Réanimation et urgences
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Jean-Jacques Lehot ...
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Réanimation et urgences
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Jean-Jacques Lehot Charles-Christian Arvieux
Réanimation et urgences
Jean-Jacques Lehot Service d’anesthésie-réanimation Hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis-Pradel 28, avenue Doyen-Lépine 69677 Lyon-Bron Cedex
Charles-Christian Arvieux Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale Hôpital de la Cavale-Blanche Avenue Tanguy-Prigent 29609 Brest Cedex
ISBN : 978-2-287-99128-8 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, 2010 Imprimé en France
Springer-Verlag est membre du groupe Springer Science + Business Media Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emploi. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante.
Maquette de couverture : Nadia Ouddane Mise en page : Arts Graphiques Drouais – Dreux
Liste des auteurs Jean-Pierre Auffray Sevice d’anesthésie-réanimation Hôpital de la Timone 27, boulevard Jean-Moulin 13385 Marseille Cedex 05
Alain Bergeret Service des maladies professionnelles et de médecine du travail Centre hospitalier Lyon-Sud Hospices civils de Lyon 69495 Pierre-Bénite
Charles-Christian Arvieux Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale Hôpital de la Cavale-Blanche Avenue Tanguy-Prigent 29609 Brest Cedex
Laurent Beydon Pôle d’anesthésie-réanimation CHU d’Angers 4, rue Larrey 49933 Angers Cedex 9
Jean-Lionel Arvieux Service d’anesthésie réanimation II Hôpital Michalon BP 48 Avenue Tanguy-Prigent 38043 Grenoble Cedex
Anne Bismuth-Faure Psychologue Service d’anesthésie-réanimation Hôpital Louis-Pradel 28, avenue Doyen-Lépine 69677 Bron Cedex
Laurent Bargues Service d’anesthésie-réanimation Centre de traitement des brûlés Hôpital d’instruction des Armées Percy 101, avenue Henri-Barbusse BP 406 92141 Clamart Cedex
Simon Bizet Service d’anesthésie réanimation Hôpital de la Croix-Rousse 103, Grande-Rue de la Croix-Rousse 69317 Lyon Cedex 04
Olivier Bastien Service d’anesthésie-réanimation Hôpital Louis-Pradel 28, boulevard Pinel 69394 Lyon Frédéric Joseph Baud Service de réanimation médicale et toxicologique Hôpital Lariboisière 2, rue Ambroise-Paré 75010 Paris Dan Benhamou Département d’anesthésie-réanimation CHU Bicêtre 78, rue du Général-Leclerc 94275 Le Kremlin-Bicêtre
Éric Bonnefoy-Cudraz Service de soins intensifs cardiologiques Hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis Pradel 28, avenue Doyer-Lépine 69677 Lyon-Bron Cedex Françoise Borson-Chazot Fédération d’Endocrinologie pôle Est Hôpital Pierre-Wertheimer 59, boulevard Pinel 69677 Bron Cedex Pierre-Yves Brun Service de réanimation médicale et toxicologique Hôpital Lariboisière 2, rue Ambroise-Paré 75010 Paris Frédéric Brun Agence de la Biomédecine 162, avenue Lacassagne 69424 Lyon cedex 03
VI
Réanimation et urgences
Cécile Chambrier Unité de nutrition clinique intensive Hospices civils de Lyon Groupement hospitalier Nord Hôpital de la Croix-Rousse 103, Grande-Rue de la Croix-Rousse 69317 Lyon Cedex 04
Hervé Floch Pôle d’anesthésie-réanimation chirurgicale CHU de Brest Hôpital de la Cavale-Blanche Boulevard Tanguy-Prigent 29609 Brest Cedex
Karene Coste-Chareyre Service de rééducation fonctionnelle Hôpital Louis-Pradel 28, avenue Doyen-Lépine 69677 Bron Cedex
Laure Garin Hémovigilance Groupement hospitalier Est 59, boulevard Pinel 69500 Bron
Alexandra Crand Fédération d’Endocrinologie pôle Est Hôpital Pierre-Wertheimer 59, boulevard Pinel 69677 Bron Cedex
Mathieu Gazon Service de rééducation fonctionnelle Hôpital de la Croix-Rousse Hospices civils de Lyon 103, grande rue de la Croix-Rousse 69317 Lyon
Yesim Dargaud Unité d’hémostase clinique Hôpital Edouard-Herriot Pavillon E 5, place d’Arsonval 69003 Lyon
Laurent Gergelé Réanimation polyvalente B Hôpital Nord CHU de Saint-Étienne 42000 Saint-Étienne
Jean-Stéphane David Service d’urgence Centre Hospitalier Lyon-Sud 165, chemin du Grand-Revoyet 69495 Pierre-Bénite
Frédéric Gougain Service de rééducation fonctionnelle Hôpital Louis-Pradel 28, avenue Doyen-Lépine 69677 Bron Cedex
Marie-Agnès Denis Médecine du Travail Centre hospitalier Est 59, boulevard Pinel 69677 Bron Cedex
Patricia Grivoz Service de rééducation fonctionnelle Hôpital Louis-Pradel 28, avenue Doyen-Lépine 69677 Bron Cedex
Mathieu Desmard Département d’anesthésie-réanimation CHU Bichat Claude Bernard APHP-Université Paris VII Denis Diderot 46, rue Henri-Huchard 75018 Paris
Olivier Guillemaut Hémovigilance Groupement hospitalier Est 59, boulevard Pinel 69500 Bron
Pierre Dessirier Service de rééducation fonctionnelle Hôpital Louis-Pradel 28, avenue Doyen-Lépine 69677 Bron Cedex
Carole Ichai Service d’anesthésie-réanimation Hôpital Saint-Roch 5, rue Pierre-Dévoluy 06006 Nice Cedex 1
Liste des auteurs
Etienne Javouhey Service de réanimation pédiatrique Hôpital Femme-Mère-Enfant Groupement hospitalier Est Hospices Civils de Lyon 59, boulevard Pinel 69677 Bron Cedex
Hervé Le Bever Service d’anesthésie-réanimation Centre de traitement des brûlés Hôpital d’instruction des Armées Percy 101, avenue Henri-Barbusse BP 406 92141 Clamart Cedex
Patrick Jault Service d’anesthésie-réanimation Centre de traitement des brûlés Hôpital d’instruction des Armées Percy 101, avenue Henri-Barbusse BP 406 92141 Clamart Cedex
Frédéric Lebreton Pôle d’Anesthésie Réanimation CHU d’Angers 4, rue Larrey 49933 Angers Cedex 9
Clémence Joly Unité de soins palliatifs Service nutrition, douleur, soins palliatifs CHU Charles-Nicolle 1, rue de Germont 76031 Rouen cedex Luc-Marie Joly Service des Urgences CHU Charles-Nicolle 1, rue de Germont 76031 Rouen Cedex Olivier Jonquet Service de réanimation médicale CHU de Montpellier Hôpital Gui de Chauliac 80, avenue Augustin Fliche 34295 Montpellier Cedex 5 Floriane Klack Interne des Hôpitaux Hôpital d’instruction des Armées Desgenettes 108, boulevard Pinel 69003 Lyon Marie-Laure Laboure Service de rééducation fonctionnelle Hôpital Louis-Pradel 28, avenue Doyen-Lépine 69677 Bron Cedex
Thomas Leclerc Service d’anesthésie-réanimation Centre de traitement des brûlés Hôpital d’instruction des Armées Percy 101, avenue Henri-Barbusse BP 406 92141 Clamart Cedex Agnès Le Gouez Département d’anesthésie-réanimation Hôpital Antoine Béclère 92141 Clamart cedex Pierre Lena Cardiologie médico-chirurgicale Institut Arnault Tzanck Avenue du Docteur Maurice Donat 06721 Saint-Laurent-du-Var François Lion Service d’anesthésie-réanimation CHU de Brest Hôpital de la Cavale-Blanche Boulevard Tanguy-Prigent 29609 Brest cedex Amélie Massardier-Pilonchéry Service des maladies professionnelles et de médecine du travail Centre hospitalier Lyon-Sud Hospices civils de Lyon 69495 Pierre-Bénite Claude Martin Service d’anesthésie et de réanimation Faculté de médecine de Marseille Hôpital Nord Chemin des Bourrely 13915 Marseille Cedex 20
VII
VIII Réanimation et urgences
François Martin Direction Centrale des Soins Hospices Civils de Lyon 162, avenue Lacassagne 69424 Lyon Cedex 03 Philippe Montravers Service d’anesthésie-réanimation CHU Bichat Claude Bernard APHP-Université Paris VII Denis Diderot 46, rue Henri-Huchard 75018 Paris Yazid Mouloua Service d’anesthésie-réanimation Groupement Hospitalier Nord Hospices Civils de Lyon Hôpital Croix-Rousse 103, Grande-Rue de la Croix-Rousse 69317 Lyon Cedex 04 Michel Muller Service d’anesthésie-réanimation Groupement Hospitalier Nord Hospices Civils de Lyon Hôpital Croix-Rousse 103, Grande-Rue de la Croix-Rousse 69317 Lyon Cedex 04 Agnès Mulot Service Pharmacie CHU de Nancy Hôpital de Brabois adultes Rue du Morvan 54500 Vandœuvre-lès-Nancy Jean-Jacques Lehot Service d’anesthésie-réanimation Hôpital Louis-Pradel 28, avenue Doyen-Lépine 69677 Bron Cedex
Jean Petit Département qualité et gestion des risques Hôpitaux de Toulouse Hôtel-Dieu Saint-Jacques 2, rue Viguerie – TSA 80035 31059 Toulouse cedex 9 Robin Pouyau Service de réanimation pédiatrique Hôpital Femme-Mère-Enfant Groupement hospitalier Est Hospices Civils de Lyon 59, boulevard Pinel 69677 Bron Cedex André Puget Pôle Réanimation Urgences, SAMU, Hyperbarie Hôpital de la Timone 264, rue Saint-Pierre 13385 Marseille Cedex 05 Cyril Sargentini Pôle d’anesthésie-réanimation CHU d’Angers 4, rue Larrey 49933 Angers cedex 9 Mathieu Schoeffler Service d’anesthésie-réanimation Groupement Hospitalier Nord Hospices Civils de Lyon Hôpital Croix-Rousse 103, Grande-Rue de la Croix-Rousse 69317 Lyon Cedex 04 Jean-Paul Viale Service d’anesthésie-réanimation Groupement Hospitalier Nord Hospices Civils de Lyon Hôpital Croix-Rousse 103, Grande-Rue de la Croix-Rousse 69317 Lyon Cedex 04
Table des matières
PRÉFACE C. Martin ........................................................................................................................
XIII
AVANT-PROPOS J.-J. Lehot et C.-C. Arvieux ............................................................................................
XV
SITUATION EN FRANCE Les structures de soins d’urgence et de réanimation en France J.-P. Auffray et A. Puget ................................................................................................
3
PATHOLOGIES Soins d’extrême urgence H. Floch et J.-J. Lehot ....................................................................................................
11
Pathologies circulatoires J.-J. Lehot et E. Bonnefoy-Cudraz ................................................................................
25
Pathologies respiratoires J.-P. Viale, S. Bizet, M. Gazon, Y. Mouloua, M. Muller et M. Schoeffler .....................
53
Pathologies neurologiques et suites de neurochirurgie L. Beydon et C. Sargentini ............................................................................................
111
Atteintes rénales et suites opératoires en urologie F. Lion et C.-C. Arvieux ..................................................................................................
129
Affections hépatodigestives M. Desmard et P. Montravers ......................................................................................
143
Dyskaliémies C. Ichai ...........................................................................................................................
171
Désordres hydroélectrolytiques C. Ichai ...........................................................................................................................
179
Troubles acidobasiques C. Ichai ...........................................................................................................................
193
Urgences en endocrinologie et en diabétologie A. Crand et F. Borson-Chazot.......................................................................................
203
X
Réanimation et urgences
Pathologies hématologiques Y. Dargaud ....................................................................................................................
227
Pathologies infectieuses M. Desmard et P. Montravers ......................................................................................
241
Prise en charge du patient intoxiqué P.-Y. Brun et F. J. Baud ...................................................................................................
261
Traumatologie et déchocage L. Gergelé et J.-S. David ................................................................................................
281
Prise en charge des brûlures graves P. Jault, L. Bargues, T. Leclerc et H. Le Bever................................................................
291
Pathologies circonstancielles F. Klack et J.-S. David ....................................................................................................
305
TERRAINS PARTICULIERS Pédiatrie Convulsions chez le nourrisson et chez l’enfant E. Javouhey et R. Pouyau .............................................................................................
331
Diarrhée aiguë et déshydratation chez le nourrisson et l’enfant E. Javouhey et R. Pouyau .............................................................................................
335
Douleur chez l’enfant : sédation et traitements antalgiques E. Javouhey et R. Pouyau .............................................................................................
339
Fièvre aiguë chez l’enfant E. Javouhey et R. Pouyau .............................................................................................
343
Infections broncho-pulmonaires du nourrisson et de l’enfant E. Javouhey et R. Pouyau .............................................................................................
349
Malaise grave du nourrisson et mort subite E. Javouhey et R. Pouyau .............................................................................................
355
La femme enceinte La parturiente en réanimation et aux urgences A. Le Gouez et D. Benhamou .......................................................................................
361
La personne âgée La personne âgée en réanimation P. Lena ............................................................................................................................
375
Table des matières
XI
TECHNIQUES Cathéters vasculaires J.-L. Arvieux, C.-C. Arvieux et J.-J Lehot ......................................................................
385
Transfusions de produits sanguins labiles L. Garin et O. Guillemaut .............................................................................................
395
Administration des médicaments A. Mulot .........................................................................................................................
405
Nutrition entérale et parentérale C. Chambrier .................................................................................................................
421
L’épuration extrarénale J.-L. Arvieux et C.-C. Arvieux ........................................................................................
435
Assistances circulatoires O. Bastien ......................................................................................................................
445
QUESTIONS PROFESSIONNELLES La relation médecin-malade A. Bismuth-Faure ..........................................................................................................
455
Les transmissions F. Martin.........................................................................................................................
463
Complications de l’immobilité et du décubitus F. Gougain, K. Coste-Chareyre, P. Grivoz, M.-L. Laboure, P. Dessirier, C.-C. Arvieux et J.-J. Lehot ............................................................................................
469
Éthique et déontologie médicale : droits des malades, problèmes liés au diagnostic, au respect de la personne et à la mort C. Joly et L.-M. Joly........................................................................................................
475
Droits des malades et fin de vie : une pédagogie du soin O. Jonquet .....................................................................................................................
483
Mort encéphalique et don d’organes F. Brun ............................................................................................................................
491
Vigilances et reporting J. Petit.............................................................................................................................
505
Risques professionnels du travail en réanimation et urgences A Massardier-Pilonchéry, M.-A. Denis et A. Bergeret.................................................
517
Principes de méthodologie en recherche biomédicale L.-M. Joly et C. Joly........................................................................................................
525
XII
Réanimation et urgences
INDEX................................................................................................................................
535
LISTE DES SIGLES ........................................................................................................
543
Préface C. Martin
L’ouvrage Réanimation et Urgences a pour vocation de s’adresser prioritairement aux étudiants en médecine du 2e cycle qui ont un stage obligatoire en réanimation dans leur cursus de formation. Ces étudiants sont souvent désemparés en arrivant dans les services d’urgences ou de réanimation du fait de l’environnement technique, de la multiplicité des pathologies prises en charge et des techniques de soins très particulières qui sont mises en place. Les Professeurs Jean-Jacques Lehot et Charles-Christian Arvieux ainsi que les auteurs de cet ouvrage didactique ont fait le maximum pour présenter de façon très claire ce que doit savoir l’étudiant en médecine, à la fois pour profiter de son stage hospitalier mais aussi pour pouvoir utiliser plus tard les connaissances acquises. L’information couvre tous les domaines. L’organisation des structures de réanimation et d’urgences paraît souvent mystérieuse aux étudiants. Cet ouvrage apporte des réponses claires sur ce sujet. Les pathologies prises en charge sont détaillées, des plus simples au plus compliquées mais toujours avec le désir d’être clair, précis et informatif. Le côté technique n’est pas oublié vu son importance dans le diagnostic et la prise en charge. Le lecteur trouvera toutes les informations voulues sur les moyens mis en œuvre, avec de nombreuses explications, des schémas explicites et une mémorisation facile des éléments importants. L’étudiant ne doit jamais oublier que derrière l’environnement technologique, les machines de suppléance et les thérapeutiques agressives, il y a toujours un malade qui doit être au centre des préoccupations. La médecine des services d’urgences et de réanimation reste centrée sur le patient, point de départ et d’arrivée de l’équipe soignante. Cet ouvrage doit accompagner l’étudiant tout au long de son stage hospitalier : il pourra s’y référer chaque fois que nécessaire pour mieux comprendre les stratégies de prise en charge. Par la suite, il reste un document de référence permettant, avec le recul, de reprendre les éléments importants ou mal compris sur le moment pour mieux les comprendre et les intégrer dans sa pratique future.
XIV Réanimation et urgences
Les infirmières et infirmiers des mêmes services bénéficieront grandement de la lecture de cet ouvrage dont la clarté et le côté didactique ne sont pas les moindres des qualités. Ils comprendront mieux le pourquoi et le comment de nombreux aspects de leur métier et compléteront de façon très efficace un enseignement parfois un peu lointain dans leur institut de formation. Il faut donc féliciter les auteurs de l’ouvrage Réanimation et Urgences pour mettre à la disposition de nombreux acteurs de soins cet ouvrage de très grande qualité et qui répond totalement à un besoin de formation initiale mais également continue.
Avant-propos J.-J. Lehot et C.-C. Arvieux
La réanimation et les urgences passionnent à juste titre nombre de médecins, étudiants en médecine et infirmier(e)s. En effet, sa pratique doit associer démarche intellectuelle, gestes techniques et relations avec les patients en détresse et leur famille. Nous avons conçu cet ouvrage comme une introduction à ces spécialités pour aider l’étudiant en stage, l’infirmier(e) travaillant dans ce secteur ou préparant son diplôme universitaire ou le médecin désirant connaître l’approche actualisée de ces problèmes. Nous avons fait appel à des enseignants renommés, capables de distinguer l’essentiel de l’accessoire – qualité à la base de toute pédagogie – et nous les en remercions très chaleureusement. Le contenu aborde non seulement la description des pathologies de l’adulte, mais aussi les particularités chez l’enfant, la femme enceinte et la personne âgée, les gestes techniques à connaître, sans oublier les questions qui préoccupent les professionnels, même après la fin de leur travail : qualité des relations avec les patients et leur entourage, éthique, fin de vie, dons d’organe, risques professionnels… Enfin, dans le but d’aider l’étudiant préparant l’examen classant national, nous avons présenté en début de chapitre les items concernés et nous signalons leur numéro à gauche en regard de leur apparition dans le texte.
Situation en France
Les structures de soins d’urgence et de réanimation en France J.-P. Auffray et A. Puget
Item
N° 13. Organisation des systèmes de soins. Filières et réseaux
13 Le système sanitaire français est un système organisé et réglementé dans un cadre légal. Il est également régulé et largement médicalisé de la période préhospitalière aux soins de suites de l’hospitalisation. Le système sanitaire français est organisé dans le cadre de schémas régionaux d’organisation des soins (SROS) destinés à permettre une égale accessibilité aux soins, et en particulier aux soins d’urgence. Les plateaux techniques de hautes technicités (chirurgie cardiaque, neurochirurgie, centre d’accueil des brûlés) sont organisés dans le cadre de schémas interrégionaux d’organisation des soins (SIOS). Pour le fonctionnement des urgences, de la réanimation et de la médecine préhospitalière, des décrets précisent et encadrent leurs pratiques.
Médécine préhospitalière L’organisation française de la médecine d’urgence préhospitalière a pour particularité d’engager la présence d’un médecin à tous les niveaux de prise en charge de l’urgence, de l’appel au centre de régulation à l’intervention sur le terrain de la détresse. Tous les appels d’urgence doivent recevoir la réponse la plus adaptée dans les meilleurs délais. Dès le milieu des années 1950 furent créées les premières équipes mobiles de réanimation françaises. Leurs missions étaient initialement d’assurer les secours
4
Réanimation et urgences
médicalisés aux accidentés de la route ainsi que les transferts interhospitaliers pour les malades en détresse respiratoire. La réussite de ces premières expériences a conduit à une généralisation progressive de ce concept. En 1965 parut un décret interministériel créant officiellement les services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR). Les services d’aide médicale d’urgence (SAMU puis Samu) naissent en 1968 afin de coordonner l’activité des SMUR. Les Samu comportent un centre de régulation médicale des appels ; dès 1974 des médecins généralistes libéraux participent à cette activité de régulation médicale en complément des praticiens hospitaliers concepteurs de ces structures. Le 15, numéro gratuit d’appel national pour les urgences médicales est créé en 1978 à la suite d’une décision interministérielle. Ce numéro vient en complément d’autres numéros existants : le 17 pour la police et le 18 pour les pompiers. Une organisation réglementaire a été donnée aux Samu par la loi du 6 janvier 1986 sur l’aide médicale urgente et les transports sanitaires. Il y a un Samu par département français (en moyenne 500 000 habitants par département) soit une centaine au total, et environ 350 SMUR répartis sur l’ensemble du territoire. Ce maillage, défini dans les SROS, permet une bonne couverture nationale des urgences préhospitalières. Le centre de réception et de régulation des appels (CRRA 15) ou Centre 15 est un centre de réception d’appels dans le cadre du Samu au sein d’un établissement hospitalier. Le 15 est le numéro d’appel des problèmes médicaux d’urgences, mais peut également être contacté dans le cadre de la permanence des soins pour des problèmes moins urgents. Actuellement le 15 et le 18 sont interconnectés, ce qui permet de transférer un appel ou de mieux adapter la réponse en fonction de l’événement en cause ; il n’y a aucun risque pour la population de se tromper si le numéro appelé n’est pas le plus adapté. Plus récemment a été proposé un numéro unique d’urgence européen : le 112 ; il est géré par les services d’incendie et de secours ; bien que fort utile en particulier pour des étrangers membres de la Communauté européenne, il ne remplace par le 15 pour les urgences médicales. Le rôle du Centre 15 est de coordonner toute l’aide médicale urgente au niveau départemental. Le Samu assure une écoute médicale urgente permanente, déclenche la réponse la mieux adaptée à l’état du patient (du simple conseil médical à l’envoi d’un SMUR) ; lorsque le patient ou l’accidenté est pris en charge par les équipes des SMUR, le Samu prépare et organise son accueil dans la structure de soins disponible la plus adaptée à la situation. Les appels d’urgence au Centre 15 n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Dans plus de 30 % des cas, la réponse apportée consiste en une information et/ou un conseil médical. Il faut d’ailleurs noter que l’efficacité de la régulation a permis que la croissance des appels au Centre 15 n’entraîne pas une augmentation des interventions des services mobiles d’urgences et de réanimation. Le Samu a permis, en collaboration avec des services spécialisés impliqués dans la prise en charge et le traitement des urgences (cardiologie, neurologie, réanimation), la création et le fonctionnement de filières de soins d’urgence permettant le transfert direct et immédiat des patients présentant des pathologies spécifiques vers les plateaux techniques disposant des compétences et des équipements requis.
Les structures de soins d’urgence et de réanimation en France
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Chaque fois qu’une entrée directe dans un service spécialisé est possible, elle est privilégiée (unité de soins intensifs et continus, réanimation adulte, réanimation pédiatrique, soins intensifs en neurologie, en neurochirurgie ou en cardiologie). En effet, le pronostic vital et/ou fonctionnel est étroitement associé à la rapidité de cette prise en charge spécialisée. C’est le cas notamment de la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux, des syndromes coronariens aigus, des détresses respiratoires et de certains états septiques. Le rôle du SamuCentre 15 est essentiel dans la régulation et la coordination de ces filières de prise en charge. L’évaluation de l’efficacité et de l’efficience du système de soins est alors fondée sur le délai entre l’événement initial et son traitement de référence et non plus le délai d’arrivée à l’hôpital. Les SMUR assurent une délivrance des soins spécialisés, essentiellement de réanimation, sur les lieux de l’événement aigu, médical ou traumatique. Ils assurent également le transport médicalisé des patients entre le domicile ou le lieu de l’accident et l’établissement de soins. Ils peuvent également assurer le transfert médicalisé d’un patient d’une structure de soins (établissement hospitalier de proximité ou de recours) vers un établissement de référence, dans le cadre d’une progression des soins sans rupture dans la qualité et l’intensité des soins. Les moyens d’intervention sont soit terrestres (ambulance de réanimation), soit aériens (hélicoptères médicalisés). L’équipage se compose au minimum d’un ambulancier CCA (Certificat de Capacité d’Ambulancier) (ou d’un pilote), d’une infirmière et d’un docteur en médecine ayant une expérience en réanimation et en urgence. Les SMUR dépendent toujours d’un établissement hospitalier sous la responsabilité d’un chef de service médecin urgentiste.
Services d’urgence Le nombre de passages aux urgences s’est élevé à plus de 14 millions en 2007. Le nombre de passages aux urgences dans les établissements publics a crû de 64 % entre 1990 et 2001, soit une progression annuelle de 4,6 %. Cette augmentation traduit de nouveaux comportements des usagers, qui recherchent un accès à des consultations non programmées en toute sécurité. Les résultats de plusieurs enquêtes, réalisées tant en France qu’à l’étranger, montrent que 20 % des passages aux urgences sont suivis d’une hospitalisation et que trois quarts des usagers se présentant aux urgences viennent directement, sans contact médical préalable. L’organisation réglementaire la plus récente substitue à la notion de service d’urgence la définition d’une structure d’urgence au sein d’un établissement autorisé à recevoir les urgences. Ce n’est plus un service seul qui est impliqué dans l’accueil et la prise en charge mais un établissement. Dans ce cadre, les structures d’urgence, dans un établissement autorisé à recevoir les urgences, accueillent 24 heures sur 24 sans sélection toute personne se présentant en situation d’urgence.
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Réanimation et urgences
Si l’accueil se fait sans sélection, sauf celle préalable du Samu-Centre 15, la prise en charge et le traitement peut se faire dans le cadre des réseaux de soins d’urgence ou de filières de soins. Les réseaux de soins d’urgence sont des moyens mis à la disposition d’une structure d’urgence ou d’un établissement autorisé à recevoir les urgences pour organiser l’aval de l’accueil. Il s’agit d’établissements qui peuvent hospitaliser des patients en médecine ou en chirurgie, mais aussi les soins de suite et de réadaptation ou encore des établissements médico-sociaux.
Réanimation Les soins de réanimation sont destinés à des patients qui présentent ou sont susceptibles de présenter plusieurs défaillances viscérales aiguës mettant directement en jeu le pronostic vital et impliquant le recours à des méthodes de suppléance (ventilation artificielle, épuration extrarénale). Les soins de réanimation sont essentiellement réservés, mais non exclusivement, aux patients ayant des possibilités de guérison ou de récupération élevées. Une unité de réanimation comporte au minimum huit lits et doit être installée au sein d’un établissement disposant en hospitalisation complète d’installations de médecine, de chirurgie et d’imagerie. Dans ce cadre, les unités de réanimation assurent 24 heures sur 24, tous les jours de l’année, l’accueil et la prise en charge diagnostique et thérapeutique ainsi que la surveillance des patients admis dans ces unités ; une permanence médicale, par des médecins spécialisés, et paramédicale est à la disposition exclusive de l’unité.
Soins intensifs Les soins intensifs sont pratiqués dans les établissements de santé pour prendre en charge des patients qui présentent ou sont susceptibles de présenter une défaillance aiguë de l’organe concerné par la spécialité (cardiologie, neurologie, néphrologie) au titre de laquelle ils sont traités, cette défaillance mettant directement en jeu à court terme leur pronostic vital et impliquant le recours à une méthode de suppléance. Le fonctionnement d’une unité de soins intensifs doit être organisé de façon à ce qu’elle soit en mesure d’assurer la mise en œuvre prolongée de techniques spécifiques, l’utilisation de dispositifs médicaux spécialisés ainsi qu’une permanence médicale et paramédicale permettant l’accueil des patients et leur prise en charge 24 heures sur 24, tous les jours de l’année. L’unité de soins intensifs doit pouvoir assurer le transfert des patients pris en charge vers une unité de surveillance continue ou une unité d’hospitalisation dès que leur état de santé le permet ou dans une unité de réanimation si leur état le nécessite. L’unité
Les structures de soins d’urgence et de réanimation en France
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de soins intensifs ne peut fonctionner qu’au sein d’un établissement disposant, selon la nature de la spécialité concernée, d’installations de médecine ou de chirurgie en hospitalisation complète.
Soins continus Les unités de surveillance continue ont pour vocation de prendre en charge des malades qui nécessitent, en raison de la gravité de leur état ou du traitement qui leur est appliqué, une observation clinique et biologique répétée et méthodique. En pratique, il s’agit de situations où l’état ou le traitement du malade font craindre la survenue d’une ou de plusieurs défaillances vitales nécessitant d’être monitorées ou dont l’état, au sortir d’une ou de plusieurs défaillances vitales, est trop sévère ou instable pour permettre un retour dans une unité d’hospitalisation classique. Niveau intermédiaire entre les unités de réanimation et les unités de soins classiques, elles ne doivent pas prendre en charge plus de quelques heures des patients nécessitant une suppléance d’organe en rapport avec une défaillance viscérale aiguë (ventilation assistée, épuration extra-rénale, traitement d’une insuffisance circulatoire aiguë…). Ceux-ci doivent être transférés dans l’unité de réanimation de l’établissement ou, en son absence, dans l’unité d’un autre établissement avec lequel une convention a été établie.
Soins de suite et de réadaptation Les soins de suite et de réadaptation (SSR) interviennent dans la rééducation d’un patient, à la suite d’un séjour hospitalier pour une affection aiguë médicale ou chirurgicale. On assiste aujourd’hui à une difficulté qui va croissante dans les hôpitaux et qui est particulièrement visible au niveau des services d’urgence : trop de patients y séjournent, alors même que les techniques diagnostiques et thérapeutiques sont plus performantes, de meilleure qualité et plus rapidement efficaces. Le problème de la sortie de l’hôpital se pose avec une insistance accrue du fait du vieillissement de la population accueillie. Le rôle des SSR s’en trouve d’autant majoré. L’ensemble des structures de SSR doit être compris comme un élément indispensable dans la trajectoire d’un patient hospitalisé, entre l’hospitalisation dite de court séjour et le retour au domicile avec des soins ambulatoires. Le point commun de ces structures de SSR est le concept de réadaptation au sens le plus large. Les dispositifs mis en place sont de plusieurs types : l’action préventive, par l’éducation et l’apprentissage adapté à la maladie et/ou au handicap, la limitation du handicap par la rééducation, la réadaptation afin de pallier tout déficit transitoire, et enfin l’accompagnement psychologique.
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Réanimation et urgences
L’utilisation optimale des diverses structures dans un contexte d’organisation rationnelle des ressources médicales nécessite la connaissance et une bonne utilisation de ces divers moyens. Les liens et les transferts entre ces structures doivent être organisés à l’intérieur d’un établissement mais également à l’échelon d’un territoire de santé dans le cadre de réseaux de soins.
Pathologies
Soins d’extrême urgence1 H. Floch et J.-J. Lehot
Items
N° 103. Prévention du tétanos N° 185. Arrêt cardio-circulatoire N° 201. Évaluation de la gravité et recherche des complications précoces • chez un brûlé • chez un polytraumatisé • chez un traumatisé abdominal • chez un traumatisé cranio-facial • chez un traumatisé des membres • chez un traumatisé thoracique • devant une plaie des parties molles
N° 209. Malaise, perte de connaissance, crise comitiale chez l’adulte N° 230. Coma non traumatique N° 284. Troubles de la conduction intracardiaque
L’ensemble du personnel hospitalier peut être amené, dans la vie privée ou à l’hôpital, à prendre en charge des patients présentant brutalement une détresse vitale nécessitant des soins d’urgence. Alors que ces gestes de secourisme sont enseignés au grand public par les différentes associations de sécurité civile (Croix-Rouge française, Ordre de Malte, ADPC, Croix-Blanche…), il est malheureusement courant de s’apercevoir que le diagnostic de détresse vitale
1. Les illustrations de ce chapitre sont de Charles-Christian Arvieux.
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Réanimation et urgences
est fait par le personnel hospitalier qui est ou sera prochainement titulaire de l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence. Malheureusement, les premiers gestes de secourisme ne sont pas réalisés ou sont incorrects. Une réanimation de qualité ne sera alors entreprise qu’à l’arrivée de l’équipe de prompt secours en préhospitalier ou par l’équipe de réanimation en milieu hospitalier. Cela est préjudiciable au pronostic à court et à long terme. Pour améliorer cet état de fait, les personnels hospitaliers (aides soignants, IDE [infirmier(e) diplômé(e) d’État], étudiants en médecine, internes, praticiens hospitaliers) doivent s’astreindre à un apprentissage stéréotypé des gestes d’urgence afin d’éviter les hésitations dans une période de stress importante inhabituelle (ex. personne en arrêt cardiorespiratoire). Cette prise en charge débutera toujours par un « bilan enseigné en secourisme », permettant au fur et à mesure de celui-ci de réaliser les gestes de sauvetage.
Protection Le bilan de la victime n’est réalisé qu’une fois la zone sécurisée. Il faut donc s’assurer qu’il n’existe pas de dangers immédiats pour la victime ou pour les sauveteurs. Si un danger persiste, il faut dégager la victime en la tirant par les pieds ou par les mains en essayant de maintenir l’axe tête-cou-tronc (fig. 1). Le dégagement d’urgence doit être réalisé lorsqu’il existe : – un danger initial ayant provoqué l’accident : accident électrique, par exemple ; – une aggravation de la situation initiale : échafaudage instable après chute d’un ouvrier ; – un accident qui peut être lui-même générateur de danger : accident sur voie rapide.
Fig. 1 – Dégagement d’urgence en respectant l’axe tête-cou-tronc.
Soins d’extrême urgence
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Bilan Une fois la protection réalisée, un bilan succinct complet et standardisé va être alors accompli. Il débutera toujours par l’évaluation neurologique suivie de l’appréciation respiratoire puis cardiovasculaire. Le bilan neurologique recherchera l’état de conscience, l’orientation temporospatiale, l’état des pupilles (mydriase, myosis, anisocorie, réactivité) et la présence d’une paralysie (hémiplégie, paraplégie, tétraplégie). Le bilan respiratoire est ensuite réalisé : le sujet respire-t-il spontanément ? Quelle est sa fréquence respiratoire ? Quelle est son amplitude thoracique ? Présente-t-il une dyspnée ? Y a-t-il une cyanose (lèvres, oreilles, nez, ongles) ou des sueurs (hypercapnie) ? Le bilan circulatoire débutera toujours par l’évaluation du pouls radial ou carotidien (présent ou absent ; régulier ou irrégulier ; fréquence ; amplitude). En cas d’absence du pouls, on pose alors le diagnostic d’arrêt cardiorespiratoire (ACR). On recherche également un saignement apparent veineux ou artériel. À la fin de ce bilan qui ne dure que quelques dizaines de secondes, on a normalement pu détecter l’ensemble des pathologies graves nécessitant des soins d’extrême urgence.
L’arrêt cardiorespiratoire 185 La prise en charge de l’arrêt cardiorespiratoire est très codifiée depuis 2005 avec des recommandations pratiquement identiques pour l’ensemble des sociétés savantes (recommandations de l’ILCOR en 2005 : Circulation 2005 23 ; 110 reprises par les recommandations formalisées d’experts de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR), Société de réanimation de langue française (SRLF), SFMU [Société française de médecine d’urgence], SAMU de France, SFC [Société française de cardiologie] en 2007.) Cette prise en charge repose sur une chaîne de secours débutant par le premier témoin jusqu’à la réanimation spécialisée (fig. 2).
Fig. 2. – La chaîne des secours : du premier témoin jusqu’aux secours spécialisés médicaux.
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Réanimation et urgences
Cette prise en charge doit être la plus rapide possible bien avant l’arrivée des secours spécialisés. En effet, on sait que tout retard de 1 minute après le début de l’arrêt cardiaque entraîne 10 % de survie en moins. Cette chaîne des secours comporte quatre chaînons indissociables les uns des autres : l’absence de l’un d’eux entraîne très souvent l’échec de l’ensemble par le décès de la victime ou par apparition de lésions cérébrales irréversibles. Le premier maillon de cette prise en charge est l’alerte par l’intermédiaire du 15 (CRRA 15) qui permet alors d’organiser la prise en charge : départ des sapeurs-pompiers les plus proches de la victime et d’une SMUR. Le deuxième maillon est la mise en œuvre des premiers gestes de secours (compression thoracique et ventilation artificielle) par le personnel présent ou par les premiers témoins. Le troisième maillon est le défibrillateur automatisé externe (DAE) qui doit être mis en place par le personnel infirmier ou par les premiers témoins sans attendre l’arrivée du médecin. Le quatrième maillon est constitué par l’équipe médicale spécialisée (SMUR en préhospitalier ou équipe de réanimation en intrahospitalier).
Prise en charge de l’arrêt cardiorespiratoire (cf. Prise en charge d’un AC intrahospitalier : recommandations pour le personnel soignant de la SFAR : http://www.sfar.org) Comme nous l’avons vu précédemment, la première phase de la prise en charge de l’ACR est son diagnostic. Ce diagnostic est posé devant une personne inconsciente qui ne parle pas, ne réagit pas aux stimulations ne respire pas (aucun mouvement de la poitrine ou de l’abdomen n’est visible et aucun bruit ou souffle n’est perçu au niveau de la bouche et du nez ou présence uniquement de gasp). La libération des voies aériennes est réalisée en desserrant ou en dégrafant rapidement tout ce qui peut gêner la ventilation. Si un corps étranger est visible, la désobstruction est réalisée par l’intermédiaire de deux doigts en crochets. La tête est ensuite basculée doucement en arrière et le menton est élevé. Le diagnostic de certitude sera posé sur l’absence de pouls carotidien. Dès le diagnostic posé, une réanimation cardio-pulmonaire doit être immédiatement réalisée après s’être assuré qu’un appel au SAMU (Centre 15) a été envoyé par les témoins. En cas de doute sur la présence du pouls, une réanimation cardio-pulmonaire sera débutée. Cette réanimation débute par trente compressions thoraciques au milieu du thorax par l’intermédiaire du talon de la main après avoir placé la victime sur un plan dur. Le sauveteur est placé à genoux auprès de la victime. Le talon d’une des mains est placé au centre de la poitrine, l’appui sur le thorax se faisant sur le sternum sur la ligne médiane sans appuyer sur les côtes. L’autre main est placée au-dessus de la première en entrecroisant les doigts des deux mains. Le sternum est enfoncé de 4 à 5 cm à chaque compression en restant bien vertical, les bras
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tendus (fig. 3). Après chaque compression, le thorax doit être complètement relâché, le talon de la main qui comprime se décollant légèrement du thorax). Les temps de compression et de décompression sont égaux. Les temps d’interruption des compressions thoraciques doivent être les plus courts possibles : les compressions ne sont arrêtées que pour défibriller le patient ou durant les insufflations au ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle (BAVU).
A
B
Fig. 3 – A. Bouche-à-bouche, B. Compressions thoraciques (avec positionnement des mains).
Après ces trente compressions thoraciques, la tête de la victime est replacée en arrière, le menton est élevé et deux insufflations sont réalisées par l’intermédiaire d’un BAVU avec de l’O2. Pour réaliser ces deux insufflations, le sauveteur s’agenouille à côté de la victime près de son visage en plaquant le masque sur ce dernier pour éviter les fuites. La tête est basculée avec réalisation d’une subluxation de la mâchoire. La durée d’insufflation est de 1 seconde. (L’insufflation est arrêtée dès qu’un mouvement du thorax est observé.) En cas d’impossibilité des insufflations, les compressions thoraciques doivent être cependant réalisées. On réalise ainsi cinq cycles de trente compressions et deux insufflations pendant 2 minutes avec une fréquence des compressions thoraciques de 100/minute. Au bout de 2 minutes un relais de réanimation cardio-pulmonaire (RCP) est réalisé afin de diminuer la fatigue. En milieu hospitalier, le bouche-à-bouche ne doit plus être réalisé et est remplacé par la ventilation par l’intermédiaire d’un BAVU. Si celui-ci n’est pas immédiatement disponible, les compressions thoraciques sont réalisées seules en continu jusqu’à son arrivée. Dès que possible, un DAE devra être mis en place (fig. 4). Le DAE est un appareil capable d’analyser les troubles du rythme cardiaque et de délivrer un choc électrique externe (CEE). Pour son utilisation, il faut allumer l’appareil et suivre les indications données (son utilisation est du domaine de compétence des IDE). Dès que le DAE a délivré le choc, une RCP de 2 minutes doit être immédiatement réalisée sans vérifier le pouls qui ne le sera qu’au bout de ces 2 minutes. Dès que possible, une voie veineuse périphérique avec du sérum physiologique sera préparée et mise en place. Une seringue d’adrénaline de 1 mg/ml
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Réanimation et urgences
dans une seringue de 10 ml (soient 10 mg/10 ml) sera préparée pour être prête à l’emploi dès l’arrivée d’un médecin. Suivant les services, un protocole de service peut autoriser les IDE à pratiquer une première injection de 1 mg en attendant le médecin (exemple des protocoles des infirmiers sapeurs-pompiers).
Fig. 4. – DAE (avec position des électrodes).
À l’arrivée des secours spécialisés, la réanimation cardio-pulmonaire sera poursuivie, associée à une intubation trachéale permettant la protection des voies aériennes et l’injection de médicaments. Les traitements médicamenteux actuellement recommandés sont : – l’adrénaline à la dose de 1 mg répétée toutes les 4 minutes ; – l’amiodarone à la dose de 300 mg dans 10 ml de glucosé à 5 % injectée après deux CEE pour une fibrillation ventriculaire (FV) récidivante.
Les pertes de connaissance 209, 230, 284 Les pertes de connaissance sont définies comme une disparition temporaire ou prolongée de la conscience. Les causes de perte de connaissance sont nombreuses : – cardiovasculaires. Il peut s’agir soit de troubles du rythme ou de la conduction cardiaque entraînant une baisse de la perfusion cérébrale. Ces pertes de connaissance sont généralement brèves. La crise est à l’emporte-pièce avec perte de connaissance brutale sans prodrome, avec amnésie de la crise. La prise du pouls au moment de la perte de connaissance permet d’orienter le diagnostic : bradycardie régulière en cas de malaise vagal ou de bloc auriculo-ventriculaire, tachycardie irrégulière dans le cadre d’une tachyarythmie paroxystique, tachycardie régulière dans le cadre d’une tachycardie ventriculaire ou supraventriculaire ;
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– neurologiques. La plus classique est la crise d’épilepsie constituée de 3 phases (1 phase tonique avec morsure de langue, une phase clonique puis un coma postcritique avec perte des urines). Les pertes de connaissance peuvent également se voir lors des accidents vasculaires qu’ils soient ischémiques (par occlusion d’un vaisseau sanguin cérébral) ou hémorragiques. Ces pertes de connaissance sont alors accompagnées généralement de signes déficitaires ; – métaboliques. Devant toute perte de connaissance, il faut toujours évoquer une hypoglycémie qui peut être une pathologie grave si elle n’est pas traitée. En cas de traitement bien réalisé, une amélioration clinique rapide du patient sans séquelles est observée. Cette hypoglycémie est souvent précédée ou accompagnée de sueurs abondantes, de pâleurs, de sensations de faim, de nausées, de céphalées. Il faut y penser surtout chez les patients diabétiques à distance des heures de repas ; – iatrogènes. Les pertes de connaissance peuvent être liées à une réponse inadaptée à un traitement (réaction allergique, dose trop élevée d’un traitement antihypertenseur ou anxiolytique, vasodilatateur coronarien) ; – psychiatriques. Une fois l’ensemble des autres causes de coma éliminées, une cause psychiatrique peut être évoquée. Le principal diagnostic est alors la crise d’hystérie se reconnaissant par son caractère spectaculaire souvent au milieu d’une foule, sans substratum organique retrouvé. Cette crise s’accompagne souvent de mouvements désordonnés avec parfois des signes déficitaires moteurs ou sensitifs pouvant simuler quelquefois des pathologies graves.
Prise en charge de l’inconscience Le risque principal d’une perte de connaissance étant surtout l’inhalation de sang ou de liquides gastriques, il est urgent, dès le diagnostic d’inconscience posé chez un patient avec une ventilation, de le mettre en position latérale de sécurité (PLS). Il faut cependant toujours se rappeler que l’inconscience est invariablement le premier signe de l’ACR nécessitant alors immédiatement des compressions thoraciques et une ventilation artificielle. Pour réaliser la PLS, le sauveteur doit respecter certaines contraintes (fig. 5) :
Fig. 5. – Position latérale de sécurité.
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Réanimation et urgences
– le retournement de la victime sur le côté doit limiter les mouvements de la colonne cervicale. (surtout si la perte de connaissance fait suite à un traumatisme) ; – les lunettes de la victime doivent être retirées ; – les deux membres inférieurs sont rapprochés l’un de l’autre dans l’axe du corps de la victime ; – le bras de la victime le plus proche du sauveteur est placé à angle droit du corps de la victime. Le coude est ensuite plié tout en gardant la paume de la main tournée vers le haut ; – le sauveteur se place à genoux à côté de la victime ; – d’une main le sauveteur saisit le bras opposé de la victime et le dos de la main de la victime est posé contre son oreille côté sauveteur. Le sauveteur maintient alors la main de la victime contre son oreille avec la paume d’une de ses mains. Cela permettra lors du retournement d’accompagner le mouvement de la tête et de diminuer la flexion de la colonne cervicale ; – avec sa main libre, le sauveteur attrape alors la jambe opposée de la victime juste derrière le genou et relève le genou tout en gardant le pied au sol. La jambe de la victime sert alors de pied de levier ; – le sauveteur à genoux s’écarte le plus possible de la victime avec les bras tendus ; – le sauveteur tire sur la jambe afin de faire pivoter la victime vers lui jusqu’à ce que le genou touche le sol ; – la victime étant sur le côté, le sauveteur maintient la position en posant son genou sur le genou au sol de la victime puis saisit l’épaule de la victime avec la main qui tenait le genou pour achever la rotation de l’épaule ; – la main du sauveteur se trouvant au niveau de l’oreille de la victime est alors dégagée doucement en évitant de mobiliser la main de la victime qui doit rester sous son oreille en bloquant le coude de la victime avec la main qui tenait le genou ; – la victime est enfin stabilisée en ajustant la jambe située au-dessus de telle sorte que la hanche et le genou soient à angle droit. En cas de crise convulsive, pendant la durée de la phase clonique, il ne faut pas tenter de toucher la victime. L’action du sauveteur consiste surtout à écarter tout ce qui peut blesser la victime. Durant la phase de coma postcritique, les voies aériennes sont libérées, puis après s’être assuré de la présence d’une respiration, le patient est mis en PLS (la crise comitiale peut être le premier signe d’un ACR). Une fois la PLS réalisée, un bilan complet (pouls, tension artérielle, fréquence respiratoire) est réalisé afin de rechercher la cause de cette perte de connaissance et orienter les examens complémentaires. Un déficit neurologique (moteur ou sensitif), une perte d’urine ou une morsure de langue sont recherchés, un examen des pupilles est réalisé. Dès que possible, une surveillance par moniteur multiparamétrique est mise en place.
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L’asphyxie 103 L’asphyxie correspond à une détresse respiratoire liée à une hypoxie dont les causes sont variables. Cet état peut évoluer rapidement vers l’anoxie. Les signes de l’asphyxie sont : – la cyanose ; – les sueurs (signe d’hypercapnie) ; – la polypnée évoluant vers une polypnée superficielle et inefficace puis une bradypnée signant l’épuisement ; – des troubles de conscience (agitation, torpeur, coma hypercapnique ou hypoxique avec clonies). L’hypoxémie provoque une vasoconstriction pulmonaire à l’origine d’une hypertension artérielle pulmonaire. Cette dernière va entraîner une insuffisance cardiaque droite aiguë avec une hépatomégalie douloureuse.
Prise en charge de l’asphyxie Suivant la cause de l’hypoxie, la conduite à tenir est variable. En cas d’asphyxie dans une atmosphère confinée (incendie, intoxication au CO…), la victime doit être dégagée de la zone dangereuse sans mettre en danger les sauveteurs (dégagement d’urgence avec le sauveteur en apnée : cf. supra). La prise en charge est ensuite adaptée en fonction du bilan. En cas d’inhalation d’un corps étranger chez une personne encore consciente avec une obstruction totale des voies aériennes (aucun son audible, toux et respiration impossibles), laisser la victime dans la position où elle se trouve, désobstruer les voies aériennes en lui donnant cinq claques vigoureuses dans le dos. Si ces claques sont inefficaces, cinq compressions abdominales selon la technique de Heimlich sont pratiquées (fig. 6).
A
B
Fig. 6 – A. Obstruction des voies aériennes : cinq claques dans le dos, B. Manœuvre de Heimlich.
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Réanimation et urgences
Pour réaliser la technique de Heimlich, le sauveteur se place derrière la victime contre son dos en passant les bras sous ceux de la victime à la partie supérieure de son abdomen. La partie supérieure du corps de la victime est penchée vers l’avant puis le sauveteur met le poing sur la partie supérieure de l’abdomen au creux de l’estomac au-dessus du nombril et en dessous du sternum. Le dos de sa main est tourné vers le haut avec un poing horizontal. L’autre main est posée sur la première, les avant-bras n’appuyant pas sur les côtes. Une pression est alors réalisée vers l’arrière et vers le haut. Le but de cette manœuvre est de comprimer les poumons pour réaliser un effet « chasse d’eau » au niveau de la trachée. Si l’obstruction n’est que partielle (le patient parle, crie, tousse), il ne faut surtout pas réaliser de tentative de désobstruction (risque de mobilisation du corps étranger avec obstruction complète). La personne est alors installée dans la position où elle se sent le mieux en la surveillant de façon très rapprochée. Si celle-ci s’arrête de respirer, les manœuvres décrites plus haut sont alors réalisées. Si la personne a une obstruction complète et qu’elle est inconsciente, des manœuvres de ventilation artificielle sont alors débutées au mieux avec un insufflateur du type AMBU ou plus immédiatement par bouche-à-bouche. Une fois l’équipe du SMUR en préhospitalier ou de réanimation à l’hôpital arrivée, le recours à une oxygénothérapie au masque ou par sonde d’intubation est nécessaire. Une double démarche thérapeutique et diagnostique est ensuite entreprise. L’examen clinique est complété par un cliché thoracique et une gazométrie. Si le corps étranger est toujours présent, une endoscopie rigide sera nécessaire sous anesthésie générale. Si l’asphyxie est liée à une inhalation de gaz toxiques (CO, fumées d’incendie), les patients doivent être mis systématiquement sous oxygène soit en inhalation s’ils ventilent spontanément, soit par ventilation artificielle. Si l’intoxication est massive, un traitement par oxygénothérapie hyperbare sera nécessaire (caisson hyperbare). Les atteintes respiratoires (asthme, broncho-pneumopathie, œdème pulmonaire) sont l’objet d’une recherche de la cause et d’un traitement adapté (oxygénothérapie, ventilation non invasive, intubation, bronchodilatateurs, antibiothérapie). Les lésions traumatiques (traumatisme thoracique, pendaison) nécessitent une intubation et une ventilation artificielle.
Les hémorragies extériorisées 201 Une hémorragie correspond à un écoulement de sang hors des vaisseaux, le plus souvent par rupture accidentelle ou pathologique de leurs parois. Elle nécessite des gestes d’urgence pour éviter une perte trop importante de sang. Ces saignements peuvent être d’origine veineuse (sang rouge sombre
Soins d’extrême urgence
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s’écoulant en nappe sans pulsation) ou artérielle (sang rouge clair s’écoulant par saccades à chaque pulsation cardiaque). La plupart du temps, l’hémorragie est évidente, mais elle peut parfois être masquée par la position de la victime ou un vêtement (ex. : motard).
Prise en charge des hémorragies Cette prise en charge est stéréotypée. Dès la constatation du saignement, l’hémorragie doit être stoppée en comprimant l’endroit qui saigne avec les doigts ou la paume de la main protégés par des gants à usage unique. La victime est allongée et le membre est surélevé. Dès que possible, un pansement compressif est mis en place. Si le saignement persiste malgré ce pansement, la compression manuelle est reprise jusqu’à l’arrivée d’une équipe médicalisée. Si malgré la compression manuelle, l’issue de sang persiste, un point de compression est réalisé et en dernière limite un garrot est posé. Un garrot est également mis en place si la compression directe est impossible (corps étranger) et que le point de compression est inefficace. Dans tous les cas, de l’oxygène est administré dès que possible. En cas de saignement lié à une section de membre, la prise en charge est identique et la partie de membre sectionnée est placée dans un sachet lui-même mis dans un sachet rempli de glace. (Le membre amputé ne doit en aucun cas être en contact direct avec la glace.)
Fig. 7. – Les points de compression fémoral, huméral, carotidien et sus-claviculaire.
Les traumatisés de la colonne vertébrale 201 Tout patient traumatisé (forte décélération, chute de hauteur) doit être suspect d’une lésion de la colonne vertébrale. Tout traumatisé inconscient est considéré comme un traumatisé médullaire jusqu’à preuve du contraire
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Réanimation et urgences
(examen radiologique complet de l’ensemble du rachis). Si le patient est conscient, on suspecte une lésion de la colonne vertébrale devant un déficit sensitivomoteur bilatéral (para– ou tétraplégie). Ces lésions peuvent parfois se manifester uniquement par des paresthésies des membres (fourmillements) ou des troubles de la sensibilité.
Prise en charge des traumatisés de la colonne vertébrale Tout traumatisé rachidien doit être mobilisé avec d’extrêmes précautions pour éviter l’aggravation de lésions existantes ou l’apparition de nouveaux signes déficitaires. L’élément essentiel est le maintien de l’axe tête-cou-tronc. La pose d’un collier cervical est le préliminaire indispensable avant toute mobilisation sauf dans le cadre d’un dégagement d’urgence (fig. 1). Avant sa pose, un maintien du rachis cervical est nécessaire. Pour cela un des sauveteurs, à genoux, maintient la tête dans la position où elle se trouve avec les deux mains placées de chaque côté de la tête au niveau des oreilles avec les doigts écartés. Pour être stable, le sauveteur prend appui avec les coudes sur ses genoux ou sur le sol. Une fois le collier cervical mis en place, le relevage du patient est assuré par cinq personnes. La victime est mobilisée uniquement pour la placer soit sur un plan dur, soit sur un matelas coquille. La personne dirigeant la manœuvre se met à la tête de la victime avec les deux mains maintenant l’axe tête-rachis cervical (cf. supra). Une deuxième personne se place au niveau des pieds et saisit les deux chevilles. La troisième personne engage ses mains sous la taille (possibilité de saisir les parties latérales de la ceinture de la victime si elle est solide). Le quatrième sauveteur passe ses mains sous les épaules de la victime. Celle-ci est alors soulevée en bloc et le dernier sauveteur glisse le matelas coquille sous la victime. Cette dernière est alors reposée délicatement en maintenant l’axe tête-cou-tronc sur le matelas coquille qui permet alors sa mobilisation sans risque. Chez le traumatisé médullaire cervical haut peut apparaître une hypotension artérielle sévère par vasoplégie (atteinte du système sympathique) associée à une bradycardie, voire à un ACR. Dans certains cas, si la lésion médullaire est très haute, elle peut entraîner une paralysie des muscles respiratoires avec nécessité d’une ventilation artificielle au long court.
Conclusion L’ensemble de ces gestes est simple à mettre en place. Cependant, dans le cadre de l’urgence, ces gestes faciles à réaliser en salle de cours se révèlent souvent oubliés ou mal effectués au préjudice de la victime en période de stress. Pour maintenir ces acquis, il est donc nécessaire de revoir ces gestes lors de la formation continue afin d’avoir des automatismes durant ces périodes anxiogènes.
Soins d’extrême urgence
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Bibliographie Conférences d’experts SFAR-SAMU de France, SFC, SFMU, SRLF 2004 : Recommandations pour l’organisation de la prise en charge des urgences vitales intrahospitalières. Recommandations formalisées d’experts SFAR-SRLF, septembre 2006 : Prise en charge de l’arrêt cardiaque. Recommandations de la SFAR, septembre 2009 : Prise en charge d’un arrêt cardiaque intrahospitalier : recommandations pour le personnel soignant : http://www.sfar.org Référentiel national premier secours en équipe 1 et 2 : Direction de la Défense et de la Sécurité civile : 2e édition janvier 2007 : www.interieur.gouv.fr
Pathologies circulatoires J.-J. Lehot et E. Bonnefoy-Cudraz
Items
N° 130. Hypertension artérielle de l’adulte N° 132. Angine de poitrine et infarctus myocardique N° 197. Douleur thoracique aiguë et chronique (Urgences) N° 200. État de choc N° 208. Ischémie aiguë des membres N° 209. Malaise, perte de connaissance, crise comitiale chez l’adulte N° 236. Fibrillation auriculaire N° 274. Péricardite aiguë N° 284. Troubles de la conduction intracardiaque
Bases physiopathologiques Hémodynamique La circulation sanguine doit amener le sang oxygéné aux organes sous un débit et une pression suffisants. Lorsque l’une de ces conditions est brutalement non satisfaisante, on parle d’insuffisance circulatoire aiguë.
Le débit sanguin Le débit cardiaque (DC) doit assurer le transport de l’oxygène (O2 delivery des Anglo-Saxons ou DO2) nécessaire aux besoins de l’organisme.
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Réanimation et urgences
Le DC est le produit de la fréquence cardiaque (FC) par le volume d’éjection systolique (VES), ou volume d’éjection. Au repos, chez l’adulte, le DC va de 4 à 4,5 l/min avec une diminution physiologique chez la personne âgée. Le DC est fonction du poids et de la taille. L’index cardiaque est rapporté au mètre carré de surface corporelle : Index cardiaque =
DC Surface corporelle
L’index cardiaque normal au repos avoisine de 2,5 à 3 l/min. Le DC peut être mesuré par différentes techniques en réanimation : cathéter de Swan-Ganz, échographie-doppler (ITV sous-aortique), Doppler transœsophagien ou présternal, PiCCO, Vigileo, Lidco, NICO, impédancemétrie thoracique, etc. Le transport d’oxygène est le produit du débit cardiaque par le contenu en oxygène du sang artériel (CaO2 exprimé en ml/100 ml de sang) ; l’oxygène dissout étant quantitativement négligeable dans la majorité des cas, on en déduit (DO2 étant exprimé en ml/min) : DO2 = DC x CaO2 x 10. La surface corporelle est obtenue à partir de tables ou estimée par un calcul empirique en utilisant une calculette : Surface corporelle =
冪taille (cm)3 600x poids (kg).
Cet oxygène transporté doit assurer les besoins en oxygène de l’organisme. Seule une fraction de cet oxygène est extraite et consommée par les tissus (VO2) ; ainsi, normalement au repos : VO2 Extraction de l’oxygène = 艐 25 % DO2 La saturation en oxygène du sang veineux mêlé (SvO2) retournant au cœur après extraction par l’organisme sera alors de 100 – 25 = 75 %. La SvO2 sera diminuée si VO2 est augmentée (activité musculaire telle que frisson, agitation) ou DO2 diminué. DO2 peut être abaissé pour deux raisons principales : baisse du DC ou VES Or : DC = FC x VES où le VES dépend de quatre facteurs (fig. 1) :
Pathologies circulatoires
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• précharge : il s’agit du retour veineux au cœur qui est diminué en cas d’hypovolémie ou de tamponnade cardiaque (par compression péricardique), • postcharge : il s’agit de l’ensemble des forces qui s’opposent à l’éjection systolique ; une élévation des résistances vasculaires provoquée par une vasoconstriction ou une hémoconcentration augmente la postcharge et diminue le VES, de même en cas d’embolie pulmonaire en ce qui concerne les cavités droites. • contractilité myocardique : elle est diminuée par les altérations myocardiques (cardiomyopathie, IDM…) pouvant aller jusqu’au choc cardiogénique ; elle est augmentée par les médicaments inotropes positifs (sympathomimétiques tels que la dobutamine ; inhibiteurs de la phosphodiestérase III tels que la milrinone). Étroitement couplée à la contractilité, la relaxation isovolémique a lieu au tout début de la diastole ; il s’agit d’un phénomène actif dont l’altération précède souvent celle de la contractilité comme en cas de maladie coronarienne. • en fin de diastole, la contraction des oreillettes termine le remplissage ventriculaire. Ce rôle est d’autant plus important lorsque le ventricule se remplit mal durant la première partie de la diastole, c’est-à-dire lorsque la relaxation ventriculaire est altérée. C’est le cas par exemple des dysfonctions diastoliques des hypertendus chroniques et des sujets âgés. À l’inverse, si le rythme sinusal vient à disparaître, la systole de l’oreillette disparaît, ce qui peut abaisser le VES, et donc le DC, de plus de 20 %. baisse du contenu artériel en oxygène (CaO2) CaO2 dépend de l’hémoglobinémie, de la SaO2 et du pouvoir oxyphorique de l’hémoglobine (1,34) : CaO2 = hémoglobinémie x SaO2 x 1,34. Donc, une baisse de CaO2 peut être provoquée par une baisse de l’hémoglobinémie ou de SaO2. Chez un patient en état critique, on admet généralement que l’hémoglobinémie doit être au moins à 80 g/l (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé-AFSSAPS, 2003). Synchronisation atrioventriculaire (voir localisation des ondes P par rapport aux QRS sur l’ECG)
Précharge (évolue dans le même sens que la POD, la PAPO et le volume ventriculaire télédiastolique)
VES
Postcharge (évolue dans le même sens que la PA, les résistances vasculaires)
Contractilité et relaxation ventriculaire Fig. 1 – Facteurs de performance du volume d’éjection systolique (VES).
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Réanimation et urgences
Pression de perfusion sanguine La pression de perfusion (PP) est la pression : PP = PA – POD. La PP sera diminuée si la pression d’amont est diminuée (hypotension ou sténose artérielle) ou si la pression veineuse de retour est élevée (en cas d’augmentation de la pression auriculaire droite [POD]) pour tous les organes, d’augmentation de la pression abdominale pour les organes intra-abdominaux, d’augmentation de la pression intracrânienne (PIC) pour le cerveau). La pression abdominale augmente en présence d’un syndrome du compartiment abdominal ou durant les cœlioscopies. La PP nécessaire varie donc en fonction des pathologies. Une valeur de 50 mmHg de PP moyenne peut être suffisante, mais ce chiffre doit être plus élevé en présence de sténoses athéromateuses ou chez un hypertendu chronique dont l’autorégulation des débits régionaux exige une pressions artérielle PA supérieure. Cela peut expliquer une insuffisance rénale avec oligurie en présence d’une normotension chez un hypertendu chronique.
Thérapeutique Les physiologistes ont établi une similitude entre la loi d’Ohm utilisée en électricité (U = RI) et l’hémodynamique : PP = résistances vasculaires x DC. Pour la circulation systémique, cette loi s’écrit (PA – POD) = RVS x DC. Et pour la circulation pulmonaire : (PAP – PAPO pression artérielle pulmonaire d’occlusion) = RVP x DC. Les valeurs normales de ces paramètres sont données dans le tableau I. Tableau I – Paramètres hémodynamiques. Unité
Valeurs normales
l/min/m²
2.5
ml
60-90
Index cardiaque
Débit cardiaque/surface corporelle
Volume d’éjection systolique
(débit cardiaque/fréquence card.) x 100
Résistances vasculaires systémiques
= (PAM – POD)/débit cardiaque x 80
dyn. s/cm5
900-1 500
Résistances vasculaires pulmonaires
= (PAPM – PAPO)/débit cardiaque x 80
dyn. s/cm5
50-150
%
40-66 (VG)
Fraction d’éjection = (volume télédiastolique – volume ventriculaire télésystolique)/volume télédiastolique
Pathologies circulatoires
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Une baisse de la PP (ou de la PA) peut donc être liée : – soit à une baisse des résistances vasculaires : il faudra alors corriger cette dernière à l’aide de vasoconstricteurs ou corriger une anémie ; – soit à une baisse du DC : il faudra alors corriger les facteurs de performance altérés en corrigeant : • une hypovolémie (par expansion volémique : tableau II),
Tableau II – Solutés d’expansion volémique. Avantages Sang et dérivés Concentré érythrocytaire Plasma frais congelé
Inconvénients
Correction anémie Apport de facteurs de coagulation
Risques infectieux et immunologiques
Absence d’allergie Correction des déshydratations extracellulaires Pression oncotique nulle
Acidose hyperchlorémique avec le soluté de NaCl Nécessité de volumes importants sauf pour SSH
Allergies rares
Élévation transitoire de l’amylasémie Coagulopathie du type Willebrand Néphrose osmotique Recul plus limité pour les amidons de pomme de terre
Peu d’effet sur la fonction rénale
Risque allergique Origine bovine
Peu d’allergies AMM chez adulte et en pédiatrie
Coût Origine humaine
Cristalloïdes – Soluté normotonique NaCl 9 ‰
– S. salé hypertonique (NaCl 7,5 %) – Ringer lactate ou Isofundine® (contiennent 4 mmol/l de K+) Colloïdes – Hydroxyéthylamidons à 6 % : • de maïs : Heafusine®, Hestéril®, Voluven® • de pomme de terre : RestorVol®
– Gélatines : • Plasmion® • Gélofusine® – Albumine humaine (4 ou 20 %)
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Réanimation et urgences
• un trouble du rythme (par antiarythmiques ou cardioversion : tableau III) ou de la conduction (par isoprénaline ou pacemakers),
Tableau III – Principaux antiarythmiques injectables. Indications 1. Troubles du rythme supraventriculaire (Bouveret, Flutter, fibrillation auriculaire) • adénosine (Krenosin®) • digitaliques (Digoxine®) • calcium-bloquants bradycardisants : – vérapamil (Isoptine®) – diltiazem (Tildiem®) 2. Troubles du rythme ventriculaire (extrasystoles, tachycardie ventriculaire) • lidocaïne (Xylocaïne®, Xylocard®) • disopyramide (Rythmodan®) 3. Troubles du rythme supraventriculaire ou ventriculaire • bêtabloquants : propranolol (Avlocardyl®),
Signes de surdosage
Bradycardie, arythmies ventriculaires, phosphènes, troubles digestifs Bradycardie, hypotension, troubles de conduction
Convulsions, hypotension Mydriase, hypotension, troubles de conduction
Bradycardie, hypotension, hyperkaliémie
aténolol (Ténormine®), acébutolol (Sectral®), sotalol (Sotalex®), labétalol (Trandate®), esmolol (Brévibloc®), métoprolol (Seloken®)
• amiodarone (Cordarone®) • cibenzoline (Cipralan®)
Effets proarythmiques, hypotension, troubles de conduction, inotropes négatifs
Pathologies circulatoires
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• un trouble de contractilité : par agents inotropes positifs (tableau IV) ou assistance circulatoire mécanique (contrepulsion intra-aortique-CPIA, ventricules artificiels),
Tableau IV – Agents inotropes positifs. Action vasculaire 1. Vasoconstricteurs • dopamine (Dopamine®) • adrénaline • noradrénaline (Levophed®) +++ 2. Vasodilatateurs • isoprénaline (Isuprel®) • dopexamine (Dopacard®) • inhibiteurs de la phosphodiestérase III – enoximone (Perfane®) – milrinone (Corotrope®) • levosimendan (Simdax®) 3. Action vasculaire modeste • digoxine (Digoxine®) • dobutamine (Dobutrex®) • chlorure ou gluconate de calcium • glucagon
Caractéristiques Vasoconstriction à posologie > 10 μg/kg/ min Tachycardie, arythmie, hyperglycémie Contre-indiquée dans le choc cardiogénique Tachycardie, arythmie Vasodilatation splanchnique Durée d’action longue Actifs même en cas d’épuisement des bêtarécepteurs Sensibilisateur au calcium Ê conduction intracardiaque, effet inotrope modeste Vasoconstriction à posologie > 15 μg/kg/ min Actif en cas d’hypocalcémie ionisée Hyperglycémie
Les agents inotropes positifs augmentent la contractilité myocardique, mais possèdent souvent des effets vasculaires. En particulier, ceux qui possèdent des effets vasodilatateurs marqués accélèrent souvent la FC. Les produits vasoconstricteurs tels que la noradrénaline sont administrés de préférence sur une voie veineuse centrale. La plupart peuvent être arythmogènes.
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Réanimation et urgences
• une augmentation de la postcharge (par vasodilatateurs : tableau V). Tableau V – Vasodilatateurs utilisés en réanimation. Site d’action 1. Agissant principalement sur le système artériel (1) • dihydropyridines – nicardipine (Loxen®) – nifédipine (Adalate®) – nitrendipine (Baypress®, Nidrel®)
Caractéristiques Baisse de la postcharge : facilitent l’éjection ventriculaire ± effet inotrope négatif (calcium-bloquant) Effet antispasme sur les artères cérébrales
• diazoxide (Hyperstat®)
Tachycardie, hyperglycémie
• Inhalés : monoxyde d’azote (NO) et prostacycline • Voie orale : bosartan (Tracleer®), sildenafil (Revascio®)
Traitements de l’hypertension artérielle pulmonaire précapillaire
2. Agissant principalement sur le système veineux (2) • linsidomine (Corvasal®)
Coronarodilatateurs ; utilisables dans l’OAP
• dinitrate d’isosorbide (Risordan®) 3. Agissant sur les systèmes artériel et veineux (3) • nitroprussiate de sodium (Nipride®) • urapidil (Eupressyl®, Médiatensyl®)
• inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) : captopril (Lopril®), enalapril (Rénitec®), ramipril (Triatec®), perindopril (Coversyl®) • inhibiteurs des récepteurs AT1 de l’angiotensine II – losartan (Cozaar®) – valsartan (Nisis®, Tareg®) – candésartan (Atacand®, Kenzen®) – irbésartan (Aprovel®)
Effet rapide, puissant et bref (PSE) Action sur les récepteurs alpha-adrénergiques et sérotoninergiques (effets inconstants) Voie orale Action longue Contre-indiqués en cas de sténose de l’artère rénale, d’hyperkaliémie Non tachycardisants, toux possible Idem que les IEC mais sans risque de toux
Les vasodilatateurs ont des indications sélectives : 1. les vasodilatateurs artériels abaissent la postcharge et, partant, facilitent l’éjection ventriculaire, tendant ainsi à augmenter la performance cardiaque, d’autant que beaucoup accélèrent la FC en stimulant le baroréflexe. Les vasodilatateurs pulmonaires diminuent la postcharge ventriculaire droite ; 2. les dérivés nitrés sont veinodilatateurs et coronarodilatateurs à faible dose, et artériodilatateurs à forte dose. Ils diminuent la performance cardiaque en présence d’une hypovolémie mais peuvent l’améliorer en présence d’une insuffisance cardiaque (par exemple, en cas d’OAP, en complément des diurétiques) ; 3. les vasodilatateurs mixtes comme le nitroprussiate de sodium ou l’urapidil diminuent la précharge et la postcharge, ce qui améliore la performance ventriculaire de l’insuffisant cardiaque aigu.
Pathologies circulatoires
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Abordons à présent les pathologies principales rencontrées aux urgences et en réanimation.
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Hypertension artérielle aiguë (HTA) de l’adulte
Circonstances d’apparition L’HTA aiguë est fréquente, réalisant parfois une HTA maligne (PAD > 130 mmHg) avec signes neurologiques (céphalées) et ophtalmiques (rétinopathie stades III et IV) et demandant alors un traitement urgent. L’HTA peut avoir des causes précises (douleur, néphropathie, phéochromocytome, hyperaldostéronisme, toxémie gravidique…) ou s’intégrer dans le cadre d’une HTA essentielle (90 % des cas). Cette cause sera toujours recherchée et l’HTA sera traitée pour éviter des complications souvent graves (œdème aigu du poumon-OAP, aggravation d’une dissection aortique ou d’une régurgitation valvulaire, accident vasculaire cérébral-AVC, éclampsie, hémorragie après suture chirurgicale…).
Tableau clinique La PA artérielle marque une élévation aiguë par rapport aux valeurs habituelles, au-delà de 160/90 mmHg. Son caractère symétrique aux quatre membres sera recherché. Le retentissement cardiaque (électrocardiogramme-ECG, troponine, échocardiographie, radiographie thoracique), neurologique (fond d’œil) et rénal (diurèse, protéinurie, ionogramme, urée et créatinine plasmatiques) sera évalué ; Une surveillance électrocardiographique et par PA non invasive sera mise en place.
Traitement La PA est le produit des résistances vasculaires par le DC ; le traitement consiste donc théoriquement à normaliser celui des deux facteurs qui est élevé. Ainsi, deux grandes options peuvent être prises, sachant qu’elles seront secondairement associées en cas d’échec d’une d’elles : – en l’absence de défaillance cardiaque et s’il existe une tachycardie, un traitement sympatholytique qui réduit le DC apparaît logique : • soit bêtabloquant (tableau III) ;
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Réanimation et urgences
• soit alpha 2-agoniste tel que clonidine (Catapressan®). La baisse du DC chez la femme enceinte risque toutefois de réduire le débit placentaire ; – s’il existe un doute sur une altération cardiaque, les traitements vasodilatateurs (tableau V) sont utilisés pour réduire les résistances vasculaires systémiques (RVS), sachant que certains d’entre eux accélèrent la FC, ce qui fait courir un risque d’ischémie myocardique, qui devra être surveillée par monitorage du segment ST (intervalle ST à l’ECG). Enfin, les diurétiques pourront être utilisés en l’absence d’hypovolémie. Dans le cas contraire, la correction de l’hypovolémie sera entreprise (tableau II). Une diminution progressive de la PA est indispensable, en particulier à cause du risque de bas débit cérébral. L’indication principale des vasodilatateurs est l’hypertension artérielle aiguë. Certains sont également utilisés à titre d’adjuvant dans le traitement du choc cardiogénique pour abaisser les conditions de charge.
L’échocardiographie Cette technique, qui utilise l’effet Doppler, donc non irradiante, est devenue incontournable dans le diagnostic et la surveillance hémodynamique, car elle fournit des renseignements morphologiques sur le cœur et les vaisseaux ainsi que l’appréciation des flux sanguins dans les cavités cardiaques. En pratique, les renseignements les plus recherchés sont : – l’appréciation d’une valvulopathie, d’un défaut de contractilité myocardique, la recherche de thrombi ou de végétations infectieuses, d’un épanchement péricardique ou une lésion des gros vaisseaux (aorte, embolie pulmonaire) ; – l’appréciation du remplissage vasculaire par la mesure de la surface du ventricule gauche en fin de diastole, et de la performance cardiaque par la fraction de raccourcissement ; – la mesure de la PA pulmonaire en utilisant la formule de Bernoulli.
L’échocardiographie est réalisée : – soit par voie transthoracique chaque fois que possible, sachant que l’effet Doppler est perturbé par la présence d’air (ventilation artificielle, emphysème pulmonaire, suites immédiates de chirurgie cardiaque) ; – soit par voie transœsophagienne en l’absence de pathologie de l’œsophage (risque de performance : la sonde est introduite dans l’œsophage et l’estomac après mise en place d’un cale-bouche. Elle offre une excellente visibilité des cavités cardiaques ; les structures apparaissent inversées par rapport à l’échographie transthoracique. Chez un patient intubé et sédaté, elle permet de surveiller les effets des traitements cardiovasculaires.
Les autres applications de l’effet Doppler en réanimation sont : – le Doppler transœsophagien qui mesure le flux dans l’aorte thoracique descendante (débit aortique) couplé aux intervalles de temps systolique (contractilité du ventricule gauche) ; – l’exploration des flux vasculaires, en particulier rénaux, ilio-fémoraux et cérébraux ; – l’échographie thoracique et abdominale qui permet d’explorer les différents viscères.
Pathologies circulatoires
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États de choc
Le terme « choc » peut être défini comme un syndrome associant une perfusion tissulaire inadéquate et un métabolisme cellulaire anormal. Plusieurs étiologies peuvent lui être rapportées (hypovolémique, cardiogénique, obstructif, anaphylactique et septique). La PA peut être variable, mais généralement il existe un collapsus ou tout au moins une diminution des valeurs par rapport à la PA habituelle.
Tableau commun Sur le plan clinique La PA différentielle (pression pulsée en pression invasive) est pincée. L’hypotension induit une réaction sympathique responsable de la tachycardie habituelle. Les signes cutanés sont très importants et peuvent orienter vers une étiologie. Dans tous les cas, il existe une oligurie. On observe généralement une angoisse, mais il peut exister des troubles de conscience et parfois des convulsions. L’examen doit être le plus complet possible, en particulier à la recherche d’une cause, mais ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique. Celle-ci comporte une oxygénothérapie selon les modalités indiquées dans le chapitre « Les pathologies respiratoires ». Le patient doit être positionné en fonction de l’étiologie. Dans tous les cas, un monitorage minimal est mis en place : ECG continu, pression non invasive, oxymètre de pouls, prise de température. Parfois, l’oxymètre ne fonctionne pas s’il existe une hypoperfusion périphérique. On pourra alors faire appel à un deuxième site (lobe de l’oreille ou front). Au minimum, une voie veineuse périphérique sera mise en place et soigneusement fixée. Lorsque les signes cliniques persistent après les premières mesures de réanimation, une voie veineuse centrale est mise en place (de préférence par voie fémorale) ainsi qu’un cathéter artériel. Les examens paracliniques suivants sont pratiqués : ionogramme sanguin, NFP, coagulation, taux d’hémoglobine, créatininémie, gazométrie artérielle et lactatémie. Les autres examens dépendent de l’orientation étiologique : troponine I ou T si ischémie myocardique, brain natriuretic peptide (BNP) ou NTproBNP si insuffisance cardiaque ainsi que des examens d’imagerie incluant l’échographie thoracique (cf. encadré). Lorsque la cause du choc est rapidement reconnue et traitée, l’évolution peut être simple. Dans les autres cas s’installe une souffrance multiviscérale médiée par un grand nombre de molécules dont les cytokines. Dans un premier temps survient un syndrome de réponse systémique inflammatoire (SIRS) avec vasoplégie pouvant demander un traitement par noradrénaline. Dans un second temps, un tableau de défaillance multiviscérale (MOF) (multi organ failure) s’installe avec atteinte rénale et hépatique potentiellement irréversible.
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Réanimation et urgences
Orientations étiologiques Le syndrome de choc peut relever de plusieurs causes ayant chacune un traitement spécifique. Cependant une oxygénothérapie sera constamment réalisée et au minimum un cathéter périphérique mis en place.
Choc hypovolémique On parle d’hypovolémie relative lorsqu’il existe une vasodilatation importante expliquant l’effondrement des résistances vasculaires périphériques ; cela peut être rencontré en présence d’une section médullaire haute. L’hypovolémie absolue peut être la conséquence de : – pertes hémorragiques : le diagnostic est facile en présence de pertes extériorisées, mais plus difficile en présence d’une hémorragie interne (rupture d’organe plein abdominal, hémothorax…). Le patient est alors pâle, présente volontiers des sueurs et des frissons. Les veines sont plates. Sur le plan biologique, le taux d’hémoglobine est abaissé surtout si le patient a déjà été perfusé en l’absence de transfusion sanguine. Un remplissage par macromolécules sera effectué en attendant le résultat des deux déterminations de groupage sanguin et la recherche d’anticorps irréguliers qui permettront la commande des produits sanguins labiles (concentrés de globules rouges, mais aussi plasma frais congelé et concentrés plaquettaires en cas d’hémorragie massive). En cas d’extrême urgence, la transfusion de concentrés globulaires O négatif est admise. L’examen clinique sera complété par les touchers pelviens et par les examens d’imagerie permettant le diagnostic le plus précoce possible d’une hémorragie interne. Le traitement est le plus souvent chirurgical, cependant un hématome rétropéritonéal ne requiert pas habituellement la chirurgie. À côté des chocs hémorragiques, deux autres catégories de chocs hypovolémiques sont individualisées : – pertes plasmatiques chez le patient présentant des brûlures étendues pouvant justifier l’administration d’albumine pour corriger une pression oncotique basse (tableau VI) ; – pertes hydroélectrolytiques (déshydratation extracellulaire). En attendant les effets de l’expansion volémique, le patient sera allongé en décubitus dorsal avec les membres inférieurs surélevés.
Pathologies circulatoires
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Tableau VI – Étiologies du choc hypovolémique : le choix du produit d’expansion volémique en dépend (respectivement, transfusion globulaire, cristalloïdes et/ou colloïdes).
Hémorragies
Pertes hydro-électrolytiques
Baisse de pression oncotique
Extériorisées
Brûlures
Brûlures
Non extériorisées
Vomissements
Insuffisances hépatiques
Diarrhées, fistules
Protéinurie massive
Hyperdiurèse « 3° secteur »
Chocs cardiogéniques Habituellement, il s’agit d’un dysfonctionnement de la pompe cardiaque. L’atteinte myocardique peut être d’origine ischémique (myocardite, syndrome coronarien aigu ou infarctus), plus rarement traumatique (traumatisme cardiaque) ou par atteinte toxique (antimitotique, intoxication au monoxyde de carbone, au méprobamate ou aux médicaments cardiovasculaires dépresseurs). Il peut également s’agir d’une dysfonction valvulaire aiguë (insuffisance mitrale par rupture de cordage ou de pilier, endocardite infectieuse). Un trouble du rythme aigu peut également être mis en cause (tachyarythmie extrême, dissociation auriculo-ventriculaire, passage en fibrillation auriculaire-FA sur insuffisance cardiaque sous-jacente…). Présentant des signes semblables, on distingue les chocs obstructifs par tamponnade cardiaque liée à un épanchement péricardique aigu ou par embolie pulmonaire. Le patient, qui sera assis, présente des signes d’insuffisance ventriculaire : – insuffisance ventriculaire gauche : tableau OAP : polypnée, crépitants prédominants aux bases, à l’extrême expectorations mousseuses, galops, cyanose. Devant une dyspnée, la normalité des taux de BNP ou de NT-proBNP élimine le plus souvent ce diagnostic. L’ECG peut montrer des signes d’hypertrophie ventriculaire gauche et un axe gauche de QRS. Le cliché thoracique de face pratiqué au lit montre des opacités bilatérales symétriques prédominant dans les bases et éventuellement une augmentation de l’ombre cardiaque. L’échographie transthoracique met en évidence une altération de la contractilité ou des signes d’augmentation des pressions de remplissage du ventricule gauche. À côté de l’OAP, l’insuffisance ventriculaire gauche peut se traduire par un pseudo-asthme cardiaque (spasticité bronchique) qui répondra au traitement de l’insuffisance ventriculaire gauche ; – insuffisance ventriculaire droite : elle se traduit cliniquement par une turgescence jugulaire, un visage souvent cyanosé, une hépatomégalie douloureuse, un reflux hépatojugulaire, des œdèmes prédominants aux membres inférieurs et pouvant aller jusqu’à un tableau d’anasarque. Il existe fréquemment des épanchements pleuraux ; l’ECG met en évidence des signes d’hypertrophie auricu-
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Réanimation et urgences
laire droite, un axe droit de QRS. L’échocardiographie montre une dilatation des cavités droites, et l’insuffisance tricuspidienne permet de mesurer une pression artérielle pulmonaire systolique élevée. Si une voie veineuse centrale est mise en place, la pression veineuse centrale est élevée, ce qui diminue d’autant la pression de perfusion systémique. Le traitement symptomatique repose sur les médicaments inotropes positifs (tableau IV) et devra diminuer les apports hydroélectrolytiques, mettre en place une assistance respiratoire en cas d’insuffisance ventriculaire gauche (ventilation invasive ou non) et utiliser éventuellement des vasodilatateurs (tableau V) si la PA systémique le permet (nitrés, nitroprussiate de sodium, urapidil). Les troubles du rythme devront être également traités. En cas d’insuffisance ventriculaire gauche, une CPIA pourra être mise en place par voie artérielle fémorale. La prévention de la thrombose de cette artère devra être assurée par héparine et la survenue de cette complication devra être surveillée de manière horaire. Chez les patients rebelles à ces traitements, une assistance circulatoire mécanique pourra être discutée. Le diagnostic de tamponnade exige la mise en évidence d’un épanchement péricardique, un septum paradoxal et une gêne à l’expansion pariétale diastolique. Le traitement repose sur la ponction drainage péricardique ou la reprise opératoire après chirurgie cardiaque.
Choc anaphylactique L’hypersensibilité immédiate se traduit par des signes de gravité variables : urticaire, œdème de Quincke, bronchospasme, choc anaphylactique et arrêt cardiaque (AC). L’œdème de Quincke est traité dans le chapitre sur les atteintes respiratoires. L’arrêt cardiaque est traité dans un chapitre séparé. Le choc anaphylactique peut être dû à la libération massive d’histamine et d’autres médiateurs par les mastocytes et les polynucléaires basophiles, probablement sensibilisés à un allergène (aliments, piqûre d’insectes, latex, antibiotiques…) et dont la réponse est médiée par des immunoglobulines E spécifiques. Un tableau similaire peut être lié à une réaction anaphylactoïde dont le mécanisme physiopathologique est différent (il n’y a pas d’activation du système immunitaire par les IgE, mais une libération d’histamine induite directement par l’allergène. Plusieurs agents anesthésiques et produits de contraste iodés en radiologie peuvent déclencher une réaction anaphylactoïde. Dans le choc anaphylactique, ces médiateurs induisent une vasoplégie et la pompe cardiaque répond habituellement par une augmentation de débit pour essayer de compenser l’hypotension artérielle. Dans les minutes suivant l’introduction de l’allergène peuvent survenir : – des signes cutanés, absents si l’état de choc est intense ; – des signes cardiovasculaires (tachycardie, hypotension puis état de choc) ; – des signes respiratoires (rhinite, laryngospasme, bronchospasme conduisant à l’asphyxie) ;
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– des signes digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales du type colique, diarrhées) ; – parfois d’autres signes (angoisse, toux, arthralgies, convulsions et troubles de conscience). Le traitement passe par l’éviction de l’allergène, l’administration d’adrénaline (de 0,3 à 1 mg sous-cutané ou en perfusion intraveineuse) associée à un remplissage vasculaire par cristalloïdes. En effet, l’adrénaline est l’agent thérapeutique de choix, car elle inhibe la libération d’histamine, produit une vasoconstriction, une augmentation de l’inotropisme et une bronchodilatation. Les corticoïdes n’ont pas d’effet immédiat, mais peuvent avoir un effet sur le bronchospasme et réduire l’incidence des récurrences spontanées durant les heures suivantes. Les antihistaminiques ont peu d’effet à ce stade. Des prélèvements sanguins sont effectués pour établir le diagnostic de choc anaphylactique (dosage d’histamine et de tryptase dans l’immédiat ; recherche d’immunoglobulines E spécifiques à distance). Un avis allergologique sera demandé pour préciser les allergènes et entreprendre éventuellement une désensibilisation. Le patient devra être porteur d’une carte et d’une seringue d’adrénaline auto-injectable.
Choc septique Le syndrome de choc survient soit du fait de la présence d’un agent infectieux, soit d’une toxine infectieuse au niveau systémique. L’agent infectieux, généralement bactérien, provient d’une porte d’entrée qu’il faudra rechercher et traiter au même titre que l’infection elle-même. Les médiateurs de l’inflammation tels que les cytokines entraînent un effondrement des résistances périphériques, une augmentation de la capacitance veineuse, de la perméabilité capillaire, d’où une hypovolémie. Dans certains cas s’associe également un effet inotrope négatif. Le patient se présente avec soit une hyperthermie importante, soit une hypothermie. Les marbrures au niveau des genoux, des cuisses et de l’abdomen sont fréquentes. La cyanose témoigne d’un syndrome de détresse respiratoire associé et doit faire indiquer la ventilation mécanique après intubation trachéale. Les prélèvements bactériologiques devront comporter : hémocultures et prélèvements au niveau de la porte d’entrée présumée, si possible avant institution très précoce d’une antibiothérapie à large spectre. Les germes les plus rencontrés sont les staphylocoques et les bacilles à Gram négatif. Après isolement du germe, l’antibiothérapie sera strictement adaptée à l’antibiogramme. Dans certains cas, une intervention chirurgicale sera nécessaire pour éradiquer le foyer en cause (péritonite, empyème…). Le traitement symptomatique est également indispensable avec : – expansion volémique pour obtenir une pression veineuse centrale autour de 12 mmHg ; – noradrénaline en administration continue pour PAM > mmHg ; – adjonction de dobutamine qui est parfois nécessaire pour traiter la défaillance cardiaque éventuelle (pour Sv Co2 > 70 %) ;
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Réanimation et urgences
– déficit relatif en cortisol pourra être traité par hémisuccinate d’hydrocortisone et sera poursuivi pendant quelques jours en cas de réponse favorable ; – épuration extrarénale continue qui a été proposée. Des troubles de l’hémostase à type de thrombopénie ou de coagulation intravasculaire disséminée peuvent se rencontrer avec au maximum un tableau de purpura fulminans d’origine méningococcique ou streptococcique. Le syndrome de choc toxique (toxic shock syndrome) comporte des signes cutanés précoces et tardifs (desquamation), d’évolution souvent foudroyante, oriente vers les étiologies streptococciques ou staphylococciques et demande un traitement antitoxinique de 5 jours (clindamycine ou linézolide) en plus du traitement antibiotique précoce. Une porte d’entrée amygdalienne, vaginale (tampons périodiques) ou cutanée sera recherchée. Enfin, une endocardite infectieuse pourra être diagnostiquée soit d’emblée, soit à distance et sa porte d’entrée sera recherchée (intestinale, dentaire, cutanée, cathéters, toxicomanie Iv…). Ainsi, l’admission d’un patient en choc impose une prise en charge immédiate impliquant plusieurs professionnels médicaux et paramédicaux. Un diagnostic et un traitement très précoce permettront souvent d’éviter une évolution péjorative.
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Douleur thoracique aiguë et chronique
Nous insisterons sur les douleurs aiguës, les douleurs chroniques pouvant relever de causes similaires mais moins intenses. Nous aborderons les douleurs thoraciques nécessitant une hospitalisation en urgence en excluant les douleurs d’origine pariétale et rachidiennes. C’est ainsi que nous aborderons les douleurs par ischémie myocardique, pathologie aortique thoracique et péricardiques. Les causes pleurales, les pneumopathies et les embolies pulmonaires sont traitées dans les pathologies respiratoires.
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Syndrome coronarien aigu (fig. 2)
L’ischémie myocardique aiguë peut survenir de novo ou chez un patient présentant un angor chronique stable. Il peut être précédé d’un angor instable, c’està-dire de douleurs survenant au moindre effort ou au repos. La douleur coronarienne typique ressemble alors à celle d’un angor chronique stable, mais elle n’est pas calmée par le repos et les dérivés nitrés. Il s’agit d’une douleur aiguë thoracique irradiant vers le cou et vers les deux membres supérieurs, à caractère constrictif. Cette douleur est plus intense que celle de l’angor chronique stable et peut provoquer une réaction vagale (bradycardie, malaise, sueurs). Parfois, cette douleur peut être épigastrique. L’ECG effectué en urgence peut montrer un sus-décalage du segment ST (SCA [syndrome corona-
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rien aigu] ST +), ou non (SCA ST-). La topographie de ces anomalies permet de localiser le territoire ischémique : – dérivations D2-D3-VF : territoire inférieur ; – dérivations D1-VL : territoire latéral haut ; – dérivations V1-V2 : territoire antérieur ; – dérivations V3-V4 : territoire septal ; – dérivations V5-V6 : territoire latéral bas ; – dérivations V3R-V4R : ventricule droit. L’administration d’aspirine intraveineuse ou orale à des doses entre 75 et 500 mg est systématique.
Fig. 2 – Conduite à tenir schématique devant un syndrome coronarien aigu.
Syndrome coronarien aigu avec sus-décalage de ST (SCA ST +) Il correspond à une occlusion coronaire complète. À partir de la 6e heure survient une onde Q dans le même territoire, une image en miroir peut siéger dans le territoire diamétralement opposé sous forme de sous-décalage de ST. Ce tableau impose une hospitalisation d’urgence en unité de soins intensifs cardiologiques et un monitorage pour détecter l’apparition de troubles du rythme ventriculaire (tachycardie ou fibrillation ventriculaires) qui demande une prise en charge immédiate. Un défibrillateur doit donc rester à proximité immédiate.
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Réanimation et urgences
Le traitement est la revascularisation en urgence dans les 6 premières heures. On administre habituellement de la morphine, ainsi qu’un bêtabloquant en l’absence de signe de défaillance cardiaque. Héparine, aspirine iv et clopidogrel (Plavix®) (ou prasugrel) sont associés. La revascularisation peut être effectuée par : – soit une coronarographie avec angioplastie primaire si le délai est inférieur à 90 minutes ; – soit par administration intraveineuse de thrombolytique. Sur le plan biologique : troponine I ou T et créatine-phosphokinase (CKMB) sont élevées. En dehors des troubles du rythme, les complications suivantes surviennent dans environ 20 % des cas et sont mises en évidence par l’échographie transthoracique : – insuffisance ventriculaire gauche et choc cardiogénique ; – un infarctus inférieur peut s’étendre au ventricule droit et entraîne alors des signes de défaillance droite. Ces complications contre-indiquent l’administration de bêtabloquants ; – les complications mécaniques de l’infarctus qui nécessitent une intervention chirurgicale d’urgence sont : • la rupture pariétale avec tamponnade, • la rupture septale ou communication interventriculaire, • la rupture de pilier entraînant une insuffisance mitrale. Durant l’hospitalisation, les principaux facteurs de risque cardiovasculaire (hypertension artérielle, diabète, hypercholestérolémie, tabagisme, sédentarité) seront identifiés. L’ordonnance de sortie comportera un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, un bêtabloquant, un antiplaquettaire et une statine. Une réaction péricardique (syndrome de Dressler) n’aura généralement pas de conséquence. Dans les mois suivants, la surveillance cardiologique devra détecter une resténose après l’angioplastie primaire, et une coronarographie sera pratiquée si elle n’a pas été réalisée à la phase aiguë.
Syndrome coronarien aigu avec sous-décalage de ST (SCA ST-) Il correspond le plus souvent à une obstruction incomplète d’une artère coronaire. Il peut être révélé à l’occasion d’un stress, d’une anémie, d’une tachycardie ou d’une hyperthyroïdie. L’ECG en urgence présente un aspect de sous-décalage du segment ST, une inversion des ondes T dans plusieurs dérivations ou peut parfois être normal. Le dosage des marqueurs biologiques de l’infarctus (troponine, créatinephosphokinase MB) est réalisé au moins à l’entrée et de 6 à 12 heures après. Si les marqueurs sont nettement augmentés, on parle d’infarctus sans onde Q.
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Le traitement urgent comporte : – des antithrombotiques : antiplaquettaires : aspirine iv, clopidogrel (ou prasugrel) –, et anti-GP IIb-IIIa Iv en présence de critères cliniques ou biologiques de gravité ; – des bêtabloquants et dérivés nitrés si pression artérielle systolique > 100 mmHg ; – des statines. Dans les jours suivants, une épreuve de stress est réalisée (échocardiographie sous dobutamine, scintigraphie myocardique au thallium-dipyridamole ou ECG d’effort). En cas de positivité, une coronographie est pratiquée. Une revascularisation par angioplastie ou pontages coronaires chirurgicaux est pratiquée si les lésions coronaires le justifient. La coronarographie sera pratiquée plus rapidement en cas de récidive de douleurs thoraciques, d’insuffisance cardiaque ou de troubles du rythme ventriculaire.
Dissection aortique Les dissections aortiques sont moins fréquentes que les syndromes coronaires aigus, mais leur extrême gravité impose un diagnostic dès la prise en charge.
Bases Il s’agit de la déchirure initialement localisée de l’intima de l’aorte. À partir de cette porte d’entrée, le sang sous pression fuse dans la média et va la cliver dans le sens de la longueur sur une distance variable formant ainsi un nouveau canal appelé « faux chenal » séparé du vrai chenal par un flap. La portion initiale de l’aorte (aorte ascendante) est particulièrement fragile et, lorsque la dissection touche cette portion, le risque de décès est très élevé (environ 1 % de mortalité par heure), en particulier à cause de la rupture péricardique et de l’extension de la dissection vers les artères coronaires. Actuellement, on distingue ainsi deux types de dissection aortique : – type A qui touche l’aorte ascendante avec extension possible vers l’arche et l’aorte descendante ; – type B qui touche seulement l’aorte descendante ; Les conséquences de la dissection aortique sont : – la rupture de l’aorte ; – l’extension vers les artères coronaires, les troncs supra-aortiques, les artères intercostales, splanchniques, rénales, et ilio-fémorales qui induisent des signes d’ischémie.
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Réanimation et urgences
Tableau clinique La cause la plus fréquente de la dissection aortique est l’hypertension artérielle. Les autres causes sont des maladies du tissu conjonctif (maladie de Marfan et d’Ehlers-Danlos). L’athérosclérose, une coarctation de l’aorte, la persistance du canal artériel, un cathétérisme ou une chirurgie cardiaque peuvent parfois être responsables. La douleur thoracique est d’emblée atroce, à type de déchirure, migrant dans le thorax en suivant le trajet de l’aorte. Elle irradie volontiers entre les omoplates. Elle dure de quelques minutes à quelques heures puis peut se calmer. L’extension à certaines branches de l’aorte peut entraîner des troubles neurologiques, digestifs (dilatation, nécrose intestinale), rénaux (anurie) et des membres (asymétrie tensionnelle à rechercher systématiquement, ischémie aiguë des membres). L’extension vers le cœur peut entraîner des signes d’ischémie identifiables à l’ECG, une insuffisance aortique (souffle diastolique à rechercher) ou un hémopéricarde. La radiographie thoracique peut montrer une dilatation de l’aorte avec élargissement du médiastin supérieur. Lorsque le diagnostic est soupçonné, le scanner thoracique permet le diagnostic d’extension nécessaire à la prise en charge chirurgicale et élimine un anévrysme fissuré de l’arte thoracique. L’échographie transœsophagienne, sous anesthésie générale pour éviter toute hypertension artérielle (HTA), serait d’un apport équivalent pour un opérateur expérimenté. Ces deux examens permettent le diagnostic différentiel avec une rupture d’anévrysme aortique préexistant ou un hématome de la paroi aortique. Le traitement est chirurgical pour les DA du type A. Il s’agit d’une intervention sous circulation extracorporelle qui doit être réalisée dans un centre spécialisé. Avant la chirurgie, les patients peuvent être admis en réanimation pour bénéficier d’un traitement vasodilatateur et bêtabloquant (esmolol). Les antithrombotiques sont formellement contre-indiqués. Le traitement antalgique est bien entendu nécessaire. Les dissections du type B bénéficieront au contraire d’un traitement médical. Cependant, en cas de rupture imminente, une intervention chirurgicale ou la mise en place d’une endoprothèse aortique sera nécessaire. En présence d’une ischémie, la fenestration du flap pourra être proposée.
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Péricardite aiguë
Cette pathologie nécessite rarement l’admission en réanimation sauf en cas de tamponnade. Les causes des péricardites aiguës peuvent être : – infectieuses : virales (y compris HIV), bactériennes (drainage pour des péricardites purulentes ou pour isolement du germe), tuberculeuses (traitement antituberculeux pendant 1 an et corticothérapie) ; – néoplasiques ;
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– inflammatoires (maladies de système, post-infarctus myocardique ou syndrome de Dressler) ; – traumatiques ou postchirurgical, avec liquide volontiers hémorragique. La douleur thoracique est médiane, augmentée à l’inspiration. La fièvre est généralement présente. L’auscultation met en évidence un frottement systolodiastolique. Cliniquement, le tableau de tamponnade est évoqué en présence d’un faciès vultueux. Il existe des signes d’insuffisance ventriculaire droite, un pouls paradoxal. L’ECG montre un sus-décalage du segment ST concave vers le haut dans toutes les dérivations. La présence d’un microvoltage signe un épanchement abondant. Parfois, il existe une alternance électrique. Le cliché thoracique peut mettre en évidence un élargissement du médiastin, mais seule l’échographie transthoracique fait le diagnostic. Elle permet également de faire le diagnostic de tamponnade : l’épanchement péricardique peut être de faible volume, mais responsable d’une adiastolie aiguë. La présence d’une tamponnade impose un drainage urgent ; dans cette attente, une expansion volémique et, éventuellement, un traitement par sympathomimétique. Par ailleurs, le drainage permet de pratiquer des examens biologiques sur le liquide péricardique afin d’en préciser la cause. Le drainage peut être pratiqué par ponction sous anesthésie locale et échographie transthoracique ou par voie chirurgicale. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une anesthésie générale à haut risque au cours de laquelle il faut s’efforcer de conserver la ventilation spontanée jusqu’au drainage. Dans tous les cas, les anticoagulants sont contre-indiqués. Le pronostic dépend de l’étiologie, certaines d’entre elles pouvant aboutir à une péricardite constrictive (péricardite tuberculeuse ou radiothérapie).
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Troubles de la conduction intracardiaque
Bases La fréquence cardiaque est sous la dépendance de son pacemaker interne le plus rapide, le nœud sinusal. Dans les conditions physiologiques, le nœud sinusal transmet une impulsion électrique au nœud auriculo-ventriculaire, celle-ci se propage ensuite dans le faisceau de His. Ce dernier donne une branche gauche et une branche droite destinées à chacun des ventricules. La branche gauche du faisceau de His donne elle-même une branche antérieure et une branche postérieure. Un rythme cardiaque normal chez l’adulte est régulier entre 60 et 90 pulsations par minute. Les foyers d’automatisme et les voies de conduction sont sous la dépendance du système nerveux végétatif : une augmentation du tonus vagal ralentit la fréquence sinusale et la conduction auriculo-ventriculaire. Une stimulation sympathique par l’intermédiaire des récepteurs bêta-adrénergiques accélère la fréquence du nœud sinusal, accélère la conduction, mais peut provoquer aussi l’apparition de foyers ectopiques.
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Réanimation et urgences
Causes La plupart des cardiopathies peuvent provoquer des troubles de conduction intracardiaques. Il en est ainsi des infarctus myocardiques, mais ils sont fréquents sur le cœur sénile. Plus rarement, il s’agit de troubles métaboliques (hyperkaliémie), toxiques (médicaments tels que les antidépresseurs polycycliques, les neuroleptiques…), infectieux (endocardites, myocardites) et traumatiques (chirurgie cardiaque, cathétérisme intra-cardiaque…).
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Signes d’appel
Vertiges, sensations de malaises, impression de rythme cardiaque irrégulier peuvent attirer l’attention. Cependant, la manifestation la plus fréquente d’une bradycardie par bloc auriculo-ventriculaire est la syncope de type Stoke-Adams avec début très brutal, sans prodrome, entraînant la chute du patient qui peut se blesser à cette occasion. Si un témoin est présent, il pourra objectiver la bradycardie plus ou moins longue. Le patient devra donc alors être allongé en décubitus dorsal et PLS s’il existe des troubles de conscience. En cas d’asystolie, une réanimation cardiopulmonaire est rapidement mise en œuvre. Lors de l’admission en soins intensifs cardiologiques, un ionogramme sanguin et un dosage de troponine seront demandés. Un ECG sera réalisé. En l’absence d’argument convaincant, un Holter ECG sera pratiqué. L’ECG permettra de mettre en évidence : – un trouble de conduction sino-atrial avec ralentissement ou disparition des ondes P (paralysie sinusale). Si ce ralentissement sinusal alterne avec une FA, on parle alors de maladie de l’oreillette ; – Les troubles de conduction ou blocs auriculo-ventriculaires peuvent être de trois types : o premier degré avec allongement de l’intervalle PR supérieur à 200 ms, o blocs auriculo-ventriculaires du deuxième degré : n Mobitz 1 : augmentation progressive de l’intervalle PR jusqu’à une onde P bloquée, n Mobitz 2 : onde P bloquée de manière intermittente et régulière, o bloc auriculo-ventriculaire du troisième degré ou complet : les ondes P ne sont plus suivies de complexes QRS, mais c’est l’impulsion électrique provenant des ventricules qui prend le relais (échappement). Ces derniers sont le plus souvent responsables des syncopes ou pertes de connaissance du type Stocke-Adams ; – les blocs de branche o complets (complexe QRS supérieur à 120 ms) n’entraînent pas de manifestations en eux-mêmes en dehors d’un asynchronisme de contraction des ventricules, mais peuvent témoigner d’une fragilité de la conduction, o incomplets (80 < QRS < 120 ms),
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o bloc de branche gauche : aspect en M. en V6 et QS en V1, o Bloc de branche droit : aspect en M. en V1 et onde S traînante en V6o ; – il en est de même des hémiblocs : o hémibloc antérieur gauche associant déviation axiale gauche de QRS et aspect Q1-S3, o hémibloc postérieur gauche associant déviation axiale droite et aspect S1-Q3.
Traitement Réalisé en urgence en présence d’une bradycardie importante ou symptomatique, il consiste en la mise en place d’un pacemaker artificiel. Il existe plusieurs types de pacemaker définitifs qui stimulent généralement les cavités droites. La mise en place est habituellement réalisée par une veine thoracique sous anesthésie locale chez l’adulte. Enfin, les défibrillateurs implantables permettent le traitement des tachycardies graves ; ils sont dotés d’une fonction de stimulation cardiaque. En urgence, on peut accélérer la fréquence cardiaque avec de l’isoprénaline (Isuprel®) en perfusion continue et/ou introduire par voie fémorale ou jugulaire une électrode dans le ventricule droit.
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Fibrillation auriculaire (ou « atriale »)
La FA est une arythmie auriculaire rapide. Les oreillettes ont une activité électrique vers 350-600/min, sans activité mécanique significative. La fréquence ventriculaire est plus lente et irrégulière. C’est le trouble du rythme le plus commun. Sa fréquence augmente avec l’âge et est de plus de 10 % au-delà de 80 ans. On distingue la FA aiguë et la FA permanente (> 1 an). La FA est initiée par un foyer auriculaire ou au confluent des veines pulmonaires. Elle est entretenue par une augmentation de l’automaticité et de l’excitabilité de l’oreillette. Le rythme cardiaque rapide et irrégulier entraîne une augmentation des pressions de remplissage du cœur. L’absence de contraction auriculaire réduit le débit cardiaque d’environ 30 %. Comme l’oreillette ne se contracte pas, il existe une stase et la formation de caillots responsables d’embolies. C’est la cause la plus fréquente d’embolie cérébrale et le risque d’AVC est multiplié par 5. Ce risque d’AVC varie de 2 à 15 % par an selon le nombre de facteurs de risque d’embolie qui lui sont associés. Les récidives sont fréquentes : 75 % sans antiarythmique, mais encore 50 % avec. La FA est associée à une augmenta-
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tion de la mortalité (insuffisance cardiaque, AVC). Les facteurs favorisants sont habituellement intriqués et doivent être systématiquement recherchés : pathologie cardiaque par une échocardiographie, inflammation (biologie), infection (fièvre, biologie), intoxication (alcool), troubles ioniques (biologie), endocrinopathie, plus particulièrement hyperthyroïdie (biologie). Le diagnostic clinique de la FA est simple à l’auscultation et à la prise du pouls : le rythme cardiaque est irrégulier et rapide. Mais le diagnostic formel est fait sur ECG (fig. 3). Si 30 % des FA sont asymptomatiques et découvertes fortuitement, le plus souvent la FA est révélée par des palpitations, une dyspnée ou un angor. Les deux complications principales de la FA sont l’insuffisance cardiaque et les embolies. L’insuffisance cardiaque est la conséquence de la perte de la systole auriculaire et de la tachycardie. La FA décompense une maladie cardiaque sous-jacente et entraîne alors un OAP ou une insuffisance cardiaque congestive crescendo.
Fig. 3 – Flutter auriculaire : ondes auriculaires en toit d’usine (onde F) à 280/min avec conduction une fois sur deux (1/2) des ondes F vers le ventricule. Rythme ventriculaire régulier à 140/min.
Les embolies proviennent d’un thrombus de l’oreillette. Tous les organes sont concernés, mais comme les thrombi sont le plus souvent petits, leur expression est surtout neurologique. Le démarrage et la réduction de la FA sont les périodes les plus à risque d’embolie. Le risque peut être approché par le score de Chads qui pondère : insuffisance cardiaque, HTA, âge supérieur à 75 ans, diabète et antécédents d’AVC/AIT (accident ischémique transitoire). En situation d’urgence, ces éléments ne sont pas pris en compte lorsque la réduction de la FA est indispensable. C’est le cas lorsque la FA est très rapide, résiste aux traitements médicaux et est accompagnée d’un OAP, d’un état de choc, d’une angine de poitrine. Il faut alors restaurer un rythme sinusal par un choc électrique externe en urgence, si possible avec une anticoagulation préalable par héparine.
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Mais le plus souvent, la FA est suffisamment bien tolérée pour organiser son traitement. L’anticoagulation doit être débutée immédiatement par héparine à bas poids moléculaire (HBPM) ou héparine non fractionnée. Puis la fibrillation peut être gérée de plusieurs façons très différentes. Une réduction immédiate par choc électrique externe sous anesthésie générale brève est possible si la FA dure depuis moins de 48 heures, si le cœur est normal, si la FA est parfaitement tolérée et sans critère de risque embolique (Chads 0-1). Elle est différée si la FA dure plus de 48 heures, s’ils existent des facteurs de risque embolique, si l’ETT (transthoracique) est anormale (FE [fraction d’éjection] < 40 %, valvulopathie…) avec là encore deux possibilités pour la réalisation du choc électrique externe : soit après 48 heures d’anticoagulation et la confirmation par une échocardiographie par voie transœsophagienne (ETO) de l’absence de thrombus ; soit retardée de 3-4 semaines sous antivitamine K (AVK) et amiodarone. Enfin, il existe une alternative parfaitement valide qui consiste à ne pas chercher à réduire la FA et à simplement contrôler sa fréquence par des médicaments : digoxine, bêtabloquant, calcium-bloqueur bradycardisant (diltiazem, vérapamil). La tolérance de la FA, sa durée, les échecs de réduction antérieurs, une cardiopathie, une HTA, la fonction ventriculaire gauche, la taille des oreillettes, l’âge sont autant d’éléments à prendre en compte dans le choix de la meilleure stratégie. Dans tous les cas, les patients reçoivent une anticoagulation prolongée par une AVK, plusieurs mois après une réduction et à vie si la FA persiste. En cas de retour en rythme sinusal, le traitement antiarythmique sera le plus souvent institué ou continué. Il s’agira d’amiodarone s’il existe une cardiopathie ou d’un antiarythmique de classe Ic si le cœur est normal. Lorsque la FA est conservée, un bêtabloquant, un calcium-bloquant bradycardisant ou la digoxine en contrôlera la fréquence.
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Ischémie aiguë des membres
Il s’agit de l’interruption brutale du flux artériel le plus souvent au niveau des membres inférieurs.
Causes On distingue essentiellement deux causes : – les emboles sur artères saines d’origine cardiaque par troubles du rythme (FA paroxystique…), thrombus intracavitaire, endocardite infectieuse ou d’origine artérielle au niveau d’un anévrysme ; les emboles peuvent alors être multiples et atteindre plusieurs territoires ; – la thrombose sur terrain athéromateux survient chez des patients présentant des facteurs de risque d’athérome et d’autres localisations athéromateuses
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(en particulier coronaires et vasculaires cérébrales). Il peut également s’agir de thromboses après chirurgie artérielle, mise en place d’un cathéter artériel, d’une CPIA ou d’une canule d’assistance circulatoire.
Cliniquement L’ischémie aiguë se manifeste par une violente douleur au niveau du membre atteint. La peau est pâle et devient rapidement froide. Il peut exister une cyanose qui sera en faveur d’une thrombose veineuse associée. L’examen met en évidence la disparition des pouls en aval de la thrombose. Les autres pouls des membres seront soigneusement recherchés. En l’absence de revascularisation rapide, des troubles de la sensibilité et de la motricité apparaissent au niveau du membre. Ce sont des signes de gravité. Des signes en faveur d’une atteinte artérielle multiple doivent être recherchés : – oligo-anurie ; – ischémie intestinale (douleurs, acidose métabolique, oligurie, marbrures cutanées, rectorragies) ; – SCA ST + ; – AVC.
Examens complémentaires L’écho-doppler vasculaire confirme et précise le diagnostic ainsi que les autres localisations. Le bilan préopératoire comportera ECG, créatine-phosphokinase (CK-MM), myoglobinémie, créatininémie, bilan de coagulation (recherche de thrombopénie induite par l’héparine, thrombopénie induite par héparine (TIH). Le diagnostic étiologique sera assuré par l’artériographie en urgence si une thrombose sur artère athéromateuse est suspectée. L’échographie transthoracique sera pratiquée en urgence pour mettre en évidence l’origine des emboles. On éliminera le diagnostic d’emboles de cholestérol (pétéchies, orteils bleus, mais pouls perçus et cristaux de cholestérol à la biopsie cutanée).
Traitement En urgence (séquelles si revascularisation après la 6e heure). Traitement médical Héparine non fractionnée (en l’absence de TIH du type 2) à la seringue électrique à dose décoagulante, aspirine, vasodilatateur artériel et antalgiques. Revascularisation interventionnelle indispensable : – en cas d’emboles, une simple embolectomie à la sonde de Fogarty sous anesthésie locale peut suffire ;
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– dans les autres cas, une angioplastie ou un pontage artériel sont réalisés. L’anesthésie générale tiendra compte de la possibilité d’un estomac plein et facilitera la réalisation d’une ETO à la recherche d’une cause intracardiaque.
Complications En l’absence de revascularisation rapide, l’évolution peut se faire vers une gangrène sèche et l’amputation. En cas de revascularisation artérielle, un syndrome de reperfusion peut se présenter avec forte élévation des enzymes CK-MM, de la myoglobinémie, insuffisance rénale aiguë (IRA) et surtout hyperkaliémie. Localement, un syndrome des loges sera diagnostiqué par l’apparition de masses musculaires dures (mesure de la pression sous aponévrotique). En l’absence d’aponévrotomie de décharge, le pouls artériel en aval va s’abolir avec récidive de l’ischémie du membre. Dans tous les cas, d’autres manifestations ischémiques peuvent apparaître avec en particulier risque d’ischémie myocardique (détection par surveillance du segment ST et troponine). En conclusion, l’ischémie aiguë des membres est une urgence chirurgicale qui demande une prise en charge très rapide, et expose à des complications multiples mettant en jeu le pronostic vital.
Pathologies respiratoires J.-P. Viale, S. Bizet, M. Gazon, Y. Mouloua, M. Muller et M. Schoeffler
Items
N° 86. Infections broncho-pulmonaires du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte N° 132. Angine de poitrine et infarctus myocardique N° 135. Thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire N° 193. Détresse respiratoire aiguë du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte. Corps étranger des voies aériennes supérieures
N° 198. Dyspnée aiguë et chronique N° 211. Œdème de Quincke et anaphylaxie (Urgences) N° 226. Asthme de l’enfant et de l’adulte. (N° 115) N° 227. Broncho-pneumopathie chronique obstructive N° 254. Insuffisance respiratoire chronique N° 276. Pneumothorax N° 312. Épanchement pleural
193,198 Le système respiratoire a pour fonction essentielle d’assurer les échanges gazeux, soit une oxygénation satisfaisante du sang artériel et une élimination adaptée du dioxyde de carbone. La fonction respiratoire a donc pour rôle de satisfaire la demande d’une autre fonction qui est la fonction métabolique. L’insuffisance respiratoire est définie par l’incapacité à assurer les échanges gazeux correspondant à sa demande métabolique. Ainsi toute atteinte du système respiratoire se traduit-elle par une altération des échanges gazeux permettant de classer les insuffisances respiratoires en deux grands
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groupes. L’atteinte peut en effet porter sur la qualité de l’oxygénation définissant une insuffisance respiratoire avec hypoxie, ou sur la capacité d’élimination du dioxyde de carbone, réalisant une insuffisance respiratoire avec hypercapnie. Une autre classification peut être réalisée en considérant le niveau lésionnel conduisant à l’insuffisance respiratoire. Intéressant tous les éléments concourant à la fonction respiratoire, cette classification permet de décrire les principales causes d’insuffisance respiratoire motivant une admission en unité de soins intensifs : – altération de la commande centrale – comas d’origine métabolique ou médicamenteuse ; – altération de la conduction neurologique vers l’effecteur respiratoire comme observée au cours des atteintes traumatiques ou infectieuses (GuillainBarré) médullaires, des neuromyopathies ; – altération de la cage thoracique – traumatisme thoracique avec volet, déformations de la cage thoracique, perte d’adhésion du tissu pulmonaire à la paroi thoracique (épanchement pleural, pneumothorax) ; – obstruction des voies aériennes – épiglottite, corps étrangers, asthme aigu grave ; – altérations du parenchyme pulmonaire qui sont les plus fréquentes : décompensation de broncho-pneumopathie chronique, syndrome de détresse respiratoire aiguë, pneumopathies hypoxémiantes, atélectasies, ou œdème pulmonaire cardiogénique.
Éléments de physiologie et physiopathologie respiratoire Mécanique ventilatoire et échanges gazeux Le système respiratoire est schématiquement constitué de deux entités distinctes : une assure le contrôle de la fonction, elle comprend les éléments de commande, de conduction vers et à partir de ces centres et enfin des capteurs, centraux ou périphériques. L’autre partie assure la fonction même d’échanges gazeux. Cette partie effectrice est constituée d’un ensemble moteur actif, représenté par les muscles respiratoires, et d’un ensemble déformable passif sur lequel agissent ces derniers, les conduits aériens, le parenchyme pulmonaire et la paroi thoracique. Ces deux entités assurent la fonction respiratoire grâce à la mobilisation des volumes gazeux qu’elles réalisent par une succession de mouvements alternatifs, inspiratoire et expiratoire.
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La mécanique pulmonaire L’inspiration est assurée au repos par la contraction diaphragmatique et les muscles intercostaux inspiratoires. En raison de la configuration de ses attaches, le diaphragme descend comme un piston lors de sa contraction, le rôle des muscles intercostaux étant d’induire un pivotement costal et une augmentation des diamètres antéropostérieur et transverse. Ces mouvements musculaires créent une pression alvéolaire inférieure à la pression atmosphérique et un débit inspiratoire (fig. 1). Cette déformation de la cage thoracique entraîne celle du poumon sous-jacent grâce à la solidarisation de l’ensemble poumonparoi assurée par une dépression permanente intrapleurale. < Insp.
X
Exp. >
+2 Pression intra-alvéolaire en cm H2O
0 –2 –3
Pression pleurale en cm H2O –6 600 Volume pulmonaire en mL 0 Fig. 1 – Variation des pressions alvéolaires et pleurales au cours de l’inspiration (Insp.) et de l’expiration (Exp.) du volume courant. Le gradient positif entre la pression atmosphérique, égale à zéro, et la dépression alvéolaire créée par les muscles inspiratoires génère le flux inspiratoire. Noter la pression pleurale négative en début d’inspiration qui reste constamment inférieure à la pression alvéolaire au cours du cycle ventilatoire.
Le travail réalisé par les muscles respiratoires est dû d’une part à la déformation du système respiratoire depuis sa position de fin d’expiration jusqu’à sa position de fin d’inspiration (ou travail élastique), d’autre part aux forces de résistance à l’écoulement gazeux (travail résistif). En conditions de ventilation calme chez un sujet normal, ce travail est minime, représentant moins de 3 % de la consommation d’oxygène total, il augmente à l’exercice ou en situation pathologique, et peut atteindre 25 % de cette valeur chez le patient bronchopathe chronique obstructif.
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Réanimation et urgences
Les volumes mobilisés La figure 2 représente les volumes mobilisés au cours des manœuvres respiratoires. La capacité vitale est le volume maximal pouvant être expiré à partir d’une inspiration profonde, jusqu’à une expiration maximale forcée. Le volume courant mobilisé au cours d’une respiration normale et calme se situe au tiers inférieur de cette capacité, laissant au-dessus un volume de réserve inspiratoire, et en dessous un volume de réserve expiratoire. Le volume résiduel est le volume pulmonaire ne pouvant être expiré de façon volontaire, restant à la fin d’une expiration forcée. Deux autres volumes sont importants à considérer quand la pathologie pulmonaire est envisagée : – la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) qui est la somme du volume résiduel et du volume de réserve expiratoire. Elle représente le volume restant à la fin d’une expiration simple. Cette capacité est par exemple augmentée au cours de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), le patient ventilant à un niveau élevé au sein de sa capacité vitale, réalisant une hyperinflation dynamique. Cette situation est responsable d’une augmentation du travail respiratoire. Elle est abaissée au cours du syndrome de détresse respiratoire aiguë ou SDRA (acute respiratory distress syndrome – ARDS), situation responsable d’une diminution de la qualité des échanges gazeux ; – le volume de fermeture qui est le volume à partir duquel les petites voies aériennes se ferment au cours d’une expiration forcée et lente. Les alvéoles situées en amont de cette fermeture sont alors exclues de la ventilation, réalisant des zones fonctionnant en shunt, les capillaires en regard de ces alvéoles devenant exclus des échanges gazeux. Ce volume de fermeture est inférieur à la CRF chez le sujet normal, la totalité du volume courant participe aux échanges gazeux. En revanche, ce volume peut devenir supérieur à la CRF (sujet âgés), ou la CRF peut s’abaisser en dessous de ce volume (obésité), et une partie du volume courant sera exclue des échanges gazeux. 8
Litres
6
Papier Capacité pulmonaire totale Capacité vitale
4 Volume courant 2 Capacité résiduelle Volume fonctionnelle résiduel 0
Fig. 2 – Volumes pulmonaires mobilisés au cours de volumes courants suivis d’une inspiration forcée maximale et d’une expiration forcée maximale. La capacité résiduelle est le volume pulmonaire restant à la fin d’une expiration simple. Le volume résiduel est le volume pulmonaire qui ne peut être expiré même après une expiration forcée.
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Les échanges gazeux Les échanges gazeux pulmonaires dépendent de trois étapes successives : la ventilation alvéolaire, la diffusion de l’oxygène et du dioxyde de carbone à travers la membrane alvéolo-capillaire, et enfin la perfusion pulmonaire qui assure le relargage du CO2 par le sang veineux qui se charge en oxygène. La ventilation alvéolaire assure le renouvellement de l’air alvéolaire. L’air inspiré se mélange avec le gaz alvéolaire dans lequel a diffusé, à partir des capillaires, le dioxyde de carbone, et qui a été délesté de son oxygène. La partie du volume courant qui atteint les alvéoles est le volume alvéolaire dont l’importance dépend du volume courant lui-même et du volume de l’espace mort anatomique. Ce dernier volume qui reste dans les conduits aériens ne participe pas aux échanges gazeux. La part relative du volume courant et du volume de l’espace mort anatomique est déterminante dans l’élimination du CO2 puisqu’elle est directement proportionnelle à la ventilation alvéolaire. Les gaz diffusent de l’alvéole vers le capillaire pulmonaire pour le CO2, avec un trajet inverse pour l’oxygène. En condition normale, la diffusion est réalisée bien avant que le sang capillaire ait quitté l’échangeur pulmonaire. Une anomalie de diffusion est rarement à l’origine d’une atteinte des échanges pulmonaires. Enfin, la perfusion pulmonaire réalise les échanges entre l’organisme et le poumon. Le retour veineux assure le transport du CO2 depuis les zones de production vers le poumon, la circulation pulmonaire est le lieu de l’enrichissement en oxygène. Si la ventilation alvéolaire est la clé d’une clairance adaptée du CO2, le rapport ventilation-perfusion est l’élément déterminant de la qualité de l’oxygénation. Il peut être distingué de façon schématique quatre zones de fonctionnement, quand le rapport ventilation-perfusion est considéré (fig. 3) : – une zone de rapport équilibré, proche de 1 assurant la meilleure qualité d’échange d’oxygène. C’est une zone très majoritaire en conditions normales ; – une zone de rapport infini, dans laquelle la ventilation des alvéoles est maintenue, mais la perfusion est inexistante en regard de celles-ci. Quasi inexistante en conditions normales, elle peut augmenter d’importance et réaliser une véritable mort alvéolaire. Une telle zone est incapable de charger en CO2 le contenu alvéolaire, le gaz issu de telles alvéoles conduit à une dilution du gaz issu d’alvéoles normales, réalisant une augmentation du gradient artérioalvéolaire en CO2. Les conséquences pour l’oxygénation sont en théorie nulles puisque aucun capillaire n’existe dans une telle zone ; – une zone de bas rapport ventilation-perfusion. Le CO2 étant un gaz très diffusible, il est peu entravé dans ses échanges. En revanche, l’oxygénation est altérée, le sang capillaire à concentration faible en oxygène provenant de ces alvéoles se mélange à du sang normalement enrichi conduisant à une hypoxémie, définissant l’« effet shunt ». De tels effets shunts existent physiologiquement, mais de faible importance, en raison des inégalités de répartition de ventilation qui ne se superposent pas tout à fait aux inégalités de répartition de
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la circulation pulmonaire. Cet effet est responsable du faible gradient alvéoloartériel en oxygène observé en conditions normales. Cet effet peut en situation pathologique générer une hypoxémie, qui est théoriquement corrigée par l’administration d’un mélange gazeux inhalé enrichi en oxygène. En effet, les alvéoles même peu ventilées reçoivent cet oxygène, corrigeant le défaut d’enrichissement des capillaires qui sont en regard ; – enfin, une zone de rapport ventilation-perfusion nul. Le sang veineux rejoint alors directement le sang artérialisé provenant des zones à rapport ventilation-perfusion normal. Ce shunt très minime chez le sujet normal peut conduire à une hypoxémie en situation pathologique, elle est alors non corrigée par l’administration d’oxygène qui ne peut parvenir aux alvéoles non ventilées.
Les causes d’altération des échanges gazeux Les échanges gazeux peuvent être altérés par des mécanismes pulmonaires ou extrapulmonaires. Parmi ces derniers, il est habituel de distinguer le retour d’un sang veineux mêlé très désaturé comme lors d’une insuffisance cardiaque, ou l’admission d’air inspiré à pression partielle d’oxygène appauvrie sous l’effet de l’altitude. Les causes spécifiquement pulmonaires ont deux origines possibles : une défaillance de la pompe respiratoire ou une altération du fonctionnement de l’échangeur pulmonaire. Ces causes permettent d’envisager une classification des hypoxémies en quatre catégories (fig. 3) : – les hypoxémies d’hypoventilation alvéolaire. Une hypoventilation alvéolaire est associée de façon obligatoire à une hypercapnie. L’hypoxémie est alors secondaire à l’hypercapnie, la baisse de la PaO2 correspondant à l’augmentation de la PaCO2. L’hypoventilation alvéolaire est induite par une diminution du volume courant, comme au cours des insuffisances de commande respiratoire d’origine comateuse, ou par une augmentation de la part de l’espace mort au sein d’un volume courant normal ou diminué comme observée au cours des BPCO. La correction de l’hypoventilation et donc de l’hypercapnie conduit à une normalisation de la PaO2. En cas de persistance de l’hypoventilation, l’administration d’oxygène corrige l’hypoxémie. Cette administration doit cependant être titrée sur un objectif de saturation, car un excès de correction de l’hypoxémie peut aggraver une hypercapnie chez un patient BPCO. Le mécanisme retenu de cette aggravation était jusqu’à présent la suppression du stimulus hypoxique chez un patient pour lequel le stimulus hypercapnique n’est plus fonctionnel. Une modification des rapports ventilation-perfusion avec augmentation de l’espace mort alvéolaire apparaît une explication plus certaine aujourd’hui ; – les hypoxémies par trouble de la diffusion. Les altérations de la diffusion sont rarement à l’origine d’une hypoxémie, elles sont essentiellement observées au cours de fibroses pulmonaires idiopathiques, les fibroses pulmonaires associées aux maladies systémiques, ou à la phase fibrotique du SDRA. Un mécanisme associé à ce trouble de diffusion est un temps de contact insuffisant ne
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permettant pas au sang capillaire d’atteindre une saturation complète après la traversée pulmonaire. Ce phénomène explique les hypoxémies secondaires à une élévation de débit sanguin pulmonaire par réduction du lit pulmonaire (embolie pulmonaire), ou l’aggravation des hypoxémies au cours de l’exercice de patients présentant une fibrose pulmonaire idiopathique ; – l’hypoxémie par effet shunt. Les zones à bas rapport ventilation-perfusion deviennent génératrices d’hypoxémie quand leur contribution augmente comme au cours de la BPCO, et que le mécanisme protecteur que représente la vasoconstriction hypoxique pulmonaire est dépassé. – l’hypoxémie par shunt intrapulmonaire. Ce shunt peut être la valeur extrême des bas rapports ventilation-perfusion, observée dans les zones pulmonaires condensées du SDRA, être secondaire à une atélectasie, ou à une malformation vasculaire intrapulmonaire héréditaire (syndrome de Rendu-Osler) ou acquise (syndrome hépato-pulmonaire).
Fig. 3 – Inégalité des rapports ventilation-perfusion au sein du poumon. Les unités à rapport nul ou bas apportent au sang veineux pulmonaire un contenu faible en oxygène conduisant à l’hypoxie. Cette hypoxie n’est pas corrigée par les unités à haut rapport ventilationperfusion, car ces alvéoles ajoutent peu d’oxygène en raison de la courbe de dissociation de l’hémoglobine qui est plate à ces niveaux de contenu en oxygène. Les alvéoles à rapport ventilation-perfusion infini ne génèrent pas d’hypoxie, en revanche ne se chargeant pas en dioxyde de carbone (CO2), elles diluent le gaz expiré en CO2, contribuant à l’élargissement du gradient alvéolo-artériel en CO2.
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Insuffisances respiratoires aiguës hypoxiques par œdème pulmonaire 193 Les insuffisances respiratoires aiguës hypoxiques réalisent une situation d’urgence mettant potentiellement en jeu le pronostic vital. Le devenir des patients dépend essentiellement de la précocité du traitement et de la nature de l’affection à l’origine de l’insuffisance respiratoire. En effet, la détresse respiratoire est la conséquence d’un œdème pulmonaire aigu qui a deux origines bien distinctes. Une augmentation de la pression hydrostatique dans la microcirculation pulmonaire conduit à un œdème qualifié de cardiogénique. Une augmentation de la perméabilité de la membrane alvéolo-capillaire, réalise un œdème non cardiogénique, encore dénommé lésionnel.
Les œdèmes aigus pulmonaires cardiogéniques Physiopathologie Le débit liquidien net transvasculaire qui prend place à l’intérieur du parenchyme pulmonaire est dépendant des pressions hydrostatiques et des pressions oncotiques selon l’équation de Starling : Q% = Kf [(PCap – PInt) – σ (πCap –πInt)] où – Kf est le coefficient de filtration ; – PCap et πCap sont les pressions hydrostatique et oncotique capillaires ; – PIntet πInt sont les pressions hydrostatique et oncotique interstitielles ; – σ est le coefficient de réflexion de la barrière endothéliale aux molécules. Une augmentation brutale de pression hydrostatique capillaire conduit à l’issue de liquide dans l’espace interstitiel, puis alvéolaire dépassant les capacités de drainage lymphatique. Cette augmentation de pression hydrostatique suppose que le ventricule gauche est dans l’incapacité de compenser le retour veineux, la plupart du temps pour une pathologie ischémique myocardique.
Les causes des OAP cardiogéniques 250 Les causes des OAP cardiogéniques peuvent être classées selon le lieu de l’augmentation de pression du cœur gauche : – pression auriculaire gauche isolément augmentée : • rétrécissement mitral, • trouble du rythme auriculaire (arythmie complète par fibrillation auriculaire), • et plus rarement, myxome de l’oreillette ou dysfonction de valve mécanique mitrale ;
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– pression auriculaire et pression diastolique ventriculaire gauche augmentées : • atteinte de la fonction diastolique : ischémie myocardique, cardiomyopathie hypertrophique, • surcharge volumétrique : insuffisance mitrale ou aortique, rupture septale, • surcharge barométrique : hypertension artérielle aiguë, rétrécissement aortique.
Les signes cliniques Le début est souvent brutal chez un patient présentant une insuffisance respiratoire aiguë et une sensation d’oppression thoracique. L’inspection confirme la polypnée avec dyspnée intense, d’effort puis de repos, majorée au décubitus. Succédant à une impression de grésillement laryngé surviennent une toux d’irritation et une expectoration mousseuse. L’examen clinique révèle des râles crépitant des bases, avec parfois des sibilants associés, un reflux hépatojugulaire, une tachycardie, et enfin des signes d’état de choc. 132 Les signes de gravité sont : – une détresse respiratoire sévère avec une saturation en oxygène effondrée, une insuffisance ventriculaire gauche cotée à III ou IV sur la classification de Killip (tableau I) : – associée aux signes de gravité d’un état de choc : • une cyanose avec extrémités froides, • l’existence de marbrures, • une hypotension persistante, • des troubles de la conscience ; – l’observation d’une origine ischémique. Tableau I – Classification de Killip. Classe
Définition
Signes cliniques
Mortalité ( %)
I
Pas d’insuffisance cardiaque
Aucun signe clinique
6
II
Insuffisance cardiaque
Présence auscultatoire de râles des bases et d’un galop
17
III
Insuffisance cardiaque sévère
Présence de râles diffus
38
IV
Choc cardiogénique
Hypotension (PAS < 90 mmHg) et signes de vasoconstriction (oligurie, cyanose, diaphorèse)
81
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Les examens complémentaires Si le diagnostic d’OAP cardiogénique est essentiellement clinique, les examens complémentaires le confirment et éliminent les diagnostics différentiels. La radiographie pulmonaire montre un œdème alvéolaire caractérisé par des opacités nuageuses mal limitées, à prédominance périhilaire, respectant les bases. La topographie peut être asymétrique. Une observation plus fine montre des signes d’œdème interstitiel et un aspect d’élargissement des septa interlobulaires révélé par les lignes de Kerley. Les plus fréquentes sont les lignes B siégeant aux bases et orientées perpendiculairement à la paroi, les lignes A se dirigent de la périphérie vers le hile au sommet du poumon, alors que les lignes C ont un aspect réticulé. Un épaississement des scissures interlobaires et/ou un comblement des culs de sac traduisent un œdème de l’espace sous-pleural. L’ECG met en évidence d’éventuels troubles de repolarisation, permettant d’identifier et de stratifier les syndromes coronariens aigus avec sus décalage du segment ST. L’échocardiographie transthoracique devient l’examen complémentaire indispensable dès la prise en charge aux urgences. De façon non invasive, elle confirme l’origine cardiaque de la détresse respiratoire en mettant en évidence une dysfonction systolique ou diastolique gauche, une anomalie valvulaire mitrale ou aortique. Elle permet par ailleurs d’estimer les pressions cavitaires droites et gauches. Enfin, une échographie pulmonaire montre les signes sémiologiques d’atteinte interstitielle ou alvéolaire. Les examens biologiques : – les examens non spécifiques précisent les atteintes d’organe ou les troubles éventuellement associés à l’OAP : insuffisance rénale, dysnatrémie ou dyskaliémie observées sur les ionogrammes sanguin et urinaire, état infectieux ou inflammatoire sur la numération-formule sanguine (NFS) ou les marqueurs de l’inflammation comme la protéine C ; – les gaz du sang quantifient l’altération de l’hématose due à l’OAP. Initialement, une hypocapnie par hyperventilation est associée à l’hypoxie. Une acidose métabolique peut être observée en cas d’état de choc. L’apparition d’une hypercapnie signe l’incapacité du système respiratoire à compenser l’hypoxémie, elle représente un signe de gravité ; – les marqueurs cardiovasculaires • le marqueur de lésion myocardique tel que la troponine est très sensible et spécifique d’une origine ischémique myocardique. Marqueur précoce (de 2 à 4 heures), il reste élevé de 5 à 9 jours, • le dosage du brain natriuretic peptide – BNP ou du NT-proBNP a une excellente valeur prédictive négative d’une origine cardiaque congestive. Il permet en outre de stratifier le risque évolutif et de suivre l’efficacité thérapeutique, • enfin le dosage des D-dimères permet d’éliminer une éventuelle embolie pulmonaire à l’origine de la détresse respiratoire. Une valeur inférieure à 500 ng/ ml possède une excellente valeur prédictive négative.
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Les diagnostics différentiels Si le diagnostic repose sur les éléments cliniques et de contexte, les formes atypiques peuvent faire évoquer les autres causes de détresse respiratoire aiguë, en particulier chez le sujet âgé : – les décompensations de BPCO ; – les crises d’asthme ; – l’embolie pulmonaire ; – l’OAP lésionnel ; – la tamponnade cardiaque. L’amélioration clinique par l’orthopnée, la rapidité de la réponse au traitement diurétique et à base de dérivé nitré, et les données échocardiographiques sont de bons arguments pour une origine cardiaque à la détresse respiratoire.
La prise en charge initiale d’un OAP cardiogénique Organisation de la prise en charge en phase préhospitalière. La recherche systématique d’un syndrome coronarien aigu (douleur, ECG) est justifiée par la filière spécifique de soins qu’il nécessite. Le traitement d’urgence de l’OAP cardiogénique (dérivés nitrés, diurétiques de l’anse) est du rôle du médecin généraliste, l’appel du SAMU est conditionné par l’existence de signes de gravité. Dans tous les cas le traitement de l’OAP cardiogénique est réalisé grâce à une structure hospitalière (unité de soins intensifs cardiologiques, urgences, ou SAMU). La prise en charge en milieu hospitalier (unité de soins intensifs cardiologiques – USIC, urgences, réanimation). Sur un malade maintenu en position demi-assise, elle a pour objectifs de corriger l’hypoxémie, qui peut conduire à l’arrêt cardiaque, et d’améliorer la fonction ventriculaire gauche. Ces premières mesures ne doivent pas retarder une admission en unité de soins intensifs de cardiologie ou en salle de coronarographie quand une revascularisation est indiquée. La thérapeutique est administrée chez un patient dont la surveillance permettra de la titrer et de détecter les éventuelles aggravations : électrocardioscopie en continue, saturométrie de pouls, pression artérielle non invasive et diurèse horaire. • Assurer une oxygénation : – administration d’oxygène au masque à haut débit dans un premier temps. L’objectif est l’obtention d’une SpO2 de 94-96 % ; – ventilation avec pression expiratoire positive qui peut être réalisée avec une valve de Boussignac. La pression expiratoire positive diminue la postcharge ventriculaire gauche et améliore la vidange systolique ; – en cas d’échec de la ventilation spontanée avec apparition d’un épuisement, de troubles neurologiques ou d’état de choc, il faut passer à une ventilation en pression positive sans intubation (ventilation non invasive – VNI) ou après intubation endotrachéale.
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• Traitements à visée circulatoire : – les dérivés nitrés présentent l’avantage de provoquer une veinodilatation, donc une diminution du retour veineux associée à une vasodilation artérielle. Ils sont administrés en bolus IV répétés de 3 mg toutes les 5 minutes de dinitrate d’isorbide. Cette administration est faite en surveillant la pression artérielle avec un objectif de diminution de 30 % de la pression artérielle moyenne (PAM) ; – les diurétiques de l’anse administrés en IV à dose suffisante 40 à 80 mg de furosémide ou de 2 à 4 mg de bumétanide ; – les amines cardiovasoactives en cas d’état de choc. La dobutamine qui est inotrope positive est proposée en première intention en perfusion continue en cas de choc. Devant une hypotension artérielle persistante, la noradrénaline ou adrénaline en perfusion continue sont administrées pour obtenir un niveau de pression artérielle systolique supérieur à 70 mmHg. La contrepulsion aortique par ballon intra-aortique, voire l’oxygénation extracorporelle par membrane (ECMO) peuvent être nécessaires pour passer un cap de choc cardiogénique et réaliser un geste de revascularisation dans de meilleures conditions ; – les médicaments antihypertenseurs sont utiles quand la poussée hypertensive n’est pas corrigée par les traitements précédents. La nicardipine (de 1 à 2 mg/h) en perfusion continue ou l’urapidil en bolus (de 10 à 25 mg) sont disponibles ; – le traitement de la douleur par l’administration titrée de morphine améliore le confort du patient en même temps que son état circulatoire.
La prise en charge après la période de première urgence Elle est fonction de la cause de la défaillance ventriculaire gauche, et un traitement adapté justifie une démarche diagnostique en même temps que la mise en œuvre des gestes de première urgence est réalisée. Une IVG sur infarctus du myocarde nécessite un geste de reperfusion. La cardiologie interventionnelle est préférable à la fibrinolyse quand elle est disponible rapidement. Les lésions valvulaires aiguës sont diagnostiquées par l’échocardiographie. Le traitement pharmacologique dépend de leur nature : augmentation de fréquence par dobutamine en cas d’insuffisance aortique (IA), diminution de pression veineuse gauche et de postcharge ventriculaire gauche en cas de régurgitation mitrale pour favoriser le flux antérograde. De telles lésions peuvent bénéficier de remplacement chirurgical en urgence. Une cardiomyopathie hypertrophique conduit à éviter les situations de variation brutale de postcharge ou de précharge qui favorisent l’obstruction dynamique intracavitaire. Le traitement pharmacologique est réalisé par bêtabloquants cardiosélectifs et/ou inhibiteurs calciques. La présence de trouble du rythme demande un traitement spécifique. Une bradycardie est traitée par atropine, isoprénaline si un bloc auriculo-ventriculaire (BAV) est observé, voire une stimulation provisoire. Une fibrillation atriale
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entraînant un OAP doit bénéficier d’un traitement visant à réduire la FC et à rétablir si possible un rythme sinusal. La réduction pharmacologique est faite par de l’amiodarone (de 5 à 7 mg/kg sur 30-60 min) ou réalisée par une cardioversion. Pour une fibrillation d’installation récente avec instabilité circulatoire, la réduction pharmacologique ou électrique peut être réalisée sans attendre le délai d’une décoagulation préalable.
Les œdèmes aigus pulmonaires lésionnels Les OAP d’origine lésionnelle représentent une affection initialement décrite dans les années 1960, dont la mortalité demeure encore actuellement très élevée, de l’ordre de 40 %. Leur définition recouvre deux entités caractérisées par l’intensité de l’altération des échanges gazeux : la lésion pulmonaire aiguë (acute lung injury – ALI), et le SDRA (acute respiratory distress syndrome – ARDS) (tableau II). Tableau II – Définition du SDRA. Début
PaO2/FIO2
Radiographie thoracique
Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO)
ALI
Brutal
< 300
Infiltrats bilatéraux
< 18 mmHg ou absence de signes cliniques évocateurs d’IVG
SDRA
Brutal
< 200
Infiltrats bilatéraux
< 18 mmHg ou absence de signes cliniques évocateurs d’IVG
PaO2/FIO2 : rapport de la pression partielle artérielle en oxygène et de la fraction inspirée en oxygène ; IVG : insuffisance ventriculaire gauche.
Physiopathologie Le terme lésionnel indique que le flux liquidien du compartiment vasculaire vers le tissu interstitiel et l’alvéole est la conséquence de l’augmentation de perméabilité de la membrane alvéolo-capillaire, et non l’effet d’une augmentation de pression hydrostatique de la microcirculation pulmonaire. Cette altération de perméabilité est due à une activation inflammatoire intense qui prend place dans les espaces alvéolaires et le tissu pulmonaire. Si le processus à l’origine de l’activation peut avoir une localisation pulmonaire ou extrapulmonaire, les conséquences sont communes. La fonction de barrière des cellules endothéliales et alvéolaires est altérée, il apparaît dans l’interstitium pulmonaire et l’espace alvéolaire un liquide riche en protéines, modifiant profondément la qualité des échanges gazeux. L’œdème lésionnel évolue schématiquement en trois phases, qui peuvent en pratique se superposer. La première est dite exsudative, elle correspond
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Réanimation et urgences
pendant la première semaine d’évolution au développement de l’inflammation, et à ses manifestations anatomo-pathologiques : œdème interstitiel et alvéolaire abondant, avec accumulation d’un matériel dense de membranes hyalines. Les cellules épithéliales alvéolaires sont lésées ainsi que les cellules endothéliales. À la phase suivante, appelée proliférative l’œdème diminue, les pneumocytes du type II prolifèrent, et un processus de fibrose s’installe. La troisième phase est la poursuite du processus de fibrose, avec remodelage fibreux constitué au cours de la troisième semaine d’évolution. La totalité de ce cycle évolutif n’est pas obligatoire, l’évolution pouvant parfaitement s’arrêter dès la première étape. L’envahissement alvéolaire par du liquide résultant de l’inflammation et de la lésion du tissu pulmonaire conduit à une diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle et de la compliance du système respiratoire. Les conséquences sont la constitution de zones non ventilées alors qu’elles restent perfusées réalisant une zone de shunt vrai. Ces zones sont directement responsables de l’hypoxie observée au cours du SDRA, hypoxie classiquement non corrigée par l’administration d’oxygène. Le recrutement en ventilation de ces zones pulmonaires nécessite l’administration de ventilation en pression positive, et le maintien d’une pression positive à l’expiration.
Les causes des SDRA Le SDRA est la conséquence pulmonaire d’un processus inflammatoire dont le point de départ peut être pulmonaire ou extrapulmonaire. Ainsi de nombreuses pathologies peuvent être à l’origine d’un SDRA, les infections en représentant la majeure partie. Le tableau III donne une indication de la diversité des pathologies pourvoyeuses de ce syndrome, il ne saurait représenter une liste exhaustive. Tableau III – Principales pathologies associées à un SDRA. Pathologies respiratoires Pneumopathies infectieuses Bactériennes (pneumocoque…) Virales Fongiques (aspergillose) Autres (pneumocystose) Inhalation Liquide gastrique (syndrome de Mendelson) Toxique Noyade Migrations emboliques pulmonaires Gazeuse Amniotique Embolie graisseuse Contusions pulmonaires Lymphangite carcinomateuse Etc.
Pathologies extrarespiratoires États de choc surtout septique Sepsis sévère Pathologies abdominales Pancréatite aiguë Péritonite Angiocholites Traumatisme majeur Brûlure étendue Atteintes hématologiques Transfusion massive Réaction de leucoagglutination Coagulation intravasculaire dissiminée (CIVD) Intoxication médicamenteuse Acide acétylsalicylique, héroïne, paraquat Etc.
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Les manifestations cliniques Indépendamment de l’affection à l’origine du SDRA, le tableau clinique est celui d’une détresse respiratoire aiguë : – polypnée (> 30/min), voire tachypnée chez un patient présentant des signes de lutte respiratoire (tirage, balancement thoraco-abdominal) ; – hypoxie non ou partiellement corrigée par l’oxygène ; – la radiographie met en évidence des opacités alvéolo-interstitielles diffuses et bilatérales ; – l’examen clinique permet d’éliminer par ailleurs une IVG.
Les examens complémentaires La gazométrie artérielle précisera le degré d’hypoxémie, les autres examens auront pour rôle de déterminer la pathologie en cause dans le déclenchement de ce SDRA.
Les principes du traitement du SDRA À coté du traitement de la cause déclenchante du SDRA, le traitement est celui de la détresse respiratoire : – administration d’oxygène au masque à haut débit qui est en général peu efficace ; – ventilation mécanique en pression positive. La VNI est source d’échec fréquent, une intubation orotrachéale est en général nécessaire. Les caractéristiques de cette ventilation associent : • un volume courant modéré pour éviter un barotraumatisme source d’aggravation de la lésion pulmonaire, en général voisin de 6 ml/kg de points prédits, provoquant une pression de ventilation plateau inférieure à 30 cm H2O, • une pression expiratoire positive permettant un recrutement ventilatoire des alvéoles, • une FIO2 la plus basse possible avec un objectif de saturation voisin de 92 %. – les autres traitements des SDRA graves ont pour but d’améliorer les rapports ventilation-perfusion. Ils peuvent transitoirement améliorer une hypoxémie, mais ils n’ont pas démontré d’efficacité en termes de suivi de ces patients : pratique du décubitus ventral, administration de monoxyde d’azote (NO), ou d’almitrine. – L’oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO) veino-veineuse est une technique invasive pratiquée dans des centres spécialisés et qui est en train de trouver sa place dans les formes graves.
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Insuffisances respiratoires aiguës hypercapniques Définition L’insuffisance respiratoire aiguë est définie comme l’impossibilité, pour un individu donné, de maintenir une hématose normale (apport en oxygène et élimination du dioxyde carbonique), en rapport avec ses besoins métaboliques, sans mettre en jeu des mécanismes de compensation. Elle est dite hypercapnique quand l’analyse de la gazométrie artérielle montre une élévation de la PaCO2 au-dessus des valeurs physiologiques (42 mmHg). Il existe schématiquement deux contextes physiopathologiques pouvant aboutir à une insuffisance respiratoire hypercapnique : – une défaillance primitive de la fonction pompe (maladie neurologique ou neuromusculaire) par atteinte centrale ou périphérique des centres de commande, de régulation ou des voies de conduction sans atteinte pulmonaire initiale directe. – une défaillance secondaire ou relative de la fonction ventilatoire par inadéquation de la fonction respiratoire aux besoins métaboliques. Ce déséquilibre est dû soit à une augmentation des besoins métaboliques (effort, agression, infection, embolie pulmonaire…), soit à une altération de la mécanique ventilatoire. Dans ce dernier contexte, les principales causes d’insuffisance respiratoire hypercapnique sont l’asthme (et surtout la crise d’asthme aigu grave) et la BPCO notamment lors de décompensations (tableau IV). Tableau IV – Principales étiologies d’une insuffisance respiratoire hypercapnique. Pathologies neurologiques centrales
Coma métabolique (diabétique, hépatique, urémique, hypothyroïdie…) Atteinte cérébrale (AVC ischémique ou hémorragique, hypertension intracrânienne – HTIC, œdème cérébral, traumatisme crânien…) Coma toxique (alcoolique, médicamenteux, accidentel…)
Pathologies neurologiques périphériques
Traumatique Toxique Auto-immune (sclérose latérale amyotrophique, atrophies musculaires spinales, dégénérescence médullaire, sclérose en plaque…) Infectieuse (maladie de Lyme…) Inflammatoire (poly-radiculo-névrite de Guillain-Barré…) Héréditaire ou génétique Paralysie diaphragmatique
Pathologies neuromusculaires
Génétique (dystrophie musculaire de Duchenne et autres dystrophies musculaires, myopathies…) Infectieuses Inflammatoire (myasthénie, polymyosite…)
Pathologies respiratoires
Pathologies restrictives
Malformatives (cyphoscoliose, myopathie…) Infectieuses (tuberculose, aspergillose…) Traumatiques (pneumothorax, fracture costale, volet costal…) Mécaniques (épanchement pleural, hémothorax, tumoral (cancer, hamartome…), emphysème, hyperpression intraabdominale, obésité, bronchectasies) Séquellaires (pneumothorax, traumatisme, chirurgie, radiothérapie, infection…) Intrinsèques (fibrose, sarcoïdose…)
Pathologies obstructives
Asthme Bronchospasme et hyperréactivité bronchique BPCO Bronchectasies, emphysème, mucoviscidose laryngo-trachéo-broncho-malacie
226, 227
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Physiopathologie
L’asthme et la BPCO en étant les principales causes, les phénomènes physiopathologiques les plus fréquents pouvant conduire à une situation d’insuffisance respiratoire hypercapnique sont en relation avec l’obstruction bronchique. Cette obstruction conduit à une altération des propriétés mécaniques et physiologiques de la bronche et du parenchyme adjacent, et des muscles respiratoires. La réduction des débits dans les voies aériennes explique la plupart des signes cliniques, et des complications. En effet, l’obstruction bronchique empêche le patient d’expirer la totalité du volume de gaz inspiré, aboutissant à une augmentation du volume résiduel. Le volume non expiré est alors séquestré, conduisant à une distension progressive du poumon, appelée également hyperinflation dynamique. Il est responsable de nombreux signes cliniques : – une expiration active : l’augmentation des résistances des voies aériennes et notamment le frein expiratoire nécessitent un effort musculaire pour chasser l’air des poumons. Le relâchement de ces muscles en inspiration et leur contraction en expiration contribuent au balancement thoraco-abdominal ; – une horizontalisation des côtes, constatation clinique et radiologique ; – un abaissement et un aplatissement du diaphragme. Il en résulte une perte d’efficacité du diaphragme, la contraction diaphragmatique ne jouant plus son effet pompe, mais conduisant au contraire à un retrécissement basithoracique (signe de Hoover) ; – une hypoventilation alvéolaire par limitation des volumes mobilisés lors de chaque cycle respiratoire en raison d’une part de l’hyperinflation dynamique et d’autre part de la fatigue des muscles respiratoires ; – une mise en jeu de muscles respiratoires accessoires : en raison de la moindre efficacité du diaphragme, d’autres muscles respiratoires doivent être mobilisés
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Réanimation et urgences
tels que les muscles sterno-cléido-mastoïdiens, scalènes, ou intercostaux. Ils se contractent de manière visible en inspiration marquée par une exacerbation du creux sus-claviculaire.
Diagnostic Le diagnostic d’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique est en général aisé et clinique. Si les manifestations liées à l’hypoxie ou à l’hypercapnie sont aisément reconnaissables, les signes cliniques et paracliniques de gravité sont à rechercher, car leur présence impose une intervention thérapeutique précoce et adaptée, avec un recours éventuel à une médecine intensive. La deuxième étape est de déterminer une cause éventuelle à la décompensation.
Signes cliniques Signes respiratoires Ils sont les témoins de la détresse respiratoire et sont dominés par : – la polypnée et la tachypnée (fréquence respiratoire > 25/min) ; – la cyanose (signe peu fiable en raison de multiples facteurs confondants et relativement tardif, ne s’observant que pour des PaO2 basses inférieures à 50 mmHg ou des SaO2 inférieures à 80 %) et les sueurs ; – le tirage, la mise en jeu de muscles respiratoires accessoires, la contraction des sterno-cléido-mastoïdiens et des muscles abdominaux ; – le balancement thoraco-abdominal, la respiration paradoxale ; – la distension thoracique avec thorax globuleux, horizontalisation des côtes et la ventilation à haut volume (signes de l’hyperinflation pulmonaire) ; – le pincement expiratoire des lèvres agissant comme une PEEP (positive end expiratory pressure (pression expiratoire positive- PEP) externe ; – le signe de Hoover ; – la diminution du murmure vésiculaire ; – les râles sibilants +++ et/ou ronchi ; – la toux et les expectorations plus ou moins abondantes et plus ou moins purulentes ; – l’encombrement bronchique. Signes cardiovasculaires Ils reflètent les conséquences circulatoires de l’atteinte pulmonaire : – tachycardie entre 100 et 120 bpm, voire plus ; – hypertension artérielle, notamment systolique ; – bruit de galop droit à l’auscultation associé parfois à un souffle d’insuffisance tricuspidienne (foyer xiphoïdien) témoignant d’une insuffisance, voire d’une défaillance ventriculaire droite liée à l’augmentation de postcharge par hypertension artérielle pulmonaire et augmentation des pressions intrathoraciques ;
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– signes d’insuffisance ventriculaire droite associant turgescence jugulaire, hépatomégalie douloureuse, reflux hépatojugulaire, voire œdème des membres inférieurs en cas de défaillance persistante. Signes neurologiques Ils sont la conséquence neurologique de l’hypercapnie et de l’hypoxie : – encéphalopathie hypercapnique avec troubles des fonctions supérieures alternant euphorie, confusion, agitation ou somnolence pouvant aller jusqu’au coma hypercapnique calme, sans signes de lutte, majorant l’hypoventilation et pouvant aboutir aux gasps puis au décès par hypoxémie ; – plus rarement, mouvements anormaux ataxiques avec chutes brutales du tonus musculaire, encore appelés astérixis ou flapping tremor, myoclonies, voire convulsions. Le reste de l’examen clinique doit s’attacher à rechercher : – des signes associés de mauvaise tolérance (en grande partie liés à l’hypoxie) tels qu’ischémie myocardique, ischémie digestive, souffrance cérébrale… – des éléments en faveur d’une étiologie probable : infection pulmonaire ou autre (érysipèle, endocardite, diarrhée…), thrombose veineuse profonde, insuffisance coronaire, hyperpression intra-abdominale (occlusion, colectasie…) déshydratation, allergie favorisant le bronchospasme (pollen, atopie…), exposition à des toxiques et à des irritants des voies aériennes, modification du traitement et observance du traitement de fond… – les traitements pris par le patient (tolérance, efficacité, observance, modifications…) ; – l’histoire de la maladie (nombre de décompensations, nombre d’hospitalisations et de passages en réanimation, suivi) permettant d’évaluer la gravité et l’évolutivité de la maladie. L’évolution récente permet d’envisager le mode de décompensation et d’éventuels facteurs étiologiques.
Éléments paracliniques Les examens paracliniques complémentaires, s’ils confirment le diagnostic souvent fait simplement de manière clinique, ont surtout un intérêt pour évaluer la gravité, et notamment les critères d’hospitalisation ou de réanimation, rechercher d’éventuelles complications et faire un bilan étiologique. Les principaux examens complémentaires utiles dans ce contexte sont : – la gazométrie artérielle : un pH acide inférieur à 7,35 affirme la décompensation, associé à une hypercapnie, PaCO2 supérieure à 45 mmHg et surtout supérieure aux valeurs de base du patient BPCO en état stable. L’hypoxie, quand elle est sévère (< 45 mmHg), peut menacer le pronostic vital à court terme. Elle est le témoin de l’importance de l’hypoventilation alvéolaire et de l’atteinte du parenchyme pulmonaire sous-jacent. Le taux de bicarbonate est souvent élevé (> 30 mmol/l), signant la chronicité de l’atteinte et la compensation rénale et métabolique à l’acidose respiratoire chronique ;
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Réanimation et urgences
– la radiographie thoracique : elle est un élément de l’enquête étiologique. Elle montre les stigmates de l’insuffisance respiratoire obstructive avec la distension thoracique, l’horizontalisation des côtes, un aplatissement du diaphragme, une cardiomégalie, des hiles volumineux et des artères pulmonaires dilatées, une raréfaction de la trame vasculaire, et des bulles d’emphysème. Il est possible de retrouver des signes en faveur de l’étiologie de l’insuffisance respiratoire chronique (cyphoscoliose, pachypleurite, séquelles de tuberculose…). La radiographie thoracique permet également de rechercher d’éventuelles étiologies à la décompensation telles que : pneumopathie, pneumothorax, épanchement pleural, embolie pulmonaire, œdème pulmonaire interstitiel cardiogénique… – l’ECG est également systématique, il montre un aspect de cœur pulmonaire chronique et dans un quart des cas une FA. Il permet également de rechercher des facteurs étiologiques tels qu’une ischémie myocardique ou un syndrome coronarien aigu, une embolie pulmonaire ou un trouble du rythme comme une tachycardie supraventriculaire ; – le bilan biologique inclut au moins une numération globulaire à la recherche de stigmates d’infection (polynucléose) ou d’une anémie aiguë mal tolérée, un ionogramme sanguin avec urémie et créatininémie à la recherche d’une IRA ou de troubles ioniques notamment de la kaliémie et de la phosphorémie dont les taux sont dépendants du pH et de la ventilation. Une élévation des transaminases et une baisse du taux de prothrombine (TP) sont en faveur d’un foie cardiaque. La troponinémie doit également faire partie du bilan et doit être contrôlée à 4 ou à 6 heures pour s’assurer de sa négativité. Le dosage du NTproBNP, facultatif, aide à distinguer la part cardiaque de la part respiratoire de la dyspnée. Le dosage de la C-reative protein (CRP) guide vers une étiologie infectieuse. En cas de fièvre, de frissons ou de marbrures, des hémocultures sont prélevées. Le reste du bilan infectieux sera guidé par la clinique (sérologies virales, examen bactériologique des crachats ou des urines, lavage bronchopulmonaire LBA…) ; – Le débit expiratoire de pointe (DEP) ou peak flow est un élément important du diagnostic de gravité chez l’asthmatique, à condition que ce dernier ait l’habitude de l’utiliser et que les valeurs soient fiables et représentatives du niveau d’obstruction bronchique. Là encore, les valeurs de référence sont importantes à connaître pour chaque patient.
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Signes de gravité Ils sont différents pour la BPCO et l’asthme. Asthme La gravité d’une crise d’asthme se juge sur quatre éléments principaux : – la sévérité de la maladie asthmatique. Elle s’apprécie sur l’évolutivité de la maladie asthmatique au cours des 12 derniers mois (fréquence des crises, gène nocturne, thérapeutiques nécessaires pour stabiliser la maladie asthmatique). La notion d’un asthme persistant sévère doit être considérée comme un signe de gravité pour toute apparition d’une nouvelle crise aiguë ; – l’instabilité récente de la maladie asthmatique. La survenue de crises répétitives plus ou moins rapprochées, plus ou moins graves mais se répétant malgré l’intensification du traitement, doit être considéré comme un signe de gravité et de majoration de l’inflammation bronchique ; – le profil du patient asthmatique : La crise semble être d’autant plus à risque que le patient a déjà été hospitalisé en urgence dans les deux dernières années et a fortiori si cette hospitalisation était en réanimation et s’il y a eu recours à une ventilation artificielle. De même, la gravité est plus élevée chez un patient jeune, instable sur le plan psychologique, prenant son traitement de façon anarchique, qui vit dans des conditions socio économiques mauvaises, fume et présente une intolérance à l’aspirine et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). De grandes variations de DEP au cours de la journée sont également un facteur de risque ; – enfin, la gravité de la crise elle-même. Les signes cliniques de gravité sont à rechercher devant toute crise d’asthme dès sa prise en charge et de façon répétée dans le temps au cours de son évolution, parallèlement à la prise en charge thérapeutique (tableau V). 254 BPCO La gravité d’une décompensation de BPCO dépend de : – la gravité de la maladie sous-jacente et du degré d’insuffisance respiratoire du patient (oxygénothérapie au long cours, VNI à domicile, nombre de décompensations dans l’année précédente, nombre d’hospitalisations) ; – la réserve respiratoire du patient (capnie de base, hypoxie associée) ; – le terrain (insuffisance cardiaque notamment cardiaque droite ou coronaropathie, diabète, insuffisance rénale limitant la capacité de compensation rénale, surcharge hydro sodée, obésité… ; – l’efficacité des traitements mis en œuvre ; – la cause de la décompensation (infection pulmonaire, embolie pulmonaire).
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Les signes de gravité sont importants à rechercher puisque leur présence guide la stratégie de ventilation qui sera invasive ou non invasive (tableau V). Tableau V – Critères de gravité. Asthme
BPCO
• Polypnée, FR > 30/min • Dyspnée anormale, plus intense que d’habitude • Difficultés voir impossibilité de parler ou de tousser • Tirage inspiratoire et expiratoire (sternocléido-mastoïdiens) • Orthopnée • Sibilants intenses • Silence auscultatoire • DEP ou peak flow < 150 l/min ou < 30 % de la valeur théorique chez l’adulte • Tachycardie avec FC > 120 bpm • Pouls paradoxal > 18 mmHg • Cyanose et/ou sueur • Agitation et/ou délire • Gazométrie montrant une hypoxémie avec PaO2 < 65 mmHg et surtout une normo, voire pire une hypercapnie, signe d’épuisement majeur et d’hypoventilation alvéolaire malgré la polypnée
• Critères majeurs o Arrêt respiratoire o Pause respiratoire avec troubles de conscience ou gasps o Agitation, troubles de vigilance, obnubilation o Bradycardie FC < 50 BPM o Collapsus tensionnel ou choc, TAS < 70 mmHg • Critères mineurs o Majoration de l’encéphalopathie o pH < 7,30 et diminution du pH par rapport au pH d’admission o Augmentation de la PaCO2 par rapport au chiffre d’entrée d’au moins 1 kPa, en dépit du traitement et/ou de la VNI o Hypoxie avec PaO2 < 50 mmHg sous oxygénothérapie o Polypnée et dyspnée majorée avec FR > 35/min
Étiologies des décompensations Au cours du temps, les causes de décompensations des BPCO et de l’asthme ont évolué. La part étiologique des infections bactériennes semble diminuer, la part de l’environnement et des allergies, quant à elle, augmente. Les causes de décompensation sont en partie superposables entre asthme et BPCO et, dans un cas comme dans l’autre, aucune étiologie particulière n’est retrouvée dans environ 30 % de ces situations cliniques. Les étiologies les plus fréquemment retrouvées sont : • la surinfection bronchique bactérienne ou virale, la majoration de l’encombrement avec difficulté à expectorer (entraînant une charge de travail respiratoire supplémentaire et une fatigue musculaire) ; • la pneumonie bactérienne (germes typiques ou atypiques) ou virale ; • l’infection ou l’affection extrarespiratoire ; • la variation des conditions climatiques ; • la majoration de la pollution atmosphérique ; • l’exposition à un allergène, à un toxique ou à un irritant (majoration de l’inflammation des voies aériennes et du bronchospasme) ;
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• l’insuffisance cardiaque gauche avec œdème pulmonaire cardiogénique, surcharge vasculaire pulmonaire responsable d’un asthme cardiaque, d’un bronchospasme associé ; • l’embolie pulmonaire ; • le pneumothorax ; • les médicaments (anxiolytiques, diurétiques, antitussifs) ; • l’oxygénothérapie excessive ; • l’aggravation d’un syndrome d’apnée du sommeil ; • la période postopératoire. Un grand nombre de ces facteurs étiologiques sont évitables et peuvent faire l’objet de mesures de prévention.
Prise en charge thérapeutique Asthme Le traitement d’urgence repose essentiellement sur trois principes : – la bronchodilatation, comme traitement immédiat du bronchospasme ; – la corticothérapie, traitement étiologique de la maladie asthmatique, c’està-dire de l’inflammation et de ses conséquences ; – l’oxygénation et/ou la ventilation mécanique en cas de détresse respiratoire. Bronchodilatation : – bêta 2-mimétiques d’action immédiate : ils représentent dans tous les cas le traitement d’urgence de première intention. En effet, ce sont les bronchodilatateurs les plus rapides, les plus puissants et ceux dont la marge thérapeutique est la plus large. Ils peuvent être administrés sous différentes formes : o spray doseur de salbutamol (Ventoline® : 100 μg/bouffée) ou de terbutaline (Bricanyl® : 250 μg/bouffée) avec chambre d’inhalation : 2 bouffées simultanées, jusqu’à 4 fois à 1 minute d’intervalle (8 bouffées). Cette séquence peut être répétée 3 fois dans la première heure. Il s’agit de la méthode la plus facile, la plus rapide et son efficacité est équivalente à la nébulisation, mais n’est pas adaptée au petit enfant, o voie sous-cutanée : une ampoule (de 1 ml = 0,5 mg) de salbutamol ou de terbutaline (chez l’enfant de 7 à 10 μg/kg ou de 0,15 à 0,2 ml/kg). Efficace en moins de 5 minutes, cette voie est aisée, rapide et ne nécessite pas de coopération du patient, o nébulisation par masque : un aérosol (propulsion au mieux par ultrasons ou par air) de 5 mg de salbutamol ou de terbutaline en 10-15 minutes, éventuellement répété 3 fois au cours de la première heure (chez l’enfant, salbutamol 0,5 % : 0,03 ml/kg, soit au minimum 0,3 ml et au maximum 1 ml ; terbutaline : de 1 à 2 gouttes/kg, soit au minimum 8 gouttes et au maximum 1 dosette),
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o perfusion veineuse continue : salbutamol 1 mg/h initialement chez l’adulte puis augmentation de 0,5 à 1 mg/h toutes les 5 minutes pour obtenir une efficacité clinique, sans dépasser 8-12 mg/h (augmentation des effets indésirables audelà). Chez l’enfant, la dose sera adaptée au poids. Cette voie d’administration ne doit être utilisée que devant l’échec des méthodes d’inhalation ou en cas de ventilation mécanique ne permettant pas la nébulisation ; – anti-cholinergiques : ipratropium (Atrovent®) en spray (8 bouffées répétées 2 fois la première heure) ou en nébulisation (0,5 mg en 10-15 minutes répété 2 fois dans la première heure). Efficaces seuls, les anticholinergiques ont une action synergique avec les bêta 2-mimétiques et sont un traitement bronchodilatateur d’appoint dans les crises d’asthme graves chez l’adulte comme chez l’enfant ; – Adrénaline : bêta 2-mimétique non spécifique avec effet alpha. L’adrénaline peut être administrée en aérosols ou en perfusion intraveineuse continue, particulièrement adaptée en cas de collapsus, en raison de ses effets hémodynamiques puissants. Posologie : 0,5 mg/h en perfusion veineuse continue de préférence sur un cathéter central, chez l’adulte. Corticothérapie : Le délai d’action des corticoïdes étant long (de l’ordre de 4 à 6 heures avec un début d’efficacité dès la deuxième heure), leur administration doit être précoce au cours de la prise en charge, en pratique dès que le traitement bronchodilatateur est installé. Les corticoïdes inhalés n’ont jusqu’à preuve du contraire aucune place en période d’asthme aigu. En crise, l’administration des corticoïdes systémiques se fait par voie orale ou parentérale selon les possibilités, l’efficacité et le délai d’action étant équivalents. Posologies : – hémisuccinate d’hydrocortisone =de 50 à 100 mg IVL toutes les 6 heures ou équivalent per os en une seule prise (des doses plus importantes n’ont pas fait la preuve d’une efficacité supérieure) ; – méthyl prednisolone IV = 2 mg/kg en dose de charge puis 0,5 mg/kg/6 h. Le relais par voie orale sera débuté dès que possible et poursuivi pendant de 8 à 10 jours : prednisone = 20 à 40 mg/j, suivi d’un arrêt brutal (chez l’enfant : 2 mg/kg pendant 3 jours). Un traitement par corticoïdes inhalés, initié dès le troisième jour, en traitement de fond de la maladie asthmatique, sera poursuivi au long cours. Oxygénothérapie : Elle s’impose le plus rapidement possible, à un débit suffisant pour obtenir une SpO2 supérieure à 94-95 %, l’hypoxie étant dans ce cas délétère. En pratique, les débits d’oxygène sont de l’ordre de 4 à 6 l/min au masque à haute concentration.
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BPCO Le but de la prise en charge d’une décompensation aiguë de BPCO est double : – réduire le travail ventilatoire en réduisant le bronchospasme et l’hyperinflation dynamique et en diminuant la charge métabolique, d’où l’intérêt de l’oxygénothérapie maîtrisée et des bronchodilatateurs ; – préserver le capital musculaire et soutenir le travail des muscles respiratoires comme le diaphragme par la ventilation artificielle, non invasive dans un premier temps. Oxygénothérapie : Modérée et adaptée au patient pour obtenir une SpO2 entre 89 et 92 %, l’oxygénothérapie est l’un des piliers du traitement d’une insuffisance respiratoire même hypercapnique. En effet, elle permet de réduire les conséquences et les risques liés à l’hypoxémie (ischémie myocardique, digestive, dysfonction musculaire, souffrance cérébrale) et à l’hypoventilation. Support ventilatoire : Il permet de compenser la défaillance des muscles respiratoires, de réduire le travail respiratoire et de corriger l’hypoventilation alvéolaire. Le support ventilatoire ayant fait ses preuves en termes d’efficacité est la VNI. Elle offre un réel bénéfice en termes de réduction de la mortalité en réanimation et à l’hôpital, de réduction de la durée de séjour hospitalier et de réduction de morbidité hospitalière. Il est désormais recommandé que tout patient présentant une décompensation aiguë de BPCO puisse bénéficier d’une assistance respiratoire par VNI lors de sa prise en charge initiale. Cette assistance respiratoire se fait par l’intermédiaire d’une interface (en général un masque naso-buccal ou facial) et utilise un mode ventilatoire en pression (aide inspiratoire). Un niveau d’aide élevé réduit d’autant le travail respiratoire et une pression expiratoire positive (PEP) améliore la mécanique ventilatoire. L’efficacité clinique et gazométrique de la VNI doit être impérativement réévaluée régulièrement dès la première ou la deuxième heure de prise en charge. En cas d’échec de prise en charge non invasive ou en cas d’extrême gravité, les recours à l’intubation et à la ventilation mécanique invasive sont nécessaires. Bronchodilatateurs : Par voie inhalée, les bronchodilatateurs permettent, en phase aiguë, une diminution du bronchospasme et donc une meilleure dynamique ventilatoire, une expiration plus complète avec une réduction de l’hyperinflation dynamique, une meilleure conformation thoracique et diaphragmatique, une augmentation de la performance diaphragmatique et donc une diminution du travail respiratoire et de la fatigue des muscles respiratoires. En pratique, l’utilisation de bronchodilatateurs d’action courte en aérosols ou nébulisation doit être systématique. L’air doit être le vecteur des aérosols. Les bêta 2-mimétiques sont aussi efficaces que les atropiniques, mais l’association des deux classes thérapeutiques offre un bénéfice sur les débits expiratoires.
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Kinésithérapie respiratoire : L’aide au désencombrement, au drainage bronchique et à l’expectoration fait partie, avec l’aide au flux expiratoire, de la prise en charge globale du patient en phase aiguë. La réhabilitation et la réadaptation à l’effort constituent une part importante de la prise en charge du patient en insuffisance respiratoire à l’état stable. Antibiothérapie : Probabiliste et précoce, adaptée à la flore colonisant habituellement les voies aériennes des patients bronchopathes chroniques (Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, Branhamella catarrhalis, Pseudomonas aeruginosa ou bacilles à Gram négatif), l’antibiothérapie est recommandée dans les décompensations ou les exacerbations de BPCO. En effet, près de 50 % des décompensations sont liées à un problème infectieux. La part des infections virales croît, mais ne doit pas retarder pour autant la mise en route de l’antibiothérapie. Corticothérapie : Les corticoïdes ne doivent pas être administrés de manière systématique en cas de décompensation de BPCO. Ils peuvent être administrés par voie systémique lorsqu’il existe une composante spastique importante ou quand la réversibilité du trouble ventilatoire obstructif est documentée. Thérapeutiques associées : – prévention de la maladie thromboembolique veineuse : systématique, dès que possible, en l’absence de contre-indication ; – correction des troubles hydro-électrolytiques (hyperkaliémie, hypophosphorémie) ; – bilan et évaluation nutritionnels : ils permettent une prise en charge nutritionnelle adaptée visant principalement à éviter la diminution de la masse musculaire du patient ; – autres thérapeutiques : les fluidifiants des sécrétions bronchiques n’ont pas leur place dans la prise en charge des patients en décompensation de BPCO. De même, la place de l’almitrine, du NO inhalé ou encore de la théophylline n’est pas claire et ces molécules, dont certains effets indésirables sont redoutables, ne sont pas recommandées en première intention. Traitement étiologique : Traitement d’une embolie pulmonaire, d’un sepsis, d’une défaillance cardiaque ou d’un syndrome coronarien aigu. Traitement prophylactique et préventif : La prévention de la décompensation respiratoire fait partie intégrante de la prise en charge et revêt même un caractère primordial : arrêt du tabac, règles hygiéno-diététiques, prévention ou traitement de l’obésité, réhabilitation et entraînement à l’effort, mais également appareillage d’un syndrome d’apnée du
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sommeil, assistance ventilatoire à domicile et oxygénothérapie longue durée. Les vaccinations antigrippale, antipneumococcique ou antihaemophilus font également partie des mesures préventives indispensables recommandées.
Conclusion L’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique est une urgence thérapeutique. Elle est la conséquence d’une hypoventilation alvéolaire, c’est-à-dire d’une défaillance de la fonction ventilatoire du poumon. Les étiologies sont nombreuses, mais la plus fréquente est la décompensation de BPCO.
Pneumopathies communautaires graves 86 Les pneumopathies sont des atteintes infectieuses sévères des bronches, des alvéoles et/ou de l’interstitium. Les pneumopathies communautaires sont acquises en milieu extra-hospitalier, elles représentent l’une des principales pathologies infectieuses en termes de fréquence et la sixième cause de décès toutes causes confondues. L’incidence est estimée entre 400 000 et 600 000 cas par an en France. La mortalité des pneumopathies non graves est faible (< 1 %) mais s’élève à 40 % pour les pneumopathies graves prises en charge en réanimation dont 60 % d’entre elles nécessitent une ventilation mécanique.
Terrain Les patients présentant une BPCO sont particulièrement à risque de présenter une pneumopathie. Ces atteintes sont par ailleurs le plus fréquemment retrouvées chez des patients âgés, diabétiques, présentant une intoxication tabagique ou alcoolique, ayant eu une splénectomie ou présentant un déficit immunitaire.
Microbiologie Les broncho-pneumopathies sont le plus souvent virales, mais l’infection bactérienne doit toujours être recherchée. L’étiologie microbiologique n’est établie que dans 60 % des cas. Le pneumocoque doit toujours être suspecté du fait de sa fréquence et de sa gravité. La légionellose doit être évoquée sur un terrain débilité. Cocci à Gram positif : Streptococcus pneumoniae (33 %), Staphylococcus sp. (10 %).
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Bacilles à Gram négatif (26 %) : Haemophilus influenzae (9 %), Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa, Moraxella catharrhalis… Germes atypiques (intracellulaires) : Mycoplasma pneumoniae (3 %), Chlamydiae sp. (2 %), Coxiella burnetti, Legionella pneumophila (9 %).
Diagnostic Clinique Symptômes septiques : hyperthermie, tachycardie, sueurs, myalgies, confusion, troubles de la vigilance… Symptômes respiratoires : toux, expectoration, dyspnée, douleur thoracique, augmentation du murmure vésiculaire, présence de crépitants et/ou de sibilants en foyer ou diffus, souffle tubaire.
Biologique Syndrome inflammatoire, non spécifique : NFP (hyperleucocytose), VS (vitesse de sédimentation), CRP. Une élévation de la procalcitonine est en faveur d’une origine bactérienne. Gaz du sang artériels (hypoxémie, acidose). Ionogramme sanguin (dysnatrémie, dysfonction rénale), bilan hépatique (cytolyse).
Microbiologique Hémocultures (positives dans 30 % des cas de pneumopathie à pneumocoque). L’examen cytobactériologique des crachats n’est pas spécifique, puisque les germes oropharyngés y sont isolés. Le lavage broncho-alvéolaire et le prélèvement distal protégé nécessitent une fibroscopie bronchique, mais sont plus spécifiques. L’antigénurie légionelle n’est positive qu’avec les sérogroupes I, l’antigénurie pneumocoque n’est que peu informative, car le portage sain est possible. Sérologie légionelle, mycoplasme ou Coxiella. La réalisation d’explorations microbiologiques n’est réalisée qu’en cas de critères de gravité ou en cas d’évolution non favorable après 48 heures de traitement.
Radiologique Radiographie pulmonaire : en présence d’un syndrome infectieux, elle permet d’établir le diagnostic. Elle est caractérisée par la présence d’opacités parenchymateuses d’étendues variables, avec un syndrome alvéolaire, le plus souvent
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systématisé (pneumopathie franche lobaire aiguë), ou un syndrome interstitiel, le plus souvent diffus (figs. 4 et 5). Un épanchement pleural peut être associé. Il existe un retard d’apparition des signes radiologiques par rapport à la clinique. Une radiographie normale en début d’évolution de la pathologie ne doit donc pas faire éliminer le diagnostic.
Fig. 4 – Syndrome alvéolaire systématisé à la radiographie pulmonaire de face, témoin d’une pneumonie franche lobaire aiguë.
Fig. 5 – Pneumopathie interstitielle droite à la radiographie pulmonaire de face.
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Scanner thoracique : examen plus sensible et spécifique que la radiographie. Il trouve plus particulièrement sa place dans le cadre des diagnostics difficiles ou d’évolution non favorable après 48 heures de traitement.
Orientation diagnostique Certains éléments cliniques et biologiques sont plus souvent retrouvés dans certaines étiologies, mais ils n’en sont pas spécifiques. Classiquement : – un début brutal avec frissons, une fièvre élevée, une douleur basi-thoracique, un syndrome alvéolaire systématisé sont en faveur d’une pneumopathie à pneumocoque (pneumonie franche lobaire aiguë) ; – un début insidieux d’aggravation progressive, une dissociation poulstempérature et un syndrome interstitiel sont en faveur d’une pneumopathie à germes atypiques ; – une atteinte non systématisée rapidement extensive, des symptômes digestifs, une cytolyse hépatique, une élévation des créatines-phosphokinases (CPK), une hyponatrémie, une créatininémie élevée sont en faveur d’une légionellose.
Gravité L’évaluation de la gravité de la pneumopathie va déterminer le lieu de prise en charge. Ainsi, l’existence de critères de gravité nécessite une prise en charge en réanimation. La gravité est essentiellement déterminée par la conjonction du terrain et des signes cliniques. Elle est au mieux appréciée par le calcul de scores (score de Fine ou pneumonia severity index, le CRB65, les règles de la British Thoracic Society – BTS et celles de l’American Thoracic Society – ATS). Terrain : BPCO, âge ≥ 65 ans, comorbidités (diabète, alcoolisme…), déficit immunitaire. Critères cliniques : polypnée ≥ 30/min, cyanose, hypotension artérielle PAS ≤ 90 mmHg ou PAM ≤ 65 mmHg, tachycardie ≥ 130 bpm, marbrures, troubles de conscience, oligurie (diurèse horaire < 20 ml · h -1). Critères biologiques : PaO2/FiO2 ≤ 250, PaO2 < 60 mmHg, pH < 7,2, hyperleucocytose > 30 000/mm3 ou neutropénie < 3 000/mm3, créatininémie > 250 μmol/l. Critères radiologiques : pneumopathie bilatérale ou intéressant plusieurs lobes ou majoration des opacités d’au moins 50 % en 48 heures. Germe en cause : pneumocoque, Pseudomonas aeruginosa, Legionella. Scores de gravité : – score de Fine : il regroupe de nombreux critères cliniques et biologiques de gravité. La somme de ces signes permet d’établir le score et d’orienter le lieu de prise en charge (hospitalière si > 70, en réanimation si > 130) (tableau VI).
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Tableau VI – Score de Fine. Points Facteurs démographiques Âge hommes Âge femmes Vie en institution
Âge en années Âge – 10 + 10
Comorbidités Maladie néoplasique Maladie hépatique Insuffisance cardiaque congestive Maladie cérébro-vasculaire Maladie rénale
+ 30 + 20 + 10 + 10 + 10
Données de l’examen physique Atteinte des fonctions supérieures Fréquence respiratoire > 30/min TA systolique < 90 mmHg T° < 36 °C ou > 40 °C Fréquence cardiaque = 125/min
+ 20 + 20 + 20 + 15 + 10
Données radiologiques et biologiques pH artériel < 7,35 Urée = 11 mmol/l Na < 130 mmol/l Hématocrite < 30 % PaO2 < 60 mmHg Épanchement pleural
+ 30 + 20 + 20 + 10 + 10 + 10
– scores de la BTS et CRB 65 : plus simples, ils reposent sur la recherche de 4 à 5 critères (âge, confusion, polypnée, hypotension, ± urée). – score de l’ATS : il distingue trois critères mineurs (FR ≥ 30/min, atteinte plurilobaire, PaO2/FiO2 ≤ 250) et deux majeurs (nécessité d’une ventilation mécanique, choc septique). La présence de deux critères mineurs ou d’un majeur détermine une prise en charge en réanimation. Orientation du patient pour la prise en charge La prise en charge peut être faite en ambulatoire lorsqu’il n’existe aucun critère de gravité. En cas de présence de critère clinique ou biologique de gravité, l’hospitalisation est nécessaire. Le recours aux scores de gravité facilite la décision d’orientation du patient (fig. 6). L’échec d’un traitement empirique nécessite également une prise en charge hospitalière.
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PAC
Altérations constantes vitales
Comorbidité NON
Âge NON
OUI OUI
> 50 ans
< 50 ans
Score de Fine > 70 HOSPITALISATION
< 70 AMBULATOIRE
Score de Fine et ATS
RÉANIMATION
Fig. 6 – Arbre décisionnel du lieu de prise en charge des pneumopathies communautaires (d’après la conférence de consensus de 2006). PAC : ponta aorto-coronaire.
Traitement Le traitement repose avant tout sur l’antibiothérapie. Les pneumopathies graves nécessitent en outre une prise en charge respiratoire et circulatoire.
Antibiothérapie Elle est empirique, secondairement adaptée aux prélèvements bactériologiques lorsqu’ils sont contributifs (50 % des cas). À débuter le plus précocement possible (< 4 h) . En l’absence de critères de gravité : – en l’absence de facteur de comorbidité : amoxicilline 1 g x 3/j PO/IV ou pristinamycine 1 g x 3/j PO ou télithromycine 800 mg/j PO ; – en présence de facteur(s) de comorbidité ou patient âgé : amoxicilline + acide clavulanique 1 x 3/j PO/IV ou ceftriaxone 1 g/j IV/IM/SC ou lévofloxacine 500 mg/j PO ou moxifloxacine 800 mg/j PO. En cas de non-évolution favorable après 48 heures de traitement par bêtalactamine, il convient d’y associer un macrolide ou de la remplacer par la télithromycine ou la pristinamycine. En présence de critères de gravité : Administrée par voie intraveineuse, l’antibiothérapie probabiliste repose sur une association à large spectre, active sur les pyogènes, la legionelle et les germes atypiques.
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En l’absence de facteur de comorbidité : ceftriaxone 1-2 g/j ou céfotaxime 1-2 g x 3/j + macrolide ou lévofloxacine ou moxifloxacine. En présence de facteur(s) de comorbidité ou patient âgé : ceftriaxone 1-2 g/j ou céfotaxime 1-2 g x 3/j + lévofloxacine 500 x 2 mg/j. En cas de traitement préalable par bêtalactamine (dans les 30 jours précédents) : pipérilline + ac. clavulanique 4 g x 3/j ou imipénème 1 g x 3/j + aminoside ou fluoroquinolone. En cas d’exacerbation d’une BPCO : Amoxicilline + acide clavulanique 1 x 3/j PO/IV ou ceftriaxone 1 g/j IV/IM/ SC ou lévofloxacine 500 mg/j PO ou moxifloxacine 800 mg/j PO. Durée du traitement : L’adaptation de l’antibiothérapie avec désescalade est réalisée dès l’identification du germe responsable. Cinq jours d’association (moxifloxacine ou moxifloxacine + macrolide ou rifampicine) sont nécessaires en cas de légionelle. La durée totale de l’antibiothérapie est de 7 à 14 jours.
Traitement respiratoire Oxygénothérapie le plus souvent nécessaire en raison de l’hypoxie. Kinésithérapie de désencombrement. En cas de détresse respiratoire, une assistance ventilatoire mécanique peut être nécessaire : – lorsque l’état du patient le permet, l’assistance peut être non invasive, avec une ventilation au masque. Le taux d’échec de la VNI est cependant important, survenant en général dans les 24 heures ; – en cas de troubles de la conscience ou d’aggravation sous VNI, la ventilation mécanique est réalisée après intubation du patient. ECMO à titre exceptionnel Ce type de prise en charge est réalisé dans un environnement de réanimation.
Conclusion La pneumopathie est une pathologie du parenchyme pulmonaire fréquente et grave. Son diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques dans un contexte septique associé à une atteinte du parenchyme à la radiographie. Le diagnostic doit être rapide, sans retard et l’appréciation de la gravité permet d’adapter les thérapeutiques et de déterminer le lieu de prise en charge. L’antibiothérapie, initiée le plus précocement possible, repose essentiellement sur les bêtalactamines et les fluoroquinolones, en monothérapie ou en association selon le terrain du patient et la gravité de la pneumopathie.
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Embolie pulmonaire 135
Définition – Épidémiologie
L’embolie pulmonaire est l’obstruction d’une artère pulmonaire ou d’une de ses branches. Il s’agit le plus souvent d’une obstruction d’origine fibrino-cruorique provenant de la circulation veineuse. La fréquence est d’environ 100 000 cas par an en France. Les EP graves, obstruant plus de 50 % du lit vasculaire, représentent 5 % de l’ensemble des embolies pulmonaires aiguës. La mortalité hospitalière globale de l’EP aiguë est inférieure à 10 %, elle atteint 25 % quand existe un choc cardiogénique et plus de 65 % quand survient un arrêt circulatoire.
Étiologie Dans l’EP d’origine fibrino-cruorique, les veines des membres inférieurs sont le siège de la thrombose initiale dans plus de 90 % des cas. Les facteurs prédisposant à cette thrombose veineuse sont regroupés dans la triade de Virchow : – stase veineuse ; – facteur pariétal : altération de la paroi veineuse ; – hypercoagulabilité. Il existe par ailleurs de nombreux facteurs favorisants : – alitement prolongé ; – mauvais état veineux (varices) ; – période postopératoire ; – contexte obstétrical ; – pathologie médicale : cancer, hémopathie, traitement œstroprogestatif, trouble de l’hémostase, insuffisance cardiaque droite… Les autres causes d’EP sont plus rares et surviennent dans un contexte particulier : – embolie gazeuse lors d’effractions vasculaires (chirurgie, traumatisme, pose de cathéter veineux central) ou lors d’accident de décompression au cours de la plongée ; – embolie graisseuse au cours d’une chirurgie orthopédique ; – embolie amniotique au cours de l’accouchement ; – embolies septique ou parasitaire, beaucoup plus rares.
Physiopathologie Les conséquences de la migration du caillot et de l’obstruction qui en résulte sont doubles :
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– les conséquences respiratoires. L’oblitération vasculaire de tout ou partie du lit vasculaire pulmonaire induit une redistribution de la perfusion pulmonaire vers les zones vascularisées aux dépens des zones embolisées. Ces dernières sont le siège d’un effet espace mort responsable d’une augmentation du gradient alvéolo-artériel en CO2. Une hypoxie peut survenir dans les embolies sévères, induite par un double mécanisme : une bronchonstriction secondaire à l’embolie, une surperfusion de la zone non embolisée conduisant à un temps de contact insuffisant ; – Les conséquences circulatoires. L’obstruction artérielle pulmonaire entraîne une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires responsable d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Elle induit une augmentation de postcharge du ventricule droit qui, dépassant les capacités d’adaptation du ventricule droit, conduit à une dilatation aiguë de celui-ci et à une gêne au remplissage ventriculaire gauche par compression des cavités gauches.
Diagnostic clinique Signes fonctionnels Dyspnée et hypoxémie proportionnelle en théorie au degré d’obstruction vasculaire. Douleur thoracique, non spécifique, en général basi-thoracique. Tachycardie. Hémoptysie, rare, selon la présence d’un infarctus pulmonaire associé. Fièvre, rare et inconstante, conséquence de la thrombose veineuse associée. Syncope : lors d’une embolie pulmonaire massive avec répercussion circulatoire importante. Elle constitue un critère de gravité. Il faut aussi évoquer le diagnostic d’embolie pulmonaire devant toute aggravation de la dyspnée chez un insuffisant cardiaque ou respiratoire, une situation de tachycardie, dyspnée, angoisse, fièvre ou anomalie radiologique postopératoire.
Examens paracliniques D-dimères : ils sont élevés dans plus de 96 % des EP, mais sont peu spécifiques. Troponine Ic et NT-Pro-BNP : sans valeur diagnostique, ils permettent de stratifier la gravité de l’atteinte ainsi que son évolution. ECG : les signes électriques sont peu spécifiques et souvent transitoires. On retrouve une déviation axiale droite en cas de cœur pulmonaire aigu : aspect S1Q3 (onde S en D1 et onde Q en D3), bloc de branche droit complet ou incomplet, troubles du rythme (notamment FA, tachycardie ventriculaire), troubles de la repolarisation.
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Gaz du sang artériel (GDSA) : une gazométrie normale n’exclut pas le diagnostic. On retrouve classiquement une hypoxie et une hypocapnie, associées à un degré variable d’alcalose respiratoire. Radiographie pulmonaire (RP) : elle est normale dans 30 % des cas, non spécifique la plupart du temps. Elle peut montrer une atélectasie en bande, un épanchement pleural, une ascension de la coupole diaphragmatique, éventuellement un élargissement du tronc de l’artère pulmonaire. Un infarctus pulmonaire sera responsable d’une opacité triangulaire à base pleurale. Enfin, le signe de Westermark, hyperclarté parenchymateuse due à une moindre vascularisation, est extrêmement difficile à mettre en évidence. La RP permet surtout d’éliminer un diagnostic différentiel : pneumopathie, pneumothorax… Doppler veineux des membres inférieurs : l’existence d’une thrombose veineuse (non compressibilité d’une veine profonde) chez un malade avec forte suspicion d’EP suffit à affirmer le diagnostic. Écho-doppler cardiaque transthoracique : elle montre les répercussions cardiaques de l’embolie pulmonaire massive (> 50 % d’amputation du territoire vasculaire) : dilatation du cœur droit et de l’artère pulmonaire, perméabilité du foramen ovale. Le mode Doppler permet de mesurer le gradient de pression entre l’oreillette droite et le ventricule droit et donc d’estimer la sévérité de l’HTAP. Plus rarement, elle permet de visualiser le thrombus dans l’artère pulmonaire proximale. Angioscanner spiralé : avec injection de produit de contraste, il permet de visualiser l’amputation vasculaire, notamment sur les troncs proximaux (fig. 7).
Fig. 7 – Volumineux thrombus de l’artère pulmonaire droite avec dilatation en amont.
Scintigraphie pulmonaire : l’injection de deux traceurs radioactifs, l’un pour la perfusion, l’autre pour la ventilation, permet de dépister des zones de mismatch correspondant à l’effet espace mort ventilé et non perfusé, conséquence de l’EP.
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Angiographie pulmonaire (fig. 8) : par cathétérisme cardiaque droit, elle permet l’opacification directe de l’arbre vasculaire. Considérée comme le « gold standard », elle est actuellement supplantée par les techniques d’imagerie non invasive, car grevée d’une morbidité non nulle (entre 2 et 5 %)
Fig. 8 – Thrombus à l’origine de l’artère pulmonaire droite.
Algorithmes décisionnels (figs. 9 et 10)
Fig. 9 – Suspicion d’EP et état de choc.
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Fig. 10 – Suspicion d’EP sans choc.
Principes de traitement Traitement étiologique – anticoagulation : elle repose sur l’utilisation d’héparine non fractionnée par voie intraveineuse continue (pousse-seringue électrique – PSE), d’héparine calcique ou d’HBPM par voie sous-cutanée. En règle générale, une revascularisation du lit artériel de 50 % est obtenue au bout de 8 jours de traitement, 100 % au bout de quelques mois. La morbidité, liée aux accidents hémorragiques est d’environ 5 %, l’incidence des thrombopénies allergiques induites par l’héparine est d’environ 3 %. Un relais précoce, dès J1 ou J2, par AVK est indispensable pour une durée d’au moins 6 mois ; – thrombolyse médicamenteuse : elle repose sur l’utilisation de fibrinolytique par voie intraveineuse. Réservée aux formes graves d’EP, c’est-à-dire aux EP associant une hypotension, des signes d’insuffisance ventriculaire droite ou une obstruction de plus de 50 % d’un tronc proximal. Elle n’est pas dénuée d’effets secondaires, au premier plan desquels un risque hémorragique estimé à 8 %. Il existe des contre-indications absolues (antécédents d’AVC ou de malformation artérioveineuse cérébrale, chirurgie récente) ou relatives (grossesse, HTA sévère mal contrôlée, chirurgie de moins de 10 jours). La revascularisation est plus précoce, habituellement en 24-48 heures ;
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– thrombolyse chirurgicale, sous circulation extracorporelle, exceptionnelle et réservée aux cas désespérés, elle est grevée d’une lourde morbi-mortalité et ne trouve pratiquement plus de place depuis l’arrivée des traitements fibrinolytiques ; – ECMO en attente de validation.
Traitement symptomatique – oxygénothérapie ; – voie veineuse périphérique pour perfusion et administration du traitement ; – traitement antalgique ; – traitement d’un état de choc : intubation et ventilation artificielle s’il existe une détresse respiratoire, support inotrope positif en cas de défaillance cardiaque associée, remplissage vasculaire guidé par les données de l’échocardiographie…
Mesures préventives : – prévention de la maladie thromboembolique veineuse : elle repose sur la pose de bas de contention et l’administration d’héparine de bas poids moléculaire aux patients alités, et notamment en période postopératoire ou en postpartum ; – filtre cave : mis en place par voie percutanée, un filtre est placé au dessus des veines rénales et est destiné à empêcher la migration de thrombus provenant des membres inférieurs. Cette technique est réservée aux récidives d’EP malgré la présence d’un traitement anticoagulant bien conduit et aux contreindications au traitement anticoagulant en l’absence d’autre thérapeutique.
Pathologies pleurales 276, 312 La plèvre est une membrane séreuse à deux feuillets qui enveloppe les poumons, les maintient solidaires de la paroi thoracique tout en permettant leur frottement contre cette dernière. En situation normale, la cavité pleurale est virtuelle, mais dans certaines situations pathologiques cet espace peut se combler par un liquide, créant un épanchement pleural ou par de l’air, créant un pneumothorax. Ces deux processus refoulent les poumons et peuvent provoquer une gêne respiratoire qui, non traitée, est susceptible d’induire une détresse respiratoire voire le décès du patient.
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Épanchement pleural ou pleurésie Physiopathologie L’accumulation de liquide dans la cavité pleurale constitue une pleurésie qui peut provenir de deux mécanismes : – un épanchement pleural exsudatif, riche en protéines, lié à une augmentation de production liquidienne de la barrière pleurocapillaire causée par un état inflammatoire ; – un épanchement pleural transsudatif, pauvre en protéines, lié à l’augmentation de filtration liquidienne par élévation de la pression hydrostatique dans les capillaires pulmonaires (insuffisance ventriculaire gauche), ou à la baisse de la pression oncotique (hypoalbuminémie, syndrome néphrotique, cirrhose).
Diagnostic d’une pleurésie Signes cliniques : – à l’interrogatoire, les patients se plaignent d’une dyspnée et d’une douleur thoracique qui peut être aggravée par la toux, les changements de position et l’inspiration profonde ; – à l’inspection, diminution de l’ampliation thoracique du côté de l’épanchement ; – à la palpation, atténuation voir disparition de la transmission des vibrations vocales ; – à la percussion, présence d’une matité ; – à l’auscultation, abolition du murmure vésiculaire ; Examens complémentaires : – la radiographie thoracique de face et de profil est indispensable. Les épanchements de faible abondance sont traduits par un comblement du cul-de-sac pleural, les épanchements de moyenne et grande abondance sont responsables d’une opacité non systématisée, basale, dense, effaçant la coupole diaphragmatique et les vaisseaux. Sa limite supérieure est concave en haut et en dehors elle réalise une courbe parabolique (ligne de Damoiseau) ; – l’échographie pleurale est un examen très sensible pour la détection des épanchements pleuraux, elle permet de guider la ponction ou le drainage pleural ; – Le scanner thoracique n’est pas indispensable au diagnostic, il met en évidence un croissant de densité liquidienne non rehaussée après injection de produit de contraste.
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Diagnostic étiologique des pleurésies Le diagnostic repose en grande partie sur l’examen du liquide de ponction pleurale. L’examen standard comprend une analyse macroscopique (citrin, hémorragique, transparent, purulent), biochimique, bactériologique (examen direct et culture) et cytologique. Afin de déterminer une étiologie, il convient de classer la nature du liquide pleural en transsudat ou exsudat (tableau VII). Dans certains cas, l’examen du liquide d’ascite n’est pas contributif au diagnostic étiologique, il faut alors réaliser d’autres examens complémentaires tels qu’une thoracoscopie et une biopsie pleurale. Tableau VII – Caractéristiques, causes et traitement des épanchements pleuraux. Transsudat Caractéristiques
Jaune citrin Transparent Protéines < 30 g/l Éléments figurés < 1 000/μl
Exsudat Jaune foncé Peut être : translucide, opalescent, hématique ou chyleux Protéines > 30 g/l Éléments figurés > 1 000/μl
Causes
Insuffisance cardiaque Cirrhose Syndrome néphrotique
Pathologies néoplasiques : métastases pleurales, mésothéliomes Pathologies infectieuses : bactériennes, virales, fongiques, parasitaires, tuberculose Embolie pulmonaire Vascularites et maladies de système Chylothorax Pathologies gastro-intestinales : pancréatite, abcès intra-abdominaux, chirurgie abdominale
Traitement
Ponction pleurale évacuatrice ou drainage pleural en présence d’un retentissement respiratoire significatif Mise en place d’une pression expiratoire positive si hypoxémie Traitement médical étiologique
Ponction pleurale évacuatrice ou drainage pleural en présence d’un retentissement respiratoire significatif Drainage systématique d’une pleurésie infectée Traitement médical étiologique : antibiotiques, résection d’un cancer pulmonaire Le traitement du chylothorax repose sur un régime alimentaire excluant les lipides. En cas d’échec, envisager la mise en place de shunts pleuropéritonéaux
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Traitement d’une pleurésie D’une façon générale, le traitement repose d’une part sur l’évacuation de l’épanchement pleural quand celui-ci entraîne une gêne respiratoire ou une hypoxémie et d’autre part sur le traitement étiologique. (tableau VII).
Pneumothorax Physiopathologie C’est la présence d’air entre la plèvre viscérale et pariétale. La survenue d’un pneumothorax peut être d’origine : – spontanée par rupture de bulles, de blebs (formations aériques développées dans l’épaisseur de la plèvre viscérale) ou par l’existence de pathologies prédisposantes (BPCO, asthme, mucoviscidose) ; – traumatique par plaie pénétrante, traumatisme thoracique fermé ou blast thoracique ; – iatrogène, exemples de la ventilation mécanique et des ponctions veineuses sous clavière ou jugulaire.
Diagnostic d’un pneumothorax Signes cliniques : – signes fonctionnels : douleur thoracique qui peut survenir au repos ou à l’effort. Une dyspnée peut être minime ou importante réalisant une véritable détresse respiratoire (pneumothorax suffocant) si le pneumothorax est bilatéral ou sous tension ; – à l’inspection, peu contributive peut montrer une asymétrie de déplacement de la paroi thoracique ; – à la percussion, on retrouve une hypersonorité homolatérale. – à l’auscultation, il existe une abolition du murmure vésiculaire. Discrets pour un pneumothorax de faible importance, les signes cliniques peuvent être au premier plan, associant détresse respiratoire, cyanose, tachycardie, hypotension artérielle et turgescence des jugulaires pour un pneumothorax compressif ; Examens complémentaires : – radiographie thoracique de face et de profil : visualisation d’une hyperclarté homogène aérique sans parenchyme ni vaisseaux pulmonaires ; – échographie pleurale : absence du glissement pleural à la respiration ; – scanner thoracique : précise le siège et l’étendue de la lésion.
Traitement d’un pneumothorax – abstention thérapeutique si le pneumothorax est partiel et bien toléré, la résorption spontanée est de règle en quelques jours ;
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– décompression à l’aiguille si le pneumothorax est mal toléré, ce geste permet une amélioration immédiate ; – drainage avec aspiration si le pneumothorax est complet. Il faudra laisser le drain en place jusqu’à l’arrêt du bullage et ablation après un test de clampage de 24 heures ; – symphyse pleurale par avivement pleural sous thoracoscopie s’il y a une récidive du pneumothorax controlatéral ou troisième récidive homolatérale ; – mesures préventives chez les patients porteurs de facteur de risque (emphysème, patients porteurs de kystes bronchogéniques) : éviter les efforts à glotte fermée (trompette), éviter certains sports (plongée, alpinisme, parachute), encourager le sevrage tabagique.
Technique de drainage pleural Avant de réaliser un drainage pleural pour pneumothorax ou pleurésie, il faut toujours, sauf urgence, s’assurer de la présence d’un cliché thoracique récent, de face et de profil, si possible. Par ailleurs, il faut avoir à sa disposition un bilan de coagulation (TP, TCA, plaquettes) et une carte de groupe sanguin avec la recherche d’agglutinines irrégulières en cas de transfusion du fait du risque hémorragique souvent sous-estimé. Bien sûr, il convient d’informer et de rassurer le patient sur le déroulement du drainage. Le matériel nécessaire à la pose du drain thoracique, préparé et vérifié à l’avance, comprend : – une prise de vide avec un tuyau et un régulateur de vide ; – un drain choisi par le médecin qui est muni d’un mandrin métallique entièrement protégé par le drain. Pour un épanchement gazeux, de petits calibres sont choisis (Ch. 8 à 24), des calibres plus importants en cas d’épanchement liquidien (Ch. 18 à 32) ; – deux clamps ; – des tubes pour prélèvements de bactériologie, et cytobiochimie ; – une solution antiseptique ; – des masques, cagoules, casaques, gants, champ et compresses stériles ; – une seringue de 20 ml et de 50 ml – solution d’anesthésique local du type lidocaïne 1 % – une lame de bistouri, une pince mousse ; – un tuyau de raccordement de 15 cm de longueur stérile et un raccord biconique ; – du fil de suture ; – un pansement stérile ; – un dispositif assurant la triple fonction de recueil de liquide, de système antireflux et de maintien d’une dépression intrapleurale évitant l’issue d’air ente les deux feuillets pariétaux. Ces systèmes sont de trois types : • une simple valve unidirectionnelle (valve de Heimlich®) dont une extrémité est reliée au drain, l’autre à une poche de recueil. Elle permet le transport ou la déambulation du patient,
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• un système de bocal unique fermé par un bouchon hermétique traversé de deux tubes. L’un des tubes est relié au drain côté patient, et plonge dans le liquide du côté bocal, assurant l’antireflux. Le bocal doit impérativement rester à 40 cm en dessous du plan du lit du patient pour que le système antireflux soit efficace, • enfin, un système fermé à deux ou trois bocaux à usage unique est actuellement plus volontiers employé (type Pleur-Evac®). Il permet le recueil, l’antireflux, et le maintien d’une dépression de niveau réglé. La seule contrainte est qu’il ne doit pas être renversé, en revanche le niveau par rapport au plan du lit peut être modifié dans la mesure où l’aspiration est maintenue. Une aspiration d’un niveau moyen est instaurée dans la majorité des cas de drainage pour pneumothorax ou pleurésie, elle est en général évitée en cas de drainage dans les suites de chirurgie pulmonaire.
Mise en place du drain Pour un pneumothorax, on pratique le drainage à l’intersection du deuxième espace intercostal avec la ligne médioclaviculaire chez l’homme et pour des raisons esthétiques dans l’aisselle en arrière du grand pectoral chez la femme. Pour une pleurésie, la pose du drain peut se faire dans le quatrième espace intercostal sur la ligne médio-axillaire. Le point de ponction ne doit jamais être en dessous du niveau du mamelon, pour éviter des lésions des organes intra-abdominaux. Le drainage s’effectue au dessus du bord supérieur de la côte inférieure. Pose du drain Après une désinfection cutanée et la pose du champ perforé, une anesthésie locale par 10 ml de lidocaïne à 1 % est pratiquée dans la zone qui va être incisée. Une incision de 2 à 3 cm au niveau de l’espace intercostal est réalisée, ensuite la paroi est disséquée plan par plan au doigt ou à la pince mousse. La plèvre est incisée ou franchie au doigt ou à la pince mousse. Le drain est alors introduit. Il doit être poussé dans le sens antéropostérieur. Il est immédiatement relié à un système aspiratif après avoir effectué les prélèvements nécessaires sur le liquide pleural. Une fois en place, le drain doit être fixé de façon étanche et solide au niveau cutané à l’aide d’un fil non résorbable et d’un pansement adhésif. Surveillance du drain Après la pose du drain quelques règles s’imposent : – surveillance des constantes (pouls, PA, fréquence respiratoire, saturation en oxygène) ; – demande d’une radiographie thoracique pour vérifier la position du drain et son efficacité. La surveillance régulière du drainage comprend : – le maintien du dispositif de recueil de liquide au-dessous du niveau du thorax du patient ; – la surveillance du volume et de l’aspect du liquide recueilli ;
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– la surveillance de la dépression réglée. Le niveau moyen est entre –25 et –40 cmH2O pour un drainage d’épanchement gazeux ou liquidien. Après chirurgie thoracique, l’aspiration est indiquée pour la chirurgie pleurale ou les lobectomies, le drain n’est pas aspiratif pour les pneumonectomies ; – la surveillance de la perméabilité du drain. La colonne d’eau assurant le rôle de valve antireflux doit osciller au cours de la ventilation. À l’inspiration, en ventilation spontanée la colonne d’eau monte alors qu’elle descend en ventilation en pression positive (ventilation mécanique) ; – ne jamais clamper un drain thoracique sauf prescription ; – « traire » le drain en cas de caillotage ; – la surveillance de la présence de bullage. Une persistance de bullage après l’élimination initiale d’air traduit la présence d’une fistule broncho-pleurale. Ablation du drain Dans le cas des pleurésies, si le drain est non ou peu productif on peut envisager son ablation. Dans le cas du pneumothorax, un clampage du drain est effectué quelques heures (moins de 24 heures) avant son ablation, et ce dans le but de vérifier l’absence de reconstitution du pneumothorax Complications liées à la pose d’un drain thoracique : – malposition du drain ; – insertion intraparenchymateuse ou intramédiastinale avec lésion d’un gros vaisseau ; – lésion vasculaire par plaie de la mammaire interne en cas d’abord antérieur ou d’une artère intercostale ; – complications infectieuses rares s’il y a respect des règles d’asepsie.
Fig. 11 – Valve de Heimlich® antireflux.
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Orifice relié à la source d’aspiration
Orifice d’entrée de l’air ambiant
Orifice relié au drain du patient
Fig. 12 – Système de drainage à trois bocaux montrant les fonctions de chacun d’eux : fonction de recueil du premier proximal par rapport au patient, fonction de valve antireflux du bocal suivant, fonction de régulation du niveau d’aspiration du troisième bocal. Un bullage dans le bocal assurant le rôle de valve anti retour indique un drainage d’air de la plèvre. Soit ce bullage disparaît indiquant la fin de l’évacuation de l’air, soit il persiste signifiant la présence d’une fistule broncho pleurale en l’absence de fuite sur le drain lui-même. Un bullage dans le bocal assurant le rôle de régulation de niveau d’aspiration est possible et normal quand le niveau d’aspiration est supérieur au niveau d’eau dans le bocal.
Dyspnées et détresses respiratoires aiguës par obstacle sur les voies aériennes Souvent brutale et intense et survenant chez des personnes habituellement bien portantes ou chez des enfants, la détresse respiratoire par obstacle sur les voies aériennes est une situation clinique très impressionnante, pouvant menacer rapidement le pronostic vital. Il est indispensable, dans ce contexte, de pouvoir faire un diagnostic étiologique et de gravité rapide et d’assurer une prise en charge thérapeutique adaptée en urgence.
Physiopathologie La présence d’un obstacle sur les voies aériennes induit une réduction des débits de gaz dans ces dernières, une augmentation des résistances au flux d’air, une augmentation du travail respiratoire et une diminution des capacités d’échange alvéolaire. Deux éléments jouent un rôle fondamental : – la taille de la trachée : ainsi, un œdème de la région sous-glottique de 1 mm entraîne, chez l’enfant, une réduction du diamètre de 33 %, de 55 % de sa surface et de 80 % des débits aériens ;
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– la localisation de l’obstruction. Un obstacle de petite taille dans la trachée aura moins de conséquences que le même obstacle dans une bronche souche, et une obstruction complète de la trachée sera plus grave qu’une obstruction totale d’une petite bronche segmentaire.
Diagnostic Le diagnostic est essentiellement clinique, le tableau typique correspondant à une obstruction des voies aériennes est celui d’une asphyxie brutale. Le patient portant les mains à son cou, la bouche ouverte. La recherche de signes de gravité doit être une priorité (tableau VIII). Tableau VIII – Signes de gravité d’une obstruction des voies aériennes. Signes respiratoires
Tirage avec balancement thoraco-abdominal et mise en jeu des muscles inspiratoires accessoires Tachypnée ou bradypnée inspiratoire Asphyxie aiguë Bronchospasme associé Cyanose, sueurs, désaturation Abolition du murmure vésiculaire Aphonie, impossibilité de parler Absence de ventilation en réponse aux mouvements respiratoires Complications (pneumothorax, pneumomédiastin)
Signes cardiovasculaires Tachycardie ou bradycardie paradoxale Hypertension artérielle Collapsus, choc Signes d’HTAP Défaillance cardiaque Arrêt cardiocirculatoire Signes neurologiques
Somnolence, obnubilation, désorientation Agitation Anxiété, panique Convulsions Coma
Signes généraux
Pâleur, faciès vultueux, congestif Épuisement, abattement Troubles de déglutition, aphagie, hypersialorrhée Proclive
Étiologies Les causes de détresse respiratoire par obstacle au niveau des voies aériennes sont multiples et nombreuses (tableau IX). En dehors des processus tumoraux intrabronchiques, les causes les plus fréquentes sont les inhalations de corps étranger et les causes allergiques.
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Tableau IX – Causes d’obstruction des voies aériennes. Causes d’obstruction
Constitutionnelles
Acquises
Oropharyngées
Glossoptose (syndrome de Pierre Robin) Macroglossie (trisomie 21) Kystes du tractus thyréoglosse Angiomes Diverticules Kystes branchiaux
Hypertrophie amygdalienne Abcès ou phlegmon périamygdalien Angiœdème ou œdème de Quincke Œdème angioneurotique Tumeur ORL (base de langue, amygdale…) Traumatismes maxillo-faciaux et œdèmes réactionnels
Laryngées
Laryngomalacie Palmure ou diaphragme Atrésie des cordes vocales ou du larynx Papillome Kystes ou laryngocèles Malformations laryngées Stridor congénital
Laryngite spasmodique Laryngite infectieuse virale Épiglottite Spasme laryngé Paralysie de corde vocale Granulome Laryngomalacie Tumeur laryngée ou des cordes vocales Compression extrinsèque (thyroïde, tumeur, œsophage, hématome, abcès… Traumatisme et fractures du larynx
Trachéales et/ou bronchiques
Palmure ou diaphragme Trachéo-broncho-malacie Sténose Fistule œso-trachéale Compression extrinsèque par masse cervico-médiastinale Malformations trachéobronchiques
Tumeur bronchique Corps étranger trachéo-bronchique Corps étranger œsophagien Granulome Sténose Hématome pariétal Moules bronchiques ou clapet Sécrétions Hémorragie intrabronchique Trachéo-broncho-malacie Compression extrinsèque (tumeur œsophagienne, tumeur bronchopulmonaire, adénopathie, abcès, hématome, thyroïde…) Traumatisme cervical ou thoracique Mécanique par traction Ingestion de caustiques, brûlures
Corps étranger des voies aériennes Données épidémiologiques Le terrain : une fréquence particulière de l’obstruction par corps étranger est observée aux ages extrêmes de la vie : chez le jeune enfant vers l’âge de 2 ans (avec une possibilité de survenue dès l’âge de 6 à 9 mois, âge de la préhension)
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avec une nette prédominance masculine, et chez la personne âgée de plus de 70 ans. Le corps étranger : en pratique, il s’agit le plus souvent d’aliments (graines, morceaux de viande, légumes ou fruits), mais également d’objets divers (pièces de jeux… ou prothèses dentaires). La cacahuète reste le corps étranger le plus fréquemment incriminé (50 % des corps étrangers inhalés chez l’enfant).
Clinique L’inhalation de corps étranger évolue en deux phases, une première assez bruyante sur le plan clinique appelée syndrome de pénétration, et une seconde tardive ou syndrome de séjour en cas de persistance du corps étranger dans l’arbre trachéo-bronchique. Syndrome de pénétration : il s’agit d’un accès de suffocation aigu, brutal, concomitant de l’inhalation du corps étranger, le patient portant ses mains à son cou, la bouche ouverte. Cet épisode, bref, est immédiatement suivi d’une quinte de toux visant à expulser le corps étranger avec une reprise inspiratoire entre les quintes pouvant être marquée par un tirage intense, une cyanose, voire, dans les cas extrêmes, une apnée. Cette symptomatologie s’amande progressivement pour revenir à la normale, expliquant que la normalité de l’examen clinique ne permet pas d’éliminer la présence d’un corps étranger au décours d’un syndrome de pénétration. Syndrome de séjour : le séjour prolongé de matériel dans l’arbre trachéobronchique est responsable de manifestations broncho-pulmonaires variées mais traînantes, et récidivantes. Le stade ultime de l’évolution étant la destruction du parenchyme pulmonaire du territoire concerné avec dilatation des bronches.
Examens complémentaires La radiographie thoracique de face permet de visualiser des signes directs de la présence du corps étranger (corps étrangers radio-opaque dans 40 % des cas) ou des signes indirects (hyperclarté, distension ou atélectasie d’un territoire) surtout mis en évidence en comparant des clichés en inspiration et en expiration forcée. Plus tardivement, le scanner cervico-thoracique complète les informations obtenues par la radiographie simple. Un examen radiologique normal ne permet pas d’éliminer formellement la présence d’un corps étranger. Seule la fibroscopie souple dans un premier temps permet un diagnostic de certitude en visualisant ce dernier, quand cela est possible.
Prise en charge thérapeutique En théorie, la prise en charge est simple : il s’agit dans un premier temps de permettre l’oxygénation du patient puis d’extraire le corps étranger des voies aériennes. Elle repose sur les gestes d’urgence et l’endoscopie trachéo-bronchique interventionnelle au tube rigide.
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Les gestes de premiers secours : la toux est le moyen le plus efficace pour extraire un corps étranger des voies aériennes, il est donc indispensable de la respecter. La manœuvre d’extraction externe par hyperpression intrathoracique (manœuvre de Heimlich) ne doit être faite qu’en cas d’asphyxie aiguë du sujet, les complications de cette manœuvre ne sont pas rares, en particulier chez l’enfant. En cas d’échec de ces manœuvres, la priorité reste le rétablissement d’un flux aérique dans le tractus trachéo-bronchique et l’apport d’oxygène au patient. o La laryngoscopie directe permet de visualiser un corps étranger notamment sous-glottique et éventuellement de l’extraire à la pince de Magill. o L’intubation endotrachéale permet de repousser le corps étranger vers des territoires plus distaux o La ponction transtrachéale, la crico-thyroïdotomie percutanée (kits commerciaux disponibles) ou la trachéotomie en urgence sont des techniques de sauvetage permettant de ventiler ou au moins d’oxygéner le patient. Dans tous les cas, le transfert médicalisé en milieu hospitalier doit être envisagé en urgence afin d’assurer une prise en charge spécialisée efficace. En milieu spécialisé, le diagnostic d’obstacle des voies aériennes doit être affirmé ou infirmé. Toute suspicion d’inhalation de corps étranger doit faire pratiquer une fibroscopie bronchique diagnostique.
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Œdème de Quincke
Définition L’œdème de Quincke est une forme grave d’anaphylaxie dont la localisation à la sphère oro-pharyngée en fait une menace engageant le pronostic vital et une urgence diagnostique et thérapeutique.
Physiopathologie Le mécanisme physiopathologique fait appel à des Ig E spécifiques dont la synthèse par les lymphocytes B en présence d’un allergène spécifique entraîne, via l’activation des récepteurs membranaires des mastocytes et des basophiles, une dégranulation brutale de ces cellules, libérant en grande quantité des médiateurs tels que l’histamine et la sérotonine.
Clinique L’anaphylaxie correspond, sur le plan clinique, à une réaction allergique systémique sévère pouvant se manifester sous forme d’urticaire (le plus souvent), d’œdème de Quincke ou angiœdème ou, au pire, de choc anaphylactique. L’œdème de Quincke est une atteinte cutanéo-muqueuse de la sphère oropharyngée. Des signes généraux d’anaphylaxie, cardiovasculaires, respiratoires ou
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gastro-intestinaux, peuvent s’y associer. Les réactions œdémateuses des voies aériennes supérieures sont progressives et rapidement évolutives. L’œdème labial et lingual peut évoluer vers un œdème laryngé, voire épiglottique dont les signes sont à rechercher impérativement étant donné sa particulière gravité : dysphagie, voire aphagie avec sialorrhée, dysphonie puis dyspnée laryngée et détresse respiratoire, tachypnée inspiratoire, stridor et cyanose pouvant évoluer rapidement vers l’asphyxie et le décès du patient. Un bronchospasme d’intensité variable et une HTA peuvent également s’ajouter au tableau clinique.
Étiologies et facteurs déclenchants Les causes alimentaires représentent de 50 à 60 % des anaphylaxies et sont dominées par l’allergie à l’arachide. Les allergies aux venins d’hyménoptères sont responsables de près de 20 % des chocs anaphylactiques et les causes médicamenteuses de 15 %.
Diagnostic différentiel Devant un tableau clinique aussi parlant, le diagnostic d’œdème de Quincke doit être évoqué en premier afin de ne pas prendre un retard thérapeutique préjudiciable. Les autres causes d’œdème du visage et de la sphère ORL sont infectieuses ou tumorales.
Traitement curatif En raison du potentiel évolutif de la réaction allergique et de l’œdème de Quincke, la prise en charge thérapeutique est une urgence et ne doit pas être retardée. Cette prise en charge sera adaptée à la clinique et à l’évolution. Elle est fondée sur plusieurs classes thérapeutiques : – antihistaminiques (notamment l’hydroxyzine ou Atarax® et la dexchlorphéniramine ou Polaramine®) : anti-H1 et/ou anti-H2, par voie entérale ou parentérale, ils sont à la base du traitement et sont parfois suffisants seuls. Ils sont actifs sur le prurit et l’urticaire et limitent les réactions de phase tardive. Leur prescription doit être précoce pour être efficace ; – bronchodilatateurs (notamment les bêta 2-mimétiques d’action rapide) : utilisés le plus souvent par voie inhalée, en aérosols, ils sont à la base du traitement du bronchospasme associé ; – adrénaline : la rapidité d’administration de l’adrénaline est la clé de voûte de la prise en charge de formes graves d’anaphylaxie. La voie sous-cutanée ou intra-musculaire permet une administration sans délai et assure un passage systémique efficace (dose : de 0,25 à 1 mg chez l’adulte ou 0,01 mg/kg chez l’enfant). L’injection intraveineuse, quand elle est possible, est la voie la plus fiable et la dose est de 0,1 à 0,2 mg en bolus lent, à intervalles de 5 minutes, jusqu’à restauration d’une pression artérielle stable. Son action est à la fois
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bronchodilatatrice, vasoconstrictrice, inotrope positive et elle réduit l’œdème ainsi que la libération d’histamine et de leucotriènes ; – corticoïdes : par voie systémique, ils ne sont pas un traitement de la phase aiguë mais de la phase retardée de l’anaphylaxie. Ils sont administrés à la dose de 1 à 2 mg/kg/j de méthylprednisolone, selon un schéma rapidement dégressif.
Traitement préventif Le traitement préventif passe par plusieurs points clé : identification et éviction de l’agent causal, éducation du patient et de ses proches à la prise en charge en urgence d’une anaphylaxie (soins et premiers secours, alerte, injection d’adrénaline sous forme de kit prêt à l’emploi), désensibilisation au facteur étiologique par immunothérapie spécifique (surtout efficace dans le cas d’hypersensibilité aux venins d’hyménoptères).
Les procedures respiratoires Les procédures respiratoires répondent à trois objectifs distincts qui peuvent se superposer en fonction de la pathologie en cause : – augmenter la concentration en oxygène de l’air alvéolaire par simple oxygénothérapie ; – augmenter la ventilation alvéolaire afin d’améliorer l’extraction du CO2 ; – améliorer les rapports ventilation-perfusion, par des manœuvres visant à favoriser le recrutement alvéolaire, à modifier la circulation sanguine pulmonaire, à suppléer le travail musculaire respiratoire, ou encore à optimiser les qualités mécaniques de l’appareil thoraco-pulmonaire (drainage d’épanchement pleural, lutte contre l’œdème alvéolo-interstitiel…).
L’oxygénothérapie L’oxygénation du sang capillaire pulmonaire à partir de l’air alvéolaire dépend du gradient de pression alvéolo-capillaire en oxygène, ainsi que du temps et de la surface de contact alvéolo-capillaire. Dans les pathologies où ces deux derniers paramètres sont altérés (œdème alvéolo-interstitiel, collapsus alvéolaire, hypoventilation), la simple augmentation de la concentration en oxygène de l’air alvéolaire permet d’augmenter l’oxygénation sanguine. L’oxygénothérapie peut être mise en place à travers plusieurs interfaces : – les lunettes d’oxygène permettent un apport nasal d’un débit d’oxygène pur allant jusqu’à 3 l/min. Un débit supérieur ne fait qu’entretenir les fuites directes par le nez et la bouche, sans augmenter les apports pulmonaires. Ce faible débit d’oxygène pur ne peut que participer à l’enrichissement de l’air
Pathologies respiratoires 105
inspiré et ne permet pas de dépasser chez un sujet ayant une ventilation minute de 10 l/min une FiO2 d’environ 45 %. En outre, le patient doit respirer par le nez ; une respiration buccale impose de mettre les embouts dans la bouche, mais l’apport est alors moins efficace ; – pour des besoins en oxygène plus importants, un masque nasobuccal est utilisé. Il est ainsi possible d’augmenter efficacement la FiO2. Toutefois, même à haut débit d’oxygène en prise directe, le masque simple ne peut fournir un débit égal au débit inspiratoire maximal instantané. Le patient inspire donc nécessairement de l’air ambiant pendant une partie du cycle, et la FiO2 ne peut atteindre 100 %. Quand le débit d’oxygène nécessaire dépasse 6 l/min, il est possible d’utiliser un masque dit « à haute concentration », où l’oxygène est connecté à une poche réservoir d’un volume de l’ordre de 200 ml ; grâce à ce réservoir, le patient peut prélever en inspiration un volume d’oxygène pur satisfaisant presque tout son volume courant, avec donc une FiO2 approchant 100 %. Une valve antiretour permet à la poche de ne pas se remplir de l’air expiré, évitant ainsi la réinhalation de CO2. Le seul enrichissement de l’air inspiré en oxygène souffre deux restrictions : – si l’hypoxémie est due à un shunt, l’apport alvéolaire d’oxygène est inefficace ; – si une hypercapnie prolongée accompagne l’hypoxie (BPCO, pneumopathie évoluant depuis plusieurs jours), le risque est une majoration de l’hypercapnie. Au total, les objectifs de l’oxygénothérapie sont l’obtention d’une SpO2 > 94 % chez le sujet antérieurement sain, supérieure à 96 % chez le sujet coronarien ou anémique, et strictement entre 88 et 92 % chez le BPCO.
L’assistance respiratoire Deux raisons essentielles justifient le recours à une ventilation artificielle : l’insuffisance de l’oxygénothérapie et l’hypercapnie non contrôlée par le traitement étiologique de la pathologie. La ventilation artificielle apporte un support mécanique au mouvement des gaz dans les poumons ayant schématiquement deux effets : – par son effet de suppléance, ce support ventilatoire prend en charge tout ou partie du travail respiratoire. Il est ainsi nécessaire quand la charge de travail respiratoire dépasse les capacités du patient, il assure dans le même temps une augmentation de la ventilation alvéolaire ; – par la modification des pressions alvéolaires qu’il induit, il assure un recrutement en ventilation de zones antérieurement non ventilées, et donc une diminution des inhomogénéités des rapports ventilation-perfusion. Les indications de l’assistance ventilatoire sont schématiquement rapportées dans le tableau X, elles dépendent en fait de la rapidité d’évolution de la détresse respiratoire qui peut être brutale en cas d’arrêt cardiaque, ou progressive en cas
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d’exacerbation de BPCO. Quelles que soient les circonstances de son instauration, une assistance respiratoire commence toujours par une ventilation au masque facial. Le support mécanique peut alors se faire manuellement ou par un respirateur mécanique. Si la ventilation faciale (non invasive) échoue, ou si la décision est prise d’emblée, on peut recourir à une intubation endotrachéale pour mise en place d’une ventilation dite invasive. Tableau X – Principales indications de ventilation artificielle. Fréquence respiratoire > 35 cycles/min ou < 8 cycles/min Capacité vitale < 15 ml/kg Force inspiratoire < 25 cmH2O PaO2 < 60 mmHg malgré oxygénothérapie adaptée PaCO2 > 60 mmHg ou pH < 7,35 Troubles de conscience en rapport ou non avec l’insuffisance respiratoire (hypercapnie, coma avec score de Glasgow < 8) Nécessité de protection des voies aériennes supérieures (vomissements, hématémèse associés à des troubles de conscience) Ë intubation endotrachéale
La ventilation au masque et l’intubation La ventilation au masque Elle est la technique de premier choix chez le patient comateux, car elle permet de lui apporter, rapidement et à moindre risque, un apport d’oxygène pur et un support ventilatoire. Elle permet alors de stabiliser une situation critique et d’organiser le cas échéant une réanimation cardiorespiratoire avec ou sans intubation ultérieure. Ainsi, tout médecin, interne ou personnel paramédical doit savoir ventiler au masque. Matériel Deux types de ballons sont disponibles : – les ballons autoexpansifs de type Ambu®. Un cordon d’oxygène (plus ou moins une poche réservoir) peut être raccordé pour enrichir le gaz de réexpansion en O2. Une autre valve antiretour connectée à la sortie patient du ballon évite la réinhalation du CO2 expiré ; – les ballons souples du type « va-et-vient » permettent une ventilation en oxygène pur puisqu’ils ne se remplissent que par une prise d’O2 à haut débit (au moins 15 l/min). Il en existe plusieurs tailles, mais les plus répandus ont un volume de 2,3 l. En l’absence de valve antiretour, le ballon se remplit également de l’air expiré, qui participe donc à la suite de la ventilation. Toutefois, l’air expiré lors d’une ventilation en O2 pur contient approximativement 70 % d’oxygène et diminue donc peu la FiO2. Une soupape à vis permet de réguler les fuites de manière à rendre possible l’évacuation du trop-plein de gaz tout en conservant une réplétion du ballon.
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La ventilation Elle se pratique sur un patient en décubitus dorsal, tête en hyperextension, légèrement surélevée. Il est important en premier lieu de vérifier l’absence de corps étranger dans les voies aériennes, notamment d’un appareil dentaire. La mâchoire doit être subluxée de manière à dégager les voies aériennes supérieures : la subluxation s’obtient en faisant faire à la mandibule un mouvement caudal puis antérieur, ainsi, les dents inférieures doivent être plus antérieures que les dents supérieures. L’utilisation d’une canule de Guedel peut également libérer la filière ORL en maintenant la langue en position antérieure. Le masque de ventilation doit être appliqué de manière hermétique sur le visage du patient, puis maintenu d’une main, les deux ou trois premiers doigts faisant appui sur le masque et les deux derniers maintenant la subluxation par la branche horizontale de la mandibule (le cinquième doigt est généralement placé sur le gonion). L’autre main comprime le ballon à chaque inspiration. En cas de difficultés d’insufflation (bronchospasme) ou de positionnement du masque (conformation anatomique, barbe…), deux personnes peuvent être requises pour pratiquer la ventilation au masque, une pour le masque, une pour le ballon. Il est préférable d’insuffler de petits volumes courants à une fréquence élevée, aussi n’est-il pas nécessaire de vider le ballon à chaque cycle. La qualité de la ventilation s’apprécie par l’examen de l’ampliation thoracique. En cas de doute, une main posée sur le thorax peut permettre de détecter des mouvements inspiratoires. L’auscultation est dans tous les cas un geste obligatoire dès qu’une ventilation est assurée, afin d’en évaluer la qualité, mais également de dépister des anomalies potentiellement traitables à court terme (silence auscultatoire dans le cadre d’un pneumothorax, râles crépitants dans le cadre d’un OAP…). Dès que les dispositifs médicaux nécessaires sont disponibles, le résultat de la ventilation doit être surveillé par un capteur de saturation percutanée en oxygène, une mesure de la pression partielle de fin d’expiration de CO2, et un ECG. L’intubation Plusieurs raisons justifient le recours à une intubation trachéale : – l’inefficacité de la ventilation au masque ; – une durée de ventilation artificielle présumée longue (arrêt cardiorespiratoire prolongé, pneumopathie, coma…). Le moment de l’intubation est parfois difficile à choisir, car il nécessite le plus souvent une anesthésie générale qui peut avoir un retentissement circulatoire dramatique. Qui plus est, ce geste délicat peut être long, alors qu’il implique l’arrêt de la ventilation. Il est donc important de stabiliser au maximum l’état du patient avant le délicat geste d’intubation. Ainsi, savoir ventiler au masque sans savoir intuber peut sauver la vie du patient alors que l’inverse n’est pas vrai.
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La ventilation mécanique invasive et non-invasive Plusieurs modalités de ventilation mécanique sont à disposition. La ventilation mécanique peut remplacer totalement la respiration spontanée : il s’agit de la ventilation contrôlée ; elle peut aussi simplement la suppléer, dans le cadre de la ventilation partielle. La ventilation contrôlée (tableau XI) En ventilation contrôlée, tous les paramètres de la ventilation sont définis par le médecin : fréquence respiratoire, débit inspiratoire, rapport temps inspiratoire/temps total. Dans les modes de ventilation dits volumétriques, on définit le volume courant à insuffler (ventilation à volume contrôlé). Le respirateur fournit alors la pression nécessaire à obtenir ce volume dans le temps imparti. Dans les modes dits barométriques, on définit la pression d’insufflation appliquée pendant le temps inspiratoire (ventilation à pression contrôlée). Ces modes sont plus protecteurs, mais exposent au risque d’hypoventilation dans la mesure où le volume courant résultant, et donc la ventilation alvéolaire ne sont pas contrôlés mais dépendent des caractéristiques mécaniques, élastiques et résistives du système respiratoire. Tableau XI – Réglages par défaut d’un respirateur lors de la mise en œuvre de la ventilation artificielle chez un adulte (les réglages devront ensuite être adaptés à l’efficacité clinicobiologique et à la tolérance). VSAI : ventilation spontanée avec aide inspiratoire ; VAC : ventilation assistée contrôlée. Mode de ventilation
Patient conscient : VSAI Patient inconscient : VAC
Fréquence respiratoire minimale
15/min
Volume courant si VAC
Homme : 500 ml Femme : 400 ml
Aide inspiratoire si VSAI
15 cmH2O
PEP
5 cmH2O
FiO2
60 %
La ventilation partielle Lors des ventilations partielles, le respirateur ne fait que suppléer le travail respiratoire spontané. La conservation d’une ventilation spontanée permet une meilleure répartition du volume courant et le maintien d’une activité des muscles respiratoires leur évitant l’atrophie. En ventilation partielle, le respirateur fait office de muscle respiratoire accessoire, en appliquant une pression positive à la bouche du patient (matérialisée par la sonde d’intubation) assurant la convection des gaz inspirés. En ventilation partielle, la machine détecte le début de l’inspiration selon un seuil (trigger) de pression ou de débit inspiratoire généré par le patient.
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Elle répond à ce déclenchement selon deux modes les plus répandus : – la ventilation assistée contrôlée : le respirateur applique la pression nécessaire à obtenir un volume courant défini en un temps défini. Ce mode assure une ventilation alvéolaire précise, mais ne respecte que peu l’adaptation physiologique de la ventilation aux objectifs métaboliques de l’organisme. Ce mode n’est donc utilisé que dans les insuffisances respiratoires nécessitant un support ventilatoire important ; – l’aide inspiratoire : le respirateur applique une pression définie, quel que soit le volume courant résultant du travail commun patient-machine. Ainsi, le respirateur assure une aide inspiratoire constante, quel que soit le travail spontané du patient, qui a une plus grande liberté d’adaptation de sa respiration. La pression expiratoire positive Dans les cas où l’interface alvéolo-capillaire est lésée (œdème alvéolo-interstitiel, comblement, voire collapsus alvéolaire, atélectasie), la pression positive appliquée en inspiration a pour effet de réouvrir certaines alvéoles et d’augmenter ainsi la surface d’échanges gazeux. Toutefois, ces alvéoles peuvent s’affaisser en expiration. Cette alternance ouverture-fermeture altère les échanges gazeux et est en soi néfaste pour le poumon. Il peut être alors nécessaire de maintenir un certain niveau de pression positive en expiration. Cette procédure s’appelle la PEP. La PEP peut même être une intervention mécanique pratiquée seule, sans que soit appliqué de volume ou de pression d’assistance. Alors appelée VS-PEP (ventilation spontanée avec pression expiratoire positive) ou encore CPAP (continuous positive airway pressure), elle trouve sa place dans le traitement des OAP où elle lutte contre l’œdème alvéolo-interstitiel, et favorise le travail cardiaque en diminuant sa pression transmurale. Ventilation non invasive Dans certaines situations, la ventilation mécanique peut se pratiquer au travers d’un masque de ventilation et non d’une sonde d’intubation. Cette VNI a l’avantage de la facilité de mise en place et de la réversibilité. Elle a pour inconvénients la nécessité d’une bonne coopération du patient et le risque de fuites autour du masque, donc de ventilation inefficace. Elle n’assure pas non plus la libération et la protection des voies aériennes supérieures. Elle ne peut donc s’envisager que de manière intermittente, chez des patients qui n’ont besoin que d’une assistance ponctuelle et répétée et qui n’ont pas de trouble de conscience. Il s’agit essentiellement des cas de décompensation de BPCO et de décompensation d’insuffisance cardiaque. La VNI peut également se pratiquer au long cours à domicile dans l’insuffisance respiratoire chronique. La VNI s’envisage également lorsque les complications de la ventilation invasive (notamment les pneumopathies infectieuses) sont plus importantes que ses bénéfices attendus. Ses indications s’étendent alors aux insuffisances respiratoires aiguës chez des sujets fortement immunodéprimés (maladies hématologiques).
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Dans tous les cas, l’efficacité de la VNI doit être rapidement évaluée (dans l’heure suivant sa première mise en place puis régulièrement) afin de ne pas retarder une intubation le cas échéant. Quels que soient le mode et l’interface de ventilation choisis, des alarmes doivent être réglées sur les machines, afin d’avertir le personnel soignant de la survenue de dépassement de ces seuils d’alerte. Parmi les alarmes essentielles à la surveillance figurent celles relatives aux volumes expirés (volume courant ou ventilation minute), et aux pressions de ventilation (pression maximale, pression plateau, et PEP). À côté de cette surveillance continue, il est toujours nécessaire de réévaluer l’efficacité de la ventilation artificielle par un examen clinique pluriquotidien, éventuellement complété par des examens complémentaires (gazométries artérielles, imagerie pulmonaire…).
Bibliographie Physiopathologie respiratoire JB West. La Physiologie respiratoire, Maloine Coll. « L’essentiel Sur », 6e éd.
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Pathologies neurologiques et suites de neurochirurgie L. Beydon et C. Sargentini
Items
N° 96. Méningites infectieuses et méningo-encéphalites chez l’enfant et chez l’adulte N° 133. Accidents vasculaires cérébraux N° 184. Agitation et délire aiguës N° 192. Déficit neurologique récent N° 199. État confusionnel et trouble de conscience N° 230. Coma non traumatique N° 231. Compression médullaire non traumatique et syndrome de la queue-de-cheval N° 244. Hémorragie méningée N° 263. Myasthénie N° 265. Neuropathie périphérique
Introduction Les pathologies neurologiques sont nombreuses. Leur diagnostic repose sur une analyse sémiologique rigoureuse, qui est le préalable commun à la prise en charge thérapeutique. L’histoire et le mode de présentation des symptômes sont primordiaux. Leur caractérisation se fonde sur la systématisation anatomique puis la vraisemblance physiopathologique. Les examens complémentaires ne se conçoivent pas sans un adossement clinique rigoureux.
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On déterminera :
Anamnèse Le mode d’installation Causalité : intoxication, traumatisme, pathologie générale… Temporel : brutal (quand ?), progressif (depuis quand ?), intermittent ou variable (à quelle fréquence ?), voire avec des rémissions (pas depuis combien de temps ?). Spatial : localisé, d’extension progressive à partir d’un point, diffus, systématisé ou non. Associé : fièvre, signes cardiovasculaires, respiratoires…
Les signes cliniques neurologiques Subjectifs : ce que le patient ressent, ce qu’il perçoit comme anormal. Déficitaires : perte ou atténuation des fonctions supérieures, de la motricité, de la sensibilité, de la coordination, de réflexes, de la vision, de l’audition, de l’olfaction… Positifs : apparition de signes spontanés (mouvements anormaux, comportements ou sensations anormaux, douleurs…).
Les signes généraux et les pathologies associées Fièvre, altération de l’état général, atteinte d’autres organes, pathologies associées connues ou apparentes, antécédents divers personnels et familiaux, voyages lointains.
Les éléments fournis par l’entourage Mode de vie, prises médicamenteuses ou addictions, antécédents, nature et évolution des symptômes, histoire familiale, pathologies chez les proches… L’entourage est particulièrement utile en cas de coma, d’altération des fonctions supérieures.
Examen clinique Sujet vigile Il est standardisé et doit être complet. On analyse systématiquement : – les fonctions supérieures : attention, orientation, mémoire, jugement, parole, écriture, calcul…
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– les paires crâniennes ; – la vision et l’audition ; – la motricité (la force est cotée de 0 à 5 : contraction sans mouvement, mouvement contre la gravité, lutte contre résistance) et aussi : tremblements, fasciculations… – le tonus : rigidité, spasticité, hypotonie ; – la sensibilité (selon un schéma des zones somesthésiques) : pique-touche, proprioceptif, chaud-froid ; – les réflexes (biceps : C5, radial : C6, triceps : C7, cutanés abdominaux : T9T12, rotulien : L3, achilléen : S1, Babinski : lésion des neurones moteurs audessus de S1, grasping : lésions frontales, hydrocéphalie) ; – posture, marche (yeux ouverts et fermés), équilibre et coordination
Lésions du rachis : localisation sensitivomotrice 231 Le score ASIA (American Spinal Injury Association) permet de décrire un niveau lésionnel et des déficits liés à une atteinte médullaire traumatique. Il peut aussi servir pour l’examen neurologique sensitivomoteur, hors traumatisme.
Patient comateux 230 Le score de Glasgow permet d’identifier la « profondeur du coma ». Il ne prend pas en compte les signes de localisation : une analyse de la motricité des quatre membres et des paires crâniennes ainsi que les pupilles (mydriase), de la ventilation et de l’hémodynamique doivent y être impérativement associées. En pratique, le score de Glasgow se détermine ainsi : les mains du malade sont posées sur son nombril. On stimule le patient par un pincement du thorax (pas du mamelon) ou une pression forte de l’ongle avec un stylo pour susciter une stimulation douloureuse forte. En cas d’hémiparésie, c’est la meilleure réponse motrice qui est cotée. On totalise la réponse obtenue ou niveaux des yeux, moteur et verbal. La normale est à 15 et la plus mauvaise à 3. Tableau I – Glasgow Coma Score. Ouverture des yeux
Réponse verbale
Réponse motrice Obéit aux ordres = 6
Orientée = 5
Attrape la main qui fait mal = 5
Spontanée = 4
Confuse = 4
Cherche la douleur sans la trouver = 4
Au bruit = 3
Inappropriée = 3
Flexion avant-bras – poignets = 3
À la douleur = 2
Incompréhensible = 2
Extension-enroulement = 2
Aucune = 1
Aucune = 1
Aucune = 1
Noter que chez un malade intubé, la réponse verbale est toujours cotée à 1 en précisant « Glasgow intubé ». La cotation se détaille en général. Exemple : GCS = 9 (Y : 3 ; V : 2 ; M : 4) signifie total neuf se répartissant selon yeux, verbal et moteur cotés respectivement à 3, 2, 4.
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Fig. 1 – Échelle de cotation des déficits sensitifs et moteurs selon l’ASIA (American spinal injury association).
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Examens complémentaires Biologie Le ionogramme, la glycémie, une numération formule sanguine (NFS), un bilan rénal (voire hépatique, endocrinien) sont systématiques.
Ponction lombaire Réalisable en l’absence de risque d’engagement (scanner plus que fond d’œil). Examen biochimique (normales : glycorrachie > moitié de la glycémie, protéinorrachie < 0,5 g/l). Cytologie : leucocytes, hématies. Bactériologie : examen direct (dont Gram) puis culture. Immunochimie : sérologies, immunoélectrophorèse, selon l’orientation clinique.
Électroencéphalogramme Trouble du rythme, infarctus à la recherche de cardiopathie emboligène.
Imagerie Tomodensitométrie (TDM), sans puis avec injection, voire IRM en cas de normalité de la TDM à réaliser de première intention si une pathologie vasculaire est suspectée. L’IRM et ses différentes séquences : − T1 = images « anatomiques », rehaussement par injection de gadolinium ; − T2 = donne des images en négatif du T1. Confronté au T1, permet d’identifier le sang selon l’ancienneté de l’hémorragie ; − T2* (T2 étoile) : identification tardive du sang ; − FLAIR : image T2 supprimant les images liées aux liquides (LCS) et augmentant la résolution des zones proches des citernes. Identifie l’œdème cérébral global ; − ARM (artériographie par résonance magnétique) : identifie les vaisseaux artériels et les thromboses veineuses (temps de vol) ; − Diffusion : détection précoce des accidents ischémiques (hypersignal) à partir de la quarantième minute, participe au diagnostic des abcès cérébraux, de l’encéphalopathie herpétique, de la sclérose en plaques, de l’œdème cytotoxique du traumatisme crânien à confronter aux images FLAIR qui évalue l’œdème global ; − Perfusion : donne une estimation de la perfusion locale, par rapport aux zones adjacentes ; − Spectroscopie : mesure biochimique in vivo (adénosine triphosphate ATP, phosphocréatine, pH…).
116 Réanimation et urgences
L’électromyogramme EMG) identifie les neuropathies périphériques, leur typologie, leur localisation.
Pathologies neuromusculaires Myasthénie C’est une maladie auto-immune qui atteint les récepteurs postsy263 naptiques à l’acétylcholine, du fait de la présence d’anticorps circulants. Des anomalies thymiques sont parfois en cause tout comme des facteurs génétiques prédisposants. Prédominance chez la femme jeune. Elle se traduit par une diminution de la force musculaire variable, qui s’aggrave lors d’efforts répétés. Les localisations touchent souvent plus particulièrement la tête et les paires crâniennes (diplopie, troubles de la déglutition, de la phonation) ou la racine des membres. Il n’y a pas de troubles de la sensibilité, les réflexes sont présents. L’évolution se fait par poussées, pouvant nécessiter l’intubation et la ventilation. Il existe des formes chroniques. La gravité tient aux crises d’insuffisance respiratoire aiguë qui peuvent emporter le malade en absence de traitement urgent. Le diagnostic se fait par l’amélioration des symptômes après l’injection d’anticholinestérasique (Prostigmine® : 10 mg Iv lente) et par l’EMG (diminution du potentiel d’action en stimulation répétée), ainsi que par le dosage des anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine. Recherche de thymome systématique (TDM) qui sera opéré. Traitement de fond (pyridostigmine, Mestinon® ; ambemonium : Mytelase®). Éviter certains médicaments aggravants (aminosides, benzodiazépines, cyclines, phénytoïnes, bêtabloquants). Il faut éliminer un surdosage en anticholinestérasiques chez un myasthénique connu et traité (aggravation, hypersalivation, crampes, diarrhée) : cela souligne le fait que le traitement peut en lui-même aggraver la maladie. Il faut rechercher la dose efficace de façon graduelle et prudente. C’est une maladie difficile à équilibrer. Des manifestations paranéoplasiques (cancer bronchique) ou auto-immunes (lupus, polyarthrite rhumatoïde) peuvent générer un tableau similaire à la myasthénie. Le traitement est symptomatique (ventilation des formes graves) et fondé sur des techniques mixtes : anticholinestérasiques, immunoglobulines et échanges plasmatiques. Les traitements immunosuppresseurs sont souvent utilisés (corticoïdes, Imurel®, Endoxan®). Du point de vue infirmier, il faut surveiller étroitement les symptômes musculaires, respiratoires et de déglutition et détecter une aggravation imposant la ventilation. Les fausses routes doivent rendre prudent en termes d’alimenta-
Pathologies neurologiques et suites de neurochirurgie 117
tion. De même, les modifications thérapeutiques imposent une surveillance renforcée, car une aggravation des signes est possible. Les patients connaissent leur maladie et il faut évaluer les symptômes avec eux.
Polyradiculonévrite aiguë inflammatoire (syndrome de Guillain-Barré) 265 C’est une polyradiculonévrite auto-immune, démyélinisante, touchant préférentiellement l’homme. Elle peut être favorisée par une vaccination ou une infection récente. Diagnostic clinique : absence de fièvre, paralysie rapidement ascendante, bilatérale et symétrique avec éventuellement des troubles sensitifs (déficit de la sensibilité thermo-algique), des douleurs. Une atteinte des paires crâniennes est possible (diplégie faciale). C’est une atteinte périphérique (abolition des réflexes ostéotendineux). Une insuffisance respiratoire peut nécessiter la ventilation artificielle. Diagnostic différentiel : myélopathie aiguë, botulisme, diphtérie, maladie de Lyme, poliomyélite, neuropathies vasculaires… Ponction lombaire (PL) : dissociation albumino-cytologique (hyperprotéinorrachie sans réaction cellulaire) EMG : signes de démyélinisation (baisse de la vitesse de conduction, augmentation des temps de latence, bloc de conduction). Surveillance : fonction respiratoire, afin de déterminer quand intuber (EFR [peak flow], gaz du sang, fonction musculaire (testing), extension aux paires crâniennes (déglutition). Évolution : extension, plateau, régression (parfois incomplète). Des rechutes sont possibles. Gravité : insuffisance respiratoire, troubles végétatifs (bradycardie par dysautonomie aux changements de position, à l’aspiration trachéale), formes chroniques (justifiant la trachéotomie si atteinte respiratoire) ou récupération incomplète. Traitement symptomatique : nursing soigneux, kinésithérapie, bas de contention élastique et HBPM pour risque de thrombose profonde, atropine si bradycardie et avant manœuvres à risque, ventilation artificielle si besoin, protection oculaire si paralysie faciale. Traitement spécifique : immunoglobulines iv à forte dose (1 dose/j durant 5 jours pour un total de 2 gr/kg) ou plasmaphérèse (40-50 ml/kg 4 fois durant une semaine), en urgence. Les deux ont une efficacité identique (pas d’effet additif), mais sont seulement efficaces durant les deux premières semaines. Le traitement diminue le nombre de patients ventilés et augmente les guérisons complètes à 1 an (70 %). Les rechutes sont traitées comme l’est la phase initiale. Les corticoïdes n’ont pas d’effet. La mortalité est de 5 % (complications respiratoires).
118 Réanimation et urgences
Autres polyradiculonévrites De nombreuses atteintes nerveuses périphériques existent, toxiques, métaboliques ou infectieuses. Elles sont rarement hospitalisées en réanimation. Seules les formes graves, souvent liées à des envenimations ou à des ingestions de toxiques le sont. Les formes résultant d’une piqûre d’insecte (tiques notamment) imposent un traitement antibiotique précoce pour éviter les séquelles.
96
Méningites et méningo-encéphalites
Le diagnostic de méningite repose sur la triade : fièvre, méningisme (céphalées, raideur de la nuque, photophobie), altération de la vigilance, voire coma. L’antibiothérapie est une urgence, elle doit être première (avant PL ± TDM qui seront faits au plus vite), après deux hémocultures. On doit procédera à une ponction lombaire (après scanner si coma, signes focaux, convulsions, antécédents (ATCD) du système nerveux central, immuno-suppression, œdème papillaire au fond d’œil). L’important est de suivre l’évolution pour noter toute aggravation en particulier des grandes fonctions (vigilance, respiration, déglutition). On y associe un traitement symptomatique : antalgique, repos dans la pénombre et au calme. Une corticothérapie dans les formes à pneumocoque est systématique, débutée en même temps que les antibiotiques (dexaméthazone : 10 mg x 4 durant 4 jours). Antibiothérapie : amoxicilline ou C3G sauf si staphylocoque (oxacilline ou vancomycine, selon sensibilité) ; entérocoque : vancomycine + gentamicine. PL de contrôle si évolution défavorable ou pneumocoque à sensibilité diminuée aux bêtalactamines. Les méningo-encéphalites sont souvent virales (herpès, varicelle-zona), mais parfois à germes non pyogènes (listeria, tuberculose, leptospirose, rickettsie, mycoplasme…) ou non infectieuses (vascularites, néoplasie). Liquide céphalorachidien (LCR) = liquide clair, généralement lymphocytaire. Elles se traduisent par une atteinte méningée et encéphalique et donc par un coma ou des atteintes des fonctions supérieures et souvent des convulsions, mais aussi des signes focaux d’expression variable selon la localisation : ataxie, hémiparésie, aphasie, troubles hypophysaires (diabète insipide, sécrétion inappropriée d’hormone – SIADH). Leur diagnostic est fondé sur la PL (PCR du LCR), l’EEG et l’IRM (++, atteinte temporale ou temporo-fontale dans l’herpès), mais aussi sur les sérologies virales et rarement la biopsie cérébrale dans les formes les plus difficiles. Le traitement est symptomatique, associé aux traitements spécifiques : antiviraux (herpès = acyclovir : 30 mg/kg/j, cytomegalovirus (CMV) administrés le plus précocement possible, antituberculeux (quadruple : isoniazide, rifampicine, pyrazinamide, streptomycine). Les séquelles sont fréquentes et sévères. Les formes à pneumocoque, listeria, tuberculose ont le taux de mortalité le plus élevé.
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Encéphalopathies Elles se traduisent par des troubles de la vigilance et des fonctions supérieures. Leurs causes sont multiples : métaboliques, toxiques, ischémiques ou anoxiques. Leur traitement passe par celui de leur cause, associé à un traitement symptomatique des troubles induits.
Pathologies cérébrovasculaires 133
Généralités
Toutes sont des urgences thérapeutiques avec un risque majeur de séquelles graves voire de décès. Elles imposent une démarche diagnostique commune, et formellement urgente, d’autant que les patients peuvent tarder à consulter ou arriver (négligence des symptômes, symptômes progressifs, errances diagnostiques…). Diagnostic différentiel : migraine, tumeur cérébrale, abcès cérébraux, hématomes extra– ou sous-duraux, encéphalopathie métabolique, hydrocéphalie, épilepsie partielle, sclérose en plaques. Tous peuvent partager des symptômes avec les pathologies cérébrovasculaires. L’heure de début, le mode d’installation (souvent brutal, mais parfois en tache d’huile ou en paliers) et son étendue, le contexte et aussi les antécédents (neurologiques et cardiovasculaires notamment), les traitements pris sont tous des renseignements obtenus du patient ou plus encore de ses proches. L’examen objective les anomalies neurologiques et leur valeur localisatrice. Il doit être répété (évolution) pour identifier une aggravation. Il prend en compte les paramètres vitaux : hémodynamiques (arythmie cardiaque [FA], infarctus, HTA ou hypotension), respiration, signes infectieux. Les formes comateuses ou graves (problèmes associés) vont nécessiter une prise en charge des fonctions vitales en réanimation. Le diagnostic est fondé sur l’imagerie en urgence : (TDM) à la recherche d’un saignement. En l’absence de saignement, des images injectées identifieront des lésions comme les tumeurs, les abcès. L’infarctus n’est pas visible dans les premiers jours en TDM. Cela explique que la TDM ne sera pas fiable pour diagnostiquer une ischémie ou un infarctus (excellente pour les hémorragies et les tumeurs). Une TDM négative avec une clinique évocatrice évoquent le diagnostic. En revanche, l’IRM est l’examen de référence tant pour l’ischémie que pour l’hémorragie. Son utilisation est moins simple mais elle doit remplacer le scanner si on suspecte une de ces deux étiologies (accident vasculaire cérébral aigu). Identifier une hémorragie (ou une participation hémorragique à un infarctus est capital car cette constatation interdit les anticoagulants ou fibrinolytiques. A contrario ; un accident ischemique diagnostiqué à l’IRM dans les 3 heures peut permettre une thrombolyse, seul traitement efficace si réalisé précocement.
120 Réanimation et urgences
Ischémie cérébrale 192 L’ischémie cérébrale du sujet âgé est due à des lésions artérielles athéromateuses dans les deux-tiers des cas, avec une HTA mais aussi à cardiopathies emboligènes (FA, anévrysme), les thromboses locales. Chez le sujet jeune, on évoque la dissection carotidienne (cervicalgies, Claude Bernard Horner) qui impose un écho-doppler (double chenal, turbulences) Le diagnostic est fondé sur le déficit focal moteur ou sensitif (territoire vasculaire) et/ou l’altération des fonctions supérieures : vigilance (voire coma), vision, audition, équilibre, parole, vomissements parfois. Tableaux particuliers : atteinte du tronc cérébral (syndrome alterne), atteinte bulbaire (syndrome de Wallenberg). Confirmation : IRM (séquence T1, T2, FLAIR + ARM) de première intention. Le scanner est normal, sauf en cas de saignement dans la zone ischémique. Bilan étiologique : écho-doppler des troncs supra-aortiques, Doppler transcrânien, ECG, échographie cardiaque, bilan des facteurs de risque (athérome). On réalise dans tous les cas un bilan d’hémostase (NFS, plaquettes, fibrinogène, TP, TCA), ECG (voire une échographie cardiaque s’il y a suspicion de thrombus cardiaque), glycémie, ionogramme (éviter toute hyponatrémie). La prise en charge se fait en unité de soins intensifs neurovasculaires (scope et pression non invasive avec tendances, surveillance neurologique horaire). On respecte une HTA jusqu’à 185/110 mmHg. Une défaillance des fonctions vitales impose un traitement spécifique. Traitement symptomatique : hyperglycémie, fièvre, céphalées, soins oculaires si paralysie faciale, suppression de la voie orale si fausses routes. L’enjeu est soit : − de fibrinolyser (t-PA) avant la troisième heure, en absence de contre-indication. Antiagrégants ± héparine à partir de la quarante-huitième heure. Cela implique une heure de début connue, et l’absence d’hémorragie associée. ; − sinon, on institue un traitement par aspirine et héparine non fractionnée à dose efficace. L’œdème cérébral et le ramollissement hémorragique sont les deux complications de l’infarctus cérébral. Nursing, kinési– et ergothérapie, orthophonie sont prescrits selon le déficit. Le lever sera aussi précoce que possible. Bas de contention élastique, voire HBPM à faible dose, à la quarante-huitième heure. On envisage une endartériectomie carotidienne si la sténose est supérieure à 70 %.
Pathologies neurologiques et suites de neurochirurgie 121
Hémorragies cérébrales 244 Elles sont liées à l’HTA de façon dominante, mais aussi à des ruptures anévrysmales ou à des malformations artérioveineuses, des angiopathies amyloïdes (distales) ou des accidents des anticoagulants ou des pathologies de l’hémostase. On n’oubliera pas les causes traumatiques (hématomes extra– ou sous-duraux, intracérébraux souvent multiples). Leur diagnostic est urgent dans la mesure où un traitement doit être instauré au plus vite. Les hématomes cérébraux sont évacués chirurgicalement en cas d’effet de masse, sinon respectés. Les hématomes traumatiques et surtout l’hémorragie méningée posent de nombreux problèmes et justifient un développement détaillé.
Hématomes traumatiques Suspectés en cas de traumatisme violent, de choc direct et devant tout coma traumatique. C’est une affaire de diagnostic radiologique et de prise en charge chirurgicale adaptés au cas par cas. Leur évacuation s’impose quand il y a effet de masse et pour les hématomes extraduraux. On retiendra qu’un scanner précoce (< 3 h après trauma) normal chez un patient comateux doit être refait dans les 24 heures et aussi devant toute aggravation neurologique, quel que soit le bilan du scanner initial. C’est le moyen de détecter les hématomes différés.
Hémorragies intracérébrales Facilement reconnues à la TDM, elles justifient une exploration vasculaire (angio-TDM). Un facteur étiologique curable doit être identifié – rupture de malformation vasculaire intracrânienne, HTA sévère, surdosage en anticoagulants – et le traitement approprié, débuté au plus vite (embolisation, antihypertenseurs, antagonistes des anticoagulants, chirurgie évacuatrice si hypertension intracrânienne)
Hémorragies sous-arachnoïdiennes Elles touchent de façon prépondérante la femme d’âge moyen. Il existe des formes familiales et des facteurs de risque (tabagisme, amylose). Le risque de rupture augmente avec la taille (> 7 mm). Une paralysie douloureuse du III fait évoquer un anévrysme de la terminaison carotidienne. Les céphalées sont inaugurales (tonnerre dans un ciel serein), extrêmes (atroces) avec des troubles de la vigilance signant la gravité. Des convulsions associées sont évocatrices, d’autant que le patient est comateux. Un syndrome méningé est quasi constant. On ne méconnaîtra pas les formes d’installation plus progressive et d’allure moins brutale, très trompeuses.
122 Réanimation et urgences
Leur gravité clinique est établie sur le score de la WFNS (World Federation of Neurosurgeons) : Tableau II – Score de la WFNS. Grade
Score de Glasgow
Déficit moteur
Mortalité ou état végétatif de 3 à 6 mois ( %)
I
15
absent
13
II
13 – 14
absent
20
III
13-14
présent
42
IV
7-12
présent ou absent
51
V
3-6
présent ou absent
68
La TDM sans injection fait le diagnostic en urgence, mais une PL (sang) peut être nécessaire dans les rares formes à scanner normal. Le diagnostic étiologique est fait par l’injection au scanner (angio-TDM) ou une artériographie quatre axes. Elles imposent un traitement étiologique obligatoire, urgent (artériographie avec embolisation ou clip chirurgical) après transfert dans un centre spécialisé. La prévention du vasospasme est un standard (nimodipine, Nimotop®). Les formes graves ont généralement une hypertension intracrânienne par hydrocéphalie qui justifie la dérivation ventriculaire externe (DVE). Avant traitement étiologique (embolisation ou clip chirurgical), on préviendra les accès hypertensifs (PA < 150/100 mmHg), mais une fois l’anévrysme sécurisé par embolisation ou clip, on maintiendra une PA normale afin de préserver la pression de perfusion cérébrale et éviter le risque d’ischémie en cas d’hypertension intracrânienne. Méningisme, céphalées, vomissements sont traités symptomatiquement (repos dans l’obscurité, au calme, antiémétiques, antalgiques). Les formes graves (coma) vont nécessiter une prise en charge en réanimation.
Complications Resaignement avant que l’anévrysme n’ait été embolisé : justifiant l’exclusion en urgence. Hyponatrémie, fréquente, traitée par des apports de sel et de sérum salé et limitation des apports en eau. Vasospasme : complication secondaire potentiellement grave, spasme artériel survenant du quatrième au quatorzième jour (parfois jusqu’à 3 semaines). Il est d’autant plus fréquent que l’hémorragie est abondante (classification de Fisher, en TDM). Son diagnostic est porté par des troubles de la vigilance et/ ou une aggravation neurologique secondaire ou une augmentation graduelle des vélocités lors du suivi par Doppler transcrânien (recommandé). Sa confirmation est angiographique. Son traitement repose sur le maintien d’une PA élevée (PAM ≈ 100 mmHg), une volémie normale (hypovolémie fréquente), et
Pathologies neurologiques et suites de neurochirurgie 123
souvent une angioplastie intraluminale (par ballon), lors de l’angiographie de confirmation. Hydrocéphalie aiguë ou différée. Elle peut justifier un drainage du liquide cérébrospinal (LCR)
Thrombophlébites cérébrales C’est une affection touchant surtout la femme jeune, de diagnostic et de traitement urgent. Elle est liée à des thromboses spontanées de veines corticales. Les signes cliniques sont l’association de céphalées, de troubles de la vigilance, qui sont d’autant plus évocateurs qu’on observe des convulsions et des signes focaux souvent variables. Le diagnostic est réalisé par la TDM avec injection et temps veineux (comblement d’un sinus veineux [signe du delta], foyers hémorragiques postérieurs et œdème cérébral), ou mieux l’angio-IRM. Les facteurs de risque connus : contraceptifs oraux et tabagisme, postpartum, foyer infectieux de voisinage, thrombophilie. Le traitement est fondé sur l’héparinothérapie à dose efficace. Le pronostic est généralement bon si le patient est traité sans retard.
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Agitation et délire aigus
Agitation aiguë Association variable d’agitation, de fureur, de logorrhée, d’insultes, d’agressivité. Il s’agit d’un état pouvant mettre en jeu la sécurité du patient et de son entourage : urgence médicale. Il faut reconnaître la cause : – une intoxication : éthylique, atropiniques, corticoïdes, antiparkinsoniens, psychotropes (tricycliques, sérotoninorgiques, lithium), CO, plomb – prise de toxiques : cocaïne, amphétamines – sevrage des morphiniques ou des benzodiazépines) ; − une pathologie organique : • cérébrale : tumeur cérébrale, AVC, hémorragie, méningite, méningoencéphalite, épilepsie temporale, • circulatoire : état de choc, • troubles métaboliques : hypoxie, hypoglycémie, hyperthyroïdie… – une pathologie psychiatrique : accès manique, bouffée délirante aiguë, délire paranoïaque, attaque de panique, crise d’hystérie… Bilan : anamnèse de l’entourage, mesure de la SpO2, paraclinique (global s’il n’y a pas d’orientation clinique), glycémie au doigt, ionogramme, alcoolémie, recherche de toxiques. On procéde à l’examen clinique dès que le patient est
124 Réanimation et urgences
calmé et maîtrisé et à la TDM cérébrale si le bilan clinique et biologique reste négatif.
Traitement Attitude empathique, calme. Traitement médicamenteux symptomatique selon le profil symptomatique : – neuroleptiques si composante délirante neuroleptique (chlorpromazine, Largactyl® ; laxapine, Loxapac® ou halopéridol, Haldol®, voire cyamemazine, Tercian®, si agitation majeure) ; – ou anxiolytiques si crise anxieuse (clorazépate, Tranxène®). Prise en charge adaptée au contexte : – psychiatrique : consultation psychiatrique et décision éventuelle d’hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers ; – médicale : hospitalisation en ambiance calme, surveillance clinique ou en réanimation si des éléments de gravité (étiologie, fonctions vitales) sont identifiés. Traitement symptomatique : si besoin, recours à la contention tant que le traitement médical n’a pas fait effet.
Délires aigus Début brutal. Les fluctuations de l’humeur, et le polymorphisme du délire sont caractéristiques. On ne note pas de syndrome confusionnel. On prend en compte le risque suicidaire. Cet état peut démasquer une schizophrénie, un état maniaco-dépressif, récidiver. Un avis psychiatrique est requis, débouchant généralement sur un traitement neuroleptique en urgence, et une hospitalisation en psychiatrie.
199
États confusionnels et troubles de la conscience
La désorientation temporo-spatiale, la perplexité anxieuse, le délire onirique constituent les symptômes principaux. Le bilan est celui évoqué dans les états d’agitation aigus. Le delirium tremens en est une forme particulière qui nécessite une hydratation importante, des vitamines B1, B6, de l’oxazépam (Séresta®), halopéridol (Haldol®).
Pathologies neurologiques et suites de neurochirurgie 125
192
Déficit neurologique récent
La clé est centrée sur le diagnostic étiologique, guidé par les signes de localisation et leur topographie, des éventuels troubles de la conscience. On cherche une cause neurologique centrale (cérébrale [AVC, AIT] ou médullaire : scanner, IRM). Un coma sans signe de localisation évoque une cause métabolique (hypoglycémie ++), infectieuse (méningite, méningo-encéphalite), toxique, voire un état postcritique. L’IRM est nécessaire dans les accidents ischémiques récents, et les lésions médullaires. Le diagnostic des accidents ischémiques (par IRM) est urgent pour permettre une éventuelle fibrinolyse (unité neurovasculaire) dans les 3 heures suivant le début des signes.
État de mal épileptique Convulsions continues (durant plus de 5 min) ou répétées (sur plus de 15 min). La prolongation de crises convulsives justifie un traitement immédiat. C’est une urgence thérapeutique. Des lésions irréversibles peuvent se produire en absence de traitement. Il peut s’associer à des signes cardiovasculaires (tachycardie, HTA), à la mydriase. Le diagnostic de certitude est l’EEG en urgence qu’on n’attend pas pour traiter ! On se méfiera des crises larvées dans les états de mal qui durent (affaiblissement des symptômes), des patients comateux (malade qui ne se réveille pas) ou curarisés (masque le diagnostique clinique). Les causes sont à rechercher systématiquement. Les plus fréquentes sont : − la mauvaise observance du traitement, le sevrage (des anticomitiaux ou de l’alcool) ; − les troubles métaboliques ; − les lésions cérébrales ; − les causes toxiques dont médicamenteuses ; − le traumatisme crânien ; − les pathologies infectieuses cérébrales (méningites et méningo-encéphalites). Le traitement associe : − le contrôle de la ventilation ; − l’abord veineux et les solutés salés isotoniques, le traitement de troubles de la glycémie induits ; − l’intubation et la ventilation ; − le traitement de l’hyperthermie ;
126 Réanimation et urgences
− les anticomitiaux en urgence, (Iv) : BZD (diazépam, Valium® ; clonazépam, Rivotril®) associés à un traitement de fond (phénytoïne ou phénobarbital). La récidive impose le recours au thiopental et à la ventilation artificielle ; − la surveillance en réanimation et l’EEG systématique (voire continu). Chez le nouveau-né, le traitement impose l’hospitalisation urgente en réanimation néonatale.
Suites de neurochirurgie Les suites de neurochirurgie se sont simplifiées du fait des progrès des techniques opératoires (neuronavigation), anesthésiques (anesthésie de courte durée, réveil rapide). Néanmoins, des lésions étendues, un œdème périlésionnel, un déficit neurologique préopératoire et a fortiori un coma, des facteurs de risque généraux augmentent le risque de difficultés postopératoires. Ces patients bénéficient des soins intensifs ou de la réanimation. Parmi les problèmes qu’il faut rechercher et gérer, citons : − les complications infectieuses du site opératoire (abcès, méningite, empyème) : fièvre, écoulements imposant la PL et un traitement antibiotique spécifique ; − les hématomes : scanner et évacuation ; − les troubles de l’hémostase : fibrinolyse par activation de médiateurs, secondaire à l’attrition cérébrale : bilan de coagulation systématique après les exérèses importantes ; − les troubles de la natrémie (salt wasting syndrome et diabète insipide) se caractérisant par une hyponatrémie qu’on recherchera systématiquement dans les jours postopératoires : ionogrammes sanguins et urinaires, densité urinaire (normale >1 005) ; − les convulsions : liées à la chirurgie ou à des désordres métaboliques (hyponatrémie). Le traitement anticomitial préopératoire ne doit pas être interrompu. Une bithérapie est constante en postopératoire, en cas d’épilepsie (lévétiracétam, Keppra® ; acide valproïque, Dépakine® ; clonazepam, Rivotril®) ; − l’œdème cérébral souvent préexistant (tumeurs) peut se majorer en postopératoire, pouvant générer un coma : ventilation artificielle, sédation, voire mannitol (corticoïdes si tumeur) ; − troubles de la déglutition dans la chirurgie de la fosse postérieure : fausses routes et infections pulmonaires ; − substitution (hémisuccinate d’hydrocortisone) dans la chirurgie hypophysaire dès le postopératoire. Bilan endocrinien puis opothérapie secondaire. En résumé, la surveillance : – est clinique et régulière : • signes de localisation dont paires crâniennes, pupilles (diamètre et réactivité), sensibilité, voies longues, motricité, • vigilance : score de Glasgow,
Pathologies neurologiques et suites de neurochirurgie 127
• générale : température, constantes hémodynamiques, saturation en O2, diurèse ; – est biologique : ionogramme (natrémie ++) sang et urines, glycémie, hémostase ; – consiste en la réalisation d’une TDM en cas d’anomalie (déficit focal, coma) et un d’EEG en cas d’absence de réveil si la TDM ne conclut pas à une complication chirurgicale.
Bibliographie Prise en charge de l’état de mal épileptique, 1996, www.sfar.org/srlfsfar/edmepilccons.html Prise en charge d’un blessé adulte présentant un traumatisme vertébro-médullaire, 2004, www.sfar.org/t/spip.php?article2468 & var_recherche = m % E9dullaire Prise en charge des traumatisés crâniens graves à la phase précoce, 1998, www.sfar.org/ traumacranfr.html Neurologic Disorders. In : Principles of internal medicine. Harrisson’s 17th edition. McGrawHill. 2008. La Réanimation neurochirurgicale. Bruder, Ravussin, Bissonnnette éds, Springer, 2007.
Atteintes rénales et suites opératoires en urologie F. Lion et C.-C. Arvieux
Items
N° 104. Septicémie N° 173. Prescription et surveillance des antibiotiques N° 176. Prescription et surveillance des diurétiques N° 203. Fièvre aiguë chez l’enfant et chez l’adulte. Critères de gravité d’un syndrome infectieux N° 216. Rétention aiguë d’urine N° 252. Insuffisance rénale aiguë – Anurie N° 259. Lithiase urinaire N° 310. Élévation de la créatininémie
Introduction 252, 216, 259, 104, 173, 203, 310, 176 Un patient est dit en état d’IRA lorsque sa fonction rénale ne permet pas d’assurer la stabilité en volume et en composition de son milieu intérieur. L’insuffisance rénale peut être du type oligurique (moins de 400 ml d’urine émise par 24 heures) ou « à diurèse conservée ». Le volume urinaire excrété ne permettant pas de définir seul une IRA, une autre définition repose sur la persistance d’un taux élevé de créatininémie (> 200 μmol/l) malgré l’absence ou la correction de tout trouble hémodynamique (causes prérénales) ou d’une cause obstructive (cause postrénale) à l’insuffisance rénale.
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Les principes de bases L’IRA est classiquement divisée en trois catégories : prérénale et postrénale d’une part et l’IRA rénale intrinsèque ou IRA proprement dite d’autre part. Cette division n’est pas seulement didactique mais repose sur la pratique : le traitement de chaque groupe est fondé sur des principes différents, voire opposés, il est important d’en différencier précocement les étiologies.
Les causes prérénales Il s’agit toujours d’une oligurie. C’est une insuffisance rénale dite fonctionnelle, le parenchyme rénal n’étant pas détérioré, du moins tant que le rein n’a pas subi d’ischémie profonde et prolongée. Dans cette situation, trois types de facteurs interfèrent pour constituer ce que l’on appelle la « néphropathie vasomotrice » par mise en jeu de facteurs nerveux (sympathiques) et humoraux (catécholamines, hormones, prostaglandines…) : – une modification des pressions de perfusion rénale prérénales (baisse du débit cardiaque, baisse de la pression hydrostatique, modifications de la pression oncotique…) ; – une vasoconstriction de l’artère afférente du glomérule par un excès de production de facteurs humoraux vasoconstricteurs (noradrénaline, angiotensine II, vasopressine ou hormone antidiurétique – ADH) qui antagonise l’effet vasodilatateur des prostaglandines sécrétées localement ou du facteur natriurétique atrial secrété par l’oreillette gauche ; – une vasoconstriction adaptative de l’artère efférente du glomérule qui augmente la pression dans le floculus du glomérule, ce qui élève « artificiellement » la pression hydrostatique, mais diminue la pression dans le capillaire péritubulaire qui fait suite à l’artère efférente, réduisant la vascularisation de la médullaire rénale qui devient hypoxique et, en conséquence, diminue ses fonctions de réabsorption. Cette néphropathie vasomotrice se produit lors d’une diminution de la pression de perfusion rénale soit par baisse du débit cardiaque (insuffisance cardiaque), soit par diminution du volume de l’espace extracellulaire (déshydratation), soit par diminution du volume plasmatique (collapsus ou choc hypovolémique). La restauration rapide d’un état hémodynamique stable permet le retour à une perfusion rénale satisfaisante et une reprise de la diurèse.
Signes cliniques et biologiques d’une insuffisance prérénale Il faut comprendre que le rein ne subit pas l’insuffisance prérénale, mais lutte contre elle en épargnant l’eau et le sodium pour restaurer la volémie. En effet, pour lutter contre l’hypoperfusion rénale, le rein réabsorbe le maximum d’eau et de sodium au niveau du tubule contourné distal sous l’influence de
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l’aldostérone et d’eau non liée à des ions au niveau des tubes collecteurs sous l’influence de l’ADH. L’aldostérone est sécrétée en grande quantité par les glandes corticosurrénales en réponse à la stimulation hormonale issue du rein lui-même (sécrétion de rénine par l’appareil juxtaglomérulaire qui perçoit l’hypoperfusion). L’ADH est sécrétée par l’hypothalamus et stockée dans la posthypophyse en fonction de l’osmolarité du plasma perçue au niveau de l’hypothalamus et de la volémie perçue par les volorécepteurs de l’oreillette droite. Ainsi, l’oligurie est faite d’urines concentrées, avec une forte osmolarité, une haute concentration en urée et une faible concentration en sodium, mais ne contenant pas de sédiments cellulaires (il n’y a pas de lésion du parenchyme).
Les causes postrénales L’urine s’est formée au niveau des reins, mais un obstacle sur les voies excrétrices en empêche l’évacuation. L’obstacle peut être haut situé sur les bassinets, les uretères (mais il doit être bilatéral pour entraîner une insuffisance rénale si les deux reins sont fonctionnels ou unilatéral sur rein unique), ou bas situé sur la vessie ou l’urètre. Les dommages au niveau du parenchyme rénal sont directement en rapport avec la durée de l’obstruction et la présence ou non d’une infection : une obstruction septique peut induire un choc septique (pyélonéphrite obstructive), voire, si elle se prolonge, totalement détruire le tissu rénal.
Les causes d’insuffisance rénale intrinsèque Deux groupes peuvent être individualisés en fonction des causes. Le groupe des nécroses tubulaires aiguës (NTA), le plus important, et le groupe hétérogène des autres causes. Les NTA proviennent de lésions à des degrés variables des cellules tubulaires rénales soit par un toxique, soit par ischémie. L’ischémie rénale peut être due à un état de choc prolongé notamment d’origine septique, à une coagulation intravasculaire disséminée comme celles rencontrées au cours d’hémorragies sévères, d’un SIRS ou d’un choc septique. Elle peut provenir également d’une cause prérénale non traitée à temps. En règle, l’origine d’une NTA est plurifactorielle : une hypotension même de courte durée, dans un contexte de CIVD survenant chez un patient antérieurement déshydraté et traité par un agent néphrotoxique peut induire une nécrose tubulaire. Parmi les agents néphrotoxiques, il faut citer : l’hémoglobine et la myoglobine provenant d’une hémolyse aiguë ou d’une rhabdomyolyse ; certains antibiotiques (aminosides, colistine, amphotéricine, céphalosporines…) ; certains solvants organiques (tétrachlorure de carbone…), les produits de contraste radiologique utilisés dans un contexte de déshydratation, notamment chez le diabétique.
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Dans la NTA, les cellules tubulaires sont détruites en quantité variable et n’assurent plus leur fonction de sécrétion (de l’urée par exemple) ou de réabsorption (de l’eau et du sodium par exemple).
Signes cliniques et biologiques d’une insuffisance rénale par NTA Dans les NTA, l’oligurie est faite d’urines peu concentrées, avec une faible osmolarité, une faible concentration en urée et une forte concentration en sodium (> 40 mmol/l), de plus, elles contiennent des sédiments riches en cellules tubulaires et granulocytes (il y a lésion du parenchyme). Les autres causes d’IRA intrinsèque sont très diverses mais plus rares. Elles peuvent être liées à une atteinte glomérulaire aiguë dont la classique glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique d’évolution généralement bénigne. À l’inverse, la glomérulonéphrite à marche rapide, évoluant très précocement vers des lésions glomérulaires irréversibles doit être reconnue très rapidement parmi les NTA anuriques afin d’initier un traitement adapté agressif. La nécrose corticale, survenant souvent dans un contexte de CIVD ou d’angéite, conduit également à une insuffisance rénale chronique.
Évolution Il est classique de décrire trois phases évolutives à l’IRA. La phase d’agression où s’appliquent le ou les mécanismes vulnérants. La phase d’état anurique ou non anurique, dont la durée dépend de l’étendue des lésions des cellules tubulaires, pouvant aller de quelques jours à 8 semaines. Au tout début de la phase oligurique, il est possible d’entraîner une diurèse en maintenant le sujet en hypervolémie relative et en administrant, une fois le remplissage effectué, de fortes doses de diurétiques. Cette pratique est actuellement remise en question sur la base d’une constatation d’une surmortalité chez ces patients. Quoi qu’il en soit, si ce traitement ne permet pas de maintenir une diurèse suffisante, le patient sera maintenu pendant toute la période anurique dans un étroit équilibre hydrique pour éviter un OAP. La phase résolutive est classiquement annoncée par une débâcle urinaire liée d’une part à l’évacuation des molécules non filtrées qui se sont accumulées dans le plasma et qui jouent le rôle d’un diurétique osmotique, et d’autre part à un défaut de concentration des urines par les cellules tubulaires nouvellement régénérées qui ne sont pas encore totalement fonctionnelles. En réalité, dans la forme oligurique la reprise de diurèse est progressive sur plusieurs jours, période pendant laquelle le rein reste fragile, toute déshydratation, toute hypotension ou toute nouvelle agression pouvant réinduire une NTA. L’IRA n’est pas grave seulement par elle-même, mais aussi par les risques de complications qu’elle induit. Dès le début de l’IRA, trois facteurs provenant de la perte de la fonction émonctoire rénale induisent un risque vital : l’hypervolémie par le risque d’OAP chez le sujet anurique, l’hyperkaliémie et l’acidose par le risque de troubles graves du rythme cardiaque. Dans l’évolution, le risque
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infectieux (pneumopathies, septicémie, infections urinaires…) est accru par la diminution de l’immunité cellulaire et humorale. Les hémorragies ne sont pas rares, la plupart d’origine digestive (ulcère de stress, entérocolite urémique), favorisées par l’effet antiagrégeant plaquettaire de l’urée et par les anticoagulants nécessaires pour permettre l’hémodialyse. À tout moment ces patients peuvent développer un état septique avec CIVD, SDRA et enfin une défaillance multiviscérale. La mortalité est plus importante dans le groupe des patients anuriques que dans le groupe des non-oliguriques.
Principes de gestion de l’IRA Les mesures générales L’équilibre hydro-électrolytique Une épreuve de remplissage au début de l’IRA est souvent nécessaire pour tenter de récupérer une diurèse avec l’aide de diurétiques ; dans la période oligurique installée, l’équilibre entre entrées et sorties estimées (fluides digestifs, perspiration) est difficile. Le monitorage de la pression veineuse centrale peut être un moyen de surveiller cet équilibre.
L’équilibre nutritionnel Un apport calorique important est souhaitable avec une quantité réduite de protéines. La voie entérale doit être privilégiée tout en veillant à l’équilibre hydrique et ionique.
La protection contre le stress Cette protection doit être systématique et repose sur les inhibiteurs de la pompe à protons associée à la nutrition entérale.
Le contrôle infectieux Les abords vasculaires, notamment ceux destinés à l’épuration, seront l’objet d’une surveillance et de soins d’une asepsie draconienne. Dans le cadre d’une anurie, il convient d’éviter le maintien de la sonde vésicale rendue inutile. Il n’est pas rare de rencontrer une leucocytose autour de 15 à 20 g/l chez ces patients en l’absence de toute infection. La présence d’une urémie élevée tend à diminuer la température centrale de 0,5 à 1 °C, il faut en tenir compte lors de l’interprétation des valeurs de la température centrale du patient. Comme chez les autres patients de réanimation, l’antibiothérapie doit être utilisée quand cela est nécessaire et aux doses adaptées.
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L’administration de produits à élimination rénale Tout agent pharmacologique ayant une élimination rénale voit sa demi-vie allonger, conduisant ainsi à un surdosage et à une prolongation de ses effets. Le risque du surdosage est de conduire à une toxicité du produit (ex. les aminosides). Il conviendra de pratiquer des dosages plasmatiques pour déterminer les doses à administrer par rapport à la fonction rénale résiduelle ou aux séances d’épuration plasmatique.
Les mesures spécifiques L’épuration extrarénale Ce terme recouvre l’ensemble des moyens thérapeutiques disponibles pour suppléer le rein défaillant : hémodialyse, hémofiltration, hémodiafiltration, hémoperfusion, dialyse péritonéale. Ces techniques sont exposées au chapitre « L’épuration extrarénale ».
Suites opératoires en urologie Les suites opératoires en urologie, en dehors des soins et des traitements postopératoires habituels en chirurgie viscérale, peuvent schématiquement être divisées en quatre parties qui sont spécifiques de cette discipline : les différents types de drainages urinaires et la gestion des sondes ; les troubles liés à la rétention urinaire et à la levée de l’obstacle ; les syndromes hémorragiques postopératoires ; et le syndrome de résorption des résections transurétrales.
Les drainages urinaires et la gestion des sondes particulières à la chirurgie urologique À côté de la très classique sonde urinaire standard dont la mise en place dans des conditions d’asepsie draconienne constitue l’un des premiers actes dans la formation infirmière, l’urologie recourt à différents types de sondes dont la mise en place soit transurétrale, soit par voie endoscopique ou lors d’une intervention est réalisée par le chirurgien. En cas d’hématurie, spontanée ou postopératoire, des sondes urinaires à « double » ou à « triple courants » permettent une irrigation en continu avec du sérum physiologique assurant un lavage vésical destiné d’une part à empêcher la survenue d’un « syndrome de caillotage » qui, en activant une fibrinolyse localisée entretiendrait le saignement, et d’autre part à éviter l’obstruction
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de la sonde avec rétention aiguë du lavage et de l’urine. Un bilan précis des entrées et sorties permet de percevoir l’existence de fuites ou d’une rétention du lavage ; l’aspect du liquide de drainage permet de monitorer le débit d’administration de l’irrigation. La couleur idéale du lavage issu de la sonde doit être, du fait de la dilution de teinte, « rosé de Provence ». La survenue d’un caillotage de vessie ou d’une obstruction de la sonde nécessite la pratique d’un lavage à la seringue, habituellement réalisé sur prescription médicale par le personnel infirmier mais qui peut dans certains cas être fait par l’opérateur lui-même, notamment lorsque des sutures chirurgicales peuvent de façon inopportune être mises en tension par la pression générée par la seringue. Il peut être nécessaire de recourir au changement de la sonde à double ou à triple courant par une autre de plus fort calibre. À noter que l’utilisation d’un échographe vésical (bladder-scan) par les équipes paramédicales contribue à l’identification précoce et fiable d’une rétention aiguë d’urine. Le drainage des urines peut, en cas d’obstacle bas situé ou d’impossibilité de cathétérisme urétral (obstacle prostatique, plaie urétrale…), être fait par cathétérisme sus-pubien. Cette technique permet un accès dans des conditions d’asepsie chirurgicale en introduisant un cathéter en silicone par ponction transpariétale sus-pubienne de la vessie. Une technique similaire utilise une sonde « à ailettes » de Malecot, de calibre plus important, mise en place en peropératoire par le chirurgien pour drainer la vessie par voie transpariétale. Le drainage des cavités pyélocalicielles peut se faire par voie externe ou interne. Il permet la dérivation des urines, en cas d’obstacle sur les voies excrétrices sus-vésicales (lithiases, compressions extrinsèques, plaie de l’uretère…). Il permet aussi de protéger les sutures chirurgicales (anastomoses urétérales, urétéro-vésicales, urétéro-digestives…). Le drainage interne recourt aux sondes « double J » mises en place par voie endoscopique. Il s’agit de sondes « autostatiques » terminées à chacune de leurs extrémités par une courbure aiguë, donnant leur forme caractéristique en « double J ». Elles cathétérisent l’uretère et assurent le drainage entre les cavités pyélocalicielles et la vessie. Elles peuvent cependant être exclues du fait du péristaltisme urétéral qui tend à les évacuer. Il est donc indispensable de les vérifier, par radiographie simple des voies urinaires. Avec le temps, une réaction inflammatoire fibrosante autour de la sonde impose leur changement régulier en cas d’indication de drainage prolongé. Le drainage externe des cavités pyélocalicielles peut être assuré par sondes urétérales ou par néphrostomie percutanée. La sonde urétérale, mise en place par endoscopie, dérive les urines du bassinet vers l’extérieur en sortant par le canal de l’urètre contrairement à la sonde « double J » dont l’extrémité d’aval reste en intravésical. Ces sondes urétérales peuvent être employées dans les mêmes indications que la « double J » (dérivation d’obstacle, protection des sutures…) mais présentent aussi l’avantage de pouvoir surveiller en postopératoire les débits urinaires sélectifs et la fonction rénale de chaque rein séparément (ionogramme urinaire et clairance séparée de la créatinine). Elles peuvent être retirées facilement au lit du patient ou remplacées par des sondes « double J »
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(changement sur guide). Plus encore que les sondes autostatiques « double J », elles ont tendance à être expulsées par le péristaltisme urétéral, et leur position doit être surveillée au lit (graduations, opacification si besoin). En cas d’impossibilité de cathétérisme urétéral (obstacle infranchissable), la dérivation des voies urinaires supérieures peut être temporairement réalisée par une néphrostomie percutanée (NPC). Un cathéter est introduit, sous contrôle radioscopique ou échographique, par ponction transcutanée au niveau lombaire, dans les cavités dilatées à l’aide d’un trocart. La pose nécessite une simple anesthésie locale de la paroi. La surveillance des NPC obéit aux mêmes règles que les autres sondes urétérales.
Les rétentions d’urine Les rétentions d’urine posent un problème d’urgence de diagnostic afin d’éviter une altération de la fonction rénale, mais aussi de limiter le risque infectieux. Elles posent ensuite un problème lié à la levée de l’obstacle. La physiopathologie de la rétention d’urine est relativement univoque quel que soit le niveau où se situe l’obstacle. À la phase aiguë, l’élévation de la pression dans la chambre urinaire induit une augmentation du flux sanguin rénal qui compense ainsi la pression urinaire par une élévation de la pression hydrostatique sanguine. Vers la cinquième heure, le flux sanguin rénal diminue et les résistances vasculaires préglomérulaires s’effondrent réduisant la pression de filtration et induisant une antidiurèse. Si aucune mesure n’est prise pour éradiquer cette rétention urinaire, une phase chronique s’installe. Cependant, du fait d’une dilatation progressive des cavités urinaires, la pression se normalise dans ces cavités. Il n’apparaît pas de lésions épithéliales, mais une dysfonction des cellules tubulaires s’installe avec une baisse de la réabsorption distale du sodium (sous influence de l’aldostérone) et un défaut de concentration et d’acidification des urines. Les urines produites sont pauvres en sodium et hypodenses. L’antidiurèse initiée en phase aiguë se pérennise. Il convient de réduire au plus tôt l’hyperpression et la stase urinaires, au risque d’évoluer vers une dilatation chronique avec destruction progressive du parenchyme rénal par néphrite interstitielle ascendante dans un contexte d’infections urinaires à répétition. Cette évolution est parfois paucisymptomatique, la découverte étant fortuite lors d’un examen radiologique ou d’une échographie dans un contexte d’insuffisance rénale. De façon plus spectaculaire, la surinfection de la stase urinaire provoque une pyélonéphrite aiguë avec choc septique menaçant le pronostic vital du patient. Le piège diagnostique réside dans l’obstacle unilatéral se constituant progressivement, sans déclencher de colique néphrétique, la diurèse continuant à être assurée par le rein sain. La destruction de ce rein à bas bruit pourra être une constatation tardive. La levée de l’obstacle constitue une urgence et induit des conséquences qu’il faut assumer en postopératoire. Si elle est précoce, réalisée dans les 5 heures
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qui suivent la survenue de l’accident douloureux qui signe la mise en tension des structures urinaires par l’obstacle, on assiste à la normalisation rapide des pressions urinaires, du flux sanguin rénal et des fonctions tubulaires et glomérulaires. Une hyperdiurèse temporaire est liée à l’élimination des substances osmotiquement actives accumulées lors de la rétention si l’obstacle était bilatéral. Si la levée d’obstacle est tardive, survenant après 18 heures de rétention, deux schémas évolutifs se rencontrent : si l’obstacle est bilatéral, une polyurie natriurétique non sensible à la restriction hydrique survient par insensibilité des cellules tubulaires à l’ADH et à l’aldostérone, mais aussi par le fait d’une dysfonction par washout médullaire, le gradient de concentration corticomédullaire ayant disparu par dilution, il faut attendre sa reconstitution progressive pour restaurer la concentration des urines. Si l’obstacle est unilatéral, la polyurie sodée du rein lésé est masquée en partie par le rein sain qui étant, lui, sensible à l’ADH et à l’aldostérone voit sa diurèse s’effondrer. Les lésions occasionnées par une distension chronique, évoluant depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois, peuvent aussi ne pas permettre la reprise d’une diurèse efficace lors de la levée de l’obstacle. Le traitement du syndrome de levée d’obstacle repose sur la maîtrise d’un équilibre hydroélectrolytique résultant de l’hyperdiurèse induite par l’insensibilité du tubule à l’ADH et à l’aldostérone, à la charge osmotique constituée par l’accumulation de molécules habituellement éliminées par des reins fonctionnels, associées à la rétention hydrique du sujet anurique. Il faut s’attendre dans les heures qui suivent la levée de l’obstacle à une débâcle urinaire de plus de 500 ml/h. La stratégie thérapeutique consiste à compenser la fuite urinaire en eau et en électrolytes en s’aidant des ionogrammes sanguins et urinaires du patient, et à freiner progressivement cette hyperdiurèse en réduisant cette compensation afin d’aider le rein à reconstituer son gradient corticomédullaire pour concentrer les urines. On est aidé à cette phase par la réduction de la charge osmotique qui s’est éliminée par les urines dans les premières heures et qui tend à ralentir les pertes hydriques. Le risque est la survenue rapide d’une déshydratation. Cela sous-entend un suivi rapproché du patient dans les 2 à 3 jours qui suivent la levée d’obstacle. A contrario, une fois la charge osmotique éliminée, le risque est d’entretenir l’hyperdiurèse par des apports trop importants, c’est ce qu’il est convenu d’appeler « l’hyperdiurèse d’entraînement ». Le risque maximal est constitué par le terrain pathologique du patient. Les insuffisants cardiaques ou respiratoires supportent mal les variations de volémie importantes qui peuvent survenir immédiatement après la levée d’obstacle : une sous-compensation est source de désamorçage par baisse de la précharge, une surcompensation induit un risque d’insuffisance respiratoire aiguë dans un cas comme dans l’autre, par surcharge interstitielle et œdème pulmonaire. Par ailleurs, l’hypervolémie associée à l’hyperaldostéronisme dus à la rétention, induisent per se une hypertension artérielle temporaire ou majore fortement une HTA préexistante augmentant ainsi la postcharge systémique et favorise une insuffisance ventriculaire gauche. Afin de limiter les variations volémiques, il peut être indiqué de réaliser une hémofiltration préopératoire du patient afin
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de réduire sa charge osmotique, ce qui réduit l’hyperdiurèse. La surveillance du patient repose sur le pouls, la tension artérielle, la pression veineuse centrale, la diurèse horaire, voire semi-horaire, la densité urinaire mesurée à la bandelette, le degré d’hydratation des tissus (téguments du creux sous-clavier, tonus oculaire, humidité sublinguale et du sillon gingivojugal…), la pesée du patient et la recherche d’œdèmes des membres inférieurs et des lombes (l’apparition récente d’œdèmes signe une surcharge hydrique de plus de 3 kg). La surveillance clinique se double d’une surveillance biologique avec azotémie, créatininémie, ionogrammes sanguins et urinaires répétés avec hématocrite et protidémie. La compensation de diurèse se fait, suivant le degré de la polyurie, sur une base horaire au début, puis toutes les 2 puis 4 heures lorsque la réduction de la diurèse permet d’écarter un risque de déshydratation aiguë. La base du soluté de remplissage peut être une solution glucosée à 2,5 % à laquelle sont rajoutés du sodium, du potassium et du bicarbonate. Il convient de se fonder sur l’ionogramme urinaire pour adapter les apports ioniques à adjoindre au volume hydrique perfusé, le but étant de compenser l’acidose métabolique, l’hypokaliémie et de réduire progressivement l’hyponatrémie au risque d’induire une myélinose centropontique (pas plus de 20 mmol/l par 24 heures). Il convient de ne pas administrer de sérum physiologique et encore moins de solution de Ringer, leur charge ionique fixe peut se révéler rapidement inadaptée aux besoins du patient avec un risque de surcharge. Par ailleurs, la charge glycémique induite par une solution glucosée à 2,5 % laisse une marge de manœuvre suffisante puisqu’un apport glucidique de 100 à 150 g par 24 heures est réalisé avec de 4 à 6 l de solutés de remplissage, ce qui est un volume de compensation dans les limites habituelles le premier jour. Il convient cependant de s’assurer que cet apport n’induit pas une hyperglycémie avec glycosurie qui serait un facteur d’entretien supplémentaire de l’hyperdiurèse. Ultérieurement, la compensation est réduite progressivement soit en sous-compensant à 75 puis à 50 % la diurèse horaire, soit en donnant sur 24 heures un apport correspondant à 75 ou à 50 % des perfusions de la phase initiale. Lorsque la levée d’obstacle ne génère pas une reprise de diurèse immédiate, il peut être nécessaire d’utiliser un diurétique pour l’amorcer, après avoir cependant vérifié que les sondes sont perméables. Si ce traitement se révèle infructueux, la restriction hydrique est de mise et une prise en charge néphrologique est nécessaire. Si la diurèse induite reste dans des limites raisonnables, la réhydratation chez un sujet conscient peut associer un apport journalier de 2 à 3 l de soluté par 24 heures et des apports per os surveillés. Les apports sodé et potassique pouvant également être réajustés en fonction de l’ionogramme par des gélules per os. Dans le cadre de la prise en charge globale du patient, une antibiothérapie probabiliste puis adaptée à l’antibiogramme doit être prescrite très précocement à dose adaptée en cas de suspicion d’une pyélonéphrite. Tout retard à cette prescription peut majorer le risque de choc septique et entraîner un risque vital pour le patient.
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Ne pas oublier non plus de prescrire une anticoagulation de principe chez un sujet qui va être alité plusieurs jours, est porteur de sondes après des manœuvres endoscopiques sur le petit bassin et présente souvent une insuffisance cardiaque.
Le patient hémorragique L’une des complications les plus fréquemment rencontrées en postopératoire est l’hémorragie. Cette fréquence est liée à des causes anatomiques avec d’une part des loges (rénales et prostatiques) richement vascularisées et sites de lésions carcinomateuses potentiellement invasives et adhérentes, et d’autre part une cavité vésicale dont l’hémostase peut être difficile par l’absence de possibilité de compression des zones hémorragiques. Ce handicap anatomique est renforcé par une richesse des tissus en thromboplastines tissulaires, ayant pour but de favoriser la coagulation, mais dont la libération massive lors de la chirurgie induit très fréquemment des coagulopathies de consommation avec une CIVD puis une fibrinolyse qui vont entretenir le saignement et nécessiter un décaillotage. Ces syndromes hémorragiques se rencontrent préférentiellement dans les suites opératoires : – de la chirurgie carcinologique rénale avec exérèse élargie, les lésions tumorales adhérentes aux parois de la loge rénale rendant l’hémostase difficile. La néphrectomie par cœlioscopie pour des tumeurs de diamètre inférieur à 7 cm et sans envahissement locorégional ou vasculaire (veines rénales) étendu, permet de limiter ce risque hémorragique en évitant les délabrements tissulaires de la lombotomie ou de la voie sous-costale par ailleurs pourvoyeuses de douleurs postopératoires majeures ; – de la chirurgie prostatique pour des raisons similaires en cas d’exérèse à ciel ouvert ou par cœlichirurgie. Lors de la résection transurétrale de prostate, où le résecteur électrocoagule des copeaux glandulaires en créant une cavité sans possibilité de compression par les tissus adjacents. À ce niveau, les thromboplastines tissulaires sont libérées en très grande quantité. Notons cependant que, dans la prostatectomie radicale, la cœliochirurgie a réduit le risque hémorragique, de même que l’utilisation du laser l’a grandement réduit dans la résection de prostate du fait d’une meilleure hémostase ; – de la chirurgie vésicale, les lésions pariétales ne pouvant être comprimées faute d’une pression tissulaire suffisante. Ces trois types de chirurgie exposent particulièrement à un syndrome de caillotage obstruant les drains et entretenant l’hémorragie par activation de la fibrinolyse. Le traitement du syndrome de caillotage une fois constitué consiste en une évacuation des caillots qui auto-entretiennent le saignement soit par un lavage plus abondant, soit par changement de sonde au profit d’une de plus gros calibre, soit par évacuation manuelle en abordant chirurgicalement la loge rénale ou prostatique. En cas d’échec, la reprise chirurgicale peut nécessiter des
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gestes plus radicaux d’exérèse. La CIVD nécessite aussi un traitement par transfusion de plasma frais congelé pour restaurer les taux circulants de facteurs de coagulation, la fibrinolyse peut nécessiter le recours à une transfusion plaquettaire. Dans tous les cas, une transfusion sanguine de concentrés globulaires est nécessaire pour obtenir l’hémostase ; en effet, les facteurs de coagulation ne suffisent pas à produire des caillots résistants, les globules rouges sont aussi nécessaires à leur constitution.
Les suites opératoires des dérivations digestives des voies urinaires La chirurgie carcinologique vésicale ou prostatique ou de tout processus cancéreux impliquant le bas appareil urinaire peut recourir à une dérivation des uretères vers une portion isolée de l’intestin grêle utilisé comme réservoir. Il existe globalement deux principes de reconstructions : l’urétérostomie transiléale (intervention de Bricker) et l’entérocystoplastie. Le Bricker consiste à isoler une anse grêle dont une extrémité est occultée et l’autre abouchée à la paroi abdominale et sur laquelle les uretères sont abouchés. En postopératoire, le montage du drainage consiste en l’issue par l’orifice cutané de la stomie d’une sonde urinaire classique qui draine l’anse grêle, et de deux sondes urétérales qui « intubent » et protègent les anastomoses urétéro-iléales. Secondairement, ces sondes seront remplacées par des sondes « double J ». Il convient de cantiner et de surveiller les diurèses des trois sondes. L’entérocystoplastie consécutive à une cystectomie consiste à aboucher les deux uretères sur une anse grêle « montée » sur l’urètre. Ce montage permet d’éviter la dérivation externe des urines comme dans le Bricker. Ces dérivations des urines à l’aide de portion d’organes digestifs qui conservent leurs fonctions de réabsorption et de sécrétion peuvent souffrir de trois types de complications : – une fuite de bicarbonates conduisant à une acidose métabolique qu’il convient de prévenir en supplémentant ces patients en bicarbonates et en sodium ; – la constitution de « pelotes » constituées de mucus et de cellules entérales desquamées qui possèdent un fort taux de renouvellement. Ces sécrétions, très visqueuses et adhérentes, peuvent induire des obstructions avec rétention aiguë d’urine et surinfection ; – la survenue d’infections à germes digestifs, récidivantes et pouvant à terme conduire à une néphrite ascendante chronique, nécessite une hyperhydratation permanente afin de maintenir un volume urinaire qui, par phénomène de « dilution limite », réduit le risque infectieux. Une antibiothérapie adaptée peut se révéler nécessaire en cas d’infection symptomatique.
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Le TURP syndrome (transuretral resection prostate) Ce syndrome est lié au passage dans la circulation sanguine du liquide d’irrigation vésicale utilisé lors des résections transurétrales de prostate. Ce liquide contient du glycocolle (solution à 1,5 % ou 2,1 %), acide aminé naturellement présent dans le sang (200 μmol/l) et ayant des propriétés de neurotransmetteur cérébral. Cette résorption plasmatique soit à l’occasion d’un passage péritonéal par une brèche vésicale ou par une rupture de la capsule prostatique, soit par un passage plasmatique direct par effraction des plexus veineux périprostatiques induit des manifestations neurologiques, circulatoires et métaboliques. Une hémolyse peut être aussi constatée lorsque le liquide d’irrigation est une solution hypotonique (eau pure ou solution glycocollée à 1,5 %). L’incidence de ce syndrome est très variable, mais peut atteindre 25 % des cas, dans des conditions strictes de perfusion vésicale à débit modéré, à faible pression (moins de 70 cmH2O) et pendant une durée n’excédant pas 1 heure pour une résection de moins de 50 g de prostate. Les signes cliniques du TURP syndrome comportent une hypervolémie avec hypertension et bradycardie pouvant évoluer vers une surcharge interstitielle pulmonaire puis un OAP. Mais le tableau clinique peut être marqué par une hypotension, voire un choc notamment si une hémolyse survient. Les signes neurologiques peuvent être au devant de la scène avec des dysesthésies cutanées, des troubles visuels (vision floue, amaurose, cécité transitoire), un état d’agitation ou au contraire de somnolence puis de coma peuvent survenir. Des crises convulsives peuvent être induites par l’hyponatrémie et un œdème cérébral. Plusieurs mécanismes sont retenus pour expliquer les manifestations du TURP syndrome : une hyponatrémie de dilution et une surcharge hydrique, des effets toxiques directs du glycocolle (neurotransmetteur inhibiteur) et des produits de son métabolisme toxiques (malaise, vomissements, cécité transitoire, mydriase, troubles de conscience). Le traitement de ces complications est essentiellement symptomatique, cherchant à réduire l’hypervolémie et ses conséquences (diurétique, oxygénothérapie, catécholamines), à réduire avec prudence l’hyponatrémie. La prévention des complications du TURP syndrome repose sur un diagnostic précoce par une surveillance clinique hémodynamique et neurologique d’une part, biologique (natrémie et osmolarité plasmatique) d’autre part. Un autre moyen de prévention repose sur l’utilisation de plus en plus fréquente du laser comme outil de résection en lieu et place des anses de résection thermiques. En effet, le résecteur diathermique nécessite l’emploi d’un liquide isolant (solution de glycocolle) qui cumule le désavantage d’une molécule à effet pharmacologique indésirable (neurotransmetteur central) et le caractère hypotonique de la solution. La résection au laser utilise du sérum salé isotonique qui en limite les effets secondaires.
142 Réanimation et urgences
Conclusion L’insuffisance rénale est de survenue fréquente en réanimation périopératoire où les causes se trouvent rassemblées pour produire une atteinte rénale multifactorielle. Les techniques d’épuration extrarénale se sont progressivement améliorées tant en ce qui concerne leur efficacité que leur facilité d’utilisation ; il n’en demeure pas moins que l’insuffisance rénale reste une affection grave qui comporte un risque vital propre. Par ailleurs, les suites opératoires en urologie se sont trouvées simplifiées par l’avènement de techniques chirurgicales moins invasives, limitant les complications hémorragiques notamment. Le TURP syndrome voit également sa fréquence diminuer par l’utilisation d’une irrigation avec du sérum physiologique, et non de l’eau glycocollée, rendue possible par l’emploi de la résection par laser.
Affections hépatodigestives M. Desmard et P. Montravers
Items
N° 205. Hémorragie digestive N° 217. Syndrome occlusif N° 228. Cirrhose et complications N° 268. Pancréatite aiguë N° 275. Péritonite aiguë N° 302. Diarrhée aiguë chez l’enfant et chez l’adulte (avec le traitement)
205
Hémorragie digestive
Définition L’hémorragie digestive est une urgence diagnostique et thérapeutique due à un saignement entre la bouche œsophagienne et l’anus. La localisation par rapport à l’angle de Treitz permet une segmentation en HD hautes (HDH) en amont de l’angle de Treitz, et HD basses (HDB) en aval.
Physiopathologie Les HDH sont les plus fréquentes (80 % des cas) (tableau I) et sont dues le plus souvent à la maladie gastro-duodénale (40 %), les HD gastro-duodénales aiguës liées à la prise d’agents gastrotoxiques (15 % des cas, le plus souvent par
144 Réanimation et urgences
suite des AINS) et les hémorragies liées à l’hypertension portale le plus souvent secondaires à une cirrhose hépatique (15 % des cas). Les HDH se tarissent spontanément dans 75 % des cas. La fibroscopie digestive pratiquée dans les 24 heures qui suivent le saignement permet un diagnostic dans plus de 90 % des HDH. Dans une HDB, le diagnostic étiologique n’est établi que dans 75 % des cas. Tableau I – Principales étiologies des HD. HDH Ulcère gastrique ou duodénal Varices œsophagiennes ou gastriques Gastrite ou duodénite Syndrome de Mallory-Weiss Œsophagites Tumeurs malignes Angiodysplasie Fistule entéro-aortique Ulcération de Dieulafoy Hémobilie Wirsungorrhagie
HDB Diverticulose colique Angiodysplasie du grêle/du colon Tumeur/polype Maladie de Crohn/rectocolite hémorragique Colite ischémique Colite infectieuse Rectite radique Chute d’escarre postpolypectomie Hémorroïdes, fissure anale Ulcération thermométrique Diverticule de Meckel
Diagnostic Une HD se révèle par une extériorisation du saignement ou par son retentissement hémodynamique. Une hématémèse, vomissement de sang retrouvé dans plus des deux tiers des HDH, doit être différenciée d’une épistaxis déglutie, un saignement buccopharyngé ou une hémoptysie. Le méléna (selles noires et nauséabondes) traduit un saignement en amont du côlon droit. Il peut être la seule manifestation d’une HDH. Une rectorragie (émission de sang rouge par l’anus) peut correspondre à une HDB ou à une HDH massive.
Évaluation de la gravité Les critères de gravité d’une HD sont son abondance, son activité et le terrain sous jacent. L’évaluation de l’abondance de l’HD se fait sur le retentissement hémodynamique, respiratoire et neurologique (tableau II). Un traitement antérieur par bêta-bloquants empêche la tachycardie et peut conduire à une sousestimation de la gravité de l’HD. L’évaluation de l’activité de l’HD se fait sur l’évolution de l’hémodynamique, du taux d’hémoglobine, des lavages gastriques et sur le rendement transfusionnel. Les terrains les plus à risque sont la coronaropathie, la cirrhose, et un traitement anticoagulant.
Affections hépatodigestives 145
Tableau II – Estimation de la spoliation sanguine. Classe 1
Classe 2
Classe 3
Classe 4
< 750
750-1 500
1 500-2 000
> 2 000
PAS
inchangée
inchangée
diminuée
imprenable
PAD
inchangée
augmentée
diminuée
imprenable
< 100
> 100
> 120
> 140
Pertes sanguines (ml)
FC (b/min) Temps de recoloration (s)
<2
>2
>2
>2
Fréquence respiratoire (/min)
< 20
> 20
> 30
> 40
Anxiété
Anxiété +
Anxiété ++ confusion
Anxiété +++ obnubilation
État neurologique
PAS : pression artérielle systolique ; PAD : pression artérielle diastolique ; FC : fréquence cardiaque
Bilan étiologique Le bilan étiologique dépend de la gravité et de la localisation haute ou basse de l’hémorragie (fig. 1). Devant une hématémèse, la fibroscopie œso-gastroduodénale (FOGD) permet presque toujours de trouver la cause. Elle doit être au mieux réalisée dans les 12-24 heures suivant le début de l’HDH, après vidange du contenu gastrique (par aspiration gastrique, érythromycine). Devant un méléna, la réalisation d’une rectosigmoïdoscopie est inutile, car l’origine du saignement se situe en amont de l’angle colique gauche.
Prise en charge Mise en condition : monitorage pression artérielle, FC, saturation percutanée en oxygène. Deux voies veineuses d’au moins 18 gauges. Groupe sanguin + rhésus (deux déterminations), recherche d’anticorps irréguliers (RAI), NFS, hémostase, ECG. Stabilisation hémodynamique : expansion volémique (cristalloïdes ou colloïdes), transfusion de concentrés globulaires (objectif 7 g Hb/dl ou 10 g Hb/dl si coronarien, transfuser sans attendre d’avoir atteint ces chiffres en cas d’hémorragie active).
146 Réanimation et urgences
Hématémèse
méléna
rectorragie
FOGD
FOGD
Examen proctologique
Coloscopie totale
Rectosigmoïdoscopie FOGD
Hémorragie active
Artériographie cœlio-mésentrique Angioscanner Laparotomie à discuter
Arrêt spontané du saignement
Coloscopie totale Transit du grêle entéroscanner
Fig. 1 – Bilan étiologique des HD.
Dans les HDH Sonde naso-gastrique et lavage gastrique. Sa mise en place n’est pas contre-indiquée par la présence de varices œsophagiennes (VO). Érythromycine 250 mg IV administrée 30 min avant la FOGD (vidange gastrique). Oméprazole IV (inhibiteurs de la pompe à protons – IPP) dès la suspicion d’HD sur ulcère gastro-duodénal (80 mg en bolus puis 8 mg/h IVSE [injection intraveineuse à la seringue électrique]). À poursuivre 72 heures en cas de confirmation du diagnostic. Traitement vasoactif dès suspicion d’HD sur VO (terlipressine 1-2 mg IV/4 h, mais risque si coronarien, ou octréotide 25 μg en bolus puis 25 μg/h IVSE ou somatostatine 250 μg en bolus puis 250 μg/h IVSE). À poursuivre de 3 à 5 jours en cas de confirmation du diagnostic. FOGD en urgence en cas de critère de gravité chez un malade stabilisé (en bon état hémodynamique et sans trouble de vigilance). En cas de troubles de la vigilance, les voies aériennes sont protégées par intubation orotrachéale. La FOGD identifie la cause de l’hémorragie et permet le traitement hémostatique (sclérose/adrénaline ou électrocoagulation pour l’ulcère, ligature plus volontiers que sclérose pour VO). En cas d’HD par rupture de VO, rechercher et traiter une infection du liquide d’ascite, prévenir les infections secondaires du liquide d’ascite (norfloxacine 7 jours). La prévention de l’encéphalopathie hépatique par l’administration entérale de lactulose peut être réalisée. La prévention secondaire des récidives au décours de l’HD est réalisée par bêtabloqueurs et/ou ligature endoscopique.
Affections hépatodigestives 147
La chirurgie en urgence pour une HDH pour un ulcère gastro-duodénal est envisagée après deux échecs d’hémostase par FOGD ou dans des pathologies non accessibles à l’endoscopie (fistule artério-digestive…). La mise en place (chirurgicale ou transhépatique par voie jugulaire) d’un shunt portocave peut être discutée si une hémorragie par rupture de VO persiste malgré le traitement médico-endoscopique.
217
Syndrome occlusif
Définition Le syndrome occlusif est défini par un arrêt du transit intestinal responsable d’un arrêt des matières et des gaz. Plusieurs causes peuvent en être responsables, même si la cause principale reste l’obstacle mécanique soit par bride pour les occlusions de l’intestin grêle, soit par cancer pour les occlusions coliques.
Physiopathologie L’arrêt du transit intestinal peut être d’origine mécanique par obstruction (obstacle intraluminal) ou par strangulation (obstacle extraluminal) (tableau III), ou sans obstacle apparent et appelé fonctionnel (tableau IV). En amont de l’occlusion, une dilatation intestinale se produit qui entraîne une stase digestive responsable de troubles hydroélectrolytiques, d’une augmentation de la pression intra-abdominale et d’une pullulation microbienne. La séquestration liquidienne a lieu dans la lumière digestive et dans la paroi. Une occlusion au niveau pylorique ou gastrique génère initialement des pertes hydroélectrolytiques équilibrées en eau et en sodium, riches en acide et en potassium conduisant à une alcalose métabolique hypochlorémique et hypokaliémique. Plus tardivement, les pertes d’eau deviennent plus importantes que les pertes de sodium, induisant une déshydratation intracellulaire. Dans les occlusions basses, les troubles hydroélectrolytiques dépendent du délai de prise en charge, de la présence de diarrhée et d’une aspiration digestive. L’anomalie la plus fréquente est une déshydratation extracellulaire et une acidose métabolique. L’augmentation de la pression intra-abdominale limite la course diaphragmatique, diminue la compliance pulmonaire et favorise la constitution d’atélectasies. Elle induit une augmentation de la pression intrathoracique qui entraîne une diminution du retour veineux et du débit cardiaque. La diminution du débit cardiaque et l’augmentation de la pression intra-abdominale diminuent le débit de filtration glomérulaire et dégradent la fonction rénale.
148 Réanimation et urgences
Tableau III – Principales causes des occlusions par obstacle. Obstacle pariétal Intestin grêle Tumeurs bénignes Tumeurs malignes Sténoses Hématomes
Côlon-rectum Tumeurs malignes Sigmoïdites
Obstacle intraluminal Intestin grêle Iléus biliaire Phytobézoard Corps étranger Ascaridiose
Côlon-rectum Corps étranger
Obstacle extraluminal Intestin grêle Brides, adhérences Hernie étranglée Invagination intestinale
Côlon-rectum Volvulus
Compression extraluminale Intestin grêle Carcinose péritonéale
Côlon-rectum
Tableau IV – Principales causes des occlusions sans obstacle apparent. Iléus induit par une cause digestive Pathologies infectieuses intra-abdominales Appendicite Collection infectée, péritonite Cholécystite aiguë Pathologie gynécologique infectieuse Pathologies inflammatoires Maladie de Crohn Autres maladies inflammatoires Pathologies vasculaires ischémiques Ischémie artérielle ou veineuse Fissuration d’un anévrisme de l’aorte Dissection aortique Agression intrapéritonéale Chimique : ulcère perforé, péritonite biliaire, hémopéritoine Chimiothérapie intra-abdominale Pancréatite aiguë
Affections hépatodigestives 149
Iléus induit par une cause extradigestive Causes réflexes Colique néphrétique Torsion de kyste de l’ovaire, torsion de testicule Hématome rétropéritonéal Pneumopathie aiguë Infarctus du myocarde Causes médicamenteuses ou métaboliques Morphiniques Neuroleptiques Hypokaliémie Hypomagnésémie Saturnisme
Diagnostic Le diagnostic est clinique. Il est posé devant la triade associant douleur abdominale + nausées-vomissement + météorisme. Les vomissements sont d’autant plus précoces que l’obstacle est haut situé. Ceux-ci sont d’abord alimentaires, puis bilieux et tardivement fécaloïdes. Le silence auscultatoire est pathognomonique de l’arrêt des matières et des gaz. La distension abdominale se traduit par un tympanisme à la percussion. Les antécédents chirurgicaux digestifs et la présence d’une cicatrice abdominale sont évocateurs d’occlusion sur bride. La palpation des orifices herniaires recherche une hernie étranglée. Le toucher rectal recherche une douleur dans le cul-de-sac de Douglas, signe d’une irritation péritonéale et donc d’une perforation digestive. Le reste de l’examen recherche des signes de mauvaise tolérance (état de choc, déshydratation). Une obstruction du grêle lorsqu’elle est incomplète ou transitoire peut se traduire par un syndrome de Koenig : survenue de crises de douleurs localisées à l’abdomen et dont les épisodes augmentent brutalement en quelques minutes, suivies de leur disparition s’accompagnant de borborygmes et d’émission de gaz. La radiographie d’abdomen sans préparation (ASP) (de face debout et de profil couché) est l’examen radiologique demandé en première intention à la recherche de niveaux hydroaériques. Une occlusion très proximale peut ne pas avoir de traduction radiologique. Les différents éléments à rechercher au niveau de l’intestin grêle sont : – la présence anormale d’air dans l’intestin au niveau central (l’intestin grêle ne contient pas d’air en position normale) ; – des niveaux hydroaériques, plus larges que hauts ; – une dilatation intestinale. Au niveau colique, on recherche : – une dilatation du cadre colique, en amont de l’obstacle (> 5 cm pour le sigmoïde, > 10 cm pour le cæcum) ; – des niveaux hydroaériques qui, lorsqu’ils sont présents, sont plus hauts que larges.
150 Réanimation et urgences
En cas de volvulus du sigmoïde, le côlon prend un aspect en U inversé à l’ASP. Le lavement aux hydrosolubles confirme le diagnostic par un aspect en bec d’oiseau. La recherche de signes d’occlusion intestinale doit être complétée par la recherche de pneumopéritoine (présence d’air libre entre le foie et le diaphragme) sur les différents clichés ainsi que sur des clichés centrés sur les coupoles diaphragmatiques. La TDM précise la nature de l’occlusion. Au niveau de l’intestin grêle, les brides et les adhérences, principales causes d’occlusion intestinale, sont diagnostiquées devant une modification du diamètre de l’intestin réalisant un aspect zone dilatée-zone plate, sans lésion tumorale, d’épaississement de la paroi ou de lésion inflammatoire au niveau de cette zone de transition.
Évolution L’évolution sans traitement des occlusions mécaniques conduit constamment à des complications. La paroi intestinale se nécrose puis se perfore secondairement, ce qui induit une péritonite avec sepsis grave ou choc septique. L’hyperpression intraluminale peut conduire à la perforation diastatique du cæcum qui donne un tableau de péritonite. Les défaillances d’organe induites par l’occlusion peuvent également être fatales telles que la déshydratation qui peut conduire à l’insuffisance rénale aiguë ou l’hyperpression intra-abdominale et thoracique qui peut induire une insuffisance respiratoire aiguë. Les occlusions sans obstacle apparent (fonctionnelles) peuvent, selon leur étiologie, se résoudre spontanément ou se compliquer.
Traitement Le traitement symptomatique vise à atténuer les conséquences de l’occlusion. La mise à jeun et la pose d’une sonde gastrique en aspiration sont effectuées dès la suspicion du diagnostic et soulagent le patient. Un remplissage par des cristalloïdes est instauré pour compenser la perte hydrosodée dont le volume est apprécié sur la clinique (pression artérielle, FC, marbrures périphériques, débit urinaire) et les résultats biologiques. En cas de prise en charge tardive, l’hypovolémie peut être responsable d’un véritable choc hypovolémique nécessitant de procéder à une expansion volémique rapide. La rééquilibration hydroélectrolytique corrige les déficits métaboliques selon les résultats biologiques (apport d’eau, de sodium ou de potassium selon les nécessités). Les conséquences générales (cardiovasculaires, respiratoires, rénales…) doivent être prises en charge précocement. Le traitement étiologique dépend de la cause de l’occlusion.
Affections hépatodigestives 151
Le traitement chirurgical des occlusions de l’intestin grêle est dicté par les signes de mauvaise tolérance intestinale. La prise en charge chirurgicale consiste à lever l’obstacle et à réaliser ou non une résection intestinale en fonction de sa vitalité. Une anastomose peut être pratiquée dans le même temps opératoire en l’absence de complication infectieuse. Le traitement chirurgical est l’attitude la plus décrite pour le traitement de l’occlusion colique sur cancer. L’objectif est de lever l’obstacle et de réaliser un traitement palliatif ou bien de permettre une préparation colique afin de réaliser une chirurgie colique ultérieure. La mise en place de prothèse intratumorale est en cours d’évaluation. Le volvulus du côlon droit nécessite un traitement chirurgical, fréquemment une hémicolectomie droite. Le volvulus du côlon pelvien est traité, le plus souvent, par endoscopie et montée de sonde rectale, complété par une sigmoïdectomie à distance. Dans les occlusions sans obstacle, le traitement étiologique dépend de l’origine de l’occlusion, mais peut rester purement médical.
Gestes à réaliser Pose de sonde nasogastrique. Perfusion de solutés critalloïdes. Analgésie. Oxygénation.
Précautions à la prise en charge Hypovolémie constante. Risque de pneumopathie d’inhalation.
228
Cirrhose et complications
Définition La cirrhose est histologique. C’est une affection chronique et diffuse du foie caractérisée par une fibrose modifiant l’architecture lobulaire normale et par la présence de nodules de régénération.
152 Réanimation et urgences
Physiopathologie-étiologies Alcoolisme L’alcool est la principale cause de cirrhose (75 % des cas en France). Le risque de développer une cirrhose croît avec la quantité d’alcool consommée mais ne concerne que 20 % des buveurs excessifs. Cette inégalité suggère l’intervention de facteurs génétiques et environnementaux. Les femmes sont plus à risque que les hommes. La consommation de lipides et le surpoids augmentent le risque de cirrhose alcoolique.
Virus De 10 à 20 % des porteurs chroniques du virus de l’hépatite C risquent de développer une cirrhose avec un risque ultérieur de 3 à 5 % par an de développer un carcinome hépatocellulaire (CHC). L’hépatite B est moins sujette à la chronicisation, donc moins à risque de cirrhose.
Stéatohépatite non alcoolique Il s’agit des hépatopathies stéatosiques non alcooliques, conséquence d’une insulinorésistance, d’une obésité, d’une dyslipidémie.
Hémochromatose génétique La cirrhose est une complication fréquente de l’hémochromatose. Dans de 15 à 30 % des cas cette cirrhose se compliquera d’un carcinome hépatocellulaire.
Autres étiologies Hépatite auto-immune, cirrhose biliaire primitive, maladie de Wilson, cryptogénétique…
Diagnostic Principales circonstances de découverte Bilan d’une hépatomégalie, d’un ictère, d’une altération de l’état général (AEG), d’une complication de l’alcoolisme. Survenue d’une complication : ascite, hémorragie digestive, encéphalopathie, infection.
Affections hépatodigestives 153
Le diagnostic positif de cirrhose compensée (= asymptomatique) repose sur l’association de signes d’hypertension portale (HTP) et d’insuffisance hépatocellulaire. Cirrhose compensée : asymptomatique pendant de 1 à 10 ans, avec comme seul signe une AEG.
Signes cliniques Hépatomégalie (mais parfois atrophie) dure, indolore, bord inférieur régulier et tranchant, face antérieure lisse ou granuleuse. Signes d’HTP : circulation veineuse collatérale, splénomégalie, complication (VO, ascite). Signes d’insuffisance hépatocellulaire : cutanés (angiomes stellaires caves sup > 5, érythrose palmaire, ongles blancs, hippocratisme digital), hypogonadisme, gynécomastie, dépilation, syndrome hémorragique.
Biologie NFS : anémie, leucopénie, thrombopénie (hypersplénisme). Bilan hépatique : transaminases modérément augmentées (ASAT > ALAT), gamma GT modérément augmentée, phosphatases alcalines pas ou peu augmentées, hyperbilirubinémie. Hémostase : baisse TP et facteur V. Électrophorèse des protéines (bloc bêta-gamma), hypoalbuminémie. Bilan étiologique : sérologies hépatites B, D, C ; anticorps : antimitochondries M2, anti muscle lisse, anti-LKM-1.
Imagerie Échographie abdominale. Signes d’hépatopathie : volume hépatique augmenté, diminué ou normal, contours irréguliers ou normaux, échogénicité normale ou augmentée (stéatose) ; Signes d’hypertension portale : augmentation du calibre de la veine porte, splénomégalie, reperméabilisation de la veine ombilicale, ascite ; Rechercher un carcinome hépatocellulaire (CHC), une stéatose, une lithiase vésiculaire.
FOGD Signes d’HTP : varices œsophagiennes ou cardiotubérositaires, gastropathie congestive, ectasies vasculaires antrales.
154 Réanimation et urgences
Fibroscan Cette technique permet de mesurer de manière non invasive l’élasticité du foie. Les résultats obtenus par cette méthode semblent bien corrélés avec le score histologique METAVIR.
Anatomo-pathologie La biopsie hépatique n’est plus systématique. Elle est très spécifique, mais moyennement sensible pour le diagnostic de cirrhose. Elle est indiquée si le résultat peut modifier la conduite thérapeutique notamment en cas de diagnostic positif ou étiologique de cirrhose non évident.
Traitement de la cirrhose compensée Mesures hygiéno-diététiques : arrêt total et définitif de l’alcool, contre-indication des sédatifs, pas de régime si il y a absence de décompensation œdématoascitique. Propanolol en présence de VO en prévention primaire et secondaire de la rupture. Traitement étiologique : hépatites virales, hémochromatose, maladie de Wilson… Transplantation hépatique. Surveillance : dépistage du CHC (alpha-fœtoprotéine + échographie/ 6 mois), fonction hépatique (bilirubine, TP, albumine), dépistage des complications (clinique, FOGD).
Évolution La gravité et le pronostic sont estimés par la classification de Child-Pugh (tableau V). Le pronostic de la cirrhose alcoolique est amélioré par l’abstinence. Tableau V – Score de Child Pugh. Points
1
2
3
Ascite
-
modérée
non contrôlée
Encéphalopathie
-
passagère
invalidante
Albuminémie (g/l)
> 35
28-35
< 28
Bilirubinémie (μmol/l)
< 35
35-50
> 50
TP ( %)
>50
40-50
< 40
Child A = 5-6 points ; Child B = 7-9 points ; Child C = 9-15 points.
Affections hépatodigestives 155
Complications Ascite (décompensation œdémato-ascitique) La physiopathologie est complexe et multifactorielle (fig. 2). Toute ascite nouvellement diagnostiquée ou associée à un syndrome infectieux, à une encéphalopathie, à une hémorragie digestive doit être ponctionnée pour analyse biochimique, bactériologique et cytologique. Hypertension portale
Insuffisance hépatocellulaire
Hyperproduction splanchnique et systémique de NO
Hypoalbumine Pression hydrostatique portale
Pression oncotique portale
Ultrafiltration d’eau et d’électrolytes dans le péritoine
Activation sympathique + baisse de pression de perfusion rénale Activation système rénine-angiotensinealdostérone Rétention hydrosodée
Fig. 2 – Physiopathologie de l’ascite au cours de la cirrhose.
Le traitement de la décompensation œdémato-ascitique comprend : – des mesures hygiéno-diététiques (hospitalisation, repos au lit, régime désodé) – des diurétiques : anti-aldostérone (sauf hyperkaliémie et/ou insuffisance rénale), diurétique de l’anse associé à l’anti-aldostérone ou seul s’il existe une contre-indication à ce dernier. – des ponctions évacuatrices si le traitement diurétique est inefficace, contreindiqué ou mal toléré. Compensation des pertes par 100 ml d’albumine 20 % pour 3 l d’ascite. – la question une antibioprophylaxie primaire par norfloxacine en cas d’ascite contenant moins de 10 g/l de protéines. Les complications sont : – la hernie ombilicale (pouvant se rompre) ;
156 Réanimation et urgences
– l’hypovolémie ; – l’hyponatrémie ; – la récidive ; – l’ascite réfractaire (échec du traitement diurétique associé à une natriurèse faible). Les thérapeutiques envisageables sont les ponctions itératives, la mise en place d’une dérivation portocave chirurgicale ou par radiologie interventionnelle (TIPS [transjugular intrahepatic portosystemic shunt]), la transplantation hépatique ; – l’infection du liquide d’ascite ; – le syndrome hépatorénal (insuffisance rénale fonctionnelle résistant à un remplissage vasculaire). Le type I est aigu, apparaissant en moins de 15 jours, le type II est plus chronique, apparaissant en 6 mois, souvent déclenché par une infection, une hémorragie, une évacuation de liquide d’ascite trop importante et non compensée. La compensation par de l’albumine et l’antibioprophylaxie lors des hémorragies digestives par rupture de VO semblent limiter sa survenue, le traitement comprend l’association d’une expansion volémique par de l’albumine à un traitement vasopresseur (noradrénaline, terlipressine, midodrineoctréotide).
Encéphalopathie hépatique Classée en trois stades : Stade I : asterixis, inversion du rythme nycthéméral, troubles de l’humeur, apathie. Stade II : troubles du comportement (agitation, torpeur, confusion), troubles moteurs (réflexes ostéo-tendineux – ROT vifs, hypertonie extrapyramidale, RCP extension). Stade III : coma, crise convulsive. Il faut différencier : – l’encéphalopathie hépatique aiguë survenant dans un contexte d’infection, d’hémorragie digestive, de trouble métabolique, d’hépatite aiguë surajoutée, de prise de sédatifs, qui peut être rapidement résolutive après traitement de la cause ; – l’encéphalopathie hépatique chronique qui reflète la sévérité de l’insuffisance hépatique et doit faire discuter la transplantation hépatique. Le lactulose per os est souvent utilisé, mais son efficacité n’est pas démontrée. Il semble efficace dans les encéphalopathies secondaires à une hémorragie digestive. Les examens à pratiquer en cas d’encéphalopathie hépatique sont :
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Pour le diagnostic positif : ammoniémie, EEG, GDS (parfois alcalose respiratoire). Pour le diagnostic étiologique : bilan infectieux (hémocultures, radiothorax, ECBU, ascite), bilan d’hémorragie (NFS, lavage gastrique), bilan métabolique (ionogramme sanguin), bilan hépatique, recherche de toxiques. Pour le diagnostic différentiel : recherche de lésion organique cérébrale (TDM), ponction lombaire si syndrome méningé (attention hémostase), évoquer une encéphalopathie hépatique non cirrhotique (contexte aigu, pas d’HP, hépatite fulminante).
Infections L’infection du liquide d’ascite est plus fréquemment observée en cas de Child C. Elle est révélée par un syndrome infectieux, une diarrhée, une encéphalopathie, une hémorragie digestive, une altération hémodynamique, un syndrome hépatorénal, une symptomatologie respiratoire… Elle est définie par > 250 PNN (altérés)/mm3 et/ou des bactéries dans le liquide d’ascite. Antibiothérapie probabiliste par céphalosporine de troisième génération ou fluoroquinolone secondairement adaptée à l’antibiogramme. Rechercher, en plus de l’infection du liquide d’ascite, une infection urinaire, pulmonaire, une bactériémie, ou toute autre infection orientée par un point d’appel clinique.
Carcinome hépatocellulaire Il complique 20 % des cirrhoses. Le dépistage se fait par réalisation régulière d’échographies hépatiques. Il est suspecté devant un contexte de cirrhose associé à une AEG, une ascite sanglante, une thrombose porte, un syndrome paranéoplasique, une majoration de l’insuffisance hépatocellulaire… Le diagnostic est certain en cas de nodule hypervascularisé intrahépatique et taux d’alpha-fœtoprotéine supérieur à 400 ng/ml ou un nodule hypervascularisé intrahépatique identifié par deux techniques d’imagerie quel que soit le taux d’alpha-fœtoprotéine. Les traitements curatifs peuvent être la transplantation hépatique, la résection chirurgicale, le traitement percutané et s’envisagent en l’absence de métastase.
Hémorragie digestive (cf. question spécifique.) Les autres complications sont la survenue d’un ictère (aggravation de l’insuffisance hépatocellulaire, hépatite aiguë surajoutée, carcinome hépatocellulaire, lithiase de la voie biliaire principale, hémolyse), l’anémie et la thrombopénie (hypersplénisme, alcoolo-carentielle, saignement occulte), les complications endocriniennes…
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Pancréatite aiguë
Définition Les pancréatites aiguës (PA) sont une inflammation aiguë pancréatique. Les PA sévères sont caractérisées par une ou plusieurs défaillances d’organes (DO) ou une complication locale comme une nécrose pancréatique, un abcès ou un pseudokyste.
Physiopathologie Deux types d’hypothèses sont avancées : la destruction des cellules acineuses par perturbation de leur fonctionnement intracellulaire avec une libération incontrôlée d’enzymes pancréatiques (théorie acinaire) ou un reflux de bile entraînant une augmentation de pression dans les canaux pancréatiques générant une activation des enzymes (théorie canalaire).
Diagnostic La lithiase biliaire (35-45 % des cas) et l’intoxication alcoolique (35-60 % selon les pays) sont les deux étiologies les plus fréquentes. Une douleur abdominale typique, des signes systémiques et l’élévation de la lipasémie 3 fois supérieure à la normale suffisent pour le diagnostic. Le bilan radiologique comprend : – une échographie abdominale à la recherche d’une lithiase de la voie biliaire principale ; – un cliché d’abdomen sans préparation pour éliminer un pneumopéritoine, signe de perforation d’un organe creux ; – une TDM abdominale réalisée de 48 à 72 heures après le début des signes avec injection de produit de contraste. Les défauts de rehaussement après injection correspondent aux territoires nécrosés ou à risque de nécrose. Le pronostic à l’admission est évalué sur : – le score de Ranson (tableau VI) regroupant des critères cliniques et biologiques calculés les 48 premières heures de prise en charge. Un score supérieure à 3 traduit une PA sévère. Le score d’Imrie plus facile d’utilisation donne des résultats similaires sans attendre 48 h ; – la CRP. Une concentration inférieure à 150 mg/l à la quarante-huitième heure après l’admission permet d’éliminer une forme grave ; – la sévérité de l’atteinte TDM sous la forme de la classification de Balthazar (gradé de A, formes minimes, à E, formes sévères) (tableau VII) ; – la présence ou l’apparition de DO (tableau VIII) ;
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Tableau VI – Scores de gravité de Ranson et d’Imrie. Score de Ranson (1 point par item)
Score d’Imrie (1 point par item)
À l’admission ou au moment du diagnostic :
– Âge > 55 ans
– Âge > 55 ans
– Globules blancs > 15 g/l
– Globules blancs > 16 g/l
– Glycémie > 10 mmol/l (sauf diabète)
– Glycémie > 11 mmol/l (sauf diabète connu)
– LDH > 600 U/l (3,5 N)
– LDH > 350 U/l (1,5 N)
– Urée sanguine > 16 mmol/l
– ASAT > 250 U/l (6 N)
– Calcémie < 2 mmol/l
Durant les 48 premières heures :
– PaO2 < 60 mmHg
– Baisse hématocrite > 10 %
– Albuminémie < 32 g/l
– Ascension urée sanguine > 1,8 mmol/l
– ASAT > 100 U/l (2 N)
– Calcémie < 2 mmol/l – PaO2 < 60 mmHg – Déficit en bases > 4 mmol/l – Séquestration liquidienne estimée > 6 l
Tableau VII – Index de sévérité TDM de Balthazar (10 points au maximum). Inflammation pancréatique et péripancréatique
Nécrose pancréatique
Grade A : Pancréas normal (0 pt)
Pas de nécrose* (0 pt)
Grade B : Élargissement focal ou diffus du pancréas (1 pt)
Nécrose < 30 % (2 pts)
Grade C : Pancréas hétérogène associé à une densification de la graisse péripancréatique (2 pts)
Nécrose 30-50 % (4 pts)
Grade D : Coulée péripancréatique unique (3 pts) Grade E : Coulées multiples ou présence de bulles de gaz au sein d’une coulée (4 pts) *défaut de rehaussement du parenchyme pancréatique
Nécrose > 50 % (6 pts)
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Tableau VIII – Définition des DO observées au cours des PA. État de choc cardiovasculaire (pression artérielle systolique < 90 mmHg malgré expansion volémique) Insuffisance respiratoire aiguë (PaO2 ≤ 60 mmHg) Défaillance rénale (créatininémie > 170 μmol/l après réhydratation) Défaillance neurologique : score de Glasgow < 13 Défaillance hématologique : thrombopénie < 80 g/l Hémorragie digestive significative (> 500 ml/j)
Évolution La majorité des PA évolue spontanément vers la guérison. Des complications peuvent survenir au cours de cette évolution. Les complications liées à la PA peuvent être différenciées en complications précoces et tardives selon leur survenue dans la première semaine de la maladie ou les semaines suivantes. Les complications chirurgicales précoces sont liées à la gravité de l’agression locale ou régionale. Les organes les plus directement touchés sont situés à proximité du pancréas. Les lésions hémorragiques ou perforatives touchent le côlon, les artères spléniques ou mésentériques. Le tableau est celui d’une urgence chirurgicale ou d’un choc hémorragique chez un patient atteint d’un syndrome douloureux abdominal évoluant depuis quelques heures ou quelques jours. La complication principale est l’infection de la nécrose pancréatique. C’est la plus grave des complications locales à l’origine de plus de 80 % des décès. La probabilité de survenue de l’infection semble proportionnelle à l’étendue de la nécrose. Chez les malades suspects d’une infection de la nécrose (fièvre, hyperleucocytose, dégradation clinique ou apparition de DO…), le diagnostic est fait par une ponction sous TDM. Celle-ci est ciblée sur les lésions dont le remaniement TDM est le plus évocateur d’infection. Le prélèvement est immédiatement traité en bactériologie pour identification du germe et antibiogramme. Le diagnostic de surinfection de nécrose est une indication opératoire. Les pseudo-kystes sont observés à distance de la phase aiguë, car leur formation nécessite plusieurs semaines.
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Traitement L’admission en réanimation peut être justifiée par la présentation clinique ou le terrain (tableau IX) Tableau IX – Indication d’admission en réanimation. À l’admission
Survenue d’une ou de plusieurs DO
24 heures après l’admission Survenue d’une ou de plusieurs DO 48 heures après l’admission Survenue d’une ou de plusieurs DO Terrain particulier : Âge > 80 ans Insuffisance rénale chronique Maladie chronique (insuffisance cardiaque ou respiratoire…) Obésité morbide (indice de masse corporelle > 30 kg/m2) Score de Ranson ou d’Imrie > 3 Score de Balthazar > 4 CRP > 150 mg/l
Le traitement est médico-chirurgical. Le jeûne s’impose en raison des douleurs et de l’intolérance digestive. Dans les PA peu sévères, l’alimentation orale peut être reprise progressivement après une période de 48 heures sans douleurs et une normalisation de la lipasémie. Dans les PA sévères, la nutrition artificielle doit être débutée rapidement (dès 48 heures) et la voie entérale doit être privilégiée. La pose d’une sonde naso-gastrique en aspiration est justifiée en cas de vomissements. L’hydratation et le rétablissement d’une volémie correcte doivent être effectués le plus rapidement possible. Le remplissage par cristalloïdes est généralement suffisant pour traiter les pertes en eau et en NaCl, guidé par la surveillance hémodynamique, de la diurèse, de l’hématocrite et de la protéinémie. Chez un adulte sans antécédents, un volume de 35 ml/kg/j de cristalloïdes sert de base pour la réhydratation, à adapter en fonction des bilans entrée-sortie et des ionogrammes sanguins et des taux d’hémoglobine effectués de manière au moins quotidienne. Les antalgiques doivent être débutés rapidement. Le paracétamol doit être utilisé avec prudence chez les patients alcooliques. La morphine et ses agonistes purs sont des antalgiques de choix pour les douleurs importantes qui permettent une analgésie suffisante. L’aspirine et les AINS sont contre-indiqués en raison de leurs effets secondaires (rénaux, hémostase…). Il n’y a pas d’indication d’antibiothérapie prophylactique. Dans les PA biliaires graves, une sphinctérotomie endoscopique après cathétérisme rétrograde endoscopique (CPRE) doit être envisagée en urgence au cours des 72 premières heures d’évolution. Dans les formes bénignes d’évolution favorable, une cholécystectomie sera réalisée à distance.
162 Réanimation et urgences
Précautions à la prise en charge Monitorage. Sonde gastrique. Hydratation et remplissage. Analgésie. Oxygénation. Nutrition. Pas d’antibiothérapie prophylactique pour prévenir de la surinfection de nécrose.
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Péritonite aiguë
Définition Les péritonites aiguës (PA) correspondent à une inflammation aiguë du péritoine le plus souvent de cause infectieuse. Les PA sont caractérisées par la présence de pus dans la cavité péritonéale, collection liquidienne louche ou purulente, contenant à l’examen microscopique direct des leucocytes et éventuellement des bactéries visibles.
Physiopathologie À l’occasion d’une perforation digestive, le contenu de la lumière digestive se déverse dans la cavité péritonéale entraînant une réaction inflammatoire locale puis systémique. Une dissémination des bactéries infectantes (cocci à Gram positif, bacilles à Gram négatif du type entérobactéries et anaérobies) par absorption par les lymphatiques péritonéaux se traduit par des bactériémies et un tableau de sepsis sévère ou de choc septique. Le traitement est chirurgical, car aucune guérison spontanée ne peut être envisagée.
Diagnostic Dans les PA typiques, le diagnostic est clinique avec des douleurs abdominales, un arrêt du transit, une contracture abdominale, une fièvre (souvent supérieure à 38,5 °C) et aux touchers pelviens une douleur dans le cul-de-sac de Douglas. Chez les sujets âgés ou amoindris, le tableau peut être moins typique (fièvre modérée ou absente, défense abdominale minime, voire tableau de DO sans autre signe d’orientation). Les examens radiologiques confirment la péritonite.
Affections hépatodigestives 163
Le cliché d’ASP recherche un pneumopéritoine (signant la perforation) ou un niveau hydroaérique (reflet d’une occlusion), mais une grisaille diffuse peut être observée qui ne donne aucune orientation. L’échographie abdominale et/ou la TDM confirment le diagnostic et orientent le geste opératoire. Elles peuvent mettre en évidence un épanchement gazeux ou liquidien (localisé ou généralisé), des collections uniques ou multiples, et la cause de la PA. Les examens biologiques servent à évaluer le retentissement et la sévérité de l’infection. Le bilan infectieux comprend la réalisation d’hémocultures et la réalisation systématique de prélèvements microbiologiques avec mise en culture pour identification et antibiogramme lors de l’intervention chirurgicale.
Évolution L’évolution spontanée de la PA est constamment fatale soit en quelques heures dans un tableau de choc septique, soit en plusieurs jours après une phase de cloisonnement de l’infection sous forme d’abcès.
Traitement Il s’agit d’une urgence chirurgicale qui impose une laparotomie (ou dans les formes limitées et peu sévères une cœlioscopie). La procédure chirurgicale comprend : – la recherche de la cause ; – la réalisation de prélèvements microbiologiques ; – le traitement étiologique (éviter la pérennisation de l’infection) ; – la toilette péritonéale (réduire l’inoculum septique) ; – le drainage (éviter les abcès résiduels). La réalisation d’anastomose digestive en milieu septique est fortement déconseillée. Le second volet thérapeutique repose sur la réanimation : – oxygénation au besoin par ventilation artificielle ; – mise en place d’une sonde œsogastrique en aspiration ; – analgésie au besoin par morphiniques ; – remplissage et réhydratation par des cristalloïdes au besoin associés à des catécholamines en cas de défaillance circulatoire ; – antibiothérapie ciblée sur les entérobactéries et les anaérobies. De multiples régimes ont été proposés. Les plus fréquemment prescrits sont les associations d’amoxicilline-acide clavulanique 1 g x 3/j + aminoside (gentamicine ou tobramycine de 5 à 6 mg/kg x 1/j) ou de céphalosporine de troisième génération (céfotaxime 1 g x 3/j ou ceftriaxone 1 à 2 g x 1/j) + métronidazole (500 mg x 3/j). Dans les formes avec mise en jeu du pronostic vital à court terme ou
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en cas de suspicion de flore nosocomiale (antibiothérapie ou hospitalisation préalable, vie en institution), l’usage de molécules à large spectre (pipéracillinetazobactam 4 g x 4/j ou imipénème 500 mg x 4/j) est recommandé.
Gestes à réaliser Hémocultures. Pose de sonde gastrique et possiblement de sonde urinaire pour surveillance de la diurèse. Masque à oxygène à haute concentration.
Précautions à la prise en charge Pas d’anastomose chirurgicale en milieu septique. Hypovolémie constante nécessitant un remplissage systématique. Hypoxémie très fréquente nécessitant une oxygénation systématique. Risque élevé de pneumopathie d’inhalation.
302
Diarrhée aiguë chez l’adulte
Définition La diarrhée aiguë est l’émission, depuis moins de 2 semaines, d’au moins trois selles molles à liquides par 24 heures.
Physiopathologie Différents mécanismes physiopathologiques peuvent expliquer la survenue d’une diarrhée. – les diarrhées sécrétoires (hydroélectrolytiques) sont dues à une altération essentiellement fonctionnelle de la muqueuse intestinale conduisant à une fuite d’eau et d’électrolytes dans la lumière intestinale. – les diarrhées invasives (glairo-sanglantes) sont dues à une inflammation et à une destruction de la muqueuse intestinale conduisant, en plus de la fuite hydroélectrolytique, à une exsudation de protéine, une hypersécrétion de mucus (glaire) et des saignements. Les principales causes de diarrhées invasives sont les infections bactériennes invasives. – les diarrhées osmotiques sont dues à la présence dans la lumière intestinale d’un agent osmotique ingéré et non dégradé (laxatifs osmotiques, diarrhées postantibiotiques).
Affections hépatodigestives 165
– les diarrhées motrices sont essentiellement une cause de diarrhée chronique, mais peuvent expliquer certaines diarrhées aiguës. (Prise d’aliments ou de médicaments accélérateurs du transit, aliments riches en histamine ou histamino-libérateurs, émotions…)
Diagnostic Clinique Le diagnostic positif ne pose en général pas de problème. Il faut rechercher des signes de gravité : déshydratation, voire un état de choc hypovolémique, syndrome septique (fièvre, frissons), défense ou contracture abdominale évoquant une perforation digestive, distension abdominale majeure devant faire rechercher une colectasie, terrain à risque (sujet âgé, immunodépression, pathologies cardiovasculaires, dialyse péritonéale). Il faut préciser les caractéristiques de la diarrhée et les circonstances de survenue : – diarrhées sécrétoires (tableau X), aqueuse, abondante (au maximum syndrome cholériforme), douleurs abdominales modérées, syndrome septique peu marqué ; Tableau X – Étiologies des diarrhées sécrétoires. DIARRHÉES SÉCRÉTOIRES INFECTIEUSES +++ VIRALE Contexte épidémique syndrome grippal, ORL ROTAVIRUS++++ enterovirus adenovirus norwalk VIH
NON INFECTIEUSES
BACTÉRIENNE
PARASITAIRE
Staph aureus (DO) TIAC (patisseries, glaces) incubation 1-4 h, durée 3-6 h
Lamblia immunodéprimé, enfant Paludisme Ascaridiose Ankylostome Anguillule Oxyure trichine Ténia
E. coli enterotoxinogène Turista, TIAC, viande mal cuite incubation 24-48 h Salmonelles mineures Typhi murium, enteridis viande, lait, œufs risque bactériémie si fragile incubation 8-48 h Clostridium perfringens TIAC, viande en sauce incubation 8-12 h Vibrio choleræ (DO) Inde, Amérique latine eau souillée incubation 2-7 jours
MÉDICAMENTEUSE liée à un surdosage : Colchicine Digitalliques Théophylline Sels d’or
non liée à un surdosage AINS Quinidiniques Biguanide Ticlopidine Prostaglandine Antibiotiques
Autres émotion/stress allergie alimentaire Aliments contenant de l’histamine
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– diarrhées invasives (tableau XI), syndrome dysentérique associant une diarrhée glairo-sanglante, parfois purulente et un syndrome rectal (sensation de faux besoins, ténesme, c’est-à-dire contracture douloureuse de l’anus, épreintes, c’est-à-dire douleurs abdominales violentes précédant l’émission de selles), douleurs abdominales intenses, syndrome infectieux marqué. Tableau XI – Étiologies des diarrhées invasives. DIARRHÉES INVASIVES INFECTIEUSES +++
NON INFECTIEUSES
BACTÉRIENNE
PARASITAIRE
VIRALE
Salmonelles mineures typhoïde, paratyphoïde = DO
Amibes tropiques mais possible en France rectoscopie typique (coup d’ongle) Si fièvre penser à localisation hépatique
CMV colite chez l’immunodéprimé
Campylobacter jejuni et fetus animaux domestiques incubation 2-5 j Shigelles mineures plutôt tropiques mais possible en France tableau sévère, incubation 48-72 h risque SHU (shiga-toxine) risque Fissinger-Leroy-Reiter (FLR)
Néoplastique tumeurs solides lymphomes Kaposi Colite ischémique sujet âgé, polyvasculaire Crohn, RCH
Shistosomes hyperéosinophilie
Yersinia porc pas cuit, laitages possible FLR, éythème noueux E. Coli Entéropathogène = chez l’enfant Entéro-invasif tableau Shigelle like E. Coli entéro hémorragique O157 H7 shiga like toxine, SHU viande hachée mal cuite
L’interrogatoire précise le terrain et les circonstances de survenue : mode et date de début, voyages en pays tropical, autre cas dans l’entourage (toxi-infection alimentaire communautaire – TIAC), prise médicamenteuse (antibiotiques ++) (tableau XII), aliment particulier, contact avec un animal, immunodépression, vie en collectivité. L’examen clinique est complet. Le toucher rectal recherche du sang et (chez la personne âgée) élimine un obstacle (fécalome +++, tumeur). L’examen extra-
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digestif oriente le diagnostic (manifestations allergiques, purpura évoquant un syndrome hémolytique et urémique – SHU, obnubilation évoquant une fièvre typhoïde, un paludisme ou un SHU, arthralgies et érythème noueux en faveur d’une yersiniose…).
Paraclinique Les diarrhées aiguës sécrétoires simples, non sanglantes, sans facteur de gravité ni terrain à risque et évoluant depuis moins de 3 jours représentent la majorité des cas et ne nécessitent aucun examen complémentaire. Ceux-ci sont nécessaires pour préciser une complication suspectée cliniquement ou pour identifier une étiologie pouvant bénéficier d’un traitement spécifique : – ionogramme sanguin, altération de la fonction rénale (déshydratation, SHU), hypokaliémi ; – NFS, hyperleucocytose ou leucopénie (syndrome infectieux non spécifique), anémie et thrombopénie (syndrome infectieux sévère, saignement digestif important, paludisme, SHU) ; – imagerie (ASP, +/– TDM), indiquée en cas de suspicion de perforation digestive ou de colectasie. Si une colite ischémique est suspectée (sujet âgé, polyvasculaire), une endoscopie digestive basse et un scanner abdominal injecté pourront être réalisés ; Tableau XII – Étiologies et conduite à tenir en cas de diarrhées postantibiotiques. DIARRHÉES POSTANTIBIOTIQUES : QUATRE CAUSES Colite pseudo-membraneuse à Clostridium difficile Aprês bêtalactamines surtout Diarhées généralement sécrétoire, météorisme, fièvre, risque de colectasie Endoscopie + recherche de toxine A et B Métronidazole ou vancomycine orale Isolement, arrêt de l’agent causal Colite hémorragique à Klebsiella oxytoca Après ampicilline Diarrhée invasive, fièvre Endoscopie biopsie + coproculture spécifique Arrêt de l’ampicilline Diarrhée osmotique Dégradation de la flore endogène Sucres non métabolisés Diarrhée motrice Acide clavulanique, érythromycine
– le bilan infectieux de première intention comprend les hémocultures et la coproculture standard (salmonelle, shigelle) avec recherche de Campylobacter et éventuellement de Yersinia. Il est systématique en cas de diarrhée glairo-
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sanglante et dans les formes non simples sécrétoires (signes de gravité, terrain à risque, évolution supérieure à 3 jours, retour de pays tropical). Dans certains contextes (pays tropical, immunodépression, postantibiotique, TIAC) ou en cas de négativité des recherches spécifiques dans les selles (Vibrio cholerae, toxine A et B de Clostridium difficile…), des sérologies (Widal et Félix, yersiniose, salmonellose, amibiase, bilharziose) et un examen parasitologique des selles sont réalisés ; – la rectosigmoïdoscopie prudente est indiquée en cas de syndrome dysentérique ou de diarrhée postantibiotique.
Évolution-complications Les diarrhées sécrétoires ont le plus souvent une évolution favorable en moins de 3 jours. Une évolution différente doit conduire à la réalisation d’explorations complémentaires. Les diarrhées glairo-sanglantes ont rarement une évolution spontanément favorable et nécessitent une prise en charge spécifique. La déshydratation complique fréquemment les diarrhées sécrétoires abondantes. Elle peut conduire à un état de choc hypovolémique. Sa prise en charge doit être la priorité dans les diarrhées sécrétoires d’autant plus que le sujet est âgé, ou atteint d’une pathologie cardiovasculaire. Les diarrhées invasives peuvent, quelle qu’en soit la cause, se compliquer de perforations digestives, colectasies, sepsis sévère, voire de choc septique. Les diarrhées invasives à shigelle, E. coli entéro-hémorragique (O157-H7…), voire salmonelle peuvent se compliquer d’un SHU associant une thrombopénie, une anémie hémolytique et une IRA.
Traitement Symptomatique Réhydratation, si possible par voie orale, à l’aide de boissons sucrées et salées. Les solutés de réhydratation du type OMS sont en pratique peu prescrits chez l’adulte. En cas de déshydratation sévère ou de vomissement incoercible, la réhydratation et la correction des troubles ioniques se feront en milieu hospitalier par voie intraveineuse. Régime sans résidu. Antidiarrhéiques : les ralentisseurs du transit (lopéramide) peuvent être utilisés en cas de diarrhée sécrétoire simple, mais sont contre-indiqués dans les autres cas et notamment les syndromes dysentériques, car ils favorisent la stase bactérienne et majore le risque de colectasie. Les antisécrétoires (Tiorfan®) et les probiotiques (Saccharomyces boulardi…) peuvent être utilisés. Les antiseptiques intestinaux n’ont pas d’indication.
Affections hépatodigestives 169
Antibiotiques Aucune indication dans les diarrhées sécrétoires simples. Ils sont indiqués dans les formes sévères de diarrhée invasive. L’antibiothérapie doit être empirique puis secondairement adaptée à l’antibiogramme. En première intention, les fluoroquinolones sont l’antibiotique de choix. En cas de suspicion de diarrhée postantibiotique à Clostridium difficile (tableau XII), il faut sans attendre les résultats de la recherche de toxine arrêter l’antibiotique causal. En milieu hospitalier, le patient doit être isolé (contact, lavage des mains, résistance de C. difficile aux solutions hydroalcooliques), il faut débuter un traitement par métronidazole pour une durée de 10 jours ou par vancomycine par voie orale en cas de récidive. Si une diarrhée amibienne est suspectée, le traitement est le métronidazole. Penser à la déclaration obligatoire en cas de TIAC, fièvres typhoïde et paratyphoïde, choléra.
Gestes à réaliser Certaines complications peuvent nécessiter un traitement spécifique. Une colectasie peut nécessiter une colo-exsufflation, voire une intervention chirurgicale. Le traitement d’une perforation digestive est chirurgical, un SHU nécessite une hospitalisation en unité de soins intensifs et peut bénéficier d’échanges plasmatiques.
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Dyskaliémies C. Ichai
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N° 219. Troubles de l’équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytique
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Définitions, rappels physiopathologiques
La balance potassique Le potassium (K+) est le cation échangeable quantitativement le plus important de l’organisme, soit 50 mmol/Kg dont 98 % est intracellulaire. La kaliémie normale est d’environ 3,5 à 5 mmol/l. Quatre-vingt-dix pour cent du K+ est échangeable en 24 heures. Les entrées de K+ sont essentiellement d’origine alimentaire, représentant environ 70 mmol/j. Il est quasi absorbé totalement par l’intestin grêle. Quatrevingt-dix pour cent de ce potassium ingéré est éliminé par le rein : après une filtration glomérulaire libre, le K+ est réabsorbé pour 70 % au niveau du tube proximal et pour 30 % au niveau de l’anse de Henlé. C’est surtout la sécrétion au niveau du tube contourné distal qui régule la balance potassique (de 10 à 700 mmol/j). Les pertes digestives s’effectuent au niveau du colon et sont de l’ordre de 5 à 10 %. Les pertes cutanées sont négligeables.
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Kaliémie et potentiel de repos Le potassium joue un rôle majeur dans le potentiel de repos de membrane. Au repos, le maintien de concentration ionique transmembranaire en K+ requiert de l’énergie (Na-K-ATPase). C’est in fine le rapport K+ intracellulaireK+ extracellulaire (Ki/Ke) qui détermine ce potentiel de membrane à partir des variations de concentration en Ke. Ainsi, toute variation de la kaliémie et donc du Ki/Ke, modifie l’excitabilité et l’activité des cellules cardiaques, musculaires et nerveuses. Néanmoins, il est impossible de déterminer des seuils précis de dyskaliémies cardiotoxiques. Le retentissement cardiaque des dyskaliémies dépend non seulement de la sévérité de la dyskaliémie, mais aussi de l’état cardiaque sous-jacent ou d’autres facteurs aggravants.
Mécanismes de régulation La balance potassique externe dépend des entrées et des sorties de K+. Elle est régulée par plusieurs mécanismes. L’aldostérone est l’hormone de régulation principale. Stimulée par l’hyperkaliémie, elle augmente la sécrétion tubulaire de K+ au niveau du tube collecteur, et inversement. Les glucocorticoïdes et l’ADH favorisent l’élimination urinaire de K+, alors que les catécholamines ont l’effet inverse. L’augmentation de quantité de sodium au niveau du tube contourné distal augmente la kaliurèse, et inversement. Une élévation de kaliémie entraîne aussi une hausse de son excrétion urinaire. La balance interne correspond aux mouvements transmembranaires entre Ke et Ki et qui sont destinés à minimiser les variations de kaliémie. Cette redistribution intra-/extracellulaire dépend essentiellement de quatre hormones. L’aldostérone, en augmentant l’activité de la Na-K-ATPase, favorise l’entrée de K+ dans la cellule. L’insuline, par le même mécanisme, fait rapidement entrer le K+ dans la cellule. Le glucagon, après avoir entraîné une hyperkaliémie, induit secondairement une hypokaliémie due à la stimulation d’insuline. L’adrénaline a aussi un effet biphasique : hyperkaliémie par effet alpha, mais surtout hypokaliémie par effet bêta. L’acidose métabolique hyperchlorémique entraîne une hyperkaliémie (sortie de K+ de la cellule en échange d’un proton), alors que l’acidose métabolique organique n’a aucun effet sur le pH.
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Les hypokaliémies Elles se définissent par une kaliémie inférieure à 3,5 mmol/l.
Manifestations cliniques Les hypokaliémies peuvent se manifester par des signes : – cardiaques : l’hyperpolarisation des cellules myocardiques est responsable d’une diminution de l’excitabilité. Les signes ECG associent par ordre de gravité croissante : aplatissement ou inversion de l’onde T, accroissement d’une onde U, dépression du segment ST, troubles du rythme supraventriculaire à type de FA ou extrasystoles supra– ou ventriculaires, torsades de pointe ou FV (fig. 1). Ces troubles sont souvent aggravés par la prise de digitaliques, d’amiodarone, d’adrénaline ou par la survenue d’une ischémie myocardique ; – neuromusculaires : ils n’apparaissent que pour des hypokaliémies sévères (< 3 mmol/l). Il s’agit de faiblesse musculaire, de crampes, de myalgies ou de paralysie flasque avec rhabdomyolyse. L’atteinte des muscles lisses peut se traduire au niveau du tube digestif par un iléus ou de la vessie par une parésie vésicale ; – un syndrome polyuropolydipsique.
Fig. 1 – Anomalies ECG au cours des hypokaliémies. A : aplatissement de l’onde T ; B : accroissement de l’onde U ; C : dépression du segment ST ; D : torsades de pointes.
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Étiologies On distingue les hypokaliémies de déplétion de celles induites par transfert. Les hypokaliémies de déplétion ne sont jamais dues qu’à des défauts d’apport, mais toujours induites par des pertes excessives d’origine rénale (kaliurèse élevée) ou digestive (kaliurèse basse) (tableau I). Tableau I – Principales causes des hypokaliémies. Causes principales – Origine rénale = kaliurèse élevée : . diurétiques (thiazidiques, diurétiques de l’anse) . hypercorticismes : Cushing, corticoïdes . hyperminéralocorticismes : primaire, secondaire : iatrogène, prise de réglisse . prise d’anions non réabsorbables (pénicilline) . tubulopathies toxiques (amphotéricine B, aminosides, cisplatine…) – Origine extrarénale = Kaliurèse basse . diarrhée profuse . tumeurs villeuses . fistules digestives . aspirations digestives . abus de laxatifs – Carence d’apport . alcoolisme chronique, anorexie Hypokaliémies par transfert – Alcaloses – Insuline – Agonistes bêta adrénergiques (endogènes-exogènes) – Maladie de Westphal (paralysie périodique familiale)
Traitement Le traitement étiologique et la correction des facteurs favorisants sont toujours indiqués. Aucun traitement supplémentaire n’est nécessaire pour les hypokaliémies asymptomatiques entre 3 et 3,5 mmol/l. Si la kaliémie est inférieure à 2,5 mmol/l et asymptomatique, un apport de K+ par voie orale est licite (de 70 à 100 mmol/j). Le recours à la voie intraveineuse en urgence est nécessaire en cas d’hypokaliémie symptomatique. L’injection doit se faire sur une voie de bon calibre sans dépasser de 20 à 30 mmol/h, avec un contrôle scopique. En cas d’alcalose métabolique, il est préférable de privilégier le KCl (chlorure de potassium) (1 g = 13 mmol), les autres sels de K+ pouvant être utilisés dans les autres situations.
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Les hyperkaliémies Elles se définissent par une kaliémie supérieure à 5 mmol/l (après avoir éliminé une hémolyse).
Manifestations cliniques La symptomatologie des hyperkaliémies n’est que pauvre et tardive. Manifestations cardiaques : la dépolarisation des membranes induite par l’hyperkaliémie est responsable de troubles du rythme. Les signes ECG débutent par des ondes T amples, étroites, pointues et symétriques, puis des troubles de conduction auriculo-ventriculaire, aplatissement de l’onde T, élargissement du QRS, disparition de l’onde P, tachycardie ou FV et asystolie (fig. 2). Ces troubles sont aggravés par une hypocalcémie ou une hyponatrémie. Manifestations neuromusculaires : elles n’apparaissent que tardivement pour des hyperkaliémies sévères. Il s’agit de paresthésies, de paralysie flasque symétrique.
Fig. 2 – Anomalies ECG au cours des hyperkaliémies. A : onde T ample, pointue et symétrique ; B : élargissement du QRS ; C : disparition de l’onde P ; D : trouble de conduction auriculo-ventriculaire ; E : fibrillation ventriculaire.
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Étiologies Il existe trois grandes causes d’hyperkaliémie : les défauts d’élimination rénale, en particulier l’insuffisance rénale, les apports excessifs exogènes et les transferts endogènes (tableau II). Tableau II – Principales causes des hyperkaliémies Hyperkaliémies par défaut d’élimination rénale – Insuffisance rénale aiguë et chronique – Hypoaldostéronismes : primaires (maladie d’Addison, insuffisance surrénale aiguë, hyperplasie congénitale des surrénales), secondaires (néphropathies, hypovolémies) – Médicamenteuses : AINS, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, ciclosporine, diurétiques épargneurs de potassium) Hyperkaliémie par transfert – Acidose métabolique hyperchlorémique – Insulinopénie – Lyse secondaire – Médicaments : chlorhydrate d’arginine ou de lysine, digitaliques, bêtabloquants, solutés hypertoniques, succinylcholine – Paralysie périodique familiale
Traitement Le traitement étiologique et la correction des facteurs favorisants sont toujours indiqués. En l’absence de signes ECG, le traitement passe par l’arrêt des apports de K+ et des médicaments hyperkaliémiants. Si les signes ECG sont modérés et que la diurèse est conservée, l’administration de Kayexalate® par voie orale ou en lavement (de 30 à 60 g) permet une baisse de la kaliémie en 4 h. Si les signes ECG sont sévères, le traitement doit être urgent et d’action rapide : – en incluant des médicaments augmentant le transfert intracellulaire de K+ : alcalinisation par du bicarbonate de sodium (100 ml à 4,2 % en 20 min) ou un mélange glucose-insuline (500 ml de G30 % + 20-30 UI d’insuline) ; – en antagonisant les effets de l’hyperkaliémie par du gluconate de calcium 10 % intraveineux (de 10 à 20 ml) à répéter si besoin ; – en augmentant l’élimination urinaire de K+ par des diurétiques de l’anse (furosémide). En cas d’oligoanurie, le traitement passe par l’épuration extrarénale avec des solutés pauvres en potassium.
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Désordres hydroélectrolytiques C. Ichai
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Dysnatrémies
Définitions, rappels physiopathologiques L’eau totale de l’organisme représente de 50 à 70 % du poids corporel chez l’adulte. Elle se répartit en deux secteurs principaux : le volume intracellulaire (VIC) représente deux tiers de l’eau totale et le volume extracellulaire (VEC) représente 20 à 25 % du poids du corps comprenant 2 sous-secteurs : plasmatique (5 % du poids corporel) et interstitiel. L’osmolarité plasmatique (OsmP) est la concentration de particules osmotiques contenues dans un litre de plasma (mosm/l). Les mouvements d’eau transmembranaires sont passifs obéissant aux lois de l’osmose, donc du gradient osmotique. Les substances osmotiques sont de deux types : – passifs et libres : ce sont les osmoles inactives (urée, méthanol, éthanol, éthylène-glycol). Du fait de leur répartition égale entre secteur extra– et intracellulaire, elles n’entraînent pas de gradient osmotique transmembranaire, donc pas de mouvement d’eau entre ces deux secteurs. – actifs nécessitant de l’énergie : ce sont les osmoles actives (sodium, glucose, mannitol et glycérol) qui sont extracellulaires et le potassium qui est intracellulaire. Toute modification de leur concentration dans un des deux secteurs détermine un gradient osmotique transmembranaire, donc un mouvement d’eau du compartiment le moins vers le plus concentré.
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On définit plusieurs OsmP : – l’OsmP calculée est la somme de toutes les osmoles plasmatiques actives et inactives dosées en routine par l’ionogramme sanguin. Elle est calculée par la formule : OsmPc (mosm/l) = [(natrémie x 2) + glycémie + urée] (mmol/l) = 280-295 mosm/l ; – la tonicité plasmatique est la somme des seules osmoles actives dosées par l’ionogramme sanguin. Elle est calculée sans tenir compte de l’urée, par la formule [(natrémie x 2) + glycémie] (mmol/l) = 275-290 mosm/l – l’OsmP mesurée est déterminée par le delta cryoscopique. Elle mesure toutes les substances osmotiques actives et inactives présentes dans le plasma. La régulation de la balance hydrique est le moyen de contrôle du volume intracellulaire de l’organisme. Elle est assurée par deux mécanismes principaux : – l’hormone antidiurétique (ADH ou AVP) : au niveau rénal, elle active les récepteurs V2 des cellules du tube collecteur permettant l’insertion des canaux à eau aquaporine. L’effet terminal principal est d’augmenter la perméabilité à l’eau au niveau du tube collecteur, donc de concentrer les urines. La sécrétion d’AVP dépend de différents stimuli : le stimulus osmotique est le plus important et le plus sensible. Toute hypotonie plasmatique inhibe la sécrétion d’ADH et inversement ; les stimuli non osmotiques : l’hypovolémie et l’hypotension artérielle stimulent l’ADH par l’intermédiaire de volo– et barorécepteurs qui sont moins sensibles que les osmorécepteurs. Les autres stimuli sont les nauséesvomissements, la douleur, l’hypoxie, le stress, les morphiniques. – la soif : elle est déclenchée par mécanisme réflexe en cas d’hypertonie, d’hypovolémie ou d’hypotension artérielle.
Régulation du volume cellulaire ou osmorégulation cérébrale Le risque des dysnatrémies tient essentiellement aux modifications du volume cérébral qu’elles peuvent induire. Mais le cerveau possède un moyen de lutte actif appelé « osmorégulation cérébrale », qui lui permet de minimiser ces variations de volume. Ce processus fait appel à une modulation du contenu intracérébral en substances osmotiques actives ou molécules osmoprotectrices et qui sont de deux types : 1) inorganiques : ce sont des électrolytes (Na, K, Cl) ; 2) organiques : ce sont les osmoles idiogéniques. En situation d’hypotonie plasmatique, le contenu intracérébral en osmoles protectrices diminue, de sorte que le gradient osmotique transmembranaire et donc l’œdème cérébral diminuent. L’efficacité de ce mécanisme dépend surtout de la rapidité d’installation de l’hypotonie plasmatique. Durant les premières heures, l’osmorégulation cérébrale se fait par diminution du contenu intracérébral en électrolytes, mais l’adaptation de volume reste incomplète. Face à une hypotonie plasmatique qui s’installe lentement, l’osmorégulation se fait
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principalement par diminution du contenu intracérébral en osmoles idiogéniques. Ce mécanisme d’osmorégulation est plus lent mais plus complet que le précédent, de sorte que l’œdème cérébral est quasi inexistant. En cas d’hypertonie plasmatique, l’osmorégulation cérébrale fonctionne en sens inverse (enrichissement cérébral en osmoles actives). L’efficacité de l’osmorégulation cérébrale est affectée par l’hypoxie, l’hypoperfusion cérébrale et aussi le sexe féminin en période d’activité génitale.
Les hyponatrémies Diagnostic positif L’hyponatrémie se définit par une valeur inférieure à 136 mmol/l. Elle peut s’associer à une OsmP normale, élevée ou basse (fig. 1). Natrémie et osmolarité plasmatique mesurée Normale (280-295 mosm/l) HypoNa isosmolaires
Basse (< 280 mosm/l) HypoNa hypoosmolaires
Élevée (> 295 mosm/l) HypoNa hyperosmolaires = Fausses hypoNa
HypoNa isotoniques = PseudohypoNa
HypoNa hypotoniques HypoNa = Vraies hypoNa hypertoniques
HypoNa isotoniques
– Hyperprotidémie – Hyperlipidémie
– Hyperglycémie – Mannitol Continuer la recherche – Glycérol Clinique et biologique
– Éthylène-glycol – Méthanol – Éthanol
Fig. 1 – Diagnostic positif des hyponatrémies.
Les hyponatrémies isoosmolaires ou pseudo-hyponatrémies sont dues à la présence dans le plasma de quantités anormalement élevées de lipides ou de protides et sont donc isotoniques sans trouble de l’hydratation intracellulaire. Les hyponatrémies hyperosmolaires ou fausses hyponatrémies sont dues à l’accumulation dans le secteur plasmatique de substances osmotiques autres que le sodium. S’il s’agit de substances osmotiques actives (glucose, mannitol, glycérol), l’hyponatrémie est hypertonique et s’associe à une déshydratation intracellulaire. En cas d’accumulation de substances osmotiques inactives (éthanol, méthanol, éthylène-glycol), l’hyponatrémie est isotonique avec hydratation intracellulaire normale. Les hyponatrémies hypoosmolaires ou vraies hyponatrémies sont toujours hypotoniques (≤ 270 mosm/l) et donc s’associent à une hyperhydratation
182 Réanimation et urgences
intracellulaire. Il en existe trois types qui induisent différentes modifications du VEC : – les hyponatrémies hypotoniques à VEC normal ou normovolémiques sont dues à une inflation hydrique sans modification du capital sodé ; – les hyponatrémies hypotoniques à VEC diminué ou hypovolémiques sont dues à des pertes hydrique et sodée, mais le déficit en sel excède celui en eau ; – les hyponatrémies hypotoniques à VEC augmenté ou hypervolémiques sont dues à une rétention d’eau et de sel, prédominant sur l’eau.
Diagnostic de gravité des hyponatrémies hypotoniques La gravité des vraies hyponatrémies est liée à la sévérité de l’encéphalopathie hyponatrémique et aux risques induits par sa correction trop rapide. L’encéphalopathie hyponatrémique est corrélée à l’importance de l’œdème cérébral qui est conditionnée par la rapidité d’installation de l’hyponatrémie. Ainsi, on distingue les hyponatrémies aiguës installées en moins de 48 heures qui sont symptomatiques, des hyponatrémies chroniques qui sont classiquement asymptomatiques. D’autres facteurs favorisent la survenue de cette encéphalopathie : femme en période d’activité génitale, petits enfants, hypoxie, baisse du débit sanguin cérébral. L’encéphalopathie hyponatrémique se traduit par des manifestations neurologiques non spécifiques : asthénie, nausées-vomissements, céphalées, fatigue, crampes musculaires et agitation. À un stade plus avancé, surviennent stupeur, obnubilation, puis coma, convulsions, manifestations neurovégétatives et mydriase bilatérale. Le scanner cérébral peut être utile pour préciser la gravité de l’œdème cérébral.
Diagnostic étiologique des vraies hyponatrémies Après interrogatoire, examen clinique et évaluation du statut neurologique, le diagnostic étiologique repose sur l’évaluation du VEC (tableau I). Hyponatrémies hypotoniques à volume extracellulaire normal : la concentration des urines est inappropriée, avec une osmolarité urinaire (OsmU) supérieure à 100 mosm/l, ce sont les situations d’antidiurèse anormale. La cause la plus fréquente est le SIADH, puis viennent les anomalies endocriniennes et la potomanie (tableau I). Le SIADH. Les critères diagnostiques du SIADH sont classiquement classés en deux types : – critères absolus ou essentiels : 1) hyponatrémie hypotonique (tonicité plasmatique < 270-275 mosm/l) ; 2) antidiurèse anormale (OsmU > 100 mosm/l) ; 3) volémie normale ; 4) absence d’autres causes d’hypotonie plasmatique à VEC normal (fonctions surrénalienne, thyroïdienne et rénale normales) ; 5) pas de prise de diurétiques ; – critères relatifs : 1) correction partielle de l’hyponatrémie par simple restriction hydrique ; 2) absence de réponse normale à la charge en eau ; 3) natriurèse élevée (>20-30 mmol/l).
Désordres hydroélectrolytiques 183
Tableau I – Principales causes des hyponatrémies hypotoniques en fonction du volume extracellulaire. Avec VEC normal (capital sodé normal)
Avec VEC augmenté (capital sodé augmenté)
Avec VEC diminué (capital sodé diminué)
Rétention d’eau
Rétention d’eau et de sel prédominant sur l’eau
Perte d’eau et de sel prédominant sur le sel
– Sécrétion inappriopriée d’ADH (SIADH) – Potomanie – Endocrinopathies : insuffisances surrénaliennes, hypothyroïdies – Thiazidiques
. Natriurèse > 20 mmol/l : – Insuffisance rénale aiguë oligurique – Iatrogène : perfusions de solutés hypotoniques . Natriurèse < 20 mmol/l : – États œdémateux : insuffisance cardiaque congestive, cirrhose, syndrome néphrotique – Iatrogène : perfusions de solutés hypotoniques – Dénutrition grave, grossesse
. Natriurèse > 20 mmol/l : – Diurétiques (thiazidiques) – Cerebral salt wasting syndrome – Insuffisance surrénalienne – Néphropathie par perte de sel . Natriurèse < 20 mmol/l : – Pertes gastro-intestinales : vomissements, diarrhée – Pertes cutanées
Les principales causes de SIADH sont représentées dans le tableau II. Le SIADH doit être distingué du « cerebral salt wasting » ou CSW qui est dû à une fuite rénale de sodium et s’observe au cours de pathologies cérébrales. Le CSW s’accompagne d’une hyponatrémie hypovolémique. Tableau II – Principales causes de SIADH. Lésions du système nerveux central – Infectieuse (bactérienne, virale, fungique, tuberculeuse) : encéphalite, méningite, abcès – Traumatisme crânien : hématome extra-, sous-dural, œdème cérébral – Tumeur cérébrale primitive ou secondaire – Thrombose du sinus caverneux – Atrophie cérébrale, hydrocéphalie – AVC encéphalopathie postanoxique – Neuropathie périphérique et syndrome de Guillain-Barré – Porphyrie aiguë, sclérose multiple, delirium tremens Lésions pleuropulmonaires – Cancer anaplasique à petites cellules, mésothéliome – Infection (bactérienne, virale, fungique, tuberculeuse) – Syndrome de détresse respiratoire de l’adulte – Ventilation artificielle en pression positive, BPCO – Asthme, pneumothorax Lésions néoplasiques Poumon, tube digestif, pancréas, arbre urinaire, thymus, mésothéliome, larynx, pharynx, langue
184 Réanimation et urgences
Autres – Traitement par ocytocine, desmopressine, chlorpropamide, carbamazépine, inhibiteur de la mono-amine-oxydase (IMAO), antimitotiques, neuroleptiques, amitriptyline, tolbutamide, antidépresseurs, ecstasy – Postopératoire, SIDA, sevrage d’alcool, idiopathique – Exercice prolongé
La potomanie ou polydipsie psychotique. Elle est présente chez 60 % des patients psychiatriques au long cours souffrant de schizophrénie ou de psychose aiguë. Les maladies endocriniennes. L’hyponatrémie peut se rencontrer au cours des atteintes des surrénales et de la thyroïde. Hyponatrémies à volume extracellulaire augmenté. L’hyponatrémie résulte d’une stimulation non osmotique d’AVP. L’inflation hydrosodée interstitielle est cliniquement apparente sous forme d’œdèmes. Les causes de ces hyponatrémies sont essentiellement l’insuffisance cardiaque congestive (ICC) et la cirrhose (tableau I). La prise de diurétiques, en particulier de thiazidiques, accroit le risque d’hyponatrémie au cours de l’ICC, préférentiellement chez la femme âgée. Elles peuvent aussi s’observer au cours de l’IRA oligurique à la faveur de perfusions trop abondantes et dans le syndrome néphrotique. Le plus souvent, l’hyponatrémie s’installe progressivement et les signes neurologiques sont absents. Hyponatrémies à volume extracellulaire diminué (tableau I). Elles se rencontrent dans les situations de pertes hydrosodées gastro-intestinales ou cutanées anormalement abondantes et souvent compensées par des liquides hypotoniques. Les hyponatrémies par pertes urinaires de sel s’observent lors d’un traitement par diurétiques, thiazidiques surtout, au cours des tubulopathies avec pertes de sel, dans la maladie d’Addison ou au cours du CSW.
Traitement symptomatique des hyponatrémies hypotoniques Il dépend de la gravité du tableau neurologique. Un traitement trop tardif et/ou trop lent favorise la survenue d’un œdème cérébral aggravé par certains facteurs de risque. Au contraire un traitement trop rapide peut entraîner le développement d’une myélinolyse centropontine (cf. infra). Traitement conventionnel de l’hypotonie plasmatique (fig. 2) : les hyponatrémies aiguës et chroniques symptomatiques doivent faire appel à un traitement rapide par sérum salé hypertonique pour éviter l’œdème cérébral et l’hypertension intracrânienne. Leur correction se fait en deux temps avec une surveillance en unité de soins intensifs ou en réanimation. Initialement, l’élévation de la natrémie doit atteindre 4-5 mmol/l/h jusqu’à disparition des signes neurologiques menaçants, puis 1-2 mmol/l/h. Il est recommandé de ne pas dépasser plus de 2-4 mmol en 2 à 4 heures, 10-12 mmol après 24 heures et 18 mmol/l après 48 heures de traitement. Dans tous les cas, le traitement est stoppé dès que la natrémie atteint 130 mmol/l. Une surveillance clinique et biologique
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étroite (ionogramme sanguin toutes les 2 à 4 heures) sont nécessaires. Dans les hyponatrémies chroniques asymptomatiques, le traitement fait surtout appel à la restriction hydrique (< 500 ml/j) et au traitement étiologique qui permettent une normalisation lente de la natrémie (< 1,5 mmol/l/h) et donc limite le risque de survenue de myélinolyse centropontine. HYPONATRÉMIE HYPOTONIQUE
AIGUË
CHRONIQUE ASYMPTOMATIQUE
CHRONIQUE SYMPTOMATIQUE
1 – Sérum salé hypertonique 1 – Sérum hypertonique Ï [Na] de 4-5 mmol. l/h si signes Ï [Na] de 1-1,5 mmol/l/h neurologiques graves – puis Ï [Na] de 2 mmol/l/h 2 – Diurétiques de l’anse (furosémide) 2 – Diurétique de l’anse 3 – Restriction hydrique (furosémide) (< 800 ml/j) – Ne jamais dépasser une Ï [Na] de + de 10-12 mmol/ 24 heures et 18 mmol/l en 48 heures – Toujours arrêter le sérum salé hypertonique si : • disparition des signes neurologiques graves • natrémie ≥ 130 mmol/l
1 – Restriction hydrique (< 800 ml/j) – 2 Déméclocycline 600-1 200 mg/j)
3 – Antagonistes de récepteurs V2R aquarétiques ou antagonistes
Fig. 2 – Principes thérapeutiques des hyponatrémies hypotoniques.
Myélinolyse centropontine. Il s’agit de lésions histologiques de démyélinisation axonales. Elle est largement attribuée à une correction trop rapide de l’hyponatrémie. D’autres éléments peuvent favoriser sa survenue : hypoxie, alcoolisme chronique, dénutrition, brûlures, hypokaliémie. Elle survient classiquement après correction d’une hyponatrémie et après un intervalle libre d’un à plusieurs jours. Ce syndrome se caractérise par une détérioration neurologique progressive : fluctuations du niveau de conscience, convulsions, mutisme akinétique, hypoventilation, hypotension, dans les formes sévères paralysie pseudobulbaire, dysphagie, dysarthrie, quadriparésie, au pire locked-in syndrome. Le plus souvent les malades évoluent vers un coma chronique ou le décès. Son traitement doit être préventif, et il passe par le respect des règles de rapidité de correction du trouble précédemment citées. Message principal : distinguer les vraies hyponatrémies des pseudo-hyponatrémies et des fausses hyponatrémies en calculant la tonicité plasmatique ; évaluer la sévérité de l’encéphalopathie hyponatrémique sur les signes neurologiques ; déterminer la cause de l’hyponatrémie hypotonique en évaluant le volume extracellulaire ; corriger agressivement les vraies hyponatrémies aiguës par des solutés hypertoniques ; ne pas corriger trop rapidement les vraies hyponatrémies pour prévenir la survenue d’une myélinolyse centropontine.
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Les hypernatrémies Diagnostic positif L’hypernatrémie (> 145 mmol/l) entraîne toujours une hypertonie plasmatique et donc une déshydratation intracellulaire. Il existe trois mécanismes d’apparition qui induisent différentes modifications du VEC (fig. 3) : – les hypernatrémies à VEC normal ou normovolémiques sont dues à des pertes en « eau pure ». – les hypernatrémies à VEC diminué ou hypovolémiques sont dues à des pertes hypotoniques. – les hypernatrémies à VEC augmenté ou hypervolémiques sont dues à la rétention de sodium. HYPERNATRÉMIE
VEC normal
– Diabètes insipides centraux et néphrogéniques Ë OsmuU basse Hypodpsie primaire
VEC diminué
VEC augmenté
Pertes rénales
Pertes extra rénales
= polyuries osmotiques
– cutanées – digestives – pulmonaires
= apports excessifs – iatrogène – accidentel
Osmu U basse
Ë OsmuU élevée Hypernatrémie essentielle
Osmu U élevée
Ë OsmuU normale mais inappropriée
Fig. 3 – Diagnostic étiologique des hypernatrémies. VEC : volume extracellulaire ; OsmU : osmolarité urinaire.
Diagnostic de gravité des hypernatrémies La gravité de l’hypernatrémie est essentiellement liée au retentissement du trouble sur le volume cérébral, donc à sa rapidité d’installation. Le diagnostic de gravité repose sur la sévérité des signes de déshydratation intracellulaire, en particulier les signes neurologiques et d’hypovolémie. Les signes de déshydratation intracellulaire sont les suivants : – les signes neurologiques sont dominés par les troubles de conscience : simple obnubilation, agitation, irritabilité, crises tonicocloniques, coma profond qui peut évoluer vers le décès ;
Désordres hydroélectrolytiques 187
– la soif s’associe à une sécheresse des muqueuses ; – la perte de poids permet d’estimer l’importance du déficit hydrique, mais le poids peut rester stable ou même s’élever lorsque l’hypertonie s’associe à une augmentation du VEC ; – les autres signes sont la fièvre, la dyspnée, la rhabdomyolyse.
Diagnostic étiologique des hypernatrémies (fig. 3) Les hypernatrémies à VEC normal regroupent trois grandes causes : 1) les diabètes insipides centraux et néphrogéniques se manifestent par le syndrome polyurie-polydipsie ; 2) l’hypodipsie primaire est en rapport avec une anomalie de la sensation de soif ; 3) l’hypernatrémie essentielle correspond à un seuil de sécrétion d’ADH et de soif anormalement élevés. L’OsmU est trop basse par rapport à l’OsmP. Les hypernatrémies à VEC diminué : si l’OsmU est basse, ce sont les polyuries osmotiques. Si l’OsmU est élevée, les pertes sont extrarénales, d’origine gastro-intestinale ou cutanée. Les hypernatrémies à VEC augmenté : elle sont secondaires à des erreurs thérapeutiques (solutés salés hypertoniques, de bicarbonate de sodium) ou à des intoxications volontaires.
Traitement symptomatique des hypernatrémies Il dépend surtout de la sévérité de la symptomatologie donc de la rapidité d’installation de l’hypernatrémie et de l’état d’hydratation du VEC. Les deux objectifs du traitement sont : – rétablir la volémie circulante. C’est la priorité thérapeutique absolue qui prime sur la correction de l’hypertonie plasmatique ; – corriger l’hypertonie plasmatique par des solutés hypotoniques. Les hypernatrémies aiguës symptomatiques nécessitent une correction rapide et efficace par des solutés hypotoniques tels que sérum salé à 0,45 % ou glucosé à 5 % ou 2,5 %. La baisse de la tonicité plasmatique ne doit pas excéder 5 mosm/l/h. Dans les hypernatrémies chroniques asymptomatiques, la normalisation de la tonicité plasmatique peut se faire grâce à des solutés isotoniques qui permettent une correction plus lente, mais efficace du trouble. Si l’état de conscience est suffisant, la voie orale peut être préférable car elle minimise les risques de surcorrection et donc d’œdème cérébral. La vitesse de correction doit impérativement être lente et la prudence est encore plus grande chez le sujet âgé ou chez le sujet à risque d’hypertension intracrânienne. La baisse de la tonicité plasmatique ne doit pas excéder 2,5 mosm/l/h et la normalisation ne doit pas être obtenue en moins de 72 heures. Dans tous les cas, il ne faut jamais rechercher la correction totale de l’hypertonie plasmatique.
188 Réanimation et urgences
Principaux messages : évaluer la sévérité de la déshydratation intracellulaire sur l’importance des signes neurologiques ; déterminer la cause de l’hypernatrémie en évaluant le volume extracellulaire ; corriger activement l’hypertonicité en cas d’hypernatrémie aiguë ; ne pas corriger l’hypernatrémie avant l’hypovolémie.
Dyscalcémies Définitions, rappels physiopathologiques Le calcium (Ca) total de l’organisme représente de 1 à 1,3 kg chez l’adulte. Il est réparti pour 99 % dans le tissu osseux sous forme de cristaux, et pour 1 % dans les tissus mous et les liquides extracellulaires. Le Ca plasmatique (ou calcémie) est compris entre 2,2 et 2,6 mmol/l. Il se répartit pour 60 % en Ca ultrafiltrable (sous forme ionisée ou complexée), c’est-à-dire diffusible dans les cellules et filtrable par les glomérules, et pour 40 % en non ultrafiltrable lié aux protéines (globulines et surtout albumine) (fig. 4). Seule la forme ionisée du Ca ultrafiltrable est active participant à de nombreuses fonctions cellulaires. Sa quantité dépend de la quantité totale de Ca plasmatique, du pH et de la protidémie ou albuminémie. Ainsi, il est plus juste de considérer la calcémie corrigée (forme active) qui tient compte des protéines selon les formules : Ca cor = Ca mesurée + [(40 – albuminémie) x 0,025] ou Ca mesurée/[0,55 + (protidémie/160]. La concentration intracellulaire de Ca intracellulaire est de 0,1 μmol/l, principalement stocké dans les membranes, réticulum sarcoplasmique et mitochondries. Son entrée dans la cellule se fait passivement à travers des canaux calciques voltages dépendants ; sa sortie demande de l’énergie impliquant le Ca ++-ATPase ou l’échangeur Na/Ca ++. L’apport alimentaire est d’environ 1 g de Ca/j, les besoins quotidiens étant de 10 mg/kg/j chez l’adulte (fig. 5). L’absorption digestive de Ca s’effectue principalement au niveau du duodénum et du grêle haut. Elle est stimulée par le métabolite actif de la vitamine D (1,25 hydroxycholécalciférol), mais aussi la parathormone, l’hormone de croissance et les stéroïdes sexuels. Elle est au contraire inhibée par la thyroxine, la calcitonine, l’âge et les corticoïdes. Les pertes calciques sont principalement digestive, urinaire et sudorale. L’élimination digestive du Ca (fécal) est non régulée, résultant du Ca alimentaire non absorbé et provenant des sécrétions digestives. L’élimination urinaire du Ca représente environ 5 % du Ca filtré soit de 100 à 300 mg/j. Ainsi de 8 à 10 g/j de Ca non lié aux protéines est filtré dans les glomérules, mais 98 % est réabsorbé, pour de 60 à 70 % au niveau du tube proximal, 20 % au niveau de l’anse de Henlé, et le restant au niveau du tube distal et du tube collecteur. Les échanges entre pool osseux et non osseux (résorption ostéoclastique-formation ostéoblastique) sont régulés par la calcémie, la parathormone, la vitamine D et la calcitonine.
Désordres hydroélectrolytiques 189
Fig. 4 – Distribution du calcium (Ca) dans le plasma.
Fig. 5 – Métabolisme et turnover du calcium de l’organisme.
190 Réanimation et urgences
Les hypocalcémies Elles sont sévères si la calcémie ionisée est inférieure à 2 mmol/l. Les manifestations cliniques sont surtout neuromusculaires à type de fasciculations distales, paresthésies, spasmes, tétanie (signe de Cvostek ou de Trousseau) ou crises convulsives. Les signes cardiaques sont plus rares à type d’allongement isolé du QT (intervalle du début de l’onde Q à la fin de l’onde T à l’ECG), bradycardie. La cause principale d’une hypocalcémie est l’hypoparathyroïdie primaire ou secondaire. Les principales causes d’hypocalcémies sont résumées dans le tableau III. Le traitement est nécessaire si l’hypocalcémie est symptomatique. Il passe par l’apport de Ca par voie orale (sauf si malabsorption digestive) ou intraveineuse en privilégiant le gluconate de Ca 10 % qui est mieux toléré. L’injection intraveineuse est lente, débutant par deux ampoules de 10 ml en 10 min, suivie de dix ampoules en 6 h à la seringue électrique. L’administration orale consiste en un apport de 1 à 3 g de Ca. Tableau III – Principales causes des hypocalcémies. Causes principales – Hypoparathyroïdie primaire (carence en parathormone) ou secondaire (résistance périphérique à la parathormone) – Déficit en vitamine D – Malabsorption digestive, rachitisme – Hyperphosphorémie, hypomagnésémie – Insuffisance rénale chronique – iatrogènes : oestrogènes, diurétiques de l»anse Autres causes – Transfusion massive – Intoxication à l’éthylèneglycol, au fluor – Métastases ostéocondensantes – Pancréatite aiguë
Les hypercalcémies Elles sont sévères si la calcémie ionisée est supérieure à 3 mmol/l. Cliniquement, elles se traduisent par des signes digestifs tels qu’anorexie, nausées, vomissements ou pancréatite aiguë. Sur le plan cardiovasculaire, il peut exister une tachycardie, une hypotension artérielle orthostatique, un raccourcissement du QT ou même une arythmie ventriculaire. Les signes neurologiques tels que fatigabilité, dépression, confusion ou même coma sont possibles. L’hypercalcémie entraîne également au niveau rénal un syndrome polyuro-polydipsique, une déshydratation, des lithiases rénales, l’ensemble pouvant conduire à une véritable insuffisance rénale. Plus de 90 % des hypercalcémies sont dues à une hyperparathyroïdie ou à une maladie néoplasique. Les principales causes d’hypercalcémies sont résumées dans le tableau IV.
Désordres hydroélectrolytiques 191
La réhydratation par perfusion de NaCl 0,9 % est la première étape thérapeutique (de 3 à 6 l en fonction de la diurèse). La calcitonine (Cibacalcine®), en inhibant la résorption osseuse entraine une baisse rapide mais modérée de la calcémie, avec un pic d’efficacité à 12-24 heures. Les biphosphonates représentent la classe de médicaments du traitement urgent de l’hypercalcémie. Analogues synthétiques du pyrophosphate, ils bloquent puissamment les ostéoclastes et induisent une baisse de calcémie dès les 24-48 premières heures. Leur utilisation exclusive par voie intraveineuse est simple, rapidement efficace et sans grand risque. Leur administration préventive dans les cancers a considérablement diminué la survenue d’hypercalcémies graves néoplasiques. Tableau IV – Principales causes des hypercalcémies. Causes principales – Hyperparathyroïdies primaire (adénome, hyperplasie ou cancer) ou secondaire (héréditaire) et tertiaire (par hypocalcémie chronique) – Néoplasies : activation des ostéoclastes par des tumeurs solides du poumon, sein, rein ou thyroïde, myélome, sécrétion d’une parathormone-like par des cancers épidermoïdes, et hypercalcémies paranéoplasiques des hémopathies (lymphomes). Autres causes – Hyperthyroïdie, acromégalie, phéochromocytome – Iatrogènes : vitamine D, diurétiques thiazidiques, lithium, théophylline, syndrome de Burnett lié à la prise de grande quantité de produits laitiers ou pansements gastriques – Sarcoïdose, maladie de Paget – Hypocalciurie familiale
Bibliographie Dysnatrémies Ichai C, Theissen A.Troubles hydroélectrolytiques, in K. Samii éd. Précis d’anesthésieréanimation chirurgicale. Paris, Flammarion (3e ed), 2003, 855-66. Ichai C, Orban JC Dysnatrémies. 50e conférence d’actualisation en anesthésie-réanimation. Paris, SFAR éd, Elsevier, 2008, 431-50. Ichai C, Theissen A, Giunti C. Hyponatrémies en réanimation. Encycl Med Chir (Anesthésieréanimation), 36-860-A-05, 2002, 10 p.
Dyscalcémies Albouy S, Rami L, Grimaud D Métabolisme phosphocalcique, in Martin C, Riou B, Vallet B eds. Physiologie humaine appliquée. Paris, Arnette, 2006, 471-84. Offenstadt G, Ait-Oufella H, Amstutz P et al. Dyscalcémies, in SRLF eds. Le milieu intérieur en pratique clinique. Paris, Elsevier, 2005, 38-44.
Troubles acidobasiques C. Ichai
Item
N° 219. Troubles de l’équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytique
Physiopathologie et définition des troubles acidobasiques 219
Approches physiopathologiques Selon le concept d’Henderson-Hasselbalch, les variations de pH sont la conséquence de variations primaires des bicarbonates plasmatiques (trouble métabolique) ou de la PaCO2 (trouble respiratoire), selon l’équation pH = 6,10 + log [HCO3-]/0,03 x PaCO2. Le concept de Stewart considère que le pH plasmatique est la résultante du respect de trois principes physicochimiques : le principe de l’électroneutralité, la conservation de masse et l’équilibre de dissociation électrochimique. Ainsi, le pH dépend des trois variables indépendantes : 1) la différence de charge entre cations (Na +, K +, Ca ++, Mg ++) et anions forts (Cl-, lactate) appelée « strong ion difference ou SID » ; 2) la masse totale des acides faibles ; 3) la PaCO2 Dans ce concept, ce sont les modifications d’au moins une de ces trois variables indépendantes qui conduisent à faire varier simultanément le pH et les bicarbonates plasmatiques.
194 Réanimation et urgences
Définitions et classification des troubles acidobasiques La confrontation du pH, de la PaCO2 et des bicarbonates plasmatiques permet de définir la nature du trouble acidobasique (TAB). L’acidose métabolique se définit par une baisse de pH associée à une baisse des bicarbonates plasmatiques et inversement pour l’alcalose métabolique. L’acidose respiratoire se définit par une baisse du pH associée à une élévation de la PaCO2 et inversement pour l’alcalose respiratoire. Ces anomalies s’associent à un mécanisme de compensation (ou réponse adaptée) qui atténue les modifications du pH. Cette réponse est prévisible (tableau I) : les TAB métaboliques s’accompagnent d’une réponse respiratoire et les TAB respiratoires d’une réponse rénale. Un TAB simple se définit par l’existence d’une seule anomalie accompagnée de sa réponse prévisible. Un TAB mixte associe perturbation métabolique et respiratoire allant dans le même sens. Un TAB complexe associe deux ou trois anomalies qui ne vont pas forcément dans le même sens : acidose et alcalose métabolique ± associées à un trouble respiratoire. Tableau I – Réponses théoriques prévisibles aux troubles acidobasiques (TAB) simples. TAB primitif
Degré de réponse
Délai
Troubles métaboliques – Acidose (Ó HCO3-) – Ó PaCO2 = 1,3 x Ó HCO3– Alcalose (Ï HCO3-) – Ï PaCO2 = 0,6 x Ï HCO3-
– de 12 à 24 h. – de 24 à 36 h.
Troubles respiratoires – Acidose (Ï PaCO2) . aiguë . chronique
– 10 mmHg PaCO2 = Ï 1 meq/l HCO3– 10 mmHg PaCO2 = Ï 3,5 meq/l HCO3-
– de 5 à 10 min – de 72 à 96 h.
– Ó 10 mmHg PaCO2 = Ó 2 meq/l HCO3– Ó 10 mmHg PaCO2 = Ó 5 meq/l HCO3-
– de 5 à 10 min – de 48 à 72 h.
– Alcalose (Ó PaCO2) . aiguë . chronique
Démarche diagnostique devant un trouble acidobasique Les outils du diagnostic Tout en considérant le contexte clinique, le diagnostic d’un TAB repose au moins sur les données des gaz du sang et l’ionogramme artériels réalisés simultanément (tableau II). Le pH, les bicarbonates plasmatiques et la PaCO2 permettent d’établir le type de trouble (tableau III). Le calcul du trou anionique (TA) plasmatique permet de détecter les anions indosés qui ne sont pas mesurés par l’ionogramme sanguin usuel. Il se calcule facilement au lit du patient, mais
Troubles acidobasiques 195
sa valeur est sous-estimée en cas d’hypoalbuminémie ; on peut alors faire appel au calcul du TA corrigé (tableau II). Le SID peut se calculer de deux façons. Le SID effectif (SIDe) est la somme des bicarbonates, albuminate et phosphates. Le SID apparent (SIDa) se calcule au lit du patient en considérant les principaux cations et anions forts plasmatiques (tableau II).
Tableau II – Classification des principaux TAB primaires selon les concepts d’HendersonHasselbalch et de Stewart. SID : strong ion difference ; Atot : acides faibles totaux ; XA : acides forts indosés ; SIG : strong ion gap. TAB respiratoires
TAB métaboliques Concept d’Henderson-Hasselbalch HCO3-
pH – Acidose
. trou anionique élevé . hyperchlorémie
– Alcalose
. chlorosensible . chlororésistante
PaCO2
Concept de Stewart SID
Atot
PaCO2
– Acidose . hyperchlorémie . hyponatrémie SIG) . XA– (±
. .
albuminate phosphate
. hypochlorémie. . hypernatrémie
.
albuminate
– Alcalose
Tableau III– Les outils du diagnostic d’un TAB (valeurs normales). TA : trou anionique ; SIDa : SID apparent ; SIDe : SID effectif ; SIG : strong ion gap. Paramètres mesurés Outils de base – Gaz du sang artériels . pH (7,40 ± 2) . PaCO2 (40 ± 4 mmHg) . HCO3– calculés (24 ± 2 mmol/l)
Outils complémentaires – Gaz du sang artériels . Base excess (0 meq/l) . Standard base excess (0 meq/l)
196 Réanimation et urgences
– Ionogramme sanguin . Bicarbonates mesurés (26 ± 2 mmol/l) . Na + (140 ± 2 mmol/l) ; K + (3,5 ± 0,5 mmol/l) . Cl– (105 ± 2 mmol/l)
– Ionogramme sanguin – Phosphore (0,8-1,2 mmol/l) – Albumine (40 g/l)
– pH urinaire, osmolarité urinaire – Ionogramme urinaire (Na +, K +, Cl-) Paramètres calculés – TA = Na + – (Cl– + HCO3-) = 12 ± 2 meq/l – TA corrigé = TA calculé + 0,25 x (40 – albumine mesurée [g/l])
– SIDa = (Na + + K + + Ca ++ + Mg ++) – (Cl– + lactate-) = 40 ± 2 meq/l – SIDe = [HCO3-] + [albumine (g/l) x (0,123 x pH – 0,631)] + phosphore (meq/l) x (0,309 x pH – 0,469)] = 40 ± 2 meq/l – SIG = SIDa – SIDe = 0 meq/l
Les acidoses métaboliques (AcM) Signes cliniques L’hyperventilation traduit la réponse ventilatoire à l’acidose métabolique. Les troubles neurologiques centraux et la dépression myocardique n’apparaissent que pour des acidoses très sévères (pH < 7).
Signes biologiques et diagnostic étiologique L’AcM associe toujours baisse du pH, des bicarbonates plasmatiques et de la PaCO2 (réponse ventilatoire). Si elle est due à l’accumulation d’anions organiques forts (lactate, corps cétoniques, etc.), elle est appelée AcM organique et le TA est élevé. Le SID est abaissé avec une natrémie et une chlorémie normales (tableau III). Les quatre grandes causes d’AcM organiques sont l’acidose lactique, l’acidocétose diabétique, l’insuffisance rénale chronique ou les acidoses en rapport avec l’ingestion de toxiques (tableau IV). Le diagnostic étiologique repose sur la clinique et les dosages spécifiques. L’AcM due à l’augmentation du chlore est appelée AcM hyperchlorémique minérale. Dans ce cas, l’hyperchlorémie s’associe à un TA normal, mais le SID est abaissé. Les principales causes d’AcM hyperchlorémiques sont résumées dans le tableau V.
Traitement Il est avant tout étiologique. Le traitement symptomatique par bicarbonate de sodium n’est justifié que pour des pH bas (≤ 7).
Troubles acidobasiques 197
Tableau IV– Principales causes des acidoses métaboliques organiques. Causes – Acidocétose : diabétique, jeûne, intoxication alcoolique, glycogénolyse type 1 – Acidoses lactiques : . type A : hypoxie tissulaire, baisse du contenu artériel en O2, augmentation brutale de la demande en O2 . type B = oxygénation tissulaire normale : toxiques, maladies métaboliques hépatiques ou rénales, acidose lactique idiopathique – Insuffisance rénale chronique – Toxiques : salicylate, biguanides, méthanol, éthylène-glycol, paraldéhyde, formate, glycolate, oxalate
Tableau V– Principales causes des acidoses métaboliques hyperchlorémiques. Variétés hypo– ou normokaliémiques
Variétés hyperkaliémiques
pH urinaire > 6 1 – Pertes digestives en HCO3diarrhées, fistules pancréatiques ou bilaires, urétérosigmoïdostomies, médicaments (cholestyramine, chlorure de calcium ou de magnésium) 2 – Acidoses tubulaires rénales proximale (type 2), distale (type 1), défaut de production de NH4 (type 4), inhibiteurs de l’anhydrase carbonique
pH urinaire < 6 1 – Charge exogène en HCl NH4Cl, HCl, CaCl2, chlorydrate d’arginine ou de lysine, hyperalimentation parentérale 2 – Insuffisance rénale aiguë 3 – Hydronéphrose 4 – Hypoaldostéronismes
pH urinaire < 6 1 – Acidose posthypercapnique 2 – Perfusion rapide de solutés riches en chlore (sérum salé)
Principaux messages : face à une acidose métabolique, évaluer la chlorémie et calculer le TA (ou le SID) ; évoquer devant une acidose métabolique organique l’acidose lactique, l’acidocétose diabétique ou l’acidose toxique ; évoquer devant une acidose métabolique hyperchlorémique la perfusion abondante de sérum physiologique ; ne pas se fier au seul TA sans dosage de lactatémie et d’albumine ; ne pas normaliser le pH et les bicarbonates plasmatiques par la perfusion de bicarbonate de sodium si le pH est supérieur à 7.
198 Réanimation et urgences
Les alcaloses métaboliques (AlcM) Signes cliniques Elle peut se manifester par des anomalies neuromusculaires centrales ou périphériques, des troubles du rythme. L’hypoventilation alvéolaire, réponse ventilatoire, se traduit par une hypercapnie, mais aussi parfois par une hypoxémie.
Signes biologiques et diagnostic étiologique L’AlcM se caractérise par une élévation du pH, des bicarbonates plasmatiques et de la PaCO2 (réponse ventilatoire) (tableau III). On distingue les AlcM « chlorosensibles » des « chlororésistantes ». Les AlcM chlorosensibles sont dues à des pertes en chlore. Elles se manifestent par une hypochlorémie et une élévation du SID. Les pertes digestives sont les plus fréquentes. L’hypochlorémie s’associe à une hypokaliémie, et la chlorurèse est basse. Lors de l’installation du trouble, le pH urinaire est élevé, témoin de l’élimination urinaire de bicarbonates. La pérennisation du trouble résulte de la réabsorption rénale de bicarbonates qui se traduit par une baisse du pH urinaire appelée « acidurie paradoxale ». La deuxième cause d’AlcM chlorosensible est la perte rénale en chlore. À l’hypochlorémie s’associe une chlorurèse élevée, mais le pH urinaire est bas. La cause la plus fréquente est l’administration de diurétiques. Les AlcM chlororésistantes sont en rapport avec une rétention rénale de sodium qui induit une élévation du SID. La chlorémie est normale, associée à une hypokaliémie, et la chlorurèse est généralement élevée. L’hypoalbuminémie peut induire une réelle AlcM normochlorémique.
Traitement Il est avant tout étiologique et il repose sur l’apport de KCl et de NaCl. La correction indispensable de tous les facteurs d’entretien se manifeste par la disparition de l’acidurie paradoxale et la remontée de la chlorurèse si les pertes sont digestives. Principaux messages : rechercher l’hypochloro-kaliémie qui signe l’alcalose métabolique chlorosensible ; mesurer la chlorurèse pour établir la cause des pertes chlorées (digestive ou rénale) ; mesurer le pH urinaire pour rechercher l’acidurie paradoxale qui signe la persistance des facteurs d’entretien de l’alcalose métabolique.
Troubles acidobasiques 199
Les acidoses respiratoires (AcR) Signes cliniques : L’hypercapnie aiguë entraîne une hypertension artérielle associée à des signes neurologiques centraux (céphalées, vomissements, confusion, coma, épilepsie). L’hypercapnie chronique est peu symptomatique en dehors de l’HTAP.
Signes biologiques et diagnostic étiologique L’AcR se caractérise par une baisse du pH, une hypercapnie et une élévation des bicarbonates (réponse rénale) (tableau I). Il existe aussi une hypoxémie en rapport avec l’hypoventilation alvéolaire. Les principales causes d’AcR sont résumées dans le tableau VI.
Traitement Il est avant tout étiologique. En cas d’impossibilité de correction de l’hypercapnie, le traitement passe par l’optimisation de la ventilation.
Les alcaloses respiratoires (AlcR) Signes cliniques La polypnée s’associe à des troubles neurologiques centraux en rapport avec la baisse du débit sanguin cérébral.
Signes biologiques et diagnostic étiologique À l’élévation du pH, s’associe une hypocapnie et une diminution des bicarbonates (réponse rénale) (tableau I). Les principales causes d’AlcR sont résumées dans le tableau VI.
Traitement Il est rarement nécessaire. L’oxygénothérapie peut être utile en cas d’hypoxémie accompagnant l’hypocapnie.
200 Réanimation et urgences
Tableau VI– Principales causes des acidoses et alcaloses respiratoires. Acidoses respiratoires (AcR) AcR aiguës
AcR chroniques Obstruction des voies aériennes
Inhalation, laryngospasme, bronchospasme, obstacle des voies aériennes supérieures
BPCO
Dépression des centres respiratoires Anesthésie générale, sédatifs, traumatisme crânien, AVC
Surdosage chonique en sédatifs, syndrome de Pickwick, tumeur cérébrale
Défaillances cardiovasculaires Arrêt cardiaque, œdème pulmonaire grave Déficits neuromusculaires Botulisme, tétanos, hypokaliémie, syndrome de Guillain-Barré, crise de myasthénie, toxiques (curares, organophosphorés)
Polyomyélite, myopathies, sclérose latérale amyotrophique, sclérose en plaque, paralysie diaphragmatique, myxœdème
Atteintes thoracopulmonaires Pneumothorax, hémothorax, pneumonie sévère, SDRA
Cyphoscoliose, fibrose pulmonaire, obésité, hydrothorax, ascite, altération de la fonction diaphragmatique
Ventilation artificielle Hypoventilation accidentelle ou permissive Alcaloses respiratoires Hyperventilation alvéolaire d’origine centrale Anxiété, douleur, atteintes neurologiques : traumatisme crânien, encéphalite, méningite, tumeur cérébrale, AVC Toxiques : salicylés, aminophylline, catécholamines Autres : fièvre, syndromes septiques, encéphalopathies, grossesse Hyperventilation alvéolaire par hypoxie tissulaire Baisse de la FiO2, séjour en altitude, intoxication au CO, anémie intense, shunt droitgauche, trouble du rapport ventilation-perfusion, fibrose pulmonaire Autres Hémodialyse, ventilation mécanique mal conduite, postacidose métabolique tamponnée
Principaux messages : rechercher un mauvais réglage du respirateur en cas de ventilation assistée (hypo– ou hyperventilation), ne pas oublier les causes extrapulmonaires de troubles acidobasiques respiratoires.
Troubles acidobasiques 201
Les troubles acidobasiques mixtes et complexes Ils doivent être évoqués face à des anomalies biologiques qui paraissent « discordantes » : – divergence nette entre réponse prévisible et celle mesurée chez le patient ; – un pH quasi normal associé à des valeurs de bicarbonates plasmatiques ou de PaCO2 anormales ; – quelle que soit la valeur du pH, une valeur de bicarbonate plasmatique inférieure à 15 mmol/l signe toujours la présence d’une acidose métabolique, une valeur de bicarbonate plasmatique supérieure à 32 mmol/l signe toujours la présence d’une alcalose métabolique, une PaCO2 supérieure à 50 mmHg signe toujours l’existence d’une acidose respiratoire
Bibliographie Quintard H, Hubert S, Ichai C. Qu’apporte le modèle de Stewart à l’interprétation des troubles de l’équilibre acide-base ? Ann Fr Anesth Réanim 2007 ; 26 : 423-33. Giunti C, Ichai C, Grimaud D Acidoses et alcaloses métaboliques. In : Pourriat JL, Martin C, eds. Précis de Réanimation chirurgicale (2e éd). Paris, Arnette. 2005 : 662-78. Ichai C, Massa H, Hubert S Troubles de l’équilibre acidobasique chez l’adulte. Encycl Med Chir (Paris-France). Anesthésie-Réanimation, 36-860-A-50, 2006, 17 p.
Urgences en endocrinologie et en diabétologie A. Crand et F. Borson-Chazot
Items
N° 206. Hypoglycémie (Urgences) N° 219. Troubles de l’équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytiques N° 230. Coma non traumatique N° 233. Diabète sucré de type 1 et 2 de l’enfant et de l’adulte N° 246. Hyperthyroïdie N° 248. Hypothyroïdie N° 255. Insuffisance surrénale
255
Insuffisance surrénale aiguë
Définition et physiopathologie L’insuffisance surrénalienne aiguë est une pathologie grave mettant en jeu le pronostic vital si le traitement adéquat n’est pas débuté en urgence. L’insuffisance surrénalienne conduit à une carence en glucocorticoïdes responsable d’un amaigrissement, d’une asthénie physique et psychique, d’une hyponatrémie par SIADH (sécrétion inapproprié d’hormone antidiurétique) et d’une hypoglycémie. Elle est associée à une carence en minéralocorticoïdes en cas d’insuffisance surrénalienne primaire (appelée également périphérique) qui conduit à une hypotension avec perte de sel et une hyperkaliémie. Quelle que soit l’étiologie (tableau I), la décompensation aiguë complique souvent une insuffisance surrénalienne insuffisamment traitée dans une situation de stress de forte inten-
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sité, d’agression physique (infection, déshydratation, traumatisme, hémorragie, chirurgie, accouchement) ou psychique. La prescription d’un régime sans sel, d’un diurétique, d’un laxatif ou d’un médicament inducteur enzymatique ou l’arrêt du traitement substitutif (notamment en cas de vomissements) peuvent également être la cause de la décompensation aiguë. L’insuffisance surrénalienne aiguë peut révéler une insuffisance surrénalienne méconnue. Elle est rarement inaugurale, compliquant une hémorragie bilatérale des surrénales lors d’une septicémie, d’un traitement anticoagulant, ou une thrombose des artères surrénaliennes dans le cadre d’un syndrome des anticorps antiphospholipides. L’insuffisance surrénalienne d’origine centrale (insuffisance corticotrope) peut également se révéler de façon brutale en cas d’apoplexie hypophysaire ou d’arrêt brutal d’une corticothérapie au long cours ; en l’absence de déficit en aldostérone, le tableau clinique est généralement moins grave. Tableau I – Principales causes des insuffisances surrénaliennes. Insuffisances surrénales primaires ou périphériques : – Insuffisance surrénale auto-immune – Tuberculose – Adrénomyéloneuropathie – Infections mycosiques – VIH – Métastases surrénaliennes bilatérales et lymphomes – Hémorragies bilatérales des surrénales – Iatrogènes (chirurgie, médicaments : mitotane, kétoconazole, étomidate en perfusion continue) – Bloc de l’hormonogenèse – Pathologies infiltratives (sarcoïdose, amylose) Insuffisances surrénales secondaires ou centrales (insuffisance corticotrope) : – Inertie corticotrope après arrêt d’une corticothérapie au long cours – Adénomes hypophysaires et tumeurs hypothalamo-hypophysaires – Apoplexie hypophysaire – Pathologies inflammatoires, infiltratives et auto-immunes de l’hypophyse – Iatrogènes (chirurgie, radiothérapie) – Traumatismes crâniens
Diagnostic Diagnostic clinique Le patient présente une altération importante de l’état général avec une asthénie majeure, une anorexie et un amaigrissement. L’agitation et la confusion peuvent parfois remplacer l’adynamie. L’examen clinique montre un ventre souple malgré les douleurs abdominales très intenses pseudo-chirurgicales associées à des nausées, à des vomissements et à des diarrhées. La déshydratation prédomine
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initialement sur le secteur extracellulaire avec une tachycardie, une hypotension artérielle, un pli cutané et des yeux cernés. En l’absence d’expansion volumique cette déshydratation atteint le secteur intracellulaire avec une fièvre (sans point d’appel infectieux), des muqueuses sèches, une hypotonie des globes oculaires, une soif intense et des troubles de la conscience, puis une insuffisance circulatoire aiguë avec un état de choc se constitue par hypovolémie et vasoplégie.
Diagnostic biologique L’hyponatrémie est constante et s’accompagne d’une natriurèse conservée et inadaptée. Dans les atteintes périphériques, l’hyponatrémie est associée à une hyperkaliémie témoignant du déficit minéralocorticoïde. La déshydratation est responsable d’une hémoconcentration et d’une insuffisance rénale fonctionnelle avec augmentation de l’urée prédominant sur l’augmentation de la créatinine, une acidose métabolique avec diminution des bicarbonates est fréquente. La tendance à l’hypoglycémie, l’hyperlymphocytose et l’hyperéosinophilie sont secondaires au déficit glucocorticoïde. Toute insuffisance circulatoire aiguë inexpliquée doit faire évoquer une insuffisance surrénalienne aiguë, surtout si une hyponatrémie et une hyperkaliémie sont associées au collapsus. Cependant, en cas d’insuffisance corticotrope, l’hyponatrémie est isolée et secondaire à un SIADH.
Confirmation biologique Les dosages hormonaux permettent de confirmer le diagnostic d’insuffisance surrénalienne et de connaître l’origine centrale hypophysaire ou périphérique, mais ils ne doivent en aucun cas retarder la prise en charge thérapeutique. Le traitement est débuté sans attendre les résultats des examens et la réponse rapide au traitement constitue un argument fort pour confirmer le diagnostic d’insuffisance surrénalienne aiguë. Le taux de cortisol de base est effondré, inférieur à 250 μmol/l et ne double pas une heure après l’injection de 250 μg de Synacthène®. Le dosage de l’hormone adrénocorticotropique (ACTH) permet de différencier l’origine antéhypophysaire de l’origine surrénalienne. En effet, en cas d’insuffisance corticotrope, l’ACTH sera également effondrée alors qu’en cas d’insuffisance surrénalienne périphérique l’ACTH sera très élevée du fait de l’absence du rétrocontrôle négatif du cortisol sur la sécrétion d’ACTH hypophysaire. L’augmentation du taux d’ACTH a comme conséquences cliniques une pigmentation cutanée, initialement discrète avec pigmentation des plis de flexion, des mamelons et des cicatrices, des ongles striés et une pigmentation muqueuse avec l’apparition de taches ardoisées, à un stade plus tardif on observe une mélanodermie. En cas d’insuffisance surrénalienne périphérique, l’insuffisance minéralocorticoïde est confirmée par le taux d’aldostérone effondrée et la rénine augmentée.
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Diagnostic étiologique Le diagnostic étiologique de l’insuffisance surrénalienne sera réalisé à distance du traitement de la décompensation aiguë et la stratégie diagnostique sera orientée en fonction de l’origine centrale ou périphérique de l’insuffisance surrénalienne.
Traitement Le traitement repose sur la compensation des pertes hydroélectrolytiques, l’apport en glucocorticoïdes et le traitement du facteur déclenchant de l’insuffisance surrénalienne aiguë. La réhydratation se fait par voie intraveineuse et est adaptée à la sévérité de la déshydratation. Généralement de 4 à 5 litres de sérum salé physiologique à 9 g/l de NaCl sont nécessaires les 24 premières heures dont de 1 à 2 litres administrés la première heure afin de corriger l’insuffisance circulatoire aiguë. Du sérum glucosé isotonique est associé afin de pallier le risque d’hypoglycémie. La réhydratation sera adaptée à la clinique et à l’ionogramme sanguin. Le risque d’œdème pulmonaire est minime. Les glucocorticoïdes sont administrés en urgence par voie intraveineuse directe sous la forme d’hémisuccinate d’hydrocortisone avec une dose de charge de 100 mg, puis un relais est effectué soit par bolus de 50 à 100 mg toutes les 6 à 8 heures, soit par 200 mg administré sur 24 heures en intraveineux continu à la seringue électrique en surveillant attentivement la TA, la T°, et l’état de conscience. En fonction de l’amélioration clinique et biologique, notamment l’arrêt des troubles digestifs, un relais per os sera réalisé à posologie progressivement décroissante pour atteindre en 3-5 jours la dose journalière habituelle de 20 mg par 24 heures. La substitution en minéralocorticoïde n’est pas indispensable en urgence puisque l’hydrocortisone à forte dose exerce une action minéralocorticoïde. Cependant, certaines équipes recommandent l’administration intra musculaire de 5 à 10 mg de Syncortyl® toutes les 12 heures. En revanche, lorsque le relais par hydrocortisone orale est réalisé et inférieur à 50 mg par 24 heures, la substitution en minéralocorticoïde est indispensable sous la forme de 9α-fluorohydrocortisone per os à la dose de 50 à 100 μg par 24 heures. À noter qu’en cas d’insuffisance corticotrope, le secteur minéralocorticoïde est épargné donc seul le traitement par glucocorticoïde est nécessaire. Le traitement du facteur déclenchant de la décompensation doit être réalisé : traitement d’une infection, d’un traumatisme, d’une hémorragie…
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Prévention Lorsque l’insuffisance surrénalienne est connue, le patient doit être informé que le traitement ne doit jamais être arrêté et doit être éduqué afin d’éviter les situations favorisant une décompensation aiguë. – Port d’une carte d’insuffisant surrénalien avec le traitement habituel du patient et les coordonnées du médecin. – Doublement des doses en cas de maladie ou de toute situation de stress. – Posséder une forme injectable en cas de troubles digestifs incompatibles avec une forme orale. – Alimentation normalement salée et éviter les situations à risque de déshydratation. – Contre-indication aux diurétiques et aux laxatifs. – Adaptation de la posologie d’hydrocortisone en fonction des traitements associés notamment par inducteurs enzymatiques. POINTS FORTS Urgence thérapeutique. L’insuffisance surrénelienne aiguë (ISA) doit être évoquée devant : – toute hypotension artérielle ou insuffisance circulatoire aiguë non expliquée ; – des douleurs abdominales pseudo chirurgicales avec ventre souple ; – une hyponatrémie associée à une hyperkaliémie. Ne pas attendre la confirmation biologique pour débuter le traitement par Hydrocortisone. Éducation du patient et de l’entourage.
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La crise aiguë thyrotoxique
Définition et physiopathologie La crise aiguë thyrotoxique qui correspond à l’exacerbation brutale d’une hyperthyroïdie par maladie de Basedow est une complication rare (< 1 %) mais grave. Elle peut compliquer, mais plus rarement, les autres types d’hyperthyroïdies (tableau II). Malgré le traitement, la mortalité de cette pathologie reste élevée, comprise entre 10 et 30 %. La crise aiguë thyrotoxique peut être un mode de découverte de l’hyperthyroïdie, mais le plus souvent l’hyperthyroïdie est connue et la décompensation aiguë est secondaire à l’évolution d’une hyperthyroïdie négligée, à une préparation médicale insuffisante lors d’une chirurgie ou d’une irathérapie pour une maladie de Basedow ou un goitre toxique, à un traitement comprenant de l’iode ou à un stress important (infection, traumatisme, accouchement, complication cardiovasculaire, complication aiguë liée au diabète…) chez un patient hyperthyroïdien. L’intoxication volontaire par
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doses massives d’hormones thyroïdiennes peut également entraîner une crise aiguë thyrotoxique. La physiopathologie de cette exacerbation est mal connue puisque la majoration de l’hyperthyroïdie biologique n’est pas constante au cours de la crise aiguë thyrotoxique. Tableau II – Étiologies principales des hyperthyroïdies – Maladie de Basedow – Thyroïdite (auto-immune, silencieuse, de DeQuervain, du post-partum) – Nodule et goitre toxique – Hyperthyroïdie iatrogène (surcharge iodée, interféron) – Hyperthyroïdie factice – Hyperthyroïdie centrale rare : Adénome thyréotrope
Diagnostic Diagnostic clinique Le tableau clinique correspond à une majoration brutale des symptômes habituels de l’hyperthyroïdie. Le patient présente une altération importante de l’état général avec une asthénie majeure et une fièvre pouvant atteindre 41 °C accompagnées de sueurs profuses. Les symptômes cardiovasculaires sont au premier plan avec une tachycardie sinusale très rapide ou une arythmie par fibrillation auriculaire (ACFA). Cette accélération du rythme cardiaque peut décompenser une cardiopathie ischémique sous-jacente ou peut se compliquer d’une insuffisance cardiaque globale en fonction du terrain. Les signes neuropsychiatriques sont très variables, le patient pouvant présenter une agitation extrême susceptible de faire évoquer des pathologies psychiatriques à type de bouffée délirante ou d’accès maniaque ou au contraire une forme apathique avec troubles de la conscience, voire un coma. Les signes habituellement rencontrés dans l’hyperthyroïdie, tremblements, diarrhées, faiblesse musculaire, voire atteinte myopathique, sont majorés et des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, un ictère, une hépatomégalie peuvent s’y associer. Le diagnostic de la crise aiguë thyrotoxique est clinique, mais les symptômes habituels de l’hyperthyroïdie pouvant faire totalement défaut, notamment chez la personne âgée avec un tableau essentiellement psychiatrique, un score a été élaboré pour aider au diagnostic (tableau III).
Urgences en endocrinologie et en diabétologie 209
Tableau III – Critères diagnostiques d’une crise aiguë thyrotoxique.
Température (°C) : 37,2-37,7 37,7-38,3 38,3– 38,8 38,8-39,4 39,4-40 > 40
Score 5 10 15 20 25 30
Tachycardie (bpm) : 90-110 110-120 120-130 130-140 > 140
5 10 15 20 25
Insuffisance cardiaque congestive : Peu intense Modérée Sévère
5 10 15
Fibrillation auriculaire
10
Troubles des fonctions supérieures : Agitation Delirium Crise comitiale, coma
10 20 30
Troubles digestifs : Troubles fonctionnels Ictère
10 20
Existence d’une cause déclenchante :
10
Probabilité d’une crise aiguë thyrotoxique
> 45 : très probable 25-44 : probable < 25 : peu probable
Diagnostic biologique La réalisation du bilan thyroïdien ne doit en aucun cas retarder le traitement de la crise aiguë thyrotoxique. Le bilan thyroïdien montre une hyperthyroïdie avec effondrement de la TSH et augmentation de la T3 et de la T4 libres, cependant les valeurs peuvent ne pas différer des valeurs rencontrées dans les hyperthyroïdies non compliquées, le bilan biologique ne constitue donc pas un critère de diagnostic ni de gravité. Le reste du bilan biologique peut montrer une hypercalcémie, une hyperglycémie et une cholestase.
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Examens complémentaires Un ECG doit être réalisé en urgence afin de ne pas méconnaître une ACFA ou une ischémie ; la fonction cardiaque doit également être évaluée en urgence par une échographie.
Traitement Du fait de la gravité du pronostic de la crise aiguë thyrotoxique, le patient doit être surveillé dans une unité de soins intensifs ou de réanimation. Le traitement associe au traitement symptomatique le traitement de l’hyperthyroïdie et le traitement de la cause déclenchante.
Traitement symptomatique Il consiste à traiter l’hyperthermie par des vessies de glace et des antipyrétiques à dose maximale (à l’exception des salicylés qui majorent la T4 libre en inhibant sa liaison aux protéines transporteuses). Une réhydratation par voie intraveineuse est réalisée et associée à une nutrition orale ou parentérale, en fonction du degré de conscience, supplémentée en vitamines B. Un traitement sédatif est indispensable par les BZI (benzodiazépines) ou les barbituriques qui stimulent le métabolisme hépatique de la T4. Les traitements cardiovasculaires feront appel aux digitaliques, aux diurétiques et aux anticoagulants à dose efficace en cas de cardiopathie.
Traitement de l’hyperthyroïdie Il va associer des mesures thérapeutiques dont les mécanismes d’action sont complémentaires : – inhibition de la synthèse des hormones thyroïdiennes par blocage de l’organification de l’iode par le propylthiouracile (PTU), préféré au carbimazole, du fait de son action inhibitrice sur la conversion périphérique de T4 en T3 libre. La dose de charge est de 800 mg par voie orale ou par sonde nasogatrique puis la dose d’entretien est de 200 mg toutes les 4-6 heures. Si la voie orale est impossible, le PTU peut être administré sous forme de lavement par voie rectale. La complication essentielle des antithyroïdiens de synthèse étant l’agranulocytose, le traitement devra être arrêté en cas de neutropénie inférieure à 1 000/mm3 ; – blocage de la libération des hormones thyroïdiennes par l’administration de fortes doses d’iodure 2 heures après les antithyroïdiens de synthèse par voie orale (lugol) ou intraveineuse. L’administration d’iodure est cependant délicate du fait d’un blocage seulement transitoire de la synthèse des hormones thyroïdiennes ;
Urgences en endocrinologie et en diabétologie 211
– inhibition des effets périphériques des hormones thyroïdiennes sur le système adrénergique par les bêtabloquants, essentiellement le propanolol, par voie orale ou intraveineuse. Cependant, les bêtabloquants doivent être réservés aux patients sans signes d’insuffisance cardiaque. Les glucocorticoïdes ont également une action inhibitrice sur la conversion périphérique de la T4 en T3 libre et peuvent être administrés per os ou par voie intraveineuse ; – de manière exceptionnelle, le carbonate de lithium peut être utilisé en cas de contre-indication au traitement habituel et des échanges plasmatiques par plasmaphérèse plus ou moins suivis d’une thyroïdectomie peuvent être envisagés en cas d’inefficacité de l’ensemble des traitements avec pronostic vital engagé.
Traitement du facteur déclenchant de la crise aiguë thyrotoxique Il devra bien entendu être débuté de façon parallèle au traitement de l’hyperthyroïdie.
Prévention La prévention de la crise aiguë thyrotoxique repose sur la prise en charge rapide et efficace de tout patient hyperthyroïdien dès le diagnostic. Le risque ne doit pas être négligé en cas de traitement radical de l’hyperthyroïdie par chirurgie ou irathérapie, une préparation soigneuse doit donc être effectuée par un traitement symptomatique, des antithyroïdiens de synthèse et un traitement de lugol (pour la maladie de Basedow seulement). POINTS FORTS Urgence thérapeutique, mortalité élevée. Exacerbation brutale des signes d’hyperthyroïdie. Préparation médicale indispensable en cas de chirurgie chez un patient hyperthyroïdien. Le bilan thyroïdien ne constitue pas un critère diagnostique ni d’urgence
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Le coma myxœdemateux
Définition et physiopathologie Le coma myxœdémateux est secondaire à une hypothyroïdie primaire profonde et prolongée entraînant des troubles des fonctions supérieures allant d’un ralentissement psychomoteur majeur à un coma. C’est une urgence médicale au pronostic sévère, mais heureusement devenue rare. Cette décompensation est secondaire à la survenue d’une infection, d’une complication cardiovasculaire, d’une intervention chirurgicale, d’une exposition au froid, ou à la prescription
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d’un traitement sédatif chez un patient âgé avec une hypothyroïdie souvent méconnue ou négligée. L’étiologie de l’hypothyroïdie en cause peut être aussi bien auto-immune qu’iatrogène mais l’insuffisance thyréotrope est exceptionnellement en cause (tableau IV). Les symptômes sont liés à la perte de l’action stimulante des hormones thyroïdiennes sur les fonctions métaboliques, la thermogenèse, le cœur et l’éveil. Tableau IV – Étiologies principales des hypothyroïdies – Thyroïdite auto-immune de Hashimoto – Thyroïdite (atrophique, silencieuse, de DeQuervain, du post-partum) – Hypothyroïdie iatrogène (surcharge iodée, chirurgie, irathérapie, radiothérapie, lithium) – Carence iodée – Insuffisance thyréotrope
Diagnostic Diagnostic clinique Les signes cliniques s’installent de façon progressive, généralement chez la femme âgée, avec la survenue d’un ralentissement psychomoteur avec difficultés de concentration évoluant vers une somnolence, une torpeur, une obnubilation, puis des troubles de la conscience apparaissent, s’aggravant jusqu’au coma. Il s’agit d’un coma calme sans signe de localisation neurologique, des crises comitiales peuvent survenir dans le cadre de l’hyponatrémie. Le coma myxœdémateux se caractérise par trois signes principaux : – l’hypothermie est présente dans 80 % des cas et conditionne le pronostic du patient, généralement entre 32 °C et 35 °C ; elle peut être extrêmement profonde ou au contraire masquée par une infection concomitante. Elle est due à une diminution du métabolisme basal et de la thermogenèse ; – la bradycardie est toujours présente et accompagnée de bruits du cœur assourdis, avec parfois un frottement péricardique témoignant d’un épanchement péricardique, et d’une dysfonction ventriculaire gauche. La tension artérielle est généralement élevée, tant que l’état hémodynamique reste stable, du fait de l’augmentation des résistances vasculaires due à l’état œdémateux avec réduction de la volémie. L’hypotension artérielle témoigne d’un effondrement du débit cardiaque qui reste, étonnamment, bien toléré du fait de la réduction majeure des besoins en oxygène en raison de l’hypométabolisme global ; – la bradypnée à raison de 5 à 10 cycles par minute. Elle est parfois marquée par des pauses respiratoires aboutissant à une hypoventilation alvéolaire avec hypoxie, hypercapnie et acidose respiratoire. Cette hypoventilation est d’autant
Urgences en endocrinologie et en diabétologie 213
plus importante qu’il existe une macroglossie, une infiltration laryngo-trachéobronchique, un épanchement pleural ou une infection broncho-pulmonaire. Le diagnostic est cependant plus évident lorsque des symptômes témoignant d’une insuffisance thyroïdienne sont présents : peau jaunâtre, froide et sèche, infiltration cutanéo-muqueuse avec notamment une macroglossie et un œdème palpébral, dépilation pubienne, axillaire et de la queue des sourcils, alopécie, ongles secs et cassants, diminution, voire abolition des réflexes ostéotendineux, grognements rauques, ralentissement du transit, sans oublier une éventuelle cicatrice de thyroïdectomie.
Diagnostic biologique Le tableau biologique est le reflet d’une hyperhydratation globale. L’hyponatrémie est constante et souvent inférieure à 120 mmol/l avec une natriurèse conservée témoignant d’un SIADH secondaire au déficit en hormones thyroïdiennes. Il n’y a jamais d’hyperkaliémie. La protidémie et l’hématocrite sont abaissés du fait de cette hémodilution confirmée par l’hypoosmolarité plasmatique alors que l’osmolarité urinaire est élevée. Une anémie normo, voire macrocytaire d’origine centrale est souvent observée ainsi qu’une hypoglycémie par défaut de néoglucogenèse ; cependant, une insuffisance surrénalienne périphérique auto-immune et un panhypopituitarisme devront être éliminés devant toute hypoglycémie. L’élévation des enzymes musculaires renforce la suspicion de coma myxœdémateux et témoigne du degré de rhabdomyolyse. L’analyse des gaz du sang montre une acidose respiratoire avec hypoxie et une hypercapnie plus ou moins décompensée.
Confirmation biologique La réalisation du bilan thyroïdien ne doit en aucun cas retarder le traitement du coma myxœdémateux. Le taux de TSH (thyroid stimulating hormone) très élevée associé à des dosages de T3 et T4 libres effondrés, voire indosables, signe l’insuffisance thyroïdienne périphérique. Cependant, le bilan biologique à lui seul ne permet pas d’affirmer l’origine myxœdémateuse du coma, les signes cliniques d’hypothyroïdie profonde suscitée doivent y être associés. Dans de rares cas, l’effondrement des hormonémies libres avec une TSH paradoxalement non augmentée traduit une insuffisance thyréotrope, des signes cliniques et biologiques en faveur d’une insuffisance antéhypophysaire seront alors associés. Ces anomalies sont difficiles à distinguer d’un « syndrome de basse T3 » fréquemment observé chez les patients en réanimation associant une baisse de la T3 libre à une TSH normale pour lequel il n’y a pas de consensus concernant l’intérêt d’un traitement.
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Examens complémentaires Un ECG et une échographie cardiaque doivent être réalisés en urgence à la recherche d’un épanchement péricardique pouvant nécessiter un drainage et afin d’évaluer la fonction cardiaque. La radiographie pulmonaire peut montrer un épanchement pleural pouvant aggraver l’hypoventilation alvéolaire. La recherche du facteur déclenchant doit être entreprise, notamment la recherche d’un foyer infectieux par examen cytobactériologique des urines (ECBU), hémocultures, RP ou d’une cause cardiovasculaire (AVC, IDM) ou d’une intoxication médicamenteuse.
Traitement Du fait du pronostic très réservé du coma myxœdémateux, de 30 à 40 % de décès, le traitement doit être réalisé en unité de soins intensifs ou en réanimation, dès la suspicion clinique et sans attendre la confirmation biologique. Le traitement doit assurer les fonctions vitales, et consiste en l’administration d’hormones thyroïdiennes et au traitement du facteur déclenchant.
Maintien des fonctions vitales La ventilation doit être assurée en libérant les voies aériennes supérieures et par oxygénothérapie nasale, une ventilation assistée sera réalisée en cas de détresse respiratoire ou d’acidose respiratoire décompensée. Le réchauffement devra être très progressif et passif, c’est-à-dire par couvertures chauffantes, un réchauffement trop rapide pouvant être à l’origine d’une insuffisance circulatoire aiguë par vasoplégie. La bradycardie sera respectée et se corrigera progressivement avec le traitement de l’hypothermie et l’administration d’hormones thyroïdiennes. Un remplissage vasculaire prudent devra être réalisé en cas d’hypotension artérielle avec signes d’insuffisance circulatoire, l’utilisation de médicaments inotropes positifs est dangereuse et inefficace, mais l’utilisation de vasoconstricteur comme la noradrénaline par voie intraveineuse peut être indispensable en cas de persistance de l’insuffisance circulatoire malgré le remplissage vasculaire. L’hyponatrémie sera corrigée par une restriction hydrique modérée. Une perfusion prudente de soluté salé hypertonique (de 50 à 100 ml NaCl à 5 %) ne sera réalisée qu’en cas d’hyponatrémie très sévère, inférieure à 110 mmol/l, à l’origine de crise comitiale.
Hormonothérapie thyroïdienne Le traitement doit être débuté en urgence, mais prudemment du fait du risque d’ischémie myocardique. Les modalités sont discutées et aucune étude n’a pu être réalisée du fait de la rareté du coma myxœdémateux. Le choix entre l’administration de T3 et/ou de T4 n’est pas tranché, la T3 agissant plus rapide-
Urgences en endocrinologie et en diabétologie 215
ment mais la T4 ayant l’avantage de pouvoir être administrée par voie intraveineuse, et d’avoir une demi-vie plus longue et plus stable. Le schéma suivant peut être proposé : le premier jour, de 200 à 500 μg d’hormones thyroïdiennes sont administrées : – soit sous la forme de T3 (de 75 à 100 μg en trois prises per os de Cynomel®) associée à de la T4 (de 100 à 150 μg intraveineux de Thyroxine®) ; – soit sous la forme uniquement de T4 par un bolus intraveineux de 300 à 500 μg. Les jours suivants, certains conseillent la prescription quotidienne par voie intraveineuse de 100 μg de T4 tant que le coma persiste alors que d’autres ne renouvellent la prescription de T4 qu’après une semaine. Dès que l’alimentation orale est possible, un relais per os est effectué par une prise quotidienne de Lévothyrox®. La posologie sera adaptée au poids, à l’âge et au terrain cardiaque sous-jacent, elle sera ensuite adaptée sur le taux de TSHus. Une insuffisance surrénalienne pouvant être associée à l’hypothyroïdie dans le cadre d’une polyendocrinopathie auto-immune ou d’une insuffisance antéhypophysaire, une substitution en glucocorticoïde doit être réalisée également en urgence sous la forme d’hémisuccinate d’hydrocortisone à la dose de 50 à 100 mg toutes les 8 heures en intraveineux ou 200 mg/24 h par voie intraveineuse continue. Ce traitement sera relayé par voie orale et ne devra être arrêté qu’en cas d’intégrité de l’axe corticotrope prouvée secondairement par l’exploration hormonale.
Traitement du facteur déclenchant Le traitement du facteur déclenchant le coma myxœdémateux devra bien entendu être débuté de façon parallèle au traitement de l’hypothyroïdie. POINTS FORTS Urgence thérapeutique rare, mortalité élevée. À évoquer devant un ralentissement psychomoteur progressif chez la personne âgée. Coma calme avec hypothermie, bradycardie et bradypnée. Une TSH élevée chez un patient dans le coma ne suffit pas au diagnostic. Éliminer une insuffisance surrénalienne associée.
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L’acidocétose diabétique
Définition et physiopathologie L’acidocétose diabétique est une complication métabolique aiguë du diabète mettant en jeu le pronostic vital. L’acidocétose traduit une carence insulinique empêchant la pénétration intracellulaire du glucose. La conséquence est donc une hyperglycémie qui est aggravée par l’activation de la glycogénolyse, de la
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néoglucogenèse protidique et lipidique (amaigrissement, fonte musculaire) et par la stimulation des hormones hyperglycémiantes (glucagon, catécholamines, cortisol et hormone de croissance) visant à satisfaire les besoins des tissus insulinodépendants ne pouvant utiliser le glucose du fait de la carence insulinique. Cette hyperglycémie est responsable d’une glycosurie dès qu’elle dépasse le seuil de réabsorption rénale de 1,80 g/l qui entraîne une diurèse osmotique et donc une déshydratation. Parallèlement, la carence insulinique et l’augmentation des hormones de contre-régulation favorisent la production d’acides gras libres qui, captés par le foie, vont être transformés en corps cétoniques afin de pallier le déficit énergétique dû à l’impossibilité pour les tissus d’utiliser le glucose. L’accumulation de ces corps cétoniques va entraîner une acidose. L’acidocétose est généralement le mode de révélation du diabète de type 1, mais elle se rencontre également dès qu’un patient diabétique connu présente une carence en insuline, carence qui peut être absolue en cas d’arrêt du traitement ou qui peut être relative en cas de besoins insuliniques brutalement accrus sans adaptation compensatrice des doses d’insuline ; cette situation se rencontre en cas d’infection, dans toutes les situations entraînant un stress, l’infarctus du myocarde et en cas de traitement hyperglycémiant comme les corticoïdes.
Diagnostic Diagnostic clinique L’acidocétose apparaît généralement en quelques jours, elle est précédée par une phase de cétose. La cétose associe un syndrome polyuropolydipsique secondaire à la diurèse osmotique, une asthénie, un amaigrissement, des troubles digestifs avec douleurs abdominales, nausées, anorexie et une haleine cétosique caractéristique. En l’absence de prise en charge adéquate, la cétose évolue vers l’acidose métabolique avec des signes digestifs qui se majorent, notamment l’apparition de vomissements, une compensation insuffisante de la diurèse entraînant une déshydratation extracellulaire avec hypotension artérielle, tachycardie, pli cutané pouvant se compliquer d’une déshydratation globale et d’un collapsus cardiovasculaire. Des troubles de la conscience apparaissent, pouvant aller jusqu’à un coma calme sans signe de localisation neurologique. L’acidose métabolique est responsable d’une dyspnée de Kussmaul et d’une polypnée. L’hypothermie est classique et peut masquer une infection.
Diagnostic biologique La glycémie capillaire est élevée, supérieure à 2,55 g/l ainsi que la cétonémie supérieure à 0,6 mmol/l. La bandelette urinaire montre une glycosurie associée à une cétonurie. Le pH artériel inférieur à 7,30 et les bicarbonates inférieurs à 15 mmol/l confirment l’acidose métabolique. Le TA, trou anionique (Na– (Cl + HCO3)) est supérieur à 12 mEq/l du fait des corps cétoniques indosés.
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La natrémie, l’osmolarité, la créatinine, la protidémie et l’hématocrite seront fonction du degré de déshydratation, mais la natrémie corrigée (Na corrigée = Na mesurée + 1,6 x (glycémie g/l-1) doit être calculée afin d’éliminer les fausses hyponatrémies liées à l’hyperglycémie. La déplétion potassique est constante et non reflétée par la kaliémie qui peut être normale, voire élevée du fait de l’acidose. L’hyperleucocytose est habituelle dans le cadre de la déshydratation.
Examens complémentaires Le bilan complémentaire recherche une cause à la décompensation : réalisation d’un ECBU, d’hémocultures, d’une RP à la recherche d’un point d’appel infectieux, dosages de la troponine et réalisation d’un ECG à la recherche de signes d’ischémie myocardique ou de troubles du rythme secondaires à la déplétion potassique.
Traitement L’acidocétose diabétique est une urgence thérapeutique menaçant le pronostic vital. Les principes du traitement reposent sur la restauration de la volémie et des désordres hydroélectrolytiques, la correction de la carence insulinique et la prise en charge de la cause déclenchante. Le patient sera pris en charge dans un service de réanimation en cas de troubles de la conscience, d’acidose sévère avec pH inférieur à 7,10, de défaillance cardiovasculaire, de kaliémie initiale inférieure à 4 mmol/l. Remplissage vasculaire : – par sérum salé isotonique à 0,9 % en intraveineux tant que la glycémie est supérieure à 2,5 g/l avec en moyenne 6 l/24 h dont 1 l en 1 heure, 1 l en 2 heures, 1 l en 3 heures puis 1 l/6 heures ; – en cas de collapsus, 500 à 1 000 ml de macromolécules sont perfusés ; – les bicarbonates ne sont prescrits qu’en cas d’acidose majeure persistante en réanimation ; – dès que la glycémie est inférieure à 2,5 g/l : réhydratation par sérum glucosé 5 % + 4 g NaCl/l ; – dès que la glycémie est inférieure à 2 g/l : sérum glucosé 10 % ajouté. Insulinothérapie par insuline rapide par voie intraveineuse continue à la dose initiale de 0,1 UI/kg/h (de 5 à 10 UI/h). Le débit est ensuite adapté à la glycémie en ayant pour objectif une glycémie à 2 g/l au cours des 24 premières heures. La voie intraveineuse est poursuivie sans arrêt jusqu’à disparition de l’acétonémie. La supplémentation potassique est recommandée dès que la kaliémie est inférieure à 5 mmol/l. L’objectif étant de maintenir la kaliémie entre 4 et 5 mmol/ l. – 4 mmol/l < K + < 5 mmol/l : 0,5 g/h en intraveineux continu ;
218 Réanimation et urgences
– 3,3 mmol/l < K + < 4 mmol/l : 2 g/h en intraveineux continu ; – K + < 3,3 mmol/l : 3 g/h, corriger la kaliémie avant de débuter l’insulinothérapie. Le traitement du facteur déclenchant devra bien entendu être débuté de façon parallèle au traitement de l’acidocétose. La surveillance clinique et biologique devra être horaire initialement puis toutes les 4 heures jusqu’à correction de l’acidocétose.
Évolution Les risques liés au traitement sont l’hypokaliémie, l’œdème cérébral chez l’enfant et la surcharge hydrosodée chez la personne âgée en cas de correction des désordres hydroélectrolytiques trop rapide.
Prévention L’éducation des patients diabétiques est primordiale tant sur la reconnaissance des signes de cétose que sur l’adaptation de leur insulinothérapie en cas de cétose ou de situation à risque de décompensation. POINTS FORTS Urgence thérapeutique, pronostic vital engagé. Carence insulinique relative ou absolue. Syndrome polyuropolydipsique, amaigrissement, signes digestifs. Hyperglycémie, glycosurie, cétonurie. Acidose métabolique avec dyspnée de Kussmaul. Éliminer un infartuc du myocarde (IDM) Supplémentation potassique. Éducation du patient diabétique et de son entourage face à l’hyperglycémie.
230
Le coma hyperosmolaire
Définition et physiopathologie Le coma hyperosmolaire est une complication grave du diabète de type 2, la mortalité étant d’environ 15 %. La physiopathologie est semblable à l’acidocétose à la différence que l’hyperglycémie prédomine sur la cétogenèse qui reste très modérée du fait de l’absence de carence absolue en insuline. La sécrétion insulinique est en effet insuffisante pour normaliser la glycémie, mais suffisante pour limiter la lipolyse et donc la cétogenèse. Le coma hyperosmolaire se
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caractérise donc par une hyperglycémie souvent supérieure à 6 g/l responsable d’une hyperosmolarité plasmatique et d’une déshydratation avec troubles de la conscience sans cétose. Les patients prédisposés à cette complication sont les diabétiques de type 2 méconnus ou négligés, sous antidiabétiques oraux, ne pouvant ressentir, exprimer ou satisfaire leur soif de façon adéquate du fait généralement de leur grand âge. Cette complication aiguë survient donc sur un terrain prédisposé et sous l’influence d’un facteur qui va aggraver l’hyperglycémie ou entraîner une déshydratation. Les causes les plus fréquentes étant les infections notamment urinaires et pulmonaires, les complications cardiovasculaires, la prescription de diurétiques favorisant la déshydratation ou de corticoïdes majorant l’hyperglycémie…
Diagnostic Diagnostic clinique Les premiers signes sont une asthénie, un syndrome polyuropolydipsique et une perte de poids témoignant de la déshydratation, le tableau va s’aggraver sur plusieurs jours avec installation progressive de troubles de la conscience jusqu’au coma avec crises comitiales possibles. La déshydratation est globale et sévère et constitue le principal facteur de gravité avec une évolution possible et rapide vers un collapsus cardiovasculaire.
Diagnostic biologique L’hyperglycémie est majeure, généralement supérieure à 6 g/l et la bandelette urinaire montre une glycosurie isolée. La déplétion sodée est constante, mais peut être masquée par l’hyperglycémie, il convient donc de calculer la natrémie corrigée. La déshydratation est responsable d’une insuffisance rénale fonctionnelle, d’une hémoconcentration, d’une osmolarité dépassant 350 mOsm/kg et d’une déplétion potassique. En revanche il n’y a pas d’acidose métabolique sévère, le pH restant supérieur à 7,3.
Examens complémentaires Le bilan complémentaire recherche une cause à la décompensation
220 Réanimation et urgences
Traitement Le coma hyperosmolaire est une urgence thérapeutique menaçant le pronostic vital. Les principes du traitement reposent essentiellement sur l’hydratation, sur l’insulinothérapie et la prise en charge de la cause déclenchante dans un second temps. Le patient sera pris en charge dans un service de réanimation. Réanimation hydroélectrolytique – les 4 premières heures : de 750 à 1 000 ml/h de sérum salé isotonique à 0,9 % tant que la glycémie est supérieure à 2,5 g/l en cas de déshydratation sévère, 500 ml/h en cas de déshydratation modérée avec le premier litre en 1h; – en cas de collapsus, de 500 à 1 000 ml de macromolécules sont perfusés et des agents sympathomimétiques sont administrés si la correction volémique ne restaure pas une hémodynamique suffisante ; – les 4 heures suivantes : de 250 à 500 ml/h à adapter en fonction de la diurèse et de la clinique. La natrémie ne doit pas diminuer de plus de 0,5 mmol/h ; – dès que la glycémie est inférieure à 2,5 g/l, réhydratation par soluté glucosé 5 % + 4 g NaCl/l ; – le potassium doit être prescrit après correction de l’insuffisance rénale fonctionnelle et en fonction de la kaliémie. Insulinothérapie par insuline rapide par voie intraveineuse continue à débuter après réhydratation initiale. Un débit de 2 à 3 U/h permet de maintenir une glycémie entre 2,5 et 3 g/l dans les 12 premières heures. Le traitement du facteur déclenchant devra bien entendu être débuté de façon parallèle au traitement de l’acidocétose. La surveillance clinique et biologique devra être horaire initialement, puis toutes les 4 h pendant les 24 premières heures.
Évolution Les risques sont le collapsus et l’œdème cérébral en cas de correction des désordres hydroélectrolytiques et de l’hyperglycémie trop rapide, la surcharge hydrosodée et l’hypokaliémie.
Prévention L’éducation des patients diabétiques mais surtout du personnel infirmier s’occupant de ces diabétiques souvent âgés est primordiale afin de prévenir les situations à risque de déshydratation et afin de reconnaître les premiers signes de décompensation. La prescription d’insuline doit être privilégiée chez ces personnes âgées à risque.
Urgences en endocrinologie et en diabétologie 221
POINTS FORTS Urgence thérapeutique, pronostic vital engagé. Carence insulinique relative chez un diabétique de type 2 âgé. Hyperglycémie majeure, glycosurie sans cétonurie. Éliminer un IDM.
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L’acidose lactique
Définition et physiopathologie L’acidose lactique est une situation rare et grevée d’une mortalité de 50 %. L’acidose lactique peut survenir chez un diabétique indépendamment d’un traitement par biguanides ou peut être associée à la prise d’un biguanide. L’acide lactique, normalement présent dans le sang, au repos, est un produit du catabolisme anaérobie du glucose, donc en cas de mauvaise oxygénation tissulaire la production d’acide lactique augmente. Celui-ci peut aussi être formé à partir d’acides aminés, en particulier dans les états de catabolisme protéique intense comme dans certaines leucoses et tumeurs malignes. Le métabolisme du lactate a lieu pour 30-70 % dans le foie et pour le reste dans les reins lors de la néoglucogenèse. La metformine, seul biguanide autorisé en France, est associée à 1 à 9 cas d’acidose lactique pour 100 000 personnes-années. L’effet thérapeutique de la metformine s’accompagne d’une hyperproduction de lactate par inhibition de la néoglucogenèse hépatique et rénale, et d’une hyperproduction de lactate par l’intestin. En cas d’insuffisance rénale ou hépatique ou d’autre cause de production accrue de lactate (état hypoxique) on assiste à une élévation de l’acide lactique circulant et à la survenue d’une acidose métabolique. L’acidose lactique n’est que rarement secondaire à une absorption excessive de metformine.
Diagnostic Diagnostic clinique Une asthénie associée à des douleurs diffuses avec crampes musculaires, douleurs thoraciques et abdominales sont des signes d’alarme. Le tableau clinique comporte une polypnée intense sans odeur acétonique de l’haleine, les troubles de la conscience sont tardifs allant de l’agitation extrême au coma calme et profond. L’absence de déshydratation est fréquente, en rapport avec l’oligo-anurie précoce. Le collapsus est gravissime avec effondrement tensionnel et parfois troubles du rythme cardiaque secondaires à l’acidose et à l’hyperkaliémie.
222 Réanimation et urgences
Diagnostic biologique L’acidose métabolique est sévère, le pH étant en moyenne à 6,9, avec un TA augmenté du fait du taux de lactate très élevé supérieur à 7 mmol/l, pouvant atteindre 30 mmol/l. Les corps cétoniques sont modérément augmentés et la glycémie est variable.
Traitement Le traitement se fait en réanimation, mais aucun traitement ne se révèle réellement efficace. La prise en charge repose sur le traitement optimal de la cause de l’acidose lactique et la restauration de l’état hémodynamique sans recourir aux molécules vasoconstrictrices aggravant l’hypoxie et de la fonction ventilatoire. L’hémodialyse est classiquement préconisée en cas d’acidose lactique associée à la metformine, elle permet une alcalinisation puissante sans surcharge volémique, une élimination de lactate, et une épuration partielle des biguanides. Les antidiabétiques oraux sont contre-indiqués, une insulinothérapie par voie intraveineuse sera prescrite et le débit horaire sera adapté aux glycémies.
Prévention La prévention est essentielle au vu du taux de mortalité élevé malgré le traitement. Les contre-indications classiques à la metformine doivent être respectées, notamment l’insuffisance rénale, l’insuffisance hépatique et les situations à risque d’hypoxie tissulaire (insuffisance cardiaque, tableau septique) ou susceptibles d’entraîner une insuffisance rénale (déshydratation aiguë, utilisation de produits de contraste iodés, de diurétiques ou d’AINS). La metformine doit être arrêtée avant toute anesthésie et intervention chirurgicale. POINTS FORTS Urgence thérapeutique, mortalité 50 %. Metformine contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale et hépatique. Metformine contre-indiquée en cas de situation à risque d’hypoxie tissulaire.
Urgences en endocrinologie et en diabétologie 223
206, 230
Hypoglycémie
Définition et physiopathologie Les hypoglycémies peuvent survenir chez les patients diabétiques de type 1 et les patients diabétiques de type 2 traités par sulfamides hypoglycémiants, glinides ou insuline. Les hypoglycémies en cas de traitement par insuline sont inévitables et souvent bien contrôlées. Dans certaines situations, les hypoglycémies peuvent être sévères mais exceptionnellement mortelles. L’hypoglycémie est définie par une diminution de la glycémie en dessous de 0,60 g/l associée des signes neuroglucopéniques. L’hypoglycémie sévère est définie par la nécessité d’une tierce personne pour assurer le resucrage, par la nécessité d’une injection de glucose ou de glucagon ou par la survenue d’un coma ou de convulsions. Les causes de l’hypoglycémie sont un excès relatif ou absolu d’insuline par rapport à une glycémie donnée. Les facteurs favorisant l’hypoglycémie sont une dose d’insuline non adaptée à l’apport glucidique du repas, un repas trop retardé par rapport à l’injection d’insuline rapide, un exercice physique non programmé sans apports glucidiques supplémentaires ou un exercice physique programmé sans diminution de la dose d’insuline habituelle, une erreur lors de l’injection ou une injection dans des zones lipodystrophiques avec libération retardée et brutale de l’insuline, un schéma insulinique avec surdosage en insuline rapide, des objectifs glycémiques trop ambitieux, la prise de médicaments ou de toxiques pouvant potentialiser les hypoglycémies ou masquer les signes d’hypoglycémie. L’hypoglycémie vraie chez un patient non diabétique est exceptionnelle et doit faire rechercher une alcoolisation, une insuffisance hépatique sévère, une insuffisance surrénalienne, une intoxication par médicaments hypoglycémiants ou insuline, un insulinome.
Diagnostic Diagnostic clinique L’hypoglycémie est suspectée devant : – des signes adrénergiques tels que sueurs, pâleur, tachycardie, tremblements, sensation de faim intense et douloureuse, nausées ; – des signes neuroglucopéniques avec ralentissement psychomoteur, troubles de la concentration et de l’élocution, incoordination motrice, sensation d’ébriété, diplopie, troubles de l’humeur. Les signes neuroglucopéniques sont spécifiques du fait de la dépendance énergétique quasi exclusive des cellules corticales au glucose ; – des signes non spécifiques à type d’asthénie, de céphalées, de flou visuel.
224 Réanimation et urgences
Le coma hypoglycémique peut s’installer brutalement ou peut être précédé de symptômes évocateurs. Il se présente initialement par une prostration puis une perte de connaissance totale avec des sueurs, une tachycardie, des signes d’irritation pyramidale et parfois des convulsions ou des signes de localisation neurologique. La symptomatologie de l’hypoglycémie est donc polymorphe, mais généralement stéréotypée chez un même patient. La répétition des hypoglycémies abaisse le seuil de déclenchement de la réponse hormonale de contre-régulation (glucagon et catécholamines) et diminue l’intensité de la réponse, les signes neurovégétatifs sont donc atténués et retardés, favorisant ainsi les hypoglycémies sévères et les comas hypoglycémiques. Le développement d’une neuropathie autonome participe également à l’atténuation de la perception des signes d’hypoglycémie.
Diagnostic biologique L’hypoglycémie est confirmée par la mesure de la glycémie capillaire qui est inférieure à 0,60 g/l. Cependant la mesure de la glycémie ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique. En cas de doute sur l’étiologie du coma chez un diabétique, on traite comme une hypoglycémie.
Traitement Du glucose doit être administré en urgence, per os chez un sujet parfaitement conscient sous la forme de morceaux de saccharose ou de boissons sucrées, par du glucosé 30 % par voie intraveineuse directe en cas de trouble de la conscience avec un relais par du glucosé 10 % en perfusion. Le réveil est généralement immédiat, les séquelles neurologiques ou cognitives sont exceptionnelles et témoignent de comas hypoglycémiques répétés, profonds et prolongés. En cas d’injection intraveineuse impossible, une injection de glucagon sera réalisée par voie sous-cutanée, le réveil se fait alors en 10-15 min. Dans le cas d’une hypoglycémie sous sulfamides hypoglycémiants, une surveillance hospitalière est recommandée, et le traitement devra être modifié afin de prévenir la récidive. Le facteur ayant favorisé l’hypoglycémie sera bien entendu recherché afin d’éviter également une récidive.
Prévention L’éducation des patients diabétiques et de leur entourage est primordiale tant sur les techniques d’injection, la reconnaissance des signes d’hypoglycémie que sur la conduite à tenir en urgence en cas d’hypoglycémie. Le patient doit égale-
Urgences en endocrinologie et en diabétologie 225
ment être éduqué afin d’adapter au mieux son insulinothérapie en fonction de son alimentation et de son activité physique. POINTS FORTS Urgence thérapeutique, exceptionnellement mortelle. L’hypoglycémie chez un patient non diabétique est exceptionnelle. Excès relatif ou absolu en insuline. Spécificité des signes neuroglucopéniques. Éducation du patient diabétique et de son entourage face à l’hypoglycémie.
Bibliographie Insuffisance surrénale aiguë Chanson P, Young J, Traité d’endocrinologie. Flammarion, 2007, 454-60. Kuhn JM, Métabolismes, hormones, diabètes et nutrition, vol. IX n° 6 nov.-déc. 2005. Collège des Enseignants d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques. déc. 2004.
La crise aiguë thyrotoxique Chanson P, Young J, Traité d’endocrinologie, Flammarion, 2007, 246-51. Klein M, Métabolismes, hormones, diabètes et nutrition, vol. IX n° 4 juil.-aout 2005. Collège des Enseignants d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques. sept. 2006.
Le coma myxœdemateux Chanson P, Young J, Traité d’endocrinologie, Flammarion, 2007, 251-5. Reznik Y, Métabolismes, hormones, diabètes et nutrition, vol. IX n° 4 juil.-août 2005. Collège des Enseignants d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques. nov. 2007.
L’acidocétose diabétique Grimaldi G, Traité de diabétologie, Flammarion, 2007, 483-91. Collège des Enseignants d’endocrinologie, diabète et maladiesmétaboliques. déc. 2004.
Le coma hyperosmolaire Grimaldi A, Traité de diabétologie. Flammarion, 2007, 492-8. Collège des Enseignants d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques. déc. 2004.
L’acidose lactique Grimaldi A, Traité de diabétologie, Flammarion, 2007, 499-507.
Hypoglycémie Grimaldi A, Traité de diabétologie. Flammarion, 2007, 214-26. Collège des Enseignants d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, déc. 2004.
Pathologies hématologiques Y. Dargaud
Items
N° 175. Prescription et surveillance d’un traitement antithrombotique N° 182. Accidents des anticoagulants N° 339. Troubles de l’hémostase
339
Troubles de l’hémostase
Dépistage des anomalies de l’hémostase primaire L’hémostase primaire correspond à l’ensemble des interactions entre les plaquettes et la paroi vasculaire conduisant à la formation du « clou plaquettaire ». Les plaquettes, le facteur von Willebrand (VWF) et la paroi vasculaire sont les principaux facteurs intervenant dans l’hémostase primaire. Il existe quatre étapes successives principales : – la vasoconstriction réflexe à la suite d’une blessure vasculaire ; – l’adhésion plaquettaire au sous-endothélium au niveau de la brèche vasculaire, par l’intermédiaire du VWF, du collagène et de différentes glycoprotéines situées sur la membrane plaquettaire comme GPIb-IX-V et GPIa-IIa (fig. 1) ; – la sécrétion plaquettaire correspondant à la libération du contenu des granules intraplaquettaires dont des facteurs de coagulation et des molécules activatrices des plaquettes (ex. ADP, facteur V, VWF, etc.) qui vont amplifier l’activation plaquettaire et les phénomènes de coagulation ;
228 Réanimation et urgences
Fig. 1 – Schéma simplifié de l’hémostase primaire. VWF : facteur von Willebrand ; GP : glycoprotéine.
– l’agrégation plaquettaire en réponse à l’activation des plaquettes par différents stimuli tels que thrombine, adénosine disphosphate (ADP), collagène, acide arachidonique, etc. Cette étape conduisant à la formation d’un « clou plaquettaire » nécessite des fonctions plaquettaires intactes, du fibrinogène et du calcium. Le fibrinogène sert de pont entre les plaquettes en se fixant sur leurs récépteurs GPIIb-IIIa (fig. 1). Les pathologies de l’hémostase primaire sont souvent accompagnées d’hémorragies cutanéomuqueuses (purpura, pétéchies, ecchymoses, épistaxis, gingivorragies, ménométrorragies) et d’allongement du temps de saignement (TS). Le temps de saignement explore l’hémostase primaire. La valeur normale est inférieure à 9’30 min avec la technique Ivy (méthode de référence). En raison des limites techniques et du manque de corrélation entre l’allongement du temps de saignement et le risque hémorragique clinique, l’intérêt de ce test est de plus en plus discuté. Le temps d’occlusion plaquettaire PFA-100® (ou TS in vitro), qui est de plus en plus utilisé, explore in vitro l’hémostase primaire. Le thromboélastogramme (TEG) réalisé au lit du patient prend également une place importante pour le diagnostic des troubles hémostatiques aigus. Le temps de saignement et le PFA-100® sont allongés en cas de : – thrombopénies – thrombopathies constitutionnelles (syndrome de Bernard-Soulier, thrombasthénie de Glanzmann, etc.) ou acquises – maladie de Willebrand – prise de certains médicaments (aspirine, AINS, clopidogrel, ticlopidine, etc.)
Pathologies hématologiques 229
Allongement isolé du temps de Quick Le temps de Quick (TQ) est le temps de coagulation d’un plasma citraté mesuré en présence d’un excès de facteur tissulaire (activateur naturel de la coagulation) et du calcium. Il est exprimé en secondes. Le taux de prothrombine (TP) exprimé en pourcentage d’activité et l’INR (international normalized ratio) utilisé pour le suivi des traitements AVK sont les différents modes d’expression du TQ. Le TQ explore « la voie extrinsèque » (voie exogène) de la coagulation et il est insensible à l’effet de l’héparine en raison de la présence d’un inhibiteur de l’héparine dans le réactif (fig. 2). Les valeurs normales sont habituellement entre 12 et 15 secondes (TP : 70-100 %) selon le réactif utilisé.
Fig. 2 – Schéma simplifié de la coagulation. KHPM : Kininogène de haut poids moléculaire ; PK : prékallikréine ; FXIa : facteur XI activé ; FIXa : facteur IX activé ; Ca : calcium ; PL : phospholipides ; FVIIIa : facteur VIII activé ; FVIIa : facteur VII activé ; FX : facteur X ; FII : facteur II ; FVa : facteur V.
Les causes d’allongement du TQ (ou de diminution du TP) sont : – anomalies constitutionnelles (très rares) : déficits congénitaux isolés en facteurs II, V, VII, X ou fibrinogène dont la plus fréquente est le déficit en facteur VII ; – anomalies acquises (cas le plus fréquent) : • déficit en vitamine K ou traitement par AVK • insuffisance hépatique • CIVD • anomalies de fibrinoformation • surdosage en héparine • anticoagulant circulant lupique (antiprothrombine) • amylose (responsable de déficit en facteur X)
230 Réanimation et urgences
Allongement isolé du temps de céphaline avec activateur Le temps de céphaline avec activateur (TCA) est le temps de coagulation d’un plasma citraté en présence d’un activateur de la phase contacte et du calcium. Le TCA explore « la voie intrinsèque » (voie endogène) de la coagulation (fig. 2). Les valeurs normales sont en général entre 28 et 35 secondes selon le réactif utilisé. Le TCA est plus long chez les enfants et se raccourcit avec l’âge et en cas de syndrome inflammatoire (par augmentation du facteur VIII et du fibrinogène). Les causes d’allongement du TCA (> 35 s ou > 1,20 fois le TCA du témoin normal) sont : – allongement isolé du TCA : • déficit en facteur VIII (hémophilie A) • déficit en facteur IX (hémophilie B) • déficit en facteur XI • déficits en FXII, prékallicréine, kininogène de haut poids moléculaire(KHPM) (pas de risque hémorragique) • traitement héparinique • anticoagulant circulant – allongement du TCA et du TQ : • insuffisance hépatique • CIVD • anticoagulant circulant lupique (antiprothrombine) • déficit sévère en facteurs II, V, X, fibrinogène • surdosage en héparine ou AVK
Le diagnostic différentiel entre un déficit constitutionnel en facteurs de la voie intrinsèque et un anticoagulant circulant est fondé sur l’épreuve de correction. Ce test consiste à faire un mélange à volumes égaux du plasma du patient présentant l’allongement du TCA et d’un plasma normal. La normalisation du TCA sur le mélange est évocatrice d’un déficit constitutionnel. La persistance d’un allongement du TCA sur le mélange suggère la présence d’un inhibiteur (auto– ou alloanticorps). Les anticorps antiphospholipides sont dans la plupart des cas transitoires et secondaires à des infections chez les enfants. Chez les adultes, les anticorps antiphospholipides peuvent être d’origine primaire ou secondaire à des maladies systémiques (lupus érythémateux disséminé), aux syndromes néoplasiques, lymphoprolifératifs, infectieux ou à certains médicaments (bétabloquants, phénothiazine, etc.). Ils peuvent être également détectés en dehors de tout contexte pathologique.
Pathologies hématologiques 231
Maladie de Willebrand La maladie de Willebrand est liée à un déficit en VWF qui peut être constitutionnel ou acquis. C’est la plus fréquente des anomalies héréditaires de l’hémostase avec une prévalence estimée à 1 %, mais la prévalence des déficits symptomatiques serait de 1/10 000. La transmission est autosomique, le plus souvent dominante sauf de rares cas de maladie de Willebrand de type 3 ou 2N où elle est récessive. Il existe trois grands groupes de maladie de Willebrand. – Type 1 (70-80 % des cas) : déficit quantitatif partiel en VWF ; – Type 2 (15-25 % des cas) : déficits fonctionnels en VWF ; – Type 3 (< 5 % des cas) : déficit quantitatif sévère en VWF. Les principales manifestations cliniques de la maladie de Willebrand sont des saignements cutanéomuqueux (épistaxis, gingivorragies, ecchymoses, ménorragies, etc.), posttraumatiques ou chirurgicaux, mais l’expression clinique de la maladie reste très hétérogène. Le diagnostic biologique de la maladie de Willebrand 1. Temps de saignement allongé. 2. Temps d’occlusion PFA-100® souvent allongé. 3. Allongement du TCA parallèle au déficit en facteur VIII, il est normal ou subnormal dans les formes modérées. 4. Activité cofacteur de la ristocétine du facteur Willebrand (VWF : RCo) diminuée. 5. Dosage immunologique (quantitatif) du VWF (VWF : Ag) diminué ou normal selon les types. 6. Dosage de l’activité coagulante du facteur VIII diminué. 7. Tests spécialisés permettant de préciser le type et le sous-type (étude de l’agrégation plaquettaire en présence de faibles doses de ristocétine, distribution des multimères, liaison au collagène, etc.). Les diagnostics différentiels de la maladie de Willebrand constitutionnels sont le sujet normal, le déficit acquis en VWF, hémophilie A, pseudomaladie de Willebrand, autres pathologies de l’hémostase primaire. Le traitement de la maladie de Willebrand a comme objectif de corriger les anomalies de l’hémostase primaire et de la coagulation. Il existe deux types de médicaments disponibles : – DDAVP (desmopressine) (Minirin® ou Octim®) qui induit la libération du VWF contenu dans les cellules endothéliales ; – concentrés de VWF purifiés ou associés au facteur VIII.
232 Réanimation et urgences
Thrombopénies La thrombopénie est définie par une diminution du nombre des plaquettes en dessous de 150 G/l. Les signes hémorragiques cutanéomuqueux liés à la thrombopénie sont essentiellement dus à l’altération de l’hémostase primaire avec une corrélation entre l’importance de la thrombopénie et le risque hémorragique clinique. Avant de retenir le diagnostic de thrombopénie, il est important de demander un frottis sanguin ou un contrôle sur tube citraté afin d’éliminer les fausses thrombopénies liées aux tubes coagulés ou aux agrégats plaquettaires en présence d’éthylène diamine tétra-acétique (EDTA). Le bilan étiologique est fondamental devant tout diagnostic de thrombopénie. Selon le mécanisme physiopathologique, on distingue les thrombopénies centrales par défaut de synthèse et les thrombopénies périphériques. Le myélogramme permet souvent de préciser le mécanisme de la thrombopénie en montrant la présence ou l’absence de mégacaryocytes normaux. Les principales étiologies de thrombopénies 1. Thrombopénies centrales Envahissement médullaire par cellules néoplasiques (hémopathies malignes ou tumeurs solides). Toxiques. Myélodysplasies. Infections. Fibrose médullaire. Carences vitaminiques. Thrombopénies constitutionnelles (Wiskott Aldrich, syndrome de Bernard-Soulier, May Hegglin, etc.). 2. Thrombopénies périphériques Thrombopénies immunologiques (PTAI [Purpura Thrombocytopénique Auto-Immun], infections, médicaments, maladies de système). Syndromes de consommation (CIVD, purpura thrombotique thrombocytopénique, syndrome hémolytique et urémique). Thrombopénies mécaniques (valves cardiaques, circulation extracorporelle). Troubles de répartition (hypersplénisme, hémodilutions).
Le diagnostic étiologique d’une thrombopénie est essentiel pour préciser les indications thérapeutiques qui sont souvent urgentes. Les seuils de numération plaquettaire (NP) justifiant la transfusion dans un contexte péri-opératoire ne
Pathologies hématologiques 233
sont pas clairement définis. En règle générale, le seuil transfusionnel péri-opératoire se situe à 50 G/l. Pour la neurochirurgie et la chirurgie ophtalmologique du segment postérieur de l’œil, une NP de 100 G/l est requise. En cas d’anesthésie régionale axiale, une NP de 50 G/l est suffisante pour la rachianesthésie alors qu’une NP de 80 G/l est nécessaire pour la péridurale. En contexte médical, notamment en hématologie et en oncologie, la transfusion plaquettaire est indiquée soit à titre curatif devant l’apparition de manifestations hémorragiques, soit à titre préventif devant une thrombopénie profonde (< 10 G/l en l’absence d’autres facteurs de risque hémorragique ou < 20 G/l si présence de facteurs de risque surajoutés). Habituellement, la posologie de plaquettes à transfuser chez l’adulte, en première intention, est de 0,5 à 0,7.1011 plaquettes pour 7 kg de poids corporel.
Hémophilies A et B L’hémophilie est la plus fréquente des pathologies constitutionnelles graves de la coagulation. L’hémophilie A (déficit en facteur VIII) touche environ 1 naissance/5 000 de sexe masculin et l’hémophilie B (déficit en facteur IX) est 6 fois plus rare. La transmission est récessive, liée au chromosome X. De ce fait, les femmes sont conductrices et seuls les garçons sont touchés par la maladie sauf les exceptionnels cas d’hémophilie féminine. Néanmoins, l’absence d’antécédent familial connu n’exclut pas le diagnostic, car 30 % des cas sont issus d’une néomutation. La diminution du taux de FVIII/FIX est responsable d’une diminution importante de la génération du facteur X activé et par conséquent de la diminution de la capacité coagulante du patient hémophile. La sévérité de la maladie est définie selon le taux de facteur VIII ou IX plasmatique et on distingue trois degrés de sévérité : – hémophilie sévère FVIII ou FIX < 1 UI/dl ; – hémophilie modérée FVIII ou FIX = 1-5 UI/dl ; – hémophilie mineure FVIII ou FIX = 5-30 UI/dl. La tendance hémorragique est globalement bien corrélée avec l’importance du déficit. Les manifestations cliniques sont identiques dans l’hémophilie A et B. Chez les hémophiles sévères, les manifestations hémorragiques les plus fréquentes sont des hémarthroses (70 %) et des hématomes (15-20 %). En dehors de ces sites préférentiels, les accidents hémorragiques peuvent toucher les voies urinaires, le système digestif, les viscères et le système nerveux central. Certaines localisations peuvent menacer le pronostic vital (système nerveux central) ou fonctionnel (orbite, plancher de la bouche, creux axillaire…). Il existe trois types de complications majeures : – complications infectieuses. Des progrès notables ont été accomplis en termes de sécurité des médicaments dérivés du sang avec l’introduction des
234 Réanimation et urgences
méthodes d’inactivation et d’élimination virale et le développement des produits recombinants. Depuis 1987, aucun cas d’hépatite B, d’hépatite C ou de VIH n’a été documenté en France par l’utilisation des médicaments antihémophiliques ; – complications ostéoarticulaires dont les principales sont l’arthropathie hémophilique et les pseudo-tumeurs hémophiliques ; – complications immunologiques. Actuellement, l’immunisation avec la survenue d’un alloanticorps anti-FVIII ou FIX appelé « inhibiteur » est de loin la complication la plus grave de la maladie qui modifie sa prise en charge thérapeutique. Le diagnostic biologique de l’hémophilie Allongement isolé du TCA corrigé après mélange avec un plasma témoin Diminution du taux du FVIII ou de FIX plasmatique Analyse génétique. Le temps de saignement et le VWF sont normaux. Le diagnostic différentiel s’effectue avec les autres étiologies d’allongement isolé du TCA : déficit en FXI, FXII, maladie de Willebrand, hémophilie acquise et anticoagulant circulant lupique. Le traitement de l’hémophilie nécessite une prise en charge globale, multidisciplinaire avec des schémas thérapeutiques adaptés à la sévérité de la maladie, à l’âge du patient et à son mode de vie. L’objectif du traitement est de substituer le facteur de coagulation manquant dans l’organisme.
Coagulation intravasculaire disséminée La CIVD est un syndrome acquis secondaire à une activation systémique et excessive de la coagulation, rencontré dans plusieurs situations cliniques. Il en résulte : – une génération excessive de thrombine et de fibrine intravasculaire responsable de microthromboses disséminées ; – une consommation excessive de facteurs de la coagulation et de plaquettes responsables d’hémorragies. En réponse à cette activation excessive de la coagulation s’installe une fibrinolyse réactionnelle avec apparition de produits de dégradation de la fibrine (PDF). Principales étiologies de la CIVD : – infections (essentiellement septicémies à germes à Gram négatif) ; – pathologies obstétricales (toxémie gravidique, embolie amniotique, hématome rétroplacentaire, mort in utero) ;
Pathologies hématologiques 235
– pathologies néoplasiques (tumeurs solides ou leucémie aiguë myéloïde de type 3) ; – polytraumatismes et grands brûlés ; – complications transfusionnelles et hémolyses ; – en pédiatrie, purpura fulminans postinfectieux ; – autres : hémangiomes géants, cirrhose… La sévérité des manifestations hémorragiques ou thrombotiques varie selon l’étiologie et le terrain, sans rapport avec l’importance des anomalies biologiques. Diagnostic biologique de la CIVD • Thrombopénie. • Hypofibrinogénémie. • Allongement du TCA et du TQ. • Déficit en facteur V. • Élévation des D-dimères, PDF et complexes solubles. Les autres facteurs et inhibiteurs de la coagulation sont également diminués à un moindre degré mais leur dosage n’est pas nécessaire au diagnostic.
Des valeurs normales de plaquettes ou de facteurs de coagulation peuvent masquer une consommation si les valeurs initiales étaient élevées. Le bilan biologique doit être régulièrement répété et les résultats doivent être comparés aux taux précédents. Les diagnostics différentiels principaux d’une CIVD sont : – la fibrinolyse aiguë primitive où on retrouve une hypofibrinogénémie, mais la numération plaquettaire reste normale ; – l’insuffisance hépatique grave. Le traitement étiologique et le traitement symptomatique des défaillances d’organes sont fondamentaux dans la prise en charge des CIVD. Quelle que soit l’étiologie, aucun traitement spécifique de la CIVD n’existe. La stratégie dépend également du stade de la CIVD (biologique, clinique, compliquée), de la prédominance du syndrome hémorragique ou thrombotique.
Bilan de thrombophilie Le terme thrombophilie est utilisé pour décrire les troubles de l’hémostase qui prédisposent à développer des événements thrombotiques. La thrombophilie peut être constitutionnelle, acquise ou mixte, des facteurs environnementaux interagissant fréquemment avec le terrain génétique. La pathologie thrombotique concernée est essentiellement veineuse, car l’activation de la coagulation joue avec la stase un rôle majeur dans la formation de thromboses veineuses,
236 Réanimation et urgences
alors que les thromboses artérielles relèvent plus d’athérosclérose et d’activation plaquettaire. La maladie thromboembolique veineuse est une pathologie multifactorielle favorisée par l’âge, les pathologies néoplasiques, la chirurgie, l’immobilisation, la grossesse, le traitement œstroprogestatif auxquels se surajoutent des marqueurs de thrombophilie prédisposant. Chez des patients ayant un antécédent personnel de thrombose veineuse insolite (de survenue spontanée, récidivante, extensive, de localisation inhabituelle), la recherche de thrombophilie permet de mettre en évidence une ou plusieurs anomalies d’hémostase dans 40-50 % des cas. La prévalence des anomalies constitutionnelles ainsi que le risque relatif de thromboses veineuses que l’on peut leur imputer sont résumés dans le tableau I. Tableau I – Prévalence et risque thrombotique des marqueurs de thrombophilie les plus fréquents. Prévalence dans la population générale ( %)
Prévalence dans la population avec ATCD* de thrombose ( %)
Risque relatif de thrombose veineuse
0,02
1
3-15
Déficit en protéine C
0,2-0,4
3
7-10
Déficit en protéine S
?
1-2
6
Facteur V Leiden (HTZ*)
5
20
5-7
Facteur II G20210A (HTZ)
2
6
2-4
FVIII > 150 UI/dl
11
25
1,5-4,8
Thrombophilie Déficit en antithrombine
*HTZ : hétérozygote ; ATCD : antécédents.
Quelles anomalies rechercher ? 1. Déficits constitutionnels en inhibiteurs de la coagulation : antithrombine, protéine C, protéine S. 2. Mutation Leiden du gène du facteur V responsable d’une résistance à la protéine C activée. 3. Mutation G20210A du gène du facteur II. 4. Recherche d’un syndrome des antiphospholipides (anticoagulant circulant lupique, anticorps anticardiolipines, anticorps anti-bêta2GPI). 5. Élévation du FVIII > 150 UI/dl. 6. Syndromes myéloprolifératifs. 7. Hyperhomocystéinémie. 8. Dysfibrinogénémies
Pathologies hématologiques 237
Le bilan de thrombophilie est idéalement réalisé en dehors de tout contexte thrombotique aigu, et de prise médicamenteuse interférant sur l’hémostase (anticoagulants, œstroprogestatifs, etc.).
175,182
Accidents des anticoagulants
Héparines Les héparines sont des inhibiteurs indirects de la thrombine qui sont très prescrites. Les héparines non fractionnées à doses curatives nécessitent une surveillance biologique répétée permettant d’évaluer leur efficacité et d’adapter leur posologie. Cette surveillance biologique comporte la mesure du TCA et/ou l’activité anti-Xa (héparinémie) prélevés 3-4 heures après l’administration de l’héparine ; alors que la mesure du TCA n’est pas utile pour la surveillance des héparines de bas poids moléculaire (HBPM) qui ont essentiellement une action anti-Xa. L’utilisation des héparines expose à plusieurs complications potentielles dont les deux principales sont les accidents hémorragiques et la thrombopénie induite par l’héparine.
Accidents hémorragiques Le risque d’accident hémorragique augmente avec les doses d’héparine administrées. La fréquence d’hémorragie sévère est d’environ 5 % avec l’héparine standard à doses curatives et de 1-2 % à doses préventives. La coprescription de médicaments antiagrégants ou fibrinolytiques ainsi que les gestes invasifs, les traumatismes et la présence de lésions à risque hémorragique augmentent de manière significative le risque d’accidents hémorragiques sous héparine. La conduite à tenir dépend de la gravité du saignement et des résultats du TCA ou d’héparinémie permettant la recherche d’un surdosage. En cas d’accident hémorragique majeur, il faut immédiatement arrêter l’héparine et rétablir si nécessaire une hémodynamique stable. La demi-vie de l’héparine standard est d’environ 1 heure (voie IV) à 2 heures (voie SC) et celle des HBPM (voie SC) est d’environ 4 heures. En cas de surdosage associé à une hémorragie sévère ou en cas d’hémorragie massive survenue sous héparine, on peut administrer du sulfate de protamine (voie IV lente) qui est un antagoniste neutralisant l’héparine. Une unité de sulfate de protamine neutralise une unité d’héparine standard. La dose habituelle est de 1 mg pour 100 U d’héparine injectée. Le sulfate de protamine peut entraîner une réaction anaphylactique, ce qui justifie son administration IV très lente et une surveillance tensionnelle rapprochée. Le sulfate de protamine qui inhibe l’activité anti-IIa n’a qu’une action partielle sur les HBPM.
238 Réanimation et urgences
Thrombopénie induite par l’héparine (TIH) On distingue deux types de thrombopénie au cours d’un traitement héparinique : – TIH de type I qui correspond à une diminution modérée des plaquettes survenue dès les premiers jours du traitement et qui se corrige malgré la poursuite du traitement ; – TIH de type II qui survient typiquement entre le cinquième et le dixième jour du traitement et responsable d’une thrombopénie importante (< 100 000/ mm3 ou une diminution > 40 %). Elle peut survenir plus tôt chez les patients ayant reçu un traitement héparinique dans les 3 derniers mois. Elle s’accompagne d’un risque accru de thrombose artérielle et veineuse. Les complications hémorragiques sont rares. En cas de suspicion de TIH, il faut s’assurer de la réalité de la thrombopénie en éliminant les pseudo-thrombopénies qui peuvent être liées à la formation d’un caillot dans le tube de prélèvement ou l’agrégation des plaquettes de certains sujets sur EDTA. Il convient de vérifier les résultats sur un nouveau prélèvement de sang recueilli sur tube citraté. La suspicion de TIH est plus probable si les autres étiologies de thrombopénie ont été écartées, et notamment la prise d’autres médicaments qui peuvent être responsables de thrombopénie. Le bilan biologique consiste à rechercher des anticorps anti-PF4 et une agrégation plaquettaire positive en présence d’héparine. En cas de TIH confirmée, la prise en charge doit être rapide avec l’arrêt immédiat de l’héparine et la mise en place d’un traitement substitutif par un héparinoïde de synthèse (danaparoïde, Orgaran®) ou un dérivé de l’hirudine (lépirudine, Refludan®). Le remplacement de l’héparine par un AVK n’est pas conseillé en raison du risque de nécrose cutanée par déplétion en protéine C. La déclaration au centre de pharmaco-vigilance et l’établissement d’un certificat médical attestant de cette TIH et de la contre-indication aux héparines sont indispensables. La remontée, voire la normalisation de la NP après l’arrêt de l’héparine est un élément fort en faveur de la TIH. La prévention de TIH implique une surveillance régulière de la NP deux fois par semaine chez tous les malades traités par une héparine quels qu’en soient le type (héparine non fractionnée – HNF ou HBPM) et l’indication (traitements curatifs et préventifs). En termes de prévention de TIH, il est préférable lorsque cela est possible d’utiliser de préférence une HBPM et de réduire la durée du traitement héparinique avec un relais précoce par les AVK.
Pathologies hématologiques 239
Antivitamines K Les AVK sont indiqués dans le traitement curatif et préventif des pathologies thrombotiques. Environ 1 % de la population générale suit un traitement par AVK et les accidents hémorragiques liés aux AVK constituent la première cause d’accident iatrogène en France avec 17 000 hospitalisations et 4 000 décès par an. L’INR est le seul test biologique de surveillance à utiliser chez les patients sous AVK (le TP, moins reproductible d’un laboratoire à l’autre, est légalement abandonné depuis août 2003). Il doit être contrôlé au moins une fois par mois chez les patients bien équilibrés. L’INR « cible » est la valeur d’INR à rechercher pour obtenir un traitement équilibré : la zone thérapeutique habituelle se situe pour la plupart des indications entre 2 et 3. Le risque d’accident hémorragique est élevé de manière significative pour un INR supérieur à 4, mais la moitié des accidents hémorragiques survient chez des patients ayant un INR entre 2-3. Les principaux déterminants du risque d’hémorragie sous AVK sont : – l’âge avancé supérieur à 75 ans ; – les interactions médicamenteuses ; – les pathologies à risque hémorragique (ulcère gastrique, lésions cérébrales, etc.) ; – la qualité de l’observance et de la surveillance du traitement AVK. L’éducation des patients est un point essentiel dans la prévention des accidents hémorragiques. Les associations médicamenteuses sont une des raisons les plus fréquentes de surdosage. L’automédication doit être évitée et le patient doit systématiquement signaler la prise d’AVK au personnel médical. En cas de prescription d’une nouvelle molécule, son interaction avec les AVK doit être vérifiée et une surveillance biologique plus fréquente doit être instaurée. En cas de surdosage asymptomatique en AVK, la prise en charge thérapeutique dépend de l’importance du surdosage (tableau II). Tableau II – Conduite à tenir devant un surdosage asymptomatique en AVK. Circonstances
Conduite à tenir
INR suprathérapeutique, mais < 5, sans hémorragie
Ajuster la dose ou supprimer une prise et reprendre le traitement à une dose inférieure
INR entre 5-9, sans hémorragie * risque hémorragique faible
* supprimer une ou deux prises et reprendre le traitement à une dose inférieure
** risque hémorragique présent
** vitamine K per os (1 mg) et supprimer une prise
INR > 9, sans hémorragie
supprimer une prise et vitamine K per os (de 3 à 5 mg) ou par voie IV (de 1 à 1,5 mg)
INR > 20, sans hémorragie
supprimer une ou plusieurs prises et vitamine K par voie IV (10 mg)
240 Réanimation et urgences
En cas d’accident hémorragique sous AVK, la conduite à tenir dépend de la gravité de l’hémorragie et du résultat de l’INR. En cas d’hémorragie majeure mettant le pronostic vital en jeu, le traitement par AVK doit être immédiatement interrompu, suivi de l’administration de vitamine K (de 5 à 10 mg per os ou IV) et de complexe prothrombique (PPSB 20-40 unités de FIX/kg). L’efficacité du PPSB étant immédiate, l’amélioration de l’INR peut être contrôlée 30 minutes après l’administration.
Bibliographie Transfusion de plaquettes : Recommandations Afssaps juin 2003. Les médicaments antivitamine K. – Recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), janvier 2004. XXIIe Conférence de consensus en réanimation et médecine d’urgence sur les coagulations intravasculaires disséminées (CIVD) en réanimation. Lille : 10 octobre 2002. Thrombopénie induite par l’héparine. – Société française d’anesthésie-réanimation. Conférence d’experts, 2002. Test de résistance à la protéine C activée, recherche de la mutation FV Leiden, recherche de la mutation G20210A de la prothrombine. Rapport de la Haute Autorité de santé. septembre 2006.
Pathologies infectieuses M. Desmard et P. Montravers
Items
N° 91. Infections nosocomiales N° 96. Méningites infectieuses et méningo-encéphalites chez l’enfant et chez l’adulte N° 104. Septicémie N° 173. Prescription et surveillance des antibiotiques N° 203. Fièvre aiguë chez l’enfant et chez l’adulte. Critères de gravité d’un syndrome infectieux
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Infections nosocomiales
Définition Une infection nosocomiale (IN) est une infection survenant plus de 48 heures après l’admission. Cette définition doit néanmoins être appliquée avec réflexion, car certaines infections communautaires ont une incubation supérieure à 48 heures (comme la légionellose…) et certaines infections associées aux soins (IAS) peuvent se manifester plus rapidement (par exemple une bactériémie après geste invasif). En contexte chirurgical une infection du site opératoire (ISO) survenant dans les 30 jours suivant le geste chirurgical est considérée comme nosocomiale. Ce délai est porté à 1 an si du matériel étranger a été mis en place.
242 Réanimation et urgences
Physiopathologie On distingue deux modes d’acquisition : – endogène, le plus fréquent, lorsque l’IAS est due aux germes du patient ; – exogène lorsque l’IAS est due à des germes présents dans l’environnement hospitalier du patient (Aspergillus spp. dans l’air, Legionella spp. dans l’eau…) ou transmis par les soignants (manuportage ++). Une IAS peut être directement liée aux soins (gestes invasifs…) ou être simplement acquise durant l’hospitalisation (ex. légionellose acquise à l’hôpital). Les IN sont favorisées par : – le terrain : âges extrêmes, immunodépression, dénutrition, gravité à l’admission, troubles de la déglutition (IN pulmonaires) ; – la réalisation de gestes invasifs : sonde urinaire, sonde gastrique, sonde d’intubation, cathéters veineux (centraux mais aussi périphériques), intervention chirurgicale… – la durée d’hospitalisation. Les IN sont majoritairement d’origine bactérienne. Les bactéries les plus fréquemment mise en cause sont Escherichia coli, Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa. Le contexte hospitalier fait que la pression de sélection antibiotique sur les bactéries responsables d’IN est importante. Cette pression de sélection explique leur fort taux de résistance aux antibiotiques.
Diagnostic Les sites les plus fréquemment impliqués par les IN sont les urines (40 %), le poumon (20 %), les cathéters (15 %), le site opératoire (15 %). En réanimation, le site le plus fréquemment touché est le poumon. En raison du fort taux de résistance aux antibiotiques des IN, le diagnostic microbiologique doit être systématique.
Infections urinaires En l’absence de sonde urinaire, les critères diagnostiques ne sont pas différents des infections urinaires communautaires. Le diagnostic microbiologique repose sur la réalisation d’un ECBU. En présence d’une sonde urinaire, seules les bactériuries symptomatiques doivent être prise en compte en raison des colonisations très fréquentes. En réanimation, il est recommandé de rechercher une infection du haut appareil urinaire (échographie, uro-scanner) et une insuffisance rénale associée (mesure de l’urée et de la créatinine plasmatiques).
Pathologies infectieuses 243
Infections pulmonaires On distingue les infections pulmonaires précoces (2-5 jours après l’admission) et les infections pulmonaires tardives (> 5 jours après l’admission). Cette distinction est importante, car les bactéries impliquées et donc le traitement probabiliste ne sont pas les mêmes. Le diagnostic clinique repose sur l’apparition (ou l’aggravation) d’opacités parenchymateuses sur la radiographie thoracique, l’apparition de secrétions trachéo-bronchiques purulentes, un syndrome inflammatoire (hyper-hypothermie, hyperleucocytose, leucopénie), l’apparition (ou l’aggravation) d’une hypoxémie. Le diagnostic microbiologique est systématique et doit reposer sur des techniques quantitatives. La technique de prélèvement de référence reste le lavage bronchiolo-alvéolaire guidé par fibroscopie bronchique. Les autres techniques utilisées sont le prélèvement distal protégé, la brosse télescopique protégée et l’aspiration trachéale.
Infection sur cathéters Le diagnostic d’IN sur cathéter repose sur des signes infectieux locaux (pus au point de ponction…) ou sur des signes infectieux généraux associés à une culture microbiologique positive du cathéter et une régression des signes à l’ablation du cathéter. Des signes infectieux apparaissant lors de la manipulation du cathéter doivent aussi faire suspecter le diagnostic. Devant une bactériémie, il est probable que le cathéter en soit l’origine si 1) le compte bactérien sur les hémocultures quantitatives prélevées sur ce dernier est au moins 5 fois supérieur à celui réalisé sur les hémocultures périphériques ou si 2) les hémocultures prélevées sur le cathéter se positivent au moins 2 heures avant celles prélevées sur une veine périphérique.
Principe du traitement Si possible, prodécer à l’ablation ou au changement du matériel étranger. L’antibiothérapie devra être précédée de prélèvement microbiologique et être adaptée à l’antibiogramme du/des germes mis en évidence. En présence de signes de gravité, une antibiothérapie probabiliste doit être débutée. Les antibiotiques utilisés dépendront alors du site de l’infection, de l’écologie du service, de la connaissance d’un portage de bactéries résistantes chez le patient, de la présence d’un traitement antibiotique antérieur, du caractère précoce ou tardif de l’infection. Les IN doivent être signalées aux autorités sanitaires (direction départementale de l’action sanitaire et sociale – DDASS et centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales – C CLIN) si elles répondent à l’un des critères suivants :
244 Réanimation et urgences
– caractère rare ou particulier (germe particulier, localisation inhabituelle, utilisation de matériel possiblement contaminé, procédure ayant pu contaminer d’autres personnes) ; – décès lié à une IN ; – IN suspectée d’être causée par un germe présent dans l’air ou dans l’eau environnants ; – maladie à déclaration obligatoire (tuberculose…).
Mesures de prévention Mesures générales La surveillance épidémiologique des IN ainsi que les enquêtes de prévalenceincidence dans les unités à haut risque avec retour d’information et formation du personnel permettent de diminuer de 30 % l’incidence des IN. Les précautions standard sont destinées à prévenir la transmission des germes véhiculés par le sang et les liquides biologiques : hygiène des mains entre deux patients et entre deux actes chez le même patient (utilisation de solutions hydroalcooliques), port de gants en cas de risque de contact avec un liquide biologique, port de surblouse en cas de risque de projection de liquide biologique, élimination des objets piquants, asepsie stricte lors des gestes invasifs, protocole de désinfection-stérilisation des instruments. La maîtrise de la résistance des bactéries aux antibiotiques nécessite de limiter au maximum la pression de sélection en évitant les traitements antibiotiques non nécessaires, en limitant l’utilisation des antibiotiques à large spectre et en utilisant au sein des structures de soins des protocoles d’utilisation des antibiotiques. La prévention de la dissémination manuportée des bactéries multirésistantes (BMR) nécessite le dépistage précoce puis l’isolement des patients colonisés.
Mesures spécifiques D’une manière générale, il faut limiter les indications de mise en place de dispositifs invasifs et les laisser en place le moins longtemps possible. Les sondes urinaires doivent être posées de manière aseptique selon un protocole écrit et utiliser un système clos. La prévention des infections pulmonaires nosocomiales nécessite de limiter la durée de ventilation mécanique, de prévenir les inhalations de liquide gastrique (sonde gastrique de petite taille, position demiassise…), d’appliquer une sédation peu profonde permettant la toux et un sevrage ventilatoire rapide, de réaliser les aspirations bronchiques en condition aseptique, d’effectuer des aspirations régulières du nez et de l’oropharynx, de préférer l’intubation oropharyngée plutôt que naso-pharyngée qui favorise les sinusites, de vérifier la pression du ballonnet de la sonde d’intubation.
Pathologies infectieuses 245
Les cathéters veineux périphériques doivent être changés toutes les 72 heures. Les cathéters veineux centraux doivent être posés avec une asepsie chirurgicale, les pansements de cathéters doivent être transparents (pour voir l’apparition de signes infectieux locaux) et changés toutes les 48-72 heures ; les tubulures doivent être changées toutes les 72 heures. La prévention des ISO nécessite de limiter la durée d’hospitalisation préopératoire, d’éradiquer les foyers infectieux, de réaliser une préparation cutanée optimale (douche, dépilation…), de limiter les durées d’intervention et de respecter les protocoles d’antibioprophylaxie.
Méningites infectieuses et méningo-encéphalites chez l’adulte 96
Méningites infectieuses Physiopathologie et microbiologie Chez l’adulte jeune, les méningites virales sont plus fréquentes que les méningites bactériennes. Ce ratio s’inverse chez le sujet âgé. Les méningites virales sont le plus souvent bénignes alors que les méningites bactériennes sont des infections graves dont la proportion de décès est d’environ 25 %. Trois bactéries sont responsables de la majorité des méningites bactériennes : Streptococcus pneumoniae, Neisseria meningitidis et Listeria monocytogenes. Pneumocoque : Cette infection à cocci à Gram positif en diplocoque est responsable de 50 % des méningites bactériennes. La mortalité et la morbidité (séquelles) sont importantes. La diffusion méningée de l’infection se fait le plus souvent par contiguïté (foyer ORL, ATCD de rupture de la barrière méningée) et plus rarement par dissémination hématogène à partir d’un foyer profond (pulmonaire). Il n’y a pas de transmission interhumaine. Méningocoque : Ces cocci à Gram négatif sont responsables de 30 % des méningites bactériennes. La mortalité et la morbidité sont essentiellement dues à la méningococcémie (purpura fulminans). La diffusion méningée s’effectue par dissémination hématogène à partir d’une colonisation oropharyngée. La transmission interhumaine est possible. Listeria : Ce bacille à Gram positif est responsable de 10 % des méningites bactériennes. La diffusion méningée survient par voie hématogène à partir du tube digestif. L’affection atteint essentiellement le tronc cérébral. Il n’y a pas de transmission interhumaine. Virus : la diffusion méningée s’effectue par voie hématogène. La présence de pathogènes au niveau méningé induit une réponse inflammatoire. Cette réponse inflammatoire induit des désordres métaboliques cérébraux
246 Réanimation et urgences
à l’origine d’une vasodilatation et provoque une vascularite cérébrale responsable d’ischémie cérébrale. Ces deux mécanismes conduisent à un œdème cérébral majorant à son tour les lésions d’ischémie.
Diagnostic clinique La forme typique correspond au syndrome méningé fébrile. Le syndrome méningé associe des céphalées diffuses, une photophobie, une raideur de nuque, des vomissements. Le patient se met spontanément en chien de fusil, dos à la lumière. En pratique, l’ensemble des signes est rarement présent. Dans une publication récente (tableau I), les signes ont été rapportés avec la fréquence suivante : Tableau I – Fréquence des signes cliniques de méningite. Signes
Fréquence
Céphalées
87 %
Nausées
74 %
Raideur de nuque
83 %
Température > 38 °C
77 %
Triade fièvre, raideur nuque, modification du comportement
44 %
Cf. Van de Beek D, N Engl J Med. 2004 Oct 28 ; 351 (18) : 1849-59.
L’examen clinique doit rechercher les signes de Kernig (résistance à l’extension passive de la jambe lorsque le patient est en décubitus dorsal cuisses fléchies sur l’abdomen) et de Brudzinski (la flexion passive du cou entraîne la flexion des cuisses et des jambes) qui ont une mauvaise sensibilité (5 %) mais une excellente spécificité (95 %). Il faut dès l’évocation du diagnostic rechercher des signes de gravité : – purpura fulminans (recherché sur un sujet totalement déshabillé). Tout purpura fébrile comportant au moins 1 élément nécrotique ou ecchymotique d’une taille supérieure à 3 mm doit être considéré comme purpura fulminans et doit conduire en urgence à une injection intraveineuse ou a défaut intramusculaire d’une céphalosporine de troisième génération (à défaut d’amoxicilline) puis à un transport le plus rapide possible vers un centre hospitalier disposant d’une réanimation ; – signes de sepsis sévère/choc septique. Défaillance hémodynamique, respiratoire… – signes de gravité neurologique et de signes d’encéphalite (troubles de conscience, signes de localisation, crise comitiale).
Pathologies infectieuses 247
Prise en charge Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique. Ponction lombaire Elle doit être réalisée en urgence ainsi que des hémocultures. La PL permet un examen macroscopique, biochimique, cytologique et microbiologique du LCR (tableau II). Pour interpréter la glycorachie, une glycémie doit être obtenue au moment de la PL. Selon le contexte, la recherche d’antigènes solubles (pneumocoque, méningocoque…) et une PCR herpès virus (en cas de signes d’encéphalite) peuvent être demandées. La PL peut être normale si elle est réalisée au tout début de l’évolution d’une méningite. Un scanner cérébral doit être réalisé avant la PL en cas de signes de localisation neurologique, de troubles de la conscience avec un score de Glasgow inférieur ou égal 11, de crise comitiale, de signes d’engagement (mydriase, troubles hémodynamiques, enroulement…). Dans les autres cas, il ne faut pas retarder la réalisation de la PL par l’attente du scanner. Tableau II – Caratéristiques du LCR selon le type de méningite.
Macroscopie
LCR normal
Méningite purulente
Méningite à liquide clair
Eau de roche
trouble
clair
10/mm3
Souvent > 1 000/mm3
Souvent entre 10 et 1 000/mm3 > 50 % polynucléaires > 50 % lymphocytes Si formule panachée évoquer la listeria
Éléments formule
<
Glycorachie
> 0,5 x glycémie
< 0,4 x glycémie
> 0,5 x glycémie si virale < 0,5 x glycémie si listeria ou BK
Protéinorachie
< 0,45 g/l
> 1 g/l, souvent +++
< 1,5 g/l si virale de 1 à 2 g/l si listeria ou BK
Examen direct
-
+ dans 60 à 80 % des cas
+ dans moins de 30 % des cas si listeria ou BK -si virale
Si – envisager une décapitation par ATB, une méningite débutante…
Étiologie
Méningite bactérienne Possible méningite à liquide clair au début
Virale, listeria, BK, et 30 % des méningites bactériennes au début
Les résultats biochimiques, cytologiques et de l’examen direct doivent être rendus en moins de 1 heure
Antibiothérapie L’antibiothérapie est probabiliste, guidée par l’examen direct du LCR (tableau III) puis adaptée aux résultats microbiologiques (tableau IV). En cas de forte
248 Réanimation et urgences
suspicion clinique de méningite, une antibiothérapie probabiliste sera débutée avant le résultat de l’examen microbiologique direct du LCR. Il est impératif d’administrer les antibiotiques avant la PL en cas de purpura fulminans, de prise en charge hospitalière ne pouvant être réalisée dans les 90 minutes, de retard à la réalisation de la PL (scanner cérébral, troubles de l’hémostase). Dexaméthasone Il a été démontré que la dexaméthasone (10 mg x 4/j pendant 4 jours) permettait de diminuer la morbidité et la mortalité des méningites à pneumocoque et dans une moindre mesure à méningocoque. Cette thérapeutique est efficace si la dexaméthasone est débutée au plus tard en même temps que la première dose d’antibiotique. Tableau III – Traitement de première intention des méningites aiguës bactériennes en fonction de l’examen direct. (l’adjonction de vancomycine n’est plus justifiée depuis le consensus de 2008). Examen direct positif (suspicion de…) Cocci à Gram + (pneumocoque)
Antibiotique céfotaxime ou ceftriaxone
Cocci à Gram – (méningocoque)
céfotaxime
Dose (IV) 300 mg/kg/j en 4 prises ou continue après dose de charge 100 mg/kg/j en 1 à 2 prises
ou ceftriaxone
200 mg/kg/j en 4 prises ou continue après dose de charge 75 mg/kg/j en 1 à 2 prises
Bacille à Gram + (listeria)
amoxicilline et gentamicine
200 mg/kg/j en 4 prises 3 à 5 mg/kg/j en 1 prise
Bacille à Gram – (H. influenzae ou E. coli)
céfotaxime
200 mg/kg/j en 4 prises ou continue après dose de charge 75 mg/kg/j en 1-2 prises
ou ceftriaxone Examen direct négatif ou ATB avant PL céfotaxime si arguments cliniques pour listeria
ou ceftriaxone et gentamicine et amoxicilline
300 mg/kg/j en 4 prises ou continue après dose de charge 100 mg/kg/j en 1-2 prises 3 à 5 mg/kg/j en 1 prise 200 mg/kg/j en 4 prises
Pathologies infectieuses 249
Tableau IV – Traitement antibiotique des méningites aiguës bactériennes après documentation microbiologique. Bactérie, sensibilité
Antibiotique
Durée totale
Pneumocoque CMI amoxicilline < 0,1 mg/ml
amoxicilline 200 mg/kg/j en 46 prises ou maintien des C3G maintien des C3G
10-14 jours
amoxicilline 200 mg/kg/j en 46 prises ou maintien des C3G maintien des C3G
4-7 jours
Listeria (R naturelle aux C3G)
amoxicilline et gentamicine
21 jours
H. influenzae
maintien des C3G
7 jours
E. coli
maintien des C3G
21 jours
CMI amoxicilline ≥ 0,1 mg/ml Méningocoque CMI amoxicilline < 0,1 mg/ml CMI amoxicilline ≥ 0,1 mg/ml
Mesures adjuvantes Il est indispensable de prévenir les agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) en contrôlant la température (paracétamol), la natrémie, la glycémie, la capnie. Le traitement symptomatique du choc septique est effectué selon les règles classiques par remplissage et utilisation de catécholamines. Organisation La prise en charge comprend aussi l’organisation de l’accueil du malade avec un isolement respiratoire (si un méningocoque est suspecté, l’isolement peut être levé après 24 heures d’antibiothérapie antiméningocoque) et l’orientation vers une structure adaptée. Les critères d’admission en réanimation sont la présence d’un purpura, un score de Glasgow inférieur à 8, des signes neurologiques focaux, un état de mal convulsif, des signes de souffrance du tronc cérébral, une instabilité hémodynamique, la présence de défaillance d’organe. En pratique, la surveillance rapprochée que nécessitent ces patients les 24 premières heures est difficilement réalisable en dehors d’une réanimation ou d’une unité de soins continus. En cas de méningite à méningocoque, il faut penser à la déclaration obligatoire et à l’antibioprophylaxie par rifampicine des sujets contacts (sujet en contact dans les 10 jours précédant le début de la maladie, l’identification et la prise en charge des sujets contacts extrafamiliaux sont réalisées par le médecin de la DDASS).
Évolution En l’absence de traitement, les méningites virales guérissent la plupart du temps sans séquelles alors que les méningites bactériennes évoluent rapidement vers le décès.
250 Réanimation et urgences
Le traitement antibiotique est la clé de l’évolution, et sa précocité d’administration est associée à une mortalité et des séquelles moindres. Lors des méningites bactériennes, le décès peut être lié aux complications neurologiques aiguës (hypertension intracrânienne, engagement), au choc septique ou à l’association de ces deux causes. Les séquelles possibles sont des désordres neurologiques, une surdité, des lésions ischémiques ou nécrotiques périphériques liées à la vascularite allant jusqu’à l’amputation (purpura fulminans). La réalisation d’une PL de contrôle n’a d’indication qu’en cas d’évolution défavorable ou éventuellement de méningite à pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline.
Méningo-encéphalites et encéphalites Définitions Les encéphalites aiguës correspondent à un processus inflammatoire du cerveau avec manifestations neurologiques aiguës. Une méningo-encéphalite (ME) associe des signes de méningite et d’encéphalite.
Diagnostic Le diagnostic clinique est proche de celui des méningites (cf. méningites infectieuses), mais peut être trompeur. Par rapport aux méningites bactériennes, le syndrome méningé est souvent moins marqué. Un syndrome infectieux est présent souvent peu spécificique et parfois fugace. Des signes encéphalitiques (convulsions, troubles de conscience, déficits moteurs…) peuvent être présents, mais ils se résument parfois uniquement à des troubles du comportement. Les associations de symptômes cliniques sont très variables. L’analyse clinique et l’épidémiologie aident au diagnostic. Dans tous les cas, ces signes ne sont pas spécifiques et imposent d’éliminer toutes les causes d’encéphalopathie fébrile. Paraclinique Le scanner cérébral doit être réalisé avant la PL (du fait des signes encéphalitiques). La PL est à liquide clair dans les formes typiques avec une pléiocytose modérée à prédominance lymphocytaire (tableau II). Une hypoglycorachie oriente vers une cause bactérienne (listeria, BK) alors qu’une normoglycorachie oriente vers une cause virale (HSV…). Les virus herpès (HSV) et varicelle zona (VZV) sont systématiquement recherchés par PCR. Le diagnostic étiologique étant parfois difficile, il faut garder des tubes de LCR pour des analyses ultérieures. En cas d’infection à herpès virus HSV-1 et 2, la PCR peut se positiver dans les 4 jours qui suivent le début des symptômes, ce qui impose un contrôle secondaire du LCR en cas de négativité initiale de l’examen. L’IRM cérébrale est plus sensible pour le diagnostic que le scanner, mais ne doit pas retarder le diagnostic et le traitement (en pratique, elle est réalisée dans un second temps).
Pathologies infectieuses 251
Le bilan biologique doit comprendre des hémocultures et une recherche de paludisme en cas de voyage en pays tropical de moins de 2 mois.
Étiologies Dans près de 50 % des cas d’encéphalite, aucune cause n’est retrouvée. • Étiologies infectieuses Virales ME herpétique : HSV 1 et 2. Le diagnostic est à évoquer de manière systématique en raison de sa morbi-mortalité importante, de sa fréquence et de l’existence d’un traitement curatif. La PL est typique d’une ME virale, l’imagerie et l’EEG peuvent montrer des lésions temporo-pariétales. Autres virus du groupe herpès. VZV surtout, mais aussi CMV, EBV, HHV6, HHV7. Entérovirus Arbovirus : l’orientation étiologique vient d’une notion de séjour en zone endémique. Les agents à rechercher sont West Nile, Nipah, Toscana… Autres : Myxovirus, adénovirus, rage… Ne pas oublier la primo-infection VIH. Bactériennes Tuberculose : Elle ne correspond qu’à seulement 2 % des ME en France, mais c’est une étiologie fréquente dans les pays en voie de développement. Les signes d’atteinte basilaire sont à rechercher au même titre que la présence d’une hydrocéphalie, et d’atteintes extraneurologiques fréquentes. Une hyponatrémie est observée dans 50 % des cas. L’apparition des signes peut se faire sur plusieurs jours. Listeria monocytogenes : Les sujets atteints sont souvent immunodéprimés, âgés de plus de 50 ans, alcooliques. Il peut y avoir une atteinte des nerfs crâniens (rhombencéphalite). Autres : Leptospirose, Lyme, Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae, Tropheryma whipplei, Coxiella burnetti, rickettsies, syphilis. Parasitaires et fongiques Plasmodium falciparum (notion de séjour en zone impaludée inférieur à 2 mois), trypanosomiases. Cryptococcus neoformans et Candida albicans (immunodéprimé). Postinfectieuse Lésions démyélinisantes diffuses faisant suite à une infection virale, sans infection neuroméningée active. • Étiologie non infectieuse Médicamenteuses : AINS, antibiotiques, immunoglobulines. Tumorales (rechercher des cellules malignes dans le LCR). Paranéoplasique. Vascularites cérébrales. Maladies de système : Lupus, Sjögren, sarcoïdose, maladie de Behçet, syndrome de Churg et Strauss, maladie de Wegener. Vascularites primitives cérébrales.
252 Réanimation et urgences
Stratégie diagnostique Sur la PL, il faut toujours rechercher une infection à HSV (PCR), une listériose, une tuberculose. Si les examens précédents sont négatifs, une PCR doit être effectuée à la recherche de varicelle-zona-virus (VZV) et d’entérovirus. Ensuite, il faudra orienter les examens en fonction du contexte.
Traitement Il est d’abord étiologique. Un dogme : encéphalite + méningite lymphocytaire = traitement antiherpétique à débuter en urgence : aciclovir 15 mg/kg/8 h. En présence d’un terrain favorisant, débuter en plus un traitement ciblant Listeria monocytogenes (tableau III) Le traitement anti-infectieux sera ensuite orienté en fonction de l’étiologie. Les mesures adjuvantes : – nécessité d’une hospitalisation en réanimation ou en unité de soins continus ; – prévention des ACSOS ; – corticothérapie en cas de méningite tuberculeuse ; – dérivation ventriculaire externe en cas d’hydrocéphalie (tuberculose).
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Septicémie
Définitions Le terme de septicémie n’est plus utilisé actuellement, car il associe la notion de bactériémie à l’existence de signes de gravité clinique. On préfère parler de bactériémie, bactériémie avec sepsis sévère, bactériémie avec choc septique. Bactériémie : présence de bactéries dans la circulation sanguine. SIRS : réponse inflammatoire systémique. Il nécessite que deux ou plus des conditions suivantes soient remplies : – température < 36 °C ou > 38 °C ; – fréquence cardiaque > 90/min ; – fréquence respiratoire > 20/min ou PaCO2 < 32 mmHg ; – leucocytose > 12 000/mm3, < 4 000/mm3. Sepsis : SIRS dû à une infection Sepsis sévère : sepsis associé à au moins une dysfonction d’organe
Pathologies infectieuses 253
Choc septique : sepsis sévère avec hypotension résistante à une expansion volémique bien conduite et/ou nécessitant l’emploi de vasopresseur. Il peut aboutir au syndrome de défaillance multiviscérale qui correspond à la dysfonction de plusieurs organes.
Épidémiologie La porte d’entrée d’une bactériémie doit toujours être recherchée. La source peut être un cathéter (20 % des cas), urogénitale (20 %), respiratoire (15 %), digestive (15 %), cutanée, osseuse… 25 % des bactériémies sont associées à un sepsis sévère ou à un choc septique.
Diagnostic Le diagnostic positif de bactériémie repose sur la positivité des hémocultures. Une bactériémie peut être suspectée cliniquement devant une fièvre élevée accompagnée de frissons et/ou de sueurs. Parfois, on peut rencontrer une hypothermie. Des hémocultures doivent être réalisées en cas de suspicion clinique de bactériémie et dans le bilan de toute suspicion d’infection bactérienne sévère. Les hémocultures sont réalisées par un prélèvement de sang sur une veine périphérique avec lequel on ensemence deux flacons d’hémoculture (l’un en anaérobiose, l’autre en aérobiose). Ces prélèvements doivent précéder la mise en route d’une antibiothérapie probabiliste. L’interprétation d’hémocultures positives nécessite de prendre en compte l’espèce bactérienne, le nombre d’hémocultures positives et parfois la durée de conservation du flacon avant son résultat positif. Si plusieurs hémocultures sont positives au même germe, il s’agit d’une bactériémie. Si plusieurs hémocultures sont positives à plusieurs germes, il faut tenir compte du terrain (immunodéprimé, pathologie digestive…) pour interpréter le résultat. Si une seule hémoculture est positive, l’espèce bactérienne retrouvée guidera l’interprétation : les staphylocoques à coagulase négative, les corynebactéries, ou Propionobacterium acnes sont des bactéries cutanées peu pathogènes dont la présence est le plus souvent liée à une contamination lors du prélèvement. Pour établir un authentique diagnostic d’infection à ces germes, on exige au moins deux hémocultures positives. Cependant, la négativité des hémocultures ne permet pas d’infirmer le diagnostic de bactériémie dans toutes les circonstances.
254 Réanimation et urgences
Conduite à tenir Rechercher une porte d’entrée et la traiter. Cela nécessite un examen clinique complet et la réalisation d’examens complémentaires (ECBU, radiographie de thorax, échographie cardiaque…) orientés par la clinique et l’espèce bactérienne retrouvée. Tout matériel étranger doit par principe être suspect en l’absence d’autres causes. En l’absence de cause évidente, une endocardite doit toujours être recherchée. Rechercher des localisations septiques secondaires (endocardite, infection neuroméningée, infection osseuse, greffe bactérienne sur matériel étranger, abcès splénique, hépatique, rénal, pulmonaire…). Antibiothérapie. Après réalisation des prélèvements microbiologiques, une antibiothérapie probabiliste (en fonction du germe et de la porte d’entrée) est instaurée puis adaptée à l’antibiogramme. Une bithérapie est systématique en cas de signe de gravité pour élargir le spectre d’activité antibactérien. La durée de traitement est fixée à 10-15 jours, mais peut être prolongée en cas de porte d’entrée difficile à traiter ou de localisations secondaires. Traitement du sepsis sévère/choc septique. Le traitement symptomatique, des manifestations graves du sepsis comprend l’expansion volémique, le traitement vasopresseur, et le traitement symptomatique des DO. L’usage de l’hémisuccinate d’hydrocortisone et de la protéine C activée est débattu. Surveillance. Au cours du traitement antibiotique on surveille les signes de l’efficacité du traitement (apyrexie, amélioration clinique, négativation des hémocultures), l’apparition de signes de gravité (survenue de défaillance d’organe, choc septique…) et la tolérance du traitement.
173
Prescription et surveillance des antibiotiques
L’antibiothérapie pendant les premières 48 heures de traitement d’une infection est le plus souvent probabiliste. Une antibiothérapie « probabiliste » est une prescription d’un ou de plusieurs agents antibiotiques réalisée avant que ne soient connues la nature et/ou la sensibilité du ou des micro-organismes responsables de l’infection. Cette situation est fréquente particulièrement en réanimation. La qualité et la précocité de cette prescription influencent directement le pronostic des patients, tout particulièrement en cas de sepsis sévère ou de choc septique. À côté du traitement antibiotique rapidement efficace, un contrôle de la source de l’infection par drainage chirurgical ou ablation d’un dispositif médical est indispensable en cas d’infection de nature chirurgicale. Les choix thérapeutiques sont différents selon l’origine communautaire (ou extrahospitalière) ou nosocomiale (ou liées aux soins médicaux) de l’infection. De plus, les modalités d’administration de cette antibiothérapie obéissent aux règles de bon usage des antibiotiques.
Pathologies infectieuses 255
Le choix de l’antibiothérapie probabiliste est soumis à plusieurs impératifs. Ce traitement doit être rapidement actif et doit être orienté par des éléments microbiologiques. La durée du traitement probabiliste est limitée dans le temps jusqu’à l’identification microbiologique et l’antibiogramme. Il est indispensable d’effectuer des prélèvements microbiologiques avant de débuter le traitement antibiotique. Le clinicien a toujours quelques minutes devant lui pour les réaliser, ciblés sur le site infectieux le plus probable et associés à une série d’hémocultures. La seule exception reconnue est le purpura fulminans. L’examen direct des prélèvements bactériologiques (pulmonaires, péritonéaux, urinaires, LCR…) donne les premiers éléments importants d’orientation. Au stade de l’identification de l’agent pathogène, en général en 48 heures, le retour à l’antibiothérapie la plus simple efficace est indispensable de manière à préserver les molécules de réserve disponibles et à ne pas les utiliser par excès. Prescrire et surveiller un médicament appartenant aux principales classes d’antibiotiques. La famille des bêtalactamines regroupe les pénicillines (pénicillines G et V, aminopénicillines, pénicillines du groupe M, carboxypénicilline, ureidopénicillines), les céphalosporines (de première, de deuxième et de troisième génération) et les carbapénèmes (imipénem/cilastatine, méropénem, ertapénem, doripénem) et les monobactames (aztréonam). Ces agents ont tous en commun une activité antibactérienne qui passe par une inhibition de la synthèse de la paroi bactérienne. Ils sont en général bien tolérés, les manifestations allergiques étant leur principal effet secondaire. Les cyclines (doxycycline, minocycline…) et la tigécycline (glycylcyclines) sont des agents actifs sur les germes intracellulaires. Elles agissent en inhibant la synthèse protéique bactérienne. Les effets secondaires principaux sont la photosensibilisation, les vertiges et les troubles digestifs. Les aminosides (gentamicine, nétilmicine, tobramycine, amikacine, isépamicine…) agissent en inhibant la synthèse protéique bactérienne. Ils sont généralement prescrits en association avec une autre molécule (bêtalactamine le plus souvent). Une surveillance de la concentration résiduelle plasmatique permet d’éviter une accumulation source des effets secondaires (toxicité rénale et cochléo-vestibulaire). Ils sont contre-indiqués dans la myasthénie du fait de leur interaction avec la plaque motrice. Les macrolides agissent en inhibant la synthèse protéique bactérienne. Ils ont des effets secondaires multiples (allergique, digestif, photosensibilisation…). Leur principale caractéristique pour le prescripteur est la fréquence des interactions médicamenteuses. Les fluoroquinolones (ciprofloxacine, lévofloxacine, moxifloxacine…) agissent en inhibant la synthèse protéique bactérienne. Ils ont des effets secondaires multiples (risque de photosensibilisation, tendinopathie, modifications ECG avec risque d’allongement du QT).
256 Réanimation et urgences
Les glycopeptides (vancomycine, teicoplanine) agissent par inhibition de la synthèse de la paroi bactérienne. Ils sont actifs sur les cocci à Gram positif résistant aux pénicillines et particulièrement les staphylocoques résistant à la méticilline. Leurs effets secondaires les plus courants sont une néphrotoxicité et une ototoxicité. Une surveillance de la concentration résiduelle plasmatique permet de cibler les seuils thérapeutiques supérieurs à 20 mg/l. Les antituberculeux sont toujours prescrits en association (rifampicine, isoniazide, ethambutol, ± pyrazinamide) pour éviter une sélection de bactérie résistante. Ces agents induisent de multiples effets secondaires dont des allergies et des troubles digestifs. La rifampicine présente de nombreuses interactions médicamenteuses du fait de ses propriétés d’inducteur enzymatique. Elle induit une coloration orangée des urines. L’isoniazide a une hépatotoxicité et une neurotoxicité. Les effets hépatotoxiques de certains médicaments se trouvent accrus en présence d’isoniazide. L’éthambutol est à l’origine de névrite optique rétrobulbaire. Enfin, le pyrazinamide a une hépatotoxicité et induit des hyperuricémies. De nombreux antibiotiques sont contre-indiqués pendant la grossesse. C’est le cas des cyclines (coloration des dents au deuxième trimestre de grossesse), des quinolones (atteintes articulaires), des sulfamides (atteinte du tube neural et du cœur au premier trimestre de grossesse), des aminosides (ototoxicité). L’intérêt principal d’une association d’antibiotiques est l’élargissement du spectre antibactérien, tout particulièrement en cas de suspicion de bactérie multirésistante. Les autres motifs habituellement avancés pour justifier une association, synergie des agents pour accroître la vitesse de bactéricidie et prévention de l’émergence de mutants résistants, sont rarement démontrés en pratique. Les résultats obtenus par une monothérapie sont le plus souvent identiques à ceux d’une association d’antibiotiques.
Fièvre aiguë chez l’adulte, critères de gravité d’un syndrome infectieux 203
Définition Fièvre : température centrale supérieure à 37,5 °C le matin ou 37,8 °C le soir.
Signes de gravité Sepsis sévère ou choc septique Liés à la fièvre elle-même
Pathologies infectieuses 257
Retentissement neurologique (troubles du comportement, convulsions, délire si > 41 °C, coma si > 42 °C). Déshydratation (chaque degré au-dessus de 37 °C augmente les pertes hydriques de 400 ml/j) Décompensation d’une pathologie cardiaque ou respiratoire (chaque degré au dessus de 37 °C augmente les fréquences cardiaque et respiratoire de 10/min). Liés à l’étiologie Méningite, purpura fulminans. Dermo-hypodermite nécrosante. Pyélonéphrite sur obstacle. Pneumopathie hypoxémiante. Endocardite aiguë. Endophtalmie. Paludisme. Liés au terrain Neutropénique. Splénectomisé ou splénectomie fonctionnelle (HP, drépanocytose…). Cardiopathie, insuffisance respiratoire, diabète, insuffisance surrénalienne. Femme enceinte, sujet âgé.
Diagnostic étiologique Virose C’est la cause la plus fréquente. Symptomatologie diffuse (ORL, abdominale, cutanée…). Bonne tolérance. Guérison spontanée en moins de 7 jours
myalgies,
Foyer infectieux bactérien Localisation orientée par l’examen clinique et le contexte.
Fièvre au retour d’un pays tropical Paludisme. Typhoïde. Hépatites. Parasitoses. Fièvre jaune, arboviroses.
éruption
258 Réanimation et urgences
Fièvre non infectieuse Maladie thrombo-embolique. Syndrome de sevrage alcoolique (delirium tremens). Maladies inflammatoires. Troubles métaboliques et déshydratation. Toutes les pathologies responsables de fièvre au long cours à leur début (cancer solide, hémopathie, tuberculose…). Allergie médicamenteuse. Ayndrome postvaccinal.
Certains terrains/contextes doivent faire évoquer des étiologies particulières Postopératoire : infection du site opératoire (paroi ou profond), urinaire, sur cathéter, pulmonaire, maladie thromboembolique. Femme enceinte : pyélonéphrite, chorio-amniotite, listériose, infections responsables de foetopathies ou entraînant des complications per partum (CMV, toxoplasmose, rubéole, herpès, VZV…). Toxicomane IV : endocardite, infections cutanées au point d’injection, VIH, hépatites B et C. Alcoolique : infection de liquide d’ascite, delirium tremens, hépatite alcoolique aiguë, infections pulmonaires et neuroméningées. Porteur de matériel étranger : le matériel est toujours suspect et doit être exploré (valve cardiaque = suspicion d’endocardite, donc échocardiographie…).
Prise en charge Antipyrétiques Si la fièvre est mal tolérée, supérieure à 40 °C ou en cas de terrain particulier (insuffisant cardiaque, insuffisant respiratoire, hypertension intracrânienne, sujet âgé). Paracétamol 1 g x 4/j, si possible par voie orale sinon IV ou acide acétylsalicylique, maximum 3 g/j en 3-6 prises. Attention à éviter le paracétamol chez les cirrhotiques et insuffisants hépatiques. Ne pas donner d’acide acétylsalicylique en cas de grippe ou d’infection à VZV, car il y a un risque de syndrome de Reye.
Pathologies infectieuses 259
Traitement étiologique Antibiotique : ne pas débuter d’antibiotiques sans diagnostic, sauf en cas de choc septique, de patient splénectomisé ou neutropénique. Sinon, les prélèvements microbiologiques ciblés sont indispensables. Le contrôle de la source infectieuse peut nécessiter de la chirurgie ou un drainage percutané. Les autres traitements sont fonction de l’étiologie.
Traitements adjuvants – traitement d’une déshydratation, d’un choc septique…
Bibliographie Infections nosocomiales Kollef MH. The prevention of ventilator-associated pneumonia. N Engl J Med 1999 ; 340 : 627-34. Blot F. Infections of intravascular perfusion sets. Rev Prat 2003 ; 53 : 2119-27. Le POPI 2007. Maladies infectieuses et tropicales. Guide de traitement. Collège des Universitaires de maladies infectieuses et tropicales, 2007. Conférences de consensus : SFAR-SRLF, Prévention des infections nosocomiales en réanimation, 2008.
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Prescription et surveillance des antibiotiques Conférence d’experts. Antibiothérapie probabiliste des états septiques graves. Collection de la SFAR-Société française d’anesthésie et de réanimation. Paris, Elsevier, 2004. Le POPI 2007. Maladies infectieuses et tropicales. Guide de traitement. Collège des Universitaires de maladies infectieuses et tropicales, 2007. www.infectiologie.com. Site du Collège des Universitaires de maladies infectieuses et tropicales et de la Société de pathologie infectieuse de langue française.
Fièvre aiguë chez l’adulte, critères de gravité d’un syndrome infectieux Le POPI 2007. Maladies infectieuses et tropicales. Guide de traitement. Collège des Universitaires de maladies infectieuses et tropicales, 2007.
Prise en charge du patient intoxiqué P.-Y. Brun et F. J. Baud
Items
N° 45. Addiction et conduites dopantes : épidémiologie, prévention, dépistage • Morbidité, comorbidité et complications • Prise en charge, traitements substitutifs et sevrage : alcool, tabac, psychoactifs et substances illicites
N° 214. Principales intoxications aiguës
214
Introduction
Les intoxications, qu’elles soient volontaires ou accidentelles, représentent environ de 10 à 20 % de l’activité des services de réanimation. Si la mortalité globale des patients intoxiqués est faible (1 %), elle peut atteindre 15 % pour les intoxications par cardiotropes. On distingue trois grands types d’intoxications : – les intoxications à but suicidaire, le plus souvent médicamenteuses, rarement par produits ménagers, sont généralement vues à la phase précoce de l’intoxication ; – les surdosages accidentels sont l’apanage des patients âgés ou présentant une insuffisance d’organe, rénale, hépatique, cardiaque ou respiratoire. L’intoxication est vue à une phase tardive, au moment de l’apparition des signes de toxicité ; – les intoxications accidentelles, comme un accident industriel ou une soumission chimique. L’intoxication accidentelle la plus fréquente est liée au monoxyde de carbone (CO) qui reste la première cause de mort toxique domestique.
262 Réanimation et urgences
Le diagnostic d’une intoxication repose avant tout sur l’anamnèse et l’examen clinique (syndromes toxiques, encore appelés « toxidromes »). L’analyse toxicologique permet de confirmer le diagnostic initialement retenu. Elle peut apporter pour certaines intoxications des éléments utiles à la détermination du pronostic.
Principes généraux de prise en charge du patient intoxiqué La phase préhospitalière Dans la plupart des intoxications, la prise en charge initiale doit : – assurer le maintien des fonctions vitales (traitements symptomatiques), rechercher les complications secondaires au coma ou au décubitus et administrer les thérapeutiques spécifiques si besoins (antidotes) ; – recueillir la nature et la dose des toxiques en cause ainsi que le délai entre l’heure d’exposition et l’heure de l’examen. On pourra s’appuyer sur l’interrogatoire du patient ou de sa famille, la recherche de blisters vides de médicament, l’analyse des ordonnances et l’examen des poubelles ; – réaliser un examen clinique pour définir le toxidrome. En cas d’exposition individuelle ou collective à un toxique volatil comme le CO, à la suite d’un accident domestique, industriel ou d’un acte terroriste, les deux premières urgences consistent à : – veiller à la protection de l’équipe d’intervention ; – extraire les patients de la zone contaminée.
L’examen clinique de l’intoxiqué L’examen clinique est un élément essentiel pour l’orientation devant un sujet intoxiqué. Il doit être répété, car une intoxication est une pathologie dynamique, évolutive dans le temps et fonction de la cinétique du toxique. Il existe souvent un intervalle libre entre la prise du toxique (c’est la phase d’absorption ou de métabolisme si ce sont les métabolites qui sont toxiques [ex. paracétamol]). Si le patient est vu tôt, la gravité de l’intoxication peut être sous-évaluée chez un sujet initialement pauci-symptomatique : l’examen clinique doit donc être renouvelé dans les premières heures. Les toxidromes ou syndromes toxiques : c’est l’ensemble des signes cliniques, biologiques et électrocardiographique faisant évoquer une intoxication par une classe pharmaco-toxicologique précise. Le tableau I résume les principaux toxidromes.
Prise en charge du patient intoxiqué 263
Les intoxications volontaires sont souvent polymédicamenteuses, et les différents toxidromes sont alors intriqués. Dans ces cas, l’anamnèse et l’analyse toxicologique peuvent aider au diagnostic. À l’inverse, les intoxications accidentelles résultent dans la majorité des cas de l’exposition à un toxique unique (exception : fumées d’incendie).
La prise en charge thérapeutique Le traitement des intoxications aiguës associe un traitement symptomatique, une décontamination selon le mode d’exposition au toxique (digestive, cutanée, oculaire…) et, pour un petit nombre d’intoxications, un traitement spécifique, les antidotes. En urgence, il faut toujours veiller au traitement des défaillances vitales : – protection des voies aériennes et intubation en cas de coma ; – oxygénation au masque ou par ventilation artificielle en cas d’insuffisance respiratoire ; – oxygénothérapie et remplissage vasculaire en cas de choc ; – réchauffement en cas d’hypothermie ; – correction d’une hypoglycémie… Dans certains cas, le patient intoxiqué peut bénéficier en plus de traitements spécifiques, les antidotes (tableau II). Tableau II – Classification des antidotes selon leur mécanisme d’action. Antidotes à l’origine d’une modification de la cinétique du toxique par : q Réduction de la biodisponibilité : charbon activé pour les formes à libération prolongée q Redistribution extracellulaire du toxique : anticorps antidigoxine, immunotoxicothérapies antivenins, hydroxocobalamine pour le cyanure q Inhibition de la transformation du toxique en un métabolite toxique : fomézipole pour le méthanol et l’éthylène-glycol q Accélération de mécanismes de détoxication : N-acétylcystéine pour le paracétamol, phénobarbital pour les raticides AVK q Accélération de l’élimination du toxique sous forme inchangée : chélateurs des métaux lourds, diurèse alcaline, oxygénothérapie iso– et hyperbare pour le CO. Antidotes à l’origine d’une modification des effets du toxique par : q Compétition spécifique au niveau du récepteur : naloxone pour les opiacés, flumazénil pour les BZD, atropine pour les inhibiteurs des cholinestérases… q Réactivation d’une activité enzymatique : oximes pour les organophosphorés q Effet by-pass du récepteur membranaire : glucagon pour les bêtabloquants q Correction des effets périphériques du toxique : glucose pour l’insuline, traitements symptomatiques
Coma et examen neurologique ECG
Tachycardie
Hypotension (β+) Hypertension (OH), Tachycardie (β+)
Agitation, anxiété, mydriase tremblement, convulsion
Toxidrome adrénergique
Tachypnée, fièvre, sueurs
Sécheresse des muqueuses et de la peau
Diminution des BHA*, rétention d’urine
Hyperglycémie, hypokaliémie, acidose lactique
Trouble du rythme auriculaire ou ventriculaire
Tachycardie sinusale
Tachycardie sinusale
Paralysie respiratoire
Biologie
Tachycardie, hypertension
Toxidrome anticholinergique
Agitation, confusion, léthargie ++, coma
Fasciculation
Abdominal
Bradycardie +++
Respiratoire et cutané Vomissement, Bronchorrhée hyper sialorrhée, +++, miction et Hyperamylasémie Bradycardie sinusale bronchospasme défécation involontaires
Cardiovasculaire
Agitation, délire, hallucinations, mydriase, trouble de la conscience
Syndrome central
Toxidrome cholinergique Syndrome nicotinique
Syndrome Myosis muscarinique
Examen clinique
Tableau I – Description des principaux toxidromes et des toxiques à l’origine. Température
Ï
Ï
Atropine, datura, antidépresseurs polycycliques, antihistaminiques, antiparkinsoniens Éphédrine, Salbutamol, vasoconstricteurs rhino-pharyngés, cocaïne, amphétamines, LSD, théophylline
Normale ou Organophosphorés Ó Carbamates anticholinestérasiques
Toxique en cause
264 Réanimation et urgences
SDRA retardé
Hypotension ++, choc ++
Toxidrome myorelaxation
BHA : Bruits hydro-aériques ; IRS : Inhibiteur de recapture de la sérotonin
Effet stabilisant de membrane Coma, convulsions
Normale
Normal
Coma calme, hypotonie, diminution, abolition des ROT
Toxidrome opioïde
Bradypnée +++ Rétention Apnée d’urine
Bradycardie hypotension
Myosis +++, sédation, voire coma
Toxidrome sérotoninergique
Sueurs profuses, fièvre élevée
Tachycardie
Agitation, délire, coma, tremblements, trismus, convulsion, myoclonies, hypertonie,
Hypokaliémie Acidose lactique
Acidose respiratoire hypoxique
Rhabdomyolyse, cytolyse hépatique, CIVD
Trouble de conduction auriculoventriculaire et intraventriculaire, Tableau III asystole et trouble du rythme ventriculaire
Benzodiazépines, Zolpidem, Zopiclone, Méprobamate, alcool
Morphiniques : opiacés, méthadone, buprénorphine
Inhibiteurs du recaptage de la sérotinine Ï
Normale ou Ó
Normale ou Ó
Ï
Prise en charge du patient intoxiqué 265
266 Réanimation et urgences
Décontamination Digestive Le lavage gastrique, longtemps considéré comme un élément thérapeutique majeur dans la prise en charge précoce des intoxications, est pratiquement abandonné aujourd’hui. Il est remplacé par l’administration de charbon activé qui présente moins de complications que le lavage gastrique et est plus facile à réaliser et moins traumatisant pour le patient. La place de la décontamination digestive se limite désormais aux intoxications aiguës vues dans les 2 heures suivant l’ingestion, en l’absence de contre-indication (troubles de la conscience du sujet non intubé, instabilité hémodynamique, ingestion de caustiques, de composés volatils ou moussants). Passé ce délai, son efficacité n’est pas reconnue. Il faut préférer le charbon activé en dose unique (50 g chez l’adulte et 1 g/kg chez l’enfant sans dépasser 50 g) au lavage gastrique. Ce dernier n’est plus indiqué que pour les toxiques non adsorbés par le charbon : alcools, lithium, sels de fer et métaux lourds. Les vomissements provoqués sont dangereux, inefficaces et donc définitivement abandonnés.
Oculaire En cas de projection de substances irritantes ou caustiques selon la règle des 15 : laver au moins 15 min à 15 cm de la zone à irriguer avec une eau à au moins 15 °C. Le lavage est répété en cas de persistance des symptômes oculaires.
Cutanée En cas d’aspersion par des substances absorbées par voie cutanée, une décontamination par douche est indiquée après stabilisation du patient. Le déshabillage doit précéder la douche.
Prise en charge spécifique des intoxications Nous allons détailler la prise en charge spécifique des intoxications les plus courantes : BZD, méprobamate, antidépresseurs tricycliques, sels de lithium, phénobarbital, toxiques avec effet stabilisant de membrane, cocaïne, opioïdes, paracétamol, salicylés, bêtabloquants, digitaliques et monoxyde de carbone.
Prise en charge du patient intoxiqué 267
Intoxications par les psychotropes Lithium (Teralithe®) Clinique Le lithium est utilisé dans le traitement de la psychose maniaco-dépressive. Les manifestations cliniques et la gravité sont variables en fonction du type d’intoxication, qui peut être de trois sortes : – intoxication aiguë ; – surdosage chronique ; – intoxication aiguë sur fond de traitement chronique. Ces différences sont liées à la cinétique lente de distribution cérébrale du lithium. Les toxidromes sont différents selon le type d’intoxication : – intoxication aiguë du sujet non traité : troubles digestifs isolés (vomissement, diarrhée), sans trouble neurologique ; – surdosage : installation progressive en quelques jours du toxidrome neurologique ; – intoxication aiguë sur fond de traitement chronique : apparition retardée en quelques heures des signes neurologiques fréquemment associés à des convulsions. Le toxidrome est essentiellement neurologique, il est composé : – de tremblements, de fasciculations (à l’origine d’une écriture tremblante très caractéristique et d’une parole heurtée et bredouillante), de désorientation temporo-spatiale, de somnolence, et de dysarthrie ; – d’une encéphalopathie avec myoclonies, de convulsions, d’une hypertonie et d’un syndrome pyramidal qui se rajoutent dans les intoxications sévères. Il existe fréquemment une hypovolémie associée à une insuffisance rénale fonctionnelle. Les patients présentent souvent une diarrhée qui est la source d'une déshydratation extracellulaire. Le lithium peut induire des troubles hydroélectrolytiques et en particulier un diabète insipide néphrogénique qui se manifeste par l’apparition brutale d’une polyurie à densité urinaire basse et d’une hypernatrémie (> 145 mmol/l) non corrigés par l’administration d’équivalent de l’hormone antidiurétique. Les concentrations plasmatiques thérapeutiques de lithium sont comprises entre 0,8 et 1,2 mmol/l. Cependant, il n’existe pas de corrélation stricte entre gravité des signes cliniques et lithémie, car la toxicité neurologique est liée à la concentration de lithium intracellulaire dans le cerveau qui est mal reflétée par la concentration plasmatique. Thérapeutique Le traitement est symptomatique associé à une décontamination digestive par lavage gastrique précoce en respectant ses contre-indications. Le traitement symptomatique vise principalement à éviter les complications non spécifiques de l’encéphalopathie et des convulsions : intubation et ventilation assistée si
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encéphalopathie sévère ou convulsions, anticonvulsivants, réhydratation systématique par du NaCl 9 ‰ pour faciliter la clairance rénale du lithium. L’indication de l’hémodialyse sera discutée devant la coexistence de signes de gravité clinique (coma, convulsions) et une insuffisance rénale empêchant l’élimination du lithium. En effet le lithium est uniquement éliminé sous forme inchangée par le rein.
Benzodiazépines (Xanax®, Temesta®, Lexomil®, Valium®… et autres molécules dont les suffixes sont « épam » ou « olam ») Clinique Les BZD sont responsables d’un coma calme, hypotonique, hyporéflexique (syndrome de myorelaxation). Elles potentialisent fortement les effets sédatifs des autres psychotropes, y compris de l’éthanol. À la phase initiale peuvent apparaître une agitation ou des hallucinations. Le toxidrome associe à la phase d’état un coma calme qui peut être profond et une myorelaxation. La durée du coma dépend de la demi-vie de la BZD. Chez le sujet âgé, le coma est souvent peu profond, mais s’accompagne d’une myorelaxation importante avec encombrement pulmonaire. Il existe un risque d’IRA par obstruction des voies aériennes, en rapport avec l’hypotonie des muscles pharyngés. Les BZD sont détectées dans le sang ou les urines par des méthodes semi-quantitatives, l’extrême diversité des principes actifs ne permettant pas de dosage spécifique en routine. Ces tests de dépistage sont insuffisamment sensibles pour certaines BZD (oxazépam, triazolam) et peuvent ne révéler que des traces lors d’authentiques intoxications. Thérapeutique Le traitement est symptomatique, associé à une décontamination digestive par charbon activé en respectant les contre-indications. Le flumazénil (Anexate®), antagoniste spécifique des BZD sur les récepteurs GABA-ergiques A, peut être utilisé au cours des intoxications non compliquées pures ou prédominantes aux BZD, avec titration pour éviter un réveil brutal et un sevrage. Cet antidote est aussi efficace au cours des intoxications par zopiclone (Imovane®) ou zolpidem (Stilnox®). Il est contre-indiqué en cas de complication respiratoire nécessitant une ventilation mécanique et surtout en cas de co-ingestion de produits convulsivants (ex. antidépresseurs polycycliques). La dose de charge se fait par injections successives de 0,1 mg en intraveineuse lente, répétées toutes les 2 minutes sans dépasser 1 mg. Si l’on décide de recourir au flumazénil en perfusion continue, il faut surveiller de façon rapprochée les patients non intubés dont l’état de conscience peut se détériorer secondairement, la dose horaire en perfusion continue est généralement égale à la dose de charge ayant permis le réveil. Si l’on décide d’intuber le patient, la ventilation mécanique est alors habituellement de courte durée, sauf chez les sujets âgés ou en cas d’association à d’autres psychotropes.
Prise en charge du patient intoxiqué 269
Barbituriques : phénobarbital (Gardénal®) Clinique Le seul barbiturique qui possède encore une autorisation de mise sur le marché (AMM) est le phénobarbital. Le phénobarbital est à l’origine d’un toxidrome de myorelaxation associant : une dépression centrale profonde, avec coma, myorelaxation et hypoventilation alvéolaire. Le coma peut être précédé d’une période pseudo-ébrieuse. Il est plus prolongé que celui observé pour les BZD. L’EEG montre des ondes lentes non réactives pouvant être séparées par des périodes de silence électrique. En raison de sa durée, la fréquence des complications est élevée : hypothermie profonde, lésions cutanées de décubitus, rhabdomyolyse, embolie pulmonaire et pneumonie d’inhalation. Il existe une bonne corrélation entre la profondeur du coma et la barbitémie. Le phénobarbital possède un métabolisme hépatique avec cycle entéro-hépatique et une élimination rénale accrue par l’alcalinisation des urines qui réduit la réabsorption tubulaire des formes ionisées. Son puissant effet inducteur enzymatique nécessite le contrôle des concentrations des différents traitements annexes du patient (notamment anticonvulsivants, AVK et antituberculeux). Thérapeutique Le traitement est symptomatique, associé à une décontamination digestive en respectant les contre-indications. Le traitement symptomatique associe intubation, ventilation mécanique, réchauffement progressif en cas d’hypothermie et remplissage vasculaire si hypotension par hypothermie ou choc septique. L’intoxication par le phénobarbital est une indication de l’administration du charbon activé à doses répétées (25 g/8 h.) qui diminue de façon significative la demi-vie d’élimination du phénobarbital par rupture du cycle entéro-hépatique. La diurèse alcaline augmente la clairance rénale du phénobarbital. Pour maintenir un pH urinaire entre 7,5 et 8, il est recommandé d’alterner la perfusion de bicarbonate de sodium isotonique à 14 ‰, et de sérum salé isotonique avec des apports potassiques adaptés, pour un volume total de 3-6 l/24 heures par jour (100 ml/ kg/24 heures chez l’enfant).
Carbamate : méprobamate (Équanil®) Clinique L’intoxication par le méprobamate (Équanil®, Mépronizine®) est à l’origine dans 90 % des cas d’un toxidrome de myorelaxation associant coma et syndrome de myorelaxation et dans 10 % des cas d’un coma avec syndrome pyramidal. La profondeur du coma est fonction de la dose ingérée et de la tolérance individuelle. Cette intoxication peut se compliquer d’un collapsus à QRS fins sur l’ECG, de mécanisme multifactoriel : vasoplégie pour les faibles doses et cardiogénique pour les plus fortes. Il existe toujours une part de vasodilatation artérielle. L’absorption digestive du méprobamate est ralentie du fait de la
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formation de conglomérats gastriques, expliquant un allongement de sa demivie et une réaggravation secondaire possible du coma. La zone thérapeutique se situe entre 100-200 μmol/l, avec un risque de trouble de la conscience à partir de 250 μmol/l et des troubles hémodynamiques au-delà de 450 μmol/l. Thérapeutique Le traitement est symptomatique, associé à une décontamination digestive en respectant les contre-indications : intubation et ventilation mécanique si coma, remplissage vasculaire si hypovolémie, catécholamines si incompétence myocardique ou vasoplégie. Le traitement par charbon doit être entrepris même tardivement du fait de l’existence de conglomérats digestifs.
Antidépresseurs tricycliques : amitriptyline (Laroxyl®), clomipramine (Anafranil®), dosulépine (Prothianden®) ; tétracyclique : maprotiline (Ludiomil®) Clinique L’intoxication aux antidépresseurs tricycliques réalise un toxidrome complexe, composé : – d’un toxidrome anticholinergique (agitation, délire, hallucinations, mydriase, tachycardie sinusale, sécheresse muqueuse, rétention urinaire et abolition des bruits intestinaux) ; – d’un effet stabilisant de membrane (ESM) ; – d’un coma avec syndrome pyramidal pouvant se compliquer de convulsions ; – d’un syndrome sérotoninergique. Le réveil est progressif, marqué par une phase de confusion et de trémulations. La gravité de l’intoxication est liée aux troubles cardiovasculaires secondaires à l’ESM. Les tests immuno-enzymatiques de dépistage des antidépresseurs tricycliques sont peu spécifiques et nécessitent une confirmation par un dosage. Une réaction faussement positive peut être liée à la présence de phénothiazines ou de carbamazépines, alors qu’une réaction faussement négative est possible avec les antidépresseurs tétracycliques apparentés (Ludiomil®, Athymil®) qui possèdent la même cardiotoxicité. Les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine, qui n’ont pas de structure tricyclique, ne sont pas détectés par ces tests. Thérapeutique Le traitement est symptomatique, associé à une décontamination digestive en respectant ses contre-indications. Les convulsions nécessitent l’intubation du patient et l’administration intraveineuse d’une BZD. L’apport de sels molaires de sodium est nécessaire en cas d’effet stabilisant de membrane. Le recours aux catécholamines est nécessaire en cas de collapsus persistant. L’adrénaline est la catécholamine de choix. Comme toute intoxication avec effet stabilisant de membrane, en cas d’échec thérapeutique, l’assistance circulatoire par ECMO peut être discutée.
Prise en charge du patient intoxiqué 271
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine : fluoxétine (Prozac®), fluvoxamine (Floxyfral®), paroxétine (Deroxat®), citalopram (Séropram®), venlafaxine (Effexor®) Clinique Les inhibiteurs de recapture de la sérotonine sont des antidépresseurs largement prescrits en raison de leur moindre cardiotoxicité. Cela est vrai pour la majorité d’entre eux à l’exception du citalopram et de la venlafaxine qui peuvent induire un syndrome d’ESM potentiellement mortel. Les inhibiteurs de recapture de la sérotonine peuvent occasionner un toxidrome sérotoninergique, associant : – agitation, mydriase, hyperréflexie, convulsions et un coma hypertonique accompagné d’un trismus ; – myoclonies ; – sueurs profuses ; – tachycardie ; – hyperthermie qui peut être tellement élevée qu’elle induit une hyperthermie maligne. La venlafaxine et le citalopram possèdent un ESM, pouvant aggraver la cardiotoxicité et être responsable de troubles de conduction intra-ventriculaire et d’un état de choc cardiogénique. Thérapeutique Le traitement est symptomatique, associé à une décontamination digestive en respectant ses contre-indications. La survenue d’une hyperthermie menaçante nécessite alors une sédation, une curarisation, un refroidissement externe et l’administration d’un antidote, la cyproheptadine (Périactine®). L’apparition d’un ESM entraîne la mise en place de thérapeutiques spécifiques pouvant aller jusqu’à l’assistance circulatoire.
Cocaïne 45 La cocaïne par voie sniffée ou inhalée (« crack ») est responsable d’un toxidrome dose-dépendant. Toxidrome adrénergique alpha et bêta à dose récréative : associant agitation, convulsions, mydriase, sueurs profuses, tachycardie et HTA. Elle peut être responsable d’un syndrome coronarien aigu (douleur angineuse ou infarctus du myocarde) par vasoconstriction coronaire. L’intoxication à la cocaïne peut provoquer un AVC ischémique ou hémorragique. Toxidrome stabilisant de membrane à dose toxique : il existe un risque de coma convulsif, d’arythmie ventriculaire et d’état de choc mixte en raison d’un ESM. Le traitement est fondé sur la sédation des patients (BZD) et le contrôle de la pression artérielle (inhibiteurs calciques, labétalol, voire nitroprussiate de sodium). Seul le labétalol (Trandate®) doit être utilisé comme bêtabloquant car c’est un alpha/bêtabloquant, les bêtabloquants pouvant majorer la vasoconstriction coronaire.
272 Réanimation et urgences
Intoxications par analgésiques morphiniques Opioïdes naturels : codéine (Codoliprane®, Dicodin®), morphine (Skenan®) ; synthétiques : buprénorphine (Temgesic®, Subutex®), nalbuphine, fentanyl (Durogésic®, Actiq®), méthadone, dextropropoxyphène (Diantalvic®) 45 Clinique Elle résulte généralement chez un toxicomane d’une overdose à l’héroïne ou d’un mésusage d’un produit de substitution de l’héroïne (Subutex® ou méthadone). Elle peut aussi être liée, chez un patient insuffisant respiratoire ou hépatique, à un surdosage en morphinomimétique. Le tableau (toxidrome opioïde) associe coma hypotonique, myosis serré et bradypnée (fréquence respiratoire < 12/min). Le tramadol seul ne modifie pas la fréquence respiratoire mais des décès ont été rapportés de mécanisme encore incompris. La cyanose traduit l’intensité de l’hypoxie. En cas de polypnée ou de cyanose persistante sous oxygène, il faut suspecter une inhalation ou un OAP, de mécanisme mal élucidé. Seuls les opiacés naturels sont détectés par le dépistage immunoenzymatique urinaire. Les opioïdes de synthèse nécessitent une technique de dépistage ou de dosage spécifique. Thérapeutique Le traitement est symptomatique associé à une décontamination digestive en cas de prise orale en respectant les contre-indications. Le traitement symptomatique est fondé sur l’oxygénothérapie et l’assistance respiratoire. L’antidote est la naloxone (Narcan®), antagoniste des récepteurs mu opiacés. Il est administré en intraveineux, à la dose initiale de 0,2 à 0,8 mg, avec des injections titrées de 0,1 mg/min, jusqu’à obtention d’une fréquence respiratoire supérieure ou égale à 12/min, en évitant un réveil brutal suivi d’un sevrage. On poursuit avec une perfusion continue (environ la moitié de la dose initiale/ heure), en raison du risque d’apnée secondaire dû à la durée d’action brève de la naloxone (30 min), en comparaison avec celle des morphinomimétiques incriminés (morphine : 4 heures et méthadone : 25 heures). L’absence de réveil fait suspecter une prise associée d’autres psychotropes ou un coma postanoxique. Les manifestations toxiques de la buprénorphine ne sont pas antagonisées par la naloxone, en raison de la forte affinité de l’opioïde pour ses récepteurs. Les intoxications aiguës par le dextropropoxyphène peuvent se compliquer par un coma convulsif, une dépression respiratoire, une hypoglycémie, un choc cardiogénique avec troubles de la conduction et de l’excitabilité (bigéminisme et FV), par ESM. La correction du choc cardiogénique fait appel aux catécholamines. La dépression respiratoire n’est corrigée que par des doses élevées de naloxone. Les spécialités mixtes à base de codéine et de paracétamol doivent faire rechercher une intoxication associée par le paracétamol qui nécessite un traitement spécifique.
Prise en charge du patient intoxiqué 273
Paracétamol : Diantalvic®, Doliprane®, Propofan®, Dafalgan®, Efferalgan-codéiné®, Codoliprane® Clinique Le paracétamol (ou acetaminophen dans les pays anglo-saxons) a des propriétés antalgiques et antipyrétiques. La gravité de cette intoxication est liée au risque de survenue retardée d’une hépatite cytolytique, pour une dose ingérée de plus de 200 mg/kg, soit 10-15 g chez l’adulte. Ce risque augmente en cas d’hépatopathie sous-jacente (alcoolisme chronique), d’induction enzymatique (anti-épileptiques) ou de déplétion en glutathion (alcoolisme, dénutrition et traitement antirétroviraux). À dose toxique, le métabolisme hépatique du paracétamol (oxydation par la voie des cytochromes P450) aboutit à la production d’un métabolite toxique. En raison de réserves limitées en glutathion, la capacité de détoxication cellulaire est dépassée et ne peut empêcher l’apparition de radicaux libres responsables d’une nécrose des hépatocytes. À la phase précoce, le patient est asymptomatique ou présente des manifestations digestives non spécifiques et peu intenses. Cette symptomatologie faussement rassurante ne préjuge pas de l’évolution secondaire. Les facteurs pronostiques de l’intoxication sont la dose ingérée et la paracétamolémie interprétée sur le nomogramme de Rumack-Matthew en fonction du délai écoulé depuis l’ingestion. Ce nomogramme n’est utilisable qu’en connaissant précisément l’heure de l’ingestion, uniquement après une ingestion unique, au-delà de la quatrième heure, et ne tient pas compte des facteurs de sensibilité individuelle. Thérapeutique Le traitement est symptomatique, associé à une décontamination digestive en respectant les contre-indications. La N-acétylcystéine est recommandée en cas de risque possible ou probable d’hépatotoxicité. Le schéma intraveineux est le suivant : 150 mg/kg en 60 minutes en dose de charge, suivi de 50 mg/kg en 4 heures, puis de 100 mg/kg en 16 heures. La voie IV est indispensable en cas de troubles de la conscience, de troubles digestifs ou de prescription de charbon activé. La survenue de manifestations anaphylactoïdes (urticaire ou bronchospasme) est favorisée par l’administration rapide de la dose de charge. Le schéma per os en 72 heures est efficace, peu coûteux, facilité par un jus de fruit, mais limité par l’odeur répulsive de la N-acétylcystéine et les vomissements. En cas de coma, la prudence consiste à considérer toute intoxication au paracétamol comme potentiellement grave et à administrer l’antidote. En cas d’intoxication massive, il paraît légitime de poursuivre l’administration de la N-acétylcystéine à la dose de 300 mg/kg/j en perfusion continue jusqu’à disparition du paracétamol du plasma. Dans les cas vus tardivement avec cytolyse hépatique, le traitement est poursuivi jusqu’à la baisse des transaminases. En l’absence de traitement, les formes graves évoluent vers une insuffisance hépatocellulaire (astérixis, encéphalopathie, baisse du TP et du facteur V) et s’accompagnent d’une acidose lactique et/ou d’une insuffi-
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sance rénale par tubulopathie. L’insuffisance hépatocellulaire doit faire discuter l’indication d’une transplantation hépatique.
Acide acétylsalicylique (Aspegic®, Kardégic®) Clinique Chez l’enfant, il existe un risque dès que la dose quotidienne dépasse 50 mg/kg. Chez l’adulte la dose toxique est de l’ordre de 20 g. Le toxidrome salicylé est marqué par l’hyperventilation que le patient conscient ne peut contrôler. Les troubles respiratoires évoluent en trois phases de gravité croissante : – alcalose respiratoire pure par stimulation centrale ; – association à l’alcalose ventilatoire d’une acidose métabolique à trou anionique augmenté liée aux ions salicylates et à une acidocétose normoglycémique ; – acidose mixte due à l’épuisement respiratoire et au coma. Les autres symptômes associent nausées, vomissements, épigastralgies, hématémèse, fièvre, déshydratation globale extra– et intracellulaire, insuffisance rénale, trouble de l’agrégabilité plaquettaire et baisse du TP, facteurs d’hémorragie digestive. Il existe souvent une hypokaliémie. Une hypoglycémie peut être observée chez l’enfant, traduisant la déplétion du stock hépatique de glycogène. L’OAP n’est pas fréquent, de type lésionnel. L’apparition de troubles de la conscience est un signe de gravité chez l’enfant comme chez l’adulte. Une salicylémie supérieure à 500 mg/l signe une intoxication grave, et si elle est supérieure à 1 g/l une épuration extrarénale doit être envisagée. Selon l’âge, il est fondamental de distinguer deux formes : – chez l'adulte : la conscience est longtemps conservée ; plutôt qu'un coma, il s'agit d'une encéphalopathie ; les manifestations neurosensorielles sont intenses : bourdonnements d'oreilles, céphalées, vertiges et hypoacousie ; – chez l'enfant : la conscience est rapidement altérée, les convulsions sont fréquentes, la déshydratation est rapidement intense. La phase d'alcalose pure passe souvent inaperçue. Cette intoxication est grave même pour un surdosage modéré. Par ses signes cliniques (coma plus hyperpnée) et biologiques (acidocétose), cette intoxication peut évoquer une acidocétose diabétique, mais la glycosurie est nulle ou faible. Au moindre doute, la mesure de la salicylémie s’impose. Thérapeutique Le traitement est symptomatique, associé à une décontamination digestive en respectant ses contre-indications. Dans les formes de gravité moyenne ou sévère, il existe souvent une déshydratation qui sera corrigée. L’acidose métabolique sera traitée par bicarbonate de sodium si le pH artériel est inférieure à 7,20. Il faut veiller à la correction de la kaliémie. Les convulsions sont traitées par du diazépam. L’hyperthermie est traitée par refroidissement externe (enveloppements humides, glaçage).
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Les indications d’une ventilation assistée au cours d’une intoxication salicylée peuvent résulter d’une acidose mixte qui traduit l’épuisement respiratoire, d’un trouble de la conscience ou de convulsions. L’alcalinisation des urines a pour but d’obtenir un pH urinaire supérieur ou égal à 8. Cela est obtenu par l’administration de 500 ml de bicarbonate isotonique en 2 heures qui sera répétée selon la surveillance du pH urinaire.
Intoxications par les cardiotropes Effet stabilisant de membrane (ESM) Clinique La survenue et la gravité de l’ESM sont variables selon la molécule et la dose ingérée. La flécaïne est l’un des antiarythmiques dont l’ESM est le plus puissant. L’ESM est consécutif à une inhibition des canaux sodiques responsables du courant entrant rapide lors de la phase 0 du potentiel d’action. Il en découle une augmentation des seuils d’excitabilité, une diminution de la capacité de conduction et de l’automaticité. De nombreux médicaments possèdent un ESM (tableau III), à doses thérapeutiques ou toxiques, à l’origine d’un toxidrome associant des troubles cardiovasculaires, neurologiques, respiratoires et métaboliques. Tableau III – Toxiques avec effet stabilisant de membrane. Antiarythmiques de la classe I de Vaughan-Williams : quinidine, lidocaïne, phénytoïne, cibenzoline, procaïnamide, disopyramide, flécaïnide, propafénone Certains bêtabloquants : propranolol, acébutolol, nadoxolol, pindolol, penbutolol, labétalol, métoprolol et oxprénolol Anxiolytiques : hydroxyzine Antidépresseurs polycycliques : amitriptyline, imipramine, clomipramine, dosulépine, maprotiline Carbamazépine Phénothiazines : particulièrement la thioridazine Opioïdes : dextropropoxyphène, tramadol Antipaludéens : chloroquine, quinine Cocaïne IRS : Venlafaxine, citalopram IRS : Inhibiteur de recapture de la sérotonine.
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Le coma est volontiers convulsif. Il est plus rare lors des intoxications par antiarythmiques et bêtabloquants. La dépression respiratoire liée au coma est habituellement modérée, en l’absence de médicament associé. Il s’y associe dans les formes graves une part d’acidose métabolique du type lactique, une hypokaliémie de transfert, précoce et transitoire. Le diagnostic de la présence d’un ESM se fait sur l’ECG, différents aspects sont possibles de gravité croissante : – aplatissement diffus des ondes T : signe le plus précoce ; – allongement modéré du QT : non spécifique et précoce ; – élargissement du QRS (à mesurer en D2) par bloc intraventriculaire ; – trouble du rythme ventriculaire : extrasystoles, tachycardie ou FV. À ces modifications électrophysiologiques s’associe un collapsus essentiellement cardiogénique, mais avec souvent une composante de vasoplégie artérielle. Trouble de conduction à type de bloc auriculo-ventriculaire. Thérapeutique Le traitement est symptomatique, associé à une décontamination digestive en respectant ses contre-indications. Le traitement symptomatique des effets cardiovasculaires comporte : – la mise sous oxygène ; – la pause de deux voies veineuses ; – un remplissage vasculaire par cristalloïdes ou colloïdes en cas de choc ; – l’administration de bicarbonate ou de lactate de sodium molaire en cas de complexes QRS larges (> 0,12 s) et de collapsus (fig. 1). – le recours aux catécholamines qui doit être précoce. La catécholamine de référence est l’adrénaline ; – l’entraînement électrosystolique qui est inefficace en cas de trouble de la conduction intraventriculaire ou auriculo-ventriculaire ; – l’hypokaliémie qui résulte d’un transfert ne nécessite pas de correction. – la discussion de l’indication de l’assistance circulatoire, lors de ces intoxications graves par médicament à ESM, réfractaires au traitement médical.
Bêtabloquant : propranolol (Avlocardyl®), acébutolol (Sectral®) et autres molécules dont le suffixe est « olol » Clinique Le toxidrome bêtabloquant associe des perturbations ECG, hémodynamiques et métaboliques : L'ECG montre une bradycardie sinusale, des blocs auriculo-ventriculaires éventuellement de degré élevé, un bloc sino-auriculaire. Le rythme cardiaque peut être d'origine sinusale, jonctionnelle ou ventriculaire d'échappement. Des complexes QRS larges peuvent traduire soit un rythme ventriculaire d'échappement, soit un effet stabilisant de membrane. La survenue d'une asystole est imprévisible. Dans quelques cas, flutter ou FV. Soixante-dix pour cent des arrêts
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cardiaques au cours des intoxications par les bêtabloquants surviennent dans les 24 heures après hospitalisation. Un collapsus d'origine cardiogénique peut exister. Ce choc cardiogénique induit par les bêtabloquants peut s'observer même lorsque le rythme est sinusal. Dans certains cas, un ESM peut s'associer à l'effet bêtabloquant. Il existe un risque d’hypoglycémie ainsi qu'un risque d'hyperkaliémie (relativement rare) cependant en présence d’un état de choc, la lactacidémie peut être faussement normale. L’hypoperfusion tissulaire périphérique est évaluée sur l’élévation progressive de la créatininémie. La gravité de l’intoxication dépend de l’association à d’autres cardiotropes et de l’état myocardique sous-jacent. Le sotalol (Sotalex®) doit être considéré comme un anti-arythmique de la classe III de Vaughan-Williams exposant à un risque de torsade de pointes sur bradycardie. Thérapeutique Le traitement est symptomatique, associé à une décontamination digestive en respectant ses contre-indications. Le traitement associe une surveillance ECG constante sous scope et une surveillance rapprochée de la pression artérielle. Il existe des formes à libération prolongée de bêtabloquants qui peuvent bénéficier de doses répétées de charbon activé. Devant une bradycardie sinusale sans hypotension, il faut tester l’effet de l’atropine 0,5 à 1 mg. Celle-ci est rarement efficace, mais l’absence d’efficacité doit être considérée comme ayant une valeur diagnostique en faveur d’une intoxication par bêtabloquant. Lorsqu'il existe une hypotension ou un collapsus avec une FC basse, le traitement de première intention est la dobutamine, voire l’isoprénaline. En l’absence d’efficacité, il faut tester l’effet du glucagon (de 1 à 5 mg en bolus par voie veineuse suivi d’une perfusion continue de 2-5 mg/h en cas d’efficacité). En cas d’intoxication par bêtabloquants présentant un ESM et devant un aspect de bloc intraventriculaire, il est recommandé d’administrer du bicarbonate ou du lactate de sodium molaire. Si le QT est long et qu’il existe une torsade de pointes (comme avec le sotalol), une vérification de la kaliémie, ainsi qu’une accélération de la fréquence cardiaque par isoprénaline sont nécessaires. Devant un état de choc réfractaire à un traitement médical bien conduit, l’assistance circulatoire périphérique (ECMO veino-artérielle) est salvatrice, même lors d’un arrêt cardiaque prolongé réanimé, en raison de l’ESM.
Digitaliques : digoxine (Digoxine®, Hemigoxine®), digitoxine (Digitaline®) Clinique Elle résulte d’une ingestion suicidaire ou d’un surdosage facilité chez le sujet âgé par une altération de la fonction rénale. Le toxidrome digitalique associe : – des troubles digestifs (surtout vomissements) ;
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– des troubles neurosensoriels (flou visuel, dyschromatopsie, scotomes), confusion ; – des anomalies cardiovasculaires qui apparaissent à partir de la sixième heure et font la gravité du tableau clinique. Elles sont liées à l’inhibition de l’ATPase membranaire des cellules myocardiques avec augmentation de l’automaticité, baisse de la vitesse de conduction et de la période réfractaire ainsi qu’à une déplétion potassique intracellulaire. À l’ECG, on retrouve : • un bloc sino-auriculaire ou un bloc auriculo-ventriculaire, • des extrasystoles, une tachycardie ventriculaire ou jonctionnelle pouvant se dégrader en FV, • des troubles de la repolarisation. Des douleurs abdominales intenses doivent faire suspecter des complications digestives, notamment une ischémie mésentérique. Les décès surviennent par FV (65 % des cas), asystolie (25 %) ou insuffisance circulatoire (10 %). Les facteurs de gravité sont : – un âge supérieur à 55 ans ; – le sexe masculin ; – une cardiopathie préexistante ; – une bradycardie réfractaire à l’injection d’atropine ; – la survenue d’un bloc auriculo-ventriculaire quel que soit son degré ; – l’existence d’une hyperkaliémie supérieur à 4,5 mmol/l. La durée du tableau toxique dépend des propriétés cinétiques du digitalique. La demi-vie sérique de la digoxine (Digoxine®, Hémigoxine®) est de 30 heures avec élimination rénale et celle de la digitoxine (Digitaline®) de 110 heures avec élimination biliaire et cycle entéro-hépatique. Le dosage plasmatique ne doit pas retarder la mise en route de l’immunothérapie lorsque l’indication est portée. Thérapeutique Le traitement est symptomatique, associé à une décontamination digestive en respectant ses contre-indications. Le patient suspect d’intoxication doit être admis en réanimation. La décontamination intestinale est effectuée dans l’heure suivant l’ingestion et renouvelée toutes les 8 heures pour la digitoxine. En cas de bradycardie, il faut administrer rapidement de l’atropine à la dose de 1 mg en IV, en la répétant si nécessaire. L’objectif est de maintenir une FC supérieure ou égale à 60/min pour éviter l’asystole ou les troubles du rythme ventriculaire par réentrée. Les antiarythmiques sont inefficaces et les catécholamines contre-indiquées, le traitement d’une hypokaliémie est une urgence car elle augmente le risque de trouble du rythme malin. Les fragments Fab d’anticorps spécifiques antidigoxine (Digidot®, Digibind®) représentent le traitement de première intention après échec de l’atropine. La correction de l’hyperkaliémie et des anomalies ECG est obtenue en 1-4 heures voire moins selon la vitesse de perfusion. Une neutralisation équimolaire est indiquée en cas de menace vitale, un traitement semi-molaire s’il existe des facteurs de mauvais pronostic.
Prise en charge du patient intoxiqué 279
Monoxyde de carbone (CO) Clinique C’est la première cause de mort toxique domestique en France. Le CO est un gaz inodore, incolore et non irritant, produit par toute combustion incomplète, en l’absence d’oxygène. Les sources principales d’émission de CO sont les chauffe-eaux défectueux, le chauffage au gaz, les feux de bois, les gaz d’échappement de voiture et les fumées d’incendie. Le CO se lie à l’hémoglobine et forme la carboxyhémoglobine (HbCO) à l’origine de l’hypoxie tissulaire à PaO2 normale. Les tissus les plus sensibles à l’hypoxie sont le cerveau et le cœur. Les manifestations cliniques sont protéiformes et non spécifiques, expliquant la difficulté du diagnostic en l’absence d’anamnèse évidente. Cependant, on peut retenir quatre toxidromes selon la gravité neurologique : – asymptomatique ; – mineur : céphalées, vertiges, vomissement et asthénie ; – modéré : confusion, trouble du comportement ; – sévère : perte de connaissance, coma, convulsions. Les paramètres vitaux circulatoires et respiratoires sont initialement normaux. Une insuffisance coronaire aiguë (angor ou infarctus du myocarde) est possible même en l’absence d’antécédents préalables. Le syndrome postintervallaire se définit par l’apparition, après un intervalle libre, de manifestations parfois graves dans un délai pouvant atteindre 30 jours après l’exposition. Il est lié à la démyélinisation de certains noyaux gris centraux cholinergiques et peut aboutir à un syndrome pyramidal ou surtout extrapyramidal, des mouvements anormaux, une démence, une cécité corticale ou un mutisme akinétique. Des anomalies neuropsychiques séquellaires peuvent persister. Il existe chez la femme enceinte un risque élevé de mort fœtale in utero, en raison de la plus forte affinité du CO pour l’hémoglobine F et de la demi-vie prolongée du complexe. Le diagnostic d’intoxication oxycarbonée est affirmé par la mesure du taux de carboxyhémoglobine dans le sang veineux (HbCO normale < 5 % chez le non-fumeur et ≤ 10 % chez le fumeur), interprétée en fonction du délai écoulé depuis la fin de l’exposition et de l’éventuelle administration d’oxygène par les premiers secours. Les gaz du sang montrent une PaO2 normale avec une SaO2 mesurée abaissée et, plus rarement, dans les cas graves, une acidose lactique modérée. Thérapeutique Le traitement est l’oxygénothérapie à haut débit pendant au moins 12 heures L’oxygénothérapie hyperbare (OHB) est indiquée en cas de perte de connaissance, de déficit neurologique focal, d’insuffisance coronaire et systématiquement chez les femmes enceintes. Les contre-indications de l’OHB sont les troubles du rythme ventriculaire, l’OAP mal contrôlé et le pneumothorax. Avant la sortie du patient de l’hôpital, il faut alerter le bureau d’hygiène de la
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DDASS et mettre en place une prise en charge sociale. Tout patient intoxiqué par le CO doit être revu en consultation dans le mois qui suit, pour conclure définitivement à l’absence de séquelles.
Conclusion La prise en charge des patients intoxiqués nécessite une connaissance de la pharmacologie des toxiques en cause, pour évaluer le temps de surveillance (pharmacocinétique), et pour adopter les stratégies de monitorage et de traitement (pharmacodynamie). Cependant, les intoxications sont souvent complexes, associant effets toxiques et complications non spécifiques, surtout lors des comas toxiques. L’approche clinique est essentielle pour reconnaître et traiter ces complications. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’un patient intoxiqué est souvent un patient dépressif, nécessitant une évaluation psychiatrique spécifique en cas de tentative de suicide, ou une déclaration d’accident de travail en cas d’intoxication accidentelle professionnelle.
Traumatologie et déchocage L. Gergelé et J.-S. David
Item
N° 201. Évaluation de la gravité et recherche des complications précoces • chez un brûlé • chez un polytraumatisé • chez un traumatisé abdominal • chez un traumatisé cranio-facial • chez un traumatisé des membres • chez un traumatisé thoracique • devant une plaie des parties molles
201 Les traumatismes sont responsables de plus de 48 000 décès par an en France. Ils constituent la troisième cause de mortalité globale et la première cause de mortalité chez les patients âgés de 18 à 40 ans. Cette mortalité survient essentiellement dans les premières heures de prise en charge de complications neurologiques, hémorragiques ou respiratoires. La rapidité de la réalisation du bilan et de la mise en route des thérapeutiques conditionne le pronostic. L’accueil des polytraumatisés nécessite donc des équipes pluridisciplinaires (anesthésistes-réanimateurs, radiologues et chirurgiens) qui doivent être rodées à la prise en charge de ce type de patient. Cette prise en charge fait appel à un plateau technique complet disponible 24 heures sur 24 heures capable de réaliser un bilan étiologique et une prise en charge thérapeutique adaptée.
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Définition du polytraumatisé (critères de Vittel) La définition classique du patient polytraumatisé est un blessé porteur de plus de deux lésions traumatiques dont au moins une menace le pronostic vital. L’impossibilité de poser le diagnostic de polytraumatisé avant d’avoir réalisé un bilan exhaustif des lésions nécessite de considérer tout patient victime d’un traumatisme violent comme polytraumatisé jusqu’à preuve du contraire. Les circonstances de l’accident autant que les lésions apparentes doivent ainsi être prises en compte lors de la prise en charge initiale. L’évaluation de la gravité initiale repose sur l’analyse de cinq facteurs détaillés dans le tableau I. Mis à part les critères liés au terrain qui doivent être évalués individuellement, la présence d’un seul critère suffit à considérer le patient comme polytraumatisé et à le prendre en charge dans une filière spécifique. Tableau I – Critères de Vittel (congrès des SAMU 2002). Cinq étapes d’évaluation Variables physiologiques
Critères de gravité n Score de Glasgow < 13 n Pression artérielle systolique < 90 mmHg n Saturation en O2 < 90 %
Éléments de cinétique
n Éjection d’un véhicule n Autre passager décédé dans le même véhicule n Chute > 6 m n Victime projetée ou écrasée, blast n Appréciation globale (déformation du véhicule, vitesse estimée, absence de casque, absence de ceinture de sécurité)
Lésions anatomiques
n Trauma pénétrant de la tête, du cou, du thorax, de l’abdomen, du bassin, du bras ou de la cuisse n Volet thoracique n Brûlure sévère, inhalation de fumées associée n Fracas du bassin n Suspicion d’atteinte médullaire n Amputation au niveau du poignet, de la cheville, ou au dessus. n Ischémie aiguë de membre
Réanimation préhospitalière
Terrain (à évaluer)
n Ventilation assistée n Remplissage > 1 000 ml de colloïdes n Catécholamines n Pantalon antichoc gonflé n Âge > 65 ans n Insuffisance cardiaque ou coronarienne n Insuffisance respiratoire n Grossesse (2e et 3e trimestres) n Trouble de la crase sanguine
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Mortalité chez le polytraumatisé Chronologie Les décès secondaires à un polytraumatisme surviennent pour : – 50 % dans la première heure ; – 30 % dans les premières 24 heures ; – 20 % au-delà de la vingt heure.
Étiologies Choc hémorragique = 50 % Traumatisé crânien = 40 % Autre = 10 % Les hémorragies graves sont à l’origine d’un état de choc qui se traduit cliniquement par une chute de la pression artérielle, responsable d’une hypoxie tissulaire, qui entraîne une déviation du métabolisme vers le métabolisme anaérobie générant ainsi la production d’acide lactique. Lorsque l’état de choc hémorragique se prolonge, en particulier en l’absence de réanimation adaptée, une triade dite létale se développe et comprend : coagulopathie, acidose, hypothermie.
Concept de morts évitables La mortalité évitable (jusqu’à 30 % dans certaines séries nord-américaines) correspond à des patients qui décèdent au-delà de la première heure et qui auraient pu être sauvés. Les causes de décès évitables sont : – les indications chirurgicales non posées : 48 % ; – Le délai avant la chirurgie : 40 % ; – l’erreur de réanimation : 10 % ; – Les lésions non diagnostiquées : 8 %.
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La somme fait plus de 100 % car un patient décédé peut appartenir à plusieurs catégories.
Les étiologies des décès évitables permettent de comprendre l’importance d’une prise en charge initiale rapide et efficace. C’est ainsi que le concept de golden hour a été développé en traumatologie. Pendant cette golden hour qui correspond à la première heure de prise en charge, un bilan exhaustif des lésions doit être réalisé, les abords vasculaires nécessaires à la réanimation mis en place et les grands axes de la prise en charge thérapeutique doivent être définis et dans la mesure du possible initiés. Il s’agit d’une véritable course contre la montre.
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Prise en charge préhospitalière Tout polytraumatisé doit être considéré comme ayant une lésion vertébromédullaire jusqu’à la réalisation du bilan radiologique. L’axe tête-cou-troncbassin doit donc toujours être respecté et le patient mobilisé en monobloc avec une légère traction cranio-caudale. En France, la prise en charge préhospitalière est réalisée par les SAMU et les SMUR. Il s’agit d’une prise en charge médicalisée qui consiste à « amener l’hôpital » vers le patient. L’intérêt principal de cette prise en charge médicalisée est de pouvoir débuter au plus vite la réanimation, et ainsi de limiter les conséquences d’un état de choc et en particulier de retarder l’apparition de la triade létale (acidose, coagulopathie, hypothermie). Un travail français multicentrique très récent vient ainsi de montrer que la médicalisation préhospitalière des traumatisés sévères par les SAMU-SMUR permettait de réduire la mortalité.
Accueil Une communication étroite entre le médecin en charge du déchocage et le médecin régulateur du SAMU est indispensable à la bonne orientation du polytraumatisé. La connaissance précise du niveau de gravité du patient avant son arrivée à l’hôpital permet de préparer les différents intervenants (anesthésistesréanimateurs, chirurgiens et radiologues). À l’arrivée au déchocage, l’orientation du patient sera fonction de son état clinique et des résultats des bilans clinique, biologique et d’imagerie.
Conditionnement initial et bilan diagnostique Équipement Les patients polytraumatisés présentant des signes d’instabilité hémodynamique doivent bénéficier de la mise en place d’abords vasculaires adaptés à une éventuelle transfusion massive et/ou à la perfusion d’amines vasopressives dès le début de la prise en charge hospitalière en salle de déchocage. Ces abords vasculaires centraux de gros calibre (de 12 à 14 G) doivent être mis en place par voie fémorale. Pour améliorer le monitorage de la pression artérielle, un cathéter artériel sera également mis en place par voie fémorale. Les abords intra-osseux constituent une alternative intéressante en cas de difficultés d’abords vasculaires.
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Bilan biologique Concernant le bilan biologique d’entrée, il doit être standardisé en fonction du niveau de gravité. Les indications de recherche de prise de toxique doivent être larges. Les bons d’examens doivent être préremplis et des filières de prise en charge au laboratoire doivent exister afin de diminuer les délais.
Bilan à réaliser au déchocage de manière systématique n Hémogramme n Gazométrie artérielle avec lactate n INR, TCA, Fibrinogène n Dosage des bêta-HCG chez la femme n Groupages sanguins 1 et 2, RAI en âge de procréer n Ionogramme sanguin n Analyses toxicologiques à adapter à n Bilan hépatique et pancréatique chaque patient Au lit du malade, l’utilisation de technique de mesure de l’hémoglobine du type Hemocue® permet d’obtenir en quelques secondes à partir d’une goutte de sang la valeur de l’hémoglobine. La réalisation de cet examen à l’arrivée du patient et sa répétition au décours de la prise en charge constituent une aide précieuse à la conduite des transfusions sanguines.
Imagerie (fig. 1) Le bilan initial repose sur trois examens principalement : – la radiographie thoracique oriente le diagnostic devant une détresse respiratoire (pneumothorax, hémothorax…). Elle est systématique ; – la radiographie de bassin, systématique, permet le diagnostic des fractures de bassin pouvant être à l’origine de syndrome hémorragique grave ; – la FAST Écho (focused abdominal sonography for trauma) recherche un épanchement (synonyme d’hémorragie) intra-abdominal et/ou intrathoracique. Le Doppler transcrânien est un examen non invasif et rapide qui permet d’évaluer le débit sanguin cérébral Ë dépistage rapide des patients avec hypertension intracrânienne et nécessitant des traitements spécifiques (mannitol, sérum salé hypertonique…). La radiographie du rachis cervical (face + profil) n’est plus réalisée en première intention ; elle est désormais remplacée par le scanner cervical. En attendant la réalisation de cet examen, l’axe tête-cou-tronc-bassin devra être respecté lors des mobilisations du patient. Une fois le patient stabilisé sur le plan hémodynamique et équipé des abords vasculaires adéquats, le bilan initial devra être complété par un scanner corps entier (body-scanner). Le scanner corps entier doit être systématique chez tout patient présentant un traumatisme sévère (critères de Vittel). Un travail récent publié dans le
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Lancet vient ainsi de montrer que les patients traumatisés victimes d’un traumatisme sévère et ayant bénéficié d’un body-scanner avait une meilleure survie que ceux n’ayant eu que des scanners d’une partie du corps. En l’absence de traumatisme sévère tel que défini précédemment et en cas de perte de connaissance initiale et/ou d’amnésie des faits, le scanner cérébral et le scanner cervical sont systématiques. Actuellement, vu la disponibilité des scanners, la rapidité et l’exhaustivité de cet examen, la majorité des patients admis au déchocage bénéficie d’un bilan lésionnel par body-scanner.
Arrivée au déchocage Stabilité hémodynamique ? OUI
NON
• Bilan standard : biologie + imagerie (RP, bassin, FAST Écho, Doppler transcrânien) • Mise en place éventuelle de nouveaux abords vasculaires (type et calibre en fonction du tableau clinique)
• Bilan standard : biologie + imagerie (RP, bassin, FAST Écho, doppler transcrânien) • Mise en place voie veineuse centrale en fémoral (12-14 gauges) + cathéter artériel (< 30 minutes)
• Bilan lésionnel complémentaire (TDM, échographie, radios)
Avec le bilan initial : Étiologie de l’hémorragie ?
OUI
Systématiquement Les petits gestes qui sauvent : Suture des plaies, tamponnement des épistaxis, réchauffement (couverture chauffante)…
Plusieurs sites hémorragiques = discussion collégiale de la prise en charge thérapeutique (bloc, embolisation…)
NON
Gestes hémostatiques de sauvetage avant bilan lésionnel complet
Fig. 1 – Stratégie de prise en charge au déchocage.
Scanner corps entier à la recherche de l’origine de l’hémorragie et choix du geste hémostatique
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Traitement symptomatique des détresses vitales Collapsus Les étiologies de collapsus au déchocage sont : – l’hémorragie (la plus fréquente) ; – la tamponnade (gazeuse et/ou hémorragique) ; – la contusion myocardique avec incompétence myocardique ; – la lésion médullaire. La prise en charge de ces hypotensions est donc fonction de la cause :
L’hémorragie Elle constitue la première étiologie d’instabilité hémodynamique. Elle est à l’origine d’une hypovolémie et sera prise en charge par un remplissage vasculaire. Initialement par des solutés de remplissage (perfusion de cristalloïdes et/ ou colloïdes) puis dans un second temps si cela est nécessaire par des produits sanguins. La persistance du collapsus malgré remplissage et transfusion peut nécessiter l’utilisation d’amines vasopressives du type noradrénaline. Les objectifs tensionnels en cas de choc hémorragique sont une pression artérielle systolique supérieure à 80 mmHg en l’absence de lésions neurologiques. Parallèlement à ces thérapeutiques « symptomatiques », l’urgence dans un état de choc hémorragique est de stopper l’hémorragie.
Les pathologies intrathoraciques Plusieurs d’entre elles peuvent générer une instabilité tensionnelle en l’absence d’hypovolémie : – pneumothorax suffocant ; – hémothorax compressif ; – épanchement péricardique. Le diagnostic de ces anomalies tensionnelles d’origine intrathoracique et le choix des thérapeutiques seront dictés par la radiographie thoracique et l’échocardiographie au déchocage puis le scanner lorsqu’il est réalisable.
Les contusions myocardiques Elles seront suspectées sur les données de l’ECG et les valeurs de troponine plasmatique. Le diagnostic sera confirmé par l’échocardiographie. En cas de répercussion hémodynamique (insuffisance cardiaque), le traitement sera l’administration d’inotrope positif (dobutamine).
288 Réanimation et urgences
Les lésions médullaires Elles sont à l’origine d’une sympatholyse brutale entraînant une vasoplégie souslésionnelle qui est responsable d’une hypovolémie relative et donc d’un collapsus. Le traitement consiste en un remplissage vasculaire modéré associé si nécessaire à l’administration d’amines vasoconstrictives du type noradrénaline.
Neurologique Les lésions initiales ne conditionnent pas à elles seules le pronostic. Sur des séries d’autopsie, plus de 80 % des patients victimes d’un traumatisme crânien présentent des lésions ischémiques secondaires qui vont altérer le pronostic. Le principal défi dans la prise en charge des patients victimes d’un traumatisme crânien (et/ou médullaire) est donc de limiter au maximum les ACSOS (agressions cérébrales secondaires d’origine systémique). Pour ce faire, il faut essayer de normaliser l’ensemble des paramètres hémodynamiques, respiratoires et métaboliques pour tendre vers le « tout normal ».
Respiratoire L’oxygénothérapie est systématique à la phase aiguë de la prise en charge du polytraumatisé. En cas de dégradation respiratoire, l’intubation précoce est la règle. Indication d’intubation : – détresse respiratoire ; – protection des voies aériennes (troubles de conscience, épistaxis majeur…) ; – traumatisme crânien sévère (score de Glasgow ≤ 8) ; – choc hémorragique sévère si trouble de conscience associé et/ou atteinte thoracique ; – douleurs résistantes à une analgésie bien conduite. En traumatologie, les étiologies d’insuffisance respiratoire aiguë précoce sont : – l’hypoventilation d’origine centrale sur des troubles de conscience ; – l’obstruction des voies aériennes ; – le traumatisme pariétal (fractures de côtes avec hémopneumothorax) ; – l’altération du parenchyme pulmonaire (syndrome de Mendelssohn, contusion pulmonaire, œdème pulmonaire, embolie gazeuse) ; – le traumatisme diaphragmatique ; – les plaies trachéales.
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Hémostase Il existe deux moyens de réaliser l’hémostase en cas d’hémorragie active : la chirurgie et la radiologie interventionnelle (embolisation).
Hémostase chirurgicale La solution chirurgicale s’adresse principalement aux hémorragies intra-abdominales et/ou intrathoraciques.
Hémostase radiologique L’embolisation est une procédure de radiologie interventionnelle au cours de laquelle est réalisée une occlusion de l’artère responsable de l’hémorragie en amont de la lésion. Cette occlusion peut être provisoire (utilisation de Curaspon®) ou irréversible (utilisation de coils). L’indication de choix en est l’hémorragie artérielle d’origine rétropéritonéale et particulièrement les hémorragies sur fractures du bassin ou les hémorragies de certains traumatismes hépatiques. Presque tous les sites hémorragiques peuvent bénéficier d’un traitement endovasculaire à l’exception des hémorragies d’origine mésentérique.
Choix d’une technique Le choix entre le traitement endovasculaire et le traitement chirurgical devant une hémorragie grave doit être discuté au cas par cas en fonction du ou des sites hémorragiques et de l’état du patient. Ce choix est le résultat d’une discussion collégiale entre anesthésiste-réanimateur, radiologue et chirurgien.
Contrôle des troubles de la coagulation Dans les cas d’hémorragie grave, des troubles de la coagulation apparaissent rapidement. Ces troubles de coagulation s’expliquent à la fois par la perte et la consommation des facteurs de coagulation, mais aussi par leur dilution par les solutés de remplissage. Le contrôle du processus hémorragique passe par l’arrêt de l’hémorragie (chirurgie et/ou radiologie interventionnelle), mais aussi par une réanimation optimale visant à prévenir et à corriger les troubles de coagulation.
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L’une des principales règles pour éviter le développement d’une coagulopathie est la transfusion d’autant d’unités de plasma que de concentrés globulaires. On transfusera rapidement des plaquettes (au-delà de 6 CGR [concentré de globules rouges] transfusés). En parallèle de la transfusion, il sera indispensable de lutter contre les facteurs favorisant l’apparition ou le développement d’une coagulopathie : hypothermie (réchauffement du patient) et acidose métabolique (correction de l’état de choc, bicarbonate de sodium). Les objectifs de la transfusion sont de maintenir une hémoglobinémie supérieure à 8 g/dl, un TP supérieure à 40 %, des plaquettes supérieures à 50 g/l et un fibrinogène supérieur à 1 g/l. Dans les cas d’hémorragies incontrôlées malgré une hémostase optimale chirurgicale et/ou radiologique, il est possible de recourir au facteur VII activé (Novoseven®). La place de ce médicament en traumatologie n’est pas encore complètement définie et son coût est très élevé.
Analgésie et anxiolyse La prise en charge de la douleur physique et psychique doit faire partie des priorités au déchocage. Le recours aux antalgiques de palier III (morphiniques) est souvent nécessaire. En cas de difficultés à contrôler la douleur, il est parfois nécessaire de recourir à l’anesthésie générale pour pouvoir réaliser un bilan lésionnel de qualité.
Conclusion Près de 20 % des décès pourraient être évités par une meilleure prise en charge tenant compte des recommandations actuelles. La bonne orientation initiale ainsi qu’une gestion standardisée et protocolisée sont indispensables pour améliorer la survie et diminuer la morbidité chez les patients polytraumatisés.
Prise en charge des brûlures graves P. Jault, L. Bargues, T. Leclerc et H. Le Bever
Introduction et définition La brûlure est une destruction traumatique de la peau (épiderme et derme) pouvant s’étendre aux tissus sous jacents (hypoderme, plan profond ostéomusculaire). La gravité dépend : • de la surface ; • de la localisation ; • de la profondeur ; • du terrain du patient ; • des lésions associées (intoxications et traumatismes). Cette gravité est évaluée par des scores cliniques spécifiques. Les causes de brûlures sont : – thermiques (90 % des brûlures). Les lésions dépendent de la durée d’exposition et de la température ; – électriques (de 5 à 7 % des brûlures). Les lésions musculaires sont au premier plan, et les troubles du rythme cardiaque en font la gravité ; – chimiques (de 3 à 5 % des brûlures). Le pronostic vital est liée à la diffusion systémique de l’agent chimique ; – mécaniques (moins de 3 %). Ce sont des décollements cutanés traumatiques, profonds étendus ; – autres : accidents d’exposition aux rayonnements ionisants, toxicité médicamenteuse avec décollement cutané (syndrome de Lyell ou de StevensJohnson).
292 Réanimation et urgences
Physiopathologie de la brûlure Des dégâts locaux La brûlure est une agression locale, qui a un retentissement régional et général selon sa gravité (fig. 1).
Fig. 1 – Représentation schématique de la progression en surface et en profondeur de la brûlure. Il coexiste plusieurs zones : une zone centrale de nécrose, une zone de stase qui peut évoluer vers la nécrose, et une zone inflammatoire.
Il en résulte que, chez un même patient, l’évaluation précise de la profondeur brûlée est souvent difficile au stade initial.
Un retentissement général La brûlure grave évolue en trois phases : – une phase initiale : période de choc hypovolémique par une fuite plasmatique ; – une phase secondaire : caractérisée par l’absence recouvrement cutané ; – une phase postcicatricielle : marquée par l’apparition de rétraction et de cicatrices hypertrophiques.
Diagnostic Il consiste à rechercher les critères de gravité de la brûlure.
Prise en charge des brûlures graves 293
La surface La brûlure est grave au-delà de 20 % de la surface corporelle (SCB = surface cutanée brûlée). La paume de la main du brûlé représente 1 % de sa surface corporelle chez l’adulte comme chez l’enfant. La règle des 9 de Wallace (tableau I) permet d’affiner l’estimation de la surface brûlée. La table de Lund et Browder (fig. 2) permet d’établir une cartographie spécifique de la surface, de la profondeur et de la localisation en fonction de l’âge. Tableau I – Régle des 9 de Wallace. Site
% de la surface totale
Tête et cou
1x9%
Membres supérieurs (chacun)
1x9%
Membres inférieurs (chacun)
2x9%
Tronc (face antérieure et postérieure)
4x9%
Périnée
1%
Fig. 2 – Schéma selon Lund et Browder.
Âge
A : demi-tête
B : demi-cuisse C : demi-jambe
1
8,5
3,25
2,5
5
6,5
4
2,75
10
5,5
4,25
3
15
4,5
4,5
3,25
Adulte
3,5
4,75
3,5
294 Réanimation et urgences
La profondeur En pratique il faut distinguer les lésions : – qui vont avoir une évolution spontanée vers la guérison ; – qu’il faudra greffer. Les brûlures qui guérissent : – présentent une phlyctène ; – sont très douloureuses ; – sont exsudantes ; – voient l’intégrité des poils conservée ; – ont le tissu cutané souple ; – voient la vitropression conservée. Les brûlures qui sont à greffer se caractérisent par : – une insensibilité ; – une perte de la vitropression ; – la peau qui est cartonnée et peu souple ; – le décollement des phanères, en particulier des poils lors du passage d’une compresse. Toute brûlure qui ne montre pas de signe de cicatrisation au-delà du quinzième jour doit être prise en charge en milieu spécialisé. Le tableau II présente les critères de la société française d’étude et de traitement des brûlés permettant d’évaluer la profondeur des brûlures. Tableau II – Évaluation de la profondeur des brûlures. Caractéristiques
2e superficiel
2e profond
3e degré
Déformation
Absente
Mineure
Majeure
Souplesse
Normale
Indurée
Cartonnée
Phlyctènes
Présentes
Limitées
Absentes
Humidité
Humide
Suintante
Sèche
Douleurs
Majeures
Modérées
Absentes
Vitropression
Franche
Incomplète
absente
Phanères
En place
Rares
Absents
Cicatrisation
Spontanée en 10 jours
Aléatoire en 15 jours
Greffe
La localisation de la brûlure La localisation de la brûlure peut engager le pronostic vital, le pronostic fonctionnel, ou le pronostic esthétique.
Prise en charge des brûlures graves 295
Le pronostic vital Il est engagé dans les lésions : – de la face : risque d’obstruction des voies aériennes secondaire à l’œdème, une modification de la voix doit être recherchée. Signe très sensible, en faveur d’une brûlure des voies aériennes supérieures, En outre, ces brûlures peuvent poser le problème de reconnaissance et d’identification des victimes, en particulier dans un contexte d’afflux saturant de victimes ; – du périnée : Le risque infectieux est majeur, L’œdème de la verge impose un sondage urinaire clos et précoce.
Le pronostic fonctionnel Il est engagé dans les lésions : – des mains, des pieds qui sont pauvres en tissus adipeux, pour lesquelles il faut éviter un approfondissement de la brûlure. Elles justifient une prise en charge spécialisée ; – des orifices naturels ; – des zones articulaires ; – les brûlures circulaires et profondes créent un véritable garrot pouvant mettre en péril la vascularisation des membres ou du cou. Il faut discuter les incisions de décharge.
Le pronostic esthétique Il est engagé devant les lésions de la face, des mains et du décolleté.
Les lésions associées Elles sont fréquentes et méconnues, elles sont liées aux circonstances.
L’inhalation de fumée d’incendie Elle provoque un œdème pulmonaire lésionnel. Elle doit être évoquée lorsqu’il existe la notion d’incendie, d’espace clos et de brûlures de la face. La présence de suies dans les voies aériennes supérieures est très évocatrice.
296 Réanimation et urgences
Les troubles de conscience Ils ne sont pas liés à la brûlure. Ils doivent faire rechercher : – une cause toxique : o intoxication au CO (mesure du CO expiré, et de la carboxyhémoglobine ou HbCO), o intoxication aux cyanures (acidose lactique et état de choc inexpliqué), o intoxication médicamenteuse ou alcoolique ; – une hypoxie, en particulier une hypoxie d’ambiance au cours des incendies ; – une cause traumatique, en particulier s’il y a eu une défenestration, un accident de la voie publique, la tomodensitométrie cérébrale doit être systématique dans un contexte de perte de conscience.
L’état de choc traumatique Tout hématocrite inférieur ou égal à 35 % est pathologique dans ce contexte d’hémoconcentration. L’échographie abdominale du type FAST Echo, ou une TDM thoracoabdomino-pelvienne doit être réalisée pour recherche une lésion traumatique profonde. Les lésions traumatiques des membres peuvent être masquées par l’œdème secondaire à la brûlure.
Les antécédents du patient La brûlure grave va décompenser toutes les pathologies liées à l’âge. Le pronostic est d’autant plus péjoratif que l’âge est avancé, même pour des brûlures de surface modérée.
Les scores de gravité Le score de BAUX correspond à la somme de l’âge du patient, à la SCB. Ce score facile à calculer est péjoratif au-delà de 100. Le score UBS (unit burn skin) additionne la SCB totale à 3 fois la SCB profondément.
Prise en charge des brûlures graves 297
SCORE UBS = SCB + 3 x SCB profondément Grave si > 100 Mauvais pronostic si > 150
Le score de Ryan (tableau III) permet d’estimer la mortalité selon qu’il existe ou non l’association d’un des trois facteurs de risque suivants : – inhalation de fumées d’incendie ; – SCB > 40 % ; – âge > 60 ans. Tableau III – Score de Ryan. Nombre de facteur de risque
Mortalité attendue
aucun
0,3 %
1
3%
2
30 %
3
90 %
Prise en charge thérapeutique Lors du ramassage Prévenir l’hypothermie et l’infection Assurer l’oxygénation, le remplissage et l’analgésie
Refroidir C’est du ressort des secouristes. Dans le premier quart d’heure, inutile au-delà. De 5 à 15 minutes maximum. Il faut refroidir la brûlure et non le brûlé. L’eau froide domestique est la plus usuelle, mais les couvertures spécialisées de gels hydriques (Water-gel®, Brulstop®) permettent de limiter la zone de refroidissement, avec un réel bénéfice antalgique.
Perfuser Qui perfuser ? Les nourrissons brûlés sur plus de 5 % de la surface corporelle, soit 5 paumes de main.
298 Réanimation et urgences
Les enfants brûlés sur plus de 10 % de la surface corporelle, soit 10 paumes de main. Les adultes brûlés sur plus de 15 % de la surface corporelle, soit 15 paumes de main. Comment perfuser ? Au stade initial, des cathéters courts posés si possible en zone saine sont les moyens de perfusion les plus fonctionnels. Le débit pendant la première heure doit être de 20 ml/kg de ringer lactate quelle que soit la SCB. Quelle surveillance ? Pression artérielle moyenne supérieure à 70 mmHg. L’objectif de diurèse à atteindre est de 0,5 ml à 1 ml/kg/h.
Oxygéner L’oxygénation doit être systématique devant tout brûlé choqué. L’intubation et la ventilation mécanique doivent être réservées : – aux brûlés inconscients ; – aux brûlés en détresse respiratoire ; – aux brûlures graves de la tête et du cou pouvant évoluer rapidement vers l’obstruction des voies aériennes ; – aux lésions d’inhalation de fumées ; – aux brûlures avec une durée de transport longue ou par voie aérienne.
Analgésie-anesthésie L’analgésie repose sur la morphine en titration intraveineuse. L’anesthésie doit être exceptionnelle. Les hypnotiques de choix sont ceux dont le retentissement hémodynamique est faible. La kétamine titrée de 1 à 2, 5 mg/kg toutes les 15 minutes associe une grande maniabilité avec une excellente analgésie de surface, et l’absence d’effet hémodynamique délétère. L’étomidate et le gamma-OH sont des alternatives thérapeutiques utilisables pour l’induction. Le gamma-OH a une place particulièrement intéressante dans les rhabdomyolyses secondaires aux électrisations graves, car il permet de lutter contre l’hyperkaliémie. Le midazolam est l’hypnotique le plus usuel pour la sédation de longue durée. La succinylcholine reste le curare de référence pour l’induction en séquence rapide chez le patient estomac plein, dans les premières 24 heures. Au-delà de ce délai, son utilisation est prohibée (risque d’hyperkaliémie massive).
Prise en charge des brûlures graves 299
À l’hôpital Quel bilan biologique ? Évaluation de l’hémoconcentration ou d’un saignement : numération formule plaquette, protidémie. Évaluation des troubles de coagulation : bilan d’hémostase (TP, INR, fibrinogène, temps de céphaline activée). Évaluation de la qualité du remplissage vasculaire et de la fonction rénale : ionogramme sanguin et urinaire, urée, créatininémie. Recherche des complications : rhabdomyolyse (CPK), souffrance myocardique (ECG, CPK MB, troponine Ic). Recherche de toxique : gaz du sang artériel (base excess, lactatémie), taux de lactates artériels, carboxyhémoglobine, dosage des cyanures, bilan toxicologique sanguin et urinaire.
Les troubles de l’hématose Connaître les causes d’hypoxie Hypoxie d’ambiance d’un incendie par consommation de l’oxygène ambiant. Hypoxie d’origine pulmonaire par œdème lésionnel, pneumothorax. Hypoxie d’origine circulatoire par hypovolémie liée à l’œdème. Intoxication limitant l’utilisation d’oxygène (cyanures, CO). Diagnostiquer La bronchofibroscopie est l’examen clé devant une suspicion d’inhalation de fumée. Elle doit être systématique lorsqu’il existe la notion d’incendie en espace clos, et des lésions même minimes de brûlure de la face. La radio de thorax au lit est systématique.
Traitement spécifique Penser à l’administration d’antidote, en particulier l’hydroxocobalamine (Cyanokit®). Les indications de l’hydroxocobalamine sont : – une acidose lactique importante (lactates > 10 mmol/) ou persistante ; – un arrêt cardiaque ou des troubles du rythme cardiaque ; – une grande instabilité hémodynamique ; – des troubles de conscience. La dose est un bolus initial de 5 g en intraveineux chez l’adulte et de 70 mg/kg chez l’enfant. Si l’acidose persiste, cette dose peut être refaite. Il faut respecter ces indications, car l’administration de cet antidote provoque une coloration rose typique du patient, qui va rendre très difficile l’appréciation de la profondeur des brûlures. De même, toutes les méthodes de dosage
300 Réanimation et urgences
biochimique par colorimétries (gazométrie) seront prises en défaut jusqu’à élimination complète de l’antidote.
Les troubles de la volémie Le tableau IV propose les protocoles de remplissage les plus usuels. Tableau IV – Protocole de remplissage vasculaire à l’hôpital. De 0 à 8 heures
De 8 à 24 heures
EVANS
0,5 ml/kg/ % sérum salé 0,5 ml/kg/ % colloïdes Besoins de base sérum glucosé 5 % 2 000 ml chez l’adulte
0,5 ml/kg/ % sérum salé 0,5 ml/kg/ % colloïdes
PARKLAND HOSPITAL
2 ml/kg/ % de RL
2ml/kg/ % de Ringer Lactate
PERCY
2 ml/kg/ % de RL On soustrait la quantité passé dans la première heure (20 ml/kg)
SCB < 30 % 1 ml/kg/ % RL
Si SCB > 30 % ou lésions associées ou âge > 60 ans 0,5 ml/kg/ % de RL 0, 5 ml/kg/ % de sérum albumine 4 %
RL : Ringer Lactate ; SCB : surface cutanée brûlée.
L’augmentation des besoins de remplissage peut être en rapport avec : – un contexte traumatique : une hémorragie, une lésion médullaire ; – un excès de sédation ; – le passage en ventilation mécanique ; – l’augmentation de la réaction inflammatoire liée au retard de réanimation initiale, à des lésions de brûlure respiratoire, ou une infection précoce.
Traiter la douleur L’administration de la morphine sur le mode d’auto administration (PCA) doit être privilégiée. Chez le patient sous anesthésie générale, la morphine en mode continue peut être utilisée.
Utiliser le tube digestif L’utilisation doit être précoce. Elle permet une prévention des désordres intestinaux secondaires. Elle réduit le risque d’ulcère de stress en dehors de tout passé de ce type. Un apport de 0, 5 kCal/ml à 25 ml/h suffit.
Prise en charge des brûlures graves 301
La mesure régulière du résidu gastrique permet de diminuer le risque de vomissement.
La prévention des infections À la phase initiale, il n’y a pas d’indication à une antibioprophylaxie. La brûlure reste stérile pendant les 24 premières heures. L’utilisation de topiques antiseptiques permet de réduire le risque de colonisation de la peau brûlée. Seule exception, les brûlures du périnée et les brûlures souillées doivent bénéficier d’une prophylaxie à visée anti-anaérobie. La prévention antitétanique (vaccin et éerothérapie) doit être systématiquement contrôlée.
Le traitement local Lavage et mise à plat des phlyctènes par un savon antiseptique doux. Rinçage à l’eau tiède du robinet. Application d’une pommade topique et fermeture dans un pansement. Le topique actuellement recommandé est la sulfadiazine argentique (Flammazine ® ou Sicazine®). Au cours du premier pansement,il ne faut pas omettre de réaliser des incisions de décharge sur les brûlures profondes circulaires.
Les complications associées Elles gardent leur priorité de traitement. S’il existe une indication chirurgicale, la brûlure ne doit pas être un retard à la prise en charge chirurgicale. L’association brûlure et fracture est fréquente. Les foyers fermés peuvent bénéficier d’une ostéosynthèse précoce. L’incision chirurgicale peut passer par la brûlure dans les 12 premières heures sans qu’il y ait de problème de colonisation. Au-delà, la réalisation d’une excision précoce de la brûlure dans le premier temps de l’incision permet de limiter les risques d’infection secondaire de site opératoire.
Qui hospitaliser dans un centre spécialisé ? Les brûlures de moins de 5 % et les brûlures profondes de moins de 2 % peuvent bénéficier d’une prise en charge ambulatoire. Les brûlures de plus de 15 %, ou celles du troisième degré de plus de 5 %, les brûlures de la face, des extrémités, du périnée, les brûlures électriques de haut voltage, les lésions d’inhalation, les brûlures associées à des traumatismes sévères doivent faire l’objet d’une prise en charge en milieu spécialisé.
302 Réanimation et urgences
N’importe quel centre hospitalier devrait être capable de prendre en charge des brûlures hors de ces critères, quitte à s’aider d’un contact avec un centre spécialisé.
Bibliographie Carsin H, Le Bever H, Bargues L, Stéphanazzi J Brûlure. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-030-D-40, 2007. Jault P, de Rudnicki S, Carsin H, Prise en charge initiale des brûlés. Chap. 56, Urgences 2006, conférences médecins, 663 à 75. Ryan C et al., Objective estimates of the probability of death from burn injuries. N Eng J Med. 1998 ; 338: 362-6. Bertin-Maghit M Électrisation, électrocution, foudroiement. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-030-D-50, 2008. Herndon. Total Burn care. London: Saunders ; 1996. Cantais E, Goutorbe P, Asencio Y et al. Réanimation et anesthésie du brûlé chez l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Anesthésie Réanimation, 36-645-A-10, 2007.
Prise en charge des brûlures graves 303
Coordonnées des centres de traitement des brûlés en France Centre de traitement des brûlés Région parisienne Hôpital Cochin (adulte)
Adresse
27, rue du Faubourg-Saint-Jacques 75014 Paris Hôpital Saint-Antoine (adultes) 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris Hôpital Trousseau (enfants) 28, rue du Dr-Arnold-Netter, 75012 Paris Percy (adultes, enfants > 2ans) 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart Province Bordeaux Hôpital Pellegrin Place Amélie-Rabat-Léon, (adultes enfants) 33000 Bordeaux Lille Hôpital Salengro (adultes Boulevard du Maréchal-Leclerc, enfants) 59000 Lille Lyon Hôpital Edouard Herriot 5, place d’Arsonval, 69003 Lyon (adultes enfants) Marseille Hôpital Nord Chemin Bourrely, 13015 Marseille (enfants < 5 ans) Marseille Hôpital Conception 145, boulevard Baille 13005 Marseille (adultes enfants > 5ans) Metz Hôpital Bon secours 1, place Philippe-de-Vigneulles, (adultes enfants) 57000 Metz Montpellier Hôpital La 555, route de Ganges, Peyronie (adultes et enfants) 34000 Montpellier Nancy CHU (enfants) Rue du Morvan, 54511 Vandœuvre– les-Nancy Nantes CHU J. Monnet (adultes Boulevard Jean-Monnet, enfants) 44000 Nantes Toulon HIA Saint Anne Boulevard Saint-Anne, (adultes enfants) 83000 Toulon Toulouse CHU Rangueil 1, avenue Jean-Poulhes, (adultes) 31000 Toulouse Toulouse Hôpital Purpan Place du Docteur-Baylac, enfants 31000 Toulouse Tours Hôpital Trousseau Avenue de la République, (adultes) 37000 Chambray-les-Tours Tours Hôpital G. de Clocheville 49, boulevard Béranger, 37000 Tours (enfants) Départements d’outre mer Guadeloupe– Pointe-à-Pitre CHRU Abymes, 97100 Pointe-à-Pitre La réunion– saint Denis CHRU Félix-Guyon, 97400 Saint-Denis Martinique– Fort de France CHU Zobda Quitman, 97200 Fort-de-France Mayotte– Mamoudzou Rue de l’Hôpital, 97600 Mamoudzou
Téléphone 01 58 41 26 49 (56) 01 49 28 26 09 01 44 73 62 54 01 41 46 63 85 (67 31)
05 56 79 54 62 03 20 44 42 78 04 72 11 75 98 04 91 96 86 65 04 91 96 86 65 03 87 55 31 35 04 67 33 82 28 03 83 15 46 89 02 40 08 73 12 04 94 09 92 78 05 61 32 27 43 05 34 55 84 72 02 47 47 81 34 02 47 47 37 41
05 90 89 11 30 02 62 90 57 73 05 96 55 20 45 02 69 61 15 15
Pathologies circonstancielles : noyade, syndromes de compression d’écrasement et d’ensevelissement, coups de chaleur, électrisation, hypothermie accidentelle, pendaison F. Klack et J.-S. David
Items
N° 193. Détresse respiratoire aiguë du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte. Corps étranger des voies aériennes supérieures N° 201. Évaluation de la gravité et recherche des complications précoces • chez un brûlé • chez un polytraumatisé • chez un traumatisé abdominal • chez un traumatisé cranio-facial • chez un traumatisé des membres • chez un traumatisé thoracique • devant une plaie des parties molles
N° 203. Fièvre aiguë chez l’enfant et chez l’adulte. Critères de gravité d’un syndrome infectieux
Introduction Les pathologies circonstancielles sont des situations cliniques très fréquentes rencontrées dans le cadre de l’urgence. Elles sont certes très différentes l’une de l’autre mais ont en commun la nécessité d’un diagnostic et d’une prise en charge très rapides qui conditionneront une évolution favorable du patient.
306 Réanimation et urgences
193
Noyade
La noyade est une asphyxie aiguë par inondation broncho-alvéolaire consécutive à une immersion ou à une submersion. Le pronostic est gouverné par l’anoxie cellulaire cérébrale. La rapidité de la prise en charge se révèle donc essentielle, et la température de l’eau un paramètre important à prendre en compte dans la durée des mesures de réanimation.
Épidémiologie La noyade est une cause de morbi-mortalité accidentelle très fréquente en France : 1 200 hospitalisations annuelles et 401 décès en 2006. C’est la troisième cause de décès accidentel chez l’adulte et la deuxième chez l’enfant jusqu’à 14 ans. Elle survient dans la majorité des cas en eau salée, et durant la période estivale dans plus de 50 % des cas. Deux noyés sur trois sont de sexe masculin. Si le défaut de surveillance est le plus souvent incriminé dans les noyades de l’enfant, un malaise, une chute, une consommation d’alcool, une activité solitaire ou dangereuse se retrouvent fréquemment chez l’adulte.
Physiopathologie Classiquement, la noyade correspond à une inhalation massive de liquide dans les poumons, avec des variations aiguës et importantes de la volémie et de la composition hydroélectrolytique du milieu extracellulaire. En réalité, on ne retrouve que pas ou peu d’eau inhalée chez un noyé pris en charge précocement, et les conséquences métaboliques de l’anoxie elle-même rendent compte pour une grande part de l’œdème pulmonaire lésionnel observé. Les réactions à l’immersion se divisent en trois stades successifs : – un spasme laryngé réflexe à l’inhalation des premières gouttes de liquide ; – quelques minutes plus tard, sous l’effet de l’hypoxie, une déglutition de quantité importante de liquide dans l’estomac ; – puis finalement au bout de plusieurs minutes une levée du laryngospasme qui laissera le liquide envahir les voies aériennes sous l’effet des quelques mouvements respiratoires persistants. Dans de rares cas, le laryngospasme persiste et on observe des noyés « à poumons secs ».
Pathologies circonstancielles 307
Tableau clinique Atteinte respiratoire L’œdème pulmonaire lésionnel domine le tableau clinique. Il est présent d’emblée, mais de gravité variable. Différents facteurs participent à son développement : – l’anoxie qui entraîne une altération mitochondriale de l’endothélium alvéolaire ; – l’inhalation d’eau de mer, dont l’osmolarité est trois fois supérieure à celle du plasma, qui induit une altération de la barrière alvéolocapillaire, accompagnée de mouvements d’eau et de protéines vers l’interstitium et les alvéoles ; – l’inhalation d’eau douce qui provoque des microatélectasies diffuses par son hypotonicité et par altération du surfactant alvéolaire ; – les particules solides contenues dans l’eau et l’éventuelle inhalation du contenu gastrique qui sont des éléments supplémentaires d’aggravation potentielle. Cependant, même si le tableau respiratoire n’est pas initialement inquiétant, il faudra être méfiant, car une aggravation secondaire en quelques heures est fréquente et l’hospitalisation devant tout noyé même apparaissant peu grave doit rester la règle.
Atteinte neurologique L’atteinte neurologique conditionne le pronostic. Les cellules cérébrales subissent l’effet direct de l’anoxie avec l’apparition progressive sur plusieurs heures d’un œdème cérébral vasogénique par perte de l’autorégulation de la circulation cérébrale. L’aggravation peut ainsi se produire sur plusieurs jours. La mydriase aréactive associée à un score de Glasgow inférieur à 5, à l’admission aux urgences, sont les meilleurs facteurs pronostiques d’une évolution neurologique défavorable. L’hypothermie provoquée par l’eau froide a été évoquée comme facteur protecteur cérébral par diminution de la consommation en oxygène des cellules cérébrales et redistribution du flux sanguin artériel au profit du territoire cérébral, mais cette situation n’est pas la plus fréquente, car la majorité des noyades surviennent l’été…
Atteinte hémodynamique Elle est souvent instable chez le noyé par association de plusieurs mécanismes : – myonécrose par anoxie ; – hypocontractilité myocardique liée à l’hypothermie ; – hypovolémie relative par fuite liquidienne vers l’interstitium pulmonaire ; – troubles du rythme sur les troubles hydroélectrolytiques.
308 Réanimation et urgences
Autres troubles associés Hypothermie par exposition au milieu extérieur et refroidissement par le liquide inhalé. Troubles de la coagulation. Troubles hydroélectrolytiques.
Prise en charge L’hypoxie étant à la fois l’événement primitif, l’élément aggravant ultérieur et le principal facteur de pronostic, la réanimation respiratoire et l’oxygénation précoce sont les éléments fondamentaux du traitement.
Réanimation initiale sur les lieux de l’accident Il faudra tout d’abord s’acharner à soustraire la victime du milieu aquatique, en respectant l’axe tête-cou-tronc et en stabilisant la tête en position neutre. Un bilan initial rapide permettra de réaliser une appréciation de la situation globale afin d’évaluer : – la conscience (questions/ordres simples/score de Glasgow) ; – la ventilation (mouvements respiratoires, signe de tirage, auscultation) ; – la circulation (pouls carotidien, fréquence cardiaque, tension artérielle) ; – les lésions et plaies associées ; – les circonstances de la noyade. Les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire doivent, en cas d’absence de pouls, être débutées sans délai. Il faudra sans les interrompre déshabiller, sécher et réchauffer la victime.
Réanimation spécialisée L’oxygénation du patient devra être débutée le plus rapidement possible, avec le cas échéant une intubation orotrachéale. Une sonde nasogastrique permettra de vider l’estomac de l’eau déglutie. Une voie veineuse périphérique est mise en place afin de permettre une éventuelle expansion volémique (cristalloïde ou colloïde) et l’injection de médicaments vasoactifs ; il conviendra d’éviter la perfusion de solutés glucosés. Un monitorage avec electrocardioscope, oxymétrie de pouls et PNI (pression artérielle non invasive) est indispensable. La suite de la prise en charge est guidée par l’état clinique de la victime et son degré d’hypoxie. Dans tous les cas, une hospitalisation, même de courte durée, se révèle indispensable au vu de l’aggravation secondaire fréquemment notée chez les noyés. Un bilan paraclinique à l’admission sera pratiqué, et comprendra
Pathologies circonstancielles 309
(modulable selon le contexte) : ionogramme plasmatique, urée, glycémie, créatinine ; gaz du sang artériels et lactacidémie ; numération formule plaquettes ; un bilan de coagulation avec TP, TCA, fibrinogène ; troponine I ; alcoolémie ; recherche de toxiques urinaires ; ECG 12 dérivations ; radio pulmonaire de face. Les patients ayant été intubés sur place, présentant des troubles de conscience ou une hypoxémie importante relèveront exclusivement d’un service de réanimation.
Syndromes de compression d’écrasement et d’ensevelissement 201 Le crush syndrome ou syndrome des ensevelis fut décrit pour la première fois par Bywaters et Beall lors des bombardements sur Londres pendant la seconde guerre mondiale, où les survivants ensevelis mourraient quelques jours plus tard d’IRA. En dehors des situations de guerre ou de catastrophe, le crush syndrome est actuellement rare, en raison de la rapidité des secours et de la désincarcération. D’autres mécanismes compressifs thoraciques ou abdominaux peuvent compromettre les fonctions circulatoires ou ventilatoires des blessés. Intriqués ou non avec une rhabdomyolyse, ils ne doivent être ni méconnus ni sous-estimés.
Syndrome de compression thoracique Contexte On distingue : – les compressions thoraciques sans traumatisme, qui surviennent par exemple lors des mouvements de foule ou lors d’accident de transport en commun lorsque de nombreuses personnes sont ensevelies les unes sous les autres. Le pronostic est en général bon si les victimes bénéficient d’une assistance ventilatoire précoce, avant la constitution de lésions neurologiques dues à l’hypoxie ; – les compressions par traumatisme thoracique violent et appuyé, en traumatologie routière, lors d’éboulements ou lors d’accident du travail. Le mécanisme de compression est alors impur et associé à des lésions pariétales et/ou intrathoraciques. Ces lésions intrathoraciques peuvent alors réaliser un phénomène compressif interne (hémo-pneumothorax, tamponnade péricardique) qui se surajoute à la compression externe.
310 Réanimation et urgences
Prise en charge sur place La survie est conditionnée par la précocité du dégagement. Lorsque ce dernier est difficile et se prolonge, l’assistance ventilatoire, voire le massage cardiaque en cas d’inefficacité circulatoire doivent être débutés sans délai. La réanimation spécialisée comporte souvent une intubation orotrachéale avec ventilation en oxygène pur, et une réanimation circulatoire si besoin par amines vasopressives et/ou remplissage vasculaire. Selon le contexte et la violence de l’accident, il faudra s’acharner à rechercher un hémo– ou un pneumothorax, une tamponnade cardiaque ; et le cas échant prendre les mesures d’urgence qui s’imposent (exsufflation d’un pneumothorax suffocant, drainage d’un hémothorax, ponction d’un hémopéricarde à retentissement hémodynamique), si nécessaire avant le transport vers une structure hospitalière.
201
Syndrome de compression abdominale
Lésions rencontrées Elles sont très variables selon la violence du mécanisme et la durée de la compression. En cas de mécanisme à haute énergie, les compressions basithoraciques peuvent se compliquer de rupture des organes pleins, les compressions pelviennes de fracture du bassin. Une rupture diaphragmatique peut favoriser une hernie intrathoracique d’organes abdominaux et aboutir à une détresse respiratoire aiguë indépendamment d’un éventuel traumatisme thoracique associé. En cas de mécanisme à basse énergie, et malgré une certaine compliance abdominale, l’hyperpression peut limiter la course diaphragmatique et avoir des conséquences non seulement abdominales mais également ventilatoires, d’autant plus si un traumatisme thoracique est associé. De surcroît, l’augmentation de la pression intragastrique favorisant les phénomènes de régurgitation, une pneumopathie d’inhalation est très fréquente chez les patients présentant des troubles de vigilance. Ce syndrome se rencontre en traumatologie routière lorsque le tableau de bord comprime l’abdomen. Il faudra alors être extrêmement vigilant au relever du tableau de bord (décompression abdominale) en raison du risque de démasquer une hypovolémie (lever de garrot) et d’induire un collapsus.
Prise en charge sur place Il faudra être très prudent en cas de compression violente mais soutenue, car elle peut à la fois causer une lésion hémorragique et limiter le saignement de façon temporaire en jouant un rôle analogue à celui d’un pantalon antichoc. Le
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praticien devra donc anticiper la désincarcération et le déshabillage des vêtements serrés au risque de se confronter à un collapsus brutal irrécupérable. Un remplissage vasculaire par macromolécules au moyen de cathéters périphériques doit être débuté avant toute tentative de dégagement. Toute défaillance ventilatoire associée et/ou tout trouble de conscience impose une intubation trachéale et une ventilation artificielle.
Crush syndrome On appelle crush syndrome les complications systémiques d’un syndrome des loges secondaire à la compression pure, lente et prolongée des masses musculaires. Il est caractérisé dans sa forme complète par un choc hypovolémique, une hyperkaliémie, une IRA. Sa morbi-mortalité est élevée. C’est essentiellement une pathologie des catastrophes : explosions de gaz, accidents ferroviaires, éboulements mais surtout tremblements de terre.
Aspects cliniques Syndrome musculaire local Lors de la souffrance musculaire par compression extrinsèque, des phénomènes ischémiques provoquent une séquestration liquidienne dans les myocytes lésés avec création d’un troisième secteur. Ce phénomène entraîne une hypovolémie relative, ainsi qu’un œdème des masses musculaires. Celles-ci se retrouvent comprimées à l’intérieur de leurs gaines aponévrotiques et constituent progressivement un syndrome des loges. Si, en raison de l’œdème musculaire, la pression à l’intérieur des loges devient supérieure à la pression de perfusion tissulaire, l’ischémie musculaire s’auto-entretient et s’aggrave considérablement, augmentant ainsi la pression à l’intérieur des loges. L’examen clinique de tout enseveli devra donc comporter une palpation des masses musculaires des membres au même titre que la recherche d’un foyer de fracture, la recherche des pouls périphériques et un examen sensitivomoteur succinct mais complet. Cliniquement, le syndrome des loges se caractérise par des myalgies très importantes, une impotence fonctionnelle, des dysesthésies de distribution aléatoire, voire, dans les formes évoluées, une anesthésie et une paralysie du membre. Parfois, la symptomatologie n’est pas aussi évidente et se résume à une fatigabilité ou à une douleur à la pression des masses musculaires. Impact hémodynamique Comme nous l’avons vu ci-dessus, la constitution du troisième secteur intramusculaire induit une hypovolémie relative qui peut entraîner un réel collapsus. De plus, l’altération membranaire des myocytes entraîne un largage de potassium systémique pouvant provoquer de graves troubles de conduction allant jusqu’à
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l’arrêt cardiaque brutal, particulièrement lors du relâchement de la compression. La traduction clinique peut donc être tardive, et il importera encore une fois au praticien de savoir l’anticiper. Impact rénal La néphropathie du crush syndrome est multifactorielle et n’est que la conséquence des mécanismes physiopathologiques évoqués plus haut. La rhabdomyolyse entraîne une libération systémique, outre de potassium, de myoglobine qui précipite dans les tubules rénaux particulièrement en milieu acide et participe à la constitution de l’IRA oligoanurique. L’hypovolémie conduit en l’absence de remplissage à une aggravation de l’oligurie et à un collapsus à l’origine d’une baisse de la pression de perfusion rénale et donc directement du débit de filtration glomérulaire. La myoglobinurie est aisément suspectée devant l’émission d’urines très foncées (couleur « porto »).
Biologie L’ionogramme plasmatique traduit les désordres hydroélectrolytiques systémiques. On retrouve fréquemment une hyperkaliémie, une hyperphosphorémie, une hypocalcémie. Les gaz du sang montrent souvent une acidose métabolique avec lactates élevés, qui participe à l’aggravation de l’hyperkaliémie. Les enzymes musculaires (CPK et myoglobine) sont toujours élevées. Le pic de concentration des CPK est obtenu entre la vingt-quatrième et la quarante-huitième heure et est prédictif de l’importance de la myolyse. Un taux supérieur à 6 000 UI/l associé à une hyperkaliémie et à une hyperphosphorémie est corrélé à une IRA dans 50 % des cas. Il est à noter qu’en cas de rhabdomyolyse majeure, la fraction Mb de la myoglobine et la troponine I peuvent s’élever modérément sans nécrose myocardique associée. La fonction rénale doit évidemment être surveillée. La créatininémie s’éleve initialement plus vite que l’urée malgré l’hypercatabolisme. L’IRA peut être majeure et nécessiter dans les cas les plus graves une épuration extrarénale. Par ailleurs, le bilan de coagulation peut être perturbé par la survenue d’une coagulation intravasculaire disséminée.
Prise en charge Préhospitaliere La restauration de l’hémodynamique et la prévention d’une hyperkaliémie maligne à la désincarcération devront être les priorités thérapeutiques sur les lieux de l’accident. Le patient devra être monitoré en continu (électrocardioscope, PNI, SpO2), plusieurs voies veineuses posées et le remplissage vasculaire devra être démarré sans délai. Ce dernier visera à obtenir une pression artérielle systolique au moins égale à 90 mmHg, et sera administré sur une base de 1 500 ml/h initialement (sérum salé isotonique), jusqu’au dégagement de la victime. En cas de troubles
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du rythme menaçants attribuables à l’hyperkaliémie, le traitement associe l’administration de chlorure de calcium et de bicarbonate de sodium. Hospitalière Les objectifs à atteindre seront : – le maintien de l’hémodynamique par remplissage vasculaire et si nécessaire par amines (noradrénaline) ; – le maintien d’une diurèse alcaline forcée. Les volumes à administrer sont débattus, mais pour un adulte en bonne santé antérieure, ils seraient de l’ordre de 6 à 8 l/j pendant les 2 premiers jours. L’administration de bicarbonate de sodium (alcalinisation) se fait sous la surveillance des pH urinaires qui devront rester supérieurs à 6,5 ; – la diurèse sera maintenue par l’injection de furosemide IV et/ou de mannitol ; – l’épuration extrarénale est à considérer en cas d’anurie persistante ou d’insuffisance rénale avec troubles électrolytiques menaçants ; – le traitement symptomatique de l’hyperkaliémie par moyens non spécifiques (insuline/glucose, salbutamol, résines échangeuses d’ions) ; – le traitement chirurgical éventuel tel que parage des plaies, aponévrotomies de décharge si la pression intracompartimentale des loges est supérieur à 40 mmHg.
Coups de chaleur 203 Le terme « coup de chaleur » désigne toute pathologie liée à la chaleur dont la résultante est une élévation de la température corporelle. Il peut être d’origine exogène (canicule), endogène (exercice), iatrogène (syndrome malin des neuroleptiques), ou toxique (cocaïne). Dans tous les cas, c’est une pathologie grave, évoluant en l’absence de thérapeutique appropriée vers un syndrome de défaillance multiviscérale rapide.
Physiopathologie Lorsque la température corporelle s’élève, plusieurs mécanismes de régulation sont mis en jeu pour tenter de maintenir une thermorégulation. Cependant, soumis à des températures extrêmes, ces mécanismes vont être dépassés et entraîner une cascade d’événements conduisant rapidement au décès : – une déshydratation, avec apparition d’une insuffisance rénale, pouvant être aggravée par la prise de certains médicaments (diurétique…) ; – une activation du processus de thermorégulation initiale entraînant une vasodilatation cutanée (pour la sudation), une hypoperfusion splanchnique et
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mésentérique, une hyperperméabilité intestinale, une libération d’endotoxines, puis un choc vasoplégique et hypovolémique ; – une réponse inflammatoire et une activation de la coagulation, entraînant une CIVD, un état de choc et une défaillance multiviscérale. Il existe des facteurs de risque individuels de mortalité : âges extrêmes de la vie, T °C corporelle élevée (> 41 °C), tableau de heat stroke, existence d’une comorbidité (notamment insuffisance cardiaque), prise médicamenteuse (notamment médicaments cardiotropes et psychotropes)
Présentation clinique Différents états cliniques vont se succéder, avec une gravité clinique croissante : – Heat stress : correspond à des signes fonctionnels peu spécifiques, mais qui doivent alerter : sensation d’inconfort et de tension physique perçue lors d’une exposition à un environnement chaud, surtout pendant un travail physique ; – Heat exhaustion : pathologie due à une déshydratation résultant d’une exposition à une température externe élevée ou d’un exercice physique soutenu ; avec des symptômes incluant la soif, une faiblesse générale, un malaise, une anxiété, des vertiges, une perte de connaissance et des céphalées ; en l’absence de manifestations neurologiques ; la température corporelle pouvant être normale, basse ou peu élevée ; – Heat stroke : pathologie sévère liée à la chaleur, caractérisée par une température corporelle supérieure à 40 °C et/ou une atteinte du système nerveux central comme un syndrome confusionnel, des convulsions ou un coma résultant d’une exposition à une chaleur externe ou à un effort soutenu ; – défaillance multiviscérale.
Prise en charge Le coup de chaleur est une urgence médicale qui engage le pronostic vital en l’absence de soins précoces. Un bilan paraclinique doit être réalisé à la recherche de complications éventuelles : – ECG à la recherche de signe de dyskaliémie ou de troubles de repolarisation ; – recherche de signes de déshydratation et hémoconcentration : insuffisance rénale, hyperprotidémie, élévation hématocrite ; – recherche de signes spécifiques d’hyperthermie d’effort : hyperkaliémie, hyperphosphatémie, insuffisance rénale, acidose lactique, rhabdomyolyse ;
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– recherche de complications : troubles de coagulation par CIVD, insuffisance rénale, insuffisance hépatique, rhabdomyolyse, souffrance myocardique, complications infectieuses. Les piliers du traitement sont le refroidissement, la réhydratation et le traitement des détresses vitales.
Mesures de refroidissement Elles doivent être initiées le plus tôt possible. Le but est de faire baisser la température corporelle centrale en deçà de 39,4 °C. Le premier geste essentiel est de déshabiller le patient et de l’installer à l’ombre. Un refroidissement par convection et conduction est mis en place à l’aide d’un ventilateur dirigé tangentiellement à la surface cutanée recouverte de linges humides, si possible glacés, sur les axes vasculaires. L’évaporation peut être réinitialisée en alternant le glaçage et la pulvérisation d’eau tiède sur la peau refroidie. L’application d’un courant d’air associé à la vaporisation d’eau semble constituer la meilleure méthode sur le plan théorique et est relativement simple à réaliser. Les médicaments antipyrétiques du type paracétamol n’ont pas prouvé leur efficacité dans le coup de chaleur et ne sont donc pas recommandés. En présence d’une défaillance viscérale, en particulier hépatique, ils pourraient même être toxiques.
Réhydratation La plupart des patients nécessitent une réhydratation rapide, voire un réel remplissage vasculaire. Les solutés peuvent être refroidis, et des volumes de 1 000 à 1 500 ml/h sont prescrits sur les premières heures de prise en charge. Le choix du soluté dépendra de la présence ou non d’un collapsus et des perturbations du bilan électrolytique. Dans la plupart des cas, le sérum salé isotonique représente une bonne solution.
Traitement des détresses vitales En cas de collapsus, le remplissage vasculaire par macromolécules et le recours à des catécholamines vasopressives doit permettre une stabilisation clinique. En cas de trouble de conscience ou de détresse ventilatoire, l’intubation et la mise en place d’une ventilation mécanique s’imposent.
Complications La plus fréquente est la survenue d’une IRA, généralement secondaire à la déshydratation, et aggravée par la rhabdomyolyse éventuelle. Le traitement se résume à la réhydratation et à la restauration d’une hémodynamique satisfaisante.
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L’hyperkaliémie associée fera l’objet de mesures spécifiques déjà citées. Dans les cas les plus graves, une épuration extrarénale se révèle nécessaire. Les complications cardiovasculaires sont également fréquentes, particulièrement chez la personne âgée, et seront dépistées par un ECG et un dosage de troponine. La baisse du travail myocardique par normalisation de la température est essentielle à obtenir avant la prise en charge classique d’un syndrome coronarien aigu. Les complications infectieuses surviennent dans 50 % des cas, et la porte d’entrée sera recherchée par un examen clinique rigoureux, la réalisation d’hémocultures, d’un ECBU, d’une radio pulmonaire. Elles seront traitées le cas échéant de façon orientée en fonction de l’antibiogramme.
Électrisation L’électrisation désigne les différentes manifestations physiopathologiques dues au passage du courant électrique à travers le corps humain, alors que l’électrocution est la mort consécutive à l’électrisation. On attribue à l’heure actuelle 200 décès par an en France aux électrocutions, et plusieurs milliers de blessures invalidantes par électrisation. La moitié des accidents sont des accidents du travail, et les autres, des accidents domestiques. On distingue les électrisations par courant de basse tension (domestiques) de celles à haute tension (lignes EDF).
Physiopathologie Les lésions provoquées par une électrisation relèvent de différents déterminants.
Stimulation/inhibition des phénomènes électriques cellulaires, fonction de l’intensité du courant – 5 mA : seuil douloureux ; – à partir de 20 mA, asphyxie par contracture du diaphragme. Cette tétanisation cède à la rupture du contact avec le courant électrique ; – à partir de 30 mA, risque d’arrêt circulatoire par asystolie ou FV, surtout avec le courant alternatif ; – enfin, un courant de 2 ampères inhibe les structures nerveuses (contact avec la tête) : coma, troubles neurovégétatifs, arrêt respiratoire parfois retardé de quelques heures.
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Brûlures électriques Deux mécanismes parfois associés : – brûlure par flash et arc électrique : le courant ne traverse pas le corps et l'énergie électrique est transformée en énergie calorique en dehors du corps. Brûlure des parties découvertes (main, visage). La température atteinte en haute tension avoisine 2 500 °C. – brûlures électrothermiques : le courant traverse le corps et brûle par effet Joule : « les ampères tuent, les volts brûlent ». Les électrisations à bas voltage (accidents domestiques) sont caractérisées par un risque cardiovasculaire immédiat, mais sont associées à des brûlures tissulaires modérées, alors que les électrisations par courant de haut voltage sont responsables de brûlures tissulaires profondes et sévères.
Résistance corporelle La résistance globale au passage du courant varie selon le degré d’humidité au point de contact et de la résistance du corps. Celui-ci se comporte comme un noyau conducteur (nerfs, vaisseaux, muscles), enveloppé d’une écorce isolante, la peau. La peau n’est isolante que si elle est sèche.
Trajet du courant et temps de contact Plus il est long, plus l’intensité délivrée aux tissus augmente. De même, plus il est prolongé, plus la résistance des couches cornées diminue et la brûlure cutanée importante.
Aspects cliniques Lésions engageant le pronostic vital Détresse circulatoire : deux mécanismes Cette détresse peut résulter d’une atteinte myocardique (FV, thrombose des coronaires) ou d’un état de choc hypovolémique par hémorragie interne (lésion de la media prédominant sur les artérioles), dont le début est souvent décalé de quelques jours, lors de la chute d’escarre. Détresse respiratoire Elle peut être multifactorielle : neurologique par sidération des centres respiratoires ou fracture du rachis cervical, mécanique par obstruction des voies aériennes (brûlure de la bouche chez l’enfant), musculaire par tétanisation des muscles respiratoires ou autres (perforation bronchique, pneumothorax).
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Lésions engageant le pronostic fonctionnel Brûlures cutanées : elles peuvent être très étendues en surface et en profondeur, particulièrement aux points d’entrée et de sortie allant jusqu’à la carbonisation d’un membre. Les lésions tissulaires sous-jacentes sont souvent plus graves. Lésions musculaires : elles sont souvent plus étendues que ne le laisse supposer l’atteinte cutanée. Dans les formes majeures, le tableau se complique d’un syndrome des loges, voire d’un crush syndrome. Lésions neurologiques : encéphaliques (hémiplégie, comitialité), médullaires (destruction de la moelle, fracture du rachis, dénervation d’un membre, thrombose des artères spinales).
Autres atteintes Insuffisance rénale : par électrisation du parenchyme rénal ou secondaire à la rhabdomyolyse (crush syndrome). Lésions digestives : la destruction de la paroi abdominale est exceptionnelle, mais des ulcérations ou des perforations gastro-intestinales sont rapportées. Séquelles neurosensorielles : troubles visuels par brûlure cornéenne, blast tympanique, surdité, vertiges. Séquelles psychologiques.
Conduite à tenir Dans tous les cas Il faut en premier lieu couper le courant sans toucher le corps de la victime (compteur domestique), ou dans le cas des lignes à haute tension appeler EDF pour éviter le sur-accident. Si la victime doit être mobilisée, il faut le faire avec prudence, en respectant l’axe tête-cou-tronc en raison du risque de lésions associées.
Électrisé en apparence indemne, courant de basse tension Si le patient ne présente aucune symptomatologie, l’hospitalisation n’est pas systématique. Un ECG et un dosage de troponine sont réalisés, et s’ils sont normaux le patient peut regagner son domicile. En revanche à la moindre anomalie clinique et biologique, une surveillance ECG pendant 24 heures est nécessaire, car l’aggravation secondaire est toujours possible. Le transfert du patient est réalisé par le SMUR, ou par une ambulance équipée d’un défibrillateur automatique, en raison des risques des troubles du rythme cardiaque pendant le transport.
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Électrisé grave L’état de mort apparente impose une réanimation cardiorespiratoire spécialisée. L’abord vasculaire est immédiat, si possible en zone saine. Le remplissage par cristalloïdes est guidé selon la surface corporelle brûlée par la formule de Parkland (4 ml/kg/ % de surface cutanée brûlé pendant les 24 premières heures, dont la moitié les 6 premières heures). L’oxygénation est systématique. En cas de détresse respiratoire ou de troubles de conscience, l’intubation trachéale et la ventilation mécanique sont indiquées. Un transfert vers un centre spécifique de traitement des brûlés est indiqué dès lors que les brûlures sont étendues ou profondes.
Hypothermie accidentelle L’hypothermie accidentelle est définie comme une baisse de la température centrale au-dessous de 35 °C. On distingue l’hypothermie légère (> 32 °C), modérée (de 28 à 32 °C), sévère (< 28 °C) et profonde (< 20 °C). Le risque vital majeur de l’hypothermie est la survenue d’une FV.
Conditions de survenue Elles peuvent être multiples. Les plus spectaculaires sont souvent liées à la pratique de sport en plein air et notamment en montagne, mais le plus fréquemment les hypothermies accidentelles surviennent en milieu urbain, chez des personnes en grande précarité sociale ou dans l’incapacité de se soustraire au froid (traumatisés, états de choc, enfants ou personnes âgées). Certaines pathologies favorisent la survenue d’une hypothermie accidentelle : par baisse de la thermogenèse ou altération de la thermorégulation (pathologies endocriniennes ou neurologiques par dysautonomie). De même, l’exposition à certains médicaments cardio ou psychotropes ou à des toxiques favorise ou aggrave l’hypothermie.
Pronostic Même si on a pu assister à des réanimations spectaculaires après un arrêt cardiaque prolongé chez des patients hypothermes, le pronostic est en général conditionné par les circonstances de l’accident : les situations associant des phénomènes asphyxiques (noyade, avalanche) sont souvent d’évolution plus défavorables, car, dans ce cas, la cause du décès est plus souvent une anoxie qu’un arrêt cardiaque par hypothermie. De même, les patients polytraumatisés
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présentant une température inférieure à 32 °C ont un pronostic très défavorable puisque la mortalité est proche de 100 %.
Clinique Elle diffère en fonction des stades.
Hypothermie légère (> 32 °C) Le patient est conscient, frissonne, présente des téguments froids avec une horripilation. La pression artérielle peut être élevée et la FC rapide.
Hypothermie modérée (de 28 à 32 °C) À l’examen clinique, les téguments sont glacés, livides, la peau est cyanosée. La présence de gelures des extrémités est possible : celles-ci nécessitent un traitement spécifique. Les frissons disparaissent en dessous de 32 °C pour céder la place à de fines trémulations diffuses. Les muscles ont une hypertonie rendant l'examen physique difficile. D’un point de vue neurologique, on peut constater des troubles des fonctions supérieures et une dysarthrie. En dessous de 32° des troubles de vigilance s'observent pouvant aller jusqu’au coma. Les pupilles sont en général en myosis avec abolition des réflexes photomoteurs. D’un point de vue ventilatoire, la fréquence et le volume courant sont diminués. Un encombrement trachéo-bronchique est fréquent, les troubles de la vigilance favorisant l'inhalation de liquide gastrique. D’un point de vue hémodynamique, la FC se ralentit progressivement, la pression artérielle s’abaisse. L'ECG objective le plus souvent une bradycardie sinusale avec allongement des espaces PR et QT, mais des troubles du rythme variés sont possibles, notamment une fibrillation auriculaire. Le risque majeur est la survenue d'une FV dès 32 °C, mais surtout à partir de 28 °C. La morphologie du complexe QRS peut être modifiée sous la forme d’une onde J d’Osborn (fig. 1).
Fig. 1 – Onde J d’Osborn.
Pathologies circonstancielles 321
Hypothermie sévère (< 28 °C) Le patient est dans le coma, et présente une rigidité musculaire marquée. Les pupilles sont en mydriase aréactive. Sur l’ECG, les complexes QRS sont élargis avec un risque permanent de passage en FV, favorisé par les stimulations mécaniques, l’hypoxie et l’acidose.
Hypothermie profonde (<20 °C) Le patient est le plus souvent en état de mort apparente avec un arrêt cardiorespiratoire.
Prise en charge Si l’activité cardiaque est conservée Il faut en premier lieu soustraire le patient au froid et éviter les mobilisations inutiles et les catécholamines pour ne pas déclencher un passage en FV. La température est mesurée pour évaluer le niveau de gravité (tympanique ++). Une surveillance par électrocardioscope doit être mise en place rapidement. L’administration d’oxygène est systématique et l’indication de l’intubation trachéale doit être très large en raison du risque d’hypoxie et d’inhalation dûs aux troubles de vigilance. Il est à noter que l’intubation trachéale n’augmente pas l’incidence de la FV dans les hypothermies sévères. Réchauffement Il existe différentes techniques de réchauffement allant du réchauffement externe passif au réchauffement interne actif. L’utilisation de ces techniques va dépendre de la température du patient mais également des possibilités techniques de chaque centre. Ainsi, le recouvrement par couverture chauffante ou un matelas à circulation d’air chaud est très efficace et permet de gagner de 1 à 2 °C de température centrale par heure. Ce réchauffement externe actif s’accompagne d’une vasodilatation périphérique génératrice d’hypovolémie qui doit être corrigée. À la phase initiale du réchauffement, une aggravation de l’hypothermie peut être observée lorsque du sang refroidi rejoint le noyau central au fur et à mesure que la vasodilatation périphérique s’installe : c’est ce que l’on appelle le phénomène de l’afterdrop qu’il faudra anticiper par un remplissage vasculaire en raison de la survenue d’hypotension par vasodilatation réflexe. Ce phénomène peut être limité en réchauffant initialement seulement le tronc du patient. Les sympathomimétiques sont évités en raison du risque de FV. Les indications des techniques de réchauffement en fonction du niveau d’hypothermie sont résumées sur la figure 2.
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Fig. 2 – Stratégie de réchauffement en fonction de la température du patient. Figure reproduite avec l’autorisation de J.-S. David1.
La surveillance par électrocardioscope en continue devra être maintenue, ainsi que celle de la température.
Arrêt cardiocirculatoire (AC) Dans tous les cas, une réanimation cardiorespiratoire sera débutée. Il faut en même temps chercher à recueillir le témoignage de personnes pouvant attester de signes 1. Source : David JS, Peguet O, Gueugniaud PY (2006) Hypothermie accidentelles. Urgences 2006. L&C editions, Paris, 639-47.
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de vie récents. Si l’AC semble être survenu peu de temps auparavant, et si la température est suffisamment basse pour être à l’origine de l’AC (< 32 °C), la réanimation cardiorespiratoire sera poursuivie pendant le transport vers un centre équipé d’une circulation extracorporelle. Il est à noter qu’en dessous de 28 °C environ, la défibrillation est inefficace. La stratégie de réchauffement est la même que citée précédemment, et sera d’autant plus incisive que la température est basse. Toute la difficulté dans cette situation est de savoir si l’hypothermie est à l’origine de l’AC (meilleur pronostic) ou si elle fait suite à l’AC (mauvais pronostic). Si l’AC semble prolongé, remontant à plusieurs heures, ou l’hypothermie légère (> 32 °C), la réanimation cardiorespiratoire ne sera pas prolongée audelà de 30 minutes.
Bilan des lésions associées En fonction du contexte dans lequel le patient est retrouvé, un bilan lésionnel succinct devra être effectué afin de ne pas passer à coté de lésions vitales à traiter rapidement. Des radiographies simples et une échographie abdominale peuvent être aisément faites au lit du patient en attendant qu’un scanner soit réalisable. D’autre part il faudra rechercher des complications métaboliques de l’hypothermie prolongée par un bilan biologique : fonction rénale, hépatique, coagulation, recherche de rhabdomyolyse, souffrance myocardique, recherche d’une acidose et de troubles hydroélectrolytiques. Il est à noter qu’une kaliémie supérieure à 12 mmol/l chez une victime en arrêt cardiorespiratoire est associée à une mortalité de 100 %.
Pendaison La pendaison constitue une urgence extrême avec un pronostic qui reste lourd. Elle constitue 1 % seulement des tentatives de suicide, mais 43 % des décès par suicide. Plus rarement, il s’agit d’un accident ou encore d’un homicide. Sa prévalence est plus importante en milieu carcéral, rural, et psychiatrique, et il existe une prédominance masculine. Soixante-dix pour cent des victimes décèdent avant l’arrivée des secours, 15 % secondairement et 15 % survivent (avec ou sans séquelles neurologiques).
Physiopathologie Les mécanismes physiopathologiques dépendent de l’action des forces mécaniques transmises par le lien au niveau du cou, sous forme de traction et de compression. Les lésions seront d’autant plus sévères que la chute s’est effectuée d’une hauteur importante, ou que la totalité du poids du corps est transmise au lien.
324 Réanimation et urgences
Les lésions rencontrées sont : – cartilagineuses au niveau du larynx et de la trachée (fracture de l’os hyoïde ou du cartilage thyroïde) ; – nerveuses : du plexus brachial, du pédicule jugulo-carotidien et du nerf vague (syncope) ; – l’obstruction des voies aériennes supérieures : base de langue contre le palais et la face postérieure du pharynx ; – l’occlusion des vaisseaux du cou : compression artérielle bilatérale lorsque le nœud est en position antérieure ou postérieure : « pendu blanc » ; compression artérielle unilatérale et veineuse lorsque le nœud est en position latérale : « pendu bleu ». L’anoxie cérébrale débute rapidement, la perte de conscience est quasi immédiate. Un œdème cérébral se développe par anoxie et ischémie, il est constant, particulièrement brutal et intense. Il est aggravé par l’acidose mixte qui s’installe rapidement. On observe également dans 25 % des cas un OAP dont l’origine semble être plurifactorielle (neurogène, pression négative à glotte fermée, histamino-libération).
Clinique Deux situations très distinctes sont rencontrées : – arrêt cardiocirculatoire : les éléments diagnostiques n’ont pas de spécificité ; – activité cardiaque conservée : le faciès de la victime est vultueux, cyanosé. On peut observer des pétéchies faciales et conjonctivales. Le sillon cervical cutané est visible en semi-circonférence opposé au nœud. Les symptômes neurologiques sont toujours présents, traduction de l’œdème cérébral. Le niveau de conscience est variable, allant jusqu’au coma d’emblée, de valeur pronostique péjorative. Les autres signes neurologiques sont variables, et non systématisés : agitation extrême avec hypertonie oppositionnelle, signes d’irritation pyramidale, myoclonies, convulsions.
Prise en charge Préhospitalière La dépendaison doit être immédiate, c’est de la précocité de cette action que dépendra le pronostic fonctionnel de la victime. Le dégagement doit se faire en évitant tout nouveau traumatisme, en soutenant le corps et en respectant l’axe tête-cou-tronc. Le lien doit être retiré, car il peut réaliser un garrot veineux coincé dans un sillon profond. Un collier cervical sera mis en place, tout pendu étant à considérer comme un traumatisé du rachis cervical.
Pathologies circonstancielles 325
Si le patient est en arrêt cardiaque, un massage cardiaque externe et une ventilation artificielle doivent être débutés sans délai. Dans tous les cas, l’indication d’intubation trachéale devra être large et précoce ; la présence d’un œdème laryngé doit inciter à choisir une sonde d’intubation trachéale de diamètre inférieur au diamètre théorique. L’hémodynamique est maintenue par remplissage prudent et amines pressives si besoin. En cas de convulsions, un traitement non spécifique par diazépam ou clonazépam sera débuté. Toute victime de pendaison devra être hospitalisée.
Hospitalière La surveillance initiale est faite dans tous les cas en service de réanimation. Un bilan paraclinique d’entrée sera effectué, et, outre les examens biologiques de base, comprendra une recherche des toxiques plasmatiques et urinaires. Une radiologie pulmonaire de face est effectuée, mais le bilan radiologique s’appuiera essentiellement sur un examen tomodensitométrique cérébral, thoracique et de la région du cou. Cet examen sera réalisé dans un second temps après injection de produit de contraste à la recherche de lésion vasculaire (dissection, thrombose), carotidienne ou vertébrale. Le reste du bilan sera orienté selon les antécédents, les pathologies associées ou les éventuelles indications opératoires. La prise en charge de l’atteinte cérébrale n’est pas spécifique et utilise les techniques habituelles visant à une optimisation de l’oxygénation, à une diminution de la pression intracrânienne, et à la prévention de la survenue d’ACSOS. Pour cela, la ventilation mécanique a pour objectif de maintenir une normoxie et une normocapnie. La glycémie doit être strictement contrôlée. L’hémoglobine doit être supérieure à 10 g/dl. Le maintien d’une pression de perfusion cérébrale (PAM-PIC) autour de 60 mmHg doit être impérative. Par ailleurs, la victime doit rester normotherme ou discrètement hypotherme. La pendaison demeure une situation clinique à fort taux de létalité. Un score de Glasgow à 3 à la prise en charge est de très mauvais pronostic. En revanche en dehors de cette situation, et même si le pronostic neurologique est difficile à évaluer initialement, on peut rester optimiste devant une victime n’ayant pas fait d’arrêt cardiorespiratoire et sans lésion patente cérébrale ou cervicale au scanner initial.
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Terrains particuliers
Convulsions chez le nourrisson et chez l’enfant E. Javouhey et R. Pouyau
Item
N° 190. Convulsions chez le nourrisson et chez l’enfant
190 Les convulsions sont des affections fréquentes en pédiatrie. Les plus courantes sont les convulsions hyperthermiques qui concernent de 2 à 7 % des enfants de moins de 5 ans. Il faut distinguer les convulsions fébriles, les convulsions sans fièvre et l’épilepsie. L’état de mal épileptique se définit comme une crise convulsive durant plus de 30 minutes ou la survenue de plusieurs crises convulsives sans retour à un état de conscience normale intercritique. L’enjeu majeur est de ne pas méconnaître une cause potentiellement traitable (méningite bactérienne, encéphalite herpétique, lésion traumatique, intoxication ou tumeur cérébrale)
Diagnostic Diagnostic clinique : on distingue les crises généralisées – tonico-cloniques, atoniques, hypertoniques, ou absences – et les crises partielles – hémicorporelles, bucco-faciales, cloniques unilatérales, état confusionnel, crises végétatives (vomissements, troubles vasomoteurs)… Éliminer des mouvements anormaux non convulsifs :
332 Réanimation et urgences
– trémulations ; – spasmes du sanglot ; – myoclonies d’endormissement du nourrisson, myoclonies bénignes du nourrisson ; – dystonies ; – syncopes (hypertonie vagale, anoxiques réflexes, cardiaques…) ; – intoxications médicamenteuses (dystonies des neuroleptiques par exemple). Noter l’heure précise du début de la crise, les prodromes. Rechercher des antécédents de convulsions, d’épilepsie, de troubles neurologiques et/ou du développement antérieurs, chez l’enfant et dans sa famille. Rechercher des signes de gravité : – syndrome méningé : fontanelle bombée tendue, vomissements, céphalées, signe de Kernig, signe de Brudzinski. – signes d’hypertension intracrânienne : fontanelle bombée tendue, regard en coucher de soleil, trouble de conscience, coma, paralysie du III, HTA, bradycardie, apnées, accès d’hypertonies. – Signes de choc : temps de recoloration cutané > 3 s, tachycardie, hypotension artérielle, extrémités froides, pâleur, marbrures, purpura. – hypoxie et détresse respiratoire
Conduite à tenir devant une crise convulsive (fig. 1) Points à retenir : – distinguer une convulsion survenant chez un épileptique connu et chez un enfant antérieurement sain ; – déterminer le contexte fébrile (convulsion fébrile : enfant de 9 mois à 5 ans) ou non ; – évaluer rapidement les fonctions vitales (A/B/C) et les signes de choc ou de détresse neurologique (signes d’hypertension intracrânienne, signes méningés, signes neurologiques focaux) ; – administrer le diazépam (0,5 mg/kg) en intrarectal ; – bilan étiologique de la fièvre ; – bilans biologique et neurologique complémentaires systématiques si : o état de mal épileptique, o convulsions non fébriles chez un enfant sain ou convulsions fébriles compliquées, o nourrisson de moins de 1 an, o état neurologique altéré avant et/ou après la crise, o contexte traumatique ou circonstances mal précisées ; – imagerie cérébrale requise en cas d’altération de la conscience persistante chez un enfant fébrile avant la réalisation de la PL.
Convulsions chez le nourrisson et chez l’enfant 333
Fig. 1. – Algorithme sur la conduite à tenir devant une crise convulsive chez l’enfant.
Prise en charge thérapeutique d’une convulsion Libération des voies aériennes +++ : PLS, aspiration nasopharyngée si besoin, oxygénation, canule. Découvrir. Monitorage : SpO2, FC, FR.
334 Réanimation et urgences
Diazépam (Valium®) IR 0,5 mg/kg (renouveler 1 fois à 10 min si nécessaire). Prendre la température. Faire un dextro. Mettre une voie veineuse périphérique, voire deux en cas d’état de mal convulsif. Bilan sanguin : ionogramme sanguin (Na, Ca, glucose), bilan infectieux (NFP, CRP hémoculture, ECBU), bilan toxicologique (HbCO, alcool, HPLC…), dosages médicamenteux (antiépileptiques, intoxications), ammoniémie, lactates ; Traiter la fièvre : paracétamol (60 mg/kg/j) en première intention. Bilan étiologique (fig. 1). État de mal épileptique ou crises subintrantes : – phénytoïne intraveineux (Dilantin®) : 15-20 mg/kg en 20 minutes (ou Prodilantin® même dose mais en 10 minutes) ; – si persistance : phénobarbital (Gardénal®) 20 mg/kg en 20 minutes ; – si persistance : intubation-ventilation mécanique, penthotal (3-5 mg/kg) ou propofol (2 mg/kg), midazolam IVSE (0,1-0,3 mg/kg/min) ; – nourrison de moins de 6 mois : vitamine B6 (pyridoxine 100 mg IV).
Complication – évolution État de mal convulsif. Inhalation. Anoxie. Récidive : elle est d’environ 30 % dans les 2 ans pour les convulsions fébriles ; le risque est plus important si : – l’âge de début est précoce (< 1 an) ; – antécédents de convulsion fébrile chez un parent ; – survenue de convulsion au cours d’une fièvre peu élevée et brève. Ce risque de récidive doit être expliqué aux parents. La conduite à tenir devant une fièvre et devant une crise doit être expliquée et montrée. Prescription de Valium® intrarectal ou oral (indication discutée) en cas de crise expliquée aux parents si risque élevé de récidive. Évolution vers épilepsie : rare (1 %) si convulsion simple, mais peut atteindre 10 % si crise convulsive compliquée. Les facteurs de risques d’évolution vers une épilepsie sont : – crises prolongées – état de mal ; – crises unilatérales ; – crises répétées ; – début précoce ; – handicap neurologique ; – antécédents familiaux d’épilepsie ; – état neurologique ou développement antérieur anormal.
Diarrhée aiguë et déshydratation chez le nourrisson et l’enfant E. Javouhey et R. Pouyau
Item
N° 194. Diarrhée aiguë et déshydratation chez le nourrisson et l’enfant
194 Les diarrhées représentent la deuxième cause d’hospitalisation des enfants dans les pays développés. La déshydratation représente la première cause de mortalité infantile dans les pays en voie de développement et est responsable de vingt à trente décès de nourrissons par an en France.
Diagnostic Clinique Caractériser le type de diarrhée (aiguë, chronique, glairosanglante, liquide, cholériforme), la fréquence et l’abondance des selles (débordent de la couche ?). Rechercher des signes de déshydratation : perte de poids +++ (tableau I) ; Attention à la possibilité d’existence d’un troisième secteur entraînant une déshydratation sans perte de poids. Signes associés : vomissements, fièvre, syndrome infectieux et signes de choc.
336 Réanimation et urgences
Ne pas méconnaître une étiologie chirurgicale abdominale ou une hypertension intracrânienne devant des vomissements isolés.
Paraclinique Aucun examen n’est nécessaire dans les formes habituelles. Recherche de rotavirus dans les selles qui peut être faite à but épidémiologique. Coproculture si : – diarrhées glairosanglantes ; – diarrhées prolongées ; – retour d’un pays tropical ; – syndrome septique ou immunodéprimé. Ionogramme sanguin si déshydratation sévère et réhydratation IV. Bilan infectieux si syndrome septique (NFS, CRP, hémocultures). Parasitologie des selles si diarrhées du voyageur (trois prélèvements).
Étiologique Virales (80 % des cas) : épidémies hivernales : rotavirus +++, entérovirus… Bactériennes : salmonelles, Escherichia coli, Campylobacter, Yersinia, Shigella.
Complications Déshydratation. Convulsion d’origine infectieuse (Shigella, salmonelle, syndrome hémolytique et urémique), métabolique (hyponatrémie, hypoglycémie), neurologique (convulsion hyperthermique, œdème cérébral…). Hématome sous-dural. Thrombose des veines rénales. Syndrome hémolytique et urémique : Escherichia coli entérotoxinogène (type O157 H7).
Diarrhée aiguë et déshydratation chez le nourrisson et l’enfant 337
Prise en charge Tableau I – Diagnostic et prise en charge d’une déshydratation aiguë. Déshydratation
Légère
Modérée
Sévère
Perte de poids
<5%
5-10 %
10-15 %
Soif Peu de signes physiques
Soif Muqueuses sèches Fontanelle déprimée Absence de larmes Yeux cernés Hypotonie des globes oculaires
Idem + Pli cutané persistant Langue rôtie Préchoc hypovolémique : – tachycardie – oligurie – peau froide, marbrée – TRC allongé – trouble de conscience
Aucun si bonne tolérance SRO
VVP si vomissement VVP en urgence Si échec : KT intraosseux +++
Réhydratation orale (solutés de réhydratation Orale = SRO)
Réhydratation orale +/– intraveineuse
Remplissage vasculaire en urgence extrême Puis poursuite de la réhydratation intraveineuse
Traitement ambulatoire si bonne prise SRO Conseils surveillance
Discuter hospitalisation ; conseils de surveillance +++ si ambulatoire
Hospitalisation en urgence
Signes cliniques
Abord veineux
Traitement
Orientation
Réhydratation +++ Orale : toujours privilégier la réhydratation orale (autorégulation par l’enfant). Solutés de réhydratation orale (SRO) : 1 sachet dans 200 ml d’eau, à proposer frais, ad libidum, en petites quantités (20-40 ml), régulièrement (toutes les 15 min). Si échec : intraveineuse : Principe : perfusion standard + correction de la moitié de la perte de poids en 24 heures avec du sérum physiologique en dérivation. Perfusion standard (pour 24 heures) : – Glucosé 5 % : 150 ml/kg (nouveau-né), 120 ml/kg (6mois), 100 ml/kg (1an), 80 ml/kg (5ans) ; – + NaCl 20 % : 2-4 mEq/kg ; – + KCl 10 % : 2 mEq/kg (après vérification reprise de diurèse).
338 Réanimation et urgences
Si signes de choc : URGENCE VITALE : abord veineux (intraosseux si nécessaire). Remplissage au sérum physiologique : 20 ml/kg en 20 minutes à répéter si besoin.
Réalimentation Toujours : réalimentation précoce avec régime antidiarrhéique. Reprise du lait habituel à H6 sauf : Âge inférieur à 3mois : hydrolysat de protéines de lait de vache (ex. Pregestimil®, Peptijunior®). Diarrhées sévère ou prolongée : discuter le choix du lait sans lactose (ex. Olac®).
Autres traitements Antipyrétiques : mesures physiques, paracétamol. Antibiothérapie : – en urgence si syndrome septique sévère ou immunodépression : C3G en IV ; – après documentation bactériologique si diarrhée glairosanglante bien tolérée. Contre-indication aux ralentisseurs du transit. Autres traitements de confort possible (Lactobacillus, racécadotril, diosmectite) mais sans oublier la réhydratation. Surveillance • Dans tous les cas : consignes de surveillance (poids, prise alimentaire, fièvre, comportement). • Surveillance des « 5P » : Pouls, Pression artérielle, Pipi, Poids, Périmètre crânien. Points clés Maladies fréquentes, potentiellement graves à cause du risque de déshydratation. Évaluer la déshydratation (poids). Solutés de réhydratation orale : seul traitement indispensable. Réalimentation précoce.
Douleur chez l’enfant : sédation et traitements antalgiques E. Javouhey et R. Pouyau
Item
N° 66. Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses et non médicamenteuses
66
Repérer : diagnostic
Difficultés d’évaluation liées à l’âge. Signes cliniques variables et peu spécifiques (pleurs, cri, tachycardie, tachypnée, HTA…). Nécessité d’utilisation d’échelle d’évaluation en fonction de l’âge pour le diagnostic et l’évaluation du traitement : – entre 0 et 4 ans : hétéro-évaluation. Échelles d’observations comportementales adaptées à l’âge (pleurs, aspect du visage, comportement, sommeil, verbalisation…) ; – à partir de 6 ans : auto-évaluation (+/– à corréler à l’hétéro-évaluation) : • échelle visuelle analogique (EVA) ; • échelle des visages FPS-R (fig. 1) :
Fig. 1. – The Pain Faces Scales-Revised (FPS-R). This figure has been reproduced with permission of the International Association for the Study of Pain® (IASP®). The figure may not be reproduced for any other purpuse without permission1.
• Localisation de la douleur sur un dessin ; – entre 4 et 6 ans : essai auto-évaluation, si échec : hétéro-évaluation. 1. Source : Hicks CL, von Baeyer CL, Spafford P, van Konlaar I, Goodenough B. Faces Pain Scales – Revised. Toward a Connon Metric in Pediatric: Pain Measurement. PAIN 2001; 93: 173-183.
340 Réanimation et urgences
Prévenir : prise en charge de la douleur procédurale (provoquée par les soins) Thérapeutiques non médicamenteuses : expliquer, rassurer, présence des parents, hypnorelaxation… Thérapeutiques médicamenteuses (tableau I) : Tableau I – Traitements antalgiques préventifs médicamenteux. Nom
Âge
Administration
Indications
Contre-indications
Saccharose + succion tétine
nouveau-né
orale
gestes douloureux
Crème EMLA® (lidocaïne, prilocaïne)
dès la naissance sauf prématuré
cutanée sur peau saine, 1 h avant le geste
ponctions vasculaires ou sous cutanées
méthémoglobinémie porphyries
MEOPA®, KALINOX® (oxygèneprotoxyde d’azote)
enfant
inhalation
gestes de courte durée
épanchements gazeux, troubles de conscience
Lidocaïne
locale
anesthésie locale
porphyries
Midazolam
intrarectal ou intraveineux
sédation lors de gestes douloureux
insuffisance respiratoire
Traiter Objectifs : soulagement rapide et durable de la douleur en utilisant un antalgique adapté d’emblée. Évaluations fréquentes nécessaires : toute mise en place d’un traitement antalgique nécessite une surveillance rapprochée (évaluation de l’efficacité et des effets secondaires du traitement). Thérapeutiques non médicamenteuses (cf. supra) Thérapeutiques médicamenteuses (tableau II) : principes des trois paliers de l’OMS Palier 1 – antalgiques non morphiniques : douleur légère à modérée. Palier 2 – opioïdes faibles : douleur modérée à intense Palier 2 bis – opioïdes mixtes : douleur modérée à intense Palier 3 – opioïdes forts (fig. 2) : douleur intense, non calmée par palier 2. Autres traitements associés possibles : – antispasmodiques (Spasfon®, Viscéralgine®) : douleurs digestives ; – antidépresseurs et anticonvulsivants : douleurs neuropathiques ; – blocs anesthésiques locorégionaux.
Dès naissance
Dès 1 mois
Dès 3 mois
Dès 1 an
Dès 3 ans
Dès 18 mois
– Dès la naissance – 6 mois pour forme orale
Acide acétyl salicylique *
Ibuprofène
Codéine
Tramadol
Nalbuphine
Morphine
Âge
Paracétamol
Médicament
– orale – intraveineux – sous-cutanée – péridurale – intrathécale
– intraveineux – intrarectale
orale
orale
orale
orale
– orale – intra rectale – intra veineux
Administration
1 mg/kg/jour 1/2-1/3 dose orale 1/2-1/3 dose orale 1/10-1/20 dose orale 1/50-1/200 dose orale
0,2 mg/kg/4-6h
1-2 mg/kg/6h
0,5 mg/kg/8h
7,5 mg/kg/8h
15 mg/kg/6h
15 mg/kg/6h
Posologie
Insuffisance respiratoire ou hépatique
insuffisance respiratoire ou hépatique
insuffisance respiratoire
allergie ulcère évolutif, insuffisance hépatique, rénale
allergie ulcère évolutif, risque hémorragique
insuffisance hépatique
Contre-indications
*Indications limitées par les effets secondaires (gastrite, effet antiagrégeant plaquettaire, syndrome de Reye en cas de viroses comme la varicelle).
Palier 3
Palier 2 bis
Palier 2
Palier 1
OMS
Tableau II – Traitements antalgiques médicamenteux.
Douleur chez l’enfant : sédation et traitement antalgiques 341
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342 Réanimation et urgences
Fièvre aiguë chez l’enfant E. Javouhey et R. Pouyau
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N° 104. Septicémie N° 203. Fièvre aiguë chez l’enfant et chez l’adulte. Critères de gravité d’un syndrome infectieux
203 La fièvre est le premier motif de recours aux consultations d’urgence en pédiatrie. La fièvre fait peur et cette crainte est liée aux complications de l’hyperthermie et au souci de ne pas méconnaître une infection bactérienne. La prise en charge d’un enfant fébrile doit intégrer trois principes : – la recherche systématique d’un foyer infectieux, ; – la recherche de signes de gravité et le cas particulier du nourrisson de moinsde 3 mois ; – la fièvre aiguë se définit par une température supérieure à 38 °C évoluant depuis moins de 5 jours.
Diagnostic et prise en charge Circonstances diagnostiques de la fièvre (parents) : modification de comportement (fatigue, enfant « grognon »…), symptômes cliniques tels que toux, rhinorrhée, douleurs abdominales, céphalées, otalgie… ou signes de complication comme les convulsions.
344 Réanimation et urgences
N.B. : Le fait de sentir un enfant chaud n’est pas synonyme de fièvre : une fièvre réelle n’est retrouvée que dans 50 % des cas. Prise de température : avant 1 an, en rectal ; après 1 an, prise auriculaire ou rectale. Interrogatoire des parents : début de la fièvre, symptômes associés et traitements administrés (antithermiques, anti-inflammatoires, antibiotiques en particulier). Examen clinique complet, chez un enfant complètement dénudé. Nous distinguons quatre situations : – existence de complications à la fièvre ; – existence d’un foyer infectieux ; – fièvre sans foyer infectieux ; – nouveau-né et nourrisson de moins de 3 mois.
Complications de la fièvre Les convulsions fébriles (cf. chap. « Convulsion chez le nourrison et chez l’enfant) Déshydratation La fièvre entraîne une majoration des pertes hydriques : 100 ml/m2 pour chaque degré au-dessus de 38 °C. Elle peut être aggravée par un couvrage excessif ou une exposition à une chaleur excessive (enfants laissés enfermés dans les voitures au soleil par exemple). C’est le cas du « coup de chaleur » : température supérieure à 40,5 °C imposant une hospitalisation d’urgence pour réhydratation et traitement antithermique.
Syndrome d’hyperthermie majeure – Enfants de moins de 3 ans. La cause est inconnue, on retrouve parfois une maladie neurologique ou musculaire dans les antécédents. Montée brutale et inattendue de la fièvre supérieure à 41 °C. Induit une défaillance multiviscérale : choc hypovolémique, encéphalopathie aiguë convulsivante, acidose métabolique, syndrome hémorragique avec CIVD. Le pronostic est redoutable : 90 % de mortalité, fréquentes séquelles neurologiques chez les survivants.
Fièvre aiguë chez l’enfant 345
Fièvre avec foyer infectieux bactérien Recherche systématique d’une infection urinaire (bandelette urinaire – BU et ECBU) chez tout nourrisson présentant une fièvre persistante sans cause évidente. Si le diagnostic de pyélonéphrite aiguë est confirmé, faire systématiquement une hémoculture, hospitaliser l’enfant pour un traitement antibiotique intraveineux initial associant une céphalosporine de troisième génération et un aminoside, puis pratiquer une échographie rénale et des voies urinaires. Le diagnostic de pneumonie est difficile chez l’enfant. Une pneumonie bactérienne se révèle volontiers par des douleurs abdominales. Une polypnée superficielle et une toux modérée sont souvent retrouvées alors que l’auscultation est rarement évocatrice (cf. chapitre « Infections broncho-pulmonaires »). En cas d’otite, l’antibiothérapie est systématique chez les enfants de moins de 2 ans mais chez les enfants de plus de 2 ans, une réévaluation à 48 heures permettra de sélectionner ceux qui relèvent d’une antibiothérapie, l’évolution sans traitement étant souvent favorable (Recommandations AFSSAPS 2005). Les rhinopharyngites et les bronchites sont d’origine virale et ne justifient pas d’antibiothérapie (Recommandations AFSSAPS 2005). Devant une angine, il faut réaliser un test de diagnostic rapide du streptocoque du groupe A (Streptest®) et ne traiter par antibiotiques que les patients ayant un test positif (Recommandations AFFSAPS 2005). Tout syndrome méningé fébrile doit conduire à une hospitalisation pour réalisation d’une PL à la recherche d’une méningite. En cas de cytochimie évocatrice de méningite bactérienne, il faut mettre en route un traitement antibiotique intraveineux en urgence associant une céphalosporine de troisième génération à dose méningée (ceftriaxone 100 mg/kg/j ou céfotaxime 200 mg/ kg/j et de la vancomycine (60 mg/kg/j en 4 injections). Si la cytochimie du LCR évoque une méningite virale et si l’enfant présente des signes d’encéphalite, il faut débuter un traitement antiviral par l’aciclovir en intraveineux à la posologie de 500 mg/m2 toutes les 8 heures. Tout purpura fébrile doit faire évoquer une infection invasive à méningocoque et conduire à une hospitalisation d’urgence et à l’injection d’une céphalosporine de troisième génération en intramusculaire ou en intraveineux. La présence de plusieurs taches purpuriques ecchymotiques ou nécrotiques de plus de 3 mm de diamètre est un purpura fulminans jusqu’à preuve du contraire et doit être traité comme tel.
Fièvre sans foyer infectieux bactérien Dans cette situation, il faut rechercher les signes de gravité. Classiquement, la fièvre d’origine bactérienne est plus élevée que celle d’origine virale. La résistance aux antipyrétiques est aussi un critère associé à un risque plus élevé d’infection bactérienne. Il faut savoir réexaminer un enfant fébrile après avoir administré un antipyrétique.
346 Réanimation et urgences
Les signes de gravité peuvent être classés en quatre catégories : – modification du comportement de l’enfant : cri faible ou aigu chez le nourrisson, agitation, alternance somnolence-agitation par exemple ; – troubles circulatoires : marbrures, pâleur cutanéo-muqueuse, cyanose, teint « gris » ; – troubles de conscience : de la somnolence au coma en passant par l’apathie et la confusion ; – signes de déshydratation : sécheresse des muqueuses, pli cutané, soif, yeux creux, fontanelle déprimée. La conduite à tenir en cas de signes de gravité faisant craindre une infection bactérienne : – hospitalisation ; – examens : NFS, CRP (ou procalcitonine si disponible), hémoculture, BU, PL. – antibiothérapie probabiliste par céfotaxime (25 mg/kg/6 h) ou ceftriaxone (50 mg/kg/24 h). En l’absence de signes de gravité, il faut penser au risque de bacté104 riémie occulte. Celle-ci survient chez 2-5 % des nourrissons fébriles depuis plus de 24 heures sans critères de gravité ni foyer infectieux décelable. Le pneumocoque est le germe en cause dans 90 % des cas, plus rarement il s’agit de méningocoque, de salmonelle ou de staphylocoque. L’évolution de cette bactériémie est imprévisible, se faisant soit vers la guérison spontanée soit vers la persistance de la fièvre isolée, soit vers le développement d’un foyer infectieux secondaire (otite, pneumonie, méningites [de 3 à 5 % des bactériémies à pneumocoque]). Les critères prédictifs sont l’âge entre 6 et 18 mois et le taux de polynucléaires supérieur à 15 000/mm3 La conduite à tenir ne fait pas l’objet de consensus actuel. En pratique nous pouvons conseiller, chez un nourrisson de 6 à 18 mois avec une fièvre élevée mal tolérée sans foyer infectieux décelable, de pratiquer une BU et une hémoculture, de faire un bilan sanguin comprenant une NFS et une CRP et de traiter par ceftriaxone 50 mg/kg, surtout si l’enfant n’est pas vacciné contre le pneumocoque.
Cas particulier du nouveau-né et de nourrisson âgé de moins de 3 mois Dans cette tranche d’âge, l’incidence des infections virales est faible et les signes cliniques d’infection bactérienne sont trompeurs. Les principaux germes responsables de l’infection néonatale (streptocoque du groupe B, Escherichia coli, et dans une moindre mesure Listeria monocytogenes) peuvent provoquer des infections invasives jusqu’à l’âge de 3 mois.
Fièvre aiguë chez l’enfant 347
Avant 1 mois Hospitalisation. Examens paracliniques : NFS, CRP (ou procalcitonine), BU, compte de germes (BU prise en défaut avant 1 mois), hémoculture et PL. Traitement antibiotique systématique : céfotaxime (augmenter la dose si méningite) + aminoside (+ amoxicilline si méningite). Réévaluation à 48 heures après réception des résultats bactériologiques.
À 2 et 3 mois L’attitude est moins systématique et est fonction de l’expérience du médecin pour ce qui concerne l’indication d’hospitalisation. Les examens restent les mêmes, la pratique de la PL étant discutée en fonction de la clinique et de la biologie. Chez l’enfant hospitalisé, la décision de traiter aux antibiotiques peut être différée si l’état clinique est satisfaisant et si les tests inflammatoires sont rassurants. Le contexte épidémique et la présence d’une virose dans l’entourage familial sont des éléments à prendre en compte dans les décisions.
Traitement La fièvre est un mécanisme de défense physiologique qu’il faut savoir respecter du moment que l’enfant la tolère bien, qu’il ne présente pas de signes de gravité ni de complications. Le médecin a un rôle important dans l’éducation des parents à l’égard de la fièvre. Les mesures physiques doivent systématiquement être proposées : dévêtir l’enfant, lui donner à boire pour compenser la déperdition d’eau, ambiance thermique neutre (19-20 °C), bain tiède et parfois (canicule, coup de chaleur) linges froids et humidifiés avec ventilateur. Médicaments antithermiques (tableau I) : Tableau I – Médicaments antipyrétiques utilisables chez l’enfant (Mise au point AFFSAPS 2005). Paracétamol
Aspirine
AINS
Posologie
60 mg/kg/j 60 mg/kg/j 15 mg/kg par prise 15 mg/kg par prise
7,5 -10 mg/kg toutes les 8 heures
Marge thérapeutique
Confortable
Étroite
Confortable
Dose toxique
150 mg/kg
100 mg/kg
?
348 Réanimation et urgences
Effets secondaires
Très rares : thrombopénies, agranulocytose
Limites
Contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatocellulaire
Troubles digestifs Risque hémorragique (effet antiagrégeant) Manifestations allergiques Syndrome de Reye
Toxicité rénale (acidose, IRA) si hypovolémie Vertiges, céphalées Effet antiagrégeant (24 heures) Réactions allergiques Favorise les infections graves ? (tissus mous, streptocoque) L’usage des AINS n’est pas recommandé pour traiter la fièvre et la douleur de l’enfant ayant une varicelle. AMM nourrisson > 6 mois
Aucune étude n’a démontré la supériorité d’une des trois molécules par rapport aux autres. Il faut donc choisir le médicament le moins toxique, c’est-à-dire le paracétamol. L’alternance de deux molécules n’améliore pas l’efficacité et expose à la sommation des effets toxiques : elle ne doit pas être utilisée (Mise au point AFFSAPS). L’introduction d’une second médicament antithermique n’est justifiée qu’en cas d’échec d’un premier traitement : épuisement en moins de 24 heures de la posologie optimale journalière d’un premier traitement. Il est recommandé de répéter systématiquement les prises à intervalle régulier pendant toute la durée présumée de l’épisode fébrile. Points clés La mesure de la température tympanique est le technique actuellement recommandée Les convulsions sont des complications fréquentes mais bénignes de la fièvre La mise en évidence d’un foyer infectieux oriente la prise en charge Un cri anormal, des troubles circulatoires, des troubles de l’éveil ou de la conscience, des signes de déshydratation imposent l’hospitalisation L’infection urinaire doit être recherchée chez un nourrisson fébrile sans foyer infectieux évident Une hémoculture est recommandée chez un nourrisson fébrile sans signe de gravité ni foyer infectieux évident. Un enfant fébrile de moins de 1 mois doit être systématiquement hospitalisé et traité par antibiotiques. Le paracétamol en monothérapie devrait être utilisé en première intention.
Bibliographie Antibiothérapie par voie générale en pratique courante dans les infections respiratoires hautes de l’adulte et de l’enfant (rhinopharyngite, angine aiguë, sinusite aiguë, otite moyenne aiguë). Recommandations AFFSAPS 2005. Mise au point sur la prise en charge de la fièvre chez l’enfant. AFFSAPS 2005.
Infections broncho-pulmonaires du nourrisson et de l’enfant E. Javouhey et R. Pouyau
Items
N° 86. Infections broncho-pulmonaires du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte N° 173. Prescription et surveillance des antibiotiques
86, 173 Les infections broncho-pulmonaires sont un motif très fréquent de consultation en pédiatrie, surtout durant la période hivernale. Trois entités peuvent être distinguées : la bronchite, la bronchiolite et la pneumonie.
Bronchite aiguë Essentiellement d’origine virale. Les bactéries responsables de bronchite sont Mycoplasma pneumoniae, Bordetella pertussis et Chlamydia pneumoniae. Diagnostic clinique : toux, rhinorrhée, expectoration muqueuse ou mucopurulente (non synonyme de surinfection bactérienne), ronchus parfois accompagnés de sibilants. Rechercher une otite et se méfier d’une pneumonie chez l’enfant de moins de 2 ans (radiographie pulmonaire). Traitement symptomatique : désobstruction nasale, kinésithérapie respiratoire réservée aux formes sévères avec sécrétions abondantes, utilisant la toux provoquée et l’accélération du flux expiratoire, antithermiques si besoin, ambiance non surchauffée, position proclive 30°.
350 Réanimation et urgences
Pas d’indication d’antibiotique sauf cas particuliers : terrain à risque (immunodépression, insuffisance respiratoire chronique, cardiopathie grave, drépanocytose, encéphalopathie). Si fièvre de plus de 3 jours ou touxde plus de 10 jours : rechercher pneumonie et otite, bilan biologique.
Bronchiolite Atteinte inflammatoire des voies aériennes inférieures entraînant une obstruction des bronchioles terminales.
Étiologie virale VRS (60 %-70 %), rhinovirus, grippe, Parainfluenza… Concerne essentiellement les nourrissons de moins de 1 an.
Diagnostic clinique et radiologique Début : toux moniliforme, rhinorrhée, apnées inaugurales (20 %). État : dyspnée expiratoire, tachypnée, signes de lutte (entonnoir xyphoïdien, tirage intercostal, balancement thoraco-abdominal) sibilants, ronchus et/ou crépitants à l’auscultation, expectorations muqueuses, difficultés alimentaires (mauvaise prise du biberon, régurgitations), altération de l’état général avec fièvre modérée. La radiographie pulmonaire peut montrer une surdistention, des atélectasies, des infiltrats pulmonaires diffus (forme pneumonique).
Complications Apnées. Insuffisance respiratoire progressive : – fatigue des muscles respiratoires ; – atélectasie, pneumothorax ; – surinfection (rare) pneumocoque, Haemophilus influenzae, Moraxella. Troubles hémodynamiques. Convulsions, SIADH. SDRA.
Infections broncho-pulmonaires du nourrisson et de l’enfant 351
Critères d’hospitalisation Altération importante de l’état général (refus alimentaire, asthénie-apathie) Survenue d’apnée ou de cyanose. FR supérieure à 60/min au repos. Âge inférieur 6 semaines. Prématurité inférieur à 34 SA, âge corrigé moins de 3 mois. Cardiopathie congénitale, pathologie pulmonaire chronique grave. SpO2 inférieure à 94 % sous air et au repos ou lors de la prise des biberons. Troubles digestifs compromettant l’hydratation ou déshydratation avec perte de poids de plus de 5 %. Difficultés psychosociales. Trouble de ventilation sur la RP.
Traitement (conférence de consensus française, ANAES 2000) Hydratation-nutrition : – mesures simples : désobstruction nasale avant repas, fractionnement, épaississement ; – éventuellement alimentation entérale (SNG). Couchage : tête surélevée sur plan dur. Désobstruction nasale au sérum physiologique. Environnement : chambre aérée, température inférieur à 19 °. Bronchodilatateurs non indiqués (1e bronchiolite). Corticoïdes : pas d’efficacité démontrée. Antibiotiques : non indiqués en première intention. Indications : – fièvre supérieure ou égal 38,5 °C pendant plus de 48 heures ; – otite moyenne aiguë ; – foyer pulmonaire systématisé ? – élévation de la CRP, ou du taux de PN ; – terrain pulmonaire ou cardiaque. Antiviraux (Ribavirine) : non indiqué. Antitussifs, mucolytiques, mucorégulateurs : aucune indication. Oxygènothérapie : indiquée en milieu hospitalier en cas de désaturation marquée. Kinésithérapie respiratoire efficace à la phase sécrétante en permettant une désobstruction des voies aériennes par : – instillation nasale et désobstruction nasopharyngée ; – aspiration nasopharyngée ; – expiration lente prolongée ; – toux provoquée.
352 Réanimation et urgences
Pneumopathie Trois grands agents étiologiques : – les virus : VRS, grippe, adénovirus ; – le pneumocoque : première cause de pneumopathie bactérienne chez l’enfant, le plus dangereux ; – Mycoplasma pneumoniae : surtout après 4 ans. Les staphylocoques, Haemophilus influenzae et les autres germes sont beaucoup plus rares.
Pneumonie à pneumocoque Début aigu. Syndrome infectieux sévère (fièvre > 39 °C). Formes trompeuses (douleurs abdominales très fréquentes, syndrome méningé). Image pulmonaire systématisée, parfois pleurésie purulente associée. Signes auscultatoires peu informatifs. Toux sèche, polypnée. Urines foncées avec protéinurie. Diagnostic bactériologique difficile : hémoculture (10 %), crachats peu fiables, antigènes urinaires (sensible mais peu spécifique), polynucléose et CRP élevée. Traitement : amoxicilline voie orale ou IV (test diagnostique) 100 mg/kg/j pendant 10 jours.
Pneumonie à Mycoplasma pneumoniae Tableau subaigu. Fièvre modérée. Toux traînante rauque. Signes extrapulmonaires : éruption (érythème polymorphe, urticaire…), myalgies. Images radiologiques non systématisées (épanchement pleural, infiltrat alvéolo-interstitiel…). Pas de polynucléose. Diagnostic par sérologie (IgM) et PCR à partir de sécrétions pharyngées (peu sensible). Traitement par macrolides voie orale pour une durée de 2 semaines au moins.
Infections broncho-pulmonaires du nourrisson et de l’enfant 353
Fig. 1 – Schéma thérapeutique d’une pneumonie communautaire chez l’enfant sans facteur de risque (recommandations AFSSAPS 2005).
Pneumopathie virale Contexte épidémique. État général habituellement conservé. Tableau radiologique très polymorphe : images non systématisées, souvent bilatérales. Pas de polynucléose, CRP non ou peu élevée. Diagnostic virologique actuellement facile : tests de diagnostic rapide (IF, ELISA), cultures. Pas de traitement antibiotique.
Bibliographie Conférence de consensus sur la prise en charge de la bronchiolite du nourrisson. ANAES 21 septembre 2000, Paris. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante au cours des infections respiratoires basses de l’adulte et de l’enfant. Recommandations AFFSAPS, octobre 2005.
Malaise grave du nourrisson et mort subite E. Javouhey et R. Pouyau
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N° 210. Malaise grave du nourrisson et mort subite
210
Malaise grave du nourrisson
Définition Épisode aigu survenant de manière brutale ou inopinée d’hypotonie, de détresse respiratoire, de cyanose, de pâleur ou de changement de teint ; avec impression de mort imminente d’après les témoins (À différencier de l’arrêt cardiorespiratoire ou mort subite).
Identifier des situations d’urgences et planifier leur prise en charge Malaise en cours, détresse vitale immédiate • Évaluation clinique rapide Ventilatoire : obstructions des voies aériennes, SpO2 < 90 %, cyanose, signes de lutte… Hémodynamique : hypotension, temps de recoloration cutanée allongé, choc, bradycardie ou tachycardie, insuffisance cardiaque… Neurologique : trouble de conscience, convulsion, déficit… • Réanimation immédiate : principe de l’ABC (airway, breath, circulation)
356 Réanimation et urgences
A : libération et stabilisation des voies aériennes. B : oxygénation +/– ventilation. C : prise en charge hémodynamique : remplissage vasculaire, amines… Hospitalisation en urgence en service de réanimation pédiatrique.
Malaise récent, examen clinique normal Situation la plus fréquente avec malaise spontanément résolutif et récupération complète lors de l’examen. Ne pas banaliser ; hospitalisation en urgence, bilan pour évaluer le retentissement (ECG, enzymes cardiaques, transaminases, acide lactique, urée, créatininémie).
Connaître les étiologies pour les rechercher Respiratoires : causes obstructives, apnées centrales ou périphériques. Cardiovasculaires : QT long congénital, cardiopathie, myocardite Digestifs : reflux gastro-œsophagien (fréquent, diagnostic d’élimination), invagination intestinale aiguë. Neurologiques : convulsions, HTIC, hypertonie vagale. Infectieuses : bactériennes (coqueluche +++, septicémie…), virales (VRS +++). Métabolique : hypoglycémie, erreurs innées du métabolisme, prise de toxique. Traumatique : sévices, enfant secoué.
Planifier la prise en charge Toujours : hospitalisation, recherche d’une cause et surveillance (scope cardiorespiratoire). Interrogatoire précis : Antécédents personnels et familiaux (morts subites ou inexpliquées, cardiopathie, neurologiques…). Circonstance de survenue du malaise +++ : chronologie, durée, rapport avec l’alimentation, le sommeil… Description clinique précise : couleur, respiration, mouvements anormaux… Examen clinique soigneux. Biologie : dextro, ionogramme, calcémie, NFS, bilan infectieux (CRP, hémocultures, ECBU), bilan métabolique (ammoniémie, chromatographies des acides aminés et des acides organiques). Radiologie : Radiographie pulmonaire. Autres : ECG dès l’admission, EEG.
Malaise grave du nourrisson et mort subite 357
Mort subite inexpliquée du nourrisson (MSN) Définition Décès soudain d’un enfant de moins d’1 an, inattendu par son histoire et non expliqué malgré les examens réalisés après la mort.
Épidémiologie En 1990 : 1 500 cas par an en France. Diminution par la suite du nombre de décès grâce à la mise en place de mesures préventives, notamment sur les conditions de couchage des nourrissons. En 2005 : 247 cas par an en France (source InVS). Prédominance masculine, pic de fréquence entre 2 et 4 mois. Les étiologies sont les mêmes que celles du malaise grave du nourrisson.
Facteurs de risque et de prévention (tableau I) Importance des mesures préventives : à mettre en place dès la maternité ; information et explication de la prévention à poursuivre au cours des premières consultations. Objectif : limiter les facteurs de risque pour diminuer le nombre de décès. Tableau I – Facteurs de risque et mesures préventives de la mort subite du nourrisson. Facteurs de risque
Principales mesures préventives
Conditions de couchage : • position ventrale de sommeil +++ • couette, oreiller, matelas trop mou
Coucher les enfants sur le dos, avec un surpyjama, une turbulette ou une gigoteuse sur un matelas ferme, dans une chambre à 19°
Tabagisme
Arrêt du tabac pendant la grossesse et du tabagisme passif dans le logement
Médicaments
Pas de médicaments sédatifs avant 3 mois
Autres facteurs de risque : – prématurité ou petit poids de naissance ; – antécédent familial de MSN (surtout si décès d’un jumeau) ; – milieu socio-économique défavorable ; – recrudescence hivernale.
358 Réanimation et urgences
Prise en charge de l’enfant et de la famille : (Recommandations professionnelles HAS (2007) Sur le lieu de l’intervention Prise en charge médicalisée de l’enfant et de la famille. Transport du corps de l’enfant dans un centre de référence MSN en accord avec les parents.
Au centre de référence Accueil immédiat et attentionné des parents : entretien et accompagnement auprès de l’enfant. Mener les explorations médicales à visée diagnostique le plus rapidement possible. Réaliser une autopsie médicale après accord signé des parents dans les 48 heures. Informer les parents des résultats des examens pratiqués. Proposer un soutien psychologique et/ou associatif à la famille.
À long terme Analyser les éléments du dossier et faire une synthèse diagnostique. Prise en charge de la famille (soutien psychologique, informations complémentaires…).
Bibliographie BEH thématique 3-4/22 janvier 2008. Recommandations professionnelles 2007 de la Haute Autorité de Santé : « Prise en charge en cas de mort inattendue du nourrisson (moins de 2 ans) ».
La parturiente en réanimation et aux urgences A. Le Gouez et D. Benhamou
Item
N° 17. Principales complications de la grossesse
17 La prise en charge des parturientes en réanimation diffère de celle des autres malades par le fait que deux patients doivent être pris en considération : la mère et le fœtus. Les changements physiologiques dus à la grossesse vont affecter les diagnostics, la prise en charge et les traitements des pathologies conduisant en réanimation. Le risque d’un accouchement à tout moment au cours de l’hospitalisation de la mère en réanimation ainsi que la prévision du besoin de prise en charge spécialisée d’un nouveau-né prématuré et de petit poids de naissance doivent être envisagés d’emblée en coordination avec l’équipe obstétricale et justifient que la réanimation soit au mieux effectuée dans une structure située à proximité d’un centre périnatal de type III (dite aussi maternité niveau III). D’autre part, la maladie maternelle (ex. choc) ou les traitements administrés à la mère peuvent être néfastes pour le fœtus. Les causes d’admission des femmes enceintes en réanimation sont nombreuses. Il existe des pathologies spécifiques de la grossesse et du post-partum pouvant conduire à une admission en réanimation, mais le séjour en réanimation peut être dû à une pathologie intercurrente sans rapport avec la grossesse.
362 Réanimation et urgences
Modifications physiologiques de la grossesse ayant une implication sur la prise en charge en réanimation Système cardiovasculaire (tableau I) Les changements du système cardiovasculaires sont nombreux : – augmentation du volume sanguin de plus de 50 % par rapport aux femmes non enceintes, d’autant plus qu’il s’agit d’une grossesse multiple. Il s’agit de la plus importante des modifications qui commence dès le premier trimestre. Cette augmentation peut conduire à une sous-estimation des pertes sanguines ; – réduction du retour veineux et diminution du débit cardiaque de 30 % en décubitus dorsal strict, par compression de l’aorte et de la veine cave inférieure par l’utérus gravide, surtout au troisième trimestre de la grossesse (après 26 semaines d’aménorrhée (SA)). Ce syndrome de compression cave entraîne une hypotension rapide et une baisse du flux utérin. Il est levé par la mise en décubitus latéral gauche de 10° qui doit être systématique au cours de l’hospitalisation en réanimation. Tableau I – Changements physiologiques du système cardiovasculaire durant la grossesse. Variable
Changement
Fréquence cardiaque
augmentée
Pression artérielle
diminuée
Débit cardiaque
augmenté
Résistances vasculaires systémiques
diminuées
Résistances vasculaires pulmonaires
diminuées
Volume sanguin
augmenté
Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO)
inchangée
Pression veineuse centrale
inchangée
Système respiratoire Ces modifications débutent tôt pendant la grossesse et se font sous l’influence du taux progressivement croissant de progestérone qui va stimuler les centres respiratoires cérébraux. Ces modifications consistent en : – une augmentation du volume courant de 40 % en moyenne ; – à fréquence respiratoire stable ;
La parturiente en réanimation et aux urgences 363
– et donc à une augmentation de la ventilation-minute entraînant une diminution de la PaC02 jusqu’à 30 mmHg en moyenne, compensée par une excrétion rénale de bicarbonates et souvent associée à une hypokaliémie modérée (de transfert) ; – une augmentation de la consommation d’oxygène de 20 %, une diminution de la CRF de 20 % et une compliance pulmonaire réduite au troisième trimestre, conduisant à une désaturation plus rapide en cas d’intubation orotrachéale. D’autres modifications physiologiques (seins hypertrophiés, œdème supraglottique, prise de poids) font de la femme enceinte une patiente à risque d’intubation et de ventilation difficile.
Hématologie Les modifications hématologiques ont pour but de minimiser la perte sanguine survenant au moment de l’accouchement : – diminution du taux d’hémoglobine d’1 g/dl en moyenne, correspondant à l’anémie « physiologique » de la grossesse par augmentation relative du volume plasmatique ; – hyperleucocytose modérée non pathologique jusqu’à 20 000/μl si elle est isolée ; – thrombopénie de fin de grossesse survenant de façon isolée, mais devant faire éliminer systématiquement une prééclampsie ; – modifications des systèmes de coagulation : augmentation pendant la grossesse de tous les procoagulants sauf de la protéine S, augmentation du fibrinogène de 50 %, réduction de la fibrinolyse, contribuant à l’état d’hypercoagulabilité de la grossesse et à l’augmentation du risque thrombo-embolique.
Système urinaire De survenue précoce pendant la grossesse, elles doivent conduire à modifier les normes des taux sériques de certains médicaments. Elles consistent en : – l’augmentation du débit plasmatique rénal ; – l’augmentation du taux de filtration glomérulaire de 50 % environ, ce qui modifie la limite normale supérieure de la créatinine plasmatique qui sera considérée comme pathologique si elle est supérieure à 0,8 mg/dl chez la femme enceinte ; – une rétention d’eau et de sodium par modification de la fonction tubulaire. Par ailleurs, il existe une augmentation du risque d’infection urinaire par : – une dilatation avec diminution de la mobilité urétérale ; – une diminution du tonus vésical avec augmentation du risque de reflux vésico-urétéral.
364 Réanimation et urgences
Système gastro-intestinal Les changements hormonaux dus à la grossesse conduisant à l’incompétence du sphincter inférieur de l’œsophage, ainsi que le refoulement de l’estomac par l’utérus gravide augmentant le risque d’inhalation au moment de l’intubation doivent faire considérer toute femme enceinte comme un estomac plein, et ce dès 20 SA.
Principaux motifs d’hospitalisation en réanimation (tableau II, III et IV) Tableau II – Principales causes de dyspnée chez la parturiente. Cardiovasculaires Cardiomyopathie du post-partum Cardiopathie congénitale Valvulopathie Embolies Pulmonaires OAP Induit par les tocolytiques En contexte de prééclampsie Syndrome d’hyperstimulation ovarienne SDRA Exacerbation d’asthme Décompensation d’une pathologie pulmonaire sous-jacente Inhalation Pneumothorax, pneumomédiastin Hématologiques Anémie Infections Sepsis Pneumopathie communautaire
Tableau III – Principaux motifs d’hospitalisation en réanimation au cours de la grossesse. Complications obstétricales (65 %) Hypertension artérielle gravidique, prééclampsie, éclampsie Hémorragie sur un placenta praevia Sepsis Pathologies médicales et chirurgicales (35 %) pyélonéphrite diabète insuffisance respiratoire décompensation cardiaque d’une cardiopathie congénitale ou acquise
La parturiente en réanimation et aux urgences 365
Tableau IV – Points clés de l’interrogatoire et de l’examen clinique d’une femme enceinte en choc. Interrogatoire Terme (hauteur utérine), suivi de la grossesse Antécédents obstétricaux, thrombœmboliques, cardiovasculaires Traitements en cours Circonstances de survenue : œdèmes, convulsions, troubles de la conscience, céphalées, saignements, traumatismes, douleur épigastrique en barre, vomissements Allergies Perception de mouvements actifs fœtaux Examen clinique Pression artérielle, œdèmes des membres inférieurs, réflexes ostéotendineux, bandelette urinaire Score de Glasgow Fièvre, défense, contracture abdominale Saignements vaginaux Signe de Homans Crépitants à l’auscultation pulmonaire
Au cours de la grossesse (fig. 1) Complications obstétricales (65 %) – Hypertension artérielle gravidique, pré éclampsie, éclampsie. – Hémorragie sur un placenta praevia (fig. 1). – Chorio-amniotite.
Pathologies médicales et chirurgicales (35 %) – Sepsis : la définition du sepsis et de sa gravité n’est pas modifiée du fait de sa survenue chez la femme enceinte. En revanche, la dysfonction myocardique induite par le sepsis conduit rapidement au collapsus cardiovasculaire chez la femme enceinte, car sa pression artérielle est maintenue de façon physiologique par une augmentation du débit cardiaque. Le sepsis en lui-même augmente le risque d’accouchement prématuré, encore plus lorsque l’état septique est conditionné par une pathologie chirurgicale intra-abdominale (ex. appendicite) Les infections les plus fréquentes chez les parturientes sont les pyélonéphrites, les pneumopathies et les chorio-amniotites. Ces infections s’expliquent par des facteurs prédisposants liés à la grossesse : – une dilatation urétérale et un reflux vésico-urétéral ; – une vidange gastrique ralentie souvent associée à un reflux gastro-œsophagien ; – un pH vaginal acide avec augmentation du glycogène vaginal.
366 Réanimation et urgences
Les germes les plus fréquents sont : – BGN : Escherichia coli ; – entérocoque, streptocoque bêta-hémolytique ; – anaérobies : peptostreptocoque, bacteroïdes. Les recommandations internationales sont en faveur d’une réanimation agressive du sepsis et du choc septique avec un objectif de pression artérielle moyenne de 65-70 mmHg. Un remplissage par cristalloïdes est à préférer, mais les colloïdes artificiels (gélatines, amidons) peuvent être utilisés si besoin. Tous les vasopresseurs sont autorisés et ne réduisent pas le débit fœtoplacentaire. Le traitement par antibiothérapie (bi– ou trithérapie) doit être débuté en urgence et couvrir les anaérobies, en respectant les contre-indications du chloramphénicol et des tétracyclines. La corticothérapie, si elle est indiquée, ne doit pas dépasser 300 mg/j d’hémisuccinate d’hydrocortisone et majore le risque de survenue d’endométrite et de chorio-amniotite en cas de rupture prématurée des membranes. Le traitement par la protéine C activée et le contrôle glycémique strict gardent les mêmes indications que chez la patiente non enceinte. – Diabète. Insuffisance respiratoire aiguë : sur un SDRA, OAP en contexte ou non de prééclampsie, exacerbation d’un asthme. Décompensation cardiaque d’une cardiopathie congénitale ou acquise, notamment les cardiomyopathies du péripartum. – EP : du fait des modifications de la coagulation, le risque de thrombose veineuse profonde au cours de la grossesse est multiplié par 5 et concerne 1/1 000 à 1/2 000 grossesses. Cette augmentation du risque s’explique également par une stase veineuse renforcée par la compression cave de l’utérus gravide qui explique également la prédominance gauche des phlébites. Les examens complémentaires autorisés pour le diagnostic de l’EP sont l’angioscanner, la scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion et l’échographie cardiaque. – Les D-dimères augmentent pendant la grossesse et sont difficiles à interpréter. La prise en charge thérapeutique est la même qu’en dehors de la grossesse, sachant que l’héparine non fractionnée et les HBPM ne passent pas la barrière fœtoplacentaire et que les AVK sont contre-indiqués au premier et au troisième trimestre.
La parturiente en réanimation et aux urgences 367
Fig. 1 – Arbre décisionnel devant un choc chez la femme enceinte.
Principaux motifs d’hospitalisations en réanimation en post-partum (tableau V) Tableau V – Points clés de la prise en charge en réanimation de la femme enceinte ou en post-partum. Orientation en centre multidisciplinaire (maternité niveau III) Décubitus latéral gauche de 15° « Estomac plein » Oxygénation fœtale rapide, bonne réanimation maternelle = bonne réanimation fœtale Tous les examens complémentaires sont autorisés Avoir la bandelette urinaire « facile » Prévention de la maladie thromboembolique Surveillance du fœtus et discussion de l’extraction fœtale pour sauvetage maternel et/ou fœtal Éviter les médicaments contre-indiqués en cas de grossesse Persistance des changements physiologiques jusqu’à 6 semaines en post-partum
Le post-partum est défini par les 6 semaines suivant l’accouchement. À noter que le risque de prééclampsie ou d’éclampsie persiste en postpartum, correspondant ainsi à la cause la plus fréquente d’admission en réanimation en post-partum. La deuxième cause en termes de fréquence est l’hémorragie du postpartum. Les causes de choc septique sont les mêmes que pendant la grossesse, auxquelles se surajoutent d’autres étiologies : endométrite, lymphangite, infections à point de départ périnéal.
368 Réanimation et urgences
Le risque de thrombose veineuse profonde et d’EP persiste en post-partum et est augmenté en cas de césarienne, a fortiori dans le cadre de l’urgence. L’embolie amniotique est une pathologie rare (1/20 000 naissances) mais grave, avec une mortalité de 16 % à 30 % avec risque élevé (85 %) de séquelles neurologiques. Les signes cardinaux sont : – hypoxie (93 %) ; – choc ; – CIVD (83 %) ; – encéphalopathie (85 %). Les autres signes évocateurs sont : – convulsions (50 %) ; – fièvre, nausée, frissons ; – souffrance fœtale aiguë. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination. Il n’existe aucun test diagnostique spécifique d’obtention facile, et le diagnostic formel ne peut être obtenu que par prélèvement de sang dans les artères pulmonaires (par cathéter de Swan-Ganz ou nécropsie) mettant en évidence la présence de débris fœtaux. Le traitement est symptomatique. Il doit être précoce et agressif.
Le fœtus en réanimation Surveillance Réalisation d’un monitorage du rythme cardiaque fœtal (bruits du cœur ou rythme cardiaque fœtal – RCF) à partir du terme de viabilité (> 24 SA) et des contractions utérines par capteur externe, au moins une fois par jour et en cas de diminution des mouvements actifs fœtaux. L’interprétation du RCF peut être difficile chez une patiente intubée, ventilée et recevant des sédatifs à fortes doses (transfert transplacentaire avec réduction de la variabilité du RCF).
Tocolyse Toute femme enceinte hospitalisée en réanimation présente un risque d’accouchement prématuré. La décision de la mise en route d’un traitement tocolytique doit être multidisciplinaire en fonction du terme de la grossesse, du risque maternel à poursuivre la grossesse, de l’absence de chorio-amniotite. Les bêtamimétiques (salbutamol) inhibent les contractions, mais présentent des effets secondaires gênants en réanimation : tachycardie, hypotension, œdème pulmonaire, hypokaliémie. Les inhibiteurs calciques (nicardipine, nifédipine) peuvent
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être utilisés en surveillant leurs effets sur la pression artérielle. Enfin, l’atosiban est un antagoniste compétitif de l’ocytocine qui présente moins d’effets secondaires hémodynamiques.
Maturation pulmonaire Tout fœtus entre 24 et 34 SA doit bénéficier d’une cure de corticoïdes en cas de menace d’accouchement prématuré et a fortiori en cas d’hospitalisation en réanimation. La bêtaméthasone (12 mg par voie intramusculaire, deux injections à 24 heures d’intervalle) est efficace pour la prévention de la maladie des membranes hyalines et d’autres complications néonatales : hémorragie intraventriculaire cérébrale, entérocolite ulcéronécrosante. Cette cure de corticoïdes courte n’interfère pas avec les traitements de réanimation et doit être administrée même en cas de sepsis maternel.
Interruption de la grossesse Une interruption médicale de grossesse ou une extraction fœtale prématurée doit toujours être envisagée pour sauvetage maternel ou fœtal, en équipe multidisciplinaire. Cette décision doit être modulée en fonction du terme de la grossesse.
Médicaments de réanimation contre-indiqués pendant la grossesse Les médicaments employés en réanimation peuvent intervenir sur le fœtus par trois mécanismes : – au premier trimestre de grossesse, avec un risque tératogène ou sur l’organogenèse ; – par retentissement sur les échanges materno-fœtaux, en diminuant la pression artérielle et le débit utéro-placentaire ; – au troisième trimestre, avec un risque d’intoxication fœtale. Cependant, si un traitement se révèle potentiellement délétère pour le fœtus, mais vital pour la mère, il doit être prescrit ; la survie de la mère prime. Les antibiotiques : – contre-indiqués : streptomycine, chloramphénicol, imidazolés, tétracyclines ; – déconseillés : aminosides, quinolones, colistine IV, rifampicine ; – à privilégier : bêtalactamines, polypeptides et macrolides. Ne pas oublier que les concentrations plasmatiques des antibiotiques sont diminuées pendant la grossesse (dilution) : il faut donc augmenter les doses et/ou la fréquence des prises.
370 Réanimation et urgences
Les BZD, utilisées en sédation en réanimation ne sont pas tératogènes, mais entraînent une dépression respiratoire néonatale et des symptômes de sevrage pour le nouveau-né. Les anticonvulsivants : – garder à l’esprit que les crises convulsives font courir un grave danger à la mère et à l’enfant ; – tous les antiépileptiques sont liés à une augmentation du risque de malformations congénitales, surtout la phénytoïne ; – le phénobarbital est à privilégier. Cortisone et dérivés : risque d’insuffisance surrénale aiguë chez le fœtus s’ils sont employés en fin de grossesse. Les antihypertenseurs : – bêtabloquants : risque d’hypotension et d’hypoglycémie fœtale, ils nécessitent une surveillance néonatale ; – IEC, antagonistes de l’angiotensine II : contre-indiqués (insuffisance rénale et oligoamnios) ; – diurétiques : risque d’ischémie fœto-placentaire. AINS : contre-indiqués (insuffisance rénale, fermeture du canal artériel, hémorragie). Les anti-coagulants : – AVK : contre-indiqués aux premier et troisième trimestres ; – HBPM : autorisées. Les radiographies standard, TDM avec tablier de plomb si possible, la scintigraphie pulmonaire et l’IRM ne sont pas contre-indiquées quelque soit le terme de la grossesse.
Particularités de l’arrêt cardio-circulatoire de la femme enceinte (tableau V) Tableau VI – Points clés de la prise en charge d’un arrêt cardiaque de la femme enceinte. Alerter les équipes d’anesthésie-réanimation, d’obstétrique et de néonatalogie Recommandations de traitement symptomatique (massage cardiaque externe, défibrillation, intubation, adrénaline) similaires à celles d’un arrêt cardiaque non obstétrical Mise en décubitus latéral gauche de 15° Prévention de l’inhalation Monitorer le rythme cardiaque fœtal Césarienne en extrême urgence dès la cinquième minute de RCP si la grossesse est de plus de 24 SA
La parturiente en réanimation et aux urgences 371
Une caractéristique intrinsèque essentielle à la prise en charge de l’AC des parturientes est l’existence du fœtus et d’un volumineux utérus. Comme pour tout AC, il faut : – noter l’heure ; – alerter les équipes d’anesthésie-réanimation, d’obstétrique et de néonatalogie ; – que la réanimation cardio-pulmonaire (RCP) suive les recommandations habituelles : ABC avec intubation orotrachéale précoce pour assurer l’oxygénation maternelle et fœtale ; – que les doses d’adrénaline soient identiques à celles employées pour la femme non enceinte : 1 mg IVD toutes les 3 minutes. Particularités obstétricales : – prévention de l’inhalation par manœuvre de Sellick (pression cricoïdienne) ; – la zone de compression sternale lors du massage cardiaque doit être située un peu plus haut, au milieu du sternum. – mise en décubitus latéral gauche de 30°, à l’aide d’une chaise ou sur les genoux du sauveteur pour lever la compression aorto-cave et rendre le massage efficace ; – monitorer le rythme cardiaque fœtal (RCF) si possible ; – les CEE gardent les mêmes indications et les mêmes intensités que chez la femme non enceinte. Cependant, la position des plaques doit faire l’objet d’une attention particulière, de façon à ne pas les positionner trop bas et éviter ainsi que le fœtus soit traversé par le courant électrique ; – césarienne en extrême urgence, si l’hémodynamique n’est pas restaurée au bout de 5 minutes de réanimation intensive et si le terme est supérieur à 24 SA, pour lever la compression aorto-cave et faciliter le massage cardiaque externe (sauvetage maternel). Les causes les plus fréquentes de l’arrêt cardio-circulatoire chez la femme enceinte sont : – la maladie thrombœmbolique veineuse ; – l’hypertension gravidique ; – le sepsis ; – l’embolie amniotique ; – l’hémorragie : placenta praevia, rétention placentaire, atonie utérine, CIVD. – le traumatisme ; – iatrogènes : allergies, complications d’anesthésie, hypermagnésémie dans le cadre d’une éclampsie.
372 Réanimation et urgences
Conclusion La prise en charge des femmes enceintes dans une réanimation située à proximité immédiate d’un centre périnatal de type III est hautement souhaitable. La femme enceinte hospitalisée en réanimation pose donc de nombreux problèmes inhérents à sa condition de future mère. Les changements physiologiques dus à la grossesse et l’existence de pathologies spécifiques de la grossesse et du postpartum doivent être pris en considération afin de pouvoir établir les diagnostics appropriés et d’employer les traitements adéquats. Il est important de garder à l’esprit que toute situation diminuant la pression artérielle maternelle est délétère pour le fœtus. Un objectif de pression artérielle moyenne de 70 mmHg doit être maintenu, voire 90 mmHg chez les patientes hypertendues et prééclamptiques, si besoin à l’aide de vasopresseurs habituellement utilisés en réanimation. Les quelques particularités de prise en charge de l’arrêt cardiocirculatoire de la femme enceinte doivent être connues, notamment la notion d’extrême urgence de l’extraction fœtale pour augmenter les chances de survie maternelle. Enfin, même si le fœtus doit être pris en charge en coordination avec l’équipe obstétricale et de façon la moins délétère possible, il est important de rappeler que la survie de la mère prime.
La personne âgée en réanimation P. Lena
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N° 54. Vieillissement normal : aspects biologiques, fonctionnels et relationnels. Données épidémiologiques et sociologiques. Prévention du vieillissement pathologique N° 59. La personne âgée malade : particularités sémiologiques, psychologiques et thérapeutiques
54, 59 En 2050 en France, selon une étude de projection récente de l’Insee, 1 personne sur 3 aura plus de 60 ans. Aujourd’hui, 35 % des actes chirurgicaux sont réalisés chez des patients âgés de 65 ans et plus. Ces patients ont une morbidité et une mortalité postopératoires supérieures à celle des patients plus jeunes. Une des principales difficultés de la prise en charge des patients âgés vient de l’hétérogénéité de la population gériatrique, et la nécessité d’individualiser les soins. Cela requiert une connaissance précise des conséquences de l’âge et de l’impact des comorbidités telles l’HTA, le diabète, les maladies cardiaques, pulmonaires et des autres systèmes sur les réserves physiologiques.
Spécificités physiologiques liées à l’âge Deux éléments importants doivent être pris en compte concernant la physiologie du sujet âgé :
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– l’âge est associé à une réduction progressive de la réserve des divers organes et systèmes ; – le début et l’importance de ces changements sont très variables d’un individu à l’autre. Chez la majorité des personnes âgées, des mécanismes de compensation liés à ce changement sont adéquats. Ainsi, la limitation des réserves ne devient apparente que dans les périodes de stress tels l’exercice et la maladie.
Les modifications physiologiques liées à l’âge Le système cardiovasculaire Le vieillissement normal s’accompagne d’altérations progressives du système circulatoire : – réduction de l'élasticité artérielle. Les pressions artérielles systoliques et moyennes augmentent et accroissent la postcharge ventriculaire ; – réduction du nombre de myocytes ; – hypertrophie ventriculaire ; – baisse du nombre de cellules des voies de conduction. La réduction de la compliance ventriculaire, encore appelée trouble de la relaxation diastolique, est liée à l’hypertrophie et à l’ischémie myocardiques. Elle est à l’origine de l’insuffisance cardiaque diastolique. La pathologie cardiaque du sujet âgé est dominée par la coronaropathie et l’insuffisance cardiaque diastolique et/ou systolique, sa prévalence doublant tous les 10 ans à partir de 50 ans.
Le système respiratoire L’altération de la mécanique ventilatoire est responsable d’une diminution de tous les volumes et des débits mobilisables, alors que le volume résiduel augmente. Trois mécanismes concourent à cette altération : • la réduction de la force de la pompe ventilatoire ; • l’augmentation de la rigidité de la cage thoracique ; • l’altération des propriétés élastiques du poumon. La résultante est une diminution de la compliance de l'appareil respiratoire, augmentant le travail du diaphragme dont la force diminue avec l'âge.
Les reins La vascularisation rénale, la filtration glomérulaire et les fonctions tubulaires sont altérées. Le nombre de glomérules fonctionnels se réduit avec l’âge, le flux sanguin rénal diminue de 10 % par décade. Cela entraîne une réduction progressive de la clairance de la créatinine alors que le taux sanguin de créatinine reste presque inchangé. La diminution de la masse maigre ne permet pas à
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la créatininémie d’atteindre des chiffres aussi élevés que chez le sujet jeune. La réduction de réserve de la fonction rénale est plus précisément estimée par la formule de Cockroft et Gault.
Le système nerveux La proportion de substance grise diminue. La quantité de neurones et de synapses se réduit considérablement dans plusieurs régions du cerveau. Les concentrations locales de neurotransmetteurs et la quantité ou l’activité de plusieurs récepteurs sont réduites. L’atteinte des fonctions cognitives est très fréquente. Elles représentent l’ensemble des structures et des activités psychologiques dont la fonction est la connaissance. Cette atteinte est d’origine multifactorielle, l’âge avancé est un facteur important.
Le squelette et la peau L’ostéoporose et l’arthrose sont habituelles. Lors de manipulations elles exposent à des risques de fractures ou de luxations. La peau est fragile et exposée à des risques de nécrose (escarre) par compression.
Modifications immunitaires Avec l’âge, il existe une diminution de l’efficacité des différentes cellules impliquées dans la réponse immunitaire : lymphocytes, macrophages et granulocytes. Ainsi, le risque de pathologie infectieuse est augmenté.
Évaluation clinique du patient âgé L’un des objectifs essentiels de la prise en charge du patient âgé dans le cadre de l’urgence est d’évaluer le plus précisément possible les perspectives d’avenir du patient dans le but d’anticiper sa qualité de vie. L’information sur l’autonomie du patient est un élément fondamental. Savoir ce que le patient pouvait faire seul apporte souvent beaucoup de renseignements sur l’état général. Ainsi, l’absence de symptôme cardiovasculaire ou respiratoire doit être analysée en fonction de l’activité du patient. La connaissance de l’autonomie permet d’appréhender l’avenir social, partie intégrante de la prise en charge, y compris dans le cadre de l’urgence. L’interrogatoire du patient ou de son entourage est une étape importante. Il permet de préciser les antécédents, les traitements, les symptômes et les facteurs de risque en particulier cardiovasculaires (âge, sexe, diabète). Les patients âgés hospitalisés présentent en moyenne cinq maladies.
378 Réanimation et urgences
Le patient âgé malade De nombreuses pathologies influent sur la mortalité et la survenue de complications. L’existence de pathologies préexistantes influence le pronostic à court terme, mais elle augmente également la mortalité à moyen terme. Elle multiplie par 3 le risque de présenter une complication et allonge la durée d’hospitalisation en réanimation (tableau I). Tableau I – Influence des pathologies préexistantes et des complications sur la mortalité, la survenue de complications. Facteurs
Mortalité
Complications
Diabète
–
+
Pathologie cardiaque
+
+
Pathologie respiratoire
+
+
Néoplasie
+
–
Immunosuppression
+
–
Pathologie hépatique
+
Complications cardiaques
+
Complications respiratoires
+
Complications rénales
+
Complications digestives
–
+ influence prouvée ; – absence d’influence.
Pathologie cardiovasculaire La dysfonction diastolique dans des conditions basales est asymptomatique. Lors d’un événement aigu, elle peut être à l’origine d’une décompensation cardiaque. L’insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée représente près de la moitié des cas d’insuffisance cardiaque au-delà de 80 ans (tableau II). Le remplissage vasculaire doit être prudent chez le grand vieillard, capable de passer en OAP sous l’effet d’un remplissage trop rapide ou trop important.
Pathologie neurologique Dans le cadre de l’urgence, les troubles cognitifs s’inscrivent le plus souvent dans le cadre d’un syndrome confusionnel. Il s’agit d’une urgence gériatrique grave dont les facteurs déclenchants sont nombreux, et elle nécessite une recherche
La personne âgée en réanimation 379
active des pathologies dont certaines impliquent le pronostic vital. Parmi les éléments déterminants, la prise en compte des handicaps sensoriels (surdité et cécité) doit inciter à y remédier rapidement (lunettes et prothèses auditives), mettant fin à un isolement sensoriel invalidant et anxiogène. La maladie d’Alzheimer est la première cause de démence neurodégénérative, elle concerne 20 % des patients de plus de 80 ans. Sa prévalence augmente de manière exponentielle avec l’âge, une incidence de 100 000 nouveaux cas est diagnostiquée chaque année. Tableau II – Facteurs de décompensation fréquents en gériatrie. Décompensation cardiaque
Décompensation neurologique
ACFA ou trouble du rythme supraventriculaire
Douleur quelle qu’en soit la cause
Trouble conductif
Rétention aiguë d’urines
Remplissage vasculaire excessif
Fécalome
Fièvre, infection
Fièvre, infection
Anémie, hypoxémie
Anémie, hypoxémie
Ischémie myocardique
Ischémie myocardique
HTA non contrôlée
Troubles ioniques (natrémie, calcémie)
Dysthyroïdie
Traitement associé : anticholinergique…
Insuffisance rénale Traitement associé : AINS, inotropes négatifs, collyres chronotropes négatifs. ACFA : arythmie complète par fibrillation atriale ; HTA : hypertension artérielle ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Prises médicamenteuses La polymédication est la règle, moins de 5 % des patients âgés ne prennent aucun médicament à domicile. Les médicaments les plus prescrits sont les antibiotiques, les médicaments à effet cardiovasculaire, les antalgiques, les BZD et des médicaments à visée intestinale. La polymédication augmente les risques d’interactions médicamenteuses. Toute modification thérapeutique précédant une situation aiguë doit être considérée comme suspecte.
380 Réanimation et urgences
Pathologie iatrogène La diminution de l’eau totale et de la masse maigre augmente le risque de surdosage des médicaments hydrosolubles, l’augmentation de la masse grasse majore le risque d’accumulation des médicaments liposolubles et prolonge leur action (BZD). La dénutrition protéique (albuminémie basse) diminue la fixation protéique et augmente l’activité des médicaments à forte fixation protéique. Parmi les pathologies fréquentes dans le grand âge, il faut citer la pathologie iatrogène, dont la responsabilité doit être systématiquement évoquée face à une situation incomplètement élucidée. De 10 à 20 % des hospitalisations des patients de plus de 75 ans sont la conséquence d’un accident iatrogène, et 5 à 20 % des patients âgés hospitalisés font un accident ou un incident iatrogène pendant leur séjour.
Les principes de la prise en charge en réanimation Le traitement des complications liées aux pathologies préexistantes doit être une priorité qui permet de diminuer la mortalité. Ces mesures thérapeutiques ont pour objectif une stabilisation rapide des fonctions vitales. La prise en charge de ces patients, si elle tient compte de l’âge, dépend surtout du bilan lésionnel, des pathologies associées et de l’état fonctionnel antérieur, l’âge étant plutôt un argument justifiant d’une attitude agressive visant à préserver les fonctions vitales et à prévenir une décompensation des pathologies préexistantes. Pour ce qui est des thérapeutiques à mettre en œuvre, elles diffèrent peu de celles appliquées aux sujets les plus jeunes.
Facteurs pronostiques des patients âgés en réanimation La mortalité en réanimation augmente avec l’âge. Cependant, la sévérité de la maladie causale ou de la pathologie sous-jacente est un critère prédictif de mortalité plus fiable. Les scores de gravité établis à l’admission d’un patient en réanimation prennent en compte l’âge, les facteurs de terrain (immunodépression, cancer) et les paramètres relevés lors de l’admission. La pathologie intercurrente et le terrain sont des facteurs pronostiques plus importants, revenant à considérer davantage l’âge physiologique que l’âge civil. La qualité de la survie est aussi un critère à estimer. L’âge ne semble pas être un facteur prédictif d’absence de retour à une qualité de vie antérieure.
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Décision de non-admission en réanimation La maladie causale, le terrain sous-jacent et l’expression par le patient de refus de soins de réanimation sont des critères plus importants que l’âge pour son admission en réanimation. L’âge à lui seul ne doit pas être un critère de non-admission en réanimation. Le motif d’admission, les comorbidités doivent également être intégrés. En cas de décision de non-admission, celle-ci doit être prise consensuellement entre les différents acteurs des soins (réanimateur, urgentiste, médecin traitant). À ce stade, l’orientation vers des mesures de soins palliatifs peut être évoquée et doit être expliquée à la famille.
Conclusion La prise en charge des patients âgés en réanimation répond aux mêmes règles que celles des patients plus jeunes. Les critères d’admission en réanimation doivent être analysés en fonction de la pathologie présentée, de la qualité de vie avant l’épisode aigu et des conditions d’autonomie qu’aura le patient à sa sortie de réanimation. L’information et la concertation avec la famille sont nécessaires.
Bibliographie Muller L, Lefrant JY, Gache A, de La Coussaye JE. Critères d’admission du sujet âgé en réanimation in Sfar, éditeur. Médecine d’urgence. 45e Congrès national d’anesthésie et de réanimation. Paris : Elsevier ; 2003. 29-37. Boddaert J, Gouronnec A, Bouchon JP et al. Vieillissement de la population : conséquences en médecine d'urgence in Sfar, editeur. Médecine d’urgence. 45e Congrès national d’anesthésie et de réanimation. Paris : Elsevier ; 2003, 7-19. Arcand M, Herbert R Précis pratique de gériatrie. 3e éd. EDISEM ; Actonvale Qc 2007.
Techniques
Cathéters vasculaires J.-L. Arvieux, C.-C. Arvieux et J.-J. Lehot
Introduction Le développement des soins intensifs et la nécessité du monitorage des pressions de remplissage du cœur droit et gauche chez les patients sévèrement atteints ont répandu l’usage du cathétérisme veineux central avec un large éventail d’indications. Parallèlement à cette expansion, les matériels et les techniques disponibles se sont améliorés, diminuant l’incidence des complications et augmentant la durée de vie des cathéters. Le choix de la technique dépend avant tout de l’indication, mais les habitudes et l’expérience de l’opérateur entrent aussi en compte, la morphologie du patient et le type d’équipement disponible sont aussi des variables à intégrer.
L’opérateur Une connaissance théorique des différentes techniques disponibles et une adresse minimale de l’opérateur sont nécessaires pour obtenir le maximum de sécurité. La principale difficulté pour le débutant est d’avoir une vue en trois dimensions de la zone d’insertion à partir des schémas anatomiques en deux dimensions habituellement disponibles. La meilleure façon d’apprendre l’anatomie fonctionnelle du cathétérisme veineux est donc l’apprentissage sur cadavre ou l’observation au cours de la dissection chirurgicale peropératoire en ORL, ou en chirurgie vasculaire. Les premières tentatives doivent être faites sous la conduite d’un opérateur expérimenté qui pourra guider de ses conseils, voire s’habiller pour guider directement les gestes du novice.
386 Réanimation et urgences
La technique Le taux de complications lors de l’insertion dépend de la sécurité de la voie d’abord : la jugulaire interne semble d’un accès plus facile, avec un taux de complications plus faible que la voie sous-clavière. La voie jugulaire est aussi sûre chez l’enfant que chez l’adulte et doit être préférée chez les sujets atteints d’une coagulopathie. L’abord à droite est plus sûr que l’abord à gauche aussi bien pour la jugulaire que la sous-clavière : l’aorte est plus distante, le trajet veineux moins tortueux, et le canal thoracique n’est présent qu’à la face postérieure du confluent de Pirogoff à gauche. La voie fémorale est aussi d’un abord simple et rapide qui fait tout son intérêt en urgence. La voie sous-clavière est une veine facile à ponctionner, confortable pour le patient et ayant le risque infectieux le plus faible. Ses inconvénients sont essentiellement liés au risque élevé de pneumothorax, et plus rarement d’hémothorax ou de blessure de l’artère sous-clavière impossible à comprimer. Elle doit être privilégiée dès que la durée prévisible de cathétérisme dépasse 5-7 jours et que le risque de barotraumatisme ou de ponction artérielle non compressible est acceptable. La veine jugulaire interne comporte deux principaux avantages : un taux de réussite de la ponction (de85 à 90 %) et une vitesse d’apprentissage de la technique élevés. Ses principaux inconvénients sont : une sensibilité à l’hypovolémie, justifiant de mettre le patient en position déclive de 15 à 20°, voire de réaliser une expansion volémique, afin de dilater la veine et de faciliter sa ponction ; une fréquence élevée de complications infectieuses et de ponctions carotidiennes avec risque d’hématome cervical (5 %), et un risque faible de pneumothorax ou de lésion du nerf phrénique, de ponction trachéale ou œsophagienne. Elle est probablement la voie d’abord de choix lorsque la durée de cathétérisme prévisible est courte (période péri-opératoire). La voie fémorale est facile à ponctionner et comporte peu de risques immédiats. Elle présente, en revanche, des risques septiques et thrombotiques secondaires élevés. Elle est donc à réserver à l’urgence (en l’absence de suspicion de lésion de la veine cave inférieure) et aux situations où un abord cave supérieur est impossible. Inversement, la voie sous-clavière permet un meilleur confort, des pansements plus hermétiques et bénéficie d’un long trajet sous-cutané qui constitue une « tunnelisation » naturelle, cela explique un taux d’infection plus faible et une plus longue durée de vie des voies d’abord. Pour des raisons opposées, l’abord fémoral perd ses avantages reconnus dans l’urgence, lorsqu’il s’agit d’un cathétérisme de longue durée.
Cathéters vasculaires 387
Le patient Le choix du site d’insertion dépend beaucoup de la pathologie du patient, de son anatomie et de l’état de la peau aux sites habituels. Par exemple, la jugulaire interne diminue le risque de pneumothorax et est à privilégier chez l’insuffisant respiratoire. Chez le polytraumatisé, la sous-clavière, malgré le risque de pneumothorax, offre l’avantage de rester ouverte au cours d’un état de choc du fait de ses connexions fibreuses avec la première côte et la clavicule. La veine fémorale peut aussi être utilisée dans ce contexte du fait de sa facilité d’accès et de son calibre. La présence d’une coagulopathie recommande d’éviter la sousclavière du fait de l’impossibilité de compression en cas de lacération vasculaire. La durée de vie nécessaire du cathétérisme en fonction de la situation clinique orientera plus facilement vers la sous-clavière que vers la fémorale. Enfin, la configuration anatomique du thorax et du cou du sujet pèse sur l’indication : un cou très court ou des antécédents de chirurgie cervicale peuvent faire préférer la voie sous-clavière ; un thorax en « carène » avec des creux sousclaviers très profonds prédispose au pneumothorax et oriente donc le choix vers la jugulaire.
L’équipement Une grande variété de cathéters est actuellement disponible. Les nouveaux matériaux rendent ceux-ci moins thrombogènes, chimiquement inactifs en général, souples et radio-opaques. Ces quatre qualités sont primordiales. Certains cathéters présentent une activité propre antibactérienne du fait de leur revêtement soit antiseptique, soit antibiotique, mais leurs indications restent encore discutées. Les meilleurs matériaux sont les polymères de silicone et de polyuréthane. Les plus irritants et les plus thrombogènes sont faits de polyéthylène ou de polypropylène en partie du fait d’une plus grande rigidité. Ils ne peuvent servir que pour de brèves durées. Le plus souvent, le cathéter comporte une seule lumière, suffisante pour une surveillance de la pression veineuse ou les perfusions. Ce cathéter peut être remplacé, par simple « mandrinage », par un cathéter multivoies (deux ou trois lumières) indispensables si plusieurs substances chimiquement incompatibles doivent être perfusées. Les techniques d’épuration ou de filtration nécessitent des cathéters plus gros et plus rigides à une ou à deux voies pour obtenir des débits suffisants. Ces mêmes cathéters peuvent servir pour une transfusion massive et rapide dans certaines situations. Enfin, des cathéters semi-rigides de gros calibre doivent être utilisés pour permettre l’insertion d’une sonde d’entraînement électrosystolique, d’un cathéter de Swan-Ganz ou d’un ballon de contrepulsion aortique.
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Les techniques d’insertion Elles sont très nombreuses et ne peuvent pas être toutes exposées. Les schémas illustrent l’ensemble des possibilités connues à ce jour. Outre les connaissances anatomiques indispensables, l’introduction de l’échographie portable permet de guider la ponction de la veine et s’avère améliorer l’apprentissage des gestes chez le débutant. La sonde d’échographie est placée dans un manchon souple stérile. Cette technique diminue le risque de complication lors de la ponction et est obligatoire dans certains pays
Fig. 1 – Repères superficiels jugulaires et sous-claviers.
Les voies jugulaires La veine jugulaire interne a un calibre de 1,5 à 2,5 cm de diamètre suivant les sujets. Elle court de la base du crâne jusqu’à la face postérieure de la tête de la clavicule où elle s’abouche à la veine sous-clavière pour donner le confluent de Pirogoff. Son orientation suit une ligne entre la mastoïde et l’articulation sternoclaviculaire (fig. 1). Dans la partie haute du cou, elle est sur la face externe de la carotide puis se place en avant de celle-ci dans la partie basse du cou. Elle est toujours située immédiatement sous le muscle sterno-cléido-mastoïdien. Juste au-dessus de la tête de la clavicule, la jugulaire est très superficielle (de 5 à 7 mm, épaisseurs de la peau et des aponévroses superficielles), au sommet de
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la fossette de Sédillot (fig. 2). Le dôme pleural est très profond chez l’adulte, au niveau de la première côte, il est au contraire très haut chez l’enfant et peut être atteint par une piqûre trop profonde. Pour cathétériser la veine avec le maximum de chance de succès, il est nécessaire de mettre le réseau cave supérieure en pression positive en plaçant le patient en position de Trendelenburg de 15 °. Pour dégager le cou, les oreillers sont enlevés, un billot peut être positionné sous les épaules pour surélever le thorax et la tête est tournée du côté opposé à l’insertion. La règle de sécurité maximale pour éviter de perforer la carotide est de « rester juste sous le sternocléido-mastoïdien », à son contact, éventuellement en le soulevant un peu avec l’aiguille qui cherche à piquer la veine.
Fig. 2 – Repères anatomiques jugulaires et sous-claviers.
Les voies sous-clavières La veine sous-clavière est le prolongement de la veine axillaire. Son trajet remonte en avant, en dedans avec une courbure à convexité supérieure en direction du confluent de Pirogoff derrière la tête de la clavicule. La clavicule est un repère constant pour la veine, puisqu’elle la suit sur les deux tiers de son trajet, à sa face inférieure dont elle est séparée par le petit muscle sous-clavier. En arrière de la veine se trouve l’artère sous-clavière et plus profondément la plèvre et le poumon (fig. 2). À gauche, la veine sous-clavière reçoit le canal thoracique
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(canal lymphatique). Pour cathétériser la veine avec le maximum de chance de succès il faut « horizontaliser » la clavicule en tirant légèrement le bras vers le bas, le long du corps. La règle de sécurité à garder à l’esprit est de « rester au contact de la clavicule » à laquelle la veine reste arrimée.
Fig. 3 – Repères superficiels veine fémorale.
Fig. 4 – Repères anatomiques veine fémorale.
La voie fémorale Au niveau de l’aine, la veine fémorale remonte du membre inférieur en suivant la face interne de l’artère de même nom. Aucun élément « noble » n’est situé dans les abords immédiats de la veine ; seul le nerf crural est présent dans l’espace mais situé de façon plus externe, il est hors d’atteinte (fig. 3). On repère la veine en prenant le pouls fémoral, 1 cm en dessous du pli de l’aine. Lorsque l’on place ses deux doigts joints, le plus externe reposant sur l’artère fémorale que l’on sent battre, le deuxième doigt (le plus interne) se situe sur la veine. Il suffit de piquer, à un angle de 30°-45° en profondeur, en visant l’oreille opposée du patient. Chez l’enfant, la veine est plus superficielle et l’angle d’insertion doit être de 15 à 20° environ.
Ce qu’il faut savoir faire Le geste technique d’insertion du cathéter n’est qu’un élément à pratiquer dans l’abord veineux, même s’il représente pour le débutant son principal enjeu. Le positionnement du patient, la préparation du site d’insertion, la préparation de l’opérateur et le dressage de la table, puis la gestion de l’abord veineux sont des éléments aussi importants qu’il ne faut surtout pas négliger. Le rôle du personnel infirmier y est prépondérant. Une antisepsie chirurgicale doit présider à ce véritable cérémonial.
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La préparation du patient Le patient est clairement prévenu des éléments de la procédure et rassuré. Le maximum d’attention lui est porté surtout lorsque, couvert de champs, il angoisse ou suffoque. Dans la mesure où les règles d’asepsie le permettent, le maximum de confort lui est apporté. Nous avons vu qu’une bonne position du patient facilite l’insertion. Cette installation est de la responsabilité de l’opérateur qui doit s’assurer que son geste pourra se faire avec le maximum de sécurité. Chez les patients ventilés mécaniquement, les raccords de la ligne respiratoire sont sécurisés si cela est nécessaire, les dispositifs de monitorage du patient (saturomètre, ECG…) doivent rester fonctionnels sous les champs, car ils constituent les seuls moyens de surveillance. Le billot, si utile, est mis en place et ne doit pas être traumatisant. Le bras est tiré par un aide ou attaché temporairement au lit. Il sera toujours hasardeux de tenter de modifier la position une fois le drapping fait. La position de la table de service est aussi primordiale, mais souvent négligée par le néophyte : certaines tables passant au-dessus du corps du patient pour se rapprocher du site d’insertion sont un atout intéressant qui diminue les manœuvres et le risque de contamination. Attention aux fautes d’asepsie dues à la proximité d’équipements encombrants ou de structures adjacentes dans une chambre exiguë. Ne pas hésiter à changer de gants ou de sarrau en cas de suspicion d’une faute d’asepsie.
La préparation du site Quel que soit le site d’insertion choisi, la peau doit être soigneusement préparée. Les cheveux sont enveloppés dans un calot, ou mieux une « charlotte » en non-tissé, et les bords en sont éventuellement fixés à la peau par un adhésif. Si nécessaire, la zone d’insertion est tondue. Elle est méticuleusement nettoyée par une solution antiseptique moussante avant d’être rincée puis badigeonnée avec une solution alcoolique antiseptique de chlorhexidine ou de povidone iodée qui diminuent significativement le risque de contamination du cathéter par rapport aux autres solutions. Il est recommandé, surtout en présence d’un opérateur peu expérimenté, de préparer à la fois la zone de la jugulaire et celle de la sous-clavière et de faire un seul drapping ; c’est souvent une source de gain de temps à l’usage.
La préparation de l’opérateur Tout l’équipement nécessaire au cathétérisme doit être préparé à l’avance. Il tient compte des habitudes de l’opérateur, des besoins liés à la situation requise par le patient, des protocoles du personnel infirmier en matière de gestion des lignes de perfusion (choix des cathéters, des types d’introducteurs, des rampes
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de perfusion…). L’opérateur peut alors s’équiper et se préparer stérilement. La table de service est ensuite dressée stérilement.
La préparation finale de la peau Avant l’insertion du cathéter, l’opérateur procède à une asepsie finale en badigeonnant à deux reprises la zone cutanée. Un temps suffisant est alloué à l’antiseptique pour agir avant de procéder au drapping. Celui-ci dépend des habitudes de chaque service. Cependant, un montage du type chirurgical en « triangulation » exposant à la fois l’aire jugulaire et l’aire sous-clavière est un procédé très efficace bien que moins employé. Il utilise trois champs non fendus placés en triangle. D’une façon plus courante, l’emploi d’un champ fenêtré autocollant en matériau non tissé, de taille adaptée, s’est généralisé et est à la fois rapide et facile d’installation, tout en étant parfaitement isolant. Une anesthésie locale à la xylocaïne est alors possible avec une aiguille de 22 gauges. Il est utile de laisser, là aussi, le temps au produit pour agir, cela dans l’intérêt du patient. Le patient est mis en position de Trendelenburg lorsque tout est prêt pour piquer la veine. Cette précaution diminue le risque d’embolie gazeuse dans un circuit veineux qui peut être en dépression.
L’insertion du cathéter La veine est ponctionnée avec une aiguille de 18 gauges. Un introducteur métallique à bout mousse est « gentiment » introduit dans la veine à travers l’aiguille. Cette manœuvre doit être absolument atraumatique et doit pouvoir se faire avec l’extrémité des deux premiers doigts. Si une force plus grande est nécessaire, il y a fort à parier que le guide ne suit pas une voie normale, ce qui sera confirmé à son retrait : le guide revient tordu et ne doit pas être réutilisé. Après l’insertion prudente du guide métallique sur une quinzaine de centimètres environ, l’aiguille est retirée. Une incision est faite au point de ponction afin d’élargir l’orifice créé par l’aiguille avant de procéder à l’introduction du cathéter guidé par l’introducteur métallique. Celui-ci est alors retiré. La ligne de perfusion, préalablement amorcée avec le liquide de perfusion, est immédiatement fixée au cathéter et un reflux sanguin est recherché en mettant le flacon de perfusion en siphonnage. Ce reflux signe le bon positionnement du cathéter dans la veine cave supérieure. Il est alors possible de fixer le cathéter à la peau soit avec un fil chirurgical soit avec des bandes adhésives suivant les habitudes du service. Un pansement réalisé suivant les protocoles de l’unité est alors confectionné. Il doit permettre l’isolement bactérien de l’orifice du cathéter et de la première connexion. Avant de quitter le site stérile, l’opérateur retire tout objet contondant ou contaminé en le jetant dans les conteneurs prévus à cet effet, afin de limiter le risque d’« accident d’exposition au sang » du personnel soignant par
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une piqûre inopportune. La position correcte du cathéter sera confirmée par un cliché thoracique qui permet de voir son extrémité située juste au-dessus de l’abouchement de la veine cave supérieure à l’oreillette droite. Ce cliché confirme aussi l’absence de pneumothorax, ce qu’une auscultation soigneuse du thorax immédiatement après la pose du cathéter permettait déjà de suspecter.
Surveillance d’un patient porteur d’un cathéter veineux profond Tout patient porteur d’un cathéter veineux profond doit être surveillé étroitement : – toute température supérieure à 38 °C doit être prise en compte, l’infection du cathéter faisant partie des hypothèses diagnostiques à évoquer devant une fièvre chez un patient de réanimation ; – le site d’insertion doit rester sous surveillance à la recherche d’une zone inflammatoire ou purulente ; – l’aspect du membre proximal doit être surveillé à la recherche d’une stase veineuse, d’une inflammation ou d’un œdème ; – la perméabilité de la veine cathétérisée doit être surveillée par la présence d’un reflux, par échographie-doppler et si nécessaire par angiographie ; – toute injection doit être faite aseptiquement au niveau de sites protégés ; – tout risque d’embolie gazeuse doit être écarté en réalisant un « siphon de sécurité », celui-ci consiste à laisser pendre en dessous du plan du lit la partie de la ligne de perfusion exempte de sites d’injection.
Les complications Les complications précoces Elles surviennent lors de la pose du cathéter ou dans les heures qui suivent. Le plus souvent ces complications sont bénignes et sans graves conséquences, mais certaines peuvent mettre en danger la vie du patient. Ces complications sont les suivantes : – les arythmies auriculaires ou ventriculaires lors de la mise en place du guide ou du cathéter peuvent être graves chez le coronarien ou chez l’insuffisant cardiaque arythmique, elles signent souvent une introduction trop profonde du guide métallique ou du cathéter lui-même, qu’il faut impérativement retirer ; – le pneumothorax est une complication fréquente et doit être systématiquement recherché, il est souvent bénin, mais peut avoir des conséquences graves (drainage, décompensation d’une insuffisance respiratoire…) ;
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– la piqûre artérielle avec hématome compressif (compression nerveuse : ganglion stellaire, plexus brachial, nerfs récurrent, phrénique ou pneumogastrique…) ; – l’hémothorax ou le glycothorax (perfusion dans la plèvre…) plus rares ; – la malposition du cathéter qui remonte dans la jugulaire en venant de la sous-clavière (ou inversement) ; – la tamponnade cardiaque par hémopéricarde (perforation de l’oreillette ou du ventricule droits) ou le glycopéricarde par passage intrapéricardique de la perfusion ; – la boucle et les nœuds du cathéter dans la veine ou une cavité cardiaque, la section d’une partie du cathéter ; – l’embolie gazeuse rarement lors de l’insertion, plus souvent par déconnexion d’une perfusion (intérêt du siphon de sécurité) ; – la lésion du canal thoracique avec chylothorax.
Les complications retardées Elles apparaissent après quelques jours de cathétérisme et sont dominées par la thrombose et l’infection. Ce sont les suivantes : – la thrombose est rarement symptomatique et est favorisée par la rigidité du cathéter et son calibre ; – l’infection du cathéter peut être évidente devant un tableau inflammatoire et œdémateux du territoire de drainage, mais est le plus souvent un diagnostic d’élimination après exploration systématique dans un contexte de fièvre inexpliquée ; – le choc septique est la complication la plus redoutée souvent liée à un staphylocoque, plus rarement à un bacille à Gram négatif ou à un candida.
Conclusion L’indication de pose d’un cathéter veineux profond implique l’emploi d’un équipement adapté, une technique appropriée de pose et des conditions d’asepsie chirurgicale. Tout aussi importants que la technique d’insertion, les soins apportés à l’accès veineux après sa pose conditionnent la durée de vie du cathéter permettant ainsi d’épargner le capital veineux du patient et surtout de prévenir toute complication septique pouvant mettre en danger la vie du patient.
Transfusions de produits sanguins labiles L. Garin et O. Guillemaut
Item
N° 178. Transfusion sanguine : indications, complications. Hémovigilance
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Rappel de la réglementation
Art. R 4311-9 du Code de santé publique : « L’infirmier ou l’infirmière est habilité à accomplir sur prescription médicale écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, les actes et soins suivants, à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment : 1° Injections et perfusions de produits d’origine humaine nécessitant, préalablement à leur réalisation, lorsque le produit l’exige, un contrôle d’identité et de compatibilité obligatoire effectué par l’infirmier ou l’infirmière… » Bonnes pratiques de l’arrêté du 10/09/2003 et circulaire n° 03/582 du 15/12/2003 relative à l’acte transfusionnel décomposant l’acte transfusionnel en plusieurs phases : 1) prélèvement des examens immuno-hématologiques (EIH) (groupe sanguin – GS, RAI) ; 2) prescription de produits sanguins labiles (PSL) ; 3) réception des PSL ; 4) réalisation de l’acte transfusionnel ; 5) gestion documentaire c’est-à-dire archivage dans le dossier transfusionnel.
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Rappel des indications des PSL en anesthésieréanimation Il s’agit toujours d’une prescription médicale. Concentré de globules rouges (CGR) : hémorragie aiguë massive (taux d’hémoglobine [Hb] ≤ 70 ou 80-90 g/l selon les antécédents du patient). N.B. : la transfusion d’un CGR augmente le taux d’Hb de 10 g/l environ (en l’absence d’hémorragie). Concentrés plaquettaires (CP) : thrombopénie lors d’un geste à risque hémorragique avec NP < 50 G/l (< 100 G/l pour chirurgie ophtalmique ou neuro-chirurgie). Plasma frais congelés (PFC) : association d’hémorragie ou geste à risque hémorragique et anomalie profonde de l’hémostase (TP < 40 % ou TCA > 1,8/témoin ou fibrinogène < 1g/L ou facteurs de la coagulation < 40 %).
Les examens immuno-hématologiques obligatoires La carte de GS et/ou de RAI (pour la transfusion de CGR) est/sont indispensable(s) à la transfusion de tout PSL. La prescription de ces EIH est médicale. Prélèvement des EIH : prélèvement des GS/RAI avec étiquette d’identification du patient « apposée par la personne qui a prélevé, immédiatement après le prélèvement et en sa présence ». L’étiquette d’identification comprend obligatoirement cinq items minimum : 1) Nom de naissance ; 2) Prénom ; 3) Nom marital ou usuel ; 4) Date de naissance ; 5) Sexe. Le prélèvement est accompagné d’une fiche de prélèvement comportant obligatoirement l’étiquette d’identification du patient (cf. supra), la nature de l’EIH demandé (GS, RAI), l’hôpital, le service, la date, l’heure, le nom et la qualité du préleveur. L’EFS (Établissement français du sang) reçoit chaque demande de prélèvement pour EIH accompagnée de la fiche de prélèvement dûment remplie. La notion d’urgence doit être indiquée.
Validité d’une carte de GS et de RAI Une carte de GS ne peut être délivrée qu’après deux déterminations sur deux prélèvements distincts (afin d’éviter les erreurs d’identification du prélèvement). Elle comprend :
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– le groupage ABO RH1 (= rhésus D) ; – le phénotypage RH-KEL (détermination des antigènes érythrocytaires RH 2, 3, 4, 5 et KEL 1 (= RH C, E, c, e, K)). Une RAI est habituellement valide 3 jours = J0, J1, J2.
Prescription médicale de PSL Écrite, quantifiée, datée et signée par le médecin ainsi que le degré d’urgence coché. N.B. : il existe trois degrés d’urgence : – urgence vitale immédiate : délivrance sans délai (éventuellement sans résultat de GS et de RAI) ; – urgence vitale : délivrance dans les 30 minutes (tenant compte du résultat de GS) ; – urgence relative : délivrance dans les 3 heures (tenant compte du résultat de GS et de RAI). Elle est adressée à l’Établissement Français du Sang (EFS) avec : – la carte de GS (ou les prélèvements en son absence) ; – la RAI (pour une prescription de CGR).
Attribution nominative de PSL à l’EFS L’EFS attribue informatiquement un/des PSL nominativement à un patient en fonction des résultats des GS et RAI (chaque PSL comporte un code-barres unique à 11 chiffres). Ainsi, l’attribution informatique regroupe l’association systématique de l’identité du patient et de l’identification du/des PSL attribués à ce patient. L’EFS édite une fiche de délivrance nominative (FDN) sur laquelle sont inscrits : le site EFS, l’hôpital, le service, l’identification complète du patient, l’identification (numéro code-barres) du/des PSL attribué(s).
Délivrance du/des PSL par l’EFS L’EFS remet : – la prescription ; – la FDN avec date et heure de délivrance ; – le/les PSL attribué(s) nominativement au patient.
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Le transport des PSL De l’EFS vers le service destinataire, il est organisé selon une procédure propre à chaque établissement.
Réception des PSL Le contrôle de conformité à réception (+++) comporte la vérification de : – service destinataire ; – conformité de la livraison avec la FDN : • Conditions de transport, c’est-à-dire délai, température, intégrité ; • Conformité des PSL avec la prescription et la FDN : – identité du patient, – nombre et nature des PSL, – concordance des GS. Tracer la conformité de la réception sur la FDN. Délai de transfusion après réception dans le service Il est recommandé de transfuser les PSL sans dépasser le délai de 6 heures après réception dans le service. Particulièrement les CP doivent être transfusés immédiatement (fragilité cellulaire et baisse d’efficacité s’il y a retard à la transfusion). Les PFC doivent être transfusés rapidement (dégradation des facteurs de coagulation après décongélation). Les CGR doivent être transfusés dans un délai de 6 heures. Le « stockage intermédiaire » des CGR dans le service (réfrigérateur ou température ambiante) est défini par le comité de Sécurité transfusionnel et d’hémovigilance (CSTH) de chaque établissement. Les CP et les PFC ne sont jamais stockés dans un réfrigérateur de service.
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Tableau de compatibilité : a. entre le groupe sanguin ABO du patient et le CGR.
Fig. 1. – Règles de compatibilité ABO – transfusion de GR.
b. entre le groupe sanguin ABO du patient et le PFC.
Fig. 2. – Règles de compatibilité ABO – transfusion de plasma.
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Information prétransfusionnelle Le médecin (si cela est possible) doit informer de façon orale et écrite le patient (document préimprimé) sur la transfusion, les bénéfices et les risques, obtenir son consentement. Cette information doit être tracée dans le dossier médical du patient.
Acte transfusionnel La sécurité de la transfusion (+++) Elle repose sur des contrôles caractérisés par l’unité : – de lieu : auprès du patient ; – de temps : contrôles précédant immédiatement la pose de la transfusion ; – de personne : l’ensemble des contrôles et la pose de la transfusion sont réalisés par la même personne.
Préparation de la transfusion Documents : 1) prescription médicale ; 2) fiche de délivrance nominative ; 3) carte de GS +/– RAI (si CGR). Matériel : 1) le PSL à transfuser ; 2) le dispositif à transfusion ; et 3) la carte ou kit pour réalisation du contrôle ultime de compatibilité. Le « bon » patient : noter les constantes avant/après transfusion (température/pouls/TA). Une voie veineuse est réservée à la transfusion.
Contrôle ultime prétransfusionnel (+++) Il s’agit du dernier contrôle de sécurité avant l’administration du PSL. Il comprend deux étapes : contrôle de concordance entre : • le patient : « bon » patient = patient à transfuser, • la carte GS +/– RAI, • la prescription PSL et la FDN, • le(s) PSL. Vérification de : • l’identité du patient, • la concordance du numéro du PSL, • la concordance du GS.
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Le contrôle ultime de compatibilité : Réalisation et interprétation de la carte de contrôle ultime de compatibilité (compatibilité ABO) uniquement pour les CGR. La carte de contrôle ultime doit comporter : • l’identité du patient (étiquette), • l’identité de l’opérateur, • l’identification PSL (code-barres), • la réalisation de la réaction d’agglutination du sang du patient et du CGR avec les réactifs anti-A et anti-B, • l’interprétation et la décision transfusionnelle (oui/non). Attention : toute discordance dans l’une des étapes du contrôle ultime de concordance ou de compatibilité impose un contact avec le médecin responsable de la transfusion.
Pose de la transfusion (CGR, PFC, CP) S’assurer qu’un médecin puisse intervenir à tout moment. Mettre en place le dispositif à transfusion (à changer à chaque PSL). Noyer le filtre (200 μm). Surveiller le patient de façon continue les 15 premières minutes. Adapter le débit et la vitesse de transfusion en fonction des recommandations médicales. N.B. : Volumes moyens des PSL : – CGR : 300 ml (adulte) 70 ml (enfant) ; – PFC : 200 ml ; – CP : CPA/MCP : environ 300 ml (adulte). Conservation du PSL transfusé (avec le dispositif à transfuser clampé) 2 heures après la fin de la transfusion (en cas d’analyse pour incident transfusionnel). Ne rien perfuser pendant la transfusion sur la voie veineuse utilisée pour la transfusion.
Le dossier transfusionnel Il est réglementairement obligatoire dans le dossier médical. Il est ouvert dès la première transfusion et permet l’archivage des différents documents relatifs à la transfusion : carte de GS, RAI, prescription de PSL, FDN, double des fiches de déclaration d’incident transfusionnel.
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La traçabilité Elle permet de confirmer puis d’archiver le lien entre l’identité du patient et l’identification du/des PSL transfusés. Elle consiste dès le début de la transfusion à coller les étiquettes code-barres des PSL (numéros des PSL) sur les FDN (1 exemplaire archivé dans le dossier transfusionnel du patient et 1 exemplaire à adresser à l’hémovigilance pour la traçabilité informatique et l’archivage).
Incident transfusionnel Quelle que soit l’apparition de nouveaux signes cliniques chez le patient pendant une transfusion, il convient : – d’arrêter la transfusion (clamper), de maintenir la voie d’abord ; – d’appeler le médecin du service. Celui-ci prendra les décisions thérapeutiques qui s’imposent ; – de vérifier l’identité du patient, de la carte de GS, de la compatibilité du groupe du patient et des PSL, y compris sur le contrôle ultime de compatibilité ABO ; – d’informer l’EFS distributeur et de lui adresser : • le PSL avec la tubulure clampée, • la prescription et la FDN avec la traçabilité, • 1 tube sec + 1 tube EDTA pour analyses post-transfusionnelles, • la carte de contrôle ultime de compatibilité (CGR), • un courrier du médecin expliquant le contexte clinique, les symptômes et les traitements, • le « bon de demande d’analyse suite à un incident transfusionnel » (préimprimé) rempli. N.B. : s’il y a suspicion d’incident transfusionnel par contamination bactérienne, ne pas oublier de prélever des hémocultures au patient. Les signes cliniques faisant suspecter un incident transfusionnel sont : – la surcharge volémique : dyspnée, OAP… – l’infection bactérienne (par contamination bactérienne du PSL lors du prélèvement ou par bactériémie asymptomatique pendant le don) : fièvre, frissons, hypotension artérielle, douleurs abdominales… – l’hémolyse aiguë (incompatibilité érythrocytaire) : douleurs lombaires, hypotension, saignements aux points de ponction (CIVD), température, oligurie… – l’allergie : prurit, éruption cutanée, hypotension, dyspnée, œdème… S’il y a transfusion massive : hypocalcémie ionisée, hyperkaliémie, trouble de l’hémostase, hypothermie…
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Suivi post-transfusionnel Il consiste à remettre au patient un document sur les transfusions reçues et à l’informer qu’il sera désormais ajourné du don de sang.
Risque d’infection virale par transfusion VHB : 1 don/1 million VIH : 1 don/2,4 millions VHC : 1 don/8 millions (En nombre de dons théoriquement positifs – risque théorique calculé sur la période 2006-2008.)
Administration des médicaments A. Mulot
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N° 167. Thérapeutiques médicamenteuses et non médicamenteuses N° 181. Iatrogénie
Introduction 167, 181 En service de réanimation et de soins intensifs, les médicaments sont principalement administrés par voie parentérale. Devant le nombre important de spécialités injectables, le personnel soignant peut être confronté à des problèmes d’incompatibilité lors de leur préparation, source d’inefficacité ou d’effet indésirable. Après quelques rappels théoriques sur l’administration par voie parentérale et pulmonaire, des tableaux précisant le mode d’administration, la dilution, les incompatibilités et la stabilité ont été élaborés pour les spécialités les plus couramment utilisées en services de réanimation (tableau III).
Administration par voie parentérale Définitions La voie parentérale permet l’administration d’un principe actif directement au niveau du tissus ou du sang par effraction. On distingue la voie sous-cutanée (SC), intradermique (ID), intramusculaire (IM) et intraveineuse (IV). Les autres voies d’administration parentérale sont moins courantes, il s’agit des
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voies intra-Artérielle (IA), intrarachidienne (IR) et intracardiaque (IC). En service de réanimation, la voie IV est la plus utilisée car elle permet d’obtenir un effet rapide. On distingue la voie veineuse périphérique et la voie veineuse centrale. Toutes comportent un risque septique et de thrombophlébite.
La voie veineuse périphérique Elle permet l’injection des médicaments dans les veines superficielles. Il existe plusieurs modalités : – l’injection intraveineuse directe (IVD) qui permet l’administration de petits volumes, – la perfusion IV qui permet l’administration de volumes importants à l’aide d’une tubulure à perfusion ou perfuseur. Lors d’un traitement de longue durée, la pose d’un cathéter court permet d’administrer de façon continue ou discontinue un liquide de perfusion. Les sites de ponction sont l’avant-bras, la main et le pli du coude. Le site d’injection doit être modifié tous les 4-5 jours. La pose d’un cathéter court est un geste infirmier (aspect réglementaire décrit dans le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004). L’administration de certains médicaments (pH extrêmes, hyperosmotiques, vasoconstricteurs…) expose au risque de thrombophlébite et de nécrose cutanée.
La voie veineuse centrale Elle est utilisée pour les traitements de longue durée et permet d’administrer des solutés hypertoniques. L’extrémité distale du cathéter long est située au niveau d’une veine profonde de gros calibre. La mise en place d’un cathéter veineux central est réalisée par un médecin, l’infirmier(ère) assure la surveillance et l’administration (à l’exclusion de la première) des solutés. Pour limiter le risque d’infection, le point de ponction cutané est parfois séparé du point de ponction veineux par un trajet sous-cutané (tunnelisation). Des cathéters à double ou à triple lumières sont utilisés pour administrer plusieurs médicaments en même temps, dans les limites des incompatibilités physico-chimiques. Pour l’injection répétée de médicaments, une chambre implantable peut être mise en place. Elle est implantée chirurgicalement et reliée au système vasculaire profond par un cathéter. La chambre munie d’une membrane en silicone permet des injections multiples en SC à l’aide d’une aiguille de Huber ; l’agressivité des produits sur les veines est ainsi diminuée et le capital veineux préservé. En service de réanimation, la voie veineuse centrale est indiquée dans diverses situations : alimentation parentérale, chimiothérapie de longue durée, hémodialyse d’urgence, mesure de la pression veineuse centrale, introduction d’un cathéter artériel pulmonaire, injection de médicaments devant être administrés uniquement par voie centrale…
Administration des médicaments 407
La voie IV entraîne un risque d’embolie gazeuse si la pression veineuse est négative. Pour améliorer la régularité et la sécurité de l’injection, l’administration peut être réalisée à l’aide d’un PSE.
Les préparations injectables Les préparations injectables sont des solutions, des suspensions ou des émulsions stériles présentées dans des récipients transparents clos. Elles doivent répondre aux critères suivants : – stérilité ; – apyrogénicité (absence de substances d’origine bactérienne qui peuvent provoquer lors de l’injection des réactions fébriles) ; – neutralité (si cela est compatible avec la stabilité du médicament, le pH doit être proche de celui du sang) ; – isotonicité (certaines préparations sont hypertoniques et doivent être administrées lentement et par voie veineuse centrale si le traitement est de longue durée) ; – limpidité.
Les règles communes d’administration Prescription écrite, datée et signée Toute préparation de médicaments réalisée par l’infirmier(ère) est faite sur prescription médicale écrite, datée et signée, comportant les nom et prénom du malade, le nom du médicament, la forme galénique, le dosage, la voie d’administration et la posologie qui englobe la dose par prise, le nombre de prises par jour et la durée du traitement.
Respect des règles d’hygiène et d’asepsie Les règles d’hygiène et d’asepsie doivent être respectées pour la préparation et l’injection des médicaments.
Lecture attentive de l’étiquetage Avant toute administration, l’intégrité des produits et du matériel à utiliser doit être contrôlée et une lecture attentive de l’étiquetage des spécialités à administrer doit être réalisée afin de contrôler la conformité avec la prescription médicale et la date de péremption des produits.
408 Réanimation et urgences
Pour les conditionnements de solutés injectables de faible volume, un étiquetage harmonisé selon les recommandations de l’AFSSAPS est progressivement mis en place (fig. 1). Les inscriptions doivent être écrites en noir, excepté pour les ampoules de chlorure de potassium et d’adrénaline où elles sont écrites en rouge. De plus, l’apposition de caractères d’accroche a été imposée pour les ampoules d’adrénaline (ADREnaline), d’atropine (ATROPine) et d’éphédrine (EPHEDrine). Par ailleurs, tous les solutés hypertoniques sont identifiés par une contreétiquette bleue indiquant « soluté hypertonique à injecter lentement ». De même, pour les spécialités utilisées en anesthésie-réanimation, la SFAR a proposé un code couleur sous forme de bande de couleur ou de fond d’étiquette en fonction de la classe pharmacologique, mais sa mise en œuvre est facultative (tableau I).
Fig. 1 – Étiquetage harmonisé recommandé par l’AFSSAPS.
Tableau I – Code couleur recommandé par la SFAR* sous forme de bande de couleur ou de fond d’étiquette pour les produits utilisés en anesthésie-réanimation (application facultative). Classe pharmacologique
Couleur Pantone® et trame
Hypnotiques
Jaune
Antagonistes des benzodiazépines
Orange 151 et bandes blanches diagonales
Antagonistes des curarisants
Rouge fluorescent 805 ou rouge vif et bandes blanches diagonales
Opioïdes
Bleu 297
Antagonistes des opioïdes
Bleu 297 et bandes blanches diagonales
Neuroleptiques
Saumon 156
Sympathomimétiques
Violet 256
Anesthésiques locaux
Gris 401
Autres
Blanc (protamine blanche et bandes noires diagonales)
* SFAR : Société Française d’Anesthésie-réanimation.
Administration des médicaments 409
Attention aux incompatibilités physico-chimiques et à la stabilité des préparations Les incompatibilités physico-chimiques se produisent in vitro lors de la préparation des médicaments. Elles ne doivent pas être confondues avec les interactions médicamenteuses pharmacologiques qui se produisent in vivo. Les incompatibilités physico-chimiques peuvent avoir différentes origines : – interaction contenu/contenant : ces interactions reposent sur trois phénomènes : l’adsorption (réversible, formation d’une couche de soluté à la surface), l’absorption (irréversible, fait suite à l’adsorption, pénétration du soluté dans la phase solide) et la perméation (passage à l’extérieur du principe actif). Le contenant peut aussi interagir sur le contenu par largage de substances chimiques ou d’ions. Ces interactions imposent pour certains médicaments l’utilisation de seringues et de flacons en verre ou de poches en polyéthylène ou en polypropylène ; – incompatibilité entre médicaments ou avec le soluté de perfusion : le mélange de plusieurs médicaments dans une même seringue ou un même flacon de perfusion doit être évité. En effet, ces mélanges peuvent provoquer une modification des caractères physiques se traduisant par un changement visible : précipitation, cristallisation, changement de couleur (exemple : ceftriazone, ROCEPHINE® + ion calcium → précipitation) ou une modification des caractères chimiques souvent sans changement visible mais entraînant l’inactivation de l’un ou des deux produits : hydrolyse, complexation… De même, il faut éviter d’injecter un médicament dans la tubulure de perfusion d’un autre médicament. D’une façon générale, il est déconseillé d’ajouter des médicaments dans un soluté alcalin (soluté de bicarbonate ou de lactate) ou un soluté d’aminoacides en raison d’un risque élevé d’incompatibilité. De plus, certains médicaments sont incompatibles avec le glucose à 5 % ou le chlorure de sodium à 0,9 % (tableau II). Tableau II – Médicaments incompatibles avec le soluté de chlorure de sodium à 0,9 % ou le soluté de glucose à 5 % (liste non exhaustive). Incompatibilité avec le chlorure de sodium à 0,9 % Amiodarone (CORDARONE®) Amphotéricine B (ABELCET®, AMBISOME®) Dantrolène (DANTRIUM®) Filgrastime (NEUPOGEN®) Nicardipine (LOXEN®) Oxaliplatine (ELOXATINE®) Pentamidine (PENTACARINAT®) Pirarubicine (THEPRUBICINE®) Propofol (DIPRIVAN®) Quinupristine (SYNERCID®)
Incompatibilité avec le glucose à 5 % Altéplase (ACTILYSE®) Amoxicilline – acide clavulanique (AUGMENTIN®) Caspofungine (CANCIDAS®) Dantrolène (DANTRIUM®) Phénobarbital (GARDENAL®) Phénytoïne (DILANTIN®) Ténectéplase (METALYSE®)
410 Réanimation et urgences
La stabilité des médicaments dépend également de leur concentration. Elle doit être assurée pendant toute la durée de l’administration. L’utilisation de seringues et de tubulures opaques facilite l’administration des produits photosensibles. Ainsi, il est nécessaire de toujours vérifier les recommandations du fabricant afin de s’assurer de la stabilité du médicament, de ses incompatibilités et de son mode d’administration. Le site « www.stabilis.org » relatif aux incompatibilités et à la stabilité des préparations peut également être consulté.
Identification des préparations Le nom, la quantité et la dilution des médicaments doivent toujours être notés sur les seringues, les flacons ou les poches de perfusion.
Surveillance des perfusions L’infirmier(ère) doit vérifier : – la régularité de l’écoulement des liquides perfusés ; – le débit de la perfusion par rapport à la prescription et à l’état du malade (risque d’hypervolémie si le débit est trop rapide) ; – la fiabilité du site (retour veineux), absence d’inflammation autour du point de ponction et absence d’infiltration ; – l’innocuité du traitement (allergie cutanée, répercussions hémodynamiques, signes d’infection locaux ou généraux, troubles digestifs…). Cette surveillance est permanente et soutenue dans les services de réanimation ou de soins intensifs.
Enregistrement des administrations dans le dossier patient
Administration par voie pulmonaire En service de réanimation et de soins intensifs, l’administration des médicaments par voie pulmonaire est principalement réalisée par nébulisation d’aérosols. Un aérosol est formé de fines particules liquides ou solides dispersées dans un gaz. Le diamètre des particules conditionne le trajet et le niveau de pénétration dans le tractus pulmonaire, s’il est suffisamment petit, les médicaments atteignent les bronchioles terminales et les alvéoles pulmonaires. Deux systèmes différents sont utilisés pour produire un aérosol : – les générateurs pneumatiques : La préparation médicamenteuse est nébulisée sous l’effet d’un gaz comprimé. Le gaz peut être stocké sous pression (bouteille ou prise murale) ou produit par un compresseur. Le diamètre des particules générées dépend du débit du gaz qui doit être de 6 à 8 litres par minute ;
Administration des médicaments 411
– les générateurs ultrasoniques : La préparation médicamenteuse est nébulisée sous l’effet d’ultrasons. La taille des particules est proportionnelle à la longueur d’onde. L’aérosol est administré au patient à l’aide d’un masque ou d’un embout buccal. Une séance dure de 10 à 15 minutes. Un volume total de 4 ml est nécessaire pour l’efficacité de la nébulisation. En cas de volume insuffisant, la dilution se fait avec du sérum physiologique (à l’exception du PENTACARINAT® qui précipite). La solution doit être préparée extemporanément. Lors de la prescription de plusieurs spécialités, sauf s’il existe des études de stabilité et de compatibilité, les principes actifs doivent être administrés successivement en rinçant la cuve de nébulisation entre chaque. En effet, certains mélanges sont incompatibles (précipitation, inactivation, modification des caractéristiques de l’aérosol formé). Le nettoyage du nébuliseur, du masque et de l’embout buccal est capital, des bactéries et des champignons, en particulier Legionella et Aspergillus, pouvant se développer sur les salissures ou les zones humides du nébuliseur ou des tubulures. Les modalités de préparation des aérosols sont décrites dans le tableau III.C. Enfin certains gaz médicamenteux peuvent être administrés par voie respiratoire en réanimation à l’aide de dispositifs particuliers : monoxyde d’azote, hélium, protoxyde d’azote…
412 Réanimation et urgences
Tableau III – Mode d’administration, dilution, stabilité des médicaments injectables ou administrés par aérosols. Ces renseignements sont données à titre indicatif et ne prétendent pas à l’exhaustivité. Chaque préparation d’un médicament doit s’accompagner systématiquement d’une vérification de la notice fournie dans le conditionnement. Malgré les soins attentifs apportés à la relecture, des oublis ou des erreurs peuvent subsister. L’éditeur et les auteurs déclinent toute responsabilité pour les conséquences qui pourraient en résulter. EPPI : eau pour préparation injectable ; NaCl 0,9 % : sérum physiologique isotonique ; G5 % : glucose à 5 % isotonique ; Na : sodium ; Ca : calcium ; Mg : magnésium ; IV : intraveineuse ; IVD : intraveineuse directe ; SC : sous-cutanée ; IM : intramusculaire ; Perf : perfusion ; PSE : pousses seringue électrique ; min : minute ; h : heure ; T : température ; PVC : polychlorure de vinyle ; A : adulte ; E : enfant ; BPCO : broncho-pneumopathie chronique obstructive ; VEMS : volume expiratoire maximum par seconde. III. A – Médicaments injectables. Médicament
Mode d’administration
Dilution standard
Incompatibilité connue
Stabilité
Abciximab REOPRO® 10 mg/5 ml
Bolus (1 min) puis PSE Filtrer la solution avant administration
Bolus : pur Perf : NaCl 0,9 % ou G 5 %
Ne pas mélanger
Amiodarone CORDARONE® 150 mg/3 ml
Urgence : IVD > 3 min Perf : de 20 min à2h Si possible voie veineuse centrale
G5% exclusivement IVD : 20 ml de G5% Perf : 250 ml de G5% Concentrations supérieures à 1 ampoule dans 250 ml
Ne pas mélanger Incompatibilité avec NaCl 0,9 % Relargage possible de DEHP (di-2éthylhexylphtalate) lors de l’utilisation de matériel ou de dispositifs médicaux en PVC plastifié avec du DEHP : réalisation de la dilution finale à l’aide de sets ne contenant pas de DEHP recommandée
Bumétanide BURINEX® 2 mg/4 ml
IV lente Perf
G 5 % ou NaCl 0,9 %
Ne pas mélanger avec NaCl hypertonique (précipitation) Compatible avec NaCl 0,9 %
A l’abri de la lumière
Dobutamine DOBUTREX® 250 mg/20 ml, 500 ou 1 000 mg/250 ml (contient des sulfites) 250 mg (sans sulfites)
PSE
Reconstitution : Ne pas mélanger aux solutions alcalines 20 ml d’EPPI ou de et aux solutions contenant du bisulfite de G5% sodium et de l’éthanol Dilution : G 5 %, NaCl 0,9 %, ringer lactate ou lactate de sodium Volume final > 50 ml pour 250 mg
24 h à T < 25 °C Légère coloration rose normale
Dopamine 50 mg/5 ml, 50 mg/10 ml et 200 mg/5 ml Contient des sulfites
PSE
Dilution : G 5 % ou NaCl 0,9 %
Ne pas mélanger aux solutions alcalines (inactivation)
24 h
Épinéphrine ADRENALINE® 0,25 ; 0,5 ou 1 mg/1 ml et 5 mg/5 ml Avec ou sans sulfites
IV bolus PSE SC
Dilution : NaCl 0,9 %
Ne pas mélanger aux solutions alcalines Ne pas mélanger avec d’autres médicaments
À l’abri de la lumière
24 h entre 2 et 8 °C
Administration des médicaments 413
Médicament
Mode d’administration
Dilution standard
Incompatibilité connue
Stabilité
Eptifibatide INTEGRILIN® 20 mg/10 ml et 75 mg/100 ml
Bolus IV PSE
Furosémide LASILIX® 20 mg/2 ml et 250 mg/25 ml
IV lente PSE IM
Héparine sodique 2 500 ou 5 000 UI/1 ml et 25 000 UI/5 ml
Bolus IV puis PSE
G 5 % ou NaCl 0,9 %
Ne pas mélanger
Insuline rapide 100 UI/ml
IVD PSE SC
PSE : NaCl 0,9 %, G5 % ou G10 % avec 40 mmol/l de KCl Concentration 0,05 UI/ml à 1,0 UI/ml
Ne pas mélanger notamment avec d’autres insulines et des médicaments contenant des thiols ou des sulfites Ne pas administrer dans les pompes pour perfusion SC continue d’insuline
Dilué : 24 h à T ambiante
Isoprénaline ISUPREL® 0,2 mg/ml Contient des sulfites
PSE
5 ampoules dans 250 ml de G 5 % (concentration : 0,004 mg/ml)
Protéger la perfusion de la lumière
À l’abri de la lumière
Isosorbide dinitrate RISORDAN® 10 mg/10 ml
PSE IVD (2 min, dose maximale 2 mg) Intracoronaire
Lidocaïne XYLOCARD® 100 mg/5 ml et 1 g/20 ml
IVD : 100 mg/5 ml PSE : 1 g/20 ml
1 g/20 ml : dilution impérative dans une solution isotonique avant utilisation
Ne pas mélanger
Nicardipine LOXEN® 10 mg/10 ml
IVD PSE
G5% exclusivement
Ne pas mélanger avec les solutés de pH > 6 (solution de bicarbonate, soluté de ringer, diazépam, furosémide, thiopental) (précipitation) Risque d’adsorpion de nicardipine sur les matériaux plastiques des dispositifs de perfusion en présence de solutions salines
Nimodipine NIMOTOP® 10 mg/50 ml
PSE branchée en Y pour administrer 1 à 1,5 l de soluté de perfusion (G5 %, NaCl 0,9 %, ringer lactate, dextran 40) par jour, en parallèle
Pas de dilution
Incompatibilité avec le furosémide Administration possible au travers d’un cathéter IV en ligne avec atropine, dobutamine, héparine, lidocaïne, métoprolol, midazolam, morphine, nitroglycérine, activateur tissulaire du plasminogène, vérapamil. Compatible avec NaCl 0,9 % et G 5 % Ne pas mélanger avec d’autres produits (précipite par acidification de la solution notamment avec les solutions de nutrition parentérale)
Adsorption sur le PVC Contenant et seringues : utiliser de préférence du matériel en verre, polypropylène ou polyéthylène Tubulures, prolongateur : utiliser de préférence du matériel en polypropylène, polyéthylène ou en Téflon®
Adsorption sur le PVC, utiliser uniquement des tubulures pour perfusion en polyéthylène Ne pas mettre la solution dans les flacons de solutés pour perfusion
À l’abri de la lumière
414 Réanimation et urgences
Médicament
Mode d’administration
Paracétamol PERFALGAN® 0,5 g/50 ml et 1 g/100 ml
Perf (15 min)
Phloroglucinol SPASFON® 40 mg/4 ml
IV IM
Tirofiban AGRASTAT® 12,5 mg/50 ml 12,5 mg/250 ml
PSE
Tramadol TOPALGIC® 100 mg/2 ml
IV lente (2-3 min) Perf
Urapidil EUPRESSYL® 25 mg/5 ml ; 50 mg/10 ml et 100 mg/20 ml
IVD : 20 s PSE Perf
Dilution standard NaCl 0,9 % ou G5 %
Incompatibilité connue Ne pas mélanger avec d’autres médicaments
Stabilité Si dilution : 1h
Ne pas mélanger avec la noramidopyrine (risque de phlébothrombose) 1 flacon à 12,5 mg/50 ml dans 200 ml de NaCl 0,9 % ou G5 %
Possibilité d’administration par la même tubulure de perfusion que l’héparine non fractionnée Ne pas administrer avec du diazépam
24 h entre 2 et 8 °C
Ne pas mélanger avec diclofénac, indométacine, diazépam, piroxicam, phénylbutazone, acétylsalicylate de lysine NaCl 0,9 %, G 5 % Ne pas mélanger avec des solutions ou G10 % alcalines Perf : 250 mg/500 ml PSE : 100 mg/50 ml
24 h à T ambiante
III. B – Anti-infectieux injectables. Médicament
Mode administration
Dilution standard
Incompatibilité connue
Stabilité
Aciclovir
Perf (1 h
Reconstitution : EPPI ou NaCl Ne pas mélanger (risque de
À l’abri de la
ZOVIRAX®
minimum)
0,9 % (10 ml pour 250 mg)
lumière
250 et 500 mg
cristallisation)
Dilution : 50 à 100 ml de
Utilisation
NaCl 0,9 % ou lactate de
extemporanée
sodium (concentration finale ≤ 5 mg/ml) Amikacine
IM
NaCl 0,9 %, G5 % ou G10 %
AMIKLIN®
Perf (de 30
(200 ml pour 500 mg)
50, 250, 500 et
à 60 min)
Ne pas mélanger
Reconstitué : 12 h Dilué : 24 h
1 000 mg Amoxicilline
IM
EPPI (20 ml pour 1 g) puis
Ne pas mélanger avec d’autres
Dissolution
CLAMOXYL®
IVD (de 3 à 4 min)
NaCl 0,9 % ou G5 %
médicaments
dans NaCl
500, 1 000 et
Perf (de 30 à
Incompatible avec
0,9 % : 6 h
2 000 mg
60 min)
hydrocortisone (trouble dans
Dissolution
la solution), néosynéphrine,
dans G5 % : 1 h
solutions d’acides aminés, de mannitol, émulsions lipidiques Reconstitution : EPPI ou
Incompatible avec solutions
IVD : 15 min
Acide clavulanique Perf (30 min)
NaCl 0,9 %
de glucose, bicarbonate de
Perf : 1 h
AUGMENTIN®
Dilution : NaCl 0,9 %,
sodium ou dextran
500/50, 1 000/100,
ringer lactate ou solution de
Ne pas mélanger avec d’autres
1 000/200 et
Hartmann
médicaments notamment
2000/200 mg
IVD : 20 ml pour 1 g
corticoïdes ou aminosides
Amoxicilline/
IVD (de 3 à 4 min)
Perf : 50 ml pour 1 g
Administration des médicaments 415
Médicament
Mode
Dilution standard
administration
Incompatibilité connue
Stabilité
Amphotéricine B
Perf (de 30 à
Reconstitution : 12 ml d’EPPI
Incompatible avec NaCl
7 jours entre 2
liposomale
60 min)
Dilution : G 5 %
0,9 %
et 8 °C
exclusivement
Ne pas mélanger avec d’autres
(Concentration finale entre
médicaments
AMBISOME® 50 mg
0,2 et 2 mg/ml) Reconstitution : 10,5 ml
Incompatible avec les
Reconstitué :
CANCIDAS®
d’EPPI
solutions de glucose
24 h à T < 25 °C
50 et 70 mg
Dilution : 250 ml de NaCl
Ne pas mélanger avec d’autres
Dilué : 48 h
0,9 % ou ringer lactate
médicaments
entre 2 et 8 °C
Caspofungine
Perf (1 h)
(concentration finale ≤ 0,5 mg/ml) Céfamandole
IM
Reconstitution : EPPI, NaCl
Incompatible avec les ions
Reconstitué :
KEFANDOL®
IV lente (de 3 à
0,9 % ou G5 %
Ca et Mg et les aminosides
12 h
750 mg
5 min)
IM : 3 ml
(gentamicine ou tobramycine) Dilué :
Perf (de 5 à
IV : 10 ml
utilisation
30 min)
Dilution : NaCl 0,9 % ou
extemporanée
G5 % Céfotaxime
IVD (de 3 à 5 min)
IVD : EPPI (4 à 10 ml pour
Ne pas mélanger avec d’autres
Utilisation
CLAFORAN®
Perf (de 20 à
1 g)
antibiotiques
extemporanée
0,5 ; 1 et 2 g
60 min)
Perf : NaCl 0,9 %, G5 % ou
IM
ringer lactate (250 ml pour
Ceftazidime
IV lente
Reconstitution : EPPI
Incompatible avec
Reconstitué :
FORTUM®
Perf
Dilution (IV) : NaCl 0,9 %,
vancomycine, aminosides et
24 h à T < 25 °C
250 et 500 mg et
IM
G5 %, G10 %, ringer, ringer
solutés de pH > 9
Dilué :
1 g)
utilisation
lactate
1 et 2 g
extemporanée
(25 ml minimum pour 1 g) Ceftriaxone
IV lente (de 2 à
EPPI, NaCl 0,9 %, G5 % ou
Ne pas mélanger
Reconstitué :
ROCEPHINE®
4 min)
G10 %
Ne pas mélanger avec des
6 h à T < 25 °C
0,25 ; 0,5 ; 1 et 2 g
Perf (30 min)
solutions contenant du Ca
Dilué :
IM
(accidents mortels)
utilisation
SC
Incompatible avec amsacrine,
extemporanée
vancomycine, fluconazole et les aminosides Céfuroxime
IM
EPPI
Ne pas mélanger
ZINNAT®
Perf (de 20 à
250 et 750 mg : IM :
Compatible avec NaCl 0,9 %,
250 et 750 mg et
30 min)
1 ml/250 mg et IV :
G5 %, solution de Hartmann
2 ml/250 mg
1,5 g
1,5 g : 50 ml Ciprofloxacine
Perf (de 30 à
Ne pas mélanger avec d’autres
À l’abri de la
CIFLOX®
60 min)
médicaments
lumière
200 mg/100 ml et 400 mg/200 ml Cloxacilline
Perf (60 min)
Reconstitution : 16 ml d’EPPI, Ne pas mélanger notamment
Utilisation
ORBENINE®
IM
NaCl 0,9 % ou G5 %
avec d’autres antibiotiques
extemporanée
Dilution : 100 ml de NaCl
Compatible avec
0,9 % ou G5 %
l’hydrocortisone, la procaïne
NaCl 0,9 %
Ne pas mélanger
1g
ou la lidocaïne Colistine
IM
COLIMYCINE®
Perf (1 h)
1 000 000 UI
Utilisation extemporanée
416 Réanimation et urgences
Médicament
Mode administration
Dilution standard
Incompatibilité connue
Stabilité
Erythromycine
Perf (1 h ou
Reconstitution : EPPI (10 ml
Ne pas mélanger avec d’autres
Reconstitué :
ERYTHROCINE®
continue)
pour 0,5 g et 20 ml pour 1 g)
médicaments
24 h
Dilution : EPPI, NaCl 0,9 %
Ne pas administrer d’autres
Dilué : 12 h
ou G5 % (100 ml pour 0,5 g
produits dans la même veine
0,5 et 1 g
et 250 ml pour 1 g) Fluconazole
Perf (vitesse
Ne pas mélanger avec d’autres
TRIFLUCAN®
maximale : 10 ml/
médicaments
2 mg/ml
min)
Compatible avec G20 %, soluté de ringer, bicarbonate de Na, KCl en soluté glucosé, solution de Hartmann
Fosfomycine
Perf (4 h)
Reconstitution : EPPI (10 ml
FOSFOCINE®
pour 1 g et 20 ml pour 4 g)
1 et 4 g
Dilution : NaCl 0,9 % ou
Dilué : 24 h
G5 % (minimum 250 ml) Gentamicine
IM
IV : NaCl 0,9 % ou G5 %
Ne pas mélanger avec d’autres
Utilisation
GENTALLINE®
Perf (de 30 à
(minimum : 1 ml pour 1 mg)
médicaments en particulier
extemporanée
10 mg/1 ml et 40 ;
60 min)
avec un antibiotique de la famille des bêtalactamines
80 et 160 mg/2 ml Contient des sulfites Imipénem/
Perf (de 20 à
NaCl 0,9 %, G5 %, G10 % ou
Ne pas mélanger avec
Reconstitué :
Cilastatine
60 min)
mannitol
les lactates ou un autre
4 h à 25 °C ou
(5 mg/ml)
antibiotique
24 h à 4 °C
TIENAM®
Dilué :
500 mg
utilisation extemporanée Lévofloxacine
Perf (minimum 30
Incompatible avec l’héparine
A l’abri de la
TAVANIC®
min pour 250 mg
ou les solutions alcalines
lumière
250 mg/50 ml et
ou 60 min pour
Incompatible avec l’héparine
A l’abri de la
500 mg/100 ml
500 mg)
Métronidazole
Perf (de 30 à
FLAGYL®
60 min)
500 mg/100 ml Ofloxacine
Perf (30 min)
OFLOCET®
lumière
200 mg/40 ml Ornidazole
Perf (de 30 à
NaCl 0,9 % ou G5 %
Utilisation
TIBERAL®
60 min)
(1 g : 100 à 250 ml, 0,5 g : 50
extemporanée
à 125 ml)
0,5 g/3 ml et 1 g/6 ml Pipéracilline/
Perf (30 min)
Reconstitution : EPPI ou NaCl Ne pas mélanger notamment
Reconstitué :
Tazobactam
0,9 % (10 ml pour 2 g)
avec les aminosides
48 h entre 4 °C
TAZOCILLINE®
Dilution : 50 à 100 ml de
(inactivation des aminosides)
et 8 °C
2 g/250 mg et
NaCl 0,9 % ou G5 %
et les solutions de
Reconstitution : 10 ml de
Ne pas mélanger
bicarbonates
4 g/500 mg Rifampicine
Perf (90 min)
RIFADINE
solvant
600 mg
Dilution : 250 ml de G5 %
Utilisation extemporanée
Administration des médicaments 417
Médicament
Mode administration
Dilution standard
Incompatibilité connue
Sulfaméthoxazole/
Perf (de 60 à
NaCl 0,9 %, G5 %, G10 % ou
Ne pas mélanger avec d’autres
Triméthoprime
90 min)
lévulose 5 % (1 ampoule dans
médicaments ou avec les
125 ml)
solutions de bicarbonates
BACTRIM®
Stabilité 6h
400/80 mg Téicoplanine
IVD (1 min)
Dilution : NaCl 0,9 %, G5 %,
Reconstitué :
TARGOCID®
Perf (30 min)
ringer lactate ou solution de
48 h à T
100, 200 et 400 mg
IM
Hartmann
ambiante ou 7 jours à 4 °C Dilué : 24 h à T ambiante
Ticarcilline/acide
IV lente
IV lente : EPPI ou NaCl 0,9 %
clavulanique
Perf de 20 à 30 min (20 ml pour 3 g)
Ne pas mélanger avec d’autres
Dilué : 6 h
médicaments
CLAVENTIN®
Perf : NaCl 0,9 %, G5 %,
Incompatible avec
3 g/200 mg et
ringer ou solution de
bicarbonate de Na, solutions
5 g/200 mg
Hartmann (100 ml pour 3 g)
d’acides aminés, émulsion lipidique
Vancomycine
Perf (> 1 h ou
Reconstitution : 10 ml ou
Ne pas mélanger avec d’autres
Reconstitué :
VANCOMYCINE®
continue)
20 ml (1 g) d’EPPI
médicaments
24 h
125, 250, 500 et
Dilution : 100 à 200 ml de
Dilué :
1 000 mg
NaCl 0,9 % ou G5 %
utilisation extemporanée
Voriconazole
Perf
Reconstitution : 19 ml d’EPPI
Ne pas mélanger
Reconstitué :
VFEND®
Max : 3 mg/kg/h
Dilution : NaCl 0,9 %, NaCl
Ne pas perfuser via la même
24 h entre 2
0,45 %, G5 % ou ringer
ligne ou le même cathéter que à 8 °C
lactate (Concentration finale :
d’autres médicaments
Dilué :
0,5 à 5 mg/ml)
Incompatible avec le
utilisation
bicarbonate de Na
extemporanée
200 mg
Asthme aigu
BPCO
Unidose à 5 mg/2 ml
Ipratropium
ATROVENT®
Unidoses à 0,25 mg/1
ou 2 ml et
bêta-2-mimétique
Broncho-
-dilatateur
anticholi-
-nergique
Anti-infectieux
Anti-infectieux
BPCO
BRICANYL®
un bronchospasme + filtre expiratoire
immunodéprimé
min avant pour éviter ultrasonique
Administrer un
et 8 °C
Stabilité 24 h entre 2 °C
NaCl 0,9 % (précipite)
Incompatible avec
bronchodilatateur 15
carinii chez l’
Toux, essoufflement
à Pneumocystis
8 l/min) ou
Flacon de 300 mg
Pneumatique (de 6 à
des infections
PENTACARINAT®
1 fois/mois
Prophylaxie
Pentamidine
6 ml d’EPPI
administrer avant 300 mg
et/ou rhDNase, les
patients atteints de
mucoviscidose
bronchodilatateur
Si traitements par
d’autres médicaments
aeruginosa chez les
dyspnée, toux
(5 l/min)
Pseudomonas
Ne pas mélanger avec
Flacon de 1 MUI
de 10 %, bronchospasme,
notamment
Baisse du VEMS de plus
homologué
COLIMYCINE®
Pneumatique
ouverture
Stabilité 24 h après
germes sensibles
(solvant fourni)
irritation pharyngée
Sécheresse de la bouche,
musculaires, céphalées
Tremblements, crampes
tachycardie, toux
Remarques
Infections à
3 ml de NaCl 0,9 %
Effets indésirables Céphalées, tremblements,
sodique
prises
6 à 8 l/min) ou ultrasonique
Pneumatique (de
(volume final 4 ml)
l/min) ou ultrasonique
(volume final 4 ml)
NaCl 0,9 %
Pneumatique (de 6 à 8
NaCl 0,9 %
1 à 6 MUI/j en 1 à 3
20 à 30 min
Renouvelable toutes les
E : 0,25 mg
A : 0,5 mg
20 à 30 min
Renouvelable toutes les
E : 0,1 à 0,2 mg/kg
A : 5 à 10 mg
l/min) ou ultrasonique
(volume final 4 ml)
Type de générateur Pneumatique (de 6 à 8
Dilution finale NaCl 0,9 %
Colistiméthate
à 0,5 mg/1 ou 2 ml
Asthme aigu
Terbutaline
-dilatateur
Renouvelable toutes les
ou 5 mg/2,5 ml
Broncho-
dépasser 5 mg
Unidoses à 1,25 ; 2,5
bêta-2-mimétique 20 à 30 min
E : 50 à 150 μg/kg sans
BPCO
VENTOLINE®
-dilatateur
Posologie A : 5 à 10 mg
Indications
Asthme aigu
Spécialité
Salbutamol
Broncho-
Famille
III. C – Médicaments administrés par aérosols
418 Réanimation et urgences
Famille
Fluidifiant
Corticoïdes
Anti-infectieux
de l’enfant
PULMICORT®
Toux, candidoses
30 min à 5 h avant respiratoire
la kinésithérapie
Administrer
de mucoviscidose
Ne pas mélanger
les patients atteints
2,5 mg/2,5 ml
et 8 °C
pharyngite
8 l/min)
produit
bronchique chez
modification de la voix,
Ampoule à
Douleurs thoraciques,
l’encombrement
homologué (de 6 à
Traitement de
PULMOZYME®
Pneumatique
À conserver entre 2 °C
nébulisation
bouche après chaque
Rinçage de la
mélanger à un autre
oropharyngées
Ne pas diluer ou
8 l/min)
jour
(volume final 4 ml)
et 8 °C
A et E > 5 ans : 2,5 mg/
E : 0,25 à 1 mg x 2/j
A conserver entre 2 °C
Dornase alpha
1 mg/2 ml
Unidoses à 0,5 et
Asthme persistant
Budésonide
médicaments puis Tobi.
kinésithérapie, autres
mucoviscidose
Pneumatique (de 6 à
bronchodilatateur,
patients atteints de
NaCl 0,9 %
recommandé :
arrêt 28 j
aeruginosa chez les
300 mg/5 ml
traitements, ordre
Cure de 28 j puis
Pseudomonas
acouphènes
homologué
mélanger
x 2/j
chronique à
Remarques Si plusieurs
Ampoule à
Effets indésirables Altération de la voix,
TOBI
Type de générateur Pneumatique
Dilution finale Ne pas diluer ou
Posologie A et E > 6 ans : 300 mg
Indications
Infection
Spécialité
Tobramycine
Administration des médicaments 419
Nutrition entérale et parentérale C. Chambrier
Item
N° 110. Besoins nutritionnels et apports alimentaires de l’adulte. Évaluation de l’état nutritionnel. Dénutrition
110 La nutrition entérale (instillation d’un liquide nutritif dans le tube digestif par l’intermédiaire d’une sonde) et la nutrition parentérale (apport de nutriments par voie intraveineuse) sont deux techniques de nutrition artificielle. La nutrition artificielle remplace ou complète l’alimentation et doit être prescrite lorsque l’alimentation orale est impossible ou insuffisante afin d’éviter l’apparition ou l’aggravation d’une dénutrition. La nutrition artificielle n’est pas obligatoirement exclusive, elle peut être associée à une alimentation orale, elle est alors complémentaire. Chez un même patient, plusieurs modes d’alimentation peuvent être associés : alimentation orale et nutrition artificielle (entérale ou parentérale) ou également nutrition entérale et parentérale. La nutrition artificielle est source de complications potentiellement graves dont une majorité peut être évitée par la maîtrise de l’indication, de la technique et de la surveillance. L’incidence des complications est très variable d’une équipe à l’autre et dépend de l’expertise de l’équipe (médecins et soignants). La nutrition entérale est la technique de nutrition artificielle à utiliser en première intention sauf contre indications.
422 Réanimation et urgences
Intérêt d’un apport nutritionnel Le but de l’alimentation est d’apporter à l’organisme l’énergie (calories), l’azote (protéines) et les micronutriments nécessaires à son développement, au maintien de son intégrité et à la réparation tissulaire. En cas d’apport nutritionnel insuffisant, l’organisme puisera sur ses réserves en même temps que s’installe une dénutrition. Les réserves glucidiques (glycogène hépatique essentiellement) sont épuisées en une journée. Les réserves lipidiques sont dépendantes de la quantité de tissu adipeux, par ailleurs il est difficilement mobilisable lors d’une agression. Il n’existe pas de réserve azotée, l’azote nécessaire à la synthèse protéique permanente est alors prélevé au niveau des muscles et des tissus cutanés puis au niveau des viscères. Cela est une des raisons de l’amyotrophie des patients dénutris. La présence d’une dénutrition est très fréquente chez les patients hospitalisés (de 20 à 60 % selon les unités de soins) et s’aggrave généralement lors de l’hospitalisation. Elle s’installe sournoisement et chez le patient de réanimation, elle est souvent masquée par les œdèmes. L’incidence de la dénutrition est importante aux ages extrêmes de la vie (les personnes âgées), chez les patients cancéreux et chez les patients présentant des maladies chroniques avec des hospitalisations itératives. Très souvent, curieusement, un obèse est dénutri et présente une amyotrophie avec des carences en micronutriments. Les conséquences de la dénutrition sont nombreuses avec une diminution de toutes les fonctions de l’organisme et de la qualité de vie. Elle peut être due soit à une carence d’apport soit aux modifications métaboliques induites par une maladie (pronostic sévère), les deux étant souvent associées. L’évaluation de l’état nutritionnel est difficile en réanimation. Il comporte une évaluation clinique (interrogatoire, calcul des ingesta alimentaires, évolution du poids et pesée, recherche d’une amyotrophie, etc.) et biologique (albumine, CRP, éventuellement préalbumine pour apprécier ultérieurement le suivi nutritionnel). En l’absence d’œdèmes, un IMC (poids/taille2) inférieure à 18,5 ou une perte de poids supérieure à 10 % en 3 mois, ou une albuminémie inférieure à 30 g/l en l’absence de syndrome inflammatoire témoigne d’une dénutrition. Le NRI ou index de Buzby est difficilement interprétable en réanimation. En préopératoire, c’est un excellent index pour estimer le risque de complications postopératoire, plus l’index est faible plus le risque est élevé. (NRI = 1,519 albuminémie (g/l) + 0,417 % poids actuel/poids habituel, NRI > 100 patients non dénutris, NRI entre 100-97,5 = patients faiblement dénutri, NRI entre 97,5 et 83,5 = patients modérément dénutris, NRI < 83,5 patients sévèrement dénutris à très haut risque de complications chirurgicales.) La présence d’une dénutrition est responsable de nombreuses complications (infections, retard de cicatrisation, troubles cutanés, etc.) et augmente les durées et les coûts d’hospitalisation.
Nutrition entérale et parentérale 423
Indications de nutrition artificielle chez le patient de réanimation ou en période périopératoire Chez un patient dénutri (perte de poids de 10 % en 3 mois), si l’apport alimentaire est insuffisant, une nutrition artificielle doit être débutée sans attente après restauration d’un état hémodynamique stable. Chez un patient non dénutri, une nutrition artificielle doit être prescrite dès le troisième jour si l’apport alimentaire est insuffisant (apport inférieur à 60 % des besoins).
Les apports nutritionnels chez le patient de réanimation ou en périopératoire En périopératoire et convalescence : de 30 à 35 kcal/kg/j comprenant : – de 0,15 à 0,20 g/kg/j d’azote en préopératoire et de 0,20 à 0,25 g/kg/j en postopératoire (1 g d’azote = 25 kcal, 1 g de protéine = 4 kcal) ; – de 50 à 70 % de la ration non protéique sous forme de glucides (1 g de glucose = 4 kcal) ; – de 20 à 30 % de la ration non protéique sous forme de lipides (1 g de lipides = 9 kcal). Chez le patient de réanimation : au mieux apport équivalent aux dépenses énergétiques mesurées par calorimétrie indirecte sinon 25 à 30 kcal/kg/j avec : – de 1,3 à 1,5 g de protéine/kg/j soit 0,20 à 0,25 g/kg/jour d’azote (1 g d’azote = 25 kcal, 1 g de protéine = 4 kcal) ; – de 50 à 70 % de la ration non protéique sous forme de glucides (1 g de glucose = 4 kcal) de 20 à 30 % de la ration non protéique sous forme de lipides (1 g de lipide = 9 kcal). Apports hydriques de base : de 30 à 40 ml/kg/j en l’absence de troubles de l’hydratation (rétention hydrosodée ou pertes hydriques). Un apport en électrolytes (sodium, potassium, calcium, phosphore, magnésium), en oligoéléments et en vitamines est toujours nécessaire et indispensable. Que la nutrition soit entérale ou parentérale, le soluté choisi doit se rapprocher au plus près des besoins caloriques et hydriques du malade. Chez le malade de réanimation, tout déficit énergétique (apport calorique insuffisant) est lié à un surcroît de morbidité, de mortalité et de prolongation de séjour.
424 Réanimation et urgences
La nutrition entérale C’est un mode à privilégier, car physiologique : effet trophique sur la muqueuse digestive, maintien de la barrière et de l’immunité intestinale. Pour une efficacité nutritionnelle identique, elle est moins onéreuse que la nutrition parentérale. Elle doit être utilisée en priorité. Nécessité d’une protection des voies aériennes supérieures s’il existe des troubles de la vigilance.
Mode d’administration La nutrition par sonde Méthode la plus courante pour délivrer la nutrition entérale, en particulier pour les nutritions entérales de courte et moyenne durée. La nutrition entérale doit être réalisée par des sondes de nutrition de petit calibre (de 8 à 12 F) en polyuréthanne ou silicone (longueur de 85 à 150 cm selon le site d’instillation).
Les sondes de nutrition sont introduites par le nez dans l’estomac (sonde naso-gastrique), le duodénum (sonde naso-duodénale) ou le jéjunum (sonde naso-jéjunale). Elles peuvent être lestées pour faciliter le passage du pylore ou son maintien en position. Le positionnement peut être difficile en particulier chez le patient non coopérant ou chez le patient inconscient. L’utilisation d’un mandrin, d’un fil guide d’acier souple rigidifiant la sonde peut faciliter sa mise en place. Après la mise en place de la sonde, il faut systématiquement vérifier son positionnement par une radiographie.
Les sondes naso-gastriques doivent être placées dans l’antre, une sonde enroulée dans l’estomac ou positionnée en sous-cardial favorise les reflux gastro-œsophagiens. Une fois le bon positionnement validé, la sonde doit être fixée en deux endroits (aile du nez et joue) en dessinant une courbe harmonieuse au-dessus de l’oreille. Une marque indélébile tracée sur la sonde à 2 ou 3 cm de l’aile du nez permet de s’assurer de l’absence de mobilisation secondaire de la sonde. Les sondes gastriques de gros calibre ne sont pas des sondes d’alimentation, elles sont inconfortables, mal tolérées et peuvent entraîner une œsophagite responsable d’hémorragie et de sténose.
Nutrition entérale et parentérale 425
La nutrition par gastro– ou jéjunostomie En cas de nutrition entérale prolongée (> 3 semaines, 1 mois), mise en place d’une sonde de gastrostomie ou jéjunostomie d’alimentation posée par voie endoscopique ou radiologique, parfois par voie chirurgicale sous anesthésie générale ou locale. Cette sonde transcutanée avec ou sans ballonnet va de l’estomac ou du jéjunum directement à la paroi abdominale. Les complications sont opérateurs et techniques dépendants : mortalité de 0,6 à 1,6 %, complications majeures de 1,8 à 5,4 % et complications mineures de 4,3 à 8,3 %. La sonde peut être laissée en place plusieurs mois. Elle est changée en cas d’intolérance locale, mauvais état de la sonde ou arrachement de la sonde. En cas d’arrachement de la sonde, mettre en place immédiatement dans l’orifice un guide (sonde urinaire) pour ne pas perdre le trajet entéro-cutané.
Les nutriments utilisables et leurs indications Ce sont des mélanges nutritionnels complets équilibrés prêts à l’emploi en poche de plastique souple. Les besoins en micronutriments sont couverts pour un apport de 2 000 kcal. Ils ne contiennent ni lactose ni gluten. Préparations stériles, leur conditionnement les protège de toute contamination microbienne jusqu’à l’ouverture. On distingue trois types de produits : – mélanges polymériques à base de protéines entières (de 14 à 20 % de protéines). Peuvent être hypoénergétiques (inférieur ou égal à 9 kcal/ml de mélange), isoénergétiques (de 0,9 à 1,2 kcal/ml), hyperénergétiques (de 1,2 à 1,6 kcal/ml), hyperprotidiques (égal ou supérieur à 16 % de l’apport énergétique sous forme de protéines) et hyperénergétiques-hyperprotidiques (plus de 1,2 kcal/ml et plus de 16 % de protéines). Osmolarité proche des valeurs physiologiques. Certains avec des fibres (polysaccharides de soja, gomme guar ou pectine) augmentant la viscosité ; – solutés « immunomodulateurs » contenant en plus des nutriments habituels, des composés (glutamine, arginine, acides gras oméga 3…) ayant un effet sur l’immunité. Le coût de ces mélanges est supérieur aux autres, mais en phases pré– et postopératoires et chez le patient traumatisé, ils diminuent les complications infectieuses. En réanimation, chez le patient septique, leur indication est discutée ; – mélanges semi-élémentaires contenant des protéines partiellement dégradées sous forme de peptides. Les indications sont très limitées (patients présentant une malabsorption sévère).
426 Réanimation et urgences
Administration Le patient doit être en position demi-assise ou assis. Il est inutile de débuter une nutrition entérale par du sérum glucosé.
Administration régulière sur tout le nycthémère (débit moyen : de 150 à 200 ml/h, débit maximal : 300 ml/h). En cas de nutrition prolongée, pour laisser une certaine mobilité au patient, possibilité d’administration sur 12 heures. Début progressif pour atteindre la ration quotidienne nécessaire en 3 jours, parfois plus lentement en cas d’intolérance digestive (augmentation du débit de 10 à 20 ml toutes les 12 heures selon la tolérance). Après chirurgie digestive, chez le polytraumatisé, la nutrition entérale précoce (débutée dès la douzième heure) permet de réduire les complications infectieuses et non infectieuses, la mortalité et la durée de séjour. Utilisation d’une pompe préférable à la perfusion des mélanges par gravité. Un rythme régulier diminue les risques de reflux gastro-œsophagien, de diarrhée et autres complications digestives. En dehors de besoin hydrique particulier, si le soluté est bien choisi, il n’est pas utile d’administrer de l’eau en plus. Si une hydratation supplémentaire est prescrite, il n’y a pas lieu d’utiliser d’eau stérile ou d’eau pour préparation injectable. Les médicaments ne doivent pas être ajoutés au mélange, ni dans le conditionnement ni dans la tubulure ou la sonde, car cela peut rendre le mélange très hyperosmolaire (diarrhées et douleurs abdominales) et/ou entraîner des réactions de précipitation modifiant l’efficacité du traitement et de la nutrition entérale.
Complications Peuvent être évitées par une surveillance appropriée et rigoureuse.
Pneumopathies d’inhalation Complication la plus grave (de 5 à 60 %) : soit inhalation massive du soluté, soit plus fréquemment inhalations répétées et occultes. Facteurs favorisants : décubitus dorsal, reflux gastro-œsophagien, volume du résidu gastrique (aucune donnée ne permet de fixer un volume limite), augmentation du pH gastrique. La position de la sonde en site gastrique ou postpylorique n’a aucune incidence sur la fréquence des pneumopathies d’inhalation.
Nutrition entérale et parentérale 427
Diarrhées Complication la plus fréquente (40 %) : selles liquides de plus de 500 ml par jour ou émission de plus de deux selles molles ou liquides par jour. Causes liées à la nutrition : vitesse d’infusion trop rapide (> 150 ml/h), administration en bolus, hyperosmolarité lors d’administration de médicaments mal préparés, administration d’eau en grande quantité Causes liées au patient : ischémie mésentérique (état de choc, sepsis…), déséquilibre de la flore intestinale avec apparition de germes pathogènes dont Clostridium difficile, traitements antibiotiques, hypoalbuminémie et carences en certains micronutriments.
Vomissements, régurgitations Plus rares (de 10 à 20 %), ils imposent l’arrêt momentané de la nutrition entérale et/ou l’utilisation de prokinétiques (érythromycine et métoclopramide). Causes : gastroparésie, débit trop rapide.
Ballonnements et douleurs abdominales Leurs origines sont mal connues, probablement en relation avec des troubles de la motricité digestive et/ou à la fermentation. Souvent nécessaire de diminuer le débit d’infusion, voire de changer de produit.
Constipation Plutôt complication de la nutrition entérale au long cours, elle survient essentiellement avec des solutés sans fibres.
Complications liées à la sonde Irritations de la sphère ORL et œsophagienne rares avec les sondes de petit calibre et souples. Fausses routes avec passage de la sonde dans la filière trachéobronchique. Risque majoré chez les patients inconscients, s’il y a troubles de déglutition, altération du réflexe de toux. Elles sont reconnues par une radiographie systématique après la pose d’une sonde. Obstruction de la sonde : souvent due à un mauvais rinçage de la sonde, donc prévenue par rinçage systématique de la sonde entre chaque flacon et après administration du médicament. Déplacement secondaire (environ 50 %). Aucun moyen n’est efficace pour le prévenir.
428 Réanimation et urgences
Surveillance et gestes infirmiers en nutrition entérale Plusieurs gestes systématiques sont nécessaires et doivent être transcrits sur une feuille de surveillance : 1. Vérification du produit (date de péremption, aspect du soluté et du contenant) et de la tubulure (tubulure à usage entéral exclusif) (changement de tubulure toutes les 24 heures). 2. Installation du patient en position demi-assise (de 30 à 45°) ou assise. 3. Vérification de la position et de la fixation de la sonde. 4. Nettoyage des mains et du plan de travail avant toute manipulation. 5. Vérification de la perméabilité de la sonde par un rinçage de la sonde à l’eau (non stérile). 6. Contrôle du débit d’administration régulièrement, et de la quantité réellement administrée. 7. Recherche de signe d’intolérance et d’un résidu gastrique (< 250 ml) toutes les 4 heures au début. 8. Rinçâge de la tubulure (de 20 à 30 ml d’eau) après chaque unité, avant et après administration de médicaments. 9. Administration des médicaments après arrêt de la nutrition entérale, en dehors de l’infusion du soluté de nutrition entérale sur le branchement en Y de la tubulure ou au niveau de la sonde. Prendre conseil auprès du pharmacien pour la préparation et la dilution des traitements.
En cas d’aggravation brutale (détresse respiratoire aiguë, choc, coma…), la nutrition entérale doit être arrêtée immédiatement et le médecin appelé.
La nutrition parentérale La nutrition parentérale est réalisée lorsque la nutrition entérale est impossible ou insuffisante. Elle est indiquée chaque fois que le tube digestif n’est pas fonctionnel : occlusion, iléus, hémorragie gastro-intestinale et lorsque la nutrition entérale est difficile : présence d’une malabsorption, bas débit ou ischémie mésentérique, parésie intestinale (souvent secondaire à différents traitements : analgésie, sédation, catécholamines, ventilation assistée).
Les voies d’administration En réanimation ou en périopératoire, par voie veineuse centrale (VVC), car elle permet l’administration de l’apport calorique nécessaire et la perfusion de solutés hyperosmolaires. Utilisation de cathéter en silicone et en polyuréthanne.
Nutrition entérale et parentérale 429
Les solutés utilisables L’industrie pharmaceutique a développé depuis quelques années des mélanges binaires (deux macronutriments ensemble) ou ternaires (trois macronutriments ensemble) à reconstituer, destinés à faciliter la prescription et l’administration de la nutrition parentérale (il existe de nombreuses formules, la poche choisie doit être adaptée aux besoins du patient). Les différents macronutriments peuvent aussi être administrés simultanément en flacons séparés. Les glucides = glucose (1 g = 4 kcal) avec un minimum de 2 g/kg/j de glucose pour diminuer le catabolisme musculaire. Les lipides sont administrés sous forme d’émulsions lipidiques de triglycérides permettant d’apporter les acides gras essentiels indispensables. Les différentes émulsions lipidiques sont composées de triglycérides (20 %), de glycérol pour avoir une osmolarité identique à celle du plasma et émulsifiés par une lécithine d’œuf. Leur osmolarité est faible (de 290 à 330 mosm/l), elles peuvent aussi être perfusées sur des veines périphériques. Selon la composition des triglycérides, il existe plusieurs types d’émulsions lipidiques : – les TCL contenant des triglycérides à chaînes longues (TCL) polyinsaturés (huile de soja), les plus courantes et les moins chères. Données en quantité importante (> 1 g/kg/j), elles entraînent de nombreux effets néfastes dont des atteintes hépatiques et une diminution de l’immunité. Elles ne sont probablement pas souhaitables chez le patient de réanimation ; – les TCM/TCL contenant pour moitié des triglycérides à chaînes moyennes (TCM) (huile de coco) et des triglycérides à chaînes longues. Elles sont plus facilement hydrolysées. Elles sont plus chères, mais sont neutres sur l’immunité. Elles pourraient être l’émulsion de choix en réanimation ; – les « huiles d’olives » contiennent 60 % d’acide oléique (acide gras à chaîne longue mono-insaturée). Bien qu’en théorie intéressantes, neutres sur l’immunité, les indications exactes sont encore à préciser en réanimation ; – les « huiles de poisson » contenant des acides gras de la série n-3. Ces acides gras présentent certains avantages en particulier immunitaires ; les indications sont à préciser en réanimation. Il est préférable d’administrer les lipides sur 24 heures pour diminuer le débit afin d’en améliorer la tolérance. Un apport inférieur à 1,5 g/kg/24 heures ou un débit inférieur à 0,11 g/kg/h est recommandé. Dans ces conditions la triglycéridémie ne s’élève guère. Si elle est supérieure à 2 fois la normale, la perfusion des lipides doit être momentanément interrompue. Les protéines sont administrées sous forme de solutions d’acides aminés cristallisés. Ces solutés différent tous dans leur composition et leur concentration en acides aminés. Ils apportent tous les huit acides aminés essentiels et de 4 à 30 g/l d’azote. Actuellement, il est impossible d’établir une formule idéale, d’autant que les besoins varient selon l’âge, la pathologie et l’état métabolique des sujets et sont encore partiellement inconnus.
430 Réanimation et urgences
La glutamine, acide aminé non inclus dans les flacons d’acides aminés habituels en raison de son instabilité, est commercialisée sous forme d’un dipeptide stable (Dipeptiven®). Chez le patient agressé, cet acide aminé devient un acide aminé essentiel et son apport est indispensable (de 0,3 à 0,6 g/kg/j), permettant d’améliorer le pronostic (diminution des complications infectieuses) et de réduire la durée de séjour. Les vitamines et les oligoéléments : les mélanges commercialisés correspondent aux besoins de base et doivent être utilisés quotidiennement. En réanimation, il semble exister des besoins spécifiques en certains micronutriments (sélénium, vitamine C, vitamine B1, zinc), mais leurs doses ne sont pas encore bien connues. En cas de déficits, il convient de rajouter les éléments déficitaires en plus. Les électrolytes (en ampoules séparées ou en mélanges) : les électrolytes (Na, K, P, Ca et Mg) sont à prescrire chaque jour en fonction des pertes, urinaires et digestives, et des ionogrammes sanguins et urinaires. Ne pas utiliser le phosphate dipotassique qui favorise l’apparition de précipités.
Administration Il est préférable d’administrer la nutrition parentérale sur une voie veineuse spécifique avec une pompe à perfusion pour avoir un débit régulier. Les mélanges ternaires ou binaires industriels présentent des avantages : réduction de la charge du travail infirmier, moindre matériel, moindres manipulations donc réduction du risque de contamination ; leur utilisation est séduisante. Les mélanges binaires (glucose-acides aminés) permettent de choisir le type et le volume de l’émulsion lipidique à ajouter. Il ne faut pas hésiter à écarter l’utilisation d’un mélange ternaire ou binaire industriel si celui-ci n’est pas adapté aux besoins du malade. Les mélanges ternaires préparés selon les besoins propres du patient par le pharmacien hospitalier sont idéals. Les mélanges binaires et ternaires industriels doivent être supplémentés en vitamines et en oligoéléments extemporanément au moment du branchement. L’injection de médicaments dans les solutés de nutrition parentérale n’est pas autorisée.
Nutrition entérale et parentérale 431
Complications Les complications liées au cathéter Elles ne sont pas spécifiques de la nutrition parentérale, en dehors des complications infectieuses qui sont plus fréquentes avec la nutrition parentérale. Environ de 10 à 25 % des cathéters posés s’infectent. Les infections liées au cathéter dépendent du siège du cathéter, de la durée de séjour, du patient et des manipulations. L’infection primitive du milieu nutritif est exceptionnelle, la fréquence de l’infection dépend directement de la fréquence des manipulations sur la ligne. Ses aspects cliniques, sa physiopathologie, ses moyens de diagnostic et de thérapeutique n’ont rien de spécifique. La prophylaxie de l’infection du cathéter impose une ASEPSIE et des SOINS INFIRMIERS RIGOUREUX
Les complications liées à la nutrition = complications métaboliques Hyperglycémie liée à l’intolérance glucidique (insulinorésistance) fréquente chez les patients stressés ou à un débit glucosé trop rapide. Elle est associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité. Elle nécessite une insulinothérapie débutée au moins pour des glycémies supérieures à 8 mmol/l. Les besoins nutritionnels couverts (apport calorique suffisant), la glycémie doit être maintenue entre 4,1 et 8 mmol/l avec une insulinothérapie adaptée. Hypertriglycéridémie secondaire soit à un débit lipidique trop important, soit à un apport calorique trop élevé. Élévation de l’urée en cas d’apport azoté trop important. Troubles hydroélectrolytiques fréquents au début de la nutrition parentérale et en l’absence de surveillance. Perturbations du bilan hépatique avec cytolyse et/ou cholestase. Stéatose hépatique par excès d’apport glucidique (hypertriglycéridémie). Augmentation de la production de CO2 par un excès d’apport calorique (lipides et glucides) pouvant être responsable d’une décompensation respiratoire chez les patients non ventilés incapables d’adapter leur respiration. Carence en nutriments en l’absence de l’apport de l’un d’eux.
Surveillance Elle doit veiller à la fois à l’efficacité et à la tolérance de la nutrition parentérale. Elle est clinique et biologique.
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Surveillance clinique : examen clinique, recueil des urines et des autres pertes pour bilan entrées-sorties, pesée régulière et surveillance de la voie de perfusion. Surveillance biologique : mesure de la glycémie capillaire pluriquotidienne au début, ionogramme sanguin (avec phosphore, magnésium, calcium) et urinaire (avec urée et créatinine), triglycéridémie, bilan enzymatique hépatique et numération globulaire et plaquettes 1 fois par semaine. Évaluation de l’efficacité nutritionnelle (difficile en réanimation) : on peut proposer un dosage de la transthyrétine (préalbumine) 1 fois par semaine associée à la mesure de la CRP, car la concentration de cette protéine augmente dans les syndromes inflammatoires. Surveillance et gestes infirmiers en nutrition parentérale Ce sont essentiellement des gestes d’entretien et de manipulation de la voie veineuse en respectant des conditions d’asepsie rigoureuse : 1. Pansement occlusif du site d’entrée du cathéter. 2. Intervalle de réfection des pansements non défini avec précision : au minimum de 48 heures, voire de 5 à 7 jours en l’absence de souillure ou décollement. 3. Changement des tubulures de perfusion quotidiennement. 4. Changement des prolongateurs, robinets, rampes (ligne veineuse) tous les 3 jours voire plus. 5. Bouchons, pavillons et raccords nettoyés à la chlorhexidine alcoolique ou à la polyvinile-pyrolidone iodée, avant et après toute manipulation. 6. Manipulations de la ligne veineuse, préparation des solutés de nutrition parentérale doivent se faire après un lavage antiseptique des mains et sur un plan de travail préalablement nettoyé. Bien que le port de blouse et de gants ne soit pas indispensable, le port minimal d’un masque est recommandé pour tous ces gestes. 7. Préparation des solutés de nutrition parentérale selon des règles précises : a. vérification date de péremption, intégrité, limpidité et vide des flacons. b. préparation aseptique et utilisation immédiate. c. date de préparation et additifs notés sur le flacon. 8. Après chaque perfusion de nutrition parentérale, avant et après toute injection, rinçage du cathéter par NaCl 0,9 % pour éviter les interactions médicamenteuses, l’obstruction du cathéter.
Conclusion La nutrition artificielle, traitement substitutif et adjuvant, permet de limiter la dénutrition des patients hospitalisés en réanimation et en période périopératoire et souvent d’améliorer leur pronostic dans la mesure où il n’y a pas d’in-
Nutrition entérale et parentérale 433
cident iatrogène. Seule la réalisation de protocoles écrits, adoptés et connus par tous les membres de l’équipe soignante (médecins, infirmiers, aides-soignants), révisés périodiquement et appliqués, permet de diminuer l’incidence des complications et d’améliorer la qualité de la prise en charge nutritionnelle.
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L’épuration extrarénale J.-L. Arvieux et C.-C. Arvieux
Items
N° 214. Principales intoxications aiguës N° 252. Insuffisance rénale aiguë – Anurie
Définition 252 L’épuration extrarénale recouvre l’ensemble des moyens thérapeutiques disponibles pour suppléer le rein défaillant en assurant le contrôle hydro-électrolytique et acidobasique du milieu intérieur ainsi que l’épuration des produits du catabolisme azoté. Certaines techniques recourent à l’épuration directe du plasma du patient à l’aide d’un circuit sanguin extracorporel et utilisent les propriétés physico-chimiques de membranes ou de capillaires à perméabilité plus ou moins sélective pour faire de l’hémodialyse, de l’hémofiltration ou de l’hémodiafiltration (combinaison des deux techniques précédentes). L’épuration peut être discontinue (sur quelques heures de façon itérative) ou en continu. Dans l’IRA, les techniques d’épuration en continu se sont progressivement imposées. On distingue : la « CVVH », pour hémofiltration veino-veineuse continue avec réinjection d’un soluté de substitution ; la « CVVHD », pour hémodialyse veino-veineuse continue avec emploi d’un liquide de dialysat ; la « CVVHDF », pour hémodiafiltration veino-veineuse continue ; le plasma est l’objet d’une dialyse et est en partie remplacé par du soluté de substitution. Une autre technique utilise le péritoine du patient comme surface dialysante, c’est la dialyse péritonéale. L’hémoperfusion est une technique d’épuration différente que nous traiterons à part.
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Les principes physiques
Fig. 1 – Principes physiques de la dialyse et de l’ultrafiltration.
L’ultrafiltration Mécanisme Le principe de base est l’ultrafiltration (UF) (fig. 1). C’est un échange de soluté à travers une membrane en fonction de l’équilibre des pressions hydrostatique (pression de l’eau) et oncotique (pression osmotique des protéines qui sont non diffusibles). C’est le principe de fonctionnement de la filtration glomérulaire. Quatre facteurs règlent l’UF : la pression hydrostatique qui permet la filtration ; la pression oncotique qui s’y oppose ; la perméabilité de la membrane et la surface de membrane filtrante. Plus la pression hydrostatique est élevée et la pression oncotique faible, plus le soluté passe, c’est l’ultrafiltrat. On utilise également le terme de convection pour définir le mécanisme de l’UF.
L’épuration extrarénale 437
En pratique Il est possible d’ultrafiltrer un patient de 1 à 3 l/h en cas d’urgence. Le sang circule dans le compartiment sanguin d’une cartouche de filtration et un soluté à faible pression dans l’autre compartiment, une pression transmembranaire (PTM) est appliquée. Il est possible d’ultrafiltrer sans soluté dans le compartiment de filtration, l’UF est alors maximale puisque aucune contre-pression ne s’oppose à la pression hydrostatique.
Deux indications principales L’OAP par hypervolémie et l’insuffisance cardiaque sévère avec un hyperaldostéronisme réfractaire aux diurétiques.
Fig. 2 – Schéma principe de l’hémofiltration.
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L’hémofiltration Mécanisme L’hémofiltration en continu utilise le principe de l’ultrafiltration mais la perte de l’ultrafiltrat est compensée par une restitution en continu, volume à volume, d’une solution de composition hydro-électrolytique proche de celle du plasma (fig. 2). En grossière approximation, l’ultrafiltration représente la filtration glomérulaire, la restitution du soluté de remplacement plasmatique représente le résultat de la sécrétion-réabsorption tubulaire.
Intérêt L’épuration obtenue est de bonne qualité, la restitution de la volémie par la solution de remplacement peut être facilement ajustée. Le développement de l’hémofiltration en continu permet une épuration sans à-coups tensionnel et osmotique se rapprochant du fonctionnement en continu du rein. La volémie du patient est ajustée en fonction des besoins en restituant plus ou moins de soluté que l’UF soustrait.
L’hémodialyse Mécanisme Le principe de l’hémodialyse repose sur la diffusion de molécules de faible poids moléculaire à travers une membrane semi-perméable (fig. 3). Cette diffusion est régie par les gradients de concentration de part et d’autre de la membrane pour chaque molécule à épurer. La diffusion va dépendre de la porosité de la membrane, de sa surface, du gradient de concentration et du poids moléculaire des molécules à éliminer (encombrement de la molécule), des débits de plasma et de dialysat (qui maintiennent un fort gradient de concentration) et de la durée de la dialyse.
En pratique Les échanges se font entre le plasma qui circule dans un compartiment et une solution de dialyse qui circule en sens inverse dans l’autre compartiment, maintenant le gradient de concentration maximal. La dialyse peut se régler en faisant varier la composition du dialysat (concentration en sodium, en potassium, en calcium…), la vitesse de circulation du plasma et du dialysat et la durée de l’épuration. L’hémodialyse peut se pratiquer : avec deux abords vasculaires veineux, un abord central de prélèvement et un périphérique de réinjection ; avec une fistule artérioveineuse chez l’insuffisant rénal chronique ; avec un
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seul abord veineux central, pour une dialyse alternée moins efficace ; avec un seul cathéter veineux, mais possédant deux lumières coaxiales, l’une servant au prélèvement du sang du patient et faussement dénommée « ligne artérielle », l’autre à la réinjection ou « ligne veineuse » pour la dialyse en continu.
Intérêt Épurer les petites molécules dialysables, mais recours en complément à une UF pour obtenir la perte d’eau nécessaire au contrôle de la volémie en appliquant une PTM.
L’hémodiafiltration La technique d’hémofiltration en continu peut gagner en efficacité si l’on adjoint une circulation d’un dialysat à contresens de la circulation sanguine comme dans la dialyse, pour produire une hémodiafiltration. Cette dialyse adjuvante permet d’améliorer l’épuration des petites molécules.
La dialyse péritonéale Mécanisme Le principe est identique à celui de l’hémodialyse en ce qui concerne la dialysance des molécules. Le péritoine est utilisé comme membrane d’échange. La perte d’eau est produite par l’utilisation de solutions à fort pouvoir osmotique (très concentrées) qui « pompent » l’eau plasmatique à travers le péritoine.
En pratique La dialyse péritonéale est de 5 à 6 fois moins efficace que l’hémodialyse. De plus, lors de la dialyse chronique, la dialysance du péritoine peut progressivement diminuer notamment par le biais de réactions inflammatoires compliquant des épisodes infectieux péritonéaux.
Intérêt Assez largement utilisée dans le passé comme technique d’épuration à faible coût, elle s’est vue supplantée par les techniques actuelles d’épuration en continu. Elle présente cependant l’avantage d’une dialyse « douce » sans àcoups hémodynamiques, une grande versatilité, car ne nécessitant pas de matériels de dialyse lourds, encombrants et consommateurs d’électricité. Un simple cathéter péritonéal pouvant aisément être mis en place par un chirurgien, voire un réanimateur entraîné, et des poches stériles préconditionnées de dialysats
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et une montre pour gérer les cycles de perfusion-vidange péritonéale suffisent. Cette technique peut aussi être facilement mise en œuvre en médecine de catastrophe ou lors de conflits localisés en attendant une évacuation vers un centre mieux équipé.
Fig. 3 – Schéma principe de la dialyse.
L’épuration extrarénale 441
L’hémoperfusion Mécanisme Le principe de fonctionnement est l’adsorption, c’est-à-dire la fixation durable d’une molécule par une substance (résine ou charbon actif). Il n’y a pas de filtration ni de diffusion.
En pratique Le plasma du patient circule en continu à travers une cartouche de charbon actif ou de résine d’Amberlite®. Deux voies veineuses sont nécessaires ou une voie veineuse de gros calibre à double lumière. 214
Intérêt
La cartouche de principe actif permet soit la fixation de molécules très toxiques (paraquat, organophosphorés, chloroquine, digitaliques…), soit de suppléer la défaillance hépatique en épurant des substances habituellement évacuées par voie hépato-biliaire (insuffisance hépatique aiguë).
Préparation du matériel Préparation du circuit de dialyse Le montage et la purge des circuits de dialyse sont variables suivant les appareils et doivent faire l’objet d’une formation pratique spécifique. Le type d’épuration est déterminé par l’état hémodynamique du patient et le degré d’urgence. Un état hémodynamique instable bénéficiera particulièrement d’une hémofiltration continue ou à défaut d’une dialyse péritonéale si aucune urgence vitale n’est constatée. Une hypervolémie avec œdème pulmonaire requiert une UF si le patient n’urine plus. Une hyperkaliémie menaçante avec troubles du rythme bénéficiera d’une hémofiltration, ou mieux, d’une hémodialyse en circuit ouvert ou d’une hémodiafiltration qui ajoute à la convection du potassium par filtration, un échange d’ion potassique par une dialyse avec un dialysat pauvre en potassium. Le programme de dialyse est établi en fonction de la perte de poids à obtenir fonction de l’équilibre entre perte par filtration et compensation par le soluté de substitution. Le type d’anticoagulation dépend du statut hémostatique du malade ou des pathologies sous-jacentes contre-indiquant l’héparinisation. Une dialyse « sans héparine » est possible, mais nécessite une surveillance plus rapprochée, et n’est pas totalement exempte d’héparine. La dialyse au citrate est une autre alternative à l’héparinisation, mais est de gestion plus délicate et n’est
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pas exempte d’inconvénients liés au métabolisme du citrate et à son antagonisation en continu.
Mise en place de l’abord veineux Un cathéter à double lumière est mis en place stérilement par voie jugulaire interne, sous-clavière ou fémorale suivant les procédures habituelles (cf. chapitre « Cathéters vasculaires »), en préférant notamment la voie fémorale lorsque des hauts débits sont nécessaires. Le branchement nécessite au minimum deux personnes (médecin ou infirmière), l’une habillée stérilement, l’autre portant les protections nécessaires (masque, coiffe, sareau…) pour servir stérilement et mettre à disposition le matériel. Le branchement se fait avec ou sans amorçage suivant l’état hémodynamique du sujet : l’amorçage consiste à brancher la ligne artérielle, à laisser le sang du patient remplir progressivement le circuit avant de connecter la « ligne veineuse ». Cela constitue l’équivalent d’une hémorragie de 300 ml environ et le contre-indique chez le sujet hypovolémique. Le réglage final du dialyseur fixe le débit des pompes (de 150 à 250 ml/min en général, voire 400 ml/min au maximum) pour le débit sanguin, les débits de dialysat (si dialyse) et de restitution (hémofiltration), le débit d’héparine ou de citrate…
Un protocole de surveillance est mis en œuvre Le monitorage sous scope porte sur la pression artérielle, la FC, la saturation sanguine. La surveillance du circuit « sang » d’hémofiltration ou de dialyse repose sur l’aspect des « pièges à bulles » (apparition de cernes circulaires signant les prémices d’une coagulation des lignes du circuit), la chute du débit de filtration (changer le filtre si chute de plus de 30 % du débit). Le contrôle itératif des tests de coagulation (2 fois le temps de base du patient), toutes les 6-8 heures suivant la situation, permet de réajuster l’anticoagulation et d’éviter la coagulation du circuit qui constitue pour le patient une perte sanguine significative pouvant justifier de recourir à une transfusion, en cas de répétition. Une surveillance par ionogrammes périodiques et pesée continue est établie. Elle permet de vérifier la perte hydrique, l’évolution ionique (calcémie, kaliémie, natrémie), l’efficacité de la dialyse (pente de la créatininémie, azotémie), l’absence d’hypoglycémie. Le pH sanguin et les gaz du sang peuvent également être surveillés, notamment au cours d’une insuffisance respiratoire aiguë. Le débranchement comporte les mêmes impératifs de stérilité que le branchement. La ligne artérielle est déconnectée, le contenu du circuit est restitué au malade. Les accès veineux sont occlus après héparinisation : ils sont réservés
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à la dialyse et ne doivent pas, sauf extrême urgence, servir à administrer une thérapeutique notamment en continu. Un bilan clinique (poids, tension, auscultation pulmonaire et cardiaque) et biologique de fin de dialyse ou d’hémofiltration est pratiqué. Il permet de déterminer l’efficacité de la présente séance de dialyse ou d’hémofiltration, d’estimer en fonction du catabolisme du patient la date de la prochaine séance.
Conclusion Les techniques d’épuration extrarénales se sont progressivement améliorées tant en ce qui concerne leur efficacité que leur facilité d’utilisation. Le personnel infirmier joue un rôle central dans la mise en œuvre et la gestion de ces techniques. Il n’en demeure pas moins que l’insuffisance rénale reste une affection grave qui comporte un risque vital propre.
Assistances circulatoires O. Bastien
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N° 53. Principales techniques de rééducation et de réadaptation. Savoir prescrire la masso-kinésithérapie et l’orthophonie N° 200. État de choc N° 250. Insuffisance cardiaque de l’adulte
200, 250 L’insuffisance cardiaque aiguë se définit comme l’incapacité de la pompe cardiaque à assurer dans des conditions optimales de remplissage les besoins métaboliques et en oxygène de l’organisme. Le but d’une assistance circulatoire mécanique est de prendre en charge parfois totalement le travail du cœur défaillant et ne répondant pas au traitement médical optimal. Les traitements actuels de l’IDM ou de l’insuffisant cardiaque en état de choc sont donc multiples et complementaires.
Conduite à tenir en urgence La conduite à tenir (CAT) en urgence confirme par échocardiographie l’insuffisance ventriculaire gauche (fraction d’éjection du ventricule gauche – FEVG souvent inférieure à 30 %), et évalue la possibilité d’assistance. La CAT combine une prise en charge symptomatique cherchant à optimiser le transport en oxygène pour éviter un arrêt cardiaque, et un traitement étiologique.
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Traitement symptomatique Oxygénothérapie au masque ou par pression positive en CPAP nasale lors de signes de congestion ou d’OAP franc. Optimisation du remplissage en particulier si le patient a des diurétiques Inotropes en cas de bas débit cardiaque (< 2,2 l/min/m2) soit par dobutamine, soit par levosimendan. Arrêt des bêtabloquants et des IEC. Sédation si douleur, agitation (augmentation de la consommation d’oxygène).
Traitement étiologique Vérification de l’absence de revascularisation possible par coronarographie. Essai d’équilibre de la balance énergetique (CPIA) et maintien d’une pression de perfusion. Traitement d’un facteur de surcroît infectieux. Le déséquilibre est confirmé par la baisse continue de la SvO2 et la hausse de la lactatémie. Prise en charge spécifique d’une complication mécanique de l’IDM après échocardiograhie (insuffisance mitrale, communication interventriculaire, tamponnade). Classiquement, la dysfonction systolique était responsable du bas débit et de l’hypotension artérielle, la dysfonction diastolique de la surcharge ventriculaire gauche et donc de l’OAP. Cette association hypotension-hypoxémie aboutit à un cercle vicieux conduisant à l’arrêt cardiaque. Tous les inotropes classiques augmentent la FC et les troubles du rythme, donc la mortalité. Le schéma a changé, car il existe aussi dans le choc cardiogénique une production non négligeable de médiateurs pro-inflammatoires responsables d’un tableau plus vasoplégique, c’est-à-dire avec une composante de vasodilatation curable par vasoconstricteurs du type noradrénaline ou inhibiteur du NO, autrefois contre-indiqués. Dans ces formes souvent plus tardives, la CRP est corrélée à la mortalité. La mise au repos du myocarde par un système d’assistance circulatoire mécanique (autrefois cœur artificiel) partiel ou total permet d’attendre une récupération sans inotrope (remodelage ventriculaire) si possible après revascularisation, ou bien un « pont » vers la transplantation pour des patients jeunes avec des formes d’emblée graves. Cela est néanmoins un processus long (plusieurs semaines) et complexe.
Assistances circulatoires 447
Les systèmes d’assistance circulatoire Contrepulsion intra-aortique La CPIA est très utilisée par voie percutanée. Le principe repose sur le gonflement rapide d’un ballon de 40 ml par un gaz à inertie faible (hélium ou CO2) introduit par voie percutanée dans une artère fémorale. La position du ballon doit être sous l’origine de l’artère sous-clavière gauche. L’inflation est synchronisée sur l’ECG, et se fait durant la diastole (fig. 1). L’inflation améliore le flux phasique de la circulation coronaire. La déflation rapide juste avant la systole diminue le travail d’éjection ventriculaire gauche mais n’assure pas de débit. Les principales complications sont du type ischémique ou embolique artériel au niveau d’un membre inférieur, de plaie vasculaire, de faux anévrysme, parfois de paraplégie. Une surveillance clinique, en particulier des pouls par Doppler des membres inférieurs, est donc indispensable, et un traitement anticoagulant est souhaitable.
A : pression systolique non assistée B : onde dicrote C : pression diastolique assistée et augmentée D : pression télédiastolique (diminuée) Fig. 1 – Courbe de pression artérielle pendant une assistance par CPIA réglée en 1:2 (un cycle sur deux).
Pompes centrifuges pour ECMO Les pompes centrifuges sont composées d’une seule partie mobile, le rotor, mis en mouvement soit par un arbre de transmission, soit par un champ électromagnétique. Elles assurent un débit continu. Le débit dépend de la vitesse du rotor, mais aussi des pressions de remplissage et des résistances à l’éjection. Il est néanmoins nécessaire de changer la tête de pompe régulièrement (tous les 2-4 jours). Un drainage transeptal de l’oreillette gauche doit parfois être associé. En dessous d’une certaine vitesse de rotation, le débit peut s’annuler, voire s’inverser (lors de la mise en route de l’assistance ou lors du sevrage). Le débit maximal est de 4 à 5 l. min-1. Le système peut être utilisé sans décoagulation systémique. Il s’agit d’un matériel peu onéreux, simple, transportable, mais
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limité à 2 semaines. L’indication type est représentée par l’arrêt circulatoire inaugural ou le patient en état neurologique inconnu ou très hypoxique.
Ventricules pneumatiques Le plus connu et le plus utilisé est le ventricule Thoratec® (fig. 2). Dès que le ventricule est plein, un signal est envoyé à l’unité de contrôle, déclenchant l’éjection (mode full/empty ou « volume ») non synchronisée avec le cœur natif. La fréquence est alors fixée par le débit de remplissage assurant une certaine autorégulation. Les avantages de ce système sont sa durée de plusieurs mois et la fiabilité du matériel, ainsi que les performances hémodynamiques. Les inconvénients sont la sortie extracorporelle, la taille des canules, et la complexité du pansement. Ces ventricules reliés à la console DDC® ou à la version portable TLCII® sont les plus utilisés en assistance postopératoire, dans le traitement de certains chocs cardiogéniques ou en attente de transplantation cardiaque. Des ventricules miniaturisés implantables y compris en biventriculaire (IVAD [implantable ventricular assist device]) sont disponibles pour faciliter l’autonomie des patients.
Fig. 2 – Ventricules pneumatiques externes Thoratec®. Différentes possibilités de cannulations gauches ou biventriculaires : cannulae : canules auriculaires ou ventriculaires prolongées ou non de dacron ; Ao : aorte ; PA : artère pulmonaire ; RA : oreillette droite ; Apex : pointe du VG après résection ou non à l’emporte-pièce, ; VAD : venticular assist device ; R : right, L : left.
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Ventricules électromagnétiques Le ventricule Heartmate® comporte un plateau mis en mouvement par un moteur électrique, implanté dans le cadran supérieur gauche de l’abdomen. Le bloc, qui supplée le ventricule gauche, contient la pompe et son moteur. Une ligne d’activation électrique transcutanée relie ce ventricule à la console de contrôle externe. Il a donné lieu à une étude randomisée (Rematch) en alternative à la transplantation. La surface du Heartmate® en contact avec le sang est traitée selon une technique spéciale de microsphères de titanium, assurant une très bonne biocompatibilité. Il est supplanté par la dernière génération.
Turbines Plusieurs turbines non valvées, monoventriculaires gauches (fig. 3), assurant un débit continu non pulsatile sont maintenant utisables (Heartmate II®, Incor, VentrAssist®, Jarvik 2000®, de Bakey®). Elles sont reservées aux patients en attente de greffe ou en alternative (destination therapy) sans décompensation ventriculaire droite et sans choc. Elles connaissent un développement rapide du fait de leur simplicité, de leur longévité pouvant dépasser 5 ans. Le débit sanguin non pulsatile permanent est encore en évaluation, mais paraît bien toléré.
Fig. 3 – Système Heartmate II® monoventriculaire gauche apico-aortique implantable. Le cable électrique traverse seul la peau et permet le règlage par le contrôleur externe et l’alimentation par deux batteries.
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Décision et choix d’un système d’assistance La décision est collégiale, mais parfois difficile. En situation d’urgence vitale, il faut pouvoir initier rapidement l’assistance circulatoire, parfois sous massage cardiaque. Les systèmes simples (ECMO ou Impella®), utilisables au lit en percutanée ou abord chirurgical du scarpa, trouvent ici une indication de choix. En cas de choc cardiogénique d’origine ischémique ou lors de procédures de cardiologie interventionnelle, les systèmes les plus employés sont la CPIA, ou les pompes centrifuges. Dans les autres cas, le choix doit suivre un algorithme fonction de l’aggravation de l’état de choc sous traitement médical (troubles du rythme ventriculaire, oligurie, hyperlactatémie, diminution rapide de la SvO2). Certaines équipes favorisent des indications semi-électives qui doivent être prises en regard du coût-bénéfice évalué, du pronostic et du choix du patient. Au-delà d’1 à 2 semaines, les systèmes simples deviennent insuffisants, et les succès rarissimes. Pour des assistances de plusieurs semaines, les ventricules pulsatiles sont les plus performants, assurant des débits de 5 à 6 l. min-1. La transplantation ne peut être proposée qu’après normalisation des fonctions vitales (rénales, hépatiques, pulmonaires), obtenue souvent après de 2 à 3 semaines. La pénurie actuelle de greffon cardiaque prolonge ce délai et réoriente la recherche vers des systèmes de longue durée, voire permanents permettant la sortie de l’hôpital. Ce sont alors à present des assistances monoventriculaires gauches non pulsatiles. Si une récupération du ventricule est d’emblée envisagée après l’infarctus, car une revascularisation a été possible, elle survient le plus souvent en 24 semaines. Les assistances plus prolongées ont permis de découvrir des possibilités de remodelage tardif avec des explantations après plusieurs mois.
Soins en réanimation Risque hémorragique et thromboembolique La plupart des assistances nécessitent une anticoagulation prolongée, comme toute prothèse valvulaire mécanique. Le risque hémorragique est néanmoins élevé en raison des prothèses en Dacron® et des anastomoses vasculaires. Des tamponnades tardives sont toujours à craindre et justifient une surveillance radiologique et échographique. Le risque embolique pour les assistances de plus de 2 semaines est également élevé (de 6 à 15 %), mais semble diminuer avec les assistances à flux continu. L’association héparine et inhibiteur plaquettaire est habituellement utilisée, avant un relais avec les AVK ; ce dernier peut être compliqué en raison des interférences médicamenteuses en réanimation et de troubles digestifs.
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Complications infectieuses On distingue quatre types d’infections selon leur origine : colonisation nosocomiale, infection cutanée autour des canules, septicémie ou endocardite et enfin infection des prothèses et de leur environnement médiastinal ou abdominal. La fréquence des deux premières dépasse 50 %, souvent liée à un staphylocoque coagulase négatif et ne contre-indique pas la greffe. Les autres sont plus rares mais particulièrement graves, incluant des pathogènes opportunistes, y compris fongiques.
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Kinésithérapie
Le kinésithérapeute fait partie de l’équipe soignante auprès du patient en choc cardiogénique. Il intervient dans la mise en place et la surveillance de la ventilation non invasive lors des épisodes d’œdème pulmonaire. Il participe au maintien puis à la restauration des fonctions respiratoires, musculaires, articulaires, cutanées et trophiques altérées par le bas débit cardiaque et l’alitement. L’état précaire du patient et la complexité de son environnement en unité de soins intensifs imposent cependant de nombreuses limites que le kinésithérapeute doit savoir appréhender. L’inconvénient du caractère extracorporel de ces systèmes gênant la mobilité des patients, importante pour la réhabilitation lors des assistances de longue durée, a été pallié par une miniaturisation des consoles. Plus de la moitié des patients sont assis ou levés après la première semaine.
Conclusion Malgré des traitements médicaux de plus en plus efficaces, certaines situations hémodynamiques ne peuvent être résolues que par l’utilisation d’une assistance circulatoire mécanique. Tout système confondu, de 50 à 70 % des patients assistés peuvent être actuellement sauvés, le pronostic de la greffe, si nécessaire, n’étant pas altéré. La récupération de ventricules très altérés est en cours d’évaluation. La charge en soins reste lourde et la prise en charge s’oriente aussi vers les soins extrahospitaliers.
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Combes A, Dubois-Randé JL, Bastien O Actualités en réanimation et urgences SRLF 2004, Elsevier, 105-35. Consensus conference report : mechanical cardiac support 2000. JACC 2001 ; 37 : 340-70. Birks EJ, Tansley PD, Hardy J et al Left ventricular assist device and drug therapy for the reversal of heart failure.NEJM 2006 ; 355 : 1873-84.
Questions professionnelles
La relation médecin-malade A. Bismuth-Faure
Item
N° 1. La relation médecin-malade • L’annonce d’une maladie grave • La formation du patient atteint de maladie chronique • La personnalisation de la prise en charge médicale • Expliquer les bases de la communication avec le malade
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Introduction
En réanimation et médecine d’urgence, la réalité clinique est telle qu’elle initie d’emblée une relation singulière entre le patient et le corps médical. La relation médecin-malade est une relation inégale dans un cadre à haute technicité, avec un personnel soignant spécialisé : -le malade est dans une situation clinique extrême, avec un vécu souvent précipité dans la maladie et l’univers médical, en rupture avec sa vie sociale, affective, psychique ; – le médecin est dans l’urgence des soins à prodiguer pour maintenir le patient en vie, il s’étaie sur sa formation, son expérience, sa conception du métier et de la maladie. La relation médecin-malade s’élabore entre deux pôles : – la phase décisive d’une maladie ; – la décision du médecin.
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Le stress est à anticiper dans la relation médecin-malade, pour le malade et pour le médecin, afin de le réduire. Le stress est à la fois une agression (étymologie anglaise) et la réponse de l’organisme à des facteurs d’agressions physiologiques et psychologiques (étymologie française), réponse à entendre comme une tentative d’adaptation du malade, du médecin, du soignant. La relation médecin-malade est une relation contractuelle dans laquelle le médecin prend en considération les connaissances du malade sur sa maladie et négocie les stratégies thérapeutiques les plus adaptées auxquelles le malade peut accepter de collaborer et donner son consentement. La relation équipe soignante-malade La relation équipe soignante-malade est une relation de proximité, dans laquelle il est important de trouver une bonne distance, du point de vue du soignant et du point de vue du malade. Elle s’élabore entre trois pôles : – la phase décisive de la maladie, – la décision du médecin, – les gestes techniques du soignant.
L’empathie du médecin et la confiance du malade sont à construire Dans une clinique de l’extrême, la relation médecin-malade permet au malade de se maintenir en tant que sujet et non pas d’être réduit à un objet de soins. L’entrée brutale dans la maladie, la perte d’autonomie, la perte de repères temporo-spatiaux, la perte de repères identitaires signent un vécu traumatique. Ce vécu traumatique génère une ou des réponses psychiques chez le malade, réponse(s) différente(s) selon chaque malade, son âge, son histoire, sa culture. La réponse peut être un mouvement dépressif avec des éprouvés de perte, d’abandon pouvant aller jusqu’à des éprouvés de dépersonnalisation. La réponse peut être l’agressivité en lien avec un environnement vécu comme persécuteur, réponse qui est aussi une défense contre la dépression. La dépendance réelle du malade peut générer chez lui une passivité extrême. Le traumatisme actuel réactive aussi des traumatismes passés. Le malade est dans une attente d’amélioration de sa situation, le traumatisme physique mobilise aussi son énergie psychique. La relation médecin-malade contient le transfert du malade et la contreattitude du médecin.
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Le transfert du malade Le transfert du malade est une actualisation des modalités relationnelles vécues pendant l’enfance, sur la personne du médecin et de l’équipe soignante, actualisation précipitée du fait de la situation traumatique. Le transfert est souvent positif, impliquant sympathie et confiance du malade pour le médecin. Il peut être négatif et provoque de l’antipathie et de la méfiance. L’apport de la relation équipe soignante-malade Alors que l’imagerie médicale contribue à une perte de dialogue médecinmalade, faisant de ce dernier un sujet virtuel pour le médecin, la relation soignant-malade devient un relais, quelquefois un substitut à la relation médecin-malade. Dans ce temps de l’enjeu vital, le malade est drainé, perfusé, intubé, ventilé, parfois attaché. Son corps, devenu objet, est dépendant des machines qui l’assistent dans ses fonctions vitales. Le toucher, l’ouïe, la vue, l’odorat, le goût sont sollicités pour chercher l’information, pour communiquer et sont de véritables outils d’investigation, surtout si la parole est empêchée. Le soignant, grâce à cette relation de proximité, permet au malade de restaurer ses repères temporo-spatiaux, lorsqu’il nomme le jour, l’heure, le lieu, régulièrement, repères restaurés avec le rythme des soins, les visites annoncées. Les repères identitaires peuvent se restaurer lentement en nommant les personnes en présence, en décrivant la situation nouvelle et l’évocation de la situation passée avec la famille. La famille a un rôle important : véritable mémoire du malade, elle est souvent la seule interlocutrice du médecin et du soignant. Le soignant verbalise ses gestes accomplis. Le maintien du lien psychique avec le malade est aussi dans un regard, une attention au besoin du malade, au-delà de la verbalisation. La relation soignant– malade participe ainsi à l’intégration psychique de l’expérience de la réanimation et de l’urgence.
La contre attitude du médecin La contre-attitude du médecin est un ensemble de réactions du médecin au transfert du malade, ensemble empreint de sa conception de la position médicale. La contre-attitude du médecin est souvent positive, elle permet une meilleure efficacité thérapeutique : une empathie suffisante et pas excessive.
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Une empathie suffisante et non excessive est une capacité à s’identifier au malade, à ressentir ce qu’il ressent sans excès, afin de garder l’objectivité nécessaire à la prise de décision déterminante pour le malade. Une empathie suffisante et non excessive permet d’entendre le malade dans sa souffrance psychique ; elle favorise une écoute qui place le malade dans une position de sujet, elle favorise une autonomie du malade reconnu en tant que sujet et non pas réduit à un objet de soins subissant une suite de gestes techniques et sociaux conventionnels. La contre-attitude du médecin peut être négative ; elle se traduit par des comportements qui voilent une agressivité inconsciente ou un rejet : un silence, un refus d’écouter le malade, une attitude négative vis-à-vis d’un confrère ou d’un soignant. La contre attitude du médecin peut être amplifiée dans un service porteur des enjeux de vie et de mort, enjeux générateurs d’angoisses et de culpabilité. Reconnaître ces mouvements psychiques individuels et collectifs permet de réduire l’angoisse et les modes de défenses qui viennent contrecarrer cette angoisse (le refuge dans les techniques médicales, la banalisation, l’évitement, la sur-information du patient ou de sa famille, la rétention d’information). Si ces défenses sont trop rigides, elles sont sources de fatigue et de perte de vitalité psychique pour le médecin. Plus le médecin reconnaîtra sa contre-attitude positive ou négative, mieux il pourra être dans une distance suffisante et nécessaire pour prendre les bonnes décisions thérapeutiques pour chaque malade. La contre attitude du soignant Le soignant peut se sentir envahi par les éprouvés de régression massive du malade, par une demande désespérée de lien, demande du malade qui est une défense contre son angoisse de mort. L’élaboration par le soignant de sa contre-attitude permet de trouver une bonne distance dans sa relation au malade et une efficacité du soin. Une distance excessive, qui réduit la relation soignant-malade aux gestes techniques, est source d’angoisses pour le malade. Une distance insuffisante génère chez le soignant des projections issues de sa propre histoire. Une distance insuffisante génère chez le soignant une identification trop forte à un malade ou à un parent d’un enfant ou d’un adulte malade. Un décès est vécu comme un échec, avec un sentiment de révolte, d’incompréhension ou un soulagement devant la souffrance du malade. Il est important que le soignant puisse faire des deuils ; un deuil non fait est souvent colmaté par l’arrivée ou la guérison d’un autre malade.
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L’accumulation de situations difficiles dans la relation soignant-malade génère un mal-être et des angoisses chez le soignant. Repérer, comprendre, contenir les affects dont le soignant est porteur, c’est donner du sens et permettre de réduire le stress et l’épuisement qu’il génère. C’est dans ce cadre que l’empathie est une voie positive de la relation soignantmalade. La mise en place de groupes de parole est bénéfique, une bonne communication médecin-soignant est essentielle.
L’annonce d’une maladie grave Savoir pour le malade qu’il est atteint d’une maladie grave précipite son angoisse de mort. Un traumatisme psychique fait irruption, le temps se comprime avec la menace de mort. Il y a une confusion entre l’objet « maladie grave » et la mort. Face à cet objet inconnu, le patient peut répondre par une sidération psychique, une incompréhension ou un refus du diagnostic. Il y a un avant et un après incertain, le monde bascule. Dans ce temps déterminant, le savoir du malade sur sa maladie et son appropriation va dépendre aussi de l’annonce du médecin. Pour le médecin, entre le temps du diagnostic posé de « maladie grave » et son annonce au malade, il y a un espace temps qu’il se donne pour formuler ensuite l’annonce appropriée pour chaque malade. L’obligation légale et éthique d’informer ne se réduit pas à l’énoncé de faits objectifs dans un univers réduit à une haute technicité, mais s’inscrit dans une relation thérapeutique. Dans le code de déontologie médical, il est précisé que l’information au malade doit être « claire, loyale et appropriée ». Une annonce claire et appropriée, délivrée avec tact et empathie, permet au malade de décondenser l’objet « maladie grave » et la mort, de prendre connaissance de l’objet « maladie grave ». Une description adéquate, par le médecin référent, de la pathologie, au malade et à sa famille, une présentation du plan de traitement possible et la description du cadre thérapeutique (le lieu, l’équipe), sont importants.
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La perspective d’un cadre étayant, contenant, la perspective d’un protocole de soins, permet au malade de réduire son angoisse de mort et d’abandon et d’envisager une note d’espoir. Répondre aux questions permet de reprendre des explications sur un mode au plus proche des besoins du malade en respectant son âge, sa culture, ses croyances. Le malade se vit autrement, ce ne sera plus comme avant, il va y avoir une modification de ses investissements d’objets, pour tenter de vivre. L’annonce doit se faire au calme, en consultation. Rencontrer, écouter la famille est important, la famille peut avoir un rôle fondamental dans l’accompagnement du malade. Entre le temps de l’annonce et l’appropriation a minima par le malade, un espace-temps a lieu dans le psychisme du malade ; il peut passer par un épisode dépressif qui exprime le deuil à faire de « la vie d’avant ». Temps important à éprouver pour le malade afin qu’il puisse faire ce deuil et envisager de se prendre en charge dans sa maladie. Le malade peut rester dans la sidération, l’incompréhension ou le refus du diagnostic. L’accompagnement d’un psychologue est souvent utile. Le projet thérapeutique est aussi de faire naître l’espoir et non pas d’enfermer le patient dans une illusion ; la marge est souvent étroite. Enfermer le malade et aussi le médecin dans l’illusion peut conduire à un acharnement thérapeutique ; l’acharnement thérapeutique signe aussi une angoisse de mort chez le médecin, angoisse souvent inconsciente.
La fonction d’étayage de la relation équipe soignante-malade Le soignant est présent avant l’annonce du médecin et dans l’après-coup de cette annonce, temps pendant lequel il peut y avoir sidération, incompréhension, ou refus de diagnostic de la part du malade. Une empathie suffisante permet au malade de considérer l’équipe soignante comme un cadre étayant et d’instaurer une confiance.
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L’élaboration d’un projet pédagogique individualisé pour l’éducation d’un malade porteur d’une maladie chronique Selon la définition de l’OMS, l’éducation thérapeutique du malade est un processus continu, intégré dans les soins et centré sur le malade. Elle se fait autour d’une prise en charge multidisciplinaire : médicale, psychologique, sociale. Son objectif est de restaurer l’autonomie du malade. Le projet intègre des activités organisées autour de la sensibilisation, l’information, l’apprentissage et d’un accompagnement concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, l’hospitalisation. Le projet permet d’aider le malade et sa famille à comprendre la maladie et les traitements, à favoriser une meilleure qualité de vie avec la maladie. L’élaboration d’un tel projet est le résultat d’une négociation. Elle tient compte de l’âge du patient, de sa culture, de son histoire, de ses croyances, de sa psychologie, de sa vie quotidienne. Cette démarche éducative passe par : – une évaluation clinique du malade ; – une écoute des parties en présence ; – une communication entre les différents acteurs ; – un temps nécessaire au malade pour une prise de conscience des enjeux vitaux de la réalisation de ce projet ; – une intégration par le malade du point de vue médical ; – une intégration psychique de l’objet « maladie chronique ». La personnalisation de la prise en charge médicale permet d’intégrer le patient à sa prise en charge afin d’améliorer l’observance. L’observance suppose un véritable contrat d’objectifs et de moyens afin que le patient soit capable de s’appliquer un traitement topique quotidien, d’utiliser et d’évaluer la dose prescrite. Un apprentissage des gestes d’urgence est nécessaire (ex. hypoglycémie et diabète). Il est important d’informer le malade de l’existence d’associations de malades (ex. malades diabétiques) dans lesquelles il pourra partager son vécu, même si chaque situation est singulière.
Les transmissions F. Martin
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N° 13. Organisation des systèmes de soins • Filières et réseaux
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Introduction
Les transmissions entre professionnels constituent l’un des maillons essentiels de la prise en charge des patients hospitalisés, et ce plus particulièrement dans le cadre de la continuité et de la qualité des soins prodigués 24 heures sur 24, par l’ensemble des professionnels paramédicaux et médicaux gravitant autour du patient. Elles peuvent être scindées en deux catégories complémentaires et indissociables : les transmissions écrites et les transmissions orales. Les transmissions écrites visent à regrouper toutes les informations et les données incontournables à une prise en charge de qualité continue du patient tout au long de son hospitalisation. Elles constituent des éléments essentiels de traçabilité formalisés sur différents outils papier ou informatique et traduisent un véritable référentiel de base pour l’ensemble des professionnels acteurs, intervenants tout au long de la journée et de la nuit dans la prise en charge de ce patient. Elles permettent également le support des transmissions orales entre les professionnels qui changent et se relaient quotidiennement pour assurer la continuité de cette prise en charge.
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Si les transmissions, qu’elles soient écrites ou orales, sont essentielles quelles que soient les unités d’hospitalisation, elles recouvrent une importance et une complexité plus spécifiques au sein des secteurs de réanimation. En effet, le niveau de charge en soins techniques, le risque vital lié aux types de patients accueillis dans ces secteurs nécessitent une attention et une traçabilité toutes particulières qui ne peuvent accepter aucun oubli, faute de quoi le pronostic vital pourrait être rapidement mis en cause. Une autre donnée de complexité pour les transmissions en réanimation réside dans le fait que ces équipes sont dotées d’un grand nombre de professionnels amenés à prendre en charge ces patients, que leur rythme de travail est bien souvent en poste deux fois douze heures et que le temps des transmissions orales est largement diminué dans ce type d’organisation du travail.
Transmissions écrites : les outils et supports Les principaux et essentiels outils supports La feuille de réanimation papier (ou informatique) : c’est le principal vecteur d’information par rapport à chaque patient. Elle regroupe toutes les interventions médicales et infirmières, assure la traçabilité des soins, le diagramme de soins par tranche horaire. La feuille de température par patient complétée une fois par 24 heures, synthétise l’ensemble des éléments essentiels, et ce jour par jour. Les feuilles de matériovigilance assurent la traçabilité de la pose, de la surveillance et du suivi des cathéters veineux profonds et des cathéters artériels. Elles servent de base pour les statistiques concernant les informations nosocomiales sur cathéters et sont archivées dans le dossier de soins des paramédicaux. La fiche synthèse concerne l’ensemble des matériels à changer (rampes de perfusion, pansements, canules, sondes, filtres, tuyaux de respirateurs…). La fiche de synthèse concerne le suivi de l’ensemble des pansements (observations, matériels et produits utilisés, réfections des pansements). Le dossier de soins des paramédicaux est constitué de plusieurs fiches : – celle des informations essentielles, reprenant divers items dont : • le motif d’hospitalisation, • les traitements signalés à l’arrivée,
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• les risques (allergies…) • la personne de confiance, • les antécédents médicaux et chirurgicaux, • le résumé clinique médical ; – celle du recueil des données à l’arrivée, reprenant divers items dont : • la mobilité, • l’élimination, • l’hygiène et le confort, • la nutrition, • la relation-communication • le contexte de vie ; – celle du récapitulatif des différentes hospitalisations (séjours successifs, provenances, dates des entrées, des sorties) ; – celle du résumé des soins infirmiers ; – celle du projet de soins et de la démarche de soins (identification des problèmes, projet de soins, évaluation, ajustements) ; – celle des actes de kinésithérapie ; – celle de la diététique en cas d’alimentation entérale ; – celle des transmissions ciblées (cibles, données, actions, résultats) ; – celle du diagramme d’activité des soins de base, des soins techniques et des soins relationnels.
Transmissions orales : les transmissions ciblées Les transmissions ciblées, supports des transmissions orales, ont été introduites en France en 1986 par Cécile Boisvert. Cette méthode a remplacé l’ancienne qui reprenait l’ensemble des événements d’une journée de façon descriptive. Les transmissions ciblées constituent l’un des éléments essentiels du dossier de soins des paramédicaux et sont centrées sur la personne soignée en mettant en exergue les informations essentielles nécessaires aux soins qui doivent lui être prodigués. Elles permettent : – une synthèse de l’ensemble des actes de soins de base, techniques et relationnels ; – une organisation et une administration efficientes des soins ; – une harmonisation dans les différents secteurs de soins ; – une réelle traçabilité des données et actes de soins essentiels ; – une prise en charge globale et personnalisée du patient ; – un gain de temps pour l’ensemble des professionnels.
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Ces transmissions ciblées, auxquelles tous les infirmiers et aides-soignants doivent être formés, reposent sur la notion de macrocibles, de cibles et de cibles prévalentes, faisant suite au recueil de données concernant le patient. La cible est un énoncé synthétique de ce qui arrive au patient, de ses réactions à l’égard d’un problème de santé, d’un changement de son état. La cible prévalente est une cible que l’on retrouve régulièrement chez les patients hospitalisés dans telle ou telle unité de spécialité, par exemple dans les secteurs de réanimation. Un travail a été élaboré concernant les cibles spécifiques et prévalentes que l’on retrouve dans les secteurs de réanimations médicales et chirurgicales et qui sont en lien avec les grandes fonctions ou appareils (fonction respiratoire, appareil cardiovasculaire, troubles hémolytiques et électrolytiques, neurologie, appareils néphro-urologique, appareil digestif, infectieux, état cutané, mobilisation). La macrocible, plus large que la cible, est centrée sur la personne soignée à un moment précis de son hospitalisation (ex. retour de bloc opératoire). À partir de la cible, des objectifs sont fixés, puis des actions vont être engagées, aboutissant à des résultats. Une évaluation, voire des ajustements d’ensemble de cette démarche traduisent en fait la démarche de soins individualisée à chaque patient. Le diagramme d’activités et l’outil des transmissions ciblées constituent le tableau de bord des actions menées et du suivi du patient. Ces outils représentent les éléments essentiels des transmissions orales qui font l’objet de temps de rencontres spécifiques lors des relèves orales au moment des changements d’équipes. Ces relèves orales se font souvent par binôme (infirmiers et aides-soignants) pour un nombre défini de patients (deux infirmiers pour cinq patients en réanimation adulte).
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Transmissions médicales et paramédicales : la communication au sein de l’unité Les transmissions entre professionnels paramédicaux sont essentielles mais non suffisantes ; en effet, les transmissions entre les équipes infirmières et médicales sont primordiales pour la prise en charge globale du patient. On distingue le plus souvent différents niveaux : – un « tour médical » une fois par jour pour l’ensemble des patients, qui est le plus souvent effectué lors d’une relève avec l’équipe médicale et infirmière ; – un « tour personnalisé » journalier par patient avec un médecin et un infirmier pour un nombre de patients défini (clinique, prescriptions, ajustements…) ; – un « tour de bilans » médical et infirmier pour ajustement des prescriptions une fois par jour en fin d’après-midi (au minimum) ; – un rencontre dite « staff » des équipes médicales et paramédicales 1 ou 2 fois par semaine : médecins, infirmiers, aides-soignants, cadres, masseurskinésithérapeutes, assistants sociaux, psychologues, diététiciens. L’objet de ces rencontres est ciblé sur certains patients avec une approche sur différents thèmes ou prises de décisions : • une décision éthique, • des essais thérapeutiques ou des avancées technologiques, • des mises au point de traitements, • le devenir des patients, • des demandes d’information de l’équipe par rapport à certaines thérapeutiques… Ces staffs sont également l’occasion d’aborder des thématiques spécifiques en liaison avec la vie du service : pédagogie, retours de congrès, retours de formation. Les transmissions en réanimation concernent également la communication ciblée vers les familles et les proches des patients hospitalisés. L’information médicale est donnée par les médecins, souvent en présence de l’infirmier, pour une cohésion d’ensemble et un partage de la même information au sein de l’ensemble de l’équipe. Pour la vie du service, des outils de communication sont nécessaires vu le nombre important de professionnels. Il est de la responsabilité et du devoir du cadre de santé de l’équipe paramédicale d’assurer cette dynamique de communication par différents outils comme « une gazette » ou un journal de bord du service, qui permet à chacun d’obtenir des éléments sur la vie et les problématiques du service et de l’institution.
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L’outil informatique permet également aux professionnels de s’intégrer et d’être informés : Internet, espaces partagés (protocoles d’hygiène, documents spécifiques à l’unité…). Des points « communication » peuvent être également organisés à rythme régulier concernant plus particulièrement les professionnels et leurs attentes, leurs questionnements (médecins et cadres à la disposition et à l’écoute des professionnels).
Conclusion Les transmissions écrites et orales sont des éléments essentiels pour assurer la continuité, la qualité des soins et leur traçabilité en réanimation. Les outils de transmissions écrites ne sont que des supports et ne constituent qu’un socle des transmissions et de la communication orales pour lesquelles l’ensemble des professionnels de toutes catégories est concerné ; chacun doit y trouver sa place pour que la prise en charge du patient soit réellement efficiente et sécurisée au sein d’une réelle vie et dynamique d’équipe.
Complications de l’immobilité et du décubitus F. Gougain, K. Coste-Chareyre, P. Grivoz, M.-L. Laboure, P. Dessirier, C.-C. Arvieux et J.-J. Lehot
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N° 50. Complications de l’immobilité et du décubitus • Prévention et prise en charge
N° 53. Principales techniques de rééducation et de réadaptation • Savoir prescrire la masso-kinésithérapie et l’orthophonie
50, 53 Les conditions physiques et psychiques imposées au patient en réanimation peuvent avoir des conséquences délétères indépendamment du traitement de la pathologie motivant l’hospitalisation. Plusieurs de ces complications peuvent être prévenues par un personnel médical et paramédical formé et consciencieux et en nombre suffisant. Nous aborderons les principales d’entre elles en dehors des complications infectieuses qui font l’objet d’un chapitre séparé.
Complications générales du décubitus Perte du tonus musculaire et de l’activité physique normale La position debout normale impose un travail musculaire permanent qui non seulement a une fonction de soutien, mais aussi empêche la stase veineuse des membres inférieurs. Le décubitus entraîne une stase veineuse (de l’ordre de 1 000 ml chez l’adulte) avec ralentissement du flux sanguin veineux. Parmi les
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mesures préventives proposées (tableau I), les anticoagulants les plus utilisés sont actuellement les HBPM à dose préventive. Tableau I – Complications générales du décubitus Conséquences de l’immobilité et du décubitus Diminution du tonus musculaire – des membres inférieurs = > stase veineuse – maladie thromboembolique
Prévention
– hypotension orthostatique
Massage circulatoire Contention élastique, compression pneumatique intermittente Anticoagulants (dose préventive) +++ Lever précoce et progressif (âgés +++)
– de la ceinture abdominale = > stase digestive – reflux de bactéries (bacilles à Gram négatif) vers le carrefour aérodigestif => pneumopathies nosocomiales – constipation
Éviter surdosages morphiniques Posture semi assise +++ Décontamination digestive ? Bains de bouche à la chorhexidine ++ Fibres alimentaires
– des muscles moteurs – sarcopénie – déminéralisation osseuse, hypercalcémie – rétractions tendineuses, ankylose articulaire
Massage Mobilisation active Équilibre nutritionnel Mobilité passive
Hyperpression des parties déclives – cavité abdominale : migration céphalique de la partie postérieure du diaphragme – thorax : atélectasies => pneumopathies nosocomiales
Postures latérales ++ Kinésithérapie respiratoire Lits rotatifs
Points d’appui du décubitus Appui continu sur sacrum, talons, occiput => ischémie et nécrose cutanées = escarres (4 stades)
Augmenter la surface de contact : Matelas anti-escarres Changer de surface d’appui : – postures latérales ++ – Effleurage des zones à risque – Décharge des points d’appui
État dépressif => conséquences immunitaires ?
Contact verbal, respect bienveillant Visites des proches Psychothérapie
Lorsque l’état s’améliore durant le séjour et que l’on tente de verticaliser de nouveau le patient, l’hypotension orthostatique est fréquente du fait du déconditionnement. Le lever doit donc être aussi précoce que possible et très progressif, en particulier chez les personnes âgées. La stase digestive entretenue par la position allongée et l’utilisation des morphiniques entraîne un reflux des germes digestifs.
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Les facilitateurs du transit (cf. chapitre « Nutrition entérale et parentérale ») ont probablement un rôle pour réduire cet effet. La position semi-assise réduit certainement l’incidence des pneumopathies nosocomiales. L’ankylose survient précocement après une immobilisation articulaire pour traumatisme chez l’adulte. Il n’est donc pas étonnant que l’immobilisation en réanimation ait les mêmes effets. La mobilisation passive puis active doit donc être commencée très rapidement par un masseur-kinésithérapeute diplômé. La dénutrition doit être prévenue par une nutrition adaptée aux besoins, cela dès la fin de la phase aiguë de la maladie. La nutrition préviendra la survenue d’une sarcopénie portant sur la masse musculaire et le capital osseux. Le dosage de la calcémie doit être régulier, en particulier en cas de tétraplégie, pour détecter une hypercalcémie pouvant engager le pronostic vital.
Hyperpression dans les parties déclives De même qu’il existe une hyperpression dans les profondeurs marines, l’effet de la pesanteur augmente la pression dans les zones déclives du tronc, en particulier au niveau pulmonaire où il en résulte des atélectasies dès les premières heures de ventilation artificielle, bien mises en évidence en TDM. Ce phénomène concourt à l’apparition de pneumopathies nosocomiales du fait de la présence habituelle de germes dans les voies aériennes. De plus, les poumons ventilés avec un volume courant fixe en décubitus dorsal aboutissent à un défaut de ventilation des parties déclives, seule la partie supérieure des poumons étant ventilée. Le positionnement latéral prophylactique améliore le confort, prévient la formation d’escarres et pourrait réduire l’incidence de la maladie thromboembolique, des atélectasies et des pneumopathies (1). La technique habituelle alterne à droite et à gauche une rotation de 30 à 60°, au maximum de 90°. La durée courante du positionnement latéral est de 2 heures mais peut être modifiée en fonction de l’efficacité de la position choisie. L’utilisation des lits rotatifs émane du même principe. La position latérale sur le côté sain (sur le poumon dépendant ou inférieur) peut améliorer l’oxygénation artérielle en cas d’atteinte pulmonaire unilatérale en ventilation spontanée ou contrôlée. Cet effet est cependant inconstant. De plus, certains patients tolèrent mal le changement de position avec apparition d’hypoxie, arythmie, ou hypotension, cédant habituellement au retour à la position initiale. Enfin, l’impact sur la morbi-mortalité n’est pas établi et une méta-analyse est en cours. Le décubitus ventral n’est utilisé que pour traiter un SDRA réfractaire car il requiert plus d’effort de la part des soignants et présente des risques plus importants.
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Complications cutanées En décubitus dorsal, le poids du corps se concentre essentiellement sur le sacrum, les coudes, les talons et l’occiput. La peau et le tissu cellulaire souscutané recouvrant ces os deviennent ischémiques, d’autant que les mouvements survenant lors du sommeil normal sont abolis. Cette ischémie commence dès la mise sur la table d’opération en réanimation chirurgicale ou sur le sol des patients retrouvés à domicile en coma par intoxication. Cette ischémie entraîne une nécrose apparaissant sous forme d’escarres, en particulier chez les patients cachectiques ou obèses. La prévention passe par une répartition des surfaces en contact avec le plan du lit grâce notamment aux matelas anti-escarres, mais la mobilisation paraît indispensable, en particulier en utilisant le décubitus latéral et la décharge des points d’appui. Le rôle des massages et des frictions est discuté. La description de l’évolution des lésions cutanées est inscrite sur le dossier infirmier. Le traitement des escarres constituées est long et requiert une prise en charge spécifique selon le stade. Une greffe cutanée est parfois nécessaire.
La dépression C’est la manifestation psychiatrique la plus fréquente. La prévention passe par le contact verbal et gestuel afin que le patient garde son intégrité psychique. Le contact avec la réalité passe par le respect de l’alternance du jour et de la nuit, les visites des proches et, à la phase de convalescence, les moyens audiovisuels et la possibilité d’écrire en cas de mutisme lié à l’intubation trachéale ou à la trachéotomie sans canule « parlante ». Le traitement passe par les médicaments antidépresseurs et la prise en charge psychiatrique.
Complications spécifiques à la réanimation Complications concernant l’arbre respiratoire et les sinus de la face Le traitement de l’agitation et le monitorage des pressions du ballonnet de la sonde d’intubation (qui doivent être entre 25 et 30 cmH2O chez l’adulte, 20 et 25 chez l’enfant) préviennent l’ischémie de la muqueuse trachéale et l’évolution vers la sténose (tableau II).
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Tableau II – Complications spécifiques de réanimation. Conséquences de la réanimation Intubation trachéale – Agitation – Hyperpression du ballonnet => traumatisme = > sténose trachéale
Prévention Limitation de la pression du ballonnet de la sonde d’intubation à 25-30 cmH2O
Lésions ophtalmiques – Coma ou myorelaxation (ouverture des paupières, perte du réflexe de clignement) => kératite microbienne – Masque facial à haut débit => kératite superficielle – Décubitus ventral => kératite d’exposition et chémosis Ulcérations de la face – Pressions sur le visage – Masque de ventilation non invasive – Appui en décubitus ventral – Bandes adhésives
Fermeture des paupières ++
Collyre/4 heures ++ Humidification de l’air ambiant Fermeture des paupières par Micropore® + collyre/4 heures
Surveillance à l’installation (protections…) et en cours de procédure Tenir compte des allergies
Les traumatismes trachéo-bronchiques lors de l’intubation ou des aspirations peuvent conduire à des plaies et à des ulcérations. Une plaie trachéale se manifeste par un pneumomédiastin après l’intubation. Une fissure trachéale autour du ballonnet se manifeste par la nécessité de surgonfler celui-ci pour maintenir l’étanchéité du circuit respiratoire ; l’aspect radiologique du ballonnet est évocateur. Les ulcérations de la carène ou d’une bronche se manifestent par une hémoptysie qui requiert une fibroscopie. Les pneumopathies acquises sous ventilation mécanique sont prévenues par la position assise à au moins 30° si l’état hémodynamique du patient le permet (2). Les sinusites sont fréquemment observées en TDM et résultent de l’obstruction des méats des sinus de la face, parfois favorisée par les sondes d’intubation naso-trachéales ou les sondes naso-gastriques. Leur prévention passe par des soins locaux avec antiseptiques et en évitant les trajets intranasaux des sondes.
Traumatismes oculaires La conjonctive et la cornée sont les plus à risque et doivent faire l’objet de soins préventifs (tableau II). En effet, les réflexes de fermeture des paupières et le larmoiement font souvent défaut et doivent être suppléés par la fermeture
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occlusive ou l’instillation régulière de collyre. En cas de lésion, un avis spécialisé est demandé.
Lésions de la face Les pressions exercées par les masques et les érosions provoquées par les bandes adhésives qui maintiennent la sonde d’intubation et la sonde naso-gastrique provoquent des lésions habituellement bénignes. En revanche, les lésions provoquées par le décubitus ventral peuvent être plus sévères (ulcérations des pommettes, des ailes du nez…).
Conclusion Les complications liées à l’immobilité, à l’alitement et aux gestes plus ou moins invasifs en réanimation font l’objet d’une prévention reposant sur des procédures écrites enseignées à tous les soignants. En effet, leur survenue prolonge souvent le séjour, augmente la charge en soins, induit des coûts supplémentaires et met parfois en jeu le pronostic vital.
Références 1.
Hewitt N, Bucknall T, Glanville D. Lateral positioning for critically ill adult patients (Protocol). The Cochrane Collaboration. htpp ://www.thecochranelibrary.com. 01.08.2008. 2. Conférence de consensus. Prévention des infections nosocomiales en réanimation – transmission croisée et nouveau-né exclus. www.sfar.org Mis en ligne le 23 janvier 2009.
Éthique et déontologie médicale : droits des malades, problèmes liés au diagnostic, au respect de la personne et à la mort C. Joly et L.-M. Joly
La médecine a toujours été une démarche éthique, car elle l’est dans son essence même. En effet, l’action médicale se caractérise ainsi : son objet c’est autrui, sa finalité c’est la santé d’autrui, son mobile c’est la pitié devant la souffrance d’autrui. Mais qu’est-ce que l’éthique médicale ? L’éthique n’est ni une science, ni une technique, ni un système de règles institutionnelles (comme la déontologie). C’est pourtant un travail rationnel à la fois possible et nécessaire : au quotidien à l’épreuve des faits, et également sur un plan plus théorique de façon à se préparer à l’épreuve des faits. On pourrait résumer l’éthique par la question : que faut-il faire pour bien faire dans un contexte précis ? Cela amène d’autres questions : pour atteindre le Bien, tout est-il permis ? Une « fin bonne » justifie-t-elle tous les moyens ? Qu’avons-nous le droit de faire ? L’éthique médicale repose sur une position téléologique* : l’action morale a pour but la réalisation du Bien. Devant la décision à prendre, on se demande quelle est la meilleure possible dans la situation actuelle. Les conséquences prévisibles de l’acte entrent dans sa valeur morale. Ce qui définit la valeur morale d’une conduite c’est le bien qui est atteint par cette conduite. Il s’agit donc de maximiser le Bien et/ou de minimiser le Mal. Il s’agit d’établir une évaluation au cas par cas du Mal évité et/ou du Bien attendu. Les Américains (Beauchamp et Childress) ont défini quatre principes éthiques : autonomie, bienfaisance, non-malfaisance et justice. Le principe d’autonomie* insiste sur le respect des personnes et de leur choix dans la mesure où ils sont compétents. Le principe de bienfaisance* est celui selon lequel on
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recherche le bien pour le patient. Le principe de non-malfaisance* est celui qui cherche à éviter le mal ou le malheur pour le patient, lui épargner toute souffrance inutile. L’École anglo-saxonne pose la justice comme un principe supplémentaire aux autres, une norme extérieure et isolée du respect de l’autonomie, de la bienfaisance ou de la non-malfaisance. Il s’agit de la justice distributive : nécessité d’une égale répartition des moyens financiers alloués à la santé. Pour Pierre Le Coz, le principe de justice doit aller plus loin que la justice distributive : comment faire justice au patient qui souffre ou qui est révolté par sa maladie ? L’École française parle d’exigence de justice plutôt que de principe de justice. En effet, le malade atteint par la maladie grave est touché par la souffrance, le mal, voire l’absurde de sa situation. La décision médicale reprend la révolte du patient à son propre compte en vue de défier le non-sens qui en est à la source. Dans ce contexte, l’exigence de justice qui fonde la décision médicale sur le plan éthique est une exigence d’ajustement de la décision au contexte existentiel dans lequel le malade est plongé. Il faut donc se demander dans quel contexte nous nous trouvons avant de savoir si la décision est éthiquement valable. Quand nous n’avons pas le sens du contexte dans lequel nous nous trouvons, la parole que nous adressons à autrui n’est pas ajustée à son vécu et la communication se trouve biaisée. Ainsi, les trois principes éthiques (autonomie, bienfaisance, non-malfaisance) ne sont que différentes manières de décliner cet impératif fondamental de trouver le ton juste et d’ajuster sa décision au contexte en traitant comme semblables ceux qui ne sont pas identiques. À l’opposé la déontologie* est l’action qui est faite par devoir. Elle s’appuie sur des grands principes fermes, définis, universels et intemporels : ainsi le code de déontologie médicale est l’ensemble des devoirs des médecins (devoirs généraux, devoirs envers les patients, rapport des médecins entre eux et avec les membres des autres professions de santé). La déontologie médicale repose sur des principes universels : principe de la valeur sacrée de la vie et interdit fondateur du meurtre de l’innocent, principe d’égalité des hommes et donc de toutes les vies humaines, valeur du libre examen, nécessité de la cohésion sociale (tolérance réciproque et respect mutuel).
Textes régissant la déontologie médicale En tant que citoyen, le médecin est tenu d’obéir aux lois : code pénal, code civil… En tant que professionnel de santé inscrit à l’ordre des médecins, il est tenu de suivre les recommandations du code de déontologie médicale, inscrit dans le code de la santé publique.
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Le code de déontologie médicale est rédigé par le Conseil de l’Ordre National des médecins et publié par décret pris en Conseil d’État ; il s’agit d’un ensemble de règles professionnelles qui s’appliquent aux médecins. Tout médecin qui contreviendrait à ces dispositions peut être sujet à une plainte (d’un patient, d’une famille, d’un confrère…). Cette plainte sera instruite à la fois devant les juridictions civile ou pénale, et devant la juridiction ordinale composée de médecins. Les articles 35 et 36 du code de déontologie régissent les droits des patients vis-à-vis de l’information ou du consentement aux soins : Article 35 : « Le médecin doit à la personne qui l’examine qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. Toutefois, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave, sauf dans les cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination. Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection et les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite. » Article 36 : « Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. Lorsque le malade en état d’exprimer sa volonté refuse les investigations ou les traitements proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences. Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité. » Les articles 37 et 38 du code de déontologie régissent la conduite du médecin chez les patients en fin de vie. Article 37 : « En toute circonstance, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, de l’assister moralement et d’éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique. » Article 38 : « Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriées la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade, réconforter son entourage. Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort. » L’évolution de la société à la fin du XXe siècle a conduit le législateur à préciser et à organiser certains sujets liés à la santé. En particulier, par la loi du 4 mars 2002 qui régit les droits du patient et par la loi du 22 avril 2005 (dite « loi Léonetti ») qui concerne la fin de la vie et les droits du patient. Ces lois ont entraîné une modification du code de déontologie.
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La loi du 4 mars 2002 est consacrée en grande partie aux droits du patient et à l’information : – information a priori : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé […]. Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. » Plusieurs points sont à souligner : l’information concerne aussi bien les actes de soins que de prévention. Elle porte sur les risques fréquents et graves normalement prévisibles. Elle incombe au médecin, dans le respect de l’article 35 du code de déontologie médicale. Une personne peut, à sa demande, être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic sauf quand les tiers sont exposés au risque de transmission ; – information a posteriori : l’accès aux informations personnelles de santé est détaillé en particulier via l’accession au dossier médical ; L’information du patient et son nécessaire consentement aux soins ne doivent pas exonérer le médecin de ses responsabilités en terme de décision médicale, et d’accompagnement du patient. Cette loi autorise également le patient à refuser un traitement. Cependant, cette possibilité qu’a un patient (qu’il soit en fin de vie ou non) de refuser tout traitement a été particulièrement détaillée dans la loi du 22 avril 2005. Le médecin doit informer le patient des conséquences de son choix, et peut faire appel à un confrère pour essayer de convaincre le patient. Mais le médecin doit respecter le choix du patient. La loi sur la fin de vie et des droits du malade du 22 avril 2005, dite « loi Léonetti », est une loi d’initiative parlementaire qui a été votée à l’unanimité par les deux chambres. Un tel consensus dépassant les clivages politiques habituels est à souligner. Elle est particulièrement importante pour les soins palliatifs. Cette loi interdit toute forme d’obstination déraisonnable. Le médecin doit respecter les choix de la personne malade (en particulier si le médecin décide de limiter ou d’arrêter tout traitement en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable) et il doit informer la personne des conséquences de ses décisions. Le cas particulier des personnes inconscientes est précisé. Le médecin prend en compte les souhaits de la personne malade exprimés sous forme de directives anticipées ou par la personne de confiance qu’il a désignée préalablement. Les décisions sont collégiales (au moins 2 médecins) et transparentes (inscription dans le dossier du malade et communication au malade ou à ses proches). Dans tous les cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins appropriés même au prix d’un raccourcissement de la durée de la vie. Cette loi permet aussi aux médecins de prendre des décisions d’arrêt des traitements actifs de survie de façon sereine, sans craindre les poursuites judiciaires (il pouvait auparavant tomber sous le coup de non-assistance à personne en danger voire d’assassinat).
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Loi fin de vie et droits des malades du 22 avril 2005 : principales injonctions. – Interdiction de toute forme d’obstination déraisonnable. – Le médecin doit respecter les choix de la personne malade (en particulier si le médecin décide de limiter ou d’arrêter tout traitement en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable) et l’informer des conséquences de ses décisions. Le médecin prend en compte les souhaits de la personne malade exprimés sous la forme de directives anticipées ou par la personne de confiance qu’il a désignée. – Les décisions sont collégiales et transparentes (inscription dans le dossier du malade). – Dans tous les cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins appropriés, même au prix d’un raccourcissement de la durée de la vie.
Comment raisonner en éthique médicale Si on voit que la pratique médicale et les droits du patient sont organisés par le code de la santé publique et le code de déontologie médicale, il n’en reste pas moins que le médecin, dans son exercice quotidien, est amené à prendre des décisions individuelles qui relèvent de l’éthique médicale. Il s’agit alors de chercher ce qu’il convient de faire pour tendre vers le bien d’un patient en particulier. Qu’est-ce qu’une décision difficile en médecine ? Ces décisions peuvent concerner le patient ou son entourage : – concernant le patient, il peut s’agir de décisions thérapeutiques : faut-il ou non continuer un traitement curatif qui peut sembler disproportionné (chimiothérapie, suppléance vitale en réanimation…) ? Il peut s’agir de la prescription d’antalgique ou d’anxiolytique entraînant un risque de troubles de conscience ou de raccourcissement de la durée de la vie, de la mise en place d’une sédation palliative devant des symptômes réfractaires, d’un questionnement sur le devenir du patient (retour à domicile dans des conditions difficiles) ; – concernant l’entourage, il peut s’agir de décisions sur l’information : faut-il informer l’entourage du diagnostic ou du pronostic du patient et quelles personnes dans l’entourage ? Doit-on privilégier les demandes de l’entourage par rapport à celles du patient (par exemple en ce qui concerne le devenir social du patient) ? Devant une décision difficile, il convient de s’aider d’une méthodologie éthique précise, et d’outils d’aide à la prise de décision. Ces deux conditions (outil d’aide à la décision, concertation) sont des garde-fous pour éviter que les décisions difficiles soient envahies par l’émotion. En effet, il n’y a pas d’éthique sans émotion, mais, en elle-même, une émotion n’est pas éthique. En pratique, une concertation des professionnels concernés et une réunion collégiale ou interdisciplinaire doivent être organisées. Nous proposons alors la grille d’analyse suivante :
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– quel est le contexte : analyse de la situation, données médicales du patient (diagnostic, pronostic, antécédents, histoire de la maladie, symptômes, qualité de vie) ; données personnelles (situation familiale, peur, espoir, souffrance exprimée) ; contexte psychosocial ; – identifier ce qui fait problème (quelle est la question principale qui se dégage ?) ; – afin de préparer la prise de décision, il s’agit d’évaluer la demande du patient (quelle est-elle ? Qu’est-ce qui a motivé cette demande ? Le patient est-il compétent ? La demande a-t-elle évolué dans le temps ? Quels sont les points de vue de la famille et des proches ? Questions, désirs exprimés, conflits, relations avec le patient). Quel est le point de vue des soignants (sans oublier les relations qu’ils ont avec le patient et les valeurs auxquelles ils font référence). Quels sont les scénarii possibles de décisions ? Quelles sont les conséquences prévisibles des hypothèses de décisions ? Il s’agit ensuite de décider en recherchant le bien pour le patient. La décision revient au médecin. Il ne s’agit pas d’une décision prise à la majorité, mais prise en son âme et conscience par le médecin après avoir effectué la démarche éthique sus-décrite. Le médecin est ensuite responsable de la mise en œuvre de la décision. Et il convient d’évaluer les effets de celle-ci pour le patient, pour les proches et pour les équipes. Cette démarche éthique, si elle est appliquée régulièrement pour les décisions difficiles, permet aux professionnels de prendre des décisions de plus en plus ajustées aux demandes et au bien du patient.
Information des proches Les proches du patient peuvent être la famille (conjoint, enfants, parents), mais également des amis proches. La personne de confiance prévue par la loi du 4 mars 2002 et désignée par le patient a une place particulière. Cette place est importante si le patient est inconscient. Son avis prime sur tous les autres intervenants non médicaux et doit être considéré par les médecins. Cependant, cette personne de confiance n’est que rarement désignée formellement par le patient. Au mieux, un proche se dégage et fait naturellement office de personne de confiance. Mais en cas de conflit intrafamilial, et en l’absence de personne de confiance légalement désignée, la situation peut devenir plus complexe. Il n’appartient pas au médecin de privilégier telle ou telle partie de la famille. En cas de décision difficile (limitation ou arrêt des traitements actifs par exemple en réanimation, information sur le pronostic…), le point de vue de la famille est important à recueillir. Elle doit être informée. Cependant ce n’est en aucun cas à la famille de prendre les décisions. Les conséquences, et en particulier un deuil avec culpabilité, pourraient être trop lourdes à porter
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pour les proches s’ils devaient assumer ces décisions. C’est au médecin en son âme et conscience, après avoir concerté l’ensemble des personnes concernées, de prendre les décisions, de les mettre en œuvre et de les assumer. En conclusion, la médecine occidentale actuelle est de plus en plus technique et complexe. L’éventail des possibles s’ouvre de jour en jour, mais tous ne sont pas raisonnables dans une situation donnée. Il ne faut pas oublier que c’est le patient qui est au cœur de la prise en charge. Son attente, en particulier en terme d’écoute et de relation humaine, doit primer. Dans notre contexte d’hypertechnicité médicale, la formation et la réflexion éthique sont primordiales, car ce qui est possible n’est pas forcément éthique.
Références 1. Beauchamp T, Childress J (1979, 3e éd 1989) Principles of biomedical ethics. Oxford, Oxford Un. Pr., 470 p. 2. Rameix S (1996) Fondements philosophiques de l’éthique médicale ; Sciences humaines en médecine. Éditions Ellipses. 3. Le Coz P (2007) Petit traité de la décision médicale. Le Seuil, Paris. Outil d’aide à la prise de décision, méthodologie éthique. D’après l’Unité Mobile de Soins Palliatifs du CHU de Montpellier et le Centre Interdisciplinaire d’Éthique de l’Université Catholique de Lyon.
Glossaire – Le principe d’autonomie est la norme qui dicte le devoir de valoriser la capacité du patient (considéré alors comme un agent) de décider par lui-même et pour lui-même, ce qui suppose qu’il soit informé en connaissance de cause (il n’est de consentement libre qu’éclairé), et qu’il ne subisse pas de coercition, de quelque nature qu’elle soit. – Le principe de bienfaisance est la norme qui enjoint d’accomplir en faveur du patient un bien, ce qui implique, sur le plan thérapeutique, de réfléchir sur les bénéfices possibles, en terme de qualité de vie, que la médecine est susceptible de lui apporter. – Le principe de non-malfaisance est la norme qui dicte au médecin le devoir de ne pas exposer le malade au risque de subir un mal qui ne serait pas la contrepartie du rétablissement de sa santé (primum non nocere). – Déontologie : « Recherche de ce qui doit être. » La question fondamentale est : où est mon devoir ? – Téléologie : doctrine philosophique selon laquelle toute chose, toute forme, a une finalité. Exemple : l’action morale a pour but le bien du patient. Être éthique, c’est accepter et vivre ce conflit du bien à faire et du devoir à accomplir.
Droits des malades et fin de vie : une pédagogie du soin O. Jonquet
Item
N° 7. Éthique et déontologie médicale : droits du malade ; problèmes liés au diagnostic, au respect de la personne et à la mort. • Expliquer les principes de la déontologie médicale
La coexistence d’affaires médiatisées (Christine Malèvre, Vincent 7 Humbert), de la loi du 4 mars 2002 consacrant la possibilité pour le patient de refuser « tout traitement », de travaux scientifiques conduits par des réanimateurs montrant que plus de 50 % des malades de réanimation décédaient à la suite de limitation ou d’arrêt de thérapeutiques actives ont conduit l’Assemblée nationale à lancer des travaux qui ont abouti à une proposition puis au vote d’une loi dite loi Leonetti du nom du député, président de la commission parlementaire ayant préparé la proposition de loi. Le texte définitif fut voté le 22 avril 2005 à la quasi-unanimité de la représentation nationale. Le problème était de faire coïncider le principe premier de la médecine qui est de préserver la vie, tout en admettant le fait que la mort fait partie de la vie, que l’euthanasie n’est pas un acte médical. Enfin la volonté du patient devait être respectée, l’obstination déraisonnable évitée, le tout en autorisant sous conditions les limitations et arrêts des thérapeutiques actives. Il n’en reste pas moins que la décision reste médicale et qu’il faut distinguer les malades en fin de vie et ceux qui ne le sont pas.
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Ce n’est pas une loi sur l’euthanasie, on accepte la mort, on ne la donne pas Littéralement « euthanasie » veut dire « bonne mort » (préfixe grec εν « bon » et θαναθος « mort »). Sous ce vocable unique, c’est en fait un mot-valise où chacun met ce qu’il veut. Cinq attitudes contribuent, en effet, à entretenir la confusion : – la prescription d’antalgiques pour calmer les douleurs, mais susceptibles d’accélérer le décès ; – la limitation et/ou l’abstention de thérapeutiques actives ; – l’arrêt de thérapeutiques actives (interruption de ventilation artificielle ou d’une épuration extrarénale) ; – l’aide au suicide ou suicide assisté (suicide médicalement assisté) ; – l’injection de produit(s) mortel(s). Le malade, de son côté : – est d’accord (volontaire) ; – ne sait pas ce qu’on lui fait (involontaire) ; – ne le veut pas (non volontaire). Les trois premières attitudes partent du fait : – que l’affection en cause est à court terme fatale ou que les conditions de vie futures sont mauvaises ; – que le rôle de la médecine n’est pas de fixer l’heure de la mort, mais de prendre soin d’une vie qui s’en va, en d’autres termes de « renaturer » la situation mais en calmant la douleur, l’inconfort et/ou la souffrance et de retirer ou d’éviter de mettre en œuvre un artifice (ventilation mécanique, dialyse…). Les deux dernières ont les mêmes attendus mais fixent l’échéance en acceptant de donner la mort de façon volontaire, délibérée, par l’injection d’un produit létal (potassium, cocktail lytique, curares). Pour qu’il y ait euthanasie, il faut qu’il y ait une volonté directe et précise de donner la mort pour abréger les souffrances de quelqu’un frappé d’une maladie mortelle à plus ou moins longue échéance. Il y a trois éléments : – volonté directe de donner la mort ; – motif d’abréger les souffrances réelles ou supposées ; – celui à qui on donne la mort est atteint d’une maladie mortelle à court terme, un handicap jugé insupportable soit par le malade, soit par l’entourage, soit par l’équipe soignante ou l’un de ses membres.
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On peut remarquer dans ce cas que la fin (le but) se confond avec le moyen et que l’acte est irréversible. En d’autres termes, pour éradiquer la souffrance, la douleur on éradique le malade. La loi belge qui dépénalise l’euthanasie (22 mai 2002) la qualifie ainsi : « acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci ». Les Pays Bas qui avaient de même dépénalisé l’euthanasie (28 novembre 2000) n’avaient pas défini ce geste. Le débat sur l’euthanasie ne date pas d’hier ; le problème se posait déjà au temps d’Hippocrate, il y a 2 400 ans ; dans son serment qui sert de matrice à l’exercice de la médecine, il énonçait : « je ne remettrai à personne du poison, même si on m’en fait la demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ».
La loi du 4 mars 2002 dite loi Kouchner Elle inscrit dans la loi la garantie du respect de la volonté du malade de refuser tout traitement. La loi Leonetti reprend cette notion et la développe avec le concept de directives anticipées que le patient aurait pu émettre au sujet des modalités de sa fin de vie. Elles sont valables trois ans et sont révocables à tout moment. Dans le même ordre d’idée, la désignation par le malade d’une personne de confiance permet à cette dernière d’être l’interprète du malade auprès de l’équipe, lorsqu’il est inconscient.
Consécration du principe du double effet Un acte a deux effets, l’un bon, voulu, l’autre, indirect, mauvais, non voulu, non obligatoire. L’exemple le plus utilisé est représenté par l’emploi de la morphine chez les sujets atteints de douleurs insupportables au cours d’affections cancéreuses évoluées. La morphine est l’antalgique le plus puissant, mais à certaines posologies est susceptible d’entraîner une dépression respiratoire responsable de l’accélération du décès. On parle alors de double effet : l’effet antalgique de la morphine (voulu) peut entraîner le décès du patient par dépression des centres respiratoires (non voulu) Cinq conditions sont requises pour que les conditions d’administration de l’antalgique soient éthiquement acceptables : – l’acte n’est pas mauvais en lui-même ; – l’effet indirect mauvais n’est pas voulu ; même s’il est prévu, envisagé, il n’est pas obligatoire ;
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– l’effet indirect mauvais n’est pas lui-même le moyen d’atteindre l’effet bon ; – le bienfait de l’effet bon est supérieur à l’effet mauvais ; – aucun autre acte ne permet d’atteindre l’effet bon voulu. Ce principe trouve d’autres applications en médecine, notamment dans l’évaluation des rapports bénéfices-risques des traitements ou des investigations diagnostiques. Cependant, il faut être vigilant sur l’intention qui préside l’action : la morphine doit être donnée à doses antalgiques. Des protocoles existent pour évaluer la douleur et les effets des traitements. L’administration de doses de morphine au-delà des doses permettant de calmer la douleur du patient sera responsable de son décès. Un même geste techniquement identique peut avoir des significations éthiques différentes selon les intentions qui le guident.
Condamnation de l’obstination déraisonnable et licéité de la limitation et de l’arrêt des thérapeutiques actives Il y a un juste milieu entre l’acharnement thérapeutique ou l’obstination déraisonnable et l’euthanasie. On pourrait développer cette notion en partant du fait qu’elles procèdent de la même attitude mentale de fond : lorsqu’on a mécanisé un soin, une prise en charge thérapeutique complexe sans regarder la personne qui en est l’objet et le sujet, il est normal que lorsque l’évolution du malade est défavorable on soit tenté, devant ce qui est considéré comme un échec, d’arrêter les soins et les traitements de façon rapide, instantanée et irréversible. D’autre part, si la limitation ou l’arrêt des thérapeutiques actives, de même que le double effet étaient admis par la majeure partie des médecins, il y avait la possibilité de considérer la limitation des thérapeutiques actives comme la non-assistance à personne en danger, et l’application du principe du double effet et de l’arrêt des thérapeutiques actives comme un homicide volontaire avec, pourquoi pas, des circonstances aggravantes : préméditation et exercé sur personnes dépendantes. La loi a suivi les recommandations de la SRLF (www.srlf.org) et de la commission ministérielle sur l’importance de la transparence dans les prises de décision, l’information donnée au malade et à ses proches, leur collégialité, leur traçabilité avec inscription dans le dossier médical. La limitation de thérapeutique(s) active(s) est définie par la non-instauration ou la non-optimisation d’une ou de plusieurs thérapeutique(s) curative(s) ou de suppléance des DO, dont la conséquence sera peut-être d’avancer le moment de la mort.
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L’arrêt de thérapeutique(s) active(s) est défini par l’arrêt d’une ou de plusieurs thérapeutique(s) curative(s) ou de suppléance des DO déjà instituées, dont la conséquence peut être d’avancer le moment de la mort. Les soins palliatifs associent l’ensemble des mesures permettant de lutter contre l’inconfort, qu’il soit physique, émotionnel, spirituel ou social. Ce dernier aspect est capital. L’esprit du soin palliatif doit être en filigrane de toute action médicale. Le soin palliatif commence dès le premier contact avec le patient et l’entourage quel que soit l’avenir ; tout médecin doit vivre cette tension entre le soin aigu, technique qu’il doit prodiguer et le soin palliatif, qui est aussi, d’une certaine manière, une technique obéissant à des principes fondés sur le respect des besoins de la personne, de son unicité, de son histoire. Les deux aspects de prise en charge sont intimement liés, ne se suivent pas dans le temps et ne s’excluent pas même si en fonction de l’évolution de la maladie l’une ou l’autre modalité semble dominer. Le soin palliatif n’est pas cantonné aux unités éponymes ou aux services de cancérologie ou traitant des malades atteints de SIDA, de maladie d’Alzheimer ou autre.
La loi s’applique aux personnes en fin de vie ou dépendant d’une thérapeutique de suppléance et non aux malades dont l’état, pourtant grave, n’est pas assimilable à une fin de vie. Par exemple, Vincent Humbert dont l’affaire a défrayé la chronique et a contribué à l’éclosion de cette loi, ne relevait pas des critères définis. Son état était stable ; certes, en cas d’aggravation de son état à la suite d’un épisode infectieux ou respiratoire, une procédure de limitation des traitements aurait pu être, alors, engagée.
La personne de confiance Elle est désignée par le malade comme pouvant prendre, en cas d’incapacité de sa part, toute décision relative à l’instauration d’explorations diagnostiques ou de procédures thérapeutiques. Ce n’est pas obligatoirement un membre de la famille. La personne de confiance est l’interlocuteur obligatoire de l’équipe médicale. Ce n’est pas sans soulever des problèmes pratiques dans la mise en œuvre de cette mesure légale. Cependant, dans les décisions concernant la fin de vie, la décision reste médicale, la famille ou la personne de confiance est seulement informée.
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La réflexion est collégiale, la décision est médicale Les procédures de limitation ou d’arrêt de thérapeutiques actives s’inscrivent dans une démarche collégiale, c’est-à-dire impliquant tous les acteurs médicaux et paramédicaux ayant en charge le patient. Cela peut aller de l’aide-soignant au chef d’unité en passant par le kinésithérapeute et d’autres professionnels. Un avis extérieur est demandé et donné par une personne n’ayant pas de lien hiérarchique avec l’équipe médicale. La tentation est souvent forte, consciemment ou non, de faire porter le poids de la décision sur les familles. Dans tous les cas, le fruit de la réflexion est noté dans le dossier de soins et le dossier médical.
Remarques Cette loi sécurise certaines équipes Il y avait en effet une insécurité juridique théorique en face des problèmes soulevés par l’application des limitations et des arrêts des thérapeutiques actives pourtant admis implicitement dans le code de déontologie médicale. La limitation et l’arrêt des thérapeutiques actives pouvaient, en effet, être assimilés à une non-assistance à personne en danger, voire à un homicide volontaire. Il en est de même du principe du double effet, classique cas d’école de la morale médiévale, appliqué en médecine avec l’approbation des autorités religieuses et morales depuis des lustres, mais trop souvent négligé ou mal compris : « …le devoir de prendre les soins nécessaires pour conserver la vie et la santé […] n’oblige habituellement qu’à l’emploi des moyens ordinaires. » Pie XII (1957). « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade […] l’assister moralement. Il doit s’abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique. » code de déontologie, art. 37 (1995). « Le prolongement artificiel de l’existence des incurables et des mourants par l’utilisation de moyens médicaux hors de proportion avec l’état du malade fait peser une menace sur les droits fondamentaux… » Conseil de l’Europe (1999). Mais on n’a pas à fixer des échéances : « Il [le médecin] n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort », code de déontologie, art 38. Le respect de la vie est le respect de la personne, respect devant le mystère du vivant.
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La loi est considérée par certains comme un prélude à la dépénalisation de l’euthanasie, alors qu’elle n’en parle même pas Il est certain qu’il peut y avoir des ambiguïtés dans les intentions au cours des procédures de limitation ou d’arrêts. La collégialité bien conduite, le temps nécessaire à la réflexion doivent en théorie limiter les dérives. Les directives anticipées n’ont pas la valeur médico-légale qu’y attachent les anglo-saxons mais elles sont inscrites dans la loi. On ne peut qu’être prudent au sujet de leur prise en compte. Elles sont prises en général lorsque le sujet est en relative bonne santé. L’expérience montre que en situation aiguë, l’avis initial est très souvent reconsidéré. Pour reprendre La Fontaine « Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret » (La mort et le Mourant). La loi ne fait pas assez la distinction entre les traitements et les soins. Les traitements (antibiotiques, vasopresseurs, ventilation mécanique, épuration extrarénale) peuvent être arrêtés, les soins (toilette, tenue du corps, prise en charge de la douleur…) non. La nutrition pose problème, pour certains, c’est un traitement et on peut alors l’arrêter. Pour d’autres, c’est un soin contribuant à la trophicité de la peau et à la prévention des escarres sources de dégradations tissulaires majeures et douloureuses. Son interruption alors qu’elle est déjà en place, chez une personne qui n’est pas en fin de vie, fait poser question sur les intentions qui président à ce geste. en revanche, il n’est pas raisonnable de forcer un patient à une nutrition artificielle alors qu’il la refuse et que sa mise en place nécessiterait des gestes invasifs et douloureux. Les modalités de mise en œuvre ne doivent pas être ambivalentes. On peut respecter la loi tout en ayant l’intention d’entraîner la mort ou d’accélérer le décès. Il est cependant certain qu’il y a des situations frontières où il est difficile de faire la part des choses. Il doit être clair dans l’esprit des équipes qu’on n’éteint pas une bougie qui s’éteint. Il faut savoir accepter quand on limite ou on arrête des traitements, que la situation dure de quelques minutes à plusieurs heures, voire plusieurs jours au cours desquels les soins de base sont prodigués, l’accompagnement des familles et du patient effectué. Il est trop tôt pour évaluer les conséquences liées à la mise en place progressive de la tarification à l’activité (T2A). Il faut toutefois rester vigilant. Les décisions de limitations ou d’arrêts sont lourdes de sens et parfois longues à se dessiner. Certaines situations sont claires, d’autres moins. Le temps est une dimension essentielle à prendre en compte à l’égard des malades, de leurs familles, mais
490 Réanimation et urgences
aussi des équipes de soins. Il ne faudrait pas que la contrainte financière obère la réflexion et les modalités de réalisation de ces procédures. Procédure : le maître mot est lancé. La mort est entrée dans un protocole, un rite de plus. La loi est respectée si la lettre de la procédure est respectée. L’esprit de la loi est le rejet de l’euthanasie, et le respect de la volonté du patient. Ce n’est pas parce que la forme, la lettre de la loi est appliquée, que l’éthique, c’est-à-dire l’esprit qui préside cette loi, est respectée. C’est la conscience de chacun au sein de l’équipe qui gouverne l’intention qui conduit à telle ou telle attitude. Ce n’est pas la projection des angoisses des soignants ou des familles qui doit guider les prises de position. En conclusion, le poète Paul Valéry a donné dans Mélange1 une définition du soin qui est susceptible de nous servir de guide : « Soigner. Donner des soins, c’est aussi une politique. Cela peut être fait avec une rigueur dont la douceur est l’enveloppe essentielle. Une attention exquise à la vie que l’on veille et surveille. Une précision confiante. Une sorte d’élégance dans les actes, une présence et une légèreté, une prévision et une sorte de perception très éveillée qui observe les moindres signes. C’est une sorte d’œuvre, de poème (et qui n’a jamais été écrit), que la sollicitude intelligente compose. »
Bibliographie Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. L’éthique et la mort, revue générale de droit médical, Les Études Hospitalières, 2004. Aumonier N, Beignier B, Letellier Ph (2002), L’Euthanasie, Paris, PUF, « Que sais-je ? », n° 3595. Léonetti J Respecter la vie, accepter la mort, www.assemblee-nationale.fr
1. Œuvres La Pléiade Gallimard, p. 322-3
Mort encéphalique et don d’organes F. Brun
Item
N° 230. Coma non traumatique
Introduction Depuis la description historique de Pierre Mollaret et de Maurice 230 Goulon en 1959 sous le terme de « coma dépassé » (1), jusqu’à la dernière réglementation adoptée en France (décret du 2 décembre 1996), la mort encéphalique a fait l’objet d’un grand nombre de débats autant scientifique que philosophique, éthique, religieux ou juridique. La mort encéphalique (ME) reste une cause rare de décès (0,6 %). Le taux de prélèvement en France en 2009 est de 23,2 par million d’habitants permettant de réaliser 4 580 greffes (2). Les progrès scientifiques ayant permis un développement important de la greffe, une situation de pénurie d’organes s’est instaurée et s’aggrave. Il est donc nécessaire de modifier l’attitude et les moyens quant à la sélection et à la prise en charge des donneurs potentiels.
492 Réanimation et urgences
Mort encéphalique Définition et physiopathologie La ME est définie comme la destruction irréversible et isolée des centres nerveux intracrâniens. La destruction encéphalique est la conséquence d’un arrêt circulatoire encéphalique complet et irréversible. L’arrêt complet de la circulation se définit comme l’absence de déplacement de sang à travers le cerveau. Cela n’est possible que si la différence de pression (ΔP) ou pression de perfusion cérébrale (PPC) entre l’entrée (PAM) et la sortie (PIC) n’est pas suffisante pour permettre l’écoulement du sang à travers l’encéphale. Toute pathologie entraînant une augmentation de la PIC (traumatique, ischémique, hémorragique, anoxique, infectieuse…) peut donc être à l’origine d’un passage en ME. Le caractère irréversible de cette situation est nécessaire au diagnostic de ME et fait appel à des éléments cliniques et paracliniques. Le passage en ME a des conséquences importantes sur les autres organes, notamment par l’existence de décharges catécholaminergiques. Par la suite, l’état de ME se manifeste par la perte des mécanismes centraux de contrôle et de régulation des systèmes cardiovasculaires et respiratoires se traduisant par : – la suppression des afférences centrales pour le système cardiovasculaire, la commande respiratoire, les baro et chémorécepteurs ; – la libération des centres médullaires sous-jacents avec automatismes médullaires ; – la destruction du centre thermorégulateur hypothalamique et des fonctions endocriniennes comme le défaut de production d’hormones antidiurétiques induisant un diabète insipide.
Diagnostic de la mort encéphalique Aspect législatif La circulaire du 4 décembre 1996 (3) précise les conditions dans lesquelles le constat de mort d’une personne doit être réalisé dès lors qu’un prélèvement d’organe, de tissus, de cellules du corps humain ou la collecte de produit du corps humain à des fins thérapeutiques ou scientifiques est envisagé. Le constat de mort repose sur le caractère irréversible de la destruction de l’encéphale : c’est la mort du cerveau et du tronc cérébral.
Mort encéphalique et don d’organes 493
Dans le cas des personnes assistées par ventilation mécanique et conservant une fonction hémodynamique, trois critères cliniques doivent être simultanément présents : – absence de conscience et d’activité motrice spontanée ; – abolition de tous les réflexes du tronc cérébral ; – abolition de la respiration spontanée vérifiée par une épreuve d’hypercapnie ; et des critères paracliniques attestant du caractère irréversible de la destruction encéphalique : – soit deux EEG, séparés par un intervalle minimal de 4 heures, montrant un tracé nul et aréactif ; – soit une angiographie objectivant l’arrêt de la circulation encéphalique.
Aspect clinique L’examen clinique neurologique ne peut être effectué que dans des conditions éliminant des situations confondantes : troubles sévères métaboliques (hypoglycémie, hyponatrémie et hypercalcémie), acido-basiques et endocriniens (hypothyroïdie, insuffisance surrénalienne), hypothermie, intoxication médicamenteuse, curarisation et présence d’agents neurodépresseurs. L’examen doit retrouver une : – absence du réflexe photomoteur ; – absence du réflexe cornéen ; – absence de réponses motrices (à l’exception de celles d’origine médullaire) ; – absence du réflexe oculovestibulaire ; – absence du réflexe oculocéphalogyre ; – absence du réflexe nauséeux ; – absence du réflexe tussigène ; – absence de réponse à l’atropine ; – absence de respiration spontanée (test d’apnée).
Aspect paraclinique EEG : deux examens sont nécessaires à 4 heures d’intervalle. Angiographie : – soit artériographie cérébrale conventionnelle : injection successive dans les quatre axes artériels (les deux artères carotides communes et les deux artères vertébrales) : technique invasive souvent présente dans les grands centres hospitaliers et nécessitant la présence d’un radiologue expérimenté ; – soit angio-scanner :
494 Réanimation et urgences
Diagnostic de mort encéphalique (ME) par angioscanner (4) (fiche pratique) Technique • Vérifier la stabilité hémodynamique (PAM > 65 mmHg, diurèse > 100 ml/ heure, PVC 6-8 mmHg). • Faire préciser l’heure de passage en état de ME (critères cliniques, décharge adrénergique, enregistrement bispectral, Doppler…) et attendre 6 heures entre le diagnostic clinique de ME et l’angioscanner. • Disposer d’une voie veineuse périphérique antécubitale. • Réaliser une hélice sans injection de référence d’une durée d’acquisition inférieure à 15 secondes couvrant le crâne de la selle turcique au vertex en coupes fines inframillimétriques. • Programmer au moins trois acquisitions successives et identiques après injection dont la dernière à 60 secondes au moins du début de l’injection. • Réaliser une coupe de référence à hauteur de l’os hyoïde afin de repérer les artères carotides. • Injecter 2 ml/kg de PCI (produit de contraste iodé) à l’aide d’un injecteur automatique à un débit de 3 ml/s. • Déclencher manuellement la première hélice à l’arrivée du PCI dans les artères carotides. • Reconstruire les images en 10 mm d’épaisseur tous les 5 mm. Présentation des images • Présenter les images de chaque hélice sur des planches séparées avec le même niveau de coupe et le même fenêtrage. Inclure une coupe épaisse MIP sagittale. Lecture de l’examen • L’absence totale d’opacification bilatérale des branches corticales des artères cérébrales moyennes sur la dernière spirale après injection associée à l’absence de rehaussement des veines profondes (veine cérébrale interne et grande veine cérébrale) est un critère suffisant pour affirmer le diagnostic de ME. • En cas d’opacification unilatérale d’une ou de deux branches corticales de l’artère cérébrale moyenne, le diagnostic de ME peut être affirmé à condition de s’être assuré de l’absence d’opacification du réseau veineux profond. • En cas d’opacification du réseau veineux profond, l’examen scanographique doit être répété dans un délai d’au moins 6 heures, quelle que soit l’opacification des artères cérébrales. Compte-rendu • Préciser dans le compte-rendu l’existence ou non d’une opacification des veines profondes et l’existence ou non d’une opacification des branches distales des artères cérébrales moyennes. La conclusion doit indiquer clairement : « absence d’arrêt circulatoire » ou « arrêt circulatoire ». Les résultats de ces examens doivent être accompagnés d’un compte-rendu concluant par la confirmation du diagnostic de ME.
Mort encéphalique et don d’organes 495
Entretien avec la famille ou les proches en cas de prélèvement d’organe Aspect législatif Le consentement présumé Art. L1232-1 « Ce prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement. Ce refus peut être exprimé par tout moyen, notamment par l’inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. »
Le registre national du nefus Toute personne âgée de 13 ans au moins peut s’inscrire. Cette inscription est révocable à tout moment. Ce refus peut concerner les prélèvements soit : – à des fins thérapeutiques ; – à des fins scientifiques ; – à des fins d’autopsie ; – soit dans plusieurs de ces 3 cas hors expertise médicale légale.
La rencontre avec les proches Art. L1232-1 : Si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir auprès des proches l’opposition au don d’organe. Éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen, et il les informe de la finalité des prélèvements envisagés.
Aspect clinique pratique Habituellement, cet entretien intervient après confirmation paraclinique de la ME et de la faisabilité du prélèvement par la coordination hospitalière et après la consultation du registre national des refus. Cependant, dans certaines équipes, il est parfois envisagé une approche préliminaire de la famille avant que le diagnostic ne soit posé : cet entretien mené conjointement par le médecin réanimateur en charge du patient et un membre de la coordination hospitalière de prélèvement d’organe et de tissus a pour objet : – d’annoncer le décès de la personne ; – d’informer sur la ME et ses implications thérapeutiques ; – De rechercher une prise de position du défunt sur le don d’organe et en l’absence d’opposition connue de donner à la famille ou aux proches toutes les informations nécessaires concernant le don d’organe. Lors de ces explications, il ne faudra pas omettre d’aborder la possibilité de prélèvement de tissus (cornée, peau, os, vaisseaux, tendons, valves…).
496 Réanimation et urgences
Prise en charge d’un donneur potentiel en réanimation Incidence des anomalies survenant au cours de la mort encéphalique (fig. 1)
Fig. 1 – Perturbations physiologique liées à la mort cérébrale (5).
Les objectifs thérapeutiques recommandés de la prise en charge d’un donneur sont : – pression artérielle moyenne comprise entre 65 mmHg et 100 mmHg ; – diurèse comprise entre 1 et 1,5 ml/kg par heure ; – température comprise entre 35,5 °C et 38 °C ; – PaO2 > 80 mmHg ; – hémoglobine entre 7 et 9 g/dl ; – lactate artériel normal ; – natrémie inférieure à 150 mEq/l. Il est essentiel de mettre en place un monitorage permettant de guider la réanimation de ces donneurs. Ce monitorage doit comprendre : – un électrocardioscope ; – une pression artérielle sanglante ; – un oxymètre des pouls ; – une voie veineuse centrale ; – une sonde urinaire avec surveillance horaire de la diurèse ; – la prise de température centrale. Par ailleurs, une surveillance régulière de divers paramètres sanguins est nécessaire : électrolytes, glucose, hématocrite, hémostase, gaz du sang.
Mort encéphalique et don d’organes 497
Fig. 2 – Prise en charge hémodynamique (6).
Fig. 3 – Prise en charge du diabète insipide (7).
498 Réanimation et urgences
Prise en charge des troubles de la coagulation (7) Fréquent pouvant induire une coagulation intravasculaire disséminée. La prise en charge consiste dans le maintien d’une hémoglobine supérieure à 7 g/dl par la transfusion globulaire, et la transfusion de plasma frais congelé et de plaquettes pour maintenir un TP supérieur à 40 % et un nombre de plaquettes supérieur à 50 G/l.
Prise en charge des troubles du rythme Les bradycardies sont dues à un défaut de transmission des stimuli sympathiques, elles seront traitées par des sympathomimétiques. Les arythmies supraventriculaires ou anomalies de conduction sont généralement secondaires aux troubles électrolytiques, à l’hypovolémie, à l’hypothermie, à l’hypoxie ou aux altérations myocardiques (contusion, ischémie). Elles nécessitent la mise en place d’un traitement étiologique. Avec selon les cas traitement par amiodarone, lidocaïne, magnésium. En cas d’arrêt cardiaque (10 % des donneurs), une réanimation cardiopulmonaire classique doit être effectuée.
Prise en charge des troubles hydroélectrolytiques Les plus fréquents sont les dysnatrémies, les dyskaliémies. Ils nécessitent un monitorage et une correction minutieuse selon les étiologies. Les troubles de la calcémie et de la phosphorémie doivent aussi être pris en charge.
Prise en charge des troubles ventilatoires Optimisation de la ventilation mécanique : – Vt : 8-10 ml ; – PCO2 : 35-40 mmHg ; – FIO2 : pour obtenir une PaO2 entre 80 et 100 mmHg ; – PEEP : 5 cmH2O. Favoriser le drainage bronchique et prévenir l’obstruction par des manœuvres de recrutement, l’utilisation de fibroscopies. Apprécier le retentissement pulmonaire du remplissage vasculaire afin d’éviter l’aggravation ou l’apparition d’un œdème pulmonaire. Prévenir l’infection pulmonaire, toilette bronchique, position proclive. Antibiothérapie adaptée en cas d’infection prouvée à partir d’un prélèvement profond pulmonaire (LBA, brossage protégé ou prélèvement distal protégé).
Mort encéphalique et don d’organes 499
Critères de sélection des donneurs et d’évaluation des organes Dans un premier temps, il faudra rechercher les contre-indications absolues au prélèvement d’organes (7) : – infection à VIH ou HTLV1 ; – rage ; – maladie à prion réelle ou suspectée ; – tuberculose active évolutive – infection aiguë en pleine activité au moment de la ME, en particulier les méningo-encéphalites virales réelles ou suspectées notamment à herpès virus ou d’étiologie indéterminée ; – les tumeurs, exception faite pour certaines tumeurs cérébrales primaires, le carcinome baso-cellulaire cutané et le carcinome in situ de l’utérus. Il faut préciser que pour certaines tumeurs non métastatiques en phase de rémission, la décision doit faire l’objet d’une analyse au cas par cas avec avis oncologique et discussion avec les équipes de greffe et évaluation du rapport bénéfice-risque pour le receveur. Par la suite on s’attachera au travers d’analyses de facteurs généraux tels que l’âge, les pathologies associées à évaluer au mieux les donneurs ainsi que les organes prélevables. À noter qu’aucune limite d’âge n’est officiellement définie, mais que plus le donneur est âgé, plus les organes sont sensibles à la durée de l’ischémie froide (9, 10) et aux comorbidités associées (9, 11). L’âge moyen des donneurs en 2007 était de 50 ans avec 28,9 % de donneurs âgés de plus de 60 ans (2). Le poids, la taille et le sexe sont surtout des éléments intervenant dans le choix du receveur. Un certain nombre d’examens sont obligatoires pour pouvoir effectuer un prélèvement multiorgane, en particulier des sérologies (HIV, HTLV, CMV, EBV, hépatites B et C, syphilis, toxoplasmose) et un groupage sanguin (8). Un bilan infectieux général est systématique, comprenant : ECBU, hémocultures, prélèvement pulmonaire si infection suspectée et tout autre prélèvement en fonction des situations. L’analyse évaluant chaque organe est faite par des examens biologiques, fonctionnels et morphologiques (imagerie, biopsie, aspect macroscopique au moment du prélèvement). Rein :
Créatinémie, urée, sédiment urinaire, clairance de la créatinine, protéinurie. Échographie, scanner. Évaluation macroscopique (traumatisme, kyste, état vasculaire…).
500 Réanimation et urgences
Foie :
Gamma-GT, ASAT, ALAT, bilirubine totale, bilirubine conjuguée, phosphatase alcaline, TP. Échographie ( % de stéatose), scanner. Évaluation macroscopique. Biopsie si besoin.
Pancréas : glycémie, amylasémie, lipasémie. Échographie, scanner. Évaluation macroscopique. Traumatisme, hypotension sévère ou épisode de collapsus, dose de catécholamines utilisée, utilisation de desmopressine (Minirin®). Cœur :
Troponinémie (Ic). ECG. Radio thoracique, échocardiographie transthoracique, transœsophagienne parfois coronarographie. Évaluation macroscopique au moment du prélèvement.
Poumon : Gazométrie artérielle rapport PaO2/FiO2. Durée de la ventilation… Radio pulmonaire, scanner, fibroscopie. Évaluation macroscopique. L’évolution des techniques associée à la pénurie de greffons aboutit à l’utilisation d’organe considéré comme « limite », mais dont l’évaluation doit être optimale et dont l’utilisation en tout état de cause relève d’une décision pluridisciplinaire et de la balance bénéfice-risque pour le receveur.
Organisation du prélevement La complexité de l’organisation mobilise de nombreux intervenants ayant des fonctions différentes et complémentaires.
Les acteurs Agence de la biomédecine Missions prioritaires, gestion de la liste d’attente, du registre des refus. Répartition et attribution des greffons. Évaluation des activités de greffes. Organisation des secteur de la greffe tissulaire. Services de régulation et appui opérationnel 24 heures sur 24.
Mort encéphalique et don d’organes 501
La coordination hospitalière En collaboration avec l’ABM. Recense les décès, des patients en état de mort encéphalique. Qualifie et évalue les donneurs potentiels d’organes et de tissus. Organise des prélèvements, en particulier effectue les démarches administratives, concoure en liaison avec le médecin en charge du donneur au recueil du témoignage de la famille. S’assure que les examens obligatoires ont été réalisés : groupage, sérologie… Remplit le dossier donneur permettant sur la base Cristal préalable indispensable à la répartition des organes. Est présente au cours du prélèvement, contribue à son bon déroulement. Vérifie l’anonymisation des documents fournis aux équipes. S’assure de la qualité de restitution tégumentaire en fin de prélèvement. Prend en charge la famille du donneur tout au long du processus.
Le médecin du donneur S’assure que le procès-verbal de constat de mort a été établi conformément à la réglementation. Recueille les données utiles au dossier médical. Participe en liaison avec le CH au recueil de la non-opposition au prélèvement. Prend en charge sur le plan réanimation le donneur. Est responsable de la transmission des informations susceptibles de donner des indications quant à la qualité des greffons.
Chirurgien préleveur Prend connaissance du dossier du donneur. Procède à la vérification macroscopique de la qualité du greffon. Assure le prélèvement du ou des organes Est responsable de la restitution tégumentaire. Effectue en liaison avec la coordination hospitalière le conditionnement des greffons accompagné des informations nécessaires à la traçabilité. Rédige un compte-rendu opératoire.
Responsable de la salle d’opération S’assure que les locaux et les moyens mis en œuvre sont adaptés à l’activité de prélèvement.
502 Réanimation et urgences
Le directeur de l’établissement Fait la demande d’autorisation de prélèvement d’organes et de tissus. Met à disposition les moyens nécessaires à cette activité. S’assure que la réglementation est respectée. Met en place l’organisation générale du transport des équipes et des greffons.
Schéma de la réalisation pratique d’un prélèvement d’organe En réanimation Réanimation du donneur. Évaluation du donneur. Diagnostic de ME clinique et paraclinique. Accueil des familles. Recueil des éléments du dossier médical et constitution du dossier de coordination.
Au bloc Accueil et synchronisation des différentes équipes de prélèvement. Prélèvement des organes. Restitution tégumentaire. Toilette post mortem.
Après le prélèvement La coordination hospitalière veille au transport du corps. Elle facilite les démarches liées aux obsèques et éventuellement au retour à domicile.
Avenir Afin de lutter contre la pénurie d’organes, différents moyens sont mis en œuvre : – augmentation du recensement des sujets en état de ME notamment les plus âgés ;
Mort encéphalique et don d’organes 503
– amélioration de la prise en charge des donneurs et de l’évaluation des organes permettant d’utiliser des organes « limite » (machine de perfusion d’organes) ; – faire diminuer le taux de refus en France (28,1 % en 2007) (2) par une meilleure information ; – augmenter les prélèvements à partir de donneurs vivants pour les reins et le foie ; – développer le prélèvement du donneur décédé après AC.
Références 1. 2. 3. 4.
Mollaret P, Goulon M. Le coma dépassé. Rev Neurol 1959 ; 101 : 3-15. Agence de la biomédecine : Rapport d’activité de prélèvement et de greffe 2007. Circulaire DGS n° 96-733 du 4 décembre 1996. Leclerc X Diagnostic par angioscanner de la mort encéphalique : recommandation de la Société française de neuroradiologie. Journal of Neuroradiology 2007 ; 34 (4) : 217-9. 5. The journal of heart and lung transplantation (septembre 2004), Volume 23, Issue 9, supplement, pages S217-S222. 6. Nygaard CE, Townsend RN, Diamond DL. Organ donor management and organ outcome : a 6-year review from a level I trauma center. J trauma 1990 ; 30 : 728-32. 7. Conférence d’experts SFAR/SRLF/Agence de la biomédecine : Prise en charge des sujets en état de mort encéphalique dans l’optique du prélèvement d’organes et de tissus. Coordonné par Boulard G, Guiot P, Pottecher T, Tenaillon A. Elsevier 2005. 8. Sarmento A, Freitas F, Tavares AP, Machado D. Organ viral donor screening and its implications in transplanttation : an overwiew. Transplant Proc 2000 ; 32 : 2571-6. 9. Pessione F, Cohen S, Durand D et al. Multivariate analysis of donor risk for graft survival in kidney transplantation. Transplantation 2003 ; 75 : 361-7. 10. Hetzel GR, Klein B, Brause M et al. Risk factors for delayed graft function after renal transplantation and their significance for long-term clinical outcome. Transplant Int 2002 ; 15 : 10-6. 11. Di Paolo S, Stallone G, Schena A et al. Hypertension is an independent predictor of delayed graft function and worse renal function Orly in kidneys with chronic patological lesions. Transplantation 2002 ; 73 : 623-7.
Vigilances et reporting J. Petit
Item
N° 11. Principes d’une démarche d’assurance qualité et évaluation des pratiques professionnelles
Généralités La gestion des risques dans les établissements de santé 11 La sécurité est la première des attentes du patient hospitalisé. C’est une composante essentielle de la qualité. Il existe d’ailleurs de fortes similitudes entre la gestion de la qualité et la gestion des risques en termes d’objectifs et de méthodologie de mise en œuvre. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS) (1), un risque est « un événement redouté qui réduit l’espérance de gain et/ou d’efficacité dans une activité humaine ». Le risque est la mesure du danger. Il est caractérisé par deux déterminants qui sont la fréquence et la gravité. Toute activité comporte des risques. La prise de risque est une condition de la performance. L’enquête nationale sur les événements indésirables liés aux soins (ENEIS) (2) conduite sous l’égide de la Direction de la recherche, des études et des statistiques du ministère de la Santé en 2003 (et actuellement en cours de renouvellement) a retrouvé des données similaires aux principales études étrangères.
506 Réanimation et urgences
Selon les domaines d’activité, de 60 à 80 % des accidents sont, au moins pour partie, liés à des défaillances humaines (3, 4). L’homme est donc au cœur de la genèse du risque. Mais l’homme est aussi un facteur essentiel de repérage des risques, donc de leur prévention et de leur correction précoce. Car la moitié environ de ces événements indésirables graves sont évitables [5, 6]) Gérer les risques dans un établissement de santé, c’est mettre en place une organisation pour identifier, analyser, éviter les risques et/ou réduire leurs conséquences. Le champ de la gestion des risques en établissement de santé est extrêmement vaste. Il inclut la sécurité des soins (risques liés à la décision médicale et à la mise en œuvre des soins dans les domaines cliniques et médicotechniques), la sécurité des fonctions logistiques et techniques, la prévention des risques professionnels et l’anticipation des risques exceptionnels (catastrophes…). Les conditions de conception et de mise en œuvre des programmes de gestion des risques dans les établissements de santé français ont été définies par la HAS (1), ainsi que par la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins en 2004 (7, 8).
La gestion des risques a priori et a posteriori La gestion des risques suppose leur identification, leur évaluation (fréquence, gravité, coût), leur prévention et leur atténuation. La démarche peut être conduite a priori. Il s’agit alors d’identifier les risques existants, d’en réaliser une « cartographie », et de prioriser les actions de prévention en s’appuyant chaque fois que possible sur les recommandations de bonne pratique existantes. Il peut également s’agir d’une démarche a posteriori, visant à repérer les événements indésirables à partir de l’ensemble des informations disponibles et à en prévenir la récidive par l’analyse et le retour d’expérience. Les démarches a priori et a posteriori sont complémentaires.
La sécurité sanitaire Un document rassemblant l’ensemble des normes réglementaires et des circulaires concernant la sécurité sanitaire dans les établissements de santé est consultable sur le site Internet du ministère de la Santé et des Sports (9).
Vigilances et reporting 507
Le respect du cadre réglementaire est vérifié de manière externe lors du renouvellement des autorisations ou lors d’inspections. Les titulaires du pouvoir de contrôle sont le ministre chargé de la Santé, le directeur de l’Agence Régionale de Santé et le préfet de département. Les contrôles sont assurés par les médecins et les pharmaciens inspecteurs de santé publique, des ingénieurs de l’État, les inspecteurs des affaires sanitaires et sociales, les techniciens sanitaires. Les missions et responsabilités de la Direction générale de la santé, de l’Institut de veille sanitaire, de l’AFSSAPS et des services déconcentrés en matière d’inspection sont clairement définies. Cette approche par la réglementation connaît cependant des limites : – il est impossible de réglementer la totalité des activités. Les priorités ne sont pas toujours établies sur les seuls arguments classiques de fréquence, de gravité et de faisabilité ; – il existe un risque d’obsolescence rapide de la réglementation ; – enfin, les professionnels transgressent fréquemment intentionnellement les procédures. Pour ces raisons, la sécurité de la prise en charge clinique des patients ne peut pas reposer sur la seule application des normes réglementaires et professionnelles. Des mesures de prévention doivent être appliquées sur tous les points critiques identifiés. Et, au-delà de leur prise en charge immédiate, les différentes catégories d’incidents et d’accidents doivent être analysées et exploitées à des fins de prévention.
Certification des établissements et sécurité sanitaire La prise en compte des éventuelles préconisations émises lors des contrôles externes de sécurité sanitaire est un prérequis à la certification des établissements de santé par la HAS. Par ailleurs, la procédure de certification la plus récente, dite V 2010 (10), renforce les exigences en matière de gestion des risques, à savoir l’existence : – d’une culture de qualité et de sécurité ; – d’une politique et d’un programme d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ; – d’une fonction « gestion des risques » ; – d’une évaluation-prévention des risques a priori ; – d’une gestion des événements indésirables ; – d’une maîtrise du risque infectieux ; – d’activités de vigilances et de veille sanitaire ; – d’une maîtrise du risque transfusionnel ; – d’analyses de la mortalité-morbidité dans les secteurs de chirurgie, d’anesthésie-réanimation et de cancérologie.
508 Réanimation et urgences
Les vigilances sanitaires et domaines apparentés Les activités de vigilances sanitaires ont pour objectif de prévenir les accidents dans les domaines à risques. Elles définissent les bonnes pratiques, prévoient les formations à mettre en place pour assurer la compétence des professionnels, désignent les personnes ressources, organisent un système de recueil des événements indésirables et assurent la communication. Les risques existants dans les établissements de santé sont divers, comme en témoigne la diversité des approches adoptées dans les vigilances sanitaires réglementées et les domaines apparentés : hémovigilance et sécurité transfusionnelle, biovigilance, infections liées aux soins, pharmacovigilance, matériovigilance, réactovigilance, toxicovigilance, radiovigilance. Chacune des « vigilances sanitaires » au sens strict fait l’objet d’une approche réglementaire spécifique, avec la plupart du temps une unité de lieu, d’équipe professionnelle et de « gestionnaire ». Il n’est donc pas évident de les coordonner, notamment dans les plus gros établissements de santé. En revanche, une gestion coordonnée des risques, incluant les vigilances sanitaires, peut accroître l’efficacité et réduire le coût de l’ensemble de ces démarches. C’est l’AFSSAPS qui assure la coordination nationale des systèmes de vigilances.
L’hémovigilance et la sécurité transfusionnelle Née en France en 1993, l’hémovigilance est un élément de la sécurité transfusionnelle. Elle peut se définir comme l’ensemble des procédures de surveillance et d’évaluation des incidents graves, ainsi que des effets indésirables survenant chez les donneurs ou les receveurs de produits sanguins labiles. Le système national d’hémovigilance comprend trois niveaux : – un niveau national qui associe l’AFSSAPS, la Commission nationale d’hémovigilance et l’Institut de veille sanitaire ; – un niveau régional qui repose sur des coordonnateurs régionaux d’hémovigilance – un niveau local composé des correspondants d’hémovigilance des établissements de transfusion, des correspondants d’hémovigilance des établissements de santé, et des professionnels de santé.
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La pharmacovigilance La pharmacovigilance regroupe l’ensemble des techniques d’identification, d’évaluation et de prévention du risque d’effet indésirable des médicaments mis sur le marché, que ce risque soit potentiel ou avéré. Elle comprend : – le signalement des effets indésirables et le recueil des informations les concernant ; – l’enregistrement, l’évaluation, l’exploitation de ces informations dans un but de prévention ; – la réalisation d’études ou de travaux concernant la sécurité d’emploi des médicaments ; – la mise en place d’actions : modification(s) des informations destinées aux professionnels de santé et aux patients, suspension, retrait de l’autorisation de mise sur le marché ; – le système national de pharmacovigilance comprend : • un échelon national composé de l’AFSSAPS, de la Commission nationale de pharmacovigilance et de son comité technique, • un échelon régional : les centres régionaux de pharmacovigilance. Ce dispositif s’appuie sur une base réglementaire nationale et européenne et s’intègre dans une organisation européenne de la pharmacovigilance et de l’évaluation du médicament. La sécurité du circuit du médicament bénéficie d’une réglementation spécifique. Elle fait l’objet de contraintes externes définies par le « contrat de bon usage des médicaments, produits et prestations » (11, 12) et d’exigences spécifiques de la HAS (10). Des dispositions réglementaires complémentaires sont attendues en 2010.
La matériovigilance La matériovigilance est la surveillance des incidents ou des risques d’incident mettant en cause un dispositif médical qu’ils soient marqués CE ou non, en dehors de ceux faisant l’objet d’investigations cliniques. Elle a pour objectif d’éviter que ne se (re)produisent des incidents et des risques d’incidents graves mettant en cause des dispositifs médicaux, en prenant les mesures préventives et/ou correctives appropriées. Le système national de matériovigilance comporte : – un échelon national composé de l’AFSSAPS et de la Commission nationale des dispositifs médicaux ; – et un échelon local comprenant les correspondants locaux de matériovigilance des établissements de santé, les fabricants et plus généralement les utilisateurs et les tiers.
510 Réanimation et urgences
L’addictovigilance L’addictovigilance a pour objet la surveillance des cas d’abus, d’usage détourné et de dépendance liés à la prise de substances ou de plantes ayant un effet psychoactif ainsi que tout médicament ou autre produit en contenant à l’exclusion de l’alcool éthylique et du tabac. Un réseau national d’évaluation de pharmacodépendance a ainsi été mis en place en France afin de recueillir ces cas et de les évaluer. Ce réseau repose sur les centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance (CEIP), qui représentent l’outil de travail de la Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes.
Organes, tissus, cellules : la biovigilance La biovigilance est la surveillance des incidents et des risques d’incidents relatifs aux éléments et aux produits du corps humain utilisés à des fins thérapeutiques, et aux produits, autres que les médicaments, qui en dérivent, aux dispositifs médicaux les incorporant et aux produits thérapeutiques annexes, ainsi qu’aux effets indésirables résultant de leur utilisation. Sont exclus les gamètes et les PSL. Cette activité de veille sanitaire repose principalement sur le signalement et la déclaration des incidents et des effets indésirables liés ou susceptibles d’être liés aux produits et aux activités relevant de la biovigilance.
AMP vigilance Le dispositif de vigilance relatif à l’assistance médicale à la procréation (AMP) dont la mise en œuvre a été confiée à l’Agence de la biomédecine a pour objet la surveillance : – des incidents relatifs aux gamètes, aux tissus germinaux et aux embryons utilisés à des fins d’assistance médicale à la procréation ou à des fins de préservation de la fertilité ; – des effets indésirables observés chez les donneurs de gamètes ou chez les personnes qui ont recours à l’AMP. Les établissements de santé, les organismes et les laboratoires d’analyses de biologie médicale mettent en œuvre le dispositif d’AMP vigilance, désignent un correspondant local d’AMP vigilance et transmettent ses coordonnées à l’Agence de la biomédecine.
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La réactovigilance La réactovigilance a pour objet la surveillance des incidents et risques d’incidents résultant de l’utilisation d’un dispositif médical de diagnostic in vitro, après sa mise sur le marché. Elle comporte : – la déclaration de tout incident ou risque d’incident ; – l’enregistrement, l’évaluation et l’exploitation de ces informations ; – la réalisation des études concernant la qualité ou la sécurité d’utilisation des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ; – la réalisation et le suivi des actions correctives décidées.
La cosmétovigilance La cosmétovigilance est la surveillance du risque d’effet indésirable attribuable à l’utilisation d’un produit cosmétique mis sur le marché. Elle comporte : – la déclaration de tous les effets indésirables et le recueil des informations les concernant ; – l’enregistrement, l’évaluation et l’exploitation des informations relatives à ces effets dans un but de prévention ; – la réalisation des études concernant la sécurité d’emploi des produits cosmétiques ; – la réalisation et le suivi d’actions correctives, en cas de nécessité. En l’absence de correspondant spécifique, l’activité est souvent mutualisée avec la pharmacovigilance.
La vigilance relative aux recherches biomédicales Une réorganisation complète de la vigilance dans la recherche clinique a été introduite par voie législative en 2004 (13). Brièvement, l’investigateur doit déclarer tous les événements indésirables graves au promoteur dans les plus brefs délais en donnant son avis sur le lien éventuel avec le médicament à l’essai et/ou le dispositif médical ou la recherche. Le promoteur doit, quant à lui : – mettre en place une organisation et des procédures pour garantir la qualité du recueil, de l’évaluation, de la validation et de la déclaration des événements indésirables graves ;
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– évaluer la sécurité de la recherche de façon continue et tout au long de celle-ci (rapport bénéfice/risque) ; – assurer la traçabilité de tous les événements indésirables graves transmis par les investigateurs et les transmettre à la structure de référence chargée de la vigilance des essais cliniques ; – déclarer, après avis de cette structure, les effets indésirables graves et inattendus au Comité de Protection des Personnes et à l’autorité compétente (AFSSAPS et/ou autorités européennes, via un dispositif informatisé spécifique dénommé Eudravigilance® ; – transmettre ensuite le rapport d’imputabilité à l’investigateur coordonnateur, à l’investigateur ayant notifié l’événement et au centre de méthodologie.
La prévention des infections liées aux soins Elle est traitée dans un chapitre spécifique.
La toxicovigilance C’est la surveillance des effets toxiques pour l’homme d’un produit, d’une substance ou d’une pollution aux fins de mener des actions d’alerte, de prévention, de formation et d’information. L’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication a conduit à la réduction du nombre des centres antipoison. la réponse à l’urgence et la veille toxicologiques sont coordonnées par les directions régionales de l’action sanitaire et sociale, les commissions interrégionales d’épidémiologie, l’institut de veille sanitaire et la direction générale de la santé
La radioprotection L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité administrative indépendante, contrôle les activités nucléaires civiles en France. Les activités contrôlées par l’ASN vont des centrales nucléaires aux installations médicales, en passant par le transport de matières radioactives et les installations industrielles et de recherche utilisant des rayonnements ionisants. L’ASN s’intéresse non seulement aux aspects techniques et matériels de ces activités, mais également aux aspects organisationnels et humains. Afin de protéger les travailleurs, les patients, le public et l’environnement des risques liés à l’utilisation du nucléaire, l’ASN assure le contrôle de la radioprotection. La radioprotection est la protection contre les rayonnements ionisants, c’est-à-dire l’ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes, directement ou indirectement.
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Dans le domaine des applications médicales, l’ASN procède ou fait procéder par des organismes agréés à des contrôles de radioprotection des installations de radiologie, radiothérapie, curiethérapie, médecine nucléaire et d’irradiateurs de produits sanguins. Ces contrôles s’inscrivent dans le cadre des procédures de délivrance ou de renouvellement des autorisations. Pour certaines de ses décisions, l’ASN s’appuie sur des expertises techniques extérieures, notamment celles de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
L’identitovigilance Ce n’est pas (encore) une vigilance sanitaire au sens réglementaire du terme. Néanmoins, les erreurs évitables liées à l’identité du patient représenteraient environ 10 % des événements indésirables liés aux activités de soins. L’identification de la personne soignée est un enjeu majeur de sécurité sanitaire. L’identitovigilance fait désormais partie intégrante des démarches qualité en santé, et la mise en place de ses processus impacte l’évolution des systèmes d’information hospitaliers.
La sécurité au bloc opératoire Le bloc opératoire est un système complexe donc fragile. Il est susceptible de générer des dysfonctionnements multiples produisant des effets indésirables de nature et de gravité variables. C’est un système où la logique de prévention des risques prend tout son sens, car une grande part des événements indésirables qui s’y produisent sont évitables (14).
Le signalement et l’exploitation des événements indésirables L’amélioration de la sécurité repose avant tout sur la prévention. Chaque fois que possible, cette prévention doit être proactive, en assurant un fonctionnement sûr (approche a priori). Mais elle doit aussi être réactive en prévenant la récidive d’événements qui se sont produits (approche a posteriori).
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Cette dernière approche repose sur l’identification, le recensement puis le traitement des informations relatives aux événements indésirables, notamment : – les plaintes et réclamations, les contentieux ; – les événements à déclaration obligatoire ; – les audits de pratiques ou d’organisation ; – les rapports d’inspection, de contrôle, de conformité ; – l’autoévaluation de la procédure d’accréditation ; – les études et enquêtes spécifiques thématiques notamment les enquêtes de prévalence ou d’incidence ; – le document unique sur les risques professionnels ; – les diverses bases de données, nationales, régionales et des assurances ; – et bien entendu, les signalements d’événements indésirables. La déclaration des différentes catégories d’événements indésirables, sur une base volontaire, par les professionnels de santé (« reporting »), est en effet l’une des approches de base de la gestion des risques a posteriori. Les événements indésirables peuvent être classés en différentes catégories, des accidents constitués aux événements « mineurs » plus fréquents, donc plus faciles à identifier : – les accidents : actions ou situations où le risque se réalise et cause des dommages ; – les incidents : actions ou situations qui ne causent pas de dommage, mais dont le résultat est inhabituel et qui dans d’autres circonstances pourraient causer un dommage ; – les presque-accidents : événements qui ont entraîné une situation critique n’ayant pas engendré d’accident grâce à des conditions favorables réunies fortuitement ; – les événements précurseurs d’accident : événements rencontrés parmi les faits générateurs des accidents antérieurs, devant faire l’objet d’une prévention renforcée ; – les événements sentinelles : événements qui servent de signal d’alerte et déclenchent systématiquement une investigation et une analyse poussée. Les événements indésirables n’ayant pas entraîné de dommages étant plus fréquents que les accidents, ils donnent davantage d’opportunités pour la prévention. Il est évident qu’il faut étudier les événements graves qui se produisent. Mais ceux-ci devenant rares, l’étude des événements mineurs est un moyen à utiliser pour analyser le système et faire progresser la sécurité. L’ensemble de ces analyses doit être conduit selon un protocole formalisé afin que l’enquête soit systématique, exhaustive, efficace et ne se limite pas à une explication simpliste accompagnée de la condamnation du ou des fautifs. Ainsi, l’analyse des incidents cliniques recherchera les causes « racines » en mettant
Vigilances et reporting 515
moins l’accent sur les individus que sur les facteurs organisationnels. Il s’agit par exemple de problèmes de communication et de supervision, de personnel remplaçant ou intérimaire, de charge de travail excessive ou d’insuffisances de formation initiale ou continue. Les études conduites dans l’aviation, l’industrie pétrolière ou nucléaire ont démontré la complexité de la chaîne d’événements qui peuvent conduire à un dommage. Dans cette chaîne complexe, les défaillances sont fréquentes et difficilement évitables. Chaque système doit donc intégrer des « défenses en profondeur » pour fonctionner en sécurité malgré les défaillances et les erreurs. Les défenses comprennent des éléments managériaux, organisationnels, techniques et prennent en compte le facteur humain en agissant sur la compétence (sélection, formation, entraînement), mais également sur la tolérance du système à l’erreur humaine (alarmes, vérifications). Ces défenses sont de deux types, elles peuvent être matérielles (protection physique du dispositif) ou immatérielles (réglementation, formation). Les systèmes de signalement ont récemment été classés en trois classes (15). La classe I regroupe les systèmes passifs reposant sur la déclaration des acteurs médicaux, la classe II les systèmes passifs reposant sur la déclaration des patients et la classe III rassemble les systèmes actifs fondés sur l’analyse de dossiers ou de traces électroniques. Les systèmes de classe II et III permettent une analyse plus exacte du risque, et donc un pilotage plus correct des actions à entreprendre. Par ailleurs, ces systèmes sont susceptibles de produire un volume important d’informations, au point que la priorisation et l’analyse puissent être difficiles à réaliser. Un important travail d’appropriation reste ainsi nécessaire dans la plupart des établissements de santé.
Références 1. 2. 3. 4. 5. 6.
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516 Réanimation et urgences
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Risques professionnels du travail en réanimation et urgences A. Massardier-Pilonchéry, M.-A. Denis et A. Bergeret
Items
N° 109. Accidents du travail et maladies professionnelles : définitions N° 202. Exposition accidentelle au sang (conduite à tenir)
109 Le travail dans un service d’urgences et de réanimation du fait de l’environnement professionnel, des techniques médicales utilisées, du contact avec les patients expose à un certain nombre de risques (1).
Risque infectieux 202
Prise en charge de patients infectés
Accident d’exposition au sang Un accident d’exposition au sang (AES) est dû à un contact avec du sang ou un autre liquide biologique contaminé, lors d’une piqûre, d’une coupure, ou par simple contact avec une muqueuse ou une peau lésée. Il existe alors un risque de transmission principalement des VIH, VHB et VHC. Comme tout personnel soignant effectuant des actes invasifs, le risque d’AES est non négligeable pour le personnel de réanimation. La CAT notamment immédiate après AES doit être connue de tous et bien définie dans chaque structure de santé. Elle est rappelée dans une circulaire du ministère de la Santé
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visant à mettre en place un dispositif permanent garantissant la possibilité d’un accès à une prophylaxie contre le VIH dans un délai court quels que soient le lieu et le mode d’exercice – public, privé ou libéral – de la personne victime d’une exposition importante à du sang potentiellement contaminant (arrêté du 1er août 2007 fixant les modalités de suivi sérologique des personnes victimes d’accidents du travail entraînant un risque de contamination par le virus de l’immunodéficience humaine) (2). Un AES doit être déclaré comme accident du travail. Un suivi est mis en place par le médecin du travail pour analyser les causes d’AES et les mesures préventives.
Risque de transmission VHB : risque de transmission percutanée de 30 %. Prophylaxie possible. VHC : risque de transmission percutanée de 0,5 à 3 %. Pas de vaccin, pas de prophylaxie possible. VIH : risque de transmission percutanée de 0,3 %, et transmuqueux de 0,03 %. Une prophylaxie est possible faisant diminuer le risque de transmission. Autres risques : cas décrits de transmission de paludisme, fièvres hémorragiques, brucellose, tularémie, syphilis (3).
Facteurs de gravité – profondeur de la blessure ; – absence de port de gants ; – aiguille creuse utilisée en intraveineux ou en intra-artériel ; – calibre de l’aiguille ; – virémie élevée du patient source…
Conduite à tenir immédiate en cas d’AES SOINS IMMÉDIATS Nettoyer immédiatement la plaie : eau et savon. Rincer. Désinfecter : trempage prolongé (minimum 5 min) avec Dakin Cooper Stabilisé®, eau de Javel à 2,5 % de chlore actif diluée au 1/5e, ou, à défaut, de polyvidone iodée. Si projection muqueuse : laver abondamment à l'eau ou au sérum physiologique.
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Obtenir rapidement statut du patient source. Consultation médicale. Bilan sérologique victime de l’AES (sérologie VIH, VHC, Ac anti-HBs). Déclarer l'accident immédiatement. Mettre en route un suivi si nécessaire. Prophylaxie postexposition si besoin. DÉCLARATION ACCIDENT DU TRAVAIL Faire établir un certificat médical initial. Envoyer dans les 24 heures. Description blessure risque séroconversion, nécessité suivi.
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Risque infectieux Un risque existe par exemple lors d’un contact tuberculeux. Le tableau numéro 76 du régime général reconnaît comme maladies professionnelles les maladies liées à des agents infectieux ou parasitaires contractées en milieu d’hospitalisation et d’hospitalisation à domicile (4).
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Troubles musculo-squelettiques Troubles musculo-squelettiques (TMS) : pathologies multifactorielles à composante professionnelle affectant les muscles, les tendons et les nerfs des membres et de la colonne vertébrale. Dus aux contraintes biomécaniques : manutention, efforts excessifs, répétitivité des gestes, travail dans zones articulaires extrêmes, mauvaise ergonomie des postes de travail, contraintes posturales, mais aussi aux autres conditions organisationnelles et psychosociales de travail (stress…)
Travail de nuit Travail de garde, astreintes. Le travail de nuit et les gardes peuvent induire un état de fatigue, possiblement à l’origine d’une baisse des capacités techniques. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe le travail de nuit posté comme agent « probablement cancérogène » (groupe 2A).
Explosion-électrisation Rayonnements ionisants Radiographies au lit, radiographie interventionnelle, contrôle per opératoire. Effets déterministes immédiats : par lésions cellulaires, seuil d’apparition. Effets aléatoires à long terme : cancers et anomalies génétiques, pas de seuil défini. Effets déterministes immédiats pour une exposition à des rayonnements gamma ou X, à partir d’une dose d’irradiation de 0,15 grays (Gy). Ce risque potentiel est lié à l’exposition aux rayonnements ionisants, contrôlé par réglementation très stricte en matière de radioprotection, limité par le suivi des précautions réglementaires et surtout par une surveillance par dosimétrie lors d’une possible exposition.
Charge mentale, violence en milieu hospitalier L’exposition à la violence notamment dans les services d’urgences n’est pas négligeable. Certaines études montrent un fort impact des agressions (5). Le stress de ces postes de travail ne doit pas être négligé, il peut être source de consommation de psychotropes (6).
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Risque chimique Agents anesthésiques gazeux L’exposition chronique au protoxyde d’azote (Méopa®, Kalinox®) par interaction avec la vitamine B12 peut provoquer des atteintes neurologiques à type de polynévrites et induirait des risques reprotoxiques : augmentation du risque d’avortement spontané, diminution du poids et de la taille du fœtus à la naissance, voire diminution de la fertilité (7). La toxicité environnementale est diminuée par l’utilisation de systèmes de ventilation performants (système d’évacuation des gaz anesthésiques – SEGA et ventilation générale) (7). La réglementation française fixe la valeur moyenne d’exposition (VME) à 25 parties par million (ppm) de protoxyde d’azote sur 8 heures d’exposition dans les lieux d’administration du gaz.
Allergies La dermatose allergique est fréquemment retrouvée dans le milieu médical, en particulier l’allergie cutanée aux protéines du latex naturel, aux composants des gants de caoutchouc, aux additifs de vulcanisation (thiurames, carbamates, benzothiazoles), aux savons, aux antiseptiques et aux désinfectants à usage hospitalier (nettoyage des mains, désinfection des locaux et des instruments) : – glutaraldéhyde, formaldéhyde ; – ammoniums quaternaires ; – dibromodicyanobutane ; – isothiazolinones (kathon CG…) ; – chlorhexidine, polyvidone iodée… – médicaments : antibiotiques, antalgiques, anesthésiques… – parfums. La recommandation du port de gants pour diminuer le risque d’AES a aussi entraîné une augmentation de la prévalence d’allergie au latex. Le plus souvent des allergies cutanées sont décrites, des symptômes potentiellement plus graves du type asthmatique ou choc anaphylactique sont aussi retrouvés(8).
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Références 1. 2.
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Principes de méthodologie en recherche biomédicale L.-M. Joly et C. Joly
La recherche biomédicale s’attache à décrire et à comprendre le fonctionnement de l’organisme et les maladies (leurs causes, leurs manifestations, la façon d’en faire le diagnostic et leur traitement). Elle comprend un versant préclinique au niveau moléculaire, cellulaire ou chez l’animal et un versant clinique chez l’homme. La recherche chez l’homme comprend la recherche en physiologie sur les sujets sains et celle en pathologie humaine. Comme pour les autres sciences, c’est l’accumulation de nouvelles connaissances au cours du temps qui permet de construire un panorama cohérent sur un sujet (par exemple une maladie donnée) à un moment donné. De nouvelles connaissances viennent régulièrement compléter ce panorama, apportant des explications sur des points jusqu’alors obscurs. Quand la somme des connaissances sur un sujet est suffisamment solide et cohérente, elle fonde « l’état de la science » sur le sujet et détermine la conduite à tenir dans la pratique médicale courante. Parfois, une nouvelle connaissance vient au contraire tout remettre en cause, obligeant à une réorganisation complète des connaissances qui aboutit à un nouvel « état de la science ». La production de connaissances en médecine et en soins peut résulter du hasard ou d’un programme de recherche. La recherche peut être observationnelle (épidémiologie descriptive ou analytique), ou bien de nature expérimentale et interventionnelle. Une recherche biomédicale comprend quatre étapes : – formulation d’une hypothèse, en général sous la forme d’une question à laquelle on va tenter de répondre ; – recueil de données (cliniques, biologiques…) « sur le terrain », c’est-à-dire chez des patients, selon une méthodologie adaptée à la question posée ; – agrégation et analyse des résultats (au moyen d’outils statistiques) ;
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– interprétation des résultats permettant d’affirmer ou d’infirmer l’hypothèse initiale. Des erreurs dans la façon de procéder sont possibles à chacune de ces étapes, et altéreront plus ou moins gravement la qualité de la connaissance produite. La réponse à la question sera alors soit imprécise soit erronée. Chaque étape doit donc être conduite avec une méthodologie précise, selon des règles qui vont permettre d’éviter les erreurs à chaque étape. Une fois la question posée et son champ d’application défini, il est nécessaire d’écrire un protocole d’étude détaillé exposant la façon dont va se dérouler la collecte des données, ainsi que leur analyse. Il importe pour le chercheur de bien connaître les règles de construction méthodologique des différents types d’étude qui doivent présider à la conception du protocole. De très nombreux ouvrages et publications médicales sont consacrés à ce sujet. Il faut noter une tentative récente de formalisation par la publication de véritables consensus d’expert repris par les revues médicales majeures, comme les consensus CONSORT (1) pour les essais thérapeutiques ou STARD (2) pour les études diagnostiques. Les connaissances médicales évoluent rapidement. De nouvelles connaissances importantes pour la pratique clinique et modifiant « l’état de la science » apparaissent chaque année, tandis que d’autres deviennent clairement obsolètes. Tout médecin a un devoir éthique de tenir ses connaissances à jour, c’està-dire au niveau de « l’état de la science » dans son champ de compétences. Cela est d’ailleurs inscrit dans le code de déontologie médicale qui stipule que, dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et « fondés sur les données acquises de la science ». Pour ce faire, il doit se donner les moyens d’une formation continue postuniversitaire. L’un des éléments de cette formation continue est la lecture des journaux scientifiques médicaux correspondant à son champ de compétences. Ces journaux publient différents types de textes : des revues générales faisant le point sur un sujet, des « opinions d’expert », des cas cliniques, mais la source première des informations est constituée par les articles dits « originaux ». Chaque article original est le compte rendu d’un programme de recherche qui a été conçu puis réalisé sous la forme d’une étude médicale. La qualité de ces études est variable et doit donc être appréciée par le lecteur. Cette qualité déterminera la confiance que l’on peut accorder aux conclusions de l’article. La lecture d’un article original procède donc par étapes : – étape 1 : s’assurer que la question à laquelle tente de répondre l’étude est clairement exposée, et qu’elle correspond à une problématique intéressante pour le lecteur ; – étape 2 : identifier le type méthodologique de l’étude ;
Principes de méthodologie en recherche biomédicale 527
– étape 3 : apprécier les qualités méthodologiques de la recherche : celles-ci se jugent sur un certain nombre de critères dont certains sont communs à tous les types méthodologiques d’étude (clarté des objectifs, population suffisante, conclusions sous-tendues par les résultats), tandis que d’autres sont spécifiques pour un type méthodologique donné (randomisation, aveugle, test d’hypothèse, indépendance, reproductibilité des résultats…). Ces critères permettent en particulier de s’assurer de l’absence de biais potentiels qui pourraient remettre en cause la validité des résultats. Chaque type méthodologique d’étude doit donc être lu selon une grille de lecture critique axée sur la vérification des critères de qualité qui lui sont propres. La mise au point et la description de ces méthodologies en recherche biomédicale (avec leurs buts et leurs explications) a fait l’objet de plusieurs milliers d’articles et d’ouvrages médicaux. Il ne s’agit pas d’un sujet figé et de nouvelles méthodologies sont mises au point chaque année. Nous allons en présenter les principaux types dans le cadre d’une classification.
Classification méthodologique des études cliniques Le type méthodologique d’une étude dépend directement de la forme de la question posée et ne dépend pas de l’objectif de l’étude comme nous le verrons dans une deuxième partie de ce chapitre. À chaque type (ou sous-type) d’étude correspond une méthodologie précise. L’expression mathématique des résultats d’une étude est intrinsèquement déterminée par son type méthodologique. Il faut insister sur la spécificité de certains critères pour un type méthodologique donné : de la même façon que vous n’avez pas à vous soucier de la portance des ailes quand vous achetez une voiture, ni de vous soucier des roues si vous achetez un sous-marin, il est inutile de s’intéresser à la sensibilité et à la spécificité dans un essai comparatif ou à la randomisation quand il s’agit d’une étude diagnostique.
528 Réanimation et urgences
Tableau I – Classification des études médicales scientifiques selon leur méthodologie. Épidemiologie
Essais
Enquête transversale État d’une population à un moment donné. Résultats : prévalence et RR des FdR
Performance diagnostique
Essai thérapeutique comparant 2 Tt (médicaux ou chirurgicaux) ou 2 stratégies thérapeutiques. L’essai compare au moins 2 gps : un gp « référence » Enquête de cohorte sans Tt ou avec le Tt (prospective ou habituel et un gp recevant rétrospective) le Tt étudié. Il existe Il existe un suivi des un critère de jugement patients au cours du temps. principal. Résultats : incidence, Le mode de constitution des prévalence et RR des FdR gps est variable, au mieux par tirage au sort. Les Tt Enquête de cohortes sont au mieux administrés exposé/non exposé en aveugle (ce qui peut On compare 2 gps dont nécessiter un placebo), en l’un est exposé à un FdR et intention de traiter… l’autre non. Ils seront suivis La méthodologie statistique dans le temps pour voir s’ils repose sur le « test développent ou non une d’hypothèse ». pathologie attendue. Résultats : RAR, RRR, RR ou Résultats : incidence, OR avec leurs IC prévalence et RR des FdR Il existe des variantes méthodologiques : essai Enquête cas-témoin de non-infériorité, essai On compare 2 gps dont l’un avec « cross-over », plan présente une pathologie factoriel, sujet « propre et l’autre non. On cherche témoin »… rétrospec-tivement s’ils ont été ou non exposés à un FdR dans le passé. Essai d’impact d’un Résultats : OR des FdR examen Dg Essai d’impact de score (Dg ou pronostique) Idem ci-dessus mais l’on compare un gp bénéficiant d’un examen dg (un d’un score) avec un gp n’en bénéficiant pas.
Évaluation de la performance d’un examen Dg par rapport à un examen de référence Il s’agit de quantifier la probabilité que les résultats de l’examen étudié reflètent bien la présence ou l’absence de la pathologie. L’examen Dg est défini au sens large : signe clinique, score, examen paraclinique biologique, radiologique…). L’examen Dg de référence assure le diagnostic de la pathologie. Il est en théorie infaillible. Résultats : Se, Sp, VPP, VPN et/ou RV, courbe ROC…
Méta-analyse d’études épidémiologiques
Méta-analyse de performances Dg
Méta-analyse d’essais
Évaluation de la performance d’une technique de mesure par rapport à une technique de référence (mesurant le même paramètre) Évaluation de la reproductibilité, de la validité (et de la réponse au changement) = précision de la méthode de mesure dans un but Dg. Résultats : biais et limites de concordances (Bland et Altman) et/ou coefficients de corrélation intraclasse.
Principes de méthodologie en recherche biomédicale 529
Autres types non classés ci-dessus : – Série de cas (descriptive ou analytique) – Revue générale – Essai thérapeutique de phase I ou II (recherche dose toxique et optimale, efficacité biologique et clinique) – Étude médico-économique (évaluant le coût d’une procédure diagnostique, de dépistage, de suivi ou de surveillance, de traitement ou de stratégie thérapeutique au regard d’un bénéfice) – Étude d’analyse de décision – Recherche qualitative RAR : réduction absolue du risque ; RRR : réduction relative du risque ; RR : risque relatif ; OR : odds ratio ; Se : sensibilité ; Sp : spécificité ; VPP et VPN : valeur prédictive positive et négative ; RV : rapports de vraisemblance ; Tt : traitement ; Dg : diagnostique ; gp : groupe; FdR : facteur de risque.
Le tableau I présente une classification méthodologique des recherches biomédicales en trois grandes catégories : – recherches en épidémiologie où l’on cherche à mesurer la fréquence des phénomènes pathologiques et leurs facteurs de risque. On parle d’étude ou d’enquête épidémiologique. Il en existe différents types selon le calendrier et la façon dont sont recueillies les données concernant la pathologie étudiée et ses potentiels facteurs de risque. Les résultats de ces études sont des incidences, des prévalences et des mesures de facteurs de risque (risque relatif ou odds ratio) ; – recherches où l’on tente de prouver et de mesurer l’effet d’un traitement ou d’une méthode ou d’une stratégie thérapeutique. Chaque patient reçoit un et un seul des traitements (ou stratégies) étudiés. L’un des groupes est dénommé « groupe contrôle » et reçoit un placebo ou le traitement habituel ; il constitue en quelque sorte l’état de base de l’étude. Un critère de jugement principal déterminé a priori est recueilli au terme de l’étude et permet la comparaison des groupes selon la méthodologie statistique du test d’hypothèse. Les modes de constitution des groupes sont variables, au mieux par tirage au sort (on utilise souvent le terme « randomisation » qui est un néologisme anglo-saxon). Ce tirage au sort est la meilleure façon d’assurer qu’il existe une relation de causalité entre la prise du traitement et le résultat observé sur le critère de jugement. On parle d’étude de haut niveau de preuve et ce point est défini ci-après. Les résultats de ces études sont exprimés par le risque additionnel pour les sujets traités de présenter ou non le critère de jugement par rapport à ceux du groupe « contrôle » (réduction absolue ou relative du risque, risque relatif ou odds ratio). Si le traitement est efficace, le risque est inférieur à un. Les statistiques reposent le plus souvent sur la méthodologie du test d’hypothèse : l’hypothèse nulle est celle de l’absence d’efficacité du traitement. On espère que les données observées vont permettre de rejeter cette hypothèse nulle pour conclure à l’efficacité du traitement. Ces tests statistiques font intervenir les notions de significativité (le fameux « petit p ») et de puissance. Une bonne compréhension de ces statistiques est indispensable, mais dépasse le cadre de ce chapitre ;
530 Réanimation et urgences
– recherches portant sur les problèmes de diagnostic où l’on cherche à quantifier la fiabilité des examens diagnostiques ou des instruments de mesures biologiques. Selon que la variable « résultat de l’examen » est qualitative ou quantitative, il existe deux variantes méthodologiques avec une expression mathématique différente de la performance de l’examen étudié. La performance de l’examen étudié est toujours évaluée en comparaison avec un examen de référence. Cet examen de référence est, par définition, indiscutable et fourni donc un diagnostic considéré comme certain ou une mesure considérée comme exacte. Dans ces études, tous les patients sont soumis aux deux tests diagnostiques : celui qu’on étudie et celui qui est utilisé comme examen de référence. Il existe aussi des essais comparatifs diagnostiques « non thérapeutiques » : il s’agit des études dont l’objectif est de s’assurer de l’utilité (et non pas de la fiabilité comme ci-dessus) d’un examen diagnostique, ou d’un score, et dont la structure méthodologique est identique à celle d’un essai thérapeutique : comparaison de deux groupes au regard d’un critère de jugement final. J’ai choisi de les dénommer « essai comparatif d’impact d’un examen diagnostique » ou « essai comparatif d’impact de score ». Leurs résultats sont bien exprimés en termes de réduction de risque et de risques relatifs et expriment une causalité : on cherche à démontrer que le fait de bénéficier de l’examen diagnostique améliore la santé des patients, indépendamment de la fiabilité de l’examen. De nombreuses grilles de lecture ont été publiées pour les principaux types méthodologiques. Ces grilles indiquent les critères de qualité à rechercher lors de la lecture d’un article présentant une méthodologie donnée. Elles sont très utiles pour un « lecteur débutant » ou pour les méthodologies peu familières. Par exemple pour les études comparant deux traitements, on peut trouver des grilles simples comme celles proposées par l’ANAES (3) ou celles proposées par les équipes canadiennes de l’université de Hamilton (4, 5). Pour chacune de ces trois grandes catégories méthodologiques, il est possible de réaliser une méta-analyse des résultats, qui assure la synthèse de plusieurs études. Cette méthode nécessite des outils mathématiques complexes, et n’est vraiment bien formalisée que pour les essais thérapeutiques comparatifs. Enfin, certains types méthodologiques ne rentrent pas dans les 3 grandes catégories et ont été listés à part.
Classification des études médicales selon leur objectif Cette classification ne doit absolument pas être confondue avec la classification des recherches médicales selon leur type méthodologique. Les objectifs qui sous-tendent le plus fréquemment les recherches biomédicales sont :
Principes de méthodologie en recherche biomédicale 531
– recherches dont l’objectif final est de démontrer une causalité entre un événement et un résultat : par exemple, la mise en route d’un traitement et la guérison d’un patient. Différents types méthodologiques d’étude peuvent contribuer à cette recherche de causalité, mais tous n’ont pas la même « force de preuve » pour assurer qu’il existe bien une relation de causalité entre l’événement et le résultat. Plus la causalité est plausible, plus la force de la preuve est grande. Seuls les essais thérapeutiques randomisés de grande envergure peuvent apporter une quasi-certitude de causalité : à savoir que c’est bien l’administration du traitement qui est à l’origine de la guérison observée, et non pas le hasard, ou un autre facteur confondant. À l’inverse, les études épidémiologies, même parfaitement conduites, ne peuvent démontrer qu’une association entre l’événement et le résultat, sans certitude de causalité. On a défini des échelles ordonnant les types méthodologiques d’étude en fonction de leur capacité à démontrer une causalité. Ces échelles sont communément appelées échelles de « niveau de preuve ». Il en existe plus d’une dizaine, présentant des différences notables, et aucun consensus ne s’est dégagé pour que la communauté scientifique médicale choisisse une échelle particulière. Nous présentons néanmoins en annexe (tableau II) une de ces échelles de niveau de preuve (3). Tableau II – Niveau de preuve scientifique des études évaluant un traitement ou une stratégie thérapeutique (ANAES : guide d’analyse de la littérature et gradation des recommandations, janvier 2000). Niveau de preuve scientifique quand l’objectif est de démontrer une causalité entre un événement et un résultat
Grade des recommandations
I – Essais comparatifs randomisés de forte puissance – Méta-analyses – Analyses de décision reposant sur des études bien menées
A Preuves nettes en faveur de la recommandation
II – Essais comparatifs randomisés de faible puissance – Essais comparatifs non randomisés bien menés – Études de cohorte
B Preuves modérées en faveur de la recommandation
III – Études cas-témoin
C
IV – Essais comparatifs avec biais importants – Études rétrospectives – Études épidémiologiques descriptives – Études de cas
Peu de preuve pour ou contre la recommandation
Enfin, même dans les cas où la causalité est assurée, l’extrapolation des résultats à la pratique clinique courante doit rester prudente. En effet, les études n’incluent que des patients rigoureusement sélectionnés, avec de nombreux critères d’exclusion, une administration des traitements réalisée dans les
532 Réanimation et urgences
meilleures conditions possibles… et il n’est pas certain que le bénéfice sera conservé lorsque le traitement sera appliqué chez des patients tout venant. Il est donc essentiel de vérifier par de nouvelles études que le bénéfice des traitements et des stratégies thérapeutiques est bien conservé dans ces cas. Cela nécessite la réalisation d’études épidémiologiques dont le niveau de preuve est pourtant jugé « faible », mais qui sont indispensables pour vérifier les qualités « opérationnelles » des connaissances médicales « académiques »… – recherches dont l’objectif final est de sélectionner le meilleur examen diagnostique pour une pathologie donnée : plusieurs études de structures méthodologiques différentes peuvent concourir à cet objectif. Les études cherchant simplement à démontrer qu’un examen est reproductible (on obtient le même résultat si l’on mesure deux fois la même chose) doivent précéder les études de validité (l’examen est aussi fiable que l’examen de référence), et les études d’impact (l’examen dont on a démontré auparavant qu’il était fiable améliore la santé des personnes concernées par ce diagnostic). – recherche dont l’objectif final est d’obtenir un score diagnostique ou pronostique à partir d’éléments cliniques ou biologiques. Ces scores apportent une grande aide dans les situations où le diagnostic ou bien le pronostic sont difficiles à cerner, et ne peuvent reposer sur la recherche d’un seul signe ou critère. Les études permettant la création du score, puis sa validation sur une autre population ont une structures méthodologiques différentes (étude transversale ou de cohorte) de celles qui vont mesurer son utilité (essai d’impact de score).
Autres classifications des études cliniques Il existe d’autres classifications des études. Par exemple celle des essais thérapeutiques en phase I (recherche de la dose toxique), phase II (recherche d’une efficacité et d’un effet-dose), phase III (démonstration de l’efficacité par comparaison d’un « groupe contrôle » avec le « groupe traitement ») et phase IV (surveillance après la mise sur le marché). On voit que les phases I et II correspondent à des types méthodologiques bien particuliers classés à part dans le référentiel (tableau I), que la phase III correspond aux essais thérapeutiques comparatifs, et la phase IV à des études épidémiologiques.
Principes de méthodologie en recherche biomédicale 533
Conclusion La connaissance des grands principes méthodologiques gouvernant les recherches médicales est indispensable à l’étudiant comme au médecin confirmé, au chercheur comme au non-chercheur. L’universitarisation des professions paramédicales devrait permettre de développer la recherche française en soins infirmiers, qui seront donc également concernées par cette problématique. De nouvelles connaissances apparaissent chaque année tandis que d’autres deviennent obsolètes. Chaque médecin et soignant doit donc mettre à jour ses connaissances dans son champ de compétences à partir des nouvelles données publiées. S’il s’en abstient, il s’expose à ce que ces nouvelles connaissances lui soient apportées (ou imposées !) par ses confrères, des experts médicaux, des représentants de l’industrie pharmaceutique, voire par un juge assisté d’experts médicaux… dont les objectifs ne sont pas forcément les mêmes que les siens et sans qu’il puisse en contrôler lui-même ni la qualité ni la véracité. La qualité d’un médecin ou d’un soignant ne se résume cependant pas à la somme de ses connaissances formelles (le savoir). Son habileté gestuelle ou organisationnelle (le savoir-faire) et son comportement vis-à-vis des patients ou de ses collègues et ses qualités relationnelles (le savoir-être) ont bien sûr une importance majeure.
Références 1. Moher D et coll. (2001) The CONSORT Statement: Revised recommendations for improving the quality of reports of parallel-group randomized trials. Ann Intern Med. 134: 657-62 2. Bossuyt PM et coll. (2003) Towards complete and accurate reporting of studies of diagnostic. Accuracy: The STARD Initiative. Ann Intern Med. 138: 40-44 3. ANAES : Guide d’analyse de la littérature et gradation des recommandations, Janvier 2000. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_434715/guide-danalyse-de-la-litterature-etgradation-des-recommandations 4. Guyatt GH et coll. (1993/1994) Users’guides to the medical literature. How to use an article about therapy or prevention. Evidence-based medicine working group. JAMA. 270: 2598-601 et JAMA. 271: 59-63 5. Jaeschke R et coll. (1994) Users’guides to the medical literature. How to use an article about a diagnostic test. Evidence-Based Medicine Working Group. JAMA. 271:389-91 et JAMA. 271:703-7
Index A accident d’exposition au sang : 392, 517 accident du travail : 309, 518, 519 accident vasculaire cérébral : 33, 119 acharnement thérapeutique : 460, 486 acide lactique : 221, 283, 356 acides aminés : 221, 356, 414, 417, 429, 430 acidose : 50, 62, 71, 80, 132, 138, 140, 147, 172, 194, 196, 197, 201, 205, 212-214, 216, 217, 219, 221, 222, 225, 264, 273-276, 279, 283, 284, 290, 296, 299, 312, 314, 321, 323, 324, 344, 348 addiction(s) : 112, 261 adrénaline : 15, 16, 31, 39, 64, 76, 103, 104, 146, 172, 173, 270, 276, 370, 371, 408 aérosol : 75-77, 103, 410-412, 418 agents inotropes : 31 agitation : 19, 26, 71, 123, 124, 141, 156, 182, 186, 204, 208, 221, 268, 270, 271, 324, 346, 446, 472 agressions cérébrales secondaires : 249, 288 alcalose(s) : 88, 147, 157, 174, 194, 198-201, 274 allergies : 29, 74, 103, 256, 365, 371, 465, 522 amiodarone : 409, 412 anti-infectieux : 414, 418, 419 antiarythmiques : 30, 275, 276, 278 antibiothérapie : 20, 39, 78, 84, 85, 118, 133, 138, 140, 161-164, 169, 170, 243, 247-249, 253-255, 345, 346, 366 antibiotique(s) : 38, 40, 118, 126, 129, 131, 165, 166, 169, 241-244, 248251, 254-256, 259, 344, 345, 347349, 350, 351, 353, 369, 379, 387, 415, 416, 427, 489, 582
anticoagulants : 45, 91, 119, 121, 133, 144, 204, 210, 227, 229, 230, 234, 236, 237, 470 antidotes : 262, 263 antiseptique : 95, 301, 387, 391, 392, 432 antivitamine K : 49 arrêt cardiaque : 14, 23, 38, 63, 105, 277, 299, 312, 319, 325, 370, 445, 446, 498 arrêt cardiorespiratoire : 12-14, 99, 107, 321-325, 355, 372 asthme : 20, 37, 53, 54, 63, 68, 69, 7376, 94, 110, 183, 364, 366, 418, 419 atélectasies : 54, 147, 350, 470, 471 B bactériémie : 157, 162, 165, 241, 243, 252, 253, 346, 402 bicarbonate(s) : 71, 138, 140, 176, 187, 193-199, 201, 205, 216, 217, 269, 274-277, 290, 313, 363, 409, 413, 414, 416, 417 bloc auriculo-ventriculaire : 16, 46, 64, 276, 278 bloc(s) de branche : 46, 47, 87 Bricker : 140 bronchiolite : 349-351, 353 bronchite : 349 bronchodilatateurs : 20, 75, 77, 103, 110, 351 bronchospasme : 38, 39, 69, 71, 74, 75, 77, 99, 103, 107, 200, 264, 273, 418 brûlures : 36, 37, 100, 185, 291, 293299, 301-303, 317-319 C calcium : 30-32, 49, 176, 188, 189, 197, 228-230, 313, 409, 412, 423, 432, 438 centre 15 : 4, 14 césarienne : 368, 370, 371
536 Réanimation et urgences
chaîne de secours : 13 chambre implantable : 406 choc : 15, 25, 27, 31, 34-42, 48, 49, 6164, 66, 74, 83, 86, 89, 90, 91, 99, 102, 121, 123, 130, 131, 136, 138, 141, 149, 150, 160, 162, 163, 165, 168, 205, 246, 249, 250, 252-254, 256, 259, 263, 265, 269, 271, 272, 276, 277, 283, 284, 287, 288, 290, 292, 296, 311, 314, 317, 319, 332, 336, 338, 344, 355, 361, 365-368, 387, 394, 427, 428, 445, 446, 449451, 522 choc anaphylactique : 38, 39, 102, 522 choc septique : 39, 83, 131, 136, 138, 150, 162, 163, 168, 246, 249, 250, 252-254, 256, 259, 269, 366, 367, 394 cirrhose : 92, 93, 143, 144, 151-155, 157, 169, 183, 184, 235 coagulation intravasculaire disséminée : 234 code couleur : 408 collier cervical : 22, 324 coma : 11, 17, 18, 19, 68, 71, 99, 106, 107, 111-113, 118, 120-122, 125, 126, 127, 141, 156, 182, 185, 186, 190, 199, 203, 208, 209, 211-216, 218-225, 257, 262-265, 268-274, 276, 279, 314, 316, 320, 321, 324, 332, 346, 428, 472, 473, 491, 503 communication : 42, 284, 446, 455, 459, 461, 465, 467, 468, 476, 478, 508, 512, 515 compression : 14, 15, 21, 27, 87, 100, 111, 139, 148, 305-312, 323, 324, 325, 362, 366, 371, 377, 387, 394, 470 compression manuelle : 21 compression médullaire : 111 constipation : 427, 470 contenu artériel en O2 : 27, 197 contrepulsion intra-aortique : 31, 447 convulsions : 30, 35, 39, 71, 99, 118, 121, 123, 125, 126, 182, 185, 223,
224, 250, 257, 265, 267, 268, 270, 271, 274, 275, 279, 314, 324, 325, 331, 332, 334, 343, 344, 348, 350, 356, 365, 368 corps étranger : 14, 19, 20, 21, 53, 99, 100-102, 107, 148, 305 coup(s) de chaleur : 313-315, 326, 344, 347 crush syndrome : 309, 311, 312, 318, 326 D décubitus : 36, 46, 61, 67, 107, 246, 262, 269, 362, 367, 370, 371, 426, 469-474 défaillance multiviscérale : 35, 133, 253, 313, 314, 344 défibrillateur : 14, 41, 318 dénutrition : 183, 185, 242, 273, 380, 421, 422, 432, 471 déontologie : 459, 475-479, 481, 483, 488, 526 dépression : 55, 95-97, 173, 190, 196, 200, 269, 272, 276, 370, 392, 456, 472, 485 déshydratation : 36, 71, 130-132, 137, 138, 147, 149, 150, 165, 167, 168, 181, 186, 188, 190, 204-207, 216, 217, 219-222, 257-259, 267, 274, 313-315, 335-338, 344, 346, 348, 351 diabète : 42, 48, 73, 82, 118, 126, 159, 203, 207, 215, 216, 218, 225, 257, 267, 364, 366, 375, 377, 378, 461, 492, 497 diabète insipide : 118, 126, 267, 492, 497 dialyse péritonéale : 134, 165, 435, 439, 441 diarrhée : 71, 116, 143, 147, 157, 164170, 174, 183, 267, 335, 338, 426 dissection aortique : 33, 43, 44, 148 diurétiques : 32, 34, 63, 64, 75, 129, 132, 133, 155, 174, 176, 182-185,
Index 537
190, 191, 198, 207, 210, 219, 222, 370, 437, 446 douleur : 25, 33, 40, 44, 45, 50, 63, 64, 80, 82, 87, 92, 94, 113, 149, 158, 162, 180, 200, 271, 290, 300, 311, 339, 340, 348, 365, 379, 446, 484486, 489 droits des malades : 475, 481, 482, 490 E échocardiographie : 33, 34, 38, 43, 48, 49, 62, 64, 91, 258, 287, 445, 500 échographie : 26, 34, 35, 37, 42, 44, 45, 50, 62, 92, 94, 120, 136, 153, 154, 158, 163, 210, 214, 242, 254, 286, 296, 323, 345, 366, 388, 393, 499, 500 éclampsie : 33, 364, 365, 367, 371 électrisation : 302, 305, 316, 318, 325, 326, 521 embolie : 27, 34, 37, 40, 47, 48, 53, 59, 62, 63, 66, 68, 72, 73, 75, 78, 86-88, 93, 110, 234, 269, 288, 364, 368, 371, 392-394, 407 embolie amniotique : 86, 234, 368, 371 embolie graisseuse : 66, 86 embolie pulmonaire : 27, 34, 37, 53, 59, 62, 63, 68, 72, 73, 75, 78, 86-88, 93, 110, 269 encéphalites : 111, 118, 125, 241, 245, 250, 259, 499 endocardite infectieuse : 37, 40, 49 épilepsie : 17, 119, 123, 126, 199, 331, 332, 334 escarres : 470-472, 489 essais thérapeutiques : 467, 526, 530532 éthique : 459, 467, 475, 476, 479-481, 483, 490, 491, 526 euthanasie : 483-486, 489, 490 événements indésirables : 505-508, 511-516
expansion volémique : 29, 36, 37, 39, 45, 145, 150, 156, 160, 253, 254, 308, 386 F fibrillation auriculaire : 25, 30, 37, 47, 60, 208, 209, 320 fibrillation ventriculaire : 16, 175 fin de vie : 477, 478, 481, 483, 485, 487, 489, 490 fœtus : 361, 367-372, 522 G garrot : 21, 295, 310, 324 gaz du sang : 62, 80, 88, 117, 194, 195, 213, 279, 299, 309, 312, 442, 496 gaz médicamenteux : 411 gaz toxiques : 20 glucides : 423, 429, 431 grossesse : 90, 183, 200, 236, 256, 282, 357, 361-370, 372 H Heimlich : 19, 20, 102 hélium : 411, 447 hémocultures : 39, 72, 80, 118, 157, 163, 164, 167, 214, 217, 243, 247, 251-255, 316, 336, 356, 402, 499 hémodiafiltration : 134, 435, 439, 441 hémodialyse : 133, 134, 200, 222, 268, 406, 435, 438, 439, 441 hémofiltration : 134, 137, 435, 438443 hémoglobine : 27, 35, 36, 59, 131, 144, 161, 279, 285, 325, 363, 396, 496, 498 hémoperfusion : 134, 435, 441 hémoptysie : 144, 473 hémorragie(s) : 20, 21, 33, 36, 37, 100, 111, 115, 119-123, 131, 133, 139, 143-147, 152, 155-157, 160, 169, 204, 206, 234, 237, 239, 240, 274, 283, 285-287, 289, 290, 300, 317,
538 Réanimation et urgences
364, 365, 367, 369-371, 396, 424, 428, 442 hémorragie digestive : 143, 152, 155, 156, 157, 160, 169, 274 hémorragie méningée : 111, 121 hémostase : 40, 86, 120, 121, 126, 127, 139, 140, 145, 147, 153, 157, 161, 227, 228, 231, 232, 235-237, 248, 289, 290, 299, 396, 402, 496 hémovigilance : 395, 398, 402, 508 héparine(s) : 38, 42, 48-50, 90, 91, 120, 229, 230, 237, 240, 366, 413, 414, 416, 441, 442, 450 hypertension artérielle : 19, 25, 32-34, 42, 44, 61, 70, 87, 99, 137, 199, 364, 365, 379 hypertension artérielle pulmonaire : 19, 70, 87 hypertension intracrânienne : 68, 121, 122, 184, 187, 250, 258, 285, 332, 336 hyperthyroïdie : 42, 48, 123, 191, 203, 207-211 hypoglycémie : 17, 123, 125, 203, 205, 206, 213, 223-225, 263, 272, 274, 277, 336, 356, 370, 442, 461, 493 hypothermie : 39, 212, 214-216, 243, 253, 263, 269, 283, 284, 290, 297, 305, 307, 308, 319, 320, 321, 323, 402, 493, 498 hypothyroïdie : 68, 203, 211-213, 215, 493 hystérie : 17, 123
269, 272, 282, 295, 297-299, 301, 306, 307, 310, 320, 321, 334, 340, 364, 370, 371, 426, 465, 473, 522 inhalation d’un corps étranger : 19 insuffisance cardiaque : 19, 32, 35, 37, 43, 48, 58, 61, 73, 75, 83, 86, 93, 109, 130, 139, 161, 183, 184, 208, 209, 211, 222, 282, 287, 314, 355, 376, 378, 437, 445 insuffisance rénale : 28, 51, 62, 73, 129-132, 136, 142, 150, 155, 156, 161, 176, 183, 190, 196, 197, 205, 219-222, 242, 267, 268, 273, 274, 313-315, 318, 370, 379, 435, 443 Insuffisance rénale aiguë : 129, 176, 183, 197, 435 intoxication(s) : 19, 20, 37, 48, 66, 79, 112, 123, 158, 187, 190, 197, 200, 207, 214, 223, 261-263, 266-280, 291, 296, 299, 331, 369, 435, 472, 493
I
malaise(s) : 11, 16, 25, 40, 46, 141, 306, 314, 355-357 matelas coquille : 22 matériovigilance : 464, 508, 509 médicaments injectables : 412 méningites : 111, 118, 125, 241, 245, 247-250, 259, 346 monoxyde d’azote : 32, 67, 411 mort encéphalique : 491, 492, 494, 496, 501, 503 mort subite : 355-357
identification des médicaments : 410 index cardiaque : 26, 28 infections nosocomiales : 241, 243, 259, 474 information : 4, 244, 357, 377, 381, 400, 457-459, 461, 464, 467, 477480, 486, 503, 510, 512, 513 inhalation(s) : 17, 19, 20, 66, 74-76, 99, 101-103, 151, 164, 200, 244, 256,
K kératite : 473 kinésithérapie : 78, 85, 117, 349, 351, 419, 445, 451, 465, 469, 470 L limitation(s) : 7, 69, 122, 376, 473, 480, 483, 484, 486-489 lipides : 93, 152, 181, 423, 429, 431 M
Index 539
myasthénie : 68, 111, 116, 200, 255 N natrémie : 126, 127, 141, 180, 181, 184, 185, 196, 217, 219, 220, 249, 379, 442, 496 nébulisation : 75-77, 410, 411, 419 neurochirurgie : 3, 5, 111, 126, 233 neuropathie(s) périphérique(s) : 111, 116, 183 noyade(s) : 66, 305-308, 319 nutrition : 133, 161, 162, 210, 225, 351, 413, 421, 423-433, 465, 471, 489 O occlusions de l’intestin : 147, 151 œdème de Quincke : 38, 53, 100, 102, 103 œdème pulmonaire aigu : 60 P pacemaker(s) : 30, 45, 47 paludisme : 165, 167, 251, 257, 518 pancréatite : 66, 93, 143, 148, 158, 170, 190 pancréatite aiguë : 66, 143, 148, 158, 170, 190 pansement compressif : 21 pendaison : 20, 305, 323, 325, 326 perfusion(s) : 16, 28, 35, 38, 39, 47, 5759, 64, 67, 76, 87, 88, 91, 104, 105, 115, 122, 130, 138, 141, 151, 155, 183, 184, 191, 197, 200, 204, 214, 224, 259, 268, 269, 272, 273, 277, 278, 284, 287, 298, 308, 311, 312, 325, 337, 366, 387, 391-395, 406, 409, 410, 412-414, 426, 428-430, 432, 440, 446, 464, 492, 503 péricardite aiguë : 25, 44 péritonite : 39, 66, 143, 148, 150, 162, 170
personne de confiance : 465, 478, 480, 481, 485, 487 pH : 71, 72, 74, 82, 83, 106, 115, 172, 188, 193-199, 201, 216, 217, 219, 222, 269, 274, 275, 313, 365, 406, 407, 413, 415, 426, 442 pharmacovigilance : 508, 509, 511 plaie(s) trachéale(s) : 288, 473 pleurésie(s) : 92-97, 352 pneumopathie(s) : 20, 40, 53, 54, 56, 66, 72, 79-82, 84, 85, 88, 105, 107, 109, 110, 133, 149, 151, 164, 257, 310, 352, 353, 364, 365, 412, 426, 470, 471, 473 pneumothorax : 53, 54, 69, 72, 75, 88, 91, 94-97, 99, 107, 183, 200, 279, 285, 287, 299, 309, 310, 317, 350, 364, 386, 387, 393 position : 16-22, 55, 63, 92, 96, 107, 117, 136, 149, 244, 308, 324, 349, 357, 371, 386, 389, 391-393, 424, 426, 428, 433, 447, 457, 458, 469471, 473, 475, 490, 495, 498 position latérale de sécurité : 17 potassium : 138, 147, 150, 171, 172, 176, 179, 220, 311, 312, 408, 423, 438, 441, 484 prélèvement(s) : 39, 80, 84, 95, 96, 160, 163, 253-255, 259, 336, 395397, 495, 498-503 pression de perfusion : 28, 38, 122, 130, 311, 312, 325, 446, 492 pression expiratoire positive : 63, 67, 70, 77, 93, 109 pression veineuse centrale : 38, 39, 133, 138, 362, 406 protoxyde d’azote : 340, 411, 522, 523 purpura fulminans : 40, 235, 245, 246, 248, 250, 255, 257, 345 pyélonéphrite(s) : 131, 136, 138, 257, 258, 345, 364
540 Réanimation et urgences
Q qualité(s) : XIV, XV, 5, 7, 12, 54, 56, 57, 65, 104, 107, 239, 254, 290, 299, 377, 380, 381, 387, 396, 422, 433, 438, 461, 463, 468, 477-479, 481, 501, 505, 507, 511, 513, 516, 526, 527, 530, 532, 533 R recherche biomédicale : 525, 527 relation médecin-malade : 455-457 rétention(s) d’urine : 136, 264, 265 S Samu : 4-6, 63, 282, 284 sapeurs-pompiers : 14, 16 saturation en oxygène du sang veineux mêlé : 26 score de Glasgow : 106, 113, 122, 126, 160, 247, 249, 282, 288, 307, 308, 325, 365 Sécrétion inappriopriée d’ADH : 183 section de membre : 21 sepsis : 66, 78, 150, 162, 168, 246, 252254, 256, 364-366, 369, 371, 427 septicémie(s) : 129, 133, 204, 234, 241, 252, 259, 343, 356, 451 signalement(s) : 509, 510, 513, 514516 sinusite(s) : 244, 473 Smur : 4, 5, 14, 20, 284, 318 sodium : 32, 38, 130-132, 136, 138, 140, 147, 150, 172, 176, 179, 181, 183, 186, 187, 196-198, 269-271, 274, 276, 277, 290, 313, 363, 409, 412, 414, 423, 438 soins intensifs : 5-7, 41, 46, 54, 63, 120, 126, 169, 184, 210, 214, 385, 405, 410, 451 soin(s) palliatif(s) : 381, 478, 487 soluté(s) hypertonique(s) : 176, 185, 406, 408 solutions hydroalcooliques : 169, 244
surrénale(s) : 176, 184, 203, 204, 225, 370 surveillance continue : 6, 7, 110 syndrome(s) coronarien(s) aigu(s) : 37, 40-43, 62, 63, 72, 78, 271, 316 syndrome de choc toxique : 40 syndrome de Guillain-Barré : 117, 183, 200 syndrome de réponse systémique inflammatoire : 35 syndrome des loges : 51, 311, 318 T thrombophilie : 123, 235-237 thrombophlébite(s) : 123, 406 toxidrome(s) : 262-272, 274-277, 279 transfusion(s) : 36, 37, 66, 95, 140, 145, 190, 232, 233, 240, 284, 285, 287, 290, 387, 395, 396, 398-403, 442, 498, 508 transmission(s) : 92, 231, 233, 244, 245, 447, 463-468, 474, 478, 498, 501, 517, 518 transport de l’oxygène : 25 traumatisé rachidien : 22 traumatisme(s) : 18, 20, 37, 54, 66-69, 86, 94, 100, 112, 113, 115, 121, 125, 127, 183, 200, 204, 206, 207, 235, 237, 281-283, 285, 286, 286, 288, 289, 291, 301, 309, 310, 324, 326, 365, 371, 386, 456, 459, 471, 473, 499, 500 troponine : 33, 35, 42, 46, 51, 62, 87, 217, 287, 299, 309, 312, 316, 318 troubles hydroélectrolytiques : 147, 191, 267, 307, 308, 323, 431, 498 U urologie : 129, 134, 142 V varices œsophagiennes : 144, 146, 153 vasodilatateur(s) : 17, 31, 32, 34, 38, 44, 50, 130
Index 541
ventilation artificielle : 6, 14, 17, 20, 22, 34, 73, 77, 91, 105-108, 110, 117, 126, 163, 183, 200, 263, 311, 325, 471, 484 ventilation contrôlée : 108
ventilation non invasive : 20, 63, 109, 110, 451, 473 vieillissement : 7, 375, 376, 381 violence : 310, 521, 523
Liste des sigles Réanimation et urgences
CCA : Certificat de Capacité d’Ambulancier CGR : concentré de globules rouges DDAVP : desmopressine EFS : Etablissement français du sang ETT : Échographie transthoracique FE : fraction d’éjection FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche FOGD : fibroscopie œso-gastro-duodénale FV : fibrillation ventriculaire GDSA : gaz du sang artériel GS : groupe sanguin HAS : Haute Autorité de Santé HBPM : héparine de bas poids moléculaire HD : hémorragie digestive HDB : hémorragie digestive basse HDH : hémorragie digestive haute HNF : héparine non fractionnée HTA : hypertension artérielle HTAP : hypertension artérielle pulmonaire HTP : hypertension portale IA : incontinence anale IAS : infection associée aux soins ICC : insuffisance cardiaque congestive IDE : infirmier(e) diplômé(e) d’État IDM : infarctus du myocarde IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine IMAO : inhibiteur de la mono-amine oxydase IN : infection nosocomiale INR : international normalized ratio IPP : inhibiteur de la pompe à protons IRA : insuffisance rénale aiguë IRSN : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ISO : infection du site opératoire
544 Réanimation et urgences
IVAD : implantable ventricular assist device IVD : injection intraveineuse directe IVSE : injection intraveineuse à la seringue électrique KCl : chlorure de potassium KHPM : kininogène à haut poids moléculaire LBA : lavage broncho-alvéolaire LCR : liquide céphalorachidien ME : méningo-encéphalite ME : mort encéphalique MOF : multi organ failure MSN : mort subite du nourrisson NFS : numération formule sanguine NP : numération plaquettaire NPC : néphrostomie percutanée NFP : numération formule, plaquettes NTA : nécrose tubulaire aiguë OAP : œdème aigu du poumon OHB : oxygénothérapie hyperbare PA : pression artérielle PAM : pression artérielle moyenne PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion PCA : analgésie contrôlée par le patient PCI : produit de contraste iodé PCR : réaction en chaîne de la polymérase PDF : produit de dégradation de la fibrine PEEP : positive end expiratory pressure (pression expiratoire positive- PEP) PFC : plasma frais congelé PIC : pression intracrânienne PL : ponction lombaire PLS : position latérale de sécurité PNI : pression artérielle non invasive POD : pression auriculaire droite PP : pression de perfusion PPC : pression de perfusion cérébrale PRN : polyradiculonévrite (dans items uniquement) PSE : pousse-seringue électrique PSL : produit sanguin labile PTAI : Purpura Thrombocytopénique Auto-Immun PTM : pression transmembranaire PTU : propylthiouracile QRS : complexe ventriculaire QT : intervalle du début de l’onde Q à la fin de l’onde T à l’ECG RAI : recherche d’anticorps irréguliers RCF : rythme cardiaque fœtal
Liste des sigles Réanimation et urgences 545
RCP : réanimation cardiopulmonaire RGO : reflux gastro-œsophagien (dans items uniquement) ROT : réflexe ostéo-tendineux RP : radiographie pulmonaire RVS : résistances vasculaires systémiques SA : semaine d’aménorrhée Samu : service d’aide médicale d’urgence SCA : syndrome coronarien aigu SCB : surface cutanée brûlée SDRA : syndrome de détresse respiratoire aiguë (acute respiratory distress syndrome – ARDS) SEGA : système d’évacuation des gaz anesthésiques SEP : sclérose en plaques (dans items uniquement) Sfar : Société française d’anesthésie et de réanimation Sfc : Société française de cardiologie Sfmu : Société française de médecine d’urgence SHU : syndrome hémolytique et urémique SIADH : sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (syndrome de) SID : strong ion difference SIG : strong ion gap SIOS : Schéma interrégional d’organisation des soins SIRS : syndrome de réponse systémique inflammatoire Smur : Service mobile d’urgence et de réanimation Srlf : Société de réanimation de langue française SRO : soluté de réhydratation orale SROS : Schéma régional d’organisation des soins SSR : soins de suite et de réadaptation ST : intervalle ST à l’ECG TA : trou anionique TAB : trouble acidobasique TCA : temps de céphaline activé TCL : triglycéride à chaînes longues TCM : triglycéride à chaînes moyennes TDM : tomodensitométrie TIAC : toxi-infection alimentaire communautaire TIH : thrombopénie induite par héparine TIPS : transjugular intrahepatic portosystemic shunt TMS : trouble musculo-squelettique TP : taux de prothrombine TQ : temps de Quick TSH : thyroid stimulating hormone TURP : transuretral resection prostate UBS : unit burn skin UF : ultrafiltration
546 Réanimation et urgences
USIC : unité de soins intensifs cardiologiques VADS : voies aérodigestives supérieures (dans items uniquement) VEC : volume extracellulaire VES : volume d’éjection systolique VHB : virus de l’hépatite B VHC : virus de l’hépatite C VIC : volume intracellulaire VIH : virus d’immunodéficience humaine VME : valeur moyenne d’exposition VNI : ventilation non invasive VO : varice œsophagienne VS : vitesse de sédimentation VS-PEP : ventilation spontanée avec pression expiratoire positive VVC : voie veineuse centrale vWF : facteur von Willebrand VZV : varicelle-zona-virus WFNS : World federation of neurosurgeons