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GENIE ATOMIQUE
L'economie de I'energie nucleaire Evelyne Bertel et Gilbert Naudet
Avec la collaboration de Mar...
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GENIE ATOMIQUE
L'economie de I'energie nucleaire Evelyne Bertel et Gilbert Naudet
Avec la collaboration de Marc Vielle
17, avenue du Hoggar Pare d'Activite de Courtaboeuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France
Illustration de couverture : La mediatheque EOF - Jean Claude Raoul
ISBN : 2-86883-691-7 Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous precedes, reserves pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alineas 2 et 3 de I'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement reservees a I'usage prive du copiste et non destinees a une utilisation collective », et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute representation integrale, ou partielle, faite sans le consentement de I'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinea 1er de I'article 40). Cette representation ou reproduction, par quelque precede que ce soit, constituerait done une contrefacon sanctionnee par les articles 425 et suivants du code penal.
© EDP Sciences 2004
Introduction a la collection « Genie Atomique » Au sein du Commissariat a I'energie atomique (CEA), I'lnstitut national des sciences et techniques nucleaires (INSTN) est un etablissement d'enseignement superieur sous la tutelle du ministere de ('Education nationale et du ministere de I'lndustrie. La mission de I'lNSTN est de contribuer a la diffusion des savoir-faire du CEA au travers d'enseignements specialises et de formations continues, tant a I'echelon national, qu'aux plans europeen et international. Cette mission reste centree sur le nucleaire, avec notamment I'organisation d'une formation d'ingenieur en « Genie Atomique ». Fort de 1'interet que porte le CEA au developpement de ses collaborations avec les universites et les ecoles d'ingenieurs, I'lNSTN a developpe des liens avec des etablissements d'enseignement superieur aboutissant a I'organisation, en co-habilitation, de trente-huit enseignements de 3 e cycle (DEA et DESS). A ces formations s'ajoutent les enseignements des disciplines de sante : les specialisations en medecine nucleaire et en radiopharmacie, ainsi qu'une formation destinee aux physiciens d'hopitaux. La formation continue constitue un autre volet important des activites de I'lNSTN, lequel s'appuie aussi sur les competences developpees au sein du CEA et chez ses partenaires industriels. Dispense des 1956 au CEA Saclay, ou ont ete baties les premieres piles experimentales, la formation en « Genie Atomique » (GA) Test egalement depuis 1976 a Cadarache ou a ete developpee la filiere des reacteurs a neutrons rapides. Depuis 1958, le GA est enseigne a I'Ecole des applications militaires de I'energie atomique (EAMEA) sous la responsabilite de I'lNSTN. Depuis sa creation, I'lNSTN a diplome plus de 4000 ingenieurs que I'on retrouve aujourd'hui dans les grands groupes ou organismes du secteur nucleaire frangais : CEA, EDF, Framatome, Technicatome, Cogema, Marine nationale. De tres nombreux etudiants etrangers provenant de differents pays ont egalement suivi cette formation. Cette specialisation s'adresse a deux categories d'etudiants : civils et militaires. Les etudiants civils occuperont des postes d'ingenieurs d'etudes ou d'exploitation dans les reacteurs nucleaires, electrogenes ou de recherches, ainsi que dans les installations du cycle du combustible. Us pourront evoluer vers des postes d'experts dans ('analyse du risque nucleaire et de ('evaluation de son impact environnemental. La formation de certains officiers des sous-marins et porte-avions nucleaires frangais est dispensee par I'EAMEA.
2
Introduction a la collection « Genie Atomique •
Le corps enseignant est forme par des chercheurs du CEA, des experts de I'lnstitut de radioprotection etde surete nucleaire (IRSN), des ingenieurs de I'industrie (EDF, AREVA,...) Les principales matieres sont: la physique nucleaire et la neutronique, la thermohydraulique, les materiaux nucleaires, la mecanique, la protection radiologique, ('instrumentation nucleaire, le fonctionnement et la surete des reacteurs a eau sous pression (REP), les filieres et le cycle du combustible nucleaire. Ces enseignements dispenses sur une duree de six mois sont suivis d'un projet de fin d'etude, veritable prolongement de la formation realise a partir d'un cas Industrie! concret, se deroulent dans les centres de recherches du CEA, des groupes industriels (EDF, Framatome, Technicatome, etc.) ou a I'etranger (EtatsUnis, Canada, Royaume-Uni, ...) La specificite de cette formation repose sur la large place consacree aux enseignements pratiques realises sur les installations de I'INSTN (reacteur Ulysse, simulateurs de REP, laboratoires de radiochimie, etc.) Aujourd'hui, en pleine maturite de I'industrie nucleaire, le diplome d'ingenieur en « Genie Atomique » reste sans equivalent dans le systeme educatif frangais et affirme sa vocation : former des ingenieurs qui auront une vision globale et approfondie des sciences et techniques mises en ceuvre dans chaque phase de la vie des installations nucleaires, depuis leur conception et leur construction jusqu'a leur exploitation puis leur demantelement. L'INSTN s'est engage a publier I'ensemble des supports de cours dans une collection d'ouvrages destines a devenir des outils de travail pour les etudiants en formation et a faire connaitre le contenu de cet enseignement dans les etablissements d'enseignement superieur frangais et europeens. Edites par EDP Sciences, acteur particulierement actif et competent dans la diffusion du savoir scientifique, ces ouvrages sont egalement destines a depasser le cadre de I'enseignement pour constituer des outils indispensables aux ingenieurs et techniciens du secteur industriel. Joseph Safieh Responsable general du cours de Genie Atomique
Table des matieres Avant Propos
13
Auteurs
17
Chapitre 1 : Energie nucleaire et systemes energetiques
19
1.1
19 19 21 23 24
Caracteristiques specifiques de I'energie nucleaire 1.1.1 Aspects technologiques et economiques 1.1.2 Aspects environnementaux 1.1.3 Aspects strategiques et sociaux 1.1.4 Aspects institutionnels et politiques
1.2 Place de I'energie nucleaire dans les bilans energetiques mondiaux
25
Chapitre 2 : Energie nucleaire et systemes electriques
27
2.1.
Definition d'un systeme electrique 2.1.1. Caracteristiques de la demande d'electricite 2.1.2. Complementarite des moyens de production 2.1.3. Contraintes et avantages du reseau
27 28 32 34
2.2.
Prevision de la demande d'electricite 2.2.1. Prevision de la consommation d'electricite 2.2.2. Prevision de la production totale d'electricite 2.2.3. Prevision des courbes monotones de charge
35 36 38 39
2.3.
Ajustement de la puissance a la demande 2.3.1. Puissance installee, puissance garantie 2.3.2. Contrainte sur la taille des unites
40 40 42
Chapitre 3 : Developpement de renergie nucleaire
45
3.1.
Programmes electronucleaires dans le monde 3.1.1. Evolution historique du point de vue economique 3.1.2. Puissance installee actuelle 3.1.3. Repartition par filieres et types de reacteurs
45 45 48 51
3.2.
Production d'electricite d'origine nucleaire 3.2.1. Contribution electronucleaire a la production d'electricite 3.2.2. Contribution par filieres et types de reacteurs
52 52 55
4
L'economie de I'energie nucleaire
3.3.
Indicateurs de fonctionnement des centrales nucleaires 3.3.1. Definitions et utilisation 3.3.2. Evolution des coefficients de production par types de reacteurs 3.3.3. Facteurs influant sur les indicateurs
55 55 58 60
3.4.
Evolutions technologiques et economic 3.4.1. Choix de I'uranium nature! 3.4.2. Choix de I'uranium enrichi 3.4.3. Autres criteres de choix : performance, maturite et cout
61 62 63 64
3.5.
Programme electronucleaire francais 3.5.1. Motivations 3.5.2. Realisation du programme 3.5.3. Organisation industrielle 3.5.4. Production et disponibilite 3.5.5. Avantages economiques et environnementaux
64 64 65 66 67 69
3.6.
Industrie et marche des chaudieres nucleaires 3.6.1. Constructeurs de chaudieres 3.6.2. Etat actuel de I'industrie des chaudieres nucleaires
70 70 71
Chapitre 4 : Calcul economique : le cout de la production d'electricite
75
4.1.
Finalite du calcul economique pour les compagnies d'electricite
75
4.2.
Analyse economique des projets : caracteristiques generales
75
4.3.
Methode de I'actualisation 4.3.1. Principe de I'actualisation 4.3.2. Bilan actualise 4.3.3. Taux d'actualisation
76 76 78 80
4.4.
Calculs d'actualisation 4.4.1. Valeurs de la fonction d'actualisation 4.4.2. Valeur actuelle d'une distribution uniforme 4.4.3. Valeur actuelle d'un flux constant sur la duree de vie 4.4.4. Valeur actuelle d'une distribution a derive constante sur une periode donnee 4.4.5. Valeur des annuites constantes
84 84 84 87
4.5.
Cout moyen actualise du kWh 4.5.1. Definition 4.5.2. Valeur actuelle de I'energie electrique produite 4.5.3. Expression generale des depenses actualisees 4.5.4. Structure du cout moyen actualise du kWh
89 89 90 92 95
4.6.
Autres calculs economiques previsionnels
96
88 88
Table des matieres
Chapitre 5 : Cout d'investissement
5
99
5.1.
Cout de construction 5.1.1. Definition et composition 5.1.2. Cout debase
99 99 101
5.2.
Facteurs de variation des couts de base 5.2.1. Variabilite des couts de base 5.2.2. Effetdetaille 5.2.3. Effet de duplication sur un site 5.2.4. Effet deserie 5.2.5. Effets relatifs aux conditions de site 5.2.6. Effet des modalites contractuelles de la construction
102 102 103 105 108 110 111
5.3.
Possibilites de reduction du cout de construction 5.3.1. Cas des centrales nucleaires de grande taille 5.3.2. Cas des petites centrales nucleaires
112 112 114
5.4.
Investissement 5.4.1. Interets intercalates 5.4.2. Aleas sur calendrier de construction 5.4.3. Cout de demantelement 5.4.4. Cout complet d'investissement
114 115 116 117 118
5.5. Valeurs de couts de base de construction et de couts d'investissement 5.5.1. En France 5.5.2. Dans le monde 5.5.3. Cas des centrales nucleaires de petite et de moyenne puissance
Chapitre 6 : Couts Sexploitation et d'entretien
119 119 120 122
125
6.1.
Composition des couts d'exploitation 6.1.1. Composantes communes a toute unite electrogene 6.1.2. Composantes propres aux centrales nucleaires
125 125 126
6.2.
Couts d'exploitation des centrales nucleaires 6.2.1. Structure des couts d'exploitation 6.2.2. Personnel des centrales nucleaires 6.2.3. Facteurs influengant les couts d'exploitation 6.2.4. Calcul du cout d'exploitation
127 127 127 129 130
6.3.
Valeurs des couts d'exploitation des centrales electrogenes 6.3.1. En France 6.3.2. Dans le monde 6.3.3. Evolution des couts d'exploitation des centrales nucleaires aux Etats-Unis
131 131 132
6.4.
Couts de renovation des centrales nucleaires
134
133
6
L'economie de I'energie nucleaire
Chapitre 7 : Cout du combustible
137
7.1.
Cout du combustible nucleaire 7.1.1. Specificite du cout du cycle du combustible nucleaire 7.1.2. Mode de calcul du cout de cycle du combustible nucleaire 7.1.3. Quantites de matieres et services du cycle du combustible 7.1.4. Couts unitaires et delais du cycle du combustible 7.1.5. Cout d'une recharge a I'equilibre 7.1.6. Sensibilite du cout actualise du combustible nucleaire 7.1.7. Partie fixe et partie proportionnelle du cout du combustible
137 137 138 141 143 148 151 153
7.2.
Couts des combustibles fossiles 7.2.1. Prixdu charbon 7.2.2. Prix du gaz nature!
156 157 159
7.3.
Valeurs des couts actualises des combustibles nucleaire et fossiles 7.3.1. En France 7.3.2. Dans le monde 7.3.3. Aux Etats-Unis
161 162 163 165
Chapitre 8 : Competitivite 8.1.
Limites du concept de competitivite
167 167
8.2. Competitivite des equipements thermiques 8.2.1. En France : etude DIGEC de 1997 8.2.2. En France : nouvelle evaluation (juin 2003) 8.2.3. Dans le monde 8.2.4. Competitivite comparee entre la France et les Etats-Unis 8.2.5. Competitivite des centrales nucleaires de petite et moyenne puissance
168 168 173 175 177
8.3.
Historique des couts actualises du kWh en France 8.3.1. Evolution des couts d'investissement des centrales nucleaires 8.3.2. Evolution des couts d'exploitation nucleaire 8.3.3. Evolution des couts du cycle du combustible 8.3.4. Evolution de la competitivite de I'electronucleaire
181 181 184 184 185
8.4.
Apercu du cout du kWh des energies renouvelables 8.4.1. Cout du kWh des eoliennes 8.4.2. Cout du kWh photovoltaTque
185 186 187
1 78
Chapitre 9 : Calcul economique et gestion du systeme electrique
189
9.1.
189 189 191 193 197
Optimisation du pare de production 9.1.1. Principes de I'optimisation 9.1.2. Programme optimal de developpement 9.1.3. Sensibilite des couts economiques a la duree d'appel 9.1.4. Sensibilite de la duree limite d'appel au taux d'actualisation
Table des matieres
7
9.2.
Structure tarifaire 9.2.1. Principes de la tarification 9.2.2. Cout marginal et structure tarifaire
201 201 202
9.3.
Gouts comptables
205
9.4.
Prix de I'electricite
206
Chapitre 10 : Couts externes
211
10.1. Externalites
211
10.2. Couts integres de protection de renvironnement 10.2.1. Cas des industries extractives 10.2.2. Cas general des centrales thermiques et en particulier des centrales thermiques a flamme 10.2.3. Cas particulier des centrales nucleaires 10.2.4. Ordre de grandeur du cout de protection de I'environnement dans la production d'electricite
212 212 213 215 216
10.3. Couts externes environnementaux 10.3.1. Methode devaluation 10.3.2. Couts externes de I'electricite d'origine nucleaire 10.3.3. Comparaison des couts externes de la production d'electricite
217 217 219 224
10.4. Couts externes non environnementaux 10.4.1. Couts externes de nature economique 10.4.2. Couts externes de nature politique
230 230 232
Chapitre 11 : Analyse macro-economique d'une politique energetique 11.1. Evaluation macro-economique de projet micro-economique 11.1.1. Modalite de ['articulation entre micro-economie et macro-economie 11.1.2. Integration d'un module specifique au sein d'un modele macro-economique 11.2. Modelisation macro-economique appliquee a I'energie nucleaire en France 11.2.1. Contexte 11.2.2. Le modele GEMINI-E3 11.2.3. Utilisation d'un module technologique decrivant le systeme electrique francais 11.2.4. Etablissement du compte de reference 11.2.5. Calcul des reductions d'emissions resultant des engagements de Kyoto 11.2.6. Utilisation des recettes provenant de la fiscalite sur le carbone
235 235 236 238 238 239 240 244 248 251 252
8
L'economie de I'energie nucleaire
11.3. Simulations de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto et d'un moratoire eventuel du nucleaire 11.3.1. Instauration de taxes sur le carbone 11.3.2. Instauration d'un marche de permis d'emissions au sein des pays vises a I'annexe I 11.3.3. Instauration de taxes sur le carbone et moratoire nucleaire frangais 11.3.4. Instauration d'un marche de permis d'emissions au sein des pays vises a I'annexe I et moratoire nucleaire francais 11.3.5. Elements de comparaison entre les scenarios
252 253 255 257 259 260
Chapitre 12 : Economie de Vamont du cycle du combustible
263
12.1. Presentation technique et economique de I'amont du cycle
263
12.2. Ressources d'uranium 12.2.1. Classification des ressources 12.2.2. Estimations des ressources d'uranium 12.2.3. Repartition des reserves d'uranium
264 264 266 267
12.3. Economie de I'uranium naturel 12.3.1. Specificite de la production d'uranium naturel 12.3.2. Cout de production de I'uranium naturel 12.3.3. Marche de I'uranium 12.3.4. Production d'uranium
268 268 269 271 275
12.4. Economie de la conversion
276
12.5. Economie de I'enrichissement 12.5.1. Travail de separation isotopique 12.5.2. Cout de I'enrichissement 12.5.3. Comparaison technique et economique des precedes d'enrichissement 12.5.4. Cout de I'uranium enrich! 12.5.5. Industrie de I'enrichissement 12.5.6. Marche de I'enrichissement
278 278 280 281 283 284 285
12.6. Economie de la fabrication 12.6.1. Cout de la fabrication 12.6.2. Industrie de la fabrication 12.6.3. Marche de la fabrication
288 288 289 291
Chapitre 13 : Economie de ['aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
293
13.1. Considerations economiques generales sur I'aval du cycle
293
13.2. Economie du retraitement 13.2.1. Cout du transport des combustibles uses 13.2.2. Cout de retraitement 13.2.3. Industrie et marche du retraitement
294 294 295 296
Table des matieres
9
1 3.3. Economie du recyclage des matieres nucleaires 13.3.1. Valorisation de I'uranium de retraitement 13.3.2. Valorisation du plutonium 13.3.3. Economie du combustible MOX 13.3.4. Bilan des matieres fissiles economisees
298 299 300 302 305
13.4. Economie du stockage direct des assemblages uses 13.4.1. Cout du stockage direct des combustibles de reacteurs a eau ordinaire 13.4.2. Cout du stockage direct des combustibles des reacteurs a eau lourde
306 306 308
13.5. Considerations generales sur ('economic du stockage definitif des dechets nucleaires 13.5.1. Cout de stockage des dechets de faible activite 1 3.5.2. Facteurs techniques influencant le cout de stockage des dechets de haute activite 1 3.5.3. Sensibilite du cout de stockage des dechets de haute activite a I'importance du programme nucleaire
308 308 309 310
13.6. Comparaison economique des deux options de I'aval du cycle 13.6.1. Comparaison des couts de cycle 13.6.2. Comparaison des externalites
314 314 316
13.7. Financement et garantie des charges futures de I'aval du cycle 13.7.1. Charges futures 13.7.2. Prise en compte des charges futures 13.7.3. Constitution des provisions 13.7.4. Moyens de garantie des fonds 13.7.5. Evolution dans le temps du montant des provisions
317 317 318 319 319 320
Chapitre 14 : Energie nucleaire et liberalisation du secteur electrique
323
14.1. Liberalisation du secteur electrique 14.1.1. Monopoles naturels 14.1.2. Le liberalisme et le secteur electrique 14.1.3. Problemes poses par la liberalisation du marche de I'electricite
323 323 324 324
14.2. Competitivite des centrales nucleaires existantes 14.2.1. Effet de I'ouverture des marches sur les performances de I'electronucleaire 14.2.2. Criteres de competitivite des centrales existantes 14.2.3. Positionnement des centrales nucleaires existantes sur les marches concurrentiels
326 326 326
14.3. Surete nucleaire et concurrence
328
14.4. Allongement de la duree de vie des centrales nucleaires
329
327
10
L'economie de I'energie nucleaire
14.5. Risques financiers propres aux futurs investissements nucleates 14.5.1. Nature des risques financiers dans I'electronucleaire 14.5.2. Prise en compte de risques financiers dans le calcul economique 14.5.3. Financement nucleaire dans les pays emergents 14.5.4 Assurance nucleaire
330 330 331 333 335
14.6. Avenir de I'energie nucleaire dans les marches concurrentiels de I'electricite 14.6.1. Obstacles a I'investissement dans des centrales nucleaires 14.6.2. Demarche economique adaptee au nouveau contexte du marche de I'electricite 14.6.3. Avantages de I'investissement nucleaire du point de vue de I'interet collectif
Chapitre 15 : Energie nucleaire et developpement durable : potentialites et approvisionnement energetiques
336 337 338 340
343
15.1. Developpement durable 15.1.1. Concept de developpement durable 15.1.2. Criteres de developpement durable propres au systeme energetique
343 343
15.2. Contexte energetique et environnemental sur le long terme 15.2.1. Besoins energetiques 15.2.2. Risques de changement climatique 15.2.3. Ressources energetiques fossiles 15.2.4. Tendances de la demande en combustibles fossiles 15.2.5. Bouclage energetique a long terme 15.2.6. Contribution potentielle des energies renouvelables 15.2.7. Opportunite de bouclage par I'energie nucleaire
346 346 348 350 352 352 353 355
15.3. Potentialites techniques de I'energie nucleaire 15.3.1. Technologies nucleaires en reponse a la demande d'energie 15.3.2. Potentialite d'insertion dans les systemes electriques 15.3.3. Application a la production de chaleur a usages residentiels 15.3.4. Potentialites de cogeneration dans la chimie 15.3.5. Perspectives dans la production d'hydrogene 15.3.6. Perspectives dans le dessalement d'eau de mer 15.3.7. Perspectives dans les transports maritimes
355 355 357 357 358 360 361 362
15.4. Perennite de I'approvisionnement en matieres nucleaires 15.4.1. Production d'energie nucleaire et approvisionnement d'uranium 15.4.2 Evolution structurelle du pare mondial des reacteurs 15.4.3. Comparaison des ressources d'energies fossiles et des ressources d'uranium
362 362 363
344
367
Table des matieres
Chapitre 16 : Energie nucleaire et developpement durable : environnement, economic et societe
11
369
16.1. Developpement de I'energie nucleaire et changement climatique 16.1.1. Reduction des emissions de CO2 16.1.2. Donnees economiques relatives a la reduction des emissions de CO2
370 370
16.2. Developpement de I'energie nucleaire et evolution de la radiotoxicite 16.2.1. Diminution specifique des sources radiotoxiques 16.2.2. Incidence sur les externalites nucleaires 16.2.3. Apercu economique sur la separation et la transmutation des actinides mineurs
374 374 376
16.3. Economic de I'electricite nucleaire a long terme 16.3.1. Stabilite des couts de production des reacteurs a 1'uranium 16.3.2. Economic des reacteurs du futur
379 380 381
16.4. Economie des applications non electrogenes de I'energie nucleaire 16.4.1. Considerations generates sur la cogeneration nucleaire 16.4.2. Dessalement d'eau de mer 16.4.3. Production d'hydrogene 16.4.4. Applications dans les transports maritimes
383 383 384 385 387
16.5. Competitivite de I'energie nucleaire a long terme 16.5.1. Tendances a long terme de la competitivite de I'energie nucleaire 16.5.2. Comparaison des besoins en capitaux
387 387 390
16.6. Energie nucleaire et societe 16.6.1. Avantages macro-economiques durables 16.6.2. Avantages du point de vue de la societe et I'environnement 16.6.3. Recherche et developpement 16.6.4. Communication avec les differents acteurs sociaux 16.6.5. Equite et geopolitique
391 392 393 393 394 394
16.7. Energie nucleaire : une contribution majeure au developpement durable
396
372
377
Annexe A : Travail de separation isotopique de I'uranium
401
Annexe B : Economie comparee des reacteurs a neutrons rapides et des reacteurs a eau sous press/on
411
Annexe C : Economie du dessalement de I'eau de mer
419
Annexe D : Apercus methodologiques de revaluation
d'une strategic nucleaire
421
Bibliographic
425
Index
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Avant-propos Get ouvrage traitant de I'economie de I'energie nucleaire prend place dans la collection des cours publics du Genie Atomique. Toutefois, a la demande du directeur de cette collection lancee par I'lnstitut des Sciences et Techniques Nucleaires, le sujet a ete elargi et deborde le cours dispense aux etudiants. Ce souhait est bien nature! lorsque I'on mesure ('importance des questions economiques dans le choix des investissements energetiques, et aussi lorsque Ton connatt chez nos futurs ingenieurs - mais ils ne sont pas les seuls dans ce cas - certaines lacunes concernant le contexte energetique general dans lequel s'inscrit I'energie nucleaire et plus particulierement les contraintes techniques et economiques inherentes aux reseaux electriques. Le calcul economique propre a I'energie nucleaire a ete magistralement traite par Jacques Baunier auquel les auteurs de ce livre sont grandement redevables, mais les faits economiques, meme les concepts, ayant ('inconvenient de ne pas jouir de la belle longevite des resultats acquis en physique nucleaire et en neutronique, un renouvellement du sujet est apparu necessaire plus de quinze ans apres la parution de son ouvrage portant le meme titre que celui-ci. Le contexte general a fortement evolue. Les aspects environnementaux lies a I'economie de production ont pris une importance considerable. La liberalisation des marches energetiques, la privatisation effective ou potentielle des compagnies d'electricite posent des problemes nouveaux au developpement de I'energie nucleaire et a son economic. L'interrogation sur I'equite entre generations souleve la difficile question de la valeur adequate du taux d'actualisation applicable aux depenses de long terme. Les consequences macroeconomiques d'une politique energetique sont I'objet d'une attention croissante. Les difficultes d'approvisionnement en energie et en eau douce, susceptibles d'apparattre au milieu du siecle, et les perspectives technologiques capables d'y faire face ont une dimension economique a laquelle il convient de reflechir des aujourd'hui. Nous avons conscience de n'apporter qu'un modeste eclairage sur ces questions nouvelles qu'il appartiendra aux jeunes generations de resoudre. La substance de ce livre est d'abord le fruit d'une longue experience vecue dans divers organismes francais et internationaux ou ont ete elaborees de nombreuses etudes techniques et economiques sur les centrales nucleates et leur combustible en concurrence avec d'autres sources energetiques. C'est done tout naturellement que nous avons tente de donner un apergu aussi large que possible de I'economie nucleaire dans
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le monde, dans les pays industrialises comme dans les pays en developpement, meme si le programme nucleaire francais illustre souvent notre propos. Dans cet ordre d'idees, nous avons tenu a donner quelques cles ou plus modestement, quelques mises en garde, a des fins de comparaison entre filieres ou entre pays. Nous nous sommes efforces aussi de situer les performances economiques actuelles de I'energie nucleaire dans une perspective historique. Grace a la collaboration de Marc Vielle du laboratoire d'economie, d'energie, d'environnement et des ressources naturelles (LEEERNA) au Commissariat a I'energie atomique, nous avons mis en relief les implications macro-economiques d'un programme nucleaire. En outre, cet ouvrage met a profit les cours donnes par les auteurs a differents niveaux a I'lnstitut des sciences et techniques nucleaires du CEA, a I'Ecole nationale superieure du petrole et des moteurs de I'lnstitut francais du petrole, dans les cours interregionaux d'economie et de planification energetique organises par I'AIEA, et enfin au Departement energie de /'/As/an Institute of Technology pres de Bangkok. C'est d'abord aux etudiants du Genie Atomique que ce livre est destine ou encore a de jeunes ingenieurs soucieux de ne pas negliger la composante economique de leurs etudes de projet ou de faisabilite. Pour cette raison, nous avons introduit les quelques notions economiques indispensables a qui elles ne seraient pas familieres et nous avons signale les references ou Ton pourra approfondir ces questions. Par ailleurs, dans le souci d'offrir a un public plus large les informations reunies dans cet ouvrage, nous nous sommes heurtes a une difficulte inherente a I'economie nucleaire : elle repose sur une base scientifique et technique relativement complexe pour un nonspecialiste de cette forme d'energie. Pour y remedier, nous avons cru bon d'indiquer a I'endroit opportun quelques donnees techniques, parfois de facon repetitive, qui soustendent le raisonnement et le calcul economiques, mais que les techniciens trouveront superflues. En raison d'un lectorat potentiel heterogene, plusieurs lectures sont done possibles, notre espoir etant que cette option n'aura pas trop alourdi cet ouvrage. L'esprit et la conception generale du livre ainsi presentee, voici son contenu suivant les chapitres qui le composent. Le premier chapitre est une introduction qui met en relief les specificites techniques, economiques, environnementales, sociales et politiques qui, dans leur imbrication, ont une incidence sur les couts de production de I'energie nucleaire et la contribution de celle-ci a Tapprovisionnement energetique mondial. Le chapitre 2 presente les caracteristiques et les contraintes des systemes electriques que les planificateurs doivent prendre en consideration dans leurs previsions d'investissements, notamment en ce qui concerne les centrales nucleaires. Le chapitre 3 apres un bref historique decrit la situation du pare electronucleaire dans le monde et en France, ses performances selon les filieres, et enfin I'etat de I'industrie de la construction des chaudieres nucleaires. L'ensemble des chapitres 4 a 7 est consacre au calcul du cout de production du kWh d'origine thermique, aussi bien nucleaire que classique, le chapitre 4 traitant des principes et de la methode, le chapitre 5 de I'investissement, le chapitre 6 du fonctionnement et de I'entretien, le chapitre 7 du combustible. Des valeurs illustratives
AVANT-PROPOS
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des couts de ces trois composantes sont donnees pour les principaux pays nucleaires dans le monde. Le chapitre 8 presente d'apres les donnees les plus recentes en France et dans le monde la competitivite de I'electronucleaire avec le gaz nature! et le charbon ainsi que certaines energies renouvelables. Le chapitre 9 traite brievement, dans la conception d'une production centralisee, de ('utilisation du calcul economique du kWh pour I'optimisation des systemes electriques et la tarification de I'electricite. II souligne les differences de principe entre couts economiques et couts comptables avant de presenter succinctement les prix de I'electricite en Europe. Le chapitre 10 expose la definition, les methodes d'estimation et les valeurs des couts externes relatifs a la production d'electricite en fonction des sources d'energie, et propose une methode d'estimation des couts externes resultant d'une politique energetique donnee. Le chapitre 11 est consacre a la demarche macro-economique et a la conception de modeles pertinents pour evaluer les interactions entre economic, energie et environnement, en particulier dans le cas de la production d'electricite. II est illustre par differents scenarios chiffres d'un moratoire nucleaire en France au XXI 6 siecle, assorti de mesures de lutte contre le rechauffement planetaire. Deux chapitres decrivent I'economie, les marches et I'industrie de chacune des etapes du cycle du combustible nucleaire. Le chapitre 12 concerne la preparation du combustible. Le chapitre 13 presente I'economie des deux options que sont le retraitement et le stockage en I'etat des combustibles uses, ainsi que le financement et la garantie des charges financieres futures relatives aux dechets. Le chapitre 14 donne un apercu des problemes poses au developpement de I'electronucleaire par la liberalisation du marche de I'electricite et la privatisation des compagnies d'electricite, qui entrament de nouvelles conceptions de revaluation previsionnelle de la competitivite et de prise en compte des risques financiers. II presente en regard les avantages de cette energie face aux incertitudes de court et moyen terme. En conclusion, les deux derniers chapitres tentent d'evaluer le role et la contribution de I'energie nucleaire dans une perspective de developpement durable. Le chapitre 15 presente les potentialites techniques de cette energie pour repondre aux besoins d'electricite, de chaleur et d'eau douce. Le chapitre 16 fait valoir I'efficacite environnementale, la viabilite economique et les avantages pour la societe que les technologies nucleaires sont susceptibles de presenter dans la poursuite d'une politique energetique visant un developpement durable.
Remerciements : // est impossible de citer tous ceux qui ont aide a la realisation de cet ouvrage et I'ont enrich! par leurs multiples apports. Cependant les auteurs souhaitent remercier tout particulierement Jacques Plante, Jean-Guy Devezeaux et Leonard Bennett pour leurs precieuses contributions, Paul Reuss et Jerome Cosset pour leur relecture attentive du manuscrit et leurs interessantes suggestions, ainsi que Frederique Joyeux et Sylvia Anglade sans qui le texte n'auraitjamais pris forme. Joules les erreurs et omissions restent de la seule responsabilite des auteurs.
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Auteurs
Evelyne Bertel est Chef adjoint de la Division du developpement nucleaire a I'Agence pour I'energie nucleaire de ('Organisation de cooperation et de developpement economique (OCDE), qu'elle a rejointe il y a une dizaine d'annee. Physicienne de formation, elle a effectue sa carriere au Commissariat a I'energie atomique comme ingenieur chercheur dans le domaine des particules de haute energie, puis comme economiste dans le service des etudes economique et enfin comme assistante du Directeur des relations internationales. Avant d'enter a I'OCDE, elle a passe quatre ans a I'Agence Internationale de I'energie atomique des Nations Unies (AIEA) en tant qu'economiste chargee d'etudes comparatives de I'energie nucleaire et d'autres sources de production d'electricite. En parallele a ses activites professionnelles, Evelyne Bertel a assure des enseignements et conferences sur I'economie de I'energie et du cycle du combustible nucleaire dans le cadre des formations dispensees notamment par I'lnstitut national des sciences et techniques nucleaires, I'Universite Paris IX et I'lnstitut francais du petrole, ainsi que par I'AIEA dans un contexte international. Elle collabore a de nombreuses publications sur les aspects techniques et economiques de I'energie nucleaire. Gilbert Naudet, ingenieur de I'Ecole centrale des arts et manufactures, est ancien chef du service des etudes economiques au Commissariat a I'energie atomique, ou il est entre comme ingenieur a la section de physique et experimentation au service des grandes piles de Saclay. Passe ensuite au service des etudes economiques, il a ete mis a disposition a la Delegation a I'Energie du ministere de I'industrie a I'epoque du lancement du programme nucleaire francais, puis pendant six ans a Sofratome, filiale d'EDF et du CEA, ou il a dirige plusieurs etudes de faisabilite de centrales nucleaires dans certains pays etrangers. II a ete ensuite assistant du Directeur des applications industrielles nucleaires avant de revenir au service des etudes economiques. II a assure depuis pres de trente ans des cours et des conferences sur I'energie nucleaire a I'lnstitut des Sciences et techniques nucleaires, a I'lnstitut francais du petrole, a I'Universite Paris VI, ainsi qu'a I'etranger dans le cadre des cours regionaux organises par I'AIEA, et plus recemment au Departement energie de I'Asian Institute of Technology en ThaTlande.
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L'economie de I'energie nucleaire
Marc Vielle est docteur en economic actuellenient en poste au CEA au sein du Laboratoire d'Economie, d'Energie, d'Environnement et des Ressources Naturelles de I'Universite de Toulouse. Sa recherche porte principalement sur les modeles macroeconomiques appliques detaillant la sphere energetique. II a, dans ce cadre, developpe et utilise plusieurs modeles. Depuis dix ans, il consacre sa recherche au modele GEMINI-E3, modele d'equilibre general calculable mondial. A I'aide ce modele, il a realise plusieurs etudes portant principalement sur la mise en ceuvre de politique de lutte centre le changement climatique au niveau national ou international. II a par ailleurs participe en tant qu'expert a plusieurs groupes de travail ou rapports sur le sujet au sein d'instances nationales (Commissariat general du plan, Conseil d'analyse economique, etc.) ou internationales (OCDE, Energy Modeling Forum, IPCC, etc.).
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Energie
et systemes energetiques
1.1. Caracteristiques specifiques de I'energie nucleaire L'analyse des aspects economiques de I'energie electronucleaire repose sur une approche methodologique commune a toutes les sources d'energie utilisees a des fins electrogenes qui sera explicitee au chapitre 4. Neanmoins, certaines de ses caracteristiques specifiques ont une influence determinante sur les performances economiques de I'energie nucleaire et, en particulier, sur sa competitivite face aux combustibles fossiles et aux energies renouvelables. Cette section introductive vise a donner un apercu de ces caracteristiques specifiques sans pretendre a en donner une liste exhaustive ni a les decrire en detail.
1.1.1. Aspects technologiques et economiques Sexploitation de I'energie nucleaire repose sur une technologic relativement complexe. Alors que dans les centrales thermiques classiques I'energie calorifique qui sert a produire I'electricite provient de simples combustions chimiques, dans les centrales nucleates, I'energie est issue de la fission1 des noyaux contenus dans le combustible, phenomene dont ('existence meme n'a ete decouverte qu'au siecle dernier. La complexite technologique se traduit en termes economiques par des couts de construction et de maintenance potentiellement plus eleves que pour des sources d'energie faisant appel a des techniques classiques comme cela sera expose aux chapitres 5 et 6. En outre, les technologies de pointe requierent generalement une main d'ceuvre hautement qualifiee dont les salaires sont superieurs. La « densite » de I'energie nucleaire, c'est-a-dire la quantite d'energie degagee par unite de matiere transformee, est tres superieure a celle des energies fossiles, elle-meme largement superieure a celle des energies renouvelables. II en resulte qu'une centrale electronucleaire comprend des equipements necessitant des materiaux speciaux et un
1. Sexploitation a des fins de production d'energie de la fusion thermonucleaire fait I'objet de travaux de recherche et developpement depuis de nombreuses annees mais son introduction a I'echelle industrielle et commerciale peut etre envisagee au plus tot dans la seconde moitie du XXIe siecle.
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controle de qualite tres rigoureux. Ceci conduit a des surcouts non negligeables par rapport aux centrales thermiques fossiles. La presence de radioactivite, associee aux reactions nucleaires qui se produisent dans le cceur des reacteurs, presente des risques qu'il convient de maitriser afin d'assurer un fonctionnement fiable de la centrale ainsi qu'une excellente protection des travailleurs, du public et de Penvironnement. En outre, les rayonnements ionisants presents dans la centrale en fonctionnement entrament une contamination des equipements internes qui exigera des traitements particuliers a la fin de la vie du reacteur. Les travaux de decontamination du reacteur avant son demantelement et ['evacuation des dechets radioactifs qui en resultent ont un cout qui viendra s'ajouter a celui de la construction initiale de la centrale a la fin de sa duree de vie. II est a noter, egalement, que la preparation du combustible des centrales nucleaires est beaucoup plus longue et complexe que celle des combustibles fossiles servant a la production d'electricite. Dans le cas des centrales au fioul, au charbon ou au gaz, les transformations du combustible en amont de la centrale sont soit inexistantes, comme dans le cas du gaz, soit limitees a des traitements de faible duree, par exemple raffinage du petrole brut ou lavage du charbon. En revanche, le combustible utilise dans les centrales nucleaires resulte d'une serie de transformations du minerai nature! initial, I'uranium pour la plupart des centrales actuellement en service dans le monde, dont la duree est de I'ordre de deux ans. De plus, a Tissue de son utilisation dans le cceur du reacteur, le combustible irradie contient des matieres radioactives, notamment des produits de fission, qui necessitent une gestion particuliere. Les deux options possibles a ce stade sont le conditionnement du combustible irradie a des fins d'evacuation finale ou son traitement a des fins de recyclage. L'ensemble des traitements et transformations subies par le combustible de la mine au reacteur et du reacteur au site d'evacuation definitive des dechets radioactifs, constitue ce que Ton nomme generalement le cycle du combustible. En raison de la duree et de la complexite du cycle combustible nucleaire, revaluation de son cout requiert des donnees sur les prix et les delais de chacune des etapes et une methodologie similaire a celle adoptee pour le calcul du cout actualise du kWh, alors que dans le cas des combustible fossiles, la seule donnee economique necessaire est le prix du petrole, du charbon ou du gaz rendu a la centrale. Ces aspects economiques seront etudies en detail aux chapitres 7, 12 et 1 3. Globalement, les consequences de ses caracteristiques techniques sur les aspects economiques de I'energie nucleaire sont multiples et se traduisent par des avantages sur certains postes et des inconvenients sur d'autres. La technologic complexe des centrales nucleaires conduit a des durees de construction relativement longues et des couts d'investissement eleves par rapport a ceux des centrales thermiques classiques. Les besoins en main d'ceuvre hautement qualifiee, tant pour la construction que pour ('exploitation et I'entretien des centrales nucleaires, sont un facteur potentiel d'augmentation des couts de production. En revanche, la serie de transformations
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necessaires a la fabrication du combustible nucleaire en font un produit dont le cout depend relativement peu du prix de la matiere premiere (minerai d'uranium). II en resulte que le cout total du combustible supporte par le producteur d'electricite est peu sensible aux fluctuations de ses cours sur les marches internationaux ou nationaux, ce qui sera mis en relief aux chapitres 8 et 9. Les couts en capital eleves des centrales nucleaires et leurs longues durees de construction, qui sont pratiquement inevitables avec les concepts de reacteurs existants et envisages a court et moyen terme en raison de leur complexite technologique, entrament des risques financiers souvent superieurs a ceux associes aux technologies concurrentes pour la production d'electricite, en particulier le thermique fossile. A ('inverse, la part relativement modeste des couts variables dans le cout total de I'electricite d'origine nucleaire est une garantie de stabilite a moyen et long terme de ce cout qui reduit les risques de perte de parts de marche. Cette stabilite du cout de production, et done du prix pour les consommateurs, constitue un avantage non negligeable, meme sur les marches dereglementes, pour les ventes sous contrat a long terme, en particulier a des clients industriels gros consommateurs. Les impacts de liberalisation des marches de I'electricite sur la concurrence entre les differentes options technologiques seront evoques au chapitre 14.
1.1.2. Aspects environnementaux Les centrales nucleaires et les usines du cycle du combustible qui en assurent I'approvisionnement constituent un ensemble d'installations industrielles dont les caracteristiques en matiere d'impact sur I'environnement ne sont pas en general de meme nature que celles des autres systemes de production d'electricite. Ceci resulte essentiellement des technologies employees qui sont fondamentalement differentes pour les sources d'energie fossile et pour le nucleaire. Alors que la toxicite potentielle des rejets des centrales thermiques classiques est liee principalement a leur composition chimique, dans le cas des centrales nucleaires la radioactivite et les rayonnements ionisants sont la source principale de nuisances possibles pour la sante et I'environnement, meme si certains risques de toxicite chimique, generalement mineurs, peuvent survenir a diverses etapes du cycle du combustible. Dans les conditions de fonctionnement normal, les rejets radioactifs des centrales nucleaires et des installations du cycle du combustible dans I'air et dans I'eau sont limites par la reglementation a des niveaux tres faibles, inferieurs aux seuils conduisant a des effets sanitaires ou biologiques. Les equipements nucleaires sont concus, construits et exploites en tenant compte de cette reglementation et les couts lies a ces mesures de protection de I'environnement et de la sante sont supportes par le producteur d'electricite qui les repercute sur les prix payes par les consommateurs. Ces couts sont integres dans les differentes composantes du cout economique de I'energie nucleaire decrit dans les chapitres 9, 1 Get 13.
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L'economie de I'energie nucleaire
De facon similaire, dans la plupart des pays industrialises, les emissions d'oxydes d'azote, de soufre et d'autres polluants resultant de la combustion du petrole, du charbon ou, dans une moindre mesure, du gaz nature!, sont limitees par les reglementations nationales en deca des seuils susceptibles d'entramer des nuisances pour la sante des populations et 1'environnement. Le traitement des rejets des centrales thermiques fossiles afin de respecter ces reglementations exige des investissements complementaires en equipements antipollution et augmente egalement les couts d'exploitation. II est difficile de comparer les couts lies a la protection de la sante et de 1'environnement pour differentes chaines de production d'electricite dans la mesure ou les polluants vises et les techniques appliquees different. Le point important pour la validite du calcul economique, et surtout des comparaisons entre differentes sources d'energie, est de s'assurer que tous ces couts soient identifies et integres au cout total de I'electricite. Dans la realite, comme on le verra au chapitre 10, certains elements ne sont pas comptabilises, pour diverses raisons, et demeurent « externes2 ». L'existence de couts externes, mal connus et vraisemblablement inegaux pour differentes sources d'energie, conduit a biaiser les comparaisons et 1'evaluation de la competitivite relative des differentes options. En matiere d'impact sur 1'environnement, les risques de changements climatiques induits par les emissions de gaz a effet de serre font I'objet d'une attention particuliere des pouvoirs publics. II s'agit, en effet, d'un risque encore mal evalue mais dont les consequences, qui pourraient affecter ('ensemble de la planete, concernent les generations presentes et futures. La chaine energetique nucleaire, centrale et cycle du combustible inclus, n'emet pratiquement pas de gaz a effet de serre tandis que la combustion du charbon et des hydrocarbures, petrole ou gaz nature!, produit ineluctablement du dioxyde de carbone. La prise en compte du cout des emissions de gaz a effet de serre dans les calculs economiques, qui pourrait intervenir rapidement si la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques devient effective, aurait une influence notable sur la competitivite relative des differentes sources et technologies de production d'electricite. La production d'electricite d'origine nucleaire entrame, comme la plupart des activites industrielles, ('accumulation de dechets qui, toutefois, ont des caracteristiques differentes de eel les des dechets des autres chames de production d'electricite. Les volumes de dechets solides issus des centrales nucleaires et des installations du cycle du combustible sont faibles, a quantite d'electricite produite egale, compares aux volumes de dechets issus de la plupart des autres chames electrogenes. En revanche, certains dechets radioactifs, ceux a vie longue, doivent etre geres et evacues de facon a garantir leur isolement de la biosphere pendant des periodes excedant largement I'horizon classique des etudes economiques, generalement inferieur a un demi-siecle. II en resulte certaines 2. Un cout externe est un cout lie a la production et a I'utilisation de biens et/ou de services qui ne sont supportes ni par le producteur, ni par le consommateur mais par la societe en general.
hI - Energie nucleaire et systemes energetiques
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difficultes quant a la facon de prendre en compte les couts correspondants dans les calculs economiques sans penaliser indument les generations presentes ou futures. Ces questions seront presentees dans les chapitres 4 et 10. Les risques d'accidents et les couts resultant des mesures prises pour les eviter et/ou s'en proteger sont une autre caracteristique des systemes energetiques, et plus particulierement de I'energie nucleaire, ayant des incidences importantes sur les aspects economiques. Les centrales nucleaires sont concues pour repondre aux exigences de surete en vigueur dans le pays ou elles sont exploitees. II en resulte des surcouts d'investissement et de fonctionnement sans aucun doute notables mais difficiles a evaluer de facon precise et fiable. En effet, dans la mesure ou les systemes de surete sont integres au reacteur des sa conception, le cout de ces systemes est souvent indissociable du total de ('ensemble de la centrale. L'evaluation du cout residue! des risques d'accident, nucleaire ou autre, pose des problemes economiques et ethiques qui seront abordes tres brievement au chapitre 10.
1.1.3. Aspects strategiques et sociaux Les evaluations economiques, surtout si elles sont destinees a des comparaisons entre differentes options, doivent reposer sur une prise en compte aussi exhaustive que possible de I'ensemble des couts et benefices de chaque systeme envisage. Dans la realite, il est difficile d'identifier tous les elements de cout directs et indirects, et plus encore de leur attribuer une valeur monetaire correcte. Quelques-uns des aspects importants dans le cas de I'energie nucleaire sont passes en revue brievement ci-dessous. La securite d'approvisionnement est un objectif cle de politique energetique nationale dans un certain nombre de pays. Les pays qui ne disposent pas des ressources naturelles, financieres ou technologiques capables de garantir la satisfaction de la demande energetique de leur population sont en position de faiblesse face aux pays exportateurs d'energie. Dans ce contexte, des sources telles I'energie nucleaire, solaire ou eolienne, qui ne dependent pas, ou peu, de I'acces a des matieres premieres importees, offrent une garantie d'approvisionnement quelle que soit Devolution politique et economique sur les marches internationaux des combustibles fossiles. II convient de noter en outre que la possibilite offerte par la technologic electronucleaire de constituer des stocks strategiques de combustible importants a un cout relativement faible favorise la stabilite des prix de I'electricite ainsi que la securite d'approvisionnement. En effet, le combustible nucleaire fabrique est peu volumineux et les stocks strategiques representant jusqu'a plusieurs annees d'approvisionnement peuvent etre constitues par I'exploitant sans entramer de charges financieres excessives. Done, dans le cas (peu probable comme on le verra dans les chapitres suivants) de tension sur les marches internationaux de I'uranium, les exploitants de centrales nucleaires disposeraient de plusieurs mois, voire de plusieurs annees, pour reorienter leurs strategies d'approvisionnement.
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L'economie de I'energie nucleaire
La securite d'approvisionnement energetique a une valeur economique certaine mais dont revaluation est difficile et divise les experts. Les recherches sur les effets micro- et macro-economiques des chocs petroliers, par exemple, ont conduit a des resultats tres divergents et en tout etat de cause specifiques a chaque pays. II demeure que renforcer la securite d'approvisionnement est economiquement positif et que I'introduction de I'energie nucleaire y contribue. L'analyse macro-economique developpee au chapitre 11 renforce ce point de vue. Les caracteristiques uniques de I'energie nucleaire evoquees au debut de ce chapitre ont des consequences indirectes sur ses aspects economiques au travers de la dimension sociale liee aux preoccupations du public et du role des facteurs humains dans les choix technologiques et done dans les couts supported par les producteurs d'electricite nucleaire. L'approche adoptee dans le domaine de la surete nucleaire illustre bien la place des considerations sociales dans les choix. De meme en ce qui concerne la gestion et ('evacuation des dechets radioactifs, les principes qui servent de base aux politiques mises en place refletent une preeminence des objectifs sociaux sur les objectifs economiques. Dans le cadre d'une reconnaissance progressive des objectifs globaux du developpement durable, la demarche de I'industrie nucleaire repond aux aspirations de la societe moderne comme le montrera ('analyse developpee dans les chapitres 15 et 16. II serait souhaitable, afin de s'orienter vers une optimisation economique benefique pour la societe, que les memes regies de prise en compte des risques et des dommages potentiels soient appliquees a ('ensemble des sources d'energie.
1.1.4. Aspects institutionnels et politiques Les caracteristiques specifiques de I'energie nucleaire decrites tres brievement ci-dessus entrament des besoins importants en infrastructure technologique, legate et institutionnelle qui, sans etre particuliers au secteur electronucleaire, en sont une composante majeure. En parallele a ['implantation d'un programme electronucleaire, il convient de mettre en place une structure adequate pour assurer, entre autres, un support en recherche et developpement, I'etablissement et le respect d'une reglementation nationale de surete et de radioprotection ainsi que des conventions et accords internationaux dans le domaine de la surete et de la non-proliferation. Cette infrastructure, qui repose a la fois sur des equipements et sur des hommes, implique des charges economiques supplementaires au-dela des investissements directs dans les outils de production. Ces couts complementaires sont generalement repercutes sur les producteurs et les consommateurs au travers des couts de fonctionnement des centrales nucleaires et des installations du cycle du combustible. Les elements essentiels de I'infrastructure nucleaire comprennent les centres et laboratoires de recherche, equipes d'installations comme les reacteurs et boucles d'essai et les cellules chaudes indispensables au maintien de la filiere nucleaire et au
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developpement de systemes avances. Dans le domaine de la surete, chaque pays desireux de recourir a I'energie nucleaire doit creer des organismes independants, dotes des pouvoirs, des fonds et de I'expertise necessaires pour etablir les reglements et les normes et controler le fonctionnement des installations nucleates. En ce qui concerne les garanties (controles de non-proliferation des armes nucleaires), le respect des accords internationaux conclus sous I'egide des Nations unies, et de I'Union europeenne le cas echeant, necessite des equipements speciaux et des inspections regulieres. Les couts associes sont en majorite partie integrante des couts d'investissement d'exploitation des centrales nucleaires. Ainsi, le cout des controles effectues par les autorites de surete et par les inspecteurs des garanties sont supportes directement ou indirectement, taxes et redevances, par les producteurs d'electricite nucleaire. Neanmoins, une fraction de ces couts, plus ou moins importante selon les pays et ('importance du role du gouvernement dans la politique energetique, est supportee par la societe au sens large au travers des recettes fiscales affectees par exemple a la recherche nucleaire fondamentale et aux infrastructures legales et reglementaires.
1.2. Place de I'energie nucleaire dans les bilans energetiques mondiaux Les systemes energetiques modernes sont devenus relativement complexes avec le developpement de nouvelles technologies tant au niveau de la production qu'a celui de ('utilisation finale. Dans les presentations statistiques et I'analyse des systemes et chatnes energetiques, on distingue generalement trois niveaux d'energie : primaire, secondaire et final. Le niveau primaire est constitue de toutes les sources energetiques non transformees, disponibles dans la nature qui comprennent les energies renouvelables, comme I'hydraulique et la biomasse, et les energies epuisables, comme le charbon, les hydrocarbures et I'uranium. Le tableau 1.1 illustre, sur la base des donnees statistiques mondiales de 1990 (CME, 1990), la repartition par source primaire et par utilisation finale de la consommation totale d'energie. La source de I'energie nucleaire, I'uranium dans la plupart des centrales en service, est une matiere premiere minerale disponible a I'etat brut dans la nature. L'energie nucleaire est done comptabilisee au niveau de I'energie primaire bien qu'elle soit presque exclusivement produite et distribute sous une forme secondaire, I'electricite, a travers les systemes electriques decrits dans le chapitre 2 et dont le chapitre 9 presente les methodes d'optimisation. Le processus de fission nucleaire libere de I'energie sous forme de chaleur qui peut, en principe, etre utilisee soit directement soit, par Pintermediaire de turbines a vapeur, sous forme d'electricite. Dans la realite, la chaleur directe d'origine nucleaire n'a ete employee que de facon tres limitee pour des usages industriels ou domestiques. Depuis les debuts du developpement des applications commerciales de I'energie nucleaire, seuls
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L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 1.1. Consommation energetique dans le monde en 1990 (%).
Finale Primaire
Charbon
dont transport
dont residentiel, tertiaire et agriculture
9,7
6,7
0,3
2,7
Petrole
1
30,8
24,8
4,1
15,9
4,8
Gaz naturel
18,9'
10,8
5,9
0
4,9
Nucleaire
5,1
-
-
-
-
Hydraulique
5,7
-
-
-
-
14,3
0,8
0
13,5
24,6
Biomasse
14,9
Electricite
-
9,4
4,6
0,2
4,6
Chaleur
-
2,1
1
0
1,1
100
71,1
23,1
16,4
31,6
Total 1
Totale
dont Industrie
Hors utilisation comme matiere premiere dans I'industrie chimique.
quelques reacteurs ont produit de la chaleur pour I'industrie ou du chauffage urbain ou encore de I'eau potable. Quant a I'emploi de reacteurs nucleaires pour la propulsion navale, il a ete reserve, a de rares exceptions pres3, a I'usage militaire. Ainsi, la production d'electricite a prime largement sur les autres utilisations de I'energie nucleaire et cette situation semble devoir se maintenir a court et moyen terme, mais est susceptible d'evoluer au cours de ce siecle comme on le verra au chapitre 15. Les caracteristiques techniques de I'energie nucleaire, ainsi que certains aspects strategiques et politiques, lies en particulier aux risques de proliferation des armes nucleaires et a la sensibilite de ('opinion publique aux dangers, reels ou percus, de la radioactivite, ont eu une influence determinante sur le developpement des programmes electronucleaires dans les differentes regions du monde. Neanmoins, ('evolution de la competitivite de Pelectricite d'origine nucleaire par rapport a I'electricite thermique classique produite a partir de combustibles fossiles, qui a ete et demeure son principal concurrent, est un facteur determinant dans la progression de la puissance electronucleaire installee dans le monde telle qu'elle sera presentee au chapitre 3.
3. En Russie, la propulsion nucleaire est utilisee pour un certain nombre de navires brise-glace. Au Japon, un essai de bateau a moteur nucleaire, le Mutsu, a echoue pour des raisons techniques.
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Energie nucleaire et systemes electriques
Les centrales nucleaires n'ont jusqu'a maintenant ete utilisees que pour la production d'electricite. Elles sont integrees dans les vastes ensembles que sont les systemes electriques, et elles en subissent les contraintes dont certaines affectent leur investissement et leur exploitation. S'agissant d'analyser les aspects micro- et macroeconomiques de I'energie nucleaire, il convient de connattre dans ses grandes lignes le fonctionnement d'un systeme electrique. Les notions necessaires a cette analyse, introduites ci-dessous, incluent la monotone de charge, la puissance garantie, la duree d'appel, ou des limitations imposees aux centrales nucleaires comme celles relatives a la taille des unites de production sur le reseau ou a la gestion des arrets programmes. En retour, les couts economiques de I'electricite nucleaire constituent des elements qui alimentent le processus de decision relatif au developpement du systeme electrique, comme on le verra au chapitre 9.
2.1. Definition d'un systeme electrique La penetration de I'electricite dans le bilan energetique n'a pu se produire que par la realisation et le developpement de ce qu'on appelle le systeme electrique. Celui-ci est constitue d'abord de I'ensemble des moyens de production que sont les centrales de divers types, situees en differents lieux d'un territoire, ensuite d'un reseau de transport par lequel I'energie est transmise des centrales aux zones de consommation, enfin de reseaux de distribution qui, dans chacune de ces zones, la repartissent entre les multiples consommateurs. Le cadre geographique d'un systeme electrique est en general celui d'un pays ou d'une region d'un grand pays. II a tendance a s'elargir de plus en plus par le jeu des interconnexions jusqu'a devenir international au sein d'un continent. L'electricite est avant tout une energie de reseau. Dans le systeme electrique, le reseau joue un role essentiel au point que, souvent, le terme de reseau se substitue a celui de systeme electrique.
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L'economie de I'energie nucleaire
2.1.1. Caracteristiques de la demande d'electricite L'utilisation de tout appareil electrique se caracterise par : - une puissance fournie par le reseau de distribution auquel il est raccorde ; la puissance est I'energie fournie pendant une seconde, et s'exprime en kilowatt : kW ; - une duree de fonctionnement, exprimee en heures, ce qui correspond a une quantite d'energie exprimee en kilowatt-heures : kWh. Autrement dit, la demande d'electricite sur un reseau se manifeste toujours par deux quantites : une puissance et une energie. La demande d'electricite revet divers aspects selon les caracteristiques et les modes d'utilisation des appareils, qui sont : 1. la puissance appelee sur le reseau. La puissance unitaire des appareils utilises dans I'industrie est importante variant jusqu'a 600 W pour les petits moteurs et jusqu'a 50 MW pour les gros. A ('inverse, dans le secteur residentiel, la puissance des appareils electromenagers est petite, mais elle est compensee par le grand nombre ; 2. la duree. Dans I'industrie, les appareils fonctionnent en general pendant les heures de travail, mais parfois en continu dans I'industrie lourde. A ('oppose, les petits appareils du secteur residentiel ont une duree d'utilisation relativement courte ; 3. la date et I'heure auxquelles a p pa rait la demande. Elles peuvent etre statistiquement previsibles, comme celles liees aux journees de travail, celles liees a I'heure du jour, celles liees aux jours feries, celles liees aux saisons, notamment pour I'eclairage, le chauffage ou la climatisation des locaux. Elles peuvent etre aleatoires en raison d'imprevus d'ordre climatique ou d'ordre socio-economique. La puissance totale appelee sur le reseau, autrement dit la demande instantanee d'energie electrique, n'est pas de loin la somme des puissances nominales de tous les appareils qui sont raccordes, car ils ne fonctionnent pas tous en meme temps, certains ne fonctionnant qu'une partie de I'annee (chauffage domestique). On observe un foisonnement dans ('utilisation d'un meme type d'appareil, et aussi certaines compensations par decalage dans le temps, a I'echelle de la journee ou meme de I'annee entre les utilisations d'appareils de nature differente. La consommation nette d'electricite, par definition, est constitute des soutirages des clients finals sur le reseau de transport d'electricite (RTE) et sur les reseaux de distribution (GRD), et de I'autoconsommation du systeme electrique lui-meme. La consommation interieure est la somme de la consommation nette et des pertes d'electricite dans les reseaux. Le tableau 2.1 indique les grands postes de la consommation interieure en France en 2000 (EOF, 2000).
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2 - Energie nucleaire et systemes electriques
Tableau 2.1. Consommation interieure d'electricite en France en 2000 (TWh).
Soutirage des clients finals RTE
92,9
Soutirage des clients finals GRD
306,3
Autoconsommation Consommation nette Pertes Consommation interieure
11,5 410,7 30,3 440,0
La demande totale sur le reseau est continuellement variable selon I'heure de la journee, le jour de la semaine et la saison. A cela s'ajoute la croissance reguliere de la demande d'electricite ; en France, sur I'annee 2000, celle-ci etait de 2,4 % et en moyenne de 2,3 % sur les 10 dernieres annees. Dans les pays en cours d'industrialisation, elle est bien plus elevee, et a pu souvent depasser 1 0 % ; en Chine, elle se maintient a environ 8 % depuis plusieurs annees. Les variations horaires au cours d'une meme journee ouvrable se caracterisent par un creux la nuit et deux pics, un le matin et un autre en debut de soiree. L'ecart entre creux et pics est d'environ 20 a 30 % comme on le voit sur la figure 2.1 pour les journees les plus chargees en France, et ce pour les annees 1990, 1999 et 2000. Figure 2.1. Consommation journaliere en France.
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L'economie de I'energie nucleaire
Les jours feries, les variations horaires sont evidemment differentes en niveau et en profil. La figure 2.1 presente trois profils correspondant aux jours feries les moins charges des memes annees de reference. Les variations horaires dependent, entre autres, des habitudes sociologiques et de la structure tarifaire. La figure 2.2 donne les profils typiques de ces variations selon les jours de la semaine en Algerie, normalises au jour ouvrable. Figure 2.2. Variations de la puissance appelee selon les jours de la semaine en Algerie (courbes normalisees a la valeur moyenne du jour ouvrable egale a 1).
Les variations saisonnieres sont dues, avant tout, au climat et, dans une moindre mesure a I'activite economique. Exprimees en moyenne hebdomadal re, elles se lisent sur la figure 2.3 correspondant au cas de la France en 2000. L'ecart entre le maximum et le minimum saisonniers est d'environ 55 %. Les valeurs extremes de la puissance appelee observees au cours de I'annee se traduisent par une difference d'un facteur important : 2,8 en 1990 et 2,5 en 2000 dans le cas francais, comme on le lit sur la figure 2.1. Ce facteur a tendance a diminuer depuis les annees 60 grace aux efforts de la politique tarifaire pour reduire la demande de pointe (§ 9.2.2 et figure 9.6). Toutefois, il fluctue selon la rigueur des hivers : pour une temperature journaliere moyenne de 0 °C, la baisse de 1 °C correspond a une puissance appelee supplemental de 1 GW sur le reseau francais, essentiellement en raison du chauffage electrique dans le secteur residentiel. Les caracteristiques de la demande sont differentes d'un pays a I'autre selon les conditions climatiques et le comportement des consommateurs. Par exemple, aux EtatsUnis, la pointe annuelle se produit I'ete a cause de la climatisation et elle est environ superieure de 11 % a une autre pointe qui se produit I'hiver. Au Canada, la pointe hivernale depasse de 40 % la pointe estivale.
2 - Energie nucleaire et systemes electriques
Figure 2.3. Variations saisonnieres de la demande d'electricite en France en 2000.
Figure 2.4. Courbe monotone des puissances appelees.
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L'econom/e de I'energie nuc/eaire
La courbe monotone des puissances appelees sur le reseau (ou monotone de charge) est une representation synthetique de la demande annuelle d'electricite (figure 2.4). Elle s'obtient en classant les puissances horaires par ordre decroissant de leur valeur en MW ou GW sur la totalite des 8760 heures de I'annee. L'abscisse d'un point de la courbe donne le nombre maximal d'heures pendant lesquelles le reseau est sollicite dans I'annee au niveau de puissance correspondant a I'ordonnee. La surface sous-tendue par la courbe represente I'energie totale annuelle fournie par la reseau, exprimee en GWh ou TWh. L'extremite superieure de la monotone est la pointe annuelle ; on etend la notion de pointe a la centaine d'heures les plus chargees. L'extremite inferieure est la base, c'est-adire le niveau de puissance appele continument pendant toute I'annee ; par extension, on appelle souvent fonctionnement en base le fonctionnement d'un equipement sollicite pendant plus de 6000 heures dans I'annee.
2.1.2. Complementarite des moyens de production Les moyens de production d'electricite sont regroupes en un certain nombre de centrales. On appelle centrale ('ensemble de plusieurs unites de production groupees sur un meme site. Ce terme vient de I'epoque d'avant le transport d'electricite sur longue distance ou I'unite de production se trouvait au centre du reseau de distribution en courant continu sur courte distance. Le transport d'electricite a longue distance a donne acces a des sources de differents types mais eloignees des zones de consommation pour des raisons geographiques ou economiques. Les centrales hydrauliques au fil de I'eau sont installees sur un fleuve pour tirer parti des differences de niveau etablies entre amont et aval d'un ouvrage dans lequel travaillent en continu les turbines. S'il y a possibilite de mettre en reserve une partie du debit d'eau, il s'agit alors d'ouvrage d'eclusee ou les turbines fonctionnent en discontinu mais a intervalles reguliers. Les centrales hydrauliques de lac sont situees au pied d'un barrage de montagne qui accumule I'eau dans une retenue dont le niveau varie au cours de I'annee ; lorsque le niveau est suffisant, elles fonctionnent a la demande. Les centrales a charbon sont situees en general a proximite des sources de ce combustible parce qu'il est onereux a transporter ; elles se trouvent done soit sur le carreau des mines, soit pres de ports equipes pour I'importation de charbon. Elles fonctionnent en continu ou par periodes si besoin est; elles sont capables de suivre assez rapidement les variations de charge sur le reseau. Les centrales nucleaires, d'une capacite unitaire en general superieure a celle des centrales au charbon, sont relativement eloignees des agglomerations et construites sur des sites disposant de sources de refroidissement adequates au bord de mer ou de riviere. Pour la plupart, les centrales nucleaires, pour des raisons techniques et economiques, sont destinees a fonctionner en continu au maximum de leur capacite. Cependant, en France, les reacteurs REP sont munis d'un dispositif de manceuvrabilite accrue, qui leur
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donne une souplesse d'utilisation aussi grande que les centrales a charbon pour suivre la charge du reseau aussi bien en amplitude qu'en vitesse de prise de charge. Les centrales a gaz, d'un niveau de puissance inferieure a celui des centrales a charbon, ne posent pas de probleme de localisation en raison de leur modularite et du fait que les gazoducs qui les alimentent desservent les zones de forte activite economique. Les centrales a cycles combines peuvent fonctionner en continu a cause de leur excellent rendement ou par intermittence. Les turbines a gaz, couteuses en combustible, ne sont mises en marche que pendant les heures de pointe. Tableau 2.2. Equipement et production d'electricite en France en 2000.
Type d'equipement
Puissance maximale (GW)
Thermique nucleaire REP 1450 MW REP 1300 MW REP 900 MW RNR Total
5,9 26,4 30,7 0,2
Thermique classique Charbon Fioul ^ 250 MW Autres Total
10,3 7,2 9,2
Hydraulique Fil de 1'eau Eclusee Lac Pompage Pare de production
29,6 175,3 190,1
Part de la production interieure (%) 5,7
33,9 36,8
0,0
76,4
395,0
63,2
25,6
5,0 0,4 4,3
2,3
22,1 50,0
26,7
37,3 13,4 16,5
7,5 4,3 9,3 4,3 Total
Production (TWh)
9,7 7,2 2,6 3,2 0,9
4,8
25,4
72,0
13,9
115,3
517,0
100,0
Source : EOF, 2000.
Les stations de pompage, equipees de groupes reversibles, constituent un moyen de stacker I'energie et de fournir de I'electricite de pointe. En heures creuses, les groupes pompent I'eau d'un bassin inferieur dans un bassin superieur situe a proximite du premier, et, en heures de pointe, ils turbinent I'eau ainsi stockee. Ces moyens de production, si differents par leur niveau de puissance, leur regime de fonctionnement, leur localisation et leur performance economique, sont complementaires
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L'economie de I'energie nucleaire
dans leur role de satisfaire la demande d'electricite sur le reseau auquel ils sont connectes. L'ensemble de ces moyens constitue le pare de production. La composition de ce dernier resulte d'un choix d'investissement periodiquement renouvele pour ajuster la production a la croissance de la demande. Ce choix fait I'objet d'un processus d'optimisation examine brievement dans le chapitre 9. La production interieure d'electricite en France, en 2000, est presentee dans le tableau 2.2 selon les divers types d'equipement (EDF, 2000).
2.1.3. Contraintes et avantages du reseau Dans le systeme electrique, le reseau est le lien entre les sites peu nombreux ou sont concentres les moyens de production et les multiples utilisateurs disperses sur le territoire. Par ses fonctions de transport, de repartition et de distribution de I'energie, il joue un role essentiel dans la satisfaction des contraintes qu'imposent les utilisateurs et auxquelles doit faire face la production. Les contraintes du reseau sont les suivantes : 1. adapter a tout moment et en tout point la production a la demande d'electricite. Les variations continuelles de celles-ci sont parfois tres fortes et tres rapides, et, si I'electricite se transmet instantanement, en revanche elle ne peut pas etre stockee, du moins directement, en quantites significatives. Cest la mise en commun, quel que soit leur eloignement, de groupes de production de regime de fonctionnement different, et aussi les echanges d'electricite resultant de I'interconnexion avec les reseaux etrangers qui permettent de moduler de facon adequate la production ; 2. assurer la securite d'alimentation. II s'agit d'eviter, dans la mesure du possible, toute interruption de courant pour chaque utilisateur. En cas de panne d'un groupe, la souplesse de fonctionnement des autres groupes couples sur le reseau, le recours aux reseaux voisins interconnected, mais aussi I'existence d'une reserve de puissance constitute par des groupes prets a demarrer (reserve tournante), sont autant de moyens capables d'eviter une defaillance d'alimentation. En cas d'interruption d'une ligne du reseau, le maillage de ce dernier permet de faire circuler I'energie par d'autres circuits ; 3. assurer la qualite du service. La qualite du service est definie dans les clauses contractuelles entre distributeur d'electricite et utilisateur. Celles-ci varient selon la nature des appareils alimentes. Outre le temps d'interruption programme ou fortuit, qui releve de la securite d'alimentation, elles portent sur: - le respect de la chute de tension maximale acceptable pour ne pas degrader les appareils et les irregularites de tension en general ; - le maintien de la frequence ; - le niveau des harmoniques des courants alternatifs ; 4. fournir I'electricite au meilleur cout. La diversite des couts marginaux de fonctionnement des groupes de production installes sur le reseau permet, selon les
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2 - Energie nucleaire et systemes electriques
conditions quotidiennes, d'appeler les groupes aux couts les moins eleves, et par la de beneficier globalement de I'energie la moins chere possible. Par ailleurs, ('extension d'un reseau ou son interconnexion avec d'autres se traduit par une reduction en valeur relative de la puissance de reserve, done de I'investissement total de puissance installee. Le reseau fait face a ces diverses contraintes par des dispositifs de reglage et de protection et par des modes de gestion tres elabores. Ces derniers resultent d'optimisations successives qui aboutissent au plan de production etabli la veille pour le lendemain en fonction des disponibilites previsibles des groupes et des lignes de transport, ainsi que des couts marginaux de production. D'une facon generale, I'avantage du reseau est de tirer benefice d'une certaine compensation statistique des variations previsibles ou fortuites survenant dans le systeme electrique. Cela est vrai de la production en raison des arrets de groupes, mais aussi de la consommation a cause du foisonnement des appareils, des decalages horaires ou des differences climatiques entre regions d'un meme pays. Le reseau met aussi a profit les opportunites offertes par la diversite et la complementarite des moyens de production pour assurer I'al (mentation en energie avec une securite maximale et un cout minimal, ^interconnexion avec les reseaux etrangers procede du meme interet grace a I'effet d'economies d'echelle (Varoquaux, 1996, p. 100 et sq.). Le bilan general de I'energie electrique sur un reseau equilibre, d'une part, les energies produites et importees, et d'autre part les energies consommees et exportees. Le tableau 2.3 donne le bilan relatif au reseau francais en 2000 (EDF, 2000). Tableau 2.3. Bilan de I'energie electrique sur le reseau francais en 2000 (TWh).
Production interieure Importations
517,0 3,3 520,3
Consommation nette Pertes Energie de pompage Exportations
410,7 30,3 6,6 72,7 520,3
2.2. Prevision de la demande d'electricite Les decisions d'investissement dans le secteur de la production et du transport d'electricite doivent etre prises longtemps avant la mise en service des equipements,
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L'economie de I'energie nucleaire
exception faite des turbines a gaz. Les delais d'etude et de negotiations, puis de realisation demandent au total au moins six ans, plus souvent dix, quelquefois plus encore selon le contexte geographique, industriel, commercial, economique et reglementaire du pays concerne. Par ailleurs, le fonctionnement de ces equipements auront des implications energetiques et economiques pendant plus de trois ou quatre decennies du fait que la duree de vie physique depassera largement la duree de vie economique, limitee en general a 30 ans. Ainsi le plan de developpement du systeme de production et de transport d'electricite doit couvrir une periode de temps aussi longue. Le premier processus de ce plan consiste a effectuer des previsions de la demande d'electricite avec le plus grand soin possible. Ces previsions sont relatives aux deux aspects complementaires de la demande : la consommation globale d'electricite et les variations de la puissance appelee.
2.2.1. Prevision de la consommation d'electricite II s'agit de prevoir la consommation interieure d'electricite qui inclut la consommation nette des clients et du systeme electrique et les pertes dans les divers reseaux de transport et de distribution. Deux types de methode sont utilisees a cette fin. Le premier est de nature synthetique, base sur I'examen des tendances passees et des relations econometriques liees aux agregats macro-economiques. Le second s'appuie sur une analyse sectorielle de I'activite economique. - Methode econometrique. Les modeles utilises pour cette methode sont specifiques du pays ou du moins du type de pays concerne. On tient compte en premier lieu de la structure du produit interieur brut (PIB), c'est a dire du caractere plus ou moins agricole, industriel ou tertiaire de I'activite economique, ainsi que du degre de developpement industriel et technologique. C'est dire que ces modeles seront de conception quelque peu differente selon que le pays concerne sera industrialise ou en voie de developpement. Les principaux facteurs pris en compte sont : • la population, son taux de croissance previsible, revolution de sa structure, c'est-adire sa repartition en population urbaine et population rurale ; • le niveau economique indique par le PIB et son taux de croissance, ainsi que revolution de sa structure ; • le degre de penetration de I'electricite dans le bilan energetique ; • le niveau technologique du pays et I'aptitude a accueillir les innovations techniques. L'importance relative a accorder a ces differents facteurs depend du type de pays. Dans les pays en voie de developpement, la croissance demographique et la croissance economique sont primordiales.
2 - Energie nucleaire et systemes electriques
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D'une facon generale, I'innovation technologique se manifeste par deux effets contraires du point de vue de la croissance de la consommation electrique : d'une part, 1'apparition et le developpement de nouveaux usages, d'autre part, ('amelioration du rendement des appareils a I'utilisation finale. Mais ces effets sont contrasted selon les pays. Le degre de penetration de I'electricite progressera d'autant plus rapidement qu'il est bas et que nombre d'usages electriques ont la possibilite de se developper, comme c'est le cas dans les pays en developpement ; et d'autant plus faiblement que la consommation d'electricite par habitant a deja atteint un niveau eleve et que I'amelioration des rendements est appreciee, comme dans les pays fortement industrialises. La competitivite par les prix vis-a-vis des autres formes d'energie disponibles a I'usage final (chaleur, produits petroliers, gaz) est un autre facteur a prendre en compte dans la mesure ou I'econometrie peut montrer I'impact des prix sur la penetration de I'electricite et le marche prevoir leur evolution relative. Plus generalement, I'analyse des evolutions passees a partir des chroniques statistiques enregistrees dans le pays permet de formuler des relations econometriques entre ces divers facteurs et la consommation d'electricite. Dans le ou les modeles qui en resultent on introduit les hypotheses plausibles relatives a revolution de ces facteurs dans le futur, et on en deduit des previsions de la consommation nette de I'electricite. On ameliore la methode par une demarche probabiliste pour rendre compte des incertitudes de I'avenir. A cette fin, on affecte aux evolutions possibles des facteurs determinants de I'activite economique, de la penetration de I'electricite et du niveau technologique des usages finals une probabilite d'occurrence en fonction de leur vraisemblance emanant du dire d'experts. En combinant de facon coherente ces evolutions, on batit des scenarios qui conduisent a des valeurs contrastees de la consommation d'electricite. Le foisonnement des scenarios possibles et de leurs probabilites respectives fait apparattre une fourchette de forte probabilite de la demande electrique. - Methode analytique. Cette methode consiste a decomposer I'economie du pays en principaux secteurs d'activite : agriculture, Industrie, secteurs residentiel et tertiaire, transport, et en analysant, dans chacun d'eux, les categories de consommateurs d'electricite et leur besoin specifique. Ces donnees constituent la base d'un modele de simulation. Dans ce dernier, on applique pour chacune de ces categories des parametres devolution de comportement socio-economique ou devolution technique des appareils utilises. Pour les usages concurrentiels de I'electricite, on peut introduire des effets de prix susceptibles d'influer sur les processus de substitution entre energies finales. A partir d'hypotheses ou de scenarios sur revolution respective des secteurs d'activite, on aboutit a la prevision de la consommation nette d'electricite en agregeant les consommations sectorielles.
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L'economie de I'energie nucleaire
2.2.2. Prevision de la production totale d'electricite La production totale d'electricite est celle qui equilibre la demande globale d'electricite sur le reseau. Pour la determiner, on obtient d'abord la consommation interieure en ajoutant a la consommation nette les pertes compte tenu d'un possible progres technique dans ce domaine selon I'etat actuel du reseau concerne. Ensuite viennent s'ajouter : • I'energie de pompage (ou de tout autre forme de stockage indirect d'energie electrique), qui ne represente qu'une faible composante de la production ; • le solde des echanges d'electricite avec les pays voisins. Cette derniere composante resulte d'une etude particuliere. Les echanges d'electricite augmentent de facon reguliere dans le monde en raison des avantages offerts par les interconnexions et du developpement du commerce international de cette forme d'energie. L'illustration en est donnee sur la figure 2.5 par le rapport des energies electriques echangees et celles consommees dans les pays europeens de I'UCPTE (Union pour la coordination de la production et du transport de I'electricite) depuis 1950. Les previsions d'importation et d'exportation d'electricite pour un pays donne se basent sur les capacites existantes ou envisagees des reseaux concernes, des accords contractuels d'echange entre pays, des besoins et des possibilites de production previsibles de ces pays, des differentiels de couts de production selon la composition des pares nationaux (hydraulique, nucleaire, energies fossiles et energies renouvelables).
Figure 2.5. Rapport des energies electriques echangees a celles consommees dans les pays de I'UCPTE depuis 1950 (%).
2 - Energie nucleaire et systemes electriques
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2.2.3. Prevision des courbes monotones de charge Les previsions des variations de la puissance appelee sur le reseau est le complement necessaire a celle de la demande d'electricite de long terme ; elles constituent la base de 1'optimisation du systeme electrique. Selon le degre de precision du modele utilise a cet effet, la periode unitaire sur laquelle on determine ces variations peut etre I'annee, le trimestre, le mois ou meme la semaine. Les courbes monotones de charge resultant de ces previsions serontdonc annuelles, trimestrielles, mensuelles ou hebdomadaires. Outre le probleme de choix d'investissement le mieux adapte pour faire face a la demande, ces courbes servent aussi a definir la meilleure politique tarifaire ou incitative pour reduire les pics de puissance appelee et les investissements correspondants (§ 9.2.2). Dans le cas d'etudes a long terme, la methode analytique sectorielle mentionnee dans le paragraphe 2.2.1, et les resultats qui en decoulent, servent de cadre aux previsions de la puissance appelee. Pour un secteur economique et une annee donnes, on se base sur la consommation journaliere moyenne du secteur deduite des previsions de consommation nette. On determine la variation de la demande horaire pour chaque jour de I'annee par I'application de coefficients specifiques au secteur etudie qui correspondent aux caracteristiques diverses de la demande examinees precedemment : - les variations journalieres relatives a un jour ouvrable, et leur evolution selon la saison ; - les variations hebdomadaires relatives aux jours feries ou semi-ouvrables (comme il en est donne un exemple sur la figure 2.2) ; - les variations saisonnieres (a I'instar de celles presentees en figure 2.3) ; - le taux annuel de croissance de la consommation nette du secteur. Ces coefficients sont determines par des methodes statistiques a partir de chroniques enregistrees sur de longues periodes du passe ou a partir d'echantillons de mesures ; le traitement statistique permet d'effectuer les corrections d'aleas climatiques et d'evaluer I'importance des incertitudes de la demande en fonction de I'epoque de I'annee. Ce processus de prevision est complexe et delicat. La pertinence des resultats repose sur le decoupage des secteurs (ou sous-secteurs) de consommation ; ceux-ci doivent etre suffisamment homogenes du point de vue de la courbe de charge specifique. II faudrait aussi tenir compte que de nouveaux secteurs peuvent apparattre, ou encore que de nouveaux usages peuvent modifier la courbe de charge journaliere d'un secteur donne. Le calcul des courbes de charge requiert un modele informatique. II s'agit d'abord d'agreger heure par heure sur une annee donnee les courbes de charge des secteurs etudies pour obtenir la courbe de charge du systeme electrique sur les 8760 heures de I'annee, apres avoir toutefois ajoute les pertes a la consommation nette. II faut ensuite fragmenter cette courbe selon la periodicite choisie (annee, trimestre, mois et semaine), et dans chaque periode classer les valeurs de la puissance appelee horaire selon I'ordre decroissant pour obtenir la courbe monotone de charge correspondante.
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L'economie de I'energie nucleaire
2.3. Ajustement de la puissance a la demande 2.3.1. Puissance installee, puissance garantie Pendant chacune des heures de I'annee, la puissance appelee, en kilowatt, correspond a I'energie fournie, en kilowattheure, par la production juxtaposee des groupes installes sur le reseau, de differents types : hydrauliques, thermiques a flamme et thermiques nucleaires. Dans le cadre d'une periode donnee - I'annee par exemple - caracterisee par sa courbe monotone de charge, a chaque type d'equipement correspond une duree d'appel d, c'est a dire le total du nombre d'heures pendant lesquelles il est susceptible d'etre appele a produire sur le reseau. Cette duree depend du merite economique de I'equipement (§ 4.5.2) et de la forme meme de la monotone. La determination de la puissance a installer sur le reseau pour satisfaire la demande ne se comprend qu'en completant la notion de puissance par les concepts detailles decrits ci-dessous. La puissance continue nette Pest celle qu'un groupe peut fournir sur le reseau de facon continue, correspondant a sa puissance nominale. La puissance garantie Pg est celle qu'un type d'equipement est capable de fournir en moyenne sur le reseau pendant la duree ou il est appele, compte tenu de son taux d'indisponibilite fortuite Tf et son taux d'indisponibilite programmed rp (entretien, chargement de combustible et inspections reglementaires) :
La valeur Tp depend plus ou moins de la duree d'appel d. La puissance garantie d'un equipement est portee en ordonnee sur le diagramme de charge comme contribution a la puissance appelee, pendant la duree d, I'energie fournie etant E = Pg x d, a I'arrondi pres du a la courbure de la monotone (figure 2.6). Si on adopte une demarche deterministe, la somme des puissances garanties des equipements de production installes sur le reseau doit etre egale a la pointe de la monotone de charge. La puissance nominale, ou puissance installee sur le reseau, n'est done pas le parametre pertinent pour caracteriser les performances energetiques d'un equipement, mais sa puissance garantie, ou ce qui revient au meme, I'energie qu'il est susceptible de fournir en moyenne sur I'annee, correction faite de sa duree d'appel. Cette remarque est essentielle pour ce qui est de certaines energies renouvelables comme les eoliennes ou les cellules photovoltaTques dont la production d'electricite est tres variable ou intermittente selon les fluctuations du vent ou de la luminosite, et dont la puissance garantie est de ce fait bien inferieure a la puissance installee, ou encore a la puissance de crete.
2 - Energie nucleaire et systemes electriques
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Figure 2.6. Placement d'une unite de production dans une monotone de charge.
L'ajustement de la puissance a la demande ne peut s'effectuer en fait selon une demarche deterministe. II faut prendre en compte tous les aleas qui affectent le systeme electrique : - exces inattendus de la demande, surtout dus a des conditions climatiques s'ecartant des previsions meteorologiques ; - indisponibilite de lignes de transport (givre, neige, tempete et foudroiement), susceptibles d'isoler des ouvrages de production ; - defaut d'hydraulicite ; - accumulation de pannes sur les groupes thermiques ; - defaut de secours des reseaux voisins. Une marge de puissance est done necessaire pour faire face a ces aleas. Elle consiste en une reserve tournante, faite de moyens prets a fonctionner immediatement, ou de moyens qui peuvent etre demarres selon des delais assez courts pour repondre a une demande exceptionnelle previsible a courte echeance. Cette securite de fourniture, qui evite les delestages, a un prix. L'interconnexion des reseaux, en mettant en commun les risques, a permis de reduire I'investissement relatif a cette marge de puissance, qui de ce fait reste inferieure a 15 % de la puissance installee. Comme cette marge depend du taux d'indisponibilite global du pare, elle aura tendance a augmenter dans le cas d'une contribution significative de moyens eoliens ou solaires a la puissance installee sur le reseau.
42
L'economie de I'energie nucleaire
2.3.2. Contrainte sur la taille des unites La marge de securite est determinee par la regie du « n - 1 » : elle impose au systeme electrique d'etre en mesure de continuer a fonctionner correctement dans le cas ou un ouvrage (groupe, ligne, poste de transformation) est subitement mis hors de service. Des mesures sont prises pour qu'elle soit respectee a tout moment. Dans le cas du systeme de production, lorsqu'un groupe devient brusquement defaillant, la frequence du reseau diminue. Des reglages interviennent pour la ramener a sa valeur de reference (50 Hz sur les reseaux ouest-europeens). D'abord, le reglage primaire agit automatiquement en quelques secondes sur chaque groupe en fonctionnement au moyen d'un regulateur de vitesse, et stabilise la frequence a une certaine valeur. Ensuite, le reglage secondaire qui, sur quelques groupes de production, met en oeuvre un asservissement de la variation de la puissance a I'ecart de phase, et qui permet done, dans un temps de I'ordre de la minute, de retablir la frequence de reference et les echanges contractuels de puissance entre reseaux interconnectes. Enfin, si necessaire et sur intervention du gestionnaire de reseau, le reglage par la reserve tournante qui, en une dizaine de minutes, apporte la puissance supplemental qui pourrait etre indispensable a la reprise des reglages primaire et secondaire. Les effets des deux premiers reglages sont illustres dans la figure 2.7. En France, la frequence doit etre tenue contractuellement a ±1 Hz ; les ecarts observes en exploitation sont beaucoup plus faibles, de I'ordre du 0,1 Hz. Toutefois, la taille des unites du pare de production n'est pas indifferente au reglage de la frequence. La chute de la frequence est d'autant plus profonde que la taille de I'unite defaillante est grosse par rapport a ('ensemble de la puissance en fonctionnement sur le reseau. Si la taille est trop importante, la profondeur de cette chute est telle que les reglages primaire et secondaire deviennent inoperants avant que la reserve tournante puisse intervenir efficacement; I'on peut etre ainsi conduit a une situation d'ecroulement de la frequence suivie de la perte de synchronisme du reseau a moins que les automates de protection n'aient efficacement limite la propagation de cette perturbation majeure. II y a done une taille limite des unites qu'il faut respecter dans les etudes de planification. Un ordre de grandeur de cette limite correspond a environ 10 % de la puissance totale installee sur la reseau. Cette valeur est indicative, car elle depend des techniques de regulation des groupes et de I'efficacite des automates de protection. En fait, cette limite n'est a considerer que dans le cas de petits reseaux. Une unite de 600 MW n'est envisageable que sur un reseau d'une capacite d'au moins 6000 MW. Cette contrainte constitue un desavantage pour I'energie nucleaire : celle-ci beneficie d'un effet de taille beaucoup plus marque que celui des centrales thermiques a flamme. Cet effet se traduit par des investissements et des couts d'exploitation au kW installe plus avantageux comme on le verra aux paragraphes 5.2.2 et 6.2.3. Dans le cas de reseaux trop petits ou insuffisamment interconnectes pour accepter des tallies de reacteur nucleaire superieures a 600 MW, cet avantage economique ne peut done pas jouer.
2 - Energie nucleaire et systemes electriques
43
Figure 2.7. Effets des reglages primaire et secondaire sur la tenue de la frequence du reseau.
Toutefois, il faut bien considerer que, dans une etude de planification, on se place a un horizon d'au moins 10 ans, et que dans nombre de pays en voie de developpement, la croissance de la demande en electricite est suffisamment forte pour que le reseau atteigne en quelques annees une capacite compatible avec une taille d'unite nucleaire de 900 MW. Une etude de faisabilite technique et economique pourrait, dans ce cas, conclure a la possibilite d'anticiper la construction d'une centrale nucleaire de 900 MW sous reserve des conditions suivantes : - la croissance de la demande solidement etablie ; - le reseau prevu convenablement interconnecte ; - le fonctionnement d'un 900 MW a puissance reduite sur quelques annees techniquement acceptable ; - le bilan economique actualise sur la duree de vie des equipements favorable a la solution d'un 900 MW anticipe plutot qu'a celui d'un 600 MW.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
3
Developpement de I'energie nucleaire
Le developpement de I'energie nucleaire, depuis le milieu des annees 50, a connu differentes phases qui correspondent assez bien a revolution de la competitivite de I'electricite d'origine nucleaire face a la concurrence, tout en refletant les changements intervenus dans les contextes economiques et politiques mondiaux et regionaux. La figure 3.1, qui montre revolution de la production d'electricite d'origine nucleaire dans le monde dans la seconde moitie du XX e siecle, est conforme a la tendance classique de penetration sur le marche d'une technologie nouvelle.
3.1. Programmes electronucleaires dans le monde 3.1.1. Evolution historique du point de vue economique L'essor de I'energie nucleaire s'est amorce au debut des annees 50 avec la production des premiers kWh d'origine nucleaire aux Etats-Unis (1951) et en URSS (1954) puis au Royaume-Uni et en France (1956). La decennie 50 est marquee par une confiance generale dans les perspectives de developpement des applications pacifiques de I'energie nucleaire dont temoigne en particulier la conference des Nations Unies, « Atoms for Peace », tenue a Geneve en 1958. Au cours de cette decennie, I'enthousiasme pour I'energie nucleaire est motive en partie par les rapides progres scientifiques et technologiques susceptibles de confirmer la viabilite industrielle et commerciale de la filiere, ainsi que de renforcer sa competitivite economique. En outre, les craintes de voir les ressources petrolieres s'epuiser conduisent a accrottre I'interet des decideurs pour les autres sources d'energie. Diversification et securite d'approvisionnement deviennent alors les objectifs majeurs des politiques energetiques de nombreux pays. Dans ce contexte, I'electricite nucleaire se presente comme un substitut de choix aux combustibles fossiles pour eviter les ruptures d'approvisionnement en energie primaire. Elle semble egalement capable de faire baisser les prix de I'electricite dans la mesure ou son cout de production est estime a I'epoque tres inferieur a ceux de ses concurrents. Au debut des annees 60, alors que la construction de reacteurs prototypes s'accelere, la mise en exploitation de gisements de petrole geants au Moyen-Orient dissipe les craintes de penurie et de rencherissement des hydrocarbures et reduit I'interet immediat pour un
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L'economie de I'energie nucleaire
developpement industriel de la filiere nucleaire. En outre, la jeunesse de la technologic nucleaire entraine des incertitudes quant a ses performances futures et a ses couts reels qui impliquent des risques financiers de nature a dissuader les investisseurs potentiels. Cependant, la seconde moitie de la decennie va voir I'epanouissement de la technologic industrielle des reacteurs a eau aux Etats-Unis et une croissance significative de la puissance electronucleaire installee dans plusieurs pays industrialises. Figure 3.1. Evolution de la production d'electricite nucleaire dans le monde (TWh).
Source : AIEA, 2002.
Beneficiant de ('experience acquise grace au developpement de moteurs de propulsion de sous-marins, et a I'accroissement de la puissance unitaire des installations, la technologic des reacteurs a eau affirme progressivement sa competitivite. Des programmes electronucleaires plus ou moins ambitieux sont lances en Amerique du Nord (Etats-Unis, Canada), en Europe (Belgique, Espagne, France, Italic, Republique Federale d'Allemagne, Suede) et en Asie (Japon, Inde). Les facteurs et les motivations qui sous-tendent, dans chaque pays, la decision de recourir a I'energie nucleaire sont divers et varies. Dans tous les cas, cependant, les decideurs sont convaincus que I'electricite d'origine nucleaire sera moins chere que ses concurrents et qu'elle offre des garanties uniques de securite d'approvisionnement et de stabilite des couts a long terme. Les commandes de centrales nucleaires regressent aux Etats-Unis des le milieu des annees 70 pour s'arreter totalement en 1978. De plus, les annulations augmentent considerablement des 1974, dans certains cas pendant la phase de construction ; a la fin de 1994, leur nombre atteint 118 alors que 109 reacteurs sont en service (Brodansky, 1996). En effet, dans ce pays, en depit des crises petrolieres de 1973 et 1978, les
3 - Developpement de I'energie nucleaire
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combustibles fossiles demeurent relativement bon marche et les risques de rupture d'approvisionnement y sont faibles car il est dote d'importantes ressources nationales. Par centre, en Europe et au Japon, le developpement de I'electronucleaire s'accelere. Dans ces pays, en particulier en France et au Japon, le developpement de I'electronucleaire s'inscrit dans le cadre de politiques energetiques visant a I'independance, au developpement technologique et a la competitivite. Depuis le debut des annees 80, le ralentissement general de la croissance economique entrame une baisse des taux de croissance de la demande en energie primaire par rapport aux previsions anterieures. Simultanement, ('emergence des preoccupations environnementales et du concept de developpement durable incitent a promouvoir I'efficacite energetique au niveau des politiques nationales et des choix technologiques. Ces tendances, qui s'affirmeront vers la fin du XX e siecle, conduisent a une demande relativement faible pour des equipements nouveaux de production d'electricite en base dans les pays industrialises. La deregulation des marches de I'electricite et la privatisation du secteur electrique ont par ailleurs incite les producteurs a reduire leurs reserves de capacite et a pratiquer une politique d'investissement prudente. II convient de souligner aussi que, depuis le debut des annees 80, les programmes electronucleaires sont influences non seulement par des facteurs techniques et economiques mais egalement par des considerations politiques et sociales au sens large. La technologic nucleaire de fission, apres avoir ete relativement bien acceptee par I'opinion publique a ses debuts, fait aujourd'hui I'objet d'une contestation de la part d'une fraction notable (majoritaire dans certains pays) de la population. Les accidents de Three Mile Island aux Etats-Unis et surtout de Tchernobyl en Ukraine ont mis en evidence les dangers potentiels de I'energie nucleaire et accru les reticences du public. En reponse a ces craintes, les pouvoirs publics ont adopte une attitude prudente et mis en place des reglementations de surete et de protection radiologique basees sur le « principe de precaution ». Les consequences economiques de cette evolution sont difficiles a chiffrer avec exactitude mais il est incontestable que les incidences directes, par exemple surcouts de construction et d'exploitation, et indirectes, par exemple allongement des durees d'obtention de permis de construction, ont reduit sensiblement la marge de competitivite des centrales nucleaires. Des moratoires de droit ou de fait sur la construction de nouvelles centrales nucleaires ont ete instaures dans un certain nombre de pays, en Autriche, en Italic puis en Espagne. D'autres pays, tels la Suede, et plus recemment I'Allemagne, ont decide d'arreter prematurement leurs unites nucleaires en service. Dans les pays ou les programmes electronucleaires se sont poursuivis dans les annees 90, le poids de ('opposition du public dans les choix politiques et technologiques conduit a des couts supplementaires pour les projets electronucleaires, resultant par exemple des difficultes a trouver des sites pour les centrales et le stockage des dechets radioactifs. En outre, revolution des reglementations, y compris le renforcement des exigences de surete, est un facteur d'incertitude, quant aux couts et aux revenus des futures centrales nucleaires, qui
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L'economie de I'energie nucleaire
engendre des risques financiers non negligeables de nature a dissuader certains investisseurs (§ 14.5). A I'aube du XXIe siecle, cependant, une renaissance des programmes electronucleaires semble possible dans un certain nombre de pays comme les Etats-Unis et la Finlande mais seuls quelques pays d'Asie, d'Europe de I'Est ou d'ex-Union Sovietique ont des centrales nucleaires en construction. Les facteurs economiques jouent un role determinant dans ce contexte. Les prix des combustibles fossiles, en particulier du gaz, tout en demeurant bas, montrent des signes de volatilite qui entrament des risques pour les producteurs d'electricite ayant choisi les turbines a gaz. Par ailleurs, en depit de leurs couts en capital eleves, les centrales nucleaires en service dont I'investissement est partiellement ou totalement amorti sont tres competitives sur les nouveaux marches dereglementes de I'electricite (§ 14.2). La mise au point et le developpement d'une nouvelle generation de reacteurs, derives des concepts actuels ou plus innovants, fait I'objet d'efforts de recherche importants et coordonnes dans plusieurs pays. Le resultat escompte est la mise sur le marche vers 2020-2030 de reacteurs plus performants, surs et economiques, capables de conquerir des parts de marche importantes tant pour la fourniture d'electricite que de chaleur, d'eau potable et eventuellement d'hydrogene (§ 15.3).
3.1.2. Puissance installee actuelle Au debut de I'annee 2003, il y avait 437 reacteurs nucleaires en service dans 32 pays du monde, representant une capacite totale de 356 GWe. Six nouvelles unites nucleaires ont ete connectees au reseau en 2002 dont quatre en Chine, une en Republique de Coree et une en Republique Tcheque. Quatre unites ont ete definitivement arretees au cours de I'annee 2002, deux en Bulgarie et deux au Royaume-Uni, representant une capacite totale d'environ 1 GWe. La repartition par pays des centrales nucleaires en service et en construction dans le monde a la fin de I'annee 2002 est presentee au tableau 3.1. La figure 3.2 qui illustre la repartition du pare electronucleaire installe par grande zone geographique montre la preponderance des pays industrialises dans le developpement de I'energie nucleaire jusqu'a present. L'histogramme des ages des centrales en service montre deux groupes importants autour de 17-18 ans d'une part et de 26-28 ans d'autre part (figure 3.3). Dans les calculs economiques, la plupart des operateurs adoptent generalement des hypotheses prudentes sur la duree de vie des installations et amortissent les investissements sur 25 a 30 ans. La duree de vie technique des centrales actuellement en service sera sans doute sensiblement superieure dans la majorite des cas et pourrait atteindre 60 ans ou plus, moyennant des investissements relativement modestes de renovation tels le changement des generateurs de vapeur. Dans ces conditions, le renouvellement de la majorite du pare electronucleaire existant ne devrait pas intervenir avant une vingtaine d'annees.
3 - Developpement de I'energie nucleaire
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Tableau 3.1. Centrales nucleaires dans le monde a la fin 2002.
En construction
En service Pays
Capacite (MWe)
Nombre d'unites
Canada Etats-Unis Mexique
10018 98230 1360
14 104 2
Argentine Bresil
935 1901
2 2
Afrique du Sud
1800
2
Chine Coree du Nord Rep. de Coree Inde Iran Japon Pakistan TaTwan
5318
7
14890 2503
18 14
44287 425 4884
54 2
Allemagne Belgique Espagne Finlande France Hongrie Pays-Bas Rep. Slovaque Rep. Tcheque Royaume-Uni Suede Suisse
21283 5760 7574 2656 63073 1755 450 2408 3468 12052 9432 3200
19 7 9 4
Armenie Bulgarie Lituanie Roumanie Russie Slovenie Ukraine TOTAL
6
1 6 6 27 11
356461
437
655
20793 676
692
1
3275 1040 1920 3622 2111 3190
4 1
2700
2
776
2
655
2825
1 3
3800
4
27112
33
2 8 2 3
5
11207
2722 2370
Nombre d'unites
59 4
1 4 2 1 30 1 13
376
Capacite (MWe)
Source : Agence Internationale de I'energie atomique (AIEA, 2003).
50
L'economie de I'energie nucleaire
Figure 3.2. Repartition geographique de la puissance electronucleaire installee a la fin 2000.
Source : AIEA, 2002.
Figure 3.3. Nombre de reacteurs en service par age a la fin 2002*.
Source : AIEA, 2003.
3 - Developpement de I'energie nucleaire
51
3.1.3. Repartition par fi Meres et types de reacteurs Une filiere de reacteurs se definit par trois elements constitutifs : le combustible, le moderateur et le fluide caloporteur. Dans chaque filiere, des variantes technologiques, plus ou moins prononcees, permettent de distinguer plusieurs types de reacteurs. La description et la genese de ces filieres et de ces types sont presentees dans Leclercq ef a/. (1989). Les reacteurs a eau ordinaire (REO) sont largement majoritaires dans le pare electronucleaire en service au debut du XXP siecle avec pres de 90 % de la puissance installee dans le monde. Les reacteurs a eau sous pression (REP), y compris ceux de conception sovietique (VVER), represented environ 66 % du pare mondial et les reacteurs a eau bouillante (REB) environ 22 %. La filiere a eau lourde sous pression (RELP), qui s'est developpee sous ('impulsion de I'industrie nucleaire canadienne et, dans une moindre mesure, indienne, ne represente que 5 % environ de la puissance totale installee. Toutes les autres filieres confondues, y compris les reacteurs graphite-gaz et les reacteurs a neutrons rapides, represented moins de 10 % du pare mondial. Les reacteurs a gaz moderes au graphite ont progressivement disparus sauf au RoyaumeUni ou ils sont encore majoritaires, represented surtout par les AGR (Advanced Gas Reactor). Les autres filieres ayant connu un developpement industriel significatif quoique modeste comprennent les reacteurs a neutrons rapides refroidis au sodium (RNR) et les reacteurs a eau ordinaire moderes au graphite (type RBMK concu en ex-Union Sovietique). La repartition par filieres de la puissance installee dans le monde, presentee dans la figure 3.4, est le resultat d'une evolution technologique dont les raisons principales sont exposees au paragraphe 3.4. Figure 3.4.
Repartition de la puissance electronucleaire installee par type de reacteur a la fin 2000.
Source : AIEA, 2003.
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L'economie de I'energie nucleaire
3.2. Production d'electricite d'origine nucleaire 3.2.1. Contribution electronucleaire a la production d'electricite A I'aube du XXIe siecle, I'energie nucleaire represente environ 7 % de I'approvisionnement mondial en energie primaire et genere quelque 17 % de la production d'electricite de la planete. Les combustibles fossiles demeurent de loin la source d'energie la plus importante, representant a eux seuls environ 80 % de la consommation mondiale d'energie primaire (figure 3.5) et plus de 60 % de I'electricite produite (figure 3.6). Figure 3.5. Consommation d'energie primaire dans le monde par source en 2000.
Source : OCDE/AIE, 2002.
devolution de la production d'electricite d'origine nucleaire dans le monde, representee par la courbe de la figure 3.1, montre une croissance assez lente dans les annees 60, due surtout aux programmes americain et britannique. Les Etats-Unis prennent rapidement une place preponderate : en 1974, leur cinquantaine de reacteurs, totalisant environ 30 GWe, produisent deja 6 % de I'electricite du pays. La production nucleaire dans le monde connaTt sa plus forte croissance de 1973 a 1991, periode pendant laquelle elle est multipliee par un facteur 10, ce qui correspond a un taux moyen de 13,7 % par an. La part de la production nucleaire dans la production mondiale d'electricite s'est stabilisee autour de 16 a 18 % depuis la fin des annees 1980. Aujourd'hui, elle a tendance a decroTtre legerement, la production nucleaire croissant maintenant moins vite que la demande d'electricite, malgre quelques unites nouvelles mises en service, ('augmentation de puissance de certaines et I'augmentation generale des facteurs de charge des centrales nucleaires dans le monde (§ 3.3.2).
3 - Developpement de I'energie nucleaire
53
Figure 3.6. Production d'electricite dans le monde par source en 2000.
Source : OCDE/AIE, 2002.
En 2002, les centrales nucleaires ont produit environ 2780 TWh nets. La part de I'electricite nucleaire dans la production totale d'electricite nationale varie selon les pays entre quelques pour cent et plus des trois quarts (figure 3.7). Dans treize des pays ou des centrales nucleaires sont en service, I'electricite d'origine nucleaire fournit un tiers ou plus de la production totale d'electricite. En moyenne, dans les pays de I'OCDE la part du nucleaire dans I'electricite est voisine d'un quart et elle est superieure a un tiers dans I'Union europeenne. La penetration de I'energie nucleaire a ete nettement plus importante dans les pays industrialises (pays de I'OCDE1) et les pays en transition (ex-Union Sovietique et Europe de I'Est) que dans les pays en voie de developpement. Environ 85 % de la puissance electronucleaire en service se trouve dans les pays de I'OCDE. La repartition de la production brute des centrales nucleaires selon les regions du monde, presentee dans le tableau 3.2, montre I'importance egale entre I'Amerique du Nord et I'Union europeenne aussi bien en production annuelle qu'en production cumulee. La maturite de I'electronucleaire est mise en evidence dans ce meme tableau par le biais de I'experience cumulee d'exploitation sur le reseau de I'ensemble des unites actives et definitivement arretees, soit pres de 10900 ans-reacteurs a la fin 2001.
1. OCDE : Organisation de cooperation et de developpement economiques, regroupant pour I'essentiel les pays industrialises.
54
L'economie de I'energie nucleaire
Figure 3.7. Part de I'electronucleaire dans I'electricite (%).
Source : AIEA, 2003.
3 - Developpement de I'energie nucleaire
55
Tableau 3.2. Production brute des centrales nucleaires dans le monde et experience cumulee.
Production brute (TWh) Regions
Cumulee
Annuelle
Experience sur le reseau (ans-reacteurs)
2000
2001
fin 2001
Amerique du Nord
862,3
872,4
15715,7
3340,5
Union europeenne
862,8
891,9
15873,3
4028,8
31,1
31,9
642,9
154,9
284,1
295,0
5092,6
1632,6
500,8
504,5
7037,5
1577,1
34,1
41,4
466,4
121,7
2575,2
2637,1
44828,0
10856,0
1
Europe hors UE Europe de I'Est Asie
2
Reste du monde Monde 1
Slovenie, Suisse. 2 Afrique du Sud, Argentine, Bresil, Mexique. Source : Elecnuc (CEA, 2002).
3.2.2. Contribution par filieres et types de reacteurs Les contributions a la production d'electricite de chacune des filieres et de certains types de reacteurs, annuelle et cumulee depuis I'origine de I'energie nucleaire, sont indiquees dans le tableau 3.3. Dans ce tableau, on a opere un certain regroupement qui permet de faire figurer des types disparus comme les UNGG francais, ou de faible representative comme les GLWR russes (graphite, eau ordinaire sous pression), ou I'ATR japonais (U enrichi, eau lourde, eau ordinaire bouillante). La preponderance des REO, incluant REP, REB et VVER, est encore plus marquee dans le bilan de production des centrales que dans la repartition de la puissance installee represented sur la figure 3.4. Elle se traduit par une contribution de 89 % en production annuelle en 2001 et 85 % en production cumulee.
3.3. Indicateurs de fonctionnement des centrales nucleaires 3.3.1. Definitions et utilisation Les indicateurs de fonctionnement des centrales nucleaires, qui permettent de suivre revolution de leur performances, sont : - I'indicateur de production ou coefficient de production (Kp) ou encore facteur de charge ; - I'indicateur de performance ou coefficient de disponibilite (Kd) ; - le nombre d'arrets automatiques non programmes.
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L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 3.3. Production brute des centrales nucleaires et experience cumulee oar filieres et tvoes de reacteurs. Production brute (TWh) Filieres et types de reacteurs
Annuelle 2000
AGR, MGUNGG, UNGG
Cumulee
Experience sur le reseau (ans-reacteurs)
2001
74,9
80,8
2314,3
1458,7
RELP
121,6
131,1
2296,6
715,6
REP
1489,2
1519,4
24330,9
4307,6
VVER
203,2
217,9
3345,3
994,1
REB
602,2
607,7
10409,0
2300,3
79,5
75,5
1948,8
689,2
RNR
3,9
4,2
124,5
217,0
ATR
0,6
0,6
20,9
23,4
Divers
0,0
0,0
38,4
149,7
RBMK, GLWR
Source : Elecnuc (CEA, 2002).
Les deux premiers, de definition voisine, sont essentiels dans la determination des choix technologiques et dans le calcul economique previsionnel. Us sont fournis par les banques de donnees qui enregistrent les caracteristiques et le fonctionnement des centrales nucleaires dans le monde. Parmi les plus detaillees, on note celle de I'AIEA, PRIS, et en France celle du CEA, Elecnuc. On donne ci-dessous les definitions correspondant a Elecnuc. • Le coefficient de production Kp est le rapport de la production electrique brute d'une unite nucleaire pendant une periode donnee a la production continue brute a pleine puissance qui aurait ete fournie pendant la meme periode. II s'exprime le plus souvent en pourcentage. La production brute est celle mesuree aux bornes de I'alternateur de I'unite, alors que la production nette est celle mesuree a la sortie de son poste de transformation, la difference correspondant a I'energie autoconsommee pour le fonctionnement des installations. La puissance est determinee pour une temperature bien definie de la source froide, par exemple la temperature moyenne sur I'annee. Selon la definition retenue de la temperature de reference, des inhomogeneites sont possibles dans la comparaison des coefficients de differents exploitants. Par ailleurs, il peut etre ou non tenu compte de certaines evolutions de la puissance nominale a la suite de modifications des installations. Pour ces raisons, qui rendent dedicates les comparaisons, on rencontre des valeurs de Kp depassant 100 %.
3 - Developpement de I'energie nucleaire
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Le coefficient de production cumule d'une unite est calcule a partir de la date de son premier couplage au reseau. On definit de facon analogue le coefficient de production d'un pare nucleaire en ponderant le Kp de chaque unite par sa puissance. • Le coefficient de disponibilite Kd est le rapport de la production electrique nette qu'aurait pu produire la puissance disponible d'une unite nucleaire pendant une periode donnee a la production continue nette a pleine puissance qui aurait ete fournie pendant cette meme periode. La definition s'applique naturellement en valeur cumulee comme en valeur annuelle, et pour 1'ensemble d'un pare. A EDF, les evaluations annuelles ou cumulees de Kd s'effectuent a partir de la date de mise en service industriel. La difference entre Kd et Kp vient done du fait qu'une unite disponible, ou partiellement disponible, peut ne pas etre appelee pendant un certain laps de temps, soit que la demande est alors insuffisante, soit que le reseau est localement indisponible. Cette difference est marquee lorsque les centrales nucleaires ne fonctionnent pas en base (§ 3.5.2). • L'utilisation des coefficients Kp et Kd necessite quelques precautions. Les coefficients observes sur une periode donnee sont susceptibles d'accuser des variations non significatives si la periode est relativement courte, I'annee par exemple, selon que I'arret pour rechargement du combustible est inclus ou non dans cette periode. II est pertinent de considerer une periode glissante de deux ou trois ans. Les coefficients cumules n'ont pas cet inconvenient ; en revanche, ils ne traduisent pas correctement I'etat actuel du fonctionnement, car ils integrent, pour les reacteurs les plus anciens notamment, des maladies de jeunesse qui aujourd'hui ne sont plus significatives pour les reacteurs eprouves. Les coefficients cumules, par leur variation lente, permettent de mesurer la tendance a I'amelioration (ou la degradation) des performances d'une classe donnee de reacteurs. S'agissant des coefficients moyens sur un pare, il est bon d'accompagner ['evolution de leur valeur dans le temps par le nombre de reacteurs impliques et par I'ecart-type, le cas echeant. Cette precaution est utile lorsque Ton cherche a discerner ['influence de certains parametres sur les performances des reacteurs (§ 3.3.3). L'utilisation du coefficient annuel de disponibilite Kj prend toute son importance dans le calcul economique du cout du kWh comme on le constate au paragraphe 4.5 et grace aux formules (1 3), (16) et (22). L'amelioration du coefficient K^ a un impact tres sensible sur I'economie des centrales nucleaires. A titre d'exemple, passer d'une valeur de Kd de 75 a 85 % augmente la production de 13 % et, d'apres les donnees francaises du tableau 8.2, reduit le cout du kWh de 10 et de 7,5 % pour les taux d'actualisation respectifs de 8 et 5 %.
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L'economie de I'energie nucleaire
3.3.2 Evolution des coefficients de production par types de reacteurs Devolution des coefficients Kp annuels et cumules est decrite dans les figures 3.8 et 3.9 respectivement, pour les principaux types de reacteurs : REP (hors VVER), REB et RELP, pour un nombre respectif de reacteurs dans le monde de 208, 90 et 41. Figure 3.8. Evolution du coefficient annuel de production par filiere.
Source : Elecnuc (CEA, 2002).
Les REO ont vu une amelioration progressive de leurs performances. Le gain de leur Kp cumule est d'environ 1 % par an pour les REP comme pour les REB de 1980 a 2000. Pour ce qui est du Kp annuel, son amelioration s'est accentuee depuis 1990, et correspond a un gain moyen annuel de 1,8 %. Parallelement, celui des VVER a progresse de 0,7 % par an environ de 1990 a 2001, pour un nombre de reacteurs croissant de 47 a 51, et le pare des 14 AGR, de facon plus remarquable, a augmente sa production de 75 % sur les onze dernieres annees. En revanche, apres un accroissement spectaculaire de leur performance jusqu'au debut des annees 80, I'ensemble des RELP, pourtant favorise de ce point de vue par le chargement en continu du combustible, voient leur Kp annuel regresser pour se situer aujourd'hui au niveau de 60 a 65 %, alors que celui des REO atteint 83 a 85 %. Un ecart sensible s'est manifeste de I'origine jusqu'aux environs de 1990 entre les deux types de reacteurs a eau ordinaire. Les REP ont ete plus performants au depart. Si, depuis 1990, les valeurs moyennes de leur Kp annuel restent voisines (figure 3.8), I'ecart
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Figure 3.9. Evolution du coefficient de production cumule par filiere.
Source : Elecnuc (CEA, 2002).
historique se manifeste encore au niveau de leur Kp cumule (figure 3.9). Cette situation est surtout le fait des Etats-Unis, ou le pare nucleaire est le plus ancien. Dans ce pays, le Kp moyen annuel en 2001 des 69 reacteurs REP est de 88,64 %, celui des REB de 89,43 % ; mais les Kp cumules sont respectivement 71,28 et 63,28 %, accusant un ecart important. Au Japon, ou le pare est plus jeune, la situation est plus homogene : en 2001, les 23 REP ont un Kp de 84,32 %, les 29 REB de 78,5 %, mais les valeurs cumulees sont proches, 72,95 et 73,95 %, respectivement. Ces donnees sont presentees de fagon synthetique dans le tableau 3.4.
Tableau 3.4. Indicateurs de production Kp des REP et des REB.
Indicateur de production (%) (nombre d'unites nucleaires)
Type de reacteur
REP REB
Annuel en 2001
Cumule en 2001
Monde
Etats-Unis
Japon
Monde
Etats-Unis
Japon
83,17
88,64
84,32
71,57
71,28
72,95
(208)
(69)
(23)
84,79
89,43
78,55
63,28
73,95
(90)
(35)
(29)
^ 68,82
60
L'economie de I'energie nucleaire
3.3.3. Facteurs influant sur les indicateurs Les etudes statistiques ont montre que I'indicateur de production etait sensible a quelques parametres : outre le type de reacteur etudie ci-dessus, on a distingue la taille et I'age. La population des REP et des REB a montre, par I'ecart-type de chaque classe de taille ou d'age, une assez grande dispersion des valeurs du Kp, du moins dans les 20 premieres annees. On avait observe, en moyenne, de meilleures performances pour les reacteurs de taille inferieure a 700 MWe par rapport a celles des reacteurs de taille superieure a 1000 MWe. Get ecart s'explique par les difficultes que les reacteurs de grande capacite ont connues a leur debut, mais il s'est progressivement resorbe lorsque ces difficultes ont ete surmontees. A titre d'illustration, aux Etats-Unis, les 26 REP de puissance nette superieure ou egale a 1100 MWe ont presente, en 2001, un indice moyen de production de 92,74 % sensiblement au-dessus des 88,64 %, moyenne du pare REP de ce pays. Les progres techniques sont mis en evidence grace a trois observations. • D'abord, les reacteurs les plus recents acquierent des leur mise en service industriel d'excellentes performances, qui temoignent par la des progres accomplis dans la construction nucleaire. Toujours dans le pare REP americain, les 10 reacteurs mis en service apres 1987 ont, aujourd'hui, un Kp cumule moyen de 80 % et en 2001 un Kp annuel de 92 %, valeurs bien superieures aux valeurs nationales et mondiales (voir figures 3.8 et 3.9). Les REB analogues sont trop peu nombreux pour que leurs resultats soient probants. La puissance nette de tous ces reacteurs recents depasse 1100 MWe. Au Japon, on observe aussi un tres bon comportement des reacteurs mis en service apres 1987, comme I'indiquent les valeurs de Kp portees au tableau 3.5, surtout celles des Kp cumules au Japon comme aux Etats-Unis. • Ensuite, il convient de considerer les reacteurs qui, par le passe, ont subi des problemes techniques et qui de ce fait conservent un mauvais Kp cumule. Aujourd'hui, ils ont en general un bon coefficient de production annuel. Aux Etats-Unis, 9 REP ont un Kp cumule inferieur a 60 %, mais en 2001, leur Kp annuel moyen est de 84,37 %. Si I'on ecarte le cas aberrant de I'unite de Palisades, on obtient 88,9 %, valeur un peu au-dessus de la moyenne du pare REP. II en est de meme pour les 9 REB qui sont dans ce cas : leur Kp annuel en 2001 est de 91,6 %, alors que la moyenne du pare REB est de 89,43 %. Cette remarque montre I'efficacite des interventions de maintenance et de mise a niveau effectuees sur le pare americain apres ('accident de Three Mile Island. D'excellents resultats economiques en decoulent (Rothwell, 2001) (§ 6.3.3 et 14.2.3). • Enfin, autre preuve de ('amelioration du fonctionnement des centrales nucleaires, celui-ci devient de plus en plus homogene. Dans chaque classe significative de la population des centrales, I'ecart-type de I'indicateur de production ou de disponibilite se resserre avec le temps.
3 - Developpement de t'energie nucleaire
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Tableau 3.5. Indicateurs de production Kp des REO recents aux Etats-Unis et au Japon. Indicateur de production (%) (nombre d'unites nucleaires) Type de reacteur par pays
Annuel en 2001
Cumule en 2001
Pare total
MSI apres 97
Pare total
MSI apres 97
88,64
92,0
71,28
80,0
(69)
(10)
89,43
88,88
63,28
72,0
(35)
(3)
84,32
86,95
72,95
81,13
(23)
(7)
78,55
87,25
73,95
82,75
(29)
(10)
Etats-Unis REP
REB
Japon REP
REB
Ces quelques indications appellent de nouvelles etudes statistiques, plus fines et plus pertinentes en raison de la correlation entre la taille et I'age des unites, et aussi en raison d'autres facteurs comme les reglementations nationales concernant par exemple les durees d'inspection. Certaines anomalies ne peuvent s'expliquer que par des raisons techniques. C'est le cas des RELP, qui presentent une situation contrastee entre le Canada et I'lnde. Au Canada, le Kp annuel en 2001 des 20 RELP n'est que de 59,41 % en raison de I'arret des 6 plus anciens reacteurs, alors que le Kp cumule est de 69,58 %. En Inde, le Kp annuel des 12 RELP est de 73,27 % en 2001, mais le Kp cumule est seulement de 47,75 % a cause des difficultes de demarrage de ces reacteurs, de taille modeste (202 MWe).
3.4. Evolutions technologiques et economie Les debuts de la recherche sur les applications de I'energie nucleaire a des fins pacifiques ont connu un foisonnement de concepts et de prototypes de reacteurs. En effet, les chercheurs et les ingenieurs engages dans la mise au point de centrales nucleaires commerciales n'avaient a priori pas de raison d'exclure un type de reacteur quel qu'il soit. De nombreuses combinaisons de combustible, de moderateur et de fluide caloporteur ont done ete explorees. Cependant, au stade du developpement industriel, les considerations d'acces aux matieres premieres, aux technologies et aux services necessaires, mais aussi le souci de reduire les couts, ont guide les choix nationaux et
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L'economie de I'energie nucleaire
industrials vers un nombre limite d'options. La concentration progressive des concepts industriels et commerciaux autour d'un nombre restreint de filieres a conduit a la repartition actuelle entre quelques types de reacteurs qui dominent les marches mondiaux.
3.4.1. Choix de I'uranium naturel A I'origine, les choix technologiques de base de la conception des reacteurs resultent de la necessite d'utiliser I'uranium naturel, seule matiere nucleaire disponible. Apres la mattrise industrielle de I'enrichissement isotopique aux Etats-Unis (et en URSS), I'utilisation de I'uranium naturel devient, dans certains pays, une option qui precede d'un esprit d'independance nationale, et notamment du refus de se soumettre aux conditions draconiennes, politiques et economiques, imposees par les Etats-Unis pour la fourniture d'uranium enrichi. Pour des raisons neutroniques, I'uranium naturel impose un moderateur peu absorbant, et un fluide caloporteur qui, en plus de cette derniere qualite, soit chimiquement compatible avec le moderateur. La filiere UNGG (Uranium Naturel - Graphite - Gaz) se developpe des le debut des annees 50 au Royaume-Uni (Calder Hall-1, 50 MWe, aout 1956) eten France (Marcoule G1, 2 MWe, septembre 1956). Le pouvoir moderateur du graphite n'etant pas excellent, le cceur des UNGG se caracterise par de grandes dimensions, done un volume important du batiment reacteur et un cout specifique d'investissement eleve. Le volume des installations constitue un obstacle a I'accroissement de la taille des reacteurs et a ('amelioration de leur competitivite. De plus, la nature du combustible, uranium naturel sous forme metallique, limite son taux de combustion et sa rentabilite. Toutefois, le developpement de cette filiere s'accompagne d'un objectif strategique grace auquel le plutonium recupere des UNGG alimenterait au depart un programme RNR. En France, la decision d'abandonner cette filiere a ete prise en 1969 pour des raisons economiques et le dernier reacteur a ete arrete definitivement en 1994. Au Royaume-Uni 18 reacteurs de ce type, Magnox ou MGUNGG, sont encore en exploitation. La filiere AGR est une variante de la filiere UNGG, qui se met au point au Royaume-Uni a partir de la fin des annees 50 afin d'en ameliorer I'economie par ['augmentation des performances thermodynamiques et une meilleure utilisation du combustible, qui devient de I'oxyde d'uranium enrichi. Cette filiere est represented, dans ce pays uniquement, par 14 reacteurs d'environ 600 MWe, dont le dernier a ete couple au reseau en 1989. La filiere RELP a eau lourde sous pression se developpe d'abord au Canada (Douglas Point, 208 MWe, Janvier 1967). L'eau lourde, moderateur et fluide caloporteur, donne un spectre neutronique bien adapte a I'utilisation de ('uranium naturel en favorisant la conversion in situ de I'uranium 238 en plutonium. Si cette filiere s'affranchit des sujetions de I'approvisionnement en uranium enrichi, le cout eleve de la production d'eau lourde constitue un frein a son essor commercial. Outre le Canada et I'lnde (§ 3.3.3), certains
3 - Developpement de I'energie nucleaire
63
pays exploitent des centrales de ce type : la Coree du Sud (4 unites), ['Argentine (2 unites), le Pakistan (1 unite) et la Roumanie (1 unite).
3.4.2. Choix de I'uranium enrichi Les etudes effectuees a la fin des annees 40 aux Etats-Unis et I'exploitation d'un reacteur prototype des 1953 demontrent alors la possibilite de realiser un reacteur compact destine a la propulsion sous-marine : le cceur alimente en uranium enrichi est modere et refroidi par de I'eau ordinaire sous pression. Le succes de la construction et de la mise en service du Nautilus, le premier sous-marin nucleaire, encourage le lancement en 1953 d'un reacteur civil a eau sous pression (Shippingport, 90 MWe, decembre 1957). L'eau ordinaire, le meilleur moderateur possible et bon caloporteur, permet la compacite du reacteur dont I'interet economique est evident : moindre investissement specifique, possibilite d'economies d'echelle par accroissement de la taille unitaire, cout du moderateur quasi nul. En revanche, la capture des neutrons par I'hydrogene de I'eau doit etre compensee par une reactivite supplementaire grace a 1'uranium enrichi. Mais ce dernier, permettant des taux de combustion eleves, diminue d'autant le poste de fabrication et celui de la gestion du combustible use dans le cout du kWh. Au demarrage de cette filiere, le monopole americain de fourniture en services d'enrichissement est considere dans certains pays comme un obstacle a la commande de reacteurs a eau ordinaire. Cette sujetion perd de son acuite depuis I'ouverture du marche de I'enrichissement (§ 12.5.6). L'attrait economique des REP assure rapidement leur essor commercial, amplifie par les fortes economies d'echelle realisees lorsque les capacites unitaires passent de I'ordre de 100 MWe vers 1960 a 1500 MWe aujourd'hui (§ 5.2.2). Le pare REP en exploitation compte plus de 200 unites reparties dans de nombreux pays dont les Etats-Unis, la France, le Japon, l'Allemagne, la Coree du Sud, la Belgique, I'Espagne et la Chine. Le type VVER est une variante technologique des REP mise au point dans I'ex-URSS pour les besoins civils a partir de la technique adoptee pour les brise-glaces et sous-marins nucleaires (Novovoronezh-1, 265 MWe, septembre 1964). Le pare VVER comporte 50 unites de 400 MWe ou 1000 MWe chacune, reparties sur le territoire de I'ex-URSS, dans certains pays de I'Europe de I'Est et en Finlande. Le type REB a eau bouillante profile des avantages techniques et economiques lies a I'eau ordinaire et a I'uranium enrichi, et se developpe aux Etats-Unis parallelement aux REP des le debut des annees 50 grace a I'exploitation de quelques prototypes, la premiere realisation commerciale etant commandee en 1955 (Dresden-1, 200 MWe, avril 1960). Le pare REB dans le monde se compose de 90 unites en fonctionnement principalement aux Etats-Unis, au Japon, en Suede, en Allemagne et a TaTwan. La filiere RBMK sovietique est fondee sur ('utilisation de I'uranium enrichi avec le graphite comme moderateur et I'eau bouillante ordinaire comme caloporteur. Concue
64
L'economie de I'energie nucleaire
pour la production de plutonium, elle est issue du prototype AES1 (Obninsk, 5 MWe, juin 1954). Le pare RBMK est constitue de 15 unites en exploitation en Russie et 2 en Lituanie.
3.4.3. Autres criteres de choix : performance, maturite et cout La difference observee dans le deploiement mondial des REP et des REB s'explique par des raisons diverses, techniques, industrielles et commerciales. Mais la constatation faite a partir de 1'experience americaine entre 1970 et 1980 d'un ecart tres sensible entre les indicateurs de production, aussi bien annuels que cumules (figures 3.8 et 3.9), a eu une influence certaine sur les decisions de commande. Parmi les nombreuses voies explorees dans les annees 50 dans la plupart des grands pays industriels, certaines n'ont pas depasse le stade du projet, du prototype ou de la demonstration industrielle. II faut mentionner en particulier la filiere RHT (Reacteur a Haute Temperature) qui reste d'avenir bien qu'elle n'ait pas atteint la maturite malgre les realisations americaines (Peach Bottom, 40 MWe, Janvier 1967 et Fort Saint Vrain, 330 MWe, decembre 1976), et allemandes (Julich, 13 MWe, decembre 1967 et THTR 300-Uentrop, 296 MWe, novembre 1985), toutes aujourd'hui abandonnees. L'economie de cette filiere n'est pas apparue convaincante du fait de la faible densite de puissance du cceur, et de plus, les besoins de vapeur a haute temperature n'ont pas ete au rendez-vous escompte. La situation pourrait se modifier (§ 15.3.3 et 16.2.2). La filiere RNR (Reacteur a Neutrons Rapides) a represented des I'origine un enjeu considerable pour I'avenir de I'energie nucleaire et continue de I'etre (§ 15.4.2). Elle a franchi I'etape de la demonstration industrielle avec la construction de Superphenix en France (1200 MWe), et aussi avec le fonctionnement du reacteur russe BN 600 (Beloyarsk-3, 560 MWe, avril 1980) dont le Kp annuel en 2001 eta it pres de 80 % et le Kpcumulede 69,5 %.
3.5. Programme electronucleaire frangais 3.5.1. Motivations L'interet du recours a I'energie nucleaire etait particulierement evident pour la France du fait de ses reserves en combustibles fossiles limitees et de ('existence de gisements appreciables d'uranium dans le pays. La preference a ete donnee initialement a la filiere UNGG pour des raisons d'independance nationale, la France etant en mesure de developper seule cette filiere sans faire appel a des techniques et des fournitures etrangeres. En 1964, la Commission PEON (Commission Consultative pour la Production d'Energie d'Origine Nucleaire) recommandait de s'equiper rapidement en nucleaire en raison de la securite d'approvisionnement en energie que cette technique pourrait apporter au pays.
3 - Developpement de I'energie nucleaire
65
Les couts du kWh nucleaire et classique etaient alors sensiblement equivalents, abstraction faite des incertitudes qui pesaient sur les performances des reacteurs et de leur combustible. Cependant, la decroissance considerable du prix de la thermie fioul, pres de 50 % en francs courants de 1964 a 1969, rendit problematique la competitivite du nucleaire ; la decision prise en 1969 de s'orienter vers la filiere des reacteurs a eau, moins chere que celle des UNGG, n'apparut pas suffisante aux yeux des investisseurs. Dans son rapport de novembre 1970, la Commission PEON reprenait confiance dans la competitivite nucleaire qui serait atteinte dans le cas d'un programme suffisamment important pour generer des reductions de couts grace a I'effet de duplication. Toutefois, sa recommandation essentielle etait textuellement la suivante : « outre les elements qu'il est possible d'apprehender dans des comparaisons economiques chiffrees, de puissants arguments renforcent I'interet d'un programme substantiel. Le premier, et assurement le plus important de ces arguments, a trait au tableau d'ensemble de I'approvisionnement energetique francais et europeen : une place preponderate et rapidement croissante y est tenue par les combustibles liquides, importes pour la plus grande part. La Commission insiste avec force sur le fait qu'un equipement nucleo-electrique rapidement croissant est Tune des rares possibilites - et probablement la plus efficace - qui nous soient offertes pour attenuer les charges et les risques qu'entrame une telle evolution. Cette consideration fait bien plus que balancer les aleas que peut comporter un developpement dans une voie relativement nouvelle : la prudence nous commande ici d'aller franchement de I'avant ». La volonte d'investir dans un programme energetique important ne se fonde pas toujours sur le seul critere economique comme I'illustre, avant le programme electronucleaire de la France, son grand programme hydroelectrique. Meme si le risque de rupture d'equilibre de I'approvisionnement energetique n'etait pas explicitement prise en compte dans les calculs economiques, il etait considere comme un parametre important dans les choix technologiques pour la production electrique. A la fin de I'annee 1973, la rupture se produit, la crise petroliere bouleverse I'ordre des performances economiques entre les moyens de production nucleates et classiques : le cout du kWh d'origine nucleaire brusquement ne represente plus que 55 % de celui produit a partir du fioul, et le charbon devient I'energie classique de comparaison. La motivation d'un programme nucleaire fort est alors de nature essentiellement economique, d'autant que les sujetions de I'approvisionnement etranger d'uranium enrichi disparaissent a terme avec ('engagement de I'usine Eurodif.
3.5.2. Realisation du programme Au moment du lancement du programme francais, I'industrie francaise s'etait preparee depuis un certain temps a la technique des reacteurs a eau ordinaire. Framatome devient licencie de Westinghouse pour les REP, et le Croupe CGE licencie de General Electric pour les REB. Des 1961, EDF, en association avec une compagnie d'electricite beige, decide la construction d'une centrale REP de 270 MWe a Chooz, qui, mise en service en
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L'economie de I'energie nucleaire
1967, connattra plusieurs annees de demarrage difficile mais permettra un retour d'experience tres utile pour I'avenir avant d'etre arretee definitivement en 1991. En 1969, dans le cadre du partenariat franco-beige, la realisation d'une unite REP de 870 MWe est programmed sur le site beige de Tihange ; sa mise en service intervient en 1974. La filiere UNGG abandonnee, EDF est autorisee, en 1970, a lancer la construction de deux unites REP 900 MWe sur le site de Fessenheim, et plus tard de quatre autres unites 900 MWe sur le site de Bugey. Ces six unites constituent ce que Ton appellera ulterieurement le contrat CPO. Sous la pression du premier choc petrolier, une nouvelle serie est lancee : c'est le contrat pluriannuel CP1 passe entre EDF, Framtome et Alsthom, au total 18 unites engagees de 1974 a 1979 et couplees au reseau de 1980 a 1985. En 1975, il est juge preferable de concentrer les efforts sur une seule filiere de reacteurs a eau. La filiere REP, pour laquelle une experience non negligeable est deja acquise en France a cette epoque, se trouve etre la plus repandue dans le monde, et dans notre pays, elle se presente sous un aspect industriel plus favorable que sa concurrente. Les deux unites REB precedemment engagees sont alors annulees. Une troisieme serie, le contrat CP2 (10 unites REP 900 MWe), est engagee de 1975 a 1980 : ces unites seront couplees au reseau de 1981 a 1987. Une nouvelle serie est constitute de 8 unites REP 1300 MWe, engagees de 1975 a 1980 et couplees au reseau de 1984 a 1986 : c'est le contrat P4. II est suivi par le contrat P'4 constitue de 12 unites REP 1300 MWe engagees de 1980 a 1983, dont six sont couplees au reseau de 1986 a 1988, la derniere en 1993. L'industrie nucleaire francaise, forte de son experience et de sa reussite, s'est peu a peu liberee de ses accords de licence avec Westinghouse au point de parvenir a franciser completement le concept REP a I'occasion de ('elaboration du modele N4, qui est un REP 1450 MWe. La serie N4 comprend 4 unites. Chooz B1 et B2, commandees en 1984, sont couplees au reseau en 1996 et 1997 ; les deux dernieres unites du programme francais Civaux 1 et 2, commandees en 1991 et 1993, sont couplees en 1997 et 1999. Aujourd'hui, le pare electronucleaire francais est compose de 58 REP totalisant 62950 MWe et d'un RNR de 233 MWe (Phenix), Superphenix ayant ete arrete par decision politique.
3.5.3. Organisation industrielle L'industrie nucleaire francaise a presente des caracteristiques tres specifiques par rapport aux organisations observees dans les autres pays (Bodansky, 1996, p. 310 et pp. 331-332). Le petit nombre d'acteurs en a ete le premier aspect remarquable : - une seule compagnie d'electricite, EDF, qui reunit en son sein plusieurs fonctions : I'etude et le choix des equipements, la mattrise d'oeuvre des projets, I'ingenierie des centrales (hors celle de la chaudiere nucleaire), I'exploitation des installations, la
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maTtrise des operations de maintenance et la gestion de I'approvisionnement en combustible ; un seul constructeur de chaudieres nucleaires, FRAMATOME, specialise alors dans une seule technique (le REP) et assure par des contrats pluriannuels d'un marche national important; un seul constructeur d'equipements electriques, CGE-ALSTHOM, ayant pris le controle de certains de ses concurrents (notamment CEM) ; un organisme unique de recherche et developpement, le CEA, ayant acquis une longue experience nucleaire, riche en specialistes et en moyens experimentaux, capable d'innover et d'intervenir rapidement quand survient une difficulte technique, possedant une vaste expertise technique de la surete ; un operateur dans le domaine du cycle du combustible, Cogema, de dimension Internationale, capable de fournir matieres et services a toutes les etapes du cycle.
Le choix d'une seule technique est le deuxieme aspect qui s'est revele tres favorable, d'autant qu'il se trouve associe a une politique de commande d'unites par paliers techniques successifs et par contrats pluriannuels. Le choix de deux techniques, done de deux constructeurs de chaudieres, qui en principe favorise la concurrence, aurait en fait reduit I'effet benefique de la standardisation et de la longueur des series. En outre, la baisse sensible d'activite observee aujourd'hui n'aurait pu etre supportee ni les competences maintenues. La standardisation des equipements s'est revelee naturellement tres avantageuse du point de vue economique pour plusieurs raisons qui sont developpees et illustrees au chapitre 5 dont I'effet d'apprentissage (figure 5.1) et les economies d'echelle (figure 5.2). II convient de noter aussi le plan d'intervention generique sur toutes les unites d'une serie des que se manifeste un incident important sur une unite. L'echelonnement des dates de mise en service est suffisant pour trouver une reponse technique a I'incident et I'appliquer progressivement a toutes les unites sans affecter outre mesure la production d'ensemble. C'est le processus qui a ete mis en ceuvre en 1982 pour la rupture des tubes guides, et de mi-81 a mi-83 pour la deterioration des secheurs-surchauffeurs du contrat CP2. La coordination et concertation a tous les echelons de I'administration et de I'industrie, avec une distribution claire des roles et une bonne definition des limites de responsabilite, ont permis de relever le defi et de soutenir I'effort considerable de la construction du programme francais en tres peu d'annees.
3.5.4. Production et disponibilite La production brute d'electricite nucleaire en France croTt de facon continue depuis 1973, de 15 TWh alors a 422 en 2001. Sur cette periode, le taux de croissance moyen annuel est de 12,7 % ; il a atteint pres de 18 % entre 1980 et 1990. La contribution du nucleaire a la production totale brute d'electricite est de 77 % en 2001 comme I'indique le bilan donne au tableau 3.6. Celle de I'hydraulique et de
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L'economie de I'energie nucleaire
Peolien est de 14 %, celle du thermique classique de 9 %. La contribution du nucleaire est stabilised depuis plus de 10 ans autour de 75 %, les variations etant fonction de la disponibilite des centrales et de I'hydraulicite. Tableau 3.6. Production brute d'electricite en France (TWh).
Source primaire
1973
1980
1990
1998
1999
2000
2001
Thermique classique
119,5
126,0
48,2
55,8
52,1
53,1
48,9
Nucleaire
14,8
61,3
313,7
387,6
394,3
415,2
422,0
Hydraulique, eolien
48,1
70,7
58,3
66,6
77,6
72,5
79,3
182,4
258,0
420,1
510,0
524,0
540,8
550,1
Total
Source : Observatoire de I'Energie, 2002.
Dans le bilan de la production d'energie primaire en France, la part du nucleaire est devenue preponderate comme on le constate sur le tableau 3.7. Elle s'eleve a 82 % en 2001, alors que les energies fossiles, surtout le charbon, sont en constante regression. Tableau 3.7. Production d'energie primaire en France (MTep).
1973
1980
1990
1998
1999
2000
2001
17,3
13,1
7,7
3,5
3,3
2,3
1,5
Petrole
2,2
2,4
3,5
2,2
2,0
1,9
1,9
Gaz naturel
6,3
6,3
2,5
1,8
1,7
1,5
1,5
• Nucleaire
3,8
16,0
81,7
101,0
102,8
108,2
110,0
• Hydraulique, eolien
4,1
6,1
5,0
5,7
6,7
6,2
6,8
Renouvelables thermiques
9,8
8,7
11,4
11,8
12,0
11,8
11,9
Total production
43,5
52,5
111,8
126,1
128,4
132,0
133,6
Independance energetique %
23,9
27,4
49,7
48,7
49,3
50,1
50,0
Energie primaire Charbon
Electricite primaire
Source : Observatoire de I'Energie, 2002.
Le taux d'independance energetique est le rapport entre la production nationale d'energie primaire et la consommation totale d'energie primaire, non corrigee du climat. Grace a I'energie nucleaire, il s'est ameliore en France de facon spectaculaire entre 1973 et 1990 ; depuis cette date, il reste stable au niveau de 50 %. Pour ce qui est de la seule production d'electricite, I'independance energetique depasse 100 % depuis 1980, lorsque la France a commence a exporter de I'electricite. L'indice de production Kp des centrales nucleaires francaises se situe nettement au-dessous de I'indice de performance K^. En effet, le niveau de competitivite du nucleaire
3 - Developpement de I'energie nucleaire
69
par rapport au thermique classique a permis que les centrales nucleaires fonctionnent economiquement hors de la base, selon I'analyse exposee au paragraphe 9.4.2 qui conduit a la notion de duree limite d'appel entre le nucleaire et le thermique classique. Le tableau 3.8 donne une illustration de cet ecart que I'on doit considerer toutefois avec une certaine reserve du fait que le calcul des coefficients Kp et K^ se refere a une date de reference differente : le premier couplage au reseau pour Kp, la mise en service industriel pour K^. Cela explique les ecarts en valeur cumulee entre les deux coefficients pour les unites tete de serie, comme on le constate pour les deux N4 du tableau (Civaux 1 et 2). Les qualites des centrales nucleaires francaises a I'egard des contraintes du reseau, telles que decrites au paragraphe 2.1.4, sont du meme ordre que celles des centrales thermiques classiques. Leur pilotage en « mode gris » leur donne une souplesse dans le suivi de charge du reseau equivalente a celle dont font preuve les centrales a charbon. Elles peuvent moduler leur puissance jusqu'a un minimum technique de 20 % de leur puissance maximale (Carle, 1993, p. 26). Elles sont capables de baisser ou d'augmenter leur charge dans une plage etendue (entre 20 et 96 % de leur puissance pendant 90 % de la periode qui s'ecoule entre deux rechargements) a la vitesse de 40 MWe par minute. Elles peuvent participer au reglage primaire de la frequence dans une plage de 670 MWe et au reglage secondaire dans une plage de 650 MWe. Elles sont capables de participer au reglage de la tension en fournissant jusqu'a 400 MVAR1 ou en absorbant 300 MVAR. Tableau 3.8. Indices de production et de performance en France (%).
Indices
REP (MWe)
Puissance installee (GWe)
900
30,77
Kp 74,1
Kd 79,7
KP 70,3
Kd 78,5
26,40
74,8
82,9
68,4
77,4
2,91
77,3
80,7
45,7
85,3
60,08
74,5
81,1
68,3
78,3
1300 1450 Total
1
Annuels en 2001
Cumules en 2001
1
Civaux 1 et 2. Source : Elecnuc (CEA, 2002).
3.5.5. Avantages economiques et environnementaux L'avantage economique le plus immediatement sensible du programme electronucleaire frangais est le cout de production du kWh, qui est reste jusqu'a maintenant inferieur a celui des energies fossiles (§ 8.3 et figure 8.4). Mais le benefice global pour I'economie du pays ne peut etre mis en evidence que par une etude macro-economique faite a I'aide d'un
1. MVAR (mega-volt-ampere) : unite de puissance reactive.
70
L'economie de I'energie nucleaire
modele pertinent et coherent. L'etude du Service des etudes economiques du CEA (Charmant et a\., 1992) a montre qu'un programme base sur le charbon (seule energie alternative a I'epoque) lance de facon realiste a la place du programme REP en France aurait eu plusieurs effets dommageables en raison de la hausse des prix de I'electricite qu'il aurait entratne. En 2000, on aurait constate une perte de pouvoir d'achat de 1,3 a 1,7 % selon le prix du charbon, une baisse de la consommation des menages (-1,2 a -1,9 %) et une baisse de pres de 100 000 emplois. L'impact macro-economique d'un programme nucleaire est aborde de facon plus detaillee au chapitre 11. Aujourd'hui, on constate un impact important des activites nucleaires francaises sur la balance commerciale. II representait en 2001 environ 15 milliards d'euros, que Ton peut comparer a la facture energetique du pays qui s'est montee a 23 milliards d'euros. Ce chiffre de 15 milliards d'euros est la somme de deux composantes : • les exportations de I'industrie nucleaire (vente de composants et de services lies aux reacteurs, vente de produits et services du cycle du combustible, exportations d'electricite). Au cours des dernieres annees, cette composante est restee stable au niveau d'environ 5 milliards d'euros dont 2,8 pour les exportations d'electricite (68,4 TWh en 2001) ; • I'economie realisee dans I'importation du petrole et du gaz du fait du recours a I'energie nucleaire. La valeur de celle-ci est tres liee aux cours des matieres premieres et du dollar. C'est ainsi que la facture energetique francaise a double entre 1999 et 2000 en passant de 12 a 24 milliards d'euros. Cette facture aurait atteint 34 milliards d'euros si le pare francais etait constitue de centrales a cycles combines brulant du gaz nature! au lieu de centrales nucleaires. S'agissant de I'environnement, la construction des centrales nucleaires a eu un effet remarquable en France (Carle, 1993, p. 104). Les emissions d'oxyde de soufre des centrales electriques ont ete divisees par plus de 10 entre 1980 et 1990. Les poussieres dues aux cendres volantes des centrales thermiques sont devenues insignifiantes. Les emissions de NOx ont beaucoup diminue dans les centrales, mais ont peu evolue au niveau national du fait du role preponderant joue par la circulation automobile. De 1980 a 1990, les emissions de CO2 en France ont diminue de pres d'un tiers ; les deux tiers de cette reduction ont ete obtenus grace a I'energie nucleaire (§ 16.1.2). De facon quantitative, en 1992, les centrales nucleaires francaises ont permis d'eviter par rapport a I'usage des techniques classiques de I'epoque : 41000 tonnes de poussieres ; 2,3 millions de tonnes de SO2 ; 0,9 million de tonnes de NOx ; et 293 millions de tonnes de CO2.
3.6. Industrie et marche des chaudieres nucleaires 3.6.1. Constructeurs de chaudieres Le developpement industriel des chaudieres nucleaires a commence au Etats-Unis : trois societes ont concu et fabrique des chaudieres REP, Babcock & Wilcox (B&W),
3 - Developpement de i'energie nucleaire
71
Combustion Engineering (CE) et surtout Westinghouse ; une quatrieme, General Electric (GE) a concu la totalite des REB americains. Les RELP ont ete essentiellement developpes au Canada par « Energie atomique du Canada limitee » (EACL ou AECL en anglais), qui, en outre, est responsable de la construction et de I'entretien des reacteurs avec le concours de I'industrie canadienne. En Europe, les industries nucleaires ont ete nationales. Au Royaume-Uni, a la suite de I'UKEA, plusieurs entites industrielles sont intervenues dans la construction des MGUNGG et AGR, les dernieres realisations ont ete le fait de National Nuclear Corp. (NNC). L'industrie allemande, comprenant AEG, Siemens et KWU, la filiale nucleaire de Siemens, s'est interessee a tous les types de reacteurs pour finalement se concentrer sur les REP. En France, I'industrie nucleaire, apres le programme UNGG, s'est constitute autour de Framatome pour construire le programme REP. En Suede, ASEA Atom a congu et construit un modele national de REB. En Russie, comme ce fut le cas dans I'ex-URSS, la construction des chaudieres et des principaux composants ainsi que I'ingenierie des centrales et leur fonctionnement sont du ressort du ministere de I'Energie Atomique (Minatom). Au Japon, trois societes nationales concoivent et fabriquent aujourd'hui des chaudieres nucleaires, Hitachi et Toshiba pour les REB et Mitsubishi pour les REP. Les industries nationales se sont creees le plus souvent a partir de licences americaines, dont elles se sont affranchies ulterieurement en concevant des modeles nationaux. En Europe, KWU puis Framatome ont ete dans ce cas. En Asie, I'lnde a developpe son Industrie apres avoir importe des unites RELP du Canada. Au Japon, le developpement des REP s'est effectue avec Westinghouse et celui des REB avec GE, et par la suite les trois societes nucleaires ont developpe et construit des modeles nationaux. L'effort des industries des chaudieres nucleaires en Coree du Sud (KHIC), et maintenant en Chine (CNNC), a abouti a des modeles nationaux grace a des transferts de technologie. Les exportations de chaudieres nucleaires n'ont ete le fait que de quelques societes : Westinghouse et GE aux Etats-Unis, EACL au Canada, et en Europe, KWU et Framatome. Aujourd'hui, en Asie, KHIC et CNNC ont I'ambition d'exporter. Les parts de marche qui ont ete prises par les constructeurs de chaudieres dans le pare nucleaire mondial sont presentees dans le tableau 3.8. N'y figurent que les constructeurs dont les reacteurs sont encore en fonctionnement. Les capacites construites comprennent d'une part celles des unites existantes, quelle que soit leur taille, d'autre part celles des unites arretees definitivement d'une puissance d'au moins 100 MWe. On totalise ainsi 444 unites sur les 448 en fonctionnement a la fin mars 2003.
3.6.2. Etat actuel de I'industrie des chaudieres nucleaires Les constructeurs de chaudieres se sont trouves confronted des le milieu des annees quatre-vingt au ralentissement des programmes et a de nombreuses annulations de commandes. Aujourd'hui, la construction de centrales est fortement ralentie (tableau 3.2).
72
L'econom/e de I'energie nucleaire
Tableau 3.8. Constructeurs de chaudieres nucleaires.
Constructeur
Pays
Capacites en MWe nets et (nbre d'unites) Construites
Exportees
Arretees
Amerique du Nord EACL
Canada
B&W
Etats-Unis
7940 (10)
2089 (3)
C.E.
Etats-Unis
14098 (15)
870 (1)
G.E.
Etats-Unis
44741 (58)
12154 (18)
2068 (5)
Westinghouse
Etats-Unis
73051 (84)
22482 (29)
4663 (7)
Industrie Allemande
Allemagne
26588 (28)
4014 (5)
1292 (4)
Framatome
France
73282 (69)
10332 (11)
ASEA Atom
Suede
Industrie britannique
20142 (34)
4747 (11)
1306 (3)
Europe
9012 (11)
1680 (2)
Royaume-Uni
14458 (43)
154 (1)
1962 (10)
Russie
51812 (80)
11213 (23)
5475 (11)
CNNC
Chine
910 (2)
300 (1)
KHIC
Rep. de Coree
3800 (4)
DAE
Inde
1629 (9)
Hitachi
Japon
6778 (8)
Mitsubishi
Japon
15030 (19)
Toshiba
Japon
14261 (15)
600 (1)
Ex-URSS1 Minatom Asie
1 L'ex-URSS a exporte en Bulgarie, Finlande, Hongrie, Republique Tcheque et Slovaquie. Source : Elecnuc (CEA, 2002).
Pour faire face a cette situation, ('Industrie nucleaire mondiale a du s'adapter en elargissant ses activites d'ingenierie et de construction a d'autres installations lourdes, en creant des activites connexes comme la connectique en renforcant sa position dans la fabrication des combustibles. Le maintien des equipes et des connaissances a pu etre partiellement assure grace a la mise a niveau des equipements existants, au developpement des methodes de maintenance et au remplacement de certains
3 - Developpement de I'energie nucleaire
73
composants majeurs. Le remplacement des generateurs de vapeur des REP est devenu une operation courante : dans le monde, a la fin 2002, 193 generateurs de vapeur ont ete remplaces, les principaux fournisseurs etant Westinghouse, B&W, Framatome et Mitsubishi (CEA, 2002). En raison du marche devenu trop etroit et des couts trop eleves induits par une concurrence acharnee, certains constructeurs ont commence a se rapprocher. Framatome et KWU sont convenus d'une concertation de leur politique commerciale qui est allee jusqu'a presenter une offre commune, et finalement a developper un modele de reacteur au sein d'une filiale commune NPI. Des associations ont vu le jour, par exemple GE avec Toshiba et Hitachi, Westinghouse avec Mitsubishi, pour des realisations au Japon ou le developpement de modeles avances. Le mouvement s'est accentue par des regroupements, des fusions et des rachats. Le constructeur suisse de turbines Brown Boveri s'est associe avec ASEA Atom pour former ABB. L'operateur britannique de combustibles nucleaires British Nuclear Fuels (BNFL) a achete Westinghouse et CE pour former Westinghouse BNFL. Framatome et KWU ont fusionne dans une nouvelle compagnie nominee Framatome-ANP (Advanced Nuclear Power), qui a absorbe B&W. En France, s'est creee en 2001 une nouvelle societe qui regroupe essentiellement Framatome-ANP et Cogema, et qui porte le nom d'AREVA (AIEA, 2002). Ce mouvement est facilite par une tendance a la convergence des regies de surete dans le monde, la qualification d'un meme modele de reacteur dans plusieurs pays et le partage d'experimentations dans le domaine de la surete. D'autres associations se formeront sans doute pour concevoir et lancer les modeles nouveaux destines au remplacement du pare actuel.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
4 4.1.
Calcul economique: le cout de la production d'electricite
Finalite du calcul economique pour les compagnies d'electricite
Le souci des compagnies d'electricite de satisfaire a tout moment la demande au meilleur cout et au moindre dommage a I'environnement implique, entre autres, une connaissance approfondie des couts de production, de transport et de distribution. Cela va de soi dans la gestion quotidienne du pare et du reseau existants. Le calcul economique au sens strict du terme - repond aux preoccupations de I'avenir ; il concerne la determination du systeme electrique futur et des couts associes, ('estimation des parts de marche de I'electricite dans la consommation finale d'energie, et ['orientation de la structure tarifaire. Le choix des investissements necessaires au systeme electrique - pour son renouvellement comme pour son developpement - s'effectue selon de multiples criteres prenant en compte une large gamme de considerations s'etendant du domaine technique au domaine politique et social. Parmi ces criteres, I'optimum economique joue un role essentiel. A cet egard, le systeme electrique formant un tout, les interactions entre production et transport ne sont pas sans effet sur la determination de ('optimum. Toutefois, les options concernant le systeme de production sont determinantes, et la diversite des moyens concurrents envisageables en rend necessaire la comparaison economique, qui est I'objet de ce chapitre et des chapitres 5, 6, 7 et 9. Les aspects relatifs a la tarification et au marche de I'electricite sont brievement examines au chapitre 9.
4.2. Analyse economique des projets : caracteristiques generates Les equipements etudies sont ceux adaptes a une production massive et centralisee d'electricite, notamment les centrales thermiques utilisant le charbon, le gaz ou I'energie nucleaire. Leurs performances energetiques et economiques servent de reference a eel les d'autres equipements, renouvelables ou decentralises, qui peuvent se developper pour des raisons de particularity geographique, de politique environnementale ou
76
L'economie de I'energie nucleaire
cTopportunite de marche, comme les groupes hydrauliques, les eoliennes, les generateurs diesel ou les installations de (regeneration. Les etudes economiques du systeme de production ont un caractere previsionnel. En effet, les delais d'etude de site et d'ingenierie, ceux d'instruction des dossiers administratifs et surtout ceux de construction imposent de les effectuer une dizaine d'annees avant la date de mise en service des equipements. Elles ont, en outre, un caractere normatif. La methode et le cadre de reference dans lequel elles s'inscrivent sont bien definis, et, si dans leur definition ils different selon les pays ou les compagnies d'electricite, ils conservent dans chaque cas une stabilite qui permet le suivi de la competitivite d'un exercice a I'autre. Le principal critere devaluation de la competitivite entre plusieurs types d'equipement est le cout de production en base du kilowatt-heure moyenne sur une duree de fonctionnement de reference. C'est ('analyse economique des projets qui permet de I'obtenir. Celle-ci evalue les depenses que supportera le projet sur toute sa duree de vie depuis le debut de la construction des installations jusqu'a la remise en etat du site en passant par tous les frais d'exploitation et de combustible pendant sa duree de fonctionnement. Elle evalue les recettes venant de I'energie produite pour cette meme duree. Elle met done en regard des flux financiers repartis sur de longues durees, qui, de ce fait, ne sont pas directement comparables, d'autant que depenses et recettes issues de la production d'electricite ne sont pas simultanees (par exemple en periode de construction il y a un flux de depenses mais pas de revenus). Cette difficulte se resout grace a des methodes economiques, dont la plus repandue est I'actualization.
4.3. Methode de I'actualisation 4.3.1. Principe de I'actualisation L'actualisation est la methode economique appliquee en France selon les directives du Commissariat general au plan pour apprecier tout grand projet d'interet collectif comme le sont les projets d'investissement d'EDF (Boiteux, 1969). Elle a ete adoptee par I'OCDE/AEN (AEN, 1983 ; AEN, 1985 et AEN-AIE, 1993), et par I'UNIPEDE (Moynet, 1988), dans leurs travaux de comparaison des couts previsionnels de production de base de I'electricite. Meme si les fondements theoriques de I'actualisation tels qu'ils ont ete elabores en France ne se retrouvent pas a I'identique dans la conception qu'en ont d'autres pays, notamment les pays anglo-saxons, I'idee generate et le mecanisme devaluation demeurent. D'une facon generale, le calcul actualise s'effectue en monnaie constante, en d'autres termes, en valeurs reelles. On evite ainsi de prendre en compte une valeur previsionnelle et incertaine de ['inflation qui de toute fagon ne modifierait pas la competitivite relative des projets. Cela n'exclut pas que les prix ou les couts de certains produits ou matieres (par exemple, les combustibles primaires, qui sont des ressources naturelles epuisables)
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
77
ou les couts de services tres lies aux salaires puissent etre affectes d'une derive positive si Ton conjecture que leur taux de croissance en monnaie courante depassera le taux d'inflation. En revanche, la derive peut etre negative dans le cas par exemple, ou Ton envisage a terme des economies d'echelle sur certains postes d'exploitation ou des progres techniques sur certains postes du cycle du combustible nucleaire. Au sens francais, I'actualisation se conceit dans le cadre d'une economic nationale qui reste en expansion sur une longue periode grace notamment au developpement technologique. Dans ces conditions, I'espoir d'une consommation accrue dans I'avenir implique un effort d'investissement collectif qui ne peut s'effectuer qu'au prix d'un sacrifice de consommation au temps present. Dans le concept general de I'actualisation, tout agent economique (et toute collectivite) marque une preference pour une consommation immediate plutot que pour une consommation differee, qui tout en s'annoncant superieure, n'en presente pas moins quelques risques. L'arbitrage entre present et futur, c'est-a-dire entre satisfaction immediate et esperance de gain, s'etablit grace au principe de I'actualisation : la preference pour le present se traduit par une depreciation des flux monetaires dans le futur, considered hors inflation. Ceux-ci sont mathematiquement affectes d'une fonction d'actualisation qui est decroissante avec le temps. La fonction d'actualisation f, par definition, rend equivalentes la valeur monetaire (1 + a) considered a I'annee 1 et la valeur de I'unite monetaire 1 a I'annee 0. Le parametre a fait office de taux annuel, applicable en monnaie reelle, appele taux d'actualisation. Autrement dit, la valeur 1 qui sera comptabilisee dans n annees est rendue actuelle a la date d'aujourd'hui (annee 0) par son equivalence a la valeur (1 + a)'n d'aujourd'hui. La fonction d'actualisation s'ecrit done :
ou n est I'annee ou intervient le flux monetaire que Ton veut actualiser, n pouvant etre fractionnaire. Elle s'exprime aussi de facon continue en fonction du temps t par :
La date de reference de I'actualisation est I'annee 0, ou encore le temps t0 = 0 avec f(t0) = 1. II est imperatif que dans revaluation d'un projet les flux monetaires soient tous rapportes a la meme date de reference t0. Toutefois, il peut etre utile de regrouper les valeurs actuelles d'un objet particulier en les actualisant d'abord a une date intermediaire t/. C'est le cas par exemple des depenses afferentes a une recharge de combustible nucleaire qu'il est commode d'actualiser a sa date de chargement dans le cceur du reacteur. On obtient ainsi une somme partiellement actualisee ; on precede ensuite a son actualisation complete par ('application du facteur
78
L'econom/e de I'energie nucleaire
Les calculs d'actualisation sont, de facon formelle, analogues aux calculs financiers. Toutefois, ce qui les differencie fondamentalement c'est le concept economique de I'actualisation ; la nature du taux d'actualisation est fort differente d'un taux bancaire.
4.3.2. Bilan actualise L'actualisation est I'outil generalement utilise lorsqu'il s'agit de discriminer, parmi les projets en concurrence, le meilleur du point de vue economique pour satisfaire un besoin bien identifie, en I'occurrence une certaine quantite d'energie sur une periode de temps donnee. A cette fin, il convient d'etablir le bilan actualise de chacun d'eux. D'abord on adopte une duree de vie economique, propre a chaque projet, pendant laquelle I'outil de production est suppose fonctionner normalement sans risque technique ou financier majeur, du par exemple a une usure prematuree ou une obsolescence rapide. Sa determination peut etre un reflet de la perception du risque financier encouru par la realisation du projet. Cette duree de vie determine, a partir de la date de mise en service envisagee, la date de I'arret de la production. La date d'arret ainsi obtenue est evidemment normative et, n'etant utilisee que pour les besoins de I'etude economique, elle ne prejuge en rien du fonctionnement reel de I'equipement qui en general se prolonge sur une duree bien plus longue. Sur ('ensemble de la duree de vie economique, les recettes Rt sont evaluees a chaque date fen fonction de la production a cette date. Ensuite, on precede a ('identification et a ('evaluation de toutes les depenses Dt imputables a I'outil de production en question et qui surviennent a la date f. L'ensemble des depenses Dt s'echelonne sur une periode de temps plus longue que la duree de vie economique, et pour Ten distinguer, il est commode de Pappeler la duree du projet. Celle-ci deborde a ses deux extremites la duree de vie economique. Elle commence en effet des les premieres depenses engagees pour I'etude et la construction des installations ; elle se termine par les dernieres depenses liees a leur demantelement ou a ('evacuation definitive des dechets occasionnes par la production effectuee au cours de la duree de vie economique. La chronologic essentielle d'un projet se resume ainsi a I'aide des notations suivantes concernant les dates : fc
debut de la construction (ou des etudes) ;
ts
mise en service industriel (ou, encore, debut de la production) ;
tf
fin de vie economique ;
tfj
fin de demantelement (ou, dans le cas nucleaire, d'evacuation des dechets).
La duree de vie economique est tf - ts. La duree du projet est tj - tc.
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
79
La date de reference t0 pour le calcul actualise peut etre choisie par commodite t0 = ts, mais rien n'empeche de la choisir autrement. La chronologic intrinseque au projet s'exprime de facon commode en dates relatives : T = t - ts en faisant le choix de t0 = t$.
A titre indicatif, pour un projet de centrale nucleaire, les ordres de grandeur des dates relatives ci-dessus, exprimees en annees, sont :
A I'aide du taux d'actualisation a qui est impose par ailleurs (§ 4.3.3), on calcule la valeur actuelle R des recettes :
et celle D des depenses :
Lorsque les recettes ou les depenses sont representees par des fonctions continues, le traitement s'effectue mathematiquement par la formule (2). Dans le cas ou elles sont des valeurs discretes par rapport au temps (cas des depenses du cycle du combustible nucleaire), la formule (1) s'applique, et, dans ce cas, pour une precision accrue du calcul actualise, il est recommande d'evaluer les dates en mois, ou meme en semaines. Pour les details du calcul actualise et les ordres de grandeur qui en resultent, on se reportera au paragraphe 4.4. Le bilan actualise est la difference :
S'il est positif, le projet est economiquement acceptable. Le projet ayant la plus grande valeur de B est le meilleur. Toutefois ce classement n'est pas absolu. II peut etre remis en cause lorsque Ton change la valeur du taux d'actualisation (Baumier et a/., 1986, pp. 20-35). Le taux de rentabilite interne /' d'un projet est un indicateur qui caracterise Tefficacite economique des investissements envisages. C'est la valeur du taux qui, substitue au taux d'actualisation a dans ('equation (3) du bilan actualise, equilibre exactement les valeurs actuelles des recettes et des depenses, c'est-a-dire permet d'obtenir B = 0.
80
L'economie de I'energie nucleaire
Ce taux est une caracteristique economique intrinseque d'un projet. II permet de comparer des projets d'investissement dans des secteurs d'activite differents, et eventuellement de choisir un ordre de priorite en fonction de leur rentabilite.
4.3.3. Taux d'actualisation Dans la comparaison de projets correspondant au meme service rendu - c'est-a-dire aux memes quantites produites selon une meme chronique et pour une meme perception du risque financier encouru - le taux d'actualisation est un parametre exterieur au projet que Ton impose comme discriminant unique pour determiner le meilleur choix. Pour donner une idee des diverses facons dont il est obtenu, il convient de faire etat de quelques considerations generales, qui, selon les pays, relevent soit de la macroeconomie, soit des contraintes economiques et financieres propres a I'entreprise ou au secteur d'activite concerne. • Le taux d'actualisation en France On raisonne dans le contexte general de 1'economie nationale consideree comme un tout, c'est-a-dire incluant toutes les activites quel que soit leur niveau de rentabilite. Le taux d'actualisation doit s'appliquer a I'etude de tout projet d'interet collectif; il joue le role d'un instrument de planification de 1'economie, et de ce fait il est unique. Le schema simplifie suivant donne une idee de sa determination. On part d'une remarque sur le taux de rentabilite interne /'. Celui-ci peut etre considere, par le parallelisme entre les mecanismes de I'actualisation et de la capitalisation, comme le taux d'interet d'un compte d'epargne dans lequel on aurait place le montant des investissements du projet avec la seule contrainte d'un solde residuel nul en fin de vie economique. En premier lieu, on classe les projets par ordre decroissant de leur efficacite economique grace a la connaissance de leur taux de rentabilite interne /', et on effectue le cumul du montant de leur investissement. Celui-ci est une fonction decroissante de /'. Evidemment, le dernier investissement considere est celui qui epuise I'epargne disponible. Ensuite, on considere revolution du montant cumule de I'epargne. C'est une fonction croissante du taux d'interet qui la soutient. On conceit, comme I'indique la figure 4.1, qu'un equilibre puisse s'etablir entre I'epargne disponible et I'investissement possible aux environs d'une meme valeur de taux. En fait, cette demarche s'effectue dans une dynamique de developpement economique de long terme. Elle met en ceuvre des modeles complexes de simulation macro-economique destines a etudier des scenarios de croissance dans le contexte de I'economie nationale et de ses interactions avec I'exterieur. L'analyse des effets marginaux des politiques d'investissement envisageables permet de degager une valeur de taux d'actualisation coherente avec le developpement vise (Bernard, 1972). En France, le taux d'actualisation est fixe par le Commissariat general au plan. Depuis 1985, il est de 8 % par an en valeur reelle ; auparavant il etait de 9 %. Sa valeur est
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
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nettement superieure au taux d'interet bancaire a long terme, qui se situe en valeur reelle aux environs de 4 a 5 % par an. Le schema explicatif de la figure 4.1 montre que dans les pays en voie de developpement, comme I'epargne est plus difficile a constituer, le taux equilibrant I'investissement possible et une epargne disponible plus faible est nature!lement plus eleve. Le taux d'actualisation peut atteindre 10 % ou plus. De telles valeurs ont evidemment pour effet de reduire le montant des investissements possibles. Figure 4.1. Epargne disponible et investissements possibles.
• Le taux d'actualisation dans les pays anglo-saxons Dans d'autres pays que la France, comme les pays anglo-saxons, le concept de taux d'actualisation peut etre plus restrictif. Le plus souvent, ce taux n'est plus considere comme unique pour I'ensemble de I'economie, mais specifique a un secteur d'activite, ou a une entreprise, ou meme a une categoric de projets, ce qui est coherent avec une conception tres liberale de I'activite economique. Le taux d'actualisation peut correspondre alors au taux de rentabilite interne exige des projets qui sont a I'etude pour repondre a un service determine. II depend de plusieurs facteurs : le cout du capital dans la branche, le degre de risque attribue au projet, et le taux de rentabilite observe generalement dans la branche. II est assimilable a un taux
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L'economie de I'energie nucleaire
d'interet a long terme dont on retire I'inflation previsionnelle pour effectuer un calcul en monnaie constante ; dans ces conditions, il se situe aux alentours de 5 %. La privatisation des compagnies d'electricite et la liberalisation des marches de I'electricite qui sont apparues il y a plus d'une dizaine d'annees dans les pays anglosaxons ont conduit a une conception completement differente du taux d'actualisation qui sera exposee au paragraphe 14.6.2. • Reflexions sur le taux d'actualisation de tres long terme Les etudes de projets energetiques s'effectuent communement sur des periodes de temps n'excedant pas trois decennies. C'est un horizon de temps qui reste a echelle humaine, I'espace d'une generation. Les problemes que posent aujourd'hui les interactions entre production energetique et environnement, et ('exigence d'un developpement durable, obligent a porter la reflexion sur des durees plus longues. S'agissant des emissions de gaz a effet de serre, la dynamique naturelle du CO2 est lente, le temps de sejour de ce gaz dans ('atmosphere est compris entre 100 et 200 ans. Pour ce qui est de I'energie nucleaire, les intervalles de temps sont du meme ordre de grandeur lorsque Ton envisage des entreposages de longue duree pour des combustibles uses, mais ils deviennent beaucoup plus longs lorsqu'il s'agit de voir disparattre la majeure partie des produits de fission (600 ans), et surtout des actinides (au-dela de 100 000 ans). A I'evidence, la fonction d'actualisation, en raison de sa nature exponentielle (voir la relation (2)) ne permet pas de discriminer, sur le long terme, I'efficacite economique des projets ou ('evaluation des atteintes a I'environnement. Meme avec des taux faibles, I'impact economique des depenses et des recettes comparees s'evanouit avant d'atteindre les generations futures. Par ailleurs, il n'existe aucun instrument financier applicable a de si longues periodes. A titre indicatif, la duree des Bons du Tresor americain n'excede pas 30 ans. Une premiere objection a la formulation actuelle de I'actualisation, telle qu'elle apparatt dans la relation (1), a ete faite par I'ecole anglo-saxonne a partir d'une reflexion pragmatique sur la preference pour le present. L'arbitrage que traduit cette relation entre consommation presente et gain futur se comprend fort bien a echeance de quelques annees ; il peut paraTtre indifferent pour un agent economique de consommer la valeur 1 aujourd'hui ou de ne pas le faire dans I'attente d'un gain a dans un an. Mais qu'en est-il au-dela de 30 ans ? D'un point de vue psychologique, le meme agent aura tendance a preferer le gain a la 31e annee plutot que la consommation 1 la 30e annee, tout simplement parce qu'il ne peut avoir a un an pres une perception precise et certaine de ses besoins dans le long terme. Or, la forme mathematique de la relation (1) maintient le meme arbitrage quel que soit ('horizon temporel, c'est-a-dire ('equivalence entre 1 et (1 + a)"1 pour une meme quantite monetaire a un an d'intervalle est conservee au bout de 30 ans (et au-dela) par ('equivalence entre (1 + a)"30 et (1 + a)"31. Cette reflexion implique une autre formulation de la fonction d'actualisation, ou encore une diminution de la valeur du taux pour le tres long terme. Mais la base psychologique en est plus fragile qu'il n'y parait si Ton prend argument de I'opportunite de transferts
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
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economiques aux generations futures. Peut-on faire valoir de la volonte de sacrifice de consommation d'une generation au benefice des suivantes qui sont creditees a priori d'un bien meilleur niveau de vie que le notre, grace d'ailleurs a nos propres acquis technologiques ? Une demarche plus pertinente est apportee par 1'analyse economique de long terme cherchant a mettre en evidence une relation entre le taux d'actualisation socialement optimal et le taux de croissance. On observe que la croissance du PIB par habitant dans le monde occidental a ete d'environ 2 % par an depuis le debut de I'ere industrielle, mais qu'il a subi de fortes variations en raison des bouleversements politiques et economiques, dont la nature reste imprevisible. Par exemple, le taux moyen de croissance du PIB par habitant en France de 1870 a 1990 a ete de 1,97 % par an, soit en moyenne 48 % tous les 20 ans, mais avec un ecart-type de 36 %. Certains economistes (Collier, 1997) ont montre que, d'une part les incertitudes relatives a la croissance sur le long terme tendent a diminuer la valeur optimale du taux d'actualisation, d'autre part la valeur de ce taux doit etre d'autant plus faible que I'horizon temporel considere est lointain. Ce point de vue rejoint celui d'une decomposition du taux d'actualisation en un taux de preference pure pour le present, qui n'a de sens que pour la duree d'une generation (de I'ordre de 30 ans), et d'un effet de richesse lie au taux de croissance du revenu par tete, qui subsiste au cours des generations futures. Le debat reste ouvert : la satisfaction equitable des generations actuelles et futures doit tenir compte du role primordial du progres technologique, des facteurs de substitution possibles dans ('economic, et de la faisabilite des trajectoires de developpement durable. En outre, il apparatt necessaire de hierarchiser les problemes en fonction des differents horizons temporels en cause : par exemple, moins de 50 ans, moins de 200 ans, et audela. L'idee de nombreux ecologistes de recommander la valeur zero pour le taux d'actualisation, avec I'argument que meme une faible valeur ecrase les effets a long terme, doit etre temperee en considerant revolution differentielle des prix a long terme. L'actualisation ecrase en effet les couts a prix constant ou decroissant (en termes reels), mais non ceux qui s'accroissent a un taux superieur ou egal a celui de I'actualisation. Selon le principe de I'allocation optimale des ressources, la theorie economique (regies de Hotelling) indique en effet que le prix des ressources naturelles epuisables doivent s'accrottre (en termes reels) a un taux au moins egal a celui de I'actualisation (Percebois, 1989, pp. 182-187 et Faucheux etai, 1995, pp. 92-122). La tendance actuelle d'un bon nombre d'economistes en France est de recommander un taux d'actualisation inferieur au taux en vigueur de 8 % (5 % par exemple), valeur qui serait relative a un horizon de temps a echelle humaine (50 ans par exemple, ou plus), et un taux nettement inferieur (1 a 2 %) pour le tres long terme (au-dela de 100 ans). La theorie economique ne permet pas de trancher avec plus de rigueur. Pour toute cette discussion, on consultera avec profit (Charpin etai, 2000, Annexe 8).
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L'economie de I'energ/e nucleaire
4.4. Calculs d'actualisation 4.4.1. Valeurs de la fonction d'actualisation La variation de la fonction d'actualisation fn = —-—n (1 + a)
par rapport au temps, I'annee
etant prise ici comme unite, illustre la mesure dans laquelle les flux monetaires sont distordus, par amplification pour les dates anterieures a la date de reference (ici n = 0) (depenses de construction) et par reduction dans le cas contraire (depenses intervenant pendant ('exploitation, et apres, celles de deconstruction et de gestion des dechets). Cette presentation elementaire (tableau 4.1) met en relief I'effet contraste de la valeur du taux d'actualisation a sur ces distorsions, et montre ainsi I'enjeu economique des discussions sur le choix de la valeur de ce taux. La fonction est etudiee pour des durees allant de -10 ans avant la date de reference a 40 ans apres celle-ci, de facon a couvrir en general la periode allant de la construction a la deconstruction d'une centrale nucleaire. Tableau 4.1. Variation de la fonction d'actualisation.
Taux d'actualisation en % par an
Date d'actualisation en annees
2
5
8
10
-10
1,219
1,629
2,159
2,594
-5
1,104
1,276
1,469
1,610
0
1,000
1,000
1,000
1,000
5
0,906
0,783
0,681
0,621
10
0,820
0,614
0,463
0,386
15
0,743
0,481
0,315
0,239
20
0,673
0,377
0,214
0,149
25
0,609
0,295
0,146
0,092
30
0,552
0,231
0,099
0,057
40
0,453
0,142
0,046
0,022
4.4.2. Valeur actuelle d'une distribution uniforme II s'agit d'obtenir la valeur actuelle d'une depense (ou d'une recette) f uniformement repartie entre deux dates t1 et t2, ou, ce qui revient au meme, d'une distribution P constante entre ces deux dates, telle que :
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
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La valeur actuelle relative a la depense (ou a la recette) elementaire intervenant pendant I'intervalle de temps est :
et la valeur actuelle Ea de E sur la periode T = t2 - t1 :
Une approximation tres utile de Ea s'obtient en considerant que toute la depense (ou la recette) est centree a la date mediane tm de la periode (figure 4.2) :
D'ou :
Le degre d'approximation de la relation (5) depend de la longueur Tde la periode et de la valeur du taux d'actualisation a. La figure 4.3 presente le rapport de la valeur correcte de fa a sa valeur approchee pour des durees de 0 a 10 ans et pour quelques valeurs de a, elle permet d'apprecier le domaine de validite de Papproximation. Exemple dans le cas d'une recette : en supposant constant le prix de vente p de I'electricite produite par une centrale de facon reguliere, la recette relative a une periode Test proportionnelle a I'energie totale f fournie sur cette periode. Sa valeur actuelle, rapportee au debut de la periode, est :
sous reserve de la validite de ^approximation. Par le biais de cet exemple, on se rend compte qu'on est enclin a parler d'energie actualisee : cela reste un abus de langage - malgre tout bien commode - car il ne peut etre question que d'actualiser des quantites monetaires.
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L'economie de I'energie nucleaire
Figure 4.2. Approximation d'une distribution continue dans le temps.
Figure 4.3. Rapport de la valeur exacte de la valeur actuelle d'une distribution constante a la valeur approchee.
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
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Ainsi, une centrale nucleaire de 900 MWe fonctionnant avec un facteur de charge moyen de 82 % produit pendant un an une energie de 6465 TWh. En prenant comme date de reference le debut de I'annee, la valeur actuelle de la recette correspondante sera proportionnelle a « I'energie actualisee », soit 6221 TWh pour un taux d'actualisation de 8 %, ou 6309 TWh pour un taux de 5 %.
4.4.3. Valeur actuelle d'un flux constant sur la duree de vie On envisage un flux monetaire Q constant dans le temps, qui represente un montant affecte chaque annee a un equipement de production. Deux methodes sont possibles pour calculer sa somme actualisee sur toute la duree de vie economique, de I'annee 1 a I'annee N. Le debut de I'annee 1 est pris comme date de reference. Ou bien, on peut considerer Q comme une distribution annuelle a laquelle s'applique la relation (4) ou le temps doit etre exprime en annees. L'expression rigoureuse de la somme actualisee du flux annuel Q est :
On peut aussi estimer que le montant Q est centre au milieu de chaque annee n, et sa valeur actuelle, rapportee au debut de cette annee-la, vaut done : Q(1 + a)"0'5, selon I'approximation de la relation (5) tout a fait justifiee dans ce cas. On precede ensuite a une deuxieme actualisation, ou toutes les valeurs precedentes sont rapportees a la meme date de reference (le debut de I'annee 1) car la fonction d'actualisation permet - on I'a vu - I'utilisation d'une date intermediate. On additionne ces valeurs pour obtenir la somme actualisee de tout le flux monetaire sur la duree de vie economique
Si Ton pose u = (1 +a)~ 1
on obtient :
Les deux methodes conduisent a la valeur \7, dont les deux expressions sont numeriquement equivalentes (a mieux que le millieme, ce qui est une evidence mathematique resultant du developpement limite de la formule) :
On commet encore un abus de langage en appelant V duree de vie actualisee.
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L'economie de I'energie nucleaire
Le tableau 4.2 represente les durees de vie actual isees en fonction du taux, et donne une autre illustration des reductions imposees aux flux monetaires du futur, d'autant plus grandes que la valeur du taux est elevee. Tableau 4.2. Durees de vie actualisees.
Taux d'actualisation en % par an
Duree de vie economique (annees)
2
5
8
25
19,72
14,44
11,09
9,52
30
22,62
15,75
11,70
9,89
35
25,25
16,78
12,11
10,11
40
27,63
17,58
12,39
10,26
10
4.4.4. Valeur actuelle d'une distribution a derive constante sur une periode donnee La derive de la distribution correspondant au taux annuel d, la distribution P(t) s'ecrit :
Le flux monetaire correspondant a pour valeur actuelle entre les dates t1 et t2 :
ou encore, avec
4.4.5. Valeur des annuites constantes On determine I'annuite constante A, payable en fin d'annee, qui inclut le remboursement du capital et le versement des interets dans le contexte du calcul economique base sur le taux d'actualisation a, et qui ne modifie pas la composante / de I'investissement dans le bilan actualise d'un projet. Cette derniere condition s'ecrit, la duree de vie etant N annees :
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
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d'ou :
Dans le cas N = 30, on a les valeurs suivantes :
a A/I
5% 0,07456
8% 0,08883
10% 1,14566
Si on admet, en revanche, que I'annuite est payee de facon continue au long de I'annee, on obtient en appliquant la relation (8) :
4.5. Cout moyen actualise du kWh 4.5.1. Definition Un producteur d'electricite peut, a partir de sa perception de revolution du marche de I'electricite, avoir une politique commerciale exigeant un prix de vente evolutif du kWh, et en consequence une fonction de prix a la production, p(t), en termes reels. L'etude d'un projet de production determine une quantite d'energie E, qui est susceptible de varier en fonction du temps. La recette au temps f est done :
et sa valeur actualisee :
Apres avoir effectue le calcul des depenses actualisees D, on obtient le bilan actualise B = R - D, qui permet de classer differents projets selon leur merite economique. En general, on prefere utiliser une methode plus normative dans la mesure ou elle presente moins d'arbitraire ou d'aleatoire que revaluation de la fonction de prix p(t). Le principe en est simple : on impose que le taux de rentabilite interne / du projet soit egal au taux d'actualisation. Cette condition est logique dans la conception francaise de I'actualisation au niveau de I'economie nationale ; elle Test de meme dans le cas d'une compagnie d'electricite qui se refere a son propre taux de rentabilite interne pour definir le taux d'actualisation de ses calculs economiques. La condition a = i implique que le bilan actualise est nul. A la notion de prix se substitue la notion de cout moyen qui equilibre depenses et recettes actualisees du projet. Ce cout rentabilise les fonds investis a la valeur du taux d'actualisation.
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L'economie de I'energie nucleaire
Le cout moyen actualise du kWh se definit ainsi sur la duree de vie economique du projet :
II est ainsi le parametre pertinent pour comparer les performances economiques de divers projets de production d'electricite. II est evident que la valeur de c I'actualisation.
est independante de la date de reference de
4.5.2. Valeur actuelle de I'energie electrique produite Le denominateur de I'expression (12) du cout moyen actualise du kWh se presente sous la forme de la somme actualisee de I'energie produite par un equipement sur sa duree de vie. Actualiser I'energie est un abus de langage puisque Ton actualise que des flux monetaires. Mais on comprend bien que le flux d'energie produite est exactement proportionnel au flux des recettes d'exploitation, au sens du calcul economique, puisque I'on suppose un cout du kWh constant et egal au cout moyen. La duree d'appel est le parametre qui relie la production d'une unite donnee a la demande d'electricite. Elle est le nombre total dn d'heures pendant lesquelles cette unite, en raison de ses performances techniques et economiques, est sollicitee de produire a pleine puissance, ou ('equivalent pleine puissance, sur le reseau pendant I'annee n (§2.2.2). La duree annuelle de fonctionnement Hn a pleine puissance, ou a ('equivalent pleine puissance, se deduit de la duree d'appel en la ponderant par le coefficient de disponibilite Kd, dont on a vu la definition au paragraphe 3.3. II est commode, dans tous les calculs du cout du kWh, de se referer a un kilowatt installe : I'energie produite s'exprime en kWh avec la meme valeur numerique que le nombre d'heures de fonctionnement exprime en heures. Dans ces conditions, I'energie fournie En pendant I'annee n s'ecrit :
II convient done d'evaluer K^ pour des equipements a mettre en service a horizon de 10 ans environ, qu'ils soient nucleaires ou classiques. A cet effet, on examine d'abord les experiences de fonctionnement des unites de production existantes telles qu'elles apparaissent dans les banques de donnees comme PRIS ou Elecnuc pour ce qui est des centrales nucleaires, et telles qu'elles sont connues des compagnies d'electricite et des constructeurs pour les centrales classiques. L'analyse statistique renseigne sur la valeur K^ selon le type d'unite, sa taille et la generation technique a laquelle elle appartient.
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
91
Cette analyse constitue le point de depart a partir duquel on evalue le coefficient de disponibilite des equipements futurs, en tenant compte des progres attendus dans leur conception et leur exploitation. Pour ce faire, on distingue le taux d'entretien moyen, ou taux d'indisponibilite programmee, xp, et le taux d'indisponibilite fortuite tf, qui determinent Kd par la relation (14) :
Le temps d'entretien moyen depend fortement de la duree d'appel dn. En effet, plus longtemps une unite de production est sollicitee, moins son entretien peut s'effectuer en temps masque. Son expression s'ecrit done en fonction du temps : tp(dn). Toutefois, il faut tenir compte, pour la premiere annee de fonctionnement, des paliers de puissance reglementaires pendant la periode d'environ quatre mois entre le premier couplage au reseau et la mise en service industriel (MSI), et pour la seconde annee, de la duree d'arret pour la visite complete d'une unite nucleaire. En fait, rp depend de la reglementation en vigueur dans chaque pays. Le taux d'indisponibilite fortuite est variable selon I'age de I'unite dans le cas ou il y a lieu de prendre en compte des maladies de jeunesse. Ce phenomene a ete observe pour les premieres unites d'un type nouveau. L'indisponibilite fortuite diminue alors sur une periode de 2 a 3 ans au fur et a mesure que ces maladies disparaissent. En toute rigueur, depend du temps et s'ecrit : tf(n). En admettant qu'en moyenne I'energie En est produite de facon reguliere sur I'annee n, on applique la relation (5) et on somme les valeurs actuelles de En sur la duree de vie en generalisant le calcul qui conduit a la relation (7). La valeur actuellef de toute la production d'electricite est :
ou En s'obtient a partir des relations (1 3) et (14). La puissance de reference etant 1 kWe, ('expression (15) est aussi celle de la valeur actuelle H de la duree totale de fonctionnement, que Ton appelle communement par le meme abus de langage le nombre d'heures actualisees. A titre d'exemple, calculons le nombre d'heures actualisees d'un reacteur REP-N4 ameliore dont le fonctionnement en base est caracterise par : - une duree de vie de 30 ans ; - une periode de quatre mois entre le premier couplage au reseau et la MSI, avec une disponibilite de 35 % ; - un taux d'indisponibilite fortuite de 2 % sur la duree de vie ; - un taux d'indisponibilite programmee en base de 18,9 % la premiere annee apres MSI (Kd= 0,855).
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L'economie de I'energie nucleaire
En utilisant les formules (5), (13), (15) et (8), on obtient :
Pour a = 5 %, V = 15,753 et H = 118 504 heures. Pour a = 8 %, V = 11,702 et H = 881 75 heures. La valeur moyenne actualisee H* du nombre d'heures de fonctionnement annuel est donnee par :
d'ou :
La valeur de H* est peu sensible a la duree de vie economique N. A litre d'illustration, on a calcule la valeur H* en heures pour les durees de vie de 30 et 40 ans, differents taux d'actualisation, et pour la chronique arbitraire suivante de Kd : 40 % la premiere annee, 60 % la seconde et 80 % au-dela.
Tableau 4.3. Duree moyenne actualisee de fonctionnement annuel H* (en heures, pour une chronique de Kj = 40, 60 puis 80 %).
N---^^ 30 40
0 6833 6877
2 6779 6820
5 6687 6721
8 6587 6609
10 6517 6534
La valeur de H* reste stable avec un ecart de 0,6 a 0,3 % quand la duree de vie passe de 30 a 40 ans.
4.5.3. Expression generate des depenses actualisees Les depenses effectuees sur la duree de vie economique d'une unite de production d'electricite se classent en trois composantes : I'investissement, I'exploitation et le combustible. • La valeur actuelle de toutes les depenses relatives a I'investissement d'une unite, y compris son demantelement, est evaluee au chapitre 5. L'investissement actualise specifique / se rapporte au kWe installe, et s'exprime en €/kWe. • Les depenses d'exploitation sont examinees au chapitre 6. Pour la plupart ce sont des depenses fixes, c'est-a-dire effectuees, que ('unite produise ou non, en particulier les
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
93
salaires du personnel Sexploitation et d'entretien. Une tres faible partie des depenses est proportionnelle a I'energie produite, principalement celles des matieres consommables. Les depenses fixes Mn, rapportees au kWe installe, peuvent dependre de I'annee n dans la mesure ou certaines de leurs composantes sont affectees d'une derive. Si m est la depense specifique d'exploitation proportionnelle a I'energie En, la valeur actuelle M des depenses d'exploitation est :
avec
La valeur moyenne actualisee A/I* des depenses fixes annuelles d'exploitation, reparties uniformement sur I'annee, s'obtient par :
soit
C'est cette moyenne actualisee qui, en France, est donnee comme depense fixe d'exploitation ; elle s'exprime en €/kW-an. La depense proportionnelle specifique m s'exprime en c€/kWh. Le total des depenses actualisees d'exploitation s'ecrit de fagon synthetique :
• Les depenses de combustible nucleaire ont ceci de particulier qu'elles se composent d'une partie fixe 0, non negligeable, et d'une partie f proportionnelle a I'energie produite, comme cela apparatt au chapitre 7. La partie fixe 0 peut etre considered comme un investissement initial actualise ; elle represente grosso modo la premiere charge de combustible, necessaire a I'obtention de la masse critique, mais deduction faite de la part de combustible correspondant a I'energie produite avant le premier rechargement. La valeur 0 inclut la deduction de la valeur residuelle actualisee de la derniere charge a I'arret du reacteur. Si fest le cout specifique du combustible proportionnel a I'energie En, la valeur actuelle Fdu total des depenses de combustible est :
94
L'economie de I'energie nucleaire
soit :
• La depense du combustible fossile, dans le cas d'une unite thermique a flamme, se caracterise pour I'essentiel par la simultaneity de cette depense et de la production d'energie, ce qui n'est pas le cas du combustible nucleaire. Ce cout proportionnel depend de trois parametres : - le rendement thermique de Installation r, qui est la quantite de thermies necessaire pour produire un kilowatt-heure ; - le prix initial p0 du combustible fossile estime a la date du couplage au reseau, et exprime en c€/thermie ; - le taux de croissance annuel g du prix de ce combustible en termes reels. Toutefois, dans certains cas, on considere une part fixe 0 du cout du combustible fossile. Pour le charbon, elle correspond a la constitution d'un stock de charbon a la mise en service industriel de la centrale. Pour le gaz, elle consiste eventuellement en la part d'investissement du transport et du stockage necessaires a la mise a disposition du gaz a la centrale. En supposant g constant sur la duree de vie economique, et en utilisant la relation (9), la valeur actuelle Fdu total des depenses du combustible fossile est :
avec 1 +£=(\ + g)/(\ + a) Soit Fp la partie proportionnel le de F :
La valeur moyenne actualisee est F* V = Fp d'ou, en utilisant (16) :
Le cout proportionnel specifique, en moyenne actualisee, du combustible fossile est f= Fp*/H*et s'exprime en c€/kWh. Et, comme pour le combustible nucleaire, la valeur actuelle des depenses de combustible fossile s'ecrit :
On generalise aisement au cas ou g n'est pas constant, mais fonction de n. Au cas ou g serait nul, f = r p0.
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
95
4.5.4. Structure du cout moyen actualise du kWh Le cout moyen actualise, defini par la relation (12), s'ecrit en fonction de ce qui precede, quel que soit le type d'une unite de production :
En utilisant les relations (19), (20) ou (21), on obtient :
et en utilisant la relation (16) :
0, dans le cas d'une unite classique, comme dans le cas d'une unite nucleaire, represente du point de vue economique un investissement. En appliquant a la somme (/ + 0) le calcul des annuites constantes A grace a la relation (11), on a :
Cette formulation generale du cout moyen actualise du kWh permet une premiere discussion qui rejoint d'ailleurs des remarques de bon sens. D'abord C s'evalue en €/kWh. En effet, Aet A/l*sontdesdepenses specifiques annuelles, exprimees en €/kW-an ; H* a la dimension d'une energie specifique evaluee en kWh/kW-an (ou encore un nombre d'heures annuel, en h/an) ; m et f s'expriment en €/kWh. Ensuite, la depense totale annuelle actualisee, moyennee sur la duree de vie de I'unite de production et exprimee en €/kW-an, est donnee par :
On constate que cette depense se compose d'une partie fixe, A + M*, et d'une partie proportionnelle au nombre d'heures de fonctionnement, ou a I'energie produite,
(m + f) H*. Par ailleurs, si la partie fixe est importante, on a interet a ce que H* soit le plus grand possible, c'est-a-dire qu'il faut chercher a atteindre les plus grandes valeurs de K^ et de dn ; en I'occurrence, la valeur maximale de dn est 8760 heures qui correspond au fonctionnement en base au sens strict (§ 2.1.2). De meme, si la partie fixe est relativement faible, mais la partie proportionnelle elevee en raison du cout specifique f du combustible, la duree de fonctionnement anrruel H*
96
L'economie de I'energie nucleaire
doit etre faible ; ainsi plus fest grand, plus le fonctionnement de I'unite se rapproche d'un fonctionnement en pointe. Enfin, si Pinvestissement (I + $) est important, son amortissement annuel A diminue si la duree de vie economique N augmente, ce qui a pour effet d'augmenter la duree de vie actualisee V (tableau 4.2) sans affecter sensiblement la valeur de H* (tableau 4.3). Toutefois, I'allongement de la duree de vie conduit a augmenter quelque peu A/1* en raison des depenses de renovation (§ 6.4).
4.6. Autres calculs economiques previsionnels • Une compagnie d'electricite, comme toute entreprise industrielle soucieuse d'equilibrer ses budgets annuels a venir, peut effectuer une evaluation previsionnelle du cout de production d'un projet a partir des donnees economiques et financieres aussi realistes que possible. Ces donnees couvrent un eventail plus large que celles de la pure evaluation economique ; cette derniere, toutefois, reste un cadre commode en coherence avec la politique economique adoptee au niveau national, et constitue la methode la plus adaptee aux comparaisons internationales. Par ailleurs, la liberalisation du marche de I'electricite conduit, aujourd'hui, a considerer de maniere differente, du moins en apparence, le processus de decision du financement d'un equipement electrogene. La demarche economique, qui a ete exposee dans ce chapitre et qui repose sur la comparaison des couts moyens actualises, fait place a une analyse ou Ton se base sur le prix previsible du marche de I'electricite pour determiner la valeur limite de I'investissement a consentir. Cette demarche est examinee au paragraphe 14.6.2. • Le mode de financement d'un projet est une donnee essentielle, qui presente une grande variete de possibilites, susceptible d'entramer des differences d'appreciation. Plusieurs facteurs le caracterisent : - la part de I'investissement financee par les fonds propres de I'entreprise ; - la part couverte par des emprunts bancaires et les taux d'interet correspondants ; - les baremes de remboursement du capital et du versement des interets. Les modalites de remboursement sont variables : bareme lineaire (remboursement du capital emprunte par quantites constantes), bareme a annuites constantes, bareme degressif (selon une loi d'amortissement industriel). Elles peuvent differer d'un emprunt a I'autre ; par exemple, pour le financement de la premiere charge de combustible d'un reacteur nucleaire, la duree de remboursement est evidemment plus courte que celle relative aux installations. Au sujet de ('incidence des modalites de remboursement sur le cout de la production, on consultera avec profit les developpements de Baumier et al. (1986, pp. 38-68), et plus generalement pour les decisions d'investissement (Babussiaux, 1990 et Babussiaux et al., 2002).
4 - Calcul economique : le cout de la production d'electricite
97
• La methode AIEA correspond a un mode de financement adapte aux pays en voie de developpement. Elle s'applique au cas d'un producteur d'electricite qui, tout en utilisant un taux d'actualisation normatif (impose ou non par ses autorites de tutelle), considere que le financement propose par un pays etranger peut etre integre a son calcul. Ceci revient a prendre en compte - pour la part de I'investissement couvert par le financement en question - non les montants et dates d'engagement de depenses (comme on le fait dans I'approche classique), mais les echeances de remboursement du pret (capital et interets) aux dates ou elles interviennent, c'est a dire pendant la periode d'exploitation de la centrale. L'echeancier representatif des depenses de construction est done completement modifie. Au lieu de situer ('ensemble des depenses de construction avant la date de mise en service de I'unite de production, cette maniere de proceder repousse une plus ou moins grande partie de la prise en compte des depenses a des dates posterieures a la mise en service. Les fonds propres et eventuellement les financements non exogenes sont done considered a leurs dates d'engagement de depenses comme dans I'approche economique orthodoxe, tandis que les depenses couvertes par des financements exogenes seront prises en compte par le biais de leurs echeances de remboursement. Le calcul du cout moyen du kWh est ensuite mene de facon classique a I'aide du taux d'actualisation normatif. Les consequences sur le cout moyen actualise du kWh, par rapport a ce qu'il serait dans une approche classique, sont les suivantes : - le cout moyen du kWh est reduit si le taux d'interet du pret est inferieur au taux d'actualisation (veiller a comparer ces deux taux hors inflation) ; - le cout moyen du kWh est augmente si le taux d'interet du pret est superieur au taux d'actualisation. Ces resultats sont tout a fait logiques si Ton se rappelle que le taux d'actualisation est I'arbitre de la relation temps/argent dans le calcul economique. Or, prendre un financement c'est bien acheter du temps entre le moment de I'engagement de depenses et celui du remboursement, cet « achat » etant regi par un taux d'interet et non par le taux d'actualisation. • L'estimation previsionnelle du cout de production doit integrer de facon conforme aux habitudes comptables les provisions a constituer pour faire face aux depenses qui interviendront ulterieurement a la production. II s'agit essentiellement des depenses relatives au demantelement des installations, et celles relatives a la gestion du combustible use et des dechets ; elles sont importantes dans le cas du nucleaire, et dans une bien moindre mesure dans le cas du charbon. Le mode de constitution de ces provisions presente de grandes differences d'un pays a I'autre selon la legislation concernant la comptabilite des entreprises ou, plus particulierement, celle relative a I'energie nucleaire (§ 9.3 et 13.7). Le compte d'exploitation previsionnel des projets a I'etude, effectue en depenses comptables annuelles, met en relief ('importance des frais de combustible en valeur nominale, surtout dans le cas des centrales classiques, du fait que ces frais ne sont pas
98
L'economie de I'energie nucleaire
alors reduits par I'effet de I'actualisation comme ils le sont dans les calculs purement economiques. La prise en compte des incertitudes sur les hypotheses de prix du combustible, surtout pour les combustibles fossiles, peut faire apparattre des problemes de tresorerie dans les annees ou les equipements ne seraient pas suffisamment amortis ; il convient d'en prevoir la solution par recours a 1'emprunt ou ('utilisation de fonds propres. Tous ces calculs peuvent s'effectuer en monnaie courante avec les taux d'interet bancaire et le taux de rentabilite de fonds propres qui incorporent une certaine inflation ; ou encore, en monnaie constante, en deduisant de la valeur de ces taux celle d'un taux d'inflation dont il faut faire I'hypothese. Ces demarches previsionnelles font apparaTtre une structure des couts de production differente de celle issue de 1'evaluation economique, qui sera examinee dans les chapitres suivants. Elles ont le merite d'apporter un eclairage autre dans ('appreciation de la concurrence des divers moyens de production de I'electricite, bien qu'elles se basent sur les memes estimations des trois composantes du cout de production : investissement, exploitation et combustible.
5
cOUNT D' INVESTMTISSE
Le cout d'investissement d'une unite electrogene comprend toutes les depenses relatives aux installations de cette unite avant sa mise en service industriel et apres son arret definitif. II s'agit done des depenses directes de construction et de deconstruction, des depenses indirectes associees, qui sont a la charge du proprietaire et de I'exploitant, et des frais financiers. La decomposition du cout d'investissement est analysee ci-dessous en prenant comme reference celle utilisee en France par EDF. Elle n'est pas universelle. D'autres methodes sont appliquees ailleurs selon les habitudes des compagnies d'electricite ou selon I'organisation industrielle de la mise en ceuvre du projet. Des exemples en sont donnes au cours du chapitre, qui montrent les precautions a prendre dans les comparaisons Internationales ou les evaluations d'offres pour un meme projet.
5.1. Cout de construction 5.1.1. Definition et composition Le cout de construction, appele aussi cout direct de construction, inclut : - d'une part, toutes les depenses facturees par les fournisseurs et entreprises a la compagnie d'electricite, mattre d'ouvrage, dans le cadre de contrats passes pour la realisation de I'unite electrogene, ainsi que les depenses correspondant aux etudes preliminaires, aux frais administratifs et a I'achat de terrains ; - d'autre part, les aleas, qui sont soit d'ordre technique, soit d'ordre economique en raison des derives eventuelles des prix pendant la duree de la realisation, et pour lesquels on constitue des provisions. C'est environ 1000 contrats qui sont passes pour la construction d'une unite electronucleaire. Leur importance est tres variable ; les 50 plus gros, dont notamment celui de la chaudiere nucleaire, constituent pres de 80 % du cout de construction. La repartition de ces contrats en nombre et en montant selon les secteurs d'activite est donnee dans le tableau 5.1 dans le cas d'une centrale nucleaire a eau sous pression realisee en France.
100
L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 5.1. Repartition des contrats pour la construction d'une unite nucleaire a eau sous pression realisee en France. Secteur d'activite
Nombre (%)
Montant (%)
Etudes
10
1
Genie civil
24
24
Mecanique classique
14
22
Mecanique nucleaire
16
38
Electricite
16
9
Travaux d'installation de site
12
3
Administration et terrains
7
3
-100
100
1
Total
1 Etudes propres a I'implantation de I'unite nucleaire, n'incluant pas les etudes d'ingenierie des constructeurs, qui sont incorporees dans les autres postes.
Les contrats comportent des clauses de revision de prix en raison des longs delais de realisation. Ces clauses prevoient une part fixe de I'ordre de 10 a 20 % du montant, et une part complementaire qui evolue en fonction des derives de prix des facteurs les plus representatifs du corps de metier concerne : materiaux, salaires, energie, etc. Toutes les depenses relatives a la construction sont exprimees en monnaie constante d'une date de reference. Leur total arithmetique constitue le cout de construction ; il est a noter que ces montants ne sont pas actualizes. Un cout de construction n'a de veritable signification que si I'on precise les points suivants : - la date de ('evaluation, le niveau technologique et I'etat de la reglementation de surete et de protection de I'environnement; - les limites de fourniture de la construction, pour lesquelles les habitudes changent selon les pays ou les constructeurs ; a titre d'illustration, il convient de preciser si le poste d'interconnexion au reseau est compris ou non dans le cout, ou encore les moyens d'hebergement du personnel d'exploitation ; il est important aussi de definir les materiels fournis au titre de pieces de rechange ; surtout, il convient generalement de ne pas inclure, le cout de la premiere charge de combustible, qui certes correspond a un investissement mais qui doit figurer au titre des depenses de combustible. Aux EtatsUnis, le cout de la premiere charge de combustible est inclus dans le cout d'investissement. Au Canada, le premier inventaire d'eau lourde dans les reacteurs CANDU est compris dans le cout de construction, mais pour les CANDU construits en Chine, ce n'est pas le cas ; - les parametres principaux lies a la definition de I'unite, dont on examinera ('incidence economique ci-dessous : • la taille, exprimee en MW thermiques ;
5 - Gout d'investissement
101
• le nombre d'unites identiques programmers, et le rythme annuel selon lequel elles doivent etre construites ; • I'occupation du site, c'est-a-dire le nombre d'unites construites sur le meme site ; • le numero d'ordre de construction sur le site ; • les conditions imposees par la nature du site ; notamment celles relatives au mode de refroidissement du circuit d'eau, et la puissance electrique brute et nette qui en resulte. En France, on appelle cout de construction de reference une valeur moyenne relative a un programme nucleaire donne. II s'obtient par une ponderation qui tient compte des conditions specifiques de chaque unite a construire (nature du site, numero d'ordre sur le site, rythme de realisation, etc.) et leur implication economique.
5.1.2. Cout de base Le cout de construction, dont la definition est donnee au paragraphe precedent dans le cas frangais et qui correspond au contenu explicite au tableau 5.1, ne comprend pas toutes les depenses relatives a la mise en ceuvre d'une unite electrogene. La raison en est ['organisation industrielle particuliere a la France, ou la compagnie d'electricite assure elle-meme les taches d'architecte industriel (ou de maitre d'ceuvre) et de formation du personnel d'exploitation, et ou les depenses correspondantes sont I'objet d'une comptabilite interne dans I'entreprise. A I'etranger, le plus souvent, ces taches sont assurees en partie par des entreprises exterieures, en partie par le mattre d'ouvrage, et leur cout est incorpore dans ce qu'on appelle le cout de base, ou cout en capital, de I'unite electrogene. L'AIEA a etabli une nomenclature du cout de base qui sert de reference aux comparaisons internationales et qui differe de celle d'EDF. Pour I'AIEA, les couts directs correspondent au cout de construction d'EDF a I'exception du poste « etudes generales, frais administratifs et aleas ». Les couts indirects comprennent les « depenses d'etudes et d'ingenierie, de gestion du projet et de mise en service ». La rubrique « autres couts » consiste essentiellement en ceux de la formation du personnel d'exploitation, les frais de maTtre d'ouvrage et les provisions pour aleas d'ordre economique relatifs a une derive eventuelle du prix des materiaux et des salaires. La correspondance entre la decomposition du cout de base selon EOF et celle selon I'AIEA est illustree par le tableau 5.2 relatif a une paire d'unites REP N4 construites en France. En France, les frais de maTtre d'ceuvre sont evalues forfaitairement a 11 % du cout de construction pour les centrales nucleaires, a 8 % dans le cas de centrales au charbon et 7 % dans celui des centrales a gaz a cycle combine. Les frais de pre-exploitation sont essentiellement constitues des depenses relatives a la formation du personnel d'exploitation et a la presence progressive de ce personnel sur le chantier de construction
102
L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 5.2. Correspondance des decompositions EDF et AIEA du cout de base d'une paire d'unites REP N4 en France (%).
AIEA
EDF
Depenses generales
8,3
Dt. depenses generales terrains et voiries amenagement du site genie civil mecanique nucleaire mecanique classique electricite
Dt. etudes et administration 5 cout direct 2,5 terrains et voiries 0,8
Amenagement du site
Gouts directs
7,6
Genie civil Mecanique nucleaire
30,3
Dt. etudes et administration frais de maTtre d'oeuvre
Mecanique classique
16,0
Autres couts
7,6
Aleas economiques
4,2
Cout de construction
(84,1)
Frais de maTtre d'ceuvre
9,2
Frais de pre-exploitation
6,7
Cout de base
2,5 0,8 7,6
10,1 30,3 16,0 7,6
Couts indirects
10,1
Electricite
74,9
14,2 5,0 9,2
10,9
Dt. formation du personnel 5,9 frais de maTtre d'ouvrage 0,8 aleas economiques 4,2
100,0
100,0
pendant le montage et les essais des divers systemes. Us represented environ 8 % du cout de construction d'une centrale nucleaire, 5 % dans le cas d'une centrale au charbon a lit fluidise et 2 % dans celui d'une centrale a gaz a cycle combine.
5.2. Facteurs de variation des couts de base 5.2.1. Variabilite des couts de base Les etudes economiques de I'OCDE/AEN sur les couts de I'electricite nucleaire montrent la variabilite des couts de base des centrales nucleaires dans le monde a une epoque donnee. Le cout specifique, qui s'exprime en unite monetaire par kWe installe, est le parametre adequat pour la mettre en evidence. Le tableau 5.11 extrait de la derniere etude en date de 1998 en donne une illustration ; les couts specifiques de base y sont exprimes en $ (US $) 1996/kWe (AEN, 1998).
5 - Gout d'investissement
103
Les ecarts observes s'expliquent en partie par les difficultes rencontrees dans I'exercice de comparaison : taux de change vis-a-vis du dollar, conditions economiques propres aux pays concernes. Mais certains effets purement techniques ont une importance notable dans le cas de I'option nucleaire. II s'agit de I'effet de taille, de I'effet d'occupation du site, de I'effet des conditions de site, de I'effet de serie et de standardisation, de I'effet de montage industriel et des conditions contractuelles. Tous ces effets, qui sont examines ci-dessous, sont constates pour tous les types de centrales electrogenes, mais sont nettement plus accentues pour les centrales nucleaires que pour les centrales thermiques a flamme.
5.2.2. Effet de taille L'effet de taille dans les centrales traduit les economies d'echelle realisees lorsque la puissance nominale des unites augmente a technologic identique. Permettant de reduire le cout specifique de base, il a joue un role considerable dans la competitivite de I'energie nucleaire vis-a-vis des energies fossiles surtout dans les annees 60 lorsque le prix du petrole est venu a baisser. Toutefois, son evaluation est delicate du fait que les autres effets mentionnes jouent simultanement et peuvent en masquer ('incidence. Comparer, pour un meme type de centrale, des couts de construction d'unites de tailles differentes mais dont la realisation s'echelonne dans le temps, n'est pas significatif a moins de proceder a des correctifs. Ceux-ci sont delicats : il s'agit de tenir compte des ameliorations dans les methodes de construction et surtout de Devolution des normes de surete qui ont induit des modifications importantes des equipements. Une evaluation approximative de I'effet de taille s'obtient classiquement en appliquant une fonction d'echelle a des unites nucleaires d'un meme type realisees dans les memes conditions. La taille etant exprimee par la puissance, lorsque Ton passe d'une taille P0 a une taille P7, la variation du cout de base s'exprime par :
ou Cout (P-i) et Cout (P0) sont respectivement les couts des unites de taille P? et P0, et r\ le facteur d'echelle, qui se situe entre 0,4 et 0,7 pour I'ensemble de I'unite (AEN, 2000a, p. 34). L'evaluation la plus pertinente de I'effet de taille applique la relation (24) a chacun des lots composant I'unite auquel on attribue un facteur d'echelle representatif (tableau 5.3). Tout avantageux que soit I'effet de taille, la puissance des unites se trouve limitee selon le cas soit pour des raisons technologiques relatives a certains composants, soit pour des considerations de stabilite du reseau (§ 2.3.2). Deux etudes d'ingenierie donnent des indications particulieres, plus sures et plus precises, de I'effet de taille propre au nucleaire (AEN, 2000a). Une estimation francaise, donnee dans le tableau 5.4 selon la presentation AIEA, se rapporte a un meme niveau
104
L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 5.3. Facteurs d'echelle representatifs par lot.
Facteur d'echelle TI
Lot
Genie civil
0,2
Chaudiere nucleaire
0,3
Installations classiques
0,4
Equipements de la turbine
0,75
Installations electriques
0,37
Divers
0,2
Tableau 5.4. Effet de taille pour des unites REP isolees (% du cout de base d'une unite de 300 MWe).
Unite REP isolee (Puissance en MWe) Terrains-Voirie-Reseaux
1 x300
2 ,oQ
1 x 650
1 x 1000
1 x 1350
2,9
3,0
3,1
Batiments et ouvrages
14,8
21,6
26,7
31,0
Mot nucleaire
23,5
39,4
53,5
66,8
Turbine et alternateur
10,5
17,7
23,7
29,1
Equipements electriques
5,6
8,9
11,5
13,8
Equipements divers
2,5
3,2
3,7
4,1
Circuit d'eau
1,9
3,6
5,0
6,4
Couts directs
61,5
97,3
127,2
154,2
Ingenierie et etudes
13,3
16,4
18,9
21,1
Services de construction
6,2
7,1
7,8
8,5
Autres couts indirects
4,0
4,7
5,4
6,0
23,5
28,2
32,1
35,6
2,7
4,1
5,2
6,2
12,3
15,4
17,5
19,1
Cout de base
100,0
145,0
182,0
215,0
Ratio des couts specifiques de base
100
67
55
48
Couts indirects Provisions pour aleas Frais de maTtrise d'ouvrage
Source : AEN, 2000a.
technologique du type REP pour une gamme de puissance unitaire comprise entre 300 et 1350 MWe, toutes conditions egales par ailleurs. On constate que 1'augmentation de 350 % de la puissance unitaire n'accroTt que de 151 % les couts directs, et de 52 % seulement les couts indirects ; les economies d'echelle sont en effet plus importantes pour les services d'ingenierie que pour les equipements, materiaux et main d'ceuvre de construction.
5 - Cout d'investissement
105
Tableau 5.5. Effet de taille pour des unites CANDU isolees (% du cout de base d'une unite CANDU 6).
Unite CANDU isolee (Puissance en MWe)
CANDU 6 CANDU 9 1 x881 1 x670
Bailments et ouvrages
18,3
23,6
Hot nucleaire
24,0
29,3
Turbine et alternateur
10,3
11,4
Equipements electriques
13,2
14,3
Equipements divers
7,2
9,2
Circuit d'eau
1,1
1,5
Gouts directs
74,0
89,4
Ingenierie et etudes
7,5
7,6
Services de construction
5,2
5,5
Autres couts indirects
3,0
3,0
15,7
16,1
Provisions pour aleas
5,7
6,9
Frais de maitrise d'ouvrage
4,6
3,4
Gouts indirects
Gout de base
100,0
115,7
Ratio des couts specifiques de base
100
88
Source : AEN, 2000a.
Une etude canadienne (AEN, 2000a) porte sur une estimation concernant deux unites CANDU : I'une du modele CANDU 8 de 670 MWe, I'autre du modele CANDU 9 de 881 MWe, dont les dates de mise en service industriel sont respectivement 1982 et 1990. Le tableau 5.5 montre que, pour une augmentation de puissance de 31 %, les couts directs s'elevent de 21 % et les couts indirects de 3 % seulement. Toutefois, ('analyse de I'effet de taille n'est pas ici entierement significative du fait du decalage dans le temps des deux modeles.
5.2.3. Effet de duplication sur un site Le nombre d'unites construites sur un meme site est un facteur essentiel du cout specifique de base. Trois raisons conduisent a I'abaissement de ce cout quand deux ou plusieurs unites sont construites sur le meme site. Certains ouvrages et equipements, sans oublier les etudes de site, sont communs au site quel que soit le nombre d'unites installees. II s'agit notamment de tous les moyens d'acces, de la station meteorologique, des batiments de reception du public, de certain batiments administratifs et locaux techniques. Cela represente un cout specifique au site.
106
L'economie de I'energie nucleaire
Ensuite, lorsque deux unites identiques sont construites sur un meme site, il est prevu qu'elles partagent certains systemes et certains services techniques, comme des ateliers et des laboratoires d'analyse. Cela correspond au couts specifiques aux installations communes d'une paire. Enfin, les equipes de construction, comme celles de I'architecte industriel, sont utilisees plus rationnellement sur un meme chantier ou plusieurs unites se construisent. La productivity de ces equipes est maximale lorsque le calendrier de construction d'une unite est decale d'environ 12 mois par rapport au precedent. L'effet de duplication est mis en evidence dans les tableaux 5.6 pour les REP et 5.7 pour les CANDU, relatifs a une paire d'unites identiques sur un site, que I'on rapprochera des tableaux 5.4 et 5.5 respectivement etablis pour les memes unites isolees. Le gain de duplication sur le cout specifique de base varie de 26 a 17 % lorsque la puissance unitaire crott de 300 a 1350 MWe pour les REP. Pour les CANDU, ce gain est de 16 % environ dans la gamme de puissance 670-880 MWe.
Tableau 5.6. Effet de duplication (et effet de taille) relatif a une paire d'unites REP (% du cout de base d'une unite isolee de 300 MWe, cf. tableau 5.4).
Puissance en MWe de la paire de REP
2 x300
2 x650
2 x 1000
2 x 1350
2,9
3,1
3,1
3,2
Bailments et ouvrages
20,8
30,4
37,6
43,7
Hot nucleaire
45,8
77,1
105,0
131,1
Turbine et alternateur
19,5
33,0
44,3
54,3
Equipements electriques
11,2
17,8
23,0
27,5
Equipements divers
4,4
5,6
6,5
7J
Circuit d'eau
3,3
6,2
8,8
11,1
Gouts directs
107,9
173,2
228,3
278,1
17,7
23,5
28,4
32,9
Services de construction
7,5
9,2
10,8
12,2
Autres couts indirects
5,1
6,7
8,1
9,3
30,3
39,4
47,3
54,4
4,7
7,2
9,1
10,8
15,1
19,1
21,7
23,9
Cout de base
158,0
238,9
306,4
367,1
Ratio des couts specifiques de base (100 -» 1 x 300 Mwe)
79
55
46
41
Terrains- Voirie-Reseaux
Ingenierie et etudes
Couts indirects Provisions pour aleas Frais de mattrise d'ouvrage
Source : AEN, 2000a.
5 - Cout d'investissement
107
Tableau 5.7. Effet de duplication (et effet de taille) relatif a une paire d'unites CANDU (% du cout de base d'une unite isolee CANDU 6, cf. tableau 5.5).
Paire d'unites CANDU (Puissance en MWe)
CANDU 6 CANDU 9 2x881 2x670
Bailments et ouvrages
32,6
41,3
Hot nucleaire
43,8
53,4
Turbine et alternateur
18,9
20,4
Equipements electriques
25,3
25,7
Equipements divers
11,5
13,5
Circuit d'eau
2,0
2,5
Gouts directs
134,0
156,8
Ingenierie et etudes
9,0
9,2
Services de construction
7,5
7,5
Autres couts indirects
5,7
5,7
22,2
22,4
Provisions pour aleas
8,6
11,5
Frais de mattrise d'ouvrage
7,3
5,7
Gouts indirects
Gout de base Ratio des couts specifiques de base (100 ^ 1 x 670 MWe)
172,1
196,4
86
75
Source : AEN, 2000a.
Une etude EDF-Framatome, realisee a partir de donnees du programme nucleaire francais, fournit les valeurs moyennes suivantes. Par rapport au cout de base d'une unite isolee, le cout specifique au site s'eleve a 18 %, et le cout specifique aux installations communes d'une paire a 8 %. II en resulte que la deuxieme unite construite sur le meme site (site moyen sur riviere) ne represente que 74 % du cout de la premiere, ou bien, ce qui revient au meme, que le cout moyen de base par unite d'une paire d'unites est egal a 87 % de celui de I'unite isolee (AEN, 2000a, pp. 59-64). Lorsque Ton construit une deuxieme paire d'unites sur un site, on obtient encore un gain du fait que le cout specifique au site se partage alors entre quatre unites. Cependant, il faut prendre a nouveau en compte, pour cette deuxieme paire le cout specifique aux installations communes d'une paire. Avec les donnees precedentes, on constate que la deuxieme paire d'unites sur un site coute environ 10 % de moins que la premiere, ou encore que le cout moyen de base par unite pour ('ensemble de deux paires sur un site est 82 % de celui de I'unite isolee.
108
L'economie de I'energie nucleaire
5.2.4. Effet de serie L'effet de serie et de standardisation est aussi un facteur economiquement avantageux du point de vue de la construction et de I'exploitation. Les comparaisons Internationales le mettent bien en evidence (§ 8.2) ; la construction et I'exploitation du programme frangais REP en est la meilleure illustration. Les unites electrogenes a flamme, surtout celles au gaz, beneficient aussi d'un effet de serie, qui s'inscrit dans un marche international tres developpe. L'effet de serie est d'autant plus important a prendre en compte dans ('economic nucleaire que le cout de construction est eleve. Les gains qui en resultent ont plusieurs causes, en general propres a toute industrie manufacturiere. Une tete de serie represente un effort considerable qui se traduit par plusieurs centaines de milliers d'heures d'etude et d'ingenierie pour aboutir a la conception detaillee des equipements et a la definition de leurs specifications techniques. L'intensite de cet effort est d'ailleurs assez variable selon le nombre et la nature des modifications que Ton apporte au modele concerne par rapport au modele precedent. Le cout important qui s'y rapporte est reparti sur I'ensemble du programme constitue d'unites construites a I'identique de la tete de serie. Dans le meme ordre d'idees, les etudes de surete effectuees pour cette derniere allegent considerablement celles qui seront effectuees pour chacune des unites de la serie. Les gains de productivite d'une fabrication en serie des equipements lourds d'une centrale nucleaire viennent d'une meilleure rentabilite des installations industrielles congues a cet effet, de ('utilisation rationnelle des equipes en usine et de I'apprentissage progressif de la fabrication. Cet effet de productivite industrielle est d'autant plus marque que le programme prevu est important et fermement decide et que son rythme d'engagement est regulier. II en va de meme pour la sous-traitance des composants du systeme, les industrials etant en mesure d'offrir de meilleurs prix dans le cas d'une production en serie. L'effet de productivite se retrouve aussi chez I'architecte industriel et chez le maTtre d'ouvrage qui beneficie d'un gain de temps dans ses discussions avec les pouvoirs publics et les autorites de surete. D'une fagon generale, la realisation en serie d'unites nucleaires favorise le retour d'experience, non seulement en usine, mais aussi sur les chantiers de construction. La preuve en est la courbe d'apprentissage observee en France lors de la construction du programme REP 900 MWe, telle qu'elle apparatt sur la figure 5.1. La reduction de la duree de construction diminue non seulement le cout global de la main d'ceuvre, mais encore toutes les depenses qui dependent de cette duree (aleas economiques et interets intercalaires). Enfin, une serie d'unites standard permet de reduire le volume des pieces de rechange necessaire, notamment celui des composants les plus couteux comme les pompes et les turbines. Elle permet aussi de mieux amortir les installations propres a la formation du personnel de conduite, comme les simulateurs, et des ateliers destines a l'entramement du personnel d'entretien.
5 - Cout d'investissement
109
Figure 5.1. Evolution de la duree de construction des unites REP 900 MWe du programme francais (duree comptee depuis I'ordre d'execution chaudiere jusqu'au premier couplage au reseau).
L'effet de productivite, considere seul, c'est-a-dire hors effet de duplication et effet de tete de serie, se traduit par le gain gn relatif au cout de I'unite de rang n dans la serie, qui est donne par :
Cette formule est valable pour nz.2, car on considere que le gain n'est effectif qu'a partir de la troisieme unite. L'etude EDF-Framatome, precedemment mentionnee, conduit a la valeur k = 0,02 dans le cas du programme francais. Dans le cas de I'exportation de centrales, I'effet de productivite ne s'applique que partiellement : de gros composants comme la chaudiere ou le turbo-alternateur beneficient de I'effet de serie chez le constructeur, mais une partie du cout de la centrale est soumis a des contraintes propres au pays importateur ou inherentes a I'exportation (surcout de transport de composants, surcout de montage du aux frais d'expatriation d'equipes specialisees). La mise en ceuvre du programme nucleaire francais, grace au grand nombre d'unites de meme modele ainsi qu'a la politique de commandes groupees et de rythme d'engagement regulier, a combine I'effet de serie et I'effet de duplication sur site.
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L'economie de I'energie nucleaire
Figure 5.2. Combinaison de I'effet de serie et de I'effet de duplication avec quatre unites par site.
Cette combinaison est schematiquement illustree par la figure 5.2 relative a une serie d'unites installees par groupe de quatre sur un meme site ; elle met en evidence une des raisons du cout relativement faible de la construction nucleaire en France, d'autres elements favorables etant I'organisation integree de I'industrie nucleaire dans ce pays et la bonne coordination avec ['administration, indispensables dans la realisation d'un programme d'une telle envergure.
5.2.5. Effets relatifs aux conditions de site Les caracteristiques du site ont un impact sur le cout de construction, qui crott sensiblement lorsqu'elles s'ecartent de leur valeur de reference dans un pays donne. L'etude de site, prealable a I'appel d'offre, doit etre conduite avec grand soin sur une periode d'au moins trois ans pour acquerir les donnees d'ordres divers : geographique, geologique, sismique, meteorologique, hydrologique, etc., qui sont necessaires pour adapter, s'il le faut, le dimensionnement et meme la conception des equipements aux specificites du site, et estimer le surcout eventuel de cette adaptation. Parmi les parametres importants du point de vue du cout d'adaptation, le niveau sismique est le plus significatif dans de nombreux pays. En France, le dimensionnement des unites standardises de 1300 et 1450 MWe est base sur I'intensite du seisme majore
5 - Cout d'investissement
111
de securite de reference correspondant au degre VIII de I'echelle Internationale MSK, associe a une acceleration maximale horizontale du sol de 0,15 g. Dans le cas ou ces conditions seraient depassees sur un site donne, il existe des solutions techniques adaptees au niveau sismique reconnu : fondations sur plots antisismiques ou renforcement des structures. II en resulte un surcout variant de 5 a 10 % du cout de I'unite. Ensuite, vient le mode de refrigeration impose par le site. En France, on estime que pour une premiere paire d'unites, un site en bord de mer entrame un surcout d'environ 5 % en comparaison avec un site sur riviere avec refroidissement direct. II en est de meme pour un site sur riviere avec refrigerants atmospheriques, compte tenu d'une baisse de la puissance nette de la centrale. Dans les pays tropicaux, la temperature de I'eau de refrigeration conduit a dimensionner en consequence le circuit d'eau ; par ailleurs, elle a un impact sur le rendement thermodynamique de I'unite, done sur son cout specifique. Un regime de precipitations abondantes impose de surdimensionner le systeme d'evacuation des eaux, et un degre hygrometrique eleve, celui du systeme de ventilation. Ces derniers exemples montrent I'interet d'une etude de site complete et rigoureuse pour eviter lors de la construction et de I'elaboration du rapport de surete toute surprise qui ne pourrait qu'entramer de longues contestations entre le constructeur et le maTtre d'ouvrage, et provoquer des retards et des surcouts par rapport au devis initial.
5.2.6. Effet des modalites contractuelles de la construction La strategic contractuelle concernant la construction de centrales nucleaires varie d'un pays a I'autre en fonction surtout de la capacite d'ingenierie dont dispose la compagnie d'electricite et de son experience en ce domaine. Elle a une incidence certaine sur les couts de construction. Par le passe, de nombreuses centrales nucleaires ont ete construites dans le cadre d'un contrat cles en main. Dans ce cas, le maTtre d'ouvrage, estimant ses competences reduites, prefere confier la mise en ceuvre du projet a un seul et meme constructeur qui fournit tout Pequipement et coordonne I'ensemble des travaux de montage. Le constructeur assure alors tous les risques de depassement de delais et de couts, et couvre ces aleas par un prix plus eleve des installations. Pour reduire ce surcout, le maTtre d'ouvrage peut adopter la solution de commande par lots regroupes, au nombre d'une dizaine ou plus, dans laquelle selon ses capacites d'ingenierie, il assure une certaine responsabilite dans la coordination de la construction pour diminuer les marges pour aleas, mais evite un bon nombre d'interfaces entre lui et les fournisseurs. Enfin, la solution de contrats individualises par lots multiples est celle appliquee par les maTtres d'ouvrage possedant une bonne experience dans la construction des centrales
112
L'economie fie I'energie nucleaire
electriques et une grande capacite d'ingenierie. C'est le cas d'EDF, qui est son propre architecte industriel. Le maTtre d'ouvrage negocie alors tous les contrats de fourniture et de montage sur site, il assure les controles en usine, la coordination des interfaces, le controle des montages et des essais et le suivi des delais et des couts de facon a minimiser les aleas dont il supporte alors la charge financiere. Le choix d'une de ces modalites contractuelles depend done fortement des capacites techniques d'un pays, de ses habitudes et experiences industrielles dans la construction electrique. II peut dependre aussi des conditions de la concurrence au moment de I'appel d'offres. Dans le cas de pays en cours d'industrialisation, ('organisation de la construction implique, en general, la participation de (Industrie locale, que le gouvernement souhaite la plus grande possible, et des clauses de transfert de technologie. Cette participation concerne une part du cout de construction, variable selon Petal de developpement du pays, mais non negligeable. Au minimum, elle concerne le genie civil, hormis eventuellement quelques ouvrages particulierement delicats a realiser; elle concerne aussi des fournitures et des installations classiques sans specifications particulieres. Dans le contexte de la realisation d'un programme d'equipement electronucleaire dans un pays, la participation locale s'accrott en general progressivement grace au transfert technologique et de ('experience acquise. Elle peut evoluer de 25 a 70 % et plus, comme cela a ete observe dans certains pays (Espagne, Republique de Coree, aujourd'hui Chine). II est difficile d'en evaluer I'impact sur le cout de construction pour plusieurs raisons. Son financement s'effectue le plus souvent en monnaie locale, sujette a des variations parfois importantes de taux de change. La main d'ceuvre locale est generalement moins chere, mais ce gain tend a se reduire a cause d'une moindre productivite, du moins au debut du programme. Si les equipements produits localement sont moins onereux, leur fourniture, dans une premiere phase du programme, peut subir des delais qui perturbent I'ensemble de la construction et engendrent des surcouts. L'evaluation realiste des capacites de ('Industrie locale est un prealable necessaire pour se premunir centre une derive des couts pendant la construction.
5.3. Possibilites de reduction du cout de construction 5.3.1. Cas des centrales nucleaires de grande taille Pour que I'electronucleaire reste une option viable sur le marche de I'energie, il est imperatif de maintenir sa competitivite vis-a-vis des energies fossiles, le gaz naturel notamment. Comme les depenses en capital pour construire une centrale nucleaire represented environ 60 % du cout de sa production d'electricite, un effort doit etre entrepris pour reduire le poste investissement nucleaire tout en ameliorant les
5 - Gout d'investissement
113
performances en termes de disponibilite de fonctionnement et en garantissant le niveau de surete aujourd'hui atteint. A cette fin, diverses voies sont explorees, les unes issues des considerations precedentes, les autres liees a la conception des centrales (AEN, 2000a). Le programme nucleaire dans ses grandes lignes doit d'abord etre bien defini par de solides etudes prospectives. A I'avenir, dans beaucoup de pays, I'augmentation de la taille des reseaux electriques et leurs interconnexions multiples permettront d'augmenter la puissance des centrales nucleates, quitte au besoin a anticiper sur la date d'installation dans la mesure ou les performances economiques le justifient sur la duree. Passer de 600 a 900 MWe diminue le cout specifique de base de I'ordre de 15 %. La planification du programme, le rythme d'engagement des unites et leur implantation par site, doivent faire I'objet d'une etude approfondie en vue de chercher la solution optimale de I'investissement nucleaire dans son ensemble. Dans la mesure du possible, la strategic d'achat des composants devrait permettre de beneficier de la standardisation et du retour d'experience acquis dans les pays au programme nucleaire important et eprouve. L'amelioration des methodes de construction par une meilleure planification des travaux sur les sites, une meilleure gestion des interfaces, une productivity accrue de la main d'ceuvre de chantier, une informatisation poussee de I'ingenierie et de la gestion du projet doit permettre d'effectuer de multiples petits gains conduisant a une reduction sensible de la duree de construction et des couts. La conception des centrales futures s'oriente vers des solutions techniques plus simples et faisant appel davantage a des phenomenes naturels autoregulateurs pour repondre aux exigences de surete tout en diminuant I'investissement : gravite, remise en circulation naturelle de I'eau de refroidissement, dissipation de la chaleur residuelle par rayonnement. Par ailleurs, on s'efforce, au stade de la conception, de trouver des solutions pour faciliter la construction par une meilleure accessibilite et une meilleure configuration afin de reduire les volumes de beton et les longueurs des tuyauteries. Tous ces efforts sont aujourd'hui rendus moins couteux grace a I'ingenierie assistee par ordinateur. La reforme des procedures d'autorisation aux Etats-Unis (Energy Policy Act de 1992) devrait eviter a I'avenir les situations desastreuses de la construction nucleaire que ce pays a connu dans les annees 80. A cette epoque, revolution continuelle de la reglementation a entraine, pendant la construction meme des centrales, d'importantes modifications de la conception et de I'equipement, et, en consequence, des retards et des surcouts impressionnants. II est arrive que les frais financiers atteignent la moitie du cout total de certaines de ces centrales. Ceci a ete un facteur determinant dans I'arret de la construction nucleaire aux Etats-Unis. Grace a la nouvelle procedure, tous les principaux aspects de conception et de surete seront regies avant le demarrage de la construction d'une centrale, et le permis de construire et I'autorisation d'exploiter seront delivres en une seule etape, au lieu de deux auparavant.
114
L'economie de I'energie nucleaire
5.3.2. Cas des petites centrales nucleates Les petites centrales nucleaires peuvent offrir des avantages de simplicite de conception et de fonctionnement qui entrament actuellement un renouveau d'interet pour ce type d'unites. En fait, I'idee est ancienne : elles etaient preconisees au debut des annees 70 a cause de leur facilite d'insertion dans les reseaux de faible dimension des pays en voie de developpement (§ 2.3.2). Leur inconvenient majeur, c'est ('absence d'effet de taille, cause d'un cout specifique de base important. La reduction de leur cout de construction devrait resulter des points suivants, qui font I'objet d'efforts soutenus de la part de certains constructeurs (Bertel, 2001). La conception des petites centrales repose d'une part sur une simplification des installations grace a ('utilisation de systemes a surete passive, deja mentionnes au paragraphe precedent, et d'autre part sur une configuration plus integree des composants, permettant notamment une meilleure tenue sismique. La fabrication, ('assemblage et les premiers essais en usine d'un grand nombre de composants, sinon de tous si la taille le permet, reduit les couts. En effet, la main d'ceuvre en usine est moins couteuse que celle employee sur un chantier, et le travail y est plus rationalise. Le transport des composants devient moins onereux dans la mesure ou pour la plupart, il peut s'effectuer par rail. Le montage sur site s'en trouve allege, et sa duree raccourcie va dans le sens de la diminution des frais financiers. La construction echelonnee d'une multiplicite de petites unites sur un site permet, par une programmation optimale, la meilleure utilisation des equipes de specialistes. Par ailleurs, la modularite de la puissance installee permet une adaptation plus souple a la demande d'energie, minimise les risques financiers que fait courir une centrale de grande taille alors que le marche de I'electricite devient volatil, et permet enfin d'etaler progressivement le recours au marche financier. Bien que les avantages techniques et economiques des petites centrales aient ete soigneusement demontres sur papier, une ou plusieurs realisations seront necessaires pour valider et prouver les performances de ces concepts.
5.4. Investissement L'investissement d'une centrale electrogene comprend le cout de base defini au paragraphe 5.1.2, qui en constitue la partie essentielle, et trois autres composantes, qui, elles, dependent du temps, et, de ce fait, du taux d'actualisation. Ce sont : les interets intercalaires, les aleas sur le calendrier de construction, et, uniquement pour les centrales nucleaires, le cout du demantelement. Les depenses actualisees correspondantes sont en general rapportees a la date de mise en service industriel.
5 - Cout d'investissement
115
5.4.1. Interets intercalaires Les depenses de construction, evaluees en monnaie constante, et dont le total arithmetique constitue le cout de construction sont reparties selon un echeancier de paiement. Get echeancier est tres variable d'un type de centrale a I'autre, ne serait ce qu'en raison des differences dans les durees de construction. Une illustration en est donnee dans le tableau 5.8, ou les depenses annuelles sont donnees en pourcentage du cout de construction et supposees centrees au milieu de chaque annee, la mise en service industriel intervenant a la fin de I'annee 0. Tableau 5.8. Echeanciers de paiement des depenses de construction (%).
Annee de construction Paire d'unites REP Charbon
-8
-7
-6
-5
-4
-3
-2
-1
O1
1
2
1
2
4
7
14
21
20
15
9
6
1
2
5
12
25
31
18
6
1
2
18
41
35
3
1
Cycle combine au gaz
La MSI intervient a la fin de I'annee 0. lei il s'agit d'une date moyenne correspondant a la realisation d'une paire d'unite sur un site frangais.
Si CTn est la depense de construction pendant I'annee n, le cout de construction C7~est le total arithmetique :
•-ae
ou tfje et tfe sont les annees de debut et de fin de I'echeancier de paiements (f^e < 0, tfe £ 0). La valeur actualisee des depenses de construction rapportees a la date de mise en service industriel (MSI) est :
Les interets intercalaires lc sont par definition :
Dans le calcul economique en France, on applique le facteur des interets intercalaires fjjf
CT — CT fji = —^ , a la somme du cout de construction et des frais de maTtre d'ceuvre. Le montant des interets intercalaires est fonction de deux parametres, Tun technique, I'autre economique : - la duree de construction, par le biais de I'actualisation, explique les ecarts marques entre interets intercalaires des differents types de centrales electrogenes (tableaux 5.8 et 5.9). Plus cette duree est longue, plus les premieres depenses pesent lourd dans le total actualise. Les centrales nucleaires ayant la duree de construction la plus longue sont ainsi penalisees par rapport aux centrales brulant des combustibles fossiles ;
116
L'economie de I'energie nucleate
- le taux d'actualisation a est le parametre qui, pour un meme equipement, fait varier de fagon importante le montant des interets intercalaires, comme on le voit sur le tableau 5.9. Son impact sur la valeur de I'investissement est legerement plus que proportionnel a sa valeur. La construction nucleaire pour laquelle les interets intercalaires sont eleves est defavorisee par les valeurs hautes du taux d'actualisation. Tableau 5.9. Variations du facteur des interets intercalaires /)•/ en fonction du taux d'actualisation et selon la nature de I'equipement (d'apres le tableau 5.8) (resultats en %).
Taux d'actualisation
Nature de I'equipement
5 %
8%
10%
Nucleaire
16,2
27,2
31,5
Charbon
9,9
16,3
20,8
6,0
10,6
13,4
Cycle combine au gaz
Reduire la duree de construction d'une centrale nucleaire afin d'en diminuer les couts de construction comme mentionne au paragraphe 5.3.1 a aussi I'avantage d'abaisser le montant des interets intercalaires. La duree normative de construction relative a I'echeancier de paiement precedent s'evalue a environ 6 ans et 3 mois selon la methode exposee au paragraphe 5.4.2, les depenses etant supposees concentrees 3,13 mois avant la MSI. Une duree de construction reduite a 5 ans abaisserait les interets intercalaires a environ 13, 21 et 27 % pour des taux d'actualisation respectifs de 5, 8 et 10 %.
5.4.2. Aleas sur calendrier de construction Un glissement eventuel du calendrier de construction par rapport au calendrier previsionnel sur lequel repose I'echeancier de paiement a deux consequences : I'accroissement des interets intercalaires et la perte de productivite. L'allongement de la duree de construction entrame ineluctablement un accroissement des interets intercalaires par le mecanisme de I'actualisation. On en fait le calcul rigoureux en supposant un decalage progressif des depenses et en I'appliquant a la formule (25). Une approche grossiere consiste a calculer, pour un echeancier de paiement et un taux d'actualisation donnes, une date a laquelle toutes les depenses de construction peuvent etre supposees concentrees, soit Ne, c'est-a-dire telle que :
soit :
Ne = Ln(U/;/)/Ln(1 + a)
Par exemple, pour I'echeancier nucleaire et a - 8 %, on a Ne = 3,13 ans.
5 - Gout d'investissement
117
A un decalage global de ne annees correspond un surcout applique au cout de base qui est proportionnel a :
Dans I'exemple precedent, ne = 0,25 an conduit a A/VI = 0,025 La perte de productivite, due a ce decalage en raison d'une utilisation moins performante des equipes de montage et de celles du maitre d'ceuvre, s'exprime par un pourcentage d'augmentation e des depenses de construction par mois de retard, soit un accroissement des depenses de :
Par exemple, s = 0,5 % entralne A P = 0,015. Au total, le surcout relatif aux aleas de calendrier de construction est de I'ordre de :
et s'applique au cout de construction de base. Dans I'exemple precedent, il est de 4 %.
5.4.3. Cout de demantelement Les couts de demantelement sont estimes a partir d'experiences techniques effectuees dans divers pays sur des reacteurs declasses ou des installations du cycle du combustible. Les estimations des operations futures de demantelement sont d'autant plus sures qu'elles reposent sur des moyens techniques d'ores et deja disponibles et susceptibles de progres. Les depenses de demantelement ne peuvent etre identiques pour toutes les centrales dans le monde. II y a plusieurs raisons a cela : les differences technologiques des reacteurs, le niveau de demantelement envisage, les differences dans les reglementations nationales, les ecarts dans les couts de la main d'oauvre, et enfin les difficultes toujours presentes dans I'utilisation des taux de change. Mais en tenant compte de ces facteurs divers, les comparaisons internationales presentent un degre notable de coherence. En France, ('evaluation de ce cout a ete effectuee pour une centrale REP de 4 x 900 MWe sur riviere et dans le cadre d'un scenario de demantelement de niveau 2 apres I'arret definitif de la centrale, puis de niveau 3 - liberation du site sans restriction - apres une periode de surveillance de 50 ans. Cette evaluation ne correspond pas a un scenario optimise, et de ce fait, elle peut etre consideree comme prudente. Dans ces conditions, on retient un cout de demantelement egal a une fraction F^m, soit 15 % du cout complet d'investissement. C'est cette valeur qui est prise en reference dans le calcul de la provision comptable pour demantelement (§ 9.3). De plus, cette depense est supposee concentree 10 ans apres I'arret definitif de la centrale, c'est-a-dire 40 ans apres sa MSI. Sa valeur actualisee a la date de MSI est ajoutee
118
L'economie de I'energie nucleaire
au cout d'investissement. Elle est evidemment tres sensible au taux d'actualisation a travers le facteur d'actualisation : ciui prend les valeurs suivantes
5 %
8%
10%
dm
0,142
0,046
0,022
f
a
Pour les centrales thermiques a flamme, le cout de demantelement des installations est suppose compense par la valorisation des materiaux recuperes. La meme hypothese est valable pour les installations classiques d'une centrale nucleaire.
5.4.4. Cout complet d'investissement Les elements examines ci-dessus contribuent tous a la constitution du cout complet d'investissement / d'une centrale electrogene. Selon la decomposition habituelle en France, ils sont : CT :
cout direct de construction (hors frais de maTtre d'ceuvre) ;
CMO : frais de maTtre d'ceuvre, estimes comme un pourcentage Fmo du cout direct, pourcentage dependant de I'importance de la serie d'unites programmee. D'ou : CMO = Fmo x CT; CPX : frais de pre-exploitation, a la charge du maTtre d'ouvrage ; CAL :
aleas relatifs au calendrier de construction, dont une part //,• est due a I'impact sur fji de I'allongement de la duree de construction, et une autre a une perte de productivity Ap. D'ou : CAL = (Afu + Ap) (CT + CMO)
CDM : cout de demantelement d'une centrale nucleaire, estime comme un pourcentage Ffjm du cout complet d'investissement et actualise a la date de MSI par le facteur d'actualisation /^m. Les couts de renovation qui peuvent survenir au cours de la duree de vie economique ne sont pas inclus en France dans le cout d'investissement, mais dans le cout d'exploitation (§ 6.4). Une renovation lourde, destinee a prolonger la duree de vie physique de la centrale, n'est pas prise en compte dans ('evaluation economique puisqu'elle concerne le fonctionnement au-dela de la duree de vie economique. Dans quelques evaluations a I'etranger, les couts de renovation sont inclus dans le cout d'investissement. Le facteur d'actualisation /}/ des depenses de construction s'applique a la somme du cout direct de construction et des frais de maTtre d'ceuvre. Le cout complet d'investissement /, actualise a la date de MSI, se formule ainsi :
5 - Cout d'investissement
119
5.5. Valeurs de couts de base de construction et de couts d'investissement 5.5.1. En France Les couts de reference de la production electrique sont etudies periodiquement par un groupe de travail reuni par la Direction des industries du gaz de I'electricite et du charbon (DIGEC) du ministere de ('Industrie. Les couts d'investissement figurant au tableau 5.10 sont extraits de I'exercice en date de mai 1997 (DIGEC, 1997). N'y figurent que ceux relatifs aux centrales nucleaires et aux centrales au gaz ; pour simplifier la presentation, les centrales au charbon ont ete omises dans ce tableau du fait qu'elles ne sont plus envisagees en France, faute d'etre competitives dans le contexte actuel. Tableau 5.10. Gout specifiques d'investissement d'unites de production thermique d'electricite en France a I'horizon 2005 (€1995/kWe).
Equipement Taux d'actualisation Cout de construction
Nucleaire1 N4 ameliore
Cycle combine au gaz
8 %
5 %
8%
5%
1093
1093
466
466
Frais de maTtre d'ceuvre
119
119
33
33
Interets intercalaires
330
197
53
33
Frais de pre-exploitation
85
85
9
9
Aleas sur calendrier
48
36
5
4
566
545
Demantelement Total 1
12
32
1687
1562
Programme de 10 unites.
Toujours pour simplifier, on s'est restreint a ne presenter ici que les evaluations relatives a la date de mise en service industriel de 2005. Les equipements envisages sont alors : - pour le nucleaire, des unites de 1450 MWe d'un type N4 ameliore incorporant des dispositifs envisages pour le reacteur EPR afin d'ameliorer la surete (enceinte de beton haute performance, recuperateur de corium, recombineur d'hydrogene, augmentation du volume de generateurs de vapeur) et la disponibilite (dimensionnement de la piscine de stockage et amelioration de la manutention du combustible) ; - pour le gaz, des unites a cycle combine de 650 MWe a trois niveaux de pression destinees a fonctionner en base et constitutes de deux turbines a combustion associees a deux chaudieres de recuperation et une turbine a vapeur. Les evaluations ont ete effectuees en monnaie de 1995, transformers dans le tableau 5.10 en euros de la meme annee. Deux taux d'actualisation ont ete utilises, qui sont en termes reels : - 8 %, valeur edictee par le Commissariat general du plan ;
120
L'economie de I'gnergie nucleaire
- 5 %, valeur proche des taux d'interet reels de long terme, et jusqu'alors frequemment utilisee a I'etranger et dans les comparaisons Internationales. Le cout d'investissement de reference pour le nucleaire correspond a une moyenne entre la premiere et la deuxieme paire d'un site a quatre unites considere lui-meme comme une moyenne entre un site en bord de riviere et un site en bord de mer. Enfin, de facon normative, on a retenu un programme de 10 unites realise a raison d'une unite par an. EDF a donne une estimation de Fmo de 11 % et de Fdm de 15 %. Dans le cas du cycle combine au gaz, par rapport aux realisations actuelles, il est tenu compte de progres attendus dans la construction et d'une diminution des couts. La valeur estimee de Fmo est 7 %. L'effet de serie est mis en evidence par le fait qu'en reduisant un programme nucleaire a quatre unites, le cout d'investissement est augmente d'environ 15 %, soit 1940 et 1 796 €/kWe pour des taux d'actualisation respectifs de 8 et 5 %.
5.5.2. Dans le monde Des estimations de couts economiques de production d'electricite dans le monde sont realisees par I'agence pour I'energie nucleaire (AEN) de I'OCDE. Les donnees sont fournies par chacun des pays interesses, OCDE et non-OCDE. Le cadre methodologique est le meme pour tous ; deux taux d'actualisation sont systematiquement pris en compte, 5 et 10 %. Les calculs sont effectues par I'AEN. La difficulte, deja signalee, des comparaisons Internationales de couts de construction est la conversion des monnaies nationales en une monnaie commune, en I'occurrence le dollar americain. La methode qui a priori paraTt la plus pertinente est celle basee sur les parites de pouvoir d'achat entre pays, mais elle n'est par exempte de difficultes lorsqu'il s'agit d'apprecier par des deflateurs les couts relatifs a des importations de materiaux, equipements et services. L'etude de I'AEN adopte la solution la plus simple, qui utilise les taux de change entre le dollar et les monnaies nationales observes a une meme date, celle de la reference donnee pour le dollar. Toutefois, il faut etre conscient que ce precede peut entramer des distorsions surtout s'agissant de pays non-OCDE ou le taux de change est en general loin de refleter la parite de pouvoir d'achat et est susceptible de fortes variations. La derniere etude date de 1998 (AEN, 1998). Elle concerne des unites a mettre en service en 2005. Les couts sontexprimesen dollars americains du 1er juillet 1996. Le tableau 5.11 presente un certain nombre de couts specifiques de construction et d'investissement obtenus dans cette etude. II illustre leur grande variete qui resulte des differences de conception des reacteurs, de maturite des projets (eprouves ou en developpement) et de tous les facteurs lies a leur construction (§ 5.2). II met aussi en evidence les ecarts importants dus au seul emploi de deux taux d'actualisation dans le calcul des couts d'investissement. Toutefois, dans le cas du Bresil, I'ecart est faible : la raison en est qu'un
5 - Gout d'investissement
121
cout de renovation important est pris en compte dans le cout d'investissement et que sa valeur actualisee est reduite pour un taux d'actualisation eleve du fait de I'occurrence tardive de cette depense par rapport a la MSI. Dans le cas des Etats-Unis, ce meme effet est accentue au point que I'investissement calcule avec un taux de 10 % est legerement inferieur a celui calcule avec un taux de 5 %. Les variations frequentes des taux de change font que toutes les comparaisons Internationales, comme celles presentees au tableau 5.11, sont susceptibles de se modifier periodiquement. Tableau 5.11. Gouts specifiques de construction et d'investissement de centrales nucleaires a mettre en service en 2005 ($1996/kWe).
Pays Nb.
Puiss.
Bresil
1 X
1229
Canada
2x
Chine Coree (Rep. de)
Cout d'investissement
Unites
Cout de base Type
Taux d'actualisation 5 %
10%
REP
1550
2275
2359
881
CANDU
1518
1878
2053
2 x
935
REP
1458
1959
2432
2x
665
CANDU
1353
1809
2171
1 X
1000
REP
1637
1924
2260
Espagne
1 X
1000
REP
2169
2540
2957
Etats-Unis
1 X
1300
REP
1441
2079
2065
Finlande
1 X
1000
REB
2256
2516
2672
France
1 X
1460
REP
1636
1988
2280
Inde
2x
455
CANDU
1840
2191
2457
Japon
1 X
1303
AREB
2521
2848
3146
Russie
1 X
604
VVER
1521
2155
2448
1
^ors inventaire eau lourde.
Pour les centrales nucleaires dans les pays de I'OCDE, la gamme des couts de base s'etend de moins 1500 $/kWe (pour un modele de reacteur en projet aux Etats-Unis) a plus de 2000 $/kWe en Finlande, au Japon et en Espagne pour des modeles aujourd'hui disponibles. Hors de I'OCDE, elle va de 1550 $/kWe au Bresil a 1840 $/kWe en Inde. Pour les centrales au charbon dans I'OCDE, les couts de base se situent pour la plupart entre environ 1000 et 1350 $/kWe. La valeur la plus basse est au Canada (837 $/kWe pour quatre unites de 750 MWe sur un meme site) ; la plus haute au Japon et au Portugal (2000 $/kWe). Hors OCDE, la gamme est plus etroite, de 772 a 1260 $/kWe. Pour les centrales a cycle combine au gaz, dans tous les pays, le cout de base reste en general inferieur a 800 $/kWe.
122
L'economie de I'energie nucleaire
5.5.3. Cas des centrales nucleaires de petite et de moyenne puissance Parmi les nombreux projets envisages de reacteurs de petite et de moyenne puissance, seuls quelques uns ont fait I'objet d'une evaluation de leur cout de construction. On ne retient ici que les plus significatifs. Aux Etats-Unis, ('Electric Power Research Institute (EPRI) n'envisage pas de reacteurs d'une taille inferieure a 600 MWe. En 1990, il affichait un objectif pour les reacteurs a eau ordinaire de puissance moyenne (600 MWe) integrant des dispositifs de surete passive : abaisser leur cout de construction a moins de 1475 $/kWe (en dollars de 1989) (AEN, 1991). Cette contrainte economique etait alors prise en reference a une centrale a charbon. Le modele SBWR (Simplified Boiling Water Reactor) propose par General Electric en association avec ('Industrie japonaise, etait annonce dans une etude preliminaire a un cout de construction inferieur a 1250 $/kWe, pour une duree de construction (du premier beton au chargement de combustible) de 30 mois (AEN, 1991). Le modele AP600 (Simplified Passive Advanced Ligth Water Reactor), etudie par Westinghouse, etait alors caracterise par un cout de construction de 1300 $/kWe. Apres 10 ans de developpement et apres approbation des autorites de surete americaines, ce concept approche de la competitivite avec les cycles combines a gaz dans le contexte du Royaume-Uni (Hesketh, 2001). II s'agit d'une centrale nucleaire de quatre unites AP600 totalisant 2560 MWe. Le cout de construction est estime a 1256 $/kWe (en dollars de 1999), et la duree de construction pour I'ensemble a 6 ans. Mais le cout d'investissement sera tres dependant du taux d'actualisation qu'adopteront les compagnies privees dans le contexte de liberalisation du marche de I'electricite. II en est de meme, par voie de consequence, de la competitivite avec les centrales a cycle combine a gaz ; celle-ci serait atteinte pour un taux d'actualisation de 8 % dans le cas d'une hypothese basse du prix du gaz et en I'absence d'une taxe sur les emissions de carbone. Parmi les reacteurs de petite puissance, on peut retenir a titre d'exemple les concepts HTR et SMART : - le concept HTR modulaire, etudie par Siemens entre autres, se presente sous la forme d'un reacteur de 200 MWth ou 80 MWe, destine a la co-generation ou pouvant constituer sur un meme site une centrale de 640 MWe en huit unites. L'etude economique preliminaire (AEN, 1991) montre tout I'interet de I'effet de serie pour ces petits reacteurs, ainsi que I'effet de taille. Dans le contexte de 1'Allemagne de 1990, on estimait le cout specifique de base a 2360, 1790 et 1390 $/kWe, en dollars de 1989, selon que la centrale se compose de 2, 4 ou 8 modules de serie. Par ailleurs, une augmentation de puissance de 200 a 250 MWth par module etait estimee devoir reduire ce cout de 10 %. - Le concept SMART (System-integrated Modular Advanced Reactor), developpe par la Republique de Coree, est destine a la production d'electricite, au chauffage urbain ou au dessalement. II est base sur la technologie REP adaptee a un reacteur de 330 MWth
5 - Gout d'investissement
123
(ou 100 MWe ou encore 40000 m3/jour d'eau potable). Le cout de construction pour une unite isolee serait de 2440 $/kWe en dollars de 1999, mais I'effet d'apprentissage et la construction en serie devrait abaisser ce cout a 2000 $/kWe. Ainsi, avec un taux d'actualisation de 8 % et un facteur de disponibilite de 90 %, la competitivite de SMART serait assuree, dans le contexte coreen, avec les centrales a cycle combine au gaz. Dans ces memes conditions, le cout de dessalement serait de 0,78 $/m3, se situant ainsi dans la gamme des couts internationaux (Lee Man Ki, 2001).
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
6
cOUTS D'EXPLOITATION
et d'entretien
Les couts d'exploitation et d'entretien couvrent toutes les depenses afferentes au fonctionnement d'une centrale electrogene a I'exclusion des charges financieres resultant de son investissement et des frais de combustible. Au sein d'une meme compagnie, la composition des couts d'exploitation presente des particularites en raison des specificites techniques de chaque type de centrale, notamment celles liees a la technologic nucleaire. D'un pays a I'autre, si I'essentiel de cette composition demeure, les regies nationales peuvent entramer des differences sur des points particuliers comme la prise en compte ou non de taxes et d'assurances propres aux installations electrogenes, ou encore les depenses de renovation ; ces dernieres, de par leur importance dans la politique de gestion de la duree de vie des centrales nucleaires, font I'objet d'un examen particulier.
6.1. Composition des couts d'exploitation 6.1.1. Composantes communes a toute unite electrogene Sexploitation, ou encore I'exploitation et I'entretien (en anglais, « Operation and Maintenance », O&M) comporte les postes suivants : - exploitation. Les depenses de ce poste consistent essentiellement dans les salaires et les charges sociales des equipes regulierement affectees a I'exploitation de ('unite electrogene ; on y inclut parfois ceux des equipes d'intervention en cas d'indisponibilite fortuite. S'y ajoutent le suivi de la formation du personnel et la surveillance sanitaire ; - matieres consommables. Leur depense est imputable a la production, par exemple dans le cas du charbon les adjuvants pour le traitement des fumees, et dans le cas du nucleaire les absorbants et les catalyseurs utilises dans la gestion des emissions, ou encore I'appoint d'eau lourde des reacteurs CANDU ; - entretien ou maintenance. Les depenses d'entretien sont de nature diverse : • salaires et charges sociales des equipes d'entretien de la centrale ; • fonctionnement des ateliers techniques et du magasin de pieces de rechange ; • fourniture d'outillage et materiels divers ; • contrats d'entretien passes a des societes exterieures ;
126
L'economie de I'energie nucleaire
- assistance d'ingenierie. Cette assistance vient appuyer les equipes techniques de la centrale pour toutes les questions relevant du controle et de la surete des installations, des ameliorations des performances, de la prevention des indisponibilites, etc. ; - securite. II s'agit des depenses relatives a la protection du site, notamment a la protection centre incendie et a la protection contre les actions terroristes, et incluant frais de personnel et de materiel ; - administration. II s'agit de la gestion du personnel, celle des contrats et des achats, du controle des couts. S'y ajoutent les depenses de relations publiques ; - services centraux. Les depenses generales des services centraux et regionaux sont reparties sur I'ensemble des unites de production de la compagnie d'electricite ; - impots et taxes. La prise en compte de tout ou partie des impots et taxes propres a I'unite electrogene s'effectue differemment d'un pays a I'autre, et les montants correspondant peuvent varier sensiblement; - assurance. Le montant des assurances depend du type de centrale, et des regies en vigueur dans chaque pays (§ 14.5.4) ; - gestion et evacuation des dechets d'exploitation. II s'agit pour le charbon de I'evacuation des boues de desulfuration et de la mise en decharge des boues ammoniaquees ; pour le nucleaire, du traitement et de I'evacuation des dechets radioactifs (generalement de faible activite) resultant du fonctionnement.
6.1.2. Composantes propres aux centrales nucleaires Le fonctionnement d'un reacteur nucleaire necessite trois activites supplementaires qui sont : - surveillance du site. Cette activite inclut le programme d'assurance qualite, le controle de I'application des regies de radioprotection, la surveillance radiometrique des installations et du site ; - surete. II s'agit de la fourniture de tous les documents et les analyses necessaires aux autorites de surete, et de la preparation des inspections reglementaires ; - garanties. Cette activite consiste a effectuer en permanence les controles et a etablir la documentation concernant la gestion des matieres nucleaires pour satisfaire aux accords de garanties de non-proliferation signes par les pays avec I'AIEA.
6 - Gouts d'exploitation et d'entretien
127
6.2. Gouts d'exploitation des centrales nucleaires 6.2.1. Structure des couts d'exploitation La repartition des depenses d'exploitation est loin d'etre identique d'un type de centrale a I'autre et d'un pays a I'autre pour les multiples raisons indiquees ci-dessus. Par ailleurs, peu d'informations sont publiees sur ce sujet. Trois observations de caractere general sont a mentionner : - la majeure partie des depenses d'exploitation, generalement entre 70 et 80 % du total, est constitute de salaires et charges sociales soit du personnel appartenant a la centrale, soit du personnel de societes d'intervention dans la maintenance. Le personnel de la centrale en represente lui-meme les deux tiers environ. C'est dire I'interet de connaTtre le nombre de personnes employees dans les centrales nucleaires et les facteurs qui en determinent les variations (§ 6.2.2) ; - les depenses de maintenance se partagent entre la maintenance corrective qui doit faire face a I'usure du materiel et ses avaries, et la maintenance preventive effectuee pour reduire I'usure, differer les avaries et prolonger la duree de vie des installations. La maintenance preventive resulte en principe d'un optimum economique entre les depenses qui lui sont affectees et le cout des defaillances de la centrale, sans perdre de vue qu'elle participe aussi au maintien du niveau general de la surete. Deux ratios sont utilises pour situer le montant annuel des depenses de maintenance (Mercier, 1992). Dans leur totalite, celles-ci sont donnees en pour-cent du cout de construction de la centrale ; pour le pare REP francais, ce ratio s'est eleve de 1,6 % en 1984 a 2 % en 1989, traduisant une croissance normale pour un pare jeune. La part de maintenance preventive dans cette meme periode s'est situee aux environs des deux tiers des depenses totales de maintenance, I'objectif d'EDF etait de le rapprocher de 50 % ; - la quasi-total ite du cout d'exploitation correspond a des depenses fixes, ce qui est coherent avec ce qui precede sur le cout du personnel. Une petite partie incluant une part des fluides et matieres consommables est proportionnelle a la production d'electricite ; la depense d'eau lourde d'appoint des reacteurs CANDU, pouvant s'elever a 10 % environ des couts d'exploitation, fait exception.
6.2.2. Personnel des centrales nucleaires Le nombre de personnels dans I'effectif d'une centrale nucleaire est done I'indicateur le plus important dans I'estimation du cout d'exploitation. Le parametre pertinent a cet egard est le nombre d'agent rapporte au MWe. II varie largement en fonction de la puissance nominale de I'unite comme I'indique la figure 6.1. L'amplitude de cet effet de taille s'etend de 0,25 agent/MWe environ pour les centrales de grande puissance a 0,7 ou 0,8 agent/MWe pour les petites centrales. Cette variation inversement proportionnelle
128
L'economie de /'energie nucleaire
Figure 6.1. Variation du nombre d'agents par MWe dans les centrales nucleaires.
a la puissance s'explique en considerant qu'un nombre important de postes doivent etre pourvus quelle que soit la taille du reacteur. Toutefois, I'importance des equipes d'exploitation et du personnel de maintenance depend de la taille, par exemple du nombre de boucles dans les reacteurs a eau. L'effet de taille sur le nombre d'agents ne se mesure bien en fait qu'au sein d'un meme pays. En effet, le decompte du personnel varie souvent selon que I'on inclut ou non le personnel auxiliaire ou d'entreprises exterieures d'intervention, ou encore de services centraux. Par ailleurs, dans certains pays en voie de developpement, I'effectif est amplifie pour tenir compte d'une moindre productivite pendant la periode d'apprentissage et de transfert de technologic. Les facteurs, qui influent sur le nombre de salaries dans les centrales nucleaires, sont a ('evidence de meme nature que ceux mentionnes a propos des couts de construction : non seulement I'effet de taille que montre la figure 6.1, mais encore I'effet de duplication d'unites sur un meme site. Ce dernier point est illustre par une etude relative a des reacteurs du modele CANDU6 (AIEA, 2001) dont les principaux resultats sont indiques dans le tableau 6.1 ; le nombre d'agents par MWe passe de 0,7 pour la premiere unite a 0,46 pour la deuxieme, et a 0,58 pour I'ensemble d'une paire. Get exemple montre la grande variabilite de ce parametre en fonction du nombre d'unites identiques implantees sur un site. Get effet est encore plus accentue s'il s'agit de reacteurs modulaires, tous les services auxiliaires etant mis en commun. Le projet de reacteurs PBMR (Pebble Bed Modular Reactor, reacteur modulaire a haute temperature) de 110 MWe prevoit une reduction tres importante du nombre d'agents par MWe : pour 10 modules, il n'est plus que 14 %
6 - Gouts d'exploitation et d'entretien
129
Tableau 6.1. Personnel prevu dans les centrales CANDU6 (670 MWe).
Fonction
1 re unite
2e unite
Paire
Direction
13
4
17
Magasins
16
6
22
Production
82
75
157
148
113
261
Combustible
21
19
40
Chimie
16
10
26
Support technique
59
45
104
Surete
10
1
11
Administration
35
11
46
Securite
21
0
21
Formation
18
9
27
8
2
10
20
11
31
467
306
773
Entretien
Assurance qualite Sante Total
de celui d'un module unique, pour 20 modules, 12,5 %. De meme, le projet GT-MHR (Gas Turbine-modular Helium Reactor, reacteur a haute temperature modulaire developpe par General Atomics) indique une valeur de 0,63 agent/MWe pour un seul module de 262 MWe, et 0,23 pour un ensemble de quatre modules, valeur rejoignant celle relative aux reacteurs de grande puissance (AIEA, 2001).
6.2.3. Facteurs influengant les couts d'exploitation Les facteurs, influengant les couts d'exploitation et sur lesquels il est possible d'agir afin de les reduire, sont les memes que ceux evoques dans I'analyse du cout de construction. L'effet de taille et I'effet de duplication des unites sur un site s'appliquent a la totalite des depenses fixes d'exploitation, a I'instar de I'examen ci-dessus du nombre de salaries. L'effet de serie et de standardisation se fait sentir sur de nombreux postes de ('exploitation. L'inventaire des pieces de rechange est optimise sur ['ensemble des unites d'une meme serie. Get effet est surtout sensible pour les gros composants, comme les alternateurs. La mise au point des procedures d'entretien et des outils adaptes est etablie sur I'ensemble de la serie. La formation du personnel voit son cout reduit par une meilleure rentabilite du materiel associe comme les simulateurs d'exploitation et, pour les equipes de maintenance, les maquettes d'entramement ; ces dernieres sont d'ailleurs d'autant plus rentables qu'elles permettent en retour de mettre au point des techniques et des
130
L'economie de I'energie nucleaire
procedures ameliorees, capable de reduire notamment les temps d'intervention de changement de combustible, d'inspection et d'entretien courant, et de reduire simultanement I'exposition du personnel. Dans ce meme ordre d'idees, le retour d'experience portant sur des premieres avaries de nature generique survenues sur un materiel permet de gagner du temps lors des interventions ulterieures sur les autres unites de la serie, done de diminuer le cout global de maintenance. Enfin, les equipes exterieures a la centrale, specialisees dans certaines operations lors des arrets programmes, peuvent etre rationnellement utilisees sur Tensemble des unites d'une serie de reacteurs. Le concept de la centrale, en particulier de son reacteur, est un facteur qui entre dans ('analyse des differences observees dans les couts d'exploitation. La facilite d'acces des composants, I'espace et le materiel de manutention prevus pour la maintenance sont des elements influencant indirectement les couts de maintenance. Les concepts simplifies, comme celui de I'AP600, caracterise par un nombre reduit de composants par rapport a un concept classique, reduisent correlativement les activites de maintenance et d'inspection. Par exemple, dans TAP600 par rapport a un REP600 MWe a deux boucles, la reduction projetee de 50 % de la robinetterie, de 35 % des pompes, de 80 % de la tuyauterie de la classe de surete, de 70 % de cablage, devrait diminuer de 36 % le personnel de la centrale et done le cout d'exploitation dans une proportion similaire. L'effet de taille, defavorable aux centrales nucleaires de 600 MWe, se trouverait ainsi partiellement compense.
6.2.4. Calcul du cout d'exploitation L'experience tiree des comptes d'exploitation des centrales electrogenes permet d'evaluer les nombreuses composantes du cout d'exploitation et leur eventuelle derive en termes reels. Elle permet de determiner la part fixe de ce cout et la part proportionnelle a I'energie produite. Certaines derives peuvent etre positives. Les salaires sont susceptibles d'augmenter en monnaie constante sur le long terme au fur et a mesure que s'eleve le niveau de technicite du personnel. Les besoins de maintenance s'accroissent avec I'age des installations, mais les couts correspondant peuvent ne pas augmenter au meme rythme en raison des progres escomptes de la technologic, notamment dans la surveillance en marche des composants et la maintenance preventive. Parfois on integre un poste de maintenance exceptionnelle en prevision d'avaries generiques, surtout dans le cas de reacteurs de type nouveau. D'autres derives sont negatives. L'experience a montre une diminution des couts de gestion des dechets de centrales nucleaires par reduction de volume. Des economies d'echelle liees a la croissance de la production d'electricite tendront a diminuer les frais generaux des services centraux affectes a chacune des unites. Le detail des etudes previsionnelles effectuees par I'exploitant n'est jamais public. Les compagnies d'electricite donnent I'une ou I'autre de ces deux evaluations :
6 - Gouts Sexploitation et d'entretien
131
- soit une evaluation des depenses annuelles d'exploitation lors de la premiere annee de fonctionnement et une derive, reguliere ou non, de ces depenses sur la duree de vie de la centrale. On est ainsi en mesure de calculer la valeur annuelle Mn a I'annee n des depenses fixes d'exploitation, et la somme actualisee de ces depenses M telle qu'elle apparatt dans la formule (1 7) du paragraphe 4.5.3 ; - soit la valeur moyenne actualisee M* des depenses fixes annuelles d'exploitation, resultant de la formule (18). Le total des depenses actualisees d'exploitation fixes et proportionnelles, est donne par la formule (19).
6.3. Valeurs des couts d'exploitation des centrales electrogenes La plupart des considerations generales sur la structure des couts d'exploitation des centrales nucleaires et sur les facteurs qui les influencent s'appliquent, avec une pertinence relative, aux centrales a combustible fossile. Les valeurs donnees ici permettent, sans plus, la comparaison des ordres de grandeur des couts d'exploitation des centrales nucleaires, des centrales au charbon ou a gaz. Les ecarts observes entre ces trois moyens de production sont des elements significatifs de leur competition.
6.3.1. En France L'etude des couts de reference DIGEC (DIGEC, 1997) donne les couts annuels moyens actualises suivants : - dans le cas du nucleaire, pour le modele N4 ameliore : 29,0 €/kWe-an + 0,76 m €/kWh valeurs ajustees a partir des depenses d'exploitation de la serie REP 1300 MWe ; - dans le cas du charbon, ou Ton distingue deux moyens de production, • pour la centrale a charbon pulverise avec traitement aval des fumees (CPFT) 600 MWe : 32.0 €/kWe-an + 2,20 m €/kWh (dont le traitement des fumees estime a 6,1 €/kWe-an + 1,10 m €/kWh) ; • pour la centrale a lit fluidise circulant (LFC) 400 MWe : 31.1 €/kWe-an + 1,80 m €/kWh (dont 0,5 m€/kWh pour le cout des adjuvants) ; - dans le cas du gaz, pour une centrale a cycle combine de 650 MWe : 9,9 €/kWe-an + 1,80 m€/kWh valeurs estimees a partir de I'analyse de pratiques etrangeres et de ('extrapolation de certaines valeurs observees pour les unites au charbon et au fioul en France, dont la part variable correspond ici aux depenses de maintenance et aux consommables.
132
L'economie de I'energie nucleaire
Quel que soit le type de centrale, on ajoute des frais generaux estimes forfaitairement a 10 % des depenses directes d'exploitation.
6.3.2. Dans le monde Dans differents pays OCDE et non-OCDE, les couts d'exploitation projetes des centrales nucleaires et des centrales a combustible fossile sont connus grace aux etudes de I'AEN. Les valeurs ci-dessous dans le tableau 6.2, sont un echantillon extrait de la derniere en date (AEN, 1998). Leur comparaison doit se faire avec les precautions signalees au paragraphe 5.5.2. Outre les facteurs influencant ces couts, d'autres causes supplementaires expliquent les ecarts observes pour un meme type de centrale : d'un pays a I'autre, la prise en compte de certains postes peut differer quelque peu - comme 11 est precise dans I'etude ; le montant de certains postes (taxes, assurances) est determine par les regies et pratiques comptables en vigueur dans chaque pays ; et surtout les niveaux de salaire sont nettement contrasted. Sauf indication contraire, ces valeurs sont donnees a la date MSI en 2005 et constantes par la suite. Tableau 6.2. Couts d'exploitation des centrales nucleaires dans le monde (MSI en 2005) ($01.07.1996/kWe-an).
Pays
1
Cout d'exploitation
Bresil
REP- 1 x 1229
42,761
Canada
CANDU - 2 x 6 6 5 CANDU-2 x881
54,94 38,82
REP- 2 x 935
39,97
CANDU -2 x 665
57,56 2
Espagne
R E P - 1 x 1000
52,95
Etats-Unis
REP- 1 x 1300
57,63
Finlande
REB- 1 x 1000
51,68
France
R E P - 1 x 1460
44,06
Japon
A R E B - 1 x 1303
Republique de Coree
R E P - 1 x 1000
62,44
Russie
VVER - 1 x 604
28,92
Chine
2
Type de reacteur puissance (MWe)
109,50
Croissant jusqu'a 72,15 $/kWe-an en 2045. Decroissant jusqu'a 40,61 $/kWe-an en 2025, et constant au-dela.
Les couts d'exploitation des centrales nucleaires, rapportes dans I'etude AEN, se situent pour les pays de I'OCDE, hormis le Japon, dans I'intervalle 39 et 62,5 $/kWe-an. Us sont pour la plupart moins eleves dans les pays non-OCDE, ou ils sont compris entre 29 et 43 $/kWe-an, hormis le CANDU en Chine.
6 - Gouts d'exploitation et d'entretien
133
Les couts d'exploitation des centrales au charbon dans les pays OCDE se situent entre 26 et 75 $/kWe-an ; hormis encore le Japon (81 $/kWe-an). Cette gamme recouvre nettement celle des centrales nucleaires ; la dispersion plus grande de ces couts s'explique par la diversite des techniques de depollution des fumees et des reglementations nationales en vigueur pour la protection de I'environnement. Dans les pays non-OCDE, ils sont generalement plus faibles que dans les pays OCDE et sont compris entre 17,5 et 36 $/kWe-an. Les couts d'exploitation des centrales a cycle combine a gaz sont beaucoup plus disperses, de 6 a 50 $/kWe-an, hormis la Finlande (70 $/kWe-an), dispersion due notamment a leur caractere modulaire. A titre indicatif, I'ordre de grandeur du ratio des couts d'exploitation annuel au cout de base de la centrale se situe ainsi dans les pays de I'OCDE (hors valeurs extremes) : - 3,2 % pour les centrales nucleaires ; - 3,7 % pour les centrales au charbon ; - 3,2 % pour les centrales a cycle combine a gaz.
6.3.3. Evolution des cputs d'exploitation des centrales nucleaires aux Etats-Unis Devolution des couts d'exploitation des centrales nucleaires aux Etats-Unis est pleine d'enseignements. A I'epoque de la croissance rapide du programme nucleaire aux EtatsUnis dans les annees 60 et jusqu'au debut des annees 70, I'espoir de voir les couts de production decrottre au fur et a mesure du remboursement des centrales a ete decu : I'une des raisons de cette deception a ete la croissance rapide des couts d'exploitation entre 1974 et 1984, lorsque ceux-ci sont passes de 26 a 95 $/kWe-an (en dollars de 1982), ce qui represente une augmentation annuelle de 14 %. Celle-ci est partiellement attribute a la croissance des salaires et des prix de certaines matieres, mais la principale raison fut les exigences de plus en plus fortes de la NRC (Nuclear Regulatory Commission, autorite de surete americaine), surtout apres ('accident de Three Mile Island. Les modifications techniques necessities par la mise en complete conformite des centrales avec les nouvelles regies de surete ont entrame des couts appeles « couts supplementaires d'investissement » mais integres aux couts d'exploitation. Ces couts supplementaires ont diminue a partir de 1984, contribuant a I'amorce de la baisse des couts globaux d'exploitation (Brodansky, 1996). En 1990, ils representaient encore 20 % des couts d'exploitation, et apres une baisse de 63 % en valeur mediane de 1990 a 2000, ils n'en representent plus que 10 %. Les couts d'exploitation proprement dits ont diminue de 16 % pendant cette meme periode (Rothwell, 2001). Cette baisse vient des efforts de I'industrie nucleaire pour se concentrer et se reorganiser. Les exploitants nucleaires alors au nombre d'une quarantaine pour 104 unites se regroupent : PECO se trouve maintenant a la tete d'un ensemble de 20 unites, et ENTERGY de 15 unites ; ces societes sont en mesure de tirer profit d'effets d'echelle et de standardisation dans les activites de maintenance par exemple.
134
L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 6.3. Cout de renovation en France sur la periode 1990-1996 (millions de $ 1997 par unite REP).
Gout par unite REP millions de $
Gout de fabrication en % du total
24,3
-33
100
40
Remplacement de couvercle de cuve
6
40 a 50
Faisceau de condenseur
12
-60
Rebobinage d'alternateur
7,3
50 a 60
Remplacement de corps de turbine BP (basse pression)
42
-80
3
-15
Remplacement des tubes-guide
1,3 a 5
-15 a 65
Amelioration de la manutention du combustible
1,5
-90
Amelioration des moyens de levage
1,7
-20
-6,5
-60
Activite de renovation Gouts periodiques Programme de la premiere revision decennale Gouts non-periodiques Remplacement de generateur de vapeur
Support de tuyauterie
Amelioration de la protection incendie
6.4 Couts de renovation des centrales nucleaires II y a plusieurs motivations possibles aux renovations entreprises ou envisagees dans les centrales nucleaires : mise en conformite avec la reglementation qui evolue, extension de la capacite de production, amelioration des performances de production, amelioration de la surete, diminution de I'exposition du personnel et de ('impact sur I'environnement, accroissement de la viabilite economique des installations. C'est dire la diversite des activites de renovation et des couts qui leur sont associes et la difficulte d'en effectuer une synthese. D'autant que les depenses dependent du type de la centrale en question, de son age et de la reglementation en vigueur (AEN, 1999).
6 - Gouts d'exploitation et d'entretien
135
D'une facon generale, le programme de renovation des centrales nucleates entrepris par une compagnie d'electricite, quelle qu'en soil la finalite, augmentation de capacite et de performance, ou augmentation de la viabilite des installations, s'inscrit dans la perspective de I'accroissement de la demande d'energie ; il correspond a un investissement avantageux compare a d'autres moyens de production, et de ce fait, il contribue a ameliorer le cout moyen de production de I'electricite. Le cout de renovation est integre le plus souvent dans le cout d'exploitation etant donne ('aspect de maintenance corrective ou preventive des activites en question. Mais parfois, aux Etats-Unis ou ailleurs, il est integre dans le cout d'investissement previsionnel en raison du caractere non periodique de certaines operations et du montant eleve des depenses. Le tableau 6.3 indique les couts de renovation observes en France sur la periode 1990-1996, exprimes en millions de dollars de 1997 par unite REP. L'effet de serie est particulierement significatif s'agissant de ('operation couteuse du remplacement des generateurs de vapeur. Le cout unitaire de remplacement est relatif a une serie de 36 generateurs de vapeur pour lesquels on utilise les memes outils speciaux sans adaptation particuliere, les memes maquettes d'entramement, le meme dossier de mise en ceuvre generique ; ce cout inclut les frais de developpement des outils speciaux et la formation des equipes.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
7
Cout du combustible
7.1. Cout du combustible nucleaire 7.1.1. Specificite du cout du cycle du combustible nucleaire Le calcul du cout du combustible nucleaire n'est pas simple compare a celui du cout des combustibles fossiles. II reflete, en effet, la complexite de ce qu'on appelle le cycle du combustible : la suite des processus industriels aboutissant a la fabrication des assemblages combustibles (ramont du cycle), le sejour de ces derniers dans le reacteur et les divers traitements qu'implique leur gestion apres dechargement du reacteur (I'aval du cycle). Chaque etape du cycle necessite un certain delai correspondant au processus industriel, au transport des matieres et a leur stockage eventuel avant I'etape suivante. Par simplification, on suppose generalement dans les calculs economiques que le paiement des prestations afferentes s'effectue a la date de chacune des etapes. Les delais successifs constituent une longue periode de temps, quelques dizaines de mois avant le chargement d'assemblages neufs dans le reacteur, quelques dizaines d'annees apres dechargement de ces memes assemblages une fois utilises, leur sejour en reacteur durant quelques annees. Les depenses relatives au cycle s'echelonnent en paiements discontinus au long de cette periode, soit pendant I'amont du cycle, soit pendant I'aval, alors que la production d'energie s'effectue de facon continue pendant le sejour en reacteur. L'asynchronisme entre les depenses du combustible nucleaire et la production d'energie implique le recours au calcul d'actualisation. La complexite du calcul du cycle vient aussi des caracteristiques physiques du combustible : quantite, composition isotopique en elements fissiles et fertiles, taux de combustion. Dans le cas des reacteurs a eau ordinaire, ou le combustible est renouvele par recharges, ces caracteristiques evoluent pour des raisons de neutronique entre les lots constituant la premiere charge, les premieres recharges et les recharges a I'equilibre. De meme, les dernieres recharges avant Parret definitif font I'objet d'une gestion particuliere. Tous ces lots peuvent ne pas etre uniformes sur Pensemble du cceur ; I'introduction des
138
L'economie de I'energie nucleaire
assemblages MOX (combustible oxyde mixte, uranium/plutonium) en fournit un exemple, mais c'est la gestion du combustible REB qui presente le plus de complexite. Une autre specificite du combustible nucleaire est la necessite de disposer des la premiere divergence du reacteur d'une charge initiale de combustible. Celle-ci constitue un investissement de fait, mais elle est integree normalement dans le calcul du cout du combustible avec les caracteristiques et les delais amont qui lui sont propres. II en resulte une particularity inherente aux depenses actualisees du combustible nucleaire, qui sera etudiee au paragraphe 7.1.7 ; celles-ci se decomposent toujours en une partie fixe et une partie proportionnelle a I'energie fournie. A ('evidence, la complexite du calcul du cout du cycle du combustible nucleaire impose un traitement informatique, qui donne aisement la structure du cout, la partition en cout fixe et cout proportionnel, et qui facilite les etudes de sensibilite aux prix des matieres premieres et des services, au taux d'actualisation ou encore au mode de gestion de la partie aval du cycle. Toutefois, dans la suite du chapitre, plusieurs exemples simples de calculs formels ou numeriques apporteront un eclairage utile.
7.1.2. Mode de calcul du cout de cycle du combustible nucleaire Le calcul du cout du cycle se conduit en plusieurs etapes, decrites ci-dessous, accompagnees des definitions et notations necessaires. • La gestion du combustible dans le reacteur determine la structure du calcul. En premier lieu, elle donne le mode de renouvellement du combustible : renouvellement continu dans les reacteurs CANDU, ou renouvellement par fraction de cceur lors d'arrets periodiques pour les reacteurs a eau ordinaire. La fraction de cceur \/p, generalement utilisee dans les reacteurs REP, est 1/3 ou 1/4. La figure 7.1 presente les gestions mises en oeuvre dans le programme REP en France en 2000. • La duree d'un cycle d'irradiation Tcy, dans le cas d'un renouvellement discontinu, est la periode ecoulee entre deux renouvellements successifs du combustible. Pour la commodite des calculs qui suivent, elle est exprimee en annees (en nombre fractionnaire au besoin). Elle peut varier selon les chargements successifs : d'abord les divers lots composant la premiere charge, puis les recharges transitoires jusqu'aux recharges d'equilibre. Pour le regime a I'equilibre et un fonctionnement du reacteur en base du diagramme de charge du reseau, la duree du cycle, notee Tcy(b), est une donnee a la fois du combustible et du fonctionnement du reacteur. En fait, la duree d'un cycle Tcy relatif au regime a I'equilibre depend de la duree d'appel dn de I'unite nucleaire par le reseau (§ 4.5.2). Done Tcy = Tcy(dn). La duree annuelle dn est susceptible de varier d'une annee a I'autre selon la gestion d'ensemble du pare nucleaire.
7 - Cout du combustible
139
Figure 7.1. Gestion du combustible dans le pare nucleaire francais en 2000.
La duree d'utilisation du combustible en equivalent d'heures a pleine puissance pendant un cycle est notee Hepp. Elle est constante quelle que soit la duree du cycle Tcy(dn), car elle correspond a la meme quantite d'energie thermique produite pendant chaque cycle a I'equilibre. Elle vaut :
car pour Tcy(b), dn = 8760 heures/an. • En partant de la date de premier couplage au reseau, on etablit, grace aux valeurs successives Tcy des cycles, la chronologic des renouvellaments de combustible pendant la duree de vie economique. Cette derniere doit d'ailleurs etre ajustee de facon a ce que le nombre entier de cycles Ncy corresponde a une duree qui approche au mieux par exces sa valeur nominale. Dans le cas ou des unites du pare nucleaire sont susceptibles de fonctionner hors de la base pendant une partie de leur vie, la chronologie des renouvellement doit etre determinee pour chaque unite ; les valeurs dn , qui les sous-tendent, resultent d'un modele informatique de simulation, annee apres annee, de la gestion de ('ensemble du pare en fonction de revolution de sa composition et de Devolution du diagramme de charge annuel (§ 2.2.2. et 2.3.1). • Le taux de combustion 9, ou de facon plus correcte la combustion massique, est I'energie thermique moyenne fournie par le combustible pendant son sejour dans le reacteur, rapportee a la tonne d'uranium contenu, et exprimee en megawatt-jour par
140
L'economie de I'energie nuc/ea/re
tonne (MWj'/t). Le temps de sejour dans le reacteur correspond au nombre de cycles p, et vaut p x Tcy(b) si Ton se refere a un fonctionnement en base. La valeur de 6 est limitee par des contraintes techniques, par des exigences de la surete ou encore par des conditions imposees par la gestion de I'ensemble du pare. Elle est directement liee a la valeur de Hepp :
ou Pe est la puissance nominale nette de I'unite en MWe, Pf/, la puissance thermique du cceur en MWth, et p le rendement thermique global de 1'unite, tel que :
Mp etant la masse d'uranium contenu dans la recharge. D'ou la relation suivante en utilisant (27) :
• La chronologie des depenses du cycle du combustible s'etablit a partir de celle des chargements dans le reacteur pour ce qui est de I'amont du cycle, et, compte tenu de la duree du sejour en reacteur, de celle des dechargements pour ce qui est de son aval. A cette fin, on dispose, pour chaque etape s du cycle, d'un delai en amont compte a partir de la date de chargement pour les etapes amont, et d'un delai en aval a partir de la date de dechargement pour les etapes aval. En general, les delais amont relatifs a la premiere charge sont plus longs que ceux des recharges. L'unite de temps utile a cet effet est le mois, la semaine etant sans doute d'une precision illusoire pour les etudes economiques. Dans la partie amont, les etapes considerees sont : - I'obtention de ('uranium nature! sous la forme commerciale d'U3O8 (§ 12.3) ; - la conversion de rU3O8 en UF4, puis en UF6 dans le cas de I'enrichissement (§ 12 .4) ; - I'enrichissement de I'uranium dans le cas de reacteurs REP et REB (§ 12.5) ; - la fabrication des assemblages combustibles (§ 12.6). Dans la partie aval : - le transport des assemblages uses vers le site d'entreposage (§ 13.2.1) ; - le retraitement du combustible dans I'option cycle ferme, ou son conditionnement dans le cas du cycle ouvert (§ 13.2.2 et 13.4) ; - le transport et le stockage definitif des dechets, que le cycle soit ouvert ou ferme (§ 13.5). • Les quantites physiques concernant les matieres et services nucleaires sont calculees, pour chacune des etapes du cycle, a partir des caracteristiques physiques des divers lots et recharges de combustible. Le detail des calculs est donne au paragraphe 7.1.3. Une attention particuliere doit etre portee aux unites employees, les habitudes pouvant
7 - Gout du combustible
141
changer d'un pays a I'autre. En France, dans la partie amont, les quantites sont exprimees en tonnes d'uranium naturel pour I'obtention de rU3O8 et sa conversion en UF6, en milliers d'UTS pour I'enrichissement, et en tonnes d'uranium enrichi pour la fabrication ; dans la partie aval, les quantites sont exprimees en tonnes de metal lourd contenu dans les assemblages uses, ou les cas echeant, en tonnes de plutonium ou tonnes d'uranium recuperees au retraitement. • Les couts unitaires des matieres et services sont fournis par les marches et les offres industrielles. Leur ordre de grandeur est donne dans les tableaux 7.1 a 7.5. Des ecarts observes d'un pays a I'autre s'expliquent par des ressources et disponibilites nationales et des conditions economiques particulieres. Eventuellement, on formule des hypotheses sur des derives en termes reels applicables aux couts unitaires. II est possible d'envisager une valeur d'opportunite au plutonium recupere au retraitement (§ 13.3.2). • Les depenses de combustible relatives a une etape s du cycle se caracterisent par : - la date t a laquelle chacune d'elles survient, determinee par la chronologie etablie precedemment et exprimee en annees ; - le cout unitaire de la fourniture a cette date t, precision necessaire dans le cas d'une derive ; - la quantite physique impliquee. La depense de combustible a I'etape s et au temps t est le produit de la quantite par le cout unitaire ; on la note Fst. Par commodite pour le calcul du kWh, on rapporte toutes ces depenses au kWe installe. • La valeur actuelle des depenses de combustible s'ecrit en se reportant aux notations des paragraphes 4.3.2 et 4.5.3 :
• Le cout moyen actualise du cycle du combustible CF s'obtient a partir du nombre d'heures actualise H defini au paragraphe 4.5.2, par la relation (15) :
7.1.3. Quantites de matieres et services du cycle du combustible Les quantites de matieres et de services relatifs au cycle du combustible sont determinees a deux fins : evaluer les approvisionnements et les productions de matieres nucleaires et les dechets associes ; et calculer les depenses de combustible. S'il s'agit de determiner de fagon precise les besoins et productions soit pour un reacteur donne, soit pour ('ensemble d'un pare, revaluation s'effectue a partir du nombre et des caracteristiques des assemblages. Dans le calcul economique, ou encore Devaluation des besoins d'un pare a long terme, il suffit de considerer les lots qui composent le cceur.
142
L'economie de I'energ/e nucleaire
Pour la partie amont, le calcul de ces quantites est base essentiellement sur les caracteristiques afferentes a I'usine de separation isotopique s'il s'agit d'uranium enrichi. Classiquement, ces caracteristiques sont indexees a I'aide des lettres p, f, wen raison de la terminologie anglo-saxonne : p (product) est relatif a ('uranium enrichit produit, /'(feed) a I'uranium d'alimentation, et w (waste) au rejet d'uranium appauvri. Les donnees necessaires sont : - pour un lot de combustible standard : • la masse d'uranium enrichi contenu, Mp ; • la teneur (en masse) d'enrichissement de cet uranium, ep. - pour les usines du cycle amont : • la teneur (en masse) de rejet de I'usine d'enrichissement, ew ; • les pertes eventuelles a la conversion, #2> et a 'a fabrication, /4 ; on doit preciser que la perte a la fabrication ne prend pas en compte le volant de fabrication. La quantite Mu d'uranium nature! a approvisionner est (§ 12.5.1) :
Avec :
ou 6f est la teneur de I'uranium d'alimentation. Si, comme c'est le cas general, ('alimentation de I'usine d'enrichissement est en uranium nature!, ef = 0,00711. II est a noter que les quantites d'uranium naturel sont commercialement exprimees en livres anglo-saxonnes (Ib) d'U3O8 ; un kilogramme d'uranium equivaut a 2,6 livres d'U308. La quantite d'uranium naturel a convertir est ainsi Mu. La quantite de services d'enrichissement 5, exprimee en U.T.S. lorsque Mu est exprime en kg, est donnee par la relation (32) (§ 12.5.1) :
ou Vx est une fonction sans dimension du taux d'enrichissement propre a chacune des entrees et sorties de I'usine, donnee par :
L'indice x devant etre remplace par les indices p, f et w. La quantite d'uranium fabriquee sous forme d'assemblages combustibles est Mp, exprimee en kg d'uranium enrichi contenu.
7 - Gout du combustible
143
Dans le cas d'un lot de combustible MOX, les donnees necessaires sont : - la masse de combustible MOX en metal lourd contenu, Mmox ; - la masse d'uranium appauvri, Muap ; - la teneur en plutonium equivalent, ePu (§ 1 3.3.2). Pour la partie aval, la quantite a laquelle se referent les services de transport, de retraitement et d'evacuation des dechets est la masse de metal lourd dechargee, c'est-adire Mp. Devaluation des quantites de matieres recuperees au retraitement est basee sur les caracteristiques du combustible use (§ 13.3) : - la masse d'uranium dechargee, M^ ; - I'enrichissement residue! de ('uranium decharge, e^ ; - la masse de plutonium total, MPu ; - la masse de plutonium fissile, MPuf; - les pertes d'uranium /6U et de plutonium total /6Pu au retraitement. Ces pertes ne sont pas a proprement parler des pertes, mais pour une grande part des ecarts entre les estimations calculees d'uranium et de plutonium des combustibles uses et les valeurs mesurees au retraitement ; dans la terminologie anglo-saxonne, elles sont denommees MUF (« material unaccounted for »). Les recuperations de matieres et services correspondent a : - une quantite d'uranium nature! Murt qui aurait ete necessaire pour obtenir une masse d'uranium enrich! au taux e^
avec ef= 0,00711 ; - une quantite d'UTS Srt qui aurait ete necessaire a enrichir cette meme masse Md d'uranium decharge, soit apres calcul
- une quantite de plutonium fissile qui est
7.1.4. Couts unitaires et delais du cycle du combustible La livraison et les paiements des matieres et des services relatifs a chaque etape du cycle resultent dans la realite de clauses commerciales complexes et confidentielles, que de toute facon il serait illusoire de vouloir traduire dans le calcul economique. Ce dernier est done bati comme on I'a vu sur un cout unitaire et un delai de livraison qui est suppose etre aussi celui du paiement.
144
L'economie de I'energie nucleaire
Dans le domaine de I'economie du combustible nucleaire, la situation qui s'est instauree dans les annees 90, peut etre caracterisee de la facon suivante. D'abord, ['Industrie du cycle dans sa partie amont, puis dans sa partie aval, a acquis la mattrise de ses precedes tant du point de vue technique que du point de vue economique. Les couts, qui en decoulent, sont stables et peu susceptibles d'evoluer a la hausse dans les decennies a venir d'autant que les installations industrielles resteront encore longtemps surcapacitaires. Seul I'uranium naturel releve d'un marche international (§ 12.3.3) et peut etre affecte d'une fourchette d'incertitude ou d'une derive positive selon les hypotheses devolution a long terme de son prix de marche. Ensuite, la liberalisation des marches dans le secteur du combustible nucleaire, puis dans le secteur electrique, a renforce le secret commercial pour cause de concurrence et tend a reduire la publication d'informations precises sur les couts unitaires du cycle. Toutefois, les ordres de grandeur de ces couts sont accessibles grace aux etudes Internationales publiees, comme AEN (1998 et 2002a). • Couts unitaires de I'amont du cycle Les couts unitaires de I'amont du cycle dans quelques pays sont donnes dans le tableau 7.1. Les ecarts observes proviennent comme toujours du manque de pertinence de ('utilisation des taux de change dans la transposition des couts, des conditions economiques et financieres propres a chaque pays, mais aussi des precedes utilises, des contraintes reglementaires, et encore des volumes mis en jeu. Tableau 7.1. Couts unitaires de I'amont du cycle en $ du 01.07.1996, evalues pour I'horizon 2005.
Etapes de I'amont du cycle Pays
Uranium $/kgU
Conversion $/kgU
Enrichissement $/UTS
Fabrication $/kgML
Canada
42
8
-
45
Etats-Unis
43
8
W2
258
France
65
8
97
288
RepubliquedeCoree
45
8
122
286
Source : AEN, 1998.
Le faible cout de fabrication au Canada s'explique par la conception des elements combustibles des reacteurs CANDU a I'uranium naturel. II est compense dans le cout actualise du combustible par le volume important de combustible fabrique necessaire au fonctionnement de ce type de reacteur (§ 12.6.1). En France, I'etude DIGEC (1997) donne les valeurs suivantes (tableau 7.2) pour un reacteur REP-N4 de 1450 MWe a mettre en service en 2005, en € equivalent de 1995.
7 - Cout du combustible
145
Tableau 7.2. Couts unitaires en France pour I'amont du cycle d'un reacteur REP-N4 de 1450 MWe a mettre en service en 2005, en monnaie de 1995.
Couts
Etape 1 . Uranium naturel
1
1
20-25 $/livre d'U3O8
2. Conversion
6,86 €/kg U
3. Enrichissement
76,22 €/UTS
4. Fabrication
304,9 €/kg U
Soit 39,69 a 64,4 €/kgU en supposant 1 $ = 5 a 6,5 FF.
Gouts unitaires de I'aval du cycle L'ordre de grandeur des couts unitaires de I'aval du cycle, valables dans la zone europeenne pour les reacteurs REP dans le cas des deux options, avec ou sans retraitement, est donne dans le tableau 7.3 extrait de I'etude AEN (1994). Tableau 7.3. Couts unitaires de reference pour I'aval du cycle REP en Europe (monnaie de debut 1991).
Etape
Couts (€/kgML)
Cycle avec retraitement - transport du combustible use - retraitement - evacuation des dechets vitrifies
50 720
90
Cycle sans retraitement - transport et entreposage
230
- enrobage et evacuation des assemblages
610
La meme etude montre la specificite du cycle aval des reacteurs CANDU au Canada : - transport du combustible use : 1 3 $/kgML ($ de debut 1991) ; - conditionnement et evacuation : 73 $/kgML. En France, I'etude DIGEC (1997) donne les valeurs suivantes (tableau 7.4) a prendre en compte pour I'aval du cycle pour un reacteur REP-N4, en € de 1995. - Estimation des credits au retraitement La valorisation des matieres et services recuperes au retraitement est tres dependante de I'usage que Ton en fait par la suite. La question sera examinee en detail au chapitre 13. - L'utilisation du plutonium implique que Ton prenne en compte sa composition isotopique (seuls les isotopes 239 et 241 sont fissiles) et son age (I'isotope 241 se
146
L'economie de I'energie nucleaire
desintegre en 241Am avec une periode de 14,4 ans). La valeur que Ton peut attribuer au plutonium depend essentiellement du bilan economique associe a son utilisation. S'agissant du combustible MOX dans les reacteurs REP, sa valeur est liee au cout de fabrication de ce type de combustible et a son taux de combustion envisage (voir chapitre 13). S'agissant de son emploi comme combustible de base dans les reacteurs a neutrons rapides (RNR), sa valeur resulte de ('economic globale de cette filiere. Aujourd'hui, dans I'etat de la technique et des conditions d'irradiation autorisees, on admet que la valeur du plutonium est nulle. Elle etait estimee a environ 15 $/gramme il y a 20 ans et 5 $/gramme il y a 10 ans. - La reutilisation de I'uranium de retraitement valorise son contenu en uranium naturel, calcule par (34), et en service d'enrichissement, calcule par (35). Toutefois, la valeur de cet uranium est diminuee par la presence d'uranium 236, cree pendant I'irradiation et fort absorbeur de neutrons. Par ailleurs, la presence d'isotopes 232 et 234 de I'uranium, dont les produits de filiation constituent d'importants emetteurs gamma, impose des protections speciales dans le processus de fabrication, done un surcout(§ 13.3.1). Comme ordre de grandeur de la valorisation de I'uranium de retraitement, il est commode de considerer a la moitie de leur valeur de marche I'uranium naturel ainsi recupere et le service d'enrichissement correspondant. Tableau 7.4. Couts unitaires en France pour I'aval du cycle d'un reacteur N4 a mettre en service en 2005, en monnaie de 1995.
Etape 5. Transport des assemblages uses
Cout (€/kgML)
50
6. Retraitement
760
7. Depenses preparatoires du stockage des dechets
125
8. Stockage definitif des dechets B
220
9. Stockage definitif des dechets C
150
• Les bornes superieures et inferieures de ('ensemble des couts unitaires observes dans le monde pour le cycle du combustible des reacteurs a eau ordinaire ont ete estimees dans I'etude AEN (2002a), et figurent dans le tableau 7.5. Certaines bornes inferieures prennent en compte les prix observes sur les marches spot. • Les delais relatifs aux parties amont et aval du cycle du combustible sont donnes a titre indicatif dans le tableau 7.6 pour les reacteurs REP et les reacteurs CANDU d'apres AEN (1994). Dans le cas de la livraison d'une premiere charge de combustible, il est necessaire d'ajouter a tous les delais relatifs a I'amont du cycle au moins 6 mois supplementaires.
7 - Gout du combustible
147
Tableau 7.5. Fourchette des couts unitaires du cycle du combustible des REO ($ de 2000).
Etape
Unite
Fourchettes
Achat cTuranium
$/kgU
50-200
Conversion
$/kgU
8-800
Enrichissement
$/UTS
80-1 20
Fabrication UOX
$/kgU
200-300
Fabrication MOX
$/kg MOX
1 000-1 500
Retraitement UOX
$/kgML
500-9000
Retraitement MOX
$/kg MOX
500-900
$/kgML
40-600
Entreposage du combustible use
$/kgML
60-250
Stockage geologique du combustible
$/kgML
300-600
Stockage geologique des dechets THA
$/kgML
80-200
Transport du combustible use 1
1
Depend de la duree T d'entreposage : 50 $/kgML+ 5T $/kgML ± 50 %.
Tableau 7.6. Delais relatifs aux etapes du cycle.
REP
Etape Reference basse
Reference haute
CANDU
Amont du cycle - Delais par rapport a la date de chargement - Achat d'uranium
24 mois
42 mois
17 mois
- Conversion
18 mois
34 mois
13 mois
- Enrichissement
12 mois
22 mois
- Fabrication
6 mois
12 mois
10 mois
Aval du cycle - Delais par rapport a la date de dechargement - Transport comb, use
5 ans
Avec retraitement - Retraitement - Evacuation dechets THA
6 ans
56 ans
Sans retraitement - Entreposage - Enrobage et Stockage du combustible use
5 ans
40 ans
10 ans
148
L'economie de I'energie nucleaire
7.1.5. Cout d'une recharge a I'equilibre La gestion du combustible nucleaire est, avant tout, dictee par la neutronique. Lorsqu'il s'agit de reacteurs a eau ordinaire, intervient en outre la contrainte du renouvellement periodique du combustible par fraction du cceur. II existe un certain nombre de solutions possibles en reponse a ces contraintes ; on retient celle qui minimise le cout de production du kWh par reduction des depenses ou optimisation des indisponibilites programmers de I'ensemble du pare nucleaire. Pour le programme francais a I'annee 2000, les choix effectues sont illustres par la figure 7.1. Une gestion du combustible se definit d'abord par la composition de la premiere charge. Pour les reacteurs REP, elle est constitute de trois lots d'assemblages differencies par leur enrichissement. Au fur et a mesure de son irradiation, I'etat neutronique du cceur evolue, et I'enrichissement des lots successifs est modifie en consequence, en general a la hausse ; les donnees au dechargement se modifient aussi. Un exemple en est donne dans AEN (1994, pp. 51-55). Cette phase transitoire, qui dure plusieurs cycles, permet d'atteindre un etat d'equilibre moyen du cceur. II lui correspond une recharge de combustible bien definie, dite recharge d'equilibre, qui est un element determinant du fonctionnement du reacteur, en particulier de son economic. Toutefois, le cout actualise d'une recharge a I'equilibre reste dependant de facteurs qui, outre les couts unitaires, sont exterieurs au reacteur : le calendrier des fournitures de I'amont du cycle, celui des traitements de I'aval, et bien entendu le taux d'actualisation. Une etude de sensibilite, presentee ci-dessous, illustre I'impact de ces facteurs. A cette fin, on considere une recharge a I'equilibre d'un reacteur REP-N4 dont le combustible, enrichi a 4 %, serait renouvele par tiers de cceur tous les 14 mois en fonctionnement en base (DIGEC, 1997). Le nombre d'assemblages dans le cceur est 205 ; on suppose qu'en moyenne une recharge comprend 68,33 assemblages, incluant ainsi le tiers de ('assemblage central du cceur. La masse d'uranium enrichi par assemblage est de 538,55 kg, d'ou Mp = 36800 kg. • Cout relatif a I'amont du cycle L'usine d'enrichissement est supposee caracterisee par 6f = 0,00711 et ew = 0,00250, et les quantites relatives a Mpsont les suivantes, d'apres (31) et (32) : Mf = 8,1345 Mp kg d'uranium nature! ; 5=5,8325 A// p UTS. La somme Fam des depenses actualisees relatives a Tamont du cycle est determinee a partir des couts unitaires Cs des quatre etapes amont (s = 1 ,...,4), donnes au tableau 7.2, et a partir des dates ts de livraison des fournitures, comptees de la date de chargement de la recharge. D'apres (29), en negligeant les pertes et en utilisant (31) et (32) :
149
7 - Cout du combustible
Une valeur moyenne de I'uranium naturel a ete retenue : 20 $/lb U 3 O 8/ soit avec 1 $ = 6,50 FF, 51,53 €/kgU. Le tableau 7.7 donne le cout actualise de la preparation d'une recharge a I'equilibre pour deux taux d'actualisation 5 et 8 %, et pour trois references relatives au calendrier de livraison des etapes amont. Tableau 7.7. Cout actualise de la preparation d'une recharge REP-N4 a I'equilibre en milliers d'€ de 1995. Les delais relatifs aux etapes du cycle sont exprimes en mois (1/3 de coeur - enrichissement de 4 %) - (tableau 7.2).
Etape amont
Cout non actualise
Ref. basse delai
cout
Ref. moyenne delai
cout
Actual isation a 5 % 17215 27
Ref. haute delai
cout
42
18297
1
15425
24
17006
2
2053
18
2209
21
2236
34
2357
3
16360
12
17177
15
17389
22
17891
4
11220
6
11497
9
11638
12
11781
Total
45058
50326
48478
47889
Actual isation a 8 %
1
15425
24
17992
27
18341
42
20193
34
2553
2
2053
18
2304
21
2345
3
16360
12
17669
15
18012
22
18839
4
11220
6
11660
9
11887
12
12118
Total
45058
49625
50585
53703
Les ecarts de cout actualise pour les calendriers extremes sont de 5 et 8 % pour les taux d'actualisation respectifs de 5 et 8 %. Lorsque le taux d'actualisation passe de 5 a 8 %, le cout augmente de 3,6 % pour le calendrier court, et de 6,7 % pour le calendrier long. L'allongement du calendrier des livraisons amont correspond a la constitution d'un stock strategique de combustible nucleaire a differentes etapes de preparation. Le tableau 7.7 permet d'estimer le cout de ce stock. En comparaison avec les combustibles fossiles, on constate que I'energie nucleaire permet une longue duree de stock strategique pour un surcout relativement faible. • Cout relatif a I'aval du cycle L'estimation du cout actualise de la gestion avec retraitement des combustibles uses de la meme recharge REP-N4 a I'equilibre est basee sur les donnees admises dans I'etude DIGEC (1997), indiquees au tableau 7.4. On ne tient pas compte des credits afferents aux matieres et services recuperes au retraitement du fait que le modele N4 n'est pas prevu pour recevoir le combustible MOX. Ces matieres sont utilisees dans
L'economie de I'energie nucleaire
150
certains reacteurs du pare nucleaire francais mais leur prise en compte n'intervient que dans T economic generale de la gestion de ce pare. C'est un probleme plus vaste, qui sera evoque dans les chapitres 13 et 14. Dans ces conditions, le cout actualise Favde la gestion aval d'une recharge se simplifie. En se referant au cout unitaire Cs de chacun des cinq postes de I'aval du cycle (s = 5,...,9) et du delai ts associe, compte a partir de la date de dechargement de la recharge, Fav s'ecrit :
Le tableau 7.8 donne la decomposition de la partie retraitement et la partie gestion et stockage definitif des dechets du cout aval actualise d'une recharge pour les deux taux d'actualisation 5 et 8 % et pour le calendrier des services aval indique dans T etude DIGEC(1997). Tableau 7.8. Cout actualise de I'aval du cycle d'une recharge REP-N4 en milliers d'€ de 1995 (1/3 de cceur) - (tableau 7.4).
Etape aval Retraitement 5
Cout non actualise
Delai (ans)
Cout aval actualise a5% a8%
1840
1
1752
1704
6
27968
5
21913
19034
Sous-total
29808
23665
20738
Dechets de haute activite 4600 7
5
3604
3131
8
8096
15
3894
2552
9
5520
35
1001
373
Sous-total
18216
8499
6056
Total
48024
32164
26794
L'aval du cycle se deployant sur la longue duree, son cout economique est beaucoup plus sensible a Tactualisation que celui de Tamont. La somme non actualisee des depenses de Tamont n'est, dans le cas du calendrier moyen, augmentee que de 8 et de 12 % apres actualisation aux taux respectifs de 5 et 8 %. Pour ces memes valeurs de taux, la somme actualisee des depenses de I'aval accuse une baisse de 33 et 44 % par rapport au cout non actualise. Cette baisse est encore plus prononcee s'il s'agit de la gestion et Tevacuation des dechets : 53 et 67 %. La validite de Tattenuation importante des couts economiques relatifs a la fin du cycle du combustible due a Tactualisation a souvent fait Tobjet de critiques au point que Ton a pu accuser I'energie nucleaire de ne pas prendre en compte le cout de ses dechets.
7 - Gout du combustible
151
Get aspect du calcul economique se trouve en fait corrige dans la realite comptable par la constitution de provisions pour depenses futures (§ 9.3 et 13.7.2).
7.1.6. Sensibilite du cout actualise du combustible nucleaire • L'effet global de I'actualisation sur les depenses de combustible est relativement modere. En effet, par rapport aux depenses en valeur reelle, I'actualisation augmente celles de I'amont et diminue celles de I'aval. Les variations des depenses actualisees du cycle induites par la variation du taux d'actualisation sont specifiques de chaque cas etudie : mode de gestion du combustible, couts unitaires et hypotheses associees, calendrier du cycle. Cette remarque s'applique evidemment a la structure des couts telle qu'elle apparaTt dans les tableaux 7.7 et 7.8 ou encore dans le tableau 7.9 qui suit. Dans des conditions eloignees de celles retenues ici, I'etude AEN (1994, pp. 63-68) met en evidence la complexite des variations du cout du combustible REP pour une large gamme du taux d'actualisation (de 0 a 15 %). • L'achat d'uranium nature! est le seul poste qui soit affecte d'une incertitude importante, celle sur le prix de marche a long terme et celle sur le taux de change du dollar, pour les pays importateurs d'uranium. Avec les hypotheses adoptees dans I'etude DIGEC (1997), et consignees au tableau 7.2, I'incertitude sur les depenses d'uranium nature! correspond a environ 10 % des depenses actualisees du combustible d'une recharge a I'equilibre pour un taux d'actualisation de 5 et 11 % pour un taux de 8 %. • La structure du cout actualise du combustible selon les etapes du cycle depend comme on vient de le voir de nombreux parametres techniques et economiques, mais elle evolue relativement peu. Le tableau 7.9, etabli d'apres I'etude AEN (1994) montre une faible variation pour un taux d'actualisation passant de 5 a 8 % dans le cas d'une meme gestion du combustible REP avec retraitement et recuperation de credits d'uranium et plutonium qui allegent le cout de retraitement. Le cas d'une gestion sans retraitement sera examine au paragraphe 13.4.1. Les ecarts deviennent un peu plus significatifs, surtout dans Paval du cycle lorsqu'on ne prend pas en compte les credits au retraitement. Dans le cas de reacteurs REB, du moins dans leur version recente ou le taux de combustion atteint 90 % de celui des REP, le cout moyen du combustible et sa structure sont a peu pres les memes que ceux des reacteurs REP modernes. La difference qui subsiste dans la structure du cout de I'amont du cycle a deux causes : d'une part, la fabrication des assemblages REB est plus couteuse car plus complexe. D'autre part, le moindre enrichissement du combustible REB par rapport au combustible REP compense le surcout de fabrication dans le cout total de ('assemblage, mais, par le taux de combustion plus faible qu'il entrame, il donne un poids plus fort a la fabrication dans le cout du kWh. Le tableau 7.9 montre un contraste plus accuse quand on passe aux reacteurs CANDU.
152
L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 7.9. Structure du cout actualise du combustible nucleaire* (% du total).
REP-1 390 MWe avec retraitement Etape du cycle
avec credits
5 % Uranium Conversion
26,3
CANDU 881 MWe
sans credits
8%
26,9
5 %
8%
5 %
25,3
26,1
37,5 4,5
3,4
3,5
3,2
3,4
Enrichissement
29,7
29,9
28,5
29,1
Fabrication
16,0
16,4
15,4
16,0
36,0
Amont
75,4
76,7
72,4
74,6
78,0
1,8
1,5
1,7
1,5
3,5
22,5
21,7
25,6
23,9
0,3
0,1
0,3
0,0
18,5
Aval
24,6
23,3
27,6
25,4
22,0
Total
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
Transport Retraitement Dechets
* Couts unitaires : Uranium : 50 $/kg + 1,2 %/an pour REP ; 65 $/kg pour CANDU ; conversion : 8 $/kg enrichissement : 110 $/UTS ; fabrication : 275 $/kg pour REP ; 65 $/kg pour CANDU aval : voir tableau 7.3.
Le taux de combustion est le parametre technique qui a I'impact le plus fort sur le cout du cycle. Dans les reacteurs REP en France, on est passe du taux de 33000 MWj/t au taux de 42500 MWj'/t, et EDF envisage une montee progressive des taux de combustion moyens des combustibles UO2 jusqu'a 57000 MWj/t environ d'ici a 2015. Ce progres technique permet de modifier de facon favorable le bilan matiere du cceur et d'accroTtre les performances du combustible. Le gain economique est evident, il apparaTt de plusieurs facons. D'abord, si Ton considere le cas d'une fraction de cceur inchangee, I'augmentation de I'enrichissement permet d'accroTtre le taux moyen de combustion et correlativement la duree de campagne, done de reduire le nombre d'arrets pour rechargement et d'ameliorer ainsi la disponibilite du reacteur, c'est-a-dire diminuer le cout du kWh. Par ailleurs, si la composante cout de fabrication se trouve reduite a proportion de I'accroissement de I'energie produite, ce gain est compense par le surcout d'enrichissement. En revanche, pour ce qui est de I'aval du cycle, son cout est reduit par la diminution du nombre d'assemblages necessaire a meme energie produite, meme s'il faut tenir compte de quelque surcout dans la gestion des dechets qui sont presents en plus grande quantite dans un meme volume de combustible use. D'une facon generale, I'augmentation du taux de combustion procure un gain economique tout en presentant un avantage certain dans la gestion d'un pare de reacteurs. En effet, elle permet soit un accroissement de la duree de campagne,
7 - Cout du combustible
153
comme on vient de le voir, soit, a duree de campagne inchangee, un fractionnement accru dans la gestion d'un cceur, done une meilleure utilisation de la matiere combustible nucleaire, et par consequent aussi un gain economique. Avec ces deux possibilites, que Ton peut faire jouer sur differentes parties du pare nucleaire, on dispose de flexibilites de la duree des campagnes. Comme cela est montre dans Debes (2002), on est ainsi en mesure de mieux adapter la programmation des arrets des reacteurs a la saisonnalite du systeme electrique, et, dans le contexte actuel de liberalisation du marche, a la demande evolutive d'electricite.
7.1.7. Partie fixe et partie proportionnelle du cout du combustible • La specificite des depenses du combustible nucleaire de toujours se partager en une part fixe et une part proportionnelle a I'energie fournie s'explique par I'asynchronisme entre les depenses et la production d'energie. Ce dernier se manifeste de deux facons : - pour depasser la masse critique et assurer la reactivite necessaire au fonctionnement du reacteur, celui-ci doit etre entierement charge au depart alors meme que la consommation de matiere fissile s'effectue en proportion directe avec la production d'energie ; la fourniture de la premiere charge se presente partiellement comme un investissement. De meme, le traitement du dechargement complet du reacteur apres son arret definitif correspond a une depense singuliere dans le flux des depenses de combustible ; - en regime d'equilibre, il y a decalage entre d'une part les depenses amont et aval du cycle et d'autre part, la production moyenne d'energie qui en resulte. Ce decalage depend du facteur d'utilisation du reacteur, et selon qu'il varie, modifie la valeur actual isee du cout. Le calcul economique complet du cout du combustible nucleaire montre qu'il existe neanmoins une quasi-linearite entre depense de combustible et production d'energie. Afin de la mettre en evidence et pour formaliser de facon approximative les elements de cette relation, partie fixe et partie proportionnelle, il est commode d'adopter une representation grossiere de la consommation de combustible d'un reacteur sur toute sa duree de vie economique en jouant sur la duree de sejour du combustible dans le cceur. • On simplifie done au maximum le schema general de fonctionnement d'un reacteur a eau ordinaire dont le combustible est renouvele par fraction ] / p de cceur. On ne prend pas en compte les caracteristiques physiques particulieres des lots composant la premiere charge, ni celles des recharges du regime transitoire. On suppose la premiere charge constitute de p lots identiques a la recharge a I'equilibre. Ensuite, des son demarrage jusqu'a son arret definitif, le cceur du reacteur est renouvele a I'aide de cette meme recharge, la duree du cycle Tcy(dn) restant egale ainsi que la duree d'appel dn. On note Fam la depense actual isee de toutes les etapes amont de la preparation de la recharge, rapportee a la date du chargement de celle-ci dans le reacteur et Fav la
154
L'economie de I'energie nucleaire
depense actualisee de toutes les etapes aval de la gestion de la recharge usee, rapportee a la date de dechargement. On calcule Fam et Fav a Taide des formules (36) et (37), car on ne considere pas de derive de cout. Sur la duree de vie economique definie par le nombre de cycles Ncy, le calendrier des depenses de combustible s'etablit avec les approximations precedentes selon le tableau suivant :
N° de cycle
Date (ans)
Depense actualisee au chargement
1 2 3 ncy Ncy-1 Ncy
0
(P -1 ) Fam + Fam
au dechargement 0
Tcy
Fam
Fav
2 Tcy
'am
>av
cy-VTCy
'am
>av
(NCy
-2) Tcy
Fam
Fav
(NCy
-V TCy
Fam
Fav
(n
NCy TCy
0
Fav + (p- VFav
• La somme actualisee Fde toutes les depenses de combustible sur la duree de vie du reacteur s'obtient : - en associant a la date de debut de chaque cycle la valeur Fam de la nouvelle recharge et la valeur Favde la recharge dechargee a la fin du meme cycle, que Ton reactualise a la date de debut de cycle, soit :
- en actualisant la valeur ci-dessus a la date du demarrage du reacteur, et en sommant les resultats pour les Ncy cycles ; - en ajoutant la depense amont de (p - 1) recharges a fournir au debut du premier cycle ; - en ajoutant la depense aval du meme nombre de recharges a la fin du dernier cycle, actualisee a la date de demarrage du reacteur. On obtient finalement :
7 - Gout du combustible
155
ou encore :
Paral (element, la valeur actualisee de I'energie, evaluee en nombre d'heures est, en adaptant la relation (15) :
Pendant la duree Tcy d'un cycle, le nombre d'heures de fonctionnement equivalent a pleine puissance Hepp est :
En posant : i/ = (1 + a)
/2 et U = u2Ncy , on obtient :
d'ou, par elimination de U :
F apparatt ainsi sous la forme d'une partie fixe 0 :
et d'une partie proportionnelle /H dont le coefficient s'ecrit avec u = 1 - x
et Le coefficient de proportionnalite /correspond essentiellement a la depense actualisee d'une recharge rapportee a I'heure de fonctionnement a pleine puissance. Son terme correctif depend a la fois de la duree du cycle et du taux d'actualisation ; il explique
156
L'economie de I'energie nuclea/re
les legeres deviations par rapport a la linearite quand on fait varier au long de la vie du reacteur la duree d'appel annuelle dn, done la duree des cycles Tcy(dn). La complexite de la gestion du combustible des reacteurs a eau ordinaire necessite un traitement informatique du calcul du cout du cycle, qui est le seul moyen de determiner la valeur exacte de la part fixe et de la part proportionnelle de ce cout. • Estimation du cout du cycle aval Les simplifications grossieres concernant la premiere charge et les transitoires, sur lesquelles repose le calcul formel precedent, rendent inoperante ('utilisation de ce dernier pour estimer de fagon valable le cout amont du cycle. En revanche, lorsque Ton ne prend pas en compte les credits au retraitement, les ecarts des teneurs en uranium et plutonium residuels observes au dechargement des combustibles de la phase transitoire par rapport a ceux de la recharge a I'equilibre n'influent pas sur le cout de I'aval du cycle ; le seul parametre physique est alors la masse de metal lourd par recharge. La formule (38) s'applique dans ces conditions avec une certaine pertinence, au moins pour fixer les ordres de grandeur ou effectuer des etudes de sensibilite. D'ou, dans ce cas particulier, le cout actualise cFav de I'aval du cycle par kWh, Pe etant la puissance du reacteur :
avec : x = 0,02844 pour a = 5 %, x = 0,04480 pour a = 8 %. Par ailleurs, Hepp = 0,855 x 8760 x 14/12 = 8738 heures pour un fonctionnement en base, d'apres (27). II en resulte les couts suivants de I'aval du cycle, exprimes en milliemes d'euro par kWh. Actual isation
5%
8%
Retraitement
1,87
1,58
Dechets haute activite
0,67
0,46
Aval du cycle
2,54
2,04
7.2. Couts des combustibles fossiles Parmi les combustibles utilises pour la production massive d'electricite, seuls ne sont a retenir au niveau mondial que les deux principaux concurrents du nucleaire : le charbon
7 - Cout du combustible
157
et le gaz naturel. Cependant, le petrole brut a toujours ete considere, et Test encore, comme jouant un role directeur sur le marche des energies fossiles. Au moment des crises petrolieres des annees 70, on a observe en effet une hausse rapide et importante des prix du charbon et du gaz, et certains y ont vu une correlation qui se devait d'etre prise en compte dans les previsions de prix a terme (figure 7.2). Des substitutions entre energies sont intervenues, la liberalisation des marches s'etend progressivement ; les prix des energies fossiles apparaissent moins interdependants, surtout celui du charbon. Quant au petrole brut, son prix, par le biais des produits petroliers, est encore present dans la formation du prix du gaz mais il n'intervient plus directement dans ('economic de la production d'electricite, sinon par le fioul domestique utilise dans les turbines a combustion qui ne sont pas concurrentes des centrales nucleates, mais complementaires. Figure 7.2. Prix reels des combustibles fossiles utilises dans les centrales de I'OCDE.
Source : AEN/AIE, 1998.
7.2.1. Prix du charbon Le marche du charbon offre les particularites suivantes : - il existe une grande variete dans les qualites de charbon, de ('anthracite au lignite, qui se distinguent par le pouvoir calorifique, la teneur en soufre et le taux de cendre. Leur prix en depend. Pour refleter le contenu energetique reel des differents charbons, il convient d'exprimer leurs prix en dollar par gigajoule. Toutefois, on utilise couramment
158
L'econom/e de I'energie nucleaire
pour la qualite « charbon vapeur » utilise dans les centrales thermiques un prix a la tonne ; - les reserves de charbon, tres importantes (250 ans au rythme actuel de production), sont beaucoup plus regulierement reparties dans le monde que celles des hydrocarbures. L'industrie charbonniere assez dispersee, ne s'est pas constitute en cartel susceptible de peser sur le marche ; - le charbon est une matiere ponderale couteuse a transporter, surtout par voie de terre. Dans la mesure du possible, on prefere le consommer sur place pour les besoins de I'industrie ou de la production d'electricite. Son importation necessite de lourdes infrastructures portuaires pour accueillir les mineraliers de grande capacite les plus economiques. Pour ces raisons, le commerce international du charbon ne represente qu'environ 10 % de la production mondiale ; - il faut distinguer le prix a la sortie de la mine et le prix du charbon rendu a la centrale. Dans le cas de charbon importe, il convient de preciser si son prix est celui au port d'embarquement (prix FOB) ou au port de debarquement (prix GIF) ; ensuite, d'ajouter a ce dernier le cout de manutention et de transport entre le port et la centrale. Historiquement, les prix du charbon n'ont repondu que moderement a la hausse du prix du petrole a partir de 1974, comme on le constate sur la figure 7.2 bien qu'il y ait eu une forte demande en raison de la substitution du charbon au fioul lourd dans I'industrie et la production electrique. En quelques annees, de nouvelles capacites minieres et de transport se sont developpees alors meme que la productivite augmentait. Des 1982, avant le contre-choc petrolier de 1984, les prix ont commence a baisser. Une fois effectuees les substitutions mentionnees ci-dessus, le charbon ne s'est plus trouve en mesure de conquerir des parts significatives de marche, le lien entre son prix et celui du petrole s'etant nettement distendu. Par ailleurs, la liberalisation des marches de I'energie ayant pour effet de reduire les subventions accordees aux producteurs de charbon dans beaucoup de pays industrialises, il en est resulte une baisse du cout de ce combustible sur les marches nationaux. Dans I'avenir, le lien economique entre petrole et charbon devrait rester au moins aussi lache qu'il est devenu aujourd'hui, et le prix du charbon, evoluer avec lenteur et moderation. En effet, de nouveaux producteurs comme le Venezuela, I'lndonesie, la Colombie, se presentent sur le marche mondial, et la productivite miniere continue de s'ameliorer par le recours grandissant aux mines a ciel ouvert, nettement moins couteuses. Seul le cout de transport est susceptible d'augmenter a terme par necessite de renouveler la flotte de mineraliers. Le prix du charbon vapeur est neanmoins une donnee propre a chaque pays, et meme a chaque site de centrale et on constate une large gamme de prix de charbon rendu a la centrale. Dans I'etude AEN (1998), ce prix, exprime en dollar par gigajoule (monnaie de 1996), est estime a I'horizon 2005 :
159
7 - Cout du combustible
Pays
derive
$1996/Gj
Etats-Unis
1,06
- 0,7 % par an
Canada
1,64
0
Chine
1,80
+ 0,5 % par an
Russie
2,01
+ 2,0 % par an
Japon
2,13
+ 0,4 % par an
Espagne
2,36
0
France
2,64
0
II n'est pas etonnant que les derives de prix envisagees soient diverses : negatives aux Etats-Unis, nulles au Canada, en Espagne et en France, positives en Chine, au Japon et en Russie. En France, I'etude DIGEC (1997) prend en compte deux scenarios a prix constant de charbon importe, de teneur en soufre inferieure a 1,5 %, de PCS (pouvoir calorifique superieur) de 6400 th/t et de taux de cendre de 7 a 14 %. Le scenario has est a 40 $/tCIF, le scenario haut a 50 $/tCIF. Le cout de manutention et de transport entre le port et la centrale est en moyenne de 5,33 €/t pour une centrale en bord de mer, et de 14,48 €/t pour une centrale a I'interieur des terres (monnaie de 1995). On rappelle que CIF (Cost Insurance Freight) caracterise le prix d'un produit au port de debarquement.
7.2.2. Prix du gaz naturel Le marche du gaz naturel se caracterise ainsi dans ses grandes lignes : - les reserves de gaz, en constante augmentation, ont des caracteristiques geologiques et geographiques voisines de celles du petrole ; il en est de meme de la technique d'exploitation et de production des gisements, dont les operateurs sont de grandes compagnies d'envergure mondiale. Sur le marche international, les transactions s'effectuent en dollar par million de Btu (British Thermal Unit) avec I'equivalence : 1 MBtu = 293,2 kWh = 252 th = 1,055 Gj ; - ('infrastructure du transport du gaz est lourde et tres capitalistique, qu'elle soit terrestre (gazoducs et stations de recompression) ou maritime (usines de liquefaction, methaniers et terminaux de regazeification). Elle constitue une rigidite dans le marche gazier, un obstacle a une large penetration du gaz dans les bilans energetiques, et necessite une rentabilite sur le long terme des investissements. II en resulte un caractere particulier des contrats de fourniture de gaz : pour la plupart, ils sont du type «take or pay » a long terme ; - le cloisonnement du marche du gaz en trois grandes zones dans le monde est du aux contraintes de transport (Terzian, 1998). On distingue :
160
L'economie de /'energie nucleaire
• la zone nord-americaine ou les couts techniques et les prix de vente sont bas ; • la zone europeenne au sens tres large (de I'Europe orientale a I'Afrique du Nord), ou les couts techniques de production et de transport, done les prix, sont plus eleves et a I'interieur de laquelle I'Europe proprement dite importe deja 30 % de ses besoins; • la zone Asie-Pacifique, ou les pays industrialises importent leur gaz sous forme liquefiee (CNL), ou les prix sont eleves pour des raisons techniques et de securite d'approvisionnement, la cherte d'une offre d'achat etant consideree comme une garantie a long terme. A terme, un decloisonnement pourrait s'operer graduellement ; - a I'usage final, le gaz n'a pas d'usages captifs, mais il est en competition directe avec les produits petroliers au niveau de la production d'electricite, dans I'industrie et le secteur residentiel. Cette situation donne lieu au processus « net back » de la formation du prix du gaz dans les negociations entre producteurs et societes gazieres : on part de ('equivalence des couts a meme service rendu entre produits petroliers et gaz au niveau de I'usage final pour remonter a un prix FOB qui soit acceptable. Un prix FOB (Free on board) est le prix au port d'embarquement. Les particularites du marche du gaz ont contribue par le passe a lier de facon etroite le prix du gaz a celui du petrole. Les contrats de fourniture de gaz a long terme ont ete indexes sur le prix des produits petroliers par des formules complexes. Cela explique la correlation forte entre les prix des hydrocarbures que Ton constate sur la figure 7.2. La liberalisation du marche du gaz en Amerique du Nord, puis en Europe, continuera de faciliter I'expansion de ce combustible, et, selon les regions, la formation de son prix pourrait repondre a d'autres considerations que revolution du marche du petrole (I'approvisionnement a terme, la protection de I'environnement ou encore le financement). Quoi qu'il en soit, des contraintes geopolitiques continueront de peser sur le marche du gaz comme sur celui du petrole. II en resulte une grande incertitude sur le niveau des prix futurs et leur evolution. Toute prevision a cet egard reste vaine. On ne peut que batir des scenarios, qui de toute facon, doivent prendre en compte une hausse du prix du gaz a plus ou moins long terme. S'agissant de la production d'electricite a partir de gaz naturel importe, il convient d'ajouter au prix frontiere le cout de transport sur le reseau national et le cout de stockage, ce dernier dependant de la duree d'appel de la centrale. Les hypotheses de prix du gaz qui sous-tendent I'etude AEN (1998) refletent assez bien la diversite des prix selon les trois grands segments du marche ou selon que le pays est producteur ou non. Exprimees en dollar par gigajoule (monnaie de 1996), elles sont pour les horizons 2005 et 2025 et pour du gaz rendu a la centrale :
161
7 - Cout du combustible
2005
2025
Canada
2,05
2,94
Espagne
5,17
6,17
Etats-Unis
1,58
3,19
France
5,05
5,05
Italie
5,35
5,62
Japon
4,95
8,50
Republique de Coree
4,93
4,93
Russie
2,68
4,24
Pays
En France, dans I'etude DIGEC (1997), selon diverses analyses des conditions de production et de consommation de gaz en Europe, selon le degre d'indexation du prix de ce combustible aux prix des produits petroliers et selon revolution possible de ces derniers, quatre scenarios ont ete retenus pour le prix du gaz a la frontiere (monnaie de 1995) : - I'apparition d'une « bulle gaziere » en Europe, qui abaisse le prix a 2 $/MBtu a I'horizon 2000, le stabilise a ce niveau jusqu'en 2010, et qui par sa disparition le remonterait au niveau stable de 3,3 $/MBtu en 2015 ; - la stabilite sur le long terme au niveau bas de 2,7 $/MBtu ; - une hausse a un niveau median stable de 3,3 $/MBtu atteint en 2005 ; - une hausse jusqu'au niveau stable de 3,9 $/MBtu atteint en 2010. L'evaluation du cout du transport et de stockage sur le reseau national de gaz pour une mise a disposition dans une centrale a cycle combine (650 MWe), s'effectue a partir du volume appele sur le reseau et du profil de consommation que traduit la duree d'appel annuelle. Pour chaque duree d'appel, on etablit une formule du cout du gaz rendu centrale en fonction du prix frontiere pg Cette formule est constitute d'une part fixe correspondant aux investissements de transport et de stockage, et d'une part proportionnelle au prix pg correspondant au gaz immobilise dans le reseau. Le cout de mise a disposition du gaz en France pour une centrale a cycle combine, exprime en m€/kWh PCS (monnaie de 1995), est selon la duree d'appel de : 8760 7000 5000 3000
heures heures heures heures
: 0,91 5 : 1,159 : 1,921 : 3,247
+ + + +
3,640 3,660 3,720 3,800
x p$ x x p$x xp$x x p$x
pg pg pg pg
p Au cout de mise a disposition s'ajoute la fiscalite sur le gaz qui est de 1,16 m€/kWh PCS.
162
L'economie de I'energie nucleaire
7.3. Valeurs des couts actualises des combustibles nucleaire et fossiles Le cout actualise du combustible nucleaire et celui des combustibles fossiles se differencient a deux egards : - dans le cout de production du kWh, le combustible nucleaire intervient pour une part relativement faible comparee a la part du charbon et surtout celle du gaz. C'est une situation inverse de celle que I'on constate pour I'investissement ; - le cout actualise du combustible quel qu'il soit depend en partie des scenarios devolution des prix sur les marches des energies primaires, uranium, charbon et gaz. Pour les raisons precedemment indiquees, la marge d'incertitude concernant le combustible nucleaire est etroite comparee a celle du gaz nature!. Ces deux considerations entrent en ligne de compte dans la comparaison des avantages relatifs a ces energies, et dans le choix des investissements de la production electrique. Elles sont illustrees par les comparaisons economiques effectuees en France et dans le monde.
7.3.1. En France - Cout actualise du combustible nucleaire Dans le cas traite ici, on adopte les hypotheses techniques de I'etude DIGEC (1997) combustible REP-N4 enrichi a 4 % et recharge par tiers de cceur - et les hypotheses economiques figurant aux tableaux 7.2 et 7.4, ainsi que I'option de credits nuls au retraitement. Le calcul exact du cout du cycle tient compte des particularites physiques de la premiere charge et des recharges transitoires ainsi que le transitoire de fin de vie du reacteur ; il s'effectue a I'aide d'un modele informatique et donne les resultats indiques au tableau 7.10. Un calcul approche, mais commode, utilise la partition du cout en partie fixe et partie proportionnelle. L'exemple suivant se rapporte a une seule valeur de I'uranium (20 $/lbU3O8) et une parite du dollar (0,991 $/€). Dans ces conditions, on a : - au taux d'actualisation de 5 %, partie fixe = 86,13 €/kW, partie proportionnelle = 6,122 m€/kWh ; - au taux d'actualisation de 8 %, partie fixe = 90,71 €/kW, partie proportionnelle = 5,827 m€/kWh ; et le nombre d'heures actualise est celui calcule au paragraphe 4.5.2 pour ces memes taux.
7 - Cout du combustible
163
D'ou, en base, le cout actualise du cycle du combustible :
• Cout actualise du combustible gaz On utilise aussi les hypotheses techniques de I'etude DIGEC (1997) : cycle combine de 650 MWe, a mettre en service en 2005, au rendement sur PCI de 57,1 %, sachant que le rapport des pouvoirs calorifiques superieur (PCS) et inferieur (PCI) pour le methane est 1,112. Dans I'exemple ci-dessous, pour eviter les calculs d'actualisation lies aux evolutions du prix du gaz, on se restreint aux deux scenarios ou ce prix a la frontiere est stable a partir de 2005 : 3,3 et 2,7 $/MBtu PCS. On adopte une seule hypothese de parite du dollar par rapport a I'euro : 0,991 $/€. On considere que la centrale a gaz fonctionne en base. On applique les donnees economiques du reseau de gaz en France explicitees au paragraphic 7.2.2. Pour le prix frontiere de 3,3 $/MBtu, les couts du gaz, exprimes en m€/kWh PCS, sont les suivants : - cout rendu a la centrale : 0,915 + 3,640 x 0,991 x 3,3 = 12,82 m€/kWh PCS ; - cout total (avec fiscal ite) : 12,82 + 1,16 = 13,98 m€/kWh. D'ou le cout du combustible gaz par kWh electrique : Pour le prix frontiere de 2,7 $/MBtu, on a, tout calcul fait, 23,01 m€/kWh. • Comparaison des couts de combustible et de leur marge d'incertitude On compare la composante du cout du kWh en France d'un equipement nucleaire N4 ameliore et d'une centrale a cycle combine, a mettre en service en 2005, tels que definis dans I'etude DIGEC (1997) (§ 7.1.4 et 7.2.2), la monnaie etant de 1995. Les resultats sont donnes dans le tableau 7.10, pour un taux d'actualisation de 8 %, les couts etant exprimes en m€/kWh. Dans cet exemple, on mesure la sensibilite du cout des combustibles nucleaire et gaz d'une part a la parite du dollar, d'autre part aux scenarios de prix des energies primaires correspondantes. On illustre ainsi le fait general mentionne en introduction : - le cout du combustible gaz est 3,5 a 4 fois plus eleve que le cout du combustible nucleaire ; - la marge d'incertitude est faible dans le cas nucleaire (0,78 m€/kWh, soit environ 10 % du cout), environ 16 fois moins forte que celle relative au gaz (12,7 m€/kWh, soit environ 50 % du cout). Par ailleurs, il convient de noter que le poste uranium naturel represente moins du quart du cout total du cycle du combustible nucleaire.
164
L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 7.10. Sensibilite du cout du combustible aux hypotheses de parite du dollar et devolution de prix des energies primaires. Couts en m€AWh.
Parite1 $/€ Uranium $/lb U308
0,762
20
25
20
25
Cout : uranium
1,24
1,55
1,61
2,02
0,78
cycle
6,49
6,80
6,86
7,27
0,78
Gaz en 2010 bulle
1
Marge d'incertitude
0,991
bas
med.
haut
bulle
bas
med.
haut
$/MBtu
2,0
2,7
3,3
3,9
2,0
2,7
3,3
3,9
Cout gaz
18,1
18,6
21,9
24,6
22,3
23,0
27,2
30,8
12,7
Correspondant a un dollar a 5 et 6,50 FF en 1995.
7.3.2. Dans le monde De I'etude AEN (1998) sont extraites des valeurs du cout actualise du combustible evaluees pour certains pays dans un meme cadre methodologique. Elles figurent au tableau 7.11, exprimees en US mill/kWh (monnaie de 1996) ; elles se rapportent a des unites aujourd'hui commercialisables a mettre en service en 2005. Les ecarts observes pour une meme energie sont dus aux multiples causes enoncees dans les paragraphes precedents. Outres les conditions economiques nationales, on note la difference de technologie nucleaire au Canada, des ressources abondantes de charbon et de gaz aux Etats-Unis et la cherte du gaz importe au Japon. Tableau 7.11. Cout actualise du combustible dans le monde pour les taux d'actualisation 5 et 10 % (US mill 1996AWh).
Energie
Nucleaire
Charbon
Gaz naturel
Taux
5%
10%
5%
10%
5%
10%
Canada Espagne Etats-Unis Finlande France Japon Republique de Coree Russie
2,27 10,69 6,22 7,32 8,07 15,71
2,34 10,69 5,81 7,32 7,69 14,76
15,30 23,11 8,70 14,35 22,62 19,35
15,30 23,11 8,95 14,35 22,62 19,00
21,45 36,50 19,97 19,03 34,96 56,34
19,88 36,50 16,82 19,03 34,96 49,54
4,27
4,27
14,86
14,86
33,39
33,39
3,58
4,85
26,01
23,68
24,38
22,09
7 - Cout du combustible
165
Malgre ces ecarts, partout dans le monde et quel que soit le taux d'actualisation, le combustible nucleaire est de loin le moins couteux dans la production electrique. Le gaz en general est plus cher d'un facteur 3 ou plus et le charbon se situe a des valeurs intermediates. La prise en compte, s'il y a lieu, d'une derive sur le prix de I'energie primaire change significativement le poids du combustible fossile dans le cout du kWh produit, jusqu'a modifier la competitivite entre energies. Dans le cadre de cette etude, on a compare I'effet de la derive prise en reference dans un pays donne a I'effet d'une derive nulle. Par exemple, au Japon, la derive adoptee pour le gaz augmente la composante gaz de 42 % pour le taux d'actualisation de 5 et de 28 % pour le taux de 10 % (aux Etats-Unis, 34 et 20 % respectivement). Pour le charbon, I'effet est faible (2 a 3 %). II est quasi-nul pour le nucleaire. L'effet d'un taux d'actualisation eleve (10 %), compare a celui d'un taux faible (5 %), diminue ('impact d'une derive positive du prix de I'energie primaire. On le constate sur le tableau 7.11 a propos des composantes gaz aux Etats-Unis et au Japon, qui incorporent les derives indiquees au paragraphe 7.2.2. La constatation est inverse pour une derive negative : I'impact d'une derive negative se trouve augmente, comme dans le cas du charbon aux Etats-Unis. L'explication en est donnee au paragraphe 4.4.4. On fait la meme observation sur les tableaux 7.12 et 7.1 3. Tableau 7.12.
Parametres economiques de I'approvisionnement energetique en 2005 aux Etats-Unis.
Quest
Est
Energie primaire
Cout ($/MBtu)
Derive (%)
Cout ($/MBtu)
Derive (%)
0,55 1,74 2,52
0%
0,55
0%
Nucleaire Charbon Gaz nature! Tableau 7.13.
-0,75 % 2,67 %
1,19 3,58
-0,75 % 3,22 %
Cout actualise du combustible des centrales electriques aux Etats-Unis en 2005 (US mill 1996/kWh).
Combustible Taux d'actualisation Nucleaire Charbon Gaz naturel
Quest
Centre Quest
Est
5%
10%
5 %
10%
5%
10%
6,13 13,51 28,57
5,67 13,92 24,65
6,13 8,69 20,08
5,67 8,96 17,02
6,13 9,22 36,89
5,67 9,50 32,71
166
L'economie de I'energie nucleaire
7.3.3 Aux Etats-Unis Au sein d'un meme pays dont I'etendue est suffisamment grande, les conditions d'approvisionnement energetique et les valeurs economiques associees sont parfois contrastees au point de modifier sensiblement le cout des combustibles fossiles dans la production electrique, alors que le cout du combustible nucleaire par nature est independant de la situation geographique. Les Etats-Unis en donnent un exemple. Les parametres economiques de base de rapprovisionnement energetique, prevus pour 2005, figurent au tableau 7.12, ou Ton distingue Test et I'ouest du pays ; les couts y sont exprimes en $/MBtu (monnaie de 1996), et les derives en % par an (AEN, 1998, pp. 118-124). Le cout du combustible dans la production du kWh aux Etats-Unis pour des mises en service en 2005 varie done, pour les combustibles fossiles, selon la region comme il est indique au tableau 7.13 qui a ete etabli pour les deux taux d'actualisation de 5 et 10 %.
8
Competitivite
8.1. Limites du concept de competitivite II convient de situer dans un cadre general les resultats que Ton expose ici, et qui ont trait a la competitivite des moyens de production d'electricite. II ne s'agit que de la competitivite economique au sens strict explicite au paragraphe 4.2. Elle resulte d'etudes previsionnelles concernant des equipements thermiques, nucleaires ou classiques, a mettre en service au-dela d'une dizaine d'annees et ne concerne que la production massive et centralisee d'electricite. Les performances economiques sont evaluees dans un meme cadre de reference caracterise par la methode de Tactualisation et par un ensemble coherent d'hypotheses plausibles sur les caracteristiques des equipements et de scenarios devolution des prix des energies primaires. Le critere devaluation est le cout actualise de production en base du kilowatt-heure. La competitivite hors de la base de la monotone de charge est examinee au paragraphe 9.1.3. L'objet de I'etude de la competitivite et son cadre, ainsi definis, tracent des limites a I'interieur du vaste domaine de I'economie de la production d'energie et d'electricite. Les remarques suivantes permettent de mieux les cerner. D'abord, s'agissant d'equipements futurs et d'un cadre economique normatif, les couts economiques ne sont pas de meme nature que les couts comptables des equipements existants, et ne peuvent y etre compares. Ce point important est discute au paragraphe 9.3. Ensuite, de par la generalite des caracteristiques techniques et economiques introduces, les couts economiques ne peuvent pretendre discriminer finement les diverses solutions etudiees, ou comparer rigoureusement les resultats a I'echelle internationale. Des etudes plus detaillees sont necessaires par exemple pour choisir un type d'equipement sur un site donne. D'autres methodes complementaires ont ete mentionnees au paragraphe 4.6. Par ailleurs, la demarche economique suivie, jusqu'a maintenant du moins, ne prend pas en compte les couts externes resultant de I'utilisation des energies primaires concernees. Ceux-ci font I'objet d'un examen au chapitre 10. Enfin, en se bornant a la production thermique par des equipements de grande capacite, on exclut de I'etude les moyens hydrauliques et les moyens disperses comme les eoliennes ou les cellules photovoltaTques. Ces derniers, dont la production est intermittente et aleatoire par nature, posent des problemes particuliers d'insertion sur le reseau. Us necessitent
168
L'economie de I'energie nucleaire
notamment des capacites complementaires, des centrales a gaz par exemple, pour faire face a leur defaillance de production. Les choix d'investissement correspondant relevent plus d'une optimisation globale des equipements du reseau que d'une simple comparaison des couts actualises. En effet, si la puissance garantie des eoliennes ou des panneaux photovoltaTques est tres limitee, ne depassant guere 30 % de la puissance nominale dans le cas d'un nombre important d'unites reparties sur de multiples sites, en revanche, la dispersion geographique de leur production permet des economies d'investissement et d'exploitation des reseaux de transport et de repartition et une reduction des pertes sur les reseaux de distribution. A titre indicatif, on donne au paragraphe 8.4 les couts de production d'electricite a partir de ces deux formes d'energie renouvelable. Dans le meme ordre d'idees, on ecarte la cogeneration, c'est-a-dire la production mixte d'electricite et de chaleur ou encore d'eau de dessalement. Ces applications seront toutefois examinees au paragraphe 16.2 dans le contexte prospectif de long terme du developpement durable. Les avantages energetiques et economiques en sont indeniables, mais il est difficile d'en presenter une etude a caractere general. Le calcul economique d'un tel precede est particulier : il concerne un produit de base, en general la chaleur sous forme de vapeur, et un produit lie, I'electricite en ce cas. La demarche economique impose alors de fixer la valorisation du produit de base, en Poccurrence la chaleur, et d'en deduire le cout de I'electricite. La valorisation de la chaleur est fixee par le marche (cas du chauffage urbain) ou s'effectue par le biais d'une chaudiere fournissant la meme quantite et qualite de vapeur mais sans production conjointe d'electricite. La difficulte de I'exercice est que Ton se trouve souvent dans un cas particulier de production de chaleur. Celle-ci est definie par plusieurs parametres : le debit demande de vapeur, son niveau de temperature et de pression, sa courbe de charge journaliere ou saisonniere. II en resulte autant de valorisations de I'electricite, qui s'obtiennent a partir du surcout d'investissement et de combustible necessaire a sa production. La competitivite des equipements thermiques de production n'est pas fixee de facon immuable. A la suite du paragraphe 8.2 qui expose les resultats en France et dans le monde pour des equipements a mettre en service a I'horizon 2005, le paragraphe 8.3 montre comment les couts actualises du kWh ont varie en France en fonction de revolution des technologies et celle des prix de I'energie primaire.
8.2. Competitivite des equipements thermiques 8.2.1. En France : etude DIGEC de 1997 Periodiquement, a intervalle de quelques annees, la competitivite des equipements thermiques de production d'electricite est reexaminee en France a la demande du ministere de ('Industrie afin d'alimenter le dossier de la politique energetique ou celui de
169
8 - Competitivite
la tarification de I'electricite. L'exercice est conduit par la Direction du gaz, de I'electricite et du charbon (DIGEC). Celui de 1997 (DIGEC, 1997) est expose ci-dessous pour I'essentiel, a titre d'exemple, en utilisant les donnees et les resultats partiels etablis dans les chapitres 4, 5, 6 et 7, et en se limitant aux deux types d'equipement concurrentiels qui pourraient etre mis en service en 2005 sur le reseau francais : une unite nucleaire de type N4 ameliore et un cycle combine a gaz. Le cout moyen actualise s'obtient par la formule (22) du paragraphe 4.5.4, et les calculs sont effectues avec les deux taux d'actualisation (a) de 5 et 8 %, et un seul taux de change du dollar, celui de 0,991 $/€ (monnaie de 1995). • Cout actualise nucleaire L'unite nucleaire de reference est du type N4 ameliore, d'une puissance de 1455 MWe, caracterisee par une duree de vie economique de 30 ans, un coefficient de disponibilite en base de 85,5 % et un combustible enrichi a 4 % renouvele par tiers de cceur. On se place dans le cas d'un programme de 10 unites et dans I'hypothese d'un cout de ('uranium stable a 20 $/lb U3O8. Les resultats, donnes aux paragraphes 4.5.2, 5.5.1, 6.3.1 et 7.3.1 et dans les tableaux 5.10 et 7.10, sont coherents avec ces hypotheses et conduisent aux parametres economiques du tableau 8.1 presentes a I'aide des notations du paragraphe 4.5.2. Tableau 8.1. Parametres economiques generaux d'une unite REP-N4 amelioree (MSI en 2005, €1995).
Parametres
Unite
a =5%
a =8%
/
€/kWe
1562,0
1686,7
€/kWe
86,1
90,7
M*
€/kWe.an
31,86
31,86
V
an
15,753
11,702
H
h
118507
88 177
m
€m/kWh
0,838
0,838
f
€m/kWh
0,122
5,827
rd
€m/kWh
0,549
0,549
Le parametre rd correspond a I'effort de R&D considere comme necessaire a la poursuite du developpement de la filiere electronucleaire. Son niveau, suppose stable dans I'avenir, est celui observe en 1996, correspondant a 193 M€ pour une production de 350 TWh par an. Le cout moyen actualise du kWh nucleaire obtenu avec les conditions precedentes est donne dans le tableau 8.2, exprime en m€/kWh.
170
L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 8.2. Cout moyen actualise du kWh nucleaire en base en France ( MSI en 2005, m€l995AWh).
Cout
a=5%
a=8%
13,18
19,13
Exploitation
5,07
5,07
Combustible
6,85
6,86
R&D
0,55
0,55
25,65
31,60
Investissement
Cout moyen actualise
Dans le cas d'un programme de 4 unites, le poste investissement est augmente de 1,98 m€/kWh au taux de 5 %, et de 2,87 m€/kWh au taux de 8 %, en raison du surcout de I'investissement du a un moindre effet de serie (§ 5.2.4). La sensibilite du cout moyen actualise du kWh nucleaire au prix de I'uranium et au taux de change du dollar par rapport a I'euro s'obtient en se reportant au tableau 7.10 pour moduler en consequence les resultats du tableau 8.2. Cout actualise du cycle combine au gaz L'unite de reference est un cycle combine a gaz aux performances accrues, d'une puissance de 650 MWe a trois niveaux de pression et de resurchauffe caracterise par une duree de vie de 25 ans, un rendement de 57,1 % sur PCI, et un coefficient de disponibilite en base de 90,2 %. Le cout du combustible est evalue a partir d'un prix frontiere du gaz, suppose constant, de 3,3 $/MBtu et a partir des donnees indiquees au paragraphic 7.2.2. Les parametres economiques, donnes au tableau 8.3, reprennent les donnees et les resultats partiels indiques notamment aux tableaux 5.10 et 7.10. Tableau 8.3. Parametres economiques generaux d'une unite cycle combine a gaz (MSI en 2005, €1995).
Parametres
Unite
a =5%
a =8%
/
€/kWe
544,2
565,6
0
€/kWe
203,4
156,2
M*
€/kWe.an
10,9
10,9
V
an
14,443
11,096
H
h
114 125
87678
m
m€/kWh
2,01
f
m€/kWh
2,01 25,44
25,44
171
8 - Competitivite
La valeur 0 est calculee a partir de la part fixe du cout de mise a disposition du gaz en base (0,915 m€/kWh PCS), rapporte au kWh electrique produit (§ 7.3.1). Cela permet d'utiliser aussi la formule (22) ainsi que d'obtenir un ordre de grandeur de I'investissement dans le reseau gaz necessaire a I'approvisionnement de la centrale. Le cout moyen actualise du kWh d'un cycle combine dans les conditions precedentes est donne dans le tableau 8.4, exprime en m€/kWh. Tableau 8.4. Cout moyen actualise du kWh en base d'un cycle combine en France (MSI en 2005, m€1995AWh).
Cout Investissement
a =5%
a =8%
4,77
6,45
Exploitation
3,39
3,39
Combustible
27,22
27,22
Cout moyen actualise
35,38
37,06
La sensibilite du cout du kWh du cycle combine au prix frontiere du gaz et au taux de change du dollar par rapport a I'euro s'evalue en se reportant au tableau 7.10. Competitivite de I'energie nucleaire en France La comparaison des tableaux 8.2 et 8.4 montre que le nucleaire reste largement competitif en France pour I'hypothese mediane du gaz, I'hypothese basse de I'uranium et le taux de change de 0,991 $/€, hypotheses choisies comme apparaissant les plus plausibles aujourd'hui parmi celles proposees par DIGEC. Le cycle combine dans ces conditions est plus cher de 38 % au taux de 5 % et 1 7 % au taux de 8 %. La sensibilite aux prix des energies primaires, discutee au paragraphe 7.3.1 au vu du tableau 7.10, ne fait apparaitre la Competitivite du gaz que dans le cas d'un taux d'actualisation de 8 % et en associant un parite basse du dollar (0,762 $/€) et un prix du gaz inferieur a I'hypothese mediane. D'une facon generale, on constate que I'effet du taux d'actualisation porte sur I'investissement, que sur I'exploitation et le combustible il est quasiment, sinon rigoureusement, nul. C'est le nucleaire qui presente la plus grande sensibilite a ce taux, ce qui est une evidence. La figure 8.1 illustre les resultats globaux de la Competitivite entre nucleaire, charbon et gaz pour un taux d'actualisation de 8 %, et en fait ressortir les deux caracteres essentiels : - la composante majeure est I'investissement pour le nucleaire, et le combustible pour le cycle combine ; - la marge d'incertitude est faible dans le cas nucleaire, forte dans le cas du gaz.
L'economie tie I'energie nucleaire
172
Figure 8.1. Gout moyen actualise du kWh en France taux d'actualisation 8% - MSI 2005 (m€1995AWh).
Source : DIGEC, 1997.
8 - Competitivite
173
8.2.2. En France : nouvelle evaluation (juin 2003) La Direction de la demande et des marches energetiques (DIDEME) au ministere de I'lndustrie a presente en juin 2003 une version provisoire de I'etude des couts de reference de la production electrique en France, qui renouvelle I'etude DIGEC 1997. Une synthese en est donnee ci-dessous (Plante, 2003). • Cadre economique et fiscal : - monnaie : les couts sont exprimes en euros de 2001 ; les prix internationaux en dollars de 2001 ; - parite du dollar vis-a-vis de I'euro : I'hypothese de reference est 1 $ = 1 € ; deux variantes sont considerees a 0,8 et 1,2 € ; - taux d'actualisation : la valeur de reference est 8 %, encadree de deux variantes, 5 et 11 % ; - fiscalite : les taxes suivantes sont prises en compte : taxe interieure de consommation sur le gaz (TICGN), taxe fonciere, taxe professionnelle, redevances versees aux agences de bassin pour prelevements et rejets d'eau, frais relatifs au controle des risques industriels, taxe sur les voies navigables ; - prix du petrole : quatre niveaux de cours du brent ont ete retenus pour conduire I'etude, soit 1 7, 23 , 26 et 31 $/bl ; - prix du gaz nature! : pour le prix du gaz rendu a la frontiere, la fourchette retenue est de 3,3 a 3,6 $/MBtu, avec un scenario minorant a 2,4 $/MBtu et un scenario majorant a 4,7 $/MBtu ; aucune derive n'est envisagee. Le cout du transport et de distribution, pour des sites a la frontiere Nord ou Est, est 0,13 €/MWh gaz PCS pour un fonctionnement en base ; - prix du charbon : une hypothese centrale, considered sans derive de 30 a 35 $/t CIF est retenue ; ce prix est suppose ne pas sortir d'une bande plus large de 25 a 45 $/t; - prix de I'uranium nature! : une valeur unique est retenue, soit 20 $/lb U3O8 ou 52 $/kgU. • Caracteristiques techniques de I'option nucleaire : - installation de reference : il s'agit d'un EPR (European Pressurised Reactor) de puissance continue nette de 1590 MWe (4400 MWth), etudie pour I'horizon 2015 ; - programme de reference : 10 unites, dont une unite de demonstration construite en 67 mois sur un site existant, une deuxieme unite construite sur le meme site et mise en service 5 ans plus tard, les unites suivantes engagees annuellement (1 paire par site) ; la duree de construction (du premier beton a la MSI) est de 57 mois pour les unites 2 a 10) ; - duree de vie : 60 ans ;
174
L'economie de I'energie nucleaire
- gestion du combustible : uranium enrich! a 5 % ; combustion massique de 60 GWj'/t; renouvellement tous les 18 mois par 2/7 de cceur ; - Disponibilite : 90,3 % pour un fonctionnement en base. • Caracteristiques techniques de I'option gaz naturel : - installation de reference : il s'agit d'un cycle combine au gaz considere pour 2015, constitue de deux lignes de 450 MWe d'une puissance continue nette de 900 MWe au total, presentant un rendement net sur PCI de 59,1 %, construit sur un site a la frontiere nord ou est; - duree de vie : 25 ans ; - disponibilite : 94,9 % pour un fonctionnement en base. • Caracteristiques techniques de I'option charbon : - installation de reference : il s'agit d'une centrale au charbon pulverise avec traitement des fumees, a mettre en service en 2015, d'une puissance continue nette de 900 MWe, avec un rendement net sur PCI de 47,1 %, construite en bord de mer ; - duree de vie : 35 ans ; - disponibilite : 90,2 % pour un fonctionnement en base. • Cout total d'investissement, evalue au taux d'actualisation de 8 % : - pour le nucleaire : 1663 €/kW ; - pour le gaz naturel : 569 €/kW ; - pour le charbon : 1400 €/kW. • Cout de production de I'electricite : Les couts presentes dans le tableau 8.5 sont evalues pour les valeurs de reference du taux d'actualisation (8 %) et de la parite du dollar (1 $ = 1 €), et pour les prix suivants des combustibles : gaz, 3,3 $/MBtu et charbon, 30 $/t. Us sont exprimes en €/MWh (ou m€/kWh). Lorsque le taux d'actualisation passe de 5 a 11 %, a valeurs inchangees des parametres adoptes ci-dessus, le cout de production en €/MWh passe : • pour le nucleaire de 21,7 a 37,0 ; • pour le gaz naturel de 33,4 a 36,9 ; • pour le charbon de 29,5 a 38,5. • Couts externes (voir chapitre 10, en particulier § 10.3).
175
8 - Competitivite
Tableau 8.5 Nouvelles valeurs des couts de production d'electricite en France (€/MWh). Couts Investissement Exploitation Combustible R&D
TICGN Autres taxes Total
Gaz 6,1 4,2
Charbon 14,0
21,4
11,0
2,0
0 2,3 1,0
0 0 2,4
28,4
35,0
33,7
Nucleaire 16,3 5,1 4,4 0,6 0
6,3
Les impacts environnementaux pris en compte sont les rejets radioactifs et les accidents pour le nucleaire, les emissions de CO2 et NOX pour le gaz, les memes emissions et celle de SOX pour le charbon. Les emissions de CO2 par kWh, relatives aux technologies a I'horizon 2015, sont de 353 g CO2 pour le gaz et de 737 g CO2 pour le charbon (respectivement 96 g C et 200 g C). Les couts externes evaluant les dommages dus aux impacts environnementaux et exprimes en €/MWh sont en valeur mediane, pour une MSI en 2015 : - 2,6 pour le nucleaire ; - 7,4 pour le gaz ; - 15,8 pour le charbon. Leur prise en compte majorerait d'autant les couts de production d'electricite presentes au tableau 8.5. Ces estimations ne prennent pas en consideration, dans le cas nucleaire, les effets economiques positifs d'un pare nucleaire tels qu'ils sont examines au paragraphe 10.4.
8.2.3. Dans le monde L'AEN/OCDE et I'agence Internationale de I'energie (AIE) precedent periodiquement a des etudes comparatives des couts actualises du kWh produit en base dans certains pays. La derniere en date (OCDE, 1998) traite des centrales a mettre en service aux environs de 2005-2010, qu'elles soient nucleaires, a charbon ou a cycle combine au gaz. La comparaison est effectuee dans un cadre methodologique unique et la coherence des resultats est assuree par une serie d'hypotheses techniques et economiques communes qui etaient pour I'etude 1998 : date de MSI (01.01.2005), monnaie du 01.07.1996, duree de vie economique de 40 ans, fonctionnement a pleine puissance de 5000 et 6000 heures, la premiere et la seconde annees et 6626 heures a partir de la troisieme, cette derniere hypothese etant reconnue comme conservatrice. Systematiquement, les taux d'actualisation de 5 et 10 % sont utilises.
176
L'econom/e de I'energ/e nucleaire
Les hypotheses et resultats partiels donnes dans les chapitres 5, 6 et 7 conduisent aux couts actualises du kWh produit en base, presentes pour quelques pays significatifs dans le tableau 8.6 et exprimes en US mill/kWh. Tableau 8.6. Couts actualises du kWh en base dans le monde pour les taux d'actualisation 5 et 10 % (US mill 1996/kWh).
Taux d'actualisation Energie Canada Espagne Etats-Unis Finlande France Japon Rep. de Coree Russie
10 %
5 % Nucleaire Charbon 24,67 41,04 33,28 37,28 32,24 57,45 30,70 26,88
29,21 42,24 25,05 31,82 46,38 55,81 34,40 46,32
Gaz
30,03 47,91 27,14 35,92 47,42 79,10 42,52 35,41
Nucleaire Charbon 39,56 63,83 46,17 55,93 49,15 79,57 48,30 46,52
37,03 54,67 34,71 39,11 59,54 76,14 44,96 55,34
Gaz
33,04 54,36 27,37 41,07 53,35 84,40 46,98 38,99
Dans un seul pays, la France, le nucleaire I'emporte sur le gaz et le charbon, quel que soit le taux d'actualisation. Au taux de 5 %, le nucleaire est moins cher que le charbon dans 5 pays parmi ceux figurant au tableau 8.5, et moins cher que le gaz dans 6 pays. Au taux de 10 %, le nucleaire reste competitif avec le charbon en France et en Russie, avec le gaz en France et au Japon. II est a remarquer, toutefois, que dans cette etude, le nucleaire est defavorise par I'hypothese d'un facteur de charge egal a 75 %, nettement inferieur aux valeurs reellement observees, et par la faible parite du dollar en juillet 1996 (§ 3.3.2). Le nucleaire francais est dans le peloton de tete des performances mondiales pour ce mode de production d'electricite. Les raisons en ont deja ete exposees : politiques de construction en serie, developpement de I'industrie du cycle du combustible, prix eleve du gaz. Par rapport a I'etude precedente de I'OCDE (1992), on constate que d'une facon generale les couts actualises du kWh ont diminue pour les trois types de centrale. Toutefois, la competitivite du nucleaire s'est degradee. La raison essentielle reside dans les progres technologiques des equipements thermiques a flamme, surtout des cycles combines au gaz. D'une facon generale, les reductions de cout entre les deux etudes sont a I'avantage des centrales a gaz (16 a 54 %) par rapport aux centrales a charbon (3 a 34 %) et aux centrales nucleaires (2 a 27 %). Les limites des etudes OCDE viennent du cadre normatif impose par ce genre d'exercice, qui n'est pas toujours representatif des performances particulieres des equipements et des specificites economiques et energetiques nationales. Une analyse plus detaillee permet
177
8 - Competitivite
de mieux comprendre les ecarts de competitivite entre pays et meme entre differentes regions d'un meme pays.
8.2.4. Competitivite comparee entre la France et les Etats-Unis A partir de resultats extraits de I'etude OCDE (1998), on compare les ecarts de competitivite entre nucleaire et gaz en France et aux Etats-Unis. Dans cette comparaison, les hypotheses concernant le prix des combustibles sont des hypotheses nationales, et en particulier aux Etats-Unis, des hypotheses propres aux regions (tableau 7.12). Les couts actualises et leurs composantes sont portes au tableau 8.7 en mill/kWh pour les deux taux d'actualisation 5 et 10 %, et aux Etats-Unis pour trois regions (Est, Centre-Quest, Quest). Tableau 8.7. Competitivite comparee entre nucleaire et gaz en France et aux Etats-Unis (MSI en 2005, mill 1996/kWh).
Gaz nature!
Nucleaire Couts actualises
France
Etats-Unis Est
Etats-Unis Etats-Unis Etats-Unis Etats-Unis Etats-Unis France Centre Centre Est Quest Quest Quest Quest
a5%
Investissement 17,39 Exploitation Combustible Total
6,77
20,09
17,75
19,94
8,07
5,06
4,43
5,02
8,57
8,57
8,57
4,39
2,55
2,55
2,55
8,07
6,13
6,13
6,13
34,96
23,75
16,69
30,66
32,24
34,79
32,45
34,64
47,42
31,36
23,67
38,23
37,18
32,59
36,88
13,94
8,80
8,57
9,04 2,55 34,96 20,49 53,35 32,08
7,89
8,57
4,44
2,55
2,55
a 10%
Investissement 34,61 Exploitation
6,86
8,57
Combustible
7,69
5,67
5,67
5,67
49,15
51,42
46,83
51,12
Total
14,15
27,19
24,59
38,70
L'investissement nucleaire differe assez peu entre la France et les Etats-Unis au regard des variations observees au sein de ce dernier pays, que les experts americains expliquent par des differences de cout de materiel et main-d'ceuvre selon les regions. Toutefois, les facteurs pris en compte pour evaluer les couts d'investissement ne sont pas les memes : dans le cas francais, on suppose quatre unites par site ; dans le cas americain, on mise sur les concepts avances pour reduire le cout et la duree de construction. Quant au cout d'exploitation, le programme francais beneficie par rapport au nucleaire americain d'un effet de serie et d'une gestion realisee par une seule compagnie. En outre, le regies de securite americaines imposent la presence sur les sites nucleates d'un personnel
178
L'economie de I'energie nucleaire
de surveillance superieur en nombre a la moyenne Internationale, ce qui accroit les couts d'exploitation. Cependant, depuis 1996, aux Etats-Unis, de grands progres ont ete faits en raison des concentrations et reorganisations dans I'industrie nucleaire americaine (§ 6.3.3). Le cout de combustible est plus eleve en France parce que les couts unitaires du cycle y sont superieurs a ceux encourus aux Etats-Unis, et que I'aval du cycle avec retraitement est plus onereux que le cycle ouvert americain dans les conditions techniques et economiques actuelles (tableaux 7.1 et 7.3). Globalement, les performances economiques du nucleaire en France et aux Etats-Unis sont similaires, quel que soit le taux d'actualisation. La situation est differente en ce qui concerne les performances des cycles combines. En France, vu le petit nombre d'unites de ce type qui pourraient etre construites, I'effet de serie est loin d'atteindre rimportance qu'il a aux Etats-Unis tant pour I'investissement que pour I'exploitation. Surtout, c'est le prix du gaz qui fait la difference en raison des specificites du marche europeen (§ 7.2.2), et du fait que la France est importatrice de ce combustible. Au total, le kWh gaz est structure!lement beaucoup plus cher en France qu'aux Etats-Unis. En conclusion, le nucleaire americain n'apparaTt competitif par rapport au gaz que dans la region Quest et pour un taux d'actualisation de 5 %, alors qu'en France il surpasse le gaz quel que soit ce taux. La competitivite de I'electricite nucleaire est dependante de la mise en ceuvre des programmes, comme le montre Pexemple francais, mais surtout de la geographie qui determine le marche des combustibles fossiles, comme la situation americaine en donne ['illustration.
8.2.5. Competitivite des centrales nucleaires de petite et moyenne puissance Deux projets de centrales nucleaires de petite et moyenne puissance se presentent aujourd'hui a un stade de developpement suffisamment elabore pour qu'on puisse en tirer des informations economiques valables. Us reposent sur des concepts avances, I'un est le modele AP600,1'autre le modele SMART, deja mentionnes au paragraphic 5.5.3 a propos de I'investissement. L'analyse de leur cout de production est interessante a double litre : elle montre dans quelle mesure ces concepts modulaires peuvent atteindre la competitivite par rapport aux centrales a cycle combine au gaz ; elle met en relief la difficulte de presenter les performances economiques nucleaires dans le contexte de la liberalisation du marche de I'electricite et de la privatisation de ce secteur. Ce dernier point sera examine plus en detail dans le chapitre 14. • Concept AP600. Dans I'etude Hesketh (2001), il s'agit de comparer dans le contexte du Royaume-Uni le cout de production du kWh d'une centrale nucleaire composee d'unites AP600 (Simplified Passive Advanced Light Water Reactor) avec celui d'une centrale a cycle combine au gaz, qui est dans ce pays la reference pour la production d'electricite en base. On suppose quatre unites AP600 de 630 MWe chacune, construites sur un meme site et appartenant a une serie de dix unites. Les donnees et hypotheses economiques relatives a I'ensemble de ces quatre unites sont presentees dans le tableau 8.8.
179
8 - Competitivite
Tableau 8.8. Donnees et hypotheses economiques relatives a une centrale de quatre unites AP600.
Duree de construction Duree de vie economique Cout de construction hors interets intercalaires Cout annuel d'exploitation Cout d'achat du combustible Cout aval du combustible Delai entre le dechargement et le stockage definitif du combustible Charge complete du combustible (4 unites) Duree de cycle du combustible Gestion des recharges Cout de demantelement Delai entre I'arret definitif et le demantelement du reacteur Puissance electrique nette Coefficient de disponibilite
6 ans 40ans 3165 106$2000 141 106$2000 1,88 10 6 $2000/tonneU 1,2 106$2000/tonneU
40 ans 268 tonnes U 24 mois Par tiers de cceur 548 106$2000 40 ans 2560 MWe
90%
Le tableau 8.9 donne la decomposition du cout du kWh pour trois taux d'actualisation : 5,86110%. Tableau 8.9. Couts du kWh d'une centrale nucleaire de quatre unites AP600 (mill 2000/kWh).
Cout Investissement Exploitation Combustible Demantelement1 Total
Taux d'actualisation 5%
8%
10%
10,5
16,4
21,0
7,1 6,0 0,2
7,1 6,3 0,2
7,1 6,6 0,2
23,8
30,0
34,9
Provision calculee au taux de 2 %.
A la fin de 1999, les prix du gaz etaient bas, et le cout du kWh produit par les cycles combines se situaient approximativement a 30 mill/kWh. On pourrait en deduire que, lorsque le taux d'actualisation est inferieur a 8 %, une centrale de 4 unites AP600 de serie est competitive avec un cycle combine pour un prix du gaz bas et sans taxe sur les emissions de carbone. Toutefois, a quel taux les investisseurs prives consentiront-ils a intervenir dans la realisation de telles unites ? On n'est pas en mesure de repondre, ne connaissant pas leur sensibilite au risque financier de la construction nucleaire. C'est pourquoi I'etude economique doit elargir la fourchette haute des taux d'actualisation consideres.
180
L'econom/e de I'energie nucleaire
On obtient ainsi un cout du kWh nucleaire qui s'eleve a 40,4 mill/kWh pour un taux de 12 %, et a 49,8 mill/kWh pour un taux de 15 %. Dans ces conditions, il faudrait compter sur une taxe sur les emissions de carbone pour atteindre la competitivite de TAP600 dans le cas ou le prix du gaz resterait a un niveau assez bas. Toutefois, il est fort vraisemblable que la tendance a la hausse du prix du gaz, deja observee depuis 1999, se poursuivra a moyen terme et rendra les unites AP600 competitives pour des taux d'actualisation acceptables sur le marche. • Concept SMART. Ce concept modulaire de 100 MWe (System-integrated Modular Advanced Reactor), etudie par KAERI en Republique de Coree, n'a pas encore atteint le degre de developpement de TAP600. L'etude economique preliminaire n'en est pas moins interessante, car elle confronte, dans le contexte coreen, des unites nucleaires modulaires avec des cycles combines au gaz, et des centrales nucleaires classiques (1000 MWe) ou fossiles (charbon, 500 MWe). Dans une premiere etape de I'etude, la comparaison economique s'effectue avec le meme taux d'actualisation de 8 % et le meme coefficient de disponibilite de 80 % pour tous les moyens de production examines. Les autres donnees de base sont indiquees au tableau 8.10. Dans ce meme tableau figurent les couts correspondants de production du kWh, et Ton constate que, dans ces conditions, le modele SMART n'atteint pas la competitivite, et que le nucleaire classique, comme on le sait, I'emporte sur le cycle combine au gaz, vu les prix eleves du gaz dans la zone AsiePacificique. Tableau 8.10. Donnees economiques relatives a la production d'electricite en Coree. Donnees economiques Puissance nette (MWe) Duree de vie (an) Investissements ($/kWe) Exploitation (mill/kWh) Combustible (mill/kWh) CoutdukWh(mill/kWh)
Charbon
Cycle combine
Nucleaire classique
500 30 1043 7 12 32
450 30 520 5 30 42
1000 40 1541 9 4 30
SMART
100 40 L2442 12 8 53
On elargit alors ('analyse par une etude de sensibilite au coefficient de disponibilite Kd et au taux d'actualisation a autour des valeurs respectives de 80 et 8 %. Les resultats sont presentes au tableau 8.11. La competitivite de SMART par rapport au cycle combine au gaz peut etre consideree comme acquise pour un taux d'actualisation de 5 %. Cela ne suffira pas pour convaincre les investisseurs. Les resultats du tableau 8.11 incitent a poursuivre les efforts de developpement de facon a atteindre un coefficient de disponibilite de 90 %. A ('evidence, un facteur favorable sera la realisation en serie des unites SMART et leur regroupement sur les sites de production de facon a baisser leur cout d'investissement
8 - Competitivite
181
Tableau 8.11. Sensibilite du cout du kWh en Coree au coefficient de disponibilite et au taux d'actualisation.
Nucleaire Cout du kWh SMART Charbon Cycle combine classique (mill/kWh) Coefficient de disponibilite ^variable et taux d'actualisation a = 8 % 57 34 34 43 Kd = 70 % 53 32 42 30 Kd = 80 % 50 40 27 29 Kd = 90 % Taux d'actualisation a variable et coefficient de disponibilite Kd = 80 % 36 21 39 26 a =3% 42 28 a =5% 25 40 53 42 32 a =8% 30 61 34 34 43 a = 10% 70 44 39 37 a = 12%
specifique. Ce dernier pourrait ainsi descendre a 2000 $/kWe, et rendrait competitif par rapport au gaz les centrales SMART, le cout de production etant alors de 44 mill/kWh avec un coefficient de disponibilite de 90 %.
8.3. Historique des couts actualises du kWh en France Les couts economiques de reference de la production electrique en France sont evalues a la demande des pouvoirs publics depuis I'origine de I'energie electronucleaire. Us ont ete publics de 1964 a 1979 dans les rapports de la Commission consultative pour la production d'electricite d'origine nucleaire (C.C. PEON), puis dans les rapports DIGEC de 1981 a 1997. Le cadre conceptuel de ('elaboration de ces couts est reste le meme, le taux d'actualisation etant impose par le Commissariat general du plan. Ce taux a varie, traduisant revolution de I'economie du pays : de 7 et 10 %, il est descendu a 9 %, et depuis 1985 a 8 %. L'equipement concurrent du nucleaire a ete successivement les centrales brulant du petrole, puis celles brulant du charbon et, depuis 1990, les cycles combines au gaz.
8.3.1. Evolution des couts d'investissement des centrales nucleaires Le cout specifique d'investissement a ete sans cesse reevalue a la hausse dans les rapports successifs en raison de ('evolution des equipements et de la reglementation ainsi que des derives internes constatees au cours de la realisation du programme francais. La figure 8.2 met en evidence revolution des previsions de cout d'investissement alors que
182
L'economie de I'energie nuclea/re
Figure 8.2. Historique des previsions de cout d'investissement du nucleaire (cF 95/kWe) Rapports PEON et DIGEC 1964-1997.
la taille des unites augmente : 900, 1300 et 1450 MWe. Des le depart du programme on constate que la facture de Fessenheim s'eleve a 1585 MF au lieu des 1485 MF prevus (conditions economiques de 1971), et celle de Tricastin a 2200 MF au lieu de 1950 MF (conditions de 1974) (Girard, 2000). devolution effective des couts d'investissement apparatt dans la figure 8.3, ou est represente le cout au kWe installe des 27 paires d'unites des paliers 900 et 1300 MWe a la date mediane entre I'ordre d'execution et le couplage qui correspond sensiblement au centre de gravite des paiements de chaque operation (Bacher et a/., 1998). L'analyse de la croissance des couts de realisation des centrales nucleaires a mis en evidence plusieurs raisons apparues a differentes epoques de la construction du programme (Moynet, 1984) : - une sous-estimation a I'origine des differentes elements de cout et de la duree de construction, qui explique lors de la realisation de la pre-serie CPO (Fesseheim et Bugey) une augmentation du cout specifique de 3 % par an en monnaie constante. Pour Fessenheim, I'allongement des delais a entrame une hausse des interets intercalates de 23 a 32 % du cout de construction de base ; - la conception des installations n'est pas restee figee ; son evolution a entrame le plus souvent des surcouts. Le passage de la serie CP1 a la serie CP2 correspond a une augmentation des volumes liee essentiellement a la separation des salles des machines. Les ameliorations conceptuelles du palier 1300 MWe concernant la surete, le dejumelage des unites, ('augmentation du rendement thermodynamique, ('amelioration des conditions d'exploitation et la nouvelle conception de la salle de commande, ont entrame un saut d'environ 15 % du cout de construction par rapport a celui du palier 900 MWe. En revanche, le passage de la serie P4 a la serie P'4 s'est traduit par une
183
8 - Competitivite
Figure 8.3. Evolution des couts d'investissement du nucleaire en France (indice 100 = Fessenheim 1,2 - FH 1,2).
diminution des volumes, notamment en genie civil, correspondant a I'optimisation progressive du palier ; le choix des sites s'est d'abord porte sur les plus faciles, c'est-a-dire ne necessitant ni terrassements, ni fondations particulieres, et dont la situation en bordure d'un fleuve de bon debit permet une refrigeration directe ; les autres modes de refrigeration vont entramer par la suite a la fois un surcout et une reduction de la puissance electrique nominale nette ; ['assurance qualite ne s'est mise en place qu'au cours de la realisation du palier 900 MWe, ainsi que certaines reglementations, comme celles du soudage. Le surcout correspondant a ete mattrise lors de la construction des unites 1300 MWe ; les conditions economiques ont evolue. On a observe, pendant la realisation du palier 900 Mwe, des reductions d'horaires sur les chantiers de genie civil plus importantes que celle constatee en moyenne dans I'industrie francaise. Par ailleurs, les fortes augmentations des prix de I'energie a la suite des chocs petroliers de 1973 et 1979 se sont repercutees sur le prix des equipements nucleaires pendant la mise en ceuvre du palier 900 MWe. Toutefois, la mise en place a EOF d'une structure de controle de gestion a permis une mattrise des couts meilleure pour le palier 1300 MWe ; les couts indirects de construction ont subi des derives importantes. Les frais de mattre d'ceuvre, d'abord fixe a 5 %, ont ete releves a 6,5 % apres ('experience de construction du palier 900 MWe ; ils atteignent aujourd'hui 11 % du cout direct de construction pour le palier N4 du fait de la reduction de I'ampleur du programme. Les frais de pre-exploitation,
184
L'economie de I'energie nucleaire
d'abord estimes a 2 % du cout direct de construction, ont ete portes a 4 % a partir de 1980 ; ils sont aujourd'hui evalues a 8 %. En valeur moyenne, les couts du palier 900 MWe, malgre les facteurs de hausse, n'ont augmente que de 1 % par an en monnaie constante, en partie grace a I'apprentissage de la construction tel qu'il apparatt dans la figure 5.1. Ceux du palier 1300 MWe ont ete stabilises, mais on observe un saut d'environ 15 % du cout d'investissement par rapport a celui du palier 900 MWe. II est a remarquer, en comparant les figures 8.2 et 8.3, que revolution reelle des couts constates n'a pas suivi revolution a laquelle on aurait pu s'attendre au vu de la succession des couts previsionnels ; la hausse reelle est restee sensiblement plus faible que celle prevue. On constate, toutefois, qu'un changement de palier conduit a un saut dans I'investissement. Le palier N4 ne manque pas a la regie : si I'on en juge par les couts previsionnels rapportes en monnaie constante (figure 8.2), 1'evaluation du palier N4 s'etablit a quelque 8 % de plus que la derniere evaluation d'une unite 1300 MWe, alors qu'on esperait un gain de 5 % au lancement du projet ; le coOt des innovations et de leur mise en oeuvre est le plus souvent sous-estime. Ces observations inciteraient a mettre fortement en doute la realite de I'effet de taille nucleaire si Ton oubliait les sauts technologiques qui ont caracterise les passages du palier 900 MWe au palier 1300 MWe, puis de ce dernier au palier 1450 MWe. Un tel effet ne peut etre mis en evidence que par une etude d'ingenierie batie sur un meme referentiel technique et economique, comme celle resumee aux tableaux 5.4 et 5.6 (§ 5.2.2).
8.3.2. Evolution des couts d'exploitation nucleaire Les couts d'exploitation en moyenne actualisee ont subi une hausse continue depuis le lancement du programme REP : 10 % par an en monnaie constante de 1971 a 1977, puis pres de 4 % les cinq annees suivantes. Une premiere raison en est une sous-evaluation au depart du personnel necessaire au fonctionnement d'une centrale nucleaire. Ensuite, la charge fiscale s'est alourdie par un changement de legislation. Les depenses de maintenance se sont accrues comme on I'a vu au paragraphe 6.2.1, ainsi que celles liees a la surete. Enfin, il est une raison generale de voir les couts d'exploitation augmenter. Les charges salariales evoluent plus vite que le niveau general des prix, la technicite requise ayant tendance a amplifier le phenomene. La legislation du travail est aussi une cause d'augmentation en ce domaine, notamment par la reduction d'horaires des services continus.
8.3.3. Evolution des couts du cycle du combustible Parmi les composantes du cout du cycle du combustible, la conversion et la fabrication, qui relevent a la fois de precedes industriels parfaitement mattrises et d'un approvisionnement sans contrainte, ont vu leur cout rester stable. L'uranium naturel et, dans une moindre mesure, I'enrichissement ont subi des fluctuations imposees par le marche ;
8 - Competitivite
185
la forte hausse des prix a partir de 1973 a ete suivie d'une decroissance tres marquee apres le contre-choc petrolier (§ 12.3.3 et 12.5.6 ainsi que les figures 12.3 et 12.7). L'aval du cycle a connu une augmentation importante de ses couts pour d'autres raisons. Les difficultes survenues dans la mattrise du retraitement de combustibles uses a fort taux de combustion a multiplie par un facteur superieur a 4 les estimations de cout. Les couts ont baisse depuis, grace a la mattrise du precede et a la bonne gestion des usines. Les estimations de cout concernant les dechets ont ete tirees a la hausse au fur et a mesure des developpements techniques concernant les transports et surtout le stockage definitif. L'augmentation reguliere des taux de combustion a pour effet de diminuer I'impact de la fabrication et de I'aval du cycle, et contribue ainsi au mouvement general de baisse du cout du cycle observe depuis une dizaine d'annees.
8.3.4. Evolution de la competitivite de I'electronucleaire A I'epoque du lancement du programme REP en France, la competitivite du nucleaire etait a peine assuree par rapport au thermique classique a base de fioul lourd ; les recommandations de la Commission PEON d'avril 1973 se basaient sur des considerations de politique energetique et misaient sur des progres economiques dans ('Industrie nucleaire (§ 3.3.1). Le premier choc petrolier, puis le second, ont donne incontestablement I'avantage au nucleaire, avantage accentue par le taux de change defavorable du dollar. Par la suite, la competitivite dans la production electrique resulte d'une poursuite continuelle s'appuyant sur des progres techniques et economiques entre les divers moyens en concurrence. La figure 8.4 montre Devolution en France des couts economiques en base, evalues en monnaie constante aux conditions de 1995. Actuellement, la competitivite se trouve dans une situation proche de celle du debut des annees 70 : I'ecart entre nucleaire et thermique a flamme est faible a nouveau. Toutefois, la difference majeure avec 1970 est que I'electronucleaire a prouve sa maturite industrielle, la stabilite de son cout de production et le maintien de sa competitivite par rapport aux autres moyens thermiques sur trois decennies. Les facteurs decisifs pour le long terme seront revolution du marche du gaz en Europe et le volume des engagements nucleaires pour le remplacement du pare actuel.
8.4. Apergu du cout du kWh des energies renouvelables Malgre les reserves emises sur la pertinence des comparaisons economiques entre moyens centralises et moyens decentralises de la production d'electricite (§ 8.1), on donne ici quelques ordres de grandeur du cout du kWh produit grace a deux formes d'energie renouvelable : I'eolien et le photovoltaTque. II est a noter que ces energies n'ont
186
L'economie de I'energie nucleaire
Figure 8.4. Evolution du cout economique du kWh en base (centimes 95/kWh). Rapports PEON et DIGEC 1994-1997.
pas encore atteint leur mattrise technique et economique, et que les couts indiques ici ne peuvent etre considered comme des couts de reference valides.
8.4.1. Cout du kWh des eoliennes Dans I'etude DIGEC (1997), on envisage des eoliennes performantes, groupees en ferme de 10 unites de puissance unitaire de 1500 kWe a mettre en service Industrie! a partir de 2005. Le diametre des pales est de 66 m. Pour une vitesse moyenne de vent de 7,5 m/s a 60 m de hauteur, le productible annuel serait de 134 kWh/an-m2 avec un facteur de charge net pour une machine de 34,9 %. Pour I'ensemble de la ferme eolienne, il faut tenir compte de 5 % de pertes par effet de sillage, ce qui donne un facteur de charge net global de 33,2 %. La duree de vie est supposee de 15 ans. Le cout d'investissement specif ique est de 838,5 €/kWe. Les charges annuel les correspondent a 3 % du cout d'investissement. La duree de vie actualisee est d'apres la relation (8) pour un taux d'actualisation de 5 % : 10,637 ans ; et 8,897 ans pour un taux d'actualisation de 8 %. Le nombre d'heures actualisees est, respectivement pour les memes taux : 10,637 x 8760 x 0,332 = 30936 heures ; et 8,897 x 8760 x 0,332 = 25877 heures. Les couts d'investissement respectifs sont : 838 500/30936 = 27,10 m€/kWh ; et 838 500/25877 = 32,40 m€/kWh.
187
8 - Competitivite
Le cout d'exploitation est : 838 500 x 0,03/(8760 x 0,332) = 8,65 m€/kWh. Le tableau 8.12, donnant les couts actualises de production d'eoliennes a mettre en service en 2005, montre que I'investissement represente environ 80 % du cout total, I'exploitation 20 %. Tableau 8.12. Cout actualise de production d'electricite eolienne (MSI 2005, m€1995AWh).
Taux d'actualisation Investissement Exploitation Cout moyen actualise
5 %
8%
27,10 8,65
32,40 8,65
35,80
41,10
Le cout de production des eoliennes est tres sensible a la vitesse moyenne du vent. Pour une vitesse de 8 m/s au lieu de 7,5 m/s, le cout de production pour un taux d'actualisation de 8 % devient 37,2 m€/kWh, soit une baisse de plus de 10 %.
8.4.2. Cout du kWh photovoltaique Parmi les nombreuses applications des cellules photovoltaTques, on ne retient ici que les installations de modules en facade de batiment, connectees a un reseau de distribution electrique, sans stockage sur batteries d'accumulateurs. L'etude economique effectuee dans Ricaud (1997) concerne quatre technologies : silicium monocristallin, silicium polycristallin, film mince Cd-Te et film mince silicium amorphe. L'exemple traite cidessous concerne la technologic aujourd'hui la plus repandue, le silicium polycristallin. Des donnees economiques recentes figurent dans Malbranche ef a/. (2001). Le cout moyen actualise du kWh photovoltaTque s'obtient par une formule adaptee des relations (10) et (22), et s'ecrit :
avec la terminologie suivante, specifique de I'energie solaire : - I'investissement / se rapporte au kilowatt-crete installe (kWc) ; - le cout moyen annuel d'entretien /VJ*estevalue en pourcentagede I'investissement, soit
- le nombre moyen d'heures annuel equivalent plein soleil H, encore appele irradiance, est le nombre de kWh produit par an et par kilowatt-crete, exprime en kWh/kWc-an ;
- le coefficient de productibilite du systeme kp depend de la reponse spectrale des modules, de leur coefficient de temperature et de I'efficacite globale de la gestion de I'energie a travers I'onduleur notamment;
1 88
L'economie de I'energie nucleaire
- I'energie moyenne annuelle produite E = H k. D'ou : c = I(\/V + kn)/H kp
En I'etat actuel de la technique, ces parametres ont les valeurs suivantes : - / = 6000 €/kWe, ce qui correspond a un cout de grande serie en usine, et installation et onduleur compris (mais sans batteries) ;
• km = 0,05 ; • kp = 0,75 ; - H = 1800 kWh/kWc-an, ce qui correspond a un tres bon ensoleillement. La duree de vie est estimee a 20 ans, ce qui conduit, avec un taux d'actualisation a = 5 %, a 1/V/ = 0,080. Le cout moyen actualise est alors c = 0,58 €/kWh, dans lequel I'investissement s'eleve a 60 %. Les facteurs de gains economiques dont on attend des effets significatifs d'ici une a deux decennies sont : - augmentation des volumes de fabrication qui abaisserait le cout sortie usine a 1,5 €/kWc au lieu de 3,35 €/kWc aujourd'hui ; - augmentation du rendement de conversion des cellules grace a de nouvelles technologies, et du rendement des onduleurs ; - augmentation de la duree de vie, par exemple a 25 ans. En se basant sur : / = 4000 €/kWe,
kp = 0,80,
^|v =0,071, on abaisse le cout du kWh photovoltaTque au niveau de c = 0,34 €/kWh. Get ordre de grandeur, environ 10 fois le cout de production des moyens classiques, montre que, du point de vue economique, le solaire photovoltaTque ne se presente pas en concurrence sur les reseaux electriques ; toutefois il fait esperer des gains sur Tinvestissement et I'exploitation des reseaux.
9
Calcul economique et gestion du systeme electrique
9.1. Optimisation du pare de production 9.1.1. Principes de ('optimisation La planification a long terme d'un systeme electrique doit repondre aux contraintes techniques enumerees au paragraphe 2.1.3, aux aleas divers mentionnes au paragraphe 2.3.1 et aux incertitudes de previsions de la demande signalees au paragraphe 2.2.2 auxquelles s'ajoutent les incertitudes sur les prix internationaux a long terme du marche des combustibles. C'est dire si la tache de planification est complexe, d'autant que I'optimisation du systeme electrique constitue un tout devant assurer des fonctions aussi differentes que la production, le transport et la distribution. Mais il est legitime, en premiere approximation, de considerer, comme on le fera ici, ('optimisation du seul systeme de production, qui, rappelons-le, represents une part preponderant^ de I'investissement. Le choix d'investissement des moyens de production repose sur 1'evaluation economique telle qu'elle a ete presentee dans les chapitres 4, 5, 6, 7 et 8 et sur une methode d'optimisation plus ou moins elaboree selon la nature des moyens de production envisages, par exemple presence ou non de moyens hydrauliques. Le processus d'optimisation consiste, en son principe, a determiner, a partir d'un pare existant et des decisions deja prises, le programme d'investissement (et de declassements) capable de satisfaire la demande au cout total actualise minimal. Ce cout total inclut toutes les depenses relatives a 1'investissement, I'exploitation et le combustible correspondant exclusivement aux moyens de production de tout type qui doivent etre installes sur le reseau pendant la periode d'optimisation pour satisfaire la demande prevue avec la qualite de fourniture requise. Ce dernier point implique que la marge de puissance (§ 2.3.1) soit prise en compte dans le processus d'optimisation, ce qui est realise par le biais du cout de defaillance. Le cout de defaillance correspond au cout des dommages economiques que subit ('ensemble du pays lors des delestages partiels de la demande d'electricite pendant les periodes critiques de I'annee. Malgre la difficulte de le mesurer directement, on modelise ce cout par une relation quadratique qui lie I'ampleur des dommages a I'etendue et la
190
L'economie de I'energie nucleaire
profondeur de la defaillance ; le cout d'une augmentation unitaire d'energie non fournie est ainsi lie au defaut de puissance. La marge de puissance est determinee par le processus d'optimisation selon le critere economique suivant : le cout marginal d'un accroissement de la marge de puissance est egal au cout de defaillance evite par cet accroissement. La probabilite de defaillance resulte d'etudes statistiques portant sur trois types d'aleas deja mentionnes : -variations de la demande, liees surtout aux fluctuations de temperature pendant la periode critique de I'annee ; - variations de I'hydraulicite ; - indisponibilite fortuite des unites thermiques. Le schema mathematique de ('optimisation est le suivant. Un programme possible de developpement du systeme de production se caracterise par une suite d'unites diverses implantees sur le reseau afin de satisfaire Devolution prevue de la demande. A ce programme j correspond une fonction de cout B-. dans laquelle figurent : - les couts d'investissement / ; - les valeurs residuelles des investissements R ; - les couts d'exploitation et d'entretien M ; - les couts de combustible F ; - le cout de defaillance D. Et qui est schematiquement representee par :
ou test le temps en annee et Tla duree de la periode d'optimisation. La barre ajoutee sur les symboles signifie qu'il s'agit de la valeur actualisee a une date de reference au taux d'actualisation a. Le programme de developpement optimal s'obtient en minimisant I'expression Bj. Diverses methodes d'optimisation peuvent etre utilisees. La plus simple consiste en la comparaison des bilans actualizes de differents scenarios d'investissement. Vient ensuite la programmation lineaire et enfin, des methodes plus elaborees comme la programmation dynamique et la commande optimale. Ces methodes sont adaptables au traitement du probleme en avenir incertain grace a ('utilisation de I'esperance mathematique. En France, le modele principal d'optimisation est base sur la theorie de la commande optimale, et precede par iterations jusqu'a la convergence vers un programme de developpement qualifie d'optimal lorsque la fonction de cout ne decrolt plus de facon significative (Varoquaux, 1996, p. 19 et sq.). Les divers modeles mathematiques doivent etre adaptes aux conditions specifiques d'un pays. Si les groupes hydrauliques sont inexistants ou de capacite negligeable, la theorie de la commande optimale est resolue de facon formelle, ce qui simplifie beaucoup son application. Si des capacites hydrauliques existent, la gestion des reserves d'eau et la
9 - Calcul economique et gestion du systeme electrique
191
valeur de I'eau constituent une des difficulty's majeures du processus d'optimisation, qui ne peut se resoudre qu'en avenir aleatoire. S'il s'agit d'un systeme electrique relativement peu developpe, une bonne approximation du programme optimal peut etre obtenue par I'utilisation d'un seul modele. Sinon, la complexite du processus d'optimisation exige plusieurs modeles pour obtenir un degre de precision suffisant ; un modele general donne un apercu du programme de developpement, et des modeles plus specifiques traitent d'aspects particuliers pour atteindre le degre de detail recherche. Ces modeles sont relies a ceux qui orientent la politique tarifaire (§ 9.2.2) ou ceux qui determinent la gestion du pare de production, notamment la politique de rechargement du combustible dans les unites nucleaires.
9.1.2. Programme optimal de developpement Un programme de developpement du pare de production est defini par le nombre d'unites devant etre installees chaque annee, leur type et leur taille. Le programme optimal est determine par les modeles d'optimisation, qui de plus fournissent toutes les informations economiques relatives a leur fonctionnement, et permettent de les classer selon leur ordre de merite. Get ordre signifie que les unites ayant le cout de production le plus bas fonctionneront le plus longtemps possible, c'est-a-dire en base de la monotone de charge. Pour les autres unites, plus bas sera le cout de production, plus longue sera leur duree annuelle de fonctionnement. La duree limite d'appel entre deux types d'equipement est le parametre economique qui traduit concretement, en terme de fonctionnement, la competition entre ces equipements, en parfaite coherence avec les couts moyens actualises de production determines par ailleurs. La duree limite d'appel est la duree annuelle pendant laquelle il est indifferent, du point de vue economique, de solliciter I'un ou I'autre type d'equipement. Elle correspond a un point d'equilibre economique, I'equipement le plus performant devant fonctionner sur des durees annuelles plus longues que la duree limite ; c'est ('inverse pour I'equipement le moins performant. II convient d'illustrer cette notion de duree limite d'appel par un calcul simple en avenir certain effectue sur une monotone de charge relative a la seule production thermique. La monotone de charge thermique s'obtient en soustrayant en base de la monotone complete I'energie fournie par les autoproducteurs et par I'hydraulique au fil de I'eau, en semi-base I'energie fournie par I'hydraulique d'eclusee, en pointe I'energie fournie par les centrales de lac et de pompage (figure 9.1). Considerons deux types d'equipement susceptibles de fonctionner en base et dont la structure de cout est contrastee (§ 4.5.4) : une unite nucleaire (indicee 1) et une unite a cycle combine a gaz (indicee 2), par exemple.
192
L'econom/e de I'energie nucleaire
Figure 9.1. Monotone de charge complete et monotone de charge thermique.
Au cours d'une annee, sur une duree d'appel d heures, une demande de puissance continue de 1 kW correspond sur la monotone de charge a une fourniture de d kWh. Un kilowatt installe d'un type d'equipement quelconque ne peut fournir sur cette duree d'appel que Kd(d) x d kWh, le coefficient de disponibilite K^ dependant de I'equipement et de la duree d'appel d (§ 4.5.2). Le cout total de cette production annuelle est : Pour assurer la fourniture d'une quantite d kWh, il faut se baser sur une puissance garantie de / kW/Kd(d); le cout total de la production demandee est :
Par definition, la duree limite d'appel d entre deux equipements correspond pour I'un et I'autre au meme cout total de production de d kWh. Avec les notations :
cette definition conduit a la relation :
9 - Calcul economique et gestion du systeme electrique
193
L'equation (40) est non lineaire en 6. Lorsque la valeur de d est susceptible de se trouver en semi-base (entre 3000 et 6000 heures) ou en base (entre 6000 et 8760 heures), on peut prendre en premiere approximation une valeur moyenne K^ des Kj dans I'intervalle considere puisque la variation relative des /(jest moderee, et ainsi obtenir une premiere valeur de d. Ensuite, on peut affiner par interpolation autour de cette valeur. I/approximation d'une valeur moyenne K^ permet une representation lineaire du cout annuel de production Cde la puissance garantie en fonction de la duree d'appel d :
Le cout C de chaque equipement est represente par une droite ayant Q//Q pour ordonnee a Torigine, et q pour pente, la duree d'appel variant en principe de 0 a 8760 heures. On n'aborde pas ici la determination du pare dans le domaine allant de la pointe a la semi-base : il faudrait y introduire le cout de defaillance, et ce domaine n'est pas celui du nucleaire. Les deux droites correspondant aux deux types d'equipement se coupent au point d'abscisse d, point d'equilibre economique (figure 9.2). En reportant I'abscisse <5 sur la monotone de charge thermique d'une annee consideree, on obtient, pour cette annee-la, la limite qui separe les_puissances garanties de I'un et I'autre type d'unite de production, respectivement et 1/Kdl et I/K^ kVV. La composition du pare a construire pour satisfaire I'accroissement de la demande est determinee entre les types d'unite 1 et 2 par le cout minimal annuel de ('ensemble de ces deux equipements nouveaux : ce cout minimal est represente par la ligne brisee des droites 1 et 2. Ce processus offre une justification de I'ordre de merite mentionne au debut de paragraphe. Toutefois, le calcul se complexifie lorsqu'on doit tenir compte des equipements existants, ce qui dans certains cas peut conduire a des declassements anticipes (§ 11 .3.3).
9.1.3. Sensibilite des couts economiques a la duree d'appel Conformement a I'optimisation du systeme de production, les unites de type different fonctionnent dans des plages de duree d'appel variees en raison de leur ordre de merite. II convient done de connaTtre revolution des couts economiques selon les durees d'appel, ce qui permet une vision elargie de la competitivite des equipements. Le cas etudie ici correspond a I'etude DIGEC (1 997) restreinte aux equipements nucleaire et cycle combine au gaz a mettre en service en 2005, pour les taux d'actualisation de 5 et 8 %. Le formalisme utilise est celui des paragraphes 4.5.4 et 9.1 .2.
194
L'economie de I'energie nucleaire
Figure 9.2. Duree limite d'appel entre deux equipements.
• Cas du nucleaire Les donnees economiques sont celles du tableau 8.1, et les donnees de fonctionnement celles du tableau 9.1, ou le nombre d'heures actualisees resulte des valeurs de K^d) et du decalage des arrets programmes en fonction de la duree d'appel d. La relation (22) donne avec q = m + f+ rd :
9 - Calcul economique et gestion du systeme electrique
195
Tableau 9.1. Donnees de fonctionnement d'une centrale REP-N4 ameliore.
Duree d'appel d
Nombre d'heures actual isees
Kd(d)
a =5%
a = 8%
8760
0,855
118504
88175
7000
0,882
97641
72639
6000
0,902
85561
63644
5000
0,921
72772
54123
4000
0,941
59446
44202
3000
0,951
45000
33530
Les variations du cout du kWh nucleaire en fonction de la duree d'appel sont donnees au tableau 9.2. Tableau 9.2. Gout du kWh nucleaire REP-N4 ameliore en fonction de la duree d'appel (MSI 2005, m€1995AWh).
Duree d'appel d
Cout actualise du kWh nucleaire a = 5% a = 8%
8760
25,6
31,6
7000
29,5
36,8
6000
32,6
41,0
5000
37,1
49,6
4000
43,7
55,9
3000
55,3
71,3
• Cas du cycle combine au gaz Dans le cas du cycle combine au gaz a mettre en service en 2005, le type d'installation depend de la duree d'appel : installation a trois niveaux de pression et de resurchauffe (3PRS) pour la base (7000 heures et plus), et installation a deux niveaux PRS pour la semibase (moins de 7000 heures). Les caracteristiques en sont donnees dans le tableau suivant : Cycle combine Cout d'investissement m/kWe • actualise a 5 % • actualise a 8 % Rendement sur PCI
2PRS
3PRS
516,8 536,6 56,3 %
544,2 565,6 57,1 %
196
L'economie de I'energ/e nucleaire
Les donnees de fonctionnement sont celles du tableau 9.3, ou le nombre d'heures actualisees depend du taux d'indisponibilite fortuite 3 %, et des arrets d'entretien : 6 heures de nettoyage des machines toutes les 1000 heures, 1 3 jours d'inspection de combustion toutes les 8000 heures, 30 jours d'inspection des parties chaudes toutes les 25000 heures, et une inspection majeure de 50 jours toutes les 50000 heures. Tableau 9.3. Donnees de fonctionnement d'un cycle combine.
Nombre d'heures actualisees a =5% a =8%
Duree d'appel d
Kd(d) moyen
8760
0,902
114125
7000
0,922
93218
71615
5000
0,941
68801
52654
3000
0,960
42192
32462
87678
Les donnees economiques de I'entretien correspondent a :
Le cout CF du gaz en fonction de la duree d'appel, donne au tableau 9.4, s'obtient par : - le prix a la frontiere pour lequel on retient les deux valeurs constantes de 2,7 et 3,3 $/MBtu ; - le cout de mise a disposition du gaz a la centrale a partir du reseau francais, variable selon la duree d'appel, d'apres les formules donnees au paragraphe 7.2.2 ; - la fiscalite de 1,16 m€/kWh PCS ; - le rendement sur PCI du cycle combine et le ratio des pouvoirs calorifiques superieur et inferieur du gaz, soit 1,112. Tableau 9.4. Cout du gaz en fonction de la duree d'appel (m€/kWh).
Duree d'appel d
Cout du gaz selon le prix frontiere 2,7 $/MBtu
3,3 $/MBtu
8760
23,01
27,22
7000
23,59
27,82
5000
25,75
30,11
3000
28,78
33,25
Le cout moyen actual ise s'obtient par la relation (22) ou Ton isole le cout du combustible CF et ou I'investissement / depend de la duree d'appel :
avec V = 14,443 ans a 5 %, et V = 11,096 ans a 8 %.
9 - Calcul economique et gestion du systeme electrique
197
Les variations du cout du kWh du cycle combine au gaz en fonction de la duree d'appel sont donnees au tableau 9.5. Tableau 9.5. Cout du kWh cycle combine ameliore en fonction de la duree d'appel (MSI 2005, m€1995/kWh).
Cout actualise du kWh cycle combine Duree d'appel d (heures)
a =8%
a =5%
Prix frontiere du gaz en $/MBtu 2,7
3,3
2,7
3,3
8760
31,2
35,4
32,9
37,1
7000
33,1
37,4
35,2
39,4
5000
38,6
41,9
40,2
44,6
3000
46,8
51,2
51,0
55,5
9.1.4. Sensibilite de la duree limite d'appel au taux d'actualisation La duree limite d'appel est un parametre qui met en evidence de fagon synthetique et rigoureuse la competitivite entre deux types d'equipement lorsque Ton considere un fonctionnement hors de la base de la monotone de charge. De la meme facon elle permet d'illustrer la sensibilite de cette competitivite au taux d'actualisation. On applique, a differentes valeurs de duree d'appel, la formule (40) qui donne le cout de production annuel d'un equipement en €/kWe-an :
L'exemple precedent du paragraphe 9.1.3 conduit aux valeurs suivantes des couts annuels de production donnees dans les tableaux 9.6 et 9.8. • Dans le cas du nucleaire, - pour a = 5 %,
Q = 136,48 €/kWe-an
- pour a = 8 %,
Q = 183,75 €/kWe-an
• Dans le cas du cycle combine, il faut calculer la part fixe 0 et la part proportionnelle f du combustible a partir des memes donnees qui ont permis de calculer le cout CF du gaz au paragraphe 9.1.3.
L'economie de I'energie nucleaire
198
Tableau 9.6. Gout annuel de production d'un REP-N4 ameliore, en fonction de la duree d'appel et du taux d'actualisation (€/kWe-an).
Gout annuel de production
Duree d'appel d
a =5%
a = 8%
225,4
278,1 258,8
6000
207,3 196,4
5000
185,7
4000 3000
175,1
247,0 235,6 224,1
166,0
214,9
8760 7000
Tableau 9.7. Decomposition du cout du gaz en partie fixe 0 et partie proportionnelle f
f m€/kWh
0 €/kWe Duree d'appel d
actualisation
prix frontiere $MBtu
5%
8%
2,7
3,3
8760
203,4
156,2
21,23
25,44
7000
210,4
161,6
21,33
25,57
5000
261,0
199,8
21,95
26,32
3000
270,6
208,2
22,37
26,83
On en deduit les couts annuels de production du cycle combine selon deux taux d'actualisation et deux prix frontiere constants du gaz (tableau 9.8). Tableau 9.8. Cout annuel de production d'un cycle combine ameliore en fonction du taux d'actualisation et du prix frontiere du gaz.
Cout annuel de production1 Duree d'appel d
actualisation a 5 % 2
prix frontiere gaz
1
actualisation a 8 % prix frontiere gaz2
2,7
3,3
2,7
3,3
8760
273,0
309,9
287,8
324,7
7000
231,2
261,6
246,3
276,0
5000
188,6
210,5
201,9
223,8
3000
141,3
154,7
154,4
167,8
En €/kWe.an ; 2 en $/MBtu.
9 - Calcul economique et gestion du systeme electrique
199
• Valeur de la duree limite d'appel La figure 9.3 presente la variation des couts annuels de production pour le nucleaire et le cycle combine et pour un taux d'actualisation de 5 %. Alors que les deux valeurs de prix du gaz a la frontiere conduisent a un ecart important entre les deux courbes relatives au cycle combine, une augmentation du prix de I'uranium naturel de 20 a 25 $/lbU3O8 deplace a peine la courbe relative au nucleaire. La duree limite d'appel s'obtient par resolution graphique de ('intersection de la courbe nucleaire et de Tune ou I'autre courbe gaz. La figure 9.4 est analogue a la precedents, mais pour le taux d'actualisation de 8 %. Figure 9.3. Cout annuel de production par kWe, taux d'actualisation 5%/an.
200
L'economie de I'energie nuc/eaire
Figure 9.4. Cout annual de production par kWe, taux d'actualisation 8%/an.
On note que la non-linearite de ['equation (40) donnant la duree limite d'appel est peu marquee surtout au voisinage de la base, ce qui justifie le calcul approche propose au paragraphe 9.1.2. Le tableau 9.9 resume les aspects essentiels de la competitivite du nucleaire par rapport au gaz : meilleure pour un taux faible d'actualisation, fortement sensible au prix du gaz nature!. Le calcul de la duree limite d'appel est un excellent exercice economique dans le domaine de la production d'electricite. Aujourd'hui, il perd de son interet pratique dans
201
9 - Calcul economique et gestion du systeme electrique
Tableau 9.9.
Duree limite d'appel entre nucleaire et cycle combine.
5 %
Taux d'actualisation
8%
prix frontiere du gaz ($/MBtu)
2,7
3,3
2,7
3,3
duree limite d'appel (heures)
4800
3600
8000
5800
la recherche de ('optimum du fait que le volume du programme nucleaire en France sera moins dicte par des raisons de pure economie que par le souci d'une bonne strategic de gestion du pare.
9.2. Structure tarifaire 9.2.1. Principes de la tarification La tarification est Pensemble des mesures qui assurent les recettes destinees a couvrir les charges d'investissements et de fonctionnement du systeme electrique. A cette fin, elle definit pour chaque categorie de consommateur le prix du kWh qui correspond au mieux au service rendu. Elle est basee sur deux principes : - I'egalite du traitement : tous les consommateurs d'electricite d'une meme categorie, c'est-a-dire dont la consommation presente des caracteristiques analogues (niveau de tension d'alimentation, niveau de consommation, puissance demandee, courbe de charge...) beneficient des memes conditions tarifaires ; - I'efficacite economique : la facture recue par chaque consommateur correspond au service rendu et a tous les couts correspondants supportes par le systeme electrique. Dans le cas d'une compagnie de service public, la perequation geographique peut etre une condition supplementaire imposee, comme en France, par I'Etat dans le cadre d'une politique d'amenagement du territoire et de solidarite nationale. Elle concerne les couts de distribution qui varient fortement selon la dispersion de I'habitat, et qui sont tarifes sur la base d'une valeur moyenne etablie sur ('ensemble du territoire. On realise ainsi des transferts entre consommateurs selon la localisation. Dans le cadre de la deregulation des marches de I'electricite et de la privatisation des producteurs (compagnies d'electricite), il devient impossible pour les gouvernements d'imposer a un secteur particulier, I'electricite dans le cas present, une charge correspondant a des objectifs sociaux. Le gouvernement devra done trouver d'autres moyens, taxes, subventions ou autres, pour mettre en place sa politique socioeconomique.
202
L'economie de I'energie nucleaire
La tarification constitue ['interface entre I'offre et la demande. En consequence, et surtout dans une compagnie de service public, comme EDF en France, elle etablit un systeme de prix dont la connaissance permet aux diverses categories de consommateurs d'utiliser leurs equipements electriques et autres au mieux de leur interet propre et de I'interet general. La demarche generale conduisant a une tarification selon ces principes est issue de considerations economiques preconisant la vente au cout marginal.
9.2.2. Cout marginal et structure tarifaire Le cout marginal est par definition le cout que supporte la collectivite pour repondre a la demande supplementaire (de 1 kWe) d'un client pour une periode donnee. En restant au niveau des general ites de la theorie, il convient de preciser un certain nombre de points. Le cout marginal se definit selon deux approches. II ne faut pas se laisser abuser par la terminologie de cout marginal de court terme et de cout marginal de long terme, utilisee habituellement pour qualifier ces deux approches. Les couts qui decoulent de Tune ou de I'autre sont relatifs a une meme epoque, celle ou survient la fourniture supplementaire, done relatifs a un etat donne du systeme electrique, et particulierement du pare de production. II peut s'agir aussi bien de I'epoque actuelle que d'un horizon plus ou moins eloigne dans I'avenir. Le cout marginal de court terme d'une fourniture supplementaire est I'augmentation de cout supportee par I'ensemble du systeme electrique qui resulte de cette fourniture a une periode donnee de I'annee, alors que, par hypothese, le systeme electrique reste inchange. Concretement, cette fourniture est done assuree par la marge de puissance existante, dont on connatt le cout de production. Et, si a certaines periodes de I'annee, le pare de production existant n'est pas en mesure de satisfaire la demande supplementaire, il faut avoir recours a une diminution de la qualite de service allant jusqu'a des delestages, et en evaluer le dommage par le cout de defaillance. Le cout marginal de long terme de la meme fourniture est le cout supporte pendant I'annee par le systeme electrique, qui, par hypothese, adapte ses capacites a ('evolution de la demande sans recourir a des solutions de secours ou des delestages. Ce cout est done la somme des depenses annuelles fixes relatives aux capacites nouvelles installees pour satisfaire I'accroissement de demande et des depenses proportionnelles, essentiellement celles du combustible, effectuees pendant la duree annuelle de fonctionnement de ces capacites. Dans un systeme electrique optimal, le cout marginal de court terme et celui de long terme pour une fourniture donnee sont egaux. Ce resultat se demontre formellement comme I'illustre le raisonnement suivant qui decoule de la definition des couts marginaux.
9 - Calcul economique et gestion du systeme electrique
203
Lorsque le cout marginal de court terme devient superieur au cout marginal de long terme, le systeme electrique, pour satisfaire une demande supplementaire, doit alors augmenter ses capacites et diminuer de ce fait le cout total. Si Ton constate que le cout marginal de long terme est superieur au cout marginal de court terme, on comprend que I'investissement nouveau engage pour faire face a une demande supplementaire est trop important et que, s'il avait ete moindre, le cout total aurait diminue. Dans le cas ou les couts marginaux selon Tune ou I'autre approche sont egaux, cela signifie qu'il n'y a pas de diminution possible du cout total par une modification des capacites du systeme dans un sens ou dans I'autre : la demande est done satisfaite au moindre cout, le systeme electrique est optimal. A chaque type de fourniture caracterise par son niveau de tension, son moment de livraison dans I'annee, sa duree, sa quantite d'energie, correspond un cout marginal. La diversite des couts marginaux incite a elaborer une structure tarifaire qui, tout en etant simple et aisee a mettre en ceuvre, reflete au mieux les couts marginaux. Le cout marginal est evalue en fonction des aleas de I'offre et de la demande, mentionnes precedemment. On cherche a minimiser I'esperance mathematique du cout de production pour obtenir un systeme optimal, pour lequel ce sont les esperances mathematiques des couts marginaux de court terme et de long terme qui sont egales. Les couts marginaux, done indirectement la structure tarifaire, sont issus du processus d'optimisation, qui lui-meme est base sur les couts economiques caracterisant les equipements de production et de transport d'electricite. On obtient ainsi une boucle de regulation de Pensemble du systeme electrique : la demande d'electricite conduit a determiner un programme de developpement optimal d'ou sont issus les couts marginaux. Ceux-ci definissent une structure tarifaire qui incite les consommateurs a utiliser I'energie au mieux de I'interet collectif, et qui inflechit en retour la demande d'electricite. Cette boucle de regulation, illustree en figure 9.5, assure la coherence entre les decisions d'investissement et les decisions prises par les consommateurs au vu de la modulation des prix (Varoquaux, 1996, p. 73). L'application de ces principes a conduit EDF a etablir a partir de 1957 un tarif Vert et a I'amenager par modifications successives : du tarif en heures creuses en basse tension en 1957, on est passe en 1982 pour tout niveau de tension, au tarif a effacement en heures de pointe les plus chargees. La consequence en a ete I'ecretage des pointes journalieres et le remplissage des creux, comme le montre sur la figure 9.6 Devolution de la courbe de charge reduite d'un jour ouvrable d'hiver en France. II en resulte un investissement moindre en moyens de pointe du systeme production-transport, et une meilleure utilisation des autres moyens.
L'economie de I'energ/e nucleaire
204
Figure 9.5. Boucle de regulation d'ensemble du systeme electrique.
Demande d'electricite
Optimisation des investissements de production et transport
Structure tarifaire
Couts marginaux
Figure 9.6. Evolution de la courbe de charge reduite d'un jour ouvrable moyen de Janvier en France (la puissance moyenne appelee dans la journee egale a 1).
II convient de noter que les considerations developpees ci-dessus ne sont applicables pleinement que dans un cadre centralise et monopolistique. La deregulation des marches de I'electricite et ^introduction des systemes d'echanges a tres court terme sur un marche totalement ouvert conduisent a d'autres methodes de tarification.
9 - Calcul economique et gestion du systeme electrique
205
9.3. Couts comptables Si la structure tarifaire, basee sur le cout marginal, oriente bien le systeme electrique vers son optimum, il n'est pas evident que soit assuree la fonction premiere de la tarification, qui est de determiner les prix de vente de facon a porter les recettes au niveau des depenses de I'entreprise. Le cout marginal, issu des memes donnees que le cout moyen actualise, presente un aspect theorique qui ne peut correspondre exactement a la realite comptable de la fourniture d'electricite. En effet, le calcul economique est effectue sur une base normative (taux d'actualisation, amortissement a annuites constantes, duree de vie) avec des couts previsionnels relatifs a des investissements futurs (performances techniques ameliorees, hypotheses sur le prix des combustibles). Le cout comptable, qui resulte du bilan des depenses et des recettes reel les d'une unite existante, pour une annee ecoulee, ne peut done etre legitimement compare au cout economique relatif a un equipement certes de meme categoric, mais a mettre en service dans les annees a venir. Il est seulement possible de comparer leur structure, en explicitant les differences observees telles qu'elles apparaissent par exemple dans le tableau 9.10 relatif au pare REP d'EDF. - Les charges d'investissement sont beaucoup plus faibles dans le cout comptable, d'une part parce que les taux du marche financier en France pour des projets de cette importance sont de I'ordre de 4,5 a 5 % en termes reels, d'autre part car la loi d'amortissement utilisee, par degressivite, fait peser I'essentiel du rennboursement du capital sur les premieres annees de production. - Les charges financieres pour les depenses posterieures a la production (demantelement et aval du cycle) figurent au plan comptable sous forme de provisions. Celles-ci, selon la legislation francaise, sont egales au montant de I'estimation de ces depenses futures ; elles ne sont pas actualisees, ni, de ce fait, fortement reduites, comme c'est le cas des postes correspondant dans le cout economique. On constate ainsi, entre le calcul economique et le calcul comptable, une forte distorsion pour le poste aval du cycle (respectivement 4,5 et 14 %), et surtout pour le poste demantelement (respectivement 0,4 et 5 %). - Les rendements croissants que generent les reseaux electriques en fonction du temps sont integres dans I'estimation previsionnelle des charges directes d'exploitation et des charges des services centraux de I'entreprise. C'est pourquoi le poste d'exploitation est reduit dans le cout economique par comparaison avec la valeur correspondante dans le cout comptable. - Le cout du cycle amont est legerement inferieur dans le cout comptable, car le prix du marche de I'uranium est actuellement inferieur a celui de I'hypothese adoptee dans le cout economique, et, de plus, dans ce dernier I'actualisation dilate quelque peu les depenses en amont de la production d'energie (tableau 9.10). Par ailleurs, la connaissance des couts comptables de chaque unite permet de determiner le cout proportionnel (essentiellement celui du combustible) et de definir grace a lui I'ordre de merite de cette unite selon lequel elle sera appelee sur le reseau dans le plan de production quotidien (§ 2.1.4).
206
L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 9.10. Comparaison de la structure des couts comptables et des couts economiques dans le cas du programme REP en France.
Gout economique1
Cout comptable2
c€/kWh % 2,07 57 Investissement (0,4) Dt. demantelement (0,01)
Exploitation
0,85
23
0,70 (0,53) (0,17)
(14,5) (4,5)
R&D
0,03
1
Total
3,65
100
Combustible Dt. amont. Dt. aval
19
c€/kWh
%
Charges d'investissement Dt. charges financieres Dt provision demantelement
0.9
31
(0,75) (0,15)
(26)
Exploitation Dt. charges directes Dt. impots et redevances Dt. charges services centraux
1,1
38
(0,78) (0,16) (0,16)
(27) (5,5) (5,5)
(5)
Combustible Dt. amont Dt. aval
0,9
31
(0,5) (0,4)
(17) (14)
Total
2,90
100
1
Evaluation effectuee en 1993 par le ministere de ('Industrie pour un programme N4 ameliore a mettre en service en 2000 (monnaie de 1995). Taux d'actualisation de 8 %.
2
Evaluation effectuee par EDF en 1995 pour le pare REP existant.
9.4. Prix de I'electricite [.'elaboration des prix de I'electricite en France repose sur la structure des couts marginaux, ces derniers totalisant ceux de la production, du transport et de la distribution. Toutefois, on observe un ecart, meme s'il n'est pas considerable, entre les couts marginaux, qui sont de nature theorique, et les couts comptables. Pour que les recettes equilibrent les depenses, un ajustement devient necessaire. Ce dernier est effectue sans modifier la structure tarifaire afin d'en conserver la vertu de signal economique pour le consommateur. Ainsi, la fonction d'optimisation et la fonction d'equilibre financier des tarifs sont simultanement assurees. Les tarifs sont constitues de deux elements : la prime fixe, representant essentiellement les couts de transport (relativement importants), les couts de distribution et ceux de raccordement du client au reseau ; le prix de I'energie, qui est le produit des quantites consommees par le prix du kWh dans le poste horaire considere. Us presentent une grande diversite selon les categories de consommateurs, qui se situent entre deux extremes : - la clientele basse tension du secteur residentiel, pour laquelle le cout de la distribution est loin d'etre negligeable compare a celui de la production ;
9 - Calcul economique et gestion du systeme electrique
207
Figure 9.7. Prix de I'electricite TTC au 1er juillet 2000 dans le secteur residential en Europe (France = base 100).
* au 1 er Janvier 2000.
208
L'economie de I'energie nucleaire
Figure 9.8. Prix de I'electricite hors TVA au 1er juillet 2000 en Europe (France = base 100).
* au 1 er Janvier 2000.
9 - Calcul economique et gestion du systeme electrique
209
- la clientele haute tension du secteur industriel, pour laquelle le cout de production est preponderant. Les tarifs n'ont done pas la meme sensibilite aux variations du cout de I'energie. Les tarifs haute tension subiront dans leur quasi totalite une eventuelle augmentation du cout de I'energie ; les tarifs basse tension y seront nettement moins sensibles. D'un pays a I'autre, on observe des niveaux de prix differents qui s'expliquent par les conditions specifiques relatives soit aux moyens de production et leurs performances economiques, soit a la densite des reseaux, soit aux options tarifaires et aux taxes. Pour ces memes raisons, les ecarts entre tarifs se diversifient selon les categories de fourniture, comme le montrent les figures 9.7 et 9.8 concernant les prix europeens de I'electricite. Les prix francais se situent avantageusement dans ('ensemble des prix indiques des marches nationaux en Europe ; les exportations francaises d'electricite vers le RoyaumeUni, I'Allemagne et surtout I'ltalie en sont la manifestation. Get avantage est moins net dans le secteur residentiel en raison notamment de la faible densite du reseau basse tension en France impliquant des couts de distribution eleves. La position commerciale d'EDF est d'autant plus solide que les couts de production sont assures d'une bonne stabilite, I'energie etant produite a 95 % par les centrales nucleaires et hydrauliques. C'est un atout economique precieux pour les industries nationales, grosses consommatrices d'electricite.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
10
Coiits externes
10.1. Externalites L'electricite, comme tout produit, resulte d'une succession d'activites precises que ('analyse micro-economique prend en compte dans 1'evaluation des couts, et dont tirent profit le producteur et le consommateur. Cependant, les activites de production et de consommation peuvent entrainer des consequences « externes » a I'analyse economique hors de la sphere du producteur et du consommateur. On les qualifie d'externalites. Pour les agents economiques, individus ou collectivites, autres que le producteur ou le consommateur, ces externalites se traduisent le plus souvent par des dommages, parfois par des avantages, et sont done, selon le cas, des externalites negatives ou positives. Ce sont les externalites negatives, les plus manifestes, qu'il apparatt aujourd'hui de plus en plus necessaire d'evaluer en termes de cout et d'integrer dans les prix payes par les consommateurs. S'agissant de la production d'electricite, la diversite des externalites dans leurs manifestations constitue la premiere difficulte rencontree dans 1'evaluation de leur impact economique. Diversite de nature : il peut s'agir de nuisances comme le bruit, les odeurs, I'atteinte aux batiments ou aux paysages ; de pollutions thermiques ou chimiques provoquees par le rejet dans I'environnement de gaz ou d'effluents et la creation de dechets ; d'inconvenients graves comme le deplacement de populations dans le cas de grands projets hydroelectriques ; d'accidents dans les mines et les centrales. Diversite dans I'espace : les externalites sont ressenties soit a proximite du site de production (bruits, accidents), soit dans la region (pollutions chimiques, pluies acides), soit sur I'ensemble de la planete (gaz a effet de serre). Diversite dans le temps : elles ont des impacts instantanes (bruits, fumees), a court terme (pollutions des rivages et des rivieres), a moyen terme (pluies acides, maladies pulmonaires), a long terme et tres long terme (gaz a effet de serre, radiotoxicite des radionucleides a vie longue). Diversite des impacts : les externalites peuvent toucher la population, I'habitat et les biens materiels, les ecosystemes les plus divers, et meme les systemes macroeconomiques.
212
L'economie tie I'energie nuc/eaire
Les externalites sont inventoriees tout au long des chaines energetiques concernees par la production d'electricite, c'est-a-dire de ['extraction de I'energie primaire, a la construction et Sexploitation des centrales electriques en passant par ('elaboration et le traitement des combustibles et de leurs dechets ainsi que leur transport. On ne traitera ici que des chames relatives a la production thermique d'electricite parmi lesquelles figure I'energie nucleaire. Cette demarche s'inscrit dans le cadre conceptuel de ('Analyse du Cycle de Vie (en anglais, Life Cycle Analysis) qui s'applique a des systemes generaux comme celui de I'energie ou celui des transports (Pearce, 2002 et Virdis, 2002). Elle est aussi a la base de methodes similaires, comme celle developpee dans IAEA (1999). Certaines externalites ont ete progressivement incluses dans les couts de production d'electricite par le biais de dispositions techniques capables de reduire grandement les impacts non pris en compte ou de mesures economiques susceptibles d'integrer les couts des dommages dans les prix payes par le consommateur. Dans ce cas, ces externalites sont dites internalisees, en particulier au travers des couts de protection de I'environnement, qui sont estimes dans le paragraphic 10.2. On reserve le terme de couts externes aux couts relatifs aux externalites non prises en compte dans les couts de production, qu'elles soient environnementales ou non. Les couts externes environnementaux sont examines au paragraphe 10.3. Ceux de nature non environnementale font I'objet du paragraphe 10.4.
10.2. Couts in teg res de protection de I'environnement II n'y a pas lieu ici de proceder a un examen complet des couts de protection de I'environnement, inclus par definition dans les couts de production. II s'agit d'illustrer brievement ('incidence economique des reglements edictes pour limiter les atteintes a I'environnement et a la sante publique, mais aussi de souligner que, dans ce type d'analyse, I'electronucleaire se distingue des autres formes de production d'electricite. La situation est evolutive, dans le sens de la severite, cela va sans dire. Un point de la question, recent et assez complet, a ete fait pour les centrales electriques dans OCDE (1998-Annexe 6).
10.2.1. Cas des industries extractives Pour ce qui est des industries extractives du domaine des energies primaires, quelques exemples illustreront le propos. Dans les mines de charbon, les couts des maladies professionnelles sont pris en compte par le biais des salaires des mineurs et de leur regime de retraite. Dans certains pays, les mines a ciel ouvert de charbon ou d'uranium doivent faire I'objet d'une reconstitution de paysage apres exploitation, dont la depense est incluse sous forme de provision dans le cout de la tonne extraite. Dans le cas de I'uranium, un traitement chimique des boues residuelles de I'usine de concentration s'impose pour eviter le passage a la biosphere des metaux lourds contenus.
10-Coutsexternes
213
10.2.2. Cas general des centrales thermiques et en particulier des centrales thermiques a flamme La reglementation concernant les centrales thermiques a flamme porte sur les emissions atmospheriques, les effluents liquides, relimination des dechets solides, les rejets thermiques et I'occupation des sols. Pour I'essentiel, elle se traduit par des dispositifs antipollution dont les depenses de construction et les charges d'exploitation dependent, a I'evidence, de la severite des reglements et de la technique utilisee. • Emissions atmospheriques Dans les centrales a charbon, les techniques et les couts associes pour reduire les emissions varient selon la taille des centrales et la qualite du combustible. Les limitations concernent la desulfuration des fumees, leur denitrification et I'elimination des particules. En dollar de 1990, ('incidence economique des dispositifs antipollution des centrales a charbon s'evalue ainsi : - pour la desulfuration, avec un rendement de 90 % ou plus, 190 a 280 $/kWe a I'investissement, 6 a 9 mill/kWh a Sexploitation, selon le precede utilise (voie humide, voie semi-seche et regeneration) ; - pour la denitrification catalytique selective, au rendement de 80 %, 50 a 90 $/kWe a I'investissement, 3 a 6 mill/kWh a I'exploitation ; - pour la separation physique des poussieres, par precipitateurs electrostatiques ou depoussiereurs a couches filtrantes, les couts d'investissement s'echelonnent entre 50 et 80 $/kWe. Dans les centrales a gaz, les emissions soufrees etant tres faibles, seules les emissions d'oxydes d'azote, inferieures toutefois a celles des centrales a charbon, sont limitees au moyen de Tune de ces trois techniques : - I'injection de vapeur d'eau dans la chambre de combustion, qui correspond a un surcout d'environ 40 $/kWe ; - les bruleurs bas NOX, qui entrament un surcout d'environ 30 $/kWe par rapport aux bruleurs ordinaires ; - la reduction catalytique selective, dont le cout s'eleve a environ 50 $/kWe. • Effluents liquides Les eaux usees venant de purges de differents systemes (recirculation des tours de refrigeration, desulfuration des fumees par oxydation forcee, ou drainage et nettoyage des pares de stockage a charbon...) sont traitees pour eviter que celles chargees de produits chimiques ou de metaux lourds ne passent dans la nappe phreatique. Pour une grande centrale a charbon, I'investissement est de I'ordre de 10 $/kWe pour I'epuration des eaux usees, et de 6 a 8 $/kWe pour I'epuration speciale des eaux de purge de desulfuration des fumees. Pour une centrale a cycle combine au gaz, I'investissement d'epuration des eaux usees se situe entre 3 et 7 $/kWe.
214
L'economie de I'energie nucleaire
• Elimination des dechets solides Le probleme est specifique des centrales a charbon, qui produisent d'importantes quantites de cendres et de residus de desulfuration. Toutefois, il n'est pas possible de donner une evaluation generale des couts correspondant, les dechets solides a eliminer variant considerablement selon de nombreux parametres : le precede de combustion, les caracteristiques du charbon et de ses cendres, le precede de desulfuration des fumees et les produits employes a cette fin, la reglementation du pays et les opportunites locales d'utilisation des cendres (construction de routes, fabrication de materiaux, ciments, betons, briques, remblayage de mines). La part des cendres reutilisees varie fortement d'une region a I'autre, et meme d'un pays a I'autre : un quart du total en Amerique du Nord, la moitie dans les pays OCDE du Pacifique, les deux tiers dans ('Europe de I'OCDE. Leur cout de preparation et de conditionnement peut etre largement compense par leur valorisation ulterieure. Les volumes de cendres non utilisees necessitent I'amenagement d'un site de stockage. La conception de celui-ci doit permettre de reduire a un niveau acceptable les risques lies a la lixiviation sous ('action de I'eau de pluie des polluants contenus dans les cendres susceptibles d'acidifier la nappe phreatique, et les risques de contamination par des metaux lourds et des elements radioactifs de la famille de I'uranium et de celle du thorium. Le precede de desulfuration des fumees par voie humide produit des volumes importants de dechets solides qu'il faut evacuer. Le cout du traitement aval des fumees en France pour une centrale a charbon pulverise est donne au paragraphic 6.3.1. • Rejets thermiques La reglementation limite le rechauffement de I'eau des rivieres a quelques degres (de 3 a 10 °C selon les conditions locales), de facon que la diminution de la tenue en oxygene qui en resulte ne soit pas prejudiciable a la vie aquatique. Les centrales thermiques, classiques ou nucleaires, implantees en bordure de riviere se voient contraintes d'utiliser des systemes de refroidissement en circuit ferme si le debit de la riviere est insuffisant pour maintenir rechauffement dans les limites requises. La quantite de chaleur rejetee - le complement energetique de I'electricite produite est considerable et depend directement du rendement de la centrale. Les centrales nucleaires a neutrons thermiques necessitent les plus forts debits d'eau de refroidissement du fait de leur faible rendement thermodynamique (environ 32 %). Les besoins en eau de refroidissement sont moins importants pour les centrales a charbon et encore moins pour les centrales a cycle combine au gaz a cause de leur excellent rendement. Lorsque le debit insuffisant de la riviere les rend necessaires, les systemes de recirculation d'eau de refroidissement induisent des surcouts d'investissement, qui sont en partie des couts de protection de I'environnement. C'est pour les centrales nucleaires que ces surcouts sont les plus importants (§ 5.2.5) ; de plus, I'energie
10 - Gouts externes
215
necessaire au refroidissement force, diminuant d'autant le rendement global, augmente le cout de production du kWh. En France, I'utilisation de I'eau est soumise a une redevance de I'agence de bassin concernee ; cette depense liee a la protection des ressources naturelles est incluse dans les couts d'exploitation. • Occupation des sols Ce sont les barrages hydroelectriques dont la construction pose les problemes les plus importants dans I'environnement nature! et humain. Dans le cas des centrales thermiques, les etudes d'impact exigees pour obtenir I'autorisation de construction et d'exploitation conduisent toutefois a imposer des dispositifs et des mesures pour prevenir les atteintes a I'environnement proche : protection centre le bruit des refrigerants atmospheriques, dispositions architecturales pour harmoniser la forme des bailments dans le paysage, protection d'ecosystemes sensibles dans les zones littorales, etc. Les surcouts a la construction qui en resultent sont a classer parmi les couts environnementaux ; a ['exploitation, il peut s'agir de redevances aux collectivites locales, considerees alors comme des indemnisations aux riverains des nuisances creees par le fonctionnement des centrales, comme par exemple la perte de valeur des terrains environnants.
10.2.3. Cas particulier des centrales nucleaires L'analyse des couts environnementaux propres aux centrales nucleaires se presente de facon particuliere, qu'il s'agisse des dechets radioactifs lies au fonctionnement des installations, a I'utilisation du combustible, ou de la prevention des risques d'accident. La gestion des dechets du combustible nucleaire est totalement integree dans les evaluations economique et comptable ; les couts afferents, qui constituent I'ensemble des couts du cycle aval (§ 7.1.4 et 7.1.5), traduisent les exigences de protection de I'environnement. II en est de meme des dechets de faible activite induits par le fonctionnement des centrales, dont le conditionnement et le stockage definitif sont inclus dans le cout d'exploitation (§ 6.1.1). De meme, les dechets produits lors de la deconstruction des installations nucleaires, quelles qu'elles soient, ont leur cout inclus dans le cout de declassement. La conception meme des centrales nucleaires integre toutes les dispositions techniques necessaires pour eviter les rejets occasionnels de radioactivite, limiter les rejets continus a des niveaux en general bien inferieurs a ceux imposes par la reglementation de protection radiologique et de surete nucleaire, et limiter de meme I'exposition du personnel. Les principaux systemes concus pour satisfaire aux exigences de surete sont les suivants dans les centrales REP actuelles : enceinte de confinement, systeme de refroidissement de I'enceinte, redondance des circuits et dispositifs de controle-commande, systeme de refroidissement de secours du cceur, systemes de ventilation et de filtration de I'air, dispositifs de desactivation des effluents radioactifs, conception anti-sismique.
216
L'economie de I'energie nucleaire
D'apres AEN (1998), la part du cout d'investissement nucleaire liee a la surete, la protection sanitaire et celle de I'environnement atteint aujourd'hui environ 60 %, ce qui represente approximativement 40 % du cout de production. En fait, cette part a subi, par le passe, de fortes augmentations en raison du renforcement de la reglementation resultant de ('experience acquise et de I'enseignement tire des incidents et de ('accident de Three Mile Island.
La tendance au renforcement de la surete se poursuit. Dans le projet de reacteur REP franco-allemand, EPR, I'enceinte en beton de haute performance, le recuperateur de corium, le recombineur d'hydrogene, les marges de fonctionnement du cceur plus importantes, ('architecture des systemes de sauvegarde a quatre trains separes sont des dispositions nouvelles destinees a reduire encore les risques d'occurrence d'accident grave et les consequences eventuelles. Le cout imputable a ces dispositifs supplementaires de surete s'eleverait a environ 5 % du cout de construction d'une unite N4 (DIGEC, 1997).
Certaines dispositions et certains systemes imposes par la surete ont une incidence economique favorable sur le cout de production du kWh. Meme si celle-ci est difficile sinon impossible a evaluer, on ne peut nier que les exigences de fiabilite demandees par la surete pour certains materiels vont dans le sens de la reduction de leur probabilite de defaillance et de I'accroissement des performances generales de fonctionnement. A cet egard, il est manifeste que la severite accrue des controles de fabrication des assemblages combustibles a permis de diminuer de facon remarquable la probabilite de defaut sur les gaines, et done d'arret du reacteur pour detection de relachement de produits de fission. Ainsi, pour ('ensemble du pare nucleaire francais, le taux de defaillance du combustible - rapport entre le nombre d'assemblages defectueux et le nombre d'assemblages en cceur s'est abaisse en 1996 a 0,26 % en moyenne alors qu'il etait de 0,5 % une dizaine d'annees auparavant. A signaler aussi que ('assurance qualite a la construction comme a ('exploitation ne peut que favoriser le bon fonctionnement des installations.
10.2.4. Ordre de grandeur du cout de protection de I'environnement dans la production d'electricite Malgre les difficultes devaluation, la disparite des situations nationales et des evolutions de la reglementation, le rapport UNIPEDE (1995) a donne en pourcentage les ordres de grandeur du cout de la protection de I'environnement integres dans le cout total de production de I'electricite d'origine fossile. Le rapport AEN (1998, Annexe 6) les reprend, y ajoute des estimations pour I'electronucleaire en soulignant les appreciations quelque peu arbitraires que Ton porte dans ce domaine (tableau 10.1).
217
10 - Gouts externes
Tableau 10.1. Part du cout de la protection de Penvironnement dans le cout total de production d'electricite. Element de cout
Cout de la protection de Penvironnement
Centrales a charbon Controle de la pollution atmospherique Refroidissement Elimination des dechets Redevances d'environnement
6-1 8 % 0-2 % -0%
Total
0-9 % 10-26 %
Cycles combines au gaz Controle de la pollution atmospherique Refroidissement Redevances d'environnement Total Centrales nucleaires Evacuation du combustible use Systemes de surete, protection de la sante et de Penvironnement
0-6 % 0-3 % 0-5 %
0-9 % 1-4%
15-45 %
10.3. Couts externes environnementaux Les couts externes environnementaux, parce qu'ils ne sont pas incorpores dans le cout de production du kWh, peuvent etre assimiles a des avantages economiques consentis aux installations de production polluantes. Les marches de I'electricite, tant qu'ils ne refleteront pas ces couts dans leurs prix, resteront des mecanismes mal adaptes a la recherche d'un developpement durable. Dans la mesure ou il existe une volonte de reduire I'impact des centrales electriques sur I'environnement, il apparatt indispensable de disposer d'une evaluation raisonnable de ces couts externes. L'objectif en est de definir et determiner des instruments economiques de politique environnementale capables de modifier de facon positive les mecanismes du marche de Pelectricite au-dela des mesures qui existent deja a Pechelle nationale. Ces instruments pourraient etre des taxes et redevances sur les combustibles ou des permis negociables d'emissions. Pour le moins, revaluation des couts externes constitue un element essentiel dans les debats de politique energetique.
10.3.1. Methode devaluation Parmi les analyses recentes des couts externes du secteur energetique, eel les effectuees a la demande de la Commission europeenne et reunies dans le projet ExternE (External
218
L'economie de I'energie nucieaire
Costs of Energy) sont ies plus completes et les plus approfondies ; elles sont mises periodiquement a jour (ExternE, 1998). Ces analyses decoulent de quelques principes generaux issus de ('Analyse du Cycle de Vie, mais organises selon la methode des cheminements d'impacts (en anglais, Impact Pathway Analysis). D'abord, les externalites sont inventoriees tout au long de la chame complete du combustible, comme mentionne au paragraphe 10.1, et la comparaison entre chames s'effectue sur la base d'une meme fourniture d'energie au niveau de I'usage final. Les evaluations d'externalites reposent sur des mesures et des donnees relatives a des sites bien precis et a un niveau technologique donne. Elles sont significatives d'une region parce qu'elles resultent d'etudes d'un grand nombre de sites de meme nature, comme par exemple les centrales au charbon en Europe, ou d'un systeme industriel representatif d'une chame energetique, comme ('ensemble de I'electronucleaire en France. Les evaluations d'externalites sont extremement detaillees et complexes, comme on peut s'en rendre compte, dans le cas de I'energie nucieaire, en se reportant a ExternE (1995). Un aspect fondamental en est ('evaluation de la mortalite parce qu'elle compte, d'apres ExternE (1998), pour environ 85 % des dommages exprimes en termes monetaires. Les developpements les plus recents de ('analyse des effets de la pollution atmospherique sur les taux de mortalite conduisent a raisonner en perte d'esperance de vie plutot qu'en nombre de morts, ce qui permet des comparaisons plus significatives entre differentes formes d'energie. La methode de cheminements d'impacts est resumee dans Rabl ef a/. (2001). Elle comporte les etapes suivantes, les dommages causes par les emissions de NOX servant d'illustration. - Emission : specification des techniques concernees et des quantites emises (par exemple, kg de NOX produit par kWh par une centrale electrique d'un type donne). - Dispersion : calcul de ('augmentation des concentrations de polluants dans les regions affectees (par exemple, croissance de la concentration d'ozone resultant de la dispersion atmospherique et de la chimie de la formation d'ozone due aux NOX). - Impact : calcul de la dose resultant de I'augmentation d'exposition, et calcul des impacts - c'est-a-dire les dommages en unites physiques - resultant de cette dose en utilisant une relation dose-effet (par exemple, le nombre de cas d'asthme dus a I'accroissement de la teneur en ozone). - Cout : evaluation economique de ces impacts (par exemple, multiplication du nombre precedent par le cout d'un cas d'asthme). On tient compte evidemment par cette methode des distances a la source des emissions et des variations eventuelles de la densite de population le long de leur cheminement. On tient compte aussi de Devolution des impacts dans le temps. Les impacts et les couts associes sont totalises sur tous les sujets sensibles (population, recoltes, batiments...) sur la duree et I'espace geographique impliques.
10 - Gouts externes
219
Le parametre essentiel des evaluations est done la valeur de la vie humaine. Dans ExternE (1998, Vol. 7, p. 239 etsq.), la valeur retenue a I'echelle europeenneest 3,1 M€, proche de celle issue d'etudes americaines. Elle permet de determiner la valeur theorique d'une annee de vie perdue (en anglais, YOLL, « year of life lost ») en considerant la valeur de la vie humaine comme la valeur actualisee d'une serie de valeurs annuelles. La valeur d'une annee perdue depend du taux d'actualisation et du temps de latence. Par exemple, dans le cas de la pollution atmospherique par les particules de matiere, pour un temps de latence de 30 ans et un risque uniformement reparti sur cette periode, la valeur d'une annee perdue est estimee a 84330 € au taux d'actualisation de 3 % et 98000 et 60340 € pour les taux respectifs de 0 et 10 %. Toutefois, des incertitudes importantes subsistent dans ces evaluations ; elles sont inherentes aux etudes epidemiologiques et aux etudes actuarielles sur la valeur de la vie humaine. Cette derniere, selon diverses estimations, se situe en fait entre 1 et 5 M€, et Tune des difficultes majeures est de relier la valeur de la vie humaine determinee par I'etude des accidents a la valeur de I'annee de vie perdue a cause de la pollution atmospherique, dans laquelle intervient la periode de fin de vie insuffisamment etudiee aujourd'hui. Cette methode systematique permet de quantifier les couts externes dans tous les domaines energetiques et de les comparer de fagon pertinente. Dans la production d'electricite, de telles comparaisons entre energie nucleaire et energies fossiles et renouvelables sont presentees par Devezeaux (2000) et Rabl (2002).
10.3.2. Couts externes de I'electricite d'origine nucleaire Les resultats presentes ici sont extraits de ExternE (1995) et de sa mise a jour (Scheiber et a/., 2001) ; ils sont bases sur I'etude de I'industrie nucleaire en France effectuee selon la methode generale d'ExternE, et dans le cadre suivant : - on considere les conditions d'exploitation normale des centrales nucleaires (1300 MWe) et des usines du cycle, et des conditions accidentelles pour ce type de reacteur et pour le transport de combustible. On tient compte des impacts resultant de la construction et de la deconstruction des installations ; - les limites spatio-temporelles a I'interieur desquelles les evaluations d'impact sont effectuees se definissent par une echelle locale (de 0 a 100 km), regionale (de 100 a 1000 km) et globale (au-dela de 1000 km), pour le court terme (inferieur a 1 an), le moyen terme (entre 1 et 100 ans) et le long terme (de 100 a 100 000 ans) ; - les impacts considered en fonctionnement normal sont : • pour le court terme, les impacts non-radiologiques sur les travailleurs et les accidents de transport; • pour le moyen terme, les impacts radiologiques sur les travailleurs et la population a I'echelle locale, et sur la population a I'echelle regionale ; a I'echelle globale les impacts du Kr-85, du tritium, du C-14 et de I'M 29 ;
L'economie de I'energie nucleaire
220
• pour le long terme, les impacts radiologiques sur la population aux echelles locale et regionale ; a I'echelle globale, les impacts du C-14 et de I'M 29 ; - les effets sanitaires de ces impacts sont estimes a partir des recommandations de la CIPR (Commission internationale de protection radiologique) : Ms sont calcules comme directement proportionnels aux doses collectives totales, selon I'hypothese qu'il n'existe pas de seuil dans la relation dose-effet (hypothese qui ne recueille pas le consensus de specialistes et qui est susceptible d'etre revue). Dans le cas de situations accidentelles, les impacts radiologiques immediats et le cout des contre-mesures de protection sont calcules a I'aide de modeles adequats ; - les evaluations economiques de cette etude sont basees sur les valeurs suivantes : la vie humaine, 2,6 M€ ; un jour de travail perdu, 65 € ; un handicap permanent, 19 K€ ; un cancer non fatal, 0,25 M€. Le taux d'actualisation de reference est 3 %, ce qui est conforme au debat mentionne au paragraphe 4.3.3, mais des sensibilites ont ete effectuees avec les taux de 0 et 10 %. Pour les taux de 3 et 10 %, ('incidence economique de la valeur de la vie humaine n'est plus significative au-dela de 200 ans. Dans le cas d'un accident grave d'un reacteur, la methode d'estimation des couts externes adoptee par ExternE repose sur certaines evaluations probabilistes et certaines hypotheses. Le terme source correspond a un rejet de 1 % des materiaux du cceur, du meme ordre de grandeur que celui de ('accident retenu par la Direction centrale de surete des installations nucleaires. La probabilite d'un accident de fusion de cceur d'un reacteur REP-1300 MWe est estimee a 10"s par annee-reacteur. La probabilite conditionnelle d'un rejet de 1 % des materiaux lors d'un accident de fusion de cceur est 0,19, valeur donnee par la Commission americaine de reglementation nucleaire. - Doses Dans le cas du fonctionnement normal des installations, il convient de distinguer, comme le montre le tableau 10.2, les doses evaluees selon le decoupage spatiotemporel des impacts en raison des grands ecarts qui les caracterisent, et exprimees en homme-SievertyTWh (h-SvATWh). Tableau 10.2. Dose collective en fonctionnement normal des installations nucleaires sur une periode de 100 000 ans.
Dose totale
Dose locale et regionale
Categoric h-Sv/TWh Travailleurs Population locale Population regionale
%
h-Sv/TWh
%
0,35
2,7
0,35
38,9
0,22
1,7
0,22
24,4
0,33
36,7
0,33
2,5
Population globale
12,20
93,1
Total
13,10
100
0,90
100
10-Gouts externes
221
On constate que plus de 95 % de la dose recue par la population globale sont dues a la dispersion des radionucleides C-14 et 1-129. De meme, on observe sur le tableau 10.3 de grandes differences de repartition de doses selon les types d'activites qui en sont la cause et selon les categories de doses. Tableau 10.3. Dose collective en fonctionnement normal des installations selon le type d'activite sur une periode de 100 000 ans.
h-Sv/TWh Mine et concentration Centrale nucleaire
1
%
h-Sv/TWh
%
0,30
2
0,30
33
2,35
18
0,39
43
10,30
79
0,06
7
Dechets haute activite
0,14
1
0,14
16
Reste
0,01
~0
0,01
1
Total
13,10
100
0,90
100
Retraitement
1
Dose locale et regionale
Dose totale
Categoric
Y compris le demantelement.
Les ordres de grandeur des doses recues par les travailleurs, individuelles collectives, sont indiques au tableau 10.4 selon les activites. Tableau 10.4. Ordres de grandeur des doses recues par les travailleurs (periode 0-100
Activite
Dose collective (homme-mSv/TWh)
2a51
112
Conversion
2
2
Enrichissement
2
<1
Fabrication
7
6
Production electrique
3
202
n.d.
22
1
~1 ~1
Demantelement Retraitement Transport
ans).
Dose recue par les travailleurs Moyenne individuelle (mSv/an)
Mine et concentration
et
n.d.
Total
346
' Respectivement, pour les mines a ciel ouvert et les mines souterraines.
L'ordre de grandeur des doses significatives recues par la population selon I'origine des emissions est donne dans le tableau 10.5 pour la periode 0-100 ans.
L'economie de I'energie nucleaire
222
Tableau 10.5. Ordre de grandeur des doses refues par la population sur la periode 0-100 ans (homme-mSv/TWh).
Dose locale
Dose regionale
Mine et concentration
0,083
0,090
Centrale nucleaire
0,001
0,016
0,140
0,084
0,480
0
0
Activite
Retraitement Transport
~0
0,001
Dose globale ~0
Dans le cas de la situation accidentelle definie precedemment, la dose collective pour la population dans un rayon de 3000 km serait de 58300 homme-Sv. Cela se traduit en termes de probabilite par 0,11 homme-Sv par annee-reacteur, soit 0,016 homme-Sv/TWh en se referant a une production de 7 TWh par annee-reacteur. • Impacts sanitaires En situation normale, I'application des coefficients recommandes par la CIPR conduit aux estimations d'impacts sanitaires suivants par TWh, incluant les consequences des doses a tres long terme : - 0,65 cancer fatal (0,05 par homme-Sv) ; - 1,57 cancer non fatal (0,12 par homme-Sv) ; - 0,13 effet hereditaire grave (0,01 par homme-Sv). Quant aux impacts sur les travailleurs par TWh produit, ils s'elevent a 0,02 deces, 0,96 handicaps permanents et 296 journees de travail perdues ; ces impacts sont dus pour le plus grand nombre a des accidents de travail pendant la construction et la deconstruction du reacteur. En situation accidentelle, dans le cas de reference, il n'y a pas d'effet sanitaire immediat ; les effets a long terme se calculent directement par les doses collectives, comme pour le fonctionnement normal. Avec les donnees precedentes, le nombre de cancers fatals possible par TWh sur la periode de 100 000 ans est : 0,05 x 0,016 = 8 x 1Q-4 cancer fatal/TWh. Les transports, notamment pour la construction et la deconstruction du reacteur, provoquent 3 x 10"4 deces et 1,7 x 10"3 blesse par TWh. Les accidents impliquant des matieres radioactives n'ont pas d'impacts radiologiques significatifs par rapport aux impacts mentionnes ci-dessus. • Evaluations des couts En situation normale, revaluation des couts externes est effectuee a partir des valeurs economiques de reference mentionnees precedemment, auxquelles on applique un taux d'actualisation. Meme avec un taux nul, les couts externes sont faibles au regard
223
10- Gouts externes
des couts de production du kWh nucleaire tels qu'ils apparaissent au tableau 8.2. Pour I'ensemble de la repartition spatio-temporelle des doses, on obtient : - 2,5 m€/kWh pour le taux de 0 % ; - 0,1 m€/kWh pour le taux de 3 % ; - 0,05 m€/kWh pour le taux de 10 %. A ('evidence, la valeur du taux d'actualisation modifie considerablement la structure des couts externes. Au taux de 0 %, la structure est celle correspondant a la dose totale, qui figure au tableau 10.3 : c'est I'impact global a tres long terme qui domine tres largement. Au taux de 3 %, I'actualisation efface les couts des impacts a tres long terme : la structure devient celle des couts des impacts a court et moyen termes, qui est donnee dans le tableau 10.6. Parce qu'il est a court terme, I'impact economique de la dose recue par les travailleurs est renforce en valeur relative par I'utilisation d'un taux d'actualisation (76 % au taux de 3 %). Tableau 10.6. Couts nucleaires externes en situation normale, a I'echelle locale et regionale, a court et moyen termes (m€AWh au taux d'actualisation de 3 %).
Couts externes Activite Total
Travailleurs
Population
Mines et concentration
0,0122
0,0052
0,01 74
19%
Construction centrale
0,0370
0,0002
0,0372
41 %
Production electrique
0,0102
0,0038
0,0140
15%
Deconstruction
0,0064
0,0106
0,0170
19%
Retraitement
0,0019
0,0012
0,0031
3%
Reste
0,0019
0,0004
0,0023
3%
Total
0,0696
0,0214
0,0910
1 00 %
L'effacement des couts externes de I'aval du cycle calcules avec un taux d'actualisation non nul est, entre autres, a I'origine du debat general sur I'utilisation d'un taux d'actualisation pour les effets a long terme (§ 4.3.3), et qui, dans le cas present faute de consensus, conduit a I'etude de sensibilite en prenant trois valeurs du taux(0, 3 et 10%). En situation accidentelle, dans le cas de reference, le cout total est de 17093 M€, soit en terme probabiliste 0,032 M€/annee-reacteur, ou encore 0,0046 m€/kWh. II convient de tenir compte des consequences indirectes d'un accident grave sur I'activite economique, notamment agricole et industrielle. Devaluation en est effectuee a I'aide de modeles adequats (modele COSYMA). II en decoule une perte de 10 % du produit regional brut pendant les deux ans suivant ('accident, soit 0,2 % du produit national brut. Cela se traduit par une augmentation de 25 % du cout externe d'un accident estime precedemment, soit au total, 0,0057 m€/kWh (§ 14.5.4).
224
L'economie de I'energie nucleaire
Toutefois, cette evaluation economique, consideree comme une compensation des dommages affectant chaque individu des populations concernees par un eventuel accident, aussi juste soit-elle, est loin de representer un niveau de compensation acceptable pour un tel public en raison de ['aversion qu'il manifeste envers le risque d'un tel accident. Certaines etudes economiques integrant ('aversion pour le risque dans ('evaluation des couts externes nucleates, ont estime qu'il faudrait multiplier par un facteur 20 le cout externe direct de I'accident nucleaire de reference, ce qui en eleve I'estimation a 0,09 m€/kWh (Eeckoult ef a\., 2000).
10.3.3. Comparaison des couts externes de la production d'electricite Les donnees et resultats presentes ici sont extraits d'ExternE (1998) et de Rabl ef a/. (2002), ou sont indiquees notamment les diverses relations dose-effet pour les polluants atmospheriques. S'agissant du rechauffement climatique, les impacts sont bases sur estimations de 1995 de I'IPCC (International Panel on Climate Change, ou en francais le Croupe intergouvernemental sur ('evolution du climat, CIEC) mais interpretes par ExternE (1998, Vol. 8). Le dommage marginal, soit la valeur de 0,029 m€/g de CO2 equivalent du tableau 10.7, est une moyenne geometrique de la fourchette, dite restreinte, 0,08 a 0,046 m€/g. II correspond en grande partie a la prise en compte de la mortalite prematuree due a I'accroissement de maladies et phenomenes tropicaux dans les pays en voie de developpement (malaria, inondations, secheresses, vagues de chaleur...), a laquelle on associe une valeur de la vie humaine plus elevee (dite d'equite) que celle resultant d'une ponderation par le PIB par habitant (Rabl ef a/., 2001). Le dommage marginal est calcule a I'aide de deux modeles et pour un scenario mondial d'emissions de gaz a effet de serre, pris comme reference. Dans chaque modele, il est fonction de la dynamique du scenario, de la date d'emission, de la valeur de la vie humaine, du traitement de I'equite et du taux d'actualisation. La valeur de 0,046 m€/g correspond au taux de 1 %, celle de 0,018 m€/g au taux de 3 %. Le calcul est effectue pour chacun des trois gaz a effet de serre direct : CO2, CH4 et N2O. Pour ces deux derniers, leur equivalence avec le CO2 est basee sur le ratio de leur dommage marginal a celui du CO2. L'equivalence adoptee dans ExternE est 20 pour le CH4 et 330 pour le N2O. Le tableau 10.7 presente les principaux impacts, et les couts associes, pour les polluants emis par les centrales thermiques a flamme en Europe.
225
10-Gouts externes
Tableau 10.7. Couts des dommages par kg de polluant em is par les centrales thermiques a flamme en Europe.
Polluant PMTo 1 , primaire SO 2/ primaire SO2, primaire SO 2/ via sulfates NO?, primaire NO2, via nitrates NO2, via O3 NQ,, via O3 COV2 , via 03 COV, v/aO 3 CO, primaire As, primaire Cd, primaire Cr, primaire Ni, primaire Dioxines CO2 equivalent
Impact
Cout (m€/g)
Mortal ite et morbidite Recoltes et materiels Mortal ite et morbid ite Mortal ite et morbid ite Mortal ite et morbidite Mortal ite et morbidite Recoltes Mortal ite et morbidite
15,4
Recoltes Mortal ite et morbidite Morbidite Cancer Cancer Cancer Cancer Cancer Rechauffement climatique
Particules de matiere de diametre inferieur a 10 |J. ;
0,3 0,3
9,95 Faible 14,5 0,35 1,15 0,2 0,7
0,002 171
20,9 140
2,87 1,85x 107 0,029
composes organiques volatils.
II est a noter que les couts relatifs aux polluants primaires (hormis le CO2) sont susceptibles de variations importantes par rapport aux valeurs indiquees au tableau 10.7 en raison des conditions de site et d'evacuation des fumees (hauteur de la cheminee, temperature et vitesse d'echappement des gaz). Les emissions de polluants atmospheriques ne dependent pas uniquement des conditions de site ; elles varient selon I'age des installations, leur taille, la technologic utilisee et revolution de la reglementation. Ainsi, dans le tableau 10.8 qui donne des valeurs d'emissions representatives des centrales thermiques fossiles en Europe, en g/kWh, on distingue les emissions relatives aux centrales existantes en 1995 de celles des nouvelles centrales de grande taille mises en service a partir de 2000. A titre indicatif, on donne aussi dans le tableau 10.8 le nombre d'annees de vie perdues calcule sur la base de leur valeur mentionnee au paragraphe 10.3.1. Dans cette evaluation, on a tenu compte des emissions dues a la seule centrale et non a la chame energetique complete, car elles sont cause de la presque totalite de I'impact sanitaire. Par ailleurs, les quantites de metaux toxiques sont extremement faibles et n'ont qu'un effet negligeable sur le nombre d'annees de vie perdues.
L'economie tie I'energie nucleaire
226
Tableau 10.8. Emissions de polluants atmospheriques representatives des conditions europeennes et nombre correspondant d'annees de vie perdues. Emissions (g/kWh)
Annees de vie perdues par TWh
Type de centrale PM10
NOX
PM10
SO2
NOX
Total
23,3
601,8
439,9
1 065
9,3
30,1
73,3
113
Charbon < 1995
0,15
6
3
Charbon > 2000
0,06
0,30
0,50
Fioul< 1995
0,15
6
1,4
23,3
601,8
205,3
830
Fioul > 2000
0,07
0,40
0,60
10,9
40,1
88,0
139
Negl.
Gaz<1995
Negl.
Gaz > 2000 1
SO 2
Faible
1
1
Faible
1,1 0,2
0,0
0,0
161,3
161
0,0
0,0
29,3
29
Pour les centrales au gaz naturel, les emissions de SC>2 dependent de la composition du gaz ; en general, elles sont negligeables.
Pour les energies renouvelables, I'impact sanitaire provient principalement ou meme entierement de la construction des installations et de la production des materiaux employes. Le tableau 10.9 indique les estimations du nombre d'annees de vie perdues pour I'electronucleaire et les energies renouvelables, et permet une comparaison de ce point de vue avec les energies fossiles (tableau 10.8). Pour le nucleaire, on a distingue I'impact a moins de 100 ans et I'impact au-dela d'apres les doses collectives presentees au paragraphe 10.3.2. Pour les renouvelables, on donne la fourchette des estimations de ExternE (1998, Vol.9). Tableau 10.9. Annees de vie perdues dans le cas de I'electronucleaire et des energies renouvelables. Energie
Annees de vie perdues par TWh
Nucleaire < 100 ans
1
Nucleaire > 100 ans
8
Biomasse PhotovoltaTque Eolien
20-1 00 4-11 4-9
Les couts externes de la production d'electricite dans les conditions europeennes, presentes au tableau 10.10, resultent des valeurs intermediates des tableaux 10.7 et 10.8 pour les centrales thermiques a flamme, des evaluations effectuees a un taux d'actualisation nul pour I'electronucleaire (§ 10.3.2), partagees entre futur proche (avant 100 ans) et futur lointain (au-dela de 100 ans), et, pour les energies renouvelables, des fourchettes devaluation de ExternE (1998, Vol. 9). II convient de faire deux remarques concernant les resultats presentes au tableau 10.10.
10-Gouts externes
227
Tableau 10.10. Gouts externes compares de la production d'electricite en Europe (m€/kWh).
Energie
Polluants atmospheriques PM 10 ,S0 2 ,NO X
Charbon < 1995 Charbon > 2000 Petrole < 1 995 Petrole > 2000 Gaz<1995 Gaz > 2000 Nucleaire < 100 ans Nucleaire > 100 ans Biomasse val. haute Biomasse val. basse Solaire PV val. haute Solaire PV val. basse Eolien val. haute Eolien val. basse
113 12 88 15 17 3
C02 28 27 22 18 13 13
Radiations ionisantes ~0 ~0
~0 3 7 ~0 2 ~0 2 ~0
1 1
Total 141 39 110 33 30 16 ~0 3 7 ~0 3 1
2 ~0
D'une part, la specificite de I'electricite de n'etre pas stockable conduit a envisager une demarche se referant a un meme service rendu, en ('occurrence un kWh fourni a la demande, c'est-a-dire un kWh garanti. Le concept de puissance garantie decoule de la necessite pour assurer a tout moment la fourniture d'electricite demandee par la monotone de charge (§ 2.3.1). II en resulte une correction qui n'est sensible que pour les energies intermittentes et aleatoires, I'eolien et le solaire photovoltaTque, lorsqu'elles represented une contribution significative a la production d'electricite. En effet, comme cela a ete mentionne au paragraphe 8.1, la fourniture garantie d'electricite demande un investissement complementaire a celui des energies intermittentes ; a cette fin, on choisit des centrales a gaz, dont I'intervention est rapide et les atteintes a I'environnement sont reduites. Toutefois, elles entrainent des emissions de gaz a effet de serre a porter au compte de ces energies intermittentes, comme cela est fait dans le tableau 10.11. D'autre part, la methode utilisee conduit a des valeurs qui sont propres a un pays ou une region, en I'occurrence I'Europe pour celles presentees dans le tableau 10.10 ou encore I'Allemagne (Voss, 2001), la Belgique (Pauwels et a/., 2000) ou la Suisse (Dones et a/., 1996). Si Ton souhaite une vue plus globale des phenomenes, on doit prendre en compte des situations diverses, dans la mesure toutefois ou leur poids reste quantitativement significatif. On tiendra compte ainsi des conditions d'approvisionnement en energies primaires, de la qualite de celles-ci, des pertes, et pour les energies renouvelables de la productibilite des sites. L'analyse du cycle de vie ainsi elargie conduit a des fourchettes assez larges, comme on le constate sur le tableau 10.11 a propos des emissions de CO2 equivalent.
228
L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 10.11. Emissions de CC>2 equivalent (gAWh) et couts externes associes (m€/kWh).
Externalites du CO2 equivalent Energie
Valeur basse Emissions
Couts externes
Charbon et lignite
790
23
Gaz naturel
390
11
Valeur haute Emissions 1290 780
Couts externes 37 23
Hydraulique
8
0,2
48
1,4
Nucleaire
4
0,1
59
1,7
Eolien
7
0,2
124
3,6
PhotovoltaTque
30
0,9
280
8
Biomasse
~0
0
116
3,4
Le tableau 10.11 reunit des ordres de grandeur extraits de publications diverses. Si la coherence des resultats peut en souffrir, Pimportance des ecarts montre la diversite des situations et I'impossibilite de se baser sur des valeurs qui auraient une pertinence globale. Quelques commentaires sur ce tableau illustreront les difficultes de ('Analyse du Cycle de Vie, parfois pour en souligner les limites. - En premier lieu, ces valeurs incluent remission de CO2 equivalent induite par la construction des centrales et des installations propres a I'approvisionnement en combustibles. La methode devaluation comporte en elle-meme des causes de variations importantes, liees notamment a la fabrication des materiaux utilises dans la construction. Lorsque de grandes quantites de beton sont necessaires (barrages hydroelectriques, centrales nucleaires), il n'est pas indifferent que le ciment provienne de fours alimentes au charbon ou au gaz. Par ailleurs, les ouvrages hydroelectriques requierent selon leur site des volumes tres variables de beton. L'origine de Pelectricite utilisee dans les precedes de fabrication des materiaux a une incidence majeure sur les emissions de CO2 induites. Le cas le plus illustratif a cet egard est celui de la fabrication des cellules photovoltaTques qui necessite de grandes quantites d'electricite (on espere descendre a 2600 MJ/m2 pour le silicium monocristallin au lieu de 6 a 13000 MJ/m2 aujourd'hui). Si cette electricite est a base de charbon, les emissions de gaz a effet de serre induites par cette fabrication peuvent etre de meme ordre de grandeur rapportees au kWh que celles de la production electrique de centrales a cycle combine au gaz. L'information sur la provenance des materiaux apparatt done comme un prealable a une analyse exacte, mais elle n'est pas toujours possible, voire impossible dans le cas de ('evaluation d'un projet. - Ensuite, I'approvisionnement du combustible donne lieu a des emissions tres variables selon la geographic et les realites techniques. Si le transport du charbon ou du petrole entraine peu d'emissions de gaz a effet de serre, le transport maritime de gaz naturel s'effectue avec une depense d'energie non negligeable pour la liquefaction, la
10-Gouts externes
229
propulsion des methaniers et la regazeification. Dans le cas du transport terrestre du gaz, I'energie de recompression dans les gazoducs s'eleve aux Etats-Unis a 8 % de I'energie transported et 11 % en Russie, et, ce qui est le plus important du point de vue de I'effet de serre, les pertes de gaz naturel a la production et au transport atteignent 4,5 % aux Etats-Unis et 5,5 % en Russie (Terzian, 1998, p. 74). Dans le contexte europeen lui-meme, vu la diversite des sources d'approvisionnement, des ecarts sont possibles dans Devaluation globale des emissions de gaz a effet de serre liees a la production d'electricite a partir du gaz naturel, evaluation susceptible de varier dans le temps en fonction de la repartition des approvisionnements et des progres techniques. S'agissant de I'electronucleaire, on peut s'etonner d'une fourchette relativement large. La valeur haute (59 g/kWh) correspond au cas des Etats-Unis parce que l'enrichissement de I'uranium s'y effectue par diffusion gazeuse, precede gourmand en electricite (2500 kWh/UTS), et que I'electricite utilisee dans ce pays est surtout produite a base de charbon. La valeur basse est relative a la France ; elle ne represente que les emissions de CO2 equivalent induites par la construction des installations puisque I'electricite utilisee pour l'enrichissement est d'origine nucleaire. En Allemagne, on obtient une valeur intermediate, le precede d'enrichissement etant I'ultracentrifugation peu couteuse en electricite (135 kWh/UTS) mais I'electricite produite surtout a base de charbon. - Enfin, le fonctionnement des centrales est la cause d'ecarts importants des emissions de CO2 equivalent. Pour une meme energie fossile, le rendement des centrales classiques est un parametre essentiel ; il depend de la technique utilisee, de la taille et de I'age des installations. La qualite du combustible intervient aussi pour beaucoup, la fourchette haute dans le cas du charbon correspond au lignite. Les centrales hydroelectriques provoquent des emissions de CO2 equivalent dues aux emanations de methane qui sont liees a la nature et a I'etendue des surfaces inondees. Du fait de la diversite des sites hydroelectriques, on observe de grandes variations de ces emissions. Les energies eolienne et solaire, on I'a vu, necessitent un complement de production fourni par des centrales thermiques, supposees au gaz dans les etudes citees en reference, pour assurer une puissance garantie. Get appoint, et les emissions qui en resultent, dependent de la productibilite naturelle des sites (regularite du regime des vents ou de la luminosite). La biomasse peut correspondre dans certains cas a des emissions quasi nulles lorsque I'energie necessaire au transport et au conditionnement des matieres vegetales n'est pas significative. Les emissions de CO2 de la biomasse peuvent etre nulles si I'equilibre entre ('absorption des vegetaux pendant leur croissance compense exactement les emissions dues a leur combustion. A I'evidence, les valeurs d'emissions de CO2 equivalent, comme celles d'autres polluants n'ont de signification que dans un contexte precis. Cela justifie la methode
230
L'economie de I'energie nucleaire
qui sous-tend les etudes ExternE et dont I'objectif est d'aboutir a une quantification economique pertinente des externalites dans des cas specifiques. II n'en reste pas moins qu'a la lecture du tableau 10.11 s'impose une hierarchic evidente des moyens de production d'electricite au regard de I'effet de serre et des couts externes associes.
10.4. Couts externes non environnementaux 10.4.1. Couts externes de nature economique Les options energetiques pour la production massive d'electricite n'ont pas que des consequences sur renvironnement. L'electricite etant un des elements indispensables a toute activite moderne, ces options interferent avec la vie economique a tous les niveaux ; les implications en sont multiples, ou s'imbriquent etroitement micro-economic et macro-economic. Quelques exemples simples en font comprendre la complexite. I/importation des energies primaires pour alimenter les centrales, lorsqu'elle est necessaire, a un effet direct sur la facture energetique d'un pays et sa balance commerciale, et indirect sur le pouvoir d'achat de ses agents economiques. Get effet pese d'autant plus sur I'economie que la part des energies importees est grande, comme c'est le cas pour I'ltalie ou le Japon, et comme ce fut le cas pour la France jusqu'au debut des annees quatre-vingt. Le prix de I'electricite a une incidence evidente sur les couts de production industrielle, particulierement pour les industries incorporant de fortes quantites de cette forme d'energie dans leurs produits, comme les industries papetieres, la metallurgie et la chimie fines et, par-la, une incidence sur le niveau des exportations de produits finis et de I'emploi. L'interet de s'assurer d'une electricite bon marche prend ainsi un caractere particulier pour des pays comme la Suede et la Finlande. Selon les chames energetiques mises en ceuvre, le niveau de technicite des emplois correspondants n'est pas le meme. L'electronucleaire exige une technicite elevee pour la conception, la construction et I'exploitation des centrales comme pour la preparation du combustible ; cette exigence a un effet d'entramement sur le niveau technologique d'un pays, parametre essentiel de I'essor economique. Certes, on peut faire valoir que cette technicite a un cout, mais celui-ci est incorpore dans les depenses de construction et d'exploitation ; en revanche, sa valorisation positive au niveau national est difficile a apprecier, quoique reelle. A ('evidence, c'est globalement qu'il faut evaluer les impacts economiques des choix energetiques dans le domaine de la production d'electricite, et de facon generale la politique energetique d'un pays. La complexite des interactions entre secteurs d'activite et avec le monde exterieur, qu'illustre notamment le couplage par les revenus et par les prix, requiert I'utilisation de modeles macro-economiques particulierement adaptes aux conditions specifiques d'un pays et capables de representer correctement les relations entre le secteur energie et le reste de I'economie.
10-Gouts externes
231
Les impacts macro-economiques sont alors evalues en termes d'agregats tels que le produit interieur brut (PIB), la consommation des menages, le cout de bien-etre, I'emploi, etc. Le chapitre 11 developpe I'esprit de la methode et I'architecture de tels modeles, et presente des resultats relatifs a des scenarios de politique nucleaire et environnementale dans le contexte francais (Charmant et a/., 1991). Peut-on appliquer la notion de couts externes aux benefices ou aux dommages economiques qui sont mis en evidence par les etudes macro-economiques et qui sont recus ou subis par I'ensemble des agents economiques ? La question suscite plusieurs reflexions. D'abord, comme il apparaTtra au paragraphe 11.3, il est possible d'evaluer des taxes ou des permis d'emissions negociables adaptes aux contraintes economiques specifiques des combustibles primaires. Dans le cas ou on integrerait ces taxes ou permis dans le cout de production du kWh, les dommages macro-economiques seraient compenses au niveau de la collectivite et leurs couts externes s'en trouveraient annules. Les taxes ou permis d'emissions apparaissent alors comme des instruments d'internalisation des couts externes. S'ils ne sont pas integres, les impacts macro-economiques restent des externalites. Le cout de bien-etre est I'indicateur pertinent qui permet d'evaluer I'impact macroeconomique d'une politique ou d'un scenario energetique sur I'ensemble des consommateurs, comme on le montrera au paragraphe 11.2.2. Mais cet indicateur n'est que relatif : sa valeur doit etre comparee a celle d'un scenario de reference vis-a-vis de laquelle elle apparaTtra comme positive ou negative. Un cout externe intrinseque de nature macro-economique n'a done pas de sens. Une politique energetique forme un tout, ou s'entremelent des imperatifs de rentabilite economique, de protection de I'environnement et de securite d'approvisionnement. Vu la complexite des interactions des systemes economique et energetique, il semble vain de specifier, a I'aide des modeles, les incidences de ces divers aspects. Cela n'exclut pas les tentatives particulieres pour evaluer I'impact specifique de I'imperatif de securite d'approvisionnement (§ 10.4.2). Les modeles macro-economiques presentent des differences de structure, de conception, de complexite et de detail, si bien que Ton peut constater une dispersion des estimations de cout macro-economique d'un choix energetique dans un meme pays. Toutefois, la tendance generale de ['evolution des indicateurs demeure la meme. Enfin, les impacts macro-economiques n'ont pas de caractere intrinseque, pour une raison encore plus evidente. Us sont fortement dependants des conditions specifiques d'un pays : ses ressources en energie, leurs couts de mise a disposition, la structure de son economic et de ses echanges exterieurs. L'analyse des effets des chocs petroliers des annees soixante-dix et du contre-choc qui a suivi a montre et explique les reactions tres contrastees de ('economic des pays europeens a la hausse des prix des hydrocarbures, puis a leur baisse.
232
L'economie de I'energie nucleaire
10.4.2. Gouts externes de nature politique • La securite d'approvisionnement en energie est souvent une composante majeure de la politique energetique d'un pays. Elle repond a plusieurs soucis : s'assurer d'un approvisionnement regulier, sur, se garantir centre une rupture meme momentanee des livraisons ; se premunir centre des hausses excessives des prix des matieres energetiques sur le marche exterieur; s'affranchir au mieux des contraintes et sujetions eventuelles de politique exterieure qui pourraient trouver leur source dans la menace de rupture d'approvisionnement ; ou encore s'epargner certaines depenses militaires engagees pour proteger les sources energetiques exterieures et racheminement de leur production vers les centres de consommation. S'agissant de la production d'electricite, la question de la securite d'approvisionnement a ete cruciale pour ceux des pays europeens dont les centrales etaient alimentees en majorite par le fioul lourd. Celui-ci a d'ailleurs ete substitue par le charbon, le nucleaire et le gaz naturel au point de ne plus contribuer de facon significative a la production d'electricite europeenne, sauf en Italic. Si aujourd'hui, grace aux reserves de la mer du Nord, la securite d'approvisionnement en gaz de I'Europe semble assuree, I'epuisement progressif de ces reserves et la contribution croissante du gaz a la production d'electricite sont susceptibles de poser probleme a terme. Un premier moyen de renforcer la securite energetique dans son ensemble et en particulier dans la production d'electricite est de diversifier les sources d'approvisionnement d'une meme energie primaire. Tous les operateurs le font, que ce soft pour le gaz ou pour I'uranium, quitte a recourir parfois a des sources qui ne sont pas les moins cheres. Un autre moyen est de jouer sur la diversite des moyens de production pour repartir les risques sur plusieurs technologies et plusieurs energies primaires. Outre le gaz naturel, le charbon et le nucleaire, les energies renouvelables offrent des alternatives contrastees du point de vue de la securite d'approvisionnement. Le probleme est alors de determiner la diversite optimale de la composition du pare de production afin d'atteindre le meilleur niveau de securite possible. • L'estimation du cout des externalites liees a la securite d'approvisionnement est la premiere phase de la demarche conduisant a la diversite optimale du pare de production. La securite s'enonce d'abord en termes de risques, qui sont propres a chaque energie primaire. Pour ce qui est du charbon, son utilisation restera surtout locale, son commerce international, fortement concurrentiel, se maintiendra probablement a son niveau actuel de 10 % de la production. En consequence, son prix demeurera dans une large mesure deconnecte de celui des hydrocarbures. L'approvisionnement de cette energie ne presente qu'un risque negligeable.
10 - Gouts externes
233
Le gaz naturel presente a terme pour I'Europe le risque d'une rupture de I'approvisionnement venant de I'Algerie ou de la Russie dans I'eventualite d'instabilites politiques. Mais une partie seulement de rapprovisionnement serait concernee, et pour une periode restreinte. Par ailleurs, la majorite des livraisons de gaz font et feront I'objet de contrats a long terme : leur prix semble ainsi a I'abri de hausses excessives durables du moins tant que I'epuisement des ressources ne se fera pas sentir. Quant aux energies renouvelables, dans la mesure ou elles deviendront competitives et contribueront de facon appreciable a la production d'electricite, le risque decoule des fluctuations plus ou moins grandes et imprevisibles de leur production. Pour I'energie nucleaire, le risque se situe au niveau politique. devolution de I'opinion publique a conduit par referendum a I'abandon immediat du nucleaire dans certains pays (Autriche, Italic) ou differe dans d'autres (Suede). Des conjonctures politiques ont conduit a I'arret de centrales (Superphenix en France en 1997) ou a des decisions d'abandon differe (en Allemagne en 2001 et en Belgique en 2002). Ces moratoires, toutefois, ne seront effectifs qu'a la fin de vie des centrales, et sont susceptibles d'ailleurs d'etre annules par des prises de decisions inverses sous I'effet de contraintes economiques, sociales, environnementales ou politiques. Les risques inherents a ces energies sont done de nature imprevisible et done peu modelisables. C'est la premiere difficulte rencontree dans 1'evaluation des externalites de la securite d'approvisionnement des energies primaires. Dans le cas nucleaire, un exemple de prise en compte du risque economique sera donne au paragraphe 14.5.2. La seconde difficulte vient de 1'evaluation du cout de ces externalites. Que ce soit des hausses de prix analogues a celles observees dans les annees soixante-dix ou des interruptions ou fluctuations dans les livraisons, les modeles macro-economiques mentionnes plus haut sont en mesure d'en estimer les impacts. Toutefois, lorsque Ton raisonne sur le long terme, I'incidence d'une hausse continue des prix des energies fossiles en relation avec I'epuisement de leurs reserves est dependante du taux d'actualisation utilise. Adopter un taux eleve comme I'incite a le faire la privatisation des moyens de production, c'est attenuer fortement ('impact economique de cette hausse, done en occulter le risque. Autre difficulte : doit-on considerer comme externalites les depenses militaires engagees pour assurer le libre acces aux sources d'hydrocarbures ? La question est posee (Brodansky, 1996) : comment discerner dans quelle mesure le petrole a motive I'engagement des Etats-Unis dans la guerre contre I'lrak en 1990-1991 eten 2003, ou bien le developpement sur des decennies du potentiel militaire capable de mener a bien ce genre d'intervention ? Aujourd'hui, le risque terroriste et son contexte geopolitique ne fait-il pas peser une menace sur le transport du petrole et du gaz naturel ? Une part de I'effort militaire pour eliminer ce danger doit-elle etre regardee comme une externalite imputable a ces energies ?
234
L'economie de I'energie nucteaire
Deux remarques completent cette breve analyse qui met en lumiere les approximations de ('evaluation des externalites liees a la securite d'approvisionnement. Tenir compte de ces externalites au moyen d'un instrument economique comme une taxe a ['importation sur les matieres energetiques en relation avec les risques qu'elles presentent, c'est se premunir centre des envolees de prix de ces matieres et contre les mefaits de trop fortes fluctuations de I'economie qui en resulteraient. C'est done les assimiler d'une certaine facon aux externalites de nature economique evoquees au paragraphe 10.4.1 et les integrer dans le cout du kWh. A ('evidence, les risques d'approvisionnement ne sont pas de meme nature et surtout de meme importance selon les ressources energetiques d'un pays et ses possibilites de diversification de son pare electrique, comme par exemple la plus ou moins grande facilite de mettre en ceuvre des moyens hydroelectriques, eoliens ou nucleaires. • I/evaluation des couts entrames par un accroissement de diversite d'un pare de production doit se comparer a celle des couts des externalites imputables a securite energetique que cette diversite accrue a permis d'eviter (AEN, 1998, Annexe 9). Le surcout de I'accroissement de diversite s'obtient par reference au cout du pare de production optimal du point de vue strictement economique, dont on a vu la determination au paragraphe 9.1. Autrement dit, on compare le cout de production du kWh du pare economiquement optimal avec celui du pare diversifie pour satisfaire au mieux I'objectif de securite energetique. Toutefois, ces evaluations comparees de cout de production doivent s'effectuer en integrant aussi les couts externes environnementaux. En effet, si une modification de la composition du pare de production conduit a une diminution des couts externes de securite energetique, elle entrame aussi des variations des couts externes environnementaux. La coherence de la demarche exige done d'integrer (d'internaliser, comme il est dit) dans les couts de production les couts externes environnementaux et de securite d'approvisionnement energetique. La comparaison du cout global de production ainsi compris d'un pare diversifie par rapport a celui d'un pare economiquement optimal (ou de tout autre pare de reference) determine par difference la valeur pertinente du surcoOt relatif a I'accroissement de diversite. Comme on I'a vu ci-dessus, cette diversite est en principe souhaitable si ce surcout reste inferieur au cout total des externalites de securite energetique ainsi evitees. C'est au vu d'un resultat eventuellement favorable que les pouvoirs publics peuvent intervenir et prendre des mesures allant dans le sens d'une reduction des externalites dans leur ensemble. Une telle demarche, aussi difficile soit-elle, pourrait dans I'avenir modifier dans certains pays la competitivite entre moyens de production, comme cela sera evoque au paragraphe 16.2.5.
11
Analyse macroeconomique d'une politique energetique
11.1. Evaluation macro-economique de projet micro-economique devaluation de projet industriel repose avant tout sur des instruments qui decoulent du calcul economique, defini comme « le choix des investissements et I'ensemble des methodes et des techniques qui visent a les selectionner et a les dimensionner » (Bernard, 1985). Les outils utilises ont trait a la sphere micro-economique et reposent sur I'analyse fine d'un projet. L'analyse est fine en ce sens que les effets du projet sont mesures au niveau de I'unite qui le met en ceuvre (entreprise ou collectivite locale, par exemple) sur la base de criteres micro-economiques. Les donnees utilisees (comptabilite des acteurs, dossier d'investissement, dossier de fonctionnement, enquete et etude monographique), provenant de sources diverses, refletent cette caracteristique et ont comme point commun d'etre avant tout micro-economiques. En France, pour des projets de grande importance au sens ou ils mobilisent des besoins financiers significatifs, ('administration publique, a travers notamment le Commissariat General du Plan, a depuis le debut des annees quatre-vingt prone le recours a une evaluation macro-economique. Initialement, I'objectif etait de prendre en compte des contraintes specifiques issues en partie des desequilibres globaux relatifs a I'emploi et a la balance des paiements afin de favoriser les projets qui permettaient de diminuer les desequilibres constates sur ces deux marches. Ainsi, en 1983, le rapport Calcul economique et resorption des desequilibres preconisait« que soient confrontes les resultats du calcul micro-economique de rentabilite collective et les enseignements d'une simulation macro-econometrique elle-meme precedee d'une analyse approfondie des effets meso-economiques sur /'emp/o/ et le commerce exterieur et sollicitant le cas echeant les modeles macro-sectoriels » (CGP, 1983). Ces recommandations allaient etre a I'origine d'un nombre important d'evaluations mixtes (micro- et macro-economiques) dans des domaines aussi divers que la regression des charbonnages de France, le developpement du TGV sudest, le programme Airbus ou le developpement des reseaux cables. Vingt ans plus tard, il faut bien reconnaltre que ces evaluations mixtes sont beaucoup moins pratiquees pour plusieurs raisons. D'abord la liberalisation qu'ont connu beaucoup de secteurs prealablement domines par des entreprises souvent controlees par I'Etat. La privatisation de nombreuses grosses entreprises les a conduites a definir leur plan de
L'economie de I'energie nucleaire
236
developpement sur des criteres micro-economiques. Le critere final pour ces entreprises est bien evidemment directement lie a des considerations financieres et les impacts macroeconomiques, sur I'emploi par exemple, s'ils ne sont pas oublies, restent mineurs. Ensuite ('evolution de la theorie economique et de ses recommandations en matiere de politique. La vision neo-keynesienne du debut des annees quatre-vingt ou la relance de I'activite, fer de lance de toute politique economique, s'appuie sur le developpement de grands projets d'investissement publics pourvoyeurs d'emplois a fait place a une recherche d'equilibre sur differents indicateurs, tels que inflation et ratio de dette publique, consideree, aujourd'hui, comme un meilleur gage de perennite du developpement economique. Bien que moins pratiquees, les methodes macro-economiques restent interessantes notamment pour des secteurs d'activite tels que I'energie ou les couts d'investissement mobilises sont eleves mais aussi ou les interactions avec le reste de Teconomie sont importantes et transitent en partie via les variations des prix de I'energie.
11.1.1. Modalite de ['articulation entre micro-economie et macro-economie Les modalites de I'articulation entre macro- et micro-economie ont ete etudiees notamment dans Gaudemet et Walliser (1983) et Walliser (1989). Cette articulation inclut trois niveaux d'analyse : micro-economique, meso-economique et macro-economique (cf. figure 11.1). Figure 11.1. Articulation des trois niveaux d'analyse.
\
Projet
Transformation locale
Effets micro
Diffusion intrasectorielle intersectorielle
Effets meso
Bouclage Macro-economique
Effets macro
Surplus collectif
Bilan micro
Fonction de preference
Bilan macro
Source : Walliser, 1989.
L'analyse micro-economique, premiere etape du processus, ne differe pas du calcul economique classique et consiste a etudier les effets du projet au niveau des agents directement concernes (entreprise, usagers, etc.). Elle permet de determiner les variations
11 - Analyse macro-economique d'une politique energetique
237
de depenses et de revenus engendrees par le projet et ainsi d'etablir sa rentabilite microeconomique. Le calcul des couts de production actualises de I'electricite, decrit dans les chapitres precedents, correspond a ce type devaluation. Seuls les effets directs du projet sont pris en compte. Ce type d'analyse permet de mettre en evidence, au niveau des acteurs directement concernes, les beneficiaires et les perdants et d'evaluer la variation du bilan de chacun. Le but de I'analyse meso-economique est d'estimer les diffusions des effets du projet au niveau intra-sectoriel et inter-sectoriel. Les effets intra-sectoriels, dits effets directs, concernent les effets affectant les producteurs et les consommateurs du bien produit par le projet. Les effets inter-sectoriels precisent les relations du produit en amont de la production du bien. Par exemple, dans le cas d'un investissement autoroutier, les effets directs se traduiront par une augmentation de la demande pour la branche batiment et genie civil et une baisse probable de la consommation d'essence, les automobilistes economisant de I'essence par rapport a I'ancien trace routier. Les effets mecaniques indirects resultent de la diffusion dans le systeme productif des effets en chatne dus aux consommations intermediaires et a I'investissement. L'analyse de ces effets est en majeure partie realisee a I'aide d'une representation s'appuyant sur un tableau « Entrees Sorties », tableau comptable resumant a un niveau sectoriel detaille, en general plus de trente branches, les relations de dependance entre tous ces secteurs. Cependant, il est necessaire de faire communiquer les deux spheres (projet et secteurs) avec des variables communes (production, consommation, etc.) en supposant que, au niveau intra-sectoriel surtout, les coefficients techniques1 - moyens par definition - ne s'eloignent pas trop de ceux du projet etudie. L'evaluation meso-economique, ou semiglobale, comporte des limites, notamment du fait qu'elle n'integre pas de bouclage par le revenu ou par les prix. Or, ces interactions qui se traduisent par des effets d'eviction ou d'entramement du choc initial ne doivent pas etre negligees car elles determinent en partie le bilan macro-economique du projet. Le recours a des modeles macro-economiques, representations agregees et bouclees de I'economie nationale, repond a ce besoin. L'utilisation de ces modeles pour 1'evaluation des effets macro-economiques de projets micro-economiques n'est pas sans difficultes dans la mesure ou ils sont destines, en principe, a I'etude de politique economique globale ou semi-globale. Dans un premier temps, on determine les variables du modele macro-economique qui seront affectees par le projet micro-economique. Le passage de donnees microeconomiques a une nomenclature macro-economique (en dix branches environ dans la plupart des modeles macro-economiques) peut etre guide par les resultats de ('analyse 1. Les coefficients techniques traduisent, pour chaque secteur, la part consacree a sa consommation intermediaire dans un bien produit par un autre secteur.
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L'econom/e de I'energie nucleaire
meso-economique en se referant a des etudes complementaires afin de saisir les specificites du projet. La premiere simulation, issue du choc initial sur certaines variables et faisant jouer les mecanismes spontanes du modele, n'est souvent pas satisfaisante. En effet, le degre d'agregation du modele ne lui permet de reproduire que des effets moyens, or la plupart des projets, de par leurs specificites, s'ecartent de facon importante de la moyenne. II est done necessaire de corriger ces mecanismes moyens en utilisant une technique de marginalisation. On introduit ainsi des corrections dans les equations modelisant les effets sur lesquels le projet aura un impact different de celui reproduit initialement par le modele. Si cette technique de marginalisation peut se reveler difficile a mettre en ceuvre notamment au niveau du chiffrage des corrections a introduire, elle n'en est pas moins indispensable, les resultats du modele ainsi amende s'eloignant souvent de facon importante des resultats de la simulation sans correction. En fin d'etude, le bilan est exprime en terme d'agregats macro-economiques : PIB, consommation des menages, variation des prix, etc.
11.1.2. Integration d'un module specifique au sein d'un modele macro-economique L'articulation proposee ci-dessus est appropriee dans le cas d'une evaluation ponctuelle. Lorsque le projet a evaluer s'insere dans un cadre plus repetitif, lie par exemple aux etudes realisees par un organisme dont une des fonctions est de definir des politiques industrielles ou sectorielles dans un domaine d'activite precis qui par son importance a des implications significatives sur le reste de I'economie, une solution consiste a integrer directement au sein du modele macro-economique un module decrivant I'industrie etudiee. Cette solution a fait I'objet de peu de realisations, parce qu'elle necessite un travail important dont le cout peut etre non negligeable et que les secteurs qui relevent de cette approche ne sont pas nombreux. En France, on denombre moins d'une dizaine de modeles de cette categoric, la plupart ont trait a I'energie tels que Micro-DMS energie (Brillet et a/., 1982 et Mouttet et a/., 1983), Micro-Melodie (Charmant et a/., 1993) et GEMINI-E3, d'autres ont trait aux transports, comme par exemple, Mini-DMS Transport (Bureau, 1985). L'etude presentee en detail ci-dessous illustre cette solution.
11.2. Modelisation macro-economique appliquee a I'energie nucleaire en France L'etude resumee ci-dessous, evalue les consequences pour la France d'un moratoire nucleaire et compare ces resultats avec un scenario dans lequel les investissements en matiere de production electrique sont choisis en fonction de leurs couts, la France conservant ses objectifs en matiere de reduction des emissions de gaz a effet de serre dans le cadre du protocole de Kyoto.
11 - Analyse macro-economique d'une politique energetique
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Elle a ete realisee avec le modele GEMINI-E3, un modele d'equilibre general calculable et des specifications particulieres pour relier un module decrivant la production electrique francaise a un modele macro-economique mondial (Bernard et Vielle, 2000a). Devaluation a permis de mesurer, dans le contexte francais, les impacts sur les politiques en matiere de lutte centre I'effet de serre du choix de I'utilisation de I'energie nucleaire pour la production electrique.
11.2.1. Contexte Alors que les preoccupations environnementales, en particulier celles liees au probleme du rechauffement climatique, occupent le devant de la scene energetique, il est interessant d'etudier a posteriori I'impact du programme electronucleaire francais sur la reduction des emissions de CO2. L'analyse macro-economique permet de mettre en evidence cet effet tout en rendant compte des impacts economiques d'un prix bas de I'energie et de ('amelioration de I'independance energetique de la France resultant egalement du developpement electronucleaire. En 1999, avec une puissance installee de 63,2 GWe et une production de 375 TWh, I'electronucleaire contribuait a hauteur de 76 % a la production electrique totale de la France. La part de la production d'energie domestique, incluant le nucleaire, dans la consommation francaise, est passee de 20 % dans le milieu des annees soixante-dix a environ 50 % aujourd'hui. La planification a long terme des investissements et la construction de I'ensemble du pare a partir d'un type de reacteur standardise ont ete des elements clefs dans la performance economique du systeme electronucleaire francais. En outre, la maitrise par I'industrie francaise de I'ensemble de la filiere, de la mine au retraitement du combustible, a contribue a faire du programme francais une reussite. Les resultats en sont des couts de production de I'electricite nucleaire bas, la rendant tres competitive par rapport aux energies fossiles, y compris les technologies a cycle combine au gaz naturel, comme le montrent les tableaux 8.2 et 8.4. Une autre consequence de la mise en ceuvre d'un programme electronucleaire important est I'obtention d'un niveau d'emission de gaz a effet de serre par habitant tres bas par rapport a celui d'autres pays industrialises utilisant plus largement des combustibles fossiles. Ainsi les emissions annuelles de CO2 du secteur energetique sont d'environ 6 tonnes par habitant en France contre 8,2 en moyenne pour I'Union europeenne et pres de 20,5 aux Etats-Unis. De nombreuses evaluations macro-economiques ont permis de chiffrer a quelque 30 % la contribution du programme electronucleaire a la reduction des emissions de gaz a effet de serre en France (Charmant, 1991 ; Charmant, Devezeaux et a/., 1991 ; Bernard, Charmant etal., 1992 et Vielle, 1996). Par contre, dans le contexte des engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto, le niveau d'emission bas deja atteint par la France grace a I'electronucleaire est susceptible de devenir un handicap. En particulier, le choix de 1990 comme annee de reference au sein du protocole a un effet negatif pour la France qui dispose d'une marge
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L'economie de I'energie nucleaire
de reduction des emissions de gaz a effet de serre a faible cout plus limitee que celle existant dans la plupart des autres pays industrialises.
11.2.2. Le modele GEMINI-E3 Le modele GEMINI-E3 constitue une famille de modeles elabores et geres dans le cadre d'une collaboration entre le ministere francais de I'Equipement, des Transports et du Logement et le Commissariat a I'energie atomique, dans le but d'analyser les politiques energetiques en relation avec leurs impacts environnementaux et en particulier ceux lies a I'effet de serre. II represente, a ce jour, le seul modele francais permettant revaluation, dans un cadre coherent et boucle tant au niveau national qu'international, des politiques de reduction des emissions de gaz a effet de serre concertees au niveau international, lesquelles ont ete recommandees par le Sommet de la terre a Rio de Janeiro puis concretisees dans le protocole de Kyoto. Parmi les modeles d'equilibre general calculable boucles au niveau mondial, on peut citer : ABARE-GTEM (ABARE, 1996), G-Cubed (McKibbin, 1999), GREEN (Burniaux, 1992), EPPA (Yang, 1996), MERGE (Manne, 1995), MS-MRT (Bernstein, 1999), RICE et DICE (Nordhaus, 2000), SGM (Edmonds, 1995) et WorldScan (Geuters, 1997). Une description typologique de ces modeles est donnee dans Wyant (1999), et ['ensemble du numero special de mai 1999 de The Energy Journal presente des scenarios de simulation du protocole de Kyoto realises avec ces modeles. Le modele GEMINI-E3 a ete utilise par la mission interministerielle de I'effet de serre (MIES, 2000) et contribue actuellement aux travaux de I'Energy Modeling Forum 18 (EMF, 2002) qui regroupe une dizaine d'equipes internationales de modelisation avec un cahier des charges precis et un theme commun d'analyse, en I'occurrence les aspects lies au commerce international des politiques de lutte contre le changement climatique. • Les diverses formes et utilisations du modele GEMINI-E3 GEMINI-E3/GemWTraP appartient a une famille de modeles fondes sur une structure theorique commune, comportant des modeles purement nationaux tres desagreges, tels GEMINI-E3 XL France et GEMINI-E3 XL Deutschland, qui permettent d'approfondir les aspects sectoriels (88 branches pour la France et 59 branches pour 1'Allemagne), et une version « electrique » du modele mondial, GEMINI-E3 E, qui comporte une representation de I'offre d'electricite de la France par un module technologique permettant de comparer les differentes filieres de production et de determiner ainsi, sur la base des couts economiques, la gestion courante des centrales existantes et I'investissement en nouvelles unites de production. C'est cette derniere version qui sera utilisee ici. • Principes fondateurs et principales caracteristiques du modele Le modele GEMINI-E3/GemWTRAP est base sur une representation de I'economie a partir du paradigme de I'equilibre general, ou tous les marches sont equilibres par le systeme des prix.
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Sa couverture geographique est mondiale avec un decoupage par zones permettant de representer les pays ou les regions jouant un role determinant dans la mise en oeuvre du protocole de Kyoto : Etats-Unis, Union europeenne, Japon, ex-Union Sovietique, pays exportateurs d'energie (PEE) et reste du monde (RDM). En outre, ce qui est I'exception dans ce type de modele, la France est representee individuellement et on dispose ainsi de resultats francais non englobes dans I'ensemble europeen. Les trois premiers groupes de pays, Etats-Unis, Union europeenne (y compris la France) et Japon sont representatifs de la zone OCDE bien qu'ils ne la couvrent pas en totalite. De meme, ces pays plus I'ex-Union Sovietique, sont representatifs des pays ayant pris un engagement visant a reduire leurs emissions de gaz a effet de serre dans le cadre du protocole de Kyoto (pays de I'Annexe I). Ce choix revient a fonder le modele sur quelques pays ou ensembles de pays pour lesquels on dispose de donnees statistiques fiables et detaillees, plutot que de rechercher une couverture geographique exacte des zones geo-politiques distinguees dans le protocole de Kyoto. La description sectorielle, adoptee dans le modele, est a meme d'isoler les produits energetiques et les secteurs gros consommateurs d'energie. Huit produits et secteurs sont decrits : le charbon, le gaz, le petrole brut, les produits petroliers, I'electricite, ['agriculture, les secteurs intensifs en energie, et les autres biens et services. La representation des echanges internationaux est faite via une modelisation des echanges de biens et services entre les sept zones, ce qui est indispensable si I'on veut apprehender correctement les transferts reels de revenus resultant de la modification des termes de I'echange. La representation de la fiscalite indirecte est aussi detaillee que possible afin de mesurer les surplus ou les couts de bien-etre resultant des distorsions existantes ou nouvelles du systeme de prix a la production et a la consommation. La structure detaillee du modele decoule de ces caracteristiques fondatrices. La production est decrite par une arborescence de fonctions CES (Constant Elasticity of Substitution) exprimant les differents arbitrages auxquels font face les producteurs (figure 11.2). La fonction de demande des menages est issue de la fonction de depense lineaire dite de Stone-Geary qui, sans etre totalement flexible, permet neanmoins d'exprimer les principales substituabilites entre biens de consommation finale. Etant « integrable », c'est-a-dire issue d'une fonction d'utilite, elle permet de calculer de maniere a la fois simple et coherente le surplus des consommateurs, et par suite le cout macroeconomique des politiques. Les echanges internationaux sont decrits par les fonctions de demande d'importation de chaque pays en provenance de chacun des autres pays ou regions individualises dans le modele, selon I'hypothese dite d'Armington, qui revient a considerer que les « memes » biens produits dans deux pays differents ne sont pas des substituts parfaits. Cette hypothese, souleve des difficultes indeniables car elle tend a sous-estimer I'incidence des prix sur la
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L'economie de I'energie nucteaire
Figure 11.2. EmboTtement des facteurs dans la fonction de production.
concurrence entre pays, notamment pour des produits sensibles comme les biens intermediaires. Elle est neanmoins inevitable en raison du niveau d'agregation du modele utilise. Le degre de concurrence peut etre module par I'utilisation d'une elasticite de substitution plus ou moins forte. Le modele ne decrit pas de fonctions d'exportation puisque pour chaque pays celles-ci resultent directement des demandes adressees par les autres pays. Enfin, si certains modeles, tels en particulier G-Cubed, qui est proche dans sa structure des modeles macro-economiques traditionnels, decrivent les mouvements de capitaux, le modele GEMINI-E3 les traite de maniere exogene et incorpore une contrainte d'equilibre de la balance commerciale. L'obtention de cet equilibre, qui resulte du jeu des taux de change reels entre pays, est imposee dans le but de mesurer le cout de bienetre des politiques de lutte contre le changement climatique, et en particulier d'en suivre revolution au cours du temps.
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• Une specificite du modele : la mesure et I'analyse des facteurs explicatifs du cout macro-economique des politiques de lutte contre le changement climatique Le cout des politiques de lutte contre le changement climatique, dans leurs diverses configurations de mise en ceuvre, est un indicateur cle de leur evaluation. Dans le cas d'actions visant a reduire la consommation de certains biens, et passant par des mesures fiscales ou des instruments equivalents, les agregats macro-economiques tels que le PIB ou la consommation des menages en volume ne sont pas des indicateurs pertinents puisque par definition ils sont calcules a structure de prix donnee, ignorant de ce fait les effets sur le bien-etre de la modification des prix relatifs (Gaskins, 1993). La seule mesure pertinente du cout de bien-etre (employe ci-dessous dans le sens de perte de bien-etre ou de cout macro-economique) est le surplus du consommateur, etabli a partir soit de la variation equivalente de revenu (VER), soit de la variation compensatrice de revenu (VCR). Bien que theoriquement legerement differents, les deux concepts donnent des mesures tres proches, du fait que Ton reste a des niveaux de modification des prix d'ampleur limitee, et que I'energie ne represente qu'une part faible des couts de production ou du budget des menages. Le surplus des consommateurs n'est representatif de la variation globale de bien-etre que si les autres elements de la demande finale, exportations exceptees, sont maintenus constants. C'est le cas de la demande finale des administrations, qui est exogene dans le modele. S'agissant de I'investissement productif, qui est normalement endogene dans le modele et sensible aux variations de prix relatifs (dont notamment le cout d'usage du capital), il a ete introduit une contrainte de stabilite du volume global tous secteurs confondus, la repartition par branche demeurant neanmoins libre et regie par le systeme de prix. En tout etat de cause, les variations du volume global d'investissement obtenues sans la contrainte, mais sous I'hypothese d'un taux d'epargne des menages donne, etaient relativement faibles et non veritablement significatives d'un effet des politiques etudiees sur ('accumulation du capital et par suite sur la croissance. En quelque sorte, le modele dissocie les problemes devaluation des contraintes d'environnement des aspects de la croissance a long terme. Dans une economic fermee, le surplus des consommateurs reflete I'effet de substitution pur de la taxation, soit ce que Ton appelle le « cout de charge morte » (deadweight loss). Dans une economie ouverte, des effets de revenu se superposent a ces effets de substitution, ce sont ceux qui sont transmis par la modification des prix relatifs sur les marches internationaux. Les gains ou pertes des termes de I'echange qui en resultent peuvent etre importants, meme predominants dans certains cas, et venir compenser ou alourdir le cout direct, d'origine interne. Le tableau 11.1 ci-dessous precise I'algebre de la mesure du cout de bien-etre dans une telle situation d'economie ouverte. Le surplus total S et les gains nets des termes de I'echange G peuvent etre calcules directement a partir des resultats des scenarios. Les formules ci-dessous permettent de calculer le cout de charge morte CCM, qui represente I'effet pur de substitution de la reduction des emissions de polluants.
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L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 11.1. Algebre de la mesure du cout de bien-etre. S — (Surplus total) =
G
AR (Variation du revenu) -CCM (Cout de charge morte)
VCR (Variation compensatrice de revenu)
+
G (Gains nets des termes de I'echange)
=
2EXPAP E X p
2lMPAP|Mp
&
2PiMP AIMP
2P EX pAEXP
La determination exacte du cout marginal d'abattement (CMA) est complexe. Selon ('analyse theorique (Bernard, 1999), ce qui est pertinent dans un echange de permis d'emissions avec d'autres pays, c' est le cout marginal defini comme la perte de bien-etre a prix internationaux constants. D'autre part, cette perte doit etre deflatee par la valeur sociale des biens echanges, puisque le paiement de permis d'emissions s'effectue in fine, et en termes reels, par des biens importes. Or, les valeurs sociales des biens different des prix de marche d'une quantite qui est le cout marginal des fonds publics (CMFP) qui s'obtient, de maniere analogue au cout marginal d'abattement, par le calcul de la variation de bien-etre resultant d'une petite variation des depenses publiques a prix internationaux inchanges (ou par le calcul de la variation de bien-etre nette de la variation des gains de termes de I'echange). Calculer les couts marginaux d'abattement a prix constants necessiterait normalement de faire un calcul separe par pays et par periode. II est cependant possible d'operer en une seule fois, en soustrayant des surplus marginaux calcules, obtenus pour de petites variations d/4 du niveau d'abattement, les gains nets marginaux des termes de I'echange. En d'autres termes, le cout marginal d'abattement est egal au cout marginal de charge morte, deflate par le coOt marginal des fonds publics :
11.2.3. Utilisation d'un module technologique decrivant le systeme electrique frangais La modelisation, adoptee pour le secteur electrique, s'inspire des travaux realises au sein du CEA, notamment pour le modele Micro-melodie (Charmant, Devezeaux et al.f 1993) et repose principalement sur la description d'une monotone de charge dans laquelle sont empilees les unites electrogenes. • Description de la demande GEMINI-E3 E modelise une monotone de charge (§ 9.1.2) un peu differente de celle publiee par EDF (1995) et presentee en figure 11.3, puisqu'a cette monotone de
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Figure 11.3. Monotone des puissances appelees par la consommation et detail de la pointe.
Source : EOF, 1995.
consommation interieure est ajoute le solde net des exportations et qu'en sont retranchees la production hydraulique et la production thermique de pointe. On obtient alors une monotone de production thermique hors pointe. Cette simplification est dictee par deux imperatifs. Tout d'abord, la description de la gestion du pare hydraulique n'est pas I'objet du modele GEMINI-E3 E et done la production hydraulique est exogene et supposee egale au niveau de productibilite moyenne. De meme, la gestion des equipements de pointe thermique depend de conditions conjoncturelles qui ne sont pas I'objet de CEMINI-E3 E. II est a noter que I'energie produite par ces equipements represente une tres faible part, moins de 4 % de I'energie thermique. Concretement, la monotone decrite dans le modele fait intervenir deux valeurs, la puissance de base (base) et la puissance de pointe (PKP). La figure 11.4 decrit la modelisation ainsi retenue. Ces deux quantites evoluent ensuite en fonction du niveau et de la structure de la consommation.
L'economie de I'energie nucleaire
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Figure 11.4. Monotone de consommation de GEMINI-E3 E.
• Description de I'offre La modelisation de I'offre considere trois types d'equipement : les centrales au charbon, les centrales au gaz et les centrales nucleaires, puisque la production hydraulique et la production thermique de pointe sont exogenes. Le fonctionnement du module d'offre d'electricite de CEMINI-E3 E consiste a remplir la monotone de consommation compte tenu de la structure de cout des trois types de centrales caracterisee par une composante fixe (cout d'investissement principalement) et une composante variable (cout de combustible) (§ 4.5.3). Ce faisant, il est possible de determiner Pequipement necessaire et la production de chacune des energies (charbon, gaz et nucleaire). Pour expliquer plus precisement le fonctionnement du module, on peut considerer la situation dans laquelle deux types d'equipement peuvent etre utilises, des centrales au charbon (c) et des centrales nucleaires (n) dont les structures de cout sont telles que :
couts fixes couts variables
cfn > cfc cpc > cpn
Dans une perspective de long terme, les parts optimales de chacune des energies sont determinees par I'heure de coupure ou duree limite d'appel (HLnc) pour laquelle il est indifferent d'utiliser une centrale charbon ou une centrale nucleaire, soit :
II est a noter que ('expression de cette equation est complexe puisque interviennent les taux de disponibilite des deux equipements, eux-memes fonction de I'heure de coupure (§9.1.2 et formule (40)).
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Une fois connue la duree limite d'appel, il reste a determiner la part de chaque energie dans la production totale qui se resume a un calcul d'aire et dont la representation graphique est donnee sur la figure 11.5. Toutefois, le calcul devient plus complexe lorsque Ton doit tenir compte des equipements existants. La strategic optimale consiste alors a determiner les investissements en faisant tendre I'heure de coupure effective vers celle de long terme. Les equipements existants sont une contrainte pour la strategic d'investissement et I'optimisation economique peut, en principe, aboutir a des declassements anticipes. Figure 11.5. Allocation des centrales dans une optique de long terme.
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Dans le cas de I'exemple precedent, cela revient a considerer la possibilite de declasser les equipements charbon au profit de nouvelles centrales nucleaires. A cet effet, le modele calcule I'heure de coupure entre I'equipement charbon existant et une centrale nucleaire a construire en prenant en compte pour I'equipement charbon existant uniquement le cout variable et pour le nucleaire a construire les couts complets. La figure 11.6 illustre cette approche : la nouvelle heure de coupure (HCnc) determine la part maximum des equipements existants (notee PMAXC). En pratique, le declassement de centrales electrogenes reste exceptionnel et la prise en compte des centrales existantes a pour principal effet de limiter ('adaptation optimale du pare sur la base des couts relatifs des differentes filieres de production.
11.2.4. Etablissement du compte de reference L'utilisation d'un modele necessite, outre son estimation et son calibrage c'est-a-dire la determination des parametres permettant de reproduire la situation initiale, ('elaboration d'un compte de reference par rapport auquel seront evalues les divers scenarios. La definition precise du compte de reference revet un caractere important puisque les engagements de reduction des emissions de gaz a effet de serre inscrits au protocole de Kyoto sont definis par rapport aux niveaux de 1990. Plus le compte de reference supposera une croissance forte de ces emissions et plus les reductions d'emissions seront contraignantes. Les modeles d'equilibre general ne sont pas adaptes a la realisation de previsions et par suite la pratique des modelisateurs est de recourir a des previsions elaborees par ailleurs. II existe peu de previsions mondiales a I'horizon 2040, dans une nomenclature energetique et un decoupage geographique adequat. On a done ete conduit a retenir celles realisees par ('Administration d'information sur I'energie du ministere americain de I'Energie, qui ne couvrent que la periode 2000-2020 mais sont etablies, publiees et mises a la disposition des utilisateurs potentiels chaque annee, et ce de longue date, permettant ainsi un suivi et une comparaison systematique ex-post entre previsions et realisations (IEA/DOE, 2002). Ces previsions sont utilisees par la plupart des equipes de modelisation travaillant sur les impacts macro-economiques des politiques energetiques et environnementales. Le compte de reference s'appuie sur les dernieres previsions disponibles au moment de I'etude, soit celles publiees en mars 2000 dans le cas decrit ici. Le modele couvrant la periode 1995-2040, les tendances ont ete prolongees jusqu'en 2040 en supposant un inflechissement leger de la croissance mondiale apres 2020. Les tableaux 11.2 et 11.3 presentent les traits principaux de ce compte de reference qui suppose une croissance economique mondiale de 2,9 % par an sur la periode et des emissions de carbone augmentant de 1,8 % par an. Concernant le secteur electrique francais, le compte de reference suppose qu'aucun moratoire nucleaire n'est mis en ceuvre. La demande et I'offre d'electricite s'etabliraient selon les caracteristiques detaillees dans le tableau 11.3.
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Figure 11.6. Prise en compte du declassement d'equipements existants.
La consommation interieure progresserait de 1,3 % par an, la demande totale adressee au reseau n'augmentant que de 1 % par an suite a une baisse des exportations nettes d'electricite, passant de 70 TWh en 2010 a 35 TWh en 2040. Au niveau de I'offre, Telectricite nucleaire serait utilisee exclusivement en base a I'horizon de la simulation, le pare se reequilibrant en faveur principalement du gaz, alors que la production d'electricite a partir d'energies renouvelables (hors I'hydraulique) atteindrait 14 TWh en 2040. La production d'electricite a partir de charbon disparattrait quasiment en 2040. Concernant les equipements installes, le pare nucleaire s'etablirait a 50 GWe soit un peu inferieur a son niveau actuel. Les equipements au gaz representeraient une puissance installee de 48 GWe.
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L'economie de I'energie nucleaire
Tableau 11.2. Compte de reference - Donnees macro-economiques (taux de croissance annuel moyen 1995-2040 en %).
Pays France EU11 Etats-Unis Japon Ex-URSS PEE RDM Total Monde
PIB
Consommation d'energie
2,0 % 2,2 % 2,1 % 1 ,9 % 2,4 % 4,3 % 4,0 % 2,9 %
1 ,3 % 1 ,0 % 1 ,0 % 0,9 % 1,1 % 2,7 % 2,2 % 1 ,6 %
Emissions deCO 2
Consommation electrique
1 ,2 1 ,5 1 ,4 1 ,5
1 ,2 % 0,8 % 0,9 % 0,7 % 1,1 % 2,7 % 2,4 % 1 ,8 %
% % % %
1,3% 3,5 % 3,2 % 2,2 %
Tableau 11.3. Demande et production d'electricite en France, compte de reference.
Annee
2000
2010
2020
2030
2040
Demande (TWh) Pompage Perte Cons, interieure nette Exportations nettes
480 5 29 381 65
541 8 32 431 70
613 8 37 498 70
676 8 43 572 53
729 8
48 638 35
Production (TWh) Hydraulique Nucleaire Charbon
480 67 381 21 6 5 0
541 74 388 20 50 6 3
613 73 405 25 95 6 7
676 73 350 24 211
729 73 376 0.1 258
7 11
8 14
63 11
63 7 1
57 6 18
47 3 40
50 0 48
Gaz
Fioul Energies renouvelables Puissance Installee (GWe)1 Nucleaire Charbon Caz 1
0
Hors equipement de pointe et (regeneration.
11 - Analyse macro-economique d'une politique energetique
251
11.2.5. Calcul des reductions d'emissions resultant des engagements de Kyoto Le protocole de Kyoto, adopte en decembre 1997, contient des objectifs d'emission juridiquement contraignants pour les parties visees a 1'annexe I (pays de I'OCDE et economies en transition) qui collectivement doivent reduire leurs emissions de gaz a effet de serre d'au moins 5,2 % avant la fin de la periode 2008-2012 par rapport a I'annee 1990 (annee de base). Les reductions a effectuer se deduisent de la comparaison des emissions tendancielles du compte de reference avec celles prevues par le protocole. Les emissions de gaz a effet de serre autres que le dioxyde de carbone resultant de la combustion d'energie fossile (methane, oxyde d'azote et substituts aux CFC) et les puits de carbone (par exemple, boisement) sont tres rarement representes dans les modeles. Cependant, des evaluations ont ete effectuees par les differents pays sur les reductions d'emissions qu'il est envisageable d'obtenir a des couts raisonnables grace aux puits de carbone et aux gaz a effet de serre autres que le CO2- En tenant compte de ces autres contributions, on obtient par difference la reduction d'emissions a realiser pour atteindre les engagements fixes a Kyoto qui figure dans le tableau 11.4. Tableau 11.4. Engagements de reduction des emissions de gaz a effet de serre du protocole de Kyoto (% par rapport a 1990). Reductions dans le secteur energetique par rapport au compte de reference (2010)
Reductions inscrites au protocole de Kyoto
Reductions a effectuer dans le secteur energetique
0%
+ 1,5%
-1 7 %
Union europeenne (sans la France)
-8%
-6%
-26,5 %
Etats-Unis
-7%
-3 %
-29 %
Japon
-6%
-6%
-22 %
0%
0%
+44 %
Pays/Region
France
Ex-Union Sovietique
On notera la presence pour I'ex-Union Sovietique d'un credit d'emission, appele communement « air chaud », qui resulte du fait que la restructuration profonde de I'economie a entrame une baisse massive de la consommation d'energie et par suite des emissions de gaz a effet de serre de cette region. Pour la periode ulterieure aux engagements de Kyoto, on a retenu I'hypothese d'un Kyoto forever, basee sur la Constance des objectifs de reduction en niveau pour les pays de I'annexe I et supposant que les autres pays ne prennent aucun engagement de reduction dans la periode 2013-2040.
252
L'economie de I'energie nucleaire
11.2.6. Utilisation des recettes provenant de la fiscalite sur le carbone Un point important dans la mise en ceuvre des simulations a trait a ('utilisation des recettes fiscales generees par la mise en place d'une fiscalite sur le carbone. Dans toutes les simulations, on suppose que la pression fiscale reste constante, ou pour etre plus precis que le gouvernement choisit de conserver un solde budgetaire constant et identique a celui du compte de reference. Les recettes de la taxe sur le carbone ou celles liees a la vente de permis d'emissions (ou de facon symetrique a I'achat des permis) doivent done faire I'objet d'une redistribution fiscale. Du point de vue de I'efficacite economique, la reduction de la fiscalite indirecte est theoriquement preferable aux transferts forfaitaires car elle reduit le cout de distorsion de la taxation. Cette proposition a fait I'objet de verification avec le modele CEMINI-E3 (Bernard et Vielle, 2000b) montrant que pour chacun des pays ou zones de I'OCDE decrit dans le modele, la redistribution sous forme de baisse de la fiscalite indirecte est plus efficace que celle reposant sur des transferts forfaitaires.
11.3. Simulations de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto et d'un moratoire eventuel du nucleaire [.'evaluation du role joue par le programme electronucleaire francais dans les politiques de lutte contre le changement climatique et plus precisement dans le cadre de la mise en ceuvre du protocole de Kyoto est menee a travers la realisation de quatre simulations croisant deux hypotheses. La premiere hypothese a trait a la poursuite ou non du programme electronucleaire francais. Dans I'affirmative, on continue a investir dans des centrales nucleaires et les capacites installees sont guidees par des considerations economiques. Dans le cas ou Ton deciderait de ne plus recourir a I'energie nucleaire, les equipements mis en service avant 2000 sont utilises jusqu'a la fin de leur duree de vie supposee egale a quarante ans dans I'etude, mais aucune nouvelle tranche nucleaire n'est mise en service apres 2000. L'energie nucleaire est alors remplacee par des equipements thermiques classiques. En 2040, I'energie nucleaire aura pratiquement disparu. La seconde hypothese concerne la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. On envisage deux possibilites. Soit les objectifs assignes a chacun des pays de I'annexe I sont realises par des efforts nationaux. Dans ce cas aucun echange de permis d'emissions entre pays n'est autorise et les pays remplissent leurs engagements via une taxe sur le carbone. Soit le recours aux permis d'emissions est autorise, et dans ce cas un marche de permis est mis en place au niveau des pays de I'annexe I, le prix du carbone emergeant de ce marche est alors applique a toute emission de carbone realisee au sein d'un pays de I'annexe I.
11 - Analyse macro-economique d'une politique energetique
253
Le croisement de ces deux hypotheses donne les scenarios suivants, tous supposant la mise en ceuvre du protocole de Kyoto : instauration de taxes sur le carbone ; instauration d'un marche de permis d'emissions au sein des pays vises a I'annexe I ; instauration de taxes sur le carbone et moratoire nucleaire francais ; et instauration d'un marche de permis d'emissions au sein des pays vises a I'annexe I et moratoire nucleaire francais.
11.3.1. Instauration de taxes sur le carbone Dans ce scenario, on suppose que les pays de I'annexe I mettent en ceuvre le protocole via une taxe nationale sur le carbone, sans recourir aux mecanismes de flexibilite (notamment les permis negociables). II faut noter que compte tenu des engagements accordes a I'ex-Union Sovietique, celle-ci, ou plus precisement les pays qui en sont issus, pourrait s'affranchir de toute baisse d'emissions de carbone sur la periode 2000-2040. Le credit d'emissions alloue pour la periode d'engagement 2008-2012 pouvant etre reporte sur d'autres periodes d'engagement, on a suppose que cette zone ne mettait pas en place de taxation sur le carbone. Les prix du carbone s'etabliraient alors suivant les valeurs presentees dans le tableau 11.5. On retrouve des resultats deja presentes avec le modele GEMINI-E3, les taxes sur le carbone seraient les plus elevees en France et dans I'Europe des 11, puis viendrait le Japon et les Etats-Unis. Tableau 11.5. Prix du carbone en $ de 1990/tonne. Scenario taxes sur le carbone.
2010
2020
2030
2040
France
278
518
758
1035
EU11
342
510
672
845
Etats-Unis
151
202
249
303
Japon
216
333
449
592
Annee
La figure 11.7 indique, en pourcentage de la consommation finale des menages, le cout en terme de bien-etre des taxes permettant de reduire les emissions de gaz a effet de serre. Pour les pays industrialises, ce cout ne serait pas excessivement eleve, puisque toujours inferieur a 1 % de la consommation finale des menages. Au contraire, ce cout serait beaucoup plus important pour les pays exportateurs d'energie et I'ex-Union Sovietique, alors que ces pays ne mettraient en ceuvre aucune politique de reduction des emissions de gaz a effet de serre. L'examen de la decomposition du cout de bien-etre presente au tableau 11.6 permet d'expliquer ces resultats. Si le cout de mise en ceuvre, cout pur de la taxation, est non negligeable pour les pays de I'OCDE, il est contrebalance par des gains provenant des termes de I'echange eux-memes issus de la baisse de demande d'energie qui induit une baisse des prix de I'energie. On constate le phenomene inverse pour les pays
254
L'economie de I'energie nucleaire
Figure 11.7. Perte de bien-etre. Scenario taxe sur le carbone (% de la consommation finale).
exportateurs d'energie (PEE) et les pays issus de I'ex-Union Sovietique dont les pertes liees aux termes de I'echange conduisent a un cout alors meme qu'ils ne mettent en ceuvre aucune politique de reduction des emissions de gaz a effet de serre. Ceci montre combien il est important d'integrer les mecanismes lies au commerce international dans ('evaluation de telles politiques.
Tableau 11.6. Cout de bien etre en 2040 (% de la consommation finale). Scenario taxes sur le carbone.
Structure du cout de bien-etre
France
EU11
EtatsUnis
Japon
ExURSS
PEE
RDM
Termes de I'echange
0,57
0,62
0,13
0,43
-1,41
-2,67
0,07
Cout pur de la taxation
-1,05
-1,53
-0,90
-0,84
-0,20
-0,01
0,05
Cout Total
-0,49
-0,91
-0,77
-0,42
-1,60
-2,68
0,11
Au niveau du secteur electrique, la mise en ceuvre du protocole de Kyoto via des taxes sur le carbone conduirait a une baisse de la demande d'energie francaise de 20 % en 2040. Cette baisse resulterait d'une reallocation de la production vers des secteurs peu intensifs en energie en raison de ('augmentation du prix de I'electricite de 37 % causee par la hausse du prix des energies fossiles. Par rapport au compte de reference, la baisse de la production totale d'electricite serait ainsi de 142 TWh en 2040. La repartition des moyens de production serait fortement affectee par la taxe sur le carbone, le thermique classique etant deplace par les energies renouvelables et nucleaire (tableau 11.7).
11 - Analyse macro-economique d'une politique energetique
255
Tableau 11.7. Demande et production d'electricite en France. Scenario taxes sur le carbone.
Annee
2000
2010
2020
2030
2040
Demande (TWh) Pompage Perte Cons, nette interieure Exportations nettes
480 5 29 381 65
509 8 30 406 65
. 549 8 34 446 62
564 8 36 477 43
587 8 39 513 28
Production (TWh) Hydraulique Nucleaire Charbon Gaz Fioul Energies renouvelables
480 67 381 21 6 5 0
509 74 352 19 50 5 10
549 73 371 6 73 6 20
564 73 375 2 78 6 30
587 73 390 0 77 6 40
63 11 0
63 7 5
57 6 6
59 3 9
63 0 11
Puissance Installee (GWe)1 Nucleaire Charbon Gaz 1
Hors equipement de pointe et regeneration.
En 2040, la production d'electricite a partir du gaz diminuerait de 181 TWh par rapport au compte de reference, la puissance installee en gaz etant alors de 11 GWe au lieu de 48 GWe dans le compte de reference. La penetration des energies renouvelables serait plus forte que dans le compte de reference, leur production s'etablissant a 40 TWh en 2040 au lieu de 14 TWh. La production electronucleaire serait de 15 TWh superieure au compte de reference et sa part dans la production totale representerait 66 % centre 50 % dans le compte de reference.
11.3.2. Instauration d'un marche de permis d'emissions au sein des pays vises a I'annexe I La mise en place d'un marche de permis negociable aurait pour interet d'offrir aux pays de POCDE la possibilite de beneficier de baisses d'emissions a des couts faibles, en particulier celles realisees au sein des pays issus de I'ex-Union Sovietique grace a « I'air chaud » disponible dans ces pays. Ces pays seraient en mesure de vendre des permis d'emissions a un prix attractif pour les deux parties (acheteurs et vendeurs). Le prix du permis s'etablirait a 74 $ (de I'annee 1990) en 2010 a comparer a 278 $ pour la taxe
L'economie de I'energ/e nucleaire
256
francaise sur le carbone ; en 2040, les prix du permis et de la taxe franchise seraient respectivement de 415 et 1035 $ (tableaux 11.8 et 11.5). Tableau 11.8. Prix du carbone en $ de 1990/tonne. Scenario permis d'emissions dans les pays de ('annexe I. Annee Prix du marche
2010
2020
2030
2040
74
145
248
415
Ce plus faible prix du carbone permettrait de moderer le cout de mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Comme I'indique le tableau 11.9, tous les pays participant a I'echange verraient leur situation s'ameliorer. Pour les pays acheteurs nets de permis (Europe et Japon), le cout de ces achats serait contrebalance par un cout de taxation moindre. Au contraire, les Etats-Unis subiraient un cout de taxation plus fort (1,28 % centre 0,90 %) mais beneficieraient des ventes de permis (0,45 %) permettant au final une situation meilleure. La situation de I'ex-Union Sovietique serait exceptionnelle, la mise en place d'une taxe sur le carbone en moderant voire annihilant les subventions sur I'energie lui ferait beneficier d'un cout de taxation negatif qui, en s'ajoutant aux gains lies a la vente des permis, lui permettrait d'obtenir un gain final evalue a 4,4 % de la consommation finale des menages. Les pays hors annexe I seraient peu affectes par la mise en place de ces permis negociables. Tableau 11.9. Cout de bien etre en 2040 (% de la consommation finale). Scenario permis d'emissions dans les pays de ('annexe I.
ExURSS
PEE
RDM
0,38
-0,82
-2,21
0,11
0,45
-0,20
3,19
-
-
-0,63
-1,28
-0,56
2,04
-0,02
0,04
-0,89
-0,66
-0,39
4,41
-2,24
0,15
Structure du cout de bien-etre
France
EU11
EtatsUnis
Japon
Termes de I'echange
0,34
0,32
0,17
Achats de permis
-0,44
-0,57
Cout pur de la taxation
-0,20
Cout total
-0,29
Au niveau du secteur electrique francais, ce prix du carbone moindre aurait pour effet de limiter la baisse de la consommation d'electricite qui s'etablirait en 2040 a 647 TWh soit 60 TWh de plus que dans le scenario taxes sur le carbone (tableau 11.10). Par rapport au compte de reference, la baisse de production d'electricite serait de 11 %. Les centrales au gaz et nucleaires produiraient respectivement 24 et 35 TWh de plus que dans le scenario taxes sur le carbone. Cela permettrait de reequilibrer la production en faveur des energies fossiles dont la production representerait 17 % de la production totale, centre 14 % dans le scenario taxes sur le carbone et 36 % dans le compte de reference.
11 - Analyse macro-economique d'une politique energetique
257
Tableau 11.10. Demande et production d'electricite en France. Scenario permis d'emissions dans les pays de ('annexe I.
2000
2010
2020
2030
2040
Demande (TWh) Pom page Perte Cons, nette interieure Exportations nettes
480
532
586
617
647
5
8
8
8
8
Production (TWh) Hydraulique Nucleaire Charbon
Annee
32
36
39
43
424
476
523
566
65
69
66
47
31
480
532
586
617
647
67
74
73
73
73
381
373
390
393
425
r
1
0
21
19
6
Gaz
6
50
91
113
102
Fioul Energies renouvelables
5
6
6
6
7
0
10
20
30
40
63
63
54
54
63
11
6
6
3
0
0
0
7
15
15
Puissance installee (GWe)1 Nucleaire Charbon Gaz 1
29 381
Hors equipement de pointe et cogeneration.
En relachant la contrainte sur les emissions de carbone francaises, I'instauration d'un marche de permis d'emissions negociables aurait done des implications fortes sur le secteur electrique de la France.
11.3.3. Instauration de taxes sur le carbone et moratoire nucleaire frangais La decision conjointe de mettre en oeuvre un moratoire nucleaire et de remplir les engagements du protocole de Kyoto via des mesures domestiques sans recours aux mecanismes de flexibilite aurait des repercutions fortes sur la situation francaise. Concernant tout d'abord la taxe francaise sur le carbone, I'impact serait progressif et la taxe n'augmenterait par rapport au scenario « taxe nationale sans moratoire » qu'a partir de I'annee 2021, date a partir de laquelle les premiers REP commenceront a etre declasses. En 2030 et 2040, la taxe augmenterait de plus de 50 % par rapport au scenario sans moratoire. Cette augmentation tres forte de la taxe traduit bien evidemment la grande difficulty a remplir les engagements du protocole de Kyoto tout en instaurant un moratoire nucleaire.
L'economie de I'energie nucleaire
258
Tableau 11.11. Prix du carbone en $ de 1990/tonne. Scenario taxes sur le carbone et moratoire nucleaire francais.
2010
2020
2030
2040
France
278
518
1162
1559
EU11
342
510
671
844
Etats-Unis
151
202
249
303
Japon
216
333
449
593
Annee
L'impact au niveau du cout macro-economique serait tres eleve en France ou le cout de bien etre en 2040 atteindrait 2,73 % de la consommation finale (tableau 11.12), a comparer a 0,49 % dans le scenario taxes sur le carbone sans moratoire nucleaire et 0,29 % dans le scenario permis d'emissions dans les pays de Tannexe I. Naturellement, les autres pays seraient tres peu affectes par la decision francaise (tableau 11.12).
Tableau 11.12. Cout de bien etre en 2040 (% de la consommation finale). Scenario taxes sur le carbone et moratoire nucleaire francais.
Structure du cout de bien-etre
France
EU11
EtatsUnis
Japon
ExURSS
PEE
RDM
0,99
0,55
0,14
0,43
-1,39
-2,71
0,07
Cout pur de la taxation
-3,72
-1,53
-0,90
-0,84
-0,27
-0,01
0,05
Cout total
-2,73
-0,98
-0,77
-0,41
-1,66
-2,72
0,12
Termes de I'echange
L'impact du moratoire nucleaire sur le secteur electrique est a ('evidence tres important. La consommation d'electricite tomberait a moins de 350 TWh en 2040, soit une baisse de 30 % par rapport a celle de Tan 2000. Ceci montre en fait qu'il serait pratiquement impossible pour la France de faire face aux engagements qu'elle a pris dans le cadre du protocole de Kyoto et de realiser un moratoire nucleaire sans faire appel aux mecanismes de flexibilite (permis d'emissions negocies). La baisse de la consommation s'explique par une augmentation du prix de I'electricite a la consommation de plus de 180 %, contre seulement 25 % dans le scenario taxes sur le carbone. Le rencherissement du prix de I'electricite se repercute egalement sur le solde (exportations moins importations) des echanges d'electricite avec Petranger qui s'etablirait en 2040 a un niveau d'importations nettes de 6 TWh. Au niveau des equipements, la quasi totalite des centrales serait constitute de centrales au gaz a I'horizon 2040 (tableau 11.13).
11 -Analyse macro-economique d'une politique energetique
259
Tableau 11.13. Demande et production d'electricite en France. Scenario taxes sur le carbone et moratoire nucleaire francais.
Annee
2000
2010
2020
2030
2040
Demande (TWh) Pompage Perte Cons, nette interieure Exportations nettes
480
509
549
421
346
5
8
8
8
8
29 381
30
34
27
24
406
446
363
320
65
65
62
23
-6
Production (TWh)
480
509
549
421
346
Hydraulique Nucleaire Charbon Gaz Fioul Energies renouvelables Puissance installee (GWe)1 Nucleaire Charbon Gaz 1
67
74
73
73
73
381
352
371
118
14
21
19
6
1
0
6
50
73
195
215
5
5
6
4
4
0
10
20
30
40
63
63
57
16
2
11
7
6
3
0
0
5
6
30
35
Hors equipement de pointe et cogeneration.
11.3.4. Instauration d'un marche de permis d'emissions au sein des pays vises a ('annexe I et moratoire nucleaire frangais Le scenario precedent illustre la difficulte pour la France a remplir ses engagements au titre du protocole de Kyoto a I'aide de mesures uniquement nationales (taxes) tout en realisant un moratoire nucleaire. Dans le contexte d'un moratoire nucleaire, le recours au marche de permis d'emissions offrirait a la France une meilleure solution que les moyens nationaux. II lui permettrait d'acquerir des permis d'emissions a un prix abordable pour contrebalancer les emissions issues du remplacement des centrales nucleaires par des centrales brulant des energies fossiles. Concernant le prix du permis negociable, la decision francaise aurait un impact modere compte tenu de la faible importance de la France dans le marche lui-meme. Ainsi, le prix du permis n'augmenterait que de 14 $ en 2040 soit une augmentation de 3,5 % par rapport au scenario sans moratoire nucleaire en France (tableau 11.14). Ce recours aux permis negociables permettrait de limiter le surcoutdu moratoire, mais le remplacement de centrales nucleaires par des centrales au gaz ayant un cout marginal
L'economie de I'energie nucleaire
260
Tableau 11.14. Prix du carbone en $ de 1990/tonne. Scenario permis d'emissions dans les pays de I'annexe I et moratoire nucleaire francais.
Annee
2010
2020
2030
2040
Prix du marche
74
145
257
429
Tableau 11.15. Cout de bien etre en 2040 (% de la consommation finale). Scenario permis d'emissions dans les pays de I'annexe I et moratoire nucleaire francais.
Structure du cout de bien-etre
France
EU11
EtatsUnis
Japon
Termes de I'echange
0,21
0,33
0,19
0,38
-1,02
Achats de permis
-0,99
-0,56
0,51
-0,19
3,57
Cout pur de la taxation
-1,18
-0,66
-1,33
-0,58
4,30
-0,02
0,05
Cout total
-1,97
-0,90
-0,63
-0,39
6,85
-2,25
0,17
ExURSS
PEE
RDM
-2,23
0,12
-
-
de production plus eleve se traduirait par un cout total evalue a 1,97 % de la consommation finale des menages (tableau 11.15). L'achat de permis negociables detendrait en partie la contrainte sur le secteur electrique. Neanmoins, la consommation d'electricite serait egale a 527 TWh en 2040, soft une baisse de 26 % par rapport au compte de reference et de 17 % par rapport au scenario permis negociables dans les pays de I'annexe I sans moratoire. Le prix a la consommation de I'electricite augmenterait de 60 %, soit moins que dans le scenario taxes sur le carbone et moratoire (augmentation de 180 %) mais plus que dans le scenario taxes sur le carbone sans moratoire (augmentation de 25 %). Comme dans le scenario precedent, taxe sur le carbone et moratoire, les centrales au gaz representeraient la quasi totalite du pare de production electrique en 2040 avec une puissance installee de 56 GWe et une production de 395 TWh.
11.3.5. Elements de comparaison entre les scenarios La comparaison entre les differents scenarios analyses ci-dessus est complexe en raison des nombreux parametres affectes par les choix de politique energetique envisages dans le meme cadre d'obligation de faire face aux engagements du protocole de Kyoto. Parmi les indicateurs susceptibles de donner une illustration pertinente des impacts majeurs, on peut retenir la production electrique totale et sa repartition par source (figure 11.8) et les emissions de carbone (figure 11.9).
11 - Analyse macro-economique d'une politique energetique
261
Tableau 11.16. Demande et production d'electricite en France. Scenario permis d'emissions dans les pays de I'annexe I et moratoire nucleaire francais.
Annee
2000
2010
2020
2030
2040
Demande (TWh) Pom page Perte Conso. Nette interieure Exportations nettes
480 5 29 381 65
532 8 32 424
69
586 8 36 476 66
572 8 37 487 41
527 8 35 469 16
Production (TWh)
480 67 381 21 6 5 0
532 74 373 19 50 6 10
586 73 390 6 91 6 20
572 73 118 2 344 6 30
527 73 14 0 395 5 40
63 11 0
63 6 0
54 6 7
13 3 47
1 0 56
Hydraulique Nucleaire Charbon Gaz
Fioul Energies renouvelable Puissance installee (GWe)1 Nucleaire Charbon Gaz 1
Hors equipement de pointe et cogeneration.
La mise en ceuvre de politiques de lutte centre le changement climatique, et en particulier I'application du protocole de Kyoto, entraine une baisse importante de la consommation d'electricite en France meme dans le cas ou le recours a I'electronucleaire reste possible. Cette baisse serait beaucoup plus importante dans le cas d'un moratoire, la valorisation du carbone conduisant a rencherir de facon importante les energies fossiles et diminuant de ce faite la demande en electricite. Cette situation serait poussee a son paroxysme dans le cas d'un moratoire accompagne d'un refus de ('utilisation des mecanismes de flexibilite. La figure 11.8 qui presente pour I'annee 2040 le niveau de la production electrique et sa structure, indique clairement I'effet de I'instauration d'un marche de permis d'emissions au sein des pays de I'annexe I d'une part et d'un moratoire nucleaire en France d'autre part. La figure 11.9 montre que les emissions de carbone sont influencees de facon plus notable par les taxes sur le carbone que par les autres mesures et que le moratoire nucleaire conduit a faire peser sur le reste de I'economie un poids supplementaire de reduction d'emissions de carbone. Le refus ou non de ('utilisation du nucleaire rejaillit de facon importante sur le reste de I'economie car toute emission supplementaire provenant du secteur electrique devra faire I'objet d'une reduction realisee ailleurs, ou d'un achat sur le marche des permis negociables. Dans le cas ou le recours aux permis negociables
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L'economie de I'energie nucleaire
Figure 11.8. Production electrique en France en 2040.
Figure 11.9. Emission de CO2 en France en 2040.
serait proscrit, ('impact serait direct et se traduirait par I'obligation de reductions supplementaires pour le reste de I'economie. C'est ce qu'indique la figure 11.9. L'utilisation des permis negociables permettrait de limiter, voire d'annihiler, ce mecanisme de report sur les autres secteurs mais I'achat de permis negociables devrait etre finance par I'economie dans son ensemble.
12
Economic de I'amont du cycle du combustible
12.1. Presentation technique et economique de I'amont du cycle La technique et I'economie relative a la preparation du combustible nucleaire different fondamentalement de celles des combustibles fossiles. Le combustible nucleaire, de quelque type qu'il soit, s'elabore en une suite d'etapes industrielles que Ton appelle I'amont du cycle. Pour les reacteurs utilisant I'uranium enrichi, qui represented la tres grande majorite du pare mondial actuel, les etapes conduisant de ('uranium naturel a Tassemblage fini pret a etre charge en reacteur sont les suivantes : - extraction du mineral d'uranium et production de concentre ; - purification et conversion en hexafluorure d'uranium ; - enrichissement isotopique en uranium 235 ; - fabrication des assemblages. Dans le cas des reacteurs utilisant I'uranium naturel (Magnox et CANDU), I'etape de la conversion se limite a la production de I'uranium metal et du dioxyde d'uranium, et evidemment il n'y a pas lieu de proceder a I'enrichissennent. Les combustibles mixtes a I'uranium et au plutonium - ou combustibles MOX - sont utilises dans les reacteurs a neutrons rapides ou dans certains reacteurs a eau ordinaire. La partie amont de leur cycle est particuliere et I'economie en est examinee au paragraphe 13.3.3. Les combustibles au thorium peuvent etre utilises, en particulier dans les reacteurs a haute temperature, mais n'ont pas encore ete developpes a I'echelle commerciale. Leur cycle de combustible, n'ayant pas ete mis en oeuvre industriellement, ne peut faire I'objet d'une analyse solidement etayee. L'economic et Industrie de I'amont du cycle presentees ici concernent done essentiellement les reacteurs a eau ordinaire. Leurs combustibles peuvent etre geres selon differents modes, comme on I'a vu pour les REP au paragraphe 7.1.2 et sur la figure 7.1. A chaque mode correspondent des besoins en matieres et services nucleates propres a chaque etape du cycle, dont le calcul a ete expose au paragraphe 7.1.3. A titre d'illustration, la figure 12.1 presente la gestion d'un REP frangais de 1300 MWe en fonctionnement standard, en
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L'economie de I'energie nucleaire
particulier a une recharge par tiers de coeur a I'equilibre et un cycle d'irradiation de 16 mois. Cette figure decrit I'ensemble du cycle du combustible (amont et aval ferme), et a cet egard elle est aussi une introduction a la presentation de I'aval du cycle et du recyclage des matieres issues du retraitement, sujet developpe au chapitre 13. Figure 12.1. Schema du cycle du combustible.
Chaque etape de I'amont du cycle est geree de facon autonome et son economic resulte d'une optimisation particuliere. II y a, cependant, des interactions economiques d'une etape a I'autre. Par exemple, la gestion optimisee d'une usine d'enrichissement depend du prix de I'uranium naturel. Ou encore, les progres dans les performances des combustibles a uranium enrich! entrament la diminution de la demande de fabrication, qui se repercute sur la demande des autres etapes. Dans un autre ordre d'idees, certaines grandes compagnies, comme Cogema en France, reunissent en totalite ou en partie les activites du cycle, et commercialement, sont en mesure de proposer des offres globales de services dans le domaine du combustible. Pour une synthese technique et economique du cycle du combustible dans son ensemble on se reportera a Bertel (1998), et pour les aspects techniques a Patarin (2002).
12.2. Ressources d'uranium 12.2.1. Classification des ressources Comme dans le cas de tout mineral, un gTte uranifere n'est qualifie de gisement que s'il est economiquement exploitable. Un parametre essentiel de la determination de la valeur
12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
265
economique cTun gisement est sa teneur en uranium, exprimee en pourcentage de la masse de mineral. Un gisement a un volume bien defini dont les limites sont definies par sa teneur de coupure. Celle-ci permet de separer le minerai en place economiquement exploitable de celui qui ne I'est pas ; elle se determine a partir des conditions du marche de Turanium et des couts d'exploitation previsibles du site. Compte tenu de revolution a la baisse du prix de I'uranium sur le marche international et des decouvertes de gisements a haute teneur, la teneur de coupure a progressivement augmente : elle est passee de 0,01 a 0,02 %, puis aujourd'hui a 0,5 % et meme a 1 % au Canada. Ces notions et les methodes de determination du volume des ressources et des quantites de metal recuperables sont exposees dans Valsardieu (1997, tome 2, p. 154 ef sq.). La classification des ressources d'uranium a ete etablie internationalement par le Croupe international de ('uranium (OCDE/AEN et AIEA). Elle est presentee selon deux parametres : le degre de connaissance des gisements et Testimation de leur cout de production. Le degre de connaissance que I'on a des gisements definit d'abord les trois categories principals bien connues dans I'exploration miniere : - les ressources prouvees, dont le volume mineralise est reconnu par des travaux miniers ou encore par des sondages a maille reguliere ; - les ressources probables, dont le volume est contigue a celui des ressources prouvees et reconnu seulement par quelques sondages irregulierement repartis ; - les ressources possibles, dont le volume est defini uniquement par des criteres geologiques permettant de prolonger des volumes entrant dans les deux categories precedentes. Au-dela de ces trois categories, on definit des ressources speculatives en se basant sur des considerations geologiques et statistiques appliquees a des cibles eventuelles de districts miniers ou de provinces geologiques plus ou moins inexplorees. Le niveau de cout d'exploitation est estime par I'economie du projet d'exploitation ou etabli a partir des depenses de I'exploitation en cours. Le tableau 12.1 presente ces notions de facon synthetique selon la terminologie officielle de I'AEN-AIEA : - RRA, Ressources Raisonnablement Assurees correspondant aux ressources prouvees ; quand leur cout d'exploitation se situe au niveau des prix du marche elles constituent ce qu'on appelle communement les reserves ; - RSE-I, Ressources Supplementaires Estimees de categorie I, correspondant aux ressources probables ; - RSE-II, Ressources Supplementaires Estimees de categories II, correspondant aux ressources possibles. On appelle, de plus, Ressources Classiques Connues la somme des RRA et des RSE-I.
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L'economie de I'energie nucleaire
Le niveau de couts de production, estimes en dollars par kilo d'uranium metal, se compare a celui des prix pratiques aujourd'hui sur le marche international, c'est-a-dire environ 50-60 $/kgU (mais 18 $/kgU sur le marche spot). Pour cette raison, le premier niveau de 0 a 80 $/kgU a ete divise en deux, 0 a 40 $/kgU et 40 a 80 $/kgU. Les deux autres niveaux sont eloignes des prix actuels : 80 a 130 $/kgU et 130 a 260 $/kgU. D'autres sources, non classiques, sont bien identifiees, mais a des couts d'extraction trop eleves pour le niveau actuel des prix : - I'uranium contenu dans les phosphates, dont la teneur, variable selon les gisements et les couches, atteint jusqu'a 230 ppm, mais dont I'extraction comme sous-produit de I'acide phosphorique n'est economiquement possible a grande echelle que si le prix du marche est 2 ou 3 fois plus eleve qu'actuellement ; - ('uranium de I'eau de mer (3 mg/m3), dont la recuperation, etudiee en particulier au Japon, serait possible a 680 $/kgU pour une usine de 1000 t/an avec I'espoir d'atteindre a long terme le niveau de 260 $/kgU (Bodansky, 1996, p. 119).
12.2.2. Estimations des ressources d'uranium Periodiquement, une etude conjointe de I'AEN et de I'AIEA (le Livre Rouge) estime les ressources mondiales d'uranium. Le tableau 12.1, base sur la derniere edition du Livre Rouge (AEN-AIEA, 2002), resume la situation en 2001. Les ressources classiques connues a moins de 80 $/kgU s'elevent a 3 107 000 tonnes, celles a moins de 130 $/kgU totalisent 3 933 000 tonnes. Tableau 12.1. Ressources mondiales d'uranium au 01.01.2001 (milliers de tonnes d'U).
1 30 a 260 $/kgU 80 a 1 30 $/kgU
590
225
40 a 80 $/kgU
>557
> 187
Jusqu'a 40 $/kgU
> 1534
>552
RRA prouvees
RSE-I probables
852
9940 1480 RSE-II possibles
R-S speculatives
Degre de connaissance decroissant ->
Les reserves (RRA a moins de 80 $/kgU) represented 2 242 000 tonnes en valeur ajustee. Get ajustement s'obtient en appliquant aux reserves in situ un certain facteur de recuperation qui tient compte de facon realiste des conditions propres a I'exploitation de chaque site. La valeur non ajustee est donnee par le total du tableau 12.2. Les ressources non classiques sont enormes comparees a celles identifiees dans le tableau 12.1. Les gisements de phosphates contiennent 22 000 000 tonnes d'uranium, et I'eau de mer 4,2 milliards de tonnes.
12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
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Les reserves d'uranium s'expriment aussi, comme les reserves des autres energies primaires epuisables, en annees de production, a supposer que le niveau de production annuelle se maintienne au niveau actuel dans I'avenir. La production mondiale etant d'environ 32000 tonnes par an, les reserves assureraient ainsi le fonctionnement sur 40 ans d'une capacite nucleaire mondiale equivalente a la capacite actuelle. Cette estimation, par trop simpliste, ne rend pas compte des realites de I'approvisionnement en matieres nucleaires qui seront examinees ulterieurement (§ 12.2.3, le marche de I'uranium et § 13.3 le recyclage de I'uranium et du plutonium) et qui evolueront dans le futur (§ 16.2.1, la mise en ceuvre de reacteurs a neutrons rapides ou des reacteurs a haute temperature). Mais surtout, comme pour les hydrocarbures, la prospection et la decouverte de nouveaux gisements precedent la consommation suffisamment a I'avance. Le delai entre le debut de la prospection et I'ouverture d'une mine d'uranium est de I'ordre de 12 a 15 ans. Dans ces conditions, la duree des reserves indiquees ci-dessus est une marge suffisante de securite aux yeux des operateurs d'uranium pour qui il ne serait pas rentable d'engager trop tot des depenses d'exploration. Les reserves de thorium constituent une possibilite supplemental pour assurer la perennite de I'energie nucleaire grace aux cycles thorium envisageables dans les reacteurs a eau ou les reacteurs a haute temperature. Dans ce qu'on appelait le monde a economic de marche (excluant en particulier I'ex-URSS et la Republique de Chine), les estimations des ressources de thorium etaient en 1992 : - 1,8 milliard de tonnes pour les RRA ; et - 2,2 milliards de tonnes pour les RSE.
12.2.3. Repartition des reserves d'uranium Le Livre Rouge de I'AEN-AIEA fait I'inventaire pays par pays des ressources d'uranium. Le tableau 12.2 indique, en milliers de tonnes et en pourcentage, les reserves nationales a moins de 80 $/kgU les plus importantes. Les gisements exploitables d'uranium sont plus egalement repartis que ceux des hydrocarbures, et surtout d'importantes reserves sont situees dans des pays politiquement stables. De nos jours, tous les grands gisements en exploitation presentant les couts de production les plus bas sont situes en Australie et au Canada. II n'en resulte toutefois aucun risque serieux de rupture d'approvisionnement, d'autant que d'autres centres de production effectifs ou potentiels, y compris dans beaucoup de pays utilisant I'energie nucleaire, peuvent livrer de I'uranium a des couts tout a fait acceptables. Le marche de I'uranium naturel est done peu susceptible de subir des perturbations d'ordre geopolitique.
L'economie de I'energie nucleaire
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Tableau 12.2. Repartition des reserves d'uranium dans le monde au 01.01.2001 (RAA a moins de 80 $/kgU).
Pays Afrique du Sud Austral ie Bresil Canada Etats-Unis Kazakhstan Namibie Niger Ouzbekistan Russie Autres MEN Autres non-MEN Total1 1
Milliers de tonnes 231 667 162 315 104 433 144 30 90 138 89 112
2515
% 9,0
26,5 6,5
12,5 4,0
17,5 6,0 1,0 3,5 5,5 3,5 4,5
100,0
Non ajuste.
12.3. Economie de I'uranium naturel 12.3.1. Specificite de la production d'uranium naturel Ce sont les specificites physiques des minerais d'uranium, totalement differentes de celles des combustibles fossiles, qui impriment un caractere particulier a la production d'uranium naturel, a sa mise a disposition aux etapes suivantes de I'industrie du combustible nucleaire, et d'une facon generale a son marche. L'uranium se presente dans ses gisements sous forme de composes mineraux de nature diverse, en association ou non avec d'autres metaux, comme le cuivre (gisement australien d'Olympic Dam), ou Tor (gisements d'Afrique du Sud). Le minerai d'un gisement donne est caracterise principalement par sa teneur en uranium et sa nature physico-chimique, acide ou basique, deux caracteristiques qui ont une incidence sur le mode et le cout de production. La teneur est tres variable. Les premiers gisements exploites se trouvaient a des teneurs de I'ordre de 0,1 a 0,5 % en masse. Puis, on a decouvert, dans la province canadienne de la Saskatchewan des gisements aux teneurs de quelques pour-cent ; a noter toutefois que dans cette province les teneurs du gisement de Cigar Lake (10 %) ou celui de Me Arthur (12 %) sont exceptionnelles. La faible teneur des gisements impose de traiter chimiquement le minerai sur place ou au voisinage de la mine de facon a obtenir un concentre d'uranium, qui est en produit marchand sous I'appellation de yellowcake, contenant de I'ordre de 60 a 70 % d'uranium.
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12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
Celui-ci est mis en fut standard ; il est ainsi facilement transportable, n'etant pratiquement pas radioactif du fait de I'elimination des descendants radioactifs de I'uranium par le traitement chimique. Les caracteres physico-chimiques du minerai necessitent, pour chaque gisement, une etude de faisabilite pour determiner le precede adequat du traitement et les installations de I'usine de concentration, et d'en evaluer le cout. La forte densite energetique de I'uranium (1 tonne d'uranium equivaut a environ 10000 tep) et la concentration sur place du minerai font que le transport de 1'uranium n'est pas une etape importante, comme le sont les transports des combustibles fossiles, ceux du gaz a cause du volume, ceux du petrole et du charbon a cause du poids. Pour cette meme raison, le cout du transport des concentres d'uranium, ainsi que celui de leur stockage, n'entre pas de facon significative dans le cout total du combustible nucleaire. Deux autres consequences de la concentration : la facilite de transport n'entrame aucune difficulte d'ordre geopolitique, ni de risque quelconque et la facilite de stockage permet les stocks strategiques mais aussi la mise en reserve des excedents de production qui donne sa physionomie au marche actuel de I'uranium (§ 12.3.3).
12.3.2. Cout de production de I'uranium naturel Le cout technique de production de ('uranium comprend le cout de I'extraction miniere et celui du traitement chimique. II depend du type d'exploitation miniere, de la nature et de la teneur du minerai. On distingue quatre types principaux d'exploitation : - mines souterraines ; - mines a ciel ouvert ; - lixiviation en place, pour laquelle le taux de recuperation d'uranium n'est que de 60 a 80 %, alors qu'il est de 95 a 99 % pour les mines souterraines. Cette technique est utilisee pour les gisements renfermes dans les gres ; - autres sources, comme la recuperation a partir du cuivre, de Tor et des phosphates, la lixiviation en tas et la recuperation des eaux d'exhaure. La repartition de la production d'uranium par technologic ou source a varie comme on le voit sur le tableau 12.3 (AEN, 2002a). La recuperation de I'uranium des phosphates a cesse en 1999. Tableau 12.3. Repartition de la production d'uranium par technologic ou source.
1998(%)
1999(%)
2000 (%)
Mine a ciel ouvert
39
35
28
Mine souterraine
40
36
43
Lixiviation en place
13
17
15
8
12
14
Technologie/source
Autres
270
L'economie de I'energie nucleaire
Les aspects economiques et financiers de la production d'uranium sont examines en detail dans Michel (1997) et surtout Valsardieu (1997, tome 2, p. 168 et sq.). On les resume ici par la decomposition sommaire du cout total de production. Le cout du capital comprend d'abord des investissements que constituent les travaux preliminaires de la mine et des installations de surface, et la construction de I'usine. II inclut les interets des emprunts eventuels. La periode d'amortissement correspond aux cinq ou dix premieres annees de production. Le cout de fonctionnement est constitue en premier lieu des charges de structure de ('exploitation, que sont les depenses liees a la main d'ceuvre et a I'entretien des installations ; a la logistique generale et a la gestion de I'environnement. Ensuite, il comprend les charges operationnelles variables avec la production : pour la mine, depenses d'energie, d'explosifs et de pieces d'usure, mais aussi des extensions de travaux miniers et remblaiements ; pour I'usine, depenses des reactifs chimiques et d'energie. Les charges operationnelles sont plus importantes pour I'usine que pour la mine. Le cout complementaire regroupe diverses depenses : - la gestion de chaque poste et de ('ensemble ; - le controle des produits et leur commercialisation ; - ramortissement d'une part des depenses de prospection et devaluation des gisements ; - les provisions de frais de fermeture, de demantelement des installations et de conditionnement des residus solides, et des frais de reconstitution du site, depenses qui peuvent s'etendre sur une periode d'au moins trois ans apres I'arret des productions. De nombreux parametres interviennent dans le cout de production : la taille du gisement, sa situation geographique et climatique, le type d'exploitation, la teneur du minerai. A cet egard, il est a noter que les charges operationnelles sont essentiellement proportionnelles aux quantites de minerai traitees ou non a la quantite d'uranium produite, ce qui met en relief ('importance determinante de la teneur du minerai dans le cout de production de I'uranium. A noter que, dans la production conjointe d'uranium et de cuivre a Olympic Dam, le cout de production est partage entre les deux metaux ; dans certaines mines d'Afrique du Sud, I'uranium recupere est considere comme sousproduit de I'extraction de I'or. La variete des parametres intervenant dans le cout de production ne permet pas d'en donner une valeur de reference, mais seulement I'ordre de grandeur des variations relatives de ce cout sous I'effet des trois parametres les plus importants, tel qu'il resulte des informations tirees de Michel (1997). Selon le type d'exploitation, le cout de production (pour une teneur de reference de 0,5 % en masse) passe de 1 pour la lixiviation en place a 1,4 pour les mines a ciel ouvert et 2,1 pour les mines souterraines. Ces ecarts se reduisent pour des teneurs plus faibles. Selon la teneur, la variation est sensible sans etre proportionnelle. Pour un niveau de cout de 1 relatif a une teneur de 0,18 %, on obtient les niveaux de 0,75, de 0,50 et de 0,40 pour les teneurs respectives de 0,3, 1 et 3 %. Pour des teneurs plus fortes, I'effet est
12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
271
beaucoup moins sensible en raison des depenses supplementaires imposees par le niveau de radioactivite : extraction miniere a distance, protections radiologiques dans I'usine et traitement des residus de lixiviation fortement radioactifs. L'effet d'echelle est important : quand le niveau de production augmente par exemple d'un facteur 2,4 (passant de 1500 t/an a 3600 t/an), le cout de production baisse de 40 % environ. S'agissant d'un site donne, le cout de production depend essentiellement des trois parametres d'exploitation : la duree de vie previsible de I'exploitation, la cadence de production et la teneur de coupure. II est revise en permanence car les parametres, notamment la teneur de coupure, doivent tenir compte des conditions du moment du marche de I'uranium.
12.3.3. Marche de I'uranium • Evolution de I'offre et de la demande L'evolution du marche de Turanium est utile a connaTtre pour comprendre la situation actuelle de I'offre et la demande, le niveau des prix pratiques et I'etat de I'industrie en ce domaine. Pour la decrire a grands traits, il est d'usage de considerer trois phases (Valsardieu, 1995, p. 40 et sq.). La premiere phase est celle d'un marche captif domine par les imperatifs militaires, qui s'etend de 1945 a 1960/65. La prospection et la production minieres connaissent un grand developpement, notamment aux Etats-Unis ou cette activite est alors sous le controle etroit de I'Etat. Ce n'est qu'apres les deux conferences de Geneve « Atoms for Peace » de 1955 et 1958 que le marche de I'uranium americain se liberalise progressivement et que de grands groupes, dont certains petroliers, y participent. Alors s'ouvre la phase de surproduction. Apres 1960, le debut de saturation des besoins militaires et la trop faible consommation des reacteurs civils conduisent a une surproduction chez les operateurs d'uranium nationaux en Grande Bretagne, au Canada, en Australie, en France, en Allemagne aussi bien qu'aux Etats-Unis. Ces pays subventionnent d'une fagon ou d'une autre la production d'uranium pour proteger leur secteur minier dans I'attente de futurs programmes nucleaires. Comme I'essor nucleaire tarde, une tentative discrete de cartel apparatt entre ces operateurs d'uranium pour orienter les prix a la hausse en instituant des quotas et eliminer les intermediaires entre eux et les electriciens, mais son fonctionnement est casse des 1974. Les crises petrolieres de 1973 et 1979 sont a I'origine de I'annonce de nombreux programmes nucleaires nationaux, et en consequence d'une demande tres forte d'uranium qui se poursuit jusqu'au debut des annees quatre-vingt. Les compagnies d'electricite constituent des stocks d'uranium pour une double raison :
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L'economie de I'energ/e nucleaire
- technique, a cause des delais d'elaboration (environ 2 ans) du combustible nucleaire a partir de I'approvisionnement de ['uranium naturel ; - strategique surtout, pour garantir la securite des approvisionnements a long terme, car, a I'epoque, les previsions de programmes de construction de centrales et I'etat des reserves en uranium font redouter une penurie de cette matiere. II s'ensuit un nouveau developpement de la production d'uranium a I'echelle mondiale, et I'exploration est encouragee ou meme subventionnee par les etats. La phase des excedents d'uranium apparaTt avant meme le contre choc petrolier, et se poursuit aujourd'hui. Elle est la consequence d'une surestimation dans les annees soixante-dix du developpement nucleaire pour des raisons exposees au paragraphic 3.1.1. Les excedents d'uranium commencent a etre mis en vente des 1985 ; la baisse de la production, deja sensible en 1980, s'accentue a partir de 1987. Puis en 1990, les pays de la CEI (ex-URSS), producteurs d'uranium, ecoulent a bas prix une part de leur production sur le marche occidental qui s'en trouve perturbe malgre les restrictions aux importations en provenance de ces pays imposees par les EtatsUnis et I'Union europeenne. En 1997, plus de 25 % des besoins en uranium naturel du monde occidental sont satisfaits par des importations venant des pays de la CEI. Dans ce contexte de marche deprime, de nombreuses mines d'uranium sont fermees, des projets ne sont pas realises, si bien que depuis 1993, la production mondiale d'uranium se situe a environ la moitie des besoins annuels, qui, eux, continuent de crottre. L'ecart entre I'offre et la demande, tel qu'on le voit sur la figure 12.2, est pour I'instant comble a I'aide des excedents anterieurs, et dans une moindre mesure par I'utilisation du combustible MOX et des excedents militaires. Figure 12. 2. Production et consommation d'uranium naturel dans le monde.
12 - Economic de I'amont du cycle du combustible
273
L'avenir du marche de I'uranium est incertain. On manque encore d'informations sur le potentiel de production et sur les stocks disponibles dans les pays de la CEI, ou les productions sont reduites au fur et a mesure de la mise en place de I'economie de marche. Par ailleurs, des incertitudes subsistent sur la mise en ceuvre des accords de 1993 entre les Etats-Unis et la Federation de Russie concernant la disposition et la vente sur 20 ans de 500 tonnes d'uranium hautement enrich! (a 90 %) provenant du demantelement d'armes nucleaires sovietiques, quantite qui correspond a 152 000 tonnes d'uranium naturel (AEN, 2002a, p. 27). Le gouvernement americain commence a mettre sur le marche interieur de son pays une partie de ses stocks d'uranium tres enrichi. De meme, des stocks de plutonium pourraient etre transformed en combustible MOX. Tous ces apports correspondraient a plusieurs annees de consommation d'uranium naturel equivalent pour I'approvisionnement du pare mondial des centrales nucleaires. A terme, une inconnue majeure du marche est Devolution de ce pare, a laquelle s'ajoutent les progres attendus dans les performances du combustible nucleaire, et I'importance du recyclage de I'uranium et du plutonium recuperes apres retraitement. • Modes de transaction Les transactions sur le marche de I'uranium, pendant la phase de surproduction, s'effectuaient presque uniquement par negociations directes entre producteurs et utilisateurs, et se traduisaient soit par des contrats de livraison a long terme avec des clauses de prix prevoyant des ajustements periodiques en fonction des conditions conjoncturelles du marche, soit par des contrats de participation financiere associee a un droit d'enlevement. La vente des excedents a modifie la structure du marche. D'une part, la duree des nouveaux contrats s'est trouvee reduite a moins de 10 ans. D'autre part, le marche ponctuel ou marche spot s'est fortement developpe. C'est un marche de transactions a court terme de prets et echanges d'uranium naturel et enrichi entre compagnies d'electricite et courtiers. Sa souplesse permet aux electriciens d'ajuster rapidement leur approvisionnement. Le marche spot ne constituait qu'une part minoritaire des approvisionnements, moins de 10 % avant 1980, mais il a ete jusqu'a representer 30 % du marche en 1990 pour redescendre au niveau de 15 % par la suite. L'importance des courtiers s'est accrue d'autant, mais une telle situation n'est pas saine pour I'industrie de I'uranium naturel. • Evolution des prix Les prix de I'uranium sur le marche international sont en general exprimes en dollar par livre d'oxyde U3O8. On utilise aussi dans les publications le dollar par kilogramme d'uranium metal, avec I'equivalence : $ 1/lbU308 = $2,6/kgU. Les prix de contrat a terme concernent la plus grande partie des quantites echangees, et sont done les plus significatifs pour I'industrie de I'uranium. Us sont relativement mal connus en raison du caractere confidentiel des clauses contractuelles.
274
L'£conomie de I'energie nucleaire
Les prix spot traduisent essentiellement les tendances conjoncturelles, et de ce fait sont nettement plus volatiles que ceux du marche a long terme, mais ils ont une influence indirecte sur les prix de contrat. Ils sont connus par la cotation NUEXCO donnee par Trade Tech ou par la cotation NUKEM. De 1969 a octobre 1973 (premier choc petrolier), le prix spot NUEXCO oscillait entre 5,95 et 6,50 $/lb U3O8. A partir de cette derniere date, il s'est envole pour atteindre 41 $/lb U3O8 fin 1976 et 44 $/lb U3O8 en 1978. Dans le marche devenu excedentaire, le prix spot a partir de 1980 a baisse continuellement : 20 $/lb U3O8 en 1982 jusqu'a 7,3 $/lbU3O8 en 1993. Apres une hausse passagere a 15,5 $ hors Etats-Unis et 16,5 $ aux Etats-Unis, la livre d'U3O8 descendait respectivement a 9,0 et 10,5 $ au debut de 1999. Les valeurs plus hautes observees aux Etats-Unis sont dues aux restrictions imposees dans ce pays aux importations d'uranium russe. Les prix de contrats ont subi aussi depuis 1980 une baisse, mais plus lente et reguliere avec un retard de 1 a 2 ans sur les prix spot. Ils se situent aujourd'hui autour de 15 $/lb U3O8. L'evolution des prix de I'uranium naturel depuis 1971, prix spot et prix de contrat, est presentee en dollar courant par livre d'U3O8 sur la figure 12.3.
Figure 12.3. Prix de I'uranium.
Notes : 1) les prix donnes par NUEXCO correspondent a la « valeur cotee ». Pour 1992-1998, il s'agit de prix « non corriges ». 2) les prix indiques par Euratom s'appliquent a des contrats pluriannuels. Sources : Australie, Canada, Euratom, Etats-Unis, NUEXCO (TradeTech), Nukem, Ux Consulting Company, LLC, NUEXCO, EIA, Nukem and Euratom.
12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
275
12.3.4. Production d'uranium • L'industrie de I'uranium nature! a ete confronted depuis 1980 a un marche tres difficile. Le destockage massif des excedents de certaines compagnies d'electricite et d'operateurs, a des prix nettement inferieurs aux couts d'exploitation de petites mines ou de mines a faible teneur, a provoque la fermeture de ces dernieres avant epuisement de leur gisement, ainsi que ('abandon de I'extraction de I'uranium des phosphates. Des producteurs ont prefere meme acheter plutot que produire pour honorer des contrats. La situation perdure aujourd'hui. En effet, le prix de I'uranium est loin de refleter le cout marginal de production, c'est-a-dire le cout de revient le plus eleve du producteur qui sature la demande. Aussi, au milieu des annees 90, le cout marginal etait sans doute entre 15 et 20 $/lb U3O8, alors que le prix spot etait en dessous de 10 $/lb U3O8 (Valsardieu, 1995, p. 227). La depression du marche a ralenti les activites de I'industrie de I'uranium naturel, de ['exploration a la production dans plusieurs pays. Des projets ont ete abandonnes (par exemple, projet de Kintyre en Australie); les exploitations par lixiviation en place sont developpees par des societes americaines en raison de leur moindre cout de production ; au Canada et en Australie, I'ouverture et I'extension de centres de production correspondent a la recherche de gains economiques grace a des capacites plus grandes et des teneurs plus elevees, superieures a 2 %. Toutefois, les principaux producteurs prevoient de faire face a la demande. L'Australie, notamment, abandonnant sa politique restreignant I'activite des mines de Ranger et d'Olympic Dam, augmente sa production de 4900 t en 1998 a 7600 t en 2000. Le Canada compense la fermeture (Cluff Lake en 2002) ou le ralentissement de certaines mines (Eagle Point) par I'ouverture de nouvelles (en 1999, Me Arthur River et Me Lean Lake, et en prevision pour 2005, Cigar Lake). Le Kazakhstan a ouvert deux mines en 2002. • Les principaux producteurs mondiaux d'uranium sont les suivants, leur niveau de production en 1998 etant indique entre parentheses, d'apres Cogema (1999) : - Cameco, au Canada (10400 t/an), qui est devenu le premier producteur apres avoir achete en 1998 les actifs de son partenaire allemand Uranerz ; - Cogema, en France (6100 t/an), dont les reserves se situent en Afrique, en Australie et surtout au Canada ; - Era (Energy Resources of Autralia), en Australie (3600 t/an) ; - Rio Tinto, groupe international base au Royaume-Uni (2800 t/an) ; - Navoi, en Ouzbekistan (2100 t/an) ; - Priargun, en Russie (1900 t/an) ; - Western Mining, en Australie (1600 t/an). Le rapport entre production et reserves pour chacun des grands producteurs mondiaux est represente dans la figure 12.4 (Cogema, 1999). Cette figure met en evidence une tendance
276
L'economie de I'energie nucleaire
moyenne de 35 ans de reserves si on se refere au rythme de production actuel, mais seulement 20 ans si on considere les besoins annuels du pare mondial des reacteurs. Figure 12.4. Production et reserves d'uranium des grands producteurs (milliers de tonnes d'U).
- La production d'uranium dans le monde en 2000 totalisait 36100 tonnes alors qu'elle etait de 34900 tonnes en 1998 et de 32200 tonnes en 1999. Sa repartition selon les pays est differente de celle des reserves comme le montre le tableau 12.4.
12.4. Economic de la conversion Le cout de la conversion inclut les deux transformations des concentres d'U3O8 qui sont effectuees au cours de cette etape peu onereuse mais essentielle de la preparation du combustible : - I'obtention de nitrate d'uranyl tres pur (purete superieure a 99,95 %) ; - la reconversion du nitrate soit en uranium metal destine aux reacteurs Magnox, ou en oxyde d'uranium destine aux reacteurs CANDU, soit en hexafluorure d'uranium en vue de son enrichissement isotopique. Les precedes mis en ceuvre dans la conversion relevent de la chimie classique hautement specialised, et n'entrament pas d'effluents radioactifs significatifs. Les couts de production sont done parfaitement mattrises, mais peuvent differer quelque peu selon le precede adopte ou la capacite d'usine, et les prix de marche selon le volume des contrats.
12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
277
Tableau 12.4. Repartition de la production d'uranium nature! dans le monde par pays en 2000.
Production tonnes U/an
Pays Afrique du Sud Austral ie Canada Etats-Unis Kazakhstan Namibie Niger Ouzbekistan Russie Ukraine Autres MEN Autres non-MEN Total
840
7580 10680 1520 1870 2720 2900 2030 2760 1000 1510 700
36110
%
2 21 30 4 5 7 8 6 8 3 4 2 100
Source : AEN-AIEA, 2002.
Les installations de conversion en UF6 en service en 1999 (Cogema, 1999) sont donnees dans le tableau 12.5. Tableau 12.5. Installations de conversion en UF6 dans le monde.
Site
Exploitant
Capacite (tU/an)
% du total
Port Hope
Cameco
12500
18,8
Lanzhou
CNNC
500
0,7
Etats-Unis
Metropolis
ConverDyn
12700
19,1
France
Pierrelatte
Comurhex
14000
21,0
Royaume-Uni
Springfield
BNFL
6600
9,9
Angarsk
Minatom
20000
30,0
300
0,5
Pays Canada Chine
Russie Autres1 Total 1
66600
100
Dont Afrique du Sud, Argentine, Bresil, Japon et Republique de Coree.
Des installations pour la reconversion de I'uranium de retraitement sont operationnelles en France, a Pierrelatte (350 tU/an), au Japon (135 tU/an) et en Russie, a Tomsk-7. D'autres installations sont en projet ou construction.
278
L'economie de I'energie nucleaire
Le marche de la conversion se caracterise par une certaine fragilite. En effet, la Russie est tres largement surcapacitaire, du moins en nominal, mais I'ecart entre nominal et reel est important dans ce pays et, les pays occidentaux ont limite I'importation de services russes de conversion a environ 7000 tU/an. Par ailleurs, I'arrivee sur le marche de la composante conversion associee aux 10000 t d'uranium issu du demantelement des armes russes et americaines, et plus recemment les perspectives de mise en vente d'autres surplus de I'US-DOE et de I'USEC sont susceptibles de creer quelques incertitudes qui se concretised par une notable diminution des prix depuis 1997. Le prix actuel des contrats a long terme de conversion d'oxyde d'uranium naturel en hexafluorure d'uranium se situe dans une fourchette nominale de 4 a 6 $/kgU, alors que le prix spot en 2000, donnes par NUKEM, varient de 2,45 a 3,85 $/kgU. D'apres AEN (2002a) bien que les capacites de conversion en UF6 des pays occidentaux paraissent repondre aux besoins a court terme de conversion de ('uranium primaire effectivement produit, la situation pourrait changer lorsque I'usine BNFL sera fermee, vers 2006, et que la production d'uranium primaire augmentera pour compenser la disparition des principales sources secondaires. A terme, on estime la limite superieure du cout de conversion en UF6 a 8 $/kgU.
12.5. Economie de I'enrichissement Le fonctionnement de tous les reacteurs existants, a I'exception de ceux des types Magnox et CANDU et des reacteurs a neutrons rapides, impose I'utilisation de I'uranium enrichi a des teneurs en U235 allant de 1,1 a environ 4 %. Aujourd'hui, il n'existe que deux precedes d'enrichissement mis en ceuvre industriellement : la diffusion gazeuse a travers une paroi poreuse et I'ultracentrifugation. Dans I'un et I'autre, la separation isotopique partielle de I'uranium en ses deux principaux isotopes, I'U235 et I'U238, est basee sur des effets physiques lies a la legere difference de masse de ces deux noyaux. Le gaz utilise est I'hexafluorure d'uranium UF6 produit par les usines de conversion. L'evaluation du cout de I'enrichissement passe par la definition de ce qu'on appelle le travail de separation isotopique.
12.5.1. Travail de separation isotopique • La theorie conduisant a la notion de travail de separation et a sa formulation mathematique est brievement exposee en annexe A. File repose sur le precede de diffusion gazeuse. On en resume ici les resultats essentiels, indispensables a Devaluation economique. On appelle etage le dispositif elementaire d'une usine de separation isotopique. Une usine est constituee d'un grand nombre d'etages connectes en serie, car dans chacun d'eux le facteur de separation, qui mesure la separation partielle effectuee, est faible. Sa valeur theorique dans un etage de diffusion gazeuse est 1,0043 ; sa valeur pratique environ 1,002 (annexe A).
12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
279
Un etage de diffusion gazeuse se schematise par une cellule dans laquelle le gaz sous pression passe a travers une paroi poreuse. II suffit ici de considerer les flux massiques de matiere a ('entree et a la sortie, caracterises par leur debit et leur teneur en U235, comme il est indique sur la figure 12.5. Figure 12.5. Flux dans une cellule de diffusion gazeuse.
Les notations traditionnelles sont anglo-saxonnes : - I'alimentation correspond au debit Mf (feed) a la teneur e^; - la production (fraction enrichie) au debit Mp (product) a la teneur ep; - le rejet (fraction appauvrie) au debit Mw (waste) a la teneur ew. Le bilan massique conduit a :
et le bilan isotopique a :
D'ou la double relation :
Le fonctionnement d'un etage entrame des depenses d'investissement, d'energie et d'exploitation qui sont valorisees par le produit Mp. Ce dernier resulte d'un travail fourni pour assurer les debits et qui depend des teneurs caracteristiques de I'operation. On montre (annexe A) que le travail de separation est la variation d'une fonction, telle que :
ou Vest une fonction de valeur qui vaut, pour un enrichissement e :
et qui est sans dimension. Le travail de separation a done la dimension d'un debit massique. II s'exprime en UTS (Unite de Travail de Separation), qui en anglais est SWU (Separative Work Unit). Cette unite est utilisee dans tout contrat d'enrichissement et pour tout type de precede, bien que le travail de separation ait ete formalise pour la diffusion gazeuse.
280
L'econom/e de I'energie nucleaire
Dans une usine, les etages sont mis en serie avec un couplage particulier : I'alimentation de rang n se fait a la fois par la sortie enrichie de I'etage n - 1, et la sortie appauvrie de I'etage n + 1. L'efficacite optimale s'obtient quand les deux flux d'alimentation sont de meme teneur, sans qu'il y ait alors degradation par melange. On montre que la formulation (43) s'applique a ('ensemble de I'usine. • En pratique, pour obtenir 1 kg d'uranium enrichi a la teneur a partir d'un uranium a la teneur e/, il faut une alimentation Mfkg d'uranium :
et un service d'enrichissement 5 UTS :
La teneur de I'uranium enrichi ep est imposee par la neutronique et le mode de gestion du reacteur. La teneur du rejet ew resulte d'un choix de I'operateur de I'usine, dicte en principe par une optimisation economique en fonction du cout de I'UTS et du prix de I'uranium d'alimentation, en general I'uranium naturel (§ 12.5.4). L'optimum actuel de ew se situe vers 0,25-0,30 %. Les valeurs de /Vff et 5 en fonction de quelques valeurs d'usage courant de ep et ew pour des recharges a I'equilibre de REP, et pour une alimentation en uranium naturel (ef = 0,00711), sont donnees au tableau 12.6. Tableau 12.6. Quantite d'uranium naturel et de services en enrichissement en fonction de la teneur d'enrichissement et de la teneur de rejet. Teneur de rejet %
Teneur en U235
% 3,10 3,40 3,70 4,00
0,25
0,20
0,30
Mf kgU
S UTS
Mf kgU
5 UTS
Mf kgU
5 UTS
5,67515 6,26223
4,52594 5,19059
6,18221 6,83297
4,00931 4,60909
6,81265 7,54258
3,60543 4,15450
6,84932
5,86363
7,48373
5,21725
8,27251
4,71194
7,43640
6,54377
8,13449
5,83252
9,00243
5,27648
12.5.2. Cout de I'enrichissement Les deux precedes utilises industriellement sont tres capitalistiques. La diffusion gazeuse necessite un grand nombre d'etages disposes en serie etant donne la faible valeur du facteur de separation par etage. Chaque etage est un module integre
12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
281
de grande taille comprenant un diffuseur, un compresseur et un echangeur de chaleur ; sa capacite moyenne est de 8000 UTS/an. L'usine Eurodif en France en possede 1400. Dans la centrifugation, un etage est constitue par un bol cylindrique entrame a grande vitesse de rotation par un moteur. Si le facteur de separation est relativement eleve (environ 1,2), en revanche la capacite de chaque etage est limitee pour des raisons de resistance des materiaux et de vibration. Selon I'etat de developpement de la technique, la capacite des etages se situe entre 5 et 50 a 100 UTS/an, d'ou un tres grand nombre de centrifugeuses connectees en serie et en parallele pour assurer une production industrielle : plusieurs dizaines de milliers par usine. Les depenses annuelles relatives a la capacite de production d'une usine, exprimee en MUTS/an (millions d'UTS par an), se decomposent en amortissement du capital investi, frais d'exploitation et d'entretien hors energie, facture d'electricite et cout de I'inventaire de Turanium contenu dans I'usine. Le cout de TUTS est la somme des depenses specifiques relatives aux postes mentionnes ci-dessus, c'est-a-dire les depenses annuelles rapportees a la capacite de production. II s'evalue au moyen des parametres suivants : - /, investissement specifique de I'usine, interets intercalaires compris, exprime en €/(UTS/an) ; - r, coefficient d'amortissement annuel, exprime en %/an, depend de la duree de vie economique adoptee et se deduit d'une formule du type (10) ou (11) (§ 4.4.5), ou encore d'une loi d'amortissement industriel ; - M, frais specifiques d'exploitation et d'entretien, exprimes en €/an/(UTS/an), qui sont en grande partie fixes (charges salariales et administratives, contrats d'entretien, pieces de rechange) ; - We, consommation electrique, exprimee en kWh/UTS ; - Ce, prix du kWh, en €/kWh, qui depend des tarifs saisonniers et de la modulation de la production de I'usine ajustee en fonction de la modulation tarifaire ; - H, inventaire specifique de I'uranium contenu dans I'usine, exprime en kgU/UTS ; - CH/ cout de cet uranium, exprime en €/kgU, qui est une valeur situee entre le prix de I'uranium naturel et celui de I'uranium enrichi sortant de I'usine. Le cout C5 de I'UTS est donne en €/UTS par : Son calcul est en fait le resultat d'un bilan actualise analogue a celui effectue pour une centrale thermique (Baumier et a/., 1986, p. 191), ou encore d'une evaluation d'un compte previsionnel d'exploitation.
12.5.3. Comparaison technique et economique des precedes d'enrichissement On se limite ici aux deux precedes industriels actuels. Les parametres technicoeconomiques precedents different assez sensiblement d'un precede a I'autre, ainsi qu'on
L'economie de I'energie nucleaire
282
le constate a la lecture du tableau 12.7, extrait de Massignon (1992), qui donne des ordres de grandeur de la fin des annees quatre-vingt. Tableau 12.7. Criteres de comparaison economique des precedes d'enrichissement.
Criteres Procede
M
We
H
€/UTS
kWh/UTS
kgU/UTS
1,0043
305
7,6
2450
<0,1
1,46
381
135
<0,1
o
Diffusion gazeuse (France) Centrifugation (Urenco) 1
/
€/(UTS/an)
_./ a
15,2
Facteur de separation theorique.
II en resulte une structure differente du cout de TUTS. On peut la deduire approximativement des resultats de Baumier (1986, p. 194) et du tableau 12.7, d'ou le tableau 12.8. Tableau 12.8. Structure du cout de PUTS (en %).
Poste Investissement Exploitation Energie Total
Diffusion gazeuse
U Itracentrifugation
41
71
9
25
50
4
100
100
La comparaison technique et economique des deux precedes se resume ainsi : - I'ultracentrifugation a ('inconvenient, au regard des performances des etages de la diffusion gazeuse, d'une faible capacite des machines et de leur duree de vie reduite ; - elle a I'avantage d'une faible consommation d'energie, celle-ci n'etant utilisee qu'au seul maintien en rotation des centrifugeuses ; - son inventaire en uranium est plus petit ; - la conception de la centrifugation en cascades d'etages paralleles permet des capacites modulaires et un ajustement plus aise de I'investissement a la demande ; - le reenrichissement de I'uranium de retraitement peut etre realise dans des cascades de centrifugation affectees a cette production sans contaminer ('ensemble de I'usine par les traces de produits de fission et d'uranium 236. Les resultats techniques et economiques obtenus progressivement par Urenco relance I'interet pour le precede de la centrifugation en attendant que les precedes par lasers puissent faire leur preuve.
12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
283
12.5.4. Cout de ('uranium enrichi Le cout de I'uranium enrichi Cue est compose : - du cout Cu de ('uranium a la sortie de I'usine de conversion (prix de I'uranium naturel plus cout de la conversion) multiplie par la quantite Mf d'uranium naturel necessaire pour obtenir 1 kg d'uranium enrichi ; - et du cout Csde TUTS multiplie par la quantite d'UTS necessaire a I'enrichissement souhaite. D'ou I'expression de Cue, exprime en €/kgU, en fonction des parametres de I'enrichissement :
La valeur de Cue depend du taux de rejet ew. II y a une valeur optimale de ew qui minimise Cue. On s'en rend compte a la lecture du tableau 12.6, ou les valeurs de Mf et 5 varient en sens inverse lorsque la valeur de e^evolue. Le bon sens I'indique : extraire davantage de noyaux d'U235 de I'uranium naturel exige davantage de travail de separation et moins d'uranium naturel, et inversement. Le calcul de variation tire de (48) montre que la valeur optimale de e^ne depend que du rapport CU/CS (annexe A), et permet de determiner la courbe de variation de Cu/Csen fonction de e^, presentee en figure 12.6. On en deduit graphiquement la valeur theorique de e^ajustee aux conditions du marche des matieres nucleaires. Toutefois, les contraintes industrielles et commerciales diverses ne permettent pas a I'exploitant de rester a ('optimum economique ; un compromis doit done etre etabli en permanence entre la recherche du cout minimal et les exigences de fonctionnement de I'usine pour satisfaire au mieux les clients. Figure 12.6. Optimisation du taux de rejet d'une usine d'enrichissement.
L'economie de I'energie nucleaire
284
12.5.5. Industrie de I'enrichissement A I'origine, I'enrichissement de I'liranium a ete developpe a des fins militaires. De nombreuses techniques de separation isotopique n'ont connu qu'un debut de realisation ou que des essais de prototypes faute d'avoir pu demontrer des performances economiques interessantes. Parmi elles, il faut citer la separation electromagnetique a base de calutrons, les precedes aerodynamiques au moyen de tuyeres, et plus tard les precedes de cinetique chimique. C'est la diffusion gazeuse qui la premiere en Occident a connu un developpement industriel, alors que la centrifugation, en raison de difficultes techniques, n'a pris son essor qu'au cours des annees soixante-dix. En revanche, en URSS, en vue de produire de ['uranium hautement enrichi, la centrifugation s'est developpee a I'aide de machines rustiques sans souci de rentabilite. Aujourd'hui, ce sont les deux seules technologies utilisees industriellement, comme on le constate sur le tableau 12.9. La capacite mondiale d'enrichissement est estimee a environ 56 MUTS/an (AEN, 2002a). Tableau 12.9. Usines d'enrichissement civiles dans ie monde.
Pays
Lieu Lanzhou
Chine France Allemagne Japon Pays-Bas Federation de Russie Royaume-Uni Etats-Unis
1
Exploitant CNNC
Shaanxi Tricastin Gronau Rokkasho-Mura-1 Rokkasho-Mura-2 Almelo Angarsk Ekaterinbourg Krasnoyarsk Seversk Capenhurst Paducah Portsmouth1
Eurodif Urenco JNFL JNFL Urenco Minatom Minatom Minatom Minatom Urenco DOE/USEC DOE/USEC Total
A cesse ses activites en juin 2001 (www.usec.com) ;
Capacite (103 UTS/an) 450 250 200
10800 1300 600 450 1500 1400 10000 2900 5700 2000 11300 7400 56250
Precede d'enrichissement Diffusion gazeuse Ultracentrifugation Diffusion gazeuse U Itracentrifugation Ultracentrifugation Ultracentrifugation Ultracentrifugation U Itracentrifugation Ultracentrifugation Ultracentrifugation Ultracentrifugation2 Ultracentrifugation Diffusion gazeuse Diffusion gazeuse
Date de premiere mise en service 1980 1997 En cours de construction 1979 1985 1992 1997 1973 1954 1949 1964 1950 1976 1954 1956
usine consacree a I'uranium de retraitement.
Le reenrichissement de I'uranium de retraitement (URT) est pratique depuis longtemps en Russie pour alimenter les reacteurs VVER. Cogema en France etudie I'opportunite de mettre en service des capacites de centrifugation - technique la mieux adaptee a cet effet pour developper I'usage de I'URT, qui sera d'autant plus interessant que le prix de I'uranium naturel sera plus eleve.
12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
285
L'industrie de I'enrichissement est tres concentree. Les quatre principales compagnies de ce secteur totalisent 97 % de la capacite mondiale. Cette situation provient de la complexite des precedes et de ['importance des moyens techniques, industriels et financiers a mettre en ceuvre pour realiser des installations de taille commerciale. Ces quatre compagnies sont : - I'USEC (US Enrichment Corporation), entreprise publique americaine privatisee en 1998, qui avait repris en 1992 les activites d'enrichissement du DOE (Department of Energy), et qui aujourd'hui represente 33 % des capacites mondiales ; - le Minatom (ministere de I'Energie Atomique de Russie), totalisant 35 % des capacites mondiales ; - Eurodif, compagnie qui reunit plusieurs pays dont la France, represented par Cogema pour 59,6 % des parts, et qui detient 19 % des capacites mondiales ; - Urenco, association tripartite groupant les usines allemandes, britanniques et neerlandaises, dont le total des capacites correspond a 9 % de celles du monde. L'Asie est tres deficitaire en ce domaine puisque seuls le Japon et la Chine ont des usines de petite taille, qui ne comptent en tout que pour 4 % de la capacite mondiale. Le remplacement des installations actuelles sera a I'ordre du jour dans la prochaine decennie (comme le montre le tableau 12.9). En 2005, 90 % des capacites industrielles d'enrichissement reposeront sur des equipements ayant plus de 15 ans d'age, et environ 70 % sur des equipements de plus de 25 ans. Ceci s'applique au materiel d'exploitation dont une bonne partie est implantee dans des usines nettement plus vieilles. Apres I'arret aux Etats-Unis et en France des programmes de developpement de la technologic de separation isotopique par laser, la question du remplacement des usines de diffusion gazeuse par la technologic performante de I'ultracentrifugation se pose. Les nouvelles usines d'enrichissement qui vont etre construites a moyen terme au Japon, aux Etats-Unis et probablement en France utiliseront vraisemblablement cette technique (AEN, 2002a).
12.5.6. Marche de I'enrichissement - Evolution de I'offre et de la demande Sur le marche occidental, le « Department of Energy » americain (DOE), proprietaire des usines d'enrichissement du pays, s'est trouve en situation de monopole lorsque les Etats-Unis, dans le cadre du programme « Atoms for Peace », ont decide la vente libre d'uranium enrichi pour les besoins des reacteurs civils (reacteurs electrogenes et reacteurs de recherche), sous le controle toutefois de I'AIEA, creee en 1957. Le DOE proposait alors des contrats, appeles contrats « requirements », dont les clauses etaient tres rigides et contraignantes. Le lancement de nombreux programmes de construction de centrales a uranium enrichi au debut des annees soixante-dix a intensifie les ventes d'UTS, d'autant que les compagnies d'electricite etaient tenues alors de constituer un stock strategique de combustible nucleaire d'au moins deux ans pour se proteger du risque de rupture
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L'economie de I'energie nucleaire
cTapprovisionnement. Les usines americaines ont ete renovees de 1978 a 1983, et ont augmente leur capacite jusqu'a 27 MUTS. Face a cette situation monopolistique et a ses dangers, plusieurs pays europeens ont reagi. Le consortium Urenco, reunissant les efforts allemands, britanniques et neerlandais dans la technique de la centrifugation, a commence a produire en 1973 et a approvisionner un marche captif qui, par souci d'independance, a accepte de payer TUTS bien au-dessus du prix du marche, permettant ainsi les progres continus de cette technique sur le chemin de la competitivite. Celle-ci aurait ete atteinte en 1988. En France, la societe Eurodif a ete creee en participation avec la Belgique, I'Espagne, I'ltalie et I'lran pour construire une grande usine de diffusion gazeuse d'une capacite de 10,8 MUTS, mise en service en 1979. Auparavant, dans un souci de diversification de I'approvisionnement, une petite partie de ('uranium francais etait enrich! en URSS. La concurrence d'Urenco et d'Eurodif, et ('elimination des tensions sur le marche due a une croissance de la demande plus faible que prevu, ont amene le DOE a proposer a partir de 1984 de nouveaux types de contrats, offrant aux clients une plus grande flexibilite et des prix plus bas : les contrats USC (Utility Service Contract). Comme pour Turanium et la conversion, le ralentissement des programmes electronucleaires a fait apparaTtre vers 1985 un marche secondaire, ou marche spot. La tendance a la baisse des prix a ete amplifiee par le developpement de ce marche, sur lequel des compagnies d'electricite revendaient leur surplus. Le volume des ventes spot est passe de pres de 1,5 MUTS en 1985 a pres de 3 MUTS en 1991 et 2,5 MUTS en 1992, soit de I'ordre de 10 % des besoins. Mais en 2000, il ne representait plus que quelque 5 % du marche total. Aujourd'hui les stockages excedentaires d'uranium enrichi chez les electriciens sont quasiment resorbes. Le demantelement des armes nucleaires de I'ex-URSS et les surplus militaires americains d'uranium tres enrichi represented une offre supplemental sur le marche de I'enrichissement. Le contrat conclu en 1994 entre Minatom et I'USEC porte sur I'achat de 500 tonnes d'uranium tres enrichi provenant des armes russes. Les livraisons commencees en 1995, devraient s'echelonner sur 20 ans et s'eleveraient au total a 92 MUTS, soit plus de 15 % de la consommation occidentale pendant cette periode. L'apport des surplus militaires americains ne serait que de 8 MUTS. La demande mondiale d'enrichissement se situe en 2000 aux environs de 33 MUTS/an. Pour plusieurs raisons, la croissance previsible du marche du I'UTS est faible, moins de 1 % par an d'ici a 2010, d'apres Cogema (1999). L'augmentation de la puissance electronucleaire attendue en Asie pourrait se trouver partiellement compensee par I'arret des centrales les plus anciennes en Europe et aux Etats-Unis. II faut s'attendre a une gestion encore plus economique des cceurs des reacteurs. En raison des prix prevalant sur le marche de I'uranium naturel et celui de I'enrichissement, le taux de rejet des usines s'approche de 0,30 % plutot que de 0,25 %, valeur sur laquelle se basaient les previsions.
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La capacite actuelle nominale d'enrichissement, 56 MUTS, est done excedentaire d'environ 20 MUTS. La concurrence sur le marche occidental est d'autant plus vive que depuis la fin des annees quatre-vingt, Minatom essaie d'y deverser ses stocks et ses productions a bas prix. Comme pour I'uranium nature!, les importations d'UTS d'origine russe sont soumises a des limitations notamment aux Etats-Unis. Enfin, d'apres Cogema (1999), etant donne les prix actuels du kWh et des UTS, les usines de diffusion gazeuse ne fonctionnent pas toujours a leur capacite nominale, mais a des niveaux inferieurs permettant de rentabiliser de facon optimale les installations. La capacite economique totale ainsi definie se situe en fait en dessous du niveau de la demande mondiale de sorte que les UTS issues du desarmement trouvent leur place sur le marche, tout en y exergant une pression a la baisse. • Evolution des prix L'essentiel des donnees publiees sur les prix des services d'enrichissement a trait aux contrats americains. En raison du monopole du DOE et de la brusque augmentation de la demande, les prix de vente des contrats « requirements » n'ont pas cesse de crottre de la fin des annees soixante au milieu des annees quatre-vingt. Partis de 26 $/UTS en 1970, ils se sont envoles (en monnaie courante) jusqu'en 1985 quand ils se sont stabilises au niveau de 159 $/UTS (figure 12.7). Figure 12.7. Prix de vente de I'UTS ($ courant/UTS).
Le prix des contrats USC etait de 135 $/UTS au depart en 1984 ; il est tombe a 11 7 $/UTS en 1988 pour remonter a 125 $/UTS au debut de 1993. Mi-1994, apres transfer! des activites du DOE a I'USEC, cette compagnie a propose de remplacer les contrats DOE en conservant le principe d'un prix de base de 125 $/UTS pour 70 % des besoins d'un souscripteur et d'un prix incitatif d'environ 20 % inferieur
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L'economie de I'energie nucleaire
au prix de base pour les 30 % restant (109 $/UTS lors de sa derniere publication). En 1998, le prix moyen des ventes d'USEC etait de 116 $/UTS (figure 12.7, d'apres Cogema, 1999), la tendance a la baisse s'etant poursuivie en 1999. Les prix spot publics par NUEXCO etaient de I'ordre de 68 $/UTS a la fin de 1983 et sont monies a 78 $/UTS en 1986. Apres une baisse jusqu'a 53 $/UTS en 1990, correspondant au maximum des transactions sur ce marche, ils se sont eleves a 95 $/UTS en 1996. Les prix affiches par Trade Tech etaient fin 1999 de 79 $/UTS pour les marches non soumis a une limitation frappant les importations d'origine russe, et de 81 $/UTS pour les marches, essentiellement aux Etats-Unis, soumis a cette limitation. Ces valeurs represented une baisse de 6 % sur I'annee 1999, qui resulte de la concurrence qui prevaut sur le marche des UTS et de I'afflux d'UTS de dilution issues du demantelement des armes russes.
12.6. Economie de la fabrication 12.6.1. Cout de la fabrication • Le cout technique de fabrication des assemblages combustibles a uranium enrich! correspond aux operations suivantes : - transformation de l r UF 6 enrich! en UO2 ; - production de pastilles d'UO2 ; - fabrication des tubes de gaine ; - gainage des pastilles ; - fabrication des pieces de structure ; - montage des assemblages ; - livraison des assemblages. A ce cout technique, s'ajoutent, repartis sur les tonnages produits, ramortissement d'etudes de conception du combustible, notamment de comportement des pastilles, de thermohydraulique et de thermomecanique, les couts de calcul indispensables a I'adaptation aux gestions de cceur, les frais de developpement de nouveaux precedes de fabrication et de controle, les provisions pour garantie. Les couts de fabrication proprement dits sont determines par : - ('utilisation d'une main d'osuvre hautement qualifiee, necessitee par la nature des precedes mis en ceuvre et le nombre et la precision des controles exiges a chaque etape pour satisfaire aux criteres de surete et de qualite nucleaire ; - I'approvisionnement en matieres premieres et alliages specifiques ; - les contrats d'entretien. Le cout en capital d'une usine de fabrication n'est pas tres eleve et, de plus, sa duree de construction etant d'environ 3 ans, les interets intercalaires sont faibles.
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La structure du cout de fabrication est propre a chaque usine, caracterisee qu'elle est par sa capacite de production et ses donnees techniques, notamment sa plus ou moins grande flexibilite pour assurer la production de modeles varies de combustibles. A titre d'illustration, on reproduit ici, de facon arrondie, la structure du cout technique de fabrication estimee par Baumier et ai (1986), relative a une usine de combustibles REP de 500 I/an : - investissement 10 % ; - salaires 20 % ; - materiels et entretien 70 %. Dans cette meme estimation, le cout total de fabrication se decompose en : - cout technique 75 % ; - cout des etudes et calculs 25%. Ce dernier poste est susceptible de varier dans le temps en fonction des quantites produites et des progres sans cesse exiges par les clients. • Le cout de fabrication des combustibles a uranium naturel, notamment les combustibles CANDU, est nettement moins eleve que celui des combustibles a uranium enrichi. La fabrication part directement du dioxyde d'uranium livre par I'usine de conversion, ce qui evite les depenses d'une premiere etape, celle de la transformation chimique. Surtout la conception des assemblages combustibles est remarquablement simple, ce qui diminue fortement les couts techniques de fabrication et les frais d'etudes. Par ailleurs, les taux de combustion relativement peu eleves de ces combustibles necessitent des quantites de combustibles bien plus grandes que dans le cas des reacteurs a eau ordinaire, ce qui dans le cout du kWh contrebalance le faible cout de fabrication. Toutefois, ces tonnages importants, qui impliquent des capacites de production tres elevees, font beneficier le cout de fabrication d'un effet d'economie d'echelle.
12.6.2. Industrie de la fabrication La fabrication des assemblages combustibles est tres liee du point de vue technique, industriel et commercial a la construction des chaudieres nucleaires. En effet, a cause des garanties contractuelles et de la responsabilite de la surete d'ensemble de la chaudiere incombant a son constructeur jusqu'a la mise en service industriel de la centrale, ce dernier est aussi le fournisseur de la premiere charge de combustible, incluse, quelquefois avec les premieres recharges, dans le contrat de vente de la chaudiere. Les constructeurs de chaudieres et leur filiales occupent done une place privilegiee dans ce secteur, meme si par la suite les compagnies d'electricite cherchent a diversifier leur approvisionnement. On compte une trentaine d'usines de fabrication de combustibles (hors combustibles MOX) dans le monde. La capacite des plus grosses depasse 1000 tonnes de metal lourd
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L'economie de I'energie nucleaire
par an (1000 tML/an), celle des plus petites est d'une centaine de tonnes. Comme ces usines ne necessitent pas d'investissement particulierement eleve et qu'elles peuvent etre concues de facon modulaire, elles sont souvent implantees pour satisfaire une demande locale a des conditions economiquement acceptables, malgre la difficulte d'atteindre le niveau requis de qualification. Le tableau 12.10 regroupe les capacites de fabrication de combustibles (hors MOX) par pays en indiquant entre parentheses le nombre d'usines (Bertel, 1998 et AEN, 2002a). Tableau 12.10. Capacites nationales de fabrication de combustibles (hors MOX) avec indication du nombre d'usines par pays.
Capacite en tML/an (nombres d'usines) Pays
Afrique du Sud Allemagne Argentine Belgique Bresil Canada Chine Espagne Etats-Unis France Inde Japon Rep. de Coree Royaume-Uni Russie Suede 1
3
Pour reacteurs a eau ordinaire 100 (1) 650 (1) 500 100
(1) (1)
100 300 3900 800 25 1675 400 330 16202 600
(1) (1) (5) (1) (1) (4) (1) (1) (2) (1)
Pour reacteurs a eau lourde
160
(1)
2700
(2)
435
(2)
400
(1)
Pour autres reacteurs
1590 1 600 3
(2)
Dont 1300 t/an pour les reacteurs Magnox et 290 t/an pour les reacteurs AGR ; 2 pour les reacteurs VVER pour les reacteurs RBMK.
Dans le secteur de la fabrication du combustible, on observe depuis quelques annees des fusions, souvent dans le cadre plus large de regroupement d'activites nucleaires entre plusieurs societes. La fusion entre General Electric, Toshiba et Hitachi a ete annoncee au debut de 1999. On note la fusion des activites de Siemens et Framatome dans la creation d'une nouvelle societe Framatome-ANP. Un autre exemple est offert par I'acquisition de Westinghouse par BNFL et la fusion de BNFL avec ABB Nuclear.
12 - Economie de I'amont du cycle du combustible
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12.6.3. Marche de la fabrication • Offre et demande Les fabricants de combustibles pour reacteurs a eau ordinaire operent actuellement sur un marche extremement concurrentiel ou la capacite de production est largement superieure aux besoins presents et futurs prevus. Dans le monde occidental, cette capacite s'eleve a un peu plus de 9000 tML/an pour des besoins actuels de I'ordre de 6000 tML/an. Pour les centrales REP, elle est d'environ 6400 tML/an pour des besoins de I'ordre de 4000 tML/an. Cette surcapacite resulte, comme pour d'autres installations industrielles du cycle, de ('abandon d'une fraction importante des programmes nucleaires annonces. Mais il existe une raison propre a la demande de fabrication pour une meme quantite d'energie produite, le nombre d'assemblages a uranium enrichi necessaire a diminue continument depuis 30 ans grace aux progres techniques acquis : meilleure utilisation du combustible par reduction des marges, et surtout augmentation du taux de combustion. La vive concurrence entre fabricants a pour consequence un effort continu de leur part pour ameliorer I'efficacite de leurs precedes et reduire leurs couts, mais aussi elle les incite a se regrouper ou fusionner et a reduire les capacites. Toutefois, ce mouvement est freine par le souci de nombreux pays de maintenir leur independance en ce domaine. Le marche de I'Asie etait le plus importateur, mais le niveau des importations s'y reduit en raison de I'activite des fabricants nationaux, les deux japonais MNF et NFI, le coreen KNFC et le chinois CNNC, qui sont tous licencies de fabricants occidentaux. • Evolution des prix S'agissant des combustibles a uranium enrichi, le prix de fabrication est reste stable pendant les annees quatre-vingt. Les differences de prix d'un pays a I'autre sont imputables, en partie, a ('existence d'installations de taille et d'age variables, et, en partie, a la fluctuation des monnaies par rapport au dollar. La concurrence actuelle se traduit par une pression sur les prix qui ont eu depuis 10 ans tendance a decroitre pour se situer entre 200 et 300 $/kgU d'apres AEN (2002a). La recherche des performances accrues de ces combustibles et les couts associes pourraient mettre fin a cette decroissance. Les combustibles CANDU, d'apres les informations canadiennes, auraient vu aussi leur prix decrottre : de 65 $/kgU en monnaie de debut 1991 (AEN, 1994) a 44,7 $/kgU en monnaie de mi-1996 (AEN, 1998).
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
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Economic de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
13.1. Considerations economiques generates sur I'aval du cycle Pour simplifier I'expose de ce chapitre, les considerations et donnees economiques qui y sont presentees se referent uniquement aux deux grandes options de I'aval du cycle : le retraitement des combustibles uses ou leur stockage direct. Les options derivees que sont I'entreposage de longue duree et le retraitement avec separation des radionucleides a vie longue ne sont pas encore suffisamment etudiees et ne peuvent done pas etre traites avec la meme pertinence. Tout d'abord, I'ensemble des operations de I'aval du cycle porte sur des durees tres longues. Par consequent, les evaluations economiques associees sont tres sensibles aux hypotheses liees au temps : la chronologic des depenses et le taux d'actualisation. C'est d'ailleurs au sujet de I'aval du cycle - comme a celui des couts externes des dechets de long terme - que se pose la question de la valeur pertinente du taux d'actualisation. La controverse en ce domaine a ete evoquee au paragraphe 4.3.3 ; elle n'est pas close. Les deux options de I'aval du cycle se distinguent par le fait qu'elles ne correspondent pas au meme service rendu. L'option retraitement - ou encore option cycle ferme - permet, il convient de le rappeler, la recuperation de matieres energetiques - I'uranium et le plutonium - le conditionnement adequat des dechets de haute activite qui ne contiennent que des quantites insignifiantes de plutonium et leur stockage definitif. Le recyclage du plutonium dans les reacteurs a I'avantage d'en faire disparattre partiellement la radiotoxicite tout en produisant de I'energie. Le cycle ferme ouvre la voie eventuelle a un tri selectif des dechets par la separation des radionucleides a vie tres longue. Le cycle ouvert, defini par I'entreposage puis le conditionnement et le stockage direct des assemblages uses, n'offre pas ces possibilites. II peut susciter quelques inquietudes : le plutonium n'est plus alors qu'un dechet toxique contenu dans les combustibles enfouis, et ceux-ci deviennent potentiellement une mine de plutonium presentant un risque de proliferation.
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L'economie de I'energie nucleaire
La comparaison economique sur le simple constat d'ecart de couts entre ces deux options apparaTt done insuffisante. Si ('evaluation des couts externes environnementaux ne montre pas de differences significatives (§ 13.6.2), d'autres considerations comme la reduction des risques de proliferation, ('amelioration de la securite d'approvisionnement sur le long terme, la possibilite de detruire des radioelements a vie longue par transmutation et par la renforcer I'acceptabilite du nucleaire, et aussi I'augmentation de la valeur ajoutee au niveau national sont des external ites positives d'ordre politique a mettre au credit de I'option cycle ferme. Les deux options de I'aval du cycle se distinguent aussi par une difference marquee dans la maTtrise technologique et par consequent economique des precedes. Le retraitement des combustibles de reacteurs a eau ordinaire est industriel depuis une vingtaine d'annees. L'experience relative aux dechets vitrifies est suffisamment avancee pour affirmer que leur stockage est une solution sure a un cout bien cerne. En revanche, le stockage direct des assemblages uses n'est pas encore operationnel. La connaissance des couts est done inegale ; les Suedois toutefois, dans leur projet de stockage direct, majorent systematiquement leurs estimations pour tenir compte des surcouts pouvant survenir dans la mise en ceuvre de leur precede. Enfin, quelle que soil I'option adoptee ou envisagee, les couts afferents a I'aval du cycle, meme dans le cas de precedes non encore mis en ceuvre, sont estimes avec un degre de confiance suffisant pour ne pas susciter d'inquietude quant aux performances economiques du kWh d'origine nucleaire. Us sont de toute fagon entierement pris en compte dans le calcul du cout du kWh (§ 7.1.4 et 13.7). II n'est pas superflu d'insister sur ce point etant donne les frequentes contreverites qui sont proferees et publiees sur ce sujet. La facon dont les depenses futures - notamment celles de I'aval du cycle - sont integrees dans le cout de production du kWh n'est pas unique. Les diverses methodes utilisees a cet egard sont exposees au paragraphe 13.7.2.
13.2. Economie du retraitement 13.2.1. Cout du transport des combustibles uses Apres quelques annees de desactivation sur le site du reacteur, les assemblages combustibles uses sont transportes dans des dispositifs de protection appropries (les chateaux de transport) vers I'usine de retraitement, ou vers le site d'entreposage dans le cas du cycle ouvert. Le cout du transport, incluant I'amortissement du materiel roulant et des chateaux, les frais de personnel, les frais administratifs et les contrats d'assurance, se situe dans une fourchette de 40 a 60 €/kgU pour des distances relativement courtes dans la zone europeenne. Ce n'est pas le cas pour des transports maritimes de longue distance, entre le Japon et I'Europe par exemple qui sont plus onereux. Le cout de transport est essentiellement un cout d'investissement dans du materiel.
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
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13.2.2. Cout de retraitement • Contenu du cout Le cout du retraitement comprend, en France du moins : - I'entreposage des combustibles uses dans les piscines sur le site de I'usine, en attente de retraitement ; - le retraitement proprement dit consistant dans la separation chimique des produits de fission, de I'uranium et du plutonium ; - la vitrification des dechets de haute activite, et le conditionnement des verres et des dechets de moyenne et faible activite ; - I'entreposage des verres sur le site de retraitement pendant une duree de 5 ans, et I'entreposage du plutonium separe. La part du capital dans ce cout est considerable. Vers 1990, I'investissement d'une usine de 800 t/an (UP3 en France) etait estime a environ 4,6 milliards d'euros. Le poste investissement comprend le cout de construction, les interets intercalaires et les frais de pre-exploitation, les couts de renovation entrepris au cours de la duree de vie et les couts de demantelement. Ces derniers sont estimes de I'ordre de 50 % du cout d'investissement, comme pour les installations proprement nucleaires d'une centrale electrogene. La contribution de I'investissement au cout total du retraitement depend done de la duree de vie de I'usine, des dates de campagne de renovation, et surtout du taux d'actualisation. La sensibilite a ce taux se manifeste a travers les variations du cout de retraitement (plus le cout de stockage des dechets de moyenne activite), etudiees dans AEN (1994) pour I'usine BNFL de 900 t/an. En prenant la base 100 comme reference pour le taux de 8 %, la variation est la suivante : Taux d'actualisation
Cout relatif du retraitement
2% 5% 8% 10% 12%
76 86 100 117 124
Le cout du retraitement est essentiellement constitue de couts fixes. La part de I'investissement selon le taux d'actualisation, est compris entre 50 et 70 % du cout total. • Evolution technique du cout Le cout technique du retraitement est tres dependant du taux de separation du plutonium et de ['uranium que Ton s'impose. Ce taux pour le plutonium est aujourd'hui de 99,9 % dans les usines de la Hague. Le cout global du retraitement diminuerait d'environ 25 % si ce taux etait ramene a 99 %. La revision a la baisse du
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L'economie de I'energie nucleaire
taux actuel pourrait s'obtenir grace a une optimisation differente des specifications applicables aux matieres recuperees et aux effluents de I'usine en concertation avec les clients et les autorites de surete. Cela ne devrait pas susciter de grosses objections dans la mesure ou le stockage direct du combustible use serait autorise. La technologie du retraitement est tres prometteuse de progres allant dans le sens de la diminution des couts. On connatt deja ceux enregistres dans la reduction des volumes de dechets de moyenne activite. On connatt aussi les ameliorations de rendement qui ont fait passer la production de I'atelier de tete de la Hague des 400 t/an prevues au cahier des charges a 500 t/an. D'une facon generale, on peut s'attendre a une augmentation de la productivite de 2 a 3 % par an comme c'est le cas dans I'industrie chimique avant d'atteindre le sommet de la courbe d'apprentissage (AEN, 1994). Des ameliorations des precedes actuels peuvent etre envisagees ; elles concernent notamment les facteurs de decontamination et le recyclage des composes chimiques utilises. Le nombre de cycles d'extraction pourrait etre reduit tout en respectant les limites de contamination requises. Les usines de retraitement futures beneficieront de toute I'experience acquise dans la construction et I'exploitation des usines actuelles. Elles seront concues selon des precedes chimiques plus performants, de nouvelles techniques de genie chimique, notamment dans Textraction liquide-liquide, et selon une instrumentation en ligne developpee. Leur conception devrait en etre simplifiee et leurs dimensions reduites. Les etudes actuelles montrent que les usines futures permettront une reduction du cout de construction de 30 % a performances egales (AEN, 2002a, p. 129).
13.2.3. Industrie et marche du retraitement • Industrie Trois pays ont mis en oauvre le retraitement des combustibles des reacteurs a eau ordinaire, la France, le Royaume-Uni et la Russie ; un quatrieme, le Japon, precede a la construction d'une usine qui sera mise en service aux environs de 2005. Les capacites correspondantes sont donnees dans le tableau 13.1, exprimees en tonnes de metal lourd. Leur valeur importante s'explique par le fait que le retraitement est une activite fortement capitalistique ou Teffet d'echelle est tres marque, et que les couts de production n'apparaissent interessants que pour des capacites d'au moins 800 tML/an, qui correspondent a un pare d'une quarantaine de reacteurs de 1000 MWe. Le Royaume-Uni a deja retraite 400 000 t de ses combustibles Magnox a Sellafield (usine de 1500 tML/an). La France a retraite ses combustibles graphite-gaz dans I'usine UP1 de Marcoule (400 tML/an) fermee en 1998. Elle avait acquis une experience du retraitement des combustibles REP des 1976 dans I'usine UP2 (400 tML/an) de la Hague avant son extension a 800 tML/an. L'lnde retraite ses combustibles CANDU a Tarapur (100 tML/an) et a Kalpakkam (100 tML/an).
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
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Tableau 13.1. Capacites de retraitement des combustibles des reacteurs a eau ordinaire dans le monde.
Pays
Operateur
France Japon Royaume-Uni Russie 1
Cogema Cogema PNC JNFL BNFL Minatom
Site/Usine
Capacite nominale (tML/an)
La Hague/UP2 La Hague/UP3 TokaT-Mura Rokkasho-Mura SellafieldAThorp. Tchelapinsk/Tch. 65
1 800 J 800 90 800 9001 400
MSI
1994 1989 1981 -2005 1994 1977
Capacite theorique de 1200 I/an.
• Marche Le marche de retraitement se caracterise par son etroitesse. Dans le monde a economie de marche, I'offre ne provient que de deux operateurs, Cogema et BNFL. La demande vient de compagnies d'electricite de pays ou I'option retraitement est ou a ete reconnue : I'Allemagne, la Belgique, la France, le Japon, les Pays-Bas et la Suisse. Nombre de pays n'ont pas encore choisi une option technique pour la gestion de leurs combustibles uses. Si la Suede et la Finlande ont opte pour le stockage direct, beaucoup de pays, les Etats-Unis notamment, mais aussi la Coree du Sud, I'Espagne, TaTwan, preferent entreposer leurs combustibles et se donner le temps de choisir. La quantite cumulee de combustibles UO2 enrichi (reacteurs a eau ordinaire et AGR) qui ont ete retraites dans le monde est donnee dans le tableau 13.2 selon le bilan effectue par Cogema pour la fin de 1999 par les operateurs. On constate que les usines de La Hague ont couvert 70 % de cette activite.
Tableau 13.2. Repartition par operateur des quantites cumulees de combustibles UC>2 enrichi retraites dans le monde a fin 1999.
Pays Allemagne Belgique Etats-Unis France Japon Royaume-Uni Russie
Operateur DWK EUROCHEMIC NFS Cogema JNC BNFL (dont a Thorp) Minatom
Quantites cumulees (tML)
85 77 229 15155 936 (03/97) 2519 2359(14/01/99) 3000
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L'economie de I'energie nucleaire
Le bilan effectue a fin 1998, d'apres Cogema (1999), pour ces memes combustibles (hors Europe Centrale, Russie et Inde), mais repartis selon leur pays d'origine, etait le suivant : France 34 %, Allemagne 25 %, Japon 25 %, Belgique 5 %, RoyaumeUni 5 %, Suisse 3 %, Pays-Bas 1 %, Etats-Unis 1 %, et I'ensemble Espagne, Italic, Suede 1%. - Aspects contractuels et prix Le retraitement est une prestation de service : tout au long du processus, les matieres nucleaires presentes dans les combustibles uses restent la propriete du client, c'est-a-dire la compagnie d'electricite. Les contrats prevoient le retour dans leur pays d'origine des residus ultimes conditionnes. En raison du caractere capitalistique du retraitement, il est apparu necessaire que les clients desireux de s'assurer de capacite de retraitement financent la construction de I'usine. C'est ainsi, qu'en France, UP3 a ete entierement financee par des clients etrangers : une trentaine de compagnies d'electricite etrangeres ont signe avant le demarrage de I'usine des contrats avec Cogema representant 7000 t de metal lourd a retraiter dans cette usine. Pour I'usine UP2, les tonnages contracted par EDF et des clients etrangers s'elevent a plus de 10000 tML. Au Royaume-Uni, le financement de I'usine Thorp s'est effectue en partie par des pre-paiements de clients etrangers. Le prix paye pour le retraitement par les compagnies d'electricite varie selon les quantites en jeu dans le contrat, les caracteristiques des assemblages, et le degre d'amortissement de I'usine. Le prix du retraitement n'est plus aujourd'hui communique ; il est une donnee confidentielle du contrat qui lie I'operateur a son client. L'estimation donnee dans AEN (2002a) le situe dans une large fourchette, 500 a 900 $/kgML pour les combustibles UO2 enrich! (monnaie de 2000) (voir tableau 7.5). D'apres les indications donnees dans DIGEC (1997), on peut deduire que le cout du retraitement pris en reference est de 760 €/kgML (monnaie de 1995).
13.3. Economic du recyclage des matieres nucleaires L'economie du recyclage de matieres nucleaires recuperees au retraitement des combustibles uses s'entend de deux facons : - la valorisation d'une part de I'uranium de retraitement, d'autre part du plutonium, ou encore dans ce dernier cas et de maniere plus pragmatique, I'economie du combustible MOX basee sur ('utilisation de cette matiere ; - les economies d'uranium frais, qui pour certains pays constituent une composante de leur independance energetique a court ou moyen terme, et qui de toute facon sont a considerer sur le long terme comme une solution a la gestion rationnelle des ressources de la planete.
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
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Le recyclage est un sujet complexe, d'abord en raison des multiples solutions techniques de reutilisation des matieres recuperees, ensuite parce que I'economie de cette reutilisation est conditionnee en partie par les compositions isotopiques de I'uranium et du plutonium, elles-memes determinees par le taux de combustion des combustibles uses dont ils sont extraits.
13.3.1. Valorisation de I'uranium de retraitement Dans I'estimation de la valeur de I'uranium de retraitement (URT), il doit etre tenu compte de la presence : - de I'isotope U236 qui est un relativement fort absorbeur de neutrons et qui necessite un enrichissement supplemental pour compenser cet effet ; - des isotopes U232 et U234, dont les produits de filiation sont d'importants emetteurs gamma, exigeant des mesures de protection radiobiologique dans les ateliers de fabrication ou I'URT est utilise. La quantite equivalente d'uranium naturel economisee Mr par kilogramme d'uranium de retraitement est donnee, sans tenir compte des pertes, par la formule (49), en etant la teneur de ('uranium naturel en isotope 235 et e r celle de I'uranium de retraitement :
et la quantite d'UTS Sr economisee, d'apres la formule (46) :
ou encore Avant toute correction economique due a la presence des isotopes genants en vue d'une refabrication en assemblages combustibles, la valeur de I'URT serait : avec les notations du paragraphe 7.1.5. La prise en compte et le calcul des corrections sont exposes par AEN (1994). Ces corrections concernent d'une part le surcout d'enrichissement pour compenser I'effet de reactivite negative du a la presence de I'U236 dans les combustibles fabriques avec I'URT, d'autre part le surcout de I'enrichissement et de la fabrication dus a la presence des isotopes emetteurs gamma. On ne presente ici qu'une illustration des resultats. Ceux-ci dependent evidemment de la composition isotopique de I'URT et des couts specifiques des etapes de I'amont du cycle, C7, C2, C3 et C4. Dans le tableau 13.3, qui indique I'ordre de grandeur des corrections, les donnees permettant de calculer selon la formule (51) les valeurs non corrigees de I'uranium recupere, et les valeurs corrigees, sont :
300
L'economie de I'energie nucleaire
- d'une part, en = 0,0071, e^ = 0,0025 et er = 0,0081 ; - d'autre part, les hypotheses suivantes des couts specifiques : C7 de 40 a 90 $/kgU pour Puranium naturel ; C2 de 6 a 11 $/kgU pour la conversion ; C3 de 80 a 130 $/UTS pour Penrichissement ; Q de 200 a 350 $/kgU pour la fabrication. Le tableau 13.3 montre que, toutes corrections comprises, le facteur de valorisation de I'URT se situe entre 50 et 60 % pour les niveaux actuels des couts de Pamont du cycle. Tableau 13.3. Facteurs de valorisation de I'uranium de retraitement.
Hypothese basse Corrections
Hypothese haute
Facteur de Valeur de PURT valorisation $/kgU %
Valeur de PURT $/kgU
Facteur de valorisation %
Sans correction des isotopes genants
63
100
135
100
Effet de la teneur en U236 seulement
45
71
101
75
Effet de la teneur en U236 et impacts sur la fabrication
41
65
97
72
Effet de la teneur en U236 et impacts sur Penrichissement et la fabrication
33
52
89
66
13.3.2. Valorisation du plutonium L'utilisation du plutonium dans les reacteurs est soumise a des conditions les plus variees. D'abord, le type de reacteur : les reacteurs a neutrons rapides (RNR) constituent le meilleur moyen de mettre en valeur les qualites energetiques de cet element, mais leur mise en ceuvre industrielle n'a plus aujourd'hui de caractere d'urgence. Leur impact sur P economic de la production d'electricite est examine au chapitre 16 qui traite des perspectives strategiques. On ne considere ici que Putilisation du plutonium dans le combustible MOX (oxyde mixte uranium-plutonium) des reacteurs a eau ordinaire, qui est mis en oeuvre actuellement et continuera a Petre a moyen terme.
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
301
Ensuite, le mode de gestion : dans les reacteurs a eau, le plutonium est gere par fraction de recharge (30 %), le renouvellenient du cceur restant par tiers ou par quart; il pourrait I'etre a I'avenir par recharge entiere. Dans le deroulement du cycle du combustible, son multirecyclage est envisageable a long terme. Enfin, I'origine du plutonium, dont depend sa composition isotopique et sa valeur energetique. En effet, parmi les quatre isotopes du plutonium, dont les nombres de masse sont 239, 240, 241 et 242, seuls les isotopes Pu239 et Pu241 sont fissiles, ce dernier se desintegrant en americium 241 avec une periode de 14,4 ans. Ainsi, revaluation de la valeur energetique, et eventuellement economique, du plutonium implique de prendre en compte la fraction de matieres fissiles qu'il contient. Celle-ci se traduit, a I'aide de considerations neutroniques, en terme de plutonium 239 equivalent, equivalence propre a chaque type de reacteur devant recevoir le plutonium en question (Reuss, 2003, p. 375). Cette fraction fissile depend des conditions d'irradiation du combustible use dont provient le plutonium - de son taux de combustion notamment - et aussi de la periode ecoulee depuis le dechargement de ce combustible du cceur du reacteur. Le prix d'ordre du plutonium a fait I'objet de nombreuses reflexions a propos du developpement des RNR, puis de I'utilisation du combustible MOX dans les reacteurs a eau. Au prealable de toute consideration economique a cet egard, quelques remarques sont necessaires. En premier lieu, cette matiere fissile est un sous-produit de la production d'energie. Ensuite, au retraitement, sa separation, celle des produits de fission et celle de I'uranium sont des operations qu'il est difficile de disjoindre du point de vue economique. Enfin, le plutonium est la propriete du producteur d'electricite, qui est susceptible de le reutiliser dans ses reacteurs ; il n'y a pas, dans ces conditions de marche du plutonium, du moins tant qu'il n'apparaTt pas comme une composante necessaire a I'approvisionnement de certains reacteurs. On peut se demander d'ailleurs si le prix du plutonium a un sens dans la mesure ou ce combustible est cree et reutilise au sein d'une meme pare nucleaire, composite ou non, dans le cadre d'une strategic globale. C'est 1'evaluation economique comparee de chacune des strategies envisageables qui est pertinente. Le plutonium, n'etant pas objet de marche et ne jouant qu'un role de produit intermediaire au sein d'un meme pare compose de REP et de RNR par exemple, son prix d'ordre n'a qu'un interet secondaire. Cette demarche est exposee au paragraphe 16.2.7. Toutefois, dans le contexte actuel de I'utilisation du combustible MOX, 1'evaluation economique la plus immediate resulte de I'equivalence d'un assemblage MOX avec un assemblage UO2. Elle determine la valeur d'opportunite du plutonium, qui traduit le service rendu par I'utilisation de ce combustible, et ce de fait devient le critere de I'interet economique du MOX. Une illustration de la methode est donnee au paragraphe 1 3.3.3. II est possible de suivre une demarche differente, comme celle adoptee dans I'etude WREBUS, resumee au paragraphe 13.3.3, mais elle est equivalente a la precedente. On n'attribue alors aucune valeur au plutonium, et dans ce cas la competitivite du MOX, se mesure par I'ecart de son cout de cycle avec celui du combustible standard UO2. Un ecart favorable au MOX correspond, dans la demarche precedente, a une valeur positive pour le plutonium.
302
L'economie de I'energie nucleaire
13.3.3 Economic du combustible MOX • Structure du cout du combustible MOX La structure du cout du combustible MOX est tres differente de celle du combustible standard UO2. L'achat d'uranium naturel n'y entre que pour une tres faible part, et I'enrichissement en est absent. En revanche, le poste essentiel est celui de la fabrication. L'investissement des usines de fabrication MOX est eleve en raison des mesures de protection radiologique, des automatismes et des controles severes de fabrication et de comptabilite des matieres. Leur taille, moins importante que celle des usines de fabrication UO2, ne leur permet pas de beneficier des memes economies d'echelle. Pour ces raisons, on estime que le cout de fabrication MOX peut se situer entre 3 et 5 fois celui de la fabrication UO2/ selon la technologie utilisee et le volume des livraisons. • Methode de ('equivalence MOX-UO2 L'etude AEN (1994, p. 161) utilise le cout d'opportunite du plutonium comme critere de competitivite. Elle compare le cout, en $ de 1991, d'un kilogramme de combustible standard UO2 neuf et le cout d'un kilogramme de combustible MOX, capables I'un et I'autre d'une production thermique de 42,5 GWj/t. On suppose que le cout de I'aval du cycle est identique pour les deux combustibles. Le combustible UO2 se caracterise par un enrichissement de 3,6 %, qui necessite, pour un taux de rejet de 0,25 %, 7,267 kg d'uranium naturel et 5,014 UTS. Le prix de I'uranium naturel est evalue a 70,1 $/kgU, qui est une moyenne sur 29 ans (de 2007 a 2035), periode supposee de la recuperation et recyclage du plutonium. Les prix de la conversion, de I'enrichissement et de la fabrication UO2 sont respectivement 8 $/kgU, 110 $/UTS et 275 $/kgML Un kg de combustible MOX est compose de 933 g d'uranium naturel et de 67 g de plutonium, dont 44 g de plutonium fissile Puf. Le cout de fabrication MOX est estime a 1100$/kgML. L'equivalence economique des deux combustibles est etablie dans le tableau 13.4 au moyen d'une valeur d'opportunite du plutonium, qui est 5 $/g de plutonium fissile correspondant aux hypotheses ci-dessus. Un bilan plus complet devrait tenir compte de la reduction de volume de dechets ultimes, qui apparaTt dans la strategic recyclage par rapport a celle du stockage direct (§ 13.6.2 et tableau 16.1). • Sensibilite du cout du combustible MOX Une analyse de trois etudes relatives a ('economic du combustible MOX est effectuee dans Devezaux de Larvergne et al. (1995). Dans I'etude AEN (1994, p. 163), la competitivite du MOX se mesurant a la valeur d'opportunite du plutonium fissile, on donne la variation de celle-ci en fonction du prix de I'uranium, du prix de I'enrichissement et du prix de fabrication MOX.
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
303
Tableau 13.4. Equivalence des couts du combustible MOX et du combustible standard UO2.
Poste
Uranium naturel Conversion Enrichissement Fabrication Pu fissile Total
MOX
UO2
Quantite 7,267 kgU 7,267 kgU 5,01 4 UTS 1 kgU
Cout($1991) 509,4 58,1 551,5 275
Quantite 0,933 kgU 0,933 kgU -
1 kgML 44 g
1394
Cout($1991) 65,4 7,5 -
1100 221,1 1394
Source : AEN, 1994.
La figure 13.1 montre cette sensibilite pour deux couts de fabrication, 825 et 1100 $/kgML, qui sont susceptibles d'encadrer la realite industrielle, le prix de I'uranium naturel de 40 a 90 $/kgU, et le prix de I'UTS de 80, 110 et 130 $/UTS. Elle met en evidence toute ['importance du cout de fabrication MOX, ici majore d'un facteur 3 et 4 par rapport a celui de la fabrication standard.
Figure 13.1. Sensibilite de la valeur d1 indifference du plutonium au prix de I'enrichissement et au prix de la fabrication du combustible MOX.
304
L'economie de I'energie nucleaire
L'etude WREBUS couvre un eventail de conditions techniques : centrales REP et REB, puissance de 440 a 1300 MWe, duree du cycle de 12 a 24 mois. La figure 13.2 en presente la synthese. La competitivite du combustible MOX vis-a-vis du combustible UO2 est atteinte des que Ton depasse 42500 MWj/t. Une augmentation de 10000 MWj'/t se traduit par un gain de competitivite de 10 %. Figure 13.2. Comparaison des couts du cycle du combustible en fonction du taux de combustion.
Une etude du Service du combustible d'EDF en 1994 evalue le cout du cycle MOX par rapport au cout de cycle standard UO2 selon deux modes de gestion de cceur : la gestion hybride et la gestion quatre cycles. La gestion hybride associe une gestion des assemblages MOX a trois cycles pour un tiers du cceur a une gestion a quatre cycles du combustible UO2 pour les deux autres tiers. La gestion que vise a terme EDF est une gestion paritaire MOX et UO2 a quatre cycles (irradiation a 52 CWj'/t). L'etude EDF est menee pour deux annees distinctes 1995 et 2005, et pour une progression correlative du taux de combustion. Le plutonium n'est pas valorise. Les ecarts de couts de cycle par kWh selon la date et le mode de gestion sont donnes dans le tableau 13.5, qui montre tout I'interet d'augmenter le taux de combustion et de proceder selon une gestion MOX a quatre cycles, et qui en fin de compte met en evidence la competitivite du MOX. • Industrie du combustible MOX Plusieurs pays ont commence a travailler tres tot sur ['utilisation des combustibles MOX dans les reacteurs a eau ordinaire, les Etats-Unis et la Belgique des les annees cinquante. Aujourd'hui le recyclage du plutonium dans les REP est une realite
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
305
Tableau 13.5. Ecarts entre couts de cycle selon le mode de gestion des combustibles UO2 et MOX.
1995
Mode de gestion
0%
-11,5%
-2 % -1 1 ,5 %
-15,3% -25 %
UO2 quatre cycles - 3,7 % reference MOX hybride MOX quatre cycles (equivalent 3,7 %)
2005
Source : EDF.
industrielle en Belgique, en France, en Allemagne et en Suisse. Plus de 750 tML de combustible MOX, correspondant a plus de 2000 assemblages combustibles, ont ete chargees dans 29 REP et dans 2 REB en Europe, ce qui equivaut au recyclage de 35 t de plutonium (AEN, 2002a, p. 39). Les capacites actuelles de fabrication de combustibles MOX dans les pays de I'OCDE represente un flux de 190 tML par an, qui correspond a une consommation annuelle de plutonium dans ces combustibles de 10 a 12 t. Le tableau 13.6 indique les principales usines de fabrication MOX dans le monde (AEN, 2002a). Tableau 13.6. Usines de fabrication de combustible MOX dans le monde. Pays Belgique France
Site Dessel Cadarache2 Marcoule Melox
Japon
TokaT-Mura Rokkasho-Mura
Royaume-Uni Russie
Sellafield SMP Sellafield MDF Tcheliabinsk
Type de combustible1
Capacite (tML/an)
REO REO REO ATR RNR REO REO REO RNR
40 40 100 10 5 130 120 8 60
MSI
1973 1961 1995 1972 1988 200? 200? 1993
REO, reacteurs a eau ordinaire ; ATR, reacteur thermique avance (Fugen, Japon) ; RNR, reacteurs a neutrons rapides ; usine arretee definitivement en juillet 2003.
13.3.4. Bilan des matieres fissiles economisees • Malgre la depression que connatt le marche de I'uranium nature!, ('uranium de retraitement, dans la mesure ou sa composition isotopique en permet la valorisation (§ 1 3.3.1), represente pour les compagnies d'electricite qui ont opte pour le cycle aval ferme une opportunite strategique pour le moyen et le long terme. L'industrie nucleaire a deja experimente I'utilisation de cet uranium. Son enrichissement s'effectue par centrifugation ; il est pratique couramment en Russie et aux Pays-Bas. A long terme, la
306
L'economie de I'energ/e nucleaire
separation isotopique par laser pourrait selectivement diminuer la teneur en uranium 236 et ameliorer ainsi la valeur economique de I'URT. Au Royaume-Uni, des quantites substantielles d'uranium de retraitement des reacteurs MAGNOX ont ete re-enrichies a la teneur de I'uranium naturel avant recyclage. En Belgique, le reacteur Doel 1 a fonctionne plusieurs annees uniquement avec de ('uranium de retraitement re-enrichi. En France, deux REP sont charges en URT depuis 1995. Les quantites cumulees d'uranium de retraitement en provenance des reacteurs a eau ordinaire et produites par les usines de retraitement de France et du Royaume-Uni s'elevent aujourd'hui a environ 16500 tonnes. Les capacites de production d'URT dans ces deux pays sont de I'ordre de 2400 t/an. A ('horizon 2005, en ajoutant les capacites japonaises, les quantites d'URT produites annuellement pourraient depasser 3100 tonnes, soit I'equivalent d'environ 3800 t/an d'uranium naturel (avec un taux de rejet de 0,25 % a I'enrichissement) ou la production d'une grande mine. Cela represente quelque 12 % de la production annuelle d'uranium naturel et plus de 7 % des besoins d'uranium du monde a economie de marche. • Le combustible MOX permet d'effectuer des economies de matieres nucleaires significatives D'apres le tableau 13.4, une tonne de combustible MOX qui remplace une tonne de combustible UO2 evite ['extraction de 6,3 tonnes d'uranium naturel et ('utilisation de 5000 UTS. • D'apres Cogema (1999), la couverture des besoins en uranium naturel des reacteurs a eau ordinaire du monde a economie de marche s'effectuerait a I'horizon 2005 selon la repartition suivante : - 5 % par le chargement MOX ; - 3 % par le chargement URT ; - 92 % par I'approvisionnement en uranium naturel. Ainsi, le recyclage des matieres fissiles a cet horizon economiserait 8 % des besoins en uranium naturel des pays de I'OCDE. En France, ces economies atteindraient a cette meme epoque, environ 30 % des besoins des REP en uranium naturel, et pres de 25 % des besoins en enrichissement.
13.4. Economie du stockage direct des assemblages uses 13.4.1. Cout du stockage direct des combustibles de reacteurs a eau ordinaire Le projet suedois de stockage direct en profondeur des assemblages uses est le plus elabore pour cette option de I'aval du cycle. II est etabli pour une puissance nucleaire installee de 10 GWe produisant 67 TWh par an et necessitant 8000 t de combustibles sur ('ensemble de la vie des centrales.
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
307
On distingue deux phases techniques dont on evalue le cout specifique moyen actualise a differents taux a la date de livraison a Tinstallation propre a la phase en question : - transport et entreposage de longue duree des combustibles uses. Apres 5 ans de desactivation dans la piscine du reacteur, les combustibles uses sont transposes dans une piscine souterraine (appelee CLAB) pour y etre entreposes pendant 35 ans. Le cout de cette phase inclut le cout de transport et le cout d'entreposage ; - enrobage et enfouissement des combustibles. Les assemblages combustibles sont transportes de la piscine d'entreposage a Installation de conditionnement ou ils sont enrobes dans des conteneurs en cuivre, puis enfouis dans une formation geologique. La capacite annuelle des installations est de 270 t/an. Compte tenu de ('experience acquise a I'occasion de la conception et de la construction du CLAB, les estimations de cout de I'enrobage et du stockage comprennent une provision de 27 % refletant les incertitudes liees a I'etat actuel du projet. Les estimations presentees par AEN (1994) sont homogenes avec celles relatives a I'option retraitement donnees au paragraphe 13.2.2 pour I'usine BNFL. Elles figurent au tableau 13.7 pour quatre taux d'actualisation. Tableau 13.7 Cout du stockage direct des assemblages combustibles ($199!AgU).
Taux d'actualisation
Poste
0%
5%
8%
10%
Transport/Entreposage
210
230
280
340
Enrobage/Stockage
360
610
870
1100
D'apres I'etude suedoise (SKB, 1998), la structure du cout de I'aval du cycle, en incluant les depenses propres au fonctionnement de la societe SKB (Societe suedoise de gestion des combustibles uses et dechets nucleaires), est donnee ci-apres (hors cout des dechets d'exploitation des centrales).
Poste
%
- transport des combustibles uses
8
- entreposage
26
- enrobage
17
- stockage geologique
32
- fonctionnement SKB
17
Total
100
308
L'economie de I'energie nucleaire
13.4.2. Cout du stockage direct des combustibles des reacteurs a eau lourde Les estimations de cout de stockage direct des combustibles des reacteurs a eau lourde ont ete effectuees au Canada et presentees par AEN (1994) en monnaie de 1991. Le combustible use est desactive pendant 10 ans sur le site des centrales avant d'etre transports sur le site de stockage definitif pour y etre d'abord conditionne, puis enfoui. Le cout de transport des combustibles uses est de 13 $/kgML, et celui du conditionnement et du stockage en formation geologique de 73 $/kgML. Ce niveau de cout, tres nettement plus bas que dans le cas des combustibles REP, s'explique par le faible taux de combustion atteint dans les reacteurs CANDU (environ 8000 MWj/t), done un moindre degagement de chaleur et une moindre radiotoxicite specifiques, et finalement un besoin moindre de protection.
13.5. Considerations generates sur I'economie du stockage definitif des dechets nucleates 13.5.1. Cout de stockage des dechets de faible activite Par dechets de faible activite, on entend les dechets conditionnes de categoric A, dont I'activite specifique (en becquerels par unite de masse ou de volume) est faible et qui contiennent des isotopes dont la periode radioactive n'excede pas 30 ans et eventuellement des quantites negligeables d'isotopes dont la periode depasse 30 ans. Us sont constitues de dechets technologiques resultant soit de I'exploitation des centrales (leur cout de stockage est inclus dans le cout d'exploitation), soit du fonctionnement des usines de retraitement (leur cout de stockage est inclus dans le cout du retraitement), soit d'activites autres que I'electronucleaire. Le stockage des dechets de categoric A est pratique a I'echelle industrielle depuis une trentaine d'annees en France et a I'etranger. Son cout est done bien etabli. On observe evidemment des ecarts d'un pays a I'autre selon la technique utilisee et les conditions economiques et reglementaires, mais surtout en fonction de la capacite du site. D'apres AEN (1991), pour un enfouissement a proximite de la surface, le cout varie de 1000 a 3000 $/m3, en monnaie de 1990, selon la capacite du site. Pour un enfouissement en profondeur, il passe de 2000 a 6000 $/m3.
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleates
309
13.5.2. Facteurs techniques influengant le cout de stockage des dechets de haute activite II s'agit des dechets de categories B et C. Les premiers bien qu'etant de faible et moyenne activite contiennent des isotopes dont la periode depasse 30 ans et exigent done une gestion et un stockage similaires a ceux des dechets de haute activite. Les seconds sont les dechets de haute activite contenant des isotopes emetteurs alpha et emetteurs betagamma. Les dechets vitrifies et les combustibles uses sont de categoric C. Leur stockage, reversible ou irreversible, dans des formations geologiques profondes n'a pas encore ete mis en ceuvre industriellement, mais des etudes detaillees de conception ont ete realisees dans de nombreux pays et permettent d'etablir des estimations de cout solides. On n'examine pas ici I'entreposage de longue duree en surface ou subsurface. Le phenomene physique qui joue un role preponderant dans le dimensionnement du stockage en profondeur est le degagement de chaleur provoque par la desactivation des isotopes radioactifs contenus dans les colis. Le dimensionnement est concu de facon a maintenir un niveau de temperature acceptable au sein du colis et des roches environnantes afin de garantir I'integrite des barrieres ouvragees et naturelles opposees a la migration des isotopes a vie longue. Le dimensionnement des galeries souterraines, done leur cout, est influence par de nombreux facteurs techniques dont les principaux sont : - la nature du dechet considere : assemblages combustibles uses, ou conteneur de verres ou de beton, caracterises par leur puissance thermique par unite de volume ; - le taux de combustion et la periode de desactivation avant stockage qui determinent cette puissance thermique (les colis de dechets sont disposes de facon plus serree apres une periode de desactivation plus longue) ; - la profondeur du site souterrain qui tend a augmenter les couts de construction et d'exploitation par I'allongement des distances de transfer! a partir de la surface, et qui par ailleurs accrott les contraintes dans les roches et la temperature ambiante. La sensibilite du cout a la profondeur depend des conditions geologiques ; en Suede elle est assez faible car implanter le site a 250 m de plus en profondeur entrame un surcout de construction inferieur a 10 % ; - la nature des barrieres ouvragees dans le site souterrain, celle des conteneurs, celle du remplissage des puits et les caracteristiques de la roche, sont des facteurs qui determinent les gradients de temperature. Tous ces facteurs techniques interviennent dans I'espacement des puits et celui des galeries, done dans le volume total du stockage. Beaucoup d'entre eux ont une incidence plus directe sur les couts : - la taille des colis - nettement plus grande dans le cas des assemblages uses que dans celui des conteneurs de verres - dimensionne le volume des installations de reception au fond ainsi que celui des galeries et des puits ; - la nature de la roche : dans une roche cristalline, galeries et sal les peuvent demeurer ouvertes longtemps sans soutenement special, alors que dans I'argile, des structures de
310
L'economie de I'energie nucleaire
soutenement devront etre mises en place au fur et a mesure du creusement. Selon la nature de la roche, le cout des galeries peut varier d'un facteur 2 ; - la solution technique adoptee pour les barrieres ouvragees et le scellement des acces. Enfin, il est un autre facteur qui influe sur le cout du stockage : la conception de la reversibilite. La reversibilite du stockage est la possibilite de recuperer les dechets stockes, dans le cas ou un benefice pour la societe est anticipe. Les couts de mise en ceuvre de la reversibilite sont sensiblement differents selon le concept de stockage envisage, le degre de reversibilite et les dispositions obstructives retenues a cet effet. Le benefice de la reversibilite qui apparatt etre le plus evident ressort de considerations de surete : il correspond a la possibilite d'acceder a un moindre cout aux colis, soil au cas ou les performances de surete du site seraient remises en cause, soit au cas ou des changements majeurs de la technique ou dans I'appreciation des risques conduiraient les generations futures a modifier les conditions de stockage ou les colis eux-memes. Une autre motivation de la reversibilite est de nature economique. Dans la perspective a long terme de progres scientifiques et technologiques, la reversibilite pourrait etre valorisee par le fait que les generations futures trouveraient eventuellement un interet economique a reutiliser les dechets enfouis. On pense aux matieres energetiques contenues dans les combustibles uses qui seraient stockes en I'etat, ou encore aux matieres telles que les platinoTdes contenus dans les dechets (ruthenium, rhodium et palladium) ou des radionucleides a applications medicales ou industrielles. La valorisation de ces matieres serait d'autant meilleure que le cout de la mise en ceuvre de la reversibilite, c'est-a-dire le cout de la recuperation de la tonne de dechets, serait plus faible ; mais une reversibilite moins couteuse necessite un cout de construction du site par tonne de dechets plus eleve. L'estimation de la valeur marginale de la reversibilite est delicate en raison des incertitudes propres aux evolutions, de prix notamment, sur la longue duree. La demarche proposee par Collier et al. (2001) vaut par sa robustesse et conclut que la prise en compte economique de dispositions initiales destinees a faciliter la mise en ceuvre de la reversibilite, pour des motifs economiques et non lies a des considerations sur Devolution des concepts de surete, ne saurait exceder raisonnablement le pour cent du cout total du site.
13.5.3. Sensibilite du cout de stockage des dechets de haute activite a ('importance du programme nucleaire - Le cout de stockage en formation geologique se repartit selon les postes decrits ci-dessous : • Le cout d'investissement d'un site de stockage inclut I'achat des terrains, la realisation des voies d'acces, la construction en surface des installations de reception des colis, de stockage tampon, de transfer! des colis vers le sous-sol, du systeme de ventilation, d'alimentations diverses et de communications, la
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
311
construction des ateliers, locaux de securite et bailments auxiliaires. II inclut le cout des voies d'acces au sous-sol, les installations souterraines de transfer! des colis, de controle et de securite. • Le cout d'exploitation comprend les frais de personnel, les frais d'entretien du materiel de transport et manutention des colis, le cout du creusement des galeries et des puits, le cout de I'energie (ventilation), le cout des barrieres ouvragees et des scellements. • Les frais de fonctionnement de I'organisme charge de la gestion des dechets, qui en France est I'ANDRA (agence nationale pour la gestion des dechets radioactifs). • Les impots, redevances et taxes. Le cout specifique du stockage s'exprime le plus souvent par m3 de dechets conditionnes. Cette normalisation permet de tenir compte directement des differences existant dans I'emballage lorsqu'on etablit des baremes relatifs aux categories B et C de dechets, ou encore lorsque Ton procede a des comparaisons internationales. Le cout total specifique du stockage (conditionnement compris) est rapporte parfois dans les comparaisons internationales a la quantite d'electricite produite. En effet, la radioactivite et le degagement de chaleur associe, issus soil des combustibles uses stockes en I'etat, soit des dechets vitrifies, correspondent directement a I'energie thermique produite par ('utilisation du combustible, et a I'energie electrique produite dans la mesure ou la majorite des centrales nucleaires ont un rendement thermique de I'ordre de 30 %. Cette normalisation vise a tenir compte des differences existant dans le taux de combustion du combustible, qui a une influence directe sur les couts lies a la charge thermique au sein du stockage souterrain. La structure du cout de stockage serait la suivante, d'apres les evaluations recentes de I'ANDRA : - investissement
56%
- exploitation
28%
- fonctionnement de I'ANDRA
8%
- redevances, impots et taxes
8%
Total
1 00 %
Le cout total du stockage se decompose en une partie fixe tres importante incluant le cout d'investissement, les frais de I'ANDRA et pour une grande part le cout du personnel et de I'energie, et une partie proportionnelle au volume annuel des colis mis en stockage. La part fixe, au vu de la decomposition precedente, peut etre estimee a 80 %. Etablir un bareme de cout de stockage souterrain pour les dechets B et C dans un meme site pose un probleme delicat de repartition des couts fixes entre ces deux
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L'economie de I'energie nucleaire
categories dans la mesure ou il existe des dechets B issus d'autres activites que I'electronucleaire. - L'importance du programme nucleaire est un facteur determinant du cout du stockage des dechets. La part preponderant^ des couts fixes fait que le cout du stockage est loin d'etre proportionnel a la quantite de dechets enfouis. Le cout specifique du stockage decroTt done quand la capacite croTt. Celle-ci est directement liee au programme nucleaire dont ('importance se mesure par la quantite cumulee d'electricite produite. La figure 13.3, qui donne les couts normalises de stockage (conditionnement compris) en milliers de dollars par TWh produit par les combustibles, met cet effet en evidence (AEN, 1993). Elle montre aussi I'ecart entre le cout de stockage direct des assemblages uses et celui des dechets de retraitement pour une meme energie produite. L'impact sur le cout de I'effet volume corrige de I'effet thermique est favorable aux dechets vitrifies. Ce point est confirme par I'etude AEN (2002a, p. 56), ou les couts de stockage sont estimes a quelque 0,2 million de $/m3 ou moins pour le combustible use stocke en I'etat, et a environ 0,5 a 0,7 million de $/m3 pour les dechets vitrifies, mais ou Ton fait remarquer que le volume de dechets vitrifies est environ 10 fois moindre que le volume du combustible use equivalent, conditionne dans son conteneur. Les ecarts entre pays s'expliquent evidemment par la nature des sites, les concepts differents de stockage, les conditions economiques et monetaires. La figure 13.3, dans le cas des dechets de retraitement, illustre I'impact des principaux facteurs signales plus haut: I'effet d'echelle dans le cas de la France, un plus faible taux de combustion dans le cas du Royaume-Uni et un suremballage dans le cas de la Suisse. - Les valeurs de cout de stockage des dechets de retraitement se repartissent sur un eventail assez large en raison des considerations precedentes. L'etude AEN (2002a, p. 57) donne, en $ de 2000, 80-200 $/kgML (tableau 7.5). En France, I'etude du stockage des dechets et son evaluation est du ressort de I'ANDRA. Pour un site national de stockage d'un volume d'environ 61000 m3 de dechets B et 8600 m3 de dechets C, le cout d'investissement est d'environ 7,78 milliards d'euros, en monnaie de 1995. La contribution en volume de dechets des combustibles REP est la suivante : - pour les dechets B :
0,35 m3/tML ;
- pour les dechets C :
0,11 m3/tML.
Les estimations de 1999 donnent : - pour les dechets B :
61100€/m 3 ;
- pour les dechets C : 916700 €/m3 ; soit au total
122 €/kgML.
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
313
Figure 13.3. Couts de I'emballage et evacuation normalises en fonction de I'electricte produite par les combustibles (106 $/TWh). (a) Dechets issus du retraitement
(b) Evacuation directe du combustible irradie
Source : AEN, 1993.
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L'economie de I'energie nucleaire
13.6. Comparaison economique des deux options de I'aval du cycle 13.6.1. Comparaison des couts de cycle L'etude AEN (1994) etablit une Comparaison economique entre les deux options du cycle aval pour des REP en Europe. Les couts unitaires sont donnes en valeurs monetaires du debut de 1991 en supposant ('equivalence entre le dollar et I'euro. Us sont indiques au tableau 7.3 pour I'aval du cycle et au tableau 13.4 pour I'amont. Le tableau 13.8 resume cette etude. On a considere quatre valeurs du taux d'actualisation afin de montrer Timportance de ce parametre dans I'appreciation des resultats. Ce tableau appelle plusieurs remarques. Tableau 13.8. Comparaison du cout de cycle du combustible REP cycle ouvert (CO) et cycle ferme (CF) (mills 1991/kWh).
Composantes du cycle HII rrtmhnstihlo
Taux d'actualisation
0%
5%
CF CO CF CO Uranium 1,45 1,45 1,64 1,64 Conversion 0,18 0,18 0,21 0,21 1,65 1,65 1,85 1,85 Enrichissement 0,87 0,87 1,00 1,00 Fabrication 4,15 4,15 4,70 4,70 Sous-total amont 0,11 Transp. comb, uses 0,16 1,97 1,66 Retraitement 0,02 0,18 Stockage dechets 0,67 0,51 Transp.-entreposage 1,14 0,25 E n robage-stoc kage 2,31 1,81 1,79 0,76 Sous-total aval -0,18 Credit uranium -0,30 -0,08 -0,12 Credit plutonium -0,26 -0,42 Sous-total credit Cout total 6,04 5,96 6,23 5,46
8% CF CO 1,78 1,78 0,23 0,23 1,98 1,98 1 ,09 1 ,09 5,08 5,08 0,10 1,63 0,004 0,55 0,11 1,73 0,66 -0,13 -0,06 -0,19 6,62 5,74
10%
CF CO 1,89 1,89 0,24 0,24 2,07 2,07 1,16 1,16 5,36 5,36 0,09 1,61 0,002 0,58 0,07 1,70 0,65 -0,11 -0,06 -0,17 6,89 6,01
Source : AEN, 1994, pp. 65-66.
D'abord, la Comparaison a la valeur 0 % du taux d'actualisation prend tout son sens lorsqu'il s'agit de provisionner les charges futures. En France, entre autres, les provisions s'effectuent a la valeur des estimations des charges futures sans actualisation (§ 9.3 et 13.7.4 et tableau 9.10). L'ecart comptable entre les deux options n'est pas amplifie par les distorsions provoquees par I'actualisation.
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
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Ensuite, chacune de ces deux evaluations est entachee d'incertitudes sur 1'evolution des prix. L'etude AEN (1994, pp. 73-74) en fait ['analyse et donne pour chaque option un intervalle probable et un intervalle extreme autour d'une valeur centrale, qui est pour le taux de 5 %, 5,46 et 6,23 mill/kWh pour le cycle ouvert et le cycle ferme respectivement. L'intervalle probable resulte d'une analyse statistique standard des composantes du cycle et correspond a un intervalle de confiance de 95 %. La figure 13.4 montre un chevauchement des intervalles probables, ce qui permet de dire que I'ecart economique entre les deux options est peu significatif.
Figure 13.4. Comparaison economique des cycles ouvert et ferme (mill/kWh). Valeurs extremes et valeurs probables a 95 %.
Source : AEN, 1994.
Enfin, les couts de cycle aval sont etablis a partir d'echeanciers de reference. Toute variation relative d'un echeancier par rapport a I'etude entrame par le jeu de I'actualisation des variations relatives de cout. Les couts calcules avec le taux 0 % permettent de s'affranchir d'une facon generale de I'effet echeancier et constituent un repere stable dans la comparaison economique. On conclut par la remarque faite par AEN (2002a, p. 54), apres constatation que depuis 1994 d'autres etudes nationales remettent en cause les couts et les benefices percus des deux options. « II n'y a pas de reponse universelle a cette question, car les donnees economiques des deux options du cycle du combustible dependent fortement des circonstances, des politiques et des conditions nationales (et internationales). Toute comparaison des couts du cycle du combustible devrait prendre en compte les aspects financiers, c'est-a-dire la constitution et la gestion des provisions, les differences des taux d'actualisation et les contraintes et problemes locaux. Par consequent, comme les comparaisons internationales des couts actualises du combustible doivent par definition se fonder sur des hypotheses generales et des simplifications, les conclusions de ces comparaisons doivent etre considered comme une simple indication generale de ('evaluation des couts du cycle du combustible. » A I'appui de cette remarque, on observe en effet des differences profondes dans le montant et revolution des provisions destinees a I'aval du cycle, comme on peut s'en rendre compte au paragraphic 13.7.5.
316
L'economie de I'energie nucleaire
13.6.2. Comparaison des externalites II faut ajouter a la conclusion precedente que la comparaison purement economique n'est pas suffisante puisque le service rendu n'est pas le meme pour chaque option, comme cela a ete mentionne dans les remarques introductives du paragraphe 13.1. La difference fondamentale entre les deux options est la possibilite offerte par la voie du retraitement de recycler des matieres nucleaires, car le recyclage est source d'externaltites qui se revelent positives par rapport a ('absence de retraitement. Leur quantification devrait eclairer pleinement la comparaison des options et entrer en ligne de compte dans 1'evaluation du cout d'opportunite du retraitement-recyclage. On se borne ici a un apercu general de ces externalites. • La premiere d'entre elles est non environnementale. Elle consiste en la preservation des ressources en uranium naturel par le recyclage de I'uranium de retraitement et du plutonium, dont on a mesure I'incidence dans la couverture des besoins en uranium des reacteurs a eau ordinaire (§ 13.3.3). Au niveau national, elle pourrait se traduire sur le long terme en une externalite de securite d'approvisionnement (§ 10.4.2), qui prendrait toute sa signification avec le developpement des reacteurs a neutrons rapides (chapitre 15). • La seconde externalite, de nature environnementale, se comprend concretement par le bilan compare des dechets nucleaires relatifs aux deux options, mis en evidence par le schema simplifie suivant. Dans les deux options, on considere sept assemblages combustibles REP a uranium enrichi, dont la masse est d'environ 500 kgML chacun. A la sortie du reacteur, ils contiennent approximativement 480 kg d'uranium, 5 kg de plutonium et 15 kg de produits de fission. - Dans I'option retraitement-recyclage, ces trois dernieres quantites sont separees, et le volume de dechets B et C produits et conditionnes sous forme de verres et de beton est: 7 x 0,5 tML x (0,35 +0,11) m3/tML = 1,6 m3. La quantite de plutonium obtenue, soit 7 x 5 kg = 35 kg, entre dans la fabrication d'un assemblage MOX (465 kg U et 35 kg Pu dont environ 23 kg de plutonium fissile). Get assemblage MOX est suppose produire la meme energie qu'un assemblage standard. Apres son utilisation en reacteur, le bilan est : 1,6 m3 de dechets et un MOX use contenant environ 20 kg de plutonium, susceptible d'etre recycle ulterieurement. - Dans I'option du stockage direct, la meme energie produite correspond a 8 assemblages standard (sept assemblages initiaux et ('assemblage standard equivalent a ('assemblage MOX), considered comme dechets, contenant au total 40 kg de plutonium. Le volume a enfouir est : 8 x 0,5 tML x 1,5 m3/tML = 6 m3. Au benefice de I'option retraitement-recyclage (avec recyclage unique, pour chaque assemblage MOX utilise, il faut imputer une reduction de 20 kg de plutonium contenu
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
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dans les assemblages uses a entreposer et a stacker definitivement, et une reduction de 75 % du volume de dechets a stacker en formation geologique. En revanche, le combustible MOX use demande une periode d'entreposage pour la desactivation trois fois plus longue que le combustible standard. • La comparaison des externalites environnementales des deux options s'etablit d'un point de vue global selon la methode des cheminements d'impacts (§ 10.3.1). Une premiere etude (Laurent, 1997) concerne le court terme (0-100 ans) et les impacts locaux et regionaux. S'agissant des doses recues par les travailleurs (tableau 10.4), I'ecart entre le cycle ouvert et le cycle ferme avec recyclage MOX est de 30 homme-mSv/TWh, soit moins du dixieme de la dose collective des travailleurs. II est porte au benefice de I'option retraitement-recyclage en raison d'une moindre extraction miniere d'uranium malgre la prise en compte des activites de retraitement et une legere augmentation a I'enrichissement et a la fabrication. S'agissant des doses recues par la population, I'ecart est encore plus faible, 10 homme-mSv/rWh, soit 5 % de la dose locale et regionale (tableau 10.5), mais au detriment de I'option cycle ferme. Toutefois, il est a remarquer que cet ecart est du aux valeurs de 1991 observees pour les effluents de I'usine de retraitement de la Hague, dont les quantites ont decru depuis d'un facteur 3 alors que le tonnage retraite a plus que double. L'ecart aujourd'hui tend vers zero, la dose due au retraitement etant compensee par le gain obtenu par une moindre activite miniere de ('uranium. En resume, le choix d'une option ou de I'autre n'a pas de consequence significative sur les couts externes nucleaires a I'echelle locale et regionale. Pour ce qui est du tres long terme (1000 a 100 000 ans), la conception des stockages, quelle que soit I'option retenue, limite la dose a moins de 0,1 mSv/an. Toutefois, dans des conditions anormales (intrusion ou perturbation geologique), la dose susceptible d'etre emise est directement liee a la radiotoxicite potentielle restante du stockage. Dans la periode 1000 a 100 000 ans, la contribution du plutonium est largement preponderate (Dautray, 2001, p. 255). II s'agit la d'externalites aleatoires dont le cout est quasiment impossible a estimer. L'option retraitement avec un seul recyclage reduit de moitie les quantites de plutonium enfoui. Le multirecyclage, ou mieux encore la mise en ceuvre des reacteurs a neutrons rapides, sont d'une beaucoup plus grande efficacite a cet egard. Le retraitement-recyclage reduit done considerablement les risques d'evenements inattendus dans I'avenir lointain.
13.7. Financement et garantie des charges futures de I'aval du cycle 13.7.1. Charges futures Les charges futures sont les couts qu'un industriel s'attend a devoir assumer dans le futur en raison de ses productions presentes ou passees. Dans le domaine electronucleaire, il
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L'economie de I'energie nucleaire
s'agit d'une part des couts afferents a I'exploitation courante relatifs aux activites de I'aval du cycle, et d'autre part des couts de declassement des reacteurs et des installations du cycle du combustible. Le terme futur correspond en general a une periode superieure a cinq ans a partir de la date de la production qui a genere la charge en question. La valeur des charges futures resulte devaluations effectuees a la date de la dite production, mais corrigees tous les ans de I'inflation et revisees periodiquement pour prendre en compte les evolutions techniques et reglementaires. Ces evaluations faites, les charges futures sont reconnues selon les methodes diverses dans la comptabilite de I'industriel qui en est a I'origine. La couverture des charges implique leur financement par la constitution de provisions, ainsi que les moyens de garantie permettant d'assurer que les fonds resultant de ces provisions seront disponibles le moment venu (AEN, 1996). lei, on ne traite que des charges futures relatives a I'aval du cycle. S'agissant des charges afferentes au declassement des reacteurs et des installations du cycle, le principe general en est le meme, a la difference que les provisions sont calculees en repartissant les charges futures sur la duree de vie economique de ('installation en question ou sur une periode plus courte definie a I'avance.
13.7.2. Prise en compte des charges futures Generalement, les charges futures doivent etre presentees dans les comptes des exploitants. Toutefois, la facon de les imputer differe d'un pays a I'autre, et Ton distingue deux methodes pour ce faire, avec quelques variantes : valeur courante ou valeur actuelle. Le choix de la methode depend fortement des exigences legates et des pratiques comptables en vigueur dans chaque pays. La methode de la valeur courante consiste a presenter dans la comptabilite de I'exploitant une charge future a la valeur de son evaluation presente, telle que definie au paragraphe 13.7.1 avec ses ajustements periodiques. La caracteristique de cette methode est que sa prise en compte est independante de la date ou la depense sera realisee. Ce precede est utilise notamment en Allemagne, aux Etats-Unis, en Finlande et en France. La methode de la valeur actuelle est basee sur le calendrier previsionnel des depenses relatives a la charge future et sur sa valeur courante que Ton reparti selon ce calendrier. On determine ainsi les flux monetaires necessaires a la couverture de cette charge compte tenu des corrections d'inflation. A I'aide d'un taux actuariel que Ton se fixe avec prudence, on calcule la valeur actuelle de ces flux monetaires, a la date de la production. C'est cette valeur actuelle qui est inscrite sur le compte de I'exploitant. Avec cette methode, le calendrier des depenses et la valeur du taux actuariel sont des donnees tres importantes : pour une evaluation donnee de la charge, plus les depenses sont realisees tardivement, plus le taux actuariel est fort et moins la valeur actuelle est elevee. Cette methode est adoptee au Canada, en Espagne, au Royaume-Uni et en Suede.
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
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13.7.3. Constitution des provisions La necessite de constituer des provisions, c'est-a-dire des fonds de reserve pour financer les charges futures, decoule du principe du pollueur-payeur, d'apres lequel les beneficiaires actuels des activites nucleaires, notamment les consommateurs d'electricite d'origine nucleaire, doivent assumer les couts des charges creees par ces activites, en I'occurrence celles de I'aval du cycle. L'origine des fonds se trouve done en dernier ressort chez les consommateurs d'electricite, dont la facture inclut d'une fagon ou d'une autre la provision des charges futures. Le financement des provisions relatives a I'aval du cycle s'effectue pendant la duree d'utilisation du combustible. Pour le retraitement, les fonds collectes correspondent au montant des contrats passes entre la compagnie d'electricite et le retraiteur, et pour la gestion des dechets de moyenne et haute activite, aux evaluations faites pour leur conditionnement, transport et stockage definitif. Le rythme de constitution des provisions depend de la methode devaluation de la charge future. Celle de la valeur courante permet de constituer tout le fonds de reserve pendant une duree relativement courte, la duree d'utilisation du combustible. Celle de la valeur actuelle conduit a une constitution progressive qui depend du calendrier des depenses et du taux actuariel fixe. La gestion des provisions est complexe dans la mesure ou elle interfere avec les regies fiscales en vigueur dans le pays. Un financement deductible des profits incite a accelerer son rythme de realisation.
13.7.4. Moyens de garantie des fonds L'Etat est responsable de la mise en place des lois et reglementations dans le cadre desquelles les compagnies d'electricite doivent faire face a leurs charges futures. II assure le controle de la constitution des provisions. Mais le schema, plus ou moins decentralise, de I'organisation de la gestion des fonds et celle des garanties est tres variable selon les pays. Quelques exemples tires de AEN (1996) illustrent ce propos. L'Espagne est I'exemple type du controle centralise des charges futures a travers une societe unique. Celle-ci effectue toutes les evaluations et le controle du fonds correspondant, qui est constitue par une redevance sur le kWh et invest! dans des fonds d'Etat ou des actions de grandes societes. Aux Etats-Unis, les compagnies sont tenues par la loi de verser 1 mill par kWh sur un fonds destine a financer les programmes du gouvernement pour la gestion des combustibles uses. Des ouvertures de credit completent les depots annuels sur ce fonds. En Suede, un systeme de redevances a ete institue sur la base de I'energie produite par les centrales pour une duree de vie de 25 ans, et sur la base d'une estimation, etablie par SKB et revisee annuellement, des couts futurs de gestion des combustibles uses.
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L'economie de I'energ/e nucleaire
Les sommes sont deposees sur un compte de la banque royale au taux de 2,5 % en valeur reelle. En France et au Canada, le prix de I'electricite inclut la provision pour les charges futures, qu'elles soient relatives au declassement des centrales ou a I'aval du cycle. Les sommes ainsi collectees sont reinvesties au sein de la compagnie d'electricite. La disponibilite future des fonds repose sur I'hypothese realiste que la production et la vente d'electricite continueront a generer des revenus suffisants pour financer les charges lorsque necessaire.
13.7.5. Evolution dans le temps du montant des provisions La gestion des provisions constitue un probleme important pour les organismes qui en sont responsables etant donne le volume des fonds en jeu, la longue duree sur laquelle elle s'exerce et la necessite de disposer des sommes necessaires au moment de faire face aux depenses futures. Le montant des provisions et son evolution dans le temps sont determines en premier lieu par I'option choisie pour I'aval du cycle et ensuite par le calendrier previsionnel des depenses et le taux actuariel dans le cas ou la methode de la valeur actuelle est avalisee. Le contraste remarquable entre les deux options considerees de ce point de vue est illustre par I'exemple tire de AEN (1994, p. 113). II concerne un reacteur REP de 1400 MWe, mis en service en 2000 et fonctionnant jusqu'en 2030 avec un facteur de charge de 75 %, gere par 1/4 de cceur avec des recharges a I'equilibre enrichies a 3,6 % et caracterisees par un taux de combustion de 42500 MWj/t. Les couts unitaires de I'aval du cycle sont ceux du tableau 7.3. Les figures 13.5 et 13.6 montrent revolution dans le temps du montant des provisions pour I'aval du cycle, evaluees en millions de dollars de 1991 en se basant sur la methode de la valeur actuelle avec un taux actuariel de 2 % par an en valeur reelle. On constate, d'une part que dans le cas du retraitement (figure 13.5) les provisions s'elevent a 200 millions de dollars en 2030, mais leur gestion se poursuit jusqu'en 2086 ; d'autre part, dans le cas du stockage direct (figure 13.6), les sommes sont plus importantes atteignant 385 millions de dollars, mais gerees sur une duree un peu plus courte, jusqu'en 2070. La variation dans le temps du montant des provisions s'explique par le rythme de la collecte de fonds qui est celui de la production d'electricite, la constitution des interets et par les debours qui interviennent au fur et a mesure des operations de gestion des dechets. Dans le cas du retraitement, on distingue ainsi plusieurs phases : - pendant les cinq premieres annees d'exploitation de la centrale, les provisions s'accroissent rapidement, car des sommes sont reservees et les interets courent alors qu'il n'y a pas de depenses au titre de retraitement ;
13 - Economie de I'aval du cycle du combustible et du recyclage des matieres nucleaires
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Figure 13.5. Evolution du solde du fonds de reserve destine a la partie terminate du cycle avec retraitement (dans I'hypothese d'un taux d'interet de 2 % par an).
Figure 13.6. Evolution du solde du fonds de reserve destine a la partie terminale du cycle ouvert (dans I'hypothese d'un taux d'interet de 2 % par an).
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L'economie de I'energie nucleaire
pendant les 25 annees suivantes, il faut tenir compte des debours pour le transport et le retraitement. Le rythme de croissance des provisions est done plus lent. Les provisions diminuent des I'arret definitif de la centrale, et chutent brusquement a cause du retraitement de la derniere charge en 2033/34 ; avant les premiers stockages de dechets de haute activite en 2056, le solde des provisions crott lentement au rythme annuel de 2 %, deduction faite des frais annuels d'entreposage des dechets ; pendant la periode de stockage definitif des dechets, le solde des provisions diminue en raison des volumes annuels stockes, jusqu'a extinction lors du stockage du dernier lot des dechet en 2086.
14
Energie nucleaire et liberalisation du secteur electrique
14.1. Liberalisation du secteur electrique 14.1.1. Monopoles naturels Les systemes electriques, plus encore que d'autres systemes de reseaux, ont longtemps ete presentes comme relevant d'un « monopole naturel » en raison des contraintes et des avantages specifiques d'un reseau unique, tels que decrits au paragraphe 2.1.3. En fait, la raison majeure en est qu'au sein d'une entite geographique il serait totalement antieconomique de developper en concurrence plusieurs ou meme deux, reseaux de transport et de distribution d'electricite, et que chaque systeme electrique s'est construit a partir d'un reseau unique. De ce fait, des economies d'echelle considerables ont ete realisees, qui a la faveur des progres techniques ont conduit a des couts marginaux de long terme decroissants. Une autre raison vient de ce que les fonctions des differentes composantes du systeme - production, transport, distribution, consommation interagissent fortement et continument, tant et si bien que la gestion quotidienne, comme la planification du systeme a court, moyen et long terme, forme un tout, ainsi qu'on a pu I'entrevoir aux paragraphes 9.1.1 et 9.2. Pour le quotidien, il s'agit du reglage de la frequence et de la securite des mouvements d'energie ; pour la planification, I'optimisation de la marge de puissance et la reduction des pointes de demande, entre autres. Ce constat a favorise dans certains pays comme la France, I'ltalie ou le RoyaumeUni, I'integration verticale des compagnies d'electricite. C'est ainsi que, dans de nombreux pays d'Europe entre la seconde guerre mondiale et la fin des annees quatre-vingt, s'est creee une compagnie nationale d'electricite se trouvant en situation de monopole sur le marche national. Dans d'autres pays, chaque region etait couverte par une compagnie en situation dominante. En contrepartie de I'absence de concurrence, les Etats, qu'ils en fussent proprietaires ou non, ont reglemente leurs compagnies ; en France, par exemple, on a institue le controle des prix de I'electricite et des investissements a engager. Us leur ont aussi impose certaines obligations de service public, comme la continuite de la fourniture d'electricite, I'egalite de traitement tarifaire (§ 9.2.1) et la realisation de prix de vente conformes a I'interet general, sans compter, en France, la perequation geographique des couts de distribution.
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L'economie de I'energie nucleaire
14.1.2. Le liberalisme et le secteur electrique Au milieu des annees quatre-vingt, deux phenomenes sont apparus dans le secteur de I'energie. D'abord, I'ouverture a la concurrence du marche du gaz nature! dans les pays anglo-saxons. Ensuite, la percee technologique des cycles combines au gaz, qui pouvaient fonctionner en base et permettre une production economique decentralisee grace a des unites de taille modeste. Le developpement de la cogeneration en a ete facilite. II est apparu que la production d'electricite ne pouvait plus etre consideree comme un monopole nature!. Parallelement s'est developpee, d'abord aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, ('ideologic de la primaute du marche pour parvenir a une meilleure efficacite economique ; elle s'est ensuite etendue a I'Europe sous la pression de la Commission europeenne. La liberalisation du marche de I'electricite se base sur la distinction des activites du systeme qui relevent d'un monopole naturel et celles qui peuvent etre ouvertes a la concurrence. Le transport et la distribution de I'electricite pour les raisons rappelees plus haut, qui restent inchangees, ne peuvent etre physiquement dedoubles et conservent leur caractere de monopole naturel au sens strict. En revanche, la production et la commercialisation se presentent aujourd'hui comme des activites ouvertes a plusieurs competiteurs, ce qui est evidemment une incitation forte a la reduction des couts. La condition prealable a la liberalisation du marche est la separation comptable des activites a caractere de monopole naturel, celle du transport notamment, des autres. La privatisation du secteur electrique, qui se developpe largement dans le monde, est un processus different de I'ouverture du marche a la concurrence. II precede toutefois de I'idee liberate : la gestion des entreprises par I'Etat serait un obstacle a I'efficacite economique en raison de pratiques bureaucratiques, de sureffectif et de l'immobilisme inherent au statut du personnel, ou encore de missions confiees a I'entreprise mais etrangeres a ses objectifs. A cela on peut objecter que dans un marche ouvert le regime de la propriete des entreprises n'est pas a prendre en consideration dans la mesure ou I'Etat sait distinguer son role d'actionnaire de celui de regulateur.
14.1.3. Problemes poses par la liberalisation du marche de I'electricite La finalite d'un marche ouvert est I'efficacite economique, mais cette situation nouvelle pour le secteur electrique entrame des changements profonds, ne serait ce que du fait d'une clientele devenue volatile. Les contraintes propres au systeme electrique imposent des conditions a ('organisation du marche, qu'il est necessaire de satisfaire (Percebois, 1999etAEN, 2000b). Parmi les questions essentielles qui se posent en termes nouveaux est celle de la continuite et la qualite de fourniture d'electricite qui maintenant doivent etre assurees a
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travers le jeu de plusieurs producteurs, de plusieurs gestionnaires de reseau (un par pays) et d'une clientele volatile. Comment determiner, financer et gerer la marge de puissance necessaire ? Les transferts d'electricite d'un reseau a I'autre qui resultent d'aleas de negociations commerciales au jour le jour en fonction des fluctuations rapides des prix et des opportunites economiques du moment restent soumis aux contraintes physiques des lois de Kirchhoff. Comment reconfigurer chaque jour les reseaux dans ces conditions changeantes, comment tenir compte des surcharges eventuelles d'un reseau et des pertes associees, comment evaluer et compenser les perturbations imprevisibles infligees au reseau d'un pays tiers non partie prenante dans les echanges en question ? Quelle est la tarification optimale des services de transport ? A ('evidence, la planification etatique, telle que brievement decrite au paragraphic 9.2 rationnelle dans un systeme monopolitique ne peut s'appliquer sans de profondes adaptations. Toutes ces questions, et d'autres, montrent que la gestion d'un marche europeen de I'electricite, largement ouvert comme le souhaite la Commission europeenne, exige une reglementation, une regulation et un arbitrage des plus complexes. Ce n'est pas le lieu ici d'envisager les enjeux et les consequences de la liberalisation du marche et des solutions susceptibles d'y etre apportees (Hansen, 2001). Le role de I'Etat, garant de I'interet general, doit etre redefini dans le secteur electrique. D'abord, il doit assurer la regulation publique des segments du systeme qui gardent leur caractere de monopole nature!, notamment, en France, le gestionnaire des reseaux de transport (CRT). Ensuite, c'est a lui de faire respecter les regies de la concurrence et garantir la transparence des transactions et un traitement equitable pour toutes les categories d'usagers. En France, ce controle est assure par la Commission de regulation de I'electricite (CRE). La notion de service public doit etre precisee, ainsi que le partage des couts afferents entre les divers acteurs du marche. D'autres preoccupations de sauvegarde de I'interet collectif sont du ressort de I'Etat au-dela du respect du jeu de la concurrence. II s'agit somme toute de la politique energetique : I'independance nationale et la securite d'approvisionnement (§ 10.4.2), la sante de I'economie (§ 11.3.5) et la protection de I'environnement au moyen d'outils economiques a definir (§ 15.2.2). Dans ce contexte nouveau, quelle est et pourrait etre la contribution de I'energie nucleaire compte tenu de ses specificites au regard des energies concurrentes ? La question se pose en termes de competitivite a court terme, et a moyen terme avec la possibilite de l'allongement de la duree de vie des centrales, mais aussi en termes de surete nucleaire, de risques financiers et d'implications concernant la structure du systeme electrique. D'autres questions portent sur les perspectives a plus long terme, qui seront examinees aux chapitres 15 et 16 au sujet du nucleaire et du developpement durable.
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14.2. Competitivite des centrales nucleaires existantes 14.2.1. Effet de I'ouverture des marches sur les performances de I'electronucleaire Pour la production d'electricite en base, les centrales nucleaires existantes ont toujours ete en competition avec les centrales a charbon, et depuis le milieu des annees quatre-vingt aux Etats-Unis, puis en Europe, avec les cycles combines au gaz. La competition a ete un aiguillon tres fort pour accrottre les performances des centrales nucleaires, confrontees qu'elles etaient aux Etats-Unis a la baisse importante du prix du gaz sous I'effet de la liberalisation du marche de cette energie en 1986, puis au RoyaumeUni et dans d'autres pays europeens pour les memes raisons. L'accroissement parfois spectaculaire de ces performances a ete indiquee aux paragraphes 3.3.2 et 3.3.3. Les raisons en sont multiples : une rationalisation des operations de dechargement et chargement du combustible, une augmentation de la duree des cycles d'irradiation par accroissement du taux de combustion (cycles de 18 mois ou plus), une reduction de Pindisponibilite fortuite, et enfin un accroissement de la puissance des unites que ce soit par reduction des incertitudes de mesure, done des marges de puissance, ou par amelioration des groupes turbo-alternateurs. Le role de la R&D, en soutien des centrales actuelles, a ete determinant dans ces progres. Paral(element, des gains economiques ont ete realises grace a une meilleure organisation du pare nucleaire dans son ensemble et de I'exploitation des unites, comme cela a ete constate aux Etats-Unis (§ 6.3.3), mais aussi en d'autres pays. En France, au cours des annees quatre-vingt dix, les depenses courantes d'exploitation ont baisse de 10 % en 6 ans grace surtout aux nouvelles methodes d'entretien fondees sur la fiabilite des systemes. De fagon generale, la concurrence incite a de nouveaux gains de productivite et a Poptimisation des effectifs.
14.2.2. Criteres de competitivite des centrales existantes S'agissant de competitivite entre centrales existantes, les couts de production a prendre en compte ne sont pas les couts economiques, mais les couts comptables complets, c'est-adire les couts marginaux de fonctionnement augmentes de charges financieres incluant ramortissement des installations et les provisions pour les depenses futures du demantelement nucleaire et de I'aval du cycle (§ 9.3). Dans certains pays, I'ouverture du marche de I'electricite et la baisse des prix qui en est resulte ont bouleverse les niveaux de competitivite. Auparavant, le marche, sous tutelle de I'Etat, etait reglemente de fagon a permettre aux centrales autorisees a fonctionner de recuperer aupres des consommateurs les couts comptables complets sur leur duree de vie economique. Depuis la liberalisation des marches, certaines centrales, en particulier
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certaines centrales nucleaires dont I'amortissement est loin d'etre achieve, se trouvent commercialement desavantagees face a des cycles combines a gaz dont I'amortissement beaucoup moins lourd est rapidement realise. En principe, les compagnies d'electricite proprietaires de telles centrales, se voient dans I'obligation de les fermer prematurement faute de pouvoir recuperer la totalite de leur cout complet. L'abandon des investissements non encore recouvres entratne ce qu'on appelle les couts echoues. II faut y ajouter, pour les centrales nucleaires, la part des depenses futures non encore provisionnees. La question des couts echoues a fait I'objet de nombreux debats publics aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Suisse. Des dispositions ont ete prises pour en eviter les consequences, compte tenu notamment des avantages des centrales nucleaires dans d'autres domaines que ('economic. Aux Etats-Unis, une ordonnance federale qui porte application de l'« Energy Policy A c t » de 1992, rendant obligatoire la concurrence sur le marche de gros de I'electricite, etablit que les entreprises doivent disposer de moyens acceptables pour recouvrer leurs couts lors de la transition vers le marche concurrentiel. Dans ceux des Etats qui autorisent en plus la concurrence sur le marche de detail, il est permis aux entreprises de recuperer leurs couts echoues sur une periode de temps limitee, en general par une majoration de la facture d'electricite de chaque client (AEN, 2000b). Au Royaume-Uni, des dispositions ont ete adoptees afin de garantir le reglement de la totalite des couts de la production nucleaire apres la privatisation de I'industrie. Les societes de distribution se sont vues obligees d'acheter une quantite specifique d'electricite produite a partir de sources non fossiles, dont les centrales nucleaires, a des prix majores par rapport a ceux du marche. El les se remboursaient de ces couts supplementaires par une redevance a pourcentage fixe prelevee sur toutes les ventes d'electricite. Dans les pays ou les couts echoues se manifestent, peu importe les raisons pour lesquelles une compagnie d'electricite est autorisee a les recuperer et la fagon dont ils le sont, ils sont alors classes comme des couts non recuperables dans les operations comptables qui permettent de juger de la rentabilite future d'une centrale existante. Dans ces conditions, seuls sont a prendre en compte sur un marche concurrentiel les couts marginaux de fonctionnement, c'est-a-dire les couts d'exploitation et d'entretien, incluant les depenses de renovation et le cout du combustible.
14.2.3. Positionnement des centrales nucleaires existantes sur les marches concurrentiels Le marche europeen de I'electricite est un marche surcapacitaire, et aujourd'hui dans un contexte de faible demande. La tendance des prix y est done a la baisse : les offres qui etaient au niveau de 27 a 30 m€/kWh en 1996 se situent aujourd'hui entre 21 et 24 m€/kWh.
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Dans ce contexte, les centrales nucleates francaises se presentent avantageusement. On sait leurs performances s'agissant de leurs couts economiques (§ 8.2.1). A fortiori, les couts comptables complets sont encore plus favorables. En effet, le pare nucleaire est deja a moitie amorti, si bien que les charges de capital constitutes aux deux tiers par les amortissements ne represented plus que 28 % du cout de production (Carlier, 2000). La competitivite nucleaire ne peut que s'ameliorer du fait que la reduction continue des charges financieres, et le pare d'EDF pourra affronter une forte erosion des prix sur le marche pendant plusieurs annees en proposant des offres se rapprochant progressivement des seuls couts du combustible, d'exploitation et d'entretien, postes encore susceptibles de gains de productivite. En outre, les centrales nucleaires francaises peuvent ameliorer sensiblement leur disponibilite. Dans les autres pays europeens, le nucleaire se comporte bien sur les marches concurrentiels, que ce soit les centrales suedoises et finlandaises sur le marche nordique, ou les centrales espagnoles ou allemandes sur leur marche concurrentiel respectif crees au debut de 1998. Sur le marche americain, la situation de I'electronucleaire a evolue de facon tres favorable. D'une part, on a observe ('amelioration impressionnante des performances de fonctionnement et de rentabilite des centrales : en moyenne, leur disponibilite a augmente de 4 % en 2000 pour atteindre 90 %. D'autre part, des dispositions legates permettent, sous certaines conditions, la recuperation des couts echoues. Ainsi s'est ecartee la menace de fermeture precoce d'une vingtaine d'unites qui planait vers 1995. Le cout marginal de fonctionnement du nucleaire s'est etabli en 2000 a 17,4 mill/kWh en moyenne ; I'ecart se creuse avec le charbon puisqu'en 1999 le nucleaire I'emportait deja a 18,3 mill/kWh. Deux autres faits temoignent de la bonne sante economique electronucleaire aux Etats-Unis : le rachat de centrales au sein d'entites plus vastes comme PECO et ENTERGY, et les demandes de prolongation d'autorisation d'exploitation de centrales (§ 14.4).
14.3. Surete nucleaire et concurrence Le souci majeur des exploitants de centrales nucleaires doit rester la surete des installations. Cette exigence ne risque-t-elle pas de se heurter a celle de la rentabilite economique sous la pression de la concurrence ? C'est du moins ce que pensent certains craignant que les exploitants, contraints de reduire leurs couts, ne relachent leur effort pour ameliorer et meme maintenir le niveau de surete aujourd'hui atteint. Dans ces conditions, les ameliorations de surete ne seraient entreprises que sous la contrainte de la reglementation et des controles. En revanche, estime-t-on par ail leurs, dans la crainte d'une trop forte pression de la concurrence, les autorites de surete pourraient resserrer leur controle, accrottre leurs exigences sur I'efficacite des systemes de protection, et par la, entamer la marge de competitivite de I'energie nucleaire.
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Les imperatifs de suretefavorisentdans une certaine mesure la disponibilitedes centrales, comme cela a ete mentionne au paragraphic 10.2.3. II est evident qu'une bonne gestion de I'exploitation va dans le sens d'une meilleure surete. Pour s'en assurer, il suffit de se reporter aux indicatifs de performances publics par WANO, I'association mondiale des exploitants de centrales nucleaires (Pate, 1999). Ces indicatifs se rapportent aux tendances internationales des valeurs moyennes observees sur un an. De 1990 a 1997, alors que le facteur de capacite a augmente de 77,2 a 82,0 %, et le facteur de pertes de capacite fortuites baisse de 3,7 a 2,2 %, le nombre d'arrets d'urgence automatiques est passe de 1,8 a 0,9 par an. Ce dernier indicateur est revelateur de ('amelioration de la surete : sa tendance correspond a une reduction du nombre de phenomenes transitoires indesirables et imprevus, de nature thermo-hydraulique, et en matiere de reactivite. Aux Etats-Unis, les centrales nucleaires arrivant en tete du classement de rautorite de surete, la NRC (Nuclear Regulatory Commission), sont egalement celles qui affichent les meilleurs facteurs de charge et les couts d'exploitation et d'entretien les plus faibles. Ces constatations indiquent que, dans le domaine nucleaire, les exploitants soucieux de bonnes performances economiques assurent parallelement le niveau requis de surete, ne serait ce que pour ne pas prendre le risque de se voir menacer d'un retrait d'autorisation de poursuivre leur activite.
14.4. Allongement de la duree de vie des centrales nucleaires Les controles techniques et des etudes appropriees montrent qu'il est envisageable d'augmenter de facon significative la duree de vie de certaines centrales nucleaires existantes. Aux Etats-Unis, au debut de 1999, la NRC a recu pour la premiere fois plusieurs demandes de prolongation d'autorisation d'exploitation de centrales nucleaires. Au printemps 2000, la centrale de Clavert Cliffs a ete la premiere unite americaine a recevoir I'autorisation de prolonger sa duree de vie a 60 ans, suivie de plusieurs autres unites depuis. Cette tendance met en evidence la confiance que les exploitants americains placent en leurs unites de production dans le contexte d'un marche de I'electricite ouvert a la concurrence. L'interet economique de renouveler I'autorisation d'exploitation d'unites nucleaires dont ramortissement s'acheve est manifeste en termes d'augmentation de capacite. L'lnstitut de I'energie nucleaire americain (NEI) estime que les depenses a engager pour I'allongement de la duree de vie d'une unite nucleaire dans ce pays seront d'environ 10 M$. Ce montant, destine a I'etablissement de la demande de renouvellement et a I'instruction des dossiers par la NRC, correspond pour une unite de 1 GWe a 10 $/kWh. Par ailleurs, les couts eventuels de renovation ne sont pas exorbitants (§ 6.4). En comparaison, le cout de base d'une centrale au charbon depasse 1000 $/kWe, celui d'un cycle combine au gaz 450 $/kWe.
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Si Ton a des incertitudes sur les exigences a venir concernant la surete dans ('exploitation nucleaire, elles ne sont pas plus grandes que celles relatives a une severite accrue de la reglementation sur les emissions polluantes des centrales thermiques a flamme. S'agissant du gaz naturel, viennent s'ajouter les incertitudes sur les tendances haussieres de son prix a echeance d'une ou deux decennies. Le prolongement de la vie des centrales nucleaires est une opportunite pour les compagnies americaines du point de vue economique dans le marche concurrence!, mais aussi du point de vue du respect de I'environnement ce que semble apprecier de plus en plus ('opinion publique. En France, EDF et le CEA conduisent des etudes sur les methodes de dimensionnement, la tenue des composants et des materiaux, et la modelisation du vieillissement des installations de facon a preparer les autorisations de prolongement de la duree de vie a 40 ans et meme a 50 pour les unites les plus recentes, I'interet economique en paraissant aussi evident qu'aux Etats-Unis.
14.5. Risques financiers propres aux futurs investissements nucleaires 14.5.1. Nature des risques financiers dans I'electronucleaire Comme tout projet, la construction d'une centrale nucleaire comporte des risques financiers, mais la specificite de cette technique leur confere un caractere particulier, et ils sont reputes plus importants que ceux des centrales classiques. Us sont de nature diverse. • L'estimation du montant des depenses futures relatives au demantelement des installations et au stockage definitif des dechets comportent evidemment des incertitudes. Des surcouts pourraient provenir d'un defaut d'appreciation technique et economique d'operations a engager dans un futur relativement lointain. Mais ils ne sauraient etre consequents. S'agissant du demantelement, les estimations s'appuient aujourd'hui sur une experience variee concernant des installations nucleaires de divers types, et les progres attendus en ce domaine iront sans doute dans le sens de la baisse des couts. Quant au stockage des dechets de haute activite, s'il n'y a pas encore de realisation a echelle industrielle, les etudes techniques et economiques se poursuivent depuis longtemps dans de nombreux pays et les couts afferents sont suffisamment bien cernes. Des inquietudes naissent de ('evolution possible de la reglementation concernant les deux activites precedentes. II est a craindre qu'elle aille dans le sens de la severite, c'est-a-dire de I'augmentation des couts. Le risque pour le nucleaire de toutes ces incertitudes est une insuffisance des fonds provisionnes pour charges futures. Toutefois, dans le contexte d'un marche concurrentiel, ce risque paraTt faible compare
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a de nouvelles contraintes qui peuvent survenir pour reduire la pollution atmospherique produite par les combustibles fossiles. • La probabilite d'un accident nucleaire dans les pays de I'OCDE est tres faible, et correlativement le risque financier correspondant. Le regime d'assurance de responsabilite centre les accidents nucleates est en partie supporte par les proprietaires des centrales, les pouvoirs publics assumant dans certains pays une partie de la couverture des dommages au tiers. En outre, les risques inherents aux travaux dans les zones sous rayonnement sont couverts par des assurances specifiques (AEN, 2000). En raison de I'interet qu'il suscite dans le debat energetique, ce sujet est expose avec plus de details au paragraphe 14.5.4. • Les risques les plus importants pour les investisseurs dans les activites nucleates sont ceux d'une fermeture prematuree des installations. Us sont surtout de nature politique comme cela a ete souligne au paragraphe 10.4.2. Dans cette eventualite, il y a non seulement perte financiere pour I'investisseur, mais aussi defaut de provision de fonds destines aux depenses futures. Tous ces risques sont pergus comme d'autant plus importants que les delais de construction et le temps de retour sur investissement sont longs, alors que dans le cas d'un cycle combine au gaz, ces facteurs se presentent de fagon inverse si bien que I'apprehension d'une hausse des prix du gaz sur le long terme s'en trouve reduite.
14.5.2. Prise en compte de risques financiers dans le calcul economique Dans une situation de monopole, les compagnies d'electricite ou les pouvoirs publics repartissent le plus souvent les risques financiers sur les consommateurs. Dans un marche concurrentiel, ce ne peut etre le cas, et le cout de ces risques est a integrer dans le prix de I'electricite dans la mesure ou les compagnies d'electricite doivent les assurer. Pour que des investisseurs prives soient disposes a financier un projet repute a risque comme celui d'une centrale nucleaire, il faut que le taux de retour sur investissement soit a la hauteur de leur perception du risque. C'est dire que le taux d'actualisation adopte dans ce cas dans ('analyse economique sera majore en consequence. La demarche suivie par Hesketh (2001) pour etablir une relation entre le taux d'actualisation et le risque financier d'un projet est de partir de I'expression du cout actualise d'investissement de ce projet. On utilise quelques hypotheses pour simplifier cette expression. Le cout de base CB de I'unite nucleaire est suppose correspondre a des depenses uniformement reparties sur la duree de construction Tc, soit les depenses annuelles de construction CyTc. Le cout de base actualise CB a la date 7= 0 de la mise en service s'obtient dans ces conditions en utilisant la formule (4) (§ 4.4.2) :
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ou a est le taux d'actualisation utilise lorsque le risque est suppose nul. L'energie actualise f calculee sur la duree de vie Tf en supposant la production annuelle Econstante s'obtient de meme :
D'ou le cout actualise d'investissement c,, exprime en €/kWh est :
Pour introduire la notion de risque, on prend en compte la probabilite d'evenements externes qui conduiraient soit a I'annulation du projet avant ('achievement de sa construction, soit a I'arret definitif premature de son exploitation. On suppose d'une part que le risque de tels evenements reste constant pendant chacune de ces deux periodes Tc et Tf, d'autre part qu'il prend des valeurs r/ et r2 differentes pour chacune de ces periodes. En integrant la valeur du risque au processus d'integration, on obtient, a defaut de I'esperance mathematique exacte, une valeur probabilisee du cout actualise d'investissement C\ :
La facon pertinente de mesurer I'impact economique de la prise en compte du risque financier est de se referer au rapport C//C,-, qui est celui du cout actualise d'investissement pour un certain niveau de risque au meme cout actualise evalue dans I'hypothese d'absence de risque. Pour donner une illustration simple de la valeur de ce rapport, on suppose le meme niveau de risque r pour la periode de construction et celle d'exploitation. Le rapport C//C, est presente non pas en fonction du niveau de risque qui n'est pas immediatement perceptible, mais de la probabilite de voir le projet poursuivre son exploitation jusqu'a la fin de sa duree de vie prevue. La densite de cette probabilite en fonction du temps t etant egale a r e~rt, cette probabilite sur la duree de vie totale du projet est :
Comme dans Hesketh (2001), la figure 14.1 donne la variation de C//C,- pour un taux d'actualisation risque exclu de 5 %, une duree de construction de 6 ans et une duree d'exploitation de 40 ans. Pour une probabilite de 50 % de voir le projet parvenir a sa fin de vie, ce rapport est de 1,275 (r = 0,01507). Ce resultat, aussi approximatif soit-il, montre tout I'interet de continuer a progresser afin de reduire la probabilite d'occurrence de defaillance majeure dans les centrales nucleaires pouvant conduire a leur fermeture prematuree. L'ensemble du pare mondial
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Figure 14.1. Estimation du risque financier de I'investissement d'une centrale nucleaire en fonction du risque exterieur, pour 3 taux d'actualisation risque exclu (duree de construction 6 ans ; duree d'exploitation 40 ans).
Ordonnees : risque financier = ratio des couts d'investissement avec et sans risque exterieur. Abscisses : risque exterieur = probabilite d'atteindre la fin de vie du projet (construction et exploitation).
est concerne, toute catastrophe exterieure pouvant provoquer des decisions politiques aboutissant a un moratoire national. Mais il est tout aussi important d'agir en sorte que les investisseurs publics ou prives accordent leur perception du risque aux realites techniques.
14.5.3. Financement nucleaire dans les pays emergents Les pays emergents se distinguent des pays industrialises par une moins bonne connaissance des marches et surtout par les vicissitudes politiques et economiques particulieres dont I'experience a montre qu'elles peuvent se manifester de facon bien reelle. Dans le domaine de I'exportation nucleaire, la revolution iranienne de 1979 en est un exemple. Ces aleas constituent, pour les banques de pret, le risque pays. II traduit I'eventualite aussi bien d'un fait politique - guerre, emeute, decision gouvernementale - pouvant survenir de facon totalement imprevisible que d'une situation economique defavorable : on peut s'inquieter de ce que deviendra la liberte d'adapter le prix du courant pour faire face aux charges d'exploitation, assurer le remboursement de la dette et payer un
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dividende minimum aux investisseurs. La notion de risque pays est independante de la richesse intrinseque du pays (Cassou, 2000). La difficulte est d'estimer de facon pertinente le niveau du risque pays. Une premiere demarche consiste en ('analyse de ce qu'obtiennent, en taux et en duree, les emprunteurs d'un pays s'ils arrivent a lever des fonds sur les marches internationaux. Le financement d'une centrale nucleaire presente davantage de risques dans les pays emergents que celui d'une centrale a gaz ou meme a charbon. Parmi les raisons, il y a ('importance des investissements, la duree de construction (7 a 8 ans au lieu de 1 a 2 ans pour une petite centrale a gaz), et la duree du credit (15 ans au lieu de 5 pour une centrale a gaz). La structure du financement se presente schematiquement ainsi : - les depenses locales (§ 5.2.6), qui en principe sont assurees par le systeme bancaire local ; - la part importee, correspondant a la fourniture de composants et services faisant I'objet d'un central avec le ou les fournisseurs etrangers. Parallelement a ce contrat commercial entre fournisseur et acheteur, il existe une convention de credit entre une banque et I'acheteur, ce dernier intervenant directement ou par Pintermediaire d'un emprunteur. Mais pour la banque de pret, vu le niveau du montant de I'investissement d'une centrale nucleaire, il n'est pas question de prendre a 100 % le risque pays d'une operation aussi longue. La banque, en liaison avec le fournisseur approche les autorites financieres de son pays pour obtenir que le credit soft garanti par I'agence de credit export, la COFACE en France. Un credit export garanti applique aux centrales nucleaires satisfait au consensus general des regies OCDE : - 15 % d'acomptes payes cash par I'acheteur ; - 85 % de credit, dit credit acheteur, accorde a I'emprunteur. La duree du credit acheteur correspond a une duree de construction de 7 ans en general et une duree de remboursement de 15 ans, avec 30 versements semestriels constants et des versements degressif d'interet. Les taux sont fixes par des mecanismes propres a chaque pays vendeur, mais dans le cas d'export nucleaire, en raison de la longueur des prets, le taux est augmente de 75 points (0,75 %) conformement au « OECD Commercial Interest Reference Rate » (CIRR). L'agence de credit export prend 95 % du risque pays, la banque ne conserve pour elle que 5 %, ce qui est supportable et rend possible de tels financements. De plus, dans le domaine nucleaire, de telles operations s'effectuent sous le couvert d'un accord bilateral entre le pays fournisseur, notamment son agence de credit export, et le pays acheteur, qui apporte sa garantie souveraine.
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14.5.4 Assurance nucleaire Un accident nucleaire est une eventualite qui a ete prise en consideration dans 1'evaluation des couts externes au paragraphe 10.3.2. Le cas de reference adopte se caracterise par une probabilite de fusion de cceur de 10"5 par annee-reacteur et un rejet de 1 % des materiaux du cceur. II s'agit ici de donner quelques indications sur la facon dont les dommages seraient couverts et les charges financieres correspondantes. Le regime de la responsabilite civile nucleaire institue pour les accidents graves presente un caractere tres particulier dans la mesure ou il concerne des evenements ayant une tres faible probabilite d'occurrence mais dont les consequences pourraient etre considerables et se propager au-dela des frontieres nationales. Dans ce domaine, les statistiques ne sont heureusement d'aucun secours. II est done necessaire de recourir a I'etude probabiliste des risques pour proceder a des estimations. II faut souligner que les estimations actuelles peuvent apparattre conservatrices a I'egard de I'electronucleaire du futur puisque la tendance est de reduire la probabilite de fusion du cceur (10"6 pour le modele EPR) et les dommages importants par accident devraient etre abaisses (d'au moins un facteur 10 pour I'EPR) (DIDEME, 2003). Deux conventions internationales ont ete signees pour creer un regime d'assurance contre les dommages nucleaires : la Convention de Paris en 1960 etablie sous les auspices de I'OCDE, et la Convention de Vienne en 1963 sous I'egide de I'AIEA. Ces deux conventions sont liees par le protocole commun de 1998. Le systeme d'assurance contre les accidents nucleaires s'articule sur le principe de la responsabilite civile limitee au sens ou les exploitants d'installations nucleaires sont responsables d'une premiere tranche importante des dommages au tiers. Un deuxieme niveau de protection financee par I'industrie ou, dans certains pays, par I'Etat, assure la couverture d'une deuxieme tranche substantielle des dommages, la couverture des dommages residuels etant du ressort des Etats (AEN, 2003b). Aux Etats-Unis, de la loi Price-Anderson il resulte que les exploitants de centrales nucleaires doivent acquitter un montant pouvant aller jusqu'a 88 millions de dollars (au maximum 10 millions de dollars par an et par reacteur) pour la deuxieme tranche de dommages. Le Congres peut imposer un montant supplementaire si les deux premieres tranches ne suffisent pas a dedommager les victimes. Les couts afferents a ce systeme sont payes par les exploitants des centrales nucleaires (§ 6.1.1), et de ce fait sont internalises. II convient de souligner qu'en contre-partie du plafonnement de responsabilite, la loi Price-Anderson met en place une procedure simplifiee de reglement des sinistres, qui supprime le delai impose en cas d'indemnisation des dommages ou d'operations d'evacuation au voisinage des centrales. Ces systemes d'assurance nucleaire ont ete mis en place tout au debut du nucleaire civil pour deux raisons ; ils resolvent la question de la responsabilite illimitee, importante pour les investisseurs, et ils garantissent un niveau d'assurance eleve et I'indemnisation rapide d'un public inquiet par la perspective des dommages produits par un eventuel accident nucleaire grave.
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En France, la responsabilite civile de I'exploitant nucleaire est definie par la Convention de Paris et la Convention complementaire de Bruxelles (1963). Elle est limitee en duree (10 ans) et en montant. Celui-ci avait ete fixe a 91,4 M€ pour les risques graves et 22,8 M€ pour les risques qualifies de reduits. Les parties liees par ces deux conventions se sont entendues en 2002 pour elargir le champ des responsabilites des exploitants nucleaires et relever les plafonds de garantie en vigueur. Le plafond a la charge de I'exploitant nucleaire en France passe de 91,4 a 700 M€ ; I'Etat francais garantit une tranche de 500 M€ au-dela de la tranche de I'exploitant ; si necessaire, I'ensemble des Etats lies par les dites conventions garantit une tranche supplementaire de 300 M€ (DIDEME, 2003). L'exploitant couvre la tranche de garantie dont il a la charge par le paiement de primes d'assurance ou la constitution de provisions financieres. Le cout correspondant est inclus dans le cout d'exploitation des centrales ; il est estime en France a 0,06 m €/kWh. Les garanties de I'Etat ne represented qu'une eventualite de depenses, et de ce fait, ne peuvent se traduire que par un cout externe. Celui-ci est evalue en multipliant le montant de ces garanties par la probabilite d'occurrence d'un accident nucleaire et en majorant le resultat par un facteur traduisant I'aversion du public pour le risque (§ 10.5.2).
14.6. Avenir de I'energie nucleaire dans les marches concurrentiels de I'electricite Aborder les perspectives de la construction de centrales nucleaires dans le contexte de la libre concurrence sur le marche de I'electricite, c'est d'abord mettre en evidence les avantages et les inconvenients que presente ce moyen de production face aux exigences du marche. Les problemes nouveaux qui se posent dans le processus de choix des investissements se percoivent differemment selon le role des acteurs, c'est-a-dire selon que I'on se place du point de vue de I'investisseur ou du point de vue de I'Etat, garant de I'interet collectif. Cette analyse faite, il reste a faire preuve de prudence avant de tirer des conclusions sur I'avenir de I'energie nucleaire. II faut garder a I'esprit les deux remarques suivantes. D'abord, les contextes regionaux ou nationaux sont trop contrastes pour esperer des conclusions generates. L'evidence en est apparue a propos de la competitivite (§ 8.2.3 et 8.2.4). II en est de meme des considerations de politique energetique. II faudrait, en particulier, examiner separement le cas de I'Amerique du Nord, de I'Europe et de I'Asie. Ensuite, ('analyse doit se situer dans une dynamique de progres technique, devolution des marches, de renforcement de la reglementation et de perception accrue des problemes environnementaux. L'horizon temporel est done le premier aspect a considerer dans ce genre d'analyse. On a examine le court terme a propos de la competitivite des centrales existantes, le moyen terme en abordant la question de la surete et du prolongement de la duree de vie des
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centrales. On s'interroge maintenant sur I'investissement a envisager pour le remplacement des centrales actuelles. Au-dela, dans une vision de long terme sur le XXI e siecle, les perspectives de I'energie nucleaire ne s'inscrivent pas uniquement dans le cadre de la liberalisation du marche de I'electricite, mais dans celui plus large du developpement durable, ce qui est I'objet des chapitres 15 et 16.
14.6.1. Obstacles a I'investissement dans des centrales nucleaires Le fait nouveau qui apparatt le plus determinant pour le choix des moyens futurs de la production d'electricite en base est la competitivite du gaz naturel survenue grace a la liberalisation de son marche et aux excellents rendements des cycles combines. L'etude economique de I'AEN (§ 8.2.2) a fait ressortir la competitivite du gaz par rapport au nucleaire dans plusieurs pays. Sur un marche de I'electricite ouvert a la concurrence, il ne suffit pas que les centrales nucleaires en projet affichent de bonnes performances economiques en comparaison aux cycles combines a gaz pour etre choisies preferentiellement comme moyen de production en base. Elles presentent pour un investisseur les inconvenients suivants : - un cout de base de construction au kWe installe qui est de 2,5 a 3,5 fois plus eleve que pour un cycle combine ; - une duree d'etude du projet et d'instruction des dossiers, puis de construction qui est longue (environ 10 ans), alors qu'elle n'est que de 4 ans pour le gaz ; - des interets financiers courant sur la duree de construction qui sont augmentes en consequence (§ 5.4.1) ; en effet, pour une paire d'unites, les depenses jusqu'a la mise en service s'echelonnent sur des periodes d'environ 6 a 7 ans dans le cas du nucleaire, 4 a 5 ans dans le cas du charbon et 2,5 a 3 ans dans le cas du cycle combine au gaz ; - une capacite unitaire beaucoup plus importante sauf si des reacteurs de petite ou moyenne taille etaient commercialises. Un marche ouvert a la concurrence se caracterise par la diminution du nombre des consommateurs captifs des systemes electriques monopolistiques, diminution d'autant plus accentuee que le marche est plus largement ouvert. Par ailleurs, les prix y fluctuent en raison des opportunites locales et momentanees et des variations des prix des combustibles fossiles et la demande de la clientele varie au gre de ces fluctuations. De ce fait, les previsions de la demande susceptible d'etre adressee a chaque compagnie de production sont affectees d'incertitudes nettement plus grandes que dans le cas d'une clientele captive. Les risques d'erreur de prevision sur revolution du marche sont d'autant plus importants que le delai entre la prise de decision et le debut de production est long. Face a cette situation, les investisseurs, surtout les investisseurs prives dont la motivation est d'atteindre un niveau de rentabilite des capitaux de 10 a 15 %, vont privilegier des unites de taille plus petite, des technologies au cout specifique moins eleve et des durees de realisation plus courtes. Cette preference est celle d'un ajustement plus fin et plus
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L'economie de I'energie nucleaire
rapide a la demande, d'un risque financier moindre et d'un temps de retour sur investissement plus court. Les centrales a cycle combine au gaz repondent a cette caracterisation. Par ailleurs, s'implantant facilement a proximite des centres de consommation, elles se pretent a une production decentralisee, et permettent ainsi de reduire les lignes de raccordement au reseau de transport et en consequence les mouvements d'energie et les pertes en ligne. Pour les centrales nucleates, un autre desavantage aux yeux des investisseurs est celui de la perception du risque financier relatif a leur fermeture prematuree par decision politique (§ 14.5.2), ou encore dans un pays en voie de developpement celui de la difficulte de prelever des fonds importants sur le marche financier international (§ 14.5.3). Ce contexte nouveau du marche de I'electricite conduit a changer le critere de competitivite dans le calcul economique comme cela est explicite au paragraphic 14.6.2. Toutefois, I'ouverture du marche de I'electricite a la concurrence offre une possibilite au developpement de I'energie nucleaire, car ce marche ne peut etre effectif a terme que s'il s'etend a la dimension d'une region - I'Europe. Cela implique que les reseaux nationaux soient etroitement interconnectes pour permettre la fluidite des echanges. Dans ce contexte, la compagnie d'electricite disposant d'un pare nucleaire peut compenser les risques d'une clientele nationale volatile par I'avantage d'un elargissement d'une clientele hors frontieres attiree par une fourniture en base a prix bas et stables.
14.6.2. Demarche economique adaptee au nouveau contexte du marche de I'electricite La liberalisation des marches de I'electricite et la tendance a la privatisation des moyens de production conduisent a une demarche economique de revaluation de la competitivite dont I'esprit est radicalement different de la demarche classique presentee au paragraphe 4.5 bien que le formalisme mathematique reste inchange (Plante, 2003). Le cout moyen du kWh n'est plus le resultat d'un calcul, mais une « entree » qui provient des indications du marche : il est en effet imperatif de ne pas exceder un montant qui rendrait la production invendable. Une analyse detaillee des ressources en capital est alors entreprise, debouchant sur une part « emprunts » mobilisables a certaines conditions de taux et de duree de remboursement, et une part « fonds propres » que les investisseurs apporteront a condition d'obtenir une certaine rentabilite (la plus elevee possible) a un certain horizon (le plus rapproche possible). De ce cout « objectif » du kWh est alors deduit ce qui est necessaire au paiement des depenses d'exploitation et de combustible. II reste done un certain montant par kWh allouable au capital. La comparaison de cette ressource aux depenses de capital (emprunts et fonds propres) permet de calculer le taux de rendement interne (TRI) du projet, soit la rentabilite des fonds propres. Ou bien cette rentabilite est suffisante pour attirer les investisseurs et le projet peut etre considere plus avant, ou bien elle est insuffisante et le projet est abandonne. En variante, il est possible d'imposer le TRI et d'en
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deduire le cout maximum d'investissement de la centrale qui permet au projet de voir le jour. Cette approche est certes differente de I'approche classique, mais il est cependant possible de recouper leurs resultats. Si Ton considere les remboursements lies aux emprunts comme une depense intervenant pendant la periode d'exploitation (au meme litre que le combustible ou Sexploitation) I'utilisation de la methode classique - dans laquelle les seules depenses intervenant avant la mise en service sont done celles relatives aux fonds propres - conduit a un cout moyen actualise du kWh qui bien entendu depend du taux d'actualisation retenu. C'est ce taux qui remunere les fonds propres. II est egal au taux de rendement interne obtenu dans I'autre calcul lorsque les couts moyens de kWh sont les memes dans les deux calculs. Ceci implique bien sur une coherence des parametres taux d'actualisation et TRI (hors inflation). Pour simplifier la comparaison, on peut remarquer que les exigences des investisseurs dans le cadre de la liberalisation des marches de I'electricite se caracterisent par un cout moyen de I'argent de 10 a 12 % (hors inflation) et la prise en compte de durees de vie economique de 20 a 25 ans. On peut alors, par la seule application de la methode economique classique, apprecier les consequences de ces exigences par rapport aux conditions moins defavorables de ('analyse DIGEC, voire par rapport a des conditions encore plus favorables. A titre d'exemple, voici ce que donne un calcul avec trois taux d'actualisation couples a trois durees de vie economique, soit : • cas 1 : 5 %, 40 ans (tres favorable) ; • cas 2 : 8 %, 30 ans (exercice DIGEC de 1997) ; • cas 3 : 1 1 %, 25 ans (marches liberalises). Bien entendu, le cout moyen actualise du kWh va d'autant plus augmenter du cas 1 au cas 3 que la composante investissement pese lourd dans ce cout, ce qui penalise plus le nucleaire (cout total de base1 de I'ordre de 1500 €/kWe) que le gaz (cout total de base de I'ordre de 500 €/kWe). De plus, les temps de construction de la centrale au gaz sont bien plus courts (2 a 3 ans) que ceux de la centrale nucleaire (5 ans au mieux). Enfin, les marches liberalises sont moins exigeants vis a vis du gaz que du nucleaire, le taux representatif etant plutot 9 a 10 % que 11 %. Cela etant, la logique de la competitivite des moyens de production entre eux fait qu'il faut se caler sur le cout du kWh de la filiere la plus avantageuse et, vu sous cet angle, pour les autres filieres (le nucleaire dans cet exemple), la variable d'ajustement sera le cout d'investissement. Dans cette optique, pour une meme part du cout du kWh allouable a I'amortissement du capital, on obtient, en valeurs relatives - 100 etant le cout total d'investissement dans un calcul de type DIGEC - les resultats indiques ci-apres.
1. Voir definition chapitre 5.
L'economie de I'energie nucleaire
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Cout total d'investissement admissible Interets intercalaires (% du cout de base) pour un temps de construction de 5 ans CoOt total de base admissible
Cas 1 5 %, 40 ans
Cas 2 8 %, 30 ans
150
100
76
13 %
21 %
30%
133
83
58
Cas 3 11 %, 25 ans
On peut interpreter ces resultats en remarquant qu'a cout de kWh fixe, passer du cas 2 au cas 3 (marches liberalises) demande une reduction du cout total de base de 30 % (58 par rapport a 83). Dans ces conditions, un equilibre des kWh gaz et nucleaire suppose obtenu dans le cas 2 est approximativement modifie comme suit, quand on passe aux conditions de marches liberalises (cas 3). Le cout du kWh gaz augmente de 3 % seulement (+15 % sur une composante investissement intervenant pour approximativement 20 % du cout). Ces trois points supplementaires allouables a I'amortissement de I'investissement nucleaire represented 5 % de ce dernier (environ 60 % du cout total). Compte tenu du calcul precedent, c'est done une baisse de I'ordre de 25 % qui devrait etre obtenue sur I'investissement nucleaire pour maintenir la competitivite nucleaire/gaz au sein des marches liberalises et avec un prix du gaz durablement ancre au bas niveau de prix actuel. A ('inverse, le cas 1, plus favorable au nucleaire, est representatif du cas de la Finlande, dont I'electricien TVO vient de lancer un appel d'offre pour un cinquieme reacteur. L'industrie papetiere, grande consommatrice d'electricite assure un marche stable et important a ce reacteur. De plus, elle est largement presente dans le capital de TVO. Ces deux facteurs ont permis d'opter pour un faible taux d'actualisation et une longue duree de vie economique.
14.6.3. Avantages de I'investissement nucleaire du point de vue de I'interet collectif Les lois du marche trouvent leurs limites lorsque I'interet collectif est en jeu. On a deja mentionne le probleme du service public. II est bien evident que dans un marche concurrentiel, d'une part le producteur d'electricite tend tous ses efforts vers un cout le plus bas possible, d'autre part I'investisseur prive cherche le gain maximal dans le temps le plus court. Dans ces conditions, il se peut que les tendances du marche ne s'orientent pas dans un sens favorable a la politique souhaitee ou meme aillent a I'encontre de I'interet collectif. L'Etat doit apporter des correctifs en consequence dans les domaines essentiels que sont la securite des approvisionnements et la sante de I'economie.
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• Dans le processus de choix des investissements, les investisseurs sont maintenant conduits a privilegier un taux d'actualisation eleve qui oriente le choix vers les projets peu capitalistiques comme les cycles combines. Mais un taux eleve reduit dans le calcul economique I'impact d'une hausse des prix des combustibles qui surviendrait pendant ['exploitation de la centrale en projet, comme on s'en rend compte grace a la formule (9) du paragraphe 4.4.4. Le marche libre de I'electricite n'est done pas la meilleure garantie de la securite economique de I'approvisionnement a long terme ; c'est conforme a sa logique de privilegier le futur immediat dans I'attente d'une rentabilite rapide. Par ailleurs, donner systematiquement la preference au gaz dans le contexte europeen ne serait-ce pas d'abord susciter une forte hausse du prix de ce combustible ? Ne serait-ce pas ensuite grossir le risque d'une rupture d'approvisionnement physique du systeme electrique. Le nucleaire ne presente pas de risques de ce genre ; sa technologic eprouvee est peu susceptible de defaut generique capable d'entraver significativement sa production. II apparatt prudent qu'au niveau de I'Europe les cycles combines au gaz ne monopolisent pas le pare de production, mais le partagent avec des moyens moins vulnerables aux aleas geopolitiques comme le sont les centrales nucleaires, les centrales a charbon et les energies renouvelables. • La liberalisation des marches de I'energie est creditee de I'avantage d'inflechir a la baisse les prix de I'electricite. Elle n'est done pas sans effet positif sur I'economie en general. Toutefois, le jeu de la concurrence combine aux aleas des marches des hydrocarbures provoque des fluctuations importantes des prix de I'electricite, comme on I'a observe au Royaume-Uni. Si cette situation n'est pas confortable pour les usagers du secteur domestique, elle Test moins encore pour les industriels exposes a la concurrence Internationale. L'energie nucleaire, comme I'hydraulique, dans la mesure ou elle contribue de facon significative a la production, apporte un element de stabilite dans les prix qui ne peut etre que favorable a I'economie, en particulier a I'emploi en evitant des delocalisations d'industries fortes consommatrices d'electricite. • L'Etat, dans son role de regulateur de la vie economique, est en droit d'agir dans le secteur electrique lorsque I'interet de la nation I'exige. Son intervention allait de soi a I'epoque ou ce secteur etait reglemente. II suffit de mentionner a cet egard les decisions de programmes nationaux hydroelectriques ou nucleaires lors de manques ou de crises energetiques quand bien meme la competitivite de ces investissements n'etait pas pleinement affirmee. L'intervention des pouvoirs publics continue apres I'ouverture des marches a la concurrence. Aux Etats-Unis, des dispositions legales ont ete adoptees pour lever I'obstacle des couts echoues (§ 14.2.1) ; il s'agissait de permettre au nucleaire de maintenir sa competitivite et sa capacite de production en raison des qualites intrinseques de cette energie. En Europe, des facilites ont ete accordees en faveur de
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L'economie de I'energie nucleaire
I'energie eolienne de facon a satisfaire les politiques environnementales ; au Danemark, une loi de 1997 a impose I'implantation d'eoliennes en mer. La recherche a la fois d'une meilleure securite d'approvisionnement et d'une meilleure protection de I'environnement se resout par ('evaluation macroeconomique de la diversite du pare de production, comme on I'a vu au paragraphe 10.4.1. Si les resultats sont convaincants, I'intervention de I'Etat se justifie pour imposer au secteur electrique une structure de production aussi proche que possible de I'optimalite au regard de I'interet collectif. II est certain dans ces conditions que I'energie nucleaire continuera d'apporter une contribution significative. D'une facon plus generale, c'est-a-dire en se placant dans la perspective du developpement durable, les exces eventuels du marche libre de I'energie, en particulier de I'electricite, se devront d'etre corriges par I'intervention des pouvoirs publics au moyen d'instruments economiques adequats qu'il reste a determiner (taxes, permis d'emission, etc.).
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Energie nucleaire et developpement durable: potentialites et approvisionnement energetiques
15.1. Developpement durable 15.1.1. Concept de developpement durable Le concept de developpement durable est ne dans les annees quatre-vingt. II est issu de la constatation que la croissance economique dans sa conception classique gere mal les ressources naturelles, provoque des nuisances environnementales susceptibles d'affecter les generations futures et n'assure pas une repartition socialement et geopolitiquement equitable des richesses. La definition suivante, formulee en 1987 dans le rapport Brundtland de la Commission mondiale sur I'environnement et le developpement, fait aujourd'hui reference : « Le developpement durable est un developpement qui repond aux besoins du present sans compromettre la capacite des generations futures de repondre aux leurs ». A I'evidence, le developpement durable s'inscrit dans le long terme. II ne se definit pas comme un objectif precis, mais comme une demarche qui, dans I'esprit de ses concepteurs, obeit necessairement a quelques principes generaux : la croissance economique est considered indispensable quoique insuffisante par elle-meme ; elle doit etre orientee vers une repartition equitable des richesses qu'elle engendre et vers une preservation des ressources et des equilibres naturels. Notamment la qualite de I'air, de I'eau et des terres doit etre preservee car elle est essentielle a la vie humaine et a la bio-diversite. Les innovations technologiques sont a la base du developpement economique, mais il est souvent scientifiquement difficile d'en prevoir toutes les consequences eventuellement nuisibles, dont certaines peuvent etre graves et parfois irreversibles. La prudence s'impose done dans leur mise en ceuvre, d'ou le principe de precaution qui incite a prendre des mesures pour prevenir des consequences eventuelles meme si leur occurrence n'est pas scientifiquement averee.
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L'economie de I'energie nucleaire
Le principe d'equite est inherent au concept de developpement durable qui implique un equilibre social au meme titre qu'un equilibre environnemental. Les pays pauvres ne seront en mesure de mettre en ceuvre les dispositions propres a favoriser le developpement durable que lorsque leur situation economique et sociale atteindra un niveau suffisant. L'aide des pays riches aux pays pauvres dans les domaines de la science, de 1'education, de I'economie et des finances est une necessite dictee par I'interet commun malgre les difficultes que cela souleve (AEN, 2000c, p. 20). Le developpement durable concerne tous les aspects de I'activite humaine, economiques, environnementaux, sociaux et culturels. Dans I'economie, I'attention est portee particulierement sur 1'agriculture et ('alimentation, les dechets industriels et sur le systeme energetique.
15.1.2. Criteres de developpement durable propres au systeme energetique L'energie a toujours ete un des besoins fondamentaux de I'humanite ; elle est de surcrott ('element moteur de I'economie moderne et un facteur important de bien-etre. Les choix energetiques revetent done une importance primordiale puisqu'ils vont influer sur le developpement de I'ensemble de la planete, ('utilisation des ressources, la nature et I'impact des pollutions associees a la consommation d'energie. Us constituent par-la un facteur determinant du developpement durable. La question energetique ne peut pas s'analyser en isolant le seul point de vue economique tant les contraintes de rentabilite, d'environnement, de societe et de politique sont imbriquees a Techelle planetaire. On en a vu ('illustration a propos des externalites et de la liberalisation du marche de I'electricite. Consideree sur les decennies a venir, cette question apparatt encore plus complexe en raison des incertitudes inherentes a revolution de nombreux facteurs : les besoins, les technologies, les impacts environnementaux, les prix, les situations economiques et politiques. L'eventualite de ruptures en ces domaines, imprevisibles par nature, ajoute a la difficulte. Des recherches theoriques apportent un eclairage sur le sentier que devrait suivre la croissance economique pour assurer un developpement durable (Faucheux et ai, 1995). Dans son application au probleme energetique, la demarche suivie s'appuie sur les regies de Hotelling et de Hartwick. La regie de Hotelling indique que le prix net d'une ressource epuisable (net du cout d'extraction), si on veut ['exploiter de facon optimale, doit crottre selon le taux d'actualisation. La regie de Hartwick impose que les rentes de rarete ainsi generees par I'usage de la ressource epuisable soient investies dans le but de ne pas deteriorer le niveau futur de bien-etre. Ces investissements doivent contribuer au developpement technologique d'un substitut inepuisable a la ressource epuisable. Les externalites negatives causees par ce substitut doivent en outre etre compatibles avec la protection de renvironnement.
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L'interet d'une telle demarche est double. D'abord du point de vue economique, un ou plusieurs substituts technologiques aux energies fossiles devraient assurer la stabilite du cout de I'energie. Ensuite, les flux non epuisables d'energie a cout maTtrise, parce qu'ils permettraient d'envisager plus aisement le recyclage de matieres non energetiques, pourraient affranchir a terme I'activite industrielle de sa dependance a I'egard de toute ressource epuisable. En pratique, la politique energetique « durable » visera a appliquer a Devaluation prospective des choix technologiques des criteres et des indicateurs aussi pertinents que possible pour maintenir I'economie sur la voie du developpement durable. Des ensembles de criteres generiques et specifiques a I'energie, et plus particulierement au secteur nucleaire, font I'objet d'etudes et de recherches. La liste proposee par I'AEN (2000c, pp. 61-68), presentee dans I'encadre ci-dessous, illustre I'etat actuel des reflexions sur le sujet et groupe les indicateurs de developpement durable dans le secteur de I'energie en trois categories : • degradation le plus faible possible des ressources au sens le plus large ; • production le plus faible possible de dechets non-degradables ; • fort potentiel de robustesse et de stabilite a long terme.
Criteres de developpement durable dans le secteur energetique Absence de degradation des ressources • Combustible : delai d'epuisement des ressources. • Sols : utilises pour assurer une exploitation normale, zones contaminees a la suite d'accidents graves. • Environnement : emissions (potentiel de rechauffement de la planete - equivalent CO2 , pluies acides - SOX). • Sante humaine : lesions irreversibles a la suite d'accidents graves ; evaluations des risques (exploitation normale et accidents). • Aspects sociaux : acceptation par le public, proliferation, aspects economiques (competitivite, besoins en investissements). • Effets sur I'emploi. Absence de production de dechets non-degradables • Quantite et caracteristique des dechets radioactifs produits. • Temps de confinement sur necessaires. Fort potentiel de robustesse/stabilite a long terme • Securite d'approvisionnement : influence des zones geopolitiques, assurance de la disponibilite des technologies. • Tolerance aux defaillances : « periodes de grace », necessite d'une culture de surete, sensibilite aux changements socio-politiques.
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L'economie de I'energie nucleaire
Les indicateurs permettent en principe une evaluation quantitative des criteres qui sera effectuee, pour chaque evaluation visant a des choix technologiques, en fonction de la quantite d'energie produite (TWh par exemple pour la production electrique), et en considerant la totalite de la chame energetique a I'instar de la demarche de ('analyse du cycle de vie (§ 10.1). Afin de proceder a une analyse du role potentiel de I'energie nucleaire, il convient d'abord de cerner dans leurs grandes lignes les besoins energetiques futurs, les contraintes environnementales majeures de la production et consommation d'energie, les ressources en energies traditionnelles et finalement les perspectives de bouclage du bilan energetique faisant apparaitre I'opportunite du recours a I'energie nucleaire. Ces sujets sont traites dans les sections suivantes du chapitre 15. Dans le chapitre 16 seront examinees les potentialites de I'energie nucleaire dans divers secteurs de la demande energetique afin de montrer comment I'energie nucleaire repond aux criteres de developpement durable, du point de vue des ressources, de I'environnement, et en particulier du point de vue economique qui est celui de cet ouvrage. A cette fin, ['analyse s'appuie sur les donnees et les resultats consignes dans les chapitres precedents et les avancees previsibles de la technologic. En ce sens, ce dernier chapitre se presente comme une synthese et une conclusion generale ; toutefois, il ne pretend pas epuiser le sujet qui meriterait de plus amples developpements.
15.2. Contexte energetique et environnemental sur le long terme 15.2.1. Besoins energetiques Les besoins energetiques de long terme ne peuvent s'analyser qu'au moyen de scenarios contrasted compte tenu des incertitudes propres a tous les parametres qui sous-tendent la croissance energetique dans le monde. La diversite des scenarios envisageables suffit a montrer qu'il ne peut etre question de prediction en ce domaine. La demande d'energie s'apprehende a tous les niveaux du systeme energetique, notamment aux niveaux primaire et final tels qu'ils apparaissent dans la structure simplified presentee au tableau 1.1. Les parametres determinant la demande energetique peuvent etre groupes en trois categories de facteurs qui seront estimes de facon specifique dans chaque region du monde : • facteurs demographiques, tels croissance de la population, urbanisation et migration ; • facteurs economiques, tels taux de croissance economique, evolution de la structure sectorielle et prix des energies ; • facteurs energetiques, tels evolution de I'intensite energetique globale (energie consommee par unite de PIB) et par usage, developpement d'usages nouveaux et comportement des utilisateurs.
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Chaque scenario est constitue d'un ensemble coherent de ces parametres traduisant des hypotheses generales caracteristiques d'une evolution possible du monde dans les domaines politique, economique et technologique. Les scenarios de base, pris generalement comme reference a la fin du XX e siecle, sont ceux des etudes conjointes de I'll ASA et du Conseil mondial de I'energie (WEC) (IIASA-WEC, 1995 et IIASA-WEC, 1998). La demande d'electricite s'elabore selon les memes principes. Plus particulierement, la production d'electricite d'origine nucleaire tient compte des conditions specifiques locales concernant les ressources energetiques, le prix des energies, le degre d'acceptation du public. La methode a ete explicitee et mise en ceuvre par le service des etudes economiques du CEA (Naudet, 1993) dans une etude mondiale par pays a I'horizon 2020. Une etude du meme type couvrant la periode 2000-2050 a ete effectuee par I'AEN et I'AIEA, et publiee par I'AIEA en 1997. Plus recemment, un groupe d'experts internationaux a etudie des scenarios globaux a ['horizon 2100 (CGEMP, 2002). Dans cette etude, les perspectives regionales de croissance demographique sont celles de la banque mondiale, conduisant a un total de 9 milliards d'habitants en 2050 et de 10 milliards en 2100. Les parametres energetiques globaux des scenarios B et C de I'etude IIASA-WEC ont ete adoptes comme hypotheses de base. Le scenario B est un scenario de statu quo ou la croissance de la demande future d'energie ne sera pas influencee par les mesures politiques adoptees visant specifiquement la protection de I'environnement. Le scenario C, qualifie d'ecologique, se caracterise par la mise en ceuvre de mesures specifiques pour attenuer les risques de changement climatique, I'objectif principal etant de reduire les emissions de carbone en 2100 a environ un tiers du niveau d'emission actuel. La modelisation adoptee pour obtenir cet effet consiste a imposer une taxe sur le carbone qui augmente de 30 $/t tous les 15 ans a partir de 2005. Les choix technologiques ont une influence determinante sur le paysage energetique futur, notamment sur la demande. C'est ainsi qu'aux deux scenarios energetiques globaux B et C, I'etude CGEMP (2002) associe deux scenarios contrasted propres a I'energie nucleaire. Le premier (option de base, OB) suppose que la croissance de la production d'electricite d'origine nucleaire repose sur la competitivite de cette source d'energie avec les autres moyens de production eiectrique ; par ses parametres, il est coherent avec le scenario moyen de I'etude AEN/AIEA de 1997. Le second scenario (sortie du nucleaire, SN) se caracterise par I'hypothese d'une disparition progressive de cette energie a partir du milieu du XXP siecle pour des motifs politiques, hors considerations economiques ; il est coherent avec le scenario bas de I'etude AEN/AIEA. L'etude CGEMP (2002) a ete conduite a I'aide de trois modeles. Le modele econometrique ERB, d'origine americaine, determine par une demarche top-down les demandes d'energies finale et secondaire en tenant compte des effets prix. II est complete par I'un ou I'autre des deux modeles technologiques de type bottom-up (GEM10R, russe, et LDNE21, japonais), qui determinent la demande d'energie primaire, les contributions
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des differentes sources energetiques a la production d'energie primaire et d'electricite, les emissions de gaz a effet de serre et les couts afferents a la fourniture d'energie. L'ordre de grandeur des resultats obtenus par chaque modele pour la demande energetique est presente dans le tableau 15.1, les taux de croissance correspondant a la valeur moyenne des evaluations par les trois modeles. Le tableau 15.2 presente les resultats relatifs a la part de I'electricite dans I'energie finale evaluee a I'aide du modele ERB. Tableau 15.1. Demande a long terme d'energie primaire dans ie monde.
Scenario B-OB C-OB B-SN C-SN
2050 Gtep/a
2000 Gtep/a 9,3 9,3 9,3 9,3
2000-2050 (%/a)
2100
Gtep/a
ERB
GEM10R
LDNE21
ERB
GEM10R
LDNE21
19,4
17,4
19,0
1,3%
30,9
29,3
29,3
17,8
16,2
17,1
27,8
26,2
23,1
19,0
16,2
18,3
29,7
23,3
27,4
16,2
13,1
16,2
1,1 % 1 ,2 % 0,9 %
25,0
17,5
20,2
2050-2100 (%/a)
1 % 0,7 % 0,8 % 0,5 %
Tableau 15.2. Part a long terme de I'electricite dans I'energie finale dans le monde (%).
Scenario
B-OB C-OB B-SN C-SN
2000
2050
2100
25 25 25 25
30 40 27 31
45 64 38 47
Ces resultats mettent en evidence les incertitudes importantes qui affectent les perspectives de consommation d'energie dans le courant du XXI e siecle, ainsi que ('influence de la politique energetique et des choix technologiques (economies d'energie, promotion des sources renouvelables, developpement de I'energie nucleaire). Toutefois, il apparaTtque la demande d'energie croTtra ineluctablement pour atteindre en 2100 un niveau de 2 a 3 fois superieur au niveau actuel, le taux de croissance moyen sur cette periode se situant entre 0,7 et 1,1 % par an alors que le taux de croissance moyen de la demande d'electricite serait compris entre 1,1 et 1,5 % par an. Cette croissance sera surtout le fait de la progression demographique et economique des pays aujourd'hui en developpement.
15.2.2. Risques de changement climatique La production et la consommation d'energie provoquent des atteintes tres variees a I'environnement comme on I'a vu a propos des externalites (tableaux 10.7, 10.8, 10.10 et 10.11). Malgre des progres techniques importants, les moyens de production d'electricite a base de combustibles fossiles demeurent une source de pollution entrainant des couts externes notables que mettent en evidence les tableaux 10.10 et 10.11. Toutefois, les risques de changement climatique sont generalement considered comme les plus preoccupants a long terme dans une perspective de developpement durable.
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Ces risques resultent de I'accumulation dans I'atmosphere de gaz a effet de serre (GES), en particulier de gaz carbonique (CO2), due pour les trois quarts a la combustion des energies fossiles. La concentration atmospherique de CO2 depasse aujourd'hui de 30 % le niveau observe au debut de I'ere industrielle. Les incertitudes sur les effets a long terme du changement climatique sont tres larges et ('analyse globale des couts qui en resulteraient est incomplete a ce jour. Ainsi, le dommage marginal du au CO2 equivalent, indique au tableau 10.7, ne correspond qu'a la mortalite prematuree provoquee par I'accroissement des maladies et phenomenes tropicaux dans les pays en voie de developpement. En fait, beaucoup d'activites economiques dans la plupart des regions du monde pourraient subir des dommages considerables lies au changement climatique. Les mecanismes et les impacts des GES sont exposes dans les etudes du GIEC (IPCC en anglais) effectuees par des experts du monde entier representant toutes les disciplines scientifiques pertinentes (sciences naturelles et sociales, technologies) (IPCC, 2001). Ces etudes basees sur des modeles climatiques indiquent que si rien n'est fait pour mattriser les emissions de GES, une hausse de la temperature moyenne de la planete d'environ 1,4 a 5,8 °C interviendra d'ici a 2100. L'ecart entre les diverses estimations est du : aux incertitudes sur les effets potentiels des teneurs de CO2 dans I'atmosphere ; aux incertitudes sur ('absorption de ce gaz par les puits de carbone que sont la vegetation et les oceans ; et a la variete des hypotheses relatives a revolution technico-economique. En depit de ces incertitudes, les experts s'accordent a penser qu'il est a peu pres certain que les activites humaines ont provoque un rechauffement de notre planete au cours des 100 dernieres annees et qu'elles continueront d'alterer le climat. Us ne doutent pas que ce changement climatique aura des repercussions socio-economiques nefastes dans la plupart des regions, notamment sur les ressources en eau, ('agriculture, la foresterie, les pecheries, les habitats humains, la sante de I'homme et les systemes ecologiques. Les emissions mondiales de CO2 ont augmente de pres de 9 % dans les annees quatrevingt dix, et cela malgre une baisse de 32 % dans les pays en transition vers une economic de marche, qui est imputable a la recession et a la restructuration economique plutot qu'a une volonte de controler les emissions de GES. Dans ces pays, la reprise economique est susceptible de conduire a une augmentation des emissions de GES. Le principe de precaution impose done de prendre des mesures des a present pour reduire les emissions de GES dans le monde. La convention cadre sur les changements climatiques, adoptee a New York en 1992 et ratifiee par pres de 180 pays, s'inscrit dans cette perspective. Le protocole a cette convention, adopte par consensus en decembre 1997 a Kyoto contraint I'ensemble des pays industrialises et en transition a reduire avant la fin de la periode 2008-2012 leurs emissions de GES d'au moins 5,2 % par rapport au niveau observe en 1990. Les reductions a operer sont differenciees et quantifiers pour chaque pays en fonction de sa situation, comme cela est indique au tableau 11.4. Outre les mesures nationales, le protocole de Kyoto definit trois mecanismes deflexibilite destines a aider les pays signataires a satisfaire leurs engagements. Les deux premiers
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L'economie de I'energie nucleaire
- «application conjointe » et «mecanisme pour un developpement propre » - autorisent la cession ou I'acquet d'unites de reduction des emissions respectivement entre pays signataires et de pays non-signataires a pays signataires. L'energie nucleaire a ete exclue de ces deux mecanismes en raison de I'opposition politique des pays qui considerent que cette source d'energie n'est pas compatible avec un developpement durable. II serait souhaitable a terme de clarifier les objectifs de la convention : s'agit-il de lutter centre le changement climatique ou d'imposer une conception particuliere de developpement durable ? II serait egalement souhaitable de baser le debat politique sur des considerations scientifiques objectives, en particulier au sujet des dechets radioactifs, des risques d'accident nucleaire et de proliferation. Le troisieme mecanisme de flexibilite du protocole concerne les echanges de permis d'emission entre pays signataires. Ce mecanisme, tout comme les mesures nationales, n'exclut pas explicitement I'energie nucleaire. Grace a ce mecanisme, un marche international des permis d'emission pourrait s'instaurer entre pays ou reduire les emissions de GES coute cher et pays ou cette reduction coute moins cher ou qui ont deja depasse leurs objectifs au titre du protocole de Kyoto (tels les pays en transition vers une economic de marche). Ce marche devrait permettre de reduire considerablement le cout marginal de la mise en ceuvre du protocole de Kyoto comme le montre I'etude faite avec le modele CEMINI-E3 (§ 11.2) et d'autres modeles globaux d'equilibre general calculable (Baron et a/., 2000 et Moissan, 2001). Ce systeme d'echange de permis d'emission conduit a I'etablissement d'une valeur marchande des emissions de carbone evitees qui evolue dans le temps (tableaux 11.8 et 11.14). L'internalisation de cette valeur dans le cout des energies fossiles modifierait a terme dans un sens favorable la competitivite de I'energie nucleaire (§ 16.2.5). II faut souligner cependant que la mise en place de ce marche souleve de grandes difficultes d'application, portant entre autres sur le controle des echanges et la comptabilisation des reductions d'emission, notamment dues aux puits de carbone.
15.2.3. Ressources energetiques fossiles L'approvisionnement energetique du monde, presente au tableau 1.1 vient pour I'essentiel des energies fossiles, charbon, petrole et gaz (environ 80 % en 2000). Cette situation se prolongera longtemps, certainement en s'accentuant a moyen terme. La question des ressources en combustibles fossiles est done de premiere importance dans une vision a long et tres long terme. L'etude critique exposee dans Bauquis (2001), resumee ci-dessous, donne un apercu sur cette question qui permet de mettre en perspective la contribution potentielle de I'energie nucleaire. Les ressources de charbon et de lignite sont considerables, mais seulement une partie d'entre elles passera a terme dans la categorie reserves, c'est a dire les ressources economiquement exploitables (§ 12.2.1). En outre, I'utilisation des combustibles mineraux solides ne connaitra pas la progression que Ton pourrait attendre de I'importance de ces ressources. D'abord, les obstacles techniques et economiques au
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transport de ces matieres pondereuses continueront a en restreindre I'usage industriel dans une zone proche de leur extraction, et a limiter le commerce international du charbon a 10 % environ de sa production. Ensuite, leur usage dans le secteur domestique sera freine par I'impossibilite de controler et limiter de facon acceptable les emissions de poussieres et de SO2 specifiques a ces combustibles. Pour de simples considerations economiques, la production de ces combustibles, actuellement de 4,86 Gt, devrait se situer entre 8 et 10 Gt vers 2050. Les ressources de petrole sont connues avec une meilleure precision (±30 %) que celles du charbon, et ses usages continueront de s'imposer a long terme en raison d'avantages techniques et economiques eprouves. Toutefois arrivera le moment ou les nouvelles decouvertes de gisements de petrole conventionnel ne compenseront plus I'augmentation de la consommation comme c'est le cas aux Etats-Unis. Cette echeance n'implique pas une baisse de la production, car celle-ci ne s'est manifested dans ce pays que trente ans plus tard. Les gisements decouverts ont ete en effet reevalues fortement a la hausse essentiellement grace a 1'amelioration du taux de recuperation. Le progres technologique prolongera cet effet sur ('ensemble des reserves mondiales, de plus il permet d'etendre progressivement la notion de reserve conventionnel le a d'autres ressources par la possibilite d'exploiter I''off-shore profond et par la mise en valeur de bruts lourds. L'ecart entre nouvelles decouvertes et augmentation de la consommation pourrait apparaTtre avant 2020. La reevaluation des reserves par la transformation de bruts ultralourds et de bitumes, par I'exploitation de I''off-shore ultra profond masquera le debut de la rarefaction physique, mais ne s'effectuera pas sans une hausse des couts de production qui en limitera les niveaux. La production mondiale atteindrait un pic de 5 Gtep vers 2020 pour decliner a partir de 2030 et revenir vers 2050 a un niveau voisin de celui d'aujourd'hui (3,5 Gtep). Les ressources en gaz nature! sont connues avec moins de precision (±50 %). Les decouvertes de nouveaux gisements vont continuer de se produire a un rythme superieur a celui observe dans le cas du petrole, et vont repousser a un horizon plus lointain le moment ou les nouvelles decouvertes ne compenseront plus ['augmentation de la consommation de gaz. Cependant, la reevaluation des gisements ne se ferait que par reestimation des contenus declares initialement, et non par amelioration du taux de recuperation, la technique etant d'un faible secours dans ce cas. Le declin des reserves de gaz serait plus rapide que celui des reserves de petrole. Le profil de la production mondiale de gaz sera conditionne par les investissements considerables propres aux chaines gazieres, qu'elles soient constitutes de grands gazoducs nouveaux ou de lignes de liquefaction et de methaniers. L'amortissement de ces equipements impose une duree d'utilisation d'une trentaine d'annees. Ainsi dans le cas du gaz, il paratt plus pertinent de considerer un plateau de production plutot qu'un pic. Ce plateau pourrait etre atteint avant 2050 et durer jusque vers 2060 avant que ne commence le declin de la production. Celui-ci pourrait etre retarde si I'exploration
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L'economie de I'energie nucleaire
profonde de bassins sedimentaires se revelait fructueuse ou si la conversion d'hydrates de gaz devenait une realite au cours de la seconde moitie du siecle.
15.2.4. Tendances de la demande en combustibles fossiles Les besoins en energie finale sous forme thermique, electrique et chimique sont assures en majorite par des produits carbones issus des combustibles primaires fossiles. Dans une perspective de long terme, le recours a ces energies primaires evoluera. D'abord, la distinction entre les formes charbon, petrole et gaz pourrait s'attenuer dans la structure du systeme energetique en raison de la mise en ceuvre a grande echelle de transformations diverses de ces energies pour les adapter aux besoins des marches finaux de I'energie. II s'agit entre autres de la gazeification du charbon ou de residus petroliers ou de moyens divers de production d'hydrocarbures liquides a partir du gaz. Ce continuum de ressources de carbone fossile (Bauquis, 2001) apportera une nouvelle souplesse dans I'offre energetique. Selon la credibilite technique et economique que Ton accorde a tel ou tel de ces processus de conversion, I'importance relative des trois energies fossiles peut varier notablement dans I'avenir lointain. Ensuite, les energies fossiles sont susceptibles de subir des hausses de prix pour plusieurs raisons. Les gisements les moins couteux etant exploites en premier, il est evident que les nouveaux gisements, de conditions d'acces et d'exploitation de plus en plus difficiles (offshore profonds, terres arctiques) produiront des couts plus eleves malgre les progres techniques. Par ailleurs, ce continuum de ressources de carbone, aussi seduisant soit-il, sera mis en ceuvre a I'aide d'investissements lourds et sera couteux en energie. D'une facon generale, le recours aux energies fossiles risque a plus ou moins longue echeance d'etre entrave par la prise en compte, meme partielle, du cout externe des emissions de GES.
15.2.5. Bouclage energetique a long terme Quelle sera Devolution de la structure du bilan energetique decrite dans ses grandes composantes dans le tableau 1.1 ? Dans quelle mesure les energies fossiles pourront-elles continuer de couvrir la majeure partie des besoins energetiques dans le monde ? La question se pose en conclusion de la discussion precedente. Les fortes contraintes qui peseront sur les energies fossiles, qu'elles soient de nature technique, economique ou environnementale, rendent peu probable le maintien a long terme de leur contribution en valeur relative qui impliquerait une augmentation de leur production d'un facteur 2 a 3 en 100 ans. La vision que Ton cherche a avoir du role futur de chacune des trois energies fossiles ne peut qu'etre approximative tant elle est sujette a des appreciations diverses sur de nombreux facteurs comme le rythme d'epuisement des ressources, celui de la decroissance de Tintensite energetique, le cout de mise en ceuvre des ressources non
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conventionnelles, le cout de I'elimination eventuelle du CO2, la decroissance du cout de production des energies renouvelables, etc. Elle est avant tout conditionnee par la politique generale qui sous-tend le scenario etudie, et dans une moindre mesure par les caracteristiques du modele utilise. L'etude CGEMP (2002), du fait de ses scenarios contrasted et ses modeles differents, fait apparaitre des ecarts devaluation dans les productions des energies fossiles. Le bouclage energetique mondial, etabli a partir des resultats de I'etude, est presente de facon synthetique dans le tableau 15.3. Comme Ton cherche dans ce chapitre a cerner le role potentiel de I'energie nucleaire, on n'a pas pris en consideration les scenarios de sortie du nucleaire. On indique dans ce tableau les energies primaires en Gtep relatives aux scenarios B-OB et C-OB, telles qu'elles resultent de ('application des modeles ERB, LDNE21 et GEM10R (notes E, L et G respectivement). Tableau 15.3. Bouclage energetique mondial (Gtep).
Energie Primaire
2000
2100
2050 L
E
G
E
L
G
Scenario B-OB Total Fossile Bouclage
9,3 8,0 1,3
19,4 15,3 4,1
17,4 12,8 4,6
19,0 16,3 2,7
30,9 21,0 9,9
29,3 15,7 13,6
29,3 21,1 8,2
17,1 9,8 7,3
27,8 12,2 15,6
26,2 6,0 20,2
23,1 9,9 13,2
Scenario C-OB Total Fossile Bouclage
9,3 8,0 1,3
17,8 11,6 6,2
16,2 7,6 8,6
L'importance de ce bouclage s'accroit evidemment avec le temps ; lorsque la politique energetique est soumise aux imperatifs ecologiques, cette tendance s'accentue a cause d'un moindre recours aux energies fossiles et malgre une moindre demande d'energie.
15.2.6. Contribution potentielle des energies renouvelables Les energies renouvelables offrent un potentiel considerable. Mais en raison des problemes techniques et economiques qu'elles posent, leur potentiel economique realisable est plus limite. Hors la grande hydraulique, ces energies sont dans une phase de developpement caracterisee par de forts taux de croissance, cependant leur part reste faible dans le bilan energetique. Elles contribuent neanmoins, quoique de facon encore modeste, a renforcer la securite d'approvisionnement tout en preservant I'environnement.
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L'economie de I'energie nucleaire
L'hydraulique, avec un potentiel mondial exploitable de I'ordre de 14000 TWh/an situe surtout dans les regions peu developpees, se caracterise par de lourds investissements, mais en revanche par une duree de vie tres longue et une absence de cout de combustible. Toutefois, les grands sites envisageables en Afrique, en Siberie ou au Canada sont tres eloignes des centres de consommation et leur exploitation necessiterait la construction de longues lignes de transport. Leur mise en ceuvre sera aussi freinee pour des raisons environnementales et sociales : impacts mal connus sur le climat regional et sur la disponibilite des terres, risques nouveaux pour les populations aval, deplacement massif de population. La microhydraulique ne presente pas ces problemes, mais son potentiel est limite. L'energie eolienne est creditee d'un potentiel important, de I'ordre de 50000 TWh, et connatt depuis dix ans une croissance rapide. Toutefois ce potentiel est loin de pouvoir etre mobilisable dans son ensemble. Les performances economiques des eoliennes, sans etre excellentes, ne constituent pas un obstacle majeur a leur developpement. Si aujourd'hui leur cout de production est environ trois fois celui des centrales au gaz cycles combines ou des centrales nucleates, les progres technologiques attendus amelioreront leur competitivite. II n'en reste pas moins que I'investissement represente une part importante de ce cout (pres de 80 % d'apres le tableau 8.11), plus importante que dans le cas du nucleaire (60 %). Par ailleurs, ce cout de production est tres sensible a la qualite du site (force et regularite du vent, proximite des zones de consommation); les sites les plus rentables sont et seront equipes en premier, les sites suivants verront leur cout augmenter, d'autant que le caractere aleatoire et intermittent de leur production s'accentuera par rapport a celui des premiers sites et necessitera des equipements d'appoint, en principe des centrales a gaz, pour garantir la puissance fournie sur le reseau (§ 10.3.3). Un obstacle serieux au developpement de cette ressource vient de ce que I'energie du vent est de faible densite et que pour totaliser 1000 MWe, 700 eoliennes de technologic avancee seront necessaires, espacees de plus de 100 m Tune de I'autre. Cette emprise considerable sur I'espace terrestre ou proche des cotes maritimes, a laquelle s'ajoutent nuisances visuelles et sonores, limitera I'acceptabilite des eoliennes par le public. L'energie solaire photovoltaTque, malgre son enorme potentiel, presente des inconvenients analogues a ceux de I'energie eolienne, mais plus accuses, faible densite naturelle et faible rendement de conversion. II faut 50 km2 de panneaux solaires d'une puissance moyenne sur I'annee de 20 W/m2 pour obtenir une puissance electrique de 1000 MWe. Le cout de production d'une centrale photovoltaTque est tres eleve, et son cout d'investissement, en excluant les batteries de stockage, est environ 10 fois celui d'une centrale nucleaire dans le contexte francais (§ 8.4.2). L'intermittence ineluctable entre le jour et la nuit, mais aussi entre les saisons, confine le photovoltaTque dans des applications isolees ou dans un role de fourniture d'appoint ne dispensant pas I'utilisateur prive d'un raccordement au reseau. Les progres techniques devraient permettre d'attenuer ces inconvenients. Par exemple, le precede en couches minces multiples abaissera le cout de fabrication des panneaux et augmentera leur rendement jusqu'a 15 %. A terme, I'energie photovoltaTque pourrait etre combinee a la production et au stockage de I'hydrogene.
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La biomasse, qui fournit aujourd'hui I'essentiel de I'energie non commerciale consommee dans le monde, pourrait devenir une production industrielle significative pour les besoins de transport notamment, sous reserve de percees scientifiques en agronomie et biologic vegetale. En revanche, I'idee de centrales solaires de I'espace pour les besoins terrestres se heurte a des obstacles tels que la realisation n'en semble pas credible a I'horizon du XXI6 siecle. (Acad. Sci., 1997). D'autres sources energetiques renouvelables, comme le solaire thermique, la geothermie ou I'energie des marees, apparaissent mineures. La contribution potentiellement realisable de ('ensemble des energies renouvelables se trouve limitee par des difficultes inherentes a leur nature meme. Les estimations de I'etude CGEMP (2002) en la situant a un niveau relativement modeste comme on le constate sur le tableau 15.4, confirment ce point de vue. S'il differe tres sensiblement d'un modele a I'autre, on note toutefois qu'en valeur relative Tapport des energies renouvelables reste assez stable sur un siecle et qu'il n'est guere plus important par exemple dans le scenario ecologique C-OB que dans le scenario B-OB.
15.2.7. Opportunite de bouclage par I'energie nucleaire De I'inventaire des ressources susceptibles d'assurer le bouclage energetique, it est prudent d'ecarter la fusion controlee dont le developpement industriel semble peu probable avant la fin du XXI e siecle (AIEA, 1995, p. 22 ; Acad. Sc., 1977, p. 96 et Dautray, 2001, Annexe 1). En effet, les obstacles techniques et economiques a surmonter pour en faire une source d'energie commerciale impliquent de nombreuses annees de recherche. Dans ce contexte, le tableau 15.4 fait apparattre la place que pourrait occuper I'energie nucleaire de fission dans le bilan mondial par difference entre I'energie de bouclage totale et la contribution potentielle des energies renouvelables. La part de I'energie nucleaire passerait ainsi de 0,6 Gtep en 2000 a 3 Gtep (2 a 4 Gtep) en 2050 et 9 Gtep (6 a 13 Gtep) en 2100 dans le scenario B-OB tandis que, dans le scenario C-OB, elle passerait a 6 Gtep (4 a 8 Gtep) en 2050 et a 14 Gtep (10 a 18 Gtep) en 2100. Les contributions de I'energie nucleaire et des energies renouvelables indiquees dans le tableau 15.4 sont a considerer comme des ordres de grandeur estimatifs, compte tenu de I'ampleur des incertitudes sur le paysage economique et technique du monde a I'horizon 2100.
15.3. Potentialites techniques de I'energie nucleaire 15.3.1. Technologies nucleates en reponse a la demande d'energie L'energie thermique des reacteurs nucleaires sert a produire de la vapeur qui, actuellement, est presque exclusivement transformee en electricite. A I'avenir, les
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Tableau 15.4. Contributions estimees des energies renouvelables et nucleaire dans le monde
(Gtep). Energie Primaire
2050
2000 E
L
2100 G
E
L
2,7 0,7
9,9 3,9 6,0
13,6
8 ,20
0,7
12,9
0,9 7,3
15,6
20,2
13,2
5,0
2,1
0,8
10,6
18,1
12,4
G
Scenario B-OB Bouclage Renouvelables Nucleaire
1,3 0,7 0,6
4,1 2,0 2,1
4,6 0,8 3,8
2,0
Scenario C-OB Bouclage Renouvelables Nucleaire
1,3 0,7 0,6
6,2 2,5 3,7
8,6 0,7 7,9
7,3 1,0 6,3
reacteurs nucleaires pourraient trouver d'autres applications, envisagees d'ailleurs depuis longtemps, liees a ('utilisation de la vapeur dans de nombreux usages industriels, residentiels et meme dans les transports maritimes. De nouveaux concepts de reacteurs adaptes a ces applications sont a I'etude dans divers pays ainsi que dans des cadres internationaux. L'objectif de ces recherches sur les reacteurs du futur est non seulement d'ameliorer les performances economiques et de surete mais aussi de permettre une utilisation a des fins d'applications energetiques diverses (AIE/AEN/AIEA, 2002). Plusieurs axes de recherche sont poursuivis : • fonctionnement des reacteurs a des temperatures de sortie du cceur beaucoup plus hautes que celles des reacteurs a eau actuels, afin d'accrottre le rendement et diminuer d'autant la quantite de dechets, mais aussi de satisfaire certains besoins industriels specifiques ; • conception de reacteurs de taille reduite (moins de 300 MWe) adaptes a des besoins de chaleur de precede ou de cogeneration, ou encore a des reseaux electriques de petite dimension ; • robustesse et simplicite de conception ; grace a des systemes de surete passive notamment, pour faciliter I'introduction dans les centres industriels ou a proximite de zones urbaines ou dans des pays en developpement. Parmi les idees « innovantes », le concept de centrales nucleaires flottantes offre des perspectives interessantes. II est ne aux Etats-Unis en 1971 ou il etait alors envisage de construire les chaudieres en usine et sur le meme site de monter les centrales sur barge ; apres essai, ces barges auraient ete remorquees pour fournir de I'electricite a des villes cotieres. Aujourd'hui, les Russes ont le projet de construire des centrales nucleaires flottantes destinees a fournir de I'electricite et de la chaleur sur des sites des cotes siberiennes. Us envisagent aussi d'autres centrales nucleaires flottantes de cogeneration
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en association avec un systeme canadien d'osmose inverse pour alimenter des villes cotieres en eau douce (§ 16.2.3). Les avancees previsibles de la technologic dans de multiples domaines devraient permettre de donner a I'energie nucleaire un champ d'application plus large que celui qu'elle connatt de nos jours. Cependant, la commercialisation des systemes innovants necessitera sans doute plusieurs decennies de recherche et developpement. En outre, les delais d'industrialisation seront accrus par I'inertie des systemes energetiques, du fait de I'importance des investissements et de la lourdeur des infrastructures dans ce secteur, et par la lenteur des processus d'acceptation par le public.
15.3.2. Potentialite d'insertion dans les systemes electriques L'energie nucleaire a fait ses preuves dans la production massive d'electricite. La part croissante de I'electricite dans la consommation finale d'energie sera un facteur determinant du developpement electronucleaire (tableau 15.2). Par effet de retour, le nucleaire, comme d'ailleurs I'hydroelectricite, ne peut que conforter le role de I'electricite grace aux avantages que sont la securite d'approvisionnement et la stabilite des couts de production. Le developpement de ('interconnexion et la croissance de la consommation sur les reseaux dans les pays n'ayant aujourd'hui qu'une faible infrastructure electrique y rendra ('insertion d'unites nucleates economique. Les centrales nucleaires presentent un assez grand degre de liberte d'implantation geographique dans les reseaux. C'est un element favorable par comparaison avec d'autres moyens de production. En effet, les centrales a charbon sont contraintes a la proximite des mines ou des ports, les centrales a gaz a celle des gazoducs, alors que les sites nucleaires ne posent aucun probleme pour I'acheminement du combustible. Cette plus grande liberte d'implantation peut aussi etre mise a profit pour un meilleur equilibre dynamique dans le fonctionnement des reseaux. Les recherches actuelles sur la competitivite de reacteurs de taille plus modeste font esperer I'insertion de ces derniers dans des reseaux de petite dimension ou dont ('interconnexion reste problematique (§ 2.3.2). De meme, de nouveaux modeles caracterises par un rendement thermodynamique ameliore, egal ou superieur a celui des centrales a charbon, reduiraient ('inconvenient technique et environnemental des rejets thermiques du nucleaire actuel (§ 10.2.2).
15.3.3. Application a la production de chaleur a usages residentiels A ('evidence, les reacteurs nucleaires peuvent etre utilises directement comme source de chaleur. Malgre leur modeste rendement thermodynamique (environ 33 %), les reacteurs a eau sont competitifs pour la production d'electricite avec les centrales thermiques classiques
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L'economie de I'energie nucleaire
dont le rendement se situe entre 40 et 55 % selon le type. A fortiori, ne sont-ils pas en mesure de I'etre pour la production de chaleur ou n'intervient pas ce rendement de conversion ? Toutefois, on constate que cette utilisation ne s'est pas developpee alors que les usages thermiques de I'energie sont importants. Dans le secteur residential, le chauffage represente quelque 20 % de la consommation d'energie finale, pourcentage qui peut doubler dans les pays aux hivers longs et rigoureux. Les centrales nucleaires sont susceptibles d'apporter leurs calories au chauffage urbain et a la production d'eau chaude selon des modal ites diverses : utilisation des rejets thermiques, soutirages de vapeur a basse temperature, fourniture specifique de chaleur, cogeneration. Les realisations sont peu nombreuses, a part I'utilisation de rejets pour usages agricoles ou piscicoles. A la centrale de Beznau en Suisse, on soutire de la vapeur a la sortie des turbines. En Siberie orientale, les quatre petits reacteurs GLWR de Bilibino fonctionnent en cogeneration. Des modeles de centrales nucleaires de petite ou moyenne puissance, qu'elles soient calogenes ou cogeneratrices, ont fait I'objet d'etudes de faisabilite et d'avant-projet. Parmi eux, on distingue le modele canadien SLOWPOKE qui est le seul a etre demontre par un pilote de 2 MWth en fonction depuis 1987. Specialement cone.us pour une implantation en zone urbaine, ces reacteurs se caracteriseraient par une puissance unitaire de 5 MWth, un cceur renouvele tous les 6 ans, un refroidissement par convection naturelle a pression atmospherique, un confinement en silo enterre et un seul centre de commande pour plusieurs unites inserees dans un meme reseau de chauffage urbain. En France, on a etudie dans les annees 70 un concept calogene de faible puissance, THERMOS, et un projet de realisation d'une chaudiere CAS (reacteur REP d'environ 400 MWth) pour alimenter le chauffage urbain de I'ouest parisien. Ce type de projets se heurte pour le moment a diverses sortes de difficultes : d'ordre economique d'abord (effet de taille, demande saisonniere parfois insuffisante, baisse des prix des hydrocarbures), d'ordre Industrie! (cout du prototype et frais d'industrialisation du modele, incertitude de commande en serie), et enfin d'ordre technique (eloignement des reacteurs des centres urbains et etendue des reseaux de chaleur induisant des pertes importantes de calories transporters). A Pavenir, ces obstacles pourraient etre surmontes pour des raisons convergentes : contraintes economiques sur les combustibles fossiles et impossibilite de maTtriser suffisamment la pollution des chaudieres domestiques, accentuation des qualites de simplicite et robustesse des reacteurs de petite et moyenne puissance, technologic performante, des aujourd'hui accessible, du transport de vapeur, cooperation Internationale pour susciter I'occurrence de series.
15.3.4. Potentialites de cogeneration dans la chimie La cogeneration, definie comme la production mixte d'electricite et de chaleur a partir d'une chaudiere concue avec deux circuits de vapeur a la sortie, est une technique mise
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en oeuvre depuis longtemps avec des centrales thermiques classiques. Elle est envisageable avec des reacteurs nucleates. Les besoins industriels de chaleur sont divers en quantite et niveau de temperature. Dans certains precedes chimiques, la vapeur elle-meme est consommee. Un projet de cogeneration avait deja ete forme des 1973 en France pour les besoins d'un centre de chimie industrielle a partir d'un reacteur de type CAS, de I'ordre de 300 MW electriques equivalents. La recession economique I'a fait abandonner. Pour des raisons techniques et economiques analogues a celles avancees ci-dessus pour le chauffage urbain, la cogeneration nucleaire represente un potentiel energetique certain. Son essor est toutefois difficile a evaluer en volume et en temps, car si elle offre de multiples possibilites, sa mise en ceuvre est a chaque fois un cas particulier a cause des specificites de la demande telles qu'elles ont ete enoncees au paragraphe 8.1. Par ailleurs, I'investissement nucleaire, par sa taille et sa duree d'amortissement, implique un risque financier susceptible de faire reculer un industriel qui n'est pas a meme d'estimer de facon fiable revolution a long terme de ses besoins d'electricite et de vapeur. Les concepts de reacteurs modulaires pourraient reduire ce risque. La possibilite d'utiliser a terme I'energie nucleaire dans les industries du petrole, soulignee par Bauquis (2001), a priori paradoxale, precede d'une double constatation. D'une part, la mise en oeuvre de nouvelles ressources de petrole non classiques (schistes bitumineux par exemple) ou la liquefaction/gazeification du charbon necessitent des quantites importantes de chaleur a moyenne et haute temperature. D'autre part, cette production de chaleur a partie des energies fossiles, pouvant representer dans certains cas plus de 30 % d'autoconsommation, entrameraient des surcouts importants compte tenu des imperatifs de reduction des emissions de CO2 - il faudrait a terme soit acquitter une taxe sur le CO2, soit envisager la sequestration de ce gaz. Cette evolution de ('Industrie petroliere vers la recuperation d'huiles lourdes et ultralourdes et des bitumes contenus dans les grands gisements du Venezuela et du Canada par exemple n'interviendra sans doute pas avant 2025. L'energie nucleaire pourrait alors etre utilisee d'abord pour la recuperation de ces ressources non classiques par injection de vapeur in situ, puis pour la fabrication de combustibles liquides de synthese. Ensuite, la production d'hydrocarbures liquides pourrait se faire en partant du gaz naturel ou de la gazeification du charbon et des residus petroliers. On peut proceder soit par action de la vapeur d'eau sur le charbon, soit par action de I'hydrogene sur ce combustible. L'energie nucleaire interviendrait surtout dans la production d'hydrogene (§ 15.3.5). Enfin, a tres long terme, I'exploitation eventuelle d'hydrates de gaz necessiterait aussi un apport important d'energie que le nucleaire pourrait fournir sans augmenter les emissions de CO2. La plupart des precedes chimiques impliques demandant des calories a temperature elevee, les reacteurs a haute temperature pourraient fournir la chaleur de precede et I'electricite necessaire aux auxiliaires. Leur modularite permettrait une adaptation progressive aux besoins.
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15.3.5. Perspectives dans la production d'hydrogene Afin de tracer les perspectives de I'energie nucleaire dans la production d'hydrogene, il convient de preciser les deux emplois de ce gaz et trois grands precedes de sa fabrication. Dans I'industrie chimique, I'hydrogene est aujourd'hui un element entrant dans les precedes d'obtention de certains produits essentiels, principalement I'ammoniac. A I'avenir, en petrochimie, le raffinage de bruts lourds ou ultralourds pour les transformer par synthese en produits fluides (« upgrading ») et les desulfurer demandera de grandes quantites d'hydrogene. Dans les transports, I'hydrogene pourrait devenir le vecteur energetique du futur. Ses qualites environnementales et ses possibilites de stockage le designent comme le carburant de choix des piles a combustibles qui remplaceraient les produits petroliers dans le transport routier. La necessite de reduire la pollution urbaine pourrait imposer son utilisation bien avant que le declin des produits petroliers ne la rende ineluctable. Trois types de precedes sont envisageables pour la production d'hydrogene : - le reformage du methane par la vapeur d'eau, precede le plus courant aujourd'hui, necessite un apport important de calories a temperature superieure a 500 °C qui augmente de 30 % la quantite de gaz consommee dans la reaction, et conduit a remission de CO2 ; - ['electrolyse de I'eau, qui a un rendement specifique de 70 %, mais un rendement global a partir de I'electricite d'origine thermique de I'ordre de 25 a 30 % ; - la thermochimie, dont plusieurs precedes sont a I'etude, consiste a utiliser pour le craquage de I'eau un cycle de reactions endothermiques a haute temperature (850 ou 870 °C) incluant le plus souvent une reaction electrolytique a temperature ordinaire ou peu elevee. L'avantage du recours a I'energie nucleaire dans ces trois types de fabrication est d'eviter partiellement ou totalement les emissions de CO2. Dans le cas du reformage du methane, la chaleur pourrait etre apportee par des RHT, reduisant d'autant la consommation de gaz nature! (Shiozawa ef a/., 2001). Dans la perspective de la production massive d'hydrogene comme vecteur energetique, il va de soi qu'on ne peut admettre des emissions de CO2. C'est dire que I'electricite de I'electrolyse doit etre d'origine nucleaire ou renouvelable, et que I'apport de chaleur pour la thermochimie ne peut etre fourni que par les RHT. Le rendement global des precedes thermochimiques combines avec les RHT est de I'ordre de 50 % ou plus, pres du double de celui de I'electrolyse. Cette derniere, en revanche, en fonctionnant en heures creuses ou de semi-pointe permettrait une meilleure gestion des equipements du reseau, c'est a dire une courbe monotone de charge plus aplatie. La production d'hydrogene est I'une des motivations du developpement des RHT. En Allemagne, le succes du fonctionnement du reacteur prototype AVR de 1966 a 1988 a
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montre la possibilite d'une temperature de sortie de I'helium de 950 °C. Done, pour des applications de petrochimie ou de production d'hydrogene, les RHT, munis par surete d'un circuit secondaire, seront en mesure de fournir de la chaleur industrielle jusqu'a des temperatures de I'ordre de 850-870 °C. Les recherches actuelles sur les RHT s'orientent vers un concept modulaire (100 a 300 MWe) qui, allie aux qualites de surete et de robustesse inherentes a cette filiere, favoriserait I'introduction de ces reacteurs dans des complexes industriels. Une version tres haute temperature serait le meilleur moyen d'une production massive d'hydrogene a un cout avantageux par rapport au precede electrolytique. Cependant, la production, le stockage, la distribution et I'utilisation de I'hydrogene requierent de surmonter un certain nombre d'obstacles techniques et economiques (CEA, 2001). L'hydrogene ne deviendra un vecteur energetique commercial que quand son cout global, de la production a I'utilisation, sera competitif par rapport aux hydrocarbures.
15.3.6. Perspectives dans le dessalement d'eau de mer L'approvisionnement en eau douce dans le monde deviendra comme I'approvisionnement en energie un probleme majeur au cours de ce siecle. Neuf pays se partagent 60 % des ressources naturelles en eau. Aujourd'hui, 1,5 milliards d'hommes sont prives d'acces direct a I'eau douce, et un autre milliard disposent d'une eau ne repondant pas aux normes sanitaires. Dans beaucoup de pays, I'eau se consomme plus qu'elle ne se renouvelle naturellement. Etant donne la croissance demographique, la consommation pour les usages domestiques et industriels et pour I'agriculture irriguee (les deux tiers de la consommation mondiale) s'elevera au point que I'acces a I'eau douce deviendra une source importante de conflits dans les regions deja confrontees a une situation de manque. Des solutions existent : le transport de I'eau sur grandes distances par canalisation, le traitement d'eaux usees et le dessalement d'eau de mer ou d'eaux saumatres. Le marche du dessalement s'est developpe depuis les annees 60 surtout dans les pays du Golfe et dans les Cara'i'bes. La capacite mondiale installee devrait atteindre plus de 25 millions de m3/jour en 2004. Le cout du metre cube d'eau produite par des unites de dessalement de grande taille (superieure a 100 000 m3/jour) a fortement baisse depuis 20 ans en descendant au-dessous de 1 €/m3. Le cout d'installation se situe entre 2 et 3 €/m3/an. Deux precedes se partagent le marche. La distillation est le plus repandu (60 %), et sa consommation energetique est de 10 a 15 kVVh/m3. L'osmose inverse couvre I'essentiel des 40 % restant, sa consommation etant de 6,5 a 7 kWh/m3. A terme, le dessalement de I'eau de mer par distillation, pour des installations de grande capacite, pourrait etre alimente en electricite et vapeur a bas prix, et sans emissions de GES, grace a des reacteurs nucleates (Konishi et a/., 2001). Parmi les modeles de
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reacteurs proposes a cet effet on peut citer: le modele SMART de la Republique de Coree (§ 5.5.3), et un modele GT.MHR etudie par General Atomics et Framatome, muni d'une turbine a gaz a cycle d'helium, de capacite de 300 MWe rejetant 300 MWth sous la forme d'eau a 100 °C qui alimenterait une usine de dessalement (Lecomte et al., 2001).
15.3.7. Perspectives dans les transports maritimes La propulsion nucleaire appliquee a la marine marchande est deja une realite et ne presente plus de difficultes techniques. Elle est envisageable pour les navires exigeant une grande depense d'energie. C'est le cas des sept brise-glaces de I'ocean arctique, dont le succes est manifeste. Ce pourrait etre le cas a I'avenir de porte-conteneurs rapides, car la puissance d'un navire crott comme le cube de sa vitesse. Cependant, le developpement de ce type d'application se heurte aujourd'hui a des obstacles d'ordre economique et d'acceptabilite par le public.
15.4. Perennite de I'approvisionnement en matieres nucleaires 15.4.1. Production d'energie nucleaire et approvisionnement d'uranium L'importance la securite d'approvisionnement n'est plus a souligner tant pour 1'economie du producteur d'electricite que pour le pays pour des raisons economiques, sociales et politiques. Dans une perspective de developpement durable, cette notion de securite a long terme revet une importance plus grande encore compte tenu de ('engagement vis a vis des generations futures. S'agissant des centrales nucleaires, un approvisionnement sur et regulier en combustible (matieres fissiles) sur toute leur duree de vie previsible est un element essentiel pour leur integration dans un systeme energetique repondant aux objectifs du developpement durable. C'est egalement un imperatif economique et strategique pour les investisseurs et les operateurs de centrales nucleaires. D'ou la notion de besoms engages sur la duree de vie estimee des centrales. Cette notion transparatt dans le ratio affiche par les producteurs d'uranium entre leur production annuelle et leurs reserves (figure 12.4). Elle conduit au raisonnement suivant, base sur la prise en consideration des ressources classiques connues et non sur celle des reserves. En 2000, pour une production nucleaire de 0,6 Gtep les besoins en uranium nature! dans le monde etaient de 60000 tU/an environ (figure 12.2) et les ressources classiques connues a moins de 80 $/kgU de 3,11 millions de tU (§ 12.2.2). Ces ressources representaient done une duree d'approvisionnement du pare mondial de 50 ans environ (compte non tenu des surplus et de I'uranium qui pourrait eventuellement etre recupere a partir du demantelement des armes nucleaires).
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Dans le scenario B-OB, I'electronucleaire se developpant sous la seule contrainte de sa competitivite, la production nucleaire serait de I'ordre de 3 Gtep en 2050 d'apres le tableau 15.4. En tenant compte a cette date d'une meilleure utilisation de ('uranium naturel dans les usines d'enrichissement, de performances ameliorees du combustible dans les reacteurs et d'une mise en ceuvre plus importante du combustible MOX, on estime grossierement les besoins du pare mondial a 240 000 tU/an, dans I'hypothese ou ce pare serait, comme aujourd'hui, constitue dans sa grande majorite par des reacteurs a eau. Dans ces conditions, la totalite des ressources classiques connues actuellement serait consommee avant 2035, la consommation cumulee entre 2000 et 2050 atteignant 6,5 millions tU, soit plus du double de ces ressources. Si I'on voulait maintenir, comme aujourd'hui, une garantie d'approvisionnement en uranium naturel d'une quarantaine d'annees, il faudrait qu'en 2050 les ressources classiques s'elevent a quatre fois leur valeur actuelle, soit 12 millions tU. II convient de noter cependant que le volume de ressources recuperables evolue avec le temps grace a la prospection miniere. Les depenses de prospection miniere ont considerablement chute depuis 1985 (AEN-AIEA, 2002) et une reprise de la prospection au niveau atteint vers 1980 aboutirait sans doute a de nouvelles decouvertes dans toutes les provinces uraniferes. Dans le scenario B-OB, la consommation cumulee d'uranium naturel en 2050 se situe un peu au-dessus du niveau des ressources connues (non speculatives) aujourd'hui soit 6,3 millions tU. Mais, en tenant compte des besoins engages, il faudrait en 2050 etre assure de reserves s'elevant a 12 millions tU, soit 20 % de plus que la totalite des ressources speculatives aujourd'hui estimees (tableau 12.1). C'est dire que dans ce scenario, si I'approvisionnement en uranium ne pose pas de probleme immediat a I'horizon 2050 meme dans le cas d'un pare mondial constitue des types actuels de reacteurs, il conviendrait d'envisager une evolution de ce pare bien avant 2050 compte tenu de I'inertie de I'ensemble du systeme nucleaire. II faudrait s'attendre en outre, en I'absence devolution du pare a une hausse des prix de 1'uranium avant cette date. Cette conclusion se degage avec plus de vigueur dans I'analyse du scenario ecologique C-OB. En 2050, la forte demande d'energie nucleaire, de I'ordre de 6 Gtep, aurait pour effet une amelioration renforcee de I'utilisation de I'uranium dans les REO, la consommation annuelle pouvant alors etre estimee a 450 000 tU. Les ressources classiques a moins de 80 $/kgU seraient consommees avant 2030, et la consommation cumulee en 2050 serait de 9,7 millions tU, depassant de plus de 50 % le total des ressources non-speculatives.
15.4.2 Evolution structurelle du pare mondial des reacteurs Pour retarder I'epuisement des ressources en uranium, il existe d'ores et deja plusieurs mesures techniques : I'abaissement de la teneur de coupure des gisements ; la baisse de la teneur de rejet des usines d'enrichissement ; I'augmentation du taux de combustion ;
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et le recyclage dans les REO de ['uranium et du plutonium recuperes lors du retraitement des combustibles uses. Le retraitement suivi du recyclage dans les REO permet de reutiliser pres de 30 % de I'energie potentielle de ('uranium d'origine et constitue une garantie partielle a terme pour les pays qui le mettent en ceuvre (§ 13.3.4). Ces mesures seront neanmoins insuffisantes a long terme et il faudra recourir a des reacteurs beaucoup plus economes en uranium que ceux d'aujourd'hui ou aussi, a echeance plus lointaine, a des reacteurs utilisant le cycle ferme au thorium. • Les reacteurs a neutrons rapides A la sortie du deuxieme conflit mondial I'energie nucleaire est apparue comme I'une des solutions d'avenir pour resoudre le probleme energetique (les reserves de petrole du Moyen Orient n'etaient pas encore evaluees a leur niveau actuel), et I'approvisionnement en uranium se revelait difficile (les grands gisements d'uranium ne furent decouverts que 30 ans plus tard). Les reacteurs a neutrons rapides (RNR), pour leur faculte d'epuiser tout le potentiel energetique de I'uranium nature! grace au phenomene de la surgeneration, ont ete alors considered comme la solution technique capable de perenniser I'energie de fission. En 1945, Enrico Fermi declarait : « The country which first develops a breeder reactor will have a great competitive advantage in atomic energy ». Aussi le developpement des RNR fut-il lance des ce moment (Vendryes, 1987, p. 91 et sq.) et en 1952, EBR-I, petit prototype RNR, a ete le premier reacteur au monde a produire de I'electricite, il est vrai, de facon symbolique. Dans un reacteur nucleaire quel qu'il soit, I'uranium 238 present est partiellement transformed en isotopes de plutonium, dont la fraction fissile s'evalue en plutonium 239 equivalent (§ 13.2.1). Le facteur de regeneration du reacteur est par definition egal au rapport de la quantite de matieres fissiles formees a la quantite de matieres fissiles disparues pendant le meme temps. Dans les REO actuels, ce facteur est d'environ 0,6, et pourrait atteindre au plus 0,9 grace a une sous-moderation du cceur. Dans les RNR, il est possible d'obtenir des facteurs de regeneration nettement superieurs a 1, caracteristiques de la surgeneration. Celle-ci a ete demontree experimentalement dans le reacteur Phenix, en bon accord avec le calcul. Selon la conception des cceurs, on est en mesure d'atteindre des facteurs de regeneration allant jusqu'a 1,4 (Vendryes, 1987, p. 14). II est possible aussi de faire fonctionner les RNR en sous-generateurs pour reduire les stocks de plutonium, ce qui donne une flexibilite remarquable a cette filiere. L'extraction de I'energie potentielle de I'uranium 238 par la surgeneration ne s'effectue que progressivement, grace a une succession de recyclages mettant en ceuvre un cycle ferme du combustible, compose d'une etape de fabrication des assemblages au plutonium et a I'uranium appauvri, et d'une etape de retraitement degageant a chaque fois un excedent de plutonium. Ce cycle a ete mattrise industriellement. La constitution d'un pare de RNR resulte d'une dynamique lente, caracterisee par le temps de doublement : c'est le temps necessaire pour qu'a partir de I'excedent de plutonium produit par un seul RNR, on accumule assez de ce metal pour constituer la
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premiere charge d'un nouvel RNR identique ainsi que les recharges relatives a sa periode de pre-autonomie, quand il ne peut encore s'alimenter en plutonium par sa propre production. Ce temps de doublement depend de nombreux parametres, dont les deux principaux sont le facteur de regeneration et le temps de sejour hors pile du plutonium impose par la duree de desactivation, de retraitement et de fabrication. D'autres parametres influant sont les pertes au retraitement et le volant de fabrication (la perte de plutonium 241 par disintegration en americium est determinee par le temps hors pile). L'ordre de grandeur du temps de doublement est de 25 a 35 ans. La croissance du pare RNR est plus rapide si on considere le temps de doublement compose d'un pare RNR existant ; c'est la duree necessaire pour doubler la capacite de ce pare a partir de I'ensemble de ses excedents de plutonium. Son ordre de grandeur est de 15 a 25 ans (Bussac et al., 1985, p. 584 et Boulinier, 1986, pp. 39 et
272). La penetration des RNR dans un pare de reacteurs thermiques existants depend aussi de I'importance de ce pare, sa croissance, son taux de production de plutonium, et evidemment du stock de plutonium et de la capacite des usines de retraitement. La dynamique qui en resulte est schematised dans Baumier (1986, p. 267), et une simulation a partir du programme REP francais dans Boulimier (1985, p. 49) montre I'incidence du facteur de regeneration des RNR et du temps de sejour hors pile du plutonium. Le remplacement integral par les RNR d'un pare de reacteurs thermiques n'est possible, selon la theorie, que pour certaines valeurs des parametres mentionnes cidessus. L'occurrence d'une telle situation, ou plus simplement la contribution possible des RNR et son evolution, sont d'une importance critique eu egard a la hausse des prix de I'uranium et a I'epuisement a terme des ressources. Pour s'en convaincre, il suffit de noter que pour produire 1 TWh un pare de REO fonctionnant en cycle ouvert consomme 20,7 tonnes d'uranium naturel alors qu'un pare compose integralement de RNR ne consomme que 0,7 tonne d'uranium appauvri. Une vision claire de la securite d'approvisionnement en uranium ne peut s'obtenir que par des evaluations realistes du developpement nucleaire dans le monde, region par region, pour determiner les besoins engages selon les hypotheses sur la demande d'energie et selon les strategies technologiques envisageables. A cette fin, un modele informatique suffisamment complexe (comme les modeles EPATAN ou COSI du CEA) doit simuler I'introduction de RNR dans un pare de reacteurs thermiques existant en tenant compte de la gestion evolutive des combustibles standard et des combustibles MOX, ainsi que celle des stocks de plutonium d'origine et d'age differents, done de valeurs d'equivalence differentes (§ 16.2.7). La mise en regard d'une part de la penetration des RNR et de ('evolution des besoins engages d'uranium qui en resulte, d'autre part de I'etat previsible des ressources de ce metal constitue un element important de la decision politique de recourir aux RNR, d'en lancer a temps un programme en symbiose avec les REO et d'engager en amont
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les efforts de R et D necessaires. Get exercice est apte a mettre en relief I'inertie et les delais propres au systeme nucleaire dans son ensemble. Prevoir suffisamment tot ['introduction des RNR, c'est mettre en ceuvre le principe de precaution qui preside a I'idee de developpement durable, et, a I'echelle nationale, celle de securite d'approvisionnement a long terme. Le potentiel energetique des ressources d'uranium s'evalue de facon differente dans le cas de la mise en ceuvre des RNR. II faut tenir compte alors d'un facteur multiplicatif qui est le rapport entre les quantites d'energie qui peuvent etre produite par un RNR et par un REO a partir d'une meme quantite d'uranium naturel. Ce facteur depend des caracteristiques d'utilisation des REO et du cycle du combustible (fraction de cceur, taux de combustion, nature du cycle, ouvert en general), et des performances et parametres des RNR, surtout ceux relatifs au temps de doublement. La determination de ce facteur n'est done pas unique. L'examen qui en est effectuee par Boulinier (1985, p. 40) conclut a une valeur situee entre 80 et 120. D'autres choix de parametres aboutissent a la fourchette 50 a 100. On adopte ici la valeur de 70. La conversion de ['uranium naturel en energie au moyen de REO fonctionnant en cycle ouvert s'effectue par ('equivalence approximative, demontree par Baumier et al. (1986, p. 217) : 1 tonne d'uranium naturel = TOOOOtep. Les ressources classiques connues a moins de 130 $/kgU s'elevaient en 2000 a 3,9 millions tU (§ 12.2.2) ; elles correspondent ainsi a un potentiel energetique de 39 Gtep en reference a I'utilisation des REO. Ces memes ressources converties par la mise en ceuvre des RNR represented un potentiel qui se situe entre 2000 et 2700 Gtep selon le facteur multiplicatif adopte. Comme il vient d'etre souligne, le potentiel de I'uranium ne peut etre epuise par les RNR qu'a la suite de nombreux recyclages qui se derouleront sur une duree tres longue, trop longue pour s'inscrire dans un avenir humainement previsible. La valeur elevee de ce potentiel est garante de la perennite de I'energie nucleaire par la mise en ceuvre des RNR. • Les reacteurs a haute temperature Les reacteurs a haute temperature (RHT), par leurs qualites intrinseques et leurs applications specifiques pourraient se developper en parallele avec les REO et les RNR. Du point de vue de I'approvisionnement en matieres nucleates, les RHT presentent I'avantage de pouvoir recourir au cycle thorium-uranium. Dans un reacteur, le thorium 232 est un materiau fertile qui produit par capture neutronique un isotope fissile, Turanium 233. Utilise en cycle ouvert, le thorium naturel exige done I'apport de matiere fissile, I'uranium 235 (enrich! a environ 20 %) ou le plutonium. Mais a cause des qualites neutroniques du thorium 232 et surtout de I'uranium 233, I'aptitude de thorium a produire de la matiere fissile dans un cceur au cours d'une irradiation de longue duree peut-etre plus grande que celle de Turanium 238 produisant du plutonium. Dans les RHT, les taux de combustion sont considerablement plus eleves que dans les REO, grace a la matiere fissile creee in situ.
15 - Energie nucleaire et developpement durable : potentiates et approvisionnement energetiques
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Le cycle ferme base sur le thorium ne peut s'envisager qu'a long terme. Le retraitement des combustibles uses, necessaire pour recuperer suffisamment d'uranium 233, releve d'un precede different du precede PUREX des combustibles des REO, et doit faire I'objet d'un developpement important. Surtout la technique de refabrication du combustible est particulierement delicate a cause de la presence d'emetteurs alpha dans les matieres recyclees, dont I'uranium 233 lui-meme. Divers modes d'utilisation du cycle thorium sont etudies ; ils sont decrits dans AEN (2002a, pp. 119-123, 145). Le thorium est estime quatre fois plus abondant dans la croute terrestre que I'uranium (Dautray, 2001, p. 276). La mise en ceuvre des RHT et des usines du cycle associees constitue un des meilleurs moyens de valoriser cette ressource et contribuer sur le tres long terme a la perennite de I'approvisionnement en matieres nucleaires. Dans I'eventualite d'un recours accelere aux reacteurs nucleaires dans la lutte centre I'effet de serre, une contribution accrue des RHT apporterait une souplesse strategique si la penetration des RNR se revelait trop lente pour faire face a I'epuisement des ressources d'uranium, ou meme seulement des reserves a bas prix.
15.4.3. Comparaison des ressources d'energies fossiles et des ressources d'uranium Les ressources en uranium, d'une facon generale en matieres nucleaires, sont en mesure de contribuer largement a la demande en energie du XXI e siecle et de faire face aux changements structurels qui devront intervenir en raison des contraintes liees aux ressources en energies fossiles. Cela est vrai soit que I'on considere les quantites cumulees, soit que Ton raisonne en besoins transitoires. La comparaison des ressources d'uranium avec les ressources energetiques d'origine fossile confirme le role potentiel de I'energie nucleaire dans la perspective d'un developpement durable. Le tableau 15.5. presente, d'apres Dautray (2001), d'une part les reserves prouvees recuperables, d'autre part les ressources effectivement mobilisables, exprimees en Gtep.
Tableau 15.5. Ressources en energie primaire (Gtep). Energie primaire
Reserves prouvees recuperables
Ressources effectivement mobilisables
Charbon Petrole Sable bitumeux
1000
750 a 1500
150 -
425 200 300 -
Gaz
Uranium (REP) Uranium (RNR)
150 35 -
2500
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L'economie de I'energie nucleaire
Pour le nucleaire cet inventaire se complete des stocks disponibles d'uranium appauvri, mobilisables par les RNR, des ressources de thorium mobilisables par les RHT, plus importantes que celle de I'uranium. Si Ton se soucie d'un avenir depassant de beaucoup la fin de siecle, les enormes ressources d'uranium non-classiques (§ 12.2.2) devraient calmer les inquietudes.
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Energie nucleaire et developpement durable: environnement, economic et societe
La contribution de I'energie nucleaire au cours de ce siecle, telle qu'on I'entrevoit a travers les scenarios de I'etude CGEMP et brievement decrite au chapitre 15, est susceptible d'apporter des changements structurels notables. Dans la perspective du developpement durable, il importe de savoir dans quel sens et si possible avec quelle amplitude, ces changements auraient une incidence sur I'environnent, I'economie et la societe. Au risque de redites, on se refere naturellement aux donnees obtenues dans les chapitres precedents concernant I'etat actuel de I'energie nucleaire dans le monde et ses implications dans les trois domaines precites. Les consequences sur I'environnement des systemes actuels de production d'electricite ont ete analysees au chapitre 10 et evaluees au moyen des couts externes. Les contrastes entre electronucleaire et thermique a flamme ont ete soulignes. Les deux premieres sections dans ce chapitre esquissent Devolution de ces questions dans le contexte du XXP siecle (§ 15.2) et a la lumiere des transformations technologiques attendues des reacteurs nucleaires et de leur potentialite d'application (§ 15.3) ainsi que des changements structurels de leur pare (§ 15.4). Les deux sections suivantes traitent des aspects economiques intrinseques de I'energie nucleaire du futur et la cinquieme section du contexte general dans lequel s'evaluera la competitivite de I'energie nucleaire. Les avantages globaux de I'energie nucleaire pour la societe dans une perspective a long terme sont evoques dans la sixieme section. En conclusion, les reponses que peut apporter I'energie nucleaire aux objectifs de developpement durable presentes au paragraphe 15.1 sont resumes brievement. Ces deux derniers chapitres confortent la declaration emise par le Conseil mondial de I'energie en 2000 et reprise dans AEN (2002c) : « L'energie nucleaire revet une importance fondamentale pour la plupart des membres du CME. Elle reunit a la fois les avantages d'utiliser un combustible abondant et bien
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L'economie de I'energie nucleaire
diversifie (et meme potentiellement illimite si les surgenerateurs sont utilises), d'etre quasiment Rationale, de ne pas emettre de gaz a effet de serre, d'etre soit competitive soit au pire legerement plus chere que ses concurrents. En fait, si la menace de changement climatique s'averait, le nucleaire est la seule technologic existante qui pourrait remplacer le charbon pour produire de I'electricite en base. »
16.1. Developpement de I'energie nucleaire et changement climatique 16.1.1. Reduction des emissions de CO2 L'un des avantages de I'energie nucleaire du point de vue de I'environnement est sa tres faible contribution aux emissions de GES, du moins lorsque le systeme nucleaire est concu aussi rationnellement que possible comme le mettent en evidence le tableau 10.11 et son commentaire. L'incidence positive des centrales electronucleaires sur les emissions de GES est illustree par la figure 16.1, qui indique le pourcentage d'emissions de CO2 evitees par I'energie hydraulique et I'energie nucleaire entre 1965 et 1993 (AEN, 2002c). On constate que le pourcentage de CO2 que le recours a I'hydraulique a permis d'eviter a peu progresse, a savoir de 6,4 % en 1965 a 8,6 % en 1993, tandis que le chiffre pour I'energie nucleaire passait de 0,2 a plus de 8 %. II apparaTt par consequent que le developpement des pares electronucleaires a largement contribue a eviter des emissions mondiales de CO2. Les objectifs du protocole de Kyoto appellent a une reduction des emissions de dioxyde de carbone des pays de I'OCDE de 700 millions de tonnes d'ici a 2008-2012 par rapport au niveau de 1990. Si toutes les centrales nucleaires des pays de la zone OCDE devaient cesser de fonctionner dans les decennies qui viennent, le montant des reductions effectives a realiser serait accru de 1200 millions de tonnes. En revanche, une reprise progressive de la construction de centrales nucleaires plutot qu'une stagnation conduisant a une augmentation de puissance nucleaire installee de 300 GWe en 2020 permettrait d'eviter remission de 600 millions de tonnes de CO2 en 2012 et 1700 millions de tonnes en 2020 (Naudet, 1993). Dans le cadre du scenario nucleaire adopte, cette baisse d'environ 4 % des emissions mondiales de CO2 en 2020 concernerait pour I'essentiel I'Amerique du Nord et I'Europe de I'Ouest. Le cas de la France merite une attention particuliere en raison de I'importance de son pare nucleaire dans la production d'electricite (figure 3.6). La figure 16.2 illustre la baisse spectaculaire des emissions de CO2 d'EDF correspondant au declin des combustibles fossiles. La reprise temporaire des emissions entre 1988 et 1991 s'explique par les faibles precipitations dont a souffert la production hydraulique ainsi que par les problemes qui ont empeche d'utiliser a plein les centrales nucleaires. Cette conjonction d'evenements a conduit a exploiter davantage les centrales thermiques classiques. Si la puissance
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Figure 16.1. Pourcentage des emissions de CO2 evitees par I'energie hydraulique et I'energie nucleaire.
nucleaire installee n'avait pas continue d'augmenter, cette hausse des emissions aurait pu etre plus importante. En 1993, EOF produisait 82,5 % de son electricite dans des centrales nucleates, ce qui representait pres de 78 % de la production d'electricite totale de la France. II convient de noter cependant que le programme nucleaire n'est pas la seule cause de la reduction des emissions de CO2 en France. Une etude de 1990 du ministere de Plndustrie a montre une diminution des emissions de CO2 de 530 Mt en 1973 a 390 Mt en 1989 ; les 360 Mt evitees en 16 ans sont dues au nucleaire (230 Mt) et, pour le reste (130 Mt), a la fois a la maTtrise de I'energie et a revolution de la structure de I'economie a cause du declin des activites primaires et de I'essor des activites tertiaires. La contribution potentielle de I'electronucleaire a la reduction des emissions mondiales de GES au cours du XXIe siecle est illustree par I'etude (CGEMP, 2002) en comparant, dans le cadre du scenario C, dit ecologique, le cas option de base (OB) et celui de la sortie du nucleaire (SN) (tableaux 15.1 et 15.2). Dans I'option de base, la production d'electricite nucleaire atteint pres de 44000 TWh en 2100, soit 18 fois le niveau actuel (2449 TWh en 2000) tandis que dans la sortie du nucleaire, cette production est a peu pres au meme niveau en 2100 qu'en 2000 (figure 16.3). La figure 16.4 montre revolution des emissions mondiales de dioxyde de carbone, exprimees en millions de tonnes de carbone par an. Dans le cas (C-OB), le taux d'emission de CO2 a la fin du siecle est inferieur d'environ 25 % au niveau actuel. Cependant, les emissions ayant continue de
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Figure 16.2. Emissions de CO2 des centrales EOF (Mt CO2).
croTtre entre 1990 et 2000, le taux d'emission a la fin du siecle n'est que legerement inferieur (d'environ 4 %) au niveau de 1990. Dans le cas de sortie du nucleaire (C-SN), en revanche, les emissions de CO2 a la fin du siecle depassent de 13 % le niveau actuel et de 35 % celui des annees 90 (AEN, 2002c). II n'est pas inutile de mentionner que, dans le scenario B, dit de statu quo, de I'etude (CGEMP, 2002), les taux d'emissions de CO2 a la fin du siecle seraient de 90 % superieurs aux niveaux actuels si I'option nucleaire est conservee - cas (B-OB) -, et de 115 % superieurs en cas de sortie du nucleaire - cas (B-SN). Ainsi, les hypotheses adoptees dans le scenario ecologique, et notamment la taxe sur le carbone, permettent effectivement d'attenuer les taux d'emission. Les cas etudies ci-dessus ne considerent que I'electronucleaire. Le developpement des autres applications des reacteurs conduirait bien evidemment a des reductions supplementaires et sensibles d'emission de CO2
16.1.2. Donnees economiques relatives a la reduction des emissions de CO2 La capture du CO2 dans les installations qui emettent des quantites importantes de ce gaz, puis sa compression, son transport et son stockage definitif (ou sequestration) relevent de technologies actuellement disponibles (Feugier, 2002). Le cout de la capture est relativement eleve, et selon les configurations techniques, se situe entre 110 et
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Figure 16.3.
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Production electronucleaire mondiale dans le scenario ecologique (TWh/an).
Figure 16.4. Emissions mondiales de CO2 (MtC/an) dans le scenario ecologique.
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150 $ par tonne de carbone (tC). Celui de compression est de 30 a 37 $/tC ; celui de transport est estime suivant les debits entre 3,5 et 13 $/tC par 100 km. Les couts de stockage sont compris entre 7 et 70 $/tC selon la nature du site, la quantite stockee et le debit d'injection. Le cout total de capture et sequestration, estime entre 160 et 350 $/tC, pourrait etre reduit de 60 % grace aux progres techniques. Certains estiment qu'en 2050, 20 % des emissions de CO2 liees a la production et a ('utilisation des energies fossiles, subiront ce processus. Les instruments economiques destines a reduire les emissions de CO2 resteront done indispensables pour satisfaire aux objectifs de Kyoto (§ 15.2.2). L'instauration d'un marche de permis d'emissions conduit a la valeur la plus avantageuse du carbone, comme le montre la comparaison des tableaux 11.6 et 11.8 et Moisan (2001). En supposant une trajectoire de developpement durable definie par la Constance des objectifs de Kyoto audela de 2012 pour les pays de I'OCDE et les pays en transition, la valeur du carbone passerait progressivement de 70 $/tC 2010 a 400 $/tC en 2040 (tableau 11.8). Le scenario C-OB adopte une evolution moins rapide de cette valeur, sans doute plus realiste, soit une augmentation lineaire de 30 $/tC tous les 15 ans a partir de 2005.
16.2. Developpement de I'energie nucleaire et evolution de la radiotoxicite 16.2.1. Diminution specifique des sources radiotoxiques • Diminution de la quantite de dechets, des rejets radioactifs et de la radio-exposition La quantite de dechets nucleaires issus des combustibles uses est directement liee au rendement thermodynamique des centrales. Les RNR et les RHT par leur rendement eleve (42 a 45 %) generent globalement moins de dechets par TWh electrique que les reacteurs a eau de rendement nettement plus faible (32 a 34 %). Le remplacement progressif de ces derniers par les RNR et les RHT diminuerait done a terme le volume et la radiotoxicite des dechets pour une meme quantite d'electricite produite. L'exposition du personnel, ainsi que les rejets atmospheriques, dependent du type de reacteur. Les reacteurs du futur sont concus pour diminuer encore ces deux nuisances potentielles. A cet egard, ('experience acquise sur les RNR en France a revele des resultats remarquables : a Phenix, le personnel d'exploitation et d'entretien n'a ete soumis qu'a une tres faible exposition, et le niveau de radioactivite des rejets atmospheriques se situe a la limite de detection des appareils de mesure (Vendryes, 1987, p. 103). Une tendance similaire s'affirme pour les usines du cycle du combustible. Ainsi, pour le retraitement, I'activite a et (3 des rejets liquides des usines nouvelles de La Hague a ete reduite d'un facteur voisin de 10 de 1990 a 1999, alors que les tonnages traites ont ete multiplies par trois. Des precedes nouveaux permettront de reduire encore la
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quantite de rejets liquides, notamment les effluents des analyses de controle, et leur activite, ainsi que celle des effluents gazeux. • Diminution de la radiotoxicite a tres long terme Reduire de facon significative la radiotoxicite a tres long terme est un objectif qui repond aux preoccupations du public soucieux de ['impact sanitaire des activites nucleaires sur les generations a venir. Les transuraniens, le plutonium surtout, et dans une moindre mesure les actinides mineurs, sont les principaux contributeurs a I'inventaire radiotoxique a long terme des combustibles uses. II est possible de les eliminer en grande partie par la mise en ceuvre de deux strategies, d'importance et de priorite differentes : d'une part, diminuer fortement le bilan global de plutonium dans le systeme nucleaire, d'autre part, eliminer la majeure partie des actinides mineurs par separation et transmutation, et agir de meme avec certains produits de fission a vie longue. La bonne gestion du plutonium est done un objectif important des strategies nucleaires du futur. Elle consiste essentiellement en I'elimination de ce metal par recyclage dans les reacteurs, qui s'accorde parfaitement avec le souci d'economiser les ressources en uranium. Cette elimination s'effectue partiellement dans les REO par monorecyclage grace au combustible MOX. Elle pourrait s'ameliorer grace a des conceptions de combustibles plus specifiques (combustible CORAIL ou APA). Les RNR sont encore plus efficaces a cet egard a cause de I'intensite et du spectre neutroniques de leurs cceurs et des taux de combustion eleves de leurs combustibles. Dans tous les cas, il est necessaire de proceder au retraitement des combustibles uses, dans lequel la recuperation du plutonium s'effectue avec un excellent rendement, pres de 99,9 %, ne laissant qu'une faible quantite de ce metal dans les dechets de haute activite. Le changement structure! des pares nucleaires au cours du siecle se traduirait par une meilleure gestion du plutonium comme le montre quantitativement le tableau 16.1, d'apres AEN (2002a, p. 141). L'introduction des RHT va aussi dans le sens d'une moindre production de transuraniens que dans le cas des REO. Les RHT permettent en outre des taux de combustion beaucoup plus eleves que les REO allant jusqu'a 130 GWj/tML au lieu de 60 pour les REO. II en resulte une diminution importante des masses de combustibles decharges, 0,668 tML/TWh pour les RHT centre 2,042 tML/TWh pour les REO. Ainsi, la quantite de plutonium produite s'abaisse (en cycle ouvert) de 26 kg/TWh pour les REO a 15,3 kg/TWh pour les RHT et celle des actinides mineurs de 3,76 a 2,3 kg/TWh (AEN, 2002a, p. 136). / L'elimination d'une grande partie des actinides mineurs et de certains produits de fission a vie longue est une option envisageable qui est actuellement a I'etude. Pour ce faire, on doit d'abord separer les actinides mineurs par voie chimique et ensuite a les transmuter selon diverses modalites impliquant reacteurs et cycles de combustible appropries (CEA, 2002). Ces cycles sont bases sur des combinaisons de REO et RNR ou encore de reacteurs hybrides (cceurs sous-critiques associes a un accelerateur) et sur des usines
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Tableau 16.1. Quantites de matieres et dechets nucleaires selon le type de reacteurs du pare.
Type de reacteurs Taux de combustion (GWj/tML) Rendement (%) Uranium naturel (t/TWh) Enrichissement ($/TWh)
REO Cycle ouvert
REO Monorecyclage
RNR En totalite
60 34
60 34
123 40
20,7 15825
18,4 14075
25,8 3,76 1,87 1,61 0,28 125,4
15,4
0,7 (appauvri) 0
Dechets (kg/TWh) Pu
Actinides m incurs dont Np Am Cm
Produits de fission
5,5
1,71 3,08 0,72 124,2
0,14 4,3
0,43 3,58 0,28 ?
specifiques pour fabriquer et retraiter les combustibles et les cibles incorporant les elements a transmuter (AEN, 2002a ; 2002b et Grouiller, 2002). Les RNR, grace a leur spectre neutronique, sont efficaces comme incinerateurs de quantites importantes d'actinides mineurs sans impact important sur la physique du cceur. Qu'ils soient en association avec des REO, ou qu'ils constituent dans un futur plus lointain I'integralite du pare nucleaire, le nombre de RNR incinerateurs d'actinides est un parametre important de 1'evaluation economique globale de la production d'electricite nucleaire (§ 16.2.3). A titre d'exemple, la structure d'un pare mixte REP et RNR ou ('ensemble du plutonium et des actinides est en tres grande partie detruit est la suivante, d'apres Dautray (2001, p. 78), exprimee en pourcentage de I'energie produite : 70 % par les REP a combustible UOX ; 8 % par les REP a combustible MOX ; et 22 % par les RNR. Dans le cas d'un pare integralement compose de RNR, le nombre de reacteurs incinerateurs, qui pourraient etre des reacteurs hybrides, correspondrait a une capacite de 5 a 8 % du pare (AEN, 2002a, p. 143).
16.2.2. Incidence sur les externalites nucleaires Les changements ou ameliorations de la technologic des reacteurs et des combustibles, permettant de reduire soit la consommation d'uranium naturel, soit les quantites de dechets et de rejets radioactifs, ont une incidence favorable sur les couts externes de I'energie nucleaire ; le poste mine et concentration et celui dechets de haute activite de ces couts, tels que portes au tableau 10.3, en sont diminues d'autant. Cependant, etant donne le faible niveau des couts externes de I'energie nucleaire, I'effet economique est accessoire.
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Toutefois, la pertinence de transmuter les actinides mineurs et les quelques radionucleides a vie longue doit etre examinee en tenant compte du bilan des effets evites a tres long terme par rapport aux effets supplementaires a court et moyen termes. La separation/transmutation supprime des effets de debit de dose extremement faibles dans les millenaires a venir mais fait apparaitre une radiotoxicite a court et moyen termes due a la fabrication des cibles de matieres a transmuter et a leurs multiples recyclages. Le choix de I'option transmutation des actinides serait fonde sur des criteres sociopolitiques plutot que scientifiques, car la garantie du confinement dans un stockage geologique des dechets, notamment des transuraniens, excede largement 10000 ans, et au-dela I'impact radiologique pour les populations les plus concernees serait environ mille fois inferieur a celui de la radioactivite naturelle (Vernaz, 2002 et Bonin, 2002). Toutefois, I'adhesion du public est un des objectifs sociaux du developpement durable et si la transmutation se revelait necessaire pour faire accepter I'energie nucleaire par la societe, cette option serait une moyen pertinent de politique energetique dans ce cadre. II conviendrait alors de prendre en compte le bilan des effets a court, moyen et long termes evoques ci-dessus et d'approfondir I'analyse economique ebauchee ci-dessous pour etayer la prise de decision.
16.2.3. Apergu economique sur la separation et la transmutation des actinides mineurs Dans I'hypothese ou I'option separation et transmutation des actinides mineurs serait retenue, il importe d'en cerner le surcout et de se demander s'il ne constitue pas un obstacle a la competitivite de I'energie nucleaire. Une evaluation precise est aujourd'hui impossible : il faudrait au prealable selectionner les meilleures strategies electronucleaires envisageables a cet effet, et surtout posseder une solide connaissance des donnees economiques des reacteurs envisages et de leur cycle du combustible. Les strategies electronucleaires aptes a reduire la radiotoxicite a tres long terme des dechets sont nombreuses ; les plus prometteuses sont decrites dans Grouiller (2002) et dans AEN (2002b). Choisir la ou les meilleures d'entre elles est un processus complexe, car il depend du gain de radiotoxicite que Ton se fixe et du delai necessaire a la stabilisation de I'inventaire massique des actinides dans Tensemble du systeme nucleaire ; de plus, il doit concilier les contraintes liees a la competitivite, a la surete et a ('utilisation efficace des ressources en uranium. Les RNR apparaissent des maintenant comme une solution interessante (§ 16.1.1) et parmi les configurations de pares composes de REP et de RNR, le pare constitue entierement de RNR procure le gain le plus important en inventaire radiotoxique (Grouiller, 2002). Le degre de connaissances techniques et economiques n'est pas homogene pour ('ensemble des strategies. Le systeme de reacteur hybride sous-critique associe a un accelerateur n'est pas encore assez developpe pour qu'une evaluation economique precise puisse en etre faite. Son cout de production est estime superieur de 30 a 65 % a
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L'economie de I'energie nucleaire
celui d'un RNR du type EFR (Bacher, 1999). En revanche, I'economie des RNR est suffisamment bien connue (voir Annexe B) pour estimer de facon assez correcte la transmutation des AM en leur sein. En consequence, I'option fondee sur I'utilisation des RNR apparaTt aujourd'hui la plus solide pour ebaucher les premieres estimations de cout relatives a la separation et la transmutation des AM, sans prejuger I'interet des options qui ne sont pas aussi bien documentees du point de vue economique pour I'instant. De plus, la voie homogene consistant a melanger les actinides au combustible est plus facile a concevoir, car elle evite la realisation des usines de fabrication des cibles d'americium et celles de curium. L'etude (AEN, 2002b) estime que le cout de fabrication de ces cibles est 5 a 10 fois superieur a celui de la fabrication du combustible UOx standard. La separation des AM d'avec les produits de fission, puis d'avec les lanthanides necessite des ateliers specifiques, dont I'investissement est de I'ordre de 30 a 40 % de I'investissement d'une usine moderne de retraitement de combustible RNR. La fabrication des combustibles homogenes, en raison des hautes activites a et neutron, exige un nouveau concept d'usine renforcant les manipulations a distance et la protection centre les risques de criticite. Le surcout d'investissement se situe entre 30 et 50 % de I'investissement relatif a une usine de fabrication de grande capacite du combustible RNR. En considerant pour le long terme un programme constitue en totalite de RNR, le cout du kWh serait augmente de 5 a 7 % selon I'importance du programme, si I'on se refere a I'analyse conduite dans I'Annexe B. Les estimations effectuees dans I'etude (AEN, 2002b) permettent de comparer six strategies dans un etat d'equilibre de I'inventaire en actinides. L'option separation et transmutation des actinides apparaTt moins onereuse pour les strategies basees sur les RNR comme incinerateurs. Deux strategies sont envisagees a cet egard : un pare compose de REP et de RNR dans la proportion de 4 a 1, les RNR, du type EFR, ne transmutant par hypothese dans ce cas que le plutonium, principal actinide ; et un pare compose de REO et de RNR, du type americain ALMR de 600 MWe et de facteur de conversion de I'ordre de 0,5 brulant le plutonium et les AM (la strategic basee sur des reacteurs frangais REP et RNR decrite au paragraphe 16.2.1 transmute aussi la majeure partie des actinides). La strategic de reference consiste en un pare compose uniquement de REP-N4 fonctionnant en cycle ouvert. Pour chaque strategie, on calcule les quantites de plutonium et d'AM, c'est-a-dire de transuraniens (TRU) devant etre evacues en stockage profond, et ensuite le cout du kWh. Ces deux resultats sont rapportes aux valeurs correspondantes de la strategie de reference. Le cout marginal du kilogramme de transuraniens evite est par definition le cout specifique correspondant a la diminution de la masse de transuraniens consideres comme dechets et destines au stockage definitif. Pour chaque strategie etudiee, il
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s'obtient en divisant le surcout de production de cette strategic par rapport a la strategic de reference par la quantite de transuraniens que la strategic etudiee evite d'envoyer au stockage. L'ensemble de ces resultats figure au tableau 16.3. Tableau 16.3. Comparaison de strategies d'incineration du plutonium et d'actinides mineurs.
REP-N4 REP-N4 etEFR Cycle ouvert Incineration Pu Dechet Pu (kgPu/TWh) Dechet AM (kgAM/TWh) Dechet TRU (kgTRU/TWh) Ratio dechet Cout(mill/kWh) Ratio cout Gout marginal ($/kgTRU)
29,53 3,66 33,19 1,0 38,02 1,0
-
0,10 9,47 9,57 0,2883 40,70 1,07 113000
REO et ALMR Incineration Pu et AM 0,10 0,01 0,12 0,0035 42,41 1,12 133000
Malgre ('analyse economique sommaire et le modele simplifie d'equilibre conduisant a ces resultats, on peut considerer que I'ordre de grandeur du cout du kilogramme de transuraniens evite grace a ces strategies est de moins de 150 000 $/kg TRU. Les transuraniens representant environ 1 % de la masse des combustibles uses, la valeur correspondante par unite de masse de combustible est inferieure a 1500 $/kg ML. Les evaluations precises de telles strategies ou de strategies plus complexes, soit incluant les phases transitoires, soit permettant de resorber des stocks existants de plutonium separe ou des entreposages de combustibles uses, ne sont faisables que par ('utilisation de modeles detailles de simulation de revolution de pares nucleaires, dont on fait mention dans I'annexe D.
16.3. Economie de I'electricite nucleaire a long terme Pour jouer pleinement le role que promettent ses potentialites techniques, I'electricite nucleaire devra rester economiquement viable, c'est a dire competitive vis-a-vis des autres formes d'energie. II est difficile de prevoir revolution a long terme des couts intrinseques de I'electricite nucleaire dans la mesure ou les modeles et meme les types de reacteurs et leurs cycles de combustible ne seront plus ceux d'aujourd'hui. L'objectif de cette section est done d'estimer des tendances a partir de ce que I'on connaTt et de ce qui a ete assez bien analyse et de presenter des etudes de sensibilite basees sur des hypotheses economiques plausibles.
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16.3.1. Stabilite des couts de production des reacteurs a I'uranium La stabilite des couts de production de I'energie nucleaire est un avantage indeniable pour les utilisateurs, les investisseurs industriels et pour ('economic generale du pays. Cette situation perdurera-t-elle au cours des quelques decennies pendant lesquelles les reacteurs a eau resteront majoritaires ? Ne va-t-elle pas se deteriorer par I'effet d'exigences accrues de surete et de la hausse previsible du prix de I'uranium ? • Incidence des progres techniques relatifs aux reacteurs et au cycle S'agissant de revolution technique des reacteurs existants conduisant aux reacteurs a eau qualifies d'evolutionnaires, deux effets antagonistes se manifesteront : une surete accrue reduira les gains attendus dans la conception et la realisation des centrales, en revanche le progres technique ameliorera les performances. Dans le domaine des reacteurs, le modele EPR est une bonne illustration de ce qui precede. Le surcout de 5 % a I'investissement pour renforcer la surete sera surtout compense dans le cout actualise du kWh par une augmentation du facteur de disponibilite (§ 10.2.3). Le demantelement des installations nucleaires, quand il en sera a la phase industrielle, sera contraint a des exigences plus fortes concernant la protection des travailleurs et de I'environnement. Le surcout qui aurait pu en resulter sera evite grace a des precedes nouveaux a I'etude devantfaciliter les interventions dans cette activite quand elle aura atteint la maturite. L'optimisation du combustible conduit a des technologies d'assemblages et des alliages nouveaux dont la mise en ceuvre sera plus couteuse que celle des assemblages actuels mais qui permettront I'accroissement des performances, notamment des taux de combustion jusqu'a 60 MWj/t et plus, ainsi que la parite pour le combustible MOX. L'interet economique de I'augmentation substantielle des taux de combustion a ete expose au paragraphe 7.1.6, celui de la parite MOX au paragraphe 13.3.3 et au tableau 13.5. Les techniques d'enrichissement envisagees pour I'avenir (I'ultracentrifugation, et peut-etre la separation par laser) pourraient permettre d'abaisser les couts de cette activite. D'une part, cette baisse conforterait la tendance d'un taux de rejet des usines plus bas a I'avenir pour faire face a la rarefaction de I'uranium a bon marche, comme on peut le comprendre d'apres la courbe d'optimisation de la figure 12.6. D'autre part, elle favorise les taux de combustion eleves, ceux-ci exigeant de plus forts taux d'enrichissement. Les futures usines de retraitement, qui joueront un role essentiel quelles que soient les strategies futures devant assurer I'approvisionnement en matieres nucleaires, beneficieront d'ameliorations conduisant a une reduction de leur cout de production d'environ 30 % a performances egales (§ 13.2.2).
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En resume, revolution technique des reacteurs a eau et des installations du cycle devrait permettre la stabilite ou meme la baisse des couts de kWh nucleaire tout en satisfaisant des exigences accrues de surete. • Incidence de la hausse des prix de Puranium La hausse des prix de I'uranium est ineluctable a terme. Une fois les stocks actuels resorbes et les gisements en cours de production epuises, ('exploration et la mise en exploitation de nouveaux gisements plus difficiles d'acces ainsi qu'une protection de I'environnement plus contraignante entrameront des couts d'extraction plus eleves. En outre, le renouveau des programmes nucleaires dans certains pays d'ici une ou deux decennies creerait une tension sur les prix de I'uranium nature!, qui pourrait se manifester par anticipation des I'annonce de ces programmes. A titre d'hypothese, on peut imaginer a ('horizon 2030 un niveau de prix de I'ordre de 100 $/kgU (40 $/lbU3O8), niveau en $ courants des contrats pluriannuels en 1982 (figure 12.3). Toutefois le prix de I'uranium ne devrait pas augmenter au dela de ce niveau, auquel de nombreux gisements deviendraient rentables et stabiliseraient I'offre. Par exemple, les enormes ressources contenues dans les phosphates seraient exploitables a des couts de I'ordre de 100 $/kgU. L'incidence d'une telle hausse du prix de I'uranium - soit un quadruplement par rapport aux prix actuels - serait, d'apres le tableau 7.10, une augmentation du cout du kWh de 1,6 m€/kWh, soit 5 % (voir tableau 8.2). Dans le cas du gaz, une hausse similaire de 5 % du cout du kWh interviendrait des que le prix du gaz rendu a la centrale augmenterait de 6 % (tableau 8.4). Dans la mesure ou il est vraisemblable que le prix du gaz augmente de facon beaucoup plus nette a ('horizon 2030, la competitivite des reacteurs a eau par rapport aux centrales a cycle combine devrait s'ameliorer dans la premiere moitie du siecle.
16.3.2 Economie des reacteurs du futur Les reacteurs du futur incorporent dans leur concept des innovations qui les distinguent des reacteurs actuels et qui permettront de faire face aux defis du XXP siecle en matiere d'economie des ressources, de surete, de protection de I'environnement et de competitivite. Des concepts innovants, dont certains sont deja en cours de developpement, font actuellement Pobjet devaluations preliminaires dans un cadre international (AIE-AEN-AIEA, 2000). Certains ont ete selectionnes par le « Generation IV International Forum » pour des travaux de recherche et developpement en cooperation multilateral. Leurs performances economiques ne seront demontrees qu'apres la phase d'avant-projet detaille, pour les reacteurs comme pour les usines du cycle, ce qui demandera un certain delai. Cependant, les objectifs fixes sont clairement definis : etre competitif au niveau du cout d'investissement comme du cout de production. Deux types de reacteurs envisageables dans le futur ont connu des realisations economiques suffisamment fiables pour prefigurer les performances a venir. Ce sont les RHT et RNR.
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• Les RHT n'ont pas connu de developpement commercial en raison principalement de leur competitivite mediocre vis-a-vis des REO, la conception de leur cceur impliquant une faible densite de puissance. Aujourd'hui, avec les GT.MHR (Gas Turbine Modular Helium Reactor) ils retrouvent un interet certain grace a leurs caracteristiques intrinseques de surete passive associees aux aspects attrayants du concept modulaire (§ 5.3.2). Grace aux progres des turbines a gaz qui augmentent leur rendement et leur economie, ils pourraient etre a terme competitifs avec les REO. Les performances economiques visees sont les suivantes d'apres Tsuchie et ai (2001) : - GT.MHR au Japon : 1500 $/kWe pour une tete de serie et 1200 $/kWe pour la serie ; et un cout de production de 40 a 60 mill/kWh ; - PBMR d'Afrique du Sud : 1000 $/kWe et 20 mill/kWh. Ces valeurs, plus optimistes que celles plus anciennes rapportees au paragraphe 5.5.3, doivent cependant etre considerees avec la prudence qu'il convient lorsqu'il s'agit de concepts qui bien que relativement anciens sont encore a Petat de projet et sans demonstration a Pechelle industrielle du cycle du combustible. • Les RNR refroidis au sodium ont ete Pobjet d'un long developpement, conduit jusqu'a la dimension commerciale des unites. L'introduction massive des RNR dans les pares nucleaires etant tres probable (§ 15.4.2), il est bon d'avoir une idee des caracteristiques economiques de ces reacteurs et de leur niveau de competitivite par rapport aux REO de facon a apprecier la viabilite economique de I'energie nucleaire a long terme en cas de changement structure! des pares. Des etudes economiques reposant sur des modeles divers de reacteurs et leurs projets detailles viendront en leur temps. Ce dont on dispose maintenant, ce sont deux etudes exhaustives comparant Peconomie des RNR refroidis au sodium et surgenerateurs a celle des REP dans des conditions similaires de developpement et dans Petat de la technologic du debut des annees quatre-vingt dix (CEA-EDF, 1987 et Noel, 1995). Elles donnent une indication de ce que pourraient etre ('evolution du cout de production nucleaire et sa structure sous Peffet de la substitution des RNR aux REO, meme si les reacteurs a neutrons rapides et les installations du cycle du futur n'etaient pas du meme modele que ceux alors pris en reference, et si les installations du cycle ne se trouvaient plus fondees sur des concepts identiques a ceux adoptes dans ces etudes. Les resultats de ces deux etudes sont explicites dans Pannexe B. Dans Petude CEA-EDF, Pinvestissement des RNR est analyse en mettant en evidence Peffet des progres techniques acquis et les effets de serie, de duplication sur site et de rythme d'engagement, identiques a ceux adoptes pour les REP. Le cout d'investissement des RNR reste superieur d'environ 25 % a celui des REP-N4, le cout de construction de la chaudiere et des auxiliaires nucleaires depassant de 55 a 60 % celui relatif aux REP-N4. Le cout du cycle du combustible des RNR est nettement plus faible que celui des REP grace a des taux de combustion massiques plus eleves pour les RNR. Par ailleurs, il est sensible a Pimportance du programme en raison de Peffet de taille des usines de fabrication et de retraitement specifiques de la filiere RNR : pour une serie de
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15 unites, il est de 25 % moins eleve que le cout de cycle REP, et pour une serie de 30 unites, il Test de pres de 50 %. La comparaison des couts de production est sensible au prix de I'uranium naturel. On a adopte un prix de 40 $/ lbU3O8 suppose atteint vers 2030. Aujourd'hui, le modele REP de reference est le futur EPR, dont I'investissement est suppose legerement inferieur a celui du modele N4, mais dont le facteur de disponibilite atteint 90 % et le taux de combustion 70 GWj/t. Dans ces conditions, le surcout de production en base des RNR par rapport aux REP du futur se situe entre 25 et 35 %. II depend de ['importance du programme mais est susceptible d'etre reduit grace a d'eventuels progres techniques dont on pourrait crediter les RNR en parallele a ceux des REP. On en conclut que le remplacement des REO par des RNR ne bouleversera pas la viabilite de ('economic nucleaire. Dans la phase transitoire de substitution des RNR aux REO, le surcout de production devrait etre d'autant plus facilement accepte que les avantages environnementaux des RNR, deja signales, seront appreciates dans un contexte de reglementation europeenne plus contraignante dans le futur : reduction de 30 % des rejets thermiques ; rejets d'effluents liquides et gazeux plus que deux fois moindres que ceux des REP ; exposition du personnel d'exploitation et de maintenance environ dix fois moindre. Enfin, un pare de RNR possede I'avantage economique de fournir de I'energie a un cout tout a fait stable puisqu'il ne depend que de processus industriels.
16.4. Economie des applications non electrogenes de I'energie nucleaire Les applications non electrogenes potentielles de I'energie nucleaire susceptibles de se developper ne sont pas encore eprouvees, et pour certaines a peine ebauchees. Leurs aspects economiques doivent done etre abordes en tenant compte des marges d'incertitudes inherentes aux domaines innovants. Comme dans la section precedente, les donnees presentees ci-dessous sont issues d'etudes basees sur les connaissances actuelles relatives aux technologies du futur.
16.4.1. Considerations generates sur la cogeneration nucleaire Beaucoup d'applications potentielles des reacteurs nucleaires reposent sur le principe de cogeneration. L'evaluation economique releve alors de celle des produits lies (§ 8.1). L'electricite est systematiquement I'un de ces produits. Son cout de revient est particulierement avantageux soil parce qu'elle est considered comme sous-produit, soit parce qu'elle est produite par des turbines a haute pression dont le bon rendement procure une bonne rentabilite. En revanche, I'economie de I'ensemble des installations de cogeneration est tres dependante de la modalite d'utilisation de I'autre produit qui est
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la vapeur destinee a divers usages, comme le chauffage urbain, la vapeur de precede industriel ou encore le dessalement d'eau de mer. C'est en general la demande de vapeur qui, par ses caracteristiques de debit et de temperature, mais aussi de variations journalieres ou saisonnieres, determine la rentabilite des installations. Chaque cas est un cas d'espece qui doit faire I'objet d'une etude de faisabilite. Le cas du dessalement, plus simple a traiter du fait d'une production reguliere d'eau douce, a ete particulierement etudie ; on en donne un apercu ci-apres. La discussion economique de la cogeneration nucleaire peut, dans le cas du dessalement notamment, se deporter sur I'aspect de la capacite optimale du reacteur. Par exemple, dans le bassin occidental de la Mediterranee, si dans les decennies a venir une boucle du reseau de transport d'electricite etait installee entre I'Afrique du Nord et I'Europe du Sud, un choix devrait etre fait entre des reacteurs modulaires adaptes aux besoins locaux de dessalement et reacteurs de grande capacite de cogeneration participant a I'equilibrage en frequence et en tension de ('ensemble du reseau d'electricite et beneficiant d'un effet de ta'ille avantageux du point de vue economique ; le transport et le stockage de I'eau douce est un autre aspect de la question, si bien qu'il s'agit d'effectuer une optimisation globale.
16.4.2. Dessalement d'eau de mer Le cout de production d'eau douce par dessalement d'eau de mer depend de nombreux parametres, dont certains specifiques a la region concernee. Les caracteristiques de I'eau de mer, le type de precede utilise, I'option energetique et les hypotheses economiques sont des facteurs importants. De I'etude detaillee effectuee par I'AIEA (2000), on ne retient ici que les caracteristiques les plus representatives des besoins futurs : capacite de 480 000 m3/j, source energetique equivalente a 900 MWe, et que les deux precedes les plus rentables : la distillation a effets multiples et I'osmose inverse. La source d'energie est soft un reacteur REP-900, soit une centrale a charbon pulverise CP-900. Pour les deux options de precede et les deux options de source energetique, les couts de production d'eau douce sont encadres grace a deux scenarios economiques relatifs au taux d'actualisation, au prix du charbon et au cout de construction de la centrale : I'un groupe les valeurs des parametres favorables au nucleaire, I'autre les valeurs favorables a I'option charbon. Us sont presentes dans I'annexe C en fonction des conditions geographiques et economiques specifiques a trois regions dans le monde : ('Europe du Sud, I'Afrique du Nord et le Golfe Arabique. Les conclusions concernant le cout de production d'eau douce sont les suivantes : - dans les conditions les plus representatives des besoins futurs, il se situe entre 0,50 et 0,85 $/m3 selon les regions, le type de precede et le type de centrale et les conditions economiques ; - quelle que soit la region ou I'option energetique, il est moins eleve pour I'osmose inverse que pour la distillation a effets multiples ; toutefois, la qualite de I'eau obtenue est meilleure dans le cas de la distillation et correspond aux normes europeennes ;
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- il est moins eleve en Europe du Sud que dans les autres regions parce que les taux d'actualisation y sont plus bas ; - dans le scenario favorable au nucleaire, I'option nucleaire apparaTt particulierement avantageuse quel que soil le precede de dessalement (12 a 13 % moins chere que le charbon en Europe du Sud) ; - dans le scenario contraire, les couts sont comparables pour les deux options energetiques, avec un leger desavantage pour le nucleaire (en Europe du Sud, 1,5 a 2,5 % de plus que le charbon). L'etude AIEA montre que le nucleaire reste competitif pour des taux d'actualisation allant jusqu'a 11 %, et, par ailleurs, que le cout de production de I'eau est systematiquement plus eleve pour les petits reacteurs uniquement calogenes que pour des reacteurs de grande taille fonctionnant en cogeneration. [-'utilisation de I'energie nucleaire pour la production conjointe d'electricite et d'eau douce sera dans I'avenir d'autant plus competitive que les prix des energies fossiles seront a la hausse et que les considerations environnementales prendront de I'importance. Le projet de centrales nucleaires flottantes pour le dessalement d'eau de mer fonde sur I'osmose inverse avec prechauffage de I'eau conduit a un cout de production tres competitif, de I'ordre de 0,50 $/m3, calcule par la meme methode que celle de I'annexe C (Zelenski et al., 2001). L'economie des centrales nucleaires flottantes beneficie de la construction en serie de petites unites, fabriquees, montees et essayees en usine. Dans certains cas - celui de la Siberie par exemple - elle presente un avantage par rapport a celle de centrales classiques dont rapprovisionnement serait difficile ou celle de centrales nucleaires a terre dont la construction serait problematique et tres couteuse.
16.4.3. Production d'hydrogene [-'experience acquise dans I'industrie chimique permet de connattre dans I'etat actuel de la technique certains couts de la production, du transport et du stockage de I'hydrogene (§ 15.3.5 et Alleau, 2002). Produit par vaporeformage du gaz naturel, I'hydrogene a un cout de revient industriel triple de celui du gaz. Les couts de la production d'hydrogene, estimes actuellement pour differents precedes, sont donnes dans le tableau 16.2, d'apres Freund (2002). Au cas ou la production de ce futur vecteur energetique deviendrait necessaire dans un avenir relativement proche, il est a craindre que la disponibilite de I'energie nucleaire soit insuffisante pour alimenter les electrolyseurs, et que les energies renouvelables restent encore d'un cout trop eleve par rapport aux combustibles fossiles, meme en tenant compte des couts de captation et de sequestration du CO2 (§ 16.1.2).
L'economie de I'energie nucleaire
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Tableau 16.2 Estimations des couts de production d'hydrogene.
Cout en PCI1 (/GJ)
Precede Vaporeformage du gaz naturel2
6a8
Oxydation partielle des residus petroliers
7 a 11
Vaporeformage du naphta Gazeification du charbon
3
Gazeification de la biomasse
9,5 1 3 a 15
10a18
Electrolyse de I'eau : - Reseau
1 2 3
25
- PhotovoltaTque
37 a 76
- Solaire thermique
45 a 73
- Eolien
30 a 46
Pouvoir calorifique inferieur de I'hydrogene : 120 GJ/tonne ; prix du gaz naturel en Europe en mai 2002 : 3,2 €/GJ ; prix du charbon en Europe en mai 2002 : 1,3 €/GJ.
La production d'hydrogene se ferait done surtout dans ce cas par Vaporeformage du gaz naturel avec captation et sequestration du CO2 au moyen de technologies disponibles aujourd'hui et au prix d'un surcout. L'economie de ce type de production pourrait etre amelioree grace a la fourniture de vapeur par des RHT et a la combustion evitee de 30 % de gaz naturel comme mentionne au paragraphe 15.3.5. (Shiozawa etal., 2001). A cette fin, un prototype de demonstration a I'etude au Japon sera alimente par le reacteur d'essai HTTR de 30 MWth. A plus long terme, I'energie nucleaire propose deux voies pour la production d'hydrogene, sous reserve d'efforts soutenus de R&D, I'electrolyse et le craquage par thermochimie. La production combinee d'electricite et d'hydrogene par electrolyse (avec des electrolyseurs dont le rendement depasserait largement 70 %) serait avantageuse dans le cadre d'une optimisation globale du pare de reacteurs electrogenes mettant a profit la possibilite de stocker I'hydrogene et de le produire pendant les heures creuses de la demande d'electricite, ou le cout de I'energie se reduit a celui du combustible nucleaire. Parmi les precedes fondes sur le craquage de I'eau par thermochimie utilisant les tres hautes temperatures, le precede lode-Soufre fait I'objet d'etudes au Japon a I'echelle du laboratoire. Un prototype de demonstration pourrait etre couple au reacteur HTTR au plus tot en 2014 (Shiozawa et al., 2001). II est done vain d'essayer de cerner la competitivite de ce precede, d'autant que connattre le prix des hydrocarbures a I'epoque de son eventuelle commercialisation releve plus du jeu divinatoire que de ('analyse raisonnee.
16 - Energie nucleaire et developpement durable : environnement, economie et societe
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16.4.4. Applications dans les transports maritimes Les brise-glace nucleaires russes offrent une solution technique irremplacable ou I'aspect economique, s'il n'est pas primordial, semble satisfaisant par la simple consideration que la propulsion classique equivalente necessiterait raccompagnement d'un navire petrolier ravitailleur. Le projet eventuel de porte-conteneurs nucleaires rapides pourrait venir de I'interet de raccourcir les delais de livraison de certaines marchandises. Leur rentabilite dependra de ['augmentation du nombre de rotations et de la hausse des prix des produits petrol iers, dans la mesure ou ces facteurs compenseront le surinvestissement du navire.
16.5. Competitivite de I'energie nucleaire a long terme Les tendances generales previsibles concernant les couts des diverses sources d'energie concurrentes du nucleaire permettent d'esquisser Devolution de la competitivite dans ce domaine et les substitutions qui en resulteront. Dans le domaine du nucleaire, comme on vient de le voir, les augmentations des couts de production paraissent devoir etre contenues, qu'elles proviennent de la hausse du prix de ('uranium dans un premier temps, puis de la mise en oeuvre de technologies nouvelles, et eventuellement de I'incineration des actinides mineurs. Les combustibles fossiles subiront du point de vue economique I'effet conjugue de deux phenomenes independants : la rarefaction, done le rencherissement, des ressources de petrole, puis de gaz, et la valorisation eventuelle des impacts de leur utilisation sur I'environnement, surtout ceux relatifs a I'effet de serre. La competitivite de I'option nucleaire dans les systemes energetiques dependra egalement de facon directe et indirecte des besoins en capitaux des differentes sources et technologies en concurrence et du cout de I'argent.
16.5.1. Tendances a long terme de la competitivite de I'energie nucleaire • Hausse du prix des hydrocarbures Dans le cas du petrole, il semble inoperant d'appliquer des theories ou des modeles liant la hausse des prix a I'epuisement des ressources ; cette hausse entramera la mise en oeuvre des ressources non classiques (§ 15.2.3). Neanmoins, les couts techniques ne pourront qu'augmenter au fur et a mesure que les gisements nouveaux seront de taille plus petite ou plus difficile a exploiter malgre les progres a venir.
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L'economie de I'energie nucleaire
D'autres incertitudes sont propres a Devolution a long terme du prix du gaz naturel. D'une part, le cloisonnement actuel du marche du gaz va-t-il progressivement disparattre sous I'effet de rallongement des gazoducs ou I'amplification de la voie maritime ? Dans cette eventual ite, les tensions sur les marches regionaux s'attenueraient, mais les couts du gaz n'augmenteraient-ils pas par la hausse des frais de transport ? D'autre part, les liens contractuels qui indexaient les prix du gaz sur ceux des produits petroliers et qui se traduisent actuellement par ('equivalence approximative de 1 $/Mbtu a 5 a 7 $/bl vontils continuer de se relacher ou se maintiendront-ils ? • Prise en compte de la valeur du carbone Quel que soit le mode de reduction des emissions de CO2 adopte pour satisfaire aux engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto, les couts afferents devront etre paves par les consommateurs d'energies fossiles. La date et les modalites d'internalisation des couts du carbone demeurent cependant inconnues aujourd'hui. Une illustration de I'influence de la valeur du carbone sur la competitivite de I'electricite nucleaire est donnee dans la figure 16.5 pour des valeurs du carbone variant de 50 a 150 $/tC (AEN, 2002c). • Competitivite du nucleaire au sein du systeme energetique I/augmentation des couts du nucleaire dans les decennies a venir, rappelee ci-dessus, pourrait done etre plus que compensee a la fois par la hausse des prix des hydrocarbures et par ('integration de la valeur du carbone qui affecteront le cout de production des centrales classiques. De facon generale, la competitivite de I'electronucleaire, et dans une moindre mesure celle des renouvelables, s'en trouvera renforcee dans les pays ou elle est affirmee aujourd'hui et sera pour le moins atteinte dans les pays ou elle ne I'est pas encore au taux d'actualisation de 10 %. La tendance a ('amelioration des performances economiques du nucleaire est I'un des moteurs de la contribution croissante de cette energie dans la production d'electricite, qui apparatt dans le scenario B-OB et surtout dans le scenario C-OB ou la valeur du carbone est prise en compte (tableau 15.4). La concurrence des energies primaires se manifeste a plusieurs niveaux du systeme energetique, directement ou indirectement. Au niveau primaire, hors la production d'electricite, elle s'exercera dans les applications ou les reacteurs pourraient devenir une source d'energie beneficiant des memes avantages economiques et environnementaux que I'electronucleaire. Au niveau secondaire, I'electricite, par ses qualites propres de souplesse et de commodite d'emploi, poursuivra sa penetration dans les usages finals de I'energie en substitution a certains usages directs du charbon, des produits petroliers et du gaz dans I'industrie et le secteur residentiel. Ce vecteur energetique, dans la mesure ou son origine nucleaire s'affirmera, offrira une stabilite des prix et une securite d'approvisionnement, qui renforceront sa penetration, et par effet de retour la contribution du nucleaire. II pourrait en etre de meme s'agissant de I'hydrogene considere comme I'autre vecteur energetique de I'avenir.
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Figure 16.5. Impact de la valeur du carbone sur les couts de I'electricite (taux d'actualisation 10 %).
Etats-Unis - Gaz Etats-Unis - Charbon Etats-Unis - Nucleaire
Espagne - Gaz Espagne - Charbon Espagne - Nucleaire
Coree - Gaz Coree - Charbon Coree - Nucleaire
France - Gaz France - Charbon France - Nucleaire
Canada - Gaz Canada - Charbon Canada - Nucleaire
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16.5.2. Comparaison des besoins en capitaux La croissance de la production electronucleaire implique une augmentation de la puissance nucleaire installee au cours du siecle. Le calcul en a ete fait, pour un facteur de charge du 80 %, dans le contexte du scenario C-OB de I'etude (CGEMP, 2002), c'est-a-dire le scenario dit ecologique avec option nucleaire. La figure 16.6 montre qu'au cours de la deuxieme moitie du siecle la construction nucleaire devrait se situer entre 80 et 95 GWe par an (AEN, 2002c). Dans les annees quatre-vingt, la puissance a progresse de quelque 40 GWe par an ; pour le siecle prochain, le doublement du rythme de construction observe par le passe est realisable, d'autant que les pays asiatiques sont devenus constructeurs. Figure 16.6. Augmentation annuelle de la puissance electronucleaire installee nette dans le scenario ecologique, option nucleaire de base.
Un obstacle a cette croissance vient de la difficulte a se procurer les capitaux necessaires, surtout dans le contexte de liberalisation du marche de Telectricite et de la privatisation du secteur electrique (§ 14.6.1). Toutefois, il est necessaire de relativiser cet inconvenient en considerant le probleme general du cout de I'approvisionnement en energie primaire. D'abord, le cout global de l'approvisionnement en energie primaire dans le monde croTt continument quels que soient les scenarios etudies dans CGEMP (2002), par exemple d'un facteur 3,8 entre 2005 (2700 milliards de dollars par an) et 2095 pour les scenarios a option nucleaire. Mais ('option nucleaire a le merite de diminuer fortement ce cout puisque ce facteur de croissance devient 4,4 et 5 dans ('option sortie du nucleaire des scenarios B et C respectivement.
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Ensuite, toute energie, considered sur I'ensemble de sa chame, est capitalistique et les apports financiers se produisent plusieurs annees avant que ne soient recueillis les premiers revenus. La mattrise de I'energie implique aussi des investissements importants. Le cout du kWh nucleaire est compose d'environ 70 % d'investissement, 60 % pour la centrale et 10 % environ pour les usines du cycle. La part d'investissement dans le cout du kWh du cycle combine au gaz se reduit de 15 a 20 % pour ce qui est de la centrale mais pour la chame d'approvisionnement du gaz elle est tres variable selon la technique, la distance, les conditions geographiques et surtout le niveau de prix du marche. L'investissement de ('option gaz au total est relativement proche de celui du nucleaire. Dans le futur, I'exploitation de gisements de gaz tres eloignes des centres de consommation (Siberie) ne se fera que par des gazoducs couteux par leur longueur. D'une fagon generale, la mise en ceuvre des futurs gisements d'hydrocarbures demandera des investissements specifiques plus importants que ceux d'aujourd'hui en raison des difficultes geographiques ou climatiques. II en sera de meme pour le traitement de petroles non-conventionnels ou la gazeification du charbon. De plus, les capitaux importants dans I'extraction petroliere et gaziere supportent des risques de nature diverse : geologiques, climatiques, economiques et politiques (Perrodon, 1999). Les risques economiques et environnementaux apparaissent particulierement eleves dans les projets d'exploitation des huiles extra lourdes et les sables asphaltiques. Enfin, la rigidite particuliere de la filiere du gaz, et notamment la lourdeur des investissements de transport terrestre ou maritime, imposent d'assurer une rentabilite a long terme. C'est pourquoi de nombreux contrats sont passes avant la realisation de ces infrastructures, sont de longue duree, 15 a 20 ans, et comprennent des clauses du type « take or pay » concernant les enlevements annuels. 11 existe done des similitudes et des differences du point de vue de I'investissement entre les chames nucleaire et gaziere. La particularity du nucleaire, qui lui est defavorable, est que le poids de 1'investissement et des risques associes repose pour I'essentiel sur un seul acteur, la compagnie d'electricite. Pour le gaz, il est reparti sur plusieurs acteurs le long de la chame, et de plus, celle-ci dessert plusieurs marches nationaux, ce qui diminue les risques financiers.
16.6. Energie nucleaire et societe Parmi les avantages que I'energie nucleaire procure a la societe, nombreux sont d'ordre economique au sens large du terme. En les recapitulant ici, il est aise de se rendre compte de la perennite de leur effet benefique. D'autres avantages, plus generaux, allant dans le sens de relations plus harmonieuses dans le monde, devraient se manifester a terme. Dans un souci d'equite, des programmes nucleaires adaptes constitueraient un apport energetique indispensable au developpement de nombreux pays. Le recours a I'energie nucleaire, comme aux energies renouvelables, reduirait peu a peu les sources potentielles de conflits pour la mattrise des gisements de combustibles fossiles et de leurs voies
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L'economie de I'energie nucleaire
d'acheminement. Cette evolution ne va pas sans certaines precautions et certains efforts d'adaptation, qui ont un cout. Beaucoup de ces avantages ne peuvent se mesurer qu'au moyen d'une analyse macro-economique.
16.6.1. Avantages macro-economiques durables Si les centrales nucleaires ont un investissement eleve, leur construction, meme si elle n'est que partiellement realisee par I'industrie nationale, genere une valeur ajoutee sensiblement plus importante que la construction de centrales a gaz a cycle combine. Naturellement, la creation d'emplois va de pair avec celle de valeur ajoutee. De plus, la qualite de ces emplois se distingue par un niveau de technicite eleve, car I'energie nucleaire, plus que la plupart des autres sources d'energie, repose davantage sur les connaissances que sur les matieres. La science et la technologie nucleaires des reacteurs et du cycle ont des interactions productives avec des domaines varies comme la thermo-hydraulique, la chimie, les materiaux, la robotique, la connectique et la biologic. La haute technicite des emplois necessite un investissement supplemental dans le systeme educatif, mais qui se traduit, comme pour les interactions precitees, par un benefice global pour la societe et I'industrie nationale. Ces considerations constituent un des arguments avances par un groupe de senateurs americains qui depuis quelques annees militent pour la reprise de la construction nucleaire aux Etats-Unis. Us estiment preferable de mettre a profit le savoir technologique de leur pays pour creer de la valeur ajoutee, plutot que de deteriorer la balance des paiements par I'achat de quantites croissantes de petrole et a terme de gaz. Par ailleurs, comme cela a ete souligne a plusieurs reprises dans cet ouvrage, la stabilite du cout de production de I'energie nucleaire represente une garantie economique pour les industriels gros consommateurs d'electricite. A cet avantage viendra s'ajouter a terme celui encore plus important de la competitivite de plus en plus affirmee, lorsqu'elle ne Test deja, du kWh nucleaire (§ 16.5.1). L'electricite a bon marche ainsi produite est un element d'autant plus favorable pour accrottre le revenu des agents economiques que ce vecteur energetique continuera de prendre une part grandissante dans le bilan des energies finales (tableau 15.2). L'effet conjugue de la stabilite du cout de Tenergie nucleaire et de sa competitivite renforcera la penetration de I'electricite selon les schemas de substitution developpes au paragraphe 16.5.1. L'electricite est la forme d'energie la plus apte a favoriser le developpement economique et a freiner dans une certaine mesure I'exode rural. L'energie nucleaire se presente done comme un facteur indirect de developpement dans les pays emergeants surtout si leurs ressources en energies fossiles et hydrauliques sont nettement insuffisantes. Incidemment, il convient de remarquer que les programmes nucleaires forts se sont maintenus dans les pays a croissance economique soutenue et qui sont quasiment depourvus d'autres sources energetiques tels la France, le Japon, la Coree du Sud et Taiwan.
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Comme cela a ete mis en evidence au chapitre 11, une evaluation correcte de ces avantages economiques par la societe ne s'obtient que par un modele macro-economique pertinent qui exige exhaustivite et coherence, et qui, de ce fait, implique un niveau eleve de complexite dans la description de I'economie du pays et de son systeme energetique, et qui soit capable de representer de facon adequate les mecanismes d'equilibrage des marches pour les prix et d'etendre le champ d'analyse aux echanges exterieurs (Bernard et a/., 1998).
16.6.2. Avantages du point de vue de la societe et I'environnement Les consequences d'un changement climatique sont incertaines mais pourraient etre extremement dommageables pour I'economie et la sante publique. En application du principe de precaution, le lancement de nouveaux programmes nucleaires est Tun des elements permettant d'attenuer cette menace, mais compte tenu de ces incertitudes il serait hasardeux aujourd'hui d'en vouloir mesurer I'impact a long terme au-dela de ce qui a ete estime au paragraphe 10.3.3. La pollution atmospherique par les microparticules, les oxydes de soufre et d'azote est cause de maladies bien identifiees et dont la frequence est parfaitement correlee avec les indicateurs de pollution. Les programmes electronucleaires ont un effet benefique indeniable a cet egard comme le montre I'exemple francais (§ 3.5). Reste une source majeure de pollution atmospherique : le transport, plus particulierement la circulation automobile urbaine. L'hydrogene pourrait apporter une solution, et indirectement le nucleaire dans la mesure ou il deviendrait un moyen de production d'hydrogene important. Du point de vue economique, cet effet benefique attendu peut s'evaluer par la prise en compte des couts externes environnementaux et sanitaires dans le secteur des transports.
16.6.3. Recherche et developpement L'effort de recherche et developpement (R&D) qui a ete la raison fondamentale du succes technique de I'energie nucleaire doit etre poursuivi, ou reactive la ou il a ete mis en sommeil, afin de permettre la mise au point et le developpement industriel des reacteurs et usines du cycles du combustible du futur repondant aux objectifs socio-economiques et environnementaux du XXI 6 siecle. Cet effort engendre des retombees positives en termes de savoir et d'emplois. S'agissant des reacteurs, les objectifs et les axes de recherche pour ameliorer les performances economiques et de surete et elargir le champ des applications sont indiques au paragraphe 15.3.1. Certains rejoignent les preoccupations du public : absence de dommages pour I'environnement en cas d'accident, diminution de la quantite de dechets produite et resistance accrue a la proliferation. Les recherches concernent aussi les parties amont et aval des cycles du combustible, connus et nouveaux. Enfin, pour satisfaire les
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L'economie de I'energie nucleaire
exigences toujours plus grandes relatives aux dechets a vie longue, il faudra effectuer toutes les experimentations techniques et biologiques propres a evaluer encore mieux les effets a long terme de ces dechets. Ces recherches represented un effort considerable sur plusieurs decennies. Bien que I'on puisse envisager un partage des taches entre pays industrialises et une cooperation renforcee a I'echelle mondiale, les depenses correspondantes seront lourdes ; la societe devra les supporter de facon directe ou indirecte, et bien en amont des benefices attendus. L'ensemble de ces depenses et leurs retombees positives en termes d'emploi et de developpement technologique par exemple sont a prendre en compte dans toute analyse economique globale. Le role de I'Etat est essentiel pour orienter cette recherche de long terme et assurer son financement. Ce dernier point montre une des limites de la liberalisation des marches de I'energie.
16.6.4. Communication avec les differents acteurs sociaux L'adhesion du public est une des conditions necessaires pour envisager un recours important a I'energie nucleaire dans le monde. Les perspectives d'epuisement des ressources fossiles, les consequences probables de I'effet de serre et les avantages economiques ne suffisent pas a emporter I'adhesion du public pour la mise en ceuvre de programmes nucleaires forts. Les craintes du public, sa perception des dangers, les methodes et moyens d'etablir une communication efficace entre les partenaires sociaux sont largement debattus (AEN, 2002d). La communication avec le public est une tache difficile, indispensable et de longue haleine. Les risques le plus souvent evoques sont les accidents de reacteur, la proliferation des armes nucleaires et la nocivite des dechets a vie longue. Toutefois, I'essentiel pour convaincre reste le bon fonctionnement des centrales, le nondetournement d'installations ou de matieres nucleaires a des fins militaires et la mise en service d'installations de stockage definitif des dechets. Ces progres ont un cout qui devra etre integre a celui de la production d'electricite nucleaire. Un renforcement de la cooperation internationale dans les domaines du fonctionnement des installations et de la surete nucleaire, et des garanties contre la proliferation sont susceptibles de faciliter des progres plus rapides a cet egard.
16.6.5. Equite et geopolitique • Equite entre regions La disparite des consommations energetiques dans le monde persiste depuis I'ere industrielle. La population des pays de I'OCDE qui represente moins de 20 % de la population de la planete, consomme plus de la moitie de I'energie primaire et plus de 60 % de I'electricite produites dans le monde. Par contre, presque deux milliards d'hommes vivant dans les pays hors I'OCDE sont prives d'electricite.
16 - Energie nucleaire et developpement durable : environnement, economic et societe
395
L'energie etant ('element moteur de I'essor economique, cette situation est un obstacle majeur au developpement des pays pauvres et depourvus de ressources energetiques. En perdurant, elle ne peut engendrer que desordre, instabilite politique, migrations, terrorisme et tensions internationales. La realisation de programmes nucleates dans ces pays pourrait etre une des solutions possibles pour combler leur deficit energetique latent. C'etait un objectif essentiel de la proposition americaine « Atoms for Peace » en 1958. Aujourd'hui, I'approvisionnement en matieres nucleates ne presente pas de risque de rupture ; dans le cas de reseaux de petite taille, des reacteurs robustes et modulaires en cours de developpement pourraient alimenter le systeme electrique (§ 15.3.2). Certains pays en voie de developpement qui se preoccupent de leur avenir energetique envisagent des maintenant le recours au nucleaire et s'y preparent. C'est le cas par exemple du Maroc et du Vietnam. Cette preparation exige du temps. Elle demande entre autres la creation d'organismes specifiques de protection centre les rayonnements ionisants etde surete, I'etablissementd'une reglementation des activites nucleaires et la formation de specialistes. La mise en ceuvre d'un projet electronucleaire necessite le controle des appels d'offre et de la construction des centrales meme si au depart la technologic est importee. Ce renforcement des moyens techniques et industriels du pays implique un investissement financier et humain qui aura des retombees positives sur I'economie. L'approvisionnement en eau potable qui est ou deviendra une question pour le moins aussi cruciale que celle de I'electricite dans de nombreux pays necessitera des quantites importantes d'energie soit pour la production de I'eau soit pour son transport sur longue distance. On a vu aux paragraphes 15.3.6 et 16.4.2 que I'energie nucleaire offre une solution adaptee au point de vue technique, economique et environnemental. La encore, elle se presente comme facteur d'equite a I'egard des pays en voie de developpement. Pour les pays qui ne connaissent pas un developpement technologique suffisant pour accueillir des centrales nucleaires de la generation actuelle, ou qui ne peuvent mobiliser les moyens financiers necessaires, les nouveaux concepts de reacteurs en cours d'elaboration offrent des perspectives interessantes : diminution des couts de construction et modularite pour alleger le fardeau financier (§ 5.3.2), robustesse et simplicite de conception et resistance a la proliferation. Par ailleurs, le financement d'un programme nucleaire se pose dans le cadre general d'aide au developpement de la part des pays industrialises, dans lequel le nucleaire comme les energies renouvelables et la mattrise de I'energie doivent etre integres et accompagnes des transferts de technologic et des programmes de formation necessaires. C'est dans un contexte international de cooperation que ces solutions energetiques contribueront a I'equite entre regions, indispensable au developpement durable. • Attenuation des risques de tensions geopolitiques La scene energetique des decennies a venir sera modelee par deux effets inevitables. D'une part, I'epuisement progressif des ressources d'hydrocarbures, notamment celles
396
L'economie de I'energie nucleaire
de has cout d'extraction, qui fera converger la demande vers le Moyen Orient ou est concentre I'essentiel des reserves mondiales, et, d'autre part, la croissance de la demande en hydrocarbures en fonction des besoins considerables des pays emergents, particulierement la Chine et I'lnde. Les grands pays consommateurs d'energie, a mesure que leurs importations d'hydrocarbures augmenteront, seront de plus en plus preoccupes de s'assurer du controle des grands gisements de ces matieres et de leurs voies d'acheminement ainsi que du controle des marches. Cette concurrence acharnee est potentiellement conflictuelle. La mise en ceuvre d'energies venant en substitution aux hydrocarbures reduira les demandes sectorielles, a I'exclusion a court terme de celles du secteur des transports. L'energie nucleaire, on I'a vu, peut jouer un role significatif pour satisfaire nombre d'usages autres que la production d'electricite et permettre de reserver les hydrocarbures, gaz nature! compris, aux usages du transport en attendant que I'hydrogene puisse les satisfaire. Reduire les risques de conflit est un autre argument pour une reprise de la construction nucleaire aux Etats-Unis, argument avance par ce meme groupe de senateurs americains en complement aux avantages de la valeur ajoutee et des emissions evitees de CO2. Cette opinion s'inscrit dans le debat portant sur les couts externes relatifs aux depenses militaires americaines pour assurer I'ordre au Moyen Orient (§ 10.4.2).
16.7. Energie nucleaire : une contribution majeure au developpement durable Les caracteristiques specifiques de I'energie de fission au regard des energies fossiles peuvent faire de cette technologic le relais energetique majeur du XXI e siecle grace a un effort accru de R&D pour renforcer la surete, mieux gerer les dechets radioactifs et reduire encore les risques de proliferation. Les criteres relatifs au developpement durable, tels que proposes au paragraphic 15.1.2, peuvent etre satisfaits comme on I'a vu dans les chapitres 15 et 16, qu'il s'agisse de la degradation des ressources, de la production de dechets non-degradables et du potentiel de robustesse et de stabilite a long terme. De surcroTt, une offre energetique, a la fois appropriee aux pays en developpement et capable d'attenuer les risques de conflit lies a I'approvisionnement en hydrocarbures, constitue un element non negligeable d'un accroissement de I'equite et du bien-etre social dans le monde, finalite du developpement durable. La tentative entreprise dans ces deux derniers chapitres de cerner le role de I'energie nucleaire dans le developpement durable repose en grande partie sur I'etude de scenarios a long terme dont les resultats ne peuvent tenir lieu de predictions : des ruptures technologiques, politiques, climatiques peut-etre, surviendront. Mais dans I'etat des connaissances actuelles, ces scenarios orientent le systeme energetique mondial vers
16 - Energie nucleaire et developpement durable : environnement, economie et societe
397
un recours important a I'energie nucleaire, dont revolution au dela d'une ou deux decennies ne peut etre tracee avec certitude. L'ampleur du developpement de I'energie nucleaire, dans le jeu ouvert de la concurrence sur le marche de I'energie, restera dependante des progres dans le domaine de I'utilisation des energies renouvelables et fossiles (sequestration du carbone) ainsi que des succes de la maTtrise de I'energie. L'energie nucleaire repond a des considerations plus theoriques sur le developpement durable. La possibilite d'utiliser le potentiel energetique des matieres fertiles que sont Turanium 238 et le thorium 232 au moyen des reacteurs a neutrons rapides et des reacteurs a haute temperature fait de I'energie de fission un substitut technologique au sens de Hartwick. Elle apparatt inepuisable a un horizon suffisamment lointain pour attendre I'eventuel relais de I'energie de fusion considered le plus souvent comme la technologie de reference du modele de Hartwick. Elle est caracterisee par un cout de production stable, qui restera avantageux meme s'il doit se situer a un niveau plus eleve que son niveau actuel en raison d'une technologie plus complexe. Elle est en mesure par des moyens techniques de maintenir le volume de ses dechets de vie longue et leur toxicite a un niveau acceptable pour I'environnement. De ces divers points de vue, I'energie nucleaire se presente comme une solution energetique majeure dans la perspective du developpement durable.
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ANNEXES
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ANNEXE A
Travail de separation isotopique de ('uranium La presentation, ici resumee, de la notion de travail de separation isotopique et de sa formulation s'appuie sur les exposes qui en sont faits par Ligou (1997, chap. 10) et Massignon (1993), le premier etant plus detaille sur les principes physiques de la diffusion gazeuse, le second sur le fonctionnement d'ensemble d'une usine d'enrichissement basee soil sur la diffusion gazeuse soit sur I'ultracentrifugation. On ne retient ici que les elements utiles a 1'evaluation economique. On conserve les notations du dernier expose cite.
A.1. Principe physique de la separation isotopique La separation isotopique est une operation basee sur un precede physique permettant de modifier la composition isotopique d'un element chimique donne, comme ('uranium. On considere ici les precedes bases sur les differences de proprietes des noyaux des isotopes, notamment sur leur masse. Le procede physique, pris comme exemple dans les formulations qui suivent, est la diffusion du gaz UF6 (hexafluorure d'uranium) a travers une paroi poreuse. Le fluor, n'ayant qu'un isotope, ne complique pas la repartition binaire isotopique, les masses moleculaires etant : pour
235
UF6, m5 = 235 + 6 x 19 = 349 ;
pour
238
UF6, m8 = 238 + 6 x 19 = 352.
Dans une enceinte close isotherme, les molecules du melange gazeux isotopique UF6 ont toutes la meme energie cinetique moyenne, c'est-a-dire :
402
L'econom/e de I'energie nucleaire
V5 et Vg etant les vitesses moyennes des molecules contenant
235
U et 238U. D'ou V5)V8 .
Les molecules contenant 235U frappent done plus souvent les parois de I'enceinte. Si Ton perce dans une paroi un trou assez petit pour que les molecules n'en sortent qu'une a une, ce trou laissera done sortir de I'enceinte une proportion de molecules contenant 235U plus importante que celle de I'interieur. Une barriere de diffusion gazeuse est formee de tres nombreux pores en parallele, d'un rayon de I'ordre de 0,01 micron. La theorie cinetique des gaz montre que, dans des conditions ideales, les courants J5 et J8 de chacune des deux especes de molecules a travers la barriere sont proportionnels a leur vitesse moyenne et leur concentration a I'interieur de I'enceinte, soit n0 et 1 - n0. Les conditions ideales signifient que la pression est nulle a I'aval de la paroi et que le diametre des pores est petit devant le libre parcours moyen des molecules du gaz. D'ou :
Les concentrations n'0 et 1 - n'0 a la sortie de la barriere sont telles que :
On appelle facteur de separation elementaire ct0 le rapport :
d'ou :
Le facteur elementaire a0 est independant de n0 et n'0 : c'est une caracteristique du precede.
A.2. Facteur de separation d'etage Le facteur de separation elementaire etant faible, les usines d'enrichissement de I'uranium par diffusion gazeuse sont constitutes d'une succession (ou cascade) d'elements separateurs (ou etages) ou s'opere dans chacun d'eux un passage du gaz UF6 a travers une barriere de diffusion.
ANNEXE A - Travail de separation isotopique de I'uranium
403
Figure A.I. Etage a une entree et deux sorties.
Considerons un etage a une entree et deux sorties, schematise par la figure A.1. L'entree est alimentee par le courant molaire1, L (en mol/s) a la concentration molaire N. Ce courant, qui circule le long de la paroi poreuse, se subdivise dans I'etage en un courant L' enrich! a la concentration molaire N', et un courant appauvri L" a la concentration molaire N". On appelle richesse d'entree R, richesse de sortie enrichie et richesse de sortie appauvrie R" les expressions :
et facteur de separation de I'etage le rapport :
Le facteur de separation de I'etage a est relie au facteur de separation elementaire a0 par un rendement de separation de I'etage. Ce rendement depend de toutes les caracteristiques de la mise en ceuvre du precede dans I'etage, qui sont en fait eloignees des conditions ideales. On definit le coefficient de separation de I'etage par :
Dans le cas des faibles enrichissements, qui est celui de I'industrie de I'uranium enrichi :
Et pratiquement, a - 1 ~ 0,002. 1. C'est-a-dire exprime en nombre de moles par seconde. Une mole (ou molecule-gramme) est le poids en grammes d'un compose chimique defini par sa masse moleculaire (soit 349 g et 352 g pour les molecules UF6 contenant respectivement 235U et 218U). Pour n'importe quel compose chimique, une molecule-gramme contient le meme nombre de molecules (done ici de noyaux d'uranium), c'est-a-dire le nombre d'Avogadro : 6,023 x 10".
404
L'economie de I'energie nucleaire
L'ecart avec la valeur theorique vient de plusieurs raisons. La pression n'est pas nulle a I'aval de la paroi ; la couche d'UF6 diffusante au contact de la paroi poreuse est appauvrie par le mecanisme de la diffusion et n'est que partiellement realimentee en molecules legeres par le flux de balayage ; le gaz diffusant s'appauvrit progressivement en molecules legeres entre son entree et sa sortie de I'appareil de diffusion. Le calcul du coefficient de separation part du systeme d'equations de bilan-masse de I'etage :
9 etant le facteur de partage de I'etage. De (5) on tire les relations :
En introduisant le facteur de separation de tete /3
on a :
Et, d'apres (3) et (6), il vient les deux relations suivantes :
d'ou :
Ce qui, dans le cas des faibles enrichissements caracterise par (4), donne :
ANNEXE A - Travail de separation isotopique de I'uranium
405
A.3. Travail de separation d'un etage a une entree A.3.1. Definition de la capacite de separation II convient de definir une mesure de la capacite de separation de I'etage, qui permette de traiter une cascade comme un tout, par addition des capacites des etages. A cet effet, on cherche a attacher a chaque courant entrant ou sortant une fonction U qui ait les proprietes suivantes : - elle doit etre proportionnelle au courant L ; - elle doit etre proportionnelle a une fonction de valeur Vsans dimension, qui represente la valeur de I'unite de quantite de matiere transportee par unite de temps par un courant donne en fonction de la seule concentration molaire N en isotope leger ; - sa variation 6U dans I'etage doit representer la capacite de separation de I'etage, et, pour cela, il est done souhaitable que dU ne depende que des caracteristiques techniques de I'etage, et non du niveau de concentration de I'etage, par exemple N, concentration de I'entree
A.3.2. Calcul de ('expression analytique de V Ce calcul est conduit dans le cas des faibles enrichissements. En developpant, dans la relation (11), V(NO et V(N") en serie de Taylor selon les puissances de (N - NO et de (N - N"), il vient grace aux relations (5) :
et grace aux relations (6) :
et par la relation (7), en considerant 1 - N ~ 1 - N"
En adoptant pour Vune solution de I'equation :
406
L'economie de I'energie nucleaire
('expression de (5L/devient independante des concentrations, car elle s'ecrit d'apres (9) :
La fonction de valeur, solution de ('equation (12), dite fonction de valeur de Dirac, depend de deux constantes arbitraires A et B, et s'ecrit :
La valeur numerique de la capacite de separation 8U ne depend pas de la definition particuliere (14) choisie pour V(N) puisqu'elle ne depend que de la derivee seconde j 21 / 0 v D'ailleurs, les termes AN + B s'eliminent de 8U par suite de ('expression (11) et dN 2 ' des relations (5). On choisit done la fonction elementaire de valeur
appelee encore potentiel de separation. Cette fonction est nulle et minimale pour N = — / non negative et symetrique par rapport 2/ a N = l car V(N) = V/(1 - N). 2'
A.3.3. Unite de travail de separation La capacite de separation de I'etage a les dimensions d'un courant, que Ton exprime dans I'industrie en kgU par seconde. Le travail de separation effectue au cours d'une operation de separation est la variation 6U pendant la duree de cette operation. L'unite de travail de separation ou UTS est homogene au kg d'uranium (kgU), et I'unite de capacite de separation s'exprime en UTS/an. En anglais, I'UTS est SWU (Separative Work Unit).
A.4. Travail de separation d'une cascade Une cascade est formee d'etages interconnectes par un reseau de courants ascendants (enrichi) et descendants (appauvri). Elle a une entree pour un courant d'alimentation F (feed) a la concentration NF. Elle a une sortie en tete pour un courant enrichi P (product) a la concentration /Vp/ qui represente sa production. Elle a une sortie en pied pour un courant appauvri W (waste) a la concentration N^. Les courants d'entree et de sortie verifient les equations de conservation de la masse :
analogues aux equations (5) d'un etage a une entree.
ANNEXE A - Travail de separation isotopique de I'uranium
407
On definit aussi une capacite de separation de la cascade analogue a celle d'un etage (11):
Cette capacite est la somme des puissances ou capacites de separation creees dans les etages, a laquelle il faut retrancher les pertes de capacite de separation aux jonctions d'alimentation. En effet, la figure A.2 schematise la jonction d'alimentation de I'etage n° Savec les etages voisins n° 5- 1 et n° S + 1 ; I'alimentation de I'etage 5 (de caracteristiques Ls, Ns) vient de la sortie enrichie de I'etage 5 - 1 (de caracteristiques //s_i/ N's-i) et de la sortie appauvrie de I'etage 5 + 1 (de caracteristiques L"s+i, W"5+1). Figure A.2. Jonction d'alimentation d'un etage a une entree.
A la jonction ou s'unissent les courants L's et /."5+1 , il y a creation d'entropie de melange si les concentrations Ns, N/5_1 et /V"5+1 ne sont pas egales, et cela correspond a une perte de capacite de separation, que Ton sait par ailleurs calculer. En tout etat de cause, quelle que soit la complexite des etages (a une entree, ou deux entrees) et quelle que soit la geometric des interconnexions des etages, le calcul des quantites necessaires d'uranium naturel et d'unites de travail de separation dans une cascade ou une usine d'enrichissement s'effectue par les equations (16) et (1 7). Dans une usine d'enrichissement, d'une part la concentration NPdu produit est fixee par le client, d'autre part la concentration Nw du rejet d'uranium appauvri resulte, en principe, d'une optimisation economique effectuee en fonction du prix de I'uranium naturel et du cout de I'UTS (voir plus loin).
408
L'economie de I'energie nucleaire
Les quantites en jeu pour produire 1 kg cTuranium enrichi a la concentration NPsont :
ou encore :
Application numerique Obtention d'un kg enrichi a 3,25 % (correspondant au combustible d'une recharge d'un reacteur de 900 Mwe au taux de combustion de 33000 MWj/t), a partir de ('uranium naturel :
A.5. Cout de I'uranium enrichi Considerons une cascade ideale, c'est-a-dire une cascade ou il n'y a pas melange de courants de concentrations differentes aux jonctions. Dans ce cas, la theorie montre que la somme des courants d'alimentation des etages est proportionnelle a la capacite de separation z\L/definie par (18). Or, dans une usine de separation isotopique d'un type donne, la quantite d'equipements necessaires et la consommation d'energie sont en general proportionnelles a la somme des courants interetages. On voit done tout I'interet pratique et economique de la notion de capacite de separation. Comme une usine d'enrichissement est formee en general de plusieurs cascades, chacune etant concue pour etre le plus pres possible d'une cascade ideale, il est raisonnable de valoriser le kg d'uranium enrichi par I'usine a partir de la capacite de separation AU. A cette fin, il faut evaluer le cout de I'UTS de I'usine, soit C5. Ce cout depend naturellement du cout total d'investissement de I'usine, du cout de I'energie utilisee, du cout de fonctionnement et d'entretien de I'usine, ainsi que du cout relatif a I'uranium immobilise dans I'usine (§ 12.5.4). Le cout du kg d'uranium enrichi a la concentration Np/ soit Cue, s'ecrit, avec les notations de (18) :
ou Cu est le cout du kg d'uranium d'alimentation de I'usine a la concentration NF (en general, c'est de I'uranium naturel au prix a sa sortie de I'usine de concentration).
ANNEXE A - Travail de separation isotopique de I'uranium
409
A.6. Teneur optimale de rejet Le tableau A.1 illustre la remarque evidente que, lorsqu'on cherche a epuiser davantage Turanium naturel en isotope 235, on a besoin d'augmenter la quantite de travail de separation, mais en revanche la quantite d'uranium necessaire diminue. II en va de meme des depenses relatives a la fourniture de ces deux quantites. La depense correspondant a la fourniture de I'uranium enrichi, etant la somme des depenses de I'uranium naturel et de I'enrichissement, passe done par un minimum pour une certaine valeur du taux de rejet, qui est la valeur optimale recherchee. Tableau A.1.
Taux de rejet
Nw(%)
Uranium naturel F(kgU)
Travail de separation AU(UfS)
7,178 6,508 5,969
3,879 4,308 4,857
0,30 0,25 0,20
[-'expression de Cue en fonction de la teneur de rejet Nw s'ecrit :
La derivee de Cue par rapport a Nw s'annule pour la valeur optimale de Nw. On obtient la relation :
dans laquelle n'intervient par la teneur Npde I'uranium enrichi. En considerant le cas general ou I'usine est alimentee par I'uranium naturel (NF = a 0,00711), et en notant e la valeur optimale de Nw, la relation (21) s'ecrit :
ou encore :
dont une tres bonne approximation est :
410
L'economie de I'energie nucleaire
La courbe de CU/CS en fonction de e, presentee au paragraphe 12.5.4, permet, connaissant la valeur du rapport CU/CS donne par le marche, de determiner graphiquement la valeur optimale (theorique) du taux de rejet. Par exemple, pour un prix de I'UTS de 110 $/UTS et un prix de I'uranium nature! variant de 20 a 25 $/lbU3O8/ le taux de rejet theorique se situe entre 0,28 et 0,31 %. Si TUTS est a 100 $, il est entre 0,27 et 0,30 %.
ANNEXE B
Economic compares des reacteurs a neutrons rapides et des reacteurs a eau sous pression B.1. Methode La comparaison economique des reacteurs a neutrons rapides refroidis au sodium (RNR) et des reacteurs a eau sous pression (REP), que Ton presente ici, repose essentiellement sur deux etudes approfondies : I'etude CEA-EDF (CEA-EDF, 1987) et I'etude de Novatome (Noel, 1995). Ces deux etudes s'appuient sur des projets detailles d'ingenierie et des consultations d'industriels aussi bien pour les reacteurs que pour les usines du cycle. Elles tiennent compte des progres technologiques acquis depuis la construction de Superphenix, et des effets observes lors de la realisation d'un pare nucleaire de facon a rendre la comparaison equitable. Detailler I'incidence economique de ces effets est interessant du point de vue methodologique en application du paragraphe 5.2. L'etude CEA-EDF, conduite par le Service des etudes economiques du CEA et la Direction de I'Equipement d'EDF, est basee sur les evaluations enumerees ci-dessous. Les couts ont ete calcules au taux d'actualisation de 8 % par an, les conditions economiques etant celles de Janvier 1986. - Avant-projet detaille de Novatome pour le reacteur RNR 1500. - Avant-projet EDF-REA sur le hors chaudiere du projet RNR 1500. - Etudes du groupe ECRA (EDF-CEA-Novatome) identifiant et evaluant les ameliorations de la chaudiere NR en vue d'un Reacteur Prototype Commercial Europeen (RPCE). - Etude commandee par la C.C.E. sur I'effet economique de duplication et de construction en serie de Superphenix (SPx). - Etudes techniques et economiques du Groupe Prospective Cycle (Cogema, CEA, SGN, USSI) relatives aux usines specifiques de grande taille du cycle RNR. - Etude CEA, a partir de la realisation du LSAI de Marcoule, sur le demantelement industriel des assemblages combustibles RNR. - Etude DIGEC de 1986 sur revolution des couts de production des centrales REP et a combustibles fossiles. L'etude Novatome a ete realisee en association avec les electriciens europeens concerned et sur la base de consultations a partir de specifications detaillees aupres de fournisseurs
412
L'economie de I'energie nucleaire
europeens, notamment Cogema et BNFL pour le cycle de combustible. Les resultats sont ceux de la validation du projet europeen EFR (European Fast Reactor), qui date de mars 1993. L'etat de la technologic dans ces deux etudes est celui du debut des annees 90. Toutefois, les performances economiques des REP ont ete corrigees pour tenir compte de la disponibilite previsible de ces reacteurs (90 %) et de I'augmentation annoncee du taux de combustion de leur combustible (70 GWj/t). Les RNR sont aussi susceptibles de progres, et par ailleurs les schemas techniques retenus ici pour les reacteurs et pour le cycle ne correspondent certainement pas a ('optimisation du systeme RNR de I'avenir. Dans une vue conservative de I'economie des RNR, ces progres ne feraient que compenser les surcouts eventuels d'une technologic moins bien eprouvee que celle des REP. Un element important de la comparaison est le prix de I'uranium : il est fixe ici arbitrairement a 40 $/lbU3O8 , valeur qui pourrait etre celle atteinte a I'horizon 2030 lorsque la necessite de recourir aux RNR deviendra une evidence. L'economie des RNR est presentee en valeurs relatives, les REP constituant la reference compte tenu des corrections mentionnees.
B.2. Investissement L'evaluation du cout de construction des RNR part de I'analyse des couts de fournitures pour la realisation de Superphenix, mais le cout d'investissement de cette centrale ne peut servir de reference, trop d'effets divers ayant eu une incidence economique defavorable : effet prototype (I'ingenierie a represente 25 % du cout de construction de la chaudiere, et le hors chaudiere ne correspondait pas a une solution optimisee), effet d'une seule unite sur un site, effet de revolution des exigences de surete au cours de la construction, effet de la cooperation industrielle europeenne ayant entrame pour cette premiere realisation des difficultes d'organisation, de planning et d'interface. Les progres techniques se traduisent, par etapes successives, en gain en masse des differents systemes de la chaudiere nucleaire par rapport aux masses observees a SPx, comme on le constate sur le tableau ci-apres. Le gain d'investissement de la chaudiere du aux ameliorations techniques entre le projet detaille RNR 1500 et le prototype RPCE est evalue a 12,5 % resultant d'une diminution globale de la masse de la chaudiere de 20 %. Le cout total d'investissement est d'abord evalue pour I'une et I'autre unite en les supposant realisees sur le site existant de CreysMalville, comme deuxieme unite du site. La deuxieme etape de revaluation tient compte de ('installation du prototype RPCE sur un site nouveau de bord de riviere, et ensuite de I'effet de ('installation sur ce meme nouveau site d'une paire de reacteurs commerciaux RCE consideree comme pre-serie. Enfin, on evalue sur un site de bord de riviere ('incidence de I'effet de serie de paires, celui de la duplication de paires sur un meme site et celui du nombre d'engagements
ANNEXE B - Economic comparee des reacteurs a neutrons rapides et des reacteurs a eau sous pression
1
Composants
SPx %
RNR1500 1 %
EFR2 %
Systeme primaire
100
54
37
Generateur de vapeur
100
Tuyauteries principales sodium secondaire
100
55
35
Pompes sodium secondaire
100
46
25
Echangeurs de chaleur
100
80
Systeme de refroidissement de secours
100
100
Ensemble manutention du combustible
100
40
Manutention du combustible exterieur au reacteur
100
413
60
100
47
D'apres Vendryes, 1987 ; 2 d'apres Noel, 1995.
annuels. Dans cette derniere etape, on donne les evaluations correspondantes pour des REP-N4 , et les ratios entre les couts RNR et les couts REP. Le tableau B.1 met en evidence I'incidence sur le cout d'investissement de tous les effets et toutes les situations mentionnees ci-dessus. On constate que dans les memes conditions de niveau technologique, de site et de programme, les RNR surgenerateurs refroidis au sodium ont un investissement d'environ 25 % plus eleve que les REP-N4.
B.3. Charges d'exploitation Les charges d'exploitation des RNR, hors impots, sont estimees dans I'etude CEA-EDF a partir de celles de centrales REP-N4 evaluees dans I'etude DIGEC de 1986, que Ton majore d'un facteur (1 + x/2), ou x est le ratio des couts de construction du RNR et du REP.
B.4. Cout du combustible B.4.1. Couts specifiques du cycle du combustible RNR L'etude CEA-EDF detaille I'investissement et I'exploitation des usines de fabrication et de retraitement des combustibles RNR, qui represented les postes essentiels du cout de cycle de cette filiere. Les evaluations reposent sur la connaissance des couts reels observes pour le fonctionnement des RNR existants et sur des projections relatives a des usines specifiques de grande taille. Les deux capacites d'usines retenues correspondent a un deploiement soft de 15 unites RNR de 1500 MWe, soit, a I'echelle europeenne, de 30 unites, et font
414
L'economie de I'energie nucleaire
Tableau B.1. Valeurs relatives des couts d'investissement RNR par rapport aux couts REP-N4 de serie.
Site
Creys-Malville
Programme
unite
Type d'unite
SPx
A1. Chaudiere et auxiliaires
107,0
A2. Reste de la centrale
67,7
a. Cout de construction
Site nouveau en bord de riviere unite pa ire
Serie 1 paire/site 1 unite/an
RCE RNR RPCE RPCE pre- RCE serie 1500 serie
Serie 2 paires/site 2 unites/an
REP serie
Ratio
RCE REP Ratio serie serie
67,2 58,8
59,4
46,8 41,7
26,5
1,57
40,0 25,6 1,56
43,5
47,0
45,1 43,6
42,3
1,03
39,1 37,8 1,03
174,7 110,7 102,3 106,4
91,9 85,3
68,8
1,24
79,1 63,4 1,25
43,5
b. Frais maitre d'oeuvre
18,5
12,2
11,3
11,7
10,1
9,4
7,6
1,24
c. Interets intercalaires
91,9
41,8
38,6
42,5
30,6 26,5
20,1
1,32
d. Frais pre-exploitation
10,0
4,4
4,1
4,3
3,7
3,2
2,6
1,20
3,2
2,6 1,20
e. Provision demantelement
2,9
1,7
1,5
1,6
1,4
1,1
0,9
1,23
1,1
0,9 1,23
8,7
7,0 1,24
22,0 16,9 1,30
f. Cout 298,0 170,8 157,8 166,5 137,7 125,4 100,01 1,25 114,1 90,8 1,26 d'investissement Valeur de reference d'une paire REP-N4 en France installee en bord de riviere avec refrigerants atmospheriques et a mettre en service vers 1995 (DIGEC, 1986).
apparattre un effet de taille important. Pour I'usine de fabrication, la capacite est de 250 et 500 t/an respectivement, pour ['ensemble des combustibles fissiles et fertiles. Pour I'usine de retraitement, elle est de 200 t/an et 400 t/an. Le tableau B.2 indique les couts specifiques du cycle de combustible RNR en valeur relative par reference a ceux connus alors du cycle REP. On note que pour le retraitement RNR, les progres techniques previsibles abaisseront a I'avenir le cout de facon tres sensible. Les couts de fabrication incluent le cout de transport des assemblages neufs. Les couts de demantelement des assemblages uses sont inclus dans le cout de retraitement bien que, dans le cas du systeme RNR etudie, cette operation s'effectue sur le site de la centrale. Ces evaluations ont ete effectuees pour une duree de vie de 25 ans, une montee en production de 3 ans, et des depenses de gros entretien incluses dans le cout d'investissement des usines. Dans le cas du retraitement, les frais fixes represented 70 a 80 % du cout total.
ANNEXE B - Economie comparee des reacteurs a neutrons rapides et des reacteurs a eau sous pression
415
Tableau B.2. Gouts specifiques du cycle du combustible RNR et REP.
Fabrication REP Fabrication RNR 250 Van Fabrication RNR 500 t/an Transport combustibles uses Retraitement REP Retraitement RNR 200 t/an Retraitement RNR 400 t/an Transport et stockage des dechets
1992 %
RNR avec progres %
255 185 133
255 185 113
923 604 200
583 389 166
REP 1992 % 100
100 100
100
B.4.2. Taux de combustion La comparaison economique des couts de cycle entre les deux filieres ne se comprend que si Ton considere les ecarts tres importants des taux de combustion et de grandes differences dans la gestion du combustible. L'effet economique des taux de combustion est mis en evidence dans la figure B.1, qui est extraite de I'etude Novatome. Figure B.1. Comparaison des couts du cycle RNR et REP en fonction du taux de combustion. taux de combustion REP GWj/t
Dans I'etude CEA-EDF, on adopte pour les RNR de serie un taux de combustion de 150 GWj/t-oxyde, un dechargement tous les 7 ans en frequence 1 et pour les REP-N4 une gestion par quart de cceur.
416
L'economie tie I'energie nucleaire
B.4.3. Couts du cycle du combustible RNR Dans la comparaison des couts de cycle entre les deux fiMeres, deux hypotheses economiques interferent fortement dans les resultats. Le prix de Turanium determine pour le combustible REP non seulement le poste achat d'uranium mais aussi le credit uranium au retraitement, eventuellement la valeur d'opportunite du plutonium et le credit plutonium. Pour la raison enoncee ci-dessus, la valeur adoptee est de 40 $/lbU3O8 ; le tableau B.3 permet d'effectuer la sensibilite aux variations de ce prix autour de cette valeur. Tableau B.3. Gout du cycle du combustible des RNR et REP-N4 (%).
Poste du cycle Achat uranium naturel Achat plutonium Conversion Enrichissement Fabrication Retraitement2 Credit U Credit Pu Total (valeur Pu = 0 €/g) Total (valeur Pu = 9 €/g)
Serie REP1
15 RNR
30 RNR
(16,4)
(16,4)
19,2 55,4
13,8 37,9
(-9,9) 74,6 (81,1)
(-9,9) 51,7 (58,2)
45,3 0,0 3,0
23,3 12,9 19,4 -3,9 (-2,2) 100
(97,8)
1
Conditions DIGEC 86, mais avec ('uranium a 40 $/lbU3O8 . 2 y compris transport des combustibles uses, transport et stockage des dechets.
La valeur d'opportunite du plutonium fondee sur ('utilisation du combustible MOX (§ 13.3.2) perd de son interet lorsqu'il s'agit d'alimenter un programme RNR. On adopte ici une valeur nulle, qui est celle aujourd'hui retenue dans la plupart des calculs economiques et surtout qui est la plus simple du point de vue du raisonnement developpe dans I'annexe D, section D.3, a propos de la pertinence de la moderation des strategies nucleaires. Toutefois, pour permettre une estimation de la sensibilite a la valeur du plutonium, une variante a 9 €/g figure dans les resultats du tableau B.3 (resultats entre parentheses). L'incidence economique d'une augmentation du taux de combustion ne porte en premiere approximation que sur les postes fabrication et retraitement. C'est dire qu'elle est plus sensible pour le combustible RNR que pour le combustible REP, comme le montre la figure B.1. Passer de 33 a 70 GWj'/t reduit le cout de cycle REP de 1 7 %.
B.5. Cout de production d'electricite La competitivite relative des RNR et des REP pour une production en base est presentee au tableau B.4. Ce dernier a ete etabli a partir de I'etude CEA-EDF. On a cependant tenu
ANNEXE B - Economie comparee des reacteurs a neutrons rapides et des reacteurs a eau sous pression
417
compte des performances envisagees pour les REP du futur modele EPR, dont Pinvestissement est suppose legerement inferieur a celui du modele N4/ mais dont le facteur de disponibilite est de 90 % et le taux de combustion de 70 GWj/t. Tableau B.4. Competitivite relative des RNR et des REP (%).
Cout
REP-N4
15 RNR
30 RNR
EPR
Investissement
55,7
70,3
70,3
43,8
Exploitation
20,3
22,9
22,9
20,3
Combustible
24,0
17,9
12,4
19,9
Total
100
111
106
84
Le surcout de production des RNR par rapport aux REP du futur depend de Pimportance du programme. D'apres le tableau B.4, il se situe entre 25 et 35 %. D'eventuels progres techniques dont on pourrait crediter les RNR en parallele a ceux des REP reduiraient ce surcout.
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ANNEXE C
Economic du dessalement de I'eau de mer La competitivite relative du dessalement de I'eau de mer entre differents precedes et differentes sources energetiques a fait I'objet d'une etude systematique par I'AIEA (AIEA, 2000) effectuee dans un meme cadre methodologique et fondee sur une gamme assez large de parametres geographiques, techniques et economiques. II en resulte des tendances generates qui ne sauraient se substituer aux resultats de I'etude de faisabilite d'un projet particulier repondant a des conditions specifiques de demande et de site. De cette etude complete et detaillee, on n'a retenu que les solutions qui semblent les mieux adaptees a I'enorme demande d'eau douce dans certaines regions du monde au cours des decennies a venir. Parmi les precedes de dessalement eprouves, la distillation a effets multiples et I'osmose inverse sont les seuls examines ici, le precede « multi-flash » apparaissant plus onereux. L'osmose inverse requiert uniquement de I'energie mecanique de pompage fournie sous forme electrique a raison de 4 a 5 kWhe/m3. La distillation a effets multiples necessite environ 2 kWhe/m3 pour le pompage, et surtout de la vapeur a moins de 130 °C ; cette derniere correspond a une quantite d'energie dependant des caracteristiques de I'eau de mer, notamment sa temperature, et de la conception des installations ; elle est comprise entre 30 et 120 kWhth/m3. Les capacites etudiees par I'AIEA vent de 60000 a 480 000 m3/j. On n'a envisage ici que cette derniere valeur plus representative des besoins futurs. Parmi les sources energetiques etudiees, on n'a retenu que celles qui sont eprouvees et les plus repandues, de grande taille (900 MWe) et fonctionnant en cogeneration : il s'agit des REP-900 et des centrales a charbon pulverise CP-900. Dans I'etude, on suppose que la centrale d'energie et I'usine de dessalement, quel qu'en soit le type, sont integrees sur un meme site et mettent en commun certains systemes et certaines installations. Trois zones geographiques sont considerees. La Region 1 comprend I'Europe du Sud, de la Grece a I'Espagne ; la Region 2, I'Afrique du Nord, la Mer Rouge et I'Asie du Sud-Est; la Region 3, le Golfe Arabique. Les caracteristiques de ces zones figurerrt au tableau C.I.
L'economie de I'energie nucleaire
420
Tableau C.I. Caracteristiques regionales.
Eau de mer Temp. IDS ppm °C 20 38000 25 41000 30 45000
Region 1 2 3
Gout du personnel Encadrement Main d'oeuvre $/an $/an 1 60 000 80000 60000 30000 60000 30000
Le cout unitaire de I'usine de dessalement est de 800 $/m3/j pour I'osmose inverse et 900 $/m3/j pour la distillation a effets multiples. Les resultats ont ete etablis pour deux scenarios economiques relatifs aux options energetiques dont les donnees figurent au tableau C.2 : - le scenario SN, favorable a I'option nucleaire : cout de construction bas, taux d'actualisation faible et prix du charbon eleve ; - le scenario SC, favorable a ['option charbon, defini par inversion des parametres precedents. Tableau C.2. Hypotheses economiques relatives aux options energetiques.
Option energetique REP-900 CP-900
Taux d'actualisation Region 1 SN SC 5 8
Prix du charbon
Regions 2 et 3 $/toe SN SC SN SC 8 10 30 20
Cout de construction $/kWe SN SC 1360 1840 1791 1323
Une etude de sensibilite aux variations plausibles des parametres cles a ete effectuee region par region dans I'etude precitee. Les couts de production d'eau douce en $/m3 sont donnes de facon synthetique dans le tableau C.3 en fonction du precede de dessalement, de I'option energetique, du scenario economique et de la region. Tableau C3. Couts de production d'eau douce ($/m3) pour une capacite de 480 000 m3/j et une capacite energetique equivalente a 900 Mwe.
Precede Energie Scenario Region 1 2 3
Distillation effets multiples CP-900 REP-900 SN SC SN SC 0,64 0,76 0,75
0,77 0,86 0,85
0,73 0,82 0,80
0,75 0,81 0,79
Osmose inverse REP-900 CP-900 SN SC SN SC 0,48 0,59 0,64
0,61 0,71 0,77
0,55 0,66 0,72
0,60 0,68 0,74
Les conclusions et les commentaires relatifs a ces resultats sont reportes au paragraphe 16.4.2.
ANNEXE D
Apercus methodologiques de ('evaluation d'une strategic nucleaire D.1. Evaluation d'une strategic nucleaire La demarche a adopter pour evaluer une strategic nucleaire doit repondre a certaines conditions pour etre totalement satisfaisante et traiter de toutes les questions examinees precedemment et fortement imbriquees : ressources energetiques et couts d'acces associes, amelioration des performances economiques nucleaires et classiques. II est souhaitable d'inserer la strategic nucleaire a etudier dans I'ensemble du systeme de production d'electricite devant satisfaire une demande evolutive d'energie afin d'en evaluer toutes les implications economiques et environnementales. Cela facilite la comparaison entre strategies caracterisees par des contributions du nucleaire differentes. La demarche doit se poursuivre sur le long terme, au moins 50 ans sinon un siecle, etant donne I'inertie propre aux systemes energetiques, en particulier nucleaires, et la necessite de mettre a disposition au moment opportun les techniques aptes a faire face aux situations previsibles, comme I'epuisement des ressources et le niveau des emissions de CO2 du secteur electrique.
D.2.
Description d'un modele de simulation
L'evaluation de diverses strategies proposees repose sur un modele de simulation du pare de production thermique. Ce modele est concu pour rendre compte du systeme de production d'electricite a un degre suffisamment detaille : la demande d'electricite se traduit par la monotone de charge thermique determinee par ailleurs (§ 2.2.2 et figure 9.1), qui evolue quantitativement par sa taille et qualitativement par sa forme. Une strategic est definie principalement par la composition du pare de production. Celleci est decrite de facon plus ou moins souple scion les modeles. Pour chaque type d'energie (nucleaire, charbon, gaz), on indique les contributions respectives et leur evolution dans le temps. Pour chacune de ces energies, on definit les moyens de production envisages, leur contribution relative a la puissance installee, et tous les
422
L'£conomie de I'energie nucleaire
parametres qui les caracterisent: puissance unitaire, rendement, duree de vie. Le modele determine lui-meme (ou alors on lui impose) le nombre d'unites, la date de mise en service, eventuellement certaines contraintes d'entretien. Ces differents moyens de production sont places dans la monotone thermique selon leur ordre de merite (§ 9.1.2). S'agissant des combustibles, les moyens de production sont decrits par leur consommation specifique pour ce qui est du thermique classique, et pour ce qui est du nucleaire, par les chargements, leur composition, leur taux de combustion moyen, leur composition au dechargement et les donnees correspondantes du cycle du combustible (§ 7.1.3 et7.1.4). Les donnees economiques relatives a I'investissement, a I'exploitation et au combustible sont exprimees en monnaie constante, d'une date bien definie. Les matieres energetiques et les services sont eventuellement affectes d'une derive, positive ou negative, selon les hypotheses devolution des prix en monnaie constante. Les usines du cycle sont aussi caracterisees par leur capacite, leur duree de vie et eventuellement leurs donnees economiques. Une attention particuliere est portee a la gestion du plutonium (a plus long terme, a celle de ('uranium 233 dans le cycle Th-U). Les productions de plutonium sont caracterisees par leur provenance, c'est-a-dire leur composition isotopique, et les stocks correspondants par leur age en tenant compte de I'americium afin de determiner leur equivalence en Pu239 pour chaque type de reacteur susceptible de les utiliser. On determine aussi les quantites de dechets, et en particulier celles des actinides. L'introduction des RNR peut s'effectuer a partir d'une date fixee a priori. La mise en service de ces reacteurs est determinee par le modele en fonction du volume des stocks existants de plutonium et en fonction de la dynamique qui resulte a la fois de la production de plutonium par les REO et du temps de doublement compose des RNR (§ 15.4.2). II est possible de reguler la penetration des RNR en limitant de facon exogene leur rythme annuel de mise en service ou en plafonnant leur contribution dans le pare. Une strategie de separation et transmutation des actinides est envisageable en introduisant le moment venu un nombre suffisant de reacteurs incinerateurs et les usines du cycle appropriees. Les resultats sont calcules mois par mois (cette unite de temps suffit) et agreges annuellement par type de centrales et au besoin par etape du cycle. II s'agit des productions electriques, des besoins en financement des centrales, des besoins en matieres energetiques et en services, des productions de plutonium, d'actinides, de dechets. Le calcul economique s'effectue en actualisant les productions d'electricite et toutes les depenses d'investissement, d'exploitation et de combustible, affectees de leur date d'occurrence. Le cout actualise du kWh est donne soit pour chaque unite de production, soit pour chaque type d'unite, soit pour ['ensemble de la strategie. II en est de meme des couts externes.
ANNEXE D - Apergus methodologiques de revaluation d'une strategie nucleaire
423
Le CEA a developpe deux modeles : EPATAN, plus axe sur la pertinence du traitement economique et COSI plus detaille sur revolution des combustibles en reacteur et le traitement de la fin de cycle.
D.3. Pertinence et coherence de la modelisation Ce genre de modele est adapte a la simulation de differentes strategies possibles pour la production d'electricite. II differe des modeles d'optimisation en ce sens que la composition du pare de production et son evolution n'est pas un resultat mais une donnee exogene. En revanche, la description technique etant plus fine, les resultats le sont aussi, et Ton discrimine les strategies non seulement par leurs performances economiques, mais aussi par leurs external ites et les couts afferents. Quelques remarques sont necessaires a propos de la pertinence d'un modele de simulation d'un systeme de production electrique. Le cout global moyen actualise qui caracterise chaque strategie du point de vue economique n'est un indicateur utilisable que dans la mesure ou il presente un ecart sensible d'une strategie a I'autre. Or le bilan actualise sur longue periode, entre 50 et 100 ans, estompe les differences de couts survenant a echeance lointaine ; ainsi le cout moyen actualise sur une aussi longue duree perd de son pouvoir discriminant quant aux evolutions technologiques tardives, surtout pour les taux d'actualisation eleves. Pour remedier a cet inconvenient, il convient de limiter le bilan actualise a une periode de 30 ans par exemple, mais periode glissante parcourant toute la duree sur laquelle porte ('evaluation. A cet effet, il est toutefois indispensable de tenir compte des effets de bord, c'est-a-dire d'evaluer la valeur residuelle des centrales et des charges de combustible nucleaire. Cette facon de proceder permet de suivre revolution du cout global de production et de juger la stabilite du cout nucleaire par rapport a une strategie alternative a base de combustibles fossiles. Elle permet aussi de mettre en relief la sensibilite aux changements technologiques ou aux evolutions des prix des matieres energetiques ou encore a diverses hypotheses de la demande d'electricite. II est evident que le passe doit etre ecarte du calcul des bilans actualises ; seuls sont a considerer les flux monetaires du futur s'agissant d'obtenir un eclairage pertinent sur les choix possibles de strategie. II est necessaire toutefois de simuler le fonctionnement passe du systeme de production d'electricite pour en suivre les flux de matieres, car c'est le moyen de connaTtre les stocks de plutonium produit et leurs caracteristiques et les stocks de combustibles uses. Cela permet aussi de calculer les valeurs residuelles des centrales et de leur combustible pour tenir compte des effets de bord au depart de la simulation. Par ailleurs, I'ensemble des moyens nucleaires de production est a considerer comme un systeme complexe aux interactions nombreuses en raison des flux de matieres recuperees et reutilisees passant dans differents types de reacteurs et usines du cycle. Pour
424
L'economie de I'energie nucleaire
schematiser le processus devaluation globale d'une strategic des points de vue essentiels que sont I'utilisation des ressources, la performance economique et I'impact sur I'environnement, le fonctionnement de ce systeme peut se reduire a la representation de la figure 16.7 : deux entrees, I'apport d'uranium naturel (et de thorium), I'apport monetaire ; deux sorties, I'energie electrique et les dechets. De la, viennent deux reflexions. • Le plutonium, dans ('option du cycle ferme, n'est qu'un sous-produit du systeme nucleaire dans lequel il est reutilise. La valeur qu'on peut lui attribuer (§ 13.3.2) apparatt d'un interet secondaire. Elle n'a en effet qu'une incidence tres faible dans les bilans actualises : elle s'applique de facon positive aux flux de plutonium a la sortie d'un reacteur et de facon negative a des flux similaires a I'entree d'un autre, le temps d'immobilisation du metal etant relativement court. La situation serait differente s'il venait a s'etablir un marche exterieur du plutonium. Figure D.1. Representation schematique d'un systeme nucleaire.
• Le concept de systeme nucleaire, de par sa coherence, traduit la symbiose entre certains de ses elements, benefique a ('ensemble. Sa mise en ceuvre a travers un modele de simulation ou la simple consideration de la figure D.1, condamne les analyses partielles fondees sur un cloisonnement en sous-systemes aux frontieres arbitraires, et sur lesquelles s'echafaudent des theses contraires au bon sens : par exemple, attribuer aux seuls RNR le poids economique du retraitement des combustibles REO sous pretexte que cette operation constitue la source de plutonium indispensable aux RNR. Quel sens cela a-t-il alors que la strategic incorporant des RNR diminue le recours a I'uranium et le volume des dechets miniers et des dechets de haute activite et que le seul critere economique pertinent est le cout global genere par le systeme nucleaire ? A I'aide de tels sophismes, on deforme la realite pour aboutir a des conclusions qui entravent la recherche de solutions acceptables pour un developpement durable.
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INDEX ET GLOSSAIRE On trouvera ci-dessous la liste des principaux themes evoques ou developpes dans ce livre. Les termes indexes sont assez souvent composes de plusieurs mots. Dans ce cas lorsque cela a ete juge opportun - le terme est pour chacun des mots les plus significatifs qui le composent. Par exemple, « prix du gaz naturel » est entre a « prix » et a « gaz ». Lors de la constitution de I'index, nous avons tente de distinguer les simples references a une notion (fonction « index » proprement dite) des passages ou cette notion est definie ou developpee (fonction « glossaire ») ; dans ce dernier cas, le numero de page est indique en gras.
-AActinides mineurs : 376, 377, 422 Separation : 378 Transmutation : 378, 379 Actualisation : 76, 77 Calcul d'- : 84-88, 92 Fonction d'- : 77, 84 Sensibilite au taux d'- : 116, 118-121, 149-152, 162-165, 169-171, 174, 176-181, 187, 197-201, 223, 326, 389 Taux d'-177,80,81-83, 340 Aleas de construction : 116 Analyse Du cycle de vie : 212, 228 Macro-economique : 235, 237 Meso-economique : 237 Micro-economique : 235, 236 Annee de vie perdue : 219, 226 Annuite : 88, 89 Appel Duree d'- : 40, 90 Duree limite d'- : 191, 192, 199-201, 246, 247 Assurances nucleaires : 126, 335, 336
-BBase de la monotone de charge : 32, 245 Cout de production en - : 91, 95, 167, 170, 171 Besoins En capitaux : 390, 391 Energetiques : 346-348, 353 Engages d'uranium : 362, 365 Bilan Actualise : 78, 79, 423 Energetique : 25, 26, 352, 353 -CCalcul du cout D'exploitation : 93, 130 D'investissement : 118, Du combustible : 93, 94, 138, 139-143 Moyen actualise du kWh : 90 Carbone Taxe sur le - : 231, 352, 253, 257, 258, 347 Valeur du - : 253, 256, 258, 260, 350,
388, 389
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Centrale : 32 A charbon : 32 A cycle combine : 33 A turbines a gaz : 33 De pompage : 33 Hydraulique au fil de I'eau : 32 Hydraulique d'eclusee : 32 Hydraulique de lac : 32 Centrale(s) nucleaire(s) : 32, 358 Coefficient de production des - : 56, 57 Coefficient de disponibilite des - : 57 Competitivite des - a installer : 168-181 Competitivite des - existants : 326-328 Dans le monde : 48, 49 Duree de vie des - : 329, 330 Experience cumulee des - : 53, 55, 56 Evolution technologique des - : 61-64 Histogramme des ages des - : 48 Indicateurs de fonctionnement des - : 55, 60, 61 Personnel des- : 127-129 Production des - : 53-56 Charbon Centrale au - : 32 Marche du - : 157 Prixdu- : 157, 158, 165 Ressources de - : 350, 351, 367 Charges financieres futures : 317, 318 Chaudieres nucleaires Constructeurs des - : 70, 71 Industrie des - : 71-73 C02 Cout de capture et sequestration du - : 372, 374 Emissions de - : 70, 227-229, 239, 262, 349, 370-374 Coefficient(s) de disponibilite : 57, 69 Coefficient(s) de production : 56, 57, 69, 329
L'economie de I'energie nucleaire
Evolution des - : 58-61 Cogeneration : 168 Nucleaire : 358, 359, 383, 384 Combustible Cout actualise du - charbon : 164, 165 Cout actualise du - gaz : 163-165 Cout actualise du - nucleaire : 151-156, 162, 164 Cout d'une recharge de - nucleaire : 148 Cycle d u - : 137 Combustion Massique : 139, 152, 304,415 Tauxde- : 139, 152, 304, 415 Compte De reference : 248, 250 D'exploitation previsionnel : 97 Consommation Energetique mondiale : 26 D'energie primaire : 52 Interieure d'electricite : 28, 29 Nette d'electricite : 28 Methode de prevision de la d'electricite : 36, 37 Construction Aleas sur calendrier de - : 116 Contrats pour la - : 100 Cout direct de- : 99, 100 Limites de fournitures de - : 100 Participation locale a la- : 112 Conversion Cout de la - : 276 Installations de - : 277 Marche de la - : 278 Prixde la- : 278 Courbe(s) monotone(s) de charge : 32, 51, 204 Pointe de la - : 32, 203, 245 Base de la - : 32, 245 Methode de prevision des - : 49
Index et glossaire
Cout(s) Complet cTinvestissement : 118, 119-123, 181-184 Comptable : 205, 206, 326 De base : 101, 102, 120,121 De bien-etre : 231, 243, 244 De capture et sequestration du CC>2 : 372, 374 Dedefaillance : 189, 190 De demantelement : 11 7 D'exploitation et d'entretien : 92, 93, 130, 131-133 De la conversion : 288 De I'enrichissement de I'uranium : 281, 282 De la fabrication des combustibles : 288 De I'uranium enrichi : 283, 408 De production de base du kWh : 91, 95, 167, 170, 171 De production d'uranium naturel : 275, 276 De production de I'hydrogene : 385, 386 De renovation : 118, 121, 1 34, 135 Du combustible MOX : 302-304 Du retraitement : 295, 296 Du stockage des dechets du retraitement : 302, 304-307 Du stockage direct des combustibles uses : 306-308, 301-313 Du transport des combustibles uses : 294 Direct de construction :109, 110, 112-114, 119, 122, 123 Echoues : 327 Environnementaux integres : 112-117 Marginal : 202, 206 Marginal de court terme : 202, 203 Marginal de long terme : 202, 203 Marginal du kg de transuraniens evite 378, 379
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Moyen actualise du combustible nucleaire : 93, 152-156, 162, 164, 184, 185 Moyen actualise du - gaz : 94, 163, 164 Moyen actualise du - charbon : 94, 164 Unitaires du cycle du combustible : 144-14 Gouts externes De la production d'electricite : 1 75, 227, 228 De I'hydraulique : 228, 229 Des impacts sanitaires des doses : 222, 223 Des polluants atmospheriques : 224, 225 Environnementaux : 217 En situation accidentelle : 223, 224 Methodes devaluation des - : 21 7, 218, 230-234 Cout moyen actualise du kWh : 90, 92, 423 Du charbon : 172, 176 Du cycle combine au gaz : 170-181 Des eoliennes : 186, 187 Du nucleaire : 169, 170, 172-176 Photovoltaique :187, 188 Stabilite du - nucleaire : 185, 186, 380, 381, 392 Structure du - : 95, 1 70-1 72, 1 75, 177, 179, 417 Credits au retraitement : 145, 146 Cycle Amont du - du combustible : 263, 314, 315 Analyse du - de vie : 212, 228 Aval du - du combustible : 293, 314, 315 Cout du - du combustible : 1 52-156 Couts unitaires du - du combustible : 153-157 Delais du - du combustible nucleaire : 146, 147
L'economie de I'energie nucleaire
438
D'irradiation : 138, 153, 154 Du combustible nucleaire : 147 Ferme : 293, 314-317, 320, 321, 424 Ouvert : 293, 314-317, 320, 321 -D-
Delais Du cycle du combustible nucleaire : 146, 147 Defaillance Cout de defaillance : 189, 190 Demande D'electricite : 28, 347, 348 D'energie : 346, 348 En combustibles fossiles : 352 Variations de la - d'electricite : 29, 30, 31 Demantelement Coutde- : 117 Dessalement Economic du - : 384, 385, 419, 420 Marche du - : 361 Developpement durable : 343, 396, 397 Criteres de - : 344-346 Doses Dues aux installations nucleaires : 220-222, 317 Reduction a terme des - : 374-377 Duree D'appel : 40, 90 De vie actualisee : 87, 70 De vie des centrales : 1 73, 174, 329, 330 De vie economique : 78 Du projet : 78 Limite d'appel : 191, 192-194, 197-201, 246, 247 —E— Effet De conditions de site : 110, 111 De duplication sur un site : 105, 106, 107, 110
De modalites contractuelles : 111, 112 Deserie : 108, 109, 110 Detaille : 103, 104, 105, 114, 128, 129 Energie Bilan de I'energie nucleaire : 35 Finale : 25, 26, 348 Penetration de I'energie nucleaire : 53, 54, 355, 356 Primaire : 25, 26, 52, 68, 356 Secondaire : 25 Enrichissement Cout de Penrichissement : 281, 282 Marche de Penrichissement : 285, 286 Prise de Penrichissement : 287 Usines d'enrichissement : 284 Eoliennes Cout du kWh des eoliennes : 186, 187 Cout externes des eoliennes : 227-229 Potentiel energetique des eoliennes : 354 Exploitation et entretien Calcul du cout d'exploitation et d'entretien : 92, 93, 130 Cout d'exploitation et d'entretien : 125, 126, 129-133 Personnel d'exploitation et d'entretien des centrales nucleaires : 127, 128 Externalites : 211, 212, 316, 317 -FFabrication Cout de la fabrication : 288 Capacites industrielles de fabrication : 289, 290 Marche de la fabrication : 291 Usines de fabrication MOX : 305 Facteur de regeneration : 364 Filiere de reacteurs : 51 Fraction de cceur : 138, 153 Frais De maTtre d'ceuvre : 118 De pre-exploitation : 118
439
Index et glossaire
Frequence (reglage de) : 42, 43 Fusion : 19, 355, 397 -GGaz a effet de serre Emissions de gaz a effet de serre :
224, 349, 350 Impact des gaz a effet de serre : 224, 225, 349 Caz nature! Centrale a cycle combine au gaz nature! : 33 Marche du gaz naturel : 159 Prise du gaz naturel : 157, 169-1 71, 165, 388 Ressources de gaz naturel : 351, 367 Turbine a gaz naturel : 33 -HHartwick (regie de) : 344, 397 Heures actualisees (nombre d') : 91, 92 Hotelling (regie de) : 83, 344 Hydraulique Centrales hydrauliques : 32 Cout externes des centrales hydrauliques : 228, 229 Hydrogene Cout de production d'hydrogene : 385, 386 Production d'hydrogene : 360, 361 -IIm pacts Des gaz a effet de serre : 224, 225, 349 Macro-economiques : 69, 70, 221, 392 Radiologiques : 220-222, 374, 375 Interets intercalaires : 115, 116 Investissement : 114, 337, 339-341 Cout complet d'- : 118
-LLiberalisation Des secteurs economiques : 235 Du secteur electrique : 323-325, 338-340 -MMaTtre d'ceuvre (frais de) : 118 Marche De la conversion : 278 De la fabrication : 291 De I'electricite : 323-325 De I'enrichissement : 285, 286 De I'uranium : 271-274 Du charbon : 157 Du dessalement : 361 Du gaz naturel : 159 Du retraitement : 297 Spot de Turanium : 273, 274 Marge De puissance : 41 Methode De prevision de la consommation d'electricite : 36, 37 De prevision de la demande d'energie : 346-348 De prevision des monotones de charge : 39 Des cheminements d'impact : 218 Economique : 75, 76, 96-98, 338-340, 422, 423 Modele COSI : 365, 423 COSYMA : 223 EPATAN : 365, 423 ERB : 347 d'equilibre general calculable : 240 G-Cubed : 242 GEMINI-E3 : 239, 240, 241, 243, 246 GEM10R :347 LDNE21 : 347 Macro-economique : 237 Micro-DMS energie : 238
440
Micro-Melodie : 238 Mini-DMS Transport : 238 Monotone de charge : 32 Base de la - : 32 Prevision des - : 39 Pointe de la - : 32 Thermique : 191, 192, 245, 246 Monnaie Constante : 76 MOX : 143, 300, 303 Cout du combustible - : 302, 304 Equivalence MOX-UO2 : 302, 303, 305 Usines de fabrication - : 305 -NNombre d'heures actualisees : 91, 92 -OOptimisation du pare de production d'electricite : 189, 190, 191-193 du systeme electrique : 189, 203, 204 du taux de rejet : 280, 283, 409 Ordre de merite : 191, 193 -PParc de production d'electricite : 33, 34 Optimisation du - : 189, 190, 191-193 Structure du - : 33, 421 Structure du - nucleaire : 51, 363-367, 421 Taille limite des unites du - : 42 Participation De I'industrie locale a la construction : 112 Penetration De I'electricite : 36, 37, 357, 388, 392 De I'energie nucleaire : 53, 54, 355, 356
L'economie de I'energie nuclea/re
Des reacteurs a neutrons rapides : 365 Permis D'emissions negociable : 252, 255, 256, 260, 350 PhotovoltaTque Coutdu kWh- : 187, 188 Gouts externes de I'energie - : 227-229 Potentiel - : 354 Plutonium : 301, 424 239 equivalent : 143, 301, 422 Elimination du - : 375-379 Fissile : 143, 302, 303 Pertesde- : 143, 375 Valeur d'opportunite du - : 301, 303 Pointe de la monotone de charge : 32, 245 Polluants atmospheriques Couts externes des - : 224, 225 Emissions de - : 226, 228, 349, 370-374 Pre-exploitation (frais de -) : 118 Prevision Methode de - de la consommation d'electricite : 36, 37 Methode de - de la demande d'energie : 346-348 Methode de - des monotones de charges : 39 Principe D'equite : 344, 394, 395 De precaution : 343, 349 Prix De I'electricite : 206-209 De I'uranium naturel : 273, 274, 381 De I'enrichissement : 287 De la conversion : 278 Du charbon : 157, 158, 165 Du gaz naturel : 157, 159-161, 165, 388 Production d'electricite : 38, 46, 262 D'origine nucleaire : 52, 53 Nucleaire brute : 55, 56, 67, 68
441
Index et glossaire
Parcde- : 34, 189, 190-193, 363-367, 421 Part du nucleaire dans la - : 52-54 Prevision de la - : 38 Protocole de Kyoto : 251, 261, 349, 350, 370 Provisions : 319, 320-322 Puissance Appelee sur le reseau : 28, 40 Courbe monotone de la - appelee : 32 Continue nette : 40 Garantie : 40 Installee : 40 Marge de - : 41 Nominale : 40, 56 Nucleaire installed : 48, 49, 65, 66 -R-
Reacteur(s) A eau bouillante : 51, 56, 58-61, 63 A eau lourde sous-pression : 51, 56, 58, 61, 62, 71, 308 A eau sous-pression : 51, 56, 58-61, 63, 65, 66 A eau ordinaire : 51, 55, 147, 380, 381 A gaz moderes au graphite : 51, 62 A haute temperature : 64, 366, 375 A neutrons rapides : 56, 64, 365, 375, 378, 411-417 Calogenes : 357, 359 Du futur : 103, 356, 381-383 Modulaires : 114, 112, 123, 128, 129, 178-181 Recyclage des matieres fissibles : 305, 306 Regeneration Facteur de - : 364 Reg I age De la frequence du reseau : 42, 43 Regie De Hartwick : 344, 397 De Hotelling : 83, 344
Regulation Du systeme electrique : 203, 204 Renovation Coutde- : 118, 121, 134, 135 Reseau electrique : 27, 28, 35 Avantages du - : 35 Contraintes du - : 34 Reglage de la frequence du - : 42, 43 Reserves En energie primaire : 367 D'uranium : 265, 266, 268, 276, 367 Ressources Classiques connues d'uranium : 265, 366 Energetiques fossiles : 350, 351 De thorium : 267, 367 Possibles d'uranuim : 265, 266 Probables d'uranium : 265, 266 Prouvees d'uranium : 265, 266 Speculatives d'uranium : 265, 266 Retraitement Capacites industrielles de - : 297 Coutdu- :295, 296 Credits au- : 145, 146 Marche du - : 297 Valorisation de I'uranium de - : 299, 300 Reversibilite Du stockage : 310 Risques financiers Lies a I'investissement : 331-333 Lies au risque pays : 333, 334 Nature des - nucleaires : 330, 331
-SSecurite d'approvisionnement : 231, 232, 342 Couts externes de la - : 232, 233 Separation : Des actinides mineurs : 377-379 Isotopique de I'uranium : 401-408 Travail de - isotopique : 279, 405, 407 Unite de travail de - : 279, 281, 406
442
L'&conomie de I'gnergie nucleaire
Stab i lite Du cout de production nucleaire : 185, 186, 341, 380, 381, 392 Stockage Cout de - direct des combustibles : 306-308, 310-313 Cout du - des dechets : 308, 310-313 Reversibilite du - : 310 Structure Du cout d'exploitation : 127 Du cout de stockage dechets : 311 Du cout de bien-etre : 254, 256, 258, 260 Du cout du kWh nucleaire : 95, 170-172, 175, 177, 179,417 Du cout du combustible nucleaire : 152-156, 162, 164,416 Du cout de renrichissement : 282 Du cout de fabrication : 289 Du cout de production d'uranium : 269-271 Du cout de retraitement : 295 Du pare de production d'electricite : 33, 421 Du pare de production nucleaire : 51, 363-367, 421 Tarifaire : 201-204 Surgeneration : 364 Systeme Electrique : 27, 171, 323, 357 Energetique : 25, 344, 388 Regulation du - electrique : 203, 204 Stab i lite Du cout de production nucleaire : 185, 186, 341, 380, 381, 392
Taux De combustion : 139, 152, 304, 415 De rentabilite interne : 79, 338 De rejet : 142, 283, 409 D'actualisation : 77, 80, 81-83, 341 D'independance energetique : 68 D'indisponibilite fortuite : 40 D'indisponibilite programmed : 40 D'interet : 96, 97, 338 Taxe(s) Dans le cout du kWh : 216, 173, 175 Sur le carbone : 231, 252, 253, 257, 258, 347 Sur legaz : 161, 173, 175 Teneur De coupure : 265 De gisement d'uranium : 265, 268, 270 De I'uranium enrichi : 142, 279, 280 De rejet : 142, 409 Termes De I'echange : 241 Thorium Ressources de - : 267, 367 Utilisation du - : 366, 367 Transmutation Des actinides : 375-379 Transport(s) Cout du - des combustibles irradies : 294 Maritimes nucleaires : 362, 387 Type de reacteurs : 51 Coefficients de production par - : 58-61 Puissance installee par - : 51
-TTaille Effetdetaille : 103-105, 114, 128, 129 Limite des unites de production : 42 Tarification : 201, 201-204, 206
-UUTS : 279, 406 Cout del'-: 281, 282 Prix de I'- : 287 Uranium Concentre d'- : 268 Cout de production - : 269-271
443
Index et glossaire
Cout de I'- enrichi : 283, 408 De retraitement : 299, 305, 306 Marchedel'-:271-274 Marche spot de I'- : 273, 274 Prix de I'- naturel : 273, 274 Production d'- : 268, 269, 272, 275-277 Reserves d'- : 265, 266, 268, 276 Ressources classiques connues d'- :
265, 366 Ressources possibles d'- : 265, 266 Ressources probables d'- : 265, 266 Ressources prouvees d'- : 265, 266 Ressources speculatives d'- : 265, 266, 366 Teneur de coupure d'un gisement d'265 Teneur de I'- enrichi : 142, 279, 280 Valorisation de I'- de retraitement :
299, 300
-VValeur : De la vie humaine : 220 D'opportunite du plutonium : 301, 303 Du carbone : 253, 256, 258, 260, 350, 388, 389 Reelle : 76 Vie Analyse du cycle de - : 212 Duree de - des centrales nucleaires 173, 174, 329, 330 Duree de - economique : 78 Duree de - actualisee : 87, 88 Valeur de la - humaine : 220 -Y-
Yellowcake : 268
L'economie de I'energie nucleaire
444
SIGLES Chaque sigle reference ci-dessous renvoie a la page ou il est defini ou explicite par le texte. ABB AECL AEG AEN AGR AIE AIEA ALMR 378 AM 378 ANDRA311 AP600 APA 375 AREVA ASEA ATR
BNFL B&W CANDU CAS 358 CCM CE CEA CEI 272 CES CGE OF CLAB 307 CMA CME CNNC CORAIL CPO,CP1, CP2 CRE DIDEME DIGEC DOE
73 71 71 76 51 76 76
EACL EOF ELECNUC ENTERGY EPR EPRI ERA Eurodif
71 66 56 133 173 122 275 285
FOB
158
GE GES GIEC GLWR GNL GRD CRT GT. MHR
70 349 124 358 160 28 325 129
NASA IPCC
347 224
KHIC KWU
71 71
122
73 71 55 73 70 100 243 70 67 241 65 158 243 25 71 375 66 325 173 119 285
MGUNGG Minatom MNF MOX MSI
62 285 291 300 91
N4 NEI NFI NNC NRC NUEXCO NUKEM
66 329 291 71 133 274 274
Index et glossaire
445
PBMR PCI PCS PECO PEON PIB PRIS PUREX 367
382 163 159 133 64 36 56
REB RELP REO REP RHT RNR RRA RSE-1 RSE-II RTE
51 51 51 51 366 51 265 265 265 28
SBWR SKB SLOWPOKE SMART
122 307 358 122
THERMOS THTR TRI TRU TVO
358 64 338 378 340
UCPTE UNGG UNIPEDE URENCO URT USEC UTS
38 62 76 285 284 285 279
VCR VER VVER
243 243 51
WANO WEC
329 347
Imprime en France, JOUVE, 11, Bd de Sebastopol, 75001 PARIS - FRANCE N° 340076U - Depot legal : Janvier 2004