HÉLÈNE
TROCMÉ-FABRE
Illustrations de Thierry Huort
LE Le seul métier durable aujourd’hui
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Éditions d’organisati...
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HÉLÈNE
TROCMÉ-FABRE
Illustrations de Thierry Huort
LE Le seul métier durable aujourd’hui
c!!
Éditions d’organisation - .~~ ~
Éditions d'organisation 1 , rue Thénard 75240 Paris Cedex 05 ww w.edi tions-organisation .coni
c
Le code de la propriété intellectuelle du Icr juillet 1992 interdit en effet cxpresséniciit la photocopie h wage collectif sans autorisation dec ayants droit. Or, cette pratique s'est généralisée notamment dans I'enscignement, provoquant une baisse brutale des achats de livre\, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd'hui menacée. En application de la loi du 1 1 mars 1957 il cst interdit de reproduire iiitégralement ou partiellement le pré\ent ouvrage, sur quelque suppor~que ce soit, sans autorisation de l'Éditeur ou du Centre Français d'Exploitation du Droit de Copie, 20, rue des Grands Augustins, 75006 Paris. O Éditions d'Organisation. I999 ISBN : 2-708 1-2244-4
Réinventer le métier d’apprendre
FRACT’UALITÉS.. .
Au fil des pages C e livret est c o m p o s é d ' i m a g e s fractales reliées à c h a q u e partie d u livre. Les objets fractals1 sont des structures mathématiques très fines et arborescentes, qui permettent la modélisation d e phénomènes naturels, tels q u e la cristallisation o u la croissance d e s végétaux. Elles sont obtenues en r é p é t a n t s y s t é m a t i q u e m e n t (itération) un motif g é o m é t r i q u e . C e motif d e b a s e p e u t être s i m p l e et e n g e n d r e r u n e figure c o m p l e x e . L e u r i n v a r i a n c e lors d'un changement d'échelle est une d e leurs caractéristiques. Cette propriété est c o n n u e sous le n o m d'autosimilarité. I1 est alors difficile d e distinguer le tout d e la partie p u i s q u e le tout est identique a une de ses
parties. L e s i m a g e s rythment notre d é v e l o p p e m e n t d a n s une d a n s e incessante q u e nous e s s a y o n s d e décrire, d e c o m p r e n d r e et d'interpréter a u fil d e s expériences q u e n o u s vivons. E t pourtant, qu'il est difficile d e représenter, d'illustrer s a n s une certaine linéarité, la r i c h e s s e d e s p r o c e s s u s et a u t r e s bifurcations qui régissent la vie, l'amplifient et lui d o n n e n t c e caractère si précieux ! N e p e r ç o i t - o n p a s u n e f o r m e d e motif universel q u i n o u s c o n d u i t à appliquer des modèles issus d e la neurologie a l'organisation des entreprises, à établir des analogies entre aléas météorologiques et comportements chaotiques des marchés financiers, à trouver des similitudes entre processus d e cristallisation minérale, et processus de croissance d e l'embryon ? C e t t e q u ê t e m ' a e m p o r t é vers c e m o n d e é t r a n g e d e s fractales. C e s o b j e t s nous parlent et résonnent e n nous certainement d e manière différente. Mais sans doute, nous partagerons une remarque : avec des motifs d'origine, qui ne présentent a priori qu'une infime différence, une s i m p l e action sur q u e l q u e s p a r a m è t r e s suffit p o u r n o u s offrir tout u n m o n d e d e diversité. Ce q u i i m p o r t e , c ' e s t m o i n s l a p r é c i s i o n d e l a d o n n é e i n i t i a l e q u e sa biographie. Autrement dit, chaque expérience (itération) et chaque changement d e p o i n t d e v u e (focale) s u r c e t t e e x p é r i e n c e , n o u s c o n d u i s e n t à g a g n e r un degré d e c o m p l e x i t é supérieur, à modifier notre structure, à enrichir notre motif personnel, à actualiser notre potentiel, et à exercer notre métier naturel : le métier d'apprendre.
Thierry HUORT
AL^ lecteur - II
J 'existe, donc j 'apprends - III
Fondements, archéologie des ressources - IV
Architecture et niatériaux - V
Habiter en Apprenaiiçe - VI
Mise
eii
pevspective
-
VI1
Né pour Apprendre (Annexe I )
Paroles en partage (Annexe II)
Bibliographie
je dédie ce livre au “oui“ sacré de l’enfance d’hier, d’aujourd’hui et de demain et, tout particulièrement,
à Emma, David, Justine, Noémie, Quentin et Rachel.
Réinventer le métier d'apprendre
une Université Apprenante
Habiter en apprenance
5. Organiser les temps d'apprendre 6. Un métier, un référenciel 7. Ingénierie. démarche
I
La page ci-contre n’est pas manquante. Elle représente la “réserve de blanc”, qui permet le processus d’intériorisation et de transformation par lequel toute chose devient sens. En musique, le silence crée l’espace grâce auquel le son se dépasse, et accède à une résonance vers et par-delà d’autres résonances. Le lecteur a. lui aussi, besoin d’un espace de résonance pour
que s’instaure le temps d’une lecture réciproque, entre le vouloir dire et le pouvoir dire des mots.
A u lecteur
Mlsr en perspecnve
I I
A u lecteur Apprendre est a réinventer Ce livre s’inscrit dans la continuité de trois ouvrages précédents, et comme eux, il a l’ambition ni de convaincre ni de démontrer quoi que ce soit, mais de “donner à voir”. Le lecteur est invité à devenir explorateur de son questionnement, archéologue de ses propres ressources et architecte de son projet d’apprenance ou d’accompagnement. j’apprends doncj e suis 1 a posé les bases d’une passerelle qui relie les découvertes en neurosciences et sciences cognitives aux situations éducatives. Apprendre aujourd’hui 2 a invité l’éduquant au questionnement et à l’exploration de la situation cognitive. Les sept films vidéos de la série Népour apprendre 3 ont recueilli les témoignages de personnalités scientifiques sur les avancées de la recherche, dans différents domaines impliqués dans notre vie cognitive. Ces films constituent un matériau de travail, une méthodologie et des propositions de développement individuel et collectif. Le moment est venu de partager une réflexion et une pratique d’accompagnement de plus de dix années, autour du concept d’apprenance. Ce néologisme a été choisi de préférence à “apprentissage”, encore fréquemment utilisé pour désigner le statut de l’apprenti. L‘apprenance est un concept plus vaste, nomade et métissé. Le mot “apprenance”, grâce à son suffixe (“-ance”) indique qu’il s’agit d’un processus s’inscrivant dans la durée. il rappelle au monde éducatif que l’aridité pédagogique n’a pas lieu d’être, et qu’il existe une alternative aux logiques d’exclusion et de compétition que l’École encourage, tant qu’elle ne reconnaît pas que la capacité d’apprendre est la caractéristique du vivant. L‘École ira mieux lorsqu’elle aura une vision anthropologique forte de son propre rôle et qu’elle reconnaîtra à I’apprenance le statut de patrimoine de l’humanité. Un autre objectif de ce livre est de souligner l’impact des avancées technologiques sur notre vie cognitive. Certains domaines de connaissance sont devenus incontournabZes pour un éducateur aujourd’hui. Les récentes recherches en neurobiologie confirment que nous sommes capables d’apprendre tout au long de la vie. Apprendre est donc une aventure qui dépasse infiniment le cadre de l’école, qui est à réinventer, et qui est, sans doute, le seul métier durable aujourd’hui. 1. Les Éditions d’organisation (1987, Poche 1994). 2. Cheminement Éditions (1994). 3 . Coproduction, École Normale Supérieure de St-Cloud, Université de La Rochelle (1996).
AU lecteur
Les différentes parties du livre sont étroitement reliées entre elles et se structurent les unes les autres, comme le suggèrent les images fractales qui illustrent l’ouvrage. Ces images plaident, mieux qu’un discours, pour nous convaincre que notre cadre conceptuel est à recadrer. Le monde éducatif doit accueillir de nouveaux concepts, et accepter l’idée que notre vie cognitive est faite de ce qui caractérise le monde des objets fractals : changements d’échelle, irrégularités du réel, mouvements vers l’infini, ordre impliqué, caché, imprévisible bien que répétitif.. . Cette fascinante géométrie fractale suggère, surtout, l’extraordinaire pouvoir organisateur de la “turbulence chaotique” et la puissance de création de formes qui serait précisèment, selon des travaux récents, la caractéristique de nos événements mentaux 4. La “réserve de blanc” (I) et le texte Au lecteur (II) jouent le rôle d’introduction. La Partie II1,j’existe doncJ”apprendr,développe l’idée que l’apprenante est la caractéristique du vivant. Pour réinventer I’apprenance, c’est-à-dire lui donner une valeur nouvelle, il en va comme pour le bâtiment. Avant de structurer et de construire, un important travail doit être effectué pour permettre le déblaiement du terrain, le creusement des fondations, et l’écoute de l’environnement dans lequel ont lieu les actes d’apprendre et les actes d’enseigner. Avant de chercher à connaître les ressources cognitives dont nous disposons et se mettre à l’écoute des récentes recherches sur le cerveau, il nous faut d’abord ouvrir un espace de questionnement et de résonance, repérer nos représentations, faire le point sur nos ignorances, comme sur les ressources dont nous avons besoin et celles dont nous disposons. C’est ce que propose la Partie IV, Fondements, archéologie de nos ressources. Pour construire, il faut des matériaux. La Partie V, Architecture et matériaux propose de reconfigurer la problématique éducative, et se penche d’abord sur le temps d’apprendre et les moyens de rendre à l’apprenante son caractère durable. L‘idée qu’apprendre est un métier a déjà été évoquée. Comme tous les métiers, le métier d’apprendre a besoin d’un référentiel qui clarifie les capacités cognitives à mettre en jeu à chaque étape du développement. Ce référentiel cognitif est présenté sous la forme d’un arbre, “l’rirbre du savoir-apprendre”, dont les étapes suivent la logique du vivant, celle de l’évolution phylogénétique et du développement ontogénétique. Ce référentiel permet de relier les activités demandées à l’apprenant aux compétences nécessaires pour réaliser ces tâches. il sert de repère pour situer autrement la problématique d’apprenance. Comme dans tout métier, une ingénierie est nécessaire, garantissant les conditions et les techniques indispensables pour que celui qui exerce ce métier fasse le meilleur usage de ses capacités et de ses compétences,
4. Cf B. Mandelbrot (1995). CF aussi C. Hardy (1998).
UAu lecteur c’est-à-dire qu’il puisse les relier à ses actions, ses paroles et ses pensées. Cette ingénierie, spécifique à l’acte d’apprendre, vient compléter les ingénieries de la formation et de la didactique déjà existantes. De cette réflexion émerge la nécessité d’élaborer un cahier des charges, inventaire de ce qui revient à chacun des partenaires de la situation d’apprenance. S’élabore ainsi la trame de chartes spécifiques à chaque situation, clarifiant les responsabilités et les statuts des partenaires éducatifs, déterminant les limites des zones et durées à investir, ainsi que les interactions à établir. Parce que celui qui apprend et le maître qui a déjà appris se placent dans une relation dialogique, un accompagnement et une transaction sont à construire. Divers outils, destinés à faciliter “l’entrée en apprenance” et l’accompagnement de celui qui enseigne à apprendre, sont proposés dans Habiter en apprenance (Partie VI). Ils ont été utilisés, en France et à l’étranger, tout au long de ces dix dernières années, par des formateurs, enseignants, apprenants et divers publics en entreprise. Ensemble, nous avons pu éviter d’en faire des recettes, du prêt-à-penser et du prêt-à-faire pédagogiques. Ce sont des ounYs transversaux, grilles ou matrices, destinés à être adaptés à des situations et des publics variés, dans le respect des contextes et des priorités locales. Pour habiter, il faut savoir entrer ...Le seuil est à franchir au niveau de nos représentations : savoir les recueillir “sans condition”, les regarder sans jugement, et leur permettre d’être un tremplin et non plus un obstacle. Les pas suivants sont ceux de “la longue marche de l’évaluation’’, qui, plus qu’aucun autre concept demande à être revisitée, questionnée, refondée. Viennent ensuite des moyens d’accompagner l’émergence de I’apprenance : trois temps (avant, pendant et après) et trois outils préparant la voie à l’autonomie (auto-positionnement, -questionnement, -évaluation). L‘avant-dernier chapitre, “Relier”, est consacré à différents aspects de la “reliance”,cet acte fondamental de tout organisme vivant. En Post Scriptum aux chapitres de Ia Partie VI, un matériau de travail sous forme de sondages, grilles de décodage, matrices, questionnaires.. .est destiné à faciliter l’élaboration d’une démarche individuelle ou collective. Il serait absurde de vouloir conclure un ouvrage conçu pour mettre en mouvement le regard du lecteur. Celui-ci, qu’il en soit conscient ou non, reste totalement aux commandes de sa lecture et de son interprétation des documents offerts ou cités. La conclusion, classiquement attendue, est ici une Mise en perspecnave(Partie VII). Elle propose au monde éducatif de remettre en chantier sa propre vision et de s’inspirer de recherches menées dans le domaine socio-économique, pour explorer les concepts de transaction éducative, d’intelligence collective, d’apprentissage solidaire et réciproque, d’organisation apprenante, ou de communauté éducative. En réponse à de nombreuses demandes, l’Annexe I regroupe une synthèse des objectifs, spécificités et idées-forces des sept vidéogrammes
I
II
I Au lecteur
de la série “Népourapprendre”. L‘Annexe II propose deux exemples de recadrage de l’acte d’apprendre, l’un sur l’acte de lire, l’autre sur l’université apprenante. Ces deux textes sont précédés d’un choix de “Paroles en partage”, recueillies autour des concepts-clés de cet ouvrage. De très nombreuses notes et des Références bibliographiques faciliteront un prolongement d’exploration personnelle ou en groupe. En construisant cet ouvrage, j’ai été particulièrement à l’écoute de l’inquiétude exprimée par les différents acteurs de la situation éducative (apprenants, enseignants, parents, responsables éducatifs), confrontés à des sollicitations et des difficultés de tous ordres et de plus en plus nombreuses. Consciente de la force de résistance des routines, des certitudes et des repères séculaires, j’ai privilégié les démarches d’accompagnement qui sollicitent ce qui émerge de l’inattendu, de la rencontre, du questionnement, de la joie de connaître et du risque partagé des possibles. Consciente, également, qu’on ne peut emprisonner la vie dans un modèle ni transmettre autre chose que le mouvement, j’ai choisi de porter mon regard vers ces potentialités qui, en chacun de nous, restent à découvrir, à actualiser et nourrir sans cesse. Dans l’immense continent de notre vie cognitive, j’ai exploré ce qui tend vers l’infini, comme les images que nous offre ce livre.
l’existe, cioncj ’apprends
1 III 1
L’apprenance, caractéristique du vivant
/’existe, doncj?apprends Plus on s’approche, plus on voit. Giacometti
1. L’apprenance, caractéristique du vivant
L‘élan d’apprenance Exeunt la logique unique, le niveau unique, la relation unique, la dimension unique ! D’où l’importance de parler du métier d’apprendre... Guider l’entrée en apprenance Porter notre biologie, au lieu d’être porté par elle Réenchanter l’acte d’apprendre
l’existe, donc j’apprends
1 - L‘apprenance, caractéristique du vivant
1
L’apprenance, caractéristique du vivant L‘élan d ’apprenance Dans la culture qu’il est convenu d’appeler “occidentale”,l’acte d’apprendre a été, depuis longtemps, confisqué par l’École et les milieux éducatifs. Or, cet acte appartient d’abord et avant tout à la Vie. I1 y a fort à parier qu’Homo n’aurait été ni “erectus”, ni “faber”, ni “loquens”, encore moins “sapiens sapiens” ni, comme il est qualifié aujourd’hui, “communicans”... s’il n’avait été, avant toute chose,“cognoscens” 1, c’est-à-dire habité par l’élan d’apprenance, par le désir de connaître et de reconnaître qui caractérise tout organisme vivant. Cet élan d’apprenance est l’expression, le visage même d’un autre élan, celui qui mène l’humain dans et vers sa propre quête de sens. Cette quête de sens est, à son tour, l’expression d’un profond désir, d’un besoin d’engagement dans un processus de mise en constuction ou de mise en ordre, plus précisément d’une exigence de structuration dont témoigne notre présent biologique et, avec lui, la mémoire de nos cellules. Cette exigence de structuration fait sans doute partie de l’élan de complexité que raconte l’histoire de l’univers. L‘acte d’apprendre est, avant toute chose, un acte neuro-culturel. II est à lire dans sa dimension plurielle : biologique, anthropologique, sociale, politique. Dans la dernière décennie, de très nombreux ouvrages ont abordé la problématique de la pédagogie de l’acte d’apprendre. Certains parlent même du métier d’élève, ou du métier d’étudiant 2. Pour les acteurs du monde éducatif (apprenants, enseignants, formateurs, responsables institutionnels, commanditaires, parents.. .) l’acte d’apprendre est, en général, positionné dans une relation unique d’instruction et de commande. Notre langage quotidien, qui utilise couramment les termes “transmission du savoir” et “acquisition des connaissances”, situe l’acte d’apprendre dans sa relation avec un informateur ou une information jugée extérieure au sujet. Le savoir est implicitement considéré comme une entité existant en sod que l’on peut prendre, transmettre telle quelle, en espérant que celui que l’on considère comme le destinataire sera réceptif.. . Cette conception du savoir et de l’information mène tout droit à l’actuel système quantitatif d’évaluation des résultats : l’apprenant, l’élève, le 1. Du latin cognosco, j’apprends à connaître. je cherche à savoir, je reconnais (dict. Gaffiot. Hachette). 2. Cf, parmi de très nombreux titres, Astolfi J.P. (1992) ; Avanzini G. (dir.) (1996) ; Aumont B et Mesnier P.M. (1992) ; Barth B.M. (1987) ; Buzan T. (1997) ; de Bono E. (1985) ; Coulon A. (1990) ; Debray R. (1989) : Desroche H. (1990) ; Déveiay M. (1992) ; Gardner H. (1996) ; Giordan A. et de Vecchi G.(1990) ; Gouzien J. L. (1991) ; Meirieu Ph. (1987) ; Reboul O. (1980) ; Rey B. (1996) ; Vecchi de G. (1992) ; Williams L.V. (1986).
/’existe, donc j’apprenk
1 - L‘apprenance, caractéristique du vivant
“formé” a retenu, croit-on, une certaine proportion du “message” que l’on évalue par une note chiffrée. Notre expérience individuelle et quotidienne nous enseigne non seulement qu’on ne peut pas apprendre seul, ni comprendre, ni communiquer à la place d’un autre, mais, aussi et surtout, qu’apprendre n’est pas du domaine du recevoir, du donné tel quel ..., ni affaire de “packaging” ni de consommation. Apprendre est un processus de création de liens dans notre vie mentale, affective, sensori-motrice, neurologique. Ces liens sont essentiellement complexes, labiles, adaptables, dynamiques, heuristiques. De nombreux facteurs interviennent pour rendre l’apprenance difficile, jugée même impossible par les apprenants, jeunes ou moins jeunes. Pourtant, les neurophysiologistes et les systémistes confirment aujourd’hui que tout organisme vivant est, par nature, “apprenant”. 11 est donc possible d’en déduire qu’un organisme qui n’apprend pas est un organisme qui croit ne plus pouvoir apprendre. Affaibli, déçu, paralysé par la peur de l’échec, par l’angoisse de ne pas “réussir”, par la tristesse et la déception, l’organisme apprend à se voir incapable d’apprendre. I1 est, par conséquent, condamné à ne plus se réguler, à ne plus s’adapter, à ne plus évoluer. Cette situation, synonyme d’enfermement et de mise en arrestation, déclenche une véritable souflance cognitive. Elle est la conséquence d’une très grande violence, une violence blanche, peu visible, d’origine multiple, mais qui s’exerce de façon souterraine, et mine les situations éducatives apparemment “normales”, c’est-à-dire culturellement admises. Cette violence s’exerce chaque fois que l’homme va à l’encontre des lois du vivant, et en particulier lorsqu’un organisme vivant est empêché d’être porteur de son propre potentiel d’évolution, de transformation, d’adaptation, et donc d’apprenance. En fait, la forme la plus insidieuse et la plus destructrice du chômage est le chômage cognitif.
44Exeunt” la lo@que unique, le niveau unique, la relation unique, la dimension unique ! Parce que notre capacité d’apprendre se manifeste au niveau biologique, au niveau social et à un troisième niveau qu’on peut appeler la quête de signifiance 3 , l’objectif de ce livre est de clarifier la nature, la fonction et le statut de l’apprenance. Capacité cognitive éminemment complexe, interactive et dynamique, le processus d’apprenance est à la fois individuel et collectif, implicite et explicite. Il se place dans l’espace-temps de l’individu et de l’humanité. Les recherches en sciences cognitives et neurosciences permettent actuellement de clarifier une fonction essentielle de l’apprenance, celle d’auto-organisa-
3 . “signifiance”désigne ici le voyage de recherche de sens.
l’existe, donc j”apprenak
1 - L‘apprenance, caractéristique du vivant
tion et d’auto-poïèse 4. Cette capacité de s’auto-organiser, de s’auto-structurer, de s’auto-construire permet à l’organisme vivant de ré-organiser les interactions dues à son interdépendance avec l’environnement, en d’autres termes de tenir compte du contexte et de ses constituants : nous apprenons ici et maintenant, avec notre mémoire d’hier et de demain. L‘apprenance a unefonction à lafois de stabilisation, de régulation, de transformation, d’adaptation et d’évolution. Grâce à sa capacité d’apprendre, l’être humain est en mesure d’actualiser, c’est-à-dire de rendre manifeste (de réaliser) son potentiel d’évolution, cet élan de complexification et de dépassement qui caractérise le vivant. S’actualisant dans le présent, à l’interface de ce qui a été et de ce qui sera, notre apprenance est le moteur de l’émergence du sens que nous recherchons : c’est parce que je dois agir aujourd’hui avec ce que je sais d’hier et ce que je voudrais pour demain, que je cherche le geste, l’acte, la parole, la pensée qui conviennent à ce que je suis, ici et maintenant. L‘apprenance, avant tout, a un statut d’acte existentiel, en pleine cohérence avec les lois de la vie. Apprendre, c’est obéir à une logique plurielle : de régulation, d’adaptation et d’évolution. Parce qu’il s’agit d’un processus, celui qui apprend s’inscrit dans la durée : il y a toujours un avant, un pendant, un après. Le statut de l’apprenance est double : à la fois cause et conséquence de la transformation générée et constatée, à la fois cause et conséquence de l’entrée en relation avec notre environnement, avec les autres et avec nous-même. L‘actualisation de l’apprenance dépendra donc de la posture, du positionnement, de l’attitude, de l’intention, des conditions dans lesquelles se trouve l’organisme apprenant, et de la façon dont il est relié à son environnement. aux autres et à lui-même. D’où l’importance de parler du metier d’apprendre.. I
La profession d’apprenant a les limites que lui impose I’environnement physique, familial, social, politique, culturel. Ce qui caractérise ce métier, c’est d’être le plus vieux du monde ! Apprendre est un métier à risque : on y accepte le risque de changer, donc de ne plus être reconnu ni reconnaissable. Or, l’acte de reconnaître est sans doute le premier acte de notre vie cognitive 5. C’est ce qui explique, sans doute, le grand désarroi ressenti par celui pour qui la reconnaissance n’a plus lieu : la reconnaissance des visages, la reconnaissance des mots, des noms, des savoirs-faire s’estompe avec certaines maladies et, croit-on, avec l’âge, mais, sans doute, surtout avec l’appauvrissement de la “reliance”, cette capacité ou intention de se relier à l’environnement. aux autres et ... à soi-même. Le selon le terme de E Varela. 5. L‘enfant, deux heures après sa naissance, est capable de reconnaître le visage de sa mère, la voix pater4.
nelle, et, tactilement. la forme de différents objets (communication Mme Michèle Kail. Laboratoire Cognition et Développement, CNRS).
rexiste, cionc ‘/apprends
1 - L‘apprenance, caractéristique du vivant
risque encouru par l’apprenant est aussi celui d’avoir à ré-interroger ses valeurs, à s’engager dans l’inconnu, à réorganiser ses habitudes, à accepter l’étrangeté, et interroger son identité 6 . Un statut supplémentaire doit être accordé à l’apprenance, celui de patrimoine de l’humanité. La capacité d’apprendre est ce que les hommes ont de plus précieux tant que leur corps héberge la vie. Ce patrimoine commun est quantitativement et qualitativement beaucoup plus important que les différences qui séparent les êtres humains modelés par leurs cultures respectives. Enseigner (faire apprendre) cet aspect de notre réalité humain, c’est ériger un rempart efficace contre les dangers qui menacent notre humanitude.
Guider l’entrée en apprenance Comme dans tout métier, celui qui “entre en apprenance” doit être accompagné vers la maîtrise des gestes et la capacité de décision qui sont le signe de l’autonomie des gens de métier. Pour ce faire, les rôles doivent être redéfinis. Le guidage, sous forme d’accompagnement, de médiation, de transaction, est destiné à rendre l’apprenance durable, ce qui nécessite de poursuivre deux autres objectifs. Le premier consiste à sortir de la logique linéaire et binaire d’opposition : enseignant / apprenant ; savoir / ignorer ; juste / faux ... Il s’agit de ”re-visiter” les concepts associés à notre vie cognitive. Chacun de nous met derrière les mots “apprendre”, “comprendre”, “savoir”, “erreur”, “évaluer”, “connaître” et “reconnaître”... le sens qu’il a forgé à partir de sa propre expérience, de ses croyances, de ses représentations et de son histoire. L‘intérêt de tenir compte des conceptions individuelles, “biographiques” dans la pensée de chacun, est maintenant reconnu par de nombreux psycho-pédagogues. Cette étape doit faire partie du travail d’apprenance pour lequel des propositions concrètes sont faites dans cet ouvrage. L‘autre objectif consiste à proposer de désenclaver l’acte d’apprendre de son carcan strictement scolaire, en le rapprochant de la dimension cognitive qui doit être (re)connue par les différents partenaires non seulement de la situation éducative, mais du monde social et économique. Percevoir, mémoriser, organiser, associer, sélectionner, ancrer, innover, exprimer, échanger sont des actes cognitifs “naturels” qui demandent à être “initialisés” à nouveau, accompagnés, entraînés, vérifiés.. . Ceci signifie qu’une véritable initiation, une alphabétisation, une mise en culture sont nécessaires, de même qu’il est essentiel de reformuler nos problématiques aujourd’hui, en se mettant à l’écoute des recherches sur notre vie cognitive. Ceci est d’autant plus possible que 6. L‘identité, comprise non pas comme ce qui est
“mêrne”(idem), mais ce qui est “soi” (ipse).
]’existe, donc j’apprends
1 - L‘apprenance, caractéristique du vivant
certaines de ces recherches sont devenues accessibles aux non-spécialistes et au grand public 7.
Porter notre bioZogie, au lieu d’être porté par eZZe L‘approche proposée dans cet ouvrage vise une démarche qu’ont utilisée les architectes de Lascaux II lorsqu’ils ont emprunté à l’architecture navale la structure d’“auto-portance”. Cette analogie nous encourage à “porter notre biologie au lieu d’être porté par elle” 8 , comme nous sommes si souvent tentés de le faire. Au-delà de la “simple” autonomie (étymologiquement “gestion de soi”, et non indépendance), il nous revient de devenir responsable, acteur et auteur de nos propres moments d’apprenance, et d’inscrire ceux-ci dans le mouvement, c’est-à-dire dans notre parcours, et devenir ainsi “écolier de soi-même”, selon les termes de Casanova. Car c’est bien d’un parcours qu’il s’agit. Celui qui apprend construit chaque étape d’un “chemin qui se crée en marchant” 9. Mais, on ne le redira jamais assez, ce parcours est d’autant mieux construit que les règles du jeu sont connues des acteurs eux-mêmes. Les premières règles à observer, par les apprenants et par ceux qui les accompagnent, sont de connaître et re-connaître l’immense potentiel dont nous disposons, d’entrer dans la logique du “non-encore’’ (et donc d’abandonner la logique binaire juste / faux), d’observer les moyens, outils et démarches nécessaires pour transformer nos capacités cognitives en compétences cognitives, c’est-à-dire en capacités actualisées et reconnues.
Réenchanter 2 ’acte d’apprendre Des sondages faits auprès d’enseignants, de parents et d’apprenants 10 ont montré qu’“apprendre” est pour eux, le plus souvent, équivalent d’“acquérir”, “assimiler”, “capter, “répéter”. La pédagogie de type “instructionnel” cherche à répondre à cette conception. Elle est encore dispensée avec la plus grande conviction. Elle utilise un arsenal de certitudes, et, par voie de conséquence, son questionnement est quasi inexistant. Toute pratique pédagogique renvoie implicitement à une certaine conception du monde, une vision de l’homme, un choix de société. Aujourd’hui, les spécialistes des sciences cognitives et des sciences de la nature nous permettent de comprendre que la conception quantitative et mécaniciste de notre fonctionnement mental, bâtie sur une préoccupation de contenu (et non de processus), ne correspond pas à notre réalité céré7. De très nombreux dossiers, revues, articles, émissions de radio et de télévision, et quelques CDRom ont abordé le fonctionnement du cerveau dans les années 90. Cf par exemple le CDRom de Lévy. B. et Servan Schreiber E. (1997). 8. L‘expression est de M. Zundel (1996). 9. A. Machado, Cantares 10. CE Partie Vi, chapitre 8, post-scriptum 2.
rexiste, donc j”apprenak
1 - L‘apprenance, caractéristique du vivant
brale, corrélat neurophysiologique de notre capacité d’apprendre. Apprendre ne consiste pas à ajouter quelque chose à autre chose, sur une ligne qu’on aimerait droite, tracée d’avance, si possible. Apprendre, c’est changer, modifier, transformer, réorganiser, bifurquer vers un autre degré de complexité. Pour ré-enchanter l’acte d’apprendre, il est urgent de comprendre que le monde qui nous incite à réussir, à faire, à avoir, à produire, à consommer.. . passe à côté de l’essentiel. Ce monde ignore une vision de l’être humain global et en devenir, dont la place est dans le chantier de la vie, chantier qui s’étend à perte de vue, bien au-delà de nos certitudes fossiles et des limites de notre perception. L‘histoire de notre cerveau nous apprend que, de toute évidence, nous participons de et à l’évolution, précisément en actualisant notre capacité d’apprendre. Le retour aux racines biologiques de I’apprenance et l’exploration du fonctionnement de notre vie cognitive permettent une énorme économie de discours théorisants, socialisants, psychologisants, idéologisants.
Fondements, arc.éolog.iedes ressources 2. Resonance et questionnement 3. À l’écoute de l’environnement
4. Points d’orgue pour une vie apprenante
Fondements, archéoZo@k des ressources 2. Resonance et questionnement
Une urgence : ouvrir un espace de questionnement 3. À l’écoute de l’environnement : trois (r)évolutions
(technologique, scientifique, conceptuelle) Cloisons et océans de certitudes Un monde gorgé de technologie Lire autrement le livre de l’univers et de la Vie 4. Points d’orgue pour une vie apprenante Paradoxe du XXe siècle
L‘incontournable complexité Les leçons du vivant Percevoir et agir Nous sommes temporalité, durées et rythmes Nous sommes notre vision Nous sommes bifurcations, changement et dialogues Nous sommes mémoires Une vie cognitive sans frontières ni cloisons Cultures et langages : deux visages de l’émergence
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Resonance et questionnement ‘ye ne crois pas que l’univers soit muet, /e crois plutôt que la science est dure d’oreille”1 “Eflorcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous seraitfnnée, comme un livre écrit dans une langue étrangère... Ne vivez pour l‘instant que vos questions. Peut-être en les vivant, Jinirez-vous par entrer insensiblementdans les réponses. 2 ”
Une urgence :ouvrir un espace de questionnement Le monde éducatif, le monde des adultes, est, comme le monde scientifique, particulièrement attaché à ses certitudes. Mais qu’on se rassure ! Il ne s’agit pas d’ériger ici un tribunal pour y faire comparaître un monde adulte qui a si longtemps été persuadé que l’enfant naissant (et l’apprenant..) était une table rase, une “masse à modeler” selon des principes de morale ancestrale et les exigences de l’héritage culturel. L‘objectif de cet ouvrage est de proposer un espace, un “point d’orgue’’ pour que la réflexion se mette au service du contenu, et non l’inverse. Dans le domaine musical, le point d’orgue est un signe correspondant à un temps d’arrêt qui suspend la mesure sur une note dont la durée peut être prolongée à volonté. Au XViIIe siècle, le point d’orgue, placé vers la fin d’un morceau, “sur un accord de quarte et sixte”, invitait le virtuose à improviser une “cadence”.L‘idée m’est venue que notre vie cognitive est une partition dans laquelle, plus que jamais à la fin d’un X X e siècle plein de fureurs, les pauses, les silences, et les durées doivent être respectées. interprètes de notre propre pensée et de celle des autres grâce à notre langage, trouvons-nous encore l’espace de l’improvisation, et la capacité d’entrer dans le souffle d’un accord “de quarte et sixte”...? La durée, indispensable à l’improvisation, cette capacité innée et, comme on le verra, cette exigence d’équilibre de notre cerveau, est ce qui peut nous libérer du prêt-à-penser et du prêt-à-faire, redoutable menace de fossilisation pour celui qui apprend. L‘espace de résonance est aussi le passage obligé par lequel, avant de jouer d’un instrument à corde, il faut l’accorder. Accorder signifie faire en sorte que les cordes ne soient ni trop tendues ni trop lâches. L‘accord se fait au diapason d’abord, puis à la tonalité de l’œuvre que l’on va interpréter. Tonalité majeure ou mineure. Ne rien imposer de force, laisser être. Ce n’est qu’après ce temps d’accordement que le travail peut commencer et que la résonance est possible. Reeves (1990). Rilke (1937).
1. Hubert 2. R.M.
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En situation d’apprenance, c’est le corps quijoue. Notre corps est, à lui seul, un orchestre tout entier. Instrument à cordes, instrument à vent, percussion. Lorsqu’il aborde un nouveau programme, une nouvelle œuvre, ce corps-orchestre a déjà une histoire, un passé neuro-culturel, un langage constitué qui est la langue de la communauté à laquelle il appartient. Ce corps apprenant a des habitudes, des croyances, des représentations auxquelles il est attaché, et qui, souvent, le rendent sourd, parfois muet, face à la nouvelle œuvre et surtout face à lui-même. Accorder ce corps apprenant signifie le mettre en relation avec son propre potentiel, avec sa recherche de sens, avec l’œuvre qu’il va jouer, avec l’espace et le temps où vont prendre place ses propres actes d’apprendre. Notre histoire, notre biographie, se construit avec et par nos représentations, c’est-à-dire les images que nous nous forgeons du monde extérieur, des autres et de nous-même. Ces représentations sont, selon les termes de Christiane Singer, “un véritable filet qui nous empêche de prendre le large” 3. Regarder en face ces représentations, repérer les images que nous formons au sujet des situations, des personnes ou des objets de notre environnement constitue l’une des premières étapes d’un acte d’apprenance. Ces images parfois visuelles, parfois auditives, parfois ressenties kinesthésiquement 4, peuvent aussi devenir des leviers de compréhension si nous les considérons comme des pré-conceptions, des idées “déjà là”, et si nous acceptons de les soumettre au regard des autres. 11 s’agit là d’un véritable travail qui fait déjà partie de l’acte d’apprendre et du long voyage de recherche du sens, d’autant plus long qu’il consiste à ébranler (patiemment !) les croyances institutionnées et les évidences du type A = A. La stratégie consiste à ensemencer un changement conceptuel qui permettra d’abandonner une interprétation restreinte de la réalité, pour découvrir d’autres aspects et d’autres relations, et créer le besoin d’un “conflit conceptuel” d’autant plus bénéfique qu’il est l’occasion, pour l’apprenant, de ressentir le besoin d’un modèle théorique, et, pour l’enseignant, de proposer une solution nouvelle et l’approche des concepts scientifiques. Avant d’entrer dans la stratégie elle-même 5, quelques “arrêts sur images” permettent de déblayer encore le terrain :
-/e ne te demandepas qui tu es,je te demande quel est ton questionnement. Nos représentations sont d’autant plus présentes dans notre vie cognitive qu’elles figent souvent notre questionnement. Elles en fon3. C. Singer (1983). 4. Cf M. Denis (1993). Cf aussi le traitement des images mentales dans l’approche PNL et dans la théorie des profils pédagogiques d’A. de la Garanderie. 5. Cf la Partie Vi, chapitre 8 “Entrer dans nos représentations” et le chapitre 10 “Accompagner l’émergence”. Divers ouvrages et articles ont, depuis le début de la décennie 90, traité de la place impottante des représentations dans l’acte d’apprendre : cf Giordan A. et de Vecchi G. (1990) ; Favre D. (1992) ; cf aussi le dossier consacré aux representations mentales et sociales par la revue Sa’mcesHumaines, n. 27, avril 1993.
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dent même le socle et jouent le rôle de “bureaucratie centrale”. Un exemple : ce questionnement recueilli auprès de responsables de Ressources Humaines a révélé trois types de questionnement présentés comme prioritaires : “Comment donner (ou redonner) aux individus l’envie d’apprendre ?” “Comment enlever ce qui empêche d’apprendre ?” “Quels sont les freins à l’apprentissage en continu ?” Ce questionnement part du constat d’un décalage entre le rythme auquel de nouvelles connaissances devraient être “assimilées” et la capacité d’assimilation des intéressés. Mais ces questions partent à leur tour d’un double postulat : (1) l’apprentissage est un processus d’assimilation, (2) les connaissances sont extérieures au sujet apprenant.
La réponse escamote souvent la question Nous ne pouvons donc pas faire l’économie de questionner notre système de représentations et notre système de références, car ils sont tous deux responsables de la façon dont nous posons le problème. Cela peut se faire en plusieurs temps : - Questionner le constat. Dans l’exemple cité ci-dessus, d’autres questions sont sous-jacentes : “Qu’est-ce qui me fait dire que l’envie d’apprendre peut se donner ? que les freins peuvent s’enlever (de l’extérieur) ? que l’apprentissage est un processus continu ?” - Faire émerger un nouveau questionnement concernant le contexte du constat, à la fois permet une analyse plus fine de la situation, et l’élargit à d’autres paramètres et à d’autres types de relations. Toujours dans le même exemple, le questionnement à faire naître pourrait être : “Qui apprend ? S’agit-il d’apprentissage imposé, parachuté, obligatoire, captif, ou librement consenti, choisi, ancré dans un parcours ?” “S’agit-il d’obstacles externes ? internes ?” “Quel est le postulat de départ ? (Exemple : tout le monde peut apprendre) -
- Réinterroger
le questionnement Cela implique de prendre conscience de nos références et points d’appui (nos savoirs, nos croyances), de notre expérience antérieure et de nos idées-forces. Ainsi est mise en mouvement la situation d’analyse qui stagne, souvent, dans une linéarité stérile et bloquante du type : je constate -t c’est la faute à... je constate 4 la conséquence est que ...
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2 - Resonance et questionnement
- Dans tout constat, ily a langage C’est bien là la question ... Notre langage, cette merveilleuse invention de notre cerveau et de notre corps tout entier, a, comme tout outil, des limites : celles de l’utilisation qu’on en fait. Que choisissons-nous : subir notre langage quotidien ou le réinterroger, recadrer certains concepts usés jusqu’à la corde, rechercher la sève du sens, créer de nouvelles relations parmi les éléments de la problématique ? N’est-ce pas là que le véritable choix doit s’exercer pour le monde éducatif ?
La véri’table urgence est d’ouvrit-un espace de questionnement “Et si,..nous prenions appui sur ce que l’on sait aujourd’hui du vivant, de son potentiel non-encore actualisé, des possibilités non-encore découvertes de nos mémoires plurielles, de nos intelligences non-encore entraînées ? “Etsi... nous tenions compte des exigences du bon fonctionnement de notre cerveau : son besoin vital d’oxygène, de se repérer dans un contexte, de reconnaître et d’organiser la complexité du monde qui nous entoure, de se connecter à l’environnement et aux autres ; son besoin tout aussi vital d’ancrer de nouvelles connaissances dans sa propre histoire, de s’engager dans des choix qui lui appartiennent, de créer, d’échanger ? “Etsi... nous acceptions de changer l’angle du projecteur qui éclaire notre vision du monde, c’est-à-dire voir autrement, écouter autrement, créer un espace, une réserve de “blanc”, comme l’ont fait les peintres de Lascaux pour créer profondeur et mouvement ? “Etsi.., nous veillions à sauvegarder à tout prix l’éthique du “comment s’y prendre”, à lutter contre “l’horreur pédagogique” sous ses différentes formes, contre la violence de la non-reconnaissance du visage de l’Autre, contre la démission du “solitarisme”... ? “Etsi... nous cherchions sans relâche à poser la question importante entre toutes : “Pourquoi ?”. Pourquoi je fais ce que je fais comme je le fais, là et quand je le fais ? Quelle finalité je poursuis, au-delà et en deçà de mes objectifs, buts et cibles ? Oser se questionner nécessite de quitter la logique de vérité, linéaire et binaire (juste / faux, bon / mauvais, réussite / échec) et donner à notre mot “pourquoi” le sens qu’il a en hébreu “lama” : “vers quoi” 6 . Questionnement fondamental, relié à notre devenir, à l’agir, à la volonté, à ce qui est encore à accomplir “chemin faisant”. Ce questionnement diffère -
6. Je remercie Yaël Yotarn, dans son livret “Étincelles”,de m’avoir révélé les deux “pourquoi” en hébreu : “lama” (= vers quoi ?) et “rnadoua” (= pour quelle raison ?), relié à l’intellect, l’analyse, la compréhen-
sion, le savoir, la conscience, la science, la pensée, la distanciation, le fait accompli...”Dans le Judaïsme”, écrit-elle, “madoua et lama sont reliés l’un à l’autre :la compréhension de ce qui est arrivé pourrait servir à agir d’une façon juste sur ce qui arrive et va arriver. Mais l’essentiel dans la vie est l’acte et son énergie : la volonté. “Madoua” n’est pas un but en soi. C‘est un moyen pour mieux diriger ses actes”.
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de l’interrogation en ce qu’il ne cherche pas à vérifier une réponse connue de celui qui interroge. Ce n’est pas non plus le questionnement socratique, de nature didactique, destiné à enseigner ou faire découvrir une vérité ou un enseignement. 11 ne s’agit pas, non plus, du “vrai-faux’’ questionnement des professionnels de “l’information”,qui cherchent, en interrogeant une personnalité, à rivaliser en hardiesse avec un confrère.. . Le questionnement authentique fait appel à la fascination du potentiel que l’Autre héberge, cet Autre toujours neuf et en devenir. L‘acte de questionnement investit dans la réponse de l’Autre : étonne-moi que je te découvre ! C’est un acte de confiance qui fait appel aux ressources de l’Autre, que cet Autre ne connaît peut-être pas lui-même et que l’échange va permettre de découvrir ensemble. Le véritable questionnement concerne le vivant, l’espace, les êtres humains, leur non-encore, l’inexploré. Ce questionnement est lui-même vivant : on ne peut le stocker, il se renouvelle sans cesse. Si nous nous posons la même question depuis dix ans ... c’est qu’elle est morte ! Changeons donc l’éclairage. Les effets du questionnement ? C’est de nous faire sortir du prêt-àpenser, du prêt-à-dire, du prêt-à-croire, de nous ouvrir au mystère de l’Autre, à son inattendu, d’élargir l’horizon, et de nous découvrir précisément à cause de notre attitude questionnante. Comment “ça” marche ? Le questionnement inscrit la réponse dans le futur. I1 crée un espacement, un espace matriciel où la réponse va se former, s’ancrer dans notre histoire, dans un présent fait de notre passé et de notre avenir. Le paradoxe du véritable questionnement, comme le remarque M. A. Ouaknin, c’est qu’il ne vise pas l’inconnu mais le proche, l’habituel, le prochain 7.
7. M. A. ûuaknin (1990), p. 211 et s.
3 - À l’écoute de l’environnement
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3 À l’écoute de l’environnement,
un constat : trois (r)évolutions “Notre espriit doit désonnais penser un Univers non plus stable mais en devenir; de proche en proche, les conséquences de ce nouveau constat s’étendent à la totalité de notre compréhension de l’aventure humaine ;il ne s’agit pas seulement du regard que nous portons sur les étoiles, mais de celui que nous portons sur nous-même”I
La trame susceptible de modéliser l’acte d’apprendre et l’acte d’enseigner n’est pas isolée du contexte environnant. Dans notre volonté de comprendre comment et où agir auprès des jeunes, des futurs jeunes et ... des anciens jeunes qui entrent “en apprenance”, nous ne pouvons plus faire l’économie de certains constats, nous ne pouvons plus éviter de chercher à repérer, dans les différents contextes de la fin du XXe siècle (éducatif, informationnel, technologique, scientifique, conceptuel.. .) , lesfacteurs de développement et de blocage de notre capacité d’apprendre. Ces facteurs sont de deux sortes : - des facteurs externes, comme les conditions dans lesquelles se vivent les situations d’apprentissage : urgence, compétitivité, exigence d’effectivité immédiate, de résultats tangibles et mesurables en chiffres.. . Autant de facteurs qui participent lourdement au blocage de la dynamique de développement. - des facteurs internes d’un tout autre ordre, comme l’ignorance quasi totale dans laquelle se trouvent les acteurs eux-mêmes de ce qui constitue la trame même de l’acte d’apprendre : les processus mentaux en jeu lorsqu’on apprend ; le jeu réciproque et profondément imbriqué des ressources cognitives et affectives de l’apprenant ; le fonctionnement de la mémoire et de la perception ; les racines profondes du processus de compréhension ; le poids énorme des représentations, des apnon‘,des préjugés sur soi-même, sur les autres, sur la tâche à accomplir, sur l’institution .... Facteurs externes et internes sont intimement liés. Ce qui nous intéresse, ce sont les conséquences, pour celui qui apprend, des différents constats que nous pouvons faire concernant les récents développements technologiques, scientifiques et conceptuels.
Cloisons et océans de certitudes.... Malgré de remarquables expériences et investissements de la part de certains acteurs (responsables, enseignants, apprenants), et malgré de 1. A. Jacquard (1997), p. 31
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3 - A l’écoute de l’environnement
non moins remarquables ouvrages et guides pédagogiques, le contexte pédagogique reste, en majorité, celui de la salle de classe, “environnement artificiel et de rendement faible” selon les termes de Seymour Papert, car l’apprenant y est “instruit”, donc passif. “C’estlà une perte énorme tant pour la société que pour les individus. D’autres personnes, en plus grand nombre encore, restent gravement handicapées par des certitudes désastreuses, malheureusement bien ancrées, sur des inaptitudes supposées et se dgnissent par leurs propres déJlciences ge n’ai pas le don des langues.,,,je n’ai pas la bosse des maths...,je suis incapable de...) ” . Ces lignes de S. Papert soulignent, outre l’importance de tenir compte du rôle de l’image de soi chez celui qui apprend, celle d’informer l’apprenant de l’existence de son propre potentiel et du véritable enjeu qui consiste à actualiser ce potentiel, c’est-à-dire à créer les conditions pour qu’il se manifeste. Une autre caractéristique du monde éducatif occidental est de maintenir une ligne de démarcation entre les différentes disciplines. Cette dramatique vision cloisonnée (et cloisonnante) du monde de la pensée vivante n’est pas encore parvenue à entendre ce que confirment les découvertes scientifiques, à savoir que chaque élément, que ce soit dans l’infiniment petit ou l’infiniment grand, est en interdépendance et en interaction avec sa propre histoire et celle de son environnement. I1 est grand temps d’adopter une attitude transdisciplinaire, qui, mieux que dans la multi- ou la pluri-disciplinarité, permet aux différents domaines spécialisés de s’enrichir mutuellement 2. Les acteurs du monde éducatif ont tout à gagner à entrer dans une posture transdisciplinaire. Pour y parvenir, il leur faut apprendre à assouplir les frontières. Une frontière “souple” est une frontière qui, comme l’a définie Shimon Peres, “permet le mouvement ..., permet l’accès..., facilite le processus.. ., a une valeur stratégique.. .”. Le concept de frontière souple a d’autant plus d’intérêt pour un monde éducatif jaloux de son territoire et fortement attaché à ses certitudes, qu’il exige la recherche d’un accord sur la structure à élaborer “dans les zones sur lesquelles portent les discussions” 3. Les technologies nouvelles, en particulier celles qui concernent ce qu’il est convenu d’appeler la “communication” et “l’information’’,modifient de façon spectaculaire la relation maître-élève et le rôle de l’apprenant. Elles participent en effet à la création d’un nouveau type d’élève, plus autonome parce qu’il est contraint d’apprendre sans la présence physique du maître, et de distinguer contenu et démarche, méthodologie et matière. Avec ces nouvelles technologies, l’élève doit passer par une sorte d’initiation au nouveau langage de la machine et à l’interface avec cette machine. Il doit apprendre un nouveau type de lecture et d’écriture sur un Nicoiescu (1996). Shimon Peres (1993),p. 218.
2. Cf B. 3. Cf
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autre type de support que le papier. Il doit apprendre à travailler en autonomie, et souvent, à élaborer son propre parcours : est-il accompagné dans cette initiation ? Si le débat sur le rôle de l’École est loin d’être clos (le sera-t-il jamais ?), il gagnerait à s’inspirer de ce que dit un témoin de la création d’une école dans une région de l’Himalaya, totalement isolée, où les habitants sont encore porteurs (pour combien de temps ?) d’un regard paisible et tolérant sur la vie. L‘école nouvellement créée “permetaux enfants du Zanskar de s’ouvrir à un autre savoir Elle les rapproche des autres hommes. Elle balaie uneforme d *ignorancemais elle en crée une autre en imposant un langage calquk une compréhension unique. Par son enseignement, l’École banalise la perception du monde et la pensée humaine” 4. Notre système éducatif doit franchir d’urgence la frontière d’un débat resté beaucoup trop théorique. Le rôle majeur à confier à l’École est d’accompagner le questionnement de l’enfant et de ne plus faire taire ce questionnement au nom des programmes. Combien de temps tolérerons-nous encore que l’École soit le premier rouage de l’exclusion ? Un monde gorgé de technologie
Survivants de la deuxième moitié du XXe siècle, nous sommes témoins du développement fulgurant de la technologie et de la très forte pression qu’elle exerce sur la vie quotidienne, économique et sociale. Cette pression est-elle la cause ou l’expression du souci d’efficacité et de compétition qui règne si généreusement dans la culture dite occidentale ? Vaste question à laquelle nous laissons au lecteur le soin de répondre ...Ce que nous voulons souligner ici est que cette pression contribue à aveugler totalement notre système d’évaluation et de validation, le transformant en système de sélection et d’exclusion. La compétition, qui règne dans le monde socio-économique et politique, est aussi présente dans le système éducatif, ce qui ne contribue en rien à répondre à l’exigence d’équilibre de l’organisme vivant que nous sommes, système ouvert en recherche constant d’un équilibre qui n’est autre que celui de la boucle “donner-recevoir’’5. Si nous voulons ne pas être des spectateurs passifs, il nous revient de repérer en quoi le contexte technologique est un facteur de modification de notre vie cognitive et en quoi les conséquences de ce qui caractérise ce contexte constitue une ressource ou une menace pour notre équilibre cognitif. L‘obsession de l’efficacité, et, par voie de conséquence, du quantitatif et du mesurable qui préside à la plupart de nos préoccupations et décisions, aboutit à une diminution du sens. Le vivant, et la vie cognitive en particulier, ne se laissent réduire ni à des prévisions ni à des statistiques parce que le vivant est, par nature, complexe et en permanence connecté 4. O. Follmi (1997). 5. Cf Chapitre 4 “Points d’orgue pour une vie apprenante”.
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avec l’inattendu 6. Tout n’est pas mesurable, tout n’est pas visible, tout ne se traduit pas par des chiffres. La pression de l’immédiateté et l’accélération effrénée à laquelle nous invite la technologie écrasent l’échelle des valeurs temporelles et spatiales, intimement liées entre elles, comme on le sait depuis Einstein. Vouloir immédiatement le résultat, l’image chiffrée, le bilan, le projet. .. supprime l’intervalle, et rend la transition et la médiation impossibles. Dans notre gestion du temps, cette dramatique “perte de l’intervalle”, signalée déjà en 1975, à Rome, au Colloque “Temporalité et Aliénation” 7, interdit la prise de recul nécessaire à la réflexion, à l’ancrage, à la planification, à ce que d’autres cultures que la nôtre appellent tout simplement la sagesse. La spécialisation et la division des tâches, recherchées et même exigées, toujours au nom de l’efficacité, tendent à faire perdre de vue l’objectif, et derrière l’objectif, la finalité de l’acte. Conséquences à long terme, effets secondaires, respect de la globalité.. .sont ignorés. I1 suffit d’évoquer la gravité des problèmes de pollution dans laquelle se trouve la Planète-Terre, à la fin du X X e siècle, pour comprendre que les conséquences des inventions, qui sont à l’origine de catastrophes écologiques, n’avaient été ni prévues ni pensées. Le vivant, pour exister et atteindre la maturité, a besoin de s’inscrire dans la durée. Le court terme, lui, ne se préoccupe que de survie... Si, pour le monde économique, l’hyperspécialisation est devenue une obligation, pour notre vie cognitive, elle est un facteur d’appauvrissement, car la spécificité de notre cerveau est sa corzrzeczivlté. En effet, le potentiel fabuleux dont nous sommes porteur et l’architecture neuronale de notre cerveau exigent une pratique sélective constante à tous les niveaux de la structuration cérébrale : métabolique, cellulaire, synaptique, organique.. . Mais le jeu de cette sélectivité se joue dans une “mobilisation générale”, dans une corporéité présente à différents niveaux d’organisation et de motivation qui ne connaissent qu’un seul type de frontières, précisément les frontières souples. Une autre orientation du monde dit “moderne” dont nous bénéficions largement dans notre vie quotidienne, est la mécanisation, et son corollaire l’automatisation. Certes, l’une et l’autre soulagent et libèrent l’homme de tâches pénibles, mais elles tendent à supprimer l’action de la main humaine qui, au cours de millions d’années, a joué un rôle très important dans l’évolution phylogénétique et le développement ontogénétique de l’être humain. L‘étendue des aires cérébrales de notre cortex moteur et somato-sensoriel correspondant à la main, aux doigts et particulièrement au pouce, reflète non seulement l’importance de nos besoins
6. Cf
Chapitre 4, le “Point d’orgue” sur “l’incontournable complexité”. 7. Cité par Willern Ibes (1990), p. 52.
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3 - À l’écoute de l’environnement
sensitifs et moteurs, mais, comme l’ont révélé les travaux de Copenhague, l’importance de la main pour la stimulation du cortex dans sa globalité 8. “Zly a le temps de la main” écrit Edmond Jabès, “comme il y a le temps de l’amour - ou de la mort”9. Serait-ce aussi le message laissé depuis 10.000 ans par les mains peintes sur les parois des grottes préhistoriques ? Quant aux conséquences des différentes inventions de “homo technicus”, elles exigent notre vigilance devant les différents risques que ces inventions nous font courir : enfermement dans la boucle stimulusréponse, affaiblissement de la responsabilité et de l’initiative, mise en chômage technique de nos capacités de réflexion, de planification, d’anticipation, de questionnement, qui sont, pourtant, le plus beau cadeau que nous a fait l’évolution 10. L‘invention des prothèses sensorielles : la télé-vision, le télé-phone, le télé-travail, la télé-surveillance, et ce que Paul Virilio appelle “la téléprésence” 11, nous fait vivre ici, maintenant a là-bas, et nous plonge dans une perception par procuration d’un monde dé-corporalisé, dé-réalisé, qui, peu à peu, devient beaucoup plus présent que le monde des phénomènes avec lequel notre sensori-motricité nous met en relation. Ce nouveau type de perception, en créant l’émotion en direct, supprime le temps et le recul nécessaires à la ré-flexion, au questionnement, au choix, à l’anticipation, à la durée génératrice de mémoire et d’identité.. . L‘homme qui ne se questionne plus se condamne à la dépendance et à l’immobilisme : il se met en état de fossilisation, et se prive d’un moyen efficace pour échapper à l’unique dimension des idéologies. Le tableau risque d’être très sombre si nous continuons à privilégier l’information sur la réflexion ; si nous ignorons nos capacités de questionnement et les moyens d’utiliser l’information dont nous disposons actuellement pour rester vigilant ; si nous ignorons notre propre fonctionnement, nos ressources et les conditions favorables à notre équilibre, quel que soit le synonyme que nous donnons au mot “équilibre” : homéostasie, santé, harmonie, bonheur, paix.
Lire autrement le livre de Z’univers et de Za Vie La science au X X e siècle, en pénétrant l’infiniment petit, l’infiniment grand et l’infiniment complexe, a littéralement fait exploser la vision de l’homme et de l’Univers et, par voie de conséquence, a “revisité” leur relation réciproque. Les différents domaines scientifiques (sciences de la Terre,
8. Cf les travaux de Niels Lassen (1981), p. 167. Norman Geshwind, op. cit., p. 118 et s. M. Jeannerod (1998), pp 54-57. Cf aussi le très bel ouvrage collectif La main (1996) 9. E. Jabès (1987). 10. Lire P. Thuillier (1995), pp 233-295. 11. P. Virilio (1990).
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3 - À l’écoute de l’environnement
de la Matière, de l’Homme ...) sont tous concernés par cette révolution. De nouvelles sciences, comme les sciences cognitives, sont nées de la convergence d’autres sciences 12. D’autres sciences naîtront encore. Pour la première fois, en 1986, une vision transdisciplinaire et cohérente du monde a fait l’objet d’un consensus entre penseurs, philosophes et scientifiques. ils ont reconnu “l’urgencede la recherche de nouvelles méthodes d’éducation qui tiendront compte des avancées de la science qui s’harmonisent maintenant avec les grandes zraditions culturelles” 13. L‘approche transdisciplinaire est déjà à l’œuvre. De grands témoins des avancées de la science aujourd’hui ont entrepris de raconter à Homo son histoire, celle de l’univers, celle de la Vie, celle de la Planète 14. Parmi les immenses découvertes du X X e siècle dans deux domaines en particulier, notre cerveau et les systèmes naturels, retenons les retombées qui ont - ou devraient avoir - une incidence sur la problématique éducative, car elles modifient un grand nombre de notions fondamentales indispensables aux hypothèses de travail de la pédagogie, des sciences cognitives et de l’épistémologie. Mentionnons : - la remise en question de certains concepts “fossiles” : causalité, objectivité, origine, réalité, temporalité.. . - les concepts qui demandent à être “revisités” (ou “précisés” ou “dépoussiérés”) : les “vrais-faux’’ débats sur l’inné et l’acquis, l’information, le réel, les origines (de l’homme, du langage ...) et le “mythe indoeuropéen” 15.. . - l’émergence de concepts pluriels : niveaux de réalité, logiques, intelligences, mémoires, langages.. . 16 - l’émergence de concepts novateurs : relativité (Einstein, 1904 !), champ, système, structuration, auto-organisation, potentialisation et actualisation, complexité et complexification, interface, complémentarité des contradictoires, Co-interdépendance, transdisciplinarité, non-linéarité, principe d’incertitude, indétermination, chaos.. . 17
12.Cf H. Trocnié-Fabre “Les sciences du vivant, un champ d’exploration pour penser la pédagogie” in La Pédagogie aujourd’hui, in G. Avanzini (1996). 13.Colloque de Venise (1987). 14.Le CIRET (Centre International de Recherches et Études Transdisciplinaires). dont le Président est Basarab Nicolescu, a été fondé en 1987. Cf note 2. 15. J.-P. Demoule (1998). 16. Cf les interviews de B. Cyrulnik, E Varela, A. Jacquard, 1-D. Vincent dans la série de films Né pour apprendre. 17.- 1. Prigogine (1996) ; C. Hardy (1983) : R. Weber (1988) ; M. Felden (1992). - Cf aussi Ne pour reconnaître les lois de la vie deuxième film de la série Né pour apprendre, avec B. Nicolescu ; “Naissanceet Histoire du Cosmos‘: N“ hors série de La Recherche, N“ 1, avril 1998.
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dans le domaine des sciences du vivant, la découverte de notre structure fondamentale, l’ADN, les travaux sur le génôme, les neurotransmetteurs, les fabuleuses potentialités d’apprentissage, d’innovation, de compensation et de réparation de notre cerveau et de notre corps tout entier.. . 18 De nombreux défenseurs de l’humanisme soulignent que la crise que traverse l’humanité, à la fin de ce qu’il est convenu d’appeler le XXe siècle 19, a pour noms énergie, inflation, chômage, pauvreté, précarité, exclusion, pollution, fragmentation, éclatement du lien social et familial, et autres menaces pesantes. Mais la mondialisation de la crise économique, sociale et politique est, en fait, une conséquence de la crise deperception que nous traversons : nous n’avons pas encore compris que nous vivons dans un monde où les phénomènes biologiques, physiologiques, psychologiques, sociologiques et environnementaux sont interdépendants. Notre société n’a pas encore pris conscience que l’être humain, qu’il le veuille ou non, qu’il le sache ou non, est aussi et toujours soumis aux lois d’équilibre de la nature et du vivant, c’est-à-dire au(x) rythme(s) du vivant, étymologiquement “à ce qui coule” 20. 11 s’agit maintenant de se mettre à l’écoute de l’histoire du vivant, de ses exigences d’équilibre et d’échange qui nous permettent, comme le dit si justement Albert Jacquard, “de ne pas subir mais d’imaginer demain” 21. -
18. Le chapitre 4 “Points d’orgue pour une vie apprenante” développe quelques-uns des thèmes jugés
prioritaires pour le monde éducatif. Certains ont déjà été mentionnés dans/’appren&, doncje suis,et dans les filins Nepour apprendre, op. eit. 19. Cf in Le CourrierInternational N” 373-4, du 24.12.97 au 07.01.98. l’article de R. Herzinger “Nous ne sommes qu’en 1699 de l’ère chrétienne”, en référence aux recherches de l’historien allemand, H. Illig. 20. Du grec pSw (rheo), couler. 21. (1997), p. 89.
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Fondements, archéologic des ressources
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Points d’orgue pour une vie apprenante Dossiers mqèurs du vivant “Sansévolution, un homme, un peuple, une culture se meurt de ses convictions L’échange et le changement constituent l’essence de la vie, de tout être” 1 ‘Za vie n’a de réalité que dans la durée” Y e temps est la matiere première du vivant”2
Paradoxe du XXe siècle L‘un des paradoxes du X X e siècle finissant est que la crise de perception qu’il traverse, avec une acuité toute particulière, se révèle à un moment où les sciences du vivant progressent de façon spectaculaire. La connaissance que l’homme a de lui-même et de son environnement n’a jamais été aussi vaste, approfondie et questionnante. Homo a reçu de la science du X X e siècle un enseignement très important : celui de la relativité et du piège des évidences. De recherche en recherche, d’hypothèse en hypothèse, les connaissances d’hier sont remises en question et les chercheurs découvrent que la réponse recherchée “escamote” souvent la question ... Les exemples de changement de paradigme sont nombreux, dans les différents domaines scientifiques : l’atome, l’ADN, le neurone, l’intelligence, la mémoire, le langage ... se révèlent maintenant être des réalités plurielles, infiniment complexes. Le cas du langage est exemplaire : selon une conception encore largement répandue, le langage est une activité linéaire, séquentielle, restreinte à l’émission-réception d’un message. Mais les images de notre activité cérébrale lors d’une série de tâches, au cours desquelles on demande à un sujet de lire, prononcer et penser des mots, font apparaître une activation dans plusieurs régions cérébrales, alors que ces tâches nous paraissent être simples, et appartenir à une seule catégorie langagière 3 . L‘absence de frontière entre les différentes activités langagières, révélées par les “nouvelles donnes” de la science, pose de front le problème de la réalité et l’intérêt des tâches demandées à l’apprenant. Devant le nombre très important des données scientifiques concernant notre vie cognitive susceptibles d’éclairer le monde éducatif, deux questions s’imposent : “Quelles sont les connaissances incontournables pour le monde éducatif? “et” En quoi ces nouvelles donnes peuvent-elles éclairer l’acte d’apprendre et l’acte d’enseigner ?” 1. O. Follmi (1997), p. 218. 2. A. Jacquard (1992), p. 45. 3. images obtenues par tomographie par émission de position (PET)
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Le choix des “dossiers majeurs” a été guidé par les besoins exprimés par des formateurs et responsables éducatifs, et, parfois, par les apprenants eux-mêmes, au cours de trois décennies de rencontres et de partage. Sont considérés comme “majeurs” les domaines qui, en lien direct avec les recherches récentes en neurobiologie, permettent de mettre l’acte d’apprendre en perspective, de remonter à ses racines biologiques, d’apporter un matériau pour poser la problématique éducative en termes nouveaux, et éviter ainsi, selon l’expression de Reiner Maria Rilke, de “rester à la surface de la vie” 4. Aucun des dossiers traités dans ce chapitre n’est exhaustif. Aucun ne sera jamais clos. Le lecteur est invité à constituer sa propre dynamique d’exploration, à partir de ses propres expériences, de son contexte et de son questionnement. Ce qui est proposé ici est, en quelque sorte, un socle sur lequel construire autre chose, une trame de départ pour un travail de réflexion et d’approfondissement. Les nombreuses notes sont destinées à faciliter un prolongement de réflexion et rappellent ce qui a été abordé dans /’apprendr;, doncj e suis. Une proposition de mise en dynamique pédagogique, à l’adresse des éducateurs, est proposée dans chaque dossier.
L’incontournablecornplexite‘ La complexité est présente à tous les niveaux de l’Univers et du vivant. Rappelons l’étymologie du mot : du latin “complexus”, qui signifie “tissé ensemble”. Les images de la complexité existent : celles de l’Univers5, celles des formes de la nature6, celles de notre corps et, en particulier, celles de notre cerveau (neurones, synapses, circulation sanguine, structuration cérébrale.. .) 7. La complexité peut être considérée comme la résultante d’un processus de complexification qui, selon certaines théories, sous-tend la dynamique de l’évolution de l’Univers et du vivant. Mais la complexification n’est sans doute pas l’unique processus d’évolution, et l’évolution n’est pas forcément synonyme de progrès. Selon le paléontologue S . J. Gould, il existe, chez certaines lignées, un processus de “décomplexification”, de décroissance de la complexité. I1 est important de rappeler aussi la stabilité dans le temps du mode bactérien initial 8. Pour le paléontologue, la complexité est la conséquence de ce qui caractérise le vivant : l’éventail de la variabilité. Pour le physicien, elle se produit loin de l’équilibre. Pour I. Prigogine, le non-équilibre “estZa voie Za plus extraordinaire que la nature ait inventée pour coordonner les phénomènes, pour rendre des phénomènes complexes possibles.. . Des concepts ~
4. R.M. Rilke (1966), p. 27. 5. CfH. Reeves (1984) ; Ç. Vauclair (1996). 6. P.S. Stevens (1978) ; T. Buzan (1995). 7. LaFabdque de la Pensée (1990). Cf aussi G. Edelman (1992), p. 121. 8. S . Jay Gould (1997), p. 265 et s.
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Points d’orgue pour une vie apprenante
comme [’auto-organisahon loin de I ’équilibre, ou de stnrctup-e dissipaa’ve sont appliqués dans des domaines nombreux, non seulement de la physique, mas de la sociolosie, de l’économie, de l’anthropolorjie et la ~inguish$ue”9 Nous savons aujourd’hui qu’Homo est un organisme extraordinairement complexe et que son cerveau est l’objet le plus complexe de l’Univers actuellement connu. Mais complexité ne signifie pas complication. Pour distinguer l’une de l’autre, Hervé Serieyx compare un Boeing et un plat de spaghetti : le Boeing est compliqué ; il peut se réduire à l’analyse ; il suffit d’un bon mode d’emploi et d’un temps suffisant pour suivre les directives d’assemblage. Un plat de spaghetti est complexe, parce qu’il est régi par les principes de rétroaction et d’incerh‘tude : le même geste, répété deux fois, ne donnera pas la même fourchetée de spaghetti 10. Le vivant est complexe : il lui faut affronter constamment l’imprévu, l’interdépendance, la rétroaction. Il n’est pas réductible à l’analyse. L‘apprenant non plus. Le monde éducatif changerait de visage s’il acceptait de voir dans l’apprenant un être complexe plutôt qu’un être évaluable de O à 20 ... Quant aux contenus à enseigner, l’École court le risque de “rester à la surface de la vie” si elle ne se décide pas à enseigner la complexité et les autres lois de la vie, en priorité et d’urgence. La décennie 90 a vu la parution d’ouvrages fondamentaux sur la pensée complexe, la modélisation des systèmes complexes, la systémique, et les organisations 11. Il existe maintenant un matériau suffisant pour que la démarche éducative intègre la pensée complexe et en accepte les conséquences : la prise en compte de nouveaux concepts comme celui d’organisation et d’émergence ; le respect des lois du vivant, comme la non-linéarité ou la causalité circulaire, nous permettant de comprendre qu’en ce qui concerne votre vie cognitive comme notre vie sociale, le produit est également producteur (la société et les individus se produisent mutuellement). La réorganisation étant un processus permanent de l’organisme vivant, le monde éducatif (vivant, lui aussi !) a tout à gagner de faire de la complexité le socle sur lequel construire une démarche éducative cohérente avec notre réalité complexe. Il s’agit donc de “tisser ensemble”. Pour Edgar Morin, “la rqorme de pensée est celle qui permet d’intégrer ces modes de reliance”... 12 C’est évidemment à l’École qu’il revient de s’engager dans cette réforme. Elle peut le faire, car le matériau et l’espace nécessaires pour cette réforme existent : “lapensée reiiante est présente potentiellement chez tout enzant”. La réforme doit se faire par étapes, par une pédagogie progressive, à partir de la grande interrogation anthropologique 9. 1. Prigogine
(1994), p. 29. 10. H. Serieyx, de l’Institut Européen du Leadership (Paris), intervient dans le Module 5 de la série vidéo sur L’évaluation, co-production Université de Nantes, Paris 8 et ENS Fontenay St-Cloud, 1995. 11. Cf les ouvrages de E. Andreewsky (1991) ; G. Clergue (1997) ; C. Hampden-Turner (1990) : J.-L. Le Moigne (1990) : J. Méleçe (1990) ; G. Morgan (1990) ; E. Morin (1991) ; J. de Rosnay (1995). 12. E. Morin (1998).
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du célèbre tableau de Gauguin qui, en 1897, posait sur sa toile la question que se pose tout être humain, quels que soient sa culture, son milieu social, sa joie ou son angoisse : “d’oùvenons-nous, qui sommes-nous, où aZZons-nous ?” Le grand problème, comme le souligne E. Morin, réside dans la difficulté d’éduquer les éducateurs. La solution proposée, qui est la raison d’être de ce livre, est que les éducateurs “s’auto-éduquent, avec l’aide des éduqués”. L‘auto-éducation des éducateurs passe par une première étape que nous avons proposée dans les pages précédentes : la prise de conscience de ce que sont nos représentations, et le constat sans concession du contexte dans lequel a lieu l’acte d’apprendre. L‘étape urgente et importante entre toutes pour nos sociétés qui se disent “modernes”,est celle de l’exploration de “la ressource humaine”, la ressource la moins explorée. Samuel Pisar a été l’un des premiers à nommer et décrire passionnément ce potentiel humain qui héberge “le sang de l’espoir’’13. Ce potentiel humain est, comme on le verra, infini. 11 demande à être “actualisé”, selon les termes de S . Lupasco 14, c’est-à-dire, manifesté dans des actions, des projets, des entreprises. Le problème, auquel l’École et la société devraient s’atteler en priorité, est de permettre et favoriser les conditions d’actualisation du potentiel de chacun, de ses nombreux “nonencore”. Il s’agit bien ici de rappeler “l’efficacité du grain de blé” 15 et d’évoquer la “dormance’’ de la nature.
Les leçons du vivant Dans ce dossier sont rassemblés les principaux processus qui ont présidé à faire de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Nos gènes et nos molécules nous enseignent les stratégies avec lesquelles notre organisme s’est construit. Citons les stratégies principales telles qu’elles apparaissent dans l’histoire du vivant, aujourd’hui : - la diverflcazzon qui résulte de l’élan complexificateur, réalité incontournable, elle aussi (“mon dissemblable, mon frère !”) . - la compZémentarit4 à l’œuvre dans l’appariement des bases constituant notre ADN ; à l’œuvre au niveau du corps calleux, ce faisceau de fibres qui relie les deux hémisphères cérébraux ; à l’œuvre dans nos trois et même quatre cerveaux dont les spécificités se complètent pour gérer nos différents besoins de relations 16.
13. S. Pisar (1983). 14. S . Lupasco (1987). 15. L’expression est d’Albert Camus. 16. Pour les trois cerveaux, P. MacLean et Guyot (1990) ; J.-D. Vincent (1986) chap. 7 ; Cf aussi H. WocméFabre (1987) p. 46 et s. Alexandre Luria (1973 a et b) introduit le concept de “ 4 e cerveau” pour désigner nos lobes frontaux.
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- l’échange et Z a coopération entre les cellules, à l’intérieur même de l’organe ou de l’organisme. - la connexion ou plutôt, l’interconnexion, qui préside à la “reliance” des différentes aires cérébrales (corticales, sous-corticales, primaires, secondaires, associatives...), et de tous les niveaux de notre être (biologique, psychique, social.. .). La capacité de connexion de notre cerveau n’a rien de linéaire car elle s’opère de manière “distribuée”. Elle permet un autre processus, plus complexe, que G. Edelman appelle “réintroduction” (retour à la structure réceptrice). Ce processus présiderait, selon lui, à la catégorisation, à l’émergence du sens (“bootstrapping sémantique”) et à l’émergence de la conscience (primaire et supérieure ou “réflexive” pour d’autres auteurs) 17. - l’auto-organisation, terme qui appartenait jusque là au vocabulaire de la cybernétique, est “revisité” maintenant au profit d’expressions comme “propriétés émergentes”, “dynamique des réseaux non linéaires” ou “systèmes complexes”. Il s’agit de la capacité de la structure vivante de se réguler et de modifier ses propres mécanismes. Cette capacité permet l’émergence de “configurations globales” dans des systèmes comportant des éléments en interaction. Sans elle, le phénomène de la cognition est incompréhensible 18. - la séleccivitte; capacité qu’a notre organisme, jusqu’au cœur même de nos cellules et jusque dans la micro-cognition, d’opérer des choix dans “ I ’énorme diversité constamment engendrée à tous les niveaux du processusgénétipe et évolut#’”.L‘organisme est, en effet, placé devant la nécessité “d9élaguerla multrplicité des traJ’ectoiresviables” 19. Pour opérer ces choix, nous disposons d’un potentiel gigantesque : l’estimation la plus récente est de quatre cents milliards de neurones, plusieurs millions de milliards de connexions reliant ces neurones par un réseau de plusieurs millions de kilomètres de fibres nerveuses... 20. Sélectionner va donc signifier renoncer, et même inhiber. L‘apprentissage peut être vu sous cet angle : apprendre, c’est savoir inhiber, savoir renoncer à telle ou telle possibilité, démarche ou solution. D’où une nouvelle conception de l’erreur, comprise comme la conséquence d’une incapacité de renoncer à une solution déjà trouvée, une démarche déjà suivie, une possibilité déjà utilisée. On pense irrésistiblement à l’âge du capitaine 21.
17. G. Edelman (1992), pp 171 et 175. 18. Cf E Varela, E. Thompson, E. Rosch (1993), p. 135 et s. 19. Varela et al., op. dt., p. 264. Cf aussi l’interview de E Varela dans Népour créer du sens, série Népour apprendre, op. cit. 20. A. Jacquard (1997), p. 94. 21. Rappel de l’expérience faite par Stella Baruk, concernant le poids des consignes sur le raisonnement : le nombre des moutons, des chèvres et des vaches sert à trouver ... le chiffre manquant dans l’énoncé (l’âge du capitaine du bateau qui transporte ces animaux !).
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Aucun de ces différents processus cognitifs n’est linéaire, immobile, ou stagnant. Ils font de nous des êtres qui ont une histoire, dont la biographie s’inscrit à chaque couplage, à chaque événement. Nous savons également aujourd’hui que notre organisme héberge un code (séquences de bases nucléotidiques) de type universel, “de la bactérie à l’éléphant’’ selon l’expression de J. Monod. Ce code obéit à des lois incontournables, dont celle du changement dans la stabilité.. . Forte leçon que les sociétés humaines et les individus qui les composent gagneraient à entendre, et à ré-apprendre.
Percevoir + a8.r Aucun organisme vivant n’étant capable de survivre lorsqu’il est isolé d’un milieu physique ou social, nous nous sommes construits dans et par l’interaction avec notre environnement. Notre dynamique interne, qui est une constante recherche d’équilibre (ou d’homéostasie en terme savant), consiste à établir et maintenir un couplage entre l’organisme vivant que nous sommes et l’environnement. Ce couplage vital consiste à donner et recevoir, à percevoir et agir, en d’autres termes à établir et maintenir un constant échange entre l’intérieur et l’extérieur. L‘interaction peut se traduire par une boucle. Le schéma, proposé par E Varela souligne un élément essentiel, à savoir la circularité de la boucle qui relie nos activités motrices et nos activités sensorielles. “Les uctions motrices ont des conséquences sensorielles, et les UChonS sensorielles ont des conséquences motrices” 22. C’est dans l’interdépendance de ces deux processus cognitifs (perception-action) , que la connaissance s’enracine. Pour E Varela, ce couplage est également un lieu d’ancrage de l’imaginaire, et, bien sûr, de la mémoire et de l’apprentissage 23.
perception
action
t
I
Ce schéma fait partie d’un schéma beaucoup plus complexe. I1 pose aux enseignants le problème de l’équilibrede la boucle “perception tf action” dans les activités demandées aux apprenants : n’y a-t-il pas souvent une charge trop grande du côté “perception” (écoute, lecture intensive dans l’immobilité...) et un manque, pour ne pas dire une absence d’action (insuffisance d’applications pratiques, d’explorations préalables, d’entrées en dialogue, d’adaptation, de création) ? L‘enseignement frontal, encore souvent pratiqué dans l’Éducation Nationale, s’inscrit évidemment dans ce type de déséquilibre24. 22. E Varela (1989), p. 27-28. 23. CE sori intewentiori dans Népour organiser, de la série Ne pour Apprendre. op. cit. 24. Cf dans la Partie Vi. chapitre 11, “Relier les quatre savoir-faire langagiers” une proposition d’outil destiné à équilibrer les activités de perception et d’action en langues.
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Le schéma soulève un autre problème dont il sera à nouveau question au sujet du système visuel. Si nous acceptons l’idée que nous sommes, par nature, en relation constante avec notre environnement, avec ce qui précède et avec ce qui suit, d’emblée nous pouvons comprendre que nos perceptions sont relatives, non définitives et révisables, et que la signification de ce que nous percevons, appartenant à notre histoire, ne constitue en aucun cas une entité en soi, extérieure à nous. La proposition qui est faite aux éduquants est, d’une part, de développer et d’encourager, dans les activités qu’ils proposent, la diversité, la complémentarité, la coopération, l’interconnexion, l’émergence de significations, le choix et la décision. D’autre part, il leur revient d’équilibrer la boucle qui relie les perceptions (auditives, visuelles, kinesthésiques) et les actions motrices (plurielles, elles aussi). Ils veilleront ainsi à préserver l’exigence fondamentale du vivant : l’échange.
Nous sommes temporalit4 durées et @unes et notre cerveau est vraiment... en devenir Nous retenons des recherches des neurobiologistes que le temps vécu n’est pas en adéquation linéaire avec le temps objectif. Les expérimentations font apparaître que nous antidatons, décalons, révisons ou même censurons un événement par rapport à un autre. Cette caractéristique de notre cerveau peut s’expliquer par l’étroite relation entre les activités de perception, d’attention et de mémoire 25, mais aussi par l’influence de la “posture cognitive” (et, bien sûr, émotionnelle) dans laquelle nous nous trouvons. Selon que nous attendons ou craignons qu’un événement ait lieu, selon qu’il est familier ou nouveau, notre réaction à l’événement, au stimulus, au phénomène extérieur variera. Autre aspect particulièrement important qui nous éclaire sur notre vie cognitive : le cerveau est déjà mobilisé avant de réaliser une action sensori-motrice. I1 existe, en effet, une activité neuronale précédant une réaction motrice à un stimulus visuel. Dans une expérience consistant à mesurer l’activité cérébrale associée à la préparation et l’exécution de gestes précis (pression des doigts de la main en réponse à des stimuli visuels gradués de 1 à 9 ) , les tracés de l’activité neuro-électrique ont fait apparaître une activité cérébrale précédant l’acte, différente selon la réussite ou l’échec du futur acte. Les auteurs de cette expérimentation suggèrent que l’échec de la main dominante est attribuée à “une insuffisance de préparation cognitive” ; l’échec de la main non-dominante à une “confusion dans l’organisation de l’information’’ 26.
25. Cf les expériences de D. Dennett et B. Libet in P. Buser (1998), chap. IV. 26. A.S. Gevins et al. (1987), 580-5.
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Points d’orgue pour une vie apprenante
L‘attention, qui constitue l’une des préoccupations majeures des enseignants, n’est pas une fonction autonome, pas plus que ne le sont la mémoire et la perception. C’est une sorte de carrefour d’activités cognitives : effort mental, identification, sélection d’indices pertinents, focalisation.. . Les chercheurs semblent s’accorder sur l’importance décisive de “l’amorçage’’ qui augmente la performance et améliore l’identification, la localisation de la cible et la reconnaissance des formes ou des mots 27. La “mécanique attentionnelle” ne peut pas être comprise sans évoquer d’autres paramètres comme le type de tâches demandées (repérer, montrer, appuyer sur un levier, dire.. .) , le type de stimulus utilisé (visuel, auditif, tactile.. .) , les consignes données (écrites, orales.. .) et ce qui entre dans “l’avant” et dans “l’après’’ de l’activité demandée. Des recherches menées à Copenhague ont montré que l’attention est essentiellement un processus anticipatoire 28. Les enseignants devraient, en effet, voir dans l’attention non pas un objectif à atteindre, mais la résultante d’une dynamique cognitive qui illustre très fidèlement l’expression de Merleau-Ponty pour qui le sujet et le temps “communiquent du dedans” 29. Le problème de la temporalité de notre vie cognitive pose un autre problème : celui que le neurobiologiste Pierre Buser appelle l’implicite cognitif, qui est le domaine du pré-conscient ou de l’inconscient cognitif (à distinguer de l’inconscient freudien) 30. La prise en compte de l’explicite et de l’implicite cognitif est fondamentale pour celui qui apprend et celui qui enseigne. Le rôle de l’inconscient dans la connaissance n’est, bien sûr, pas récent. Les démarches de création (Archimède, Kekulé, Einstein, Poincaré ...) ont été décrites et expliquées en invoquant une stratégie utilisant l’intuition. On choisira parmi les termes “Infraconscient cognitif”, “subconscient cognitif”, “pré-conscient cognitif”, “subliminaire”, ou “implicite cognitif” celui qui convient (...ou ne choque pas), mais l’important est de repérer qu’il est possible de parler d’une activité cognitive préalable à l’acte cognitif conscient, et de souligner qu’il existe une continuité entre le domaine implicite et le domaine explicite de notre vie cognitive. Pour celui qui enseigne et celui qui apprend, savoir exactement quand et où se trouve le passage de l’implicite à l’explicite cognitif n’est pas nécessaire. Le passage de l’un à l’autre fait partie de ces frontières
27. L‘amorçage est le fait de pré-signaliser une future cible par un point lumineux. Cf P. Buser, op. ci?., pp 147-68. 28. Cf rapprends doncjè suis,pages 88 -90.
29. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la percepfion,Gallimard, 1945, chap. III. Pour les relations de l’attention et de la conscience, cf G. Edelman (1992), p. 186-189. 30. P. Buser, op. cit., p. 114 et s.
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“souples” dont il a déjà été question. Pierre Buser suggère l’existence d’une “frange” entre le pré-conscient et le “noyau” des deux types de conscience (primaire et réflexive) qui constituent notre vie cognitive explicite. Le très grand intérêt de sa proposition est de suggérer que les diverses connexions et les différents échanges ont lieu dans les deux sens, entre le domaine implicite et nos états de conscience 31. Un autre volet de la temporalité cérébrale nous invite à explorer du côté de ce que la psychologie cognitive nomme l’intentionnalité, c’est-à-dire l’orientation, ou le cadrage de nos états mentaux (perception, mémoire...) vers ou dans le monde vécu. Pour Merleau-Ponty, c’est l’organisme vivant qui, selon son histoire, choisit ce à quoi il sera sensible. Francisco Varela précise qu’il n’y a pas de clivage entre intentionnalité et conscience. Les capacités cognitives sont “liéesà des histoires vécues, un peu à la manière de senhèrs qui n’existent que dans la mesure où on les trace en marchant.” 32. Tout être vivant se trouve toujours dans un contexte, dans un milieu, dans une situation qui s’inscrit dans sa biographie. À ce point de notre réflexion, il est clair que nos pratiques pédagogiques s’enrichiraient d’intégrer le concept de “non-encore”, pour créer un espace permettant au “non-encore perçu” d’ouvrir la voie à l’acte perçu, au “non-encore compris” de participer à l’acte de compréhension, et au “nonencore vu” de contribuer à l’acte perceptif. Dans la vie cognitive, l’amont permet de comprendre l’aval. Les travaux des neurobiologistes nous autorisent aujourd’hui à dire qu’il est essentiel que les démarches pédagogiques tiennent compte du fait que la préparation de l’acte est partie intégrante de l’acte lui-même. Il s’agit donc de traduire cette approche en termes concrets, et de construire les différentes durées qui correspondent aux différents moments du processus d’apprentissage 3 3 .
Nous sommes notre vision Aborder le domaine de la vision, la plus largement étudiée de nos sensorialités, c’est poser, de plein fouet, d’autres questions de fond telles que : “qu’est-ce que le réel ?”, “peut-on continuer à parler d’information ?” “comment l’Autre perçoit ce que Je perçois ?” ... C’est aussi entrer dans un immense débat et interpeller de front le monde éducatif sur ce qu’il a de plus sensible : sa relation au savoir et à l’évaluation.
31. P. Buser, op. cit., p. 118.
32. Ne pas confondre l’intentionnalité avec le sens communément utilisé de “faire quelque chose exprès” Cf Merleau-Ponty, cité par E Varela et al. (1993), p. 236. Lire aussi les pages 90, 97 et 278-279. 33. Cf dans le chapitre 10, “Accompagner l’émergence’’, la proposition de méthodologie ternaire “Le tiers cherché”.
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Points d’orgue pour une vie apprenante
En effet, tant que nous croyons que le monde existe en dehors de nous, indépendamment de notre vision, de notre mémoire et de nos pensées ; tant que nous croyons que nous “saisissons” et “traitons” une information “captée“ par nos organes sensoriels ; tant que notre philosophie de la vie consiste à croire que l’esprit est “un miroir de la nature”, il est bien évident que notre relation à l’environnement, aux autres et à nous-même se trouve déjà engagée dans une logique de vérité unique, binaire, duelle, linéaire.. . (arrêtons-nous là !). Restreindre l’étude de notre sensorialité à ses aspects biologique, anatomique, physiologique et psychologique n’est plus possible dans l’état actuel de la recherche et à l’heure de la transdisciplinarité. Le Professeur Philippe Meyer, auteur de “L’oeilet le cerveuu” 34 a donné à son ouvrage le sous-titre “biophilosophiede lu perception visuelle”.L‘étude de la vision aujourd’hui (et des autres sens), peut, en effet, contribuer à faire avancer notre pensée occidentale vers moins de certitudes, vers une conception moins mécaniste de la vie, et nous aider à comprendre et accepter que chaque cerveau pense, voit, entend avec sa propre histoire. I1 est temps de placer le concept de polymorphisme cérébral et sensoriel au centre de notre réflexion éducative. Notre connaissance du système visuel est un exemple du rôle que peuvent jouer certains travaux de recherche, en cette fin du X X e siècle, pour nous éviter des dérives ou un enfermement dans des concepts fossiles. Voici un exemple. On pense couramment que l’image d’un objet se forme sur la rétine, puis qu’elle est “transmise” séquentiellement sur un centre appelé “corps genouillé latéral”, pour parvenir au cortex visuel où l’information est “traitée”. Cette approche ne tient pas compte de deux aspects importants : (1) 11 existe plusieurs “intervenants” dans le circuit. Le corps genouillé latéral (présent dans chaque hémisphère), joue le rôle de relais entre la rétine, les couches profondes du cerveau (noyau peri-geniculé, colliculus supérieur, hypothalamus, formation réticulaire médiane), et le cortex visuel. (2) il existe une activité émanant du cortex visuel, en retour, vers le “relais” (corps genouillé latéral), ce qui permet de parler d’émergence de l’image visuelle et, en prenant en compte l’état interne du cortex cérébral, d’élurgir considérablement le concept de perception (visuelle ou autre). Le comportement du système entier ressemble, d’après l’expression de E Varela, “à une bmyunte conversution de cocktail plus qu’à une suite de commundements” 35.
Meyer (1997). Varela (1996),p. 75. Cf aussi son intervention dans Nepour organiser,3eme film de la Série Népour apprendre,op. cit.
34. Ph. 35. E
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Est-il besoin de souligner, une fois encore, qu’il nous faut réviser entièrement la théorie de l’information sur la base des “nouvelles donnes” de la recherche scientifique ? Non seulement ces recherches posent le problème du sens (il n’existe pas d’entité indépendante d’un sujet observant), mais il nous faut d’urgence recadrer notre langage concernant le réel, nos rapports avec ce réel et notre vie cognitive toute entière. Comme nous le verrons à propos de la mémoire, l’utilisation du verbe “avoir” dans le lexique de la cognition est devenu obsolète, irréaliste et dangereux. Il place, en effet, les différentes problématiques bio-psycho-socio-éducatives sur un terrain totalement étranger à la réalité du vivant, et qui plus est ... dangereusement miné. Retenons des études sur la perception que nos événements mentaux sont individuels, spécifiques, historiques. Ils nous construisent dans le présent. Ils dépendent de toute une série de facteurs connus ou inconnus du sujet lui-même, de son histoire, du nombre, de l’intensité et de la durée des stimulations (du dedans et du dehors), de l’état antérieur de l’organisme, de ses relations avec son environnement, avec les autres, avec luimême ... Comment, dans ces conditions, oser être catégorique dans nos jugements sur nous-mêmes, sur les autres, sur ce que nous voyons ... ? Que faisons-nous lorsque nous “évaluons” ?
Nous sommes brnrcations, changement et dialogues Notre cerveau a une histoire qui raconte une autre histoire, celle de la vie. Dans un foisonnement de possibles, la vie n’a cessé de choisir 36. Ce n’est pas le lieu ici d’entrer dans le grand débat sur les différentes théories de l’évolution, notre but étant de rappeler au monde éducatif que notre équipement génétique et épigénétique est le fruit du croisement de l’histoire de l’espèce humaine et de celle de nos relations avec notre environnement. Étant à la fois l’aboutissement d’une appartenance commune et le point de départ d’un parcours individuel, nous sommes par essence profondément métissés par la Vie. La langue française, en nous donnant la possibilité de dire que nous participons de et à l’évolution, précise notre interdépendance au sein même de l’espèce humaine, et nous rappelle que notre appartenance consiste à “hériter de” et à “contribuer à” ce qui constitue le patrimoine de l’humanité, à savoir sa capacité d’apprenance telle qu’elle a été définie dans les premières pages de cet ouvrage. II s’agit ici de souligner, essentiellement, ce qui peut nous préserver d’une vision statique et figée du ouvrage précédent (1987) a rappelé l’apport de la théorie du modèle structural (et non fonctionnel) de Paul MacLean dans la lecture de nos différents comportements. Cette théorie, après avoir ébranlé des convictions solidement établies, est maintenant largement acceptée par les neurobiologistes enclins i inscrire leurs recherches dans la grande dynamique du vivant, et soucieux de souligner la distance qu’il convient de prendre avec les approches comportementalistes et mécanicistes.
36. U n
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vivant, et contribuer à élaborer des actes dynamiques, qui puisent dans notre expérience pour nourrir nos actions, nos paroles et nos pensées d’aujourd’hui et de demain. Une des premières leçons de l’histoire de la vie est notre capacité de nous adapter. Elle est le fruit de la plasticité de notre cerveau et de sa fonction de contrôle 37. Une puissante capacité de compensation, de réparation et de coopération est constamment à l’œuvre dans notre organisme. Pourtant, nous l’ignorons. Nous oublions, par exemple, l’extraordinaire processus de cicatrisation qui se charge de réparer notre corps, depuis la moindre écorchure jusqu’à la plus grave blessure ou mutilation.. . Processus biologique seulement ? Voire ! Notre corps, en cicatrisant une blessure, remonte la flèche du temps, et se positionne, dans la flèche du temps, vers un devenir auquel il se prépare. L’histoire du vivant nous enseigne, également, le rôle central joué par la capacité de connexion de notre organisme (dont il a déjà été question), capacité qui intervient à tous les niveaux, de la cellule à l’organisme, au niveau individuel et collectif ...Cette capacité nous permet de comprendre que nos événements mentaux (nos mémoires, par exemple) sont des “événements de propagation”, selon la formule de Prigogine. Le processus qui a permis au vivant de passer de l’état de cellule à l’état d’organisme ne peut pas être décrit en termes de corrélation binaire ni de trajectoire. Il s’agit, en fait, pour notre vie cognitive d’une entrée permanente en dialogue. Ce dialogue est pluriel : dialogue avec l’environnement, dialogue avec les autres, dialogue avec soi-même. En effet, l’organisme vivant connaît trois logiques différentes : - une logique de survie, qui nécessite la régulation des relations de l’organisme avec son environnement et de leur incidence sur son métabolisme interne. C’est la règle absolue pour tout système ouvert, qui échange énergie et matière avec l’environnement. - une logique d’adaptation, qui exige que soit établie harmonieusement la relation de l’organisme individuel avec d’autres organismes vivants. On entre, alors, dans une série de contraintes, car les organismes en inter-relation se structurent en un système, fermé cette fois, possédant ses propres lois de fonctionnement et ses propres exigences de survie. Le dialogue devient alors social. - la troisième logique est d’un ordre différent, ontologique cette fois. Pour le neurobiologiste P. Karli, c’est une “quête de sens et de liberté intérieure” 3 8 . Pour les systémistes, il s’agit d’une logique d’évolution, de relation de soi à soi, qui, sans s’inscrire dans un ordre strictement chronolo37. Cf P. Karli (1995), pp 60 et s. 37. Cf aussi G. Edelman. op. cit. Chapitres 3 et 6. 38. P. Karli, op. cit., p. 9. Chacune des 3 parties qui constituent ce remarquable ouvrage est consacrée à
l’un des trois “dialogues”.
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gique, suppose que les deux autres logiques sont en place, ou tout au moins en cours de structuration. 11 est bien évident qu’en ce qui concerne le vivant, rien n’est jamais définitif et qu’il s’agit davantage d’un cycle, d’un rythme, d’une circularité fondamentale qui est la Vie elle-même, comme l’exprime si justement Francisco Varela 39. Au cours de millions d’années, notre cerveau a appris à repérer, reconnaître, créer, générer, comparer, sélectionner, discerner, déduire, combiner, catégoriser, garder.. . Autant d’actes cognitifs qu’il revient à l’éducateur de maintenir et parfois de rétablir, toujours d’encourager. Veiller à ce que connexions, liens et passerelles deviennent l’architecture de la pédagogie, rejoindre celui qui apprend là où il se trouve, lui apporter les matériaux nécessaires pour que les trois dialogues aient lieu,... n’est-ce pas là que se place l’action éducative ’?
Nous sommes mémoires Nous n’entrerons pas ici dans le dédale des différentes catégories mnémoniques (épisodique, procédurale, sémantique.. .) ni dans le découpage temporel (mémoire immédiate, court terme, long terme.. .) dans lesquels il est coutume d’enfermer “la” mémoire. Constatons simplement que, malgré l’avertissement de Bergson (“lamémoire n’est pas unefaculté de classer les souvenirs dans un tiroir ou de les inscrire sur un registre”)40, l’ancienne conception de la mémoire, vue essentiellement comme un stockage d’informations pré-codées, n’a été remplacée que récemment par celle d’un processus essentiellement dynamique, constamment en évolution. Nous interrogerons donc les nouvelles donnes sur ce qui peut être entendu par les responsables éducatifs (commanditaires, institutions, enseignants, formateurs) et sur ce qui peut être mis au service de celui qui apprend. Il est maintenant admis de reconnaître qu’un mécanisme biochimique est à la base de la mémoire. I1 est exprimé en termes d’une “modification des efficacités synaptiques”, ce qui a l’intérêt de souligner que la mémoire est essentiellement une mise en relation, à la fois moteur et résultat de la connectivité de notre structure cérébrale. D’autre part, parce que rien n’est immuable dans le cerveau, la mémoire résulterait d’une continuelle “recatégorisation” perceptive, ce qui expliquerait l’imprécision et la diversité des souvenirs d’un même événement vécu par plusieurs individus 41. L‘acte de mémoire peut maintenant être considéré comme un phénomeneprésent. II est, pour les neurobiologistes F. Varela, J.-D. Vincent et G. Edelman, la manifestation, dans le présent, de la capacité du cerveau de s’adapter et de se modifier, et, en se modifiant, de créer 42. 39. E
Varela, op. rit. (1993). p. 293.
40. H. Bergson (1907).
Edelman. op. cit. (1992), p. 134 et s. 42. Cf l’intervention de E Varela et ].-D. Vincent dans le vidéogramme Nepour apprendre, op. cit., les films 3. 4 et 6. 41. G.
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Parce qu’il s’agit d’un processus “distribué”, il n’est plus acceptable de chercher à localiser la mémoire dans une partie distincte du cerveau. De nombreuses aires cérébrales sont impliquées dans le travail mnémonique, et les chercheurs confirment ce que notre expérience nous enseigne, à savoir le rôle très important joué par nos émotions dans nos souvenirs 43. Ce que nous pouvons remarquer également dans nos réactions de mémoire, c’est leur pluralité et leur “préférence” pour un ou plusieurs aspects de notre vie cognitive : gestion sensorielle (nos 5 sens), imagerie (visuelle, auditive, kinesthésique, motrice..) , association sémantique, ou conceptuelle.. .. Si le pluriel est plus facilement admis aujourd’hui en ce qui concerne notre vie de mémoire, ce qui l’est moins est l’usage du verbe “être”, proposé ici à la place du verbe “avoir” : nous sommes mémoires. La phrase (si souvent entendue) ”j’ai une bonne... ,j’ai une mauvaise mémoire... ’’ n’a aucun sens pour un neurobiologiste, d’une part parce qu’en généralisant une difficulté de rappel (d’un nom, d’un chiffre...) à un processus cognitif beaucoup plus complexe, il n’est pas tenu compte du fait qu’il existe de nombreuses autres manifestations de mémoire restant opérationnelles : évocation d’épisodes vécus ; reconnaissance de visages, de mots, d’événements ou de significations ; gestes appris, savoir-faire moteurs. ..; comportements ; postures, etc. Non seulement les difficultés à mémoriser sont souvent du domaine du “ressenti” chez ceux qui les expriment, mais elles passent par leur langage et les limites du langage. Ce qui est exprimé est loin de recouvrir toutes les capacités mnémoniques. Le plus souvent, mention est faite d’un seul aspect de la mémoire (le rappel), c’est-à-dire la réactivation d’une image mentale, d’un énoncé, d’une sensation, d’une mélodie ou d’un geste, en l’absence du stimulus, et, parfois, hors contexte. Ce qu’il faut souligner, c’est l’influence d’autres facteurs ou de paramètres sur l’acte de réactivation. Parmi ces facteurs, la durée de l’intervalle écoulé, la solidité de la relation établie avec “l’objet de mémoire”, la signification qu’on lui donne, l’utilité qu’on lui accorde, l’ancrage dans l’expérience, et la place du souvenir dans notre vie affective ... sont des partenaires à part entière de notre mémorisation. La seconde manifestation mnémonique majeure est l’acte de reconnaître. Le processus cognitif de reconnaissance nous permet de reconnaître une forme, un objet, un nom, un paysage, un contour mélodique, un geste.. ., en présence du stimulus. I1 s’agit alors d’une tout autre opération cognitive que le rappel, mettant en jeu une variété d’opérations organisées de façon hiérarchique ou parallèle. Pour que la reconnaissance ait lieu, le sujet aura, auparavant, amorcé ou construit (“encodé”) une forme ou une structure (une “configuration”).il aura analysé, repéré, sélectionné, comparé,
Buser, op. cit.. p. 169-198. Cf aussi l’œuvre pionnière d’H. Laborit, en particulier son ouvrage publié en 1981, p. 33 et s.
43. Cf P.
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localisé des traits ou caractéristiques uniques. I1 aura réactivé des associations déjà expérimentées, ce qui suppose un lien étroit avec d’autres processus mentaux (perception, attention, imagerie.. .). Les neurobiologistes se sont surtout intéressés à la reconnaissance des visages qui semble être une opération distincte des processus servant à reconnaître les autres objets 44. L‘acte de reconnaissance dépasse infiniment notre vie perceptive, car on le repère à l’échelle de l’évolution et en immunologie. Notre système immunitaire commence (enfin !) à être exploré dans une autre dimension que la dimension défensive de l’organisme. Exprimé en termes militaires, il est encore considéré comme un système de protection du “soi” contre les assauts du “non-soi” (l’agresseur étranger.. .) . Considéré par de trop rares chercheurs comme un système d’auto-affirmation et de reconnaissance moléculaire très élaboré, notre système immunitaire est comparé par E Varela à “un deuxième cerveau”, à un réseau cognitif autonome, capable de distinguer l’identité du soi et ce qui a du sens pour cette identité 45. Cette nouvelle approche de notre système immunitaire nous permet de suggérer qu’un système qui sait reconnaître ce qui “fait sens” pour lui-même peut, au lieu d’utiliser cette connaissance pour se défendre et se protéger contre l’étranger, se servir de ses capacités pour reconnaître ce qui fait sens pour “l’autre soi”, ou pour le “soi” en mutation. Comprendre nos actes de mémoire sous l’angle des “nouvelles donnes” permet de les entraîner, de les entretenir, de les consolider, de les protéger, et bien sûr, de s’interroger sur la démarche correspondant à l’effort demandé à celui qui apprend. Premier enseignement. Chronologiquement, l’ancêtre de nos mémoires est celle de notre espèce. Elle se trouve dans nos chromosomes, et contribue à ce que nous sommes à la fois semblable et unique. Si nous sommes uniques, c’est parce que notre mémoire génétique n’est ni statique, ni figée, ni bêtement répétitive. La structuration de notre être se fait selon les plans de l’espèce et dans un rapport dynamique avec l’environnement, avec nos expériences antérieures, elles-mêmes ancrées dans une signification et reliées à des catégories, à des repères dans notre temps et notre espace. Deuxième enseignement. Deux heures après sa naissance, l’enfant reconnaît la voix de sa mère et, très vite, son visage. Ces deux actes de reconnaissance, l’un auditif, l’autre visuel, dans un milieu aérien et lumineux tout neuf pour le nouveau-né, sont déjà possibles bien que l’enfant ne soit qu’au tout début de la maturation de son système visuel (qui durera plusieurs mois), et de son système auditif (qui durera plusieurs années). Cette première “actualisation” du potentiel de mémoire de l’enfant devrait Sergent (1994). Cf aussi P. Buser (1998). 45. Cf son intervention dans Né pour créer du sens, film 4 du vidéogramnie Né pour apprendre, op. cit. Cf aussi M.R. Anspach et E Varela (1992). chap. 18. 44. Cf1.
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nous persuader de l’importance de tenir compte de sa fabuleuse capacité de gérer des situations extrêmement complexes dès son plus jeune âge. Troisième enseignement. Les deux processus de rappel et de reconnaissance plaident pour que nous comprenions l’importance du contexte “aux deux bouts” du processus de mémorisation : (1) dans notre “couplage avec l’environnement’’, c’est-à-dire lorsque nous percevons une réalité (interne ou externe) et entamons la mise en mémoire, (2) lorsque nous réactivons ce couplage, soit en l’absence de cette réalité (rappel),soit en sa présence (reconnaissance). Pour l’un et l’autre de ces processus, la bonne marche est assurée par la présence d’un contexte spatio-temporel. Pour celui qui apprend (et celui qui l’accompagne), des outils de contextualisation dans le temps et dans l’espace sont absolument nécessaires 46.
une vie cognitive sansj-ontièresni cloisons... - la double dynamique :potentialisation et actaalisation - images perceptaelles et imaginées :mêmes circuits - afiectivité et rationalité : 2 ’une et l’autre La double dynamique
Les “dossiers” précédents font état d’une vie cognitive qui ne répond ni aux critères d’une trajectoire de progression linéaire, ni aux frontières si jalousement gardées par les différentes disciplines. L‘espace pédagogique a besoin d’être “assuré” (comme l’alpiniste en montagne) dans les limites sûres de l’exploration du vivant. Parce que les événements cognitifs sont à la fois les agents et le résultat d’un ensemble de processus d’une grande complexité, auto-organisés, loin de l’équilibre, fluctuants et instables, notre vie cognitive se construit de bifurcation en bifurcation et elle appartient à la flèche du temps telle que la décrit Ilya Prigogine. On comprend (on devine ?) qu’il nous faut recadrer notre langage pour nous rapprocher de notre réalité multiple. Nous sommes à lafois énergie physique, biologique et psychique selon la proposition de Stéphane Lupasco, à lafois un être biologique, social et en quête de sens et de liberté selon la trilogie de Pierre Karli. Notre cerveau est à lafois reptilien, émotionnel et cortical selon la théorie de Paul MacLean ... L‘introduction de nouvelles notions s’impose pour entraîner une modification profonde de l’univers pédagogique et pour que soit modifié, en particulier, le regard porté sur celui qui apprend. Parmi les notions à introduire dans la réflexion éducative, citons celle de système, et celle de potentialité / actualisation telle que l’a définie Stéphane Lupasco, pour qui “toutle problème de la vie est ceZui du dynamisme antagoniste d ’hétérogénéisation (. ..) en lutte (. ..) contre ce qui s’y oppose contradictoirement, (. ..) les forces d’homogénéisation’’. Toute 46. Cf Chapitre 10 “Accompagner l‘émergence”
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l’œuvre de Lupasco tend à rappeIer que la vie est, dès le niveau cellulaire, une lutte pour la formation et la sauvegarde de l’hétérogénéité. Dans cette optique, on comprend que l’homogénéisation, conçue comme une assimilation qui se fait aux dépens de l’hétérogénéité, peut fort bien se transformer en enfermement et en logique d’exclusion. Autre conséquence : étant donné que tout système exige de l’énergie, tout élément du système doit être considéré comme un événement énergétique. Ceci devrait être évident dans l’enseignement d’une langue : un son, un mot, une syllabe, une phrase sont des événements, car ils s’inscrivent dans le temps et l’espace puisqu’ils ont un avant et un après. 11 reste à traduire cette conception de la langue en activités pédagogiques, et respecter la nécessité d’apprendre en contexte (dans le temps et dans l’espace) des événements langagiers ancrés dans l’histoire de celui qui apprend. Dans la pensée de S. Lupasco, toute énergie possède une énergie antagoniste, l’actualisation de l’une entraînant la potentialisation de l’autre. D’où l’importance de l’état intermédiaire (“l’étatT”) : “touteénergie qui pmse d’un état de potentialisation vers un état d’actualisation se trouve nécessairement, à un moment donne dans un état intermédiaire (. ..) où elle rencontre l’énergie antagoniste passant de I ’état d ’actualisation à l’état de potentialisation, dans le même état T” 47. Précisons que les termes “actualisation” et “potentialisation” sont, pour Lupasco, plus proches de notre réalité vivante que “activation” et “inhibition”. “Apprendre” suggère-t-il, “c’estsans doute potentialiser des conduites”48. La double dynamique cognitive suggérée par Lupasco donne un éclairage complémentaire au processus d’apprenance 49. Elle permet de comprendre, en effet, que les phénomènes de conscience, de mémoire, de connaissance et d’affectivité sont intimement reliés et interdépendants. Tenir compte de la double dynamique actualisation i potentialisation devient une règle de déontologie éducative pour celui qui accompagne l’apprenant. Une fois encore, la question se pose : comment peut-on se contenter de traduire le chemin parcouru d’un apprenant par un chiffre, un jugement catégorique, une étiquette qui restera en mémoire ou dans un dossier. .., alors que l’évaluation du test, de l’exercice, du travail accompli n’est possible, pour être significative, que dans la mesure où elle tient compte du contexte, du moment où l’acte d’apprendre a lieu, et des critères de reconnaissance de l’aptitude actualisée ? 47. S . Lupasco (1987 a), pp 12, 334 et 335. 48. Id., p. 290. 49. S . Lupasco (1987 a), p. 288 : “onne voit pas comment, lorsqu’on apprend quelque chose, il pourrait s’apir d’une addition de données ou d’une assimiiuhon d’infonnahon exténeure à un savoir d@ “acquis:.. Lorsquej’uccomplis une série d’opérations apprises ‘par cœur‘; qui demeurent en moi à l’état potentiel j e dis queje les connais. A vrai dire, et ceci est d’une extrême importance,je suis cette connaissance... /e ne connais pas quelque chose, j e suis ce quelque chose Ü I’étut potenhel et pur conséquent, à l’état de mémoire et de causeJinule :et c’est ce quej’appelleconnaître“.
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(mages perceptives et imaginées : mêmes circuits L‘image est, pour S. Lupasco, l’une des premières manifestations fondamentales du psychisme 50. L‘imagerie mentale, domaine typiquement transdisciplinaire, est un bel exemple de problématique partagée, qui dépasse largement le cadre de la perception. Aborder la nature, le rôle et le statut de l’image mentale, c’est s’aventurer aux frontières (flexibles) d’immenses champs d’exploration. C’est aussi s’approcher de territoires extraordinairement riches de potentialités latentes, c’est-à-dire non-encure actualisées : une mine pour le monde éducatif qui, pourtant, manifeste, à quelques exceptions près, une certaine peur de l’imagerie, pressentant, sans doute, la force de dramatisation, d’ancrage, et d’intégration de ce versant encore peu connu de notre Himalaya cognitif. Certains travaux de recherche ont tenté de dépasser le vieux débat concernant l’influence qu’auraient les facteurs psychologiques et émotionnels sur l’état physiologique. Ils proposent de dépasser, par la même occasion, le clivage corps-esprit qui continue à faire des ravages dans les esprits non ou peu informés, ou. .. refusant de l’être. Ces travaux ont proposé de repérer dans quelle mesure l’imagerie mentale peut influencer notre fonctionnement biologique et, en particulier, avoir une action sur notre système immunitaire. Les résultats suggèrent que cela peut être le cas si le sujet a été rendu conscient de son propre fonctionnement51. La parenté des activités d’imagerie et des activités perceptives font de l’imagerie une fonction du système visuel52. Cette conclusion est extrêmement précieuse pour les éducateurs, car elle fournit les paramètres physiques (forme, couleur, taille dimension, distance.. .) à partir desquels se structurent et s’organisent les propriétés spatio-temporelles, véritables outils de contextualisation qui, rappelons-le, sont indispensables à l’ancrage de nos processus de mémorisation et de compréhension 53. L‘imagerie mentale n’a pas seulement un fondement biologique et physique. Elle est aussi au cœur de notre vie psycho-cognitive. On peut la considérer comme un véritable instrument cognitif. Parce qu’elle est une création de notre cerveau, l’imagerie mentale dans le domaine visuel est plus proche du regard que de la vision. Dans le domaine auditif, elle est plus proche de l’écoute que de l’audition. Dans le domaine kinesthésique, elle est plus proche de la vie émotionnelle que de la motricité. Si, comme nous l’avons vu, notre perception sensorielle est déjà incontestablement une construction individuelle, personnelle et biographique de notre relation au réel, l’image mentale est, de son côté, une actualisation 50. S. Lupasco (1987 b), p. 187. 51. Cf 1. Schneider et al. (1990).La recherche porte sur le comportement des neutrophiles. cellules du sys-
tème immunitaire dont le nombre et la capacité d’adhérence sont des indicateurs significatifs de la capacité de migration vers le site d’infection. 52. Cf M. Denis (1989), chap. III. Cf aussi E Peronnet et M. Farah in X. Seron (dir), (1990), pp 93-120. 53. M. Denis (1989), p. 183-213.
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sélective et transitoire (à un moment donné et sous une certaine forme) d’un état potentialisé, muet jusque-là, mais disponible. Cette actualisation prend la forme de traits figuratifs d’une relation qui a eu lieu, à un moment donné, entre nous et l’environnement, entre nous et les autres, entre nous et nousmême. Notre imagerie mentale porte donc la marque, encore plus fortement que l’image perceptive, de nos états émotionnels, de nos valorisations, de nos décisions prématurées, de nos projections dans ce que nous considérons être notre passé ou de ce que nous aimerions être notre devenir. L‘image mentale a, elle-même, une histoire : elle ne surgit pas exnihiIo dans notre vie mentale. Elle vient à un moment donné de notre biographie. L‘imagerie de nos rêves est un exemple du rôle d’interface que peut jouer l’image dans notre vie cognitive et dans l’abolition des frontières (mais non des obstacles !). Il existe des conditions favorables, comme il existe des obstacles à la formation de l’imagerie, qu’il est indispensable de connaître lorsque l’on s’engage dans l’accompagnement de celui qui apprend 54. L‘aménagement des conditions favorables et I’évitement des obstacles contribuent à construire et consolider l’ingénierie de I’apprenance. En particulier, l’effet positif d’une activité préalable d’imagerie sur un apprentissage verbal ou moteur est maintenant utilisé dans l’entraînement sportif, ou en thérapie. Une meilleure connaissance de la nature et du rôle de l’imagerie mentale permet de comprendre les phénomènes d’interférence, de distorsion, voire de blocage en cours d’apprentissage 55. S’ouvre, avec les technologies nouvelles, l’immense domaine de l’imagerie virtuelle et du rôle que chacun de nous donnera, dans son imaginaire, à ces images le plus souvent en 3 D et en mouvement très rapide. Sachons qu’elles “mobilisent” notre cerveau autrement que l’image fixe, à 2 dimensions. Sachons que le monde virtuel, fait d’image et de son,“se branche” à bout portant sur notre intelligence émotionnelle.. . Avons-nous pensé au garde-fou ? Parce qu’elle participe au processus de mise en mémoire, à la structuration de la pensée, à la mise en œuvre de l’action, aux processus de compréhension, de calcul, de simulation, d’inférence, de comparaison, de raisonnement, de résolution de problèmes.. ., l’imagerie mentale double littéralement notre structure cognitive d’une deuxième structure. Puisque nous savons maintenant qu’il est possible de doubler nos capacités cognitives, la capacité d’imagerie doit faire partie des capacités à développer chez celui qui apprend. Il revient à celui qui accompagne de le reconnaître, de s’y entraîner, pour entraîner à son tour l’apprenant. il est temps de ne plus avoir peur de l’imaginaire, et de prendre conscience, avec Y. Durand, que “la pédagogie de l’imaginaire est d’une utilité primordiale” 56. 54. H. Trocme-Fabre (1987, 1994). p. 78-82. 55. M. Denis, Mémorisation d’un maténet Nnagé ou verbal enJonctzan de I’actz‘vitéd’imngene préaiable à l’apprentissage,in Année Psychologique, 1975, vol. 75, pp 77-86. 56. Y. Durand (1988),p. 283.
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AJectivité et rationalité :l’une et l’autre Les deux termes d’“affectivité”et de “rationalité” sont des survivants du lexique de la dichotomie dont nous avons hérité en Occident. À la fin du X X e siècle, il est enfin possible d’oser rapprocher les deux mots, les prononcer l’un après l’autre, chercher à déceler leur articulation dans notre vie cognitive, dire qu’ils en font l’un et l’autre partie, et qu’ils sont les deux versants d’une même réalité. C’est l’heureux résultat d’un long et patient travail de la part de pionniers parmi lesquels, encore proches de nous, il est juste de citer William James, Henri Laborit, Paul MacLean, Alfred Korzybski, et aujourd’hui Boris Cyrulnik. En expliquant les mécanismes des émotions, en montrant les bases neurophysiologiques et biochimiques de l’affectivité,et surtout en expliquant le passage obligé de nos différentes activités cognitives par la composante affective, ces pionniers ont contribué à ébranler définitivement le dogme de la dualité corps-esprit 57. Les mots “affectif” et “émotionnel” sont utilisés en complémentarité, semble-t-il, par les auteurs contemporains. On parlera plus volontiers d’état ou d’ordre affectif pour désigner le domaine, et de réactions émotionnelles pour désigner ce qui sous-tend les comportements observables. Quant au mot “raison”, il a été, pendant des siècles, l’équivalent de discernement, jugement, bon sens, intelligence.. . L‘adoption récente du mot “rationalité’’, sous l’impulsion des sciences cognitives et l’influence des auteurs anglo-saxons, correspond sans doute à une intention de souligner l’importance des processus de raisonnement et de résolution de problèmes. Avec l’entrée en scène des neurosciences sur le terrain de la biopsychologie, la “rationalité” est devenue une notion plurielle, désenclavée du domaine réservé aux philosophes, recouvrant plusieurs activités cognitives. Pour Antonio Damasio, il s’agit de la capacité de raisonnement et la prise de décision. Francisco Varela l’utilise pour exprimer la capacité d’abstraction et de catégorisation. Pour Pierre Karli, c’est un processus de conceptualisation, dont la conséquence est la “déréalisation” du monde réel “absorbé dans du rationnel” 58. Il est maintenant largement admis que toutes nos opérations cognitives relèvent d’un ensemble fonctionnel extraordinairement complexe et que le concept de “raison pure’’ est difficilement soutenable en ce qu’il isole le jeu continuel et réciproque de la relation
ressenti émotionnel
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comportement
57. W. James (1890). (Parmi ses nombreux ouvrages), Henri Laborit (1970). Certains travaux de Paul MacLean ont heureusement été publiés grâce à G. Guyot (1990). Les travaux d’A. Korzybski, fondateur de la “SémantiqueGénérale” sont connus en France grâce à l’ouvragede Michel Saucet (1987). CE aussi le petit ouvrage d’A. Korzybski (1966). Parmi les ouvrages de Boris Cyrulnik, (1993) et (1997). 58. A.R. Damasio (1995),chapitre 8 : F. Varela, interview, vidéogramme Nepour organiser ; P. Karli op. cit. p. 129 et s.
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Points d’orgue pour une vie apprenante
Les différentes techniques d’exploration cérébrale attestent que nos activités de déduction, calcul, analyse, raisonnement.. . impliquent des interactions multiples et incessantes entre les images mentales, le “ressenti” et le langage verbal non exprimé mais pensé.. .Nos événements cognitifs sont tellement indissociables les uns des autres qu’il est pratiquement impossible de savoir ce qui vient en premier du stimulus, de la motivation, de l’attention, de la réaction émotionnelle, de la formulation langagière. Mieux comprendre les mécanismes fondamentaux de nos opérations mentales implique que nous explorions la logique de régulation de notre vie individuelle et collective. Maintenant que sont largement connues les lois des systèmes vivants (organisation récurrente en boucles, objectif de survie et de développement, participation de I’organisme tout entier à son propre équilibre.. .) , le comportement de celui qui apprend (il serait sans doute plus juste de parler de “posture”) peut être considéré comme une résultante de cette régulation, qui, elle-même, dépend étroitement de notre dialogue intérieur. Dans notre cerveau “triunique” (physique, émotionnel, cortical) y at-il prise de pouvoir par l’un des “étages”, ou y a-t-il œuvre commune, coopération, coordination de nos différentes ressources cognitives (perception, mémoires, affectivité, décision, raisonnement ...) 59 ? 11 est urgent que le monde éducatif tienne compte de ce qu’Henri Laborit a appelé la “biologie des comportements” : consommation, fuite, lutte, inhibition.. .Ces comportements sont aussi observés chez celui qui apprend. Une fois encore, repérer ces comportements permettrait de rejoindre l’apprenant là où il se trouve, et l’aiderait à orienter son énergie créatrice vers un objectif qu’il ignore le plus souvent, et qu’il ressent comme une menace. Associer, anticiper, ancrer, expliquer, chercher la gratification et le plaisir : autant de démarches que notre cerveau tout entier nous demande de mettre en jeu pour notre équilibre et pour éviter la fuite, l’angoisse et la violence. La théorie récente des “intelligences multiples” de Howard Gardner, en donnant sept nouveaux visages au bloc jusque-là dramatiquement monolithique de l’intelligence,est venue corroborer l’idée d’Antonio Damasio, selon qui “les processus mentaux émanent de l’organisme tout entier”. En effet, pour Gardner, le temps est venu de mettre un terme aux ravages d’une conception étroite de l’intelligence. L‘intelligence, telle que la conçoit et l’évalue le système scolaire, inspirant ou confortant les représentations qu’en ont la famille et le monde socio-économique, n’a rien à voir avec les observations, les expérimentations ni la nouvelle théorie. Sur sept, deux aptitudes seulement (verbale et logico-mathématique) sont en général reconnues par le système scolaire, alors que cinq autres capacités Co-existent en nous, 59. II serait plus juste de parler de cerveau “quadri-unique” et “quadri-logue”, pour inclure le rôle extrê-
mement important joué par les lobes frontaux dans la reconnaissance, la modulation des Significations affectives et des échanges socio-affectifs. Le neurologue russe A. Luria attribuait à ce “cortex orbitofrontal”, dernier cadeau de l’évolution, le rôle de “barrière fonctionnelle”, nous libérant de la servitude de nos réactions primaires, instinctives et non réfléchies. 11le considérait comme un quatrième cerveau.
Fondements, archc;ologie dcs ressources
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Points d’orgue pour une vie apprenante
contribuant sans cesse à résoudre nos couplages à l’environnement et à nous-mêmes. L‘École n’aurait-elle pas besoin de faire appel à l’intelligence visuo-spatiale (maîtrise de l’espace), l’intelligence kinesthésique (connaissance du corps), l’intelligence auditive (musicale...), l’intelligence intra-relationnelle (la relation à soi), l’intelligence inter-relationnelle (relation aux autres) ? Plus récemment, Gardner a ajouté l’intelligence de la nature et il s’interroge sur l’existence d’une intelligence spirituelle. Le plaisir d’apprendre, l’envie d’apprendre, la peur d’apprendre.. . sont des expressions que chacun de nous accepte d’entendre ou de dire, sans se douter qu’en le faisant, il ou elle reconnaît l’existence d’une vie cognitive sans frontière. Pourquoi s’arrêter aux mots et ne pas aller jusqu’à revisiter une conception dramatiquement faussée du rôle de I’enseignant, qui confond encore trop souvent les notions de pouvoir et d’autorité, de savoir et d’émergence du sens ...? L’absence de connaissances et, surtout, l’absence de questionnement concernant le fonctionnement de notre vie cognitive concourent à diminuer l’impact, et osons le dire, la valeur de l’enseignement dispensé aujourd’hui. Le moment n’est-il pas venu pour l’éducateur de tenir compte de ce que Pierre Karli appelle “la toile de fond” des diverses activités cognitives ? Une réponse affirmative nécessiterait que les éduquants acceptent le langage et les signes qui traduisent la perception et l’expression des émotions dans l’acte d’apprendre. L’abondance des ressources mises à la disposition du public (émissions de télévision, ouvrages, revues, émissions radiophoniques, films., médiathèques, vidéothèques, centres de ressources.. .) qui, depuis une décennie, informent ce public de nos ressources cérébrales et de notre vie mentale, est une chance à saisir par tous les partenaires, pour faire en sorte que l’École cesse d’être, une fois pour toutes, un maillon de l’exclusion. Repenser l’École, élargir sa vocation, c’est bien l’urgence à laquelle la société toute entière est confrontée 60.
Cultures et langages :deux visages de l’émergence 11est fort regrettable que le mot “émergence”soit devenu actuellement un mot explosif. Au lieu de rassembler les points de vue divergents, il a donné lieu à une polémique qui est loin d’être résolue : une version holiste s’oppose à une version réductionniste. Pourtant, il participe à élucider une partie du mystère de notre vie cognitive en actualisant un aspect sacré du vivant, un phénomène “à part” (c’est le vrai sens du mot “sacré”). En particulier, il nous permet de progresser dans notre exploration du processus de compréhension, de la problématique du sens, et de la communication. Les recherches actuelles nous rappellent que la notion d’émergence est une caractéristique du fonctionnement de nos réseaux neuronaux. Des 60. Cf l’ouvrage de D.Goleman (1997),p. 346.
Fondements, atchroloyic dcs r cssourccs
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Points d’orgue pour une vie apprenante
“événements neuronaux émergentiels” ont lieu qui ne dépendent pas d’une sollicitation extérieure ni d’une “instruction”.Pour bien comprendre cette notion d’émergence, il faut faire appel à d’autres concepts : évolution, potentiel, actualisation, complexification, système, structure, interdépendance, incertitude.. . On retrouve des propriétés émergentes dans de nombreux phénomènes appartenant à des domaines très divers : lasers, oscillations chimiques, écologie, système immunitaire, géophysique.. . D’une façon générale, l’émergence de configurations nouvelles a lieu dans des systèmes d’éléments interactifs, à interconnexion dense 61. Elle est particulièrement significative dans les phénomènes langagiers décrits par Vygotsky, qui utilisait le mot dans son dernier ouvrage, publié en 1 9 3 4 6 2 . Lorsqu’on étudie la parole et l’articulation des sons dans le continuum de la parole, on découvre que le sens émerge dans, par et à cause de la transition d’un son à l’autre, d’une syllabe à l’autre, d’un mot à l’autre, d’une phrase à l’autre 63. Le langage et son creuset, la culture, ont particulièrement souffert de “l’objectivisme”, c’est-à-dire de la croyance en un monde réel, pré-organisé, extérieur à l’être humain, un monde duquel l’émergence a été chassée. La conséquence en est un enseignement du langage et de la culture par “salves successives” de tronçons linéaires, cloisonnés, compartimentés, avec, pour corollaire, une conception de la signification et du processus de compréhension fondée sur des définitions préexistantes, conformes à la logique de vérité du dogme dominant, un dogme qui apprécie les hiérarchies, les lignes droites, un monde en noir et blanc.. . Cette dramatique conception d’un monde pré-donné est incompatible avec ce que nous savons du vivant, en constant devenir, autre d’instant en instant. Notre vie cognitive est en perpétuel mouvement, de l’éveil au rêve, de l’insu au connu, de l’implicite à l’explicite, de l’implicité à l’explicité.. . Notre dynamique cognitive préside à l’émergence du sens. Le sens est lui-même à la racine des différents processus mentaux64. Tenir compte du rôle de l’émergence dans de multiples manifestations de notre vie cognitive (langage, mémoire, imagination, créativité.. ..) , nécessite de reconnaître ses différents visages. Elle se traduit par un jaillissement, par une augmentation de viabilité, de complexité, de sélectivité, de variété, de capacité de mémoire, d’apprenance, de sensibilité.. ., par une nouvelle structure, par une nouvelle organisation, par la création de nouveaux sous-systèmes, ou encore par la modification du système existant. 61. Cf E Varela (1996), p. 60 et s. 62. Cf le Chapitre 7 de Thought und lunguuge. publié dans sa version russe, à Moscou, en 1934 : “La relation entre le mot et la pensée est un processus vivant : la pensée naît par l’intermédiaire des mots (...) La relation qui les unit (...) émerge au cours du développement et évolue elle-même”. 63. La transition d’un “formant“ à l’autre (le formant étant un élément de la structure acoustique d’un son) serait d’après nos recherches, un élément générateur de signification pour l’auditeur. Cf H. Trocmé (1975). 64. C. Hardy (1998). II s’agit d’une nouvelle théorie sur les champs sémantiques, qui introduit de nouveaux concepts comme ceux d’“attracteur connectif“, et de “constellation de sens”.
Fondements, archéologie des ressources
4 - Points d’orgue pour une vie apprenante
Pour qu’il y ait “émergence”, certaines conditions sont requises. Selon les auteurs, il s’agit d’un processus évolutif en interaction avec l’environnement (Gould, Karli.. .), d’un organisme auto-organisé couplé avec l’environnement (Varela, Prigogine, Combs), d’un processus de structuration sélective (Edelman, Wilden), ou de bifurcations, d’oscillations, d’attracteurs, de rebroussement.. .65. Les “dossiers majeurs” précédant celui-ci ont introduit l’idée que le sens n’est localisé nulle part, ni dans les symboles ni dans les signes, mais qu’il émerge de la reconnaissance, de la perception, de la mémoire, de l’image, de la parole entendue, de l’histoire de l’organisme vivant. C’est dans cette même optique qu’est suggérée l’idée que ni la culture ni le langage ne sont un contenu à “acquérir”. L’une et l’autre sont le résultat d’une histoire naturelle d’émergence : la culture émerge de l’histoire de l’interaction des individus d’une même communauté comme le langage émerge de l’interaction mère-enfant. Culture et langage, inextricablemnt liés, se donnent mutuellement accès et se régulent l’un l’autre 66. Jerome Bruner conclut son ouvrage sur l’apprentissage de la parole chez l’enfant en soulignant que la culture, constituée par des procédures, des concepts et des distinctions symboliques, ne peut s’établir que dans le langage, et le langage ne peut se comprendre que dans son cadre culturel. Culture et langage ne peuvent pas se traiter séparément 67. Communiquer ne peut donc plus être considéré comme un échange d’entrée et de sortie d’information, mais bien plutôt comme une réorganisation interne de systèmes vivants qui cherchent à compenser l’effet des perturbations venant de l’environnement, et à conserver leur identité (leur “ipséité” et non leur “mêmeté”) 68. En fait, lorsque deux systèmes vivants communiquent, chacun étant porteur de son propre point de vue, de sa propre histoire et de son propre devenir, il s’agit bien d’émergence, celle d’un espace de signification commune aux deux systèmes vivants, pour un temps donné 69. Il est urgent que le monde éducatif découvre cette dynamique de l’émergence du sens, qui est la seule garantie pour que soient respectées l’intégrité et la liberté du vivant dans ses différentes interactions avec l’environnement, avec les autres et avec lui-même.
65. A. Combs (1995) ; A. Wilden (1980). L‘ouvrage de J. Brigs & ED. Peat (1991),est un excellent guide illustré de la théorie du chaos et du processus d’émergence. 66. Lire dans B. Cyrulnik (1991), le passage sur “le premier mot”, p. 49 et s. 67. 1. Bruner (1983). 68. “Ipse”,du latin “soi”. 69. Ce passage est réalisé en images dans le vidéogramme Né pour créer du sens, (intervention de E Varela) op. cit.
Architecture et matédaux
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5. Organiser les temps d’apprendre 6. Un métier, un referentiel 7. ingénierie, démarches
Architecture et maten*aux pour une apprenance durabîe
5. Organiser les temps d’apprendre
Trois raisons de placer la durée au centre ... Sept durées à aménager, sur le chemin de l’autonomie 6. Un metier, un referentiel
Pourquoi rapprocher “apprendre” et “métier” ? Petite histoire de l’Arbre du savoir-apprendre Pourquoi dix actes cognitifs de base ? 7. Ingénierie du métier d’apprendre
Nature, rôle et statut de l’ingénierie Favoriser l’acte d’apprendre, éviter les violences et la désertification Lieu de naissance de l’ingénierie : à l’interface... Entrer dans une démarche de reliance Élargir encore Charte cognitive : préambule et Charte Un exemple de déontologie cognitive
Architecture et matériaux
5 Organiser les temps d’apprendre ~
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Organiser les temps d’apprendre 1 Dans les pages qui suivent, la mise en structure de l’accompagnement de l’acte d’apprendre est placée sous l’angle de la durabilité, concept plus réaliste que celui d’efficacité,car il évite de se laisser entraîner dans la course au rendement, à la performance et dans l’emballement du quantitatif. La durabilité de l’acte d’apprendre est ce que nous souhaitons tous. Le réaménagement des horaires scolaires et la répartition des contenus de programmes n’ont pas, jusqu’à maintenant, apporté de réponse aux problèmes du temps scolaire et de sa relation à l’efficacité d’un enseignement “reçu”. Le problème doit être posé différemment : c’est de la durabilité de l’acte d’apprendre qu’il s’agit, et cette durabilité dépend, non pas de Chronos, mais de l’aménagement des différentes étapes cognitives à parcourir depuis l’amont jusqu’à l’aval de l’acte d’apprendre. Notre tâche n’est pas facilitée par la façon dont le langage commun parle du temps, dont le rôle décisif est confié à une série de verbes qui en disent long sur notre relation au temps : avoir, perdre, gagner, rattraper, prendre, mesurer, trouver, employer, occuper, consacrer, donner.. . Ces expressions traduisent le cortège d’illusions et de scénarios dans lesquelles nous nous complaisons : être maîtres, victimes ou coupables d’atteinte à la morale de l’efficacité et de la vitesse qui dominent notre monde contemporain. À la fin du X X e siècle, nous sommes devenus des géants de la technologie.. . et des pygmées de la temporalité. Nous ignorons que notre cerveau est pluriel et qu’il gère plusieurs temporalités : celle de la survie, celle de la relation affective, celle de la quête du sens. Nous ignorons, surtout, que notre vie cognitive se construit grâce à des intervalles et à des transitions (nous l’avons vu pour le langage), et que le vivant décide dans et par les transitions.
Fois raisons de placer la durée au centre il existe trois raisons essentielles pour placer le temps d’apprendre au centre de la réflexion pédagogique. Nous avons déjà vu la première : la notion de durée est fondamentale pour comprendre le vivant. Elle est l’une des composantes de la cellule et préside à sa structuration, à son métabolisme et à son évolution. Sans durée, il n’y a ni processus, ni dynamique, ni transformation, ni connexion possibles. Elle est partie intégrante de la pensée, de l’acte d’échange, de la mémoire, de l’imaginaire, de la création. Tout acte d’apprendre, scolaire ou non, s’inscrit dans la durée de l’apprenant : à la fois dans son présent et dans son parcours passé et à venir, il construit sa biographie. 11 est impossible d’isoler un acte d’apprendre de la double boucle interactive de rétro et pro-action, et, du moins dans la culture occidentale, de la triple relation passé-présent-futur. 1. Certains
passages de ce texte ont été publiés en 1996 dans l’ouvrage (épuisé) /’Arbre du savoirapprendre, Éditions Être et Connaître, La Rochelle.
5 - Organiser les temps d’apprendre
Architecture et matériaux
* passé
présent
futur
Figure 1 : le temps par t‘occident
Une conception moins occidentale, dans laquelle le présent est à la jonction de l’accompliet du non-encore accompli, donne un autre schéma, passé
présent
futur
Figure 2 :accompii/ non-accompii (Ce schéma pourrait aussi représenter l’idée de Marc-Aurèle, selon qui “il y a” signifie “il y a eu” et “il y aura”) 2
La deuxième raison est que l’acte d’apprendre modifie radicalement notre rapport à nous-même, aux autres et à l’environnement. Tous les acteurs de la situation d’apprentissage sont donc concernés par l’aménagement du temps d’apprendre et ses différentes durées. L‘exigence d’efficacité et l’urgence d’apporter dans la précipitation des réponses aux sollicitations de la survie (incluant les exigences d’efficacité et de rendement) seraient sans doute moins dommageables si elles s’inscrivaient, au-delà du court terme, dans un moyen et un long terme. Rappelons que nous sommes, en tant qu’êtres biologiques, sociaux et en recherche de sens (et de liberté, selon l’expression de Pierre Karli), souvent partagés entre trois logiques : celle du court terme (logique de régulation), celle du moyen terme (logique d’adaptation), et celle du long terme (logique d’évolution)
Figure 3 :trois durées, trois lo@Ques Court Terme (CT), Moyen Terme (MT), Long Terme (LT)
En croisant les schémas 2 et 3, nous obtenons une image plus fidèle de la complexité de notre relation au temps : - les différents “flux” partent de notre présent, et on s’aperçoit que l’accompli ne peut pas prendre la place du non encore accompli. 2. Marc-Aurèle (1998),n. p. 67.
Architecture et mat6riaux
5 - Organiser les temps d’apprendre
- tout acte a un “avant” et un “après” : il prend place dans une “projectoire” (trajet + projet). - l’acte d’apprendre ne peut pas être “hors soi”, ni “hors sol” (comme les tomates aujourd’hui !). I1 ne flotte pas entre deux exercices imposés par une instruction extérieure. II joue un rôle de facilitation du couplage et de recherche d’équilibre entre l’organisme vivant qui apprend et son contexte spatio-temporel.
accompli
non-encore accompli
Figure 4 :ia compiexité de notre relaton au temps La traduction des flux entre présent et passé (CT, MT, LT) et entre présent et futur (CT, MT, LT) représentent la dynamique cognitive de rétro et pro-action. Une proposition d’application de ce modèle est proposée au Chapitre 10 “Accompagner l’émergence’’ de la Partie Vi “Habiter en apprenance”
Le schéma 4 suggère l’importance d’ancrer les activités dans un véritable parcours qui a du sens, c’est-à-dire une signification et une orientation dans la flèche du temps. Un premier outil d’ancrage a été proposé dans /’apprends, doncj e suis sous la forme d’un “catalogue-répertoire’’ d’exploration de concepts sous-jacents à l’acte d’apprendre 3 . L‘expérience a prouvé que ce répertoire peut devenir un véritable “portefeuille de compétences” de réflexion pédagogique, parce qu’il permet à celui qui l’élabore, au rythme de ses questionnements, de ses lectures et de ses expériences, de tracer le fil rouge de son propre cheminement et la biographie de ses découvertes 4. La mémoire, et son effet structurant, a besoin d’être ancrée consciemment, grâce à des repères, dans l’espace et les durées. La troisième raison de placer le problème du temps au centre de la problématique de l’apprenance est que les différentes durées demandent à être aménagées dans la diversité et la spécificité des différentes étapes cognitives qui construisent le processus d’apprenance. Ne pas intégrer les durées dans le parcours d’apprenance, c’est se priver de l’immense richesse de la recherche d’un sens (signification et orientation) à donner à sa vie apprenante. C’est omettre de créer un espace de potentialité dans lequel peuvent s’inscrire l’inconnu, l’aléatoire et l’incertitude, ces trois générateurs d’innovation et de libération par rapport à un passé souvent pesamment vécu. 3 . Trocmé-Fabre, H. (1987), chapitre 10 “Construire un nouveau regard”.
4. Les réflexions sont datées et les références des citations d’auteurs soigneusement notées.
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5 - Organiser les temps d’apprendre
Sept durées à aménager La durée à aménager en tout premier lieu est la durée du parcours. Cela signifie, non seulement, prévoir et prendre les mesures nécessaires pour rendre possibles et viables I’apprenance et la formation envisagées, explorer la faisabilité d’un projet de formation, sa durée, son coût.. ., mais aussi, très concrètement, intégrer dans le projet de formation le temps pour se rendre au lieu de formation, pour y rester, pour en repartir, pour réactiver ce qui a été découvert ou accompli. La deuxième durée est celle de maturation ou de gestation. Elle inclut l’attente, la patience, le silence, la confiance dans ce qui est à venir, à chercher, à trouver dans ses propres ressources et dans celles de l’environnement. C’est la durée de l’enracinement, du repérage et par conséquent celle du temps consacré à contextualiser la situation, (le qui, le quoi, le où, le quand.. .) , à chercher à discerner les ressources mises à disposition, les matériaux nécessaires. il existe aussi une autre durée à laquelle on pense rarement : la durée de la durée, exigée par les lois de la vie, celle de l’évolution, du probable, de l’inattendu, de la découverte et la compréhension de la complexité, de la complémentarité, du “et... et. ..”, (celle qui demande beaucoup de temps pour remplacer l’alternative binaire “ou bien.. . ou bien.. .” et ses ravages !) C’est la durée des mises en relation, de l’incertitude, de l’incomplétude. Cette durée ne figure jamais dans nos emplois du temps, nos agendas ou nos calendriers. Elle est pourtant indispensable pour regarder, respecter, écouter, comprendre, intégrer, accueillir la différence et le changement. Autre durée : la durée de Z’organisation. Voir, entendre, toucher, c’est organiser le monde. Nous sommes en structuration permanente de nous-même et de notre relation au monde, ce qui exige que nous soyons aux commandes de notre propre organisation. Pendant cette durée, le plan, les fondations, les murs, la charpente de l’apprentissage se mettent en place. En termes d’apprenance, c’est le temps de placer, relier, mailler, enchaîner les différents actes d’apprendre dans l’ordre logique du vivant, dans ses relations à l’environnement, aux autres et à soi-même, ce qui implique l’organisation de nombreux allers et retours, une relation dialogique, et un vaste espace intérieur. Vient ensuite la durée de Z’émergence du sens, précieuse entre toutes car elle permet de vivre l’instant, d’accueillir l’évènement, l’objet, l’altérité dans notre propre réalité, dans notre continuum, dans notre devenir. C’est le temps nécessaire pour que le cerveau (le corps) établisse le lien entre ce qu’il sait déjà et ce qu’il est en train d’apprendre, entre ce qu’il sait faire et ce qu’il désire savoir-faire. C’est dans cette durée que ce qui est en train d’être appris va prendre racine, s’ancrer, se consolider ou, au contraire faiblira pour disparaître, si aucune durée n’a été prévue et aménagée. Intervient alors la durée de décision. Rappelons que biologiquement, à cause de la nature de notre substrat neuronal et du rôle qu’il joue dans
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5 - Organiser les temps d’apprendre
notre vie cognitive, nous ne pouvons pas ne pas sélectionner, choisir, donc décider. Le choix est présent au plus profond de nos cellules 5. Comme une cellule n’agit jamais seule (sauf in viîro, dans un laboratoire), il nous faut du temps pour organiser les intra- et les inter-relations. Nous avons vu précédemment 6 , que le cerveau est mobilisé deux secondes avant l’acte visuo-moteur qu’il va accomplir. Ce temps de latence préoccupe de nombreux chercheurs en neurophysiologie. ils cherchent à comprendre comment le cerveau s’organise et établit les connexions en réseau qui détermineront le futur “succès” ou le futur “échec” de l’acte. L‘existence de cette durée plaide pour que soit prise en compte celle qui précède l’acte d’apprendre, celle qui mène à l’instant. “Pour créer, il faut un espace de liberté”. Cette formule d’Hubert Reeves 7 est intégralement valable pour l’acte éducatif. La durée suivante est donc la durée d’innovation. Elle permet à l’apprenant de mettre au monde son œuvre, et trouver un mode de perception et d’expression dans lequel il pourra se reconnaître. Est ainsi garanti un acte d’apprendre authentique, celui qui fait grandir. En aménageant la durée d’innovation, en accompagnant le temps du langage, le temps du geste, le temps du silence, le temps de l’énoncé, du contenu et de l’énonciation, on évite un piège majeur, celui d’enseigner et de consommer du prêt-à-créer, du prêt-à-voir, du prêt-à-inventer. innover, créer, inventer demandent qu’une place importante soit laissée à I’inattendu, au probable, à l’émergence, à l’aléatoire. Apprendre est un processus qui est grand consommateur de durée, car, comme le fait remarquer Gregory Bateson, dans ce processus se conjugue “un courant d’événements aléatoires avec un processus de sélection qui; lui, ne sefait pas au hasard. Cette sélection enîraîne que certains des composants aléatoires survivent plus longtemps que d’autres.... ” 8. Enfin, rappelons qu’il n’est pas besoin d’être Mozart ni Rodin pour habiter la durée d’innovation, car tout être vivant est, à chaque instant, créateur de soi-même, (“écolier de soi-même” disait Casanova), créateur de son regard, créateur de son écoute, créateur de son émerveillement. Reste pour l’apprenant, pour celui qui l’accompagne et pour l’institution, une dernière durée à aménager : la durée opératoire, le temps de l’expression de l’œuvre et donc du partage. Le mot “opératoire” ne signifie pas ici “fonctionnel” ni “instrumental”, et le “partage” ne participe pas ici à l’économie du “donnant-donnant” telle que l’a analysée Pierre Bourdieu 9. Lorsqu’il y a œuvre, il y a reconnaissance de l’Autre, de sa différence, de son histoire, de son devenir. C’est une durée d’échange et de réciprocité qui 5. Intervention de E Varela, dans Ne pour créer du sens, 4e film de la série Népour apprendre, op cit. 6. Cf dans le Chapitre 4 “Nous sommes temporalité, durées, rythmes”. 7. H. Reeves (1990), p. 145. 8. G. Bateson (1984), p. 153. 9. P. Bourdieu (1997), p. 229 et s.. “La double vérité du don”.
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5 - Organiser les temps d’apprendre
sera fondatrice d’une économie du don véritable, désintéressé, respectueux de l’universel, générateur de relations durables. L‘échange véritable, lui aussi, libéré du calcul d’un profit, a besoin de temps pour que l’ouverture puisse se faire vers un enrichissement mutuel. Cette durée nécessite l’écoute, le geste, le regard, la voix. Elle n’exclut pas le silence. L‘apprenant est ainsi amené, au travers de ces différentes durées, au seuil de son autonomie. II devra, alors, vivre d’autres durées, celles que personne ne peut vivre à sa place : la durée de compréhension (prendre avec son intelligence), la durée d’intégration (incorporer son savoir dans la connaissance), et la durée de communication (mettre en commun). Ces trois durées appartiennent totalement à celui qui apprend et sont sous sa responsabilité. Le “biais” pédagogique et l’erreur du système scolaire ou parental, est de vouloir s’en mêler.. .
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Un métier, un référentiel Au chapitre 2 nous avons souligné le poids des représentations dans notre vision du monde. Elles sont particulièrement pesantes lorsque nous pensons “travail”, “métier” et “emploi”. Le sens commun confond ces trois concepts. il est devenu courant de considérer que le travail est “une valeur en voie de disparition”, qu’il disparaît au profit de l’emploi,du poste de travail, ou de la fonction. Le travail est “désenchanté” ou “désacralisé” 1. La notion de méterpour la vie s’estompe également et ne constitue plus une réalité pour les jeunes générations qui se préparent à une vie professionnelle qui exige des compétences multiples et des changements de cap en cours de route. Quand peut-on encore dire aujourd’hui qu’il y a “métier” ? Les personnes interrogées (appartenant à des milieux les plus divers) répondent : lorsqu’il y a présence d’un maître dans la durée, apprentissage progressif et maintenance de la maîtrise de gestes, d’outils, et de techniques appropriées ; lorsqu’il existe des règles que l’on respecte ; lorsqu’un référentiel existe, précisant les compétences, les savoirs, les savoir-faire, les postures spécifiques de ce métier ; lorsqu’il y a appartenance à une corporation, à une tradition, à une entreprise et “lorsqu’on aime ce que l’on fait” ; “lorsqu’on a le sentiment d’apprendre chaque jour” ; “lorsqu’on grandit grâce à ce qu’on fait”...
Pourquoi rapprocher “apprendre et ‘‘métier”? L‘idée de rapprocher les deux termes “apprendre” et “métier” vient du constat que les mêmes mots sont associés à ces deux concepts : aptitude, autonomie, capacité, compéterlce, comprendre, connaissance, enseigner, évaluer, intelligence,parcours, potentiel, savoir, savoir-faire, transfert.. .. Dans les deux cas, il s’agit d’une dynamique, d’un processus, dans lequel l’être tout entier est impliqué. On peut parler, pour l’un et l’autre, d’auto-organisation, de croissance, de développement, d’élargissement de l’intelligence ou de la conscience, d’autonomisation. On peut aussi rapprocher leur finalité : un but à atteindre ; leur relation non linéaire au temps : leur obéissance à des règles biologiques, sociales et déontologiques ; l’exigenced’aptitudes, d’un contexte, d’une maintenance du savoir-faire, d’un lieu de pratique.. . Autres Caractéristiques communes : personne ne peut être a notre place pour apprendre ou pour exercer notre métier ; des réajustements à une réalité toujours renouvelée sont nécessaires ; il s’agit d’un investissement a long terme. Dans l’un et l’autre cas, il y a accomplissement, mise en ceuvre d’un geste professionnel ou d’une posture (comme celle du questionnement). Il y a aussi, de part et d’autre, risque de déséquilibre parce qu’il y a changement.. . Tôt ou tard on se trouve confronté à l’imperfection, 1. Cf D. Méda (1995)
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au dépassement. Dans les deux cas, il y a actualisation d’un “non-encore”, découverte d’un potentiel et d’un nouveau mode de relation au monde ... Traditionnellement, les acteurs du monde éducatif ont positionné l’acte d’apprendre scolaire dans une relation d’instruction et de commande où le savoir est transmis, enseigné, où les connaissances sont dites “acquises”,les résultats “évalués”. Seul l’enseignant a un métier. Parler du “métier d’apprendre” permet de quitter la relation de type transmissif pour une relation en boucle dans laquelle celui qui apprend est acteur et auteur de son processus d’apprenance. Les travaux des neurobiologistes soulignent que notre capacité d’apprendre est présente tout au long de notre vie à condition d’être reconnue, développée, actualisée. Les chercheurs précisent qu’on ne peut pas apprendre isolément. Pour apprendre, il faut être relié à un contexte physique, social, affectif, cognitif. Pour toutes ces raisons, il est possible de suggérer que le métier d’apprendre est, sans doute,... le plus vieux métier du monde ! Les dernières années de la décennie 1990 ayant été une époque de grande confusion conceptuelle pour les mondes du travail et de l’éducation, un besoin de cohérence et de pertinence des actes éducatifs se fait d’autant plus cruellement sentir. II est urgent de proposer, en amont de l’évaluation des résultats, un référentiel cognitif dont le but est double : clarifier le maillage de nos capacités cognitives fondamentales et structurer la problématique éducative sur des bases communes à tout être humain : celles des lois de la vie. Cette proposition de référentiel cognitiyconcerne tout apprenant, quels que soient sa culture, son parcours, l’image qu’il ou elle a de soi, le poids du passé ou la peur de l’avenir. Le référentiel vise à réagir au manque quasi total de connaissances et - ce qui est plus grave - au manque d’intérêt pour la réalité cognitive d’un cerveau qui apprend (constaté chez la plupart des partenaires de la situation éducative). Rappelons, sans relâche, que I’apprenance met en œuvre les capacités de perception, mémorisation, intégration, organisation, structuration et re-structuration, mise en relation, mise en images, formulation et expression ... Ces capacités sont le résultat de l’évolution et de l’histoire de notre organisme. Elles s’inscrivent dans la logique du vivant, dans la quête de sens qui est au cœur du vivant. Pour expliciter le concept de référentiel cognitif, le terme “savoirapprendre” a été choisi, de préférence à l’expression “apprendre à apprendre”, héritée de la forme active de l’anglais “learning to learn” et forgée par le psychologue américain Herbert Gerjuoy (cité par Alvin Toffler) dans une phrase devenue célèbre : “l’illettréde demain ne sera pas celui qui n’a pas appns à lire, c’est celui qui n’aura pas appns à apprendre” 2. L‘expression française “apprendre à apprendre”, devenue rapidement un concept “fourre-tout”, est figée dans ses deux infinitifs. L‘expression “métacognition”, elle aussi devenue courante, reste passa2. A.
Toffler (1987).
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blement floue et on peut regretter l’utilisation contestable et restreinte qu’elle fait du morphème grec “méta” 3 . Priorité doit être donnée au constant rappel de la nécessité d’une véritable alphabétisation du monde éducatif, qui lui permette de Zire le Zivre de Za vie tel qu’on peut le découvrir aujourd’hui. La symbolique de l’arbre a été choisie pour positionner les différents opérateurs d’une apprenance responsable d’elle-même, dans le respect de la dynamique du processus d’apprenance qui est le patrimoine du monde vivant et, en particulier, de l’humanité. L‘Arbre permet de rappeler que les différentes étapes du savoirapprendre s’inscrivent au cœur de la logique et de la dynamique du vivant. La sève de l’arbre, d’abord brute et l’œuvre des racines, circule sous pression et sous tension, puis, élaborée grâce aux lois de la photosynthèse (qui régissent encore notre cerveau du X X e siècle), elle assure la nutrition de chaque partie de l’arbre. La nature fractale et holarchique de l’arbre 4 permet également de discerner les trois niveaux de structuration d’un organisme apprenant répondant à son besoin de régulation, à l’obligationd’adaptation et à l’exigence d’évolution. L‘arbre nous apprend aussi que lorsque la sève se retire, les branches se dessèchent et se cassent, provoquant aridité et désertification. Dans l’arbre, comme dans tout organisme vivant, les parties sont complémentaires ; elles vivent dans et par leur relation à l’organisme entier, et elles participent au devenir de l’organisme. De la même façon, dans la situation d’apprenance, il y a blocage, mal-être, dysfonctionnement, emballement du système.. . lorsque les trois logiques ne fonctionnent pas en harmonie.
Petite histoire de l’Arbre du savoir-apprendre L‘Arbre du savoir-apprendre est un essai de modélisation de l’apprenance, une représentation mentale, physique, verbale et graphique de notre démarche cognitive pour apprendre. Son histoire a été nourrie d’un constant aller et retour entre théorie et pratique, dans le domaine de la formation de formateurs et de l’enseignement d’une langue étrangère aux adultes. En effet, l’adulte qui apprend une langue étrangère est confronté à un changement d’environnement culturel, affectif et rythmique dès les premiers instants. En fait, dès les premiers instants, l’apprenant se trouve face à ses propres représentations de lui-même, de la langue étrangère et sa culture, des activités d’apprentissage, de l’effort à fournir, de l’investissement à faire..., face à ses blocages, et surtout face à l’ignorance de son propre fonctionnement et de ses immenses ressources. C’est à ce point précis que la graine de l’arbre a besoin d’être placée et cultivée dans le “terreau cogni3 . En “composition”. c’est-à-dire préfixé à un autre mot, “nieta” en grec est utilisé pour exprimer 1. la participation. la communauté, l’action en commun, 2. entre, 3 . la succession dans le temps. (Dictionnaire
Bailly, Hachette, 1950, p. 1259). Mandelbrot (1YY5),et dans C. Hampden Tnrner (1990). p. 164, l’explication de la “holarchie”,mot forgé par A. Koestler pour exprimer une hiérarchie de “holons” (unités jouant le rôle de points de jonction). Cf V. Fleury (1Y98),sur la croissance fractale de la matière.
4. Cf B.
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tif” de l’apprenant. Peut-être est-ce aussi le moment de signaler qu’en hébreu le mot “arbre” (hets) n’est pas éloigné du mot “conseil” (hetsa). Apprendre une langue étrangère impose la mise en place d’un nouveau type de relation entre la pensée, le langage, l’espace et le temps : l’être tout entier est concerné. Le corps de l’adulte (qui a déjà organisé l’espace et le temps), la langue maternelle(qui a déjà structuré sa propre organisation) traduisent une vision du monde à laquelle chacun tient beaucoup puisqu’il l’a construite, lui-même, au cours de sa biographie. Des habitudes sont déjà prises, et, parmi ces habitudes, celle qu’a notre cerveau d’anticiper la pensée sur l’émission de la parole. Nous savons maintenant que, lorsque nous prononçons une phrase, nous avons déjà organisé sa syntaxe et son lexique. En termes un peu plus savants : la durée cognitive anticipe la génération du message. Cette durée cognitive est donc, par essence, créatrice. Elle est pourtant bien malmenée par le système éducatif et dans notre monde contemporain, en général. Pour rester encore quelques instants dans le domaine du langage et relier la problématique de l’apprentissage d’une langue à ce qui a été dit précédemment 5, rappelons que le langage oral et écrit à la fois construisent et résultent de la complexité du couplage de notre système perceptif avec nos actions sur le monde extérieur et nous-mêmes. Créer, c’est se créer. Comprendre, c’est se comprendre. Lire, c’est se lire. Interpréter, c’est s’interpréter. Nos perceptions, nos mémoires, nos démarches de compréhension.. . ne peuvent plus être confisquées par les spécialistes de la psychologie, cognitive ou non, ni interdites de séjour dans l’enseignement d’une discipline donnée. Les processus cognitifs participent pleinement à et de tout acte d’apprendre. Les recherches les concernant demandent à être explorées, interrogées, intégrées dans nos démarches éducatives. Quant à l’Arbre, deux apports différents se sont croisés pour permettre de le proposer comme le support de notre référentiel. D’une part, les travaux de recherche (neurobiologie, sciences cognitives, physique,...), de la fin de la décennie 70 et pendant la décennie suivante, ont permis de repérer dix actes fondamentaux de notre activité cognitive, participant de et à notre évolution phylogénétique et notre développement ontogénétique. L‘autre apport est l’approche systémique qui a permis de rapprocher les lois d’organisation des systèmes de la logique du vivant. Les dix actes fondamentaux doivent être considérés comme des socles cognitifs de tout acte d’apprenance.
Pourquoi d2x actes copitjjs de base ? Le nombre dix est celui par lequel différentes cultures et traditions représentent l’organisation de l’énergie vitale et celle de l’univers. On trouve ainsi dix divinités dans la vieille Égypte et dans le cycle des Ases de la tradition scandinave. Chez les Grecs, Aristote établit le plan de sa 5. Cf la Partie IV ‘Fondements, archéologie des ressources”.
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métaphysique au moyen de dix concepts. La tradition druidique ancienne répartissait les puissances qu’elle vénérait selon une disposition ordonnée autour du nombre dix. L‘alphabet des Touaregs comporte également dix signes. La tradition hébraïque dispose dix “Sephirot” sur l’Arbre des Nombres. Il était donc intéressant de structurer autour du nombre dix les données de la neurobiologie concernant les “moments forts” de notre vie cognitive, véritables lieux d’auto-organisation, d’émergence et de bifurcation. On pourrait aussi les comparer à des pôles d’énergie, à des vortex, ou à des “attracteurs”. Nos savoir-faire fondamentaux répondent à des besoins vitaux pour que l’organisme vive son équilibre. Ils sont représentés par un programme de verbes (puisque ce sont des actes), dans l’ordre de la logique du vivant 6 : contextualiser, reconnaî@e, organiser, ancrer, choisir, innover, échanger, comprendre, intégrer, communiquer À ces dix actes, correspondent dix aptitudes potentielles, qui demandent à être actualisées, à s’inscrire dans notre histoire individuelle et collective, dans nos différents types de relation (l’environnement, les autres, soi). Chaque étape demande à être adaptée au contexte d’apprenance en question, et appliquée à un domaine spécifique, mais la base commune à toutes les situations existe et c’est elle dont il sera question maintenant.
Figure 5 :L’arbre du savoir-apprendre 6. L’expression est de E Jacob.
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L a première aptitude de notre savoir-apprendre consiste à utiliser nos organes sensoriels pour repérer le monde qui nous entoure et être ainsi en mesure de construire un contexte, indispensable pour trouver un appui dans l’espace et le temps. L‘enracinement dans le monde physique est la première étape de la vie. Elle est rendue possible par l’éveil de nos sens. Cet enracinement fait totalement partie de l’acte d’apprendre. D’autant plus riche qu’il est encouragé, accompagné par un maître (qui suggère les nuances, les combinatoires, les variations, les mises en relation), cet enracinement se traduit par un travail de repérage, de reconnaissance, d’observation, d’exploration sensorielle, destiné à entrer en relation avec les paramètres physiques (formes, dimensions, distances, résistances, découvertes de zones nouvelles et inconnues, mystérieuses.. .) Cette première étape détermine toutes les suivantes. Les exemples d’application de l’enracinement seraient trop nombreux pour être énumérés ici. II est plus réaliste de repérer et énumérer lespièges à éviter. Ces pièges sont de deux sortes : (1) les pièges dûs à un excès de contextualisation (2) les pièges dûs à une insuffisance de contextualisation. Le piège par excès correspond à une contextualisation excessive, dans laquelle on s’enferme et qui ne permet pas de dé-contextualiser une expérience apprise vers un autre contexte, ou, tout simplement, de prendre de la distance par rapport au contexte immédiat (et donc de se représenter une réalité symboliquement). Une trop grande “fidélité” à un contexte rend aveugle et sourd. Lorsque les enseignants se plaignent de l’incapacité des élèves à “appliquer” ce qu’ils ont appris, il s’agit typiquement d’un défaut de décontextualisation et d’une incapacité à contextualiser à nouveau, ce qui demande un entraînement systématique. Cet entraînement est- il proposé aux apprenants ? Quant au piège par insuffisance, il correspond à une contextualisation pauvre ou inexistante. Sans contextualisation, l’information flotte et ne peut être mémorisée, car elle n’a de lien ni dans l’espace ni dans le temps. Une information restée floue ou sans enracinement (physique, mémoriel ou affectif) est privée d’un ou de plusieurs éléments indispensables à sa contextualisation : le “qui”, le “quoi”, le “où”, le “quand”..., plus souvent le “comment”,le “pourquoi” et le “pour quoi faire” n’ont pas été explorés dans la séquence pédagogique. Comment pourraient-ils contribuer à une émergence ? La deuxième aptitude du savoir-apprendre est tout aussi incontournable que la première. Elle se place également en bas de l’Arbre et détermine les autres. Elle consiste à reconnaître (et accepter) les lois du vivant, c’est-à-dire les contraintes imposées par notre biologie, en particulier les exigences d’équilibre entre le donner et le recevoir. I1 s’agit aussi de reconnaître ce qui caractérise l’univers dans lequel l’homme vit : en premier lieu la complexité, la nôtre, celle des autres, celle de la matière physique, psychique, spirituelle. D’autres caractéristiques du réel, tel qu’on
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l’explore actuellement, ont besoin d’être rappelées, enseignées, respectées. Ce sont : l’existence de plusieurs échelles (microcosme, mésocosme, macrocosme), les processus de diversification, les principes d’incertitude, d’indétermination, d’interdépendance, d’interaction, d’alternance, et, surtout pour le monde occidental, la non-linéarité, la non-dualité des phénomènes, le “tiers inclus” qui caractérise le monde microphysique, tel que l’a postulé S. Lupasco 7. À ce niveau de l’Arbre, les pièges existent en grand nombre. Ils sont surtout des pièges d’enfermement par ignorance 8. Ils consistent à ne tenir aucun compte de la complexité, à s’enfermer dans une conception monolithique du réel, à le réduire à une seule échelle, à une seule logique, à un seul code. De nombreux enseignants et formateurs pensent, par exemple, qu’il faut expliquer et enseigner des éléments “simples” : mais ils ont été, en réalité, simplifiés préalablement (dans un souci pédagogique, certes). Cette démarche fait l’économie de la “conduite accompagnée”, qui consiste à faire découvrir l’interdépendance et l’interaction des phénomènes et, précisément, les stratégies pour gérer la complexité. Un autre piège dans lequel tout un chacun s’enferme volontiers est l’expression favorite “de deux choses l’une’’.En le disant nous nous enfermons (innocemment ?) dans l’alternative binaire du “vrai / faux”, “bien / mal”, “blanc / noir”..., et nous nous installons dans une logique de vérité qui a déjà fait suffisamment de dégâts en Occident pour que nous l’abandonnions et la transformions en logique de quête de sens. Rappelons-nous : le réel n’a de réalité qu’à travers notre relation à lui. Pour William Blake, le peintre poète visionnaire de l’Angleterre du XVie siècle, “lefou ne voit pm le même arbre que le sage”. “Siles portes de la perception étaient déblayées, toute chose apparaîtrait dans sa vraie nature : inznie”. Les pièges par excès consistent à rester (confortablement) dans le chaos et la complexité brute, la soumission aux turbulences et aux attracteurs, et l’incapacité de passer à l’étape d’organisation et de mise en ordre du chaos. Un autre cas très fréquent d’enfermement dans l’ignorance des lois du vivant, est celle qui consiste à ignorer que chaque organisme vivant est porteur d’un potentiel à actualiser. Les conséquences sont dramatiques lorsque, dans cette ignorance, le système éducatif, scolaire ou familial, entreprend d’évaluer celui qui apprend. Le refus, conscient ou non, de le considérer en devenil; capable d’évoluer, de changer, de grandir, fait partie de ce qui pourrait bien être La Faute, à éviter à tout prix, à réparer d’urgence et en priorité. 7. il s’agit d’un troisième type de dynamique qui coexiste avec celle de l’hétérogénéisation (qui gouverne la matière vivante) et celle de l’homogénéisation (qui gouverne la matière physique). Lire B. Nicolescu (1985), p. 191 et s. 8. Dans le sens anglais de “ne pas tenir compte de”. Dans notre contexte, il s‘agit évidemment des lois de la nature telle qu’elles ont été rappelées précédemment.
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La troisième aptitzide est celle du savoir-organiser, catégoriser, structurer, classer, généraliser, abstraire à partir de l’expérience et de la complexité. La nature de notre réalité cérébrale, son “excès de main d’œuvre’’ et le potentiel gigantesque de connexions et de liaisons possibles entre les différentes parties de notre cerveau (c’est-à-dire de notre corps), nous font une obligation de sélectionner les stimulations, les connexions ou les mises en réseau (donc de renoncer), de façon à établir des circuits, construire des ensembles opérationnels, créer des structures internes (donc des habitudes). Ce sera la base de notre mémorisation. Notre fonctionnement de base est un jeu constant de connexion et de mise en relation. Sélectionner et connecter sont donc deux mots-clés sur lesquels construire de solides activités dapprenance. il revient à celui qui accompagne l’apprenant de consolider chez lui le savoir-comparer, le savoir-abstraire, le savoir-sélectionner, dont le résultat est de ‘3tizbiZiser notre vision du monde”9. I1 est bien évident que ni sélection ni connexion ne peuvent avoir lieu si elles ne s’appuient pas sur les deux précédentes étapes, celle d’une sensorialité riche et sur le passage obligé par l’acceptation des contraintes, en particulier la reconnaissance de la complexité et de l’interdépendance des phénomènes. À ce niveau, les pièges à éviter sont des dysfonctionnements provenant soit d’une insuffisance d’organisation et de repérage des catégories dans lesquelles les phénomènes ou les situations peuvent entrer, soit d’une conception causaliste uniquement symétrique ou dualiste (ou bien.. . ou bien.. .) . Autres cas de dysfonctionnement : l’enfermement dans une constante opposition des contraires, au lieu de considérer les contraires dans leur complémentarité ; l’incapacité de distinguer les priorités, ce qui est essentiel de ce qui est secondaire, ce qui est global de ce qui est local. À l’opposé, l’hypertrophie du savoir-organiser se traduit par une organisation à outrance, une généralisation et une rationalisation qui nient la diversité, l’inattendu et l’imprévu. C’est ainsi qu’on ferme la porte, parfois définitivement, à la créativité. Flaubert dénonçait l’ensemble de ces pièges lorsqu’il accusait les Français d’avoir la “rage de conclure”... Bien des discours, bien des écrits, bien des échanges en restent souvent au stade de la description et de l’étiquetage. Le parcours est, pourtant, loin d’être achevé. Il ne fait même que commencer, car nous avons tous besoin, apprenant, accompagnant ou communiquant, d’ancrer nos rencontres, nos connaissances, nos perceptions.. . dans notre propre expérience, c’est-à-dire dans l’historique du couplage de notre perception et de notre action. Personne, à notre place, ne peut apprendre, comprendre, relier ce que nous venons d’apprendre à ce que nous savons déjà. Nous avons vu 10 que les couches profondes de notre cerveau, porteuses de nos émotions et de nos mémoires, contribuent pour une forte part à l’image que nous nous faisons du monde. Nous sommes ce que nous apprenons. 9. L‘expression est de E Varela, dans Nepour organiser, 3 e film du vidéogramme Népour apprendre. 10. Dans “nous sommes notre vision”, chapitre IV, 4.
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6 Un metier, un référentiel ~
La quatrième étape de notre montée dans l’Arbre du savoirapprendre, est le savoir-ancrer, c’est-à-dire l’aptitude à interpréter, créer du sens, un sens émergé à partir de ce que l’on est, ce que l’on a été, de ce que l’on veut être. L‘ancrage du sens ne peut pas se faire si un espacetemps n’a été, auparavant, aménagé de façon à ce que nos mémoires, nos émotions, nos rêves, notre imagination, nos désirs, nos attentes participent à Z’émergence du sens (le nôtre). Étape capitale, donc. Sans elle, le savoir est vite oublié. Tant que nous croyons que l’information est extérieure à nous, qu’elle doit nous parvenir et qu’il nous revient de la traiter comme le fait l’ordinateur, cette étape ne peut pas faire partie de la démarche (pédagogique ou non) de compréhension. Aujourd’hui, le “culte” d’une information considérée comme une entité en soi fait des ravages dans bien des domaines, qu’il s’agisse du langage, de la biologie, de la médecine, des media 11. Le cortège des conséquences de cette méconnaissance de l’émergence du sens s’appelle difficultés scolaires, image de soi négative, conflits de communication, faux témoignages, conclusions erronées.. . Autant de problèmes créés de toute pièce.. . par ignorance ou par négligence, donc inutilement. Un ancrage qui n’a pas eu lieu (par ignorance, manque de temps, soumission à une vérité reçue aveuglément, à un code imposé, à une définition normée.. .), ouvre la voie à l’imitation. C’est ainsi que s’installent des connaissances non-vécues, qui constituent les scénarios, hélas reconnaissables, du prêt-àpenser, du prêt-à-dire, et, le pire de tous, du prêt-à-croire. C’est ainsi que nos vraies lectures, nos vraies écoutes, nos vraies paroles n’ont pas lieu, et que d’autres en profitent pour penser, parler et croire à notre place. Où se trouvent les pièges de cette quatrième étape ? Les risques d”‘hyper-ancrage” existent, naturellement, mais ils sont beaucoup plus rares, dans le monde éducatif tout au moins, que les risques encourus par l’absence de lien entre celui qui apprend et ce qui est appris. Une conception monolithique de la cognition qui ne tient pas compte des niveaux et des durées de compréhension, qui ignore l’inscription de la pensée dans le corporel, qui méconnaît le pluriel de nos mémoires, de nos lectures, de nos regards, de nos écoutes ..., une telle conception fige le processus mental dans une non-occupation de l’espace et du temps, et bloque tout développement vers la liberté et toute validation d’un choix vers l’innovation ou l’échange. Ce sont, pourtant, des étapes destinées à accompagner la construction de l’autonomie de celui qui apprend. Chaque séance de travail (“frontale”ou en autonomie) est une étape biographique pour l’apprenant. Elle comporte toujours un “avant” et un “après”,un point de départ, un objectif à atteindre, et un trajet. Elle devrait aussi inclure le moyen de repérer où se trouve celui qui ”créeson chemin en rnurchunt” 12. Andreewsky et coll. Systémique et Cognition,Dunod (1991), en particulier le chapitre 3. 12. Selon la phrase devenue célèbre du poète A. Machado, dans “Cantares”. 11. Cf E.
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Les quatre premières étapes, nécessaires au couplage de l’organisme apprenant avec son environnement, correspondent, dans l’approche systémique, à une Zo&w de @aZaaon, et fonctionnent sur le court terme (il y a souvent urgence). C’est le premier étage d’une fusée à deux étages, selon la métaphore proposée par Boris Cyrulnik, pour illustrer l’idée que la construction psychique se fait en un premier temps où il nous faut découvrir la loi de la nature, la respecter “pour mieux s’arracher à la loi de l’attraction terrestre” 13. Les étapes suivantes vont permettre à l’apprenant de s’approprier ses découvertes, les transformer en nouvelles connaissances, les adapter à ses relations aux autres, et devenir non seulement acteur mais aussi auteur de son apprenance. Nous entrons dans une autre logique, celle de Z’adaptaoon, qui nécessite des actions à moyen terme. La cinquième étape est celle du savoir-choisir.Nous avons vu que la nature, la fonction et le statut de notre cerveau (et de notre corps) font de nous des êtres vivant pleinement les conséquences d’une sélectivité défiant toute méthode de calcul. Sélectionner implique choisir, c’est-à-dire s’engager dans une voie plutôt qu’une autre, donc établir des priorités par rapport au contexte. Cette sélection exige d’entrer en relation avec son propre système de valeurs et de renoncer à certaines solutions au nom de ces valeurs. Le rôle de l’accompagnement, à ce niveau, est de créer les conditions pour que le choix puisse avoir lieu. Si l’étape de l’émergence du sens n’a pas été franchie, il est évident que le savoir-choisir sera bloqué ou, plus grave encore, il sera remplacé par le choix qu’un autre aura fait à notre place. Les pièges, à ce niveau, existent surtout dans les esprits qui craignent qu’en donnant le choix à chaque apprenant, le groupe soit impossible à “gérer” par le responsable éducatif. Il s’agit de la même erreur de raisonnement que dans l’argument selon lequel “les classes ne sont pas homogènes,. .. les élèves n’ont pas le même niveau,. .. donc l’enseignement est particulièrement difficile, si ce n’est impossible...”. Si l’on accepte l’idée que chaque être humain est porteur de sa propre histoire qui le rend différent et unique, le problème de l’hétérogénéité des groupes se pose autrement, et les solutions pédagogiques sont recherchées ailleurs. Mon expérience sur le terrain de l’enseignement des langues m’a fait découvrir qu’en développant le savoir-choisir, j’entrais dans une démarche qui s’avérait très efficace pour organiser (et non désorganiser) le groupe d’apprenants. Le choix d’un thème, d’un matériau, d’un sujet délimité, d’un champ de données, d’un sondage à élaborer : le choix de l’ordre dans lequel deux ou trois exercices seront faits ; le choix du partenaire ou du sous-groupe ; le choix de la démarche à suivre, de la durée nécessaire, des critères d’auto-évaluation.. ., tous ces choix peuvent devenir des occasions d’entrer dans un véritable parcours et donnent lieu à un contrat 14 et, sur13. B. Cyrulnik (1997),p. 10. 14. Avec son
sens étymologique de “tirer avec” et non de “contraindre”
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6 - Un métier, un référentiel
tout, à un dialogue pédagogique authentique, à un échange, à un questionnement qui ouvrent l’horizon au lieu de le fermer. Tout choix comporte des limites et se fait selon des critères pertinents. Le choix laissé à l’apprenant est limité par les conditions, le temps et les ressources dont le système dispose. Choisir n’exclut nullement la pratique d’une méthodologie, d’une démarche et d’un engagement jalonnés de points de repère. Par contre, l’absence de choix mène tout droit à la dépendance par rapport au modèle. Il prive celui qui apprend du bénéfice qu’il peut retirer de l’acte qui le place au centre de sa propre évolution. L’art de la décision s’apprend. Elle exige une méthodologie précise, qui enseigne comment choisir, en fonction du but à atteindre, des ressources disponibles ou à découvrir, en relation avec un système de valeurs qu’on ose interroger avec la question fondatrice : “au nom de quoi je fais ce que je fais comme je le fais ?”. Le manque d’accompagnement à ce niveau est d’autant plus grave que cette étape est celle au cours de laquelle se développe l’investissement personnel dans la relation aux autres. En effet, à partir de cette cinquième étape, le système vivant s’organise dans une logique d’adaptation, qui correspond à une mise en place, à moyen terme, de trois savoir-faire cognitifs complémentaires : décider (choisir), innover et échanger. Sur l’Arbre du SavoirApprendre, le savoir-choisir se place à mi-chemin entre l’enracinement (la prise de terre) de notre sensorialité et la cime de l’arbre, (l’aptitude à communiquer, dans le sens plein du terme 15). Cette position suggère que la croissance exige un axe médian, une verticalité qui relie le sol (notre contexte) à la tête (notre finalité, nos valeurs) 16. Pour pouvoir communiquer pleinement, il faut encore gravir les étapes de l’innovation et de l’échange. Savoir-innover constitue la sixième étape. Le choix de s’investir et de s’engager, s’il est authentique, ne se fait pas à vide. La dynamique de l’apprenance nous invite à innover, créer, c’est-à-dire prolonger ce qui a été perçu et accepté, dans sa complexité. “L’homme”pour Hannah Arendt, “bienqu’il doive mouril; n ’estpmyair pour mouril; mais pour innover”. Innover, c’est créer du neuf. C’est, là encore, le propre du vivant. Cette sixième aptitude cognitive consiste à réagir en insérant mouvement et durée dans la matière, à prolonger, à remettre en question le caractère immuable des choses, à intégrer l’aléatoire et l’inattendu. Cette étape demande de la flexibilité, car il faut accepter l’inattendu et la présence du “non-encore’’ dans son mystère et sa dimension potentielle. C’est l’étape des découvertes et de l’émergence de nouveaux concepts, de nouveaux points de vue, de nouvelles postures, de nouvelles réalisations, de nouvelles actualisations. 15. Du latin : communico, mettre en commun. 16. “L’éducation des choix” (EDC) devient heureusement une préoccupation partagée
:
niéthode canadienne ADVP (Activation du Développement Vocationnel et Personnel).
par exemple la
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Un métier, un référentiel
Découvrir. Découvrir qu’apprendre ne peut pas être du domaine de l’acquisition mais qu’il est du domaine de l’être. Découvrir que la première innovation est celle qui nous fait entrer dans un chemin de transformation de nous-même. Découvrir que l’objet créé doit vivre et qu’il nous revient de le faire vivre. Découvrir que derrière l’obstacle, s’ouvre toujours un chemin. Découvrir que l’innovation consiste aussi à s’interroger (“qu’ai-jefait de mes erreurs ?”) Trop souvent, dans le paysage éducatif traditionnel, les stratégies d’innovation sont interdites de séjour, puisqu’elles risquent de “casser la symétrie” de ce qui a été simplifié pour être plus facilement “assimilable”. Le piège par excès du savoir - innover est également fréquent. il a plusieurs visages : créer pour créer, créer pour dominer, créer pour agir, créer pour posséder.. ..Dans cette perspective, l’innovation se trompe de logique, elle nourrit l’organisme “à court terme”. 11faut donc, sans cesse, recommencer, puisque ce type de création s’use, se consomme rapidement, vieillit, ou se fige, car ses racines sont en surface, et ne nourrissent pas l’organisme. En revanche, créer dans la perspective d’entrer dans une dynamique d’émergence du sens, c’est laisser la place au regard de l’Autre, c’est comprendre qu’au-delà du “vouloir dire” du créateur, il y a le “pouvoir dire” de sa création, de son geste, de ses paroles. Au-delà, s’ouvre l’espace du questionnement, le sien et celui de l’Autre. L’étape suivante, dans la logique du vivant, c’est l’aller vers l’Autre. Le vivant ne peut survivre, évoluer, créer un langage que s’il y a l’Autre. Echanger, c’est accomplir la vocation du vivant. L‘échange et le partage dont il est question ici ne s’inscrivent pas dans une économie du don ou du “donnant-donnant’’ selon l’expression de Pierre Bourdieu 17. Le troc, l’échange de certitudes, qui n’est bien souvent qu’une confrontation de vérités, l’échange de dons qui “obligent” le débiteur, n’ont pas de place dans la construction du savoir-échanger Le savoir-échanger consiste à voir le visage de l’Autre, malgré et au-delà de son masque. Cet échange permet de re-connaître un monde commun, de vouloir une action conjuguée, d’apporter une aide dans la réciprocité pour nous accepter uniques et différents. En le faisant, nous nous reconnaissons comme interlocuteurs légitimes. Nous actualisons notre capacité à entrer en réciprocité, sans conditions. Le rôle de l’École est là, à cet endroit précis : dans l’accompagnement jusque-là de celui qui apprend. II lui appartient, aussi, de prendre conscience que l’absence d’échange est une forme de violence, car c’est la négation de l’Autre et.. . de Soi. La réciprocité du regard porté sur le mystère de l’Autre a besoin de deux outils indispensables : l’écoute et le questionnement authentique, celui qu’on adresse à l’Autre, celui qui investit dans la réponse à découvrir, dans un “dire’’ avec lequel on accepte d’entrer en résonance, pour un temps, celui de l’échange d’où émergera le sens, celui de ce moment-là, celui qui ne peut être érigé en vérité définitive car il appartient à une rencontre de l’histoire, la mienne et celle de l’Autre. 17. P.
Bourdieu, op. cit., p. 229 et ç.
Architecture et matériau
6 Un métier, un référentiel ~
Le grand piège est de faire entrer la boucle “donner-recevoir’’dans une “économie du don”. Le quantitatif s’introduit : trop donner sans recevoir, ou, au contraire, trop recevoir sans donner, crée un déséquilibre flagrant dans certaines pratiques pédagogiques qui apportent (pour ne pas dire “flanquent”) une très grande quantité d’information mais ne proposent pas, à celui qui apprend, un temps de réaction, de questionnement, d’ancrage dont il a besoin impérativement pour structurer ce qu’il apprend, explorer le non-encore connu, pour respecter (étymologie : “tourner la tête vers”) les durées du travail cognitif en train de se faire. Dans l’apprentissage d’une langue, qu’elle soit maternelle ou étrangère, le temps de maturation est celui qui, précisément, ménage la transition et l’équilibreentre compréhension et expression. Une grande violence consiste à laisser l’échange se dérouler en surface, sans qu’il soit véritablement fondé sur un point de vue, une prise de position, une opinion ouverte sur la réalisation sociale, la réciprocité d’une œuvre commune ou conjuguée. La pratique du véritable échange, non seulement participe 2 nous ré-éduquer dans le respect de I’Autre, mais elle ouvre la voie à l’autonomie (étymologiquement “la gestion de soi”) trop souvent confondue avec l’indépendance. Pour le biologiste François Jacob, l’organisme qui gagne en autonomie doit étendre ses échanges avec le dehors. 11 faut pour cela que “sedéveloppent non seulement les structures qui lient l’organisme à son milieu, mais aussi les interactians qui coordonnent les constituants de l’organisme’’18. L‘autonomie se construit donc par un travail au-dehors et au-dedans. C’est ce qu’on peut appeler, d’un terme emprunté à l’architecture navale, “l’auto-portance’’19. La dynamique et la qualité de l’échange entre les différents partenaires de la situation éducative vont conditionner la “montée en sève” du parcours de celui qui apprend. Deux remarques sont nécessaires. L‘autonomie se manifeste et se structure grâce à trois savoir-faire hors du temps pédagogrque. L‘accompagnement doit, en effet, s’arrêter sur le seuil au-delà duquel l’apprenant est seul aux commandes, au centre de sa propre dynamique d’apprentissage, dans une logique d’évolution qui ne peut être que la sienne. En second lieu, l’autonomie n’exclut pas l’interdépendance. On ne naît pas autonome, on le devient.. L‘autonomie se construit dans trois types de relations : par rapport à l’environnement, par rapport aux autres et, ce qui est plus rarement envisagé, par rapport à soi-même. Dans le haut de l’Arbre nous entrons dans le long terme, dans la relation Moi t Moi, dans une logique d’évolution, la nôtre et celle de l’humanité à laquelle et de laquelle nous participons. Trois actes cognitifs contribuent à la structuration de notre identité autonome 20. C’est d’abord le savoir-comprendre (étymologiquement “prendre avec”). Le processus de compréhension est particulièrement malmené par la -t
~
18. E Jacob (1981).
19. C’est grâce à cette technique que fut construite la grotte de Lascaux II. 20. Dans le sens d’ipséité (ipse : soi) et non de mêmeté (idem : semblable).
Architecture et matériau
6 - Un métier, un référentiel
pédagogie de l’impatience, qui cherche, avant tout, à vérifier les résultats d’un enseignement considéré comme “donné”, “transmis”, “émis” vers celui qui apprend. Les travaux, dont il a été question dans les “points d’orgue pour une vie apprenante” 21, permettent de découvrir une autre vision de ce qu’est le travail cognitif et de ce que nous appelons “comprendre”. Comprendre, c’est actualiser notre capacité d’entrer en reZatïon, de réfléchir, de renvoyer notre propre représentation du réel. Cette aptitude implique une mise en structure de l’environnement, cohérente avec notre histoire personnelle et notre système de valeurs ou de références. Comprendre, c’est construire le monde, notre monde, et non le décrire ou l’expliquer comme s’il était un et définitif. Comprendre est un processus vers les choses, une mise en mouvement vers la vie. La durée pour comprendre fait partie d’un parcours d’apprenance autonome, mais non indépendant. Le savoir-inte‘grer constitue l’étape suivante dans la logique de l’autonomie. C’est, après l’entrée en relation de l’étape précédente, I’espace-temps de la mise en reZalzon. C’est le refus de l’enfermement dans un sens unique, une direction unique et une signification unique. C’est l’entrée dans l’itinérance du faire. C’est un voyage à la rencontre de la perfectibilité, et non de la perfection, car c’est la rupture définitive d’avec les limites de la logique du fini. Intégrer ne signifie pas absorber un contenu, mais s’établir dans un nouveau rapport aux choses, aux autres et à soi-même. C‘est être à Z’écoute de Z’occasion (selon l’expression de Jankélévitch). C‘est le temps de l’ouverture, de l’entrée dans une dynamique de l’accueil, qui exige un sens profond de I’ensemble, de la globalité du réel découverte au niveau de la deuxième étape du savoir-apprendre, qui demande à être maintenant acceptée. C’est le temps de la conscience du temps favorable et du moment juste (Kairos, pour les Grecs) 22. La dernière étape de l’Arbre du savoir-apprendre est le Savoir-communiquer. I1 ne s’agit évidemment pas du sens communément donné à la communication (transfert d’information d’un émetteur à un récepteur) mais du sens premier 23, qui traduit le modelage réciproque d’une réalisation sociale par un acte de langage, un acte d’écoute, un regard, un geste.. ., capables de constuire un espace-temps commun. Cette capacité ultime, mais ni terminale ni définitive, s’inscrit dans une progression recherchée, voulue, désirée vers la réalisation ou l’accomplissement de l’être. Elle n’est en rien un aboutissement, une fin en soi. Au contraire, elle est recommencement, renouvellement, renaissance.
4 “Archéologie des Ressources”. 22. Trois conceptions du temps sont proposées dans N e pour choisir, 2 1. Cf IV.
5 e film de N e pour apprendre, op. cit. (Kairos, Aion et Chronos). 23. L‘étymologie : “communico”(latin “mettre ou avoir en commun”), a une racine commune avec “communie" (latin : “fortifier, construire”).
Architecture et matenau
7 ingénierie du métier d’apprendre ~
7
Ingénierie du métier d’apprendre Nature, rôle et statut de l’ingénierie Le mot “ingénierie” a été réintroduit dans la langue française, après avoir été emprunté et façonné par la langue anglaise. II est employé ici pour désigner l’ensemble constitué par les démarches, les techniques, et la maintenance de ce qui a été défini, dans les pages précédentes, comme éléments de structuration du métier d’apprendre. La relation est évidente avec deux autres ingénieries, couramment acceptées par les milieux universitaires et par l’entreprise : l’ingénierie de la didactique, et l’ingénierie de formation qui gère l’analyse des besoins, le plan de formation, la négociation et l’analyse des postes, des fonctions et les spécificités d’une action. L‘ingénierie du métier d’apprendre se place en amont des deux autres. Pour faciliter son entrée dans le paysage éducatif, il est nécessaire d’en donner une définition plus précise. Aucun dictionnaire ne fournit une définition opérationnelle de ce concept nouveau, né d’un besoin récent émanant du terrain de la formation. Trois aspects permettent d’approcher un concept de façon plus efficace qu’une définition classique : sa nature, sa fonction et le statut qui lui est accordé dans le contexte en question. À la base de l’ingénierie du métier d’apprendre se trouvent trois postuIats : 1. l’acte d’apprendre ne peut résulter d’un diktat. C’est à chacun de le construire, donc de se construire, l’humain étant en constant devenir et en constante recherche de sens ; 2. on ne peut se constuire seul. Une médiation et un accompagnement sont nécessaires ; 3. Il existe des chemins obligés et des contraintes dues aux lois de la vie. Observer et accepter ces lois est le moyen d’accéder à l’autonomie. L’ingéniene du métier d’apprendre concerne tous les acteurs de la situation éducative. Elle correspond à une recherche d’équilibre entre stabilité et mouvement, entre continuité et changement. Elle inclut une modélisation du fonctionnement mental et des opérations cognitives actives chez celui qui apprend. Elle analyse le couplage de l’homme apprenant avec son contexte et son histoire, sa motivation et les conditions d’émergence du sens. Elle tient compte des différentes interfaces créées par la situation d’apprenance. Son objectif est d’être en cohérence avec la logique du vivant, et pour cela, elle recense et organise les besoins, les moyens, les lieux et les temps qui correspondent au mieux au projet “d’entreprendre d’apprendre’’ 1. Elle fournit les conditions optimales pour que l’acte d’apprendre ait lieu. 1. Une
expression d’Henri Desroche, et le titre de l’un de ses livres (1990)
Architecture et matenau
7 - ingénierie du métier d’apprendre
Elle consiste à rendre l’apprenant et celui qui l’accompagne conscients du potentiel d’apprenance présent chez tout être vivant. Elle contribue à identifier les potentialités de chaque partenaire (y compris l’institution), et repère et évalue les contraintes auxquelles est soumis l’acte d’apprendre. Elle organise la montée en charge des opérations cognitives vers l’autonomie, en clarifiant la fonctionnalité et le comportement des acteurs à chaque étape, établissant ainsi un Cahier des charges ou une Charte. Elle fait en sorte que soient évités les dysfonctionnements et les pièges. Elle structure et articule les différents temps d’apprendre. Elle organise la complexité des données pertinentes. Elle explore les processus et les stratégies des différents acteurs, et contribue à la recherche d’équilibre entre la double nécessité d’adapter et d’intégrer, et celle de continuer et de changer. Son rôle est d’être à la fois une matrice de structuration des actes d’apprendre et une grille d’évaluation des actions pédagogiques. Ceci recouvre l’identification des conditions dans lesquelles l’apprenant peut actualiser ses potentialités, et le repérage des données pertinentes concernant ses stratégies, ses attitudes, ses aptitudes, ses comportements, ses capacités, ses motivations. Elle s’articule par un double contrat avec l’ingénierie de formation et l’ingénierie de la didactique du domaine enseigné. Elle permet d’intégrer dans un organisme, une entreprise, une institution (systèmes fermés), le projet d’apprendre de l’individu (système ouvert) dont le moteur est l’autonomie, la mémoire, l’affectivité. Elle est en mesure de donner des garanties pour que les acteurs et les partenaires éducatifs contribuent véritablement à un projet d’apprendre et non à un produit de formation. Cette garantie est celle qui donne à l’apprenant les moyens d’exercer son métier d’apprendre non seulement au cours de son parcours scolaire, mais tout au long de sa vie. L’ingénierie d’apprendssage, telle qu’elle est proposée ici, permet de proposer des applications concrètes sous forme de démarches ou de trames méthodologiques. Elle propose, dans le respect de la complexité de l’acte d’apprendre, de stimuler une recherche participative chez les différents partenaires, pour aboutir à des réponses pédagogiques “ad hoc”, dont chaque partenaire (même l’institution) est bénéficiaire. 11 s’agit d’inciter les uns et les autres à quitter une logique unique de performance et de validation pour entrer dans une logique de recherche et de partage de signifiance 2 . Alors, le système éducatif pourra enfin évaluer autrement, enseigner autrement, et tenir compte du “non-encore accompli” de celui qui, par essence, est en train de construire “son chemin en marchant”.
2. Cf note 3 , p. 34.
Architecture et matériaux
7 ingénierie du métier d’apprendre ~
Favoriser l’acte d’apprendre, éviter les violences et la déser@îcation Les conditions favorables à l’acte d’apprendre ont été abordées à plusieurs reprises dans un ouvrage précédent3. En réalité, elles sont à établir à chaque étape du savoir-apprendre, en se mettant à l’écoute des recherches qui nous indiquent le fonctionnement de base de notre vie cognitive. L‘inventaire de ces conditions favorables serait très long et fastidieux. II est plus efficient (efficace et à moindre coût) de repérer ce qui est à éviter. À chaque étape du référentiel du métier d’apprendre, a été signalée l’économie d’énergie que l’on peut réaliser en prenant conscience d’excès ou d’endormissement dans lesquels se loge beaucoup d’énergie inutilement. L‘expérience prouve que le rappel de quelques chiffres représentant le potentiel de notre vie cognitive et de son fonctionnement de base 4 permet d’éviter d’entrer dans le “marécage de la déploration” où se retrouve souvent figée l’image que nous nous faisons de nous-même et des autres ... Si, par exemple, la vie scolaire, les conditions d’examen, les conditions de travail en entreprise ne tiennent aucun compte du très grand besoin d’oxygène de notre cerveau, il est évident que ce qui est demandé à celui qui apprend, ou fournit un travail, tient davantage de la résistance à l’anoxie que de l’actualisation d’une compétence. Les chiffres représentant les possibilités de connexions, de mises en réseau, d’associations diverses entre nos différentes logiques cérébrales 5 sont des occasions de chercher de nouvelles réponses aux problèmes pédagogiques qui se posent de façon de plus en plus cruciale. Les exigences de notre corps en matière de lumière naturelle, de nourritures variées, de respect des rythmes fondamentaux, contribuent aussi à construire le cadre de l’ingénierie du métier d’apprendre 6. Les recherches qui ont constitué des “points d’orgue pour une vie apprenante” nous aident à repérer ce qu’on peut recenser, a contrario, comme des violences contre le cerveau à éviter à tout prix dans un parcours éducatif, qu’il soit familial ou scolaire. Ces violences, dues à des manques ou à des absences de médiation, d’écoute, d’accompagnement, sont d’autant plus redoutables qu’elles ne sont pas perceptibles d’emblée. Elles sont reconnaissables lorsque les dégâts sont déjà faits. Rappelons, pour mémoire, qu’elles se traduisent par la perte de la dimension plurielle de l’humain, par la perte du sens de la complexité et de la diversité (alors que les jeunes enfants les possèdent), par I’enfermement de l’Autre (et de soimême) dans une catégorie ou sous une étiquette définitive, par un refus du statut d’être en devenir, par la soumission aux “prêts-à-porter cognitifs” dans l’index thématique, “Apprentissage” 4. Op. cit.. p. 196. 5. C f ci-dessus, IV, 4. “Points d’orgue pour une vie apprenante”. 6. /‘apprends, doncje suis, p. 111 et s. 3 . Cf/’apprrnds, doncje suis,
Architecture et maténaux
7 - Ingénierie du métier d’apprendre
(prêt-à-penser, prêt-à-dire, prêt-à-faire.. .) , par la dépendance à un projet extérieur, c’est-à-dire la démission de son propre projet d’apprenance, par la perte de la capacité d’innovation et d’invention de soi, par le refus de l’échange et l’option pour le solitarisme et toutes ses conséquences,. . Ces violences peuvent être évitées par un véritable travail de conscientisation 7.
Lieu de naissance de l’ingénierie :à Pinteface... Pendant très longtemps (trop longtemps), on a pensé que le processus d‘apprendre était la résultante de la relation unilatérale maître -t élève Puis, la théorie de la communication aidant, on a représenté cette relation par une boucle, ou plutôt un bouclage dans lequel chacun émet et reçoit :
’ I
t
maître
élève
Une approche de type systémique permet d’élargir la problématique éducative aux trois domaines d’expertise présents, en réalité, dans la situation d’apprenance : le domaine ou de la matière enseignée, la pédagogie, et l’apprenance. C’est à l’interface de ces trois domaines que peut s’actualiser le potentiel d’apprenance. C’est cette interface qui se trouve être le lieu d’émergence de l’ingénierie du métier d’apprendre.
de l’apparence
figure 6 :trois expertzses et une inteflace
L’experose dans le domaine ou la matière enseignée comporte des connaissances factuelles, les règles de base de la discipline, les savoirs et les savoir-faire spécifiques, le raisonnement inductif, déductif, analogique, heuristique.. . L’experoke pédagogique comporte la didactique et l’ingénierie de formation, et consiste à placer l’apprenant dans les meilleures conditions pour apprendre, par exemple : choisir l’exercice approprié, le mode d’apprentissage (libre, contraint, guidé., .) , évaluer la progression de l’enseignement (ce qui reste à faire, comment le faire), indiquer les erreurs de stratégie, en chercher le pourquoi, expliquer, adapter l’explication, indiquer clairement les objectifs, les implications, les applications.. . ~
7.
~
Ce travail est proposé dans la Partie Vi, chapitres 8, 9, 10 et 11.
Architecture et rnutEriuux
7 - ingénierie du métier d’apprendre
L’expertzse de I’apprenance tient compte des connaissances sur les opérations mentales (percevoir, mémoriser, contrôler, générer des idées nouvelles, communiquer, expérimenter de nouvelles émotions, prendre conscience de soi....), du type de pilotage mis en œuvre par l’apprenant (organisation du flux de connaissances...), de sa gestion des temps d’apprendre, de ses critères d’auto-évaluation, ses capacités à d’auto-positionner, à se questionner, explorer.. .. I1 est question de repérer moins les points forts et faibles (“profils”) que les stratégies utilisées (association, imitation, essai / erreur, imprégnation, entraînement, “insight”...).
Entrer dans une demarche de reliance, boucles etJlux inversés 11 est possible d’élargir davantage la problématique éducative en
ouvrant le questionnement aux composantes de la situation d’apprenance : qui apprend quoi, où, quand, comment, pourquoi, pour quoi faire ? qui quand
quoi
où
apprendre
pourquoi
pour quoi faire comment
Fi@re 7 :le concept d’apprendre au centre d’un contexte (les relations sont à établir selon la situation éducative).
En réalité ces composantes, qui constituent un contexte d’apprenance, se positionnent dans une double relation au centre (apprendre) : du centre à Zapénphéne si le choix de la composante (le lieu, le moment, la démarche, l’objectif,...) est celui de l’apprenant ; de la pénphéne au centre si la situation est imposée (le sujet, le moment, l’objectif etc.) et l’acte d’apprendre “captif”.
qui
quand
pourquoi
quoi apprendre
1
où pour quoi faire comment
comment
Figure 8 : la double relation au concept
Dans l’exemple ci-dessus, le moment de l’acte d’apprendre est imposé (flèche vers le centre) ; la stratégie est choisie par l’apprenant (flèche du centre vers la périphérie) dans une démarche heuristique, d’exploration et de découverte. Le schéma ci-dessus a servi de nombreuses fois de grille d’analyse pour des situations éducatives dont des formateurs et enseignants désiraient comprendre la ou les causes de dysfonctionnement. Le même schéma a servi de matrice pour créer une nouvelle situation d’apprenance, faire évoluer une situation existante, ou rechercher une nouvelle lecture des relations de l’apprenant et du formateur. Dans ce cas, les flèches sont placées de façon à correspondre au projet pédagogique : répartir les pôles imposés, ou offerts à l’exploration de l’apprenant.
7 ingénierie du métier d’apprendre
Archikclure et maténau
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Élargir encore La démarche de résolution de problème s’inscrit classiquement dans une boucle cybernétique qui part du constat (1) de la situation problème, passe par l’analyse de la situation ( 2 ) ,va vers une hypothèse ( 3 ) , pour arriver à une proposition de solution (4) que l’on confronte à la situation de départ, de façon à évaluer la pertinence et l’efficacité de la solution proposée (5)
v
(2) analyse
(3) hypothèse
(4) solution
[ 1) constat
1 (5)
évaluation
Figure 9 : boucle classique de résolution de problème
En traduisant les mots du schéma en actes pédagogiques, on a
:
(1) “étant donné que”..., “j’observe”..., “je constate que”...
(2) “j’analyse les causes, les conséquences, les relations, les interdépendances, la présence de, l’absence de ...” (3) “j’explore”,“j’interroge”,“je me questionne”, “et si... ?” (4) “je reformule”, “j’adapte”, “je recadre”, “je propose de...”, (à court terme, à moyen terme.. . à long terme) (5) “la solution apporte-t-elle une réponse ?” Si oui, je consolide. Si non, je reprends à (1) et je place de nouveaux repères, je cherche d’autres causes, j’explore d’autres possibles, je propose une autre solution.. . etc.. . À cette boucle classique, deux éléments manquent qui, pourtant, interviennent à chaque étape, de (1) à (5). Il s’agit, d’une part, de l’influence du système de vaZeurs (ou de références) de la personne ou du groupe qui cherche à résoudre le problème, et d’autre part, de l’impact du système de représentation, commun ou non aux personnes impliquées dans la situation problème. Le mot “système” n’est pas trop fort, car dans l’un et l’autre cas, il s’agit d’une structure organisée pour fonctionner de façon opérationnelle et cohérente. Les deux systèmes sont d’ailleurs parfois étroitement reliés si ce n’est emboîtés l’un dans l’autre, comme dans le cas du racisme qui se nourrit de “représentations” et de préjugés ou de généralisations (“les jeunes d’aujourd’hui...”) 8. Comme nous l’avons déjà remarqué plusieurs fois, notre vision, notre perception, notre langage, nos pensées ne sont pas détachées de notre histoire, de notre culture, de nos préjugés, de nos croyances, ni d’une
8. Merci a B.
Texeraud, ingénieur formateur, pour avoir initialise cette réflexion
7 - Ingénierie du métier d’apprendre
Architecture ct rnuteriuux
charge émotionnelle dont nous ne sommes pas toujours conscients. Chaque pôle de la problématique décrite ci-dessus reçoit l’influence des deux systèmes, qu’on peut représenter de la façon suivante : points d’appui références expériences
stéréotypes généralisations
5.Évaluation
F@re I O : influence des systèmes de valeurs et de représentation
Les différents éléments de la boucle de résolution de problème sont influencés par le système de valeurs et le système de représentation. En prendre conscience permet d’échapper à deux boucles de rétro-action trop courtes qui représentent deux types d’enfermement (parmi d’autres) : du constat
à l’analyse et retour
du constat
à la solution et retour
Le schéma ci-dessous, comme le précédent, peut devenir une matrice dans laquelle les flux sont renversés de façon à aller questionner les deux systèmes :
F@re î î :questionner le système de valeurs
La flèche 1 (du constat au système de valeurs) suggère que l’état du constat déclenche un questionnement en direction des points d’appui, références (neurosciences.. .) à la recherche d’apports permettant de mieux observer, 2. de mieux comprendre, 3. de poser une nouvelle hypothèse, 4. de proposer une nouvelle solution, 5. de proposer un autre type d’évaluation.
Architecture et matériau
7 - ingénierie du métier d’apprendre
Une opération semblable se fait en direction du système de représentations : tème de représentation
3 et si 2
5.évaluation
4
solution
F@re I2 :questionner le système de représentation
Interroger le système de représentation permet de découvrir le poids des décisions prématurées, des idées fixes, des préjugés, des généralisations ..., à chaque niveau de la problématique. 11 s’agit de faire un état des lieux de ces représentations, pour les faire entrer dans une dynamique de questionnement quant à leur impact sur (1) le constat, (2) l’analyse, etc.
Charte cognitive pour le Metier d’apprendre Le monde éducatif n’a pas encore perçu la nécessité d’établir une Charte qui énonce les principes et les valeurs sur lesquels les différents partenaires s’appuient pour œuvrer ensemble, clarifier les objectifs et leur rôle, préciser leurs actions et les limites de leurs actions. Si l’on accepte l’idée que l’acte d’apprendre est une exigence du vivant, on comprend que la Charte du Métier d’apprendre doit concerner les devoirs de celui qui apprend. Dans la version qui est proposée ici, un Préambule rappelle auparavant les droits de celui qui apprend 9. Préambule : Toute personne a droit à : 1. actualiser son potentièl physique, cognitiJ ayectiy et spinZuel ; 2. développer son intelligence 10, quel que soit son âge et quelle que soit sa condition ; 3. développer le respect de soi-même et acquén? les moyens de construire son autonomie matérielle et économique par une Jormaiion adaptée à ses besoins ; 4. découvn? lajoie d’apprendre, la richesse de la diversité et de l’unicité des autres et de soi-même ; 5. vivre le développement et l’évolution de son être physipe, soaal éthipe. 6. coopérer a la décision concernant le contenu, la démarche, le lieu et le moment d’apprendre ; 7. se senti? libre d’itinérance 11 ; 8. être responsable de 1’application de ses droits. Ce Preambule doit beaucoup a Malcolm Knowles et a Howard Gardner, dont les travaux, depuis une quinzaine d’années, ont ete des déclencheurs pour mes propres recherches sur l’acte d’apprendre 10. L’intelligence est définie dans cet ouvrage comme la capaczte a relzer. 11. Itinerance . ici, action d’errer sur le chemin de la découverte de soi
9
Architecture et rnatenàu
7 - Ingénierie du métier d‘apprendre
Ce préambule est, à lui seul, un programme de formation et de réflexion, car il sous-entend une démarche destinée à : - accepter de “revisiter” certains concepts sur lesquels le monde éducatif fonctionne encore souvent, comme les notions d’objectivité, compréhension, compétences, information, inné / acquis.. . - accepter de poser les problèmes autrement - accepter d’introduire dans sa propre démarche des données nouvelles sur le potentiel, l’évolution, la recherche de sens.. . - accepter de s’interroger sur les fondements et les objectifs des actions entreprises : au nom de quoi ce programme ? quelles compétences sont développées ? quels effets sont attendus ? quel chemin chercher derrière l’obstacle ? que faire de l’erreur ? quelle durée prévoir ? quelle évaluation pratiquer ? La Charte cognitive propose d’articuler les métiers d’apprenant et d’enseignant. Elle résume et s’appuie sur les chapitres “Le concept d’apprenante", “Les fondements“, “Architecture et matériaux”. Elle constitue une trame pour élaborer d’autres Chartes ou Cahiers des responsabilités, spécifiques à chaque contexte éducatif. Elle concerne les actes à prendre en charge par les partenaires eux-mêmes. Chaque article reste à traduire par chacun des partenaires en actes d’apprenance pour celui qui apprend, en actes d’accompagnement pour celui qui guide, en actes d’ingénierie pour le responsable institutionnel. 11 revient à chacun des partenaires de la situation éducative de contribuer à : 1. se mettre à l’écoute des sciences du vivant et des sciences de la nature 2. Javoriser l’émergence des plurièls : motivations, besoins, intelligences, mémoires, straté@ès, rythmes, regar& langages, évaluations.. . 3. ensemencer chaque étape du savoir-apprendre 4. ouvn? un espace de questionnement, donnant à l’acte d’apprendre profondeur; dimension et durée 5. pratiQuer l’approche transdisc@linaire, et tenir compte des interactions, inter-relations, et I ’interdépendancedes phénomènes 6. ancrer les actions d ’apprenance, d’accompagnement et d’organisation dans une histoire commune, une reconnaissance réaproque, ou un tuple contrat (apprenance, pédagogie, ingénierie) 7. construire la relation de médiation jusqu’au seuil au-delà duquel 1’apprenantdevient responsable de son devenir Cette Charte et son Préambule offrent les moyens de contribuer à œuvrer pour une “démocratie cognitive”, selon l’expression d’Edgar Morin. L‘éthique éducative ne peut pas faire l’économie de règles qu’il convient de rappeler aux partenaires et d’établir clairement pour que ces-
Architecture et matckaicx
7
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Ingénierie du métier d’apprendre
sent l’exclusion et l’exode des compétences cognitives à laquelle l’École participe. Cette éthique se fonde sur : - le droit au respect de la diversité et le devoir de maintenir cette diversité - le droit à l’intelligence sous des formes diverses et le devoir de les développer - le droit de découvrir le potentiel de notre vie cognitive et l’ardente obligation d’actualiser nos capacités de reliance - le droit et le devoir d’apprendre tout au long de de la vie - le droit de chacun d’être lui-même et le devoir de reconnaître ce droit pour l’Autre - le droit au libre accès aux équipements culturels et de loisirs (en grec “lieu de loisir” se dit “skolé”, l’école !), et le devoir d’accéder à la lecture du livre de la vie ... Un exemple de 44déontologie cognitive”pour l’apprenant et leformateur / enseiflant
L‘exemple suivant est choisi au niveau de la première aptitude du Savoir-Apprendre, le “Savoir-découvrir’’ 12. L‘apprenant et le formateur, en entrant dans une démarche de contextualisation, ont à adapter leur posture respective (“comment être”) et leur démarche (“comment s’y prendre”) à ce premier niveau du parcours d’apprenance. Les “comment être” de l’apprenant et du formateur entrent en dialogue étroit. - Postures de Z’apprenant qu’il lui appartient de développer et consolider : acceptance du “non-encore”, flexibilité (changement de point de vue et de canal sensoriel), ouverture aux cinq sens, spontanéité, image de soi positive, mobilité et corporéité, confiance devant l’inconnu, synchronisation sur l’évènement, attente et recherche de la joie de connaître ... - Postures duJormateur, qu’il lui appartient de développer et de consolider : accueil des différences, tolérance pour les divergences et les erreurs, capacité d’envisager l’Autre en devenir, capacité de changer de canal sensoriel fréquemment, potentiel d’écoute, reconnaître la présence du non-encore, accepter et gérer l’inattendu, pratiquer la transdisciplinarité, nommer ses propres valeurs (dire “d’où l’on parle”), plaisir d’échanger, recherche de la congruence, de la compatibilité ... Le “comment sly prendre ’’ du formateur-accompagnateur doit déclencher, encourager, consolider le “comment s’y prendre” de l’apprenant. il consiste à : 12. La première étape est celle de l’enracinement dans le monde physique, grâce à notre sensorialité. Cf le chapitre 6 “Un métier, un référentiel”, p. 96.
Architecture et matériau
7 - Ingénierie du métier d’apprendre
annoncer, clarifier, expliciter, négocier les objectifs faire prendre conscience des représentations - faire découvrir la diversité des paramètres du monde physique - diversifier les supports - introduire des repères d’auto-évaluation - stimuler, encourager, provoquer le questionnement - admettre plusieurs approches et démarches - faire découvrir le contexte, le cadre, les éléments du contexte - décloisonner et élaborer des schémas récapitulatifs - enseigner et faire émerger la complexité, les inter-relations - créer des liens entre ce qui est nouveau, ce qui est déjà connu et le désir de connaître - encourager à ancrer, et dire ce qui est découvert, repéré, ressenti - entraîner à décontextualiser et recontextualiser. Le “commentsly prendre ’’ de l’apprenant, étroitement dépendant du “comment s’y prendre” du formateur, consiste, à ce premier niveau du savoir-apprendre, à : - repérer sa posture initiale et la démarche utilisée, de façon à évaluer l’écart et le chemin parcouru - confronter ses représentations à d’autres et accepter les différences ; - utiliser ses cinq sens autrement et accepter de faire fonctionner un autre modèle (en gardant l’objectif présent) - prendre des points de vue différents, et élargir l’angle et le champ - changer de contexte, de niveau, d’échelle, de vecteur (dire autrement qu’avec des mots) - trouver des analogies, des images, des comparaisons - évoquer (les yeux fermés), anticiper, associer - chercher à connaître les critères d’un couplage avec l’environnement cohérent, et prendre des repères pour évaluer ce qui “marche”. Des pièges existent de part et d’autre. Pour le formateur, ce sont la routine, les conséquences de l’habituation qui engourdit ; les diktats, les consignes floues ; le court terme ; toute approche linéaire, simplifiée à l’avance, banalisée, homogénéisante et réductrice de la complexité... Pour l’apprenant, le piège est de stagner dans le descriptif, s’enfermer dans un seul contexte, isoler un élément de la globalité, de son histoire ou de son devenir, se figer dans le court terme, privilégier l’immédiat, préférer à la relation directe une relation par procuration.. . La Partie (VI) “Habiter l’apprenance” donnera des exemples de mise en application des principes de la Charte Cognitive dans différentessituations d’apprenance. -
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Habiter en apprenance
Ivr
8. Entrer dans nos representations
9. La longue marche de l’évaluation 10. Accompagner l’émergence 11. Relier
Habiter en apprenance 8. Entrer dans nos representations (conscientiser)
En première ligne Elles trahissent et traduisent Utiliser les représentations pour encourager le changement Élaborer l’outil Nouveau regard Post-scriptum 1 : La France et les Français vus par les Anglais Post-scriptum 2 : Sondage sur les représentations d’apprendre Post-scriptum 3 : Representations graphiques (“apprendre” et “autonomie”) Post-scriptum 4 : Analogies Post-scriptum 5 : Representations de l’autonomie. Critères sous-jacents Post-scriptum 6 : Quel apprenant suis-je ?... voudrais-je être ? Post-scriptum 7 : Quand apprendre n’a pas lieu ... (sondage)
9. La longue marche de l’évaluation
Un concept pluriel Première étape : recueillir les représentations Deuxième étape : clarifier l’intention d’évaluer Troisième étape : questionner une situation d’évaluation existante Quatrième étape : se positionner dans la problématique Cinquième étape : refonder l’évaluation Post-scriptum 8 : Grille de décodage d’un sondage sur l’erreur Post-scriptum 9 : Representations de l’évaluation
10. Accompagner l’émergence
Le tiers cherché : une méthodologie ternaire Trois outils indissociables (auto-positionnement, auto-questionnement, auto-évaluation) Post-scriptum 10 : Nos intelligences multiples (auto-positionnement) Post-scriptum i i : Oser nommer le potentiel (auto-positionnement) Post-scriptum 12 : Le grand Questionnement (auto-questionnement)
11. Relier
Reliance, une exigence Se relier à l’activité demandée Relier le constat et le questionnement Se relier au questionnement de l’apprenant Relier pensée, langue et réalité Relier les quatre savoir-faire langagiers Relier pour faire émerger le parcours Relier le “je” et le “ça” : apprendre à la lère personne Relier pour explorer, construire, structurer et créer Post-Scriptum 13 : Les apprenants nous questionnent Post-scriptum 14 : Les apprenants commentent Post-scriptum 1 5 : Heuristique sans frontière
Habiter en apprenance
8 - Entrer dans nos representations
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Entrer dans nos representations,
un acte de conscientisation En premiere &ne
...
Nous avons déjà souligné la force qu’exercent nos images mentales dans la construction de notre vision du monde, de nos savoirs et de nos croyances 1.11 est donc vain de penser qu’une situation éducative nouvelle vient tout simplement s’ajouter à d’autres situations vécues auparavant, et qu’elle “apporte” de nouveaux savoirs. C’est toute la biographie de celui qui apprend qui entre en relation avec le nouveau domaine de connaissances, le nouveau savoir-faire, la nouvelle compétence. C’est donc bien en première ligne de la nouvelle situation d’apprenance que se trouvent nos constructions mentales, nos schèmes de perception, de pensée et d’action. Ces représentations passent inaperçues parce qu’eIles sont issues de nos catégories familières, mais elles contribuent fortement à la “lutte cognitive” que nous menons sans cesse à propos du sens des choses. De très nombreux auteurs se sont intéressés aux représentations mentales dans les deux dernières décennies. Grâce à leurs recherches, la nature, la fonction et le statut de nos représentations sont mieux connus. Pour Michel Denis, il s’agit d’une forme d’activité cognitive “qui consiste à produire des symboles ou images mentales qui tiennent lieu d’autres entités”. André Giordan distingue la “conception” (l’ensemble d’idées coordonnées et d’images cohérentes, explicatives, utilisées pour raisonner face à des situations problèmes), du “construct”, élément moteur entrant dans la construction d’un savoir. Il indique comment guider l’élève pour que celui-ci chemine de sa propre conception au concept scientifique. Jean-Claude Sallabery souligne que la représentation appartient au “déjà là”. Elle se trouve être “à la fois processus et produit”. Francisco Varela distingue deux notions de représentations : l’une, couramment admise, est pragmatique, comme l’est la carte de géographie qui représente (c’est-à-dire interprète) un territoire, sans implication ontologique ou épistémologique. L‘autre notion, plus forte, est la résultante d’une généralisation, et contient des implications ontologiques et épistémologiques consistant à formuler une théorie : le monde, par exemple, est prédéfini et pré-existant ; notre système cognitif “saisit” le monde et traite l’information extérieure au sujet. Jean-Didier Vincent, de son côté, souligne que le cerveau ne traite pas des objets matériels mais seulement des objets mentaux. Les représentations constituent un système construit par l’individu et fonctionnent selon des règles 2. Pour Boris Cyrulnik l’incapacité de sortir de son propre mode de représentation est une forme de violence 3. 1. Cf ”Points d’orgue pour une vie apprenante” (Partie IV), 4. 2. M. Denis (1989). A. Giordan, op. at 1. CI. Çallabery (1996). E Vareia (1996). 3. B. Cyrulnik (1993). Cf aussi, dans la revue Sciences Humaines. N” 27, Avril 1993, le dossier “Les repre-
sentations du monde comme tremplin pédagogique”.
Habiter cn apprenance
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Elles trahissent et traduisent... II est évident que nos représentations nous traduisent et nous trahissent, étant directement reliées à nos habitudes, à nos expériences, à nos souvenirs et à nos croyances. Leur rôle est primordial dans les processus de compréhension et d’apprenance. Issues de notre histoire individuelle, familiale et sociale, nos représentations portent également une forte empreinte culturelle. Ceci est particulièrement apparent lorsqu’on apprend une langue étrangère : avant même d’entreprendre son parcours, l’apprenant a une solide représentation de la langue qu’il va apprendre, du pays, de son climat, des habitudes alimentaires de ceux qui parlent cette langue ... Tous ces éléments influencent la “posture” de l’apprenant et vont l’encourager... ou le freiner dans ses efforts. Pour prendre toute la dimension du poids de nos représentations, rien ne vaut l’expérience qui consiste à découvrir ce que les étrangers pensent de notre propre pays, de ses habitants, de sa langue et du “caractère national” 4. Parce que nos représentations sont la manifestation d’un processus actif de “recouvrement” ou de “reconstitution”, selon les termes de Francisco Varela, et parce qu’elles participent activement au processus de conceptualisation (au centre de notre vie cognitive) en le structurant, le bloquant ou le figeant, la démarche proposée ici consiste à inclure, dans le parcours de l’apprenant, des moments de conscientisaîzon qui, à la fois, respectent les représentations qu’il a construites et mettent en mouvement ces représentations vers un horizon élargi à des concepts “revisités”. L‘apprenant est ainsi invité à une ré-flexion dont le rôle est d’initialiser un questionnement, qui, comme nous avons eu l’occasion de le mentionner, permet d’ouvrir un vaste espace de résonance et de tolérance, et d’éviter ainsi, à celui qui apprend, de stagner dans des généralisations SOUS emprise dogmatique ou dans la “coloration” affective de ses émotions. Rappelons qu’il n’existe pas de théorie unifiée du concept et, par voie de conséquence, du processus de conceptualisation. Britt Mari Barth rappelle les différents points de vue des philosophes et les types de concepts (conjonctifs, disjonctifs et relationnels) établis par Jerome Bruner. Son point de vue de pédagogue l’amène à souligner les différents niveaux de complexité, d’abstraction et de validité d’un concept. Elle propose de repérer sa “structure opératoire” au moyen de trois de ses aspects : son étiquette (sa dénomination), ses attributs (les caractéristiques permettant de le classer) et des exemples concrets offrant la même combinaison d’attributs 5. D’autres éclairages sont nécessaires, ceux du physicien, du neurobiologiste, du psychologue, du peintre.. . En voici quelques exemples. Pour le physicien Michel Paty les concepts sont des structures inventées par en Post Scriptum 1, les représentations sur la France et les Français, recueillies auprès d’adultes britanniques. 5. B.M. Barth (1987). pp 21 et s. 4. Cf
Habiter en apprcnance
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Entrer dans nos représentations
l’homme. Ils sont marqués par les influences culturelles, qui “portent des présupposés métaphysiques”. Ils sont tributaires de concepts antérieurs et utilisent un matériau commun à plusieurs domaines. Par exemple, le concept de complémentarité (N. Bohr) présuppose celui d’inséparabilité 6. Pour Basarab Nicolescu, physicien également, le concept est une forme d’énergie qui a comme support le cerveau. C’est une partie constitutive de la réalité 7. Pour le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux, au contraire, le concept est, comme l’image, un objet de mémoire mais il ne possède qu’une faible composante sensorielle, voire pas du tout.. . “L‘épreuve de la réalité consiste en la comparaison d’un concept ou d’une image avec un percept. Le test pourra être réalisé par l’entrée “en résonance” ou au contraire “en dissonance” “des deux assemblées de neurones confrontées” 8. Pour un psychologue holistique 9, un concept est assimilable à une entité cognitive non analysable car ses caractéristiques, permettant de le décrire, ne peuvent être isolées. À l’opposé, on considère que les concepts sont analysables en traits sémantiques, relativement autonomes, car ils décrivent des propriétés perceptibles. Pour Piaget, il existe des concepts abstraits, concrets, des notions de nombre, de classe logique... Ajoutons encore à ces exemples le point de vue du peintre Georges Brunon “nous avons besoin de conceptualiser le vécu pour le maîtriser et le reproduire.. .. Le concept, qui semble nous donner les choses, rassure. Mais après l’avoir évoqué, je ne puis le chasser de ma pensée comme il me plairait. il abrite et emprisonne ; je souhaite l’émotionnel, c’est lui qui apparaît. Fontaine pétrifiante qui fixe les choses.. .” 10.
Utiliser les représentations pour encourager le changement conceptuel Que nous nous trouvions en situation éducative ou communicative, ce n’est un mystère pour personne que l’obstacle numéro un est ce qu’Ellen Langer appelle élégamment nos “choix cognitifs prématurés” 11, qu’on peut aussi appeler le “prêt-à-penser”. Qu’il s’agisse de formules bien établies comme les dictons, ou que nous ayions forgé nous-mêmes un “prêt-à-dire”, tout se transforme rapidement en “prêt-à-faire”. Les représentations, qui entrent dans cette catégorie de choix cognitifs prématurés, doivent être intégrées avec précaution, dans le processus de compréhension et d’apprenance. En effet, mener l’apprenant vers un salutaire “conflit 6. interviewé par Michel Cazenave, France Culture du 23.01.91. 7. Cette idée transparaît dans son œuvre. Cf B. Nicolescu (1985, 1994, 1996). 8. J.P. Changeux (I983),pp 169-176. 9. M. Denis, op. a?.,p. 132 et s., offre un repérage des différentes approches de la psychologie IO. G . Brunon (1986). pp 66-67 11. E. Langer (1990).
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cognitif” exige que soient évités les conflits d’ordre territorial et affectif, prêts à surgir de la différence des points de vue, par nature égocentriques puisque forgés à partir d’une histoire personnelle mais rarement reconnue comme telle. En situation éducative, les représentations les plus courantes - et les plus encombrantes - concernent essentiellement l’image de soi, la tâche à accomplir, la démarche à utiliser, les causes d’échec... et la relation au maître 12. Notre démarche va consister en plusieurs étapes. La première étape propose qu’un sondage (qualitatif, non statistique) soit fait auprès du public concerné par une démarche pédagogique, autour de concepts-clés tels que “apprendre”, “comprendre”, “animer”, “évaluer”, “erreur”, “autonomie”. .. L‘idée est qu’en exprimant leurs représentations, les participants élaborent eux-mêmes leur matériau de travail, abordent de front la problématique d’apprenance aux différents niveaux de leurs préoccupations, prennent conscience que d’autres représentations existent, et, enfin, se laissent inviter à expliciter et comparer leurs propres représentations en dehors de tout jugement de valeur (“ce n’est pas qu’ils ne comprennent pas, mais ils comprennent autre chose”. ..) . UnegriZle est alors élaborée pour repérer les différents niveaux de positionnement des formulations et faire apparaître les critères et indicateurs des divers positionnements. Le rôle de cette grille est, surtout, de faire émerger un questionnement, et d’amorcer un parcours au sein de la problématique, afin de dépasser le constat et prendre la dimension de la complexité du problème.
ÉZaborer 2’ouîiZ Les consignes du sondage sont simples et s’adressent aux différents partenaires de la situation éducative (apprenants, enseignants, parents, responsables institutionnels, et même les commanditaires !) Quand vous pensez.. (apprendre, autonomie, comprendre.. .) 1 . à quels autres mots pensez-vous ? 2. comment représenter Z’acte de (apprendre, comprendre) graphiquement, par un dessin en quelques secondes et quelques traits ? 3. pur quelle analogie ou image représenter (apprendre, c’est comme.. .) 4. quels indices ou repères vousJont dire que. .. (apprendre c’est ( I ) , le dessin (2) ou Z*anaZogè (3),c’est... 13 La grille de décodage ci-dessous est une trame 14, les meilleures grilles étant ad hoc, élaborées pour et avec les participants eux-mêmes, à 12. Cf les représentations graphiques des concepts “apprendre” et “autonomie” en Post-scriptum 3 . 13. Cf en Post-scriptum 2. 4 et 5 le résultat de sondages sur “apprendre” et “autonomie”. 14. Le Post-Scriptum 2 (Sondage sur les représentations d‘apprendre) s’analyse avec cette grille.
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partir de leurs préoccupations, face à une problématique spécifique. On peut repérer : 1. les termes cités par les différents partenaires (apprenants, enseignants, parents, responsables institutionnels.. .)
2. les termes cités par une seule catégorie 3. les termes positifs, négatifs, ou ceux qui proposent une troisième
voie (les avis sont souvent partagés, par exemple “être insatiable” peut ne pas être considéré comme positif.. .) 4. les termes qui, traduisant un positionnement par rapport à l’acte d’apprendre, se réfèrent à - la démarche (comment s’y prendre pour apprendre) : réciter, regarder, faire des exercices, rexéchir, répondre... - l’objectif (le but à atteindre) : s’instruire, s’épanouir, devenir intelligent, acquéni-des connaissances... - le résultat visé (concrètement) développement, avoir un métier plus tard, avoir des d@lômes...
5. les termes qui traduisent une relation à :
l’environnement : découvnk expén-menter... aux autres : écouter, partager, transmettre... - à soi-même : s ’enrichir,se construire, s’éveiller... -
6. certains termes indiquent qu’un glissement de la forme verbale (infinitive : apprendre) exprimant l’action s’est produit vers un substantif concret ou abstrait, exprimant un résultat (“acquisition”),un comportement (“accompagnement“),une attitude (“cunbsité,‘), un processus (“analyse”),ou vers une forme adjectivale qui indique un positionnement émotionnel ou affectif (“dflcile”). On ne redira jamais assez que les réponses à un sondage de ce type ne sont ni bonnes ni mauvaises. Les raisons d’être du sondage sont multiples : - faire découvrir la multiplicité de points de vue autour d’un même objet ou événement - faire repérer les tendances, comme la confusion entre autonomie et indépendance - donner lieu à un échange, un partage et un dialogue entre les partenaires, dans une recherche commune de clarification sur nos critères (“ce qui nous fait dire que...”) - permettre des “arrêts sur image” et introduire un complément d’information scientifique à propos de.. . - comparer les réponses d’un public à l’autre (éducation / entreprise) - concrétiser en actes d’apprentissage un aspect particulier, (“apprendre c’est grandir”).
Habiter en apprenance
8 - Entrer dans nos représentations
En procédant ainsi, nous nous plaçons dans une démarche plurielle d’auto-positionnement et d’auto-évaluation, et nous initialisons une recherche de critères, de marqueurs et de clarification d’indices. En élargissant le sondage à des représentations graphiques (rubrique 2 des consignes ci-dessus) et à la représentation métaphorique (rubrique 3),nous faisons les premiers pas d’une recherche sur l’analyse actancielle de la situation d‘apprentissage. Actuellement, seule la méthodologie de l’imaginaire a bénéficié du modèle actantiel systémique développée par Yves Durand 15.
Nouveau regard L‘approche de la Sémantique Générale et de son fondateur Alfred Korzybski permet d’expliquer l’importance des représentations dans notre mode de pensée. À la suite de Bertrand Russell, d’Alfred Whitehead et de Benjamin Lee Whorf, Korzybski remarque que, par nos présuppositions inconscientes et nos inférences, nous évaluons l’évènement comme s’il était l’objet même que nous percevons. Nous ((objectifions)et classons ce que nous pensons être des propriétés et des qualités d’un objet, d’un événement ou d’une personne. Nous érigeons en postulat la rigueur du “soitsoit” (cf. notre expression favorite : “de deux choses l’une” !). Ne sachant pas nous dégager de la routine de cette pensée bi-valente, notre croyons en une forme unique de relation au monde, du type “sujet-prédicat’’ (“ceci est jaune”), qui est la source même de nos réductions et de nos projections. Dans les langues d’origine indo-européenne, le verbe “être” semble le grand coupable, car nous l’utilisons pour attribuer une propriété ou une qualité (“jaune”) à un objet alors que nous exprimons simplement ce que le cerveau voit, et nous identifions que “la rose est une fleur”, alors que c’est notre cerveau et notre culture qui président à cette classification et à l’établissement de ce que nous croyons être une parité absolue, accentuant les similarités et négligeant les différences. Nos représentations sont, pour Korzybski, la conséquence de “nos orientations soit-soit”. Comment s’en libérer ? Par une nouvelle étape, qui oriente l’apprenant vers l’idée, conforme aux découvertes de la physique et des sciences du vivant, selon laquelle il n’y a pas de perception sans interpozation et interprétation. Ce qui se déroule autour de nous et en nous, ce sont des processus silencieux, invisibles, interdépendants, qui ne peuvent être appréhendés qu’avec une orientation “et ... et” et non plus “soit ... soit”. C’est là, pour Korzybski, la seule condition pour se libérer d’une structure de pensée aristotélicienne et “voir le monde avec un regard neuf” et “l’homme, comme un organisme-comme-un-tout-dans-un-environnement” 16.
15. Y. Durand (1998). Cf aussi l’ouvragecollectif introducrion aux méthodologes de I’imuginuire, Ellipses,
(1998). 16. A. Korzybski (1966). Cf aussi M. Saucet (1988).
8 - Entrer dans nos representations
Habiter en apprcnancc
Le travail sur les représentations fait apparaître à quel point les frontières d’un concept sont “souples”.11 est maintenant indispensable d’aborder l’approche du concept scientifique lui-même au-delà des pré-conceptions ou des erreurs de conceptualisation. Des apprenants disent (ou pensent) connaître un concept, par exemple ils affirment que “la terre est sphérique”. Mais, quand ils dessinent la terre, ils représentent une surface plate.. . il revient à l’enseignant d’entrer dans une démarche qui consiste à “voir avec leurs yeux”, et à ensemence6 par étape, le changement conceptuel. Dans l’exemple de la “Terre plate”, trois questions subsidiaires sont posées : (1) et toi, où es-tu ?, (2) comment représentes-tu le ciel ? (3) comment représentes-tu un objet qui tombe ? Le changement conceptuel consiste à élargir la vision de l’apprenant : (1) d’une Terre plate à une Terre sphérique, (2) d’un ciel horizontal à une ciel sans limite, (3) d’une trajectoire parallèle de l’objet qui tombe à une trajectoire radiale, vers le centre de la Terre 17. Cet exemple montre que le rôle d’une stratégie pédagogique consiste essentiellement à faire évoluer une vision égocentrique vers une vision élargie, en créant de nouveaux liens entre le monde physique et le monde psycho-cognitif de l’apprenant.
17. Cette étude a été réalisée a Jérusalem, en 1986, par
J.
Nussbaum.
Habiter en apprenance
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Post-Scriptum i :L a France et les Français, vus par des Anglais 18
Femme (consultante, 40 ans) “Les Français sont connus pour leurs parfums mais ils ne croient pas dans les déodo-
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rants.. . Ils ont un sens incroyable du “comme il faut” (en français dans le texte). Ils sont irrationnels. Si vous leur pariez un français correct, ils vous méprisent. ils ne peuvent pas le supporter. ils se permettent d’être tolérants lorsque vous parlez mai leur langue.. .Ils sont capables de la plus grande courtoisie, mais les Parisiens peuvent être extrêmement grossiers. ...Les classes supérieures (sic) se bousculent pour prendre un taxi, sans faire la queue.. . Les Français passent d’un extrême à l’autre, de la passivité à la violence...” - Femme d’onpine Néo-zélandaise (comptable, 30 ans) “Les Français, c’est le monde de Colette, aimable, sophistiqué,...Ils parlent très vite, ils font des gestes rapides. Leur langue est difficile”. - Homme (stagiaire chez Reutec onpine chypnote, 20 ans) “La langue française est rigide. ils n’acceptent pas facilement les dialectes mais ils utilisent abondamment les adjectifs, les descriptions et la rhétorique. Certains Français ont l’esprit étroit, par exemple, ils pensent que la France est prédestinée pour être une République. D’autres sont très amicaux.. . Les enfants son très bien élevés. Les campagnes ont des paysages merveilleusement variés. Paris est bien plus aéré et ouvert que Londres. Les villes de province ont une architecture intéressante, mais il n’y a pas grand chose à faire”. -
Homme (consultant en management, 40 ans)
“Les Français sont bien plus chauvins que les Anglais. Je leur pardonne à cause de leur intérêt pour la nourriture. Ce n’est pas juste que les jeunes français parient français si merveilleusement, mais ils n’emploient plus jamais le subjonctif qu’on m’a appris ... Dès que vous donnez un sifflet a un Français, ça lui monte à la tête. Qu’est-ce que c’est ce panneau “Toutes directions”. Je ne le trouve jamais SUC la carte. Ils ne sont pas aussi anarchistes qu’ils voudraient nous le faire croire. Un peu plus d’anarchie dans leur administration leur ferait beaucoup de bien. Ils font de très beaux voiliers”. - Artiste (graphiste, desi@, 40 ans) “Tous les Français haussent les épaules, et ils sentent l’ail. Les Parisiens ne sont pas aussi aimables et serviables. Le merveilleux esprit de Tati pour rafistoler, ça marche (en français dans le texte). En ce qui concerne les interdictions, les Anglais pensent les observer, les Français pensent qu’elles sont là pour être ignorées”, - Consultunt en ïnforman@ue(30 ans)
“La France ? L‘ail, les brunettes, le charme, les bicyclettes et les oignons. Ils sont arrogants concernant leur cuisine et radins”. -
Couple (manager et consultant en inyormatique, 35 ans)
“ils refusent de comprendre mon français. Contrariants. Les femmes sont chics. La France, c’est Maurice Chevalier. Ils se vantent. Les enfants sont agressifs sur leurs mobylettes. On mage bien en province. Le français est une langue impossible à prononcer.”
Dans le cadre d m cours d’anglaisdestiné à des étudiants en marketing, ce sonduge a servi à luyois de détonateur (quel scandale de penser cela de nous I) et d’amorcepour une rflexion sur le rôle des stéréo&pes duns les divers aspects de la langue étrangère appnse.
18. Merci à Jill Johnson, Hatfield (GB), pour avoir recueilli ces témoignages.
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Post-Smptum 2 :Sondage sur les représentations (réponses à la rubrique 1 des consignes du sondage, p. 124)
Que veut dire “Apprendre” ? (sondage sémantique, non statistique, les chiffres n’indiquent qu’une tendance) élèves parents enseignants accompagner 2 acquérir 1 acquérir des connaissances 27 16 agir 1 aider 1 aller plus loin 1 analyser 1 apprendre à apprendre 1 approfondir 1 avancer 1 avoir envie de faire 1 (ses devoirs) 1 1 avoir un but avoir un diplôme (bac) 1 avoir un métier 16 changer 1 comparer / déduire 1 comprendre 19 10 4 conduire 1 connaître 10 1 construire 2 contracter une habitude 1 découvrir 6 10 développer 2 développer des capacités I développer les prédispositions 1 devenir intelligent 9 6 écouter 10 1 éduquer 5 enregistrer 1 enseigner 1 5 1 entretenir la santé 1 1 épanouir essayer 1 2 1 être attentif être curieux 3 être fort dans la vie 1 étudier 1 8 éveiller 1 2 expliquer expérimenter 3 5 2 faire (exercices..) faire savoir 1 grandir 3 1 initier
19
élèves parents enseignants lire, écrire, compter 8 3 mémoriser 12 9 6 maîtriser les bases 2 montrer 1 ne pas rester dans l’ignorance 1 partager 1 1 (les connaissances) 1 pratiquer 1 progresser 1 réciter 1 2 réfléchir 4 regarder 1 réinvestir 2 1 rencontrer les autres 1 (avec son répéter 1 corps) répondre sans faute 5 réussir 1 réviser 1 63 9 savoir (seul,..) savoir vivre 1 s’adapter 1 1 se construire se cultiver 5 se former professionnellement 3 s’enrichir 7 1 se tromper 1 s’éveiller 1 1 1 s’épanouir 1 1 1 s’informer 1 1 9 s’instruire 4 3 1 s’intéresser 1 s’ouvrir a u monde 1 s’ouvrir l’esprit transmettre 4 3 travailter 1 3 1 utiliser 1 vouloir 1 voir 1 et puis encore.. . c‘est casse-pied c’est chouette, c’est normal c’est mieux que d’apprendre seul
...
Ceprécieux maténau, élaborépar les partenaires de la situation éducative eux-mêmes, permet, d’un seul coup d’oeil, de découvn? le potentièl des ressources en présence et de mettre en mouvement les représentations, évitant qu’elles soient cause de blocwe, d’enfermement dans une alternative unique et, bien souvent, dans une onèntation “idéologsante’: La démarche proposée est donc : i) sondage, 2) mise en commun et élaboration d’une griïle, 3) travail de clanfleation du concept avec apport de points d’appui sciènti’flque, 4) questionnement :et maintenant ? 19. Merci aux
participants (enseignants de I’UNAPEC) pour leur contribution.
Habiter en upprcnunce
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Post-Scriptum 3 :Exemples de representations graphiques (cf la rubrique 2, consignes du sondage, p. 124) 20
I
Apprendre (en quelques traits)
I
(7)
20. Merci au Service Pédagogique Interuniversitaire de Ressources pour l’ilutoformation en Langues (SPIRAL), Pôle Universitaire Européen de Strasbourg, pour sa participation à cette enquête.
Habiter en apprenance
8
(
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Entrer dans nos representations
Autonomie (en quelques traits)
f-3
)
*
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N.B. Ces représentationsgraphiquessont proposées sans contrainte ni obligation aux partic@ants,car elles sont, en quelque sorte, des "testsprqkctifs qui peuvent exprimer des réactions profondes que l'auteur des dessins ne désire pas toujours partager. Il s'apit donc de poser quelques règles simples mais smctes : 1. L'activité graphique est proposée par un formateur / ensei@ant qui l 'a expérimentée lui-même. 2. On demande à l'auteur du dessin s'il accepte de montrer son dessin. Si oui, dans un premier temps les partikipants du groupe s'expn'ment sur leur propre interprétation du dessin (prqeté ou dessiné au tableau) devant l'auteur qui ne réaBt pas (ni mimique, ni gestes, ni paroles...) . Dans un deuxième temps, l'auteur explique son dessin et ce que lui ont apporté les remarques. L'expénènce a montré que, très souvent, l'auteur découvre son propre dessin grâce à la lecture yu 'enJont les autres participants. Lorsque ces dessins sont simplement montrés à un groupe d'apprenants ou deformateurs, l'intérêt est d'observer la diversité des posiîionnemenîs (des 'postures") par rapport un même concept. Le piège à éviter est de tomber dans unjugement de valeuc ("bon / mauvais,juste /Jaux.. .) . "
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Post-Scriptum 4 :Analogiies (réponses à la rubrique 3 du sondage p. 124) Les analogies recueillies auprès de divers publics rappellent toute la force de I’étymologie grecque du mot : ana <+> logos. Le suffixe “ana”, lorsqu’il contribue à construire un mot, signifie “de bas en haut” et même “faire du nouveau” (revivre, renaître) 21. Les images choisies par les apprenants et enseignants, auteurs de ces analogies, portent, eflectivement, le sens autrement. Quel que soit le concept proposé, l’image traduit une dynamique, le plus souvent vers une ouverture 22. Dans le travail en commun, les images sont simplement acceptées, sans jugement de valeur. Elles peuvent devenir le point de départ d’un travail de mise en relation des images entre elles, ou sur les indices qui font dire que ...
Apprendre, c’est comme.... (Apprenants adultes): - une pièce rangée - un voyage dans l’obscurité vers la lumière mettre l’étincelle - combler des vides (Enseignants) - un ballon (parce que ça rebondit) - un arc-en-ciel (parce que c’est beau, ça enjambe...) - le pain (plus ça vieillit, plus ça devient dur) - un soleil (inténeUr;puis un rayonnement vers les autres) - une fleur qui s’ouvre à la vie - l’essor lent mais sûr d’un grand oiseau de proie (s’élèveprogessivement en décrivant degrands cercles) - un château d‘eau (se remplit et redistnüue) - une chrysalide qui devient papillon - une poignée de main - travailler la terre - sortir de son œuf - pêcher -
mon potentiel, c’est comme... (Formateurs) - une rade ouverte sur la mer ... - une farandole de joyeux lutins et d’elfes dans une forêt fleurie et parfumée sous le regard amusé et confiant des animaux - une fontaine... - une nouvelle étoile qui s’allume - un ballon à oxygène ...
comprendre, c’est comme... (Enseignants) - le rayon lumineux - l’eau - franchir une barrière - jardiner (Apprenant adulte) - une pierre de gué - (Apprenant enfant) - comme une lumière le bout du tunnel
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I’emeuc c’est comme....
(Enseignants) un piège ou un tremplin (selon qu’elle est considérée comme le signe d‘un manque dflniiifou provisoire) - une peau de banane - la nuit - un faux pas - la passe à franchir avant de découvrir un nouveau pays - emprunter une déviation (Apprenant adulte) - une impasse
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le brouillard
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évalue< c’est comme... (Enseignants) - se repérer à l’aide d‘une boussole et d’une carte (Apprenant adulte) - un accomplissement
créec c’est comme.. . (Enseignants /formateurs) - la venue au monde d’un enfant - une source qui jaillit de terre - paysager un terrain en friche (tout se transforme) - vivre et respirer - tourner les pages d’un livre inconnu
21. A. Bailly, Dictionnaire Grec Français, Hachette, 1950, p. 116. 22. Merci a C.P., enseignante à Gattieres, (06). et à tous ceux qui ont accepte de contribuer a cette moisson.
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post-Smptum 5 : Critères sous-jacents aux représentations de i ’autonomie23 (réponses à la rubrique 4 du sondage, p. 124. Les chiffres permettent de repérer les correspondances entre l’image ou la définition de la représentation et les critères sousjacents. Noter que la notion de “critère” n’est pas toujours comprise. Elle est souvent confondue avec la notion de cause ou de conséquence) Réponses d’enseignants : de 1 à 12 Réponses d’étudiants et apprenants : de 13 à 15
Ce qui mefait dire que l’autonomie, c’est 1. avancer à son rythme ... 2. une forme de maturité.. . 3. grandir, se responsabiliser 4. indépendance, autarcie, autorégie, liberté, auto-détermination (le jour où le petit enfant arrive à marcher sans aide) 5. la capacité à faire des choix soi-même (individuellement) ... 6. = multimédia, étude, loisir 7. être dans un tunnel très très long, décider d’en construire un autre pour sortir plus vite ! ou : être comme un poisson dans l’eau, ou : victoire sur le tabagisme. 8. prendre son envol. Se rendre compte que l’on peut choisir, décider et que ça marche. 9. être comme un capitaine de bateau 10. prendre une route et pouvoir changer sa / la direction 11. s‘appuyer sur pour aller vers, (comme l’oiseau qui s‘envole) 12. voler de ses propres ailes, marcher sans béquilles 13. indépendance, liberté, solitude ...( exemple de la pile électrique qui a une certaine durée de vie) 14. la liberté d’agir individuellement 15. ce que vivent les bébés tortues livrés à eux-mêmes dès la ponte
c’est (que)... (indices et repères correspondant aux réponses numérotées n’-dessus) 1. l’on fait ce que l’on veut à son rythme sans être dépendant de quelqu’un 2. le sujet doit être capable d’agir en adulte, sans aide de l’extérieur 3. cela nécessite une décision que l’on prend et à laquelle on se tient 4. on peut se passer des autres 5. l’autonomie implique la responsabilité face à ce que l’on fait 6. ? (sic) 7. l’idée d’obstacles à surmonter, la notion de contraintes à intégrer, et l‘appui sur sa propre dynamique “énergétique” 8. la condition pour que fonctionne une société démocratique composée de citoyens capables de s’auto-déterminer. 9. cela représente une confiance en soi qui permet de faire des choix mûris 10. l’autonomie permet de choisir, de se diriger sur une route, de revenir, de repartir sur une autre avec soi comme centre de décision 11. l’autonomie est une dynamique, pas un état ; plus l’amplitude de la progression est grande, plus l’appui doit être solide ; cet appui dynamisant ne s’apprend pas seul mais par l’environnement social 12. le plaisir de n’avoir besoin de personne pour avancer, de vaincre soi-même les difficultés, de ne pas être soumis aux manies ou aux rythmes des autres 13. un parallèle est possible à un niveau humain, au niveau des sentiments et besoin de l’homme 13. elle s’acquiert difficilement ! 14. l’autonomie induit l’individuel dans le tout 15. la capacité de s’adapter, prendre sur soi, agir en adulte. Professionnellement, c’est la confiance.
23. Source : SPIRAL, Strasbourg.
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Post-Scriptum 6 : Quel apprenant suisde ? Quel apprenant voudraisje être ? Un travail de conscientisation de ce type a été poursuivi pendant une quinzaine d‘années auprès d’étudiants et de formateurs. Il permet de clarifier l’image que l’apprenant a de lui-même et de libérer l’expression de son imaginaire 24. L‘exemple ci-dessous est celui d’un étudiant qui se disait “nul” en anglais 25. Grâce a u premier dessin, il a été possible de repérer les éléments présents et absents de la situation d’apprenance telle que cet étudiant se la représentait. Le deuxième dessin a permis d’apporter à l’apprenant un éclairage sur ce qu’il était prêt à entendre parce qu’il l’avait lui-même représenté : l’importance du contexte humain, culturel et historique dans un apprentissage linguistique, le role du corps et en particulier pour des Français qui apprennent l’anglais, I’importance du mouvement, de la flexibilité, de la posture (la relaxation : les mains dans les poches !). Grâce à ce dessin, une leçon de phonétique comparée a pu être enseignée et apprise agréablement, durablement, avec la participation active de l’intéressé.. qui a fait de réels progrès à partir du moment où il a véritablement contribué à son propre acte d’apprendre.
.I
/
24.11 reste encore à entreprendre une véritable analyse actancielle de la situation d’apprentissage. Wanted : chercheur intéressé... 25 Paru dans /’apprends doncje suis (1987, 1994).
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Post-scriptum 7 :Lorsqu ’apprendre n’a pas lieu...(sondage) Ce sondage a été fait auprès d’une quarantaine d’étudiants et autant d’enseignants universitaires 26. La formulation a été élaborée à partir de réponses obtenues dans des sondages précédents, qui invitaient les apprenants de différents milieux éducatifs (écoles, lycées, entreprises, universités, CAT.. .), à nommer les difficultés qu’ils rencontraient. Ce qui est frappant dans les réponses obtenues, c’est que, d u n e part, elles dessinent en filigrane les représentations sous-jacentes des concepts-clés (apprendre, comprendre, erreur.. .) 27, d’autre part, elles contiennent des amorces de solutions esquissées, à leur insu, par les intéressés euxmêmes 28. Ces sondages préliminaires dont le rôle est de conscientiser l’apprenant sur ses difficultés (ex : “je ne discerne pas l’essentiel du non-essentiel permettent de proposer à l’auteur d’une phrase négative de reprendre sa formulation en ajoutant l’expression “pas encore”, ce qui permet d’élargir sa propre représentation vers un futur possible. Cf ci-dessous, NB 29. L‘objectif de ce nouveau sondage est de dépasser le recueil de données et de mettre en mouvement une réflexion sur ce qui peut constituer des espaces d’exploration du gigantesque continent qu’est le non-dit de I’apprenance. Une enquête de ce type n’a d’intérêt que si l’on prend le temps de se pencher avec les intéressés sur leurs réponses et celles des autres. Le rapprochement des divers points de vue permet de faire émerger le respect de la diversité, la tolérance face à la différence, et les points à partir desquels entamer le dialogue pédagogique. L‘enquête est donc destinée à être prolongée et articulée sur une méthodologie de positionnement et la prise de conscience, de la part de l’apprenant et de l’enseignant, que la plupart de nos “problèmes” (surtout lorsqu’iis ne trouvent pas d‘issue), sontfabnqués de toutes pièces ... à partir de nos représentations et de notre ignorance de notre propre fonctionnement ! 30 Le thème général de l’enquête était “Apprendreà l’Université”.Deux questions préliminaires portaient sur (1) les pré-requis pour être étudiant à l’Université (quels aptitudes, savoirs, savoir-faire, comportements... ?) (2) ce qu’attend un étudiant de l’université (mêmes paramètres). La troisième question, véritable but de l’enquête, donc la seule qui ait donné lieu a u dépouillement, était formulée : Lorsque l‘apprentissage ne seyait par;, les causes sont à imputer à... ‘ I ) ,
(donner un ordre de priori@) un manque de mémoire - un manque de méthode et d’organisation - un manque de travail et d’effort - un manque de connaissances de base (lesquelles ?) - une incompréhension des consignes ou du sujet d’examen - une méconnaissance de l’objectif à atteindre - une difficulté à adapter des connaissances théoriques à des situations pratiques - la peur de se tromper, d’échouer - un traitement de l’information 31 insuffisant - un non-passage à l’acte - une autre cause : ... Les partenaires interrogés se sont retrouvés sur trois priorités (dans l’ordre) : -
26. Merci aux enseignants et étudiants des Universités et Instituts qui ont accepté de répondre à l‘enquête
(La Rochelle, Paris III, Beyrouth), 27. Par exemple sur “ce qu’il faut faire”. Exemple : se concentrer ... 28. L‘exemple de difficulté signalée : “écrire sans connaître le destinataire” suggère l’importance de savoir destiner ce qu’on écrit. Ce travail a souvent été pratiqué auprès d’apprenants et de formateurs. La mise en mouvement des représentations est garantie ! 30. Cf le chapitre 10 “Accompagnerl’émergence” dans la Partie VI. 31. Cette formulation est une concession au langage courant (cf Points d’orgue pour une vie apprenante,)... I1 est bien évident qu’il est important de souligner que notre vie cognitive ne fonctionne pas comme un ordinateur. 29.
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1 . le manque de méthode et d’organisation 2. le manque de travail et d’effort 3.les difficultés d’adapter les connaissances théoriques à des situations pratiques. En quatrième position a été mentionné le manque de connaissances de base. En 5ème, la méconnaissance de l’objectif à atteindre, puis un traitement de l’information insuffisant. Un résultat étonnant : le manque de mémoire est classé en dernier par les étudiants en Université, alors que chez un public d’apprentis ou de stagiaires en CAT, une mémoire défaillante est citée comme la première cause d’échec. N.B. Lorsque l’enquête porte sur les difficultés d’apprendre, il est très important, après un travail en profondeur sur l’inventaire recueilli, de demander aux auteurs des phrases recueillies exprimant une incapacité (>e ne suis pas capable de... ”) , ou aux personnes qui les prennent à leur compte, de bien vouloir les redire en introduisant, à côté de la négation, le mot d’ouverture “encore”. Exemple : 3e n ‘am‘vepas à retenir des règles de grammaire... ’’ => 3e n’arrive pas encore à retenir des règfes de grammaire... ” Ce très simple ajout est, en fait, un véritable levier pour changer l’image que l’on a de soi-même, dans une situation que l’on a figée par une expression généralisant un état qui est, par nature, en devenir et destiné à actualiser un potentiel présentpuisqu’ily a de la vie I
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9 - La longue marche de l’évaluation
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La longue marche de l’évaluation ‘yugerles résukats est chose dangereuse car on reste toyours tourné vers le passé” I ‘Za cause profonde d’erreur n’est pas dans l’erreur defait fausse perception) ou l’erreur logique (incohérence) mais dans le mode d’organisation de notre savoir en systèmes d’idées, théories, idéologies... Ces erreurs ont un caractère commun qui résulte du mode mutilant d’organisation de la connaissance, incapable de reconnaître et d’appréhender la complexité du réel”2
Un concept pluriel
La problématique de l’évaluation a été abondamment analysée, décrite, explorée 3 . De nombreux modèles ont été proposés qui s’orientent vers la mesure, ou la description, la confrontation des objectifs et des résultats, Ia décision, le jugement, les recommandations, la négociation ou le questionnement.. . Ces approches interpellent un système éducatif obsédé, comme son environnement socio-économique, par le quantitatif et le compétitif. L‘idéal de perfection, hérité d’une dichotomie séculaire entre le bien et le mal, a forgé le couple infernal de la réussite et de l’échec qui préside à nos évaluations, scolaires ou non. Dans ce paysage, la solution recherchée n’est donc pas simple, et la problématique est particulièrement encombrée. Le concept d’évaluation est pluriel. L‘origine du mot (du latin “valeo”, je vais bien) justifie cette pluralité qui apparaît clairement lorsqu’on aborde trois des aspects permettant un essai de définition : sa nature (comment décrire ses caractéristiques), safonction (son rôle dans le système), et son statut (le cadre et les limites qu’on lui attribue). Sa nature : selon les cas, évaluer procède d’une démarche qui peut être normative, certificative, formative, diagnostique, pronostique, quantitative ou qualitative.. . L‘évaluation quantitative (la plus fréquemment pratiquée) mesure des performances, des résultats, des gestes ou des comportements (exemple : les tests...). Elle comporte des étapes, des seuils, des référentiels élaborés pour une situation spécifique. L‘évaluation qualitative, beaucoup plus difficile à mettre au point, est plus rarement pratiquée, car la cohérence des critères (subjectifs) avec leur concrétisation (sous forme d’indicateurs) est une opération particulièrement délicate. Lorsque l’évaluation est certificative ou validante, son éthique exigerait 1. G. Bachelard, cité par P. Ginestier (1987), p. 25. 2. E. Morin (1991), p. 15. 3 . Cf en particulier Astolfi, J.P. (1997) ; Ricardo Zuniga (1994) ; J.M. Barbier (1985) ; J. Aubégny (1987) ; Ch. Delorme (dir) (1987) ; J. Ardoino (1989) ; G. Berger (1992) ; Ph. Desgraupes et M. Lhomme (1994).
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La longue marche de l’évaluation
que soient connus des “évalués” les objectifs, les critères, les conditions de passation de l’épreuve, ce qui est rarement le cas. Combien de jurys de délivrance de diplômes (souvent constitués à la hâte, selon la disponibilité de ses membres) prennent le temps de clarifier ces paramètres pour les transmettre, à temps, aux formateurs chargés de préparer les candidats ? Combien de candidats connaissent, lorsqu’ils s’engagent dans un parcours de formation, les critères selon lesquels ils seront évalués, et les indicateurs qui leur permettront de savoir s’ils sont loin ou près de l’objectif visé ? 11 s’agit pourtant d’éthique et de déontologie éducatives. Lafoncn’on de l’évaluation est, elle aussi, plurielle car selon l’objectif du projet éducatif, il s’agit, (le plus souvent) de vérifier, ou d’apprécier, d’examiner, de calculer, d’aider, d’orienter, d’analyser, d’anticiper, de contrôler, de décrypter... Mais si la fonction n’est pas clairement définie, comment déterminer la nature de l’évaluation ? Quant au staat de l’évaluation, il est indissociable de celui de l‘acte d’apprendre. Acte de survie et de progression (tacite, explicite, individuel, social.. .), “apprendre” s’inscrit dans les différentes logiques du vivant, c’està-dire dans les trois types de relation qu’un organisme vivant entretient avec son environnement, avec les autres, et avec sa propre quête de sens. Parce qu’une évaluation cohérente, pertinente, efficace et efficiente “se crée en marchant”, elle s’inscrit, par conséquent, dans les différentes durées du parcours de l’apprenant. Le premier acte des acteurs de la situation éducative devrait donc consister à interroger leur propre problématique d’évaluation. Cinq étapes sont proposées ci-dessous, qui introduisent des outils de questionnement et mènent à une grille d’analyse d’une situation d’évaluation déjà existante. Cette grille peut également servir de matrice d’élaboration d’une évaluation réfléchie, partagée, négociée entre les différents partenaires.
Première étape :recueillir les représentations L’impact des représentations sur les activités éducatives, (que ce soient celles de l’apprenant, du formateur, des responsables institutionnels ou même des commanditaires) a déjà été signalé précédemment comme étant, la plupart du temps, une cause de blocage, d’arrêt ou de conflit. Mais étant aussi une construction personnelle, ces représentations hébergent beaucoup d’énergie qu’il est possible de reconnaître et d’utiliser pour aller plus loin. En ce qui concerne l’évaluation, les représentations transparaissent dans les mots associés au mot “évaluer” 4. Ces mots traduisent une conception sous-jacente du savoir. Ils révèlent également le positionnement des différents partenaires dans leur relation à l’acte d’apprendre. Les 4. À recueillir dès les premiers instants d’une réflexion menée auprès d’un public. Cf en Post-scriptum 7 et 8 de ce chapitre, les inventaires recueillis auprès d’enfants et d’adultes. Pour une méthodologie d’utilisation, cf le chapitre 8 “Entrerdans nos représentations”.
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9 - La longue marche de l’évaluation
inventaires, recueillis auprès des différents publics, sont donc un matériau extrêmement précieux, puisqu’il appartient à ces publics et qu’il peut être reconnu par eux. Trois questions permettent d’entrer dans ce matériau et y mettre de l’ordre 5 : (1) par quels mots décrire l’évaluation et indiquer ses caractéristiques et sa nature ? (2) par quels mots indiquer la fonction de l’évaluation (son rôle dans le système)? (3) par quels mots indiquer le statut de l’évaluation (ses règles, ses limites) ?
Deuxième étape :clarifr l’intention d’évaluer Que cherche-t-on à évaluer ? - des résultats ? lesquels ? à quel(s) moment(s) du parcours ? - une performance ? par rapport à quelle nome, quelles valeurs, quelles r@iérences? dans quelle durée ? à quellefiéquence ? quel niveau d’exigence a été demandé ? - une démarche ? à par&-de quel point de départ, pour amaverà quel but ? quelles sont les étapes ? les limites ? les conditions imposées, choisies ? - un processus ? est-ce une transfomation, une évolution, une progression ?y a-t-il des paliers ? - une application ? combien d’exemples ont été donnés ? quel a été 1’entraînementpour décontextualiser et recontextualiser ? pour transjérer ? adapter ? - une implication ? y a-t-il eu enîraînement à la déduction, induction, la mhe en relanon...? - l’imaginaire ? quel espace lui a été réservé dans le parcours de l’apprenant ? - une attitude, un comportement, une posture ? y a-t-il eu conscientisation de l’apprenant, recherche d’explicitation du rôle de son “commentêtre” avant, pendant, après l’activité ? - une compétence ? quel savoirfaire, quel savoic quelle connaissance est demandé(e) pour l’activité ? - une aptitude ? quelle aptitude l’activité cherche-t-elle à développer ? (Cf. les étapes du savoir-apprendre) : découvnk reconnaître la complexit4 sélectionner et 5. D’autresgrilles sont utilisables. Les trois aspects (nature, fonction, statut) permettent d‘élaborer une définition
du concept.
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La longue marche de l’évaluation
organiser;faire émerger du sens, choisir et décider; innover et imagine6 échanger et entrer en réc@rocité, entrer en relation, intégrer dans une dynamique d’évolution, communiquer
Foisième étape :questionner une situation d’évaluation existante Les questions portent, en premier lieu, sur les composantes de la situation d’évaluation. Elles déclenchent, au-delà du niveau descriptif, un niveau de questionnement beaucoup plus important, car il soulève des problèmes d’ingénierie (-) , et interroge les responsabilités dans le dispositif éducatif: - qui évalue.,. qui ? est-ce l’apprenant ? le formateur ? l’institution ? les commanditaires ? 3 celui qui évalue a-t-il les moyens, les capacités, les compétences pour évaluer ? - qu’évalue-t-on ? est-ce l’activité ? la démarche ? l’utilisation du potentiel ? la capacité de changement ? la capacité de décision ?... =$ où commence la démarche d’évaluation ? A-t-on précisé les pré-requis ? explicité les objectijs ? indiqué les eyets attendus ? A-t-on indiqué comment accéder a u capacités disponibles ? Y a-t-il eu entraînement préalable au changement, à laflexibilité, au choix, à la décision.. . ? - quand l’évaluation a-t-elle lieu ? est-ce avant l’activité (s’agit-il d’un positionnement, d’un état des lieux, de l’état du questionnement) ? pendant l’activité (est-ce un contrôle?) après l’activité (est-ce une validation) ? =$ une réfxion a t-elle été menée avec les dflérents partenaires, y a-t-il eu contrat, clagîcatiôn, médiation.. . ?
où l’évaluation a-t-elle lieu ? est-ce en contexte ? hors contexte ? sur le terrain ? en situation ? hors situation ? dans l’institution ?. .. ’ y a-t-il cohérence entre le lieu, l’objet, le moment, Pintention, I’objectiJ.. ? -
- pourquoi évalue-t-on et pour quoifaire ? quelles sont les motivations, les intentions, les désirs sous-jacents à l’évaluation ? quels sont les objectifs ? 3 a-t-on annoncé clairement les object@ ? quelles sont les valeurs sous-jacentes, quels critères sont donnés, quels indicateurs sont propo-
sés... ? - comment évalue-t-on ? avec quels moyens, quelles stratégies, quels outils (quelle ingénierie) ? quel étalonnage a-t-on pratiqué ? quelle pondération a-t-on prévue ? les moyens, stratéges, outils sont-ils cohérents avec les objectijs, le lieu, le moment et les motivations de l’évaluation pratiquée ?
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Quatrieme étape :se positionner dans Za problématique de I’évaZuation Les étapes précédentes ont permis de se positionner dans une pratique personnelle ou institutionnelle, et laissent, sans doute, certaines zones de questionnement “travailler” : la question posée reste, provisoirement, sans réponse : tant mieux ! la réponse est en train de mûrir ... Des questions préalables s’imposent en amont : - est-ce que tout s’évalue ? - I’évaluatiôn est-elle unefln en soi ? - quand commence 2’évaluation, quandLf7nit-elle ? On s’aperçoit très vite que le concept d’évaluer, décidément pluriel, comporte plusieurs paramètres qui entrent en jeu pour donner un sens différent à l’évaluation pratiquée : selon son objectif, l’intention sous-jacente, les moyens utilisés, l’objet évalué. .. En situation scolaire, trois grandes “destinations” ou catégories sont généralement pratiquées : 1. la mesure (jauger, sonder) 2. le contrôle 3. la validation Ces trois formes d’évaluation se différencient l’une de l’autre au niveau de sept paramètres qui les définissent de a à g : (a) le système de référence sous-jacent (b) l’objectif poursuivi (en terme de capacité, d’aptitude ou de compétence) (c) le critère de référence (la qualité qui permet de dire que l’objectif est atteint) (d) les indicateurs de ce critère (les signes, indices, repères concrets) (e) la forme de l’évaluation ( f ) la nature de l’évaluation (9) le moment de l’évaluation (1) évaluer = mesurer
(a) le système de références est, dans ce cas, la dynamique de l’erreur : “l’erreur est féconde” dit Bachelard. Elle indique la stratégie utilisée par l’apprenant, le raisonnement qu’il a suivi, le choix qu’il a fait. (b) l’obiectif est de réguler les activités, aider, orienter celui qui apprend à intégrer l’inconnu dans le déjà connu.. . (c) le critère d’évaluation est IaJaisabilité de la démarche de l’apprenant, la cohérence avec l’objectif poursuivi ou le projet. (d) les indicateurs sont les repères de la démarche suivie, les états des lieux du positionnement, du questionnement et de l’évaluation ; les indices de progression par rapport au point de départ et à l’objectif; les étapes déjà poursuivies et celles restant à parcourir ...
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(e) la forme de cette évaluation est une interaction entre les partenaires : dialogue pédagogique, questionnement mutuel.. . (f) la nature et les caractéristiaues : interne, diagnostique, formative, indissociable des activités d’apprentissage ; pas de référentiel pré-existant (imposé). (g)auand évaluer : au moment où l’occasion se présente et à propos de.. .. (2) évaluer = contrôler
(a) système de références : la norme institutionnelle, le seuil imposé (b) objectif : vénJe-6 mesurer les écarts, recentrer. (c) critère : conformité à un modèle existant, aux règles (obligation de s’assurer que ces règles sont connues de l’apprenant). (d) indicateurs : quantita@s, exigences normées, chiffrées, codées. (e) forme : intervention ponctueZZe, datée, impersonnelle. ( f ) nature et caractéristiques : normaîive, quantitative, instrumentale, la même pour tous, barème (doit être connu de l’apprenant). (g) quand : pendant le parcours, à un moment précis. (3) évaluer = valider
(a) système de références : norme et cuZture institutionnelles (b) objectif : valider (c) critère : conformité au niveau exigé (annoncé d’avance), à des modalités de pertinence et de cohérence (annoncées d’avance) (d) indicateurs : éléments d’un réféntiel (connu d’avance) sur le fond, la forme, la démarche, les étapes, les aptitudes ... (e) forme : intervention cxténeure, institutionnelle (0nature et Caractéristiques : normative, sommative, certificative.. . (g) quand : à Za3n du parcours
Cinquième étape :refonder l’évaluation Les étapes précédentes ont permis de clarifier le concept d’évaluation, questionner les situations existantes, définir les différents types d’évaluation. I1 reste maintenant à proposer un cadre qui permette de construire une évaluation cohérente, dans laquelle les moyens et les actions sont adaptés aux objectifs, et pertinente car les objectifs et les actions seront à adapter au public et à l’environnement. Ce cadre a deux caractéristiques : (1) il est à construire par les intéressés eux-mêmes. Il est proposé sous forme de questionnement ; (2) les questions sont posées dans un ordre logique, allant du système de valeurs (le Grand Pourquoi) jusqu’à la réalisation concrète (la forme actualisée), en passant par les moyens mis en œuvre pour atteindre l’objectif.
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Les étapes de ce travail d’élaboration sont au nombre de dix et se répartissent en trois phases, qui ont chacune une logique. La Phase 1 s’inscrit dans une logique d’évolution, à long terme. C’est un lieu de résonance pour la quête de sens. La Phase ZZ s’inscrit dans une logique d’adaptation, à moyen terme. Il ne s’agit plus de valeurs ni de références comme dans l’étape précédente, mais d’adéquation avec le milieu social et culturel dans lequel on se trouve. La Phase ZZZ répond à une logique de régulation, encore plus concrète, à court terme, car on se place dans la relation à l’environnement physique. Les étapes 1, 2 et 3 participent de la logique de recherche de sens et s’inscrivent autour de la finalité de l’évaluation. Les étapes 4, 5 et 6 clarifient les moyens, les stratégies et les limites de l’évaluation. Les étapes 7, 8, et 9 précisent les conditions d’actualisation de l’évaluation. L‘étape 10 est celle de la réalisation, du lieu et du moment où l’évaluation a lieu. Les Phases I, II et III sont présentées sous forme d’exploration, car il est bien évident qu’aucune réponse ne peut pré-exister à une situation d’évaluation authentique.
Phase ï :Finalit4 destination, cadrage I . Quelle est lafnalité de l’évaluation :mesure, contrôle ou valiüation ? Que cherche-ton : à faire un bilan ? faciliter ? accompagner ? régu-
ler ? faire émerger du sens ? mesurer la rentabilité ? l’investissement ?... 2.Pour qui évalue-t-on ? qu ’évalue-t-on ? Qui est le client de la commande ? l’apprenant ? les commanditaires ? l’institution (à quel niveau) ? Évalue-t-on le résultat ? le processus ? le potentiel de développement ? la construction du savoir ? la progression ? la capacité à s’adapter ? à créer ?... 3. A quel moment de laJonnation se situe-t-on ? Au début ? à mi-chemin ? au moment de l’utilisation du savoir ?... Quels sont les processus cognitifs en jeu : sensoriels ? perceptifs ? affectifs ? mémoriels ? imaginaires ? verbaux ? non verbaux ?... Ces trois premiers points doivent être totalement clarïïés avant que 2’onprocéde à la suite du questionnement.
Phase ïï :Moyens, straté@es, limites 4. A quoi reconnaîtra-t-on qu’ily a réussite ou erreur ?
Quelle a été l’ingénierie mise en œuvre ? quels matériaux, quels types de données ont été apportés ? quels repères, quels indices ont été indiqués ? Quels sont les critères de réussite ? sont-ils cohérents avec les objectifs annoncés ?
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5. Quelles stratéges sont mises en œuvre chez l’apprenant ?
Quel entraînement a été proposé : mémorisation ? prise de parole, de notes ? Quel parcours est proposé, d’où à où ? de quel point de départ, vers quelle tâche à accomplir ? Quel cheminement cognitif, quels pré-requis ? quelles capacités préalables ? 6. Où mettre la barre ? Quel est le contrat (étymologiquement : ce qui permet de tirer ensemble) ? Quels sont les critères d’acceptabilité : lisibilité, audibilité, norme d’excellence, conformité, maîtrise, flexibilité, adaptabilité.. .? Lorsque ces trois questions sont clanflées, on peut aborder la phase suivante.
Phase III :Realisation de I ’evaluation 7. Quellesconditions de réalisation ont été prévues ? Où a lieu la passation proprement dite ? dans quel contexte ? avec quel aménagement ?
8. Durée et date
La date est-elle annoncée ? l’évaluation se fait-elle par surprise ? combien de temps après l’activité apprise ? avec quelle fréquence ? à quelle phase du parcours : avant, pendant, après ? la durée est-elle connue de l’apprenant, a-t-il appris à gérer le temps de l’épreuve ? 9. Quelleforme a l’évaluation ?
Selon quelle procédure, quelles consignes ? est-ce un questionnaire, un écrit sur table ? un oral ? l’apprenant est-il seul ? en groupe ? Y a-t-il eu entraînement de la forme ? 2 O. L’évaluation a lieu Est-elle en cohérence avec la finalité, l’objectif, le but, la cible, qui ont été clarifiés, et connus des intéressés ?
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La longue marche de l’évaluation
Post Scriptum 8 :Grille de décodage d’un sondage sur Pen-eur La problématique de l’évaluation peut être abordée par le biais des représentations de l’erreur. Depuis une dizaine d’années, la question
“Quandvous pensez “erreur’;a quels autres mots pensez-vous ?” a été posée à des publics variés : apprenants, enseignants, parents, responsables éducatifs. Des centaines de mots différents ont été suggérés, depuis absurdité, anachronisme, aberration, ânerie, anomalie... jusqu’à stupidité, tremplin, tromperik, vice, zéro, en passant par incohérence, manque de connaissance, négligence, punition, raté, responsabilité.. . La grille ci-dessous montre que les réponses (en italique) traduisent des positionnements divergents et correspondent à différents niveaux d’analyse. Dans les inventaires de mots associés à “erreur” : 1. certains termes sont cités par toutes les catégories (et quelle que soit la culture !) : faute, bêtise, confusion, inattention, oubli, se tromper..., d’autres par une seule catégorie :
appréhension, choix, colère, erratum,faiblesse.. . tremplin, zéro 2. Certains mots suggèrent un état : neutre : dgérent ; négatif : incompréhension, positif : tremplin, ou une idée d’ouverture : bilan. 3. Certains mots portent une modalité sensorielle, visuelle: repère ; auditive : dissonance ; kinesthésique : écart ; non spécifique : incertitude
4. Le substantif “erreur” est représenté par une autre catégorie syntaxique : un verbe (dominance action) : se tromper ; un autre nom (dominance objectivation) : omission ; un adjectif (dominance affective) : grave ; un adverbe (dominance positionnement) : côté. 5. Le mot de remplacement donne un statut à l’erreur : la cause : inattention ; la conséquence : punition. 6. Le mot équivalent fait référence à la norme : anomal ; à un code : incorrect. 7. Le mot suggéré fait référence à un stade de l’acte d’apprendre : - avant l’acte, quand il se prépare : manque deformation... - pendant l’acte, pendant le parcours : mauvais choix... - après l’acte, au moment du résultat ou de l’effet produit :faux, échec... 8. Le mot fait référence à une attitude, un comportement (aspect psychologique) :
a
anxiété, négligence. 9. Le mot désigne un processus mental (aspect cognitif) : oubll;
mauvais raisonne-
ment, confusion... io. La responsabilité de l’erreur est imputée à quelqu’un : manque de documentation. 11. Le mot désigne la fonction de l’erreur : moyen de progression.
... Cette grille n’est ni exhaustive ni définitive. La question la plus importante reste à poser
:
“Qu‘aiyèfaitde mes erreurs ?
”
Habiter en apprenance
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La longue marche de l’évaluation
Post-scriptum 9 :Représentations de l’évaluation La consigne est : “quandon vous dit “évaluer évaluation’: à quels autres mots pen-
sez-vous ?”. Les inventaires des mots recueillis permettent de désamorcer le jugement binaire et immédiat de l’évaluation, en faisant apparaître le positionnement des acteurs de la situation d’évaluation par rapport aux différents paramètres intervenant dans l’évaluation. Un espace de dialogue est ainsi aménagé pour aborder la diversité ou la convergence des réponses, et, à partir d’un matériau qui appartient aux acteurs, faire émerger un questionnement concernant les quatre étapes signalées précédemment, repérer la pertinence de l’évaluation pratiquée, élargir à d’autres types d’évaluation, construire une grille d’analyse, établir des étapes qui permettent d’intégrer l’évaluation dans le cheminement pédagogique.. . (1) Pour des enfants de 10 à 13 ans 6 , évaluer, c’est : (verbes) : additionner, agrandir (sa mémoire), aimer (si on est fort), apprendre, avancer, avouer, (qu’on a oublié, triché, qu’on ne sait pas), calculer, chercher, choisir, chu-
choter, comparer, comprendre, compter, concentrer, connaître, continuer, contrôler, crier (les parents, la Maîtresse), déchiffrer, décoder, demander, deviner (la solution, l’attente du maître), devoir, dire, disputer (les parents), échanger, écouter, enrager (la Maîtresse, les parents), essayer, évoluer, évoquer, faire, fouiller, grandir, inspecter, inspirer, interroger, lire /écrire, mesurer, noter, parler, penser, proposer (des solutions), réfléchir, regarder, relever, rendre, réussir, s’aider, souligner, travailler, trouver, vérifier, (noms) : attitude, bilan, calculatrice, chiffre, complication, concentration, contrôle, dictionnaire, effort, évaluateur, évolution, examen, exercice, expression, feuille, interrogatoire, math, matières, mission, note, orthographe, poids, recherche, silence, sport, test, travail (a#ecOys) : compliqué, difficile, dur, haut, important, personnel (2) Pour des enseignants de l’École Élémentaire, évaluer c’est : (médiation) : accompagner, analyser l’erreur, apporter un regard, apporter une
méthode, comprendre, donner du sens, échanger, guider, informer, motiver, observer (parcours) : adapter, commencer à prévoir, connaître les capacités d’un élève, consolider, progresser, se diriger vers, se regarder pédaler, se remettre en question, s’investir, voir une évolution. Acquisitions, capacités de ré-investissement, compétences individuelles (r&erence 2 une valeur) : apprécier, comptabiliser, juger, mesurer, noter, tester. (rejrence 2 la nonne) : chercher à quel niveau on se trouve, contrôler, corriger, former, interpréter, se conformer, situer, tirer des conclusions. Bilan, contrôle, niveau. (3) Pour un groupe d’enseignants de l’Éducation Nationale, CFA, et d’un Conservatoire de Musique, évaluer c’est : (verbes) : apprécier, auto-évaluer, classer, comparer, comprendre, critères, écouter,
examiner, fonctionnement, interaction, jauger, juger, mesurer, mesurer l’évolution, personne, peser, position actuelle, remédiation, remédier, savoirs, savoirs-faire, situer dans l’espace et le temps, tester, tolérer, vérifier
(image :évaluer; c’est comme...) - une cueillette (on avance, tâtonne, chercher, trouve ce qu’on ne cherchait pas, on ne trouve pas ce qu’on cherche, on trie, on garde). - une règle (il faut à tout moment connaître la distance qui nous sépare de l’objectif) - une balance (on pèse le bon, les progrès et les retards) - une rivière àflanchir (c’est l’obstacle qu’il faut dépasser pour pouvoir continuer) - l’intersection de plusieurs voies (on fait le point avant de choisir un chemin) 6 . Merci a R. M., enseignante a Gattières (06) pour les trois premiers inventaires, recueillis auprès de ses élèves et de ses collègues (Février-Avril 1997). Merci a tous ceux qui ont accepté de contribuer a cette
recherche.
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La longue marche de l'évaluation
le marteau d'un masstrat (il y a un côté irrémédiable dans l'évaluation - jugement) un couperet (idem) - une bourse remplie d'or (on estime la "richesse" (la valeur) de la personne évaluée). -
(4) Pour des formateurs en entreprise 7 , évaluer c'est : analyser, calculer, classer, comparer, considérer, constater, contrôler, corriger, coter, critiquer, décortiquer, déterminer, diagnostiquer, définir, donner une échelle de valeur, dresser un profil général, estimer, étalonner, étudier, évoquer, faire le bilan, faire le point, gérer, interpréter, qualifier, juger, justifier, mesurer, noter, observer, percevoir, peser, positionner, refléter, répertorier, sanctionner, situer, soupeser, tester, valoriser, vérifier.
Ces dflérents inventaires constituent un maténau permettant de discerner les positionnements reliés au concept d'évaluation. ils sont aussi un point de départ pour percevoir d'autres points de vue et construire une évaluation d'un rype nouveau :au-delà de l'unique souci de souligner une "Jaute",un dysfonctionnement, une dén've, un manque, il s'as2 d'ouvnr l'honzon vers l'évaluation d'un potentiel restant à actualiseK
7. Merci aux formateurs et enseignants de I'AIFC (Association pour l'Innovation en Formation Coiffure), Séminaire 1997 (Blois).
Habiter en apprcnance
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Accompagner l’émergence
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Accompagner l’émergence Le mot “émergence” est apparu plusieurs fois dans les pages qui précèdent. En effet, nous sommes invités à comprendre que percevoir le monde, à travers notre histoire, implique de recadrer les relations éducatives dans leur rapport à la cognition. Le sens n’existe pas en soi, l’information non plus : l’un et l’autre émergent. Selon l’expression de Francisco Varela “laclé de voûte de la cognition est safaculté deyaire émerger la sz@$?cation”. Si l’on accepte l’idée que l’apprenant est acteur et auteur de l’actualisation de ses différentes capacités potentielles, il est évident que les circonstances permettant à ce potentiel de s’actualiser ne sont pas toutes de la responsabilité de celui qui apprend et agit. On a vu l’importance de créer une ingénierie de l’apprenance. Un exemple a été donné de ce qui revient à chacun des partenaires pour qu’il respecte la “déontologie cognitive”. 11 s’agit maintenant de proposer un cadre méthodologique d’accompagnement, transposable quel que soit le domaine ou le support de formation.
Le tiers cherché :une méthodologie ternaire 1 La culture occidentale a quelque difficulté à se libérer de la forte imprégnation du rythme binaire et de la logique linéaire, hérités l’un et l’autre d’une culture millénaire. Ce n’est pas notre propos d’en faire ici l’historique, l’analyse ni le procès. Ce qui nous importe est de souligner que les différents rythmes du vivant sont, pour la plupart, de structure ternaire : rythme cardiaque, rythme respiratoire, rythmes cérébraux (veille, sommeil, rêve) ... Le ternaire permet le rythme. Le rythme (du verbe grec I;ETV (rhein), “couler”) permet à la durée de “couler”. La méthodologie d’accompagnement de l’apprenant, dont il va être question, a donc été conçue sur un rythme ternaire. Proposée à de nombreux formateurs et enseignants, elle s’adapte à des publics variés, à différents types d’activités allant du visionnement d’un film à l’étude d’un texte, en passant par l’activité en langues étrangères, la préparation d’une réunion ou d’un projet ... Les recherches signalées dans “Pointsd’Orgue pour une vie apprenante” 2 , ont relevé une mobilisation de l’activité cérébrale dans les deux secondes précédant un acte visuo-moteur. D’autres recherches nous ont appris que l’intention avait un corrélat neuro-physiologique, c’est-àdire que l’intention d’agir s’inscrivait dans l’activation cérébrale une ou deux secondes avant que l’acte ait lieu. L‘“avant” fait donc partie intégrante 1. Certains
aspects de la méthodologie ternaire ont été proposés dans les livrets d’accompagnement du vidéogramme N é pour apprendre, op. cit. 2. Cf Partie IV, chapitre 4.
1O - Accompagner l’émergence
Habiter en apprenance
de l’acte. Quant à l’“après’’, chacun de nous a expérimenté l’impact des conséquences d’une action sur notre psychisme, soit que nous redoutions ses suites, soit que nous désirions ou attendions ce qui va se passer “après”. La démarche en trois temps (“T moins un”, “T”, “T plus un”) permet de structurer le travail cognitif, de poser des repères, d’engrammer la mémorisation, de fournir une trame de réflexion conceptuelle et de favoriser l’échange verbal en groupe. - Le “Tmoins un ’’ : 11 s’agit, essentiellement, de repérer d’où l’on part afin d’être en mesure d’évaluer le chemin réellement parcouru. Une évaluation sommative, la plus courante dans le système éducatif, n’a aucune signification si elle n’a pas procédé, avant l’activité évaluée, à un état des lieux. Reprenant l’image de l’instrument de musique qui va se joindre à d’autres, ou celui qui s’apprête à interpréter une œuvre, une période est nécessaire pour accorder l’instrument et se préparer à entrer dans l’œuvre. Cette étape se fait en trois temps : ( 1 ) état des lieux des connaissances (réflexion individuelle) ex : ce quej e sais déjà au svet de.. . (les mots, les règles, les “comment on s’y prend pour”...) (2) état des lieux des habitudes (seul, puis en binôme) ex : commentj’uîiïise..., ce quej e pre3re.. ., ce quej’évite.., (3) état des lieux du questionnement (sous-groupes de 3 ou 4) ex : ce quej’aimerais savoir; explorer...,je me demande si... La phase 1 dure quelques minutes. Elle a pour objectif de permettre à chacun d’oser faire un bilan préalable de ce qu’il sait ou croit savoir dans un domaine, sans le poids (pour ne pas dire la menace) d’être évalué par une autorité extérieure. Pour encourager cet état des lieux (trop souvent coloré par une image négative de soi ou de l’activité demandée), on donnera une trame d’exploration, sous forme de schéma ou “carte mentale”, comportant trois ou quatre branches à développer, allant d’une idée à l’autre, d’une relation à l’autre 3 :
7
ce que i’aimerais savoir
I
État des lieux
ce que ie sais
1
1
F@re 13 :phare 1, état des lieux préalable à une activité deformation 3. La
technique du “schéma heuristique” ou “carte mentale” est présentée au chapitre 11 (Partie Vi).
Cf dans les Références Bibliographiques, les deux ouvrages de T. Buzan.
Habiter en apprenance
1O - Accompagner l’émergence
La phase 2 est un repérage des mots inconnus dans une liste qui inventorie les termes lexicaux (du document) jugés les plus importants. II s’agit simplement, pour les participants, de repérer les mots non (encore) connus (sans demande d’explication de leur part). La phase 3 est un état des lieux des habitudes, des “gestions” préférentielles, des domaines d’utilisation de ce que l’on sait. C’est une phase que l’on partage à deux, parce qu’on ose en général échanger latéralement ce qu’il serait difficile d’exprimer devant un groupe entier. Après l’exploration individuelle, ce partage à deux (A et B) joue aussi le rôle de “brise glace”. On demande à A de parler 3 minutes et à B de noter ce que dit A, sans interrompre ni questionner. Les rôles changent, puis les notes sont échangées et le partage a lieu : sur le thème, sur le contenu, sur ce qu’on a ressenti, sur l’écart ou la proximité des notes .... La phase 4 est, en réalité, le véritable objectif de ce bilan préalable. C’est un moment et une technique de conscientisation et de mobilisation de l’attention, facilitant et, le plus souvent, faisant émerger le questionnement, découvri? le désir de connaître, l’appétit d’explorer, le besoin d’écouter et d’exprimer son intérêt (ou son manque d’intérêt) pour apprendre. Une phase 5 permet la mise en commun du questionnement. Chaque sous-groupe a retenu 3 questions au maximum, qu’il soumet au groupe. On peut, à partir de ces propositions, suggérer de retenir 2 ou 3 formes de questionnement qui paraissent prioritaires, que l’on gardera présentes au cours de l’étape suivante “T”. - La phase “Y (Visionnement d’unJlm, ou étude d’un document ou d’un dossier...) Cette phase est un véritable tremplin pour rappeler qu’une lecture, un visionnement, une écoute.. . sont des occasions de percevoir (visuellement,auditivement, kinesthésiquement...) avec ce que nous sommes à ce moment-là, occasion historique, biographique, évidemment unique, qui participe à la structuration du processus de compréhension, dans la durée nécessaire à l’ancrage. - La phase ‘Tplus un” Elle comporte de très nombreuses activités d’approfondissement, qui nécessitent de nouvelles lectures du document de la phase “T”. Ces lectures nouvelles sont sélectives en ce qu’elles portent sur l’exploration d’un seul aspect à la fois. Cette phase a pour but de faire prendre conscience de la lente mise en place du processus de compréhension. Par exemple : - l i r e activité ; repérer de mémoire, après la première lecture du film ou du texte, l’un des points saillants : questions posées ; chiffres I dates ; noms propres de lieux, de personnes.. . ; événements.. .. Puis vérifier et compléter dans une deuxième lecture. 4. Pour la signification du mot “questionnement”, se reporter à la Partie IV, chapitre 2.
Habiter en apprenance
10 - Accompagner l’émergence
- Z e activité : de mémoire d’abord, puis dans une nouvelle lecture, repérer les données nouvelles pour vous. Comparez avec un partenaire. - 3 e activité : de mémoire d’abord, puis dans une nouvelle lecture, faire la liste des phrases-clés ou idées-forces que vous souhaiteriez partager avec quelqu’un (cibler le public). Dire pourquoi. - 4 e activité : de mémoire d’abord, puis dans une nouvelle lecture, inventorier les idées, données nouvelles, phrases-clés qui incitent à modiJzer votre point de vue. - 5 e activité ; reprendre la liste distribuée en “T moins un”, phase 2 et repérer les mots qui étaient non(encore) connus. Sont-ils maintenant mieux compris avec l’aide de leur contexte ? - 6 e activité ; c’est le moment d’ancrer ce qui a été exploré dans sa pratique personnelle ou professionnelle, en prenant une décision ; - dans telle situation, à tel moment, à tel endroit, pour atteindre tel objectrJf; avec tels moyens,j e reconnaîtraiquej’ai atteint mon objectf à tels indices...
nois outils indissociables À la différence d’un instrument, essentiellement utilitaire, l’outil prolonge, crée, transforme le geste. I1 a un rapport singulier avec celui qui le prend en main. II favorise l’appropriation progressive du processus d’apprenante par l’apprenant lui-même. Les trois outils proposés ici sont l’auto-positionnement, l’auto-questionnement et l’auto-évaluation. Ils ont pour rôle de développer une relation dialogique, une parole parlante, loin du déjà dit ou du prêt-à-dire ; une pensée pensante, non déjà pensée, fondée sur son propre système de valeurs. L‘expérience a montré qu’ils facilitent de façon spectaculaire le passage du tacite 5 à l’explicite, et celui de l’individuel au collectif.
I . L’auto-positionnementpeut prendre diversesformes
L‘état des lieux, dont on vient d’avoir un exemple dans la phase “T moins un”, est un exemple parmi d’autres. De nombreuses grilles, “checklists”, inventaires, questionnaires.. . sont proposées dans les ouvrages de techniques d’expression ou d’évaluation formative, dans lesquels il est demandé aux participants d’apprécier telle ou telle situation et de se positionner par rapport à une série de conceptions, d’actions, ou de citations 6 . Ces outils ont pour rôle de faciliter le passage de l’implicite à l’explicite et vice-versa. Le passage du tacite à l’explicite s’élabore en deman5. “tacite” est pris ici dans le sens latin “qui se tait”. 6. De nombreuses grilles et inventaires de positionnement et d’appréciation existent : Cf Recueil d’instruments et de processus d’évaluationformative, Tomes 1 et II, INRP (1980) ; J.E. Eitington (1990) ; G. Robin (1992) ; H. Trocmé-Fabre Népour apprendre, livrets d’accompagnement, en particulier Nepour choisir ; Cf les Post-scriptum 10, 11 et 12 de ce chapitre.
Habitcr en apprenaiice
1O - Accompagner l’émergence
dant, par exemple, à chaque participant d’un groupe, de tracer, en quelques traits et en quelques secondes, ce qui représenterait pour lui, pour elle, tel ou tel concept : apprendre, erreur, autonomie, enseigner ... 7 Une règle du jeu est nécessaire : si l’auteur du dessin accepte de le soumettre au groupe, il acceptera d’entendre les remarques et les “lectures” de son dessin sans réagir ni verbalement ni par mimique, ni par geste. Dans un deuxième temps il dira son intention et expliquera ce que son dessin veut exprimer. Très souvent, l’auteur d’un dessin s’aperçoit que les remarques des autres lui font découvrir son propre dessin.. . ! Ce positionnement partagé n’est pas destiné à être un test projectif, mais à solliciter la lecture interprétative du regard des autres, sans jugement de leur part. La difficulté est de rester dans le positionnement sans aller jusqu’à l’évaluation : un entraînement est indispensable ! Quant au passage de l’explicite au tacite, plus rarement pratiqué, il permet, à partir de ce qui a été réellement adressé à quelqu’un, oralement ou par écrit, de consolider la mémorisation de ce qui a été dit grâce au choix d’une structure organisée, utilisant un minimum de moyens verbaux. On se sert, pour cela, d’une mise en schéma heuristique, d’une “carte mentale”, d’un schéma en arbre, qui soit lisible d’un seul coup d’oeil, selon une technique dont il a déjà été question. Cette forme est “tacite” en ce que seuls sont retenus le sens, (celui de l’auteur grâce à quelques mots-clés qu’il a choisis) et les relations établies (par l’auteur) entre ces mots. 2. l’auto-questionnement demande qu’un espace de résonance soit aménagé pour les raisons qui ont été exposées précédemment 8. C’est un véritable outil d’ingénierie en ce qu’il facilite considérablement le parcours de celui qui apprend, invité, par la phase de questionnement, à changer de perspective, à s’ouvrir à d’autres possibilités et accepter d’entrer dans une nouvelle situation cognitive 9. Ce vrai questionnement, qui n’attend pas la réponse d’un maître et qui ose affronter l’étrangeté et l’attente de l’inattendu, intervient à différents niveaux du parcours. En amont (on l’a vu dans la phase “T moins un”), pendant la lecture ou le visionnement d’un document (dans ce cas-là il sera noté car il risque d’échapper), et dans la phase “T plus un”, lorsque, en aval du document lu ou vu, l’impact de ce qui a été découvert, reconnu, exploré, compris, doit encore être intégré. Le questionnement se place à trois niveaux : (1) le constat de départ : quels nouveaux centres explorer (où ? quand ? comment ? pour quoi faire ?. ..) .
7. Cf Patie VI, chapitre 8, ”Entrer dans nos représentations”. 8. Cf Partie IV, chapitre 2. 9. L‘expression”situation cognitive” est de 1.
Schlanger (1990).I1 propose l’idée que toute situation cognitive est un phénomène mental sur lequel ieje connaissant peut agir (p. 12).
Habiter en upprenunce
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Accompagner l’émergence
(2) l’orientation des “flux” : quelle part donner au choix de l’apprenant ou à l’acceptation des contraintes ? En d’autres termes, a-t-on prévu
un espace de liberté ou est-on dans un “passage obligé” ? 10 (3)le système de valeurs : sur quels points d’appui appuyer les actes d’apprendre et les actions pédagogiques ? 11 Au niveau des différentes durées, les actions d’apprenance et d’accompagnement sont à entreprendre à court terme, à moyen terme, et à long terme. En reprenant le schéma proposé dans la figure ... 12, le questionnement peut prendre la forme suivante :
-
passé
-
,-
présent
6
futur
1
L
1
IT
F@re I 4 accompagner)
12
MT
: positionnement
CT
CT
MT
LT
du questionnernent relatiJ aux actions (apprendre et
CT = court Terme, MT = Moyen Terme, LT = Long Terme I , 2, 3 (du PAS& au PRÉSENT),quelles actions prendre pour - reconnaître l’existence d’un potentiel non-encore actualisé ? - reconnaître les “acquis”(validés) ? - repérer les compétences (capacités + intentionalité) ? - inventoner les expériences (biographies des savoirflaire, démarches, stratégies
utiïisées) ? 4, 5, 6 (du PRÉSENT au PAS&), comment sy prendre pourfaire - le point des ressources pour une achon présente etfùture (valeurs, rgérences) ? - l’état des lieux des savoirs, connaissances (auto-posihonnemen~ auto-évaluation) ? - l’état des lieux du questionnement ue me demande st pourquoi, comment) sur l’expénence concernant le domaine à explore6 les stratégies à utiïisec les moyens à prendre?
7, 8,9 (du PRÉSENT au FUTUR), comment élaborer - la mise en perspective du prqet finalité, ObJectiJs, buts, cibles) ? - les limites :jusqu’où, combien de temps, avec qut avec quoi (matériau) ? - l’aval du prqet (le “Tplus un’:, ? 10, I l , I 2 (du FUTUR au PRÉSENT),comment prévoir - les pré-requis du projet, ses préalables, un “Tmoins un” ? - I ’organisation,le planning ? - l’investissement (temps, ressources, eflorts...) ?
L‘auto-questionnement permet, comme l’auto-positionnement, le passage du tacite à l’explicite et celui de la réflexion individuelle au partage. En effet, le fait de proposer que le questionnement soit formulé et 10. Cf Partie V, chapitre 7. 11. Cf, dans ce chapitre, le Post-Scriptum 12 “le Grand Questionnement”. 12. Cf Partie V, chapitre 5.
Habiter en apprenance
10 - Accompagner l’émergence
destiné au partage, permet à l’apprenant (et à celui qui l’accompagne) d’échapper à l’obsession du résultat et d’entrer dans un mouvement de projection-construction qui met en scène la réalité en devenir des partenaires de la situation cognitive. Un exemple d’auto-questionnement, qui gagnerait à être pratiqué plus souvent, consiste à se poser la question : “quefairede mon en-eur ?” Lorsqu’on ose (se) poser cette question, on s’aperçoit que chacun n’attribue pas la même signification à l’erreur. La première chose qu’il convient donc de faire est de se poser la question “qu’est-cequ’une erreur ?”. Des sondages auprès d’enseignants, élèves, parents, responsables institutionnels, révèlent un très large éventail de réponses qui permettent d’entamer le dialogue sur un sujet brûlant, et de proposer une grille de décodage des réactions 13. 3. Z’auto-évaluation est le troisième outil, utile, lui aussi, dès les
premiers instants d’une démarche d’apprenance, c’est-à-dire dès l’amont de l’acte d’apprendre proprement dit. Sans doute devrait-on rappeler, sans se lasser, d’une part l’étymologie du verbe “évaluer” qui nous vient du latin “valeo” (“je suis vigoureux, j e vais bien”), et, d’autre part, le besoin urgent de refondation du système d’évaluation, pour qu’il soit cohérent avec ce que nous savons de l’acte d’apprendre et de la situation cognitive. Ce qui importe, c’est de rendre celui qui apprend moins vulnérable face à une évaluation dont il ignore souvent les règles du jeu, les critères et les indicateurs de ces critères. Il s’agit de permettre à celui qui apprend de reconnaître les repères de sa propre démarche, l’aider à expliciter ses choix et à nommer les valeurs auxquelles il se réfère. La pratique de l’autoévaluation est étroitement liée à celle des deux outils précédents, car elle a besoin, pour se construire, du recul offert par le positionnement (d’un état des lieux) et le questionnement portant sur le constat de départ, l’analyse qui peut en être faite, les besoins exprimés, la solution recherchée. L‘autoévaluation a sa place à chaque étape (“avant”, “pendant”,“après”) du parcours de l’apprenant. Celui-ci a besoin de connaître les indices qui lui permettront de reconnaître qu’il a atteint son objectif. Ceci devrait être une règle de déontologie pédagogique. De très nombreuses grilles d’évaluation existent et peuvent etre utilisées en auto-évaluation 14, mais il est bien évident que les meilleurs outils sont à forger ad hoc, avec l’aide de l’enseignant ou du formateur, à chaque étape du savoir-apprendre et en relation directe avec l’objectif poursuivi.
13. Cf en Post-Scriptum 8 et 9 du chapitre 9, une proposition de grille et un exemple de réponse à un sondage de ce type. 14. Cf Recueil d’Instruments et de processus d’évaluation formative, op. at. Cf aussi les grilles proposées par G . Brown (1980). p. 139 et s.
Habiter en upprcnunce
10 - Accompagner l’émergence
Un exemple. Dans la phase “Tmoinsun”,l’apprenant a atteint l’objectif de “déblaiement” préalable lorsqu’il peut présenter un état des lieux de ses connaissances, de ses savoir-faire, de ses gestions et stratégies préférentielles.. ., s’il peut formuler son questionnement, et s’il peut repérer les concepts inconnus ou mal connus. Au cours de la phase “T” de la découverte d’un document, on lui demandera d’évaluer comment le contexte l’a aidé à faire émerger le sens d’éléments qui n’étaient pas connus de lui auparavant. Dans la phase “Tplusun”,l’apprenant évalue sa progression dans l’activité qu’il a choisi de faire, en recherchant les indices de cette progression au moyen de la phrase-clé : “qu’est-cequi meyait dire que..j’ai compns...,j’ai appns.. ., maintenantje sais..,’’ 15 On peut aussi proposer à l’apprenant et à celui qui l’accompagne d’établir un deuxième “état des lieux” qui joue le rôle de bilan, sur une trame de ce type :
ce que (aimerais explorer
at des lieux 2
ce que i’ai découvert
ce que i’ai décidé
ce qui m’a aidé(e)
Figure 15 : état des lieux / bilan
Le bilan de la Figure 15 est un outil d’autant plus efficace qu’il est établi par chacun des partenaires de la situation éducative et surtout partagé, de façon à participer à la progression du parcours pédagogique. Comment un enseignant ou un formateur pourrait-il, pour évaluer, se passer des facteurs proposés dans cette trame, qui représente l’analyse minimale d’une situation d’évaluation ?
15. Le livret d’accompagnement du vidéogramme Né pour choisir, op. cit., propose une activité de positionnement et d’évaluation sur le thème “quel type d’apprenant ai-je été, ai-je choisi d’être, suis-je,
serai-je ?” (p. 13).
Habiter en appreriance
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Accompagiier l’émergence
Post-Scnptum IO :Auto-Positionnement Nos intelIigences multiples 16 Rappel : “intelligence” vient du verbe latin “inter-legere”, lire entre, relier, établir des relations. Aujourd’hui, on peut et on doit penser en terme d’intelligences a u pluriel. Deux listes sont proposées. Elles ne sont pas exhaustives et peuvent être complétées des propositions des participants. La liste A, plus concrète, propose une entrée par des verbes. La liste B propose d’entrer dans l’activité par les catégories d’intelligence. L‘activité proposée se déroule en 4 phases (dupliquer le document avant de commencer l’activité, 2 exemplaires par personne). 1 . Se positionner sur la liste A (verbes) ou 6 en repérant ce que l’on pratique souvent (plusieurs réponses) 2. Se demander “qu’est-ce qui me fait dire que je sais ... (ex : entrer en relation) 3. Demander à quelqu’un de votre entourage de vous positionner (sur le deuxième exemplaire vierge) 4. Lui demander : “qu’est-ce qui te fait dire que je....”. Comparer ses indices et les vôtres. S‘il accepte, lui proposer de s’auto-positionner à son tour, de franchir les 4 phases et échanger les rôles.
Intelligences Liste A (verbes = actes) accepter ce qui est incontournable (ex : les lois de la nature) calculer (intelligence numérique, ex : les chiffres) classer (ranger en catégories) chercher le sens (au-delà du descriptif) choisir (savoir renoncer, donner une priorité) comprendre ce qui est écrit (intelligence verbale écrite) comprendre ce qui est dit (intelligence verbale orale) créer (inventer quelque chose de nouveau) décider (passer à l’acte) dessiner (exprimer graphiquement.. .) entendre (percevoir des sons, la musique, les paysages sonores ... entrer en relation 1 (avec les autres) entrer en relation 2 (avec soi-même) explorer (chercher à découvrir, comprendre) fabriquer (intelligence mécanique, du processus de transformation) fabriquer manuellement (relation main - cerveau) gérer le temps 1 (horaires, dates, calendrier ...) gérer le temps 2 (connaître le moment favorable) gérer le temps 3 (la durée “intérieure”... hors cadran) imaginer (créer des images) observer (repérer...) organiser (mettre de l’ordre, structurer) questionner 1 (demander quelque chose à quelqu’un) questionner 2 (se questionner) raisonner (chercher les raisons, les causes, les conséquences) reconnaître (des formes, des visages, des paysages ...) rédiger (expliquer, raconter par écrit) s’exprimer 1 par écrit s’exprimer 2 oralement s’intéresser (être motivé) se mouvoir (dans l’espace, dans le temps) se repérer (dans l’espace, le temps) 16. En collaboration avec Philippe
Barbou, consultant en psychologie industrielle.
Habiter en apprenance
1O
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Accompagner l’émergence
se souvenir 1 (des lieux, des objets, des événements) se souvenir 2 (des sensations, de ses perceptions visuelles, auditives, olfactives.. .) se souvenir 3 (du comment, des démarches, stratégies, moyens ...) toucher (reconnaître des formes, des surfaces, ... grâce à la main) travailler 1. seul travailler en équipe (savoir collaborer, coopérer.. . utiliser et comprendre un outil
Intelligences Liste B (capacités) auto-questionnement curiosité intellectuelle (savoir-explorer, découvrir) empathie (intelligence du cœur, altruisme) équipe (savoir collaborer, coopérer) imaginale (H. Corbin, se mouvoir dans le monde des images) intuitive (implicite, non-dit) kinesthésique (motrice, tactile, haptique..) lecture (compréhension, interprétation) logique (savoir raisonner, suivre une relation cause-effet) manuelle (la main obéit) marketing (savoir (se) vendre, (se faire) acheter) mécanique (savoir fabriquer, utiliser et comprendre l’outil) mnésique antérieure (mémoire du passé) 17 mnésique sensorielle (visuelle, auditive, kinesthésique, olfactive, gustative) mnésique procédurale (savoir comment, par quelle démarche.. .) mnésique topographique (lieux, localisation) mnésique temporelle (savoir quand ..., la durée ...) motivationnelle (de celui qui s’auto-construit) musicale (mélodie, harmonie, rythme, ...) numérique (chiffres, nombres) questionnement rédactionnelle (explicite) sensorielle (perception par les 5 sens, combinés ou non) sociale (inter-relationnelle) soi (intra-relationnelle) somatique (intelligence du corps, du souffle ,...) temporelle 1 (heure, dates, cadran, horaires, Chronos) temporelle 2 (le moment juste, favorable, “Kairos pour les Grecs) temporelle 3 (intérieur, “suspendu”, sans limite ni flèche du temps, “Aion” Grec) transcendentale (dépassement de soi) verbale écrite (savoir-lire, s’exprimer par écrit) verbale orale (savoir parler, entendre, écouter.. .) visuo-spatiale (s’exprimer par un dessin, un graphique, schéma, géométrie)
...
+ les nuances + les combinatoires
17. Une concession est faite ici à l’usage qui cloisonne encore la mémoire en domaines spécifiques.
Habiter en apprenance
Post-Scriptum 1I
1O - Accompagner l’émergence
: Oser nommer
le potentiei (auto-positionnement)
Un potentiez non-u&iYise est un potenRe2 perdu pour Z’être humain et pour Z’humanité Avant d’entrer dans cette activité, explorer quelques questions préliminaires (rappel : il n’y a pas de bonnes réponses. L‘important est de se questionner): - quelle est votre définition du “potentiel humain” ? Quelle est sa nature ? son rôle ? quand et où se manifeste-t-il ? pourquoi chercher à le nommer ? - qu’ajouteriez-vous à cette liste ? Quel questionnement déclenche-t-elle en vous, chez les autres ? Les termes proposés ci-dessous sont des mots-clés qui traduisent des caractéristiques de notre cerveau et du fonctionnement de base de notre vie cognitive. Certains termes sont communs avec ceux des deux listes précédentes. II s’agit, cette fois-ci, d’un auto-positionnement, par rapport à des capacités cognitives “naturelles”, dont nombre sont encore à l’état de “non-encore’’ et dont il est bon de rappeler l’existence (d’où notre insistance à répéter le mot “potentiel”. L‘activité consiste à : 1. repérer si d’autres termes sont à ajouter 2. repérer le ou les potentiels que l’on estime avoir déjà actualisé(s) a) préciser les indices qui permettent de dire que ce potentiel a été actualisé, à tel moment, de telle façon, pour tel objectif.. .) b) repérer les moyens nécessaires pour la “maintenance” de ce potentiel 3. repérer le ou les potentiel(s) qu’on aimerait actualiser en priorité a) pour soi-même (dans quel projet, pour quelle finalité ...) b) dans sa relation aux autres (dans quel contexte, avec quel objectif...) 4. inventorier les ressources (matérielles, humaines, le temps, énergie ...) qui permettront d’actualiser ce potentiel 5. Construire la démarche d’actualisation de tel ou tel potentiel : qu‘entreprendre à court terme, à moyen terme, à long terme ? 6. Ouvrir la porte au questionnement : quelle direction, quel domaine ... explorer maintenant ?
Parmi nos potentiels humains ... potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel
d’abstraction d’accomplissement d’adaptation d’anticipation d’apprentissage d’assemblage (connexion) d’auto (-création, -nomie, -organisation.. .) de catégorisation de changement de communication de conscientisation de développement (maturation, dépassement ...) d’expression (langages verbal et non verbal) d’évaluation (auto- et hétéro) d’évolution d’imagerie (imagination + symbolique) de gestion (de l’événement, de l’inattendu, de l’inconnu...) d’innovation d’intégration (restructuration)
Habiter en apprcnance
potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel potentiel
1O
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Accompagner l’émergence
d’intentionnalité d’interaction d’interprétation de mémorisation de mise en œuvre (passage à l’acte) de mise en ordre (organisation) de mise en relation (initialiser la relation) de perception de questionnement (auto- et hétéro) d’équilibre (niveau physique, physiologique, social, intellectuel, spirituel.. .) savoir-apprendre (10 étapes) de sélection (critères de choix, renoncement, priorité.. .) de signifiance (recherche de sens) de structuration
...
... lesquels aide actualisés ? lesquels aimeraisye actualiser ?
Habiter en apprcnancc
Post Scnptum
12 :Le grand
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Accompagner l’émergence
questionnement (auto-questionnement)
Ce questionnement porte sur la logique du vivant et chaque étape du savoirapprendre (cf Partie V, 6). II est proposé de s’interroger à 3 niveaux : (1) quelles sont mes ressources à ce niveau ? (2) quelles sont mes habitudes (comment je me sers de ....) ? (3) quelles conditions me permettraient d’améliorer ...?
Relation Moi et l’environnement -
Savoir découvrir
(a) quelles sont mes ressources pour découvrir mon environnement ? (b) quelles sont mes habitudes (ce que je préfère ...) ? (c) comment pourrais-je m’enraciner solidement dans mon environnement ? - Savoir reconnaître les lois de la nature (a) quelles sont mes ressources pour découvrir les lois de la vie ? (b) comment je m’y prends pour reconnaître les lois de la vie ?
(c) comment accepter les lois du vivant (complexité, interdépendance ,...) ? -
Savoir organiser
(a) quelles sont mes ressources pour organiser la complexité, catégoriser, sélectionner, conceptualiser, abstraire, comparer,. ..? (b) quelles sont mes habitudes, préférences, tendances quand j’organise, sélectionne ...? (c) comment structurer, organiser.. . efficacement, durablement ...?
Savoir créer du sens (a) quelles sont mes ressources pour ancrer ce que j’apprends dans mon parcours ?
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(b) comment je m’y prends pour inscrire dans ma biographie ce que j’apprends ? (c) comment puis-je relier plus solidement et durablement ce que j’apprends dans ce que je sais déjà, créer mon chemin en marchant ... ?
Relation Moi et les autres -
Savoir choisir
(a) quelles sont mes ressources pour choisir, sélectionner, décider ?
(b) comment je m’y prends pour choisir ? quel modèle j’utilise, quel référentiel ? (c) comment prendre des décisions efficaces, efficientes (à moindre coût), cohérentes, pertinentes ? - Savoir innover (a) quelles sont mes ressources pour créer, innover, inventer ...? (b) quelles sont mes réactions habituelles face à ce qui existe et à un prolongement possible ?
(c) comment puis-je être plus créatif, innovant, disponible et ouvert à l’inattendu ?
Savoir échanger (a) quelles sont mes ressources pour exprimer, échanger, partager ce que j’ai à dire ?
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(b) comment je m’y prends pour prendre position, exprimer mon point de vue ? (c) comment construire un véritable partage, entrer en réciprocité ?
Relation Moi et moi - Savoir comprendre (a) quelles sont mes ressources pour entrer en relation et “constuire le monde” ? (b) comment je m’y prends pour “mettre les choses en mouvement” ? (c) comment pourrais-je vraiment “aller vers la vie” ?
Habiter en apprenance
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10 - Accompagner l’émergence
savoir intégrer
(a) quelles sont mes ressources pour entrer dans la dynamique de l’accueil ? (b) comment je m’y prends pour refuser I’enfermement dans le sens unique.. et “mettre en relation” les événements, les autres et moi-même ... ? (c) comment pourrais-je élargir ma conscience du moment “juste”, de la globalité, de l’interdépendance, de l’impermanence des choses ? - Savoir communiquer
(a) quelles sont mes ressources pour “construire avec” ? (b) comment je m’y prends pour construire un espace-temps commun ? (c) comment pourrais-je élargir mes actes de langage et d’écoute, mes regards, mes gestes pour qu’ils contribuent davantage à la construction de I’humanitude’ ?
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l’expression est d’AlbertJacquard
11 - Relier
Habiter en apprenance
11
Relier ‘Za complexité est une question, non une réponse” 1.
Reliance, une exigence 2 La reliance est la réponse à la question posée par la complexité. C’est le résultat de ce qui est “tissé ensemble” 3 . Les exemples de “reliance” qui vont être donnés sont, en fait, des compagnons de route. Depuis plus de deux décennies, ils ont accompagné de nombreux apprenants, étudiants, formateurs et enseignants. Ils leur ont surtout permis de créer de nouveaux chemins en cheminant 4. Les activités dont il va être question traduisent le souci de relier les différentes étapes du savoirapprendre. Elles nous rappellent également que le mot intelligence 5 est essentiellement une capacité de reliance, qui, au cœur même de notre recherche de sens, contribue sans relâche à cette chasse solitaire qu’est le processus de compréhension. Comprendre. Un simple mot, qui est, pourtant, “la pierre angulaire” de découvertes fondamentales pour l’humanité 6 . Comprendre, c’est, comme le souligne Jacques Schlanger, “prendre en soi et avec soi”, ce qui suppose une posture d’ouverture et d’intégration 7. Nos habitudes, nos préférences, nos références et nos valeurs nous positionnent, et souvent nous enferment, dans un type de reliance. Elles nous mènent du cognitif à l’affectif, ou l’inverse, et cela détermine la suite. Relie< ou6 mais...quoi ? La question se pose donc, pour les apprenants et ceux qui les accompagnent, de savoir ce qu’il faut relier. Ce que nous appelons si volontiers “erreur”, ne serait-ce pas une mise en relation inappropriée 8 ? La véritable évaluation est celle qui, en se libérant de l’obsession du couple réussite-échec, parvient à dire d’un apprenant (ou de soi-même) “ce n’est pas qu’il ne com1. E. Morin (1995), p. 89. existe une ”vraie-fausse” reliance (souvent de nature technologique) qui consiste à refuser de couper le cordon ombilical, ou à (r)établir en permanence un lien verbal, sonore ou imagé, créant ainsi un passe-temps ou un rempart contre la solitude ... Pour nous, la reliance participe au devenir de la vie. 3. Du latin : complexus. 4. Allusion au poème d’Antonio Machado. 5. Étymologie : latin : inter-iegere : cueillir entre, par intervalle. 6. Référence à Barbara McClintock et à son approche des principes d’organisation du maïs. Lire E. Fox Keller (1988). 7. J. Schlanger (1990), p. 133 et s. 8. Allusion au lien absurde établi entre le QI de la population noire et ses capacités d’intelligence. 2. il
Habiter en apprenance
11 Relier ~
prend pas, c’est qu’il comprend autre chose”. Pour Albert Jacquard, celui qui ne comprend pas “comprend qu’il n’a pas compris. Donc il progresse” 9.
Se relier à 1’activitédemandée Les difficultés des apprenants sont rarement exprimées par les apprenants eux-mêmes, sauf en termes généraux qui ne dépassent pas le constat global. Perçues et exprimées par les enseignants, les difficultés ne diffèrent pas d’une discipline à l’autre : mémorisation, motivation, écart entre la théorie et la mise en pratique, transfert des connaissances, peur du regard des autres, manque de spontanéité (sauf dans les comportements agressifs.. .), non respect des consignes, image négative de soi.. . Ce constat est “normal” puisque ces capacités cognitives sont sollicitées dans chaque activité, mais surprenant en ce que les enseignants n’expriment pas (n’explorent pas ?) la difficulté en contexte. L‘apprenant ne peut pas faire l’économie de se positionner par rapport à ce qu’il apprend, avec des outils semblables à ceux proposés dans le chapitre 10 : auto-positionnement, questionnement, évaluation. Mais, comme nous allons le voir, c’est le questionnement (auto- et hétéro) qui permettra la mise en mouvement du changement. Inviter l’apprenant à choisir d’exprimer oralement, par écrit, ou graphiquement ce qui traduit le mieux la difficulté qu’il voudrait résoudre, signifie qu’on lui demande de contextualiser la situation jugée difficile (estce le “qui”, le “quoi”,le “où”, le “quand”, le “comment” qui porte la difficulté ?) 10. Puis on lui demande de chercher à repérer les relations qui existent et celles qui manquent entre les composantes de la situation 11. Ce deuxième travail a pour conséquence de transformer le regard sur la difficulté, en en faisant une situation de non-encore, d’apprenance possible. I1 revient ensuite à l’enseignant ou au formateur de positionner les réponses de l’apprenant selon : 1. la dominante de la situation dans laquelle il se trouve (aucune situation cognitive n’est simple) : - est-ce une activité où la compréhension domine ? Dans ce cas de quel matériau s’agit-il : verbal écrit, verbal oral, non-verbal oral (paysage sonore), non-verbal visuel (images, films fixes, mobiles...), pluriel/mixte.. .? - est-ce une activité où l’expression domine ? Dans ce cas, quelle activité lui demande-t-on : verbale écrite, verbale orale (+ kinésique, geste, intonation, voix.. .) , non verbale visuelle (produire un dessin, une image, une représentation, un symbole.. .), non verbale auditive (exprimer par un bruitage.. .) 9. A. Jacquard (1993).
10. En utilisant le “QQOQC ...” dont il a déjà été question dans le chapitre 7 i l . Cf chapitre 7, p. 109.
Habiter en upprenance
11 - Relier
2. 2 ’étape du parcours
La difficulté de l’apprenant apparaît avant, pendant ou après la tâche à accomplir ? 3 . le trqet à accomplir (d’où à où ? quel type de tâche ?) - est-ce une activité de reproduction, transformation, adaptation, rappel, reconnaissance ? - quel objectif cognitif a la tâche (quelle compétence développe-t-elle) ? - quelles sont les ressources mises à disposition ou à rechercher extérieure (auditive, visuelle,. ..) intérieure (mémoire, imagination,. ..) 4. le degré de contrainte ou de choix :dans quel sens vont les “flux” des relations ? N’y a-t-il que des contraintes comme dans une situation captive d’examen ? Quel jeu a-t-on laissé dans les rouages ? Sur quel paramètre le choix de l’apprenant a-t-il pu s’exercer ? etc (cf chapitre 7) 5. les consignes - ont-elles été données en une fois ? répétées ? sous quelle forme ? - la compréhension des consignes a-t-elle été vérifiée ? Comment ? 6. l ’évaluationprati$uee - les critères et les indicateurs de réussite sont-ils connus de l’apprenant ? - le moment et le lieu de l’évaluation ont-ils été annoncés?
Relier le constat et le questionnement Le positionnement est une étape préalable dont le rôle est de déblayer le terrain. Le véritable travail de dépassement du constat de la difficulté se fera, pour l’apprenant et celui qui l’accompagne, à partir de leur questionnement (et non celui du formateur). Voici trois exemples d’une dynamique issue de constats recueillis auprès de formateurs et enseignants : 1. devant les fréquents constats de démotivation, hétérogénéité du groupe, difficultés de compréhension d’énoncés simples, manque d’attention.. ., la question a été posée : “commentredonner conzance en soi à un public (de Lycée professionnel) ? comment leurfaire comprendre que tous ont des ressources qu’il faut exploiter ? Comment les aider à s’organiser-aceà l’écrit ?” La question porte sur la démarche, les moyens, les outils, la méthodologie (comment...?), et souligne l’importance de la confiance en soi. Malgré une tonalité de “marécage de déploration”, la question contient des éléments de réponse : elle sous-entend que tous ont des ressources, la solution est dans l’organisation... I1 est possible de proposer des solutions très rapidement. 2. les difficultés de “restitution à long terme”, ont fait émerger la question : “commentaider les élèves à apprendre ?”
I VI I Habiter en aaarenance
1 1 - Relier
Personnellement, je me réjouis toujours de cette question qui invite à l’exploration du dernier continent à explorer qu’est notre cerveau ! Elle invite à replacer la problématique éducative sous l’angle du potentiel et de
son actualisation. Elle ouvre aussi le débat sur le véritable patrimoine de l’humanité, sur ce qui relie les vivants entre e u x : leur capacité d’apprendre. 3. l’influence de la consommation d’images sur le développement des deux hémisphères a fait naître la double question. “Commentacquiert-on des connaissances en 2 997 ? et “Quelle(s) dflerence(s) avec les mêmes acquisitions en 2967, quand l’environnement de I ’adolescentn’était pas soumis aux images ?” Merveilleuse occasion de questionner le terme “acquisitions des connaissances” et d’ouvrir le dossier de I’apprenance (Cf chap. l ) ,d’analyser le rôle du contexte (Cf chapitre 3),et de consulter les dossiers du vivant sur la vision, les images et notre potentiel de flexibilité (Cf chapitre 4).
Se relier au questionnement de l’apprenant Souvenons-nous : le questionnement à l’école est la plupart du temps unilatéral. C’est l’enseignant qui questionne et l’élève sait que celuici connaît la réponse. Deuxième rappel : un constat, quel qu’il soit, n’a aucun sens s’il ne mène pas au questionnement. Le questionnement, à son tour, tourne à vide ou devient un enfermement supplémentaire s’il ne mène pas à l’intention sous-jacente, qui, comme nous l’avons vu, précède l’acte 12.11 est aussi un facteur d’organisation de la structure cognitive. Les vraies questions de l’apprenant sont celles qu’il pose au maître. Son questionnement est d’autant plus précieux parce qu’il clarifie la perspective dans laquelle l’apprenant se place, indique s’il “regarde du haut de la montagne ou de la vallée d’en haut ou d’en bas” 13, et, plus important que tout, libère la confiance, et, grâce à elle, la créativité et l’intelligence. La richesse du potentiel dormant d’élèves dits en difficulté apparaît clairement dans le document proposé en Post-scriptum 9. Parce qu’ils se croyaient les derniers du Collège et rejetés par tous (sauf par deux collègues qui portaient sur ces élèves un autre regard), nous avions travaillé sur les intelligences multiples et un exercice de “pensée latérale” d’Edward de Bono. Après la séance, leur enseignante leur a demandé d’adresser par écrit à l’intervenante toutes les questions qu’ils voulaient poser. Comme on le constatera en découvrant le document, ce sont de vraies questions pour lesquelles ils ne demandent pas de réponses toutes faites à réutiliser dans un devoir 14. 12. Chapitre 4, “Points d’orgue pour une vie apprenante”. 13. Expression de Roger-Pol Droit (1997), p. 207. 14. Cf notre remarque dans le chapitre 8 sur l’intérêt des sondages qualitatifs, qui s’ajoutent aux enquêtes
sociologiques portant sur de grands nombres.
Habiter en apprenance
11 - Relier
Plusieurs analyses du document sont possibles. Par exemple le type de relations que traduisent les questions : “moi et l’environnement’’, “moi et les autres”, “moi et moi”. Dans un premier temps, il a été proposé aux élèves de discerner deux grands groupes : 1. les questions pour lesquelles l’apprenant se considère aux commandes pour prendre une décision, changer quelque chose et apprendre, comprendre, travailler, s’intéresser, aimer.. . autrement ; 2. les questions pour lesquelles d’autres personnes interviennent dans une décision qui le concerne (notes, orientations, métier ...) et dont il dépend, en partie, pour qu’un changement se produise. Le document regroupant toutes les réponses a permis aux auteurs de repérer leur contribution parmi celles des autres et de procéder au classement proposé. Dans un deuxième temps, les élèves ont comparé leur décision et cherché ce qui les avait fait classer une phrase dans l’une des deux catégories. Les divergences ont donné lieu à des échanges sur les indices, les repères, les indicateurs, c’est-à-dire sur les leviers mêmes de l’évaluation, dans le respect de l’opinion de l’Autre. (“dis-moi ce qu’est pour toi.... ”, “qu ’est-cequi tefait dire que.. . ’7. Et, comme cela se passait pendant un cours de français, il a été demandé de repérer si les phrases manuscrites étaient conformes au document collectif “édité”. Les erreurs du voisin étant beaucoup plus visibles que les siennes..., ce fut une nouvelle occasion de partage. Tout ce patient travail commun, entrepris par l’enseignant avec un groupe d’élèves, n’est qu’une amorce d’un dialogue qui se prolonge et resurgit tout au long de l’année, car il aborde, sous des aspects très divers, le gigantesque continent du “non-encore’’ de l’apprenant. L‘important est que le dialogue soit initialisé à temps, et nourri 15.
Relier pensée, langue et réalité Notre relation au “réel” soulève un gigantesque débat pluriel, dans lequel la philosophie, la physique, la biologie.. . mêlent leur voix. Quel que soit notre positionnement, deux remarques s’imposent. Tout d’abord, le langage est encore fréquemment conçu, dans la culture occidentale, comme une linéarité, restreinte à des fonctions d’émission et de réception. En deuxième lieu, la question de l’écart entre pensée, langage et réalité n’est que rarement posée. Dans l’approche de la Sémantique Générale d’Alfred Korzybski, nous avons vu que le niveau verbal arrive en quatrième position de la relation entre les événements (extérieurs ou intérieurs) et notre comportement 15. Classe de 3 r d‘un College de La Rochelle. Merci à A. M. S.. leur enseignante de français, qui m’a invi-
tée pour un précieux dialogue avec ces jeunes hommes et femmes en devenir.
Habiter en apprenunce
11 - Relier
langagier. Notre langage traverse donc deux écrans, ceux de notre sensorialité et de nos émotions. La séquence ci-dessous permet de comprendre l’origine de ce que Korzybski désigne, avec élégance, nos “évaluations erronées” 16 : réel -t nos 5 sens 4 nos émotions -t réaction linguistique
Nous constatons quotidiennement (mais nous l’exprimons rarement à haute voix) qu’“entre ce que nous pensons, ce que nous voulons dire, ce que nous croyons dire, ce que nous disons, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez comprendre, ce que vous voulez comprendre ...et ce que vous comprenez, il y a au moins huit possibilités de ne pas se comprendre !” 17. Apprendre une langue pose, nous l’avons signalé, un nombre particulièrement élevé de problèmes, de nature très différente, étant données les fonctions plurielles du langage :
nommec discerne6 déJlnir, décriYe,Jaire un récit, exprimer la temporalité, établir des relations au monde extérieu6 coordonner l’action 18, communique6 questionner au-delà de l’ici et maintenant, donner sa voix au code linguistique, prévoir une action sur le monde... Ce sont ces diverses fonctions (perceptuelles, cognitives, affectives, sociales ...) que “servent” nos actes de parole, nos actes d’écriture, nos actes d’écoute et nos actes de lecture. Bien qu’il n’y ait aucune frontière dans notre organisme ni dans notre cerveau pour accomplir ces actes neuro-culturels, l’acte éducatif les situe encore au carrefour de disciplines séparées (linguistique, méthodologie, neurobiologie, physiologie, psychologie), ce qui complique encore la relation pédagogique qui devrait s’inscrire dans ce que E Varela appelle une “neurophénoménologie”, mariant l’expérience humaine et les neurosciences cognitives 19. I1 est évident qu’il revient à chacun des différents partenaires (dont l’institution) de chercher à rendre l’apprentissage compatible avec ce que nous savons du langage et de notre vie cognitive. 11 n’est plus tenable de penser, comme c’est encore trop souvent le cas, que l’apprenant doit “assimiler” un nouveau lexique, une phonétique et des règles de grammaire nouvelles. L‘image du lien entre celui qui apprend une langue étrangère et ce qu’il apprend est à clarifier avec un soin particulier, car les stéréotypes sont solidement ancrés dans la pensée éducative dans ce domaine. 20 16. Cf Partie VI, chapitre 8 : A. Korzybski, op. cit., p. 4 : Cf aussi le 3 r film de la série Népour apprendre.
17. Formule qu’il faudrait afficher dans tous les lieux de communication. 18. “Lelangage est ~SSmhefkmentune manière de coupler les individus à I’inténeur d’une espèce pour la coordination de l’action”(E Varela, in Ne pour Apprendre, op. ci?.). 19. E Varela, “Les mystères du cerveau”, in Qu’est-ce qu’on ne saitpas ?, Découvertes Gallimard (1995). 20. Cf Chapitre 8, Post-scriptum 1, La France et les Français vus par les Anglais.
1 1 - Relier
Habiter en apprcnance
Gerald Edelman explique l’extraordinaire complexité de notre fonctionnement cérébral par des processus de couphge, d’interconnexion, et de stnrcturation dynamipe (ou “cartographie”).Ce qui, dans sa théorie, devrait intéresser particulièrement les linguistes est son hypothèse concernant les “cartes réentrantes locales”. Elles peuvent expliquer, en effet, que, grâce à la mise en corrélation des différentes aires cérébrales, notre vie cognitive est complexe, dynamique et auto-organisée. Edelman fait également appel au processus de “bootstrapping” pour expliquer que le système neurophysiologique construit des structures du langage qui dépassent en puissance les structures initiales, grâce précisément au processus de “réentrée” 21. Par ce processus, les différents facteurs qui participent à l’élaboration du langage (affect, récompenses, phonétique, catégorisations.. .) créent des connexions et des corrélations qui, à leur tour, contribuent à faire émerger progressivement la signification, et à constituer un lexique et une syntaxe. Ce sont nos capacités de sélection et de mise en relation qui peuvent expliquer le renforcement et l’affaiblissement de nos comportements cognitifs (perception, mémoire ou catégorisation) 22. Retenons de la théorie d’Edelman les mots clés de corrélation, d’émergence et de bootstrapping, et plaçons nos pratiques pédagogiques face à nos interrogations.
Relier les quatre savoir$aire langafl*ers Celui qui accompagne un apprenant en langue est constamment à la recherche d’outils qui lui permettent de le guider dans la compréhension de la langue et l’expression de sa pensée, ses intentions, ses émotions, ses expériences sensorielles, ses projets.. . La figure 16 ci-dessous, est un rappel des relations (minimales) des différentes composantes d’une situation d’autant plus complexe qu’elle s’inscrit dans la durée. expériences signification
événement, objet
mot graphique
/
culture
oncept (catégorie générale)
mot phonique
F@re 16 :le sens émerge des relations entre les composantes de la situation langagière L’objec le concept, le si&e graphique et la représentation phonique sont dans la langue en relation multiple et plun.-directionnelle, selon l’acte de langage (parole, écriture, lecture, écoute). Le sens émerge des relations, établies partiellement ou totalement. Les dgférents actes de langage utiïisent desjux d ‘onentationdflérente. 21. Le bootstrappingest un processus de corrélation (Co-relationaller - retour) que l’activité cérébrale éta-
blit entre diverses aires (sensorielles, motrices, corticales et sous-corticales). 22. G . Edelman (1992), p. 113, 121, 159...
11 - Relier
Habiter en apprenance
Cette figure permet de comprendre que certains trajets seront appris ou préférés avant d’autres. Elle permet également d’évaluer les relations déjà établies, positionner un éventuel blocage et repérer ce qui reste à établir. Elle est grille g t matrice. Les travaux de recherche des neurobiologistes confirment qu’il est essentiel de donner à la signification un statut d’émergence et non d’entité “pré-donnée”, pré-intégrée à l’objet ou à l’évènement. Pourtant cette conception transparaît encore dans nombre des expressions” de notre langage éducatif : “donner du sens”, “trouver du sens”, “transmettre le sens” et.. . “perdre le sens”. II nous faut envisager autrement nos capacités cognitives, et autrement l’accompagnement de celui qui apprend une langue, c’est-à-dire à para? des concepts fondamentaux de reliance et d’émergence.
Relier pourfaire émerger le parcours Un raisonnement simple, mais aux conséquences multiples, consiste à remarquer, en tout premier lieu, que les quatre “savoir-faire” langagiers de base, à savoir l’acte de parole, l’acte d’écriture, l’acte de lecture, et l’acte d’écoute, sont des objectifs de compétence à atteindre qui demandent à
s’inscrire dans l’espace et dans la durée. Ils ne peuvent, en aucun cas, être isolés du parcours de l’apprenant. Ceci signifie qu’il est essentiel de mettre en relation la situation de départ et la situation d’arrivée. Une situation de départ, toujours complexe, est faite : - des expériences précédentes et de leur mémoire : nos expériences sont un sillon qui déterminent notre posture face à l’activité, à nousmême, et aux effets de l’activité..: se pose donc la question de savoir comment creuser le sillon, - du mode dans lequel l’activité s’effectue : verbal, non verbal, mixte, - d’une modalité sensorielle dominante de l’activité (visuelle verbale, non verbale, auditive, kinesthésique.. . ou mixte) ou du support (livre, enregistrement, images fixes ou vidéos.. .) , - de consignes (plus ou moins claires ou comprises). La situation d’arrivée est une compétence langagière qui est I’aboutissement d’un trajet comprenant plusieurs étapes, vers des capacités cognitives toujours complexes. Un exemple. Lorsqu’on demande à un apprenant de résumer un texte qu’il a lu, on lui demande daller d u n acte de lecture à un acte de parole. Ce même objectif (résumer un texte) peut être atteint en partant d’un acte d’écoute ou de lecture d’un document vidéo présentant le même texte avec le soutien de l’image. Les 4 actes langagiers de base se répartissent : situation de compréhension langue écrite
El
langue orale
!3l(écoute)
(lecture)
F@re I 7 :les quatre savoiryaire langagiers
situation d’expression
L21(écriture) D l (parole)
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11 - Relier
Deux aspects de la langue, deux situations langagières, mais de multiples possibilités de travail cognitif. Ce premier tableau invite les enseignants à : 1. Faire un inventaire d’une dizaine d’activités couramment demandées aux apprenants 2. Repérer les relations que ces activités établissent entre les “cadrans”, en fléchant d’un cadran à un autre cadran. Exemple : résumer oralement un texte lu = 1 -t 4 résumer par écrit un texte lu = 1 + 2 résumer oralement un texte que l’on a écrit = 2
+
4
On s’aperçoit, d’un seul coup d’oeil, que l’activité “résumer” ne correspond pas à une activité hors contexte, que sa réussite va dépendre du trajet et que son évaluation doit en tenir compte. 3. Établir toutes les relations possibles : - d’abord, des relations simples
2+1
3-11 etc.. . - ensuites des “chaînes de relations” : 3 + 1 + 4 + 1 etc ...
1+l 142
etc ...
Repérer les relations qui, bien que très riches cognitivement, ne sont pas encore pratiquées.
Lorsque ce premier travail est fait, le tableau sera doublé pour analyser de plus près les relations entre langue maternelle et langue étrangère dans les activités de classe : situation de compréhension
situation d’expression
131 151
(41
langue 1 écrite langue 1 orale langue 2 écrite langue 2 orale
El
161
El
Figure I 8 : langues et situations langa@ëres. d e u langues x deux situations langagiëres x quatre savoirfaire = une infinitéde t r a j e ~
Ce deuxième tableau est non seulement une grille pour analyser une pratique pédagogique, mais une matrice pour construire des trajets menant plus efficacement l’apprenant vers l’objectif de compétence visé. Grâce aux relations établies entre les différentes activités langagières, la notion de situation, impliquant relation et contextualisation, se substitue à celle de “tâche” ou d’exercice scolaire, dont le caractère ponctuel et hors contexte ne peut plus être défendu. En effet, même les “gammes” (qui ont longtemps été le grand argument de ceux qui prônaient les exercices à vide) exigent, pour être efficaces, d’être reliées : au corps, au geste, au son, à l’espace, à ce qui précède et ce qui suit, au projet de celui qui les joue.. .
11 - Relier
Habiter en apprenunce
L‘acte de relier, dans les relations en chaîne, ne consiste pas seulement à mettre en relation des stades, des étapes ou des objectifs cognitifs ou langagiers, mais il se révèle être un acte organisateur et structurant, mettant en mouvement une exigence d’apprendre vers un objectif concret de communication. Les deux tableaux précédents demandent à être complétés et complexifiés, pour tenir compte des deux types de tâches demandées à l’apprenant dans le milieu éducatif traditionnel, et des deux modalités verbale et non verbale 23. Dans la réalité scolaire, les tâches sont des activités de reproduction ou de transformation. Les sources ou supports utilisés pour accomplir les activités étant également de deux sortes (auditive et visuelle), les parcours cognitifs ne peuvent qu’être pluriels. La dimension non-verbale de l’image et du son, en particulier le “paysage sonore” comme l’a si bien nommé Murray Schafer 24, est le grand absent des pratiques pédagogiques qui succèdent à celles de l’école maternelle. Pourtant, le monde non-verbal est un moyen d’accéder au monde verbal, comme le tableau ci-dessous le suggère. II est indéniable que certains trajets sont plus ou moins efficaces pour atteindre l’objectif pédagogique du maître. Mais qu’en est-il de l’acte cognitif ? Bien que sous-tendant toute activité scolaire, est-ce bien lui qui préside au choix de ces activités ? SOURCES
TÂCHEA ACCOMPLIR
VERBALE
1. écouter
2. réciter
3. raconter
4. écouter
5. reproduire
6. interpréter
W
2
2 NONVERBALE W
un paysage sonore (bruitage.. .)
2 3 çz
une situation sonore
une situation sonore
!Y 1
3 v, VERBALE
7. lire un texte
8. copier un texte
9. rédiger, composer résumer.. .
1O. lire une image
1 1. reproduire
12. adapter, prolonger
>
NONVERBALE
une image
3
çz
F a r e 19 :sources, tâches et parcours (Unegriïle + une mamèe). deux sources x deux types de tâches x deux dimensions (verbale ou non-verbale) = des parcours plunels à I‘inJni
23. Ce terme ne s’applique pas à la gestuelle, ni au rythme ni à l’intonation qui font partie intégrante du
verbal. 24. R. Murray Schafer (1979).
Habiter en appretiancc
11 Relier ~
Les trois tableaux ci-dessus sont une démonstration très simple que la mise en relation peut faire émerger des ressources immenses, à partir d’éléments qui, trop longtemps, ont été considérés comme indépendants. Faisons l’expérience d’enregistrer trois “situations sonores” simples (bruit de clé, papier froissé, allumette frottée) ; demandons à plusieurs personnes qui ont écouté l’enregistrement de redonner l’ordre des bruits, puis d’imaginer une situation qui correspondent à ces bruits dans l’ordre où ils les ont entendus, c’est-à-dire interprétés. Nous comprendrons d’emblée (1) que notre expérience individuelle est au cœur de notre vie mentale, (2) que la situation sonore est merveilleusement créatrice de langage, (3) que l’imagination est à la portée de ceux qui croient en être dépourvus...
Relier le Ye’’ et le “çap’:apprendre à la première personne L‘image que l’apprenant a de lui-même est un facteur important dans sa démarche. Si cette image est négative, si ni l’intérêt ni l’objectif de l’activité ne sont clairement perçus, s’il a des souvenirs douloureux d’expériences antérieures, il ne pourra qu’échouer ou progresser péniblement et lentement. Si, par contre, il s’estime capable d’accomplir la tâche qui lui est demandée, s’il juge cette tâche agréable et utile, il mobilisera ses ressources et ceci, d’autant mieux, que l’enseignant l’aura aidé à prendre conscience de ses potentialités et à changer l’image qu’il a de lui-même. Pour l’enseignant et l’apprenant, les principaux problèmes à résoudre sont la résistance au changement, le rôle du corps dans la communication parlée et écrite, l’utilisation des différents supports d’information, les interférences de la langue maternelle et étrangère ... Apporter une solution cohérente et compatible avec les exigences de notre vie cognitive d’une part, et de la langue étrangère de l’autre, a été la raison d’être de la démarche pédagogique mise au point pour répondre aux objectifs de l’apprenant et à ceux de l’enseignant : * I’objecoJde l’apprenant - se découvrir capable de parler la langue étrangère - acquérir une démarche d’apprentissage autonome - être capable de parler avec tout son corps - synchroniser la respiration avec le rythme de la langue étrangère (l’anglais), ce qui signifie, par exemple, respecter les pauses, le tempo, les hésitations.. . * I’objecaJde l’enseignant - resserrer les liens entre l’apprenant (français) et la langue étrangère (l’anglais) par un travail d’intériorisation et de prise en charge - proposer une démarche compatible avec les mots-clés du fonctionnement cérébral (sélectivité, connectivité.. .) - respecter la complexité de la langue (ne pas isoler un élément)
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respecter la complexité de l’apprenant (4 cerveaux +++) - respecter le processus de “stabilisation sélective” (choix + mémorisation). Un minimum d’équipement est nécessaire pour réaliser cette expérience pédagogique qui n’est autre qu’un exercice de playback visant à réconcilier le “je” et le “ça” 25. La durée totale de la démarche est une douzaine d’heures, comportant la préparation, la réalisation d’un document vidéo, le visionnement du document et une réflexion en retour sur l’expérience 26. Après le visionnement de Zeur film, les apprenants sont invités à donner par écrit (en français ou dans la langue apprise), anonymement s’ils le désirent, leurs réactions à cette expérience. Les réactions sont rassemblées dans un document dans lequel l’enseignant répond aux questions soulevées, et apporte des précisions sur les processus en jeu dans nos mécanismes langagiers. Le document, distribué et commenté, le dialogue amorcé continue 27. La méthodologie de la démarche comporte deux premières phases qui laissent à l’apprenant plusieurs occasions de choix, de façon à lui permettre de trouver le thème, le texte, la voix qu’il va suivre, et les partenaires avec lesquels il se lance dans l’aventure. I1 a été averti qu’après ces différents choix il devra suivre 13 étapes imposées. -
DÉMARCHE D’UN EXERCICE DE PLAYBACK
1. Repérer un thème, un dossier, une situation (parmi un choix d’enregistrements et de textes correspondants) écouter le texte enrepktré lesyeuxfermés II. Choisir un passage, avec le projet de le prendre totalement en charge
Choisir non seulement le contenu, mais la voix du personnage qui serajoué, “sevoir” dans ce personnage et dans la situation. Choisir un, une ou des partenaire(s) III. Suivre les étapes pas à pas : 1. écoute du passage (les yeux fermés) 2. nouvelle écoute avec une grille d’écoute lele écoute 2ème écoute
3ème
écoute
qui ............................................................................................................ quoi .........................................................................................................
........................................................................................... où ........................................................................................................... 3. essai de transcription du texte 4. vérification, élucidation (avec l’aide de l’enseignant) 5. nouvelle écoute (yeux fermés) + “shadowing” (suivre le texte entendu en chuchotant les mots reconnus) 6. “shadowing” sur le texte lu
25. Une seule caméra vidéo (pendant 1/2 journée), un magnétoscope (1/2 journée) ; un magnétophone pour 4-5 apprenants, un choix d’enregistrements de situations enregistrées sur cassettes audio, dans la langue étrangère (saynètes, dialogues ou monologues) et les textes écrits correspondants. 26. Réparties sur 3 ou 4 semaines. 27. Cf en Post-scriptum 14 les réactions d’apprenants (dits “faibles”) et les réponses de l’enseignant.
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7. “shadowing” sur le rôle choisi, texte lu 8. nouvelle écoute (yeux fermés)+ répétition mentale silencieuse du rôle choisi en se
voyant le dire et réussir 9. essais en petit groupe de travail, avec playback sur l’enregistrement. Auto-critique et commentaires de spectateurs privilégiés. io. enregistrement devant la caméra (décider de l’heure, de l’ordre de passage) i 1. visionnement du document 12. commentaire des apprenants par écrit, anonymement 13 lecture du document édité par l’enseignant, dialogue et questionnement
L‘alternance de choix et de contraintes s’avère toujours fructueuse quand l’objectif est clair pour celui qui apprend. L‘organisation du travail en sous-groupe, indispensable pour répartir les responsabilités, assure la continuité de la démarche jusqu’à son terme. Les responsabilités des apprenants concernent le matériel (magnétophones, documents.. .) , la gestion du temps (durée des phases répartition du temps de chacun et des pauses), le repérage des problèmes à signaler à l’enseignant dès son arrivée dans le sous-groupe, le bilan en fin de séance de ce qui a été découvert et appris par chacun (syntaxe, lexique nouveau, prononciation, faits de civilisation, démarche...). La prise de conscience par l’apprenant et la pratique des différentes responsabilités qui lui reviennent sont, sans doute, ce qui contribue le plus sûrement à la découverte de ce qu’est l’autonomie.
Relier pour explorer; consmire, structurer; créer Nous savons que notre cerveau fonctionne essentiellement par association, enchaînement, connexion, relation.. .. il nous revient donc de reproduire le même schéma dans nos activités éducatives dont le but est bien (que je sache) de développer les activités cognitives de compréhension, mémorisation, rappel, reconnaissance, adaptation, imagination.. .. Depuis plus de vingt ans, il existe une technique qui a fait ses preuves dans le monde éducatif et bien au-delà. Elle a été mise au point par Tony Buzan, qui, au cours de sa deuxième année d’université, noyé sous la masse de données à ingurgiter, a questionné les mystères du fonctionnement du cerveau humain. Découvrant que l’une des caractéristiques majeures de nos ressources cognitives était la connectivité, il décida de mettre cette capacité à l’œuvre et de la traduire en technique. Sa première application fut la prise de notes et l’aide à la mémorisation. Très vite, comme il l’explique lui-même 28, il s’aperçut que la technique des schémas “reliant” un thème central aux idées (d’un article, d’un livre, d’un discours), était, en réalité, une technique de découverte profondément “heuristique” 29 d’une très grande efficacité et qu’elle constituait une étape préalable à la rédaction de textes. Cette technique de reliance permet d’or28. Cf l’introduction à son nouvel ouvrage, écrit avec son frère, traduit en français sous le titre Dessinemoi I’inteiligence, Les Éditions d’organisation (1993).
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ganiser un très grand nombre de données. Elle contribue à clarifier les idées précisément parce qu’elle établit des relations entre elles et avec le thème central. Ayant découvert la technique des schémas heuristiques auprès de Tony Buzan il y a plus de vingt ans, ma pédagogie s’en est trouvée, depuis, constamment renouvelée. L‘approche relationnelle est devenue ma seconde nature. L‘analyse méthodologique, l’élaboration d’une conférence, d’un livre ou d’un article, le dépouillement d’une enquête ont pu se construire avec un gain considérable de temps et d’efficacité. De plus, la dynamique de la mise en relation sert la mémoire comme peut le faire une technique de “maintenance” (= qui tient la main !). La technique des schémas heuristiques est mieux connue aujourd’hui, d’autant plus qu’elle rappelle l’art du mandala et de nombreux modèles d’architecture naturelle (arborescences, cristaux, corail, structures florales.. .) . Elle s’acquiert facilement 30. Voici un rappel de quelques règles de base : 1. Inscrire le thème, le sujet, au centre de la page, dans le sens de la largeur 2. Brancher les idées principales directement sur le centre 3. Utiliser des mots-clés, un seul à la fois (pas de phrases) 4. Écrire en lettres majuscules sur la ligne (relecture globale, immédiate) 5. À mesure que les idées se développent, les brancher du centre vers l’extérieur, les détails et exemples concrets étant à la périphérie 6. Utiliser des codes, des flèches, des couleurs, pour faire ressortir une idée ou une relation 7. Utiliser les 3 dimensions pour introduire une perspective et laisser libre cours à l’imagination L‘exemple du schéma heuristique proposé en Post-scriptum 3 (“Un schéma heunsthpe sansffontiëre”)31 est une image de l’interdépendance des phénomènes, de la puissante dynamique du processus de reliance et du lieu de rencontre où les frontières culturelles n’existent plus.
29. Le terme “schéma heuristique” a été choisi pour traduire l’expression anglaise “brain map” et “brain pattern” dans Une f i f ebienfaite. premier ouvrage de T. Buzan, Les Éd. d’organisation, (1975, 1994) 30. Dans les deux ouvrages de T. Buzan. op. cit. et dans des stages organisés par le Service de Formation
Permanente de l’Université de La Rochelle. 31. page 130.
11 - Relier
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Post-Scriptum 1 3 :Les apprenants nous questionnent 32 La consigne était : “inscrire dans la marge, en face de la question “ N ” (Nous) pour la premiere catégorie, “A” (Autres) pour la seconde catégorie”.
:
(Le choix d’autres catégories possibles a , bien sûr, été envisagé mais non retenu) L‘idée d’incorporer le questionnement des élèves dans le processus d’apprentiksage luimême était au centre de nos préoccupations. Un travail précédent avait été fait sur nos intelligences multiples et nos prgérences perceptikes (visuelle, auditive, kinesthésique.. .) . L‘objectif étant de constituer un matériau de travail authentique, les réactions des élèves ont été recueillies sur le vif et rédigées par écrit, librement. Seule, l’amorce 2e me demande... ” a été suggérée, mais non imposée. L‘orthographe des élèves a été rectifiée dans le document élaboré pour leur être distribué. Chaque phrase a reçu un chiffre pour permettre de s’y référer facilement. Certaines phrases ont été regroupées pour faciliter l’approfondissement de l’aspect abordé. Les élèves ont pu -
:
positionner leurs réponses par rapport à celles des autres, en particulier constater qu‘ils
ne sont pas seuls à penser ce qu’ils osent dire (d’où l’importance de ne pas supprimer les redites), que leurs valeurs sont partagées, que celles des autres se placent autrement face à l’urgence...
pénétrer le sens de ce qu’ils ont exprimé - discuter sans être menacé par une “doxa” jugeant en “vraiifaux” leur questionnement ou celui des autres. Une fois encore, on s’aperçoit que, lorsque l’occasion de s’exprimer est offerte, celui ou celle qui parvient à exprimer sa difficulté entrevoit déjà une amorce de solution (ex : -
phrase 14). C’est précisèment l’une des caractéristiques du processus de mise en relation de la pensée, de la parole et de “la réalité” vécue. Certaines réactions interpellent le système éducatif tout entier. Toutes les phrases sont, tout simplement, émouvantes : vertige, angoisse, confiance tranquille, demande formulée expressément d’un outil ou d’une solution ... côtoient un sens aigu de la responsabilité d’être un apprenant. Ce qui frappe est le nombre de phrases où, comme chez leurs aînés, l’espace de questionnement cède totalement la place à une opinion ou une certitude. Preuve supplémentaire, s’il en fallait, que le questionnement est un outil d’ouverture et de résonance et que le dialogue pédagogique trouve, dans un document comme celui-ci, matière à se poursuivre toute l’année. Devant la pertinence de certaines questions ou remarques, comment rester indifférent ou muet ? On objectera, sans doute, que certaines questions et remarques ne sont pas de la responsabilité de l’enseignant et dépassent les limites du programme de la matière enseignée ... Cette remarque est du type “boomrang”. Elle renvoie l’objection à son auteur en posant la question de l’importance qu‘il accorde à l’exigence d’apprendre. Rappel : ces phrases ont été recueillies auprès des 15 élèves d’une classe de 32me dite “en dflculté”. Adressées à l’intervenante extérieure que j’étais, et transmises à I ‘enseignante, qui a pu, tout au long de l’année, apporter des réponses “à propos et au moment
favorable”, et prolonger ainsi le dialogue amorcé par ce travail (par exemple la question sur lesjeux vidéos). il est évident que chaque phrase traduit le poi& d’une vraie préoccupation chez les élèves, et l’eflet d’un travail de rgexion préalable, qui a certainementété répercuté sur l’entouragefamilial. il était impensable de ne pas “éditer’,la totalité de ces réactions, la moindre d’entre elles étant très importante à nos yeux et aux leurs. Pouver “ses”phrases parmi celles des 32. Merci à A.M. S .
d’un Collège de La Rochelle pour sa contribution à ce document et pour avoir accompagné ces jeunes dans leur questionnement.
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autresfait partie d’unjeu très important. Ce jour-là, l’exercice de lectureJÙt volontiers accepté. Certaines questionspermettent de réaliser le poi& de l’orientationpour des élèves de 3e dont toute la scolari?é va dépendre de l’image qu’ilsdonneront cette année là. 33 (document de travail : source de dialogue et d’échange) 1. ]e me demande pourquoi certains apprennent plus facilement leurs leçons que d’autres. 2. Pourquoi il y a des gens qui apprennent mieux que d’autres ? 3. ]e ne comprends pas pourquoi certains réussissent leurs études alors que d’autres non, puisque nous sommes aussi intelligents les uns que les autres. 4. Pourquoi il y en a qui arrivent plus facilement à faire de longues études que d’autres ? 5. Comment se fait-il qu’il y ait des personnes qui ont plus de difficulté à apprendre que d’autres ? 6. Pourquoi certaines personnes sont paresseuses et d’autres ont le courage de travailler leur leçon par exemple. 7. Y a-t-il un moyen pour que nous puissions lire notre leçon et la connaître ? 8. ]e me demande pourquoi il y a des matières où Von est meilieur que d‘autres. 9. ]e me demande pourquoi certains sont faits pour les études et pas d’autres. 1O ]e me demande pourquoi il y a des bons et des mauvais. i 1. ]e me demande si on peut apprendre quelque chose de force à quelqu’un 12. ]e ne sais pas si je peux suivre l’enseignement secondaire. 13. ]e ne sais pas me prendre en charge. 14. Je ne sais pas si les réponses à toutes les questions posées ne sont pas en moi. 15. Je ne sais pas par où commencer pour apprendre l’anglais. 16. ]e me demande si j’arriverai à finir mes études normalement. 17. Je me demande si je réussirai ma vie avec un bon métier et une famille 18. Je me demande si j’arriverai à avoir mon brevet. 19. ]e me demande si j’arriverai à faire le métier que je souhaite. 20. ]e me demande si j’arriverai à être une très bonne élève. 21. Je me demande si j’arriverai à être excellent, et si j’arriverai à comprendre les maths et avoir du raisonnement. 22. a. Je me demande comment je serai plus tard et comment sera le monde. b. ]e me demande comment va être l’avenir du monde. 23. Pourquoi quelques-uns sont meilleurs que d’autres dans certaines matières ? 24. Pourquoi y a-t-il des matières où les leçons sont plus dures que d’autres à apprendre Pourquoi les leçons sont parfois si dures ou si faciles à apprendre ? Que se passe-t-il quand on apprend une leçon ? Comment apprendre une leçon ? Certains apprennent mieux que d’autres. Moi je pense que c’est une question de volonté et de courage ainsi que de motivation. 29. Pourquoi certains apprennent leurs leçons par cœur et lorsque le contrôle arrive, on rate ou on l’oublie. C’est injuste. 11 m’arrive de ne pas comprendre les questions de contrôle.
25. 26. 27. 28.
33. L‘ouvrage de C. Chassagne (1998) est le fruit de la longue expérience de son auteur dans le domaine de l’orientation des élèves à la fin de leurs années de Collège.
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30. Comment se fait-il que certaines personnes soient visuelles ou auditives ? 3 1 . Pourquoi sommes-nous auditif ou visuel ?
3 2 Comment est-ce que l’on sait si on est auditif ou visuel ? 33. Pensez-vous que l’intelligence puisse varier par rapport à la situation familiale ? 34. Est-ce que le fait de débuter l’anglais en primaire peut aider un enfant à apprendre l’anglais en 6 e ? 35. Qui sont vraiment les surdoués ? 36. Existe-t-il des petits génies ? 37. Est-ce que les jeux vidéos peuvent influencer un enfant ? 38. Je me demande si l’orientation après la 3ème est très importante pour notre avenir et si un redoublement est une année perdue. 39. Je me demande si un Bac professionnel est mieux qu’un Bac Général, et si on a son bac, on peut essayer de trouver du travail. 40. Je me demande si quelquefois les professeurs ont plaisir à nous voir couler. 41. Est-ce qu’un élève modèle en classe primaire peut en classe supérieure devenir nettement moins bon et vice versa ? 42. Est-ce que se trouver dans une classe avec beaucoup de difficulté fait que l’on soit rejeté ? 43. On est tous intelligent, mais pourquoi n’arrive-t-on pas à travailler ? ... Je me demande si nous avons tous un don pour quelque chose. 44. Les professeurs quelquefois nous collent ou nous mettent des avertissements, mais je ne vois pas à quoi cela les avance. 45. Est-ce qu’un troisième trimestre très bon peut faire passer quelqu‘un en seconde. 46. Est-ce que les professeurs décident tous d’un passage ou d’une orientation ? Si un professeur est contre un passage, est-ce que cela peut influencer d’autres professeurs ? 47. Est-ce qu‘un troisième trimestre moyen peut faire passer un élève où cela lui fait plaisir ? 48. Est-ce qu’un professeur peut faire tomber un élève parce qu’il ne l’aime pas ? 49. J’ai peur de ne pas être orienté là où je le désire car un redoublement pour moi n’est pas nécessaire. Là où je veux aller je serai aidé. 50. Je me demande si c’est utile que je refasse une troisième ? 51. Je me demande comment va se passer l’avenir. 52. Sommes-nous tous intelligents ? 53. Y a-t-il des gens bêtes et des gens intelligents ? 54. Est-ce que l’on a tous la même intelligence ? 55. Qu’est-ce que l’intelligence ? 56. Aurons-nous tous une situation ? 57. Quelle est la façon la plus rapide pour apprendre une leçon ? 58. Si on est visuel, comment peut-on retenir une leçon ? 59. Comment peut-on apprendre une leçon et la retenir pendant longtemps ? 60. Peut-on réussir à ne pas rester fainéant ou cossard ? 61. Pourquoi sommes-nous quelquefois paresseux pour apprendre une leçon ? 62. Si on n’a pas envie d’étudier une leçon qui ne nous intéresse pas, alors que faire ? 63. Pourquoi, si une matière ne nous intéresse pas sommes-nous obligés de nous y intéresser ?
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Post-Smptum 14 :Les apprenants commentent (un exercice de playback p . i 75 et 177) Après le visionnement du document vidéo où les étudiants se sont vus en action, parlant un anglais “sans faute” (c’était le magnétophone qui parlait à leur place), les étapes 12 et 13 de la démarche restaient encore à franchir. Tous les commentaires furent regroupés afin d’engager chacun à lire l’ensemble du document et trouver “son” commentaire parmi ceux des autres. Les remarques de l’enseignant ont également été regroupées (Partie II). Elles sont annoncées par une ou des astérisques (” ou * * ou ***, etc.)dans le commentaire de l’étudiant. (N.B. : Ce groupe d’étudiants de i r e et Ze année d’un IUT “Techniques de Commercialisation avaient été évalués “trèsJaibles:’ Eux-mêmes se disaient “nuls”... Grâce à eux et à cet exercice,j e n’ai plus-jamais douté du potentièl humain. L’exercice ayant lieu en début d’année, il a littéralement “déblayé”notre terrain de leurs craintes, peurs et images négatives. il a permis immédiatement un dialogue pédagogique qui s‘est prolongé toute l’année,...et au-delà). “
Partie I. Libres commentaires 1. Cet exercice m’a permis de me confronter * à la prononciation et a u rythme de la langue anglaise, de reconnaître certains accents et de plus, pour passer un message on parle autant avec son corps qu’avec sa bouche * * 2. Grammaire : cet exercice m’a donné la possibilité de prononcer des phrases grammaticalement correctes. Nouvelles expressions, nouveaux mots : cela m’a permis d’apprendre des expressions courantes comme “costs as little as...”. Prononciation : j’ai surtout dû m’entraîner pour les contractions **, car la personne qui parle sur la bande n’articule pas beaucoup. Je suis sûre d’une chose : je me rappellerai encore du texte dans 20 ans...*** 3. J’ai avant tout appris à mieux écouter. En effet, pour en saisir toutes les intonations, tous les blancs (même minimes), toute la prononciation générale, j’ai dû repasser la bande plusieurs fois. ]’ai appris malheureusement * qu’on ne sait pas écouter attentivement quelque chose. il y a en effet une grande différence entre des exercices oraux et des exercices visuels. Si je sais regarder quelque chose fixement, dans les détails, il n’en est pas de même en ce qui concerne l’écoute d’un discours ou d’un dialogue **. ]’ai bien entendu appris à dire, prononcer, écrire les chiffres. Pendant le tournage, des confirmations *** telles l’existence du trac, la difficulté d’allier geste, mimique faciale et paroles. 4. Première écoute : apprendre à écouter, se concentrer, décomposer la langue *, à comprendre le plus rapidement possible, à reconstituer un texte, des nouveaux mots, de nouvelles expressions, des règles grammaticales ** Préparation : apprendre à faire une suite logique, enchaînement des mots dans les phrases, mémorisation, appliquer les mots prononcés à notre propre élocution”’, apprendre à appliquer instinctivement certaines notions grammaticales. Enregistrement : décontraction, apprendre à articuler, “d’une manière anglaise”, se présenter devant la caméra pour apprendre à parler devant d’autres personnes, surtout inconnues, maîtrise de soi. Visionnement : auto-critique * * * * permettant d‘améliorer l’ensemble (prestance, articulation, décontraction, justesse du playback etc..) 5. Première écoute : surprise (la voix n’allait pas beaucoup avec mon personnage, rapidité de la parole). Pas l’habitude d’écouter au magnétophone. Préparation : beaucoup de temps passé à transcrire (manque d’habitude certainement), mais nous avons bien rigolé *. En fait on ne pensait pas encore à la caméra. *
Les astérisques sont reprises dans la Partie II, (Réponses de l’enseignant).
Habiter en apprcnance
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Apprendre à retenir : je n’ai pas mis longtemps à apprendre le texte car nous l’avions déjà beaucoup entendu, l’inconscient a fait son travail **. Répétition : une fois que nous connaissons le texte, il a été facile de répéter derrière le magnéto. Pas de miroir ou autre chose de ce genre. À la fin, ça devenait rengaine. Enregistrement : il fut rapide. Problème : rester debout et se camoufler derrière une chaise ou une table. Problèmes des mains aussi. Pas l’habitude de se voir ou d‘imaginer qu’on va se voir. Manque de naturel. Du point de vue grammaire : ou expressions nouvelles : rien à signaler. Enrichissant tout de même *** 6. Acquisitions : la prononciation, affronter la caméra en parlant anglais. En me voyant, même si cela a été relativement rapide, j’ai pu me critiquer et je pense que se critiquer soi-même est très important pour pouvoir par la suite se corriger *. C’est un très bon exercice pour apprendre à aimer l’anglais. 7. Nouvelles expressions surtout pour se situer dans le temps ou dans un lieu donné. Le playback m‘a permis de me mettre au moins une fois “dans la peau d’un Anglais”. L‘exercice m’a permis de me mettre dans une situation semblable à celle où on se trouve en face d’un auditoire. Visionnement : permet de se donner une image de notre personne et surtout de voir la réaction de l’auditoire devant notre prestation. L‘exercice m’a aussi permis de me rendre compte du rôle du “physique” dans une prestation orale** 8. ]’ai surtout appris la prononciation, la construction des nombres. J’ai retenu I’intonation du texte. Les chiffres et leur prononciation étaient une barrière. J’ai beaucoup moins de problèmes. C’est presque un automatisme maintenant *. Je ne me croyais pas capable de parler anglais aussi rapidement**. 9. Cet exercice peut apporter des automatismes au niveau de la grammaire. 11 apporte également la connaissance de mots nouveaux. Savoir bien les employer a u bon moment. Savoir mettre une intonation *. Cet exercice m’a surtout apporté une plus grande compréhension des mots que j’écoute. Je détache mieux les mots même si je ne les comprends pas”. 10. Certaines expressions sont restées dans ma mémoire : ex : “it’s nice of you”, “I’m very pleased”. Mémorisation des mots nouveaux. Aucune acquisition en grammaire *. II est important de ne pas se bloquer quand on fait du playback. I1 faut parler autant avec sa propre voix qu’avec son corps **. i 1. La prononciation de certains mots et surtout l‘intonation des mots dans une phrase, le rythme *. La façon de parler anglais, vivre ce qu’on dit en anglais. Je pense avoir à peu près vécu la scène tout au moins dans l’esprit **. J’ai peut-être appris à détacher les mots à l’intérieur d’une phrase. La phrase anglaise n’est plus un amalgame de syllabes qui ne se détachent pas***. 12. Grammaire : meilleure connaissance des dates, de la prononciation, du rythme dans le parlé de la phrase * Nouvelles expressions utiles comme “although the technology.. .” Cultural facts ** : toutes les dates des inventions permettant de situer leur création dans le temps ... Prononciation : grâce a u playback 13. Le fait d’écouter “en profondeur” *, attentivement, de répéter un enregistrement en anglais peut apporter beaucoup au niveau de la prononciation. Le fait d’apprendre le texte par cœur peut nous laisser l’occasion de travailler les mimiques.. .** Le fait de se voir au magnétoscope montre qu’il est difficile de maîtriser une situation et qu’en faisant l’exercice, on s’imaginait d’une certaine façon, on pensait avoir insisté sur
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telle chose ... mais en revoyant le film on s’aperçoit que c’était timide, ou ce n’était pas le bon geste, la bonne prononciation *** De plus, le fait de travailler un texte de cette façon, de se faire filmer, nous fait mieux retenir des choses telles que des mots, de la grammaire * * * * 14. Grammar ? “send any money you can”, “were +... ed” (they were donated to us) New words : shelter, supplies, for help, for money, for starving ... Cultural facts * : la pauvreté dans le monde, jeu de Bingo Préparation : familiarisation peu à peu avec la langue, car ce qui bloque c’est la peur de mal prononcer, de mal conjuguer, et donc d’être mal jugé * * * Ça permet de prendre conscience de ses propres possibilités de parler anglais et d’être beaucoup plus sûre de soi * * * *
Partie II. Réponses de l’enseignante. (Les chiffres et astérisques correspondent aux remarques des étudiants, cf Partie 1). 1. * Oui, Vivre les problèmes de prononciation et de rythme est plus efficace que de les aborder théoriquement. * * découverte très importante. Vous en souviendrez- vous ? 2. * Le modèle, la norme est utile à un certain moment et pour un temps. I1 s’agit surtout de savoir s’en servir comme référence, et créer à partir du modèle. Simuler, comme le pilote du Concorde, avant de se mettre aux vraies commandes de l’appareil, puis voler de ses propres ailes. * * l’anglais parlé “réduit”, c’est-à-dire contracte de nombreuses syllabes sous l’effet du rythme. (cela nous arrive aussi en français quand nous disons “j’te dis” (qui devient “ch’te dis”, incompréhensible pour un étranger) *** la mémoire a besoin de répétition mais surtout de motivation et de contexte. Rendez-vous dans 20 ans !
3. * Ce que vous avez découvert est précieux et pas du tout “malheureux”. * * Nous sommes culturellement orientés vers le monde visuel et entraînés dans ce sens. Le monde auditif, par nature, “passe” et ne reste pas. D’où la nécessité d’apprendre à entraîner l’écoute. * * * Autre découverte précieuse pour laquelle je vous félicite. Gardez-la vivante
4. * Décomposer la langue ? Attention ! Oui, a u niveau de la compréhension si cela ne gèle pas la production * * pour comprendre, reconstituer etc ... vous avez besoin de travailler d’abord en saisissant l’ensemble, le contexte, puis l’analyse doit suivre, et non l’inverse. * * * Oui. Adapter, prendre en charge, intégrer * * * * Oui, condition de voir aussi ce qui est positif, ce qui a été réussi 5. * Le rire permet une hyperventilation et donc une oxygénation : excellent pour I’activité cérébrale ! * * écouter beaucoup pour exprimer un peu. On entend plus qu’on ne parle, on lit plus qu’on n’écrit... 6. * dans tout travail structuré, le bénéfice est souvent à longue échéance et se révèle plus tard. Ce qu’on apprend durablement a souvent été appris “inconsciemment”, à notre insu. Pour mesurer le trajet parcouru, savoir clairement ce que l’on cherche et repérer d’où l’on part.
7. * Oui. En langue étrangère, c’est important de chercher à se repérer spatio-temporellement : les deux axes fondamentaux de l’espace et du temps structurent une langue et font sa spécificité. * * notre corps (notre voix, notre posture, notre gestuelle, notre cerveau ...) est constamment présent lorsque nous sommes en situation d’apprendre.
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8. * Chiffres et lettres de l’alphabet sont des langages automatiques : il faut les apprendre comme tels. Mais il serait absurde d’appliquer le même traitement aux autres langages qui naissent et renaissent de l’inattendu du vivant. * * Vous avez bien d’autres ressources encore : si vous partiez à leur découverte ? 9.’ Remarque capitale. L‘intonation véhicule l’affectivité, les sentiments, les émotions, les nuances... * * Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire ?
10. Tout est grammaire : il n’y a pas de phrase sans grammaire. Confirmer une structure c’est aussi “faire de la grammaire”. *’ Remarque capitale. i 1. * Oui. Vous ne pouvez découvrir le rythme qu’en le vivant
Vous avez bien compris Essayez d’expliciter cette impression. La phrase “coule”, elle n’est pas hachée mais elle “parle” davantage : est-ce cela que vous voulez dire ? **
***
12. * Ce que vous énumérez n’est pas.. . exactement de la grammaire. Par “cultural facts” on désigne des faits de civilisation, des habitudes caractéristiques d’un peuple. Les faits que vous citez appartiennent à l’humanité toute entière et sont des faits historiques. Tant mieux si l’anglais que vous avez appris se greffe sur des événements réels. *** Oui, mais comment ? Cherchez toujours le “how” et le “why” **
13. * Magnifique expression. Bravo.
Oui. Remarque très juste. Être libéré du souci de générer du langage permet de vous focaliser sur la gestuelle. il reste encore à rendre cette gestuelle habituelle. * * * L‘autocritique, oui, mais aussi repérage de ce qui est bien fait. * * * * à expliciter. **
14. Le “Bingo” est un fait culturel (typiquement britannique). La pauvreté n’est pas restreinte à l’Angleterre... * * Très bonne remarque. Surtout, ne l‘oubliez pas ! *** Vaincre la peur, oui (d’autant plus que le regard des autres est leur affaire !). Et la joie de bien prononcer ? Le seul jugement à prendre en compte pour progresser (puisque c’est vous qui apprenez) n’est-il pas le vôtre ? Donc, chercher des repères qui vous indiquent si vous êtes bien-en train-d’apprendre. La non-dépendance (l’autonomie) est possible lorsqu’on (re) connaît que l’on a des ressources. L‘objectif de l’exercice est donc atteint ? Bravo. *I**
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Post-Scriptum 15 : Heuristique sans frontières... Ces schémas ont été réalisés par des enseignants de FLE (Français Langue Étrangère) lors d'un séminaire à Lahore, Pakistan, en Octobre 1997. Rédigé autour du thème choisi par les participants, la première version a été faite en français par le groupe d'enseignants animé par Gérard Jolivet. Une version en persan a ensuite été élaborée par les participants, montrant ainsi que cette technique correspond à une structuration cognitive en amont des cukures, et qu'elle relie, réconciïie, tisse la richesse de notre pensée et de notre imagination quelles que soient nos différences. Une autre version en a été réalisée en arabe 34.
EXTRoVERTIE PAR RAPPORT
INTROVERTIE
REPR~SENTATIONS
G~OGRAPHIQUES
PAR RAPPORT AUX AUTRES
I
lANGUE(S1 -
1
MATERNELLE(S)
CULTURELLE
INTERNATIONALE
MU@!L RÉALISATI PEINTURE
POÉSIE ROMAN
THÉÂTRE
I LITTÉRATURE
ARTISTIQUE
I
SYSTÈME DE
I RELIGIEUX
34. Gérard Jolivetanime, dans le cadre du Service de Formation Permanente de l'université de La Rochelle,
des séminaires autour du thème "Visualiser et organiser vos idées pour mieux les exprimer". Merci à S.. 2. et F. de l'Alliance Française d'Islamabad pour le schéma en persan, et à G.W. (interprète à Beyrouth) pour la version en arabe.
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Mise en perspective
VrI
Reconstruire le tissu éducatif
I
Mise en perspective Sans évolution, un homme, un peuple, une culture se meurt de ses convictions.L’échange et le changement constituent l’essence de la vie de tout être. Olivier F o l h i
12. Reconstruire le tissu éducatif Ni livre blanc ni livre noir, mais une urgence : nettoyer les portes de
la perception Tisser ensemble : l’enjeu L‘heure des transactions éducatives Reliance dans l’accompagnement Coopération, solidarité, réciprocité : reconnaître l’Autre
Mise en perspective
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Regarder loin...
La perspective rythme l’espacepar ses agencements de 1@es et ses audacieux raccourcis. Certains peintres l’utilisentpour permettre au visiteur une vision successive diagonale,ffontale, et diagonale à nouveau. Dans les pages précédentes, le lecteur a été invité à remonter vers l’amont de l'itinérante éducative. Ce dernier chapitre propose à la pensée éducative de remettre en chantier sa propre vision à distance, pour engendrer l'esprit d’apprenance, intéger le “nonencore” de celui qui apprend et inventer de nouveaux points de vue et de nouveauxgestes. Parmi les nombreux scénanos possibles, ont été choisis ceux qui permettent de tracer des avenues encore inexplorées et de rgoindre celles qui s’esquissent, d@à, dans d’autres domaines.
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Reconstruire le tissu éducatif Le soleil ne cesse de bnïlec pourquoi lui en vouloir lorsque les nuages le cachent ? (pensée tibétaine) Un être humain est une galaxie
(E&ar Monn) C’est d’écoles de paix dont les États ont besoin (AlbertJacquard)
Ni livre blanc, ni livre noir:.. mais une urgence : nettoyer les portes de la perception 1 La révolution, pour Paul Ricoeur, est le prix à payer pour les réformes que l’on n’a pas faites. La réforme, précise-t-il, demande plus de courage que la révolution. Aujourd’hui, vivre une situation éducative exige beaucoup de courage de la part de chacun des parîenaires. Cet ouvrage est écrit dans une période de profonde et rapide mutation. La crise que le monde traverse est essentiellement une crise de perception, qui se traduit par une véritable marée d’incompréhension de soi, de l’Autre, de la Vie... Il devient urgent d’investir dans un immatériel qui réside au coeur de notre patrimoine biologique, social, culturel, spirituel, qui n’est autre que notre capacité d’apprendre. I1 devient urgent de traverser nos diverses limites et, au-delà, d’inventer le mot “transapprendre” 2 ? Aujourd’hui, sans doute plus qu’il ne l’a jamais fait, l’homme met en danger son propre patrimoine, la fabuleuse richesse que lui a léguée l’évolution. Les plus fortes menaces viennent d’un assistanat offert ou accepté, des exclusions de toutes sortes, des mentalités gavées de certitudes et du culte de la performance. Mais l’abîme entre nos potentialités et nos espoirs de réalisation n’est insurmontable que dans la mesure où nous ignorons ces potentialités, et où nous refusons d’être les architectes de notre apprenance. La révolution des mentalités a sa place dans le monde éducatif, de la maternelle à l’université. En réinventant le temps d’apprendre et le temps de reliance 3,l’Ecole contribuera à ouvrir le temps libéré et le temps choisi pour des activités consacrées à la “quête de sens”, à la recherche du “pourquoi” et à celle du “comment’’. L‘épaisseur du tissu éducatif dépend de cette (r)évolution liée au(x) temps d’apprendre : son existence et sa survie dépendent de la gestion du temps libéré, du pont jeté entre le quo1. William Blake : “if the doors of perception were cleansed, everything will appear as it is, infinite” (si les
portes de la perception étaient nettoyées, toute chose apparaîtrait telle qu’elle est : infinie). 2. Le mot a existé dans la pensée d’Henri Desroche. 3. Merci à André de Peretti pour avoir “relié” les deux concepts de temps et de reliance.
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tidien et l’apprenant 4, et de la requalification de la fonction éducative face aux “possibles” de celui qui apprend. Les certitudes, les méthodes, les modèles d’hier ne peuvent plus répondre, à eux seuls, aux besoins exprimés par les différents partenaires de la situation éducative. Une face cachée reste à explorer, celle de l’apprenance de l’humain, dont l’éclairage nouveau nous vient des sciences du vivant. Nous avons souligné maintes fois, dans cet ouvrage, que le véritable moteur de l’acte d’apprendre se trouve - non pas dans la conformité au modèle - mais dans l’exploration et le questionnement, et dans l’ouverture d’un espace de résonance où se rejoignent les expériences passées et le regard sur un devenir. Le métier (il s’agit maintenant du mot technique) et la trame de l’ouvrage décideront de l’épaisseur du tissu éducatif. Leur rôle est de permettre aux actions éducatives d’échapper à la tyrannie du court terme, à la pesanteur de la performance évaluée quantitativement, au piétinement pédagogique, au formalisme stérile, aux différents éteignoirs de la passion de savoir..., pour revenir, dans les limites sûres de l’exploration du vivant, au rythme ternaire de la régénération, ce mouvement de vie qui se trouve au plus profond de nos cellules 5, et pour se mettre, inlassablement, à l’écoute du désir d’apprendre.
Zîsser ensemble :l’enjeu Pour construire une solution de reliance, les différents chapitres de ce livre ont proposé des mots-clés, des paramètres, des conditions de pertinence et une voie de questionnement. Parmi les mots-clés, nous retenons potentialités et passerelles. Dans les paramètres et conditions de pertinence, nous choisissons la contexhtalisation et l’équilibre de l’axe donnerrecevoir. La voie questionnante est celle du comment vivre ensemble. C’est dans l’articulation de l’individuel et du collectif que le chemin se construira en cheminant, puisque celui qui apprend (qu’il soit un individu ou une organisation) ne peut apprendre seul, et personne ne peut apprendre à sa place. C’est donc avec les mots “identité”6 , “autonomie”, “échange”que se construit le métier à tisser sur lequel œuvrer le tissu éducatif. Deux graphiques illustrent ce qui vient d’être dit. Le premier concrétise le positionnement des différents partenaires de la situation éducative les uns par rapport aux autres. Celui qui apprend n’est pas un “électron libre” : il est dans un organisme (l’école, la famille, l’entreprise) qui, à son tour, est dans une organisation plus vaste (ville, région, nation...), 4. “L’enfantau ventre vide ne peut pas apprendre comme les autres”, disait Paulo Freire. 5. Thème relié a celui de l’auto-organisation et auto-production. Cf aussi E. Morin, Bulletin du ClRET n” 12. Février 1998 ; Cf aussi le cycle VielMortNie, et le lien avec la métaphore du “compost”, in C. 6.
Pinkola Estès, (1996). ... et en entendant l’avertissement de Marc Alain Ouaknin, sur la nécessité d’aller au-delà du principe d’identité : “ilny a pas d’identitk seulement des possibilités d’identirés : des identités possibles ... et pay7ois contradictoires” (1998, p. 177).
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qui, à son tour...., etc. Chacun de ces organismes est vivant, donc apprenant, donc soumis à l’exigence de sa propre survie, à la loi d’adaptation et d’évolution. L‘enfant apprenant dans une famille apprenante, 1’Ecole apprenante dans un village ou une ville apprenante, l’entreprise apprenante dans une ville apprenante dans une région apprenante dans un pays apprenant, etc. sont des actualisations de la quête et du désir d’équilibre qui se trouvent au coeur du vivant. Lorsque l’histoire de I’humanité est constellée des visages hideux du binarisme, qui ont pour nom domination, guerres, croisades, esclavages de toutes sortes.. . et pour conséquence d’atroces souffrances ..., elle ne fait que confirmer qu’ignorer et oublier le respect des exigences du système vivant (être ouvert et “transapprenant”), ne peut en aucun cas contribuer à rendre l’harmonie de I’organisme durable (en anglais “sustainable”) dans son environnement.
Figure 20 :l ’apprenancecol~ective,une exigence existentielle
Chaque organisme est vivant, donc apprenant. Permettre aux partenaires éducatifs d’entrer en interaction, c’est reconnaître d’abord leur qualité d’organismes vivants, dans leur interdépendance. Des flux s’instaurent entre eux (souvent à leur insu). II revient au monde éducatif de veiller à ce que ces flux existent, et il lui revient de les traduire en actes de &ansacîion, d’échange, de réciprocité, et de communauté éducative.
Figure 21 :dynamique et réciprocité de l’intelligencecollective
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12 Reconstruire le tissu éducatif ~
Celui qui apprend le fait d’autant mieux qu’il est dans une école et une famille apprenantes, qui, elles-mêmes ont leur place dans une société apprenante. Cette dynamique, indispensable à la vie et à l’équilibre du système, est non seulement le moteur de sa propre évolution mais elle permet à chaque élément du système (ici chaque partenaire du système éducatif) de participer à l’évolution du système tout entier. 11 s’agit bien d’une coévolution qui est, comme l’explique Manfred Mack pour le monde de l’entreprise, “aucoeur de l’apprentksage en équlpe, et plus généralement, de l’apprentksage organisationnel dans toutes cesformes”. 7 L‘immense domaine de l’intelligence collective, ou organisationnelle, est encore peu exploré par le monde éducatif. 11 s’agit, pour Pierre Lévy, d’une ‘propreté émergente d’acteurs qui interagssent..Lorsque des individus échangent, rfléchissent, expforentet apprennent ensemble, ils donnent naissance, par ces actes, à unefaculté nouvelle, partagée... (quo permet de créer en commun des idées que les individus seuls n’auraient jamais pu imaginer”. La voie du développement de l’humanité passe par l’intelligence collective, définie comme “une intelligence variée, partout distribuée, sans cesse valorisée, mise en synergie en temps réel, qui aboutit à une mobilisation optimale des compétences”. Cette mise en commun des diverses expériences, expérimentations, sensibilités, et (espérons-le) , des intentions des différents acteurs 8 , est possible dans l’espace de communication qui s’ouvre à l’échelle mondiale, grâce à l’interconnexion des ordinateurs et aux capacités des mémoires informatiques. La possibilité de reliance technologique dépasse la relation binaire “un vers un” pour devenir une transaction de “tous vers tous” 9. Reste à permettre à ce type de reliance de dépasser la relation uniquement technologique. Les deux valeurs d’autonomie et d’ouverture à l’altérité, qui, selon P. Lévy, permettraient d’accéder à une forme d’universalité, sont, malheureusement, des valeurs rares qui demandent à être redécouvertes, réinventées, reinvesties. L‘intelligence collective reste à construire et sa “maintenance” sera élaborée grâce à une réflexion méthodologique, un dialogue permanent et une constante vigilance quant à la qualité et la spécificité des transactions entre les acteurs. Mais elle ne pourra se construire qu’à deux conditions. La première est d’entrer dans la révolution plurielle qu’entraîne la cyberculture, “culture de navigation dans les immenses ressources en information”, que Philippe Quéau décrit parfaitement, en rappelant l’origine du mot, le verbe grec “gouverner”. “La cyberculture est une culture de gouvernail et de gouvernement du soi et du collectif. La deuxième condition est de retrouver les bases d’une “éthique de l’universel’’ (et non univer7. Manfred Mack (1997). Cf aussi Vincent Lenhardt et Manfred Mack, A parti? du sens, la creution de vuleul; Source etfonction de l’intelligence collective, MCÇ no 524. Janvier 1998. 8. En tenant compte de l’analyse de Pierre Livet (1994) sur l’incertitude de l’intention individuelle dans l’action collective. 9. P. Levy (1997).
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selle), à la recherche de l’universel. Enjeu technologique ? Bien sûr, mais surtout enjeu “global de société”, car il s’agit d’une gigantesque prise de conscience pour sauvegarder la dignité humaine dans la nouvelle société d’information et ses redoutables flux de données transfrontières 10.
L’heure des transactions éducatives La transactzon, comme le préfixe “trans-” l’indique, est une action qui traverse, se place “entre” et va “au-delà” 11. L‘éducation transdisciplinaire est déjà à l’œuvre pour abattre les cloisons entre les frontières du savoir et transgresser de nombreuses frontières disciplinaires, ces frontières qui, pour Albert Jacquard, sont les “cicatrices de l’histoire’’. En ce sens, l’éducation transdisciplinaire participe de et à la transaction éducative, en englobant, amplifiant, fertilisant, fécondant les disciplines, en renouvelant le face-à-face du maître et de l’élève, en réinventant la rencontre éducative, en en faisant un pôle de développement durable. Cette rencontre, en se nourrissant de la pensée complexe et en s’inscrivant dans le cadre des lois de la nature (complexification, complémentarité, interdépendance des phénomènes..), est en mesure de créer des flux d’échanges réciproques et participer, ainsi, à la création d’une communauté éducative et apprenante, dans laquelle tous les partenaires sont présents, actifs, responsables, et en marche. Comme les différentes formes de transaction sociale, la transaction éducative implique la reliance et a besoin d’opérateurs de reliance. Différents exemples de reliance dans le cadre scolaire ont été donnés dans le chapitre précédent. L‘École, aujourd’hui, a tout à gagner de s’inspirer d’autres transactions éducatives, déjà à l’œuvre et de s’articuler avec elles 12. il est urgent que les flux de transaction traversent les murs et les parois de l’École, et que chaque partenaire devienne non seulement écolier de lui-même, mais artisan de la citoyenneté d’un monde responsable et solidaire 13. Le drame de l’École est de laisser s’installer le clivage entre les actants de la situation éducative. Le schéma ci-dessous souligne l’importance de veiller à ce qu’un doublefrux relie les partenaires entre eux : apprenant, enseignant, formateur, institution, groupe classe, commanditaires, familles ... 10. Philippe Quéau (1998), et sur Internet : http://perso.club-internet.fr/nicol/ciret/bulletin/b12/bl2c/.htm. 11. Nous devons à Basarab Nicolescu d’avoir précisé ces trois sens de “trans-” dans sa définition de la transdisciplinarité. Cf son Man@ste (1996). Cf aussi Jean Biès (1998). 12. Cf l’ouvrage de J.M. Labelle (1996) sur le concept de réciprocité éducative; Cf aussi le dossier regroupant 25 initiatives éducatives pour un monde responsable et solidaire, sous le titre Désenclaver l’école. dir. Christophe Dehenne. Éd. Charles Leopold Mayer, 1998. 13. C’est par cette expression que se définit la plate-forme de la Fondation pour le Progrès de l’Homme (FPH). Cf aussi l’ouvrage Citoyennetésnationaies et citoyenneté européenne, coord. Françoise Parisot. Préface d’Edith Cresson, Hachette Éducation, 1997.
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12 - Reconstruire le tissu éducatif
Institution
? commanditaire
? Enseignant
Apprenant
Figure 22 :les doublesfux des hansactons éducatives
Les double flux suggèrent que les transactions correspondent à des actes spécifiques, selon l’orientation et l’épaisseur de la flèche. Du formateur à l’apprenant et de l’apprenant au formateur, la transaction se traduit par des actes spécifiques au temps, au milieu, à l’objectif..., à négocier et à inscrire dans un contrat, dont le but, comme l’étymologie nous le rappelle, est de “tirer ensemble” et non de se contraindre mutuellement. Ce document de travail constitue une grille pour repérer IesLflux existants (depuis la simple relation d’aide à l’accompagnement dans la durée, en passant par l’élaboration d’un projet commun), et les inter-relations qui restent à établir ou à modifier. La transaction éducative a beaucoup à apprendre des recherches en transaction sociale et des expériences déjà mises en place sur le terrain. Complémentaires et transdisciplinaires, les deux concepts transaction et reliance se concrétisent dans le domaine social par la médiation14, un type de reliance effectuée par un tiers, impartial, dans un climat de confiance, de responsabilisation, et dans un environnement de soutien. L‘un des pionniers de la médiation éducative a été R. Feuerstein, avec son Programme d’Enrichissement Instrumental (PEI) dans lequel l’agent médiateur, s’appuyant sur le principe d’éducabiblitécognitive, agit entre le sujet et le stimulus ou le support, pour stimuler les capacités cognitives que l’apprenant n’a pas encore suffisamment développées 15. D’autres types de médiation éducative existent, par exemple celle des Ateliers de pédagogie personnalisée (APP) qui accueillent au quotidien des stagiaires individuellement ou par petits groupes, et proposent une 14. On découvrira avec intérêt l’analyse de ces différents concepts et la description d’une opération menée dans les Pyrénées pour inscrire des actions de formation-développement, négociées entre l’individu et son environnement dans les interventions de Marcel Bolle de Bal, Ztansachon et reliance ; Marie France Freynet, Intérêt de la transachàn sociale dans le champ du travail social. L’espace de médiation ; et l’,intervention de D. Bachelard sur l’expérience pyrénéenne, dans les Actes du Séminaire Européen de Recherche sur la Transaction Sociale, Université de La Rochelle, Avril 1997. 15. Cf l’ouvrage de R. Debray (1989). Citons pour mémoire les Ateliers de Raisonnement Logique, et, bien sûr, le mouvement Freinet, la Pédagogie d’initiation de Germaine Tortel, le Tanagra, etc.
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auto-formation assistée par une équipe d’intervenants spécialisés, dans le respect du rythme de chacun. Une autre forme de transaction éducative est l’accompagnement des histoires de vie 16. Le récit de vie offre, à celui qui emprunte cette voie de formation, d’accéder à son identité 17. Le récit a valeur d’ancrage, donc de reliance à sa propre biographie. La transaction “avec soi” se fera grâce aux outils d’auto-positionnement, d’auto-questionnement et d’auto-évaluation. La reliance passe par un accompagnement que propose le formateur.
Reliance dans I ’accompa@ement L‘accompagnement est un type de reliance qui s’inscrit dans la durée. Plus qu’aucune autre transaction, l’accompagnement est appelé à résister à la tyrannie du court terme et à accepter un dialogue quasi permanent. Nous l’avons abordé dans le chapitre 10 “Accompagner I’émergence”. Les idées-forces et le système de valeurs qui sous-tendent I’accompagnement dépassent les limites du cadre scolaire et s’adressent à toute transaction éducative. Elles peuvent s’exprimer ainsi : - celui qu’on accompagne est un être en devenir. Les recettes toutes faites n’existent donc pas dans l’accompagnement. - le “être là” est plus important que le “faire”. - le contact confirmant 18 permet de réajuster la relation à la vie. il se construit dans le dialogue et dans un lieu sécuritaire où la personne se sent et se construit en tant que sujet. - la relation vise à établir un équilibre de Co-partenariat (50/50) Des qualités spécflques sont requises pour accompagner. L‘authenticité (surtout ne pas faire semblant), la spontanéité (réagir en résonance avec ce qui a été vécu), IaJexibilité (savoir changer de point de vue), la générosité (savoir donner et recevoir de l’Autre), l’ouverture (accepter l’imprévisible, les contradictions de l’Autre), l’accueil des différences (voir la richesse d’un autre point de vue) ... Accompagner signifie aussi être capable d’accepter le silence (la non-encore réponse), se taire et écouter (ménager un espace et une durée vierges), affronter la peur des Autres, gérer la pression de “Chronos”, tout en gardant le sens du moment opportun (“Kairos”), reconnaître ses propres limites, respecter l’œuvre de l’Autre, ses valeurs, ses croyances, son espace, sa durée ...Celui qui accompagne sait se questionner de façon permanente, dépasser sa propre peur de ne pas être à la hauteur, composer avec l’imprévu... II est évident qu’une 16. Cf G . Pineau (coord) (1992). G. Pineau (1993) ; G . Robin, Guide en Reconnaissance des acquis, Éditions Novalis, 6255 Hutchinson. bureau 103, Montréal (Québec), Canada, H2V 4C7 ; P. Dominice (1990). 17. Pour Paul Ricoeur, l’identité n’est pas la mêmeté (similitude, ressemblance,
(la notion du soi). Revue Esprit, 7-8, Juillet-Août 1988, p. 297. 18. Expression de 1’Haptonomie
continuité ...) mais I’@seité
Mise en perspective
12 - Reconstruire le tissu éducatif
prise de conscience de la part de celui qui accompagne s’impose, avant même d’entrer dans une démarche de formation 19. À l’articulation de l’accompagnement des histoires de vie et de la réciprocité dans une société apprenante se place l’apport monumental d’Henri Desroche, “passeur de frontières”, compagnon d’itinérance passionnée de tant d’acteurs de terrain. À la fois compagnon et maître, “entrepreneur”, “sociologue de l’espérance’’, il se serait reconnu dans le rôle d’“éveilleur d’apprenance”. L‘approche “desrochienne” est fondée sur la pratique coopérative, la Co-éducation, les pédagogies de projet et de trajet (l’histoire de chacun) et la recherche-action générée par une “autobiographie raisonnée”. Partisan de réseaux éducatifs, il créa un grand nombre de Collèges coopératifs et une Université Coopérative Internationale sur les quatre continents. La reliance, pour Henri Desroche, a une double dimension, coopérative et coopérante : il s’agit “d’entr’apprendre”,c’est-à-dire entreprendre d’apprendre en apprenant à entreprendre, et de faire en sorte que les réseaux d’éducation alternative et de développement solidaire se rencontrent 20.
Coopération, solidarite; réciprocité :reconnaîb-e 1’Autre On se souvient, sans doute, qu’une des leçons majeures du vivant est que la coopération se trouve au coeur de nos cellules. On se souvient
aussi que l’interdépendance est une loi de la nature et qu’aucun organisme vivant ne peut survivre sans accepter l’échange avec son environnement (physique, affectif, social...). On évoquera, enfin, la boucle rétroactive du couplage de nos perceptions et de nos actions pour comprendre la base de notre fonctionnement vital 21. La situation éducative, si elle se veut vivante, ne peut que souscrire au “Non à l’individualisme sans le collectif”, car son propre équilibre dépend de la mise en place d’une présence réciproque et d’un échange d’énergie et de matière, l’exigence même d’un système vivant, donc ouvert. La réc@rocité implique la parité, et une présence de part et d’autre, à différents niveaux et dans différents types d’échanges. De quel type d’échange peut-il s’agir lorsque quelqu’un sait et l’autre ne sait pas ? Quellesstratégies de reliance mettre en place pour que 2 ’onpuisse parler de coopération ou, mieux, de communauté éducative et de “démocratiecognitive” ?
19. Ces formations existent : Université de Tours (G. Pineau), Université Genève (P. Dominice), Centre national de la Médiation, Paris (].E Six), CIRDH à Oms, 66400 (Haptonomie, E Veldman). Cf Bibliographie : J.F. Six (1990); P. Dominice (1990) ; cf la brochure L’accompagnement,édité par Solidarités Nouvelles face au chômage (2 cité Bergère, 75009 Paris). 20. Henri Desroche (1990) ; E. Poulat et CI. Ravelet (dir) (1997). 21. Cf Chapitre 4.
Mise en perspective
12 - Reconstruire le tissu éducatif
Une première réponse consiste à dire à l’Autre qu’il se trouve dans le “pas encore” . Donc à poser un autre regard sur lui (et sur soi).“Être plus axé sur la chose commune”, c’est dans cette voie que Castoriadis recommandait au système éducatif de s’engager (en sachant qu’on en était encore loin) 22. L’éducation sozidaire, comme l’économie solidaire, vise à (re-?)créer des conditions de cohésion et de proximité. Elle n’a pas pour souci premier la rentabilité, les résultats ou la performance. Parce qu’elle permet une construction conjointe de “l’offre’’ (je vois, doncje te donne à voir) et de la demande (je veux savoir), l’éducation solidaire rend accessible à tous le choix d’apprendre, tout en aménageant l’échange. Elle est une alternative à la logique de compétition et à sa conséquence directe, l’exclusion, pratiquées l’une et l’autre par le système éducatif actuel. L‘éducation solidaire ignore l’acharnement pédagogique, elle pratique l’écoute, la flexibilité, la responsabilisation. On y apprend à demander et à recevoir. On y apprend dans l’action. On y apprend à “mettre les chaussures de l’autre’’ pour comprendre ce qu’il ne comprend pas. Utopie ? Bien sûr, d’autant plus que le doute sur l’étymologie grecque du mot nous autorise à suggérer que l’éducation solidaire relève davantage d’un “eu-topos” (lieu de félicité) que d’un “ou-topos” (lieu qui n’existe pas). Aujourd’hui, les réseaux d’échanges réciproques de savoirs (MRERS) ont dix ans. Ils sont au nombre de 450. L‘échange de savoirs s’y effectue sur le mode de la réciprocité ouverte. Toute offre suppose une demande, et toute demande est accompagnée d’une offre. Tout rapport d’argent ou de service est exclu. Les échanges se font de personne à personne et / ou au sein d’un groupe. Les effets de ce type d’échange qui tient beaucoup du partage, dépassent les limites de ce qui est appris, car le fait de permettre à l’autre d’apprendre ouvre les yeux sur la relation “maître-élève”, sur son propre savoir et ses propres stratégies pour apprendre. “Êo-eressource, cela me permet d’être demandeur un jour, sans perdre ma dignité“ 23. Le partage, dans ce type d’échange, évite la relation de troc qui ignore l’écoute et contribue, souvent, à consolider l’isolement de la consommation individuelle. 11 s’agit de bien autre chose que de la relation d’un être “savant” à un autre “ignorant” 24. il s’agit de participer à la construction d’un acte de re-connaissance : reconnaître l’Autre, son savoir (autre que le mien) ; reconnaître mon propre savoir (ressource pour l’Autre), et participer à l’élaboration et à la maintenance de l’équilibre du vivant.
22. Interviewé par D.Mermet, Le Monde diplomatique, août 1998. 23. Claire et Marc Héber-Suffrin (1993). 24. Cf J.M. Labelle (1996), chap. 11.
Mise en perspective
12 - Reconstruire le tissu éducatif
L‘acte de reconnaître n’est-il pas l’acte cognitif le plus vieux du monde ? L‘apprenance, une rivière sous la rivière ? Et la vie, un constant passage du dedans vers le dehors et du dehors vers le dedans ? C’est le respect du processus d’auto-organisation et d’auto-complexification qu’il convient d’ensemencer au sein même du système éducatif, pour que des agoras éducatives se forment, lieux de démocratie cognitive et de reconnaissance de l’élan d’apprenance.
Annexe 1. Nepour apprendre
Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
N é pour apprendre
1 VI111
Annexe I. Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
I
amatL'naux
I
Annexe 1 N e pour apprendre
Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
Objectifs et spécificité du vidéogramme N é pour apprendre 1 N e pour apprendre est un document de travail, composé de 7 vidéogrammes, de 25 à 40 minutes chacun, construits autour de l’intervention
d’une personnalité scientifique, témoin des avancées de la recherche en neurobiologie, éthologie, sciences cognitives, physique quantique, psychopédagogie, sciences de l’éducation. Un livret d’accompagnement, joint à chaque film, propose une méthodologie dont les objectifs sont : - stimuler le questionnement sur nos savoirs, nos démarches, nos points d’appui, nos valeurs, nos priorités - explorer nos potentiels et notre capacité d’apprendre -faciliter l’adaptation des données scientifiques aux situations éducative et de communication - permettre à l’utilisateur de se relier au domaine scientifique en respectant sa complexité - o m r à l’utilisateur un espace pour construire ses propres réponses et surtout formuler son propre questionnement - rechercher une nouvelle lecture du rôle éducatif en orientant le projecteur sur l’acte d’apprendre L‘ordre des films est celui de l’évolution phylogénétique et du développement ontogénétique de l’être humain dans sa relation à l’environnement. C’est l’ordre de la logique du vivant, des étapes du savoir-apprendre, pôles stratégiques et repères des moments d’actualisation de notre potentiel d’apprenance 2. Pour chaque film, l’o@ec@ et la spécficité sont accompagnés des idées-forces exprimées par la personnalité interviewée dans le film.
1. Co-production ENS Fontenay-St Cloud et Université de La Rochelle, (1994-1996). Textes extraits et adaptés des livrets d’accompagnement des films. 2. Cf le chapitre 6, “Un métier, un référentiel”.
Annexe 1. Né pour apprendre
Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
1. Né pour découvrir..., avec Boris Cyrulnik O ~ e c o ~ d u f i l1m - Faire prendre conscience de l’étendue du potentiel sensoriel dont nous disposons pour entrer en interaction avec le monde extérieur. - Établir un espace et un temps de questionnement individuel et collectif. Établir les bases d’un échange. - Évaluer nos propres représentations, connaissances, besoins d’information et de signification. - Amorcer un changement de perspecti’ve et un élargissement de notre cadre conceptuel concernant le domaine abordé dans la séquence, en particulier la perception.
spéc@Yté duJilm 1 Cette première séquence souligne l’importance de découvrir les ressources de notre vision, notre audition, notre corps pour nous enraciner dans un “ici et maintenant” qui nous concerne directement.
Trop souvent, les difficultés des apprenants viennent de ce qu’ils n’ont pas “contextualisé”, c’est-à-dire repéré le qui, le quoi, le où, le quand ... de la tâche à accomplir ou de la situation dans laquelle ils se trouvent. Une contextualisation pauvre, réduite ... produit un langage nivelé, dépourvu de signification pour l’interlocuteur et pour le locuteur lui-même. Apprendre à contextualiser est la première étape du savoir-apprendre. La tâche du formateur sera de souligner l’importance de créer des activités portant sur les paramètres visuels, auditifs, kinesthésiques .... 11 veillera à favoriser tout particulièrement le développement et l’échange des différents points de vue dans l’acceptation de la différence. II rappellera le principe de “certitude relative” dont parle Boris Cyrulnik pour conclure sa participation à cette séquence.
Idées -forces eXprmées dans lefilm 1 - Le visage forme globale) est la première perception quand on vient au monde - Chaque cerveau organise le monde qui l’entoure defaçon unique - L’évolution a doté le cerveau de lobesflontauxgrâce auxquels il anticipe, imagine, décontextualise, transforme, structure une théone du monde. Les organes sensonels s’individuafisent progressivement - La lecture d’un texte et la lecture d’un paysage correspondent à des actes cognitijs duérents - Nos émotions ont un rôle organisateur dans notre perception du monde - Lefonctionnementcbébraf’uctue sans cesse, dejour comme de nuit. - La distinction entre l’inné et l’acquis n’est pas ScientiJque, mais idéologique - Notre potentiel est immense à notre naissance. Ce qui permet de l’entretenir; c’est l’aflectivitéet la rencontre - Le meilleur stimulus de notre cerveau est de chercher à comprendre. Les grands pièges à éviter sont la sensation d’évidence, le dualisme, l’hyperspécialisation.... et tout ce qui nous pn‘ve de la très grande richesse du quotidien
Annexe I; Nepour apprendre
Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
2. Ne pour reconnaître les lois de la vie,
avec Basarab Nicolescu ObjectFfduflim 2 - Faire prendre conscience de l’importance de reconnaître les caracténsh@uesdu contexte dans lequelnous vivons. Cette Nature, à et de laquelle nous participons, nous la décou-
vrons à travers notre réalité humaine : complexe, diverse, inattendue. La vie est rythme, changement, évolution ... - Établir un espace et un temps de questionnement individuel et collectif destiné à poser les bases d’un échange sur certaines questions cruciales, rarement abordées en formation, parce qu’elles sont considérées comme domaine réservé pour spécialistes. Or il s’agit de la vie ! - Évaluer nos représentations, nos connaissances, nos besoins d’information et de signification, face à la réalité telle qu’elle est perçue aujourd’hui par la science. - Poursuivre le changement de perspective et l’élargissement de notre cadre conceptuel en particulier en ce qui concerne les lois du vivant.
Spécgcité duJilm 2 Cette deuxième séquence correspond à la deuxième étape du savoir-apprendre. Cette étape pose le problème crucial de notre acceptation de la complexité et de l’hétérogénéité. C’est parce que nous ne reconnaissons pas la loi fondamentale de l’alternance entre potentiel et actuaiisation que nous nous enfermons si souvent (dans les domaines éducatif, social, économique...) dans le couple infernal “réussite-échec” ... Les erreurs commises sont l’ignorance ou le refus de discerner les différents niveaux de réalité ; l’obstination à confondre les différentes échelles : celles du microcosme et du macrocosme. Ou encore de confondre le niveau de l’évènement, celui de nos sens, celui de nos émotions et celui de notre langage (cf dans le film le schéma d’A. Korzybski).
ïdées$orces exprimées dans IeflIm 2 - Les tensions et conflits ont pour onHne une vision décalée d’un monde infiniment subtile et complexe. Les concepts (vie, mahëre, temps, espace, lumière...) évoluent selon les époques er ies cultures. L’Univers a un âge et une histoire. - Nos organes des sens sont desfiltres : ils simplfient et créent des couples binaires (blanc / noir:.). - Le XXe siècle a découvert l’infinimentpehk l’infinimentgrand et I’inJniment complexe. Les 3 infinis coexistent en nous. - Notre culture est engluée dans la logzque de l’alternative: “soit... soit’: La loi de la nature est la coexistence, l’interdépendance, l’émergence, la potentialité du vide, le changement, t’évolution... - Nos dmcultés d’apprentissage, et de communication viennent de ce que nous nous rgérons à des niveaux de logique et d’abstraction dflérents. - La question “comment”nous place au niveau macrophysique. La question ‘pourquoi‘:face aux dflérents niveaux de réalité. - Une éducation transdiscplinaire (trans : à travers, entre, au-delà) est une (la 1) réponse pour aborder la complexité. La seule progression est celle du questionnement.
Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
Annexe 1. Né pour apprendre
3. Ne pour organiser, avec Francisco Varela O&’ecrifdu_firm3 Faire prendre conscience de l’importance de -
:
nous interroger sur les racines biologiques de la connaissance, et, en particulier, nos
mécanismes cognitifs (perception, mémoires, vision, imagination.. .). Notre retard à faire cette démarche vient sans doute de ce que l’instrument de cette analyse est notre cerveau. Un continent nouveau à explorer. - reJormuler notre questionnement et construire nos propres réponses en nous plaçant à l’écoute des récentes recherches sur le cerveau.
Spécjficité duJilm 3 Cette séquence correspond à la troisième étape du savoir-apprendre, le savoir-organiser; qui se structure d’autant mieux que l’apprenant a effectué les deux étapes précédentes (enracinement dans son propre contexte et découverte des lois incontournables de la vie). Le mot-clé de la base de l’activité neuronale est ici : organisation. Comment fonctionnons-nous ? D’où vient notre désir de donner un sens à ce qui nous entoure ? Que mettons-nous sous les étiquettes de nos perceptions ? Comment notre désir et notre capacité de connaître ont-ils évolué ? Quelle est la nature et quel est le rôle de notre mémoire ? Quel est le secret de notre cerveau ? Autant de questions qui sont abordées, et à partir desquelles l’utilisateur pourra se positionner, se questionner, se mettre à l’écoute d‘autres points de vue, et s’engager dans une démarche d’exploration.
Idées-Forces exprimées dans leJilm 3 - Notre cerveau est l’instrument de sa propre anabse. - Nous sommes pluriels : que valent nos étiquettes ? - Notre expérience de la complexité est une création de notre structure biologique. C’est notre cerveau qui voic entend, ressent le monde extérieur et intérieuz - Notre perception et notre action motrike sont interdépendants. - Le sens émerge de notre couplage ü l’environnement (il ne pré-existe pas). - Lafonction imaginaire est enracinée dans le biologique. - La réhne ne conhüue que pour 20%a l’élaboration de l’imageperceptuelle. Les couches proSondes du cerveau interviennent largement (mémoires, aflectivité...) . - Le système biologique (la vie) a inventé le couplage sensori-moteur; l’adaptation, et le langage. - Nous sommes connectivité, mernoires, changement. - Notre cerveau est à lafois un généraliste et un spécialiste. Il contrôle et il exécute. A lafois, il planfie, pilote, régule, &alue,fait des hypothèses, imagine et invente. - Les pièges ü éviter sont la certitude, le dogmatisme, le manque deflexibilité, la séparation du rationnel et de l’émotionnel.
Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
Annexe i. Né pour apprendre
4. Ne pour créer du sens, avec Francisco Varela O~ecO~duJi4 lm Faire prendre conscience
:
des conséquences dans notre vie quotidienne d’une vkion du mondeplus cohérente avec les données scientifiques actuelles concernant la vie de la pensée, la connaissance, le savoir... -
- de l’importance d’ancrer dans nos biographies les actes d’apprentissage, de communication et de questionnement et donner ainsi de l’épaisseur à nos existences. - de l’importance d’éviter les gran& pièges dans lesquels notre énergie se perd trop souvent.
Spéajcité duJilm 4 Cette séquence correspond à la quatrième étape du savoir-apprendre, le savoir-interpréter, qui se structurera d’autant mieux que les trois étapes précédentes auront été travaillées : enracinement dans le contexte, découverte des lois incontournables de la vie, découverte de notre immense potentiel d’auto-organisation et de flexibilité. Comment définir la connaissance? Sûrement pas comme un miroir du monde ni un recueil d’informations. Le sens n’existe pas en soi. il émerge de nos différents couplages. Nous devons donc changer de langage concernant le réel : déblayer d’abord, puis creuser des fondations et construire ensuite. Comment définir l’autonomie ? Jusqu’oÙ sommes-nous autonomes ? Quel est le moteur de notre logique de connaissance ? Ces questions sont posées dans cette quatrième séquence, construite autour deux nouveaux mots-clés à la base de notre fonctionnement biologique : sélectvit6 et émergence.
Idées-Jorces exprimées dans leJilm 4 - La connaissance n’est ni un miroir ni une création arbitraire ni un recueil d’information. La connaissance et son univers sont inséparables. Le choix (sélection, décision) est le moteur de notre losque de connaissance. - L‘action de marcher est inséparable du chemin sur lequel on marche. Le vivant émerge de son histoire. Tout ce que nous percevons, pensons, imaginons, apprenons est biographique. - L’apprentiksage s’enracine lorsque le corporel et l’émotionnel sont impliqués. - Notre langage courant (capter; traiter; acquérir une information). doit être recadré : “établirun couplage actif, yaire émerger du sens‘; “entrerdans un chemin de transformation”. - Communiquer; c’est créer une inteface entre deux constellations de sens, et c’est permettre l’émergence d’une constellation de sens commune pour un temps. - L‘intelligence est à “revisiter”:elle est lafaculté de pénétrer un monde partagé. - Le système immunitaire est un deuxième cerveau qui permet au corps de connaître le “soi”avant le “nonsoi”.
Annexe 1. N e pour apprendre
Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
5. Ne pour choisir, avec Albert Jacquardet Andre de Peretti ObjectifduJlm 5 - Nous sommes choix. C’était une des phrases-clés de Francisco Varela dans la séquence précédente. 11 s’agit donc maintenant d’explorer notre potentiel de choix, de le reconnaître en nous et chez les autres, de discerner les facteurs qui vont nous permettre de l’actualiser, c’est-à-dire de le rendre actuel, concret, opérationnel, et donner (ou rendre) à ce potentiel son statut et sa fonction : celle de nous faire évoluer et de nous développer, individuellement et collectivement. - En clangant les valeurs et les critères impliqués dans l’acte de choisir, nous nous donnons les moyens de consmtire un parcours, une stratégie, une démarche pour réaliser nos “non-encore”,pour devenir, selon les termes d’A. Jacquard, celui que nous avons choisir d’être.
Spécgcité duJlm 5 Cette séquence est a u coeur de l’arbre, sur l’axe vertical, entre l’enracinement et la cime. Pôle de décision où se forgera l’identité et la permanence de l’être, ce lieu-matrice se place entre les deux branches de l’organisation de la complexité et de l’émergence du sens (Films 3 et 4), et celles de l’innovation et de l’échange (Films 6 et 7). En effet, la question “Qui suis-je ?” se pose, dans toute sa gravité, après que l’on ait fait émerger le sens (Séquence 4), qui naît à partir de notre capacité d‘organiser (Séquence 3), capacité qui organise la complexité du réel (Film 2),complexité que découvrent notre sensorialité et notre capacité d’explorer notre contexte et d’autres univers mentaux qui nous enrichissent (Film 1 ) . La question “Qui suis-je ?” se pose avant de nous placer en situation de créer et d’innover (Sequence 6). C‘est le fait d’avoir innové qui nous permettra de nous placer en situation de partage et d’échange (Film 7). Cette question pose, plus qu’aucune autre, notre relation a u Temps. Le film 5 est donc au coeur de la logique du vivant. Elle nous aide à nous placer en face de notre histoire et à faire naître la détermination, la conscience que nous sommes responsables de notre histoire. Elle souligne l’importance de nous préparer davantage à nous engager et à “réinventerl’engagement’’,parce que nous saurons mieux ce que nous pouvons investi?, parce que nous aurons clar nos choix (nos “ce que je pense”, “ce que je crois”,“ce que je sais”),et parce que nous aurons posé notre questionnement en termes renouvelés.
Idées-Jorces exprimées dans IeJim 5 - Zly a en nous un immense potentiel de choix et de création. - sije suis capable de dire ‘Je”c’est que l’on m’a dit “tu”. - le vrai maître est celui qui accueille le processus, utiïise les approximations, et apporte le matériau de questions nouvelles. - nous pouvons influencer demain puisqu’il n’existe pas encore. - le piège à éviter est de tomber dans lagéoméhie des quatre axiomes :les moyens manquent, ies programmes sont trop lour&, le niveau baisse, nom n’avonspas étéJormés. .. - le rôle de l’éducation est de permeme à chacun de devenir un être humain capable de dire ‘Je”.“Sijene suis pas moi, qui le sera ? ” (H.D. fioreau). - donner le temps de choisic d’actualiser son potentiel de choix, de “ré-enchanterle monde”. Nous vivons trois temps dgérents : le temps physique, le temps indéterminé, le temps de lajuste mesure...
Annexe L N e pour apprendre
Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
6. Né pour innover, avec J.-D. Vincent, G. Brunon, S . Desplats, C. Maestri, J.-P. Augier objeco@du_Flm 6 - Rappeler à l’homme de la fin du XXe siècle que sa nature essentielle est d’innover. La sève, sur l’Arbre du Savoir-Apprendre, entre, à un moment donné de son parcours, dans la phase de création. - Faire découvnk la présence du geste créateur qui sommeille en nous. Explorer nos “non-encore’’ dans de nouveaux domaines. Découvrir cette exigence existentielle qu’est le devoir d’innover. - S’interroger sur les conditions nécessaires à la création, les qualités requises pour créer, les moteurs pour créer, les freins à la création .... Montrer qu’il n’y a pas de recettes pour créer, mais qu’il s’agit de s’ouvrir à une autre perception de soi-même et des autres, de porter sa biologie au lieu d‘être portée par elle. - inciter à être acteur ET auteur, concepteur, architecte ET entrepreneur de soi-même et du monde qui nous entoure.
Spea3cité dufirm 6 Un neurobiologiste et des témoins du geste créateur dans différentes branches de l’art (peinture, musique, sculpture, danse) nous parlent de la mise en œuvre de ce geste créateur, de son mystère, de son émergence et de sa relation au sens. Dans cette séquence, le texte et les images entrent dans une nouvelle relation. Le geste est un langage en soi : il crée et se crée. Les langages sont pluriels. Le “pouvoir-dire’‘ d’un mot, d’une phrase, d’un geste, d’un tableau, d’une musique, d’une danse ... est leur véritable réalité, plus que le “vouloir-dire’‘ que nous leur attribuons, à partir de nos intentions et de nos points de vue.
L‘appel du corps et l’importance d’habiter son corps, de “corporaliser” ce qu’on apprend, qu’avait soulignés E Varela dans les Séquences 3 et 4, prennent ici tout leur sens. “Le papillon se forme à l’intérieur de la chenille, non à l’extérieur’’ (J. Guesné).
La méthodologie d’accompagnement met, à nouveau, les participants au centre de leur propre exploration. Le travail se fait autour des thèmes de l’acte de création, les démarches et conditions favorables pour créer, les inventions de l’art, du langage, de la mémoire et de l’imaginaire. Le travail bibliographique, proposé cette fois-ci par thème, est imbriqué dans les activités afin d‘encourager la recherche personnelle, l’ouverture, l’échange et la tolérance face aux divergences de points de vue.
Idéesforces exprimées dans 1eJirm 6 - Nous sommes nés pour innover Notre cerveau a besoin degénérateurs de diversité (rencontres, échanges, actions, perceptions.. .) . Le vivant a besoin de temps et de mémoire. - i l y a toujours un avant et un après. La mémoire nous permet de réactualiser dans une durée présente une durée antérieure et d’envisager une duréehaire. - Notre cerveau, “arrosépar nos neurotransmetteurs’; construit son rapport au monde. - Nos capacités cognitives (mémoire, apprentissage, perception, intelligence...) ne sont pas localisées, mais “distiiüuées”. Le langage est un instrument merveilleux pour aller vers l’autre. Les écritures sont une invention remarquable de l’homme. - L‘œuvre créée reste dans un éternel présent (G. Brunon). La danse est un art de l’instant (S. Desplats). Le soufle est un archet intérieur (C. Maesm]. Chaquejour le geste va devenir meilleur u . P Augier).
Annexe 1. Nepour apprendre
Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
7. “Ne pour échanger”,avec Bertrand Schwartz O&ecayâuJilm 7 - Rappeler que former c’est investir et s’investir ; apprendre, c’est s’inventer. L‘apprenant ne peut qu’être acteur et auteur de son propre apprentissage. - Montrer que pour que l’acte d’apprendre soit reconnu dans sa totalité, il est nécessaire de ré-évaluer l’évaluation ; refonder les critères de validation, - Laisser une place aux transitions, à la prise de recul, à l’anticipation, a u questionnement, - Donner les moyens d’apprendre, de se découvrir, de se re-connaître un être en mouvement, en devenir, - Ré-ouvn? le débat sur l’alternance, le tutorat, la qualification, l’éducation permanente, à la lumière des exigences actuellement posées par la problématique de “l’homme apprenant dans une société apprenante”, - Alimenter un questionnement permanent et sans frontières sur l’acte d‘apprendre et d’enseigner, sur le rôle de cet échange dialogique dans l’équilibre d u n e société digne de ce nom :
“Uneseule misère s u 8 t à condamner une société” (Charles Péguy) ‘71 s’agit de se confionter dignement à la question des questions : qu’avons-nous rep, qu‘‘avons-nousdonné ?” (Monette Vacquin) ‘yeme révolte, donc nous sommes” (A. Camus) Spéa@ité duJilm 7 Ce dernier film de la série N e pour Apprendre correspond à la 7 e et dernière étape du savoir-apprendre, le savoir-échanger. Cet espace, ce temps permet de s’ouvrir à la réalisation sociale, à la réciprocité, à l’œuvre commune. C’est aussi l’étape qui ouvre la voie à l’autonomie, celle où chacun est aux commandes de sa propre compréhension et de son savoir-communiquer. Dans ce film, Bertrand Schwartz parle des diverses actions qu’il a menées, pendant 35 ans, sur des terrains très variés, actions inspirées par sa conviction qu’il faut aujourd’hui porter un regard nouveau sur le contexte actuel de la formation. Comment définir ce nouveau regard ? Comment mieux accompagner notre temps ? Comment redonner l’envie et le désir de se former à un jeune qui n’a pas pu découvrir, dans ses années de scolarité, sa capacité d’explorer, d’agir, de se construire ? Comment mettre en place une stratégie d’autonomie et de responsabilisation ? Quels sont les pièges à éviter, les erreurs à ne pas commettre dans la relation avec les jeunes ? Quel est le plus sûr chemin vers la qualification ? Que veut dire “éduquer par la vie, à travers la vie, pour la vie ” ?
La méthodologie d’accompagnement propose de nourrir la réflexion et le questionnement pour mettre en place une recherche véritablement participante de la part des formateurs, et concrétiser ainsi l’idée que la pédagogie ne se fait pas par le haut mais avec les acteurs eux-mêmes. Idéesforces exprimées dans leJilm 7 - La théone et la pratique ne doivent pas s’apprendre séparément. - Les gens savent beaucoup de choses mais ils ne savent pas qu’ils savent : savoir qu’on sait est très important. - Lesjeunes disent c’est important d’être responsable, de travailler en équlpe, depouvoir découvnt-un métièc d’avoir des choses à dire, d’avoir des contacts, de voir qu’on s’intéresse à eux... - Lesjèunes disent avoir besoin qu’on leurfasse conJance, de voir le résultat de ce qu’ilsfont, de savoir qu’ils servent à quelque chose.
Annexe 1. Né pour apprendre
Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes
- Apprendre à quelqu'un donne envie d'améliorer ce qu'on sait. - Une méthode incontournable est d'écouter avant, pendant, après. - Unepriorité :changer l'organisationdu travail, la relier à laJonnation, enfaire une organisation qualfiante, utiliser les dygonctionnementspourfoimec anaiyser collectivement les dyflonctionnements, apporter des savoirs "au moment où" et "à propos de".
IX Annexe II 1. Paroles, en partage 2. Lire, une longue histoire d’interface et un acte neuroculturel 3. Apprendre aujourd’hui, dans une université apprenante
w
Annexe II
1 - Paroles. en partage
1
Paroles, en partage Paroles, en partage.. . Ces “Parolesen partage ’’ sont des points d’appui pour nos explorations autour d’un concept, et une invitation à en qouter d’autres. idéesforces pour leurs auteurs. Elles peuvent déclencher; stimuler; relier; élargir notre questionnement, d’horizon en horizon. Ce qui est propose est donc une “lecturequestionnante ’’ et une expérience d’échange réc@roquede nos perceptions et de nos valeurs.
Aimer “Si vous aimiez vos enfants, vous n’auriez pas de guerres” Krishnamurti, Se libérer du connu (Livre de Poche). “Dis-moi où siège l’amour ? dans le coeur ou dans la tête ?” Shakespeare, Le marchand de Venise. (Au Zanskar) “Les parents sont aimés pour l’harmonie qu’ils développent et non pas craints pour les limites qu’ils doivent fixer sans cesse”, O. Follmi, Si loin des Hommes, si près des Dieux (éd. La Martiniere). “Celui qui n’aime pas ne voit rien”, Paracelse, Labyrinthus medicorum erranti’um, (XI, 207), Cf Braun (Fleuron, Genève).
Alterite “L‘homme privé d’altérité ne peut même pas développer son programme génétique... Aller vers l’autre enrichit” B. Cyrulnik,L’Ensorcellement du monde (éd. O. Jacob). Apprendre “Un voleur ne peut voler ni l’apprentissage ni la satisfaction d’avoir créé l’objet dont il s’accapare” (pensée tibétaine). “On ne peut rien apprendre à l’homme, on ne peut que l’aider à découvrir ce qu’il recèle” Galilée. “L‘apprentissage est une forme très compliquée de l’action en retour et dont l’influence s’exerce non seulement sur l’action individuelle mais aussi sur le modèle de l’action. C’est également une façon de rendre le comportement moins soumis aux exigences du milieu”, N. Wiener, Cybemetiqe et societe (Deux Rives). Arbre “Regarde l’arbre : avec sa science il manifeste ce qu’il est ! C’est la réalité invisible en lui qui le conduit à produire feuilles, fleurs et fruits. Et il le fait parfaitement”, Paracelse, Das Buch von den tartanshen Krankheiten, (XI, 175).
Annexe fi
1 - Paroles, en partage
Autonomie “Autonome ne veut pas dire sans relation”, E. Guillé et C. Hardy, L’alchimie de la vie (éd. du Rocher). “Gagner en autonomie, c’est étendre ses échanges avec le dehors, développer les structures de liaison et les interactions...” E Jacob, La logique du vivant, (Gallimard). Nous hébergeons un double processus générateur d’autonomie : l’évolution phylogénétique (libération progressive des contraintes imposées par l’environnement) et l’évolution ontogénétique du cerveau (libération de la prédominance du moment présent, prise de distance dans le temps et l’espace) P. Karli, Le Cerveau et la Liberté, (O. Jacob). “Un système est autonome s’il peut spécifier ses lois” E Varela, Autonomie et Connaissance, (Seuil). “C’est un processus d’émergence continue” E Varela (interv. Nepour apprendre, op cit.) “Pas d’autonomie sans décontextualisation”, Ph. Meirieu. Changement “Nous n’avons pas besoin de nous aveugler avec le vieux dogme qui veut que la nature humaine ne peut être changée, car nous découvrons qu’elle peut être changée (si nous savons comment). Nous devons cornmencer à réaliser nos potentialités en tant qu’êtres humains, et alors nous aborderons le futur avec quelque espoir” A. Korzybski Ce queje crois, (trad. S. Schaeffer et J.C. Denis, Institute of General Semantics, Lakeville). Communiquer “Je ne sais jamais ce que j’ai dit avant d’entendre la réponse de l’Autre” N. Wiener, Cybemehque et Societe (Deux Rives). Connaître “Nous avons besoin de connaître, mais nous en avons peur” A. Maslow. “Nos raisons de vivre ? c’est la connaissance” H. Laborit, interv. /./. Servan Schreiber. Contexte “Les animaux vivent dans un monde contextualisé”, B. Cyrulnik, op. cit. Couleurs “L‘ultra violet n’est ni perçu ni représenté pour un requin, mais c’est un événement pour une abeille”, B. Cyrulnik, op. cit. “Qui voit la vraie couleur ?... Quelle est la couleur du monde ?” E Varela, interv.
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Culture “Ce qui me surprend, c’est la façon dont notre culture peut détruire la curiosité chez le plus curieux des animaux, l’être humain” Paul MacLean (lettre au Dr C. Hanneford, Lagymnastique des neurones, (éd. Grancher). Donner-recevoir (Au Zanskar, Himalaya) “Si l’on offre ou si l’on reçoit un objet, on le fait toujours des deux mains, la gauche légèrement en retrait, car ce qui nous est offert est une grâce, ce que l’on donne à l’autre est une offrande. Rien n’est jamais dû. Recevoir ou donner est toujours un privilège”, O. Follmi, op. cit. École “Atcho, de ton école, est-ce que tu vois la lune ?” O. Follmi, L‘École au bout dujeuve (éd. de la Martinière). “C’est d’écoles de paix dont les États ont besoin” A. Jacquard.
Éduquer “On ne peut pas éduquer sans postuler que la personne peut comprendre, peut apprendre, peut accéder à ce que l’homme a élaboré de plus grand” Ph. Meirieu. (Au Zanskar) “C’est par la répétition du geste et par l’exemple qu’on enseigne la vie à l’enfant, sans théorie. 11 en résulte un grand calme en famille... Les règles sont comprises pour toujours”. O. Follmi, op cit. “Lorsque nous aurons compris quels sont les besoins invisibles et essentiels de l’être humain, besoins qui relèvent de sa nature et qu’on ne peut frustrer sans le dénaturer, nous serons amenés à élargir nos formes d’éducation et de culture. Nous nous efforcerons de mener de front deux démarches complémentaires, celle qui désenchante et celle qui réenchante le monde” J. Onimus, Essais sur I’émeweilIement (PUF). “Pratiquez ce que vous enseignez au lieu de ressembler à ces poteaux immobiles qui montrent une route où ils ne vont jamais” U.von Hütten, Doléance et Exhortation. “Non, il n’est pas en ton pouvoir de faire éclore le bouton. Secoue-le, frappe-le : tu n’auras pas la puissance de l’ouvrir. Tes mains l’abiment ; tu en déchires les pétales et les jettes dans la poussière. Mais aucune couleur n’apparaît, et aucun parfum.. .Il ne t’appartient pas de le faire fleurir ! Celui qui fait éclore une fleur travaille si simplement. Il y jette un regard, et la sève de vie coule dans ses veines. À son haleine, la fleur déploie ses ailes et se balance au gré du vent. Comme un désir du coeur, sa couleur éclate, et son parfum trahit un doux secret. Celui qui fait éclore la fleur travaille si simplement.” R. Tagore, L’ofrande lyrique.
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Enfant “Un enfant est peuplé de souvenirs. Les parents ne sont que les géniteurs dun être qui fait escale au sein de la famille. I1 ne peut être entièrement leur fruit ni leur reflet. Les parents ne développent donc jamais une attitude possessive envers leur enfant. Ils l’aiment tel qu’il est, sans chercher à s’identifier à lui. Leur devoir est de l’aider au mieux à s’accomplir dans cette vie-ci en lui procurant suffisamment d’amour, de respect et de confiance” O. Follmi, op. at.
Enseigner “Je crois que le style dans lequel les enseignements sont présentés dépend du degré d’engagement du public dans la vitesse du matérialisme” Chogyam Trungpa, Praîkpe de la voie fibétaine (Seuil). Environnement “L‘homme et son environnement se façonnent réciproquement”, E. Hall, La Nouvelle Communication. Éthique “L‘action éthique est liberté. Elle envisage le monde non pas dans ce qu’il est mais dans ce qu’il a à être.” M. A. Ouaknin, Mystères de l’Alphabet (éd. Assouline). Être “Je suis parce que je suis ému et que tu le sais” Jean-Didier Vincent, Biologie des passions (Odile Jacob). “Être, c’est avoir encore à être ...C’est magnifique d’être en train d’être... La vie est splendide” P. De Duve (intern.). “Être pleinement ce que nous sommes, voilà ce qui nous guide”, Chogyam Trungpa, Pratique de la voie tibétaine, au-delà du maténàlisrne spirituel (Seuil). Évolution “Sans évolution, un homme, un peuple, une culture se meurt de ses convictions. L‘échange et le changement construisent l’essence de la vie de tout être” Olivier Follmi, op. cit. “Nous sommes le résultat de l’évolution biologique”, I. Prigogine, Temps à devenir, (Fides, Les grandes Conférences). “L‘homme en devenir doit toujours être en train de se faire, de se construire, de s’inventer autrement”, M.A. Ouaknin, op. cit. “99% des espèces vivantes à l’origine ont disparu. Les espèces qui ont survécu sont celles qui mélangent des gènes, brassent ... et contraignent à l’invention, à la diversité” B. Cyrulnik, op. cit. Experience “Toute expérience s’accumule pour créer à chaque fois un nouvel être. Nous ne sommes que le fruit de nos vécus” O. Follmi, op. cit.
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Homme “L‘homme est la seule espèce capable de transgresser les lois naturelles’’ B. Cyrulnik, op. cit. “Le propre de l’homme est la compassion” E. de Fontenay, Le silence des bêtes (Fayard). Identité “Les structures dissipatives sont des systèmes capables de conserver leur identité uniquement en restant continuellement ouverts aux flux de l’environnement’’ (J. Briggs et FD Peat, “La flèche du temps”, in Un miroir turbulent (InterEditions). “Si je ne suis pas moi, qui le sera ?” H.D. Thoreau, Walden. illettrisme “L‘illettrisme scientifique est l’incapacité de comprendre ou même d’envisager des processus non-linéaires” , N. Wiener, op. cit. Imagination “L‘imagination de l’homme fonctionne comme une semence” L. Braun, Paracelse. (Fleuron, Genève). Individualité “L‘individualité du corps est celle de la flamme plutôt que celle de la pierre, celle d’une forme plutôt que celle d’un fragment de matière”, N. Wiener, op. cit. Intelligence “L‘intelligence n’est pas une géométrie “tailleuse de solides” qui ne se sentirait à l’aise que parmi les pierres de taille. L‘intelligence est vie qui se prend en conscience” M. Jousse, L’anthropologie du geste (Gallimard). Interdépendance “II y a, au Zanskar, une profonde conscience de l’interdépendance. L‘entente entre les hommes, leur harmonie avec la nature sont le gage de leur survie” O. Follmi, op. cit. Itinéraire “En mer, l’itinéraire le plus court n’est pas obligatoirement le plus rapide” E. Tabarly, Memoire du large (éd. de Fallois) . “La source coule d’abord en mince filet et il lui faut du temps pour se frayer un chemin vers l’espace libre” Yi King.
Langage “Le langage ne met généralement l’accent que sur un seul côté de l’interaction”... Les choses ne peuvent pénétrer dans le monde de la communication et de la signification que par leur nom, leurs qualités et leurs attributs (c’est-à-dire par des discours tenus sur leurs relations et
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leurs interactions internes et externes), G. Bateson, La nature et la pensée, (Seuil). Liberté “La liberté mondiale ressemble de plus en plus au choix de la sauce d’accompagnement du seul plat disponible” B. R. Barber, Centre W. Whitman, E.U. (Chez Paracelse) “La liberté est tout sauf la volonté arbitraire du sujet.. C’est plutôt un acte de laisser-être ... Être libre, c’est se rapporter à la nature de telle façon qu’elle puisse, en nous, s’accomplir” L. Braun, op. cit. “Est libre l’homme qui sait reconnaître les contraintes de la nécessité et agir en accord avec elles ; sa liberté est tenue par les limites que la réalité lui impose” J. Schlanger, Solitude du penseur deyond, (Critérion). Mémoire “Tel est le rôle du cerveau dans l’opération de la mémoire : il ne sert pas à conserver le passé, mais à le masquer d’abord, puis à en laisser transparaître ce qui est pratiquement utile” Bergson, L’Énergie Spirituelle. “Hors du présent, la mémoire n’existe pas”, I. Rosenfield, L’invention de la Mémoire (EsHel).
Monde “11faut que l’homme trouve dans ce monde non seulement un domicile, mais aussi un “chez soi” V. Havel, Znten-ogatoire à distance. entendre le silence du monde ...” Magritte. Outil “Chaque outil possède une généalogie et est issu des outils qui ont servi à le construire” N. Wiener, op. cit. I‘...
Percevoir “Un objet n’est perçu qu’au moment où il colore l’esprit’’ Sûtra 4.1 7, Yoga Sûtras de Pataqali, (éditions Altess) . Questionner “Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère” R.M. Rilke, Lettres a unjeune poète (Les cahiers rouges, Grasset). Réalité “La réalité est trop vaste pour être contenue dans les limites de tel ou tel système de pensée” Introduction d’A. Shearer aux Yoga Sûtra, op. cit. “Le yeti existe puisqu’on en parle ... En voulant cerner chaque phénomène, on oublie que l’impalpable et le concret constituent ensemble une approche plus légitime de la réalité, et que toutes les perceptions que nous
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avons du monde, physiques ou psychologiques, ne permettent encore qu’une grossière illusion de la vérité” O. Follmi, op. cit.
Recherche (Le chercheur) “Ce qui constitue sa mission ultime, c’est de donner pour ainsi dire forme à l’invisible, c’est-à-dire porter à la parole ce qui n’est pas parole, témoigner par la parole d’un au-delà d’elle-même ... La recherche, en tant que promotion du non-encore pensé, et donc du nonencore formulé, est aussi en même temps promotion des moyens pour rendre soupçonnable, voir énonçable, l’inouï”, L. Braun, op. cit. Ressources “L‘essentiel pour un puits est que son eau soit puisée ... Le puits est là pour tout le monde ... Plus on y puise, plus son trésor s’accroît”. Commentaire a I’Hexagramme 48, Yi King, Livre des transformations (Librairie Médicis). Rêves “Nous n’avons pas de rêve, nous les vivons ou les habitons”, G. Epstein, (psychologue à l’lnstitute for the Advancement of Health, N.Y.). Science “La science a tendance à nier ce qui lui échappe. Elle est par nature réductionniste” H. Reeves, Soleil, (ed. La Nacelle).
Sens “Je vous souhaite du fond du coeur de retrouver le sens de l’angoisse devant le soleil qui meurt. Je le souhaite à l’occident, ardemment. Quand le soleil se meurt, aucune certitude scientifique ne doit empêcher qu’on le pleure, aucune évidence rationnelle qu’on se demande s’il renaîtra. Vous, vous mourez lentement sous le poids de l’évidence. Je vous souhaite cette angoisse comme une résurrection” Cheik Hamidon Khan, cit par O. Follmi, op. cit.
Spirituel (Pour Paracelse) “Spirituel veut dire : tout ce qui naît des idées, des paroles, des relations entre les hommes, des amours, des haines, bref, toute cette dimension inter-individuelle dans laquelle nous sommes pris en tant qu’être de relation non matérielle” L. Braun, op. cit. Temps “Le passé et le futur coexistent en chaque objet” Sûtra 4.12, trad. J. Weber, op. cit. “C’est parce que nous n’avons pas dans l’histoire des sciences étudié des situations suffisamment complexes que nous n’avons pas rencontré la flèche du temps” I. Prigogine, Temps à devenir (Fides, Les grandes conférences).
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“Tout le présent n’est qu’un point dans la durée”, Marc Aurèle, Solilaques, (Livre de Poche). “Le temps est aussi une notion biologique” B. Cyrulnik, op. cit. “Le temps est plus fort que le médecin. L‘homme doit attendre, même pour faire fondre le sucre” L. Braun, op. cil.
Univers “I1 faut enfin que tu comprennes quel est cet Univers dont tu fais partie” Marc Aurèle, op. cit.
Vie, vivant “Les hommes du Zanskar n’oublient pas qu’une fleur n’existe pas sans les autres fleurs, sans les insectes qui la butinent, le vent qui la féconde, l’eau qui l’arrose, le soleil qui la fait s’ouvrir, la terre qui la nourrit. Ils ont conscience de cette chaîne de vie dont font partie humblement les hommes” O. Follmi, op. cit. “Vivre indigné”, Zola. “La vie humaine n’est pas faite pour être coulée dans un moule” R. Tagore, La Maison et le Monde, (Payot). “Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut-être, simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses” R.M. Rilke, op. cit. “Nous sommes tous des gens du voyage, et ce voyage est la vie” C. Singer, Les âges de la vie (A. Micheo. “Etre vivant, c’est participer à un courant continu d’influences venant du monde extérieur et d’actes agissant sur celui-ci, dans lequel nous ne représentons qu’un stade intermédiaire” N. Wiener, op. cit. Violence “La violence, c’est l’incapacité de sortir de son propre mode de représentation” B. Cyrulnik, op. cit. Virtuel “Par nos récits, nous habitons des mondes virtuels. Nous échappons donc aux mécanismes régulateurs de la nature et devenons soumis au monde virtuel qu’on invente” B. Cyrulnik, op. cit. Voir “Le fou ne voit pas le même arbre que le sage” William Blake. “Ce qui est invisible est pourtant là” Paola Lévi Montalcini, sculpteure (interv,).
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Lire : une lon-we histoire
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Lire : une longue histoire d’interface et un acte neuro-culturel à construire 1 Notre culture occidentale contemporaine accorde une place de plus en plus importante à la révolution que fut, il y a quelques milliers d’années, la représentation symbolique du langage et de la pensée humaine. Aujourd’hui, le code écrit est investi d’un pouvoir immense : celui de nous orienter, de nous informer, de nous enculturer, de nous distraire, de nous faire rêver, de nous faire communiquer... Il est banal, certes, de souligner qu’aujourd’hui l’image et le son ont à rattraper un retard considérable pour remplir, eux aussi, le rôle que l’écrit occupe depuis cinq siècles. Mais.... est-ce le cas pour ceux qu’on appelle, en Occident, des “illettrés” ? Rien n’est moins sûr ! Qu’ils soient enfants ou adultes, force leur est de gérer d’autres types de connaissances, et parfois, ils se révèlent des experts hors ligne. L‘histoire d’Alfred0 est plus qu’une anecdote, c’est une leçon magistrale. Alfredo est Portugais. Il était âgé de trente cinq ans lorsqu’il entreprit d’apprendre à lire. I1 connaissait l’alphabet mais ne progressait plus. Élisabeth A., son enseignante, ne savait plus que faire. Un jour je l’entendis remarquer : “Alfredo sait toutes ses lettres, mais il ne lit toujours pas” et elle ajoutait : “il n’est pourtant pas bête, Alfredo ! il m’a raconté l’autre jour qu’il avait transformé sa mobylette en tronçonneuse.. .”. Immédiatement, je pensais : “mais... Alfredo a tout ce qu’il faut pour lire ! I1 sait anticiper, évoquer et faire évoluer des images mentales, imaginer des transformations, gérer et mémoriser des phases d’actions successives. 11 sait ne pas perdre de vue I’ objectif poursuivi ; puisqu’il s’intéresse aux outils, il faut lui raconter l’histoire de l’écriture et lui montrer que l’écriture est un outil que l’homme a inventé”. Et je disais tout cela à Élisabeth qui, dans les jours qui suivirent raconta à Alfredo l’histoire de l’invention de l’écriture. Un mois plus tard, je rencontrai Élisabeth, qui, avec un grand sourire, m’annonçait : “Alfredo sait lire !”
Un problème beaucoup plus vaste Nous avons, semble-t-il, tendance à oublier que l’écriture n’est pas un acte naturel mais un acte de civilisation. Le fait d’établir un rapport manifeste entre le corps (physique et social) et le langage n’est pas neutre. La notion d’alphabétisation prend tout son sens dans un contexte culturel donné. Dans une culture de longue tradition orale comme celle des 1. Texte publié dans l’ouvrage collectif Petite enfance, éveil aux savoirs, (La Documentation Française. Ministère de l’emploi et de la Solidarité, 2e édition, 1997) dans le cadre d’un partenariat du GPLl avec l’association Santé et Communication.
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Aborigènes d’Australie par exemple, le fait de ne savoir ni lire ni écrire n’est pas un signe d’ignorance ni de sous-développement intellectuel.. . Dans nos cultures occidentales, l’alphabétisation est, aujourd’hui plus que jamais, considérée comme un bien de consommation à acquérir, indispensable pour parvenir à un statut économique et social de survie. L‘état des lieux est alarmant, certes : 6 millions de Français “handicapés du savoir”, un quart des habitants de la planète non alphabétisés.....Mais nous courons le risque d’oublier que l’illettrisme n’est qu’un aspect d’un problème beaucoup plus vaste, celui de l’interface entre le cerveau de l’homme et son environnement. Cette interface, fondée sur la régulation et l’échange - deux facteurs déterminant pour l’adaptation et l’évolution de 1 ’organisme humain - reste encore, en grande partie, à découvrir, à créer, à organiser, à développer. La survie des hommes et des femmes de la fin du XXe siècle et de leurs descendants en dépend. Le savoir-lire et le savoir-écrire ne sont qu’un aspect du savoir-être au monde. L‘écriture n’est qu’une manifestation du savoirpenser parmi d’autres, qu’un type d’actualisationIdu savoir-dire, du savoir-comprendre, du savoir-créer du sens. Parce que le véritable illettrisme, aujourd’hui, dépasse la relation au seul code écrit, le problème de sa prévention doit être vu dans une perspective multidimensionnelle, anthropologique et historipe.
S’interroger en amont En deçà des aspects linguistique, psychique, psychologique, biologique, socio-économique de l’analphabétisme (cette “surdité aveugle” face à l’outil millénaire qu’est l’écriture), nous avons à nous interroger sur l’amont du phénomène, et sur sa nature neuro-culturelle, pour retrouver, (peutêtre.. . qui sait ?), l’émerveillement devant l’extraordinaire invention humaine. Dans le langage graphique, “les mots ont pris la place des choses... Ils sont plus maniables, plus universels, moins individuels, moins matériels. Ils peuvent être combinés,. .. Ils permettent l’analyse, l’abstraction, le raisonnement, la déduction.. . Ils peuvent être transmis au loin.. .” (1). Aussi, s’il est vrai que “pour enseigner le latin à Paul, il faut bien connaître le latin, ... et il faut bien connaître Paul ” (et j’ajouterai...“il faut bien connaître le contexte dans lequel Paul apprend le latin”), pour prévenir l’illettrisme, il faut bien connaître ce qu’est l’écriture, bien connaître le cerveau humain qui l’a créée et bien connaître le contexte dans lequel l’être humain se sert de l’écriture.
Écriture et cerveau
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L‘histoire de l’interface Cerveau Écriture a commencé il y a 3.000, 6.000 ou 10.000 ans, selon les chercheurs et la conception qu’ils ont du signe et du code écrit ... Mais peu importe. Lorsque l’écriture a été inven-
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tée, un aspect de la communication est passée sous le contrôle exclusif de la vision pour celui qui la recevait. Aujourd’hui, cet aspect des choses est toujours valable. Les formateurs, les parents, les amis, les employeurs de ceux qu’on appelle des illettrés doivent comprendre leur désarroi et les stratégies nécessaires pour pallier l’incapacité d’ accéder à tant d’actes de la vie quotidienne qui se trouvent codés par l’écriture. L‘intérêt de re-situer l’invention de l’écriture dans son contexte historique et neurobiologique est de mieux comprendre comment l’homme est parvenu à se dégager du processus sensoriel pour prolonger sa propre pensée, l’extérioriser, la fixer, la communiquer par un système de représentation visuelle permanent et codé. Le message écrit devient indépendant de celui qui l’a émis. Pour l’émetteur, il s’agit d’une véritable prise de risque (1) , pour le lecteur d’une situation de probabilisme et d’exploration d’un domaine à découvrir et à organiser. Les aspects neuro-culturel et neuro-linguistique de la création de l’outil “écriture” ont été relativement peu étudiés jusqu’ici (2). il est pourtant crucial de poser le problème du rapport de 1 ’homme au code écrit en termes d’inteface du cerveau, de la pensée et du langage, puisque I’emploi du code écrit provoque un changement radical dans le mode de communication. La qualité des messages est transformée à l’émission, à la réception, et dans ses relations avec la pensée. 11 est crucial également de souligner qu’il s’agit d’une mise en relation spécifique des différentes composantes de l’acte cognitif de lecture : l’organe de la lecture qu’est le cerveau (c’est lui qui lit et non pas les yeux), la pensée (c’est elle qui s’exprime et interroge sur le sens) et le langage (la parole, orale et gestuelle, devient visuelle et la pensée est transmise par une autre structure obéissant à un autre code). L‘acte de lecture est un acte mental complexe, pluriel et différé : il exige, de la part du lecteur, toute une série d’opérations préalables d’identification, de perception sensorielle, d’intégration dans un domaine de connaissances déjà constitué, d’intégration dans un système de référence déjà existant, d’ancrage, de mise en mémoire, de couplage entre le percept (la trace d’écriture perçue) et le concept .... Il déclenche l’évocation d’images mentales, de souvenirs, d’émotions, etc... De ces opérations, de ces couplages et de cette ré-organisation émergera une signification, puis un sens, et une éventuelle opération de communication : immédiate, différée, extériorisée ou non. Quant à l’activité neuronale impliquée dans l’acte de lecture, on sait aujourd’hui qu’elle obéit aux lois de la perception, et que le capteur sensoriel (l’œil et la rétine) ne contribue que pour une part seulement à l’acte perceptif, celui-ci étant la résultante de toute une activité corticale et souscorticale de notre cerveau (3).L‘état intérieur du sujet (l’aspect psychologique diront certains) joue donc un rôle important dans l’acte de lecture et échappe aux tests, contrôles et méthodes les plus raffinés ...
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L‘image visuelle qui s’élabore sur le cortex visuel des deux hémisphères cérébraux résulte de la complexité du processus cérébral de vision et traduit l’aspect topographique de l’information visuelle. Celle-ci n’est en rien une représentation linéaire et complète du champ visuel. La “carte” de ce qu’on lit, déjà renversée au niveau rétinien sous l’effet du cristallin, est inversée encore deux fois, de gauche à droite et de haut en bas, avant que s’élabore la représentation corticale. Le schéma fait aussi comprendre qu’une écriture qui se déroule de droite à gauche (comme l’hébreu et l’arabe par exemple) n’est pas lue par les deux hémisphères cérébraux comme l’est une écriture qui se déroule de gauche à droite (comme nos écritures occidentales gréco-latines). L‘acte neurophysiologique de lecture obéit aux lois de l’organisation fonctionnelle cérébrale, qui reconnaît l’existence de variations individuelles de rythme, de gestion, d’interprétation, et, surtout, l’émergence de la signification en chacun de nous. Les neubiologistes s’accordent actuellement pour nous dire que les qualités que nous attribuons au monde environnant résultent, d’une part, des propriétés de notre équipement neuro-sensoriel (capteur, codeur, décodeur, sélecteur, connecteur + le domaine mystérieux de l’émergence du sens), et, d’autre part (et essentiellement) de notre gestion de cet équipement, c’est-à-dire nos habitudes, nos préférences, la maintenance de notre potentiel, la fréquence de son actualisation. Ceci dit en terme plus brutaux : la relation szgne-sens nous apparlient. Le rôle des éducateurs est donc d’intervenir au niveau du développement et de la maintenance des capacités perceptuelles, en sachant que si celles-ci sont “en première ligne”, elles sont aussi étroitement reliées aux exigences de nos couches cérébrales profondes, c’est-à-dire de nos cerveaux anciens (reptilien et affectif). Ce cerveau profond a essentiellement besoin de se savoir en sécurité, c’est-à-dire non menacé, et de communiquer avec des membres de son espèce, c’est-à-dire de créer et d’ échanger.
Spécficité de notre système graphique occidental Pour comprendre l’acte cognitif impliqué dans la lecture de notre système graphique occidental, d’origine gréco-latine, il faut d’abord préciser que l’opération mentale exigée par ce système, alphabétique phonétique et horizontal, est une “saisie” et un “traitement” ordonnés de l’information. Dans ce système graphique, le signe représente une unité abstraite qui ne signifie rien sans ce qui la précède et ce qui la suit. (4). Une évolution qui n’a pas été sans influencer la gestion cérébrale du code graphique est l’apparition de l’alphabet, vers 1800 avant J.C, qui a eu pour conséquence l’introduction d’un degré d’abstraction supplémentaire, puisque un nombre restreint de signes représentaient désormais toutes les combinaisons de la parole. Il faut se rappeler qu’à l’origine, l’écriture se déroulait de droite à gauche. Au cours de l’évolution, de rétrograde, elle est
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devenue orthograde (vers la droite). Pour le cerveau, cela exige un tout autre travail, et une toute autre coopération entre les deux hémisphères. Un autre aspect de l’évolution, que nous devons aussi aux Grecs, a consisté à introduire, dans le continuum graphique, des signes représentant les sons vocaliques du langage parlé. Désormais, tout ce qu’on proférait avait une représentation visuelle. Et, par voie de conséquences, tout ce qui était écrit était pris dans une organisation structurée : phonologique, lexicale et syntaxique. Contrairement aux systèmes graphiques dans lesquels l’image prédomine (hiéroglyphes, idéogrammes, pictogrammes), pour lesquels la lecture est contextuelle, configurative et visuo-spatiale, l’appréhension visuelle de notre système graphique occidental relève d’un processus séquentiel et analyti‘que. Dans ce cas, l’acte de lecture met en œuvre un processus temporel, combinatoire et associaox utilisant linéairement et de façon irréversible la contiguïté immédiate des signes. D. de Kerckhove (4) énumère sept “routines mentales” indispensables à la lecture d’un code graphique alphabétique : la temporalité, qui gère successivité et durée des éléments du champ visuel; l’irréversibilité (l’orientation obligatoire de la graphie) ; l’horizontalité (la perception continue du champ visuel de gauche à droite) ; l’uniformité (les segments sont de taille identique) ; la hiérarchisation de l’information selon une organisation logique (lettre, mot, phrase, paragraphe, page ...) ; la combinatoire selon une relation de causalité et un besoin inhérent de synthèse, et la classification (+ une sélection) selon un principe de similitude ou de différence.
L’apport des neurosciences Les recherches aujourd’hui permettent de clarifier certains points. L‘acte neurologique de lecture dans nos langues occidentales peut être considéré comme un acte de désensorialisation du langage et un acte d’abstraction très poussée, en ce qu’il met en œuvre la vision et la perception visuelle d’un nombre restreint de signes qui représentent tous les sons de la parole. L‘opération de transcription de la parole en écriture et l’acte de lecture exigent l’un et l’autre un changement de vecteur sensoriel : du mode auditif au mode visuel, et du mode visuel au mode auditif. Nous savons que les zones auditives et visuelles de notre cerveau sont anatomiquement reliées par des faisceaux de fibres nerveuses et que le cerveau possède une très grande proportion de zones associatives (dites de recouvrement). Quant à l’opération mentale du “transfert” du mode visuel au mode auditif, ou vice versa, elle reste un mystère quasi total. En revanche, un domaine que l’on connaît un peu mieux, actuellement, concerne la stratégie d’exploration qui règle le mouvement des yeux
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pendant la lecture : ces mouvements ne dépendent pas seulement du matériel qui stimule la rétine, comme on l’a cru longtemps, mais aussi des représentations internes que le sujet se fait de ce qu’il cherche. Les mouvements oculaires d’un lecteur japonais varieront selon qu’il lit un texte en kanji (idéographique) ou en kana (alphabétique). Les fixations seront plus fréquentes pour le texte en kana. il est capital de se défaire de l’idée qu’en manoeuvrant correctement le regard, on résoudra les problèmes des “mauvais lecteurs”. Les chercheurs nous encouragent plutôt à “entraîner le cerveau plutôt que les yeux” (5).La tâche des éducateurs est, en premier lieu, d’interpeller le cerveau dans sa totalité : les trois cerveaux tels que Paul MacLean les a décrits et explorés ( 6 ) , et les deux hémisphères tels que nous les connaissons aujourd’hui dans leur spécificité et surtout dans leur complémentarité. Une découverte qui nous semble fondamentale est celle qui nous révèle le rôle joué par les structures sous-corticales (donc notre moi profond, notre affectivité, notre mémoire, notre besoin de sécurité..) dans des opérations mentales qui ont longtemps été considérées comme purement “intellectuelles” ou corticales : lire, écrire, compter, parler ... (7). Parmi les méthodes d’exploration actuelles, certaines, comme l’idéographie cérébrale, la Tomographie d’Emission Positonique (PET), ou les EEG quantifiés ....nous donnent des cartographies ou images du cerveau qui permettent de confirmer que lire est un acte pluriel et complexe : de nombreuses aires cérébrales dans les deux hémisphères sont impliquées par l’acte de lecture. La lecture dite silencieuse, par exemple, met en activité un nombre de zones bien supérieur aux aires visuelles (8). La pathologie du langage, de son côté, apporte un éclairage intéressant sur les mécanismes de lecture : ceux-ci diffèrent selon le matériau écrit.. Le cerveau n’utilise pas la même médiation pour les lettres, les mots, et les phrases. I1 existerait deux types de médiation : une médiation phonologique, que nous utiliserions pour lire les lettres et les lexèmes syntaxiques ; une médiation lexicale sémantique que nous utiliserions pour lire les mots. La lecture des phrases feraient appel aux deux médiations (9). Un autre aspect important qu’il faut souligner est que la lecture n’est pas un acte homogène. Le mécanisme de lecture évolue pendant l’apprentissage, et, bien sûr, selon la méthode et le matériau utilisés.
Autre aspect important (peut-être même essentiel pour des éducateurs), les éléments de la langue semblent ne pas avoir le même statut dans notre traitement cognitif : dans l’alexie (pathologie de la lecture), les noms “résistent” mieux que les adjectifs, qui “résistent” mieux que les verbes. Les articles, pronoms, adverbes.... sont très vite perdus par le patient atteint d’alexie profonde, et ils apparaissent de faibles déclencheurs d’organisation cognitive.
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Tenir compte des divers éclairages scienO@îques Une première approche de l’accompagnement de l’apprenti lecteur a été proposée dans un ouvrage précédent qui contient des suggestions et orientations pour construire une démarche pédagogique cohérente, la conscientisation du lecteur et son itinéraire, etc...Les facteurs intervenant dans la lecture ont aussi été abordés, ceux qui jouent un rôle facilitateur dans l’apprentissage, et ceux qui contribuent à rendre le lecteur efficace, à le libérer (1O). Lorsque l’on considère le cerveau comme un soubassement neurologique de la pensée et du langage, il est possible de repérer les principaux mots-clés de son fonctionnement de base qui se trouvent être des verbes d’action, au coeur même du vivant. L‘éducateur peut ainsi construire une médiation pédagogique sur ces “briques”. Ce qui caractérise notre cerveau, qui est un système ouvert, c’est sa recherche d’équilibre pour effectuer un premier “train” d’opérations cognitives, essentielles à la régulation et à l’adaptation du système. Ces opérations, chez l’enfant et l’apprenant, demandent à être accompagnées dans un ordre précis. Elles consistent à contextualiser, sélectionnec organiser et classec créer du sens (interpréter), s’adapter et innove< échanger (partager). Le second “train” d’opérations est du ressort du sujet lui-même, car personne ne peut les faire à sa place. Ce sont des étapes d’autonomie, que l’enfant, l’apprenant, l’individu gèrent lui-même car il s’agit de sa propre évolution :
comprendre (dans le sens le plus fort, “saisir ensemble”), - accueillir (intégrer dans son propre système de valeurs) et - communiquec dont l’origine étymologique est le verbe latin “communico” (je mets en commun), lui-même issu de “communio” (CO + munio, ensemble + je fortifie, je construis, j’étaye). L‘ordre dans lequel les actes cognitifs sont présentés ci-dessus ne sont pas un hasard. Ils correspondent à un ordre logique, celui de la logique du vivant et de la compréhension de la réalité biologique de l’apprentissage. Adaptée au système graphique occidental dont nous avons souligné quelques-unes des caractéristiques, la problématique de l’apprentissage de la lecture (accompagnée) peut être traduite par les sept étapes qui recouvrent successivement : un acte de parole, un acte graphophonologique, un acte lexical, un acte syntaxique, un acte de décision, un acte de création, un acte d’interprétation. La première étape est celle du savoir-parler : le premier acte de lecture consiste à consolider et affermir l’acte sensoriel de langage, l’acte de parole. -
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L‘aptitude à acquérir, en tout premier lieu, est donc celle de savoir utiliser ses capteurs sensoriels pour capter le monde physique de la langue orale en question, et, en particulier, les spécificités de la langue orale, et tous les paramètres (durées, formes, dimensions, diversité, texture, résonance ...) des syllabes, mots, phrases, rythmes, captés et reconnus sensoriellement. il s’agit, dans cette situation de départ, de l’apprentissage ou de la consolidation de l’acte de parole. Les trois phases suivantes sont destinées à mettre au point la r e p Zation de l’apprentissage de la lecture. La deuxième étape : savoir-identifier les correspondances et noncorrespondances entre les deux codes langagiers (oral, écrit) : par exemple, savoir reconnaître les règles du code graphique. L‘acte cognitif suivant à mettre au point est l’aptitude à : - reconnaître les principales caractéristiques de la langue écrite : sa diversité, les différentes structures des syllabes, { Consonne-Voyelle} , { Consonne-Voyelle-Consonne}, {Voyelle- Consonne}, sa complexité, le rôle des interactions... - savoir repérer les correspondances les plus courantes entre syllabes orales et syllabes écrites. - explorer, découvrir, repérer les normes (ce qui a tendance à changer, ce qui a tendance à ne pas changer). Faire découvrir au futur lecteur, dès ce stade, le mouvement vers la complexification ; lui faire reconnaître, dès cette étape, l’existence d’une grande diversité, d’un potentiel immense à découvrir et à actualiser en son temps, ... est sans doute l’une des plus grandes difficultés aux quelles le formateur et l’enseignant doivent s’atteler. Dans cette deuxième étape, l’acte d’apprentissage est un acte grapho-phonologique. La troisième étape : savoir-organiser. Cet acte cognitif correspond à un besoin de stabilisation, de conceptualisation, d’abstraction et de mise en relation. La sensorialité, l’émotion, la recherche de sens sont traduites en idées et codées afin d’assurer le couplage du code écrit au réel. Cette troisième aptitude est à développer en son temps : ni trop tôt, ni trop tard. Elle consistera à abstraire de l’expérience, classer, généraliser, organiser ce qu’on a perçu dans la première étape ; se représenter la réalité symboliquement, gérer les correspondances repérées dans la deuxième étape ; mettre en relation les syllabes et les mots .... Cette étape, essentielle pour la mémorisation dont elle constitue le socle, représente l’apprentissage d’un acte lexical. Quatrième étape : savoir-connecter, correspond à l’acte cognitif structurant qui consiste à établir des relations entre les éléments de la
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structure et la structure elle-même (exemple : la structure-rythme et la structure intonation). 11 s’agit,pour le lecteur, d’apprendre à établir un lien entre ce qui est su et celui qui sait, c’est-à-dire lui-même. Les concepts reçoivent un contenu “biographique” grâce au couplage historique (biographique) du lecteur et du monde extérieur. Le lecteur doit non seulement reconnaître ce qui est écrit, mais faire émerger une signification : la sienne. C’est une phase d’ancrage dans son système de connaissances, dans son présent et une anticipation de son devenir. Si cette étape n’est pas vécue pleinement ni élaborée soigneusement, l’apprentissage du lecteur ne peut pas se développer plus avant. La lecture restera extérieure au sujet et les progrès stagneront ou même s’effaceront. Cette quatrième phase d’apprentissage permet à l’apprenti-lecteur d’élaborer un acte syntaxique. Progresser sur la voie de l’autonomie exige que le lecteur franchisse encore trois étapes, qui, elles aussi, doivent respecter les exigences du processus de complexification croissante des rapports entre la pensée et le langage. L‘apprentissage est maintenant d’une tout autre nature et remplit un tout autre rôle que celui de régulation, car l’apprenti-lecteur tente la grande aventure de l’adaptation. I1 tente d’établir, non plus des relations avec l’environnement (étapes 1 à 4), mais des relations aux autres. Pour cela, il va procéder par essai et erreur. La cinquième étape : savoir-choisir. Cette aptitude qui doit être développée ici consiste à contrôler, choisir, s’engager plus avant dans I’apprentissage, en accord avec son propre système de valeurs. Étape importante entre toutes, car l’apprenti-lecteur doit s’identifier à son projet-d’être lecteur, avoir la volonté de décider, de contrôler le départ de son action de lire. En l’absence d’un projet, d’une réponse à la question : “lire, pour quoi faire....?, et en l’absence de référence à un système de valeurs qui lui est propre, il lui sera impossible de progresser, même si les étapes précédentes ont été correctement parcourues. D’où l’importance de veiller à ce que l’enfant-lecteur ne soit pas privé de sa propre décision, par une dépendance trop forte au modèle, par exemple. Cette cinquième phase d’apprentissage constitue le point de départ du véritable acte de lire. Cet acte de décision du lecteur le positionne au point d’articulation entre l’apprentissage par le corps (étapes 1,2,3,4) et la réponse aux exigences de la pensée ontologique (phases suivantes). Cette phase peut être considérée comme le “plexus’’, le centre énergétique de l’acte de lire. La sixième étape : savoir-adapter. S’il veut progresser vers l’autonomie, l’apprenti-lecteur, qui a maîtrisé la variété, les correspondances et la structuration de la langue écrite, qui s’est engagé, qui s’est investi dans
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l’ouverture au savoir-lire, aura à réagir, prolonger, questionner, intégrer l’aléatoire et, cette fois-ci, gérer la complexité, la différence et l’inattendu (qu’il a découverts dans la deuxième étape). Le lecteur, à ce stade, doit apprendre à faire acte de création, d’innovation, de prolongement, car le pouvoir-dire des mots est une réalité de la langue écrite : le lecteur entre à ce stade, dans l’activité du langage et il devient interprète du texte, car le texte n’est pas un objet clos et fini (11). Le lecteur doit, à ce stade, se laisser porter par la dynamique de la signification, sortir du “c’est écrit”, de la lecture “instrumentale”, du “prêt -àlire”, et entrer dans l’activité du langage pour que l’étape suivante ait lieu, pleinement : l’échange. Cette étape devrait être la dernière et amener le lecteur au seuil de son autonomie. La septième étape est celle du savoir-échanger. Apprendre à prendre position, à avoir une opinion, un point de vue personnel, coordonner les différents moments de son parcours, se préparer à s’ouvrir sur l’espace d’être, à la réalisation sociale, l’action conjuguée. Tout ceci contribuera à forger l’acte d’expression. Un regard sur l’acte de lecture qui en fait seulement un acte de réception (même actif) du “vouloir dire” de l’auteur .... appauvrit considérablement ce qui est, par essence, un acte d’inteyrétation, un événement relationnel, un pôle d’échange sur l’axe donner recevoir. ++
Pour conclure Le parcours du lecteur, tel qu’il a été esquissé en tenant compte de ce que nous savons du potentiel cognitif de chacun, est une trame sur laquelle construire et adapter des actions pédagogiques ad hoc, qui tiennent compte de l’âge, de la personnalité, du contexte du jeune enfant. Mais, dans notre désir d’éviter et de prévenir l’illettrisme, il nous faut rester attentifs à l’avertissement d’Alvin Toffler : “L‘illettré de demain ne sera pas celui qui ne sait pas lire. L‘illettré, demain, sera celui qui n’aura pas appris à apprendre”. Est posée, dans ces deux lignes, la question du véritable illethisme : serait-ce seulement la méconnaissance du code écrit, l’ignorance de cette extraordinaire révolution opérée par l’esprit humain, qui a donné naissance à l’invention de l’écriture....? Personnellement, je pense que l’illettrisme le plus redoutable est l’ignorance et la méconnaissance du savoirlire le livre de la vie, le livre de l’environnement, le livre des autres et.. le livre de soi-même ? Lorsque nous nous interrogeons sur les moyens de prévenir ce que les observateurs occidentaux considèrent comme un véritable fléau, une “plaie de la culture moderne”, “une catastrophe épouvantable’’...., demandons-nous, également, ce qu’est la véritable alphabétisation : peut-elle se
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passer de l’apprentissage de la lecture du livre de la vie, du livre de I’environnement, du livre des autres et du livre de soi-même ? N’aurions-nous pas avantage à dépasser une conception étroite de l’illettrisme et songer que l’homme moderne est essentiellement confronté aujourd’hui à des problèmes d’adaptation et de compréhension ? En élargissant notre conception de l’illettrisme jusqu’à un apprentissage du savoir-apprendre, nous nous donnons une chance supplémentaire de comprendre la nature des problèmes posés par le langage écrit à de trop nombreux hommes et femmes de la fin du XXe siècle. Du même coup, nous découvrirons qu’ils possèdent aussi, comme Alfred0 dont nous avons raconté l’histoire, des trésors de possibilités et de savoir-faire qu’ils peuvent intégrer, si nous les y accompagnons, dans leur démarche de l’apprentissage de l’écriture.
Sources bibliographiques (1) P. AMIET, introduction au catalogue Naissance de I’Écnture, Éd. Réunion des Musées Nationaux, 1982.
(2) Une recherche neuro-culturelle se poursuit à Montréal depuis 1980 (A. ROCHLECOURS, de D. de KERKHOVE, J. MEHLER, et al.). (3) cf F. VARELÀ Connaître les Sciences Cognitives, Seuil, 1989, pp 7 3 et s.
(4) cf D. de KERKHOVE, La Civilisation Vidéo-Chrétienne,Retz, 1990. (5) cf A. LEVY-SCHOEN et J. K. O’REGAN “Le Regard et la Lecture” in La Recherche, no 211, Juin 1989. (6) P. MacLEAN et R. GUYOT, Les trois cerveaux de l’Homme,Laffont, 1990
(7) J. SERGENT “Les dilemmes de la gauche et de la droite : opposition, cohabitation ou coopération ? ” in Psychologie et cerveau, dir. X. Séron, PUF, 1986. - Cf aussi H. TROCME-FABRE, /’apprends, doncje suis, 1987, 1994, Les Éditions d’Organisation, (p. 60 et sv). - Cf aussi L.V. WILLIAMS, Deux cerveaux pour apprendre, le gauche et le droit, Les Éditions d’organisation, 1986.
(8) Cf les travaux de N. LASSEN et al., in “Le cerveau”, n. spécial Pour la Science, Belin, 1981.
(9) Cf les travaux de Morton-Patterson, in B. DELEPLANQUE et J.M. MAZAUX, “Les Alexies : classykation et modèles actuels”,Concours Médical, 1989. (10) TROCME-FABRE H., op. cit. pp. 213-227.
(1 1) M.A. OUAKNIN, Lire aux Éclats, Lieu Commun, 1990, (p. 44).
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Apprendre aujourd’hui, dans une Université apprenante1 ‘YIn ’ya pas de VentJavorabZe pour celui qui ne sait où il va”2
Cette phrase a une résonance toute particulière lorsqu’on fait l’état des lieux des situations éducatives aujourd’hui, et en particulier lorsqu’on s ’interroge sur le rôle de l’université. Pour ma part, je me demande si les difficultés rencontrées par les universités aujourd’hui ne sont pas le prix que l’École, dans son ensemble, paie pour avoir confisqué l’acte d’apprendre depuis trop longtemps, et pour avoir, par un enseignement simplifiant, rendu la pensée complexe inaccessible à l’apprenant dans un contexte en pleine mutation. Mais ces pages n’ont pas pour objectif de dresser un réquisitoire ni d’ériger un tribunal pour y faire comparaître une Université en panne de sens. Beaucoup trop d’énergie et de temps ont déjà été dépensés pour s’enfoncer dans le marécage de la déploration et y rester complaisamment. Ce qui me paraît plus efficace - et efficient, donc moins coûteux c’est de tenter de clarifier certains corzcep-cZés, à la lumière des idéesforces qui ont présidé au changement de regard, puis au changement de comportement et de langage, dans la pratique pédagogique que je propose en partage.
Notre paysage universitaire Il peut sembler insolite d’aborder la problématique de l’acte d’apprendre en milieu universitaire alors qu’un cursus scolaire antérieur a abouti à la validation d’un examen de fin d’études. Et pourtant, trop nombreux sont les étudiants qui quittent l’université trois mois après y être entrés, abandonnent à la fin de la première année, sortent sans validation monnayable sur le marché du travail, avec, pour tout bagage, la représentation d’un acte d’apprendre mutilé, Parmi les étudiants qui poursuivent un cursus universitaire, nombreux sont ceux qui confondent apprendre et reformuler un savoir constitué, assimiler un contenu, un programme. .. Bien peu sont en mesure de maîtriser une approche méthodologique qui les aiderait à avoir le discernement nécessaire pour adapter ce qu’on leur a enseigné 3 . 1. Texte publié dans le Bulletin du CIRET (Centre International de Recherches et Études fiansdisciplinaires, Président B. Nicolescu), Rencontres i?ansdisap/inaires, no 9-10, Février 1997, http:/lperso.club-internet.frlnicollciret1. 2. Phrase prêtée a Hillel l’Ancien, à Pline le Jeune et à Guillaume d’orange ... 3 . J. L. Le Moigne (1990) cite l’affaire du sang contaminé, résultat tragique de l‘application “scrupuleuse” des connaissances enseignées sur la gestion des stocks (Cf. témoignage du Dr Garetta lors de son procès).
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Les enseignants se plaignent que les étudiants, qui partagent I’obsession du résultat et de la performance de notre époque, “ne s’intéressent qu’aux notes et ne cherchent pas à comprendre”. Mais de quel type de compréhension s’agit-il ? Quelle est la réalité que l’université propose d’explorer ? De quel savoir s’agit-il et quelle est la responsabilité des différents partenaires vis-à-vis de ce savoir ? Pour quelle éthique ? Quel est donc l’enjeu ? Comment articuler le noyau que constitue la tâche de recherche aux fonctions de formation, de critique sociale et culturelle ? Quelles relations pédagogiques créer, c’est-à-dire, quels “comment s’y prendre ?”, quels “comment être ?”, quelle Charte inventer pour accompagner les étudiants dans un parcours cohérent, pourformer les acteurs du futut-, selon l’expression de J. Delors ? I1 est donc urgent de clarifier auprès de tous les partenaires de la situation d’apprentissage (étudiants, enseignants, responsables institutionnels, commanditaires) ce que nous pouvons mettre, à la fin du X X e siècle, sous le mot “apprendre”, et engager l’institution éducative, et l’université en particulier, à exister d’une manière nouvelle, à s’inscrire dans une véritable dynamique, celle d’une recherche de sens et d’un partage de signfiance 4. I1 est essentiel, en effet, que tous reconnaissent que l’acte d’apprendre est mutilé par l’immense fossé existant entre les ressources des différents partenaires de la situation cognitive propre à l’université, d’une part, et, d’autre part, les résultats académiques, les retombées professionnelles et sociales du temps et de l’énergie investis à l’université. Urgent et essentiel que le monde éducatif, et les enseignants reconnaissent le besoin de formation concernant notre réalité cognitive, et surtout l’importance d’un venlable questionnement sur la nature de notre vie cognitive, le rôle de la mémoire, de la perception, de l’attention, de l’imagination, et des différents langages (verbal, affectif, imagé...) dans les processus d’apprentissage.. . Le contexte de notre monde contemporain se caractérise par une profusion de moyens technologiques côtoyant l’extrême pauvreté de la réflexion sur les conséquences de l’emballement technologique et l’accélération de la vitesse des échanges. Notre sensorialité - fruit de notre organisation cérébrale - est confrontée sans cesse à de nouveaux types de “couplxge”à l’environnement 5, dans un contexte auditif et visuel en constante (r)évolution. Les habitudes de téléprésence écrasent le temps et l’espace, c’est-à-dire modifient considérablement le rapport à soi-même et aux autres. Notre regard sur le monde est maintenant forgé par ce couplage, à bout portant, dans la violence de l’ici, maintenant et là-bas, qui est la trouvaille des prothèses visuelles et auditives proposées par la téléprésence 6 . 4. Signifiance (ici) : capacité à faire émerger le sens. 5. Selon l’expression de E Varela. 6 . Cf les ouvrages de Paul Virilio, en particulier L’inertie polaire, Christian Bourgois, (1990).
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Apprendre aujourd’hui, dans une Université apprenante
Dans ce contexte, l’enseignement universitaire reste étrangement semblable à lui-même, abstrait, verbal et théorique ... Les adultes en reprise d’études s’étonnent de trouver autant de rigidité dans la culture universitaire, rigidité côtoyant un flou étonnant autour de certains concepts tels que ceux de compétence, autonomie, projet .... Le pourcentage d’abandons, d’échecs, et de parcours interrompus est trop élevé, tout le monde en convient. J’aicherché, pour ma part, à repérer les facteurs de ce qui est considéré comme un “échec” par le langage commun7. Un sondage auprès d’étudiants et d’enseignants a révélé que le facteur n o l de l’échec est, à leurs yeux, le manque d’organisation. Viennent ensuite le manque de travail, le manque de mémoire, l’incompréhension des consignes, la méconnaissance de l’objectif à atteindre ... Pour les uns et les autres, l’échec est explicable par une relation de cause à effet. La notion de contexte est absente de leur analyse. II est vrai que, de part et d’autre, la préférence est donnée au contenu, donc au prêt-à-penser, au prêt-à-dire, au prêt-à-faire, et à l’évaluation quantitative. Mais dans quelle mesure une quantification peut-elle rendre compte de capacités cognitives. .. ? À ce jeu, l’université court le risque de donner l’image d’un supermarché de la théorie et du savoir, voué à la distribution de diplômes, un lieu de tourisme culturel, et non le site où l’étudiant découvre qu’apprendre, loin d’être réservé à l’institution éducative, est un processus qui se poursuit tout au long de la vie, un véritable métier - qui s’ignore d’ailleurs -, un métier où l’on apprend à ne pas sacrifier le long terme au court terme, à se construire constamment, à s’adapter, c’est-à-dire s’organiser, s’auto-organiser et s’engager sur la voie de l’autonomie 8. Le mot “apprentissage” doit céder la place au mot “apprenance”, qui traduit mieux, par sa forme même, cet état d’être-en-train-d’apprendre, cette fonction de l’acte d’apprendre qui construit et se construit, et son statut d’acte existentiel qui, véritablement, caractérise l’acte d’apprendre, indissociable de la dynamique du vivant.
Changer de regard “L’illettréde demain ne sera pas celui qui n’a pas appns à lire. Ce sera cehi qui n’a pas appns à apprendre” 9. Cette phrase, déjà citée, devrait être inscrite au fronton de tout lieu éducatif, et constituer une idéeforce pour l’université, une pierre angulaire sur laquelle construire d’urgence une Université plus cohérente, plus pertinente, plus efficace. C’est sur le terrain de l’apprentissage d’une langue étrangère, à l’Université de La Rochelle, que j’ai pu discerner tout l’intérêt d’éclairer les 7. Je préfère considérer, pour ma part, qu’il s’agit d’un “non-encore apprentissage”. 8. L‘autonomie est un thème abordé dans les films de la série N e pour apprendre, par E Varela. A. Jacquard, B. Schwartz. 9. Expression du psychologue Herbert Gerjuoy, cité par Alvin Toffler dans Le choc du Futur.
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étudiants sur leur potentie2 cognitiJ sur les représentations très pauvres qu’ils avaient de l’acte éminemment complexe qu’est l’acte d’apprendre, sur les exigences de notre vie cognitive et de son substrat biologique, notre cerveau. Ayant eu accès, dès 1975, aux recherches en neurosciences qui concernaient le cerveau humain, non pathologique, in vivo et in situ (ce qui permet d’éviter les déductions risquées des travaux portant sur les cerveaux de singe ou de rat...), j’ai cherché à établir une passerelle entre les neurosciences et la pédagogie 10. Grâce à la convergence de l’apport de la linguistique, de la systémique, de la Sémantique Générale et des sciences de la vie, dans un va-etvient constant entre la recherche, la réalité de Z’apprenant-en-tr-ain-d’apprendre et son accompagnement pédagogique, j’ai pu montrer aux étudiants que chaque acte que nous faisons est, en réalité, l’actualisation réussie ou non par rapport à une norme - d’un potentiel immense, qu’il s’agit d’explorer et de mieux connaître, afin de devenir non seulement acteurs mais auteurs de nos apprentissages. Lorsque l’enseignement de la complexité et des lois du vivant prennent la première place, l’acte d’enseigner à apprendre devient tout autre. Celui qui enseigne à apprendre une langue, par exemple, ne peut plus ignorer qu’ un élément de la langue perd toute signification s’il est isolé de son contexte. Un son extrait du cadre morpho-lexical ou du phrasé intonatif, un mot extrait du cadre syntactique ... ne peuvent donner à l’apprenant qu’une vision déformée des relations de la pensée, de la langue et du réel. Cette attitude simplifiante complique considérablement l’émergence du sens que l’étudiant recherche avant tout. La croyance - très répandue - que l’information existe en soi, que le sens est une entité à laquelle on accède et que l’on peut transférer - doit céder la place à des concepts plus proches du fonctionnement de notre réalité cérébrale. L‘apport de la neurobiologie, des sciences cognitives et des sciences de la complexité nous permet de proposer les concepts dynamiques de couplage, d’émergence, d’interdépendance, d’interaction, d ’auto-portance 11. L‘heure est venue de créer une interface, ouverte et flexible, entre des domaines jusque-là jalousement cloisonnés. Cette interface ne peut se faire sans une prise de conscience de la part de tous les partenaires, sans un changement de regard, donc de perception et de comportement. Il s’agit, pour l’université d’aujourd’hui, de combler une absence : celle d’un espace-temps entre trois types d’expertise : l’expertise du domaine (connaissances factuelles, règles de base, savoir-faire et raisonnements spécifiques.. .), l’expertise pédagogique (didactique et ingénierie de la ~~
10.11 s’agit des travaux de Lassen, Edelman, Tsunoda, J. Sergent,... qui, grâce aux progrès de l‘Imagerie médicale permettent de ne plus déduire le fonctionnement cérébral de la pathologie ou des études postmortem. Cfj’apprends, doncje suis, Éd. d’organisation, 1987, Poche 1994. 11. Ces concepts sont présentés dans les filmsNepour apprendre et dansJ’appï-ends, doncje suis, Les Éditions d’organisation, (1987, Poche 1996).
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formation), et l’expertise du modèle de l’apprenant (opérations mentales en jeu, et “référentiel cognitif” 12). Cette interface est le lieu où une véritable ingénierie de l’apprentissage peut être élaborée pour garantir les conditions favorables (et si possible optimales) et faire en sorte que l’acte d’apprendre ait lieu dans un parcours donné, et s’inscrive dans une vie apprenante.
Voir et donner à voir Je propose que la pédagogie se mette à l’écoute des sciences du vivant. Ceci signifie qu’il est urgent que la pédagogie tienne compte de la réalité cognitive, des différents temps d’apprendre, des exigences de notre cerveau en matière d’équilibre, de recherche de sens, de connectivité, de flexibilité, d’auto-organisation.. . Autre nécessité : que les enseignants reçoivent une formation qui leur permettra de tenir compte, dans leur enseignement, des recherches pouvant les éclairer sur les actes qu’ils attendent de l’étudiant. Qu’ils sachent, par exemple, qu’un acte visuo-moteur (si fréquemment demandé à l’étudiant) est organisé dans et par le cerveau deux secondes avant que l’acte ait lieu 13 ; que la perception (visuelle, auditive, tactile ...) est, dans une proportion de SO%, une construction de notre histoire personnelle 14 ; que le contexte est indispensable pour faire émerger du sens 15 ; que les compétences ne sont ni de l’ordre de l’avoir, ni de l’ordre du faire mais de l’ordre de l’être-qui-se-sait-en-devenir, qu’elles existent dans la perspective d’un savoir-faire, par rapport à une finalité. Les compétences participent à et du couplage “potentialisation <-> actualisation”, au sens de S . Lupasco 16. Elles participent donc à l’auto-portance, et doivent être reconnues en tant que telles lorsque le problème de l’employabilité et de 12. Le concept de référentiel est développé dans L’arbre du savoir apprendre, vers un rférenhei cognihx
Édition Librairie Être et connaître, (1996). 13. Cf, entre autres, les recherches du EEG Systems Laboratory, San Francisco, CA, 94103 par AS. Gevins et ai. “Human neuroelectric patterns predict performance accuracy, Science, vol. 235 Jan. 1987.
14. Cf F. Varela, Invitation aux sciences cognitives, Seuil, 1996, et son intervention dans Né pour organiser. Cf note 18 15. Cf les apports d’E. Morin, J. L. Le Moigne, B. Nicolescu, E Varela,... 16. S . Lupasco, épistémologue et philosophe des sciences. parmi ses ouvrages, L’énergie et la Mahere
vivante, éd. du Rocher, (1987) et L’Homme et ses trois éthiques. Le Rocher, (1986).
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l’évaluation se pose. Enfin, les compétences, parce qu’elles sont vivantes, ne s’évaluent pas en termes quantitatifs... coagulés ! Le partage de ces recherches et de ces r@exions s’imposait. J’aidonc conçu un matériau de travail, accompagné d’une trame méthodologique, l’un et l’autre destinés aux enseignants et responsables éducatifs. L‘objectif de cette double démarche est de permettre aux utilisateurs de reconnaître la complexité de l’acte d’apprendre, ses étapes (ses noyaux durs), ses exigences, ses contraintes, ses libertés, et l’étendue de ses potentialités, sans oublier les pièges à éviter. Créer une dynamique de recherche participative chez les différents partenaires, proposer une méthodologie pour créer des réponses pédagogiques ad hoc (et non plus acheter ou vendre des recettes), inciter les uns et les autres à quitter une logique unique de résultat et de validation pour entrer dans une logique de recherche de sens, mieux, de partage de signifiance ... voilà ce qui me semble une voie possible, dans laquelle l’université peut s’engager dès aujourd’hui. Oui, mais à une condition : qu’elle attrape le virus de la transdisciplinarité... 17 Le matériau de travail proposé s’appuie sur l’essai de modélisation de l’acte d’apprendre, exposé dans ‘‘?Arbredu savoir-apprendre’’(cf note 11). Sept films ont été réalisés avec la participation et le témoignage de personnalités du monde scientifique : Boris Cyrulnik, Basarab Nicolescu, Francisco Varela, Albert Jacquard, André de Peretti, Jean Didier Vincent, Bertrand Schwartz 18. Chaque cassette contient un livret d’accompagnement, proposant une méthodologie ternaire (T moins un, T, T plus un). Un état des lieux et un questionnement préalables au visionnement mettent en place une dynamique de lecture ouverte du document filmé. Dix à douze heures de travail autour de chaque film sont ensuite proposées, offrant la pratique de trois outils méthodologiques : l’auto-positionnement, l’auto-questionnement et l’auto-évaluation, ainsi que des activités d’échange et de partage. L‘objectif de ces vidéogrammes est d’œuvrer pour que le couple “réussite échec” - aussi infernal en pédagogie qu’en économie et en politique cède la place au couple “potentiel-ac&afisation”.Cela implique un changement radical dans les représentations, l’émergence de nouveaux concepts, le recadrage de notre langage 19, la reformulation des problématiques et une nouvelle évaluation. Cela implique, avant toute chose, une nouvelle définition des finalités, des objectifs, des buts et des cibles éducatives. 17. Cf de B. Nicolescu, La ïtansdisciplinaii24 Mangeste, Éd. du Rocher, (1996). 18. Ne pour apprendre, vidéogramme en 7 séquences, réalisation D. Garabédian, PRIAM, ENS Fontenay St Cloud. Auteur : H. Trocmé-Fabre. I . Népour découvii?Z. Népour reconnaître les lois de la vie 3. Né pour organiser 4. Né pour créer du sens 5. Né pour choisir 6. Né pour innover 7. Né pour échanger:
19. Francisco Varela. dans Né pour créer du sens, propose de remplacer ”capter l’information’’ par “COUplage”, “traitement de l’information’’par Taire émerger du sens”, “acquisition des connaissances” par “entrerdans un chemin de tran$fonnation”.
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3 - Apprendre aujourd’hui, dans une Université apprenante
L’étudiant apprenant, dans une Université apprenante Apprendre à l’université, dans cette optique, signifie que le parcours de l’étudiant est intégré dans son projet de vie et accompagné comme tel. Accompagner le parcours de l’étudiant implique que l’acte d’apprendre soit placé au centre du système et qu’il fasse l’objet d’une véritable formation pour des enseignants. Placer l’acte d’apprendre au centre du parcours de l’étudiant implique d’introduire, dès la première année d’études universitaires, l’enseignement de la pensée complexe et de l’émergence du sens. Enseigner la pensée complexe et l’émergence du sens implique que l’enseignant devienne un pourvoyeur de ressources et apporte le matériau qui permette de faire émerger des questions nouvelles. La connaissance, comme l’explique E. Morin, ne sert pas à dissoudre le mystère mais à le révéler. L‘acte d’apprendre, éminemment complexe, se transforme par le seul fait qu’il actualise une capacité innée, dont l’humanité a hérité, qu’elle transmet et qui constitue son véritable patrimoine, apprendre. Ce que les hommes ont en commun est donc infiniment plus important que ce qui les sépare. N’est-ce pas le rôle de l’université d’enseigner l’acte d’apprendre, de l’enraciner, de l’incorporer, et le placer dans la dynamique du vivant ? 11 s’agit donc de créer, en amont des ingénieries de la formation et de la didactique, une ingénierie de l’apprentksage, dont l’objectif est d’assurer la cohérence du système éducatif avec la logique du vivant. Comment s’y prendre ? En recensant et en organisant, pour y répondre, les besoins, les moyens, les lieux et les temps d’apprendre. En créant les conditions favorables, les méthodologies, les étapes et les réponses techniques permettant de mailler les effets à court, moyen et long terme. L‘ingénierie de l’apprentissage inclut une théorie du fonctionnement mental, des opérations cognitives, de la motivation, du couplage de l’homme et de l’environnement, de sa perception et de son action, et de sa mémoire. L‘acte d’apprendre a sa place dans une recherche d’équilibre au sein de l’entreprise d’apprendre. Cet équilibre est à rechercher entre stabilité et mouvement, continuité et changement, l’individuel et le collectif. L‘ingénierie de l’apprentissage postul‘e qu’apprendre ne peut résulter d’un diktat. C’est à chacun de se construire. L‘être humain est en constant devenir et en constante recherche d’équilibre. On ne peut pas se construire seul : la médiation et l’accompagnement sont indispensables. Autre postulat : il existe des chemins obligés, imposés par les lois de la complexité et des systèmes, au-delà desquels il existe une totale liberté. L‘ingénierie d’apprentissage consiste à rendre à l’apprenant son potentiel d’apprentissage par la mise en place et le respect des étapes du “savoir-apprendre”, noyaux durs de notre vie cognitive. C’est dans I’accompagnement de la montée en charge des opérations cognitives vers
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l’autonomie que se place le rôle de l’enseignant, et, pour tous les partenaires, le respect d’une Charte, élaborée ensemble, en cohérence avec la réalité cognitive. Cette Charte, une fois élaborée, doit être traduite en actes d’apprentissage et en actes d’enseignement. Elle précise ce qui revient à l’apprenant et ce qui revient à l’enseignant, à chaque étape du savoir-apprendre. Le rôle de l’ingénierie de l’apprentissage est d’éviter les dysfonctionnements, d’explorer et d’identifier les potentialités de l’apprenant, de repérer les contraintes auxquelles il est soumis, d’organiser et gérer la hiérarchie des “couplages” pertinents avec l’environnement, de replacer l’acte d’apprendre au plus près de ses racines biologiques, de trouver l’équilibre entre la double nécessité d’adapter // intégrer d’une part, et changer // continuer d’autre part. L‘ingénierie d’apprentissage a également pour rôle de fournir une matrice de structuration et d’évaluation des actes d’apprentissage, qui s’articule avec une grille d’évaluation des actions pédagogiques. Pour que l’ingénierie de l’apprentissage soit intégrée dans la culture universitaire, la condition est que celle-ci s’ouvre à l’idée de poser, en premier, le projet d’apprendre de l’étudiant avant la production de savoir...
Quand I ’Universités’éveillera... Ce qui revient à 1’ Université - et qu’elle est seule à pouvoir faire c’est entrer dans la logique du vivant, c’est-à-dire se placer dans un couplage avec son environnement et avec elle-même. En d’autres termes, il lui revient de se positionner au niveau de la triple logique des systèmes vivants : régulation, adaptation et évolution. C’est dans cette triple logique qu’elle trouvera la voie (la voix) de la complémentarité et la dynamique du changement auquel tous les partenaires sont invités à contribuer et dont ils doivent bénéficier aussi. L‘heure est à la démarche du “tiers cherché”, cette troisième voie qui permet l’évitement des pièges, le changement de regard, l’entrée en veille épistémologique sur la nature, le rôle et le statut de l’acte d’apprendre. L‘heure est venue de s’ouvrir à la dynamique fondatrice qu’est le questionnement : comment enseigner l’élan complexificateur qui est la loi de la vie ... ? Le champ des possibilités est immense, à condition que le regard change. Changer de regard, c’est un premier pas vers le changement de comportement. Ce pas consiste essentiellement à renoncer à quelques certitudes, à la conception monolithique et statique de la cognition et du langage, à la conception linéaire de l’appropriation et de la compréhension, à la conception d’un monde pré-établi, extérieur, à la conception dualiste des problèmes (vrai/faux, blandnoir. ..) , à la conception non-dynamique de l’erreur et à la conception uniquement sommative de l’évaluation.
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3 Apprendre aujourd’hui, dans une Université apprenante ~
Remplacer ces certitudes par ce que nous suggèrent les recherches aujourd’hui : pluralité des rythmes, des mémoires, des lectures, des intelligences, des types de compréhension ; existence de quatre grammaires de la langue : deux grammaires de la langue écrite (écriture et lecture), deux grammaires de la langue orale (parole et écoute) ; relation ininterrompue de l’action et de la perception qui, l’une ET l’autre, élaborent l’histoire de notre couplage à l’environnement ; accepter d’admettre que notre perception crée notre vision du monde ; accepter de voir dans l’erreur un écart à la norme demandée mais aussi un indice du processus suivi, de la stratégie adoptée, de la ressource utilisée. Il ne s’agit plus d’instruire, mais d’enseigner à apprendre et à se questionner. En d’autres termes, de garantir le droit et le devoir d’apprendre. Reste une dernière question à poser : “sil’université ne remplit pas son rôle, qui lefea ? ”
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Index Index thématique Cet index thémahpe, au-delà de son rôle habituel de r#érence, a été conçu pour servir de base à un travail lexical, et à l’approfondissement de certains concepts (cf les sondages sur les représentations, Partie ill chapitre 8....) abstraction,76,122,161,207,226,228-229,232,249 accompagner, 27, 44,51, 65, 72, 87, 99, 117, 119, 129, 136, 145, 148, 151-161, 163-164, 199, 212, 238,243 accompli, non-accompli, 46, 73, 86, 88, 91, 104, 106, 133, 161 activité (s) -préalable 62, 64, 75, 142-143, 146, 152-153, 156, 158, 167, 177, 179,227,242,250 - motna!, 34, 62-63, 70, 160, 171,208 -sensonelle, 53, 62, 70, 74, 96, 123, 147, 160, 171-172,227 actualisation, 35, 54, 60, 71-75, 79, 92, 101, 107, 145,151,161,168,195,205,207,226,228,240-242 actualiser, 28, 35,50, 97, 104, 106, 108, 112, 114, 137, 149, 151, 161-162,210,232 adapter(s’) 34, 68-69, 100, 106, 108, 114, 129, 134, 136.137, 141, 144-145, 148, 174, 184, 231, 233-234, 237,239, 244 ada~tation,34-35.62.68,86,93,100-101.145,161, 167: 177, 195, 205, 208, 226,231, 233, 235, 244 ADN, 55,57, 60 affectivité, 72-73, 75-77, 106, 185, 206, 208, 230 agir, 35, 41, 46, 49, 62, 73, 102, 129, 134, 151, 155.200.212.222 aimér, 43, 148, 169, 183, 217, 222 alphabétisation, 36,93,225-226,234 alternance, 97, 177, 207, 212 amont, 65, 85, 92, 105, 143, 155, 157, 186, 192, 226,243 amorçage, 64 anaiogie(s), 37, 115, 119, 124, 133 analvse actancieiie, 126, 135 anciage, ancrer, 52, 62, 70, 74, 87, 99, 103, 153, 199, 227, 233, 36, 46-47, 77, 87-88, 95, 98-99, 113. 115. 154. 163.209 anthropolo ie, 59,’221,252 anticiper,,!7 94, 115, 140, 225 apprenance - colleclive, 27, 77, 95, 195-196, 252 - entrer en,27, 37, 43-44, 50, 65, 67, 83, 96, 98, 100, 102.104, 106-107, 109, 112, 117, 119, 121-137, 140-142, 152, 155, 157, 159, 161, 163-164, 195-196, 200, 206, 209, 224, 234,242,244 -fonction de I: 34-35, 64, 68, 75, 91, 101, 105, 121, 139-141, 147, 169-170, 194, 196, 210,238-239,250-252 -potenhe/d: 161, 163, 200 -processus d:49-50, 106,202, 239 - statut de 1:25, 27, 100139-141, 147, 230, 239.244 - travail d: 25-27, 73, 104, 239 apprenant, 26-27, 33-37, 43-45, 49-50, 57-59, 62, 73, 75, 77, 85, 89-90, 92-94, 96, 98-101, 103, 105106,108-109,113-115,119,122-127,132-136,140-
147,151,154,156-158,165-177,179,182,194-195, 198,206,208,212,231,237,240-244,251 apprendre - acted: 33, 35-36, 38, 44,49, 52, 57-58, 60, 69, 71, 73, 78, 85-89, 94, 96, 101, 124-125, 135-136, 140, 147, 152, 156-157, 159, 162, 164, 168, 170, 172-174, 194-195, 198, 201202, 205-206, 209, 215, - capacitéd: 25-26,34-38,43, 45,49,53,61, 65, 67-72, 74-77, 79, 91-92, 102, 104, 106, 108-109, 112, 114, 129, 134, 142-143, 145146, 148, 151, 156, 160-161, 165-166, 168, 171-172, 177, 193, 196, 198, 205, 208, 210212,228,238-239,243 -processus, 49,58,62, 99, 141, 153, 157, 159, 165 apprentissa e@),25, 27, 45, 49, 55, 61-62, 65, 75, 80, 86, 88. 93-94, 103, 106-108, 125-126. 135136, 144, 161, 170, 175, 179, 196, 207, 209, 211212,217,230-233,235,238-241,243-244,249-250 aptitudes, 77, 91,95, 106, 136, 144 architecture, 26,37,52,69,81,83,85-115,128,178 arbre. 26. 83. 85. 93-97. 99. 101. 103-104. 155. 210-211,217,’224,241-242,250 association, 70-71, 107, 109, 149, 177, 225 attention, 63-64, 71, 77, 153, 167, 184, 238 auto-affirmation, 71 auto-éducation, 60 auto-évaluation, 100, 109, 115, 118, 126, 154, 156-157, 199,242 auto-organisation, 34-35, 54, 61, 91, 95, 202, 209,241 auto-poïèse, 35 auto-portance, 37, 103,240-241 auto-positionnement, 27, 119, 126, 154, 156, 164, 166, 199,242 auto-questionnement, 118, 154-155, 156.157, 160, 199,242 auto-structuration, 126 autonomie, 27, 36-37, 51, 83, 90-91, 99, 103.106, 112, 119, 124.125, 134, 155, 177, 185, 194, 196, 209,212,217-218,231,233-234,239,243-244,254 aval, 65, 85, 155-156 biais, 90, 147 bifurcation, 41, 67, 72, 80, 95 bilan, 52, 145, 147-149, 152-153, 158, 177 binaire, binarisme, 36-37, 46, 66, 68, 88, 97, 148, 151, 195,196,207 biographie, 44, 62, 65, 75, 85, 87, 94, 121, 156, 163, 199,209 biologie, 31, 37, 77, 96, 99, 169, 211, 220, 250, 254 biophiloso hie, 66 biopsychokgie, 76 blocage, 49, 75, 93, 129, 140, 172 bootstrap, bootstrapping, 61, 171
$1.
El
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boucle, 51,53,62-63,77,85,92, 103, 108-111,200 cahier des charges, 27, 106 catégorisation, 61, 76, 161, 171 caté oriser, 69, 98, 163 c e d e s), 33, 61, 68,74, 85, 89, 194,200 certitu e@),28, 37-38, 41, 43, 49-50, 66, 102,
141, 147, 152, 156, 158, 166, 168, 183, 201, 206209,218,225,227,233,237,240,242-243,250,254 connectivité, 52, 69, 175, 177, 208, 241 connexion(s),bl,65,68-69,85,89,98,107,161,177 conscience, 45-46, 55, 60-61, 64-65, 73, 75, 91, 102, 104, 107, 109, 111, 115, 124, 136, 153, 164, 179, 193-194,206,208,223,244-245,253 175, 177, 184, 197, 199-200, 206-210, 221, 224, cerveau triunique, 77 240,250 chaos, 54,80,97 conscientisation, 108, 121-122, 135, 141, 153, Charte, 27,83, 106, 112-113, 115,238,244 161,231 choix, 28, 37, 46, 53, 57-58, 61, 63, 89, 99-101, consi ne(s), 61,64, 115, 124, 126, 129-130, 136, 109, 123, 134, 142-143, 147, 155-157, 162, 167, 146, f48, 166-167, 172, 179, 239 174, 176.177, 179,201,209-210,222 constat, 45-46,49,60,91,110-112,119,124,155, choisir, 67,89,95,100-101,104,108,134, 142,148, 157, 166-168 154, 158-159, 163, 166, 176,209-210,233,242 contexte. 27.35.45-46.49-51.58.60.65.70. 72Chronos, 85, 104, 160, 199 73,87,91-92,95-97, 100-101, 105, 109, 113,’1%, circularité, 62, 69 135, 142, 146, 154, 158, 161, 166, 168, 173, 184, clarifier,34,92, 112, 115, 119, 135, 140-141, 144, 207-210,212,218,225-227,234,237-241 170, 178, 229, 237-238 contextualisation. 72. 74. 96. 114. 173. 194. 206 clivaee. 65. 74. 197 contextualiser, 88, 95-96, 166, 206, 231 cognitif (-ve),25-26,28,34-38,41,43-44,49,51- contradictoire, 54, 194 52,54,57,59,63-65,67-68,70,72-79,83,85,87- contrat, 100, 106, 113, 142, 146, 198 89, 92-95, 101, 105-107, 112-115, 121-123, 136, coopération, 61, 63, 68, 191, 200, 229, 235 151, 155, 157, 161, 166, 168. 170-172. 175. 177. corps, 36,44,46,55,58,60,66,68,74, 76, 78, 88, 186, 198, 200, 202, 205, 211,230-231, 235,’238: 94, 98, 100, 107, 129, 135, 160, 173, 175, 182241,243-244,249-250,253-254 184,206,209,211,221,225,233 cognition, 35, 61, 67, 99, 151, 244, 249-250 couplage, 62, 72, 78, 87, 94, 98, 100, 105, 115, communication,communiquer,35,50, 78, 90, 99, 171,200,208-209,227,232-233,238,240-245 104, 108, 161, 170, 174-175, 196, 205, 207, 209, créativité, 79, 98, 168 220-221,225, 227,34,80,95, 101, 104, 109, 142, créer, 44,46,50, 61,65,69, 71,80, 87, 89,94,98164, 170, 209, 212,218,225,227-228, 231 102, 109, 115, 119, 133, 145, 151, 159, 163, 165, compétences, 26, 37, 87, 91, 113-114, 142, 148, 177, 184, 196-197, 201, 206, 208-211, 220, 226, 156, 196,241-242,253 228,231,238,240,242-243 compétition, 25, 51,201 crise, 55,57, 193 complémentarité,54, 60, 63, 76, 88, 98, 123, 197, critère(s), 72-73, 100-101, 109, 115, 119, 124230,244 126, 134, 139-140, 142-146, 148, 157, 162, 167, complexification,35,54,58,79, 197,202,232-233 210,212 complexité, 33, 38, 41, 46, 52, 54, 58-59, 72, 79, culture, 33,36,41,51-52,57,60,78-80,85,92,94, 86-88, 94, 96-98, 101, 106.107, 115, 122, 124, 110, 123, 126, 144, 147, 151, 169, 171, 186, 191, 139, 141, 163-165, 171, 175-176, 205, 207-208, 196,207,218-220,224-226,234,239,244,253 210,228,232,234,240,242-243,250 décision(s),36, 51, 63, 75-77, 88, 101, 112, 134, comportement(s),66-67, 70, 74, 76-77, 106, 125, 139, 142, 154, 163, 169,209-210,231,233 136,139,141,147,166,169,171,217,237,240,244 découverte(s), 25, 46, 50, 54-55, 87-88, 92, 96, compréhension, 44, 46, 49, 51, 65, 74-75, 78-79, 100-101, 104, 109, 112, 126, 158, 165, 170, 177, 88, 90, 94, 99, 103, 113, 122.123, 153, 160, 165184-185,208-209,230,252,254 167, 171-173, 177, 183-184, 212, 231, 235, 238, démarche (cf aussi “étapes”, “méthodologie”, 244-245 “outil”,“strategie”,“ingénierie”),27-28,37, 50, 59, comprendre, 34, 36-38, 49, 52, 59, 63, 65-66, 68, 61, 64-65, 71, 77, 81, 83, 93-94, 97, 99-101, 10571, 73, 75, 77, 79-80, 85, 88-89, 91, 94-95, 98, 115, 122, 124-127. 129, 139. 141-144. 152. 156102-104, 109, 111, 124, 128-129, 133, 136, 148, 157, 160-161, 167, 175-177, 182, 200, 205; 208, 151, 159-160, 163, 165, 167, 169-170, 172, 180, 210-211,219,231, 235,242,244,250 182, 184, 200-201, 206, 219, 221, 226-228, 231, déontologie, 73, 83, 114, 140, 151, 157 235,238 développement, 25-26, 35, 49, 51-52, 77, 79, 91, concept(s), 25, 27-28, 36, 46, 50, 54, 58-60, 65, 94, 99, 101, 112, 125, 145, 161, 168, 196-198, 79-80, 85, 87, 91, 95, 101, 105, 109, 113, 119, 200,205-206,226,228 123-124, 127, 129, 132-133, 136, 139, 141, 143- devoirs (cf aussi “droits”, “contribuer”, “accep144, 149, 155, 158, 171, 193, 197-198, 217, 227, ter”). 112. 129 233. 237.239-242 dial‘ogue(s),41,62,67-69, 77, 100-101, 114, 125, conception(s),33, 36-37, 44, 57, 61, 66, 69, 73, 136, 144, 148, 157, 169, 176-177, 179-180, 182, 77-79, 86, 97-99, 104, 121, 127, 140, 154, 172, 196, 199,254 226,235,244 dichotomie, 76, 139 conceptuel, 2 6 , 4 4 4 9 , 123, 127, 206-207 difficultés, 28, 70, 99, 134, 136-137, 166-167, conceptualisation, 76, 122, 127,232 206-207.232.237 conditions, 26,35, 49-50,53, 60, 67, 75, 80, 100- diversite, 611’63, 69, 87, 98, 107, 112, 114-115, 102, 105-108, 140.141, 145-146, 163, 194, 196, 132, 136, 148,211,220,232 201,211,241,243 diversification, 60, 97 connaissance, 25, 33, 45-46, 57, 62, 66, 73, 75, 78, dogme, 76,79,218 90-92, 100, 108-109, 121, 125, 129, 136-137, 139, donner-recevoir,25-26, 45-46, 51, 62, 85, 87, 96,
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Index
103, 105-106, 123, 125, 136, 143, 148-149, 156, être (verbe) et être (nom), 25-27, 31, 34-38, 43, 159, 172, 176, 183, 194, 199, 208-210, 212, 219, 45. 47. 51-55. 57-62. 64-65. 67-75. 77-80. 85-89. 223,239-241 91-100, 102-108, 112, 114, 119, 121, 123, 125dormance, dormant, 60, 168 126, 128-129, 134-136, 139, 141, 144-145, 147, droits (@aussi“contribuer”,“devoirs”,“accepter”),112 151-152, 155, 157-159, 161, 163, 165, 172-175, durable, durabilité, 25-26,36,83,85,90, 195, 197 179-181, 183-185, 191, 193-196, 199, 201, 205, durée(s),25,27,35, 41,43, 52-53,57, 63, 65, 67, 209-212. 218-220. 222-224. 226. 229-231. 23370,83,85-91,94,99-101, 103.104, 113,134, 140’ 234,23?-239,241; 243-244’ 141, 146, 151, 153, 156, 159-160, 171-172, 176- étymologie, 58, 103-104, 133, 157, 165, 198, 201 177, 198-199,211,224,229,232 évaluation, 27, 33, 51, 59, 65, 73, 92, 100, 106, dynamique, 34, 49, 58, 61-62, 64, 67-69, 71-73, 109, 111, 113, 115, 117, 119, 126, 139-149, 152, 79-80, 85, 87, 91, 93, 97, 101-104, 112, 133-134, 154-158, 161, 165.167, 169-170, 173, 199, 212, 142-143, 164, 167, 171, 178, 195-196, 234, 238239,241-242,244,249-250,253-254 240,242-244, 252-253 évaluer, 36, 91, 97, 106, 108, 110, 115, 119, 124, dysfonctionnement(s), 93, 98, 106, 109, 149, 133, 139-144, 148-149, 152, 157-158, 172, 206213,244 207,212,250 échange. échanger. 47. 55. 57. 60-63. 65. 68. 77. événements, 26, 62-63, 67-70, 72-73, 77-79, 89, 80,85:89-90,9g-99, 101-103, 108, 125, 152, 169, 125-126,153,160-161,164,169,171,185,218,234 180, 191, 194-195, 197, 200-201, 206-207, 210évoluer,34, 97, 102, 109, 127, 148, 210, 225 211, 217-218, 220, 226, 234,238,242 exclusion, 25, 51, 55, 73, 78, 113-114, 193, 201 échec, 34,46,63,89,124, 137, 139, 147, 165,207, existentiel (acte),35, 239 239.242 expérience, 34, 36, 45, 49, 58, 61, 63, 68, 70-71, École,25,33,51,59-60,78,102, 114,136,148,168, 87, 96,98, 100, 107, 122, 132, 154, 156, 170-172, 174, 193-194, 196-197, 219,237,249-250,252 175-176, 180, 194, 196, 198,208,217,220,232 économie,38,45,49,59,89-90,97,102-103,107, expertise(s), 108-109,240-24 1 113, 166,201,242 explicite, 34, 64-65, 79, 140, 154-156, 160 écoute, 26, 28, 36, 39, 41, 49-55, 62, 74, 89-90, finalité, 46, 52, 91, 101, 145-146, 156, 161, 24199, 102, 104, 107, 113-114, 164, 170-172, 177, 242 183-184, 194,201,208,241,245,254 flexibilité, 101, 114, 135, 142, 146, 168, 199,201, écriture, 50, 170-172,211,225-229,234-235,245 208-209,241 éducation,54,60,62,92, 101,125, 148, 197,200- flux, 34-35, 64, 68, 75, 86-87, 91, 101, 105, 201,205,207,210,212,219,249,252 109, 111, 121, 139-141, 147, 156, 167, 169170, 171, 194, 195, 196, 197-198, 210, 221 éduquer, 60, 103, 129,212,219 efficacité,51-52, 60, 69, 85-86, 110, 177-178 238-239, 250-252 émergence, 27, 35, 41, 44, 54, 59, 61, 63, 65-66, fonctionnement,37-38, 46, 49, 53, 68, 74, 78, 93, 72, 78-80, 87-89, 95-96, 99-102, 105, 108, 113, 98, 105-107, 109, 136, 148-149, 161, 171, 175, 117, 119, 136, 149-161, 163-164, 171-172, 199, 177,200,206,209,213,231,240,243-244 207,209-211,218,228,240,242-243 fondements. 26. 39. 41. 43-47. 49-55. 57-80. 94. émotion(s),53, 70, 76, 78, 98-99, 109, 122, 170- 113,250 171, 185,206-207,227,232 formation, 21, 27, 34-35, 73, 75, 85, 88, 93, 102, énergie, 46, 55, 68, 72-73, 77, 94-95, 107, 123, 105-106, 108, 112-113, 140-141, 145, 147, 149, 152, 159, 167, 174, 178, 186, 198-200, 207, 212140, 161, 200, 209, 222, 237-238, 241, 252 enseignement, 47, 51, 57, 62, 71-73, 78-79, 85, 213,223,225,238, 241, 243,249-251 93-94, 100, 104, 108, 180, 220, 237, 239-241, fossilisation,43, 53 243-244, 250 frontière(s), 41, 50-52,57, 64, 72, 74-75, 78, 119, enseigner, 26, 36, 47, 49, 57, 59, 89, 91, 97, 106, 127, 170, 178, 186, 197,200,212,250 115, 129, 155,212,220,226,240,243-245,249 geste@),35-36, 59, 63, 70, 89-91, 102, 104, 128, entreprise, 27, 60, 91, 105-107, 113, 125, 136, 132, 139, 154.155, 164, 166, 173, 182, 184, 186, 149. 194-196, 243 192,211,219,221 environnement, 26, 35, 39, 41, 44, 46, 49-55, 57, global(-ité), 38, 98, 52-53, 104, 115, 164, 166 62-63, 66-68, 71-72, 75, 78, 80, 86, 88, 93, 95, grilles,27, 106, 109, 119, 124, 129, 140.141, 147100, 103-104, 115, 125-126, 134, 139-140, 144148, 154, 157, 172-174, 176, 198,244 145, 163, 168-169, 195, 198, 200, 205, 208, 218, ider, 31, 36, 121, 148, 171 220-221.226.233-235.238.243-245 abitudes, 36,44,94,98, 122, 152-153, 163, 165, épistémoio *é, 54 185,228,238 é uilibre, 4?, 51,53,55,58-59, 62, 72, 77, 87, 91, hétérogénéité, 73, 100, 167, 207 99-96, 103, 105.106, 162,194-196, 199-201,212, heuristique (cf aussi “créer, innover”, “inventer”), 34, 108-109, 119, 152, 155, 177-178, 186 231,241,243-244 erreur, 61, 90, 100, 102, 108-109, 113-114, 119, histoire (cfbiographie), 33, 36, 38, 44, 46-47, 50, 124, 127, 133, 136, 139, 143, 145, 147.148, 155, 54-55,60,62-63,65-68, 73, 75,80,83,89,92-93, 157, 165, 169,207,212,233,244-245,249-250 95, 100, 102, 104-105, 110, 113, 115, 122, 124, erreur(s),102,108,114,127,139,147,169,207,212 151, 195, 197, 199-200, 207, 209-210, 215, 223, espace-temps,34,99, 104, 164, 240 225-235,241,245,250,253 étapes, 26, 44, 59, 85, 87, 93, 98-101, 124, 139- Homo,33, 53-54, 57, 5 141, 143-145, 148, 162, 165, 172, 174, 176, 182, humanité, 25, 34, 36, 55, 67, 93, 103, 161, 165, 205,208-209,231,233,242-243 168, 185, 195-196,243 éthique, 46, 112-114, 139-140, 196, 220, 238, idées-forces,27, 45, 154, 199, 205, 207-212, 217, 241,252-253 237 ,
I
f
identité. 36. 53. 71. 80. 103. 194. 199. 210. 221 lois du vivant, 34-35, 54-55, 59, 62, 68, 77, 88, imagerié, 70-7i, 74-75: 161; 240; 250; 252 92-94, 96-97, 105, 159, 163, 207-209, 218, 221, image@) 26,28,44,57-58,72-75, 77,80,92, 115, 227-228,240,242-243 121, 133, 159-160, 166, 168, 172, 182, 211, 225, main, 52-53, 63,98, 133, 159-160, 183 227.230.252 maintenance, 91, 105, 161, 178, 196, 201, 228 imaginaire, 62, 75, 85, 126, 135, 141, 145, 208, matériau(x), 25, 27, 58-59, 100, 123.124, 129, 211,250 141, 148-149, 166, 179, 210,230, 242-243 implication, 108, 121, 141, 252 matrice, 27, 106, 109, 111, 140, 172-174, 210, incertitude, 54,59, 79, 87-88, 97, 147, 196 244,249 indicateurs,74,124,139-140,142-144,157,167,169 mécanismes, 61,76-77, 176,208,224,230 indices, 64, 124, 126, 133-134, 143, 145, 154, médiation, 36, 52, 105, 107, 113, 142, 148, 198, 157-159, 161, 169 200, 230-231,243,250 mémoire@),33, 35, 41, 46, 49, 53-54, 57, 62-73, information. 33. 47. 50. 53-54. 63. 65-67. 69. 73. 80,96, 99, 103-104, 113, 121, 125, 136-137, 151, 75, 77, 79-80, 85, 87, 94, 98-99, 106-107, 113, 123, 136-137, 148, 153.154, 160, 167, 171-172, 175, 196-197,206-207,209,228-229,240,242 ingénierie, 26-27, 75, 81, 83, 105-115, 142, 145, 178, 183-184, 196, 198, 208, 211, 221-222, 227, 151, 155, 240-241,243-244 230,238-239,243,245,251,253 mémorisation, 70, 72, 74-75, 92, 98, 146, 152, initiation, 36, 50-51, 198 155, 162, 166, 176-177, 182-183,232,250 inattendu, 28,47,51-52,88-89,98, 101,114, 155, menace, 43,51,55, 77, 152, 193 161, 163, 185,234 innovation, innover, 36, 55, 87, 89, 95, 99, 101- métaphore, 100, 194 102, 108, 142, 149, 161, 163,210-211,234,242 méthodologie (cfaussi ”démarche”),167 métier, 17, 25-26, 31, 33, 35-36, 81, 83, 91-108, instruction, 33, 79, 87, 92 intégration, intégrer, 59,65,74,87-88,90,92,95, 112-114, 125, 129, 169, 180, 194, 205, 212, 239, 101, 104, 106, 134, 142-143, 148, 161, 163-164, 250-251 modèle(s), 28,44,67,87, 101, 115, 126, 139, 144, 165, 184, 192,227, 231, 234-235, 244 intelligence(s), 27, 46, 54, 57, 75-78, 90-91, 112163, 178, 181, 184, 194,217,233,235,241,250 114, 119, 159-160, 165, 168, 177. 179. 181. 195- modélisation, 59,93, 105, 242, 251 196,209,211,221,245,249-252 modification(s), 51, 69, 72, 79 intention, a5 modifier, (se), 38, 61, 69, 154, 198 interaction s), 27, 35, 50, 61-62, 77, 80, 97, 103, motivation(s), 52, 77, 105-106, 113, 142, 166, 113,144,l 8,162,195,206,218,221-222,232,240 180, 184,243 interconnexion(s), 61, 63, 79, 171, 196 mouvement, 26-28, 37, 45-46, 50, 75, 79, 101, interdépendance, 35, 50, 54, 59, 62, 67, 75, 79, 104-105, 194, 198,212,229-230,232,243 83,97-98, 103, 108, 110, 113, 163-164, 178, 195, mo ens 26 27 37, 53, 105-106, 112-113, 142197,200,207,209,215,221,225-227,240-241 i 4 Z 154-156, i 6 o - i 6 i , i 6 7 , 2 1 0 , 2 1 2 , 2 2 3 , 2 3 4 , invention(s), 46, 52-53, 108, 183, 211, 220, 222, 238,243 225-227,234 neurobiologie, 25, 58,94-95, 170, 205, 240 jeu, 26,37,52, 76-77,98, 143, 145, 155, 157, 167, neuroculturel, 2 15 176, 180, 184,239,241,251 neurophysiologie, 89 langage, 33, 41, 43-44, 46, 50-51, 54, 57, 67, 70, neurosciences, 25,34, 76, 111, 170,229, 240 72, 77-80,85,89,94,99, 102, 104, 110, 113, 136, neurotransmetteurs, 55, 21 1 161, 164, 169-172, 175, 185, 206-209, 211, 221, non-encore, 37, 46-47, 60, 65, 74, 86, 92, 101, 103, 106, 114, 156, 161, 166, 169, 192, 199, 210225-227, 229-231, 233-235, 237-239, 242, 244, ?Ci LJ I 211,223,239 langue, 43-44, 50, 62, 67, 73, 93-94, 100, 103, objectif@), 25, 27, 34, 36, 43, 46, 52, 63-64, 77, 105, 119, 122, 126, 128, 130, 151, 169-173, 175- 99, 105, 108-109, 112-113, 115, 125, 136-137, 139.140, 142.146, 148, 152-154, 156-158, 161, 176. 182. 184., 186., 222., 229-230. 232-234. 239240; 245’ 167, 172.175, 177, 179, 185, 198, 203, 205-213, lecture(s), 21, 27, 50, 62, 67, 87, 99, 109, 114, 225,237,239,242-243 132, 153.155, 160, 170-172, 177, 180, 205-206, obstacles, 45, 75, 134 217,227-235,242, 245 Occident, 76, 86, 223 liberté, 68, 72, 80, 86, 89, 99, 134, 156, 218, 220, opératoire, 89, 122 222,242-243,251 organiser, 35,46,62,66, 76, 81,83, 85-90, 95,98, liens (cfrelier),34, 69, 115, 127, 175 100, 141.142, 159, 163, 167, 177, 186, 207-208, lieux (état des), 95, 112, 142-143, 152-154, 156- 210,226-227,231-232,239,241-242,244 158, 160, 170,202,226, 237,242-243 organisme, 27, 33-35, 51, 59-62, 65, 67-68, 71, limites, 27, 35, 38, 46, 70, 72, 101, 104, 112, 139, 77, 80, 87, 92-93, 95, 97, 100, 102-103, 106, 126, 141, 145, 156, 179, 193-194, 199,201,217,222 140, 170, 194-195,200,226 linéaire, linéarité, 36, 45, 46, 54, 57, 61-63, 66, outil@), 27, 37, 46, 62, 72, 74, 87, 91, 102, 119, 72, 79, 91, 97, 115, 151, 169, 221, 228, 244 124, 140, 142, 154-155, 157-158, 160, 166-167, 171, 179, 199,222,225-227, 242,249-250 linguistigue, 59, 135, 170, 226-227, 240 paradoxe, 41,47,57 localisation(s), 64, 160 parcours (cfaussi“étapes”, “trajet”),45, 51, 106, localiser, 70 141, 147, 163, 167, 172 iogi ue 25-26, 31, 35-36, 46, 54, 66, 69, 73, 77, 79, (88, 92-95, 97, 100-102, 104-105, 107, 123, parole, 27-28,35,68, 79-80,94,99,102, 132, 146, 154, 170-172, 179, 182, 213-224, 227-229, 231139-140, 144-145, 160. 163. 182. 198. 201. 205. 232,245 207,209-210,218,243
El artage, 28, 58, 89, 102, 106, 153, 156-157, 169, 5passé 01,210,215-224,237,242 (@Temps),87 patrimoine, 25, 36, 67, 93, 168, 193, 243 paysa e éducatif, 70, 102, 105, 128, 139, 159, 166, 1!4,206,237,252 pédago 'e, 33, 37, 54, 59, 69, 75, 103-104, 108, 113, 17g 198,200,205,212,240-242,249 péda O 'que, 25,27,37,44,46,50,58,65, 72-73, 85, Sf,&, 96-97,99-101, 103, 106-110,121, 124, 127, 130, 136, 144, 148, 156.158, 170-171, 173176, 179, 182, 194, 201, 231. 234. 237-238. 240242,244,250 pensée(reliante), 58, 94, 249 perce tion(s), 38, 49, 51, 53, 55, 57, 62-67, 71, 74, 71-78, 80, 89, 92, 94, 97-98, 110, 121, 126, 139, 160, 162, 171, 191, 193, 200, 206, 208, 211, 217, 222, 227, 229,238, 240-241, 243,245, 252 erformance, 64,85, 106, 139, 141, 193-194, 201, 538,241: 251 perspective, 27, 58, 81, 102, 155-156, 168, 178, 189, 191-202,206-207,215,226,241,247 pertinence, 92, 110, 144, 148, 179, 194 PET, 57,230 phase($ 145-146, 152-155, 158-159, 176-177, 211,225,232-233 physiologie, hysiologique, 55,66,74, 151, 162, 170 physique, 3{ 50,59, 62, 72, 74, 77, 92-94, 96-97, 112, 114-115, 126.127, 145, 162, 169, 183, 200, 205,210,223,225.232.250 piège(@,57, 89, 96-100, 102-103, 106, 115, 132133,206,208-210,212,242,244,249 plaisir, 77-78, 114, 134, 181 playback, 176-177, 182-183 PNL, 44 point(s) d'orgue, 26,39, 41,45,51,55,57-80,93, 101, 104, 107, 109, 111, 115, 121-122, 124-125, 129, 136, 145, 149, 151, 153, 156, 168, 192,205206,208,211,217,229,253,254 positionnement(s), 27, 35, 119, 124.126, 132, 136, 140, 142-143, 147-149, 154-159, 161, 166167, 169, 194, 199,242 positionner, (se), 93, 109, 119, 143, 149, 154, 159, 166, 172, 179,208,244 postulat(s), 45, 105, 126,243 posture(s), 35, 50, 63, 70, 77, 91, 101, 114-115, 122, 132, 135, 141, 165, 172, 184 potentialisation, 54, 72-73, 241 potentialité(s), potentiel, 28, 55, 72, 74, 87, 106, 175, 193.194, 207, 218, 242, 244, 34-35, 37, 44, 46-47, 50, 52, 60-61, 71, 73, 79, 91-92, 97-98, 106-108, 112.114, 119, 129, 133, 137, 142, 145, 149, 156, 161-162, 168, 182, 205-207, 209-210, 228,232,234,240,242-243 Préambule, 3, 8, 112-113 présent @Temps), 33, 35, 47, 53, 66-67, 69, 8587, 89, 106, 135, 137, 156, 184, 197, 218, 222224,233 prêt a (croire,dire, faire, penser), 27,43,47,89,99, 107-108, 123-124, 135, 154,234,239 priorité@), 27, 59-60, 93, 97-98, 100, 136, 159, 161-162,205,213 problématique, 26, 33, 36, 46, 54, 58, 67, 74, 78, 87, 92, 94, 108-109, 111-112, 119, 124.125, 139140, 143, 147, 168,212,231,237,242 processus,21,25,33-35,37,45,49-50,58-62,6465,6840, 85, 87,89,91-94, 97,99, 103-104, 106, 108, 121-123, 125.126, 141, 145, 147, 153-154,
Index
157, 159, 165, 171, 176, 178-179, 202, 210, 218, 221, 227-229,233,238-239,245,250-251,253 progression, 72,104, 108, 134,140-141, 143,145, 147, 158,207 projet, 25, 52, 60, 87-88, 105-106, 108-109, 140, 143, 151, 156, 161, 171, 173, 176, 198, 200, 233, 239,243-244 psychi ue, 61, 72,96, 100,226,252 psychdogie, ps cholo 'que, 55,65-66,74-75,94 123, 147,59,16,226-y27,233,235,250252-25j question@), 43, 46, 54, 60, 63, 65, 68, 73, 95, 104-105, 127, 136, 141, 146-147, 151, 155, 161, 165-166, 168-169, 172, 176, 180, 210, 224, 232233,243,250,253 uestionnement, 25-28,37,39, 41,43-47, 51,53, 8, 78, 87, 91, 101-103, 109, 111-113, 115, 119, 122, 124, 129, 139-140, 142-145, 148, 152-158, 160.163, 166-168, 177, 179, 194, 199, 205-210, 212,217,238,242,244 quête de sens, 33, 68, 72,92, 97, 140, 145, 193 rappel (cfmémoire, mnémonique),61, 70, 72, 93, 107, 159, 161, 167-168, 171, 177, 179 rationalité, 72, 76 réalité, 36-37,44,54,57,59-60,67, 72-73, 76,88, 91-92, 96-98, 107.109, 119, 123, 153, 157, 169, 174, 177, 179, 207, 211, 217, 222, 231-232, 234, 238,240-241, 244 reconnaître, 33, 35-36, 46, 54, 69-71, 75, 79, 89, 95-96, 114, 139-141, 156-157, 159-160, 163, 182, 191, 195, 199-202,207,210,222,232-233,242 réel, 26, 54, 65, 67, 74, 76, 79, 96-97, 104, 135, 139, 169-170, 185, 196,209-210,232,240 références (cf"système 28, 45, 87, 104, 110111, 141, 143-145, 152, 156,247,249 référentiel, 26,81,83, 91-104, 107, 114, 139, 144, 163,205,241 regard, 28,49,51, 72,74,87,89-90,99,102, 104, 113, 119, 126, 133, 155, 164, 166, 185, 194, 201, 212.219.230.234-235. 237-240.' 244 réguler (se),34, 61, 143, 145 rédation. 35. 68. 77. 86. 93. 100. 145. 226. 2312G3,244 relation(s), 27, 31, 33-35, 44-46, 50, 53, 60, 6370, 74-76, 79, 85-98, 100-101, 103-105, 108-110, 113, 115, 121, 124-126, 133, 140-142, 145, 151152, 154-155, 157, 159-167, 169-175, 177-179, 196, 198-199, 201, 205, 210-212, 218, 221, 223, 226-229,232-233,238-240,245 reliance, 27, 35, 59, 61, 83, 109, 114, 119, 165, 172, 177-178, 191, 193-194, 196-200,249 relier, (se), 26-27, 35, 62, 88, 94, 98, 112, 117, 119, 159, 163-187,205,213,217 réentrée, 71 re ères, 28, 71, 87, 110, 115, 124, 134, 143, 145, I&, 157, 169, 185,205 répondre, re onses, 37, 43, 51, 86, 106-107, 125, 129, 133-131, 136, 147.148, 157, 159, 161, 166, 168-169, 175, 176, 179-180, 182, 184, 194, 205, 208,224,242-243 représentations, 26-27, 36, 44-45, 49, 60, 77, 91, 93, 110, 112, 115, 117, 119, 121-137, 140, 147148, 155, 186,206-207,230,240,242,250,253 réseau, 71,89, 98, 107 résolution de problèmes, 75-76, 110-111 résonance, 21, 26, 39, 41, 43-47, 102, 122-123, 145, 155, 179, 194, 199,232,237 responsabiliser, 134 responsabilité, 27, 53, 90, 113, 134, 142, 147,
!
'I),
U 151, 177, 179,238 ressources, 25-26, 39, 41, 43-47, 49-55, 57-80, 88, 93-94, 101, 104, 129-130, 156, 161, 163-164, 167, 175, 177, 185, 196,206,223,238,243 résultats, 33, 49, 74, 92, 104, 138-139, 141, 201, 238 rêve, 75, 79, 99, 151, 223 révolution, 54, 193, 196, 225, 234 rythme(s), 41, 45, 55, 63, 69, 87, 89, 107, 113, 134, 151, 160, 174-175, 182.185, 192, 194, 199, 207, 228,232-233,245 savoir, 26-27,33,35-36,45-46,50-51,61-62,6465,67,70,73,77-78,83,85,88,90-93,95-96,98104, 107-108, 113-115, 119, 121, 129, 136, 139141, 145, 148, 152, 156-160, 162.165, 171-173, 183-184, 194, 197, 199, 201, 205-209, 211-213, 225-226,228, 231-235, 237-244,249,251 savoir-a prendre, 26, 83, 85, 92-93, 95-96, 99, 101, 1040 107, 113-115, 141, 157, 162-163, 165, 205-209,211-212,235,242-244 savoir-faire,62, 70,88, 91,95, 101, 103, 108, 119, 121, 136, 141, 156,158, 171-173,235,240-241 science, 34, 37, 43-44, 53-55, 57, 76, 94, 113, 121, 126,194,205,217,223,235,241,249-251,253-254 sélectionner, 36, 77, 85, 90, 92, 97, 99, 106-107, 139, 143, 173-174, 197, 199,237 sélectivité, 52, 61, 79, 100, 175, 209 sémantique, 61,69-70,76,79, 123, 126, 129, 169, 230,240,253 sens (cfquête), 21, 33-36, 44, 46, 51, 61, 65, 6768, 71-72, 76, 78-80, 85-89, 91-92, 97, 99-100, 102-105, 107, 113, 115, 121, 128, 133, 140, 142143, 145, 148, 151, 154-155, 158-159, 162-165, 167-168, 172, 178-179, 184, 193, 196-197, 199, 207-21 1, 223, 225-226, 231, 237-238, 240-243, 250 sensorialite, sensoriel, 52, 65-66, 96, 98, 101, 114, 145, 170, 210,227-229, 232,238 siècle, 41, 43, 49, 51-55, 57, 66, 76, 85, 93, 97, 207,211,225-226,235,238 signifiance, 34, 106, 162, 238, 242 si nification(s), 63, 70-71, 77, 79-80, 87, 104, 1fl-153, 157, 171-172, 206-207, 221, 227-228, 233-234,240 soi, 35-37, 46, 49-50, 63, 68, 71, 80, 87-88, 99, 102-104, 108-109, 112, 114, 125, 134, 137, 151, 159-161, 165-167, 182-184, 186, 196, 199, 201, 209,211,222,234-235,240,249 solidaire, solidarité,27,191,197,200-201,225,250 sondage, 27, 37, 100, 119, 124-126, 128-130, 133-134, 136, 147, 157, 168,239 spécificité,27,52,60,87,105, 184, 196,203,205213,228,230,232 statut, 25, 27, 34-36, 74, 83, 100, 105, 107, 121, 139-141, 147, 172,210, 226, 230,239,244 stimulus, 53, 63-64, 70, 77, 198, 206 strategie(s), 44, 60, 64, 97, 102, 106, 108-109, 113, 127, 142-143, 145-146, 156, 158, 160, 200201,210,212,227,229,245 structuration, 33,52,54,58,69,71, 75,80,85,88, 92-93, 103, 105-106, 153, 162, 171, 186,233,244 structure(s), 37, 50, 55, 59, 61, 69-70, 75, 79, 85, 104, 106, 110, 122, 126, 151, 155, 168, 171, 178, 185,206,208,218,221,227,230,232-233,254 survie, 52, 68, 77, 85-86, 140, 193, 195, 221, 226
Index
74, 77, 79-80, 90, 93-94, 97, 100-101, 104, 106, 110-112, 121, 139, 141, 143-144, 152, 154, 156157, 171, 179, 186, 195-196, 199-202, 208-209, 218, 221-222, 227-229, 231, 233, 243-244, 249, 251-252 systémique, 59,94,99-100,108,126,240,249,252 systémiste, 34, 68 technologie(s), 41, 50-52, 75,85 tacite, 140, 154-156 teléprésence, 53,238 temuoralite. 41, 52. 54, 63-65, 85, 89, 170, 229 Temps, 21,26-27,34,44-45,50-53,57-59,63-64, 66,68, 71-73, 75, 77,80-81,83,85-91,93-94,96, 99-106. 109. 132. 136. 140. 146. 148. 152. 155156, 159-161, 164-165, 168-169, 177-178, 182, 184, 193, 196, 198, 206-207, 209-212, 218, 220221,223-224,232, 238, 240-241, 243, 252-253 ternaire, 65, 119, 151, 194, 242 territoire, 50, 74, 121 théorie, 44, 58, 67, 72, 77, 79-80, 93, 108, 121122, 139, 166, 171,206,212,219,239,243 tiers, 65, 97, 119, 151, 198, 244 trajet (cfaussi “etapes”, “parcours”),87, 200 trame, 27, 49, 58, 106, 113, 124, 152, 158, 194, 234,242 transaction, 27,36, 191, 195-199,249-250 transapprendre, 193 transdisciplinaire, 50, 54, 74, 113, 197-198, 207. 237,249,252 transdisciplinarité, 54, 66, 114, 197, 242, 252 transformation, 21,34-35, 85, 102, 141, 159, 167, 174,209,223,225,242 travail, 25-27, 36, 43-44, 53-54, 58, 70, 73, 76, 91-92, 96, 99, 103.104, 107-108, 124, 126-127, 129, 133, 135-137, 145, 152, 166-167, 173, 175, 177, 179-181, 183, 198, 205, 211, 213, 229, 237, 239,242,250,252 Univers, 33, 41, 43, 49, 53-54, 58-59, 72, 94, 96, 207,209-210,224 Université apprenante, 136, 244 Utopie, 201 valeurs, 36, 52, 100-101, 104, 110-112, 114, 141142, 144-145, 154, 156-157, 165, 179, 186, 196, 199,205,210,217,231,233 validation, 51, 99, 106, 142-143, 145, 212, 237, 242 verbal, 75, 77, 152, 161, 165-166, 169, 172, 174, 238-239. 250 vérité, 46-47, 66, 79, 89, 97, 99, 102, 223 vie, 25-26, 28, 33-34, 36, 38-39, 41, 43, 46, 51, 54-55, 57-80, 87-89, 91-93, 95-96, 104-107, 114, 121-122, 134, 136, 161, 163, 165, 168, 171, 175, 180, 191, 193-194, 196, 199-200, 207, 209, 218221, 224,227,235, 238,240-243,250-251, 253 visage, 33, 35, 41, 46, 59, 70-71, 77-79, 102, 159, 195,206,253 vivant, 25-27, 29, 31, 33-38, 41, 43, 46-47, 52, 54-55,57-60,62-63,65,67-69, 72, 77-80, 85,8789, 92-97, 100-102, 105-106, 112-113, 126, 140, 151, 163, 168, 185, 194-195, 200-201, 205, 207, 209-211. 218. 224, 231, 239-241, 243-244. 250251, 254, violence(s), 34, 46, 77, 83, 102.103, 107-108, 121,128,224,238 vision, 25,27,37-38, 41, 46,50,53-54,65-67,74, 91,94,98, 104, 110, 121, 127, 168, 192,206-209, 227-229. 240.245 vrai I faux, 47, 179, 244
El
Index
index des noms propres cités ADVP, 235 Andreewski, E., 245 Amiet, P., 235 Anspach, M.R., 71, 249 Ardoino, J., 139, 249 Aristote, 94 Ases (cycle des), 94 Astolfi, J.P., 33, 139, 249 Aubégny, I., 139 Augier, J.P., 21 1 Aumont, B., 33, 249 Avanzini, 249 Bachelard, D., 139, 143, Bachelard, G., 198, 251 Bailly, A.(dictionnaire), 93, 133, 249 Barber, B.R., 222 Barbier, J.M., 139, 249 Barbou, Ph., 159 Barth, B.M., 33, 122, 249 Baruk, S., 61 Bateson, G., 89, 222, 249 Berger, G., 139, 249 Bergson, H., 69, 222, 249 Biès, J., 197, 249 Blake, W., 97, 193, 224 Bolle de Bal, M., 198, 249 Bono de, E., 33, 168, 249 Bourdieu, P., 89, 102, 249 Braun, L., 217, 221-224 Briggs, J., 80, 221, 249 Brown, G., 157, 249 Bruner, J.. 80, 122, 249 Brunon, G., 123, 211, 249 Buser, P., 63-65, 70-71, 249 Buzan, T., 33, 58, 152, 177-178, 249 Camus, A., 60, 212 Cazenave, M., 123 Changeux, J.P., 123, 249 Chassagne, C., 180, 249 Cheik Hamidon Khan, 223 CIRET, 54, 194, 197, 237, 249, 252-253 Clergue, G., 59, 249-250 CNRS, 35 Combs, A., 80, 250 Coulon, A., 33, 250 Cresson, E., 197, 252 Cyrulnik, B., 54, 76, 80, 100, 121, 206, 217-218, 220-221, 224. 242, 250 Damasio, A., 76-77, 250 Debray, R., 33, 198, 250 Dehenne, C., 197, 250, 252
Deleplanque, B., 235 Delorme, C.. 139, 250 Demoule, J.P., 54, 250 Denis, M., 44, 74-75, 121, 123, 218, 250 Dennett, D., 6 3 Desgraupes Ph., 139, 250 Desplats, S., 21 1 Desroche, H., 33, 105, 193, 200, 250 Dévelay, M., 33 Dominicé, P., 199-200, 250 Droit, R.P., 168, 250 Durand, Y., 75, 126, 250 EDC, 101 Edelman, G., 58, 61, 64, 68-69, 80, 170171, 240, 250 Eitington, I.E., 154, 250 E.N.S. Fontenay St-Cloud, 25, 59, 242, 254 Epstein, G., 223 Estes, P.C., 194, 253 Farah, M., 74, 252 Favre, D., 44, 250 Felden, M., 54, 250 Follmi, O., 51, 57, 191, 217, 219-221, 223224, 250 Fox Keller, E., 165, 250 Freinet, A., 198 Freire, Paulo., 194 Freynet, M.F., 198, 250 Galilée, 2 1 7 Garabédian, D., 242 Garanderie de la, A., 44 Gardner, H., 33, 77-78, 112, 250 Gerjuoy, H., 92, 239 Geshwind, N., 53, 251 Gevins, AS., 63, 241, 251 Giordan, A., 33, 44, 121 Giacometti, 3 1 Ginestier, P., 139, 251 Goleman, D., 78, 251 Gould, S.]., 58, 80, 251 Grecs, les, 94, 104, 160, 229 Guesné, J., 21 1 Guillé, E., 218 Guyot, G., 60, 76, 235, 252 Hall, E., 220 Hampden-Turner, C., 59, 93, 251 Haptonomie, 199-200 Hardy, C., 26, 54, 79, 218, 251 Herzinger, R., 55 Havel, V., 222 Héber-Suffrin, C. et M., 201
rn Hütten von, U., 217 Ibes, W., 52, 251 Illig, H., 55 Jabès, E., 53, 251 Jacob, E , 95, 103, 217/218, 220, 251 Jacquard, A., 49, 54-55, 57, 61, 164, 166, 193, 197, 210, 219, 239, 242, 251 James, H., 76, 251 Jeannerod, M.., 53 Jolivet, G., 186 Jousse, M., 221 Kail, M., 35 Karli, P., 68, 72, 76, 78, 80, 86, 218, 251, Kerckhove de, D., 229 Knowles, M., 112, 251 Koestler, A., 9 3 Korzybski, A., 76, 126, 169-170, 207, 218, 251 Krishnamurti, 2 17 Labelle, J.M., 197, 201, 251 Laborit, H., 70, 76-77, 218, 251 Langer, E., 123, 251 Lascaux, 37, 46, 103 Lassen, N, 53, 235, 240, 251 Le Moigne, J.L., 59, 237, 241, 251 Lenhardt, V., 196 Lévi-Schoeun, A., 3 7 Lévy, B., 196 Levy, P., 252 Lévy Montalcini, P., 252 Lhomme, M., 139, 250 Libet, B., 6 3 Livet, P., 196, 252 Lupasco, S., 60, 72-74, 97, 241, 252 Luria, A., 60, 77, 252 Machado, A., 37, 99, 165 Mack, M.. 196, 252 MacLean, P., 60, 67, 72, 76, 219, 230, 235, 252, Maestri, C., 21 1 Magritte, 222 Mandelbrot, B., 26, 93, 252 Marc-Aurèle, 86, 224 Maslow, A., 217 Mazaux, J.M., 235 McClintock, B., 165 Méda, D., 91 Meirieu, Ph., 33, 218-219, 252 Melese, J., 59, 252 Mehler, J., 235 Merleau-Ponty, M., 64-65, 252 Mermet, D., 201 Meyer, Ph. Morgan, G., 66, 252
index
Morin, E., 59-60, 113, 139, 165, 193-194, 241, 243, 252 Murray Schafer, R., 174, 252 Nicolescu, B., 50, 54, 97, 123, 197, 207, 237, 241-242, 252 Nussbaum, J., 127 Onimus, J., 219 O’Regan, J.K., 235 Ouaknin, M.A., 47, 194, 220, 235, 252 Paracelse, 2 17, 22 1-223 Parisot, E , 197, 252 Patanjali, 222 Peat, ED., 80, 221, 249 Peres, Shimon, 50, 252 Peretti de, A., 193, 210, 242, 253 Peronnet, E , 74, 252 Pineau, G., 199-200, 252-253 Pisar, S., 60, 253 Poulat, E., 200 Prigogine, I., 4, 58-59, 68, 72, 80, 220, 223, 253 Quéau, P., 196-197, 253 Ravelet, C., 200 Reboul, O., 33, 253 Reeves, H., 43, 58, 89, 223, 253 Rey, B., 33, 253 Ricoeur, P., 193, 199, 253 Rilke, R.M., 43, 58, 222, 224, 253 Robin, G., 154, 199, 253 Roch-Lecours, A., 235 Rosch, E., 61, 254 Rosenfield, I., 222 Rosnay de, J., 59, 253 Sallabery, J.C., 121, 253 Saucet, M., 76, 126, 253 Schlanger, 1.. 174 Schneider, J., 74, 253 Schwartz, B., 212, 239, 242 Shakespeare, 2 17 Shearer, A., 222 Serieyx, H., 5 9 Sergent, J., 71, 235, 240, 253 Seron, X., 74, 219 Servan Schreiber, E., 37, 218, 252 Singer, Ch., 44, 224, 253 Six, ].E, 200 Stevens, P.S., 58, 253 Sûtra, 222 Tabarly, E., 221 Tagore, R., 219, 224 Texeraud, B., 110 Thompson, E., 61, 254 Thoreau, H.D., 210, 221, 254
U Thuillier, P., 53, 253 Toffler, A., 92, 234, 239, 253 Tortel, G., 198 Touaregs, 9 5 Trocmé, H . , 79 Trocmé-Fabre, H., 54, 60, 75, 87, 154, 242 Trungpa, 220 Tsunoda, 240 Varda, F., 35, 54, 61-62, 65-66, 69, 71, 76, 79-80, 89, 98, 121-122, 151, 170, 208211, 218, 238-239, 241-242, 249, 254 Vauclair, S., 58, 254 Vecchi de, G., 33, 44, 251, 254 Veldman, E , 200, 251
index
Vincent, J.D., 54, 60, 69, 121, 196, 221, 220, 242, 254 Virilio, P., 53, 238, 254 Vygotsky, L.S., 79, 254 Weber, I., 54, Weber, R., 223, 254 Wiener, N., 217-218, 221-222, 224 Wilden, A., 80 254 Williams, L.V., 33, 235, 254 Yi King, 22 1, 223 Yotani, Y., 46 Zola, E., 224 Zuridel, M., 37, 254 Zuiiiga, R., 139, 254
Lxl
Table des Qgugures
Table des figures Figure 1 : Le temps. vu par l'occident ............................................................ Figure 2 : Accomplihon-accompli ..................................................................
86
Trois durées. trois logiques ............................................................ Complexité de notre relation au temps ...........................................
86 87
Figure 5 : L'Arbre du savoir-apprendre .......................................................... Figure 6 : Rois expertises et une interface ................................................... Figure 7 : Le concept d'apprendre, au centre d'un contexte ..........................
95
Figure 3 Figure 4
: :
Figure 8 : La double relation au concept ...................................................... Figure 9 : Boucle classique de résolution de problème .................................
86
108 109
109
110
Figure 10 : Influence des systèmes de valeurs et de représentation ............... 111 Figure 11 : Questionner le système de valeurs ............................................... 111 Figure 12 : Questionner le système de représentation ....................................
112
Figure 13 : Etat des lieux 1 (préalable à une activité de formation) ............... 152 Figure 14 : Positionnement du questionnement (actions à prendre) .............. 156 Figure 15 : Etat des lieux 2 (bilan) ................................................................. 158 Figure 16 : Le sens émerge des relations entre les composantes (langage) .... 171 Figure 17 : Les quatre savoir-faire langagiers ................................................. Figure 18 : Langues et situations langagières ................................................ Figure 19 : Sources, tâches et parcours ..........................................................
172 173 174
Figure 20 : L'apprenance collective .......................................................
195
Figure 2 1 : Dynamique et réciprocité de l'intelligence collective...................... Figure 22 : Les doubles flux des transactions éducatives ...............................
195 198
U
Table des matières
Table des matières Fract’ualités
3
(“réserve de blanc”)
I.
19
II. Au lecteur
23
III. J’existe, donc j’apprends
29
1. L‘apprenance, caractéristique du vivant
l’élan d‘apprenance “exeunt” la logique unique, le niveau unique, la relation unique ... - d’où l‘importance de parler du métier d’apprendre - guider l’entrée en apprenance - porter notre biologie au lieu d’être porté par elle - réenchanter l’acte d’apprendre -
-
31 33 34 35 36 37 37
IV. Fondements, archéologie d e s ressources
pour une vie apprenante 2. Resonance et Questionnement
39 43
une urgence : ouvrir un espace de questionnement
43
3. A l’écoute de l’environnement:trois fr-évoIutions
49
- cloisons et océans de certitudes - un monde gorgé de technologie - lire autrement le livre de l’Univers et de la Vie
4. Points d’orgue pour une vie apprenante paradoxe du XXe siècle l’incontournable complexité - les leçons du vivant - percevoir et agir - nous sommes temporalité, durées et rythmes - nous sommes notre vision - nous sommes bifurcations, changement et dialogues - nous sommes mémoires - une vie cognitive sans frontières ni cloisons - cultures et langages : deux visages de l’émergence -
-
49 51 53 57 57 58 60 62 63 65 67 69 72 78
V. Architecture et matériaux
pour une apprenance durable 5. Organiser les temps d’apprendre
Trois raisons de placer la durée au centre de la problématique de l’apprenance Sept durées à aménager, sur le chemin vers l’autonomie 6. Un métiec un r é f e r t i e i
Pourquoi rapprocher “apprendre” et “métier” ? Petite histoire de l’Arbre du savoir-apprendre Pourquoi dix actes cognitifs de base ?
81 85 85 88 91 91 93 94
Lxl
Table des matières
7. ingénierie du métier d’apprendre
Nature, rôle et statut de l’ingénierie Favoriser l’acte d’apprendre, éviter les violences Lieu de naissance de l’ingénierie : à l’interface... Entrer dans une démarche de reliance Elargir encore Charte cognitive : préambule et Charte Un exemple de déontologie cognitive VI. Habiter en apprenance
8. Entrer dans nos représentations
En première ligne Elles trahissent et traduisent Utiliser les représentations pour encourager le changement conceptuel Élaborer l’outil Nouveau regard Post-scriptum 1 : La France et les Français vus par les Anglais Post-scriptum 2 : Sondage sur les représentations d’apprendre Post-Scriptum 3 : Représentations graphiques (apprendre et autonomie) Post-scriptum 4 : Analogies Post-scriptum 5 : Critères sous-jacents aux représentations de l’autonomie Post-scriptum 6 : Quel apprenant suis-je ?... voudrais-je être ? Post-scriptum 7 : Quand apprendre n’a pas lieu ...(sondage)
9.L a longue marche de I ‘évaluation Un concept pluriel Première étape : recueillir les représentations Deuxième étape : clarifier l’intention d’évaluer Troisième étape : questionner une situation d’évaluation existante Quatrième étape : se positionner dans la problématique Cinquième étape : refonder l’évaluation Post-scriptum 8 : Grille de décodage d’un sondage sur l’erreur Post-scriptum 9 : Représentations de l’évaluation
IO. Accompagner l’émergence Le tiers cherché : une méthodologie ternaire Trois outils indissociables (auto-positionnement, auto-questionnement, auto-évaluation) Post-scriptum 10 : Nos intelligences multiples (auto-positionnement) Post-scriptum i1 : Oser nommer le potentiel (auto-positionnement) Post-scriptum 12 : Le grand questionnement (auto-questionnement) I I . Relier Reliance, une exigence Se relier à l’activité demandée Relier le constat et le questionnement Se relier au questionnement de l’apprenant Relier pensée, langue et réalité Relier les quatre savoir-faire langagiers
105 105 107 108 109 110 112 114 117 121 121 122 123 124 126 128 129 130 133 134 135 136 139 139 140 141 142 143
144 147 148 151 151 154 159 161 163 165 165 166 167 168 169 171
LXI
Table des matières
Relier pour faire émerger le parcours Relier le “je” et le “ça” : apprendre a la première personne Relier pour explorer, construire, structurer et créer Post-scriptum 13 : Les apprenants nous questionnent Post-scriptum 14 : Les apprenants commentent Post-scriptum 15 : Heuristique sans frontière VI1 Mise
en perspective
12.Reconstruire le tissu éducatif N i livre blanc, ni livre noir, mais une urgence : nettoyer les portes de la perception Tisser ensemble : l’enjeu L‘heure des transactions éducatives Reliance dans l’accompagnement Coopération, solidarité, réciprocité : reconnaître l’Autre
VI11 Annexe I Objectifs et spécificité des 7 vidéogrammes Népour apprendre
IX Annexe II
172 175 177 179 182 186
189 193
193 194 197 199 200 203 205
215
1. Paroles, en partage 2. Lire, une longue histoire d’interface et un acte neuro-culturel à construire 3. Apprendre aujourd’hui dans une Université apprenante
217 225 237
Références Bibliographiques index thématique index des noms propres cités Tables des figures
249 255 261 265