux réformes européennes des normes comptables (IFRS et Solvabilité 2), répondant à une volonté d’harmonisation et de transparence des normes comptables à l’échelle internationale, sont intimement liées. Ainsi, l’article 74 de la directive Solvabilité 2 (Évaluation des actifs et des passifs) introduit des normes
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d’évaluation pour l’actif et le passif des bilans comptables, fondées sur la définition IFRS actuelle de la juste valeur 8 (fair value). Cela étant, les motifs susceptibles d’induire une fuite vers la sécurité de la part des investisseurs étant sensiblement différents dans les deux réformes, le choix a été fait de les distinguer et d’en étudier séparément les conséquences. Dans la plupart des pays européens, les sociétés d’assurance sont les plus grands investisseurs institutionnels, c’est pourquoi nous nous concentrerons essentiellement sur l’impact des changements potentiels sur leur comportement d’investissement.
3.1. Solvabilité 2 : une fuite potentielle vers la sécurité liée à des exigences accrues de couverture des actifs risqués La réforme Solvabilité 2 prévoit la modification des règles européennes garantissant la solvabilité des sociétés d’assurance. Elle repose sur une directivecadre adoptée le 22 avril 2009 9 (directive 2009/138/CE) et sur des mesures d’application en cours de définition. La réforme s’organise en trois piliers : le premier relatif aux exigences quantitatives en matière de fonds propres, le deuxième sur les exigences qualitatives (système de gestion des risques, gouvernance, contrôle interne), et le troisième sur l’information du régulateur et du public. Afin de mesurer l’impact des nouvelles règles, des études quantitatives d’impact (QIS) sont réalisées. Lancée officiellement en août 2010, la cinquième étude d’impact (QIS 5) devrait prendre fin en novembre 2010. Elle a pour ambition d’adapter le niveau des capitaux propres aux risques réels auxquels les sociétés d’assurance sont exposées, et d’introduire de nouvelles méthodes d’évaluation de l’actif et du passif, basées sur la valeur de marché. Les exigences en capital pour chaque type d’actif détenu par les assureurs (obligations, actions, actions non cotées, etc.) seront précisément déterminées dans les mesures d’application de la directive-cadre. Solvabilité 2 prévoit deux exigences de capital différentes, le SCR (exigence de capital requise) et le MCR (exigence de capital minimale). L’idée sous-jacente est que tous les risques quantifiables doivent être pris en compte dans l’exigence de capital, puisque tous sont susceptibles d’affecter la solvabilité de l’organisme. L’exigence de capital réglementaire SCR est donc définie à partir de l’ensemble des risques : opérationnels, techniques (vie, non-vie et santé), financiers (actions, immobilier, taux, crédit, dispersion et change), défaut des contreparties, et risques spécifiques. Deux caractéristiques majeures de la réforme sont susceptibles de conduire à une fuite vers la sécurité. Tout d’abord, l’exigence en capital est dépendante du type d’actif détenu : plus un actif sera risqué, plus les capitaux propres réglementaires devront être élevés. Le coefficient de fonds propres pour couvrir le risque actions est de 39 % 10 dans QIS 5 (contre 32 % dans QIS 4). Le tour de vis est encore plus 8. Montant auquel deux parties intéressées et également informées s’échangeraient un passif dans des conditions de concurrence normale. 9. L’entrée en vigueur de la directive Solvabilité 2 est prévue pour le 1er janvier 2013. 10.Pour 100 euros investis dans cette classe d’actifs, les investisseurs devront mobiliser 39 euros de fonds propres.
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sévère dans le capital-investissement : le coefficient de fonds propres y est de 49 % dans QIS 5 (contre 45 % dans QIS 4). En outre, les nouvelles règles de valorisation du passif pourraient se traduire par un accroissement des provisions techniques, du fait d’une valorisation à la valeur de marché des options et garanties proposées. Comme les provisions techniques doivent en principe être placées dans des emplois financiers assurant le maximum de sécurité et de liquidité, cela pourrait accroître la demande en titres obligataires d’État.
3.2. Normes IAS-IFRS : une fuite potentielle vers la sécurité pour réduire la distorsion entre actif et passif Les IFRS sont des normes comptables internationales, élaborées par l’IASB (International Accounting Standards Board). Depuis le 1er janvier 2005, les entreprises européennes cotées sont soumises à l’obligation de publier leurs comptes consolidés en conformité avec ces normes. Leur introduction vise à généraliser le concept de juste valeur (fair value), déjà largement appliqué aux actifs. Pour les compagnies d’assurance, c’est indéniablement l’adoption des deux normes IAS 39 et IFRS 4 qui constitue le principal enjeu 11. La norme IAS 39 concerne la généralisation du concept de juste valeur à l’actif du bilan : elle prévoit une reclassification des actifs, et distingue les actifs « détenus jusqu’à maturité », évalués à leur coût historique, des actifs « disponibles à la vente », évalués en juste valeur. Côté passif, la norme IFRS 4, relative à la comptabilisation des contrats d’assurance, vise à étendre le concept de juste valeur au passif du bilan des assureurs. Autant la norme IAS 39 s’applique intégralement depuis 2005, autant l’adoption de la norme IFRS 4 se déroulera en deux phases : pendant la phase 1 (en vigueur depuis 2005), le passif demeure comptabilisé selon les normes du pays, ce qui crée une distorsion avec les actifs comptabilisés en juste valeur. La phase 2, en cours d’élaboration, a pour objectif de corriger ces effets, en instaurant une évaluation du passif d’assurance selon la juste valeur. Cette distorsion créée par la période de transition (IFRS-phase 1) est susceptible d’entraîner des réallocations de portefeuille vers des actifs plus sûrs : les assureurs européens pourraient ainsi réduire davantage leur exposition au capitalinvestissement au profit de titres obligataires. Selon une enquête du groupe de travail sur la comptabilité (Accounting Task Force) du groupe de Bâle, la majorité des investisseurs interrogés en 2003 considérait qu’il y aurait un effet significatif de ces nouvelles normes sur la réallocation des actifs. La différence de comptabilisation de l’actif (juste valeur) et du passif (coût amorti) entraînerait une sensibilité accrue des actifs au taux d’intérêt, non répercutée au passif. Pour se prémunir contre la volatilité des titres à l’actif, une réallocation durable des actifs vers les obligations à long terme, en particulier pour les assureurs-vie 12 ne serait pas à exclure. En outre, la 11.D’autres normes ont un impact sur les compagnies d’assurance, notamment IAS 1 (présentation des états financiers), IAS 32 (présentation des instruments financiers) et IFRS 7 (informations sur les instruments financiers à fournir).
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réforme établit une distinction entre actifs détenus jusqu’à l’échéance et actifs disponibles pour la vente. Les premiers, comptabilisés en coût amorti, ne sont pas sensibles aux taux d’intérêt du marché, alors que les derniers sont comptabilisés en juste valeur. Les investisseurs pourraient donc être enclins à accroître la part des actifs détenus jusqu’à maturité – notamment les titres du Trésor. Même lorsque la phase 2 de la réforme sera adoptée, la fuite vers la sécurité pourrait se poursuivre. En effet, les investisseurs institutionnels se caractérisent par une durée moyenne de leur passif beaucoup plus longue que celle de l’actif, ce qui creuse négativement l’écart de durée moyenne 13 entre actif et passif. Si les taux d’intérêt à long terme sont bas, la valeur du passif va augmenter davantage que la valeur de l’actif 14. Dans la mesure où le passif sera, à l’issue de la phase 2, évalué selon la notion de juste valeur, les investisseurs vont être incités à augmenter la durée moyenne de leur actif pour réduire l’écart de durée moyenne. Les investisseurs pourront alors être tentés de détenir davantage d’obligations à long terme, au détriment des actions et produits risqués. La demande sur le marché des obligations longues aura pour effet une nouvelle baisse des taux longs, et donc, selon les mêmes mécanismes, entraînera une fuite vers la sécurité, selon un effet autoentretenu.
3.3. La réforme des normes comptables est-elle susceptible d’avoir un effet sur la demande de titres publics en zone euro ? Certaines études récentes se sont concentrées sur les estimations du déséquilibre entre offre et demande de titres. Ainsi, en faisant l’hypothèse selon laquelle 75 % des portefeuilles sont constitués d’obligations longues, le rapport Visco 15 (2005) considère que la demande potentielle des fonds de pension pour les obligations publiques et privées due à des changements réglementaires dépasserait l’offre au Royaume-Uni et aux États-Unis. L’OCDE (2006) parvient à une conclusion similaire : c’est aux États-Unis que la demande serait la plus excédentaire par rapport à l’offre, sur le segment des obligations de plus de 10 ans. Si l’on inclut les compagnies d’assurance-vie dans la comparaison, c’est en Suisse et au RoyaumeUni que le déséquilibre offre/demande est le plus grand. Aux États-Unis, l’analyse conduite par le groupe de travail de la BRI montre un effet beaucoup plus limité des changements comptables intervenus en 2006 (Pension Protection Act). Selon le Département du Trésor américain, l’effet aurait été temporaire et serait estimé à 1015 points de base pour les taux des obligations à 30 ans. 12.Pour davantage de détails, notamment sur les différences de comportement entre assureurs-vie et assureurs non-vie, on pourra se reporter à l’article de Drudi et al., 2007, Changes in financial regulation and accounting standards in Europe. 13.La duration d'un instrument financier à taux fixe, comme une obligation, est la durée de vie moyenne de ses flux financiers pondérée par leur valeur actualisée. Plus la duration est élevée, plus le risque est grand. 14.Plus la duration est grande, plus la valeur du titre est sensible à la variation de taux. 15.Visco (2005), Ageing and pension system reform : implication for financial markets and economic policies, Tendances des marchés de capitaux, OCDE
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Le Royaume-Uni est un exemple privilégié : il montre une corrélation significative entre la baisse des taux longs et la régulation touchant les « zinzins ». Les taux d’intérêt sur les obligations d’État à 10 ans sont passés d’une moyenne de 2 % entre 2001 et 2003, à 1 % en janvier 2006. Même si une baisse a été également observée sur les marchés obligataires américain et en zone euro, elle a été beaucoup plus marquée au Royaume-Uni, et a concerné également les plus longues échéances. Comme le montre l’étude de la BRI 16, à la suite de l’introduction de normes comptables (Pensions Act en 2004, FRS 17 en 2005) instaurant dans la gestion du passif une approche comptable en valeur de marché, les fonds de pension ont réalloué leurs actifs vers les obligations publiques longues. Le Royaume-Uni est-il le précurseur de la zone euro ? Ce n’est pas certain. Le total des actifs détenus par les investisseurs britanniques représentait 181 % du PIB en 2008, contre seulement 89 % pour les investisseurs de la zone euro (tableau 13). La part des titres de créances dans les compagnies d’assurance et les fonds de pension a baissé entre 2006 et 2009, malgré le début de la mise en place des nouvelles normes comptables. En outre, étant donnée la taille des investisseurs en zone euro, par rapport à celle du marché obligataire, il est peu probable que la demande de titres devienne supérieure à l’offre. Cela étant, les réformes réglementaires évoquées pourraient néanmoins augmenter la demande de titres et éloigner le danger d’une crise « à la grecque ». Les réformes prudentielles étant encore dans une phase transitoire dans les pays européens, leurs effets sont susceptibles de s’amplifier dans les prochaines années. Sans prétendre quantifier une variation des taux à long terme, nous avons entrepris de fournir une analyse détaillée du comportement des acteurs (offreurs et demandeurs) sur le marché des titres publics. Notre étude vise à montrer que les mouvements des taux longs dépendent autant des facteurs d’offre que de demande, ces derniers étant trop souvent occultés dans le débat public. Quantifier l’ampleur d’une réallocation est complexe, car comme le rappelle le rapport de la BRI, l’effet des changements réglementaires et comptables sur les taux obligataires longs ne dépend pas exclusivement de l’augmentation de la demande d’obligations. L’élasticité-prix de la demande en obligations des zinzins et l’élasticité-prix de l’offre des obligations sont également des paramètres essentiels. Pourtant, si on fait abstraction des élasticités, et que l’on étudie le scénario limite dans lequel les fonds de pension réorienteraient tous leurs portefeuilles vers les obligations à long terme, la taille de la demande potentielle serait alors bien supérieure à la taille du marché obligataire aux États-Unis, au Royaume Uni, au Canada et en Suisse, alors qu’elle serait inférieure au Japon et en zone euro. C’est donc dans les premiers pays que le prix des obligations longues pourrait baisser, d’autant que les investisseurs institutionnels achètent d’abord des obligations domestiques. Ainsi, la réallocation d’actifs pourrait être suffisamment conséquente pour que les taux restent durablement bas, et ce malgré le creusement des dettes publiques dans tous les pays industrialisés. 16.Pour connaître les détails de la réforme, on pourra se reporter à BRI, Committee on the Global Financial System, Papers n° 27, Institutional investors, global savings and asset allocation, février 2007.
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