Miched Strogoff
Michel Strogoff Edlteur Editorial Stanley Mise en page Angela Gomez Martin (lustre par Daniel Redondo...
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Miched Strogoff
Michel Strogoff Edlteur Editorial Stanley Mise en page Angela Gomez Martin (lustre par Daniel Redondo Couverture Diseno Irunes Imprimerie Imprenta Berekintza I.S.B.N. 84-7873-311-6 Dep. Leg. Bl- 2120-03 Premiere edition 1996 Deuxieme edition 2003 © Editorial Stanley Apdo. 207 - 20302 IRUN - SPAIN Tel. (943) 64 04 12 - Fax. 1943) 64 38 63
Michel Strogoff
Chapitre 1 Le seize juillet, a deux heures du matin, dans la plus belle salle de Moscou, le tzar donnait une grande fete; I'orchestre jouait et les gens dansaient. — Voici un nouveau telegramme qui vient de Tomsk. — Le fil telegraphique a-t-il ete coupe a Test de cette ville ? — Oui, on I'a coupe hier. Les deux personnes qui parlaient ainsi etaient le tzar de Russie et son premier officier. La guerre avait eclate en Siberie. Le tzar avait regu de mauvaises nouvelles, mais il ne voulait pas que les gens le sachent. II entraTna son premier officier pres de la fenetre et lui parla a voix basse. — Ainsi, depuis hier nous ne pouvons plus envoyer de telegrammes a mon frere le Grand Due ? — Non, et bientot on ne pourra plus franchir la frontiere de Siberie. Le tzar etait soucieux. —Je veux voir le chef de la police — dit-il —. Et surtout ne dites rien a personne. Les gens continuaient a denser et a s'amuser. Mais deux hommes s'etaient rendu compte que le tzar parlait d'affaires serieuses. Us etaient tous deux journalistes; I'un etait Anglais et s'appelait Harry Blount; I'autre etait Frangais et s'appelait Alcide Jolivet. On pouvait dire que le Frangais etait«tout yeux » et que I'Anglais etait«tout ouTe ». Jolivet n'oubliait jamais ce qu'il voyait et Blount se rappelait toujours ce qu'il entendait. Celui-ci travaillait pour un journal, le « Daily Telegraph ». Le Frangais ne voulait pas dire le nom de son journal; et il disait en riant qu'il envoyait les nouvelles a «sa cousine Madeleine ». — C'est vraiment une fete agreable — disait Alcide Jolivet — . Mais je suis sOr qu'un nuage est passe dans le regard du tzar lorsque son premier officier lui a parle tout a I'heure. — II lui a certainement dit que la ligne telegraphique est coupee entre la frontiere de Siberie et le gouvernement d'lrkoutsk. — Ah ! Vous savez aussi cela ? Je viens de telegraphier Stanley
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cette nouvelle a ma cousine de Paris. — Votre cousine ? — demanda, surpris, Harry Blount. — Oui, ma cousine Madeleine qui vit a Paris et qui aime etre au courant de ce qui se passe dans le monde. — Vous savez sans doute que le tzar a peut-etre donne I'ordre a ses cosaques de Tobolsk de partir pour Irkoutsk. —Oui, monsieur—repondit Alcide Jolivet—.Vous pouvez etre certain que ma douce cousine saura tout ceci demain. — Les lecteurs du « Daily Telegraph » le sauront aussi. — Cela va etre une guerre tres interessante, n'est-ce pas. M. Blount ? — Je vais la suivre, M. Jolivet. —Alors, nous nous verrons souvent, mais dans des endroits moins agreables que cette belle salle. Pendant ce temps le tzar etait sorti, il s'etait rendu a son bureau pour etre avec le chef de la police. II ouvrit la fenetre, respira un peu d'air frais et contempla la ville de Moscou, qui dormait tristement. La Siberie etait une vaste plaine qui allait de I'Oural a I'ocean Pacifique. II n'y avait pas encore le chemin de fer, et les nouvelles devaient etre envoyees par telegraphe. II y avait plus de huit mille cinq cents kilometres de la frontiere Russe a la mer. Si la communication telegraphique etait coupee, un homme devrait porter les lettres ou les ordres du tzar. II fallait un minimum de dix-huit a vingt jours pour arriver a Irkoutsk. On frappa a la porte et le premier officier entra. — Que savez-vous d'lvan Ogareff ? — Cest un homme dangereux et tres intelligent. II emploie tous les moyens pour obtenir ce qu'il veut. II a ete expulse de 1'armee il y a deux ans, et on I'a puni en I'envoyant en Siberie. Six mois plus tard, votre Majeste lui a pardonne et il est revenu en Russie. — Savez-vous ou il se trouve maintenant ? — II y a quelques temps il etait a Perm. Mais il en est parti en mars. Je ne sais pas ou il se trouve actuellement. — Moi, je le sais ! — repondit le tzar — . Ivan Ogareff s'est cache sous un faux nom. II a traverse les monts Oural, et il est au Turkestan. La, il s'est lie d'amitie avec les chefs Tartares pour preparer la guerre centre nous; et cette guerre vient de 2
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commencer. Le danger est grand. Mon frere le Grand Due commande notre armee a Irkoutsk, mais il ne connaft pas Ivan Ogareff; il ne I'd jamais vu. Ivan Ogareff peut aller a Irkoutsk; mon frere le recevra et croira qu'il est un de mes officiers. Alors celui-ci pourra ouvrir facilement les portes de la ville aux soldats Tartares. II peut meme tuer mon frere. Voici done ce que je sais et mon frere le Grand Due doit le savoir. —Je trouverai un homme intelligent et courageux, Majeste. Une heure plus tard, pour la deuxieme fois, on frappa a la porte du bureau. Le premier officier du tzar entra. — Avez-vous trouve I'homme dont j'ai besoin ? — demanda le tzar. — Oui, Majeste. II est ici. — Quel age a-t-il ? — Trente ans. — Est-il fort et intelligent ? — Oui; il n'a peur ni du froid, ni de la faim, ni de la soif, ni de la fatigue. II a tout pour reussir. — Comment s'appelle-t-il ? — Michel Strogoff. — Est-il pret a partir ? — II attend vos ordres, Majeste. — Qu'il entre. Michel Strogoff etait grand et fort. Son regard montrait qu'il etait courageux. II comprit aussitot ce qu'il devait faire. II ne parlait pas beaucoup; il ecoutait sans rien dire. II etait un des meilleurs officiers du tzar. De plus, il etait ne en Siberie. II connaissait le pays et comprenait les langues que les gens de cette region parlaient. Son pere etait mort, il y a dix-ans. Sa mere, Marfa, vivait a Omsk. Le pere de Michel Strogoff avait ete un bon chasseur. II avait tue plus de trente-neuf ours. A onze ans, Michel I'accompagnait a la chasse; et a quatorze ans, la jeune gargon avait tue son premier ours. Michel pouvait rester plusieurs jours sans manger ni boire. II savait trouver son chemin dans le brouillard, la foret et meme dans la neige. A vingt ans, il devint officier. — Voici une lettre — lui dit le tzar. — Donnez-la au Grand Due en personne, a personne d'autre. — Je la lui donnerai. Stanley
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— Mais pour aller a Irkoutsk, vous devrez traverser des regions occupees par les armees Tartares. — Je les traverserai. — Faites attention a Ivan Ogareff. Vous le trouverez certainement sur votre chemin. — Jeferai attention. — Passerez-vous par Omsk ? — Oui, c'est sur mon chemin. — Si vous allez voir votre mere, on vous reconnaTtra. Vous ne devez pas la voir. — Je n'irai pas la voir. — Personne ne doit savoir qui vous etes et ou vous allez. — Personne ne le saura. — Partez ! — dit le tzar—, pour Dieu, pour la Russie, pour mon frere et pour moi. Michel Strogoff salua et sortit. — Je crois que vous avez fait le bon choix — dit le tzar.
Chapitre 2 Le seize juillet au matin, Michel Strogoff alia a la gare prendre le train pour Nijni-Novgorod. Maintenant il s'appelait Nicolas Korpanoff. II etait vetu comme un marchand; et il portait un sac a I'epaule et un pistolet et un couteau a la ceinture. II y avait quatre cent vingt-six kilometres de Moscou a NijniNovgorod. C'etait un voyage de dix heures de train. Michel Strogoff entendait parler ses voisins. Tous etaient commergants et se rendaient au marche. Us parlaient de la guerre. Us n'osaient pas dire ce qu'ils pensaient; ils avaient peur. La guerre les empechait de faire du commerce, ils ne pouvaient pas gagner d'argent. Les nouvelles etaient mauvaises. La police ne savait pas ou se trouvait Ivan Ogareff. II pouvait etre avec Feofar-Khan, le chef des Tartares ou a Nijni-Novgorod. Le train s'arreta a une gare. Une jeune fille monta et s'assit en face de Michel Strogoff. Elle pouvait avoir seize ou dix-sept ans. Elle etait blonde, aux yeux marron. Ses joues etaient blanches et minces. Ses levres avaient perdu I'habitude de sourire. 4
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Michel Strogoff fut surpris de la voir seule, mais il ne fit aucun commentaire. Enfin, le train arrive a Nijni-Novgorod avec une heure de retard. Des officiers de police demanderent aux voyageurs leurs papiers. L'un d'eux demanda a la jeune fille : — D'ou es-tu ? — De Riga. — 00 vas-tu ? — A Irkoutsk. — Bien, voici tes papiers. Michel Strogoff entendit toute cette conversation et fut encore plus surpris. Que faisait une jeune fille seule en Siberie ? La jeune fille partit et il la perdit de vue. Le chemin de fer n'allait que jusqu'a Nijni-Novgorod. S'il voulait continuer vers Test, le moyen le plus simple etait de prendre le bateau sur la Volga. Le prochain bateau partait le lendemain. Michel Strogoff devait attendre dix-sept heures; cela lui faisait perdre beaucoup de temps. II soupa dans un petit restaurant, puis alia se promener. II pensait a la jeune fille du train. Au bout d'une heure il s'assit sur un bane. Un peu plus tard, une main lui pressa I'epaule. — Que fais-tu ici ? — demanda I'homme. — Je me repose. — Est-ce que tu vas passer la nuit sur ce bane ? — Peut-etre. — Approche-toi, pour que je te voie de plus pres. Michel Strogoff pensa que personne ne devait le reconnoitre et il recula dans I'ombre. — Tu n'as pas a me voir — dit-il. L'homme etait habille comme un gitan. Une femme sortit d'une voiture luxueuse et s'adressa a I'homme dans un dialecte siberien, que Strogoff connaissait bien. — Ce doit etre un espion. Laisse-le et aliens manger. — Tu as raison, Sangarre. Nous partons demain. Michel Strogoff alia dormir a I'hotel. Le lendemain matin il devait encore passer cinq heures dans cette ville. II decide d'aller voir le marche. II y avait beaucoup de monde. Certains commergants voyageaient pendant plusieurs semaines de toutes les regions de Russie et d'Asie pour etre ici. Normalement, la ville avait trente mille habitants, aujourd'hui elle en avait trois cent Stanley
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mille. Mais cette annee les affaires ne marchaient pas. Les gens avaient peur de depenser leur argent parce qu'ils ne savaient pas ce qui allait arriver. Michel Strogoff entendit commenter une nouvelle importante. On disait que les soldats avaient rec.u I'ordre de partir. — Les Tartares sont pres de Tomsk — cria une voix. — Void le chef de la garnison. 6
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En effet, un personnage important arriva accompagne d'un groupe de cosaques a cheval. II s'arreta et lut la feuille qu'il tenait a la main: « Ordre du tzar a la ville de Nijni-Novgorod : "I*. Aucun Russe ne peut sortir de la region. 2eme yous |es grangers venus d'Asie doivent partir demain matin. Le gouvernement de Moscou avait pris ces mesures a cause de la guerre. Ainsi: 1.- Si Ivan Ogareff se trouvait encore dans la region, il ne pourrait pas retourner en Siberie pour rencontrer le chef des Tartares. 2.- II fallait obliger les gitans a partir. Us etaient souvent des espions des Tartares. Mais pour le commerce de Nijni-Novgorod, le coup etait terrible. Beaucoup de commercants devaient partir. Dans quelques heures, la ville serait vide. Quand Michel Strogoff entendit le chef de la police il pensa aux gitans de la veille. Cetaient surement des espions. Us avaient dit qu'ils partiraient le lendemain. Puis il repensa a la jeune fille du train. La pauvre petite ne pourrait pas passer la frontiere. Alors il eut une idee. — J'aurai peut-etre besoin d'elle — pensa-t-il — . Si je voyage avec une jeune fille, on ne pensera pas que je suis un envoye du tzar. II faut que je la trouve.
Chapitre 3 Michel Strogoff avait ses papiers d'identite au nom de Nicolas Korpanoff. La police de Moscou avait ecrit sur ses papiers qu'il pouvait voyager seul ou avec d'autres personnes. II pouvait passer les frontieres interieures, meme si les autres Russes ne pouvaient les franchir. Ces papiers lui permettaient d'emmener la jeune fille avec lui. Pendant deux heures il la chercha dans toute la ville. Finalement il se rendit au commissariat de police. La jeune fille s'y trouvait, assise sur un bane, I'air triste. II s'approcha d'elle et lui dit a voix haute: Stanley
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— Ma soeur... Elle leva la tete et le regarda avec intelligence. — Ma soeur — repeta-t-il — . La police nous permet de continuer jusqu'a Irkoutsk, partons. Elle comprit ses intentions. — Je te suis, mon frere — dit-elle en donnant la main a Michel Strogoff. Le bateau descendit la Volga, puis il prit la riviere Kama jusqu'a Perm. Le voyage durait soixante-quatre heures. Peu de temps apres le depart, la jeune fille dit a Michel Strogoff: — Demain tu sauras pourquoi je vais a Irkoustsk. — Je ne te demande rien, ma soeur. —Tu sauras tout—dit-elle—. Une soeur ne doit pas avoir de secrets pour son frere. Mais aujourd'hui je suis tres fatiguee. — Comment t'appelles-tu ? — Nadia — repondit-elle en lui tendant la main. — Bien, Nadia. Tu peux etre tranquille maintenant. Tu es avec ton frere Nicolas Korpanoff. Michel Strogoff prit deux cabines en premiere classe. II accompagna la jeune fille a la sienne puis il retourna sur le pont. II observe que deux etrangers parlaient en Russe. — Comment! — disait le premier—. Vous sur ce bateau ! je ne pensais pas que vous alliez me suivre de si pres. —Je ne vous suis pas, monsieur. C'est vous qui me suivez. — Disons, alors, que nous marchons ensemble, au meme pas, comme les soldats. C'etaient les deux reporters, les chasseurs de nouvelles : Le Frangais, Alcide Jolivet et I'Anglais Harry Bount. L'un etait toujours gai et parlait beaucoup, I'autre etait serieux, tranquille et parlait peu. Mais chacun des deux voulait etre le premier a telegraphier les nouvelles a son journal. Le temps passa et la nuit tomba. La jeune fille continuait a dormir dans sa cabine. Michel Strogoff dlna seul. Apres dtner il se promena sur le pont. Sur la partie du bateau ou etaient les voyageurs de deuxieme et troisieme classe, il entendit parler. II s'arreta, se cacha dans I'ombre et ecouta. C'etaient l'homme et la femme gitans de Ninji-Novgorod. — On dit qu'un officier du tzar est parti de Moscou pour aller a Irkoutsk. 8
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— Get officier n'arrivera jamais. Michel Strogoff voulut voir les visages de ceux qui parlaient, mais la nuit etait tres obscure. Sans faire de bruit, il s'assit dans un coin en se demandant: —Comment se fait-il que ces gitans savent que je suis parti de Moscou et pourquoi cela les interesse-t-il ? Le jour suivant, le bateau s'arreta a Kazan. Michel Strogoff regarda les voyageurs qui descendaient. Us semblaient etre les chefs du groupe de jeunes, qui hier chantaient et dansaient au marche de Nijni-Novgorod. L'homme etait age. II portait un chapeau qui n'avait plus de couleur. A cote de lui, la femme, Sangarre, semblait avoir trente ans environ. Elle avait la peau mate, de beaux yeux et les cheveux bruns. Michel Strogoff s'apergut qu'elle le regardait avec attention. —M'aurait-elle reconnu ? Ces gitans ont des yeux de chat! II aurait aime descendre du bateau et alter au commissariat de police. II pourrait expliquer qu'il etait un envoye du tzar, et il donnerait I'ordre de surveiller les deux gitans. Mais s'il faisait cela, on se rendrait compte qu'il n'etait pas un simple commergant. — Allans ! — se dit-il — . Tu es Nicolas Korpanoff, sois tranquille. Kazan etait la porte de I'Asie. Les routes y partaient vers I'Oural. Une vers le nord passait par Perm et Ekaterinbourg; c'etait la meilleure. L'autre vers le sud, etait un peu plus courte mais plus mauvaise car il n'y avait pas beaucoup de villes. Michel choisit la premiere. Les gitans qui descendirent a Kazan prirent la deuxieme.
Chapitre 4 Le bateau repartit. La jeune fille monta sur le pont et s'assit a cote de Michel Strogoff. Elle lui parla a voix basse pour que personne ne puisse I'entendre. — Je m'appelle Nadia Fedor — expliqua-t-elle — . Mon pere etait medecin a Riga. Nous vivions heureux mais il n'etait pas d'accord avec le gouvernement de Moscou. II faisait partie Stanley
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d'un groupe de personnes ennemies du tzar. La police I'envoya en Siberie. Nous ne pOmes aller avec lui. Ma mere etait malade, elle est morte quelque temps apres; moi, je suis restee seule et sans argent. Alors, j'ai decide d'aller retrouver mon pere et de vivre avec lui, a Irkoutsk, ou il est toujours medecin. — Mais, Nadia, comment oses-tu faire ce voyage ? — Cest mon devoir, mon frere. — Tu ne sais pas qu'il y a la guerre ? — Quand je suis partie de Riga la guerre n'avait pas commence. Pendant qu'ils discutaient ainsi, le bateau remonta la riviere Kama vers Perm. A Perm, Michel Strogoff loua une voiture a deux chevaux. II donna I'ordre au cocher d'aller le plus vite possible. A cheque arret ils changeaient de chevaux et prenaient les meilleurs. Le messager du tzar avait promis au cocher de bien le payer s'il les conduisait vite. Les gens etaient etonnes de voir un jeune Russe et sa soeur, car personne ne pouvait franchir la frontiere de Siberie. L'officier et la jeune fille n'etaient pas les seuls sur la route. Devant eux il y avait d'autres voitures, qui voyageaient aussi sans s'arreter. Nadia essaya de dormir mais elle ne le pouvait pas. Michel Strogoff s'assit a cote du cocher pour qu'il ne s'endorme pas. Le 20 juillet ils apergurent au loin les monts Oural. L'air etait lourd. A la derniere halte pour changer de chevaux ils avaient entendu des coups de tonnerre. II allait y avoir un orage. — Quand est passee ici la derniere voiture ? — demanda Michel Strogoff. — II y a une heure. — En avant — dit-il au cocher — . Je te donnerai trois fois plus d'argent si nous arrivons demain matin a Ekaterinbourg. Les monts Oural n'etaient pas tres hauts; environ 1.600 metres. Generalement, le parcours n'etait pas difficile, mais avec I'orage il fallait faire attention. Les gens s'etaient enfermes chez eux. La nuit tomba. Les chevaux commencerent a monter. —A quelle heure arriverons-nous au sommet ?—demanda Michel Strogoff au cocher. 10
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— A une heure du matin...si nous arrivons. — Tu as peur ? — Non, mais nous n'aurions pas dO partir. Peu de temps apres, I'orage eclata. Le vent etait violent; les betes avaient peur du tonnerre et des eclairs. Michel Strogoff et le cocher sauterent a terre, et caresserent les chevaux pour les calmer. II y avait aussi un autre danger; les branches et les pierres tombees sur la route. — Nous ne pouvons pas rester ici — dit Michel Strogoff. — Nous n'y resterons pas — cria le cocher — . Le vent nous enverrait en bas par le chemin le plus court. Les deux hommes aiderent les chevaux a avancer. Le vent les obligeait souvent a s'arreter. Au bout de deux heures d'efforts ils arriverent au sommet. II pleuvait avec force. Ils trouverent une grotte ou ils se mirent a I'abri; ils etaient sauves. Soudain, au milieu des coups de tonnerre, Nadia pressa le bras de Michel. — Ecoute ! — dit-elle — . J'entends crier quelqu'un. Nadia avait raison. On entendait des cris. — Je vais voir — dit Michel Strogoff — . Vous, restez ici. A la lueur d'un eclair il vit deux hommes accroches au siege d'une voiture qui n'avait plus ni roues, ni chevaux, ni conducteur. II reconnut les deux reporters etrangers. — Bonjour, monsieur ! Quelle chance ! — cria le Frangais — . Je me presente : Alcide Jolivet — et il ajouta en riant — . Void mon meilleur ennemi, Monsieur Blount. — Nicolas Korpanoff, commergant d'lrkoutsk. Que vous estil arrive ? — La voiture s'est cassee en deux. Notre cocher a suivi avec les chevaux et nous a laisses dans cette moitie sans chevaux. Cest amusant, n'est-ce pas ? — Ce n'est pas drole — dit I'Anglais —, comment allonsnous sortir d'ici ? — Messieurs — dit Michel Strogoff—. II n'y a pas de place dans notre voiture puisque c'est une voiture a deux places, mais je vous laisserai un cheval. — Vraiment, monsieur Korpanoff, vous nous rendez un grand service, que nous esperons pouvoir vous rendre un jour. Stanley
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— Je vais a Omsk — dit Strogoff qui ne voulait pas donner I'impression de cacher quelque chose. — Nous, nous allons dans les regions ou Ton se bat. — Moi je suis un pacifique commergant. Si vous voulez, nous voyagerons ensemble jusqu'a la vallee d'lchim. Les trois hommes se dirigerent vers la grotte ou se trouvaient Nadia et le cocher. A ce moment, its entendirent un coup de feu. — Vite, cria Michel Strogoff. Us entendirent le cri d'un animal puis un deuxieme coup de feu. — Cest un ours ! — cria Strogoff en prenant son couteau. Quand ils arriverent a la voiture, ils virent I'enorme bete. L'ours etait entre dans la grotte a cause de I'orage. Les deux chevaux s'etaient enfuis. Le cocher avait couru derriere eux pour les rattraper. La courageuse Nadia avait pris le revolver de Michel et avait tire un coup, puis un autre. A ce moment Michel Strogoff se langa entre Nadia et Tours et enfonga son couteau dans le coeur de I'animal. Le cocher revint peu de temps apres avec les chevaux, et a trois heures du matin ils continuerent leur voyage. A Ekaterinbourg les reporters trouverent une nouvelle voiture et les quatre voyageurs partirent ensemble.
Chapitre 5 Maintenant qu'ils entraient en Siberie, les veritables dangers allaient commencer pour eux. II n'y avait personne dans les champs. Les villages etaient presque vides. Les gens avaient peur de I'arrivee des Tartares et ils etaient partis vers le nord. A chaque halte, les journalistes s'informaient de la guerre. Les nouvelles etaient mauvaises; il semblait qu'lvan Ogareff etait passe en Siberie pour se reunir sous peu avec Feofar-Khan. Les cosaques avangaient le plus rapidement possible vers Tomsk pour la defendre. Mais les Tartares marchaient a I'ouest vers la vallee d'lchim et a Test vers Krasnoiarsk. Le 23 juillet, Michel Strogoff vit un vehicule devant eux. II etait couvert de poussiere. II etait sans doute passe par de mauvais chemins avant d'arriver a la grande route. En le voyant, 12
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ils eurent tous la meme idee; ils devaient arriver au relais suivant les premiers pour choisir les meilleurs chevaux. Ils donnerent I'ordre au cocher d'avancer le plus vite possible. Les chevaux n'etaient pas fatigues et ils rattraperent I'autre voiture sans difficulte. Pendant un certain temps ils roulerent a la meme allure, mais peu a peu, nos voyageurs la laisserent derriere eux. Au relais il n'y avait que trois chevaux et ils les prirent. Les reporters deciderent de rester jusqu'au lendemain; Michel Strogoff voulait partir dans dix minutes. Ils se dirent au revoir. Stanley
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Mais a ce moment, I'autre voiture arriva. Un homme, vetu en officier, en descendit. II etait grand, fort et il portait un sabre a la ceinture. — Change mes chevaux — ordonna-t-il. — II n'y a plus de chevaux — repondit I'employe du relais. — J'en ai vu trois dehors. — Us sont a ce voyageur. — Je les veux. Attelle-les a ma voiture. Michel Strogoff fit un pas en avant. — Ces chevaux sont a moi. — Tu ne veux pas me les donner ? — cria I'homme. — Non. — Alors defends-toi. Us seront pour celui qui restera en vie — dit-il en sortant son sabre. Michel Strogoff fit un grand effort. II n'etait qu'un simple commercant, il ne pouvait pas se battre en duel. — Je ne me battrai pas — dit-il. L'homme lui donna un coup de fouet. — Et apres ceci ? —Non—dit Michel Strogoff sans bouger mais en regardant I'homme dans les yeux. — Les chevaux, vite ! — dit I'homme en sortant. Les reporters etaient etonnes. L'homme qui avait fait face a un ours, avait regu un coup de fouet sans rien dire. Nadia, qui avait compris qu'il devait avoir une raison pour agir ainsi, lui donna la main. Apres cet incident, Michel Strogoff resta silencieux. II ne parla a personne. Le lendemain ils se remirent tous en route. A quatre heures de I'apres-midi ils traverserent Ichim. Le 24 juillet, a la meme heure, ils arriverent a la riviere Irtyche. II n'y avait pas de pont. II fallait mettre la voiture sur un bac. Cetait un travail tres dur, surtout a cette epoque de I'annee, car les cours d'eau avaient un grand debit. Quand ils furent au milieu de la riviere, ils virent beaucoup de petites barques, qui se dirigeaient vers eux. — Les Tartares ! les Tartares — cria un des hommes. Oui, c'etaient des soldats qui descendaient le cours d'eau et, qui, dans quelques minutes, seraient sur eux.
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— Courage, mes amis ! — cria Michel Strogoff — . Toi, Nadia, prepare-toi a plonger dans I'eau quand je te le dirai. II aida a pousser le bac, mais ses efforts furent insuffisants, les Tartares etaient sur eux. Deux chevaux moururent de blessures de balles. — Saute, Nadia! Mais il etait trop tard. II fut atteint par une balle et il tomba a I'eau. Nadia essaya de le suivre mais les Tartares la firent prisonniere, ainsi que les reporters. Michel Strogoff n'etait pas mort. II put arriver jusqu'a la rive en nageant sous I'eau. Un vieux paysan le recueillit chez lui et le soigna. II reprit connaissance trois jours plus tard. Le paysan lui Stanley
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dit que normalement tous les prisonniers etaient conduits a Tomsk. Sa blessure n'etait pas profonde; et il put bientot se lever et poursuivre son chemin. Le paysan I'emmena a Omsk. La ville avait ete prise par les Tartares et il y avait des soldats partout. Le messager du tzar vit un groupe d'officiers qui arrivaient a cheval. II se retourna vers le paysan pour lui demander: — Qui est celui qui va en tete ? — C'est Ivan Ogareff. Michel Strogoff reconnut I'homme qui I'avait frappe avec le fouet. C'etait le gitan qu'il avait vu a Nijni-Novgord. Sangarre et les autres gitans etaient au service des Tartares. Michel Strogoff trouva un bon cheval et se prepare a partir a la tombee de la nuit. II etait en train de manger dans un relais quand il entendit une femme crier: — Mon fils! C'etait sa mere. La vieille Marfa. Elle s'approcha les bras tendus. Michel Strogoff la vit venir, mais il savait que beaucoup de gens le regardaient. II ne pouvait pas dire qu'il etait le fils de Marfa et Pierre Strogoff. — Qui etes-vous ? — demanda-t-il. — Mon fils, tu ne reconnais pas ta mere ? —Vous vous trompez, madame. Je suis Nicolas Korpanoff. Et il sortit de la salle. La pauvre femme etait etonnee. Elle ne comprenait pas pourquoi son fils ne paraissait pas la reconnoitre. Tout a coup, elle pensa qu'il devait avoir une bonne raison pour agir ainsi. Elle eut peur. Quelques minutes plus tard, un officier Tartare vint la chercher pour la conduire devant Ivan Ogareff. — Ton fils est officier du tzar, n'est-ce pas ? Ou est-il ? — II est a Moscou. Cela fait plusieurs mois que je ne I'ai pas vu. — Qui est le jeune que tu appelais « mon fils », il y a un moment ? — Je ne sais pas. Je me suis trompee.
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— Nous verrons — dit Ogareff qui etait maintenant certain que Nicolas Korpanoff etait Michel Strogoff—. Emmenez-la avec les autres prisonniers. Pendant ce temps, Michel Strogoff poursuivit son chemin. Durant la semaine du 29 juillet au 5 aoOt il ne rencontra aucun ennemi. Un soir, il entendit approcher des chevaux; il se cacha au bord du chemin, mais au moment ou les Tartares passaient, son cheval fit du bruit et le messager du tzar dut sauter sur son cheval et s'enfuir. Les soldats le suivirent. Ce fut une course terrible. II tua plusieurs de ses poursuivants avant d'arriver a un cours d'eau. II s'y jeta et le franchit a la nage. Les Tartares ne le suivirent pas. II continue vers Kolyvan. Et, plus tard, il vit une maison a la lisiere de la foret. II pensa qu'il pourrait y passer la nuit. Cetait un bureau de telegraphies. La ligne n'etait pas coupee vers I'ouest, elle I'etait seulement vers Test. On pouvait encore envoyer des telegrammes vers Moscou. A ce moment, deux personnes qu'il connaissait bien entrerent en courant. C'etaient les deux reporters. Tous les deux voulaient envoyer des telegrammes. L'Anglais envoya le sien en premier: « Siberie 6 aout: Les armees Russe et Tartare se battent depuis ce matin a Kolivan. Les Russes reculent. » Puis, le Francois envoya le sien : « De Kolivan, Siberie-6 aoOt. Les Russes laissent la ville aux mains des Tartares. Us fuient vers Test. Les Tartares les poursuivent. On entendait des coups de feu qui se rapprochaient de plus en plus. Pendant qu'Alcide Jolivet envoyait son telegramme, Harry Blount tomba, touche par une balle. Au meme moment, le telegraphiste dit que la ligne etait coupee. Les Tartares entrerent aussitot et les trois hommes furent faits prisonniers. Les Tartares gardaient les prisonniers dans un grand campement. Us ne leur donnaient presque rien a manger, et beaucoup mouraient. Les choses allaient mal pour les partisans du tzar. Si du renfort n'arrivait pas bientot, la ville d'lrkoutsk tomberait aux mains des Tartares. Le Grand Due serait fait prisonnier ou tue. Stanley
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Chapitre 6 Michel Strogoff ne pensait qu'a s'enfuir. De tous les prisonniers, personne ne savait qui il etait. LesTartares allaient conduire les prisonniers a Tomsk. Ainsi, ils allaient I'emmener juste a I'endroit ou il voulait aller. Une fois la-bas il pourrait aller a Irkoutsk sans rencontrer d'ennemis sur son chemin. II esperait aller vers Test avant I'arrivee de 1'armee d'lvan Ogareff; car si celui-ci arrivait avant lui, il le chercherait parmi les 18
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prisonniers. Quotre jours passerent. La blessure de Harry Blount n'etait pas profonde et elle cicatrisa assez vite. Le 12 aoOt au matin, on entendit un grand vacarme. L'armee d'Omsk, ayant a sa tete Ivan Ogareff, se trouvait deja la. Les deux reporters se presentment devant Ivan Ogareff. Us lui dirent qu'ils etaient des journalistes qui suivaient ('evolution de la guerre en restant dans la neutralite. Us reconnurent le voyageur qui avait fouette Michel Strogoff; c'etait le chef Tartare, mais its ne dirent rien. Ogareff regarda leurs papiers et donna I'ordre de leur rendre leur liberte. Ce meme jour, dans I'apres-midi, toute I'armee Tartare se mit en route pour Tomsk. C'etait un voyage de cent cinquante kilometres, facile pour un soldat bien nourri mais dur pour les prisonniers. Beaucoup moururent de faim. La vieille Marfa Strogoff etait une des femmes les plus courageuses. Elle avait ete emmenee, ainsi qu'un grand nombre de malheureux, a Omsk. Elle ne se plaignait jamais. Sangarre, la terrible gitane, la surveillait continuellement. Marfa le savait et elle ne chercha pas a voir son fils. Parmi tous ces prisonniers, elle eut la chance de ne pas etre seule; une jeune fille I'aida. Au debut, Marfa pensa qu'elle etait une espionne qui voulait la faire parler, mais, au bout de quelques jours, elle se rendit compte qu'elle n'avait rien a craindre. Maintenant les deux femmes s'aimaient bien; elles auraient pu etre grand-mere et petite-fille. La jeune fille etait Nadia. Elle avait ete capturee par les soldats Tartares et conduite a Omsk. La, on I'avait mise avec les autres prisonniers. Elle etait triste, elle pensait continuellement a son ami, qui etait tombe blesse dans le fleuve. Un jour elle raconta a Marfa I'histoire de son voyage. Quand elle I'entendit parler de Nicolas Korpanoff, son coeur se mit a battre rapidement, car elle se souvenait parfaitement du nom de 1'homme qui ressemblait a son fils. Elle sut toute la verite en ecoutant I'histoire de Nadia. Elle rendrait heureuse Nadia, en lui disant que le faux Nicolas Korpanoff, n'etait pas mort, mais elle prefera se taire. — Attends, ma fille — lui dit-elle —, et tu verras comment tes malheurs finiront un jour. Dieu ne permettra pas que ton courageux ami meure. Stanley
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Le troisieme jour, dans I'apres-midi, I'armee arriva pres de Tomsk et s'arreta. Feofar-Khan y etait deja installe. Le lendemain les soldats entrerent dans la ville. Le camp des prisonniers se trouvait pres du fleuve. Us purent enfin boire, se laver et se reposer. Marfa et Nadia etaient toujours ensemble. Tout a coup la jeune fille se mit a crier; elle venait de voir la personne qu'elle croyait etre Nicolas Korpanoff. Michel Strogoff I'entendit et se retourna. II vit les deux femmes, mais il se maTtrisa, et fit semblant de ne pas les connaftre. Nadia courut vers lui, mais Marfa lui prit le bras en disant: — Du calme, ma fille. — C'est lui! — repondit Nadia — . II n'est pas mort! Michel Strogoff s'eloigna rapidement. Maintenant il savait que sa mere et Nadia etaient prisonnieres. Ainsi — pensa-t-il—, Dieu a reuni les deux femmes frappees par le meme malheur. Apres ceci, il decide de s'evader le lendemain. Malheureusement, Sangarre etait la. Elle n'avait pas vu Michel Strogoff car il y avait des gens autour de lui, mais elle s'etait rendu compte du mouvement qu'avait fait la vieille et, surtout de I'expression de ses yeux en voyant son fils. La gitane etait sOre que Michel Strogoff se trouvait parmi les prisonniers. Mais comment le reconnoitre ? II y avait des centaines d'hommes. L'unique moyen etait de faire parler la mere. Sangarre parla a Ogareff, qui se rejouit d'entendre la nouvelle. Le lendemain, vers dix heures du matin, Ogareff alia au camp des prisonniers avec la gitane. II donna I'ordre aux soldats de les rassembler autour de lui. Puis Sangarre se dirigea vers Marfa Strogoff. Celle-ci comprit ce qui allait se passer et dit a Nadia a voix basse : — Tu ne me connais pas, ma fille ! Meme si on me tue, ne dis pas un mot! Ne fais aucun mouvement! Sangarre prit Marfa par I'epaule et la conduisit devant Ivan Ogarref. — Ton fils est ici — dit-il — . Et tu vas me le montrer. — Non. — Nous allons faire passer devant toi tous les hommes qui ont ete faits prisonniers a Omsk et a Kolyvan. Si tu ne me dis pas 20
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qui est Michel Strogoff, tu recevras autant de coups de fouet qu'il y a d'hommes. Les prisonniers passerent un par un devant la courageuse Marfa. Quand Michel arrive, sa mere le regarda comme les autres, sans donner ('impression de le connaTtre. Ivan Ogareff devint furieux. Sangarre, qui se trouvait a ses cotes, lui dit: — Le fouet. — Oui — cria-t-il — . Fouettez cette femme a mort. Les extremites des lanieres du fouet avaient des billes de fer. Plus de cent coups de fouet provoquaient la mort. Marfa Strogoff le savait, mais elle etait decidee a ne pas parler. Elle etait prete a mourir. Deux soldats la firent s'agenouiller. Us dechirerent ses vetements jusqu'd la ceinture et placement devant elle un sabre dont la lame etait tournee vers sa poitrine. Un Tartare etait deja pret a frapper. — En avant! — dit Ivan Ogareff. Le fouet s'eleva dans I'air, mais avant de retomber sur le dos de la malheureuse, une main I'attrapa avec force. Michel Strogoff etait la. II ne put se maltriser et il sauta sur le Tartare pour sauver sa mere. Ivan Ogareff y etait arrive. —Bien !—cria-t-il—. Cest le commergant que nous avons rencontre au relais! — Lui-meme ! — repondit Michel Strogoff. Et il cingla le visage de son ennemi d'un coup de fouet. — Bien fait — dit quelqu'un qui se trouvait pres de lui. Vingt soldats se jeterent sur Michel Strogoff. Us voulaient le tuer, mais Ivan Ogareff, le visage couvert de sang, leva la main pour les arreter. — Get homme doit etre juge par notre chef Feofar-Khan — dit-il. Fouillez-lui les poches. Us trouverent la lettre du tzar, Ogareff s'en empara. Celui qui avait crie : « Bien fait!» etait Alcide Jolivet. Les deux reporters etaient encore la et ils avaient tout vu. — Comme cette histoire est interessante pour nos journaux ! — s'exclama Harry Blount — . J'aimerais bien savoir ce qui est ecrit dans cette lettre... Stanley
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Feofar-Khan decide de donner une grande fete avec des chants et des danses en I'honneur de son armee qui etait en train de gagner la guerre. Les deux reporters resterent a Tomsk pour y assister. A quatre heures de I'apres-midi, Feofar-Khan arriva a cheval entoure de ses officers les plus importants; ils mirent pied a terre et s'assirent sous une tente aux belles couleurs. Puis, on emmena a Feofar Khan un par un les prisonniers, en les obligeant a saluer, en s'inclinant et en touchant la poussiere avec leur front. Quand ce fut le tour de Michel Strogoff, celui-ci resta debout sans baisser les yeux. Deux soldats vinrent pour I'obliger a s'incliner, mais le jeune homme les repoussa en les faisant tomber. Ivan Ogareff s'avanga vers lui. — Tu vas mourir! lui dit-il. — Moi je vais mourir, mais ton visage portera toujours la marque du coup de fouet que je t'ai donne. En entendant ces mots, Ivan Ogareff devint blanc de rage. — Qui est ce prisonnier ? — demanda Feofar-Khan. — Un espion Russe. II avait repondu cela parce qu'il savait que les espions etaient toujours punis par une mort horrible. — Un espion Russe — repeta Feofar-Khan —, tu es venu pour voir ce qui se passait chez nous ! Alors regarde bien, ouvre bien tes yeux! Ivan Ogareff, qui connaissait les habitudes des Tartares, comprit ce qu'il voulait dire et sourit cruellement.
Chapitre 7 Quand tous les prisonniers passerent devant Feofar-Khan, les soldats les emmenerent a I'ecart. Seulement Michel Strogoff et sa mere resterent Id devant la tente de Feofar-Khan. Marfa etait couchee par terre et n'osait ni regarder ni ecouter. On commenga a jouer de la musique; des femmes arriverent en courant et se mirent a danser. Puis on entendit une voix qui disait: — Ouvre bien les jeux, regarde bien ! 22
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Celui qui repetait les mots de Feofar-Khan etait un Tartare grand et fort. II se plage derriere Michel Strogoff. II tenait a la main un sabre dont la lame etait longue. A cote il y avait du charbon chauffe au rouge. Puis, un autre groupe de femmes dansa. Michel Strogoff et les reporters les reconnurent tout de suite. —Ce sont les gitanes de Nijni-Novgored ! —dit Harry Blount a son ami. — Elles-memes — repondit Alcide Jolivet — . Je pense qu'elles doivent gagner plus d'argent en espionnant qu'en dansant. Dans ce groupe, se trouvait Sangarre; c'etait la plus belle. Un jeune gargon d'une quinzaine d'annees s'avanga et chanta. Les femmes dansaient autour de lui. Quand le numero prit fin Feofar-Khan leur langa une pluie de pieces d'argent. II y eut un grand silence puis le Tartare mit sa main sur I'epaule de Michel Strogoff, en lui repetant encore une fois: — Ouvre bien les jeux, regarde ! Alcide Jolivet observe que le Tartare n'avait plus son sabre a la main. La nuit tombait. La musique recommence et un groupe de soldats, armes de sabres et de pistolets, se melerent aux gitans; en dansant ils tiraient en I'air. Le ciel etait illumine par le feu d'artifice. Quand le feu d'artifice s'acheva, la musique cessa. On alluma des feux de camp autour de I'endroit ou etait assis Feofar-Khan, et on y conduisit Michel Strogoff. — Voulez-vous rester jusqu'a la fin ? — demanda Alcide Jolivet a son ami. — Non. J'ai de la peine pour ce pauvre jeune homme. Pouvons-nous faire quelque chose pour le sauver ? — Nous ne pouvons rien faire. Les deux reporters s'en allerent. Ils acheterent des chevaux, et une heure plus tard, ils prenaient la route d'lrkoutsk. — Espion des Russes, tu as voulu voir—dit Feofar-Khan —, et bien, tu as vu pour la derniere fois. Dans un moment tes yeux se fermeront pour toujours a la lumiere. Michel Strogoff n'allait pas mourir. Ils allaient le rendre aveugle en lui passant devant les yeux la lame d'un sabre chauffe a blanc. Stanley
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Le Tartare tenait a la main le sabre qu'il avait chauffe a blanc. Michel Strogoff n'essaya pas de se defendre. II savait qu'il ne pouvait rien faire. Sa mere s'avanga vers lui, mais les soldats ne la laisserent pas s'approcher. Elle resta debout a quelques pas de son fils qui la regardait tendrement. Le Tartare prit le sabre chauffe a blanc et le passa devant les yeux de Michel Strogoff. La vieille Marfa cria et tomba au sol, comme morte. Feofar-Khan et ses officiers partirent. Ivan Ogareff suivi de quelques soldats qui portaient des torches, s'approcherent lentement de Michel Strogoff. II sortit de sa poche la lettre du tzar et pour rire du malheureux, il la plaga sous ses yeux en disant: — Lis, maintenant, lis et va repeter au Grand Due ce que tu as lu ! A partir de maintenant ce sera moi, 1'homme envoye par le tzar pour prevenir son frere. Apres avoir dit ceci il partit. Au loin, on entendait les rumeurs et les chants de la fete qui continuait dans la ville. Michel Strogoff se retrouva seul. II chercha ou etait sa mere, se pencha vers elle et ecouta si son coeur battait encore. II lui parla a voix basse. La vieille Marfa vivait-elle ? Entendait-elle ce que lui disait son fils ? Elle ne faisait aucun mouvement. Michel Strogoff I'embrassa, se releva, et fit quelques pas, les bras tendus. A ce moment, Nadia arrive et coupa a I'aide d'un couteau, les cordes qui lui liaient les poignets. — Frere ! — dit-elle. — Nadia ! — s'exclama Michel — Nadia ! —Viens, mon frere. Maintenant, mes yeux seront les tiens. Je te conduirai a Irkoutzk. Pendant la fete, les soldats Tartares avaient beaucoup bu, et ils s'endormirent. Beaucoup de prisonniers en profiterent pour s'enfuir. Nadia avait vu tout ce qui s'etait passe. Quand on brOla les yeux de son ami, elle ne cria pas, pour ne pas attirer ('attention. Quand Michel Strogoff se retrouva seul, elle alia le rejoindre pour I'aider. Une demi-heure plus tard, ils sortaient tous les deux de Tomsk, ils avangaient sur la route en se donnant la main. 24
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Le lendemain, ils eurent de la chance, ils trouverent une voiture conduite par ('employe du bureau de telegraphies de Kolyvan. Ainsi, ils poursuivirent leur voyage sans se fatiguer. L'employe des telegraphies s'appelait Nicolas Pigassof. II voyageait accompagne de son chien Serko. II allait vers Test ou il esperait trouver du travail.
Chapitre 8 Les champs, les villages et les villes qu'ils traversaient, etaient vides. Les paysans avaient peur; ils avaient laisse la nourriture qu'ils n'avaient pas pu emporter. Nadia et Nicolas prenaient ce qu'ils trouvaient a manger. Pendant trois semaines le voyage se passa bien. L'armee de Feofar-Khan avait ete sans doute retenue plus de temps a Tomsk. Michel Strogoff commenga a croire qu'ils auraient le chemin libre jusqu'a Irkoutsk. Mais ses malheurs n'etaient pas termines. A partir du 6 septembre, Nadia et Nicolas commencerent a voir des changements dans les regions qu'ils traversaient; les fermes n'etaient plus vides mais brOlees et detruites. Le jour suivant ils virent au loin de la fumee. Quelques heures plus tard, ils trouverent des cadavres de paysans; le sang de leurs blessures etait encore frais. Les Tartares etaient passes par Id. Dans I'apres-midi du 8 septembre, Nicolas et Nadia virent un village bruler devant eux. Ils se demandaient ce qu'ils devaient faire: ne serait-il pas mieux de s'ecarter de la route et de contourner les champs ? Avant meme d'avoir pris une decision, ils entendirent un coup de feu. Leur cheval tomba mort, et ils furent aussitot entoures par une douzaine d'ennemis qui les firent prisonniers. Tout s'etait deroule rapidement: ils n'avaient meme pas eu le temps de se defend re. Serko, le chien, suivit son maTtre. En chemin, Michel Strogoff apprit que ces Tartares faisaient partie d'une troisieme armee qui venait du sud. Ils marchaient sur Irkoutsk. Stanley
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Les deux autres armees, celles que commandaient Ivan Ogareff et Feofar-Khan, etaient encore loin derriere. Si les trois se reunissaient, elles n'auraient aucun mal a prendre la capitate. Les Tartares se rendirent compte qu'un des prisonniers etait aveugle. Ils voulurent s'amuser avec lui et ils le firent monter sur un cheval qui lui aussi etait aveugle. Ils le firent galoper a coups de fouet et en lui langant des pierres. Le pauvre animal ne pouvait avancer en ligne droite; il sortait du chemin ou se cognait centre les arbres. Cheque fois que le cheval tombait, Michel Strogoff attendait, sans rien dire, qu'on vienne le relever. Les Tartares le remontaient sur sa monture et le mechant jeu continuait. 26
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Nicolas et Nadia ne pouvaient rien faire. L'animal tomba dans un trou profond de six metres environ. II s'y langa tete baissee. Nadia et Nicolas crierent. Michel Strogoff, en entendant leurs cris sauta, ce qui lui permit de sauver sa vie. L'animal se cassa deux pattes, et les Tartares le laisserent mourir la. Puis ils lierent les mains de Michel Strogoff a une corde qu'ils attacherent a un cheval; maintenant, le pauvre homme devait avancer a un rythme plus rapide. Le lendemain, 11 septembre, le petit groupe s'arreta dans un village. Les Tartares y trouverent du vin et burent beaucoup. Au moment de repartir, I'un d'eux se conduisit mal avec Nadia. Alors Nicolas arracha le pistolet de I'homme de sa ceinture et le tua d'une balle a la poitrine. Les Tartares se ruerent sur lui, le ligoterent et le jeterent comme un sac sur un cheval; puis un officier donna I'ordre de partir. Comme personne ne faisait attention a lui, Michel Strogoff en profita pour mordre la corde qui lui liait les mains. Lorsque le soldat fit avancer son cheval, la corde se cassa; les Tartares ne s'en rendirent pas compte.
Chapitre 9 Michel Strogoff et Nadia resterent seuls sur la route. Ils durent, une fois de plus, continuer leur voyage sans argent, sans autre nourriture que celle qu'ils trouvaient dans les maisons abandonnees, sans aide; ils leur restaient encore quatre cents kilometres a parcourir pour arriver a Irkoutsk. Ils marchaient en silence. Quand Nadia etait trop fatiguee, il la portait dans ses bras. Plusieurs jours s'ecoulerent ainsi. Un jour, ils entendirent les aboiements d'un chien. Ils s'arreterent pour ecouter. — Viens, Michel, viens — dit Nadia en entraTnant son ami vers I'endroit d'ou venaient les aboiements. — Oui — repondit Michel Strogoff—. C'est Serko ! II a suivi son maTtre. — Nicolas ! Nicolas ! — cria la jeune fille. Stanley
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Us sortirent du chemin et coururent dans les herbes folles. Quelques instants plus tard, ils virent le chien couvert de sang. II accourutverseux. Nadia cherchait Nicolas partout; Michel aussi, a quatre pattes et en tatonnant. — La... la — dit finalement la jeune fille en tombant a genoux. La tete de Nicolas sortait de la terre. Les Tartares I'avaient enterre vivant. L'homme mourait de faim et de soif; depuis trois jours il attendait la mart, qui mettait du temps a arriver. Les betes avaient deja commence a tourner autour de lui, pretes a devorer son visage. Son chien I'avait defendu; en luttant il s'etait fait mordre et avait regu de nombreux coups de bee; il etait couvert de blessures. Michel Strogoff se mit rapidement a retirer la terre avec son couteau. Mais il etait trop tard. Quand ils sortirent le corps du malheureux, il ne respirait plus. Les deux jeunes gens etaient tres tristes; ils creuserent un trou profond pour enterrer le pauvre Nicolas, qui en voulant les aider avait pave son geste par la mort. Serko avait perdu ses dernieres forces et mourut aussi. Ils I'enterrerent a cote de son maTtre. — Partons, Nadia ! — dit aussitot Michel Strogoff. Mais les premiers soldats de I'armee de Feofar-Khan commencerent a passer. Ils devaient prendre un autre chemin, faire un detour par le sud. Ils marcherent ainsi pendant douze jours. Meme eux ne sauraient dire comment ils ne moururent ni de faim ni de fatigue. Enfin, le 2 octobre, ils arriverent sur la rive du lac Baikal. Le lac Baikal mesurait 35.000 kilometres carres. Ses eaux aboutissaient dans I'Angara; celui-ci passait a Irkoutsk. Ce lac avait la forme d'une corne; et c'est dans la partie sud-ouest de cette corne que Michel Strogoff et Nadia etaient arrives. Pour une fois, ils eurent de la chance. Ils rencontrerent un groupe d'une cinquantaine de Russes qui essayaient de se rendre a Irkoutsk sur un radeau pour ne pas tomber entre les mains de leurs ennemis. Ces gens les prirent avec eux, leur donnerent a manger et Nadia put s'allonger sur des feuilles seches. 28
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A huit heures du matin, ils etaient prets a partir. Us denouerent les cordes qui retenaient le radeau et le courant les fit traverser le lac a grande Vitesse en direction du fleuve Angara. Puis, a I'aide de longs batons, ils manoeuvrerent le radeau dans la bonne direction. La premiere nuit se passa bien. Mais, en octobre dans cette region, il fait froid ; on commengait a voir sur le lac de grands morceaux de glace. C'etait dangereux; il fallait se depecher car le lac pouvait geler. Le lendemain midi ils arriverent a un village. II etait vide comme les autres, mais ils deciderent de s'y arreter pour faire quelques reparations necessaires. Quand le radeau s'approcha du petit port, deux hommes qui etaient caches sortirent en courant. Ils voulaient monter sur le radeau. C'etaient les deux reporters, Harry Blount et Alcide Jolivet. Ils avaient voulu aller a Irkoutsk par le chemin le plus court mais ils avaient eu peur d'etre faits prisonniers par la troisieme armee des Tartares. Le jour de la fete de Tomsk, ils n'etaient pas restes jusqu'a la fin. Ils croyaient que Michel Strogoff etait mort et ils furent surpris de le voir en vie. II leur dit a voix basse: — Ne dites a personne qui je suis ! Quelque temps apres, ils reprirent leur voyage. Le radeau sortit du lac et entra dans I'Angara. Beaucoup de morceaux de glace, entraTnes par le courant, descendaient le fleuve a grande Vitesse. Les hommes les repoussaient a I'aide de leurs batons. La nuit tomba. Heureusement elle etait noire. Avec de la chance, les Tartares qui occupaient les rives du fleuve, ne les verraient pas. Ces pauvres gens ne seraient en securite qu'a Irkoutsk, en arrivant avant le lever du jour.
Chapitre 10 Alcide Jolivet, qui avait plonge sa main dans I'eau, se rendit compte qu'elle contenait du petrole. Cette region etait riche en petrole mais comment se faisait-il qu'il y ait du petrole sur le fleuve ? Alcide Jolivet parlait avec son ami Harry Blount; les deux hommes se demandaient si ceci etait nature! ou si c'etait peutetre le moyen employe par les Tartares pour incendier Irkoutsk ? L'Angara devenait de plus en plus etroit car de nombreux Stanley
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morceaux de glace se rassemblaient et formaient un mur epais de plusieurs metres. Le radeau se cogna centre lui et s'arreta. — Guide-moi, Nadia — dit Michel Strogoff. Nous devons partir sans que personne ne s'en apergoive. Us partirent a quatre pattes. Au bout de quelques minutes ils arriverent a passer de I'autre cote du mur. De ce cote les morceaux de glace descendaient le courant lentement. Michel Strogoff et Nadia s'allongerent sur un morceau de glace et se laisserent porter par le fleuve. Une demi-heure plus tard ils apergurent les lumieres de la ville; les premieres maisons se trouvaient a cinq cents metres environ. — Enfin ! — pensa Michel Strogoff. A ce moment Nadia cria. Michel Strogoff se mit debout; son visage etait eclaire par le feu. — Ah ! — s'exclama-t-il — . Meme Dieu est contre nous. Depuis le 24 septembre les Tartares assiegeaient la ville; ils avaient deja essaye de la prendre deux fois. A I'interieur de la ville les habitants avaient reusssi a construire un grand mur. Tout le monde, cosaques, commergants, paysans etait pret a se defendre jusqu'au bout. Rappelons-nous que le pere de Nadia, Wassili Fedor, qui avant, vivait a Riga avec sa femme et sa fille, avait ete envoye en Siberie par la police du tzar. II y avait beaucoup de personnes a Irkoutsk qui, comme lui, avaient ete envoyees en Siberie et obligees de vivre loin de leur pays. Ces hommes avaient decide de former un groupe dont Wassili Fedor etait le chef, pour lutter contre les Tartares. Le Grand Due, qui avait remarque leur courage, leur avait promis leur liberte. Une armee Russe, qui venait du nord-est, allait arriver dans six jours. Ivan Ogareff le savait; et il allait essayer d'obtenir par la ruse ce qu'il n'avait pu avoir par la force. Le 2 octobre, vers dix heures du soir, un officier dit au Grand Due que I'envoye du tzar etait arrive de Moscou. — Qu'il entre! L'homme avait I'air fatigue. Ses vetements de civil etaient uses et dechires. Une blessure recente encore, lui defigurait le visage. — Comment f appelles-tu ? — demanda le Grand Due. 30
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— Michel Strogoff. Cetait Ivan Ogareff, mais le Grand Due ne le connaissait pas. Personne ne le connaissait a Irkoutsk. II pouvait tromper tout le monde sur son identite. — Tu m'apportes une lettre de mon frere le tzar ? — Oui, la void. Le Grand Due la lut attentivement. — Sais-tu ce qu'elle contient ? — demanda-t-il. — Oui, je devais la detruire au cas ou elle serait tombee entre les mains des Tartares. — Tu sais done aussi que trois armees Russes vont faire front a I'ennemi.
Chapitre 11 — Malheureusement les trois ont ete battues par les Tartares. Ivan Ogareff mentait: il voulait faire croire au Grand Due qu'il ne pouvait attendre aucune aide de I'exterieur. Une armee avait ete battue a Kolyvan, et I'autre a Tomsk; mais la troisieme, celle que les habitants d'lrkoutsk attendaient, se dirigeait sur I'ennemi. Le Grand Due semblait soucieux. — Alors, personne des regions de I'ouest ne va venir nous aider ? — Personne avant la fin de I'hiver. Durant quelques instants le Grand Due ne dit rien, puis il ajouta: —Mon frere me parle d'un certain Ivan Ogareff qui essaiera de me tromper et d'ouvrir les portes de la ville aux Tartares. — Oui; quand vous avez donne I'ordre de le punir, il a decide de se venger en causant le plus de mal possible a la Russie. — L'as-tu rencontre ? — Oui, quand on m'a fait prisonnier. Heureusement qu'il ne savait pas que j'etais un officier du tzar. II m'aurait tue. — Comment t'es-tu sauve ? — J'ai saute dans un fleuve. Stanley
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—S'il se presente a moi sous un faux nom, toi qui le connais, tu pourras me le dire et il mourra sous les coups de fouet. Tres bien ! Tu peux t'installer ici. Je n'oublierai jamais ce que tu as fait pour la Russie. Ivan Ogareff salua et sortit de la piece. Les choses commengaient bien pour lui. Le Grand Due et ses officiers croyaient qu'il etait Michel Strogoff. II pouvait tout preparer pour le jour suivant, comme il I'avait organise. II avait donne des ordres precis aux Tartares : ils devaient se tenir tranquilles jusqu'a deux heures du matin. A deux heures tapantes, des milliers d'hommes attaqueraient le nord et le sud de la ville. II etait sur que les habitants d'lrkoutsk courraient defendre la ville qui brulait. La porte Bolchaia se trouvait a I'ouest, et elle ne serait defendue que par quelques soldats. Un groupe de Tartares se tiendrait cache la. Et, au moment voulu, Ivan Ogareff les laisserait entrer dans la ville. La nuit du 3 au 4 octobre, a deux heures du matin, Ivan Ogareff etait dans sa chambre, a cote des appartements du Grand Due. Ses fenetres donnaient sur le fleuve Angara. II prepare une corde imbibee de petrole; y mit feu et la langa dans le fleuve. L'idee de verser du petrole dans I'Angara etait de lui. Tout a coup le fleuve brOla; la glace fondit. Les maisons en bois des berges commencerent a prendre feu. La nuit s'eclaira d'une grande lumiere. Au meme moment la lutte commenga dans le nord et dans le sud de la ville. — Enfin ! — dit Ivan Ogareff. II attendit un quart d'heure avant d'aller a la porte Bolchaia.
Chapitre 12 Au moment ou il allait sortir, une femme entra en courant dans sa chambre. Elle avait les vetements et les cheveux mouilles. — Sangarre ! Que fais-tu ici ? — s'exclama-t-il, etonne. Mais ce n'etait pas la gitane, c'etait Nadia. Quand ils etaient sur I'Angara, Michel Strogoff s'etait rendu compte du danger, il avait pris la jeune fille dans ses bras pour sauter dans I'eau. Ils nagerent sous I'eau et ainsi ils arriverent jusqu'aux quais de la ville. 32
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— Allons-y vite ! — avait-il dit a Nadia — . Conduis-moi chez le Grand Due ! Dix minutes plus tard, ils y etaient. Personne ne faisait attention a eux. Dans le salon principal il y avait un grand nombre de personnes : officers, soldats qui venaient chercher des ordres ou allaient en donner... Au milieu de tous ces gens qui se bousculaient, Michel Strogoff et Nadia se trouverent separes et se perdirent de vue. La jeune fille se mit a courir partout; elle appelait son ami, elle voulait parler au Grand Due. Tout a coup, au bout d'un couloir, une porte s'ouvrit devant elle et elle vit apparaTtre Thomme de Tomsk; celui qui etait avec Feofar-Khan, celui qui allait livrer la ville aux ennemis. — Ivan Ogareff! — cria-t-elle de toutes ses forces. Ce dernier recula, surpris d'entendre son vrai nom. II ne voulait pas etre reconnu. — Ivan Ogareff! — cria une seconde fois la courageuse Nadia. Furieux, il prit un couteau de sa ceinture et se rua sur elle pour la tuer; mais a ce moment la son bras fut immobilise par une force terrible. II se retourna pour faire face a son nouvel ennemi. Michel Strogoff etait la. II avait entendu les cris de Nadia, et guides par eux, il etait venu. — Ferme la porte, Nadia—dit-il a la jeune fille—. N'appelle personne et laisse-moi seul avec cet homme. Aujourd'hui je n'ai pas peur de lui. Ivan Ogareff se releva. II pensait en finir rapidement, et il se lanc.a en avant. Pour la deuxieme fois la main de Michel Strogoff I'arreta et I'envoya par terre. Le visage blanc de rage, il resta accroupi sans faire de bruit. II voulait frapper I'aveugle, avant que celui-ci n'entende d'ou venait le coup. II regarda Michel Strogoff et commenga a avoir peur; il ne comprenait pas comment un homme aveugle pouvait se defendre aussi bien. II se langa sur lui une fois de plus, mais Michel Strogoff s'ecarta d'un mouvement rapide. Stanley
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— II n'est pas aveugle ! — cria Ivan Ogareff—. II n'est pas aveugle! Et, comme un animal qui cherche une cachette, il recula jusqu'au fond de la piece. Alors Michel Strogoff avanga vers lui. — Oui, je vois la blessure du fouet sur ton visage. Et je vois aussi I'endroit ou je vais te frapper. Defends-toi! Ivan Ogareff se sentit perdu, mais dans un dernier effort il se rua sur son ennemi. Les deux couteaux se heurterent. La lame du couteau d'Ogareff se cassa; celle de Michel Strogoff trouva le coeur de son ennemi. II tomba mort sur le sol. A cet instant precis, la porte s'ouvrit. Le Grand Due et quelques officiers entrerent. Us virent sur le sol le corps de celui qu'ils croyaient etre I'envoye du tzar. — Qui a tue cet homme ? — demanda le Grand Due. — Moi — repondit Michel Strogoff. Un des officiers pointa son revolver sur lui. — Comment t'appelles-tu ? — Avant, demandez le nom de la personne qui git a vos pieds. — Je le sais. C'est un officier de mon frere, le tzar. — Non. C'est Ivan Ogareff. — Ivan Ogareff ? Et toi, qui es-tu ? — Michel Strogoff.
Chapitre 13 Michel Strogoff n'etait pas aveugle. II ne I'avait jamais ete. A Tomsk, quand le Tartare lui avait mis le sabre chauffe a blanc sur les yeux, il regardait sa mere qui lui tendait les bras; les larmes lui monterent alors aux yeux et cette humidite entre la peau et le feu lui avait sauve la vue. II comprit qu'il serait mieux que personne ne le sache. Les Tartares le laisserent libre car ils croyaient qu'il etait aveugle. II I'avait seulement dit a sa mere, en I'embrassant, avant de partir. Lorsqu'lvan Ogareff, pour se moquer de lui, lui avait mis la lettre sous les yeux, il avait pu la lire et savoir ainsi ce qu'elle contenait. 34
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Et c'est done ceci qu'il expliqua en quelques phrases au Grand Due. Irkoutsk fut sauvee. Wassili Fedor et ses camarades defendirent la porte Bolchaia. Us battirent le groupe de Tartares qui voulait entrer par Id. Le petrole qui brOlait sur I'Angara, finit par s'eteindre. Les Tartares perdirent courage en apprenant que leur chef etait mort. Avant la nuit, ils reculerent jusqu'a leur campement, en laissant leurs morts devant les murs de la ville. Parmi eux se trouvait la gitane Sangarre. Finalement, le 7 octobre au lever du jour, I'armee Russe qui venait du nord arriva. Les Tartares, en la voyant, se retirerent le plus rapidement possible. Les deux reporters Blount et Jolivet entrerent dans la ville avec rarmee Russe. Quand le radeau avait heurte la glace, ils reussirent a sauver leur vie en avancant sur elle pour atteindre le rivage. Ils s'installerent dans une maison d'lrkoustk pour ecrire et raconter a leurs journaux I'histoire de la guerre de Siberie. Un jour, Michel Strogoff alia voir Nadia, qui vivait avec son pere; il lui demanda si elle voulait se marier avec lui. Nadia se jeta dans les bras de son ami, et en rougissant elle se tourna vers son pere. Celui-ci leur dit en souriant: — N'aie pas peur! Je serais heureux de vous appeler mes enfants a tous les deux. La fin de la guerre fut mauvaise pour Feofar-Khan. Les armees du tzar prirent une par une les villes de Siberie. Beaucoup de Tartares moururent de froid ou furent tues par les soldats du tzar. Quand la route d'lrkoustk a I'Oural fut libre, Michel Strogoff et sa jeune epouse partirent vers la Russie accompagnes de Wassili Fedor. Le voyage fut rapide. Ils s'arreterent a I endroit ou etait enterre le pauvre Nicolas. Sur sa tombe ils prierent Dieu pour cet homme au coeur si bon qu'aucun des deux n'oublierait jamais. A Omsk, la vieille Marfa les attendait; elle serra Nadia contre sa poitrine; ce jour-la, elle put reconnoitre son fils. Ils passerent quelques jours chez elle avant de poursuivre leur voyage jusqu'a Moscou.
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Michel Strogoff
Michel Strogoff fut un homme important du gouvernement de Russie. Ce n'etait pas I'histoire de son bonheur qui etait interessante a raconter mais celle de ses malheurs.
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Questions ChapHre 1 1. Quelles raisons a le tzar d'etre preoccupe ? 2. Les deux hommes qui observaient tout dans la fete, qui etaient-ils ? 3. Qui a appele le tzar ? 4. Que voulait-il faire ? 5. Le chef de police a appele quelqu'un pour porter la lettre. Qui etait-ce ? 6. Que dit le tzar sur Michel Strogoff ? ChapHre 2 1. Comment allait s'appeler Michel Strogoff a partir de ce moment ? 2. Qui voyageait dans son compartiment ? 3. Le tzar avait donne deux ordres sur la ville de Nijni Novgorod. Lesquels? 4. Qu'est-ce que Michel Strogoff a pense de la jeune fille du train ?
5. Qu'ont trouve les journalistes et Strogoff, en retournant dans la grotte ? ChapHre 5 1. Qu'a vu Michel Strogoff le 23 juillet ? 2. Que voulait I'officier qui est arrive au relais ? 3. Pourquoi est-ce que Michel Strogoff ne s'est pas battu avec lui ? 4. Qui arrive quand ils sont dans la riviere ? 5. Par qui Michel Strogoff a ete vu a Omsk ? 6. Pourquoi Michel Strogoff n'a pas voulu reconnoitre sa mere? 7. Vers quel village s'est dirige Strogoff ? 8. Qui a-t-il trouve dans le poste telegraphique ?
Chapltre 6 1. Ou les prisonniers sont-ils emmenes ? ChapHre 3 2. Parmi les prisonniers il y avait 1. Combien de temps a dure le deux femmes, lesquelles ? voyage en bateau jusqu'a 3. Qu'est-ce que la gitane a fait Parma ? pour savoir qui etait Strogoff ? 2. Comment s'appelait la jeune 4. Est-ce que Michel Strogoff fille ? consent que sa mere soit 3. Qui a vu Strogoff descendre du fouettee ? bateau ? 5. Qu'est-ce qu'ils ont fait a 4. Combien de routes il y avait Michel Strogoff ? vers I'Asie ? ChapHre 7 ChapHre 4 1. Est-ce que les journalistes sont restes pour voir ce qu'ils 1. Pourquoi est-ce que Nadia faisaient a Strogoff ? allait a Irkoutsk ? 2. Quelle hauteur avaient les 2. Qu'est-ce que les Tartares ont fait avec Strogoff apres I'avoir Monts Oural ? laisse aveugle ? 3. Qu'est-ce que Nadia a entendu ? 3. Avec qui est parti Strogoff de 4. Qui a apparu dans la grotte ? Tomsk ? Stanley
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Chapttre 8 1. Qu'est-ce qu'ont fait les Tartares pour s'amuser avec le pauvre aveugle ? 2. Qu'est-ce qui est arrive au cheval sur lequel Strogoff etait monte ? 3. Comment est-ce qu'ils ont fait avancer Strogoff ?
ChapitrelS 1. Pourquoi Strogoff n'etait-il pas aveugle ? 2. Est-ce que les Tartares ont pris la ville ? 3. Racontez ce que Marfa et Nadia ont fait. 4. Expliquez ce que Strogoff est devenu.
Chapftre 9 1. Qu'est-ce que les Tartares ont fait a Nicolas ? 2. Qui a ete enterre avec Nicolas ? 3. Comment est-ce que les 50 Russes pensaient alter a Irkoutsk ? 4. Deux personnes sont apparues sur le radeau. Lesquelles ? ChapftrelO 1. Qu'est-ce que les Tartares ont fait couler dans la riviere ? 2. Qui s'est presente au grandDue? 3. Qu'est-ce qu'il lui apportait ?
Chapjtrell 1. Quand est-ce que les Tartares pensaient prendre la ville ? 2. Qu'est-ce qu' Ivan Ogareff va essayer de faire ? 3. Qu'est-ce qu'il a lance par la fenetre ? Pour quoi faire ?
Chapitrett 1. Qui est entre dans la chambre d'lvan Ogareff ? 2. Comment a lutte Strogoff ? Etait-il aveugle ? 3. Qui est entre dans la chambre quand les deux hommes luttaient ?
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