Vigiliae Christianae 48 (1994), 157-169, ? E.J. Brill, Leiden
LES HYMNES D'AMBROISE DE MILAN: A PROPOS D'UNE NOUVEL,E ...
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Vigiliae Christianae 48 (1994), 157-169, ? E.J. Brill, Leiden
LES HYMNES D'AMBROISE DE MILAN: A PROPOS D'UNE NOUVEL,E EDITION PAR
A. BASTIAENSEN Les hymnes d'Ambroise de Milan sont un des tresors du patrimoine liturgique et litteraire de l'Eglise latine. La nouvelle edition realisee par Jacques Fontaine avec une equipe de collaborateurs est donc a sa place dans la collection <Patrimoines? des Editions du Cerf. On se felicitera d'autant plus de sa parution qu'il marque un progres considerable dans un domaine ou, pourtant, les etudes solides ne manquent pas: on pense, pour ne nommer que les auteurs plus recents, aux travaux de Walpole,2 Simonetti,3 Bulst.4 Le nouvel ouvrage, oeuvre collective realisee a la suite de longues annees de preparation par une equipe de savants de l'Universite de Paris sous la direction de Jacques Fontaine, se distingue tant par l'ampleur des recherches sur les questions d'authenticite et de constitution du texte que par la profondeur et la finesse du travail d'interpretation et d'analyse stylistique. Les resultats des recherches anterieures sont integres et, plus d'une fois, depasses par des interpretations nouvelles permettant une meilleure intelligence du texte. A poursuivre la lecture on est frappe par la grande coherence des contributions du recueil. Le travail de redaction des diff6rents collaborateurs presente les memes points de depart, les memes methodes d'analyse litteraire. Du point de vue de la qualite aussi, l'unite du travail est remarquable: le niveau eleve de l'introduction generale est maintenu jusqu'a la conclusion du dernier des quatorze commentaires. De cette introduction, les quatre premiers chapitres sont de la main, uniquement competente, de Jacques Fontaine. Le cinquieme et dernier, sur les questions difficiles concernant la tradition manuscrite, est de Marie-Helene Jullien, specialiste en la matiere. L'etablissement du texte est l'oeuvre du commentateur de la piece. Fontaine a ecrit lui-meme les commentaires des hymnes pour l'heure du chant du coq (Aeterne rerum conditor), pour la fete de Noel (Intende qui regis Israel) et pour la celebration de saint Jean l'Evangeliste (Amore Christi nobilis). De la main de Michel Perrin sont les commentaires des hymnes du matin (Splendor
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paternae gloriae) et du soir (Deus creator omnium). Les commentaires
des hymnespour la prierede tierce (Iam surgit hora tertia)et pour la fete de l'Epiphanie(Illuminansaltissimus)sont l'oeuvrede Jean-Louis Charlet.GerardNauroy est l'auteurdes commentairessur les hymnes pour la fete de sainte Agnes (Agnes beatae virginis)et pour celle des saints Victor, Nabor et Felix (Victor, Nabor, Felix pii), Yves-Marie
Duval de ceux sur les hymnespour la fete des saintsProtaiset Gervais (Grates tibi, Iesu, novas) et pour celle des apotres Pierre et Paul (Apostolorum passio). L'hymne pour la fete de Paques (Hic est dies verus dei)
est commentepar Herve Savon, celui pour la commemoraisonde tous
les martyrs -
ou d'apotres martyrs -
(Aeterna Christi munera) par
Alain Goulon. Jeaninede Montgolfier,reprenantet developpantune etude anterieurede GerardNauroy, traite de l'hymneen l'honneurde saint Laurent (Apostolorum supparem).
I1est impossiblede presenteren detaille contenude l'introductionet des differentscommentaires.Je me borneraia releverles pointssaillants de l'introductionet a considererde plus pres l'interpretationproposee pour tel passagedifficile dans l'un ou l'autre des hymnes. Fontaineprendcomme point de departde l'introductionle passage bien connu des Confessions d'Augustin5sur la creation hymnique d'Ambroise,innovationliturgiqueau profit du peuplechretienmilanais qui, en 386, etait tenu prisonnierdans sa propreeglise par les soldats du jeune empereurValentinienII, a l'instigationde l'imperatrice-mere Justine, ariennede conviction, acharneecontre l'orthodoxieet contre l'eveque, son defenseur. Le temoignaged'Augustin semble dire que cette innovation, tout en repondant au besoin psychologique du moment, confirmaitcomme rite officiel la pratiquedu chant choral - psalmodie et hymnodie -, execute par le peuple entier. Ainsi, l'eglise
de Milan fit sienne la coutumedu chant liturgiquepropreaux eglises d'Orient. Cet exemplene tarda pas a etre suivi par les autres eglises d'Occident. Dans la compositionde ses hymnesAmbroisese faisait l'heritierde plusieurstraditionslitteraires.On sentl'influencede la poesiehymnique d'Horace, s'exprimantdans les Odes, specialementle Chant seculaire. Plus forte encoreest l'empreintelaisseepar la poesie de Virgile,la surtout ou elle prendla forme de prierelyriquecomme dans le chant en l'honneurd'Herculeau livre huit de l'Eneide.Des influencesorientales aussi peuvent avoir joue dans les debuts de l'hymnodie latine chre-
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tienne: on pense a la priereaux accents poetiquesen l'honneurde la deesseegyptienneIsis au livre onze des Metamorphosesd'Apulee, aux hymnesdu neoplatonicienTiberianus,aux hymnestrinitairesde Marius Victorinus,chretienneoplatonisant.II faut signalersurtout la poesie hymniqued'Hilairede Poitiersqui avait sa place, comme c'etait le cas pourles hymnesd'Ambroise,dansle contextede la luttede l'orthodoxie contrel'heresiearienne.La sourceprivilegieeetait evidemmentle Psautier. L'eveque de Milan suivait en cela son collegue de Poitiers qui voyait dans l'hymnodiela continuationde la poesie lyriquedes psaumes, interpretesen sens chretien. Le caracterede chant antiphoneou responsorialmarquel'engagement du peuple qui, dans cette participationactive, s'associe aux choeursdes anges proclamantla gloire de Dieu. D'autrepart, emporte par la beautedu chant, le peuplechretiense laisse penetrerpar le message du contenudoctrinalde l'hymne:l'hymnodieest aussi pedagogie. Son action depassela situationliturgique:par la reflexionelle agit sur la vie quotidiennedu chretien,temoin Augustinqui, apresla mort de sa mere, fut console et reconfortepar le souvenirbienfaisantdes deux premieres strophes de l'hymne ambrosien Deus creator omnium.6 II
n'empecheque l'hymne fonctionneproprementdans un cadre liturgique. Par la celebrationininterrompue,dansle doublecyclede prieredes heureset des jours, des magnaliaDei, l'hymnerejointles formulesde priereet les parolesde l'homelie, marquantle deroulementde l'action liturgiqueet l'explicitationdu mysterecelebre. Les hymnesd'Ambroiseont un riche contenu doctrinal.Ils presentent, dans le cadrede la lutte antiarienne,une theologietrinitairebien definie qui met en evidencel'egalitedu Pere et du Fils et l'importance du fonctionnementde l'Esprit dans la vie chretienne.De plus, dans l'acte de chanterle peuple se rend compte d'etre l'assembleede Dieu: son rassemblementest revelation du mystere de l'Eglise. Pour les hymnesen l'honneurdes martyrs,la destinationleurprocureune efficacite speciale pour l'ameliorationde la vie morale et spirituelledes chanteurs. Dans l'enonce hymnique ambrosien les procedes de variation et d'amplification,heritesde l'ecole antique,se chargentde fonctionsspeciales:ils agissentcommepedagogieparleurcaractered'explicitationde valeurstheologiques,spirituelles,ethiques;ils renforcentl'effet esthetique par l'accentuationde l'appareild'incantationpoetique. Vu comme structureprosodique,l'hymne ambrosienest le resultat
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d'un balancementdelicat,ofurigueuret souplessevont de pair. Au sein d'un schemametriquerigide constituepar l'ordonnanceen huit strophes - la plupart du temps quatre doubles strophes -, composees cha-
cune de quatrevers, presquetous de huits syllabes,le poete, poureviter la monotonie, fait jouer des procedesde variation,assurantainsi une marchesouple et energiquedans l'enchainementdes vers. Fontaine, a ce propos, parle(p. 67) de l"equilibremouvantet vivant(qui)est peutetrele traitle plus frappantde la creationpoetiqueambrosienne,et l'un des criteresles plus surs de l'authenticited'une piece donnee'. Du point de vue de la syntaxe,la formeentierementfixe, qui facilitait la memorisationet l'executionde l'hymne,comportaitla preponderance de la coordinationsur la subordination.Mais la simplicitede la structure n'allait pas jusqu'a adoptersans reservele rythmebinaire,menacant la monotonie,de la formepsalmique.L'influencese fait sentirdes formes plus libres du cantiquebibliqueet de l'ode classique:(p. 70): 'ainsise realiseune veritablemodulationde l'enonce', et ainsi est obtenue ... 'cette diversite dans la coherence' qui est propre a la poesie
d'Ambroise. Dans le choix des mots et des figuresun 'manierismecontrole'(p. 71) est observe qui ne renie pas les formes cultiveesdu quatriemesiecle, mais qui reconnaitaussi les besoins d'un public d'un niveau culturel moins eleve. Sous ce rapportle poete fait usage de la polyvalenced'un termedonne, avec son eventailde nuances,classiques,philosophiques, bibliques, chretiennes.Un cas special est celui de l'oxymoron, oiu l'allianceapparemmentimpossiblede deuxtermesopposesse pretebien a faire valoir l'incomprehensibilitedu mystere chretien. Le 'mixte ambrosien'(p. 77), composed'elementsqui refletenttant6t la simplicite du sermonet d'autresexpressionsen prose, tantot le style eleve de la poesie classique, produit ainsi des pieces d'un equilibre parfait. L'hymneest en meme temps poesie sacreeet chant de toute l'eglise. Dans l'introductiona l'hymneAmore Christinobilis, dedie a saint Jean 1'Evangeliste,d'authenticitediscutee,on voit Fontainea l'oeuvre dans son travail d'analyselitteraire.A propos de l'hymne il decrit le 'mixteambrosien':'Dans le courantdu texte alternentsimpliciteet subtilite, referencesau NouveauTestamentet meditationspirituelle,concentrationelliptique et details de langue quasi parlee, hardiessedes metaphorespolyvalenteset allegorisationde details biographiques... Tout cela consonneavec la <maniere)des hymnesauthentifies'(p. 305306). De ce caractered"ambrosianite'il ne conclutpourtantpas a une
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authenticite certaine, mais il est d'avis que, joint a d'autres criteres de nature externe, ce caractere plaide en faveur d'une composition par Ambroise lui-meme. Reprenons notre lecture de l'introduction. Le choix qu'Ambroise fit du dimetre iambique pour la structure prosodique de ses hymnes etait un choix reflechi. C'etait le metre de la (p. 84) 'communication verbale familiere, mais soutenue', remplissant les deux conditions essentielles de l'hymne, la sacralite et l'accessibilite pour le grand public. II est remarquable que les licences prosodiques sont rares, mais la coincidence frequente, dans le deuxieme et troisieme pied, de l'accent verbal et de l'ictus metrique, semble annoncer la poesie rythmique populaire des siecles suivants. II est difficile d'etablir avec certitude le nombre des hymnes authentiques. Biraghi, au siecle dernier,7 a formule trois criteres: conformite avec d'autres textes d'Ambroise, usage ancien dans l'eglise de Milan, atteste par la tradition manuscrite milanaise, temoignages d'auteurs contemporains d'Ambroise ou posterieurs. I1en conclut a l'authenticite de dix-huit hymnes. Les specialistes apres lui reduisaient le nombre a quatorze. Fontaine fait observer que les criteres de Biraghi n'ont pas une valeur absolue. II propose d'introduire, entre les hymnes surement ambrosiens et les hymnes surement apocryphes, une categorie intermediaire: celle (p. 97) de 'pieces que l'on pourrait dire d'ecole ambrosienne'. A propos des quatorze hymnes reconnus communement comme ambrosiens il tient que quatre sont certainement authentiques, en raison d'attestations contemporaines (Aeterne rerum conditor; lam surgit hora tertia; Deus creator omnium; Intende qui regis Israel), quatre sont tres probablement authentiques (Splendor paternae gloriae; Agnes beatae virginis; Victor, Nabor, Felix pii; Grates tibi, Iesu, novas), de trois l'authenticite est possible (Amore Christi nobilis; Apostolorum passio; Aeterna Christi munera), de trois douteuse ou improbable (Illuminans altissimus; Hic est dies verus Dei; Apostolorum supparem). Quant a cette 'ecole ambrosienne', Fontaine tient que les pieces d'authenticite incertaine pourraient provenir de redacteurs ou d'imitateurs de l'entourage d'Ambroise ou de disciples, instruits a l'ecole de l'eveque et devenus eux-memes pasteurs d'eglises voisines. En tout cas, sont edites et commentes dans la presente etude les quatorze hymnes reconnus avec plus ou moins de certitude comme ambrosiens. Marie-Helene Jullien etudie les problemes de la tradition manuscrite des hymnes. Ceux-ci sont d'un caractere particulier. Tout d'abord: vu
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qu'il n'y a qu'un seul temoin pre-carolingien (de Cantorbery, maintenant dans la British Library a Londres), nos connaissances sur la premiere phase de l'histoire du texte des hymnes sont insuffisantes. De plus, la destination liturgique rendait les collections et les libelles vulnerables: on n'hesitait pas a apporter des changements selon les besoins du lieu et du moment. La presence des hymnes dans les manuscrits varie aussi considerablement: un vrai corpus n'apparait pas. On peut distinguer neanmoins quelques grandes families, coincidant avec une repartition geographique: temoins milanais, italiens non-milanais, anglais, hispaniques, fran;ais, allemands, suisses. Les manuscrits utilises regulierement pour l'edition sont au nombre de 37, allant du VIIIe a la fin du Xe siecle. Pour quelques pieces, attestees plutot faiblement dans ces manuscrits, la consultation a ete ajoutee de six temoins du XIe siecle. Marie-Helene Jullien poursuit son expose avec une etude sur la diffusion des hymnes ambrosiens en Occident du IVe siecle a la fin du Xe. Ensuite les editions sont passees en revue, depuis le XVIIe siecle (edition des Mauristes en 1690) jusqu'a nos jours. Puis sont formules les cinq criteres retenus pour la presente edition: attestation de chaque variante dans les manuscrits; sens et qualite grammaticale des variantes, considerees aussi du point de vue du latin tardif et du latin ambrosien; exigences de la metrique et de la prosodie; valeur poetique d'une variante; finalement, son 'ambrosianite', l'accord avec des particularites de l'elocution d'Ambroise. Une observation faite par Fontaine au cours de son introduction attire l'attention sur un probleme important qui pourrait avoir des consequences pour l'interpretation de plus d'un passage des hymnes. Nous devons nous en occuper avant d'aborder l'examen d'autres problemes textuels. Fontaine est d'avis que nous ne connaissons pas l'endroit 'liturgique' de l'hymne: 'Nous ne savons pas ... a quel endroit - probablement variable - cette hymnodie prenait place dans le cours d'un office donn'e (p. 13; voir aussi p. 45). Mais certains indices, me semblet-il, suggerent que l'hymne, ayant pour but d'introduire la liturgie de la recitation des psaumes, avait sa place au commencement de l'office. Les deux derniers vers de l'hymne Aeterne rerum conditor expriment le souhait que nous commencions la journee en nous adressant a Dieu et en lui offrant le tribut de nos prieres: te nostra vox primum sonet / et vota solvamus tibi. Les vota annonces par l'hymne, les prieres du
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matin, ne sont-ilspas les psaumesde l'office matinaldont la recitation va commencer?On pourraitrapprocherla strophetrois de l'hymnedu soirDeus creatoromniumou l'assembleechante:Gratesperactoiamdie / et noctisexortupreces, / voti reos ut adiuves,/ hymnumcanentessolvimus. Dans cette phrasetres dense le virgilianisme- christianis voti reos8 'tenus d'acquitter notre dette de priere' est capital. Faire dependre l'incise voti reos ut adiuves de grates ... et ... preces solvimus
sembleintroduireune tautologie. Mieuxvaut la lier a hymnumcanentes: l'hymnedemandel'aide de Dieu pour bien reciterl'office qui commence. La strophe suivante precise les conditions d'une priere fructueuse. La fin de la premierestrophede Iam surgithora tertiaest aussi une invitationa bien prier:nil insolensmens cogitet, / intendataffectur precis, dans la traductionde Jean-LouisCharlet(p. 210) 'nul penser d'orgueilen notre ame! qu'elle s'appliquea la priere',a savoir des psaumesqui constituentl'office de tierce introduitpar l'hymne. Une ancienneformulede la langue sacraleromaine,employeedans le vers final de la premierestrophede Illuminansaltissimus,semble designer aussi la prierepsalmiqueannoncee:Iesu, fave precantibus.La traduction, a mon avis, sera 'Jesus, aide-nousa bien prier',c'est-a-direa bien psalmodier,plutot que 'Jesus, exaucenos prieres'(p. 344). I1en serade meme pour le vers final de Deus creatoromnium:la formulefove precantes, Trinitassignifieprobablement'Trinite,protege-nousqui allons prier', en psalmodiant(cf. p. 238). Dans l'hymnodiedes premierssieclesapresAmbroiseon trouvemaint passagequi presentel'hymnequ'on est en trainde chantercommeintroductionet invitationa la psalmodiequi va suivre.Citonsquelquesexemples pris dans des hymnes pour les heures de tierce, sexte, none et vepres.Pour tierce:Os, lingua,mens,sensus, vigor/ confessionempersonent,9ou confessionemdesignela louangede Dieu dansla psalmodie d'abord, par la vie ensuite. Pour sexte: Dicamus laudesDomino / ... / hora volutasexies / nos ad orandumprovocat;10Hanc adprecandum congruam/ salvator horam tradidit," la congruahora etant la hora sexta; Nos ergo nunc ... / ... / solvamus ora in canticis / prece mixta Daviticis / ut ... / orantes cum psalterio / laudesque cantantes Deo /
laetisolvamusdebitum,2le psautieretantdesignecommelivrede priere tant par canticisprece mixta Daviticis 'les hymnesde David alternant avecdes prieresde demande'que parle termepsalteriumlui-meme;Qua Christushorasitiit / ... / quos praestatin hacpsallere/ ditet siti iustitiae:13on noteral'emploi de psallere. Ce termeaussi dans les vers d'un
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hymne pour none: Laudes canentes debitas / nonam dicentes psallimus / ... / et nos psallamus spiritu / adhaerentes apostolis. 4 Pour vepres le debut d'un hymne de la liturgie mozarabe: Horis peractis undecim / ruit dies in vesperum, / solvamus omnes debitum / mentis benignae canticum. 15 S'il est permis d'inferer de ces textes que la fonction normale de l'hymne etait d'introduire la psalmodie et d'animer les psalmodiants, il est peut-etre possible de devoiler l'influence biblique qui joue dans le libelle du troisieme vers de la strophe cinq de Aeterne rerum conditor. La strophe, d'inspiration biblique tres accusee, porte Surgamus ergo strenue, / gallus iacentes excitat / et somnolentos increpat, / gallus negantes arguit. Dans le chant du coq la voix du Christ se fait entendre qui 'eveille ceux qui gisent, invective les somnolents, confond les renegats' (Fontaine, p. 150; voir aussi p. 166-167). Dans les deux premiers vers on perqoit les echos de textes bibliques exprimant l'idee d'eveil et de resurrection (Luc 7, 14: le fils de la veuve reveille de la mort; a comparer aussi 5, 24; Matth. 9, 6; Marc 2, 11; Romains 13, 11, etc.). Le quatrieme se refere au moment ou Pierre, apres son reniement, est confronte, par le cri du coq, avec la prediction de Jesus, transformee de ce fait en accusation (Matth. 26, 75; Marc 14, 72; Luc 22, 61-62). Quant au troisieme vers, n'est-il pas un souvenir de la plainte de Jesus dans le Jardin des Oliviers: Sic non potuistis una hora vigilare mecum? Vigilate et orate (Matth. 26, 38-44; Marc 14, 34-41; cf. Luc 22, 40-46), suivie de la parole amere a l'adresse des apotres assoupis: Dormite iam et requiescite (Matth. 26, 45)? Dans l'hymne le reproche s'adresse a ceux qui ne veulent pas secouer la torpeur du sommeil pour prendre part a la psalmodie. A remarquer que le terme de l'evangile vigilare convient bien a la priere de l'office: vigilare 'veiller en priant', pendant la nuit ou a la fin de la nuit. L'hymne exhorte les fideles a secouer le sommeil et a offrir a Dieu la priere de l'heure matinale avant le lever du jour. La strophe quatre de Splendor paternae gloriae est une priere que notre Pere celeste veuille nous aider dans la conduite de notre vie: Informet actus strenuos, / dentem retundat invidi, / casus secundet asperos, / donet gerendi gratiam. Michel Perrin (p. 196) prend gerere du dernier vers au sens d"executer', 'accomplir': gerendi gratiam designe alors la grace, le don que Dieu nous fait de bien agir. Mais, s'il y a un rapport avec le troisieme vers, le sens de 'supporter' semble plus naturel. Nous
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demandonsla gracede supporterl'epreuve,peut-etrememe,avecgratia au sens de 'beaute', 'attrait', la grace d'une acceptationgracieuseet joyeuse de l'epreuve. Dans la strophesuivantenotreattentionse portesurles deuxpremiers vers: Mentem gubernetet regat / casto fideli corpore. La traduction porte (p. 187, cf. p. 196-197)'Que Dieu gouverneet dirige l'ame en notre corps pur et fidele', avec asyndetondes adjectifsepithetescasto etfideli. On pourraitpenseraussia un ablatifabsoluavecfideli en position de predicat,'le corps chasteobeissantfidelement'aux instructions de l'ame dirigeepar Dieu. La troisiemeheure,selon lam surgithora tertia,est l'heurede la destructiondu royaumede la mort et de l'extinctiondu peche: mortisque regnumdiruit/ culpamqueab aevo sustulit(v. 11-12).Jean-LouisCharlet rendle dernierverspar:(c'estl'heurequi) 'a enlevedu sieclela faute' (p. 210; voir aussi p. 219). Je crois plut6t que le termeaevumexprime l'idee de 'passe lointain', 'temps primordial'et que la constructionab aevo dependde culpam. Le poete parle de la faute originelle,le peche qui, depuis Adam, regne sur l'humanite.L'accordest parfait avec le debutde la strophesuivante:Hinc iam beatatempora/ coepereChristi gratia'Des lors, par la gracedu Christ,les tempsbienheureuxcommencerent'. Pour l'emploi de ab aevo on peut renvoyera Vulg. Eccli. 1, 4: intellectusprudentiaeab aevo; Tertullien,Scorp. 6: ab aevo dignissimum creditumest. Perrindonnele libellede la dernierestrophede Deus creatoromnium avec la ponctuationsuivante:Christumrogamuset Patrem, / Christi PatrisqueSpiritum,/ unumpotens per omnia; / fove precantes, Trinitas (p. 239;voir aussip. 259-260).Pour le sens du dernierversje renvoie a ce qui a ete dit plus haut. La questionqui se pose ici concernela virgule apres Spiritumet le point-virguleapres omnia que je propose d'echanger.Je croisque les deuxderniersvers formentune proposition, ou unumpotens dependde Trinitas.L'expressionunumpotens signifie 'd'une seule puissance':elle est en opposition a Trinitaset souligne l'unite de puissancedes trois personnesde la Trinite.Pour la construction unumpotens avec unumcomplementde potens, on peut comparer l'expressionomnia potens qu'on trouve par exemple chez Tertullien, AdversusMarcionem2, 29, 1:plenitudinemdivinitatisomniapotentis; Luciferde Cagliari,De non parcendo 11: dominus omniapotens; 16: non deum ... omnia potentem ... credentes.
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Les deux dernieres strophes de l'hymne Hic est dies verus Dei font probleme. Herve Savon mentionne le desaccord des editeurs et consacre lui-meme plusieurs pages aux questions soulevees par le texte (p. 408413; 417 et surtout 434-441). Voici le libelle des trois dernieres strophes tel qu'il est donne par Savon. II me semble que ce libelle est correct, sauf pour la ponctuation que je presente d'apres Walpole et Bulst: 16 v. 21 Quid hoc potest sublimius, ut culpa quaeratgratiam metumquesolvat caritas reddatquemors vitamnovam, v. 25 hamumsibi mors devoret suisquese nodis liget, moriaturvita omnium, resurgatvita omnium; v. 29 cum morsper omnes transeat, omnes resurgantmortui, consumptamors ictu suo, perissese solam gemat? Savon adopte, avec beaucoup d'editeurs, la ponctuation des Mauristes en plaqant un point d'interrogation apres la strophe six et en prenant les strophes sept et huit comme un bloc independant, termine par un point ou un point d'exclamation.17 Gunter Bernt, non sans hesitations d'ailleurs, place le point d'interrogation apres la strophe sept: la derniere strophe serait autonome.'8 En adoptant la ponctuation de Walpole et Bulst je fais mienne leur conviction que les trois strophes ne sont qu'une proposition. II me semble, en effet, que le contraste du vers 24 mors - vita est enonce et explicite quatre fois dans les quatre paires de vers qui constituent les strophes sept et huit. L'explicitation prend des formes variees, en s'acheminant vers la derniere paire oiu le contraste se double et devient mors solius (mortis) contre vita omnium. Le vers 24 etant une constatation - constatation joyeuse bien sir - les vers suivants, qui varient cette constatation, probablement n'expriment pas des souhaits: des lors, les subjonctifs de ces vers ne sont pas des subjonctifs de souhait, mais dependent, comme celui du vers 24, de ut dans la strophe six. Quant aux 'variations' des paires de vers, la premiere (v. 25 et 26) represente la mort comme prise a ses propres pieges. La seconde (v. 27 et 28) exprime l'idee que la vie de tous, c'est-a-dire le Christ, meurt et ressuscite. Dans la troisieme paire (v. 29 et 30) l'horizon s'elargit: toute l'humanite meurt,
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toute l'humanite ressuscite. La subordonnee (mi-causale, miconditionnelle) cum mors per omnes transeat depend de omnes resurgant mortui. Les deux subjonctifs de la derniere strophe, resurgant et gemat, semblent exclure l'autonomie de cette strophe, defendue par Bernt. La conclusion parait justifiee que le poeme se termine sur une longue exclamation qui remplit les trois dernieres strophes. L'expression cum mors per omnes transeat rappelle probablement l'Epitre aux Romains 5, 12: in omnes homines mors pertransiit: (cf. Savon, p. 440 et Bernt'9). Mais on peut se demander si elle n'est pas aussi une reminiscence de l'episode de l'Exterminateur (Exode 12, 12: transibo per terram Aegypti; voir aussi 12, 23), que l'exegese ancienne identifiait avec le diable: cf. Ambroise, in psalm, 118, 8, 50: media nocte primitiva Aegyptiorum temptator occidit et ex eo cognoscitur quod ea maxime hora operetur adversarius; Jer6me, in Isaiam 6, 13, 3: sinistrae ... contrariaeque virtutes ... Ex his est et exterminator in Aegypto: du diable a la mort le passage est facile, surtout si la mort est presentee comme une force personnifiee, ce qui est ici le cas. Les deux derniers vers, en effet, depeignent la deroute et le desespoir de la mort, seule victime de l'attaque qu'elle avait montee. L'hymne Grates tibi, Iesu, novas en l'honneur des deux martyrs Protais et Gervais dont Ambroise avait decouvert les reliques se termine sur le tableau de l'affluence d'une foule de malades et de possedes. Le texte dit que cette foule emissa totis urbibus / domum redit cum gratia (v. 27 et 28). Yves-Marie Duval traduit (p. 494): 'La foule ... se repand par toute la ville, revient chez elle en rendant grace'. Mais l'expression emissa totis urbibus, a mon avis, signifie 'venue de toutes les villes d'alentour'. Le pluriel de totus avec l'acception proto-romane de 'tous, toutes' n'est pas inconnu a Ambroise: cf. De officiis 2, 16, 79: totas Aegypti opes; De Nabuthae 4, 17: totis ... diebus toleratisfamem cottidiana mensae vestrae damna metuentes. Ambroise s'est laisse inspirer par le recit des guerisons de Pierre dans les Actes des Ap6tres (v. 29 vetusta saecla vidimus) 5, 15-16: cf. 5, 16: Concurrebat ... et multitudo vicinarum civitatum Ierusalem, afferentes aegros, et vexatos a spiritibus immundis: qui curabantur omnes. L'hymne Aeterna Christi munera est une composition en l'honneur des martyrs. Faut-il comprendre: des martyrs en general ou d'apotres martyrs? Alain Goulon (p. 592; voir aussi p. 603) croit qu'il ne faut pas
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limiteraux apotresmartyrsla destinationde l'hymne. J'avais propose autrefoiscette interpretation,20 en me basant sur l'expressionecclesiarumprincipesqui, dans la secondestrophe,est appliqueeaux martyrs. Il semblebien que nous sommesdansl'impossibilitede trancherla question, mais on peut alleguerdes textes posterieursde peu a l'epoque d'Ambroiseofules apotressont appelesprincipes.Ainsi chez Augustin, in psalm. 67, 34 ou le verset 26 du psaume Praeveneruntprincipes coniunctipsallentibusest expliqueen ces termes:Principessunt apostoli: ipsi enimpraeveneruntut populi sequerentur.Chez Leon le Grand on lit dans un sermonprononcele jour anniversairede son electiondes parolesqui voient dans les ap6tres,et les evequesleurs successeurs,les principesdes eglises:sermo4, 2: Petruseligiturqui ... et omnibusapostolis cunctisqueecclesiaepatribuspraeponatur... Magnum.. huic viro consortiumpotentiae suae tribuit divina dignatio, et si quid cum eo communeceterisvoluitesseprincipibus,numquamnisiper ipsumdedit quidquidaliis non negavit;ibid. 3: Transivitquidemetiamin alios apostolos ius istiuspotestatis et ad omnes ecclesiaeprincipesdecretihuius constitutio commeavit. Si nous lisons la strophe de Aeterna Christi muneraen entier:Ecclesiarumprincipes, / belli triumphalesduces, / caelestisaulae milites/ et veramundilumina,il est evidentqu'il s'agit de principeseminents.Que le poete ait eu en vue des apotresme semble probable. Ma derniere observation concerne l'avant-dernierestrophe de Aeterna Christimunera.Voici le libelle:In his paternagloria, / in his voluntasspiritus,/ exultatin hisfilius, / caelumrepleturgaudio. Dans la traductionet le commentairede Goulon (p. 598 et 617-618)le triple in his designe,si je vois bien, la presencedu Pere, de l'Espritet du Fils dans les martyrs:'En eux est la gloire du Pere / en eux, le vouloir de l'Esprit, / c'est en eux qu'exultele Fils'. Mais in his pourraitsignifier aussi 'par rapporta eux', 'a leur propos'. Et pour voluntasdu second vers on pourraitpenser a la nuance biblique: 'plaisir', 'joie', qu'on trouve par exempledanspsalm. 1, 2: in lege domini voluntaseius [sc. iustil; 146[147],10: non in fortitudineequi voluntatemhabebit;Isaias 62, 4: vocaberis:voluntasmeain ea. Les martyrssont occasionde gloire pour le Pere, de joie pour l'Esprit,d'exultationpour le Fils. Et le dernierversconclut:'le ciel est remplid'allegresse',a la suite de la joie des trois Personnes. 6522 KD Nijmegen, Ubbergseweg172
LES HYMNES D'AMBROISE DE MILAN
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NOTES ' Ambroise de Milan, Hymnes. Texte etabli, traduit et annote sous la direction de Jacques Fontaine, avec concordance et index fr6quentiel (Patrimoines), Paris, Editions du Cerf, 1992, 695 p. 2 A.S. Walpole, Early Latin Hymns, Hildesheim 1966 (= Cambridge 1922). 3 M. Simonetti, Studi sull' innologia popolare cristiana dei primi secoli (Atti della Accademia nazionale dei Lincei. Memorie, Classe di Scienze morali, storiche e filologiche, ser. 8, vol. 4, 6), Roma 1952; Innologia Ambrosiana (Verba Seniorum, 5), Alba 1956; Ambrogio, Inni, a cura di M. Simonetti (Biblioteca Patristica), Firenze 1988. 4 W. Bulst, Hymni latini antiquissimi LXXV Psalmi III, Heidelberg, 1956. 5 Augustin, Conf. 9, 6, 14 - 9, 7, 15. 6
Conf. 9, 12, 32.
L. Biraghi, Inni sinceri e carmi di sant'Ambrogio, vescovo di Milano, Milano, 1862. Virgile, Aen. 5, 237. 9 Walpole, p. 109. 10 Walpole, p. 243. 1 Walpole, p. 247. 12 Walpole, p. 297. 3 Walpole, p. 333. 14 Walpole, p. 244-245. 15 A. Lentini, Te decet hymnus. L'innario della , Citta del Vaticano, 1984, p. 63. 16 Walpole, p. 81-82; Bulst, p. 47. 7 Savon (p. 435) mentionne, en plus des Mauristes, les editions de Mone, Steier et Simonetti. L'edition de Dreves place aussi un point d'interrogation apres la strophe six, mais donne les strophes sept et huit comme deux strophes autonomes (G.M. Dreves, Aurelius Ambrosius der . Eine hymnologische Studie, Amsterdam, 1968 (= Freiburg im Breisgau, 1893), p. 136. 1' G. Bernt, Ambrosius von Mailand: <>Ein patristischer Paschahymnus, H. Becker-B. Kaczynski (Hgg.), Liturgie und Dichtung. Ein interdisziplinares Kompendium. I. Historische Prdsentation, Erzabtei St. Ottilien, 1983, p. 508-546; voir p. 541-542. 19 Bernt, p. 539. 20 Edition de la Vita Ambrosii de Paulin de Milan (Vite dei Santi, 3), Milano, 1975, p. 317.
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