Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
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Jean-Louis Teboul Daniel De Backer
Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Jean-Louis Teboul Service de réanimation médicale CHU Bicêtre 78, rue du général Leclerc 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex
Daniel De Backer Unité de soins intensifs Erasme University Hospital Cliniques universitaires de Bruxelles Route de Lennick, 808 1070 Bruxelles Belgique
ISBN-13 : 978-2-287-71153-4 Springer Paris Berlin Heidelberg New York
© Springer-Verlag France, 2007 Imprimé en France Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media
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Maquette de couverture : Nadia Ouddane
Liste des auteurs Alain CARIOU Service de Réanimation médicale Groupe Hospitalier Universitaire Cochin Assistance Publique - Hôpitaux de Paris Université Paris 5 René Descartes 75679, Paris Cedex 14
Frédéric MICHARD Service d’Anesthésie-Réanimation CHU Antoine Béclère, Assistance Publique Hôpitaux de Paris 92141 Clamart Cedex
Denis CHEMLA CHU de Bicêtre, Assistance Publique Hôpitaux de Paris EA 4046 Université Paris 11 94270 Le Kremlin-Bicêtre
Xavier MONNET Service de Réanimation médicale CHU de Bicêtre, Assistance Publique Hôpitaux de Paris Université Paris 11 94270 Le Kremlin-Bicêtre
Bernard CHOLLEY Département d'Anesthésie-Réanimation SMUR Hôpital Lariboisière, Assistance Publique Hôpitaux de Paris 75475 Paris Cedex 10
Michel SLAMA Unité de Réanimation médicale Service de Néphrologie Hôpital d'Amiens, CHU Sud 80054 Amiens Cedex 1 ERI 12 INSERM Amiens
Daniel De BACKER Service des Soins Intensifs MédicoChirurgicaux Hôpital Universitaire Érasme B-1070 Bruxelles, Belgique
Jean-Louis TEBOUL Service de Réanimation médicale CHU de Bicêtre, Assistance Publique Hôpitaux de Paris EA 4046 Université Paris 11 94270 Le Kremlin-Bicêtre
Frank GARNIER Département d’Anesthésie et de Réanimation CHU Nord, Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille 13915 Marseille Cedex 20
Benoît VALLET Pôle d’Anesthésie Réanimation Hôpital Huriez CHRU de Lille Rue Michel Polonovski 59037 Lille Cedex
Marc LEONE Département d’Anesthésie et de Réanimation CHU Nord Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille Chemin des Bourrely 13915 Marseille Cedex 20
Antoine VIEILLARD-BARON Service de Réanimation médicale CHU Ambroise Paré, Assistance Publique Hôpitaux de Paris 92104 Boulogne Cedex
Bruno LÉVY Service de Réanimation médicale Hôpital de Brabois 54500 Vandoeuvre-les-Nancy Claude MARTIN Département d’Anesthésie et de Réanimation CHU Nord, Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille 13915 Marseille Cedex 20
Jean-Louis VINCENT Hôpital Universitaire Érasme B-1070 Bruxelles Belgique Sandrine WIRAMUS Département d’Anesthésie et de Réanimation CHU Nord, Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, 13915 Marseille Cedex 20
SOMMAIRE
INTRODUCTION Justification du monitorage hémodynamique en réanimation J.-L. Teboul, D. De Backer......................................................................................
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LES TECHNIQUES DE MONITORAGE ET LES PARAMÈTRES DISPONIBLES Le monitorage (invasif et non invasif) de la pression artérielle D. Chemla..............................................................................................................
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LE MONITORAGE DU DÉBIT CARDIAQUE ET DE SES DÉTERMINANTS Le cathéter artériel pulmonaire D. De Backer, J.-L. Teboul......................................................................................
39
La thermodilution transpulmonaire F. Michard, J.-L. Teboul .........................................................................................
53
Les autres techniques de mesure du débit cardiaque (en dehors des ultrasons) D. De Backer, J.-L. Vincent .................................................................................... 65 Le Doppler œsophagien X. Monnet, A. Cariou.............................................................................................
73
L’échocardiographie transthoracique et transœsophagienne B. Cholley, M. Slama .............................................................................................
87
Le cathétérisme veineux central en réanimation : pression veineuse centrale et saturation veineuse en oxygène M. Leone, F. Garnier, S. Wiramus, C. Martin......................................................... 105 Les méthodes disponibles d’appréciation au lit du malade des circulations régionales et du fonctionnement cellulaire B. Vallet, B. Lévy.................................................................................................... 127
L’INTERPRÉTATION DES PARAMÈTRES MESURÉS ET LEUR APPORT DANS LA DÉCISION Le débit cardiaque est-il adapté ? D. De Backer, J.-L. Vincent ....................................................................................
159
Évaluation de la réponse au remplissage vasculaire A. Vieillard-Baron, J.-L. Teboul .............................................................................
167
Évaluation de la fonction cardiaque A. Vieillard-Baron, D. De Backer ...........................................................................
183
CONCLUSIONS Conclusions et perspectives D. De Backer, J.-L. Teboul......................................................................................
201
INTRODUCTION
Justification du monitorage hémodynamique en réanimation J.-L. Teboul et D. De Backer
Le monitorage hémodynamique peut se concevoir dans deux types de situations bien distincts : au cours de la période péri-opératoire des patients dits « à risque » et au cours de la prise en charge thérapeutique des patients en défaillance cardio-circulatoire avérée, quelle qu’en soit l’origine. C’est dans le contexte péri-opératoire que le monitorage hémodynamique a montré tout son intérêt, soit par la détection et la correction précoces d’anomalies qui auraient pu in fine déclencher une cascade d’événements délétères, soit par le suivi de protocoles thérapeutiques visant à prévenir la survenue des désordres hémodynamiques et de l’hypoxie tissulaire qui en résulterait. L’objectif thérapeutique visé dans ces protocoles a été la prévention de l’hypoxie tissulaire, le plus souvent par le maintien de valeurs « supranormales » de débit cardiaque et de transport en oxygène, mais parfois plus simplement en maintenant un débit cardiaque adéquat, tout au long de la période péri-opératoire. Des méthodes de monitorage hémodynamiques aussi différentes que le cathéter artériel pulmonaire (1) ou le doppler œsophagien (2) ont montré leur intérêt dans la réalisation des ces protocoles thérapeutiques avec in fine un bénéfice pour le patient en terme de réduction de morbidité et/ou de durée de séjour en soins intensifs. Le contexte de la prise en charge des patients déjà en défaillance cardiorespiratoire est différent. En effet, deux périodes chronologiques peuvent être schématiquement distinguées : – la phase initiale dans laquelle des lésions irréversibles ne sont pas encore installées (période comparable à la période péri-opératoire) et où il est vraisemblable qu’une intervention thérapeutique précoce ciblée sur des objectifs cardiovasculaires pertinents puisse influencer le pronostic comme l’a montré dans le cadre du sepsis, l’étude pivot de Rivers et al. (3); – la phase ultérieure dans laquelle des lésions de dysfonction d’organe sont déjà installées, avec enclenchement de réactions cellulaires pathologiques, où les bénéfices du monitorage et de l’intervention thérapeutique à visée hémodynamique ont été moins clairement établis.
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Toutefois, dans ces situations où les désordres sont complexes et les causes de décès variées, il faut insister sur la difficulté à démontrer un bénéfice tiré d’un algorithme thérapeutique même pertinent et a fortiori d’un outil de monitorage hémodynamique. À l’issue d’essais multicentriques randomisés n’ayant pas montré chez les patients de réanimation de bénéfices tirés du cathéter artériel pulmonaire – l’outil de monitorage cardiovasculaire le plus employé –, de nombreuses équipes de réanimation se sont détournées non seulement du cathéter artériel pulmonaire mais aussi du concept même de monitorage hémodynamique. Une telle attitude nous paraît excessive et, dans la mesure où aucune méthode de monitorage n’a été montrée responsable d’une morbidité propre, il semble déraisonnable de se passer de l’aide fournie par de tels outils, tant pour le diagnostic que pour le suivi des patients en situation critique. Il est hélas assez fréquent que dans ces situations complexes, la sémiologie clinique et paraclinique élémentaire ne suffise pas à cerner l’ensemble des contours du désordre cardiovasculaire de sorte que des informations importantes peuvent rester méconnues si on ne se donnait pas les moyens de les rechercher au moyen de méthodes un peu plus approfondies Il n’existe cependant pas, hélas, à l’heure actuelle de méthode de monitorage hémodynamique idéale qui puisse fournir des informations fiables, reproductibles et non invasives sur l’ensemble du fonctionnement du système cardio-vasculaire, informations qui conduiraient à un ajustement individualisé de thérapeutiques courantes telles que solutés de remplissage, agents inotropes ou vasopresseurs, ajustement qui résulterait in fine en une correction des désordres et en une guérison du malade. En l’absence de cet outil idéal, une variété de méthodes d’exploration cardiovasculaire plus ou moins sophistiquées et plus ou moins invasives sont proposées au clinicien. Cet ouvrage a pour objectif de définir les avantages et les limites de chacune de ces méthodes ainsi que leur place respective dans les différentes situations rencontrées en réanimation. L’accent est mis davantage sur la qualité et la pertinence des informations fournies que sur les caractéristiques techniques et technologiques des appareils de monitorage. Notre objectif est par cet ouvrage d’aider le clinicien, non seulement à choisir la méthode de monitorage la plus appropriée à une situation donnée, mais aussi à maîtriser au mieux l’outil qu’il aura choisi afin que la prise en charge du patient soit optimalisée.
Références 1. Boyd O, Grounds M, Bennett D (1993) A randomized clinical trial of the effect of deliberate perioperative increase of oxygen delivery on mortality in high-risk surgical patients. JAMA 270: 2699-707 2. Sinclair S, James S, Singer M (1997) Intraoperative intravascular volume optimisation and length of hospital stay after repair of proximal femoral fracture: randomised controlled trial. BMJ 315: 909-12 3. Rivers E, Nguyen B, Havstad S et al. (2001) Early goal-directed therapy in the treatment of severe sepsis and septic shock. N Engl J Med 345: 1368-77
Le monitorage (invasif et non invasif) de la pression artérielle D.Chemla
Introduction La mesure de la pression artérielle systémique est un élément essentiel du diagnostic positif, du diagnostic de gravité, de la prise en charge thérapeutique et de la surveillance des patients hospitalisés en réanimation, en particulier au cours des états de choc. La pression artérielle est la grandeur régulée du système cardiovasculaire et une hypotension témoigne donc d’une perturbation importante de l’homéostasie. Les informations fournies par la pression artérielle comprennent : – un élément quantitatif. Les chiffres recueillis sont comparés aux valeurs seuil admises dans la définition du choc, et ils doivent être interprétés en fonction du terrain : âge, antécédents d’hypertension artérielle, de cardiopathies, d’athérosclérose, autres affections viscérales, traitements reçus. Les chiffres de pression artérielle ont également une valeur pronostique et leur amélioration est l’un des objectifs majeurs sur le plan thérapeutique ; – un élément qualitatif. La mesure du débit cardiaque permet de calculer les résistances vasculaires systémiques et de définir le profil hémodynamique du choc. La prise en compte simultanée des pressions artérielles moyenne, systolique, diastolique et pulsée peut induire un profil hémodynamique particulier. La forme de la courbe de pression artérielle peut orienter vers certaines pathologies. Les variations respiratoires de la pression artérielle peuvent renseigner sur la réserve de précharge et donc « prédire » la réponse, en terme de débit cardiaque, à un éventuel remplissage chez les patients ventilés mécaniquement ; – un élément temporel. La stabilité ou la détérioration spontanée plus ou moins rapide des chiffres de pression artérielle, la réponse ou la non-réponse de la pression artérielle au remplissage et aux traitements à visée hémodynamique et la durée de l’hypotension sont des éléments importants dans le diagnostic, le pronostic et la prise en charge du choc ; – tous ces éléments s’intègrent dans un tableau global clinique, paraclinique et thérapeutique, dont la pression artérielle n’est que l’une des composantes.
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Principales méthodes de mesure L’onde de pression artérielle peut être décrite selon sa composante moyenne et sa composante pulsée (fig. 1). La composante moyenne est la pression artérielle moyenne (PAM), et le signal de pression oscille autour de cette valeur selon un mécanisme complexe. Une analyse simplifiée repose sur la mesure de la pression artérielle maximale systolique (PAS) et minimale diastolique (PAD) et le calcul de la pression différentielle ou pulsée (PP = PAS-PAD). Le monitorage de la pression artérielle en réanimation implique toujours un praticien convenablement formé à la technique employée, ainsi qu’un appareillage conforme, validé, et régulièrement étalonné. La pression artérielle peut être monitorée par des techniques invasives et non invasives.
Monitorage invasif direct de la pression artérielle par cathétérisme artériel Le cathétérisme artériel est la technique de référence du monitorage de la pression artérielle en réanimation (1-3) en raison de ses nombreux avantages :
Fig. 1 – Pression artérielle mesurée à la racine de l’aorte. L’oscillation périodique autour de la valeur de pression aortique moyenne (PAM) est quantifiée par la valeur de la pression maximale (PAS = pression aortique systolique), de la pression minimale (PAD = pression aortique diastolique) et de la pression pulsée ou différentielle (PP = PAS - PAD).
Le monitorage (invasif et non invasif ) de la pression artérielle
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– mesure directe de la pression artérielle. Contrairement aux méthodes non-invasives, cette méthode est théoriquement insensible aux conditions locales de débit sanguin et de rigidité artérielle et aux variations de tonus vasomoteur distal ; – monitorage continu de la pression artérielle permettant un diagnostic précoce d’hypotension ou d’hypertension chez les patients instables et permettant également une surveillance de l’effet des traitements vasoactifs ; – richesse de l’information fournie, liée à la forme de la courbe et pouvant faire évoquer des pathologies spécifiques ; – possibilité d’analyser les variations respiratoires de la pression artérielle pour aider au diagnostic d’hypovolémie ; – confort et facilité des prélèvements sanguins et des gaz du sang. En pratique, la mise en place d’un cathéter artériel est recommandée en réanimation chez les patients instables sur le plan hémodynamique (en particulier sepsis grave, hémorragie aiguë, polytraumatisme, neurotraumatisme), chez les patients recevant des catécholamines, et dans les pathologies pour lesquelles des prélèvements sanguins itératifs sont effectués (4). Cependant, le cathétérisme artériel comporte un risque de complications, en particulier complications ischémiques, rares mais graves, qui doivent être prévenues (4). De plus, les caractéristiques du cathéter et du capteur de pression conduisent à une distorsion inévitable du signal. Les sources d’erreurs de mesures ont été largement décrites et peuvent être liés à plusieurs facteurs dont le capteur de pression (1-3). Il est nécessaire de tester le système et d’éviter les erreurs d’amortissement, de « zéro » et de calibration pour une analyse optimale des valeurs de pressions artérielles et des courbes de pression artérielle.
Monitorage non invasif indirect de la pression artérielle La mesure de la pression intra-artérielle est indirecte (2, 3). Les méthodes occlusives mesurent de façon discontinue la contre-pression nécessaire pour qu’apparaissent des modifications de débit local responsables, soit de modifications auscultatoires (sphygmomanomètre), soit d’une transmission au brassard de petites oscillations de contre-pression (méthode oscillométrique). Les méthodes non occlusives mesurent en continu la pression intra-artérielle transmise dans la région périvasculaire d’une artère très légèrement aplatie (tonométrie) ou la contre-pression nécessaire pour maintenir constant le volume des artères digitales (photopléthysmographie). Les différentes méthodes non-invasives peuvent être inexactes chez les patients présentant des variations importantes du tonus vasculaire périphérique, qu’elles soient primaires ou secondaires à des mécanismes compensateurs ou à l’utilisation
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
d’agents vasoactifs. Des recommandations internationales pour la mesure de la pression artérielle en clinique ont été récemment publiées (5).
Sphygmomanomètre La mesure non-invasive de référence de la pression artérielle se fait par sphygmomanomètre à mercure, plutôt qu’anéroïde, en utilisant la méthode auscultatoire. À l’aide d’un brassard approprié, l’artère humérale est comprimée à des niveaux de pression supra-systoliques puis le brassard est dégonflé lentement. L’apparition (phase I) et la disparition permanente (phase IV) des bruits de Korotkoff correspondent respectivement à la pression artérielle systolique (PAS) et diastolique (PAD). Cette méthode auscultatoire doit être préférée à la méthode palpatoire, moins précise et qui ne renseigne que sur la PAS. Dans l’état actuel des connaissances et de la technique, la recommandation d’abandonner progressivement le sphygmomanomètre à mercure pour protéger l’environnement fait toujours l’objet d’une discussion (6). En réanimation, cette méthode est d’emploi difficile, en particulier dans les situations d’urgence, et son caractère manuel, non automatique, rend fastidieux le monitorage régulier de la pression artérielle. La mesure de la PAS dépend des conditions de débit local (apparition d’un régime turbulent pulsé responsable du bruit entendu en phase I) et elle est donc très sensible au tonus vasomoteur distal. Ainsi, l’auscultation peut être difficile voire impossible lors d’une hypotension sévère ou d’un choc. Enfin, l’augmentation physiologique (sujet âgé) ou pathologique (athérosclérose) de la rigidité artérielle peut altérer la transmission des bruits de Korotkoff et peut aussi rendre l’artère humérale moins compressible, ce qui peut contribuer à sous-estimer la valeur de PAS mesurée par sphygmomanomètre et à surestimer la valeur de PAD.
Méthode oscillométrique Lorsqu’un brassard occlusif est dégonflé, de petites oscillations de la contrepression apparaissent et sont liées à la transmission des pulsations artérielles lorsque le débit est restauré. À mesure que le brassard est dégonflé, ces oscillations passent par un maximum puis diminuent et disparaissent. Les appareils mesurent le plus souvent la PAM comme la contre-pression correspondant aux oscillations maximales. Des algorithmes protégés par le fabricant sont généralement utilisés pour extrapoler les valeurs de PAS et de PAD dans la zone d'apparition et de disparition des oscillations (7).
Le monitorage (invasif et non invasif ) de la pression artérielle
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Photopléthysmographie digitale Les variations cycliques du débit sanguin entrant et sortant du doigt (index) entraînent des variations concomitantes du volume digital. La photopléthysmographie repose sur la transmission de la lumière à travers le doigt. Une diode émettant une lumière infrarouge permet de monitorer le volume digital et un système asservi permet de régler le niveau de contre-pression nécessaire pour maintenir le volume digital et donc le volume artériel constant (« clampé »). Cette technique permet le monitoring continu battement à battement de la pression artérielle (8).
Tonométrie artérielle La tonométrie, qui est utilisée de longue date en ophtalmologie pour mesurer la pression intra-oculaire, a été plus récemment développée pour mesurer la pression au niveau des artères superficielles, artère radiale le plus souvent. Le transducteur de pression, qui est formé de cristaux piezo-résistifs, est appliqué sur la peau en regard de l’artère radiale par une pression douce, ce qui permet de s’affranchir de la pression extramurale et donc d’enregistrer en continu la pression intramurale transmise au capteur. Une méthode de référence, généralement oscillométrique, permet de calibrer le signal radial, en faisant l’hypothèse d’une PAM et d’une PAD inchangées entre l’artère humérale et l’artère radiale. Une fonction de transfert « moyenne », c’est-à-dire validée sur une large population de sujets, permet de reconstituer une courbe de pression aortique centrale en faisant un certain nombre d’hypothèses hémodynamiques et mathématiques. Ceci pourrait donner une quantification plus précise de la composante pulsatile de la post-charge ventriculaire gauche au niveau aortique central (9). La pertinence de la tonométrie de l’artère radiale au cours des états de choc a été récemment étudiée (10, 11), mais reste à démontrer.
Autres méthodes Sur les oxymètres pulsés, la PAS pourrait être appréciée en notant la réapparition d’une onde pulsatile lors de la déflation lente d’un brassard (ou la disparition de cette onde lors de l’inflation lente du brassard).
Comparaison des différentes méthodes de mesure de la pression artérielle Dans les comparaisons entre un appareil de référence et un nouveau matériel, ou entre deux appareils entre eux, l’AAMI (Association for the Advancement of
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Medical Instrumentation) recommande que le biais (valeur moyenne de la différence) entre les deux instruments soit inférieur à 5 mmHg et que la précision (écart type de la différence) soit inférieur à 8 mmHg (12). Ces critères peuvent paraître peu exigeants et illustrent la difficulté du problème posé. Dans un contexte d’urgence (ramassage, transport, accueil aux urgences), les méthodes non-invasives classiques se révèlent seules utilisables mais sont peu fiables, surtout en cas d’hypotension artérielle (5, 6). Le cathétérisme artériel est la technique de référence en réanimation, et des différences intra-individuelles importantes ont été rapportées comparativement aux techniques non-invasives (1, 5, 6). Chez les patients en état de choc ou présentant une hypotension franche, une étude a retrouvé une PAS plus élevée en moyenne de 33 mmHg (le biais individuel allant de - 20 mmHg à + 164 mmHg) comparativement aux valeurs obtenues par les techniques auscultatoires ou palpatoires, et ces différences étaient plus marquées dans le sous-groupe des patients avec résistances vasculaires élevées (13). Enfin, il faut signaler que la comparaison des différentes techniques non-invasives entre elles a donné lieu à une abondante littérature (1, 5, 6). Chez le volontaire sain, et en moyenne, les chiffres de PAM obtenus par cathétérisme radial et fémoral et par méthode oscillométrique brachiale sont comparables à l’état de base et après un stimulus vasoconstricteur (14). Après vasodilatation, la PAM brachiale surestime d’environ 12 mmHg la PAM radiale. Ceci s’explique pour un tiers par une chute physiologique de la pression motrice et pour deux tiers par les limites de la méthode oscillométrique en cas de vasodilatation. Cette composante liée à la vasodilatation locale peut être confirmée si la PAM radiale augmente par rapport à la PAM brachiale lors d’une compression du poignet (14).
La pression artérielle moyenne Définition, calcul et valeurs normales La PAM est la pression qui assurerait théoriquement le même débit sanguin en l’absence de pulsatilité (15-17). Elle peut être calculée à partir d’une courbe de pression artérielle périphérique comme l’aire sous la courbe de pression divisée par la durée du cycle cardiaque (fig. 1) et les moniteurs de réanimation intègrent généralement la pression sur plusieurs secondes. La PAM peut être également mesurée par méthode oscillométrique ou être estimée empiriquement par la formule : PAM = 2/3 PAD + 1/3 PAS (équation 1) La PAM est considérée comme constante dans l’aorte et les artères périphériques cliniquement accessibles (humérale, radiale, fémorale, carotide) (9, 18). La définition de valeurs normales est difficile pour plusieurs raisons (19, 20) : la pression artérielle a une distribution continue dans la population ; la
Le monitorage (invasif et non invasif ) de la pression artérielle
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pression artérielle semble influencée par l’âge, l’ethnie, l’origine géographique, le sexe et le statut socio-économique ; les valeurs de pression artérielle sont très variables au cours de la journée et selon le stress externe ; les artéfacts de mesure sont nombreux. Chez les sujets sans pathologie cardiovasculaire, la PAM est de 85-90 mmHg à 20 ans ; elle augmente d’environ 5 mmHg entre 20 et 5060 ans puis ne varie plus avec l’âge (20, 21). Comme toutes les pressions intravasculaires, la PAM est rapportée à la pression atmosphérique (environ 760 mmHg ; zéro de référence = niveau du cœur) (15, 16).
Pression, débit, résistance La pression qui assure l’écoulement du sang entre deux points est la différence des pressions intravasculaires (ou intramurales) moyennes entre ces deux points. L’étude des écoulements non pulsatiles à débit constant, ou écoulements permanents, repose sur la notion de résistance (15-17). À l’équilibre, la PAM est la pression qui assurerait théoriquement le même débit cardiaque (DC) en mode continu (non pulsé) selon la relation : (PAM - Po) = RVS x DC (équation 2) où Po est la pression circulatoire moyenne, c’est-à-dire la pression théorique qui serait observée dans l’ensemble du système circulatoire dans des conditions de débit nul, et où RVS représente les résistances vasculaires systémiques. La différence (PAM - Po) est appelée gradient de pression motrice par analogie avec la différence de potentiel U aux bornes d’un circuit électrique composé d’une résistance R, parcouru d’un courant d’intensité I et régi par la loi d’Ohm (U = R x I). Les déterminants de la PAM sont donc le débit cardiaque, les RVS et Po selon la relation : PAM = (DC x RVS) + Po (équation 3) Ainsi, au cours du choc, les traitements destinés à rétablir la PAM visent à augmenter le débit cardiaque (remplissage, inotropes) ou les résistances (vasoconstricteurs). Pour une PAM de 100 mmHg, une Po de 10 mmHg et un débit cardiaque de 6 L.min-1, les résistances sont de 15 mmHg.min.L-1, soit 1 200 dyn.s.cm-5. Lorsqu’on compare des sujets entre eux, débit cardiaque et donc résistances doivent être indexés à la surface corporelle. La valeur de Po n’est pas mesurable cliniquement et il existe de plus une variabilité importante des valeurs de Po rapportées dans la littérature. En pratique, on utilise donc la pression moyenne dans l’oreillette droite (Pod) : PAM = (DC x RVS) + Pod (équation 4) Très souvent, la Pod est négligée et seules les résistances périphériques totales sont calculées (RPT = PAM/DC) mais les RPT n’ont pas de signification physiologique, tant au repos que lors de manœuvres dynamiques (22).
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Viscosité sanguine. Vaisseaux résistifs La résistance n’est pas une variable mesurée mais elle est calculée à partir de valeurs mesurées de PAM, Pod et de débit cardiaque. Ceci pourrait faire croire que RVS est une variable purement théorique mais il n’en est rien. En effet, il est fondamental de garder en mémoire que la grandeur qui caractérise la résistance d’un fluide à l’écoulement est sa viscosité. En première approximation, et en faisant l’hypothèse d’un régime laminaire (les forces d’inertie sont négligées), la loi de Poiseuille peut être appliquée à la circulation systémique : RVS = 8 η L / π r 4 (équation 5) où η est la viscosité sanguine, L la longueur fonctionnelle du réseau et r le rayon fonctionnel des vaisseaux systémiques. Au niveau des vaisseaux résistifs, la contraction/relaxation de la cellule musculaire lisse, liée à des stimulations mécaniques, ou médiée par la fonction endothéliale, entraîne de faibles diminutions/augmentations du rayon fonctionnel r. Les résistances vasculaires sytémiques étant inversement proportionnelles à la puissance 4 du rayon fonctionnel r, ceci entraînera une forte augmentation/diminution des résistances. Le long de l’arbre artériel, la chute de pression moyenne la plus importante est observée au niveau des artérioles, puis des capillaires (vaisseaux résistifs). Rappelons que le sang a préalablement circulé dans des artères ayant une fonction de conduit : l’aorte et ses branches de division (large arteries), et certaines artères plus petites (humérale et radiale par exemple). Du fait de leur diamètre important, toutes ces artères s’opposent très peu au débit, et la PAM au niveau de la racine aortique chute de moins de 1 mmHg au niveau de l’aorte terminale ou des artères humérale et radiale. La PAM mesurée au membre supérieur est donc un bon reflet de la PAM aortique centrale (15, 21). Les résistances R des différentes circulations d’organe sont placées en parallèle, et dans ce cas, par analogie avec les lois régissant les courants électriques, la somme des conductances (1/R) est égale à la conductance systémique totale (1/RVS). Ainsi, la résistance d’un organe (par exemple le rein) est supérieure à la résistance vasculaire systémique totale.
Aspects énergétiques La PAM est reliée aux variables circulatoires énergétiques via la viscosité sanguine (15). En effet, le produit du gradient de pression motrice (PAM - Po) par le volume d’éjection systolique (VES) est égal aux pertes de chaleur visqueuse par frottements, qui surviendront obligatoirement lors du passage du sang dans la circulation systémique. Si on néglige Po, l’énergie ainsi dissipée est d’environ un joule (PAM x VES ~ 1 J). La durée du cycle cardiaque étant d’environ une seconde, la puissance correspondante est d’environ un joule par seconde, soit un watt (PAM x DC ~ 1 W). L’étude SHOCK a récemment
Le monitorage (invasif et non invasif ) de la pression artérielle
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montré que la puissance cardiaque était la variable hémodynamique la plus étroitement liée au pronostic dans le choc cardiogénique (23).
Valeur informative de la PAM et de ses variations L’interprétation des variations de PAM fait intervenir, par un lien de cause à effet, des modifications de débit cardiaque, de résistance et de pression circulatoire moyenne (équation 3). Trois points importants sont à souligner : – la résistance n’est pas une variable mesurée mais elle est calculée à partir de valeurs mesurées de PAM, Pod et débit cardiaque ; – s’il est souvent admis que la Po et que la Pod sont négligeables comparées à la PAM, cette affirmation est souvent non valide chez les patients hypotendus, en particulier lorsqu’il existe une défaillance cardiaque droite. De plus, lors de certaines manœuvres dynamiques comme le remplissage, la Po peut augmenter ; – pour une PAM donnée, la résistance calculée dépend seulement de la valeur du débit cardiaque, indépendamment de la façon dont ce débit est obtenu (c’est-à-dire faible VES / fréquence cardiaque élevée ou grand VES / fréquence cardiaque basse). L’autorégulation de la PAM est un élément clé du système cardiovasculaire (16, 17). Une diminution brutale de la PAM est compensée par une tachycardie réflexe d’origine sympathique, par une augmentation du VES (secondaire à un effet inotrope positif et à une veinoconstriction) et par une vasoconstriction artérielle systémique. Chez les patients en réanimation, en particulier chez des patients septiques ou recevant des drogues sédatives, ces mécanismes compensateurs peuvent être défaillants ou dépassés. Au total, une diminution de la PAM peut être liée à une baisse primitive du débit cardiaque insuffisamment compensée par une vasoconstriction sympathique réflexe augmentant les résistances (vasoconstriction), ou à une diminution disproportionnée des résistances (vasodilatation). Il faut donc s’interdire d’interpréter les variations de PAM en termes de variations dans le même sens du DC et/ou des RVS en l’absence d’une mesure fiable du débit cardiaque (22). Il est classique de considérer la PAM comme la grandeur régulée du système cardiovasculaire, sa valeur étant fixée par différents mécanismes régulateurs, dont le baroréflexe, permettant ainsi aux capacités d’autorégulation des différentes circulations d’organe de pouvoir s’exprimer. Il est cependant rappelé qu’un transport d’oxygène adéquat est également crucial pour l’homéostasie. La constance de la PAM dans les artères de gros calibre explique que la PAM soit considérée comme la pression motrice de perfusion de la plupart des organes vitaux. Lorsque la PAM descend au-dessous de la valeur limite inférieure du plateau d’autorégulation, le débit sanguin régional devient linéairement dépendant de la PAM. La limite inférieure du plateau d’autorégulation est de 60 à 70 mmHg et varie selon l’organe considéré, les antécédents cardiovasculaires du patient (hypertension artérielle par exemple), la maladie
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
en cause (état de choc), l’activité métabolique et les traitements associés (vasodilatateurs, neuro-sédatifs, etc.). Dans certaines situations pathologiques, la PAM surestime la pression de perfusion réelle en raison d’une augmentation marquée de la pression extravasculaire dans des territoires vasculaires spécifiques (hypertension intracrânienne, syndrome du compartiment abdominal) ou en raison d’une augmentation marquée de la pression veineuse systémique (défaillance cardiaque droite). Lors d’une augmentation brusque et isolée du débit cardiaque (en faisant donc l’hypothèse de RVS inchangées), la nouvelle valeur d’équilibre de la PAM ne dépend que du nouveau débit cardiaque, et elle est atteinte rapidement si la compliance artérielle est basse (artères rigides) ou lentement si la compliance artérielle est élevée (artères souples) (16). Enfin, dans les premières secondes suivant un manœuvre dynamique, il a été suggéré que les variations de PAM reflétaient directement les variations de débit cardiaque dans la mesure où la mise en jeu d’une variation de RVS (et probablement de Po) nécessite quelques dizaines de secondes (24). À l’inverse, un nombre croissant d’études présente le calcul battement à battement des RVS à partir des valeurs battement à battement de VES, de fréquence cardiaque et de PAM, mais les bases physiopathologiques de cette approche restent à confirmer (22).
Définition de l’hypotension artérielle Chez l’adulte, l’hypotension artérielle est généralement définie comme une PAM inférieure à 60 mmHg (25) et elle est le plus souvent accompagnée d’une tachycardie. La PAM est préférée à la PAS car elle reflète mieux la pression de perfusion des organes. Dans l’interprétation des chiffres de pression, il faut tenir compte des valeurs basales usuelles et, chez un hypertendu chronique, une baisse de PAM de plus de 40 mmHg est considérée comme une hypotension relative même si la PAM observée est supérieure au seuil théorique de 60 mmHg. L’interprétation de la PAM doit également intégrer le tableau clinique et paraclinique global. Ainsi, une PAM normale ne permet pas d’éliminer un état de choc dit compensé à un stade précoce (cryptic shock).
Objectifs thérapeutiques dans le choc septique Il n’existe pas de valeur seuil acceptée de PAM garantissant que le débit sanguin soit indépendant de la pression sanguine dans la plupart des organes vitaux. En effet, la valeur critique de la PAM est différente selon les organes et dépend de nombreux facteurs incluant l’âge, l’existence d’une hypertension artérielle, le tonus neurovégétatif et le recours à un traitement vasopresseur. Ainsi, il n’existe pas « une » valeur unique d’objectif thérapeutique de PAM au cours des états
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de choc. À titre d’exemple, les recommandations de prise en charge des états de choc septique (26-28) proposent un objectif de PAM au moins égal à 65 mmHg afin d’éviter l’hypoperfusion d’organes. Cette recommandation est basée sur les résultats d’études cliniques montrant qu’une augmentation de PAM au-dessus de 65 mmHg n’améliorait pas l’oxygénation tissulaire ni la perfusion régionale (29, 30). Fait important, l’objectif de PAM pourrait être plus élevé chez les patients âgés ou hypertendus.
Influence du site de mesure sur la PAM Une étude menée en réanimation chirurgicale a retrouvé une PAM plus élevée dans l’artère fémorale que dans l’artère radiale (31). Cependant, deux études cliniques ultérieures (32, 33) ont retrouvé des PAM comparables au niveau fémoral et radial, avec un biais moyen inférieur ou égal à 3 mmHg. Ces données sont plus en accord avec les bases physiologiques de l’hémodynamique humaine et les raisons permettant d’expliquer les discordances entre les différentes études ont été précédemment discutées (32, 33).
La pression artérielle pulsée Vaisseaux capacitifs Les artères systémiques ne sont pas de simples conduits qui distribuent le débit cardiaque aux organes périphériques. L’aorte proximale et ses premières branches de division sont des structures élastiques qui amortissent l’éjection cardiaque discontinue en stockant une partie du VES en systole et en le restituant en diastole, ceci contribuant à établir un débit sanguin continu au niveau périphérique. C’est un phénomène économique car le sang étant un liquide incompressible, l’entrée d’environ 80 mL de VES dans le circuit à chaque battement nécessiterait une énergie, donc une PAM, beaucoup plus importantes si l’élasticité des grosses artères n’amortissait pas l’éjection. Du fait de cette capacité de stockage, on parle de « vaisseaux capacitifs ». Cette fonction d’amortissement de la pulsatilité cardiaque est assurée grâce à la richesse en éléments élastiques (élastine) de ces vaisseaux proximaux (15-17).
Vitesse de l’onde de pouls. Ondes de réflexion La plupart des travaux hémodynamiques actuels reposent sur l’hypothèse de l’existence d’ondes de réflexion de la pression contre le barrage artériolaire distal, mais il faut noter que des théories alternatives existent et que l’impor-
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tance physiopathologique des ondes de réflexion fait toujours l’objet d’un débat très vif. Dans la vision classique actuellement majoritaire, l’onde de pression enregistrée au niveau d’une artère périphérique est influencée par la vitesse de l’onde de pouls (VOP) et par les caractéristiques des ondes réfléchies. À mesure qu’elle s’éloigne de l’aorte, l’onde de pression artérielle a une transmission complexe le long des branchements de l’arbre artériel et se propage avec une vitesse élevée (VOP = 8 à 10 m/sec). L’onde de pression se réfléchirait aux points de bifurcation artérielle et contre le barrage artériolaire distal et retournerait au niveau central pour s’additionner à l’onde de pression incidente. La VOP augmente pour des pressions élevées ou dans des vaisseaux aux parois peu compliantes ou épaissies. Ainsi, une augmentation de la VOP est observée au cours du vieillissement ou de l’hypertension. Au niveau aortique, des ondes de réflexion survenant physiologiquement en protodiastole favoriseraient le remplissage coronaire (15, 34). Dans certains cas, une part importante de la composante réfléchie de la pression artérielle surviendrait plus tôt, en mésosystole, soit du fait d’un trajet aller-retour plus court (sujets de petite taille), soit du fait d’une VOP plus élevée (sujets âgés, hypertension, vasoconstriction) ; la forte amplitude de la composante réfléchie de la pression serait alors responsable d’une élévation de la pression systolique. La fréquence cardiaque modulerait également, mais à un moindre degré, la chronologie et l’amplitude des ondes de réflexion. L’analyse de l’amplitude de l’onde de réflexion aortique pourrait ajouter une information précieuse concernant la charge pulsatile imposée au ventricule gauche (34).
La pression pulsée aortique La PP est la différence entre pression artérielle maximale (systolique) et minimale (diastolique). La PP est une pression transmurale dont la valeur peut être interprétée localement comme étant fonction du volume sanguin et de l’élasticité de l’artère considérée (16). Rappelons que les dimensions des structures cardiovasculaires dépendent de l’élasticité de la structure considérée et de la pression transmurale (pression intravasculaire moins pression extravasculaire). L’interprétation de la PP fait intervenir l’analyse des écoulements périodiques décrits en termes d’impédance, ou de modélisations électriques, ou d’analyse du contour de l’onde de pression. Au niveau aortique, le modèle le plus simple est analogue à celui d’un réservoir à air (windkessel) composé de deux éléments : un élément capacitif (compliance artérielle totale C) s’ajoute en parallèle aux RVS. Dans ce modèle, qui ne peut être appliqué qu’à la racine de l’aorte, la constante de temps de décroissance monoexponentielle de la pression en diastole est : Tau = (RVS) x C (équation 6) Cette équation fondamentale est en fait toujours applicable en diastole, quel que soit l’approche utilisée pour modéliser la circulation. La valeur de la
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compliance peut être estimée selon une approche simplifiée reposant sur le modèle windkessel à deux éléments, comme indiqué ci-dessous (35) : C = VES / PP aortique (équation 7) Des modèles plus complexes indiquent que la PP aortique peut être décomposée en une composante initiale liée à l’élasticité de l’aorte proximale (impédance caractéristique) et en une seconde composante liée à la survenue des ondes de réflexion (36). Au cours du vieillissement, l’amplitude des ondes de réflexion augmente jusqu’à l’âge de 50 ans puis reste constante avec, dans chaque tranche d’âge, une amplitude plus importante chez la femme que chez l’homme. Dans le même temps, la VOP augmente peu jusqu’à 50 ans puis augmente nettement avec l’âge. Dans ce modèle, la dissociation entre ondes de réflexion et VOP a été confirmée de façon dynamique lors d’études pharmacologiques.
Amplification de l’onde de pouls Par définition : PP = PAS-PAD (équation 8) L’estimation de la PAM en périphérie (équation 1) peut donc être réécrite : PAM = PAD + 1/3 PP (équation 9) Comme la PAM, la PAD peut être considérée comme constante dans l’aorte et les artères périphériques (humérale, radiale) (9, 18). Par contre, la PAS et donc la PP augmentent entre l’aorte et l’artère radiale chez le sujet jeune et sain (fig. 2). Cette « amplification de l’onde de pouls » qui est en moyenne de
Fig. 2 – Amplification de l’onde de pouls. La pression artérielle systolique (PAS) augmente physiologiquement chez le sujet jeune normotendu entre l’aorte et l’artère radiale. Ce phénomène d’amplification de l’onde de pouls (ou PWA pour pulse wave amplification) est accentué en cas de vasodilatation artérielle. Cette amplification est négligeable dans certains cas, comme chez le sujet âgé, chez le sujet souffrant d’hypertension artérielle (HTA), en cas de vasoconstriction artérielle, ou si le temps d'éjection ventriculaire gauche (LVET pour left ventricular ejection time) est augmenté (voir aussi le tableau 1). Noter que dans tous les cas la pression artérielle moyenne (PAM) est constante entre l’aorte et la périphérie, de même que la pression artérielle diastolique (PAD).
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
15 mmHg (18) est expliquée par les caractéristiques anatomiques et fonctionnelles du système. L’amplification de l’onde de pouls peut varier selon les conditions physiologiques (par exemple l’âge, le sexe, la fréquence cardiaque) ou pathologiques (par exemple la variation du tonus vasomoteur et de la rigidité artérielle) (fig. 2 et tableau I). Ainsi, contrairement à la PAM et à la PAD, la PAS et la PP en périphérie ne reflètent pas nécessairement les valeurs de la pression artérielle centrale systolique et pulsée. Pour simplifier, la PP périphérique est significativement plus élevée que la PP aortique centrale chez le sujet de moins de 50 ans ou en cas de vasodilatation. La PP périphérique et la PP aortique tendent à s’égaliser chez les sujets plus âgés, en cas d’hypertension ou de vasoconstriction. Le même raisonnement s’applique pour la PAS, dans la mesure où la PAD ne change pas. D’un point de vue théorique, la compliance artérielle ne peut être quantifiée au moyen d’un seul chiffre car la compliance diminue lorsque la PAM augmente. Autrement dit, la relation volume/pression a une forme curvilinéaire et les vaisseaux systémiques sont plus rigides, c’est-à-dire moins facilement dilatables, à de hauts niveaux de pression moyenne. Cependant, il est admis que ce phénomène joue un rôle modéré dans la gamme physiologique de PAM observée en pratique clinique.
Tableau I – Facteurs influençant le phénomène d’amplification de l’onde de pouls entre l’aorte et l’artère radiale. Amplification franche
Amplification faible
Sujet jeune
Sujet âgé
Normotension
Hypertension
Homme
Femme
Sujet de grande taille
Sujet de petite taille
Vasodilatation
Vasoconstriction
LVET raccourci
LVET allongé
Expiration forcée Manœuvre de Valsalva (Phase II) Exercice
Physiologiquement, il existe une amplification franche de l’onde de pouls. En moyenne, la pression artérielle systolique (PAS) est de 15 mmHg plus élevée au niveau de l’artère radiale que dans l’aorte. La pression pulsée (PP = PAS - PAD) manifeste la même amplification car la pression artérielle diastolique (PAD) est quasi-constante le long de l’arbre artériel. L’amplification de l’onde de pouls est faible ou nulle en cas d’augmentation de la rigidité des gros troncs artériels proximaux (diminution de compliance) comme chez le sujet âgé ou chez l’hypertendu. Les autres cas sont figurés dans le tableau. LVET = left ventricular ejection time (temps d’éjection ventriculaire gauche).
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La pression pulsée périphérique Dans la population générale et sur un plan statistique, la PP périphérique est peu liée à la PAM, et elle n’est pas liée aux RVS. La PP périphérique reflète donc essentiellement la composante pulsatile de la pression, indépendamment de la composante moyenne et résistive. Il est généralement admis que la PP périphérique dépend principalement de la rigidité artérielle (1/compliance) et du VES (16). Dans une population non sélectionnée de patients en réanimation médicale, une étude prospective a montré que la PP périphérique était principalement liée au VES et à la compliance artérielle totale C estimée par tonométrie artérielle (37). Ce résultat conforte les études interprétant la variabilité de respiratoire de PP, chez les patients sous ventilation mécanique comme un indice de réserve de précharge (38, 39). Chez les sujets âgés, l’augmentation de la rigidité artérielle conduit à une augmentation de la PP, avec une hypertension artérielle systolique et une diminution de la PAD. L’observation paradoxale d’une PP basse chez les sujets âgés ou athéromateux pourrait suggérer que le VES est abaissé, car chez ces patients la rigidité artérielle est supposée être élevée (40). Il est probable que le monitorage des modifications à court terme de la PP chez les patients en réanimation puisse fournir des informations indirectes sur les variations concomitantes du VES. Ainsi, chez les patients sous ventilation mécanique, l’augmentation de la PP induite par le lever de jambes passif est linéairement corrélée aux modifications concomitantes du VES (41).
Pressions artérielles systolique et diastolique au niveau périphérique Liens entre PAS, PAD et PAM En périphérie, PAS et PAD sont très fortement liées de façon directe à la PAM dans une population donnée ; PAS et PAD sont donc des indices reflétant la composante pulsatile intrinsèque du signal de pression qui restent cependant très influencés par sa composante moyenne. De même, PAS et PAD sont faiblement mais significativement liées aux RVS et dépendent donc en partie de la composante résistive du signal. Selon l’équation 1, pour une PAM donnée, une variation de PAD s’accompagnera d’une variation deux fois plus importante et en sens opposé de la PAS (et réciproquement). Cette équation suggère que, pour une PAM donnée, PAD et PAS reflètent simplement l’oscillation de la pression autour de la moyenne, et que PAS et PAD sont donc sous l’influence de facteurs essentiellement identiques agissant par définition en sens contraire (oscillation).
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Apport physiopathologique des anomalies observées dans l’hypertension artérielle Les différents patterns de la pression artérielle observés chez les sujets âgés (42) et hypertendus chroniques (20, 43) permettent d’illustrer et de mieux comprendre la signification de la PAS et de la PAD (tableau II). L’augmentation du tonus musculaire lisse artériel distal est l’élément clé de l’hypertension artérielle systolique-diastolique. Dans ce cas, on note une augmentation de la PAM et une PP inchangée en raison de l’élévation parallèle de la PAS et de la PAD. Ce phénomène est surtout observé au stade initial de l’hypertension artérielle essentielle chez les sujets jeunes ou d’âge moyen. Par ailleurs, l’augmentation de rigidité des grosses artères élastiques proximales, qui se surajoute à l’augmentation des RVS, est l’élément clé de l’hypertension systolique du sujet âgé. Dans ce cas, on note une élévation de la PAS, une pseudo-normalisation de la PAD et donc une élévation de la PP (tableau I). Enfin, la tachycardie et/ou un effet inotrope positif peuvent en théorie contribuer à augmenter la PAS, en particulier dans les états de stress avec hyperadrénergie. L’augmentation de la PAS est responsable d’une surcharge en pression du ventricule gauche et d’une augmentation de la demande en oxygène, alors que la diminution de la PAD peut potentiellement compromettre la perfusion coronaire et les apports myocardiques en oxygène. Ce phénomène est typiquement observé au stade tardif de l’hypertension chez les sujets âgés (20, 43). Enfin, il faut noter que l’augmentation isolée du VES peut expliquer l’hypertension systolique du sujet jeune (44). Tableau II – Modifications attendues des pressions artérielle périphériques au cours de l’hypertension artérielle (HTA), et au cours d’une vasodilatation ou d’une augmentation de compliance totale. HTA RVS ↑
HTA C↓
HTA Vasodilatation RVS ↑ et C ↓ RVS ↓
PAS
↑
↑
↑
↓
Autres C↑ ↓
PAD
↑
↓
↔
↓
↑
PAM
↑
↔
↑
↓
↔
PP
↔
↑
↑
↔
↓
PAS : pression artérielle systolique. PAD : pression artérielle diastolique. PAM : pression artérielle moyenne. PP : pression pulsée. RVS : résistances vasculaires systémiques. C : compliance artérielle totale. ↑ : augmentation. ↓ : diminution. ↔ : absence de changement significatif. Les modifications aiguës du volume d’éjection systolique, de la cinétique de l’éjection, des intervalles de temps (durée du cycle, durée de l’éjection, durée de la diastole) et des autres composantes de la charge pulsatile (ondes de réflexion, impédance caractéristique…) influencent également PAS et PP de façon complexe. Le schéma utilisé dans l’HTA peut également être appliqué en dehors de l’HTA en cas de vasoconstriction / vasodilatation pathologique ou pharmacologique ou de diminution/augmentation isolée de la compliance totale.
Le monitorage (invasif et non invasif ) de la pression artérielle
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Déterminants de la PAD En pratique clinique, il est classiquement admis qu’une modification de la PAD est principalement attribuée à des modifications du tonus vasculaire : une PAD basse signifiant une diminution du tonus vasculaire. Il faut cependant souligner que cette notion rend incomplètement compte des valeurs de PAD tant sur le plan physiologique (16) que pathologique (20). En effet, la PAD est en fait fonction de la durée de la diastole et de la constante de temps de décroissance de la pression artérielle, elle-même dépendant des résistances et de la compliance artérielle (Tau = RVS x C ; voir équation 6). Battement à battement, un temps diastolique prolongé est associé à une PAD basse et un temps diastolique raccourci à une PAD élevée. Un raccourcissement de la constante de temps Tau s’accompagne d’une diminution de PAD (et réciproquement un allongement de la constante de temps Tau s’accompagne d’une PAD élevée). Le raccourcissement de Tau s’observe non seulement lorsque les RVS diminuent (vasoplégie) mais aussi lorsque C diminue (trouble de compliance avec augmentation de la rigidité artérielle). Cette dernière observation est concordante avec deux points physiopathologiques discutés plus haut à propos de l’augmentation de la PP : – pour un niveau donné de PAM (ou de RVS), une augmentation de la rigidité artérielle est associée à une PAD basse ; – selon la formule empirique de la PAM, et pour une PAM donnée, une augmentation de la rigidité artérielle diminue la PAD deux fois moins qu’elle n’augmente la PAS.
Déterminants de la PAS En pratique clinique, il est classiquement admis que la PAS reflète l’action combinée de la compliance artérielle totale et des caractéristiques de l’éjection ventriculaire gauche (en particulier VES, inotropie et fréquence cardiaque), mais les mêmes remarques que celles décrites plus haut pour la PAD s’appliquent à cette modélisation (16, 20). En fait, pour un niveau donné de PAM (ou de RVS), une augmentation de la rigidité artérielle est associée à une PAS élevée, et l’augmentation de PAS observée deux fois plus importante que la baisse concomitante de PAD. De même, pour un niveau donné de PAM (ou de RVS), une diminution de la rigidité artérielle (amélioration de la compliance) est associée à une PAS diminuée, et la baisse de PAS observée deux fois plus importante que l’augmentation concomitante de la PAD. La possibilité de l’existence de troubles aigus des propriétés élastiques des grosses artères à l’origine de modifications aiguës de la compliance artérielle est à l’étude dans les états de choc.
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Validité de la formule empirique de la PAM en réanimation Une étude récente a montré que cette formule (Équation 1 ou 9) s’appliquait toujours chez 35 patients en choc septique équipés d’un cathéter artériel (45). Le biais moyen ± écart type entre l’estimation et la vraie PAM (aire sous la courbe / durée du cycle) était de 0 ± 1 mmHg à l’état basal et de 1 ± 2 mmHg après expansion volémique. Les bases physiopathologiques de l’interprétation de PAS et de PAD au cours du choc septique sont donc les mêmes que celles décrites plus haut dans la population générale.
Scénario clinique La connaissance des quatre valeurs de pression artérielle (PAS, PAD, PAM et PP) permet une analyse rationnelle des profils hémodynamiques, en particulier chez les patients en insuffisance circulatoire aiguë. Ceci peut être résumé dans le scénario clinique suivant (46), dans lequel deux patients âgés admis dans un service d’urgences pour état de choc et présentant tous les deux une PAS à 80 mmHg relèvent d’une prise en charge différente en raison de profils hémodynamiques différents. Le patient A présente une PAD à 35 mmHg et le patient B une PAD à 60 mmHg. En dépit d’une PAS similaire, les deux patients sont très différents concernant la composante moyenne de la pression artérielle (PAM = 50 mmHg chez le patient A, PAM = 67 mmHg chez le patient B) et la composante pulsatile de la pression artérielle (PP = 55 mmHg chez le patient A, PP = 20 mmHg chez le patient B). Le patient A nécessite en urgence un traitement agressif pour augmenter la PAM effondrée (afin de prévenir l’hypoperfusion d’organe) et la PAD très abaissée (afin de prévenir l’ischémie myocardique). Le tonus vasculaire est probablement diminué chez le patient A comme en témoigne l’effondrement de la PAD et le recours aux agents vasopresseurs est urgent. Chez le patient B, il existe une diminution marquée de la PP, ce qui, compte tenu de l’âge élevé du patient, suggère que le VES est diminué. Ainsi, un remplissage vasculaire et/ou le recours aux agents inotropes sont vraisemblablement indiqués.
La PAS dans un contexte d’urgence La pression artérielle est la grandeur régulée du système cardiovasculaire et une hypotension témoigne donc d’une perturbation importante de l’homéostasie. Les valeurs de pression artérielle définissant l’hypotension et le choc chez l’adulte sont très variables d’une étude à l’autre et selon les pathologies. Au cours du choc septique (28), même s'il est recommandé de raisonner sur la PAM, dont une valeur de 60-70 mmHg refléterait au mieux les limites d’autorégulation des organes, la définition a été étendue à différentes conditions :
Le monitorage (invasif et non invasif ) de la pression artérielle
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– une PAM < 65 mmHg ; – une PAS < 90 mmHg ; – une chute de PAS de plus de 40 mmHg, pour tenir compte de l’état initial du patient. L’un des objectifs du traitement est de restaurer une PAM supérieure ou égale à 65 mmHg (27). Un travail mené aux urgences a défini l’hypotension des états de choc comme une PAS inférieure à 100 mmHg à l’arrivée (47). Les auteurs distinguent la profondeur de l’hypotension comme le chiffre de PAS le plus bas durant le séjour aux urgences, et la durée de l’hypotension selon trois groupes : – hypotension transitoire (une seule mesure initiale anormale) ; – hypotension soutenue (aucun chiffre de PAS ≥ 100 mmHg pendant une heure ou plus) ; – hypotension épisodique (hypotension ne rentrant dans aucun des deux cas précédents) (47). Cette classification a été reprise dans l’évaluation en pratique courante des objectifs thérapeutiques au cours du choc septique (48). Dans un contexte évocateur, la définition courante du choc cardiogénique comprend selon les auteurs, soit une PAS inférieure à 90 mmHg (49), soit une PAS inférieure à 80 mmHg (50). Dans un contexte évocateur, une PAS inférieure à 95 mmHg est un signe spécifique mais peu sensible d’hypovolémie (51). Chez l’enfant, l’hypotension est définie par une PAS inférieure à 90 mmHg quel que soit l’âge. Cependant, une étude récente montre qu’une définition reposant sur une valeur seuil de PAS qui tient compte de l’âge (5e percentile soit la moyenne pour l’âge moins deux écarts types) est plus utile pour prédire un mauvais pronostic, surtout si elle est observée à l’arrivée (52). Une telle attitude appliquée au sujet âgé pourrait être utile dans le diagnostic précoce de l’hypotension et du choc, mais ceci reste à démontrer.
Variations respiratoires de la pression artérielle et réponse au remplissage. Analyse du contour de l’onde de pouls Les différentes pressions artérielles doivent classiquement être mesurées en période télé-expiratoire. Les indices dérivés de l’analyse mathématique des variations respiratoires de la PAS et de la PP (38, 39, 53, 54) ainsi que l’analyse du contour de l’onde de pouls sont développés spécifiquement ailleurs dans cet ouvrage (Chapitre: Évaluation de la réponse au remplissage vasculaire).
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Conclusion Chez les patients en réanimation équipés d’un cathéter artériel, le signal de pression artérielle fournit des informations précieuses au clinicien. Chacune des quatre valeurs de la pression artérielle habituellement déterminées (PAS, PAD, PAM et PP) contribue à définir le statut hémodynamique.
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Le monitorage (invasif et non invasif ) de la pression artérielle
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
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Le cathéter artériel pulmonaire D. De Backer et J.-L. Teboul
Introduction Le cathéter artériel pulmonaire fait partie intégrante des outils de monitorage hémodynamique depuis une trentaine d’années. Des techniques moins invasives ont émergé depuis quelques années, limitant donc l’usage du cathéter artériel pulmonaire. Cependant, il est important de comprendre quelles informations peuvent être obtenues à l’aide de ce cathéter, tant pour interpréter les connaissances physiopathologiques obtenues grâce à celui-ci, que pour décider d’insérer un cathéter artériel pulmonaire et d’en interpréter les résultats. Dans le présent chapitre nous allons discuter les diverses informations qui peuvent être obtenues grâce au cathéter artériel pulmonaire. Les mesures qui peuvent ainsi être obtenues sont les mesures des pressions intravasculaires, la mesure du débit cardiaque et la mesure de la saturation veineuse mêlée en oxygène.
Pressions intravasculaires Les pressions artérielles pulmonaires (PAP), systolique, diastolique et moyenne, sont mesurées à l’extrémité distale du cathéter. Lorsque le ballon du cathéter est gonflé, une occlusion transitoire du flux sanguin est réalisée dans l’artère pulmonaire de gros calibre (environ 12 mm de diamètre) où le cathéter est situé. En aval du ballonnet, la pression chute dans l’artère pulmonaire jusqu’à atteindre une pression appelée pression artérielle occluse (PAPO). Cette pression est identique sur tout le segment vasculaire pulmonaire affecté par l’occlusion artérielle, segment qui se comporte comme une colonne sanguine statique ouverte en aval du segment veineux pulmonaire à flux circulant provenant des artères pulmonaires non occluses. La PAPO représente donc la pression veineuse pulmonaire au niveau de cette intersection. Dans la mesure où l’artère occluse par le ballonnet est d’assez gros calibre, la PAPO représente
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la pression d’une veine pulmonaire d’assez gros calibre. Les résistances du segment veineux pulmonaire joignant cette veine à l’oreillette gauche étant considérées comme faibles, la PAPO constitue donc un bon reflet de la pression de l’oreillette gauche et donc de la pression télédiastolique du ventricule gauche, pour autant qu’il n’y ait pas de sténose mitrale. Notons que la PAPO n’est pas équivalente à la pression bloquée (ou wedge) qui correspond à la pression due à l’occlusion d’un vaisseau pulmonaire de plus petit calibre, obtenue sans gonfler le ballonnet. Cette pression bloquée, en reflétant la pression dans un territoire veineux pulmonaire de plus faible calibre, est de facto supérieure à la PAPO. La pression capillaire pulmonaire ne peut être directement mesurée. Elle peut être estimée soit à partir de la courbe de décroissance lors du gonflage du ballonnet (1), soit à partir de l’équation de Gaar (2) (pression capillaire pulmonaire = PAPO + 0,4 x (PAPmoyenne - PAPO). Cette formule n’est malheureusement valide que si les résistances veineuses sont réparties de manière homogène. La pression capillaire pulmonaire est supposée refléter plus fidèlement le risque d’œdème pulmonaire, mais sa difficulté de mesure en fait un élément peu utilisé. La pression auriculaire droite (POD) est mesurée par le port proximal du cathéter pulmonaire et sa valeur est équivalente à la pression veineuse centrale (PVC) mesurée dans la veine cave supérieure.
Comment mesurer correctement les pressions ? La mesure des pressions intravasculaires doit se faire avec le plus grand soin. Le niveau de référence se place au niveau de l’oreillette droite, qui se projette au croisement de la ligne médio-axillaire et du 4e espace intercostal. Ce niveau reste valide que le patient soit en position déclive ou assise, par contre elle nécessite qu’il n’y ait pas de rotation latérale par rapport au plan du lit. De même, ces mesures sont plus difficiles à interpréter en décubitus ventral. Les pressions intravasculaires fluctuent avec la respiration. Si les effets de la ventilation sur les pressions intravasculaires sont relativement négligeables en ventilation spontanée chez l’homme normal, ils deviennent beaucoup plus marqués chez le patient dyspnéique ou lors de l’application d’une pression positive. Toutes les pressions doivent être mesurées en fin d’expiration, lorsque la pression intrathoracique est la plus proche de la pression atmosphérique (figs. 1 à 4). Si l’expiration met en jeu les muscles accessoires, les mesures peuvent être réalisées soit après sédation/relaxation musculaire du patient, soit en début d’expiration (fig. 2), mais cette dernière mesure peut parfois être difficile. Si une pression de fin d’expiration positive (PEEP) est appliquée ou en cas de PEEP intrinsèque, la pression intrathoracique télé-expiratoire peut cependant rester supérieure à la pression atmosphérique ce qui, inévitablement, résulte en une surestimation des pressions intravasculaires, même mesurées en période télé-expiratoire. Ceci peut être particulièrement significatif pour la mesure de la PAPO où la détermination d’une valeur dite « transmurale » est
Le cathéter artériel pulmonaire
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Fig. 1 – Mesure de la pression artérielle pulmonaire occluse (PAPO) chez un patient en ventilation spontanée. Mesure de la PAPO en fin d’expiration (flèche). La pression pleurale est négative à l’inspiration et revient à 0 lors de l’expiration. L’expiration correspond donc à la partie supérieure du tracé.
Fig. 2 – Mesure de la pression artérielle pulmonaire occluse (PAPO) chez un patient en ventilation spontanée qui présente une expiration active. Mesure de la PAPO en début d’expiration (flèche). La pression pleurale est négative à l’inspiration et revient à 0 au début de l’expiration, puis, suite à la mise en route des muscles accessoires, la pression pleurale augmente progressivement au cours de l’expiration. L’expiration correspond donc à la partie supérieure du tracé, mais la mesure de la PAPO se fait en début d’expiration, lorsque la pression pleurale est la plus proche de la pression atmosphérique.
Fig. 3 : Mesure de la pression artérielle pulmonaire occluse (PAPO) chez un patient en ventilation mécanique. Mesure de la PAPO en fin d’expiration (flèche). La pression pleurale est positive à l’inspiration et revient le plus proche de la pression atmosphérique de l’expiration. L’expiration correspond donc à la partie inférieure du tracé.
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Fig. 4 – Mesure de la pression artérielle pulmonaire occluse (PAPO) chez un patient en ventilation mécanique ayant des mouvements respiratoires spontanés. Mesure de la PAPO en fin d’expiration (flèche). Lors du mouvement respiratoire spontané, la pression pleurale est brièvement négative, par la suite le respirateur insuffle sous pression positive et la pression pleurale est positive durant la majeure partie de l’inspiration, puis revient le plus proche de la pression atmosphérique de l’expiration. L’expiration correspond donc à la partie moyenne du tracé.
souhaitable dès lors qu’on veut estimer la pression de remplissage du ventricule gauche. Il existe diverses méthodes permettant de s’affranchir de l’effet de la PEEP sachant qu’on ne peut pas simplement soustraire le niveau de PEEP appliquée à celui de la PAPO mesurée car la transmission de la pression alvéolaire aux pressions intravasculaires n’est pas intégrale. En effet, ce coefficient de transmission peut être affecté par la présence d’une pathologie pulmonaire, la transmission étant atténuée en cas de pathologie pulmonaire avec compliance pulmonaire abaissée. Une possibilité pourrait être de déconnecter le patient du respirateur et de mesurer la PAPO. Cette méthode n’est pas satisfaisante car l’arrêt de la ventilation mécanique va s’accompagner d’une augmentation du retour veineux et dès lors la PAPO mesurée sans ventilation mécanique ne reflète pas la PAPO sous ventilation mécanique. Pinsky et al. (3, 4) ont légèrement modifié cette méthode. Le débranchement du ventilateur effectué alors que le ballonnet est déjà gonflé s’accompagne d’une décroissance de la PAPO. Il a été montré que la PAPO « transmurale » sous PEEP était représentée par la plus faible valeur de PAPO (ou nadir PAPO) en général mesurée dans les 3 ou 4 premières secondes après débranchement avant que l’accroissement de retour veineux induit par le débranchement n’ait eu le temps de se produire (fig. 5). Toutefois, la nécessité d’un débranchement du ventilateur pose le problème du dérecrutement pulmonaire et de l’invalidité en cas de PEEP intrinsèque. Teboul et al. (5) ont proposé une autre technique (fig. 5). Les fluctuations respiratoires de la PAPO sont proportionnelles aux modifications respiratoires de la pression alvéolaire. On peut dès lors calculer le coefficient de transmission (différence entre la PAPO inspiratoire et la PAPO expiratoire, divisée par la pression transpulmonaire), estimant la transmission de pression alvéolaire au compartiment intravasculaire. La PAPO corrigée peut dès lors se calculer comme suit : PAPO corrigée = PAPOfin expi - [PEEPtotale x (PAPOinspi - PAPOfin expi)/ (Pression plateau - PEEPtotale)]
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Fig. 5 – Mesure de la pression artérielle pulmonaire occluse (PAPO) lors d’une ventilation avec PEEP élevée ou PEEP intrinsèque. On peut soit déconnecter le patient et mesurer la nadir PAPO soit, plus élégamment, calculer la transmission de la pression alvéolaire (voir texte pour détails). D’après Teboul et al. (5).
Cette formule a l’avantage d’éviter toute déconnexion du respirateur et donc de prendre en compte la PEEP intrinsèque.
Comment interpréter et utiliser les mesures de pressions intravasculaires ? Utilisation à des fins diagnostiques devant une défaillance cardiocirculatoire La mesure des pressions intravasculaires (POD, PAP, PAPO) contribue à caractériser le profil hémodynamique et partant à diagnostiquer le type d’insuffisance cardio-circulatoire (tableau I). Une PAPO ou une POD (PVC) élevée isolément correspond à une dysfonction ventriculaire ou valvulaire des cavités ipsilatérales. Il est donc utile de considérer non seulement la valeur absolue, mais également le rapport des deux pressions. Une élévation isolée de la PAPO signera un problème cardiaque gauche, celui-ci pouvant être dû à une dysfonction ventriculaire systolique et/ou diastolique, ou à une atteinte valvulaire, mais le cathéter artériel pulmonaire ne permet pas de faire la différence entre ces différentes étiologies. Une élévation combinée des deux pressions (POD et PAPO) fera suspecter une hypervolémie ou une tamponnade. La mesure du débit cardiaque et de la SvO2 permet de distinguer ces deux hypothèses : l’hypervolémie est associée à un débit cardiaque et une SvO2 élevés, tandis que ces deux mesures seront basses en cas de tamponnade.
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Tableau I – Diagnostic d’une insuffisance cardiaque à l’aide du cathéter artériel pulmonaire. Diagnostic d’une insuffisance cardiaque Insuffisance cardiaque gauche Insuffisance cardiaque droite Augmentation postcharge Infarctus ventriculaire droit Tamponnade
PAPO élevée POD élevée, supérieure à la PAPO + hypertension artérielle pulmonaire absence hypertension artérielle pulmonaire POD = PAPO = PAP diastolique
Diagnostic d’une hypertension artérielle pulmonaire Précapillaire gradient PAP diastolique - PAPO ≥ 5 mmHg Postcapillaire gradient PAP diastolique - PAPO < 5 mmHg
Une égalisation de la POD (PVC) et de la PAPO, et surtout une valeur de POD supérieure à la PAPO fera suggérer une dysfonction cardiaque droite. En présence d’une hypertension artérielle pulmonaire, celle-ci sera liée à une augmentation de la postcharge ventriculaire droite (embolie pulmonaire, hypertension artérielle pulmonaire primitive ou secondaire), tandis qu’en l’absence d’hypertension pulmonaire, une dysfonction de la pompe cardiaque sera suspectée (infarctus ventriculaire droit ou insuffisance tricuspide). Le cathéter artériel pulmonaire permet également de diagnostiquer une hypertension artérielle pulmonaire et d’en définir le type. En présence d’une hypertension artérielle pulmonaire, la différence entre la PAP diastolique et la PAPO est inférieure à 5 mmHg en cas d’hypertension artérielle pulmonaire « post capillaire » (liée à une augmentation des pressions cardiaques gauches). En revanche, une différence plus élevée entre ces deux pressions permet de faire le diagnostic d’hypertension artérielle pulmonaire « pré capillaire » (syndrome de détresse respiratoire aigu, embolie pulmonaire, décompensation de bronchopneumopathie chronique obstructive). Bien que ces diverses mesures soient très utiles pour orienter le diagnostic, il faut admettre que le diagnostic fin sera plutôt obtenu par échocardiographie. Par contre, le cathéter artériel pulmonaire est un excellent outil de monitorage, permettant, par exemple, d’évaluer les effets d’interventions thérapeutiques.
Utilisation spécifique de la PAPO La PAPO est un paramètre original fourni par le cathéter artériel pulmonaire, non accessible par les autres méthodes d’exploration cardio-vasculaire. Le souhait de connaître sa valeur et de la suivre au cours du temps constitue pour certains une des indications de l’insertion d’un cathéter artériel pulmonaire. Outre l’aide au diagnostic d’une insuffisance cardio-circulatoire qu’elle apporte (voir ci-dessus), la mesure de la PAPO et son suivi sont souvent utilisés pour apprécier et monitorer la précharge ventriculaire gauche d’une part et pour estimer la pression de filtration pulmonaire d’autre part.
Le cathéter artériel pulmonaire
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La PAPO marqueur de la précharge ventriculaire gauche Pour que la PAPO soit considérée comme un marqueur de précharge ventriculaire gauche, il faut qu’elle réponde au cahier des charges suivant : – la PAPO doit bien refléter la pression d’une veine pulmonaire de gros calibre. Du fait de son mode d’obtention, la PAPO est la pression de la colonne statique interposée entre le ballonnet gonflé et le point veineux pulmonaire où le flux circulant réapparaît sauf si une interruption de la colonne se produit au niveau de sa zone de faiblesse à savoir les capillaires pulmonaires. De fait, en présence d’une forte pression alvéolaire, les capillaires peuvent être comprimés surtout lorsque la pression intra luminale (qui est la pression veineuse pulmonaire) est trop faible. Ainsi la PAPO ne reflèterait plus la pression veineuse pulmonaire mais la pression alvéolaire. Pour détecter ces situations – qui peuvent se rencontrer en cas de forte PEEP (appliquée ou intrinsèque) –, il a été proposé de comparer les variations respiratoires de la PAPO (∆PAPO) avec celles de la PAP (∆PAP) (6). Si ∆PAPO/∆PAP est < 1,5, la PAPO reflète bien une pression veineuse pulmonaire (6) ; si ∆PAPO/∆PAP est > 1,5, il y a de fortes chance pour que la PAPO reflète la pression alvéolaire en raison de la survenue d’un mécanisme de compression capillaire pulmonaire (6) ; – la pression d’une veine pulmonaire de gros calibre doit refléter la pression télédiastolique du ventricule gauche (PTDVG). La pression d’une veine pulmonaire de gros calibre est très voisine de la pression de l’oreillette gauche (POG). En présence d’un rétrécissement mitral, la POG est supérieure à la PTDVG et donc la PAPO surestimera de facto la PTDVG. En présence d’une insuffisance mitrale aiguë, la présence d’une onde « v » proéminente résulte en une surestimation de la PTDVG par la PAPO moyenne. On aura soin alors de mesurer la PAPO au pied de l’onde « v » pour mieux approcher la PTDVG. En présence d’une insuffisance aortique ou d’une réduction de la compliance du ventricule gauche, la PAPO sous-estime au contraire la PTDVG ; – la PTDVG doit être considérée dans sa composante « transmurale » pour refléter au mieux la pression de remplissage du ventricule gauche. Comme il a été mentionné plus haut, en présence d’une forte PEEP externe ou intrinsèque, la PAPO mesurée, même lorsqu’elle reflète la PTDVG, surestime la pression de remplissage si on n’a pas pris soin de retrancher la pression transmise liée à la PEEP de la PAPO mesurée. Les moyens de s’affranchir de ce problème (3, 4) ont été décrits plus haut ; – enfin, même lorsqu’elle estime la pression de remplissage du ventricule gauche, la PAPO peut ne pas refléter correctement la précharge du ventricule gauche qui est souvent assimilée au volume télédiastolique du ventricule gauche plutôt qu’à la PTDVG, même si ce point fait débat. La conséquence pratique est que chez les patients ayant une compliance ventriculaire gauche réduite (par exemple, cardiopathie hypertrophique ou ischémique), la précharge peut être trop basse pour une PAPO pourtant normale (7).
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La PAPO marqueur de la pression de filtration pulmonaire Bien que ne mesurant pas la pression dans les capillaires pulmonaires, la mesure de la PAPO est souvent utilisée pour différencier un œdème pulmonaire cardiogénique d’un œdème pulmonaire lésionnel, une PAPO supérieure à 18 mmHg étant considérée comme signant une composante hydrostatique à l’œdème pulmonaire. Comme décrit plus haut, il convient cependant de tenir compte de la PEEP qui est souvent appliquée dans ces conditions. Idéalement, il faudrait mesurer la pression capillaire pulmonaire, qui reflète réellement la pression hydrostatique régnant dans les capillaires pulmonaires, un déterminant important de l’œdème pulmonaire (équation de Starling). Malheureusement, la mesure de la pression capillaire pulmonaire par l’analyse de la courbe de décroissance de la pression artérielle pulmonaire après gonflage du ballonnet est délicate tandis que l’équation de Gaar (2) est souvent prise en défaut chez le malade en insuffisance respiratoire. La différence entre la pression capillaire pulmonaire et la PAPO (pression d’une grosse veine pulmonaire) est proportionnelle au débit cardiaque et aux résistances veineuses pulmonaires. Si cette différence est probablement assez faible dans les conditions physiologiques, elle peut être beaucoup plus marquée dans les états hyperdynamiques et dans les situations cliniques où les résistances veineuses pulmonaires sont anormalement élevées telles que le syndrome de détresse respiratoire aiguë (8).
Débit cardiaque La mesure du débit cardiaque se fait par thermodilution, soit selon la méthode des « bolus », soit selon une méthode automatique. – La méthode des « bolus » consiste en l’injection de liquide au travers de la lumière du cathéter s’ouvrant dans l’oreillette droite avec mesure de la variation de température ainsi produite au niveau de l’artère pulmonaire grâce à une thermistance présente au niveau de l’extrémité du cathéter. Le moniteur est capable de fournir une valeur de débit cardiaque à partir de la courbe de thermodilution, en utilisant le principe de Stewart-Hamilton. On peut utiliser du liquide à température ambiante ou froid, le liquide froid permettant une mesure plus fiable. Quels que soient la température et le volume utilisé, il convient de s’assurer que la constante de calcul a été adéquatement entrée dans le moniteur. Quand faut-il injecter le liquide ? Certains auteurs proposent une injection cyclée sur la respiration, en fin d’inspiration afin de mesurer préférentiellement le débit durant la phase expiratoire et gagner en reproductibilité. D’autres proposent au contraire une injection aléatoire au cours du cycle respiratoire. La reproductibilité est moindre, à cause de la variabilité respiratoire, mais par contre la valeur moyenne est probablement plus représentative. Dans les deux cas, il faut obtenir un nombre moyen suffisant de mesures (3 à 5 au minimum), variant de moins de 10 % entre elles.
Le cathéter artériel pulmonaire
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– Les générations récentes de cathéter artériel pulmonaire permettent une mesure automatique et semi-continue du débit cardiaque grâce à la présence d’un filament thermique situé à une dizaine de centimètres de l’extrémité distale du cathéter. Celui-ci se réchauffe automatiquement selon des séquences pseudo-aléatoires connues du moniteur qui détecte dans le même temps les faibles variations de température ainsi produites au niveau de la thermistance distale. Cette mesure est bien corrélée avec la technique des « bolus » (9), sauf pour les états hyperdynamiques où le débit cardiaque est sous-estimé par la méthode automatique. Après circulation extracorporelle, lorsque la température corporelle subit de rapides modifications, cette mesure semi-continue peut également être prise en défaut (10). Cette technique présente l’avantage d’éviter les manipulations de lignes pour l’injection de « bolus » et de permettre un affichage automatique du débit cardiaque dont la valeur se rafraîchit toutes les 30 secondes. Cependant, il ne s’agit pas d’un monitorage en temps réel du débit cardiaque car un délai de plusieurs minutes peut s’écouler entre une modification de débit cardiaque, spontanée ou induite, et son affichage sur l’écran du moniteur.
Saturation en oxygène du sang veineux mêlé (SvO2) Il y a deux possibilités pour obtenir une mesure de la SvO2 au moyen d’un cathéter artériel pulmonaire. La première requiert un prélèvement d’un échantillon de sang au niveau de l’artère pulmonaire à travers l’orifice distal du cathéter artériel pulmonaire (ballonnet dégonflé) avec mesure classique des gaz du sang et de la SvO2 (co-oximètre). La deuxième possibilité utilise des modèles de cathéters artériels pulmonaires équipés de fibres optiques qui permettent une mesure in vivo continue de la SvO2 grâce au principe de la spectrophotométrie. Cette dernière méthode évite les prélèvements artériels pulmonaires répétés et fournit un véritable monitoring en temps réel de la SvO2. L’intérêt de la SvO2 est d’évaluer l’adéquation entre apports d’oxygène et consommation d’oxygène (VO2) au niveau de l’organisme entier. La SvO2 est une variable complexe, affectée non seulement par le débit cardiaque, mais également par la saturation artérielle en oxygène (SaO2), la concentration d’hémoglobine (Hb) et la VO2. En retravaillant la relation de Fick, on obtient en effet la relation suivante : SvO2 = SaO2 - [VO2 / (débit cardiaque x Hb x 13,9)] Pour des valeurs données de SaO2, VO2 et Hb, la relation entre la SvO2 et le débit cardiaque est curvilinéaire (fig. 6). Cela signifie qu’une SvO2 basse est associée à un débit cardiaque fortement abaissé, par contre une SvO2 normale (70 % ou plus) peut être associée à un débit cardiaque normal ou élevé. De surcroît, dans la gamme des basses valeurs de SvO2, une modification de SvO2 est associée à une modification parallèle de débit cardiaque. A contrario, dans
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Fig. 6 – Relation entre le débit cardiaque et la SvO2. Calculs obtenus pour une VO2 de 134 mL/min, une SaO2 de 100 % et une valeur d’hémoglobine de 10 g/dL.
la gamme des valeurs normales ou hautes de SvO2 (> 70 %), de fortes modifications de débit cardiaque ne sont associées qu’à de faibles modifications de SvO2. Ce découplage débit cardiaque - SvO2 explique que le monitorage de la SvO2 ne puisse pas être utilisé seul pour évaluer les modifications de débit cardiaque, en particulier dans les états hyperdynamiques.
Calculs dérivés Divers calculs dérivés peuvent éventuellement être réalisés afin de mieux évaluer la situation hémodynamique (tableau II) : – les résistances vasculaires systémiques et pulmonaires peuvent être calculées mais ces valeurs apportent peu d’informations complémentaires par rapport à la simple mesure du débit cardiaque et des pressions artérielle et artérielle pulmonaire ; – le calcul du travail ventriculaire gauche et droit peut éventuellement être intéressant pour estimer la performance ventriculaire en s’affranchissant dans
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Tableau II – Principaux calculs dérivés obtenus par cathétérisme artériel pulmonaire. Indices de performance cardiaque : Pression artérielle moyenne, mmHg Pression artérielle pulmonaire moyenne, mmHg Index cardiaque, L/min/m2 Volume éjectionnel, mL Volume éjectionnel indexé, mL/m2 Résistances vasculaires systémiques, dynes. sec. cm-5 Résistances vasculaires pulmonaires, dynes. sec. cm-5 Travail ventriculaire gauche, g.m/batt.m2 Travail ventriculaire droit, g.m/batt.m2 Indices d’oxygénation tissulaire : DO2, mL/min/m2 VO2, mL/min/m2 EO2, % EO2, % (formule simplifiée) Calcul du shunt intrapulmonaire : Qs/Qt, %
PA systolique + 2 PA diastolique 3 PAP systolique + 2 PAP diastolique 3 DC/SC DC x 1000/FC DC x 10000/FC x SC (PAM - POD) x 79,9/DC (PAPM - PAPO) x 79,9/DC 13,6 (PAM - PAPO) x IC/FC 13,6 (PAPM - POD) x IC/FC
CaO2 x IC x 10 (CaO2 - CvO2 ) x IC x 10 (CaO2 - CvO2)/ CaO2 (SaO2 - SvO2)/SaO2
CcO2 - CaO2 CcO2- CvO2
Calculs intermédiaires : Contenu artériel en oxygène, mL %
(Hb x 1,39 x SaO2) + (0,0031 PaO2)
Contenu veineux en oxygène, mL%
(Hb x 1,39 x SvO2) + (0,0031 PvO2)
Contenu capillaire en oxygène, mL % Pression alvéolaire en oxygène, mmHg
(Hb x 1,39) + (0,0031 x PAO2) (Patm – 47) FiO2 – (1,25 PaCO2)
PA : pression artérielle, PAP : pression artérielle pulmonaire, DC : débit cardiaque, SC : surface corporelle, FC : fréquence cardiaque, POD : pression de l’oreillette droite, PAPO : pression artérielle pulmonaire occluse, IC : index cardiaque, DO2 : transport en oxygène, VO2 : consommation d’oxygène, DO2 : extraction d’oxygène, Qs/Qt : shunt intrapulmonaire, CaO2 : contenu artériel en oxygène, CvO2 : contenu veineux en oxygène, CcO2 : contenu capillaire en oxygène, PAO2 : pression alvéolaire en oxygène.
une large mesure de l’effet précharge et de l’effet postcharge ; – le calcul du transport en oxygène (DO2) ainsi que la VO2 nécessite un double échantillonnage de sang veineux mêlé et artériel systémique pour mesure des gaz du sang. Bien qu’en apparence fastidieux, ces calculs sont très utiles car les principaux déterminants de l’oxygénation tissulaire sont probablement plus importants à prendre en compte qu’une valeur isolée de débit cardiaque. Par exemple, un même débit cardiaque de 6 L/min peut être associé
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
à une valeur élevée de DO2 en cas d’Hb élevée ou à une valeur basse de DO2 en cas d’anémie. Dans le dernier cas, le débit cardiaque est probablement insuffisant (voir chapitre spécifique). De même, la VO2 en reflétant le métabolisme tissulaire peut être utile à prendre en compte dans une évaluation hémodynamique. Par exemple, la connaissance de la VO2 peut aider à mieux interpréter une baisse de SvO2. De plus, un test de manipulation hémodynamique par perfusions liquidiennes (11) ou administration de faibles doses de dobutamine (12) peut permettre d’évaluer si la VO2 est en adéquation par rapport aux besoins tissulaires en oxygène, en d’autres termes s’il existe ou non une dépendance VO2/DO2. Une augmentation de VO2 en réponse à l’élévation de DO2 lors de ce test suggère : – que le patient souffrait avant le test d’un certain degré de dette en oxygène ; – que cette dette en oxygène est susceptible de se corriger avec l’augmentation de DO2. Néanmoins, ce type de test est rarement employé en pratique clinique à cause de limitations méthodologiques : – problème potentiel du couplage mathématique des données (13, 14) pouvant être circonvenu par l’induction d’une large variation de DO2 et la réalisation de multiples points intermédiaires (15) ; – effet thermogénique de certaines interventions pharmacologiques (16). Enfin, même si l’optimisation hémodynamique visant délibérément des objectifs de valeurs « supra-normales » de DO2 et VO2 ne s’est pas révélée bénéfique chez les patients graves de réanimation, une telle stratégie peut tout à fait se concevoir dans la prise en charge péri-opératoire des patients à risque (1719).
Conclusion L’évaluation hémodynamique par cathéter artériel pulmonaire permet non seulement une mesure du débit cardiaque mais également de ses principaux déterminants ainsi qu’une évaluation de son adéquation par rapport aux conditions métaboliques. Même si les modèles de cathéter artériel pulmonaire les plus récents offrent la possibilité de monitorer automatiquement le débit cardiaque et la SvO2, une évaluation rigoureuse de la situation cardio-vasculaire par cathéter artériel pulmonaire nécessite d’obtenir conjointement les mesures des pressions, du débit cardiaque et de la SvO2, même s’il n’est pas toujours indispensable d’effectuer tous les calculs dérivés.
Le cathéter artériel pulmonaire
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La thermodilution transpulmonaire F. Michard et J.-L. Teboul
Introduction Chez les patients porteurs d’un cathéter veineux central et d’un cathéter artériel doté d’une thermistance, la thermodilution transpulmonaire est une technique qui permet la mesure de nombreux paramètres cardio-respiratoires. Après injection par voie veineuse centrale d’un indicateur thermique (sérum physiologique supérieur à 24 °C), la thermistance du cathéter artériel permet d’enregistrer une courbe de thermodilution, dont l’analyse mathématique permet d’obtenir les paramètres décrits ci-dessous.
Principaux paramètres obtenus à partir de la thermodilution transpulmonaire Débit cardiaque Le débit cardiaque est calculé selon le principe de Stewart-Hamilton (l’aire sous la courbe de thermodilution est inversement proportionnelle au débit circulant). La reproductibilité de la mesure du débit cardiaque est excellente (inférieure à 5 %) car moins influencée par la respiration que la thermodilution artérielle pulmonaire (1). En conséquence, deux à trois bolus (sérum physiologique inférieur à 24 °C) suffisent contre les habituels trois à cinq bolus du cathéter artériel pulmonaire (2). Le moniteur hémodynamique calcule et affiche automatiquement la moyenne des valeurs de chaque série de mesure. La mesure du débit cardiaque par thermodilution transpulmonaire a été validée par de nombreuses études cliniques en comparaison avec la thermodilution artérielle pulmonaire et la méthode de Fick, chez l’enfant comme chez l’adulte (2-4).
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Volume télédiastolique global et volume sanguin intrathoracique Volume télédiastolique global Deux caractéristiques mathématiques de la courbe de thermodilution, le temps de transit moyen et le temps de décroissance exponentielle de l’indicateur thermique, sont à la base de l’évaluation du volume télédiastolique global par thermodilution transpulmonaire. Le produit du débit cardiaque par le temps de transit moyen est égal au volume de distribution de l’indicateur thermique (5, 6). Ce volume de distribution, appelé volume thermique intrathoracique, est composé du volume sanguin intrathoracique et de l’eau pulmonaire extravasculaire (fig. 1). Le produit du débit cardiaque par le temps de décroissance exponentielle est égal au volume thermique pulmonaire (5, 6), composé du volume sanguin pulmonaire et de l’eau pulmonaire extravasculaire (fig. 1). Le volume télédiastolique global est égal à la différence entre le volume thermique intrathoracique et le volume thermique pulmonaire (7).
Fig. 1 – Principes d’évaluation du volume télédiastolique global (VTDG) et de l’eau pulmonaire extravasculaire (EPEV) par la technique de thermodilution transpulmonaire. DC = débit cardiaque, MTt = temps de transit moyen, OD = oreillette droite, VD = ventricule droit, VSP = volume sanguin pulmonaire, OG = oreillette gauche, VG = ventricule gauche, DSt = temps de décroissance exponentielle, VSIT = volume sanguin intrathoracique.
La thermodilution transpulmonaire
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Les valeurs normales de volume télédiastolique global sont comprises entre 600 et 800 mL/m2 (1, 8). Ce volume est supérieur au volume sanguin cardiaque réel mais est très dépendant des volumes sanguins ventriculaires. En conséquence, le volume télédiastolique global se comporte comme un indice de précharge cardiaque : il augmente avec l’expansion volémique, ne se modifie pas sous dobutamine, et ses variations au cours de l’expansion volémique sont corrélées à celles de la surface télédiastolique ventriculaire gauche (autre indice volumétrique de précharge) et du débit cardiaque de sorte que plus l’augmentation du volume télédiastolique global est importante, plus est marquée celle du débit cardiaque (1, 8). Bien que le volume télédiastolique global et le débit cardiaque soient dérivés de la même courbe de thermodilution, ils ne varient pas nécessairement dans la même direction (1). En d’autres termes, les relations rapportées dans la littérature entre volume télédiastolique global et débit cardiaque ne sont pas liées à un couplage mathématique. À la différence de la mesure du volume télédiastolique ventriculaire droit, l’évaluation du volume télédiastolique global ne nécessite pas l’utilisation d’un cathéter artériel pulmonaire et peut être mesurée chez l’enfant. Enfin, à la différence de la mesure de la surface télédiastolique ventriculaire gauche par échocardiographie, l’évaluation du volume télédiastolique global n’est pas opérateur-dépendante et peut être renouvelée aussi souvent que nécessaire (un simple bolus de sérum physiologique – qui peut être effectué par une infirmière – est suffisant pour évaluer le volume télédiastolique global avec une reproductibilité proche de 5 %). Des valeurs anormalement élevées de volume télédiastolique global peuvent être observées en cas d’anévrisme aortique ou de dilatation auriculaire car le volume télédiastolique global est dépendant du volume sanguin compris entre le site d’injection de l’indicateur froid (cathéter veineux central) et le site de détection (le plus souvent artère fémorale).
Volume sanguin intrathoracique Le volume sanguin intrathoracique est la somme du volume télédiastolique global et du volume sanguin pulmonaire (fig. 1). Le volume sanguin pulmonaire représente environ 20 % du volume sanguin intrathoracique (7). Il est donc possible d’estimer le volume sanguin intrathoracique à partir de la formule suivante : Volume sanguin intrathoracique = volume télédiastolique global + volume sanguin pulmonaire = 1,25 x volume télédiastolique global La relation entre volume sanguin intrathoracique et volume télédiastolique global est relativement robuste car non influencée par le poids, la taille, le débit cardiaque, l’utilisation de drogues vaso-actives, l’existence d’une hypertension artérielle pulmonaire, d’une hypoxémie ou d’une hypovolémie (9-11). Elle permet donc une estimation fiable du volume sanguin intrathoracique à partir de la mesure du volume télédiastolique global par thermodilution transpulmonaire. De nombreuses études ont établi la valeur du volume sanguin
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
intrathoracique comme indice de volémie ou de précharge (12-15). Toutefois, le volume sanguin intrathoracique ne présente aucun avantage par rapport au volume télédiastolique global pour l’évaluation de la volémie ou de la précharge – seules les valeurs normales diffèrent et sont comprises entre 750 et 1 000 mL/m2. L’estimation du volume sanguin intrathoracique est en revanche indispensable à l’évaluation de l’eau pulmonaire extravasculaire par thermodilution transpulmonaire.
Fraction d’éjection globale L’appréciation de la contractilité cardiaque est relativement difficile au lit du malade puisque tous les paramètres hémodynamiques connus sont plus ou moins dépendants des conditions de précharge et de postcharge ventriculaires (16). En pratique clinique, la fraction d’éjection ventriculaire reste le paramètre le plus utilisé pour approcher la contractilité/fonction ventriculaire droite et/ou gauche (16). La fraction d’éjection ventriculaire est le rapport du volume d’éjection systolique sur le volume télédiastolique ventriculaire. Aussi, le rapport du volume d’éjection systolique sur le volume télédiastolique global, appelé fraction d’éjection globale, peut être considéré comme un indice global de la fonction cardiaque. La thermodilution transpulmonaire, en déterminant le volume d’éjection systolique (rapport du débit cardiaque sur la fréquence cardiaque) ainsi que le volume télédiastolique global, permet donc l’obtention de la fraction d’éjection globale qui peut être utilisée pour détecter une dysfonction ventriculaire droite et/ou gauche (17). Lorsque la fraction d’éjection globale est basse (inférieure à 18-20 %), il est toutefois impossible de déterminer lequel des deux ventricules est défaillant. Dans cette situation, une échocardiographie est donc nécessaire afin de comprendre le mécanisme de la défaillance cardiaque et de proposer le traitement le plus adapté (18). Les variations sous traitement de la fraction d’éjection globale peuvent être ensuite utilisées pour évaluer/monitorer l’évolution sous traitement (18). À notre connaissance, il n’existe qu’une seule étude (17) validant la fraction d’éjection globale obtenue par thermodilution transpulmonaire par rapport aux données échocardiographiques. On se doit donc de rester prudent quant à l’utilisation de la thermodilution transpulmonaire pour apprécier la fonction systolique cardiaque.
Eau pulmonaire extravasculaire Méthode de mesure L’eau pulmonaire extravasculaire est égale à la différence entre le volume thermique intrathoracique et le volume sanguin intrathoracique (fig. 1).
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Comme mentionné plus haut, le volume sanguin intrathoracique peut être estimé à partir de la mesure du volume télédiastolique global (volume sanguin intrathoracique = 1,25 x volume télédiastolique global). L’estimation de l’eau pulmonaire extravasculaire par cette méthode est très bien corrélée à la mesure de l’eau pulmonaire extravasculaire par gravimétrie chez l’animal (19, 20) ou par double dilution chez l’homme (7, 11). Les valeurs normales d’eau pulmonaire extravasculaire sont comprises entre 3 et 7 mL/kg. En raison des marges d’erreurs potentielles de la technique de mesure, on ne peut parler d’eau pulmonaire anormalement élevée (œdème pulmonaire) que lorsque la valeur est supérieure à 10 mL/kg. En cas d’œdème pulmonaire cardiogénique ou lésionnel, les valeurs d’eau pulmonaire extravasculaire peuvent atteindre 35-40 mL/kg. La thermodilution transpulmonaire tend à sous-estimer (d’environ 1 mL/kg) l’eau pulmonaire extravasculaire chez les patients en œdème pulmonaire (11).
Intérêt clinique Valeur pronostique de l’eau pulmonaire extravasculaire L’eau pulmonaire extravasculaire représente un indice pronostique indépendant chez les patients de réanimation (21). Plus élevée est la valeur de l’eau pulmonaire, plus péjoratif semble être le pronostic du patient (21). Identification des patients en œdème pulmonaire Devant un tableau de détresse respiratoire aiguë de diagnostic difficile, la connaissance de l’eau pulmonaire extravasculaire peut être utile pour identifier les patients en œdème pulmonaire (22). Le problème se pose assez peu chez le patient se présentant aux urgences car les données cliniques et biologiques (BNP) aident bien volontiers à établir un diagnostic (23). Bien différente est la survenue d’une détresse respiratoire chez le patient de réanimation, éventuellement déjà intubé et ventilé, car la sémiologie clinique, radiologique et biologique peut être trompeuse. Une des situations cliniques où le problème diagnostique peut se poser est représentée par la survenue d’une détresse respiratoire lors d’un test de sevrage de la ventilation mécanique résultant finalement en une impossibilité de sevrer le patient. Le diagnostic d’œdème pulmonaire de sevrage de la ventilation mécanique nécessite pour beaucoup (24) la mise en place d’un cathéter artériel pulmonaire afin d’objectiver une élévation de la PAPO au cours de l’épreuve de ventilation spontanée (25). Le diagnostic d’œdème de sevrage pourrait tout aussi bien être objectivé par l’évolution de l’eau pulmonaire extravasculaire au cours de l’épreuve de ventilation spontanée. Cependant, les données publiées actuellement manquent pour recommander avec certitude l’utilisation de ce paramètre pour établir le diagnostic d’œdème pulmonaire de sevrage.
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Diagnostic du mécanisme de l’œdème pulmonaire (hydrostatique vs lésionnel) La technique de thermodilution pulmonaire permet aussi d’obtenir automatiquement l’index de perméabilité vasculaire pulmonaire qui est le rapport : eau pulmonaire extravasculaire/volume sanguin pulmonaire. Les patients avec atteinte pulmonaire lésionnelle ou avec syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) ont un index de perméabilité élévé (26). Une étude préliminaire (27) a testé l’utilité de l’index de perméabilité vasculaire pulmonaire pour différencier l’œdème pulmonaire lésionnel par augmentation de la perméabilité – où l’index de perméabilité est attendu élevé – de l’œdème pulmonaire hydrostatique (cardiogénique et/ou de surcharge) – où l’index de perméabilité est attendu bas –. Dans un contexte d’eau pulmonaire extravasculaire élevée (supérieure à 12 mL/kg), la constatation d’un index de perméabilité vasculaire pulmonaire supérieur à 3 semble très en faveur d’un mécanisme lésionnel à l’origine de l’œdème pulmonaire avec des valeurs de spéficificité et de sensibilité tout à fait acceptables (27).
Évaluation de la quantité d’œdème au cours du SDRA Chez les patients présentant un SDRA, la mesure de l’eau pulmonaire extravasculaire devrait être d’une aide précieuse pour identifier ceux chez qui la quantité d’œdème pulmonaire est particulièrement abondante. Deux études cliniques réalisées chez des patients ayant un diagnostic de SDRA porté sur les critères conventionnels ont montré que le pourcentage de ceux ayant une eau pulmonaire extravasculaire normale n’était pas négligeable (28, 29). Ceci suggère que les critères conventionnels de SDRA ne permettent pas d’identifier correctement les patients ayant un œdème pulmonaire et que la mesure de l’eau pulmonaire extravasculaire serait un critère adjuvant très utile, non seulement pour identifier ces patients, mais aussi pour mieux guider le remplissage vasculaire et/ou la déplétion hydrosodée (voir ci-dessous).
Intérêt dans la stratégie du remplissage vasculaire et/ou de la déplétion hydrosodée Un vaste débat existe sur l’attitude à adopter en terme de gestion du remplissage dans les pathologies de type SDRA en raison, d’un côté, du risque d’aggravation respiratoire et, de l’autre, du risque d’une précharge et d’un débit cardiaque insuffisants. Une récente étude multicentrique randomisée a comparé chez 1 000 malades une stratégie dite « conservatrice » limitant le remplissage à une attitude plus libérale en terme d’expansion volémique (30). Bien qu’il n’y ait pas eu de différence de mortalité à soixante jours, les résultats
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de l’étude sont en faveur de l’attitude conservatrice dans la mesure où la fonction pulmonaire était meilleure et où la durée de ventilation mécanique ainsi que la durée de séjour en réanimation étaient plus courtes dans le groupe soumis à l’attitude conservatrice en comparaison avec l’autre groupe (30). Pour s’assurer d’une balance hydrique équilibrée, l’utilisation d’un paramètre tel que l’eau pulmonaire extravasculaire paraît séduisante. À cet égard, une étude randomisée déjà ancienne avait comparé l’évolution des patients dont la réanimation volémique (remplissage, déplétion) était guidée sur la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (mesurée par cathéter artériel pulmonaire) à celle des patients dont la prise en charge était guidée sur l’eau pulmonaire extravasculaire (mesurée par la méthode de double dilution). La balance hydrique (bilan entrées/sorties) était significativement mieux maintenue chez les patients du groupe « eau pulmonaire extravasculaire », qui de surcroît avaient une durée de ventilation ainsi qu’une durée de séjour en réanimation plus courtes que dans l’autre groupe (31). Cette étude suggère que l’eau pulmonaire extravasculaire peut aider à la décision d’instauration d’une déplétion hydrosodée (par ultrafiltration ou diurétiques) et surtout à la décision de poursuite ou d’arrêt du remplissage vasculaire chez les patients de réanimation. Les situations où coexistent une détresse respiratoire hypoxémique et un état d’insuffisance circulatoire sont des indications d’excellence de la thermodilution transpulmonaire et par conséquent du monitorage par PiCCO™ (Pulsion Medical Systems, Munich, Allemagne), seul appareil actuellement commercialisé permettant sa réalisation. Cette méthode de monitorage permet également l’accès au paramètre de précharge cardiaque qu’est le volume télédiastolique global ainsi qu’aux paramètres de réserve de précharge et de réponse au remplissage que sont les variations respiratoires de la pression artérielle pulsée (∆PP) (32, 33) et du volume d’éjection systolique (SVV) (34). En conséquence, chez les patients ventilés avec état de choc, on peut tout à fait concevoir une stratégie intégrée du remplissage vasculaire autour de quatre indicateurs, tous fournis par le PiCCO™ : ∆PP (ou SVV) pour aider à la décision d’initier le remplissage, le volume télédiastolique global pour vérifier que l’expansion volémique est bien effective (augmentation du volume télédiastolique global), le débit cardiaque pour observer la réponse hémodynamique au remplissage et l’eau pulmonaire extravasculaire pour juger de la tolérance pulmonaire. Le cas clinique suivant permet d’illustrer parfaitement l’intérêt de la stratégie intégrée décrite ci-dessus. Un patient est ventilé pour état de choc septique avec pneumonie bilatérale. L’état hémodynamique n’est pas contrôlé et le moniteur hémodynamique en place affiche les paramètres suivants : pression artérielle moyenne (PAM) = 50 mmHg, index cardiaque (IC) = 2,46 L/min/m2, volume télédiastolique global = 650 mL/m2 (valeur normale = 650-800 mL/m2), ∆PP = 24 %, eau pulmonaire extravasculaire = 9 mL/kg (valeur normale inférieure à 10 mL/kg). La PAM basse incite à instaurer un traitement visant à l’augmenter pour atteindre une valeur cible d’environ 65 mmHg (35). La décision d’un remplissage vasculaire est logique au vu de la valeur élevée de ∆PP suggérant une
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
réserve de précharge et donc une probable réponse positive à l’expansion volémique (36). La valeur plutôt basse du volume télédiastolique global confirme cette impression. La valeur peu élevée de l’eau pulmonaire extravasculaire procure un certain confort dans cette prise de décision. Après 500 mL de remplissage par sérum salé isotonique, les paramètres affichés sont les suivants : PAM = 55 mmHg, IC = 2,7 L/min/m2, volume télédiastolique global = 700 mL/m2, ∆PP = 19 %, eau pulmonaire extravasculaire = 9 mL/kg. Ainsi, la PAM a augmenté mais elle reste encore largement inférieure à la valeur cible. La valeur encore élevée de ∆PP suggère que la poursuite du remplissage vasculaire reste indiquée dans cette situation même si le volume télédiastolique global s’est normalisé (1, 36). La valeur toujours peu élevée de l’eau pulmonaire extravasculaire suggère que le premier remplissage a été bien toléré ce qui, dans ce contexte de défaillance circulatoire avec probable réponse positive au remplissage, incite tout à fait à poursuivre l’expansion volémique. Après le deuxième remplissage vasculaire, les paramètres affichés sont les suivants : PAM = 58 mmHg, IC = 3 L/min/m2, volume télédiastolique global = 750 mL/m2, ∆PP = 16 % et eau pulmonaire extravasculaire = 16 mL/kg. La PAM reste encore inférieure à 65 mmHg, ce qui rend nécessaire une intervention thérapeutique supplémentaire. La valeur encore élevée de ∆PP pourrait justifier la poursuite du remplissage vasculaire mais l’élévation nette de l’eau pulmonaire extravasculaire suggère fortement que le deuxième remplissage vasculaire a déjà entraîné un œdème pulmonaire. Ceci devrait faire alors pencher la décision thérapeutique vers l’administration de vasopresseurs plutôt que vers la poursuite de l’expansion volémique.
Autres informations fournies par la thermodilution transpulmonaire Calibrage de l’analyse du contour de l’onde de pouls Certains moniteurs hémodynamiques affichent en continu et en temps réel une valeur de débit cardiaque en utilisant l’analyse du contour de l’onde de pouls à partir d’un cathéter artériel. La fiabilité de ce monitorage repose non seulement sur la qualité du signal de pression artérielle, mais aussi sur le calibrage initial par une méthode fidèle de mesure du débit cardiaque. Certains moniteurs (LidCO™, Londres, Royaume-Uni) utilisent la méthode de dilution au lithium (non disponible en France), d’autres (PiCCO™) la méthode de thermodilution transpulmonaire pour calibrer le système. Ainsi, l’injection de bolus de sérum par voie veineuse centrale permet non seulement d’obtenir de façon discontinue les paramètres dits de thermodilution transpulmonaire décrits dans ce chapitre, mais aussi de recalibrer automatiquement la mesure continue du débit cardiaque dérivé du contour de l’onde de pouls.
La thermodilution transpulmonaire
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Détection d’un shunt intracardiaque « droite-gauche » Ce sont les techniques de dilution transpulmonaire qui ont permis, avant le développement de l’échocardiographie, de décrire les cardiopathies congénitales (37). En cas de shunt intracardiaque droite-gauche, une partie de l’indicateur (thermique) passe directement de l’oreillette droite vers l’oreillette gauche et gagne donc très rapidement le site de détection artériel (thermistance d’un cathéter fémoral). En conséquence, la courbe de thermodilution transpulmonaire apparaît de manière prématurée et présente un aspect biphasique (38) (fig. 2). La prévalence du shunt intracardiaque droite-gauche est probablement sous-estimée en pratique clinique car, lorsqu’elle est évaluée de manière systématique, elle atteint 15 à 30 % chez les patients ventilés pour insuffisance respiratoire aiguë (39, 40). Par ailleurs, il est important de noter qu’un shunt intracardiaque droite-gauche n’invalide aucunement la mesure de débit cardiaque par thermodilution transpulmonaire (puisqu’il n’y a aucune perte d’indicateur thermique), alors que le débit cardiaque évalué par thermodilution artérielle pulmonaire est surestimé (perte d’indicateur) dans cette situation.
Fig. 2 – Aspect caractéristique de la courbe de thermodilution transpulmonaire (camel curve) en cas de shunt intracardiaque droite-gauche. La mesure du débit cardiaque n’est pas affectée par un tel shunt car la surface sous les deux bosses est prise en compte pour le calcul. Le rapport de la surface de la première bosse sur la surface de la deuxième bosse permet en outre une quantification du shunt intracardiaque et donc une évaluation de l’efficacité du traitement (par exemple monoxyde d’azote inhalé ou réduction du niveau de pression expiratoire positive).
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Conclusion La majorité des patients en état de choc et/ou sévèrement hypoxémiques sont porteurs d’un cathéter veineux central et d’un cathéter artériel. Dans ce contexte, l’évaluation cardio-respiratoire par thermodilution transpulmonaire ne requiert que l’utilisation d’un cathéter artériel spécifique (équipé d’une thermistance). Chez les patients en état de choc, la thermodilution transpulmonaire permet l’évaluation simultanée et rapide du débit cardiaque, de la précharge cardiaque (volume télédiastolique global) et de la contractilité/fonction cardiaque (fraction d’éjection globale). En conséquence, la thermodilution transpulmonaire permet une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques (vasoplégie, hypovolémie, défaillance cardiaque) responsables de l’insuffisance circulatoire aiguë et donc le choix de la thérapeutique la plus appropriée. À la différence de l’échocardiographie qui peut également renseigner le clinicien sur débit cardiaque, précharge et contractilité, la thermodilution transpulmonaire est une technique non opérateur-dépendante. En conséquence, elle peut être employée par tous les soignants, dans toutes les unités et aussi souvent que nécessaire. La mesure de l’eau pulmonaire extravasculaire permet d’identifier les patients souffrant d’œdème pulmonaire, avec une meilleure sensibilité et spécificité que la radiographie du thorax et de suivre l’évolution de ce paramètre au cours du remplissage vasculaire ou des traitements diurétiques.
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La thermodilution transpulmonaire
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
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Les autres techniques de mesure du débit cardiaque (en dehors des ultrasons) D. De Backer et J.-L. Vincent
Introduction La mesure du débit cardiaque peut être obtenue par diverses techniques, incluant les techniques de dilution, l’analyse de l’onde de pouls, les ultrasons, et l’analyse des gaz expirés et la bio-impédance. Dans ce chapitre, nous nous focaliserons sur l’analyse de la courbe de pression artérielle, avec ou sans calibration, et sur l’analyse des gaz expirés ; le principe de la thermodilution et des ultrasons seront développés dans d’autres chapitres.
Analyse de l’onde de pouls À chaque systole, l’éjection du volume systolique dans l’aorte entraîne une montée rapide de la pression artérielle. On peut déjà en déduire que les modifications de pression artérielle seront directement proportionnelles au volume éjectionnel. La courbe de pression artérielle est également influencée par les capacités intrinsèques de l’aorte (compliance) et, d’autre part, par le tonus vasculaire. La compliance est fonction de l’âge et du sexe, de la morphologie de l’individu et du degré d’athéromatose de l’aorte. Ces facteurs sont constants, du moins durant la période relativement brève du séjour en réanimation. Par contre, le tonus vasculaire va être influencé par la maladie, justifiant la mise en route d’une investigation hémodynamique, ainsi que par le traitement appliqué (agents vasoactifs). Les divers dispositifs mesurant le débit cardiaque à partir de l’onde de pouls utilisent des algorithmes différents, tenant compte soit de l’entièreté de la courbe (LiDCO™ et FloTrac™), soit uniquement de la partie systolique depuis l’ouverture jusqu’à la fermeture de la valve aortique (PiCCO™ et PRAM™). Théoriquement, l’analyse de la partie systolique seule devrait suffire et serait donc plus fiable. Malheureusement, celle-ci nécessite une détermination précise du point de fermeture de la valve aortique, et l’iden-
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
tification de l’onde dichrote fait parfois défaut. Enfin, quelque soit la technique utilisée, un signal d’excellente qualité doit être obtenu. Notons que ces algorithmes sont sous le couvert de brevets et que nous n’en connaissons souvent que les principes de base. La comparaison des performances des divers algorithmes n'a, à notre connaissance, pas été réalisée.
Faut-il utiliser une technique de calibration indépendante ? Une question essentielle est de savoir s’il faut réaliser une calibration par une mesure indépendante du débit cardiaque. Comme mentionné plus haut, les facteurs influençant l’onde de pouls sont le volume éjectionnel, la compliance aortique et le tonus vasculaire. La calibration par une technique alternative permet de se départir des problèmes liés à la compliance aortique et, pour un temps variable, de l’effet du tonus vasculaire. Dans ce contexte, ces techniques nécessitent une recalibration après un temps variable (toutes les six à huit heures pour le PiCCO™ et toutes les douze heures pour le LiDCO™, selon les recommandations des fabricants respectifs). Il est probable que ces temps doivent être raccourcis en cas de modification importante du tonus vasculaire, suggérée par une modification importante de la situation hémodynamique ou des traitements vasoactifs appliqués. D’autres techniques (FloTrac™ et PRAM™) utilisent des algorithmes permettant de se passer de calibration. Ces algorithmes analysent les caractéristiques de l’onde de pouls et en tirent des informations permettant d’évaluer le tonus vasculaire. L’avantage principal de la calibration est de permettre une mesure précise du débit cardiaque, ce qui est indispensable si on veut appliquer une optimalisation hémodynamique basée sur une valeur « supranormale » de débit cardiaque (goal directed therapy) (1). Cependant, dans beaucoup de circonstances, une valeur déterminée de débit cardiaque n’a qu’une importance relative (mesurer un débit cardiaque à 5 ou à 6 L/min n’est pas fondamentalement différent), ce qui importe plus est de savoir si ce débit cardiaque est adapté aux besoins métaboliques (voir chapitre : Le débit cardiaque est-il adapté ?) et d’évaluer son évolution au fil du temps et sous l’influence des traitements appliqués. Dans ce contexte, la calibration est parfois un handicap, entraînant un déplacement abrupt vers le haut ou vers le bas de la courbe de tendance et compliquant son analyse. Les avantages et désavantages de la calibration sont résumés dans le tableau I.
Dispositifs de mesure utilisant une calibration indépendante Deux techniques de calibration indépendante peuvent actuellement être utilisées : la thermodilution transpulmonaire (PiCCO™) et la dilution au lithium (LiDCO™).
Les autres techniques de mesure du débit cardiaque
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Tableau I – Avantages et désavantages de la calibration par une technique alternative. Avantages de la calibration
Désavantages de la calibration
Permet la mesure précise du débit cardiaque (nécessaire pour une goal directed therapy
Combine l’erreur d’analyse de l’onde de pouls et la technique de référence (débit cardiaque erroné)
Obtention de mesures dérivées (en fonction du type d’indicateur utilisé)
Complexité (nécessité d’au moins deux mesures) Erreurs induites par la recalibration (le suivi des tendances est rendu difficile) Difficulté de définir l’intervalle entre deux recalibrations Main d’œuvre et coûts liés à la recalibration
La technique de thermodilution transpulmonaire (PiCCO™) utilise un cathéter spécifique équipé d’une thermistance, devant être inséré dans une artère de gros calibre (fémorale ou humérale). Les détails de cette technique sont rapportés dans un autre chapitre (La thermodilution transpulmonaire). La dilution au lithium utilise un cathéter artériel normal, positionné indifféremment en fémoral ou radial (2). Une petite quantité de lithium (0,15 à 0,3 mmol) est injectée par une voie veineuse centrale ou périphérique (3), la lithémie étant mesuré en continu en aspirant du sang artériel à l’aide d’une pompe à bas débit et en faisant passer ce sang sur un capteur chimique. Une courbe de dilution du lithium est établie. Cette mesure est très précise car il n’y a pas de bruit de fond, la lithémie étant nulle ou très basse avant injection. Habituellement, deux mesures consécutives sont moyennées, une troisième étant éventuellement ajoutée si elles divergent de plus de 10 %. Cette technique ne peut pas être utilisée chez des patients traités par lithium ou ayant reçu récemment (depuis moins de 30 minutes) un bloquant neuromusculaire. Diverses études ont montré que ces techniques permettent d’obtenir une valeur fiable du débit cardiaque, mesurée soit par débitmètres électromagnétiques (chez l’animal) soit par cathétérisme artériel pulmonaire (chez l’homme). Beaucoup de ces études ont comparé la valeur post-calibration à la mesure de référence (ce qui équivaut donc à la validation de la thermodilution transpulmonaire [4] ou de la dilution au lithium par rapport à la méthode de référence). La validation de la mesure du débit cardiaque sur tracé de l’onde de pouls, à distance de la calibration, peut être plus problématique. Deux études ont validé l’algorithme du PiCCO™ et une celui du LiDCO™ chez le patient de réanimation. Pittmann et al. (5) ont rapporté que la mesure du débit cardiaque à partir de l’onde de pouls (algorithme LiDCO™) gardait un agrément satisfaisant avec la méthode de référence (± 1,5 à 2 L/min) quatre et huit heures après calibration. Goedje et al. ont observé un agrément comparable avec l’algorithme du PiCCO™ (6) chez des patients après chirurgie cardiaque. Bien que considéré satisfaisant par les auteurs, l’agrément est d’environ 30 %. En d’autres termes, la vraie valeur de débit cardiaque se situe dans une four-
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Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
chette de ± 30 % par rapport à la valeur mesurée à l’aide de l’onde de pouls. De plus, dans ces diverses études, le débit cardiaque retenu n’était pas instantané, mais correspondait à la moyenne des valeurs obtenues sur une minute (50 à 100 mesures). La validation du débit cardiaque instantané, battement par battement, reste à faire.
Dispositifs de mesure n’utilisant pas de calibration indépendante ? Deux techniques de mesure du débit cardiaque par analyse de l’onde de pouls sans calibration sont actuellement disponibles : le FloTrac™ et le PRAM™. Ces deux techniques utilisent des algorithmes tenus secrets qui dérivent les informations sur le tonus vasculaire à partir du profil de l’onde de pouls. La compliance aortique est estimée à partir de données morphologiques (poids, taille, sexe, âge). D’allure séduisante, cette approche rencontre cependant plusieurs problèmes. Un premier concerne la détermination du poids du malade, celui-ci n’étant pas toujours connu avec précision chez le malade de réanimation médicale (d’ailleurs, ces techniques ont surtout été validées en phase péri-opératoire, chez des patients dont le poids était connu). Par ailleurs, faut-il tenir compte du poids idéal, du poids habituel, ou du poids actuel (impact des œdèmes ou de la dénutrition) ? Plusieurs arguments suggèrent qu’il faille tenir compte du poids habituel : les études validant ces techniques ont été réalisées chez des patients soumis à une chirurgie programmée, souvent cardiovasculaire, et chez qui le poids mesuré devait être proche du poids habituel. Notons cependant que l’erreur sur le poids du patient affecte la détermination de la valeur absolue du débit cardiaque, mais pas l’évaluation des changements au fil du temps, puisque l’erreur d’un poids erroné reste constante. Un deuxième problème plus important résulte du fait que la compliance est censée rester constante au fil du temps. Les données humaines sont inexistantes dans ce domaine, mais des études expérimentales suggèrent que cela pourrait ne pas être le cas. Cholley et al. (7) ont montré que l’administration d’endotoxine et la réanimation liquidienne augmentent l’épaisseur de la paroi aortique et en diminuent la compliance. L’importance de ces phénomènes sur la précision des mesures de débit cardiaque reste à déterminer. Le tonus vasculaire est évalué par un algorithme spécifique à chacun des dispositifs et dont on ne connaît que les principes généraux. Cet algorithme se base, entre autres, sur le niveau de pression artérielle systolique, diastolique, mais surtout moyenne, en tenant compte également de l’aspect de la courbe. Le problème réside dans le risque de surcompensation lié à des modifications brutales de la pression artérielle (modification du niveau de zéro après manipulation ou mouvements du patient, agitation, bolus médicamenteux, etc.). Cependant, cet effet ne sera que passager (1 à 2 minutes), un nouvel équilibre étant rapidement obtenu.
Les autres techniques de mesure du débit cardiaque
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Ces techniques ont-elles été validées ? Actuellement, les études permettant de valider ces techniques sont encore peu nombreuses. Pour le PRAM™, Romano et al. (8) ont rapporté un agrément de 0,6 L/min.m2 entre le PRAM™ et la thermodilution chez 22 patients soumis à un cathétérisme cardiaque diagnostique. Des résultats similaires (agrément 0,8 L/min) ont été observés après une intervention de chirurgie cardiaque chez 32 malades (9). Concernant le FloTrac™, McGee et al. (10) ont étudié 36 patients de réanimation, la plupart en situation post-opératoire, et ont observé un agrément de 2,2 L/min entre le FloTrac™ et la thermodilution intermittente. Ces données ne sont pas encore publiées et ne sont disponibles que sous forme de résumé (10).
Un mot de prudence concernant la validation des diverses techniques Dans toutes les études, le biais était négligeable (inférieur à 0,5 L/min) signant donc l’absence de sur ou sousestimation systématique. La variabilité était par contre plus importante, rendant l’interprétation d’une valeur de débit cardiaque parfois délicate. Cette variabilité peut en partie être due à la thermodilution, mais des agréments similaires ont été observés avec d’autres techniques, en particulier dans des études expérimentales. Dans l’ensemble, la validation de ces diverses techniques (PiCCO™, LiDCO™, PRAM™ et FloTrac™) repose encore sur un nombre trop limité d’études. Dans la plupart des cas, un petit nombre de malades a été inclus, souvent en per- et postopératoire de chirurgie cardio-vasculaire. La validation externe de ces études est mise en question. Il convient donc d’être particulièrement prudent lorsque ces techniques sont utilisées chez des malades présentant des anomalies sévères du tonus vasculaire, comme au cours du choc septique, ou lorsque des valeurs extrêmes de débit cardiaque sont observées. Enfin, retenons que la validation concernait l’algorithme de calcul spécifique utilisé dans la version spécifique utilisée par l’investigateur au moment de l’étude ; la plupart des fabricants modifient légèrement l’algorithme dans des versions ultérieures et ceci pourrait éventuellement en affecter les performances. Souvent ces algorithmes modifiés ne sont pas validés dans de nouvelles études systématiques.
Analyse des gaz expirés L’analyse des gaz expirés permet de mesurer le débit cardiaque à partir de l’équation de Fick. Cependant, cela nécessite la mesure de la saturation veineuse en oxygène, et donc la pose d’un cathéter artériel pulmonaire. C’est pourquoi cette technique n’est guère utilisée. Cependant, l’équation de Fick
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peut également être appliqué au CO2 (VCO2 = DC x (CvCO2 – CaCO2)). Le NICO™ est une méthode qui utilise ce principe et évite ingénieusement de mesurer le contenu veineux en CO2 grâce à l’interposition intermittente d’un espace mort supplémentaire (11). L’agrément avec la thermodilution semble satisfaisant chez des patients ne présentant pas un haut débit cardiaque et ne respirant pas spontanément (11). Cette technique ne peut pas être appliquée chez des patients ne pouvant tolérer une augmentation de la PaCO2 (hypertension intracrânienne). Enfin, cette mesure peut-être affectée par un shunt pulmonaire ou un espace mort alvéolaire important, deux conditions souvent rencontrées chez les malades de réanimation. Cette technique semble donc plus indiquée en salle d’opération qu’en réanimation.
Bio-impédance La bio-impédance est basée sur le fait que le courant électrique est conduit préférentiellement par les fluides. En appliquant un très faible courant électrique au travers du thorax, on peut calculer les variations d’impédance survenant au cours du cycle cardiaque, celles-ci seront proportionnelles au volume éjecté (12). Divers dispositifs ont été développés, l’agrément étant habituellement de l’ordre de 20 % (1 L/min) par rapport à la thermodilution (13). Cependant, cette technologie, qui a été développée depuis une quarantaine d’années (12), n’a jamais vraiment été très populaire en réanimation. Une des raisons de cet insuccès réside probablement dans le manque de fiabilité de cette technique en présence d’une augmentation de l’eau extravasculaire pulmonaire (14).
Conclusion Diverses techniques permettent de déterminer le débit cardiaque à partir de l’analyse de l’onde de pouls, avec ou sans nécessité de calibration par une méthode indépendante. Les études de validation montrent dans l’ensemble des résultats satisfaisants, quelle que soit la technique utilisée. Cependant, ces études de validation restent encore fort peu nombreuses et souvent centrées sur la période péri-opératoire. Au stade actuel, il est difficile de définir la supériorité d’une méthode par rapport aux autres.
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Le Doppler œsophagien X. Monnet et A. Cariou
Introduction et historique Concernant la mesure et la surveillance continue du débit cardiaque chez les patients d’anesthésie et de réanimation, les méthodes considérées comme non ou peu invasives ont désormais pris une place importante. Parmi ces méthodes, l’utilisation des ultrasons permet la mesure du débit cardiaque de deux manières différentes : – la première consiste à estimer les volumes ventriculaires télédiastoliques et télésystoliques, afin d’en déduire la valeur du volume d’éjection systolique. C’est cette approche qui permet une détermination ponctuelle et précise du débit cardiaque au cours d’un examen échocardiographique (1) ; – la seconde exploite les capacités de l’effet Doppler à mesurer la vélocité sanguine à travers une surface vasculaire ou valvulaire, afin d’en déduire le débit à ce niveau. Elle nécessite l’intégration de deux informations (surface et vélocité) et peut devenir une source de monitorage lorsque ces deux paramètres font l’objet d’une surveillance continue. Le Doppler œsophagien utilise cette seconde approche en l’appliquant à la mesure du débit aortique. La technique nécessite donc l’intégration de deux variables : surface aortique et vélocité sanguine. Historiquement, les premières mesures du débit aortique destinées à estimer le débit cardiaque global ont été réalisées par Huntsman et al. qui ont mesuré le flux aortique ascendant par voie suprasternale dès 1975 (2). Ces auteurs utilisaient un capteur ultrasonore transcutané, positionné dans le creux suprasternal et orienté manuellement jusqu’à obtention du signal correspondant à la détection du flux aortique ascendant. Cette méthode, qui permettait de mesurer le débit cardiaque global avec une précision acceptable (3), a cependant été abandonnée en raison des difficultés d’emploi inhérentes à la technique (difficultés de maintien du capteur en place, impossibilité de surveillance continue prolongée) au profit d’une technique développée parallèlement, permettant la mesure et la surveillance du débit aortique descendant. L’utilisation de la voie œsophagienne destinée à faciliter la mesure des flux aortiques a été décrite par Side et Gossling en 1971 (4) et la technique a été
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ultérieurement améliorée par Olson et Cooke (5). La miniaturisation des capteurs et leur intégration à l’extrémité d’une sonde de calibre réduit introduite dans l’œsophage, au contact permanent et stable de l’aorte descendante, permettait en effet de recueillir les paramètres nécessaires au calcul du débit à ce niveau, moyennant la prise en compte par le système de quelques approximations (6). L’utilisation en pratique clinique de ce type de système a été ultérieurement popularisée par l’équipe de Singer qui a été la première à décrire les différents « profils » d’anomalies circulatoires qui pouvaient être enregistrées à l’aide du Doppler œsophagien chez des patients de réanimation (7, 8). Il faut souligner que le type de système utilisé n’avait pas la capacité à mesurer le diamètre aortique (cf. infra). Avec ce type d’appareillage, la surface aortique, deuxième composante majeure du calcul de débit, est simplement estimée à l’aide d’abaques prenant en considération des variables physiologiques (âge, poids, taille). Muchada et al. ont comparé les diamètres aortiques prédits par ce type de nomogrammes aux diamètres aortiques réels obtenus par tomodensitométrie chez 100 patients (9). Ces auteurs ont hélas mis en évidence une faible corrélation entre les deux techniques, source potentielle d’une imprécision importante dans l’estimation du débit aortique par ce type de Doppler œsophagien (10). Afin de remédier à cette limitation, un système intégrant sur une même sonde œsophagienne deux capteurs, l’un permettant le recueil de vélocité à l’aide du Doppler, et l’autre mesurant le diamètre aortique réel (et ses variations), a été ensuite mis au point et développé pour une utilisation clinique. Cette dernière génération de Doppler œsophagien, initialement commercialisée sous l’appellation Dynemo 3000™ (Sometec, Lyon, France), est actuellement exploitée sous l’appellation Hemosonic 100™ (Arrow International, Reading, PA, États-Unis).
Aspects techniques Principes de fonctionnement Le but du Doppler œsophagien est de mesurer le débit sanguin dans l'aorte thoracique descendante. Cette technique utilise la proximité anatomique de l'aorte et de l'œsophage, structures qui sont contiguës et parallèles sur au moins quelques centimètres de leur parcours médiastinal postérieur (6). La mesure Doppler se fait au moyen d'une sonde flexible introduite dans l'œsophage et équipée à son extrémité d'un ou plusieurs émetteurs-capteurs Doppler (fig. 1). La vitesse du sang dans l'aorte thoracique descendante est mesurée par un émetteur-capteur (signal Doppler continu à 4 MHz ou signal Doppler pulsé à 5 Mhz, selon les constructeurs), selon le principe général de l'effet Doppler. La mesure de la vitesse sanguine dans le vaisseau par un fais-
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Fig. 1 – Différents profils de flux sanguins pouvant être obtenus par le Doppler œsophagien et permettant de positionner la sonde œsophagienne pour enregistrer le flux aortique descendant.
ceau Doppler linéaire repose sur quelques hypothèses hémodynamiques et géométriques : – la direction du flux sanguin doit être essentiellement axiale, avec une faible composante radiale, ce qui est vrai pendant la phase systolique rapide du flux ; – le profil des vitesses sanguines est supposé plat dans cette partie de l'aorte thoracique, ce qui n'est pas absolument exact (6) et qui peut entraîner une surestimation du débit par la technique Doppler ; – l'aorte thoracique descendante est considérée comme étant un vaisseau de section circulaire. Simultanément à la mesure de la vitesse, le calcul du débit sanguin dans l'aorte thoracique descendante nécessite l'estimation de la surface, c'est-à-dire du diamètre du vaisseau au niveau où la vitesse est mesurée. Comme détaillé plus haut, cette estimation se fait selon deux principes différents : soit il s'agit d'une mesure effective du diamètre par un deuxième émetteur-capteur échographique (10 MHz) situé à l'extrémité de la sonde (11), soit il s'agit d'une estimation faite à partir d'abaques prenant en compte l'âge et la morphologie du sujet (7).
Utilisation pratique Mise en place Il existe actuellement sur le marché deux catégories de sondes, qui se différencient essentiellement par leur caractère réutilisable ou non. Les sondes réutilisables (Hemosonic 100™) doivent au préalable faire l’objet d’une décon-
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tamination selon un procédé ad hoc, en pratique similaire à celui employé pour tous les systèmes d’écho-endoscopie. De plus, ces sondes réutilisables doivent être recouvertes avant insertion par une gaine de protection adaptée. À l’inverse, les sondes à usage unique peuvent être insérées sans préparation préalable. Quel que soit le type de sonde utilisée, leur calibre externe est grossièrement similaire à celui d’une sonde gastrique (7 mm à titre d’exemple pour la sonde de l’Hemosonic 100™) et la mise en place, très simple par voie orale, peut également se faire par voie nasale. La taille actuelle des sondes explique le caractère « semi-invasif » de ce type de matériel, qui ne peut être employé que chez les malades sous ventilation mécanique et requiert parfois une sédation légère lors de l’insertion. Enfin, lorsque la sonde doit être laissée en place et que la voie d'insertion orale est utilisée, il est nécessaire d’employer un système permettant d’éviter des lésions de morsures (« cale-dent » ou système apparenté). Après insertion, le bon positionnement de la sonde repose sur l’analyse de la profondeur d’insertion œsophagienne et de la qualité du signal obtenu à l’écran. La profondeur d’insertion qui sera nécessaire peut être estimée à l’avance en mesurant la distance qui sépare les arcades dentaires du patient de la région située entre le 3e et le 5e espace intercostal. Les sondes sont pourvues de repères gradués qui facilitent ce repérage. Lorsque la distance théorique est atteinte, l’analyse du signal obtenu à l’écran permet d’achever la mise place. Cette analyse porte essentiellement sur l’aspect de la courbe de vélocité Doppler. Celle-ci doit correspondre à un flux de type artériel, dont la vélocité maximale atteint habituellement 60 à 100 cm/s chez l’adulte. La forme de l’enveloppe de vélocité aortique ne doit pas être confondue avec celle d’un flux veineux ou intra-cardiaque (fig. 2). Ces différentes caractéristiques doivent être réunies et optimisées par un raffinement du positionnement, obtenu par rotation axiale et/ou modification progressive de la profondeur d’insertion. Le signal Doppler est de qualité optimale lorsque la plus grande vélocité est obtenue de manière stable, Fig. 2 – Schéma résumant la technique de calcul du débit sanguin dans l'aorte thoracique descendante par le Doppler œsophagien à partir de la vitesse aortique (mesurée) et du diamètre aortique (mesuré ou estimé à partir d'abaques selon le système utilisé).
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correspondant à une enveloppe de flux de type artériel. La sonde du système Hemosonic 100™, outre son caractère réutilisable, offre un paramètre supplémentaire de contrôle de qualité en terme de mise en place grâce à la visualisation directe des parois aortiques proximale et distale. Avec ce système, la concordance du plus grand diamètre aortique et de la meilleure enveloppe Doppler permet en théorie de s’assurer d’une mesure de débit aortique optimisée. Lorsque le signal obtenu est jugé satisfaisant, l’analyse et le monitorage peuvent débuter. La stabilisation de la sonde est alors sécurisée à l’aide des systèmes prévus à cet effet (bras articulé).
Limites d’emploi et contre-indications Les caractéristiques techniques de ces systèmes expliquent que certaines situations prédisposent à des difficultés, voire à une impossibilité d’emploi : – toute pathologie œsophagienne (tumeur, varices œsophagiennes, œsophagite, malformations…) constitue a priori une contre-indication qui ne pourra être levée qu’après un examen endoscopique ; – en cas d’obésité importante, il est souvent difficile d’obtenir un signal de qualité suffisante ; – l’inconfort provoqué par la présence de la sonde est généralement incompatible avec sa mise en place chez un patient non sédaté et/ou non ventilé artificiellement ; – une irrégularité importante du rythme cardiaque, lorsqu’elle est associée à une fréquence cardiaque rapide, génère le plus souvent des difficultés d’analyse qui perturbent la surveillance et mettent en défaut la qualité de la mesure. La présence d’une sonde gastrique ne constitue pas une contre-indication à la mise en place d’un Doppler œsophagien. Son maintien en place est le plus souvent possible et n’entraîne pas de gêne supplémentaire dans la majorité des situations. En dépit de l’emploi des systèmes qui stabilisent la sonde (fournis par les constructeurs), la surveillance continue du débit aortique est souvent perturbée par des nécessités de repositionnement de la sonde, le plus souvent en raison de mouvements indésirables du capteur. C’est le cas en particulier chez les patients non sédatés (mouvements spontanés) ou lors des soins (déplacement du patient par le personnel). Il faut cependant retenir que ces repositionnements sont le plus souvent limités à des déplacements minimes du capteur et Tableau I – Limites d’emploi et contre-indications du Doppler œsophagien. Limites d’emploi • Obésité importante • Déformation thoracique • Arythmie rapide • Absence de sédation
Contre-indications • CI absolue : pathologie œsophagienne • CI relative : trouble de l’hémostase sévère
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qu’ils sont aisés à réaliser. A cet égard, la sonde de l’appareil Hemosonic 100™ est dotée d’un système co-axial qui permet d’effectuer une rotation des capteurs distaux sans provoquer de rotation de la gaine externe, facilitant le repositionnement tout en limitant l’inconfort qu’il provoque.
Utilisation en pédiatrie L’emploi des systèmes de monitorage hémodynamique est très souvent limité chez le petit enfant, essentiellement en raison de leur inadéquation en terme de taille. De plus, l’innocuité de ces systèmes a rarement été étudiée au sein de la population pédiatrique. C’est le cas en particulier pour le cathétérisme artériel pulmonaire. L’échocardiographie offre une possibilité d’évaluation ponctuelle de l’état hémodynamique mais ne permet pas une surveillance continue. En revanche, l’emploi de sondes œsophagiennes de petit calibre (5,1 mm de diamètre externe pour la sonde pédiatrique fournie avec le système Hemosonic 100™) permet l’utilisation du Doppler œsophagien dans la population pédiatrique avec des résultats satisfaisants (12-14).
Apprentissage et reproductibilité des mesures L’expérience requise pour obtenir un signal correct est relativement faible (au regard d’autres techniques de monitorage hémodynamique) et la méthode est jugée simple et facile à employer par la plupart des utilisateurs (15, 16). Ainsi, Lefrant et al. ont montré qu’une période d’entraînement correspondant à douze mises en place par un même opérateur permettait d’obtenir une mesure de débit aortique fiable (17).
Systèmes actuellement disponibles Deux catégories de Doppler œsophagien sont actuellement disponibles dans le commerce. Ils se distinguent par la méthode de mesure du diamètre de l'aorte thoracique descendante et par le caractère réutilisable ou non de la sonde. Le système CardioQ™ (Deltex Medical, Chichester, Royaume-Uni), dont la sonde est à usage unique, estime le diamètre à partir d'abaques et considère ainsi le diamètre du vaisseau constant chez un même patient (7). Le système Hemosonic 100™ mesure effectivement le diamètre aortique grâce à un capteur échographique situé à l’extrémité de sa sonde qui est réutilisable. Cette mesure de diamètre aortique, qui apparaît fiable (18), pourrait constituer un avantage en terme de précision lorsque des variations de ce diamètre sont susceptibles de survenir chez un même patient, par exemple sous l’effet de certains traitements.
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Paramètres hémodynamiques fournis par le Doppler œsophagien L'analyse automatique de la courbe de vélocité et l'estimation du diamètre aortique permettent d'obtenir plusieurs paramètres qui décrivent l'état hémodynamique (tableau II). Tableau II – Valeurs habituellement observées des indices hémodynamiques fournis par le Doppler œsophagien. Débit aortique Vitesse aortique maximale Accélération aortique moyenne Temps d’éjection aortique Diamètre aortique
2,8-5,6 L/min 60-100 cm/s 8-16 m/s2 350-450 ms 20-28 mm
Débit aortique descendant et débit cardiaque Mode de calcul Le débit sanguin dans l'aorte thoracique descendante (Dao) est calculé à partir de la vitesse aortique (Vao) et de la surface aortique (Sao) selon la formule : Dao = Sao . ∫Vao(t) . dt Le débit cardiaque est estimé à partir du débit dans l'aorte thoracique descendante en faisant l'hypothèse que le débit aortique descendant représente 70 % du débit cardiaque (11), tandis que 30 % du débit systémique sont destinés aux membres supérieurs, à la tête et au cou. On suppose ainsi que cette répartition du débit cardiaque reste fixe dans le temps.
Validation De nombreuses études cliniques ont comparé l'estimation du débit cardiaque par le Doppler œsophagien à la mesure effectuée par thermodilution, considérée comme technique de référence (7, 8, 17, 19-26). Il ressort de l'ensemble de ces études que la mesure du débit cardiaque par le Doppler œsophagien est fiable, avec un biais faible mais des limites d'agrément parfois amples (27). Cariou et al. ont mesuré simultanément le débit aortique descendant par Doppler œsophagien et le débit cardiaque par thermodilution pour suivre les modifications induites par l'administration de dobutamine, observant que les changements des deux variables étaient parfaitement parallèles (18). Cette étude démontre que les effets d'un traitement sur le débit aortique, mesuré effectivement par le Doppler œsophagien, peuvent être assimilés aux effets supposés de ce traitement sur le débit à la sortie de la cavité ventriculaire gauche. D'autres études ont pu démontrer que la technique permettait de
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suivre les changements de débit cardiaque induits par diverses interventions thérapeutiques (23, 25, 28, 29), confirmant ainsi sa fiabilité pour monitorer le débit cardiaque.
Problèmes méthodologiques posés par la mesure du débit cardiaque La méthode utilisée pour mesurer le débit cardiaque par Doppler œsophagien soulève deux questions. La première concerne l'estimation du diamètre aortique. En effet, estimer le diamètre aortique descendant à partir d'abaques, comme le fait le système CardioQ™, permet de s'affranchir de l'erreur de mesure du diamètre, erreur portée au carré lors du calcul du débit (30). Cependant, la mesure du diamètre aortique s'est avérée fiable en comparaison de celle faite par échocardiographie transœsophagienne (18). De plus, le diamètre de l'aorte thoracique descendante varie physiologiquement avec la pression artérielle moyenne (31). Par conséquent, lorsque la pression artérielle connaît d'amples variations – comme c’est le cas lors d'interventions thérapeutiques –, considérer le diamètre aortique comme constant pourrait conduire à une sous-estimation des variations effectives du débit aortique descendant. Ainsi, la réponse du débit aortique à une épreuve de remplissage vasculaire est moins marquée si le diamètre est considéré comme constant que si ses variations sont prises en compte (31). La mesure du diamètre aortique semble améliorer la précision de la surveillance continue, surtout dans les situations où la pression artérielle connaît d'amples variations (31), ce qui est souvent le cas au cours de la réanimation des états de choc. Par ailleurs, l'estimation du débit cardiaque à partir du débit aortique descendant suppose un rapport constant entre ces deux variables. Pourtant, la répartition du débit cardiaque entre territoires artériels supérieurs et inférieurs varie, notamment avec les modifications du tonus sympathique. Il faut souligner néanmoins que la surveillance continue du débit sanguin destiné à la partie inférieure de l'organisme possède une importance majeure, puisque c'est de ce débit que dépend la perfusion d'organes vitaux tels les reins et le territoire splanchnique.
Durée d'éjection aortique Par analogie avec la durée de l'éjection ventriculaire gauche (à laquelle elle est assimilée), et dès lors qu'elle est corrigée par la fréquence cardiaque, la durée de la phase éjectionnelle du signal de vélocité (fig. 3) (flow time, FT, ou left ventricular ejection time, LVET) peut être considérée comme un marqueur de la précharge ventriculaire gauche à laquelle elle est directement corrélée. Il a en effet été démontré que la durée d'éjection aortique augmentait lors de l'admi-
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nistration d'un remplissage vasculaire (8, 16). La valeur de cette variable pour refléter la postcharge ventriculaire gauche demeure plus débattue (32).
Accélération moyenne et vélocité maximale L'accélération moyenne et la vitesse maximale de flux sanguin aortique sont considérées comme des indices reflétant la contractilité ventriculaire gauche (fig. 3). La valeur absolue de ces indices augmente en effet avec l'administration de dobutamine et diminue avec l'administration d'esmolol chez des volontaires sains (8). Cependant, peu d'études se sont consacrées à l'évaluation clinique de ces paramètres qui sont probablement également influencés par les conditions de charge ventriculaire gauche. Ainsi, il a été observé que la vitesse maximale subissait des variations marquées lorsque la précharge ventriculaire gauche se modifiait (7, 8).
Fig. 3 – Différents paramètres de la courbe de vitesse aortique mesurés par l'appareil de monitorage par Doppler œsophagien.
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Utilisation clinique Monitorage du débit cardiaque Cette technique permet une estimation fiable du volume d'éjection systolique battement par battement (16), ce qui permet de juger rapidement des effets d'un traitement à visée hémodynamique, contrairement par exemple à la mesure automatique semi-continue fournie par la thermodilution dont le temps de réponse est bien plus lent (33). La mobilité de la sonde dans l'œsophage, qui conduit à la perte du signal de vitesse et de diamètre aortique, constitue l’un des inconvénients de la technique Doppler. Ce problème se pose peu lors de la surveillance per-opératoire, puisque le patient est immobile, mais de façon plus fréquente en réanimation. Signalons cependant que la sonde œsophagienne peut facilement être maintenue en place pendant 20 à 30 minutes, c'est-à-dire pendant le temps qui convient généralement pour juger des effets d'un traitement hémodynamique tel que l’administration d'un remplissage vasculaire, l’instauration ou l’arrêt d'une substance vasoactive (11).
Prédiction de la réponse au remplissage vasculaire C'est particulièrement dans sa capacité à prédire et à mesurer l’effet du remplissage vasculaire que le monitorage par Doppler œsophagien a montré son utilité pour la pratique clinique (16, 34). Chez les patients parfaitement adaptés à leur ventilateur, le Doppler œsophagien permet de prédire la réponse à l'expansion volémique par une approche dynamique qui consiste à analyser la variabilité respiratoire du débit aortique. Ceci n'est permis que parce que la technique estime le volume d'éjection systolique battement par battement, particularité qui représente un avantage incontestable. Slama et al. avaient montré que la spoliation sanguine provoquée chez des lapins ventilés artificiellement augmentait la variabilité respiratoire du signal de vitesse aortique et que cette variabilité se réduisait jusqu'à sa valeur de base après restitution du volume sanguin spolié (35). Chez des patients de réanimation en insuffisance circulatoire aiguë ventilés artificiellement, Monnet et al. ont montré qu’une variabilité respiratoire du débit aortique descendant supérieure à 18 % permettait de prédire avec une excellente fiabilité une augmentation de débit aortique descendant supérieure à 15 % après expansion volémique (16). Cependant, la prédiction de la réponse à l'expansion volémique par la variabilité respiratoire des signaux hémodynamiques n'est valable que si le rythme cardiaque est sinusal et si le patient est parfaitement adapté à son ventilateur, ce qui nécessite éventuellement une sédation profonde. Ainsi, la variabilité respiratoire du débit aortique descendant mesuré par Doppler œsophagien perd sa valeur prédictive de l’efficacité de l’expansion volémique si ces condi-
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tions ne sont pas respectées (36). Le lever de jambes passif peut alors représenter une alternative séduisante. En déplaçant le sang veineux des membres inférieurs vers le compartiment intra-thoracique, cette manœuvre réalise une « auto-épreuve de remplissage » réversible. Parce qu'il apprécie les changements de débit instantanément, le Doppler œsophagien permet d’évaluer en temps réel les effets hémodynamiques du lever de jambes passif (36, 37). Une augmentation du débit aortique de plus de 10 % lors de cette manœuvre posturale permet de prédire la réponse à l'expansion volémique chez des patients de réanimation avec d'excellentes sensibilité et spécificité, et ce y compris chez les patients présentant une activité respiratoire spontanée sous ventilation artificielle et/ou une arythmie cardiaque (36). Enfin, la durée d'éjection aortique pourrait être théoriquement considérée comme un indicateur de la précharge ventriculaire gauche incitant, lorsqu'elle est basse, à administrer une expansion volémique. Néanmoins, cette variable souffre des limites propres à tous les marqueurs « statiques » de la précharge cardiaque, c'est-à-dire qu'une valeur donnée de durée d'éjection aortique ne permet pas de prédire si le cœur travaille sur la portion de précharge-dépendance ou de précharge-indépendance de la relation de Frank-Starling (38). Il a en effet été démontré que cet indice ne permet pas une prédiction correcte de la réponse hémodynamique à l'expansion volémique chez des patients de réanimation (16, 37). Cependant, à l'instar d'autres critères statiques de précharge (39), des valeurs très faibles de durée d'éjection aortique pourraient permettre cette prédiction, même si le seuil définissant ces valeurs n'est pas clairement déterminé.
Monitorage péri-opératoire Plusieurs études ont démontré l'impact positif du monitorage péri-opératoire par Doppler œsophagien sur le pronostic d'une population diverse de patients chirurgicaux. Mythen et al. ont ainsi rapporté qu'un protocole thérapeutique fondé sur une épreuve de remplissage vasculaire monitorée par le débit aortique améliorait la perfusion muqueuse intestinale, diminuait les complications majeures et réduisait la durée d'hospitalisation de patients de chirurgie cardiaque (40). Lors du traitement chirurgical de fractures de hanche, Sinclair et al. utilisaient un protocole de traitement hémodynamique fondé essentiellement sur des épreuves répétées de remplissage vasculaire guidées par le FT corrigé pour la fréquence cardiaque, considéré comme indicateur de précharge cardiaque, pour guider le traitement hémodynamique (41). Ce protocole diminuait la durée de séjour hospitalier en comparaison avec les patients traités conventionnellement. D'autres études ont obtenu par la suite des résultats similaires (42-44). Le bénéfice démontré par ces études, le caractère très peu invasif de la méthode, la facilité et la rapidité de mise en place du monitorage ont probablement contribué à sa popularisation dans le cadre du bloc opératoire.
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Conclusion La fiabilité, la simplicité et le caractère peu invasif du Doppler œsophagien constituent ses atouts principaux, qui expliquent la généralisation de son emploi en situation d’anesthésie et de réanimation. Les travaux les plus récents ont montré qu’il constituait un outil très complet, capable d’offrir non seulement une surveillance continue du débit cardiaque, mais également une aide à la décision thérapeutique, par exemple pour guider le remplissage vasculaire en situation critique. Les progrès techniques à venir, notamment dans le domaine de la miniaturisation des sondes et de l’amélioration des performances d’acquisition du signal, permettent d’envisager une utilisation encore plus large de ce type de système.
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L'échocardiographie transthoracique et transœsophagienne B. Cholley et M. Slama
Introduction Parmi les outils dont le réanimateur dispose pour évaluer et surveiller le système cardiovasculaire des patients, l'échocardiographie est sans doute l’un des plus intéressants non seulement en raison de son caractère non invasif, mais surtout par la richesse des informations anatomiques et fonctionnelles fournies. Toutefois, la finesse et la fiabilité de l'analyse échographique sont très dépendantes de l'opérateur qui effectue l'examen, ce qui constitue une limite de la technique. De plus, la répétition des examens à but de monitorage n'est pas toujours possible quand l'observateur compétent n'est pas disponible. De ce fait, l'échocardiographie est plus souvent utilisée comme outil de diagnostic que comme outil de monitorage. Enfin, contrairement au cathéter artériel pulmonaire qui peut mesurer la saturation veineuse en oxygène, l'échocardiographie ne fournit aucune indication métabolique et ne peut donc pas préjuger du caractère adéquat ou non de l'état circulatoire d'un patient à un instant donné. Si l'échocardiographie peut apporter en réanimation toutes les informations qu’elle fournit couramment en milieu cardiologique (1), l'utilisation pratique qui en est faite est finalement assez différente, centrée sur le problème du diagnostic et du monitorage des patients en défaillance circulatoire. Le but du présent chapitre est donc de décrire la place de l'échocardiographie en milieu de réanimation par rapport aux autres outils de monitorage hémodynamique. Nous parlerons plus spécifiquement de l'apport de l'échocardiographie dans le diagnostic des états de choc, pour monitorer le débit cardiaque, et pour estimer les gradients de pression intra-cardiaques.
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Apport de l'échocardiographie en milieu de réanimation L'étude du système cardiovasculaire est un élément capital de l'évaluation du patient de réanimation. Non seulement ce système est très souvent au premier rang des « organes défaillants » des patients de réanimation, mais son dysfonctionnement conditionne potentiellement la défaillance des autres organes dont il assure la perfusion. L’étude anatomique et fonctionnelle du cœur et des gros vaisseaux (aorte, veines caves) est d'un apport considérable. La vélocimétrie Doppler renseigne sur les gradients de pression régnant autour de la zone où l'on enregistre la vitesse du flux, ce qui permet, par exemple, d'estimer la pression dans l'artère pulmonaire ou de savoir si la pression dans l'oreillette gauche est très élevée. La mesure du débit cardiaque, qui quantifie la performance globale du système cardiovasculaire, est aisément accessible par échocardiographie. Des mesures répétées permettent donc de suivre l’évolution au cours du temps ou la réponse à une intervention thérapeutique. Mais la raison majeure qui justifie la présence d'un échographe dans une unité de réanimation est son apport pour établir rapidement le diagnostic étiologique d'un état de choc.
Diagnostic des états de chocs L'état de choc représente une cause majeure d'admission en service de réanimation. Le pronostic vital est en jeu si la perfusion tissulaire n'est pas rapidement restaurée et l'anomalie causale corrigée. La démarche diagnostique n’est pas toujours simple car la présentation clinique peut être trompeuse, notamment quand plusieurs causes de choc coexistent (cardiopathie, sepsis, hypovolémie ou vasoplégie). De fait, les estimations hémodynamiques basées sur la clinique seule sont souvent inexactes, même quand elles sont faites par des experts (2, 3). Dans ce contexte, l'échocardiographie est progressivement devenue l’outil de première intention en réanimation car il a été démontré que son apport diagnostique influence fréquemment la prise en charge des patients (4-11). En présence d'un état de choc, l'échocardiographie permet d'orienter rapidement le diagnostic en cause, que celui-ci soit cardiaque par atteinte myocardique, valvulaire ou péricardique, ou extra cardiaque par embolie pulmonaire, hypovolémie ou vasoplégie (7).
États de choc cardiogénique par atteinte ventriculaire Ischémie La cause la plus fréquente de choc cardiogénique est l'infarctus du myocarde La valeur diagnostique de l'échographie en contexte d'ischémie est bien établie (12-15). Elle permet d’authentifier l’altération segmentaire de la cinétique
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pariétale dans le territoire coronaire occlus comme dans les zones adjacentes et/ou de détecter les complications mécaniques secondaires (rupture septale ou de paroi libre, rupture de pilier / cordage mitral ou tricuspide) et in fine de poser l'indication chirurgicale dans les meilleurs délais (16, 17).
Traumatisme Les atteintes myocardiques au décours de traumatismes pénétrants ou fermés du thorax s'accompagnent parfois d’emblée d’un choc, mais peuvent passer inaperçues initialement et se révéler secondairement de façon cataclysmique. L'échocardiographie systématique de tous les polytraumatisés et de toutes les plaies thoraco-abdominales à la recherche de lésion du cœur et des gros vaisseaux est une étape indispensable du bilan d'arrivée du blessé (18-21).
Sepsis L'atteinte myocardique au cours du choc septique est quasiment constante, mais son expression est très variable. Elle est rarement au premier plan et peut alors être responsable d'un authentique choc cardiogénique qui nécessite une prise en charge spécifique (22-24). La dysfonction cardiaque est le plus souvent globale mais peut se présenter comme une atteinte segmentaire (25), elle peut intéresser la fonction systolique et diastolique des deux ventricules et se démasquer ou s'aggraver au cours de l'évolution du sepsis (26-28). L'échographie est donc un outil de surveillance très utile en contexte de choc septique (29).
Autres causes De nombreuses causes d'atteintes myocardiques peuvent être responsables d'état de choc en réanimation : il peut s'agir d'atteintes primitives (cardiomyopathie évoluée) ou secondaires à des intoxications (bêta-bloquants, anti-arythmiques, antagonistes calciques, carbamates, etc.) ou à des anomalies métaboliques profondes (hypophosphorémie, hypocalcémie). L'échocardiographie, tout en confirmant l'origine cardiogénique du choc, aura l'intérêt d'éliminer une cause ischémique en affirmant le caractère global et non segmentaire de l'hypokinésie.
États de choc cardiogénique par atteinte extraventriculaire Tamponnade L'échographie est l'outil de première intention pour rechercher un épanchement péricardique et diagnostiquer un choc dû à une tamponnade dont la présentation clinique peut être trompeuse (30). Le diagnostic d'épanchement
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peut être très simple par échocardiographie transthoracique quand il s'agit d'un épanchement liquidien de la grande cavité péricardique avec un aspect de swinging heart dû aux mouvements exacerbés du cœur flottant librement dans le péricarde. Affirmer la tamponnade nécessite de rechercher l'existence d'un collapsus de l'oreillette droite ou du ventricule droit en diastole, des variations respiratoires de la taille du ventricule droit et du flux tricuspide, et une congestion de la veine cave inférieure qui est dilatée et dont le diamètre ne fluctue plus avec l'inspiration en ventilation spontanée (31). En période postopératoire de chirurgie cardiaque, le diagnostic est parfois difficile lorsque la tamponnade est liée à la présence d'un thrombus rétro-auriculaire (droit le plus souvent), se constituant dans les heures qui suivent la fin de l’intervention. L'approche transœsophagienne est alors la plus performante pour reconnaître la cause de l’état de choc car les anomalies sont difficilement mises en évidence par voie transthoracique (32).
Embolie pulmonaire Les signes échocardiographiques d'embolie pulmonaire sont avant tout indirects et leur intensité dépend du degré d'obstruction du lit vasculaire pulmonaire. Les pressions s'élèvent dans l'artère pulmonaire quand le débit cardiaque n'est pas effondré, le ventricule droit se dilate alors que sa fonction systolique s'altère au prorata de l'augmentation de sa post-charge (fig. 1). Le septum interventriculaire s'aplatit et refoule le ventricule gauche dont il gêne
Fig. 1 – Exemple de dilatation des cavités droites. Le rapport de la surface télédiastolique du ventricule droit sur celle du ventricule gauche est supérieur à 1 (normale inférieur à 0,8).
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le remplissage (33, 34). La dysfonction gauche qui en résulte peut à son tour retentir sur le ventricule droit si la pression de perfusion coronaire vient à baisser. La visualisation de thrombus dans les troncs artériels pulmonaires proximaux est uniquement accessible par voie transœsophagienne et est rarement retrouvée. En revanche, sa présence est spécifique d'embolie massive (33, 35). La découverte d'un cœur pulmonaire aigu chez un patient choqué n'ayant pas d'antécédent pulmonaire ou cardiaque droit est pathognomonique d'embolie pulmonaire et autorise la mise en route d'un traitement sans recourir au scanner ou à l'angiographie, tous deux très dangereux à réaliser lors de la phase aiguë de l'état de choc (36).
Valvulopathies Les lésions valvulaires dégénératives ou infectieuses intéressant les valves natives ou prothétiques sont susceptibles d'entraîner des états de choc d'autant plus facilement que leur installation est brutale et qu'elles touchent les valves aortiques ou mitrales. L'échocardiographie est l'outil électif pour étudier les valves cardiaques, dont elle précise la morphologie et la fonctionnalité en mesurant la vélocité sanguine transvalvulaire grâce au Doppler. Ceci permet de détecter l'existence de flux anormaux (jet régurgitant) mais aussi de préciser le régime de pression qui existe de part et d'autre de l'orifice valvulaire, grâce au principe de Bernouilli. La voie transœsophagienne est indispensable pour l'étude du versant auriculaire des valves (prothétiques notamment), elle permet de détecter les fuites paraprothétiques et les désinsertions, les thrombus intraauriculaires ou intraprothétiques, les végétations ou les abcès de l'anneau aortique (37).
Choc d’origine extracardiaque Un état de choc peut être en rapport avec une hypovolémie vraie (hémorragie, déshydratation) ou relative (vasoplégie septique, inflammatoire, médicamenteuse…). Dans ce type de choc, le cœur est a priori normal, mais l’état cardiaque dépend de la pathologie en cause (par exemple : une vasoplégie septique peut s’accompagner de dépression myocardique parfois marquée) ou du terrain du patient (une hypovolémie peut survenir chez un patient présentant une cardiopathie). En présence d’état de choc, lorsque l’échocardiographie identifie une petite cavité ventriculaire gauche hyperkinétique avec sub-occlusion en télésystole, le diagnostic d’hypovolémie aiguë est facilement établi ce qui permet de prendre immédiatement les mesures thérapeutiques qui s’imposent (remplissage vasculaire ou transfusion) (38). Dans les situations moins caricaturales (absence d’occlusion télésystolique de la cavité ventriculaire gauche), un faisceau d’arguments permet de reconnaître l’insuffisance de précharge. Chez les patients sous ventilation mécanique, les variations respira-
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toires du volume d’éjection systolique (ou de son reflet : la vitesse maximale du flux aortique) ou du diamètre de la veine cave supérieure sont des indices prédictifs d’une augmentation du débit cardiaque après remplissage (39). En ventilation spontanée, les variations respiratoires du diamètre de la veine cave inférieure et l’augmentation du volume d’éjection systolique en réponse au lever de jambes passif permettent d’identifier les patients répondeurs au remplissage (39). Alternativement, on pourra procéder au remplissage vasculaire en mesurant le volume d’éjection systolique avant et après, afin d’en vérifier l’efficacité tout en quantifiant l’effet sur la performance éjectionnelle du système.
Mesure du débit cardiaque Le débit cardiaque est l’un des paramètres hémodynamiques les plus importants à monitorer en milieu de réanimation. La plupart des interventions thérapeutiques à visée cardiaque ou vasculaire (remplissage, vasoconstriction) ont un effet sur le débit cardiaque. La réponse en débit cardiaque à une intervention thérapeutique constitue un élément fondamental de la démarche thérapeutique, davantage au demeurant que la réponse de la pression artérielle qui est un paramètre étroitement régulé. Surveiller l’évolution du débit cardiaque (ou du volume d’éjection systolique) nécessite un outil de monitorage (40). L’échocardiographie permet de faire ces mesures de façon simple, à condition que l’opérateur soit entraîné. Nous allons décrire brièvement les différentes techniques de mesure du débit utilisant l’échocardiographie et le Doppler.
Mesure du volume d’éjection systolique dans la chambre de chasse du ventricule gauche C'est la technique la plus utilisée et la plus validée (41, 42). Ceci se fait le plus souvent par voie transthoracique, mais peut aussi en cas de besoin être réalisé par voie transœsophagienne. Le principe consiste à obtenir la vélocité sanguine à travers la valve aortique ou juste en amont dans la chambre de chasse du ventricule gauche par Doppler pulsé ou par Doppler continu (fig. 2). À partir de l'enveloppe des vitesses maximales à chaque instant, on calcule l'intégrale temps-vitesse (ITV), qui représente la distance parcourue par les globules rouges pendant la systole. L’ITV peut ensuite être multipliée par la surface de section de la chambre de chasse ou de l'orifice valvulaire (normalement très voisins l'un de l'autre en l'absence de pathologie) pour obtenir le volume d'éjection systolique (fig. 3). La surface est calculée à partir de la mesure du diamètre de la chambre de chasse au niveau de l'insertion des valvules sigmoïdes, en supposant qu'elle a une forme circulaire. Le calcul du volume d'éjection systolique ainsi obtenu n'est valide qu'en l'absence de rétrécissement
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Fig. 2 – Mesure du volume d'éjection systolique par échocardiographie et Doppler dans la chambre de chasse du ventricule gauche. Panneau A : enregistrement Doppler continu de la vélocité sanguine à travers la chambre de chasse. Les vitesses maximales se produisent au niveau du passage le plus étroit, qui se trouve être la zone d'insertion des valvules sigmoïdes en l'absence de pathologie sténotique aortique (au niveau de la valve elle-même, en dessous, ou au-dessus). À noter les « clicks » d'ouverture et de fermeture de la valve aortique, confirmant que le tir Doppler passe bien par l'orifice aortique. Panneau B : coupe parasternale grand axe du ventricule gauche indiquant le site de mesure du diamètre de la chambre de chasse.
aortique ou d'obstacle sus- ou sous-jacent (bourrelet septal par exemple), qui accélère le flux à un endroit différent de celui où s'effectue la mesure de surface orificielle. La surface de section de la chambre de chasse est invariable de sorte que la simple réponse de l’ITV à une intervention thérapeutique permet de renseigner sur la variation de volume d'éjection systolique induite par le traitement.
Autres sites possibles pour la mesure du volume d'éjection systolique Le même principe peut s'appliquer à la voie d'éjection ventriculaire droite par approche transthoracique chez l'enfant ou transœsophagienne chez l'adulte (mauvaise visualisation transthoracique de la chambre de chasse du ventricule droit chez l'adulte) ou à la voie transvalvulaire mitrale. Néanmoins, ces mesures sont plus délicates, pas toujours réalisables techniquement, et moins bien validées que la mesure dans la chambre de chasse du ventricule gauche.
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Fig. 3. Principe du calcul du volume d'éjection systolique par échocardiographie Doppler. L'intégrale temps-vitesse aortique ( =aire sous l'enveloppe des vitesses maximales) représente la distance parcourue par les globules rouges les plus rapides, c'est-à-dire ceux qui traversent la chambre de chasse du ventricule gauche. Il est admis que le profil de vitesse est « plat » à cet endroit précis, c'est-à-dire que tous les globules rouges se déplacent à la même vitesse (= la vitesse maximale). La mesure du diamètre de la chambre de chasse sert à calculer sa surface de section, en admettant que celle-ci est circulaire. Le produit de l'intégrale temps-vitesse par la surface de section donne le volume d'éjection systolique. Le produit du volume d'éjection systolique par la fréquence cardiaque donne le débit cardiaque.
Estimation du volume d'éjection systolique par l'échocardiographie bidimensionnelle Les mesures de routine des dimensions ventriculaires gauches permettent d'estimer le volume de la cavité à partir de modèles géométriques simples (37). En effectuant ces mesures en télédiastole et en télésystole, le volume éjecté en systole ainsi que la fraction d'éjection du ventricule peuvent être calculés. Plusieurs formules sont proposées pour ces estimations. La plus simple, la
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formule de Teicholz, estime le volume à partir d'une simple mesure de diamètre ventriculaire gauche, mais son imprécision est grande (fig. 4). La technique la plus fiable et la plus utilisée est la méthode simplifiée de Simpson ou « méthode de sommation des disques ». Son principe consiste à dessiner le contour de la cavité ventriculaire, l'algorithme identifie le grand axe et partage la cavité en une vingtaine de disques empilés sur ce grand axe (fig. 5). En additionnant le volume de chacun de ces disques, on obtient la meilleure estimation possible
Fig. 4 – Imagerie Temps-Mouvement (TM) du ventricule gauche permettant la mesure des diamètres télé-systolique (DTSVG) et télédiastolique (DTDVG).
Fig. 5 – Mesure des volumes télédiastolique et télésystolique du ventricule gauche par la méthode de Simpson simplifiée (sommation des disques). Ces mesures permettent le calcul du volume d'éjection systolique et de la fraction d'éjection ventriculaire gauche.
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du volume ventriculaire, surtout si l'on obtient les mesures dans deux plans perpendiculaires. Néanmoins, les volumes obtenus sont souvent sous-estimés par rapport aux volumes de référence calculés en angiographie du fait des difficultés à localiser avec précision le contour endocardique. Par ailleurs, les algorithmes utilisés sont pris en défaut quand existent des anomalies segmentaires de contraction ventriculaire, ajoutant ainsi à l'imprécision. En pratique, la mesure Doppler de vélocité sanguine aortique couplée à la mesure échocardiographique du diamètre de la chambre de chasse du ventricule gauche est la technique de référence pour estimer le volume d'éjection systolique en échocardiographie. La simple mesure de l'ITV aortique permet lorsqu'elle est effectuée avant et après une manœuvre thérapeutique d'estimer les variations de volume d'éjection systolique résultantes.
Estimation des gradients de pression à partir du Doppler Équation de Bernouilli simplifiée Le principe de conservation de l'énergie permet, au prix de quelques approximations (pertes liées aux frottements et phénomènes d'accélération négligeables), d'écrire la relation suivante entre la mesure des vitesses et le gradient de pression régnant de part et d'autre de l'orifice où est effectuée la mesure de la vitesse : P1-P2 = 4 (V22-V12) C'est l'équation de Bernouilli simplifiée, où P1 et P2 représentent les pressions en amont et en aval de l'orifice ; et V1 et V2 les vitesses en amont et en aval de l'orifice.
Estimation de la pression systolique dans l'artère pulmonaire En appliquant le principe précédant à la régurgitation à travers l'orifice tricuspide, on peut estimer la pression qui règne de part et d'autre de cet orifice en systole. La vitesse du sang dans le ventricule droit étant faible par rapport à la vitesse du flux régurgitant, on peut négliger son carré, et écrire : PVDsyst-POD = 4 (Vmax IT)2 où Vmax IT est la vitesse maximale de la fuite tricuspide enregistrée par Doppler continu, PVDsyst est la pression du ventricule droit en systole, et POD est la pression de l'oreillette droite (fig. 6). En l'absence de sténose pulmonaire, la pression du ventricule droit en systole est très proche de la pression systolique de l'artère pulmonaire (PAPsyst), ce qui donne : PAPsyst = 4 (Vmax IT)2 + POD
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Fig. 6 – Exemple de mesure de la vitesse maximale du flux régurgitant tricuspide permettant l'estimation du gradient de pression entre le ventricule droit et l’oreillette droite grâce à l'équation de Bernouilli simplifiée (4xVIT2). Ici, le gradient de 33 mmHg permet d'estimer que la pression dans l'artère pulmonaire en systole est de 43 mmHg, si on admet une pression auriculaire droite (POD) de 10 mmHg.
Ce principe peut aussi s'appliquer au flux de régurgitation pulmonaire pour estimer la pression artérielle pulmonaire moyenne et diastolique (43).
Estimation des pressions de remplissage du ventricule gauche En présence d'un œdème aigu pulmonaire, l'échocardiographie en reconnaîtra facilement l'origine cardiogénique s’il existe une dysfonction systolique franche. Toutefois, une proportion importante des insuffisances cardiaques décompensées (supérieures à 30 %) sont liées à une dysfonction purement diastolique du ventricule gauche (44). Or, il est important pour le réanimateur de différencier un œdème pulmonaire cardiogénique par dysfonction diastolique d'un œdème pulmonaire lésionnel, dont le traitement et le pronostic sont différents. Il est alors utile de rassembler un faisceau d'arguments permettant de reconnaître les troubles de la fonction diastolique et surtout les indices qui suggèrent l'existence d'une pression élevée dans l'oreillette gauche, signature de l'origine cardiogénique. La vitesse du flux sanguin mesurée par Doppler pulsé est proportionnelle au gradient de pression régnant de part et d'autre de la fenêtre Doppler. Ainsi, la vitesse du flux de remplissage mitral, mesurée à la
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pointe des feuillets valvulaires, reflète le gradient de pression régnant entre l'oreillette et le ventricule gauches (45). En rythme sinusal, le flux mitral comporte une première composante de remplissage passif (onde « E ») suivie de la composante active de la contraction auriculaire (onde « A »). Normalement, le remplissage passif contribue pour les deux tiers du remplissage ventriculaire gauche et le rapport du pic de vitesse de l'onde E sur celui de l'onde A (E/A) est peu différent de 1, ou légèrement plus élevé (fig. 7). En cas d'élévation majeure de la pression de l'oreillette gauche, l'onde E est très rapide car le gradient de pression entre oreillette et ventricule gauches en protodiastole est élevé. Mais du fait de l'équilibrage rapide des pressions entre l'oreillette gauche et le ventricule gauche peu compliant, le temps de décélération de
Fig. 7 – Représentation schématique des flux Doppler pulsé transmitral et veineux pulmonaire en situation « normale » (à gauche) et en situation de pression d'oreillette gauche très élevée (à droite). On voit au niveau du flux mitral que le pic de l'onde E (vitesse maximale du remplissage passif ) s'accélère pour devenir nettement supérieure à 1 m/sec, alors que le temps de décélération de cette même onde E se raccourcit du fait de la faible compliance du ventricule gauche. Pour la même raison, la vitesse de l'onde A (contraction auriculaire) s'effondre, attestant de la difficulté pour l'oreillette à remplir ce ventricule gauche dont la pression télédiastolique est élevée. Le rapport E/A devient très anormalement élevé (supérieur à 2) par rapport à la situation normale (rapport ≈ 1). Au niveau du flux pulmonaire, l'élévation de pression auriculaire gauche entraîne une augmentation du reflux concomitant à la contraction auriculaire (AR) ainsi qu’un moindre flux antérograde pendant la systole ventriculaire du fait de la pression élevée dans l'oreillette gauche. La fraction systolique [ITVsyst/(ITVsyst + ITVdiast)] devient inférieure à 50 % en cas d'élévation importante de la pression de l'oreillette gauche.
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l'onde E se raccourcit (inférieur à 120 msec). La contribution auriculaire au remplissage s'effondre et le rapport E/A devient supérieur à 2, voire à 3 (45). En plaçant la fenêtre Doppler au niveau de l'abouchement d'une veine pulmonaire dans l'oreillette gauche, on obtient normalement un flux triphasique avec une petite onde régurgitante lors de la contraction de l'oreillette (AR), puis deux ondes antérogrades systolique et diastolique (fig. 7). Chez un sujet normal, la composante systolique est prédominante. Quand la pression auriculaire gauche est très élevée, l'onde régurgitante AR est plus longue et plus rapide et la composante diastolique antérograde devient prédominante. Ces anomalies constatées au décours immédiat d'un œdème pulmonaire sont très suggestives d'une origine cardiogénique. Un délai trop important entre l'épisode d'œdème pulmonaire aigu et l'examen peut entraîner la disparition des signes caractéristiques, du fait de la mise en route d'un traitement ou de la baisse spontanée de la pression auriculaire gauche. D'autres modalités Doppler peuvent être associées aux mesures du flux mitral par Doppler pulsé pour sensibiliser la recherche de pression élevée dans l'oreillette gauche. Ces modalités sont le Doppler tissulaire à l'anneau mitral et le mode TM appliqué au Doppler couleur du flux de remplissage mitral (46-48).
Limites de l'échocardiographie en réanimation L'échocardiographie est davantage un outil de diagnostic qu'un outil de monitorage. Tout d'abord, il est peu fréquent qu'un service possède plusieurs machines d'échocardiographie, ce qui implique qu'un seul malade à la fois peut être exploré. Ensuite, l’échocardiographe ne délivre des informations que si un opérateur est présent pour s’en servir et cet opérateur doit être soit technicien agréé d'échocardiographie soit médecin. Enfin, le niveau de compétence de l'opérateur conditionne sa fiabilité et sa reproductibilité ; or seule une petite fraction des réanimateurs et anesthésistes est correctement formée à l'usage de l'échocardiographie. En conséquence, une unité de réanimation doit disposer d'autres outils pour assurer le monitorage hémodynamique continu des patients instables. Les limites liées à l'existence de « fenêtres » thoraciques permettant d'obtenir des images de bonne qualité chez les patients ventilés sont sans cesse repoussées par les progrès techniques (imagerie en seconde harmonique, qualité des sondes, etc.). Le recours à la voie œsophagienne n'est indispensable que lorsque la question posée implique une visualisation très précise de certaines structures : recherche de petites végétations d'endocardite, d'abcès de l'anneau aortique, de source intracardiaque ou aortique d'embole, de foramen ovale perméable non détecté en transthoracique ; ou lorsque l'on souhaite visualiser la veine cave supérieure chez un patient ventilé par exemple. Cependant, un examen par voie transœsophagienne s'impose chaque fois que la question posée à l'opérateur n'a pas pu être complètement élucidée par
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l'examen transthoracique. L'apport diagnostique de la voie œsophagienne reste supérieur et on doit donc y recourir chaque fois que le bénéfice attendu est supérieur au risque minime de ce geste certes invasif, mais simple à réaliser chez les patients sédatés et ventilés. Enfin, les informations fournies par l'échocardiographie ne permettent pas de juger du caractère adéquat ou non de la perfusion tissulaire comme le permet le monitorage de paramètres telles que la saturation veineuse en oxygène.
Formation des réanimateurs et des anesthésistes à l'échocardiographie Il est désormais établi que l'échocardiographie est l'outil de première intention pour faire le diagnostic étiologique d'un état de choc. Étant donné le gain potentiel en terme de précision diagnostique et de délai nécessaire pour obtenir l'information, il paraît hautement probable que le pronostic du patient puisse être amélioré si l’on dispose de cet outil. Nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’être un expert pour se servir de l'échocardiographie en réanimation et qu’un certain nombre de diagnostics urgents peuvent être fait par des médecins ayant reçu une formation minimale à l'échocardiographie (49). Il n'est en effet, pas très difficile de reconnaître un épanchement péricardique circonférentiel, une dysfonction ventriculaire gauche majeure, un cœur pulmonaire aigu, ou des cavités « vides » et hyperkinétiques. Toutes ces situations peuvent résulter en un état de choc et être reconnues rapidement par des opérateurs même débutants, ayant appris à réaliser les vues standard et les réglages de base de la machine. Les situations où l'imagerie est moins caricaturale sont souvent associées à des tableaux cliniques moins dramatiques qui peuvent autoriser un certain délai d’attente d'un opérateur plus expérimenté ou le délai d'installation d'une autre technique diagnostique (cathéter artériel pulmonaire par exemple). Les risques de dommages pour le patient liés à une erreur d'interprétation de l'échocardiographie paraissent moindres que ceux liés à l'absence d'échocardiographe. Il nous paraît donc important que dans une unité de réanimation tous les médecins puissent avoir une formation minimale pour faire face aux situations hémodynamiques les plus caricaturales et les plus urgentes (50). Un certain nombre de médecins bien formés à l'échocardiographie pourraient servir de référents pour contrôler leurs collègues et les encadrer dans leur formation. La formation à l'échocardiographie est actuellement organisée par les cardiologues. Certains problèmes spécifiques des réanimateurs leur sont peu familiers et ne sont pas abordés par le programme du diplôme inter-universitaire (DIU) : examen du patient sous respirateur, choc septique, pathologie traumatique, échocardiographie per-opératoire, etc. Pour remédier à ces carences, les réanimateurs et anesthésistes français ont organisé un complément
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d'enseignement spécifique destiné aux étudiants de leur spécialité en seconde année de DIU. Cet enseignement théorique doit s'accompagner d'une formation pratique, incluant l'échocardiographie transœsophagienne, en milieu de réanimation ou au bloc de cardiochirurgie. En augmentant le nombre de médecins formés à l'échocardiographie dans nos spécialités, il serait plus facile d’assurer l'existence d'une formation minimale pour tout médecin travaillant en réanimation.
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Le cathétérisme veineux central en réanimation : pression veineuse centrale et saturation veineuse en oxygène M. Leone, F. Garnier, S. Wiramus et C. Martin
Voie veineuse centrale La mise en place d’une voie veineuse centrale est un outil indispensable pour obtenir la mesure de la pression veineuse centrale et de la saturation veineuse en sang cave. Les trois sites habituellement utilisés sont les veines sous-clavière, jugulaire interne et fémorale. Le site axillaire a également été décrit (1). Il n’existe que peu d’indications pour favoriser un site de ponction. La décision se prend selon les circonstances cliniques. La voie veineuse fémorale est choisie chez des patients en état de choc nécessitant une réanimation rapide, du fait de la facilité d’accès et de l’absence de risque de pneumothorax. Toutefois, le risque associé de thrombose au niveau des membres inférieurs fait choisir dans d’autres cas un abord supérieur, notamment en cas de cathétérisme prolongé. La technique de mise en place d’une voie veineuse centrale par la veine jugulaire interne a été décrite pour la première fois en 1969 (2). La popularité de cette voie a été croissante du fait de la facilité des repères, de son trajet court et direct et de l’absence de valves sur le trajet du cathéter. Elle peut être mise en place pendant la plupart des chirurgies, ce qui favorise sa pose par les anesthésistes en période opératoire. Le taux de succès de pose de cette voie excède 90 % dans les séries. La ponction de l’artère carotide est une des complications ainsi que de rares cas de pneumothorax. La voie de la veine sous-clavière, décrite en 1964, est la plus utilisée (3). Son avantage est que cette veine peut être ponctionnée même lors de profondes hypotensions du fait de sa largeur. La ponction de l’artère sous-clavière est une complication dans 4 à 15 % des cas. Cette voie expose au risque de pneumothorax dans 0 à 6 % des cas. Les autres complications des voies veineuses centrales sont plus rares. Citons les embolies gazeuses lors de la pose, les arythmies dues à l’extrémité du cathéter ou du
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guide, les tamponnades et les lésions des structures nerveuses. L’opacification du cathéter lors de l’examen radiologique de contrôle est recommandée.
Mise en place Les étapes de la mise en place d’une voie veineuse centrale jugulaire droite sont les suivantes : • instituer une surveillance électroscopique ; • retirer les oreillers, rotation gauche de la tête ; • placer le patient en position de Trendelenburg ; • réaliser un champ stérile ; • réaliser une anesthésie locale à l’aiguille fine ; • localiser la veine ; • confirmer l’abord veineux ; • placer le cathéter selon la technique de Seldinger (porter une attention particulière au tracé électroscopique) ; • confirmer à nouveau la bonne place du cathéter ; • faire un pansement stérile.
Risque infectieux L’infection liée au cathéter est le premier type de complication. Globalement, en France, une colonisation du cathéter est observée tous les cinq à six cas pour 1 000 jours de cathétérisation, et les bactériémies associées aux cathéters sont de l’ordre de un cas pour 1 000 jours de cathéter (4). De nombreux articles démontrent l’efficacité des campagnes de formation pour l’ensemble du personnel afin de réduire le taux de ces infections (5). La mise en place de protocoles au sein des unités a également démontré son efficacité. L’ordre de ponction pour réduire le taux d’infection est clairement la veine sous-clavière, la veine jugulaire interne et la veine fémorale (6). La tunnellisation des cathéters apporte un bénéfice en terme d’infection pour le site fémoral et jugulaire, à condition que les prélèvements sanguins ne se fassent pas sur les cathéters. La tunnellisation n’est pas utile pour la voie sous-clavière (7).
Pression veineuse centrale Quand on demande à un panel de réanimateurs français quelles mesures les aident pour initier, poursuivre, ou interrompre le remplissage vasculaire, la réponse la plus citée est la mesure de la pression veineuse centrale (PVC) (données personnelles). La PVC peut être estimée cliniquement en observant la distension des veines jugulaires. Toutefois, la mesure de la PVC grâce au
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cathétérisme d’une veine jugulaire interne ou sous-clavière, l’extrémité du cathéter devant se trouver au niveau du tiers inférieur de la veine cave supérieure, reste la technique de mesure de référence.
Brefs rappels physiologiques Deux relations importantes prévalent dans la relation entre le débit cardiaque et la PVC. L’une s’applique au cœur et l’autre au système vasculaire. Concernant le cœur, le débit cardiaque varie directement selon la PVC (précharge), ceci pour une large fourchette de PVC. Cette relation est exprimée par la courbe de fonction cardiaque (fig. 1) et représente le mécanisme de Frank-Starling. Les principaux mécanismes qui gouvernent cette fonction sont la post-charge et la contractilité. Concernant le système vasculaire, la PVC varie à l’inverse du débit cardiaque. Cette relation représente la courbe de fonction vasculaire (fig. 1) et reflète le fait que, par exemple, une élévation du débit cardiaque augmente le volume total sanguin dans les artères, diminuant ainsi le volume sanguin dans les veines. Les principaux facteurs qui gouvernent la fonction vasculaire sont les compliances artérielle et veineuse, les résistances vasculaires périphériques et le volume sanguin total. L’état d’équilibre est obtenu à l’intersection des courbes de fonction cardiaque et de fonction vasculaire. Il faut noter qu’une fréquence cardiaque trop haute ou trop basse ne permet pas au cœur de délivrer un débit adéquat. Enfin, la ventilation induit
Fig. 1 – Courbe de fonction cardiaque (gris) et vasculaire (noire). La courbe (en gris pointillés) indique la situation d’un patient dont les performances cardiaques sont diminuées. Les lignes noires (en pointillés) indiquent des situations de surcharge ou de déplétion volémique. Les coordonnées du point d’équilibre (noir et blanc) représente les valeurs optimales de débit cardiaque et de pression veineuse centrale pour lesquelles le système est opérationnel.
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un gradient de pression entre les veines intra- et extra-thoraciques, modifiant ainsi le retour veineux. Le réanimateur est confronté quotidiennement à la question suivante : ce patient a-t-il besoin d’apport liquidien supplémentaire (8) ? Dans un premier temps, la détermination de la volémie, qui est le volume sanguin total de l’organisme, est apparue cruciale. Sa détermination reste difficile en réanimation et n’a en fait que peu d’intérêt pratique puisque nous avons vu qu’elle n’est qu’un des éléments conditionnant l’état hémodynamique du patient. Le concept de précharge est ensuite devenu prioritaire. La précharge est approximativement définie comme les conditions de charge du ventricule en télédiastole. La relation entre la précharge et le volume d’éjection systolique montre qu’il existe deux types de patients : ceux chez qui un accroissement de la précharge (par exemple une expansion volémique) entraîne une faible augmentation de la pression transmurale pour une augmentation significative du volume d’éjection systolique (portion verticale de la courbe grise sur la fig. 1), et ceux chez qui l’augmentation de la précharge résulte en une augmentation de la pression transmurale, sans augmentation significative du volume d’éjection systolique (plateau de la courbe grise sur la fig. 1). Les premiers sont dits « précharge-dépendants », et les seconds « précharge-indépendants ». L’hypovolémie absolue est définie comme une diminution du volume sanguin total circulant. Elle est responsable d’une diminution du retour veineux systémique, de la précharge cardiaque, et donc du débit cardiaque malgré l’augmentation de la fréquence cardiaque. L’hypovolémie relative est définie par une mauvaise répartition de la volémie entre les différents compartiments résultant en une insuffisance du volume sanguin central (volume de sang intra-thoracique) comme lors de la ventilation en pression positive ou d’une veinodilatation. L’analyse de la fig. 1 montre que la PVC peut être basse en présence d’une hypovolémie et d’une fonction cardiaque normale, mais également en présence d’une fonction cardiaque altérée et d’un volume sanguin normal ou même augmenté. Dans la mesure du possible, la PVC doit être analysée en fonction du débit cardiaque puisque la relation de FrankStarling varie d’un patient à l’autre, voire chez le même patient en fonction du temps. La courbe de débit cardiaque décrit une pente ascendante puis un plateau. Ce plateau représente la limite de remplissage diastolique des ventricules, notamment à droite. Cette limite est liée à la contrainte exercée sur le cœur par des composants externes comme le péricarde et le cytosquelette. Nous avons déjà vu que, sur cette portion de la courbe, une expansion volémique n’augmente pas le débit cardiaque, mais augmente la pression ventriculaire diastolique. Ceci a des conséquences néfastes sur la circulation coronaire, la fonction ventriculaire gauche et compromet le débit hépatique et rénal. Enfin, il existe également une limitation du retour veineux liée à un collapsus des veines assurant le retour veineux. C’est le mécanisme connu sous le nom de cascade vasculaire. Chez un sujet en ventilation spontanée, un collapsus des grosses veines est observé quand la pression dans le vaisseau est inférieure à la
Le cathétérisme veineux central en réanimation 109
pression atmosphérique. Le collapsus des grosses veines des patients en ventilation positive se produit quand la pression dans le vaisseau devient inférieure à la pression pleurale, c’est-à-dire au-dessus de 0 (9).
Principes de mesure Deux concepts doivent être attentivement surveillés avant d’analyser les valeurs de la PVC : la valeur de référence et les variations physiologiques. Une valeur de référence doit être choisie pour mesurer chaque pression. Cette référence est une décision arbitraire. Chaque point de référence est associé à des valeurs de PVC différentes. En moyenne, la PVC mesurée en mi-axillaire fournit des valeurs supérieures de 3 mmHg par rapport à celles mesurées au niveau de l’angle sternal. Il est donc fondamental d’appliquer un zéro de bonne qualité avant d’entreprendre chaque mesure. La mesure de la PVC s’effectue dans la plupart des cas dans la veine cave supérieure. Toutefois, sa mesure par voie fémorale est licite, sauf en présence d’un syndrome du compartiment abdominal. La plupart des études ayant comparé les deux techniques ont obtenu des corrélations de bonne qualité, indépendamment du mode de ventilation mécanique (10). Toutefois, dans ces études, la position supra-diaphragmatique du cathéter est méticuleusement surveillée, ce qui n’est pas toujours réalisé en pratique quotidienne. Les mesures des pressions veineuses périphérique et centrale ont été comparées dans plusieurs populations. La corrélation est de bonne qualité chez des patients chirurgicaux sans antécédent cardiaque pendant et après la chirurgie (11). Les mêmes résultats ont été décrits chez des transplantés rénaux (12). Cette pratique ne peut toutefois pas être recommandée sans expérience supplémentaire. Les variations des courbes sont liées à l’interaction entre la ventilation et la courbe de la PVC via une pression transmurale. En ventilation spontanée, l’inspiration forcée produit une réduction de la PVC. Par exemple, la PVC diminue de 14 mm Hg à la fin de l’expiration, à 4 mmHg durant l’inspiration. En ventilation à pression positive, la pression exercée par l’extérieur sur le cœur est la pression pleurale, alors que la pression atmosphérique est utilisée pour obtenir le zéro de référence. Un bon exemple pour illustrer ces variations est l’effet de la manœuvre de Valsalva sur la PVC. Par rapport à la pression atmosphérique, la PVC augmente durant la manœuvre, mais la taille de l’oreillette droite diminue du fait de la forte diminution de la pression transmurale. Afin de minimiser cette erreur, les mesures hémodynamiques sont réalisées au mieux en fin d’expiration, c’est-à-dire quand la pression transmurale tend vers la pression atmosphérique. Toutefois, un large différentiel est observé en cas d’utilisation d’une pression d’expiration positive, de syndrome du compartiment abdominal, ou de présence de liquide péricardique. Aucune solution n’a été proposée devant cette difficulté, sauf de considérer ces facteurs comme limitation de la technique (9).
110 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Examen clinique L’examen clinique permet d’appréhender la valeur de la PVC. Le point de distension des veines jugulaires fournit les premières indications sur la valeur de la PVC. En pratique, il suffit d’élever la tête du lit de 30°, de rechercher la veine jugulaire externe de chaque côté, puis de trouver les pulsations de la veine jugulaire interne transmises de la profondeur du cou aux tissus mous superficiels. Une fois ce point mis en évidence, on convertit en « mmHg » : ajouter 5 cm, ce qui résulte en une pression exprimée en cm d’eau, puis diviser la valeur obtenue par 1,36 (densité du mercure) et convertir les centimètres en millimètres en divisant par 10 (fig. 2).
Fig. 2 – Calcul de la pression veineuse jugulaire à partir de l’examen clinique.
Mesure électronique de la PVC Le tracé de la PVC se décompose en trois déflections ascendantes (ondes a, c et v) et deux descendantes (x et y). L’onde « a » est produite par la contraction de l’oreillette droite, survenant après l’onde P sur l’électrocardiogramme. L’onde « c » est due à la contraction isovolumétrique du ventricule droit,
Le cathétérisme veineux central en réanimation 111
bombant la valve tricuspide vers l’oreillette droite. La pression dans l’oreillette droite diminue ensuite, attirant la valve tricuspide vers le bas durant l’éjection du ventricule droit, formant l’onde « x » descendante. L’oreillette droite continue son remplissage durant la phase tardive de la systole ventriculaire, formant l’onde « v ». L’onde « y » descendante se produit lors de l’ouverture de la valve tricuspide avec l’entrée du sang dans le ventricule droit (tableau I). Il est facile de retrouver ces éléments en alignant la courbe de la PVC et le tracé de l’électrocardiogramme, puis en repérant l’onde R qui montre la fin de la diastole et le début de la systole (fig. 3). À partir d’un tel tracé, la meilleure zone pour déterminer la PVC est le point « z », qui est proche de l’oscillation Tableau I – Oscillations du tracé électroscopique de pression veineuse centrale. Composant de l’onde
Phase du cycle cardiaque
Événement mécanique
Onde a
Fin de diastole
Contraction auriculaire
Grande onde a
Bloc atrio-ventriculaire I
Onde c
Systole précoce
Onde v
Systole tardive
Grandes ondes c et v
Contraction ventriculaire isovolumétrique Contraction, mouvement de la tricuspide vers l’oreillette droite Remplissage systolique auriculaire Insuffisance tricuspidienne, péricardite constrictive
Onde déclive x Milieu de systole Relaxation auriculaire, collapsus systolique Absence de x
Insuffisance tricuspidienne
Onde déclive y Diastole précoce Remplissage ventriculaire précoce, collapsus diastolique Forte pente y
Péricardite constrictive, insuffisance cardiaque droite
Absence y
Tamponnade cardiaque
Fig. 3 – Tracé électroscopique de la courbe de pression veineuse centrale. La mesure optimale est réalisée au point « z ».
112 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
« c », correspondant à la pression auriculaire juste avant que survienne la contraction ventriculaire (fig. 3). Il faut noter qu’il existe un retard du tracé de la PVC par rapport à celui de la pression artérielle radiale d’environ 200 msec si on se réfère à l’onde R. Ceci est lié à la diffusion de la dépolarisation électrique du ventricule (60 msec), à la contraction isovolumétrique du ventricule gauche (60 msec), à la transmisson de la variation de pression jusqu’au cathéter radial (50 msec), et à la transmission de cette information au transducteur de pression (10 msec). La conséquence est un retard apparent de la systole obtenue via l’artère radiale par rapport à l’onde « c » systolique de la courbe de la PVC. Les variations de la PVC en fonction des différentes pathologies sont résumées dans le tableau II. Ces informations ne sont fournies qu’à titre indicatif, puisque, comme nous avons vu, la relation de Frank-Starling varie d’un patient à l’autre, rendant invalide en pratique la plupart des modèles physiopathologiques. Tableau II – Pression veineuse centrale (PVC) au cours des états de choc. Types de choc
Variations observées
Choc hypovolémique
PVC diminuée
Choc cardiogénique
PVC augmentée
Infarctus ventriculaire – gauche – droit
PAPO augmentée et PVC normale PAPO normale et PVC augmentée (POD/PAPO > 0,8)
Tamponnade
PVC augmentée
Embolie pulmonaire
PVC augmentée
Choc septique – phase hyperkinétique – après expansion volémique
PVC diminuée PVC normale ou augmentée
PAPO : pression de l’artère pulmonaire occluse.
Quelle valeur accorder à la PVC ? Un reflet… La PVC est le reflet de la pression auriculaire droite, elle-même reflet de la pression télédiastolique du ventricule droit, reflet du volume télédiastolique du ventricule droit, qui apprécie la précharge ventriculaire droite. Elle permet donc d’apprécier l’interaction entre le retour veineux et la fonction ventriculaire droite (13). Elle a longtemps été considérée comme un reflet de la volémie chez le sujet sain et, effectivement, sa valeur varie au cours de l’hypovolémie et
Le cathétérisme veineux central en réanimation 113
du remplissage vasculaire. Les valeurs normales de la PVC se situent entre 3 et 8 mmHg par rapport au zéro de référence, c’est-à-dire dans le plan horizontal passant par les deux-cinquièmes antérieurs du thorax, chez un sujet en décubitus dorsal. Ceci est valable tant qu’aucune surcharge n’est imposée à l’un des ventricules. En effet, la mesure de la PVC est inutile chez les patients ayant une insuffisance cardiaque, en particulier chez ceux dont la fraction d’éjection est inférieure à 0,5 (14). La relation PVC-pression de l’artère pulmonaire occluse (PAPO) a été analysée en période péri-opératoire de chirurgie coronarienne, chez des patients ayant une dysfonction ventriculaire. Les valeurs de PVC allaient de 0 à 19 mmHg et celles de PAPO de 0 à 31 mmHg. La corrélation entre les deux pressions était correcte (r = 0,89) pour les patients dont la fraction d’éjection était supérieure à 0,5. Les variations de pression pendant la durée de l’étude étaient également corrélées. Par contre, chez les patients avec une fraction d’éjection inférieure à 0,4, aucune corrélation n’était retrouvée, ni en terme de pression basale, ni en terme de variation. Toutefois, ces deux indices sont peu fiables pour déterminer la réponse au remplissage. En cas d’insuffisance cardiaque droite, une élévation de la PVC est classiquement observée. Le tableau typique est celui de l’embolie pulmonaire massive, dont l’élévation de la PVC est un des éléments (15). Une étude montre que l’élévation de la PVC pendant l’implantation d’un procédé d’assistance ventriculaire gauche prédit la survenue d’une dysfonction ventriculaire droite en période post-opératoire (16). Par ailleurs, la PVC ne doit pas être utilisée en cas de tumeur intracardiaque. La PVC est donc un reflet lointain de la volémie chez le sujet sans tare cardiaque. Son utilisation n’est pas valide chez les patients avec une insuffisance cardiaque gauche. Une valeur élevée est, quand le tableau clinique correspond, un signe en faveur d’une insuffisance droite.
Prédictibilité Avis d’une conférence d’experts La PVC est un critère statique pour évaluer la réponse au remplissage vasculaire. La conférence d’experts sur les « indicateurs du remplissage au cours de l’insuffisance circulatoire », patronnée par la SRLF en 2004 précise que : – la mesure de la PVC a été proposée pour guider le remplissage vasculaire, avec une mesure réalisée en période télé-expiratoire ; – dans les situations où une forte pression juxtacardiaque est suspectée, la valeur de la PVC surestime la pression de remplissage ventriculaire droite ; – même obtenue dans les meilleures conditions, la PVC reste un médiocre paramètre prédictif de l’efficacité d’un remplissage vasculaire ; – toutefois, des valeurs très basses de PVC (inférieure à 5 mmHg) laissent augurer d’une réponse positive au remplissage vasculaire ;
114 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
– a contrario, il n’y a pas de consensus pour définir une valeur limite haute. Ces recommandations sont basées sur des accords forts (8).
Effets du niveau de PVC La prédictibilité de la PVC pour obtenir une réponse au remplissage est donc, d’après les experts, médiocre. En fait, les résultats des études portant sur la relation PVC-débit cardiaque sont divergents. Par exemple, chez des patients avec une lésion pulmonaire aiguë, une PVC inférieure à 10 mmHg est invariablement en relation avec un débit cardiaque diminué quand la pression expiratoire positive augmente. Au-delà de 10 mmHg, la réponse est imprédictible (17). Une étude montre une corrélation significative (r2 = 0,20) entre l’augmentation du volume d’éjection systolique après une épreuve d’expansion volémique et le niveau basal de la PVC (18). Toutefois, bien que significative, la relation reste faible et aucun seuil de PVC ne discrimine les répondeurs des non-répondeurs. De plus, le débit cardiaque de quelques patients de réanimation augmente malgré une PVC supérieure à 15 mmHg (19). Un test de lever de jambe couplé à certains indices peut se révéler une excellente manœuvre pour révéler une précharge-dépendance. Toutefois, aucune corrélation n’a été trouvée avec la mesure de la PVC ainsi qu’avec sa variation (20). L’ensemble de ces données confirment que, pour des valeurs supérieures à 5 mmHg, la mesure de la PVC est un mauvais outil pour prédire la réponse au remplissage vasculaire.
Effet du cycle ventilatoire Les critères dynamiques ont montré leur supériorité pour prédire la réponse à l’expansion volémique (8, 19). Ainsi, les variations de la PVC au cours du cycle ventilatoire permettent d’appréhender, sous certaines conditions, la réponse au remplissage. En bref, comme vu précédemment, le retour veineux augmente lors de l’inspiration spontanée, induisant une dépression intra-thoracique et une augmentation de la pression intra-abdominale. Si le ventricule droit est capable de transférer ce bolus transitoire dans la circulation pulmonaire, alors la PVC suit le même profil que la pression intra-thoracique, donc diminue lors de chaque effort inspiratoire. Les patients dont la PVC diminue de -1 mmHg quand la pression intra-thoracique diminue de -2 mmHg sont dépendants de leur précharge, alors que ceux dont la PVC reste stationnaire sont préchargeindépendants (21). Toutefois, cette étude a des limites évidentes puisque la mesure d’une différence d’1 mmHg semble en pratique délicate. De plus, jusqu’à ce jour, aucun auteur n’a confirmé ces résultats, et des études en cours tendraient même à les infirmer. La ventilation en pression positive intermittente modifie l’équilibre des pressions. L’augmentation de la pression intra-thoracique affecte plusieurs déterminants du débit cardiaque. La précharge du ventricule droit diminue proportionnellement à l’augmentation de la pression dans l’oreillette droite. La
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précharge du ventricule gauche augmente par compression des vaisseaux intrapulmonaires. Des effets inverses sont observés quand la pression intra-thoracique diminue, c’est-à-dire lors de la phase télé-expiratoire. La ventilation mécanique induit également une diminution de la post-charge du ventricule gauche. Ces variations de charge entraînent des variations de débit des ventricules droit et gauche, reflétées par les variations de la courbe de pression artérielle. En début d’inspiration, la pression artérielle systolique augmente par afflux de sang veineux pulmonaire puis diminue par baisse du retour veineux. La variation de pression artérielle systolique est la différence entre la pression artérielle maximale et minimale au cours du cycle respiratoire. Chez des rats, la ventilation en pression positive intermittente diminue le débit cardiaque de 21 % et augmente la pression moyenne de remplissage systémique de 7,1 mmHg à 8,6 mmHg, avec une augmentation significative de la PVC (22). Chez l’homme, l’augmentation des pressions d’insufflation au niveau du ventilateur est corrélée à l’augmentation de la pression dans la veine cave (23). Expérimentalement, il a été démontré que la variation de la pression artérielle systolique augmente au cours de l’hypovolémie (24). Ensuite, Michard et al. ont montré chez 40 patients avec une insuffisance respiratoire aiguë d’origine septique, qu’une variation de la pression artérielle pulsée (pression systolique – pression diastolique) supérieure à 13 % prédit la réponse à l’expansion volémique (augmentation de 15 % de l’index cardiaque) avec une sensibilité de 94 % et une spécificité de 96 %. Dans la même étude, aucune différence n’était observée en terme de PVC dont la sensibilité et la spécificité sont médiocres (25). Il faut noter que la performance de la PAPO n’était pas différente de celle de la PVC. Il existe donc une place pour l’étude de la variation de la PVC chez des patients en ventilation spontanée. En ventilation en pression positive, les indices dynamiques tels que la pression pulsée sont nettement supérieurs.
Quelle place? Les indices dynamiques sont donc supérieurs aux indices statiques pour prédire la réponse au remplissage. Toutefois, ils n’ont été validés que chez des patients en ventilation à pression positive traités par des curares afin d’éviter tout cycle spontané. La technique n’est pas possible chez les patients ayant une tachycardie ou une fibrillation auriculaire. De plus, il est nécessaire d’avoir une voie veineuse centrale et un cathéter artériel pour effectuer ces mesures. De ce fait, ces indices, bien que fiables, ne s’appliquent qu’aux patients de réanimation dont la gravité nécessite l’intubation orotrachéale, la ventilation en pression positive et une sédation profonde. Or, la prédiction de la réponse au remplissage vasculaire est nécessaire dans d’autres circonstances, comme dans les services d’accueil d’urgence ou en période péri-opératoire. Dans ces circonstances, les indices dynamiques sont actuellement inapplicables. Par conséquent, il ne faut pas exclure la PVC de la
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démarche diagnostique. Dans tous les cas, le seul chiffre de PVC n’a aucune valeur. L’analyse est globale, basée sur l’anamnèse (étiologie de la défaillance, saignement, médicaments vaso-actifs), les éléments cliniques (pression artérielle, fréquence cardiaque, état d’hydratation, auscultation pulmonaire, œdèmes périphériques, pli cutané) et paracliniques simples (natrémie, protidémie, urée, créatinine, lactates plasmatiques, radiographie du thorax, voire échographie cardiaque transpariétale). La surveillance de la diurèse s’intègre également dans cette stratégie. Dans un contexte, si une dette liquidienne est évoquée, par exemple chez un traumatisé, une PVC basse variant nettement avec le cycle ventilatoire est en faveur d’une précharge-dépendance. L’effet d’une première expansion volémique peut également être analysé sur ces paramètres. Ceci peut être réalisé avant la pose d’un cathéter artériel. Cette situation est fréquente aux services d’accueil d’urgence ou en période périopératoire. C’est cette stratégie que Rivers et al. ont proposé pour prendre en charge les patients se présentant en détresse hémodynamique aux services d’accueil d’urgence. L’obtention d’une PVC entre 8 et 12 mmHg est recommandée dans leur protocole (26). Toutefois, la différence de prise en charge entre les deux groupes de l’étude était basée sur la précocité de corrections des défaillances et la surveillance de la saturation veineuse en oxygène, obtenue en territoire cave (SvcO2), dans le groupe « prise en charge précoce ». C’est donc ces deux paramètres qui expliquent la différence de mortalité observée. La Surviving Sepsis Campaign, qui vise à améliorer de 25 % en cinq ans la survie des patients en sepsis sévère, a retenu le protocole de Rivers et al. et recommande un objectif de PVC entre 8 et 12 mmHg dans les six premières heures après l’admission aux urgences (27). La conférence de consensus française de 2005 sur la prise en charge hémodynamique du sepsis sévère a décidé de ne pas tenir compte de la PVC dans les algorithmes (www.sfar.org ou www.srlf.org). En dépit de ses limites, qu’il est important de connaître, la PVC reste utile chez des patients d’une gravité intermédiaire, notamment dans le contexte de l’urgence et en période péri-opératoire, pour surveiller la tolérance au test d’expansion volémique et, éventuellement, pour s’assurer que la précharge est effectivement modifiée. De plus, elle apporte des arguments positifs quand les tests dynamiques perdent leur fiabilité, comme en cas de cœur pulmonaire aigu.
Saturation veineuse en oxygène Bases physiopathologiques La SvO2 représente la proportion d'hémoglobine transportant de l'oxygène mesuré sur le sang veineux mêlé prélevé dans l'artère pulmonaire. Elle est un reflet de la quantité d'oxygène non extraite par les tissus. Pour assurer l'adé-
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quation entre le transport artériel d'oxygène aux tissus (TaO2) et sa consommation (VO2), l'organisme dispose de deux mécanismes adaptatifs : l'augmentation de TaO2, qui repose essentiellement sur l'élévation du débit cardiaque, et l'accroissement de l'extraction tissulaire de l'oxygène (EO2), qui est un mécanisme tissulaire. La valeur de la SvO2 rend compte de l'importance de la mise en jeu de ces phénomènes compensateurs et de leur succès à assurer l'équilibre entre les besoins et les apports en oxygène, garant du maintien d'un métabolisme aérobie (28, 29).
Déterminants de la SvO2 Considérant comme négligeable la quantité d'oxygène dissous dans le sang, l'équation de Fick est exprimée ainsi : . V O2 Sv O2 = SaO2 – CI . Hb . 1,34 La SvO2 dépend de la performance de la pompe cardiaque (CI : index cardiaque), de l'hématose (SaO2 : saturation artérielle en O2), de la consommation tissulaire en oxygène, de l'hémoglobinémie (Hb) et du pouvoir oxyphorique de l'hémoglobine (PO). Une variation de la SvO2 provient d'une modification d’un ou de plusieurs de ces déterminants (fig. 4).
Fig. 4 – Déterminants de la saturation veineuse en oxygène.
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Valeur absolue de la SvO2 Elle reflète la balance entre l'offre et la demande en O2. L’EO2 est définie par la relation : . V EO2 = O2 = CaO2 – Cv O2 TaO2 CaO2 La quantité d'oxygène dissous étant négligeable, cette relation s'écrit : EO2 = SaO2 – Sv O2 = 1 – Sv O2 SaO2 SaO2 d'où : Sv- O2 = 1 – EO2 La SvO2 est donc liée à l'extraction tissulaire d'oxygène. Chez un sujet sain au repos, le transport d'oxygène est d'environ 1 000 mL.min-1 et sa consommation de 250 mL.min-1, soit quatre fois moins. Par conséquent, l'extraction de l'oxygène est de 25 %. Partant d'une SaO2 de 100 %, la fourchette physiologique de 70 à 75 % peut être avancée comme valeur normale de SvO2 au repos (29, 30). Chez un sujet sain à l'effort, les phénomènes d'adaptation physiologique à l'augmentation de la demande d'oxygène sont une élévation du débit cardiaque et un accroissement de l'extraction périphérique d'O2. La SvO2 diminue donc physiologiquement à l'effort.
Variations de la SvO2 Une variation de la SvO2 peut être imputable de façon prédominante à une variation de la SaO2 en chirurgie broncho-pulmonaire (31), du débit cardiaque au cours des pathologies ou de la chirurgie cardiaque (32, 33), de la VO2 lors du frisson ou du réveil anesthésique (34), ou de l'hémoglobinémie au cours du choc hémorragique (35). Cependant, ces quatre principaux déterminants font varier la SvO2 de façon inégale. Le débit cardiaque et la VO2 sont des déterminants « majeurs » (36), alors que l’hémoglobinémie et la SaO2 sont des déterminants mineurs (33). La mesure continue de la SvO2 reflète donc préférentiellement les variations du débit cardiaque et de la VO2. Une SvO2 supérieure à 80 % est secondaire soit à une augmentation du transport, soit à une diminution de l'extraction périphérique d'oxygène (anesthésie générale, hypothermie, hypothyroïdie, choc septique). Une SvO2 inférieure à 60 % au repos résulte de l'inadéquation entre transport et consommation d'oxygène et de la mise en jeu de sa réserve d'extraction. La SvO2 dépend donc largement des conditions physiopathologiques dans lesquelles se trouve le patient. Une modification de la SvO2 est un moyen fiable pour appré-
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cier l'existence d'un déséquilibre entre les besoins et les apports en oxygène (37-39). Enfin, contrairement à la plupart des grandeurs hémodynamiques habituellement surveillées, la SvO2 est la seule méthode qui évalue en continu la finalité principale du débit cardiaque : la délivrance d'oxygène aux tissus.
Limites de la SvO2 Limites du métabolisme aérobie En dehors des situations où l’EO2 est altérée, en-dessous d’un certain seuil de TaO2, la VO2 est dépendante de celui-ci. Ceci est corrélé avec l’apparition d’une hyperlactatémie en dépit de l’augmentation d'EO2 (40). Le seuil de SvO2 en deçà duquel le métabolisme énergétique cellulaire est dévié vers l'anaérobiose est difficile à cerner, mais la valeur de 40 % a été proposée (30). En pathologie, certains insuffisants cardiaques sont, à titre d'exemple, bien équilibrés autour de 40 % sans signe de métabolisme anaérobie (41). En fait, les débits régionaux, l’EO2 et les besoins métaboliques des différents organes sont inhomogènes. Par conséquent, le seuil de souffrance varie au niveau de chaque organe pour une diminution donnée de TaO2 (37, 39). Ainsi, ce seuil est sans doute variable d'un patient à l'autre expliquant l'impossibilité d'utiliser la SvO2 pour mettre en évidence l'apparition d’un point d'inflexion de la relation TaO2-VO2 dans une population de patients non septiques (37). Dans les situations de sepsis sévère (42), ou lors de cirrhoses hépatiques sévères, l'existence d'altérations tissulaires ou de shunts microvasculaires périphériques sont à l'origine d'un défaut d’EO2. Par conséquent, la part du métabolisme anaérobie s'accroît également. Dans toutes ces circonstances, l'interprétation de la SvO2 ne renseigne plus que sur la partie du métabolisme énergétique réalisée en aérobiose (42, 43). Distribution régionale La valeur de la SvO2 résulte du mélange du sang veineux des différents territoires de l'organisme, et ne rend donc pas compte de la situation au niveau de chaque organe. Il s’agit d’un indice global d'oxygénation tissulaire. Elle peut être normale, même en présence de territoires ischémiques, si leur étendue est modérée et/ou leur débit sanguin réduit. À l'extrême, elle n'est pas affectée par des zones totalement non perfusées. Ces limitations en font clairement un procédé de surveillance des désordres systémiques globaux dont la sensibilité n’est pas maximale. Shunts Les shunts affectent la SvO2 par plusieurs mécanismes. Des situations de shunt droit-gauche peuvent se rencontrer au cours de pneumopathies sévères, d’embolies pulmonaires ou à l'occasion de défauts congénitaux du septum associés à un obstacle sur la circulation pulmonaire. La désaturation artérielle, en rédui-
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sant le contenu artériel en O2, est la principale cause de la baisse de SvO2 au cours des shunts droit-gauche. Ces situations faussent la valeur de la SvO2, même pour des débits de shunt modérés. La valeur mesurée de la SvO2, bien que méthodologiquement exacte, est physiologiquement fausse parce qu’elle ne correspond pas à la mesure du sang veineux mêlé mais à son mélange avec du sang oxygéné. Les défauts du septum sont un exemple caractéristique de ces shunts. Rapport entre PvO2 et SvO2 La SvO2 ne reflète pas systématiquement la pression partielle d'oxygène au niveau tissulaire. Sa relation avec la PvO2 dépend de la courbe de dissociation de l'hémoglobine, c'est-à-dire de son PO. Or, le PO, évalué à partir de la P50, est souvent considéré à tort comme une constante dans la plupart des situations de réanimation (44, 45). Des variations du PO induisent des variations de TaO2 (46). Le PO dépend de la température, du pH tissulaire, de la pression partielle en CO2 (effet Bohr). Enfin, la concentration intra-érythrocytaire en 2,3 diphosphoglycérate augmente en situation d'hypoxie, diminuant ainsi l'affinité de l'hémoglobine pour l'oxygène. Celle-ci augmente dans de nombreuses affections, ce qui entraîne une augmentation de l’EO2 tissulaire, comme par exemple dans l'insuffisance cardiaque (41, 46). Le rapport entre PvO2 et SvO2 n’est donc pas toujours linéaire.
La saturation veineuse en oxygène en pratique Où prélever? Idéalement, le prélèvement en vue d’obtenir la SvO2 est réalisé dans l’artère pulmonaire. Cependant, un prélèvement dans un cathéter veineux central permet d’obtenir une saturation veineuse centrale en oxygène (SvcO2) mesurée soit dans la veine cave supérieure soit dans l’oreillette droite. Au niveau de la veine cave supérieure, la SvcO2 mesurée chez un patient en état de choc est supérieure de 5 à 18 % à la SvO2, alors que celle mesurée dans l’oreillette droite donne une approximation plus proche de la SvO2. La corrélation entre ces deux mesures est de 95 % tant en situation physiologique que pathologique (47, 48). Ainsi, la surveillance de la SvcO2 est simple et peut être effectuée en continu depuis l’apparition des cathéters veineux centraux à fibre optique. Dans tous les cas, l’interprétation du débit cardiaque et de son adéquation aux besoins en oxygène nécessite d’envisager l’organisme dans sa globalité (49, 50). La mesure à partir d’un cathéter placé par voie fémorale n’a jamais été validée.
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Utilisation clinique Initialement, les réanimateurs ont étudié la SvO2 selon la technique de référence, c’est-à-dire en sang veineux mêlé grâce à des cathéters d’artère pulmonaire (51). Or, cette méthode de surveillance de l’hémodynamique n’a jamais montré sa supériorité en terme de devenir du patient (52-56). Ceci a ouvert le champs au développement de méthodes moins invasives pour évaluer l’hémodynamique des patients en détresse, qui sont, dans la plupart des situa-
Fig. 5 – Algorithme de prise en charge des patients en sepsis sévère (d’après la conférence de consensus française sur la prise en charge hémodynamique des patients en sepsis sévère).
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tions, équipés d’un cathéter veineux central pour administrer différentes médications et évaluer par exemple leur PVC. Or, un prélèvement sanguin à partir de ces cathéters veineux est simple à réaliser et n’induit aucune morbidité. Dans ce contexte, Rivers et al. ont conduit une étude basée sur la prise en charge précoce des patients possiblement septiques admis aux services d’accueil des urgences. Cette étude est décrite ci-dessous. L’objectif est d’évaluer l’efficacité d’un protocole fixant des objectifs thérapeutiques précoces articulés sur la saturation veineuse en oxygène au niveau d’une voie veineuse centrale (ScvO2) (26). Les patients sont inclus s’ils présentent un syndrome inflammatoire systémique généralisé et une hypotension. Ils sont randomisés soit dans un groupe avec des objectifs thérapeutiques précoces, dont le but est de maintenir une ScvO2 supérieure ou égale à 70 %, en réalisant une escalade thérapeutique durant les six premières heures, avec expansion volémique, administration de catécholamines et transfusion de concentrés globulaires, soit dans un groupe de traitement standard dans lequel des objectifs précis existent mais ne sont pas fondés sur la ScvO2. Le risque relatif de décès soixante jours après l’inclusion des patients du groupe dont la prise en charge était fondée sur la ScvO2 par rapport au groupe conventionnel était de 0,67 (IC 95 % : 0,46-0,96 ; p = 0,03). Cette étude a illustré l’avantage d’une prise en charge précoce et agressive des patients septiques fondée sur la surveillance d’un critère d’oxygénation facilement accessible. Depuis, de nombreuses autres études conduites en réanimation et au bloc opératoire ont montré la pertinence de ce paramètre pour améliorer le pronostic des patients en détresse (57, 58). Ces études successives montrent qu’en dépit de ces limitations, que tout réanimateur doit connaître, la mesure de la ScvO2 est un excellent paramètre pour évaluer l’hémodynamique globale de ces patients. Par conséquent, la surveillance de la ScvO2 est au centre des algorithmes de prise en charge de la Surviving Sepsis Campaign (27) et de la conférence de consensus française sur la prise en charge hémodynamique des patients en sepsis sévère (fig. 5).
Conclusion Une baisse de SvO2 ne constitue qu'une valeur d'alerte qui nécessite de plus amples investigations pour en déterminer la cause. La mesure continue de la SvO2 fournit, en temps réel, un indice global de l'adéquation entre le transport et la consommation d'oxygène. Cette surveillance comporte quelques limitations dont la principale est la distinction nécessaire entre consommation et besoin en oxygène. Elle constitue une alarme précoce et non spécifique d'une détérioration de cet équilibre. Elle permet, en outre, un suivi continu des effets des traitements du patient en détresse hémodynamique et une meilleure appréhension de la physiopathologie des désordres hémodynamiques. Cette méthode de surveillance simple, peu coûteuse et sans risque a montré son efficacité, quand elle est employée judicieusement, pour améliorer le pronostic des
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patients. Elle permet de répondre rapidement à une situation de souffrance globale. La prise en charge hémodynamique des patients, notamment quand ils ne sont pas soumis à une ventilation mécanique avec une sédation, doit impérativement tenir compte de ce paramètre. L’analyse de l’état hémodynamique d’un patient comprend donc plusieurs étapes. La première étape considère l’histoire de la pathologie, les antécédents, l’état clinique, et les paramètres biologiques simples. La seconde étape, qui doit être précoce et rapide, considère un faisceau global de critères hémodynamiques obtenus après la pose d’un cathéter veineux central. La PVC et ses variations donnent quelques informations chez le patient vigile, toutefois, c’est la saturation veineuse en oxygène en territoire cave supérieur qui est au centre de cette démarche. Dans un contexte clinique de détresse aiguë, elle reflète un débit cardiaque inadéquat si elle reste basse (inférieure à 65 %) après correction d’une anémie, d’une détresse ventilatoire et mise en route d’une sédation adaptée si nécessaire. Enfin, l’échographie cardiaque, les critères dynamiques d’évaluation de la précharge et le cathétérisme de l’artère pulmonaire sont requis si le patient ne répond pas favorablement aux traitements administrés en fonction des précédents critères.
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Le cathétérisme veineux central en réanimation 125
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Le débit cardiaque est-il adapté? D. De Backer et J.-L. Vincent
Introduction La mesure du débit cardiaque est l’un des éléments essentiels de l’évaluation hémodynamique. En effet, le débit cardiaque est le déterminant principal du transport en oxygène aux tissus (DO2). L’anémie et l’hypoxémie peuvent être compensées par une augmentation du débit cardiaque, tandis qu’une diminution du débit cardiaque ne peut qu’entraîner une diminution de la DO2. Idéalement, l’évaluation de l’adéquation du débit cardiaque devrait se faire en évaluant l’adéquation du transport en oxygène par rapport aux besoins métaboliques. En effet, le système cardiovasculaire est en constante adaptation par rapport aux besoins métaboliques, tant globaux que régionaux. Le débit cardiaque n’est que l’un des déterminants de la DO2, mais c’est celui qui a le plus de capacités d’adaptation, du moins de manière aiguë. La DO2 peut cependant devenir un élément limitant l’oxygénation tissulaire, lorsque les capacités d’adaptation du débit cardiaque sont insuffisantes ou lorsque celui-ci est lui-même altéré. Le calcul de la DO2 et de la consommation en oxygène (VO2) peuvent donner des informations intéressantes, soit pour optimalisation hémodynamique (1-3), soit pour l’analyse de leur relation mutuelle (la relation VO2/DO2) (4-6), mais ces calculs sont assez fastidieux. De plus, des erreurs d’interprétation peuvent éventuellement survenir suite au couplage mathématique des données (7). Même si l’impact du couplage mathématique sur l’évaluation de la relation VO2/DO2 a probablement été surestimé (8), ces calculs sont souvent abandonnés en pratique clinique du fait de leur complexité (6). Dans ce contexte, l’utilisation de la SvO2 (9), voire de la relation entre débit cardiaque et extraction en oxygène (10-12), est probablement la manière la plus aisée d’évaluer l’adéquation du débit cardiaque par rapport aux besoins des tissus. Les marqueurs d’hypoperfusion régionale (comme la tonométrie gastrique ou sublinguale) ou d’hypoxie tissulaire (comme le lactate sanguin) peuvent également être utilisés. Cependant ces marqueurs ne préjugent en rien de l’adéquation du débit cardiaque, car d’autres facteurs comme une redistribution du
160 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
débit sanguin (13-15), une atteinte microcirculatoire (16) ou des altérations cellulaires (17) peuvent les influencer.
L’évaluation de l’adéquation du débit cardiaque : un point initial de l’évaluation hémodynamique ! Comme écrit plus haut, une mesure isolée de débit cardiaque n’apporte que peu d’informations, il est par contre beaucoup plus important de préciser si cette valeur est adaptée aux besoins métaboliques. Une valeur basse de débit cardiaque peut être totalement appropriée (par exemple dans un contexte d’anesthésie ou d’hypothermie), tandis qu’une valeur élevée peut être inadéquate (par exemple dans un contexte d’anémie ou d’agitation). Il en va de même pour les autres mesures hémodynamiques. Le fait de détecter des pressions de remplissages basses ou une précharge dépendance ne doivent pas faire recourir d’emblée à un remplissage intravasculaire, sauf si le débit cardiaque est considéré comme inadéquat (cet élément doit d’ailleurs être pris en compte dans l’évaluation d’études sur des conditions de remplissage vasculaire lorsque les groupes sont traités par des quantités prédéterminées de solutions liquidiennes ou lorsque des cibles de pressions intravasculaires doivent être atteintes). Il en va de même pour des valeurs élevées, dans l’infarctus myocardique aigu ou chez des patients avec dysfonction diastolique, des valeurs élevées de pression occluse de l’artère pulmonaire (PAPO) étant souvent nécessaires pour garantir un débit cardiaque suffisant. Il serait donc abusif de donner des diurétiques uniquement sur la base des pressions intravasculaires élevées. Des conclusions similaires peuvent s’appliquer à l’interprétation des volumes ventriculaires et des index de contractilité. Un patient avec une cardiopathie dilatée peut avoir un débit cardiaque adéquat malgré une fraction d’éjection ventriculaire basse et des volumes élevés, tandis qu’un patient anémique pourra avoir un cœur d’allure hyperdynamique mais un débit cardiaque inadapté. L’évaluation de l’adéquation du débit cardiaque est donc un point essentiel par lequel toute évaluation hémodynamique doit débuter (9). En effet, si le débit cardiaque est adéquat, il n’y a probablement pas lieu de vouloir manipuler celui-ci.
Relation entre le débit cardiaque et la SvO2 La mesure des gaz sanguins artériels et veineux mêlés fait partie intégrante de l’évaluation hémodynamique globale. À partir de l’équation de Fick, on peut déduire que le débit cardiaque (DC) et la SvO2 sont liés par la relation :
Le débit cardiaque est-il adapté ? 161
VO2 = DC x Hb x 1,39 x (SaO2 - SvO2) x 10 dans laquelle la SaO2 représente la saturation artérielle en oxygène et Hb la concentration en hémoblobine. En réarrangeant l’équation, on obtient : SvO2 = SaO2 -
VO2 DC x Hb x 13,9
Dans cette formule, 13,9 est la quantité d’oxygène fixée à 1 gramme d’hémoglobine multiplié par 10 pour obtenir la concordance des unités de mesure des diverses variables. La valeur normale de SvO2 est proche de 75 %, cependant, elle est plus proche de 70 % chez le malade de réanimation, qui est généralement légèrement anémique. Une modification de SvO2 peut donc survenir dans quatre cas de figure : une modification de SaO2, du taux d’hémoglobine, du métabolisme de l’organisme et du débit cardiaque. Habituellement, les modifications de SaO2 et d’hémoglobine sont relativement limitées entre deux mesures hémodynamiques, et les variations de SvO2 reflètent alors le rapport entre le métabolisme et le débit cardiaque. Lorsque le métabolisme est stable, une modification de SvO2 reflète donc une modification inverse de débit cardiaque. De prime abord, il semble donc simple d’utiliser la SvO2 pour apprécier l’adéquation du débit cardiaque (fig. 1). Cependant, il faut tenir compte de l’aspect curvilinéaire de la relation (SvO2 = 1- VO2/SvO2), impliquant que les
Fig. 1 – Interprétation du débit cardiaque en fonction de la SvO2. D’après Pinsky et Vincent (9).
162 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Fig. 2 – Relation entre le débit cardiaque et la SvO2. Calculs obtenus pour une VO2 de 134 mL/min, une SaO2 de 100 % et une valeur d’hémoglobine de 10 g/L.
changements de SvO2 seront faibles pour de grandes modifications de débit cardiaque pour des valeurs normales ou élevées de SvO2, et à l’inverse des valeurs de SvO2 initialement basses seront sensibles à des petites modifications de débit cardiaque (fig. 2). De plus, les patients de réanimation présentent souvent un certain degré d’anémie, voire d’hypoxémie, qui entraîne un abaissement de la SvO2. Dans ces conditions, il devient plus difficile d’apprécier l’adéquation du débit cardiaque. Pour ces diverses raisons, certains ont proposé l’utilisation de la relation entre le débit cardiaque et l’extraction en oxygène (10, 11).
Relation entre le débit cardiaque et l’extraction en oxygène L’organisme ne peut faire face à une augmentation de VO2 que par une augmentation du débit cardiaque et/ou une augmentation de l’extraction en oxygène (EO2). Au repos, l’index cardiaque normal est de l’ordre de
Le débit cardiaque est-il adapté ? 163
Fig. 3 – Relation entre l’index cardiaque et l’extraction en oxygène. Adapaté de Yalavatti et al. (11). IC = index cardiaque, EO2 = extraction en oxygène. Dans ce graphe, la ligne en trait continu représente la réponse physiologique normale à une modification de la demande en oxygène, les lignes pointillées les intervalles de confiance compte tenu des erreurs de mesure.
3 L/min.m2 et l’EO2 de 25 % (fig. 3). Dans les conditions physiologiques liées à l’effort, on observe une augmentation proportionnée de l’index cardiaque et de l’EO2. Des modifications similaires sont obtenues en cas d’hémodilution isovolémique ou d’hypoxie. Lors d’une diminution de métabolisme (comme au cours de l’hypothermie), on observe une diminution proportionnée de l’index cardiaque et de l’EO2. Lorsque le débit cardiaque est nul, on peut s’attendre à ce que les tissus arrêtent leur VO2. Dès lors, on peut construire une ligne physiologique de référence, liant l’index cardiaque et l’EO2, passant par l’origine. Lorsque le débit cardiaque est inadapté, le patient se trouvera en dessous de la ligne de référence. On pensera alors aux trois conditions possibles qui peuvent mener à cette condition : l’hypovolémie, la diminution de force de contraction et le phénomène obstructif (comme l’embolie pulmonaire massive). Lorsque le patient se situe au dessus de la ligne de référence, cela implique soit une altération primaire de l’EO2 (sepsis), soit un shunt (par exemple une fistule aorto-cave), soit un traitement inotrope ou liquidien trop agressif (le débit cardiaque et la DO2 sont trop élevés par rapport aux besoins métaboliques). L’utilisation d’autres marqueurs de perfusion tissulaire (lactate, PCO2 tissulaire) permet alors de différencier ces deux situations. Les mesures de pressions ou de volumes de remplissage permettent aussi d’appuyer un diagnostic d’hypervolémie. De manière intéressante, ceci reste vrai quel que soit le niveau de SaO2 ou d’hémoglobine.
164 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
On peut également utiliser cette relation pour évaluer la réponse cardiovasculaire au cours de manœuvres de sevrage de la ventilation mécanique (18) ou de kinésithérapie (19). Enfin, il est possible de calculer rapidement où se situe le patient sur ce diagramme sans avoir à le dessiner, en calculant simplement le rapport index cardiaque/EO2 (11). La ligne de référence se caractérise par un rapport index cardiaque/EO2 de 10 ; compte tenu de la légère incertitude liée aux erreurs de mesure, on peut considérer qu’un rapport index cardiaque/EO2 inférieur à 8 signe un débit cardiaque inadéquat, un rapport supérieur à 12 un sepsis ou un débit trop élevé (fig. 3).
Faut-il mesurer le débit cardiaque ou la mesure de la SvO2 suffit-elle ? Il faut toujours confronter la mesure du débit cardiaque à celle de la SvO2. En effet, si une mesure isolée de débit cardiaque ne permet pas d’évaluer correctement le débit cardiaque, de même une mesure isolée de SvO2 n’apporte que des renseignements limités. Une modification du débit cardiaque peut parfois survenir sans modification concomitante de la SvO2 lorsque le métabolisme varie en parallèle avec la modification de débit cardiaque (en cas de VO2/DO2 dépendance ou, au contraire, de modification primaire du métabolisme chez un patient présentant un déficit d’extraction en oxygène [18]). Le succès récent dans l’étude de Rivers et al. (20) d’une stratégie thérapeutique précoce basée sur une mesure de saturation veineuse dans la veine cave supérieure (ScvO2) chez des malades en sepsis sévère ne doit pas faire oublier ces données physiologiques élémentaires. Gardons à l’esprit que cette étude s’est déroulée dans un service d’urgences, dans des conditions ne permettant pas l’obtention aisée de mesures hémodynamiques plus complexes, et ne concernait que la réanimation initiale de ces états. Les conditions dans lesquelles les évaluations hémodynamiques doivent être réalisées chez le malade de réanimation sont souvent fort différentes.
Que faire lorsque l’on ne dispose pas d’un cathéter artériel pulmonaire ? La SvO2 n’est pas toujours disponible, suite à l’avènement de techniques moins invasives de détermination du débit cardiaque. Dans ces conditions, on peut considérer l’analyse de la ScvO2 comme mesure de remplacement. Il faut cependant rester prudent dans cette approche. Bien qu’il existe un lien physiologique (et donc une certaine corrélation) entre les deux mesures, celles-ci ne
Le débit cardiaque est-il adapté ? 165
sont pas identiques car elles ne reflètent pas les mêmes territoires vasculaires. Il peut exister une différence, parfois importante, entre les deux mesures lors d’altérations des circulations régionales, et en particulier du territoire splanchnique. De plus, si l’évolution des deux meures se fait souvent dans des directions similaires (21), les modifications ne sont pas toujours proportionnées, ce qui rend l’interprétation des données hémodynamiques plus délicate.
Conclusion Une mesure de débit cardiaque isolée sans mesure de la SvO2 est difficile à interpréter. L’évaluation de la relation entre le débit cardiaque et la SvO2 ou du rapport index cardiaque/EO2 permet de déterminer si le débit cardiaque est adapté. En l’absence de cathéter artériel pulmonaire, la ScvO2 peut être utilisée, même si cette mesure présente certaines limitations.
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166 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
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Évaluation de la réponse au remplissage vasculaire A. Vieillard-Baron et J.-L. Teboul
Introduction Pendant de nombreuses années, la gestion du remplissage vasculaire en réanimation a reposé essentiellement sur le concept de fluid challenge (1). Il s’agit d’une évaluation a posteriori de la réponse au remplissage, basée sur un monitorage invasif du débit cardiaque et des pressions intracardiaques (1). Une expansion volémique est jugée efficace lorsqu’elle entraîne une augmentation significative du débit cardiaque associée à une faible augmentation des pressions de remplissage, le cœur fonctionnant alors sur la portion raide de la courbe de Starling (2) ; elle est jugée inefficace lorsqu’elle n’entraîne qu’une augmentation modeste voire nulle du débit cardiaque mais importante des pressions de remplissage, le cœur fonctionnant alors sur la portion plate de la courbe de Starling (2). Cette attitude a été rendue nécessaire par l’absence de paramètres hémodynamiques permettant de prédire fidèlement l’efficacité du remplissage. Historiquement, les paramètres évaluant la précharge cardiaque (droite ou gauche) avaient été préconisés pour guider le remplissage vasculaire. La pression veineuse centrale (PVC), comme la pression artérielle pulmonaire d’occlusion, ont été montrées insuffisamment fiables pour prédire le bénéfice hémodynamique du remplissage vasculaire (3, 4). Les dimensions ventriculaires ne le sont pas davantage (5, 6). Si l’efficacité de l’expansion volémique reste vraisemblable pour les valeurs très basses de précharge parfois rencontrées chez les patients non encore réanimés (7), l’attitude basée sur l’analyse des marqueurs statiques de précharge cardiaque est peu recommandable, une fois passées les toutes premières heures de la réanimation hémodynamique. En effet, cette attitude est responsable dans 50 % des cas d’un remplissage vasculaire, au mieux inutile, au pire délétère, car une expansion volémique peut favoriser la formation d’œdème pulmonaire, aggraver un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA), aggraver une hypoxémie et engendrer une augmentation de la pression dans les voies aériennes induite par la ventilation mécanique. Les raisons pour lesquelles les indicateurs statiques de précharge
168 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
sont souvent défaillants pour prédire l’efficacité du remplissage vasculaire sont détaillées dans d’autres revues générales (7, 8). Depuis quelques années, une approche hémodynamique plus fonctionnelle a vu le jour (7). Elle consiste à évaluer a priori l’efficacité d’une expansion volémique. Elle repose sur l’utilisation de paramètres de fonction cardiaque que nous détaillerons plus loin qui permettent schématiquement de séparer les patients en deux catégories : – la première catégorie est composée de patients dits « répondeurs au remplissage », chez qui l’expansion volémique, si elle est pratiquée, augmenterait significativement le débit cardiaque ; – la seconde catégorie est composée de patients dits « non répondeurs au remplissage », chez qui aucun bénéfice hémodynamique significatif ne pourrait être attendu d’une expansion volémique.
L’approche hémodynamique fonctionnelle de la réponse au remplissage Plutôt que d’utiliser la valeur absolue des paramètres hémodynamiques, la nouvelle approche fonctionnelle utilise leur comportement au cours de tests dynamiques tel que le test créé naturellement par le cycle respiratoire généré par la ventilation mécanique ou encore la manœuvre de lever de jambes passif.
La variation cyclique des variables hémodynamiques au cours de la ventilation mécanique La ventilation mécanique est responsable d’une augmentation cyclique des pressions pleurale (ou intrathoracique) et transpulmonaire (pression alvéolaire – pression pleurale) lors de l’insufflation. Par leur effet sur la fonction cardiaque droite et gauche, ces variations de pression sont responsables d’une variation respiratoire des paramètres de fonction cardiaque droite et gauche (2, 9). De façon très schématique, plus cette variation est importante, plus le cœur est précharge-dépendant et plus la réponse au remplissage attendue est marquée.
Effets cardiaques du cycle respiratoire au cours de la ventilation mécanique Très schématiquement, l’augmentation à l’insufflation de la pression pleurale réduit le retour veineux au cœur droit. La réduction de précharge cardiaque droite qui en résulte entraîne une réduction du volume d’éjection systolique
Évaluation de la réponse au remplissage vasculaire 169
(VES) droit lorsque le ventricule droit est précharge-dépendant, c'est-à-dire lorsqu’il possède une réserve de précharge. Dans le même temps, l’augmentation à l’insufflation de la pression transpulmonaire en augmentant la postcharge du ventricule droit réduit aussi son éjection. Les effets combinés de l’augmentation à l’insufflation des pressions pleurale et transpulmonaire résultent donc en une réduction du VES d’autant plus marquée que le ventricule droit est précharge-dépendant (2). Des travaux récents semblent indiquer que l’effet de la pression pleurale sur la précharge est prédominant sur l’effet postcharge de la pression transpulmonaire chez la plupart des patients (10, 11). La réduction du VES ventriculaire droit (VD) à l’insufflation va retentir dans un temps différé (trois à quatre cycles cardiaques plus tard) sur le remplissage du ventricule gauche en raison du long temps de transit du sang dans la circulation pulmonaire. Ainsi, chez un patient recevant une ventilation mécanique conventionnelle, la réduction de précharge du ventricule gauche surviendra généralement au cours de la période expiratoire. Chez un patient ayant un ventricule gauche précharge-dépendant, il en résultera une réduction de VES ventriculaire gauche (VG) lors de l’expiration qui n’est donc que la conséquence retardée de la baisse du VES VD lors de l’insufflation. Ainsi, le plus souvent, une forte différence du VES VG entre l’inspiration et l’expiration est le témoin d’une précharge-dépendance VG et traduit la diminution inspiratoire du VES VD. La composante delta Down du signal de pression artérielle décrite par Perel et al. (12) témoigne de la diminution inspiratoire du VES VD. Dans certains cas, la différence entre inspiration et expiration du VES VG est aussi liée à une augmentation de précharge VG directement produite par la compression des vaisseaux alvéolaires sous l’effet de l’insufflation mécanique. La composante delta Up du signal de pression artérielle (12) témoigne de cette augmentation inspiratoire du VES VG. Dans ce cas, bien évidemment, la différence de VES entre inspiration et expiration est encore le témoin d’une précharge-dépendance du cœur. En revanche, l’hypothèse selon laquelle le VES augmenterait à l’insufflation du fait d’une baisse cyclique de la postcharge VG induite par l’augmentation de pression pleurale (13) est peu vraisemblable (9). Ce ne serait que dans ce cas improbable que la différence de VES entre inspiration et expiration pourrait ne pas traduire une précharge-dépendance du ventricule gauche.
Indices de précharge-dépendance Ils peuvent être séparés en deux catégories. La première catégorie est représentée par les indices qui testent la précharge-dépendance du ventricule gauche, soit directement par l’étude des variations respiratoires du VES VG, soit indirectement par l’étude des variations respiratoires de la pression pulsée (PP). La seconde catégorie est représentée par les indices qui testent la précharge-dépendance du ventricule droit. Cette distinction est importante car elle permet de bien analyser les limites de chacun de ces indices.
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Les indices de précharge-dépendance VG En ventilation contrôlée, Massumi et al. ont décrit les variations de PP sous le terme de reverse pulsus paradoxus (14). La PP augmente lors de l’insufflation, alors qu’elle diminue lors de l’expiration. Puisque la PP est directement corrélée au VES VG, ses variations ne traduisent que les variations respiratoires de ce volume. En cas d’hypovolémie, la baisse du retour veineux systémique à chaque insufflation est plus marquée. En conséquence, la chute du VES VD inspiratoire et, quelques battements cardiaques plus tard, lors de l’expiration, la chute du retour veineux pulmonaire, du VES VG et de la PP sera particulièrement net. La composante delta Down a été montrée pouvoir augmenter avec la spoliation sanguine chez l’animal (12) comme chez l’homme (15). Michard et al. ont proposé d’utiliser les variations respiratoires de PP, non plus comme seul témoin physiologique des interactions cardiorespiratoires, mais comme indice prédisant la réponse au remplissage en pratique clinique au lit du patient (16) (fig. 1). Chez 40 patients en ventilation contrôlée, traités pour un choc septique, les auteurs ont rapporté qu’un ∆PP supérieur à 13 % pouvait prédire de façon fiable une augmentation significative du débit cardiaque produite par une expansion volémique de 500 mL de colloïdes (16). Dans cette étude, ∆PP était calculé comme le rapport de la différence entre la PP maximale (lors de l’insufflation) et la PP minimale (lors de l’expiration) sur la moyenne des deux valeurs (16). D’autres travaux ont confirmé l’intérêt du calcul de DPP pour prédire l’efficacité du remplissage vasculaire dans diverses catégories de malades (11, 17-27).
Fig. 1 – Patient sous assistance respiratoire pour un choc septique à point de départ pulmonaire. Avant expansion volémique (A), les variations de la pression pulsées sont importantes (∆PP 18 %), suggérant une réponse positive à une expansion volémique. Après remplissage (B), les variations de ∆PP diminuent et l’index cardiaque (IC) augmente de façon significative.
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D’autres équipes ont testé directement l’amplitude des variations respiratoires du VES VG pour prédire la réponse au remplissage (fig. 2). Cela est rendu possible grâce à l’échocardiographie qui permet de mesurer battement cardiaque par battement cardiaque le VES VG, en multipliant l’aire sous la courbe du flux éjectionnel (ITV), obtenue en mode Doppler, par la surface de l’orifice (28). De façon expérimentale, Slama et al. ont démontré chez 12 lapins ventilés que l’amplitude des variations respiratoires de l’ITV était corrélée au degré d’hypovolémie et permettait de prédire la réponse au remplissage (29). En utilisant le Doppler œsophagien qui permet le monitorage du débit sanguin dans l’aorte descendante, Monnet et al. ont confirmé chez 38 patients la validité d’un indice similaire pour prédire l’efficacité d’une expansion volémique (30). Enfin, Feissel et al. supposant que les variations du VES VG étaient reflétées par les variations de la vélocité maximale du flux éjectionnel, ont rapporté des résultats équivalents (6). Les valeurs seuils des ces différents indices ne devant pas être interprétées comme des chiffres magiques, elles ne sont pas rapportées ici. En dehors de l’échocardiographie, une évaluation du VES VG battement par battement est possible par l’analyse du contour de l’onde pouls qui nécessite un cathéter artériel et un appareil de monitorage contenant un algorithme
Fig. 2 – Variations significatives du flux d’éjection du ventricule gauche en Doppler pulsé chez un patient hypovolémique. L’intégrale temps-vitesse (aire sous les pointillés) et la vélocité maximale du flux (barre horizontale) sont nettement diminuées lors de l’expiration comparées à l’insufflation. VG : ventricule gauche ; Ao : aorte.
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de calcul spécifique. Les systèmes PiCCO™ (Munich, Allemagne) et LidCO™ (Londres, Royaume-Uni) permettent une telle analyse en temps réel ainsi que le calcul automatisé de l’amplitude de la variation sur quelques secondes du VES VG. Ceci permet chez les patients ventilés d’approcher l’amplitude de la variation respiratoire du VES VG et donc d’avoir accès à un indice de précharge-dépendance VG pouvant aider à une prédiction fiable de la réponse au remplissage vasculaire (19, 20, 31). Ces systèmes de monitorage permettent également d’afficher automatiquement la valeur de DPP. Certaines limites à l’utilisation des différents indices de précharge-dépendance VG doivent être rappelées. Ces indices ne peuvent être interprétés que chez les patients n’ayant pas d’activité respiratoire spontanée et donc parfaitement adaptés au ventilateur. Deux études cliniques montrent que ∆PP n’a pas de valeur prédictive de la réponse au remplissage dans ces circonstances (21, 23). Ces indices ne doivent être interprétés que chez des patients en rythme sinusal. Un certain nombre de faux positifs peut être observé lorsque la précharge-dépendance VG est associée à une défaillance VD. C’est le cas notamment chez certains patients ventilés pour un SDRA sévère (9). Dans cette situation, la chute expiratoire de PP et du VES VG n’est pas secondaire à une chute du retour veineux systémique lors de l’insufflation précédente mais à une augmentation cyclique mal tolérée de la postcharge VD, survenant sur un ventricule droit précharge-indépendant ; l’expansion volémique ne permet alors pas de corriger leurs variations respiratoires, ni d’ailleurs d’augmenter le débit cardiaque, car le volume perfusé n’atteindra pas les cavités cardiaques gauches. En cas de suspicion de ce phénomène, qui serait davantage une contre-indication qu’une indication à l’expansion volémique, nous conseillons de pratiquer un test de lever de jambes passif (cf. infra) qui pourrait aplanir les doutes éventuels. Une augmentation ou une non-diminution de ∆PP lors du test en confirmant la suspicion de ce phénomène contre-indiquerait le remplissage vasculaire. A contrario, une diminution de ∆PP lors du lever de jambes passif laisserait supposer que la valeur élevée de ∆PP était plus en rapport avec une précharge-dépendance cardiaque globale, ce qui est une éventualité déjà observée au cours du SDRA (32). Enfin, il faut rappeler que les variations respiratoires de PP ou du VES VG peuvent ne pas être liées à une chute lors de l’expiration mais à une augmentation réelle lors de l’inspiration (cf. supra) ; c’est l’effet delta Up (12) dont il est dit qu’il surviendrait dans certaines situations cliniques comme l’insuffisance cardiaque congestive. Cependant, les études expérimentale (33) et clinique (5) ont montré que, même lorsqu’il prédomine sur la composante delta Down, son amplitude est rarement très marquée de sorte qu’il ne peut qu’exceptionnellement être responsable d’un ∆PP élevé.
Les indices de précharge-dépendance VD Il y a une grande logique à s’intéresser à la précharge-dépendance VD lorsque l’on veut évaluer les besoins en remplissage d’un patient, car c’est la pression
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auriculaire droite qui représente la pression d’aval du retour veineux systémique (34). Les différents indices qui ont été proposés proviennent de l’étude de la variabilité respiratoire du diamètre des veines cave qui sont facilement visualisées à l’aide de l’échographie (35). La veine cave inférieure (VCI) draine environ 80 % du retour veineux systémique. Son abouchement se fait au niveau du plancher de l’oreillette droite. Son trajet intrathoracique est virtuel chez l’homme et elle n’est donc soumise qu’à la pression intra-abdominale. Elle est visualisée à l’échographie par voie sous-xyphoïdienne. Barbier et al. ont démontré chez environ 100 patients ventilés que la relation entre le diamètre de cette veine cave et la PVC comportait deux parties (36) (fig. 3) : une première partie où une augmentation significative du diamètre est associée à une faible augmentation de la PVC, et une seconde partie où une faible augmentation du diamètre est associé à une forte augmentation de la PVC. Dans le premier cas, la VCI est compliante et comporte une réserve de précharge ; on peut émettre l’hypothèse qu’une expansion volémique induira une augmentation significative du débit cardiaque. Dans la seconde situation, elle est peu compliante sans réserve de précharge ; on peut émettre l’hypothèse que le remplissage sera inefficace. La ventilation mécanique permet de démasquer sur quelle portion de la relation la VCI se situe : chaque insufflation, par l’augmentation de pression dans les voies aériennes qu’elle induit, entraîne une augmentation de la PVC, associée donc à une augmentation plus ou moins nette du diamètre de la VCI. Deux études cliniques ont permis de tester la validité de cette hypothèse en montrant que plus la VCI se distendait lors de l’insufflation, plus l’augmentation de débit
Fig. 3 – Relation entre le diamètre de la veine cave inférieure (dVCI) et la pression veineuse centrale (PVC) chez une centaine de patients sous assistance respiratoire. Cette relation comprend deux parties distinctes, une première partie où la veine est compliante et une seconde partie où une petite augmentation de son diamètre entraîne une augmentation importante de la PVC.
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cardiaque induite par l’expansion volémique était importante. Dans la première étude, la distension inspiratoire de la VCI était appréciée par le calcul d’un index de distensibilité de la VCI, c’est-à-dire le diamètre maximal lors de l’insufflation moins le diamètre minimal lors de l’expiration rapporté au diamètre minimal (36). Dans la deuxième étude, les auteurs ont montré également que la valeur absolue du diamètre, qu’il fût maximal ou minimal, n’était pas prédictive de la réponse au remplissage (37). La veine cave supérieure (VCS) draine environ 20 % du retour veineux systémique. Son abouchement se fait au niveau du toit de l’oreillette droite. Son trajet est purement intrathoracique, elle n’est donc soumise qu’à la pression intrathoracique. Elle est visualisée à l’échographie par voie transœsophagienne au niveau d’une coupe des vaisseaux de la base. Dans certaines situations cliniques comme l’hypovolémie, l’augmentation de pression intrathoracique observée durant l’insufflation peut engendrer un collapsus partiel ou complet de la veine cave (10). La pression de distension de la VCS, c’est-à-dire la pression qui règne dans le vaisseau moins la pression intrathoracique, devient inférieure à la pression de fermeture du vaisseau (38). Dans une étude clinique, une corrélation a été trouvée entre l’amplitude des variations respiratoires du diamètre de la VCS et l’amplitude du delta Down (9). Finalement, Vieillard-Baron et al. ont testé chez 66 patients ventilés pour un choc septique la valeur de l’index de « collapsibilité » de la VCS pour prédire l’efficacité du remplissage (11). Cet index était calculé comme le rapport de la différence entre le diamètre maximal mesuré lors de l’expiration et le diamètre minimal lors de l’inspiration sur le diamètre maximal (11). Plus que la valeur seuil de 36 %, retrouvée par la réalisation d’une courbe ROC, c’est la présence de variations respiratoires marquées (supérieure à 60 %) ou minimes (inférieure à 30 %) qui permettait de séparer les patients entre répondeurs et non-répondeurs au remplissage (11) (fig. 4). L’index de « collapsibilité » de la VCS est probablement plus fiable que l’index de distensibilité de la VCI. En effet, les variations respiratoires de la VCS traduisent directement le conflit existant entre le volume sanguin central et la pression intrathoracique. Au contraire, la VCI étant soumise à la pression intra-abdominale, des situations cliniques où cette pression est anormalement élevée pourraient engendrer une gêne à la distension du vaisseau malgré la présence d’une réserve de précharge. Jusqu’à présent, les variations respiratoires du diamètre de la VCI n’ont été étudiées que chez des patients de réanimation médicale (36, 37) dont les pressions intra-abdominale étaient peu augmentées (36). De surcroît, il existe des situations cliniques (patient obèse, laparotomie…) où l’obtention d’une coupe sous-xyphoïdienne peut s’avérer impossible. Malgré tout, l’intérêt majeur de la mesure du diamètre de la VCI et de ses variations au cours du cycle respiratoire est sa rapidité d’acquisition et sa simplicité d’utilisation, à toute heure du jour ou de la nuit, y compris dans des mains peu expérimentées (39), alors que l’étude du diamètre de la VCS nécessite un échocardiographiste expérimenté, familiarisé avec la voie œsophagienne.
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Fig. 4 – Coupe longitudinale de la veine cave supérieure par voie transœsophagienne chez un patient sous ventilation mécanique présentant une insuffisance circulatoire. Mode temps-mouvement couplé au mode bidimensionnel. À l’état basal (A), l’insufflation est responsable d’un collapsus cyclique du vaisseau. Après remplissage (B), le collapsus inspiratoire va disparaître, l’index cardiaque significativement augmenter et l’insuffisance circulatoire se corriger. VCS : veine cave supérieure ; PT : pression trachéale.
Principales limites du concept de précharge-dépendance utilisant le cycle ventilatoire Les indices proposés reposent sur les conséquences de la ventilation mécanique, et notamment de l’insufflation, sur les paramètres de fonction cardiaque. Ils nécessitent donc que les patients soient parfaitement adaptés à leur respirateur, afin que les variations de pression dans les voies aériennes ne soient pas parasitées par des mouvements respiratoires spontanés. À notre sens, cela ne représente cependant pas une limite majeure car la majorité des patients les plus sévères, associant insuffisance respiratoire et circulatoire reçoivent souvent une sédation. De surcroît, les conditions opératoire et péri-opératoire constituent des situations où par excellence ces indices conservent tout leur intérêt en raison de la profonde anesthésie que les patients reçoivent. Une abondante littérature (19, 20, 31) montrant une supériorité incontestable de ces indices dynamiques sur les indicateurs statiques de précharge (pressions ou dimensions des cavités cardiaques) en atteste. Par ailleurs, les variations de pression dans les voies aériennes doivent être suffisantes pour démasquer l’état de précharge-dépendance ou précharge-indépendance. C’est pourquoi certains auteurs ont pu suggérer que l’administration d’un petit volume courant, inférieur à 8 mL/kg, pourrait représenter une limitation majeure à l’utilisation de ces indices (40). Cela reste largement débattu (41), car c’est oublier que la réduction du volume courant est une procédure imposée par la présence de trop fortes pressions dans les voies
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aériennes, comme dans le SDRA où les compliances thoracique et pulmonaire sont largement altérées.
Le lever de jambes passif : une autre façon d’appréhender les besoins en remplissage ? La manœuvre de lever de jambes passif constitue alors une alternative séduisante pour évaluer les besoins en remplissage, en particulier dans les situations (bas volume courant, arythmie cardiaque et activité respiratoire spontanée) où la variation respiratoire des indices hémodynamiques perd sa valeur prédictive de la réponse hémodynamique au remplissage vasculaire. Le lever de jambes passif qui consiste classiquement à élever les deux membres inférieurs du patient à 45° permet le transfert du sang veineux depuis les membres inférieurs vers le compartiment intrathoracique (42, 43). Cette manœuvre résulte en une augmentation de la précharge VD (44) et VG (45, 46). Dans cette mesure, le lever de jambes passif mime les effets d’un remplissage vasculaire (autotransfusion) et a d’ailleurs été proposé de longue date comme manœuvre de première urgence du choc hypovolémique. Le lever de jambes passif augmente la précharge cardiaque par augmentation de la pression circulatoire moyenne, c’est-à-dire la pression motrice de retour veineux (34) due à un déplacement gravitationnel de sang du compartiment veineux non contraint (unstressed volume) vers le compartiment veineux contraint (stressed volume). Ce mécanisme est peut-être amplifié chez les patients sous ventilation mécanique dans la mesure où le volume sanguin enclos dans les lits veineux thoracique et splanchnique est déjà contraint (réduction de la capacitance veineuse) par la pression aérienne positive. Ainsi, l’élévation de la pression circulatoire moyenne avec le lever de jambes passif devrait être plus forte chez les patients ventilés que chez ceux ne recevant aucune ventilation artificielle (47). Cela étant, les conséquences du lever de jambes passif sur le débit cardiaque sont variables (44, 48, 49), dépendant probablement du degré d’élévation des jambes et de l’existence d’une réserve de précharge. À cet égard, Boulain et al. (50) ont montré que l’augmentation du VES induite par le lever de jambes passif chez des patients ventilés survenait seulement chez les patients qui augmentaient leur VES après un remplissage de 300 mL. Chez les patients qui n’exprimaient pas de bénéfice hémodynamique au remplissage vasculaire, le lever de jambes passif n’augmentait pas le VES en dépit d’une augmentation des pressions de remplissage (50). Ainsi, le lever de jambes passif qui était capable d’augmenter la précharge cardiaque chez tous les patients étudiés n’augmentait le VES que chez ceux qui avaient une réserve de précharge (50). C’est pourquoi, le lever de jambes passif a été proposé comme test pour détecter l’existence d’une précharge-dépendance (ou réserve de précharge) (23). Il est intéressant de noter que l’élévation des pressions de remplissage induite par le lever de jambes est totalement et rapidement réversible après
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retour des jambes au niveau horizontal (50). Ceci suggère que la manœuvre du lever de jambes passif peut aider à prédire la réponse au remplissage tout en évitant les méfaits potentiels d’un remplissage superflu. Le critère de jugement de la réponse hémodynamique à la manœuvre du lever de jambes passif doit être théoriquement l’évolution du VES. Dans la mesure où la PP est directement proportionnelle au VES et en postulant que la compliance artérielle n’est pas modifiée par la manœuvre, une augmentation de PP au cours du lever de jambes devrait indiquer que le VES a augmenté au cours de la manœuvre et donc que le patient a une réserve de précharge utilisable pour un éventuel remplissage vasculaire. Ainsi, Boulain et al. ont montré que l’augmentation de PP mesurée au niveau radial prédisait correctement la réponse au remplissage chez les patients ventilés artificiellement, même si la corrélation entre variations de PP induites par le lever de jambes et variations de VES induites par le remplissage était relativement lâche (r = 0,74) (50). Ceci est probablement lié au fait que les modifications de la PP radiale ne reflètent pas totalement les variations de PP aortique du fait des phénomènes complexes de propagation et de réflexion des ondes de pression artérielle et de leurs modifications lors du lever de jambes. De surcroît, une variation donnée de VES peut se refléter par des variations différentes de PP du fait d’une compliance artérielle qui peut elle-même différer d’un patient à l’autre. Pour toutes ces raisons, une mesure directe du VES devrait être plus appropriée pour que le test du lever de jambes soit correctement interprétable. En raison de la durée brève (en général autour d’une minute) de la manœuvre du lever de jambes, l’emploi du cathéter artériel pulmonaire n’est pas approprié, même avec les modèles utilisant la mesure automatique du débit cardiaque par thermodilution, car cette technique met au moins dix minutes pour détecter totalement une variation de débit cardiaque. Une mesure en temps réel du débit sanguin grâce aux techniques de mesure du VES battement à battement est une meilleure méthode pour détecter les modifications hémodynamiques induites par le lever de jambes passif. À cet égard, il a été montré que les modifications de débit dans l'aorte thoracique descendante mesurées par Doppler œsophagien lors d'un lever de jambes prédisaient très fidèlement les effets d'une expansion volémique sur ce débit (23). Une augmentation de plus de 10 % du débit aortique descendant lors du lever de jambes prédisait une augmentation du débit aortique descendant de plus de 15 % après remplissage de 500 mL de sérum salé isotonique avec une sensibilité de 97 % et une spécificité de 94 %. Des résultats similaires ont été rapportés par une autre équipe d’investigateurs (25). Il est intéressant de souligner que cette méthode garde toute sa valeur prédictive de la réponse à l'expansion volémique en cas d'arythmie ou d'activité respiratoire spontané (23). D’autres technologies qui permettent une mesure en temps réel du VES pourraient également être employées lors du test de lever de jambes. Ainsi, chez des patients ayant une ventilation spontanée, une élévation de plus de 12 % lors d’un lever de jambes de l’intégrale temps-vitesse mesurée par Doppler
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pulsé au niveau de l’anneau aortique (échocardiographie transthoracique) permettrait de prédire une augmentation du VES de plus de 15 % avec une sensibilité de 77 % et une spécificité de 100 % (51). Le moniteur PiCCO™ est également utilisable car il permet un monitorage en temps réel du débit cardiaque grâce à l’analyse du contour de l’onde de pouls. Chez des patients ayant une ventilation spontanée, une élévation supérieure à 12 % lors du lever de jambes du débit cardiaque ainsi mesuré identifierait les répondeurs au remplissage vasculaire avec une sensibilité de 82 % et une spécificité de 93 % (52).
Conclusion L'identification des malades susceptibles de répondre au remplissage vasculaire est une préoccupation quotidienne du réanimateur prenant en charge un patient en insuffisance circulatoire aiguë. Les indices hémodynamiques fournissant une évaluation statique de la précharge cardiaque sont de peu d'utilité surtout chez les patients ayant déjà reçu un remplissage lors d’une réanimation initiale. Une attitude hémodynamique fonctionnelle est maintenant adoptée par beaucoup. Cette attitude repose sur la prise en compte d’indices dynamiques qui témoignent d’une réserve de précharge cardiaque. Deux approches dynamiques ont été proposées : l’une utilise l’analyse de la variabilité cyclique de signaux hémodynamiques (pression artérielle pulsée, flux Doppler cardiaques ou aortiques, etc.) chez les patients recevant une ventilation mécanique parfaitement contrôlée ; l’autre utilise la manœuvre de lever de jambes passif qui augmente de façon réversible la précharge cardiaque et qui a l’avantage de pouvoir être interprétée de façon fiable chez les patients ayant une ventilation spontanée. Les outils de monitorage hémodynamique en temps réel désormais disponibles permettent de bénéficier à plein de l’approche hémodynamique fonctionnelle.
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Évaluation de la réponse au remplissage vasculaire 181
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Évaluation de la fonction cardiaque A. Vieillard-Baron et D. De Backer
Introduction L’évaluation de la fonction cardiaque gauche et droite est centrale lors de la prise en charge d’un patient de réanimation. Elle permet de comprendre l’origine d’une instabilité hémodynamique, mais également d’évaluer la participation cardiaque dans une insuffisance respiratoire aiguë. Dans des situations particulières comme l’embolie pulmonaire ou le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), elle peut avoir des conséquences thérapeutiques spécifiques comme la mise en route d’une fibrinolyse ou l’adaptation des paramètres respiratoires. Lors de la prise en charge d’un choc septique, elle permet de dépister la défaillance cardiaque gauche, qui peut limiter l’amélioration des paramètres d’oxygénation tissulaire du patient. Des évaluations répétées sont souvent nécessaires pour apprécier l’impact des interventions thérapeutiques. Divers outils et indices peuvent être utilisés et l’intérêt de ceuxci sera discuté dans le présent chapitre. Cependant, schématiquement, le réanimateur a le choix entre l’utilisation de paramètres dérivés des mesures hémodynamiques classiques et l’utilisation de l’échographie cardiaque. Dans tous les cas, le débit cardiaque seul n’est pas un bon reflet de la fonction cardiaque car il dépend entre autres de la fréquence cardiaque et peut donc être maintenu dans des valeurs normales lors d’une défaillance cardiaque au prix d’une tachycardie réflexe. Il reflète plutôt l’existence ou non d’une adaptation à une situation hémodynamique donnée.
Évaluation de la fonction cardiaque gauche Quelques principes de la fonction ventriculaire gauche doivent être connus avant d’en présenter l’évaluation. L’élastance diastolique du ventricule gauche est élevée. D’autre part, un ventricule gauche normal est relativement postcharge indépendant. La conséquence, contrairement au ventricule droit, est qu’une dilatation significative du ventricule gauche, en réponse à des modifi-
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cations aiguës de ses conditions de charge, est improbable. Kumar et al. (1) ont rapporté qu’un remplissage vasculaire rapide par trois litres de sérum salé isotonique chez des volontaires sains entraînait une augmentation de volume télédiastolique du ventricule gauche de moins de 5 %. Ainsi, l’observation échocardiographique d’une dilatation significative du ventricule gauche est le témoin d’une cardiopathie chronique sous-jacente. Au contraire, devant une dysfonction systolique, l’absence de dilatation du ventricule gauche signe l’existence d’une fonction systolique préalablement normale (pour autant que la fonction diastolique et la précharge soient normales). Contrairement à la défaillance cardiaque droite que nous verrons plus loin, les causes principales de la défaillance cardiaque gauche en réanimation sont relativement simples : il s’agit soit d’une insuffisance de précharge, liée à une hypovolémie, un barrage sur la circulation pulmonaire ou une dysfonction diastolique, soit d’une dysfonction systolique du ventricule gauche, les deux pouvant d’ailleurs être associées. Il s’agit donc d’utiliser des outils capables de les rechercher. Les valvulopathies sévères, régurgitantes ou sténosantes, ne seront pas abordées ici bien que leur recherche doit être systématique, ce qui est fait le plus simplement par échocardiographie. De nombreuses situations cliniques peuvent être responsables d’une dysfonction systolique du ventricule gauche. Les plus « classiques » sont rencontrées lors de la prise en charge d’un infarctus du myocarde étendu ou d’une insuffisance cardiaque chronique décompensée. Dans la première situation, l’échocardiographie couplée à l’anamnèse et à l’électrocardiogramme permet facilement de faire le diagnostic. Dans la deuxième situation, la présence d’un débit cardiaque bas et d’une dysfonction systolique du ventricule gauche, associée à des pressions de remplissage élevées signent le diagnostic. Le ventricule gauche apparaît alors fréquemment dilaté à l’échocardiographie ce qui témoigne d’une cardiomyopathie chronique. Il est une situation clinique moins classique mais très importante à connaître, c’est le choc septique. Dans cette situation, la dysfonction systolique du ventricule gauche s’accompagne de pressions de remplissage normales voire basses. Le ventricule gauche n’est pas dilaté à l’échocardiographie et le débit cardiaque n’est pas forcément effondré. La constatation d’une telle dysfonction, associée à la persistance de signes d’hypoperfusion tissulaire, requiert la prescription d’un soutien inotrope. Il existe toujours un débat quant à la fréquence de cette dysfonction. Elle a été rapportée dans 35 à 50 % des cas environ (2-6).
Évaluation de la précharge du ventricule gauche C’est le préalable à toute évaluation de la contractilité du ventricule gauche car cette dernière varie avec les conditions de charge (7). La précharge peut être appréciée soit par la mesure des pressions, soit par la mesure des volumes ventriculaires. La première solution requiert la mise en place d’un cathéter artériel pulmonaire et la mesure de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion,
Évaluation de la fonction cardiaque 185
reflet de la pression télédiastolique du ventricule gauche. Ce n’est malheureusement plus le cas dans des situations fréquemment rencontrées en réanimation (présence d’une PEEP élevée, qu’elle soit intrinsèque ou thérapeutique) (8). L’échocardiographie permet de mesurer le volume ou la surface télédiastolique du ventricule gauche (9) mais aussi d’évaluer ses pressions de remplissage (10). Certains moniteurs (PiCCO™) ont proposé un indice de précharge appelé GEDV, pour global end-diastolic volume. Cependant, les modalités d’acquisition de cet index apparaissent assez compliquées. Il s’agit d’une valeur calculée et non mesurée. Enfin, il s’agit d’une valeur non physiologique. En dehors des cas extrêmes (pression artérielle pulmonaire d’occlusion inférieure à 5 mmHg, surface télédiastolique du ventricule gauche en petit axe inférieure à 5 cm2/m2), l’évaluation de la précharge ne permet pas de détecter une insuffisance de précharge (11). C’est pourquoi des indices dynamiques ont été proposés, comme les variations de la pression artérielle pulsée (12) ou les variations du volume d’éjection du ventricule gauche, mesuré en mode Doppler (13).
Évaluation de la contractilité du ventricule gauche La fraction d’éjection ventriculaire gauche se définit comme le rapport entre le volume éjectionnel et le volume télédiastolique. Sa mesure par radio-isotope est possible, mais rares sont les unités de réanimation qui possèdent une caméra portable pouvant être transportée au lit du malade de réanimation. Dans la pratique quotidienne, la fraction d’éjection ventriculaire est habituellement mesurée par échographie cardiaque à partir de diverses méthodes de mesure des volumes, utilisant des formules et des coupes différentes. La plupart de ces mesures nécessitent que le ventricule gauche se contracte de façon homogène. En d’autres termes, la fraction d’éjection doit être interprétée avec prudence en présence d’une anomalie importante de la cinétique segmentaire. La méthode de Simpson, utilisant la sommation de multiples ellipses qui découpent le ventricule gauche, est la plus fiable (14). Sans doute qu’en pratique clinique, la méthode la plus simple est la formule surface-longueur obtenue à partir d’une coupe apicale des quatre cavités, où le volume du ventricule gauche est mesuré à partir de la formule suivante : V = 8A2/3∏L, A représentant la surface et L le grand axe du ventricule (fig. 1). Malgré ses limitations, la mesure de la fraction d’éjection garde un intérêt certain. C’est un examen de première ligne aisément réalisable et donnant une bonne approximation de la fonction systolique du ventricule gauche. C’est à l’aide de cette mesure, tant par radio-isotopes que par échographie, que l’existence d’une dépression myocardique a pu être démontrée dans le sepsis (2-6). Il est intéressant de constater que le débit cardiaque peut être préservé chez certains patients ayant une fraction d’éjection fortement abaissée et au contraire abaissé chez des patients ayant une fonction peu altérée (6). Ceci confirme la nécessité d’avoir une approche intégrée de la fonction cardiaque.
186 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Fig. 1 – Mesure échographique des volumes ventriculaires gauches par la méthode surfacelongueur à partir d’une vue apicale des quatre cavités par voie transthoracique (panel A) et d’une vue grand axe par voie transœsophagienne (panel B). OD : oreillette droite, OG : oreillette gauche, VD : ventricule droit, VG : ventricule gauche.
D’autres indices de contractilité cardiaque ont été développés ; tous se basent sur le principe que meilleure sera la contractilité, plus grande sera la vitesse de propagation du sang dans l’aorte après l’ouverture de la valve aortique. La pente d’accélération du flux aortique peut être mesurée par Doppler œsophagien. Une mesure similaire peut être obtenue sur le moniteur PiCCO™ et se base sur la pente maximale de montée de pression artérielle (« dPmax »). Par échographique, on peut mesurer un indice similaire à partir de la pente maximale du flux de régurgitation mitrale (15). Tous ces indices sont affectés par la postcharge et, dans une moindre mesure, par la précharge ventriculaire gauche. L’utilité clinique de ces indices reste à définir. Par échographie cardiaque on peut également calculer la puissance maximale. Celle-ci se base sur les principes hydrauliques et correspond à l’énergie nécessaire pour propulser la masse liquidienne (volume éjectionnel) dans l’aorte. Elle se calcule comme le produit de la vélocité aortique maximale par la surface de la valve aortique et par la pression artérielle systolique. Elle peut également être corrigée par un indice de précharge, la surface télédiastolique du ventricule gauche. La puissance maximale est corrélée à l’élastance maximale (16) et semble donc un bon reflet de la contractilité myocardique. L’utilité de cet indice en pratique clinique reste également à démontrer.
Approche intégrée : évaluation des courbes de fonction systolique ventriculaire gauche Comme expliqué plus haut, une valeur de débit cardiaque ne permet pas d’estimer la fonction cardiaque car le débit cardiaque dépend, non seulement de la contractilité cardiaque mais également de la précharge et de la postcharge ventriculaires gauches. Afin de se départir de ces contraintes, il a été proposé
Évaluation de la fonction cardiaque 187
de calculer l’index de travail ventriculaire gauche, LVSWI exprimé en gm.m/bat/M_ = (pression artérielle moyenne - pression artérielle pulmonaire occluse) x volume éjectionnel x 0,0136. Cet indice reste cependant peu utilisé en pratique. Certains auteurs ont proposé de construire une courbe de Starling durant un test de remplissage (17, 18). Les mesures du débit cardiaque et de précharge (pression veineuse centrale, pression artérielle pulmonaire occlusive, ou volume télédiastolique par PiCCO™) sont ainsi obtenues à différents niveaux de remplissage et la courbe de Starling est construite. Ces mesures étant fastidieuses, la répétition de ces courbes est difficile. De plus, un test de remplissage ne peut pas toujours être réalisé. Une manière simplifiée consiste à corréler le débit cardiaque (ou mieux le volume éjectionnel indexé) à l’indice de précharge (pression ou volume). Comme illustré dans la fig. 2, il est possible de déterminer si une intervention ou une modification spontanée donnée résulte d’un effet lié à une modification de précharge ou de contractilité. De même, on peut déterminer un état d’hyper- où d’hypovolémie/contractilité. Le moniteur PiCCO™ fournit un indice dérivé de ce concept, l’indice de fonction cardiaque, qui est calculé comme le rapport entre l’index cardiaque et le volume diastolique global (une valeur inférieure à 4 suggère une fonction
Fig. 2 – Évaluation hémodynamique par étude de la relation entre la précharge ventriculaire et l’index cardiaque. Dans ce graphe, la précharge peut être estimée soit par mesure des pressions, soit par mesure des volumes intravasculaires. Les valeurs normales sont représentées par l’ellipse. A et B représentent l’effet d’une modification de précharge sans modification de contractilité, C une augmentation isolée de la contractilité, D une diminution de la contractilité.
188 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
cardiaque altérée). Malheureusement, ces indices ne donnent qu’une idée partielle de la fonction cardiaque, ne tenant pas en compte la postcharge ni l’efficience cardiaque. De plus, ils correspondent peu à des valeurs physiologiques et sont souvent issus de calculs et non de mesures. Enfin, ils peuvent être pris en défaut en cas de défaillance cardiaque droite isolée.
Évaluation de la fonction ventriculaire droite Bien qu’elle soit souvent peu considérée, la fonction cardiaque droite est d’une grande importance en pratique clinique, surtout chez les malades de réanimation (19). C’est elle qui régule en partie le retour veineux systémique, c’est elle également qui fournit la circulation pulmonaire et donc qui module le retour veineux pulmonaire et le volume d’éjection systolique du ventricule gauche. En conditions normales, le ventricule droit est un ventricule qui éjecte sur une circulation à basse pression, la circulation pulmonaire. Ces propriétés permettent d’optimiser l’éjection du ventricule droit même en présence d’une contraction modeste de ce ventricule. Des fractions d’éjection inférieures à 40 % ont été rapportées chez des sujets parfaitement sains. L’une des conséquences de ces propriétés est que la fonction systolique du ventricule droit est dite sensible : une augmentation brutale et significative de la postcharge du ventricule droit entraîne sa défaillance. Contrairement au ventricule gauche, sa fonction diastolique est tolérante, c’est-à-dire qu’en réponse à une surcharge, systolique ou diastolique, le ventricule droit est capable de se dilater de façon aiguë. La défaillance du ventricule droit est fréquente en réanimation, son évaluation est donc impérative. Plusieurs mécanismes peuvent être responsables de cette défaillance : – une insuffisance de précharge, secondaire à une hypovolémie absolue ou relative ; – une augmentation brutale de postcharge, présente dans le SDRA (obstruction distale de la circulation pulmonaire) et l’embolie pulmonaire massive (obstruction proximale de la circulation pulmonaire) ; – une altération sévère de la contractilité, rapportée dans le sepsis sévère et l’infarctus du myocarde étendu au ventricule droit ; – une gêne au remplissage des cavités cardiaques droites, lors de la tamponnade. À partir d’une évaluation échocardiographique, Vieillard-Baron et al. ont rapporté la présence d’une défaillance cardiaque droite dans 61 % (20), 25 % (21) et 30 % (22) des cas d’embolie pulmonaire massive, de SDRA et de choc septique respectivement. La prise en compte de la ventilation mécanique est indispensable lors de l’évaluation de la fonction cardiaque droite chez les patients de réanimation. Par les modifications de pressions pleurale et transpulmonaire qu’elle engendre,
Évaluation de la fonction cardiaque 189
elles peut favoriser ou aggraver une défaillance cardiaque droite (23) (fig. 3). Également, elle entraîne fréquemment une surestimation des pressions cardiaques droites du fait de la transmission de la pression pleurale à l’oreillette droite et au ventricule droit. Plusieurs outils d’évaluation de la fonction cardiaque droite sont disponibles en réanimation. Nous insisterons tout particulièrement sur deux de ces outils, l’un, le cathétérisme cardiaque droit, pour des raisons historiques puisqu’il a longtemps été le seul disponible, l’autre, l’échocardiographie, qui représente maintenant la meilleure méthode d’évaluation. L’échocardiographie est disponible par voie transthoracique et transœsophagienne. C’est un outil non invasif, facilement répétable, et réalisable rapidement au lit du patient.
Fig. 3 – Patient hospitalisé pour une insuffisance respiratoire aiguë en rapport avec une pneumopathie bilatérale. En ventilation spontanée (panel A), l’échocardiographie transthoracique retrouve un ventricule droit non dilaté (pointillés). Après la mise en route d’une ventilation contrôlée (panel B), le patient va développer une défaillance du ventricule droit objectivée par voie transœsophagienne par l’apparition d’une dilatation du ventricule (pointillés). OD : oreillette droite, VG : ventricule gauche.
Évaluation de la précharge du ventricule droit L’échocardiographie permet la mesure du volume télédiastolique du ventricule droit. Mais du fait de la forme géométrique complexe du ventricule, avec ses deux chambres coniques perpendiculaires, les formules de calcul sont peu utilisables en pratique courante et ne s’appliquent qu’à un ventricule droit normal non dilaté (24). L’échocardiographie permet aussi une évaluation non invasive de la pression veineuse centrale à partir de la mesure du diamètre de la veine cave inférieure. Mais aussi bien le volume que les pressions apparaissent finalement peu fiables pour prédire la seule information vraiment intéressante qui concerne la précharge dépendance du ventricule droit, de façon à prédire l’ef-
190 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
ficacité d’une expansion volémique sur le débit cardiaque (11). C’est pourquoi plusieurs équipes se sont intéressées aux variations respiratoires, en ventilation contrôlée, du diamètre de la veine cave inférieure (25, 26), visible par voie sous-xyphoïdienne, et du diamètre de la veine cave supérieure (27) visible par voie transœsophagienne. Ces différentes études sont largement détaillées dans le chapitre 3.2, et nous n’y revenons pas ici. L’utilisation du cathétérisme cardiaque droit permet aussi en théorie d’évaluer la précharge du ventricule droit, en mesurant la pression auriculaire droite et la pression télédiastolique du ventricule droit. Malheureusement, ces pressions mesurées sont des pressions intravasculaires, c’est-à-dire qu’elles reflètent non seulement la pression de distension (appelée encore pression transmurale) de la cavité considérée, mais également la transmission des pressions qui entourent cette cavité, c’est-à-dire la pression pleurale ou dans certaines conditions la pression péricardique (fig. 4). Les situations où elles surestiment la précharge du ventricule sont donc fréquentes : application d’une pression télé-expiratoire positive, hyperinflation dynamique, épanchement péricardique (fig. 4). En tenant compte de ces limitations, la mesure de la pression auriculaire droite garde un intérêt certain dans le monitorage hémodynamique. Une élévation des pressions peut servir de signal d’alerte dans diverses circonstances (suivi du patients après une transplantation cardiaque) ou pour l’évaluation d’interventions thérapeutiques, toutes autres choses (pressions intrathoraciques…) restant égales.
Fig. 4 – Enregistrement de la pression auriculaire droite intra-vasculaire (OD) et de la pression péricardique (P) chez un patient présentant une tamponnade cardiaque, à trois temps différents (A, B et C) depuis la prise en charge initiale (A) jusqu’à l’évacuation complète de l’épanchement (C). Le drainage était responsable d’une diminution progressive de la pression péricardique, responsable d’une baisse de la pression auriculaire droite intravasculaire et d’une augmentation de la pression auriculaire droite transmurale (flèche).
Évaluation de la fonction cardiaque 191
Évaluation de la postcharge du ventricule droit L’évaluation de la postcharge du ventricule droit repose surtout sur la recherche des conséquences de son augmentation brutale et importante qui se traduit par la présence d’un cœur pulmonaire aigu (CPA). Le CPA se définit à l’échocardiographie par l’association de trois signes : un mouvement paradoxal du septum interventriculaire (SIV), témoin de la surcharge systolique, une dilatation du ventricule droit, témoin de la surcharge diastolique, et une inversion du rapport des vélocités des ondes E et A mitrales, témoin d’un trouble de la relaxation du ventricule gauche (28) (fig. 5). Le septum paradoxal est visualisé au mieux sur une coupe petit axe du ventricule gauche. Dans cette incidence, on objective en fin de systole et en début de diastole un mouvement du SIV vers le centre de la cavité ventriculaire gauche (fig. 5, panel B), témoin de l’inversion du gradient de pression entre les deux ventricules. Ce mouvement paradoxal survient à chaque battement cardiaque et doit être différentié d’un mouvement du septum qui surviendrait uniquement lors de l’inspiration d’un patient dyspnéique en ventilation spontanée et qui traduit simplement l’augmentation du retour veineux systémique. La dilatation du ventricule droit est appréciée sur une coupe grand axe du ventricule gauche, en calculant le rapport de la surface télédiastolique du ventricule droit sur la surface télédiastolique du ventricule gauche (fig. 5, panel A). Lorsque le ventricule droit est non dilaté, ce rapport est inférieur à 0,6 (29) ; la dilatation est dite modérée lorsque le rapport est entre 0,6 et 1, elle est sévère pour un rapport supérieur à 1 (28). Le trouble de la relaxation du ventricule gauche s’apprécie par la réalisation d’un Doppler pulsé au niveau mitral afin d’enregistrer les ondes E (remplissage
Fig. 5 – Échocardiographie transœsophagienne chez une patiente développant un cœur pulmonaire aigu au troisième jour de la mise sous ventilation mécanique. Sur une coupe grand axe du ventricule gauche (panel A), le ventricule droit était dilaté ; il paraissait plus gros que le ventricule gauche. La coupe petit axe du ventricule gauche (panel B) permettait d’objectiver un septum paradoxal (flèche). Enfin, le Doppler pulsé au niveau mitral (panel C) objectivait une inversion du rapport des vélocités E/A en faveur d’un trouble de la relaxation du ventricule gauche. VG : ventricule gauche, VD : ventricule droit.
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protodiastolique) et A (remplissage télédiastolique contemporain de la systole auriculaire). Alors que la vélocité de l’onde E est normalement supérieure à la vélocité de l’onde A, un trouble de la relaxation est défini par une inversion du rapport E/A (fig. 5, panel C) (30). Ce trouble de relaxation du ventricule gauche est secondaire à la dilatation aiguë du ventricule droit qui vient restreindre le ventricule gauche. Du fait du sac péricardique, la dilatation de l’un des ventricules, en l’occurrence le ventricule droit, ne peut se faire qu’aux dépens de l’autre (fig. 6). Dans cette situation, l’échocardiographie permet l’évaluation non invasive des pressions artérielles pulmonaires systolique (à partir du flux Doppler de l’insuffisance tricuspide), et moyenne et diastolique (à partir du flux Doppler de l’insuffisance pulmonaire), venant confirmer la présence d’une hypertension artérielle pulmonaire. Le cathétérisme cardiaque droit permet difficilement de diagnostiquer un CPA. Certes, il peut mesurer directement les pressions artérielles pulmonaires et diagnostiquer une hypertension artérielle pulmonaire. Dans ce contexte, il est particulièrement important de différencier une hypertension artérielle pulmonaire pré- et postcapillaire : un bon indice est sans doute la présence d’un gradient supérieur à 5 mmHg entre la pression artérielle pulmonaire diastolique et la pression pulmonaire d’occlusion (31) (fig. 7). Certes, il peut également calculer les résistances artérielles pulmonaires. Mais plusieurs limites existent. D’une part, la présence d’une hypertension artérielle pulmonaire ne
Fig. 6 – Dimensions des cavités cardiaques par voie transœsophagienne chez 75 patients ventilés pour un syndrome de détresse respiratoire aigu. Alors que la somme des dimensions cardiaques en télédiastole était constante entre les patients qui développaient (CPA = 1) ou qui ne développaient pas (CPA = 0) un cœur pulmonaire aigu (panel A), les volumes ventriculaires gauches étaient significativement plus petits chez ceux qui développaient un cœur pulmonaire aigu (panel B). STD : surface télédiastolique, VTD : volume télédiastolique, VD : ventricule droit, VG : ventricule gauche. Tiré de (5).
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Fig. 7 – Enregistrement de la pression capillaire pulmonaire (PCP) et de la pression artérielle pulmonaire (PA) au cours d’une embolie pulmonaire massive (panel A) et d’un syndrome de détresse respiratoire aigu (panel B). L’existence d’un gradient de pression important entre la pression capillaire et la pression artérielle pulmonaire diastolique suggère l’existence d’un cœur pulmonaire aigu dans ce contexte.
préjuge en rien de la tolérance du ventricule droit. Vieillard-Baron et al., dans une population de patients ventilés pour un SDRA, ont rapporté un chevauchement important des valeurs de pression artérielle pulmonaire systolique entre deux groupes de patients, ceux qui développaient ou ne développaient pas un CPA (21). D’autre part, la valeur « normale » des pressions pulmonaires chez un malade ventilé est difficile à déterminer. Enfin, les résistances vasculaires pulmonaires varient avec le débit cardiaque : une augmentation du débit cardiaque entraîne une baisse des résistances et inversement (32). Dans ce contexte, certains ont proposé d’évaluer la circulation pulmonaire par l’étude des modifications de la « pression-débit » sous l’influence de doses croissantes de dobutamine (33). La construction de ces courbes avant et après intervention visant à manipuler les résistances vasculaires pulmonaires permet en effet de s’assurer que celles-ci ont bien été affectées et qu’il ne s’agit pas d’un artifice de calcul (fig. 8). Finalement, certaines équipes ont défini la défaillance ventriculaire droite par une pression veineuse centrale supérieure à la pression pulmonaire d’occlusion. Elles ont montré que cet indice était associé à une valeur pronostique péjorative chez les malades souffrant de SDRA (34).
Évaluation de la contractilité du ventricule droit Contrairement au ventricule gauche, l’évaluation de la contractilité du ventricule droit n’est pas simple et n’est d’ailleurs pas toujours pertinente. Nous avons rappelé que les propriétés de la circulation pulmonaire permettaient à des sujets parfaitement sains de présenter une fraction d’éjection inférieure à 40 %, alors que la valeur théorique normale oscille autour de 60 %. D’autre part, un ventricule droit défaillant se dilate. Il est donc souvent plus simple et plus utile d’apprécier l’existence ou non d’une dilatation plutôt que la contractilité du ventricule. Cependant, l’échocardiographie permet d’évaluer la
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Fig. 8 – Relation entre le débit cardiaque et la pression artérielle pulmonaire. Dans ce graphe les résistances vasculaires pulmonaires calculées (SVR) correspondent à la division de la pression artérielle pulmonaire par le débit cardiaque (passant par l’origine). Illustration de la discordance entre les résistances vasculaires pulmonaires calculées (SVR) et les résistances vasculaires pulmonaire vraies, estimées comme la pente de la relation débit cardiaque / pression artérielle pulmonaire. Les variations A-B ou C-D correspondent à des modifications passives de pression artérielle pulmonaire sous l’influence de modification du débit cardiaque, les résistances vasculaires pulmonaires restant inchangées tandis que les résistances vasculaires pulmonaires calculées (SVR) sont modifiées. Par contre, une modification A-A’ correspond à une modification des résistances vasculaires pulmonaires vraies alors que les résistances vasculaires calculées (SVR) restent inchangées.
contractilité du ventricule droit. Compte tenu des difficultés à modéliser la forme géométrique du ventricule, et donc à calculer les volumes ventriculaires, la fraction d’éjection est difficilement accessible. On lui préfère, à partir d’une coupe grand axe des ventricules, le calcul de la fraction de raccourcissement en surface par la mesure des surfaces télédiastolique et télésystolique, dont la valeur est proche de celle de la fraction d’éjection. La fig. 9, tirée d’un travail de Vieillard-Baron et al. (21), rapporte les différentes valeurs de fraction de raccourcissement dans trois populations : des volontaires sains et des patients ventilés pour un SDRA et présentant ou ne présentant pas de CPA. Les mêmes limites que pour la fraction de raccourcissement échocardiographique peuvent s’appliquer au calcul de la fraction d’éjection du ventricule droit à l’aide des sondes de cathétérisme à thermistance rapide. Kimchi et al. ont été parmi les premiers à proposer leur utilisation en pratique clinique chez
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Fig. 9 – Fraction de raccourcissement en surface (FRS) du ventricule droit calculée à l’échocardiographie dans trois populations distinctes de patients : des volontaires sains, des patients ventilés pour un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) et présentant (CPA = 1) ou ne présentant pas (CPA = 0) un cœur pulmonaire aigu. Les valeurs individuelles démontrent un chevauchement important des valeurs entre les trois groupes.
des malades de réanimation (35). Ils ont rapporté que 52 % des patients en choc septique présentaient une fraction d’éjection du ventricule droit inférieure à 38 % avec un ventricule droit dilaté dont le volume télédiastolique indexé était de 128 mL/m2 pour des valeurs normales entre 56 et 82 mL/m2 (35). En plus, des limites concernant la fiabilité de ces mesures doivent être soulevées. Hoeper et al. ont rapporté que la présence d’une hypertension artérielle pulmonaire, situation fréquente en réanimation, était responsable d’une surestimation des volumes ventriculaires droits (36). Groeneveld et al. ont rappelé, chez le patient en ventilation mécanique, l’influence sur la mesure des volumes du moment du cycle respiratoire où les mesures sont faites (37). Dans une étude de Jardin et al., la précision des mesures par thermodilution de la fraction d’éjection était de +/- 25 % environ comparée à la fraction de raccourcissement échocardiographique (38).
196 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation
Conclusion L’évaluation de la fonction cardiaque gauche et droite est indispensable au diagnostic et à la prise en charge thérapeutique optimale dans la plupart des situations cliniques où il existe une insuffisance respiratoire et circulatoire aiguë. L’évaluation de la fonction ventriculaire gauche peut se faire par divers outils, incluant l’échocardiographie et l’évaluation hémodynamique par cathéter artériel pulmonaire ou moniteur PiCCO™. L’évaluation de la fonction ventriculaire droite se fait au mieux par la réalisation d’une échocardiographie, outil d’évaluation non invasif.
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Conclusions et perspectives D. De Backer et J.-L. Teboul
Dans cet ouvrage, les diverses techniques de monitorage hémodynamique ont été développées. Chacune de ces techniques a ses avantages et ses limites. Si, de manière générale, le débit cardiaque est mesuré de manière fiable, l’intérêt particulier d’une technique s’évaluera par l’utilité des mesures dérivées (pressions intravasculaires et SvO2 pour le cathéter artériel pulmonaire, eau extravasculaire pulmonaire et volume global des cavités pour le PiCCO™, visualisation des cavités et variabilité respiratoire de la veine cave pour l’échographie cardiaque) et le caractère invasif ou non de celle-ci. Plutôt que d’opposer les diverses techniques, il est sans doute préférable que chaque service de réanimation dispose de plusieurs d’entre elles, afin de pouvoir utiliser une technique optimalisée suivant le degré de sévérité du patient, de la présence de défaillance d’autres organes ou systèmes (respiratoire, rénal) et du terrain sous-jacent (insuffisance cardiaque et/ou insuffisance respiratoire chronique). Dans ce contexte, il semble raisonnable de pouvoir disposer du cathéter artériel pulmonaire, d’une méthode de mesure du débit cardiaque battement par battement (Doppler œsophagien ou méthode dérivée de l’onde de pouls) ainsi que de l’échographie cardiaque (transthoracique et transœsophagienne). Il convient cependant d’avoir une expérience suffisante avec chacune de ces techniques, tant pour limiter les complications liées aux actes invasifs que pour optimaliser l’utilisation des informations recueillies.
Les utilisateurs ont-ils les capacités nécessaires pour interpréter les informations recueillies ? Il est évident que la complexité des outils, des données mesurées, ou de l’influence de diverses interventions sur celles-ci rendent la mesure des variables et leur interprétation parfois difficile pour des utilisateurs peu expérimentés. Dans ce contexte, l’outil le plus étudié a été le cathéter artériel pulmonaire. Dans une étude évaluant 496 médecins dans 13 unités de réanimation aux
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États-Unis, Iberti et al. (1) ont rapporté que 67 % des réponses étaient correctes, mais avec cependant une très grande variabilité individuelle, le taux de réponses correctes allant de 13 à 100 %. Dans cette étude, il n’y avait pas de lien entre le pourcentage de réponses correctes et l’expérience, l’éducation, ou le type d’institution. Dans une étude similaire conduite en Europe (535 médecins, 86 unités de réanimation), Gnaegi et al. (2) ont également rapporté que 72 % des réponses étaient correctes. Une variabilité importante dans le taux de réponses adéquates a été également observée, mais, dans cette étude, les médecins en formation avaient un pourcentage de bonne réponse moindre que les médecins déjà expérimentés (67 vs 76 %). Plus important, dans chaque groupe, les médecins déclarant avoir un niveau de formation spécifique par rapport au cathéter artériel pulmonaire avaient un taux de bonnes réponses plus élevé. L’expérience et la formation semblent donc importantes pour une bonne utilisation de cette méthode de monitorage hémodynamique. Il faut cependant regretter que des médecins qui se déclarent peu compétents utilisent malgré tout cet outil. En ce qui concerne les autres techniques, ce phénomène a été moins bien étudié, mais on peut cependant attendre des difficultés similaires tant pour l’acquisition des données que pour leur interprétation. Dans une étude sur questionnaires, portant sur 126 médecins détenteurs du certificat de réanimation (board-certified) dans l’état d’Illinois (États-Unis), trois scénarios hémodynamiques avaient été présentés (3). La moitié des répondeurs avaient accès exclusivement aux données hémodynamiques obtenues par cathéter artériel pulmonaire, l’autre moitié avait également accès aux données d’échographie cardiaque. De manière étonnante, l’adjonction des données d’échographie cardiaque n’améliorait pas l’interprétation hémodynamique. Pour certains problèmes, le taux de réponses incorrectes augmentait encore. Ceci illustre parfaitement le besoin d’éducation des techniques hémodynamiques et de l’interprétation des données. Nous espérons que cet ouvrage pourra y contribuer.
Le monitoring hémodynamique modifie-t-il le devenir du patient ? Cette question, cruciale, n’a été que très partiellement abordée. Diverses études randomisées ont comparé le devenir, en réanimation, de patients monitorés par cathéter artériel pulmonaire à celui de patients monitorés de manière classique (4, 5). Aucune de ces études n’a montré de supériorité du cathéter artériel pulmonaire sur un monitorage classique. Ceci peut bien évidemment être dû à l’agressivité de la technique (générant des effets secondaires masquant un potentiel effet bénéfique), à l’inutilité de la technique (les variables obtenues ne permettent pas de modifier la survie), ou à sa mauvaise utilisation (cf. supra).
Conclusions et perspectives 203
Malheureusement, ces études peuvent être également influencées par une hétérogénéité des patients inclus (mélange de populations de gravité différente), une absence de spécification de timing d’insertion (une utilisation tardive, quand les lésions sont déjà installées, a moins de chances d’être utile que lorsque les lésions sont encore réversibles), ainsi que l’absence de protocole thérapeutique (aucune guidance thérapeutique proposée pour corriger les anomalies détectées). Ces points sont particulièrement importants dans l’interprétation des données car l’utilisation péri-opératoire du cathéter artériel pulmonaire a été démontrée pouvoir diminuer la mortalité et morbidité de patients soumis à une chirurgie à haut risque (6-8). Notons ici aussi que les restrictions quant à l’utilité du cathéter artériel pulmonaire s’appliquent également aux techniques moins invasives, aucune étude n’ayant montré que l’emploi de ces techniques (échographie cardiaque, détermination du débit cardiaque à partir de l’onde de pouls, Doppler œsophagien…) permettait de diminuer la mortalité de patients de réanimation alors que l’utilisation péri-opératoire de ces nouveaux outils assortie d’un objectif d’optimalisation hémodynamique a été également montrée pouvoir réduire la morbidité des patients à haut risque (9, 10).
Conclusion L’évaluation hémodynamique est un élément central de la prise en charge du patient de réanimation. Plus que le choix de la technique, une bonne connaissance des avantages et limitations des diverses techniques et de l’interprétation des données recueillies est essentielle afin d’utiliser la technique la mieux adaptée à l’état du patients et de répondre adéquatement aux problèmes posés.
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Achevé d’imprimer par Dumas Titoulet Imprimeurs, 42000 Saint-Etienne Dépôt légal : août 2007 N° d’impression : 45245 Imprimé en France