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DROZ
IIlIljouul
TRAVAUX D'HISTOIRE ÉTHICO-POLITIQUE XVI
TRAVAUX D'HISTOIRE ÉTHICO-POLlTlQUE
1~163
1. ANTONI (Carlo), L'historisme. Traduction de l'italien par A. Dufour, 132 p.
1963
2. DEDEREN (Raoul), Un réformateur catholique au XIX' siècle: Eugène A1ichaud. Vieux-catlzolicisme - Œcuménisme, xlv-340 pp.
1964
3. HELBLI"'G (Hanno), Histoire suisse. Traduit de l'allemand par A. Hurst, 112 p. et 16 ill.
1964
4. Echanges entre la Pologne et la Suisse du XIV' ail XIX' siècle. Choses - Hommes - Idées. Etudes de A. GIEYSZTOR, H.C. PEYEI~, S. STELLING-MICHAUD, H. BARYCZ, E. ROSTWOROWSKI et M. VUILLEUMIER, 248 p.
1964
5. ZOUAOUI
(Ahmed),
Socialisme
et
Internationalisme:
Constantin
Pecqueur, 264 p. 1965
6. BURCKHARDT (Jacob), Fragments historiqlles. Traduction de l'allemand par Maurice Chevallier, XXlv-245 p.
1965
7. BURCKHARDT (Jacob), Considérations sur l'histoire universelle. Version française de S. Stelling-Michaud, xxvlI-212 p. avec 1 portrait.
1965
S. SISMONDI (j.C.L.), Reclzerches sllr les constitutions des peuples libres. Texte inédit et introduction par Marco Minerbi, 384 p.
1965
U. CROCE (Benedetto), Galéas Caracciolo, marquis de Vico. Préface d'O. Reverdin, xll-11O p., 10 i11.
1966.
10. MOELLER (Bernd), Villes d'Empire et Réformation. Traduction de l'allemand par A. Chenou, 116 p.
1Y66
II. DUFOUR (Alain), Histoire politique et psychologie historique,· suiVI de deux essais sur Humanisme et Réformation et Le mythe de Genève au temps de Calvin, 132 p., 2 i11.
1966
12. CONLON (P.M.), Jean François Bion et sa Relation des tourments soufferts par les forçats protestants, 120 p.
1966
13. CASTELLION (Sébastien), Conseil à la France désolée. Nouvelle édition avec préface et notes explicatives par M.F. Valkhoff, 80 p.
1965
14. TRIOMPHE (Robert), Joseph de Maistre. Etude sur la vie et slcr la doctrine d'un matérialiste mystique, 654 p.
1968
15. PERRIN (Ch.-Ed.), Un historien français: Ferdinand Lot, 1866-195?, 124 p.
ÉPHRAÏM HARPAZ
L'ÉCOLE LIBÉRALE SOUS LA
RESTAURATION LE « MERCURE» ET LA «MINERVE» 1817-1820
GENÈVE
LIBRAIRIE DROZ Il, RUE MASSOT 1968
Première édition: juin /968
© 1968 by Librairie Droz S.A. II, rue Massot, Genève (Switzerland)
A la mémoire de Gabriel
PRÉFACE
Il est bien difficile d'entrer dans la mentalité des générations passées. Que de contresens risque de commettre celui qui aborde un épisode, une personnalité avec les habitudes de pensée de sa propre époque! Certes, la nature humaine est toujours la même, et quand il s'agit d'un homme comme Benjamin Constant, qui a beaucoup écrit, qui s'est livré en des ouvrages de genres très divers, on croit pouvoir le connaître aussi bien qu'un vieil ami notre contemporain. Et pourtant! Ces écrits - le Journal intime excepté - ne nous livrent que la surface d'une âme, quelque chose d'élaboré et par conséquent déjà éloigné des premières réactions. Restent inaperçus les milliers de petits faits, les contacts humains qui ont provoqué, infléchi, au jour le jour, sa réflexion. D'autre part, une société passée ne se définit pas seulement par ses sommets, c'est tout le paysage que l'on désire reconstituer pour donner leur véritable valeur à ces sommets. Pour une telle connaissance totale et concrète d'une époque révolue, rien ne peut, semble-t-i1, remplacer la lecture attentive, méthodique, critique, exhaustive d'un grand périodique. C'est là que le trivial, le quotidien, l'infime, apportent aux grandes lignes la couleur, le relief, le vêtement, la vie enfin. C'est là que l'on est pour ainsi dire nourri des mêmes aliments que dégustaient et assimilaient ceux dont on cherche à percevoir la mentalité. Quel moyen meilleur d'entrer dans leurs préoccupations, dans leurs préjugés que de lire à son tour ce qui fut chaque jour soumis à leurs réflexions? Monsieur le professeur Ephraïm Harpaz avait déjà démontré la fécondité d'une telle approche dans sa remarquable étude sur le Censeur Européen. Voici qu'il s'attaque à un tout autre seigneur de la Presse: l'éblouissante Minerve française, avec son premier avatar du Mercure de France. Le Censeur, à vrai dire, malgré son puissant intérêt pour l'histoire des idées, représentait une voix relativement isolée; ses rédacteurs, Comte et Dunoyer, étaient trop soucieux de s'élever audessus des passions partisanes de leur époque, trop orientés vers l'avenir de la société industrielle naissante pour que l'on puisse les considérer comme représentatifs d'une section notable de l'opinion. En témoigne, du reste, le caractère éphémère de leur entreprise. La Minerve, par contre, du fait même que son vol est moins élevé, apparaît comme la voix authentique d'un large secteur de la société française des premières années de la Restauration. Son intérêt captivant tient à ce qu'elle est l'œuvre collective d'un groupe d'esprits exceptionnellement brillants, unis dans une même foi politique, dans un combat
x
PRÉFACE
commun et sans merci contre un ordre politique et social qu'ils refusent. Cette unité dans le dessein et la discipline de guerre les aligne derrière un général prestigieux, Benjamin Constant. A lui revient l'honneur d'avoir exploré en tous sens, d'avoir défini d'une façon inégalée la doctrine du libéralisme. De tous ces rayons de lumière projetés au jour le jour, M. Harpaz a réalisé une synthèse qui restera l'exposé le plus dense, le plus convaincant de cette grande création intellectuelle. Tous les éléments y reçoivent leur juste proportion précisément parce qu'ils ont été saisis chacun dans la conjoncture où ils ont pris naissance. Expression d'un parti politique autant que d'une école de pensée, la Minerve fut ce qu'on appelle aujourd'hui un périodique «engagé ». A ce caractère, elle doit sans doute en grande partie l'acuité de sa vision; la passion politique décuplant la pénétration de l'intelligence, c'est une sorte de laser qui fouille profondément les replis d'une société pour y mettre en évidence tous les éléments favorables à ses thèses: il est une manière libérale d'écrire l'histoire lointaine et récente, d'interpréter tel fait divers, de juger telle pièce de théâtre ,d'apprécier tel tableau. Ainsi sont mis en relief des traits qui échapperaient à un œil politiquement indifférent. Mais d'autre part cette obsession polémique met des œillères; on refuse toute attention, l'on minimise, l'on déforme, l'on condamne tout ce qui ne cadre pas avec le but général poursuivi. C'est pourquoi la France de la Restauration vue à travers la Minerve est une France mutilée d'une partie de ce qui fit sa grandeur. Cette France de Benjamin Constant, de Jay et de Jouy fut aussi, ne l'oublions pas, celle de Chateaubriand, de Lamennais, de Bonald; en face de la Minerve, il y eut le Conservateur. Cet autre monde, nous ne le voyons ici qu'à travers un écran déformant. L'ouvrage de M. Harpaz nous fournit, magistralement, un volet du tableau. Espérons que d'autres, inspirés par son exemple, nous donneront de quoi l'équilibrer. En attendant, notre connaissance de la vie d'une société, de cette immense fermentation intellectuelle qui souleva la France après la chute de la dictature impériale, ne saurait trouver de plus suggestive introduction. G. de Bertier de Sauvigny.
INTRODUCTION
L'Ecole libérale sous la Restauration est un essai dt reconstituer la pensée et le climat d'une époque à travers quelques-uns de ses témoins et de ses interprètes de valeur. La grande qualité de la presse sous la Restauration ainsi que l'envergure intellectuelle des rédacteurs du Mercure et de la Minerve semble légitimer une teUe tentative. Benjamin Constant, Jay, Jouy, Lacretelle aîné, Tissot, Etienne, Aignan, Evariste Dumoulin et Pagès ne sont pas novices en matière politique, historique et littéraire lorsqu'ils entreprennent le renouvellement du Mercure ou le lancement de la Minerve. C'est l'écriture journalistique qui leur permet de reprendre, en la corrigeant et cn l'enrichissant, la science de l'homme, telle qu'elle a été définie par les Philosophes et développée par les Idéologues. La confrontation hebdomadaire avec les problèmes aigus de la cité remet toujours en question les vérités proclamées par les recueils. Elaboration doctrinale et application du présent se trouvent ainsi étroitement liées. Projections et transpositions de la politique à travers le temps comme à travers les domaines connexes de l'activité de l'esprit sont candidement avouées ou aisément détectées. Les principes directeurs des rédacteurs, aiguisés par la lutte constante des partis, se révèlent ainsi en politique comme en histoire, en religion comme en peinture, dans la définition des institutions comme de l'esthétique. Projet ambitieux certes que celui de reconstituer toute une philosophie de l'homme dans ses manifestations les plus variées. Cependant, l'étude exhaustive de ces deux recueils a trouvé sa rançon compensatrice dans les dates qui limitent leur existence à trois ans et trois mois. Cette brève période, d'une résonance capitale dans les annales de la Restauration, définit pourtant une doctrine et élucide des problèmes qui engagent tout un siècle.
• •• Les renvois aux recueils se font par les initiales M.d.F. et M., respectivement pour le Mercure de France et la Minerve Française. Les chiffres romains ajoutés à ces initiales désignent le numéro du volume et les chiffres arabes, entre parenthèses, les numéros des cahiers de la Minerve. Ainsi, M. VI (8) ou M. VIII (9 et 13) signifient Minerve, vol. VI, cahier 8 ou Minerve, vol. VIII, cahiers 9 et 13. A moins d'une autre spécification, les renvois à Bénaben, SauquaireSouligné, Saulnier fils, Pagès, Etienne, Aignan et Dumoulin impliquent les rubriques:
XII
INTRODUCTION
Bénaben Sauquaire-Souligné (désigné sous les initiales SS.) Saulnier fils et Pagès Etienne Aignan Dumoulin
Revue des nouvelles pour le Mercure Essais historiques pour la Minerve Mercuriale pour le Mercure Essais historiques pour la Minerve Lettres sur Paris pour la Minerve Galerie j .. .jau lieu de Galerie littéraire et politique pour la Minerve Notes historiques pour la Minerve
Nous n'avons pas estimé nécessaire de donner une bibliographie détaillée pour l'époque traitée. Le lecteur trouvera dans les notes des renvois aux sources que nous avons utilisées et aux ouvrages que nous avons consultés. Le Répertoire des Collaborateurs lui permettra de se faire une idée de l'importance des contributions aux deux recueils. Vu les domaines multiples que cet Essai s'est proposé d'étudier, les renvois d'un chapitre à l'autre ont été de rigueur, et, ici et là, certaines redites n'ont pu être évitées. Le double projet de dégager les principes de l'Ecole libérale tout en conservant la masse de renseignements fournis par le Mercure et la Minerve ont agrandi considérablement les dimensions de notre ouvrage. Il eût fallu opter entre une synthèse facile à brosser et la lourde tâche de ne rien épargner au lecteur des enseignements des deux recueils. Les chercheurs avertis nous sauront peut-être gré d'avoir voulu concilier ces deux méthodes pour les doter d'un instrument de travail que nous croyons de quelque utilité pour la connaissance précise de la pensée libérale. Qu'il nous soit permis de nous acquitter ici de la dette de l'amitié en exprimant notre vive reconnaissance à M. G. de Bertier de Sauvigny, Professeur à l'Institut Catholique de Paris et à l'Université Notre-Dame d'Amérique, et à Mlle S. Balayé, Conservateur à la Bibliothèque Nàfionale de Paris, qui nous ont prodigué conseils et suggestions et qui ont bien voulu lire notre manuscrit; à MM. J. Hass, peintre et connaisseur averti en histoire de l'art, et 1. Adler, Directeur du Département de Musique à la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Jérusalem, pour leur concours précieux; à M. A.-B. Duff, fondateur de la Chaire de Civilisation française à l'Université de Jérusalem, et à MM. H. Gouhier, P. Moreau et R. Pintard, Professeurs à la Sorbonne, qui, de longue date, nous ont encouragé dans nos recherches; à M. P. Josserand, Conservateur-en-chef de la Bibliothèque Nationale de Paris, qui nous a facilité l'accès à la documentation, et au C.N.R.S. pour nous avoir apporté si obligeamment son coucours précieux.
CHAPITRE 1
CADRE ET PROGRAMME Ce n'est qu'après l'ordonnance du 5 septembre 1816 que libéraux et anciens bonapartistes peuvent se remettre de l'effondrement de l'Empire des Cent-Jours et des suites désastreuses de la réaction des ultras. Les écrivains et les hommes politiques, qui, à des titres et à des degrés divers, s'étaient associés à l'Empire libéral et que les listes de Fouché avaient épargnés, cherchaient, après la dissolution de la Chambre Introuvable, à reprendre pied dans la vie politique et intellectuelle de leur pays. En parcourant la presse de la Restauration, on peut se rendre compte à quel point les idées adverses sont tout imprégnées des souvenirs qui ont irrémédiablement opposé les émigrés d'hier et les héritiers de 89 ou de 1804. L'exaspération des adversaires à la libération de la France, après la deuxième guerre mondiale, rappelle par son intensité l'acharnement des camps ennemis lors de la seconde Restauration, avec cependant cette différence que les vainqueurs de 1815 furent les alliés de l'occupant. Le parti libéral est loin d'être organisé en fin 1816. Il lui faudra le coup de barre donné par le ministère Richelieu sur sa droite pour s'affirmer timidement sur le plan doctrinal et matériel. La libération de la France et la libéralisation du régime lui fourniront une bonne occasion pour définir sa philosophie, renforcer ses rangs et infléchir le pouvoir dans le sens de ses vérités bourgeoises. A une époque pauvre en moyens de communication, la presse acquiert une importance capitale. Grâce aux journaux et aux périodiques, la bonne parole agit sur la capitale et la province, elle est également en mesure de marquer le pouvoir. Elle a même des vertus toniques, offrant aux rédacteurs un champ d'activités fébriles et des avantages financiers considérables. Un périodique peu alléchant comme le Censeur aura assuré à ses rédacteurs, Charles Comte et Charles Duvoyer, des gains appréciables 1. En plein désarroi après 1 Malgré les persécutions que le Censeur a values à ses auteurs, l'entreprise s'est révélée une excellente affaire au point d'inspirer l'Industrie et Le Politique de Saint-Simon. « Songe, mon ami, écrit Auguste Comte à Valat, le 15 mai 1818, que le Censeur, dans les trois premières années, a rapporté 200.000 francs net à ses auteurs, et actuellement, quoique l'ouvrage ait beaucoup perdu de son ancien éclat, ils ont encore 10 à 15.000 livres de rentes chacun. » Auguste Comte parle du Censeur et du Censeur Européen, pour les années 1814-1815, 1817, Lettres d'Auguste Comte à M. Fa/at, Paris, 1870,'p. 51, texte cit. par H. Gouhier, Auguste Comte et Saint-Simon, Paris, 1941, p. 408.
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L'ECOLE LIBERALE SOUS LA RESTAURATION
le dé~astre de Waterloo, Benjamin Constant, le Conseiller des Cent-Jours, est toujours à l'assaut d'une place stable et profitable~. Le cas de Benjamin Constant n'est certes pas commun, mais tout de même assez représentatif de tous ceux qui entre la première et la seconde Restauration n'ont pas su ou pu ménager habilement leur avenir. L'adhésion de Benj am in Constant à Bonaparte avait quelque mal à se concilier avec ses articles célèbres, publiés le Il et le 19 mars 1815 dans le journal de Paris et le joumal des débats. Le public bien pensant de la Restauration, à en juger d'après les mémoires de Barante, de Molé, de Pasquier ou de Victor de Broglie, eût bien volontiers excusé des palinodies certes regrettables, mais à condition qu'elles fussent rachetées par une fidélité empressée aux puissances du jour. Le fait que Benj amin Constant ne devait rien aux Bourbons ne semble pas lui avoir beaucoup servi auprès de ce public. Il suffirait de consulter le Dictionnaire des Girouettes pour constater que l'image que ses auteurs tracent de Jay, de Jouy, de Tissot ou de Constant est peu flatteuse 3. Les mémorialistes ne se sont pas demandés si Constant était resté fidèle à ses principes déclarés. C'est pourtant le cas du joueur impénitent que fut Benjamin Constant. Les journalistes de commande ministériels n'ont pas hésité lors de la campagne électorale de 1817 et de 1818 à souligner les origines étrangères de Constant, à citer l'appui qu'i! avait accordé au gouvernement directorial et à rappeler son rôle pendant les CentJours 4. Cependant, à consulter de près l'œuvre de Benjamin Constant, il est aisé de conclure que l'Acte additionnel de 1815 ne dément aucunement les Réflexions sur les constitutions de 1814, ni les Principes politiques, publiés peu après l'Acte additionnel, ni les écrits politiques nombreux qu'il rédigera par la suite. Mieux encore, la pensée constantienne semble avoir été définie dès 1806 sinon avant cette date 5. La prolifération des écrits de Constant à partir de son livre célèbre, De la conquête et de l'usurpation, s'éclaire moins par la hâte d'arriver que par une pensée qui s'est cherchée pendant les nombreuses années d'exil et par une longue opposition à Bonaparte. Non que l'attachement de Benjamin à des causes perdues d'avance, celle d'un Bernadotte ou celle de Napoléon en 1815, ait été nécessairement motivé par un sentiment chevaleresque. Cf. les Journaux Intimes dans l'édition de la Pléiade d'A. Roulin. Inspiré probablement par l'Ordre des girouettes du Nain Jaune qui a eu moins de succès que l'Ordre des chevaliers de l'Eteignoir. C'est Cauchois-Lemaire qui sous la première Re~tauration a acquis la propriété du Journal des Arts de Porthmann et l'a transformé en un recueil satirique célèbre, avec le concours de Jouy, de Bory de Saint-Vincent, de Harel, de Merle, de Dirat, de LefebvreUurutle et d'Etienne. Cf. L. Thiessé, M. Etienne. Essai biographique et littéraire, Paris, 1853, p. XCV-XCIX; Dictionnaire des Girouettes ou Nos contemporains peillts d'après eux-mêmes par une société de girouettes, 3' éd" Paris 1815 (l'auteur d'après Thiessé serait Proisy d'Eppe). 1 Ci. Barante, SOllvenirs, Paris, 1890-1897, 8 vol., vol. Il, p. 309 sq. et Marquis de Noailles, Le comte Molé, 1781-1855, sa vie, ses mémoires, Paris, 19221930,6 vol., vol. Ill, p. 110 sq. r. C'est ce que l'étude des œuvres manuscrites de B. Constant prouverait. Cf. la Préface de O. Pozzo di Borgo aux Ecrits et Discours politiqlles de B. Constant, Paris, 19tH, 2 vol. ~
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CADRE ET PROGRAMME
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Les volte-face constantiennes ne constituent pas certes un titre de gloire. Mais les avanies que l'inexpérience en affaires a values à l'ambitieux Benjamin n'entachent en rien une pensée qui s'élabore et se définit dès son expulsion du Tribunat en 1802 6 • Il a mis du temps, Benjamin Constant, pour aligner les apparences de sa conduite sur une pensée longuement mûrie. Ce n'est qu'à son retour à Paris, le 27 septembre 1816, après un exil «volontaire l> en Angleterre, que Benjamin Constant atteindra ce moment privilégié de sa vie où le publiciste, le rédacteur, le tribun et le penseur auront trouvé un équilibre harmonieux. Même alors, à en croire Barante, l'auteur d'Adolphe aurait conservé, au milieu de ses plus grandes exaltations d'orateur oppositionnel, cet air de détachement et cette inclination à l'introspection qui ont fait la grandeur et le désespoir de son caractère 7. Toutefois, il n'en est pas moins vrai que ta déconfiture du Conseiller officiel des Cent-Jours, après tant d'autres, l'a poussé vers sa véritable vocation, où l'homme de cabinet et le lutteur se sont donné rendez-vous. A peine rentré, il lance déjà un écrit de grand style pour démasquer les développements brillamment fallacieux de Chateaubriand et pour infléchir la Restauration dans le sens de la nouvelle France 8. Il s'emploie aussi activement à trouver un organe qui serve de tribune à sa philosophie politique et qui, sans doute, lui assure également un placement honorable. On ne peut que supposer l'initiative que Benjamin Constant aurait prise d'attacher les destinées du libéralisme au Mercure de France. Les historiens qui soulignent son rôle d'initiateur et d'animateur du recueil ne fournissent aucun indice pour le prouver. Cependant, une lettre de Benjamin à Rosalie, pourrait corroborer cette assertion. «Mais j'étais et je suis encore écrasé de travail et d'affaires. L'entreprise que j'ai faite de relever presque à moi seul un journal tombé, pour m'en servir comme d'un cadre, afin de répandre beaucoup d'idées que je crois utiles, me donne d'autant plus de peine qu'elle a eu plus de succès, et que ce succès m'y attache 9. l> Aux éléments contenus dans cette lettre, on peut ajouter le Prospectus du Mercure qui porte indubitablement la marque de Benjamin Constant. Le choix du Mercure fut· judicieux. Recueil des Philosophes, des Idéologues, et, à partir de 1800, de Fontanes, de Chateaubriand, de 6 Sans refaire ici le procès de B. Constant que Sainte-Beuve avait instruit à sa manière, j'indique comme jugements nuancés et équitables ceux de Pozzo di Borgo, Préface aux Mémoires sur les Cent-Jours de B. Constant, Paris, 1964, et de J. Baelen, Benjamin Constant et Napoléon, Paris, 1965. L'article de G. Rud1er, Benjamin Constant. Son ralliement à l'Empire in Revue de Paris, 1930, t. VI, p. 832-847, garde encore toute sa valeur. 7 Le jugement de Barante n'est pas exempt ni de malveillance ni d'une pointe d'envie. 1\ est rare qu'on pardonne aux «amis l> d'avoir raison contre la raison de « l'ordre l>, Souvenirs, op. cit., p. 312-313. L'appréciation d'Albertine de Broglie sur Benjamin tribun est franchement hostile, in Victor de Broglie, Souvenirs du feu Duc de Broglie, Paris, 1886, 4 vol., vol. Ill, p. 120. 8 De la doctrine qui peut réunir les partis en France. 9 Benjamin et Rosalie de Constant: « Correspondance l> (1786-1830), éd. par Alfred et Suzanne Roulin, Paris, 1955, Lettre CLVIII, 3 mars 1817, p. 223.
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L'ÉCOLE LIBÉRALE SOUS LA RESTAURATION
Bonald et de Fiévée pour fusionner après avec les anciens rédacteurs de la Revue philosophique, il a certes depuis le second et surtout le dernier tiers du dix-huitième siècle une tradition des plus éclairées, quelque peu ternie par le passage à la rédaction des futurs ultras. Toutefois, les noms prestigieux de Marmontel, de Chamfort, de la Harpe et de Mal1et du Pan peuvent servir de caution au recueil ressuscité 10, à condition que leur héritage soit secondé par l'ardeur et le talent des nouveaux rédacteurs. Car un périodique qui a périclité ne se relève pas facilement. Et puis, un journal constitue un investissement. Il faut commencer par acheter aux anciens propriétaires leurs actions. Nous ignorons les termes de l'accord passé entre les deux parties. Nul doute pourtant qu'un tel contrat n'ait existé, du moins à en juger d'après le procès intenté par la Minerve au nouveau Mercure, paru le 17 juillet 1819, probablement avec la bénédiction empressée du pouvoir, différend dont le Conservateur littéraire de décembre se fait l'écho malicieux 11. Sous le régime de contrainte de la presse, il a fallu au nouveau Mercure un privilège d'imprimer et la double censure de la Police générale et du ministère des Affaires Etrangères, surveillance pour les questions intérieures et extérieures qui revêt une lourde signification sous l'occupation 12. Mme Elisabeth de Bon, auteur de quelques nouvelles et traductrice de quelques romans anglais, est titulaire du privilège que les autorités lui ont concédé en sa qualité de propriétaire, à côté d'autres, de l'ancien recueil 13. Ce sera là une aubaine pour le fécond Decazes le jour où il décidera de supprimer le Mercure. Le volume II du Mercure annonce comme rédacteurs, selon l'ordre équitable de l'alphabet, Benjamin de Constant, Dufresne Saint-Léon, Conseiller d'Etat honoraire, Esménard, Jay, Jouy, de l'Académie française, Lacretelle aîné, également de l'Académie, noms qu'un etc. discret couronne. Le volume IV ajoute aux noms des rédacteurs principaux celui de Tissot. La Minerve accordera à ce dernier son plein titre de professeur de poésie latine au Collège royal de France. Si le nom de Saint-Léon ne figure plus parmi les rédacteurs de la Minerve, la liste s'enrichit des noms d'Aignan, de l'Académie, et d'Etienne, qui ont collaboré tous les deux quelque peu au Mercure avant sa disparition. Le nom de Bénaben, col1a10 Cf. l'Avis aux souscripteurs, M.d.F. l, 8 fév. 1817. Pour l'histoire de la presse contemporaine, cf. Des journalistes et des journaux, Paris, 1817; Notice historique et bibliographique des journaux périodiques publiés en 1818, Paris, 1819, dont l'auteur anonyme d'après Barbier serait A.-J. Mahul ; Eugène Hatin, Histoire politique et litteraire de la presse en France, Paris, 1859-1861, 8 vol. ; Ch.-M. Des Granges, La presse littéraire sous la Restauration, Paris, 1907; Ch. Ledré, Histoire de la presse, Paris, 1958 ; Irène Collins, The government and the NelVspaper Press in France, 1814-1881, Oxford, 1959. 11 Cf. Des Granges, op. cit., p. 64-65. Saulnier fils, rappelant le mot de La Bruyère peu respectueux pour le vénérable Mercure, affirme que les nouveaux rédacteurs en ont acheté la propriété à beaux deniers comptants, M. 1 (12), 23 avril 1818. 12 Cf. le Prospectus de la Minerve, en tête du recueil. 13 Cf. Jay, c.r. des Œuvres d'Andrieux, M. 1 (1), début fév. 1818 et Des Granges, op. cit., p. 63.
CADRE ET PROGRAMME
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borateur assidu du Mercure, ne figurera que parmi les auteurs responsables de la Minerve, jusqu'à la date du 19 avril 1818, jour où il se rangera du côté ministériel. Evariste Dumoulin, rédacteur en titre de la Minerve, ne semble pas avoir collaboré au Mercure, à moins que des articles anonymes soient de lui ou que des initiales fantaisistes cachent son identité. Que Benjamin Constant se soit probablement adressé à jay pour l'associer à son entreprise ne devrait guère étonner les lecteurs des Journaux Intimes. Les rapports étroits de Benjamin avec Rousselin, l'un des rédacteurs de l'Indépendant, éclairent ceux qu'il aura entretenu avec jay, autre membre de la rédaction. Supprimé à la suite de l'article anonyme que Benjamin y a publié le 6 août 1815 14 pour sauver la tête de Labédoyère, l'Indépendant reparaîtra sous le titre de l'Echo du soir, de l'Ami du prince, du Courrier, du Constitutionnel, et le 24 juillet 1817, sous le nom du Journal du commerce, de politique et de littérature, pour reprendre celui du Constitutionnel à partir du 2 mai 1819 1G • On conçoit aisément que jay ait amené au Mercure Bénaben, le général Beauvais ainsi que Tissot et que la Minerve ait recueilli parmi ses rédacteurs Evariste Dumoulin, nouvelle recrue offerte par le Constitutionnel. Il est à croire que Benjamin Constant connaissait de longue date Saint-Léon. Commis des Finances sous le ministère Necker, réfugié en Suisse et en Italie sous la Révolution, il regagne la France peu de jours avant le 18 brumaire et mène une vie retirée près d'Etampes. Sur les instances de son ami Talleyrand, il accepte au mois d'août 1815 la charge temporaire de Conseiller d'Etat honoraire et commissionnaire pour la liquidation des étrangers 16. Benjamin Constant est l'un des rares privilégiés qui ait lu Philomèle, tragédie manuscrite de Saint-Léon 17. La modération éclairée en politique de Saint-Léon et ses fonds disponibles auraient sans doute joué un rôle dans la décision de faire appel à lui comme associé du nouveau Mercure. Certes, aucune expérience antérieure ne l'a préparé au journalil?me pas plus que ses goûts littéraires, connus de ses amis seuls, à la confrontation hebdomadaire avec le public. Ce n'est pas le cas de jean-Baptiste Esménard, officier sous l'Empire, emprisonné de 1810 à 1814 à la Force pour quelque complot contre Bonaparte, qui a collaboré, en sa qualité de connaisseur des lettres et de l'histoire espagnoles, à la Gazette de France, à la Quotidienne, au Journal des Débats et au Mercure. Il ne figurera plus parmi les rédacteurs de la Minerve, peut-être parce que son légitimisme se serait mal accordé avec le libéralisme du recueil, ou parce que son talent embrouillé aurait Cf. Journaux Intimes, août 1815. Cf. Des journalistes et des journaux, op. cit. ; Notice historique et bibliographique des journaux, op. cit.; L. Tiessé, M. Etienne. Essai biographique et littéraire, Paris 1853; E. Hatin, Bibliographie historique et critique de la presse périodique française, Paris, 1866. 16 Cf. Jay, Jouy, Norvins, Arnault et d'autres collaborateurs Biographie ' nouvelle des contemporains, Paris, 1820-1825, 20 vol., in-8°. 17 Cf. Journaux Intimes, 28 juin 1814. Le Il août 1815, Benjamin dîne avec Dufresne et Victor de Broglie. 14
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épuisé la patience des abonnés, ou tout simplement pour de banales questions d'argent 18. Avant de fonder l'Indépendant, acquis selon Hatin à Fouché, Jay a cu quelque expérience des journaux par les résumés de la presse anglaise qu'il a faits pour Savary et grâce à sa nomination par Bonaparte à la direction du journal de Paris lU. Jouy s'est fait surtout valoir comme observateur des mœurs contemporaines. La vaste audience que les Hermites lui ont acquise a été de nature à attirer au recueil la faveur du public ~o. Pierre de Lacretelle que Benjamin Constant aurait connu sous l'Empire, a collaboré à l'ancien Mercure. Si la vocation journalistique de Lacretelle ainé - suffixe destiné à le distinguer de son frère Charles - a tardé à se déclarer, elle a eu pour compensation la réputation de légiste et la qualité d'académicien du nouveau rédacteur ~I. Cette qualité n'est pas à dédaigner pour la prospérité d'un recueil sous des régimes qui ont toujours dirigé les énergies bien méritantes vers les institutions officielles. Lacretelle a été académicien dès 1803, Etienne depuis 1810 et de nouveau, après son exclusion en 1816, en 1829; Aignan l'est depuis 1814, Jouy depuis 1815, Jay le deviendra en 1832 et Tissot en 1833 "2. Ce n'est pas faute de l'avoir désiré que Benjamin Constant ne figurera pas parmi les quarante 23. Tissot non plus n'est pas novice en matière de presse, ayant surveillé en 1810, sur la demande du césarien Savary, la rédaction de la Gazette de France 24. Si Aignan n'offre pas d'antécédents de journaliste, il peut assumer non sans talent, avec Jay, Tissot et Jouy, les examens des questions littéraires et les prospections de l'histoire appliquée 25. Evariste Dumoulin s'est initié aux secrets de la presse en 1811, en collaboration avec Maiseau ct Bellemare, par la rédaction du Messager des chambres et du Constitutiollnel 26 • Etienne s'est acquis les titres de noblesse de la presse grâce à la direction du journal de l'Empire et à sa collaboration littéraire assez étendue à la même feuille - le journal des Débats sous la Restauration 27. 18 Cf. Vapereau, Dictionnaire universel des littérateurs. Joseph-Alphonse, lrère aîné et agent légitimiste, est cité par les contemporains comme auteur du poème /u Navigation, d. Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, éd. de la Pléiade, Paris, 1959, 2 vol. 19 Cf. Michaud, Biographie universelle. 20 Cl. ibid. et infra, Ch. VI, Propagande et faits divers; v. également, CI. Pichois, POlir IIne biographie d'Etienne Jou)', in Revue des sciences humaines, 1965, lasc. 118, et Phi/arète Chaste et ta vie littéraire au temps du romantisme, Paris, 1%5, 2 vol., vol. l, p. 135 sq. ~1 Cf. Michaud. ~~ Cl. Ph. Gonnard, Benjamin Constant et le groupe de la Minerve, in Revue bleue, 1913. 23 Pour les candidatures malencontreuses de Benjamin, cf. G. Rudler, U'I clzapitre de la tragi-comédie académique, in Bibliothèque universelle et revue suisse, 1920, t. 9S. ~~ Cf. Michaud. "5 Cf. ibid. !!t1 Cf. ibid. 27 Cf. ibid. et L. Thiessé, op. cit.
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Bénaben peut être considéré comme un collaborateur· actif du Mercure et de la Minerve, y assumant respectivement, la rubrique de la Revue des nouvelles de la semaine et des Essais historiques, et, à l'occasion, des comptes rendus parlementaires. Il faut croire que dès son concours à ces recueils sinon avant, il s'est fait l'agent de la Police, méthode particulièrement affectionnée par Elie Decazes. Les rédacteurs de la Minerve mettront du temps pour s'en apercevoir, mais toujours est-il que le peu scrupuleux Bénaben disparaîtra des colonnes du recueil vers le 19 avril 1818 pour reparaître peu après dans son Modérateur 28. Les manuels biographiques gardent un silence obstiné à l'endroit de Martial Sauquaire-Souligné, autre collaborateur du Mercure. Barbier et Quérard indiquent bon nombre de ses opuscules politiques, d'éclification populaire, dont les Trois règnes de l'histoire d'Angleterre qui lui vaudront une fine analyse de la part de Benjamin Constant. On trouvera Sauquaire-Souligné en 1821 à la Conciergerie pour tentative d'insurrection dans la Sarthe, et durant les années 1826-1827 en Angleterre, où il aurait proposé à Canning une sorte de condominium anglo-français sur l'Algérie. Retenons encore de la maigre leçon des bibliographes son opposition à la tyrannie napoléonienne 2U. Chargé de la Mercuriale du recueil qui a remplacé le Carton du Mercure, Sauquaire s'y fera remarquer comme polémiste incisif, plein d'esprit et de mordant, annonçant à bien des égards les Lettres politiques d'Etienne Sur Paris ainsi que la Galerie littéraire et politique d'Aignan. Ce serait la raison pour laquelle Sauquaire, dès l'admission à la rédaction de la Minerve de ces nouveaux collaborateurs, aurait quitté le périodique. Nous ne le retrouverons qu'en 1819, collaborant à la Renommée et à la Revue encyclopédique 30. La postérité a mieux gardé le souvenir du général Beauvais, qui, démissionnaire en pleine expédition d'Egypte, retenu ensuite pendant dix-huit mois dans les prisons turques, ne reprendra du service auprès du Maître vindicatif qu'en 1809. Le commandement de Bayonne qu'il assuma durant les Cent-Jours lui vaudra à la seconde Restauration la mise à la retraite. Ce sera toutefois une retraite fructueuse; il met en valeur les faits d'armes de la nouvelle France dans la collection volumineuse des Victoires et conquêtes des français, et commentera les ouvrages militaires dans les colonnes du Constitutionnel, du Mercure et de la Tribune 31. La désertion de Bénaben a nécessité son remplacement par un collaborateur susceptible de se charger des Essais historiques de la Minerve. Après une brève période de flottement, la mission sera dévolue à Saulnier 28 Cf. Michaud et Des Journalis/es et des journaux. Avant l'engagement de Bénaben par le Mercure, un certain T.P. devait assumer l'analyse de la politique intérieure, cf. M.d.F. Il, 12 avril 1817. 29 Cf. Quéranl, La France littéraire; Bourqüelot, La littérature française et le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français. 30 Le Prospectus de la Renommée charge Sauquaire-Souligné des question;:; de politique générale. 31 Cf. Michaud, op. cit.
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fils, neveu de Lacretelle, qui, fonctionnaire de l'Empire, préfet pendant les C~nt- Jours et plus tard sous la monarchie de Juillet, sera connu par ses travaux politiques et administratifs et notamment par la Revue britannique qu'il fondera en 1825. C'est la politique intérieure et surtout extérieure qui sera son fief dans la Minerve 3~, à côté de Pagès, l'ami de Benjamin Constant, qui de plus en plus rédigera en entier les Essais historiques et les comptes rendus des sessions parlementaires que Constant, promu à sa nouvelle dignité de tribun, lui cédera. Pagès de l'Ariège s'est fait connaître en 1817 par ses Principes généraux du droit politique, en 1818 par De la responsabilité ministérielle et en 1818-1822 par son Nouveau manuel des notaires, concourant, en plus de sa collaboration à la Minerve, à la composition des Annales de la session de 1817 li 1818 de Benjamin Constant. C'est à Pagès également que reviendra le rôle important de rédiger la Renommée. Il se signalera encore comme journaliste dans les colonnes du Courrier français et du Constitufionne/ 33 • Il convient de souligner l'apport important aux Essais historiques de Harel, qui, tout jeune, a fourbi ses premières armes dans le Nain jaune et qui, fonctionnaire de l'Empire et préfet des Landes pendant les Cent-Jours, connaîtra à la seconde Restauration un exil de quatre ans à travers la Belgique, la Hollande et l'Allemagne. Les leUres du Correspondant anonyme de Francfort donneront du fil à retordre aux autorités policières de l'Allemagne et de l'Autriche, soucieuses de dévoiler l'identité du correspondant incommode, trop renseigné sur les différends opposant les Al1iés lors du Congrès d'Aix-la-Chapelle, trop initié à l'ambitieuse politique allemande de la Prusse et de l'Autriche. Dès le retour de Harel à Paris, le correspondant de Francfort disparaîtra pour aménager une nouvelle rubrique à la Minerve - Politique étrangère qui sombrera peu après avec le recueil, dans la tourmente suivant l'assassinat du duc de Berry. La suite de la carrière de Harel appartient davantage à l'histoire du théâtre 3~. Alexandre de Lameth, héros de la Guerre d'Indépendance des EtatsUnis et de la Révolution, auteur en 1828-1829 de l'Histoire de l'assemblée constituante, se fera remarquer par quelques articles d'inspiration libérale dans la Minerve 35 ainsi que Jacques de Norvins, émigré repenti, qui avait dû autrefois la vie à l'intervention de Germaine de Staël et le rétablissement de sa fortune à la faveur du Maître sinon de Joséphine. Admirateur de Napoléon, il se fera historien de la Révolution et de l'Empire 32 Cf. Michaud, op. cit. Certaines parties des Essais sont signées au début par l'initiale S. (le député?) alors que la signature S.F. réfère indubitablement à Saulnier fils. aa Cf. Firmin Didot, Nouvelle biographie générale; L. Lalanne, Dictionnaire historique de la France, Paris, 1872; j. Ageorges, Une famille française au XIX' siècle. Les Pagès et les Bordes-Pagès, Tourcoing, 1920. 3~ C'est la Biographie de jay et de jouy qui dévoile l'identité du correspondant de Francfort, en toute connaissance de cause; cf. également Michaud. 3;; Cf. Vapereau, Dictionnaire universel.
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et dirigera avec Jay, Jouy, Arnault et bien d'autres, la Nouvelle biographie des contemporains 36.
* ** Les rédacteurs et les collaborateurs des deux recueils représentent plusieurs générations. Lacretelle et Saint-Léon ont respectivement 38 et 37 ans lorsque la Révolution éclate. Le premier est juriste pénétré de la toute-puissance des lois, adepte enthousiaste de la réforme de la législation pénale, élève des Economistes et des Philosophes qu'il a fréquentés dans le sillage de Turgot, de Malesherbes et de la Décade philosophique 37, membre de la Législative, courageux défenseur de la royauté constitutionnelle et admirateur des Etats-Unis. Comme la plupart de ses contemporains, il a vu un moment en Bonaparte un nouveau Washington, il a même fait partie du Corps législatif, mais comme plusieurs de sa génération, il est vite désenchanté et trouve sa raison d'être dans l'activité de l'Institut. Le cas de Saint-Léon n'est pas tout à fait semblable. Administrateur, il est acquis aux idées de Necker et la Constitution de 91 semble avoir conquis son adhésion. Sous l'Empire, il vit à l'écart et sauf quelques missions qu'il a remplies sous la Restauration, on ne lui connaît pas de grande activité. Il est davantage marqué par le goût littéraire du dix-huitième siècle, joignant au charme d'un philosophisme libéral le parfum vétuste des choses révolues. Les Essais et les Mélanges de Lacretelle portent aussi la marque du Siècle des Lumières, sans l'esprit ni la facilité des grands prédécesseurs. Tous les deux incarnent la tradition bien déclinante du dix-huitième siècle. Tous les deux ont tant bien que mal et plutôt mal vécu l'expérience révolutionnaire et impériale, mais la veille et le début de la Révolution incarnent pour eux le rêve nostalgique d'un idéal de pensée et de vie que leurs souvenirs dégageront sous la Restauration. Lameth a, en 1789,29 ans, Constant 22, Tissot 21, Jouy 20, Norvins également 20 et Jay 19 ans. La Guerre d'Indépendance américaine que Lameth avait faite avec ses aînés, n'a pas été sans marquer son libéralisme sous la Révolution. Il quitte la France avec La Fayette après le 10 août et connaît avec lui la prison autrichienne. Le Consulat et l'Empire le voient préfet et la Restauration dans l'opposition. C'est le cas aussi de Norvins, autre noble, qui, ayant souffert sous la Révolution, a parcouru le chemin impérial pour aboutir au libéralisme. On connaît le cas de Benjamin Constant. Il ne devait rien aux Bourbons, pas davantage durant son « idylle» avec Germaine de Staël à Bonaparte, et moins encore pour sa nomination de Conseiller des Cent-Jours. Tissot, à l'exemple de Lacretelle, a fait son stage de droit, tout en cultivant les lettres, mais, à l'encontre de son aîné, s'il a souffert sous la Révolution, cela a été pour ses idées républicaines. Somme toute, l'époque révolutionnaire lui a procuré des emplois et l'ère impériale une sinécure appréciable ainsi que la suppléance de Delille comme professeur de poésie 36 37
Cf. Mil:haud. Sur la Décade, cf.
J. Kitchin,
La Décade (/794-1807), Paris, 1965.
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latine au Collège de France et la titularisation de sa chaire en 1813, Le voltairien Jouy a vécu une vie romanesque aux Indes et très agitée, comme militaire, sous la Révolution. La fortune littéraire de Jouy au triple titre de compositeur d'opéras, de dramaturge et de moraliste a été faite sous le Consulat et l'Empire. Jaya eu aussi une expérience captivante de jeunesse, mais aux Etats-Unis d'Amérique où il se lia avec les dirigeants des jeunes républiques, notamment avec Jefferson qu'i! avait connu il Paris. La formation de juriste et de lettré de Jay l'a préparé à adopter l'idéal démocratique du nouveau Monde. Le préceptorat des enfants de Fouché lui ouvre bien des portes sous l'Empire et ses écrits littéraires et historiques comme ses leçons à Athénée doivent leur succès aux Idéologues. Le général Beauvais et Esménard ont 17 ans, Aignan 16, Bénaben 15, DUl1loulin 13 et Etienne 12 ans en 1789. Leur carrière s'est entièrement faite sous les auspices de la nouvelle France. Beauvais et Esménard sont officiers sous l'Empire, Bénaben dans l'administration militaire, Evariste est avocat, Aignan, avocat de formation, est affecté sous le Consulat à l'administration, au Palais et, plus tard, au Protocole, aux côtés de Ségur. La carrière littéraire et dramatique d'Aignan ainsi que son élection à l'Académie en 1814 sont le fait de l'Empire. C'est également le cas d'Etienne dont les débuts grisâtres dans les fournitures militaires seront vite effacés par les succès éclatants du compositeur d'opéras et de pièces de théâtre ainsi que par sa carriére officielle de surveillant de la pres~e et d'académicien. Pagès a 5 ans en 1789, Saulnier fils et Harel sont nés en 1790. Pagès est avocat et procureur sous l'Empire; Saulnier et Harel bénéficieront d'une carrière administrative rapide. Pagès paiera son adhésion aux Cent-Jours par une détention et Harel par un bannissement. La formation des rédacteurs et des collaborateurs des deux recueils a été faite selon les recettes du dix-huitième siècle finissant, avec, comme appoint considérable, une expérience révolutionnaire plus ou moins angoissante et une leçon impériale variée selon leurs fortunes particulières. Tous ont été plus ou moins lésés dans leurs intérêts et dans leurs affections lors de la première Restauration et bien davantage lors de la seconde. Le retour des Bourbons ne peut représenter pour ces hommes dans le meilleur des cas qu'une transaction aléatoire, en attendant que le compromis imposé par la force des choses se prononce dans le sens des prospérités bourgeoises post-révolutionnaires ou s'aligne sur la direction périlleuse des passions réactionnaires de la droite.
*** L'cntcnte entre les rédacteurs est faite de mécontentement et d'attente. Elle a pour idéologie le libéralisme. C'est une doctrine déjà définie dans ses principes par Benjamin Constant et dont l'élaboration et l'application partielle, toujours sous l'inspiration constantienne, se feront durant l'affrontement avec le pouvoir et surtout avec les ultras. Que la Philo-
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sophie et l'Idéologie aient abouti au libéralisme individualiste semble être une conséquence naturelle d'une évolution intellectuelle qui, prenant l'homme pour critère, lui a conféré toutes les finalités matérielles et spirituelles. L'intellectuel bourgeois de 1817 aura vite fait d'identifier sa cause avec celle de la Cité. Ce qui prime pour lui, c'est l'infléchissement du pouvoir vers les libertés et les avantages que la Révolution n'a pas su conserver et que l'Empire a déviés au profit d'une ambition de pouvoir et une soif de conquêtes démesurées. L'accord entre les publicistes du Mercure et de la Minerve est avant tout et surtout politique. C'est là qu'il faudrait chercher le sens de leur credo libéral, de leurs luttes comme de leurs interprétations et transpositions. L'accord des rédacteurs sur le plan politique est trop entier pour que l'isolement du fait littéraire permette de voir clair dans l'évolution intellectuelle de cette génération. Une optique aussi partielle risque de fausser l'esthéti~ue d'une équipe dont l'engagement partisan dans les questions complexes de l'époque affaiblit la portée des faits littéraires et artistiques pris isolément. Dépouillé de ses rapports étroits avec la science du pouvoir et des prolongements de celle-ci, le fait littéraire tel qu'il se définit dans le Mercure et la Minerve est vidé de son sens 38. Non que la littérature occupe une place négligeable dans les recueils et qu'elle soit dépréciée par les rédacteurs. Bien au contraire, elle est mise en valeur par des écrivains dont bon nombre se sont fait estimer par elle. Jouy, Jay, Aignan, Tissot et Etienne sont, sinon des célébrités littéraires, du moins des écrivains réputés. Benjamin Constant s'est fait surtout connaître comme publiciste, mais son adaptation de Wallstein, précédée De quelques réflexions sur le théâtre allemand et bientôt Adolphe le classeront également parmi les littérateurs. Négligeons les Essais pédants de Lacretelle, mais soulignons le succès étonnant qui a accompagné les opéras de Jouy, la Vestale (1807), Fernand Cortès (1809), les Abencérages (1813) ainsi que ses tragédies, Tippoo Saïb (1813) et Bélisaire (1818), interdit par la censure. A côté d'un bagage considérable de nouvelles, d'opéras, de tragédies et de comédies, Jouy s'est fait surtout remarquer par toute une lignée d'Hermites qui ont sillonné les routes de la capitale et de la province pour retracer les mœurs contemporaines. Jouy incarne si l'on veut le prolongement de l'esprit voltairien, plus étroit et plus figé, qui se révèle dans la régularité et la facilité de versification de ses pièces avec, ici et là, un certain sens de la grandeur tragique, un instinct scénique pour le décor, de l'esprit dans ses scènes comiques et de la fantaisie dans ses vaudevilles. C'est une facilité qui se veut supérieure et qui ne laisse pas d'être superficielle, bien qu'elle soit compensée par une plume alerte et ironique. Cet esprit volontiers sec n'a pas empêché, peut-être même a-t-il aidé Jouy à succéder à Parny à 38 C'est là peut-être le reproche qu'on puisse faire au travail de pionnier de Ch. Des Granges, La presse littéraire sous la Res/auration, à l'analyse finI! de Ph. Gonnard, Benjamin Constant et le groupe littéraire de la Minerve, art. cit. et aux thèses sommaires de D. Svetozar Petrie, Benjamin Constant et le groupe de la Minerve, Paris, 1927, et d'E. Shumway, A study of the Minerve française, University of Pennsylvania, 1934.
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l'Académie. Si la netteté et la clarté sont voltairiennes, Jay peut être assimilé à jouy, mais il y joint les qualités solides du critique et une pensée qui va au delà des apparences, sauf lorsqu'il s'agit du mythe américain. Le Tableau littéraire du XVlIJ e siècle que jay a composé pour le concours ouvert en 1806 par la classe de littérature de l'Institut et qu'il publiera en 1810, son Eloge de Corneille (1808) et l'Eloge de Montaigne (1812), son Glaneur, recueil philosophique et humoristique publié la même année, son Histoire du cardinal de Richelieu (1815) comme d'autres études d'histoire et de politique témoignent tous d'une formation littéraire sérieuse et d'un discernement qui fait souvent défaut à jouy. Aignan est peut être moins marqué que ses aînés par l'héritage du dix-huitième siècle, mais la connaissance de l'antiquité et des littératures étrangères lui a donné plus qu'à eux une ouverture d'esprit et une attitude modérée en matière d'esthétique. Fin lettré, il essaie de se faire un nom comme jouy et Etienne au théâtre par des pièces aux thèmes contemporains, la Mort de Louis XVI - composée quelque temps après l'exécution du roi -, antiques, Polyxène (1804) ou moyenâgeux, Brunehaut (1811) et Arthur de Bretagne (1816) dont l'échec s'explique par le manque d'imagination et d'invention. Aignan se signale également par la traduction des romans an gais, des pièces de théâtre et surtout t>ar celle de l'Iliade et de l'Odyssée, activité qui se complète et s'enrichit par des écrits d'ordre juridique et historique. Tissot, par ses études sur Virgile, s'apparente à Aignan pour la connaissance de l'antiquité et à jay et jouy pour la fidélité au dix-huitième siècle. Professeur de poésie latine, rimeur à ses heures, il se fera après 1820 auteur d'ouvrages de littérature et d'histoire. Etienne, enfin, figure au premier rang des littérateurs de cette pléiade, bien que sa collaboration à la Minerve, à la différence de sa collaboration au journal des Débats, soit essentieHement politique. Il s'est fait connaître par des bouffonneries, les Dieux à Tivoli (1800), des pièces de circonstance, Une journée au camp de Bruges (1804), des opéras, Le Rêve (1799) et Le grand Deuil, des folies-vaudevilles, l'Apollon du Belvédère (1800), ou des vaudevilles, Désirée (1801), Bruëis et Palaprat (1807), l'Intrigante (1813). La pauvreté de l'invention, la banalité des thèmes comme de l'intrigue acquièrent plus de consistance dans des œuvres inspirées de Shakespeare, la jeune Femme colère (1804), de Voltaire, jeannot et Colin (1814), de Perrault, Cendrillon (1810). Si sa comédie des Deux Gendres fait preuve d'une tentative de rejoindre le grand comique de Molière, et lui vaut, en 1810, un grand succès au Théâtre-Français et l'accès à l'Institut, eHe suscitera également une des polémiques les plus acharnées de l'Empire, mettant en doute la bonne foi de l'auteur, accusé de plagiat. C'est un débat au cours duquel Lebrun-Tossa, l'ami de l'écrivain, qui a fourni à celui-ci un texte peu connu, inspirant les Deux Gendres, aurait joué un rôle équivoque 39. Dramaturge, Etienne se fait parfois historien du théâtre et publie en 1802, en collaboration avec Martinville - futur journaliste et rédacteur ultra l'Histoire du théâtre français, depuis le commencement de la Révolution 3D
Jay et Jouy ont pris le parti d'Etienne dans cette polémique.
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jusqu'à la réunion générale. Dans l'ensemble, Etienne, dont nous n'avons cité qu'une partie de sa production souvent écrite en collaboration avec d'autres dramaturges et compositeurs, procédé que Jouy a utilisé largement, représente lui aussi cette tradition du dix-huitième siècle finissant qui a encore ses moments de grandeur sous l'Empire. Que bon nombre des rédacteurs principaux soient des littérateurs témoigne de l'esprit des recueils et constitue une promesse pour la place qui sera réservée aux productions autres que politiques et historiques. D'ailleurs, l'appel fait à de nombreux collaborateurs confirme le désir des rédacteurs de reprendre la tradition du Mercure et de faire la part belle aux choses de l'esprit. Parmi les poètes dont la signature orne les colonnes du Mercure et de la Minerve figurent les noms de Béranger, d'Andrieux, de Mlle Desbordes, d'Emile Deschamps, de Gosse, de Mme Dufrénoy, célébrité poétique de l'époque et, fait important, bellemère de Jay 40, et d'Henri de Latouche 41. Les Annales dramatiques jouissent d'un traitement privilégié dans le Mercure,. moins étendu dans la Minerve. Les Annales sont le fruit dans le Mercure d'un certain L. F. et d'un 0. 42 , anonymat qui recouvrirait l'identité de Lefebvre-Duruflé ancien rédacteur du Nain jaune et administrateur du Mercure - ou du journaliste Léon Faucher et de Villemarest, futur collaborateur pour les Spectacles de la Renommée 43 et amateur comme Latouche de sigles mystérieux pour protéger un nom peu connu. Si le O. du Mercure et de la Minerve correspond au nom de Villemarest - probabilité qui reste encore à prouver -, les initiales D. L. apposées sur une partie de la chronique dramatique de la Minerve appartiennent sans doute à Latouche. Nouvelle recrue de la Minerve, à peine revenu de son exil, Arnault aura à peine le temps de remplacer Latouche, Tissot et d'autres collaborateurs de la rubrique dramatique du receuil, à cause de la vague réactionnaire du nouveau ministère Richelieu qui emportera la Minerve 44. Même les énigmes, charades et logogriphes ont leurs approvisionneurs en titre, RemiLabitte et l'aveugle Roques de Montauban, et un défenseur du genre sous le nom de Louis Dubois. Que la romancière Elisabeth de Bon gratifie le Mercure d'une série de lettres insipides sur le roman - sous l'initiale Z. - n'a rien d'étonnant, vu le privilège qu'elle détient. Les Salons de 1817 et de 1819 ont également leurs commentateurs. Si le M,ercure a confié cette mission à un Amateur anonyme - probablement 40 Cf. Aignan, éloge de l'œuvre poétique et des talents pédagogiques de Mme Dufrénoy, Galerie [ ... ]. M. VI (13), fin juillet 1819. 41 Pour plus de détails sur le concours des rédacteurs et des collaborateur" cf. le Répertoire des Collaborateurs. 42 Une note du Mercure avertit les lecteurs que les Annales ne porteront désormais plus de signature, étant donné qu'elles ne sont pas écrites par un seul collaborateur, M.d.F. l, 22 mars 1817. 43 Cf. le Prospectus de la Renommée et Michaud. Signalons que Pierre Lebrun a fourni un c.r. de Germanicus d'Arnault, M.d.F. l, 29 mars 1817, collaboration attestée par Jouy dans un c.r. de la même pièce, M.d.F. Il, 10 mai. 44 Cf. l'annonce de la collaboration d'Arnault, à partir de février, Dumoulin, M. VIII (II), 15 janv. et Arnault, c.r. de Marie Stuart de Lebrun, M. IX (7), 17 mars 1820.
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Juuy -, la Minerve ne fait plus mystère de l'identité de son critique d'art. Avant de disparaître, elle fera appel à Miel, réputé pour ses connaissances en art et en musique, collaborateur dans ce domaine de plusieurs journaux et qui a établi son autorité grâce à l'Essai sur les beaux-arts, publié en 1817 45. L'enseignement mutuel a trouvé dans Montègre, médecin et collaborateur du Dictionnaire des sciences médicales, un chaud partisan dont la carrière sera brutalement arrêtée par la fièvre jaune qu'il étudiait à Port-au-Prince 46. Que le Mercure et la Minerve soient dominés par les préoccupations politiques des rédacteurs est un fait qui se révèle dès la publication du Prospectus du premier recueil. Les rédacteurs se proposent d'offrir au public « un tableau politique et littéraire [ ... ] mais, un tableau suivi, pro!~r~~~i f, régulil'rement ordonné dans toutes ses parties et dans lequel, à dater du 1er janvier 1817, on puisse retrouver quel était à chaque époque l'état des lumières, des doctrines d'organisation sociale, de la législation et de la littérature 47 ». Dès la reprise du Mercure, Jouy tient aussi, entre plusieurs platitudes et la recommandation des gloires impériales, à insister sur l'identification de la civilisation avec l'industrie et le commerce 48. Benj amin Constant, dont le Prospectus porte le cachet, annonce aux lecteurs que le recueil aura deux parties majeures, politique et littérairescientifique. La politique portera sur l'état de l'Europe et de la France, ayant en vue l'évolution institutionnelle des différents pays vers un type de régime parlementaire et la sauvegarde des libertés, définies par la Charte et consacrées par Louis XVIII. Déjà dans le Prospectus, Benjamin Constant indique les élèments prometteurs, â côté des facteurs inquiétants, qui en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas et en Angleterre, engagent une telle évolution. Constant tiendra même à réparer l'erreur commise dans le Prospectus - oubli signalé par un lecteur - et à parler en premier lieu de la Russie dans son Tableau politique de l'Europe, revue sOlllmaire qu'il mcnera de front avec l'analyse des sessions parlementaires 411. Il dit ausi la détermination des rédacteurs quant à la politique intérieure de la France de s'en tenir à la lettre comme à l'esprit de la Charte. La constitutionnalité est la bannière sous laquelle les rédacteurs se rangent dès leur entrée en scène, attachant une importance capitale aux sessions parlementaires et aux ouvrages traitant des questions politiques, financières et administratives. La partie consacrée à la littérature, aux sciences et aux arts, comportera elle aussi une division réservée à la littérature étrangère et une autre aux œuvres nationales. L'allemagne et l'Angleterre fixeront tout particulièrement l'attention des rédacteurs, «l'une parce qu'elle est toute en 4;; 40;
Cf. MichauJ. Cf. Jouy, Notice nécrologique, M. IV (9), 30 déc. 1818 et la Nouvelle
biographie générale. 40 Prospectus, p. 3. 4B Cf. Jouy, AlerC1lrc aux nouveaux rédacteurs de son journal, M.d.F. J,
4 janv. 1817. 4" Cf. Correspondance, M.d.F. l, 4 janv. 1817, p. 38-39 et B. Constant, Tahleau [ ... ], 18 janv., p. ID·!'
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croissance; l'autre, parce qu'arrivée à sa maturité, elle penche vers son déclin 50 ». Toutefois, cette « croissance» de la littérature allemande ne devrait pas faire oublier les dangers que font courrir les adeptes de l'école d'Outre-Rhin - mise en garde discrète contre les exagérations de Schlegel et de Villers - à l'héritage littéraire de la France. «Nous montrerons, dans la poésie les Allemands pleins d'imagination, de verve, quelquefois de sensibilité, mais se prescrivant fréquemment la bizarrerie, s'imposant même le mauvais goût, et se commandant comme une règle, le mépris des règles "1.» Investigateurs tenaces dans leurs recherches sérieuses, les savants allemands pèchent par un manque de discernement flagrant, étouffant l'idée essentielle par une multitude de faits qu'ils mettent en valeur. Au contraire, la littérature anglaise est trop éprise d'applications immédiates et trop dédaigneuse d'idées générales. Il est fort incertain que l'avenir immédiat assiste à l'éGlosion d'ouvrages rappelant ceux de Robertson, de Gibbon et de Hume. Cependant, le Mercure pourra porter ici et là son intérêt aux poèmes descriptifs dont la valeur de certains compense la décadence littéraire qu'ils impliquent par définition. Toute œuvre remarquable sur le plan national arrêtera l'attention des rédacteurs, mais une section entière sera consacrée à l'art dramatique. Benj amin Constant se croit cependant tenu à ménager les susceptibilités des adeptes fervents d'une esthétique figée, tout en les rappelant à l'ordre: «défenseurs des saines doctrines littéraires, admirateurs passionnés des grands modèles, nous ne répéterons cependant pas sans cesse, qu'en tout genre la lice est fermée; qu'il ne faut plus faire de comédie après Molière; qu'on ne peut sans un intolérable orgueil, se hasarder dans la carrière où Corneille, Racine et Voltaire se sont illustrés 52. » La poésie comme les annales dramatiques figurera dans les colonnes du Mercure, mais avec «sobriété », «pour ramener parmi les lecteurs le sentiment de la poésie, qui paraît s'éteindre de jour en jour 53 ». Ces idées constantiennes ont été consignées dans les Réflexions qui précèdent Wallstein 54 et dans les Journaux Intimes. Elles auront encore des résonances dans le recueil à la suite de l'article de Benjamin Constant, Du théâtre français et du théâtre étranger 65, auquel Jay s'empressera de donner la réplique 56. Mais ce qu'il faut souligner d'ores et déjà, c'est que les promesses littéraires du Prospectus, du moins quant à la partie étrangère seront insuffisamment remplies, et que somme toute la politique et les transpositions de celle-ci seront appelées de plus en plus à avoir dans le recueil la part du lion. Le Prospectus de la Minerve permet de mesurer le chemin parcouru par les rédacteurs dans leur projet de renforcer les éléments politiques et sociaux de leur hebdomadaire. 50 51 52
53 54 lm
56
Prospectus, p. 6. Ibid. Ibid., p. 7. Ibid., p. 8. Cf. l'éd. de J.-R. Derré, Paris, 1965. Cf. M.d.F. IV, 13 déc. 1817. Cf. ibid., 20 déc. 1817.
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Un recueil hebdomadaire se doit d'aménager des rubriques attrayantes pour le lecteur d'autant plus que sa périodicité risque d'ouvrir la voie à des dissertations pédantes, danger particulièrement grave à une époque où la presse se distingue encore mal par sa qualité des ouvrages plus volumineux. La voie est tracée d'avance au Mercure ressuscité. Les rédacteurs ont même intérêt à s'inspirer du modèle auquel étaient habitués les anciens abonnés du vénérable recueil. Ainsi, dans les cahiers du MerCllre, en 1816, on trouve des rubriques réservées à la poésie, aux énigmes, charades et logogriphes, à la littérature et aux arts, à des mélanges, aux spectacles, aux nouvelles politiques, intérieures et extérieures. Parfois des mercuriales, des lettres inédites d'auteurs réputés, des dialogues des morts, des nouvelles et des bulletins des sciences et des arts y sont insérés. Après un bref tâtonnement, la nouvelle rédaction déterminera un ordre de répartition, fixe et souple à la fois, débutant par des poésies, des traductions et des adaptations, fournissant à ses lecteurs la dose hebdomadaire d'énigmes, charades et logogriphes, enrichis parfois par des acrostiches, et passant ensuite à des comptes rendus d'ouvrages de tous les domaines, sous le titre de nouvelles littéraires. La rubrique variétés contient des lettres inédites, des nouvelles, des considérations de tout genre. A mi-chemin des nouvelles littéraires et des variétés figurent parfois des pensées détachées. Il est rare que les pérégrinations de l'Ermite de la Guyane n'occupent une place voyante dans les cahiers. Un bachelier de Salamanque - pâle rappel de celui de Prévost ùéveloppera ses inepties espagnoles, probablement sous l'égide d'Esménard 57. Un carton du Mercure, remplacé par la suite par une mercuriale permettra à Sauquaire-Souligné d'avoir les coudées libres pour des appréciations politico-littéraires. A l'occasion des Salons, les Beaux-Arts prennent leur place dans la critique du recueil ainsi que les comptes rendus des séances académiques. Les annales dramatiques occupent toujours un rang honorable dans le Mercure. La politique se c()n~acre d'abord, sous la plume de Constant, à l'activité des Chambres et à la revue de la situation européenne et elle finira par céder la place à Bénaben qui, sous la rubrique revue des nouvelles de la semaine, fournira des renseignements d'ordre politique, économique et anecdotique sur le plan français et européen, doublés des comptes rendus des sessions parlementaires. Des articles nécrologiques lors du décès des personnalités ùe marque s'insèrent avant ou après la rubrique politique. Les annonces et notices des librairies terminent en règle générale la matière des cahiers, à moins que des listes de souscription ne les précèdent. La même répartition est plus ou moins conservée dans la Minerve: poésie, nOl/velles littéraires, galerie littéraire et politique, l'Ermite en province, variétés, lettres sur les spectacles et essais historiques, comprenant la série des lettres du Correspondant de Francfort, inaugurées le 5 août 1818 dans le troisième volume, et, à de rares occasions, celles des correspondants de Russie, d'Italie et d'Espagne. Aux Essais se join-
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Fait que la brochure Des journalistes et des journaux lui reprochera.
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dront les comptes rendus des sessions parlementaires et plus tard les notes historiques de Dumoulin et la politique étrangère, confiée à Harel. Ici et là, la rubrique tribunaux relatera les procès en vue et la correspondance des lecteurs, suivant le succès remarquable du recueil, prendra un développement important. DumouIin se constituera même, pour combattre les ultras et le pouvoir, surtout lors des élections, une rubrique consacrée à la correspondance des départemens. Des annonces et notices figureront irrégulièrement à la fin des cahiers. Les listes pour les souscriptions lancées par les rédacteurs prendront des dimensions importantes au point de nécessiter des suppléments. Cependant, la tonalité de la Minerve accuse certaines différences par rapport au Mercure. La muse poétique se raréfie dans la Minerve et disparaît parfois pour revenir avec Béranger sous une forme politique bien transparente. Les énigmes et leur déchiffrement ne figurent plus dans les colonnes du recueil à partir du 10 juin 1818. Selon la gravité de la situation politique, et c'est notamment le cas des derniers volumes, des articles politiques ouvriront les cahiers. Les Lettres d'Etienne sur Paris figureront dès le deuxième cahier et atteindront le chiffre rond de cent numéros. Les périples de l'Ermite connaîtront quelque éclipse et les derniers volumes bénéficieront de ses Dialogues des vivans et des morts. La collaboration suivie en articles du Dumoulin ne commence que le 16 avril, la correspondance des départemens le 5 juin et les notes historiques pas avant le début de septembre 1819, mais ce fait ne prouve aucunement qu'il n'ait eu un rôle plus actif dans la rédaction comme le laisseront croire les dernières Notes historiques qui, le 27 mars 1820, sonnent la fin du recueil et le notifient aux abonnés. L'élection de Benjamin Constant par la Sarthe à la Chambre, le 25 mars 1819, mettra fin à ses annales parlementaires, fâche qui sera dévolue à Pagès 58, carence que le député compensera par des analyses d'ouvrages politiques, de nombreux articles lors de l'aggravation de la situation politique et surtout par ses Lettres sur les Cent-Jours, inaugurées dans le septième volume. Un receuil périodique sous la Restauration a l'avantage de varier l'emploi de ses rédacteurs. Jouy, Jay, Aignan et Tissot ont une formation d'« honnêtes hommes» qui leur permet de s'occuper de littérature, d'art, d'histoire, de législation et de politique. Toutes les avenues leur sont ouvertes, mais toutes sont imprégnées de l'actualité obsédante. Si Lacretelle voit le salut dans le retour à l'Institut, c'est que l'Institut s'inscrit dans une optique qui identifie le libéralisme avec le progrès et celui-ci avec l'évolution des sciences humaines. Benjamin Constant, Etienne, Pagès et Dumoulin ont dans la Minerve un rôle essentiellement politique, mais ce n'est certes pas faute de pouvoir se prononcer en matière de littérature et, à l'occasion, ils feront des incursions sur des terrains où ils ne s'aventurent pas d'habitude. Ce qui réunit tous les collaborateurs, c'est un credo politique que Benjamin Constant a élaboré avant de fonder le Mercure et qui s'éclaire et s'explicite dans les deux recueils
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Cf. Note des auteurs sur la Minerve, M. V (10), 10 avril 1819.
1:-;
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durant l'affrontement violent avec le~ partis et avec le pouvoir. L'autorité en matière de constitutions et de libertés de Benjamin Constant fait loi. Lor~ des crises aiguës, c'est lui qui semble définir la position du Mercure et de la Millerve et ses collègues ne font qu'abonder dans son sens, selon leur~ moyens. L'hommage qu'ils s'empressent de lui rendre lorsqu'ils commentent ses ouvrages et ses interventions à la Chambre le prouverait abondamment. D'après la lettre à Rosalie à la date du 3 mars 1817 ou, la part qui reviendrait à Benjamin Constant dans la rédaction du Mercure aurait été prépondérante, En est-il de même pour son rôle dans la Millerve? Les occupations fort accaparantcs de Benj amin Constant ne le laisseraient guère croire. 11 mène en marge du Mercure et de la Minerve une ;.!;rande activité de publiciste et procède à la réunion de ses écrits politiques cn un seul grand ouvrage. Les campagnes électorales de Benjamin Constant en 1817, 1818 et 1819 l'occupent et le préoccupent également. Par ailleurs, le renforcement de l'équipe du Mercure a amené nécessairement une répartition plus équitable des tâches. La Minerve, dès le remplacement de Bénaben, peut confier les chroniques politiques il Etienne, Saulnier fils, Pagès, Hard et Dumoulin. Benjamin Constant prend la plume aux grandes occasions. C'est un partage de travail d'autant plus nl'cessaire que Jay, Tissot, Dumoulin et Etienne ont leur Constitutionnel et que Benjamin Constant, Pagés, Jouy et Aignan auront leur Renommée il partir du 15 juin 1819. Faudrait-il voir dans le lancement de la Renommée le signe d'une discorde parmi les rédacteurs? Les publicistes à gages de Decazes n'ont pas manqué de semer de tels bruits. Déjà au début de novembre 1817, Sauquaire-Souligné a démenti les assertions de la Quotidienne quant à des divergences parmi les rédacteurs 60. Le 20 mai 1818, Etienne reproduira les nouvelles de la presse anglaise faisant état des dissensions des rédactcur~ pour les nier catégoriquement. Selon ces insinuations, Constant et Jouy, effrayés par la rigueur des condamnations des journalistes, auraient signifié à leurs collègues leur décision de ne plus écrire d'articles politiques 61. Le 5 juin 1819, Etienne reviendra à la charge pour donner le démenti aux bruits toujours persistants sur la 5éparation imminente des rédacteurs 62. Toujours est-il que Benjamin Constant multipliera ses articles politiques dans la Minerve à la suite de cette propagande malveillante. Il n'est pas sans intérêt de citer l'assertion d'Etienne sur le lI10de de travail des rédacteurs. «Les journaux franco-anglais peuvent-ils d'ailleurs ignorer que chaque article inséré dans la Minerve est avoué et adopté par tous ses auteurs? C'est la première déclaration qu'ils ont faite, et ils y persistent 6a.» Lacretelle, l'éditeur responsable de la Minerve, à la suite de l'instauration du régime
;'11
Cf. supra, n. (9).
<>" Cf. SS., M.d.F. 61 Cf. Etit:nne, n° 6~ Cf. Etienne, n° G3 Etienne, n° 12,
IV, 1"' nov. 1817. 12, M. II (3),20 mai 1818. 59, M. VI (5),5 juin 1819. p. 144; cf. également le Prospectus de la Minerve.
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libéral de la presse par de Serre, tiendra lui aussi à preciser la solidarité sans ombre de tous les rédacteurs. «Sous le régime précédent [de la presse 1 nous nous étions constitués collectivement et individuellement responsables de tout ce qui paraîtrait dans notre ouvrage. Cela nous avait conduit à établir entre nous une révision, par tous, sur les articles de chacun; ensorte [sic] que tout était examiné et quelquefois refait sous cette censure commune 64. » Aucun indice valable ne contredit les affirmations d'Etienne et de Lacretelle, dont la désignation comme éditeur a été probablement motivée par son âge et sa réputation d'honnêteté. La Minerve poursuivra sa carrière hebdomadaire avec les mêmes rédacteurs qui trouvent un champ d'action supplémentaire et bien rentable dans leurs deux quotidiens. La fondation de la Renommée s'expliquerait par le désir de renforcer les organes libèraux et aussi par l'ambition non moips plausible d'assurer à ses créateurs une source de revenus non négligeables. L'entente des collaborateurs de la Minerve paraît solide et l'on peut imaginer le rayonnement de Benjamin Constant dans leurs réunions fréquentes. Non qu'on ne puisse concevoir de graves dissensions parmi les collaborateurs, mais il faudrait les placer, selon toutes les apparences, à une date tardive, après l'assassinat du duc de Berry, lorsque le camp libéral aura épuisé tous ses moyens de résistance légale. Le Prospectus du Mercure a été vraisemblablement lancé avant le 1er janvier 1817 65 • Le premier numéro porte la date du 4 janvier et le dernier celle du 27 décembre, comprenant en tout 52 cahiers, de 3 feuilles chacun, contenant en moyenne une cinquantaine de pages in-8. Le 1er numéro indique comme directeur du recueil Lefebvre, probablement Lefebvre-Duruflé - et Bouet comme responsable des abonnements. Ces indications Ile figurent pas le 28 juin. Faudrait-il en conclure que Lefebvre et Bouet ne sont plus employés à partir de cette date ou que la rédaction préfère cacher son activité sous l'anonymat? Il n'est pas exclu d'ailleurs que d'autres collaborateurs aient concouru au travail administratif du recueil. Logée d'abord au n" 5 de la rue Ventadour, la rédaction regagne les locaux de l'ancien Mercure, situés au n° 14 de la rue des Poitevins 66. En changeant d'enseigne, le recueil remplace l'imprimeur Dubray par le fils du cé!èbre Panckoucke, pour assurer aux lecteurs une présentation typographique plus soignée. Les bureaux du Mercure sont ouverts tous les jours de 9 heures du matin à fi heures du soir. Les cahiers du recueil paraissent tous les samedis et les conditions de souscription sont semblables à celles des autres périodiques: 14 francs pour trois mois, 27 pour fi Illois et 50 pour l'année. Le succès du Mercure semble selon les dires des rédacteurs, à la date du 8 février, avoir dépassé leurs attentes, ear ils annoncent aux nouveaux abonnés la réimpression des numéros du
64
Lacretelle, L'éditeur responsable de la Minerve. Aux lecteurs de la Minerve,
M. VI (9), 5 juillet 1819, p. 397-398.
65 La réaction d'un lecteur du Prospectus, regrettant l'absence de la Russie dans la revue des états européens, est publiée dès le premier numéro. 66 Cf. l'Avis important, M.d.F. 1,8 fév. 1817.
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mois de janvier 67. La lettre de Benjamin à Rosalie du début de mars 1817, confirme la même impression, bien qu'elle atteste encore de la prudence expectative des rédacteurs qui ont décidé de s'interdire toute distribution gratuite des cahiers. Le témoignage de Saulnier dans la Minerve 68 et celui de Pasquier dans les Mémoires 69 corroborent la même constatation. Des témoignages isolés d'abonnés 70 ou les attaques de la Quotidienne et ses insinuations tendant à mettre en doute la bonne entente des rédacteurs 71 peuvent aussi servir de critère. L'appréciation élogieuse Des journalistes et des journaux, attribuant le succès du Mercure à Benjamin Constant et à Jouy va dans le même sens. Mais un indice plus probant nous est fourni par l'attitude du pouvoir. Trois textes de la Minerve éclairent la suppression du Mercure. Le Prospectus de la Minerve annonce à ses lecteurs que le privilège du Mercure a été enlevé aux rédacteurs, bien qu'ils aient respecté la loi les astreignant à la censure. « Cependant, le dernier numéro du Mercure a été arrêté à la poste. Pour quelle cause? Nous l'ignorons 72.» Rendant compte des œuvres d'Andrieux, au début de février 1818, dans le premier cahier de la Minerve, jay fournit un renseignement précieux. «j'ai annoncé dans l'Ancien Mercure, il y a environ quinze jours, l'édition des œuvres de M. Andrieux; c'est sous les auspices d'une autre divinité que je publie aujourd'hui la suite de mes observations. Après cent quatre-vingtdix-neuf années d'une existence pacifique, le Mercure, encore plein de vie et de santé, est mort subitement [ ... ] il avait résisté à Mme de Genlis, il a succombé sous Mme Elisabeth de Bon 73. » Le passage de jay est des plus clairs. Détentrice du privilège d'imprimer le Mercure, il a été facile à Mme de Bon d'y renoncer et de provoquer par là la mort subite du recueil. Il reste encore à trouver le prétexte du ministère qui lui aurait permis d'user de son influence auprès de la romancière. Saulnier, Saulnier fils ou un autre rédacteur se cachant sous la lettre S., révèle le mystère en rapportant la discussion de la Chambre relative au timbre imposé aux journaux. «Qui croirait que quelques lignes sur le Concordat, extraites d'une brochure qui se vendait publiquement et sous les yeux de l'autorité, aient suffi pour attirer sur le Mercure la foudre ministérielle, et pour détruire une propriété à laquelle plusieurs écrivains [ ... ] avaient dévoué les talens de leurs veilles 74. » 67 Cf. ibid. et les nO' des 1" et 15 mars 1817. Les cahiers 16 à 26 ont égaIement été vite épuisés, cf. Avis, M.d.F. III, 26 juillet. 68 Cf. S., M. 1 (12),23 avril 1818. 60 Cf. vol. l, p. 218. 70 Cf. Correspondance, M.d.F. Il, 12 avril 1817; désir du Mercure grec, imprimé à Vienne, de se mettre en rapport avec le Mercure, M.d.F. Ill, 2 août; demande de nouvelles rubriques, M.d.F. l, le, mars 1817 et M.d.F. Il, 26 avril. 71 POllT les attaques de la Quotidiene, M.d.F. 111,6 sept. 1817. 72 P. 3. 73 M. 1 (1), début fév. 1818, p. 13, cit. également par Des Granges, La presse littéraire SOIIS la Restauration, p. 63. Une note de la Minerve fournit quelques détails sur la romancière. 74 S., M. 1 (12), 23 avril 1818, p. 589.
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Il s'agit d'une brochure publiée par Jubé avec l'autorisation de la censure. On conçoit que Richelieu ait tenu à tout prix à faire aboutir l'accord avec le Saint-Siège, mais on comprend mal que la seule reproduction d'un extrait de l'écrit de Jubé ait suffi pour déterminer une telle réaction du ministère. On peut croire que le renforcement des positions libérales, tel qu'il s'est traduit par la campagne électorale de septembre 1817 et la pression des Alliés n'ont pas été étrangers au désir de Richelieu de voir le Mercure supprimé. Les Mémoires de Pasquier donnent quelques précisions, parfois erronées sur le recueil. «Le privilège ou plutôt la permission de paraître avait été accordée par M. Decazes, au commencement de 1817, à une femme de sa société qui avait associé à la rédaction MM. Etienne, Benjamin Constant, Jay, Tissot et plusieurs autres écrivains de même position [ ... ] 75.» 11 est manifeste que Pasquier confond quelque peu le Mercure et la Minerve en associant Etienne à la première entreprise. Toutefois sa mémoire ne le trompe pas quant au rôle de Mme Elisabeth de Bon. Parlant de la grande vogue du Mercure, Pasquier dit la prudence que les rédacteurs étaient tenus de pratiquer à l'endroit du pouvoir, mais que certains articles de la fin de l'année ont irrité Richelieu, mécontentement dû selon le mémorialiste, à la pression des Alliés. C'est la publication de l'extrait de Jubé qui aurait mis Richelieu au désespoir et c'est alors qu'il aurait signifié à Decazes la nécessité de l'interdiction 76. Richelieu avait tort de croire que la suppression du Mercure suffirait pour empêcher le recueil de reparaître sous un autre égide. Le dernier numéro du Mercure a été saisi à la fin de décembre 1817. Dès le lendemain de la saisie, les rédacteurs s'emploient fébrilement pour fonder la Minerve française. Ils l'annoncent à Decazes, ministre de la Police, à la date du 2 février 1818, au public vraisemblablement quelques jours après, dans le Prospectus joint au premier cahier et qui contient la lettre au ministre. La lettre est signée par Aignan, Evariste Dumoulin, Etienne, Jay, Jouy, Lacretelle et Tissot. Une note ajoute que Benjamin Constant, absent lors de la composition de la lettre, «déclare qu'il adhère à tout son contenu 77 ». Ce qu'il faudrait retenir de la leçon de la lettre et du Prospectus - en plus de la profession de foi qui y figure - c'est la décision des rédacteurs de tourner le régime de la presse par la publication des cahiers de la Minerve à des dates non déterminées d'avance. Il est vrai qu'on a fait planer sur les rédacteurs la menace de faire saisir le périodique à la poste 78. Mais avant la menace, les rédacteurs ont annoncé que 13 livraisons par trimestre, totalisant 52 cahiers par an remplaceront le Mercure 79. En recourant aux entrées du Journal général de la librairie, aux dates des lettres d'Etienne, le cas échéant à celles des listes de souscription 75 76 77 78 79
Vol. l, p. 218. Cf. ibid.
P. 7. Cf. ibid. Cf. ibid.
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pour le Champ cI'Asile ct à celles, enfin, des Notes historiques de Dumoulin, il nous a été possible de déterminer approximativement, à un ou deux jours près, les dates de publication des 113 cahiers de la Minerve 80. La Minerve conserve d'abord ses locaux de la rue des Poitevins et son imprimeur Panckoucke. Celui-ci sera remplacé par Fain au troisième cahier et Plassan succèdera au dernier à la date du 6 février 1820. L'Avis aux lecteurs du 1er cahier du deuxième volume, à la date du 6 mai 1818, indique une nouvelle adresse de la rédaction, au numéro 18 de la rue des Fossés-Saint-Germain-des-Près. Les avis indiquent également les bureaux du libraire de la Minerve, Eymery, situés au numéro 30 de la rue Mazarine, mais après la faillite de celui-ci, à partir du sixième volume, il ne figure plus dans les cahiers du recueil. Le nombre de pages des cahiers de la Minerve reste le même que celui du Mercure, sauf lorsque la campagne de souscription en faveur du Champ d'Asile oblige le recueil à >;()
Année 1818, vol. J : Cahiers 1°', 2, 3, 4 5,6, 7, 8 9, JO, n, 12, 13 Année 1818, vol. li : 14, 15, 16, 17 18, 19, 20, 21 22, 23, 24, 25, 26 Année 1818, vol. III: 27, 28, 29, 30 31, 32, 33, 34 35, 36, 37, 38, 39 Année 18/8-1819, l'al. IV: 40,4/, 42, 43 44, 45, 46, 47, 48 49, 50, 51, 52 Année 1819, vol. V: 53, 54, 55, 56 57, 58, 59, 60 6/, 62, 63, 64, 65 Année 18/9, vol. VI: 66, 67, 68, 69 70, 7/, 72, 73 74, 75, 76, 77, 78 Année 1819, vol. VIl : 79, 80, 81, 82 83, 84, 85, 86 87, 88, 89, 90, 91 Année 1819-1820, vol. VI/I : 92, !i3, 94, 95 96, 97, 98, 99 100, JOI, 102, 103, J04 Année 1820, 1'01. IX: lO5, 106, 107, 108 109, ]JO, Ill, 112, ]]3
Dates
22 et fin fév. 7, 13, 21 et fin mars. début, 12, 19, 23 et fin avril.
-l, Hi,
6, 1-1, 20 et 2·\ mai. dèbut, 10, 15 et 23 juin. début, 12, 15, 21 et fin juillet.
5, 15, 20 et fin août 8, 15, 20 et 27 sept. 3, 10, 15, 21 et 28 oct. 3, 13, 19, 28 nov.
6, 13, 9, 26 et 30 déc. 9, 14, 23 et fin janv. 1819.
5, 14, 19, 25 fév. début, 10, 17, 24 mars. 2, 10, 16, 20 et fin avril. 8, 17, 23 et fin mai. 5, Il, 20 et 27 juin. 5, 12, 18, 24 et fin juillet. 7, 15, 21 et fin août. début, 13, 19 et 25 sept. début, 10, 17, 23 et fin oct.
8, 14, 21 et 27 nov. début, 13, 20 et 27 déc. début, 9, 15,23 et fin janv. 1820. fi 13, 21 et fin fév.
5: 12, 17, 23 et 27 mars.
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ajouter des suppléments 81. Les noms des auteurs responsables figurent à la fin de chaque cahier. Les conditions d'abonnement n'ont pas varié d'un recueil à l'autre. Quel a été le succès de la Minerve? Des plus considérables s'il faut en juger d'après les' Déclarations des Imprimeurs, contenues dans le fichier F 18" des Archives Nationales 82. Ainsi, le tirage du 1er cahier est annoncé à 1.500 exemplaires, celui du 3e à 2.500, du 5" à 3.000, du 9" à 4.000, du 27" à 5.000, du 31° à 6.000, du 32" à 6.600, du 37" à 7.000, du 42" à 7.500, du 46" à 8.000 et du 49' à 10.000. Le tirage du 77" cahier connaît une baisse et ne marque que 9.000 exemplaires, celui du 93" au '113° 8.000 exemplaires. Plusieurs cahiers ont été réimprimés à un tirage de 1.000 exemplaires en moyenne. Il n'y a que le Conservateur qui puisse prétendre à un succès sinon égal du moins aussi impressionnant. Le tirage de la 1r" livraison est annoncé à 6.000 exemplaires, celui de la 18° à 7.000, de la go à 8.000 et de la 24' à 8.500. La 33" marque une baisse, 7.500 exemplaires; la 34' une augmentation et se chiffre par 8.000 contre 8.500 à la 35" livraison, 7.000 à la 42°, 8.000 à la 43", 7.000 de nouveau à la 44·, 7.500 à la 54" et 6.000 à partir de la 56· jusqu'à la 78" livraison. La 44· livraison a été réimprimée à 2.000 exemplaires. L'indication des librairies à Paris et de ceux qui à travers le monde assurent la vente du recueil peut également servir d'indice pour la diffusion de la Minerve 83. Qu'un Lanjuinais et un Caumartin rendent hommage au périodique libéral 8t se conçoit aussi facilement que les anecdotes racontées par la Minerve pour dire sa large diffusion 85. Plus probante à cet effet est la sensation que les révélations du 24° cahier auraient produite à Paris et en province relativement aux conspirations des ultras 86. Qu'un Portugais adresse de Lisbonne une lettre aux rédacteurs 87 ou que l'hospodar de Valachie, réfugié en Suisse, ait démenti l'éloge excessif de la Minerve qu'on lui a attribué 88 témoignent d'une résonance étendue du recueil. Cf. infra, ch. VI, Propagande et faits divers. Nous devons nos vifs remerciements à Mlle Simone Balayé, Conservateur à la Bibliothèque Nationale de Paris, d'avoir bien voulu nous communiquer les données des Déclarations des Imprimeurs. 83 A Paris, les librairies Panckoucke, Bertrand, Dt:launay, Rosa, Pélicier, Ladvocat, Monge aîné, Foulon, Baudoin frères et Eymery. Les noms des libraires sont indiqués pour Anvers, Amsterdam, Aix-la-Chapelle, Arau, Berlin, Berne, Breslau, Bruges, Bruxelles, Florence, Fribourg, Francfort-sur-Mein, Gand, Genève, Lausanne, Leipzig, Liège, Lisbone, Londres, Madrid, Milan, Mons, Moscou, Naples, Neuchâtel, Palerme, Pétersbourg, Tournay, Turin, Varsovie, Vienne ainsi qu'à la Nouvelle-Orléans, la Guadeloupe et l'Ile-de-France. Cf. 81 82
M. IX (9). 8t Cf. Etienne, n° 7, M. 1 (10),2 avril 1818 et la lettre de Caumartin, M. Il (9), début juillet, p. 444-446. 85 Un exemplaire du recueil est lu et commenté par tout un village, Etienne, n° 29, M. III (II), 15 oct. 1818; quelques exemplaires ont été trouvés chez la garde-royale lors d'une inspection, Dumoulin, M. VIII (5), début sept. 1819. 86 Cf. Etienne, n° 21, M. III (1),5 août 1818. 87 Cf. Correspondance, M. IV (4), 28 nov. 1818. 88 Cf. Etienne, n° 42, M. IV (12), 23 janv. 1819 et Correspondance, M. IV (4), 25 fév., p. 205-207.
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En règle générale, les attaques des feuilles ministérielles ou des articles de commande insérés dans la presse anglaise contre la Minerve et plus particulièrement contre Etienne 89, les dénonciations violentes contre Benj amin Constant lors de la campagne électorale de 1818 90 , l'implication du recueil et de Benjamin dans la Note secrète 01, la malveillante position officielle du Moniteur 02, des reproches de républicanisme adressés par Chateaubriand contre Bénaben 93 ou d'autres critiques formées à l'endroit du juriste Bérenger 04, de Tissot u", de Pagés 96, et surtout la campagne violente menèe contre la souscription en faveur du Champ d'Asile 97 ou après le crime de Louvel 98 attestent non seulement l'ardeur de la lutte, mais aussi la vaste audience attribuée par ses adversaires à l'organe libéral. La Minerve suscite plusieurs écrits plus ou moins violents contre elle et surtout contre Benjamin Constant, publiés par Ouvergier de Hauranne 99, Gautier du Var et d'Aureville 100, par des anonymes 101, par Azaïs 102, Mannoury Oectot 103, Loyson 104 et Saint-Roman 103. Des sn Cf. Etienne, nO 7, 15, 19 P.S., 21, 27 et 45, M. 1 (10), M. 11 (8 et 12), M. III (1 et 9), M. V (3),12 avril, 23 juin, 21 juillet, 5 août, 3 oct. 1818 et 19 fév. 11\19. V. aussi Jouy, c.r. dc l'ouvrage de Dupin, IHémoires sur la marine [oo.], M. III (4), fin août 1818 ct Lac'1'etel!e, prenant la défense d'Etienne, Explication sur /li! article de la Quotidienne. M. VII (13), fin oct. 1819. 90 Cf. B. Constant, Lellre à M. Benjamin Constant [oo.], M. III (11), 15 oct. IRI8; Des élections, M. IV (1), 3 nov. et M. IV (2),13 nov., p. 91-92. 91 Cf. Jay, Note secrète, M. III (1), 5 août 1818. 92 Cf. Etienne, n° 72, M. VII (7), 19 sept. 1819. il;: Cf. Bénaben, M. 1 (5), 7 mars 11\18. 91 Cf. Correspondance, M. III (5 et 8), 7 et 27 sept. 1818, p. 239-240 et p. 364-366. "0 Cf. Tissot à propos de son commentaire de l'ouvrage de Georgel, Notes des alltellrs de la l\linerve, M. IV (1), 3 nov. 1818. ,,,; Cf. Pagés, Réponse au journal du Gard, M. V (3), 19 fév. 1819. 97 Cf. Jay, Souscriptions pour les réfugiés français en AmérÎ<jlle, M. IV (6), II juin 11\19. lib Cf. .lay, Sur les calomnies dirigées contre la Minerve, M. IX (3), 21 fév. O
18~(l. On peut considérer comme provocation la proposition de Genest, chevalier de J'llfdre royal, que la Minerve ouvre une souscription en faveur de la garde qui s'tst ~mparé de Louvel, projet que le recueil a eu la prudence de louer, M. IX (4), fin fév. "" Réponse à M. Benjamin Constant, Paris, 1818. 1"<) La vérité aux é/l'ctcurs dl' 1818, précédéc d'llne le/lre à M. Benjamin CO/ls/ant, Paris, 1818. 1,,1 j.V., Le cri d'un ultra [oo.], également dirigé contre B, Constant; Deux Illats à la Minerve française, Paris, 1818. 1œ Currespundance politique. Quatrième lellre à M. Benjamin Constant, Paris, 1H18. lU3 Observations à MM. les auteurs de la Minerve française [oo.], défense moJàée Je la noblesse, Paris, 1818 101 Lel/re à M. Bcnjamin Constant [oo.], où toute la carrière versatile de Constant est mise cn relief. Loyson y avoue être l'auteur d'un écrit anonyme contre Benjamin. 1O~> Sur le fallx et absurde système de la souveraineté du peuple [oo.], extrait du Conscrvateur, Paris, 1820.
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tentatives éphémères seront même faites pour lancer des recueils contre l'organe redoutable. Le grossier Fureteur ou l'anU-Minerve n'écoulera que quatre numéros pendant les mois de mars et d'avril 1818 et Mettens ne pourra se prévaloir en 1819 que de deux numéros de ses Niaiseries de la Minerve dite française mises au grand jour. Il va sans dire que la véritable machine de guerre forgée par les ultras contre la-Minerve et les libéraux a été le Conservateur. Si la Notice historique et bibliographique des journaux et Thiessé 106, ancien rédacteur des Lettres normandes, sont prévenus en faveur de la Minerve, attribuant le grand succès du recueil à Benjamin Constant, à Etienne et à Jouy, il n'en est pas de même des ministres. Les attaques des Duvergier de Hauranne, des Azaïs et des Loyson, porte-parole voilés ou manifestes du pouvoir, doivent se placer, même lorsqu'elles font la part belle à des personnalités, sur un plan idéologique, recouvrant la motivation réelle par un échafaudage apparent. La correspondance des ministres ainsi que leurs mémoires offrent une vérité moins entortillée. Dans ses lettres à Decazes et à Molé, Richelieu, d'Aixla-Chapelle où il lutte désespérément pour faire aboutir la libération de la France, prêche avec ferveur l'entente avec les ultras, dit sa crainte de la forte audience de la Minerve - opposée à la dynastie des bourbons - et taxe le Constitutionnel de bonapartisme 101. Lui et Mounier 108 qui le seconde à Aix-la-Chapelle, ne se lassent pas de dire l'épouvante que «l'envahissement démocratique» de la France provoque chez les Alliés et le revirement du Tzar consécutif au changement de l'opinion en France. Certes, Richelieu n'est guère tendre pour Benjamin et il dit son contentement à Decazes de l'échec électoral du rédacteur de la Minerve 109. Decazes non plus n'a pas à se considérer heureux du traitement que la Minerve lui réserve et il égrène ses doléances contre le mal accompli par le recueil dans une lettre à Louis XVIII 110. Pasquier avouera la puissance de la Minerve «qui, pendant près de deux ans et demi, a été pour le parti qui l'avait fondé un organe puissant, en même temps qu'un adversaire redoutable pour le gouvernement royal 111 ». Molé confirmera le même jugement, en imputant le succès de la Minerve à Benjamin Constant et davantage à Etienne 112. Il devait en effet être redoutable le périodique qui était aussi bien versé dans les tripotages de la politique intérieure qu'initié aux secrets 106 Cf. Thiessé, op. cit_ ; il fait la part large à Etienne dans le succès de la Minerve. 101 Cf. E. Daudet, Le duc de Richelieu au congrès d'Aix-Ia-Chapelle, in Nou· velle Revue, 1898, t. CXIV, lettres des 7, 8, 12 oct. 1818, 8 et 9 nov. ; Molé, Mémoires cit., vol. IV, p. 48-49. 108 Cf. Barante, Souvenirs cit., vol. Il, Leifres de Mounier, p. 335-344. 109 Cf. E. Daudet, lettre du 1er nov. 1818. uo Cf. E. Daudet, Louis XVIll et le duc de Decazes, Paris, 1899, cit. d'après l'ouvrage de Svetozar Petrie, ch. II. 111 Pasquier, Mémoires cit., vol. l, p. 219. Il2 Cf. Molé, Mémoires cit., vol. IV, p. 49, n.
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Lie la politiLjue Lies Alliés. !J'où le recueil tenait-il ses renseignements? Se .. ail-cc de Benjamin Constant, grâce à ses relations avec les Broglie, dArgcnsoJ1, La Fayette, Laffittc, Périer et Gévaudan? On pourrait multiplier les suppositions à l'endroit des autres rédacteurs et chercher leurs accointances dans les milieux de la Société des Amis de la presse. II ne serait pas non moins plausible que renseignements et appuis aient été fullrnis à la klinerve par les grands financiers libéraux de l'époque. Encore plausible serait le rôle joué par Decazes qui, ayant plus d'un tour Llans sa manche, aurait fait circuler des bruits sur le désir de Richelieu de s'allier avec la droite et sur la pression incessante que Metlernich a exercée sur lui dés qu'il a été nommé président du Consei1 113 • La Minerve était parfaitement au courant de la pratique de Decazes de placer Lies articles, chèrement payés, dans la presse anglaise par l'intermédiaire de ses publicistes de commande 114, et le déroulement des procès du Censeur européen, impliquant la complicité de Mirbel, homme Lie confiance Lie Decazes, était encore présent à tous les esprits 115. Redoutable, la Minerve l'était encore pour l'Allemagne et l'Autriche. On ig,nore les sources de renseignements de Harel, le correspondant de Francfort. Toujours est-il que ses Lettres sur le congrès d'Aix-IaChapelle ont déclenché les recherches actives de la police de Francfort et l'arrestation de Desportes 116. L'Observateur autrichien donne la réplique au corresponLiant effronté qui il osé dévtJiler les dissensions des Alliés quant à la libération de la Francc. Et Etienne et Harel s'empresseront de décocher leurs traits spirituels contre le malencontreux auteur de l'article 117. Que Gentz ait
11:1 Cf. G. Bertier de Sauvigny, Aleltcrnich et Decazes, d'après lellr corresl'ondance inédite, in Etudes d'histoire modeme et contemporaine, 1953, t. V. On :1 du mal à imaginer non une telle intervention de 1'« architecte» de l'Europe
post-napoléonicnnc, mais un tel acquiescement du favori à une telle pression. 1 Il Pasquier, lIIémoires cit., ch. XIII, évoque la correspondance privée de Decazes et de Dessolles dans le Times, le Sun et le Courier, confiée à Mirbel. ,en0taire général du ministre de l'Intérieur, à Lingay, attaché au cabinet parti,'ulier de Decazes, à Lagarde, maitre des requêtes, ayant une grande inlluenc'O sur Dessolles et à un certain Dacby, Anglais soudoyé par la police. Molé. Mémoires cit., vol. IV, p. 241, fait également allusion aux articles publiés paf Decazes dans le Times et le COl/rier. 11;; Cf. notre étude, Le Censeur curopéen. Histoire d'lin joumal industrialiste, II, in Revl/e d'histoire économique ct sociale. 1959, vol. 37, n° 3, p. 3-l1. lit; Cf. !lIard], Lcltres sl/r l'Al/emagne, n" 3, M. III (10), 10 oct. 1818; Desportes a démenti dans le jOl/mal de Francfort sa paternité des Lettres: AI/X autellrs de la Millerve, M. V (3), 19 lév. ISI\!; le jal/mal des Débats a reproduit le démenti; l'identité du Correspondant préocClipe toujours les autorités, n'" 9 et 15, M. V (9), 2 avril 1819 et M. VIII (1),8 nov. On croit Desport,"s et même le général Allix auteurs des Lettres, n° 9. 117 Cf. Nesselrode, Lelfres et papiers, Paris, 1908-1912, 11 vol., vol. VI, lettre dl' Gentz à la date du 14 lév. que M. de Sauvigny a bien voulu nous signaler. Harel se défend contre la Gazette d'Augsbourg et la Gazette de Wisbade. Il" 3 cit. ; il reprend le débat avec l'Observateur autrichien de Pilat quant au cong-rès d'Aix-Ia-Chapelle, n° 9 cit. ; Etienne s'en prend à l'Observateur ct il Pilat, le secrétaire intime de Metternich, au sujet du Congrès, n° 45, M. V (3), 19 !ev. 181~\.
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jugé nécessaire d'en saisir Nesselrode, et de le flatter par la même occasion pour la circulaire qu'il a adressée aux ministres de Russie, à la suite de la nomination de Decazes à la présidence du Conseil, prouve non seulement son désir de faire sa cour à une éminence russe, mais égaIement les vastes résonances provoquées par la Minerve 118. Vincent, ambassadeur d'Autriche à Paris, traite la Minerve, dans une lettre à Metternich, comme une véritable puissance politique, subversive il est vrai. «La Minerve ne se compose plus d'une simple réunion d'écrivains ou de littérateurs polémiques, c'est un corps politique qui se forme, se constitue, se dirige; il a ses ramifications, influence l'opinion publique pour forcer le gouvernement à marcher dans le sens qu'il indique 119. » On conçoit dans ces conditions que les ministères successifs de la France aient envisagé à maintes reprises la suppression de la Minerve, en prétextant la fiction de sa périodicité irrégulière 120. En effet, même la Minerve se fait parfois l'écho des bruits rapportant la suppression éventuelle du recueil pour les nier. Ainsi, le Sun prétend que le ministère attend la prorogation des Chambres pour supprimer la Minerve 121. Corvetto, le ministre des Finances, exaspéré par la campagne violente du recueil contre le recours à la maison Baring et Hope pour l'emprunt de 24 millions, aurait proposé à la fin du mois de juillet 1818, en conseil des ministres, de poursuivre les rédacteurs, mesure à laquelle Molé se serait opposé 1~2. Selon la presse, le soixante-treizième cahier aurait été saisi et la Minerve devait cesser de paraître 123. Ce sont des nouvelles qui rejoignent celles sur les dissensions des rédacteurs, mais qui ne laissent pas d'avoir une part de vérité quant aux tracasseries suscitées au recueil par les autorités. On se rappelle l'appui probable prêté par le Ministère pour faire revivre l'ancien Mercure et l'opposer à la Minerve 1~4. Des moyens plus efficaces pour rendre la vie difficile aux rédacteurs se trouvaient dans une législation peu explicite quant au droit du timbre fort élevé que les publications paraissant régulièrement devaient à la direction de l'enregistrement. La presse ministérielle et ultra manquait rarement l'occasion d'inciter le fisc à obliger la Minerve à payer le 118 Cf. Nesselrode, ibid., lettre du 6 mars 1819, dénonçant également l'examen de Tissot de l'ouvrage de Pradt, où la Russie asiatique préfigure un avenir douteux pour l'Europe, v. infra, ch. VII, Politique mondiale. uu Lettre du 3 mars 1819, Haus-Hof-und Staats Archiv, Staatenabteilungen, Frankreich 336. Vincent y cite la menace proférée par Jouy à Rothschild, «Rouen nous offre au besoin un secours de 30.000 hommes ». Nous devons la connaissance de cette lettre à l'obligeance amicale de M. de Sauvigny. l~O Cf. Pasquier, Mémoires cit., loc. cit. m Cf. Etienne, n" 6, M. 1 (9), début avril 1818. 12~ Cf. Etienne, n" 23, M. III (4), fin avril 1818. Pour la question des emprunts, cf. infra, ch. III, le ministère Richelieu. l~a Cf. Etienne, nO' 54 et 58, Post-Scriptum, M. V (13) et M. VI (4), fin avril et mai 1819 et la Gazelle de France, 28 avril. Les Diables missionnaires de Béranger auraient été à l'origine de cette alerte. 1~4 Cf. supra, n. (11).
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droit 1"5. Il est vrai que la Chambre a rejeté un amendement tendant à imposcr aux recueils à périodicité irrégulière la taxe du timbre 126, mais ceci n'a pas empêché les agents du fisc de dresscr un procès-verbal à la parution de chaque nouvcau cahier et de faire pression sur le recueil1~7, ni la presse malveillante de répandre des bruits sur un procès intenté à cet effet à la Minerve 1"8. La Quotidienne poussera son aménité jusqu'à accuser Benjamin Constant, à la date du 24 octobre 1819, d'une transaction avec le ministère des Finances aux termes de laquelle la Minerve aurait été acquittée dc 150.000 francs qu'elle devait à titre de timbre, et pour laquelle la Société des Amis de la presse aurait exclu le célèbre publiciste de ses rangs 129. En niant l'accusation, Lacretelle affirme que c'cst lui qui mènc des pourparlers avec le ministère, mais ricn ne prouvc qu'ils aient abouti. La lutte avec le pouvoir prendra fin lorsque la Minerve aura arrêté son existence dès l'adoption des lois sur la censure. Encore les rédacteurs ne seront pas quitte et auront à payer une amende pour le droit du timbre qu'ils n'ont pas respecté 130. Désormais, Dumoulin peut aiguiser ses Notes historiques pour écrire à la date du 27 mars 1820 sa lettre d'adieux aux abonnés, en attcndant que le CO/lstitutionnel et la Renommée continucnt la lutte ou que les rédacteurs recourent avec d'autres libéraux aux moyens extra-légaux pour faire face au régime d'exception instauré par la réaction. « La note que je viens de tracer terminera la cent-treizième livraison de la Minerve. Elle contient probablement les derniers accens de liberté qu'il nous sera permis de proférer dans un ouvrage qui fut constamment consacré à la défense de la charte, du trône et des droits de la nation. Cependant, si, entourés des chaînes qu'on nous prépare, il nous reste encore quelque voie pour faire entendre des vérités utiles, on peut se reposer sur notre zèle, et, nous osons le dire, sur notre patriotisme, du soin de la découvrir et d'en profiter 131. » Cette voie sera en effet découverte, mais pour peu de temps, sous l'égide de Lacrctelle, devenu libraire. Considérations politiques et morales, Portefeuille politique, Lettres sur la situation de la France, Galerie, Panorama, auxquels ont concouru les rédacteurs, sont destinés à reprendre le dialogue violcnt de la Minerve avec le pouvoir. Ces écrits disparaîtront à 125 Cf. Etienne, n° 5, M. 1 (7), 21 mars 1818. 126 Cf. Saulnit!r fils, M. 1 (12), 23 avril 1818. 127 Cf. ihid. et Procès du timbre, M. IV (3). 19 nov. 1818; cf. également le Journal des Débats, des 19 août et 24 nov. 1818; Shumway. op. cit., p. IR. 1~8 Cf. Etienne, n° 22. Post-Scriptum, M. III (3),20 août 1818; cf. également le Journal des Débats, 28 avril et Shumway, op. cit., p. 16. 1~9 Cf. Lacretelle, Explication sur un article de la Quotidienne, relatif au timbre des feuilles dites semi-périodiques, M. VII (13), fin oct. 1819. 130 Les rédacteurs ont été condamnés sans appel à 13.000 francs d'amende au début d'avril 1820, cf. Le Censeur Européen. Histoire d'un journal quotidien, in Revue des Sciences humaines, 1964, fase. 114, Notes VII, p. 245, n. 125; le Journal des Débats, cil. par Shamway, p. 19. 131 M. IX (9), 27 mars 1820, p. 428 et Des Granges, op. cit., p. 65-66.
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l'exemple de la Minerve et de maints autres recueils de la Restauration. Encore les lecteurs de la Minerve pouvaient-ils se réjouir de l'envoi par les Lettres normandes du onzième volume pour compléter leur abonnement 132.
132 Pour la saisie des brochures éditées par Lacretelle et sa poursuite en justice, cf. notre étude cit., Le Censeur Européen. Histoire d'un journaL quotidien, Loc. cit., Hatin, Bibliographie historique [ ... ] et le CataLogue de L'Hlsloire de France; pour les Lettres /lormandes, cf. l'Avis du t. XI de ce recueil, Hatin et Svetozar Petrie, op. cit., ch. Il, p. 25, reproduisant l'Avis.
CHAPITRE
Il
CREDO POLITIQUE
LES
INSTITUTIONS POLITIQUES.
La philosophie politique des libéraux remonte sans doute à la pensée des Philosophes et des Idéologues, mais elle la dépasse grâce aux leçons de la Révolution ainsi qu'au choc des intérêts et des passions de la Restauration. A l'instar de leurs prédécesseurs, les libéraux recherchent le bonheur, mais ils ne le conçoivent ni comme l'intérêt bien entendu, ni comme la subordination exclusive à la félicité dévorante de la cité. Il est vrai que leurs concepts des droits naturels et de la justice recouvrent des éléments aussi vagues qu'obscurs, mais ils offrent cependant l'avantage de la durée et du consentement universel. Le critère utilitaire de Bentham, loin de constituer une vérité de rechange éprouvée, menace les valeurs consacrées et substitue au sens moral des corollaires pragmatiques, à la notion des droits imprescriptibles une évaluation arbitraire des actions, bref à une conscience morale diffuse une terminologie spécieuse 1. Le bonheur libéral se définit par rapport à l'individu et consiste « dans l'usage le plus complet possible de ses facultés exercées légitimement [ ... ] »2. Cette liberté forme un élément essentiel dans le concept libéral du bonheur. Elle n'est limitée que par les activités individuelles légitimes et elle ne s'arrête que là où le frottement des félicités particulières impose des concessions et des abdications, où le sens de la justice et la conscience des droits dictent des renonciations ou des accommodements. La doctrine hédoniste rejoint de la sorte l'art de gouverner, la morale et la politique se rencontrent pour accorder le plus d'extension possible à l'activité individuelle 3. Elément essentiel dans la constitution du bonheur, la notion de liberté acquiert toute sa puissance par la distinction ingénieuse que Benjamin Constant a établie entre les temps anciens et modernes et dont 1 Cf. B. Constant, De l'obeissance à la loi, M.d.F. IV, 8 nov. 1817, ainsi que De M. Dunoyer, et de quelques-uns de ses ouvrages, in Melanges de littérature et de politique, Paris, 1829. 2 Aignan, c.r. du Cours de politique constitutionnelle de B. Constant, M. IX (8), 23 mars 1820, p. 356. 3 Cf. ibid.
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L'f::CULE LlHÉRALl:: SUUS LA REST. lURA TION
on rl'trouve Je germe chez Voltaire~. Cette distinction fournit par ailleurs la preuve de la diffusion de l'industrialisme qui définit pour l'homme un éventail étendu de toutes ses activités, matérielles aussi bien qu'immatérielles ". La modernité consiste justement dans la variété d'intérêts et de jouissances de l'individu, activités qui ont changé ses rapports avec la cité et transformé son optique du pouvoir. Eléve assidu de l'antiquité, Benjamin Constant est préocupé de bonne heure par les critères distinctifs de la civilisation moderne. De l'esprit de conquête et de l'usurpation contient les éléments d'une doctrine qui trouvera sa mùre expression dans les nombreux écrits qu'il réunira entre 1818 et 1820, sous le titre de Cours de politique CO/lStitutionnelie. L'humanité est toujours à la recherche des richesses, mais les occupations commerciales et industrielles ont rClùplacé les guerres, sources de revenus essentielles de l'antiquité. Si le but reste le même à travers les âges, les moyens et les modalités pour y parvenir ont subi des transformations décisives. Non que les échanges aient fait défaut à l'antiquité, mais le commerce de Phénicie ou de Carthage même fut imprégné de la guerre. Il appartient désormais il l'industrie moderne, dans son acception la plus large, de procurer il de vastes masses humaines une existence confortable. Cette occupation et cette aisance comportent comme conséquences naturelles la paix et la bonne entente entre les peuples arrivés au même nivau de civilisation. Elles relèguent forcément l'intérêt pour les affaires publiques à un plan bien secondaire et confèrent aux travaux et aux plaisirs individuels une primauté incontestable 6. Lc's rédacteurs du Mercure et de la Minerve traduiront les mêmes idées dans des articles les opposant aux partisans de l'ancien ordre de choses 7. Dans la leçon professée à l'Athénée Royal, probablement au mois de février 1819 8 , et recueillie en 1820 dans son Cours de politique constitutionnelle, Benjamin Constant procède à un parallèle pénétrant entre la liberté ancienne ct la liberté moderne, devenu la clef de voùte de la doctrine libérale. La liberté des anciens, selon cette distinction, est fondée sur l'esclavage et se limite aux confins de la cité antique. Elle consiste dans la participation des citoyens aux affaires publiques. Cet exercice collectif de la souveraineté comporte comme envers la dépendance complète de l'individu à l'égard de l'autorité de tous. «Toutes les actions privées sont soumises à une survcil\ance sévère. Rien n'est accordé à l'in-
Cf. Voltaire. Lettrl's philosophiques, lettre VIII. POlir la définition de l'industrialisme cf. nos études, Le Censeur Européen His/oirr d'un journal industrialiste, l, in Revue d'histoire économique ei sociale, l'i5'I, \'01. XXXVII, n° 2, p. 202 sq. et Le Censeur Européen - Histoire d'IITl j01lrnal {1/lOfidirll, in RCI'lIe des Sciences IlI/maines, 19{H, fasc. 114, ch. II. {; Cf. De l'esprit de conquêie [ ... ], 1'" partie, ch. II ; Pensées détachées, M.Li.!'. Il, 14 illin lR17 ; De la liberté des anciens comparée à celle des modernes in COllrs de politique constitutionnelle, ~' éd. Laboulaye, Paris 1812, vol. II; VI' M. DUllo)'er [ ... ]. art. cil. i Cf. p.éx. l"article anonyme, Jadis ci alljourd'hlli, M.d.F. 11, 19 avril 1817; VI' la célébrité et de la gloire, ibid., 24 mai. S .f.-P. Pagés en rend compte au début de mars 1819, M. V (5). 1
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dépendance individuelle, ni sous le rapport des opinions, ni sous celui de l'industrie, ni surtout sous le rapport de la religion.» 9 La liberté des modernes réside dans une activité et une jouissance individuelles extrêmes. Si la souveraineté des modernes est plus apparente que réelle, si les particuliers participent au pouvoir par procuration ou par représentation, et encore en abdiquant la souveraineté, ce n'est que pour mieux garantir la liberté d'action et de jouissance des citoyens. En somme, la liberté politique des modernes trouverait sa motivation dans les libertés individuelles et leur servirait de caution 10. Aignan, en s'attachant comme Pagès à la leçon de Benjamin Constant, dans le compte rendu qu'il consacre au Cours de politique constitutionnelle, conclut que la liberté politique qui était nécessaire aux anciens «comme moyen personnel d'action, ne nous convient plus que comme garantie générale, mais que l'entière liberté individuelle, protectrice de nos affaiœs et de nos plaisirs, nous est aussi indispensable que l'air même, pour nous mouvoir et pour respirer» 11. C'est le mirage de la cité antique qui a amené les philosophes du elix-huitième siècle, notamment Rousseau et Mably, à dépouiller l'homme moderne de sa liberté et à sacrifier son activité comme ses jouissances à une mythique souveraineté collective. Le même mirage, soutenu par l'immense prestige des Philosophes, se retrouve dans les essais révolutionnaires de fonder la nouvelle société sur le modèle des républiques grecques et romaines 12. Il faut à l'ère moderne des libertés modernes qui correspondent à l'évolution de la civilisation. Aucun doute pour le libéralisme que le progrès de la civilisation ne réponde à des impératifs catégoriques de la raison et de la morale 13. C'est là une idée maîtresse de Benjamin Constant que le groupe dé la Minerve partage et qui détermine le credo libéral dans ses élaborations doctrinales comme dans ses prises de position militantes. Le modernisme de Benj am in Constant consiste justement dans l'effort de réduire le mythe d'une collectivité omnipotente et partant d'un pouvoir écrasant aux dimensions de l'individualité agissante 14. Ce sont ces nouvelles dimensions de l'individu qui permettent de mesurer la distance séparant le libéralisme individualiste de la pensée des Philosophes. Le divorce est de la sorte consommé entre l'individu et l'Etat. Les rapports du citoyen et de la cité sont par là redéfinis. A l'individu moderne sont attribués les droits et les privilèges qui avaient été refusés, en règle générale, au citoyen actif de l'antiquité. A la cité moderne n'est reconnu le Douvoir que la cité antique avait exercé qu'en tant que garantie Citation de la leçon de Constant rapportée par Pagès, ibid., p. 209-211. Cf. ibid. 11 C.r.cit., p. 359. 12 Cf. B. Constant, De la liberté des anciens [ ... ], art. cit., in Laboulaye. 13 Cf. B. Constant, Pensées détachées, M.d.F. Il, 24 mai 1817. Les Pensées ont été recueillies dans les Mélanges. 14 Pour une énumération pathétique des libertés individuelles, cf. B. Constant, De la liberté des anciens [ ... l, art. cit., et Pagès, c.r. cit., p. 2\0, où les propos de Constant sont rapportés. 9 10
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et clllHlition nécessaires pour la possession et la jouissance des seules libertés valables, celles de l'Homme. Le sens conféré de la sorte aux libertés individuelles modifie les termes du problème politique. Les questions de souveraineté comme de régillic ne se trou\'ent plus au premier plan des préoccupations de la doctrine lihérale. La souveraineté réside bien entendu dans le peuple et traduit la volonté générale, mais elle ne signifie plus guère l'abdicatil)J1 c!c l'individu entre les mains de l'ensemble. Pour Benjamin Constant, R'lus~cau est un lliauvais et Hobbes un dangereux théoricien politique. Ni le souverain, ni le pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire n'ont le droit d'aliéner les libertés individuelles. L'inaliénation de la souveraineté sous la plu Ille de r~ousseau est un contresens, car la souveraineté se morcelle et se délè,.,;tle dans son application. L'absolutisme envahissant de Hobbes constitue une aberration des plus dangereuses, car il usurpe des droits iJl1pre~criptihles. La tyrannie de la foule ct l'arbitraire de la monarchie ct de l'aristocratie n'ont ricn à voir avec la souveraineté 10. La force ne constitue pas un droit 1<; et la loi même ne saurait prétendre à une universalité d'application. Elle est aussi relative et aussi nécessairement limitée par ks droits de l'individu que toutes les autres émanations de la volonté .c;énérak. Bien mieux, si un régimc viable se caractérise par la soumission aux lois, celles-ci ne sauraient à aucun moment usurper ce qui est inhérent à la nature humaine, ce qui en dernière analyse constitue la souveraineté in:lliénah!e de l'individu. Une tellc déro!,;ation ct une telle violation pourraient, voire devraient légitimer 1:1 rési~tance passive 17. Si la véritable souveraineté sc réduit aux droits de l'individu, il apparaît manifeste que les régimes deviennent indifférents par eux-mêmes ct tirent leur légitimité de 1:1 sauveg:lrde qu'ils assurent aux libertés. La ql1estion politîque se réduit ainsi il la somme de forces dont il faut cloter le pouvoir pour qu'il méne sa mission à bon terme 18. Il Y a dans cette pensc't' L'onstantienne, devenue un lieu commun pour le groupe de la Minerve, lk lJuoi l'apparenter aux idées des protagonistes de l'industrialisme, Charles Comte et Charles Dunoyer, ainsi qu'au positivisme précoce d'Au;.!;uste Comte ln, sans que la doctrine du libéralisme individualiste en ait i:l mêllle rigidité ct en accuse la mêllle intransigeance. A l'encontre de l'industrialisme, le libéralisme ne considère pas le .'~'JUVeiï1ei;lcnt comme un mal nécessaire. Au contraire, le pouvoir, dùment
1;'
Cf. Principes de politiqlll', ch. 1", De la souveraineté du peuple, in Benja-
mill Constilllt : Œlll'res, éd. de La Pléiade. If> L'idl'e dl' J'opposition ('onstante il tra\'ers toute l'histoire entre la force ct la rai,nn l'st exprimée clans les Pcnsées dt'tacln'es de B. Constant, art. cit. et dans Ti";;,,t, cr. de l'ouvrage cie Bignon, Des proscriptiolls, M. VIII (8),27 déc. l81~1 et M. IX (ti et 9), 1~ et 17 mars 1820. 17 CI. B. C(,nstant, De l'olJéissance cl la loi, art. cit. 18 Cf. Oc la sOlll'crllineté, ch. cit. in Principes de politiqlle; le 3' C.r. de l'ouvrage de Lanjuinais, Constitl/tions de la nation française, M. VI (7), 20 jUill 1819, ainsi que Tis.;ot, c.r. de l'ouvrage de La Serve, De la royal/té selon les lois dit'incs répétées, les lois naturelles et la charte constitutionnelle, M. VII (8), 25 sept. l" Cf. Sl/pra, nos études cit., n. 5.
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limité à sa sphère, n'exerce jamais assez son autorité. « La liberté gagne tout à ce qu'il [le gouvernement] soit sévèrement circonscrit dans l'enceinte légitime, mais elle ne gagne rien, elle perd au contraire, à ce que, dans cette enceinte, il soit faible. Il doit toujours y être tout-puissant. » 20 Seulement le pouvoir ne manque jamais d'empiéter sur les attributions qui ne sont pas les siennes. L'arbitraire et les abus ne changent pas de nature sous des régimes différents. La leçon de la Révolution et de l'Empire est d'une évidence probante pour que les libéraux se méfient autant d'une démocratie républicaine que d'un totalitarisme militaire. L'idée de la monarchie gagne par des retours comparatifs sur un passé tout proche, mais nécessite des correctifs radicaux en regard d'une histoire déjà reculée. Il faut la ramener au niveau de l'individu et la dépouiller de ses caractères d'emprunt. Constant ct ses collaborateurs n'ont jamais admis le mythe d'une royauté de droit divin. Ils ont nié catégoriquement l'ingérence de la Providence dans l'organisation temporelle du pouvoir. La sanctification de la royauté par le symbole de l'onction ne constitucrait qu'une preuve manifeste des aspirations théocratiques de l'Eglise 21. Chaque gouvernement ne peut se légitimer que par les garanties qu'il accorde aux libertés individuelles et le législateur doit penser les rouages des pouvoirs publics de manière à résoudre le problème politique. Benjamin Constant l'a dit en 1814 dans ses Réflexions sur les constitutions et il l'a redit en 1815 dam, l'Acte additionnel et dans scs Principes de politique notamment. Il affirmera les mêmcs vérités, imprégnées de la sérénité du détachement, avant-coureur de la mort, dans sa préface célèbre aux Mélanges de littérature et de politique. Ce qui frappe dans la pensée constantienne, c'est la ferme unité de vues auxquelles ont adhéré les libéraux. Il y a identité de conceptions entre les rédacteurs et les collaborateurs de la Minerve. Le système libéral sera entouré en 1830 du halo de la victoire, prestige que les lendemains éloignés du dix-neuxièmc siècle finissant et l'aube luisante du vingtième consacreront. Cependant, elle n'est pas encore acquise, l'évidence, lors de la seconde Restauration, qu'il faille placer les Bourbons au niveau d'une France prodigieusement transformée et non la France dans la lignée d'une race royale ressuscitée. Il a fallu du courage et de la clairvoyance pour affirmer de bonne heure les droits de l'individu et pour réduire la question de la royauté à celle d'un accommodement, d'une formule qui tire sa justification d'une conjoncture donnée et sa force d'un pacte respecté réciproquement. Jamais la théorie du Contract Social du rêveur genevois n'a été appelée à avoir une meilleure démonstration, ni les abstractions géniales de l'Esprit des Lvis un prolongement plus spectaculaire que la mise en pratique d'un pouvoir constitutionnel nettement national. La monarchie bourbonienne est bien admise, sincèrement et loyalemcnt, mais en tant que monarchie constitutionnelle, aussi soumise à la Charte 20 B. Constant, De GodlVin ct de son ouvrage sur la justice politique, M.d.f. Il,26 avril 1817, p. 167. 21 Cf. ibid. ainsi que Jay, cr. de l'ouvrage anonyme, Histoire de Samuel, inventeur du sacre des rois, M. VII (9), début oct. 1819.
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que le re~te de la nation et comme elle pleinement engagée dans un avenir de prospérités bourgeoises. Non que la Charte soit l'expression idéale de la pensée politique et qu'elle ne soit susceptible de modifications. Si Benj amin Constant revient parfois avec nostalgie à l'Acte additionnel 22 et s'il publie écrits sur écrits pour rendre explicites des dispositions majeures que l'élaboration hâtive de la Charte a laissé trop imprécises, il n'en reste pas moins vrai que lui et ses collaborateurs considèrent la Charte comllle la pierre angulaire de la Restauration. La Charte ne serait pas moins indispensable aux Bourbons qu'à la France. Au plus fort des batailles que les libéraux livreront au ministère de Decazes et plus tard au second ministère de Richelieu, ils invoqueront constamment le pacte mutuel liant les Bourbons et la France et mettront en garde la royauté contre les dangers que le trône risque d'encourir en violant la Chartre. On peut aisément concevoir qu'Aignan, Dumoulin, Etienne, Jay, Jouy, Tissot ct même Lacretelle n'aient pas été particulièrement heureux du retour des Bourbons à la première et a fortiori à la seconde Restauration. Si le cas de Benjamin Constant est différent par sa longue opposition à Bonaparte, son adhésion à l'Empire libéral et la part qu'il a prise à l'élaboration de l'Acte additionnel, après la fameuse philippique du 19 mars 1815, l'ont cependant mis dans une position fort délicate. La lecture attentive du Mercure et de la Minerve pour les années 1817-1820 permet toutefois de conclure à une acceptation loyale de la royauté bourbonienne. Avec Lanjuinais, Benjamin Constant pense que la France n'a jamais connu de gouvernement constitutionnel avant 1789, qu'elle avait été livrée ;;oit à des chefs barbares èlectifs, soit à une féodalité aristocratique pillarde, soit à un absolutisme arbitraire de la royauté ~3. La Charte pourrait offrir les garanties souhaitables aux libertés individuelles si la monarchie adoptait résolument le jeu d'institutions prêché par le libéralisme. C'est le caractère contractuel et positif de la Charte qui permet aux libéraux de caresser l'espoir de voir aboutir leurs principes 24. Le libéralisme individualiste assigne à la royauté un rôle considérable dans le jeu institutionnel des pouvoirs publics. C'est le roi qui nomme et qui révoque les ministres. A lui revient également le droit de conférer la pairie héréditaire et d'augmenter, le cas échéant, selon la cunjoncture politique, le nombre des membres de la Chambre haute. L'ajournement des Chambres, la dissolution de la Chambre des députés et la convocation des électeurs lui appartiennent aussi. Les juges sont nOlllmés par le roi et c'est lui seul qui a.le privilège de gracier les condamnés. Les actes décisifs de déclarer la guerre et la paix relèvent de sa compétence, mais n'engagent guère sa responsabilité. La responsabilité et l'irresponsabilité politiques du chef de l'Etat et Je ses ministres acquièrent dans la pensée libérale une importance capi~~ Cf. B. Constant, le 2" c.r. cit. de l'ouvrage de Lanjuinais, Constitutions de la nation française, M. VI (3),23 mai 1819. 23 Cf. le 1" c.r. cit. des Constitutions de la nation française, M. VI (1),
Il
mai 1819. 2·1 Cf. B. Constant, les 3 c.r. cit. de l'ouvrage de Lanjuinais.
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tale. Benjamin Constant a grandement contribué à la distinction entre le caractère inviolable de la royauté et l'engagement responsable des ministres, bien qu'il en fasse remonter l'idée à l'époque de la Révolution et qu'il en attribue la paternité à Clermont-Tonnerre 25. Nul doute que la leçon anglaise et l'héritage du dix-huitiéme siècle n'aient inspiré la pensée politique de la Restauration 26, fortement nuancée par les optiques des partis. Toujours est-il que la responsabilité des ministres permet à Benjamin Constant et à ses collaborateurs de dégager entièrement celle du roi et d'ériger un système parlementaire, appelé tôt ou tard à avoir une prépondérance marquante ~7. Le libéralisme individualiste entend de la sorte conserver à la royauté son caractère d'institution nationale transcendante, planant au-dessus des intérêts et des engagements passionnels et assurant par le mythe de la neutralité la durée ainsi que la stabilitué de la mMarchie constitutionnelle. Une telle conception appiiquée par la branche aînée des Bourbons eût acheminé la France vers un régime présidentiel atténué, sans les bouleversements qui ont marqué son histoire à chaque tournant décisif. L'historien peut s'amuser à refaire des situations irréversibles, mais il doit rendre cet hommage au libéralisme d'avoir préconisé la seule solution valable pour réconcilier le passé avec le présent et pour ouvrir des perspectives de stabilité à des institutions en mal de pouvoir comme en quête de liberté. Ni Benjamin Constant ni ses adeptes n'ont caressé à aucun moment l'éventualité d'un retour aux assemblées terrorisantes de 93, à l'anarchie oppressive du Directoire ou au césarisme botté de Bonaparte. S'ils admettent la Restauration comme un état de fait, il n'en reste pas moins vrai que leur pragmatisme s'élabore vite en théorie et que leur résignation se contente de maigres encouragements pour se convertir en loyauté. Leurs appels pathétiques à Louis XVIII lors des débats passionnés qui ont agité la Chambre après l'assassinat du duc de Berry le prouve incontestablement. La pensée libérale n'est guère explicite quant aux modalités de la responsabilité politique des ministres. Plusieurs tentatives ont été faites pour distinguer cette responsabilité de celle impliquant les délits ordinaires et pour la définir par rapport au chef de l'Etat et des deux Chambres, en réservant aux pairs le jugement des ministres. Mais il faudrait en retenir surtout la leçon qui la définit implicitement par la confiance
25 Cf. Réflexions sur les constitutions, in Cours de politique constitutionnelle, éd. Laboulaye, ch. 1 ; Principes politiques, éd. la Pléiade, ch. Il, De la nature du pouvoir royal dans une monarchie constitutionnelle; v. également dans la même éd. les Observations de Constant sur le discours prononcé par S.E .• le Ministre de l'Intérieur [Montesquiou] en faveur du projet de loi sur la liberté de la presse, où il définit le rôle de la royauté; Aignan, c.r. de l'ouvrage de J. Rey, Préliminaires du droit [ ... ], in Galerie [ ... ], M. VII (5), début sept. 1819,
p. 205-208.
26 Cf. tauration, ration du 27 Cf.
P. Reboul, Le mythe anglais dans la littérature française sous la ResTravaux et mémoires de l'Université de Lille, 1962, ch. Ill, Elabomythe. les ch. cit. des Principes de politique.
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que le parlement accorde ou retire au ministère. Le roi a toute latitude d'ajourner les Chambres ou de dissoudre celle des députés, mais c'est en dernier lieu l'opinion qui fera retenir ou révoquer les ministres par le roi lors de l'épreuve électorale. Il est vrai que la pensée libérale hésite et tâtonne quant à la nomination des ministres. Elle n'est pas encore fixée sur l'avantage de voir les ministres choisis parmi les députés et dépendre étroitement d'une majorité stable. Toutefois, l'élaboration du principe de la responsabilité ministérielle engage la monarchie constitutionnelle dans la voie du régime parlementaire, faisant pencher la balance du côté des députès et endosser aux ministres la responsabilité de tous les actes èmanant du pouvoir exècutif. Bien mieux, cette responsabilité s'ètendra à tous les èchelons du pouvoir. Aucun acte enfreignant les libertés individuelles ne saurait être mis à l'abri de la justice ~8. Les ministres partagent l'initiative des lois avec les deux Chambres. La Chambre haute, par son caractère héréditaire et l'augmentation éventuelle du nombre de ses membres, assure la continuité de l'élite, d'une sorte de noblesse promue à un rôle positif, et constitue un remède efficace contre toute hégémonie turbulente des éléments représentatifs. Le souvenir des assemblées tyranniques de la Révolution et l'expérience d'OutreManche ont sans doute persuadé Benj amin Constant et ses collaborateurs de la nécessité d'un frein constitutionnel auquel la royauté pourrait faire appel lors des crises graves. Par la durée que confère à la pairie l'hérédité, la Chambre haute est appelée à consolider une constitutionnalité que les passions populaires ont trop souvent mise en pièces. La menace d'une démocratie mal assise semble l'emporter dans la pensée libérale sur l'éventualité d'une alliance entre la royauté, le ministère et la Chambre haute. D'ailleurs, la publicité des discussions que les sessions de la Chambre des pairs devraient comporter, l'obligation constitutionnelle pour le ministère d'avoir la confiance des deux Chambres, l'intérêt, enfin, de la royautè de préserver son caractère national et ménager l'opinion devraient con cou rir à doter la monarchie d'une constitutionnalité à toute épreuve :W. Nul doute que la représentation nationale, incarnée par la Chambre des députés, ne constitue, dans la pensée libérale, la pièce maîtresse du mécanisme constitutionnel. Elle a certes ses limites, dues à une société singulièrement cem;itaire et qui confond volontiers les vertus de la possession avec les droits d'une citoyenneté à parts entières. Si Benjamin Constant se révèle là aussi un précurseur clairvoyant en considérant la 28 Cf. Principes de politique, ch. IX, De la responsabilité des ministres; ch. X, De la déclaration que les ministres sont indignes de la confiance publique: ch. XI, De la responsabilité des agells inférieurs; ch. XIII, Du droit de paix et
de guerre. Cf. également Ti5sot, C.r. de l'ouvrage de J. Ch. Bailleul, Sur les écrits de M. Benjamin Constant relatifs à la liberté de la presse et à la responsabilité des ministres, M.d.F. IV, 15 nov. 1817; le c.r. cit. de l'ouvrage de La Serve, De la royauté 1... ), M. VII (8); B. Constant, De la responsabilité des ministres dans la proposition des lois, M. VIII (6), 13 déc. 1819. 29 Cf. Principes de politique, ch. IV, D'une assemblée héréditaire et de la nécessité de ne pas limiter le nombre de ses membres.
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propriété comme une convention sociale et non comme un droit imprescriptible, il n'en reste pas moins vrai que le libéralisme a puissamment concurru avec l'industrialisme du Censeur Européen et de Saint-Simon à la transformer en droit sacro-saint. Non que les libéraux n'aient envisagé d'étendre le droit de vote et d'agrandir le pays légal. Ils prévoient l'ère où le progrès de l'insdustrie assurera une promotion sociale rapide à des couches sociales de plus en plus importantes. Ils l'affirmeront lors des débats orageux sur le projet électoral restrictif de Decazes. Pagès semble même regretter ces restrictions censitaires par trop rigoureuses et vouloir les compenser par une participation générale à tous les échelons de la vie locale 30. Telle quelle, cette conception limitée de la représentation, assigne une place prépondérante à l'industrie et attribue aux députés non rémunérés un rôle capital dans la vie politique du pays. Porte-parole de l'opinion, c'est à la Chambre des députés de sanctionner les actes budgétaires du gouvernement ainsi que les autres actes législatifs. C'est par là qu'il est donné aux députés de veiller sur les intérêts du pays et de défendre les libertés individuelles contre tout empiètement du pouvoir. Les contacts entretenus entre les électeurs et les élus, les pétitions qu'ils adressent aux Chambres et les réclamations de la presse constituent d'excellents moyens pour confirmer les députés dans leur rôle national. Si la royauté est l'incarnation de l'unanimité nationale, de la durée comme du prestige du pays, la représentation nationale en traduit les forces vives, les divergences d'opinions comme d'intérêts, et surtout, elle s'identifie avec la civilisation en marche. Elle rejoint la royauté par la pondération et la stabilité de la Chambre des pairs. A la conception déjà traditionnelle d'un régime limité par le jeu subtil des contrepoids dont la séparation et l'articulation concourent à lui donner un caractère statique, se substitue une doctrine qui légitime la monarchie par sa constitutionnalité et qui en assure la vitalité par le déplacement du centre de gravité des pouvoirs publics vers la Chambre. Les contrebalancements abstraits des pouvoirs se redressent et s'activent ainsi grâce à la primauté accordée à l'opinion que la représentation nationale est appelée à exprimer 31. L'opinion publique, bien que limitée à la classe des possédants, bénéficie par là même de la solidité attachée aux intérêts des propriétaires. Ceux-ci se trouvent aux avants-postes de la civilisation, car la propriété, rehaussée par l'immense prestige dont l'entoure la bourgeoisie ascendante, est marquée par la mobilité qui caractérise les échanges commerciaux ainsi que les spéculations financières, et tire grandement parti des vastes perspectives ouvertes à l'activité nationale par l'essor industriel. Le sentiment aristocratique de Benjamin Constant se rendra à l'évidence de l'association étroite entre l'industrie et la liberté pour Cf. J-P. Pagès, De l'organisation municipale, M. VII (1), 7 août 1819. Cf. Principes de politique, ch. V, De l'élection des assemblées représentatives ; ch. VII, De la discussion dans les assemblées représentatives; ch. VIII, De l'initiative; Extrait traduit d'un ouvrage d'Edmond Burke, intitulé: Traité ou réflexions sur les partis en Angleterre, M.d.F. 111, 2 août 1817. 30
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prdérer la pr,)priét0 cOlllmerciale et industrielle à la propriété foncière. L'èXpélicncc électorale a vite fait de convaincre les rédacteurs de la Mi/lerl'e que le~ vertus de la possession terrienne étaient peu propices à une cause qui avait partie liée avec l'industrie 3~. N'ent été la Charte qui traduit un état de fait - la transaction entre la vieille lIlonarchie et la nouvelle France - , le libéralisme aurait sans doute préféré que la Chambre se renouvelât intégralement tous les cinq ans, permettant ainsi aux intérêts et aux partis de s'affronter dans un dilllat d'effervesœnce politique universelle. Il ne saurait cependant adniettre que les modifications décisives de quelques-unes des dispositions Illajeures de la Charte permettent au parti ministériel et aux ultras de renf()rcer leurs positions au prix des maigres concessions faites aux principes libéraux. Le sens pragmatique des libéraux peut se contenter des victoires enregistrées annuellement lors des élections pour les cinquièmes sortants, sans que soient introduits des changements qui bouleverseraient la Charte et par là les assises du régime tout entier 33. Par ailleurs, le libéralisme accepte les conditions d'élections et d'éligibilité spécifiés par la Charte et se fait volontiers à l'idée d'un sens électoral extrêmement limitatif. II tient aux élections directes dans les chefs-lieux des départements conllne il s'efforce de mettre à l'abri de l'action du pouvoir la nomination des présidents aux collèges électoraux. Il pense par là réduire les pressions et les manigances électorales et ménager à la bourgeoisie la victoire sur les intérêts et les survivances féodales 34. La séparation du pouvoir judiciaire des autres pouvoirs publics est devenu grâce à Montesquieu un lieu commun. Cependant, l'indépendance du corps judiciaire, à force de subir les contaminations de la corruption temporelle, ga;.;ne à être proclamée de nouveau et mérite par conséquent une place de choix dans les élaborations doctrinales du libéralisme. Si le pouvoir judiciaire ne bénéficie pas dans la Charte d'une formulation clairc 3il, les libéraux n'en persistent pas moins à professer la leçon de Montesquicu, en recourant toutefois à leur expérience comme à l'exemple :l~ CL P,incipes de politique, ch. VI, Des conditions de propriété. B. Constant est revenu sur son attachement aux propriétés foncières et il a remanié sa position dans la 2" éd. de ses Réflexions sur les constitutions, ch. VlI, Des droits politil/ues, in Cours de politiiJue constitutionnelle, éd. de Laboulaye. Cf. également B. Constant, Session des Chambres, M. V (2), début mars 1819, où il dame son //lea culpa en revenant sur la doctrine pl1ysiocratiquc pour élargir l'uptique terrienne ct conférer la primauté à l'indllstrie ; v. de Constant égaIement, Des rapports de ta grande propriété avec nos institutions, M. VI (9), 5 juillet 1HI9 (art. repris dans les Mélanges. De III division des propriétés foncières) et Du développement progressif des idées religieuses, in Mélanges (remaniement de l'art. la Religion, Paris, 1826, extrait de l'Encyclopédie progressive) et la Préface des Mélanges; v. aussi Aignan, De la propriété industrielle, M. V (9), 2 avril 1819. 3;\ CL B. Constant, De l'inviolabilité de la charte, M. VlIl (4), 27 nov. 1819. :H CL Principes politiques, ch. V, cit., De l'étection des assemblées représen-
latives. ;{Ci CL P. Bastid, Les /flstitutions politiques de la monarchie parlementaire franïaise, Paris, 1954, 2" partie, ch. VI, l'organisation constitutionnelle de la justice.
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anglais et américain 86. Une justice équitable implique son indépendance et par là l'inamovibilité des juges. Cette nécessité ne devrait pas étonner sous des régimes où l'inamovibilité était des plus mobiles et où la dépendance de la judicature était aussi étroite que celle de la législature. Toutefois, l'indépendance et l'inamovibilité judiciaires ne suffisent pas. La justice devrait être déterminée par des principes explicites qui fixent son organisation comme sa procédure et qui surtout passent l'éponge sur les législations arbitraires, antérieures à la Restauration. Toute procédure d'exception constitue une négation flagrante des droits individuels. Ni cours prévôtales, ni commissions rogatoires, ni conseils militaires expéditifs 37. Les terreurs révolutionnaires et anti-révolutionnaires ont fourni abondamment de preuves quant à l'arbitraire et à la prévarication des organes préposés à la sauvegarde de la justice. Le Conseil d'Etat que la Restauration a repris à son compte, sans l'inscrire dans son acte fondamental, suscite lui aussi la vive opposition du libéralisme qui tient à séparer les attributions judiciaires des fonctions administratives et à rendre la justice imperméable à la corruption du pouvoir 38. Avec Bérenger, les rédacteurs de la Minerve seraient même disposés à supprimer les tribunaux correctionnels et à ne laisser à la discrétion de la police que de bénignes infractions 39. Que les jugements pour des délits et des crimes soient portés devant un jury et que le juge d'instruction et ses collègues, chargés de décider s'il y a lieu d'instruire le procès, soient remplacés par un jury d'accusation - institution que la Restauration n'a pas renouvelée - , voilà un ensemble d'éléments destinés à faire réaliser une justice équitable et à associer la partie éclairée de la nation à une de ses fonctions essentielles 40. L'instruction d'un procès par le jury d'accusation et la condamnation par le jury de jugement devraient aller de pair avec une procédure qui supprimerait la délation comme l'espionnage, les rigueurs excessives et les détentions arbitraires, et surtout le recours à la torture ou au secret 41. La nomination des jurés devrait être soustraite à l'autorité et aux manigances des fonctionnaires. Les libéraux penchent pour le tirage au sort des candidats, choisis sur les listes des électeurs avec le concours de la population politiquement déshéritée. C'est par la création d'aristocraties de plus en plus nombreuses que le libéralisme espére combattre le spectre de la « démocratie populaire» et le :JO Cf. E. [Etienne?), c.r. de l'ouvrage de Ricard (d'Alauch), De l'instituélon dl! jan' en Franc,' et en Angleterre [ ... ), M.d.F. Ill, 6 sept. 1817; Aignan, Sur un point de jurisprudence de la cour d'assises de Paris, M.d.F. IV, 27 déc., et son le. c.r. de l'ouvra~e de Bérenger, De la justice criminelle en France [ ... j, M. Il (4),24 mai 1818. a7 Cf. Principes de politique, ch. XIX, Des garanties judiciaires et Aignan, c.r. cit. 38 Cf. ibid. et Aignan, c.r. de l'ouvrage anonyme: Dl! conseil d'état envisagé comme conseil et comme juridiction dans notre monarchie constitutionnelle, M. 1 (13), fin avril 1818 et de l'ouvrage de Sirey, DIl conseil d'état selon la charte constitutionnelle, M. VI (12), 24 juillet 1819. 39 Cf. Aignan, c.r. cit. de l'ouvrage de Bérenger. 40 Cf. E. et Aignan, c.r. cit. ainsi que Pagès -- DIl jury -- M. VII (Il et 12), 17 et 23 oct. 1819. 41 Cf. E. et Aignan, c.r. cit.
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cauchemar de la féodalité, Faire concourir les non-électeurs à la désignation des candidats, c'est réduire l'opposition à l'égard des classes riches ct enlever à la noblesse sa clientèle traditionnelle, Faire nommer, le cas échéant, les juges de paix selon le même procédé, c'est renforcer les attaches du pays aux institutions censitaires 42. Par définition, le libéralisme n'affectionne guère les vastes machines de guerre, véritable fléau pour une civilisation que l'essor comlllercial ct industriel destine à la paix et au bien-être 43. Les souvenirs de l'âge héroïque de la Révolution et des fastes napoléoniens comme le spectre de l'Ancien Régime n'ont pas permis au libéralisme, composé d'éléments hétérogènes, de dégager une politique aussi nette à l'endroit de t'armée que celle que l'industrialisme pacifique du Censeur Européen a élaboré dans ses recueils. Considérant la Révolution et t'Empire COlllme parties intégrantes de l'histoire nationale, le libéralisme, s'il réprouve le césarisme napoléonien, cherche à dissocier les gloires militaires du despotisme de Bonaparte et fait la part belle aux impératifs d'une guerre dictée à la France par une Europe réactionnaire 44. Il faut se pénétrer de l'attitude des rédacteurs de la Minerve qui ont vécu à des titres divers la Révolution ou l'Empire pour comprendre leur refus de renier une histoire nationale prodigieuse au nom d'un passé mythique ou d'accepter un culte monarchique douteux qui a partie liée avec les adversaires de la France. C'est pourquoi le libéralisme individualiste ne passe pas condamnation sur les armées permanentes. Il ne va pas aussi loin que d'adopter le plan que Tarayre a conçu pour adapter les forces armées à l'évolution des régimes constitutionnels. D'après la conception de Tarayre, l'armée se fonderait sur la bourgeoisie active dont la garde nationale, divisée en sédentaire et en active, doublée d'une force d'observation et appuyée sur un système de fortifications en profondeur pourrait assumer la défense du pays à l'extérieur et l'ordre à l'intérieur 45. Sans apporter dans ce domaine des vues révolutionnaires, le libéralisme concède la nécessité d'une armée de ligne permanente alors qu'i! confie l'ordre intérieur courant à la gendarmerie et les troubles graves à la garde nationale 46. Avec la représentation nationale censitaire, la garde nationale semble constituer dans la pensée libérale l'épine dorsale du régime, reprenant la tradition révolutionnaire incarnée par La Fayette et sauvegardant les intérêts de la bourgeoisie par ses fils dévoués. La garde nationale confiée aux propriétaires offre un autre avantage, celui d'enlever par là ses
42 Cf. Aignan, 2" cr. de l'ouvrage de Bérenger, M. Il (7), 15 juin 1818, où il examine également les brochures de Cottu et de Berton. V. aussi Pagés, art. cit., n. 30. 4:; Cf. Aignan, cr. de la brochure de Tarayre, De la force des gouvernemClls 1... ], M. V (4), 25 fév. 1819. H On peut s'en faire une idée par la profusion des ouvrages traitant des campagnes militaires de la France entre 1792-1815 et dont le général Th. Beauvais s'est fait le critique dans le Mercure. 4" Cf. Aignan, c.r. cit. -16 Cf. Prillcipes de potitique, ch. XIV, De j'organisation de la force armée
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état collstitutionnel.
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cohortes prolétariennes à la féodalité périmée 47. Par aiIIeurs, la garde nationale devrait répondre à la conception du libéralisme qui cherche dans les détails de son programme à constituer un réseau puissant de barrières contre l'envahissement du pouvoir. Les officiers seraient élus par la même bourgeoisie privilégiée et Paris pourvu d'une organisation considérable 48. Enveloppée et contrebalancée par tout un faisceau de rouages subtils, le pouvoir voit son autorité rognée par des institutions rivales et par les limites apportées à son organisation militaire. La réclamation d'autonomies locales constitue un autre élément latent pour limiter la juridiction du pouvoir. C'est l'un des thèmes obsédants qui reviennent constamment sous la plume des rédacteurs de la Minerve comme sous cel1e des auteurs du Censeur Européen. Augustin Thierry n'est pas le seul à avoir cherché à la servitude féodale et à ses projections sur le présent des compensations retrospectives dans un passé communal glorieux et des prolongements pleins de promesses dans un essor libertaire réservé aux provinces. Le libéralisme peut aisément indiquer les périls d'une concentration gouvernementale et administrative excessive et les dangers d'un Paris immense qui tend à faire confondre, par son activité dévorante, le pays tout entier avec sa capitale. La décentralisation s'impose logiquement non pas à l'exemple du fédéralisme révolutionnaire avorté, ni à celui d'une Al1emagne dangereusement morcelée, ni même selon la confédération réussie des Etats américains. La France devrait se refaire à l'image de son passé et reprendre une tradition des plus riches. En attachant ses citoyens aux intérêts, aux institutions et aux prestiges de ses provinces, el1e assurera une continuité savoureuse et recréera de grands centres d'intérêts aux miIIe activités variées. Là aussi il appartiendra aux électeurs bourgeois d'assumer les rôles des maires, des conseiIIers communaux et des conseiIIers d'arrondissement ou de département, avec un large éventail d'attributions. La conscience des responsabilités sera partagée par les non-électeurs qui apporteront leur concours à la désignation des dépositaires de l'autorité locale. Le pouvoir ne jouira que d'un droit de regard par la présence d'un délégué du roi 49. L'échafaudage politique du système des forces et des contre-forces ne se légitime que par le maintien des droits individuels. Tout le long de sa carrière, la Minerve défendra la liberté individuelle, le droit de ne pas être arrêté arbitrairement en violation des lois et des formes, et s'élèvera contre les rigueurs révoltantes et le mépris de la vie humaine 50. Fidèle à 47 Cf. A. de Lameth, Considérations sur l'organisation de la garde nationale, M. VII (6), 13 sept. 1819. 48 Cf. ibid. 49 Cf. Principes de politique, ch. XII, Du pouvoir municipal, des autorités locales, et d'un nouveau genre de fédéralisme; Pagès, De l'organisation municipale, M. VII (I et 3), 7 et 21 août 1819; Jouy, c.r. des Mémoires de Charles Dupin sur la marine [oo.], M. III (4), fin août 1818. 50 Cf. supra, n. 14; Aignan et E., c.r. cit. des ouvrages de Bérenger et de Ricard ainsi que les Principes de politique de Constant, ch. XVIII, De la liberté individuelle.
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la leçon de Voltaire, elIe ne néglige aucunement la liberté des consciences et l'égalité de tous les cultes devant la loi. L'auteur protestant de De la Religiun et ses collaborateurs ont tenu la tolérance en matière de foi et le respect de toute croyance pour le principe déterminant d'une spiritualité valable 51. L'école constantienne ne néglige pas non plus l'enseignement de l'industrialisme. ElIe ne renoncera jamais à faire figurer parmi ses revendications une grande marge de liberté pour la propriété sous toutes les formes de sa réalisation. Il est vrai que la propriété n'existe légalement qu'avec la société et qu'elle paie son tribut aux garanties en contributions. Elle ne saurait par conséquent être assimilée aux autres droits de l'individu. Elle est cependant en droit de réclamer contre les impôts excessifs et les emprunts vertigineux. Il lui appartient de s'élever contre les manipulations fiscales douteuses, les dévaluations et les déflations, les banqueroutes partielles ou totales. Il est de son droit d'exiger que la cité observe dans ce domaine les règles qui déterminent les rapports commerciaux et industriels des individus 52. Les libertés modernes se réduiraient cependant à peu de chose si la liberté de l'expression n'était pas assurée. Faculté maîtresse de l'homme, occupation et jouissance à la fois, la liberté de se faire imprimer est autant un privilège de l'individu qu'une garantie essentielle pour la sauvegarde de ses prérogatives. C'est à la liberté d'écrire que revient le rôle de surveiller les agissements des autorités à tous les échelons. C'est aux journaux et aux brochures à propager la parole des députés et à soumettre les exigences de l'opinion à l'attention des pouvoirs publics. Le modernisme des rédacteurs de la Minerve se retrouve dans la guerre intransigeante qu'ils mènent, avec le Censeur Européen 53, en faveur d'une liberté qui conditionne l'agencement du régime constitutionnel tout entier. Il faut avoir présents à l'esprit les combats menés par les libéraux en 1820 pour empêcher l'entérinement du projet restrictif de cette liberté pour se rendre compte de la grande importance qu'ils y attachent. Ils ne se lassent pas d'égrener leurs revendications, réclamant une liberté en51 Cf. Principes politiques, ch. XVII, De la liberté religieuse; B. Constant, réponse à une lettre anonyme, M.d.F. I. le, fév. 1817 ; Bénahen, Autre tableau de mœurs, M. 1 (8), fin mars 1818; Jay, c.r. de l'ouvrage d'Aignan, De l'état des protestans en France [ ... 1, M. II (1,4 et 6), 6, 24 mai et 10 juin; B. Constant, Réflexions [ ... ] sur la même brochure, M. 1\ (3), 20 mai; Jay, c.r. de la 4' éd. de l'ouvrage anonyme [Daunou], Essai historique sur la puissance temporelle des papes, et sur l'abus q1l'ils ont fait de leur ministère spirituel, M. III (12), 21 oct. ; Pagès, c.r. de la Chronique religieuse, recueil destiné à propager la tolérance, M. IV (8), 26 déc. 1818, et c.r. du Mémoire historique de Martin Rollin sur l'état ecclésiastique des protestans français depuis François 1" jusq1l'il Louis XVIII, M. IV (11), 1.J. jam'. 1819; Jay, La religion, où est-elle?, M. V (Il), III avril; B. Constani, De la religion et de la morale religieuse, M. V (12), 20 avril; Aignan et Jay, c.r. de J'ouvrage de J'abbé Tamburini, Vraie idée du Saint-Siège. M. VII (3 et 10), 21 août et 9 sept. ; Aignan, c.r. des Annales protestunles, M. VIII (Il), 15 janv. 1820. fi~ Cf.PriTlcipes de politique, ch. XV, De l'inviolabilité des propriétés, la Préfuce cit. des AI élunges ; Aignan, De la propriété industrielle, art. cit. ; B. Constant, Des rapports de la grande propriété avec nos institutions, art. cit. G3 Cf. nos études cit., n. 5.
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tière pour les écrivains et les imprimeurs, demandant qu'on assimile les délits de presse aux infractions ordinaires, quitte même à aggraver les peines pour les calomnies et les appels à la révolte, exigeant la suppression de la censure et des entraves qu'un pouvoir prévaricateur s'ingéniait à multiplier. Le libéralisme se fait l'apôtre d'une politique indulgente qui jugerait l'œuvre des écrivains d'après les intentions manifestes 64. Avec le concours d'une presse libre, le libéralisme individualiste pense avoir érigé un système positif ingénieux de forces actives qui garantissent les libertés en limitant la juridiction du pouvoir. C'est un équilibre dynamique qui vient se substituer aux contrepoids statiques de Montesquieu. Non que les historiens des idées n'arrivent à détecter dans l'échafaudage du libéralisme des failles qui annoncent la ruine et qui remettent en question le système tout entier. Mal définis sont les rapports de la royauté avec le ministère ou avec les deux Chambres. Aussi peu éclairés sont les rapports des pairs avec les députés que leurs rapports à l'égard du gouvernement. Les problèmes judiciaires n'ont pas été mieux clarifiés que les autres questions épineuses de la constitution. Ne voilà-t-il pas de quoi discréditer la philosophie politique d'un libéralisme révolu et de quoi alimenter toutes les déceptions d'un vingtième siècle en quête de stabilité 55? Benjamin Constant, précurseur étonnamment clairvoyant, et les collaborateurs du recueil à sa suite n'ont jamais prétendu régenter l'avenir jusqu'à ses moindres détails et suggérer des solutions adéquates pour tous les âges. Personne mieux que Benjamin Constant n'était conscient des limites de l'humaine condition. Le modernisme constantien peut donner le change aux historiens par des abstractions dont l'universalité semble ignorer le temps comme l'espace. S'il a promu en certitudes les exigences de l'individualité moderne, c'est que tout le système politique du groupe constantien n'est là que pour conférer aux libertés de l'Homme le prestige incomparable de la durée. Cependant, Benjamin Constant ne se lassera pas d'insister sur les transmutations aussi impérieuses que fortuites des régimes et des institutions. L'expérience et la sagesse éclairent une évolution qui, contrainte de faire la part belle aux apparences illusoires d'une collectivité dirigée, tend à sauvegarder tout ce qui rend 54 Cf. Principes de politique, ch. XVI, De la liberté de la presse; également de Constant, De la liberté des brochures, des pamphlets et des journaux considérés sous le rapport de l'intérêt du gouvernement, Paris, 1814, dans l'éd. de la Pléiade, et ses Observations cit. sllr le discours de S.E. le Ministre de l'Intérieur [ ... ] ; Lacretelle c.r. de la 2· éd. de l'ouvrage de B. Constant, Observations sllr la législation de la presse en France, M.d.P. Ill, 19 juillet 1817; Tissat, c.r. cit. de l'ouvrage de Bailleul, Sur les écrits de M. Benjamin Constant relatifs à la liberté de la presse et à la responsabilité des ministres; Robert Townson, extrait reproduit du Voyage en Hongrie, Délibérations des Universités d'Ambaujvar et de Bihar, sur la liberté de presse, M.d.P. IV, 6 déc. 1817 ; Esménard, c.r. de l'ouvrage de Ricard (d'Allauch), Du jury et du régime de la presse sous un gouvernement représentatif, ibid., 20 déc. 55 Cf. D. Bagge, Les idées politiques en France sous la Restauration, Paris, 1952, p. Partie, ch. 1", Les libéraux, surtout p. 87-92 et les ouvrages indiqués dans la bibliographie.
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la vie digne d'être vécue. L'essentiel n'est-il pas de partir d'un état de fail pour l'améliorer, de ce qui est vers ce qui devrait être 56? INDUSTRIALISME ET CLASSES SOCIALES.
L'industrialisme des rédacteurs de la Minerve ne se propose pas de rétlrganiser la société pour mieux assurer la division du travail ou la répartition des richesses. L'économie politique de Say confirme des droits que la Révolution avait consacrés et que la bourgeoisie entend conserver. La participation au pouvoir de la « classe intermédiaire» est le fait de la Révolution, mais ce sont des réalités promues par la bourgeoisie au rang de principes évidents que la Charte contractuelle a naturellement sanctionnés. La féodalité privilégiée devrait céder la place au privilège du mérite. 11 est facile de le reconnaître au signe d'une propriété prodigieusement transformée. Jouissant de l'égalitè juridique, l'homme issu de la Révolution ramène la législation au niveau des mutations sociales. Ce qui fut une faveur ou une concession sous l'Ancien Régime devient grâce à ces modifications la prérogative de la bourgeoisie possédante. A elle revient le droit de faire nommer des élus à la représentation nationale. C'est elle qui retiendra les postes de commande dans la garde nationale et qui lui fournira ses légions fidèles. Officiers et soldats lui sauront gré de la glorification nationale du passé révolutionnaire et impérial 57 ainsi que du principe antiféodal de la conscription et de l'avancement fondé sur l'ancienneté 58. La judicature et le barreau détachés du pouvoir sont à elle et devraient pratiquer une politique qui est la sienne 59. A elle également seront les jurés et les juges de paix. Qui mieux que les bourgeois seraient en mesure cI'assumer la clirection des communes, des conseils d'arrondissement comme de département? Qui mieux que les penseurs et les littérateurs cie cette classe ascendante pourraient donner la mesure d'une civilisation aussi opposée à la féodalité périmée qu'angoissée par le spectre cI'une démocratie envahissante 6O? La clientèle traditionnelle de l'oligarchie terrienne pourrait être placée clans l'orbite des pros"U Cf. B. Constant, les c.r. cit. de l'ouvrage de Lanjuinais, Constitutions de la nation francaise. Evoquant l'Acte additionnel que Lanjuinais loue, Constant dit: "Tel était [ ... ] cet acte additionnel, qu'il serait inutile d'ailleurs de comparer, 50it a\'ec le5 constitutions précédentes parce qu'elles n'existent plus, soit avec la wnstitution actuelle, parce qu'elle existe. Or, comme l'a dit un homme qui a combattu avec courage le despotisme naissant, et qui n'a jamais servi le despotisme consolidé [Daunou], la meilleure constitution est celle qu'on a, pourvu qu'on l'observe. » (M. VI (3), 23 mai 1819, p. 119.) Pour un fin jugement sur la philosophie constantienne, cf. C. Bouglé, La philosophie polItique de Benjamin Constant. Revue de Paris, 1914. 1\. Cf. supra, n. 44. r,8 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 7 juin 1817. Les libéraux accorderonf un appui sans réserve au projet de loi sur le recrutement soumis aux Chambres par Gouvion Saint-Cyr en 1819. :;u Cf. Aignan, De la propriété industrielle, art. cif., où il rend compte de la brochure anonyme, De la propriété considérée dans ses rapports avec les droits poliru/ues. 611 Cf. Pagès, supra, n. 30 et 40.
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pérités mouvantes par la prolifération d'aristocraties bourgeoises et le concours de la population déshéritée à la désignation des autorités locales. L'essentiel, c'est de combattre le mythe comme la réalité d'une propriété foncière conservée intacte entre les mains d'une caste et qui lui confère des droits politiques. A l'affût de tout changement dans la loi électorale qui garantirait aux anciennes et aux nouvelles aristocraties un pouvoir excessif de représentation, Benjamin Constant s'élève contre les substitutions et les majorats, contre la notion d'une propriété héréditaire statique. L'ère moderne tendrait au morcellement et à la mobilité des propriétés. La même liberté que le libéralisme réclame pour ses droits individuels devrait être assurée à la propriété. Il serait insensé de perpétuer des majorats dans un pays où la terre avait été intimement liée à l'oppression. Si la grande propriété a été associée Outre-Manche aux conquêtes libertaires, elle est en France le symbole d'une féodalité révoltante 61. En remontant les sentiers de l'histoire, on peut recueillir l'héritage des Physiocrates et y opérer les correctifs industrialistes nécessaires. Le grand mérite de Turgot est d'avoir démoli l'identification entre les féodaux et la terre, mais l'erreur de l'Ecole fut de rattacher l'impôt exclusivement à la terre et de limiter par là les droits politiques à la possession foncière 62. La doctrine des Physiocrates est bien révolue à l'ère de l'industrialisme. La terre ne saurait à elle seule supporter tous les impôts et pour éviter le paupérisme d'Outre-Manche, il serait préférable d'imposer tous les revenus et d'alléger les charges de la consommation 63. Un économiste de la trempe même de Garnier, s'est laissé prendre au mythe terrien au point de proposer la substitution de nouvelles aristocraties bourgeoises aux aristocraties périmées de l'Ancien Régime 64. Le libéralisme, sans renoncer à la terre comme signe de propriété - le recueil appellera de ses vœux l'achèvement du cadastre pour assurer une répartition plus équitable de l'impôt 65 - , tend de plus en plus à mettre en valeur les facultés toniques de la fortune commerciale et industrielle. Les idées contenues dans la brochure - De la propriété considérée dans ses rapports avec les droits politiques - dont la paternité reviendrait de tout droit à Roederer 66. attestent la large diffusion de l'industrialisme et le rôle considérable que les publicistes se plaisent à réserver dans la vie politique aux professions libérales. Sous l'égide de la propriété industrielle toute-puissante sont également rangés les talents de l'homme qui pense. C'est l'industrie qui aurait aboli l'esclavage en Europe, fondé les républiques en Italie et conquis les libertés en France 67. Propriété industrielle 61 Cf. art. cif. 62 Cf. 63 Cf. 64 Cf. 65 Cf. foncier et 66 Cf. 67 Cf.
B. Constant, Des rapports de la grande propriété avec nos institutions, Agnan, supra, n. 59. Bénaben, M. 1 (II), 19 avril 1818 et B. Constant, supra, n. 32. Bénaben, ibid., M. 1 (II). Aignan, c.r. de la brochure de Lerebours, De la répartition de l'impôt du cadastre, M. 1 (3), 20 fév. 1818 ; Bénaben, M. 1(4), fin fév. ibid.
ibid.
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et progrès sont synonymes. Le législateur ne saurait aménager l'ordre politique sans faire appel aux forces actives de la société. Les rédacteurs de la Minerve se font un plaisir chaque fois que l'occasion se présente de payer leur tribut d'hommages à une propriété « qu'on peut appeler la législatrice et la bienfaitrice du genre humain 68 ». Les mêmes idées sont mises en avant lorsque le libéralisme applique son optique aux faits qui sollicitent son intérêt. L'exposition de l'industrie française dans les salons du Louvre rénové, inaugurée le 25 août 1819, provoque chez les rédacteurs un hymne de victoire. Ils montrent la France triomphant du monopole de l'Angleterre par des prouesses dans la production des tissus de coton, de laine, de chanvre ou de lin et dans la reprise non moins spectaculaire des soieries de Lyon. Que1le occasion rêvée pour s'étendre sur toute la gamme des productions textiles et pour mettre en valeur les manufactures des Ternaux, Perrier, Richard-Lenoir, Oberkamf, Jouy, Koëchlin, Gros, Davilliers, Roman et combien d'autres! Ces manufactures semées un peu partout dans le nord, dans l'est, à Paris, à Lyon et dans le midi témoignent de l'effort immense de la bourgeoisie audacieu~e. A Chaptal, ancien ministre de l'Intérieur sous le Consulat, revient le mérite d'avoir contribué avec d'autres à l'introduction et au perfectionnement des machines de tissage. Les chiffres de l'ancien ministre sur la production manufacturière que le recueil cite, constituent un témoignage probant quant ou rôle efficace de la bourgeoisie dans le relèvement de l'économie 69. La classe bourgeoise mérite également de la reconnaissance pour les efforts qu'elle déploie à assurer la subsistance de Paris par une compagnie de prévoyance. Il est vrai qu'Alexandre de Lameth a des doutes sur le projet de Ternaux, bien qu'il réponde aux principes de la libre circulation des grains et que le grand économiste Say ait été consulté à ce sujet. Le libéralisme répugne à toute forme de monopole et à toute concentration de moyens susceptibles de mettre en danger la liberté du commerce 70 ainsi qu'il flétrit toute velléité suspecte de rétablir à Paris les maîtrises et les jurandes 71. Il déplore la stagnation du commerce français ct recommande vivement son extension par de nouveaux débourhés. C'est un devoir pour lui que de s'associer aux réclamations de Laffitte aîné contre le refus opposé par le ministère de la Marine de concourir au projet d'une expédition commerciale et scientifique dans les Indes, proposé par six sociétés françaises 72. Le colonialisme s'accorde mal, il est vrai. avec les principes industrialistes, mais la France ne saurait supprimer le peu de possessions qui lui restent, ni limiter les crédits
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Aigllan,De la propriété industrielle, M. V (9), 2 avril 1819, in fine.
ou Cf. Tissot, Sur l'exposition des produits de l'industrie française, M. VII (5
et 9), début sept. et oct. 1819, ainsi que Dumoulin, M. VII (5). 70 Cf. A. de Laemth, Economie politique, M. VI (4), fin mai 1819. 71 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 27 sept. 1817 et M.d.F. IV, 18 oct. et le. nov. 72 Cf. Bénaben, M. 1 (11), 19 avril et Correspondance, M. Il (5), début juin 1818; le Mercure avait accueilli avec faveur la restitution à la France de la Guyane, Bénaben, M.d.F. III et IV, 27 sept. et 25 oct. 1817; reprise de Chandernagor et de Pondichéry, M.d.F. III, 2 août.
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affectés à la gestion de ses colonies. Au contraire, elle se doit de redoubler d'activité et de dénoncer l'accaparement du commerce par l'Angleterre, en Espagne, au Portugal, dans l'Amérique espagnole et dans les îles 73. Le libéralisme ne badine pas avec la liberté ni avec les intérêts de la finance française. Il combat avec véhémence le recours du gouvernement aux maisons Baring et Hope pour hâter la libération du territoire 74. S'il préconise l'appel à toutes les ressources volontaires du pays, suceptibles d'apporter le concours nécessaire à la libération, il ne laisse pas de protester contre des souscriptions obligatoires aux rentes de l'Etat 75 et contre toute augmentation du nombre des agents de change à Paris 76. Chaque discussion du budget lui servira d'occasion pour s'élever contre les impôts écrasants, contre les pensions inutiles et l'affectation de sommes considérables au maintien des régiments suisses 77. L'essor du commerce et de l'industrie comporte sans doute la plus large mesure de liberté. L'idéal aurait été de supprimer les prohibitions et les taxes sur les matières importées, mais le système universel en vigueur oblige la France à suivre les mêmes voies. Il appartient au pouvoir cependant de réduire les droits sur les produits importés 78. L'obligation des 600 boulangers parisiens d'acheter aux autorités des farines avariées à un prix élevé, celle de 10.000 pharmaciens d'acheter un nouveau codex medicamentarius, ou les chicanes suscitées à des marchands en gros de liqueurs par une régie qui se plaît à les considérer comme marchands en détail trouveront auprès des rédacteurs des apologistes déterminés des droits du commerce 79. Le libéralisme ne badine pas avec le crédit non plus et se fait l'interprète des anciens créanciers bonapartistes pour que le gouvernement intervienne en leur faveur auprès des Alliés. Les obligations particulières devraient être respectées de part et d'autre et si la France s'est engagée par les traités des 30 mai 1814 et 20 novembre 1815 à rembourser des sommes énormes, il faut que le paiment des dettes contractées par l'étranger à titre privé soit aussi scrupuleusement assuré 80. Il va sans dire que le recueil défend le droit des colons des îles de Bourbon et de France de récupérer les sommes qu'ils avaient prêtées à l'Etat ainsi que celui des créanciers juifs alsaciens à l'endroit de l'Alsace. Les rédacteurs s'empressent aussi d'appuyer le sursis demandé par les colons de SaintCf. Saulnier fils et Pagès, M. \II (8), et M. IV (4), 27 sept. et 28 nov. 1818. C'est une critique qui revient souvent sous la plume des rédacteurs, cf. infra, ch. \II, Le Ministère Richelieu. 75 Cf. Pagès, M. II (II), 15 juillet 1818. 76 Cf. Etienne, n° 28, M. III (10), 10 oct. 1818. 77 Cf. Bénaben, Pétition des rouliers et voituriers d'Avignon pour ~tre exemptés d'impôts, Session des chambres, M.d.F. IV, 6 déc. 1817; Aignan, c.r. de la brochure de Lanjuinais, Des dépenses .et des recettes de l'état pour l'an 1818, et du crédit public, M. 1 (3), 22 fév. 1818. 78 Cf. ibid. 79 Cf. Bénaben, M. 1 (7), 21 mars 1818 ; Pagès, M. IV (4), 24 nov. et M. IV (5),6 déc. ; lettre-réponse de la régie, M. IV (7), 19 déc. 80 Cf. Pagès, M. III (8), 27 sept. 1818; Etienne, ilo 28, M. III (10), 10 oct. 73 74
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Domingue alors qu'ils refusent toute prorogation aux dettes des émigrés Ml. Le concept libéral de la liberté est tel que les rédacteurs préféreraient voir l'usure éliminée par le jeu naturel de l'offre et de la demande, grâce au développement du crédit et du système bancaire, que réduite en apparence à force de décrets 82. La même optique suscite chez eux des éloges pour les compagnies d'assurance et un accueil bienveillant à l'emprunt lancé par la ville de Paris afin de faire face à ses obligations S3. La critique de l'action ou de l'inaction du gouvernement en matière d'économie alterne parfois avec des louanges lorsque le pouvoir opère des économies par la fusion malencontreuse des forêts avec celle de l'enregistrement ou par la suppression de plusieurs emplois dans la trésorerie, les ministères de la guerre et de la marine 84. Les recueils réservent un accueil chaleureux aux primes accordées à l'industrie manufacturière 85, aux défrichements de terres que les autorités encouragent 86 ainsi qu'à la construction de barrages sur l'embouchure de la Somme 8,. Non contents de voir le gouvernement condamner vigoureusement l'exploitation honteuse des naufragés par leurs sauveteurs affamés, les rédacteurs demandent que la Bretagne soit secourue par le développement des industries locales 88. Le Mercure et la Millerve - le premier recueil notamment - se font un devoir d'enregistrer les belles perspectives d'une agriculture qui bénéficie du beau temps 89 et qui fait des progrès notables dans la culture de la pomme de terre 90. La baisse comme la hausse des prix du blé sont enregistrés en même temps que les troubles provoqués dans plusieurs provinces par la cherté du pain 91. Les orages et les ravages subis par la culture, notamment celle de la vigne, sont décrits scrupuleusement, parfois poétiquement, à côté des primes et des encouragements distribués aux cultures de rechange D". Dans l'ensemble, le concert d'éloges et de critiques à l'adresse de l'agriculture, du commerce et de l'industrie se plaît à assimiler toutes les '1 Pour les sommes dues aux colons de l'lle-de-France et de l'Ile Bourbon, cf. Bénaben et Pagès, M. 1 (10) et M. Il (12), 12 avril et 21 juillet 1818; pour les créanœs des luifs d'Alsace, Bénaben, M. 1 (.t), fin fév. ; pour le sursis demandé par les colons de Saint-Domingue, ibid. "~ Cf. Bénahen, M.d.F. Il, 31 mai, dit son contentement d'une nouvelle loi qui. apportant un correctif à la législation de la Révolution, sacrifie le droit de la propriété à la liherté individuelle; Pagès, De l'usure, M. III (1), 5 août 1818. '" Cf. Bénahcll, M.d.F. Ill, 23 août 1817. S4 Cf. ibid. et M.d.F. Il, 24 mai 1817 et M.d.F. IV, 22 et 29 nov . .,~, Cf. ibid., et M.d.F. IV, 20 sept. 1817. Hli Cf. Bénaben, M.d.F. III, 6 sept. et M.d.F. IV, 15 oct. 1817; Etienne, n° 6, M. 1 (9), début avril. 1818. " Cf. Bénaben, M.d.F. IV, Il .oct. 1817. " Cf. Bénaben, M. 1 (5),7 mars 1818. H" Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 17 mai et 14 juin et M.d.F. IV, 29 nov. 1817. !IO Cf. ibid., M.d.F. IV, Il et 18 oct. 1817. 01 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 31 mai et 14 juin 1817 ; M.d.F. IV, 8 nov. \!2 Cf. ibid., M.d.F. Il,31 mai 1817 et M.d.F. IV, 18 et 25 oct.
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conditions sociales aux catégories privilégiées de la bourgeoisie censitaire. Certes, les publicistes libéraux manquent rarement l'occasion de se pencher sur l'immense misère d'un pays soumis à l'occupation et au remboursement des indemnités de guerre. Mais il ne s'agit là que d'un rappel à l'ordre du gouvernement comme de l'Europe, sans que l'évocation des souffrances du pays détermine la moindre distinction explicite de la condition des classes déshéritées. Les recueils sont hautement conscients des vertus agissantes de la bourgeoisie qu'ils identifient volontiers avec les valeurs morales tout court. L'égalité est en somme une abstraction juridique et les réalités sociales se chiffrent globalement par l'essor et la stabilité d'une France qui gagne à la comparaison avec les pays qui ont renversé l'Empire 93. C'est un tableau comparatif qui est souvent évoqué par les publicistes et qui compose un motif puissant pour chanter les bienfaits de la monarchie constitutionnelle et pour dire les mérites d'un engagement loyal dans les chemins bourgeois de l'avenir. Mais pas plus que l'industrialisme du Censeur Européen et les recueils de Saint-Simon, le libéralisme individualiste ne va pas au delà d'une préfi'guration de la science sociale. Les activités multiformes de la bourgeoisie constituent le premier comme le dernier terme de sa pensée sociale. L'optique sociale du libéralisme individualiste est aussi limitée que le sont les droits politiques qu'il revendique pour ses fidèles. Lors des pérégrinations imaginaires de l'Ermite de la Guyane à travers les provinces pittoresques de la France, Jouy déroulera les mêmes tableaux réalistes et rendra partout le même hommage dithyrambique à une classe qui associe aux virtualités d'une civilisation en marche les vertus patriotiques d'un proche passé glorieux 94.
LA RELIGION.
Pour l'historien futur de De la religion et pour ses collaborateurs, la tolérance en matière de foi constitue une des pierres de touche de la validité du régime constitutionnel. Non que les préoccupations protestantes de Constant et les prolongements doctrinaux du groupe de Coppet se trouvent exclusivement à l'origine d'un enseignement qui tend à séparer l'Eglise de l'Etat. Une étude approfondie de la Religion de Constant éclairerait sans doute un système qui voit partout une évolution libérale possible, une perfectibilité virtuelle tendant à s'affirmer à travers l'histoire tourmentée de l'humanité et dont la religion de par ses racines, ses ramifications et sa portée fournirait la preuve la plus tangible. Il n'entre pas dans notre propos d'accorder aux idées religieuses de Constant des développements étendus qui dépasseraient le cadre de notre étude. Cependant, en matière religieuse comme en matière politique, la leçon constantienne se reconnaît aisément. Les deux domaines se mêlent 93
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Cf. p. ex. Bénaben, M.d.F. II, 14 juin 1817. Cf. infra, ch. VI, Propagande et faits divers.
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d'ailleurs et se pénètrent trop intimement pour que les transpositions ne soient pas manifestes. Le génie du Christianisme s'inscrit malgré la date de sa publication dans un mouvement de recul vers un passé tout proche que la Restauration royaliste pourra reprendre à son compte sans trop de peine. Le sectarisme fougueux de Lamennais rejoint le laxisme de Chateaubriand pour combattre le dix-huitième siècle philosophique et ses prolongements protestants et libéraux. Les positions adverses s'éclairent par l'accent qu'on met respectivement soit sur le terme Monarchie soit sur le qualificatif Constitutionnelle. Les partisans de la royauté nourrissent l'optique d'un passé éblouissant, où trône et autel ont concouru ensemble à la béatification des âmes. Les adeptes de la constitutionnalité professent une liberté qui fait miroiter aux yeux de ses fidèles un avenir où le spirituel sera réduit aux dimensions de l'individu et où le temporel se contentera d'en assurer la jouissance. Les engagements militants du libéralisme individualiste à l'endroit des actes décisifs ou fortuits de l'Eglise ne laissent pas de dégager une philosophie de la religion qui se transforme en histoire pour décrier la renaissance de la temporalité catholique ou pour malmener par la même occasion les alliances suspectes entre les partisans de l'absolutisme et les militants d'une religion dominatrice. Pour faire pièce à l'impérialisme universel du catholicisme, le libéralisme invoque le sentiment intérieur qu'il considère comme immuable tout le long des métamorphoses nombreuses des diverses religions. Non que l'opposition du sentiment religieux aux institutions temporelles de l'Eglise signifie un recours perspicace à un argument utilitaire, dicté par la conjoncture. C'est justement par cette invocation que les positions d'actualité se transforment dans les recueils en une vision philosophique et que la distinction constantienne entre le sentiment et les formes, esquissée dans les Principes de politique 95, trouve ici sa confirmation 96. Il est vrai que la distinction ne sera rendue tout à fait explicite que dans l'ouvrage De la religion 97, mais les articles publiés dans le Mercure et dans la Minerve tendent à glorifier le sentiment intérieur comme élément capital qui précède toute organisation cultuelle et qui se retrouve dans toutes les religions alors que les manifestations matérielles de la spiritualité changent sans cesse. Il est curieux de noter à quel point Constant comme Chateaubriand a du mal à renoncer aux matériaux qu'il avait accumulés au cours de ses longues pérégrinations. Les admirateurs d'Adolphe constateront avec plaisir la récurrence des mêmes périodes lors de la définition du sentiment Cf. ch. XVII, De la liberté religieuse. Cf. B. Constant, réponge à un correspondant, M.d.F. l,1 er fév., ainsi que son C.r. de l'Eloge de Saint Jérôme, M.d.F. Il, 31 mai 1817; Pagès, c.r. de la Chronique religieuse, M. IV (8), 26 déc. 1818; Jay, art. en réponse à Lamennais, La religion où est-elle ?, M. V (11), 16 avril 1819; B. Constant, art. en réponse aux tentatives d'introduire dans la législation pénale relative à la presse les atlt!intcs contre la morale et la religion, De la religion et de la morale religieuse, M. V (12), 20 avril. D7 Cf. les ch. 1 et Il du Livre premier dans l'éd. de la Pléiade. 1J5
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CREDO POL/TIQUE intérieur 98 ainsi que la répétition des mêmes idées et des mêmes phrases pour décrire le déclin de la société antique ou le passage du polythéisme à la pureté de la primitive église 99. C'est par cette évolution que Constant peut démontrer l'écart qui existe entre les institutions périmées et la nécessité d'aménager de nouvelles formes pour un sentiment religieux toujours existant. La même progression prouve la distance qui sépare le pouvoir des institutions révolues et son intérêt à les maintenir. Chateaubriand a eu tort de dresser un parallèle spécieux entre un merveilleux païen qui n'existe plus et un christianisme anachronique. Il eût fallu montrer le polythéisme miné par la philosophie, combattu par l'indifférence, dégradé par la superstition et, d'autre part, la résurrection de l'humanité par une religion d'abnégation et de détachement, de courage et de dévouement. " Cette lutte du théisme, non pas contre le polythéisme, car le polythéisme n'existait plus en réalité, mais contre des formes vieillies qui ne commandaient aucun respect, et que l'autorité, bien qu'elle eût pour but de les maintenir, ne pouvait s'astreindre à ménager; cette lutte, dis-je, serait le sujet d'un ouvrage dont rien encore à ma connaissance, ne donne l'idée. » 100 Le chantre du Génie du Christianisme a faussé l'histoire en opposant la religion de Bossuet au culte plein de vigueur d'Homère. Peutêtre sera-t-il donné à l'historien futur du Polythéisme romain de combler cete grave lacune? L'avenir imprévisible ne s'est pas laissé déchiffrer par Constant. L'auteur passionné de questions religieuses ne s'est jamais douté de l'oubli profond dans lequel tombrerait l'œuvre de sa vie. Il est triste le sort qui apparente la Religion, ne serait-ce qu'à titre de parente pauvre, à la fortune révolue du Génie du Christianisme. Toutefois, soit affinités, soit éloignements, le fait notable à enregistrer est cette vision de la religion qui la replace au cœur même des crises décisives de l'humanité pour montrer la confrontation des valeurs stables aux phénomènes éphémères. A lire attentivement l'article qui relate ici comme ailleurs chez Constant la lutte du théisme contre les vestiges pourris du polythéisme, on dirait que la guerre déclarée par le déisme voltairien aux dogmes et à la superstition se renouvelle tout entière dans l'évocation du polythéisme expirant 101.
98 Cf. supra, II. 95 et Constant, art. cit. dans la n. 96 ainsi que le l or ch. cit. dans son ouvrage, De la religion. Mather, dans son introduction au Polythéisme romain, donnera à la fin une longue citation de Constant relative au sentiment religieux. 09 Cf. B. Constant, c.r.cit. de l'Eloge de Saint Jérôme; son art., Aperçus sur
la morale et les révolutions de la philosophie à Rome (Extrait d'un ouvrage inédit), M. 1 (13) et M. Il (2), fin avril et 14 mai 1I118 (art. recueilli dans les Mélanges); le 2' ch. cit. de l'ouvrage De la religion; Christianisme, Paris, 1825; Religion, Paris, 1826; Du développement progressif des idées religieuses (in Mélanges) ; Des causes humaine qui ont concouTIl à létablissement du christianisme (in Mélanges). 101) C.r.cit. de l'Eloge de Saint Jérôme, p. 406. 101 Cf. ibid. Pour des études détaillées de la religion de B. Consant, cf. les ouvrages de P. Deguise, Benjamin Constant méconnu, Genève, 1966 - ct H. Gouhier, Benjamin Constant, Pari,;, 196n.
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Les collaborateurs de Constant n'ont certes pas eu la même vue grandiose de l'antique spiritualité. Fin lettrés, formés à l'école romaine et grecque, inspirés vivement par l'œuvre voltairienne, ils se font volontiers à un système sommaire qui éclaire le renversement du polythéisme romain par la corruption des institutions religieuses et l'enracinement de l'Evangile par l'accord entre les aspirations profondes de l'humanité et le nouveau message 102. La distance est cependant grande qui sépare le sentiment religieux des rédacteurs des impératifs rationnalisants de Voltaire. Nul doute que Jouy, jay, Aignan ou Etienne, Lacretelle et même Constant n'aient toujours puisé aux riches sources du patriarche de Ferney. La Restauration atteste d'un redoublement considérable du prestige voltairien. Le Mercure comme la Minerve en portent un témoignage enthousiaste. Mais la spiritualité de Constant, et à son exemple, bien qu'à un degré nettement moindre, celle de ses collaborateurs, répugne aux assimilations des principes par trop faciles, axiomes que Voltaire et les Philosophes ses adeptes ont claironnés avec bonheur 103. La spiritualité constantienne prend des accents qu'aucune religiosité mystique et qu'aucun panthéisme poétique ne renieront. « Celui qui regarde comme des erreurs toutes les espérances de la religion, doit être plus profondément ému que tout autre de ce concert universel de tous les êtres souffrans, de ces demandes de la douleur s'élançant vers un ciel d'airain [ ... J.» 104 Source inépuisable de consolations pour le malheur, la religion est de toutes les émotions la plus naturelle. Elle est associée à la perception de l'immensité comme de la solitude, à l'enthousiasme débordant ainsi qu'à la conscience extatique du devoir. « [ ... ] tout ce qui soulève au fond de notre âme les éléments primitifs de notre nature, le mèpris du vice, la haine de la tyrannie, nourrit le sentiment religieux.» 105 Le sentiment religieux est proche parent de toutes les passions élevées: de l'amour, de la soif de gloire, du besoin de dévouement, de la mélancolie. Si toutes ces passions poussent l'homme à renoncer à ses intérêts habituels, à s'écarter des impératifs d'une vie routinière, le sentiment religieux, de par son désintéressement et de par sa durée, se transforme vite en dépassement qu'aucune autre passion ne saurait atteindre. C'est dans la puissance émotive que Constant trouve les virtualités agissantes de l'homme moral et c'est par là qu'il éclaire des mobiles qui restent mystérieux pour l'intelligence, mais qui permettent à l'homme de se réaliser dans le dépassement, dans l'ennoblissement de ses impulsions et de ses actes. On croirait que Constant identifie la religion, réduite à ses éléments primordiaux, avec la morale. Toujours est-il qu'il s'est refusé avec ses collaborateurs à considérer la religion comme un élément pratique, destiné à renforcer les dis-
102
Cf . .Iay, La religion, où est-elle ?, art. cit. et son 3' c.r. de l'ouvrage d'Ai-
{{nan, De l'état des protestans en France depuis le seizième siècle jusqu'à nos
Jours [... ], M. Il (6), ID juin IRI8. C'est à la fin du c.r. que Jay reproduit le plaidoyer d'Aignan en faveur de la religion. 103 Cf. R. Pomeau, La religion de Voltaire, Paris, 1956. 104 De la religion et de la morale religieuse, art. cit., p. 584. 105 Ibid., p. 585.
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positifs légaux des forces de l'ordre 106. Il est vrai que la religiosité se prête mal à une définition satisfaisante. Elle peut à la rigueur se décrire à l'aide de rapprochements et de projections. Comment définir «avec précision cette partie vague et profonde de nos sensations morales qui par sa nature même défie tous les efforts du langage? Comment définiriez-vous l'expression d'une nuit obscure, d'une antique forêt, du vent qui gémit à travers des ruines ou sur les tombeaux, de l'océan qui se prolonge au-delà des regards? Comment définiriez-vous l'émotion que vous cause les chants d'Ossian, l'église de Saint-Pierre, la méditation de la mort, l'harmonie des sons ou celle des formes? Comment définiriez-vous la rêverie, ce frémissement intérieur de l'âme où viennent se rassembler et comme se perdre, dans une confusion mystique, toutes les puissances des sens et de la pensée? » 107. L'indifférence en matière de religion des philosophes ne se nourrit pas d'elle-même, mais traduit davantage une réaction violente contre la corruption extrême du sentiment religieux. L'alliance bâtarde entre la religion et le pouvoir, la matérialisation de la foi en une tyrannie despotique a dressé contre elle de tout temps les hommes rebelles à l'emprise de l'autorité sur les âmes. C'est le manque de liberté qui tue la religion et c'est par la liberté qu'on pourra la raviver. La liberté religieuse devrait s'accorder aux institutions de l'ère moderne qui figurent le nouvel Evangile de l'humanité 108. La solution esquissée par Constant et Jay réside justement dans la séparation entre l'Eglise et l'Etat et dans le devoir qui incomberait aux diverses communautés de subvenir aux besoins de leurs pasteurs 109. Il appartient à la société de préserver la pureté du sentiment religieux pour le bien des individus et de la société. Toute dérogation à ce principe déterminant de la spiritualité ramènerait les maux qui ont affligé l'humanité dès que la primitive église tourna le dos à une doctrine d'amour et de pauvreté pour se vouer aux corruptions de la temporalité. L'ouvrage anonyme de Daunou - L'Essai historique sur la puissance temporelle des papes et sur l'abus qu'ils ont fait de leur ministère spirituel - de même que la traduction de l'ouvrage de Dom Pierre Tamburini de Brescia - Vraie idée du Saint-Siège - répondent tous les deux à la même préoccupation. La réunion des glaives temporel et spirituel, fondée sur toute une série d'usurpations et sur les fausses décrétales, a été aussi funeste au pouvoir laïque qu'à la religion 110. C'est l'organisation temporelle de l'Eglise et les prétentions des papes, notamment celles de Grégoire VII, à une théocratie universelle qui se trouvent à l'origine des guerres qui ont opposé le Saint-Siège à la chrétienté. Les abus exorbitants, la soif de pouvoir et d'argent dont a fait preuve la papauté Cf. B. Constant, réponse cit. à un correspondant. De la religion et de la morale religieuse, art. cit., p. 587. 108 Cf. Pagès, c.r. cit. de la Chronique religieuse; )ay et Constant, La religion, où est-elle? et De la religion et de la morale relIgieuse, art. cit. 109 Cf. B. Constant, réponse cit. à un correspondant et Jay, art. cit. 110 Cf. Pagès, c.r. cil. de la Chronique religieuse. 106
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expliquent l'immense révolution du seizième siècle aux conséquences lointaines que le dix-neuvième à ses débuts n'a pas encore épuisées 111. La réforme marque justement cette révolte inévitable contre les formes qui ont vicié foncièrement les véritables idées de la religion. Le retour au sentiment religieux que Luther avait prêché répondait à l'aspiration infinie de ses contemporains et la victoire qu'i! avait remportée sur des forces en apparence insurmontables témoigne de la portée de cette vérité. Si la réforme schismatique favorisa dès ses débuts le jeu des forces politiques, elle n'en était pas moins un puissant et constant motif de rénovation spirituelle pour l'Eglise catholique 112. La constitutionnalité n'a que faire du pouvoir temporel des papes. Ayant refusé l'absolutisme monarchique au nom de la liberté, elle trahirait sa cause si elle admettait la résurrection des doctrines ultramontaines et leur aboutissement sous la Restauration. Que la papauté se confine dans son rôle strictement spirituel et qu'elle se soumette aux lumières et aux décrets des conciles nationaux 113 1 Le libéralisme individualiste ne se lassera pas de dénoncer une alliance contre nature entre le pouvoir civil et le pouvoir spirituel. Documents en mains et chiffres à l'appui, il dénombrera les ravages perpétrés en Espagne par l'Inquisition et l'impasse dans laquelle s'est engagé un grand pays par l'emprise d'une théocratie sans rémission 114. Si l'opposition des rois et des parlements avait valu à la France les prestiges des libertés gallicanes 115 et la sagesse du chancelier de l'Hospital la tolérance de l'édit de 1561 1l6, il faut imputer à la papauté, à la maison d'Autriche et à leurs adeptes en France la politique néfaste qui avait provoqué les guerres de religion ll7. C'est l'action des Jésuites et des partisans de l'absolutisme qui éclaire la révocation de l'Edit de Nantes. Quel acte de folie que celui qui a dépeuplé la France d'un nombre considérable de ses citoyens les plus actifs et qui a vu ses voisins s'enrichir des rescapés d'un malheureux pays! Que dire de la mauvaise foi, des spoliations et des horreurs qui ont accompagné la Révocation et qui auraient légitimé par anticipation les actes insensés de la Terreur 118 ? 111 Cf. .Iay, C.r. de la 4" éd. de l'ouvrage anonyme de Daunou, M. III (12), ::'1 oct. 181H. 112 Cf. ibid. 113 Cf. Ai~nan, cr. de l'ouvrage de TamburinÎ, M. VII (3), 21 aoùt 1819 ; Jav, Du pouvoir des papes consacré au même ouvrage - , M. VIII (10), fi j;ll1\'. 1820 . . III Cf. Aignan. cr. de l'ouvra!.(e de D. Jean-Antoine L1orente, Histoire critique de l'inquisition d'Espagne [ ... l. trad. en 3 vol., M.d.F. III et IV, 20 sept et 6 déc. 1817. 11" Cf. r,énahen, Autre lab/t'au de mœttrs, M. 1 (8), fin mars 181R. 1!6 Cf. .lay. 1" cr. cit. de l'ouvrage d'Aignan, Dr l'état des protestans 1"1 France llC{JlIis 1" seizièml' siècle jlIsqlI'à nos jours [ ... ], M. VI (1), 6 mai 1818, l i , Tout le développement sur le protestantisme est fondé sur le c.r. cit. de .la::. y ;lÎouter les de~lx autr'èS parties, M. Il (4 et Il), 24 et 10 juin 1818; cf c'ga\enll'nt Aignan, C.r. des Allnales protestanles, M. VIII (11), 15 janv. 1820. 1 h D. Constant a volé au secours de son collègue Aignan que la presse I,)vali~te a malm~né à la suite ùe son parallèle entre les horreurs de la Révo,:!::OI1 et c~lIes de la Convention. Constant insiste sur les misères des protestants
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Il faudra attendre la croisade de Voltaire et de ses élèves contre l'intolérance et à la fin du siècle l'action de Malesherbes, de Turgot, de Rulhière et de La Fayette, pour voir les protestants bénéficier en France d'un régime moins rigoureux. La Révolution à ses débuts a su replacer la religion sur ses véritables bases et accorder à tous les cultes une entière liberté d'exercice. Cependant, le régime concordataire de Bonaparte a enlevé à la réforme française sa liberté de discipline intérieure 110 et la Terreur Blanche a repris à son compte les crimes de la Ligue et des confesseurs de Louis XIV. Ce n'est que par une optique nettement nationale, axée sur les libertés reconnues explicitement par la Charte que les protestants pourraient remplir à part entière leur rôle de citoyens actifs 120. Le caractère contractuel de la Charte peut faire admettre aux libéraux le catholicisme comme religion d'Etat, à condition que la liberté des autres cultes soit préservée. « Si la nature du gouvernement monarchique exigeait une religion d'état, la nature du gouvernement représentatif exigeait une religion tolérante. » 121 La transaction entre les forces opposées du passé et du présent, laisse entière la liberté pour chacun de professer la religion qui est sienne. Cette liberté devrait aller de pair avec le souci d'accorder l'Eglise favorisée avec les institutions de la Restauration et de sauvegarder les mêmes principes dans son organisation temporelle. Le passé n'est pas uniquement celui d'une union rêvée entre le trône et l'autel. Le désir de donner ses libertés à l'Eglise gallicane s'exprime déjà dans la pragmatique de Charles VII et dans la longue résistance des parlements au concordat de 1516. L'indépendance de l'Etat ainsi que la nécessité d'insuffler à la vieille Eglise de France un esprit libéral prescrivent aux deux Chambres une politique d'opposition à toute résurrection de l'ancien COlllme du récent concordat 122. dont plus d'un million auraient émigré (Aignan cite le chiffre de plus d'un demimillion). Il repousse par ailleurs 'Ie reproche de républicanisme dont les ultras taxent les protestants, en montrant les réformés sous tous les régimes comme sujets et citoyens zélés. Cf. Q1Ielques réflexions sur la brochure de M. Aignan, de l'état des Protestans l'n France, et sur des critiques dirigées cOlltre cette brochure, M. II (3), 20 mai 1818. uu Cf. Pagès, c.r. cit. du Mémoire historique, adressé au ministre de l'Intérieur par le pasteur Martin Rollin, sur l'état ecclésiastique des protestans français [ ... ), M. IV (II), 14 janv. 1819. 1~O Pour soustraire les enfants protestants à l'action de l'Eglise, B. Constant soutient la pétition réclamant des écoles séparées, M. V (3), 19 fév. 1819. 1"1 Bénaben, M. 1 (8), fin mars 1818, p. 392. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre l'intérêt que les rédacteurs ont attaché au jugement de la Cour de Cassation dans l'appel interjeté par les protestants de Vaucluse, de la Drôme et de la Lozère que des trihunaux inférieurs ont condamnés pour avoir refusé d'orner et de tapisser les devantures de leurs maisons lors des processions; B. Constant rendra hommage au plaidoyer d'Odilon Barrot et à l'esprit tolérant de la Cour de Cassation dans le jugement en appel du protestans Roman, Tribunaux, M. IV (4), 28 nov. 1818; c'cst dans le même esprit que Constant a défendu la callse de la minorité juive, Tribunaux, M. III (12),21 oct. 122 Cf. ibid. ; quant aux bruits sur la conclusion du concordat, cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 23 août 1817 ; Pagès, M. IV (12), 23 janv. 1819; Etienne, n° 71, M. VII (6), 13 sept. ; protestation de Pie VII, devenue déjà tradition, contre l'occupation d'Avignon et du Comtat Venaissin, Pagès, M. li (8), 23 juin 1818.
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Le libéralisme individualiste ne fait pas mystère de ses engagements. L'alliance entre les ultras et les ultramontains incarne les anciennes accointances entre le despotisme et la papauté. Pis encore, le clergé dépossédé préfère l'appui de Rome à la protection de la royauté 123. Les Jésuites qui renaissent partout pour se ressaisir de l'éducation et reprendre leur ancienne politique antinationale ainsi que les sociétés secrètes et les missions qui couvrent le sol de la France concourent tous à la réalisation du même programme: le retour à l'Ancien Régime. C'est aV2C: acharnemcnt que Ics rédacteurs flétrissent les Jésuites, évoquent leu r passé, leu r associent des personnalités de marque et insistent sur leur essor inquiétant, malgré les lois en vigueur 124. Decazes, par souci de rapprochement avec les ultras, semble accorder sa haute protection à une dangereuse restauration de l'Eglise. Partout se multiplient les missions, accompagnées d'un appareil de superstition révoltant, de cantiques chantés sur des airs galants, d'actes d'expiation et de plantations de croix auxquels s'associent en grande pompe les autorités civiles et militaires et la garde nationale 125. Cette recrudescence d'une foi douteuse ne va pas sans troubles et suscite parfois des luttes avec les autorités de l'Eglise 126 ou avec les autorités laïques, comme ce fut le cas à Brest, où ces dernières furent sévèrement rappelées à l'ordre par Decazes 127. Plus inquiétante sans doute est l'attitude des pasteurs de l'Eglise qui tonnent contre la Révolution 128, font pression sur le Roi pour qu'il passe outre à l'opposition des Chambres relativement au Concordat 129 ou se déclarent contre la liberté de la presse 130. Que l'Eglise l23 Cf. Etienne, nO' 52 et 54, M. V (10 et 13), 10 et fin avril 1819. Dans le 52, Etienne annonce l'ouvrage anonyme, De la liberté religieuse. 1~{ Pour une campagne 4' historique» contre les jésuites, cf. Tissot, c.r. de l'tllIvrage de Georgcl, Mémoires pour servir à l'histoire des él'hzcmens de la fin dll dix-huitième sihle depuis /760 jusques l'n /810. M. Il (10) et M. III (6 et 13), 1:'. Îuillet, 15 >iept. et 28 oct. 1818; sur les activités des jésuites, cf. Pagès, .\1. îv (·n, 2H nov., M. IV (8). 26 déc., M. IV (12), 23 janv. 1819; Leftre anonyme sl:r lcs RR. PP. jésuites, M. V (4), 25 fév. ; jouy, Les missionnaires en France, M. V (9 et 13), 2 et fin anil ; Dumoulin, M. VII (5), début sept., M. VII (13), fin oct., M. VIII (3), 21 nov. ; Etienne, n° 79, M. VIII (1), 8 nov. ; Jay, DIl systhne des missions. M. VIII (4), 27 nov. 1819; jouy, Dialogue des vivC/ns L'I des Il''
morts (Sur la frontière des dellx mondes). L'abbé Menll [Lamenais], le père Laine! [LaÎné] ct le père Escobar, M. IX (1), fi janv. 1820. l~C, jouy, l'Ermite de la Guyane, dans ses pérégrinations dans le FranL~, ne se fera pas faute de relever l'activité des mis~;ionnaires,
Midi de la M.d.F. IV, -loct. lHI7 ; M. 1 (10),12 avril 1818, M. Il (3,9 et Il),20 mai, début et 15 juillet, .I\t V (]2), 20 avril 1819 et M. VI (11), 18 juillet. Etienne, nO' 43, 44, 54 et 79, M. V (l, 2 et 13) et M. VIII (l), 5 et 14 fév., fin avril et 8 nov. 1819. l~t; Cf. Etienne, n" 44 cit., M. V (2). l~, Cf. Etienne, n" 79 cit., M. VIII (1). 1"' Cf. Etienne, n" 54 cit., M. V (\3). z~" Cf. Etienne, n" -14 cit., dans lequel il rapporte les nouvelles que le Times fournit à cet effet. I~U Cf. Jay, Réponse à la déc/aralion signée par Alll1. les cardinallx de Péri-
gord ct de la Luzerne, l'ancien évêque de Châlons, et Courtois de Pressigny, SC/int-Malo nommé à révêche de Besançon, membres de la chambre
l;vêqlil' de ,,~S pairs,
M. VI (3), 23 mai 1819.
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cherche à remettre la main sur les registres de l'état civil n'a rien d'étonnant, malgré l'indignation de la Minerve et les intérêts vulgaires qu'Etienne soupçonne aux prêtres 131. Mais plus grave est la guerre que les interprètes de la parole divine ont déclarée à l'enseignement mutuel et les persécutions qu'ils font subir aux parents dont les enfants dédaignent leur instruction 132. Ils ont droit de vie et de mort sur leurs ouailles: refusant les certificats de bonnes mœurs aux candidats pour l'enseignement 133, les baptêmes, les absolutions comme les inhumations 134, multipliant partout les actes de chantage à l'endroit des propriétaires de biens nationaux 135 et les conversions truquées ou forcées 136. Ce fanatisme qui suscite partout des scandales peut paraître modéré à côté des éléments obscurantistes qui, dans l'Eglise, s'opposent aux dignitaires officiels ayant collaboré avec Bonaparte 137 ou qui persécutent les anciens prêtres constitutionnels comme les nouveaux 138. 131 Cf. Bénaben, pétition à la Chambre pour rendre aux prêtres les registres de l'état-civil, M. 1 (6), 13 mars 1818 et M. 1 (7), 21 mars; l'évêque de Limoges s'en prend au mariage civil et flétrit l'ouvrage d'un respectable confrère l'abbé Tabaraud - portant sur le sacrement du mariage, Etienne, n° 7, M. 1 (10), 12 avril 1818. Des paysans dans une commune du Jura se sont convertis au protestantisme pour échapper à des taxes destinées au curé, Etienne, n° 43 cit., M. V (1). 132 Cf. Bénaben, brochure contre la mainmise du clergé sur l'éducation, M.d.F. IV, 13 déc. 1817; mesures contre les parents dont les enfants suivent l'enseignement mutuel, mais attitude généreuse de l'évêque de Metz, Etienne, n" 7 cit., M. 1 (10) ; mandements contre l'enseignement mutuel et refus d'établir des écoles, Etienne n° 54 cit .. M. V (13) ; pétition contre un séminaire et discussion à la Chambre, Pagès, Session des chambres, M. VI (21), 17 mai 1819; Decazes aurait décidé de confier l'éducation au clergé, ce qui expliquerait la démission de Royer-Collard, Etienne, n° 71, M. VII (6), 13 sept.; il accorde son appui au clergé, Dumoulin, M. VII (11 et 13), 17 et fin oct. ; l'enseignement mutuel est défavorisé à Aix et à Marseille par rapport à celui des établissements religieux, l'Ermite de la Guyane [Jouy], M. VI (II et 13), 18 et fin juillet. 133 Cf. B. Constant, Session des chambres, Post-Scriptum, M. V (1), 5 fév. 1819. 134 Cf. Etienne, nO' 43, 44, 54 cit., M. V (1, 2 et 3) ; Dumoulin, Notes historiques et Correspondance des départemens, M. VI (8 et Il), 27 juin et 18 juil· let 1819. 135 Cf. Etienne, n° 43 cit., M. V (1), et lettre d'un correspondant, M. V (12), 20 avril 1819. 136 Conversion d'une jeune fille protestante, fille unique, Jouy, Fanatisme et cruauté, M. V (7), 17 mars 1819 ; conversion des deux filles de Moïse Carcassonne, lettre pathétique du père que Jouy a reproduite en Post-Scriptum à son art., Les missionnaires en France, M. V (13), fin avril; pétition à la Chambre, Pagès, Sessions des chambres, M. VI (7), 20 juin; cf. également Correspondance des départemens, M. VI (11), 18 juillet. A l'occasion, les rédacteurs ne manqueront pas de mettre en relief l'esprit tolérant des pasteurs de l'Eglise, tel l'ancien évêque d'Uzès qui a légué 2.000 francs aux pauvres de son diocèse, sans distinction de cultes, Bénaben, M.d.F. IV, 29 nov. 1817. 137 Les dissidents prêtres français en Angleterre, Pagès, M. IV (12), 23 janv. 1819. 13S Persécution des curés et des dignitaires de l'Eglise pour s'être conformés aux instructions de leurs supérieurs pendant les Cent-Jours ou pour leur attitude modérée pendant la Terreur blanche, Jay, M. le curé de Cosne, in Galerie [oo.], M. ( (5),7 mars; ('Ermite de la Guyane [Jouy], M. Il (9), début juillet 1818 et Jouy, La grande et la petite église, M. VI (6), 11 juin 1819.
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Nul doute que le libéralisme individualiste n'ait fait sienne la longue tradition de résistance gallicane et janséniste aux prétentions ultramontaines pour mieux combattre le projet des ultras et du ministère de 1817 de rétablir le concordat. Il est certain que les rédacteurs soutiennent la cause du protestantisme parce qu'elle répond à leur conception de la liberté et qu'elle s'identifie parfois avec leurs préoccupations personnelles. Il y a partie liée entre le protestantisme de Constant et le voltairianisme de Jouy et de Jay. C'est pourquoi il n'est pas étonnant de constater la part que réserve l'Ermite de la Guyane aux talents des protestants et aux persécutions qu'ils ont subies en 1815. Dans le même ordre d'idées on voit Jay commenter la brochure d'Aignan ainsi que les ouvrages dénonçant la suprématie papale. C'est dans cette jonction des problèmes d'actualité et des projections sur la passé qu'on trouve la motivation qui fait l'intérêt de plusieurs écrits des rédacteurs. L'histoire telle qu'elle se conçoit et telle qu'elle s'annonce dans le Mercure et dans la Minerve tire sa force d'une transposition considérable de l'actualité. Les mobiles dictés par la conjoncture sont clairement exposés et figurent "ans ambages dans les envolées historiques des rédacteurs. Soit souci du présent, soit retour sur le passé, il demeure toujours impératif de sauvegarder les assises du régime constitutionnel. La religion se trouvant au cœur des problèmes de l'humanité, il faut les résoudre au niveau des institutions de l'ère moderne. Tout retour vers le passé risque de remettre en question les conquêtes chèrement acquises. C'est la conscience aiguë de la valeur de la liberté et l'angoisse poignante de la résurrection du passé qui dictent aux rédacteurs leurs positions d'actualité ainsi que leurs visions philosophiques.
ÉDUCATION ET INSTITUTIONS.
Le libéralisme individualiste n'a pas formulé un système complet d'éducation, bien que les questions de formation lui aient tenu à cœur. Les rédacteurs se sont parfaitement rendu compte de la portée de ces questions pour l'avenir de la société 139. Soit qu'il leur ait semblé que Mirabeau, Condorcet, Grégoire, Lakanal, Lavoisier, Daunou et Talleyrand aient apporté pendant l'époque révolutionnaire une moisson d'idées suffisamment riche pour l'aménagement idéal des écoles et de l'instruction élémentaire, soit que leur expérience ne leur ait pas paru en mesure de fournir des programmes détaillés, toujours est-il qu'ils se sont contentés d'une profession générale de principes et d'un appui empressé à l'enseignement laïque. Fidèles à une conception qui cherche à implanter la liberté partout, les rédacteurs ne conçoivent pas un système d'éducation qui déroge à leurs principes. Le développement de la société comporte certes une instruction et une formation qui garantissent la conservation et l'enrichisn9 Cf. Aignan, De l'enseignement mutuel, M. IV (13), fin janv. 1819.
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sement continu du savoir. Il appartient au pouvoir d'en assurer tous les moyens et d'en assumer les frais. Personne mieux que le libéralisme individualiste n'a prévu les perspectives grandioses réservées aux études et aux recherches dans les temps à venir. Mais personne n'a craint plus que les libéraux la mainmise du pouvoir sur les établissements scolaires 140. Constant garde le souvenir de la pensée de l'Empire qui avait voulu régenter par l'instruction et par l'éducation jusqu'aux consciences et préparer par là à l'Etat des réserves en soldats et en fonctionnaires. Il n'a pas oublié non plus les tentatives arbitraires et piteuses du Directoire pour mettre de l'ordre dans le désordre anarchique de l'enseignement. Lui et ses collaborateurs n'ignorent pas ce qu'avait été l'enseignement sous l'Ancien Régime et quels projets sont caressés par les ultras. C'est la raison pour laquelle Constant s'élève énergiquement contre tout monopole que l'Etat s'arrogerait en matière d'éducation. Spécieux sont les arguments que les partisans de la formation étatique invoquent au nom d'une antiquité mal connue ou d'une antiquité qu'on forge et qu'on adapte pour les besoins de la cause. Qui dit monopole dit corps de doctrines et de disciplines qui concourent toutes à soumettre l'individu à des vérités religieuses, morales, philosophiques et politiques favorables au régime établi. Le despotisme d'antan comme celui de l'Empire, le gouvernement sectaire sous le Directoire ainsi que les aspirations partisanes à l'heure actuelle se ressemblent quant à la négation des libertés individuelles. Confier l'éducation au pouvoir, c'est faciliter au despotisme latent la ruine des conquêtes libertaires 141. Constant se révèle un disciple de Condorcet sous plus d'un rapport. Il croit avec lui à la perfectibilité de l'humanité. Avec lui, il mesure la distance qui sépare les temps modernes des anciens. Si Constant a médité tout le long de sa carrière les moyens propices à la limitation du pouvoir et à la sauvegarde des libertés individuelles, ce n'est guère pour aménager à l'arbitraire des retours imprévus par l'éducation. Il accorde au pouvoir un droit de regard, même une surveillance étroite sur les établissements scolaires et la faculté de poursuivre en justice les délinquant~; en matière d'éducation. Il demande au gouvernement de faciliter à tous les niveaux de l'enseignement l'acquisition des connaissances, le développement des recherches et la conservation des monuments de l'esprit humain. Mais, avec Condorcet, il refuse à l'Etat le monopole de l'enseignement et la faculté de favoriser les institutions publiques par ses diplômes et ses emplois. Il répugne même à admettre des dispositions légales pour une scolarité obligatoire. Il croit davantage dans les vertus que comporte pour les classes déshéritées l'amélioration des conditions matérielles que dans l'efficacité des lois 142.
140 A la suite des troubles survenus au lycée Louis-le-Grand, Etienne reven· dique la liberté pour les universités, n° 42, M. IV (12), 21 janv. 1819. 141 Cf. B. Constant, De la juridiction du gouvernement sur /' éducation, M.d.F. IV, 11 oct. 1817 (art. recueilli dans les Mélanges). 142 Cf. ibid.
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Nul doute, et Constant l'atteste lui-même, que l'exemple de l'Angleterre, avec ses écoles privées, ses sociétés, ses universités savantes et le prestige de sa science, n'ait confirmé la leçon de Condorcet et la conception individualiste de l'éducation. L'essentiel pour Constant est d'accorder le domaine de l'éducation à l'échafaudage subtil des institutions constitutionnelles et au rythme accéléré des prospérités bourgeoises. On n'a qu'à recourir au programme détaillé que Condorcet a élaboré dans ses Mémoires 143. Constant peut d'ailleurs confier à l'académicien Lacretelle la tâche de réclamer le retour à l'ancienne organisation de l'Institut et de prévoir pour les quatre Académies un rôle actif dans la restauration de la vie intellectuelle. Lacretelle comme ses collègues n'admet pas de séparation entre la littérature et la politique, divorce qu'un Chateaubriand aurait dénoncé à son tour 144. Il proteste énergiquement et à plusieurs reprises contre l'entérinement de la mesure consulaire abolissant la classe des sciences morales et politiques que la Convention avait créée. A l'ère moderne, où les disciplines philosophiques, politiques et économiques sont appelées à un avenir prodigieux, comment concevoir le retour aux Académies de l'Ancien Régime, séparées les unes des autres autant qu'elles le sont de la vie et subissant pour les nominations de leurs membres la pression du pouvoir 145? Déjà l'ancienne Académie a été rétablie et avec elle on a donné l'éveil au projet poussiéreux de l'éternel Dictionnaire 146. Déjà un certain nombre de membres ont été exclus de l'Académie après les Cent-Jours, pour le retour desquels Lacretelle comme Etienne n'auront cessé de réclamer 147. Il faut revenir à l'Institut selon la vision des Idéologues et le replacer à la tête du mouvement littéraire et scientifique par un travail concerté entre ses différentes sections et des contacts multiples avec les savants et les littérateurs qui se trouvent en dehors de ses rangs. Lacretelle n'ignore pas l'intérêt des questions linguistiques. Il sait qu'un dictionnaire dépasse ses limites apparentes et éclaire autant le processus de la pensée que les moyens de l'exprimer. Mais il craint surtout que l'Académie en reprenant son ancienne formule ne redevienne un corps purement honorifique et ne soit atteinte d'une sclérose sans appel. Cependant, il est facile à l'Académie de s'ouvrir à la vie par le recours à des savants qui mèneront avec son encouragement le Dictionnaire à son bon terme et qui assureront, tâche des plus ·importantes, l'édition critique des textes des grands auteurs français 148. Si les Cf. ibid. Cf. Lacretelle, Sur les [ectllres des premiers mardis de chaque mois à l"académie française, M. 1 (7), 21 mars 1818 ; Chateaubriand, Mémoires d'outretombe, éd. Levai11ant, 2" partie, livre 7", ch. IV, Je suis reçu membre de l'Institut. Affaire de mon discours. H5 Cf. Lacretelle, ibid. et ses art. : Sur [es séances mensllelles de l'Académie française, M. 1 (12), 23 avril, M. Il (10), 12 juillet, M. III (5, 9 et 13), 8 sept., 3 et 28 oct. 1818. HG Cf. Lacretelle, art. cit., M. 1 (7), M. Il (10) et M. III( 13). 147 Cf. Lacretelle, art. cit., M. 1 (12), M. Il (10) et Séances académiques, M. IV (3), 19 nov. 1818; cf. également Pagès, Petit bulletin, M. Il (5), début juin 1818. 148 Cf. surtout Lacretelle, art. cit., M. Il (10). 143 lB
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classes des sciences et des beaux-arts ont largement profité de l'évolution intellectuelle du siècle malgré le régime impérial, les deux autres n'ont fait que végéter. C'est en mettant celIes-ci à l'unisson avec les sciences de l'ère moderne, c'est en les axant sur la philosophie et la science politique qu'elIes seront en mesure de donner une impulsion vigoureuse à la vie intelIectuelIe et de s'y intégrer 149. Fidèles à cette ligne de pensée, Lacretelle et les colIaborateurs des deux recueils font la place large à la rencontre annuelle de l'Institut royal 150 et surtout à l'activité de l'Académie française, dirigée par Raynouard, son nouveau secrétaire 151. Le même souci leur fait suivre de près l'inauguration des cours au Collège de France 152, les manifestations littéraires à la Société philotechnique 153 ou à l'Athénée royal 154. C'est avec empressement qu'ils enregistrent les vœux d'un jeune savant de former une Académie de marine 155. Pour faire pièce à l'éducation dispensée par les «frères ignorantins» qui renaissent partout à une cadence inquiétante, le libéralisme suit attentivement les progrès de l'enseignement mutuel et lui accorde tout son appui. Un de ses collaborateurs trouve même des parrains français aux méthodes de Lancaster et de BelI. Il insiste sur la part qui revient au Ministère de l'Intérieur dans la propagation de la méthode dès 1815, souligne, comllle le fera plus tard Aignan, le rôle actif ct le zèle des Montmorency, Richelieu, Doudeauville, Duras, Choiseul, Gérando et La Rochefoucauld-Liancourt 156. Les deux écrivains attirent l'attention du public sur les écrits publiés en faveur de la nouvelle méthode par des membres éminents de la Société pour l'encouragement de l'enseignement mutuel 157. Ils cherchent à montrer les progrès accomplis à travers la France par cet enseignement et les bienfaits d'une méthode qui arrive à des résultats notables en un temps extrêmement court et avec des
149 Cf. Lacretelle, art. cit.; Bénaben, M. 1 (8), fin mars lR18; Etienne, n° 23. Post-Scriptum, M. III (3), 20 août. 150 Cf. l'art. anonyme [Lacretelle], Institut Royal de France. Séance publique des quatre Académies, M.d.F. 11, 3 mai 1817; Lacretelle, Sur les séances académiques du mois d'avril et du mois de mai, M. II (4),24 mai 1818. 151 Cf. Lacretelle, art. cit.; Institut royal. Académie française, M.d.F. Ill, 9 et 30 août 1817 ; Bénaben, M.d.F. III et IV, 30 août et 8 nov. ; SS., M.d.F. IV, IR oct. et ti déc. Pour plus de détails sur l'activité des académies et des institutions savantes, cf. infra, ch. IX, p. 261-267. 1:;2 Cf. Tissot, Co/lèf!e royal de France. Ouverture du cours d'histoire de M. Daunou, M. V (12), 20 avril IRI9. 153 Cf. SS., M.d.F. IV, le, nov. 1817. 154 Cf. SS., M.d.F. IV, 29 nov. 1817. 15;; Cf. Jouy, c.r. des Mémoires sur la marine ct les ponts et chaussées de France et d'Angleterre, par Charles Dupin, M. III (4), fin août 1818. 156 Cf. A.j. de Montègre, Des nouvelles méthodes d'instruction élémentaire, M.d.F. l, le, fév. 1817, et Aignan, De l'enseignement mutuel, M. IV (13), fin janv. 1819. Etienne fera état de la propagation de cet enseignement à Metz, n° 7, M. 1 (10), 1~ avril 1818. 1;;7 Montègre mentionne les publications de La Rochefoucauld-Liancourt, Lasteyrie, Laborde et le Journal de la Société alors qu'Aignan ne cite que celles de Laborde.
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moyens réduits 1r,~. Ainsi, libérée de l'emprise religieuse, l'instruction élémentaire aurait rempli sa tâche en inculquant aux jeunes filles des notions d'ordre constitutionnel pour remplacer les catéchismes périmés 1G9. Enfin, le libéralisme se penche avec commisération sur le malheur des aveugles et note les progrès réalisés dans leur instruction 160.
1f,S A la date du le. fé\'. 1817, Montègre fait état des progrès de l'enseignement mutuel, de l'importance de la Société et insiste sur les dépenses modiques que cette méthode comporte: 3 à 4 francs par an et par enfant. Aignan dit que la nouvelle école est par rapport à l'ancienne de 1 à 4 quant au nombre des maîtres, de 1 à 4 quant au temps de l'instruction et de 3 à 1 quant à l'étendue des connaissances. Au bout de 2 ans à peine d'existence, la Société compte presque 1.01'0 souscripteurs, des sociétés analogues dans les départements et 300 écoles daI!S les communts. L'enseignement mutuel est suivi - à la date de la publication de l'article d'Aignan - dans deux tiers des départements. Cf. également pour l'importance de la nouvelle méthode, Bénaben, M.d.F. III, 9 août 1817 et M. 1 (6), 13 mars 1818. H,U Cf. SS., M.d.F. IV, 15 nov. 1817. 160 Cf. ibid.
CHAPITRE
III
LE MINISTÈRE RICHELIEU
L'ordonnance du 5 septembre 1816, dissolvant la Chambre Introuvable, permet au ministère Richelieu, notamment à Decazes, ministre de la police, d'envisager avec quelque espoir l'avenir des rapports entre le pouvoir et les nouveaux députés. Le souvenir est encore poignant d'une législation qui a soumis le pays aux arrestations arbitraires, aux mesures draconiennes contre la presse, aux rigueurs des cours prévôtales et aux «douceurs» de la loi d'amnistie du 12 janvier 1816 1 • Certes, c'est moins le souci d'éviter un régime de contrainte à la France occupée, ravagée par la guerre et angoissée par la Terreur blanche, que l'ambition de faire aboutir son jeu politique qui a amené Decazes à imposer à Louis XVIII ainsi qu'à Richelieu la dissolution de la Chambre vindicative des ultra-royalistes. Cependant, les appétits du favori ont largement ouvert la voie à l'expérience libérale de la Restauration et par là à l'élaboration ainsi qu'à la diffusion de la doctrine libérale 2. L'équipe du Mercure doit agir avec précaution et ne pas provoquer dès l'apparition du recueil l'inimitié du ministère. Le plus pressant pour elle est de faire face au spectre de l'Ancien Régime que les ultra-royalistes, encore bien en force, ressuscitent lors des débats dans les Chambres. Bien entendu, le recul de la réaction de 1815 ainsi que la perspective de voir le territoire bientôt libéré modifient sensiblement la tonalité de la presse. Les écrivains deviennent plus hardis et leurs vérités plus acerbes. Pas plus de ménagements pour l'aristocratie féodale que d'égards pour un ministère tergiversant. Et puis, les élections par..:. tie1les de septembre 1817 et d'octobre 1818 assurent aux Indépendants une position de force à la Chambre qui se répercute vite dans leurs recueils. 1 Les arrestations arbitraires ont été commises en vertu de la loi de la sûreté générale du 29 octobre 1815, la presse jugulée en vertu de la loi sur les discours et écrits séditieux du 9 novembre et les cours prévôtales instituées en vertu de la loi du 27 décembre 1815. La loi d'amnistie a transformé en loi l'ordonnance du 24 juillet 1815, en ajoutant à l'exclusion des 29 pairs qui avaient siégé dans la Chambre haute des Cent-Jours le bannissement des régicides qui avaient adhéré à l'Empire libéral. 2 Cf. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, Paris, 1857-1871, \0 vo!., vo!. IV, ch. XIV; Sertier de Sauvigny, La Restauration, nouv. éd., Paris, 1965, 2" partie, ch. II.
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Chaque inauguration de session par le discours du roi et les adresses des Chambres éclairent autant la politique ministérielle que les tendances divergentes des partis 3. Le ministère Richelieu est jugé non seulement sur ses actes manifestes. Il l'est également sinon davantage sur ses tentatives secrètes de rapprochement avec l'extrême-droite. L'ordonnance du 5 septembre 1816 eût pu être de bon augure et préfigurer l'ère d'une monarchie franchement constitutionnelle. Mais les actes législatifs du ministère - que nous étudierons par la suite - démontrent de plus en plus la faiblesse des dirigeants, mal fixés entre la nouvelle France et le passé révolu. La France constitutionnelle n'a ni liberté individuelle, ni liberté d'expression, ni égalité de droits pour tous les cultes. Les lois, loin de répondre à l'esprit et à la lettre de la Charte, font prévaloir les codes antérieurs de Bonaparte. Le jury est soumis à l'action des autorités et par conséquent n'apporte aucune garantie à l'impartialité des jugements. L'arbitraire de l'administration se double de louches menées policières. L'instruction publique inculque aux jeunes générations les éléments périmés d'une France sacerdotale et féodale. La garde nationale est devenue à son tour la forteresse de la réaction. Une comptabilité peu soucieuse d'exactitude et des pensions prodiguées par faveur s'ajoutent aux maux de l'occupation. Les départements sont livrés à l'entière discrétion des autorités, car aucun conseil général ou municipal n'est nommé par les électeurs et les élections subissent la pression ainsi que les manèges du pouvoir. La responsabilité des gouvernants à tous les échelons se fait attendre indéfiniment 4. Ce sont là des réclamations et des griefs qui reviennent sans cesse sous la plume des rédacteurs. Les collaborateurs de la Minerve, sans passer par les tribulations d'un Comte ou d'un Dunoyer, ont eux aussi payé leur tribut aux servitudes du régime. La suppression du MerCllre leur a appris que la critique des actes du pouvoir - toute modérée qu'elle fût -~ répondait mal à l'attente des ministres. Chaque nounlle épreuve électorale et chaque nouvelle victoire libérale remplissaient d'épouvante les ministériels. Comment maintenir une véritable majorité sans suivre une politique qui soit en harmonie avec les principes avoués de la Charte? Bien au contraire, les publicistes à gages s'évertuent à :1 Pour la session de 1817-1818, cf. Bénaben, Session des Chambres, M.d.F. IV, H, 15 et 22 nov. 1817; pour celle de 1818-1819, cf. B. Constant, Session des Chambres. M. IV (6, 7 et 8), 13, 19 et 20 déc. 1818. 4 Pour les réclamations libérales, cf. Bénaben, Session des Chambres, M.d.F. IV, H nov. 1817; Etienne, nO' 1 et 5, M. 1 (2 et 7),16 fév. et 21 mars 1818; nO' 12 et IH. M. Il (3 et Il),20 mai et 15 juillet; nO' 22, 2-1 et 26, M. III (3, 5 et 8), 20 aoüt, 8 et 2-1 sept. ; le n" 26 proteste entre autres contre les dépenses inutiles que comporte l'én,ction de monuments pour la glorification du passé et insiste sur l'état lamentable des prisons; Etienne rapporte à ce sujet un fait cité par la HibliotllèlfUi' historique: la mort d'une femme dans un cachot; n° 33, M. IV (2), 13 nov. Il arrive parfois au recueil d'ouvrir ses colonnes aux correspondants justi· fiant l'arbitraire des préfets, telle la lettre qui explique la nécessité dans laquelle s'est trouvé l'ancien préfet d'Eure-et-Loir de confier la mairie de plusieurs cantons, faute de candid~ts valables, à un seul titulaire, M. V (7), 17 mars 1819.
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discréditer les dispositions constitutionnelles. En formulant ses revendications, il est aisé à la Minerve de démontrer les inconséquences d'un ministère dont chaque pas en avant est compensé par un recul précipité et pour lequel la haute sagesse politique consiste dans une obéissance aveugle à ses consignes. Le ministère ne conçoit la nécessité d'une opposition - vérité que Benjamin Constant a prêchée avec vigueur - pas plus qu'il ne distingue entre les ultra-royalistes et les ultralibéraux, termes que la presse anglaise a consacrés 5. Le Mercure comme la Minerve s'attachent à dénoncer les écrivains «ultra-ministériels» dont la plume zélée s'accommode aisément de la politique indécise du ministère 6. En réfutant la leçon des écrits de commande et en citant celle d'une satire anonyme - Du ministérialisme - les rédacteurs invitent le gouvernement à déterminer son action dans le sens de l'avenir 7. Benjamin Constant tracera les contours de ce ministérialisme fait sur mesure dans un compte rendu plein de verve de l'ouvrage volumineux du vicomte de Saint-Chamans, où toutes les dispositions arbitraires sont savamment conciliées avec la Justice et adaptées fort utilement aux nécessités du pouvoir 8. C'est un ministérialisme dont l'éloquence de Lainé, la dialectique de Pasquier, la facilité de Courvoisier ou la logique de Siméon ne sauraient cacher le manque de principes ni le caractère éphémère de sa majorité 9. L'occupation ne saurait servir indéfiniment d'argument à tous les maux existants et à tous les projets non réalisés 10. Une critique intermittente formée par les ministériels contre l'extrême-droite ne compense pas les attaques déclenchées contre la gauche pas plus que les promesses de concessions faites aux Indépendants ne rachètent les campagnes électorales virulentes dirigées contre eux 11. Les assurances prodiguées par les ministériels sont démenties par les agissements de l'administration 12 et par les tentatives constantes de rapprochement avec les ultras 13. C'est surtout à la veille des campagnes électorales que le recueil dressera le bilan négatif du ministère. Sans critiquer ouvertement
Cf. Etienne, n° Il, M. Il (2), 14 mai 1818. Cf. SS., contre une brochure électorale du poète Alissan de Chazet, l'impromptu politique adressé au roi par Paccard et contre le transfuge Azaïs qui a émigré vers les sphères ministérielles, M.d.F. IV, 18 oct. 1817. 7 Pour les écrits ministériels, cf. SS., M.d.F. IV, 6 déc. 1817; Etienne, n° 4, M. 1 (6), 13 mars 1818 ; la brochure anonyme, n° 5, M. 1 (7), 21 mars. 8 Revue de la session de 1817, Paris, 1817, M. III (7),20 sept. 1818. 9 Cf. Etienne, n° 3, M. 1 (4), fin fév. 1818. 10 Cf. Etienne, n° 30, M. III (12), 21 oct. 1818. 11 Le ministère serait prêt à faire des concessions, B. Constant, Réponse à M. Benjamin Constant, par M. Duvergier de Hauranne, M. III (11), 15 oct. 1818 et Etienne, n° 33, M. IV (2), 13 nov. ; il cherche à gagner les députés libéraux, Etienne, ibid. ; attitude malveillante des ministériels après les élections, Etienne, n° 34, M. IV (4), 28 nov. 12 Etienne critique souvent l'interprétation inconstitutionnelle de la Charte par l'administration comme par la judicature. 13 Pour les tentatives de rapprochement, cf. Etienne, nO' 2 et 9, M. 1 (3 et 12), 22 fév. et 23 avril 1818. 5
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tiS
Rit:helieu, la Minerve s'en prend à Laîné, en coquetterie avec l'extrêmedroite. C'est parce que Decazes a été à l'origine de l'ordonnance du 5 septembre et qu'il est devenu la bête noire des ultras que le recueil lui accorde au début son appui et fait l'éloge de son mariage avec la fille de Saint-Aulaire, le défenseur des victimes protestantes du Midi 14. C'est à Decazes que la France doit également l'élimination du chancelier Dambray, de Dubouchage, ministre de la Marine, et du maréchal Clarke, ministre de la Guerre, et leur remplacement par Pasquier, Molé et Gouvion Saint-Cyr 15. Mais l'expectative prudente du Mercure en 1817 ne résistera pas longtemps à la démonstration d'une politique de « bascule" dont Decazes fournira les preuves par les articles de commande dans la presse anglaise au cours de l'année 1818. Etrange pratique que celle qui collabore avec la presse d'Outre-Manche, au prix de sommes considérables, pour attaquer les libéraux 16 et poui révéler à Londres une politique qu'eHe entoure du plus grand secret à Paris ou qu'elle réduit à un cOlllmérage d'antichambre 17. Il ne faut pas s'y méprendre. L'enjeu en somme entre la Minerve et le ministère Richelieu comme entre les libéraux et le régime tout entier est l'attitude du pouvoir envers l'extrême-droite. Pas de doute pour les rédacteurs quant aux intentions des ultras. Les propos de Bonald, de La Bourdonnaye et de leurs collègues sur la nécessité de reconstituer la famille et de réformer les mœurs, de distinguer les intérêts matériels de la Révolution de ses intérêts moraux, de constituer des jurys supérieurs, de grands patronats, des coHèges électoraux privilégiés, une garde nationale inféodée à la noblesse, une armée dont le passé révolutionnaire et impérial soit entièrement effacé, concourent à rendre le spectre de l'Ancien Régime un péril imminent. A en croire les affirmations de la presse anglaise pieusement nourrie par les journalistes à l'urdre du ministère, le parti des ultras agirait de concert, sous l'inspiration cie ses chefs, ViHèle et Corbière. A la Chambre, Marcellus et Cornet-d'Incourt seraient chargés des intérêts du clergé, Salaberry, Bonald ct Clausel de Coussergues de ceux de la noblesse. Tout plan d'attaque ou de défense serait d'ailleurs déterminé par un comité central secret, véritable épouvantail pour une époque mal initiée aux ressorts du régime constitutionnel 19. Pour les attaqucs ultras contre le mariage de Decazes, cf. Etienne, M. Il début jl!in 181 S. 1:; Le~ remplaccment-; respectifs des ministres sont effectués en janvier, Îuin et septembre IRI7. Cf. Bertier de Sauvigny, op. cit., 3' partie, ch. III. 16 Cf. infra, P.. :19. l i Cf. ibid. ct Etienne, n" l, M. 1 (2), 16 fév. 1818; n° 14, M. Il (6), 10 juin l': n" 23, M. III 0), fin août 1818. Lors du procès intenté aux conspirateurs du Bord de l'Eau, Canuel citera le chiffre de 100.000 francs versés annuellement par le Ministère pour les articles placés dans la presse anglaise, Etienne, n° 26, M. III (R), 27 sept. Dans sa lettre 14, Etienne a souligné le rôle ministériel de Goldsmith. rédacteur du Brilis/z Monitor, qui avait dirigé à Paris l'Anti-Britannique et depuis J'An/i-Gallican à Londrcs. Pour la campagne contre la France de l'Anti-Gallican, cf. Etienne, n" 5, M. 1 (7), 21 mars 1818. 1~ Cf. Bénaben, M. 1 (3), 22 fév. 1818; Etienne, nO' 3 et 12, M. 1 (4) et M. Il (3), fin fév. et 20 mai. H
(5),
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C'est à Benjamin Constant que revient l'honneur d'avoir livré aux ultras, en décembre 1816, le premier assaut d'envergure par sa brochure, De la doctrine politique qui peut réunir les partis en France et dont le Mercure citera de larges extraits 19. Constant y formule le problème majeur de la Restauration et y apporte une solution qui se trouve aux antipodes de la thèse que Chateaubriand a soutenue, après l'ordonnance du 5 septembre, dans la Monarchie scion la Charte ~o. Dans sa spirituelle réplique, Benjamin Constant laisse entendre que la transaction entre la monarchie et le pays ne saurait se faire que dans le sens d'une France dont le passé révolutionnaire et impérial, les idées comme les intérêts, les hommes comme les choses soient aussi légitimes que la royauté réintégrée. C'est là une idée qui revient toujours sous forme voilée ou explicite dans les articles libéraux. Le royalisme des ultras n'a rien à voir avec la fidélité de la France à la mona'fchie restaurée. Personne ne peut se tromper sur l'intention qui a présidé à la composition des écrits de Chateaubriand, de Fiévée, de Bonald ou de Montlosier : infléchir le nouveau régime en faveur des épigones de l'ancien. On retrouve le royalisme factice des ultras à l'origine de tous les malheurs de la France et de la monarchie. A présent, ce royalisme de parade cherche à se reconstituer en oligarchie féodale 21. Certes les attaques dirigées par Chateaubriand contre le ministère ont plus d'un point de rencontre avec les critiques formulées par Constant. La conversion politique récente de Chateaubriand aux vérités libérales doit probablement plus d'un enseignement à la leçon constantienne. Toutefois, moins significatives pour l'historien sont les similitudes que les divergences. La Révolution sèpare deux optiques irrémédiablement opposées dont l'une se glorifie de procéder directement d'elle et dont l'autre serait disposée dans ses meilleurs moments à passer l'éponge sur elle. Renier les conquêtes légitimes 19 Cf. B. Constant, Ecrits et discours politiques, éd. par O. Pozzo di Borgo, Paris 1964, 2 vol., t. II. Le MerCl/re, en annonçant une 2' éd. de la brochure, en donne des extraits que Benjamin Constant aurait pu désigner lui-même, Il janv. 1817. 20 Cf. pour la Monarchie de Chateaubriand ainsi que pour son écrit suivant, Du système politique suivi par le ministère, publié en fin déc. 1817, E. Beau de Loménie, La carrière politique de Chateaubriand, Paris, 1929, 2 vol., t. le., ch. Il et III. 21 Cf. Benjamin Constant, art. cit. et : D'une assertion de M. Bailleul dans sa brochure contre M. de Chateallbriand, M. 1 (4), fin fév. 1818; c.r. de l'ouvrage d'Azaïs, A M. le vicomte de Chateaubriand [ ... ], M. IV (3), 19 nov. ; A. Jay, Sur les conséquence de l'ordonnance du 5 septembre (réplique à Chateaubriand), M. 1 (2), 16 fév. ; Aignan, c.r. de la brochure de Bailleul, Sur les royalistes de M. le vicomte de Chateaubriand, pair de France, Galerie [ ... ], M. 1 (3), 22 fév. ; Bénaben prend la défense de la Minerve contre Chateaubriand, M. 1 (5), 7 mars. Sur Fiévée : A.D. (probablement A. Jay), c.r. de sa Correspondance politique et administrative, M.d.F. l, 15 fév. 1817 ; railleries de Sauquaire-Souligné à propos de l'Histoire de la session de /8/6, M.d.F. IV, 18 oct. Sur Montlosier: Pagès, Des droits généraux et des privilèges particuliers, M. (4), 28 nov. 1818. Sur Bonald: le même, M. III (2), 15 août; B. Constant, D'un article de M. de Bonald contre M. Camille Jordan, art. véhément contre l'attaque violente de Bonald, M. IV (5), 6 déc.
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de la Révolution revient pour le libéralisme à une abjuration de la France vivante, tournée vers l'avenir, dans un élan d'activité pacifique. Reconnaître les hommes et les choses de la Révolution et reconstruire la France sur les bases d'une telle transaction équivaut pour les ultras à un véritable acte d'apostasie, au sacrifice des idées et des intérêts d'une seule légitimité valable. La Minerve ne met pas en doute le sens patriotique de Chateaubriand. Elle le croit parfaitement sincère lorsqu'il s'élève contre les allègations du Times l'associant aux auteurs de la Note secrète, de même qu'elle ouvre largement ses colonnes à l'indignation du pays contre les calomnies du jeune Lord Stanhope dénonçant l'immoralité de la France 22. Si Chateaubriand accepte la Charte, c'est à condition que tous les postes de commande du régime soient confiés aux hommes de l'ancien. Il ne diffère guère de ce point de vue d'un écrivain ingénieux - Montlosier - qui accorde sa bénédiction à la réconciliation des deux France, pourvu que l'on reconstitue l'ancien ordre de choses avec les nouvelles aristocraties 23. La noblesse n'est guère à plaindre, elle qui occupe les positions les plus importantes dans l'administration. Les rédacteurs se feront un devoir de citer ce grief à la moindre occasion. « La noblesse crie à la persécution, et cependant ouvrez nos almanachs royaux, et vous verrez qu'elle a les sept huitièmes des préfectures et de toutes les mairies importantes; vous la verrez à la tête des divisions militaires, des légions, de la gendarmerie, des tribunaux, des ambassades; vous la trouverez même dans les administrations financières, où elle a du moins le bon esprit de sentir qu'elle ne déroge plus 24. » Tout le long de la Restauration, la thèse des deux France sera invoquée et reprise dans tous les sens. Les ultras citeront allègrement les horreurs de 93 comme les erreurs et les trahisons de 1815. Les libéraux à leur tour instruiront le procès de l'Ancien Régime ainsi que de l'impéritie de la première Restauration et les crimes de la Terreur blanche. Il importe de souligner ici les efforts de la Minerve de persuader l'opinion et le ministère du divorce nécessaire du régime constitutionnel d'avec les partisans d'une France révolue. Les rédacteurs égrèneront avec persévérance ce théme tant que dureront leurs recueils. C'est avec empressement qu'ils reproduiront des extraits de l'article publié dans les Archives philosophiques de Guizot et que le Moniteur, malgré sa prudence légcndaire, a réimprimé dans son numéro du 21 août 1818, pour faire piéce aux violentes récriminations de Chateaubriand 25. La France n'est guère partagée entre révolutionnaires et royalistes, à moins de considérer comme révolutionnaire tout ce qui tient à la Révolution. «C'est pour ellc-même, dit l'auteur de l'article des Archives, que l'aristocratie a "~ 23 24
~;;
Cf. Etienne, n° 3, M. 1 (4), fin fév. 1818. Cf. Etienne, n° 22, M. III (3), 20 août 1818. Etienne, n° 18, M. Il (J 1), 15 juillet 1818, p. 535. La presse n'a pas été autorisée à reproduire l'art., Etienne, n° 23, M. III
(4), fin août HlI 8.
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combattu, c'est pour elle-même qu'elle a souffert. Elle est aujourd'hui, comme en 1789, le parti contre-révolutionnaire et partant, elle est le parti révolutionnaire d'aujourd'hui. On ne saurait trop le répéter, car c'est le fond des choses; la révolution a été le combat de la France nouvelle qui aspirait à se posséder elle-même contre la vieille aristocratie, qui prétendait posséder encore la France. La victoire a prononcé contre l'aristocratie, malgré l'imprudent appui du trône engagé dans sa malheureuse alliance. Le trône renversé par l'aristocratie, rétabli sans elle, ne s'appuie plus sur elle. C'est dans la France telle que la Révolution l'a faite, qu'il pose ses fondemens 26.» Parti contre-révolutionnaire ou faction révolutionnaire -les deux termes se valent - , les ultras se séparent précisément par là de la France. Le caractére antinational de l'extrême-droite se fait remarquer dans l'énoncé de ses théories comme dans le détail de son action. Elle a partie liée avec l'Eglise sur tous les plans de l'activité sacerdotale. On sait à quel point le mythe de l'Ancien Régime s'identifie dans la pensée libérale avec la restauration de l'Eglise 27. Les différents projets de dédommager les émigrés de leurs biens ou de les leur restituer ne donnent-ils pas la mesure des intentions du parti 28? Les projets d'ériger des monuments expiatoires s'insèrent parfaitement dans un système qui refuse le présent et s'accroche au passé 29. La glorification de l'armée de Condé comme le dénigrement des armées impériales 30 s'accordent eux aussi avec une optique imperméable à la modernité. Non content d'attaquer la France à la tribune et de s'en prendre dans ses recueils aux libéraux la Minerve ne manquera pas de relever le défi et d'accueillir les protestations des correspondants al - , le parti envoie ses mots d'ordre en province et inspire les écrits clandestins, tels le Moniteur royaliste et la Lettre d'un royaliste vendéen à un royaliste provençal, où les libéraux sont assimilés aux terroristes de 93 et aux bonapartistes. Ibid., p. 175. Cf. supra, ch. Il, Credo libéral. 28 Cf. Bénaben, M. 1 (3), 22 fév. 1818: proposition de Lainé de Villêveque de créer 3.000.000 francs de rentes en faveur des émigrés; contre la loi de 1814 rendant aux émigrés leurs biens non vendus, Bénaben, M. 1 (6), 13 mars: contre le sursis accordé aux émigrés, M. 1 (9), début avril. 29 Cf. Bénaben, M. 1 (4), fin fév. IRI8. Il n'est guère surprenant de voir Bénaben souligner les propos du duc d'Angoulême en faveur de l'oubli du passé, M.d.F. IV, 15 nov. 1817. 30 Cf. Jouy, c.r. de l'ouvrage d'Ecquevilly, Campagnes du corps sous les ordres de son altesse sérénissime monseigneur le prince de Condé, M. Il (11), 15 oct. 1818; Correspondance au sujet d'une imputation de l'auteur, M. III (12), 21 oct.; lettres adressées par des lecteurs, M.d.F. III, 6 sept. 1817, p. 473 et M. 1 (3), 22 fév. 1818, p. 139-140. 31 Campagne contre les Lettres dauphinoises, Annonces et notices, M.d.F. III, 27 sept. 1817; SS., M.d.F. IV, 15 nov. ; escarmouches avec la Quotidienne, Bénaben, M. 1 (3), 22 fév. 1818 et Correspondance, M. 1 (8), p. 384-389; contre les calomnies, Pagès, M. III (1), 5 août; Jay s'en prend au maire de Châtellerault qui a grossièrement attaqué le Journal du commerce à propos du dîner offert par cette ville au député Le Voyer-d'Argenson, M. Il (Il), 15 juillet; il malmène durement ultras et ministériels pour les injures qu'ils adressent à la Minerve, Note secrète exposant les prétexte el le bul de la dernière conspiration, M. III (l), 5 août. 26
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Les flatteries dont les ultras entourent le peuple éclairent une manœuvre destil.ée à le dresser contre la bourgeoisie 3~. Si la presse des ultras peut parfois se prévaloir de quelques méfaits bonapartistes, réels ou imaginaires, pour leur associer la France issue de la Révolution, les recueils libéraux auront beau jeu pour montrer l'extrême-droite à l'origine des actes qui ont failli empêcher ou retarder la libération. Qu'il s'agisse des événements de Lyon, de l'attentat, bizarre contre Wellington, de la Note secrète, de l'Enlèvement d'Alexandre ou de la COllspiration du bord de l'eau, les présomptions se muent facilement en quasi certitudes et les doutes auront vite fait de prendre de la consistance. Les ultras peuvent mal se défendre contre les révélations largement diffusées des crimes commis dans le Midi après les Cent-Jours et contre les accusations qui en 1818 entacheront gravement leur bonne foi 33. Avec le jeune Guizot de 1818, les libéraux peuvent aisément placer les ultras en dehors de la transaction associant par la Charte la royauté et les héritiers de 89. En regard des ministériels et des ultras, la Minerve définit volontiers les libéraux comme le parti qui ne saurait être assimilé à l'opposition antinationale de l'extrême-droite. C'est le parti du nouvel Ordre. Les Indépendants n'aspirent guère à une liberté absolue comme le prétend le correspondant du Times. Loin d'être des niveleurs ou des mécontents, regrettant leurs anciennes splendeurs impériales, ils sont des partisans résolus de la restauration nationale, telle qu'elle est définie par la Charte. Ils comptent dans leurs rangs des propriétaires et des industriels marquants. La Minerve ne conteste pas les renseignements fournis par les correspondants ministériels de la presse anglaise selon lesquels d'Argenson a été longtemps le chef des Indépendants et que la direction du parti est actuellement partagée entre lui, Chauvelin, Bignon et Dupont de l'Eure. Parmi les membrés influents figureraient également Laffitte, Périer, Bondy, Savoye-RoUin, Martin de Gray, Caumartin et Hernoux, qui se réunissent chez le duc de Broglie, chez Laffitte ou Périer 34. Mais les rédacteurs dénoncent toute insinuation mettant en cause leurs principes et leur bonne foi en regard des tractations ministérielles douteuses. Pitoyables sont les tentatives des correspondants parisiens des feuilles anglaises de représenter les manifestations libérales comme repréhensibles, d'attaquer les publicistes libéraux et les députés, notamment Laffite pour son intervention à la Chambre, à propos de la liquidation des créances étrangères, attitude qui lui vaudra sans doute son remplacement à la tête de la Banque 35. Contre les journaux et les écrits de comCf. Etienne, n° 20, M. Il (13), fin juillet 1818. Cf. infra, ch. VI, Propagande et faits divers. :14 Cf. Etienne, n° 4 et 12, M. ( (4) et M. Il (3), fin fév. 1818 et 20 mai, où il cite les art. du Times et du Sun. a5 Les manifestations libérales: le dîner de ('Arc-en-ciel, Etienne, n°· \0 et Il, M. Il (1 et 2), fi et 14 nov. 1818: dîner offert au début de mai par les électeurs libéraux de Paris aux députés libéraux; thé offert par Manuel à des avocats, des généraux, des députés, des rédacteurs et des anciens administrateurs. Attaques contre les libéraux: Etienne, n° 9, M. ( (12), 23 avril 1818 ; n°· 11, :\~
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mande, les rédacteurs loueront les Lettres normandes, la Revue politique, suivie des Ballots politiques, les Lettres dauphinoises et surtout la Bibliothèque historique 36. C'est une véritable aubaine pour les publicistes et les députés libéraux que le discours libéral tenu par Alexandre au mois de mars 1818 à la Diète de Varsovie 37. Martin de Gray, Chauvelin, d'Argenson, Bignon et Dupont de l'Eure à la Chambre, Broglie et Lanjuinais parmi les pairs, Benjamin Constant et d'autres publicistes recueilleront l'hommage que Pagès leur aura rendu, vers la fin de la session de 1818, pour avoir défendu énergiquement les positions libérales 38. Les libéraux, durant cette année 1818, avant la dislocation du ministère Richelieu, peuvent encore considérer les Doctrinaires comme· acquis à la bonne cause. Le correspondant du Sun ajoute aux chefs désignés par le Times - Beugnot, Royer-Collard et Camille Jordan - de nouvelles recrues, Roy et de Serre à qui la présidence de la Chambre a valu les suffrages de la gauche. A cette date, la Minerve s'empresse de louer les principes et l'attitude des membres de ce petit groupe et interprète la critique acerbe du Sun comme un signe heureux du mécontentement ministériel à leur endroit 39.
* ** La confrontation des partis autour des actes législatifs du ministère Richelieu éclaire leurs divergences et expliquent leurs revirements. La session de 1817-1818 est marquée par l'opposition violente de l'extrêmedroite aux projets ministériels. Le projet de loi électorale soumis par Lainé à la Chambre verra les rédacteurs appuyer le ministère contre les ultras. Dès décembre 1816, Benjamin Constant, dans sa réplique à la Monarchie selon la Charte de Chateaubriand, marque ses distances à l'égard d'un libéralisme douteux auquel les ultras se sont convertis après le 5 septembre 1816. L'extension du droit de vote que l'extrême-droite réclame par une réduction sensible du cens électoral et un système à deux degrés cache mal son désir de s'appuyer sur sa clientèle ignorante. Benjamin Constant et ses collaborateurs ne répugnent pas à l'extension du droit de vote à des couches plus importantes de la bourgeoisie. Mais soucieux de voir le pays libéré de la hantise de la Chambre Introuvable, sans que la Charte subisse des modifications majeures, ils adoptent le système 12 et 14, M. Il (2, 3 et 6), 14 et 20 mai, JO juin; attaque contre Laffitte et le projet de le remplacer à la tête de la Banque par Delessert, Etienne, nO' 6 et 9, M. 1 (9 et 12), début et 23 avril; n° Il, M. Il (2), 14 mai. 36 Pour les Lettres normandes, cf. Annonces et notices, M.d.F. III, 27 sept. 1817; SS., M.d.F. IV, 15 et 22 nov. ; Pagés, M. Il (8), 23 juin 1818; Etienne, n° 30, M. III (12), 21 oct.; la Revue politique et les Ballots politiques, SS. et Pagés, 22 nov. 1817 et 23 juin 1818; les Lettres Dauphinoises, SS. ibid.; la Bibliothèque historique, Aignan, Galerie [... ], M. 1 (1), début fév. 1818. 37 Cf. Etienne, n° 12, M. Il (3), 20 mai 1818. 38 Etienne rend hommage à Saulnier pour son plaidoyer en faveur des provinces de l'est, M. Il (3),20 mai 1818, Pagés aux députés et publicistes libéraux, M. Il (4), 24 mai. . 39 Cf. Etienne, nO' 3 et 12, M. 1 (4), fin fév. 1818 et M. II (3), 20 mai.
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électif lil1Jité de la Charte, à condition que les élections directes dans les chefs-lieux des départements et le cens de 300 francs pour toutes les catégories d'électeurs assurent à la bourgeoisie le gros des sièges à pourvoir lors du renouvellement annuel partiel de la Chambre 40. Le désir de voir l'extrême-droite battue aux élections partielles de septembre 1817 et le ministère rompre avec elle, atténue les protestations du Mercure contre l'ingérence des autorités dans les élections. C'est à peine si Benjamin Constant y fait allusion dans son compte rendu de l'activité des Chambres 41. Les rédacteurs sont sans doute portés à considérer avec indulgence la pression exercée par Decazes en regard des moyens de contrainte déployés par les ultras en 1815 sous les yeux de l'occupant. Mais l'éventualité d'un rapprochement toujours imminent d'une fraction du ministère avec l'extrême-droite, le renforcement des effectifs libéraux et la proche libération du territoire modifient sensiblement l'attitude de la Minerve. Elle se livre aux approches des élections de 1818 à une campagne étendue en faveur des candidats libéraux 4~. C'est une bonne occasion pour énoncer les principes et pour formuler les demandes de réformes 34 comme pour démasquer les mobiles intéressés des ultras et des ministériels ou les abus de l'arbitraire H. C'est le moment favorable pour protester contre la non convocation des collèges électoraux dont la députation est incomplète 45 ou leur réunion à des dates différentes 46,
4" Cf. B. Constant, De la politique qui peut réunir les partis en France, op. cit. ; Des c/zambres, M.d.F. l, -l et Il janv. 1817 ; Considérations sur le projt't de lai relatif aux élections, adapté par la c/Zambre des députés, Paris, 1817. 41 Cf. l'art. cit. du 4 janv. 1817. 4~ Cf. Manuel électoral 1... ], art. anonyme, M.d.F. 11, 5 avril 1817; résultats des élections de 1817, Bénaben, M.d.F. Ill, 27 sept. ; Tissot, Sur les élections proc/zaines, M. III (3), 20 août 1818; du même, Elections, M. III (7), 29 sept. : Correspondance, ibid. ; Pagès, M. III (4 et 8), fin août et 27 sept. ; Tissot, c.r. de la hrochure de Constant, Des élections de 1818, M. 111 (10), 10 oct. ; B. Constant, Le/tre à M. Benjamin Constant 1... ], M. \II (II), 15 oct. ; Correspondance, ibid. ; B. Constant, Pensées diverses sur les élections, M. 111 (12), 21 oct.; du même, Sur les élections, M. III (13), 28 oct. et Des élections, du ministère, de J'esprit public ct du parti libéral en France, M. IV (1), 3 nov. ; Etienne, nO' 12, 13, 16 et El, M. Il (3, 5, 9 et 12),20 mai, début juin, début et 21 juillet.
Il convient également de faire la part dans la campagne électorale de la
i\linen'e aux dîners patriotiques: lettre du député Caumartin, Correspondance, M. Il (9), déhut juillet; Etienne, Sllr les dîners patriotiques des Andelys et de Rouen, M. III (II), 15 oct. ; hommage .rendu par B. Constant à un dîner patrio-
tique de Paris, M. IV (7), 19 déc. 43 Cf. B. Constant, c.r. de la hrochure de ].-B. Maîlhos, Le dernier cri d'lin dépositaire de la C/zarte, M. 11 (7), 15 .iuin 1818; Aignan, Du courage civil, in Galerie 1... ], M. Il (9), début juillet; B. Constant, Des élections, du ministère [ ... ], art. cit. ; Jay, Réponse à lJuellJues calomnies, M. IV (2), 13 nov. ; Etienne, c.r. cit. de la hrochure d'Aignan, Des coups d'état dans la monarc/zie constitutionnelle.
H Cf. Etienne, n'" 25 et 27, M. III (6 et 9), 15 sept. et 3 oct. 1818 (la dernière lettre rend compte de la brochure de B. Constant, Les élections de 1818). Cf. également de Constant, Annales de la session de 1817 à /8/8, Paris, 1818. 4;; Cf.Correspondance, M. III (2), 15 août 1818 et Etienne, n° 23, M. III (4), fin août. 4(; Cf. Etienne, n'" 23 l'l 27 cit., n° 25, M. III (6), 15 sept. 1818.
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contre l'influence prépondérante que le pouvoir se réserve dans les élections, les irrégularités qu'il y pratique 47, le déploiement des forces de l'ordre auquel il procède 48 et le nombre grandissant des députés-fonctionnaires 49. Ne dirait-on pas que les élections seraient remises pour permettre à la libération du territoire d'avoir son plein effet sur les électeurs 46 ? C'est avec un luxe de détails qu'Etienne racontera la mobilisation du ban et de l'arrière-ban des préfets et des écrivains de commande pour travailler les départements par tous les moyens dans le sens ministériel 50. Ils sont symptomatiques des appréhensions du ministère comme de l'attitude des électeurs, les moyens suspects mis en œuvre par le pouvoir pour empêcher l'élection de Benjamin Constant et de La Fayette et pour favoriser contre la candidature du premier celle de Ternaux, parfaitement étranger à ces procédés 51. Les élections partielles de 1818 se révèlent unç victoire pour les libéraux et c'est triomphalement que la Minerve annonce l'élection du général Grenier, de Girod de l'Ain, même de Camille Jordan, de Martin de Gray, de Grammont, beau-frère de La Fayette, de Manuel, de Kératry, de La Fayette, élu par la Sarthe, de Bedoch et de bien d'autres 52. Nul doute que les ultras et les ministériels à leur suite n'aient brandi après les élections le spectre de la Révolution 53, mais nul doute aussi que les libéraux n'aient considéré le vote comme un triomphe national 54. La certitude que les élections partielles assureront à brève échéance la victoire de la bourgeoisie, fait adopter la loi électorale du 5 février 1817 par les libéraux comme un principe sacro-saint. C'est cette conviction qui éclaire les tentatives du ministère de changer la loi et la résistance acharnée de la gauche pour la conserver. Non moins importants aux yeux des libéraux sont les projets de loi relatifs à la liberté individuelle et à celle de la presse. Dans ses articles sur les sessions des Chambres, Benjamin Constant cite les trois projets de loi que Decazes leur a soumis le 47 Cf. Etienne, n° 27 cit. et n. 29, M. III (II), 15 oct. 1818; Correspondance, M. IV (1), 3 nov. 48 Cf. Pagès, De la présence de la force armée dans les élections, M. III (1), 5 août 1818 et Correspondance, M. IV (2), 13 nov. 49 Opposition de principe de B. Constant au cumul, Des chambres. Loi sur les élections, in fine, M.d.F. l, 18 janv. 1817; d'après le Correspondant électoral, il y aurait à la Chambre 124 députés-fonctionnaires sur 253, Etienne, n° 23 cit., in fine. 50 Cf. Etienne, nO' 23, 25, 27 et 29 cil., nOO 30 et 31, M. III (12 et 13), 21 ct 28 oct. 1818. 51 Cf. Etienne, n° 31 cit. et nO' 32 et 33, M. IV (I et 2), 3 et 13 nov. 1818; deux étudiants détenus pour avoir affiché une adresse de B. Constant aux électeurs, M. IV (1), p. 43-44 ; il faudrait l'action intentée par Acarry - entrepreneur d'écritures - contre le rédacteur en chef du Journal des Maires - acquis à Decazes -, pour se faire une idée de l'ampleur de ces tripotages électoraux, Etienne, n° 33 cit. et Correspondance, M. IV (3), 19 nov. 1818. 52 Cf. Etienne, noa 31 et 32 cit. Il souligne la part qui revient à Goyet dans les élections de la Sarthe et la consigne donnée aux ultras de s'abstenir lors des ballotages entre les ministériels et les libéraux, nO' 29 et 30 cit. 53 Cf. Jay, Réponse à quelques calomnies, art. cit. 54 Cf. Etienne, n° 32 cit.
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7 décembre 1816. Le premier de ces projets devait modifier la loi du 29 octobre 1816 portant sur la liberté individuelle 65. Tout en reco.nnaissant les atténuations réelles apportées à la loi du 29 octobre, Benjamin Constant n'en affirme pas moins qu'un régime d'exception va au delà de sa motivation immédiate. On a beau requérir pour l'arrestation des prévenus la signature du président du Conseil et du ministre de la Police ou exiger des procureurs une procédure plus expéditive. «Ces lois de circonstances ont par-là l'inconvénient de prolonger les circonstances; et sous un autre rapport elles les aggravent. Les injustices involontaires, inévitables, quand l'arbitraire s'est introduit dans la loi, nécessitent des injustices moins involontaires; c'est une pente glissante et rapide, sur laquelle l'autorité la mieux intentionnée ne peut s'arrêter 66. » Le MerCllre et la Minerve ne céderont pas sur cet article de foi. C'est aussi la position du jeune duc de Broglie à la Chambre haute, tout entier à cette époque au libéralisme, faisant la leçon à ses aînés, peu initiés aux institutions d'Outre-Manche 57. Avec nombre de collaborateurs, il se mettra bientôt à préparer des projets de loi pour assurer les assises constitutionnelles du pays 68. Si la Minerve n'enregistre pas tous les actes arbitraires, rôle dévolu à Chevalier ct à Reynaud dans la Bibliothèque historique, elle n'en réclame pas moins contre les abus qui changent la liberté et les droits individuels en dérision. Telles sont les exécutions ou les arrestations ordonnées par des officiers de la garde nationale 69 et des maires 60, les perquisitions illégales 61, les mesures contre les réjouissances 62 et les Cf. M.d.F. l, Il et 25 janv. 1817. Ibid., p. 171. 57 Cf. Ex/rait de l'opinion de M. le duc de Broglie, sur le projet de loi relatif à la liberté individuelle, M.d.f. l, 22 fév. 1817. [,8 Cf. Etienne, n° 21, M. III 0),5 août 1818. ,,9 Tel le meurtre d'un vieillard suspect, poursuivi en vertu des lois d'exception par des gardes nationaux et la troupe étrangère, et le vol commis à la même occasion, le 22 mars 1816, Aignan, c.r. du Mémoire pour les enfans du sieur Tabarel [ ... ], in Galerie [ ... ), M. 1 (!J), début avril 1818; telle l'arrestation d'un garde naiional, Aignan, c.r. de la brochure dont l'auteur porterait le nom de Pigeon, Les confidences de l'hôlel de Basancourt, ou un jour de détention, in Galerie [ ... ], M. 1 (1), début fév. ; Correspondance, M. IV (4), 28 nov. 00 Détention d'un cultivateur qui a reiusé d'arrêter les travaux sur sa propriété, bien national, Bénaben, M. 1 (5), 7 mars 1818. Les méfaits de la réaction de 1815-1816 se révèlent au fur et à m(!sure que les victimes gagnent en as~u ranc'e. C'est le cas d'un négociant d'Agde qui, traité en 93 comme aristocrate et en 1815 commè jacobin, s'est adressé en vain aux tribunaux pour récupérer sa fortune pillée en 1815, Jouy, Pétition à Chambre [ ... J, M. VI (4), fin mai 1819. La Bibliothèque historique s'élèvera contre les réclamations du duc de Choiseul, demandant la restitution de ses biens, mais la Minerve rendra publique la lettre du duc où il dit qu'il agit selon la loi et où il fait une profession de foi constitutionnelle, M. VII (10), 10 oct. 1819, p. 480. 61 Cf. Bénaben, M. 1 (9), début avril 1818, des gendarmes ont forcé le bureau d'un prévenu, exilé sur l'ordre du préfet du Cher à 150 lieues de sa province. 6~ Tels l'ordre de disperser un « rassemblement» de danseurs dans une mai· son particulière ou celui signifié à un voyageur de s'établir dans une auberge et non chez un ami, Etienne, n° 9, M. 1 (12), 23 avril 1818. 55
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atteintes portées à la propriété 63. Des aventures passionnelles ne manquent pas qui font pousser le zèle des autorités au point de sévir contre des innocents même au-delà des frontières 64. Si la Conspiration du bord de ['eau a servi le jeu de Decazes et nourri la polémique des libéraux contre les ultras, Etienne n'en protestera pas moins et avec vigueur contre les procédés que la Police a pratiqués à l'égard de Canuel et de ses acolytes 65. On peut se faire une idée de l'arbitraire du pouvoir par l'histoire extravagante d'un jeune soldat qui, de retour dans sa ville natale après 7 ans de service, fut arrêté pour avoir souri au fils du juge d'instruction lors de la messe que celui-ci était en train de célébrer. «Mon Dieu! la drôle de ville que la ville de Melle en Poitou, où les juges d'instruction disent la messe, et où les procureurs du roi mettent en prison ceux qui leur font la grimace 1 De grâce, messieurs nos auteurs comiques, un petit voyage à Melle 66.» Juges et procureurs trouvent parfois de dignes émules dans les préfets, promettant des primes à ceux qui arrêteront les propagateurs de fausses nouvelles ou de feuilles subversives 67. Conséquences du passage des ultras au pouvoir après les Cent-Jours, ces torts devraient être redressés par le ministère qui a mis fin à l'existence de la Chambre Introuvable. En protestant contre les atteintes à la liberté, les recueils reprendront le procès qu'ils ont instruit contre l'extrême-droite et mettront en garde le pouvoir et les électeurs contre toute association avec les adeptes de l'ancienne France. Mais le cas le plus pressant et le plus flagrant est fourni par les rigueurs qui ont frappé les pairs et les régicides qui avaient adhéré à l'Empire libéral. Les condamnés ne jouissent pas toujours des dispositions draconiennes de la loi du 12 janvier 1816, et, au lieu d'être exilés, ils se 63 Ordre de restituer la somme qu'un individu a reçue comme subvention pour sa maison incendiée par les Autrichiens, Etienne, n° 23, M. III (4), fin août 1818; il est vrai que la victime a participé à la défense ùu pont de Châlonssur-Saône; les demandes qu'elle a adressées au ministère de l'Intérieur sont restées sans effet. Le zèle intempestif des maires est parfois puni: c'est le cas d'un maire destitué pour avoir annoncé la restitution des biens nationaux, Etienne, n° 3, M. 1 (4), fin fév. 1818 et celui d'un autre pour avoir détourné à son profit une partie des sommes accordées pour le soulagement de sa commune, Bénaben, M.d.F. IV, 22 nov. 1817. ll4 Le sens de la respectabilité a poussé la Police sur les trousses du commandeur portugais de Sad ré qui a franchi la frontière en compagnie d'une jeune beauté consentante. Grâce aux démarches de Laval-Montmorency - ambassadeur à Madrid - , le couple a été arrêté et la jeune fille rapatriée alors que le commandeur a été privé par son pays de son emploi et de ses biens pour prévention de rapt. Disculpé plus tard de tous les torts qu'on lui a imputés, la victime n'a pas obtenu le droit ni de porter plainte contre l'ambassadeur, ni de publier le verdict de la Justice française, ni de le faire connaître en Espagne et au Portugal, Etienne, n" 10, M. Il (1), 6 mai 1818. 65 Cf. infra, ch. VI, Propagande et faits divers, la Conspiration du Bord de
l'eau. 66 Aignan, C.r. du Mémoire pour le sieur Victor Martin, propriétaire à Melle, contre M. le procureur du roi près le tribunal de première instance, séant à Niort, in Galerie [ ... ), M. 1 (7), 21 mars 1818, p. 301. Moins rigoureux, mais non moins
arbitraire est l'interrogatoire subi par un capitaine demi-solde pour avoir baptisé son cheval cosaque, Etienne, n° 3, M. 1 (4), fin fév. 1818. 67
Cf. ibid.
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71;
voient retenus au fort Pierre-Châtel 68. Philippe Marchand, bientôt collaborateur du Censeur Européen, et dont le frère a figuré parmi les détenus, reprendra sa pétition à la Chambre sous forme d'une Lettre à Laîné, protestation mordante et violente contre le déni de justice 69. Non moins malheureux est le sort des bannis errant sur des terres d'exil, victimes des tracasseries et des persécutions que leur suscitent les polices des pays étrangers. Les pétitions en leur faveur affluent à la Chambre et députés cornille publicistes s'acharnent à défendre le droit de pétition 70. Le rappel des bannis devient sous la plume d'Etienne un refrain que les autres rédacteurs imitent à l'occasion et que nous retrouverons sous le ministère suivant. « Espérons que le jour où il n'y aura plus d'étrangers armés en France, il ny aura plus de Français dans l'étranger 71.» L'Académie française s'est également jointe aux appels, en souscrivant aux Œuvres d'Arnault, traînant une vie de misère en Belgique 72. Le jeune écrivain Merle prend aussi la défense des bannis et plaide la cause du colonel Bory de Saint-Vincent, celle d'Arnault, de Mellinet et d'autres 73. Dès février 1818, Etienne peut annoncer l'acte de clémence dont vont bénéficier Dejean fils, Laurence, Gamon, l'ancien ambassadeur Alquier, DuboisDubais, Poulin de Grandprey 74 et plus tard Cambacérès 75. C'est avec satisfaction que la Minerve fait part à ses abonnés de l'intervention du duc d'Angoulême qui a valu au colonel Boyer de Peyreleau, condamné à mort à la seconde Restauration et dont la peine fut d'abord commuée en vingt ans de prison, sa grâce entière 76. Mais eHe n'aura de cesse avant de voir tous les bannis réintégrer leur pays. D'où la place qu'elle réserve au procès intenté à Brissot-Thivars pour la publication du Rappel des bannis ainsi qu'à la Défense des bannis par l'auteur de la défense des volontaires royaux 71. D'où aussi la publicité qu'eHe assure à la pétition de Regnault de Saint-Jean-d'Angely et au discours pathétique que Saulnier a fait à la tribune pour rappeler le comportelIlent généreux de la France à l'égard des bannis étrangers 78. Le retour en
Cf. Bénaben, M.d.f. IV, 22 nov. 1817. Pour la pétition, cf. Bénaben, Session des chambres, M.d.F. IV, 22 nov. 1817 ; Aignan, c.r. de la brochure in Galerie [ ... ). M. 1 (3), 22 fév. 1818. 10 Maine de Biran, rapporteur de la commission des pétitions, a conclu a j'incompétence de la Chambre, conclusion qui n'a pas été retenue, Bénaben, Session des Chambres, M.d.F. IV, 29 nov. 1817; mais l'ordre du jour a eu raison des pétitions; protestation contre un tel procédé, M. 1 (2), 16 fév. 1818. 71 Etienne, n" l, M. 1 (2), 16 fév. 1818, p. 84. 7~ Cf. ibid. 7a Cf. ibid. et Bénaben, Bulletin de France, M. 1 (4), fin fév. 1818. Jouy fera la publicité à la souscription pour le Plan d'Aix-la-C/zapel/e, Borcette et ses em'irons par le colonel Bory de Saint-Vincent, dira les qualités de l'auteur et plaidera en faveur des bannis, du général Allix et Harel, de David, d'Arnault et de Carnot, M. III (1),5 août 1818. H Cf. Etienne, nU 1, M. 1 (2), 16 fév. 1818. 7:; Cf. Etienne, nU 12, Post-Scriptum, M. li (3), 20 mai 1818. 76 Cf. M. 1 (II), 19 avril 1818, p. 544. 77 Cf. Etienne, nU 10, 6 mai 1818. L'auteur serait le jeune Coulmann, futur biographe de B. Constant. 7" Cf. M. Il (3),20 mai 1818, p. 1.t8. 6" 6\1
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France au mois d'octobre 1818 des généraux Lamarque, Lobau, Dejean fils, du colonel Marbot, de Defermon, de Bouvier, de Dumolard, de Courtin et d'autres encore ne font qu'inciter Etienne à redoubler d'efforts en faveur de ceux que la clémence royale n'a pas graciés. C'est un appel vibrant et une protestation violente à la fois qu'il adresse à Decazes pour qu'Arnault soit autorisé à rentrer en France «Malade, souffrant, il rêve sur un lit de douleur l'ombrage des bois qu'il a plantés, le murmure des eaux limpides de Ville-d'Avray, séjour enchanteur, où il partageait sa vie entre les lettres et l'amitié 79 ».
* ** Les deux autres projets que Decazes a présentés à la Chambre, à la séance du 7 décembre 1816, avec le projet de loi rel~tif à la liberté individuelle, portaient sur les journaux et les écrits. On sait que l'Empire avait imposé aux auteurs, aux éditeurs et aux imprimeurs une servitude complète. La première Restauration semblait inaugurer par l'article 8 de la Charte l'ère libérale de la presse en établissant un régime purement répressif. Le gouvernement de Louis XVIII est cependant vite revenu sur ses engagements. La loi du 21 octobre 1814, quelque peu allégée par l'ordonnance du 21 juillet 1815, soumet chaque imprimé de 20 feuilles et au-dessus à la censure, avec l'obligation d'une déclaration avant l'impression, et d'un dépôt d'exemplaires avant la mise en vente. Les journaux et les recueils périodiques sont également soumis à l'autorisation préalable. De plus, la loi du 9 novembre 1815, relative à la répression des cris séditieux et des provocations à la révolte, a établi un régime draconien. Elle a laissé une grande latitude aux autorités policières et judiciaires pour définir à leur guise les écrits séditieux et infliger des peines sévères aux délinquants. Le ministère Richelieu, au risque de voir les journaux devenir libres au mois de mars ou d'avril 1817, en vertu de la loi du 21 octobre, devait s'empresser de faire passer une nouvelle loi aux termes de laquelle les journaux et les recueils périodiques ne pourraient paraître jusqu'au premier janvier 1818 qu'avec l'autorisation préalable. Il était entendu dans la pensée des auteurs du projet que l'autorisation préalable impliquerait le droit de suspendre et de supprimer les journaux. Par contre, le projet de loi sur les écrits, sans supprimer la saisie préventive, régularisait et atténuait ses effets par l'obligation de faire notifier le procès-verbal dans les vingt-quatre heures à la partie saisie et de statuer sur la saisie dans la huitaine en cas d'opposition. Que les ultras soient devenus les partisans de la liberté de la presse peut aisément s'expliquer après l'ordonnance du 5 septembre 1816, mal79 Etienne, n° 31, M. 1lI (13), 28 oct. 1818, p. 621. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre les tentatives de la baronne Travot de réhabiliter son mari, général banni en vertu des lois de 1815-1816, Réponse à la lettre de M. le général Lamarque [ ... ), M. Il (4), 24 mai 1818, p. 192-196; réponse empressée de Lamarque, M. Il (7), 15 juin, p. 344-345 et Nole de la Minerve, M. Il (8), 13 juin, p. 497-498.
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gré les contradictions qu'une telle position ne laissait pas de comporter sur le plan des principes et de l'application. Si Castelbajac, La Bourdonnaye, Villèle, Corbière, Benoist et Bonald à la Chambre des députés, Chateaubriand, Castellane, La Ferronnays et Fitz-James à la Chambre des pairs ont mauvaise grâce à se poser comme champions de la liberté, leur position à partir de la Charte - leçon que la brochure retentissante de Chateaubriand leur avait inculquée - ne manque ni de logique ni de force. Les partisans effacés du ministère ainsi que les doctrinaires RoyerCollard, Courvoisier et Camille Jordan auront du mal à concilier leur profession de foi constitutionnelle avec une juridiction d'exception ..\1 appartiendra à Savoye-Roll in, Brigode et Broglie dans les deux Chambres de mettre en valeur un libéralisme qui répugne à considérer les libertés essentielles cOlllme matière à compromis ou comme enjeu des luttes politiques 80. Benjamin Constant, en suivant de près ces vifs débats soulignera les principes qu'il a énoncés dans de nombreux écrits et dira sa confiance dans l'aboutissement d'une liberté essentielle à la société moderne. Si les intentions des ultras sont transparentes, les amis de la liberté n'en doivent pas moins concéder aux récents néophytes la justesse de leurs principes et combattre la dangereuse identification établie par les ministériels entre le roi et ses ministres, pour faire passer le projet de loi. Tous les pouvoirs arbitraires n'ont jamais manqué de plaider les impérieuses nécessités des circonstances. Il est vrai que les dispositions du ministère dépassent en modération ses actes législatifs. Le Mercure, par ailleurs, ne se sent pas encore en position de faire étalage d'une attitude hostile à l'égard du pouvoir. S'il n'engage pas le combat avec le ministère Richelieu, c'est que Benj amin Constant reste encore sur une expectative prudente et qu'il préfère pour le moment lui accorder sa confiance. \1 se contente il ces dates, de proclamer son opposition de principe à la loi sur les journaux et d'affirmer qu'aucun adoucissement de la loi sur les écrits ne sallfait être efficace sans l'institution d'un jury indépendant des autori tés 81. Dès l'ouverture de la session suivante de 1817-1818, le ministère Richelieu se trouve de nouveau dans l'obligation de proposer un projet de loi sur la presse pour maintenir les journaux sous sa surveillance. Le projet présenté à la Chambre par le garde des Sceaux Pasquier comportait une répartition des responsabilités et des sanctions entre les auteurs, les éditeurs et les imprimeurs et le maintien de l'autorisation préalable pour les journaux et les recueils périodiques jusqu'au 1er janvier 1821. Il n'est pas étonnant de voir les ultras persévérer dans leur opposition au ministère et combattre son nouveau projet. Les libéraux n'avaient pas non plus à se louer de la politique ministérielle. Les tentatives réitérées cI'une fraction du ministère pour renouer avec le pavillon de Mar~(, Cf. B. Constant, Des Chambres. Projet de loi sllr la liberté de la presse, V", VI" ei VII' art., M.d.F. l, 1"', 8 et 15 fév. 1817; Duvergier ùe Hauranne, op. cil., vol. IV, ch. XIV. ~l Cf. ibid.
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san, les efforts de Richelieu pour faire aboutir le Concordat et l'empressement des ministériels à contrecarrer les candidats libéraux aux élections de septembre 1817 n'étaient pas de nature à ménager au pouvoir l'appui de la gauche. La répression sanglante des troubles à Grenoble et à Lyon et les condamnations en série des publicistes, accompagnées par les procureurs d'une profession de foi singulière, ont fini par raidir l'attitude du camp libéral. La gauche mettra en œuvre tous ses moyens légaux pour forcer la main au ministère et l'engager dans une voie franchement constitutionnelle. La discussion aux Chambres du nouveau projet de loi verra s'établir une alliance provisoire entre les libéraux et les ultras, sauf sur la question du jury. Villèle, La Bourdonnaye, Benoist, Bonald et Corbière à la Chambre des députés, Saint-Roman, Brissac, Mathieu de Montmorency et Chateaubriand à la Chambre des pairs énonceront des principes que leurs col!ègues respectifs - Martin de Gray, Casimir Périer, Hernoux, Chauvelin, Laffitte, Voyer d'Argenson, La Rochefoucauld, Boissyd'Anglas, Broglie et Lanjuinais - ne désavoueront pas. Elle fera piètre figure aux Chambres l'apologie entreprise en faveur du projet par les partisans ministériels. Les Doctrinaires - Camille Jordan et Royer-Collard - ne laisseront pas de critiquer certaines dispositions de la loi et d'exiger l'institution du jury. Jordan s'élèvera à cette occasion contre le cOl1stitutiol1alisme bâtard des ultras ct évoquera dans des termes vibrants les condamnations sommaires de la justice prévôtale à Lyon. Il sera facile à Bénaben, interprète de la pensée de Benjamin Constant, de démontrer à quel point est vaine toute définition de la presse, arbitraire la recherche des provocations indirectes et insensée l'assimilation du dépôt d'un ouvrage à sa publication. Les recueils restent toujours fidèles à la conception constantienne qui refuse toute législation particulière pour les délits des brochures et de la presse et qui considère l'appareil rigoureux du code pénal comme amplement suffisant pour punir les infractions des publicistes. Ils se dresseront invariablement contre toute entorse aux dispositions explicites de la Charte en faveur de la liberté de la presse 82. Si le ministère Richelieu réussit à faire entériner par les Chambres l'article de la loi maintenant l'autorisation préalable pour la presse et dont la durée a été limitée jusqu'au premier janvier 1818, il semble perdre son intérêt pour les dispositions sur les écrits, violemment critiquées et sensiblement améliorées lors des polémiques qui ont eu lieu
82 Cf. Bénaben, Session des Chambres, M.d.F. IV, 13, 20 et 27 déc. 1817. V. également Tissot, c.r. de l'ouvrage de Bailleul, Sur les écrits de M. Benjamin
de Constant, relatifs à la liberté de la presse et à la responsabilité des ministres, ibid., \0 nov. ; ].J.B. [Pagès] reproduira les délibérations des universités hongroises sur la liberté de la presse - extrait des Travels in Hungar)' de Robert Townson, publiés en 1797 - ibid., 6 déc. ; 55., fera l'éloge de la brochure du jurisconsulte Coffinières, Causeries des salons sur la liberté de la presse, relative au projet de loi sur la liberté de la presse, ibid., 29 nov. et 13 déc. Esménard, C.r. de l'écrit de Ricard (d'Allauch), Du jury et du régime de la presse, ibid., 20 déc. 1817.
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à la Chambre du 11 au 24 décembre 1817. Il ne lui restera en présence de l'hostilité de la Chambre haute que de manœuvrer habilement pour faire rejeter cette partie de son projet. Etienne ne manquera pas de stigmatiser avec son ironie mordante un procédé aussi déloyal 83. Débordé par les problèmes des indemnités de guerre et d'une occupation accablante, excédé par les tiraillements et les oppositions dans sa politique intérieure, le ministère Richelieu, soucieux de reconquérir l'opinion, tient à la rassurer par des promesses que les feuilles ministérielles propagent. Etienne n'ajoute pas foi au bruit d'un changement de législation de la presse dans un an, ni d'un adoucissement de la répression pénale 84. Il dit aussi leurs vérités aux récents néophytes du libéralisme qui défendent à la tribune la liberté de la presse et qui se joignent aux ministériels pour repousser la proposition de Dupont de l'Eure demandant un nouveau projet de loi sur la presse ~5. Les affirmations de la presse anglaise sur la préparation d'un projet de loi libéral et de l'envoi de juges pour étudier en Angleterre la législation sur les écrits ainsi que l'institution du jury n'appellent de la part des rédacteurs que des réactions sceptiques. Les juges-voyageurs ne trouveront pas en Angleterre la moindre trace d'une législation spécifiant les modalités de la liberté de la presse. Cette liberté existe en fait en vertu d'une législation criminelle appliquée à tous les délits par un jury élu librement alors que la liberté solennellement déclarée par la Charte est démentie dans son ensemble par des lois d'exception successives et dans le détail par une répression chaque jour plus draconienne. Et Etienne de prouver que le jury en Angleterre, sauf sous le règne de Charles II, avait toujours été libre 86. Si Etienne n'accorde pas au début sa confiance à Cottu, Conseiller à la Cour royale, envoyé en mission d'étude en Angleterre, il finira par reconnaître l'impartialité du Conseiller, pénétré de la supériorité des institutions britanniques. II s'élèvera cependant contre les précautions du Ministère pour cacher les recommandations de Cottu et dénigrera les assertions partiales au Conseil d'Etat du savant protestant Cuvier, contrairement aux idées sensées de Royer-Collard relativement à l'institution du jury. Sous la plume alerte d'Etienne, le libéralisme ne saurait admettre ni un jury de commande, ni un jury dont le ministère de la Justice pourrait récuser les membres dans une proportion inquiétante, ni enfin une presse libre conditionnée par un cautionnement exorbitant 87. La polémique libérale contre le régime de contrainte ne tire pas sa force uniquement de la logique serrée des principes ou de la justesse des arguments. Le ministère Richelieu fournit tout le long de sa carrière maintes occasions pour justifier la position énergique des recueils libéCf. Etienne, n" l, M. 1 (2), 16 fév. 1818. Cf. ibid. -c, Cf. Bénaben, Pétitiuns ct projets, M. 1 (3), 22 fév. 1818; Etienne, n° 3, .\\. 1 (-1), fin fév. 1818. HO. Cf. !I\ Il (·1),2-1 mai 1818, p. 202; Etienne, n" 13, M. Il (5), début juin. S7 Cf. Etienne, ibid., Post-Scriptum et n'" 1-1, 35 et 36, M. Il (6), M. IV (5 et 6), III juin, tl et 13 déc. 1818. H3
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raux. Les sévères condamnations des rédacteurs de la Bibliothèque historique étaient présentes à la mémoire des publicistes 88. Les démêlés de Comte et Dunoyer avec la Justice de leur temps leur ont assuré une juste célébrité. On connaissait le long procès, voire les procès interminables que les autorités avaient suscités à ces adversaires farouches de l'Empire pour la publication dans le troisième volume de leur recueil Le Censeur Européen - du Manuscrit apocryphe venu de l'île SainteHélène 89. Non moins retentissant fut le procès invraisemblable intenté à Comte et à Dunoyer par le juge Béchu auquel Comte réussit à échapper et pour lequel Dunoyer fut traîné par les gendarmes à Rennes 90. D'autres procès furent encore intentés à Brissot-Thivars pour le Rappel des bannis 91, à Crevel pour son Cri du peuple 92 ainsi qu'aux rédac-
88 Cf. Bénaben, condamnation de Chevalier et acquittement de l'imprimeur Dentu, M.d.F. III, 21 juin et 5 juillet 1817 ; appréciation élogieuse de la Biblio .. thèque historique à la suite de sa saisie, Etienne, n° 14, M. Il (6), 10 juin 1818 : Bellart appelle du jugement de la chambre d'accusation de première instance; les prévenus sont renvoyés devant la police correctionnelle, ibid., Post-Scriptum; les éditeurs de la Bibliothèque historique continuent de publier de nouvelles livraisons, n° 16, M. Il (9), début juillet; la défense du recueil - Mauguin est attaquée par le substitut dans des termes inconvenants, n° 18, M. Il (11), 15 juillet; condamnation rigoureuse des auteurs de la Bibliothèque historique. n° 20, M. Il (13), fin juillet; l'ordre des avocats prend la défense de Mauguin qui avait été invité par le tribunal à plus de prudence; transactions et irrégularités à cet effet; protestations d'Etienne, n0 21 et 36, M. III (1) et M. IV (6\, 5 août et 13 déc. ; B. Constant, Question judiciaire, M. III (3), 20 août. 89 Cf. notre étude cit., Le Censeur Européen. Histoire d'un journal industrialiste, Il, p. 338 sq. ; B. Constant, Questions sur la législation actuelle de la presse [oo.], Paris, 1817; Lacretelle, c.r. de cette brochure, M.d.F. III, 19 juillet, 2 et 9 août 1817; Augustin Thierry fait allusion au plaidoyer éloquent de Constant en faveur de Comte et Dunoyer dans son écrit anonyme, Le ministère vengé [oo.] (cf. notre étude, Sur un écrit de jeunesse d'Augustin Thierry, in R.H.L.F., 1959, juillet-sept., n° 3, p. 353). Decazes sera obligé à se défendre à la Chambre des pairs contre l'accusation que maints passages incriminés du 3' vol. du Censeur Européen avaient été confiés à ses directeurs par le ministère de la Police. Il s'agit de Mirbel, rédacteur du Journal des Maires et confident de Decazes, qui fut nommé lors du procès du Censeur Européen secrétaire générai du ministère de la Police (cf. Duvergier de Hauranne, op. cit., vol. IV, p. 276 et notre art. cit. sur Thierry, p. 351-352). Rappels du procès, Bénaben, M.d.F. 111,5 et 19 juillet 1817; 2,9,16,30 août; Brougham a rendu visite aux prévenus, 2Y sept. ; M.d.F. IV, 11 oct. et 22 nov. ou La presse française a annoncé l'arrestation des auteurs avant que Com~e et Dunoyer aient été arrêtés et le Sun anglais a spécifié le chef d'accusation retenu contre eux avant l'instruction, Etienne, n° 9, M. 1 (12), 23 avril 1818: lettre de Dunoyer à la Minerve écrite à la Force, où il s'élève contre son arrestation, Correspondance, M. 1 (13), fin avril; la presse ministérielle attaque les prévenus, Etienne, n" 14, M. Il (6), 10 juin; rappel de l'orage suscité à la dernière session par la condamnation des auteurs du Censeur Européen et de Chevalier, n" 20, M. Il (13), fin juillet; cf. également sur le procès de Rennes. notre art. cit., Le Censeur Européen. Histoire d'un journal industrialiste, Il, p. 342-344. 91 Acquittement de l'auteur et condamnation de son ouvrage, Etienne, n° 7, M. 1 (10), 12 avril 1818. 92 Mocquart a assumé avec beaucoup de talent la défense de Crevel qui fut condamné en appel, Etienne, n° 10, M. Il (1), 6 mai 1818. 8
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teurs de l'Homme gris 93. Ne s'agirait-il d'une véritable conjuration universelle contre la liberté de la presse, interdisant en France le Vrai libéral, le Mercure du Rhin et la Gazette ulliverselle u4, ordonnant à Cau choisLemaire et à Guyet - rédacteurs du Vrai libéral - ainsi qu'à LaHemand - rédacteur du foufIlal de la Flandre orielltale - et à Brissot rédacteur du foufIlal collstitutiollnel d'Anvers - de quitter le royaume des Pays-Bas Un ? Le procureur BeHart s'est évertué à prodiguer des conseils paternels aux avocats pour les dissuader de prendre la défense des publicistes 96. La démonstration a d'ailleurs suivi de près l'exhortation. La défense que l'écrivain Esneaux a entreprise en faveur du jeune Scheffer - ami d'Augustin Thierry - a valu au plaideur malencontreux son arrestation et un traitement révoltant 97. Le ministère de la Justice a fait la preuve de ses préventions, en cherchant à débouter les anciens propriétaires du foufIlal de Paris - Roederer et Bassano - des réclamations qu'ils avaient formulées contre leurs anciens associés 98. La Police n'a pas été moins vigilante, en procédant à la saisie des pamphlets 99, de quelques numéros du foufIlal général 100 et même des mouchoirs de soie figurant les gloires des armées françaises 101. Le Conseil de discipline des avocats de Paris se révéle lui aussi le digne interpète des volontés ministérielles en refusant systématiquement d'admettre Manuel au barreau de la capitale 1U~. ù:l Rédigé par l'avocat Fère!. 11 est cité en justice, Etienne, ibid. ; à peine condamné, l'Homme gris ne laisse pas de reparaître sous l'égide de nouveaux rédacteurs, n° 14, Post-Scriptllm, M. Il (6), 10 juin 1818. U4 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 25 oct. 1817. !J:; Poursuivi par l'ambassadeur d'Espagne pour un article injurieux contre l-'erdinand VII, Cauchois-Lemaire a été condamné à une forte amende, Bénaben, M.d.l-'. li, 24 mai 1817; ordre signifié aux rédacteurs de quitter le pays, ibid., 31 mai. !J6 Cf. 55., M.d.F. IV, 22 nov. 1817; Pagès cite également les discours des procureurs, M. III (6), 15 sept. 1818. !lÎ Cf. Etienne, n" 2, M. 1 (3), 22 mars 1818 : il rappelle la condamnation du jeune Scheffer et la qualité d'étranger que les tribunaux lui ont conférée. Le critique invite Marchangy à méditer sur les procès en chaîne que cette affaire est susceptible de provoquer, car voilà une Défense publiée par Decomberousse en faveur d'Esneaux. Un autre écrivain - Arnault - pouvait se considérer heureux de la condamnation à un jour de prison et 50 francs d'amende, Bénaben, M.d,F. Il, 28 juin 1817, Pour le procès de Scheffer, cf. notre art. cit, sur Augustin Thierry. Tracasseries suscitées à Esneaux en prison, sa maladie, souscription ouverte en sa faveur pour payer l'amende, Etienne, nO' 13, 18, 19 (Post-Scriptum) et 30, M. 11 (5, Il et 12), M. IV (1), début juin 1818, 15 et 21 juillet, 3 nov. U8 L'avocat général Colomb, qui s'était signalé dans la Chambre Introuvable par son opposition aux excès des ultras, fut remplacé dans ce procès par Quequet. Quelle justice peuvent espérer Roederer qui est en disgrâce et Bassano qui est en exil? Etienne, n° 3, 1\\. 1 (4), fin fév, 1818, !lU Cf. Etienne, n" 2, M, 1 (3), 22 mars 1818. 100 Cf. B. Constant, De la nécessité et des moyens de nOllS faire une jllste idée des doctrines dll ministère public, dans les callses relatives aux délits de la presse, M. II (10), 12 juillet 1818, p. 476. 11ll Cf. Etienne, n" 16, M, II (9), début juillet 1818, 10~ Cf. le long développement d'Etienne, n° 7, M, 1 (10), 7 avril 1818,
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Voilà des actes qui s'inscrivent dans une politique de réaction manifestement opposée aux principes qui ont présidé à l'établissement de la Restauration, malgré quelques rares signes de fléchissement du régime de contrainte. Par ailleurs, la politique de bascule fonctionne même dans ce domaine et Fiévée du camp opposé n'échappera pas à un procès retentissant pour le onzième numéro de sa Correspondance administrative où, dans sa réplique contre la diatribe du jeune Lord Stanhope, il a dénoncé la France révolutionnaire. C'est à cette occasion que Benj amin Constant donnera la mesure de son libéralisme en reprochant au Journal général sa satire contre Fiévée. Il dressera un réquisitoire violent, d'une ironie mordante, contre les lois et les mesures d'exception et fera un appel fervent pour la solidarité à cet effet des partis et des publicistes 103. C'est encore Benjamin Constant qui fera le bilan amer des condamnations, en citant les noms des jeunes publicistes Comte, Dunoyer et Chevalier, connus du public depuis 1814 et 1816, ou les noms d'auteurs qui ont gardé le silence sous l'Empire pour les mettre en regard des procureurs Hua, Vatimesnil et Marchangy dont la fidélité au pouvoir a été sans tache durant les années 1808, 1810 ou 1812. «La majorité des auteurs actuels se taisait sous Bonaparte, la majorité des magistrats actuels jugeait alors aussi bien qu'à présent. Nos magistrats ont donc sur nos écrivains l'immense avantage d'une longue tradition, d'une expérience étendue, d'une intelligence façonnée par d'immenses services rendus aux autorités antécédentes 104.» N'eût été l'accident survenu à Benjamin Constant à Meudon, il eût réuni en volume les réquisitoires des tribunaux. «Tous les genres d'éloquence se réunissent aujourd'hui dans certains réquisitoires de notre ministère public. L'oraison funèbre et le poëme en prose, les discours politiques et les descriptions de la nature, l'églogue, l'idylle, l'hommage sonore envers la puissance, tout s'y rencontre et s'y confond 105. » La tâche sera dévolue à Jouslin de la Salle dont Constant annoncera le prospectus de l'ouvrage 106. Ainsi, les rédacteurs ont démontré les contradictions flagrantes existant entre les prescriptions de la Charte et les préceptes des porte-parole de la Justice, et souligné, 10a Cf. B. Constant, Des égards qui, dans les circonstances présentes, les écrÏJ'ains se doivent les lins allx autres, M. 1 (9), début avril 1818. Etienne, tout en dénigrant Fiévée, n'en avait pas moins défendu sa cause, n° 5, M. 1 (7), 21 mars; cf. également, Jay, Du danger des interprétations, ou observations sur le réquisitoire de M. de Marchangy dans l'affaire de M. Fiévée, M. 1 (12), 23 avril; Jay y cite aussi la condamnation sévère de Riouste, prévenu d'avoir attaqué le principe de la légitimité; condamnation de Fiévée, n° 10, M. Il (1), 6 mai; il est autorisé à passer le temps de sa détention à sa maison de campagne, n° 18, Post-Scriptum, M. Il (lI), 15 juillet. 104 De la nécessité et des moyens de nous faire une juste idée des doctrines du ministère public, dans les causes relatives aux délits de la presse, M. Il (10), 12 juillet 1818, p. 476. 105 Ibid., p. 479. 106 Cf. ibid., annonce de la souscription chez L'Huillier. L'ouvrage est intitulé, Petits cours de jurisprudence littéraire. ou répertoire de police correctionnelle à l'usage des gens de lettres, selon MM. Hua, Vatismenil [sic] Marchangy, etc., Paris, 1819-1819. Constant fait de nouveau l'éloge de l'ouvrage, M. IV (5), 6 déc. 1818. L'ouvrage est un guide excellent pour les procédés de la Justice d'alors et les condamnations de quelques publicistes en vue.
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à l'exemple des auteurs du Censeur Européen, que les poursuites n'ont fait que redoubler les sympathies du public pour les écrivains condamnés, renforcer aux Chambres l'opposition au pouvoir et déterminer une véritable floraison de périodiques.
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Les indemnités de guerre, totalisant 700 millions de francs, que la France devait régler tous les quatre mois par tranches de 45, et l'entretien des troupes d'occupation, s'élevant à 150.000 hommes, constituaient pour le pays épuisé ses dépenses extraordinaires. Celles-ci s'ajoutaient à la dette flottante des régimes antérieurs et aux dépenses ordinaires de l'exercice fiscal en cours. En 1817, pour faire face aux obligations envers les Alliés, Corvetto s'est adressé aux banquiers Baring de Londres et Hope d'Amsterdam afin de négocier un emprunt aux termes duquel la France aliénerait un capital nominal de 384 millions en échange d'un capital réel de 187, doublé d'un intérêt annuel de 17. D'autre part, après des négociations pénibles, Wellington a donné son consentement, en février 1817, pour réduire le corps d'occupation à 120.000 hommes. A cette date, la situation de la France peut paraître au ministère Richelieu désespérante 107. La gravité de la situation économique de la France et l'intérêt politique des discussions budgétaires pour l'avenir institutionnel du pays expliquent la sollicitude passionnée de Benjamin Constant et de ses collaborateurs pour ces question. Peu versé dans la partie technique, il a recours à la science de Saint-Aubin, un des premiers collaborateurs de l'Industrie de Saint-Simon 108. Avec cet économiste, Benjamin Constant croit à la vertu des emprunts qui répartissent les charges sur plusieurs générations à venir et qui permettent de résoudre des questions financières en apparence insurmontables. Se méfiant de la «logique» du pouvoir, il met cependant les Chambres en garde contre les abus en matière de crédit d'autant plus que les dettes immenses de l'Angleterre fournissent une leçon toujours présente. Si le crédit et la puissance de l'Angleterre demeurent intacts, ils n'en accusent pas moins des failles qui risquent de se transformer par la misère et les taxes écrasantes en une révolution sociale. Saint-Aubin tiendra à apporter son correctif à cette vue pessimiste, partagée d'ailleurs par les chefs de file libéraux. Toujours est-il que Constant accorde son appui au ministère pour l'emprunt négocié et note avec satisfaction le changement d'opinion à cet égard dans un pays difficile107 Cf. Duvergier de lIauranne, op. cit., vol. IV, ch. XV-XVII; Bertier de Sauvigny, op. ci!., 2" part., ch. III. lOS La première partie du premier tome, publiée en déc. 1816, comporte une étude de Saint-Aubin, Sur les finances; la seconde partie, publiée en janv. 1817, Des nations, est d'Augustin Thierry, et la troisième, publiée en fin fév., est une nouvelle étude de Saint-Aubin sur l'administration des finances. Pour le recours à Saint-Aubin, cf. B. Constant, Des chambres, M.d.F. l, 1"' et 15 mars 1817.
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ment perméable aux modifications d'optique 109. Cet appui se double cependant d'une critique voilée à l'égard du ministère qui a mené secrètement cette opération financière avec des maisons étrangères, fait qui lui a été violemment reproché par Casimir Périer 110. Une autre question étroitement liée à celle de l'emprunt a été celle de la dotation de la caisse d'amortissement d'une somme supplémentaire de 20 milions. La discussion à la Chambre a pris une ampleur qui a largement dépassé ses données techniques. C'est que le ministère a décidé de pourvoir à cette dotation par la vente de 150.000 hectares de bois de l'Etat, constitués en partie par d'anciennes propriétés du clergé. D'où un débat des plus animés dans les deux Chambres. En raillant les notions économiques confuses de l'extrême-droite, Benjamin Constant décochera des traits ironiques à l'adresse de Bonald et surtout de Chateaubriand pour leur apologie du clergé. «En écoutant certains orateurs, on eût dit Ossian parlant d'économie politique; et les subtilités de la théologie et les traditions de l'esprit chevaleresque se sont mêlées d'une manière bizarre à des calculs de finance et à l'examen d'un budget 111.» Doter le clergé de propriétés n'est pas contraire aux conceptions constantiennes, à condition que les pasteurs de toutes les confessions en soient également pourvus par leurs communautés respectives et que l'Eglise dominante ne se reconstitue pas en corps possédant. C'est une bonne occasion pour évoquer le schisme d'Occident et rappeler avec Barante, parlant au nom du ministère, la confiscation des biens des Jésuites que le bon plaisir du pouvoir monarchique a cédés à d'autres ordres 112. Le budget présenté au cours de la session de 1816-1817, a totalisé 1088 millions que la commission de la Chambre a cherché à réduire à 1061, contre 758 millions prévus par les recettes et 303 couverts par 30 millions de rentes. II 'a donné lieu à de vif,s débats sur les économies à pratiquer dans les sommes allouées aux différents ministères. Benjamin Constant se rangera du côté du ministère pour railler l'appétit d'économies des ultras, volontiers disposés à rogner les dépenses des ministères autres que ceux de la Guerre et de la Marine, acquis à la cause de l'extrême-droite. Barante a eu facilement raison de leur opposition en montrant les finances de l'Ancien Régime entachées par une incurie et un arbitraire révoltants. Avec les députés libéraux et ministériels, Benj amin Constant critiquera vertement les ministres de la Guerre et de la Marine, le maréchal Clarke et Dubouchage, pour avoir excédé leurs budgets 113. Il démontrera que seuls ceux-ci sont susceptibles d'être 109 Cf. B. Constant, Des chambres, M.d.F. l, 22 mars 1817 et la Lettre de Saint-Aubin, M.d.F. Il, 5 avril. 110 Cf. B. Constant, ibid. 111 Des chambres, M.d.F. Il, 12 avril 1817, p. 83. Par l'ordonnance du 10 déc., le ministère des Finances sera autorisé à procéder à la vente, M.d.F. IV, 20 déc. 112 Pour la caisse d'amortissement et la question du clergé, cf. B. Constant, Des chamhres, le c.r. cit. du 12 avril et celui du 29 mars 1817. 113 Cf. B. Constant, ibid., c.r. cit. du le. mars et celui du 8 mars 1817.
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réduits et s'élèvera par la même occasion contre les pensions prodiguées à des officiers nobles, tout en exceptant de cette réprobation celles. accordées aux réfugiés espagnols, portugais et égyptiens dont la cause a été défendue à la tribune par LaÎné 114. Le ministère qui a vu discuter son projet de loi budgétaire pendant la session de 1816-1817 et qui l'a entériné le 24 mars 1817, doit de nouveau faire face en 1818 à des obligations financiéres énormes qu'il soumettra aux Chambres durant la session de 1817-1818. A un ordre de dépenses un peu moins élevées que celles de 1817 s'ajoutent plus de 14 millions de rentes pour le règlement définitif des dettes contractées envers les particuliers étrangers et 24 millions de rentes pour compléter le paiement des indemnités de guerre afin de hâter la libération 115. La Minerve se fait l'interprète des députés libéraux pour critiquer ces dépenses accablantes et protester contre le nouvel emprunt négocié avec Baring selon un taux nettement préjudiciable à la France. Etienne et Bénaben, Saulnier fils et Pagés font chorus aux sombres analyses de l'état financier faites par les rapporteurs de la commission, Roy et Beugnot, et aux prévisions sinistres de Laffitte 116. Unanimes à recommander le système créditaire, les rédacteurs n'en protestent pas moins contre un recours abusif aux emprunts, susceptibles de mettre en danger l'économie nationale comme en Angleterre 117. Une comptabilité rigoureuse et des économies sévères s'imposent. L'ordre à introduire dans les contributions directes devrait se doubler de la limitation des contributions indirectes 118. Les gros salaires des ministres et des directeurs généraux devraient être également limités. Les demandes de restrictions vont parfois jusqu'à plaider la suppression du Conseil d'Etat, des cours prévôtales, des sinécures des ministres d'Etat, des sous-secrétaires d'Etat et de bon nombre de fonctionnaires, et bien entendu la suppression de l'entretien des régiments suisses, associés dans la pensée libérale aux pratiques antinationales de l'Ancien Régime. En rapprochant la Restauration de l'Empire, il est aisé à la Minerve de prouver que la masse d'appointements et de divisions ministérielles est restée sensiblement la même 119. Sans s'associer aux attaques virulentes de La Bourdonnaye Cf. B. Constant, ibid., 8 mars 1817. Après réduction par la commission de la Chambre, le budget de 1818 s'é1h'era à U7·!.290.000 francs, Bénaben, M. 1 (9), début avril 1818; pour les emprunts, d. Saulnier fils, M. Il (2), 14 mai. 116 Cf. Bénaben, M. 1 (8), fin mars 1818; recommandation de l'Opinion de Chauvelin sur le budget, Etil!nne, n° 7, M. 1 (ID), 12 avril; pour l'intervention de Laffitte à la Chambre, Bénaben, ibid. 117 Cf. Bénaben, ibid., Pagès, M. Il (4), 24 mai 1818. Ils Cf. Bénaben, M. 1 l8, 9 et 11), fin mars, début et I!) avril 1818. IIU Pour les émoluments des ministres, ministres d'Etat, directeurs généraux ct sous-secrétaires d'Etat, d. Etienne, n'" 4 et 7, M. 1 (6 et 10), 10 mars et 12 avril 181!! (le dernier n" porte sur un écrit ironique de Salve rte, Examen des budgets des directions géllérales), n° 10, M. Il (1),6 mai; Bénaben, M. 1 (11), Saulnier fils, M. 1 (13), fin avril; pour le Conseil d'Etat, Saulnier fils, M. Il (2), 14 mai et pour les cours prévôtales, Bénaben, M. 1 (8), fin mars; pour les Suisses, Bénabcll, c.r. du discours de Casimir Périer, M. 1 (11), 19 avril; pOlir le nombre excessif des fonctionnaires, Saulnier fils, M. Il (2). 1H
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contre Decazes, le recueil blâme la disposition qui fait figurer l'impôt sur la presse comme revenu fixe dans le budget du ministère de la police, et, sur un plan tout à fait différent, celle qui permet l'exploitation immorale de l'impôt sur la loterie. Toutefois, la Minerve s'empresse de mettre en valeur l'intervention de Camille Jordan, accouru à la défense de Decazes, qui a remonté les sentiers du « bon vieux temps» pour illustrer ses méfaits par les lettres de cachet 120. Après avoir marqué ses distances à l'égard de l'extrême-droite, la Minerve peut dénoncer les pensions 121 souvent prodiguées aux privilégiés, s'en prendre aux ministres qui excèdent leurs attributions financières et à la pratique de soumettre le projet de loi budgétaire aux Chambres sans une justification détaillée des dépenses respectives des ministres 122. Enfin, la mauvaise gestion des finances départementales et communales et l'arbitraire caractérisant l'administration locale alimentent les débats de la Chambre aussi bien que les colonnes de la Minerve 123, tout en laissant percer quelquefois des échos sur le progrès constitutionnel dans ce domaine 124. Ces plaintes pèsent sOlllme toute peu en regard de l'appel de Richelieu aux Chambres pour le règlement financier des indemnités des particuliers étrangers et des Alliés 1~5. La rédaction suit passionnément les moindres bruits ayant trait aux négociations en cours pour la libération anticipée du territoire et puise largement ses renseignements dans la presse anglaise 126. Elle dit son indignation devant les réclamations insatiables des créanciers étrangers qui remontent parfois à l'époque d'Henri IV 127 alors que les revendications des Français, garanties par les traités de paix, restent sans réponse 128. Dans l'angoisse de l'attente, 120 Contre le droit de timore, d. Bénaben, M. 1 (9), début avril 1818; la loterie, Saulnier fils, M. Il (3), 20 mai; l'attaque de La Bourdonnaye, le même, M. 1 (13), fin avril. 121 Cf. Bénaben, M. 1 (8), fin mars 1818. 122 Cf. Etienne, n° 10, M. Il (1), 6 mai 1818 et Saulnier fils, M. Il (2 et 3), l-l et 20 mai. 123 Pour Paris et le pouvoir discrétionnaire des préfets, Etienne, n° 5, M. 1 (7),21 mars 1818; Bénaben, M. 1 (9 et II), début et 19 avril. 124 Cf. Pagès, M. Il (4), 24 mai 1818. 12;; Cf. Saulnier fils, M. Il (2), 14 mai 1818. 120 Etienne rend hommage aux efforts des ministres, n° l, M. 1 (2), 16 fév. 1818; Bénaben annonce la iibération pour le 20 nov., M. 1 (4), fin fév.; le Courier et le Times interprètent l'attiude de l'Angleerre quant à la libération et soulignent le rôle d'Alexandre et son intervention auprès de la Prusse. Les injure du Times contre Laffitte four son opposition au recours à Baring, Etienne, n° 5, M. 1 (7), 21 mars; un nouveau congrès doit décider de la libération, Bénaben, M. 1 (8), fin mars; la presse allemande trace l'itinéraire des troupes alliées, Etienne, n° 6, M. 1 (9), déhut avril; bruits toujours persistants sur le départ des Alliés, Etienne, n° 7, M. 1 (10), 12 avril; la libération ne tarderait pas et dépendrait de la liquidation des dettes particulières, Bénaben, M. 1 (II), 19 avril. 127 Cf. Etienne, n° 4, M. 1 (6), 13 mars 1818, les exigences du duc d'AnhaltBernbourg; Saulnier fils, M. 1 (13), fin avril, les exigences des particuliers et les dispositions prises avec l'Espagne et l'Angleterre; Pagès, les conventions condues avec les Alliés, M. Il (8), 25 juin. 128 La main-levée du séquestre établi sur les propriétés françaises en Espagne d'après le traité du 20 juillet 1814 n'a pas été respectée, Bénahen, M. 1 (3), 22 fév. 1818; le dédommagement des particuliers espagnols C.,t conditionné par
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la Mil/t'rve appelle ùe ses vœux l'allègement des charges pesant sur les régions frontalières l~H et pousse sa commisération jusqu'à oublier ses principes ct reconnaître tacitement à l'Alsace le droit au monopole du tabac 130. Dans cette conjoncture émouvante, la Mil/erve ne croit pas devoir insister longuement sur le recours du ministère en 1817 aux maisons Baring et Hope, d'autant plus qu'elle le sait tout disposé en 1818 à faire appel aux ressources du pays. L'empressement enthousiaste du public à souscrire à l'emprunt lancé par Corvetto - souscription qui rapporta onze fois la somme delllandée - témoigne autant des bonnes dispositions de la France que de ses possibilités lal. Négocier un second emprunt avec Baring et Hope, selon un taux de 67 francs, pour fournir les 24 millions de rentes, semble aux banquiers libéraux une trahison, aggravée par les spéculations auxquelles les banques étrangères ne manqueraient pas de se livrer 1;J~. Le refus de Laffitte et d'autres banquiers à sa suite de s'associer il Baring pour une partie de l'emprunt prouve l'incurie du ministère. La bourse enregistre d'ailleurs les faits financiers par une hausse consécutive à la souscription nationale et par une baisse qui suit la divulgation des négociations secrètes avec Baring, fluctuations qu'on attribue volontiers à l'agiotage étranger comme à l'impéritie du ministère. La joie de la bourgeoisie libérale à la veille de la libération sera ainsi gravement
le droit à faire valoir aux réclamations des français, Saulnier fils, M. 1 (13), fin avril; demandes de restituer leurs fonds aux anciens militaires français, sociétaires du Mont de Milan, de Westphalie, de Bayreuth et d'Erfurt et dont des sommes importantes ont été versées au Domaine extraordinaire, Pagès, M. III (9 et 10),3 et 10 oct. ; Pagès fait appel au gouvernement pour qu'il appuie le., demamks des Français auprès des pays étrangers, ibid. ; le chevalier Salel se dévoue à la GlUS,' de ces militaires, ihid. Salel persistera dans sa tâche tout le long de la Rcstauration et bien au delà d'elle . l~n Cf. flénahen, cr. de~ interventi()n~ de Saulnier et de Chauvelin en faveur db départcments de l'E~t, M. 1 (-1 et 9), fin lév. et début avril IHI8. \:;0 Si Bénahen hésite à appuyer les demandes en faveur du commerce de transit en Abacc vers la Suis~e, M. 1 (3 et -1), 22 fév. et 21 mars 1818, Etienne v est favorable, n" 6, M. 1 t9), déhut avril; Saulnier fils ne cache pas son étonnement devant l'opposition du directeur général Saint-Cricq au monopole de tabac alors que Richelieu avait défendu la cause de l'Alsace, M. 1 (12),23 avril. \:Il Cf. Etienne, nO' 1-1 et 15, M. Il (6 et 8), JO et 25 juin 1818; Pagès, M. Il (7), 15 juin. On :1 demandé 14.600.000 francs de rentes et les offre~ sont montées il 168.000.000. 1:;2 Cf. Etienne, n" 15, M. II (8), 25 juin 1818: il y retrace l'histoire de l'emprunt de 2-1 l1lillion~ de francs de rentes et résume la critique de Laffitte comme celle de Ca~il1lir Périer. Il y donne également les noms des maisons Iran,ai~e~ et des particuliers qui sc sont associés pour l'emprunt. Les membres de cette association Qui se sont réunis chez les frères Périer, sous la présidence de Martin d'André, ont décidé de mainknir l'association et de refuser aux banques étrangères leur concours pour réali~er l'emprunt. Quelques tentatives peu heureuses pour défendre à cc sujet le ministère, Etienne, nO' 16 (Post-Scriptllm) et 20, M. Il (9 et 13) début et fin juillet; Correspondance, proposant des moyens suscl'ptibles de faire diminuer les pertes du ministère, M. II (13) ; le ministère aurait demandé de meilleures conditions à Baring, Etienne, n° 27, M. III (9). J oct.
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ternie par les préjudices que ses finances auront subies à cause des opérations malencontreuses de Corvetto 133.
* ** Dès le début de sa publication, le Mercure suit avec un vif intérêt les problèmes religieux. Le projet de loi que le ministère avait soumis aux deux Chambres à la fin de 1816, relativement aux dotations ecclésiastiques, et approuvé par enes, suscita de la part de Benjamin Constant tout un développement. Non qu'il ait craint un retour réel de la féodalité spirituelle à l'ère des institutions parlementaires. Mais toute subordination au pouvoir sous forme de salaire et toute reconstitution des anciens domaines de l'Eglise nuiraient autant à l'Etat qu'à la religion. C'est pourquoi il est en faveur des dispositions qui dotent le clergé de propriétés modiques pour sauvegarder son indépendance. Dans le même ordre d'idées, il préconise l'extension de la même mesure à tous les cultes. C'est par la même occasion que Benj amin Constant énonce sommairement ses idées quant à la nécessité de préserver le sentiment religieux des atteintes de la temporalité 134. Un des grands événements en 1817 sera précisément l'avortement du Concordat. Etienne, Bénaben ou Pagès ne se feront pas faute de rendre compte du refus de la commission de la Chambre d'approuver la dépense de deux millions en faveur des évêques nouvellement institués, de protester, chemin faisant, contre la condition misérable du bas clergé, et de mettre les secours infimes accordés aux curés en regard des sommes considérables allouées aux dignitaires de l'Eglise 135. L'adoucissement des lois d'exception, les concessions électorales et bientôt la promulgation de la loi sur le recrutement n'auraient pas été étrangers au désir de Richelieu et de Lainé de s'assurer par là l'adhésion de l'opinion à l'accord négocié avec Rome. Ce fut là un des premiers soucis de la Restauration, cherchant à abolir le Concordat napoléonien et à faire revivre celui de 1516, tout en l'adaptant aux conditions ecclésiastiques complexes issues de la Révolution et de l'Empire. Ce n'est qu'au mois de juin 1817, après maintes péripéties de part et d'autre que le concordat élaboré par Blacas, ambassadeur du Roi auprès du Saint-Siège, et le cardinal Consalvi, secrétaire d'Etat, fut ratifié par Louis XVIII et Pie VII. Aux termes de cet accord, le Concordat de 1801 cesserait d'avoir son effet, un certain nombre des anciens évêchés seraient rétablis et ceux de
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m Cf. Etienne, n'" 27, 29, 33 et 35, M. III (9 et II), M. IV (2 et 5), 3 et 15 oct., 13 nov. et 6 déc. 1818. 131 Cf. B. Constant, Des Chambres, M.d.F. l, Il janv. 1817. 1:15 Cf. Etienne, n° l, M. 1 (2), 16 fév. 1818; Bénaben, M. 1 (8), fin mars; ordonnance augmentant de 50 francs le traitement des curés ayant moins de 70 ans et de 100 francs celui des desservants ayant atteint 70 ans. Le traitement d'un premier vicaire général par archevêché est porté à 3.000 francs, celui des autres vicaires généraux a 2.000 francs et celui des chanoines à 1.500 francs. La somme de 300.0000 francs est affectée au soulagement des religieuses âgées ou infirmes, Pagès, Petit bulletin, M. Il (5), début juin.
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1801 maintenus grâce à une dotation en bien-fonds ou en rentes sur l'Etat. Dès le 27 juillet, une bulle établissant 42 nouveaux diocèses français a été publiée par le Pape. Le 28 juillet, trois cardinaux français ont été préconisés et trente-quatre nouveaux évêques nommés par le Roi. La publication de la bulle fut le signe en France d'une levée de boucliers gallicans et libéraux ainsi que d'un véritable débordement de pamphlets et d'écrits contre le nouveau concordat. Le ministère Richelieu s'est décidé alors, pour apaiser l'opinion, à soumettre le traité aux Chambres. Laîné a introduit le 22 novembre 1817 cet accord, sous forme de projet de loi, par un discours modéré qui n'a pas laissé cependant de susciter des débats et des protestations passionnés 136. Il n'est guére étonnant de voir le recueil donner la plus large publicité au texte du concordat et du projet de loi ainsi qu'au discours de Laîné, destiné à calmer des susceptibilités gallicanes et protestantes 137. Etienne, se faisant l'écho des bruits persistants quant à la reprise du projet de loi, déplore la longue période d'indécision du ministère. «Puisqu'on tenait à faire adopter dans le dix-neuvième siècle, un acte qui a effrayé le seizième, je m'étonne qu'on ne l'ait pas fait suivre d'une discussion immédiate dans les chambres. Point du tout, on laisse un violent orage éclater de toutes parts; la discorde se met non-seulement entre les publicistes, mais entre les théologiens; on a l'air de céder au cri public; [ ... ] Le bruit se répand, et on ne cherche même pas à le contredire, que le ministère renonce à son projet [ ... ] quand tout à coup, et sans la moindre transition, il rassemble brusquement la commission, et lui demande un prompt rapport sur un acte qu'il ne paraissait même plus vouloir défendre. » 138 C'est moins la crainte de la restauration de l'Eglise que l'appréhension de voir le ministère et l'extrême-droite se réconcilier grâce au concordat qui dicte la vive opposition de la Minerve à cet acte politique et religieux 13U. Dans un article anonyme, elle fera le procès des apologies du Concordat, notamment des écrits de Clausel de Coussergue et de Frayssinous H0. Le contraste entre la primitive Eglise et sa corruption à travers les siècles ainsi que le renouveau catholique à la suite de la Réforme constituent des preuves manifestes quant à l'inutilité du Concordat. Les grandes figures attachantes de l'Eglise ne sont pas le fait 1:16
Nous avon,; suivi sur la qucstion du Concordat, Bertier de Sauvigny,
op. cit., 3' partic, ch. IV ; pour les debals à la Chambre et la polémique en générai, Du\'crgier de Hauranl1e, op. cit., ch. XVI; v. également Ph. Sagnac, Le Concordat de 1817, in Revue d'histoire moderne et contemporaine, 1906, t. VII : E. Le Marchand, Un concordat oublié, in Revue des questions historiques, 1923, n° 3. 1:\7 Cf. supra, ch. Il, Credo politique, n. 122 et l'art. anonyme Du Concordat, M. 1 (8), fin mars 1818. 13S
Etienne, n° 4, M. 1 (6), 13 mars 1818, p. 279. Cf. également, n° 2, M. 1 (3),
22 fév. nu Cf. Etienne, n° 4
cit.
Clausel, Le concordat justifié et frayssinous, Les vrais principes de l'Eglise gallicane, in Du concordat, M. 1 (8), fin mars 1818. HO
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de sa temporalité et les prêtres assermentés pourraient facilement satisfaire les besoins des fidèles. La critique que les apologistes du Concordat formulent à l'endroit de Grégoire et de Lanjuinais et la négation du régime constitutionnel ne tiennent pas contre une optique historique qui montre les résistances nationales des légistes et des parlementaires aux empiètements du spirituel sur la cité 141. Le concordat n'a rien à voir avec la foi ou la religion. La seule raison d'être de cet acte n'est que l'alliance des féodalités et la menace qu'elles font planer sur la France 142. Les amendements que le ministère serait prêt à apporter au concordat et l'agrément de Rome qu'il rechercherait font redouter aux rédacteurs une issue fâcheuse pour la cause de la tolérance. Mais l'intervention malencontreuse de Marcellus a mal servi les intérêts des ultras. li: Se croyant, selon toute apparence, sujet du pape avant d'être sujet du roi, il écrit en cour de Rome, pour savoir à quoi s'en tenir sur les véritables intentions du Saint Père; et S. S. lui expédie en réponse un bref écrit en latin, où elle fulmine contre la loi organique du nouveau concordat, et où elle déclare que, son intention formelle est qu'il n'y soit fait aucun changement.» 143 Etienne peut croire à la fin de la session de 1817-1818 le péril écarté. Il enregistre avec satisfaction, se fondant sur le Courier et le Times, l'opposition farouche que le concordat a soulevée parmi de nombreux prêtres qui l'ont qualifié d'acte révolutionnaire et qui ont stigmatisé la cour de Rome 144. Le départ de Portalis, conseiller d'Etat, pour Rome ravive les inquiétudes de recueil. Ne serait-il pas préférable d'adopter l'Opinion de Martin de Gray ct de se contenter du concordat de 1801 ? Ce concordat a somme toute réconcilié la France avec la religion, les prêtres assermentés avec les réfractaires et les cultes avec la tolérance 145.
* ** L'avortement du concordat de 1817, malgré les efforts persévérants du ministère à le faire aboutir, s'ajoute au bilan négatif du règne de Louis XVlIl et s'inscrit comme l'un des premiers points de divergence entre le libéralisme et le régime. Il en est tout autrement de la loi sur le recrutement qui unit autour d'elle ministériels et indépendants et qui au sein du ministère signifie la victoire de Decazes sur les hésitations de Richelieu et de Lainé auxquelles Etienne fera allusion 146. L'essentiel à retenir de la politique de Decazes en 1817 est son désir de renforcer, suite logique de l'ordonnance du 5 septembre 1816, sa position dans le
Cf. ibid. Cf. Etienne, n" 7, M. 1 (10), 9 avril 1818. Etienne y cite les idées sensées de l'auteur anonyme de l'écrit: De la liberté des cllltes et des cOTlcordats. 14:1 Etienne, nU 6, M. 1 (9), déhut avril 1818, p. 438. 144 Cf. Etienne, n" Il, M. Il (2), 14 mai 1818. Selon le Courier et le Times le nombre des ecclésiastiques français résidant dans le district de Londres s'élèverait à 350. 145 Pour le départ de Portalis, cf. Pagès, M. Il (4), 25 mai 1818; Etienne, n° 13, M. Il (5), début juin. 146 Cf. Etienne, n° l, M. 1 (2), 16 fév. 1818. Hl 14~
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ministère comme dans les Chambres. Le moment semble propice, lors des négociations avec les Alliés, pour procéder à une réorganisation des forces armées. Une loi nationale sur le recrutement n'est pas moins favorable au régime sur le plan intérieur: passer l'éponge sur les événements de 1815, se concilier l'armée et par elle l'opinion. Dès son accession au ministère, Gouvion Saint-Cyr fait remplacer les dix divisions de son ministère par quatre, réduit sensiblement le nombre des inspecteurs aux revues et des commissaires des guerres 147. Des réductions sont également effectuées dans la marine. Le corps des ingénieursgéographes et la régie des subsistances militaires sont réorganisés aussi 148. Dès le 29 novembre 1817, le ministre est en mesure de présenter à la Chambre son projet de loi sur le recrutement portant sur la constitution en temps de paix d'une armée de 240.000 hommes et d'une armée de réserve, déterminant le mode de recrutement comme d'avancement 149. Bénaben et Etienne font l'apologie de la loi et reprennent les arguments opposés des ultras pour les réfuter. La conscription s'ajoutant aux enrôlements volontaires leur paraît un excellent système qui allie les éléments monarchiques aux principes démocratiques et qui remonte par ailleurs à la milice que Louis XIV avait réorganisée. Institution nationale, l'avancement dans l'armée devrait répondre à l'ancienneté. L'armée licenciée de la Loire qui avait fourni à la France des preuves si touchantes de son courage constituerait un excellent corps de réserve 150. L'appui que la Mi/lerve accorde au ministre et l'hommage qu'elle lui rend s'expliquent par J'opposition acharnée de l'extrême-droite à un projet qui semblait supprimer son ascendant sur une institution aussi puissante. Si tous les ultras ne partagent pas les idées de Chateaubriand et hésitent entre les appels périodiques et les enrôlements volontaires, ils sont cependant unanimes à décrier et l'avancement fondé sur l'ancienneté et l'armée de réserve formée par les soldats de l'Empire. On peut aisément concevoir que la Révolution comme l'Empire aient servi de pièces à conviction dans l'argumentation quelque peu contradictoire des partisans zélés de la prérogative royale, malgré la volonté bien manifeste de Louis XVlI\ à cet égard 151. La loi n'est certes pas parfaite. Bénaben y trouve beaucoup à redire et son commentaire en marge du projet lui permettra de consacrer à la question une brochure dont son collègue Aignan s'empressera de louer l'esprit national l52 • Bien entendu, les libéraux condamnent rigoureusement l'emploi des régiments suisses. Une armée nationale devrait exempter du service Cf. Bénahen, M.d.f. III et IV, 27 sept. et 4 oct. 1817. Cf. llénahen, M.d.f. IV, 1"' nov. et 20 déc. 1817. Cf. llénahen, Session des chambres, M.d.F. IV, 6 déc. 1817; Etienne, n" 1 cit. ; Dlivergier de Hallranne, op. cit., ch. XVI. 1,,0 Cf. ibid. et Bénaben, M. 1 (2), 16 fév. 1818. 1.",1 Cf. l3énahcn, M. 1 (1), début fév. 1818; Etienne, nO' 2 et 4, M. 1 (3 et 6), 22 ft'v. et 13 mars; Bénaben, M. 1 (4 et 5), fin fév. et 7 mars; Duvergier de Hallranne, op. cit., ibid. 1:;2 Cf. Aignan, Galeric [ ... J, M. 1 (3), 22 fév. 1818. 147 H~ 149
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les fils uniques, exiger le consentement paternel pour les enrôlements militaires des mineurs ainsi que d'étendre à tous les cultes les prérogatives réservées aux desservants du catholicisme. Le recueil s'élève contre les dispenses accordées aux «frères ignorantins» au détriment des maîtres de l'enseignement mutuel. Que l'accession aux postes élevés échappe à l'avancement régulier s'accorde mal avec le caractère d'une armée nationale. La loi n'a pas suffisamment défini par le tirage au sort le procédé exonérant les conscrits réformés du service militaire 153. Telle quelle, la loi est une victoire que le ministre a remportée sur ses adversaires dans les deux Chambres et même sur certains ministres trop hésitants ou trop versatiles. Etienne se fera même un devoir d'invoquer l'irritation de la presse anglaise à propos de l'opposition des pairs 154 et Pagès dira l'attente du pays de voir la loi aboutir effectivement 155. Par ailleurs, les recueils se font l'écho des ordonnances réintégrant dans l'armée des officiers en non activité 156, annonçant le remplacement des régiments suisses par les légions françaises 157 ou la grâce entière accordée au général Debelle après l'intervention du duc d'Angoulême 158. Les réclamations des anciens serviteurs de l'Empire 159, des membres de la légion d'honneur 160, des demi-soldes 161 et des officiers mis à la retraite 162 ainsi que les protestations contre les condamnations militaires injustes 163 trouvent dans les recueils des interprètes fidèles. Il en va autant des désordres, insultes et blessures provoqués par des soldats français et suisses dans lequel ont été impliqués des civils 164 ainsi que des billets de logement accordés à des officiers et 153
Cf. Bénaben, M. 1 (6), 13 mars 1818; Duvergier de Hauranne, ibid.
1;)4
Cf. n° 5, M. 1 (7), 21 mars 181 H. Cf. M. Il (4, 7 et 8), 2-1 mai, 15 et 23
juin 1818. Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 2 et 16 août 1817. 1:;, Cf. ibid., 23 août 1817. La Minen'e cite la presse belge selon laquelle des négociations auraient eu lieu entre le gouvernement français et espagnol pour la cession des régiments suisses, Etienne, n° 11, M. Il (2), 14 mai 1818. 158 Cf. Bénaben, M.d.F. 111,6 sept. 1817. 1:;9 Pétition de Méchin en faveur des officiers de l'Empire qui avaient été employés au service intérieur du Palais, Bénaben, M. 1 (4 et 5), fin fév. et 7 mars 1818. 160 Cf. la lettre du général Pajol, M. 1 (5),7 mars 1818, p. 228-231 et Saulnier fils, citant 4 mémoires présentés à la Chambre, M. 1 (12), 23 avril. 161 Pour la détresse des demi-soldes, cf. Etienne, n° 4, M. 1 (6), 13 mars 1818 ; l'ordonnance à ce sujet, Pagès, Petit bulletin, M. II (5), début juin et M. Il (10), 12 juillet. l''~ Cf. B. Constant, Letire à M. Benjamin Constant sur l'ordonnance du 20 mai [... ], M. III (11), 15 oct. 1818. IB;j Cf. la lettre d'A. Leblanc, 11\. IV (3), 19 nov. 1818, p. 121-122: condamné pour un fait politique auquel il avait été étranger, acquitté par la suite, A. Leblanc fut débouté de ses demandes par le ministère de la Guerre parce que son père, entièrement innocent, aurait trahi Pichegru. IU4 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 22 nov. 1HI7 et Petit bulletin, M. Il (-1), 24 mai 1818; lettre d'un grenadier, M. IV (7), 19 déc., p. 3-13. Bénaben et Etienne mettront respectivement en valeur la citation devant un conseil de guerre du 15:;
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imposés à l'habitant 165. Les désordres que la loi de recrutement vient de provoquer à Paris ne seraient pas étrangers au désir des ultras de la voir échouer 16U. La garde nationale, fief de Monsieur, préoccupe bien entenùu les esprits alertes du recueil. Dissolution de la garde nationale à Sens et à Nîmes ou suppression ùe ses états-majors sont aussitôt enregistrés 167. La Minerve ne se fait pas faute de transcrire au début d'avril 1818 une nouvelle de la Bibliothèque historique qui remonte au mois d'aoüt 1817 pour décrier les préfets remplissant la garde nationale avec la clientèle de l'extrême-droite lU8. C'est un grief qui revient souvent sous la plume des rédacteu rs 169. En marge des grands actes législatifs qui ont agité la vie parlementaire sous lc ministère Richelicu, il faut citer l'opposition des recueils à la juridiction du Conseil d'Etat qui renforce par des voies détournées l'autorité d'un pouvoir autrement redoutable. Les libéraux ne manifestent guère de prédilection pour une institution mi-administrative et mi-juridique dont la Charte ne fait guère mention. La Minerve s'éléve contre les attributions que le Conseil tient à conserver en invoquant la constitution de l'an 8. C'est à la suite des remarques énoncées à la Chambre par Roy ct d'une brochure publiée par Cormenin, maître des requêtes, que le recueil critique une juridiction fondée sur une constitution antérieure à la Ch:ute ct qui s'arroge le droit d'interrompre les poursuites judiciaires ordonnées contre des fonctionnaires. Voilà une pratique dangereuse pour les libertés individuelles et un moyen infaillible pour perpétuer les abus HO. Toutcs les questions n'impliquent pas cependant les positions adverses des partis ni les oppositions ou les acquiescements à la politique du pouvoir. Telle est la que~tion des discours écrits et improvisés qui a été soulevée à la suite d'une proposition de de Serre portant sur le règlement intérieur de la Chambre IiI. Rien de plus naturel, dans un pays aux traditions oratoires invétérées, que l'acceuil peu chaleureux sinon hostile rései'vé à une motion tendant à limiter les discours écrits. Benjamin Constant s'cst opposé de longue date à l'académisme des débats politiques, alimenté par de longs discours écrits d'avance, et a vivement recommandé la pratique anglaise de l'improvisation, permettant aux chefs de
commandant tlu détachement qui avait commis Lies t!xcès à Saint-Genis [SaintDt!ni,,?] lors de l'exécution du capitaine Oudin, le 18 juillet 1817, M.d.F. lli. 16 ",,,ùt 1817 et la soumi,'sion à la Chambre d'une pétition de la ville d'Arras contre SOIl commandant militaire, n" 6, M. 1 (fi), début avril 1818. 1"" Cf. Correspondance, M. Il (9 et 13), début et fin juillet 1818, p. -1-17--1-10 el Il. (;-U-G-I.!. "'Iili Cf. Etienne. n" 33, M. IV (2), l:i nov. 1818. ,.;, Ct. Bénabcn, Md.F. ll, 1-1 jllin 1817; Etienne, nO' 21 et 28, M. III (1 et IOl. 5 aoùt et 10 oct. 1818. 1'" Cf. Etienne, n° 6, M. 1 (9), début avril 1818. 'I;U Cf. Etienne, M. Il (11), 15 juillet 1818. l,li Cf. Bénabcn, M. 1 (8), fin mars 1818 et Etienne, n° 9, M. 1 (12), 23 avril. j,l Cf. Bénaben, Session des chambres, M.d.F. IV, 22 nov. 1817.
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s'affirmer à la tribune et de s'imposer à leurs partis. Lacretelle, remontant jusqu'à l'antiquité et étendant son enquête à d'autres domaines égaIement, n'adopte que partiellement la thèse de Constant pour préconiser avec Parent Réal, vieille connaissance de Constant et comme lui éliminé du Tribunat, le recours à toutes les méthodes et l'utilisation de toutes les modalités du talent 172. Saulnier fils s'élèvera à son tour contre la manie des députés de faire entendre des discours, péniblement élaborés, sans tenir compte de la teneur des débats en cours 173 •
• •• On a pu le constater. Tout acte du ministère Richelieu donne l'éveil aux réactions des rédacteurs. Qu'il s'agisse de la loi électorale, de la liberté individuelle ou de celle de la presse, que les débats portent sur un budget écrasant ou sur la nécessité de recourir li des emprunts, sur la loi de recrutement comme sur le concordat, que les questions qui sollicitent l'intérêt des députés soient d'un ordre capital au mineur, le Mercure et la Minerve s'empressent de prendre position. Les contingences politiques déterminent de la sorte des élaborations doctrinales et les principes ne laissent pas parfois de se conformer aux dispositions militantes. Le souci majeur du recueil demeure la lutte sans merci que les libéraux livrent à l'extrême-droite. Alerter constamment l'opinion contre les ultras et par elle le pouvoir, empêcher toute entente entre le ministère et les partisans de l'ancienne France, infléchir le pouvoir dans 'Ie sens des libertés individuelles et du régime constitutionnel, tel semble le plan d'action qu'ils se sont tracé et qu'ils ont suivi après la dissolution de la Chambre Introuvable. C'est aux ultras qu'ils en veulent et à un ministère tiraillé entre les forces constitutionnelles de l'ordre et les éléments périmés d'une France qui n'est plus. Avec un ministère aux vues identiques, le pays aurait pu avoir confiance dans l'avenir de ses institutions et espérer que la réalisation de celles-ci coïnciderait avec le départ des Alliés. En attendant, les tergiversations du pouvoir et les bruits persistants quant à un changement de ministère ne font que semer la méfiance. Passe encore pour l'éventualité du renvoi de Lainé ou de celui de Corvetto - auquel la Minerve n'a pas pardonné ses transactions onéreuses avec les maisons de Baring et Hope - et du remplacement de ce dernier par Roy dont la critique serrée de l'administration financière constitue sinon une garantie du moins une promesse 174. Passe encore pour des changements de peu d'envergure 172
Cf. Lacretelle, Sur l'emploi de l'improvisation 1... ], M.d.F. 111, 26 juillet,
23 et 30 août 1817. 173 Cf. M. II (2), 14 mai 1818.
174 Pour des changements éventuels du ministère, cf. Etienne, nO' 10 et 13, M. II (I et 5), 6 mai et début juin 1818, n° 29, M. III (11), 15 oct. ; Pagès, M. IV (5), 6 déc. ; la retraite de Corvetto et les candidats à son poste, Etienne, n° 36, M. IV (6), 13 déc. ; nécessité de la démission du ministère, n° 35, M. IV (5) ; scission dans le ministère, n° 37, M. IV (7), 19 déc. ; il aurait donné sa démission, n° 38, Post-Scriptum, M. IV (8), 26 déc.
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dans l'administration et la judicature 176. Mais c'est la faillite du ministère qui est en jeu, risquant de basculer dans le vide, faute d'un programme d'action conforme à la Charte et aux vœux du pays 176. Si les bruits tout le long de l'année sur la retraite de Richelieu ne semblent pas emporter la conviction du recueil, il n'en sera pas autant des rumeurs qui vers la fin de 1818 font planer la menace des coups d'Etat ou de la modification de la loi électorale. Benjamin Constant, Etienne et Pagès se donneront alors le mot d'ordre pour défendre les conquêtes de la Révolution, prôner l'esprit constitutionnel de Louis XVIII et flétrir les manigances des ultras 177.
17,.
Rappel des juges «épurés» après les Cent-Jours, Etienne, n° 18. M. Il
(11). 15 juillet 1818; bruits sur des changements dans l'administration, n° 35,
M. IV (5). 6 déc. 17'; Cf. B. Constant. Des élections, du ministère, de l'esprit public et du parti libéral en France. M. IV (1), 3 nov. 1818. 177 Cf. Etienne. appréciation de la brochure d'Aignan, Des coups d'état dans la monarchie constitutionnel/e, n° 35, M. IV (5), 6 déc. 1818 et n° 38, M. IV (8), 26 déc. ; Pagès. M. IV (7), 19 déc. ; B. Constant, Session des chambres, M. IV (8).
CHAPITRE
IV
LE MINISTÈRE DESSOLLES-DECAZES
Les dissensions du ministère Richelieu ne sont plus un secret après les élections du mois d'octobre 1818. Les accords définitifs pour la libération du territoire ne font qu'accentuer les divergences entre une partie du ministère qui tient à définir sa politique dans le sens des ultras, et les ministres qui désirent poursuivre l'œuvre amorcée le 5 septembre 1816. La rupture s'achève sur la question-clé de la loi électorale et de la loi de recrutement. Richelieu, Lainé et Molé s'opposent à Decazes, Gouvion Saint-Cyr, Pasquier et Roy. Le public suit avec passion la lutte serrée pour le pouvoir et Etienne retrace les événements d'une plume alerte. La bourse traduit les espérances et les angoisses de l'opinion par la montée ou la baisse des fonds. Ainsi, le mardi 22 décembre confirme la nouvelle de la démission des trois premiers ministres alors que le lendemain l'infirme par la démission des quatre ministres modérés. Jeudi et vendredi nourrissent les bruits sur la formation d'un ministère centriste, axé sur la droite et comp·osé de Richelieu, Villèle, Siméon, Cuvier, Mollien et Lauriston. Ce ministère s'avère cependant incapable de déterminer un programme commun. L'horizon politique s'éclaircit le 28 décembre. Après la courte joie des ultras, c'est au tour des libéraux de Paris d'exulter. Deux listes ministérielles circulent dont l'une a pour président l'éternel Talleyrand et l'autre Decazes. A la date du 29 décembre, Etienne est enfin en mesure d'annoncer le dénouement de ces journées dramatiques par l'ordonnance nommant le lieutenant général Dessoles à la présidence du Conseil et au ministère des Affaires Etrangères, Decazes au ministère de l'Intérieur, de Serre à la Justice, Gouvion Saint-Cyr de nouveau à la Guerre, Louis aux Finances et Portal, sur le refus de Roy, à la Marine. «On sait désormais à qui s'adresser; l'enseigne du pouvoir est connue et la foule s'y porte [ ... J. Le parti qui se flattait hautement du triomphe, et qui menaçait avant de réussir, est foudroyé par ce dénoûment imprévu 1. » La victoire remportée par Decazes sur ses adversaires vaut au nouveau ministère une prudente appréciation. Le président du Conseil est loué pour sa modération et pour son sens de la justice. De Serre récolte des louanges pour la sagesse dont il a fait preuve lors de sa présidence à la Chambre. Le recueil met également en valeur le libéralisme de 1
Etienne, n° 39, M. IV (9), 30 déc. 1818, p. 425.
Il)(}
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Louis et l'expérience administrative de Portal. Il rend hommage à l'œuvre de Gouvioll Saint-Cyr et dit l'espoir que mettent en lui les libéraux. Decazes mérite la reconnaissance du public pour la haine qu'il inspire aux ultras ct surtout pour l'appui qu'il a apporté à l'œuvre de la Charte lors du récent affrontement critique. Les libéraux ne lui accordent pas une confiance sans ombre. Les lois et les mesures d'exception d'un passé réccnt ~ont trop présentes à la mémoire des rédacteurs pour qu'ils ne nuancent pas le jugement qu'ils portent sur le ministre. Bien mieux, c'est rappeler par là au favori de Louis XVIII qu'il doit persévérer dans la seule voie susceptible de lui assurer l'estime de l'opinion 2. Le nouveau miili~tère connaîtra encore une légère alerte au début de 1819 Dessolles aurait été muté au ministère de la Guerre et celui des Affaires r:tran~ères serait revenu au duc de Dalberg, naturalisé français depuis peu - avant de s'installer dans la stabilité a. L'appréciation du ministère entrant comporte bien entendu celle du ministère sortant. Etienne se contente de rendre hommage au patriotisme de Richelieu tout en regrettant qu'il ait peu connu la nouvelle France 4. Benjamin Canstant retient le même grief, en y ajoutant celui de l'entente recherchée avec les ultras. Cependant, à l'encontre de l'extrêmedroite, la gauche ne verrait pas d'inconvénient à lui décerner la récompense nationale que Benj amin Delessert à la Chambre des députés et Lally-Tollendal à la Chambre des pairs ont proposée n'eût été le danger de faire revivre les privilèges et les majorats abolis en 1789 5 • Somme toute, et le sens de la modération aidant, Constant se plaît à rappeler le côté positif du ministère Richelieu, la dissolution de la Chambre Introuvable, la loi électorale et celle relative à l'armée. Que pouvait-on attendre de plus cI'un ministère créé pendant une époque trouble et sujet aux tiraillements opposés de ses membres 6 ? Etienne, au contraire, pour dénoncer le rapprochement de Laîné et de Pasquier avec les ultras ainsi que leur apologie du ministère Richelieu, finira par condamner celui-ci sans appel. Il lui attribuera les mesures d'exception comme les conspirations, le concordat comme les missions. Ne pouvant achever l'œuvre du 5 septembre, il n'aurait vécu que grâce à l'occupation et se serait évanoui avec elle. " Enfin clès qu'il n'eut que la Charte pour appui, il lui fut impossible de sc soutenir; on peut dire qu'il est mort de faiblesse, et qu'il avait vécu de même. Son existence ne fut qu'une agonie prolongée; son administratiun, qu'un jeu de bascule, et son système financier, qu'un jeu de bourse 7. ;. Avec l'espoir éveillé par un ministère homogène en apparence, les rédacteurs, après la brève attente de rigueur pour les passations au
" Cf. ibid. ;\ Cf. Etienne, n° 40, t.,t IV (10),0 janv. 1819. 4 Cf. Etienne, n° 39 cil. ;, Cf. 13. Constant, Sessioll des chambres, M. IV (10 et II), 9 et 14 janv. lK19; M. V (1),5 fév. ; Etienne, n° 44, M. V (2), 14 fév. G Cf. B. Constant, ibid., les nO' des 9 et 14 janv. , Etienne, n" 56, M. VI (2), 17 mai 1819, p. 75-76.
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pouvoir, se remettront à égrener leurs revendications 8. Ils ne se lasseront pas de dénoncer les abus d'une religion obscurantiste Il, la discrimination dans l'enseignement contre les protestants 10, les destitutions 11, les poursuites contre les écrivains 12, la mise au secret des prévenus 18 et le recours à la force contre les désordres les plus bénins au lycée Louis-le-Grand 14 et à l'école de médecine à Montpellier 16. Certes, les réformes seraient de peu de conséquences sans une refonte radicale de l'administration dont les membres sont, dans la plupart des cas, acquis au parti de 1815 ou aux ministres. La Minerve se fait ainsi l'écho des préoccupations libérales tendant à débarrasser la Restauration de tout moyen susceptible d'entraver la franche évolution du régime constitutionnel 16. Dès le mois de février, et avant que la proposition Barthélemy ait donné lieu à une levée de boucliers libéraux, la Minerve, se fondant sur les évaluations de la presse anglaise, estime nécessaire l'augmentation du nombre des pairs et des députés pour mater l'opposi8 Cf. B. Constant, Session des Chambres, M. IV (9),30 déc. 1818 et M. V (l), 15 fév. 1819; Etienne, n° 41, M. IV (11), 14 janv., où il fait l'éloge d'un écrit anonyme sur le régime municipal et départemental; dans le n° 33, M. IV (2), 13 nov. 1818, il a dit la nécessité de réorganiser la garde nationale. 9 Cf. ibid. 10 Cf. B. Constant, Session des chambres, M. V (3), 19 fév. 1819, défend le droit des protestants à assurer à leurs enfants une éducation autonome. 11 Destitution d'un employé du fisc, après 15 ans de service, pour un vote non ministériel en 1817. Le mal a été réparé par Louis, Etienne, n° 41, M. IV (II), 14 janv. 1819; destitution d'un président de tribunal à Rouen, à cause de ses opinions libérales, Pagès, ibid. 12 En exigeant la liberté de la presse, Etienne rappelle la récente condamnation des rédacteurs de la Bibliothèque historique, ibid. 13 Etienne cite quelques extraits du mémoire de l'avocat Claveau contre les procédés de la justice envers Cantillon et Marinet, impliqués dans l'attentat contre Wellington et gardés au secret pendant presque 5 mois. Il rappelle à cette occasion les protestations de la Minerve lors de l'arrestation de Canuel. Son gis et Chappedelaine, impliqués dans la Conspiration du Bord de l'eau, ibid. (Cf. infra, ch. VI, Propagande et faits divers). Il arrive parfOiS à la Minerve de rendre hommage à la justice des tribunaux. C'est le cas de la condamnation à la dégradation civique par la cour d'assises de Metz et à tous les dépens du maire d'une commune pour avoir incarcéré, le 27 juillet 1817, une veuve dans une prison de son choix, traitement qui a provoqué la mort de la détenue, Correspondance, M. V (4), 25 fév. 1819, p. 202-204. 14 Une révolte d'élèves a provoqué l'arrestation de quelques mutins bonne occasion pour demander que le maintien de l'ordre relève de l'Université et pour réclamer l'organisation du système de l'instruction si longtemps promise, Etienne, n° 42, M. IV (12),23 janv. 1819. 15 Le Nouveau seigneur du Village pièce anonyme du préfet, le baron Creuzé-de-Lessert - a été sifflée par les étudiants de l'école de médecine de Montpellier. Ce sacrilège n'a pas manqué de provoquer l'intervention des forces armées qui ont blessé un étudiant et arrêté plusieurs, d'où grand émoi parmi les quelque 900 médecins en herbe, Correspondance, M. V (2 et 3), 14 et 19 fév. 1819, p. 72-73 et p. 150-151. 16 Pour les nouvelles nominations au Conseil d'Etat institution que la Minerve désapprouve - et les mutations dans le système préfectoral, cf. Etienne, nO' 43 et 44, M. V (1 et 2), 5 et 14 fév. 1819.
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tion de la Chambre haute et assurer dans la Chambre élective une majorité stable au gouvernement 17. La demande de réformes et la critique du code pénal comme des lois d'exception sont toutefois loin de revêtir un caractère d'aigreur. La Minerve ne combat pas le ministère à ses débuts. En répétant sa profession de foi, elle ne fait que rappeler son attente et engager vivement le ministère à adopter les voies constitutionnelles. Ne salue-t-elle pas les mesures partielles de clémence en faveur des bannis, les généraux Allix, Radet, Travot, dont la raison s'est aliénée, et Exelmans? N'annoncc-t-elle pas triomphalement les projets de loi que le ministère va soumettre sur la responsabilité des ministres et la liberté de la presse ainsi que les travaux en cours sur le régime communal 18 ? Exiger sans cesse la mise en œuvre de toutes les libertés, mettre le ministère constamment en garde contre les demi-mesures, les avances timorées comme les rcculs retors, c'est creuser davantage l'abîme qui le sépare des ultras et rcndre le divorce entre les deux irrévocable 19. Cette campagne de pression, voire d'intimidation dirigée contre les atermoiements du ministère est assortie d'une lutte déterminée contre les ultras. Pas de répit au parti qui depuis 1817 voit ses forces décliner et ses chances amoindries. Le mythe d'une Vendée royaliste et chevaleresque est réduit à une révolte intéressée des paysans contre les lois de conscription, et les actes de férocité des armées républicaines trouvent leur absolution dans les méfaits des chouans qui les ont précédés. Quelle injure que le monument de Quiberon symbolisant le bien en face de la Révolution incarnant le mal ! ~o Le mal se trouve dans une aristocra17 Etienne cite le correspondant français du Times qui annonce le rappel prochain d'une trentaine de pairs dont les fondions ont été suspendues en 1815, rappel destiné à renforcer la minorité ministérielle à la Chambre Haute. Le Times divise les pairs en 6 catégories: les anciens ducs et pairs de France; les maréchaux et les ~énéraux de l'Empire; les militaires de l'armée de Condé; les anciens membres du Sénat; ceux qui se sont signalés par de grands services à Louis XVIII et, enfin, divers autres membres. Le Courier partage les députés en 4 partis: les libéraux constitutionnels, avec Laffitte à lem tête, qui comptent quelque 40 membres; les libéraux doctrinaires, se réunissant chez Ternaux, qui comptent quelque 50 membres; les députés du centre - se réunissant chez Usquin - qui comptent quclljue 67 membres et dont la plupart sont procureurs, avocats généraux, directeurs et préfets; la droite - sous la direction de Villèle-- comptant quelque 58 membres. Le correspondant du Courier croit que les groupes Lafitte et Ternaux vont s'uniiier ct ljue le ministère finira par avoir une majorité stable, opinion à laquelle Etienne ne se range guèr~, cf. n° 43 cil. B. Constant, en rendant compte de la session lks chambres, insistera lui aussi sur l'utilité et la nécessité d'augmenter le nombre de d'~putés, selon la suggestion du député libéral Chauvelin, ibid. IH Cf. Etienne, n° 42, M. IV (12), 23 janv. 1819; B. Constant, Session des thambres, M. V (1),5 fév. 19 La patience des rédactems vers le début de fév. semble à bout de ressources; Etienne tonne contre l'atonie politique et met en valeur les institutions communales de l'Allemagne, n° 44, M. V (2), 14 fév. 1819; Constant de rappeler à dè Serre que ce sont les institutions et non les déclarations dont la france ressent cruellement le besoin, Session des chambres, M. V (3), 19 fév. ~lI Cf. L.D. [Louis Dubois probablement], Sur la Vendée, M. IV (10), 9 janv. 1819.
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tie déchue qui n'a rien oublié ni rien appris et qui tient à ses prérogatives. Elle croit pouvoir les recouvrer par l'abolition de laJoi électorale et les coups d'Etat, grâce aussi à l'appui de l'Eglise et du corps administratif qui lui sont dévoués. Le Times a démasqué les mobiles d'un parti dénonçant «l'envahissement démocratique» d'un système qui confie la représentation de 30 millions d'habitants à une aristocratie commerciale et industrielle de 110.000 électeurs et de 256 élus 21. Fiévée a rendu un service considérable à la cause libérale, en reprochant aux ultras un échec qu'ils n'ont pas su éviter malgré l'appareil de l'Etat qu'ils avaient à leur disposition et une opposition réduite, sujette à la pression électorale des autorités 22. La presse anglaise et les feuilles d'extrêmedroite ont permis à l'opinion de se rendre compte de la véritable teneur du langage pseudo-constitutionnel des ultras, reprenant les ambitions anti-révolutionnaires de 1815 23 • Toutes les atteintes contre les libertés individuelles et tout le régime d'exception instauré en 1815 s'expliquent par le désir des ultras de se ressaisir du pouvoir et démolir l'œuvre de la Révolution 24. C'est l'ancienne aristocratie qui a perdu la royauté en 89 et c'est elle qui la perdra de nouveau si elle réussit à l'engager dans les voies inconstitutionnelles 26. Camille Jordan et Guizot ont dit leurs vérités aux « oligarques ». Développant les mêmes idées, les rédacteurs montrent une France qui achève l'œuvre des Philosophes et de la Révolution et qui a trouvé son salut dans la monarchie constitutionnelle, après les malheurs de la République et les vains prestiges de l'Empire 26. L'extrême-droite n'entend pas cependant que ses adversaires lui dictent les modalités du combat. Elle réagit habilement par la proposition Barthélemy, soumise à la Chambre des pairs le 20 février, pour demander la modification de la loi électorale. La proposition est conçue dans des termes voilés qui lui confèrent le caractère d'une revendication populaire. Elle est même précédée d'une demande, faite par le comte Castellane, de rapporter la loi du 9 novembre. L'émoi est vif dans le camp libéral. Il ne l'est pas moins parmi les ministres. Constant, Etienne, Jay, Tissot et Jouy ripostent violemment. Cf. Etienne, n° 40, M. IV (10), 9 janv. 1819. Cf. ibid. 23 Cf. Pagès, ibid. et M. IV (13), fin janv. 1819; Etienne, n° 42, M. IV (12), 23 janv. 24 Cf. Jouy, c.r. de la nouvelle éd. de la brochure d'Aignan, Des coups d'état dans la monarchie constitutionnelle, M. IV (13), fin janv. 1819; Tissot, Sur les partis, ibid. 25 Cf. Tissot, ibid. 2G Cf. Tissot, ibid. ; Aignan, c.r. de la brochure d'Alex. Goujon, Manuel des Français sous le régime de la charte, dédié à MM. les auteurs de la Minerve, M. IV (9),30 déc. 1818; le m~me, Philoxène, M. V (2), 14 fév. 1819, où il oppose aux intrigues des ultras avec l'occupant et avec les cabinets étrangers la réhabilitation des gloires nationales, entreprise par le général Beauvais et dont Tissot a écrit l'introduction: Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français, de 1792 à 1815; Jay, Réfutation de quelques sophismes, M. IV (13), fin janv. 21
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Ils :n0llcnt le combat sur deux fronts à la fois, en discréditant les ultras et l'Il cherchant à forcer la main au ministère pour qu'il rompe ttCfinitivement avec le parti de Monsieur. Les rédacteurs rouvriront à cette occasion le dossier de la Révolution pour attribuer la responsabilité de la guerre civile et de la guerre extérieure àla noblesse. Ils rediront la part qui revient à celle-ci dans l'échec de la prell1ière Restauration comme dans les crimes de la seconde. Depuis l'ordonnance du 5 septembre, l'oligarchie ou la ligue - termes qui reviennent souvent dans les colonnes de la Minerve - n'a pas eu de cesse pour démolir la loi électorale. Tous les moyens ont été légitimes à ses yeux - et la Minerve de les énumérer - pour accéder au pouvoir et rétablir l'ancien ordre de choses. Le recueil est même en mesure de fournir à ses lecteurs des détails sur la conspiration « cardinaliste» des ultras, préparée bien avant le 20 février, lors d'une réunion de pairs chez le cardinal de Beausset, et à laquelle les anciens ministres, Laîné et 1\\olé, ainsi que certains ambassadeurs n'auraient pas été étrangers. Il est malheureux que Barthélemy - ancien secrétaire du duc de Choiseul, ministre plénipotentiaire de Louis XVI, ambassadeur de la Convention, ancien membre du Directoire, sénateur et comte sous l'Empire et marquis sous la Restauration - ait terni sa longue carrière d'homme de bien par un acte aussi antinational. A tout prendre, cette tentative des ultras pour briser l'armature de la monarchie constitutionnelle permet à l'opiIlion de faire le procès d'une minorité qui n'a plus rien à démêler avec ies destinées du pays. Les pétitions vont affluer pour faire chorus avec les protestations des chefs de file libéraux. Les villes et les campagnes s'associent à un mouvemcnt de réprobation qui, stigmatisant les ultras et dénonçant leurs visées, les identifie avec la réaction européenne ~7. Pris de court par la 11Ianœuvre de l'extrême-droite, le ministère Ile résiste pas assez énergiquement au gré de la Minerve. Il est vrai qu'il qualifie au début la proposition Barthélemy d'anti-gouvernementale et
:!7 Cf. jay, Sur la situation actuelle des affaires et Entendans-nolls sur les nlOts!, M. V (.t et 6), 25 fév. et ID mars 1819; Etienne, nO' 46,47,48, .tg et 50, M. V (.t, 5, 6, 7 ct 8), 25 fév. ùébut, ID, 17 et 24 mars. Cf. également le n° 52
O\\. V (10), 10 avril), où Etienne cite les tentatives d'assassinat dirigées contre des nfficiers il Grenoble ct le procès pour l'assassinat d'un vieillard par de~ royalistes que la Cour de Cassation a renvoyé devant les tribunaux de Besançon. Dans son n" 54 (M V (13), fin avril), Etienne proteste contre une certaine « armee royale» arhorant le ruban vert et fait état des procès intentés par la justice il cet d Îet à des individus suspects; des bruits circulent sur des troubles à Nîmes, Corr,'spondaTlce, M. V (7), 17 mars, mais les rédacteurs s'empressent d'annoncer que les autorités ont vite pris les mesures nécessaires pour y maintenir l'ordre; B. Constant, Session des chambres, M. V (4), renvoie à la brochure qu'il vient de publier sur la proposition Barthélemy et en reproduit des extraits; Tissot, Considérations générales, M. V (5), revient à la charge et jouy, Fanatisme et cmallté, M. V (7), cite le cas d'un couple qui voit sa fille embrasser les ordres sans qu'il puisse intervenir et celui d'lm soldat de l'armée ùe la Loire qui avait été traîné, au début de 1816, de Clermond-Ferrand à Paris pour un crime imagin.1ire.
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d'antinationale, mais encore attend-il le rejet par les pairs de la loi sur les finances pour se décider à augmenter leur nombre par une fournée de soixante membres. Fidèle à sa politique tâtonnante, le ministère n'a pas procédé à une abrogation pure et simple de l'ordonnance du 24 juillet 1815, mais il s'est contenté de renommer à la pairie un certain nombre des membres de la Chambre haute de 1814-1815. Il n'a pas rendu leurs sièges à Ségur, Praslin, Dedelay-d'Agier ni aux généraux Gassendi et Valence pas plus qu'il n'a rappelé les bannis. C'est là une position bien regrettable, car une attitude ferme et clairvoyante eût déterminé le ministère à révoquer les lois d'exception, à s'assurer d'une majorité stable à la Chambre haute, bien avant les menées des ultras, et à la Chambre des députés par un nouvel appel aux électeurs et par l'augmentation du nombre de ses membres. Les ultras n'ont aucunement le droit de se plaindre de la prérogative royale, eux qui ont vu leurs effectifs à la Chambre haute doublés en 1815 par Talleyrand. Comment concilier les nécessités de la représentation d'un pays aussi peuplé que la France avec le nombre modique de ses élus en regard du nombre considérable de députés dans des principautés allemandes et en Angleterre? C'est raisonner ainsi en prévision de l'avenir alors que le présent est tissé de conjonctures ministérielles qui y sont rebelles. Les piéces à conviction que Constant et Etienne versent dans les dossiers des ministres trouvent ceux-ci imperméables aux vérités à longue échéance. Les rédacteurs de la Minerve voient même des sujets d'alarme dans une politique peu définie. Si l'Opinioll de Kératry, où le credo libéral fait pièce à la proposition de Barthélemy, est publiée par le Moniteur, elle sera suivie de près par le discours de Duvergier de Hauranne, fidèle interpréte de la pensée de Decazes, qui combat, il est vrai, le projet des ultras, mais qui leur donne raison quant au fond de la question. Les attaques des écrivains de commande contre les libéraux et les blâmes qu'ils adressent à Dessolles ne seraient-ils pas symptomatiques de la politique de bascule de Decazes? Les libéraux ont fait opposition à l'initiative des ultras par des réunions, des démarches auprès de Dessolles, des pétitions nombreuses et par la contreproposition LaHitte à la Chambre, engageant les députés à résister à toute atteinte portée à la loi électorale. Le Il mars, Courvoisier, autre fidèle interprète de la pensée de Decazes, s'est élevé contre les pétitions, dénonçant les manœuvres qui tendent à montrer la France en proie à l'inquiétude. Autre signe alarmant, les ministres ont fait preuve d'une attitude modérée quant à l'action subversive des royalistes dans la Sarthe, le Morbihan, le Finistère et à Nîmes. S'ils ont adopté apparemment les principes de la contreproposition Laffitte, ils la feront rejeter par un ordre du jour habilement calculé 28. Ainsi, le bruit se confirme d'une entente amorcée entre les ultras et Decazes. Cette nouvelle est d'autant plus fondée que la droite s'est mise à le louer, tout en critiquant Dessolles et ses collègues. 28 B. Constant, Session des chambres, M. V (6), 10 mars 1819, donne les noms des députés qui ont voté contre le rejet de la contreproposition Laffitte.
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Il reste cependant aux rédacteurs la ressource de combattre les idées énoncées lors de la déposition à la Chambre des pairs de la proposition Barthélemy et de son développement, le 20 et le 26 février, et lors de sa discussion à la Chambre des députés dès le 15 mars. C'est une bonne occasion aussi pour rendre hommage aux défenseurs de la bonne cause, les pairs Lanjuinais, Broglie, La Vauguyon et les députés Dupont de l'Eure, Manuel, Chauvelin, Beugnot, Boin, Bignon, La Fayette et Royer-Collard. Une alerte aussi vive légitime aussi des louanges à l'adresse des doctrinaires et du ministre de Serre comme elle justifie la violence de langage à l'endroit de Lainé. La campagne virulente du recueil contre les ultras, n'empêche pas toutefois les rédacteurs de reconnaître et de louer l'esprit modéré et sensé de Villèle. La Millervl! en sera momentanément quitte pour sa peur. La proposition Barthélemy, retenue par la Chambre des pairs, sera repoussée par celle des députés. Mais le lecteur averti ne saurait ignorer les germes de discorde que cette crise a révélés. On y trouve tous les éléments qui concourront vers la fin de l'année 1819 à la dislocation du ministère Dessolles-Decazes. Etienne ne se trompe pas dans le bilan qu'il dresse des gains et des pertes respectifs des partis en guerre. Attaquant le ministére et la gauche sur le terrain de leurs conquêtes légales, la droite a obligé ses adversaires à se retrancher derriére les positions acquises, sans pouvoir pousser leurs avantages au delà de la loi électorale 29. L'impatience de la gauche de voir les institutions de la Restauration se libérer de l'emprise du pavillon de Marsan et des Alliés pour s'engager dans les voies constitutionnelles peut s'expliquer par une expérience aiguë des maux récents comme par une conscience très sûre de ses forces. Mais la hâte avec laquelle elle a fait le siège du ministère, dès la formation de celui-ci, pour réclamer la mise en œuvre des réforIIlCS et récriminer contrc l'inactivité du gouvernement répond mal, à ces dates du moins, au désir sincére de de Serre et du groupe doctrinaire de consolider les institutions après une mûre préparation. Ainsi, Benjamin Constant est en mesure, au début de février, de rendre compte du projet de loi soumis aux Chambres, relatif à la responsabilité des ministres. \1 voit là, à juste titre, le progrès accompli sous son inspiration, depuis 1814, dans la distinction fondamentale entre le pouvoir royal neutre et le pouvoir exécutif responsable. Ce n'est pas sans fierté qu'il cite ses écrits, où il a développé les conséquences de cette distinction pour le mécanisme gouvernemental. On aime se rendre ce témoignage, après avoir été en butte à des critiques violentes. Autre sujet de contentement pour Constant: les auteurs du projet lui ont encore emprunté l'idée que toute tentative serait vaine pour définir dans leurs détails la concussion et la trahison. "H Pour l'attitude de la Minerve envers le Illlnistere pendant la crise, cf.
Etienne, n'" ·Hi, -t7, -tH, -t9, 51, M. V (.1, 5, 6, 7 et 9),25 fév. ; début, 10 et 17 mars, 2 avril 1HI9 ; B. Constant, Session des chambres, M. V (-t, 5, 6 et 7) ; le c.r. de la SCSSiO/1 du M. V (H), 24 mars, n'est pas signé, mais il est probablement de Iknjamin.
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Par ailleurs, le projet en question comporte des dispositions plus défectueuses que celles contenues dans les projets qui n'ont pas abouti en 1815, 1816 et 1817. Constant reproche au nouveau projet de rejeter la responsabilité des fonctionnaires inférieurs sur les ministres et de la rendre par là illusoire. Il critique également les modalités compliquées comme les précautions excessives prévues pour la mise en accusation des ministres, procédure qui rendrait aussi vaine leurs responsabilité que celle de leurs agents 30. Pagès s'élèvera contre la tentative de la commission de la Chambre de définir la concussion et la trahison en louant cependant l'article qu'elle a ajouté au projet et qui stipule que tout acte de l'exécutif devrait être contre-signé par un ministre 31. Etienne, enfin, critiquera vertement le ministère pour avoir retiré son projet, sous prétexte que la responsabilité des échelons inférieurs de l'administration laissât à désirer 32. Il en sera tout autrement de la loi sur la presse qui constitue le grand apport de de Serre et de ses amis les doctrinaires à l'établissement d'un régime somme toute libéral pour les écrits et les journaux. La liberté de l'expression· passera par de nouvelles tribulations après l'assassinat du duc de Berry, mais il n'en reste pas moins vrai que la législation de Broglie et de Guizot, sous l'égide du ministre, a marqué des dispositions que le pouvoir sera appelé a prendre à cet égard tout le long du dix-neuvième siècle. Les trois projets de loi présentés par de Serre le 22 mars, furent entérinés le 17 et 26 mai et le 9 juin 1819. Ils ont respectivement porté sur les pénalités, les poursuites et la procédure et sur la presse périodique. Tout en assimilant les infractions de la presse aux délits ordinaires, le premier texte a classé les dèlits de la presse en quatre catégories: provocation aux crimes, offenses envers la personne du roi, outrages à la morale, diffamations et injures. Le second texte définira la compétence du jury, en lui attribuant la connaissance de presque tous les délits de la presse, exception faite de ceux relatifs aux particuliers. Le troisième texte a établi une mesure préventive indirecte contre les journaux et les écrits périodiques en exigeant de leurs propriétaires le dépôt d'une somme élevée, 10.000 francs de rente dans les départements de la Seine et de Seine-et-Oise, et 5.000 francs dans les autres 33. La loi sur la presse est celle que les libéraux ont appelée de leurs vœux dès le début de la première Restauration. On sait la place que lui a réservée Benjamin Constant dans l'aménagement du régime constitutionnel. Rien de surprenant à ce qu'Etienne ait exprimé une très vive impatience à voir le pays libéré de la hantise de la loi du 9 novembre et 30 Cf. B. Constant, Session des chambres, M. V (2), 14 fév. 1819, où Il recommande la brochure de Pagès, De la responsabilité des ministres. 31 Cf. Pagès, Session des chambres, M. V (10), JO avril 1819. . 32 Cf. Etienne, n° 53, 15 avril 1819. 33 Cf. B. Bastid, Les institutions politiques de la Monarchie parlementaire, op. cit., 2' part., ch. VII, sect. 4.
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une amertume non moins vive de voir la presse régie sous le nouveau ministère par la même loi draconienne 34. Les rédacteurs sont à l'affût des nouvelles qui circulent sur la préparation de la loi sur la presse et l'annoncent dès le mois de janvier 35. Sans doute auraient-ils préféré qu'aucune loi ne stipulât des pénalités pour les délits facilement assimilables à ceux que le code pénal en vigueur désignait pour le châtiment des tribunaux. Sans doute auraient-ils aimé qu'une loi spécifique sur la presse se montrât plus libérale à l'égard des éditeurs, des imprimeurs et des écrivains, et qu'elle dispensât les premiers d'une responsabilité revenant de droit aux publicistes. Le libéralisme aurait facilement renoncé au dépôt des écrits avant leur publication et à toutes les définitions, nécessairement vagues, ayant trait aux atteintes à la morale, infractions qui relèvent simplement de la diffamation. Mais en tous les cas, les rédacteurs ne sauraient admettre qu'un droit constitutionnel devienne un privilège et que la liberté de l'expression soit réduite par la caution à laquelle sont astreints les propriétaires des organes à une prérogative « capitaliste ». La France pâtit d'une anomalie qui concentre l'activité intellectuelle du pays dans sa capitale. La gauche avait eu à se plaindre des difficultés suscitées à ses feuilles en province face à une presse royaliste florissante 36. La nouvelle loi signifierait l'asphyxie de la presse départementale et les rédacteurs de se dresser avec véhémence contre des dispositions aussi arbitraires que les précédentes. Etienne, Constant, Pagès et Dumoulin instruiront le procès du projet dans son idée d'ensemble comme dans son détaillement. Constant fera dé.sormais entendre sa voix au double titre de rédacteur et de député 37. Toujours est-il que la nouvelle loi a consacré une de ses revendications les plus chères, le recours au jury dans les procès de presse. La discussion à la Chambre du budget fournit toujours un prétexte commode aux partis dp. s'affronter sur les problèmes d'ordre général. L'année 1819 verra se débattre la question de l'éducation, de la religion et de l'armée et assistera bien entendu à l'évocation de la Révolution 38. Pour la gauche ce fut une occasion devenue déjà tradition de 34 Cf. Etienne, n" 41, M. IV (Il), 14 janv. 1819; B. Constant, Session des chambres, M. IV (13), fin janv. 3.'; Cf. B. Constant, Session des chambres, M. IV (12), 23 janv. 1819. 36 Etienne cite le cas de l'Argus libéral de l'Ouest en regard de la Ruche d'AclJuitaine ou du Provincial de Nîmes, n° 42, ibid. D'après la Gazette d'Augsbourg, Le plénipotentiaire de la raison, journal de langue française, aurait été supprimé sur les instances des ambassadeurs de France et d'Espagne, Etienne, n° 50, M. V (8), 24 mars 1819. 37 Pour le jugement de la Minerve sur les trois lois de de Serre, cf. Etienne, n" 50, M. V (8), 2·1 mars 1819, n° 52, M. V (ID), 10 avril; Pagès, Session des chambres, ibid. ; Dumoulin, Sur le projet de loi relatif aux journaux, M. V (11), 16 avril; B. Constant, D'un amendement proposé à la loi sur la liberté de la presse, ihid. et De la religion et de la morale religieuse, M. V (12), 20 avril j Pagès, Session des chambres, M. V (11 et 12) ; Etienne, n° 54, M. V (13), fin avril, où il attaque vivement le procureur Bellart qui a pris parti contre la liberté de la presse; Pagès, Session des chanzbres, ibid. et M. VI (1), 8 mai. 38 Cf. p. ex. Pagès, Session des chambres, M. VI (5 et 6), 5 et Il juin 1819.
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clamer ses revendications habituelles de réformes, d'exiger le rappel des bannis, la réduction des impôts et des dépenses, le dégrèvement des provinces particulièrement touchées par la guerre et l'occupation, la diminution des traitements élevés des officiers de la couronne et des ministres d'Etat 39. Trait caractéristique de la critique formée par les libéraux et dont la Minerve se fait l'écho fidèle, c'est le nombre excessif d'employés peuplant les ministères et notamment celui des finances 40. Les rédacteurs ont beau jeu pour montrer les vices d'un système qui accorde des pensions par faveur et par esprit de parti. Jouy consacrera trois articles pour rendre compte des dix volumes publiés par le ministère et où figurent les noms des bénéficiaires. Une étude sommaire lui permet de rendre manifeste le scandale d'une prodigalité qui rémunère les services de la France émigrée, celle de la Vendée comme de la Gironde 41. Au contraire, les «donataires» qui ont confié leurs maigres ressources au Domaine extraûrdinaire - réuni au domaine ordinaire - ne verront pas leurs demandes réitérées satisfaites 42. C'est condamner par là aussi bien le ministère de 1817-1818 que les ultras. Plus s'esquisse le rapprochement entre l'extrême-droite et les ministres démissionnaires de 1818 et plus s'accentue contre ces derniers la campagne de la gauche. Le débat sur les comptes des années précédentes vient à point nommé pour condamner les emprunts de 18171818 et pour associer Corvetto et ses colègues aux spéculateurs d'une bourse sans scrupules. L'Opinion émise par Benjamin Delessert contre Laffitte pour l'impliquer dans les emprunts amènera ce dernier à une justification qui aggravera les responsabilités de Corvetto 43. Bien entendu, il s'agit d'une méthode de dépréciation que les partis seront appelés à pratiquer sur une échelle qui aurait frappé d'épouvante leurs devanciers. Mais déjà le sens de la lutte et le recours aux moyens d'intimidation sont très prononcés chez les partis fraîchement émolus de leurs classes constitutionnelles. La lecture de la Minerve comme du Conservateur se révèle probante à cet égard. Chaque épreuve électorale éclaire d'une lumière crue les critiques dressées contre un système financier déficient. Il n'én reste pas moins vrai, et les rédacteurs en sont pleinement conscients, que les attaques redoublées de la gauche ont puissamment 39 Cf. Etienne, n° 53, M. V (11),15 avril 1819, n° 56, M. VI (2),17 mai, n° 58, M. VI (4), fin mai; Pagès, c.r. cil. des 5 et 1\ juin, M. VI (9 et 10),5 et 12 juillet. 40 Cf. Pagès, c.r. cit. du Il juin 1819. 41 Les Pensions, M. IV (11), 14 janv. et M. V (J et 4), 5 et 25 fév. 1819. 42 Cf. B. Constant, Session des chambres, où il fait état de la pétition adressée à la Chambre par le colonel Sai el en faveur de 1200 donataires du Mont de Milan, M. V (5), début mars 1819 ; Corcelle reviendra à la charge lors de la discussion du budget, Pagès, Session des chambres, M. VI (7), 20 juin; le chevalier Salel persistera dans ses réclamations tout le long de la Restauration et même sous la Monarchie de Juillet. 43 Cf. Etienne, n° 56, M. VI (2), 17 mai 1819; Pagès, Session des chambre.~, ibid. et M. VI (3), 23 mai; B. Constant, De l'examen des emprunts [ ... l, M. VI (4), fin mai; Pagès, Session des chambres, ibid.; Laffitte, Lettre, M. VI (5), 5 juin.
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conc()uru à assainir les méthodes financières du ministère et à l'engager dans la voie des responsabilités fiscales. Contraint de renoncer à la pratique commode du «provisoire» par la demande renouvelée des crédits, calqués arbitrairement sur les rôles antérieurs, le ministère des finances est amenè, bon gré mal gré, à déposer un bilan aussi exact de ses recettes que de ses dépenses 44. Et puis, sous les formules partisanes se retrouve l'idée maîtresse du libéralisme qu'il faut réduire la toutepuissance de l'Etat à une activité limitée et toujours contrôlable. C'est une idée d'autant plus chère à la Minerve que la seconde Restauration a doublé ses rouages en tout. Sans citer ses régiments mercenaires, elle a une armée sur pied et une autre de demi-solde, une administration en fonction et œlle qui attend son tour. Si l'occupation est terminée selon les apparences, elle se prolonge pourtant indéfiniment de par les effets des contributions de guerre. Le sentiment aigu des souffrances du pays ne relève pas uniquement chez les rédacteurs d'un souci de partisans 45. Une autre idée maîtresse que les réclamations de la gauche recouvrent est celle, on l'a vu, de la primauté de la propriété industrielle sur les biens fonciers. Benjamin Constant clamera son mea cu/pa en revenant sur les principes que les Physiocrates lui ont inculqués 46. C'est cette primauté qui devrait dicter au fisc ses prévisions budgétaires, supprimer tout monopole, bien que les recueils atténuent quelque peu leurs positions en faveur de l'Alsace ravagée, et faire renoncer à la mainmise blâmable de l'Etat sur la loterie, les jeux et sur d'autres ressources mystérieuses. Le système colunial pour lequel la France se saigne à blanc s'accorde aussi mal avec l'ère industrialiste que la traite des nègres avec la morale l,. En rendant hommage à Constant, Manuel, d'Argenson, La Fayette, Martin de Gray, Dupont de l'Eure, Bignon, Chauvelin, Casimir Périer et à bien d'autres, la Minerve croit accomplir une œuvre pie, mettre en valeur ceux qui en épilogant sur les abus ministériels ont rendu des services réels à leur pays. La primauté de la propriété industrielle préoccupe les ultras, mais elle donne aussi du fil à retordre à Decazes, louvoyant entre les partis " Pour la néce,;sité d'une comptabilité rigoureuse, d. B. Constant, Session des elU/TIlhres, Iv\. IV (V d Il), 30 déc. 1818 et 1.1 janv. 1819. Etienne, n° 53, :\\. V (I), 16 avril et n'" 56 et 58, M. VI (2 et 4),17 et fin mai; la contribution de la gauche pour J'ordre dans les finances, Pagès, Session des chambres, M. VI (8), 27 juin.
sion sur la loi de l'importation des grains, l'extrême-droite défendra les intérêts agricoles, la gauche les intérêts commerciaux; d'Argenson combattra les prohibitions ainsi que les tarifs douaniers, Pagès, Session des chambres, M. VI (11),18 juillet. ·iO Contre les monopoles, cf. Pages, Session des chambres, M. V (l1), 16 avril 1819; en faveur du transit d'Alsace, M. VI (2), 17 mai; loterie et jeux, M. \' (lI) et M. VI (9), 5 juillet. Pour la critique du système colonial, cf. égaiement Pagès, Session des chambres, M. VI (4 et 6), fin mai et Il juin.
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adverses pour assurer son pouvoir. On le sait et la Minerve laisse entendre dans des termes voilés que le ministère est sujet à la pression de l'entourage de Louis XVIII comme des puissances étrangères, agissant sous l'instigation des ultras. Les rapports de la gauche et du ministère vont s'altérer rapidement après le rejet de la proposition Barthélemy. A en croire la Minerve, Decazes, jaloux de l'autorité grandissante de de Serre, se serait employé à rabaisser le mérite de son collègue devant l'opinion. L'affaire des Suisses lui aurait fourni une occasion rêvée. L'assassinat par un Suisse d'un promeneur parisien paisible, dans la rue du Temple, le 14 mars, a provoqué une campagne violente dans la presse libérale contre les régiments suisses, accompagnée d'une souscription en faveur de la famille de la victime. De Serre a opposé une fin de nonrecevoir à la demande des officiers suisses de sévir contre les journalistes, mais la Chambre des appels de la police correctionnelle en a jugé autrement. Convoquant la réunion plénière des Chambres de la cour royale, elle a fait adopter la décision de poursuivre en justice les rédacteurs de la Bibliothèque historique, du Libéral et de l'Homme-Oris. Etienne réagit violemment contre l'initiative de Séguier, premier président de la Cour d'appel, mesure qui rappelle les parlements de jadis. Cette entreprise insolite est doublement grave lorsqu'on songe aux troubles déchaînés par les Suisses, au début d'avril, à Montigny, près de Metz, au cours desquels plusieurs personnes ont été blessées, faits que les autorités ont cherché à minimiser 48. C'est d'ailleurs la même Cour d'appel, et Etienne le souligne, qui a acquitté Canuel et condamné Fabvier et Sainnevile. L'initiative de Séguier s'éclaire également par la position prise par des feuilles ministérielles en faveur de la Cour d'appel, confirmant par là le bruit que Decazes se trouverait à l'origine de la décision des tribunaux 49. De plus, les tribunaux auraient fait preuve d'un excès de zèle dans cette circonstance pour se venger du ministre de la Justice qui avait blâmé, lors de la discussion de la loi sur la presse, le langage et les pratiques inconstitutionnels du parquet 50.
48 Pour l'affaire de Montigny, cf. Correspondance des départemens (supplément), M. V (12), 20 avril 1819 et celle de M. VI (1), 8 mai. Le Journal de la Moselle, inspiré par le préfet, de Tocqueville, a représenté les rixes de Montigny comme une simple querelle de cabaret alors que la lettre du maire âgé, luimême blessé, éclaire sous un jour différent les événements, ibid. 49 Pour l'assassinat de Paris, la décision de la Cour d'appel et les commentaires des rédacteurs, cf. Correspondance, M. V (7), 17 mars 1819; Dumoulin, Tribunaux, M. V (13), fin avril; Jay, Arrêt de la cour royale relatif aux suisses, M. VI (1), 8 mai; Etienne, nO' 55 et 56, M. VI (1 et 2), 8 et 17 mai; les publicistes seront acquittés par la cour d'assises, Etienne, n° 65, Post-Scriptum, M. VI (J 1), 18 juillet; pour le procès Canuel, Fabvier et Sainneville, cf. infra, ch. VI, Propagande et faits divers, l'affaire Lyon. 50 Cf. Etienne, n° 52, M. V (10), 10 avril 1819; le bruit sur des changements éventuels dans le Parquet a fait aussi état de la retraite de Bellart, mais Etienne s'y oppose comme il blâme la destitution de Dugied, préfet des Basses-Alpes, qui a pris parti en faveur de la loi électorale; par contre, le critique donne raison au ministre des Finances pour le renvoi de Bricogne, maître des requêtes, trop empressé à combattre ses propres ministres, n° 61, M. VI (7), 20 juin.
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Decazes et de Serre se seraient apparemment réconciliés entre-temps, mais le raccommodement aurait éte effectuè dans le sens de la politique du premier, contrairement aux aspirations des libéraux. Autant de Serre s'est acquis l'appui de la gauche par son éloquence contre les ultras et les crimes perpétrés en 1815, lors de la discussion de la proposition de Barthélemy, autant sa volte-face dans l'affaire des bannis a frappé de consternation les libéraux. Rien d'étonnant à ce que les libéraux aient attaché une très grande importance aux pétitions. Sous un régime de contrainte, surveillant étroitement la presse et nommant partout les délégués du pouvoir, la Chambre constitue presque la seule ressource pour faire entendre les réclamations des individus et des partis. Les grandes campagnes politiques se déroulent à la Chambre, et la presse a le droit de rendre compte fidèlement des discours qui y sont librement prononcés. Ce n'est qu'après la dissolution de la Chambre Introuvable que la France a été instruite par les députés des méfaits des ultras dans le Midi. C'est à la Chambre que la bourgeoisie s'initie aux problèmes majeurs du régime. C'est là également que les particuliers trouvent un recours commode Dour leurs réclamations. Il est vrai que les recueils font parfois appel à d'autres moyens de publicité pour servir la bonne cause 51. La gauche exploite habilement les pétitions individuelles 52, C,l Appel pour une souscription en faveur de deux libraires, victimes de la loi du 9 novembre, M. VI (3),23 mai 1819; réclamation d'un ancien magistrat, avec pièces justificatives, contre l'accusation de Puymaurin selon laquelle il aurait été le secrétaire de Carrier, Correspondance, M. VI (5), 5 juin; rigueurs que la garde nationale a fait suhir il un marchand épicier qui, surveillant sa femme malade, n'a pu effectuer son service, Correspondance, M. VI (II et 13), 18 et fin juillet; Aignan, C.r. du Mémoire à conslllter pOlir Joseph François Pro!,.\", ancien no/aire à Grenoble, qui, exilé en 1816 par le préfet, fut obligé de prendre une chaise de poste. Proby exige du préfet le paiement il cet effet de 207 francs, M. VII (4), fin août; annonce de 3 souscriptions, dont 2 ouvertes aux hureaux de la Renommée et du Constitlltionnel, M. Vlll (3), 21 nov. ; rappelons la publicité assurée par la lIIinerve aux troubles survenus au lycée Louis-IeGrand et il l'école tie Médecine de Montpellier. Le ch. VI, infra, sera réservé aux effets de la propagande particulièrement aménagés par le recueil. :;" Cf. la pétition de 70 électeurs de la Sarthe demandant la convocation des collèges dont le nombre des députés est incomplet, B. Constant, Session des chambres, M. V (3), 19 tév. 1819; celle des habitants d'Auxerre contre les abus de la garde nationale, ibid. ; celle des détenus de Pierre-Châtel qui faute d'être hannis ont été internés, M. V (6), 10 mars et discussion à la Chambre, Pagès, Session des chambres, M. VI (11), 18 juillet; celle d'un propriétaire bourgeois qui n'a pas obtenu le permis de port d'armes pour chasser, M. V (10), 10 avril ; celle d'un membre de la légion d'honneur demandant le paiement de sa pension - grief qui revient souvent sous la plume des lihéraux - et qui a suscité un l'if débat il la Chambre, ibid. et celle demandant justice de l'assassinat d'un conseiller il la cour royale d'Ajaccio; celle d'un sellier dont la propositjon pour la fourniture èl l'entretien des malles-postes n'a pas été retenue, bien qu'elle offrit des conditions avantageuses, Pagès, Session des chambres, M. VI (1), 8 mai; celle de deux ex-substitus près les tribunaux de Paris, réclamant le paiement pour les fonctions qu'ils avaient remplies pendant les Cent-Jours, d'où discussion animée à la Chambre et qui se terminera par un ordre du jour, Pagès, Session des chambres, M. VI (2), 17 mai; celle d'un militaire - Pourrée - demandant le cumul de deux pensions pour avoir sauvé Bonaparte le
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mais elle appelle de ses vœux, voire déclenche de véritables campagnes de pétitions pour forcer la main au ministère. Ainsi, à l'occasion de la proposition Barthélemy, c'est une guerre de pétitions que les libéraux ont organisée à travers le pays contre les ultras. Une autre série de pétitions demandera le rappel des bannis, exilés en vertu de l'ordonnance du 24 juillet 1815 et de la loi du 12 janvier 1816. Le rejet de la proposition Barthélemy, à la date du 23 mars 1819, ne verra pas encore la fin des pétitions défendant la constitution et demandant l'abrogation des ordonnances et des lois inconstitutionnelles 53. Dès l'accession au pouvoir du ministère Dessolles-Decazes, la gauche tient à assurer au droit de pétition une réglementation qui le transforme en arme efficace. Benj amin Constant dresse le bilan historique d'un droit que tous les régimes ont vidé de son sens et il évoque les vains efforts qu'il avait déployés au Tribunat pour l'assmer. Cependant, la droite et le centre repoussent la proposition des libéraux de tenir la Cham-
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18 brumaire, d'où une vive discussion à la Chambre au cours de laquelle certains bonapartistes ont pris une attitude équivoque, Pagès, Session des chambres, M. VI (7), 20 juin; celle enfin des étudiants en droit en faveur de Bavoux, Pagès, Session 1... ], M. VI (t 1), 18 juillet. Pour les pétitions ayant trait il. la religion, cf. supra, ch. II, Credo politique, sect. Religion. 53 Plainte quant il. l'inactivité de la Chambre relativement aux pétitions contre la proposition Barthélemy, Etienne, n° 49, M. V (7), 17 mars 1819; B. Constant fait état de la tentative des Pairs de combattre les pétitions collectives et de blâmer le préfet et le maire de Rouen pour avoir signé celle de leur ville, M. V (8), 24 mai; Etienne revient à la charge, nO' 53, 54 et 56, M. V (Il et 13) et M. VI (2), 16 et fin avril et 17 mai; pétition de Bordeaux, forteresse des ultras, en faveur de l'industrie et contre les projets de l'extrême-droite, pétition que B. Constant accompagne de ses commentaires, M. V (ID), 10 avril; pétition de Marseille en faveur des réformes et contre le personnel de 1815, M. V (12), 20 avril; démenti donné par la ville de Salins il. la pétition du maire et de ses adjoints, tendant il. prouver que les Vosges sont calmes après la proposition Barthélemy, ibid. Dès le début de 1818, le recueil tient il. disculper les commandants militaires de toute complicité dans le retour de Bonaparte en 1815, en faisant état de la lettre du maréchal Davout il. Gouvion St-Cyr que la presse anglaise a publiée, lettre que le chef de l'armée de la Loire avait adressée le 27 juillet 1815 pour prendre la défense de ses compagnons d'armes, frappés d'exil, en endossant leur responsabilité en sa qualité de ministre de la Guerre pendant les Cent-Jours, Bénaben, M. 1 (1), début fév. 1818; les faits relatifs aux bannis abondent dans la Minerve: rejet par la Cour de Cassation du pourvoi de l'ex-conventionnel Noël Pointe contre l'arrêt le condamnant il. la déportation, Pagès, Petit bulletin, M. Il (5), début juin; les persécutions auxquelles avait été en butte de Corcelle, ancien colonel de la garde nationale il. Lyon, M. IV (7), 19 déc. 1818; lettre du comte Forbin-Janson il. Decazes quant il. son rappel (la visite qu'il a rendue il. Marie-Thérèse et à Metternich, ainsi que l'envoi des effets personnels du général Gourgaud, expulsé d'Angleterre), Etienne, nO' 54 et 56, M. V (13) et M. VI (2) ; Aignan, De l'intéret du gouvernement dans la cause des bannis, M. VI (5), 5 juin 1819; demande de rappel de Guillaume de Vaudoucourt, maréchal de camp, Correspondance, M. VI (9), 5 juillet; les tribulations du lieutenant général Brayer en Amérique et son malentendu avec Martin proviendraient de sa proscription, Jay, Exposé de la conduite du lieutenant général Brayer, M. VII (1), 7 août; le duc de Rovigo va sc constituer prisonnier, Dumoulin, M. VII (9), début oct. 1819; il est disculpé, Jay, Procès du lieutenant général duc de Rovigo et DlImolllin, M. VIII (9), début janv. 1920. Cf. également infra, n. 59.
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bre informée du sort réservé aux pétitions par les ministères ihtéressés fi-l. Bien mieux, lors du débat sur le rappel des bannis, le centre et l'extrême-droite protesteront contre le « comité directeur» des libéraux, suscitant par des pétitions « démagogiques» une vaste conspiration contre la dynastie. De Serre se révélera le 17 mai partisan d'un coup de barre vers la droite, en dénonçant l'activité subversive de la gauche. L'ordre du jour qui met fin aux démarches en faveur des bannis constitue pour les libéraux un acte manifeste de déloyauté, venant après des ajournements sans fin du débat et des promesses tenues aux chefs de file libéraux de constituer une commission favorable à la cause des exilés 5fi. Comment expliquer le revirement du ministère? Faudrait-il remonter aux décisions du Congrès d'Aix-Ia-Chapelle et aux pressions diplomatiques pour comprendre le jeu de bascule de Decazes? Nul doute pour la Minerve que de Serre et les doctrinaires n'aient été placés après le rejet de la proposition Barthélemy devant l'alternative de changer de politique ou de perdre les Sceaux. L'opposition des Cours royales à de Serre s'expliquerait donc par les manœuvres de Decazes et le revirement du ministre de la Justice, le 17 mai, par la pression de l'étranger et des ultras, pression et manœuvres qui s'éclairent égaIement par les bruits persistants d'un remaniement du ministère, sous la présidence de Decazes fi6. Le changement de la politique du ministère acquiert toute sa signification le 19 juin, lors du débat sur le domaine extraordinaire, au cours duquel la question des bannis a été reprise. De Serre fustigera de nouveau les menées des libéraux et refera le procès de la Convention. Le ministère et l'extrême-droite auront beau jeu d'ailleurs contre la gauche grâce aux menaces imprudentes et sibyllines que Bignon a proférées le 17 mai 51. Benjamin Constant et ses collaborateurs réagiront avec violence. A la tribune, Constant compare la Chambre de 1815 à la Convention et, ~vec Etienne, il dressera le bilan négatif des ultras en 1814, 1815 et 1816. Le millistére de 1817 serait tombé pour avoir cherché à complaire Cf. B. Constant, Session des chamlues, M. IV (10 et 12),9 et 23 janv. 1819. r,;; Cf. Etienne, n"· 56 et 57, M. VI (2 et 3), 17 et 23 mai 1819; Pagès, SessioTl des chambres, ibid. : Etienne n" 58, M. VI (4), fin mai; Pagès, Session 1... 1, ibid. ; Etienne n" 5~J, M. VI (5), 5 juin; B. Constant, De la formation d'llIl TlOllVeaU ministère, M. VI (6), Il juin; Etienne, n° 60, ibid. f,6 Cf. la note précédente et Etienne, n" 65, M. VI (11), 18 juillet 1819, où il dresse lin r~qllisitoire violtmt contre les doctrinaires, Camille Jordan excepté, et déplore la faihlesse de Dessotles. ;" Cf. Etienne, n" 62, M. VI (8), 27 juin 1819; Pagès, Session des chambres, ibid. ; Etienne, n" 63, M. VI (9), 15 juillet; Pagès, Session [ ... l, M. VI (lm, 12 juillet et 1:1. Constant, Du ministère pendant la session qui vient de finir, M. VI (11), lH juillet, où il souligne, entre autres griefs, l'apologie de la politique de l'ancien ministerc entreprise par le nOllveau ; pour Bignon, cf. surtout Etienne, n" 5f1, M. VI (10), 12 juillet et Pages, Session [ ... ], M. VI (8), 27 juin: nouvelle discu,;sion à la Chambre de l'affaire des bannis, Pagès, Session [ ... l, M. VI (!.J), 5 sept. r,4
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au congrès d'Aix-Ia-Chapelle et renouer avec les ultras. Le malheur du ministère Dessolles-Decazes, c'est de se maintenir à mi-chemin entre la constitutionnalité et l'arbitraire et de racheter la seule loi valable qu'il ait fait voter - sur la presse - par une violation systématique de la Charte. La préférence donnée aux chevaliers de Saint-Louis sur les membres de la Légion d'Honneur - en dépit des promesses formelles - , la fin de non-recevoir opposée aux justes réclamations des « donataires » 58, la dilapidation du domaine extraordinaire, les salaires excessifs comme les pensions et les sinécures apportent des preuves suffisantes quant à la politique du ministère. La session de 1818-1819 touche à sa fin sans que la France ait bénéficié d'une réorganisation de sa garde nationale, d'un régime communal et de l'aménagement approprié de l'institution du jury. Au contraire, le déni de justice flagrant à l'égard des bannis est maintenu malgré la clause explicite de la Charte interdisant le retour sur le passé et la déclaration de Cambrai de Louis XVIII. Le fait qu'une ordonnance royale ait gracié au lendemain du 17 mai certains exilés et que le nombre en soit somme toute réduit n'allège en rien le manquement manifeste aux principes 59. Chaque nouvelle initiative des ultras et chaque coup de barre donné à droite par le ministère intensifient la lutte de la Minerve contre l'extrême-droite. Les privilégiés qui avaient toujours été opposés à la royauté comme à la liberté 60, s'accrochent à la féodalité et dans un manifeste du Conservateur ils émettent le vœu de reconstituer les grandes propriétés titrées, les clientèles d'antan, bref de recomposer une oligarchie politique et obscurantiste, sous prétexte de sauver la monarchie 61. Dans les griefs amers qu'ils formulent contre Louis XVIII ne lui opposent-ils pas Henri IV 62 ? Etrangers à la France, ils ont constamment recours à l'étran;.{er. L'arrivée du diplomate anglais Witworth met en branle toutes leurs batteries. Comme si l'exemple de Charles II et de son frère n'eût pas fourni aux hommes de 1815 un enseignement et un 5R La défense des intérêts et de la gloire de l'ancienne armée de l'Empire est un thème qui revient souvent dans les discussions de la Chambre. C'est !~ même souci qui dicte à Pagès sa défense des anciens « Inspecteurs aux revues et des commissaires de guerre », M. V (8), 24 mars 1819, et à Jouy le parti qu'il prend en faveur des soldats qui avaient combattu en Espagne, Soldat:; français devant le Conseil d'état, M. VI (2), 17 mai. ,,9 Pour la critique du ministère englobant les ultras. cf., Etienne. n'" 60, 62, 63 et 64, M. VI (6, 8, 9 et 10), Il et 27 juin, 5 et 12 juillet 1819 ; B. Constant, Du ministère pendant la session qui vient de finir, M. VI (11), 18 juillet; c'est en· fin mai, n° 58, M. VI (4), qu'Etienne annoncera l'autorisation accordée au maréchal Soult, aux généraux Piré et Pommereuil, à Réal et à Dirat de rentrer en France. 60 Cf. Jay, c.r. de la brochure de A. de Carrion-Nisas fils, De la nation et des factions [ ... ], M. V (12), 20 avril 1819; Aignan, Les deux ultras. Le vieux et le jeune, M. VI (6), 11 juin. 61 Cf. Etienne, n° 52, M. V (10), 10 avril 1819 et n° 63, M. VI (9), 5 juillet. 6~ Cf. Etienne, n° 50, M. V (8), 24 mars 1819, où il cite Bonald selon lequel Henri IV était un roi extrêmement sévère; Aignan, Pièce historique, où il cite de longs extraits d'une satire écrite en 1596 par la duchesse douairière de Rohan contre Henri IV et qu'elle fit circuler sous le titre d'Apologie, M. VII (1), 8 ma:'
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avertissement salutaires (la ! Vite revenus de leur enthousiasme pour le digne lord et n'espérant plus un changement de régime imposé par le cabinet de Londres, les ultras se tournent du côté de la Prusse, de l'Autriche et même de la Russie 64. Faute d'occupants, ils s'adressent dorénavant aux diplomates pour les circonvenir et les dresser contre la France des « niveleurs». Le ministère lui non plus n'est pas en reste pour blâmer la France et échapper par là au reproche de jacobinisme 65. A en coire les ultras, Sand, l'assassin de Kotzebue, aurait été inspiré par les libéraux 66 et le jeune professeur Bavoux aurait soulevé les universités allemandes 67. La requête de la maréchale Brune demandant justice aménera la presse de l'extrême-droite à représenter l'assassinat du maréchal comme un suicide 68, et le député libéral Corcelle, victime des persécutions de la Révolution comme de la Terreur blanche, se verra accusé, lui qui avait défendu la ville de Lyon, de l'avoir livrée à l'ennemi 69. Les abus et les crimes commis par le personnel et les partisans des ultras en province sont savamment montés en épingle par Du moulin 70 alors que la liberté dont commence de jouir la presse sert aux journaux de la droite pour attaquer sans retenue la gauche 71. La confrontation idéologique entre la gauche, l'extrême-droite et le centre laisse cependant percer les conflits d'intérêts. Si la proposition Barthélemy traduit le souci majeur des ultras de reCDuvrer le pouvoir par le remaniement du corps électoral, le ministère, à son tour, se rendra à l'évidence que ses demi-mesures loin de lui obtenir les sympathies des électeurs n'ont fait que raffermir les avantages de la gauche. Decazes a probablement ruminé les exhortations et les avertissements que Richelieu lui avait prodiguée, d'Aix-Ia-Chapelle, pour le mettre en garde contre l'envahissement de la démocratie et pour le persuader de la nécessité d'un rapprochement avec la droite, étayé par une modification appropriée de la loi électorale. La pression que Metternich a exercée sur le favori ne serait pas non plus étrangère à cette tendance 73. Que Decazes ait cherché à battre en retraite en pleine crise Barthélemy s'explique facilement par cette préoccupation, d'autant plus que les élections pour compléter la députation de quatre départements seront une victoire libérale. ua Cf. Etienne, n° 52, M. V (l0 et 11), 10 et 16 avril 1819. Cf. Etienne, n° 5-1, M. V (13), fin avril 1819. 65 Cf. Etienne, n° 67, M. VI (13), fin juillet 1819. 66 Cf. Etienne, n° 53, M. V (11), 16 avril 1819. U7 Cf. Etienne, n° 67 cit. 63 Cf. Etienne, n° 51, Post-Scriptll/n, M. V (9), 2 avril 1819. Il!) Cf. le Jémenti indigné de Corcelle, M. V (12), 20 avril 1819, p. 623-624. 70 Cf. Dumoulin, Correspondance des départemens, méfaits des ultras et des curés à Bordeaux, M. VI (7),20 juin et M. VII (1), 7 août 1819. 71 Cf. Etienne, n° 55, M. VI (1), 8 mai 1819. 7~ Cf. Etienne, n° 61, M. VI (7), 20 juin 1819. 73 Cf. Ernest Daudet, Le duc de Richelieu au congrès d'Aix-Ia-Cilapelle, op. cit. et Bertjer de Sauvigny, Meternich et Decazes, d'après leur correspon64
dance inédite (1816-1820), op. cit.
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La Sarthe qui avait élu La Fayette désignera cette fois Benjamin Constant, considéré par ses collègues comme le premier publiciste de l'Europe. Quel titre de gloire d'ailleurs pour la Minerve de voir Benjamin accéder à la tribune! La Loire-Inférieure désignera Saint-Aignan, préfet des Côtes-du-Nord. Bien que le recueil soit opposé à l'élection de fonctionnaires - on sait le pourcentage étonnant des agents ministériels à la Chambre - , il se plaît à rendre hommage à l'impartialité dont Saint-Aignan a fait preuve dans ses fonctions précédentes. Le Finistère et Lyon choisiront respectivement Daunou et Corcelle. Le premier est connu pour sa longue carrière studieuse et ses vastes connaissances. Etienne signale à ses lecteurs le dernier ouvrage de Daunou, l'Essai sur les garanties individuelles [ ... ] 74, contribution précieuse à la sauvegarde des libertés. Le marquis de Corcelle a été désigné par la ville de Lyon à la place de Camille Jordan. Le département du Rhône avait tenu à honorer dans la personne de Jordan le courageux défenseur de la ville terrorisée par Canuel comme il manifeste par son dernier choix sa préférence pour ceux que les ultras ont poursuivi de leur haine 75. C'est une victoire incontestable pour les libéraux que la Minerve entend exploiter. Constant, suivant l'exemple de Camille Jordan, qui s'était adressé en 1818 aux électeurs du Rhône et de l'Ain, lance sa première Lettre à MM. Les habitans du département de la Sarthe. Faisant le bilan de l'œuvre du ministère - les carences de la loi sur la responsabilité des ministres ainsi que les aspects positifs et les manquements de la loi sur la presse - , il procédera également à une profession de foi libérale, inaugurant par là les engagements que les aspirantsdéputés proclameront devant les électeurs 76. La victoire libérale aux élections partielles de fin mars 1819 n'estellc [las de mauvais augure [lour celles de la troisième série? L'affaire des bannis s'insère ainsi dans les perspectives de la lutte prochaine des partis pour la voix des électeurs. Dumoulin prend en mains dans la Minerve l'organisation de la campagne. Il proteste contre les manèges du pouvoir dont les agents exercent une pression redoutable sur les électeurs. Les listes électorales tardent toujours à être publiées et la date de convocation des collèges électoraux n'est que devinée grâce aux nouvelles de la presse étrangère. La rupture de la gauche avec le ministère trouve ample matière à récrimination dans les troubles suscités à l'Ecole de droit à la fin 74 L'ouvrage a paru d'abord dans le Censeur Européen auquel Daunou avait collaboré, cf. notre étude cit., Le Censeur Européen. Histoire d'un journal industrialiste, l, p. 191. 7;; Cf. Etienne, n° 51, M. V (9), 2 avril 1819, où il cite les feuilles libérales, le Propagateur de la Sarthe de Goyet ainsi que le Propagateur de la Viennf. Il rend hommage à l'ex-maire de Lyon - Jar - qui s'est désisté en faveur de Corœlle ; sur l'affrontement des partis à Lyon, cf. également Election, M. V (7), 17 mars. 76 Cf. M. V (9),2 avril 1819.
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du mois de juin par la suspension des cours du jeune professeur Bavoux. Ayant été sifflé par quelques étudiants que la presse libérale a représentés comme agents provocateurs des ultras,. Bavoux::yoit ses cours suspendus par le doyen Delvincourt, suspension que··la commission d'instruction publique, sous la présidence de Royer-Collard; 's'empresse de ratifier. D'où rassemblement des étudiants, déploiement des forces de l'ordre et nombre d'arrestations. D'où aussi une pétition à la ·Chambre de la jeunesse libérale, suivie d'un vif débat au cours d\lquel teus les.argu~ ments imaginables ont été énoncés par les respectables gardiens de l'ordre. La fermeture de l'Ecole de droit, la confiscation des papiers de Bavoux, sa comparution devant le tribunal de police correctionnelle et son aquittement alimenteront la campagne libérale contre un ministère inapte 77. Malgré la confiance apparente du ministère dans la réussite de ses candidats - assurance fondée sur la perspective de collaboration avec l'extrême-droite - la Minerve fait preuve d'une fermeté agressive tout au long de la campagne éle~torale. Elle sait que les conditions ont changé et que le ministère mal jugé par la droite comme par la gauche aura du mal à fai re élire ses candidats. L'affrontement pour le renouvellement de 18 sièges de la droite, 26 du centre et 4 de la gauche est des plus vifs. C'est avec passion que le recueil accompagne le déroulement des élections. Il a pris la précaution, à l'exemple des autres organes libéraux, de publier la liste des candidats libéraux dans les différents départements électeurs. Dumoulin et Etienne - lui-même candidat - s'évertueront à mettre les électeurs en garde contre les truquages des listes électorales, la partialité des présidents des collèges électoraux et la falsification des scrutins. Ce n'est qu'à la veille des élections que le ministère semble réaliser que la partie est perdue malgré ses efforts pour arriver à une entente avec les ultras. Il a beau dénoncer la décision de la Société des Amis de la liberté de la presse de préférer au ballotage un ultra à un ministériel, la Minerve, tout en blâmant cette décision intempestive, montrera les inconséquences d'un ministère qui n'hésite jamais à s'allier avec les ultras contre les libéraux. Quelques jours après les élections du Il septembre, la Minerve est en mesure de claironner sa victoire et la déconfiture complète des ultras et des ministériels. «Une coterie et une faction ne sont pas la France; séparées, elles ne sont rien; réunies, elles sont encore peu de chose 78. » La gauche vit ses effectifs renforcés par 32 députés dont l'abbé Grégoire. A le·urs noms proclamés par la Minerve s'ajoutent ceux de 9 députés que le centre et la gauche se disputent encore contre un nombre extrêmement réduit de nouvelles recrues pour les ministériels et les ultras 79. 77 Pour l'affaire Bavoux, cf. Etienne, n° 63, Post-ScriptulIl, M. VI (9), 5 juillet 1819; nO' 64 et 66, M .VI (ID et 12), 12 et 24 juillet; n° 68, M. Vll (1),7 août. 78 Etienne, n° 72, M. VII (7), 19 sept. 1819, p. 313. 79 Sur la campagne électorale, cf. Dumoulin, Correspondance des départemens, M. VI (9 et 20), 5 et 12 juillet 1819 ; M. VII (3 et 4), 21 et fin août; le
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On sait le tollé que l'élection de Grégoire par la Sarthe a soulevé dans la presse de l'extrême-droite, bien que l'abbé fût absent lors de la condamnation de Louis XVI. On sait aussi les reproches amers que les feuilles ministérielles ont adressés aux ultras pour avoir concouru à l'élection de Grégoire. Dumoulin citera le chiffre de 62 bulletins ultras déposés en faveur du prêtre régicide 80. Non que la mesure ait été inhabile. Réduire à l'absurde les principes du régime constitutionnel, c'est faire endosser au ministère ses responsabilités et lui démontrer les înconséquences d'une politique à mi-chemin entre la gauche et la droite. La tactique est d'autant plus habile qu'elle coïncide avec une vague réactionnaire déferlant sur le continent que les décrets du mois d'août du congrès de Carlsbad codifieront et que les résolutions de la Diète de Francfort sanctifieront par la suite. Le danger n'en subsiste pas moins de voir les principes des ultras entachés par une exploitation machiavélique de la conjoncture. La Minerve ne manquera pas de lier l'élection de Grégoire aux pourparlers secrets avec Rome et au recours des évêques au Pape. « Le choix d'un des plus énergiques défenseurs des libertés de l'église gallicane, est surtout remarquable lorsqu'un faible ministère les sacrifie sans scrupules; lorsqu'il souffre que les prêtres impudens dénoncent audacieusement à l'étranger le gouvernement de leur pays 81.» Et Etienne de louer Grégoire pour ses qualités d'homme et sa valeur intellectuelle. Les rédacteurs insisteront, lors de la polémique acharnée autour du candidat malencontreux, sur son innocence, ses tentatives pour abolir la peine de mort, et surtout sur l'illégalité d'un retour au passé, procédé susceptible de compromettre l'existence de maints députés et pairs, celle du duc d'Orléans entre autres 82. Les intentions transparentes des ultras laissent les rédacteurs sceptiques quant à un retrait spectaculaire des députés de l'extrême-droite, menace qui rappelle le défi qu'elle avait même, Notes historiques, M. VII (5, 7 et 8), début, 19 et 25 sept.; Etienne, n° 67, M. VI (13), fin juillet, la décision de la Société des Amis de la liberté de la presse; n° 71, attaque contre les doctrinaires pour avoir dénigré sa candidature, M. VII (6), 13 sept. ; n° 72, apprécie les résultats électoraux, M. VII (7), 19 sept. ; le receueil fera encore état de la candidature de Devaux aux élections du département du Cher, candidat désigné par les libéraux, M. VII (12), 23 oct., p.576. La Minerve proclame comme députés plus ou moins acquis à la gaucbe: Le Carlier, Labbey-Pompierres, le général Foy, Méchin, Burelle, Ganilh, Guitard, Mathieu-Faure, Savoie Rollin, François-de-Nantes, Bcauséjour, le général Tarayre, Clément, Busson, Sappey, Grégoire, Prosper-Delaunay, Paillarddu-Cléret, Lépecheux, Villemain, Robert, le général Fabre, Basteresche, Leseigneur, Lambrechts, Stanislas-Girardin, Puy, Fradin et le général Demarçay; à remarquer que l'orthographe des noms des députés varie quelquefois sous la plume de Dumoulin qui tire ses renseignements du Guide électoral de BrissotThivars, M. VII (3). Les historiens de la Restauration estiment que les élections ont donné à la gauche quelque 25 sièges, cependant Pasquier dans ses Mémoires, op. cit., vol. I, cite le nombre de 35 sièges acquis par la gauche aux élections de sept. 181 g, contre 15 au ministère et 4 aux ultras. 80 Cf. M. VII (8),25 sept. 1819. 81 Etienne, n° 72 cit., M. VII (7), p. 318-319. 82 Cf. Pagès, De la session prochaine, M. VIII (1), 8 nov. 1819.
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proféré lors de la mesure créant une fournée de soixante pairs 8:1. Etienne saura décrire avec une verve endiahlée la scène de mélodrame que les ultras s'apprêteront à monter à la Chambre pour dénoncer l'infamie de l'élection de Grégoire 84. Cependant, dans l'ensemble, il paraît que le recueil ait regretté une candidature aussi inopportune, souci que le journal d'Albertine de Broglie corrobore 85. L'élection de la Sarthe n'est qu'un maillon dans une luite sans merci, où revers et succès se balancent selon le jeu des adversaires. Ces affaires de Grégoire et de Bavoux constituent pour la droite des pièces à conviction qu'elle s'empresse de verser dans le dossier de Carlsbad afin de dénoncer la jeunesse estudiantine et représenter la France comme un foyer révolutionnaire. Il est vrai qu'un tel foyer existe, « mais il est tout entier dans cette faction impie qui calomnie son pays pour l'asservir; il est dans ces furieux qui voient un ami dans tout ennemi de la France; qui bénissent d'une main les poignards de la guerre civile, et qui agitent de l'autre les torches de la guerre étran;.:ère [ ... ] S6 ". La violence du ton peut donner la mesure de l'exaspération des adversaires. Jouy comme Jay peuvent à la rigueur faire preuve de plus d'aménité et Benjamin Constant de sa modération ordinaire, mais l'enjeu en question amènera le député à exprimer la même pensée dans un article des plus vifs. Autant qu'un avertissement à l'endroit des ultras, il s'agit d'un avis pressant au congr<'-s de Carlsbad. « Lorsque l'on pense avoir appuyé de quelques probabilités troillpeuses des assertions fausses, on les accompagne de dissertations étudiées, pour démontrer que toutes les nations sont solidaires de ce qu'on nomme les principes de l'ordre social, qu'elles ont toutes le droit d'intervenir partout où ces principes sont menacés, et l'on se flatte que de vains sophismes nous déguiseront les intentions ct nous abuseront sur les espérances R7 ! » Constant se plaît à écarter comme chimérique la probabilité du retour des ultras au pouvoir, mais si une telle éventualité devait se réaliser, elle serait néfaste pour le continent. ''". Bien entendu. ces a,gu111ents laissent percer l'angoisse des rédacteurs de voir les Alliés exercer une forte pression sur la France pour enùiguer le mouvement ascendant de la bourgeoisie libérale. Cependant, l'argulllentation serrée de la Minerve est aussi valable pour le ministère français et notamillent pour Decazes qui médite un rapprochement avec la droite ct des remaniements de cabinet 89. Les menaces ," Cf. Dlll1lo11lin, Nole", llislorit/lleS cif. ; à la date du 1H oct., il affirmera ljll" les deplltés ultras ne donneront pas leur démission en masse, mais qu'ils se contenteront de signer une protestation, M, VII (\3), fin oct. 1819, " Cf. Etienne. n'" 77 et 7l'l, fit VII (12 et 13),23 et fin oct. Il'l19. 'c, Si B. Constant, Victor d" Broglie et Auguste de Stal'I sont inquiets par l'élection de Gréguire, d'Argenson, par contre, conjurera le député à refuser tont accommOlkl11ent. Victor de Broglie, Souvenirs, op. cit., vol. Il, p. 98, IOi-103, '6 '7
Etienne, n" 6U, fiL VII (:!), 15 août 1819, p, 88, 8. COl1"tant, Des aCCl/saleurs de la Franc/', M, VII (-1), fin août 1819,
p_ 159. 's 'li
Cf. ibid, Cf. Etilnne. n" 59, M. VI (5), 5 juin 1819.
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s'ajoutent aux appels au bon sens. Qui dit ultra dit contre-révolution. L'histoire d'Outre-Manche fournit aisément des enseignements péremptoires. La contre-révolution déclenchée par Jacques Il a eu comme suite nécessaire la révolution, confiant la royauté à Guillaume Ill. JI est erroné d'imiter les légistes anglais qui, faisant violence aux textes, ont cherché à légitimer par des subtilités d'exégèse le renversement de Jacques II. La contre-révolution appellera inévitablement un nouveau bouleversement. La réaction de 1815 a failli déboucher sur une telle éventualité n'eut été la sagesse de Louis XVIII 90. C'est une mise en demeure on ne peut plus catégorique contre le comte d'Artois et les menées des ultras. La France ne saurait se résigner à un ministère de droite que l'étranger aurait dicté. Sous la plume alerte d'Etienne se développent les dangers et surgissent les menaces que Constant et Aignan ont exprimés d'une manière plus condse. Les pourparlers des ultras avec Decazes cachent mal leur projet de le renverser à la première occasion. Leur collaboration avec les ministres démissionnaires de 1818 provient de la même préoccupation. Quelle aubaine pour la droite que le mémoire secret de Pasquier recommandant à Louis XVIII d'appliquer aux libéraux une nouvelle loi du 5 septembre! Quitte à s'accommoder momentanément de de Serre, de Portal et même de Decazes, ils visent l'élimination immédiate de Gouvion Saint-Cyr à qui la réorganisation de l'armée a valu l'inimitié des Alliés depuis le congrès d'Aix-Ia-Chapelle. Ne devrait-on pas s'attendre prochainement à une nouvelle démarche des pairs pour fixer les élections dans les arrondissements et non plus dans les chefs-lieux des départements 91 ? La modification de la loi électorale demeure un article de foi pour la droite. D'autres articles ne manqueront pas d'être énoncés dans le Conservateur dès que les pourparlers de coulisse avec Decazes auront fait miroiter aux yeux des ultras la perspective du retour au pouvoir. Jay n'attache pourtant pas de valeur aux idées politiques de Chateaubriand. Le style éclatant du Chevalier déguise mal les inconséquences d'une pensée qui se proclame libérale et qui se flatte en même temps d'avoir inspiré l'œuvre de Carlsbad. L'intérêt des écrits de Chateaubriand se traduit par la position qu'il occupe dans son parti. Le programme des ultras est celui qu'il a tracé dans le Conservateur. Ainsi prévoit-il l'abrogation de l'avancement dans l'armée en vertu de l'ancienneté comme il tient à rajouter au texte de la loi sur la presse les infractions contre la religion. Non content de réclamer la recomposition de l'aristocratie sur le plan matériel et moral, en recourant à la réorganisation de l'administration locale, il cherche à l'étayer par des indemnités considérables versées aux émigrés. C'est là un plan d'action qui, pour Jay et ses COllègues, signifie l'abolition de la Charte et qui légitime par là les résistances 9~. \JO Cf. Aignan, Des révolutions et des contre-révolutions, M. VII (11), 17 od. 1819. \11 Cf. Etienne, n° 77, M. VII (12),23 oct. IBI!J. n Cf. Jay, Du ministère ultra-monarchique, M. VIII (2), 1.1 nov. 1819. A la date du 12 nov., Dumoulin rapporte la nouvelle de l'échec des pourparlers de Decazes et des ultras et de la réconciliation du favori avec ses collègues, ibid.
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Les attaques véhémentes contre l'extrême-droite, pimentées ici et là par des anecdotes ou de brèves nouvelles que Dumoulin réserve à ses No/es historiques ~:I, répondent non seulement au souci des rédacteurs de donner l'éveil à l'opinion, mais également à leur désir de provoquer k réveil du centre et des doctrinaires. L'inimitié de la Minerve pour le petit groupe des doctrinaires semble remonter à l'époque de la formation du ministère Dessolles. Sur les nouvelles alarmantes du congrès t!' Aix-la-Chapelle, faisant état de la pression des Alliés pour enrayer le mouvement ascendant de la gauche française, les doctrinaires se seraient écartés du pouvoir et se seraient engagés à collaborer avec les libéraux. Ils n'ont pas su résister à la tentation des «places» offertes par le nouveau ministère. Ils sont allés plus loin encore, et, SOI11més d'opter entre le pouvoir et les libéraux, ils ont renié leurs principes avec de Serre le 17 mai "1. Depuis la volte-face de de Serre, la Minerve a lancé contre Guizot, Beugnot et Barante une campagne de dénigrement violente. Etienne et Pagés auront beau jeu pour se moquer de leur or.~~ueil et de leur gravité tranchante !l5. Les articles du COl/l'riel' fournissent une bonne occasion à la Minerve pour s'élever contre une coterie dont les rares membres «changent de doctrines en changeant d'intérêt ; philosophes suivant la cour, sages ne méprisant pas les richesses; au~tè:rcs èpicuriens qui savent concilier la morale et les honneurs, les principes et les complaisances [ ... ] H6 ». Il est vrai que les rédacteurs exeptent de leur condamnation Camille Jordan auquel ils manquent rarement de rendre hommage pour avoir dévoilé à la France les événements de Lyoll. Ils témoignent aussi de leur respect pour Royer-Collard malgré les divergences qui les séparent. Et lorsque la démission de Royer-Collard de la présidence de la commission de l'instruction sera rendue publique à la fin du Illois d'aoÎ!t, ils feront preuve à son égard d'une attitude sympathique, reproduisant les nouvelles sur les motifs de sa démission, due à j'ingratitude de Guizot COlllllle à l'indifférence de Decazes; j'infidélité ductrinale des élèves de Royer-Coiiard et de de Serre n'y serait pas étran;2;ère pas plus que la bévue que l'austère doctrinaire avait commise dans l'affaire Uavoux. Et puis, le projet qu'eÎlt formé Decazes de confier l'éducation au clergé et les bruits tenaces quant à des dispositions définitives conclues avec Rome pour résoudre l'imbroglio du concordat de 1817 auraient rendu irrévocable cette démission ur.
,.;: Ci. M. VII UU ct 13), lU et fin oct. 1:-J1U; dans VII «(l), Dumoulin rapporte l'histoire de l'cmbauchagt: d'ue:ents secrets par les ultras; agent provocateur il Lyon, Erienne, n" 69, Posi-Saipillm, M. VII (2), 15 août. ,0.1 Cf. Etienne, n" 65, 1\\. VI (lI), 18 juillet 1819, où il raconte les tribulations de Guizot - directeur des administrations départementales -, victime de la méfiance ,k Decaœs; administrateurs et diplomates renchérissent, lors des attaques de de Serre contre les ultras, pour prédire la perte de la monarchie par les doctrinaires, ibid., et n° 70, II\. VII (4), fin août. !I.; Cf. ibid. et n" 67, 1\\. VI (13), fin juillet 1819. "1; Etienne, n" 70 cil., p. 17B. !Ir Cf. Etienne, n'" 77 et 78, M. VII (12 et 13), 23 et fin od. 181U; Pages, Ve la sessioll prochaille, M. VIII (1), 8 nov.
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Les attaques contre les doctrinaires et leur nouveau recueil s'expliquent certes par la campagne électorale, mais davantage par l'irritation des rédacteurs de voir Guizot et Barante chercher à attirer vers le ministère une partie de la gauche. Ils auraient dO imiter l'exemple des « doctrinaires» de la droite, Laîné, Pasquier et Molé qui, tout en ménageant leur avenir du côté du pouvoir, agissent de concert avec les ultras 98. A la veille de la nouvelle session, Etienne ne résistera pas à la tentation de décocher des traits envenimés à l'adresse des quatre doctrinaires: «Ils se battent les flancs, ils suent sang et eau pour se faire les chefs de la majorité dans la chambre [ ... ] mais ils n'ont peut-être pas réfléchi à une chose; c'est que de tous les jougs qui ont pesé sur la France, celui auquel elle s'accolllmoderait le moins, celui qui l'humilierait davantage, ce serait le joug de la férule 99.» Ce mépris se muera en indignation et vouera les doctrinaires à la malédiction lorsque la Minerve, bien renseignée, dévoilera à ses lecteurs, à la veille de la dislocation du ministère Dessolles, l'accord de de Serre et de ses partisans pour la modification de la loi électorale 100. La campagne de dénigrement entreprise par la Minerve contre la « tri-. nité» des doctrinaires ne saurait cependant dissimuler le cas qu'elle fait d'une poignée d'adversaires puissants par leurs attaches comme par leur position. Le centre ne mérite pas un tel intérêt. Composé essentiellement de magistrats, de conseillers d'Etat et de préfets, il constitue l'épine dorsale d'un parti sans principes ni idéal. Pagès et Etienne instruiront facilement le procès de cette frêle majorité, toujours empressée à crier «aux voix» lorsque un ministre descend de la tribune et à réclamer « la clôture» lorsque un député libéral s'y aventure. Faudraitil souligner que ces piliers du régime n'ont jamais démenti une fidélité inébranlable à tous les règnes successifs lOI? Les rédacteurs de la Minerve reviendront à la charge chaque fois que les libertés auront été piétinées au nom de l'ordre et de la stabilité. Beaucoup de cahiers du recueil attestent leur mépris pour les écrivains de commande et pour les correspondants à gages des journaux anglais et allemands. S'ils gardent le silence à l'égard de leur ancien collaborateur Bénaben, séduit par les béatitudes ministérielles, c'est qu'ils s'engagent rarement dans des escrimes personnelles et qu'une coexistence de convenance est de rigueur. Il leur arrive bien sOr d'égratigner les nouvelles recrues ministérielles IU~, mais 08
Cf. ibid.
nu Nu 78 cit., p. 610.
Cf. Etienne, n° 81, M. Vlll (3), 21 nov. 1819. L'ultra Fontanes, ancien Grand-Maître de l'Université, méritera un rappel à l'ordre et de longs extraits d'un de ses écrits républicains, Confédératio.'l nationale, M. VI (Il), 18 juillet 1819, p. 527-530. ltl~ Cf. Aignan, Notice, se rapportant à la Correspondance philosophique d'Azaïs, où éloge et moquerie affable alternent pour signaler la critique formée par l'auteur contre les articles de Chateaubriand dans le Conservateur; ailleurs, il flétrit la conversion d'Azaïs aux vérités ministérielles, à propos de sa brochure, De la situation morale et politique de la France à la tin de la session de 1818 et de la 3' éd. de son Traité des compensations, Galerie [ ... ], M. VI (12), 24 juillet 1819. 100 lOI
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ils sont davantage accoutumés à critiquer les idées ou à mettre en relief les écrits libéraux qu'à se laisser aller à des actes diffamatoires. Leurs efforts tendent à dissocier du ministère les éléments qu'un accord avec les ultras sera susceptible d'effrayer. En prévision de la nouvelle session et d'un remaniement éventuel du ministère, Pagés le dira en termes explicites 103. Au lieu de s'attaquer à un parti fantôme, la Minerve s'en prend au ministère. La campagne qu'elle mène contre les ultras se double nécessairement d'une lutte aussi acharnée contre le pouvoir. Les griefs ne manquent pas depuis l'affrontement au sujet des bannis 104. Les beaux projets sur la responsabilité des ministres, le régime communal et la réforme du code pénal restent ensevelis au Conseil d'Etat; l'institution du jury n'est toujours pas définie, le personnel de l'administration est aussi ultra en 1819 qu'il l'était en 1815 et les états-majors de la garde nationale persistent à molester les bourgeois 105 comme le ministère dans l'inexécution de ses promesses aux vétérans 106. Le flottement du ministère entre les deux France ne s'arrête pas là. A l'affaire Bavoux et à la démission de Royer-CoUard sont venus s'ajouter les pourparlers avec Rome - allusion aux négociations menées par Portalis -, les émeutes provoquées par les missionnaires à Brest - qui vaudront à deux commissaires de police leur destitution - , les démêlés des Jésuites à Saint-Acheul, près d'Amiens, avec la population, bref l'invasion de la France par les anciens ordres et l'accaparement de l'éducation par le clergé 107. Fait plus grave encore, le ministère qui a toléré que des prélats aient dénoncé le régime constitutionnel dans des lettres au Pape et au Roi - nouvelle rapportée par la presse au mois de septembre - , n'a pas hésité à sévir contre les réunions de la Société des amis de la liberté de la presse et à arrêter, en vertu d'une loi obscure de l'Empire, Gévaudan, administrateur des Messageries, et le colonel Simon-Lorière, ancien Cf. Pagés. De la sessioll prochaille, M. VIII (1), 8 nov. 1819. A cette préoccupation permanente, la Millerve ajoute la fin de nonrecevoir ()ppo~ée par le ministère à la demande ùe Forbin-Janson ùe rentrer en France, Dumoulin, M. VII (10), JO oct. ; Dumoulin se fait même l'écho de nouvelles proscriptions qui frapperaient l'extrême-droite comme l'extrême-gauche, ibid. ; à la veille de la dislocation du ministère Dessolles, Pagès énoncera un plaidoyer fervent en fa\'clir de Goërres, réfugié en Alsace et en butte aux attaques de la presse ultra et ministérielle; il retracera l'historique du droit d'asile et insistera sur l'accueil réservé par l'Europe aux émigrés, Du droit d'asile, M. VII (10), 10 oct. 1819. 105 Cf. Correspolldallce, M. VI (12 et 13), 18 et fin juillet 1819, p. 542-544 et p. 639-640; Etienne, n" 69, M. VII (2), 15 août, dit la satisfaction de la MillCTl'C dc la nomination du maréchal Oudinot à la tête de la garde nationale et pruteste contre les louches manœuvres des ultras faisant accroire à l'existence d'une caisse libérale subversive. 1uO Etienne, n" 78, M. VII (13), fin oct. 1819, p. 604. 101 Pour les reproches formulés contre le ministère, cf. Etienne, nO' 73, 74, 79,80, M. VII (8 et 9),25 sept. et début oct. 1819, M. VIII (1 et 2), 8 et 14 nov.: B. Constant, Lettre à MM. les habitalls de la Sarthe, M. VII (13), fin oct.; Dumoulin, M. VIII (2), 14 nov. 103 1"4
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chef d'état-major. « Or, je le demande, un inquisiteur en Espagne, un cadi
à Constantinople, un hospodar en Valachie, un dey à Tunis, ont-ils autant de pouvoir qu'un ministre de l'intérieur sous notre gouvernement libre et constitutionnel 108 ?» Etienne attribue cet acte aussi arbitraire que téméraire à de Serre qui se serait prêté, lui et ses conseillers les doctrinaires, aux suggestions de Decazes. Si le jeune Broglie a cessé d'assister aux rencontres de la Société, il ne s'est pas pour autant désolidarise des membres inculpés. Il est vrai qu'il a reconnu l'illégalité de la Société - allégation qu'Etienne conteste - , mais en revanche, il a infligé une remontrance sévére à Guizot pour avoir omis une phrase du texte, ce qui a amené le duc à l'insérer dans d'autres journaux 109. Certes, la violence de ton d'Etienne et les sarcasmes de Dumoulin ne caractérisent pas toujours les articles de leurs collègues. En rendant compte d'un écrit constitutionnel destiné à emporter les convictions des lecteurs ou en recommandant aux députés libéraux de rester fidèles à leurs principes, Aignan fait preuve de beaucoup de modération 110. Modérée également est la seconde lettre adressée par Constant à ses électeurs de la Sarthe I l l . Sans doute, la Renommée de Constant et de Pagès l'emporte comme qualité et comme sagacité sur le Constitutionnel d'Etienne et de Dumoulin, mais il ne faudrait pas s'y méprendre. Sous le ton modéré de la lettre à la Sarthe se retrouve la même teneur d'idées et une protestation à peine voilée contre la «puissance occulte ». Les griefs que formule Constant contre le ministère recouvrent exactement les récriminations d'Etienne. Les réadacteurs agissent en corps et il serait étonnant de croire que Constant n'en fût pas l'inspirateur. Devant le danger qui se précise, identique est l'attitude de l'équipe de la Minerve, semblables ses revendications et aussi pressants ses appels en faveur de la constitutionnalité. Il est chargé de signification le fait que Benjamin Constant ait commencé la publication de ses Lettres sur les Cent-Jours au début de septembre. Autant qu'une disculpation du rôle qu'il avait joué sous l'Empire libéral ces lettres constituent un acte d'accusation maniieste contre les anciens ministères et un avertissement à J'endroit du nouveau. C'est en prévision d'une conjoncture menaçante qu'Aignan, Pagès, DUllloulin et Etienne multiplient les avis paternels et les éloges Etienne, n" 7H, M. VII (13), p. 504. Pour le procès de la Société et la part qui en revient aux d{)c:rinaire~, d. Etienne, ihid. ; Dumoulin, ibid. et Etienne, n° 79 cit.; la condilmnation de Gévillldiln et de Simon -- qui ont interjeté appel - par le tribunal de polie:! correctionnelle, la vive attaque contre ia procédure et le réquisitoire du jeune slibstitut Bourguignon ainsi que l'hommage rendu au plaidoyer de Berville, flumoulin, M. VIII (8),27 déc. 1819 et Etienne, nU 85, ibid. Pour l'attitude équivoque de Broglie, d. également le journal d'Albertine, in Victor de Brogli", Souvenirs, op. cit., p. 104. \l0 Cf. Aignan, Galerie [ ... ], Du malaise actuc! de la France ct c.r. du Dialogue sur la charte [ ... ], M. Vll (4), tin août 1819, ainsi que Du caractière que doit conserver l'opposition nationale, M. Vll (10), 10 oct. 111 Cf. supra, n. 107. lm;
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aux députés de la gauche et qu'ils font état des réunions et des écrits libéraux 11~. La Minerve ne place pas sur le même plan tous les ministres. Mais en livrant assaut sur assaut au pouvoir, elle espèrc conquérir à sa cause les ministres opposés à Decazes. Elle sc méfic du ministre de l'Intérieur qui incarnc à ses yeux le génie de l'intrigue. Formé à l'école de l'arbitraire, il n'aspire qu'au pouvoir. Le passé impérial de Decazes ainsi que son comportemcnt en 1816 augurent mal de ses dispositions. La plainte en assassinat portée contre le vicomte Donnadieu, lieutenant général, et le comte de Montlivaut, ancien préfet de l'Isère et du Calvados par la suite, compromet gravement la réputation du favori 11:1. L'apologie publiée par Donnadieu pour justifier sa conduite lors des troubles qui avaient éclaté à Grenoble le 5 mai 1816, amènera Etienne au début de septembre 1819 à réfuter les développements fantasques du général quant à une vaste conspiration décidée à Paris et qui aurait eu pour premier centre Lyon et le Dauphiné. Plus de cent personnes sont mortes pendant ces troubles et vingt-six ont péri sur l'échafaud. Mais Etienne retient de cette apologie fantaisiste des accusations très graves, mettant en cause la responsabilité de Decazes pour la mort de sept paysans dont Donnadieu lui avait demandé la grâce 114. La politiquc que Decazes a mcnée depuis la fin de 1817 l'a complètement isolé de l'opinion et ses tentatives mille fois répétées de reconstituer le ministère ont écarté de lui ses collègues. Nul doute que le désir de Decazes d'aligner la politique intérieure de la France sur celle poursuivie par Mctternich et les ultras n'ait fait de lui la bête noire de la Minerve Ua. Si le recueil avait tenu rigueur à Decazes pour ne pas avoir
112 Etienne dans ses Lelfres et Pagès dans ses comptes rendus des sessions parlementaires mettront toujours en relief le rôle éminent des députés dans la défense des libertés; il l'occasion, la Minerve rend également hommage aux Pairs, cf. p.ex. Etienne, n" 63, M. VI (9), 5 juillet 1819, où il loue Daru, aussi réputé pour sa science que pour ses principes; préparation d'un projet d'adresse par les députés libéraux pour détailler les demandes de réforme; Dumoulin, At VII (8), 25 sept. ; dîner en l'honneur des députés lihéraux, le même, M. V1ll (1 et 2), 8 et 14 nov.; éloge du livre de Bignon, Proscriptions anciennes et modernes, ct d'une brochure de Sa Ive rte contre les atteintes à la loi électorale, Etienne, n" H4, M. VIlI (6), 13 déc. I l , Cf. Etienne, n" 55, M. VI (1), :) mai 1819, où il cite la plainte. 114 Cf. Eticnne, n" 71, M. Vil (6), 13 sept. 1819. 11:; Cf. Etienne, n° 66, M. VI (12), 24 juillet 1819, où il fait état des rapports froids entre la Russie et la France; Alexandre semble finalement avoir agréé le comte de La Ferronays comme ambassadeur de France; Capo-d'Istria aurait discuté avec Decazes la loi électorale et le système du gouvernement fr., procédé contre lequel Etienne proteste vigoureusement, n° 67, M. VI (13), fin juillet; le malaise dans les rapports avec la Russie se traduirait également par l'opposition de Capo-d'Istria il la nomination du maréchal Marmont comme ambassadeur de France il Constantinople et c'est ie complaisant marquis de I~ivière qui regagnera son poste, Dumoulin, M. VIlI (1), 8 nov. ; Etienne s'élève également contre l'initiation du duc d'Angoulême aux affaires par Decazes ainsi que contre le recours direct des officiers supérieurs de l'armée aux princes de la famille royale, n" 74, M. Vil (9), début oct. Même protestation à l'annonce
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prorogé la Chambre lors de la crise Barthélemy ou pour ne pas avoir doublé ses effectifs, elle suit avec angoisse, à la veille des élections comme après, les bruits accréditant la modification imminente de la loi électorale, dans le mode d'élection comme dans la durée des' mandats 116. De plus en plus s'esquisse une attitude qui s'accrochera à la lettre de la Charte pour éviter des mesures législatives réactionnaires. De plus en plus la Minerve se fait l'écho des brouilles survenues entre Decazes et Dessolles, Gouvion Saint-Cyr ou même de de Serre, de leurs sOlllmations réciproques comme de leurs démissions sans lendemain. Dessolles est représenté comme le porte-parole courageux de la France auprès de l'étranger et Decazes comme l'interprète obséquieux de l'étranger auprès de son pays 117. Les projets de remaniement du cabinet sont minutieusement reproduits par la Minerve. Lainé, Mol~, Pasquier et son mél;1oire, Ravez, Villèle, Talleyrand, dont le nOI11 surgit à chaque crise ministérielle, et bien d'autres y jouent leurs rôles 118. L'alerte est très vive au début de l'hiver. A la date du 1er novembre, DUl110ulin cite l'accord conclu entre Decazes et Villèle en vertu duquel le premier assumera la présidence du Conseil avec le ministère de l'Intérieur, Pasquier les Affaires Etrangères, le général Lauriston ou Macdonald la Guerre, Roy les Finances, Lainé la Justice, Villèle la Marine et Ravez la présidence de la Chambre 119. Des difficultés semblent avoir vite surgi; les négociations reprennent près de Versailles sous le couvert d'une partie de chasse; Laîné ne veut pas d'un ministère Decazes et passe les Sceaux à Ravez alors que personne ne veut plus de la Marine. C'est à ce moment qu'on aurait pressenti Richelieu qui se serait récusé. D'autre part, la publicité faite à cet accord par les ultras et l'affichage de leur programme auraient donné l'éveil à Decazes. La révolte de l'arrière-ban de l'extrême-droite contre tout accommodement avec Decazes et les assurances que ses chefs lui auraient prodiguées qu'un cabinet de rechange ultra était tout prêt 1"0 auraient fait éclater l'accord 121. du proiet de mettre à la tête du ministère remanié un prince royal, n" 79, M. VIII (1). Pour les jugements portés sur Decazes, cf. Dumoulin, M. VII (6 et 10), 13 sept. et 10 oct., ainsi que M. VIII (2), 1·1 nov. ; Etienne, nO' 74, 76, 77 et 80, M. VII (9, II et 12), déhut et 23 oct., M. VIII (2) ; Pagès, De la session pro· chaine, M. VIII (1), 8 nov. 116 Cf. Dumoulin, M. VII (7), ID sept. 1819; Etienne, :10' 79 et 80, M. VIII (1 et 2). 8 et 14 nov. ; Dumoulin, M. VIII (2). 117 Cf. Etienne, n" 67, M. VI (13), fin juillet 1819. 118 Pour les projets de remanier le ministère et les réconciliations éphémères de ses membres, cf. Etienne, nO' 67, 71, 75, 76, 79, 80 et 81, M. VI (13), fin juillet 1819; M. VII (6, 10 et II), 13 sept., 10 et 17 oct., M. VIII (1,2 et 3), 8, 14 et 21 nov. ; Dumoulin, M. VII (6, 8, 9, 10, II et 13), 13 et 25 sept., début, 10, 17 et Îin oct., M. VIII (1,2 et 3), 8, 14 et 21 nov. lln Cf. Dumoulin M. VIII (I), 8 nov. 1819. 1"" Le cabinet de rechange serait composé de Bruges, Chateaubriand, Grosbois et Villèle, cf. Etienne, n" 80 cit. 1~1 Cf. Etienne et Dumoulin, ibid.
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La réconciliation et la paix habiteraient de nouveau le ministère, bien que la presse se rcmît à parler des projets que Decazes lui aurait soulliis pour modi fier la loi élcctorale ou pour augmenter le nombre des ministres 1"". A peine Etienne et DUllloulin ont-ils le temps d'exprimer leur illliignation devant les jeux de bascule de Decazes et de le sommer J'opter entre les ultras et la France que la nouvelle de l'entente entre le favori, de Serre et les doctrinaires pour la modification de la loi électorale sème de nouveau la panique parmi les esprits mal remis de l'alerte de la veille 1"3.
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Cf. Etienne, n" 81 cit. et DlImolllin, ibid.
CHAPITIŒ V
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Un cri d'indignation accueille la formation du nouveau ministère. Des tentatives abandonnées et reprises depuis trois mois ont finalement abouti. L'ordonnance, signée le 10 novembre à minuit, confie la présidence du Conseil et le ministère de l'Intérieur à Decazes, conserve à de Serre et à Portal leurs ministères respectifs, et nomme Latour-Maubourg, ambassadeur à Londres, à la Guerre, Pasquier aux Affaires Etrangères et Royaux Finances. Quelques heures avant la signature de l'ordonnance, Dessolles, Gouvion Saint-Cyr et Louis auraient opposé une fin de non-recevoir aux suggestions de Decazes d'augmenter le nombre des ministres et de modifier la loi électorale. Ainsi, l'ambition du favori se trouve à l'origine de l'une des crises les plus graves du pays. Le remaniement du ministère n'a été possible que grâce au désir de de Serre, de rester au pouvoir et à l'empressement des comparses d'y accéder. Il est vrai que Mollien, Daru, le maréchal Marmont et Royer-Collard auraient refusé leur collaboration alors que le concours de Latour-Maubourg est encore loin d'être acquis. Stupéfié par la violence de la réaction du public ainsi que par la baisse des fonds et l'arrêt du commerce, Decazes aurait cherché à donner des assurances à l'opinion par le rappel des pairs des Cent-Jours qui sont restés exclus et des bannis autres que les régicides. La Minerve reste toutefois indifférente à une mesure que tant de pressions n'ont pu faire aboutir. Decazes chercherait par là à donner le change pour mieux violer les dispositions majeures de la Charte. La Minerve ne veut d'ailleurs pas donner l'impression de l'affolement. « Le temps est passé où les destinées de la France étaient attachées à un homme; cet homme d'ailleurs est tombé, et la France est debout. Le favori qui voudrait être ministre comme Bonaparte était empereur tombera à son tour; mais la chute de la copie, ou plutôt de la caricature, ne fera pas autant de bruit que celle du modèle 1.» Dumoulin, reprenant la campagne, insinuera que le Tsar est opposé à toute atteinte à la Charte et que l'Anglet('rre n'est guère acquise au remaniement ministériel. En France, les pairs libéraux vont manifester violemment leur opposition, lors d'une réunion chez le général Maison, à tout changement
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DlImolllin, M. VIII (4), 27 nov. 1819, p. 190.
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d'ordre législatif. Etienne mettra en garde les députés contre la politique réactionnaire dans laquelle le nouveau ministère s'engage. Renonçant au projet de faire nOIllmer le duc d'Angoulême à la présidence du Conseil, Decazes compte lui confier les forces armées. C'est l'ère de l'arbitraire qui recommence et les départements comme la capitale expriment déjà leur mécontentement 2. Decazes ne doute pas qu'il fasse le jeu des ultras. Si Chateaubriand ne croit pas opportun de publier un article qu'il a préparé contre Decazes, ses collègues déchirent le ministre à bel1es dents dans des brochures circulant sous main 3. La rupture entre la gauche et le ministère semble donc définitive. La Minerve prend ses dispositions de combat à l'endroit du pouvoir, semant l'effroi dans le camp ministériel par les assauts répétés et chaque fois plus violents qu'elle livre à la droite. Après tout, la fraction gauche du centre et certains autres éléments ministériels pourraient reculer devant l'éventualité du retour à 1815. La violence de la critique témoigne toutefois de la décision des libéraux d'en finir avec les ménagements. L'affrontement est décisif, car il porte sur la modification de la loi électorale. Les tâches seront désormais réparties entre les rédacteurs de manière qui leur permette de revenir à la charge sous des angles différents. Avant l'inauguration de la session, Constant précise la signification angoissante pour la France du nouveau ministère. Le libéralisme ne saurait accorder sa bénédiction à des changements d'ordre électoral dont la motivation manifeste est le désir de réduire la gauche à l'impuissance. Auraient-ils eu raison dans les' détails de leur réforme électorale que les métaphysiciens du ministère ne mettraient pas moins en danger la sécurité de la France et de l'Europe. Aucune réforme n'est valable en regard des circonstances qui la dictent et les imperfections de la Charte l'emportent sur les projets intéressés du pouvoir. D'où le devoir de la gauche de défendre la stricte application des dispositions de la Charte 4. Cependant, l'appel de Constant a pu difficilement porter devant la campagne qui faisait rage autour de l'exclusion de Grégoire. La gauche a tenu, il est vrai, à se ménager une sortie honorable d'une position fâcheu~e. Etienne assure que Paris est étranger à l'élection de la Sarthe fi. Mai~ les lihéraux ne sauraient accepter que Grégoire soit exclu pour indignitè. C'est le biais que les ultras ont choisi pour s'en prenclre à la loi électorale. Dès le début de décembre 1819, Constant clémolit la thèse clu duc cie Lévis qui a cherché à légitimer l'exclusion de Grégoire par l'invocation de celle de Wilkes en 1769 et l'exemple anglais en général 6. L'ancien évêque cie Blois qui maintiendra son refus 2 Pour la réaction de la Minefl'e. d. Etienne, n° 82, ibid. et Dumoulin, ibid. a Cf. Etienne, ibid. ; Etienne fait état notamment d·une lettre violente de Donnadieu que Chateauhriand puhliera en temps voulu. 4 Cf. B. Constant, De l'inviolabilité de la charte, ibid. ;; Cf. Etienne, n° 8.t, M. VIII (6), 13 déc. 1819. 6 Cf. B. Constant, Du projet de conférer aux chambres le droit de s'épurer, et d" quelques autres projets de même nature, M. VIII (5), début déc. 1819; Bcnjamin maudit un choix qui place la gauche dans une position fâcheuse et 4L1i donnc aux ultras l'initiative de l'attaque, cf. le journal d'Albertine, in Victor de Broglie, Souvenirs, op. cit., vol. Il, p. 98 et 101-103.
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de renoncer à son mandat malgré les instances de ses collègues, sera exclu par la décision de la Chambre, après l'orageuse discussion du 6 décembre. La Minerve enregistre l'échec non sans amertume, en instruisant le procès des ultras et en rappelant les exclusions de la Convention. Si la majorité s'arroge le droit d'éliminer la minorité, l'avenir pourra reprendre le même procédé, mais dans un contexte de forces inverses. L'exclusion de Grégoire n'a rien à voir avec le sens de l'honneur et de la justice invoqués pathétiquement par Laîné. Quelle signification antidynastique attacher à l'élection d'un homme connu pour ses vertus chrétiennes en regard d'un régicide notoire que le Roi et Monsieur ont appelé en 1815 à siéger dans le conseil des ministres 7 ? L'exclusion de Grégoire ferait partie d'un système arrêté de violer la Charte. Le roi, dans son discours aux Chambres, le 29 novembre, a parlé d'une vague inquiétude dans le pays qui nécess~terait de nouvelles garanties et la modification de quelques dispositions réglementaires de la Charte. Les rédacteurs ne sont pas dupes de l'adresse royale. L'allusion aux correctifs à apporter à la loi électorale a été dûment préparée par la presse. Benj amin Constant se doit de combattre l'écrit de son ancien protégé, Auguste de Staël - bien qu'il ne le nomme pas - dans lequel celui-ci a concédé aux Chambres le droit de changer une constitution en vertu de laquelle elles existent 8. Etienne invoquera à son tour les mânes de Germaine de Staël pour faire la leçon à son renégat de fils 9. Aignan caractérisera la réaction de 1819 par l'hypocrisie 10 et assimilera le règne de Decazes au byzantinisme du Bas-Empire, doublé d'une domination cléricale 11. Dumoulin, de son côté, fournira des détails sur un projet destiné à doubler les effectifs de la Chambre, ramener l'âge d'éligibilité des candidats de 40 à 30 ans et instituer deux catégories de collèges électoraux, comprenant respectivement les électeurs à 600 francs d'impôts et les moins imposés 12. Certes, les rédacteurs peuvent trouver avec le roi un sujet de contentement dans la fin de l'occupation et dans une prospérité qui con7 Cf. B. Constant, De la responsabilité des ministres dans la proposition des lois, M. VIII (6), 13 déc. 1819; Etienne, n° 84, ibid. et Pagès, Session des chambres, ibid. 8 Cf. B. Constant, Du projet de conférer aux chambres Il' droit de s'épurer f ... l, M. VIII (5), art. cit. ; il s'agit de la brochure d'Auguste de Staël, Du renouvellement intégral de la Chambre des Députés, Paris, 1819; autre brochure d'Auguste en faveur des projets de Decazes, Du nombre ct de l'âge des Députés, Paris, 1819. 9 Cf. Etienne, n° 83, M. VIII (5), début déc. 1819. 10 Cf. De la réaction de 1819, ibid. 11 De la domesticité de la cour, ibid., art. écrit en marge de l'Abrégé de l'Histoire universelle de Ségur, dont les t. 17 à 24 sont consacrés à l'Histoire du Bas Empire, de l'empire de l'Orient et de l'empire grec; Aignan reviendra à la charge contre Decazes et signalera les dangers qui menacent la liberté dans son c.r. de la brochure de Salvandy, Dangers de la situation présente, M. VllI (7), 20 déc. 1819. 12 M. VIII (5), début déc. 1819, nouvelles confirmées par la brochure d'Auguste de Staël, supra, n. 8.
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traste curieusement avec la situation ailleurs en Europe. De moins bon augure est la messe qui a inauguré la session et les paroles royales sur le rétablissement de la religion 13. Engager l'autorité du roi dans l'enjeu qui dresse les partis les uns contre les autres, c'est fausser le sens de la neutralité du pouvoir monarchique. Constant le dira en définissant de nouveau la responsabilité des ministres, question sur laquelle. Aignan reviendra plus tard 14. C'est Decazes qui se trouve à l'origine de l'initiative royale et ce sont ses méthodes byzantines qui éclairent la démarche actuelle d'un ministère qui a défendu la loi électorale en 1818 et 1819. Et Etienne comme Dumoulin cite les discours de Lainé, de Roy, de Pasquier, de de Serre, de Broglie et de Dessolles en faveur de la loi du 5 février 1817 15 . Le parjure Ile paie pas. Jouy ressuscite Sully pour le dire à Decazes 16. Le ministre est désormais captif entre les mains de l'extrême-droite qui lui pose des conditions très dures. «Jamais position ne fut plus terrible que la sienne. 1\ est voué à ceux qui ont juré sa perte [ ... ] Son existence ministérielle ne tient qu'à un fil [ ... ]17.» Sans majorité à la Chambre, brouillé avec la gauche, il doit recourir à la droite. Encore celle-ci estelle loin de présenter une unité à toute épreuve. Alors que la Quotidienne a proclamé Chateaubriand chef de l'extrême-droite, le Journal des Débats coniie le même rôle à Villèle tandis que la Gazette de France consacre Laîné. D'où de nouvelles tentatives de Decazes de revenir au système de bascule, d'où l'appel désespéré à Richelieu qui s'est récusé et l'ombre de Talleyrand qui reCOIllIllence à s'agiter. Face à la contre-révolution qui s'est installée avec le nouveau ministère et qui se signale par l'exclusion de Grégoire, par celle du général Tarayre pour vice de forme comme par l'élaboration des projets réactionnaires, la Minerve met en valeur la fidélité aux principes de Manuel, de Benjamin Constant, de Méchin et même de Courvoisier, transfuge honorable du camp ministériel ls . Les attaques et les contre-attaques vont bon train. Les libéraux, en ilIaj orité dans la commission que la Chambre a désignée pour préparer l'adresse au roi, tiendront à y insérer des clauses qui expriment le vœu de voir la Charte respectée et la loi électorale maintenue. Benjamin Constant, membre de la commission, s'empressera d'éclairer ses lecteurs et de lcs avertir que la prérogative de modifier la Charte n'appc.rticr,t LjU':i L1ne Cham,He Constituante ln. Ce fut une victoire sans lendemain, car la gauche n'a pas mesuré à leur juste valeur les res-
1:: Cf. Etienne', n" x3. M. VIII (5), et Pagès, Session des chambres, ibid. 11 Cf. B. Constant, art. cit. et Aignan, 1792 et 1820, M. IX (2), 13 fév. 1820; c'e,;t à la suite de la publication du Choix de rapports, opinions et discours prononcés à la trilJllne nationale, depuis 1789 jusqu'à nos jours, qu'Aignan imputera les malheurs de la royauté en 1792 comme les périls la menaçant en 1,,20 à la confusion entre la responsabilité ministérielle et l'inviolabilité royale. 1~, CL Etienm:, n" 83 cit. et Dumoulin, ibid. l': Cf. Dialogues des vivans et des morts, M. VIII (6), 13 déc. 1819. 17 Etiènne, n" 84 cit., p. 264. Cf. Etienne, ihid. et Pagès, Session des chambres, ibid. 1" Cf. B. Constant, D: l'adresse au roi. M. VIII (7), 20 déc. 1819.
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sources inépuisables de Decazes. Par une tactique habile, il a semé la discorde dans la commission de l'adresse et lui en a substitué une autre, plus malléable aux vérités ministérielles 20. La déception de la Minerve trouvera cependant son dédommagement dans les nouvelles qu'elle fournira à ses abonnés sur « l'acte additionnel » de Decazes. Selon Etienne, l'acte en question aurait été élaboré, dans ses lignes essentielles, durant l'été de 1819, à Coppet et achevé avant iles élections par le duc de Broglie, Auguste de Staël, Guizot et Barante. La date de conversion de Broglie aux idées inconstitutionnelles remonterait à l'époque durant laquelle lui et les doctrinaires avaient préparé avec de Serre la loi sur la presse. Gagnés par l'influence du ministre, ils n'auraient pas hésité à lui sacrifier l'héritage de Mme de Staël. Aux éléments que Dumoulin a fournis sur le projet électoral, Etienne ajoute la réunion des électeurs à 600 francs d'impôts dans les cheflieux des départements pour l'élection d'un tiers des mandats et celle des électeurs de 300 à 600 francs pour l'élection des deux tiers restants, vote auquel participeront les « aristocrates» des premiers collèges électoraux. Ce que le projet implique de plus grave, c'est que la Chambre ne sera renouvelée que tous les cinq ans et qu'en attendant, pour assurer sa majorité à la droite, la Chambre actuelle bénéficiera de la même longévité, avec une fournée de députés que lui désigneront les « collèges aristocratiques ». On aura d'ailleurs vite fait de surmonter la résistance des députés par une rémunération annuelle de 10.000 francs 21. Bien entendu, la « métaphysique nébuleuse» des doctrinaires, codifiée en 135 articles, n'aurait pas été de nature à plaire à l'esprit pratique de Decazes. C'est grâce à Mounier, Dargout, Villemain et Germain qu'on l'aurait amené à bénir cette «loi organique». Pour Decazes, l'essentiel à retenir du projet serait cette Chambre quinquennale qui assurerait son pouvoir sous plusieurs règnes. Etienne met en garde ses lecteurs contre les élucubrations des doctrinaires. « Les hommes à projets sont les fléaux des gouvernemens; défiez-vous de ces gens qui sont tourmentés d'une certaine manie législative, et qui se croient de petits Lycurgues parce qu'ils ont lu Biackstone, qu'ils ont étudié Delolme, et qu'ils se sont fait, à force de compiler, une certaine érudition anglaise qu'ils veulent appliquer à toutes nos institutions 22. » Est-il certain d'ailleurs que ce projet contre-révolutionnaire l'emporte sur les hésitations des ministres et les réclamations du public? La répugnance des députés modérés a adopter une telle modification de la Charte rejoint les bruits persistants de brouille survenue entre Decazes et de Serre dont l'indisposition ne serait que feinte 23. Les rapports entre Decazes et Pasquier se seraient également détériorés: Pasquier, pour
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Cf. Etienne, n 85, ibid. ; DlImolllin, ibid. Cf. Etienne, ibid. "2 Etienne, ibid., p. 308. 2a Cf. DlImolllin, M. VlII (7 et 8), 20 et 26 déc. 1819; Pagès, Session des chambres, M. VIII (8). 20
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plaire aux ultras, aurait attribué au président du Conseil toutes les demi-mesures. A en croire Etienne, l'ancien préfet de Napoléon serait devenu l'idole de la droite, ce qui lui vaudra de la part de Jouy un « Dialogue» avec Etienne Pasquier, au cours duquel la versatilité notoire du ministre des Affaires Etrangères sera mise en relief 24. Encore si Pasquier pouvait compter sur l'extrême-droite! Elle caresse le projet d'un ministère d'épée et non de robe, et l'acte additionnel des doctrinaires, réduit par Decazes à deux ou trois articles, ne mériterait sa confiance que lorsque les «collèges aristocratiques» auraient été constitués par des privilégiés payant 1000 francs d'impôts et ayant droit à l'élection de 256 députés sur un nombre double de mandats. Somme toute, et à défaut de Richelieu, Talleyrand ferait mieux l'affaire des ultras, lui qui pense juguler la Chambre à coup d'ordonnances qu'on fera promulguer en vertu de l'article 14 de la Charte ~5. La discussion budgétaire à la Chambre, commencée le 20 décembre 1819, n'intéresse la Minerve que dans la mesure où elle favorise la critique à l'endroit du ministère. La demande de six douzièmes provisoires, amènera la commission, sous la présidence de Ternaux, à blâmer ce système expéditif et à recommander à la Chambre de ne consentir au ministère que quatre douzièmes 26. Les incorrigibles La Bourdonnaye et Cornet d'Incourt saisiront l'occasion pour adresser des reproches cinglants à Decazes. Il faudra toute l'autorité de Villèle pour faire rejeter l'amendement de la commission par le vote conjoint de l'extrême-droite et du centre ~7. Cependant, la question de confiance posée par la gauche a provoqué de la part de Decazes une explication d'abord timorée et puis plus explicite, mais surtout une attaque de grand style de la part de Pasquier contre les libéraux ct les dernières élections de septembre. Ainsi, la lutte se précise de plus en plus et les affrontements à la Chambre la partagent en deux camps nettement opposés. Non que l'accord soit définitif entre Decazes et les ultras, mais le projet du double vote en amorce déj à plus qu'une promesse. En attendant ce jour heureux, l'extrême-droite, sans renoncer à un ministère de couleur uniquement ultra exigerait la mutation de 18 préfets, la destitution d'un nombre égal de commandants militaires et le remplacement des professeurs libéraux de Paris. Déjà Royer-Collard, Courvoisier, Camille Jordan et Beugnot se sont prononcés contre le projet de de Serre. La maladie du ministre, confirmée par une consultation médicale, va mettre Decazes et Pasquier dans une position fâcheuse, car ils n'oseront pas entreprendre seuls à la Chambre l'apologie de l'acte inconstitutionnel. La bourse et le commerce, traduisent par des signes manifestes le malaise créé par le ministère et les bruits sur des concentrations de troupes près de la capitale prennent de la consistance. Pagès ne reculera pas devant
~4 ~5 ~Il ~7
Cf. Cf. Cf. Cf.
Jouy, Dialogues des vivans et des morts, ibid. Etienne, n° 86, ibid. ; Dumoulin, ibid. Pagès, Session des chamhres, ihid. Nettement, His/aire de la Restaura/ion, Paris, 1860-1872, 8 vol.,
vol. 5, Livre huitième.
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les menaces et opposera au spectre de la contre-révolution celui d'un bouleversement révolutionnaire 28. En attendant l'affrontement pour la modification de la loi électorale, la Chambre s'apprête au grand débat sur le droit de pétition. La presse déblaie le terrain par un déchaînement de polémique que des incidents viennent envenimer. Telle la proposition malencontreuse des pairs LallyTollendal et Saint-Roman de « lacérer» la pétition demandant le rappel des bannis, proposition que la Chambre haute a adoptée et qu'une motion du maréchal Davout, héros de l'Empire, renforcera. La réaction de Pagès ne se laissera pas attendre et en retraçant l'historique de la pairie depuis l'Empire, il montrera ses dignitaires fidèles à tous les régimes qui ont favorisé leurs intérêts 29. La pétition d'un légionnaire, s'élevant contre la réduction des soldes, soulèvera un vif débat au cours duquel le général Foy s'affirmera comme l'un des chefs en vue de la gauche 30.
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Egalement violente est la réplique d'Etienne à la campagne de presse des ultras et des ministériels, justifiant d'avance l'ordre du jour qui sera opposé aux pétitions collectives par des exégèses retorses et l'invocation du droit divin. C'est une leçon d'histoire que le sémillant polémiste adresse à ses adversaires, soulignant le caractère électif de la royauté comme les abus de l'aristocratie et des Bourbons. Le procès intenté à la noblesse est toujours repris pour l'accuser des déchaînements de la Révolution et pour dresser un réquisitoire accablant contre les ministres et les ultras qui depuis la Restauration n'ont jamais admis loyalement la Charte. « Mais l'oligarchie, sans laquelle le roi était remonté sur son trône, renoue ses trames ténébreuses, elle menace tous les droits acquis, tous les intérêts reconnus; la charte à ses yeux n'est qu'une transition 31.» Comme en 1815, le ministère actuel est de nouveau prisonnier de l'oligarchie ou plus précisément d'une cour qui ne vit que de regrets, de vaines illusions et d'intrigues dans l'ombre. C'est Bailleul qui a mis en évidence la «puissance occulte» en marge de la «puissance manifeste» et les rédacteurs y feront souvent allusion 32. Mais la France qui a dicté la loi à l'Europe ne saurait se soumettre à la férule de
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28 Pour la réaction de la Minerve au débat du 24 déc., cf. Etienne, n° 87, M. VIII (9), début janv. 1820; Pagès, Session des chambres, ibid. et Dumoulin ibid. ; cf. également Pagès, Session 1... ], M. VIII (10), 9 janv., où il rend compte
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de la protestation de B. Constant contre les inexactitudes du procès verbal de la Chambre relativement aux remarques qu'il a énoncées après les «injures» de Pasquier. 211 Cf. Pagès, ibid. :10 Cf. Pagès, ibid. 31 Etienne, n° St!, M. VIII (10),9 janv. 1820, p. 462. Jouy aussi fera le procès de l'extrême-droite en rapprochant les forfaits de celle-ci des crimes de l'Eglise, Troisième dialogue des vivans et des morts, ibid. 32 Jay s'attachera à montrer l'influence du comte d'Artois sur le ministère, en rendant compte de l'ouvrage de Bailleul, Situation de la France, considérée sous les rapports politiques, religieux, administratifs, financiers, commerciaux, etc., M. VIII (12), 23 janv. 1820.
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deux ou trois « pygmées». La menace sous la plume d'Etienne devient une véritable mise en demeure 33. D'ailleurs, l'" Acte additionnel» n'est toujours pas défini. Decazes et Pasquier garderaient leurs distances l'un vis-à-vis de l'autre, alors que de Serre serait résolu à maintenir son ancienne idée aristocratique de « maîtrises et jurandes », tout en respectant la Charte. Si Guizot, Broglie ct Barante sont plus disposés que de Serre à suivre la politique de Decazes, l'extrême-droite, mécontente de l'activité du ministère, méditerait une motion contre lui et agiterait le projet d'instituer trois catégories de collèges électoraux. De toute manière, la division est au comble chez les ultras. La fraction « russe» voudrait un ministère présidé par Richelieu tandis que Villèle et Corbière, partisans d'une collaboration avec Decazes, se trouveraient en opposition avec Chateaubriand, La Bourd f )J1naye, Cornet d'Incourt, Salaberry et Castelbajac, violemment rebelles à touie transaction avec le favori 3-1. Toutefois, le désaccord entre l'oligarchie et le ministère proviendrait des hésitations de ce dernier. Chateaubriand dans le Conservateur et Laîné comme Villèle dans leurs discours ont d'ailleurs fait prévoir que les modifications de la loi électorale seront doublées de la violation de la liberté de l'expression 36. Le 15 janvier a consacré la victoire à la Chambre des ministériels réunis aux ultras sur toutes les nuances de la gauche. Mais si les pétitiolls massives, inspirées par les libéraux, ont été écartées par l'ordre du jour, combien hasardeux devait paraître au ministère un vote qui a opposé une majorité de 117 voix, dont nombre de ministres, à 112 votes de l'opposition! Etienne et Pagès, en multipliant les menaces, exprimeront leur mépris à l'endroit des ministres versatiles. Laîné et Villèle ne seront pas plus épargnés que Decazes et Pasquier pour avoir agité à la Chambre 13 m~nace des coups d'Etat auxquels le ministère serait acculé à recourir. Le tourbillon des remaniements du cabinet reprend de plus belle dans la presse. Se départant de la ligne de conduite qu'elle s'était tracée, la .\1illerve ne recule pas devant l'évocation du passé impérial de Pasquier, ou de l'attitude peu digne de Laîné sous la Révolution. 11 suffirait qu'on citât le nom de Pastoret comme candidat-aspirant au ministère pour que le recueil retrace une carrière révolutionnaire compromettante. Le nom de Ravez non plus n'inspire pas beaucoup d'enthousiasme aux ministériels. Balloté entre mille projets ct tiraillé dans tous les sens, le ministère fait preuve d'une faiblesse extrême. Decazes, grâce à son système de bascule, s'est éloigné la droite comme la gauche. Et si Villèle et Mathieu de Montmorency croient que le moment n'est pas encore venu 33 Cf. Etienne, n° 88 cit.; il revient à la charge au n° 89, M. Vlll (11), 15 janv. 1820 ; cf. également Tissot, Sur les pétitions présentées à la chambre des députés, où il conteste à la royauté une souveraineté qui appartient de droit à la nation, et où il prend la défense du droit de pétition. :H Cf. Etienne, nO' 88 et 89 cit. et Dumoulin, M. VIII (11), 15 janv. 1820. :1;; Cf. B. Constant, Des aveux échappés aux ennemis de la loi des élections, M. VIII (12),23 janv. 1820.
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d'écarter Decazes, Chateaubriand et Fiévée exigent son renvoi. Le favori qui se serait réconcilié avec de Serre, le voit partir pour le Midi et il ne lui reste que les débris des doctrinaires. « Il est vrai qu'ils ne sont plus que quatre, y compris les maîtres, les adeptes et les surnuméraires 36. » L'indisposition de Decazes et sa position inextricable auraient déjà fait luire aux yeux des ultras un ministère de leur choix, mais le vote du 15 janvier ainsi que l'affluence des pétitions et la nouvelle de la révolte en Espagne auraient déterminé une nouvelle volte-face 37. Elle est venue à point nommé cette révolution pour permettre à Jay de dresser un acte d'accusation sévère contre l'absolutisme monarchique qui avait tous les éléments imaginables pour s'épanouir selon les recettes de Chateaubriand et de Bonald et qui assiste au pourrissement effarant de l'Espagne 38. Les rédacteurs ne croient pas, il est vrai, au désir des ultras de revenir à une féodalité moyenâgeuse. Mais Benjamin Constant aPP9rtera à ses lecteurs des précisions utiles, en faisant consister ces projets dans la restauration des privilèges de la caste foncière, irrémédiablement opposée aux aristocraties industrielles 39. Les effets de la révolte de Cadix ne sont cependant pas suffisamment toniques et Decazes rétabli paraît plus que jamais radieux et plus que jamais décidé à faire aboutir son Acte additionnel. Cette fois, le ministère tiendrait à assurer par un plan ingénieux - applaudi par les conseils ordinaires de Decazes, Mirbel et Duvergier de Hauranne - la prépondérance de la majorité ministérielle. Ainsi du moins le laisserait accroire la brochure de Flaugergues, récemment converti aux prestiges ministériels, en faveur de trois ordres d'électeurs, système que Lanjuinais critiquera vertement 40. Annoncée sans cesse comme instante et sans cesse démentie peu après, la communication du projet serait probablement faite le 14 février. Les plans des ultras vont aussi leur train. Frénilly aménagera tout un programme pour répondre aux appétits de l'extrême-droite. La modification de la loi électorale ne lui suffit plus, c'est la loi de recrutement qu'il faudrait révoquer et l'armée qu'on devrait inféoder à la
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36 Etienne, n° 91, M. VIII (13), fin janv. 1820, p. 621 ; il s'y livre à une attaque de ùénigrement contre Guizot et son journal; Jouy à son tour fera durement chapitrer le duc de Broglie par les mânes furibonùs de Germaine de Staël, Quatrième dialogue des vivans et des morts, M. VIII (12), 23 janv., d'où l'indignation d'Albertine, Victor de Broglie, Souvenirs, op. cit., V. III, p. 122; cf. ibid., pour le désaccord et l'accord entre Decazes et de Serre. 37 Déjà à la date du Il et 12 janv., à la suite des attaques de la presse ultra contre Decazes, Pasquier et Roy -, Dumoulin invoque l'éventualité d'un revirement ministériel. 38 Cf. Jay, Sur les affaires d'Espagne, M. VIII (13), fin janv. 1820. 39 Cf. B. Constant, Du plan de la faction contre-révolutionnaire, M. IX (1), fi fév. 1820. 40 Cf. Dumoulin, Examen du système de M. Flaugergues, établissant la dictature du roi et des chambres, ou leur pouvoir de changer la constitution, sans observer aucunes formes spéciales, M. IX (2), 13 fév. 1820 ; il y cite également l'écrit de Lanjuinais.
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noblesse, sous le couvert de la prérogative royale 41. II est à regretter que les écrivains de talent - Jouy songe sans doute à Chateaubriand et à Fiévée - aient trahi les traditions d'indépendance de la noblesse du Grand Siècle pour lequel ils professent une admiration sans ombre 42. Les appels au ministère ne manqueront pas pour le dissuader d'une alliance avec la droite, telles les brochures de Kératry, combattant les ultras 43, et tel le dîner constitutionnel, réunissant quelque mille convives au Cirque du Mont-Thabor. 44 C'est à peine si dans ce contexte angoissant, Pagès se permet quelques égratignures contre les projets financiers de Roy et de brefs propos sur deux pétitions présentées à la Chambre, demandant, respectivement, la rectification de solde d'un officier de la marine et la cession de toute activité du gouvernement à la mort de Louis XVIII jusqu'à décision des deux Chambres. Bien entendu, Constant comme Pagès révoquent en doute la motivation apparente de l'auteur de la pétition qui vient à point nommé accréditer publiquement l'infidélité des libéraux au principe héréditaire de la monarchie. C'est également à l'occasion du projet ministériel de libérer de leurs engagements au delà d'un terme fixe les acquéreurs des biens nationaux que Benj amin Constant prouvera les dangers d'une politique axée sur la droite qui fait douter des projets les mieux intentionnés 45. Dans l'ensemble, les rédacteurs préfèrent concentrer que dispercer leurs efforts. C'est pourquoi Etienne et Pagès soulignent la protestation du général Demarçay contre la non convocation des collèges électoraux à représentation incomplète, récrimination qui s'insère dans la lutte fébrile du recueil contre la liquidation de la Charte. C'est cette liquidation qui devient en 1820 sinon avant la préoccupation majeure de la Minerve. Decazes ne se doute pas que les deux vers des Vêpres siciliennes de Casimir Delavigne De quel droit un ministre, avec impunité Ose-t-il attenter à notre liberté? - sont sur toutes les lèvres. Mais rédacteurs et ministère ne peuvent pas se douter que le projet de Decazes, prévu à la Chambre le 14, allait être devancé par l'assassinat du duc de Berry le 13 février 46. Il est certain que l'assassinat a grandement desservi la cause libérale et puisaml11ent contribué au retour des ultras au pouvoir et par là à la révolution de Juillet. Nettement et les historiens fidèles au mirage de l'ancienne France se sont trop facilement laissé éblouir par l'indignation de la droite pour peser avec pondération les intérêts et les op tiCf. Etienne, n° 92, M. IX (1), 6 fév. 1820. Cf. Jouy, Dialogues des vivans /'1 des morls, M. IX (5), 5 mars 1820. 4:) Cf. Tissot, c.r., Sur les deux écrits publiés par M. Kérarlry, M. IX (2), 13 fév. 1820. H Cf. Dumoulin, ibid. 4;; Cf. B. Constant, De l'influellce de la fadion contre-révolutionnaire sllr les projets de loi des ministres, ibid. 46 Pour la polémique de la Minerve et les faits qui y sont cités relativement à la période du 15 janv.-13 fév., sauf les art. cit. dans les notes précédentes, cf. Etienne, nO' 00, 91 et 93, M. Vlll (12 et 13), 23 et fin janv. 1820 et M. IX (2), 13 lév. ; Pagès, Session des chambres, M. VIlI (I3) et M. IX (1), 6 fév. ; Dumoulin, M. VIII (13) et M. IX (2), où il se moque de Decazes en lui opposant son henu-frère, partisan de la Charte. 41
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ques en jeu. La Minerve aussi bien que le Censeur Européen savaient parfaitement ce que l'explosion indignée de l'extrême-droite allait apporter à la France et à la monarchie. Le crime d'un isolé qui a médité son forfait dès 1815 compromet aussi peu la cause libérale que les attentats de Jacques Clément, de Jean Châtel, de Ravaillac ou de Damien n'entachent la pureté de l'Evangile. Ce sont les époques de discorde et c'est une sorte d'obsession qui éclairent d'une lumière lugubre ces crimes 47. La vérité cependant n'a rien à voir ni avec l'empressement des ultras à rendre la nation solidaire du crime ni avec le zèle du ministère à accompagner son projet électoral d'autres propositions, fatales à la presse et à la liberté individuelle. L'acte d'accusation insensé de Clausel de Coussergues contre Decazes, les propos acerbes et combien équivoques de La Bourdonnaye, de Chateaubriand, de Bonald et de Nodier le prouveraient autant que la hâte de Decazes à soumettre aux Chambres les trois projets destructifs de la Charte. Les rédacteurs de la Minerve obéissent tous au même mot d'ordre: exprimer leur douleur à la suite du crime et protester contre toute velléité d'exploiter l'assassinat pour des fins non moins coupables. «Tandis que les ministres et les ultras veulent ensevelir dans le cercueil d'un prince français toutes les libertés françaises, il n'est pas de respect qui puisse nous interdire de les défendre même sur sa tombe royale 48. » Quelle vaine illusion que celle des hommes au pouvoir croyant apaiser par des mesures arbitraires l'ambition de leurs adversaires. Malgré la précipitation de Decazes à liquider la Charte le lendemain du crime, il a dû abdiquer le pouvoir peu de jours après. Si la Minerve tient sa chute pour inévitable, elle n'en dénonce pas moins les calomnies de l'extrême-droite et finit même par lui reconnaître du mérite. Après tout, le jeune ministre procède par ses origines de la bourgeoisie et de la Révolution par son expérience. La grande erreur de Decazes a été de croire à la possibilité de collaboration avec la droite après l'ordonnance du 5 septembre et d'avoir persisté dans cette voie jusqu'au bout. L'Exposé des motifs de Decazes pour justifier la nouvelle loi électorale est un comble de confusion et d'aberration. Au fond, le jugement d'Etienne sur Decazes ne diffère pas de l'appréciation de Vincent ambassadeur d'Autriche à Paris - ou de Metternich, malgré une motivation essentiellement différente 49. Pour Etienne, il s'agit d'un ministre ~ qui eut trop de présomption pour acquérir assez d'expérience; qui souvent eut de bonnes intentions, et qui écouta plus souvent de mauvais conseils; qui, trop jeune encore pour le poste difficile où il était parvenu, eut le tort très grave de s'entourer d'hommes plus jeunes et moins pru-
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Cf. Jay, Réflexions sur l'assassinat commis par Louvel, M. IX (4), fin
fév. 1820. 48 Pagès, Session des chambres, M. IX (3), 21 fév. 1820, p. 115; cf. également B. Constant, Réflexions sur le moment présent, ibid.; Etienne, n° 94, ibid. ; Dumoulin, ibid. et Jay, art. cit. 49 Cf. Bertier de Sauvigny, Metternich et Decazes, d'après leur correspondance inédite (/816-1820), op. cit., p. 114-115.
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dens que lui [ ... ] qui prit quelquefois l'intrigue pour du génie, le défaut de sincérité pour de la profondeur; qui méprisa trop les hommes, parce qu'il les jugea tous d'après ses flatteurs ou d'après ses ennemis de cour; qui ne sut ni connaître sa position, ni comprendre le gouvernement représentatif, ni juger la France; mais qui, s'il n'opéra pas le bien qu'il pouvait faire, empêcha du moins beaucoup de mal [ ... ] 50 ». Encore faudrait-il ajouter que les libéraux avaient redouté le pire après la retraite de Decazes et qu'ils s'estimaient heureux d'un répit que le ministère Richelieu leur accorda, à la date du 21 février. La Minerve n'ignore pas que c'est à son corps défendant et par dévouement pour le roi que Richelieu a accepté la présidence du Conseil. Elle ne saurait cependant admettre que, sous un régime constitutionnel, Richelieu ne détienne aucun ministère pas plus qu'elle n'approuve que le ministère de l'Intérieur soit partagé de fait entre Siméon et le jeune Mounier. Le recueil se plaît néanmoins à rendre hommage à l'expérience et aux qualités de Siméon, bien qu'il manque de fermeté 51. Les rédacteurs ne sont pas dupes de l'avenir qu'un tel ministère réserve à la France. Si la presse des ultras respecte momentanément la consigne de ne pas attaquer le ministère, déjà les bruits circulent sur leur accession au pouvoir dès que Richelieu aura fait aboutir les lois répressives. C'est que le ministère Richelieu se trouve dans un contexte pire que celui de Decazes et il est encore plus faible que son prédécesseur. Dans ces conditions, en faisant la politique de la droite, il lui prépare inévitablement la succession. C'est Benjamin Constant qui le dira avec force en plein débat sur la suspension de la liberté individuelle. Les lois d'exception instaurent en France la contre-révolution: «Je n'inculpe les intentions de personne; mais de même qu'une portion de cette assemblée croit à une tendance révolutionnaire, je crois à une tendance contre-révolutionnaire. Je crois qu'un esprit contre-révolutionnaire s'annonce par des symptômes certains. Je crois que l'abîme de la contre-révolution s'ouvre devant nous 52.» La Fayette renchérira sur les propos de son ami en montrant la France acculée à opter entre la contre-révolution et la révolution 53. C'est dans la Minerve que Benjamin Constant rendra sa pensée plus explicite. La contre-révolution signifie le retour à l'Ancien Régime et elle s'annonce par la censure, les lettres de cachet et par une représentation déterminée au gré du pouvoir. On ne saurait séparer les intérêts moraux de la Révolution de ses intérêts matériels, distinction que Chateaubriand avait établie. Priver la France de ses conquêtes libertaires, c'est inexorablement préparer les atteintes contre ses acquisitions. Le camp libéral est révolutionnaire si l'on veut, « radical» même à en croire Siméon, mais il le deviendra fatalement par la contre-révolution. La contre-révolution est certes possible, celle de Jacques II en Angleterre 50 51
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Etienne, n° 95, M. IX (4), fin fév. 1820, p. 164-165. Cf. Etienne, ibid. et Dumoulin, M. IX (6), 12 mars 1820. Cit. d'après Pagès, Session des chambres, M. IX (6), 12 mars 1820, p. 270. Cf. ibid.
l.
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le prouve, mais la démonstration implique également les suites implacables que l'on sait. Le ministère Richelieu a beau ne pas être contrerévolutionnaire, les concessions qu'il fait aux ultras le pousseront à le devenir. La carrière mouvementée de Decazes illustre cette vérité que les concessions partielles débouchent nécessairement sur un courant réactionnaire. « Ainsi le traînant à leur suite, ils l'ont mené jusqu'au lieu du sacrifice. Ils ont exigé que ce sacrifice fût consommé. Le lendemain d'un jour effroyable, ils lui ont ordonné de présenter les lois qu'ils lui avaient dictées : ils ont profité de la consternation générale pour l'épouvanter par une exécrable accusation qu'ils ont feint de désapprouver; et quand tout a été fait, quand tout a été irréparable, ils se sont jetés sur lui avec furie, et sont parvenus à le renverser. Il avait pourtant des appuis augustes dont ses successeurs ne peuvent se vanter 54. » Point n'est besoin de retourner au passé pour déplOntrer la folie des contre-révolutions. L'Espagne offre l'exemple d'une armée en révolte pour rétablir les libertés qu'un roi parjure a piétinées. Que la Minerve ait ménagé la réputation d'un Bourbon ne devrait pas donner le change. Aucun pays n'a réuni les conditions d'un absolutisme monarchique aussi manifeste ni d'une emprise religieuse aussi catégorique. Et pourtant, aucun pays d'Europe non plus n'a présenté le tableau d'une décadence aussi avilissante. Certes, la Minerve porte ses regards sur l'ancien comme sur le nouveau monde, et en Europe, elle s'intéresse davantage aux pays dont l'évolution et l'histoire offrent des aspects similaires à ceux de la France. Mais à partir de la révolte de Cadix et compte tenu de la situation intérieure de la France, les libéraux à la Chambre et les publicistes dans les organes de la gauche n'arrêteront pas de dresser un tableau comparatif des deux pays. Si la France aspire à reposer sur les conquêtes de la Révolution, l'Espagne, réduite à un état désespéré par la réaction nobiliaire et cléricale, vient de consacrer sa grande victoire par la reconquête de sa constitution. La leçon est patente. Plus d'un chapitre de l'impéritie et de la réaction des ultras en 1815 pourrait aisément se retrouver dans la situation précédant la révolution en Espagne. La cause de la liberté a succombé partiellement en Europe par les décrets de Carlsbad, mais elle vient d'avoir sa revanche éclatante au-delà des Pyrénées. Toute tentative des ultras à représenter Ferdinand VII comme prisonnier des constitutionnels et à provoquer l'intervention des puissances amènera des réactions sanglantes. La droite compromet en 1820 l'avenir des dynasties européennes par l'imprévoyance et l'inconscience qui ont mené la France révolutionnaire à l'anarchie et Louis XVI à l'échafaud. Le modernisme de la Minerve se révèle de la sorte une conscience aiguë de l'évolution future, tirant le plus clair de sa force des impulsions du moment 55. 54 B. Constant, De la contre-révolution et du ministère, M. IX (6), 12 mars, p. 233 ; cf. également Jay, Sur la situation de la France, ibid. 05 Art. et renseignements alternent souvent dans la Minerve; nous soulignons ici les art. où l'Espagne sert de terme de référence à la France: Jay, Sur les affaires d'Espagne, M. VIII (13), fin janv. 1820 et M. IX (2), 13 fév. ; Harel, Politique étrangère, M. IX (.t), fin fév. et M. IX (7), 17 mars; Pagès,
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Nous n'allons pas suivre dans tous leurs détails les phases de la lutte que la Minerve a menée contre les lois d'exception. Les combats qu'elle soutient suivent somme tout le mot d'ordre qui caractérise les affrontements acharnés à la Chambre. Débats sur le fond comme sur les formes, amendements en série et retour sur les questions, rien n'a été négligé par les députés libéraux pour retarder les votes, adoucir les dispositions des lois respectives, et surtout pour faire publiquement le procés d'un régime au bord de la faillite. Benjamin Constant, dans sa troisième lettre aux électeurs de la Sarthe, où il dénonce avec violencc la suspension de la liberté individuelle et où il recommande une résistance strictement légale, le dira expressément: «Nous nous défendrons donc de poste en poste, de retranchement en retranchement, n'abanLiI:nn;lnt aucune question qu'elle ne soit éclaircie, forçant les ministres il sc dévoiler dans la discussion, leur enlevant cet avantage du silence, de tous leurs moyens le plus puissant et le plus habile, et les contraignant à des aveux qui tôt ou tard serviront de préambule au renversement de l'èchafaudage qu'ils construisent si péniblement 56. » Les trois projets répressifs vont occuper toute la session des deux Chambres. Le projet relatif à la liberté individuelle sera discuté à la Chambre des députés du 3 au 15 mars, celui portant sur la presse du 22 au 30 mars et le dernier ayant trait au mode électoral du 15 mai au 12 juin. Comllle la censure aura son début d'application dès le 31 mars, la Minerve qui disparaîtra dans la tourmente ainsi qu'un grand nombre de recueils et périodiques libéraux, n'assistera qu'au vote consacrant la suspension de la liberté individuelle et à une partie du débat sur la liberté de la presse. Les dernières Lettres d'Etienne sonnent déjà le glas funèbre de la liberté en France 57. Cependant, l'effort concerté de l'équipe de la Minerve se traduit par une identité de vues frappante, par des variations d'un coloris très riche et par le pathétique d'une vibration puissante. Rares sont les articles ou les comptes rendus qui n'attaquent l'ensemble des lois répressives et qui ne fassent le procès de la droite, en alternant les appels émouvants et les mises en demeure violentes à l'endroit du ministére. C'est notamment le cas d'Etienne qui retrace et qui redit aussi inlassablement que rapidement la politique du jour. C'est également le cas de Pagès qui, évoquant les débats passionnés des deux Chambres, fustige les orateurs ultras, s'en prend aux ministres et chante un hymne de gloire à l'honneur des défenseurs des libertés. \1 y ajoute souvent des cOllsidératiolls générales qu'Etienne sait pimenter pour les rendre plus familières et que Dumoulin nourrit par la petite histoire. Ce sont des cOllsidératiolls qui rejoignent la thèse d'une civilisation industrialiste, Session des chambres, M. IX (6), 12 mars; Etienne, n° 98, M. IX (7), 17 mars: Jay, Sur les affaires d'Espagne, M. IX (8), 23 mars; Etienne, n° 99, ibid.; Pag'0~, Session 1... 1. ibid. ; B. Constant, Conspiration des contre-révolutionnaires,
contre le trône ct la vie du roi d'Espagne, M. IX (9), 27 mars et Etienne, n° 100, ibid. l\t IX (8), 23 mars 1820, p. 337. roi Cf. Etienne, n'" <)7 et 100, M. IX (6 et 9), 12 et 27 mars 1820.
;iti
LE MINISTÈRE DECAZES
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axée sur la bourgeoisie et fondée sur le concept de l'individualité. La cause des «classes intermédiaires» est mille fois confondue avec celle de l'humanité alors que les assauts livrés par la droite aux conquêtes bourgeoises sont associés aux actes arbitraires de la réaction européenne. Harel, Jay, Benjamin Constant et leurs collègues esquissent une théorie des révolutions dans les articles commentant les événements dramatiques d'Espagne "M. La même théorie se retrouve dans les articles véhéments de Constant et de Jay qui combattent les lois d'exception 69. Mêmes idées et même agressivité se rencontrent dans les pages que Benjamin Constant et Tissot consacrent à la liberté individuelle et à celle de l'expression ou dans l'article de Lameth sur le projet électoral 60. Jouy aussi, reprenant son procédé littéraire usé, confrontera les accommodements ministériels de de Serre aux flamboyantes vérités constitutionnelles de Mirabeau 61. Les rédacteurs n'entendent pas raillerie sur les droits et les conquêtes d'une bourgeoisie privilégiée. Forte est leur conviction de mener une bataille légitime pour la cause de l'avenir. Mais non moins intime est leur croyance que cette bataille perdue d'avance n'est qu'une page de l'histoire. La réaction féodale finira tôt ou tard par faire triompher la cause contre laquelle elle s'acharne. Non qu'il faille craindre pour la France de 1820 l'instauration d'un régime despotique dirigé contre les masses, ni une tyrannie sanglante s'exerçant férocement sur les individus. Mais l'arbitraire qui s'implante est la science des demi-mesures, le fait des hommes pusillanimes. Jamais Etat n'a été sauvé par l'arbitraire, bien qu'on invoque toujours le salut des peuples pour l'établir. L'alliance entre le ministère et la droite aura plus d'une journée de dupes 62. Il est à regretter que la monarchie n'ait point médité les vastes bouleversements de la Révolution et de l'Empire. N'a-t-elle pas assisté au détrône ment des vieilles dynasties du continent et au remaniement de la carte d'Europe? N'a-t-elle pas vécu dans sa chair l'expérience douloureuse de ces transformations gigantesques? L'ère est irrévocablement révolue des monarchies qui soient jugées d'après d'autres critères que celui de leur utilité 6a. Seule la liberté sera appelée à profiter [,s Cf. supra, n. 55. 59 Cf. B. Constant, De la contre-révolution et du ministère, art. cit. ; jay, De la situation de la France, M. IX (6), 12 mars 1820 et Les lois d'exception, M. IX (9), 27 mars. tiO Cf. B. Constant, Du rétablissement de la censure des journaux, M. IX (4), fin fév. 1820; Symptômes du moment, à propos de la mesure adoptée par les autorités pour reléguer les correspondants de la presse autres que celui du Moniteur dans une galerie obscure de la Chambre, M. IX (7), 17 mars, et Troisième lettre, cit., à messieurs les habit ans du département de la Sarthe,
,où Benjamin se livre à un réquisitoire cinglant contre la suspension de la liberté individuelle; Tissot, Sur le projet de loi relatif à la liberté individuelle, M. IX (4) ; Alexandre de Lameth, De la situation présente et du projet de loi d'élections, M. IX (9), 27 mars. 61 Cf. Dialogues des vivans et des morts, M. IX (8), 23 mars 1820. 62 Cf. Pagès, Session des chambres, M. IX (9), 27 mars 1820. ua Cf. Pag~s, Session [ ... ], M. IX (8), 23 mars 1820.
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des abus de ses adversaires: «C'est une religion politique qui ne fait de prosélytes que par les persécutions et les martyrs. La seule vue de l'arbitraire inspire l'idée du besoin des garanties [ ... ] 'Le régime de 1815 avait inspiré une haine générale contre la licence du pouvoir, le régime de 1820 rendra sans doute cette haine universelle. C'est un bienfait nouveau que la France devra à MM. Pasquier et Villèle, sans être tenue de quelque reconnaissance pour eux 64.» Seulement, ce sont des « bienfaits» à longue échéance et auxquels les tenants des idées anciennes restent imperméables.
64
Pagès, Session [ ... ], M. IX (9), p. 418.
CHAPITRE
VI
PROPAGANDE ET FAITS DIVERS Le terme propagande n'est pas employé ici dans une acception nécessairement péjorative. La lutte pour le pouvoir, étayée par une idéologie qui évolue et se détermine avant comme durant l'affrontement des partis, invoque tous les faits susceptibles d'entacher la cause de la partie adverse, surtout ceux qui s'adressent à une vaste audience. Ce n'est qu'après la dissolution de la Chambre Introuvable que la conspiration du silence sera rompue pour laisser libre cours à la colère et aux récriminations contre la réaction nobiliaire de 1815-1816. Le Mercure et la Minerve ne cherchent pas toujours à exhumer des forfaits pour accabler les ultras. Mais les procès d'intention font produire des pièces à conviction qu'on tire d'une actualité grosse d'émotions, d'un proche passé chargé de souvenirs ou d'un passé reculé tranposable à souhait. Est persuasive la propagande qui monte en épingle les meurtres gratuits, les arrestations arbitraires, les expropriations, les condamnations de publicistes. Elle trouve aisément audience auprès d'une armée atteinte dans ses sentiments comme dans ses intérêts. Quel thème plus touchant et plus révoltant à la fois que celui des généraux et des hommes d'Etat bannis en vertu des lois que le « parti de l'étranger» a promulguées sous la protection de l'occupant! Dans la patrie de Voltaire, il y a des oreilles toujours complaisantes pour toute dénonciation des Jésuites, de l'envahissement des missions et de la mainmise du clergé sur l'éducation. Les abus, les empiètements et les prétentions de l'Eglise donnent l'éveil aux susceptibilités gallicanes comme protestantes et provoquent les récriminations inlassables du public libéral. La vérité acquiert par la répétition des thèmes et l'insistance sur les abus une sorte cie dimension psychologique en profondeur. L'écart est vite franchi entre les faits isolés et leur identification avec les projets de tout un parti. La conviction suit de près la démonstration et la bourgeoisie issue de la Révolution peut invoquer des crimes autrement sanglants que la France doit aux ultïas. On peut s'en faire une idée par les accusations que les recueils énumèrent tout le long de la carrière mouvementée des trois ministères. Plus compromettantes pour les destinées des ultras sont l'évocation de la Terreur Blanche et les précisions quant à la responsabilité qui leur revient dans l'effondrement de la première Restauration 1. Le camp ultra-royaliste peut se prévaloir à la veille et aux lendemains de la dissolution de la Chambre Introuvable d'arrestations, pro1
Cf. supra, ch. Il, sect. la Religion; ch. II-V et infra, ch. VIII.
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L'ÉCOLE LIBÉRALE SOUS LA RESTAURATION
cès et condamnations des particuliers, prévenus d'avoir trempé dans des mouvements insurrectionnels, dirigés contre la dynastie des Bourbons. Maintes détentions et condamnations se révéleront avec le temps mal fondées ou du moins exagérées. La hantise des Cent-Jours et le choc passionnel qui les a suivis sont souvent à l'origine de jugements sévères pour l'étalage des drapeaux tricolores, les bruits démoralisants qu'on fait circuler et de prétendus complots~. C'est le cas notamment des membres ues sociétés uu Lion dormant et de l'Epingle noire que les ultras ont volontiers représentées comme bonapartistes et que les tribunaux ont fini par acquitter :'. Plus grave encore est le cas de six malheureux qui ont été condamnés aux travaux forcés et au carcan pour avoir participé à la fin de 1816 à une émeute de la misère dans le Jura, troubles qui ont vite pris aux yeux des royalistes les dimensions d'une grande conspiration militaire, sous la conduite du général MoutonDuvernet, fusillé à Lyon bien avant cette «conspiration» 4. Ce triste tableau est quelque peu égayé par des jugements condamnant un faux empereur, un faux dauphin et un prétendu Charles de Navarre 5 et par les piqùres pratiquées sur des passants que la police a bien commencé par reconnaître pour les désavouer par la suite. 6 La guerre psychologique n'a pas été inventée par le vingtième siècle. Déjà Bonaparte s'était révélé un maître incontesté dans ce domaine. Si clle a pris de nos jours une si grande envergure, c'est qu'elle a pour théâtre le monde entier et à sa disposition des moyens de diffusion incomparables. Pourtant, la qualité de la lutte psychologique sous la Res~
Procès d'ull officier de douane, prévenu de complot, Bénaben, M.d.f. Il,
17 et 31 mai IH17; exécution de deux prévenus sllr condamnation de la cour prévôtale d'Alençon, ibid., 31 mai; détention pour avoir arboré le drapeau
tricolore, ibid. ; faux témoignage au mêI1w sujet à Saint-Pol, M.d.f. III, 5 juillet: arrestation pour faux bruits dans le départem~nt de la Gironde, ibid., 23 août: la ténéhreuse affaire Maubreuil - mission que Talleyrand aurait confiée à cet aventurier pour assassiner Bonaparte -- devant les tribunaux, M.d.f. Il et III, 31 luai ct 30 août; conuo.mnation à mort par le 1"' conseil de guerrc de deux sous-offici.:rs de la garde royale, prévenus de complot, et appel de ce jugement, .\td.F. Ill, fi sept. ; deux frères, officiers de l'armée de la Loire, persécutés par des gClll!arrncs dans la région de Lyon et condamnés respectivement à la mort et il 20 ans de prison par la cour prévôtale de Lyon. Ils ne serunt réhabilités qu'apres leur retour d'exil, CorrespondallCC, M. VIII (7), 20 déc. 1819; l'ancienne condamnation des deux frl:Tcs faucher cOfltre laquelle l'avocat Teste s'apprête à se pourvoir en cassation, à récuser les juges et à réhabiliter les viLlim~s, J)umoulin, M. VII (8), 25 sept. 1819. :1 Pour le proces et l'acquittemcnt des membres de la société du Lion dormant. cf. Uéllahen, ,"td.F. Ill, 12 juillet et 2 août IHI7; pour ceux de la sociétè de l'Epil1J.:le noire, M.d.f. IV, -1 et II oct. ; Pasquier rappelle le procès intenté à cette dernière association dans ses Mémoires, vol. 1, p. 104. Cf. également E. Biré, L'wwée /8/7, Paris 1895, p. 123 sq . .! Cf. Aignan, Mémoire en cassation pour les six condamnés du Jura, par /'at'ocal BI/clio!, in Galerie [ ... ], M. 1 (4), fin fév. 1818. La clémence royale intervien t parfois pour gracier des «conspirateurs» qui ont pris part aUl[ émeutes de la faim, Bénaben, M.d.f. Ill, 23 août 1817, ou pour les sauver de l'échafaud, ihid., 1U juillet. ;; Cf. Bénahcn, M.d.f. Il! et IV, 20 sept., -1 et 18 oct. 1817 et M. 1 (3), Anecdotes, 22 fév. 1818. Il Cf. Dumoulin, M. VIl! (7), 20 déc. 18H).
PROPAGANDE ET FAITS DIVERS
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tau ration ne laisse rien à désirer. L'entassement et le rapprochement des faits comme l'étroite corrélation qu'on leur découvre sont de nature à perdre définitivement dans l'opinion, des adversaires dont les actes irréfléchis ou conscients ne font que trop exposer au blâme. Que les organes libéraux aient exploité même un crime crapuleux pour illuminer les agissements des ultras ne saurait guère étonner lorsqu'on songe à l'affrontement sans merci des partis. L'assassinat du juge Fualdès, le 18 mars 1817, dans une maison suspecte à Rodez, a donné lieu à toutes sortes de conjectures et passionné un public avide de sensations fortes. L'implication dans l'affaire d'une certaine dame Manson - graphie qui variera quelque peu par la suite, substituant à la lettre s celle de z - a··fortement contribué par ses déclarations fantasques, surtout par ses réticences et autant par ses évanouissements opportuns à conférer au procès une teinte romanesque. Ce fut une excellente occasion pour les rédacteurs d'entacher la réputation des ultras par un système habile d'insinuations et de faire accroire à une motivation politique d'autant plus plausible que ceux-ci se sont prêtés à la manœuvre par leurs efforts de sauver la tête de l'un des assassins 7. Il serait sans intérêt de fournir des détails sur un meurtre qui n'avait pour cause qu'un motif banal de lucre et qui avait pour acteurs des personnes « respectables» de la ville, plus ou moins étroitement liées avec la victime. Le procès s'est déroulé d'abord devant la cour d'assises de Rodez, du 18 août au 12 septembre 1817, et, après cassation du jugement, devant celle d'Albi qui a confirmé le 5 mai 1818 les condamnations de Rodez, non sans un relancement de l'affaire, dû aux révélations de l'un des condamnés. Un « sténographe parisien» - Henri de Latouche - a suivi sur les lieux l'audition des témoins et son reportage, assaisonné par les révélations de la dame Manson et bientôt avivé par la publication des mémoires de la même dame, publication qui jouira d'un succès à scandale, alimentera la curiosité macabre d'un public aussi sensible au dévoilement des mystères criminels qu'avide de s'oublier dans la lecture des romans noirs 8. Les recueils suivront de près l'évolution de cette affaire retentissante et l'Ermite de la Guyane, à son tour, ne manquera pas lors de ses périples imaginaires de s'arrêter à Albi et à Rodez et de se joindre à ses collègues pour projeter sur l'assassinat du malheureux Fualdès la lueur lugubre des ultras.\} 7 Pasquier le confirme dans ses Mémoires, vol. l, p. 238. Bénaben dénonce les encourag-ements que la Quotidienne multiplie aux condamnés de Rodez, M.d.F. 111, 27 sept. 1817. 8 Le Sténog-raphe publiera en 1818 l'histoire du procès de Fualdès et les Mémoires de madame Manson; Sauquaire-Souligné publiera en 1819 les Lettres inédites de la dame et ses Méditations - auxquelles il n'aurait pas été étranger - ayant trait au procès. \} Cf. Bénaben, M.d.F. 1lI, 20 sept. 1817; E [etienne probablement], Affaire de Rhodez [sic] [ ... ], M.d.F. IV, 4 oct.; annonce d'un livre sur le procès, ibid., Il oct. ; sur le procès, Bénaben, M.d.F., IV, ·t, 18 et 25 oct. ; 15 et 22 nov. ; 6 déc. ; SS., 13 déc. ; rappel du procès par l'Ermite [Jouy], 27 déc. ; la publication des Mémoires de Mme Manson par le Sténographe, Bénaben, 20 et 27 déc. ; c.r. par Aignan, M. 1 (1) début fév. 1818; détails fournis par l'Ermite sur l'assassinat, M. 1 (12), 23 avril; rejet du pourvoi des condamnés d'Albi, Pagès, Petit bulletin, M. 11 (5), début juin; nouvelles révélations, M. Il (7), 15 juin.
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L'ÉCOLE LIBÉRALE SOUS LA RESTAURATION
Point n'est besoin pour les libéraux en 1818 de s'évertuer afin de construire un échafaudage fragile d'insinuations voilées. La libération du territoire n'est plus une perspective éloignée. Toute tentative de représenter la France comme révolutionnaire rejoint les appétits de certains Alliés, peu enclins à voir leur proie échapper aux exactions de l'occupant. Toute révélation qui montre les ultras agissant dans l'ombre contre les intérêts de leur pays est bénie par les recueils et y bénéficie d'amplifications opportunes. L'idéologie de l'extrême-droite avait beau jeu en 1816 et 1817 de crier à la conspiration universelle, en s'étayant sur les émeutes de Grenoble et de Lyon. Les troubles de Lyon ont éclaté à point nommé après l'ordonnance du 5 septembre 1816 et leurs répercussions tardives en 1818 dévoileraient les mobiles d'un parti peu scrupuleux sur le choix des moyens. On connaît les événements de Lyon. Rien n'eût dû provoquer l'émeute du 8 juin 1817 dont l'évolution fut bien connue des autorités militaires ct contre laquelle elles déployèrent tout leur appareil répressif. Une conspiration de pauvres diables, soulevant un attroupement misérable et dont les chefs ont disparu le lendemain de l'insurrection avortée, a donné lieu à une répression épouvantable. Sur 155 accusés, dont 122 présents, la cour prévôtale, par onze procédures détaillées, en a condamné 28 à mort, 6 aux travaux forcés, 34 à la déportation, 42 à un emprisonnement plus ou moins long et les autres à une surveillance prolongée et à un cautionnement élevé. «Ainsi, écrit le colonel Fabvier dans sa brochure Lyu/1 ell 1817 - sur un attroupement qui n'a pas excédé deux cent cinquante hommes, plus de cent dix auront été condamnés comme auteurs et cOIllme chefs de la sédition [ ... ] 10. » Le réquisitoire violent du colonel Fabvier, chef de l'état-major du maréchal Marmont, envoyé à Lyon pour enquêter sur place, a mis en cause le commandant militaire Canuel, en grande faveur auprès des ultras, et dévoilé le rôle suspect des agents provocateurs, relevant des autorités militaires. Alors que les autorités policières avaient affirmé avant l'insurrection que tout était calme dans le département, assertion appuyée par le préfet Chabrol, le général Canuel et ses adjoints avaient donné des assurances contraires. Toujours est-il que l'insurrection a éclaté en l'absence de Sainneville, lieutenant général de la police. L'affaire de Lyon, la révélation de celle de Grenoble à sa suite, donneront lieu à une des polémiques des plus vives du règne. Les recueils la suivront avec passion. Le Mercure enregistre d'abord, en restant sur l'expectative, quelques condamnations et exécutions rendues publiques 11. Et puis, la Minerve prend note de la mutation de Canuel et de sa nomina-
Cit. d'après le c.r. d'Aignan, M. 1 (2), 16 fév. 1818, p. 68. Condamnation à mort de deux prévenus par la cour prévôtale de Lyon i mesures sévères ordonnées par la préfecture de Lyon contre les étrangers et nouvelles formalités exigées des auberges, Bénaben, M.d.f. II, 21 juin 1817. autres condamnations, M.d.F. IV, 8 nov. II'
Il
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tion comme inspecteur général d'infanterie 12. Ce n'est qu'en commentant les écrits de Fabvier 13, de Chabrol 14, de Canuel 15 et de Sainneville 16 qu'elle se rendra compte de la portée de l'affaire. Il est vrai que l'intervention de Camille Jordan, lors de la discussion à la Chambre de l'institution du jury, a remué les passions autour des événements de Lyon 17. Le public attendra avec impatience le jugement des tribunaux dans le procès en calomnie intenté par Canuel à Fabvier et à Sainneville 18, attente exacerbée par la lettre du duc de Raguse - Mar-
, ~t
12 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, Il oct. Le maréchal de camp Roncuf est nommé commandant de Lyon, ibid., 18 oct. 1817. 13 Cf. Aignan, c.r. cit. et B. Constant, Sur les provocations au crime pour le dénoncer, M. 1 (2), 16 fév. 1818. 14 Cf. Aignan, c.r. de la brochure de Chabrol, Sur les événemens de Lyon, au mois de juin 18/7, M. 1 (4), fin fév. 1818, in Galerie [ ... j. Dans ses rapports aux autorités de Paris ou dans ses entretiens avec elles, Chabrol s'est rangé du côté de Sainneville. Mais après l'insurrection, probablement à cause des implications compromettantes à son égard des écrits de Fabvier et de Sainneville, il a pris parti contre eux. Un journal avait même évoqué la probabilité que Chabrol les citerait en justice, nouvelle démentie par Etienne, n° 15, M. Il (8), 23 juin 1818. Comme Canuel, Chabrol a bénéficié d'une mutation et d'un avancement. II a été nommé sous-secrétaire d'Etat au ministère de l'Intérieur. 15 Cf. Aignan, c.r. de la R.éponse de M. le lieutenant général Canuel à l'écrit intitulé: Lyon en 1817, par M. le colonel Fabvier, M. 1 (5),7 mars 1818, Réponse qu'Aignan a annoncée dans son c.r. précédent. 16 Cf. B. Constant, Compte rendu des événemens qui se sont passés à Lyon, par M. Charrier Sainneville, M. Il (5 et 6), début et 10 juin 1818. L'écrit de Sainneville a été annoncé par lui-même dans une lettre adressée aux rédacteurs du Journal de Lyon, à la date du 3 mars, M. 1 (8), fin mars, et Etienne, n° 18, M. Il (1), 6 mai; B. Constant exprime sa confiance dans la loyauté de Sainneville et le dit très lié avec l'un des rédacteurs de la Minerve. 17 Attaque de la mission de Raguze par un député ultra, dans son écrit Parlerai-je encore de Lyon, C.r. d'Aignan, M. 5 (7), 21 mars 1818; Saulnier fils, M. 1 (13), fin avril, cite le rappel des événements de Lyon par La Bourdonnaye et sa demande que le ministère s'explique; réponse du Garde des Sceaux; affirmation par un député ultra quant à l'existence d'une vaste conspiration à Lyon et réponse de Camille Jordan, ibid.; brochure injurieuse de Cotton député et préfet de Vaucluse - contre Camille Jordan, Etienne, n° 10, M. Il (2), 14 mai; démenti que Canuel ait publié une lettre calomnieuse contre Jordan, dans la Quotidienne, n° 16, M. II (9), début juillet. Il est intéressant de noter que le Sun anglais, inspiré probablement par Decazes, est allé plus loin que Fabvier dans ses accusations contre Canuel et établit une corrélation entre le soulèvement de Lyon et l'assassinat de Fualdès, Etienne, n° 10 cit. 18 Cf. Etienne, n" 15, M. II (8), 23 juin; rappel des événements de Lyon lorsque Canuel, impliqué dans la Conspiration du bord de l'eau, se présentera, contre l'attente du public, devant le tribunal de police correctionnelle pour le procès en calomnie contre Fabvier et Sainneville, nU 19, Post-Scriptum, M. Il (12), 21 juillet; pour le procès en calomnie, cf. Jay, Tribunaux [... ], M. IV (6 et 9), M. V (1), 13 et 30 déc. 1818,5 fév. 1819. A la date du 13 oct. 1818, Fabvier a écrit à la Minerve pour démentir les nouvelles sur son engagement dans l'armée russe, M. III (12), 21 oct. 1818, p. 574-575. En rendant compte du procès, légèrement préjudiciable aux inculpés, Jay appréciera les événements de Lyon et fera le procès des ultras.
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mont - au président du Conseil pour s'associer publiquement aux assertions de son chef d'état-major ID. Malgré les précautions qu'une législation tracassière a imposée aux recueils, Aignan et Benjamin Constant, ce dernier notamment, démontreront aisément l'arrière-plan ténébreux d'une insurrection connue d'avance et fomentée depuis l'ordonnace du 5 septembre. Les graves accusations de Fabvier et de Sainneville - les rédacteurs n'ont qu'à les citer mettent en relief la part qui revient dans cette affaire aux agents de Canuel, payés par lui et libérés par la cour prévôtale. Bien avant le 8 juin, Sainneville avait découvert l'activité suspecte des agents provocateurs, et, de retour à Lyon le 13 juin, malgré l'opposition des autorités militaires à ses enquêtes, malgré la terreur de la population, victime des condamnations, des perquisitions en pleine nuit et des menaces, il réussit par le dépouillement des procès-verbaux et par des confrontations à rétablir la vérité. Le commandement militaire aurait eu tout intérêt à ce que la ville de Lyon füt représentée comme foyer de sédition, complotant le renversement de la dynastie régnante.· Fait surprenant sinon pas inattendu, les ultras prendront à la Chambre la défense de Canuel chaque fois que l'on invoquera l'affaire de Lyon, apologie inquiétante autant que compromettante 20. Il se peut que Decazes ait eu tout intérêt en 1818 à compromettre devant l'opinion la cause des ultras grâce aux révélations sur le rôle joué en 1817 par Canuel. Que les tribunaux n'aient pas tenu, dans le procès de diffamation intenté par Canuel à Fabvier et à Sainneville, à déterminer les responsabilités des autorités de Lyon lors des événements du 8 juin 1817, peut s'expliquer également par un jeu de bascule, plus soucieux de ménager l'avenir que de se pencher sur des mesures de répression, peu honorables pour le régime. Mais en tout état de cause, les libéraux ont pu aisément sc prévaloir des accusations de Fabvier et de Sainneville pour accabler leurs adversaires. Etienne, en septembre 1819, lors de la plainte en assassinat portée contre le lieutenant général Donnadieu et Montlivaut, respectivement commandant militaire et préfet de l'Isère en 1816, peut évoquer également les répressions sanglantes et les condamnations cruelles qui ont suivi les troubles provoqués par d'étranges désordres à Grenoble le 5 mai. Au grand nombre de victimes et de condamnés à l'exécution capitale, s'était ajouté celui de sept condamnés que le ministère Richelieu ne jugea pas opportun de gracier, décision que Donnadieu ct avec lui Etienne ont imputée cn 1819 à Decazes. Ce qui est certain, c'est que la révélation du comportement de Donnadieu et de Montlivaut, acquis à la cause des ultras, s'ajoute en 1819 à d'autres méfaits notoires cie l'extrême-droite 21.
'" Cf. M. Il (IOl, 12 juillet IHIS, p. 501 ; sensation produite par la lettre, Etiellne. n" IH. M. Il (II), 15 juillet. 21) Sur les événements de Lyon, cf. Duvergier de Hauranne, op. cit., vol. IV, ch. XV et XVI; Bertier de Sauvigny, op. cit., 2' partie, ch. IX. ~1 Cf. SI/pra, ch. IV, n. 111 et 112. Même un historien aussi peu favorable aux libéraux que Capefigue, ne laisse pas de condamner la conduite de Donna-
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Le projet d'assassiner Wellington n'est pas moins entouré de mystère que l'insurrection de Lyon. Dans la nuit du 9 au 10 mars 1818, un individu muni de favoris épais - d'après le signalement des sentinelles - aurait fait feu sur la voiture de Wellington, à l'entrée de son hôtel. Etienne est toutefois en mesure d'affirmer que le général Murray fut prévenu du projet d'attentat par Lord Kinnaird, séjournant à Bruxelles. Après le Il, on a procédé à une enquête et l'on a fait venir Kinnaird et son informateur Marinet. Ce dernier est aussitôt mis en prison malgré les promesses formelles données au noble lord de respecter le sauf conduit de son agent de renseignements. Un officier belge, Croquembourg, frère d'un aide-decamp du prince d'Orange, est arrêté devant l'Opéra et mis également en prison 22. D'après la presse anglaise, un soldat belge serait à l'origine de l'attentat manqué qu'il aurait entrepris contre le versement d'une somme considérable 23. Enfin, Lord Kinnaird que la police comptait retenir comme témoin dans l'instruction criminelle qui se poursuivait contre Cantillon, Nicole - Martinet - et d'autres, réussit à se sauver en Angleterre via Bruxelles ~4. L'affaire paraît certes étrange et Etienne de demander qui avait intérêt à commettre l'attentat juste au moment des négociations difficiles pour la libération du territoire. Ce sont des implications aussi graves pour l'occupant anglais que pour d'autres auxiliaires possibles. Un autre complot, imputé à des bonapartistes, aurait eu pour objectif, d'après le correspondant sceptique du Courier anglais, l'enlèvement du Tsar Alexandre par trois cents hommes pour l'obliger à signer un acte libérant le captif de Sainte-Hélène. A la fin de 1818, Pagès ne peut que formuler des doutes et enregistrer l'arrestation par les autorités judiciaires de Bruxelles de plusieurs suspects. C'est un complot qui, joint aux bruits d'un projet d'évasion de Bonaparte, devait faciliter la tâche à ceux des Alliés et de leurs partisans, désireux de prolonger l'occupation de la France ~5. Ce n'est que le 15 mai 1819 qu'Etienne sera en mesure de relater le déroulement du procès à Bruxelles, ùont le jugement a prouvé que cette conspiration libérale n'a été « qu'une misérable intrigue de tabagie ». Il est vrai que les pauvres héros-conspirateurs ont été acquittés ou condamnés à des peines légères, mais Buchoz, l'agent de La Tour du Pin, ambassadeur de France, a récolté pour prix de ses révé-
dieu et de Montlivaut, Histoire de la Restallration, 3 e éd., Paris, 18-l5, 5 vol., vol. Il, ch. Xl. ~2 Cf. Etienne, 11° -l, M. 1 (6), 13 mars 1817. Cette lettre porte une datation erronée, 10 mai au lieu de 10 mars. Ailleurs, la graphie du nom de l'officier est de Croquenbourg, M. 1 (4), fin fév., p. 200. Relation sceptique de l'attentat, Bénaben, M. 1 (3), 22 fév. ~3 Cf. Etienne, n° 6, M. 1 (9), début avril 181 R. 24 Cf. Etienne, n° 10, M. II (2), 14 mai 1818. Le critique cite quelques extraits du mémoire de l'avocat Claveau, protestant contre les procédés de 13 Justice qui a tenu les inculpés au secret pendant plusieurs mois, n° 41, M. IV (11), 14 janv. 1819 et Sllpra, ch. IV, n. 13; n° 56, M. VI (2), 17 mai, grâce aux efforts de l'avocat libéral Dupin, Marinet et Cantillon, restés en prison pendant 15 mois, ont été acquittés par la cour d'assises de Paris. ~5 Cf. Pagès, Les dellx conspirations, M. IV (5), 6 déc. 1818.
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lations le carcan et dix ans de fer, quelque peu compensés par une allocation de 10 francs par jour, assurée par l'ambassadeur. Les révélations de Buchoz que l'ambassadeur a vite transmises à Paris remontent à la date du 8 novembre 1818. La Tour du Pin, compromis au cours du procés, s'en est plaint au gouvernement des Pays-Bas et a cru même devoir se justifier par une note explicative 26. Voilà des affaires qui ont été tramées dans l'ombre et que les services d'espionnage de notre ère perfectionneront. Mais COIllment justifier le Mémoire adressé aux Alliés pour suggérer, ne serait-ce qu'implicitement, le maintien de l'occupation? La Minerve ne se livre pas à de nombreux développements à ce sujet. Pourquoi risquer une seconde suppression du recueil par une amplification qui aurait désigné le pavillon de Marsan comme étant à l'origine de la Note secrète? C'est Jay qui fera le procès de l'extrême-droite à cette occasion en la montrant prête à recourir à tous les arguments pour dénoncer une France séditieuse, livrée à un ministère incapable d'enrayer le mouvement révolutionnaire. La prolongation de l'occupation ne constituerait pas un obstacle aux ambitions des ultras. Au contraire, elle viendrait à point nommé pour leur assurer un pouvoir que la France dans sa grande majoritè n'entend plus leur confier 27. Certes, Vitrolles, dans ce nouveau mémoire, n'a pas plaidé explicitement le maintien de l'occupation. Mais montrer la France et le gouvernement entre les mains de la Révolution et indiquer comme seul remède à une situation aussi menaçante pour la paix de l'Europe le changement de ministère équivaut à la suggestion de retenir la France sous la tutelle des Alliés. Que l'on ait choisi le début de l'été 1818 - date des pourparlers actifs en vue de la libération anticipée du territoire, avant la réunion du Congrès d'Aix-la-Chapelle - pour s'adresser aux occupants ne peut qu'aggraver la responsabilité des auteurs du Mémoire. Encore la Minerve fait-elle preuve de magnanimité en s'associant à l'indignation de Chateaubriand contre le Times qui lui a imputé la paternité du Mémoire et en annonçant le procès qu'il allait intenter à l'éditeur du journal anglais. Car si Chateaubriand est tout à fait étranger à cette missive aventurière, il n'en demeure pas moins d'accord sur le fond de la question. Le procès fournit toutefois une bonne occasion à Etienne pour protester contre la pratique du ministère de faire attaquer ses adversaires par la presse ètrangère ~s. La CO/1spiration dite du bord de l'eau préoccupe le public dès le début de juillet 1818. Si la Minerve commence par ne pas trop y prêter foi, eile se fait cependant un devoir de rapporter les nouvelles publiées par la presse anglaise, surtout celle affectée au service des correspondants du ministère français. Elle ne néglige pas en passant les diatribes des journaux favorables à la cause des ultras. "" Cf. Etienne, n" 56 cit. "7 Cf. Jay, Note secrète expusant tes prétextes et te bllt de ta dernière wTZspiralioTZ, 1'.1. III (1), 5 août 1818. ~s Ci. Etienne, n" 16. M. Il (9), début juillet 1818. Une adresse véhémente il été publiée à Londres par Maubreuil, rendant les quatre puissanœs responsables de l'état critique de la france, Pagès, M. IV (5), 6 déc.
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Etienne ne prend pas à la lettre les allégations du Courier, du Times, du Star et du Sun selon lesquelles les ministres auraient dû être arrêtés, Decazes exécuté, la Charte suspendue, Louis XVIII déposé et la régence proclamée. Il n'est pas non plus disposé à ajouter foi aux assertions du New-Times et du Morning-Post selon lesquelles il s'agirait d'une machination de police ou d'une collusion entre le ministère et les libéraux. Les conspirations que nous venons de passer en revue, les complots d'Angleterre, doublés d'une activité effrénée d'agents provocateurs, ont de quoi nourrir les doutes des rédacteurs. S'ils finissent par ajouter foi aux affirmations réitérées de la presse anglaise, c'est que la justice s'est mise en branle et que des sacripans comme Donnadieu et Canuel se sont trouvés de la partie. C'est une occasion rêvée pour évoquer les conspirations de Grenoble et de Lyon et pour accabler de nouveau les ultras. La disparition de Canuel ainsi que sa comparution tardive devant le tribunal de police correctionnelle pour son procès en calomnie contre Fabvier et Sainneville - au cours duquel il protestera vivement contre la saisie de ses papiers et contre les pratiques policières - ont produit une véritable sensation :W. Bientôt Etienne aura du mal à concevoir que les tribunaux opèrent si lentement d'abord et interrompent par la suite leur instruction dans une affaire aussi grave, provoquant par là des bruits alarmants sur d'autres conspirations. Il conçoit moins bien encore la modération dont le ministère et la cohorte de ses publicistes font preuve à l'endroit des ultras alors qu'ils traitent les libéraux avec la dernière rigueur. Il est certain que cette dernière conspiration a servi la politique de Decazes. Elle figure également parmi les moyens psychologiques mis en œuvre par les libéraux contre leurs ennemis irréductibles. Toutefois, l'opposition de la Minerve à l'extrême-droite ne l'empêchera guère de plaider la cause de la liberté individuelle et de protester violemment contre le secret et les tortures auxquels furent soumis, Canuel, Chappedelaine et les autres inculpés ao.
* ** La guerre systématique de ùépréciation contre les ultras et les adeptes du pouvoir se double non seulement d'une lutte persévérante pour la défense des libertés. Elle s'accompagne de véritables campagnes pour sauver la tête des condamnés à la peine capitale. C'est le cas de Wilfrid Regnault et de Charles Lainé, le premier prévenu d'avoir assassiné le 1er mars 1817, dans un petit village de Normandie, la vieille servante de son débiteur, et le second, arrêté le 13 juin 1818, dans une commune du Pas-de-Calais, pour avoir fabriqué de la fausse monnaie. Il 29 Cf. Etienne, nO' 17, 18 et 19, M. Il (10, Il et 12), 12, 15 et 18 juillet 1818. 30 Pour la Conspiration du bord de l'eau, cf. Etienne, nO' 18, 19, 20, 21, 30, M.II (II, 12 et 13),15,21 et fin juillet 1818, M. III (1 et 12),5 et 21 août; Duvergier de Hauranne, op. cit., vol. IV, ch. XVII; Bertier de Sauvigny, op. cil., 2' part., ch. III ; le même, Le comte Ferdinand de Bertier (1782-1864), Paris, 1948, ch. X, où l'on trouve des éclaircissements quant aux affaires de Lyon, la No!!! secrète et cette dernière conspiration.
15.f
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s'a~it
dans les deux cas d'individus de peu d'importance, mais l'activité de Benjamin Constant en leur faveur n'en aura que plus de mérik C'est reprendre la tradition que Voltaire avait léguée à ses partisans et procéder à la réhabilitation de nouveaux Calas, Sirven et La Barre, héritage que l'extrême-droite ne manquera pas de narguer. Il est vrai que Lainé est un pauvre hère que des pièces à conviction manifestes accablent sans difficulté, mais il sera cependant aisé à Constant de démontrer le rôle suspect d'un agent provocateur affilié à la police, qui a incité le prévenu à cOlllmettre son forfait :Il. Par contre, Regnault a iourni au rédacteur l'occasion d'étudier scrupuleusement son dossier et de clanler son innocence par des lettres publiques à Odilon Barrot, l'un des défenseurs de l'accusé. C'est tout le système d'une justice sommaire qui est mise en question ainsi que la pratique des autorités judiciaires de recourir aux "faits» allégués par la police et de récuser des jurés trop bourgeois 3~. Que les Débats et la Quotidienne, se fondant sur les aflirmations de l'un des témoins, le marquis de Blosseville, aient tenu à proclamer que Regnault avait participé aux massacres du 2 septembre, est tout naturel dans un contexte où les partis s'évertuent à faire valoir tous les éléments susceptibles de desservir la cause adverse. Mal en a pris d'ailleurs au marquis et aux deux journaux. Un procès en calolllnie, en pleine lutte pour la vie de Regnault, leur vaudra sinon des peines sévéres du llI()ins un échec moral cuisant, et le projet d'un contreprocés cn calomnie que Blosseville a voulu intenter à ses adversaires lui vaudra ainsi qu'aux ultras la réponse cinglante de Benjamin Constant. La justice et la politique des privilégiés y seront mises en pièce et les conquêtes de la liberté individuelle et de la constitutionnalité y seront proclamées :J:l. Dans le cas de Regnault comme de Lainé, la Minerve pourra se flatter Lies résultats obtenus par la campagne enfiévrée de son rédacteur, le premier aura la vie sauve et le dernier verra sa peine commuée en dix ans de prison grâce à la clémence royale 34. inlas~able
:lI Cf. B. Constant, Tribunallx, M. III (5), 8 sept. 181H; Pagés, cr. de la l.cllr,· dl' M. Benjamin Constant à M. Odillon Barrot, sllr le procès Lainé ["'],
oct.; [B. Constant très probablement 1 revit!nt au rôle du genclarIne Gaillard impliqué dans l'affaire, M. IV (5), 6 déc., p. 226-227. ::" Cf. B. Constant, Lellre li M. Odi/lon Barrot [ ... ] s.l.n.d. [Paris, 1818] ; ll" Lettre il fit Odillon Barrot [ ... ], Paris 1818. Aignan, cr. dt! cette dernière lettre, in Galcrie [ ... ], M. 1 (.f), fin tév. 1818; pour l'affaire Regnault, cf. Charles Alméras, Odillon Harrot avocat ct homme politiqlle, Paris, 1951, p. 25-26. :::< POlir le procès Ln calomnie contre Blosseville et les .journaux, cf. Bénaben, M.lI.f., IV, 18 oct., 1"' et H nov. 1817; Blosseville se désiste de sa plainte en calomnie, ibid., 15 nov. ; lt! pourvoi en cassation de Regnault et rappel de sa condamnation, Bénabcn, ibid., 29 nov., S5. et l'Ermite de la Guyane (Jouy], 27 déc. ; le pourvoi est rejeté, Bénabcn, M. 1 (2), 16 tév. 1818 ; B. Constant,
M. III (1 ü). 1()
Ellcore [!Tl /Ilot sllr le procès de Wilfrid-Regnault, Oll Réflexions sllr cette question: L'examen public des actes de ['alltorité jlldiciaire est-il contraire à l'espril de la charte et blesse-t-Îl le respect dû allx tribllnaux et à leurs sentences l, M. 1 (6), 13 mars; Tissot, c.r. de la brochure de B. Constant, De l'appel en calomnie de M. le martlllÎs de Blosseville, contre Wilfrid-Regnault, M. Il (12),
21 juillet. ;H Cf. M. IV (g), 26 déc. 1K18, p. 37~), pour Lainé, et Tissot, c.r. cit. pour Regnault. Pa"quier, Garde des Sceaux à l'époque, note dans ses l\Umoires le
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La lutte en faveur de Regnault et, par la même occasion, contre Blosseville et les ultras prend déjà des accents qui l'apparentent aux grandes causes libérales ainsi que nationales. Un des moyens efficaces de la propagande libérale est l'ouverture des souscriptions pour venir en aide aux bannis, aux écrivains condamnés, aux veuves des militaires ou aux victimes des Suisses. La souscription en faveur de Regnault n'est qu'une ébauche d'autres campagnes qui ont galvanisé l'opinion du ban et de l'arrière-ban de la bourgeoisie bien pensante et militante, à travers toute la France. Proposée par Cadet de Gassicourt et Eusèbe Salverte, elle ne donnera à la fin de juillet 1818 que 957 francs 3;;. Mais déjà, dès novembre 1817, la campagne de grand style lancée pour venir en aide aux rescapés du naufrage de la Méduse permettra au Mercure et à la Minerve de faire acte d'humanité, non sans dénoncer l'impéritie d'un pouvoir prisonnier des ultras. C'est Géricault qui a frappé l'imagination des contemporains par son tableau, exposé au Salon de 1819, où le naufrage de la Méduse est rendu dans toute son horreur. Mais ce sont les relations des deux naufragés, le chirurgien Jean-Baptiste Savigny et l'ingénieur-géographe Alexandre Corréard, plus tard libraire libéral très connu, qui ont donné l'éveil à l'opinion. Les horreurs du naufrage ont été connues du public dès le mois de septembre 1816 par 1'« indiscretion» de Decazes qui, pour faire pièce à Dubouchage, ministre ultra de la Marine, aurait laissé le rapport de Savigny parvenir à la presse et émouvoir l'opinion contre un ministère incapable. On connaît l'histoire de l'expédition du Sénégal. Pour reprendre possession de la colonie française du Sénégal - le comptoir de SaintLouis - et de l'île de Gorée, à l'abri du Cap-Vert, le gouvernement de la Restauration, réinstallé au pouvoir après les Cent-Jours, a envoyé une expédition, forte de la frégate la Méduse, la corvette l'Echo, la flûte la Loire et le brick l'Argos. Sans nous attarder sur les difficultés suscitées par les autorités anglaises pour rendre au corps français la colonie africaine, notons que l'expédition, placée sous le commandement d'un homme de mer d'avant 89 - Duroys de Chaumareys - a coûté la vie à plusieurs douzaines d'hommes, désastre dû à une incapacité notoire. Le 2 juillet 1816, la frégate la Méduse a échoué sur le banc d'Arguin, 11 cent lieues de sa destination. Alors que le commandant et le gouverneur du Sénégal se sont réservés deux canots et sont arrivés assez rapidement à Saint-Louis, les passagers des quatre autres canots ont débarqué sur la côte de Mauritanie et ont perdu beaucoup d'hommes lors de la traversée du désert. Dix-sept hommes sont restés à bord de la frégate naufragée dont trois seulement survivront. Le gros des soldats et des matelots ont pris place sur un radeau qui a dérivé pendant 12 jours et sur lequel des soulèvement de l'opinion qui a forcé le gouvernement à commuer la peine de Regnault. Peu contents de cette solution, B. Constant et Dupont de l'Eure ont fait des représentations à Pasquier, op. cit., p. 239. 3;; Cf. Correspondance, M. Il (4), 24 mai 1818, p. 196-197, M. Il (7 et 13), 15 juin et fin juillet.
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scènes épouvantables se sont déroulées. Lorsque l'Argus a retrouvé le radeau, il n'est resté des cent-cinquante passagers que quinze rescapé~ dont neuf survivront 36. C'est Jay qui lance la souscription nationale en faveur des rescapés et ce sont les bureaux du Mercure et du Journal de Commerce qui recevront les dons déposés à la banque de Perregaut et Laffitte 37. Le Mercure du 29 novembre 1817 publiera la première liste de souscripteurs et la Minerve, à la fin de février 1818, la neuvième, totalisant pour l'ensemble des souscriptions la somme appréciable de 18.278 francs et 30 centimes 38. Une analyse détaillée des différentes catégories de donateurs, préfigurant celles qui seront plus nettement définies lors de la souscription pour le Champ d'Asile, donnera une idée de la structure du camp libéral en pleine élaboration. Il est vrai que le duc de Berry a souscrit pour une somille de 500 francs, plus élevée que celle donnée par le duc d'Orléans, mais il ne s'agit dans ce cas que d'un geste isolé, destiné à affaiblir la portée partisane de la souscription. Plus caractéristiques de la campagne en faveur des naufragés de la Méduse sont les dons des financiers, des écrivains, des médecins, avocats et avoués, des grands et petits c0111merçants, de l'armée, des demi-soldes, des écoles, des enfants, et, en règle générale, de la bourgeoisie de province dont le rôle deviendra de plus en plus considérable dans les manifestations libérales. C'est la tentative d'identifier la cause libérale avec la nation tout entière qui donne son sens aux campagnes de propagande du Mercure et davantage de la Minerve. On en a la preuve dans la souscription ouverte en faveur du Champ d'Asile et dont la Minerve est devenue le héraut. M. R. Rémond a tracé l'historique de cettp colonie et de son échec, s'ajoutant aux tentatives précédentes des réfugiés français de s'établir sur les bords de l'Ohio et de la Tombigbee. Elle est légendaire déjà la tradition qui a vu des Français combattre pour l'indépendance de l'Amérique du Nord ou s'y réfugier pour fuir la Révolution et l'Empire. On sait aussi le mythe qui a vite associé un Bonaparte révolutionnaire aux prestiges des EtatsUnis. Un petit groupe d'anciens conventionnels et un grand nombre de militaires - estimés à deux ou trois mille par M. Rémond - traversent l'Océan pour chercher abri ou fortune en Amérique, après la rèaction qui a suivi les Cent-Jours. Le Champ d'Asile est établi au mois de mai 1818, au bord de la Trinité, en plein Texas. C'est un camp au carac-
36 Cf. Jay, Naufrage dl' la Méduse, faisant partie de l'expédition du Sénégal en 18/6 .. relalioll contenant les événemcns qui ont eu lieu sur le radeau, dans le désert de Saara, à Saint-Louis et au camp de Daccard .. suivi d'un examen sous les rapports agricoles de la partie occidentale de la côte d'Afrique, depuis le Cap-Blanc juslJu'à l'embouchure de la Gambie, avec le plan du radeau de la Méduse, par JB. Henri de Savigny, ex-chirurgien de la marine; et Alexandre Corréard, ingénieur-géographe, fous deux naufragés du radeau, M.d.F. IV, 22 nov. 1817; R. Mercier, Le naufrage de la Méduse, réalité et imagination rOI/lanes/lue, in R.S.H., 1967, fasL 125. 37 Cf. Jay, ibid. 38 Cf. M.d.F., 29 nov., 6,13,20 et 27 déc. 1817, M. 1 (4), fin fév. 1818.
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tère militaire et agricole à la fois, sous la direction d'officiers generaux parmi lesquels le rôle prépondérant revient aux frères Lallemand. Mais la colonie n'aura pas le temps de prendre de l'essor. L'Espagne redoute l'établissement des militaires français sur un territoire qui relève de sa couronne autant qu'un voisinage compromettant pour sa cause au Mexique. Les Etats-Unis sont trop engagés dans des négociations concernant la Floride pour accorder un appui efficace à des éléments étrangers. La position de la colonie devient intenable et Charles Lallemand en décide l'évacuation vers la fin de l'été. La phase de la réalisation n'a duré que de la mi-mars à la fin d'août 1818 et l'abandon du Champ d'Asile a failli se terminer en désastre 39. Le Mercure a fait écho aux tentatives d'établir une colonie aux bords de la Mobile en rapportant l'achat par William Lee, ancien consul américain à Bordeaux et tout à fait acquis à la cause libérale, de quatrevingt-seize mille arpents de terre pour des étrangers 40. Ce n'est que vers le 15 septembre 1818 que les rédacteurs prennent officiellement position en faveur du Champ d'Asile. Evariste Dumoulin dira les détails incomplets fournis à ce sujet par la presse américaine, les données inexactes avancées par les journaux anglais et les calomnies propagées par les feuilles des ultras. Il citera la cession des terrains de 1814 aux réfugiés français dont les colonies sur les bords de la Mobile et du Tombigbee connaîtront un échec partiel. Il s'étendra sur le Champ d'Asile, en disant la part qui en revient aux frères Lallemand dont le cadet a épousé une des nièces héritières du richissime négociant Stephen Girard. Les deux frères ont porté leur choix sur la province du Texas, et, s'associant d'autres officiers, ils ont armé et équipé une goélette, laquelle, sous les ordres du général Rigaud, a débarqué six cent hommes à Galveston, dans le golfe du Mexique. Des terres ont été distribuées et la colonie organisée en cohortes. Les frères Lallemand ont demandé au gouvernement espagnol l'autorisation de s'établir sur le territoire du Texas sans obtenir de réponse. Un manifeste a été publié le II mai 1818, rappelant les malheurs des officiers, leur désir d'entretenir de bons rapports avec les indigènes, leur projet de cultiver l'agriculture et le commerce et de préparer une sorte de code civil à l'intention des militaires et des civils français, seuls habilités à faire partie de la colonie. Evariste Dumoulin décrira également le Texas, fertile en blé, en sucre et en coton, riche en animaux, et pratiquement vide, offrant une superficie de 100 lieues en longueur sur 150 en profondeur, habitée par quelque huit mille .jndigènes et dont la tribu la plus importante des Comanches, en guerre avec les Espa~'.no!s, a d'exccltc!1ts rapports avec les exilés. Dumoulin nourrit des doutes quant à l'attitude de l'Espagne envers la colonie, mais il affirme l'intérêt pour les Etats-Unis de s'emparer d'une partie du Texas pour se rapprocher de la chaîne des montagnes. L'article se termine enfin sur une note dithyrambique à l'intention des colons qui ont versé
r,
Il 39 Cf. R. Rémond, Les Etats-Unis devant l'opinion francaise, 1815-1852, Paris, 1962, 2 vol., vol. l, ch. Il, l'Emigration. 40 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 15 nov. 1817.
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leur sang pour la France et sur une protestation véhémente contre les calomniateurs des proscrits.H . On peut se demander si les dirigeants du Champ d'Asile n'ont pas caressé le projet de jouer un rôle dans la guerre d'indépendance des colonies espagnoles, mais aucun témoignage probant ne permet de croire à un véritable plan d'action pour assurer l'évasion de Bonaparte. Connaisseur de l'Amérique, c'est à Jay qu'échoit le rôle de servir de porte-parole au Champ d'Asile, dans un article publié vers le 27 septembre 1818. Sous la plume de ce fin lettré, le plaidoyer prend vite les contours et les accents d'une profession de foi. Les exilés français, établis Outre-Atlantique, sur les confins de l'Amérique du Nord et du Sud, acquièrent le prestige des proscrits de l'Antiquité et des premicrs colons du nouve:J.u monde. Patriotisme et liberté se mélangent à travers les siècles pour s'incarner dans les jeunes Etats-Unis et se prolonger dans les libéraux du continent comme dans la poignée de militaires du Champ d'Asile. Le mythe grec, celui du bon sauvage, de la primitive église, l'idéal de Rousseau, la pensée de Montesquieu et un credo libéral complexe se donnent rendez-vous dans le Texas ·12. C'est une bonne entrée en matière pour plaider la cause des colons et lancer une souscription nationale en leur faveur. Jay précise que le projet en question a été mis en avant par Félix Desportes. Ayant rempli plusieurs rôles de second plan sous la Révolution et l'Empire, notamment dans l'action politique de la France en Suisse, en Allemagne ct en Espagne, préfet du Haut-Rhin pendant plusieurs années, député durant les Cent-Jours, Desportes a été banni en vertu de l'ordonnance du 24 juillet 1815. Il cherchera asile en Allemagne, poursuivi par la haine des agents diplomatiques français, se déplaçant de Landau à Mayence, de Wiesbaden à Offenbach et à Francfort. Arrêté dans cette dernière ville, sur l'instigation de son ancien collègue le baron Reinhard, il trouvera quelque répit dans les états du grand duc de Hesse-Darmstadt ct rentrera en France au mois de décembre 1819 43 • Nous ignorons si Desportes a entretenu des rapports avec les dirigeants du Champ d'Asile. Nous ignorons également les raisons qui l'ont amené ;'1 suggérer une souscription à la Minerve et celle-ci à la lancer. Faudrait-il à tout prix rechercher une motivation secrète à cette entreprise
·11 Cf. Le Champ d'Asile, M. III (6), 15 sept. 1818. 4" Cf. lay, Le Champ d'Asile, M. 11\ (8), 27 sept. 1818. 43 M. HL1l1(1nd se trompe en croyant que Desportes a saisi la Minerve de son projet une fois de retour d'Allemagne, op. cit., p. 48. Harel - le Correspondant anonyme de Francfort - , le général AlIix, Desportes et bien d'autres ont entretenu des rapports suivis avec It!urs amis en France. L'arrestation de Desportes s'expliquerait d'ailleurs par les efforts des cabinets continentaux de mettre la main sur le Correspondant de Francfort. Sur Desportes, cf. la Biographie nOl/velle des contemporains, d'Arnault, Jay, Jouy, Norvins, t. V, p. 411-414; sur l'activité suisse de Desportes, v. Frédéric Barbey, Félix Desportes et l'annexion de Genève à la France, 1794-1799, Paris,
1916.
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et la rattacher, déjà en 1818, à des projets subversifs? C'est procéder par anticipation et éclairer la souscription, faute de documents sûrs, par les événements postérieurs à l'assassinat du duc de Berry. L'emploi des sommes réunies par la souscription pose une question insoluble, mais il ressort clairement des articles de la Minerve que les rédacteurs ont considéré ce lancement cOlllme un excellent moyen de propagande libérale. Ils ont même fait appel au gouvernement pour l'y associer 44. La Minerve ne s'est certes pas trompée sur les répercussions que l'image du proscrit et du soldat-laboureur allait susciter dans l'opinion. M. Rémond a consacré plusieurs pages à l'élaboration du mythe du Champ d'Asile à travers la Restauration et par-delà cette époque. Un ménage de garçon de Balzac en porte témoignage ainsi que plusieurs œuvres d'auteurs obscurs 45. Nous ne retiendrons que la leçon de la Minerve. On sait la place réservée par le recueil au thème des bannis. Béranger, Coupigny, Béraud chantent les misères des fils que la Patrie ingrate a exilés, composent des romances où amour ardent et proscription malheureuse se mêlent, disent le bonheur du retour et l'exploit des colons du Texas 46. Une romance que Naudet a consacrée au Champ d'Asile sera mise en musique par Romagnesi et ornée d'une lithographie d'Horace Vernet 47. Kuhn et Benoist mettront en musique le poème de Béraud, Le Champ d'Asile, et, à l'exemple de leurs collègues, en consacreront le produit aux réfugiés 48. Les témoignages touchants ne manqueront pas non plus, telle la lettre pathétique, probablement postiche, d'un membre de la colonie sur les malheurs de ses compagnons et le bonheur qu'ils vont retrouver par delà l'Océan 4H, ainsi que la lettre d'un collégien se plaignant de la défense du proviseur de procéder à une souscription 50. Des maisons d'édition ne se laisseront pas dépasser par les événements. Ladvocat annoncera la publication prochaine - la date prévue du 20 novembre 1818 sera reportée de plusieurs mois - en faveur des soldats-laboureurs d'une brochure sur Le Champ d'Asile. Tableau topographique de cette contrée, suivi des principaux actes déjà publiés par ses fondateurs, et d'une notice biographique sur la plupart d'entre eux, ornée d'une carte du Texas 51. L'opinion libérale réagit on ne peut mieux à l'appel. Jaya indiqué aux souscripteurs les banques d'Europe, le bureau de la Minerve et la
H
Cf. Jay, art. cit.
45 40 47 48
Cf. R. Rémond, op. cit., loc. cit.
Cf. infra, ch. X, Actualité littéraire et savante. Cf. le Champ d'Asile, M. IV (3), 19 nov. 1818. Cf. le Champ d'Asile, M. IV (5),6 déc. 1818. 4H Cf. Extrait d'une leltre d'un Français réfugié au Champ d'Asile, à sa mère, à Paris, M. III (l1), 15 oct. 1818, p. 525-526. ;;() Cf. Lettre d'un écolier du collège de Henri IV à son père, le Champ d'Asile, M. IV (10), 9 janv. 1819. 51 Cf. le Champ d'Asile, M. III (lI), 15 oct. 1818. Dans son plaidoyer en
faveur de la colonie, alors que les bruits persistent sllr la faillite de l'établissement, Etienne dit la résolution de Ladvocat de publier son Tableau et de consacrer le produit de la vente des 500 premiers exemplaires aux exilés, n° 42, M. IV (12), 23 janv. 1819; autre rappel de la publication, M. V (8), 24 mars 1819.
l6U
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maison ùe Davillier aîné pour le dépôt des dons 5~. Dès octobre 1818, la rédaction annonce que faute de place, elle doit renvoyer à la prochaine livraison la liste de ceux qui ont répondu à l'appel 53. La première liste des souscripteurs dont les sommes offertes s'élèvent à 7.000 francs 72 centimes, sera publiée le 15 octobre 54 et la vingtième liste, avec la somme de 95.018 francs 16 centimes, le 5 juillet 1819 55 • Les derniers chiffres de la souscription accusent une très faible augmentation en comparaison des chiffres précédents qui d'une liste à l'autre ont fait état de la majoration des fonds de quelque 5.000 francs. D'où la décision de la rédaction d'annoncer que la souscription sera close à partir du premier juillet 1819 56 , La campagne virulente de la presse de l'extrême-droite contre le Champ d'Asile ainsi que l'aveu forcé des rédacteurs quant à la faillite de la colonie ne seraient pas étrangers à la décision. Toutefois, le fait capital à noter ùans cette campagne de souscription qui a duré du mois d'octobre 1818 au Illois de juillet 1819, c'est l'envergure de la propagande, les vastes couches bourgeoises qu'elle atteint à Paris et en province et le résultat notable obetenu, environ 20.000 francs de la monnaie actuelle 5,. Dès la fin de décembre 1818, la rédaction doit consacrer à la souscription un supplément 58 et jusqu'à la fin de la campagne une bonne dizaine de suppléments enrichiront les cahiers du recueil. C'est la première fois dans les annales de la France qu'une souscription limitée quant à ses effets a galvanisé autour d'elle toutes les forces vives du pays. La ferveur est telle pour la cause du Champ d'Asile que les agonisants, à en croire la Minerve, pensent autant au concours temporel qu'ils doivent apporter aux colons qu'à leur salut éternel et que des banquets pour la libération du territoire se déroulent sous le signe de la souscription 50. C'est une ferveur qui n'est pas dénuée à l'occasion de Illalif.',nilé et qui fait embrasser la cause des exilés par des députés, des rédacteurs ultras et des fonctionnaires moyennant des dons postiches 60. Elle se fait autrement habile en refusant des dons que des lettres publiques
Cf. jay, art. cif. Cf. le Champ d'Asile, M. III (10), 10 oct. 1818. G4 CI. M. III (II), 15 oct. 1818. GC. Cf. M. VI (9), 5 juillet 1819. ;in Cf. M. VI (6), Il juin 1819. ,~
:;:1
'" p"lIr les vingt listes publiées avec l'indication des chiffres, cf. M. III (II et L'l, 1\1. IV (1, 3, 4, 5, 7, S, 10. 12, 13), M. V (2, 3, 5,6,8, 10), M. VI (1,6, 0), 15 ct 28 oct. 181S, 3, 19 et 28 nov., 6, 19 et 26 déc., 9, 23 et fin janvier 1819, 1·1 et 10 lév., début, 10 et 24 mars, 10 avril, Il juin et 5 juillet; y ajouter l'annonce de,; sommes recueillies sans listes des souscripteurs, M. IV (2 et 4), M. V (1, 2,4,7,9, Il, 12, 13), M. VI (2 et 4), 13 nov. 1818,30 déc., 5, 14 et 25 lév. 1819, 17 mars, 2,16,20 et fin avril, 17 et fin mai. e.H Cf. M. IV (9), 30 déc. 1818. :,9 Telle la dame Dubignan qui de son lit de mort a adressé 40 francs 'lU recueil, i\\. IV (1), 3 nov. 1818; pour la collecte lors d'un banquet, cf. M. V (2), 14 lé\'. 1810. ti(, Cf. M. IV (7 et 12), 10 déc. 1818 et 23 janv. 1819. Etienne avoue que dans certains départements on a souscrit pour des fonctionnaires, n° 42, M. IV (12).
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injurieuses accompagnent 61. Elle se fait enfin symbole en rapportant les offres de dons en nature 62. La cause des exilés et des colons du Champ d'Asile est certes belle et d'autant plus belle que la presse ultra s'acharne contre elle. Cependant, comment concilier la souscription en faveur de la colonie avec les bruits persistants sur sa dispersion, bruits que les feuilles de l'extrême-droite exploitent à outrance? C'est au tour d'Etienne de venir à la rescousse, d'assimiler la campagne de souscription à la cause du gouvernement constitutionnel et de regretter l'absence de fonctionnaires parmi les souscripteurs. A la fin de janvier 1819, Etienne veut encore ignorer la débâcle de la colonie. «Maintenant c'est une autre tactique: tous les jours on répand le bruit que le Champ d'Asile est dispersé, que les souscriptions sont fermées, qu'on rend même l'argent à bureau ouvert; mais, par bonheur, la bienfaisance ne se fatigue pas plus que la calomnie; les âmes généreuses ont aussi leur obstination 63.» Etienne prend cependant ses précautions. Paris n'a pas encore reçu de nouvelles positives, mais même en admettant l'éventualité de la dispersion ne saurait-on consacrer le produit de la souscription au rétablissement des proscrits en France? 64 En attendant le retour des soldats-laboureurs, la presse des adversaires ne désarme guère et elle attaque la Minerve sur un point sensible, l'emploi des fonds. Force est à Jay de parer les coups du Conservateur. Refaisant l'historique du Champ d'Asile et de la terreur de 1815-1816, il rappelle l'initiative généreuse de Félix Desportes que les ultras ont décriée et les parallèles qu'ils ont établis entre les émigrés de 93, pour lesquels le moindre concours avait été interdit, et les proscrits de 1815. Jay parle enfin, en dernier lieu, des fonds pour « repousser les odieuses insinuations de quelques hommes malintentionnés, qui s'amusent à inventer des calomnies et à les répandre 65 ». Rassurant les souscripteurs, il leur rappelle que les sommes reçues ont été déposées chez Davillier aîné, connu pour son patriotisme et ses idées libérales, que les correspondants de celui-ci en Amérique ont été chargés de prendre d'exactes informations sur les colons du Texas et qu'un comité, composé de respectables négociants, a été for1l1é à Charlestown soit pour s'occuper du rapatriement des militaires français, soit pour les aider à s'établir en Amérique 66. Déjà les « royalistes» constitutionnels, pour faire pièce à la contrepropagande des ultras et joindre l'exemple à la démonstration de Jay, adressent en février 1819 des dons à la Minerve 67. Mais les attaques des ultras, à en juger par la baisse de la collecte, semblent avoir ébranlé la confiance de l'opinion. Elle est inquiétante l'annonce de la rédaction qu'elle n'a pas réussi à faire parvenir à un général exilé la somme que 61 62 63 64 65 66
67
Cf. M. IV (8), 26 déc. 1818. Cf. M. IV (5), 6 déc. 1818. Etienne, n° 42 cit., p. 571. Cf. ibid. Jay, Le Champ d'Asile, M. V (2), 14 fév. 1819, p. 96. Cf. ibid. Cf. M. V (2), 14 fév. 1819.
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la ville d'Angers lui a offerte 68. Plus inquiétante encore est la faillite du libraire de la Mir/erve, Eymery, dont les pertes auraient été couvertes selon la Gazette de France par la souscription, ce qui amènera de nouveau Jay, en fin février 18J9, à tenter de redonner confiance au public Iibéral 6u • Depuis février jusqu'au début de juin ce sera de nouveau le silence, mais sous la pression de la campagne des ultras, Jay sera obligé de reprendre la plume pour dire son indignation contre les calomnies haineuses, répéter J'histoire des militaires français qui avaient fait partie de l'armée de la Loire et qui se sont établis, dirigés par les généraux Clauzel et Lefèvre-Desnouettes, sur les bords de la Mobile et dans le Texas, sous le haut commandement de Lallemand. Le Champ d'Asile aurait pu favoriser les intérêts commerciaux et industriels de la France, mais il a échoué faute de fonds et de bons rapports avec les Etats voisins. Les sommes déposées chez Davillier portent intérêt. Sur le conseil du général Lallemand qu'on a consulté, l'argent sera placé dans une banque et l'on n'en disposera que sur les ordres de trois personnes au moins au choix desquelles le général est prêt à concourir. Les rédacteurs ont d'ailleurs consulté Etréhan, riche propriétaire de la Louisiane, de passage à Paris, et Barnett, consul général des Etats-Unis à Paris, et sur leur suggestion, ils ont demandé un projet précis à cet effet au général Lallemand 70. De nouveau, Jay laissera passer six mois avant de répondre aux bruits fâcheux sur l'emploi des fonds de la souscription. Les responsables de la souscription n'ont pas estimé pouvoir allouer les fonds à une autre colonie que le Champ d'Asile ni venir en aide aux généraux Brayer et Freycinet. Avec Etréhan, ils ont arrêté que Villeré, gouverneur de l'état de la Louisiane, nommerait un comité de cinq personnes, choisies parmi les citoyens de la Nouvelle-Orléans, auxquelles s'ajoindra Etréhan. Paul Pontz, négociant il la Nouvelle-Orléans, paiera sur présentation des mandats du comité les réfugiés restés au Texas ct Augustin' Bousquet et compagnie, négociants à Philadelphie, acquitteront les mandats que leur présenteront les réfugiés établis dans les provinces du nord et du sud des Etats-Unis. Davillier aîné aurait fait passer à ces deux maisons l'équivalent de quelque 80.000 francs, sans compter le secours accordé à des réfugiés du Texas revenus en France et à quatre militaires polonais 71. Etréhan, Paul Pontz, Augustin Bousquet ont-ils existé? Les quittances que la Minerve a promis d'exposer chez Davillier aîné ontliS
Cf. 1\1. V (3), 19 fév. 1819. Il s'agit de la somme de 439 francs 75 cen-
times,
7"
Cf. Le Champ d'Asile, M. V (4), 25 fév. 1819. Cf. Jal', Souscription pour Ics réfugiés français en Amérique, M. VI (6),
II juin 1819. 71 Cf. Jay, Souscription pour le Champ d'Asile, M. VIII (7), 20 déc. 1819. Lacretelle confirme les assertions de Jay relativement aux réfugiés revenus en France, dans une lettre adressée au Journal des Débats portant sur lin réfugié liu Texas qu'on a arrêté pour des propos subversifs, Copie d'une lettre adressée aux auteurs du Journal des Débats, M, IX (3), 21 fév. 1820.
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elles jamais été vérifiées? Que sont devenues les sommes que, selon jay, Davillier aurait transmises à Paul Pontz et à Augustin Bousquet? On reste devant une énigme que les assurances tardives de jay sont loin de résoudre. Parisot, dans la Biographie Michaud, insistera sur les explications embrouillées des rédacteurs et sur la probabilité qu'une partie des fonds a alimenté des conspirations contre le régime. «Mais tout ne passa point là; et diverses indiscrétions ont mis sur la voie en nous montrant telle déconfiture prévenue, ou masquée, ou ajournée, telle perte de jeu réparée, telle dette honteuse soldée au moyen des candides imitateurs de Félix Desportes 72. » La malveillance à l'endroit de Benj amin Constant est transparente, sans que l'auteur de l'article ait fourni ses preuves. Ce qui paraît certain, c'est que la campagne de souscription nationale a été quelque peu ternie p.ar les vives attaques de la presse d'extrême-droite, sommant les rédacteurs de s'expliquer sur l'emploi des fonds. Des échos de cette campagne virulente se prolongeront encore dans les colonnes du Courrier Français, auprès duquel bon nombre de rédacteurs de la Minerve ont trouvé refuge. C'est ainsi que la rédaction du Courrier affirme, à la date du 10 août 1820, que les sommes adressées à Paul Pontz [?] ont été réparties selon les dispositions arrêtées par la Minerve, parmi 74 réfugiés, fait dont l'Ami des Lois, journal de la Nouvelle-Orléans, porte témoignage le 5 juin 72 bl •• Toutefois, il n'en reste pas moins vrai que l'appel en faveur des proscri'ts a pris des dimensions et provoqué des échos rarement atteints sous la Restauration par des initiatives semblables. La propagande et la contre-propagande ont eu le privilège d'exercer leur virtuosité sur le dos des colons du Champ d'Asile.
* ** La machine de guerre que les libéraux ont forgée pour combattre les ultras et pour infléchir le pouvoir dans le sens bourgeois de la liberté est impressionnante. Tactique et stratégie sont intimement mêlées pour inculquer aux lecteurs les vérités à long terme et adapter celles-ci aux besoins circonstanciés. La propagande est d'autant plus valable qu'elle dégage une idéologie aux contours intemporels. jouy excelle dans ce jeu de transpositions. Reprenant les tableaux de mœurs qu'il a tracés dans l'Hermite de la Chaussée d'Antin, le Franc-Parleur et l'Hermite de la Guiane, il se fera le peintre, dans le Mercure et la Minerve, des classes sociales de la province. Il est vrai qu'il ne parcourra pas toutes les provinces de la France. C'est un itinéraire qui, partant de Bordeaux 73 et 72 Article Lallemand, vol. XXII, 72 0 ' . Cf. le Courrier français, n°
p. 622, en note.
417, 10 août 1820, p. 3, Avis aux souscrip-
teurs. En faveur des Français réfugiés au Champ d'Asile. 73 Cf. Miroir des mœurs. L'ermite en province. Bordeaux, M.d.F. I, 11 janv. 1817; Un dîner à Bordeaux, ibid., 25 janv. ; Les hommes d'aulrefois et les choses . d'à-présent, ibid., 8 fév.
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1ô·!
des Landes H, évoluera vers Bayonne 75 et de là, à travers le Pays Basque 76 et le Béarn 77, avec un moment d'arrêt dans les stations thermales 78 et les Pyrénées 79, remontera vers Agen 80, éclairera par des correspondants empressés Cahors 81 et Sarlat M2 et redescendra par Montauban 83 vers Toulouse 84, Carcassonne 86, Narbonne et Béziers 86, Une nouvelle série de périples enverra l'ermite casanier de la Chaussée d'Antin, vers Albi et Rodez 87, Villefranche de Rouergue 88, Millau, Lodève, Clermont-l'Hérault, Pézenas et Sète 89, pour aboutir à Montpellier 90,
,-1 Cf. Le Solitaire des landes, ibid., 22 fév. 1817; La Thébaïde française, ibid. 8 mars; Correspondance, corrigeant une erreur de l'Ermite au sujet des Landes, M.d.F. Il, 12 avril. 7'. Cf. Praescripfum. Bayonne, M.d.F. l, 15 mars 1817; Les Basses-Pyrénées. Bayunne, ibid., 29 mars. 71) Cf. Les Basques, M.d.F. Il, 5 avril 1817; La Chambre d'amour, ibid., 19 aail ; 3 et 17 mai; Mes adieux aux Basques, 31 mai. " Cf. Les Béarnais, M.d.F. Il, l.t juin 1817 ; Le berceau d'Henri IV, 28 juin d 12 juillet; Fleurette, amour de jeunesse d'Henri IV, M.d.F. IV, le, nov. " Cf. Les eaux thermales, M.d.F. III, 26 juillet 1817; Hydrologie morale, '1 aoÎlt ; Courses dans les Pyrénées, 23 août, descriptions qui présentent toute ulle ~érie de portraits. ;\1 Cf. Courses dans les Pyrénées, ibid. ; Le bonhomme Leger, Despourins el .II. LoustG!zau. fi sept. 1817. '" Cf. M.d.F. IV, 20 sept. 1817; Mœurs agénoises, M.d.F. IV, 4 oct. ; correspondance ail sujet du lieu de naissance du cardinal d'Ossat, ibid., Postscriptum ; L' ermitage et la pierre de Moncrabeau, 18 oct. ; Le voiturin et développement sur Villeneuve-sur-Lot, 13 déc . ."1
Cf. Post-scriptum. l\\.t1.F. IV, 4 ct 18 oct. 1817.
Cf. ViIl('franche, correspondance, M. Il (1), 6 mai 1818. ':: Cf. fIIon/auban, J\\.d.F. IV, 15 nov. 1817; Eloge et censure, 29 nov. ; Le l'oi/urin, galerie de portraits, 13 déc. ; correspondance, M. 1 (1), début fév. 1818. HI Cf. La Dînée, galerie de portraits et description de Toulouse, M.d.F. IV, 27 déc. 1817; La cité palladienne, M. 1 (1), début fév. 1818; Clémence Isaure el ses plus célNJTl's compatriotes. M. 1 (3), 22 fév. '.', Ci. Carcassonnc ct ses environs, M. 1 (5), 7 mars 1818. 'ti Ci. Narbonne et Béziers, M. 1 (7), 21 mars 1818; correspondance pour enric'hir le bil;JlI des cél0brités narbonnaises, M. Il (1),6 mai. " Ci. Courses dans le département d'Aveyron, M. 1 (10), 12 avril 1818; AIIJi et Rlzodcz. M. 1 (12), 23 avril; correspondance pour corriger l'Ermite qui a fait naître Mme Dacier à Castres, M. Il (1), 6 mai. ,~ Cf. Vil/efrane/ze, M. Il (1), 6 mai 1818; L'Empirique, le gouverneur sans brel'r/, le suppliant. portraits, M. Il (3), 20 mai. ". Cf. L'empirique [etc.], ibid. ; De Miltrau [sic] à Lodève, M. Il (5), début juill 181 S ; Pézenas, M. Il (6), 10 juin; La roulante, M. Il (7), début juillet; lettre du général Rey, corrigeant des erreurs publiées dans M. Il (5), Correspondance, M. Il (8), 23 juîn ; correspondance au sujet de Jacques Saurin, M. IV (9), :JO déc. 110 Ci. Montpel/ier, M. Il (Il), 15 juillet 1817; La ville et les citoyens, M.1l (13), fin juillet; Mon/pellier illustré, M. III (2), 15 août; Constance de Balbe, M. 1i i (5), 8 sept. ,C
PROPAGANDE ET FAITS DIVERS Nîmes et Beaucaire 91, Alais et Avignon vence 94 et finalement Marseille 95.
92,
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Carpentras 93, Aix-en-Pro-
Que Jouy pour raconter ces pérégrinations imaginaires ait signé «l'Ermite de la Guyane» 96 n'a rien d'étonnant; il avait, tout jeune, servi au régiment et dans la région américaine portant ce nom. Il est bon aussi de se rappeler après la Terreur Blanche la continuité qui relie les bannis de 1815 aux proscrits de la Révolution et de Fructidor. Le libéralisme fait de la sorte sienne la cause des victimes. Dans le même ordre d'idées, on peut facilement concevoir l'itinéraire de l'Ermite, décidé à briser le mythe d'une France ultra, ayant Bordeaux pour forteresse, et illustrer les forfaits de celle-ci par les ravages commis dans les villes et les villages protestants. Bien entendu, les lendemains de la dissolution de la Chambre Introuvable commandent une attitude modérée et dictent à Jouy des précautions qui sont de rigueur sous l'occupation. C'est discrètement qu'un correspondant de l'Ermite, évoquant Cahors et ses hommes célèbres, rappellera le massacre de Ramel à Toulouse 97. Le plus pressant pour le moment est de donner une image de la France qui confirme l'optique industrialiste du libéralisme et qui identifie la bourgeoisie avec les forces vives du pays. C'est un souci que la masse des articles publiés par l'Ermite polygraphe traduit implicitement et constamment dans le Mercure et la Minerve. Agriculture, industrie et commerce déroulent les réalisations de la bourgeoisie à chaque étape importante du voyageur. C'est avec un luxe de détails que l'Ermite cite les noms de tous ceux qui concourent à l'essor économique du pays, n'oubliant pas, position libérale avouée, de marquer la contribution juive à Bordeaux, à Bayonne, à Avignon et ailleurs en France, insistant sur les aménagements et les réformes nécessaires, formulant des voeux pour une collaboration plus intelligente et plus généreuse du pouvoir. La province se confirme par là dans sa réalité complexe et dans sa force vitale. La France n'est pas ce qu'une administration de plus en plus concentrée à Paris tend à figurer. Elle n'est pas ultra et elle n'est pas le pouvoir. Les prolongements industriels, intellectuels, savants et artistiques de la province à Paris, accentuent les richesses et 91 Cf. Aron arrivée à Nîmes, M. III (7), 20 sept. 1818; Souvenirs ri esp[rances, M. III (9), 3 oct. ; Mœurs nîmoises, M. III (12),21 oct. ; Galerie ancienne et modeme, M. IV (2), 13 nov. 1818; Le canal de Beaucaire, M. VI (4), fin mai 1819. 92 Cf. EXCl/rsion à Alais, arrivée à Avignon, M. IV (6),13 déc. 1818; Avignon, M. IV (8), 26 déc. Mort du maréclzal Brune, M. IV (12), 23 janv. 1819; La Fontaine de Vaucluse et les deux amans aveugles, M. V (3), 19 fév. 93 Cf. Carpentras, M. V (5), début mars 1819. 94 Cf. Séjour à Aix, M. VI (8), 27 juin 1819; Mœurs et personnages, 18 juillet. 95 Cf. Marseille, M. VII (2), 15 août 1819; Mœurs, commerce, esprit public,
M. VII (4), fin août. Correspondance ajoutant les noms d'écrivains et de savants natifs de Marseille ou y ayant vécu, M. VII (7), 19 sept. 96 La graphie de la Guyane varie souvent sous la plume de Jouy et comporte longtemps deux n. 97 Cf, Post-scriptum cit., correspondance, M.d.f. IV, 4 oct. 1817.
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L'ECOLE LIBERALE SOUS LA RESTAURATION
les ressources de la France et illustrent la thèse libérale quant au rôle vivifiant des départements et la nécessité de leur accorder plus d'autonomie. L'industrialisme comprend toute la gamme de l'activité humaine. Jouy en dresse une véritable nomenclature qui classe les célébrités, voire les médiocrités contemporaines selon leur lieux de naissance. Liste fastidieuse, certes, qui s'ajoute à l'inventaire économique de la France, présentant ainsi un vaste éventail des réalisations bourgeoises. Pas de rupture avec le proche passé du pays. Les gloires militaires de la Révolution et de l'Empire, les gloires politiques et administratives aussi, même les nababs français de l'Inde, avec ceux qui sont versés dans la connaissance culturelle de l'Extrême-Orient, figurent dans ce tableau récapitulatif des énergies productrices et créatrices du pays. Il s'agit autant d'une « nationalisation» que d'une réhabilitation des notabilités de l'Empire et davantage de l'identification de la cause de la France avec celle du libéralisme. Le caractère militant de ces tableaux de mœurs, tradition promue à une vogue notable au dix-huitième siècle et qui connaîtra grâce à Jouy, à ses contemporains et à ses successeurs un essor considérable, se manifeste surtout après la libération du territoire, dans les développements que l'Ermite accorde aux méfaits de la Terreur Blanche. A partir de 1818, ce sont de véritables itinéraires protestants qui se déroulent sous la plume facile de Jouy. Déjà Cahors et Montauban, Toulouse et Carcassonne projettent les souvenirs sanglants de la réaction nobiliaire et cléricale. A leur suite, Narbonne, Béziers, les villes et les villages du département de l'Aveyron, Villefranche de Rouergue, Millau, Lodève, Clermont l'Hérault, Pézenas, Montpellier et ses environs, Nîmes et les localités qui l'entourent, Alais, Avignon, Carpentras, Aix-en-Provence et Marseille, tous figurent à des degrés variés l'intensité ou la modération de la réaction nobiliaire. Rien d'étonnant à ce que l'Ermite souligne les crimes commis à Nîmes, à Avignon et à Marseille à la suite des révélations faites par des députés et des publicistes. Il rejoint Benjamin Constant pour prodiguer des conseils susceptibles d'assurer l'ordre dans le département du Gard, dans le Languedoc et en Provence, et faire oublier un passé par trop lugubre us. La réconciliation ne va pas jusqu'à renoncer à l'action nécessaire de la Justice à l'endroit des assassins encore libres. Si Jouy abonde en détails sur l'assassinat crapuleux du maréchal Brune à Avignon, c'est pour renforcer les réclamations libérales contre l'impunité dont jouissent Trestaillon et ses complices, auteurs du meurtre, et pour donner du poids à la requête de la maréchale Brune que l'avocat Dupin rédigera bientôt, reproduisant les méfaits graves cités à la Chambre par de Serre et demandant au Roi que justice soit faite DD. !)8 Cf. B. Constant, Seconde lettre de Benjamin Constant à M. Charlel DI/rand, avocat, en réponse aux questions contenl/es dans la troisième parti! de l'ol/vrage intitulé: Marseille, Nîmes et ses environs en 1815, M. 111 (4), fir août 1818. 9U Cf. Requête de la maréchale Brune au Roi, M. V (13), fin avril 1818.
PROPAGANDE ET FAITS DIVERS
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Il a partie liée avec les forces vives de la France le protestantisme que la réaction a persécuté. Un catholique peu croyant comme Jouy s'empresse, à l'exemple de Benjamin Constant, d'associer la cause de la Réforme avec celle du libéralisme. L'identification se fait par le concours précieux des commerçants, des intellectuels, des hommes d'Etat et publicistes protestants à la cause commune de la bourgeoisie industrialiste. Elle se fait autant sinon davantage par les guerres de religion, les tueries, les dragonnades et les proscriptions qui ont été le lot des réformés depuis le seizième siècle, sauf durant le passage au pouvoir d'Henri IV que Jouy glorifie en décrivant le Béarn. L'œuvre obscurantiste des missions retrouve ses origines dans les persécutions des protestants, les forfaits de l'Inquisition et les massacres des Albigeois, crime sur lequel Jouy insistera et au sujet duquel il se moquera des négations de Puymaurin 100. Le caractère néfaste de la religion temporelle se double enfin des visées ultramontaines et des tendances séparatistes que l'histoire d'Avignon et de tout le Comtat Venaissin permet de mettre en relief. Non que tout dans l'Eglise mérite condamnation. Au cours de ses périples imaginaires, l'Ermite se fera un devoir de tracer les portraits des curés, des abbés et des évêques qui soit dans le présent, soit dans le passé ont enrichi les rangs des bienfaiteurs et des savants éclairés du pays, notamment au cours du dix-huitième siècle. C'est son rôle de guide touristique à travers les paysages et les pages d'histoire des provinces qui permet à Jouy d'enrichir le bilan bourgeois du pays par l'évocation sommaire des notabilités philosophiques, littéraires, artistiques et savantes de chaque département. Le passé rejoint ainsi le présent pour il!ustrer une France autre que celle décrite par les partisans de l'ancien ordre de choses. La place que Jouy réserve entre autres à Montaigne, à La Boetie, à Montesquieu et à Fénelon peut donner une idée du zèle qu'il déploie pour affilier la noblesse éclairée ou la haute bourgeoisie à une cause devenue nationale. Ce sont les académies, les œuvres littéraires et savantes de Bordeaux, de Toulouse, de Carpentras, de Montpellier, d'Aix-enProvence et de Marseille qui donnent la mesure d'un procédé tendancieux, avec ici et là des notes moins graves, montrant Molière à Pézenas et Racine à Uzès. Non que l'œuvre de propagande soit toujours et partout manifeste. L'habileté consiste dans un dosage savant des éléments d'information et des enseignements partisans. L'Ermite se fait tour à tour et à la fois guide, journaliste, historien et apôtre. L'actualité s'insère dans une masse cie documentation descriptive, narrative, évocatrice ou simplement amusante. C'est la rencontre avec des originaux du «vieux bon temps» ou avec des parvenus qui sert de point de départ à une confrontation avec les adeptes éloquents de la constitutionnalité. Solitaires, ermitesconfrères, militaires, étudiants, société bigarée viennent tous à la rescousse de Jouy dans des hôtels, lors des voyages et des dîners ou au-
fir 100
Cf. M. IV (8), 26 déc. 1818 et Post-scriptum, M. IV (12), 23 janv. 1819,
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L'ÉCOLE LIBÉRALE SOUS LA RESTAURATION
tour des stations thermales pour évoquer l'histoire de la Révolution et de l'Empire, celle de la Terreur et pour faire le point des forces adverses en présence. Les allusions aux campagnes électorales, au procès d'Albi et de Rodez, à celui de Wilfrid Regnault, à ('affaire de Stanhope' et aux souscriptions libérales s'intercalent dans la description des monuments, des sites et des routes. Les propos sur les cercles politiques, où la part faite aux constitutionnels est la plus belle, s'ajoutent à l'analyse détaillée des ressources économiques et du rayonnement intellectuel; des touches légères dessinent des portraits ridicules. Des lieux C:)iIllllanS font défiler commodément des portraits-clichés, offrant le contraste de la vertu et du vice, du modernisme et de la régression, recrutant ici et là, surtout dans les stations thermales, des Anglais excentriques 101, des grandeurs espagnoles et russes, coiffées par des galants et galantes fraîchement débarqués de Paris et surmontant l'ennui du traitement hydrominéral par des entretiens insipides ou des fadaises romancées. Le tourisme est fait à la mesure des contemporains: la ;.;astrol1omie le dispute à la mode et le charme des grisettes à l'élégance des dames bien pensantes. Les historiettes abondent, ne seraitce que pour confirmer la verdeur de l'âge déclinant de l'Ermite. Amours entre protestants et catholiques, amours basquais, la vie galante d'Henri IV, intrigues amoureuses dans les villes d'eaux, passion néfaste d'un couple d'aveugles, évocation des troubadours, de Clémence Isaure et des Jeux Floraux, de l'enlèvement de Constance de Balbe par Dom Juan ajoutent ou sont censés ajouter une note gaie aux développements socio-politico-historiques de l'Ermite en diligence. Il ne faudrait pas, certes, exagérer la part d'originalité qui revient il Jouy dans l'analyse de la structure économique et sociale de la France au premier tiers du dix-neuvième siècle. L'Ermite indique ici et là les Descriptions et les Tableaux statistiques qu'il a sans doute cunsultés sinon pillés lf)". Des correspondants à point nommé, une polémique animée avec la presse de la droite, un ermite russe et les répercussions à Pétersbourg des publications antérieures de Jouy 103 renforcent l'apparence d'un succès somme toute réel. Les fades portraits semés un peu partout ont facilement contenté les appétits modestes des cuntemporains, aiguisés par les gauloiseries traditionnelles, charmés par des jeux de mots vulgaires, et attirés par la chronique théâtrale sommaire de la province. Des aspirations plus sérieuses ont trouvé leur nourriture dans la reconstitution des origines romaines et gauloises des villes
101
Sur l'anglophobie de Jouy et
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rôle dans l'élaboration du mythe anglais,
d. P. Reboul, Le m},the anglais dans la littérature française sous la Restauration, op. cit. lU~ Entre autres, Jouy cite, Lafond de Cujula, Description statistique du Département de Lot-et-Garonne, Boulinière, Annuaire des Hautes-Pyrénée.~,
Tarbes, 1807. 103 Cf. L'Ermite de la Russie à celui de la Gu)'anne, défendant la condition sociale de la femme russe, M.d.F. JI, 26 avril 1817; Post-scriptum des Courses dans les Pyrénées, M.d.F. Ill, 23 août, rappelant l'interdiction en Russie du 5' vol. de l'Ermite de la Chaussée d'Antin.
PROPAGANDE ET FAITS DIVERS
169
et des monuments. Le besoin d'exotisme a pu tirer son aliment de la description réaliste des Landes et romanesque des Pyrénées ou des caractéristiques générales des Gascons et particulières des Basques, des Béarnais, des Bohémiens et de bien d'autres. Danses, jeux, saveur des patois, originalité de la langue basquaise, mœurs raffinées et primitives, douceur pyrénéenne et roideur alpine, décrites dans le meilleur style rousseauiste, ressuscitent tout un monde attrayant qui a le privilège de l'étrangeté malgré les clichés et dont le prestige est rehaussé par l'abondance d'épigraphes latines et françaises. Ainsi, délayée et savamment entourée par des amplifications ct des rabâchages, où une fausse bonhomie le dispute à une profondeur trompeuse, les procédés de propagande de l'Ermite se révèlent puissants au niveau du lecteur. Les abonnés-électeurs sont flattés dans leurs intérêts, leurs goûts et leurs préventions. Sous la plume féconde de Jouy, les grandes vérités libérales acquièrent une force d'évidence. L'optique élevée du libéralisme individualiste se fait monnaie courante. Un Homais noble est déjà esquissé.
•
** La chronique ne porte pas nécessairement la marque du libéralisme. /1 n'y a pas a priori de chronique toute de gauche ou toute de droite. Cependant, les faits divers ne laissent pas d'offrir ici et là leur témoignage à celui qui sait les lire. On a beau noter et enregistrer les menus faits sans toujours les commenter, il leur arrive parfOis de rejoindre d'une manière anodine les vérités premières. Non que la chronique joue dans les recueils un rôle d'envergure. Les cahiers hebdomadaires du Mercure et de la Minerve se doivent de limiter la part réservée à la petite histoire. De tous les faits et méfaits, ce sont les infractions, légères ou sérieuses, et surtout les crimes qui captent l'attention du public austère. Les lecteurs semblent mal résister à l'attrait des résonances aussi morales que fétides des crimes. Le sens de la justice est intimement mêlé chez le lecteur bourgeois aux vertus toniques de la propriété. Le lecteur ne sourciIle pas devant la condamnation à huit ans de prison, au carcan et à la flétrissure d'un escroc 104, à la peine capitale d'un bandit 105 et d'un faux-mnnnayeur. Tout au plus saura-t-il gré à la cour de justice d'avoir épargné à la femme de ce dernier l'obligation d'assister à la lecture du verdict. Que la victime ait préféré le suicide à l'exécution capitale ne semble pas avoir ému les abonnés 106. L'ordre bourgeois est aussi aise d'enregistrer l'arrestation d'un malfaiteur qui s'est attaqué à un agent de change au Palais-Royal 107 que celle d'un Tartuffe lyonnais qui a accaparé la fortune d'une famille crédule 108. Aucun signe de révolte contre 104 105 106 107 108
Cf. Cf. Cf. Cf. Cf.
Bénaben, Bénaben, Bénaben, Bénaben, Bénaben,
M.d.F. Il, 24 mai 1817. ibid., 7 juin 1817. ibid. et 14 juin 1817. M.d.F. III, 19 juillet 1817. M.d.F. II, 31 mai 1817.
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L'ÉCOLE LIBÉRALE SOUS LA RESTAURATION
la condamnation de deux compères à 15 ans de travaux forcés et à l'emprisonnement à vie pour avoir volé la caisse d'un régiment du train d'artillerie de la garde royale 109 ni contre la mesure livrant pour vol un enfant de 15 ans à une détention de 20 ans 110. II Y a des reniements de l'ordre que la bourgeoisie pardonne mal à ceux qui sont préposés à sa sauvegarde. II est juste que l'exécuteur des hautes œuvres à Versailles soit condamné pour vol et révoqué. L'empressement de plus de 400 candidats à demander le poste vacant peut, tout au plus, nous étonner 111. Aussi louable est le verdict condamnant un commissaire de police et ses adjoints pour faux et vol 112. C'est trahir l'ordre bourgeois que d'incendier un village pour avoir mal vendu ses allumettes 113, de prêter à un taux illicite 114 et d'entretenir les loteries clandestines 115. Le sens pratique de l'ordre bourgeois n'entame guère le code d'honneur chevaleresque. Ils sont bien sensibles, les bourgeois, à la justice de la mesure condamnant six mariniers à 10 francs d'amende pour avoir manqué de porter secours à un matelot noyé 116 ainsi qu'à l'arrestation d'un personnageescroc fabuleux, le comte de Pontis 117. Dans les eaux troubles de la Restauration, la tentative d'assassinat sur la personne du colonel Dufay peut donner lieu à toutes sortes de conjectures 118. Mais il y a unanimité pour condamner avec les tribunaux les assassinats des femmes par leurs maris 119, des filles par leurs séducteurs 120, d'une femme espagnole riche par son épouseur - un chevalier d'industrie français 121 - et des maris 122, des frères 123 et des enfants 124 par des épouses, des mères et des parents dénaturés. Le lecteur peut parfois donner libre cours à son imagination en apprenant l'assassinat par un chapelier de Mâcon du mari de sa maîtresse 125 ou la découverte dans un sac du corps d'une femme démembrée 126. II lui arrive aussi de se pencher avec angoisse sur le sort du pourvoi en appel d'un père malheureux, condamné à mort pour avoir tué le séducteur de
1"9 Un troisième coupable, saisi de remords, s'est tué, laissant à la police sa part de hutin et des indications utiles, Bénaben, M.d F. IV, Il nct. 1817. 110 Cf. Bénaben, ibid., 13 déc. 1817. 111 Cf. Bénahen, M.d.F. III, 2 août 1817. 112 Cf. Bénahen, M.d.F. IV, 13 déc. 1817. 113 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 31 mai 1817. 114 Cf. Bénahen, M.d.F. IV, Il oct. 1817. Il;' Cf. Bénaben, ibid., 20 déc. 1817. lit; Cf. Pagès, Petit Billie/in, M. Il (5), début juin 1818. 117 Cf. Etienne, n° 1-1, M. Il (fi), 10 juin 1818. I l ' Cf. Etienne, n" 24, Pos/-criptlll/l, M. III (5), 8 sept. 1818. Il!J Cf. Bénaben, M.d.f. Il, 17 mai 1817. 120 Cf. Bénaben, ibid., 31 mai. 121 Cf. Bénahen, M.d.F. IV, 6 déc. 1817. 122 Cf. Pagès, M. Il (7), 15 juin 1818. 12:\ Cf. Bénabcn, M.d.F. III, 1fi août 1817. 124 Cf. Bénahen, i!dd. et M.d.F. IV, 13 déc. 1817. 12;, Cf. Iknahen, M.d.F. III, 19 juillet 1817. 1211 Cf. Bénaben, ibid., 15 nov. 1817. La découverte du squelette d'une jeune icmme de vingt ans et dont la mort remonterait à un demi-siècle a pu exercer I"activité de bien des imaginations, M.d.F. IV, Il oct.
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sa fille 1~7 ou de rire aux éclats devant le courage d'une brave couturiére qui a battu son séducteur de sellier, la garde et le commissaire 12~. Avec Pagés, il verra dans ces crimes, dans les infanticides et les suicides un signe inquiétant du temps, quelque peu compensés par la certitude que des forfaits pareils avaient été commis jadis et par la prescience des crimes probables de l'avenir 129. Aux méfaits des hommes, s'ajoutent ceux de la nature. La misère de l'occupation en 1817 est redoublée par les dévastations des orages, des inondations, des coups de tonnerre et de la sécheresse 130, par des bandes de loups désolant l'Arriège et l'Vonne 131 ou le naufrage des passagers du Pégase 132 et la mort subite d'un promeneur au PalaisRoyal 133. Déjà, elle est de mauvais augure la statistique qui, au début de 1818, indique pour les douze municipalités de Paris, au cours de l'année 1817, 21.382 décès pour une population de 726.988 habitants. Le libéralisme peut du moins expliquer partiellement cette inquiétante mortalité par la résistance de la population à se faire vacciner 134 comme il attribue l'ignorance du siècle au refus de propager l'enseignement mutuel. Ces tableaux statistiques ne laissent pas de semer la panique en indiquant pour l'année étudiée 335 suicides, autrement dit plus de six par semaine dans la capitale, à moins qu'on ne cherche à imputer cette «épidemie spleenique », selon les bonnes recettes voltairiennes, à l'influence de la Tamise sur la Seine 13:). La statistique a cependant des avantages indéniables. Elle est en mesure de signaler les progrès de la chirurgie française, enregistrant pour quinze à dix-huit mille opérations dans les hôpitaux vingt-huit morts seulement 136. Heureusement pour les lecteurs, cette vallée de misère est éclairée ici et là par des actes de générosité et de courage; les habitants miséreux d'un coin de la côte du Pas-de-Calais ont tranquillement aidé au déchargement du blé d'un bâtiment naufragé 137 ; un vieillard de Lons-IeSaulnier, bien que ne sachant pas nager, a sauvé trois enfants de la noyade 1:1~ ; un capitaine a fait preuve sur un bâtiment en feu de courage Cf. Bénaben, ibid., 4 oct. 1817. Cf. Bénaben, ibid., Il oct. 1817. Cf. Pagès, art. cit. Tentative de suicide d'une jeune fille contrariée dans son amour, Bénaben, M.d.F. III, 19 juillet 1817. 130 Cf. Bénaben, ibid., 6 et 20 sept., M.d.F. IV, 4 oct. 1817. La misère se révèle également par la générosité du pacha d'Egypte, distribuant du riz aux pauvres de Marseille, M.d.F. III, 5 juillet. 131 Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 2 août 1817. 132 Cf. Bénaben, M.d.F. II, 28 juin 1817. 133 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 4 oct. 1817. 134 Troi" enfants parisiens furent enlevés par la petite vérole à cause de l'opposition du curé de la famille à la vaccination, Pagès, Petit bulletin, M. Il (5), début juin 1818. 133 Le suicide du général Veaux consterne Dijon, Bénaben, M.d.F. IV, 18 oct. 1817. 136 Cf. pour les Tableaux statistiques, Etienne, n° 5, M. 1 (7), 21 mars 1817. 137 Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 5 juillet 1!l17. 138 Cf. Bénaben, M.d.F. Il,26 juillet 1817. 1~7 128 129
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et de présence d'esprit en jetant à la mer un baril de poudre 139 ; mais le plus curieux, sinon le plus touchant, a été sans doute l'empressement de la population de Valenciennes à demander la grâce des cinq soldats britanniques condamnés pour vol à la peine capitale par le duc de Wellington; l'intervention des vaincus en sauvera trois. La condamna~ tion a presque coûté la vie à un Français qui s'était proposé pour bourreau et qu'on a à grand-peine sauvé du lynchage H0. Les méfaits des humains et des éléments sont aussi éclairés par des notes amusantes. La magnanimité des habitants de Valenciennes n'est pas toujours partagée par tous leurs compatriotes à l'endroit de la perfide Albion. Lord Eskine dont la voiture aurait été coincée par celle d'un roturier et qui aurait menacé celui-ci du fouet se serait vu fouetté, lui comme ses chevaux, par un boulanger patriotique 141. Un officier français, voyageant avec un officier anglais de Dunkerque à Lille, a su opposer au rappel de Waterloo celui d'Hondschoote 142. Cette image peu sympathique de l'Anglais n'est certes pas rehaussée par l'achat de terrain qu'un Britannique aurait effectué pour exhumer les ossements français du sol où la bataille d'Azincourt eut lieu 143. Elle prête même au rire lorsque la cour de Douai, cassant le jugement du tribunal de Boulogne, arbitre d'un litige financier entre deux sujets britanniques, a renvoyé leur différend devant les instances de la mère-patrie 144. Il faut pourtant rendre justice aux rédacteurs qui savent distinguer entre les gouvernements et lcurs nations et rappeler à l'ordre les jeunes Parisiens qui se sont moqués d'un couple anglais 145. Point n'est besoin d'un tel rappel pour susciter la satisfaction des lecteurs à la nouvelle de la blessure d'un jeune ultra à Bordeaux qui a grossièrement provoqué lors d'un mariage le fils du consul américain U6. Les procès ne manquent pas à l'occasion pour provoquer le rire. C'cst sans doute Ic cas pour un maître en corruption qui a vu le jury disculper sa servante de l'accusation de vol qu'il a portée contre elle 147. C'est aussi le cas d'un docteur Gilles qui a eu gain de cause contre les collatéraux qui ont réclamé l'héritage de sa femme, ancienne l1Ialade du médecin perspicace H8. C'est encore le cas d'ull certain Selves, qui, Chicaneau moderne, se multiplie en procès et en plaidoiries 149, de l'auteur des Calamités judiciaires, véritable fléau pour les juges, comme du plaidoyer de la célèbre actrice Mlle Bourgoin contre un marchand qui
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Bénaben, ibid .. 16 août 1817. Bénaben, ibid. Bénaben, M.d.P. Ill, 2:~ aoÎlt 1817. SS., M.d.F. IV, 1" nov. 1817. Etienne, n° 9, M. 1 (12),23 avril 1818. Bénaben, M.d.F. IV, Il oct. 1817. DUl1loulin, M. VII (13), fin oct. 1819. DUl1loulin, Correspondance des départemens, M. VIII (1),7 août 1819. Ménaben, M.d.F. Il, 28 juin 1817. Bénaben, M.d.F. 111, 5 juillet 1817. Bénaben, ibid., 16 août et M.d.F. IV, 22 nov. 1817.
PROPAGANDE ET FAITS DIVERS
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a refusé de reprendre un châle vendu sous condition 150 ou du procès que la duchesse de Feltre serait sur le point d'intenter à Beaupoil de SaintAulaire, auteur de l'oraison funèbre de feu M. le Duc 151. Le rire et la sensiblerie se joignent dans l'histoire insipide de Bénaben, illustrant par la révolte d'un singe apprivoisé le sens de la justice inhérent à tous les êtres 152. Si l'austère bourgeoise s'accorde mal avec les caricatures que ses adversaires dirigent contre la garde nationale 153, elle aime voir bafouer des religieuses qui, à l'exemple de Mme de Krüdener, prophétisent des malheurs, un voyant qui chante les cantiques de David 154, des sorciers qui jettent des sorts 155 ainsi qu'un certain Martin Michel qui, dans le duché de Bade, guérit par l'imposition des mains 156 ou des charlatans qui font des dupes sur les places publiques 157. Les recueils se doivent d'enregistrer les fêtes commémoratives de la Restauration, telle la célébration joyeuse à Paris du. 8 juillet, date du retour de Louis XVIII de Gand, ou la messe commémorative pour MarieAntoinette 158, mais ils marquent leurs distances quant aux réjouissances de la Saint-Louis qui ne rappelle que trop une France qui n'est plus 159. Toute réjouissance populaire est associée dans leur pensée à l'envahissement anarchique de la Révolution. Ni Jouy ni Bénaben ne sauraient admettre que le directeur des spectacles à Nîmes renouvelle les combats de tauraux 160. Plus patriotique est certes l'accueil qu'on devait réserver aux prisonniers français revenus de la Russie via Bruxelles 161. Dans la hâte de reconstituer l'ancienne France par des monuments consacrés à Bossuet, à Henri IV et à Condé, nul doute que les options libérales ne soient marquées par des répugnances discrètes, mais elles acceptent volontiers cependant de faire figurer Henri IV parmi les idoles de la France moderne 16~. Le libéralisme industrialiste n'oublie pas de noter le bon accueil que le Chili a réservé au pavillon français 163. Il est de bon ton, malgré l'anglophobie répandue, de faire état des tentatives de la société bien pensante pour naturaliser le thé en France 164. D'un coin perdu et pauvre de la Méditerranée, devenu prestigieux grâce à BonaCf. Bénaben, ibid., 1" nov. 1817. Cf. Pagès, M. IV (8), 26 déc. 1818. 152 Cf. M.d.F. IV, 6 déc. 1817. 153 Cf. Correspondance, M. III (9), 3 oct. 1818. 154 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 31 mai i817 et M. 1 (2), 16 fév. 1818. 1,,:; Cf. Bénaben, M.d.F. III et IV, 19 juillet et 25 oct. 1817. 156 Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 5 juillet 1817. 157 Cf. Bénaben, M. 1 (5), 7 mars 1818. 158 Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 12 juillet et M.d.F. IV, 18 oct. 1817. 159 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 30 août et 6 sept. 1817; Dumoulin, M. VII (5). début sept. 1819. 160 Pour Jouy, cf. l'Ermite en Province; Bénaben, M.d.F. III, 9 août 1817. 161 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 1er nov. 1817. 162 Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 27 sept., M.d.F. IV, II et 25 oct., le, nov. 1817; Pagès, Petit bulletin, début juin 1818. 163 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 16 août 181S. 164 Cf. Bénaben, ibid. 150 151
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parte, parvient l'écho de la déception des Corses qui ont cru avoir découvert un minerai ressemblant à l'or 165. Les recueils paient enfin leur tribut de respect au Roi et à la cour. Audiences de Louis XVIII avec ses ambassadeurs et avec des académiciens 16(), vœux pour son anniversaire 167 ou inquiétude à la suite de ses indispositions 168 alternent avec les nouvelles de la grossesse de la duchesse de Berry 16U, la tournée réussie du duc d'Angoulême 170 et le baptême de l'enfant de Decazes 171. Promotions ou maintien des titres dans les rangs nobiliaires 17:!, ministériels 173 et diplomatiques 174, railleries à l'endroit de la duchesse douairière d'Orléans dont les laquais ont cherché à écarter le public lors de l'Exposition au Louvre 175 et à l'endroit de la censure qui a pris les épitaphes sous sa haute surveillance 176 émaillent une maigre chronique, peu soucieuse des gestes de l'ancienne France.
1.,e, Cf. Bénahen, ibid .. 9 août 1817. lU" Cf. pour Caraman ambassadeur à Vienne - : Bénaben, M.d.F. Il, 24 mai et 2H jllin; audience avec Laya et Roger, M.d.F. IV, 13 déc. 1817. ]." Cf. Bénahen, M.d.F. IV, 22 nov. 1817. 1"" Cf. Dumoulin, M. VII (6), 13 sept. 1819. Iii!' Cf. Bénaben, M.dY. Ill, 12 juillet; mort du nouveau-né, 19 juillet. 1,U Cf. Bénabcn, M.dY. IV, 18 et 25 oct. 1817. 17] Cf. Dumoulin, M. VII (5), début sept. IRI9. ],e Cf. Bénaben, M.d.F. III et IV, 23 août, 18 oct. et 1" nov. 1817; ordonnance réglant l'ordre et la valeur des garanties pour qu'on ne puisse pas devenir pair sans majorat, M.d.F. III, 6 sept. ]7:1 Nomination p. ex. de Gouvion Saint-Cyr à la Marine de Dubouchage et celle de ce dernier comme pair et ministre d'Etat, Bénaben, M.d.F. Il, 28 juin; celle du duc de Raguse comme ministre d'Etat, M.d.F. IV, 6 déc. 1817. 17~ Nomination p. ex. de Reinhard comme ministre de France auprès de la confedération germanique, Bénaben, M.d.F. IV, 29 nov. 1817. 17', Cf. Dumoulin, M. VII (6), 13 sept. 1819. 171' Cf. Bénaben, M.d.F. Il,7 juin 1817.
CHAPITRE VII
POLITIQUE MONDIALE
GÉNÉRALITÉS.
Les lendemains de Waterloo, en reprenant l'œuvfe du Congrès de Vienne, ont-ils apporté à l'Europe et au Nouveau Monde la paix et la stabilité tant souhaitées? L'écroulement du système napoléonnien a-t-il été suivi d'un équilibre viable? Ne dirait-on pas que le Continent, à peine remis des secousses de la Révolution et de l'Empire, est de nouveau victime des affrontements des puissances plus que jamais acharnées pour s'assurer la prépondérance politique et économique? Sur les décombres fumants de l'Europe planent déjà le danger d'une vorace hégémonie maritime de l'Angleterre, la menace d'un déferlement barbare des Russes, l'écartèlement de l'Allemagne entre l'Autriche et la Prusse, le scandale d'une Italie asservie ou d'une Pologne partagée, la ruine d'une Espagne pourrissante, empêtrée dans une aventure sans issue OutreAtlantique. Le Mercure et la Minerve suivent avec appréhension et parfois avec passion les évolutions de la diplomatie européenne d'autant plus que le jeu institutionnel des pays respectifs n'est pas sans avoir des répercussions sur la politique concertée et combien déconcertante des puissances. Les rédacteurs sont tout d'abord soucieux de voir se matérialiser la libération de la France, tant essentielle à l'équilibre fragile de l'Europe. Les déplacements de Wellington et d'autres généraux ou diplomates ont de quoi nourrir les attentes 1. Les bruits sur le congrès qui arrêtera la fin de l'occupation commencent à circuler dès octobre 1817. On situe la rencontre à Mannheim 2, à Spa 3 ou à Prague 4. Les nouvelles sur un déclenchement probable d'hostilités entre la Russie et la Turquie, la soumission éventuelle des questions allemandes à une réunion de souverains, le départ d'une escadre russe vers une destination inconnue, les rivalités entre l'Angleterre et les Etats-Unis et la mobilisation des volontaires anglais pour l'Amérique espagnole constituent des éléments inquiétants pour l'avenir de l'Europe et de la France 5. La 1 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 17 et 31 mai 1817, 7 et 14 juin; M.d.F. 1II, 9 août; M.d.F. IV, le. nov. 2 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, Il oct. 1817. a Cf. Bénaben, M.d.F. IV, le. nov. 1817. 4 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 13 déc. 1817. fi Cf. sur les hostilités russo-turques éventuelles et les questions allemandes, Bénaben, M.d.F. IV, 18 oct. 1817. Pour le reste, cf. M.d.F. IV, 25 oct.
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Russie songerait-elle à une confédération européenne 6? Un congrès de monarques dont Bénaben annonce l'éventualité au mois de février 1818 ne risque-t-i1 pas, par l'association de l'Espagne, à fausser l'optique des problèmes européens? Pense-t-on y trouver la solution à l'imbroglio de l'Amérique du Sud? Il n'appartient plus à l'Ancien monde de régler le sort du Nouveau. A moins qu'il ne s'agisse d'un ancien ou nouveau traité contre la France 7? Ce n'est que vers la fin du mois de mai que la Minerve sera en mesure d'annoncer la convocation probable du congrès pour le Illois de septembre 8. Enfin, dès la troisième semaine de septembre, Pagès peut faire état des nouvelles qui parviennent à la Minerve au sujet du congrès d'Aix-Ia-Chapelle. Certaines puissances ont voulu imposer à la France des conditions excessivement dures, mais Richelieu a su recourir à l'amitié d'Alexandre et persuader peut-être Wellington. Le président du Conseil français s'est efforcé de reculer les époques des paiements alors que le roi de Prusse a tenu à faire avancer les dates aux, quelles la France serait tenue de verser aux Alliés les dommages de guerre. Les termes de l'évacuation de la France par les différents corps alliés ont été fixés. Fixé aussi est l'itinéraire d'Alexandre et du souverain pruss;ell cn direction de Paris tandis que l'Empereur autrichien et les ministres allemands vont s'attarder à Aix-la-Chapelle pour traiter de la Diète 9. Ce ne fut qu'une fausse alerte. Bien que plusieurs questions aient été soulevées au Congrès, la seule résolue a été celle de la France. Et, Pagès, en citant le correspondant du Times, soulignera avec lui le maintien de l'ancien traité entre les quatre alliés, quoique la France ait été invitée il établir avec eux un concert diplomatique 10. La libération de la France scelle l'épisode sanglant des Cent-Jours
et rejoint pour l'essentiel l'œuvre du Congrès de Vienne tout en aggra, vant ses conséquences pour les vaincus. C'est une bonne occasion pour Tissot de se pencher sur la situation politique de l'Europe, en marge de l'ouvrage du polygraphe Pradt, auquel il rend hommage malgré des incxactitudes de détails et un art défectueux de la composition 11. Pour Pradt comme pour Tissot l'invasion de la France en 1815 est à imputer aux Alliés. Lorsqu'on met en balance les responsabilités respectives des pays européens, on trouvera que les puissances ont violé davantage le~ traités depuis la seconde lIIoitié du dix-huitiéme siècle que ne l'a fait la France révolutionnaire et impériale. Toujours est-il que le système Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 22 oct. 1817. 7 Cf. Bénaben, M. 1 (2), 16 fév. 1818. 8 Cf. Petit bu/Min, M. II (-1), 24 mai 1818. li Cf. Pagès, Congrès d'Aix-la-Chapelle, M. III (12), 21 août 1818; cf. l'galement les Lettres sar l'Allemagne de [Harel] qui donne des détails sur les tentatives de la Prusse et de l'Angleterre à retarder la libération de la France ou à la rendre plus onéreuse, projet que la défection de l'Autriche et son adhésion à la position d'Alexandre a rendu irréalisable, M. IV (9), 30 déc. 181S et M. V (D), 2 avril lR19. Ces révélations ont attiré sur la Minerve les foudres de Metternich, cf. supra, ch. 1"', p. 26-27. ~" u. t'ages, COllgres U Rlx-w-Chapel/e, M. IV (1 et 5), 3 nov. et 6 aec. 11l1~. I l Le titre de l'ouvrage porte, L'Europe après le congrès d'Aix-la-Chapell~, faisant suite au congrès de Vienne. 6
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POLITIQUE MONDIALE
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napoléonien eût mieux valu pour la sécurité de l'Europe que l'édifice fragile mis en œuvre par les Alliés, plaçant la Russie sur l'Oder et livrant les mers et le commerce à l'Angleterre. La Prusse n'a rien gagné par des agrandissements que la réunification de la Pologne pourrait remettre en question. Voisine de la France et de la Russie par ses nouvelles frontières, elle ne saurait s'appuyer sur la première contre une invasion du Nord et une alliance avec l'Autriche n'est pas sans danger pour l'avenir de la Prusse en Allemagne. La confédération napoléonienne du Rhin aurait ouvert d'autres perspectives à la France et à l'Allemagne. pmmensité de son territoire assure il est vrai à l'Autriche de grandes ressources, mais l'asservissement de l'Italie que la France avait quelque peu associée à sa politique entache gravement sa position morale. Du moment que la Turquie ne joue plus de rôle prépondérant en Europe, que iil Suède et le Danemark restent dans l'ombre, que le Poriugal est englouti par le Brésil et que l'Espagne se meurt, l'Europe reste à la merci du colosse russe, implanté en plein continent, et du colosse britannique dont l'ambition effrénée et perfide s'est forgé un empire éphémère sur les océens. Tissot ne partage pas toutes les vues de Pradt. Il est loin de croire avec l.\li que les Pays-Bas résistent aux divergences qui dressent les unes contre les autres des populations hétérogènes. Il ne craint guère qu'un Tamerlan (usse détruise un jour la civilisation, car l'Europe pénètre à son tour les steppes de l'Asie. Mais il est fermement persuadé avec lui qu'il appartient à la France de rétablir l'équilibre en Europe et qu'elle aurait tout avantage à se mettre à la tête d'une ligue maritime antianglaise, en étroite union avec les deux Amériques. Dans l'affrontement des jeunes EtatsUnis et de l'Angleterre, un avenir chargé de promesses victorieuses est r~servé aux premiers dont les ressources et les avantages sont manifestes. L'immense empire britannique représente l'exploitation honteuse du monde au profit de quelques individus et au détriment du peuple anglais, victime d'une grande misère. Nul doute que l'Amérique du Nord ne finisse par s'emparer du Canada, de l'Acadie et de Terre-Neuve 12. En attendant, la politique inquisitoriale et absolutiste de Ferdinand VII lui a valu la perte d~ l'Amérique espagnole, des Florides au profit des Etats-Unis et peut-être son pouvoir aussi par la révolte qui sourd dans le corps expéditionnaire 13. Si l'équilibre du Nouveau Monde est en train de se faire dans le sens de l'avenir, celui de l'Ancien risque de se disloquer par les voies inconstitutionnelles que les souverains s'empressent d'adopter. Le projet caressé par Alexandre de réunifier la Pologne, dresse contre lui l'Autriche et la Prusse, décidées à défendre la Galicie et le duché de Posen. En fin septembre 1819, les bruits persistent d'une guerre imminente et de la 12 Cf. Tissot, c.r., M. V (3), 19 fév. 1819 et Pagès, De la fermentation de l'Europe, M. VII (7), 19 sept. Déjà dans son c.r. de l'ouvrage allemand d" Lamezan, L'Allemagne fédérative considérée dans ses rapports avec l'EI/rope, Pagès a souligné avec l'auteur la nécessité pour l'Allemagne de se rapprocher de la France, nr le véritable danger se trouve du côté russe, et l'a critiqué quant au partage de l'Allemagne entre deux zones d'influence, prussienne et autrichienne, M. Il (7), 15 juin 1818. . 13 Cf. Pagès, De la fermentation de l'Europe, art. cit.
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pression que l'Autriche aura exercée à Paris pour associer la France à une alliance contre la Russie 14. Gouvernants et gouvernés sont unanimes à faire déboucher la politique sur l'enjeu constitutionnel et la liberté semble dicter les positions comme les réactions. Il n'y a que la peste qui échappe parfois aux emprises idéologiques. La fièvre jaune fait des ravages aux Antilles et en Angleterre, le typhus en Suisse, en Sicile et en Italie, en Irlande et en Angleterre, la lèpre en Afrique du Sud et la peste tout court à Alger 15. En quête de stabilité et de paix, l'Europe, après les immenses efforts qu'elle avait fournis dans un élan magnifique pour abattre Napoléon, aspire à la liberté depuis le congrès de Vienne. La liberté eOt dO inspirer une politique commerciale sans entraves ni prohibitions et l'accorder avec les besoins comme les possibilités de l'ère industrielle. Les bonnes récoltes de l'année 1817, les défrichements persévérants, les fermes modèles qu'on multiplie et les canaux qu'on inaugure résistent mal a un système douanier périmé 16. L'indépendance de l'Amérique espagnole ouvrirait de vastes marchés à l'Europe et non seulement à l'Angleterre 17 qui poursuit ses avantages commerciaux du côté de la Sicile et de la Chine 18. Mais le commerce est stagnant à cause des prohibitions en Suède, au Portugal, en Espagne, en Allemagne et ailleurs. Industrie libérale et industrie monopoliste s'opposent. Il est temps qu'on se fasse à l'idée d'une liberté qui motive tout, la politique comme les arts, la pensée comme l'industrie 19. N'est-ce pas le manque de liberté sur le vieux continent et le message libertaire du Nouveau Monde qui expliquent la ruée de l'Europe vers l'Amérique? Que les Etats-Unis le fassent consciemment ou involontairement, le fait n'en del:leurc pas moins vrai qu'ils soutirent à l'Europe ses forces les plus vives. Et ce n'est certes pas par des interdictions qu'on viendra à bout d'une émigration chaque jour plus inquiétante. La patrie n'aura de sens que le jour où l'Europe jouira d'institutions adéquates 20. La tournure grave que les émeutes antijuives ont prise en Allemagne à l'automne 1819 est due aux préjugés obscurantistes de la populace, préventions favorisées par des régimes absolutistes et théocratiques. En prononçant un plaidoyer fervent en faveur des persécutés, Pagès ne fait que défendre la cause de la liberté 21. La question épineuse des Barbaresques qui préoccupe les têtes couronnées de l'Europe ne saurait être résolue sans une franche entente enirc les puissances, assiégées par les réclamations de leurs res14 Cf. Dumoulin, M. VII (8, 9 et 10), 25 sept., ùébut et 10 oct. 1819; il revient à la charge, M. VIII (11), 15 janv. 1820, faisant état ùes hruits sur un traité d'alliance offensive et défensive entre la France, l'Autriche et l'Angleterre. 1., Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 17 et 31 mai, M.d.F. III, 19 juillet et 16 août, M.d.F. IV, Il, 18 et 25 oct., 15 nov. 1817. lU
Cf. Bl'naben, M.d.F. III, 16 août 1817.
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Cf. le Bachelier de Salamanque, M.d.F. l, 15 fév. 1817.
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Bénaben, M.d.F. Il, 17 mai Bénaben, M.d.F. Il, 17 mai Bénaben, M.d.F. IV, 4 oct. Pagès, De la fermentation
et M.d.F. IV, 18 oct. 1817. et M.d.F. Ill, 26 juillet 1817. 1817. de l'Europe, M. VII (7), 19 sept. 1819.
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sortissants et davantage intéressées à remonter le courant libéral 22. Le plaidoyer émouvant de Benj amin Constant en faveur de l'abolition de la traite des nègres qu'il étaie par des chiffres tirés du treizième rapport de l'Institution africaine de l'Angleterre, se situe lui aussi dans une optique qui identifie les institutions censitaires avec la dignité humaine 23. C'est surtout le sens de l'évolution politique de l'Europe qui importe aux yeux d'une équipe qui livre en France une guerre sans merci aux partisans de l'ancien ordre de choses et qui à partir du congrès d'Aix-laChapelle pressent que la pesée réactionnaire risque de l'emporter partout sur les aspirations de la bourgeoisie. Le congrès de Carlsbad dont les intentions se précisent au cours de l'été et de l'automne 1819, provoque les réactions violentes de la Minerve. Les rédacteurs sont unanimes à montrer l'Europe partagée entre les forces féodales périmées et les forces constitutionnelles montantes. Ils y voient une nouvelle ligue de privilégiés contre les peuples, à laquelle, et contre leurs intérêts, les souverains se sont malheureusement associés. L'avenir réside du côté des institutions parlementaires en voie de consolidation malgré les apparences trompeuses d'un retour au passé. Plus qu'un bouleversement national, la Révolution française est un mouvement européen, rejoignant la Réforme et à travers celle-ci l'aube du Christianisme. En insistant sur l'universalité et la nécessité de la Révolution selon la pensée de Pradt 24, Tissot, s'inspirant de la ligne politique définie par Beni amin Constant et suivie également par Pagès, Dumoulin, Alexandre de Lameth et Harel, tient à persuader les gouvernants que l'avenir appartient aux monarchies limitées et qu'il est de leur intérêt d'accorder les constitutions tant réclamées au lieu de se les voir imposées. Les annales des Tudors comme des Stuarts, celles des Etats-Unis et de la Révolution ont abouti à des bouleversements significatifs. Les graves persécutions qui sévissent en Allemagne, à la veille et à la suite des décrets de Carlsbad, contre les patriotes de 1813, et la pression exercée sur les Etats allemands réformistes, la question épineuse d'une Pologne partagée et d'une Italie asservie, celle de l'Espagne théocratique et absolutiste se situent toutes sur le plan universel de la lutte entre les partisans des voies constitutionnelles et les adeptes des régimes réactionnaires. L'immobilisme de l'Autriche s'aggrave par les mesures arbitraires qu'elle pratique dans les nouveaux territoires qu'elle a annexés. La Suède même n'échappe pas aux tentatives nobiliaires d'écarter Bernadotte du trône. Enfin l'Angleterre, au mythe libertaire si répandu, risque 22 Pour l'actualité du problème de la piraterie, cf. le Bachelier de Salamanque, M.d.F. l, 15 fév. 1817. Bénaben, M.d.F. 111,26 juillet (résultats douteux de l'expédition anglaise contre Alger) et M.d.F. IV, 18 oct. et 15 nov. ; Pagès, M. III (12), 21 août 1818 (la question a été soulevée au congrès d'Aix-IaChapelle). 23 Cf. B. Constant, c.r. de la brochure, De la traite des nègres au Sénégal, extrait du treizième rapport des directeurs de l'institution africaine, lu à la réunion générale de cette institution le 24 mars 1819, M. Vil (3), 21 août. Négociations au sujet de la traite entre un envoyé du cabinet britannique et le Ministère de la Marine en France, Dumoulin, M. Vil (II), 17 oct. 1819. 24 Congrès de Carlsbad, c.r. par Tissot, M. Vil (11), 17 oct. 1819.
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de voir son opposition respectable joindre les radicaux dans un vaste mouvement de réclamations, étayé par des rassemblements populaires inquiétants. Si les promesses du Congrès de Vienne avaient été tenues et l'attente des peuples remplie, l'Europe ne serait pas devenue un champ d'activités qu'on proclame subversives. Est-il étonnant de voir les « cons:" pirations» de Grenoble et de Lyon suivies à point nommé en Allemagne et en Angleterre par d'autres complots pour justifier une politique de répressions rigoureuses 25? La Minerve ne désespère pas en 1819 de voir sa cause l'emporter sur ce qu'elle croit être la coalition européenne des privilégiés. Déjà les hésitations qui ont marqué la nouvelle réunion des souverains à Vienne, à la fin de 1819, et l'impasse à laquelle elle semble avoir abouti préfigureraient un retour sur la politique réactionnaire 28, Déjà les grondements de la révolution espagnole viennent apporter, au début de 1820, un démenti cinglant aux prétentions des féodaux et une leçon édifiante à l'aberration des souverains et de leurs ministres 27.
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L'ANGLETERRE.
Benjamin Constant, Jouy, Jay, Tissot, Aignan ,Saulnier fils, Pagès ou Dumoulin peuvent différer quant au degré d'admiration et de réprobation qu'ils professent pour les libertés anglaises, mais ils sont unanimes-à reconnaître les bienfaits historiques de l'héritage libertaire des Iles britanniques. Le mythe forgé en partie par Voltaire et Montesquieu n'aveugle pas les rédacteurs au point de leur faire confondre politique intérieure et politique extérieure. Les lendemains de 1814 et, à plus forte raison, ceux de Waterloo ont éclairé d'un jour inquiétant sinon lugubre l'impérialisme commercial et politique de la Grande-Bretagne 28. Tout autant sinon davantage paraît menaçante pour l'ordre européen la crise gigantesque du machinisme qui a remis en question le système politique tout entier de l'Angleterre. C'est Benjamin Constant, avec sa connaissance intime de l'Angleterre et sa lucidité pénétrante, qui fera le point de la crise en Angleterre, l'éclai~ rant par des projections sur le passé et des prévisions d'avenir. La guerre ~:; Cf. B. Constant, De l'état de l'Europe sous le point de vue constitutionnel, M. VI (3), fin juillet ct M. VII (2), 15 août 1819; Pagès, De la fermentation de l'E/lrope, M. VII (5 et 7), début et 19 sept. ; Tissot, c.r. cit. ; Dumoulin, M. VII (II), 17 oct. ; Alexandre de Lameth, Sur la eirculaire attribuée à M. le comte Bernstorf [sic], M. VIII (4),27 nov. IHI9 ; Harel, Politique étrangère, M. IX (7), 17 mars 1820. ~H Cf. Dumoulin, M. VII (13), M. VIII (7 et Il) et M. IX (9), fin oct. et 20 déc. IHI9, 15 janv. et 27 mars 1820. 27 Cf. Harel, Politique étrangère, art. cit. ~8 Symptomatique des craintes des rédacteurs cst l'attitude ambivalente de Pradt, joignant à une admiration d'envoûtement pour la constitution anglaise
une haine tenace à l'endroit de l'impérialisme sans scrupule d'Albion. Cf. Tissot, c.r. des ollvrages de Pradt, l'Europe après le congrès d'Aix-Ia-Chapel/e et l~ Congrès de Carlsbad, M. V (3 et 10), 19 fév. et 10 avril 1819, et M. VII (11), 17 oct.
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tenace que l'Angleterre a menée contre la France, les alliés et les vassaux de celle-ci explique la prospérité contre toute attente d'un pays qui a axé toute son industrie et toute son activité sur la guerre. D'autre part, c'est également la victoire que l'Angleterre a remportée sur Napoléon qui se trouve à l'origine de sa crise économique. L'arrêt des industries d'armements a causé une misère accablante et les impôts de plus en plus écras.ants ont mis les classes aisées dans une position fâcheuse. Evoquant la crise des années 1814-1816, Constant rappelle que « les plus riches particuliers ,écrasés d'impôts, étaient matériellement hors d'état d'y faire face ; le peuple était sans ouvrage; les classes nourries d'ordinaire par les riches, étaient repoussées par eux simultanément, et restaient dénuées de toute ressource. Paysans, agriculteurs, fermiers, domestiques, artisans, ~taient réduits aux extrémités les plus désastreuses 29 lt. L'Angleterre en 1818 semble avoir surmonté la crise, mais il reste à savoir si les effets d'ordre social du marasme économique ne risquent pas de bouleverser le système politique. Des rapprochements sommaires avec l'organisation sociale en vigueur sur le continent et notamment avec la France font oublier le caractère éminemment aristocratique et spécifique de celle de l'Angleterre. « D'immenses propriétés réunies dans les mêmes mains, des richesses colossales accumulées sur les mêmes têtes, une clientèle nombreuse et fidèle, groupée autour de chaque grand propriétaire, et lui consacrant l'usage des droits politiques qu'elle semble n'avoir reçus constitutionnellement que pour en faire le sacrifice; enfin, pour résultat de cette combinaison, une représentation nationale, composée, d'une part, des !!alariés du gouvernement, et, de l'autre, des élus de l'aristocratie: telle .a été l'organisation de l'Angleterre jusqu'à ce jour 80. » Les libertés politiques et religieuses éclairent une longue évolution constitutionnelle au cours de laquelle l'aristocratie anglaise a lié en partie sa cause avec la nation contre la royauté absolutiste. C'est un fait qui ressort de la conquête de la Grande Charte malgré les caractéristiques féodales de celle-ci 31. C'est le fait aussi de la nouvelle aristocratie issue des révolutions de 1649 et 1688. Cromwell ne représente qu'un moment dans une révolution qui alait aboutir à la Restauration et à la constitution d'une monarchie limitée par la suite. Les similitudes avec le déroulement de la Révolution française et de la carrière napoléonienne ne devraient pas en faire oublier les dissemblances. L'aristocratie anglaise a contribué à l'istitution de l'égalité politique et la Révolution française à celle de
B. Constant, De l'Angleterre, M. Il (1), 6 mai 1818, p. 44. Ibid., p. 45. Dans son appréciation des Considérations de Mme de Staël, B. Constant condamnera vigoureusement le pourrissement du système représentatif de l'Angleterre, M. Il (7" 15 juin 1818, p. 323 sq. i cf. également de Constant, De l'état de l'Europe SOIIS le point de vue constitutionnel, M. VI (13), fin juillet 1819. V. aussi les jugements portés par Bénaben et par Saulnier fils qui témoignent à cet effet d'une vue largement partagée par le camp libéral, M. 1 (1) et M. Il (3 et Il), début fév., 20 mai et 15 juillet 1818. 31 Cf. Aignan, De l'établissement des chartes anglaises, M. VIII (11), 15 janv. 1820 et B. Constant, De l'Angleterre, art. cit. 29
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l'égalité sociale 3~. Dès 1688, une partie de l'aristocratie anglaise est associée à l'opposition et se concilie par là l'affection des classes inférieures qu'elle patronne. D'où un contexte de rapports en Angleterre différent de celui qui en France a mis aux prises bourgeoisie et noblesse féodale 33. ,Cependant, le patronage aristocratique s'est vidé de son sens lors de la crise de 1814. Dès que la noblesse n'a plus été en mesure de maintenir ses charges, la clientèle séculaire de celle-ci a changé d'attitude. Fermiers et anciens domestiques ne se croient plus de devoirs envers leurs anciens patrons. L'aristocratie libérale ne ressent plus de ferveur pour la caus~ de l'opposition dès lors que la menace d'un bouleversement social nourrit ses cauchemars. Le changement du climat moral, consécutif à la crise éco.: nomique, a rompu l'équilibre social. L'opposition se déplace du côté whig par un muuvement de réforme radicale, réclamant des parlements annuel!!· et le suffrage universel 34. ' Benjamin Constant n'est pas le seul à souligner la gravité de la situation en Angleterre. Bénaben, Saulnier fils, Pagès et Dumoulin insistent à l'envi sur l'acuité de la crise économique 35. Sur le plan gouvernemental, la crise se traduit par une dette flottante engageant les générations future~ et imposant au pays le paiement d'immenses intérêts 36, d'où la nécessité de recourir constamment à de nouveaux emprunts 37, de songer à des économies 38 et de réduire la dotation des enfants de la famille royale 39. Les taxes pour les pauvres et les impôts font une ascension vertigineuse ~
32 Cf. Jay, c.r. de l'ouvrage de Villemain, Histoire de Cromwell, M. VI (12) et M. VII (3), 24 juillet et 21 août 1819 et B. Constant, c.r. de l'ouvrage de Sauquairc-Souligné, Trois règnes de ['histoire d'Angleterre, M. VI (I2), 24 juillet. 33 Cf. B. Constant, De l'Angleterre, et Saulnier fils, M. Il (11), 15 juillet 1818. :14 Cf. B. Constant, art. cil. 35 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 17 mai et 21 juin 1817 ; Bénaben et Saulnier fils, M. 1 (l, 2), M. 1\ (1), et M. 111 (4), début et 16 fév., 6 mai et fin août 1818: Dumoulin, M. VII (13), fin oct. 1819. M. Il (1) souligne les dimensions inquiétantes de l'émigration des familles riches et pauvres. :16 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 18 oct. 1817, M. 1 (1), début fév. 1818; Saulnie~ fils, M. 1\ (1 et 8), 6 mai et 25 juin; Pagès, M. V (7), 17 mars 1819. 37 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 28 juin 1817 ; Saulnier fils, M. Il (4), 24 mai 1818. 38 L'assurance donnée par Liverpool, président du Conseil, que les troupes d'occupation en France n'impliqueraient pas de dépenses pour le fisc anglais et l'insistance de l'opposition pour réduire les troupes témoigne d'une préoccu. pation commune, bien que pour dcs raisons différentes, Bénaben, M. 1 (5), 7 man; 1818; la déclaration de Castlereagh que les prêts des ressortissants anglais à l'étranger ne seront plus garantis relève du même ordre de préoccu~ pation, Pagès, M. V (7), 17 mars 1819. 3U Cf. Saulnier fils, M. Il (1), 6 mai 1818 . •" La taxe en Angleterre pour les pauvres rapportait en 1776 1 million et dcmi de L.S., elle se chiffre actuellement par 5 millions, Bénaben, M.d.F. lIl, 30 août 1817; ailleurs, il cite le chiffre de 10 millions pour l'année 1816, M.d.F. IV, fi déc:. Au lieu de gonfler les taxes, il vaudrait mieux adopter le plan d'Owe:l en l'améliorant et c:onstituer de petites propriétés à l'intention des pauvres, Bénaben, M. 1 (2), 16 fév. 1818. L'humanité ne peut qu'applaudir au projet de Liverpool de limiter le nombre d'heures de travail des enfants, mais il reste â savoir si la misère y trouvera son compte, Saulnier fils, M. 1\ (3), 20 mai 1818. Les impôts ont doublé depuis 10 ans, Bénaben, M.d.F. III, 27 sept. 1817.
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et les abus aussi 41. Le nombre de mendiants, de vagabonds, de délinquants et surtout de condamnations pour la fabrication de la fausse monnaie accusent également un essor symptomatique 42. La bourse interprète à sa manière la situation en procédant au jeu de bascule des fonds 43. Si l'industrie semble surmonter la crise 44, le commerce maintenir ses positions et même les améliorer 45, l'état des classes ouvrières ne fait qu'empirer. On sait ce que la révolution industrielle en Angleterre a impliqué comme déplacements de masses et comme souffrances. Le Mercure enregistre les motions en faveur des déshérités ainsi que le projet spartiate d'Owen de former des collectivités agricoles 45 bl'. Rien d'étonnant à ce que cette misère ait provoqué sporadiquement d'immenses rassemblements et que bourgeois et prolétaires se soient réunis à l'occasion pour protester contre la détresse universelle. Rien d'étonnant non plus à ce que ce vaste mouvement d'ordre social ait revêtu des formes polit~ques et se soit traduit par une sorte de radicalisme, soucieux de balayer, en apparence légalement, un régime aristocratique en plein pourrissement 45 ter. Qu'une
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42 La délinquance juvénile: en 1813, 62 enfants ont comparu devant les tribunaux; 98 en 1814; 146 en 1815 et 1.613 en 1816, Bénaben, M.d.F. JII, 19 juillet 1817; 50.000 vagabonds parcourent le royaume dans tous les sens, Bénaben, M.d.F. III, 20 sept. ; on compte 20.000 mendiants à Londres, Bénaben, M.d.F. IV, 15 nov. ; les emprisonnements et les condamnations ont augment!'; en 1817 par rapport à 1811 dans la proportion de 5 à 2; depuis le début de 1812 on a présenté à la banque ùe Londres pour 4.253.828 fr. de faux billets et en 1817, on a prononcé 163 jugements contre de faux-monnayeurs, Pagès, Petit bulletin, M. Il (5), début juin 1818. Depuis 1789 jusqu'au 1er janv. 1817, 30.472 personnes ont été traduites devant les tribunaux pour crime de fabrication de fausse monnaie, Pagès, M. V (7), 17 mars 1819; 129 faux-monnayeurs pendant 3 mois, Pagès, Petit bulletin, M. Il (4), 24 mai 1818; des dénonciateurs incitent de pauvres types à la fabrication de faux, Bénaben, M, 1 (6), 13 mars; pour moins de rigueur dans les condamnations pour faux, Bénaben, M,d,F. IV, 20 déc. 1817. 43 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 5 et 19 juillet, 2 et 9 août, 6 et 20 sept. 1817; M.d.F. IV, Il, 18 et 25 oct., 15 et 29 nov., 20 déc. ; M. 1 (7), 21 mars 1818. 44 Cf. surtout Bénaben, M.d.F. IV, 25 oct. et 15 nov. 1817. 45 Prospérité du commerce anglais, difficultés en Italie et surtout en Allemagne, Bénaben, M.d.F. IV, 4 et 18 oct.; pertes énormes de Lloyd à la suite de la prise des galions par les Indépendants, Bénaben, M.d.F. III, 6 sept. L'Angleterre revient à la prohibition et opposition à ce système, Bénaben, M.d.F. III, 12 juillet et 30 août; contrebande anglaise dans le port d'Archangel et des soieries françaises en Angleterre, Bénaben, M.d.F. III, 27 sept. et M.d.F. IV, 4 oct. 1817; projet d'un traité de commerce avec la France, Dumoulin, M. VIII (11), 15 janv. 1820. 45 bl • Motion pour régler les pensions et assurer le travail des pauvres, Bénaben, M.d.F. II, 31 mai 1817; les méfaits du machinisme, Bénaben, M.d.F. Il et III, 14 juin et 12 juillet; les grèves, Bénaben, M.d.F. IV, 15 nov. ; Saulnier fils et Pagès, M. III (4), et M. IV (4), fin août et 20 nov. 1818; le projet qu'Owen a présenté au Parlement, Bénaben, M.d.F. III, 23 août 1817. 45ter Rejet de la motion de Burdett en faveur de la réforme parlementaire et projet de Brougham de présenter une semblable le 10 juin, Bénaben, M.d.F. II, 31 mai 1817; rassemblements partout en Angleterre, la bourgeoisie se joint au prolétariat, Bénaben, M.d.F. Il, 21 juin; le mouvemeI)t de réforme bat en retraite, Bénaben, M.d.F. III, 5 juillet; la multitude est calme, ibid., 20 nov. ;
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fraction des Whigs se soit ralliée à la cause des Hunt et des Cobbett, n'est que trop naturel 46, autant que le front commun formé par l'aristocratie tory et l'oligarchie bourgeoise contre les soulèvements populaires, particulièrement lors des élections, réclamant le suffrage universel et une Chambre élue annuellement 47. L'opposition est bien restée fidèle à sa tra~ dition libérale et a milité contre la suppression des libertés individuelles, surtout contre la révocation provisoire de l'Habeas corpus 48, les emprisonnements arbitraires, les condamnations sévères et le recours ignoble <1ux agents provocateurs 49. Mais la «logique» inexorable du pouvoir, nourri d'expédients que les puissances du jour affectionnent en tout temps; se voit énergiquement combattue par des opposants «respectables» et radicaux «révolutionnaires ». Cependant, dans l'ensemble, l'opposition rejoint pour l'essentielles positions des gouvernants 50. Que les sympathies rassemblement présidé le 2 fév. par Burdett et qui lui a valu les imprécation~ de la presse gouvernementale, Bénaben, M. 1 (2), 16 fév. 1818; troubles à Manchester, Bénaben, M. 1 (3), 22 fév. ; renforcement du mouvement réformiste, Bénaben, M. 1 (4), fin fév., et de l'opposition whig, M. 1 (5 et 7), 7 et 21 mars; Burdett et Hunt sont candidats à Westminster, Saulnier fils, M. III (10), 12 juillet; Burdett et Hobhouse sont combattus par torys, whigs et réformistes, Pagès, M. V (7), 17 mars 1819 ; rassemblements et agitations en Angleterre, B. Constant, 1"' art., De l'état de l'Europe sous le point de vue constitutionnel, M. VI (13), fin juillet, et Pagès, 1"' art., De la fermentation de l'Europe. M. VII (5), début sept., où il évoque également la répression sanglante, le 16 août, du rassemblement à Manchester. 46 C'est notamment le cas de Burdett et de Cochrane. Cf. Bénaben, M. 1 (5), 7 mars 1818 et surtout Saulnier fils, M. Il (10), 12 juillet, où il met en opposition les candidatures de Romilly et de Burdett, A\. 111 (-1), fin août, démontrant l'impossibilité pour l'opposition whi:.: à résoudre les problèmes de l'Angleterre; Pagès, M. IV (4), 28 nov., où il montre l'aristocratie et l'oligarchie commerciale liguées contre les besoins des classes inférieures ; M. V (7), 17 mars, 011 Pagès évoque la lutte électorale des torys, whigs et réformistes contre Burdett et Hobhouse, et son 10 • art. cit. De la fermentation de l'Europe, M. VII (5), olt il insiste sur le rôle de Burdett qui lui a valu l'inimitié des opposants comme des gouvernants. 48 Dans son jugement sur les Considérations de Mme de Staël, B. Constant rend hommage à 1 action de l'opposition whig - James Mackintosh, Samuel Romilly, Brougham, Bennet, les Lords Holland, Grey, Lansdowne, Erskine el u'autres - qui se sont élevés contre l'alien bill, M. Il (7), 15 juin 1818. Lui d ses collaborateurs font état de l'opposition à la suspension de l'habeas corpus. Constant rattache par ailleurs l'opposition à la trauition libérale de Fox et le caractère réactionnaire du gouvernement Liverpool-Castlereag fi celle d!! Pitt. c.r. du ReClleil de discours prononcés au parlement d'Angleterre par j.-C. Fox et W. Pitt. M. VII (1), 7 août 1819. Pour la suspension des libertés et le régime de contrainte, cf. Bénaben, M.d.F. Il et \II, 24 mai, 7 et 28 juin, 5 et 12 juillet, 30 août 1817 ; M. 1 (2 et 3), 16 et 22 fév. 1818; Saulnier fils et Pagès, M. \1 (3 et 5), 20 mai et début juin. 49 Conspirations de commande, entorses aux lois, procès, condamnations, parfois des acquittements triomphaux remplissent les annales ùu MerCl/re et de la Minerve: Bénaben, M.d.F. Il, 2-1 mai, 14 et 28 juin 1817, M.d.F. III, 5 juillet, 2 août et 20 sept., M.d.F. IV, 25 oct., 1 8, 15 et 22 nov., 13 déc. ; M. 1 (2, ::1 et -1), 16, 22 et fin rév. 1818. Attaques violentes contre le recours à l'espionnage et les témoins à charge: Bénaben, M.d.F. III, 5 et 19 juillet, 9 août 1817; M. 1 (3), 22 fév. 1818; B. Constant, c.r. des Considérations de Mme de Staël, M. Il (7), 15 juin. C,,, Cf. supra, n. 47.
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de Benjamin Constant et de Saulnier fils aillent à la partie progressiste des Whigs, que Pagès ou Dumoulin témoignent d'une certaine préférence pour les radicaux, les uns et les autres n'en craignent pas moins les conséquences sociales d'un mouvement de réforme violent. Ils ne se font aucunement illusion quant à la portée limitée de l'opposition traditionnelle ni quant aux échecs immédiats du mouvement de réforme. Une évolution souhaitable serait celle qui tournerait le dos à la réaction féodale de Carlsbad, bénie par Castlereagh, et qui, appuyée sur les régimes censitaires assainis d'Angleterre et de France, infléchirait le continent vers une liberté contrôlable. Le sentiment de l'avenir devrait commander les dispositions présentes et l'appréhension du pire est mitigée par des convictions sereines 51. On n'a rien à attendre du ministère Liverpool-Castlereagh dont la faiblesse se traduit par une économie désastreuse, un régime de répression inconcevable et le recours à des moyens éphémères comme à de louches manèges électoraux. La sollicitude de Lord Liverpool pour les pauvres et le penchant de Canning pour une politique plus libérale G2 n'allègent en rien la responsabilité d'un ministère que le Mercure et la Minerve condamnent en bloc. Les recueils ne fondent aucun espoir sur les élections parlementaires ou sur celles désignant le lord-maire de Londres 53 et la Minerve disparaîtra avant de pouvoir se prononcer sur le renouvellement de la Chambre consécutif à la mort de Georges III 54. Le mythe anglais s'effrite non seulement par les détails donnés sur la détresse universelle en Angleterre et sur son système électoral livré à des pratiques de mauvais aloi. Il s'effondre également par ce qu'on apprend .de sa justice et d'un code pénal que les recueils présentent comme barbare 55. La légende des libertés anglaises supporte mal la discrimination persistante contre les catholiques il6 ou l'oppression sauvage des 1rlan51 Cf. surtout B. Constal1t, De l'état de l'Europe sous le point de vue constitutionnel, M. VI (13), et M. VII (2), fin juillet et 15 août 1819, Pagès, De la fermentation de l'Europe, M. VII (5 et 7), début et 19 sept. 52 Canning est partisan de la tolérance, Bénaben, M.d.F. II, 14 juin 1817; la sollicitude de Liverpool pour les pauvres, Saulnier fils, M. JI (3), 20 mai 1818; Liverpool prendrait sa retraite après la dissolution de la Chambre le JO .Îuin, M. II (4), 24 mai. 53 Pour l'appréciation des élections parlementaires, Bénaben, M.d.F. /II, 26 juillet 1817; Saulnier fils, M. " (JO) et M. /II (4), 12 juillet et fin août 1818: Pagès, M. V (7), 17 mars 1819. Pour la désignation du lord-maire, d. Bénaben, M.d.F. IV, 4 et 18 oct. 1817; Dumoulin, M. VII (11),17 oct. 1819. 54 Harel annonce la mort du roi et la dissolution du parlement, Politique étrangère, M. IX (1), 6 fév. 1820. ô5 Mackintosch réclame en faveur d'une femme accusée d'avoir voulu faciliter l'évasion de son mari qui a été pendu, Bénaben, M.d.F. Il, 17 mai 1817; la peine du fouet abolie pour les femmes, M.d.F. III, 19 juillet; condamnation à la peine capitale d'un fermier incendiaire, ibid., 16 août; six condamnations à mort pour des crimes horribles, ibid., 20 sept. ; la cité de Londres réclame la réforme du code pénal barbare, Pagès, M. V (7), 17 mars 1819. 56 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 17 et 24 mai 1817, M.d.F. III, 19 juillet et 9 août. Il salue, ibid., 16 août, avec empressement la pose de la première pierre à Londres d'une église catholique. A remarquer que le Mercure déplore la force des préjugés qui l'emporte sur les vues éclairées du gouvernement.
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dais '-". Pire encore est la confrontation des principes déclarés de l'Angleterre ct de son colonialisme honteux aux Indes 58. Que dire de l'île chrétienne de Parga qu'elle a livrée aux Turcs 59 et du simulacre de constitution qu'elle a conférée aux îles Ioniennes 60? A bien considérer la question, la campagne humanitaire de l'Angleterre contre la traite des noirs se révélerait une politique intéressée par l'avantage des immenses forces de travail presque gratuites que l'Inde peut lui fournir 61. C'est à peine si le fléau de l'Europe - les Barbaresques - lui commande une faible expédition 6~. Intérêts commerciaux et idéologie aristocratique lui dictent sa' politique tergiversante à l'endroit de l'Espagne et de ses colonies. Nul doute que l'avenir ne soit du côté des Indépendantes. Nul doute aussi que l'intérêt de l'Angleterre ne trouve son compte dans des échanges sur une grande échelle avec les pays libres de l'Amérique espagnole. Mais l'idéologie de l'aristocratie régnante en Angleterre répugne à une association avec des. « révolutionnaires ». D'où l'appui accordé à Ferdinand et l'appréhension cie le voir épaulé par la Russie, surtout lors de la vente à l'Espagne des navires cie guerre russes 63. D'où aussi l'autorisation tacite du recrutement riO Les routes sont infestées en Irlande par des bandes armées, Bénaben, lI\.d.F. Il, 14 juin 1817; l'arrestation de Po~er O'Connor à la suite d'une diltgence dévalisée sur la ~ral1de route de Dublin; Bennet et Burdett accourent à son secours; il est acquitté par le jury, Bénaben, M.d.F. III, 23 août; troubles dans quelques comtés d'Irlande, Bénaben, M. 1 (8), fin mars 1818; le comté de King est pacifié, Petit bul/etin, M. Il (4), 2-t mai. ;;8 Incursion de tribus sauvages dans l'Inde, Bénaben, M.d.F. Il, 14 juin 1817; les Anglais sont victorieux, Bénaben, M.d.F. III, 16 août; grande révolte dans l'Inde, Bénaben, M.d.F. IV, 1e< et 8 nov. ; les méthodes perfides de l'Angleterre, l'Inde finira par se libérer, Bénaben et Saulnier fils, M. 1 (10) et M. Il (1), 12 avril et 6 mai 1818; victoires et revers de l'Angleterre, acte d'accusation contre l'occupation de l'Inde, Saulnier fils, M. II (3), 20 mai; la guerre est terminée, massacres barbares commis par les soldats anglais, Saulnier fils, M. Il (8), 25 .iuin ; aperçu de la situation, les populations en présence, les perspectives de l'Inde, Saulnier fils, M. II (13), fin juillet; Jouy évoquera l'histoire de Tipoo-Saëb, vainqueur des Anglais, auquel il a consacré un opéra, Ambassade de Bendore, M. IV (2), 23 janv. 1819. Démêlés avec les Cafres au Cap-de-Bonne-Espérance, I3énaben, M.d.F. IV, 25 oct. 1817; les Anglais ont pénétré dans l'intérieur de la Guinée, Bénaben, M.d.F. IV, 8 nov. ,,9 Plainte des habitants de Parga, Bénaben, M.d.F. Ill, 12 juillet et long développement à ce sujet, ibid., 2 août 1817; solution pour Parga, Bénaben, M.d.F. IV, 13 déc. 60 Cf. Bfnaben, M. 1 (6), 13 mars 1818. Dans le Mercure, le même Bénaben avait loué le régime libéral dont bénéficiaient les îles Ioniennes, M.d.F. II, 17 mai 1817. G1 Cf. Bénaben, M.d.F. III et M. 1 (3),5 juillet 1817 et 22 fév. 1818; massacre d'un équipage anglais à la suite des poursuites contre la traite, Bénaben, M.d.F. IV, 15 nov. 1817. 6~ CI. Bénaben, M.d.F. III, 26 juillet 1817 ; le golfe persique est infesté de pirates, ibid., 23 aoùt ; le pavillon anglais n'est pas respecté par les Algériens, Bénaben, M.d.F. IV, 13 déc. 63 Pour !es bateaux, cf. Bénaben, M.d.P. IV, le< nov. 1817 et pour l'entente russo-espagnule, Bénaben, M.d.F. III, 23 aoùt.
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des volontaires pour renforcer les Indépendants malgré les officielles prescriptions contraires 64. Légitimisme pour l'Europe et régime de contrainte selon les commandements de Carlsbad, mais oubli de tout principe dans les colonies ou dans les transactions en sous-main avec les Indépendants. Telle encore la reconnaissance imminente de Christophe, roi illégitime d'Haïti 65. La raison n'est pas toujours le seul critère des recueils pour juger l'Angleterre. Des relents d'une émotivité encore vivace après l'effondrement de l'Empire, pénètrent des jugements où admiration pour une tradition libertaire et haine pour le peuple qui a conquis les océans se côtoient et se juxtaposent. Quelle explosion d'indignation a value au jeune Lord Stanhope sa malencontreuse déclaration, taxant la France d'immoralité! Encore faut-il ajouter que la Minerve fait preuve à cette occasion d'équité . et n'associe pas toute l'Angleterre aux propos injuriellx d'un jeune lord effronté. Elle tient même à rappeler que la Constituante avait décerné au père de Stanhope le titre de citoyen français 66. La Minerve sait rendre justice au réseau des ponts et chaussées anglais, non sans citer le ponton flottant sur lequel un grand nombre de prisonniers français a étouffé 67, admirer le système de travaux publics de l'Angleterre, laissé à l'initiative des entreprises privées 68, et enregistrer avec empressement des inventions et prouesses mécaniques 69. Un recueil a beau être hebdomadaire, il se doit de varier la nourriture qu'il offre à ses abonnés. Les déplacements de la princesse de Galles et surtout de Wellington sont toujours intéressants 70. Intéressantes aussi sont les revues des troupes anglaises d'occupation par ce dernier 71, le cadeau que Louis XVllI lui a offert 72 et davantage ses démêlés avec un journaliste belge 73 ou l'attentat contre lui qu'on tient à faire propager 74. La sensiblerie des lecteurs ne reste pas imperméable à l'infortune royale
64
Pour le recrutement des volontaires en Angleterre, cf. Bénaben, M.d.F.
IV, 4 et 18 oct. 1817; proclamation de neutralité et recrutement de volontaires, Bénaben, M.d.F. IV, 13 déc. ; subsides à l'Espagne, Bénaben, M. 1 (3), 22 fév. 1818; l'aristocratie et la question des colonies espagnoles, les différents intérêts en .ieu, Saulnier fils et Pagès, M. Il (II), M. III (2 et 6), 15 juillet, 15 août et 15 sept. 1818. 1i5 Cf. Dumoulin, M. VII (6), 13 sept. 1819. G6 Cf. Bénaben, M. 1 (1), début fév. 1818; la lettre du maréchal-de-camp Berton et le Post-Scriptllm du recueil, M. 1 (5), 7 mars. 67 Cf. Jouy, c.r. des Mémoires sllr la marine et lcs ponts et challssées de France et d'Angleterre de Charles Dupin, M. III (4), fin août 1818. L'aménagement des rues à Londres, Bénaben, M.d.F. Il, 28 juin 1817, et constructiol1 d'ull pont sur la Tamise, M.d.F. IV, 25 oct. 68 Cf. Aignan, c.r. des Mémoires sllr les travaux publics d'Angleterre par J. Dutens, M. VII (2), 15 août 1819. GO Cf. Bénaben, M.d.F. III et IV, 19 juillet, Il et 18 oct. 1817. 7U Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 17 mai, 7 et 14 juin, M.d.F. Ill, 9 août et M.d.F. IV, 1er nov. 1817. 71 Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 30 août et M.d.F. IV, Il oct. 1817. 72 Cf. Pagès, M. IV (8), 26 déc. 1818. 73 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 20 sept. 1817. 74 Cf. Bénaben, M. 1 (5), 7 mars 1818.
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et se penche avec sollicitude sur la mort en couches de la princesse Charlotte, son enterrement et le suicide de son accoucheur 7il. Leur imagination peut se complaire à évoquer le passé révolutionnaire de l'Angleterre et le leur propre à l'annonce du cheminement de Rome à Londres des archives des Stuarts 76. Des faits divers plus vulgaires ont aussi le droit de figurer dans les colonnes des recueils. Les curieux d'excentricités britanniquell liront avec avidité l'empressement de la foule à écouter le prêche d'un ivrogne 77, l'institution d'une société de femmes puritaines à Londres -la Guardian Society - soucieuse de veiller sur les bonnes mœurs 78, ou là naissance dans le pays des Quakers d'un nouveau culte méthodiste dont l'essor inquiétant s'expliquerait par la détresse 79. Qu'un astronome se soit donné la mort pour une erreur de calcul, passe encore 1 Mais que sa femm~ le rejoigne dans la mort un an après, à la même date, fait rêver aux affinités de l'astronomie avec l'astrologie HO. Gagner un héritage inespér~ et perdre par la même occasion la raison, renforce l'idée qu'on se fait d~~ bizarreries du caractère anglais 81. La beauté d'une Circassienne échouant sur les côtes d'Angleterre, frappe d'admiration l'imagination des badauds à Londres et à Paris, quelque peu assagie lorsqu'ils apprendront qu'il ne s'agissait que d'une servante de bohémiens 82. Plus amusante est certes l'histoire de Miss W. envoyant un cartel à Miss N. qui lui a ravi sori amant 83. Digne de fixer l'attention est la mort édifiante d'une vieille femme à 150 ans 84, l'acte d'héroïsme d'une femme de chambre pour sauver sà maîtresse 85 et la fuite romanesque du jeune Watson, déguisé en Quaker 86. Le recueil enregistre avec fidélité l'accident survenu dans une mine 87, dans un dépôt de poudre 88, la mort d'un boxeur en pleine action 8U ou l'infanticide commis par une sourde-muette 90, l'infortune des deux voyageurs anglais, dévalisés sur la route de Vienne à Paris 91 et le pillage par la populace d'un bateau norvégien qui a fait naufrage dans la baie de Carmarthen 9~, ainsi que les troubles qui ont éclaté lors de l'anniversaire de la conjuration des poudres 93. Enfin, les hôteliers français ont .5 Cf. 76 Cf. • 7 Cf. 78 Cf. 79 Cf. 80 Cf. 81 Cf. 82 Cf. 83 Cf. b4 Cf. b;; Cf. ~6 Cf. M7 Cf. ~8 Cf. su Cf. 90 Cf. 91 Cf. 92 Cf. 9.3 Cf.
Bénaben, M.d.F. IV, 15 nov. et 6 déc. 1817 et M. 1 (3), 22 fév. 1818. Bénaben, M.d.F. III, 6 sept. 1817 . Bénaben, M.d.F. IV, 25 oct. 1817. Bénaben, ibid., 8 nov. 1817. Bénaben, ibid., 15 nov. et Saulnier fils, M. III (8), 27 sept. 1818. Bénaben, M.d.F. Ill, 16 août 1817. Bénaben, M.d.F. IV, 22 nov. 1817. Bénaben, M.d.F. II, 14 et 20 juin 1817. Bénaben, M.d.F. Ill, 19 juillet 1817. Bénaben, M.d.F. IV, 11 oct. 1817. Bénaben, M.d.F. III, 26 juillet 1817. Bénaben, M.d.F. IV, 18 oct. 1817. Bénaben, M.d.F. III, 12 juillet 1817. Petit bulletin, M. II (4), 24 mai 1818. n. 87. Bénaben, M.d.F. III, 2 août 1817. ibid., 5 juillet 1817. Bénaben, M.d.F. IV, 18 oct. 1817. ibid., 15 nov. 1817.
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lieu de trouver satisfaction dans la nouvelle que les touristes anglais désertent les plages belges en faveur de la Normandie ou qu'ils affluent à Paris à la suite des troubles à Manchester 114. L'ALLEMAGNE. L'Allemagne le cède à peine en importance à la Grande-Bretagne. Les destinées d'Outre-Rhin sont trop mêlées à celles de la France pour que le Mercure et la Minerve n'en suivent pas de près le déroulement. L'enjeu constitutionnel revêt aux yeux des rédacteurs un caractère trop européen pour qu'ils négligent une évolution susceptible d'assurer des alliés au régime mal assis de la Restauration. Aucun doute pour les rédacteurs que l'aboutissement de la tendance libérale en Allemagne ne renforce la position de la France et ne l'arrache à sa solitude. Aucun doute pour eux non plus que toute victoire des éléments germaniques réactionnaires ne finisse par remettre en question l'œuvre de la Charte. Benjamin Constant, Pagés, Tissot, Etienne, Lameth et Harel sont intimement persuadés que tout se tient en matière de libéralisme et de féodalité et que l'échiquier politique en porte la marque d'un bout à l'autre du continent. Une ligue oligarchique unit les privilégiés de l'Europe contre les aspirations des peuples. Les agissements des ultras français ne seraient pas étrangers aux décrets de Carlsbad ni les «conspirations» de Grenoble, de Lyon et d'OutreManche à celles des universités allemandes. On n'a qu'à multiplier les leçons de la Révolution française et celles de l'Angleterre pour offrir des enseignements utiles aux monarques comme à leurs ministres. La cause de l'aristocratie a toujours été séparée de celle de la nation et de la royauté. Les explosions révolutionnaires s'expliquent par la résistance des privilégiés, et les renversements des trônes par l'union contre nature des rois et des nobles 95. Benjamin Constant est l'un des rares publicistes qui n'ait jamais conclu à l'équation simpliste de libéralisme lié à une organisation centrale pour toute l'Allemagne. Le morcellement archaïque en grandes et petites principautés n'a pas été aussi nocif qu'on croit à l'évolution intellectuelle et à la liberté de l'opinion. Le sens aigu des libertés individuelles si particulier à Constant le fait hésiter à renoncer à la conception d'une Allemagne pluraliste en faveur d'un étatisme dangereux. Napoléon avait réduit le nombre des Etats allemands à 38, mais cette œuvre qui a survécu à l'effondrement de l'Empire a surtout profité à l'Autriche et à la Prusse. 04 Cf. ibid., 18 oct. 1817; Dumoulin, M. VII (6), 13 sept. 1819; on évalue le nombre des touristes anglais dans la capitale depuis le 25 août, à 15.000. 05 Cf. B. Constant, De l'élal de l'Europe sous le point de vue constitution,!el, M. VI (13), et M. VII (2), fin juillet et 15 août 1819; Pagès, De la fermentatIOn de l'Europe, M. VII (5 et 7), début et 19 sept.; Etienne, n° 75, M. VII (10), 10 oct. ; Tissot, c.r. de l'ouvrage de Pradt, Congrès de Carlsbad, M. VII (11), 17 oct. ; Alexandre de Lameth, Sur la eirculaire attribuée à M. le comte Bernsforf[f], M. VIII (4), 27 nov. ; Harel, Lettres sur l'Allemagne, n° 15 et Politique étrangère, M. VIII (1),8 nov. 1819 et M. IX (1), 6 fév. 1820.
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Les provinces rhénanes avaient tout intérêt à conserver leurs attaches avec la France au lieu d'agrandir démesurément le territoire de la Prusse 96. Benjamin Constant n'explicite pas sa pensée quant à la place qui devrait être réservée à la Prusse dans une Allemagne remaniée 97 ; Pagès dans ses Essais historiques, Harel dans ses Lettres et Tissot, à la suite de Pradt, insistent tous sur la nécessité d'une politique allemande axée sur la France. Ni l'Empire napoléonnien révolu ni le libéralisme épisodique d'Alexandre ne sauraient changer la nature des choses. L'Europe,· en poussant par-delà ses limites ce concept flou, ne dépasse guère l'Oder. La menace qui plane sur le continent n'est certes pas le fait d'une France civilisée ct libérale, mais d'une Russie barbare. Seulement, les annexions territoriales de la Prusse qui l'ont amenée à rechercher une alliance avec la Russie ou à contrebalancer l'influence de celle-ci par une entente avec l'Autriche ont faussé les intérêts de l'Allemagne 98. Non moins erronée est la pensée des patriotes allemands qui vou-; draient partager l'Allemagne entre la Prusse et l'Autriche. Les publicistes ne méconnaissent pas le rôle capital dévolu aux professeurs, aux écrivains et à la jeunesse estudiantine de la Prusse dans son magnifique réveil national contre Bonaparte ni la valeur éminente de ses univer': sités (n'. Cependant, en marge de ses considérations sur la floraison dè sectes religieuses inquiétantes, Saulnier fils marque ses distances à l'en': droit de la mystique allemande et d'une littérature nébuleuse. Tissot se gausse à son tour d'un essai réactionnaire retrouvant à travers l'évolution progressive de l'humanité l'action nocive des sectes illuminées 100. Harel insiste sur l'influence comme sur la singularité de la mission que les uni~ versités allemandes se sont arrogée 101 et combat l'opinion que le prestige de Mme de Staël a propagée d'une Allemagne partagée entre le Nord protestant et libéral et le Midi catholique et absolutiste 102. Nulle part on HG Cf. B. Constant, Tableau politique de l'Europe, 2' part., M.d.F. l, 22 fév. Hll7 ct c.r. de l'ouvrage de Bignon, Coup d'œil sur les démêlés des cours de Bavière et de Bade, M. III (9), 3 oct. 1818. Quant aux provinces rhénanes, cf. l'art. cit. de B. Constant, l'" partie, De l'état de l'Europe SOIIS le point de vue constitutionnel. La pensée de Harel est bien moins nuancée quant à la question d'unité et de liberté, Lettres sur l'Allemagne, n° l, M. III (1), 5 août 1818. . 97 Cf. Tableau politique de l'Europe, Prusse, M.d.F. l, 18 janv. 1817. 1\ est certain que B. Constant, fin connaisseur de l'Allemagne, est opposé à toute étatisation en faveur de la Prusse ou de l'Autriche. 9ti Cf. Pagès, cr. de l'ouvrage du diplomate allemand Lamezan, L'Allemagne fédérative considérée dans ses rapports avec l'Europe, M. Il (7), 15 juin 1818; Hard, Lettres sur l'Allemagne, nU 5, M. IV (5), 6 déc. ; Tissot, c.r. de l'ouvrage de Pradt, L'Europe après le congrès d'Aix-la-Chapelle, M. V (3 et 10), 19 fév. et 10 avril 1819; rappel de la menace russe dans Tissot, c.r. cit. de l'ouvrage de Pradt, Congrès de Carlsbad. 99 Ajoutez aux références des notes 96 et 98, Saulnier fils, Diète de Francfort, M. Il (11). 15 juillet 1818. 100 Cf. Saulnier fils, Enthollsiasme religieux, M. III (8), 27 sept. 1818; Tissot, Des sociétés secrètes en Allemagne, M. VII (2), 15 août 1819. 101 Cf. Lettres sur l'Allemagne, n° 4, M. IV (3), 19 nov. 1818. 1"2 Cf. Lettres sur l'Allemagne, n° 11, M. VI (2), 17 mai 1819.
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ne trouve dans les recueils un engouement inconsidéré pour la Prusse. L'attitude du Mercure et de la Minerve à cet égard se rapproche sensiblement de celle du Ceflseur Européen 103. Avec les libéraux allemands, Harel caresse peut-être l'éventualité d'une Allemagne centralisée, où les pluralismes hétérogènes et combien archaïques céderaient graduellement la place, dût la liberté en pâtir provisoirement, à de puissants organismes élus, élément d'ordre et de stabilité pour le continent tout entier 104. Une telle optique ne concède pas nécessairement à la Prusse et à l'Autriche une place prépondérante dans les lendemains libres de l'Allemagne. Au contraire, on n'a qu'à suivre le réquisitoire que Harel dresse en marge de chaque acte de la Diète pour se rendre compte de la portée d'une critique qui refuse aux deux puissances la direction du jeu institutionnel. Bien entendu, l'ordonnance du 5 septembre 1816 en France peut nourrir toutes les illusions. L'échec des ultras à Paris se prolongerait en Allemagne par l'influence d'une Diète active. Celle-ci finira par faire aboutir l'article 13 de l'Acte fédératif en assurant les bases constitutionnelles des Etats respectifs de la Confédération. L'affluence de pétitions à la Diète à cet effet servirait de caution à une telle probabilité 105. N'attend-on pas d'elle la solution du problème des acquéreurs des biens nationaux de l'ancien royaume de Westphalie, propriétés que l'Electeur de Hesse-Cassel refuse obstinément de reconnaître 106 ? La question plus importante de la liberté du commerce, aggravée par les inondations, les mauvaises récoltes, le chômage de 1817-1818 et les agiotages, et rendue plus pénible par la masse de produits que l'industrie anglaise déverse sur l'Allemagne, trouverait aussi son remède dans les délibérations à Francfort 107. Un Bénaben et un Saulnier fils se
103
Cf. notre art. cit., Le Censeur Européen. Histoire d'un journal quotidien,
p.204. 104 Cf. Lettres sur l'Allemagne, n° 1 cit. et n° 4, où Harel rappelle le projet du colonel Massenbach, arrêté par les autorités prussiennes, d'une Chambre représentative unique pour toute l'Allemagne, M. IV (3), 19 nov. 1818. 105 Pour la constitution de la Diète et la désignation de nouveaux membres, cf. Bénaben, M.d.F. Il,31 mai et 14 juin 1817, M.d.F. III, 5 et 12 juillet, et ibid., 23 août; l'Autriche et la Prusse ont été invitées à désigner de nouveaux membres à la confédération; l'espoir de l'opinion de voir la Diète fonder partout en Allemagne des régimes constitutionnels, Bénaben, M.d.F. IV, 18 oct. ; pour les pétitions, ci. Bénaben, M.d.F. IV, 29 nov., M. 1 (2 et 6), début fév. et 13 mars 1818. 106 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 16 août 1817. 107 L'année extrêmement difficile de 1817, Bénaben, M.d.F. III, 23 août 1817; chômage et misère, Idem, M.d.F. Il, 14 juin, M.d.F. llI, 2 août; foires déplorables, Harel, Lettres [ ... ], nU Il, M. VI (2), 17 mai 1819; inondations et autres dégâts, Bénaben, M.d.F. Il, 7, 14 et 21 juin 1817, M.d.F. IV, 25 oct. : bonne perspective de récoltes, Bénaben, M.d.F. Il, 7 juin, M.d.F. III. 23 et 30 août, M.d.F. IV, 18 oct.; spéculations sur les grains et procès, Bénaben, M.d.F. III, 2, 23 et 30 août, 6 sept. ; la lutte contre les produits de l'industrie anglaise, Bénaben, M.d.F. Il, 14 juin, M.d.F. III, 19 juillet, 23 et 30 août, M.d.F. IV, 25 oct. ; Harel, Lettres [ ... ]. n° 3, M. III (10), 10 oct. 1818; contre les prohibitions à l'intérieur comme à l'extérieur, Bénaben, M.d.F. Il, 7 et 14 juin 1817, M.d.F. III, 19 juillet, 9 et 23 août, M.d.F. IV, 29 nov., 20 déc. ; Harel, Lettres [oo.]. n° 5, M. IV (5), 6 déc. 1818; la Diète s'occupe des problèmes économiques, Bénaben, M.d.F. IJI, 23 août 1817, M.d.F. IV, 15 nov.
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rendront à l'évidence que la Diète, loin de répondre à l'attente de l'Allemagne, ne fait que traduire les ambitions de l'Autriche et de la Prusse. L'organisation militaire que la Confédération cherche à mettre sur pied en fournirait la preuve 108. Un autre exemple de l'impuissance de la Diète est illustré par les discriminations des villes libres, notamment Francfort, contre les Juifs et les persécutions qui feront tache d'huile à travers toute l'Allemagne. Les rédacteurs auront à cœur à flétrir les préjugés et les intérêts mesquins qui se trouvent à l'origine de cette haine raciale 109. Sur place, Harel, le Correspondant anonyme de Francfort qui a déjoué les efforts de la police pour le dépister, sera plus à même d'apprécier à sa juste valeur une organisation composée des délégués des souverains et servant leurs ambitions. Chimère que l'idée des patriotes allemands cie voir la Confédération transformée en instrument d'unité et de liberté 11\'. Le progrès du libéralisme en Allemagne est certes réel l1 !, mais les problèmes du pays seraient mieux résolus par le congrès d'Aix-IaChapelle et à défaut de la commission que celui-ci a nommée 112 davantage par une évolution libérale lente, mais sûre dans les Etats respectifs de la Diète. Les rédacteurs ne sont pas dupes d'un développement institutionnel où éléments aristocratiques et modernistes se juxtaposent et se superposent. N'est-il pas de l'intérêt de la Bavière, du duché de Bade, du
1"" Sur l'attente que la Diète a provoquée et le rôle qu'elle eût pu jouer en Allemagne et en Europe, cf. Bénaben, M.d.F. lIl, 9 août ISI7, M.d.F. IV, 13 déc. et Saulnier fils, Diète de Francfort, M. Il (II), 15 juillet ISI8; l'organisation militaire de la Confédération, Bénahen, M.d.F. IV, -t et IS oct. 1817, 15 nov. et Harel. Ll'tlres [ ... ], n° 9. M. V (9), 2 avril ISI9. 10U Pour les persécutions cIes Juifs par les villes lihres, notamment Francfort, cf. Bénahen, M.cI.F. Il, 31 mai. ï juin ISI7, M.cI.F. lIl, 30 août, M.cI.F. IV, 1", Cl et 15 nov. ; Harel, Lettres [ ... ], nO' 3 et 7. M. III (10), M. IV (12), 10 oct. IS18 et 23 janv. IS19; persécutions cIans le Mecklembourg, Bénaben, M.cI.F. IV, 1" nl'v. 1817; à Leipzig ,Saulnier fils, Petit bulletin, M. \1\ (-t), 24 mai 1818; en Pologne et en Galicie, Bénahen, M.cI.F. IV, 29 nov. ISI7; généralités sur la question juive, Bénahcn, M.cI.F. III, 16 août et Pagès, De la fermentation en Europe, 2' partie, M. VII (7), 19 sept. 1819. DO Cf. Harel, Lettres [ ... ], nO> 3, 4, 7 et 9, M. 111 (10), M. IV (3 et 12), Ill. V (9), 10 oct. et 19 nov. 1818,23 janv. et 2 avril 1819. 111 Tous les rédacteurs insistent sur le progrès de l'esprit constitutionnel, Bènahen, lI\.d.F. IV, 25 oct. 1817 ; trouhles lors de la fête de la réforme et de la hataille de Leipzig, assaisonnés par des autocIafés, M.cI.F. IV, 22 et 29 nov.; progrès, ibid., fi déc., M. 1 (2), début fév. 181S ; Harel, Lettres [ ... ], nO' 1 et 3, M. III (1), et M. IV (3), 5 août et 19 nov. 1818. !1~ Le congrès ne sabordera pas l'évolution constitutionnelle de l'Allemagne, Bénahen. M. 1 (9), début avril 1818; on attencI du congrès la solution cIe tous les problèl11es, mêl11e celui des acquéreurs Westphaliens-français et cIes bannis français persécutés en Allel11agne, surtout ceux qui portent sur l'unité, le commerce. l'organisation l11ilitaire, les différends entre Etats, la question juive, Hard, LeUres [ ... ], n'" 2, 3 et -t, M. III (8 et 10), M. IV (3), 27 sept., 10 oct. et 19 nov. ; l'Allemagne n'a recueilli aucun résultat cIu congrès, Harel, Lettres 1... ], n'" 5 et 6, M. IV (5 et !cl), fi et 30 déc. ; la commission nommée par le congrès pour apporter une solution au différend bavaro-badois, celle pour les acquéreurs westphaliens et les Juifs s'est cIissoute, Harel, Lettres [ ... ], n" 9, M. V (9), 2 avril 1819,
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royaume de Wurtemberg, du grand-duché de Weimar de se ranger du côté du camp avancé? La Bavière et Bade cherchent d'ailleurs à capter la faveur de l'opinion dans le différend qui les oppose violemment et que la Diète n'a pas réussi à arbitrer. Que le Palatinat badois arrondisse le territoire bavarois en compensation des cessions «consenties» à l'Autriche n'a rien d'étonnant pour des souverains habitués à considérer les populations comme des moyens d'échange. L'ouvrage que Bignon a consacré au litige et le commentaire de Benjamin Constant mettront en valeur le droit des nations à déterminer leurs appartenances et aviveront une discussion acharnée 113. Il n'en reste pas moins vrai que les tentatives timides de ces royaumes et principautés comme celles de Nassau, de Hesse-Darmstadt, du Danemark ou celles plus douteuses du Hanovre et du Mecklembourg s'inscrivent toutes dans un courant fiévreux d'aspirations libérales 114, faisant pièce à la féodalité révoltantt! de l'Electorat de lia Sur le différend entre les duchés de Bo.de et de Bavière, cf. Haret, Lelfres [ ... ], nO' l, 2, 3 et 5, M. III (1, 8 et 10), M. IV (5), 5 août, 27 sept., 10 oet. et 6 déc. 1818; B. Constant, c.r. de l'ouvrage de Bignon, Coup d'œil sur les démêlés des cours de Bavière et de Bade, M. III (9), 3 oct. ; un publiciste bavarois fait l'apologie des réclamations havaroises au nom de la défense de l'Allemagne, Harel, Lettres [00']' n" 5. Pour le règlement de la question des îles du Rhin entre la France et le grand-duché de Bade, cf. Bénahen, M.d.F. IV, 6 déc. 1817. 114 Pour l'attente en Bavière de la constitution, sa promulgation, son caractère composite, la critique de son système représentatif, l'intérêt suscité en Allemagne par les discussions des Chambres, les réclamations de l'oppositio!l contre les abus et l'arbitraire du roi, passant outre aux réductions budgétaires des Chambres, d. Bénaben, M.d.F. Il, 17 mai 1817, Saulnier fils, M. Il (5), début juin 1818, Harel, Lettres [00'], nO' l, 10, Il et 14, M. III (1), M. V (12), M. VI (2) et M. VII (3),5 août 1818, 20 avril, 17 mai et 21 août 1819; la Bavière conserve son code. français, organise son instruction, caresse le projet d'annexer le duché de Bade et Hesse-Darmstadt, rivalise avec la Prusse de par sa population et son régime, Bénaben, M.d.F. IV, 11 oct. et 6 déc. 1817, Harel, Lettres [00'], n"' 1 et 10, M. III (1), M. V (12), 5 août 1818 et 20 avril 1819. L'attente d'une constitution au duché de Bade, son caractère, le progrès de l'esprit constitutionnel et les réclamations des députés, cf. Bénaben, M.d.F. Il, 17 mai 1817, Harel, Lettres [00'], nO' 2 et Il, M. III (8), et M. VI (2),27 sept. 1818 et 17 mai 1819. L'opposition dans le royaume de Wurtemberg à la constitution et à la réforme administrative, sabotage et désordres provoqués par les privilégiés, cf. Bénaben, M.d.F. Il, 19 avril, 17,24 et 31 mai, 14,21 et 28 juin 1817, M.d.F. III, 5 et 26 juillet, 2 et 16 août, 20 sept., M.d.F. IV, 15 nov. et 20 déc. et Harel, Lettres [00'], n° 3, M. III (10), 10 oct. 1818; la constitution subira des changements, ses dispositions, S3 soumission aux Etats et les promesses du roi, Bénaben, M.d.F. III, 30 août 1817, M.d.F. IV, 4 oct., 22 nov. et 20 déc., Harel, Lettres [00'], n° 10, M. V (12), 20 avril 1819; opposition au gouvernement du roi par son frère, réfugié à Paris, Bénaben, M.d.F. Il, 31 mai 1817 et Etienne, n° 55, M. VI (1), g mai 1819; organisation judiciaire, militaire, changements administratifs et édits sur les impôts, Bénaben, M.d.F. III, 20 sept. 1817, M.d.F. IV, Il et 18 oct., 22 nov., 6 et 20 déc., M. 1 (8), fin mars 1818; retour d'émigrés au Wurtemberg et forte émigration du Wurtemberg, M.d.F. III, 19 et 26 juillet 1817. Admiration pour l'œuvre libérale du duc de Saxe-Weimar et vif intérêt pour sa constitution, Bénaben, M.d.F. IV, 25 oct. 1817 et Harel, Lettres [00'], nO' 1 et 10, M. III (I) et M. V (12), 5 août 1818 et 20 avril 1819; réprobation réactionnaire pour la fête exubérante à Weimar du 18 oct. 1817; en 1818, la fête y fut restreinte et
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Hesse ou des Etats nobiliaires de la Saxe 115 et s'opposant énergiquement à la restitution des privilèges aux médiatisés 116. Doublé de visées politiques, le courant libéral de ces pays rivalise de prestige avec celui de l'Autriche et surtout de la Prusse. L'intérêt que les rédacteurs portcnt à cette évolution trouverait sa motivation dans leur désir de ne pas voir l'Allemagne accomplir une unité autrichienne ou prussienne qui s'avèrerait néfaste à la liberté et partant à la sécurité de la France et de l'Europe. Par ailleurs, l'extension du courant libéral en Allemagne scrait à même d'arracher la Prusse à son indécision et d'ac-
plus importante à Francfort, Harel, Lel/res [ ... ), n" 4, M. IV (3), 19 nov. 1818. Le duc de Nassau a renoncé à sa liste civile (fait que le recueil critique), liberté étendue de la presse, réclamations pour des changements constitutionnels, tentati\'es peu réussies pour former deux Chambres, débats au sujet des privilèges de chasse et intérêt pour la constitution, Bénaben, M.d.F. IV, 18 oct. 1817, M. 1 (4), fin fev. 1818; Saulnier fils, M. Il (5), début juin; Harel, Lettres [... ], nO' 1,3 et 10, M. III (1 et 10) et M. V (12), 5 août et 10 oct. 1818,20 avril 1819. Agitation dans le duché de Hesse-Darmstadt parce que la promulgation de la constitution a été remise et opposition des conseillers aristocrates à une constitution, lIarel, Lel/res [ ... ], nO' 12 et 14, M. VI (6), et M. VII (3), 11 juin et 21 aoÎlt IRI9. Attente d'une constitution au duché de lIolstein, ~énaben, M.d.F. Il, 12 avril et 17 mai IRI7, M.d.F. IV, 4 oct., et Saulnier fils, Petit bulletin, M. Il (-1), 25 mai 1fWl ; querelle entre la comtesse de Lippe et ses états aristocratiques, Bénaben, M.d.F. IV, 15 oct. IRI7. Le duc de Saxe-Gotha a demandé à ses Chambres une égalité proportionnelle d'impôts, ibid., 29 nov. Le prince de lichtenstein accordé à ses sujets (5.000 âmes) une cnl1:;titution qui ne reconnaît le droit de représentation qu'aux ecclésiastiques et aux fonctionnaires, Harel, Lel/res [ ... ], n° 10, M. V (12), 20 avril 1819. Essais constitutionnels bien équivoques ou persistance J'éléments féodaux au Danemark, Mecklembourg et Hanovre et bruits sur l'annexion à ce dernier des principautés de Lippe et Schaumbourg, Bénaben, M.d.F. Il, 24 mai 1817 et M.d.F. IV, 22, nov., Saulnier fils, M. Il (I1), 15 juillet 1818, lIarel, Lettres [... ]. n° l, M. III (1), 5 août. 11;; La question des acquéreurs westphaliens, entre autres français, Bénaben, M.d.l'. Il, El avril, 24 et :H mai 1817, M.d.F. Ill, Hl juillet, 15 nov. et M. 1 (5), 7 ma rs 1H18 ; le régime féodal de Hesse-Cassel et les prétentions de la noblesse, Bénabcn, M.d.F. III, 20 et 27 sept. 1817, M.d.F. IV, 22 1I0V., Ilarel, Lettres [... ], nU l, M. III (1),5 août 181S, n° 5 (l'Electeur de Hesse-Cassel a subi UII éche.: au cflilgrl's d'Aix-Ia-Chapelle et doit se contenter de son titre), M. IV (5), 6 déc., nO' 7, H et ln, M. IV (12), et 1\1. V (4 et 12),23 janv., 25 fév. et 20 avril 1819; litige
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corder l'évolution constitutionnelle de celle-ci avec les Etats «progressistes» de l'Allemagne. Benj amin Constant tient, dès le début du Mercure renouvelé, à dire sa confiance dans l'avenir de la Prusse éclairée et son espoir que les promesses du monarque finiront par aboutir 117. Mais l'année 1817 ainsi que la suivante, se signaleront davantage par le raffermissement de l'administration, par des projets de réorganiser les pro[vinces rhénanes, malgré l'opposition des populations annexées, de réorganiser l'armée et la Landwher, ou d'agrandir la Prusse par de nouveaux territoires, que de mettre sur pied des institutions qui répondent aux espérances des patriotes de 1813 118 • Certes, les promesses d'accorder une constitution ne manquent pas, ni quelques tentatives timides et éclairées du Conseil d'Etat, ni un projet constitutionnel libéral d'une commission nommée à cet effet. A la fin de janvier 1819, Harel crie déjà victoire et s'empresse de rendre hommage aux artisans du projét, Beyme, Eichorn et Savigny, tout en exprimant ses craintes quant à l'attitude du nouveau Conseil d'Etat, franchement réactionnaire, auquel la rédaction de la constitution a été soumise. Le Correspondant crédule de Francfort doit se rendre à l'évidence pressentie par la presse libérale en France et en Allemagne. Le rejet du projet signifie la victoire de la féodalité germanique, victoire qui sera bientôt suivie, après l'assassinat de Kotzebue, d'une série de graves mesures de persécutions que le congrès de Carlsbad érigera en système 119. Les esprits clairvoyants en Allemagne ont pu prévoir, dès le
117
Cf. B. Constant, Tablea1l politiq1le de l'Europe, Prusse, M.d.F. l, 18 janv.
1817. 118 Bribes de renseignements sur les projets de réorganisation administrative et bancaire de la Prusse, Bénaben, M.d.F. Ill, 6 et 20 sept. 1817, M.d.F. IV, 22 nov. ; réorganisation militaire et des manœuvres, Bénaben, J\td.F. Ill, 16 août, 6 sept., M.d.F. IV, 15 nov. ; frictions entre la Landwehr et la troupe à Breslau et troubles, Bénaben, M.d.F. Ill, 6 et 27 sept., M.d.F. IV, 11 oct. ; frictions entre les provinces rhénanes, projets de réorganisation et menaces, Bénaben, M.d.F. IV, 18 oct., 29 nov., 6 déc., Harel, Lettres [ ... l, nO' 2 et 12, M. III (8), et M. VI (6), 27 sept. 1818 et Il juin 1819; bruits sur l'annexion à la Prusse de Hesse-Cassel, Harel, Lettres [ ... 1. n° l, M. III (1), 5 août 1818; litiges entre Berlin et Dresde, Bénaben, M.d.F. Ill, 12 juillet et 20 sept. 1817. 119 Pour certaines mesures «progressistes» du Conseil d'Etat et d'une ordonnance supprimant des droits féodaux, cf. T.P., Extérie1lr, M.d.F. Il, 12 avril 1817, Bénaben, 19 avril, M.d.F. IV, 13 déc. et M. 1 (4), fin fév. 1818; opposition de la noblesse à une imposition propnrtionnelle, Bénaben, M.d.F. 111,16 août 1817; lenteurs du développement constitutionnel en Pmss2, promesses réitérées d'accorder une constitution, rèc1amations, opposition de la noblesse, suspension des travaux de la commission nommée pour rédiger une constitution, Bénaben, M.d.F. Il, 24 et 31 mai, M.d.F. IV, 4 oct., 29 nov., M. 1 (9), début avril 1818; Saulnier fils, M. II (.'5 et II), début juin et 15 juillet, Harel, Lettres [ ... J, n° l, M. III (1), 5 août; le nouveau Conseil d'Etat est nobiliaire, Saulnier fils, M. II (5) ; le projet constitutionnel de la commission, le tollé soulevé par l'aristocratie, le rejet par le Conseil d'Etat, bien que l'évidence d'une constitution s'impose même aux esprits réactionnaires (tel le prince \Vittgenstein) et ln perspective d'une constitution prévue pour le 1er janv. 1820, Harel, Lettres [ ... J, nO' 7, 8, 9 et II, M. IV (12), M. V (4 et 9), M. VI (2), 23 janv., 25 fév., 2 avril ei 17 mai 1819.
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mois d'aoCtt 1817, après l'arrestation du colonel Massenbach 120, une évolution qui mettra en prison ou enverra en exil les héros du réveil national, sous le prétexte d'une conspiration universelle, fabriquée de toutes pièces pou r mettre un terme au courant libéral et sauvegarder ses privilèges à l'aristocratie. Les persécutions s'abattront sur des professeurs, des philosophes et des écrivains célèbres, tels Arndt, Goerres, Jahn, Schleiermacher, Neander, ou sur des fonctionnaires, des diplomates et des généraux
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11 en est de l'épidémie des conspirations comme de la contamination des idée, libéraJe~. Si l'Allemagne éclairée suit avec passion les débats à Paris portant sur la liberté de la presse, telle qu'elle a été définie par de Serre 1"", ou si elle applaudit à l'acquittement de Bavoux 123, elle n'assistera pas moins à l'empressement de la Diète à ordonner une enquête sur l'assassinat de Kotzebue ou à entériner avec un zèle exemplaire les ctécrds d~ Carlsbad. Quelle aubaine que les assassinats pour Metternich 1:'4 ! La vague de persécutions s'étale à travers toute l'Allemagne, la liberté de la presse se meurt pour ne laisser la parole qu'à des feuilles insipides ou aux journaux étrangers dont la douane aura bientôt raison 1:'0. Les privilèges vont être rendus aux médiatisés 126. Des publicistes de commande prennent la relève de Kotzebue et font l'apologie des idées de Stein au nom de la défense de l'Allemagne 127. On cherche même à accréditer le bruit selon lequel le mémoire dont l'agent russe Stourdza avait saisi le congrès d'Aix-Ia-Chapelle, recommandant de revenir sur les
I:'U La sai,ie des papiers du colonel Massenbach, son arrestation et le proc'ès qu'on lui a intenté, ainsi que les retentissements en Allemagne, cf. Bénaben, M.d.F. II, 31 mai IHI7, M.d.F. Ill, 30 août, M.d.F. IV, 18 oct., le, nov. et 13 déc.: le pamphlet de Mas,;enbach en faveur d'une constitution «populaire» au Wurtemlll'rg, M.dY. Ill. 12 juillet. 1:'1 Cf. B. Constant, De ,'état de l'Ellrope SOIIS le point de vile constiutionnel, M. \'1 (13), et M. VII (2), iin juillet et 15 août 1819, et supra, les références de la n. 95. 1":' L'intérêt suscité en Allemagne par les « conspirations » en France, Harel, Lettres 1... 1. n" 2, M. III (8), 27 sept. 1818, par les lois sur la presse, n° \1, ;\\. \ï (2), 17 mai 1819. le;) Ci. llarel, Lettres 1... J, n" 14, M. VII (3),21 août 1819. 1:!4 L'ulquêtc orùonnée par la Diète, Harel, Lellres [ ... ], n" 12, M. VI (6), II juin iHI~I; entérinement des décisions de Carlshad, Dumoulin, M. VII (9), début oct, Etienne, n" 75, .I\\. VII (10), 10 oct. et Harel, n° 15, M. VIII (l), 1:1 nov., où il dOline le démenti aux bruits selon lesquels fouché aurait suggéré les r~solutiolls cil' Carlsbad. I:!:; Pour les per,écutions, ct. supra, n. 95; ie ntusdage de la presse, Harel, Le/tres 1... ], n'" 15 et 16, M. VIII (1 et 7), 8 nov. et 20 déc. 1819. 1:!6 Cf. Hard, Lettres 1... ], n° 13, M. VI (10), 12 juillet 1819. I:!, Attaque énergique contre Kotzebue qui assimile les idées constitutionnelles il la Révolution, Pagès, M. Il (5), début juin 1818; des écrivains défendent !a cause des privilégiés, Saulnier fils, M. Il (Il), 15 juillet; le docteur Benzenberg ct surtout Stein, Harel, Lettres [ ... J. n° 2, M. III (8), 27 sept. ; les écrivains de commande sont de nouveau dénoncés, Harel, n" 8, M. V (4), 25 fév. 1819; les articles de commande du correspondant berlinois d'un journal de HesseDarmotadt SOllt dirigé~ contre la France, Harel, n° 10, M. V (\2), 20 avril; autrl'~ puhlicistes r~act;onnaires, Harel, n° 12, M. VI (6), Il juin; un auteur illllnt;né, Tissot, Des sociétés secrètes Cil Allemaglle, M. VII (2), 15 août.
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concessions libérales, traduirait les opinions d'Alexandre et que ce dernier aurait accordé sa bénédiction aux décrets de Carlsbad 128. Cependant, le Wurtemberg, la Bavière, Bade, Weimar et la Hesse-Darmstadt résistent à la pression exercée par l'Autriche et la Prusse 129. Les mesures de répression ont davantage fait pour la cause de la liberté que les propres vertus de celle-ci. Même la Prusse, la prêtresse du régime de contrainte, hésite à exécuter les résolutions de Francfort 130. Et Benjamin Constant, Pagès, Tissot, Harel, Etienne et Dumoulin de multiplier les avertissements et les mises en garde contre la politique des puissances germaniques qui constitue un acte d'hostilité à l'endroit de la France et un acte de folie quant à l'Allemagne. Le proche passé révolutionnaire est là qui prodigue ses leçons. Déjà le mouvement constitutionnel a pris le maquis, déjà le libéralisme allemand répond aux violences par une activité clandestine 131. L'évolution constitutionnelle et le mouvement réactionnaire occupent bien entendu une place privilégiée dans les pages que les recueils consacrent à l'Allemagne. Les problèmes d'ordre religieux n'échappent pas cependant à l'attention des rédacteurs. C'est la question d'un accord avec Rome au sujet de l'organisation de l'Eglise en Prusse 132, et notamment des concordats avec les Etats allemands 133, des couvents à aménager en Bavière et de la difficulté de ce pays, à l'encontre de l'Autriche, de faire aboutir son concordat modifié 134. Si le gouvernement prussien assume les traitements du clergé, il n'est pas tendre à l'égard des catholiques 135. Par contre, la Diète s'occupe d'une manière éclairée des intérêts des chanoines de Bâle et de Strasbourg comme des questions des communautés catholiques et iuives 136. Elle rejoint par là le mouvement libéral qui se double de la défense des libertés religieuses 137. L'essor des sectes religieuses arriérées et mystiques n'est pas sans inquiéter les esprits lucides 138. Mais ce qui inquiète davantage les rédacteurs, c'est la menace de 1~8 Cf. Harel, Lettres [ ... ]. n° 12, M. VI (6), 11 juin 1819 et Etienne, n° 68, M. VII (t), 7 août. 1211 Cf. B. Constant, De l'état de l'Europe SOIIS le point de vue constitutionnel. art. cit., M. VI (13) et M. VIII (2); Harel, Lettres [ ... ], nO' 15 et 16. M. VIII (1 et 7), 8 nov. et 20 déc. 1819. 130 Pour le ralliement de l'opinion à la cause libérale, cf. Pagès, De la fermentaion de l'E1lrope, 2· partie, M. VII (7), 19 sept. 1819; les hésitations de la Prusse, Dumoulin. M. VII (13), fin oct. Barel, Lettres [ ... 1. n° 15, M. VIII (1), Dumoulin, M. VIII (11), 15 janv. 1820. laI Cf. s1lpra, n. 95. 132 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 16 août 1817. 133 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 11 oct. et 29 nov. 1817. 134 Pour les couvents, cf. Bénaben, M.d.F. III, 2 août 1817: le concordat, M.d.F. IV, 22 nov. ; Saulnier fils, M. Il (5), début juin 1818 et Harel, Lettres [ ... ]. n° 7. M. IV (12), 23 janv. 1819. 135 Pour les traitements, cf. T.P., Extérie1lr, Prusse, M.d.F. Il, 12 avril 1817 ; défense aux catholiques d'attroupements et de pèlerinages bruyants, Bénaben, ibid., 7 juin. 136 Cf. Bénaben, M.d.F. III et IV, 16 août et 6 déc. 1817. 137 Cf. Bénaben, M. 1 (2), début fév. 1818. 13;; Cf. Bénaben, guérisons par imposition, M.d.F. III, 6 sept. 1817 et Saulnier fils, Enthousiasme religieux, M. III (8), 27 sept. 1818.
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l'implantation de l'Eglise et son renforcement grâce aux concordats. Si a témoigné d'une grande ferveur lors des persécutions que Bonaparte a fait subir au Chef de l'Eglise, Rome risque maintenant par la collaboration intime entre princes laïques et spirituels de voir le sentiment religieux se muer en aversion 139. La chronique des recueils peut mettre en valeur le développement en Allemagne de l'enseignement mutuel 140, ou un curieux sujet mis au concours par l'Académie d'Erfurt 141. Les faits divers se doivent dans le pays classique des titres et sous-titres de suivre les destinées des personnes augustes ici-bas comme leur passage dans un monde meilleur 142. Fêtes pittoresques HII, ravages d'incendies 144, troubles ou petites guerres ridicules entre principautés 145, alimentent de loin en loin les colonnes des recueils.
r Allemagne
LES PAYS-BAS.
La proximité du nouveau royaume ainsi que les souvenirs tout récents d'un sort commun que l'Empire lui avait imposé éclairent l'intérêt que les rédacteurs témoignent à la réunification sous le sceptre de la maison d'Orange des populations foncièrement opposées. En retraçant rapidement l'histoire de la Belgique, de Liège et de la Hollande depuis la veille de la Révolution, Benjamin Constant insiste davantage sur les divergences d'intérêts et de langage que sur les oppositions confessionnelles. Tout en reconnaissant le caractère libéral du régime, il ne laisse pas de critiquer le rôle prépondérant réservé au roi dans le système parlemenl~U 140
Cf. Saulnier fils, M. Il (6), 10 juin 1818. Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 17 mai 1817. 141 Jusqu'à quel point les guerres de 1814 et 1815 auraient servi l'humanité, Bénaben, ibid., 31 mai 1817. 142 Si le roi de Bavière ne visite pas ses provinces rhénanes, Bénaben, M.d.F. Ill, 2 août 1817, la cour se rendra à Prague, 20 déc. ; trois oncles du grand-duc de Bade obtiennent le titre de prince, M.d.F. IV, 18 oct. alors que le prince Eugène se rapproche de la succession en Bavière, ibid., 6 déc.; souscription par le prince Frédéric au projet d'ériger un monument à la mémoire du comte Egmont, décapité par le duc d'Albe en 1568, Bénaben, M.d.F. III, 20 sept.; la mort frappe le prince héréditaire de Bade, le duc d'Anhalt-Dessau, la princesse d'Anhalt, à la suite d'un accouchement laborieux, l'oncle du roi de Wurtemberg et même son ministre de la Justice, le jour de sa nomination, Bénaben, M.d.F. Ill, 17 mai, 30 août, M.d.F. IV, 4 oct., 13 déc. ; l'accusation de vol portée contre un conseiller de la cour de Saxe ne mérite sa mention ici que pour la qualité de noble de l'accusé, M.d.F. III, 9 août. 143 Fête à Bath en faveur des ramoneurs, Bénaben, M.d.F. III, 30 août 1817: le roi de Wurtemberg reçoit les paysans habillés en costumes nationaux, 27 sept. 144 Incendie du théâtre royal à Berlin et grave incendie à Salzbourg, laissant 1.154 sinistrés, Bénaben, M.d.F. III, 23 août 1817, Saulnier fils, Petit bulletin. 24 mai 1818. 14" Pas de confirmation quant aux troubles à Munich et à Bucarest, Bénaben, M.d.F. IV, le, nov. 1817; moqueries quant à la guerre non officielle qui sévit depuis deux mois entre le prince Lippe-Detmold (régnant sur 69.062 âmes) et le prince de Schaumbourg-Lippe (régnant sur 24.000 âmes), Saulnier fils, M. III (9), 3 oct. 181S.
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taire ainsi que la préférence marquée à l'endroit des éléments hollandais. Il souligne également la répugnance de la noblesse et de la bourgeoisie bruxelloises à partager les dettes que la Hollande avait contractées et à voir la capitale fixée à La Haye. Dès le début de 1817, des mesures vexatoires atteignent le clergé, les écrivains et les journalistes. Somme toute, la qualité du régime dépend bien entendu de l'évolution constitutionnelle de l'Europe, mais Benjamin Constant n'ose pas se prononcer sur l'avenir du royaume 146. Si les collaborateurs de Benjamin Constant ne se penchent pas souvent sur la question du royaume unifié, ils rappellent cependant la résistance des anciens Etats 147, les procès intentés à des prêtres et à des écrivains 148 et le décret infligeant des peines sévères aux parents des déserteurs 149. Les recueils reproduisent également les nouvelles sur des pourparlers en cours avec Rome au sujet d'un concordat 150 ou sur le différend opposant le roi à son ministre de la Guerre 151 et à son fils 152. La profusion des blés et l'abondance sur les marchés a comme envers les émeutes de la faim 153. Des questions d'hypothèques liées à l'occupation française préoccupent les esprits 154 ainsi que des traités de commerce avec les Etats-Unis et le Danemark 155 ou les droits élevés imposés aux bateaux commerçant avec le Levant 156. L'inondation des marchés par les produits anglais et des ateliers par les ouvriers d'Outre-Manche provoquent des mesures prohibitives 157. L~s abonnés des recueils ne jouissent des faits divers qu'au comptegoutte: quelques allusions à la famille royale 158, un traitement barbare 146 Cf. B. Constant, Tableau politique de l'Europe (3e art.), Royaume des Pays-Bas, M.d.F. Il, 19 avril 1817. 147 Cf. Bénaben, ibid., 17 mai 1817; des journalistes cherchent un nom approprié au royaume, M.d.F. III, 20 sept. 1817. 148 Cf. Bénaben, procès intenté à l'abbé Foère et au rédacteur du Vrai libéral, Stevenotte, un autre procès va être intenté au même journal à la demande de l'Ambassade d'Espagne, M.d.F. Il, 17 mai 1817; les poursuites contre de Broglie, évêque de Gand, qui a prêché la désobéissance aux autorités civiles, ont revêtu des dimensions homériques: recherché par la police, Bénaben, M.d.F. III, 27 sept. 1817, il s'est sauvé en France, M.d.F. IV, le. nov. ; il est mis au pilori en effigie, mais de sa cachette, il lance un mandement de carême, M. 1 (2), début fév. ISI8; tentatives de restreindre la liberté de la presse, Bénaben, M. 1 (2), 26 fév. HO Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 29 nov. 1817. 1;;0 Cf. ibid. 151 Cf. ibid. 1~2 Cf. ibid. et 6 et 13 déc. 1817. 153 Pour l'abondance des blés, cf. Bénaben, M.d.F. Il et IV, 31 mai et 29 nov. 1817 ; pour les émeutes, cf. M.d.F. II et III, 28 juin et 5 juillet. tr.4 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 13 déc. 1817. 155 Avec le Danemark, Bénaben, M.d.F. III, 2 août 1817, et les Etats-Unis, M.d.F. IV, 4 oct. 1;;6 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 13 déc. 1817. 157 Cf. ibid., le, nov. 1817 ; nouveau procédé découvert à Gand pour blanchir le lin, ibid., 4 oct. 158 Chute de cheval du prince royal, Bénaben, M.d.F. III, 12 juillet 1817; visite par le roi des fortifications de la Flandre, ibid., 19 juillet.
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infligé par un maire à une femme qui a volé des pommes de terre 11)9 et l'histoire hilare du mannckin-pis ou manneken-piss sinon manneken-pisse volé et restitué avec pompe 160.
LA SUISSE.
Les rt;llseignements qui parviennent de la Suisse sont maigres. Les nouvelles s'attardent sur les relations établies par la Diète helvétique avec celle de l'Allemagne et son accession à la Sainte-Alliance, sur la neutralité qu'on lui reconnaît et l'organisation de son armée 161. La Diète ;l';;t~ la question des droits revenant aux citoyens qui changent soit de canton, soit de religion 162 ou consacre par un acte solennel la mémoire de ses fils tombés aux Tuileries le 10 août 1792 163 • Ménageant les res~ sources d'un pays extrêmement pauvre, elle refuse de s'incliner devant la décision de la Diète germanique l'invitant à accorder des pensions aux anciens employés de l'évêché de Bâle 164. Si un différend d'intérêts l'op~ pose au duché de Bade 165, il semble que ses réclamations à la France aient abouti et que Bâle, Zurich et Saint-Gall soient dédommagés de l'emprunt que Masséna leur avait imposé 166 • Cependant, un son de cloche discordant ne manque pas d'alerter les amis de la liberté sur l'autre versant du Jura, dès la fin de 1817. Dans le pays dont la liberté a été consacrée par toute une pléiade d'écrivains, la liberté de la presse se trouve un peu partout en butte aux répressions 167. Le canton aristocratique de Berne se signale par son gouvernement arbitraire 168. Un sentiment de malaise envahit tous les cantons, notamment les petits, se traduisant parfois par des idéologies confuses. Emeutes et arrestations y font écho aux événements des pays limitrophes. La société libérale p(lur l'histoire de la patrie 169, rétablie à Zurich, dispose de trop peu de moyens et d'une audience trop réduite pour pouvoir l'emporter sur le patriciat solidement ancré à Berne, à Soleure comme à Fribourg, et qui ray.mne aisément, grâce aux effluves de Carlsbad, à travers la Suisse tout entière HO. Cf. Bénaben, ibid., 30 août 1fl17. Cf. Rénaben, M.d.F. IV, Il, 15 et 22 nov., 20 déc. 1817. !tH Cf. Bénahcn, l\1.d.F. 111,2 août 1817. 16~ Cf. ibid., 23 août 1817. l';;! Cf. ibid., 30 août 1817. 161 Cf. Béllaben, M.d.F. IV, 4 oct. 1817. H;:; Cl. Bénaben, M. 1 (8), fin mars 1818. lü6 Cf. Pagès, Petit bulletin, M. Il (4), 24 mai 1818. 1"7 Berne a invité les gouvernements cantonnaux à surveiller leurs journaux, 8énaben, .I\td.F. IV, 13 déc. 1817; débat sur la liberté de la presse, Arau et Saint-Gall refusent de la suspendre, ibid., 20 déc. ; la presse est partout muselée, Correspondance, M. V (8), 24 mars 1819, p. 406-408. l6~ Cf. Bénaben, Les petits tyrans, M. 1 (5), 7 mars 1818. 1.;" Cf. Pagès, M. Il (4), De la Suisse, 24 mai 1818. 100 Cl. ibid. et la Correspondance cit. supra. l,,~
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Apparemment, la main de Dieu s'appesantit sur la terre de Calvin. Digues rompues, inondations, ouragans, tremblements de terre, typhus et surtout la misère avec ses tristes séquelles s'abattent sur la Suisse 171. Les temps d'épreuves manquent rarement de communiquer leurs signes aux âmes pieuses. Voilà Bâle qui invite le peuple à la sobriété et lui défend les divertissements et les danses que le Citoyen de Genève avait chaleureusement prônées dans sa Lettre célèbre contre les spectacles 172. L'intolérance de Genève va jusqu'à interdire à ses docteurs assoiffés d'orthodoxie la polémique avec des puritains comme avec des dissidents 173. Dans ce pays d'élection pour les sectes ésotériques, les ravages sont grands dans les familles. On dirait qu'un parti d'ultra-calvinistes s'est formé pour faire pièce aux calvinistes constitutionnels 174. Les sujets de querelle avec Rome ne manquent pas non plus. Ce sont d'abord les démêlés du ci-devant abbé de Saint-Gall avec le canton et .des cantons catholiques avec le nonce 175. Mais c'est surtout l'implantation des Jésuites dans le canton de Fribourg, leurs visées éducatives et leur rayonnement qui donne du fil à retordre aux âmes éclairées 176. Encore si les bienpensants pouvaient se prévaloir d'un progrès sensible de l'enseignement mutuel 177, ou de la formation d'écoles professionnelles 178 ! Décidément, tout est épreuve et tout est réaction à la veille comme aux lendemains des décrets de Carlsbad dans les cantons suisses. La grisallle de ce triste tableau est quelque peu relevée par les pérégrinations à travers les cantons de Mme de Krüdener, accompagnée par la sainte cohorte de ses pauvres et de ses zélateurs. On dirait que les autorités cantonales Se sont donné le mot d'ordre pour accumuler sur la tête de l'évangelisante mystique les interdictions comme les proscriptions. «C'est un bizarre spectacle que les prolllenades solennelles de madame de Krudner à travers la Suisse inhospitalière, avec son conseil d'initiés, et son cortège de 171 Genève plante partout des pommes de terre; craignant le'; inondations, elle construit des ponts le long du Rhône; les 15 et 18 oct., des maisons sont pillées à Genève; le Conseil taxe les denrées et cherche à résoudre la question des subsistances; tremblement de terre - , Bénab:>n, M.d.F. Il, 2-1 mai 1817, M.d.F. III, 1U juillet, M.d.f. IV, 25 oct. et 29 nov. Misère noire à Appenzell; Constance et Schaffhouse inondés; grêles, débordeml!nts et misère partout; ouragan violent le 22 sepr. ; le typh:ls ravage quelques cantons et la misère llUS; avalanches dans le Valais comme dans la vallée de Chamonix, Bénaben, M.d.F. III, 12 et 1D juillet 1317, 2 août, Il oct., M.d.F. IV, I"'nov. et Pagès, Petit bulletin, M. Il (-1), 2-1 mai 1818. 172 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 24 mai 1817. 173 Cf. Bénaben, M.d.F. III et IV, 20 sept. et 11 oct. 1817; d'autres cantons se révèlent à la même époque plus :olérants, on y réclame en faveur des mariages mixtes, 14 juin. 174 Cf. Sauinier fils, Enthousiasme religieux, M. III (8), 27 sept. 181B. 175 Pour les démêlés de l'abbé de Saint-Gall, Bénaben, M.d.F. Il, 1-1 juin 1817, M.d.F. Ill, 12 et 19 juillet et 9 août; cantons catholiques contre nonce, 19 juillet. 176 Cf. Pagès, Petit bulletin, M. Il (4), 24 mai 1818 et Correspondance, M. V (8), 24 mars 1819, p. 406-408. 177 Le Conseil de Genève a accordé à l'enseignement mutuel 10.000 fr., Bénaben, M.d.F. II, 17 mai 1817. 178 Le bernois Kasthofer fonde une école pour la culture des montagnes et l'économie des forêts, M.d.F. IV, 4 oct. 1817.
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mendians. Toujours proscrite et jamais rebutée, chassez-la par une porte, elle rentre aussitôt par l'autre 179.» La France qui l'avait fêtée en 1815, réservera au préfet du Haut-Rhin le privilège de l'accueillir poliment et de l'éconduire aussi respectueusement, au mois d'octobre 1817 18 L'arC". change de la Sainte-Alliance et de l'Alliance des pauvres se fera finale." ment escorter par la police pour rentrer chez elle en Livonie 181. Une reli.,.. gion bienfaisante se doit d'arrêter les élans et les appels mystiques à la communion des âmes 182.
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L'AuTRICHE. Les rédacteurs peuvent aisément se tenir au courant des événements survenus Outre-Manche ou Outre-Rhin, aux Pays-Bas comme en Suisse. Idées et nouvelles circulent avant les décrets de Carlsbad, avec plus ou moins de liberté et de facilité. Il n'en est pas de même pour l'Empire autrichien. Avec le conservatisme salutaire et la stabilité pondérée si chers à Metternich, la vie politique en Autriche évolue dans l'édifice hermétique-" ment clos de la chancellerie viennoise. Des percées vers l'Allemagne et l'Italie et ici et là quelques nouvelles éparses permettent aux recueils d'entrevoir les vérités d'un système opaque de réaction dont Metternich se fera de plus en plus l'apôtre. Au début de l'année 1817, Benjamin Constant espère que l'Autriche finira par suivre le mouvement général et s'inspirer de l'évolution constitutionnelle de l'Allemagne. Si Vienne se caractérise par son attachement à une sorte de féodalité tempérée et par son éloignement pour des changements d'ordre social et politique, elle n'en cède pas moins, bon gré mal gré, aux transformations d'idées et d'institutions. Les déclarations de Buol-Schauenstein - Président de la Diète germanique - le prouveraient. Déjà Joseph Il avait tenté une expérience libérale dont les moyens étaient mal assortis au but. Si François Il s'est trouvé par la force des choses au premier rang des adversaires de la Révolution et de Napoléon, son empire, consolidé et renforcé par de nouvelles acquisitions, malgré le renoncement à la Belgique, et grâce à un s:'stème habile d'alliances matrimoniales, bénéficiera des principes Jnndérés ct éclairés de son chef 183. C'cst peut-être là davantage une invite qu'une profession de foi. Ni Benj amin Constant ni ses collègues ne sont dupes des apparences imposantes d'un Empire au caractère si composite et si fragile. Les difficultés 1,,, Bénaben, M.d.F. III, 6 sept. 1817, p. 479-480; Mme de Krüdener va quitter la Suisse, M.d.F. Il, 14 juin; interdiction de séjour dans les cantons suisses, M.d.F. Ill, 16 aoÎlt ; elle aura quitté la Suisse, ibid., 20 sept. ; elle s'est réfu!!,iée dans un villa~e de Bade, après avoir perdu ses prosélytes et ses biens, M.d.F. IV, Il oct.
Cf. ibid., IR od. 1817. 1,1 Cf. ibid., 22 nov. 1817. 1"2 Cf. E. Ley, Madame de Krüdener ct son temps, Paris, 1962. 1':1 Cf. B. Constant, Tableau politique de l'Europe (2' art.), M.d.F. 1, 22 fév. 1817. H'"
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d'.ordre financier de Vienne n'échappent pas à l'attention vigilante des rédacteurs. L'Autriche s'efforce de consolider ses finances en se débarrassant d'une bonne partie de son papier-monnaie, en rachetant des obligations, en vendant des domaines de la couronne et en créant une sorte de banque nationale 184. La misère est attestée également par les réductions et les réorganisations administratives 185, le licenciement des troupes 186, le nombre de mendiants et de brigands qui infestent Vienne et ses environs 187 et par la création de « magasins d'abondance» 188. Les fluctuations de la bourse 189 se doublent des méfaits de la nature 190 et de rares annonces de bonnes récoltes 191. Ce n'est certes la découverte d'un nouveau minerai en Styrie ou d'une mine d'or en Moravie 192, ni un traité de commerce avec la Perse 193 qui pourront alléger la situation économique de l'Autriche. A l'instar de l'Allemagne, elle sera obligée de recourir aux prohibitions pour se protéger contre l'inondation de s~s marchés par le coton anglais 194. Avec les murailles de silence les plus épaisses, elle n'arrivera pas cependant à étouffer les griefs que ses diètes archaïques n'auront pas manqué de formuler 195. Tout au plus, ses feuilles de commande pourront se prévaloir des voyages projetés de l'Empereur 196, du voyage de Léopoldine-Caroline pour rejoindre don Pedro au Brésil 197 ou des déplacements de Metternich et de son activité mystérieuse 198 comme de la mission d'un de ses diplomates auprès des Etats-Unis 199. L'activité de la chancellerie autrichienne 184 On brille à Vienne du papier-monnaie, T.P., Extérieur, M.d.F. Il, 12 avril 1817 et Bénaben, M.d.F. IV, 15 nov. ; son système financier est désastreux, Bénaben, M.d.F. Il, 12 avril; rachat d'obligations, M.d.F. IV, Il oc.; vente des domaines, M. 1 (3), 22 fév. 1818; création de la banque, M.d.F. IV, 8 et 15 nov. 1817. 185 Cf. T.P., Extérieur, M.d.F. Il, 12 avril 1817 et Bénaben, M.d.F. IV, 29 nov. ; la dignité de Chancelier d'Etat sera rétablie pour Mettemich. 186 Cf. T.P., Extérieur; non signé, M.d.F. II, 19 avril et Bénaben, M.d.F. IV, 22 nov. 1817. 187 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 14 juin 1817 et M.d.F. IV, 14 oct. 188 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 6 sept. 1817. 189 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 30 août et 27 sept. 1817, M.d.F. IV, 22 nov. 190 Avalanche de montagne, le Tyrol submergé, un hiver précoce et arrêt dans les ravages épidémiques en Dalmatie, Bénaben, M.d.F. III, 19 juillet et 20 sept. 1817, M.d.F. IV, 8 et 29 nov. 191 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 20 sept. 1817; de bonnes vendanges s'annoncent en Hongrie, M.d.F. IV, 25 oct. 192 Cf. Bénaben, M.d.F. III et IV, 30 août et Il oct. 1817. 193 Cf. ibid., 8 nov. 194 Cf. ibid., le. nov. 195 Cf. ibid., à propos des réclamations des diètes de Styrie et de Hongrie, 22 nov. 1817. 106 Pour l'Italie, cf. T.P., Extérieur, M.d.F. Il, 12 avril 1817 et non signé, ibid., 19 avril. L'Empereur se rendra peut-être en Galicie pour y rencontrer Alexandre. 197 Cf. ibid. A ce mariage inspiré par la raison d'Etat, ajoutons la mort en couches de la femme du prince-régent Léopold, Bénaben, M.d.F. IV, 22 nov. 1817. 198 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, III et IV, 24 mai, 6 sept. et 20 déc. 1817. 199 Le baron Sturmer, commissaire à Sainte-Hélène, M.d.F. IV, 8 nov. 1817.
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auprès de Londres, de Pètersbourg, de Constantinople ou d'autres puissances ne peut que susciter des conjectures 200. L'ITALIE. Ce n'est qu'à la fin de décembre 1818 et au début de 1820 que la Minerve se dresse explicitement contre l'oppression de l'Italie. D'abord par l'hommage qu'elle rend à l'esprit patriotique et libéral du Il Conciliatore 201, ensuite et surtout par les pages qu'elle consacre au Correspondant d'Italie. Les congrégations centrales créées par l'Autriche à Milan et à Venise ne sont que des simulacres de représentation, et cepen-, dant elles ne laissent pas de s'opposer à l'augmentation des impôts et au système prohibitif qui ont tué l'industrie et le commerce 202. Harel revien-, dra à la charge, en insistant sur la collaboration intime en Italie de l'Autriche et de la papauté et en soulignant les effets nocifs d'une éducation entièrement confiée aux Jésuites. Les mœurs et la résistance des Italiens sont bien entenùu de nature à limiter le despotisme autrichien, mais dans l'ensemble, sur le plan politique et intellectuel l'écart est grand, entre l'occupation de la France et l'oppression légitimiste de l'Autriche 203. L'opposition du gouvernement de Sicile à l'abus papal de bulles et de brefs 204, la tentative russe de réconcilier Naples et les Etats-Unis 205, les efforts des principautés italiennes à se défendre contre les Barbaresques 206, les condamnations sévères à Palerme pour le crime de lèsemajesté ~07 ou la prise de possession de Lucques par l'infante d'Espa~ gne 208, sont peu de chose en regard de l'état de misère endémique. C'est une litanie sur les méfaits de la nature, le froid, la neige, l'éruption de l'Etna, les longues pluies ou le typhus qui fait des ravages à Palerme "09. La chronique porte rarement sur les essais de cultiver la pomme de terre pour faire baisser le prix du pain 210, mais davantage sur une misère qui fait fleurir dans le midi et à travers l'Italie tout entière des bandes de malfaiteurs. C'est un fléau qui vaut à Stendhal une citation de son 200 Rapports avec Constantinople et le Brésil, TP" Extérieur, M,d.F, Il, 12 avril 1817 ; avec Constantinople, Londres, Pétersbourg, non signé, M.d.F. Il, 19 avril; cadeaux offerts aux pachas d'Orsowa et de Belgrade, M,d.F. IV, 22 oct, geste pour les récompenser du traitement généreux dont a fait preuve le sultan à l'égard de l'Empereur et de l'impératrice, M,d.F. III, 20 sept 201 Cf. Pagés, Petite querelle, M. IV (8), 26 déc. 1818. 202 Cf. Le Correspolldallt d'Italie, M, VIII (13), fin janv. 1820. V. égalemel!t Bénaben, M.d,F. 1I1, 27 sept. 1817, conscription dans les royaumes autrichiens en Italie. 203 Cf. Hare!, Politique étrallgère, AL IX (4), lin lév. 1820. 204 Cf. Bénaben, M.d.F IV, Il oct. 1817. 205 Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 6 sept 1817. 206 Cf. ibid" 16 août et 13 déc. 1817. 207 Cf. ibid., 27 sept. 208 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 20 déc. 1817. 209 Cf. Bénaben, M.d.F. 11,24 et 31 mai, M.d.F. Ill, 19 juillet et 15 nov. 1817. 210 Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 6 sept. 1817.
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ouvrage, Rome, Naples et Florence et qui amène les autorités à réorganiser la gendarmerie ou à recourir aux bons offices des bandits euxmêmes, procédé fort en honneur même alors 211. Le banditisme va de pair non seulement avec la misère, mais également avec des crimes que les recueils signalent parfois 212.
LES PAYS SCANDINAVES.
Que le Danemark qui a fait preuve de fidélité à l'Empire même lors de dures épreuves ait mérité la sympathie des recueils n'a rien d'étonnant. Benjamin Constant rend hommage à un royaume qui a su allier à son élbsolutisme théorique une grande dose de liberté de fait. Le Danemark se relève lentement de la grave crise économique cons~cutive aux guerres napoléoniennes et la cession de la Norvège, malgré les apparences, l'aidera dans ce sens 213. Le recueil n'abonde pas en renseignements sur les différends qui opposent Copenhague à Stockholm. A l'en croire les deux cours seraient arrivées à concilier leurs divergences 214. La nomination d'une commission pour préparer une constitution à l'intention du duché de Holstein figure dans le Mercure à côté de la nouvelle annonçant l'expédition de la frégate la Minerve pour protéger les bateaux danois contre les incursions des corsaires des Indépendants 215. Copenhague n'entend pas se mêler à la guerre qui met aux prises les colonies espagnoles et leur métropole. C'est pourquoi elle invite ses colons de l'île Saint-Thomas à garder une stricte neutralité 216. Elle tient toutefois à faire respecter son pavillon et une querelle entre des matelots danois et des Yankees risque d'amener une rupture avec les Etats-Unis 217. Le renforcement de sa marine serait motivé par le désir d'augmenter son commerce et de le défendre ~18. La crise économique se manifeste par l'augmentation inquiétante du nombre de ses pauvres au point que certains publicistes danois «éclairés» leu r recommandent vivement le célibat 219. La mutinerie de quelque 211 L'Italie infestée de brigands, M.d.F. Ill. 19 juillet et 23 août; M.d.F. IV, 25 oct. (citation empruntée à Stendhal), et ibid., 22 nov. 1817; réorganisation de la gendarmerie à Bologne et en Lombardie, M.d.F. III et IV, 6 sept. et 22 nov. ; recours à des bandits, les frères Vandarelli, chefs de bandes danS la Pouille, M.d.F. III, 16 août. 212 Le recueil signale également aux lecteurs la misère en Savoie, M.d.F. II, 14 juin 1817; à côté d'une spéculation anodine sur les blés, M.d.F. III, 20 sept., le recueil rapporte l'assassinat en Sicile des matelots et des voyageurs de deux felouques, ibid., 2 août et l'assassinat par un séducteur d'une mère et de son enfant, ibid., 23 août. 213 Cf. B. Constant, Tableau politique de l'Europe, M.d.F. 1, 18 janv. 1817. 214 Cf. Bénaben, M.d.F. II et III, 24 mai et 12 juillet 1817. 215 Cf. T.P., Extérieur, M.d.F. II, 12 avril 1817. 216 217 218
Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 25 oct. 1817. Cf. ibid., Il oct. 1817.
Deux bricks ont été récemment construits, un vaisseau de ligne et deux frégates viennent de sortir du chantier, Bénaben, M.d.F. III, 16 août 1817. 219 Cf. ibid., 30 août 1817.
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cinq cents détenus peut aussi servir d'indice pour une situation économique critique 2~O. La Justice danoise n'entend pas raillerie sur l'application des préceptes des Tables de la Loi et condamne à mort une jeune fille pour avoir battu ses parents 221. Dans le peu d'espace réservé à la Scandinavie par les recueils, la Suède bénéficie d'une place privilégiée. Il est flatteur pour la France et pour le libéralisme de voir un prince né de la Révolution occuper le trône de Suède, en pleine réaction de l'Europe légitimiste. La jonction est vite faite entre le passé républicain de Bernadotte et une politique qu'on veut libérale; il ne faut pas oublier la collaboration en 1814 de Benjamin Constant, inspiré par Germaine de Staël, avec le prétendant au trône vacant de France. II est donc acquis pour Constant et ses collaborateurs que la Suède jouit de toutes les libertés et que toutes les classes sont représentées à la Diète 222. Bien entendu, les tentatives de complot contre le prince royal et son fils ne manquent pas, ni les professions d'allégeance universelles 223. L'accession au trône de Bernadotte et l'association de son fils Oscar au gouvernement de la Norvège comme au trône, accession reconnue par les puissances malgré les conjectures malveillantes des légitimistes !lU, semblent acheminer la Suède vers une époque de stabilité et de prospérité. En attendant, Bernadotte se multiplie pour faire face à la grave situation économique qui se manifeste par une crise financière aiguë 225. Réduction de l'armée, mesures commerciales, prohibitions con-· tre les marchandises anglaises et même des lois somptuaires sont envisagées 226. Si les rapports avec la Russie semblent satisfaisants et le Cf. ibid., 19 juillet 1817. Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 31 mai 1817 . .,.,., Cf. B. Constant, Tableau politique de l'Europe, M.d.F. l, 18 janv. 1817. 223 Cf. T.P., Extérieur, M.d.F. Il, 12 avril 1817. Le complot aurait été décou\'ert vers la mi-mars; cf. également, non-signé, M.d.F. Il, 19 avril: l'agitation continue, des mesures de précaution ont été prises, arrestations et banissements ; dans l'ensemble, le recueil n'a jamais pris au sérieux le complot, M.d.F. Ill, 2 août; cepl!ndant, un médecin et un professeur ont été condamnés à mort pour avoir bu à la santé de Gustave V, peine réduite grâce à l'intervention du prince-royal, ibid., V et 30 août. ~2-1 La majorité du prince Oscar proclamée et son association au gouvernement de la Norvège prévue, ibid., 2 août 1817 ; accession au trône de Bernadotte et reconnaissance par les puissances, Bénaben, M. 1 (2 et 4), 16 et fin fév. et Pagès, M. II (5), début juin 1818; association au trône du prince Oscar, M. 1 (3), 22 lév. ; Gustave Vasa cherche refuge en Suisse, M. 1 (2), 16 fév.; le ni tique s'élève contre le zèle excessif de ceux qui ont loué le talent musical du prince Oscar, don peu important pour la formation d'un prince, M. 1 (10), 12 avril. 22~ Sur la crise financière et la convocation de la Diète à ce sujet, Bénaben, M.d.F. IV, 25 oct., 20 et 27 déc. 1817; la Norvège assainit ses finances, ibid., 18 oct. ~26 Cf. B. Constant et T.P., Tableau politique de l'Europe et Extérieur, art. cit. ; critique du système protectionniste de la Suède, Bénaben, M.d.F. III, 19 juillet 1817 ; lois contre It: luxe dans une ville, ibid., 30 août et polémique à ce sujet dans le Moniteur, ibid., 27 sept. ; brochure suédoise contre les impôts, ibid., fi sept. ; aux difficultés économiques s'ajoutent les méfaits de la nature, M.d.F. IV, Il oct. 220 221
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traité de commerce avec elle étendu également à la Norvège 227, les relations avec le Danemark impliquent par le silence du recueil bien des discordes 228 et la réunion forcée de la Norvège à la couronne suédoise ne paraît pas exempte de difficultés malgré les promesses de concours 'empressées 229. Le désir de Bernadotte de réformer la constitution et l'insistance du recueil sur l'esprit libéral dont la Suède et la Norvège seraient pénétrées traduiraient l'effort du prince pour donner des garanties à ses sujets et le concours du Mercure pour renforcer son prestige 230. L'aménagement de nouvelles villes sur les frontières norvégiennes et une politique favorisant l'immigration en Norvège éclairent également les préoccupations de Bernadotte 231. LA RUSSIE.
L'artisan généreux de la libération de la France et le promoteur reconnu des idées libérales, jouit d'une faveur exceptionnelle auprès des recueils libéraux, du moins jusqu'à sa conversion aux principes conservateurs de Metternich. Il est vrai que dans la pesée historique des destinées de l'Europe et du monde, la Russie figure comme l'un des deux colosses menaçants pour la sécurité de l'humanité et Alexandre n'apparaît que comme un accident 232. Non que ces prévisions apocalyptiques ne soient mitigées à l'occasion et que des esprits clairvoyants ne se rendent compte de l'immense besoin de paix que dicte à un pays aux trois quarts primitif le travail gigantesque de civilisation, entamé par Pierre-le-Grand, agréablement coloré par Catherine II et repris par Alexandre. Benjamin Constant n'ignore pas que le vernis français d'une mince couche sociale, la formation prussienne de l'armée et anglaise de la marine cachent mal le caractère profondément asiatique et arriéré de la population 233. Le Correspondant de Pétersbourg, logé vraisemblablement à l'enseigne de la rédaction, dira plus crüment ce que Benjamin Constant a énoncé plus élégamment et soulignera les faits démographiques d'une population relativement réduite, ignorante et amorphe, qu'un despotisme omnipotent a du mal à façonner 234. L'œuvre de réforme peut avoir pour écueils soit un despotisme éclairé trop violent soit un despotisme réactionnaire. Ce n'est certes pas le cas d'Alexandre, réformateur prudent, auquel les recueils ne se lassent pas Cf. ibid., 23 aoOt 1817 ; commerce avec l'Egypte, M.d.F. III et IV, 9 aoOt déc. 1817. 228 Cf. supra, n. 214. 229 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 25 oct. 1817 et M. 1 (10), 12 avril 1818. A en croire Bénaben, l'union des Suédois et des Norvégiens est des plus cimentée au début de 1818, M. 1 (7),21 mars. 230 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 9 aoOt 1817, M.d.F. IV, 29 nov. et 13 déc. 231 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 29 nov. et 20 déc. 1817. 232 Cf. supra, n. 12. 233 Cf. B. Constant, Tableau politique de l'Europe, M.d.F. l, 18 janv. 1817 el le Correspondant de Pétersbourg, M. VI (7), 20 juin 1819. 234 Cf. ibid. 227
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de rendre hommage. Il sait engager résolument l'avenir tout en ménageant le présent 235. Des serfs sont libérés 236, des routes sont construites, des viIles surgissent. Moscou est rebâtie et Pétersbourg embeIlie voit sa population augmenter 237. Une sage politique favorise l'immigration 238, réforme la justice 239, fait preuve de tolérance à l'égard des sectes chrétiennes et serait même disposée à étendre ses bienfaits aux Juifs convertis 240. Le système financier se consolide 241 et le commerce est rendu plus actif grâce au port libre d'Odessa 242. De bons rapports avec les voisins scandinaves et même ottomans créent l'ambiance pacifique - quelque peu troublée par le projet de réunifier la Pologne - si nécessaire à l'accomplissement de l'œuvre réformatrice en Russie 243. Ne dirait-on pas que le congrès de Varsovie convoqué au mois d'octobre 181 9 fût la réplique triomphale de la cause libérale au coup de barre réactionnaire du congrès précédent de Carlsbad 244 ? La chronique russe des recueils traduit par des renseignements sporadiques l'activité économique 245 ou inteIlectueIle, limitée ceIle-ci dans le recueil à la nomination du mufti d'Ufa comme membre honoraire de l'université de Kazan, aux réunions de la Société biblique et au nombre de Bibles impressionnant qu'eIle publie 246 ainsi qu'à l'enseignement mutuel introduit dans l'armée ~47. Les nouveIles inquiétantes sur le départ à destination inconnue de l'escadre russe finissent par s'éclaircir. Il ne s'agit que d'un marché avec l'Espagne 248. Les déplacements des généraux ~30 Cf. B. Constant et le Correspondant de Pétersbourg, art. cit. et T.P., Extérieur, M.d.F. Il, 12 avril 1817. 2:lH Cf. B. Constant et T.P., art. cit., et M.d.F. Il, 19 avril et 2.t mai 1817. ~37 Cf. B, Constant, art. cit" Bénaben, M.d.F. III et IV, 19 juillet et 1"' nov, 1817. ~38 Cf. Bénaben, M.d,F. IV, le, nov. 1817. :!:w Cf. M.d.F. II, Nouvelles étrallgères, M.d.F. Il, 19 avril 1817, ~~(I Ct. T,P., Extérieur, art. cit. et Bénaben, M.d.F. Il, 24 mai 1817, où ce dernier, rendant hommage à la philanthropie d'Alexandre, ne se rend pas compte de l'incongruité d'une invite qui appelle les Juifs à se convertir. ~41 Cf. T.P., Extérieur, art. cit. ; négociation d'un emprunt et emprunt réussi en Russie, Bénaben, M.d,F. III et IV, 23 août et 25 oct. 1817; faillite d'une maison importante à Pélersbourg, ibid" 18 oct. :!l:! Cf. Bénaben, M.d,F. III et IV, 12 juillet et 18 oct. 1817. :!43 Pour les rapports avec la Suède, cf. supra, n. 227, et avec la Porte, Bénab~n, M,d.F, III et IV, fi sept. (le détroit des Dardanelles ouvert aux navires russes) et 18 oct. 1817. :!H Cf. Dumoulin, M. VII (13), fin oct. 1819; le roi de \Vurtemberg beaufrère d'Alexandre - et plusieurs ministres d'Allemagne y assisteront. :!4::; lvlanque de charbon de terre en Russie, Bénaben, M.d.F. Ill, 2 août 1817 ; station pour la pêche de la baleine, ibid., 9 août; plantation de thé et fondation d'industries de cachemire, M.d.F. IV, 8 nov. ; augmentation des droits de sorti~ du frorn2nt, du seigle et du chanvre, Pagès, Petit bulletin, M, Il (4), 24 mai 1818. ~46 Cf. Bénaben, M,d,F. III et IV, 23 août, II oct. 1817 et M. 1 (9), début avril HW:!, ~47 Cf. Bénaben, M,d.F. II, l7 mai 1817, introduction de l'enseignement dans l'armée d'occupation. :!48 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, le, et 8 nov, 1817; une autre escadre ramène une partie du conîingent russe en France, M.d.F. Ill, 12 juillet.
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et d'autres personnalités russes ~49, la probabilité qu'Alexandre s'arrête à Paris avant de gagner Aix-la-Chapelle 250, un projet de mariage de Pozzo di Borgo ~;;l et quelques faits divers enfin viennent s'ajouter au maigre bilan de la chronique 252.
LA POLOGNE.
Le grand mérite d'Alexandre ne consiste pas seulement dans le puissant concours qu'il a apporté à la libération de la France. Il se révéle autant, sinon davantage, dans ses efforts de reconstituer la Pologne et de la doter d'une constitution et d'une industrie. La vive sympathie que la Prélnce ressent pour ce pays opprimé redouble pour les libéraux à travers les tentatives ostensiblement libérales d'Alexandre de lui redonner vie. Luttant de longue date pour son indépendance, la Pologne se reforme sous les auspices d'un monarque. C'est là une leçon des plus édifiantes pour les forces réactionnaires et notamment pour les ultras. C'est là aussi une leçon de tolérance, car les Juifs vont à leur tour bénéficier en Pologne du iibéraUsme du Tsar, perspective d'autant plus notable qu'ils y forment !.II1C partie non négligeable de la population, fait que Bénaben considère comme peu propice aux destinées du pays et à la bonne entente avec Alexandre. Les rédacteurs semblent croire que le règne polonais d'Alexandre - bien qu'éloigné de Varsovie et s'y faisant représenter - se traduira non seulement par la cïéation d'une armée nationale, mais également par un dirigisme efficace du commerce et de l'industrie 253. La convocation de la Diète à la dernière session de laquelle l'Empereur a assisté en personne revêt en îR18 le caractère d'un acte hautement significatif pour le continent 254. Cependant, le libéralisme d'Alexandre ne sera pas de longue durée. Etienne feia entendre au mois d'octobre 1819 un autre son de cloche: des lois contre les abus de la presse ont été promulguées en Pologne le 22 mai et le 16 juillet 2~5. 219 Cf. T.P., Extérieur, in fine, art. cit. ; Bénaben, l\td.F. Ill, 12 juillet, 9 et 30 août et 6 sept. 1817. 250 Cf. Etienne, n° 13, M. II (5), début juin 1818. 251 Cf. Pagès, M. IV (8), 26 déc. 1818: il s'agit de la fille de Bozon de Périgord, nièce de Talleyrand ; Pozzo di Borgo songerait à rentrer au service de la France. 252 Prouesse d'un capitaine russe qui a égorgé les corsaires algériens qui l'ont capturé avec ses matelots, Bénaben, M.d.F. Ill, 30 août; poursuite acharnée de trois voyageurs jusqu'à Heligoland. M.d.F. IV, 15 nov. 1817. ~53 Ajouter à B. Constant, Tableau politique de l'Ellrope et au Correspondant de P."tersbourg, art. cit., Bénaben, M.d.F. III et IV, 6 sept. et 8 déc. 1817, où il traite la question juive d'une façon cavalière. ~f>4 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, le, nov. 1817 et Pagès, M. Il (-1 et 5), 24 mai ct début juin 1818, la Diète serait disposée à accorder aux Juifs certains droits politiques. ~;;;; Cf. Etienne, n° 76, Post-Serip/llm, M. VII (lI), 17 oct. 1819.
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Si la noble Pologne ne perd un iota de ses coutumes nobiliaires 256, elle reste toujours fidèle à son patriotisme légendaire. Elle obtient d'Alexandre d'ériger un monument à la mémoire de Poniatowski, compagnon d'armes valeureux de Napoléon 257 et elle se met en deuil pour Kosciuszko; mort à Soleure, à l'étranger 258. L'EMPIRE OTIOMAN. Un glas funèbre sonne la dislocation de l'Empire dès l'époque que nous étudions. Il est vrai que les nouvelles qui parviennent aux recueils ne permettent pas de se faire une idée très claire quant à la politique de la Porte et le jeu des forces intérieures. Cependant, les maigres renseignements recueillis signalent les révoltes que des pachas successifs soulèvent en Asie Mineure "59. Le Sultan a peu de confiance dans ses janissaires "60 et des conspirations se trament au sein même du sérail 261. La Grèce martyrisée fait faiblement entendre sa voix par un Hermès timide et le sort tragique de l'Hospodar Czerni-George, décapité avec nombre de ses fidèles, fait rêver aux voies byzantines de la politique 26". Pourtant, les bons rapports avec la Russie démentent les bruits persistants de guerre entre les deux puissances 263. Inquiétantes pour l'intégrité de l'Empire sont les tentatives de la Syrie et de Bagdad de s'en détacher 264. Plus grave encore pour l'avenir du Croissant est l'ascension spectaculaire de Méhémet Ali. Il aurait entamé des pou rparlers avec l'Angleterre pou r tai re reconnaître son indépendance en échange d'une expédition contre les Barbaresques. Un accord similai re conclu avec la Suède aurait valu à cette dernière l'extermination d'un de ses équipages près de la Corogne 265.
2.-,.' Ducl pour une alliance recherchée et puis rejetée, Bénaben, M.d.F. Il, 2.f mai 1817.
Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 1"' nov. 1817. Cf. ibid. et 13 déc. 1817. 2;;\1 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, III et IV, 17 mai, 16 aoÎlt et 25 oct. lR17; préparatifs militaires il Constantinople, M.d.F. IV, 15 oct. et 20 nov. ; l'Asie Mineure est pacifiée, ibid. 2"0 Cf. Bénaben, J\l.d.F. lll, 16 et 23 aoftt 1817. 2(11 Cf. ibid., 2 août 1817; il faut y ajouter les cruautés exercées par Ali Ilodgi,t en Albanie, M. 1 (.f), fin fév. 1818. "li2 Proscrit, au service de la Russie et vivant en retraite en Autriche, il est revenu dans les Etats du Sultan et fut capturé à Semendria ; les têtes de Czemi et de ses partisans furent envoyées à Belgrade, Bénaben, M.F. Ill, 23 et 30 août 1817. 2";\ La Turquie ouvre les Dardanelles, Bénaben, M.d.F. Il, 21 juin 1817; elle reconnaît J'infériorité dc ses forces, M.d.F. III, 2 août; communication de l'amhassadeur russe, M.d.F. IV, Il oct.; fortification des Dardanelles, ibid., 20 nd. ; guerre peu probable, ibid., 25 oct. ; v. également Sllpra, n. 243. 2"1 Cf. Bénaben, M.d.F. III et IV, 27 sept. et 13 déc. 1817. """ Méhémet Ali Înrme un peuple, Bénaben, M.d.P. Il, 21 juin 1817; il ,crait tombé ilU pouvoir de la populace, M.d.F. Ill, 16 août; démenti, ibid., 30 ~lOÎit; la Porte craint l'Egypte; sa puissance en Afrique du Nord n'est qu'uil vain mot, M.d.F. IV, 25 oct.; la guerre avec l'Egypte est probable; marché proposé à l'Angleterre et que la Suède a peut-être accepté, ibid., 1er nov. ; l'Egypte avait acheté à la Suède 250 pièces de canon, M.d.F. Ill, 9 août. 2;;, 2:;'
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L'entente est loin de régner entre les deys d'Alger et de Tunis et moins encore dans le camp du premier que ses soldats finiront par assassiner 266, Incursions des Algériens, conjuguées à l'occasion avec les Marocains contre le littoral espagnol, sont doublées d'épidémies qui ravagent l'Afrique du Nord, contaminent des navires capturés, atteignent Constantinople et menacent l'Espagne 267, Les amateurs de curiosités exotiques seront sans doute amusés d'apprendre que la Justice à Constantinople n'entend pas raillerie sur le poids ou la qualité du pain et qu'elle condamne les délinquants à avoir une oreille coupée, en attendant mieux 268, Le Sérail laisse parfois transpirer des nouvelles, C'est la fête de l'héritier dont les cheveux sont consacrés au prophète ou la mort de la sultane Validé - créole française - qui fait songer à la galanterie du maître 269, A l'autre bout de l'Empire ce sont les célibataires qui bénéficient d'une bastonnade, ordonnée par le dey d'Alger, jusqu'à ce qu'ils reconnaissent les mérites de l'état matrimonial 270. Singulières sont les voies du Seigneur qui fait massacrer par les Wahabites des pèlerins turcs voyageant sous pavillon anglais 271, détruit la ville de Patras et engloutit son cap par un tremblement de terre 272, L'ESPAGNE.
La Révolution et les guerres napoléoniennes ont eu le mérite de faire apprendre la gèographie autrement que par des manuels. L'Espagne n'est plus le fait exclusif des voyageurs et des romanciers. Nombreux sont ceux qui ont pris une part active aux campagnes acharnées de la péninsule et à son administration. Cette connaissance n'affaiblit certes pas l'image qu'on se fait du pays d'Outre..,Pyrénées par des caractérisations sommaires et contre lesquelles s'élèvera le Bachelier de Salamanque, soucieux de représenter l'Espagne autrement que par le mythe des guerilleros cruels 273. Dès l'entrée en scène du Mercure, Esménard, expert en matière ibérique, évoque le proche passé de l'occupation française et de la division de l'Espagne entre les partisans du gouvernement de Madrid et les Cf. Bénaben, M.d.F. JI, 31 mai 1817, M.d.F. IV, 18 oct. et 1er nov. Alger se fortifie et renforce sa marine, Bénaben, M.d.F. JI, 7 juin 1817 ; action concertée contre l'Espagne, M.d.F. IV, 29 nov. ; démenti d'un massacre et scènes horribles à Alger, M.d.F. Il,28 juin 1817 et M. 1 (2), 16 fév. 1818; peste et misère à Alger, M.d.F. III et IV, 19 juillet, Il oct., 8 nov., 6 déc. et M. 1 (4), fin fév. 1818 ; le navire hambourgeois capturé est restitué, mais il est contaminé, M.d.F. IV, 15 nov. 1817 et 6 déc.; Gibraltar est préservé, ibid. ; l'Espagne menacée de la peste, ibid., 29 nov. ; les effets de la peste allégés à Constantinople, ibid., 15 nov. 268 Cf. Bénaben, M.d.F. III, II juillet 1817. 269 Cf. ibid., 2 août et M.d.F. IV, 25 oct. 1817. 270 Cf. ibid., 22 nov. 1817. 271 Cf. ibid., 6 déc. 1817. 272 Cf. ibid., 29 nov. 1817. 273 Cf. le Bachelier de Salamanque, M.d.F. l, II janv. 1817; la dette littéraire que la France a contractée à l'endroit de l'Espagne, 1" fév. 266 267
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adeptes des Cortès constitutionnels de Cadix. Les dévastations de la guerre et les représailles ont été terribles pour le pays tout entier et le retour de Ferdinand VII s'avère aussi désolant pour les amis de l'occu';' pant que pour les artisans farouches de l'indépendance. C'est le retour pur et simple à un ancien régime des plus absolutistes, aggravé par les chan" gements incessants du ministère, le pouvoir arbitraire de la camarilla, un déficit sans remède, une administration inopérante et un engagement sans issue Outre-Atlantique. En regard d'un pourrissement aussi avilissant, Esménard met en valeur l'œuvre éclairée d'un Ferdinand VI et d'un Cha~::' les III, qui, à l'aide de leurs ministres, allaient, à l'unisson des idées révolutionnaires de la France et des Etats-Unis, acheminer l'Espagne sous Charles IV vers un régime constitutionnel 274. L'évocation des horreurs de l'Inquisition, en marge de la réplique de L10rente à l'apologie de Clausel de Coussergues et de l'ouvrage que le même auteur espagnol a consacré au Saint-Office, permet à Esménard et surtout à Aignan de faire non seulement le procès de la féodalité absolutiste en Espagne, mais, faits et chifùes en main, d'engager un débat décisif avec les détracteurs de la Révolution et les apologistes de l'ancien ordre de choses. Les résistances à l'Inquisition, royales COlllme papales et ministérielles ainsi que nationales, prouvent à quel point l'alliance avec l'obscurantisme cruel d'un fanatisme dominateur est fatale pour les monarchies 275. Non que la situation désespérée de l'Espagne inspire à Esménard, au début de 1817, des craintes d'un bouleversement ou des vœux pour une révolution. Les affaires en Espagne vont mal leur train, mais aucun indice n'indique un changement notable. La presse s'occupe quelque peu de la conspiration de Lacy, de son jugement et de son exécution, entourés d'Uii grand secret, comme du sort de ses compagnons 276. Elle s'intéresse vive~ ment aux réformes financières de Garay dont le courage persistant durant son ministère, dès décembre 1816 à 1818, malgré l'opposition du clergé, de la noblesse et même du peuple, fait miroiter l'espérance d'une amélioration des conditions politiques et l'association au pouvoir de la bourgeoisie éclairée. C'est un espoir d'autant plus fondé que les relation~ étroites avec la Russie, cimentées par l'achat invraisemblable d'un certain nombre de ses navires de guerre, peut donner le change et faire croire à un fléchissement de la politique de Ferdinand 277.
~71 Cf. Esménard, Extérieur. Espagne, 1" et 2' art., M.d.F. l, -l et 25 janv. 1817 et Réflexions sur le discours prononcé par M. ClauseL de Coussergues à
la chambre des députés, le 25 fév. [ ... ], M.d.F. Il,5 avril. ~7:; Esménard, LT. de la Letire de Llorente à ,H. Clausel de Coussergues, sur J'inl/uisition d'Espagne, .I\1.d.F. Il, 26 avril 1817; Aignan, c.r. de l'ouvrage de Llorente, Histoire critique de l'inquisition d'Espagne [ ... ], M.d.F. III et IV, 20 sept. et 6 déc. 276 Cf. Bénabell, M.d.F. Il, 17 mai, 7 et 14 juin 1817, M.d.F. Ill, 12 et 19 juillet, 2, 9 et 16 août, 6 sep!. (Lacy aurait été un intrigant et un traître), 27 sep!., M.d.F. IV, 15 nov. 277 Tentatives de réforme, opposition, bruits sur la disgrâce éventuelle de Garay, difficultés financières et perspectives d'une dévaluation, achat des ba-
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La crainte des recueils de voir l'aventure de l'Amérique espagnole se transformer en une guerre européenne s'appuie sur des données bien inquiétantes. A négliger un traité d'amitié avec le Danemark 278 ou les démêlés avec les Pays-Bas au sujet d'un emprunt non remboursé 279, on ne peut enregistrer à l'actif de la politique extérieure de Ferdinand VII que la réversion en 1817 des duchés de Parme, Plaisance et Guastalla à l'infante Marie-Louise et ses héritiers 280. C'est le jeu d'influences russoanglaises qui préoccupe la presse 281, davantage les menaces de rupture et de guerre avec les Etats-Unis, à cause des visées américaines sur le Sud 282, et avec le Portugal, à la suite de l'occupation de Montevideo 283. Matière rêvée pour les conjectures que la politique anglaise qui s'est assurée les débouchés de l'Amérique espagnole, fournissant armes et hommes aux Indépendants et se mouvant avec précaution sur le terrain glissant de l'amitié espagnole et de la fidélité portugaise 284. Le Portugal s'annonce de plus en plus puissance brésilienne pour que les recueils s'étendent longuement sur les affaires de la métropole, exception faite d'une conspiration matée qui intrigue d'autant plus qu'elle reste secrète, teaux russes et fléchissement de la politique, Bénaben, M.d.F. Il, III et IV, 7 juin, 12 et 19 juillet, 9 et 23 août, 20 sept., 11 oct., 1"', 15,22 et 29 nov. 1817; M. 1 (6), 13 mars 1818; Saulnier fils et Pagès, M. II (2 et 4), 14 et 24 mai; bruit qu'une bulle autorisera la sécularisation des moines, Bénaben, M.d.F. III, 16 août 1817 ; bulle permettant de lever pendant six ans 30 millions de réaux sur les produits et les rentes du clergé, ibid., 6 sept; propogation de l'enseignement mutuel, M.d.F. II, 17 mai. 278 Cf. Bénaben, ibid., 21 juin 1817. 279 Cf. Saulnier fils, M. Il (12), 21 juillet 1818. ~so Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 4 oct. 1817; l'Espagne adhérera à la prohibition de la traite des nègres, ibid., II oct. 1817. 281 Bonne entente entre la Russie et l'Espagne, appui russe et vente de navires de guerre, Bénaben, M.d.F. 1II et IV, 16 août et 29 nov. 1817. 282 Publication en Espagne de l'acte américain interdisant aux citoyens américains d'armer des navires pour les colonies, Bénaben, M.d.F. III, 19 juillet 1817; outrage fait au pavillon américain par un corsaire espagnol, ibid., 30 août; la question des Florides, l'arrestation et la libération de Meade, directeur d'une maison de commerce à Cadix, les menaces de rupture entre les deux puissances, l'occupation des Florides et les déclarations de Monroë sont souvent notées par le recueil: Bénaben, M.d.F. III et IV, 23 août, 20 sept., 22 et 29 nov., 20 et 27 déc. ; M. 1 (1,7 et 8), début fév., 21 et fin mars 1818; Saulnier fils et Pagès, M. Il (2, 3, 5, 8, 9, 12), 14 et 20 mai, début et 23 juin, début et 21 juillet, M. IIJ (2 et 6), 15 août et 15 sept. 1818, M. IV (10), 9 janv. 1819. 283 L'occupation de Montevideo par le Portugal risque de déclencher la guerrE dails la péninsule ibérique, amène l'intervention des cinq puissances et met en branle toutes sortes de bruits, Bénaben, M.d.F. Il, 15 mai 1817, M.d.F. IV, Il et 25 oct., 1"' et 8 nov., M. 1 (3 et 4), 22 et fin fév. 1818; Saulnier fils, M. Il (2 et 3), 14 et 20 mai; le Portugal offrirait peu d'avantages à l'Angleterre, Des dangers du Portugal, lettre d'un Portugais, M. VI (13), fin juillet 1819. 284 La position fâcheuse de l'Angleterre entre le Portugal et l'Espagne et sa neutralité apparente pour s'assurer des avantages du côté de l'Amérique espagnole, Bénaben, M.d.F. Il, 15 et 21 juin 1817; Saulnier fils, M. Il (3),20 mai 1818. Pagès, M. Il (5), début juin et M. IV (7), 19 déc. Entrevue de Wellington à Paris avec Palmella - ministre des Affaires Etrangères au Portugal - M. Il (8), 23 juin.
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et qu'elle se prolonge 28". Mais les répercussions européennes de la guerre de l'Amérique du Sud et les tentatives de Ferdinand de provoquer une action concertée ou séparée des cinq puissances, faute de pouvoir faire entendre aux insurgés le langage du compromis ou celui de la menace, sont de nature à impliquer l'Europe dans une confrontation redoutable 286. Au danger de la fièvre jaune 287, des incursions des Barbaresques 283 et des corsaires indépendants, s'ajoutent les maux sans nombre d'une guerre épuisante et d'un pouvoir qui s'effrite chaque jour davantage. Les prêteurs font défaut à un pays qui ne paie ni dettes ni intérêts, dont le valès n'arrête pas de baisser, où le commerce et l'industrie périclitent, où les moyens de communication et de transport manquent à une armée en quête de soldats qu'elle ne peut pas nourrir, et où l'expédition de Cadix; sous le commandement d'O'Donnel, s'éternise dans son port d'embarquement. Les revirements d'une politique tâtonnante à l'extérieur ne présagent aucune solution au drame sanglant de l'Amérique. A l'intérieur, elle fait pleuvoir sur la population les condamnations du Saint-Office, tient éloignés de l'Espagne quelque douze ou vingt mille bannis, remplit les prisons cie détenus et laisse déverser sur le malheureux pays des bandits et des déserteurs 289. Dans ce pays aux mœurs apparemment sévères, même les faits clivers sombrent dans un silence significatif 290. Les murailles d'épais silence jalousement érigées par les autorités policières et cléricales empêchent, il est vrai, les nouvelles précises et détaillées de circuler à travers la péninsule ou de franchir les frontières. Cependant, le silence se rompt, les appels pour le retour à la constitution mythique de 1812 se font cie plus en plus pressants et les prédictions d'une crise imminente cie plus en plus nombreuses !m.
285 Sur la conspiration et les condamnations, cf. Bénabcn, M.d.F. II, III et IV, 21 juin, 16 et 30 août, II et 25 oct., il et 15 nov. 1817; fait divers, la princesse du Brésil est enfin partie, M.d.F. Ill, 6 sept. 286 Cf. Pagès, M. li (12), et M. IV (7), 21 août et 19 déc. 1818. 287 Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 30 août 1817. 288 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 29 nov. 1817. 289 Cf. Bénaben, M.d.F. II, III et IV; 21 juin, 30 août, " et 18 oct., 29 nov. et 20 déc. 1817, M. 1 (6),13 mars 1818 et Saulnier fils, M. Il (2), 14 mai. 290 Mort d'un infant et séjour de l'autre à Paris, Bénaben, M.d.F. Il, 17 mai 1817; incendie à Cadix, ibid., 28 juin; ouragan violent sur Alicante, M.d.F. IV, 15 nov. ; les députés de la Navarre ont prêté serment de fidélité au roi, M.d.F. III, 20 sept., l'ambassadeur espa!!:nol est attendu à Londres, M.d.F. IV, 4 oct. ; la reine va accoucher, Pagès, M. IV (8), 26 déc. 1818. 201 Cf. Lellre s1Ir l'Espagne. signée le 13 juin, à Madrid, par T.P.S., où les détails abondent sur l'état intérieur du royaume, M. Il (11), 15 juillet 1818; l'Espagne policière est enragée par le mémoire de Florez Estrada, attaquant l'absolutisme, rappelant les promesses de Ferdinand et réclamant la constitution, Pagès, M. IV (7), 19 déc. ; description de l'état lamentable de l'Espagne et la panique que le mémoire de Florez Estrada a provoquée d'après le correspondant du Alornùzg-Chronic/e, Pagès, M. IV (8), 26 déc.; reproduction de quelques passages du mémoire d'après l'Espagnol constitutionneL paraissant à Londres, M. IV (13), fin janv. 1819; l'Espagne est livrée à la peste et à l'Inquisition, Dumoulin, M. VII (13), fin oct.
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L'Espagne est mûre pour sa révolution. Il faut bien entendu du temps à la presse libérale pour qu'elle se rende compte que la révolte de Cadix du premier janvier 1820, entreprise par Quiroga et Riego, est plus qu'une conspiration et qu'elle revêt les dimensions d'une véritable révolution. L'hebdomadaire n'abonde pas en détails sur le déroulement de la révolte, tâche confiée aux quotidiens. Le recueil se contente de faire rapidement état de la progression de l'armée constitutionnelle le long du littoral, entre Cadix et Gibraltar, du retour précipité en Navarre du général Mina, héros de l'indépendance, ainsi que de l'inactivité du général royaliste Freyre et de la cour, comme du terrain gagné rapidement et fiévreusellÎent par la cause nationale. La proclamation par Ferdinand le 8 mars db laconstitut ion de 1812 et la convocation des Cortès semblent sceller la révolution et réconcilier la légitimité avec la liberté. Mais plus qu'un événement confiné à la péninsule ibérique, les rédacteurs, en cette hture difficile pour le libéralisme, y voient un bouleversement d'ordre et de signification européens, destiné à faire pencher la balance en faveur de la bourgeoisie libérale, dans sa confrontation avec la féodalité. Les définitions et les leçons d'histoire abondent à cette occasion. Les rapprochements sont nombreux entre la révolution espagnole ct la Révolution, entre les ultras de 1814 et le retour à l'absolutisme de Ferdinand. Voilà que l'Etat modèle de Bonald et de Chateaubriand s'est laissé dévoiler. L'avilissement d'un régime, livré à la discrétion des privilégiés et du clergé, est ainsi montré au grand jour. Les destinées de l'Espagne qui a fourni des preuves magnifiques de son amour de l'indépendance contre Napoléon et de son attachement à la liberté contre la féodalité nobiliaire et cléricale eussent été différentes si Ferdinand avait tenu ses promesses et suivi la voie que les Cortès lui avaient tracée. L'Espagne reprend à l'heure actuelle l'expérience de 1812. Ferdinand VII, par l'aveu de ses erreurs, condamne sans appel l'absolutisme si cher aux ultras. Il faut bien entendu qu'il soit à la hauteur de ses intentions déclarées, car la Minerve pas plus que l'opinion en Europe n'est guère dupe des qualités du Monarque. En attendant un avenir imprévisible, journaux et écrits propagent à travers l'Espagne la bonne parole. Ainsi, la révolution espagnole constitue une étape essentielle dans la lutte que les libéraux livrent partout en Europe contre les forces réactionnaires et le recueil, en l'accompagnant de ses vœux, multiplie les mises en garde contre l'éventualité d'une intervention des puissances et les avertissements contre une politique rétrograde en France 292. 292 Les rédacteurs mettront du temps pour confirmer la révolution; à la date du 13 janv., Dumoulin parlera d'une conspiration provoquée, M. VIII (11), 15 janv. 1820. Pour l'appréciation de la révolution et ici et là des détails sur son progrès, cf. selon l'ordre chronologique, Jay, Sur les affaires d'Espagne, M. VllI (13), fin janv.; Harel, Politique étrangère, Espagne, M. IX (1), 6 fév. ; Jay, M. IX (2), 13 fév. ; Dumoulin, ibid. ; Harel, M. IX (4), fin fév. ; Dumoulin M. IX (6), 12 mars; Harel, M. IX (7), 17 mars; Jay, M. IX (8), 23 mars; Extrait d'une lettre d'un personnage marquant, ibid. ; B. Constant, Conspiration des contrerévolutionnaires contre le trône et la vie du roi d'Espagne, M. IX (9), 27 mars.
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L'Espagne n'est pas seule à avoir profité, du moins selon les apparences immédiates, de sa crise aiguë ct de sa révolution. Si l'Amérique du Sud se trouve en bonne partie à l'origine du malaise profond de la métropole et de la révolte de Cadix, elle est par là aussi en état de tirer avan~ tage de la situation critique de la péninsule. Dès 1818 et davantage au cours de l'année suivante, il devient manifeste pour les rédacteurs que la cause de l'indépendance est assurée 293. Il est vrai que les maigres nouvelles ne leur parviennent qu'après un retard de plusieurs mois et qu'elles sont le plus souvent contradictoires. La guerre de propagande se fait alors à l'échelle que les moyens de communications et de publications contemporains peuvent aménager aux belligérants. Nul doute que les sympathies des recueils n'aillent aux Indépendants. Toute libération d'une tutelle européenne, liée aux formes de gouvernement archaïques et réactionnaires, appelle des vœux pour sa matérialisation 294. Encore faut-il préciser que les rédacteurs ne sont nullement dupes des déclarations emphatiques que les représentants et les députés des républiques en voie de formation affichent à l'envi. La philosophie du XVIII" siècle, les principes des révolutions effectuées dans les deux hémisphères ou les rêves insensés de reconstituer l'empire des Incas cachent mal une réalité intellectuelle médiocre, une misère affreuse, la barbarie d'une guerre civile devenue endémique et les rivalités acharnées des dirigeants militaires 295. Il n'est pas certain que les rédacteurs aient souhaité pour l'Amérique espagnole un régime républicain. Il semble même qu'ils aient accepté la constitution des Provinces-Unies de la Plata en monarchie limitée, sous le sceptre d'un héritier de la maison de Bragance, projet que la position de force du I3r('~il et la fortune victorieuse de Buenos Aires ont tour à tour favorisé ou invalidé 206. Il est plus probable que les rédacteurs auraient préféré à l'effusion indéfinie de sang un compromis avec l'Espagne qui, tout en réservant à la métropole une sorte de suprématie politique, aurait assuré à ses provinces américaines une indépendance constitutionnelle de fait 297. 293 Cf. Saulnier fils, M. II fib, M. Il (9), début juillet, ~l jalll·. 1819 et Dumoulin, M. "91 Cf. p. ex. Pagés, c.r.
(3), 20 mai, Pagès, M. II (5), début juin, Saulnier Pagés, M. Il (12), 21 juillet 1818, M. IV (ID), VII (13), fin oct. de la Lettre réactionnaire à M. l'abbé de Prad/, par Illl indigène de l'Amérique du Sud, M. Il (6), 10 juin IRI8. :!O;; Cf. le Bachelier de Salamanque et [Bénahcn], Amérique méridionale, M.d.F. 1 et Il, 1" mars et 26 avril 1817; le c.r. de Bénaben de la pa.tie historique du Voyag-e d'Alexandre Humboldt et Aimé Bonpland éclaire les llivergences d'intérêts locaux, ,'\Ld.F. III, 16 août; pour la rivalité des chefs, v. lvLd.F. IV, 8 nov. et 6 déc. et M. 1 (3),22 fév. 1818. ~9(; Cf. Bénabcn, M.d.F. III, 27 sept. 1817, S~ulnier fils, J'vL Il (9 et 12), début et 21 juillet 1818. ~97 La politique indécise de Ferdinand penche parinis en apparence vers une solution d'accnmmodement, Bénahen, IIl.d.F. Il, 15 mai 1817; c.r. d'un ouvrage publié à Londres, citant les réclamations des colonies et le refus de l'Espagne d'<1ccepter la médiation de l'Angleterre, M.d.F. III, 16 août; changement de politique à l'cndroit des colonies, ibid., 23 août; congrès éventuel à Paris des représentants de l'Espagne, des Provinces-Unies et du Venezuela, M.cLF. IV, 27 déc.; promesscs gratuites de l'Espagne aux révoltés, Pagés, M. III (6), 15 sept. 1818; par contre, aV2C le progrè3 (ks préparatifs de l'expédition de Cadix, l'Espagn'~ Cct décidée à r~conqllérir l'Amérique, Pagés, M. III
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Un tel accommodement eût peut-être évité à l'Amérique espagnole et tout autant à l'Europe l'implantation de l'Angleterre qui se révélait de plus en 'Plus menaçante. La politique anglaise, s'évertuant à maintenir son équilibre sur la corde raide tendue entre le Portugal et l'Espagne, se traduit en réalité par des investissements commerciaux importants, par le nombre de ses volontaires qui grossissent les rangs des armées en révolte, par la place que ses officiers occupent dans la marine, par l'importance des armements que ses armateurs fournissent aux rebelles et le nombre de ses sujets associés aux entreprises de piraterie 298. Le Portugal a au moins le mérite dans sa politique d'expansion de s'identifier avec les destinées du Brésil 299. Les Etats-Unis également, dans leur désir d'occuper les Florides, offrent l'avantage d'accorder leurs visées expansionnistes avec leurs principes libéraux 300. Toujours est-il que dans ce jeu subtil d'intérêts européens et américains, les recueils suivent tant bien que mal les progrès accomplis par Buenos-Aires, les victoires et les revers au Venezuela, au Chili et au Pérou comme les tentatives plus ou moins avortées du côté du Mexique 301. Sans procèder à un relevé fastidieux du déroulement inextricable (13), 21'1 oct., alors ':Iu'elle Ile pellt rien ni contre les Etats-Unis ni contre le Portugal, M. Il (5), début juin 1HI8 ; ellc s'attend à ce que les puissances lui assurent ses possessions, Pagès, M. IV (10), 9 janv. 1819. ~08 Pour la position de l'Angleterre entre l'Espagne et le Portugal, cf. supra, n. 284, et Bénaben, M.d.F. Il, 15 mai et 21 juin 1817, Pagès, M. Il (5), début juin 1818; les intérêts comm~rciaux, Bénaben, M.d.F. Il,7 juin 1817, M.d.F. 1111, 9 août; offre d'une concession de commerce contre reconnaissance des Indépendants, M.d.F. IV, 29 nov. ; recrutement, officiers anglais, pirateries et fournitures d'armes, M.d.F IV,·I (h::. ct nov. ; Saulnier fils, M. Il (9), début juillet 1818 et Pagés, M. III (13), 28 oct. 299 La tension entre le Portugal ct l'Espagne, supra, n. 283 ; fluctuations dans les rapports avec Buenos Aires, la lutte pour la possession de Montevideo, confrontation avec Artigas, Bénaben, M.d.F. 1II, 12 juillet 1817, M.d.F. IV, 22 et 29 nov., 20 déc., M. 1 (3), 22 fév. 1818; Saulnier fils, M. Il (12), 21 juillet et M. III (2), 15 août; insurrection matée au Brésil, envoi de renforts, condamnations, Bénaben, M.d.F. Il, 7 et 14 juin 1817, M.d.F. 1II, 5 et 19 juillet, 9, 16,23 et 30 août; le prince royal du Brésil porte le titre de prince du Royaume-Uni du Portugal, du Brésil et des Aigarves, M.d.F. III, 12 juillet; l'implantation du Portugal au Brésil, Saulnier fils, M. Il (3), 20 mai 1818; voyage de l'archiduchesse Léopoldine-Caroline, M.d.F. Ill, 9 août 1817. 3UO Cf. supra, n. 282. Si Bénaben annonce le 26 juilleLI817 que les EtatsUnis n'entendent pas déclencher des hostilités contre rEspagne, il n'en reste pas moins vrai que les sympathies américaines sont acquises aux Indépendants, M. 1 (9), début avril 1818; déjà avant, M.d.F. Ill, 6 sept. 1817, Bénaben a fait état de la nomination par le Président des commissaires (représt!ntants) auprès dt!s Indépendants; le'; républiljut!s de l'Amérique espagnolt! ont des représentants accrédités à Washington et les commissaires de cette capitale viennent d'arriver à Buenos Aires, Pagès, M. Il (8), 23 juin 1818; les commissaires proposeront aux Provinces-Unies la reconnaissance des Etats-Unis en échange d'avantages considérables; des propositions semblables seraient faites au Chili, Saulnier fils, M. II (12), 21 juillet; Washington est également représenté auprès de Bolivar, Pagés, M. III (5), 15 sept. 301 Pour le déroulement de la guerre, cf. le Bachelier de Salamanque, M.d.F. l, le. mars 1817; Bénaben, M.d.F. II, 15 et 24 mai, 7 juin, M.d.F. 111,5 et 26 juillet, 2, 9, 16, 21 et 30 août, 6, 20, 27 sept., M.d.F. IV, 4, Il, 18, 25 oct., 1", 8, 15,
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de cette guerre acharnée, notons que les noms prestigieux de Bolivar ou de San Martin figurent avec éclat à côté de Marino, de Piar, d'Artigas, de Belgrano, de Mina et de bien d'autres en regard des aventuriers étrangers comme Brayer, Aury, Bryon, Tailor, Macgregor et plus tard Cochrane 8œ. Le prestige lointain des commandants n'efface pas les procédés barbares qui, imitant ceux du royaliste Morillo, livrent au pillage et à la mort populations et prisonniers 303. Les exploits des corsaires eux aussi ne laissent rien à désirer par rapport aux gestes des fantassins 804. L'écho des faits mineurs survenus dans les Antilles et les îles Canaries, directement ou indirectement liés aux événements de l'Amérique espa-: gnole, parvient parfois aux recueils 305. La rivalité entre Christophe ef Pétion à Haïti et la mort de ce dernier 806 n'échappent pas à l'attention des rédacteurs, pas plus que les révoltes dans les colonies des PaysBas 301, les graves méfaits d'une éruption volcanique à Batavia 308, une révolution dans la Cochinchine 309 ou l'œuvre civilisatrice menée parmi les peuplades des îles Sandwich par leur roi 310.
22, 2Y nov., 6, 20 et 27 déc., M. 1 (3), 22 fév. 1818, Saulnier fils, M. II (9 et 12), début et 21 juillet, M. III (2), 15 août, M. III (6), 15 sept. et Pagès, M. III (13), 28 oct., M. IV (3 et 10), 19 nov. et 9 janv. 1819, Dumoulin, M. VII (13), fin oct. 302 Cf. pour le prestige des héros de l'Indépendance, la Notice (traduite du journal l'Aurore de Philadelphie) biographique sur Morelos, généralissime des insurgés du Mexique, M.d.F. IV, 18 oct. 1817; parallële entre l'humanisme de Bolivar et la cruauté de Morillo, Bénaben, M. 1 (9), début avril 1818 ; l'héroïsme à l'antique de San Martin, Saulnier fils, M. III (6), 15 sept. 3ù~ Sur la barbarie de la guerre, cf. p. ex. Bénaben, M.d.F. III, 19 juillet et 20 déc. 1817 (Morillo s'humanise), M. 1 (-l et 9) fin fév. et début avril 1818; Saulnier fils, M. Il (12) et M. III (2), 21 juillet et 15 août. 304 Pour les exploits des corsaires, cf. Bénaben, M.d.F. III, 12 juillet, 9 et 30 août, 6, 20 et 27 sept., M.d.F. IV, 4 oct. 1817; Saulnier fils, M. III (2), 15 août 1818. 30:; Pour les troubles dans la Jamaïque, fomentés par Christophe et Pétion, cf. Bénaben, M.d.F. Il, 15 et 31 mai 1817; refus du gouverneur de saisir un schooner, tombé aux mains des insurgés, M.d.F. Ill, 9 août; agitation révolutionnaire à la Havane, ibid., 16 août; le capitaine d'un brick espagnol est cassé de son commandement par la cour martiale de la Havane pour avoir donné la chasse à un schooner américain, ibid., 23 août; pour avoir insulté une sentinelle, un capitaine anglais se voit condamner à la prison par les tribunaux des lleà Canaries, et sa peine se prolonger après l'expiration, ibid., 20 sep.; de sérit!ux dégats causés aux bateaux mouillant dans les Antilles par un violent ouragan, M. d. F. IV, 27 déc. 306 Pour les faits et méfaits de Christophe et de Pétion et leurs différends avec les Etats-Unis, cf. Bénaben, M.d.F. Il, 24 mai, 7 juin, M.d.F. III, 12 juillet et 23 août, 20 et 27 sept., M.d.F. IV, 25 oct., 8 et 22 nov. 1817 et M. 1 (7),21 mars 1818; mort de Pétion et son remplacement par le général Boyer, Saulnier fils, M. Il (3), 20 mai. 301 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 22 nov. et 13 déc. 1817. 308 Cf. Bénaben, M.d.F. III, 27 sept. 1817. 3uU Cf. ibid., 16 août 1817. 310 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 21 juin 1817.
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L'AMÉRIQUE DU NORD.
Le Canada est éloigné par la géographie et se trouve à l'écart des préoccupations des rédacteurs. Les nouvelles qui s'infiltrent à travers les océans sont maigres. Elles se réduisent à la concurrence entre la compagnie de la baie d'Hudson et celle du Nord-Ouest 311, à la cession à Lord Selkirk d'un immense territoire, non sans opposition de la part des indigènes 312, à une loi impériale réservant à la métropole l'achat du bois 313, à un débarquement d'immigrants 314, comme à un immense incendie à Terre-Neuve 315. Cependant, le voisinage des Etats-Unis et l'évolution vers l'indépendance et la constitutionnalité des pays de l'Amérique espagnole paraissent agir sur les habitants de la colonie britannique. C'est un fait que les griefs adressés par les colons au prince-régent traduisent et que semble avoir préfiguré la participation d'un corps canadien aux côtés des EtatsUnis dans la guerre de 1812 ainsi que l'émigration des capitaux et des colons vers la Pennsylvanie 316. Les Etats-Unis occupent bien entendu une place privilégiée dans les recueils. Le mythe des libertés américaines gagne puissamment par l'effritement, dès la première Restauration, de celui de l'Angleterre. La publication d'ouvrages se rapportant à la Guerre d'Indépendance ou à celle de 1812, constitue pour les rédacteurs une occasion rêvée pour condamner la politique louche d'Albion, évoquer l'aide de la France aux jeunes républiques et mettre en valeur les idées constitutionnelles comme les vertus civiques de celles-ci. Washington prend les dimensions d'une figure antique, les Etats-Unis incarnent le prolongement du XVIII' siècle philosophique et les idées généreuses de la Révolution. En commentant l'ouvrage anonyme de Barbé-Marbois, Jay, versé dans les affaires américaines, met en relief les qualités de l'auteur et la valeur de l'introduction que celui-ci a consacrée à l'Amérique et dans laquelle il a mis à contribution les notes de Jefferson sur la Virginie 317. Aignan à son tour, en marge de son commentaire du livre traitant de la guerre de 1812, paiera son hommage à Jay et rappellera la mission que Washington lui avait confiée, à propos du traité de 1794 avec Londres 318. L'ouvrage de Barbé-Marbois l'emporte sur les écrits de ses devanciers par la vérité qu'il recherche et les connaissances dont il fait preuve. Il y Cf. Bénaben, M.d.F. III, 12 juillet et 23 août 1817. Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 18 oct. 1817. Cf. ibid., 25 oct. 1817. Douze cents le 2 août 1818, Pagès, M. IV (3), 19 nov. 1818. Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 6 sept. 1817. S'agirait-il d'un complot? M.d.F. l\', 20 déc. alu Cf. Pagès, M. III (2), 15 aolIt 1818. 317 Cf. Jay, c.r. de l'ouvrage anonyme de Barbé-Marbais, Complot d'Arnold et de sir Henry Clinton contre les Etats-Unis d'Amérique et contre le général Washington, septembre 1786, M.d.F. l, 18 janv. et 22 fév. 1817. 318 Cf. Aignan, c.r. de l'ouvrage de Brackenridge, M. Vlll (13), fin janv. 1820. 311
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a évité les erreurs ainsi que les exagérations de La Rochefoucauld-Liancourt, l'attitude singulièrement critique de Volney à l'égard des mœurs américaines, les digressions de Brissot sur les abus des gouvernements et les préjugés de l'Ancien Régime, ou, enfin, les impressions trop poétiques de Crèvecœur, sacrifiant la sèche vérité aux fioritures des muses 319. Avec Barbé-Marbois, Jay attribue la force des Etats-Unis à l'excellence des institutions, en parfait accord avec les exigences du modernisme libéral, qui ont concilié les nécessités étatiques avec les libertés publiques et individuelles. L'immensité de leurs territoires, appel des plus légitimes aux énergies et aux ambitions, leur position géographique aussi, entre les continents européen et asiatique, réservent aux Etats-Unis un avenir incomparable 3~0. De plus en plus, face à une Europe qui se meurt de ses rivalités et de son passé, les rédacteurs sont persuadés que l'heure américaine sonne non seulement pour le Nouveau monde, mais également pour l'Ancien et que l'héritière de l'Europe affirme déjà son emprise sur le vieux continent 321. La constitution des Etats-Unis permet à leur président de mener une politique d'expansion à l'intérieur comme à l'extérieur, sans que des préjugés et des intérêts de caste s'y opposent 3~~. L'émigration de l'Europe chaque jour plus importante 3~3, le défrichement des terres aux dimensions et aux possibilités fabuleuses a~4, malgré les critiques intéressées peut-être quant aux conditions qui attendent les nouveaux venus, la con" solidation et le paiement anticipé des dettes contractées lors de la dernière guerre 325, le surgissement de nouvelles villes 326, le développement des bateaux à vapeur comme les inventions de la mécanique 327 ou les efforts
319 Cf. Jay, c.r. cit., 2 art. et R. Rémond, Les Etats-Unis devant l'opinion française, 2 vol., Paris, 1963, Première, Deuxième et Troisième parties. 320 Cf. Jay, c.r. cit. a~l Aux c.r. cit. de Jay et d'Aignan, ajouter: Bénaben, M.d.F. Il, 28J'uin IHI7; Saulnier fils, De l'Amérique, M. II (3), 20 mai 1818 et Pagès, Etats- nis, M. IV (10),9 janv. 1819. 3~2 Cf. surtout Pagés, art. cit.; tournée de Monroë à travers l'Amérique, Bénaben ,M.d.F. Ill, 12 juillet 1817.
a~3 Ruée des Hollandais, des Suisses et ùes Allemands vers l'Amérique, M.d.F. Ill, 12 juillet 1817; 2.272 immigrants en l'espac eùe quinze jours dont peu de français contre 1.415 anglais et 826 allemands, ibid., 20 sept. ; plus de 200 immigrants débarquent par jour en Amérique, Pagès, M. IV (3), 19 nov. 1818. 3~4 800.()O() acres de terre à vendre aux Etats-Unis, Bénaben, M.d.F. III, 9 août 1817; 100.000 acres ont été vendus au prix de deux dollars par acre, ibid., 27 sept. ; les conditions d'accueil, 9 août. 3~:; Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 28 juin 1817, consolidation qui n'empêche pas l'annonce par un journal ùe New York de la faillite simultanée de 400 marchands, Pagés, Petit hl/lletin, M. 11 (4),24 mai 1818. Le Mercure met en valeur les fraiS réduits du corps diplomatique américain - 155.000 dollars par an, M.d.F. Ill, 9 août 1817. 3:!ü Cf. Bénaben, M.d.F. Ill, 23 août 1817. 3~' UueI indice que le mémoire adressé au congrès par des pêcheurs se plaignant du tort causé par les bateaux à vapeur! Bénaben, M.d.F. Ill, 23 août 1817; invention d'une machine qui creuse en un jour un arpent de terre, M.d.F. IV, Il oct.
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d'instruction 3~8 préfigurent un tel essor. Pas une note discordante qui dépareillerait par l'enseignement des faits divers l'action de tout un continent tendu vers ses achèvements matériels 329. C'est une évolution qui frappe les imaginations des Européens égaIement dans les rapports de force avec les puissances. Tout près de la France, la marine de guerre américaine affirme sa présence 330, et faute de Lampedousa, les descendants de Washington seraient disposés à jeter leur dévolu sur l'île d'Elbe 331 .Les frictions avec l'Angleterre ne manquent certes pas, ni sur les frontières du Canada 332, ni dans la course précipitée vers les débouchés que l'effondrement de l'empire espagnol aménage aux appétits 333. La Guerre d'Indépendance s'éloigne dans le passé, celle de 1812 se grave en caractère d'airain. L'Angleterre des rassemblements et de la dette flottante se doit de ménager les susceptibilités de ses anciennes colonies et d'éviter une confrontation qui risquerait p'être fatale à ses deniers. Tout au plus pourrait-elle appliquer les préceptes du bon apôtre et travailler en sous-main la malheureuse Espagne contre les nouveaux conquérants 334. Il est vrai que la politique des Etats-Unis à l'égard de l'Espagne et de ses colonies ne pèche guère par l'excès de franchise et que la diplomatie américaine pour justifier les progrès des forces américaines dans les Florides se complaît trop à mettre en avant les incursions des indigènes, de même que le Portugal invoque la présence d'Artigas pour légitimer le maintien de l'occupation à Montevideo. Aucune explosion d'enthousiasme généreux ne marque le concours prudemment calculé que l'Amérique du Nord apporte à ses parentes pauvres du Sud. Mais le langage de l'intérêt doublé d'une bonne dose de sagesse pratique et d'un sentiment réel de la liberté finit par emporter la conviction des rédacteuL,335. L'ère ll1ode~ne se traduirait mieux dans le Nouveau Monde par 3~8 La philanthropie amencamc e~saie d'introduire l'enseignement mutuel parmi les Indiens, Pagès, M. IV (1), 3 nov. 1818, mais plus instructives sont les tentatives de rééduquer les détenus dans la Pellitellciarv de Philadelphie, Bénaben, M.d.F. III, 16 aoùt 1817; nous ignorons pour quelles rai,;ons les EtatsUnis ont tenu à faire admettre dans la colonie-modèle des Anglais à SierraLeone des nègres américains libres, M.d.F. Il, 14 juin. 3"9 Explosion d'un météore, Bénaben, M.d.F. III, 12 juillet 1817; ouragans et inondations, ravages de la fièvre jaune, M.d.F. IV, II et 18 oct., 1", 8 et 15 nov. ; prise d'un immense serpent de mer et l'apparition d'une sirène. ibid, Il oct. et 15 nov.; déplacements des ambassadeurs américains à Paris et à Pétersbourg, M.d.F. III et IV, 2 aoùt et 8 nov. 330 Une escaùre üméricaine dans la rade de Syracuse, Bénaben, M.d.F. Il, 31 mai IKI7 ; la marine américaine est forte de 12 vaisseaux de ligne, de 19 frégaks et de petits bâtiments; on ignore les raisons de sa présence en Méditerranée, .~\.d.F. IV, 18 oct. a:ll Cf. Bénaben, M.d.F. III, 23 août 1817. 332 Cf. Bénaben, M.d.F. 1\1 et IV, 30 sept. et II oct. 1817. 333 Cf. Bénaben, M.d.F. Il, 24 mai 1817; contre les prohibitions anglaises, les Etats-Unis multiplient les leurs, Pagès, M. Il (5 et 8), début et 23 juin 1818. 334 Cf. supra, n. 284. 335 Cf. supra, n. 300.
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L'ÉCOLE LIBÉRALE SOUS LA RESTAURATION
l'accord des institutions et des intérêts, des rouages de la chose publique et des impératifs de l'individu. L'Europe qui a fait l'Amérique et qui est déchirée actuellement entre la quête de l'ordre et celle de la liberté, n'a qu'à fixer ses regards sur les réalisations des hommes au-delà de l'Océan. Le Mythe a des virtualités agissantes qu'on retrouve à travers les âges et que la vérité obscure reconstitue non sans peine.
CHAPITRE VIII
TRANSPOSITIONS HISTORIQUES
Les luttes acharnées des partis ne se limitent pas à l'interprétation et à l'application de la charte. Elles débordent largemen,t sur les problèmes
d'un passé encore proche ou d'une actualité qui acquiert la valeur d'une leçon d'histoire. La génération de 1820 a trop vécu à l'ombre de la Révolution et de l'Empire pour que la Restauration ne provoque pas à chaque tournant de sa vie politique et intellectuelle un retour passionné aux bouleversements précédents. La seconde Restauration rejoint bien entendu la première, mais à travers un épisode invraisemblable qui a remis en question ses fondements. Les Cent-Jours s'insèrent peut-être davantage dans le bilan des impérities de 1814 qu'ils ne prolongent les fastes légendaires de l'aventure napoléonienne. Ultra-royalistes et ultra-libéraux se rencontrent dans la violence exaspérée de leurs thèses contradictoires. Si les intérêts respectifs se retrouvent dans l'évocation de la «révolution sanguinaire» ou de la «féodalité barbare », combien acquièrent-ils par là une résonance et une portée qui dépassent leurs données initiales. La première Restauration n'a pas assez vécu pour que les tendances diverses se cristallisent et se précisent nettement. Il a fallu le retour rocambolesque du captif de l'île d'Elbe et l'effondrement de l'Empire libéraI pour que s'opère un brassage puissant d'idées et d'affiliations. Le Mercure en traduit une des manifestations les plus importantes. Groupant d'anciens révolutionnaires et partisans de l'Empire autour d'un credo libéral tout jeune, le recueil élabore tout un système d'idées pour instruire le procès de l'extrême-droite. Si les ultras poursuivent d'une haine féroce tout ce qui évoque de près ou de loin la Révolution, il appar'tiendra au Mercure et à la Minerve, non seulement de refaire l'histoire de 89 et de spécifier la part des responsabilités qui revient à la féodalité dans les crimes de 93, mais aussi d'opposer aux déviations révolutionnaires les méfaits de 1815. La Terreur révolutionnaire trouve de la sorte sa contrepartie sinon son absolution dans la Terreur blanche. Si d'Argenson a été rappelé à l'ordre par la Chambre Introuvable pour s'être élevé contre les persécutions des protestants dans le Midi, il sera donné à Camille Jordan, à de Serre et aux organes libéraux à la suite de l'ordonnance du 5 septembre 1816, de dénoncer les crimes perpétrés contre l'armée, les personnalités marquantes des régimes antérieurs et contre la population paisible. Le Mercure et la Minerve ne suivent pas en tout les procédés de la Bibliothèque historique, à l'affût du moindre abus commis par la réaction nobi-
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liaire et cléricale. Ils s'en distinguent par un corps d'idées positives, destinées à faire pencher la monarchie du côté des institutions et des garanties libérales. Mais ils n'en sont pas moins amenés à montrer les suites désastreuses du passage au pouvoir des ultras par les crimes que leurs fidèles ont commis 1. Tactique défensive, le procédé a le grand avantage de se muer en offensive vigoureuse qui force l'adversaire à battre en retraite. Nous avons déjà indiqué dans les chapitres traitant de la vie politique les abus que les recueils ont dénoncés. Jouy effectuera ses périples imaginaires, dans le Midi notamment, pour visiter les lieux où le maréchal Brune et Ramel ont été sauvagement massacrés et pour mettre en relief le rôle éclairé de la bourgeoisie protestante, victime de la terreur des bandes royalistes 2. L'angoisse et la peur, traduites par une conspiration de silence, se dissipent peu à peu après la dissolution de la Chambre Introuvable. Des brochures sont publiées qui relatent les crimes des royalistes dans le Midi; surtout dans le département du Gard. Bénaben donne aux lecteurs de la Minerve le précis des tristes événements que la Bibliothèque historique publié 3 ; Aignan s'empresse de rendre compte de la brochure de Charles Durand, 4 Pagès de celle d'Augier, 5 Benjamin Constant de répondre aux questions que Durand lui a adressées publiquement dans sa brochure 6 et de citer le bilan dressé par Lauze de Peret des persécutions dont furent victimes les protestants du Gard depuis la Révolution 7. C'est à Aignan que reviendra la tâche, dans un contexte où réactions politiques et poursllites religieuses ont été mises en corrélation évidente, de brosser un tableau d'ensemble de l'histoire des protestants en France depuis le XVI' siècle 8. 11 est naturel que ces publications aient déclenché des ripostes et des accusations et que Benjamin Constant, en sa double qualité de pro-
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1 Dans sa réponse violente aux attaques dirigées contre la brochure d'Aignan, B. Constant mettra en regard des crimes révolutionnaires ceux de l'Ancien Hégime et de la Terreur blanche, De l'état des protestans en France. Quelques réflexions sur la brochure de M. d'Aignan, M. Il (3), 20 mai 1818; v. aussi le 3" cr. de B. Constant de l'ouvrage de Lanjuinais, Constitlltions de la nation francaise. M. VI (7),20 juin 1810. " Cf. supra, ch. VI. Bénaben a fourni des détails sur l'assassinat de Ramel, ,\\.d.F. 111,6 sept. 1817. :1 Cf. M. 1 (2), 16 fé\'. 1818. 4 Marseille. Nîmes et ses em'irons en 1815 par un témoin oculuire. Aignaù s'élève centre l'anonymat que l'auteur a gardé et qui Sf'ra dévoilé par Pag~s: M. 1 (7),21 mars 1818. ;; Les crimes d'Avignon depuis les Cent Jours, par un Vallclusien, M. Il (12), 21 juillet 1818. Pagés reviendra sur la brochure,M. III (8), 27 sept. Cf. également la lettre de Durand pour réfuter un écrit - l'Impartial - , M. III (1), 5 août, p. 25-28. Il Première lettre de M. Benjamin Constant à M. Charles Durand 1... ], Galerie [ ... 1. M. III (2), 15 août 1818.
7 Ec!aircissemens historiques en réponse aux calomnies dont les proteslans du Gard sont /' objet, e/ Précis des agitations et des troubles de ce département, depuis 1790 juslju'à nos jours, M. III (7), 20 sept. 1818. b Cf. les cr. de Jay de la brochure d'Aignan intitulée: De l'état des protestans l'/l France, depuis le seizième siècle jusqu'à nos jours, avec des notes et Jclaircissemens historiqlles, ",vi. Il (l, 4 et 6), 6 pt 24 mai, 10 juin 1818.
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testant et de libéral, ait volé au secours de son ami Aignan et à la défense de Durand 0. Le fait important à noter, c'est le procès intenté à cette occasion à la féodalité des ultras et des missions. Tout se tient en fait de réaction. On n'a qu'à parcourir les avenues désolées de l'histoire pour constater à quel point une minorité éclairée et patriotique, toujours soumise et dévouée à la royauté comme à la république, à l'Empire comme à la Restauration, a subi les poursuites d'un pouvoir prisonnier des fanatiques, et les spoliations de ses adversaires intéressés. L'exemple des protestants illustre à plus d'un égard la déchéance d'un régime livré à la réaction poiitique et religieuse 10. Il est évident que les méfaits de la réaction de 1815 ne sont pas les seuls à attirer l'attention de la Minerve. Les campagnes militaires de 1815 incarnent pour les amis de la liberté le symbole de l'élan courageux d'une armée à jamais glorieuse et d'une nation toujours patriotique 11. Les commentateurs militaires se pencheront avec passion pendant les années à venir sur le déroulement de la bataille de Waterloo qui aurait décidé ùu sort de la France et de l'Europe. Les officiers supérieurs auront hâte de se justifier ou de s'entre-déchirer. D'où des protestations contre les assertions critiques du maréchal de camp Berton et les réaffirmations de sa position 12. D'où aussi l'écho des querelles à Sainte-Hélène entre le général Gourgaud et le général Bertrand, la narration remarquable par le premier de la Campagne de 1815, son exil à Londres et son expulsion brutale 13. L'ouvrage de Gourgaud a déclenché, il fallait s'y attendre, toute une série de brochures sur la désastreuse campagne, mais le jeune Marchand, probablement le collaborateur du Censeur Européen, s'est attaché moins aux faits militaires qu'à la situation générale de la France et davantage à la défense des députés des Cent-Jours contre les reproches de l'auteur militaire 14. Malgré la surveillance étroite des autorités, le prisonnier de SainteHélène suscite des échos dans la Minerve qui pour maigres qu'ils soient témoignent quand même du vif intérêt que ressentent pour lui les rédacteurs. Les collaborateurs du recueil n'appellent certes pas de leurs vœux
o Cf. les art. cit. supra. Cf. les c.r. cit. de Jay de la brochure d'Aignan ainsi que les art. cit. de B. Constant. 11 Cf. le c.r. de B. Constant de l'ouvrage de Berton, Précis historique, militaire et critique des batailles de Fleury et de Waterloo, dans là campagne de Flandre, en juin 1815, de leurs manœuvres caractéristù/ues, et des mouvemens qui les ont précédées et suivies, M. JlI (3), 20 août 1818. l~ Cf. Correspondance, M. III (9), 3 oct. 1818, où l'officier de la légion d'honneur Gamot rejette la responsabilité du commandement de l'aile gauche à Waterloo sur Bonaparte; la réponse de Berton, Correspondance, M. IJI (10), 10 oct. ; Berton prend la détense de son ami le généal Cambronne, attaqué par un pamphlet anonyme, le Publiciste, la Quotidienne et le Journal des Débats (au mois de déc.), attaques auxquelles ont riposté le Journal du Commerce et le Journal général de France (15 et 17 déc.), M. IV (8), 26 déc. 1818. 13 Cf. Pagès, M. IV (5), 6 déc. 1818. 14 Cf. B. Constant, C.r. de la Lettre de Marchand au général Gourgaud, sur la relation de la campagne de 1815, écrite à Sainte-Hélène, M. V (1), 5 fév. 1819. JO
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le retour de Bonaparte. Les jeux ont été irrévocablement faits. La France, éprise de grandeur et de gloire sous l'Empire, en est maintenant à son ère libérale. Les textes des rédacteurs sont trop formels et leurs déclarations répétées trop explicites pour qu'on n'y voie que l'effet d'une duplicité calculée. De la conquête et de l'usurpation a scellé le procès des dictatures malgré la participation postérieure de Benjamin Constant à la préparation de l'Acte additionnel. Mais la distance constitutionnelle prise' à l'endroit de l'Empire n'empêche pas les rédacteurs de se pencher sur un sort passionnant pour les contemporains. Déjà, du vivant de Napoléon, sa figure prend des dimensions légendaires. Cromwell se retrouve en Bonaparte et la plume des historiens va bon train pour accuser les rapprochements 15. Le Mercure reproduit les nouvelles de la presse anglaise faisant état de la garde vigilante montée par les troupes anglaises à Sainte-Hélène 16; Pagès cite prudemment les bruits qui circulent sur des projets ou des tentatives d'évasion de Bonaparte, nouvelles que Richelieu, à Aix-IaChapelle, commente dans ses lettres à Decazes 17 et dont la presse anglaise nourrit ses lecteurs plus librement que ne le font les journaux français 18. Plus attachante encore est la publication entreprise en souscription par Panckoucke de la Correspondance inédite de Napoléon. Aignan, en rcndant compte du premier volume, critique les autorités policières pour avoir interdit à la presse d'en parler. Bonaparte appartient désormais à l'histoire et c'est une leçon des plus édifiantes que celle de la naissance et de la chute de l'Empire. La correspondance de Bonaparte durant ses campagnes d'Italie, le montre tel que les contemporains l'ont connu, d'une incompréhension foncière quant au gouvernement civil et d'un caractèrc autoritaire ct tranchant, non dénué à l'occasion d'une certaine souplesse 19. Le traitement indigne auquel Sir Hudson-Lowe soumet son prisonnier a des éch0s discrets dans la Minerve, à la suite de la brochure d'O'Meara, le chirurgien irlandais de l'Empereur w. Dumoulin est des plus sceptiqucs quant à l'authenticité des Mémoires pour servir à
" Cf. B. Constant, c.r. de l'ouvrage de Sauquaire-Souligné, Trois règnes de l'histoirl' d'Angleterre, M. VI (12), 2.t juillet 1819, et le le, c.r. de Jay de l'ouvrage de Villemain, Histoire de Cromwell [ ... J, ibid. 16 Cf. Bénahen, M.d.F. IV, 15 nov. 1817. 17 Cf. Bertier de Sauvigny, Metternich et Decazes d'après leur correspondance inédite (1816-1820), in Etudes d'histoire moderne et contemporaine, 1953, t. V. 18 Cf. Pagès, De Sainte-Hélène, M. IV (3), 19 nov. 1818 et Les deux conspirations, M. IV (5), 6 déc. 10 Le titre entier porte: Correspondance inédite, officielle et confidentielle de Napoléon Bonaparte, al'cc les armées étrangères, les ministres et les généraux français et étrangers, en Italie, en Allemagne et en Egypte, M. V (12), 20 avril 1819. Dans un second c.r., Aignan rappelle le massacre des Français à Venise et la trahison des patriciens. Il critique à cette occasion les inexactitudes dont abonde la publication de Panckoucke, Galerie [ ... ], M, VI (10),
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juillet. 20 Cf. Aignan, c.r. de la R.elation des événemens arrivés à Sainte-Hélène [ ... J, par Barry E. O'Meara, M. VII (5), début sept. 1819.
l'histoire de France en 1815. Ces Mémoires militaires auraient été composés par Napoléon et confiés à O'Meara qui vient de les publier sur l'autorisation que lui aurait transmise Madame de Montholon. Leur interdiction n'a fait qu'en augmenter le prix. L'opposition du libraire Barrois à la saisie n'aura pas l'audience escomptée par Dumoulin à cause de l'événement du 13 février 1820. Toujours est-il que le rédacteur a du mal à y reconnaître la manière de Bonaparte 21. La prudence observée par la Minerve à l'endroit de Bonaparte et les déclarations réitérées du recueil contre l'arbitraire césarien correspondent certes au credo d'une école qui a définitivement rompu avec un ordre fondé sur la force. Les retours peu fréquents sur le gouvernement antérieur sont d'ailleurs de rigueur sous une monarchie paralysée par l'ombre grandissante de Bonaparte. Le recueil doit également prendre en considération les accusations de bonapartisme que la presse d'extrême-droite' manque rarement de jeter à la face de ses adversaires, assorties de tout un vocabulaire évoquant la terreur de 93. Ces campagnes deviennent d'une âpre virulence lors des élections. Les piliers fidèles de tous les régimes n'ont jamais hésité à dénoncer la versatilité des libéraux qui se sont ralliés à l'Empire libéral. Au premier rang de ces accusés figure Benjamin Constant, objet de récriminations ministérielles lors de la campage électorale du mois d'octobre 1818. C'est en pleine campagne élec:torale que Benj amin Constant déclarera sa fidélité aux principes qu'il avait lui-même tant contribué à éclaircir. Peu soucieux de régimes, sont les mêmes garanties qu'il a recherchées à travers les gouvernements qui se sont succédé en France 22. Et c'est par les mêmes circonstances qu'il sera amené à annoncer, au début de novembre, la publication prochaine chez Béchet de ses Mémoires sur les cent-jours 23. Déjà, lors de la 'Campagne électorale de 1817, il s'était défendu en insinuant que le ministre Molé avait bénéficié, avant lui, de la qualité de Conseiller des CentJours 24. On sait que c'est grâce au Mémoire justificatif qu'il avait réussi à faire parvenir à Louis XVIIJ par l'intermédiaire de Decazes qu'il avait dû d'être rayé de la liste célèbre de Fouché 25. On sait aussi par les Journaux intimes qu'il a travaillé à son Apologie dès le mois de juillet 1815 à
ce
21 Cf. Dumoulin, M. V111 (13), fin janv. 1820. Il faudrait y attacher des bruits antérieurs sur la publication des Mémoires de Rovigo qu'il aurait composés à Smyrne, Etienne, n° 7, M. 1 (10), 12 avril 1818. 22 Cf. B. Constant, Lettre à M. Benjamin Constant [ ... ], M. 111 (11), 15 oct. 1818. 23 La première partie paraîtra en librairie en 1820 et la seconde en 1822, enrichie par dix notes importantes, surajoutées en appendice. Une nouvelle édition, en vérité une réimpression des Mémoires sera donnée en 1829, importante par sa nouvelle introduction. Cf. la notice de Pozzo di Borgo, Mémoires sur les Cent-Jours, op. cU., p. 230. 24 Cf. Barante, Souvenirs du baron de Barante, Paris, 1890-1897, 8 vol., vol. Il, p. 309. 25 Cf. les Journaux Intimes de B. Constant, dans l'édition de la Pléiade de Roulin, les annotations des 19, 23 et 24 juillet 1815 ainsi que Barante, ibid., p. 190-191.
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Paris, puis à Bruxelles et à Londres 26. Lorsque Constant a annoncé aux lecteurs de la Minerve que ces Mémoires avaient été rédigées trois ans auparavant, il n'a fait que dire la vérité 27. Les difficultés de l'impression ou plus vraisemblablement les hésitations de Constant autant que le retard qu'il aura mis à corriger les épreuves expliqueraient la marge qui sépare l'annonce des Mémoires de leur publication en librairie. La réaction consécutive à l'assassinat du duc de Berry peut également expliquer la di~culltinuilé dans la publication chez Béchet des dix-sept lettres que Constant avait fait imprimer dans la Minerve. Il est bien entendu diffici1~ lI'établir si c'cst en accord avec le libraire que la Minerve a eu la primeur des Lettres sur les Cent-Jours ~8. Toujours est-il que le recueil de Constant, compte tenu de sa vaste audience, était le mieux placé pour lui conquérir les suffrages des lecteurs. Les Lettres conservent manifestement le caractère de l'Apologie primitive et reproduisent maints arguments que Constant avait invoqués pour emporter la révocation de son bannissement. N'avait-il pas adressé son Mémoire à Talleyrand, à la date du 26 juillet l8l5 29 ? Autant que convaincre les autres, Benjamin Constant cherche à se persuader luimêmc. Lcs réactions des lecteurs auxquels il soumet l'ouvrage n'ont pas
~tl Cf. les journaux Intimes, les mois de juillet 1815 - sept. 1816. Le Mémoire apologétique a été publié dans Indiscrétions, 1798-1830, souvenirs anecdotiques de l'Empire [P.-F. Réal], Paris, 1835, t. Il, p. 152-175, et réimprimé par Pozzo di Borgo dans sa réédition des Mémoires sur les Cent-jours, op. cil., p. 223-229. ~, Cf. B. Constant, Des élections, du ministère, de l'esprit public et du parti libéral en France, en note, p. 16-17, M. IV (1),3 nov. 1818 ainSI que la 1" Lettre l'if. dans la n. 38. ~s Les Lettres s'é<.:helonnent dès le début de sept. 1819 jusqu'au 5 mars 1820, donc' jusqu'au 5" cahier du dernier vol. On sait qu'à la suite de la loi sur les juurnaux, la Millerve, après le 9' cahiers du 9' vol., sera supprimée. Voici les dates approximative~ des lettres: 1'" lettre -- M. VII (5), début sept. 1819, p. 193-199, 2" lettre - lv\. VII (6), 13 sept., p. 244-249, J" lettre - l\t VII (7), 19 sept., p. 292-303, 4" lettre - M. VII (8), 25 sept., p. 337-347, 5" lettre - M. VII (9), début oct., p. 385-394, 6' lettre - M. VII (10), 10 oct., p. 432-443, 7' lettre - M. VII (II), 17 oct., p. 481-491, ~' lettre _. M. VII (12), 23 oct., p. 531-540, !Y lettre - M. VIII (1), 8 nov., p. 3-11, 10" lettre - M. VIII (2), 14 nov., p. 49-59, Il' lettre -- M. VIII (3), 21 nov., p. 97-\05, 12" lettre - M. VIII (8), 27 déc., p. 336-343, 13" lettre - M. VIII (9), début janv. 1820, p. 385-396, 14" lettre - M. VIII (10), 9 janv., p. 433-438, 15' lettre - M. VIII (11), 15 janv., p. 480-488, 16" lettre - M. VIII (13), fin janv., p. 593-601, 17" lettre - M. IX (5),5 mars, p. 197-207. L'assassinat du duc de Berry et les occupations écrasantes de B. Constant par la suite ne lui unt pas permis de donner aux Letlres plus de développement. ~!I Cf. jOl/rnaux Infimcs.
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manqué d'avoir des répercussions sur l'auteur 30. Il songe même à Londres, avant son retour en France, à adresser l'Apologie à Lainé 81. L'accueil froid que la société lui a réservé après son retour, dont Barante se porte témoin 32, et les attaques venimeuses dont il a été l'objet de la part des ministériels comme des ultras éclairent une motivation des plus personnelles 33. Apologie personnelle, les Lettres sont destinées par là à se transformer en plaidoyer pour la cause du libéralisme. La tentative libérale des CentJours s'inscrit dans la ligne de la Charte comme dans les efforts des libéraux à penser tous les régimes, les dictatures exceptées, en fonction des garanties individuelles. C'est l'un des aspects principaux des Lettres 34. Le sceptique désabusé, le jouer blasé que fut Benjamin Constant ne variera jamais quant à la primauté des garanties et des réformes sur des régimes déterminés ou sur des révolutions violentes.;« J'ai toujours cru, et cette croyance a fait la règle de ma conduite, qu'en fait de gouvernement, il faut partir du point où l'on est; que la liberté est possible sous toutes les formes; qu'elle est le but, et que les formes sont les moyens; qu'il y a des droits individuels, des droits sacrés, des garanties indispensables que l'on doit placer sous la république comme sous la monarchie, sans lesquelles la monarchie et la république sont également intolérables, et avec lesquelles l'une et l'autre sont également bonnes 35. » II n'est guère étonnant de voir Benjamin Constant se référer souvent dans les écrits postérieurs à 1815, à l'Acte additionnel et aux Principes politiques publiés en plein Empire libéral. L'association des libéraux aux institutions de l'Empire ressuscité constitue de la sorte une caution doctrinale pour l'avenir. Constant n'a pas eu une confiance illimitée dans les intentions de l'Empereur. Le rappel de son entretien avec La Fayette dans le Mémoire justificatif comme dans les Lettres le prouverait 36. Partagé Cf. ibid., 24 fév., 8 mars et 20 avril 1816. Cf. ibid., 12 sept. 1816. Cf. Barante, op. cit., p. 511. Cf. l'art. cit., de B. Constant, Des élections, du ministère, de l'esprit public et du parti libéral en France et la Dixième Lettre, où il souligne le sacrifice accompli par des chefs comme La Fayette, d'Argenson et lui-même pour renier leur passé et accepter Bonaparte. 34 Malgré certaines imperfections que Constant reconnaît à l'Acte additionnel, 12' et 13' Lettres, cette constitution ne le cède à aucune autr~, de l'aveu non seulement de Lanjuinais, mais même de Chateaubriand, 15' Lettre. V. également la 14' pour la question de la pairie. Dans l'en sem hie, les m~sllres vexatoires de Bonaparte pendant les Cent-Jours, rendues impraticables par des ministres et par Constant, restent très loin en deça des lois d'exception de la seconde Restauration. La liherté de la presse est entières, malgré les exhortations à assassiner Bonaparte et une campagne royaliste des plus effrén~~, 17' Lettre. Pour la mesure de clémence accordée à Vitrolles et la protection assurée au duc ù' Angoulême, cf. la 12' Lettre. Violencc inouïe de Laîné et de Kergorlay, 17" Lettre. Saisie du 5' vol. du Censeur et mesure rapportée, ibid. 35 5' Lettre, p. 387. 36 Cf. p. 227 du texte reproduit dans l' Ol1vr. cil. ùe Pozzo ùi Borgo et la 13' Lettre. 30
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entre son admiration pour le génie de Napoléon et les craintes que lui inspiraient les habitudes autocratiques du chef militaire, Constant sait faire la part des probabilités dans l'avenir constitutionnel que l'Ac41 additionnel eût pu réserver à la France. 1\ insiste sur la répugnance extrême de Bonaparte à soulever la plèbe et à redevenir dictateur par la grâce du peuple contre la noblesse et la bourgeoisie. Malgré des retours inquiétants vers les pratiques césariennes et un esprit étranger aux insti· tutions et aux garanties libérales, Bonaparte aurait été converti de bonne foi à sa fonction d'empereur constitutionnel. Si Bonaparte n'avait pas été entouré par des hommes ambitieux et intéressés, la France eût peut-être bénéficié d'une liberté limitée. Le passé est certes irréversible. Les Cent" Jours aussi relèvent déjà de l'histoire. Mais la perspective dans laquelle Constant place l'Empire reconverti aux vérités constitutionnelles n'est pàs sans réconcilier les adversaires acharnés de l'arbitraire et les fervents partisans des vains prestiges militaires. L'union est possible entre les bonapartistes et les libéraux dès que la présence de l'Homme s'estompe sur le rocher de Sainte-Hélène et que la légende prend son envol 37. ' Et puis, plus qu'une apologie personnelle et plus qu'une réhabilitation de la cause libérale, compromise par l'association de ses chefs à l'Empire des Cent-Jours, les Lettres constituent un acte d'accusation terrible contre les ultras. C'est une autre intention manifeste de Constant dans ce contexte politique du début de septembre 1819 qui semble acheminer le gou~ vernement vers une coopération avec l'extrême-droite. Il le dit expressément en parlant de la droite. «Elle n'a abjuré ni ses fureurs ni ses espérances. Comme autrefois, elle calomnie; comme autrefois, elle brigue des alliances antinationales; comme autrefois, elle remplit l'Europe de ses dénonciations et de ses clameurs. Les Cent-Jours et leurs tristes conséquences, sont le texte favori qu'elle commente [ ... ]. S8» Le retour foudroyant de Bonaparte et l'adhésion presque universelle de la France à sa cause s'expliquent partiellement par les graves fautes commises lors de la première Restauration ainsi que par le désir explicite ou inconscient des ultras de laisser le champ libre à l'Empereur afin de ne rien devoir à la liberté et pour pouvoir démolir - une fois Bonaparte abattu - le régime constitutionnel 89. « Il résultera peut-être de l'exposé des faits, et ce ne sera pas un résultat stérile, que les hommes qui, par leur arrogance en 1814, par leur système d'inertie en mars 1815, par leur violence après le 8 juillet, ont mis la France sur le bord d'un abîme, sont les mêmes qui, aujourd'hui, voudraient ressaisir la puissance [ ... ]. {O» On retrouve le réquisitoire dressé par Constant contre la première Restauration, dans les feuilles libérales de 1814. C'est le même bilan négatif que le Censeur de Comte et de Dunoyer avait établi à l'endroit d'une 37 Constant fait alterner les hommages à Bonaparte et la critique de son système dans la 1" Lettre. Cf. également pour les entretiens de B. Constant avec Bonaparte et l'appréciation de son caractère, Lettres 10 à 13 et 15 à 17, 3R l'· Lettre, p. 194. 39 Cf. ibid. tO Ibid., p. 196.
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monarchie et d'un ministère qui au lieu de se réconcilier un pays boule'versé ont prodigué, sous l'influence des ultras, les actes les plus arbitraires 41. Constant n'oublie guère l'empressement du Sénat impérial à 'sauvegarder ses intérêts 42 ni l'erreur capitale des Bourbons à octroyer la charte à un pays qui a forgé de son propre chef ses constitutions 43. Quelle aberration que de s'être inspiré de quelques milliers d'émigrés pour remettre en cause l'œuvre de la Révolution? Changer le drapeau national, porter atteinte aux membres de la Légion d'Honneur, imposer l'observation des pratiques religieuses, tenter de renouveler le concordat de François 1er , proférer des menaces contre les biens nationaux et restreindre la liberté de l'expression, voilà des actes arbitraires qui ressortissent' tous des regrets d'un parti vaincu. Encore ces actes pâlissent-ils devant la campagne effrénée menée par l'oligarchie contre la nouvelle France, surtout en province, et devant les tentatives de semer la méfiance quant aux intentions réelles de Louis XVIII. Les privilégiés d'antan n'ont pas manqué d'assaisonner leurs bévues par un souverain mépris pour toutes les gloires de la France révolutionnaire et impériale 44. Avant le débarquement de Bonaparte dans le golfe Juan, l'inquiétude était universelle en France. Les ultras ont réussi à démolir l'entente entre les Bourbons et le pays, fait reconnu par les déclarations de Louis XVIII et de LaÎné avant le 20 mars 1815 comme par celle de Cambrai, lors du retour du roi 45. « Je l'affirme donc, il ne peut y avoir d'équivoque sur la nature des fautes que les royalistes exagérés auraient fait commettre au gouvernement du roi. Ces fautes étaient les mêmes que celles qu'ils ont commises en 1815. C'était la révocation de toutes les lois que la révolution avait établies; c'était l'ébranlement de toutes les propriétés qu'elle avait consacrées; c'était la proscription de tous les hommes qui avaient pris part à cette révolution depuis vingt-cinq ans. C'était en un mot le même système par lequel ils se sont précipités une seconde fois [ ... ]. 46 » Ces causes en elles-mêmes ne suffiraient pas pour expliquer la disparition de la première Restauration devant le débarquement de Napoléon. La faiblesse du ministère tâtonnant de 1815 est encore poussée à la paralysie par les menées des ultras. Les libéraux, conscients du péril et persuadés que la charte finirait par l'emporter sur les résistances, étaient les premiers à se rallier à la cause de la monarchie constitutionnelle. Ils étaient presque les seuls à vouloir et à prêcher une résistance farouche, fait que les assertions des publicistes anglais contemporains corroborent 47. Ils étaient les seuls à recommander dans les pourparlers qu'ils avaient menés avec le pouvoir des mesures énergiques, susceptibles de
Cf. notre étude cit., Le Censeur. Histoire d'un journal libéral. Cf. la 2' Lettre. 43 Cf. ibid. 44 Cf. la 3' Lettre et le 2' c.r. de Constant de l'ouvrage de Lanjuinais, Constitutions de la nation française, M. VI (3), 23 mai 1819. 41
42
45 46 47
Cf. la 4' Lettre.
Ibid., p. 347.
Cf. la 5' Lettre.
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faire face rapidement à une situation aussi dangereuse. Tels furent le changement du ministère que les libéraux avaient exigé et notamment la mutation de Soult, compromis par l'érection du monument de Quiberon, le procès intenté au général Exelmans et les bruits l'accusant de conni..: vence avec l'Empereur après le débarquement de celui-ci 48. Telles encore furent les propositions d'envoyer rapidement des commissaires libéraux dans trJUS les départements, d'augmenter le nombre des députés et des pairs, de rallier la nation à la cause royale par un retour sincère à la. charte et l'armée par des instructions courageuses ainsi que par la désignation de chefs capables de les exécuter 49.
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Les ultras, fidèles aux procédés despotiques de Napoléon qu'ils avaient trahi, ont d'abord prêché la suspension des libertés et l'instauration d'un régime dictatorial pour céder après à un abattement et à de louches manœuvres, entravant l'entente amorcée avec les libéraux et contraignant Louis XVIII à abandonner le pays. N'ont-ils pas songé à confier le pouvoir à Fouché et en même temps à le faire arrêter 50? Non pas « vétéranli de l'exil» comme Chateaubriand se plaît à les qualifier, mais «vétérans de la fuite », en 1815 comme en 89, préférant la destruction de la France par les Alliés à la perspective d'une franche instauration en France d'un régime constitutionnel 51, Il n'est resté aux libéraux que le devoir d'affronter la dictature de Bonaparte et l'invasion du pays par les garanties constitutionnelles qu'ils ont impnsécs à l'Empereur ct par le ralliement à une cause devenue nationale. «On m'a reproché, dans un libelle, de ne m'être pas fait tuer auprès du trône que, le 19 mars, j'avais défendu. C'est que, le 20, j'ai kvé les yeux; j'ai vu que le trône avait disparu, et que la France restait encore. » 52 Les chefs libéraux ne pouvaient aucunement souhaiter le retour des Bourbons après la débâcle de la première Restauration. Au contraire, ils devaient s'attendre à une vague de réaction que les ultras ne man-, queraicnt de déchaîner sur une France que les Alliés auraient reconquise 53. La réaction ne manquerait sans doute pas d'invoquer le crime d'une conspiration universelle en faveur de l'Usurpateur 54. L'erreur de
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Cf. la 7' Lettre. Cf. ibid. On peut, bien entendu, douter de l'efficacité de ces mesures. ;;0 Pour les hésitations des ultras au sujet de Fouché, cf. ibid. 51 Pour la position des ultras quant au retour de Bonaparte, cf. surtout la Huitième Lettre. Il ne serait pas sans intérêt de rapprocher du jugement que B. Constant porte sur les ultras l'appréciation des événements des Cent-Jours faite par Chateaubriand dans les Mémoires d'Outre-Tombe, éd. Levaillant. 52 8' Lettre, p. 540. 53 Pour les raisons qui ont poussé La Fayette, d'Argenson et B. Constant à adhérer à l'Empire lIbérai, cf. la 10' Lettre. 54 B. Constant insiste sur l'absence de la moindre conspiration en France pour aménager le retour de Bonaparte. Seuls lui étaient acquis les paysans qui ont souffert des vexations de la noblesse, 6' Lettre; on n'a invoqué ni pendant les Cent-Jours ni après cette prétendue conspiration. Les procès intentés à Labedoyère, Ney, Lavalette, Drouot, Bertrand et Cambronne, malgré la persistance 48
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Bonaparte comme des bourbons fut de ne pas avoir identifié sa cause sous l'Empire et en 1815 avec les intérêts réels de la nation 56. Que les adversaires des libéraux ne se méprennent pas, un jugement équitable sur le passé n'est pas incompatible avec la fidélité à la monarchie constitutionnelle existante 56. Les libéraux se trouvent donc aux antipodes du despotisme établi par Bonaparte. Ils n'ont pas réimplanté son système en France après son abdication pas plus qu'ils n'avaient peuplé ses antichambres au temps de sa gloire. Bien mieux, ils ont consacré le plus clair de leurs efforts à la sauvegarde des libertés sous la monarchie constitutionnelle comme sous l'Empire révisé. Ceux qui ont laissé la France amorcer seule son périlleux dialogue avec l'Empereur ressuscité et avec l'Europe en armes portent l'entière responsabilité des ravages que le pays a subis et du divorce de plus en plus accentué entre la nouvelle France et l'ancienne. Benjamin Constant et ses collaborateurs, en rouvrant le dossier de la première Restauration et des CentJours, procèdent à un renversement de rôles: les inculpés se transforment en accusateurs et les dénonciateurs se muent vite sous la plume pétulante de la Minerve en calomniateurs.
* ** La première Restauration et les Cent-Jours ne constituent, sans doute, qu'un anneau d'une vaste chaîne. Le dialogue avec les ultras se ramène toujours aux termes d'une Révolution diversement interprétée par les partis en présence. La lutte quotidienne acharnée pour des positions de force mûrit la formation d'idéologies qui acquièrent par là l'évidence d'une vérité rigoureuse. La marge est transparente qui sépare les articles de foi des affirmations absolues. A en croire les polémistes ultras, les libéraux sont aussi révolutionnaires que bonapartistes et la gauche française constitue sous la seconde Restauration un foyer de conspiration dangereux pour la dynastie en France comme pour l'ordre établi sur le continent. La Révolution serait incarnée par le règne de la Terreur et de l'anarchie, par le renversement des valeurs sociales et morales. Les libéraux ne font que persister dans une voie qui rejoint celle (te 1793. Le salut résiderait dans l'arrêt du mouvement ascendant de la bourgeoisie par un pouvoir résolu, confié aux aristocraties. Chateaubriand et Montlosier peuvent différer quant à la définition de ces aristocraties et l'appréciation de la Révolution. Il n'en reste pas moins dans certains cas à conclure à l'existence de la conspiration, furent tous instruits en fin de compte pour des adhésions postérieures au débarquement de Bonaparte. Le mémoire que le maréchal Soult a composé dans son exil atteste la même vérité. Les adhésions des corps constitués ne devraient étonner personne, surtout les ultras qui se sont empressés à y souscrire, 9' Lettre. 55 Cf. la 9' Lettre ainsi que Tissot, Sur la constance du peuple français dans les revers, M. VI (12), 24 juillet 1819. 56 Cf. la 17' Lettre et la déclaration vigoureuse de Tissot que les libéraux ne sauraient souhaiter sous une monarchie constitutionnelle l'anarchie de la république et le césarisme napoléonnien, SlIr les partis, M. IV (13), fin janv. 1819.
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vrai que pour eux et pour d'autres théoriciens de l'extrême-droite, un La Bourdonnaye ou un Bonald, la Révolution personnifie le mal et ses prolongements se retrouvent dans la gauche. Les écrits que la Minerve combat, les articles de presse qu'elle réfute et les interventions intempes~ tives à la tribune qu'elle dénonce devant l'opinion, mettent en évidenc~ ce parti pris de compromettre la cause de la Restauration bourgeoisè par ses antécédents. > Les décrets de Carlsbad esquissent-ils un mouvement de recul, évocateur de la ligue fatale des rois et des privilégiés contre les peuples 57? La révolution espagnole verra-t-elle la résurrection des événements que l'expérience de la France aurait dû lui épargner 58? Et la France de 1820 va-t-elle retomber dans les erreurs qui ont inutilement ensanglanté ses annales il y a à peine ving-cinq ans 59? En procédant sans cesse à des rapprochements entre l'actualité tourmentée et l'ère Révolutionnaire 110, la Minerve fait sienne la méthode des ultras, elle accepte le com~ bat sur le terrain choisi par ses adversaires, mais en élargissant le débat, en retournant contre eux leurs arguments et en renversant les termes du comparatisme révolutionnaire. Le vocabulaire polémique se révèle de la sorte une arme à double tranchant, transformant les victimes de la Réva:: lution en bourreaux. La Minerve fait d'ailleurs souvent preuve de modération dans ses tentatives d'expliquer la Terreur. Ni ce recueil ni le Censeur Européen n'ont jamais ébauché une justification des crimes révolutionnaires. La Révolution a dépassé son but et les errements de 93 seraient dus aux effets des passions 61 ou à une mauvaise répartition ,,7 Cf. p. ex. Tissot, c.r. du livre de Bignon, Des proscriptions, le 1er et surtout le troisième, M. VIII (8), 27 déc. 1819 et M. IX (9), 27 mars 1820. ;;s Cf. B. Constant, Conspiration des contre-révolutionnaires contre le trône et la vie du roi d'Espagne, ibid. "u A titre d'exemple nous citons: Tissot, Sur les partis et Considérations générales, M. IV (13) et M. V (5), fin janv. et début mars 1819; Jay, c.r. de l'ouvrage de Bailleul, Situation de la France [ ... ], M. VIII (12),23 janv. 1819; Aignan, 1792 et 1820, en marge de la publication du Choix de rapports, opinions et discours prononcés à la tribune nationale, depuis 1789 jusqu'à ce jour, M. IX (2), 13 fév. 1820. ,'" Ajouter aux références de la note précédente, Aignan, c.r. du Choix de rappurts [ ... ), rapprocht:ment continuel entre 1814 ct 89, M. III (13), 28 oct. 1818, M. V (6), 10 mars 1819 et M. VII (2), 15 août; on retrouve le programme réactionnaire du Conservateur dans les discussions de l' Assemblée Constituant~, Etienne, n" 52, M. V (10), 10 avril 1819. 61 Tous les rédacteurs sont unanimes à considérer 93 comme une déviation malheureuse de 89. Jay l'attribue à l'action néfaste des passions, trait constant· de la nature humaine, C.T. de la Correspondance choisie de Francklin [sic], M.d.F. Il, 10 mai 1817 ; c.r. de l'ouvrage de F. Simonin, Le dix-huitième siècle, M.d.F. Ill, 20 sept. 1817 et son c.r. cit. de l'ouvrage de Bailleul, Situation de la France; dans son c.r. de l'ouvrage de Bailleul sur les Considérations de Mme de Staël, Jay impute la Terreur à la lutte soutenue par les privilégiés contre les intérêts de la nation, M. III (2), 20 août 1818; dans ses Souvenirs de l'Ancien régime, Jay explique la Terreur par la haine qu'ont value à l'aristocratie son oppression comme son mépris, 3' art., M. VII (13), fin oct. 1819. Pour B. Constant l'explosion de haine contre la noblesse s'éclaire par la survivance des préjugés justifiés chez la bourgeoisie et le peuple contre les anciens conquérants, 2' c.r. de l'ouvrage de Mme de Staël, Considérations sur les principaux événemens de la Révolution française, M. Il (7), 15 juin 1818.
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d'attributions 62. Mais lorsque la campagne contre les ultras s'envenime, les rédacteurs, loin de les ménager, instruisent le procès de la Révolution avec violence. Condamnant les ultras, Constant, dans une de ses attaques de grand style, imputera aux classes privilégiées toutes les déviations de la Révolution: «[ ... ] elles ont nécessité ces convocations notables, où on les a vues défendre leurs prétentions, en 1787 contre le roi, en 1788 contre le peuple, organisant alors les émeutes et sanctionnant de leurs éloges l'insubordination militaire; à l'assemblée constituante, leur opposition furieuse ou leurs votes perfides ont empêché le bien, aggravé le mal; elles ont sollicité l'invasion étrangère, abandonné le roi, accrédité contre lui les méfiances, amené le renversement du trône, la terreur, la destruction de la famille royale [ ... ]. » 63 Que l'accusation soit explicite ou voilée, modérée ou violente, elle laisse toujours planer sur le ministère de 1819-1820, en quête d'alliances ultra-royalistes, le spectre de la guerre civile et des guerres européennes qu'une oligarchie insensée avait provoquées. La Révolution ne fut pas un accident dans l'histoire de la France. Une révolution est un renversement d'ordre social et politique que l'oppression et la violation des lois pendant une très longue période préparent et que le concours de presque la totalité de la nation sanctionne 64. La révolution peut procéder par des réformes successives ou des secousses violentes 611, mais toute exégèse qui s'ingénie à masquer les réalités révolutionnaires et à les légitimer par des violences retorses qu'on fait subir aux textes ne fera que reproduire la confusion qui a caractérisé Outre-Manche le règne de Guillaume III 00. Que de faux érudits cherchent à tort et à travers des autorités douteuses pour prouver que les révolutions ne sont que des accidents et que l'essentiel consiste dans la sauvegarde du principe de stabilité ne convient que trop à l'optique des ultras. Les ouvrages que Ferrand avait publiés sous l'Empire 67 et sous la seconde Restauration 68, répon62 Avec une naïveté désarmante, Aignan établit que les errements de 93, comme ceux de 1820, seraient dus à la confusion entre l'inviolabilité du roi et la responsabilité des ministres, 1792 et 1820, art. cit. 63 B. Constant, Lettres sur les Cent-Jours, 3" Lettre, p. 303. Cf. également Tissot, 3" c.r. de l'ouvrage de Georgel, Mémoires pour servir à l'histoire du dix-huitième siècle, depuis 1760 jusqu'en 1810, M. III (13), 28 oct. 1818 et son 2' c.r. Des proscriptions de Bigon, M. IX (6), 12 mars 1820. 64 Cf. le C.r. cit. de B. Constant des Considérations et Mme de Staël, M. Il (3), 20 mai 1818 ; le c.r. cit. de Jay de l'ouvrage de Bailleul intitulé, Examen critique de l'ouvrage posthume de Madame la Baronne de Staël, ayant pour titre: Considérations sur les principaux événemens de la révolution française; Aignan, Des révolutions et des contre-révolutions, M. VII (II), 17 oct. 1819 j Harel, Politique étrangère [Espagne], M. IX (4), fin fév. 1820, p. 174. 65 Cf. Harel, ibid. 66 Cf. Aignan, ibid. 67 L'Esprit de l'histoire. 68 Théories des révolutions. L'histoire mal étudiée de l'antiquité comme celle des Chinois, Indiens et Tartares permet à Ferrand d'aboutir à ses conclusions fantaisistes. Cf. le c.r. de B. Constant, M.d.F. Il, 28 juin 1817.
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dent à une telle optique. Cet auteur ignore que les institutions ne sont qu'un moyen et que la fin de l'ordre politique est celle qui assur\; l'épanouissement des facultés et de la dignité de ses membres, dévelop..: pement garanti par les libertés que la société leur doit. Les excès de la liberté qui finissent par la détruire rejoignent à leur tour les misères du despotisme 69. A Y regarder de près, les essais d'expliquer la Révolution par des causes futiles ou superficielles relèvent d'une motivation transparente. N'a-t-on pas attribué le bouleversement gigantesque de la France soit au désordre financier de l'Ancien Régime, soit à la déprava:' tion des mœurs, soit à la conjuration fomentée par l'or anglais, soit enfin à une conspiration remontant à plusieurs siècles 70? Il est symptomatique des interprétations tendancieuses l'ouvrage du chevalier Malet que Béna': ben pastiche avec un art plaisant. Le pauvre dix-huitième siècle n'est que le bouc émissaire, «mais le vrai coupable, c'est le onzième qui engendra les confrères de la paix; qui engendrèrent les albigeois; qui engendrèrent les pastoureaux; qui engendrèrent les templiers; qui engen': drèrent les flagellans; qui engendrèrent les jacques ou malandrins j qui engendrèrent les turlupins; qui engendrèrent les francs-maçons [ •.• ] 71.
»
Toutes les tentatives de représenter la Révolution comme un phéno,., mène fortuit qu'on eût pu facilement éviter proviennent du désir d'abolir ses effets et de faire ressusciter l'Ancien Régime 72. Madame de Staël elle-même a été sujette à la même erreur et ses Considérations, admi~ rables à maints égards, poussent la piété filiale jusqu'à faire accroiT\; que Necker eût pu empêcher la Révolution si l'appui de la cour lui avait été assuré. C'est d'ailleurs la même adoration du père qui l'a amenée à préférer le pouvoir des familles historiques à celui d'un seul 73. Ni Constant ni Jay n'ont tenu à marquer dans la pensée d!! Mme de Staël la place qui revient à une affectivité trop notoire. Mais tous les deux ont fait justice, Benjamin avec plus de ménagement et de finesse, Jay avec moins de retenue, d'une thèse à laquelle se plai:.. saient les prospérités neckeriennes, promues au rang des «fami11es historiques» par le mariage avec le Baron de Staël. Elle est d'une naïveté désarmante et d'une inconséquence gratuite la pensée de Madame de Staël de réconcilier la noblesse avec la mémoire de Jacques Necker. Certes, ils sont nombreux les fils des nobles que le libéralisme peut consi-' dérer comme ses devanciers ou qu'il compte parmi ses chefs de file, mais 69 70
1818. 7l
Cf. ibid. Cf. B. Constant, c.r. cit. des Considérations, l or art., M. Il (3), 20 .mai Bénaben, M.d.F. Ill, 16 août 1817, p. 333-334. Pour une critique étendue,
cf. jay, c.r. de l'ouvrage de Malet, Recherches politiques et historiques qui prou-
vent l'existence d'une secte révolutionnaire, son antique origine, etc., ibid., 30 août. Cf. également le 2" c.r. cit. de B. Constant des Considérations de Mme de Staël. 72 Cf. jay, ibid. 73 Prudente sous la plume de B. Constant, la critique est plus explicite chez jay. Cf. les deux c.r. cit. de Constant des Considérations de Mme de Staël et le c.r. cit. de jay de l'ouvrage de Bailleul sur le livre de Mme de Staël. .
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l'esprit de corps ne renonce jamais à ses privilèges et ne pardonne jamais sa dépossession 14. Et puis, un roi absolutiste est non seulement incompatible avec la civilisation industrialiste, il est en réalité inconcevable. La longue aventure césarienne, débouchant nécessairement sur un ordre politique où monarchie et libertés se sont raccommodées, éclaire une évolution dont le sens est manifeste. Confier le pouvoir aux «familles historiques:. c'est revenir à un passé définitivement révolu 16. Il ne s'agissait pas de transplanter simplement sur le sol de la France la constitution anglaise, trop idéalisée par Germaine de Stat!l 76. L'anglomanie de Necker est mal venue pour résoudre la lutte acharnée entre la nation et une minorité privilégiée, guerre dont l'évolution et les résultats ne pouvaient être déterminés que par les événements 77. La Révolution se révèle de la sorte un bouleversement inéluctable, dicté par l'absolutisme décadent de la monarchie et les persécutions religieuses. Les privilèges d'une caste arrogantè et d'un haut clergé corrompu y ont leur part importante ainsi que toutes les prétentions des grands corps parlementaires 78. L'absolutisme royal, amorcé par Henri IV, forgé par Richelieu et par Mazarin, atteint son point culminant sous Louis XIV. Si Jay et Constant diffèrent quelque peu quant à l'appréciation de Richelieu, ils sont unanimes à considérer l'absolutisme des Bourbons comme l'élément capital qui a brisé la tyrannie féodale. La lutte contre le despotisme et les prérogatives des castes ne devait pas nécessairement se heurter aux intérêts monarchiques, réunis aux privilèges de l'aristocratie 79. La constitution anglaise est l'aboutissement d'une opposition qui, au treizième siècle, a mis aux prises nobles et représentants de la nation avec la royauté conquérante. Ce qui a perdu Charles 1er , c'est d'avoir confondu la cause royale avec le despotisme. La Révolution de 1688 s'explique par la tentative du dernier des Stuarts à ressusciter l'arbitraire. L'histoire est certes réversible, mais à condition de la connaître. L'aristocratie anglaise, malgré les apparences d'une courte période durant laquelle elle s'était associée avec l'absolutisme de droit divin, avait toujours eu cause liée avec la nation. La noblesse française, par contre, a constamment lutté contre la royauté et contre la nation. La faiblesse de caractère de Charles 1er préfigure à maints égards celle de Louis XVI, et la carrière de Jacques Il contient des éléments menaçants pour l'avenir lorsqu'on songe au comte d'Artois. L'erreur de la monarchie en 89 fut d'épouser la cause antinationale de l'aristocraCf. Jay, ibid. Cf. le 2· c.r. cit. de B. Constant des Considérations de Mme de Staël. Cf. B. Constant, ibid., où il dresse un réquisitoire violent contre le pourrissement de la constitution anglaise au XIX· siècle, tout en reconnaissant ses grands mérites, et jay, ibid. 77 Cf. Jay, ibid. 78 Cf. B. Constant, ibid., le 2' c.r. cit. de Tissot de l'ouvrage de Georgel, 74 75 76
Mémoires pOllr servir à l'histoire des événemens de la fin du dix-huitième siècle [ ... ], M. III (6), 15 sept. 1818, et le c.r. d'Aignan de l'ouvrage de Norvins, Tableau de la révolution française, M. VIII (11), 15 janv. 1820. 79 Cf. B. Constant et Jay, ibid.
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tie comme le danger qui la guette en 1820 est de faire sien le programme antirévolutionnaire des ultras 80. Il est toutefois certain que la lutte contre les privilégiés sous la Révolution a revêtu un caractère d'âpreté extrême à cause de la survivance de l'esprit de conquête. En développant l'idée de Germaine de Staël, Benjamin Constant indique les répercussions lointaines des invasions barbares qui ont fondé la société féodale sur les rapports de vainqueur et de vaincu. Sans que la théorie de la con" quête emprunte chez Constant la rigidité qui caractérise à la mêihe époque les articles du jeune Augustin Thierry 81, elle éclaire l'affrontement du Tiers Etat et de la Noblesse par la lueur sombre de la conquête et explique en même temps les hésitations de la Révolution entre l'esprit d'égalité et celui de liberté. Alors que les dirigeants de la cité antique avaient été identifiés avec ses fondateurs, l'aristocratie conquérante cst restée étrangère à la cité moderne. « Lors même que les progrès de la civilisation eurent adouci les rapports des nobles avec la classe non privilégiée, ces souvenirs restèrent; la noblesse eut même souvent la maladresse de les rappeler [ ... ] De la sorte, l'irritation a survécu aux causes qui l'avaient produite, et elle est devenue pour ainsi dire tra~ dition 82. » Les mots ont leur magie et l'histoire ne peut que trop illustrer les enseignements qu'on lui demande. La chute de l'Empire napoléonien ne clôt pas la grandeur de la Révolution. Au contraire, la défaite de la France affermit le nouvel ordre social et politique et l'inaugure pour le continent. L'Empire romain est de l'histoire passée, mais la Révolution en entame une nouvelle page 83. L'œuvre durable de la Constituante fut l'association intime de la philosophie à la loi et de la royauté à la liberté 84. Constant peut convenir avec Lanjuinais quant aux causes secondaires qui ont concouru au renversement de l'ordre politique que la première assemblée révolutionnaire a conçu. Mais l'absence dans l'œuvre de la Constituante du veto absolu et du droit de dissoudre le corps représentatif est à l'origine des défauts essentiels d'un mécanisme politique que la faiblesse de caractère de Louis XVI, l'opposition acharnée de la noblesse et l'intervention étrangère n'ont fait qu'accentuer 80.
'0 Cf. le c.r. de B. Constant de l'ouvrage de Sauquaire-Souligné, Trois règnes de l'histoire d'Angleterre, M. IV (12), 24 juillet 1819; le 2' c.r. cit. de Jay de l'ouvrage de Villemain, Histoire de Cromwell [ ... ], M. VII1 (3), 21 août et l'art. d'Aignan, De l'établissement des chartes anglaises, M. VIII (4), 15 janv.
J 820.
~1 Cf. notre étl/de cit., Le Censeur Européen. Histoire d'un journal industrialiste. l, p. 211-214. ,~ B. Constant, ibid., p. 321. Cf. également la 3' partie de l'art. de Jay, SO/ll'mirs de l'ancien régime, M. VII (13), fin oct. 1819. '3 J. Norvins I!llle erreur d'impression a changé le J. en F.L De la Révolution française, M. IV (12),23 juin 1819. b4 Cf. ibid. ~.-, Cf. le 2' c.r. cil. de B. Constant de l'ouvrage de Lanjuinais, Constitutions de la nation française, M. VI (3), 23 mai 1819.
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La Législative fut dominée par le danger extérieur et déchirée par les divisions intérieures. Si la constitution de 93 est absurde 86, les idées et les actions de la Convention ne l'étaient pas. Renversant un trône de quatroze siècles et les autels d'une religion dominatrice, la Convention a su opposer victorieusement aux armées mercenaires de l'Europe absolutiste ses armées de citoyens républicains. C'est à l'impulsion de 93 que la France doit son élan militaire. Si les Conventionnels ne manquaient pas de génie, ils furent d'un républicanisme anarchique et la quête d'un pouvoir fort amena le Comité de salut public sur l'échafaud qu'il avait élevé 87. L'ère directoriale ramène la France aux voies monarchiques de la Constituante, en perfectionnant l'œuvre de celle-ci par la formation de deux Chambres 88. Mais combien précaire est l'œuvre du Directoire, marquée par l'absence de prérogatives constitutionnelles d'un pouvoir durable, secouée par des co~ps d'Etat et flétrie par des intrigues de jeunes généraux 89. Si Norvins date l'étouffement de la liberté de l'année 1802, lors de la nomination de Bonaparte au consulat à vie, avec le droit de nommer son successeur, Constant, lui, tout féru de constitutions, ne voit dans les apparences libertaires du 18 Brumaire qu'un masque que César aura vite fait d'arracher. «Le pouvoir militaire emprunta de la métaphysique des sophismes pour détruire toute élection réelle, toute délibération publique, toute participation du peuple à l'administration de ses intérêts généraux ou locaux: et quand tous les moyens de résistance ou de garantie eurent été réduits en poudre, le nuage se dissipa et l'on vit le despotisme. » 90 Norvins, auteur d'un Tableau de la Révolution française, en survolant l'époque impériale, montre les progrès du despotisme, étroitement liés aux campagnes épiques de Bonaparte. L'écrasement de la troisième et de la quatrième coalitions par les victoires célèbres d'Austerlitz, d'Iéna, de Lübeck, d'Eylau et de Friedland consacre la prépondérance napoléonienne sur le plan politique, militaire et financier. C'est le rêve de la monarchie universelle qui prend corps par l'annexion de principautés limitrophes, par l'installation sur les trônes vacillants d'Europe des membres de la famille du nouveau César ou des vassaux dévoués à son système. Norvins ne méconnaît pas le mérite de l'œuvre administrative et pacificatrice de Bonaparte. Mais le code civil fut doublé d'un code pénal féroce et l'éclat fastueux des Tuileries accompagné d'une domination despotique. Vassaux couronnés et sujets soumis scellent la mort de la liberté et consacrent la fortune de Napoléon. Cependant, le mouvement de salut s'amorce dans un coin d'Europe le plus inattendu. Napoléon «prononça le châtiment de l'Espagne et commença le sien. » 91 Cf. B. Constant, ibid. Cf. Norvins, ibid. Cf. B. Constant, ibid. 89 Cf. ibid. et Norvins, ibid. 90 B. Constant, ibid., p. 112. Cf. également Norvins, art. cit. et le début de la deuxième partie du même art., M. V (3), 19 fév. 1819. III Norvins, ibid., p. 118. 86 87 88
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La rançon d'une anarchie effrénée et l'expiation d'un despotisme avilissant se trouvent cependant dans l'héroïsme d'une nation en armes et dans la gloire que lui ont value ses campagnes. L'humiliation d'une occupation accablante et l'amertune des affronts déversés par les ultras s'allègent et se réconfortent par un recours empressé à un passé récent. « Ces sentiments sont encore loin d'être affaiblis; de là cette abondance de nouveaux écrits répandus journellement dans le public; les cami pagnes, les relations, les histoires raisonnées, les compilations, etc., etc. 92.» Le Mercure et la Minerve sacrifient eux aussi au goût du jour, mais ils songent davantage à faire par là pièce à la campagne de déni.., grement des ultras. L'Ermite de la Guyane mettra en valeur lors de ses randonnées les gestes militaires de ses compatriotes. Le général' Beauvais rendra hommage à la publication des Victoires, Conquêtes, Désastres [ ... ] assumée par une société de militaires et de gens de lettres, dont il faisait partie 93, Ainsi, tracera-t-il, en marge des volumes successifs de cette série, le tableau des premiers redressements de la situation militaire de la France envahie 94 comme des grandes victoires de la Convention en 1793 et en 1794 95. Les horreurs de la révolte dans Saint-Domingue, opposant cruellement blancs, créoles et noirs, trouveront aussi leurs historiens et leurs commentateurs 96. Mais ce sont surtout les publications nombreuses sur l'époque impériale qui suscitent dans le recueil des échos favorables à la valeur des armes françaises et dédai~ gneux pour les compilations mal disposées pour la cause nationale 81. C'est aux ouvrages écrits par des militaires dévoués à la France que le général Beauvais réserve ses commentaires sympathiques 98. La carrière de Masséna que le général Thiébault a évoquée dans son discours funèbre, reproduit par le Mercure, n'incarte-t-elle pas toutes les vertus militaires et patriotiques de la nouvelle France 99 ? Des échos parviennent
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même de Pétersbourg pour rappeler des témoignages russes sur le courage généreux des militaires français 100. La correspondance des abonnés répond à ce souci du recueil 101. La fortune personnelle de Bonaparte se mue de la sorte en consécration devenue nationale du dévouement et de l'héroïsme d'un pays tout entier, plus grand par sa constance lors des revers que par son enthousiasme à l'heure des conquêtes 102. L'épopée nationale que le recueil évoque souvent, en remontant à ta Révolution ou en s'attardant aux CentJours, déroule une immense fresque historique. Planant au dessus des décombres de la Révolution et de l'Empire, la Constituante, tel un phare lumineux, éclaire la pensée libérale, en reliant l'héritage des Philosophes et des Idéologues aux conceptions de l'ère constitutionnelle. Et Constant et Norvins font couronner l'édifice de la Constituante par les accomplissements de la Charte, auxquels le prem~~r a hâte d'ajouter ceux de l'Acte additionnel 103. LeE' hommes de la première assemblée révolutionnaire revivent dans la gauche de la Restauration. Dupont de l'Eure, d'Argenson, Bignon, Chauvelin, Martin de Gray, Royer-CoHard, Camille Jordan et combien d'autres rejoignent les Mirabeau, Bai11y, Thouret, Barnave, Dupont de Nemours et les évêques constitutionnels. La Fayette, la Rochefoucauld-Liancourt, les frères Lameth maintiennent sous la Restauration une tradition qui avait compté parmi ses initiateurs un Mathieu de Montmorency 104. Les détracteurs de la Révolution n'y voient qu'aberrations et crimes. Le fougueux Burke a mis au service de la contre-révolution tout l'élan d'une imagination fantasque. «La justice de paix, la simplification des procédures, l'abolition des coutumes, l'unité de code criminel et de code civil, la nouvelle division du territoire, le jury, l'égalité des droits, la création de tant de propriétés nouvelles qui ont multiplié le nombre de citoyens, sont des bienfaits qui restent à jamais dans la mémoire des amis de la liberté, et des leçons pour tous les peuples 105. »
* ** Cf. Correspondance. M. III (6), 15 sept. 1818, p. 276-279. Ainsi le maréchal-de-camp Berton s'empresse à apporter des correctifs aux événements militaires cités par le Mercure, Cartoll du Mercure, M.d.F. III, 2 avril 1817, p. 209-210 ; les querelles au sujet du courage de l'armée impérial\! ne manquent pas, ibid., 20 sept., p. 567-568, pas plus que les protestations contre le change'ment du nom d'une rue et l'élimination du monument que Chartres a consacré à la mémoire du général Marceau, M. III (10), 10 oct. 1818. 102 Cf. l'art. cit. de Tissot, Sur la constance dll peuple français dalls les revers. 103 Cf. le 2' c.r. cit. de B .Constant de l'ouvrage de Lanjuinais, Constitutions de la France, et la 1re partie de l'art. cit. de Norvins, De la Rél'olution française. 104 Cf. le 2' c.r. cit. de Tissot de l'ouvrage de Georgel ainsi que son c.r. des Réflexions de Burke Sllr la Révolution française, M. VI (7), 20 juin 1819. Cf. également le lor et le 2' c.r. cit. d'Aignan du Choix de rapports, opinions et discours prononcés à la tribune nationale [ ... l, M. III (13), 28 oct. 1818 et M. V (6), lU mars 1819. 105 C.r. cit. de Tissot des Réflexions de Burke, p. 310. Cf. également le 2' c.r. cit. d'Aignan du Choix de rapports [ ... l. 100 101
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L'abolition des privilèges et l'instauration d'un ordre nouveau sans absoudre les crimes de 93 les replacent dans un contexte autre que celui fabriquè par les ultras avec tant de haine. Les bienfaits de la Constituante que les privilégiés cherchent à détruire sont précisément ceux que les libéraux tiennent à préserver. Révolutionnaires et conservateurs de 89 ont changé de rôle. La magie des mots opère une confusion de termes que la science de l'histoire distingue. Le véritable enjeu qui oppose les ultras à la nation en 1820, en dépouillant les mots de leur signification mythique, est exactement celui qui a provoqué l'explosion passionnelle de 93 lOti. Encore si ce mythe contre-révolutionnaire pouvait faire prévaloir un système valable, susceptible de succéder à l'échafaudage bâti par vingt-cinq ans de bouleversements. Le mythe de l'œuvre destructive de la Révolution est étayé par le mythe du « bon vieux temps :t que poètes et historiens glorifient. De proche en proche, en scrutant le passé révolutionnaire, la Minerve est conduite à sonder les annales de la royauté et de la féodalité. L'affabulation d'un régime mirifique ne résistera pas à l'examen des faits. Les avenues de l'histoire se déblaient pour qui sait la lire. Le mal n'a pas été inventé par la Révolution et des siècles d'abus et de crimes la précèdent. «On oublie tout ce que la France, tout ce que l'Europe a souffert pendant le seizième et le dixseptième siècle ; on oublie la guerre de trente ans, les guerres civiles, les massacres de l'Irlande, les tortures de l'Inquisition, les fureurs de la ligue, les vêpres sanglantes de la Sainte-Barthélemy, le meurtre de deux rois, l'échafaud de Charles 1er , les dragonades [sic], la proscription de cent mille familles protestantes, la confiscation de leurs biens, et l'inexorable fanatisme triomphant au milieu des désastres de la patrie 107. » Certes, le seizième siècle est grand par la pensée et les arts, puissant par le développement de la société et ses implantations sur d'autres continents. Mais l'Europe a presque succombé sous les guerres qui avaient pour objet la monarchie universelle de Charles-Quint. La France s'est épuisée par ses expéditions en Italie. Et les assises spirituelles et temporelles de l'Occident furent menacées par un schisme que les abus criants et la domination corruptrice de l'Eglise avaient provoqué 108. Les persécutions religieuses en France et la Saint-Barthélemy dépassent en horreur les crimes de la Convention. Les conspirations de la noblesse contre Henri III, la Sainte Ligue qui a dressé la féodalité contre la royauté et qui a fait appel à l'étranger, le massacre des deux rois, Cf. le c.r. cit. de Tissot. Jay, cr. de l'ouvrage de F. Simon in, Le dix-huitième siècle, M.d.F. III, 20 sept. 1817, p. 533. 108 Cf. le cr. anonyme de la nouvelle édition de Suard de l'Histoire dll règne de l'empereur Charles-QI/int [ ... ] de Robertson, M.d.F. Il, 3 mai 1817; également le c.r. de Jay de l'ouvrage anonyme [de Giraud, d'après Barbier], 106 1.)7
Histoire de l'esprit révolutionnaire des nobles en France sous les soixante-hui! rois de la monarchie, M. Il (12), 21 juillet 1818.
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préfigurent les agissements des ultras 109. Cependant, le tableau que les rédacteurs du Mercure et de la Minerve retracent de ce siècle n'est pas uniquement tissé de couleurs sombres. Il est adouci par la figure dominante de Michel de l'Hospital et il est surtout relevé par le despotisme paternaliste d'Henri IV, devenu le symbole d'un roi constitutionnel 110. On conçoit aisément que les ultras aient hésité à s'approprier le pacificateur du royaume et l'auteur de l'Edit de Nantes. Par contre, l'absolutisme de Louis XIV incarne pour eux le modèle idéal d'un régime où toutes les vertus agissantes de l'ancienne France ont concouru à la gloire militaire du pays comme à l'unité éblouissante de sa religion et à la floraison incomparable de ses lettres 111. Ce règne, devenu stéréotypé pour les partisans de l'absolutisme sous Bonaparte et sous la Restauration, offre des aspects tout différents lorsqu'on se penche sur ses fastes trompeurs. L'histoire n'est pas celle de vains monuments qu'on a érigés à l'honneur des monarques, mais bien davantage le lot de misères et de malheurs qui échoit aux peuples 112. Le despotisme de Louis XIV est annoncé par la tyrannie de Richelieu et inauguré par les grondements de la Fronde. L'image d'un cardinal tout-puissant et d'un Louis XII impuissant acquiert sous la Restauration la force d'une opinion reçue, au point d'inspirer, on le sait, les œuvres d'un Vigny et d'un Hugo royalistes. Les rédacteurs n'ignorent pas la portée de l'œuvre de Richelieu, mais leur libéralisme refuse l'arbitraire, même là où il s'était exercé contre la noblesse, comme il flétrit les manigances et la pusillanimité d'Anne d'Autriche et de Mazarin. Arbitraire et trahisons caractérisent la Fronde comme la Restauration. Il a fallu à Condé et à un Michel Le Tellier le verbe puissant de Bossuet pour faire oublier leurs forfaits. 109 Cf. le 1"' c.r. cit. de Jay de la brochure d'Aignan, De l'etat des protestans en France [ ... ] ainsi que l'art. cit. de B. Constant, Quelques réflexions sur la brochure de M. Aignan [ ... ] et la Première lettre de M. Benjamin Constant à M. Charles Durand. Louis Dubois a déjà insisté sur l'unanimité de l'Eglise à bénir et à seconder la Saint-Barthélemy et réfuté les histoires mensongères, écrites par des écrivains obscurs, qui ont cherché à représenter le directeur de conscience de Catherine de Médicis et de ses enfants comme opposé au massacre, Notice sur Jean Le Hennuyer, évêque de Lisieux [ ... ], M.d.F. Ill, 27 sept. 1817. 110 Ajouter aux références de la note précéderüe, Aignan, reproduction du Discours, du petit-fils de Michel l'Hospital, sur l'état de la France, de 1585 à 1588, M. Il (13), fin juillet 1818 et son c.r. de l'ouvrage de Mlle Vauvillier, Histoire de Jeanne d'Albret, reine de Navarre, M. VI (13), fin juillet 1819. Pour Henri IV, symbole de la constitutionnalité, v. également Etienne, n° 23, fin août 1818, où il rend hommage aux vers que Baour-Lormian a dédiés à l'ancêtre de Louis XVIII. 111 Cf. le 3' c.r. cit. de B. Constant des Considérations de Mme de Staël, le 2" c.r. de Jay de l'ouvrage de Lemontey, Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV [oo.], M. III (5), 8 sept. 1818, ainsi que ses deux premiers articles, Souvenirs de l'ancien régime, M. VII (5 et 7), début et 19 sept. 1819. 112 Cf. B. Constant et Jay, ibid. ainsi que le 2" c.r. cit. de Tissot de l'ouvrage de Bignon, Des proscriptions, M. IX (6). Jaya énoncé les mêmes idées dans son c.r. de l'Abrégé des Mémoires [ ... ] de Dangeau, éd. par Mme de Genlis, M.d.F. Il, 31 mai et 14 juin 1817.
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Seuls Henri IV et son ministre méritent de survivre au naufrage des gloires fallacieuses des Bourbons 113. Le despotisme de Louis XIV est arrivé au cours d'un long règne à une déchéance dégradante. Commencé sous le signe de la dissipation, il s'achève dans la dévotion. Mal éclairé sur les prétentions des classes possédantes et les justes réclamations du peuple, l'absolutisme espagnol devait fatalement déboucher sur l'indifférence et le mépris 114. Cet absD-: lutisme à l'état pur s'illustre par les misères des guerres et des impôts et par le scandale des mœurs 115. L'unité florissante du grand siècle est marquée par la dissidente de Port-Royal, la querelle de l'Unigenitus et le pourrissement d'une prélature asservie à la cause de l'absolu~ lisme 1l6. On ne dira jamais assez le crime fomenté par les Jésuites, chanté par Bossuet et béni par Rome, qui a proscrit un demi-million 117 des sujets les plus actifs de la France, confisquant leurs biens et les convertissant de force. Que représentent les quelques milliers d'émigré!\ llobles en regard des légions protestantes qui ont peuplé l'Europe entièri; et qui ont échoué jusqu'au Cap-de-Bonne-Espérance? Cet absolutisme borné s'éclaire peut-être par des marques d'humanité, pratiquée par les d'Aguesseau, Villars, Vauban, Fléchier et les évêques courageux qui ont tenu tête il Louis XIV 118. La légende d'une littérature et d'un art qui se seraient épanouis à l'ombre de Versailles devrait aussi être ramenée par la vérité des chefs-d'œuvre à une optique équitable, susceptible de faire la part de l'indépendance comme de la critique résignée 119. . L~ Grand Siècle a son envers sinon ses envers. Le mythe d'une époqut; absolutiste éblouissante se dissipe par la décomposition de ses éléments. La contre-révolution qui aime se retrouver dans les fastes séducteurs du règne de Louis XIV est habilement attaquée sur son propre terrain et ses retranchements cèdent devant la poussée d'un libéralisme qui se fait science. Toutefois, l'escalade polémique des ultras et des libéraux n'a que faire de l'ordre chronologique des pédants. Elle monte à l'assaut des siècles reculés ou se précipite sur les avant-postes temporels en perdant rarement de vue les lendemains de la Révolution. L'offensive vigoureuse
113 Cf. Tissot, c.r. des Mémoires du Cardinal de Retz [ ... ], M. 1 (9 et 11), début et 19 avril et M. Il (8), 23 juin 1818. Etienne s'élève contre l'érection d'un monument à la mémoire de Louis XIII comme il s'oppose à la consécration de celle de Louis XV, autre «victime» des lieux communs historiques, n° 26, M. III (8),27 sept. lR18. 114 Cf . .Iay, c.r. cit. de l'ouvrage de Lemontey et le 3' c.r. cit. de B. Constant des Considerations de Mme de Staël. 11:; Cf. le 1" et le 2' art. cit. de Jay, Souvenirs de l'ancien régime. lIti Cf. B. Constant et Jay, ibid. 11, Aignan cite le chiffre d'uIl demi-million de protestants proscrits, B. Constant d'un million et Jay de trois. lJq Cf. Jay, 1" et 2' c.r. cit. de la brochure d'Aignan, De l'état des protestarzs r... ), l'art. cit. de B. Constant, Quelques réflexions sur la brochure de AI. Aiznan [ ... ], la Première lettre, cit. de M. Benjamin Constant à M. Charles Duralld et le 1" c.r. cit. de Tissot de l'ouvrage de Georgel, où il dresse un réquisitoire violent contre les Jésuites, M. Il (10), 12 juillet 1818. 119 Cf. le 3' c.r. cit. de B. Constant des Considérations de Mme de Staël.
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des libéraux contre le Grand Siècle, réhabilité par Chateaubriand, n'est au fond qu'une réplique préméditée aux attaques répétées de l'extrêmedroite contre le siècle des philosophes. Les faux critères d'une historicité engagée ne tendent-ils pas à représenter le XVIII" siècle et ses suites en rupture de ban avec l'histoire? Ce siècle « est personnifié comme le génie du mal; on l'accuse, on le diffame, on le rend responsable de toutes les infortunes privées, de toutes les calamités publiques, de toutes les déplorables catastrophes qui ont tourmenté ses dernières années 120 ». Les accusations des ultras s'expliquent. Ils veulent mal de mort à une philosophie qui à partir de la seconde moitié du siècle a sapé les fondements doctrinaux d'un absolutisme et d'un obscurantisme néfastes 121. Les opinions sont évaluées à la lumière des préventions en faveur ou contre la Révolution et ses initiateurs. La supériorité que Lady Morgan reconnaît à Shakespeare sur Racine a vite fait de se transformer en crime de lèsevérité par la préférence qu'elle a témoignée au siècle des philosophes et à la Constituante 122. Les banqueroutes financières et la dissolution des mœurs, les luttes avec des parlements rétrogrades, les persécutions continuelles des protestants, l'intolérance de Louis XV et la faiblesse de caractère de Louis XVI contrastent pauvrement avec l'essor exceptionnel de la pensée philosophique et offrent les signes tangibles d'un régime en voie de décomposition. C'est l'exemple puissant des jeunes Etats-Unis d'Amérique 123, c'est l'enseignement de Montesquieu, de Voltaire et de Turgot, des Economistes comme des Encyclopédistes, et, vers la fin du siècle, celui d'un Malesherbes ou d'un La Fayette qui sonnent le glas funèbre du despotisme et de la superstition. La désertion des fils nobles vers les régions d'un philosophisme dirigé contre l'arbitraire et les dogmes ne fait qu'accentuer la condamnation d'un système périmé. Germaine de Staël, convertie tardivement à l'enthousiasme poétique et religieux des Germains, où elle a retrouvé peut-être sa communion de jeunesse avec les effusions de Jean-Jacques Rousseau, reprochera au mouvement philosophique son irréligion. Constant, ce quêteur assoiffé d'une foi fuyante, s'ingéniera à concilier la critique de la châtelaine de Coppet avec les impératifs de la cause philosophique 124. Jay, par contre, disculpera les philosophes par la distinction, devenue banale grâce à Constant, entre le sentiment religieux et ses institutions 12G. Mais l'essentiel à souligner, c'est que les libéraux retrouvent la Philosophie dans la Constituante et qu'ils n'entendent guère renier celle-ci pas plus qu'ils ne sont disposés à abjurer
120 jay, c.r. cit. de l'ouvrage de F. Simonin, Le dix-huitième siècle, M.d.F. 111, 20 sept. 1817, p. 533. 121 Cf. jay, ibid. 122 Cf. jay, c.r. de La France de Lady Morgan, M.d.F. III, 16 août 1817. 123 Cf. le c.r. de Jay de la Correspondance choisie de Benjamin Francklin, M.d.F. Il, 10 mai 1817. 124 Cf. le 3' c.r. cit. de B. Constant des Considérations de Mme de Staël. 125 Cf. Jay, le c.r. cit. de l'Examen critique de Bailleul relatif aux Considérations. li
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celle-là. Ils s'approprient fièrement l'œuvre de 89 avec ses antécédents èclairés 126.
* •• Les ultras s'aménagent, par mesure de précaution, des retranchements éloignés à l'abri desquels ils peuvent évoquer les vertus toniques de la chevalerie et chanter la poésie du « bon vieux temps» .Ces siècles de foi intense et de fidélité seigneuriale touchante préfigurent les bienfaits d~ l'ère absolutiste. La Gaule poétique de Marchangy par le parfum des choses révolues qu'elle répand ne constitue-t-elle pas une réplique victorieuse à l'ordre vulgaire instauré par les plébéiens 127? Mais sous les apparences des invocations romancées subsistent les réalités sordides des intérêts. L'absolutisme despotique des Valois et des Bourbons remonte à des siècles de lutte acharnée entre la royauté et la noblesse. Vaincus et dépossédés, les nobles étaient heureux d'avoir conservé leurs prérogatives de caste sous la monarchie absolutiste. S'ils s'empressent de plaider chaleureusement la cause de celle-ci en 1820, c'est pour mieux les sauvegarder 128. La cause des nobles a toujours été séparée de celle de la royauté et de la nation. Les parchemins dont elle se réclame sont tissés des horreurs commises contre les Mérovingiens et les Capétiens et toujours sur le dos du peuple. Le qualificatif de «révolutionnaire» dont les ultras abreuvent leurs adversaires est relevé avec dédain dans les volumes anonymes de l'Histoire de l'esprit révolutionnaire des nobles en France sous les soixante-huit rois de la monarchie. Tout se tient en histoire. Au haut de l'échelle plane la nuit ténébreuse que la ruée des barbares a fait tomber sur l'Empire romain 129, avec, comme arrière-plan, la décadence de Byzance 130. Tissot, élève assidu des lettres de l'Antiquité, ne suit pas aveuglément la leçon de Montesquieu. Il flétrit la civilisation romaine fondée sur les conquêtes et sait même retrouver dans l'histoire de l'Italie, vue par Naples, des rapprochements édifiants avec l'actualité. Alors comme maintenant, l'Italie fut la victime, après les invasions des barbares, de l'ambition effrénée de la papauté comme des visées brutales de l'Empire germanique, rivalités sanglantes qui alimentent l'Enfer de Dante. A l'aube des temps modernes de même que sous la Révolution et l'Empire, 1~6 ~'enirs
Aux références des notes 120-125, ajouter: jay, 2' art. cit. de ses Soude l'ancien régime, son 3' c.r. cit. de la brochure d'Aignan, De l'état des protestans [... 1 et son c.r. cit. de l'ouvrage de Bailleul, Situations de la France 1... ] ; B. Constant. Première lettre, cit .. de M. Benjamin Constant li AI. Charles DlIrand 1... ] ; Tissot, 3 c.r. cit. de l'ouvrage de Georgel, M. II (10) et M. III (6 et 13), 12 juillet, 15 sept. et 28 oct. 1818 et son c.r. cit. des Réflexions dc Burke. 1~7 Cf. la nitique que jay forme de l'œuvre de Marchangy, M.d.F. IV, 28 oct. 1817, p. 157 sq. 128 Cf. Tissot, c.r. cit. de l'ouvrage de Bignon, Des proscriptions. 12U Cf. jouy, c.r. de la traduction des Nuits romaines, M.d.F. IV, 25 oct. 1811. 130 Cf. Aignan, art. cit. en marge de l'ouvrage de Ségur, l'Histoire du BasEmpire.
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l'Italie a goûté les prémices de la.1iberté par l'établissement en Sicile des normands 131. En France, la cause de la liberté fut dangereusement compromise par l'aristocratie. Bénaben et Jay se répartissent les rôles pour décrire respectivement les menées des nobles contre les deux premières races 132, les rivalités et les soulèvements des Armagnacs et des Bourguignons contre la royauté et contre la France 133. Constant, Tissot et Aignan manqueront rarement l'occasion de citer les défenseurs du trône et de l'autel devant le tribunal de l'histoire 134. Le livre anonyme de Giraud, en déroulant ce vaste tableau des misères nobiliaires, inspirera les Lettres sur l'histoire de France que le jeune Augustin Thiérry commencera à publier dans les colonnes du Courrier renouvelé. Le «bon vieux temps» est un mythe de même que celui de l'absolutisme grandiose de Louis XIV. Les annales du Moyen Age égrènent une litanie de calamités, dues à la conquête brutale et aux rébellions des nobles. Les soulèvements de Jacques Bonhomme que Jay évoque et qu'Augustin Thierry reprendra dans le Censeur Européen, s'éclairent à la lueur sombre de l'oppression des seigneurs 135. Les véritables révolutionnaires furent justement les rois qui ont brisé un système fondé sur les droits de conquête de l'aristocratie et la soumission du peuple. L'affranchissement des communes et la consolidation du pouvoir royal à l'aide du Tiers Etat préfigurent l'ère de la civilisation moderne où la cause de la monarchie ne devrait plus être dissociée de celle de la nation 136. Non que tout le Moyen Age soit compris dans une formule lapidaire de réprobation. En pleine nuit de barbarie, la figure légendaire de Charlemagne est évoquée avec reconnaissance 137, et avec admiration, à l'aurore des temps modernes, celle de Saint Louis 138. Il est vrai que la sainteté de Louis IX est quelque peu gâtée par la « folie» de la croix, mais, avec Robertson, le recueil sait démêler les bienfaits que le dialogue amorcé avec l'Orient, à travers les villes italiennes et Byzance, a réservés à l'Occident 139. L'époque des troubles au cours desquels la France fut sur le point de sombrer par les agissements des nobles et l'occupation étrangère est relevée par la figure de Charles V et rehaussée par le rayonne131 Cf. Tissot c.r. de l'ouvrage d'Orloff, Mémoires historiques, politiques et littéraires sur le rOJ'aume de Naples, M. VII (4), fin août 1819. 132 Cf. Bénaben, C.r. de l'ouvrage anonyme de Giraud, Histoire de l'esprit révolutionnaire des nobles [ ... ], M. 1 (7), 23 mars 1818. 133 Cf. Jay, c.r. cit. du même ouvrage, M. Il (12), 21 juillet 1818. 134 Cf. B. Constant, 2' et 3' c.r. cit. des Considérations de Mme de Staël; Tissot, 2' et 3' c.r. cit. Des Proscriptions de Bignon; dans le 3' c.r., Tissat retrace avec Bignon les méfaits du pouvoir et de la lioblesse à travers l'Europe; Aignan, les effets de l'obscurantisme en France à travers les âges, c.r. de l'ouvrage de Garinet, Histoire de la magie en France, depuis le commencement de la monarchie jusqu'à nos jours, Galerie [ ... ], M. VI (13), fin juillet 1819. 135 Cf. Jay, 3' art. cit., Souvenirs de l'ancien régime, M. VII (13), fin oct. 1819. 136 Cf. Jay, c.r. cit. de l'ouvrage anonyme de Giraud.
Cf. 5S., M.d.F. IV, 15 nov. 1817. Cf. Bénaben, c.r. cit. de l'ouvrage anonyme de Giraud et le 3' c.r. cit. de B. Constant des Considérations de Mme de Staël. 139 Cf. le c.r. anonyme de l'ouvrage de Robertson, M.d.F. Il, 3 mai 1817. 137 138
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ment de Jeanne d'Arc que le libéralisme adopte volontiers sous les baïonnettes des Alliés H0. Louis XI a le mérite, malgré une cruauté blâmable, d'avoir écrasé la noblesse 141 et Louis XII celui de prouver, par les Etats de 1484, que la représentation nationale ne date pas d'hier 142. C'est qu'en regard d'une noblesse qui claironne ses parchemins et menace la France d'une nouvelle vague réactionnaire, le libéralisme est amené à son tour à clamer les titres de Jacques Bonhomme. Si Benjamin Constant dédaigne le recours aux anciennes chartes et se contente des droits que la raison confère à l'homme 143, Etienne insistera sur le caractère électif de la royauté à ses débuts 144, Aignan 145, jay 146 et Dumoulin 147 sur le courant libertaire qui traverse l'histoire de la France et qu'on retrouve à ses origines. Les assemblées convoquées au XII· siècle par Louis-le-jeune, la consultation du peuple par Charles V et Saint Louis et la convocation des Etats en 1355 et en 1484 constituent des chartes consacrant les droits de la nation et préfigurant la constitutionnalité de la monarchie sous Louis XVlII 148. A son tour, Pagès insistera sur la liberté dont jouissait le régime municipal de la Gaule sous les Romains, régime que les Capétiens ont ressuscité 149. La liberté a son histoire. Elle ne date pas de 89. Les adeptes de « l'ordre» se révèlent les fomenteurs éternels des désordres. Ceux qui se proclament les soutiens fidèles du trône et de l'autel ont des antécédents compromettants pour le pouvoir monarchique ct pour l'avenir spirituel de l'Europe. Les princes font fausse route en s'associant par les décrets de Carlsbad avec leurs adversaires de toujours contre les nations. L'histoire ne saurait induire en erreur ses lecteurs avertis 150.
HO Pour Charles V, cf. B. Constant, 3" c.r. cit. des Considérations de J\'\me de Staël; pour Jeanne d'Arc, cf. Tissot, c.r. de l'ouvrage de Le Brun de Charmettes, Histoire de Jeallne d'Arc [ ... ], M.d.F. IV, .t oct. 1817. Hl Cf. Tissot, 2' c.r. cit. Des proscriptions de Bignon d Jay, c.r. cit. de l'ouvrage anonyme de Giraud. 14~ Cf. Aignan, c.r. de l'ouvrage de Roederer, Mémoire pour servir à un~ 'IOI/vclle histoire de Louis Xli, le père du peuple, M. IX (5),5 mars 1820. Ha Cf. B. Constant, c.r. cit. des Constitutions de la nation française de Lanjuinais. '41 Cf. n" 88, M. VIII (10), 9 janv. 1820. 14;; Cf. Aignan, cr. cit. de l'ouvrage de Roederer et son c.r. de l'ouvrage de TllOuret, Abrégé des révolutions de l'ancien gouvernement français, ouvrage élémentaire, extrait de l'abbé Dubos et de l'abbé Mably, M. Vlll (13), lill janv. 1:120. 146 Cf. Jay, c.r. de la brochure de Carrion-Nisas fils, De la nation et des
jactio,zs ou Coup d'œil sur tétat de la liberté publique aux diverses époques de notrc histoire, et sur son état présent, M. V (12), 20 avril 1819. 147 Cf. Dumoulin, réflexions en marge de l'ouvrage de Roedeur, M. VIII (13), fin janv. 1820. 14S CL d'Aignan, art. cit. De ['établissement des chartes anglaises. Hl' Cf. Pagès, De ['organisation municipale, M. VII (1), 7 août 1819. ';'0 Inutile de souligner à qud point les traités abstraits des rédacteurs sont prnjl'iés par une actualité ohsédante. Pour les implications des décrets de Carlsbad, d. p. ex., Tissut, 2' c.r. cit. de l'ouvrage de Bignon, Des proscriptions et Jay, 3' art. cit., Souvenirs de l'ancien régime.
CHAPITRE
IX
ÉLÉMENTS D'UNE ESTHÉTIQUE LIBÉRALE
L'histoire de la vie intellectuelle sous la Restauration pourrait profiter d'une étude de la carrière mouvementée des éditeurs, et des imprimeurs. L'examen des annonces des librairies dans la presse et des commentaires que les rédacteurs y ont ajoutés se révèle des plus instructifs. La vie de l'esprit suit à sa façon la loi de l'offre et de la demande. Sans avoir consulté d'une façon suivie le foufIlal de la librairie pour les années 18171820, nous sommes cependant en mesure de suggérer quelques conclusions prudentes grâce au dépouillement des Annonces et Notices contenues dans le Mercure et la Minerve. Encore faudrait-il préciser que la publication régulière du prcmier est constamment accompagnée de listes publicitaires d'ouvrages récents alors que le caractère de périodicité irrégulière des cahiers du second recueil et la place de plus en plus marquée que la politique y occupe raréfient les annonces des libraires 1. L'avidité du public pour l'imprimé peut facilement s'expliquer par l'expérience de trente ans de bouleversements durant lesquels le verbe se faisait acte. L'cmprcssemcnt de la jeunesse à se tourner vers les études s'éclaire égaIement par le vide que l'effondrement de l'Empire a creusé. Avant la Préface célèbre d'Augustin Thierry à ses Dix ans d'études historiques et avant la Confession de Musset d'un enfanl du siècle, les rédacteurs de la Minerve ont su traduire les changements survenus dans le climat intellectuel de la Restauration 2. Que l'offre des écrivains et des éditeurs ait répondu à la demande des lecteurs n'a rien d'étonnant. Après la férule du Maître de l'Europe, est venue l'ère des discussions politiques. L'élite qui n'a été que trop gouvernée par Bonaparte se met avidement à l'école constitutionnelle. La politique pénètre tous les domaines. L'opposition entre les deux France trouve mille formes pour traduire les positions adverses. Les sessions des Chambres sont disséquées avec une passion toute juvénile. C'est à l'abri de ces sessions que les traités font rage sur la nature et les institutions du gouvernement parlementaire, sur les systèmes financiers, le crédit, les 1 Il est vrai que les couvertures des cahiers de la Minerve que la B.N. n'a pas conservées, auraient pu, et c'est le cas des derniers, faire figurer les annonces. ~ Cf . .Iay, c.r. de la brochure d'A. de Carrion - Nisas fils, De la nation et des factions [ ... J. M. V (12), 20 avril 1819 et Aignan, Galerie [ ... ], M. VI (10), 12 juillet.
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emprunts et les impôts. La question de la liberté de la presse est à l'origine des écrits qui lui sont favorables ou hostiles. Les élections manquent rarement de faire bénéficier les électeurs de manuels ou de guides propices. Les questions religieuses et celle du Concordat notamment préoccupent singulièrement les esprits cOlllme les écrits. Il en est ainsi des brochures sur la politique des Alliés, menace permanente pour les nouvelles destinées de la France. Les événements survenus Outre-Manche, OutreRhin ou au-delà des Pyrénées, mobilisent des interprètes empressés. Aux horizons reculés, les révolutions des colonies espagnoles et leurs institutions tiennent en haleine des plumes toujours alertes. A consulter les listes des éditeurs, on constate que l'art de cultiver la terre et d'administrer comme celui de juger sont toujours en honneur auprès du public lettré. L'ère constitutionnelle s'avère en même temps industrialiste. Les bibliothèques physico-économiques se multiplient ainsi que les traités d'économie politique et les nombreux pospectus de SaintSimon. Le début du XIX· siècle ne déçoit pas le XVIII· et pourvoit le commerçant de dictionnaires universels portatifs ou de tableaux statistiques précieux. L'histoire subjugée par la politique, s'attache aux destinées malheureuses de Louis XVI et de sa famille, s'attarde sur la Révolution et les révolutions, remonte au-delà de 89 ou se plaît aux rapprochements significatifs de l'Europe et de l'Amérique. C'est à cette occasion qu'elle récrit les annales des protestants et retrace les filiations mystérieuses des francs-maçons. Ici et là elle échappe à l'emprise immédiate de la conjoncture. L'histoire peut ainsi raconter les gestes de Jeanne d'Arc, ou ressusciter les figures de Saint-Louis, de Louis XII, d'Henri IV et de Louis XIV, faire appel à l'Histoire de France d'Anquetil, à celle du Bas-Empire d'Ancillon ou à la vaste fresque de l'Abrégé de l'histoire universelle de Ségur. L'engagement foncier des écrivains de la Restauration engendre parfois des détachements chargés de promesses et dont les Recueils de mOllumens antiques de Grivaud de la Vincelle portent un témoignage éloquent. La bourgeoisie issue de la Révolution et de l'Empire, est extrêmement sensihle à la gloire militaire de la France. C'est une véritable avalanche d'écrits militaires qui ne le cèdent qu'à la prolifération de publications politiques et politico-historiques. Dictionnaires historiques des batailles récents, histoires de guerres, almanachs et calendriers militaires, traités sur l'art et l'éloquence militaires se succèdent à un rythme accéléré 3. Le projet de loi du maréchal Gouvion Saint-Cyr sur le recrutement provoque, on s'en doute, de nombreux écrits qui organisent et réorganisent l'armée. La bourgeoisie de la Restauration est aussi férue de moralisme. Les éditeurs se penchent avec sollicitude sur la formation de la jeunesse. Les journaux, les cours pratiques, les traités d'éducation sérieux ou badins, livres et recueils de morale envahissent de plus en plus les annonces des a Etienne proteste contre la malveillance de la censure à l'endroit des Almanachs militaires, n° 34, Post-scriptum, M. IV (4), 28 nov. 1818.
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libraires. La part du lion en revient aux femmes-auteurs qui font preuve d'un vif intérêt pour l'instruction des jeunes filles. On réédite même Mme de Choiseul et l'on pousse le scrupule jusqu'à corriger Emile. Rares semblent être cependant les ouvrages qui atteignent la qualité de l'écrit de Guizot sur l'éducation. Les manuels rejoignent cette poussée éducative fiévreuse. Aux grammaires simplifiées, aux théories nouvelles du participe, s'ajoutent les grammaires démonstratives d'enseignement mutuel, les nouveaux traités de ponctuation, les dictionnaires d'épithètes et de rimes ainsi que les grammaires des langues étrangères. Les contemporains du Mercure et de la Minerve ont souvent reproché à leur siècle un manque attristant de poésie, mais l'époque écrit sa poésie à sa façon. Elle multiplie les épîtres au Roi, les repentirs, les voyages aux châteaux, les poèmes commémoratifs et les oraisons funèbres. Elle célèbre le retour des Bourbons ou remet en vogue des romaRces moyenâgeuses. La Gaule poétique de Marchangy ne serait-elle pas propice à une inspiration de commande bien pensante? Cette appréciation réticente se fait cependant dans les recueils plus élogieuse à l'endroit des poèmes de Théveneau. Les plaintes des demi-soldes s'intercalent ici et là dans les Annonces, des discours en vers aussi pour célébrer les bienfaits de la monarchie constitutionnelle et les vertus toniques de l'étude ou des essais de rimer le Télémaque. Les tentatives élégiaques ou moralisantes sont toutefois bien pâles devant la recrudescence des recueils de chansons. Les maux de la France sont trop accablants pour que le public ne cherche pas refuge dans une gaieté factice. Les Soirées de Momus, les Passetemps de Monsieur et les Métamorphoses de l'amour déroulent une variété de titres pour une thématique de galanterie de surface. Les années 1817-1820 montent davantage des comédies et des vaudevilles en scène qu'elles ne les livrent à l'indiscrétion des imprimeurs. Gosse, d'Aubigny, Poujol et bien des débutants anonymes se font cependant publier. Guides et almanachs pour les amateurs de théâtre et les curieux d'interprétation dramatique sont particulièrement nombreux. Les œuvres dramatiques des amis des rédacteurs, compagnons de leurs fortunes diverses, que la librairie annonce leur vaut une réclame empressée. Des échos parsemés parviennent également des romances ou des chants romantiques mis en musique ainsi que des recueils de nouvelles contredanses. Le roman ne réserve pas de surprises. Les auteurs-femmes - Montolieu, Elisabeth de Bon, Renneville et bien d'autres - s'évertuent à traduire de l'anglais des romans, complètement oubliés, parmi lesquels figurent ceux de Lady Morgan. Elles poussent plus loin leur dévouement et gratifient le public de nouvelles: Les douze siècles, Les secrets du cœur, Les confessions de Clémentine, Les châteaux suisses, Les malheurs de l'amour, Les soirées ou Les soupers de famille. Xavier de Maistre se fait rappeler discrètement à l'attention des lecteurs par son Voyage autour de ma chambre et son Lépreux de la cité d'Aoste alors que Lacépède se dédommage de ses travaux naturalistes par Charles d'Ellival et Alphonsine de Florentino, faisant suite à Ellival et Caroline.
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La carence bibliographique des romans est quelque peu compensée par l'abondance de lettres méditatives que le théme du monde et de la retraite inspirent. Une nouvelle édition des Lettres incisives de Junius semble trouver une audience toujours empressée alors que Jouy - sous le déguisement de l'Ermite de la Chaussée d'Antin, du Franc Parleur ou de l'Ermite de la Guyane -, reprenant la tradition de Mercier, lance volumes sur volumes pour offrir à ses contemporains avides le tableau des Mœurs françaises. La perfide Albion ne laisse pas d'attirer des visiteurs qui font bénéficier leurs compatriotes de leurs impressions. Les Tableaux descriptifs et les Panoramas d'Angleterre témoignent d'un intérêt toujours constant. Le besoin d'exotisme tire quelque satisfaction de l'adaptation du livre de James Lawrence sur le Malabar - devenu sous la plume du traducteur le Panorama des boudoirs - et par la traduction de Jay du Voyage de Koster dans le nord du Brésil. Le monde biblique est évoqué par les notices de l'infatigable Michel Berr sur un poème de Malleville ou sur la pensée de Maïmonide. L'appel de l'exotisme est moins lancinant que ne le sont les impératifs d'une société cn quête de bien-être. Le Faubourg Saint-Honoré peut feuilleter le Dictionnaire des gens du monde ou se remettre à l'école De la politesse. Les Agendas, les Nomenclatures des rues de Paris, les Promenades aux cimetières, les Tableaux des hôtels garnis et particuliers de Paris font la joie d'un monde affairé. Les gourmets trouvent leur compte dans l'art du Confiseur. Un certain Léopold s'adjuge le bonheur des ménages et en codifie des recettes infaillibles. Les éditeurs ne perdent pas de vue les brebis égarées dans la ville de perdition qu'est Paris et une sixième édition du Nouveau conducteur de l'étranger leur fournit des renseignements combien précieux. Le côté sensé de la société de la Restauration se devine également par les ouvrages de science appliquée. Les travaux sur l'agriculture maintiennent la belle tradition établie par les philosophes du XVIII" siècle. Les Cours d'agriculture, les Voyages dans l'empire de Flore et les Atlas botaniques se font à l'envi une concurrence heureuse et reprennent ou réadaptent les principes de Tournefort et de Linné. La France qui a déversé sur l'Europe ses légions conquérantes, ne saurait ignorer la géographie. Elémens méthodiques de géographie et Atlas géographiques se succèdent rapidement. Si la Quadrature du cercle trouve peu d'amateurs, les Cours de physique théorique et expérimentale prouveraient que la tradition mondaine du XVIIIe siècle n'aurait pas été perdue pas plus que celle des cours d'histoire ou de littérature. La science médicale, sans guérir les maux, multiplie par la plume de célèbres professeurs les Hygiènes oculaires, l'art d'un accouchement parfait, les manuels indispensables de siphylixie, les Nosologies naturelles et les Dictionnaires des sciences médicales. L'art se fait discret aux premières années de la Restauration. Il s'attache aux tableaux du Cabinet du Roi, fournit au public les livraisons successives de Landon, où le Salon de 1817 est appréciè et jugé, expose parfois les portraits des héros de l'Empire, codifie les secrets d'une Nou-
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velle architecture pratique et annonce aux amateurs la vente de la Collection de médailles de Thury. La servante des sciences, la philosophie, fait figure de parente pauvre auprès des floraisons scientifiques que nous venons de dénombrer. Elle ébauche des tentatives timides, par la traduction de l'ouvrage du révérend J. Mason, Essai sur la connaissance de soi-même. Elle suit le brave abbé Carron sur La route du bonheur, dans une nouvelle édition, ou les méditations philosophiques désenchantées de Volney devant les Ruines. Les Inductions morales et physiologiques de Kératry apportent aux contemporains une métaphysique bien positive grâce à laquelle la religion officielle est débarrassée de ses éléments temporels. Point d'écho dans les Annonces de la philosophie de Kant ou de Schelling. Par contre, Frédéric Ancillon connaît un regain de popularité par ses Essais philosophiques. Sur les confins de la littérature et d'une pensée qui la survole, Mme de Staël maintient toujours sa place privilégiée par la réimpression de De l'influence des passions et De la littérature. La Revue encyclopédique, faisant suite au Magasin encyclopédique et aux Annales encyclopédiques, représente peut-être le mieux une tradition qui remonte à la Décade et à l'Encyclopédie. Grâce à son directeur, ]ullien, et à ses collaborateurs, parmi lesquels figurent Lanjuinais, Alexandre de Laborde, Amaury Duval, Langlès, Lacépède, Gérando et bien d'autres, se maintient le positivisme des Philosophes et des Idéologues. Il n'est guère étonnant de voir Jouy consacrer à la Revue une Notice des plus élogieuses 4. Le positivisme embourgeoisé de la Restauration trouve un meilleur compte dans un retour facile à une pensée qui se voulait éminemment philosophique et universelle. Il rejoint par là une tradition qui réduit les signes mystérieux à un langage explicite. Les éditeurs ont hâte de remettre en vogue le Lycée d'un critique-modèle comme La Harpe dont les «saines» idées littéraires font toujours autorité. Les grandes maisons d'édition - les Didot aîné, les Belin, les Treuttel et Würtz - lancent des collections pour rééditer les œuvres des Philosophes, avec un regain de popularité jamais épuisée pour celle de Voltaire, un intérêt toujours vif pour Rousseau, Montesquieu et Marmontel, un intérêt renouvelé pour Diderot, Lesage, Turgot et Buffon ainsi que pour la Correspondance et les Mémoires de Franklin. Le public lettré est peu pénétré pendant les années 1817-1820 de l'abîme séparant le XVIIIe du XVIIe siècle et moins encore de l'opposition irréconciliable entre le romantisme et le classicisme. 1\ accueille par souscription avec autant d'empressement les dramaturges, moralistes, fabulistes, mémorialistes et épistoliers du Grand Siècle que leurs dignes successeurs au Siècle des Lumières. La formation «classique » des lecteurs s'est maintenue malgré les Ecoles centrales et malgré l'Empire. Tourlet publie la traduction des Œuvres complètes de Pindare, Méchin, les Satires de Juvénal, et un prospectus est lancé pour annoncer
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Le l or cahier de la Revue a été publié vers la fin du mois de janvier 1819,
cf. Jouy, Notice, M. VI (7), 20 juin 1819.
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la publication du Théâtre complet des Latins, avec le texte en regard de la traduction, accompagné de notes philologiques et archéologiques.
* ** Cette esquisse sommaire et volontairement fragmentaire de la vie intellectuelle pendant les années 1817-1820 que la lecture fastidieuse des tables bibliographiques nous a suggérée, situe les problèmes littéraires dans lin contexte très complexe. Pour les rédacteurs du Mercure et de la Minerve la question essentielle qui se pose n'est pas celle du «genre romantique» et du classicisme, mais plutôt l'accord entre la littérature et la politique. Benj amin Constant, Lacretelle, Jay, Jouy, Tissot, Aignan et Etienne proclament à l'envie l'union intime de la vision politique et de la vision esthétique. Le modernisme de la Minerve se définit précisément par l'engagement conscient et entier des rédacteurs dans les problèmes de la cité censitaire. Toute tentative de fragmenter leur vision risque de la fausser. Les différences de tempéraments et de formation nuancent et parfois distinguent nettement les jugements littéraires des rédacteurs. Quelle école et quel cénacle que la postérité savante a classés définitivement pourront échapper à cette règle? On le sait, le romantisme de 1830 trouve son absolution dans ses persistances classiques et la génération de Racine dans des affinités romantiques qu'un « baroque» antérieur vient éclairer à point nommè. L'accord entre les rédacteurs se situe au niveau de l'organisation ct des limites de la monarchie constitutionnelle, essentiellement au niveau des libertés et des garanties que la collectivité politique restreinte doit reconnaître à l'individu. Elèves de l'Antiquité, Constant, Aignan et Tissot ne manqueront pas d'étayer leur philosophie par l'autorité imposante des Anciens. « La politique reçoit une direction plus sage et un plus vif attrait de son alliance étroite avec la littérature. Les anciens ne les séparaient pas l'une de l'autre, et notre éducation constitutionnelle doit tendre à nous rapprocher, cn plusieurs points, des mœurs et des habitudes des anciens 5. » Benjamin Constant aura recours à l'œuvre de Virgile, d'Horace et d'Ovide pour railler les conversions récentes au libéralisme de ceux qui avaient tonné contre les Philosophes et qui ont fini par inscrire les libertés au bilan de leur Grand Siècle. L'adulation du pouvoir caractérise tout régime despotique, mais la pensée et la littérature n'ont de valeur que dans la mesure où elles transcendent les servitudes du moment 6. Tissot énoncera la même opinion à propos du théâtre d'Eschyle, proposant comme modèle à la jeunesse la liberté et la pureté des mœurs antiques 7. Jay formulera le même vœu en marge de la bro:; Aignan, Galerie [ ... ], M. VI (10), texte cil., p. 449. Dès la publication de la Minerve, Aignan a souligné les travaux accomplis dans toutes les disciplines grâce aux espérances iibertaires, Galerie [ ... ], M. 1 (1), début fév. 1 8 1 8 . ' 6 Cf. B. Constant, De la littérature dans ses rapports avec la liberté, fll.d.F. III, 13 sept. 1817. Cet article, recueilli dans les Mélanges, n'a pas eu de ~lIite comme l'avait annoncé le recueil. 7 Cf. Tissot, Génie dll théâtre primitif {
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chure de Carrion-Nisas fils, dont le sous-titre est révélateur, Coup d'œil
sur l'état de la liberté publique aux diverses époques de notre histoire, et sur son état présent 8. La liberté avait inspiré, on le sait, la pensée des Philosophes, mais elle a également marqué des écrits du dernier tiers du XVIIIe siécle et du début du siècle nouveau. C'est une œuvre pie pour les rédacteurs que d'évoquer à chaque occasion la contribution de leurs prédécesseurs immédiats et de leurs contemporains illustres. Autant qu'une réplique aux ultras qui dénoncent l'aridité des temps nouveaux, c'est une riposte aux Alliés conquérants qui affichent une prétendue supériorité intellectuelle. Ecouchard-Lebrun, Delille, Parny, Bernardin de Saint-Pierre et M.- J. Chénier ont illustré les lettres à l'époque de la Révolution. C'est Fontanes entre autres qui a repris l'héritage poétique, Raynouard, Lemercier, Arnault et Baour-Lormian, les traditions h'agiques, Andrieux, Alexandre Duval, Picard, Etienne et Gosse celles de la comédie, Jouy, Etienne et Alexandre Duval ont remis en honneur l'opéra et Desaugiers le vaudeville 9. On pourrait à la rigueur joindre à ces derniers noms celui du dramaturge Marsollier des Vivetières auquel un article nécrologique anonyme du Mercure rend hommage dans des termes dithyrambiques. Personne depUis Sedaine n'aurait mieux mélangé le sérieux et le comique 10. C'est également le cas du compositeur maltais, d'origine française, Nicolo, emporté en pleine force, à l'âge de quarante-trois ans, qui a travaillé surtout pour l'Opéra-Comique et qui a collaboré avec Etienne 11. Les œuvres complètes d'Andrieux et d'Arnault fourniront une bonne occasion à Jay et à Tissot pour démontrer la continuité de l'œuvre philosophique. Avant Stendhal, Jay remonte à Molière - le dramaturge qui a ridiculisé les travers des courtisans - pour donner raison à la Comédienne d'Andrieux contre ses critiques férus de noblesse. Tissot, admirateur de l'antiquité, s'attachera aux sujets antiques d'Arnault pour mettre en évidence ses idées libérales et s'empressera de plaider la cause du banni. Et Andrieux et Arnault font preuve de goût sûr et d'une création variée qui continuent on ne peut mieux les traditions du dix-huitième siècle. L'analyse des Annales permettra à Jay de signaler le jugement favorable porté par Dussault sur les Deux Gendres
C.r. cit., M. V (12), 20 avril 1819. Cf. Jay, c.r. du recueil de Labouisse, Les amours à Eléonore, M.d.F. l, 15 mars 1817. 10 Cf. M.d.F. II, 10 mai 1817. Marsollier a surtout écrit pour l'Opéra-Comique, sauf deux comédies jouées par le Théâtre français. Sur quarante œuvres composées par Marsollier, le Mercure cite une quinzaine et rappelle ses poésies, ses voyages ainsi que des œuvres badines. Les principaux opéras-comiques cités par le recueil: Nina, les Petits Savoyards, Camille, Adèle et Dorsan, Alexis, le Traité nul, la Tour, la Maison isolée, Marianne, l'Iralo, Adolphe et Clara. 11 Latouche reproduit dans la Minerve un article nécrologique anonyme et l'éloge funèbre d'Etienne. La Notice insiste sur le caractère dramatique de sa musique comme sur le naturel et l'agrément d'une mélodie finement travaillée, M. 1 (11), 19 avril 1818. 8
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'd'Etienne qui avaient soulevé un débat intempestif 12. Que les fibres poétiques des lecteurs de la Restauration vibrent mal en unisson avec les touches délicates de poètes de génie ne s'explique que trop par une époque durcie par l'action. C'est la carence de sensibilité et non de talent qui laisse croire au tarissement de la veine poétique. L'élégie de Parny, d~ Bertin ct de Mme Dufrénoy ne leur trouve de dignes émules que parmi les chantres de l'antiquité. Mme Dufrénoy qu'on rencontre au croisement de toutes les avenues libérales et à laquelle Jouy voue un véritable culte, figure en tête d'une pléiade d'élégiaques qui sont depuis tombés aussi vite qu'elle dans un oubli profond: Legouvé, Millevoye, Tréneuil; les poétesses Barbois et d'Hautpoul 13. Béranger vient d'acquérir ses titres poétiques par la chanson. Horace a trouvé un interprète plein de goüt dans Daru et Virgile un traducteur génial dans Tissot 14. L'heIlé7 nisme renaît grâce au génie de Paul-Louis Courier, gendre du savan,t Clavier. Mais il ne s'agit pas d'un helléniste de cabinet. Courier est lè premier à avoir déchiré le voile des méfaits de 1815 par sa Pétition à la Chambre, démarche qui lui a valu des vexations sans fin et qui l'on,t amené à adresser un Placet au ministre1 5 . ' Toutes les époques seraient heureuses de compter parmi leurs littérateurs des écrivains de l'envergure de Mme de Staël et de Chateau~ briand. Le Mercure comme la Minerve, tout en attaquant les idées politiqlles de Chateaubriand, ont toujours ménagé l'homme et l'écrivain. Faudrait-il y voir l'effet des rapports d'amitié qui à travers Germaine et Julie ont établi des liens entre Benjamin et René 16? On pourrait encore y déceler l'admiration pour un auteur dont l'imagination et l'éclat de style ont frappé ses contemporains. Le Mercure tient à apporter son correctif au jugement sévère de M.- j. Chénier qu'il qualifie de véritable satire. Non que l'enflure et la recherche stylistique de Chateaubriand ne laissent à désirer. Plus blâmable encore est son parti pris contre la Philosophie. N'eussent été ces graves défauts, les rédacteurs de la Minerve n'auraient pas hésité à le classer comme le plus grand écrivain ' parmi les aînés de la Restauration 17.
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Amours à Eléonore.
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Mme de Staël occupe bien entendu une place privilégiée dans les annales littéraires du Mercure et de la Minerve. L'importance des ouvrages de l'auteur de Corinne, l'universalité de son esprit, l'envol de son imagination et son éloquence chaleureuse, ont situé Mme de Staël à une hauteur que peu d'écrivains contemporains ont atteinte 18. Encore ce talent est-il rehaussé par le prestige immense d'une sensibilité et d'un dévouement que Benjamin Constant mettra en relief dans la notice nécrologique anonyme publiée après la mort de Germaine 19. Autre littérateur distingué à l'esprit ouvert et aux intérêts intellectuels étendus est Ginguené dont l'œuvre remonte au dernier tiers du dix-huitième siècle et qui s'était fait connaître par la défense de Piccini et par son plaidoyer fervent des Confessions de Jean-Jacques Rousseau. L'œuvre monumentale qu'il a consacrée à l'histoire de la littérature italienne ainsi que les fables et les poésies que l'Itali~ lui ont inspirées caractérisent le cosmopolitisme idéologique d'un écrivain qui est resté profondément marqué par le conservatisme philosophique de la France 20. La critique littéraire du libéralisme a un interprète de très grande envergure dans Marie-Joseph Chénier. Le Mercure tient à défendre la mémoire du critique, accusé de ne pas avoir mis tout en œuvre pour sauver son frère, mais aussi et surtout à rendre hommage à l'écrivain qui a admirablement repensé les genres et illustré leur évolution depuis 89 dans l'œuvre des contemporains. Si le jugement de Chénier est entaché de partialité dans le cas de Chateaubriand, il a su apprécier avec justesse l'auteur de Corinne, Fontanes, Ducis, La Harpe, Raynouard et Legouvé. Fidèle à l'héritage du dix-huitième siècle, Chénier est adepte d'une pensée équilibrée, s'exprimant dans des formes parfaites 21. La critique libérale peut encore s'enorgueillir d'avoir trouvé dans Lemercier - dramaturge de valeur - un autre interprète digne du message des Philosophes. « Le beau antique» demeure toujours le phare lumineux qui éclaire l'évolution littéraire des siècles et qui leur sert de modèle. La conception du tragique de Lemercier rejoint une esthétique surannée dont le secret consiste dans l'imitation artistique de la nature, excitant la frayeur par des catastrophes extérieures ou des calamités inventés par une imagination fantasque. La force du tragique français résiderait justement dans le dépouillement de l'individualité et sa métamorphose en un universel prestigieux. Le théâtre étranger tient encore à un individualisme effréné, signe manifeste d'une société en voie de 'développement et dont l'art de communications traîne loin derrière les achèvements brillants du commerce intellectuel de la France 22. Le comique trouve son modèle parfait chez Aristoplane, dans sa double qualité Cf. Jar, c.r. cit. des Annales de Dussault. Cf. Necrologie, M.d.F. III, 26 juillet 1817. Cf. la Notice sur M. Ginguené et sur ses ouvrages, traduits d'un journal allemand, M.d.F. l, 22 mars 1817. 21 Cf. .Iay, c.r. cit. de l'ouvrage de Chénier, supra, n. 17 et Lettre à M. Jay, M.d.F. l, 22 fév. 1817, p. 345-348. 22 Cf. Aignan, C.r. du Cours analytique de littérature générale, tel qu'il a été professé à l'Athénée de Paris par N.-L. Lemercier, M. Il (11), 15 juillet 1818. 18
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de présenter les travers des caractères et de les dépasser par une signification transposable. C'est grâce à une telle conception et à un tel art. que le comique puissant de Molière se distingue de l'art plaisant de Regnard et du moralisme philosophique de Destouches, de Nivelle de La Chaussée ou de Voltaire 23. L'esprit modéré de la Minerve pousse son indulgence jusqu'à reconnaître à Dussault un esprit critique de grande valeur, malgré ses préjugés contre les Philosophes et contre Voltaire en particulier. Le goût sûr de Dussault, sa finesse d'analyse et la pureté de son style atténuent les excès oratoires de sa prose et le classent parmi les meilleurs critiques de son temps. N'eût été le parti pris de Dussault contre les Philosophes et son erreur impardonnable de ranger Mme de Genlis, talent estimable, à maints égards, sur le même plan que Mme de Staël, ses articles lui eussent conquis l'admiration sans ombre des rédacteurs~ De toute façon, ce sont les Annales littéraires de Dussault qui sauveront le Journal des Débats d'un oubli définitif 24. La philosophie qui est un prolongement en même temps qu'un dépassement de la littérature ne trouve-t-elle pas un digne continuateur dans Volney? Les méditations du philosophe désabusé devant les Ruines de Palmyre, en mettant en regard les ravages du présent avec le passé fastueux de l'Asie, ne font qu'accentuer la vérité que les misères de l'homme sont dues aux maux qu'il forge lui-même et que l'ignorance comme la cupidité sont les deux leviers puissants du despotisme dévas .. tateur. C'est une leçon précieuse qui renforce l'évidence des garanties si nécessaires au sauvetage des libertés individuelles 25. Philosophique aussi est la tentative de Kératry de procéder à la fusion métaphysique de l'esprit et de la matière pour résoudre le problème de la foi et la situer au delà de la temporalité de l'Eglise. Elle. est d'une naïveté désarmante et combien significative la conviction d'Aignan que les Inductions morales et physiologiques constituent, après Pythagore, Platon, Descartes, Malebranche, Locke et Kant, une réponse sinon adéquate du moins persuasive au problème angoissant du bien et du mal 26. Symptomatique de cette ouverture d'esprit de la Minerve comme de sa prudence est son attitude timorée devant les innovations de vocabulaire. C'est à peine si Dussault arrive à équilibrer l'entraînement de ses périodes oratoires par la justesse d'un goût éprouvé 27. Les Inductions de Kératry ne l'ont que trop induit à abuser des métaphores, à recourir à une profusion de mots scientifiques et à faire abonder les néologismes dans un traité de morale. Tout cependant n'est pas erroné dans le jugement de l'académicien Aignan. « Il ne faut créer de nouveaux Cf. ibid. Cf. Etienne, n° 33, Post-scriptum, M. IV (2), 13 nov. 1818 et Jay, c.r. cit. des Annales de Dussault. 25 Cf. Jay, c.r. de la 5' éd. des Ruines de Volney, M. Il (8), 23 juin 1818, 23 U
où il se fait un devoir de dénombrer les nombreuses traductions de l'ouvrage. 26 Cf. Aignan, c.r., M. IV (7), 19 déc. 1818. 27 Cf. jay, c.r. cit. des Annales.
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mots que bien rarement, lorsqu'ils sont indispensables, et lorsque la tournure essaie vainement d'y suppléer. Quant au vocabulaire des sciences, on ne saurait l'employer trop souvent dans un ouvrage qui n'appartient pas à la science proprement dite. Substituer sans nécessité absolue le mot technique au mot usuel, c'est semer, dans le chemin de l'instruction, des obstacles qui n'arrêtent pas le vulgaire seul des lecteurs 28. » C'est surtout la critique formulée par Aignan contre les néologismes de Lemercier qui laisse le lecteur rêveur. L'académicien, qu'il l'avoue ou non, tient à sauvegarder l'héritage linguistique des dix-septième et dix-huitième siècles et à le défendre contre un renouvellement qui lui paraît intempestif. II admet cependant certaines innnovations de Lemercier - tels les mots exemplaire, atiner, avaleurs d'hommes, abuseurs de familles, tantôt employé avec le passé, tran:;lateur et dodelinemens. Il trouve même bon que Lemercier ait recours au vocabulaire ~cientifique etau procédé de l'analogie pour des termes manquant de synonymes, tels s'animalisant, perspicace, concupiscent, immodération, coordonnance, gentillâtrerie, inimitablement. Mais il s'élève contre le recours à la géométrie, à l'histoire naturelle, à la chirurgie et à la médecine pour les termes d'incidences, de dégénerescence, de distendu et de fl1gace. II proteste enfin énergiquement contre les barbarismes que .Lemercier a prodigués sans pitié: documenter, dramatiser, désillusionner, s'apostasier, idéalité, verveux, caricaturé et incidentel29. L'histoire telle qu'elle se définit dans les recueils, est de la politique appliquée au passé. La projection des soucis du moment sur le déroulement reculé des événements échappe cependant à l'actualité obsédante lorsque le patriotisme commande de revendiquer la primauté du génie national sur les réalisations intellectuelles des puissances alliées. La gloire nationale trouve son compte dans l'opposition victorieuse de Bossuet, de Voltaire ou de Montesquieu à Hume, Gibbon et Robertson. Plus près de la Restauration, on n'a qu'à songer aux travaux historiques de Rulhière dont Daunou - érudit, philosophe et écrivain de talent luimême - vient de rééditer l'Histoire de Pologne 30. La Restauration ne dément pas les temps qui la précèdent. La reprise des études historiques prouve la persistance d'une discipline qui a toujours fait honneur à la France. Les ouvrages de Beausset, de Charles de Lacretelle - frère de Lacretelle aîné, qui s'est égaré dans les avenues ministérielles - , de Ségur surtout 31, de Lemontey 32 et de Daru aussi fournissent une réplique (iécisive aux détracteu rs des temps nouveaux. N'est-ce pas le propre de l'âge moderne d'éclairer l'histoire par les expériences récentes? Le mythe des gouvernements et des rois n'exerce plus son charme sur l'imagination des historiens. Le pouAignan, c.r. cit. des Inductions de Kératry, M. IV (7)! p. 313. Cf. Aignan, c.r. cit. du Cours analytiques de Lemercier. 30 Cf. jay, c.r. de la Gaule poétique de Marchangy, M.d.F. IV, 25 oct. 1817. 31 Cf. jay, c.r. cit. des Amours à Eléonore. 32 Cf. jay, c.r. de l'Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV [... ], M. Il (10), 12 juillet 1818. 28 29
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vuir cOlllme la patrie sont devenus des moyens pour assurer leur bonheur aux individus. C'est cet élément capital qui distingue l'histoire moùerne des annales de l'antiquité, uniquement soucieuses de l'association publique. La fusion entre l'optique philosophique et la recon&titution du passé confère sa force et sa vérité aux travaux récents d'histoire. C'est le cas notamment de Ségur qui a toutes les qualités requises· pour retracer l'immense tableau du monde ancien et moderne. Formé:à la cour de Louis XVI dans les grâces du régime finissant, volontaire à la Guerre d'Indépendance américaine, ambassadeur à Pétersbourg, membre du Conseil d'Etat pendant quinze ans, «quelle immense moisson d'observations et de faits n'a pas dû recueillir son esprit constamment exercé par l'étude et doué d'une rare sagacité 33 ?» En défendant Ségur. contre ses détracteurs qui l'ont accusé d'avoir plagié Rollin, Aignan loue ses qualités d'historien et d'écrivain, d'autant plus que ses travaux lui ont permis de supporter avec quiétude sa disgrâce 84. Daru, le grand administrateur de l'Empire, qui défend à l'Académie les traditions philosophiques et idéologiques, fait preuve de qualités semblables dans son Histoire de la république de Venise. C'est l'une des' œuvres les plus importantes du dix-neuvième siècle par la vivante reconstitution de l'histoire de Venise, retraçant la conspiration de 1682, l'occupation de 1797 et le renversement de l'oligarchie patricienne. Elle excelle autant par la méthode que par l'exposition des faits et l'un des titres de gloire de l'historien, est son esprit constitutionnel 30. Quelle vanité la Minerve ne tire-t-elle pas du premier rang occupé par Benjamin Constant parmi les publicistes contemporains? Il est le plus grand en Europe par la profondeur et l'étendue de ses connais-' san ces comme par la force de ses principes et la vigueur de son expression 36. Le recueil est aussi heureux de recommander les écrits de l'écri-' vain libéral Cadet de Gassicourt 31 comme il se fait un devoir de reproduire le discours que Jouy a prononcé sur la tombe de Regnault de SaintJean-d'Angély. Homme d'Etat, Regnault de Saint-]ean-d'Angély s'est signalé par une carrière mouvementée sous la Révolution et l'Empire.. Opposé à Bonaparte durant les années 1813-1814, il adhère à l'Empire libéral pour se voir exilé après Waterloo. Ses souffrances stoiques incarnent à maints égards l'atitude ferme de la nouvelle France devant les rigueurs de son destin 38. ::;: Aignan, c.r. de l'Abrégé de l'histoire universelle, M. Il (3), 20 mai 1818, p. 11-1; v. également le cr. précédent d'Aignan, Galerie [ ... ], M. 1 (1), début fév; :14 Cf. ibid. Les qualités de Ségur et son moralisme philosophique sont égaI~ment mis en valeur par Dufresne Saint-Léon, c.r. de la Galerie morale et politique de Ségur, M. 1 (2), 16 fév. 1818. 35 Cf. Aignan, c.r. in Galerie [ ... ], M. VI (12), 24 juillet 1819. 36 Cf. Jay, c.r. cit. des Amours à Eléonore. 3, Cf. Etienne, n° 16, M. Il (9), début juillet 1818, où il recommande vivement son Voyage en Autriche et en Moravie. aH Cf. M. V (7), 17 mars 1819, p. 333-337. Etienne insiste sur la fin tragique ue Regnault, mort à son retour en France et s'associe à Jouy pour rendre hommage à leur ancien ami que Benjamin Constant connaissait aussi intimement, n" 49, M. V (7), 17 mars 1819.
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Aux confins de la politique tout court, les rédacteurs peuvent mettre en avant les noms d'économistes célèbres, tel Barbé-Marbois, Ganilh et Say notamment 89. La réputation de Say lui a été acquise bien entendu par le Traité d'économie politique, mais son libéralisme et son moralisme philosophique, doublé d'un jugement éclairé caractérisent également ses autres ouvrages 40. L'aîné des rédacteurs a aussi sa place parmi les notoriétés consacrées. Jay classe Lacretelle avec Pastoret parmi les écrivains dont les travaux ont marqué la législation 41. Arrivé à l'âge d'homme, au dernier tiers du dix-huitième siècle, la pensée de Lacretelle a rejoint le çourant philosophique et idéologique et se caractérise autant par une attitude libérale en politique que par une «saine» optique littéraire, adoucies toutefois par les accents émus d'une religiosité rousseauiste 42.
* ** Une autre ressource de prospection pour la reconstitution du champ intellectuel de l'époque est fournie par les académies et les institutions dont les recueils suivent attentivement l'activité. Et tout d'abord, il faut souligner que les rédacteurs se font mal à l'idée de voir l'Institut disparaître et céder sa place aux Académies de jadis. Nul doute pour le libéralisme qu'une corrélation étroite n'existe entre l'intérêt pour les sciences, les lettres, l'art et les questions d'ordre politique. Même un Chateaubriand conçoit mal le divorce entre la littérature et la politique 43. La réaction de 1815 a aboli l'Institut, mais les principes constitutionnels qui ont triomphé à la fin de 1816 devraient redéfinir les activités savantes et politiques. Comment concevoir à l'ère moderne que la métaphysique, l'histoire, le droit et l'économie politique fassent défaut au système des académies restaurées en 18l6? Ces disciplines, définies par l'Institut comme la base de la culture et de la science et exclues par Bonaparte, ne sauraient exister en marge des corps savants. Lacretelle revient sans cesse à la charge pour réclamer « une véritable académie de la philosophie moderne et de la littérature française, qui serait centrale entre toutes les autres; où les sciences morales et politiques, aujourd'hui la lumière de la société, s'étendraient et se perfectionneraient de plus en plus par leur jonction à tous les arts de la pensée et de la parole [ ... ] 44. li> Cf. Jay, c.r. cit. des Amours à Eléonore. Cf. Tissot, c.r. de l'ouvrage de Say, Petit volume contenant quelques aperçus des hommes et de la SOCIété, M.d.F. IV, l or nov. 1817. 41 Cf. Jay, c.r. cit. des Amours à Eléonore. 42 Cf. le c.r. anonyme des Fragmens politiques et littéraires de LacretelIe, où abondent les citations de l'ouvrage. 48 Cf. Mémoires d'Outre-Tombe, 2· partie, livre 7, ch. IV. 44 Lacretelle, Séance de l'Académie française du 27 aoat 1818, M. III (9), 3 oct. 1818, p. 391-392. Cf. également du même, Sur les lectures des premiers mardis de chaque mois à l'Académie française, M. 1 (7), 21 mars; Sur les séances académiques, M. 1 (12), 23 avril, M. II (10), 12 juillet, M. III (5. 9 et 13), 8 sept., 3 et 28 oct. Cf. également Etienne qui prend la défense de la philosophie en citant Royer-CoUard, n° 22, Post-Scriptum, M. III (3), 20 août. 30
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Pour les humanistes de la trempe de Lacretelle et de ses collègues, l'Acaùémie française est appelée à jouer le premier rôle parmi les corps savants. Les Académies des sciences et des beaux-arts ont pu prospérer même sous l'Empire, bien que leur essor ait été intimemerlt lié à l'esprit général du temps 45. A l'origine, l'Académie correspondait aux nécessités de l'époque, mais elle ne répond plus aux exigences ùe l'ère actuelle. Si Sauquaire-Souligné se moque spiritueJlement des quarante et si Lacretelle développe inlassablement des lieux communs à leur endroit, il n'en reste pas moins vrai que tous les deux considèrent l'Académie restaurée comme anachronique. La composition du Dictionnaire est certes légitime, mais l'Académie en tant que corps ne devrait guère assumer une teJle tâche, d'autant plus que son concours ne se manifeste que par la constatation de l'usage, sans aller au delà des contingences linguistiques. En tout état de cause, la composition du Dictionnaire ùevrait être confiée à des correspondants et les longues séances lexicologiques consacrées à la sauvegarde des textes des grands écrivains par des éditions critiques 46. Si, au contraire, les concours pour les prix de l'académie traduisent les courants de la pensée contemporaine, ils sont cependant peu nombreux et on les distribue à un moment inopportun, au mois d'août, lors de l'exode précipité du public cultivé vers la campagne. Les prix gagneraient par le retour au système de l'Institut qui avait multiplié les récompenses et les conférait au début du Illois d'avril 47. La réaction politique qui a déterminé le retour à 1"; formule périmée des corps savants s'est également fait sentir par l'abOJ:h ùance des commémorations religieuses. Non que la Minerve méconnaisse la grandeur de Louis [X, mais elle est rebelle à l'odeur de sainteté que [es panégyriques académiques répandent 48. La Minerve se révolte surtout contre l'ordonnance qui a banni huit académiciens, mesu re dangereuse, compromettant la liberté de pensée. C'est notamment la cause d'Arnault, ami des rédacteurs, que les recueils plaiùent avec ardeur. L'Académie lui a consacré, le 3 novembre 1818, une séance particulière. LacreteJle loue son œuvre tragique, remarquable par les sujets, les caractères et ['illusion dramatique. Remarc quables aussi sont les fables d'Arnault qui se distinguent des recueils nombreux dans ce genre par la distance que prend l'auteur vis-à-vis de La Fontaine. La prose d'Arnault excelle par la simplicité et la facture ainsi que par la qualité de la pensée. De grands dons de littérateur, stimulés par les souffrances de l'exil, se joignent chez Arnault à une bonté et à un courage qui le font hautement apprécier de ses amis ~9. Cf. Lacretelle, art. cit., Séance de l'Académie française du 27 août 1818. Cf. Lacretelle, art. cit., Sur les lectures des premiers mardis 1... ], M. 1 (7), et Sur les séances académiques, M. Il (la), et également M. III (13),28 oct. 1818. 47 Cf. Lacretelle, art. cit., Sur les séances académiques, M. Il (la) et Sur la séance de l'Académie française, M. III (5), 8 sept. 1818. 4~ Cf. ibid. et les art. cit. de Lacretelle, M. 1 (12) et M. Il (la), ainsi que Pagés, Petit bulletin, M. Il (5), début juin 1818. . 49 Cf. Lacretelle, Sur la délibération de l'Académie française du 3 novembre 1818, couronnant M. Arnault, l'un de ses anciens membres, M. IV (3), 19 nov. 1818: 45
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La coordination de l'activité des quatre académies se manifeste par leur réunion solennelle le 24 avril, date commémorative de la rentrée de Louis XVIII dans sa ville. Quelle aubaine pour les présidents des académies, dirigeant tour à tour ces réunions, et pour leurs collègues de faire pleuvoir sur l'assemblée leurs discours. Ainsi, en 1817, RaoulRochette a plaidé la cause de l'érudition - que le Mercure estime nécessaire à la formation et non au talent -, Rossel a fait une communication sur les progrès de la navigation, Girodet a prodigué des images pour célébrer l'originalité dans les arts et le grave Fontanes a terminé la séance par la lecture d'une ode sur la violation des sépultures de SaintDenis 50. Les problèmes de la pesanteur permettent à Biot d'évoquer les peuplades inconnues qu'il a visitées lors de ses recherches et les cités savantes qui l'ont accueilli. Abel Rémusat, joignant une expression littéraire de haute tenue à une érudition très sûre, a esquissé un chapitre d'histoire philosophique par le résumé d'une dissertation sur les différentes races tartares. Quatremère de Quincy - bien avant son Essai sur la nature, le but et les moyens de l'imitation dans les beaux-arts de 1822 - a défini l'art comme l'imitation d'une belle nature, même lorsque les objets sont matériellement et moralement bas. Le grandiose se décelerait jusque dans le vice et la laideur, à condition que l'art les fonde dans la composition et renonce à les marquer dans les traits de détail. C'est là une conception qui obtient certes l'approbation de Lacretelle et qu'on peut facilement transposer sur le plan littéraire 50 .... Enfin, Raynouard, le nouveau Secrétaire de l'Académie, a gratifié ses auditeurs de la lecture des fragments de son poème les Machabées dont avaient bénéficié les quarante lors d'une séance précédente et que Lacretelle loue pour la qualité de la pensée 61. Un point d'interrogation a remis en question le teneur positive du sujet: EpUre à MM. de l'Académie sur cette question: L'étude procure-telle le bonheur dans toutes les situations de la vie? La gaieté que la lecture de ce poème a communiquée au public ne saurait faire oublier une digression sans rémission 62. 1\ ne saurait y avoir de doute. La poésie a partie liée avec les progrès cie la raison. Tournant le dos à la frivolité des rimeurs de jadis et continuant les belles traditions implantées par les Philosophes et les Idéologues, elle épouse le positivisme de son époque. Après les avantages de l'étude - vocation pour laquelle le Mercure et la Minerve multiplient les appels - , viennent les conquêtes du régime parlementaire. Les rédacteurs, notamment Etienne, font chorus aux réclamations de Lacretelle, n° 49, M. V (7), 17 mars 1819. 50 Cf. le c.r. anonyme, probablement de Lacretelle, Séance publique des quatre Académies, M.d.F. Il,3 mai 1817. 50 bl • On sait la place que Victor Hugo a réservée au laid et au grotesque dans sa Préface de Cromwell. 51 Cf. Lacretelle, Sur les séances académiques du mois d'avril et du mois de mai, M. Il (4), 24 mai 1818. 52 Cf. les c.r. anonymes, probablement de Lacretelle, des séances de l'Académie française, M.d.F. 111,9 et 30 août 1817 ainsi que SS., M.d.F. IV, 18 oct. 1817.
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Le prix de poésie pour l'année 1819 sera décerné au meilleur poème qui dira Les avantages de l'institution du jury en France. Que le Journal de Paris trouve à redire au choix du sujet ne s'explique que trop par l'affiliation de cette feuille, mais il incombe dorénavent aux poètes d'alimenter leur merveilleux par la riche substance de la liberté 53. La prose demeure l'art de la persuasion et ne se libère guère des servitudes de l'éloquence. La deuxième classe de l'Institut, à la veille de sa métamorphose en Académie et de l'exclusion de ses huit membres, a suggéré comme prix d'éloquence l'Eloge de Rollin. Non que Lacretelle conteste le mérite d'un genre qui, né au milieu du dix-huitième siècle, a donné des œuvres remarquables, telles les Eloges de Descartes par Thomas, de Catinat par La Harpe, de La Fontaine par Chamfort et de Fontenelle par Garat. Seulement, Rollin comme éducateur et historien n'offre pas les dimensions nécessaires à un tel choix. La critique du sujet n'enlève rien cependant à la valeur de la mention décernée au jeune Mtignet, étudiant en droit à Aix, ni à la qualité du premier accessit, obtenu par le jeune Lami - bientôt collaborateur, grâce à Daunou, du Censeur Européen - qu'un Eloge précèdent de Montesquieu avait distingué 54. Le remuant et efficace Raynouard ne s'est guère contenté de l'activité consacrée de l'Académie. Il a littéralement bouleversé ses pratiques traditionnelles par l'institution de séances à huis clos, au cours desquelles les membres productifs faisaient bénéficer tous les premiers mardis du mois leurs collègues de la lecture des fragments d'œuvres en cours. Malgré le secret apparent entourant ces réunions - auxquelles Lacretelle aurait aimé associer le public -, le recueil a été en mesure d'en faire filtrer à ses abonnés de précieuses nouvelles. Ainsi, Lacretelle s'empresse de rendre compte des premières séances. François de Neufchâteau a fait lire un petit poème sur les Tropes, étude des figures de style, rehaussée par la qualité de la pensée et de l'expression poétique; Baour-Lormian a récité des strophes de sa traduction de la Jérusalem délivrée, travail qui sera bientôt achevé et que la Minerve saluera avec faveur; d'autres strophes du poème épique de Parceval-Grandmaison, Philippe-Auguste, ont célébré le soulèvement de la France contre l'Angleterre ; Raynouard a fait entendre un chant de ses Macchabées, alors que Lemercier son poème de Moïse - figure qui a frappé l'imagination de Chateaubriand et de Vigny - et Aignan des fragments de sa traduction de l'Odyssée. L'histoire, parmi les œuvres en prose, figure au premier plan des travaux des académiciens et prouve à quel point le roman lui a cédé la place. Daru a lu des fragments de son Histoire de la République de
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Cf. l'art. cit. du 30 août et la Mercuriale cit. de 55. Cf. Lacretelle, c.r. cit., Séance de L'Académie française du 27 août 1818 et S5., M.d.F. IV, 6 déc. 1817. Le c.r. de Lacretelle est plus exact, car d'après la datation de 55., la séance inaugurale aurait eu lieu à la fin de novembre ou au début de décembre 1817. 53 54
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Venise, Charles de Lacretelle des extraits de ses Vues morales, Ségur des pages de son Cours d'histoire pour la jeunesse et Lacretelle aîné des morceaux de ses Etudes sur le style, démontrant les progrès et les variations dans la langue, le style et la pensée chez les écrivains du seizième au dix-huitième siècles 6G. Pour les séances suivantes, d'avril et de mai 1818, Lacretelle fait preuve de plus de discrétion. Des strophes de Campenon d'un poème sur Le Tasse, un morceau de Ségur sur l'empereur Jullien - extrait de son Histoire - sont sommairement indiqués. Lacretelle fait exception à la règle en s'étendant sur les extraits de ses Etudes littéraires inédites. Il s'agit de l'examen critique du Portrait d'Homère de l'abbé Arnaud impliquant le problème herderien des rapports entre le génie, ses prédécesseurs et la civilisation, aspects qui justifient le reproche d'étroitesse que Lacretelle adresse à l'abbé G6. Dans son dernier compte rendu des séances de mardi, Lacretelle fait état de la lecture des fragments et des notes sur l'œuvre de Molière, d'une dissertation de Laya sur l'Arioste et les poètes qui l'ont précédé, d'une traduction de Lucrèce par Lally-Tollendal, d'une ode de Raynouard sur Camoëns et des considérations de Lacretelle sur l'écrivain littérateur 57. Le critique fait preuve d'opinions libérales en applaudissant aux travaux des confrères affiliés à des camps politiques adverses. Mais le grand intérêt que Lacratelle manifeste pour les séances de mardi réside dans la conformité des sujets traités avec l'évolution intellectuelle contemporaine. Les travaux des académiciens prouveraient à quel point serait vaine toute tentative de leur imposer des limites bornées et combien nécessaire la transformation des corps savants en foyer dirigeant actif. Les campagnes électorales de l'Académie ne laissent pas la Minerve indifférente. Les rédacteurs suivent avec intérêt la nomination de Raynouard au fauteuil de Suard et de Laya à celui de Choiseul-Gouffier, d'autant plus que Constant et Jay ont échoué dans leur concours en 1817 et que Benjamin n'hésitera pas à poser de nouveau sa candidature peu après pour le fauteuil de Sua rd. La Minerve s'élève contre la nomination absurde de Cuvier à l'Académie en sa qualité de conseiller d'Etat alors que sa réputation européenne de naturaliste le désignait à l'Académie des sciences. Le recueil critique sévèrement de même les discours d'apparat des récipiendaires 68. Cf. Lacretelle, Sur [es lectures des premiers mardis de chaque mois à française, M. 1 (7), 21 mars 1818. 56 Cf. Lacretelle, Sur [es séances académiques du mois d'avril et du mois de mai, M. Il (4), 24 mai 1818. 57 Cf. Lacretelle, Sur [es séances académiques, M. Il (10), 12 juillet 1818. G8 Cf. [Lacretelle], c.r. anonyme cit. de la Séance publique de [a Saint,. Louis, M.d.F. III, 30 août 1817 ; Etienne, nO' \0 et 14, M. Il (1 et 6), 6 mai et 10 juin 1818 et Lacretelle, c.r. cit. de la Séance de l'Académie française du 27 aoat 1818 ; cf. également SS., M.d.F. IV, 13 déc. 1817, où il adresse des 55
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Les académies ne sont pas les seuls corps savants à attirer l'attention de la Minerve. Le cours d'histoire de Daunou, inaugurant sa chaire au Collège de France, fournit une bonne occasion à Tissot pour rendre hommage à un libéral réputé et pour retracer le programme des cours de sen collègue 59. Pour accéder au Collège de France, il a fallu à Daunou et à bien d'autres surmonter les résistances réactionnaires de 1815. En attendant des jours plus propices, l'Athénée royal de Paris, l'ancien Lycée, a formé une sorte d'université mondaine et dont l'histoire ne serait pas sans intérêt pour une étude de la propagation des idées libérales. Tissot, inaugurant les cours de l'Athénée en 1817, s'est efforcé de faire leur juste part aux novateurs du système dramatique comme aux défenseurs d'une esthétique devenue immuable 60. Les conférences de Constant y feront date. La carrière de Romilly que Benjamin Constant évoquera devant son auditoire permettra au conférencier de se retrouver quelque peu dans son élément. Descendant des huguenots, Sir Samuel Romilly s'est signalé par l'effort d'humaniser un code pénal barbare. Benjamin Constant le suit dans ses fonctions de procureur général en 1806, poste que Romilly abandonnera, dès la dislocation du ministère Fox, pour combattre les vices du système électoral, les suspensions de l'Habeas corpus et, enfin, les persécutions des protestants dans le Midi de la France. La carrière de Romilly ramène Benj amin Constant aux ministères de Fox et de Castlereagh pour retracer les portraits d'une galerie d'hommes d'Etat britanniques dont les débuts ont été marqués par un libéralisme extrême, vite démenti dès que les positions au pouvoir ont mûri un conservatisme réactionnaire 61. Il était réservé au Mercure de rendre compte de la Société philotechnique, mal connue d'ailleurs, sorte d'académie de province dans Paris, « hospice ouvert aux ambitions désabusées et aux immortalités subalternes 6~ », mais où les talents modestes ne manquaient pas, tels La Chabeaussière, secrétaire de la Société ou le général Thiébault, un des historiographes des triomphes français. Rendant compte de la séance du mois d'octobre 1817, le critique traduit l'indifférence du public à la lectu re de quelques imitations des odes d'Horace par le Secrétaire ou à celle de la dissertation de Lenoir sur les funérailles. Gosse a su égayer l'assistance par ses fables malicieuses dont le Papillon et le limaçon n'est pas sans rappeler l'apologue de Dutrembley. Lorsque le papillon de Gosse s'est envolé, Vigée l'a remplacé, tenant en main «une espèce mOljl:eries à Sphodrétis, auteur d'une hrochurt: inepte sur les élections ac~ démiques, A qui le fallteuil ? Pour les ~vatars académiques de B. Constant, cf. G. Rudler, Un chapitre de la tragi-comédie académiqlle, art. cit. oH Cf. Tissot, Athénée royal de Paris, M. IV (II), l-l janv. IRI9. 'il) Cf. SS., M.d.F. IV, 29 nov. 1817. "1 Le discour,; de B. Constant a été prononcé le 2 décemhre et l'Eloge a paru en librairie au début de janv. 1819, cf. Etienne, n° 3'), Post-Serip/am, J\l. IV (9), 3D déc. 1818. ,;" SS., M.d.F. IV, 1" nov. IHI7, p. 227.
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d'idylle sur l'attente et une espèce d'élégie à Chloé 63 ». Après les zéphyrs et un morceau aussi lamentable en prose du même poète, c'est au tour de Raboteau à réciter un poème original, riche en détails poétiques, et celui de Vincent à déclamer une épître philosophique au roi de Perse, poésie qui ne se recommande que par son moralisme 64 •
• •• L'ère libertaire ne badine guère avec les idées. Elle conçoit encore moins qu'on se passe d'elles. Si la révolution de 1688 a fait éclore dans la libre Angleterre les beaux génies de Addison, de Pope et de Sheridan, combien admirable sera la floraison d'œuvres que le souffle de la liberté aura inspirées en France. Les jeux sont décidément faits, «on n'ira pas désormais à la gloire avec une élégie, à la postérité a)/ec un madrigal, et l'Almanach des Muses ne sera plus le Dictionnaire des grands hommes. Le poème descriptif, genre glacé qui ne dit rien au cœur, et qui ne peint que la surface des objets, pourra bien passer de mode; mais les grandes compositions, mais l'épopée, mais le théâtre, plairont toujours [ ... ) parce qu'ils réveilleront de grands souvenirs et qu'ils offriront de grands exemples 65 ». La prospection de la vie intellectuelle de l'époque par les travaux des libraires, l'héritage des notoriétés contemporaines et l'activité des corps savants ne fait que corroborer les affirmations d'Etienne. Le patriotisme des rédacteurs, d'une sensibilité à fleur de peau pendant les années terribles de l'occupation, tient certes à prouver la supériorité du génie français sur celui d'Outre-Manche ou d'Outre-Rhin. Le comparatisme littéraire précoce du recueil est aussi engagé dans les débats politiques que le sont les rapprochements d'ordre constitutionnel. Cependant, les préoccupations d'actualité et les obsessions du moment se rehaussent du prestige des vérités universelles lorsque les rédacteurs procèdent à la confrontation du génie national avec les œuvres européennes. Malgré la Révolution et l'Empire, le libéralisme reste perméable aux courants d'une sorte de cosmopolitisme littéraire. Que l'Italie figure au premier plan des intérêts intellectuels du recueil peut s'expliquer par le goût du public lettré contemporain pour la patrie de Dante et surtout par les destinées d'un pays aspirant à la liberté et martyrisé par une occupation de plusieurs siècles 66. Les œuvres monumentales consacrées à l'Italie démontrent autant les persistances italiennes dans la pensée française que la continuité des affinités philosophiques et idéologiques. L'œuvre de Ginguené n'embrasse-t-elle pas plusieurs littératures à la fois et n'est-elle aussi universelle par ses principes que par ses perspectives? L'Histoire littéraire de l'Italie à laquelle il avait travaillé jusqu'à la fin de sa vie et dont sept Ibid .. p. 228. Cf. ibid. G5 Etienne, n° 26, M. III (8), 27 sept. 1818, p. 362. 66 Cf. B. Constant, c.r. de l'Introduction à l'histoire des républiques italiennes par Sismondi, M. 1 (t 1), 19 avril 1818. 63
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volumes ont paru de son vivant, déroule l'époque qui va des invasions des barbares jusqu'à la fin du XVIII' siècle 67. Tout en acclimatant en i France Dante, l'Arioste et le Tasse, Ginguené leur a fait un procès ~u. nom d'un goût et d'un code littéraire infaillibles. S'inspirant de Pignott~ de Bertolo, de Rossi et de Roberti, il a composé un recueil de fables où l'apport original l'emporte sur l'imitation, fait qui caractérise également les poèmes que l'Adonis de Marini lui a suggérés 88. C'est une œuvre pie pour Benjamin Constant que de rendre compte de l'Introduction de son ami Sismondi à l'Histoire monumentale des républiques italiennes. On connaît les liens d'amitié que tant de souvenirs communs et d'événements politiques ont scellés entre ces deux anciens commensaux de Coppet. On n'a peut-être pas assez souligné les divergences entre leur libéralisme et la mystique du pouvoir de Guillaume Schlegel. Si le groupe de Coppet se définit par la parenté de pensée et les ressemblances de motifs, il ne se distingue pas moins par des différences profondes. Certes, la pensée politique de Germaine de Staël est moins riche que celle de Benjamin Constant, mais dans l'ensemble, c'est le libéralisme, remontant à la Philosophie et à l'Idéologie, qu'on retrouve chez Mme de Staël comme chez Constant et Sismondi et qui éclaire de ce fait des positions irréductibles à l'optique absolutiste de Schlegel 69 • On conçoit aisément que Benjamin Constant, citant la critique anglaise, place le compagnon des Cent-Jours sur le même plan que Roberston et Hume et rend hommage à la méthode de l'historien, à l'étendue de ses recherches et surtout à une conception qui considère l'histoire comme valable dans la mesure où elle est d'une utilité morale manifeste. Le but de Sismondi est de retracer l'histoire de la liberté des villes italiennes, dès la guerre d'indépendance qu'elles ont soutenue contre Frédéric Barberousse, et tout le long de leur organisation intérieure, leurs révolutions et leurs luttes contre les principautés absolutistes qui s'élevèrent autour d'elles. Le couronnement de Charles-Quint à Boulogne et la soumission de Florence en 1530 aux armées impériales scellent le sort de l'indépendance italienne. Il en sera fini des vertus publiques, de l'activité industrielle et commerciale ou des réalisations scientifiques et artistiques qui ont signalé la carrière des républiques italiennes. La leçon que Sismondi tire de ses travaux, c'est qu'une société ne saurait évoluer sans liberté, et que celle-ci peut exister sous plusieurs régimes, à condition qu'on confère à l'individu les garanties nécessaires à son activité. Toutes les formes de gouvernement ont existé en Italie durant le Moyen Age, mais toutes démontrent l'influence de l'ordre social sur les hommes, de la liberté comme du despotisme. Souvent, ajoute Sismondi, on reproche à la liberté les excès contre lesquels elle s'est élevée, et Benjamin Constant de développer cette idée pour distinguer l'oppression méthodique du Le huitième vol. était prêt pour l'impression et le neuvième bien avancé. Cf. la Notice cit., Sur M. Ginguené et sur ses ouvrages, M.d.F. l, 22 mars 1817. 69 On peut consulter sur cette question Pierre Deguise, Benjamin Constant méconnu, op. cit., 2' et 3' part. V. aussi la bibliographie ainsi que celle de Roulin dans Œuvres de Benjamin Constant. n7 68
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despotisme et l'explosive anarchie populaire de la véritable liberté. c Dans les gouvernemens qui ont des formes libres, quand il y a réellement liberté, l'on jouit et l'on se tait. Quand il y a tyrannie, on souffre et l'on murmure; ou si la tyrannie est trop ombragense, on se tait encore. Mais, sous le despotisme, on souffre et l'on remercie. « Il en résulte qu'il ne faut en croire ni les gouvernemens libres sur leurs inconvéniens, ni le despotisme sur ses avantages. Le despotisme se loue, et la liberté se calomnie 70. :. L'optique littéraire suit bien entendu les mêmes critères. L'Enfer de Dante, traduit par Terrasson, permet à Tissot de procéder à des rapprochements avec Eschyle et Shakespeare; il leur trouve un air de famille par la grandeur et l'énergie sauvage comme par une imagination effrénée. C'est l'inégalité d'inspiration, descendant du sublime au trivial, qui rend surtout ces génies similaires. « Dante est grave, territ1le et sublime; mais il a des défauts choquans, des images bizarres, une foule de tableaux révoltans dans les supplices que son imagination a créés pour les différens crimes 71. :. Ce que Tissot reproche notamment à Dante, c'est de traduire les sentiments de la société de son temps, ravagée par la barbarie des luttes féroces entre le sacerdoce et l'empire et toute pénétrée d'une religion superstitieuse. Comparant l'Enfer à l'Wade, à l'Odyssée et à l'Enéide, le professeur latinisant rehausse le paganisme à un piedestal où poésie morale et philosophie se rejoignent pour conférer à Homère et à Virgile une universalité de conception et d'expression. S'inspirant de Ginguené, et ne perdant pas de vue les attributs du Moyen Age ténébreux, après un hommage éclatant à Dante, il indique les limites d'une inspiration rebelle à l'universalité et tout imprégnée de terreur religieuse 72. Le Tasse, de par la force des choses, a bénéficié des lumières du XVI" siècle et la traduction de la Jérusalem délivrée par Baour-Lormian devrait compter parmi les œuvres illustres de l'ère libérale. « M. BaourLormian est incontestablement le poëte moderne qui possède le mieux la langue de Racine; et la fable enchanteresse de la Jérusalem, revêtue de la magie de son style, est sans doute une des jouissances les plus ravissantes qu'on puisse promettre aux amis des beaux vers 73. )} Mieux encore, le traducteur a débarrassé le texte de ses lieux communs nombreux, de ses concetti et de ses éloges insipides 74. Enfin, le libéralisme de BaourLormian et de Buchon, auteur de la notice sur le Tasse, pourra éclairer l'attitude malveillante de la presse réactionnaire à leur égard autant que l'enthousiasme de la Minerve 75. Les animaux par/ans de l'abbé Casti s'expriment trop clairement pour que soient nécessaires les éclaircissements du recueil. Le despotisme du 70
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Cf. B. Constant, c.r. de l'Introduction [ ... ], de Sismondi, M. 1 (II), p. 514. Tissot, c.r., M. 1 (4), fin fév. 1818, p. 157. Cf. ibid. Etienne, n° 26 cit., p. 363. Cf. ibid. Cf. Dumoulin, M. VII (6), 13 sept. 1819.
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liun, les intrigues des régents et de la cour ainsi que les guerres civiles ne font que trop évoquer la Fronde et l'arbitraire de Louis XIV. Aignan rend hOlllmage à Paganel - dont la carrière politique remonte à la Révolution et à l'Empire - d'en avoir entrepris la traduction à soixante-quatorze ans, en terre d'exil. La traduction de Paganel, préférable à celle de Maréchal, l'emporte également par l'élégance et la rapidité sur l'original, dépareillé par des longueurs excessives malgré son esprit malicieux 76. Les appels pour la renaissance murale, politique et littéraire de l'Italie ne manquent pas. La seconde éditiun de la traduction de Lestrade des Nuits romaines d'Alexandre Verri lui vaut de la part de Jouy la défense du caractère utilitaire de l'histoire et l'évocation du tableau saisissant de Rome en ruines. C'est sur le tombeau des Scipions que Verri plaide la cause de l'Italie, l'incarnant dans le personnage de Cicéron. Que la grandeur de ROIue se soit évanouie avec la liberté, Montesquieu l'a fait voir dans son ouvrage célèbre, mais qu'on cherche à affaiblir l'admiration des jeunes générations pour la conquérante du monde n'est que vaine tentative. Toutefois, cette remarque n'atténue en rien la portée nationale et libérale d'un ouvrage dont le style généralement harmonieux se distingue par la pensée et l'image H. Le poète Monti s'est fait aussi à ses heures l'interprète de la renaissance nationale de l'Italie par les quatre sonnets consacrés au Désespoir de Judas. Et Latouche, en les remaniant et les adaptant au lecteur français, a rejoint le poète italien pour flétrir les trahisons et les compromissions 78. Les Aperçus philosophiques du piéIllontais Fallette-Barol offrent encore l'exemple d'un auteur dont le savoir étendu ainsi que la finesse d'analyse et de rapprochements font la joie des connaisseurs 78. Un compte rendu anonyme de la brochure de di Breme 79, dont les idées ne recueillent pas toujours l'assentiment du Mercure, permet déjà en juin 1817, de mesurer l'importance et davantage les limites étroites du débat romantique. Di Breme se fait l'avocat éloquent du recours à la philosophie et à la littérature française, anglaise et allemande contre la gloriiication bornée du passé. L'imitation des anciens ne saurait inspirer la renaissance des lettres italiennes. C'est dans la propre substance des instillltions, de la religion et de l'esprit du pays, renforcée par des connaissances universelles que se trouvent des ressources puissantes de rénovation intellectuelle. Ce sont des idées que l'autorité de Schlegel étaie et que le Mercure ne saurait adopter sans réserves. Il se joint toutefois à di Breme pour protester contre l'accueil froid que l'Italie a réservé à Corinlle «qui est mieux qu'un roman et qui nous semble un monument élevé cn l'honneur du caractère et du génie italiens 80 ».
,,; Cf. Aignan, Joseph II ct l'abbé Casti, 1'\1. IV (5), 6 déc. 1818 et son c.r. de la traduction de Maréchal, Galerie l ... !' M. VII (5), début sept. 1819. 77 Cf. Jouy, c.r., M.d.F. IV, 25 oct. et S nov. 1817 . • ~ Cf. Z., Correspondallce sur les romans [ ... ], M.d.F. Ill, 5 juillet 1817. 7U Intitulée, Réflexions sur l'influence de quelques jugemens littéraires, publiés L'Tl Italie, C.r., M.d.F. Il, 7 juin 1817. bU Ibid., p. 447.
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La pensée politique d'Outre-Manche et les applications que son histoire a fournies aux écrivains contemporains de la Minerve sont trop connues pour être longuement développées ici 81, Benjamin Constant était mieux placé que quiconque pour rendre justice aux institutions de l'Angleterre, mais pour démontrer aussi les limites d'un système pourri par ses abus à l'intérieur et par une politique de réaction à l'extérieur 82, Qu'un connaisseur des choses d'Angleterre comme Constant se soit intéressé à l'élite libérale anglaise s'accorde avec ses affinités intellectuelles et l'Eloge de Sir Samuel Romilly le prouverait. C'est aussi la raison de son attachement à la pensée de Godwin. Romancier, moraliste, éducateur, philosophe et politique, voilà bien des titres, réunis chez le même écrivain, pour que Benjamin Constant y respire dans son œuvre un air familier. Caleb- Williams et Saint-Lèon, romans de Godwin, ont joui d'une grande célébrité en Angleterre et en France et ont été traduijs en plusieurs langues. Constant dit sa préférence pour le premier qui peint énergiquement, sous des couleurs sombres, l'impossibilité de cacher le crime. Saint-Léon est gâché par l'emploi excessif du surnaturel. Les sortilèges et la magie dans lesquels baigne ce roman voilent la vérité des caractères et du cœur 83. La réputation de Godwin est surtout due à son traité Sur la justice politique dont la première édition remonte à \793. Cherchant à définir une loi fondamentale qui régisse les institutions comme les individus, Godwin l'a trouvée dans ce qu'il nomme la justice politique. C'est une œuvre confuse que Benj amin constant soumet à un triple examen serré. La partie métaphysique de l'ouvrage abonde en lieux communs, reprend la pensée du XVII'" siècle et de Locke bien entendu pour réduire l'intelligense à l'apport des sens. L'apôtre du sentiment intérieur se révolte contre les philosophes qui « dépouillent l'homme de toute force intérieure, le représentent comme le jouet passif des impressions du dehors, et méconnaissent la réaction qu'il exerce sur ces impressions, réaction qui fait qu'e\1es sont modifiées par lui quand il les reçoit, pour le moins autant qu'elles le modifient 84 ». La partie morale du traité accuse des défauts plus graves. Séduit par ses abstractions, Godwin réduit tous les engagements et toutes les affections de l'homme au même critère. « 1\ ne faut point que l'homme soit toujours impartial et juste. Il faut au contraire, et c'est le plus beau privilège de son indépendance individuelle, qu'il soit partial par goût, par pitié, par entraînement 85. » La partie politique non plus n'est pas exempte de défauts. Gdwin y reprend l'idée que le gouvernement est un mal nécessaire. Benjamin Constant, avocat des garanties et des libertés, combat une opinion qui 81 Cf. B. Constant, appréciation des Considérations de Mme de Staël, M. Il (7), 15 juin 1818. 82 Cf. Pierre Reboul, Le mythe anglais dans la littérature française sous la Restauration, Lille, 1962. sa Cf. B. Constant, c.r. cit., De Godwin et de SOli ouvrage sur la justice politique, M.d.F. Il, 26 avri 11817. 84 Ibid., p. 163. 85 Ibid., p. 164.
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ignore le caractère essentiellement social du pouvoir et qui assimile le~ empiètements de l'autorité à ses attributions. Au contraire, jamais le pouvoir n'exerce assez d'autorité dans sa sphère, à condition bien entendu que son domaine soit strictement défini et limité. Malgré les confusions et la prodigalité de détails de l'ouvrage, il n'en invite pas moins à la réflexion par l'analyse pénétrante des inconvénients du pouvoir dans ses rapports avec la vie spirituelle et industrielle de la société. Dans l'ensemble, il constitue un fervent plaidoyer en faveur de la liberté et une condamnation catégorique de l'anarchie 86. La prospection touristique de l'Angleterre inspire à Jay des sympathies qui contrastent curieusement avec sa note moqueuse sur l'ouvrage 81. Il s'agit d'un livre qui a paru à Londres sous le titre de Don Manuel Alvarez Espriel/a, voyageur espagnol. Débarquant à Plymouth et poursuivant sa route vers Londres, le prétendu touriste espagnol maugrée contre les gens du port, véritables oiseaux de proie, maudit le climat, les prairies, la cuisine, les voitures. Il s'élève contre le dénuement des temples et le peu de respect qu'on porte aux cimetières, où les oiseaux ont élu domicile et où les enfants jouent en toute liberté. Les watchmen de Londres empêchent de dormir par l'annonce répétée de l'heure ainsi que les laitiers et les garçons de cabarets de la grande ville affairée. Jay préfère la simplicité des temples et le caractère intime des cimetières au culte voyant de l'Eglise catholique, assorti des méfaits de l'Inquisition. Le passage de l'Espagnol à Dorchester permet à Jay d'évoquer la condamnation de Gilbert Wakefield à deux ans de prison pour avoir critiqué un évêque et de souligner l'importance du mouvement de l'opinion en faveur de l'écrivain inculpé. Que La France de Lady Morgan ait soulevé un débat passionné se conçoit facilement dans un contexte où les rapprochements entre des œuvres hétérogènes constituent des évaluations intéressées des particularismes nationaux 88. L'histoire irlandaise de Lady Morgan, Florence Macarthy, dont quatre éditions furent épuisées en moins de six semaines, recueille une brève notice de Jouy, ami de l'auteur. Il s'agit d'un conte national où les modèles des personnages ont été choisis dans les hautes classes. C'est un genre que Lady Morgan a pratiquement inventé et dans lequel elle excelle. Florence Macarthy met en évidence les tristes vérités d'une politique néfaste, pratiquant le système de diviser pour régner. Le conte est surtout remarquable par la profusion d'un humour, «genre d'esprit» où les Irlandais passent pour maîtres. Arrivée à Paris pour surveiller la traduction de Florence et empêcher les contrefaçons, Lady Morgan a eu le désagrément d'apprendre'que le 86 Cf. ibid. B. Constant recommande aux abonnés la lecture de l'ouvrage de Salaville, L'homme de la société, où les principes de Godwin sont analysés. Constant a renoncé à son projet de traduire l'ouvrage de Godwin de crainte que les ultras ne se prévalent des idées égalitaires du publiciste anglais pour lOmbat!re la liberté. 87 De l'Angleterre et des Anglais, ou Petit portrait d'une grande famille', copié et retouché par deux témoins oculaires, M.d.F. Ill, 26 juillet 1817. 88 Cf. infra, p. 276 sq.
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traducteur expéditif de son ouvrage sur La France 89 a traduit son conte en l'espace d'un mois, et, sacrilège impardonnable, l'a orné d'un portrait de l'auteur peu compatible avec ses goûts. Jouy appuie les réclamations énergiques de Lady Morgan, critique sévèrement la traduction, rend son tribut d'hommages à l'auteur et loue un portrait d'elle où l'artiste a réussi à rendre «la vivacité, la mobilité des traits, la finesse spirituelle et la grâce piquante de son modèle 00 ~. C'est à Esménard, ancien officier de l'ancienne armée d'Espagne et hispanisant de petite envergure, qu'est dévolu le rôle d'entretenir les lecteurs du Mercure des événements comme des lettq:s d'Outre-Pyrénées. Il déplore la méconnaissance de la littérature espagnole en France. Si l'on connaît l'œuvre de Cervantès et qu'on cite les histoires de Mariana, de Zurita et de Solis, c'est à peine si les noms de Lope de Vega, de Calderon, de Saavedra et de Quevedo rappellent leurs œuvres alqrs que les écrivains modernes, Melendez Valdès 91, et Moratin sont aussi méconnus en Espagne qu'ignorés en France. Et cependant l'ancienne littérature espagnole, malgré un imbroglio scolastique, poétique et théologique, cache des mines précieuses que les écrivains du XVIIe siècle ont su exploiter avec bonheur et que Lesage a plagié sans honte pour Gil Bias. Afin de donner une idée de ces trésors, Esménard reproduit le passage d'un texte espagnol, remontant au début du XV- siècle, et qui, racontant la mission du comte Pierre Nino, envoyé en France en 1404 pour concourir à la guerre contre l'Angleterre, décrit la vie galante et fastueuse que les seigneurs menaient à l'époque en province 92. La reproduction d'un autre texte, rapportant la mission de quelques envoyés espagnols auprès de Tamerlan, décrit le mode de vie et le déroulement de fêtes dans la cour du conquérant mongol 98 • Si la littérature espagnole est peu connue en France, celle du Portugal est presque inexistante aux yeux du public cultivé. Il arrive que des Académiciens se penchent sur l'œuvre de Camoëns qui a passionné Mme de Staël. Le Mercure publie des imitations rimées des fragments des Lusiades, où l'auteur, dans une évocation mythologique, dit les exploits de Venus et de Cupidon pour calmer les océans et secourir les Lusitaniens 114. La littérature allemande n'est pas inconnue en France aux dates qui délimitent cette étude 95. On sait que Benjamin Constant a été l'un des 89 Probablement A.-J.-B. Defauconpret, l'auteur selon Barbier des Observations sur La France de Lady Morgan comme de la traduction de l'ouvrage de William Playfair, France as if is, nof lady Morgan's France, Londres, 18191820,2 vol.
M.lV (13), fin janv. 1819, p. 60S. Esménard rend hommage à Juan Antoine Melendez, Valdès, mort en exil à Montpellier, le 24 juillet 1818. Il l'égale à Anacréon, Théocrite et Horace et donne des détails sur les'trois volumes de poésies, publiées du vivant de l'auteur, Nécrologie, M.d.F. Ill, 2 août 1817. Le Bachelier de Salamanque souligne la portée de l'œuvre satirique du Père Isala, dirigée contre l'Eglise obscurantiste d'Espagne, M.d.F. Ill, 5 juillet. 92 Cf. M.d.F. Il, 17 mai et 7 juin 1817. 98 Cf. M.d.F. Il et Ill, 7 juin et 5 juillet 1817. 94 Cf. Poésie, M.d.F. l, 23 mars et M.d.F. IV, 1er nov. 1817. 95 Cf. A. Monchoux, L'Allemagne devant les lettres françaises, Paris, s.d. 90
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rares contemporains à avoir une connaissance intime et pénétrante de la pensée allemande. Aignan lui aussi témoigne d'une grande ouverture d'es., prit quant aux œuvres de Haller, de Goethe, de Wieland, de Schiller, de Lessing, de Gessner et de Klopstock -, fait qui n'est pas à négliger lors~ qu'on se rappelle la philippique de Saint-Chamans. Il tient à louer les vastes connaissances de Michel Berr et les cours que cet initiateur de la littérature allemande donne à l'Athénée. Si la littérature allemande est grande par son élan et par ses thèmes, elle est encore bien jeune par son expression. C'est un fait chargé d'enseignement pour les comparatistes., amateurs: à l'Allemagne de rechercher des formes et à la France d~ renouveler sa substance 96. L'œuvre de Schiller constitue un critère éprouvé pour un jugement impartial sur la littérature d'Outre-Rhin 97, d'autant plus que le patria.: tisme français n'a qu'à se louer du dramaturge allemand et mettre en valeur les vertus nationales par la traduction d'un Monologue de Jeanne d'Arc 98. Guillaume Tell, le drame historique de Schiller, passionne les rédacteurs parce que les cantons suisses ont assuré leur indépendance par des moyens dont l'élan et la pureté n'ont jamais été atteints et que Schiller, par son ideal de vie, est seul habilité à chanter la délivrance de la Suisse. Il est vrai que les idées du dramaturge sur l'art sont loin d'être parfaites, que drame et épopée sont mélangés dans son œuvre et que la psychologie des caractères est moins l'effet d'une recherche approfondi~ des sentiments que d'une vue sommaire et fragmentaire à la fois des secrets du cœur. Il faut reconnaître cependant « que les accens du patriotisme et de la vérité n'eurent jamais de plus éloquent interprète, et que ses défauts d'ordre et de proportion conviennent assez à un sujet comme celui-ci, difficilement contenu dans des bornes fixes et régulières 99 ». L'accommodant Aignan trouve pourtant que ce «genre désordonné li) a aussi ses lois, que le dramaturge sait habilement composer ses tableaux, esquisser et par la suite dessiner les traits de Guillaume Tell. Schiller se révèle surtout grand poète et philosophe par les figures des héroïnes qu'il fait défiler devant les spectateurs. Le traducteur récolte à son tour les l0uanges du critique, mais sa préface n'est pas exempte d'erreurs. La collectivité ne saurait exiger l'abdication de l'individualité ni la liberté ètre considérée comme une grâce conférée aux élus suisses par la Providence. La liberté peut exister sous le régime républicain de la Suisse comme sous la monarchie constitutionnelle de la France. Là, l'aristocratie a aidé le peuple à renverser la monarchie alors que la France a aidé ses rois à soumettre les nobles 100.
* ** Cf. Aignan, Sur la littérature allemande, M. IV (2), 3 nov. 1818. Cf. Ed. Eggli, Schiller el le romantisme français, Paris, 1927, 2 vol. Ul; Cf. Latouche, Poésie, M.d.F. IV, 18 oct. 1817. {oU Aig-nan, c.r. de la traduction d'Henri Merle d'Aubigné, M. 1II (7), 20 sept. IHIS, p. 291-292. 100 Cf. ibid. 00
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L'esthétique de la Minerve se définit autant par ses projections transposées sur la vie intellectuelle contemporaine que par ses persistances philosophiques et idéologiques. D'ailleurs, il s'agit là d'une rencontre qui n'est que naturelle entre la pensée de la veille et le souci du moment. Les tentatives de classer le recueil soit comme classique d'après Des Granges, soit comme romantique modéré d'après Faguet, soit enfin d'après Gonnard à mi-chemin entre les deux écoles, à cause des divergences opposant le moderniste Constant à ses collègues attardés 101, procèdent toutes d'une optique fragmentaire qui, réduisant la v4sion totale de l'homme propre à la Minerve au phénomène littéraire isolé, confère aux courants intellectuels du passé la vertu des formules desséchées. Encore faudrait-il souligner avec René Bray que la conscience d'une opposition irrémédiable entre le romantisme et le classicisme est bien postérieure aux polémiques de l'Empire comme aux premières années de la seconde Restauration 102. Non, certes, que le « débat romantique li' y soit passé inaperçu. Les pages précédentes ont maintes fois débouché sur l'opposition entre le classicisme et le « genre romantique ». Mais la question telle qu'elle se pose et telle qu'elle se définit pour les rédacteurs reste secondaire. Il faudrait tians un avenir peu éloigné un autre concours de circonstances et un autre climat politique et intellectuel pour que le romantisme éclate au grand jour. La « confusion li' que Des Granges a regrettée à l'endroit du romantisme entre la littérature et la politique cessera justement le jour où les jeunes romantiques, arrivés à l'âge d'homme, auront mis à l'unisson écriture littéraire et notions politiques et sociales. Le romantisme figure si peu au premier plan des préoccupations des rédacteurs que Jouy, l'incarnation d'un Voltaire réduit à l'image de son admirateur, peut badiner sérieusement avec la Poétique secondaire de Chaussard, où l'auteur a cherché par des définitions et des classifications ingénieuses à combler les graves lacunes de l'Art poétique. En se faisant l'apologiste de Boileau, Jouy a mis en lumière la vérité évidente que la littérature est l'expression de la société et que l'abondance des classifications ultérieures n'entame en rien la justesse de vue du grand législateur du Parnasse 103. Le comparatisme politique qui met en parallèle les génies nationaux adverses implique par la force des choses des évaluations d'ordre littéraire. Dante, Shakespeare et Milton se rehaussent au niveau des créateurs sublimes par la puissance de leur inspiration et par les dimensions de leur vision. Mais les flagrantes inégalités qui dépareillent leurs œuvres toutes pénétrées des dissonances de la féodalité - les éloignent irrémédiablement de la perfection artistique 104. Ni le Moyen Age «chevale-
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Cf. supra, ch. l, Cadre et programme.
Ct. R. Bray, Chronologie du romantisme, Paris, 1932. réimprimée en
1965. 103 Le titre entier de l'ouvrage porte, Poétique secondaire, ou Essai didactique sur les genres dont il [l'est pas fait mention dans la poétique de Boileau,
par P.-j.-B. Chaussard, M.d.F. III, 27 sept. 1817. 104 Cf. Tissot, c.r. cit. de la traduction de l'Enter de Dante par Terrasson.
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lJ'esque» ni ses prolongements dangereux ne sauraient conférer à ces écrivains une supériorité que la Minerve revendique pour la France des :XVIie et XVIII" siècles. Bien sûr, elle peut à la rigueur s'accorder avec Marchangy pour trouver dans les annales reculées matière aux évocations poétiques et surtout patriotiques, tout en blâmant l'auteur pour son imitation de mauvais goût de la manière de René, défauts que l'auteur s'est empressé d'atténuer 10". Elle convient toutefois aisément avec les ultras de la supériorité de Racine sur Shakespeare, et, le cas échéant, n'hésite guère à la prolonger chez Voltaire .II appartiendra plus tard, on le sait, au libéral Stendhal de renverser les termes de la comparaison. Encorè faudrait-il préciser qu'à l'encontre des ultras, les rédacteurs font preuve d'une tolérance louable à l'endroit de Lady Morgan. Ce libéralisme s'explique par des affinités politiques qui lient le groupe de la Minerve à l'auteur de La France. Il est certain pour Jay comme pour Aignan que c'est moins la supériorité de Racine qui tienne à cœur aux ultras que l'ancien ordre de choses que Lady Morgan a sévèrement critiqué. Décrire la situation actuelle de la France comme procédant des bienfaits de la Révolution, associer Turgot, les Philosophes et 89 à l'œuvre de la Restauration, rendre hommage aux faits d'armes des généraux de l'Empire, c'est faire condamner d'avance, par la plume haineuse des partisans du «vieux bon temps », tout rapprochement avec des compositions dramatiques étrangères. Lady Morgan a encore l'excuse bien fondée de considérer l'enthousiasme du public français pour les dramaturges du XVII' siècle comme une affaire de convention nationale en regard de l'affluence de tout Paris aux théâtres des boulevards et de la désertion des salles de la Comédie française. En dernier lieu, les admirations respectives pour les œuvres dramatiques sont motivées en Angleterre, en Espagne, en Italie ou en Allemagne par des jugements affectifs qui ont vite fait de transformer les particularismes nationaux en universalismes de rigueur 106. C'est une vérité qu'Aignan est amené, avec un esprit de modération remarquable, à administrer à Charles Dupin, frère cadet du célèbre avocat, à la suite de sa brochure anonyme, Lettre à Milady Morgan, sur Racine et Shakespeare. Par contre, il rend hommage à la réplique de Dupin aux injures grossières du jeune Lord Stanhope 107. Le développement qu'Aignan a jugé nécessaire de donner à son compte rendu de l'écrit de Dupin n'est pas suffisamment motivé par l'importance du débat que La France a suscité de part et d'autre de la Manche 108. Il faudrait en chercher les raisons dans la polémique opposant Cf. Jay, c.r. cil. de la Gaule poétique de Marchangy. Cf. Jay, c.r. de La France, par lady Morgan, ci-devant miss Owenson, M.d.F. III, 9 août 1817. 107 Le titre de la brochure anonyme porte, Réponse au discours de Milord Stanhope sur l'occupation de la France par l'armée étrangère, M. Il (2), 14 mai 1818. C'est dans son c.r. qu'Aignan désigne par une allusion transparente l'auteur anonyme de ces deux brochures et corrobore de la sorte la leçon postérieure de Barbier. . 108 Il est plus que probable que Defauconpret a traduit La France et qu'il e~t l'auteur d'une des traductions de Florence Macarthy. Cf. M.-\. Morand, Lady Morgan, Paris, 1954, pour le débat suscité en France autour du livre. 105 106
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les rédacteurs du Mercure, Benjamin Constant et jay. Et tout d'abord, les incartades de Guillaume Schlegel qui avaient soulevé une levée des boucliers littéraires en France étaient trop présentes à l'esprit pour que le recueil ne précisât la position des rédacteurs. Lorsque di Breme proclame en Italie que le moment est venu de renouveler la littérature par un recours aux ressources nationales et étrangères, il prend position contre l'imitation des anciens et contre le «système classique ~,défendu en France par les partisans du passé. A en croire Schlegel dont l'autorité est invoquée par di Breme, Dante, Boccace, Pétrarque, Arioste et le Tasse incarneraient les vrais modèles de la littérature romantique alors que Pascal, Bossuet, Corneille, Molière, -Racine, Montesquieu, Rousseau et Voltaire ne seraient que de simples imitateurs de l'antiquité. L'inconséquence est frappante sous la plume de Schlegel entre son admiration pour le théâtre antique et les reproches de mauvais ton lIu'i1 adresse à ce propos à la France, dans sa comparaison entre Racine et Euripide. Elle est doublement flagrante chez l'auteur du Cours de littérature dramatique lorsqu'il reconnaît à la littérature du midi, à côté de celle du nord, tous les caractères d'une écriture authentique pour les dénier aux œuvres littéraires de la France. C'est là une contradiction qui peut faire douter du goût de Schlegel sinon de sa bonne foi. Un système classique n'existe pas, à moins d'entendre par là l'imitation d'une nature choisie et l'expression fidèle des sentiments et des passions. C'est un système qui convient à tous les régimes et qui n'exclut guère les renouvellements, pourvu qu'ils soient raisonnables 109. Les rédacteurs, au moins bon nombre d'entre eux, sont si peu opposés à l'enrichissement de la littérature française que Tissot, dans son cours à l'Athénée en 1817, n'hésitera pas à révoquer en doute l'esthétique en cours. Tout en reconnaissant la supériorité du système dramaturgique français, «il a déploré l'aveugle idolâtrie de ces jansénistes littéraires, qui défendent les trois unités d'Aristote avec autant de ferveur que les unités évangéliques; M. Tissot a démontré que nous pouvons, à l'aide de notre goût classique, conquérir, chez les nations modernes, des combinaisons dramatiques, encore inconnues parmi nous, et des beautés poétiques d'un nouvel ordre 110 ». Mieux encore, adepte de l'antiquité, Tissot s'élève contre l'exclusivité dont bénéficient les passions dans le théâtre français et recommande de renouveler les thèmes en recourant aux exemples de l'antiquité. Le théâtre d'Eschyle ne saurait-il inspirer les générations actuelles par la pureté de sa motivation et l'enthousiasme d'un esprit épris de liberté? 111 Constant descendra à son tour dans l'arène. Déjà, en 1809, il s'était penché sur les questions de comparatisme dramaturgique dans les Quelques réflexions sur la tragédie de WaUstein et sur le théâtre allemand qui 109 Cf. le cr. cit. des Réflexions, où la Rédaction marque ses distances à l'endroit de Breme, M.d.F. II, 7 juin 1817. 110 SS., Mercuriale cit., M.d.F. IV, 29 nov. 1817, p. 412. 111 Cf. Tissot, c.r. de l'ouvra~e d'Henri Terrasson, Génie du Théâtre primitif grec, 011 Essai d'imitation d Eschyle, M.d.F. Ill, 23 août et 13 sept. 1817.
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précèdent son adaptation de la pièce de Schiller. Dans le Prospectus du
Mercure, il a adopté un réformisme prudent en matière de littérature, tout en gardant ses distances à l'endroit de l'Angleterre et même de l'Allemagne. Constant reprendra encore les mêmes idées pour les développer 112, réflexions qui seront recueillies dans les Mélanges et publiées également en 1830, dans la Revue de Paris. Constant prend position dans le Mercure à la suite des articles et des cours recommandant l'enrichissement du théâtre français. «En observant ce commencement de révolution dans notre littérature, j'ai été conduit à m'occuper des différences qui distinguent le théâtre français de celui des Anglais et des Allemands, et j'ai pensé que les réflexions suivantes, dont j'ai déjà publié quelques-unes il y a plusieurs années, mais que je rattache dans cet article à un principe général, qui ne m'avait pas frappé alors, pourront intéresser le public 118.:t Alors que le théâtre allemand peint des vies et des caractères entiers, les auteurs français, s'attachant à un seul fait et à une seule passion, suppriment tout ce qui n'y est pas intimement lié. Les caractères de Phèdre et d'Hyppolite ou ceux d'Hermione et d'Oreste ne sont révélés qu'en fonction de leurs passions. « En dégageant le fait que l'on a choisi de tous les faits antérieurs, on porte plus directement l'intérêt sur un objet unique. Le héros est plus dans la main du poète qui s'est affranchi du passé; mais il y a peut-être aussi une couleur un peu moins réelle parce que l'art ne peut jamais suppléer entièrement à la vérité, et que le spectateur, lors même qu'il ignore la liberté que l'auteur a prise est averti [00'] que ce n'est pas un personnage historique, mais un héros factice, une créature d'invention qu'on lui a présenté 114.» Les effets obtenus par la peinture d'une seule passion sont certes plus dramatiques que les impressions dispersées produites par la présentation d'une individualité complexe. Mais les avantages incontestables d'un tel systéme ne laissent pas d'avoir leur rançon par une vérité de convention et une variété uniforme dans les passions. Sans doute, un génie tel que Racine crée de la diversité dans la conformité passionnelle même, mais les personnages de Voltaire répondent à un dépouillement trop généralisé des caractères. L'exemple de Richard III de Shakespeare peut donner une idée de la complexité qui n'est propre qu'au personnage en question. Que la dramaturgie française réussisse à observer les unités se conçoit aussi aisément que la nécessité pour le système opposé de mettre plusieurs récits en action et de rejeter l'unité de temps et de lieu. Les unités imposent au dramaturge une composition difficile qui est souvent appelée - c'est notamment le cas de Voltaire - à négliger les nuances et la gradation dans la présentation des événemcnts ct des caractères. Par contre, l'absence des unités nuit à l'unité d'impressions et détruit à chaque changement de lieu et de temps 112 Le titre de l'art. porte, Du théâtre français ct du théâtre étranger, Iv\.d.F. IV, 13 déc IHI7. Pour l'influence des Réflexions et du débat qui suivit la publication de Wallstein, cf. R. Bray, Chronologie dll romantisme, op. cit., ch. 1"' ; l'llItroduction de Oerré à son édition critique de Wallstein, et M. Rebecca Valette, Benjamin dramatist theorist, the French Review, 1965. 11:; Ibid., p. 485. 114 Ibid., p. 487.
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l'illusion dramatique. L'ère libérale suscite davantage d'intérêt pour les caractères que pour les passions, moments isolés dans la vie des individus. D'où la conclusion de Benjamin Constant que les dramaturges français seront de plus en plus appelés à se tourner vers la tragédie historique, « et, dans la tragédie historique, il sera difficile de ne pas admettre au moins en partie le système des étrangers. C'est l'instinct de cette vérité qui dicte à nos littérateurs des théories longtemps frappées d'anathème, et à la source desquelles eux-mêmes ne remontent pas 115 ». Constant n'a pas prescrit des recettes susceptibles de concilier les besoins de renouvellement avec les impératifs catégoriques d'une dramaturgie surannée. Il s'est contenté d'indiquer le sens de l'évolution dramatique, en accord avec le progrès de la société. Si Jay peut concevoir l'enrichissement de la littérature, il ne saurait guère admettre les imperfections du système dramatique français, héritage et incarnation de la grandeur nationale. Déjà en 1814, il s'est élevé contre le « genre romantique» 116 et il précise sa position à la suite de l'article de Benjamin Constant. Le «beau idéal» en dramaturgie a des règles que la raison a établies et qui, inspirant le génie, l'empêche de s'égarer sur les routes fantasques de l'imagination. Ce sont des lois qui conditionnent la liberté de création en France. La tolérance peu édifiante de Jay lui suggère d'affermir les frontières littéraires et d'autoriser l'Angleterre et l'Allemagne à adorer leurs divinités sans les imposer ailleurs. Il nie l'existence d'un commencement de révolution dans la littérature française. D'ailleurs, il y a déjà quarante ans que Mercier avait prédit l'écroulement du théâtre de Corneille, de Racine et de Voltaire par l'introduction de celui de Shakespeare. Depuis, des écrivains étrangers ont rompu de nouvelles lances en faveur de Shakespeare sans pour autant hâter la révolution prédite. Tant que la France restera fidèle au bon goût et à la gloire nationale, le théâtre français conservera ses traditions. Dans la composition d'un caractère entier entrent, selon Constant, comme parties essentielles, les faiblesses et les inconséquences des personnages, alors que ces éléments constituent en vérité les traits communs à tous les humains. Ce qu'il importe de souligner dans le personnage de Richard III n'est guère une bosse que tout bossu peut mettre en évidence, mais une soif inassouvie de pouvoir, un naturel féroce, une basse hypocrisie et un profond mépris pour l'homme. Si Constant a raison quant aux traits abstraits de Polyphonte - justifiés par la pénurie de données historiques -, le rôle de ce personnage s'efface complètement devant l'amour maternel vivant, incarné par Mérope. Un examen impartial des personnages de Corneille, de Racine, de Voltaire et même de Lemercier prouvera sans peine l'abondance comme la variété des caractères. Il est aussi hasardeux de définir le théâtre français par son attachement à un seul fait. «L'action, dans une tragédie française [ ... ] est une suite de faits ·qui aboutissent à une catastrophe ou à un fait principal. Dans la succes!15
Ibid., p. 490.
Cf. R. Bray, op. cit., ch. 1" et Edm. Eggli et P. Martino, Le Débat romantique en France, 1er vol. paru, Paris, 1933, ch. 1\1, p. 241 sq. 110
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sion des événements, le poète s'attache à leur donner, pour mobiles, les caractères, les passions, les intérêts des principaux personnages. Cette liaison est nécessaire pour augmenter l'illusion et le plaisir des spectateurs 117.» Non moins dénuée de fondement est l'assertion selon laquelle les dramaturges français peindraient l'évolution d'une seule passion. A bien considérer les positions adoptées par Constant, les inconvénients du système français l'emporteraient de loin sur les désavantages des théâtres étrangers. Quel serait le mérite du dramaturge sans un effort constant de surmonter les difficultés que l'art prescrit? C'est une loi valable pour tous les arts d'imitation .« Sans doute la barbarie a son naturel et sa vérité aussi bien que la civilisation. Nous préférons cette dernière, parce que nous sommes arrivés à un assez haut degré de perfectionnement social [ ... ] 118. » Il n'est pas certain que Constant ait parfaitement eu raison de réduire l'action dans le théâtre français à «un seul fait» ni les caractères à «une seule passion ». Il est aussi contestable que jay ait compris la portée des suggestions de son collègue. On ne saurait d'ailleurs mesurer la part qui revient au dépit ou aux susceptibilités nationales dans cette réplique violente à Constant. La position de jay ne diffère guère à cet égard de celle du Journal des Débats. Aignan fait preuve de plus de souplesse, bien que son esthétique dramatique s'accorde davantage avec celle de Lemercier et de jay. Pour lui aussi, le théâtre français est le produit d'une civilisation très évoluée, où l'art des communications sociales a atteint sa perfection. Si les théâtres anglais et allemands se définissent par un long déroulement, destiné à satisfaire les nécessités visuelles des spectateurs, au prix d'éléments et de caractères disparates, la dramaturgie française répond à une optique psychologique qui conçoit l'art cOlTlme une économie extrême de moyens. C'est pourquoi l'exposition, menant tout droit aux abords de la catastrophe que des « incidens imprévus» retardent, s'achève sur un dénouement tout proche. Une large marge est de la sorte laissée aux spectateurs pour exercer leur imagination, sans que leur patience soit mise à une dure épreuve, « et cependant toutes les impressions qui sortent du sujet auront été produites, j'entends toutes les impressions choisies, car la délicatesse de leur goût leur fera rejeter les choquantes disparates, et voudra que quelque chose de l'art se fasse sentir dans toute imitation de la nature 1111 ». La supériorité de tel ou tel système dramatique n'est qu'une question oiseuse. Les préférences nationales sont davantage affaire d'affectivité que de romantisme. Entre Constant et jay, Aignan marque la position prudente de la Minerve, perméable à la leçon du groupe de Coppet, de Mme de Staël notamment. Le cosmopolitisme littéraire des Philosophes et des Idèologues ne se traduit pas uniquement pour Aignan dans le prolon117
Jay, Du théâtre français et du théâtre étranger, M.d.F. IV, 20 déc. 1817,
p.539. Ibid., p. 5-12. Aignan, 1'.r. cit. de la hrochure anonyme de Dupin, Lettre à Milady ;\Iorgan, sllr Racine et Shakespeare, M. Il (2), 14 mai 1818, p. 68-69. Ils
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gement de la culture française chez les voisins. Il fait preuve d'une ouverture d'esprit qui aimerait voir son pays aussi disposé à accueillir des influences qu'à les diffuser. Rendant hommage aux grands écrivains d'Outre-Rhin, il emploie des termes qui rappellent Mme de StaR «La profondeur de vues, l'élévation des sentimens, l'imagination du style, sont portés fort loin dans les meilleurs ouvrages de ces divers auteurs; et surtout le charme de la bonne foi s'y fait sentir à un tel degré, que la persuasion arrive à l'âme avant que rien la prémunisse contre les séductions de l'esprit 120.» Les Allemands sont encore loin d'une perfection que les Grecs, durant l'antiquité, et les Français à l'époque moderne, ont presque réalisée. La question a été rendue confuse par l'opposition entre les littératures autochtones et importées. Si la littérature juive est entièrement primitive, de substance et de forme, si celle des Grecs est partiellement d'origine étrangère et entièrement nationale quant à ses formes, l'écriture littéraire des Romains sous Auguste est uniquement d'imitation et ne change de substance que par la suite. La littérature classique se définit par l'imitation des formes grecques qu'on enseigne dans les classes. Le roman, corruption du latin, a donné naissance aux littératures romantiques, autrement dit aux littératures autochtones. « Le caractère propre de la littérature romantique est donc d'exprimer l'ordre nouveau d'idées et de senti mens nés des nouvelles combinaisons sociales; il tient tout entier à la substance, et nullement aux formes, dont il est tellement loin d'exclure la pureté, que c'est d'elle seule qu'il peut recevoir tout son éclat 121. » Il va sans dire que toute littérature nationale est un mélange à des degrés divers d'éléments classiques et romantiques. C'est le cas par exemple de toute la littérature française du Moyen Age jusqu'au XVI· siècle. Mais à partir de la Renaissance, commence en Italie et en France l'imitation des formes antiques, revêtant des formes nationales. Les littératures du Nord, notamment celle de l'Allemagne - tard venue en Europe -, ont peu bénéficié dé la confrontation avec l'Orient et ont mieux conservé par conséquent leur originalité primitive. Les «genres» classique et romantique ne s'opposent guère. Des mots équivoques ont déclenché un faux débat 122. Le débat romantique tel qu'il se traduit dans la Minerve débouche le plus souvent sur des susceptibilités nationales. Cependant, le recueil n'est pas imperméable aux courants intellectùels du dehors. Tissot et à plus forte raison Constant ne seraient pas rebelles à une transformation et à un enrichissement de la dramaturgie française. De semblables dispositions prudentes, susceptibles de révoquer en doute la primauté nationale des tragiques français, ne sont pas sans indigner le patriotisme de Jay. Encore faudrait-il ajouter que Constant eût été le dernier à souhaiter un bouleversement d'ordre dramatique pas plus qu'une révolution d'ordre
120 Aignan, art. cit., Sur la littérature allemande, M. IV (2), 3 nov. 1818, p.53. 121 122
Ibid., p. 55. Cf. ibid.
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politique. Aignan supprime le débat romantique à force de définitions, en attcndant que les jeunes Frances montent à l'assaut de la mythiqlle citadclle racinienne, avec la suffisance et l'ardeur de leur âge. Assagie, la génération de 1830 finira par revenir aux formules pondérées de Constant et d'Aignan et le désordre intégrera lui aussi l'ordre.
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CHAPITRE X
ACTUALITÉ LITTÉRAIRE ET SAVANTE
La poésie telle qu'elle figure dans les colonnes du Mercure et de la Minerve ou telle qu'elle est commentée par les critiques de ces recueils offre les caractéristiques d'une littérature consciemmen't engagée dans les problèmes de la cité. La fable épuise toutes ses ressources pour assimiler les ultras au ver luisant 1, à une diligence vide 2, soulevant beaucoup de poussière sur son passage, à une rose orgueilleuse 3, aussi vite fanée qu'épanouie, à des ânes 4, incarnation traditionnelle de la sottise, à un singe 5 que le castor ministériel finit par imiter, ou à des renards 6 qui reprennent à leur compte l'héritage flétri des loups féodaux. Le respect que les rédacteurs portent à Mme de Staël ouvre le recueil à un de ses amis pour un extrait d'un poème évoquant le meurtre du duc d'Enghien, mais non sans que les rédacteurs marquent la distance qui les sépare d'un poète aristocrate dont la motivation spirituelle ne saurait être la leur 7. Tout en louant le talent d'Alexandre Soumet, avec les précautions que les contingences commandent, le recueil trouve quand même un biais pour blâmer l'oraison funèbre que le poète a consacrée à la mémoire de l'infortuné Louis XVI 8. Que la réaction politique des années 1815-1816 ainsi que les complicités des ultras avec les forces d'occupation aient soulevé l'indignation des poètes ne devrait guère nous étonner Il pas plus que l'anathème lancé par Béranger contre la Sainte Alliance et l'hymne national qu'il entonne lors de la libération du territoire 10. Cf. Jouy, Le ver luisant et le ver de terre, M.d.F. l, 7 janv. 1817. Cf. Gaudy, La diligence, ibid., 29 mars 1817. 3 Cf. Jouy. La lavande et la rose, M.d.F. II, 5 avril 1817. 4 Cf. A., Pégase et les ânes, ibid., 3 mai 1817. 5 Cf. Gosse, Le castor et le singe, M.d.F. Ill, 13 sept. 1817. 6 Cf. Febvé, Les loups et les renards, M. III (12), 21 oct. 1818. 7 Cf. Mme de Staël, c.r., Le repentir, poème par de Sabran, M.d.F. l, 1"' mars 1817. H Cf. SS., M.d.F. IV, 18 oct. 1817. \) Cf. A. Béraud, fragment d'un poème intitulé, Paris et la province, M.d.F. Il, Hl avril 1817 ; Tissot, c.r. du poème d'Emmanuel Dupaty, Les délateurs, ou trois années du dix-neuvième siècle, M. VI (9), 5 juillet 1819 et le c.r. anonyme du Départ du poète, de Béraud, M. VII (1), 7 août 1819. 10 Cf. Béranger, La Sainte alliance, chanson chantée à la fête donnée à Liancourt, par M. le duc de La Rochefoucauld, pair de France, pour la délivrance du territoire français, M. IV (2), 13 nov. 1818. 1 ~
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L'Eglise, étroitement associée à toutes les réactions, n'échappe pas à la condamnation des muses. C'est la Chine qui, tournant le dos au culte de Confucius et le remplaçant par celui du dieu Fô, confie aux bonzes la mission délicate d'incarner les Jésuites, avides et gourmets. Un poème héroï-comique nous fait voir le prêtre de Bouddha persuader une fermière naïve de lui céder un canard que l'âme de feu son père habiterait : Au premier mot, le Bonze court bien vite Vers l'animal; sur lui se précipite, Et dans l'instant parvient à le happer; Puis, comme Enée, emportant son vieux père, Pieusement on le vit décamper. Mais, dès le soir, avec sa chambrière, Sans s'occuper des intérêts du ciel, 11 fit chez lui, riant de la fermière, Un bon souper du canard paternel 11.
Béranger à son tour intensifiera la lutte contre la renaissance des missions et le redoublement de leur activité. Selon les meilleures recettes d'un philosophisme de mauvais aloi, il associera à cette tâche le Diable. La mission que celui-ci envoie sur terre fait une œuvre d'apostolat considérable : elle envahit les villes, les bourgs et les hameaux pour vendre au plus offrant des prières et des miracles, diviser les familles, semer la discorde et lever l'étendard de l'intolérance. Le diable après ce mandement Vient convertir la France. Guerre au nouvel enseignement, Et gloire à l'ignorance! Le jour fuit, et les cagots Dansent autour des fagots. En vendant des prières, Vite, scufflons, soufflons, morbleu! Et rallumons le feu 12.
Le " bon vieux temps» ne représente-t-i1 pas le retour au giron spirituel de l'Eglise comme à l'ancien ordre de choses? Concluons en deux mots: dans ce vaste univers Un catholique seul peut faire de bons vers; Et la littérature, à l'étole soumise, N'aura de gens d'esprit qu'avec des gens d'église
13.
Pas plus que l'extrême-droite ou le clergé, la veine poétique n'épargne les ministériels. Quels respectables piliers de régime que les maires qui se mettent au ton du jour en entourant de suspicion les soldats revenus dans leurs foyers 14, ou les nouveaux serviteurs fidèles de la Restauration G.-M., Le Bonze, conte, M.d.F. IV, 6 déc. 1817, p. 435. Béranger, Les diables missionnaires, M. V (11), 16 avril 1819, p. 523. 13 c., Fragment d'un petit poëme intitulé, le bon temps, M. 1 (6), 13 mars 1818, p.25O. 14 Cf. Béraud, Paris et la province, poème cit. 1l
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ACTUALITÉ LITTERAIRE ET SAVANTE
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qui mettent tout en œuvre pour parvenir 15 ! Il est condamnable le régime qui a banni ses meilleurs fils et les a voués à un exil douloureux 16. La France est écrasée par les impôts 17, ses organes sont soumis à une censure infernale 18, mais les misères terribles du moment 19 comptent peu en regard des gloires fabuleuses d'un passé encore présent 20 ou des annales reculées de la plèbe patriotique 21 et moins encore dans la perspective constitutionnelle du pays 22. L'ère libérale se met à l'unisson de ses institutions et la rime se fait aussi grave que les orateurs à la tribune. Ségur 23 et le pasteur Oberlin 24 recueillent la reconnaissance en vers de leurs contemporains alors que Vaudreuil 25, Masséna 26 et Dupont de Nemours 27 bénéficient d'un hommage posthume. L'école de David voit ses tableaux glorifiés à l'occasion du Salon de 1817 28 au même titre que le savant Pamentier pour l'essor qu'il a donné à la culture de la pomme de terre 29. Le positivisme bourgeois de la Restauration n'est pas imperméable aux beautés poétiques de l'histoire. L'empereur Constantin se voit pressé, dans un dialogue rimé, de transporter le siège de Rome à Byzance pour mettre fin à l'avilissement de l'Occident par les Barbares et pour sauver la primitive Eglise de l'envahissement du paganisme 30. La simplicité des Cf. Longchamps, Le moyen de parvenir, M.d.F. l, 15 juillet 1817. Cf. Béranger, L'exilé, romance, et Coupigny, Amélie, M. 1 (8), fin mars 1818; A. Béraud, Le champ d'Asile, M. III (13), 28 oct. et Béranger, Le retour dans la patrie, M. VII (7), 19 sept. 1819. 17 Cf. E. Gosse, Le chameau, M. 1 (3), 22 fév. 1818. 18 Cf. F ... T., Mercure et Minerve, M. 1 (4), fin fév. 1818. 19 Cf. Béranger, Les en/ans de la France, M. VJII (3),21 août 1819. 20 Cf. Pellet d'Epinal, Ode sur les vicissitudes des empires, M.d.F. Il, 5 avril 1817; Béranger, La vivandière, M. 1 (2), 16 fév. 1818; Etienne, n° 29, Post-Scriptum, éloge du poème d'Arlincourt, consacrant la gloire des armes françaises, M. III (11), 15 oct. ; Béraud, le Départ du poète, M. VII (1), 7 août 1819 et la chanson cit. de Béranger, Les enfans de la France. 21 Cf. la chanson de Béranger, hymne à la gloire du Vilain, M. 1 (5), 7 mars 1818. ~2 Cf. 55., c.r. d'un discours en vers adressé par un constitutionnel à son petit-fils, M.d.F. IV, 8 nov. 1817; Béranger, La fée Urgande (lui attribuant tous les bienfaits constitutionnels), M.d.F. IV, 29 nov. et sa chanson cit., Les en/ans de la France. 23 Cf. Mme Dufrénoy, Le jour de l'an hommage à Ségur -, M.d.F. l, 7 janv. 1817. 24 Cf. François de Neufchâteau, Stances aux journalistes et aux gens de lettres, à l'occasion du rapport sur M. Oberlin, et sur la civilisation du Ban de la Roche, M. 1 (13), fin avril 1818. 25 Cf. M.B***, A la mémoire de M. de Vaudreuil, M.d.F. l, 8 mars 1817. 26 Cf. Naudet, Sur la mort du maréchal Masséna, M.d.F. Il, 19 avril 1817. Un homonyme de Naudet, professeur au collège d'Henri IV, soucieux sans doute de sauvegarder sa carrière, a vite mis à l'abri sa réputation en renonçant à la moindre paternité pour le quatrin en question, ibid., 26 avril, p. 148. 27 Cf. Michel Berr, Vers à mettre au bas du portrait de feu M. Dupont de Nemours, M.d.F. IV, 18 oct. 1817. 28 Cf. Bignon fils, Le salon de 1817, M.d.F. Il, 17 avril 1817. 29 Cf. J.-P. Brès, Eloge de la pomme de terre, M.d.F. Il, 24 mai 1817. 30 Cf. J. Vatout, Un sénateur conseille à Constantin de transporter à Bysance le siège de l'empire romain, M.d.F. Il, 7 juin 1817. Au même Constantin sera 15 16
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mœurs antiques frappe toujours l'imagination de la postérité éprise de pureté et Boucharlot satisfait amplement ce besoin par trois chants qui déroulent en vers l'histoire du peuple hébraïque 31. La luxure et le paganisme qui éclairent d'une lueur sombre les destinées d'Israël ne sont pas sans inspirer la lyre des imitateurs du prophète aux accents apocalyptiques 3~. La mort d'Abel tente déjà plus d'un poète dans des poèmes raisonnés qui font appel aux éléments conventionnels de la nature comme aux facultés rebattues de l'âme 33. A l'autre pôle, c'est la figure énigmatique d'Homère qui défie les plumes inspirées et qui met en branle tout l'arsenal mythologique 34. Non que la veine poétique soit toujours bien inspirée en s'attachant aux âges héroïques, au détriment des problèmes de l'actualité. Boucharlot est invité en conséquence à chanter la liberté de l'homme 35. 11 est incontestable que le positivisme bourgeois fait grand cas des recherches et des études, à condition bien sûr qu'elles ne soient pas trop étrangères au bonheur de la cité. On a pu le constater à propos du sujet que l'Académie française avait proposé pour le concours en poésie de 1818 : Le bonheur que procure l'étude dans toutes les situations de la vie. Le Mercure se fait un devoir de citer le poème édifiant et combien prosaïque de Pierre Lebrun, premier prix, où les lieux communs sont aussi abondants que les célébrités de l'antiquité et les notoriétés françaises 86. Le sens de la justice du recueille pousse même à accorder son hospitalité à un choix de fragments du poème enthousiaste de Saintine, second prix, évoquant la passion du botaniste et de l'archéologue ou chantant la gloire immortelle de Voltaire 37, à des extraits de la poésie de Loyson, décrivant le voyage majestueux de Newton à travers les espaces 38, et à des morceaux de l'EpUre spirituelle de Casimir Delavigne. Tout le savoir humain n'est qu'un grand labyrinthe. L'étude nous conduit dans cette obscure enceinte; De son fil embrouillé qui s'alonge [sic] toujours, On suit péniblement les tortueux détours: Le voyageur perdu marche de doute en doute, Et, sans se retourner, expire sur la route 39. C'est dans le sens de la même pensée, où les traditions de la rhétorique se retrouvent malgré la rime, que la Minerve, glanant dans l'œuvre de confiée la tâche d'exalter la pureté de la primitive Eglise, Pellet d'Epinal, Fragment d'une tragédie inédite, intitulée Constantin, M.d.F. III, 19 juillet. 31 Cf. Bénaben, c.r. du poème de Boucharlot, Sion, ou les merveilles de la montagne sainte, M.d.F. III, 12 juillet 1817. 3~ Cf. M***, Imitation d'Ezéchiel, M.d.F. IV, 15 nov. 1817. 33 Cf. Boucharlot, Fragment d'une traduction en vers du poëme de la mort d'Abel, M.d.F. III, 5 juillet 1817. 34 Cf. J.-P. Brès, Le tombeau d'Homère, M.d.F. III, 2 août 1817. 35 Cf. le c.r. anonyme des poèmes de Boucharlot, La mort d'Abel, Le sacrifiee d'Abraham, Le Jugement dernier, M. VI (10), 12 juillet 1819. 36 Cf. M.d.F. 111,30 août 1817. 3, Cf. ibid., 6 sept. 1817. 38 Cf. ibid. 39 Ibid., p. 438.
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M.-J.
Chénier, a exhumé l'Extrait d'un discours en vers [ ... ] sur cette question: L'erreur est-elle utile aux hommes? Le péché mortel serait commis par l'erreur des sens alors que philosophes, physiciens et littérateurs auraient droit à des méprises que leurs visions respectives impliquent nécessairement 40. Non que le positivisme soit sérieux au point de s'interdire toute badinerie. On cherche à s'amuser en 1817 comme à d'autres époques et le poéte décrit avec humour l'attrait des trois monts artificiels construits au Bois de Boulogne, de la hauteur desquels la foule, dans des chars aménagés à cet effet, se trouvait précipitée vers le bout de la piste, avec des cris extatiques 41. Vigée, peu goûté par les libéraux, reprend une des plus vieilles traditions en dénigrant l'art de la médecine et en lui préférant celui de Bacchus 42. Pellet d'Epinal s'attaquera avec bonheur au même thé me et dira ses miséres dues aux ordonnances contradictoires de huit médecins: Le premier de ma chambre, arpentant le contour, Pour extirper mon mal, véritable vautour, Me disait gravement: allez, faites un tour, Parcourez sans témoins les forêts d'alentour, Et sur-tout du printemps attendez le retour. [ ... ]
Le dernier, plus hardi que ses sept adversaires De remèdes sans cesse accablait mes misères; M'assurait par serment qu'ils m'étaient nécessaires, Et qu'enfin mes douleurs n'étaient pas des misères 4:J. Dans le pays de Molière, l'avarice a plus d'un tour inattendu: Ci gît, par la fièvre emporté, Orgon, le roi des pince-mailles. Il vivrait, s'il n'avait compté Que sa guérison eftt coftté Deux fois plus que ses funérailles
44.
Les gauloiseries, en butinant outre-Monts, trouvent de quoi alimenter une tradition plus que séculaire. Telle est l'histoire du pauvre manant qui pour avoir ingénument confessé tous ses péchés pendant les fêtes pascales se voit condamner par le curé à contempler la croix: Soudain, vers son humble demeure Il s'achemine tristement; Il entre, et, le regret dans l'âme Pendant une heure, il contemple ... sa femme 4". Cf. M. Il (4), 24 mai 1818. Cf. D... E., Les montagnes russes, M.d.F. Ill, 12 juillet 1817. Cf. Vigée, A mon médecin, M.d.F. l, 22 fév. 1817. EpUre sur mes huit médecins, M.d.F. III, 20 sept. 1817. Cf. l'Epitaphe anonyme d'un avare, M.d.F. l, 8 mars 1817. Cf. ].-1. Roques de Montauban (aveugle de naissance), La pénitence, M.d.F. Il, 10 mai 1817. 40 41 42 43 44 45
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La pondération d'esprit et le penchant invétéré à la plaisanterie risquent de nous faire oublier que le positivisme bourgeois n'exclut guère les sentiments nobles et que sa Muse, recourant à un vocabulaire d'emprunt aussi suranné que détestable, délaisse la terre pour escalader les cieux: C'est l'Inspiration, sublime enchanteresse Qui désertant la terre et ses obscurs destins, A la table des Dieux va puiser l'allégresse, Et partager l'ivresse Des célestes festins 46. « L'ivresse des célestes festins» inspire de fades Stances 41 et Vers 48 consacrés à l'amour, fait décrire au respectable professeur du Collège de France les délices de la première initiation passionnelle dans un bosquet 49 et l'ardeur des embrassements d'une nymphe sur les flots 50. Selon ies meilleures recettes du XVIIIe siècle gracieux, l'amour, assimilé au cygne, recueille les vers légers de Lebrun 51 ou, se faisant apologue, se transforme en chat avec Andrieux 52, et en oiseau avec le chansonnier Béranger 53. Le Moyen Age ne manque pas au rendez-vous des Muses. C'est le preux chevalier Lorédan qui est sauvé in extremis de retour de ses exploits, par sa bien-aimée Flora 54 ; c'est Ludmille éplorée qui désespérant de jamais retrouver son amant est entraînée aux enfers par le revenant, au milieu de la nuit 55. Le thème de la mort est présent dans le recueil. C'est avec le lexique usé d'une tristesse de convention qu'Albert-Montémont pleure la mort d'Eveline, âgée de 4 ans 00, que Pellet d'Epinal entonne le chant élégiaque d'un jeune mourant de vingt ans qui doit renoncer à sa Julie 57 ou que Latouche transpose la vie en un ver lumineux et la mort en un crapaud ténébreux 58. Tout près de la mort, c'est le thème de la vieillesse qui exerce la plume raisonneuse des poètes. Longchamp le traite sur un mode badin:
Trois fois l'an, la goutte me livre Un assaut long et périlleux, J'y dois vaincre, ou cesser de vivre Et le combat est sérieux !. ..
46 47 48 49
50
51 52 :;3 54 55
56 57
58
Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf.
Pellet d'Epinal, Ode. De l'inspiration des montagnes, ibid., 26 avril 1817. Antonin de Sigoyer, A Elvoé, M.d.F. l, 8 mars 1817. Chartrier de Chenevières, Vers à Mme ***, M.d.F. IV, II oct. 1817. Tissot, Le premier bonheur, M.d.F. IV, 27 déc. 1817. Tissot, Le bain, ibid., 25 oct. 1817. Ode. Sur un cygne, M.d.F. l, 15 mars 1817. la fable, Le chat, la vieille souris et la jeune, ibid., 8 fév. 1817. la chanson Si j'étais petit oiseau, M.d.F. III, 13 sept. 1817. E... L., Lorédan et Flora, ibid., 27 sept. 1817. St.-H., Ludmille. Romance imitée de l'allemand, M.d.F. IV, 4 oc. 1817. Elégie. Sur la mort d'une jeune fille, ibid., Il oct. 1817. Elégie, M.d.F. Il, 28 juin 1817. Apologue, M. 1 (10), 12 avril 1818.
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Il n'est pourtant que pour la gloire, Car, à voir quels pauvres débris Je sauve de chaque victoire ... j'en ris 59. Béranger nourrit son sujet par l'association de l'âge aux passions révolues. C'est l'appel à sa maîtresse pour qu'elle évoque, lorsque le poète ne sera plus, leurs amours et leurs chansons 60. C'est aussi la piètre invocation d'un temps stéréotypé: Près de la beauté que j'adore, Je me croyais égal aux dieux, Lorsqu'au bruit de l'airain sonore, Le Temps apparut à nos yeux. Faible comme une tourterelle, Qui voit la serre des vautours, Ah ! pitié, lui dit ma belle Vieillard, épargnez nos amours 61. La jalousie 62, l'ingratitude 63, les apparences trompeuses 64 sont des thèmes que les poètes fabulistes brodent avec aisance. Lès plaisirs champêtres 65, les vertus bénéfiques de la vigne 66 ou certaines dates propices de l'année 67 semblent remuer une sensibilité épaisse. Les figures poétiques d'un positivisme accommodant ne se font pas violence pour vibrer à l'évocation d'un vaisseau sombrant dans la tempête 68, ou d'un tremblement de terre éloigné 69. L'Aveugle de BagnolePO apitoie des âmes simples et l'habit usé de Béranger a toutes les valeurs de classe et toutes les qualités moralisantes d'une longue tradition salutaire 71. Il faut se pencher sur Le pressentiment de Mlle Desbordes 72 pour y découvrir, sous un vocabulaire conventionnel, les accents d'une sensibilité qui rompra dans un proche avenir avec les épîtres, les épigrammes, les fables, les odes et les élégies aussi raisonneuses que verbeuses. 59
Cf. Je ris et Mes quatre-vingts ans, M. 1 (1), et M. Il (7), début fév. et
15 juin 1818.
Cf. La bonne vieille. Chanson, M. 1 (Il), 19 avril 1818. Le temps. Chanson, M. VII (12), 23 oct. 1819. Cf. Gaudy, fable, La rose et l'hortensia et celle de Gosse, Le verger de Normandie, respectivement, M.d.F. l, le. mars 1817, et M. Il (1), fi mai 1818. 63 Cf. Gosse, Le ver et le limaçon, fable récitée à la séance de la Société philotechnique, M.d.F. IV, 8 nov. 1817. 64 Cf. L. Sales, étudiant en droit, Les deux roses, M.d.F. Il, 19 avril 1817. 65 Cf. Victor Augier, Epître à Monsieur A.-B. Roux d'Aix, M.d.F. l, 25 janv. 1817. 66 Cf. Béranger, Brennus, ou la vigne plantée dans les Gaules, M. III (11), 15 oct. 1818. 67 Cf. J.-N. Bouilly, Le premier de mai [ ... ], M.d.F. Il, 31 mai 1817. 68 Rappel peut-être de la grandeur de l'Empire, cf. Pierre Lebrun, Ode à un vaisseau, M.d.F. l, 1" fév. 1817. 69 Cf. Norvins, Fragmens d'un poëme inédit. Description de l'Islande, M.d.F. JI, 14 juillet 1817. 70 Cf. Béranger, M.d.F. III, 23 août 1817. 71 Cf. Mon habit, M. VI (1), 8 mai 1819. 7~ Cf. M.d.F. III, 9 août 1817. 60
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6~
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Ce caractère éminemment « raisonneur» de la littérature se révèle par la reprise de la longue tradition des énigmes, des charades et des logogriphes, préfigurant les mots croisés de notre temps. Quelle évasion pour les imaginations positivistes que des acrostiches consacrés aux célébrités du XVIIIe siècle et parfois aux notoriétés contemporaines et suggérant tout un monde par une transposition au passé peu reculé de Voltaire, de Rousseau et de Washington, ou au passé encore récent de Masséna et de Parmentier. Non que les rédacteurs aient tenu, dès la reprise du MerC!lre, à perpétuer un genre qui leur semblait révolu, mais il faut croire que les habitudes du public lettré les obligeaient à sacrifier au goût du jour 7". Louis Dubois consacrera même un article pour montrer la place de l'énigme dans la littérature de l'Antiquité et indiquera les traités qui l'ont définie depuis la Renaissance, les publications qui l'ont recueillie depuis le XVII" siècle, la part prise par les Philosophes à ce jeu de société et l'étude de l'art des énigmes faite par La Condamine 74. U ne société éminemment communicative qui ignore les dialogues solitaires avec soi, avec la nature ou avec l'au-delà, et qui raisonne jusqu'à ses passions, doit trouver dans M.- J. Chénier l'interprète idéal de son esthétique compartimentée et le législateur infaillible de son art de rimer: Les arts n'ont qu'un objet, d'imiter la nature: Poésie, éloquence, et musique, et peinture, Marchent au même but par des sentiers divers; Mais comme ils sont voisins, un esprit de travers De les confondre ensemble a souvent la manie, Et voit dans ses écarts les élans du génie; En vain le mauvais goût s'empresse d'applaudir: Dénaturer les arts n'es! pas les agrandir 70.
Les genres conservent toujours leurs vertus et la poésie n'est accessible que dans la mesure où elle est intelligible: Au Parnasse français on n'assure ses droits Qu'avec cet art qui chante et qui peint à la fois Qui sait dans les esprits graver ce qu'il exprime, Qui fait servir aux sens la mesure et la rime, Voit de brillans appuis où vous voyez des fers Et pare la raison du charme des beaux vers 7".
Ne pourrait-on pas citer comme exemple probant de cette poésie raisonneuse le poème en quatre chants que François de Neufchâteau a consacré aux figures de style - poésie agrémentée par la critique de la
7:i Cf. L.F., Enigmes, charades, logogriphes, apologie du genre, M.d.F. l, .. janv. 1817. 74 Des énigmes, M.d.F. Il, 2 .. mai 1817. 7;; Extrait d'11n poëme inédit S1lr les principes des arts par Chénier, M. 1 (9), début avril 1818, p. 401. 76 Cf. ibid., p. 402-403.
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féodalité et du clergé 77 - , ou la nouvelle édition de la nomenclature des fleurs, mise en vers par Constant Dubos, professeur à Louis-le-Grand i8 ? Et cependant, l'époque est consciente d'une carence à combler, d'une sensibilité en quête d'expression. A négliger les inepties rimées qui consacrent les bienfaits de la louange 79, flétrissent le plagiat 80 ou s'en prennent à une critique stérile 81, on sent chez les rédacteurs une impatience mal contenue, des mouvements de révolte contre des procédés poétiques qui font preuve d'une technique sans faille, mais qui laissent tout à désirer quant à la poésie. C'est le cas même de Jay qui condamne les élégies biographiques de Labouisse 82, hymne dithyrambique aux prouesses procréatrices du couple bienheureux, et celui de Jouy qui trouve du mérite à l'abandon et à la sensibilité d'un autre recueil anonyme 83. C'est encore le cas d'un autre critique du Mercure qui, déplorant l'incon:: sidération dans laquelle est tombée la poésie et rappelant que les muses sont enfermées dans les portefeuilles des académiciens, attaque finement les platitudes poétiques de Vigée, à l'occasion de la publication de son Almanach des muses pour 1818 84 • Bien entendu, il consacre comme Jouy la réputation de l'élégiaque Mme Dufrénoy, rend hommage à Andrieux, Jouy et Tissot qui ont contribué au recueil, de même qu'il paie son tribut d'éloges aux poétesses Desbordes, Salon, Martelet de Lure et SimonCandeille ou aux jeunes poètes Viennet et Casimir Delavigne 85. Mais il s'élève avec esprit et vigueur contre les genres épuisés sous le signe desquels des rimailleurs s'en prennent à des académiciens qui n'ont pas appuyé leur candidature ou s'égalent, en dédaignant la fausse modestie, à leurs heureux prédécesseurs 86.
* ** La Restauration, à l'exemple d'autres époques, dénonce la décadence des lettres, d'autant plus que la dégradation intellectuelle rejoint les vérités que le parti de l'extrême-droite, prisonnier de son optique, prêche à qui veut l'entendre. Les œuvres dramatiques surtout perdent aux rapprochements avec celles que la génération de Louis XIV avait produites. Sans accepter la thèse des ultras, le libéralisme peut facilement admettre Cf. Aignan, c.r. cit. du poème, Les tropes, ou les figures de mots. Cf. SS., M.d.F. IV, 13 déc. 1817. Cf. Albert-Montémont, Les louanges. Ode, M.d.F. 111, 26 juillet 1817. 80 Cf. La Servière, Vers adressés à mon plagiaire, ibid., 27 sept. 1817. R1 Cf. ].-1. Roques, Apollon et le critique. Fable, M. 1 (5), 7 mars 1818. 82 Cf. Jay, c.r. cit. du recueil de Labouisse, Les amours à Eléonore, M.d.F. l, 15 mars 1817. 83 Cf. Jouy, c.r. des Elégies, par M***, M.d.F. Il, 21 juin 1817. 84 Cf. SS., M.d.F. IV, 20 dec. 1817. Aux reproches adressés par certains abonnés quant au peu de place réservé dans la Minerve à la poésie, la rédaction répond qu'elle se fera un devoir de citer de bons vers, cf. les explications fournies par la Minerve en marge du poème Le départ du poëte de Béraud, M. VII (1), 7 août 1819. 85 Ailleurs, le même critique a loué une épître en vers de Viennet contre la censure, M.d.F. IV, 29 nov. 1817. 86 Cf. le même critique, M.d.F. IV, 13 déc. 1817. 77 78
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que l'administration des théâtres comme les servitudes du régime soient pour beaucoup dans le déclin des spectacles. C'est notamment le cas du Théâtre-Français dont les privilèges nombreux constituent des obstacles presque insurmontables à l'évolution nécessaire de la scène. Telle la Commission de lecture des Sociétaires qui met au désespoir maints dramaturges débutants, au point de leur faire préférer l'impression à la représentation ~7. Telle la loi qui livre le répertoire national et les œuvres des auteurs, dix ans après leur mort, à la discrétion d'un seul théâtre privilégié. tl faudra toute une campagne acharnée et la destruction de l'Odéon par un incendie, le 20 mars 1818, pour que le Second Théâtre partage avec le Premier ses prérogatives 88. Tetles encore les coutumes tyranniques qui distribuent les rôles selon l'ancienneté et non les talents des acteurs 89. A l'autorité des sociétaires dans le choix des pièces nouvelles et la modification de celles-ci, s'ajoutent les méfaits d'une censure vigilante ainsi que la pression d'une critique qui astreint la vérité du comique aux commodités du jour 90. L'interdiction par le ministre de la Police de BNisair/' de Jouy - pièce qui a eu les bénédictions de toutes les autorités intéressées, après les modifications que l'auteur y a apportées ainsi que les coupures pratiquées dans Tarare de Beaumarchais prouvent à quel point auteurs et œuvres sont devenus le jouet d'un pouvoir borné 91. Les dramaturges ne sont pas rares qui préfèrent retirer leurs pièces plutôt que de faire subir aux textes des changements inacceptables 92. Les vice~ du système trouvent leur rançon dans la complicité des administrateurs et des auteurs. La claque prend de plus en plus de l'envergure et provoque les protestations véhémentes des recueils 93. Le Théâtre-Français n'est pas le seul à présenter de tels caractères d'anomalie dans son administration comme dans son recrutement arbi-
" Cf. S5., à propos de Philippe Il et l'Inquisition de Rienzi, M.d.F. IV, 22 nov. 1817. '8 Une commission de l'Institut étudierait la législation du théâtre pour dt'fendre les droits des auteurs, 55., M.d.F. IV, \ .. nov. 1817; réclamation pour que l'Odéon ait le droit de faire jouer l'ancien répertoire, M.d.F. IV, 13 déc., et 55 .. ibid., 27 déc. L'Odéoll sera reconstruit et il aura les mêmes droits que le Théâtre Fr;Jnçais, Latouche, M. 1 (11), 19 avril \818. RH Cf. TIléâtre français, M.d.F. Il, 24 mai et 26 juillet 1817. VII Cf. M.d.F. IV, 11 Oêt. \817. Pour une vue d'ensemble sur les réformes nécessaires, cf. JaL c.r. de la brochure de N.-L. Lemercier, Du second thédtre français 011 instruction relative à la déclamation dramatiqlle, M. IV (1),
:1 nov. 1818. UI
Pour Bélisaire, cf. Etienne, nO' 34 et 36, M. IV (2 et 6), 13 nov. et 13 déc.
tH18, et Tissot, c.r. de la pièce, M. IV (7), 19 déc. Pour Tarare, cf. O., Leltres sur les spectacles, M. V (2), 14 fév. 1819. (>2 Cf. Théâtre français, M.d.F. III, 9 août 1817. U3 Cf. L.F., Théâtre de l'Odéon, M.d.F. l, \5 fév. 1817. Il s'agit de la repré,cntation dc la sllite des DellX Philibert le 4 fév. - pièce imitée de ceUe de Picaret. L'activité de la claque à cette occasion est d'autant plus répréhensible que le directeur du théâtre - Picard - l'avait vertement attaquée en 1811 dans une petite comédIe - le café du printemps - que la même maison (le Théâtre de l'Impératrice) avait jouée.
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traires. Si l'Odéon, grâce au retour de Picard à la direction 94 et l'Opéra 95 font preuve d'une administration énergique et prévoyante, l'Opéra-Comique 96 et le Théâtre du Vaudeville 97, se signalent par une situation lamentable. La clôture du Théâtre royal italien, soulèvera l'indignation de la Minerve contre la directrice de l'établissement, la célèbre cantatrice Catalani, plus connue par ses voyages à travers l'Europe que par ses séjours à Paris 98. Il Y aurait de l'intérêt à décrire l'histoire des théâtres sous la Restauration 99. La critique du Mercure et de la Minerve révèle autant les carences du système traditionnel des théâtres en France que le vif intérêt porté par le public lettré aux manifestations dramatiques. Encore faudrait-il ajouter, bien que les annales dramatiques de la Minerve soient peu étendues par rapport aux comptes rendus du Mercure, que l'activité des théâtres durant les années 1817-1820, à en juger d'-après les nouvelles pièces montées en scène, témoigne d'une prospérité bien réelle. On peut aisément concevoir la passion du large public sous la Restauration pour les spectacles. Le théâtre répond à l'époque par une gamme très étendue et très variée de sa dramaturgie à tous les besoins et à tous les appels émotifs des contemporains. Le Mercure et la Minerve, à l'instar du Censeur Européen, estiment superflu de détailler les représentations de l'ancien répertoire. S'ils en parlent, c'est à l'occasion de la retraite des acteurs célèbres, en faveur desquels des représentations somptueuses sont 94 Cf. L.F., Annales dramatiques, Revue de l'année 1816, Odéon, M.d.F. l, Il janv. 1817. 95 C'est à la date du 17 mai 1817 que le Mercure (M.d.F. 11), en annonçant la reprise par l'Opéra de Fernand Cortez de Jouy, affirme que le premier théâtre lyrique de la France va reprendre son activité et son ancienne dignité. 96 Le théâtre Feydeau est en pleine décadence, abandonné par les auteurs et les acteurs et éclipsé par l'Opéra, M.d.F. m, 23 août 1817, Débuts de M. Welch. Le retour de Martin à l'Opéra-Comique et l'expérience des Sociétaires quant à la véritable valeur des ouvrages de circonstance qui ont été représentés vont permettre au théâtre de regagner sa popularité, M.d.F. IV, II oct. 97 Non que le Théâtre du Vaudeville subisse toujours des échecs, mais s'étant signalé par les bêtises qu'il avait montées en scène et la rivalité qu'il avait soutenue contre le Théâtre des Variétés, sa carrière est tissée d'insuccès retentissants, SS., M.d.F. IV, 22 nov. 1817, et se caractérise par la mauvaise volonté de son administration qui a renvoyé Mme Hervey, au grand mécontentement du public, Latouche, M. 1 (II), 19 avril 1818. 98 Malgré son titre, le théâtre comprend peu d'Italiens et ses principaux rôles sont confiés aux Espagnols Garcia et sa femme, à l'Anglaise Vestris et à Mme Catalani. On devrait l'appeler le Théâtre des qllatre nations, Théâtre royal italien, Il calito de Bagdad, M.d.F. 11, 7 juin 1817; consternation des amateurs à l'annonce de la clôture du théâtre. Mme Catalani lui a porté le coup de grâce en s'éloignant de Paris, après avoir dispersé les virtuoses du théâtre lorsqu'elle en avait pris la direction. La plupart sont passés à Londres et Paris n'a eu que les sujets médiocres d'Angleterre. C'est de la sorte que Mme Catalani aurait exploité son privilège en faveur du Théâtre Italien de Londres. Comble de dérision, la gestion «brillante» du Théâtre royal italien a valu à la directrice une représentation à l'Opéra à son bénéfice. 99 Bien que portant sur une époque postérieure, le livre de M. Descotes Le drame· romantique et ses grands créateurs, Paris, 1955, -- est riche d'enseignements même pour les années 1817-1820.
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données à l'Opéra ou au Théâtre-Français, joignant les pièces nouvelles aux anciennes 100, ainsi que pour apprécier l'interprétation des rôles par les artistes chevronnés 101 et les débutants 102. Dans l'ensemble, en faisant abstraction des pièces qui ont été composées avant 1816 103 et en tenant compte du fait que la Minerve est de plus en plus obsédée par la politique au point de lui sacrifier la littérature, la production dramatique des grands théâtres considérés comme nationaux et de ceux des boulevards, ne laisse pas d'être impressionnante. Les nouvelles tragédies n'abondent pas durant les années 1817-1820. On peut compter, selon la leçon du Mercure et de la Minerve, pour l'épo., que qui nous concerne, neuf tragédies, l'adaptation d'une tragédie d~ Ducis et un drame, dont la plupart ont été montés en scène par le ThéâtreFrançais, ainsi que quatre tragédies imprimées qui n'ont pas été jouées. Le nombre des comédies est plus considérable pour des raisons faciles à concevoir. L'Odéon surtout, le Théâtre-Français aussi et une seule fois l'Opéra, ont représenté trente-quatre comédies et une comédie héroïque. On peut y ajouter quelque quarante-cinq vaudevilles que les Théâtres des lltU Cf. pour la retraite de Mlle Mézerai, Théâtre Français, M.d.F. l, 4 janv. 1817; de Mlle Emilie Contat, L.F., Théâtre Français, ibid., le. fév. ; de Talma (dont les menaces intéressées de retraite se multipliaient selon les désaccords avec les Sociétaires), L.F., Théâtre Français, ibid., 8 mars; de Fleury, L.F., Académie royale de musique (Opéra), ibid., 15 mars et Latouche, Annales dramath/ues, M. 1 (11), 19 avril 1818; au bénéfice de Lainé, Académie royale de musique, M.d.F. Il, 17 mai 1817. Le critique signale que le public est déjà lassé des représentations au bénéfice d'acteurs dont le nom est déjà oublié, tel Lainé. Pour la retraite de Mon rose, Théâtre Français, M.d.F. III, 26 juillet; de üaveaux, Latouche, Annales dramatiques, M. 1 (2), 16 fév. 1818; au bénéfice de Mlle Mars, à l'Opéra, le 24 fév. 1818, Latouche, Annales dramatiques, M. 1 (5), 7 mars. lOI Pour le Théâtre Français, l'enthousiasme que chaque apparition de Talma produit, cf. L.F., M.d.F. 1,8 mars 1817 et Latouche, M. 1 (2), 16 fév. 1818; Mlle Mars, L.f., Revue de l'année 1816, M.d.F. l, Il janv. 1817, M.d.F. Il, 24 mai et M.d.F. IV, Il oct. (le critique lui reproche le peu de variété dans ::;es rôles) ainsi que Latouche, M. 1 (5),7 mars 1818 ; Fleury, M.d.F. Il, 24 mai 1817 et Latouche, ibid. ; Molé, M.d.F. Il,24 mai 1817; Saint Prix, M.d.F. 1,8 mars; Lacave, critique de son art, L.F., Revue de l'année 1816, M.d.F. l, Il janv.; Mlle Duchesnois prend de l'essor dans l'interprétation de ses rôles, L.f., Théâtre Français, M.d.F. l, le. fév. et 8 mars, M.d.F. IV, 13 déc. 1817 et Latouche, M. 1 (2), 16 fév. 1818; Michelot, L.F., M.d.F. l, le. fév. 1817 et Latouche, M. 1 (5), 7 mars 1818. 102 Eloge du jeune David, L.F., M.d.F. l, 8 mars 1817; dans l'ensemble, éloge de Victor, M.d.F. Il, 24 mai, SS., M.d.F. IV, 8 nov. et 13 déc. ; éloge de Mlles Wenzel et Baptiste, M.d.F. Il, 24 mai; conseil à Mlle Baptiste de se vouer à la comédie et critique de l'interprétation de Mlle Petit dans Mérope, M.d.F. Il, 21 juin; Mlle La Roche est handicapée par sa grêle forme, M.d.F. Ill, 12 juillet; le jeune Eric Bernard ressemble étonnamment à Talma et excelle dans son interprétation, M.d.F. Ill, 23 août, alors que la faiblesse de moyens de Mlle Treille la rend inapte pour la scène, ibid. ; c'est aussi le cas de Mlle Féart, à cause d'un grave défaut de prononciation, ibid., 27 sept. 11111 Le Mercure commence ses annales dramatiques par une revue sommaire de l'année 1816 et mentionne même quelques pièces représentées en déc. 1815, L.f., Revue de l'année 1816, et O., Suite de la revue théâtrale, M.d.F. l, Il et 18 janv. 1817. Ch.-B. Wicks, The Parisian Stage. University of Alabama Studies, 1950, 1953 et 1961, 3 vol., nous li été fort utile pour l'identification des auteur.;;.
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Variétés, du Vaudeville, de l'Ambigu et la Porte-Saint-Martin ont montés en scène. Si l'Opéra fournit à ses admirateurs huit nouveaux spectacles, l'Opéra-Comique en présente vingt, bien que les frontières soient mal définies entre ces deux théâtres. Encore faudrait-il ajouter que ces chiffres ne comprennent pas l'activité du Théâtre royal Italien, ni d'autres soirées musicales, ni enfin les manifestations du Cirque Olympique. L'étude de tous les spectacles représentés par les théâtres en question et le bilan de leurs gains comme de leurs pertes seraient évidemment beaucoup plus instructifs. Tout en se contentant des renseignements fournis par les recueils, à l'affût de nouvelles pièces, il ne serait pas imprudent de conclure que le théâtre continue à passionner le public, mais que les contemporains sont davantage assoiffés de rire facile, procurant une sensation de bien-être, que d'émotions fortes, provoquant la terreur ou incitant à la pitié. Que les ressorts de la tragédie aient semblé quelque peu usés aux contemporains, en regard d'une riche expérience collective et individuelle, ne .devrait pas nous étonner. Des Granges l'avait jadis constaté pour l'époque impériale 10\ signalant à travers l'optique dramatique de Geoffroy le rôle rafraîchissant du mélodrame et l'avenir prometteur que cette forme corrompue de la tragédie allait réserver au drame romantique 105. C'est juger ainsi le passé par anticipation des virtualités futures. Le fait est que les critiques dramatiques du Mercure et de la Minerve non seulement condamnent les élucubrations du mélodrame, mais insistent souvent sur le peu d'intérêt et l'ennui désolant dont le public fait preuve lors de la représentation des pièces que les pâles épigones de Pixérécourt ont fait jouer. Il faudra attendre que Charles X s'installe dans la fausse sécurité d'un régime de contrainte pour assister à l'éclosion d'une littérature dramatique qui s'en prendra au pouvoir par les transpositions scéniques ou qui assurera aux spectateurs la dose nécessaire d'évasion par une sorte d'exotisme théâtral. Toujours est-il que les années 1817-1820 témoignent d'un intérêt accru pour les comédies de tout genre. La débâcle de l'Empire et de la premiére Restauration, l'humiliation constante des vaincus et l'occupation accablante du pays, peuvent facilement expliquer le besoin de voir le tragique réduit aux dimensions réconfortantes du comique. L'étude du théâtre traduit aussi bien la sensibilité des spectateurs que la motivation des écrivains. Le tragique se réfugie dans l'histoire et le passé a des enseignements trop réversibles pour ne pas ramener le public vers une actualité toujours présente. Les annales nationales et étrangères fournissent une ample matière aux imaginations engagées. Arthur de Bretagne, Charlemagne, Lothaire ,les Vêpres siciliennes, Charles de Navarrc, Jeanne d'Arc ou Charles IX brodent des épopées dans lesquelles les intérêts du moment se retrouvent facilement. Aisément reconnaissables sont également les sujets lointains de Phocion, de Bélisaire et d'Abufar, ou moins éloignés de Philippe Il et de Marie Stuart. La figure de Charlemagne ne devrait-elle pas dominer la seconde Restauration et servir de phare lumineux à la royauté, prisonnière des émigrés? Il est vrai que le 104 105
Cf. Geoffroy et la critique dramatique, Paris 1897, Livre Il, ch. 1. Cf. ibid., ch. II.
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critique dramatique du Mercure n'insiste pas beaucoup, dans sa revue de l'année théâtrale de 1816, sur la pièce de Lemercier qui lui semble, bien qu'on y rencontre des parties de maître, de loin moins bien inspirée que l'Agamenflofl du même auteur 106. Mais la grande qualité du Charlemagne de Rigomer Bazin, œuvre qu'il a composée en prison, est justement d'avoir représenté le roi légendaire comme domptant sa noblesse turbulente pour garantir les libertés 107. On peut d'ailleurs se demander à partir de quelle date l'histoire nationale offre des sujets dignes de la plume des dramaturges. Lothaire l'usurpateur n'est pas tout à fait dénué d'intérêt, l'Empire et la Restauration se retrouvent dans le rétablissement de Louis le Débonnaire, peut-être le pavillon de Marsan aussi. Cette tragédie laisse cependant à désirer quant â l'intrigue, à la vérité des caractères et des mœurs, mais elle a surtout mal choisi son époque. Les annales nationales ne deviennent intéressantes qu'à partir des Capétiens, parallèlement au développement du pays. C'est alors seulement qu'elles sont susceptibles d'inspirer des thèmes poétiques. La chevalerie, les expéditions lointaines, les croisades, la religion et les guerres, l'amour bien sûr, tout concourt à la fois pour offrir à la tragédie des événements illustres 108. C'est la raison pour laquelle le Mercure ne s'est guère étendu sur la tragédie d'Aignan, Arthur de Bretagne 109. Le propre des tragédies historiques, c'est de ne plus recourir à la veine passionnelle épuisée par les grands devanciers, mais de traduire fidèlement les caractères et les mœurs. Le genre historique est le plus difficile, « parce que l'intérêt n'y est pas soutenu par les passions, les événemens, les coups de théâtre; il se contente de représenter au naturel les choses telles qu'elles ont dû arriver. C'est un mérite bien rare que celui de tracer des personnages connus avec des couleurs qui leur soient propres, et de manière à ce qu'on puisse les reconnaître au premier coup d'œil 110 ». Ce que le critique ne précise pas dans sa définition, c'est que la tragédie historique devrait être patriotique. Patriotiques sont les Vêpres siciliennes de Casimir Delavigne qui ont fait vibrer plus d'une corde libérale et nationale. Il suffit d'écarter de la scène le détestable Charles d'Anjou, mettre à sa place le généreux et sympathique Roger de Montfort et l'entourer du chef des conspirateurs, Procida, mal secondé par le terne Lorédan, son fiis, introduire dans la pièce un élément passionnel - Amélie - pour l'amour de laquelle Roger et Lorédan se trouvent être rivaux, afin que la tragédie réunisse tous les éléments susceptibles d'émouvoir le public. La sensibilité libérale trouve son compte dans la loyauté et le courage de Roger et son sentiment de supériorité dans la conspiration de 106 La tragédie de Lemercier a été représentée au Théâtre Français II! 27 juin 1816. Cf. L.F., la Revue cit. de L'année 1816, M.d.F. 1, Il janv. 1817. 107 Cf. SS., M.d.F. IV, 18 oct. Il s'agit d'une pièce imprimée. 108 Lothaire, trag. en :3 actes, par Hippolyte Bis et F. Hay, L.B. (vraisemblablement L.F.) c.r., M.d.F. l, 8 mars 1817. 109 Echec de la pièce au Théâtre Français le 3 déc. 1816, L.F., Revue, cit.,
de l'année /8/6. 110 Annales dramatiques, Théâtre Français, Germanicus, M.d.F. l, 29 mars
1817, p. 596.
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Procida. Le triomphe de la pièce à l'Odéon est fondé selon Tissot sur des beautés réelles, sur un sens scénique savant, une gradation ingénieuse de l'intérêt dramatique et surtout sur le don rare de l'auteur de communiquer sa passion au public. C'est là la qualité essentielle de l'auteur, à côté de laquelle pâlissent tous les défauts de la pièce lll. Autre tragédie patriotique, celle de d'Avrigny, Jeanne d'Arc à Rouen, jouée au Théâtre-Français le 4 mai 1819. Il ne faut pas oublier que la libération du territoire était à peine terminée et que la haine de l'Angleterre était toujours aussi vive 112. C'est faire œuvre pie que de remonter les sentiers de l'histoire pour éclairer l'actualité. Le dialogue de Jeanne avec les voix de l'au-delà constitue certes un inconvénient d'ordre doctrinal, mais le critique tourne vite la difficulté en parlant sur un ton badin de l'inspiration de l'héroïne et en attribuant ses exploits au brave Dunois. Il est vrai que l'action laisse à désirer dans fa pièce ainsi que la gradation de l'intérêt dramatique. D'une inconvenance artistique et surtout patriotique est le rôle principal attribué par l'auteur à Talbot. Cependant, ces défauts sont largement compensés par le tableau de l'occupation que le critique retrace en marge de la pièce autant que par les méfaits de la noblesse et les horreurs religieuses du tribunal qu'i! évoque avec l'auteur. Qu'on ne s'y méprenne pas, l'amour de la France inspire des vers - interprétés on ne peut mieux par Mlle Duchesnois - et suscite un intérêt dramatique auxquels la Minerve ne saurait rester insensible 113. Si le «genre historique» a tout intérêt à ne prospecter les annales nationales qu'à partir de la troisième race, il devrait aussi procéder par des choix motivés. Le véritable patriotisme ne saurait se prévaloir de tous les Bourbons ni se traduire par tous les dramaturges. C'est le cas de Louis IX d'Ancelot, malgré le succès que l'auteur a remporté au ThéâterFrançais. Dumoulin ne proposera-t-il pas de faire jouer la pièce à Brest - théâtre des troubles que la tournée des missionnaires y a provoqués afin de convertir les habitants aux vérités religieuses 114? La Minerve est capable par un effort réfléchi de rendre hommage au talent du jeune auteur. A maints égards, les carrières d'Ancelot et de Delavigne se ressemblent, mais le lecteur averti sait démêler les traits qui les distinguent. Intrigue, caractères et passions, tout se retrouve dans les Vêpres siciliennes alors que la captivité de Saint-Louis à Memphis porte uniquement sur les vertus d'un roi qui reste étranger au peu d'action qu'on y décèle 115. La tragédie de Brifaut, Charles de Navarre, constitue un cas flagrant de manque de patriotisme. Elle a pleinement mérité son échec à l'Odéon et 111 Cf. l'appréciation de Dumoulin, M. VII (13), fin oct. 1819 et surtout Tissot, c.r., M. VIII (3), 21 nov. La pièce a été représentée à l'Odéon le 23 oct. 112 Etienne annonce la tragédie en fin novembre 1818, dans des termes dithyrambiques, n° 34, M. IV (4), 28 nov. 113 Cf. O., c.r. de la pièce, Lettres sur les spectacles, M. VI (5), 5 juin. 1819. 114 Cf., M. VIII (1),8 nov. 1819; la pièce fut jouée le 5 nov. 115 Cf. le c.r. de la pièce, M. VIII (3), 21 nov. 1819.
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une critique impartiale ne saurait que confirmer la condamnation des spect a teu rs 116. Le patriotisme fait siennes les gloires épiques de l'Empire. Il défend inlassablement les gestes des généraux et de l'armée que les ultras ont dénigrés dès la premiére Restauration. La carrière militaire vertueuse de Phocion, bien qu'elle le condamne à une immobilité scénique fâcheuse, n'est pas sans exercer son charme sur le critique du Mercure. Il est vrai que l'auteur aurait tout intérêt à réduire les cinq actes à trois. Par ailleurs, le style de l'œuvre est de la «bonne école» et ajoute à l'attrait du sujet le mérite de l'expression 117. Germanicus est un autre exemple, mais combien éloquent, des généraux de l'antiquité que le recours à Tacite permet de transposer sur la scène de la Restauration. L'univers tragique de Germanicus est tiré du contraste violent entre le courage et la loyauté du héros principal et la déloyauté flagrante du pouvoir ainsi que des personnages secondaires. Aux caractères de Germanicus et de Pison, d'Aggrippine et de Plancine - leurs femmes respectives - que Tacite a dessinés et qu'Arnault a nuancés, ce dernier a ajouté les traits de Pison fils et de Séjan, incarnation de Tibère et du génie du mal. Les contemporains pouvaient se demander si Séj an-Tibère n'évoquait pas l'ombre de Bonaparte, mais ils pouvaient au même titre assimiler le meurtre du général romain aux assassinats et à la condamnation des maréchaux de France. Rien d'étonnant à ce que la première représentation ait donné lieu à des scènes fâcheuses qui en ont provoqué la suppression et que la presse de la droite s'en soit prise à l'auteur. Toutefois, l'actualité de l'œuvre ne fait que confirmer les mérites de la tragédie d'Arnault. La pièce répond il la conception de la tragédie telle que Marmontel l'a définie, ({ une action dramatique où la nature dans ses plus hautes proportions, est représentée dans l'état de souffrance où la mettent les passions violentes, les grands dangers et l'excès du malheur [ ... ]118 ». Une, grande, simple et noble, l'action est encore rehaussée par les prestiges d'un style nerveux et concis dont les vers étincelants abondent en pensées brillantes, qualités qui font oublier les quelques défauts anodins de l'œuvre et qui placent son auteur aux antipodes de l'affectation et de l'enflure de la nouvelle l'l'ok Il". Un autre exemple des citoyens-guerriers en butte aux persécutions de kur patrie ingrate, est fourni par Bélisaire, pièce que Jouy a dédiée à son ami Arnault. La décision de Deczes d'en interdire les représentations malgré l'approbation du Comité de lecture du Théâtre-Français et les correctifs que l'auteur y a apportés pour satisfaire les exigences de la censure, prouve à quel point le pouvoir était sensible aux allusions trans-
Ill.
Cf. Dumoulin, M. IX (6), 12 mars 1820; la pièce fut jouée à l'Odéon le
1"1 tnars. 111 Cf. le cr. anOl1vme. Théâtre Français. M.d.F. Ill, 19 juillet 1817. Phocion de l~o\,m1 fut représenté le 16 juillet. Le critique rappelle l'échec de Campistron il faire de Phocion un héros tragique. Il' Jouy. cr. de la pièce, l\\.d.F. Il, 10 mai 1817, p. 256. 11:' Cf. les Lr. de 1Lchrt11l J et celui de Jouy, M.d.F. l, 2U mars (Théâtre Français) et lI\.d.F. Il, 10 mai. La pièce fut jouée le 22 mars 1817.
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parentes de cette tragédie. Quelle aubaine pour l'auteur qui s'est empressé d'imprimer son œuvre et quelle bonne occasion pour le recueil de dénigrer les autorités 120 ! Si l'arbitraire de Justinien évoque la tyrannie de Bonaparte, le sort réservé au général Bélisaire - destinée fondée sur une tradition erronnée - a de quoi rappeler les humiliations et les souffrances des militaires, fidèles à leur pays comme à Louis XVIII. Pour le reste, intrigue, caractères, intérêt dramatique, moralisme philosophique, style et pensée concourent tous à assimiler Bélisaire aux grands modèles du théâtre 121. A la rigueur, Latouche peut trouver du mérite à la seule pièce originale que Ducis ait composée et qu'Ancelot a réadaptée à la scène, en y ajoutant un cinquième acte, d'après le plan que l'auteur avait dressé lui-même. Abu/ar n'a pas manqué d'attirer le public par le sujet exotique, les mœurs et les passions. L'échec de la pièce à l'Opéra, le 24 février 1818, lors de la représentation au bénéfice de Mlle Mars, a été compensé par le succès au Théâtre-Français auquel a fortement contribué l'interprétation de Talma et de Mlle Duchesnois 1~2. Beaucoup plus explicite est le sens de la tragédie imprimée de Rienzi, Philippe 11 et l'Inquisition, flétrissant les déviations de l'Eglise 1:!3. Encore plus méritoire est la tentative de Lebrun d'adapter la pièce de Schiller, en en élaguant tous les éléments superflus et en l'enrichissant par des développements audacieux, des caractères vrais et des situations dramatiques. Marie Stuart a valu à son auteur libéral au Théâtre-Français le plein succès qu'il méritait 124. Aux confins de l'univers tragique, la sensiblerie contemporaine peut satisfaire son besoin de justice et d'apitoiement par le drame de DrapArnaud, déroulant l'histoire d'un honnête homme, condamné à mort pour un crime qu'il n'a pas commis et qui quitte sa prison la veille de son exécution pour marier sa fille, mais qui revient à temps pour sauver son geolier. L'embourgeoisement de Socrate n'est pas sans frapper le critique qui trouve quand même à la pièce certaines scènes non dénuées d'intérêt n'eût été la mauvaise interprétation des acteurs, hurlant leurs rôles 125. La folie vraie ou supposée n'habite pas uniquement les théâtres du boulevard. Avec AlpllOnse, elle met en scène un jeune homme qui simule 1"0 Cf. Etienne, n° 33, Post-Scriptum, M. IV (2), 13 nov. 1818, où il annonce la publication de la tragédie, avec une préface et un avis préliminaire sur les tribulations des auteurs dramatiques dans la dix-huitième année du dix-neuvième siècle. Cf. également Tissot qui revient à la charge et cite les avatars de Molière et de Voltaire. La presse de l'extrême droit a attaqué la pièce, c.r., M. IV (7), 19 déc. m Cf. Tissot, ibid. 1"~ Cf. Annales dramatiques, M. 1 (5), 7 mars 1818. l"a Cf. SS., M.d.F. IV, 22 nov. 1817. 1"4 Cf. le c.r. enthousiaste de Dumoulin, M. IX (6), 12 mars 1820. Arnault, nouveau rédacteur du recueil, ne publiera que la première partie de son c.r., consacrée à l'analyse de la pièce de Schiller. Le rétablissement de la censure mettra fin à l'existence de la lHinerve. Cf. Arnault, M. IX (7), 17 mars 1820. l"C. Cf. le C.r. anonyme du drame ~ Le prisonnier de Newgate, représenté à l'Odéon le 28 mai 1817 --, Théâtre de l'Odéon, M.d.F. Il, 7 juin 1817.
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la démence pour échapper aux pièges que sa marâtre dresse contre lui afin de faire passer à son fils tout l'héritage 126. L'infatigable Lemercier, chantera en vers une tranche d'histoire, évoquant le drame d'Agar que son fils Ismaël, mûri par la baguette magique du dramaturge, réussit à sauver 121. La comédie héroïque à son tour associe avec beaucoup de succès les beautés de l'art antiqué aux prestiges du conquérant 128. Les mystères bibliques se donnent encore rendez-vous au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, réunissant Dieu, des anges, des démons, des hommes et des animaux, mêlant des morts subites à des résurrections miraculeuses, initiant les spectateurs aux secrets apocryphes par des écriteaux français et hébraïques et atténuant enfin ces frayeurs apocalyptiques par un charmant décor et de jolis ballets 129. Encore biblique est le mélodrame de Léopold et de Cuvellier 130 jonchant la scène de morts innombrables et adoucissant les assassinats guerriers par un décor magnifique et une musique 131 adaptée aux situations tragiques 132. L'histoire nationale finit bon gré mal gré par engager le mélodrame parmi ses interprètes attitrés. Rien de plus patriotique sous l'occupation humiliante que l'évocation de la figure légendaire du maréchal de Villars qui avait remporté en 1712 la victoire de Denain sur l'Europe coalisée 133. La veine du «bon sauvage» n'a pas été complètement épuisée au XVIIIe siècle. Le mélodrame le reprend à son compte et avec assez de succès, dans Aureng-Zeb ou la famille indienne, agrémentant les situations tragiques et les dialogues embrouillés d'un joli décor et d'une douce musique 134. Il échoue par contre dans Zuma et Karabi, sans que les chanteurs allemands que la Porte-Saint-Martin a engagés lui assurent plus de succès 185. Il arrive aussi que le mélodrame pour se maintenir 126 Le titre entier de la pièce porte: Alphonse, au les suites d'un second mariage, drame anonyme [de Légerl, en 3 actes et en prose. représenté à l'Odéon le 12 fév. 1818. Cf. Latouche, Annales dramatiql/es, M. 1 (2). 16 fév. 1818. 127 Le titre entier de la scène en vers porte: Agar et Ismaël ou l'origine du peuple arabe, jouée à l'Odéon le 23 janv. 1818, cf. ibid. 128 Alexandre chez Apelle, comédie héroïque en un acte et en vers de La Ville de Miramont, jouée au Théâtre Français le 22 avril 1816, L.F., Revue cit. de l'année 1816, M.d.F. l, 14 janv. 1817. 129 La pantomime en trois actes de Dupetit-Méré, portant le titre de Daniel ou la tasse al/X lions, a été jouée le 9 juillet 1817, M.d.F. II, 26 juillet. 130 Léopold pseudonyme de Chandezon. 131 Arrangée par Amédée qui a emprunté ses morceaux aux maîtres de l'époque. 132 La pièce en quatre actes, intitulée les Macchabées ou la prise de Jérusalem, a été jouée, avec succès, au Théâtre de l'Ambigu-Comique le 23 sept. Cf. M.d.F. IV, 11 oct. 1817. 133 Le maréchal de Villars au la bataille de Denain. en trois actes, œuvré de Duperche et de Dupetit-Méré, fut jouée au Théâtre de la Porte-Saint-Martin le 27 nov. Cf. M.d.F. IV, 6 déc. 181ï. 13~ La pièce de Dupetit-Méré, en trois actes, fut jouée à la Porte-Saint-Martin le 27 fév. Cf. L.F., M.d.F. l, 8 mars 1817. 13;; Zl/ma au le serment des Indiens, en trois actes, œuvre de Mme de B., fut jouée le 27 janv. 1818 et Karabi dans l'Ue des piqûres, vaudeville d'un acte de Gouffé et de Belle, joué le 17 janv. Cf. Latouche, Annales dramatiques, M. 1 (2), 16 fév. 1818.
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s'alimente aux sources poétiques médiévales et met en scène des tournois que des ballets et un décor fastueux enrichissent 136. Le drame bourgeois par contre offre des moyens toujours sûrs. Telle est l'histoire de l'honnête négociant Dumont qui, en proie à une grande misère, voit sa fille en butte aux persécutions du lieutenant à particule Edouard de Saint-Elme. Contrairement aux bonnes recettes d'un moralisme justicier, le brave négociant met fin à ses jours, après avoir tiré par méprise sur le père du lieutenant, et la fille innocente est enlevée par le noble lieutenant 137.
* ** Le rire est aussi politique que les larmes. Il remonte les sentiers de l'histoire pour fustiger le «vieux bon temps» ou pour offrir en exemple Henri IV que le libéralisme s'est approprié. La luxure, les ambitions sordides de la noblesse, son recours à l'étranger et son alliance avec la religion ainsi que l'empressement de tous les piliers du régime à servir leurs propres intérêts égaient souvent les spectateurs. C'est le cas du Mariage de Robert de France qui a connu un échec retentissant au Théâtre-Français 138. Les luttes des Armagnacs et des Bourguignons ne réflètent-elles pas les déchirements de la France actuelle, dus aux ultras et aux ministériels 139 ? Les ravages de la Sainte-Ligue et ses trahisons sont illustrés par la Famille aUnet 140. Par contre, les dramaturges n'auront jamais assez dit les vertus du roi constitutionnel Henri IV. Les comédies se succèdent à un rythme accéléré: Henri IV et Mayenne 141, la Pensée d'un bon roi 142, la Fête de Henri IV 143, une Matinée d'Henri IV surtout qui
136 Si l'intrigue est décousue et les liaisons mal assurées, la pièce n'est pas sans offrir des détails agréables et des couplets bien tournés: Petit Je/zan de Saintré et la dame des bel/es cousines, de Brazier et de Dumersan. Elle fut jouée à la Porte-Saint-Martin le 31 mars 1817. Cf. M.d.F. Il, 19 avril 1817. Le critique loue l'interprétation de l'actrice Jenny Vertpré et de l'acteur Moëssart. 137 Le mélodrame, d'abord en quatre actes et réduit par la suite à trois, de Boirie, de Duveyrier et de Merle, fut joué à la Porte-Saint-Martin le 9 sept. Cf. M.d.F. III, 13 sept. 1817. 138 Le titre entier de la comédie composée par P.-A. Veillard en un acte porte, le 1I1ariage de Robert de France ou l'astrologue en défaut. Elle fut jouée au Théâtre Français le 22 juin 1816, L.F., Revue cit. de l'année 1816, M.d.F. l, II janv. 1817. 139 Cf. Aignan, Galerie [ ... ], LI'. du Marguillier de Saint-Eustache, M. VI (10), 12 juillet 1819. 140 Composée par Mervilk en 5 actes et en vers, selon les meilleures recettes du genre, la Famille Glinet ou les premiers temps de la Ligue fut jouée à l'Odéon le 18 juillet 1818 et imprimée par la suite. Cf. Aignan, C.r., M. III (6), 15 sept. 1818. Hl Comédie en trois actes et en prose de Théaulon et de Rancé, jouée an Théâtre Français le 10 fév. 1816 et dont le titre entier porte, Henri IV et Mayenne ou le bien et le mal, L.F., Revue cit. de l'année 1816, M.d.F. l, Il janv. 181'7. 142 Comédie en un acte et en prose par ].-B. Dubois, jouée au Théâtre Français le 29 juin 1816. Cf. ibid. 143 Comédie en un acte et en vers par Balisson de Rougemont, jouée au Théâtre Français le 23 août 1816. Cf. ibid.
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montre il nu les agissements des courtisans 144. Moment heureux dans les annales nationales, le règne d'Henri IV est suivi par des époques douloureuses, telles les horreurs de la Fronde que le Chevalier de Candolle montrera sur scène 145 ou la corruption de la Régence incarnée par Vanglas 146. Les prétentions nobiliaires des émigrés sont bafouées grâce au recours
à un passé toujours fertiles en traits que les dramaturges grossissent. Le palais de la vérité permet aux femmes de devenir sincères et à la noblesse de montrer ses véritables mobiles 147 alors que la Suite du comte Ory 148 et Arlequin seigneur de village 149 exploitent un vieux fonds de griefs contre l'aristocratie. Tout près de la noblesse prétentieuse se trouve l'éternelle bourgeoisie stupide, éprise de fausses grandeurs sociales et prête à y sacrifier le bonheur des siens 1:;0. Les serviteurs zélés du pouvoir reçoivent leur leçon dans le Susceptible par honneur 151 et le Solliciteur 152. Une jolie tranche de mœurs est fournie par cette dernière pièce, créant
IH Comédie en un acte et en prose de Picard, jouée à l'Odéon le 17 mai 1817, .\\.d.F. 11, 7 juin 1817. 14.-, Le titre entier de la comédie de j.-F. Souque, en cinq actes et en prose, porte, le Chevalier dl' Candolle ou un épisode de la Fronde; la pièce fut jouée à l'Odéon le 27 mai 1816, L.F., Revue cit. de l'année 1816, Il janv. 1817. 14<1 Le titre entier de cette comédie de Picard, en cinq actes, porte, Van glas ou les allcil'Ils amis. La pièce fut jouée à l'Odéon le 28 aoftt 1817. A l'encontre du Chevalier de Candolle qui décrit toute la Fronde, Vanglas se caractérise par Quelqlles intrigues de ministère, par la carence comme par la lenteur de l'action et le désir de mettre en relief le personnage d'un parvenu, M.d.F. Ill, 1] sept. 1817. 147 Comédie anonvme en 3 actes et en prose, jouée à l'Odéon le 28 avril 1817. !llais l'allégorie du Palais des chimères a paru trop longue aux spectateurs, d'autant plus qll'elle est doublée d'une longue tirade contre les avocats et les médecins, M.d.F. Il, 3 mai IRI7. 1" Comedie de Ledoux, jout'e au Théâtre du Vaudeville et dont le répertoire de Wicks ne fait pas mention, M.d.F. IV, 11 oct. 1817. Hl> Vaudeville en lin acte de Balisson de Rougemont et T. Sauvage, joué ilU Thl'âtre du Vaudeville le 18 oct. lRl7. Cf. SS., M.d.F. IV, 22 nov, 1817. 1:0 La AlaT/il' des f{randellrs, comédie en 5 actes et en vers d'Alexandre Duval. jOllée au Théâtre Français le 21 oct. H!17. Le critique anonyme formule quelq~les réserves quant à l'action et quant au comique déclencbé uniquement par lks portraits satiriques -, mais par ailleurs il loue le sujet et la simplicit.! de J'artin!l comme l'interprétation de Mlle Mars, Dupuis, Baptiste aîné et Dama,,- .\1.d.F. IV, 25 oct. IHl7. Aignan, en revenant sur la pièce, la classe au premier rang des œuvres de Duval et exprime le vœu que son théâtre de caractère réponde aux exigences du style. Œuvre réussie à tous les égards, elle consacre également le lihéralisme de l'auteur, Galerie [ ... ], M. 1 (3), 22 fév. 1818. li est fort naisemblahle qu'Aignan ait écrit également 'la première critique anonyme, 1'-,1 Comédie en trois actes et en vers dont Gosse a changé le titre en la Crainte de l'opinion. Elle fut jouee au Théâtre Français le 15 avril 1818. Si Latouche en IOlle le sujet, il critique par contre le caractère du personnage principal ainsi que l'abondance d'incidents secondaires, Annales dramatiques, M.l (II), 19 avril 1818. 1:," Le Sollicitellr 011 l'art d'obtenir des places comédie-vaudeville en un acte et en prose de Scrihe, Dupin, Imbert, Varner et Delestre-Poirson, jouée au Théâtre des Varil,tés le 7 avril 1817. La pièce fut d'abord annoncée sous le titre de l'Aspirant. Le Mercllre en loue la malice et la vérité, l'art avec lequel l'intrigue est menée ainsi que la vivacité du dialogue, M.d.F. Il, lU avril 1817. Cf. également Latouche, Annales dramatiques, M. 1 (2), 16 fév. 1818.
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un type que tous les régimes connaîtront. Les idées inconstitutionnelles exprimées dans le Luthier de Lubeck provoqueront la verte réplique du Mercure 153 ainsi que l'Esprit de parti gouvernemental 154, méconnaissant à l'opposition son droit à l'existence. Même l'ingérence des femmes du faubourg Saint-Honoré dans la politique trouvera son châtiment dans les Cumices d'Athènes 155. Qu'il prenne le biais de l'histoire ou qu'il transpose l'actualité, le comique, lorsqu'il épouse la politique, n'en débouche pas moins sur des caractères. Déjà sc dessinent les traits d'une société fortement embourgeoisée. Le Parvenu, le Sulliciteur, le fonctionnaire Susceptible ainsi que le Médisant 156 de Gosse ou l'Egoïste par régime 157 de Longchamps et Laloue s'ajoutent au fonds comique du passé et annoncent bel et bien le théâtre de Scribe ou d'Augier. Cette évolution est d'autant plus nécessaire que la vigilance de la censure, les exigences des comités de lecture et d'une critique susceptible laissent une marge des plus étroites à la liberté de la comédie. Tableaux de mœurs et ébauches de caractères se mêlent, se juxtaposent ou se suivent, non sans que des allusions au présent ne percent ici et là. Andrieux dans la Comédienne 1;'8 et Casimir Delavigne dans les Comédiens 159 s'attachent tous les deux aux mœurs du théâtre, tout en combattant les préjugés. D'autres auteurs ont recours au fonds traditionnel de la ruse intéressée des Normands pour mettre aux prises l'avarice et un projet de mariage 160 ou déroulent un complot fomenté pour enfermer un mari berné et mettre la main sur ses biens 161. 153 Comédie en trois actes que Wicks attribue à Barrau, ou à Dieulafoy et à Gersin, jouée et sifflée au Théâtre Français le 27 déc. 1816. Cf. L.F., M.d.F. 1. 5 janv. 1817. 154 Comédie en trois actes et en vers d'Onésyme Leroy et P.-N. Bert, jouée ~. l'Odéon le 22 nov. 1R17. Sifflée en cinq actes, la pièce fut réduite à la 2' représentation à trois. Le MerCllre en critique l'action et les caractères, mais surtout l'esprit de l'Esprit de parti, M.d.F. IV, 29 nov. 1817. Fi5 Les Comices d'Athènes ou les femmes orateurs, comédie-vaudeville en un acte de Scribe et Varner, jouée au Théâtre du Vaudeville le 7 nov. 1817. 55. loue le sujet, mais il formule des réserves quant à l'encombrement de la pièce par les costumes et par le langage grec, M.d.F. IV, 22 nov. 1817. 156 Comédie en trois actes et en vers de Gosse, jouée au Théâtre Français le 23 sept. 1816, L.F., Revue cit. de l'année 1816, qui en loue la force des idées, M.d.F. 1, Il janv. 1817. F,7 Comédie en trois actes et en prose de Longchamps et de Laloue, jouée au Théâtre des Variétés le l,r fév. 1817. L.F., M.d.F. l, 8 fév. 1817, explique l'échec de cette pièce par son comique sérieux, peu adapté aux calembours du boulevard. 158 Comédie en trois actes et en vers, jouée avec succès au Théâtre Français le 23 sept. 1816, L.F., Revue cit. de l'année 1816, M.d.F. 1, 11 janv. 1817. I;;\l Comédie en cinq actes et en vers, jouée avec un très grand succès à l'Odéon le 6 janv. 1820, Dumoulin, M. VIII (II), 15 janv., où il rend un hommage éclatant au génie du jeune poète dont la pièce abonde en heureuses saillies, en traits piquants, en scènes amusantes et dont les vers sont bien frappés et surtout bien pensés. 16" La VendanKe normande ail les dellx voisins, vaudeville en un acte de Gentil, D.-A.-F. et P.-J.-L. Barrière, joué au Théâtre des Variétés le 2/l mars 1817. Le Merc1lre reproche à la pièce son manque de gaieté, M.d.F. l, 22 mars. 161 Le Complot domestique ou le maniaqlle supposé, comédie en trois actes et en vers de Lemercier dont le sujet a été emprunté au Mariage extravagant
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La folie à la mode pour les montagnes russes, aménagées au Bois de Boulogne, se poursuit sur la scène, accompagnée d'un chirurgien et d'un médecin 162. L'habileté de certains établissements parisiens pour attirer chez eux une nombreuse clientèle afin de la dépouiller par les jeux de son argent est spirituellement critiqué dans un à propos 163. Avec plus ou moins de bonheur se dessinent des traits de caractère appelés dans la plupart des cas à une courte survie. Piètre personnage que celui du Faux Bonhomme de Lemercier et dont la chute au ThéâtreFrançais a rapidement fait justice 164. Une verve endiablée et une certaine amoralité avaient assuré aux Deux Philibert de Picard un succès facile 165. Ce ne sera guère le cas de la Suite des Deux Philibert, montrant l'évolution d'un mauvais sujet 166, et guère mieux celui de l'Ami Clermont de Marsollier, couronnant la dissipation d'un jeune homme par le mariage avec une veuve 161, ni celui d'un ivrogne de prince à qui Bacchus fait commettre les pires des folies 168. Une fortune bien différente sera réservée au brave marchand Calicot, pris, après la paix, de passion belliqueuse. Avec esprit et pénétration Scribe et Dupin ont monté en scène ce travers 169, mais la pièce a donné lieu à des rixes homériques et les auteurs ont profité de l'occasion pour défendre brillamment leur thèse 110. La comédie peut toujours se rabattre sur les thèmes intarissables de l'amour et du mariage, bien que le critique de la Minerve pense que les de Désaugiers et Valori comme à d'autres pièces plus anciennes. La pièce de Lemercier se distigue par un gai comique et un caractère original, mais elle contient également des invraisemblances choquantes et s'exprime souvent dans des vers bizarres, M.d.F. lll, 21 juin 1817. 16~ La Folie Beaujon ou une heure avant l'ouverture, scène épisodique en un acte de Delestre-Poirson et Désaugiers, jouée au Théâtre du Vaudeville le 10 juillet 1817. Si la gaieté se fait rare dans ce vaudeville, quelques couplets bien tournés, la jolie voix de Mlle Lucie et un nouveau décor constituent un appoint précieux à la faiblesse de la pièce, M.d.F. III, 26 juillet. 163 Le Bal à la mode, à-propos en un acte et en prose de Fontanes de Saint-Marcellin, joué à l'Odéon le 7 fév. 1818, Latouche, Annales dramatiques, M. J (5), 7 mars. 164 Comédie en trois actes et en vers, jouée le 25 janv. 1817 au Théâtre Français, à l'occasion de la retraite de Mlle Emilie Contat. 165 Comédie en trois actes et en prose, jouée à l'Odéon le 10 août 1816, L.F., Revue cil. de l'année 1816, M.d.F. J, Il janv. 1817. Hi'; Comédie en trois actes et en prose, de j.-c. Moline et Lallemand, jouée à l'Odéon le 4 fév. 1817. 167 Comédie posthume en trois actes et \.'n prose, jouée d'abord à l'Opéra le 2-1 fév. et après son échec, au Théâtre Français le 26 fév. 1818. Thème banal, c'est grâce à quelques détails et à l'interprétation de Mlle Mars, Fleury et Michelot que la pièce n'a pas sombré, Latouche, M. J (5), 7 mars 1818. 16S Le Prince en goguette ou la faute et la leçon, comédie-vaudeville en deux actes de Bouilly et Désaugiers, jouée au Théâtre du vaudeville le 21 avril 1817, M.d.F. Il,3 mai 1817. 169 Le Combat des montagnes ail la folie Beaujon, folie-vaudeville en un acte, jouée au Théâtre des Variétés le 12 juillet 1817, M.d.F. III, 26 juillet .:t 2 août. 170 Le Cl/fé des Variétés, prologue-vaudeville, joué au même Théâtre le 5 août, ibid., 9 août 1817.
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grands ressorts du comique sont épuisés et que des effets nouveaux ne peuvent être produits que par d'ingénieux mélanges 171. La Restauration s'avère aussi avide de virginité que de gauloiseries. Les rosières sont toujours à la mode 172, l'infidélité féminine aussi 173. Les séductions 174, les duels passionnels 175 et les veilles matrimoniales 176 se rencontrent aussi souvent que les gestes chevaleresques des Don Quichotte amoureux 177. Les intrigues passionnelles 178 aiment les quiproquos qui mettent aux prises plusieurs candidats au mariage 179 ou un comique larmoyant qui permet aux jeunes couples de surmonter les obstacles et d'offrir aux spectateurs un bonheur béat ISO. La vertu farouche se métamorphose souvent Cf. O., Lettres sur les spectacles, la Fille d'honneur, M. V (9), 2 avril 1819. Les ci-devant Rosières ou trente ans d'absence, çomédie-vaudeville en un acte de Dumersan et Brazier, jouée au Théâtre des Vanétés le 1"' mars 1817. Le Mercure critique vertement cette farce triviale, L.F., M.d.F. l, 8 mars; le Certificat d'innocence, comédie-vaudeville anonyme en un acte, jouée ail Théâtre du Vaudeville le 10 avril 1817, travestit deux paysannes en dames et une veuve en villageoise. Le Mercure ne ménage pas sa critique sévère à l'endroit de telles niaiseries, M.d.F. Il, 19 avril. 173 Les Femmes infidèles ou l'anneau de la reine Berthe, vaudeville en trois actes de Montperlier, joué à la Porte-Saint-Martin, avec très peu de succès, le 27 sept. 1817. 174 Fidélio ou le petit séducteur, vaudeville en un acte de Revel, joué et sifflé au Théâtre du Vaudeville le 27 oct. 1817, SS., M.d.F. IV, 22 nov. 175 Le Duel par la croisée ou le Français à Milan, comédie-vaudeville de Dieulafoy et Gersin, jouée au Théâtre du Vaudeville le 17 janv. 1818. Les représentations furent interrompues à la suite de la maladie de l'acteur Gonthier, Latouche, Annales dramatiques, M. 1 (2), 16 fév. 176 La Veille du mariage ou encore une folie, comédie de Capelle et Gabriel qu'ils ont remise en scène, après des changements, pour remplacer le Duel, Latouche, ibid. 177 Le Chevalier français ou tout pour l'amour, comédie posthume de Monvp.1 en quatre actes et en vers, jouée à l'Odéon le 5 mai 1817. Si le comique de la pièce ennuie, la partie pathétique, par contre, amuse beaucoup, M.d.F. Il, 10 avril. 178 Le Mercure passe sous un silence dédaigneux les Huit lieues à faire comédie-vaudeville d'un acte, composée par un ancien officier et jouée au Théâtre du Vaudeville le 11 mars 1817, M.d.F. l, 15 mars. Si cette comédie n'est qu'une fade intrigue d'amour, Mademoiselle .. * ou le premier chapitre du roman - vaudeville d'un acte joué au même théâtre le 14 juin - , n'est qu'une imitation de l'Heureuse erreur de Patrat. Par contre, le recueil console Désaugiers, Cogey et Poncy [?, d'après Wicks) de l'échec de Huit jours de sagesse, comédie-\'
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en dragun qu'un amour venu à point nommé sait adoucir IHI. La jeune vertu obscure est souvent récompensée ici-bas lH:! alors que les quinquagénaires grisonnants, en mal d'épousailles, doivent se contenter de fruits mûrs 183. Avec des succès variables, le comique cherche sa fortune dans l'adaptation à la scène des contes légendaires et populaires ou dans le recours à des personnages comme à des œuvres littéraires célèbres. Ainsi, Blache père, faisant concurrence à l'Opéra, excite à la Porte-Saint-Martin le rire ct l'intérêt par son Calife généreux, faisant alterner des tableaux joliment dessinés et des danses gracieuses ou grotesques 1'4. Le petit Chaperon rouge permet au même théâtre, grâce au changement du thème et à un cadre féerique, de donner un spectacle brillant et varié, au dialogue souvent fin et naturel ls :;. Peu de succès accueille au Théâtre des Variétés l'adaptation d'un autre conte, le Pâté d'anguilles 1'6, pas plus qu'au Théâtre-Français une fade intrigue amoureuse, Adrienne Leconvreur 1'7. Un accueil plus chaleureux est réservé au ballet-pantomime (raduisant par des pirouettes le Barbier de Séville 188, ou à l'adaptation transposant sur la scène du Théâtre du Vaudeville des chapitres de Faublas IHH. La sensibilité werthericnne sera parodiée au Théâtre des Variétés, montrant le non-sens d'un excès passionnel couronné par une mort volontaire IUO. ont l11ultiplié les incidents pour prouver qu'une douce vie conjugale l'emporte sur les vaines apparences, M.d.F. Ill, 27 sept. ; la Fille d'honneur, comédie en cinq actes et en vers d'Alexandre Duval, jouée au Théâtre Français le 30 déc. IHI8. C'est par cette comédie de grand genre que l'on peut se rendre compte des limites d'un comique qui multiplie les effets secondaires pour arriver au dénouement de la pièce précédente, O., Lettres sur les speelacles, la Fille d'honneur, i\t V (Yl, 2 avril 181Y. 1'1 Le Petit dragon, vaudeville en deux actes de Scribe, Delestre-Poirson et Duveyrier, joué au Théâtre du Vaudeville le 18 sept. 1817; le petit Dragon ou la demoiselle et la paysanne - , vaudeville anonyme en deux actes, joué au Théâtre des Variétés le 22 sept. 1'" Les Deux Anglais, comédie en trois actes ct en prose de Merville, jouée il l'Odéon le 3 juillet 1817, M.d.F. Ill, 12 juillet; Maria ou la demoiselle de compagnie, comédie en un acte et en wrs de Léger, jouée à l'Odéon le le, déc., M.dY. IV, 6 déc. ; la Maison en loterie, comédie en un acte et en prose de Picard et Radet, jouée à l'Odéon le 8 déc., M.d.F. IV, 13 déc. 1": Le Capitaine Be/ronde, comédie en trois actes et en prose de Picard, j()uée il l'Odéon le 4 mars 1817, L.F., M.d.F. 1,8 mars. l" Haroull-al-Rasclzid ci Zobéïde ou le Calife généreux, pantomime en trois actes par /.-8. Blache père, jouée le 27 oct. IHI7, SS., M.d.F. IV, 22 nov. 1'" Mélo-féerie en trois actes de Brazier ct Dupetit-Méré, jouée le 28 fév. 1818, Latouche, M. i (5), 7 mars. 1"0; Le Pa té d'anguilles ou le llUiprVlJllo, vaudeville en un acte de H. Simon et A rm. d'Artois, joué le 22 janv. 1818, Latouche, Annales dramatilJues, M. 1 (2), 16 fév. 1', Adrierzne Lecouvreur ou la jeunesse du comte de Saxe, comédie-anecdotique en un acte et l'n vers d'A. Charlemagne, jouée le 2 août 1817, M.d.F. Ill, 9 août. 1" Rosine c/ Almal'il'lI, de Blache père, M.d.F. 111,3 mai 1817. lM' Cf. Latouche, Annales dramatit/ues, M. 1 (5), 7 mars 1818. 1,1() Werther vu les égarements d'un CŒur sensible, drame historique en un acte de G. Duval et Rochefort, joué le 22 sept. 1817, M.d.F. IV, Il oct.
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Des ressources non négligeables enfin sont offertes à la comédie, notamment aux théâtres de boulevard, par la satire des pièces qui ont connu des échecs ou récolté des applaudissements. Il n'est pas rare de voir les auteurs se parodier eux-mêmes. C'est le cas de Jouy pour son opéra Fernand Cortez 191 ou de Théaulon pour son opérette la Clochette de l'opéra 192, avec cette différence que la chute de la dernière pièce explique mal le désir de l'auteur de se voir ridiculisé au Théâtre du Vaudeville. La revue de l'activité dramatique par la parodie non seulement sacrifie au goût du public par la consécration des pièces à succès ou la condamnation des œuvres sifflées, mais permet également aux dramaturges d'y insérer des allusions contre la censure ou de régler leur compte aux théâtres rivaux 193. L'interprétation des vaudevilles ainsi que le décor ou la musique sauvent souvent les théâtres de boulevard d'un échec certain. Le jeu de Potier ou de Lepeintre est consacré par une solide réputation 194.
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Le Théâtre de la Porte-Saint-Martin, en recourant à la pantomime, à la musique, à la danse ou à un décor fastueux empiète souvent sur l'Opéra et l'Opéra-Comique et prouve à quel point le public de la Restauration, à l'exemple des contemporains de Voltaire et de Rousseau, ressent le besoin d'évasion et le satisfait par un art qui tourne le dos à la raison raisonnante. Mais la confusion des genres, notamment sur la scène des «théâtres lyriques », paraît au critique du Mercure le symptôme manifeste de la décadence des arts. Si l'opéra, selon la définition de Voltaire ou l'art de Quinault, est constitué par le concours équilibré d'un dramaturge, d'un musicien, d'un chorégraphe et d'une sorte de metteur en scène, il est certain que Gluck l'a dénaturé en France par la prépondérance accordée soit à l'élément pathétique, soit à l'élément comique, soit à l'élément chorégraphique. C'est l'envahissement de Cf. M.d.F. Il,21 juin 1817. De Paris à Pékin ou la Clochette de l'Opéra-Comique, parodie-folie-féerie en un acte de Désaugiers, Théaulon et Arm. d'Artois, jouée le 27 nov. 1817, M.d.F. IV, 6 déc. 193 Cf. Wallace (thème représenté à l'Opéra) ou la barrière du Mont Parnasse, vaudeville en un acte de Scribe, Delestre-Poirson, Dupin et Désaugiers, joué au Théâtre du Vaudeville, le 8 mai 1817. La dernière partie a moins impressionné le public que la première, à cause de ses longueurs. Eloge de l'interprétation de Gonthier, M.d.F. Il, 10 mai; Tous les Vaudevilles ou clzaClln chez soi, à-propos en un acte de Scribe, Désaugiers et Delestre-Poirson, joué au Théâtre du Vaudeville le 16 août 1817. La pièce ne pèche pas par un excès d'esprit, M.d.F. III, 23 août; la Promenade de Saint-Cloud, bluette épisodique en un acte de Vafflard et A.-P.-j. Rouval, jouée au même théâtre le 10 sept. Toutes les curiosités et toutes les caricatures de la capitale y sont passées en revue, mais la pièce gagnerait à être réduite. Eloge de l'interprétation de Philippe, M.d.F. Ill, 13 sept. ; De Paris à Pékin, œuvr. cit., il n'y a que la parodie de l'opéra les Danaïdes qui y soit réussie, M.d.F. IV, 6 déc. ; Le Rideau levé ou le Parnasse assiégé, vaudeville en un acte d'Arm. d'Artois et Théaulon, joué sans succès au même théâtre le 9 avril 1818. Le critique leur reproche les injures qu'ils adressent aux dramaturges, Latouche, M. 1 (Il), 19 avril. 194 Cf. p. ex. 55., M.d.F. IV, 22 nov. 1817. ln1
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l'opéra par les ballets qui traduit le dernier degré de décadence, mettant l'Académie de musique aux prises avec les théâtres de boulevard 195. Dans sa revue de l'activité théâtrale de l'année 1816, le Mercure fait état de trois opéras et de trois ballets. Le Rossignol d'Etienne 196, malgré la difficulté du sujet rebattu, a le mérite de faire abonder dans cette pastorale lyrique mots d'esprit et traits de gaieté, bien que le cadre soit peu adapté à l'Opéra. Les Dieux rivaux de Dieulafoy et Brifaut, par contre, présentent l'exemple malheureux de l'abus excessif de la mythologie dans les compositions «lyriques» 191, d'autant plus que les idées politiques des auteurs sont peu goûtées par le recueil. Plus malheureux encore est l'opéra-ballet Nathalie, imité d'un opéra-comique de Duval et Boïeldieu 198. Des trois ballets, le critique ne mentionne que Zéphire et Flore qui a valu à son auteur Didelot un éclatant succès 199. Cette revue sOlllmaire des manifestations de l'Opéra en 1816 est suivie d'appréciations plus ou moins longues pour les années 1817-1820. Le Mercure insiste peu sur les pièces du répertoire jouées par l'Opéra, à moins qu'il ne tienne à en apprécier l'interprétation 200, faire état des représentations consacrées à la retraite des acteurs en vogue 201 ou des œuvres reprises après adaptation. C'est à cette dernière occasion que le critique revient à la charge pour reprocher à la direction de l'Opéra la remise sur scène des pièces mythologiques qui, en effrayant l'imagination, révoltent la raison 20~ ou des œuvres mélodramatiques qui ont depuis longtemps épuisé l'enthousiasme des spectateurs 203. Le public Cf. O., Suite de la Revue théâtrale, M.d.F. l, 18 janv. 1817. Opéra-comique en un acte et en vers, musique de Lebrun, représenté le 23 avril 1816. 1û7 Les Dieux rivaux ou les fêtes de Cythère, opéra-ballet en un acte, musique de Kreutzer, Persuis et Spontini, ballet de Gardel, joué à l'Opéra le 21 juin 1816. Le Mercllre fait aussi état du nom du compositeur Berton. HI~ Nathalie ou la famille russe, opéra en trois actes de Guy, musique de Reicha, joué à l'Opéra le 30 juillet 1816. 199 Ballet en deux actes, joué à l'Opéra le 12 déc. 1815. Pour toute cette partie, cf. O., la Suite, cit. de la Revlle Théâtrale. 200 Lors de la reprise de Panurge dans l'île des lanternes, comédie-opéra en troi~, actes et en vers du comte de Provence et de Morel Chedeville, musique de Greiry -, représentée à l'Opéra le 25 janv. 1785. le MerCllre loue le jeu des acteurs. mais il estime que la musique de Grétry est restée fort au-dessous de ses promesses et que l'auteur Morel fait un abus flagrant de la déraison, M.d.F. l, 25 janv. 1817; l'actrice et cantatrice Mlle Grassari a fortement contribué au succès de la 176' représentation de la Vestale de Jouy, les acteurs Lays et Dérivis également, M.d.F. IV, 11 oct.; grand éloge de l'acteur Le Comte que l'Opéra venait d'engager et de son interprétation, M.d.F. IV, 13 déc. ~>(>1 Cf. supra, n. \01. 202 C'est le cas des Danaïdes, opéra en cinq actes, paroles de Rollet et Tschudy, musique de Salieri, représenté à l'Opéra le 26 avril 1784; Œuvre absurde dont les divertissements, les chœurs et les ballets traduisent les mêmes défauts fâcheux. Spontini a composé la Bacchante, ajoutée au troisième acte. Le Mercure en citant les noms des auteurs évoque les mutilations que RoUet avait fait subir à l'Iphigénie de Racine ainsi que les violences faites à la langue par le seigneur hongrois Tschudy. Eloge, en revanche, de l'interprétation de Mme Branchu et appréciation et critique du décor, M.d.F. IV, 8 nov. 1817. ~03 Ossian ou les bardes, opéra en cinq actes de J.-M. Deschamps et Dercy, musique de Lesueur, joué à l'Opéra le JO juillet 1804, M.d.F. IV, Il oct. 1817. 1f15
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devrait prendre pour modèle la Vestale de Jouy qui inspire un intérêt touchant et une terreur attendrissante 204. C'est le même auteur qui, en réadaptant son Ferdinand Cortez, par le changement d'ordre des actes et l'invention d'un nouveau personnage, a recréé un autre modèle du genre. Grâce et pureté de style, musique suave, divertissements d'une forte originalité, évolutions merveilleuses des danseurs et de la cavalerie, magnificence enfin du décor, tout a concouru à la réussite de l'œuvre 205. Il est à regretter que la critique attache plus d'importance à la musique qu'au texte littéraire, bien que l'écrivain s'astreigne à adapter son œuvre aux nécessités du compositeur et du chorégraphe. C'est là une fâcheuse habitude que le triomhpe de la musique italienne et allemande a irriplantée en France 206. Les mêmes jugements se retrouvent dans la condamnation de Prospérine de Gardel, où les divinités mythologiques usées sont mal compensées par des morceaux de musique appréciables, des danses bien menées, une excellente interprétation des rôles et un décor de Cicéri des plus fastueux ~07. Dieulafoy et Brifaut n'ont pas plus de chance avec leur Olympie - imitation de Voltaire - auxquels le critique reproche en outre leur inspiration ultra ou ministérielle 208. L'opéra pseudo-historique de Guy - Roger de Sicile - où personnages et événements sont créés de toutes pièces - n'offre d'intérêt ni par les paroles, ni par le style malgré le talent déployé par les acteurs et d'excellents morceaux de musique de Berton 20\). Il faudrait se méfier des simplifications excessives. L'opéra-comique ne serait pas à la comédie ce que l'opéra est par rapport à la tragédie. L'ouverture d'esprit des rédacteurs du Mercure se distingue davantage par la continuité que par la rupture brutale avec une poétique révolue. L'opéra-comique est un genre faux sinon bâtard dont les personnages parlent et chantent alternativement. Il ne faudrait y chercher ni un plan logiquement conçu, ni vraisemblance, ni action forte, ni vérité des caractéres: «un sujet susceptible de mouvements et de contrastes, dont la musique est avide; des scènes filées sans autre art, sans autre but que d'amener quelques tableaux; un dialogue vif et rapide dont tout l'artifice consiste à lier entre eux les divers morceaux de chant, telles sont Cf. la critique cit. du Mercure des Danaïdes. Cf. L.F., M.d.F. Il, 31 mai 1817. La musique est de Spontini alors que Gardel a composé les divertissements. Eloge des danseurs Albert et Paul et des danseuses Bigottini, Fanni Bias et Mme Courtin. 200 Cf. M.d.F. 1II, 13 sept. 1817. Eloge de l'interprétation de Lays, de Lavigne et de Mme Albert. 207 Ballet-pantomime en trois actes, musique de Schneitz-Hoffer qui a imité d'ailleurs Catel - , joué à l'Opéra le 8 fév. 1818; éloge de l'interprétation de Mlles Clothilde, Bigottini et Masrulié, Latouche, Annales dramatiques, M. 1 (5), 7 mars. 208 Opéra en trois actes, musique de Spontini, joué à l'Opéra le 20 déc. 1819, Dumoulin, M. VIII (8), 27 déc. 200 Roger de Sicile ou le roi troubadour, opéra en trois actes et en vers, joué à l'Opéra le 4 mars 1817; éloge de l'interprétation de Mme Branchu, de Lais, Dérivis et Nourit, L.F., M.d.P. l, 8 mars 1817. 204 205
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les conditions, pour ne pas dire les règles de l'opéra-comique ~1O. » Avec ces critères raisonneurs en main, le critique peut procéder efficacement à la prospection des œuvres. Si le théâtre Feydeau, l'OpéraComique, s'est signalé au cours de l'année 1816 par une activité débordante, il n'a enregistré de succès que pour quatre pièces sur quatorze. La prose et les vers de Sewrin auraient condamné la Fête du vil/age vuisin à un échec certain n'eût été l'appoint considérable apporté par la musique de Boïledieu 211. C'est le cas également de la Journée aux aventures dont le sujet est des plus appropriés à l'opéracomique. Mais l'incohérence de l'action, le manque de liaison entre les scènes ct d'art dans le style sont largement compensés par le charme de la musique de Méhul 212. Ouvrage de circonstance, Charles de France de d'Artois et Théaulon a survécu au moment qui l'a inspiré grâce à la pureté du style, à la richesse des tableaux et à une musique de choix 213•. Si la manière d'Etienne dans l'Une pour l'autre n'est pas celle de sa Joconde ou de son Jeannot et Colin, elle réunit cependant toutes les qualités pour assurer à la pièce un succès durable 214. Thèmes champêtres, passionnels et historiques se retrouvent dans la production dramatique du Théâtre Feydeau, doublés parfois d'éléments mélodramatiques ou de motifs littéraires. Le MerCllre semble regretter que ce théâtre n'ait pas préservé la tradition de Sedaine qui a su mélanger les scènes et aménager des contrastes finement nuancés entre l'attendrissement et la gaieté 21". Malgré un redoublement d'efforts pour renouveler son répertoire, le théâtre est abandonné par auteurs et acteurs et éclipsé par l'Opéra. Le départ de Martin pour le Midi, son remplacement par Welch ainsi que l'abondance d'œuvres de circonstance expliquent l'état lamentable du théâtre 216. Le retour de Martin et un changement d'orientation dramatique finissent par faire regagner au Théâtre Feydeau la faveur de ses anciens habitués 217. Le Mercure et la Minerve suivent de près les représentations de l'Opéra-Comique, notant en passant les manifestations à la mémoire de Monsigny 218, l'un de ses fondateurs, ou la retraite de Gaveaux 219. La O., Saitc, cit., de la revue théâtrale, M.d.F. J, 18 janv. IHI7, p. 101. Opéra-èomique en trois actes, représenté le 5 mars 1816, ibid. 212 Opéra-comique en trois actes et cn prose de Capelle et Louis Mézières, représenté le 16 nov. 1816, ibid. 21:: Charles dl' France ou amour ct gloire, opéra-comiquc en deux actes, représenté le 1il juin 1816; Wicks cite un troisième auteur, Rancé; le Afereure rend hommage au jeune compositeur Hérold que Boïeldieu a associé à la partie musicale de cette œuvre. ibid. 214 L'une pOl/r l'ol/tre ou l'i'lllèl'Cml'nt, musique de Nicolo, opéra-comique ,'11 trois actes, rep,.ésellté le II mai 1816, ibid. "15 Cf. le c.r. de Wallace, M.d.F. II, 5 avril IHI7. 21" Cf. M.tI.F. III, 23 août 1817. 217 Cf. M.LlY. IV, II oct. 1817. "1' 011 a joué à cette occasion la pièce de Monsigny, Félix et le déserteur; le 111 erCl/re rappelle la contribution de Monsigny à l'Opéra et surtout à l'OpéraComique, M.d.F. J, 25 janv. 1817. "lU On a représenté à cette occasion, le 10 fév. 1818, la Nuit au bois ou le muet de circonstance (musique de Gaveaux), la Gageure imprévue et la Fêle du l'illage voisill, Latouche, Allnales dramatiques, M. 1 (2), 16 fév. 2111
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reprise de l'ancienne pièce de Chérubini - Lodoïska - dont la partie musicale constitue un véritable chef-d'œuvre -, provoque la critique acerbe du Mercure quant aux éléments mélodramatiques qui y abondent et qui ont fini par lasser le public 220. C'est natemment le cas de Wallace de Fontanes de Saint-Marcellin. Chassé des théâtres de boulevard, le mélodrame s'est réfugié auprès d'un des théâtres nationaux. Wallace a tous les défauts du genre sans avoir les qualités de l'œuvre de Pixérécourt et Caigniez. Reprenant le thème de Richard Cœur-de-Lion, l'auteur n'a su ni nuancer la gradation du pathétique vers le comique ni rendre l'action intéressante. Ces graves défauts sont quelque peu rachetés par la musique originale de Catel dont la partition est remarquablement travaillée. Encore est-elle trop monotone au gré du critique, fait inévitable, paraît-il, dans les excès ossianiques 221. La vertu innocente a sa place aussi au Théâtrê Feydeau, dans les Rosières de Théaulon et Rancé, plate imitation de la Joconde d'Etienne, rehaussée quelque peu par des scènes et des tableaux agréables ainsi que par la musique charmante du jeune Hérold et la bonne exécution des chants et de la danse 222. Le thème de l'amour remplit également les annales de l'Opéra-Comique, étroitement lié aux épaulettes des militaires. C'est le cas des Deux capitaines de hussards - imitation fantaisiste de Beaumarchais -, qui ont connu un échec cuisant après celui du Revenant 223. C'est encore celui du Caprice d'une jolie femme qui finit par opter pour un capitaine de hussard contre son rival, un homme de cour. Les sifflets du parterre ont fait justice du tissu de bêtises et d'inconvenances qui y abondent 224. L'échec est semblable pour tout un régiment de hussards 225 comme pour le Trompeur sans le savoir 226. Si la claque assure le succès de la Clochette lors de la première représentation, il n'en sera pas de même dans la suite et le conte de la lampe merveilleuse sur lequel repose la pièce s'avèrera d'un ennui mortel 2~'. La confrontation de Louis XII et d'un manant dont les fils ont servi le roi - inspirée d'une mauvaise pièce espagnole -, n'a pas 220 Cf. M.d.F. Ill, 7 Juin 1817. Mlle Regnault a mal chanté son rôle alors que Ponchard et Chénard ont bien joué les leurs. 221 Wallace ou le ménestrel écossais, opéra-comique en trois actes, joué le 24 mars 1817; éloge de l'interprétation de Huet, Ponchard et Dancourt, M.d.F. Il, 5 avril. 22~ Opéra-comique en trois actes, joué le 27 janv. 1817, 500 billets auraient été distribués pour assurer le succès de la pièce, O., M.d.F. l, lor fév. 1817. 223 Les deux capitaines de hussards, opéra-comique d'un acte, musique de Nicolo, joué le 17 mars 1817, devait regagner la faveur du public qui avait sifflé le Revenant, opéra-comique en un acte, joué le 15 fév., M.d.F. l, 22 mars. 224 Caprice d'une jolie femme ou la boucle de cheveux, comédie en un acte, jouée le 29 avril 1817, M.d.F. II, 3 mai. 225 Les Hussards en cantonnement, opéra-comique en trois actes de St-Elme, musique de Champein, joué le 28 juin 1817, M.d.F. III, 12 juillet. 226 La leçon de Wicks porte, le Trompeur sans le vouloir, opéra-comique en trois actes, joué le 24 mai 1817 ,M.d.F. II, 31 mai. 227 La clochette ou le diable page, opéra-féerie en trois actes de Théaulon, musique de Hérold, joué le 18 oct. 1817, M.d.F., IV, 25 oct.
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résisté à l'orage que la première représentation a soulevé malgré quelques idées libérales qui l'accompagnent 228. Enfin, une comédie de Regnard, adaptée à la scène de Feydeau et agrémentée par des morceaux de musique entraînante, a connu un succès appréciable 229. Nous avons évoqué l'espoir des amateurs de voir le Théâtre royal italien renforcé par des chanteurs et des cantatrices de Londres ainsi que la critique sévère de la presse à l'endroit de Mme Catalani, la directrice, et la consternation du public à la nouvelle de la clôture du théâtre 230. Peu de commentaires accompagnent dans les colonnes du MerCl/re l'activité musicale du Théâtre italien. La reprise d'Il Matrimonio per raggio de Cimarosa - jugé comme une de ses compositions les plus faibles - donne l'occasion au Mercure de louer le chant de Garcia 231 ou de rendre hommage à celui-ci pour sa tentative de refaire Il Catifo di Bagdad après Boïeldieu 232. Par ailleurs, il loue le chant du couple Boucher 233 et décrit l'enthousiasme de la foule, assiégeant les portes du théâtre lors du retour de Mme Catalani. Tout en rendant hommage au grand talent de la cantatrice, le recueil insinue qu'elle reste fidèle à une interprétation monotone des compositeurs les plus variés 234. Cette revue sommaire, traduisant fidèlement la pauvreté de la musique contemporaine, devrait faire état d'autres soirées musicales 235 et de l'appui accordé par le MerCl/re à Nicolo, collaborateur d'Etienne, candidat au fauteuil académique vacant de Méhul 236. Les prouesses du Cirque olympique figurent rarement dans le recueil, si ce n'est à l'occasion de son déménagement de la rue du Mont-Thabor au faubourg du Temple. Les frères Franconi y excellent dans l'exécution précise d'un spectacle où exercices gymniques, évolutions de chevaux et pantomime comiques amusent les badauds 237. 228 Le Sceptre et la Charrue, opéra-comique en trois actes de Théaulon et d'Artois, musique de Piccini, joué le 14 juillet 1817, M.d.F. Ill, 19 juillet. 229 La Sérénade de Regnard fut adaptée par Mme Gay, musique de Mme Gail et Garcia, jouée le 2 avril 1818, Latouche, Annales dramatiques, M. 1 (lI), 19 avril. 55. avait loué le talent de composition de Mme Gail, M.d.F. [V, 27 déc. 1817. 230 Cf. supra, n. 98. nI La reprise a eu lieu le 15 janv., M.d.F. l, 25 janv. 1817. 232 5i le chant de Garcia est toujours louable, ses compagnes prononcent mal l'italien, M.d.F. Il, 7 juin 1817. 233 Cf. O., Deuxième concert de M. et Mme Boucher, M.d.F. l, 8 fév. 1817. 234 Cf. M.d.F. Ill, 23 août 1817, reprise d'li Fanatico per la musica, à l'occasion de la rentrée de Mme Catalani. 235 Celles de Kaufmann, inventeur de quatre instruments, M.d.F. Ill, 10 mai 1817, ou celle d'une soirée tout à fait différente, organisée par le physicien Comte en faveur des pauvre du 3' arrondissement de Paris, Latouche, Annale~ dramatiques, M. [ (2), 16 fév. 1818. n6 Cf. 55., M.d.F. [V, 1'" nov. 1817. ~37 Cf. M.d.F. [l, 3 mai 1817.
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* ** Il eût été étonnant que le roman accusât une rupture avec la poétique du XVIII" siècle finissant. Au contraire, la critique des recueils reste étroitement liée à une optique qui se veut conservatrice des valeurs libérales d'un passé à peine révolu. La dramaturgie non seulement dépasse les romans par la tradition qu'elle incarne et l'intérêt qu'elle inspire, mais elle semble dicter aux romanciers la conception de leur œuvre. L'aspect moralisant de la littérature n'est jamais perdu de vue, ni la nécessité de graduer l'intérêt, ni celle de pourvoir à la consistance des caractères ou à la vraisemblance des événements, ni surtout le devoir impérieux de soigner la pureté et l'élégance du style 238. L'unité de but et d'intérêt dans le roman n'en comporte pas moins des événements variés et des tableaux contrastés, à condition qu'ils soient sagement conciliés. Un vaste champ s'ouvre au roman par l'analyse des caractères et la description des mœurs. Si le jeu des passions est plutôt épuisé par la littérature dramatique ou mieux adapté à l'économie de la scène, les facilités dont dispose le roman quant aux unités de lieu et de temps laissent aux écrivains une très large latitude pour creuser les personnages et examiner en profondeur les conditions sociales et les modes de vie. C'est par là qu'il sera donné au romancier de réaliser sa mission utilitaire et de compléter l'enseignement de l'histoire par l'abondance des détails 239. L'auteur d'Adolphe, à l'encontre d'Aignan, croit aux virtualités littéraires infinies que les confrontations passionnelles offrent aux écrivains. La littérature ne saurait épuiser les variations d'un thème qui présente toujours des degrés différents de profondeur et de nuance 240. Non que ces divergences prouvent une opposition irréconciliable d'idées, mais elles traduisent plutôt la conscience d'une stagnation ou l'attente d'un renouvellement. L'engagement dans les problèmes de l'actualité amène Elisabeth de Bon à déplorer l'envahissement des domaines intellectuels par la politique 241, attitude qui n'est guère partagée par les rédacteurs. La haute conscience de la supériorité de la France quant aux mœurs, au goût et au style pousse les critiques à réclamer à leurs compatriotes de bons romans, d'autant plus que ceux d'Outre-Manche et d'Outre-Rhin laissent tout à désirer 242. 238 Cf. Z., Correspondance sur les romans avec une amie de province, M.d.F. l, 1" mars 1817. 239 Cf. Aignan, Galerie [ ... ], M. 1 (9), début avril 1818. 240 Cf. B. Constant, c.r. de l'Arrêt du destin d'Auguste Lafontaine, M. III (Il), 15 oct. 1818. 241 Cf. Z., Correspondance sur les romans avec une amie de provillce, M.d.F. l, 22 mars 1817. 242 Cf. Z., Correspondance [ ... ], M.d.F. Il, '+ avril 1817 et M.d.F. III, 9 août. On n'a qu'à lire la traduction de l'ouvrage anglais, Six semaines en hâtel garni à Londres pour s'en rendre compte, ibid.
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Nous avons traité ailleurs des grands écrivains contemporains pour lesquels le Mercure et la Minerve ont témoigné leur admiration 243. L'œuvre de Mme de Genlis suscite les éloges du critique anonyme du Mercure pour le style, la connaissance intime du cœur et le sens de la mesure 244. Mais c'est davantage Esménard qui traduit la pensée du recueil à l'égard d'un auteur dont les sentiments politiques sont loin de répondre à la vision des rédacteurs. On ne saurait méconnaître à Mme de Genlis un grand mérite, attesté par une production de quatre-vingt-dix volumes, étalée sur une quarantaine d'années, et par la faveur dont elle jouit auprès du public. Malgré bien des talents, le critique reproche à l'auteur ses négligences de style et la légèreté avec laquelle elle traite les mœurs, l'histoire et la couleur locale dans une nouvelle indienne, sa préférence pour des féeries chevaleresques, ses galeries politiques qui confondent philosophie, gouvernement et mœurs ou encore des invraisemblances criantes lorsqu'elle traite de la Révolution. La dernière nouvelle, par contre, recueille l'assentiment enthousiaste d'Esménard, car elle décrit les misères de l'occupation et la magnanimité de la France 245. L'édition des œuvres complètes de Mme Riccoboni en six volumes et de Mme Cottin en huit permet à Jay de rendre hommage à ces célébrités de la fin du XVIIIe siècle et de procéder à des rapprochements biographiques entre les deux. La jeunesse misérable et studieuse de Mme Cottin, l'opulence et le veuvage prématuré de Mme Riccoboni ont fait de celle-ci une moraliste ingénieuse et un écrivain naturel et de celle-là une romancière des situations passionnelles. L'époque de Mme Riccoboni est celle de l'Ancien Régime en dissolution, durant lequel la passion n'était qu'une occupation sinon une perfidie. La Révolution a marqué par contre les romans de Mme Cottin. Elle cherche refuge dans l'analyse d'amours brûlants et se complaît dans l'invention de calamités bouleversantes. Le talent de Mme Riccoboni rappelle à maints égards celui de Mme de Sévigné et Mme Cottin se rapprocherait davantage de celui de Jean-Jacques Rousseau. Enfin, Jay s'élève contre l'auteur de la notice sur Mme Riccobini qui a représenté les Philosophes comme novateurs dangereux et il tient rigueur à l'éditeur des œuvres de Mme Cottin d'avoir passé sous silence le protestantisme de celle-ci 246. Il est certain que le Mercure répugne à l'évocation d'un passé chevaleresque susceptible de fausser l'histoire et d'entourer la féodalité barbare de prestiges nobiliaires. Si Jay paie son tribut d'hommages à Elisabeth de Bon, détentrice du privilège du Mercure, il s'étend longuement
Cf. le ch. précédent, Eléments d'une esthétIque libérale. Cf. Z., c.r. in Correspondance sur les romans [ ... ], des Tableaux de M. le comte de Forbin 011 la Mort de Pline l'Ancien et Inès de Castro, M.d.F. Il, 21 juin 1817. 245 Il s'agit de cinq nouvelles, Zuma [ ... l, la Belle Paule, Zénéïde, les Roseaux du Tibère et la Veuve de LIIZi, M.d.F. III, 12 juillet 1817. 246 Cf. M. VII (1), 7 août 1819. 243
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sur les méfaits terribles d'un moyen âge ténébreux 247. Plus touchants et plus instructifs surtout sont les romans marqués par un esprit philosophique qui décrivent les Douceurs de la vie 248 ou qui mettent en opposition le Monde et la retraite 249. Emouvants sont les romans qui mettent en valeur la sensibilité des jeunes filles, les montrant en proie aux agissements coupables de l'amour ou, au contraire, couronnant leurs sentiments par un mariage bourgeois 250. La sensiblerie trouve facilement son compte dans une carrière studieuse et honnête que les chimères d'une cour allemande mettent en valeur 251, dans le mariage d'une Anglaise vertueuse avec un prisonnier français 252 et dans les transpositions de l'occupation de la France ou de ses dénis de justice 253. Les recueils, en citant ces romans, énoncent cependant des jugements qui reprennent la poétique du « bon goût» et du « style pur» et qui condamnent les écarts d'un romanesque trop invraisemblable et d'une expression trop fantaisiste. Le drame bourgeois, s'il trouve le biais du roman pour remuer des âmes sensibles par la douceur des intérieurs modestes et le sens d'une justice compensatrice, ne devrait aucunement manquer à une esthétique éprouvée. Aignan peut encore excuser le manque de moralité dans une prétendue traduction d'un roman au prix d'une évocation pittoresque de la société du Directoire 254, mais le recueil n'aime pas trop s'attarder sur le rappel des horreurs révolutionnaires commises dans les colonies 255. Le Mercure n'admet ni les débordements romanesques qui jurent
247 Cf. Jay, c.r. des nouvelles d'Elisabeth de Bon, Les douze siècles, M.d.F. lI, 19 avril 1817. 248 Les Douceurs de la vie ou les petites félicités qui s'y rencontrent à tout moment [ ... ], d'A. D. [Abel Dufresne, d'après Barbier], l., Correspondance sur les romans [ ... ], M.d.F. l, 1" mars 1817. 249 Du même auteur, le Monde et la retraite ou correspondance de deux jeunes amies, 2 vol. in-12, l., Correspondance [00'], M.d.F. II, 12 avril 1817. L'auteur n'a pas assez montré les avantages de la retraite, ibid. 250 C'es le cas de Louise de Sénancourt de Mme Fanny de T. [Fanny Messageot, dame de Tercy, d'après Barbier] et de ses Nouvelles Françaises, l., Correspondance [ ... ], M.d.F. l, 22 mars et M.d.F. III, 5 juillet 1817. L'amour honnêtement bourgeois caractérise également le dernier roman de Paccard, Edelmore et Loredan [ ... ], SS., M.d.F. IV, le, nov. 251 Auguste et Frédéric, 2 vol., de Mme B*** [Mme Bawr, d'après Barbier], l., Correspondanse [00'], M.d.F. Il, 12 avril 1817. 252 Lydia Sté vil ou le prisonnier français, d'Armande Roland, l., Correspondance [ ... ], M.d.F. Ill, 5 juillet 1817. 233 Zélie reine des braves, de Mme Montpezat de Rodern, Etienne, n° 85. Post-Scriptum, M. VIII (7), 20 déc. 1819; Le Campo santo ou les effets de la calomnie, de Lhomme Saint-Alphonse, dédié à Benjamin Constant, où l'auteur situe le procès célèbre de Wilfrid Regnault en Florence du XIII' siècle, M. IV (5), 5 juin, p. 228. 254 Cf. Aignan, c.r. des ilIalheurs d'un amant heureux, de M**" traduit pour ainsi dire de l'anglais, t. 1e, - , Galerie [oo.l, M. 1 (7), 23 mars 181S. Barbier attribue le roman à S. Gay, mais le catalogue de la B.N. ne mentionne que l'édition de 1823 en 3 vol. 255 Roman de Picquenard, Adonis ou le bon nègre, l., Correspondance [ ... l, M.d.F. Ill, 9 août 1817. La 1" éd. du roman a> paru en 1798, mais il y en a eu probablement une seconde en 1817 que la B.N. ne possède pas.
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trop avec la vraisemblance 256, ni un roman licencieux du fécond PigaultLebrun 257, ni un ouvrage cynique sur les femmes 258. Les femmes-auteurs sont nombreuses et on dirait que les nouvelles comme les romans historiques de par les transpositions faciles leur conviennent parfaitement. C'est d'ailleurs pour prendre leur défense contre la critique que Mme Elisabeth de Bon - l'auteur anonyme au Mercure des articles consacrés aux romans - met en valeur l'œuvre littéraire féminine. Les romancières de l'époque se multiplient et ne dédaignent pas les traductions. Les Bibliothèques d'œuvres étrangères sont considérables sous la Restauration et à ne considérer le roman que du point de vue des éditeurs l'époque en question s'avère des plus productives. Nul doute pour le Mercure et la Minerve que le sens de la mesure et l'art de la composition ne fassent défaut aux écrivains d'Outre-Manche et d'Outre-Rhin. Longueurs, monotonies et recherches stylistiques ridicules caractérisent les romans anglais 259. Ces défauts sont quelque peu compensés par la force d'imagination de Lady Morgan dans l'évocation de la Ligue et du règne d'Henri IV, bien que son premier roman soit sujet à un enthousiasme de jeunesse 260. Les Puritains d'Ecosse de Walter Scott sont le fait d'un très grand romancier qu'Aignan n'hésite pas à assimiler à l'Odyssée, avec les réserves qu'impose l'imperfection du goût en Angleterre. Quelle meilleure tranche de mœurs et d'histoire que l'évcoation puissante d'une époque qui déroule les méfaits du fanatisme et de l'arbitraire sous Charles II et Jacques II et qui finit par déboucher sur Guillaume IIII : Les rapprochements avec l'histoire récente de la France sont manifestes et Louis XVIII pourrait s'inspirer d'une œuvre qui répond on ne peut mieux aux exigences du roman 261. Si le Nain mystérieux de Walter Scott est médiocre 262, son Antiquaire, bien que mal conçu dans l'ensemble et dans les détails, offre des parties où
256 C'est le cas du roman de Brissot de Warville, Le château du mystère [ ... ], [nous n'avons pas retrouvé le roman dont l'auteur serait Félicité Dupont Brissot de Warville], Z., Correspondance [ ... ], M.d.F. l, 22 mars 1817; à un degré moindre celui du roman d'Emilia ou le danger de l'exaltation, [d'Alfred de Maussion, d'après Barbier], inspiré d'une pièce de Dupaty (Félicie ou la fille romanesque), Z., Correspondance [ ... ), M.d.F. III, 9 août: de celui des aventures extraordinaires de l'Invalide, de ]., SS., M.d.F. IV, 1er nov. ; de celui enfin des aventures invraisemblables d'un frère et d'une sœur orphelins dans Albertine de Saint-Albe, de Mme Gay Allart, Aignan, Galerie [ ... ], M. Il (9), début juillet 1818. 257 Garçon sans souci, SS., M.d.F. IV, 18 oct. 1817. 258 Composé par un certain F., SS., M.d.F. IV, 29 nov .1817. 259 Cf. Z., Correspondance [... ], à propos de la traduction des Trois romans ou contes d'aujourd'hui, d'Isaaks [Traduction attribuée à Defauconpret par Barbier), M.d.F. l, 22 mars 1817. 260 Il s'agit de la traduction de la Novice de Saint-Dominique, 4 vol. in-12 [par Mme de Ruolz, d'après Barbier], M.d.F. l,1 er mars 1817. 261 Cf. Z., Correspondance [... ], M.d.F. Il, 21 juin 1817 et Aignan, Galerie [ ... ], M. 1 (9), début avril 1818. [La traduction est attribuée par Barbier à Defauconpret qui a joué un rôle des plus importants dans ce domaine.] 262 Cf. Z., Correspondance [ ... ], ibid.
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l'on retrouve le grand talent de l'auteur, notamment celles qui dessinent les caractères des personnages secondaires 263. Le roman d'Outre-Rhin est synonyme de monotonies infinies, d'un sentimentalisme débordant et d'un romanesque fantaisiste. Non que l'étalage de passions douceâtres et d'histoire d'une vie modeste n'aient eu leur charme pour des esprits trop blasés ou désabusés. Le succès que les romans d'Auguste Lafontaine ont connu en France le prouverait. Mais à en juger d'après la critique du Mercure et de la Minerve, les contemporains se seraient lassés de la manière germanique malgré De l'Allemagne de Mme de Staël. Germanique par le désordre de la conception et de l'expression est la traduction d'Ondine par Mme de Montolieu 264. Invraisemblances, romantisme de mauvais aloi et imbroglio inconcevable distinguent les Aveux au tombeau d'Auguste Lafontaine 265 ainsi que son Presbytère au bord de la mer 266. Il faudrait le germanisme averti et combien prudent de Constant pour trouver dans Rosaure du même auteur l'expression presque idéale des agitations passionnelles et le tableau nuancé des caractères et de la vie intérieure 267. Enfin, le même Constant, probablement, rendant brièvement compte d'une nouvelle de Karamzin, dira le mérite d'une œuvre qui évoque les mœurs de la Russie et montre un peuple sauvage combattant énergiquement pour sa liberté 268. La critique constitue la part majeure de la rubrique littéraire du Mercure et de la Minerve. Les nouvelles que les rédacteurs composent eux-mêmes sont rares et on ne les rencontre que dans le Mercure. C'est à Dufresne de Saint-Léon que revient la paternité de deux nouvelles. La première déroule, en sept chapitres, l'histoire d'un jeune poète qui mène joyeuse vie, à la fin de l'Ancien Régime, avec une jeune maîtresse, et, par la suite, auprès d'un vieux marquis. C'est la société littéraire de l'époque qui est évoquée dans un style badin et suranné pour finir par une autre histoire d'amour et de misére sous la Révolution 269. Aussi fade est la seconde nouvelle racontant la vie d'un général français à la retraite qui avait enlevé et épousé une jeune autrichienne de famille 263 Cf. Aignan, Galerie [... J. La traduction est de Mme Sophie de Maraise. L'indication par Aignan de certains ouvrages de Mme Maraise corrobore la leçon de Barbier quant à la paternité de la traduction anonyme. 264 Cf. SS., M.d.F. IV, 1er nov. 1817. Le roman est de Foqué-Friedrich Heinrich Carl, Baron de la Mothe. La B.N. ne possède qu'une édition de 1822. 265 Les aveux au tombeau de la famille du forestier, roman trad. par Mme Elise V*** [Voïart, d'après le catalogue de la B.N.], Z., Correspondance [ ... ], M.d.F. l,1 er mars 1817. 266 Cf. Z., Correspondance [... ], ibid., 22 mars 1817. La traduction en 4 vol. in-8° est, d'après le catalogue de la B.N., de Guizot et Sauvan. 267 Rosaure ou l'arrêt du destin [trad. en 3 vol. in-12 par Mme de Montholon, d'après le catalogue de la B.N.], B. Constant, c.r., M. III (11), 15 oct. 1818. 268 Marpha ou Novogorod conquise, nouvelle historique, trad. par A. SaintHippolyte, c.r., M. IV (5), 6 déc. 1818. 269 Cf. Histoire d'un jeune poète, M.d.F. IIJ 24 mai; M.d.F. III, 9 et 30 août, 13 sept. ; M.d.F. IV, 11 oct. et 22 nov. 1817.
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illustre 270. Egalement peu intéressante est l'histoire véridique d'un noble français, La Pommeraie, qui s'est converti à la religion des Quakers pour épouser la fille de son hôte généreux, après avoir abusé de leur bonne foi. Au moins, Jay est-il bien placé pour évoquer à la même occasion la Guerre d'Indépendance des Etats-Unis d'Amérique 271. Nous avons constaté l'abondance de la littérature pour enfants où la part du lion revient également aux femmes-auteurs. Le Mercure et la Minerve y font de temps en temps allusion. Un succès également considérable a accueilli le tableau de mœurs de l'Ermite de la Chaussée d'Antin et de la Guyane. Jouy a des imitateurs et à l'aube du siècle Gallais n'hésite guère pour réunir ses anciens articles sous le titre modeste de Mœurs et caractères du dix-neuvième siècle 272. Les mœurs d'Outre-Manche ne sont pas sans intéresser les adversaires de l'Angleterre ~n, mais c'est le Voyage dans le Levant en 1817 et 1818 qui vaut à Forbin - imitateur de Chateaubriand - un long compte rendu de Jay pour corriger les vues erronées de l'auteur quant aux méfaits de la liberté dans l'antique Grèce ou pour évoquer les crimes commis en Palestine par la folie des croisades. L'imagination créatrice de Chateaubriand enchante par les tableaux puissants qu'elle déroule devant le lecteur, celle de Forbin s'attache aux effets extérieurs des objets, mais les amis de la vérité, retiendront la leçon de Volney qui a montré l'Asie heureuse et prospère dans la mesure où ses institutions s'accordaient avec les lois naturelles :!H. Les pensées, maximes, sentences ou aphorismes continuent à faire la joie des abonnés des recueils. Des idées claires, concises et frappantes pilr leur formulation emportent facilement la conviction des lecteurs a\'ides de vérités évidentes. Les droits de la raison, la proscription de la force, le progrès continu de l'esprit humain, le caractère dominant de la civilisation moderne et la nécessité d'accorder le pouvoir avec la liberté reviennent souvent parmi les Pensées détachées de Benjamin Constant, réimprimées plus tard dans les Mélanges 275. Lacretelle étalera tout son pédantisme philosophique, bien démodé des écrits de ses collègues, dans les Pensées Politiques et Pensées moralcs et littéraires ~'6. D'autres articles intitulés littéraires et politiques
a côté
~,() Cf. Consllltation présentée il mes amis le dimanche 15 décembre 1814, M.d.F. Il,21 juin et M.d.F. 111,5 juillet 01817. 201 Cf. .Iay, le Quaker, M.d.F. Il, 28 juin et M.d.F. lII, 19 juillet 1817. 272 Cf. SS., M.d.F. IV, 1er nov. 1817. :m Cf. Z., Correspondance [ ... ], éloge des Six mois à Londres en 1816, faisant suite aux QlIinze jOllrs à Londres à la fin de 1815, M.d.F. l, 22 mars 1817.
C'est le fécond Defauconpret qui en est l'auteur et qui a traduit également un ouvrage anglais que nous n'avons pas retrouvé, Six semaines en hôtel garni à Londres. Z., M.d.F. III, 9 août 1817. m Cf. M. VI (8), 27 juin 1819. ~7:; Cf. M.d.F. II, 24 mai et 14 juin 1817. 276 Cf. M.d.F. III, 6 sept. et M.d.F. IV, Il oct. 1817. Lacretelle serait peutêtre l'auteur des Pensées anonymes, M.d.F. III, 2 août.
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du même auteur méritent à peine mention 277. Enfin, dans le jeu de distinctions lexicologiques fort répandues au XVIII" siècle, l'opposition entre la célébrité et la gloire permet au critique anonyme de fonder désormais celle-ci sur l'œuvre bienfaisante des gouvernants pour les gouvernés 278.
• ••
Les sciences exactes tiennent peu de place dans les colonnes du Mercure et de la Minerve. Les recueils ne les dédaignent pas, mais ils les subordonnent à leur optique morale. Il peut y avoir des nuances dans les attitudes respectives des rédacteurs quant à la place qui devrait rèvenir aux sciences et aux lettres dans l'élaboration d'une philosophie somme toute positive. Lacretelle mettra l'accent sur la corrélation étroite chez les Philosophes de toutes les disciplines 279. Dans sa conférence à l'Athénée royal, le 3 décembre 1825, Benjamin Constant, en étudiant les tendances générales du XIX" siècle, résumera ses idées et insistera sur le rôle dévolu à l'industrialisme dans l'instauration de l'ordre bourgeois, pacifique et libéral 280. Cependant, ni Lacretelle ni Benjamin Constant n'hésitent à considérer le monde matériel comme essentiellement soumis au monde intellectuel. La mission de la bourgeoisie ascendante, telle qu'elle est définie par Benjamin Constant, est couronnée par une ascension d'ordre religieux 281. Plus extrême est la position de Jay pour qui les sciences relèvent d'un monde matériel vulgaire et n'accèdent au droit de cité que dans la mesure où leur langage rejoint une expression littéraire valable. Laplace est moins connu du grand public que Descartes et Fontenelle, bien que la science de ceux-ci ait été dépassée par les découvertes du premier. Raison, imagination et sensibilité assurent à la littérature par leur motivation toujours morale une finalité évidente et une supériorité incontestable sur les disciplines expérimentales 282. En tout état de cause, les rédacteurs sont trop imprégnés de leur formation littéraire pour élaborer une image du monde à prédominance scientifique. Aux confins de la littérature, le mirage de l'antiquité se concrétise et s'impose vivement aux imaginations lorsque des villes entières surgissent du passé. On sait ce que la renaissance de l'hellénisme et la connaissance de l'Orient doivent à la jeune science de l'archéologie 283. «Cependant, ~77 Cf. Sur l'étendue d'un discours à prononcer [ ... ], M.d.F. Ill, 20 sept. 1817; Esquisse d'un système de délibération dans les assemblées politiques [... ], M.d.F. IV, ] 1 avril et ]". nov.; l'Ecrivain littérateur considéré au milieu des autres genres d'écrivains, M. III (2), 15 août 1818. 278 Cf. De la célébrité et la gloire, M.d.F. Il, 24 mai 1817. 279 Cf. Lacretelle, Progression de l'esprit humain depuis les quatorzième et quinzième siècles jusqu'au dix-neuvième, M.d.F. l, 4 janv. 1817. 280 Cf. Coup-d'œil sur la tendance générale des esprits dans le dix-neuvième siècle, in Revue Encyclopédique, 1825, t. XXVIII. ~81 Cf. ibid. 282 Cf. Jay, c.r. des ŒllJlres complètes de Buffon, M.d.F. III et IV, 27 sept.
et 29 nov. 1817. Dans la dernière partie de son c.r., Jay se défend d'avoir déprécié Laplace. 283 Cf. les belles études de R. Canat, L'hellénisme des romantiques, Paris, 1951-1955,3 vol., t. 1"', et R. Schwab, Le renaissance orientale, Paris, 1950.
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après tant de siècles, Thèbes est exhumée, Osiris et Memnon sortent de la poudre où ils étaient ensevelis; et les ruines de la vieille Egypte envahissent l'Egypte barbare et dégénérée 284.» La découverte de deux sarcophages près de Bordeaux, comportant des bas-reliefs et ayant des formes grecques, suscite également l'intérêt du Mercure pour une antiquité qu'on vient de redécouvrir 285. L'épopée napoléonienne n'est pas tissée uniquement de larmes et de sang. L'aventure merveilleuse des guerriers aux bords du Nil se prolonge et fructifie dans les cabinets de travail des savants solitaires. C'est avec des accents de triomphe que le Mercure, rappelant la croisade récente des héros et des savants, saluera la publication de la troisième livraison de la Description de l'Egypte 286. La numismatique est plus qu'une science des médailles. Elle a des aspects positifs qui lui permettent d'établir la valeur des monnaies et le système d'échange chez les Anciens. Littérateur et économiste d'envergure, connu surtout par la traduction du Traité des richesses d'Adam Smith, Garnier, par une étude approfondie de la monnaie ancienne, a réussi à en établir un bilan nouveau qui redresse les erreurs d'autres savants contemporains et corrige les calculs d'un Dubos ou d'un Montesquieu 287. Si l'archéologie est un itinéraire à travers le temps, la gréographie est un voyage à travers l'espace. Les distances ont le pouvoir de conférer aux pays éloignés et inconnus le prestige des civilisations disparues ou la valeur primitive et intacte d'une humanité à l'aube de son histoire. Le .( bon sauvage» n'a pas l'air d'avoir épuisé au début du XIX· siècle toutes les vertus magiques qui ont remué les cordes sensibles des générations précédentes. C'est l'histoire d'un chef polynésien qui, mettant à profit le savoir des Européens, a su organiser la peuplade d'une des îles Sandwich, mettre sur pied une armée et une marine et développer le commerce de son petit royaume. Au nom déjà fabuleux de Cook s'ajoutent ceux d'autres navigateurs et les maigres renseignements fantaisistes des géographes l:e cabinet trouvent leur correctif dans la relation de voyage véridique d'un Archibald Cambell 288 • Le lieutenant russe Otto von Kotzebue, faute d'avoir atteint le détroit de Béring, croit avoir rencontré un chenal le long de la côte d'Amérique qui préfigurerait le passage nord-ouest reliant l'Océan atlantique à l'Océan du pacifique, passa!~e que les Anglais ne désespèrent pas de découvrir 289. Plus près de l'Occident, marqué sous la Restauration par les concepts combien mouvants de /lord et de midi, d'ouest et d'est, c'est la principauté du Monténégro, dépendant du pachalik albanais, qui exerce la plume d'un
Bénaben, M. 1 (4), fin fév. 1818, p. 200. Cf. Carton du MerCllre, M.d.F. l, le, mars 1817. 2"6 Cf. SS., M.d.F. IV, 29 nov. 1817. 2x7 Cf. Dufresne de Saint-Léon, C.r. du Mémoire de la valeur des monnaies de compte chez les peuples de l'antiqllité; par M. le comte Germain Garnier, associé libre de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres, III à l'Académie dans les séances des 21, 28 fév. et 7 mars 1817, M.d.F. III, 5 juillet. ~'" Cf. T.P., Sur les îles de Sandwich, M.d.F. 1,8 fév. 1817. 280 Cf. Bénaben, M.d.F. IV, 6 déc. 1817, p. 430. 2R4
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abonné désireux d'éclaircir l'ignorance de ses contemporains sur le compte des monténégrins. Une esquisse rapide campe ces montagnards pittoresques dans leur mode de vie arriéré et rude, sous le pouvoir d'un évêque orthodoxe que la politique russe inspire, entre les provinces limitrophes de l'Albanie, de la Serbie et de la Bosnie 29(). L'archéologie et la géographie s'avèrent de la sorte des sciences positives, tournées vers la magnificence du passé ou vers la complexité d'une réalité présente. La science de l'écorce terrestre se révèle aussi positive lorsqu'elle recherche les raisons qui ont amené l'éruption du Vésuve en 1813, catastrophe qui a provoqué des tremblements de terre et ravagé une étendue considérable du pays le 25 et le 26 décembre. Le passé et le présent se rejoignent, Herculanum et Pompéi se retrouvent dans les calamités de 1813. Le mémoire de Monticelli, secrétaire de l'Académie royale des sciences de Naples, dont le critique du Mercure n'a pu prendre connaissance qu'à travers un rapport fait à l'Académie royale d'Angleterre, fournit les éléments climatériques des années 18121813, avant-coureurs de l'éruption 291. Plus proche des sciences exactes, d'autres disciplines sont d'une portée immédiate manifeste. La pomme de terre comme le maïs prouvent de plus en plus leurs vertus nutritives sous la Restauration. Le philanthrope François de Neufchâteau, reprenant l'œuvre de Parmentier, travaille dans la même direction 292. Les Leçons de flore de Poiret, enrichies et embellies par une iconographie végétàle de Turpin s'insèrent dans un système de botanique à l'adresse des profanes 293. Un système universel est fourni par Chatel dans son Histoire naturelle et philosophique de l'homme, compilation des idées de Lavater et de Gall, et dont le manque d'originalité est quelque peu racheté par la correction et l'élégance du style 294. Le transformisme de Geoffroi Saint-Hilaire accueille un éloge d'estime à l'occasion de l'édition de son Histoire naturelle des mammifères 295. Système universel encore est la Nosologie naturelle d'Alibert, médecin célèbre de l'hôpital Saint-Louis, où toutes les maladies sont distribuées par familles 296. Des médecins s'affirment par leur science et parfois par leur dévouement, tel le docteur Faure, oculiste de la duchesse de Berry, qui a sauvé la vue à plusieurs aveugles ou le docteur de Montègre, collaborateur du Dictionnaire des sciences médicales, qui est mort pour la science 297. Les mathématiques appliquées trouvent un partisan inlas-
2110 291
Cf. Carton du MerCl/re, M.d.F. III, 16 août 1817.
Cf. T.P., Géologie. Sur l'éruption du Vésuve arrivée en 1813, M.d.F. l, 15 mars 1817. 292 Cf. Jouy, c.r. du Supplément au mémoire de R. Parmentier sur le maïs.
par M. le comte François-de-Neufchâteau, imprimé par ordre du gouvernement,
M.d.F. Il,3 mai 1817. 293 Cf. M. VII (7), 19 sept. 1819. 294 En 2 vol., SS., M.d.F. IV, 15 nov. 1817. 295 Cf. Etienne, n° 54, Post-Scriptum, M. V (13), fin avril 1819. 296 Cf. M.d.F. Il,26 avril 1817. 297 Cf. Jouy, Notice nécrologique, M. IV (9), 30 déc. 1818 et supra, ch. le.,
p.14.
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sable dans Charles Dupin, admirateur de Carnot et élève fidèle de Monge. Dupin recommande le rétablissement de l'Académie de marine qui existait avant la Révolution et dont les tâches seront réparties entre Paris, Toulon et Brest. Jouy se joint à Dupin pour lutter contre l'appauvrissement désolant de la province au bénéfice de la capitale dévorante 298. Il est évident que les recueils paient leur tribut d'hommage à de jeunes savants acquis à la cause libérale et qu'ils s'empressent de rendre justice par la même occasion à Carnot. Dans son compte rendu des Amours à Eléonore de Labouisse, Jaya dit le rang éminent de Laplace et de Cuvier dans les sciences exactes et naturelles 299, mais la préférence de la Minerve va à l'œuvre de Monge, incarnant la Révolution, qui a été injustement expulsé de l'Institut 300 .Pour un libéralisme imprégné d'industrialisme, nul doute que la vie politique ne soit marqué par les travaux scientifiques 3Ul. On peut comprendre par là l'empressement de la Minerve à mettre en valeur la Théorie de l'Univers du général Allix qui, contestant la validité de celle de Newton, réduit à la lumière,au calorique et au carbonne tous les éléments constitutifs de la fusion desquels procéderait la formation des corps naturels. C'est qu'Allix n'est pas seulement un savant distingué. Il s'est signalé par d'éminents services qu'il a rendus à la France en sa qualité de soldat et il traîne actuellement une misérable vie cie banni à travers les villes inhospitalières de l'Allemagne 30~. Les sciences appliquées trouvent leur motivation comme leur finalité dans un ordre positif que la bourgeoisie a instauré. Trêve de cours cie galanterie dans des manuels de physique et de chimie selon le mode de Demoustier dans ses Lettres à Emilie ou d'Aimé Martin dans ses Lettres à Sophie sur la chimie, la physique, etc. 303. Le libéralisme a trop conscience de ses tâches pour dispenser les leçons de science en strophes.
~98
Cf. JOUI'.
C.r.
des Mémoires de Charles Dupin, sur la marine et les ponts
t'I chaussées de France et d'Angleterre, M. III (4), fin août
1818.
Cf. M.d.F. l, 15 mars 1817. Cf. Aignan, C.r. de l'Essai historique de Charles Dupin, sur les services 1'1 les travallx scicntifiques de Gaspard Monge, M. IV (11), 14 janv. 1819. :l(H Cf. [Aignan], c.r. des Annales générales des sciences physiques, par 1\1J',\, Bory de Saint-Vincent, Drapiez et Van Mons, M. VII (7), 19 sept. 1819. :l,,~ Cf. Jouy, C.r. et la lettre d'Alli x relative à son bannissement, M. Il (2), 14 mai 1818; lettre de justification de l'avocat Dupin quant aux reproch!!:; 411'Allix lui avait injustement adressés, M. 1 (12), 23 avril. 303 Cf. SS., M.d.F. IV, 27 déc. 1817. ~!,n 301)
CHAPITRE XI
ÉVOCATIONS PLASTIQUES Le libéralisme ne saurait accepter la gratuité de l'art pas plus que celle de la littérature. L'art doit bien entendu émouvoir, donner l'éveil à des sentiments et à des rêveries 1. Il a plus d'uri point de rencontre avec la poésie et l'épigraphe de Miel - Pictura poesis - le caractérise on ne peut mieux 2. Cependant, l'utilitarisme conditionne les arts plastiques avec autant d'évidence que l'expression littéraire. La bourgeoisie libérale édifie avec trop de sérieux la cité post-révolutionnaire pour accorder à la sensibilité des lecteurs et des spectateurs une finalité autonome. Le plaisir esthétique prend tout naturellement place parmi les moyens destinés à acheminer l'homme vers sa réalisation morale. Le corps de Gustave Vasa a beau avoir été trapu, Dufau eût dû s'inspirer pour retracer sa figure des traits de caractére du héros 3. L'imitation pure et simple de la nature dans les paysages n'est pas de l'art. Pour accéder au rang d'un « genre », il lui faut l'évocation de l'histoire et la résurrection des personnages, condition essentielle pour animer les paysages et pour leur conférer de l'intérêt 4. On n'a qu'à se pencher avec Miel sur les annales des beaux-arts pour constater à quel point la motivation spirituelle et sociale est à l'origine de leur essor. Ainsi, les impressions religieuses sont dues aux monuments et à l'appareil des fêtes consacrés au culte. La morale est également vivifiée par les arts. Les monuments entourent les vertus civiques d'un prestige immense et l'art apporte l'hommage de la postérité aux prédécesseurs glorieux. Non que Miel recommande explicitement le recours à la religion pour inspirer l'œuvre des peintres et des sculpteurs contemporains. Il paie son tribut de respect aux puissances du jour par des généralités qui prennent appui sur l'antiquité païenne. Mais nul doute qu'il n'ait en vue dans son traité l'héritage de la Révolution comme l'ordre politique de la Restauration. C'est par leur concours à la consécration des institutions politiques et sociales que les arts ont droit de 1 Cf. l'Amateur, Salon d,. /8/7. à propos du tableau de Gérard l'Entrée à Paris d'Henri /V - M.d.F. III, 19 juillet 1817, et Jouy, Salon de /8/9, Paysages, marines, portraits, M. VII (12),23 oct. 1819. 2 Cf. Jouy, c.r.de l'ouvrage de Miel, Essai sur les beaux-arts, particulièrement sur le salon de /817, M. Il (12) 21 juillet 1818. 3 Cf. Jouy, Salon de /8/D. M. VII (8), 10 oct. 1819. 4 Cf. Jouy, art. cit., M. VII (12), 23 oct. 1819.
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cité dans l'esthétique bourgeoise. C'est par là que le luxe et la magie de l'art apparemment gratuits sont pleinement justifiés. Le plaisir esthétique sans application utilitaire est d'une stérilité désolante et ne saurait réclamer la protection du pouvoir. L'engagement conscient des arts dans les problèmes d'ordre religieux et moral explique leur apogée chez les Grecs. Dans une mesure moindre, les tombeaux de Turenne et de Vauban aux Invalides et le sépulcre des rois de France à Saint-Denis produisent les effets d'un art patriotiquement engagé. Mais il serait erroné d'identifier la religion avec le nationalisme. Ni le cimetière du PèreLachaise ni l'église de Saint-Germain-des-Prés ne sauraient apporter à Molière et à La Fontaine ou à Descartes et à Boileau la consécration qu'ils méritent. Le Panthéon a rendu à la France un service éminent en ac;:ueillant les célébrités antionales, bien que le choix fût souvent sujet aux passions des partis. C'est un mal aisément réparable par un recul judicieux qui rendra les décisions de la postérité plus équitables. Miel caresse d'ailleurs le rêve d'un Saint-Panthéon qui serait consacré à la liberté des cultes et à la tolérance, susceptible d'abriter sans discrimination tous les génies et d'incarner l'union intime de la religion, de la morale et du nationalisme 5. L'esthétique utilitaire du Mercure et de la Minerve est davantage accusée par leur conception de l'histoire. L'histoire offre de l'intérêt dans la mesure où elle achemine les faits vers les avenues de la cité bourgeoise. Nous l'avons constaté dans le chapitre traitant des Transpositions historiques. Le passé gagne en historicité lorsqu'il rejoint le présent et l'actualité s'affirme comme évidence lorsqu'eHe pénètre les siècles révolus. Cependant l'antiquité se trouve immunisée contre l'action du temps. Les thèmes grecs inspirant la peinture et la sculpture n'impliquent aucun dérogation aux principes de l' « imitation ». Dès le milieu du xv· siècle, nombreux sont les artistes en Italie dont le degré d'illusion qu'ils ont atteint par l'imitation est parfait. Mais entre le primitif Cimabué et Raphaël nombreuses sont également les peintures plus soucieuses du sujet évoqué que de la vérité de l'imitation. Les élèves de RaphaË!l se sont lancés dans la seconde voie en négligeant la première, tel Jules Romain, extrêmement doué, dont l'exécution manque souvent de vérité et l'expression de justesse. C'est grâce aux élèves médiocres que la vérité du dessin n'aurait pas été sacrifiée aux élucubrations thématiques et que les Carrache et les Rubens auraient pu faire souche. La simplification de l'imitation entre les mains d'un grand artiste à l'imagination féconde, menace l'art de décadence chez ses successeurs peu doués. Le talent de Carle Vanloo et de Boucher eût hâté le déclin des arts, en engageant leurs élèves sur de fausses routes, n'eût été la saine réaction de Vien, qui a réformé les études et qui a ramené les peintres vers l'imitation de l'antique. On comprend il Cf. Miel, Beaux-Arts, M. VIII (Il), 15 janv. 1820. Pour l'évolution des arts plastiques sous la Restauration, cf. Louis Réau, L'ère romantique. Les arts plastil/ues, Paris, 1949; Elie Faure, L'Histoire de l'Art. L'Art moderne, livre de poche, 2 vol. ; Louis Hourticq, Histoire générale de l'art. France, Paris, 1911 ; Louis Hautecœur, Littérature et peinture en France du XVII' au XX· siècle, 2" éd. Paris, 1963.
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aisément le point de vue du Mercure. Il s'accommode mal d'un art aristocratique. La création pour privilégiés doit nécessairement signifier décadence. C'est la raison pour laquelle le retour aux abstractions de l'art dit antique, aurait fourni à l'école de David une base sûre et féconde. C'est par là que s'expliquerait l'essor prodigieux de la peinture française depuis la Révolution. Il est vrai que l'école flamande et l'école vénitienne sont supérieures à l'école française pour le coloris, mais personne n'égale celleci pour le dessin 6. Les rédacteurs sont peu sensibles aux implications de l'antinomie entre le recours à l'antiquité et l'engagement foncier de l'école française dans les problèmes de l'actualité. L'Amateur du Mercure ne procède que par allusions et il faut les éclaircissements de Jouy - son collègue sinon l'auteur anonyme des comptes rendus du salon de 1817 - pour mieux comprendre la portée de leur attitude. Que le Mercure et la Minene s'identifient avec l'école de David au point de négliger les divergences comme les virtualités du maître et de ses élèves n'a rien d'étonnant. Le libéralisme aime retrouver la Restauration dans l'œuvre de 89. C'est précisément le fait d'avoir explicitement mis en valeur la contribution du peintre exilé qui vaut à Miel l'éloge excessif de Jouy 1. Et c'est justement la crainte de citer expressément le nom de David dans sa Renaissance des arts - peinte sur le plafond de la salle d'exposition - qui vaut à Pujol le blâme voilé du critique 8. Pour émouvoir, les arts plastiques devraient se pénétrer d'histoire. Mais il y a histoire et histoire. Lorsque l'Amateur déplore l'envahissement de la peinture avec Raphaël par des sujets qui aient mis en danger la vérité de l'imitation, il a en vue les motifs moyenâgeux ou la mise en valeur des puissances temporelles et spirituelles. Le climat politique plus libéral en 1819 permet à Jouy de dévoiler toute sa pensée. Il s'élève énergiquement contre les peintres qui ont consacré le plus clair de leurs efforts à des tableaux religieux. Tous les siècles, sauf le contemporain, sont représentés au Salon de 1819. Les martyrs, le Moyen Age ténébreux, la Ligue hideuse, les puissants du jour ont trouvé des peintres alors que la patrie révolutionnaire et impériale a été négligée. Toutes les grandes compositions, exceptées trois, commandées par Decazes, ont des motifs religieux. Des tableaux lumineux éclairent de la sorte les églises gothiques de la France, privées de lumière 9. Le martyre à la Cymodocée fait rage. «Quand messieurs les romanciers et messieurs les peintres cesseront-ils d'ensanglanter le papier et la toile, au nom de ce qu'il y a de plus sacré et de plus doux au cœur de l'homme, la religion et l'amour? LI: supplice de l'innocence révolte la pensée, et cette image, sans cesse offerte aux yeux, tend à enhardir le crime et à décourager la vertu 10. » Cf. l'Amateur, Salon de 1817, M.d.F. Il, 10 mai 1817. Cf. Jouy, c.r. cit. de l'Essai, de Miel, Sur les beaux-arts [ ... ], M. Il (12), 21 juillet 1818. 8 Cf. Jouy, Salon de 1819, M. VII (6), 13 sept. 1819. 9 Cf. Jouy, ibid. 10 Jouy, Salon de 1819, M. VII (8), 25 sept., p. 361. Il
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Le libéralisme ne badine pas avec l'histoire. Il a pleinement conscience du recul nécessaire aux arts plastiques pour demeurer dans le vrai l l . La vérité pâtit quelque peu de l'envahissement des Salons par les portraits des hommes en place. On dirait que l'histoire s'identifie avec celle de la Restauration et qu'elle passe l'éponge sur les annales du passé récent. Les portraits de femmes vieilles et laides ou d'homm!!s gourmés et couverts de broderies n'ont rien à voir avec la manifestation artistique des sentiments patriotiques. L'Ancien Régime a plus d'un biais pour s'infiltrer en pleine modernité 12. Pleinement engagés dans l'historicité, les rédacteurs affirment l'interdépendance des arts. Les prospérités bourgeoises n'auraient pas été sans marquer l'essor prodigieux des arts plastiques en France. Le mouvement intellectuel aurait atteint depuis la Révolution et dans tous les domaines un niveau de perfection considérable 18. Tout se tient en art comme en littérature ou en politique. La statuaire ne retarde pas par rapport à la peinture et les sculpteurs actuels ne ressemblent pas davantage à Lemoyne que David, Gérard, Girodet, Gros et Guérin à Carle Vanloo ou à Boucher. En bien comme en mal, tous les arts fondés sur le dessin suivent la même direction et témoignent d'une qualité semblable 14. C'est l'école de David qui inspire désormais les tapisseries des Gobelins et de la Savonnerie ou les porcelaines de Sèvres, d'une pureté de dessin et d'une vivacité de coloris admirables. Mosaïque et miniature suivent le même mouvement 15. Les gravures représentant les héros de l'Empire, tels les généraux Lasalle et Colbert, sont inspirés des tableau1Ç de Gérard 16. La peinture n'est pas étrangère non plus aux médaille~ consacrant les réputations littéraires 17 ou à l'iconographie des fleurs ~8. Les meilleurs dessinateurs s'associent aux Engelmann, aux Lasteyrie et aux Jacob 19. Dans l'ensemble, malgré une inspiration douteuse et des engagements réactionnaires, les rédacteurs n'ont qu'à se louer de l'effort de la France tel qu'il se traduit dans les Salons de 1817 et de 1819. Il est consolant pour la France occupée et à peine libérée d'affirmer sa sup~ rÎorité intellectuelle sur les vainqueurs de la veille. Quel concours nom';' breux d'artistes au Salon de 1819. Cinq cent peintres ont participé 'à Cf. l'Amateur, Salon de 1817, art. cit., M.d.F. Il, \0 mai 1817. Cf. Jouy, Salon de 1819, M. VIII (2), 14 nov. 1819. Cf. l'Amateur, Salon de 1817, art. cit., 18 mai 1817. H Cf. l'Amateur, Salon de 1817, M.d.F. Il, 21 juin 1817. 15 Cf. C., Beaux-Arts, Exposition des produits des manufactures royales [ ... l, M.d.F. l, 4 janv. 1817 et Jouy, Salon de 1819, où il fait l'éloge des miniatures de Mlle Inès Esménard, M. VII1 (2), 14 nov. 1819, de la broderie de Mlle SaiQt~ Ange et des portraits en émail de Mme Jacquotot. 16 Cf. Jouy, Sur la gravure d'un lableau représentant le général Lasalle, M. IV (8), 28 nov. 1818 et Notice. Gravure représentant le général Auguste C()lbert, M. VIII (13), fin janv. 1820. ' 17 Cf. Galerie métallique des grands hommes français, M.d.F. Ill, 2 août 181i. 18 Cf. Jouy, M.d.F. III, 5 juillet; SS., M.d.F. IV, 29 nov. 1817 et anonyme, M. IV (Il), 14 janv. 1819. 19 Cf. Jouy, Salon de 1819, M. VII (2), 23 oct. 1819.
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l'Exposition dont quatre-vingt femmes. Il ne déplaît pas à Jouy de s'élever contre les préjugés à l'endroit de celles-ci et de décerner des palmes à Mlle Lescot, à Mme Servières et à Mlle Godefroy. Elles méritent de figurer comme membres de l'Académie de peinture au même titre qui eût dû valoir à Mme de Staël sa place à l'Académie des lettres 20. De jeunes talents se sont fait remarquer dans l'exposition à côté des célébrités acquises 21 et Forbin - le directeur du Muséum - récolte les éloges des recueils pour l'organisation des salons 22. Un art national est celui qui intègre l'épopée du proche passé dans les fastes du pays. C'est ce titre qui vaut à Horace Vernet l'admiration des rédacteurs. Le fécond Horace Vernet a exposé au Salon de 1819 vingt-deux tableaux de chevalet qui se distinguent tous par l'élégance et la facilité, surtout par une composition spirituelle et un patriotisme louable. La Revue du deuxième régiment des grenadiers à cheval de la garde a suscité les hommages de' la foule. La sensibilité des spectateurs a rendu justice aux mérites d'un tableau caractérisé par la correction du dessin, le mouvement entraînant des figures, une excellente distribl.\tion de lumière et la vérité de l'ensemble comme des détails 23. Le même empressement enthousiaste signale le compte rendu d'un autre tableau de Vernet représentant en avant-scène un jeune tambour tué, auprès duquel s'arrêtent son cheval et son chien. Le fond du tableau montre des voltigeurs attaqués et l'un des officiers en position d'observateur 24. Le général Lejeune à son tour a passionné le public par son Attaque d'un convoi, évoquant les épreuves des soldats qui avaient ramené de Madrid, en 1812, des blessés, des prisonniers et des femmes que les guerilleros de Mina avaient attaqués. Les défauts d'une lumière trop crue comme d'un terrain trop bien disposé et d'un trop grand nombre de figures s'effacent devant l'imitation parfaite de la nature, l'harmonieuse distribution de lumière et la beauté d'un site qui renforcent les effets touchants de l'action 25. La gloire nationale se traduit également dans les combats sur mer. Malgré l'usure du thème - des navires couverts de fumée, une mer écumante, un ciel gris, des mâts rompus et des voiles en lambeaux - , Crépin a fait preuve de sentiments louables dans ses tableaux consacrés à la Poursuivante et à la Bayon-
naise 26. Cf. Jouy, Salon de 1819, M. VII (8), 10 oct. 1819. Cf. Jouy, Salon de 1819, M. VIII (2), 14 nov. 1819. 22 Cf. l'Amateur, Salon de 1817, M.d.F. Il, 10 et 24 mai 1817, et Jouy, Salon de 1819, M. VIII (4), 27 nov. 1819. Jouy tient à disculper Forbin en précisant qu'un jury spécial a présidé au choix des tableaux. 2a Cf. Jouy, Salon de 1819, M. VII (10), JO oct. 1819. 24 Cf. Jouy, Salon de 1819, M. VIII (2), 14 nov. 1819. ~5 Cf. Jouy, Salon de 1819, M. Vll (12), 23 oct. 1819. Dumoulin reprochera, à l'occasion de l'exposition du tableau de Lejeune, la pension dont bénéficie Mina en France, M. Vll (6), 13 sept. Le monastère de Ouisando de Lejeune, exposé au Salon de 1817, tableau qui a valu au peintre l'éloge du Mercure pour le paysage et la bataille qui y sont évoqués, fut retiré par la suite de l'Exposition, l'Amateur, Salon de 1817, M.d.F. Il,24 mai 1817. 26 Cf. Jouy, Salon de 1819, M. VII (12), 23 oct. 1819. 2"
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1\ est bon de représenter la valeur française aux prises avec des ennemis acharnés qui la dépassent en nombre. C'est à peine si l'Incendie de Moscou provoque un commentaire critique hâtif 27. Il est vrai que le Mercure rend hommage à Isabey pour son Congrès de Vienne dont l'un des moindres mérites est la ressemblance parfaite des figures, mais il ne consacre à ce tableau qu'un très court développement 28. Par contre, les héros de l'Empire, L.asalle et Colbert, recueillent de véritables notices lors de la reproduction de leurs portraits par des gravures 29. Des portraits des généraux valent à leurs auteurs des mentions élogieuses. Tels les peintres Caminade, Bonnemaison, Dubois 8Q et Mme Chéradame 31 ou Paulin Guérin pour son portrait de Forbin 80. La sculpture aussi a droit à des louanges lorsqu'elle expose les bustes de Lagrange et de Talma, la statue du général Colbert ou la figure allégorique du sculpteur Ruxthiel 32 • En regard des fastes de l'Empire que le recueil défend, les Bourbons restaurés ont du mal à s'affirmer par le pinceau ou le burin. Le départ du Roi pour Gand mérite bien entendu une mention élogieuse, mais il est fort au-dessous du talent de Gros que la Bataille d'Aboukir, les Pestiférés de Jaffa et Charles-Quint à Saint-Denis ont consacré 83. Le portrait de Louis XVIII par Robert Lefebvre excelle par la couleur, mais allonge trop la figure et en affaiblit l'effet 34. Ce n'est pas le cas des Gobelins dont les tapisseries ont dessiné d'une façon admirable les pOrtraits d'Alexandre et de l'Impératrice de Russie ainsi que celui du R()i d'après le portrait de Gérard, excellent par la vérité de la couleur et la pureté du dessin 35. Le portrait du comte d'Artois par Gérard laisse à désirer par rapport à celui que le même peintre a exécuté du duc d'Orléans, à celui de Madame fait par Augustin 36, ou au portrait en pie
Cf. l'Amateur, Salon de 1817, 7 juin 1817. Cf. l'Amateur, Salon de 1817, ibid. Eloge d'une gravure reproduisant le même dessin, Jouy, Salon de 1819, M. VIII (4), 27 nov. 1819. 29 Cf. supra, n. 7. 30 Cf. l'Amateur, Salon de 1817, M.d.F. II, 7 juin 1819. 31 Cf. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. 32 Cf. l'Amateur, M.d.F. II, 21 juin 1817. 33 Cf. l'Amateur, M.d.F. Il, 10 et 24 mai 1817. 34 Cf. l'Amateur, M.d.F. Il. 7 juin 1817. 35 Cf. l'Amateur, M.d.F. l, 4 janv. 1817. 36 Cf. l'Amateur, M.d.F. JI, 10 mai et 7 juin 1817. 37 Cf. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. 38 Cf. M.d.F. Il, 7 juin 1817. 39 Cf. Jouy, M. VII (6), 13 sept. 1819. 27
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C'est d'ailleurs une véritable manie que les portraits qui ont envahi les salons. Paulin Guérin en a exposé dix-huit, rien que de princes, de ducs, de marquis et de barons. Le peintre manque parfois de souplesse et ses teintes sont souvent blafardes. Péché mortel, il pousse trop loin la fidélité de la ressemblance, ce qui certes n'embellit pas les personnages 40. Les ministres n'ont pas échappé à ce fléau et la tête de Decazes, sculptée par Bosio, ne trahit que' trop les soucis ministériels 41. Le radeau de la Méduse de Géricault projette moins pour Jouy les virtualités d'un art qui va bientôt rompre avec les abstractions linéaires des Davidiens qu'il n'incarne par les horreurs du naufrage les abus de l'incurie gouvernementale 42. Les victimes royales de la Révolution exercent l'imagination des peintres soucieux de plaire à la Maison restaurée, ainsi que les commentaires sympathiques du recueil. Le tableau de Louis Hersent, Louis XVI distribuant des secours pendant un hiver rigoureux, participe de plusieurs genres - scène familière, tableau d'histoire et paysage à la fois - et mérite de grands éloges 48. On sait l'insistance du recueil pour opposer à la furie des ultras la modération du roi martyr. Même La mort de L'abbé Edgeworth, confesseur de Louis XVI, vaut à Menjaud les louanges de l'Amateur pour l'intelligence de la composition et l'expression des personnages 44. La Reine à la Conciergerie de Lardon suscite la critique favorable du Mercure, non sans quelques réserves quant aux effets de lumière, les traits estompés de la prisonnière et la sécheresse de la scène 46. Plus réussie est la statuette de Marie-Antoinette à genoux devant un prie-Dieu comme sujet et comme exécution, bien que la tête soit tournée de façon peu naturelle 46. Le libéralisme n'aime pas s'attarder sur les crimes de la Révolution. Il préfère trouver refuge dans des sujets exotiques, liés à un grand empire d'Orient avorté ou aux incursions angoissantes des Barbaresques. Le massacre des Mameluks d'Horace Vernet a de quoi nourrir les imaginations que l'épopée napoléonienne avait tournées vers l'Egypte. Jouy consacre un long développement aux détails du tableau, où Méhémet-Ali, assis sur une terrasse, préside à l'exécution des Mameluks par ses Albanais. Il est vrai que le peintre n'a pas exploité le contraste de couleurs ni respecté les lois de la perspective, mais son tableau mérite la palme pour la vérité et la force de l'évocation 47. D'une justesse et d'une vérité admirables est un autre tableau du même peintre représentant le combat entre des pirates algériens, ravisseurs d'une jeune femme et de sa famille. Une tempête, le soulèvement des vagues et
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43 44 45
46 47
Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf.
Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. Jouy, M. VIII (4),27 nov. 1819. Jouy, M. VII (6), 13 sept. 1819. l'Amateur, M.d.F. Il, JO mai et 7 juin 1817. M.d.F. Il, 24 mai 1817. l'Amateur, M.d.F. Il, 24 mai 1817. l'Amateur, M.d.F. Il, 21 juin 1817. Jouy, M. VII (6), 13 sept. 1819.
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des couleurs bien contrastées concourent tous à l'effet saisissant du tableau 48. Le libéralisme peut encore trouver refuge auprès de l'histoire reculée. La France occupée et libérée se retrouve dans ses annales et maints chapitres glorieux de son histoire se déroulent par la magnificence des couleurs et le mouvement rapide des figures. Les options partisanes s'attardent avec sollicitude sur les règnes qui préfigurent l'avenir consti..; tutionnel de la France. L'Entré d'Henri IV à Paris suscite l'admiration enthousiaste de l'Amateur. Gérard y a confirmé son beau talent de corn..; position, joignant à la vérité de l'expression la disposition pittoresque du cadre. Les scènes épisodiques concourent toutes par la vérité du détail à accentuer celle du sujet principal. ,Par la forte émotion qu'il dégage, le tableau mérite d'être placé parmi les cinq ou six chefsi d'œuvre de peinture de l'Europe 49. Ce n'est pas le cas du paysage histo-: rique de Watelet, bien inférieur pour l'exécution à son paysage roman", tique, qui représente Henri IV et le capitaine Michaud. Les défauts tech-, niques du tableau n'affaiblissent pas cependant le mérite de l'expression énergique des personnages, la correction du dessin, les effets de lumière et de perspective 00. C'est encore moins le cas du tableau de Ronmy qui a pour motif Henri IV recevant dans son camp, sous Paris, les habitans que la famine a chassés de cette ville. Tout y est à contresens, et l'un de ses moindres défauts est d'avoir figuré le monarque trop âgé 51. Même Revoil n'a pas réussi à évoquer dignement la figure légendaire d'Henri IV par le tableau qu'il a consacré à Jeanne d'Albret, mère du monarque 5t. Il arrive que le libéralisme paie son tribut de respect aux motifs féodaux. JI loue Ducis, passionné des sujets de chevalerie, pour son François 1er armé chevalier par Bayard. La composition se distingue par la couleur locale et la mise en relief de l'action principale, tout en ména-: geant avec art la distribution des groupes 53. Le roi de la Renaissanc(! eût gagné à être représenté moins galant et plus généreux et Diane de Poitiers plus soucieuse de sauver son père que de plaire, dans le tableall aux couleurs trop brillantes de Mlle Lescot, où l'on voit François 1er accordant la grâce de Saint-Vallier 54. La gloire des campagnes italiennes se retrouve quelque peu dans l'Entrée de Charles VIII dans lq ville d'Acquapendente. Ce tableau de Chauvin est de loin au-dessus de sa réputation. Il a su cependant assurer l'illusion de vérité par la route montante, la colline coupée en terrasses et les maisons sans toits. La
.,' Cf. Jouy, M, VII (12), 23 oct. 1819. 4" Cf. M.d.f, III, 19 juillet 1817. Cf. Jouy, M. VII (12),23 oct. 1819. ;;1 Cf. ibid. "t Cf. Jouy, M. VII (10), 10 oct. 1819. ,,3 Cf. l'Amateur, M.d,F. Il, 7 juin 1817. Un autre tableau d'un peintre de la chevalerie, Revoil - La convalescence de Bayard - eût été parfait sans les défauts de dessin, ibid., 24 mai. :;4 Cf. Jouy, M, VII (10), 10 oct. 1819.
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verdure cendrée des Apennins, la couleur du ciel, les effets de lumière et de mouvement renforcent l'impression de véracité 1i5. Le Mercure s'accommode moins bien des inspirations chateaubrianesques. C'est dans l'Itinéraire de Paris à Jérusalem que Rouget aura pris son idée des Derniers momens de Saint-Louis. L'Amateur reste indifférent devant cette composition peu dramatique malgré la disposition classique du tableau, sa couleur et ses personnages. C'est que la mort du roi n'est qu'accessoire et que la douleur de Charles d'Anjou accapare toute l'attention. Rien n'y indique le lieu de la scène et l'on n'y rencontre que des portraits au lieu de caractères 56. Blanche de Castille, mère de Saint-Louis de Mme Servières a pour motif un sujet féodal. Il s'agit de nombreux vilains que des prêtres ont jetés dans des cachots, faute d'avoir payé le droit de champart. Il est vrai que les vilains n'ont pas dans le tableau l'aspect émouvant annoncé par la notice ni la reine-mère une expression généreuse. Cependant, la composition est sagement équilibrée et l'effet d'ensemble heureux 57. Dans la veine nobiliaire et religieuse la Clothilde de Mlle Lafond est bien réussie malgré des couleurs trop pâles et l'affectation des figures des femmes. L'expression touchante de l'héroïne, la variété des poses et la grâce des attitudes en rehaussent la valeur 58. C'est également le cas du Costume gothique d'Inès Esménard, nièce du collaborateur du Mercure, de la Salle quatorzième siècle de Bouton ou du tableau de Richard, au motif plus moderne, représentant la duchesse de Montmorency et Madame 59. La peinture peut également puiser des leçons dans l'histoire d'autres dynasties. Le prétendant Stuart, Charles-Edouard en Ecosse de Bouton, constitue un témoignage irréfutable à l'adresse des hommes de 1815 quant à la réversibilité de la légitimité. Le peintre a déployé tout le secret de son art. Le charme de la composition s'y dégage de la sourde indécision des lignes 60. D'autres tableaux représentant le fondateur de la Maison des Vasa ont été vraisemblablement inspirés par l'épopée impériale qui a placé sur le trône de Suède un maréchal de France. Gustave Vasa de Dufau est bien conçu - trahi par la noblesse, le roi harangue des ouvriers mineurs - , mais mal exécuté: le monarque est trapu et la misère des ouvriers trop grande 61. Hersent a su éviter cet écueil dans son Gustave Vasa, où le roi, vieilli et affaibli, conserve sa majesté. Toute l'histoire du règne se lit dans l'expression des personnages. La variété d'attitudes et la lumière qui baigne le trône ne font qu'ajouter à l'harmonie de l'ensemble 62.
:;5 56
57 58
,,9 60
101
6~
Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf.
Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. M.d.F. Il, 17 mai 1817. Jouy, M. VII (ID), 10 oct. 1819. Jouy, M. VIII (2), 14 nov. 1819. l'Amateur, M.d.F. Il,24 mai 1817. Jouy, M. VII (10), 10 oct. 1819. ibid. ibid.
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L'histoire des rois n'est qu'un chapitre dans les annales de la France. La plus belle statue décorant le pont Louis XVI est celle du bailli de Suffren qui s'était illustré aux Indes dans la guerre contre les Anglais. L'Amateur qui loue le beau port de tête de la statue et son expression, regrette que Le Sueur ait été obligé de sculpter des drélperies pour le reste du corps 63. En tenant compte de la difficulté de sculpter le costume moderne, on n'a qu'à louer le Duguay-Trouin de Duparquier 64, la statue d'un autre homme de mer illustre - Tourville - de Marin, bien que la figure manque quelque peu de vigueur 6G et le caractère emporté de JeaTl Bart, tableau où Tardieu le montre se frayant un chemin à coups Q~ poings pour accéder au monarque. Si l'action est bien traduite dans ce tableau, le roi, par contre, manque de noblesse 66. Le siècle de Louis XIV s'illustre également par des écrivains et des artistes que la porcelaine de Sèvres 67 et des médailles mettent en valeur 68. Laurent a décrit un trait émouvant de la vie de Callot en peignant l'artiste en train de refll::: ser à l'envoyé de Richelieu de graver la prise de Nancy. Les figures y excellent par le naturel de la pose et de l'expression. Naturels aussi sont les objets décorant l'atelier 69. Bien que commandé par le gouver~ ne ment à Ansiaux, l'Amateur n'a qu'à se louer du tableau montrant Poussin présenté par Richelieu à Louis XIII. Remarquable par la couleur et la vérité, cette peinture est surtout digne d'éloges pour le portrait 4~ Poussin 70. Sans s'attarder sur les statues peu réussies de Sully, compagnon d'armes d'Henry IV, de Suger, ministre et conseiller de Louis VI et de Louis VII 71, ni sur le tableau mettant le poète Alain Chartier en présence de Marguerite d'Ecosse, composition simple, où Mme Servières a su peindre une scène riche en coloris 72, il faut souligner l'intérêt qu~ manifeste Jouy pour les tableaux évoquant l'occupation anglaise pen:" dant la Guerre de Cent Ans. La transposition est à peine voilée. JI trouve patriotique le Dévouement des bourgeois de Calais d'Ary Scheffer, montrant six Français en chemise et la corde au cou, marchant au supplice par ordre d'un roi anglais. Ce n'est pas sans répugnance que les Français de 1819 regardent ce tableau, mais ils y respirent l'amour de la patrie, rehaussé par la perfection de l'expression comme du dessin,. bien que le coloris y laisse à désirer. De plus, le patriotisme des Bour-' Cf. l'Amateur, M.d.F. Il, 21 juin 1817. Cf. l'Amateur, ibid. 65 Cf. Jouy, M. VIII (4), 27 nov. 1819. 66 Cf. l'Amateur, ibid. \17 Cf. C., M.d.F. 1,4 janv. 1817. 68 Cf. anonyme, Galerie métalliquc dcs grands hommes français, M.d.F. 111, 2 août 1817. 69 Cf. l'Amateur, M.d.F. Il, 24 mai 1817. 70 Cf. ibid. 71 Cf. l'Amateur, M.d.F. Il,21 juin 1817. La statue infortunée est d'un sculpteur au nom prometteur, Espercieux. Celle de Suger par Stouf offre certaines qualités, mais elle manque de vigueur et de vérité, ibid. 72 Cf. Jouy, M. VII (10), 10 oct. 1819. 63
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geois de Calais rappelle celui du frère du peintre, Charles-Arnold Scheffer, sévèrement condamné en 1818 pour une brochure préconisant 'les principes de 89 78 • Patriotique encore sinon davantage et digne de louanges est Jeanne d'Arc prisonnière à Rouen de Revoi!. C'est une bonne occasion pour rappeler la dévastation de la France par l'Angleterre et le parti des nobles qui était acquis à celle-ci. Le peintre a excellé à donner à la prisonnière un air de fierté et à ses bourreaux un caractère de vérité. On n'a qu'à se pencher sur le tableau pour y retrouver le fanatisme et les crimes du c bon vieux temps» u. Sujet patriotique, où légende et histoire sont mêlées, est La bataille de Tolosa d'Horace Vernet, opposant Don Sanche, roi de Navarre, et Rodrigue, l'archevêque de Tolède, aux Maures. La hardiesse de la composition et l'imagination fougueuse du peintre se retrouvent même dans ses écarts. Ainsi, le cheval blanc tient trop de plAce dans le tableau, le roi n'accuse pas assez de noblesse et les armures répondent mal à la vérité de l'imitation. Mais l'archevêque de Tolède a une figure expressive de même que les cavaliers maures 711. C'est encore la fabuleuse Navarre qui fournit le thème chevaleresque et combien national de La mort de Roland, écrasé dans la vallée de Ronceveaux sous les débris des rochers. Michalon a su disposer avec beaucoup d'art de belles masses, coupées par des accidents de terrain, pour renforcer l'effet de la mort terrifiante du héros 76. Le Mercure et la Minerve ne professent aucunement l'athéisme. Nulle part nous n'avons trouvé dans ces deux recueils des positions doctrinales en contradiction avec la philosophie du sentiment religieux que Benjamin Constant y a tant bien que mal élucidée. Mais tous les rédacteurs sont unanimes à combattre la résurrection temporel\e d'une Eglise associée dans leur pensée au despotisme nobiliaire et césarien. Que l'invasion des Salons par des motifs religieux ait déplu aux critiques libéraux ne devrait guère nous étonner. Ils eussent aimé pratiquer des coupures dans l'histoire intel\ectuel\e et artistique de l'Occident qui permît à la Renaissance de rejoindre sans solution de continuité l'antiquité gréco-romaine. L'humanité n'eût fait que gagner par la suppression pure et simple du c bon vieux temps ». N'est pas valable une tranche d'histoire transposable où oppression nobiliaire et fana,tisme superstitieux avaient libre cours. Ceci dit, la critique se met en devoir, selon les critères d'une sensibilité émoussée par des abstractions raisonneuses, de faire la part au talent comme de blâmer les manquements aux préceptes de l'Ecole. Nombreuses sont les Descentes de croix. Delorme se voit dédaigné pour le Christ qu'il aura copié de la Transfiguration de Raphai!1. D'ail73 Cf. Jouy, M. VII (8), 25 sept. 1819. Pour des détails sur le procès d'Arnold Scheffer, cf. notre article, Sur un écrit de jeunesse d'Augustin Thierry, R.H.L.F., n° 3, juillet-sept. 1959, p. 380. 74 Cf. Jouy, M. VII (10). 10 oct. 1819. 75 Cf. l'Amateur, M.d.F. Il, 17 mai 1817. 76 Cf. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819.
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leurs, Jouy se moque du paradis, des limbes et de l'enfer que le peintre s'est évertué à placer dans son tableau 77. Ni la Descente de croix de Gois, ni le modéle en plâtre de Gros, figurant le même motif, ne plaisent davantage au critique. Si l'expression de la Vierge de Gros est juste, sa figure est lourde et les têtes des autres figurants d'un caractère commun 78. Lair n'a pas plus de chance avec son Christ au tombeau, destiné à la ville de Metz, bien qu'il ait pris la précaution de le doter de deux Madeleines 79. Le Christ n'est pas non plus mis en relief dans la Chapelle du Calvaire de Bouton, bien que l'ensemble soit d'un bel effet 80, ni dans le tableau de Paulin Guérin, où les effets de lumière sont ratés, le visage de la Vierge blafard, et Saint-Jean-Baptiste une copie trop manifeste des Italiens 81. Les miracles peints du Christ n'emportent pas davantage l'admiration des recueils. Jésus-Christ apaisant une tempête ne vaut à Dubufe que des moqueries. C'est le cas également de Jésus ressuscitant le fils de la veuve de Naïm. Guillemot y a entassé trop de monde et négligé les vêtements des figurants 82. Le tableau de Bouillon sur le même sujet ne rappelle que trop Poussin par le modelage. Par ailleurs, le peintre fait preuve de correction dans le dessin et de charme dans la couleur 83. Vierges et Assomptions abondent également dans l'Exposition de Vierge au tombeau du davidien Pujol. Le port de tête et le corps ont de la grâce et la douleur de la femme qui la contemple est touchante. L'apôtre qui soutient la Vierge est un rappel du Saint qu'on remarque dans la Transfiguration de Raphaël. Le coloris éclatant du tableau est peu fait pour des motifs aussi peu éclairés 11*. L'Assomption de Blondel est remarquable par son originalité: les figures se distinguent par la variété du modelage et la beauté des têtes. Cependant, la Vierge et les anges y sont trop inanimés 85. Prud'hon aussi recueille le blâme du critique pour avoir conçu une Assomption trop mondaine 86. 1819. Jouy se doit de louer la
Les Saints ont également fait honneur aux 9deux Expositions. SaintEtienne prêchant l'Evangile confirme le talent classique de Pujol, sachant réunir la beauté des formes idéales à la vérité du modèle 87. Le SaintGermain de Stuenben se fait remarquer par un coloris exceptionnel. Plus remarquable est la Peste de Milan où Granger met en valeur un motif Cf. Jouy, M. VII (8), 25 sept. 1819. ,8 Cf. Jouy, M. VIII (4), 27 nov. 1819. 70 Cf. Jouy, M. VII (8), 25 sept. 1819. Sil Cf. l'Amateur, M.d.F. Il,24 mai 1817. 81 Le tableau a pour titre, Le Christ sur les genoux de la Vierge, Jouy, M. VII (8), 25 sept. 1819. 8~ Cf. Jouy, ibid. Na Cf. Jouy, M. VII (10), 10 oct. 1819. Le titre exact porte, Résurrection du 77
fils de la X4 Cf. 8il Cf. 86 Cf. 8, Cf.
veuve de Naim. Jouy, M. VII (6 et 8), 13 et 25 sept. 1819. Jouy, 25 sept. 1819. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. l'Amateur, M.d.F. Il, 10 oct. et 17 mai 1817.
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touchant dont l'idylle héroïque convient à son pinceau gracieux: Saint Charles Borromée emporte un enfant dont les parents viennent d'expirer 88. Un enseignement de grande valeur humaine se dégage du tableau de Juinne représentant l'histoire de Saint-Fiacre, fils d'Eugène IV, roi d'Ecosse, refusant aux envoyés de son pays le sceptre de son père. Simple dans la composition, le tableau ne manque pas de grandeur dans le style, quelque peu dépareillé par une action inanimée 89. Une leçon de tolérance est contenue dans le Saint-Ambroise de Vafflard. Bien que de commande, le tableau ne laisse pas d'exceller par la conception et l'exécution. L'archevêque de Milan est montré sauvant un prêtre arien de la populace furieuse 90. L'élève de David, La Croix [sic], se reconnaît par la pureté de dessin et la grâce du pinceau dans le petit Saint Jean comme dans Saint-jean-Baptiste 91. Auger, autre élève de David, a exposé un tableau remarquable: son Saint-Jean-Baptiste se d~stingue par la composition, la disposition et la variété des groupes comme par la richesse des détails O~. Les souffrances associées à la religion et le culte des martyrs provoquent toujours les protestations vigoureuses des recueils 93. C'est à Deine si Jouy s'arrête sur La jeune femme aveugle 94, mais il tonne contre La mort de Saphira, tirée des Actes des Apôtres. Picot n'eût pu choisir un motif plus ingrat. Les traits du saint apôtre sont cruels et le sort de la victime n'inspire aucune sympathie. Le bon Samaritain de Frasté permet d'abord à Jouy d'étaler sa science et de décocher, en citant la parabole de l'Evangile, des traits à l'adresse de l'Eglise. Ceci n'enlève rien à la qualité du motif et de la composition. Le blessé et le bon samaritain, par leur expression suave, font honneur au talent et à la sensibilité du peintre, quoique la perspective et la couleur laissent à désirer. Le martyre d'Eudore et de Cymodocée au mode chateaubrianesque suscite les moqueries de Jouy. L'héroïne n'a rien d'une sainte dans ce tableau dont l'auteur n'est pas nommé. Elle est belle et accuse un abandon peu édifiant"" Le tigre y est mieux réussi par la couleur et l'expression 95. Duvivier a le grand mérite d'avoir évité l'inspiration des Martyrs dans sa Cymodocée. On n'y voit pas les héros victimes des supplices. La jeune femme quitte son père endormi pour rejoindre Eudore et exprime ses sentiments par le geste et la figure. Plus de souplesse et une distribution plus appropriée de la lumière eussent rendu ce tableau parfait 06. Enfin, il n'a pas déplu à l'Amateur de s'associer à la tristesse que dégage la Vue de Genesano de Ronmy et de louer la composition, montrant une procession de pénitents noirs et blancs qui enterrent une ><8
89 00
91 92 03 94 H5
96
Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf.
Jouy, M. VII (6), 13 sept. 1819. Jouy, M. VII (8), 25 sept. 1819.
ibid.
Jouy, M. VII (\2),23 oct. Jouy, M. VIII (2), 14 nov. supra, n. 10. Jouy, M. VII (6), 13 sept. Jouy, M. VII (8), 25 sept. Jouy, M. VIII (2), 14 nov.
1819. 1819. 1819. 1819. 1819.
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jeune fille, ni de prendre le contre-pied de la motivation religieuse et de rendre hommage à Une religieuse interrogée dans un cachot souterrain de l'inquisition. Forbin eût dû embellir la douleur de la victime de l'Inquisition par la grâce et la beauté idéales que l'Ecole prescrit à ses adeptes 97. Des motifs bibliques ne semblent pas avoir peuplé les deux expositions. L'Amateur décerne des louanges à la simplicité et au caractère dramatique de la composition de Couder dans Le Lévite d'Ephraïm liS ainsi qu'au charme de l'Israélite à la fontaine de Mlle Brucy dont la couleur n'est pas cependant assez transparente ni le dessin assez correct 99. Jouy dit son admiration à Schnetz pour son Jérémie pleurant sur les ruines de Jérusalem. Bien qu'une simple figure d'étude, ce tableau prend des dimensions historiques grâce à l'expression et aux reflets cuivrés de la teinte 100. Les recueils se sentent plus à l'aise dans leurs comptes rendus des paysages d'Eglises. Le mode de Bernardin de Saint-Pierre est évoqué par le pinceau léger de Bouhot dans La prière pendant l'orage. L'artiste est l'auteur d'un autre tableau suggestif, La vue de la place et de l'église de Pantin le jour de la Fête-Dieu 101. Granet récolte un commentaire élogieux pour la Vue inférieure d'une Eglise des Capucins à Rome. La lumière qui pénètre par la petite fenêtre et qui baigne les stalles et les gens est d'un effet magique. Malgré l'uniformité apparente de couleurs et de formes, la Vue est d'une étonnante variété dans les vêtements et offre des nuances ainsi qu'un jeu de reflets dans les attitudes. D'ailleurs, la prospérité des commandes est contagieuse. Granet aurait vendu pour la somme considérable de 14.000 francs ce tableau qu'il refait et revend pour la douzième fois 102. Un autre motif semblable de Chauvin qui représente des capucins travaillant dans leur jardin, l'emporte par la naïveté et la simplicité sur le tableau de Granet 103. L'antiquité constitue un excellent alibi pour ceux qui ont cherché à refaire la France en croyant supprimer une bonne partie de son histoire. Si le libéralisme désenchanté revient sur le mirage antique en matière de gouvernement, il mettra du temps pour renier les abstractions linéaires desséchées des Davidiens. Phénomène courant dans les filiations comme dans les oppositions des générations et des siècles, il acquiert dans le recours des artistes aux Anciens une illustration probante. Il ne faudrait pas toutefois s'y méprendre. Plus qu'une révélation, la motivation à l'antique ou l'inspiration d'ordre chevaleresque est une redécouverte. Artistes et critiques y affirment leurs fidélités comme leurs inimitiés. Les autorités irrécusables qu'on invoque en matière spirituelle et artistique Cf. M.d.F. Il,24 mai et 7 juin 1817. Cf. M.d.F. Il, 17 mai 1817. U9 Cf. M.d.F. Il, 7 juin 1817. 100 Cf. Jouy, M. VIII (2), 14 no\'. 1819. 101 Cf. M.d.F. Il,7 juin 1817. 102 Cf. Jouy, M. VII (IO), 10 oct. 1819. 103 Cf. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819.
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ont plus d'une facette pour étayer les engagements raisonneurs, les sensibilités partisanes et notmment une sensualité transparente. Auteurs et artistes de la Renaissance bénéficient du prestige des Anciens dans la mesure où leur inspiration les a préservés d'une contamination trop marquée de la superstition. Le Couronnement du Tasse au moment de sa mort se distingue par une composition classique, bien qu'elle manque de mouvement et que les couleurs soient trop brillantes. Ducis soutient mieux sa réputation dans son Van Dyck. C'est un sujet heureux qui représente l'élève célèbre de Rubens peignant Saint-Martin sur le conseil d'une jeune fille qu'il aime. Cet ouvrage est remarquable par la grâce et le naturel 104. A un degré moindre, c'est le cas également de l'Arioste au milieu des brigands. Mauzaise a bien campé les brigands dans ce tableau, mais certains détails dans le modelage de l'Arioste se prêtent à la critique. L'Amateur ,')'en prend plus sc!vèrement à La mort de Masaccio, le peintre florentin qui serait mort empoisonné en 1443, à l'âge de 38 ans. Couder n'a pas su apporter à son tableau les précisions nécessaires. Masaccio ne donne guère l'impression d'un agonisant en proie aux convulsions terrifiantes d'une mort violente 103. La Jérusalem délivrée du Tasse dégage grâce à son affabulation des thèmes qui résistent à la répugnance pour «la folie de la croix:.. Et cependant, la sensibilité de l'Amateur vibre malaisément à l'évocation des héroïnes de ce poème épique. La Clorinde de Mauzaise annonce plus de verve et de goût que d'imagination et c'est pourquoi elle n'émeut guère. Malgré le soin avec lequel les détails sont peints, l'action principale est mal suggérée. Eloges et critiques sont également formés par l'Amateur au sujet de l'Armide d'Ansiaux. Teintes brillantes, peu de naturel, reflets bizarres et un triste paysage sont mêlés dans ce tableau. Le peintre a du mérite cependant pour le modèle de ses héros. Arminde est charmant et son sourire diabolique a de quoi nourrir la vol,upté 106. --La sensualité rejoint plus facilement le paganisme qu'elle ne s'affirme sous les voiles pesants du christianisme. La mythologie gréco-romaine crée à celui qui sait l'interroger ce refuge merveilleux où lignes et reliefs épousent les instincts en quête de nouritures terrestres. «L'imitation à l'antique» a beau s'armer de préceptes, elle n'en révèle pas moins les appétits. Les abstractions linéaires se colorent ainsi souvent d'une puissance charnelle qui les renient et la nomenclature fastidieuse des noms mythologiques annonce parfois les transformations de l'art pictural. Vénus, Cupidon, Psyché, les nymphes et les faunes n'ont pas moins envahi les deux Expositions que les motifs religieux. L'Amour de Chaudet, terminé par Cartellier, est d'une composition parfaite et d'une exécution légère. Cette statue peut rivaliser de qualité avec l'œuvre de Canova pour la pureté du dessin et le charme qu'elle dégage 107. Char-
104 105 106 107
Cf. ibid., Post-Scriptum. Cf. l'Amateur, M.d.F. II, 24 mai 1817. Cf. ibid. Cf. l'Amateur, M.d.F. II, 21 juin 1817.
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mante aussi est la jolie statue de Marin figurant une nymphe qui respire l'amour. Gois a mieux réussi à sculpter la Nymphe endormie dans une conque que sa Descente de croix. L'idée de sa Nymphe est riante et la composition gracieuse. La Faune de Foyatier eût mérité un éloge sans tache, s'il en eût mieux sculpté les mains. Jouy admire la Vénus se dévoilant à Pâris de Dupaty, cependant il recommande vivement au sculpteur de remplacer la Vénus sévère d'Amathonte par une beauté plus alléchante et des formes plus sveltes qui accusent plus d'abandon et de coquetterie, d'autant plus qu'il n'a exposé son héroïne qu'en plâtre lOS. C'est à peine si le même critique gratifie de quelques moqueries le tableau de Lethière, Vénus sur les eaux 109. La beauté de Narcisse a également inspiré les artistes contemporains. Si Narcisse du statuaire 8eauvallet n'offre ni défauts ni beautés saillants, celui de Legendre, malgré une infériorité d'exécution, l'emporte par l'expression charmante et mélancolique de la tête 110. Il Y a de la grâce et du bon goût dans le Narcisse de Cortot, qualités qu'on retrouve dans Pandore, autre statue du même auteur 111. Les contours gracieux d'Hébé, statue dont l'Amateur ne cite pas le nom de l'auteur, sont gâChés par des disproportions criantes m. Contrairement à l'avis des adeptes de l'Ecole, Jouy considère les Danaïdes de Mauzaise comme un véritable chef-d'œuvre et trouve du charme au frémissement que le tableau provoque 113. Le groupe d'Amour et de Psyché a toujours sollicité l'imagination des artistes. Si Bénaben s'empresse de payer son tribut d'éloges au tableau que David a adressé à Paris au collectionneur célèbre Sommariva 114, Jouy marque son extase devant le motif de Picot figurant l'Amour sortant du lit de Psyché. Charme du sujet et idéal de volupté, sauf le léger défaut d'un éclat trop vif, font vibrer les cordes nostalgiques de l'Ermite de la Guyane 115. La Toilefte de Psyché de Mlle Revest vaut au peintre l'éloge mitigé du critique dont l'indulgence s'explique en partie par son attitude encourageante à l'endroit des femmesartistes 116. Il faut négliger le tableau de Lethière, Enée et Didon 117, mais s'arrêter sur la Didon de Guérin. Peintre des poètes, Guérin attache par l'intérêt de la scène, la force de la pensée et le charme des souvenirs. Il est vrai que l'expression de l'héroïne est quelque peu exagérée, mais c'est le propre du génie et de l'art de réaliser par un geste et un moment un fait ou une idée. Guérin excelle non seulement par la puissance de 108 IOU 110
111
11~ 11:1
114
Il,, IlH
117
Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf.
Jouy, M. VII (8), 25 sept. 1819. Jouy, M. VII (12),23 oct. 1819. l'Amateur, M.d.F. Il, 21 iuin 1817. Jouy, M. VIII (4), 27 nov. 1819. M.d.F. Il,21 juin 1817. Jouy, M. VII (8),25 sept. 1819. M.d.F. 111,20 sept. 1817. Jouy, M. VII (8), 25 sept. 1~19. Jouy, M. VIII (2), 14 nov. 1819. Jouy, M. VII (12),23 oct. 1817.
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la conception et de l'expression, mais également par la précision des détails et l'ajustement des vêtements 118. Si la Galathée du statuaire Lemoine laisse à désirer par le maniérisme, malgré l'élégance des formes, le même motif dégage un effet magique sous le pinceau de Girodet. Le peintre représente Galathée au moment où elle prend graduellement vie. Mais Jouy reproche à Girodet le manque d'enthousiasme de Pygmalion, le trop grand nombre de figurants dans le tableau, le manque de précision du lieu de l'action comme d'autres défauts véniels. Nul doute pour le critique que le tableau ne soit d'une qualité supérieure ni que les défauts n'attestent du travail opiniâtre de l'artiste dont le génie l'appelle à un genre plus sévère 119. Enfin, Daphnis et Cloé de Louis Hersent, figuration du couple d'amants d'après le roman pastoral célèbre de Longus, accueillent les éloges de l'Amateur alors qu'il marque des réserves quant au tableau du portraitiste Oranger, Apollon et Cyparisse, malgré les qualités incontestables dont a fait preuve le peintre 120. L'allégorie se nourrit de l'héritage antique et y retrouve des thèmes que peintres et sculpteurs ont pratiqués de longue date en Occident. Deseine a exposé en 1819 les figures allégoriques du Crime, de l'Accablement et de la Douleur, mais n'a réussi que la première statue, les deux autres étant vulgaires. Lourde, grosse et courte est la taille du chirurgien Chiron sculpté par Julie Carpentier, alors que l'Innocence de Lemire commandée par Decazes, prouve le talent comme la grâce du statuaire et que le style de Cartellier dans la Minerve est très élevé, confirmant sa qualité exceptionnelle parmi les sculpteurs français 121. Thèmes légendaires, aux motifs historiques ou littéraires, ramenant le public à l'époque homérique et post-homérique, parfois à l'époque romaine, sont offerts par les tableaux et les statues exposées. Un style éminemment ancien distingue Dupaty dans la statue d'Ajax 122. Jouy ne trouve guère de grâce à la statue d'Ulysse de Petitot, mais il loue le style grec du statuaire Espercieux dans Diomède enlevant le palladium et dans Phi/octèle en proie à ses douleurs 123. Lagrénée s'avère un digne adepte de David dans son tableau d'Œdipe rencontrant Laïus dans le sentier funeste. Comme pour ses miniatures, ses aquarelles et surtout ses camées, le peintre a fait preuve dans ce tableau d'une composition bien étudiée, d'un dessin pur et de belles couleurs, bien que la mise en relief et l'animation des figures laissent à désirer 124. La couleur antique imprègne également le temple, le bois et le ciel dans le tableau de Raymond représentant des prêtres qui repoussent le suppliant Œdipe et sa fille. Jouy eût aimé cependant un écart d'âge moins important entre
118 119 12(1
121 122 123 124
Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf.
l'Amateur, M.d.F. Il, 10, 17 mai et 7 juin 1817. Jouy, M. VIII (4), 27 nov. 1819. l'Amateur, M.d.F. Il, 7 juin 1817. Jouy, M. VIII (4), 27 nov. 1819. l'Amateur, M.d.F. Il,21 juin 1817. Jouy, M. VIII (4), 27 nov. 1819. Jouy, M. VII (9), 25 sept. 1819.
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Œdipe et Antigone 125. Des qualités louables sont aussi manifestes dans l'Aristodème au tombeau de sa fille du sculpteur Bra, ouvrage où la douleur du père, meurtrier de sa fille, est mieux traduite que dans le poème de MontL Bridan est grec dans la statue d'Epaminondas par l~ pureté et l'élégance, mais l'expression du général thébain traduit trop délicatement les convulsions de la mort lorsqu'il est traversé par 411 javelot 126. Le lacédémonien Cléomène, aux aspirations césariennes, nç manque pas de vigueur dans l'expression, mais l'Amateur reproche au sculpteur anonyme un excès d'imitation de l'antique 127. Sujet historique passionnant est celui de La nouvelle de la victoire de Marathon, mai~ Couder a mis dans son tableau trop de figurants en âge de combattre et l'annonce de la victoire ne semble pas susciter de l'enthousiasme. L'exil des cendres de Phocion est un sujet non moins historique aux allusions à peine voilées au sort des bannis. Belle est la figure de la jeune fille à genoux et expressive l'indignation de son jeune frère, mais le nombre exagéré des membres de la famille réunis autour du tombeau en affaiblit l'effet. Sabinus qui avait tenté de rendre à la Gaule son indépendance; est un sujet historique aux projections patriotiques. Si le tableau d~ Giroust accuse des défauts de dessin, il fait preuve par contre d'un talent manifeste quant à l'expression, à la disposition des figures età la couleur. Sujet historique qui constitue une invite aux puissants se trouve dans La générosité d'Alexandre envers Appelle, tableau où Langlois a fait preuve de suavité dans le contour des figures et d'éclat dans la couleur, malgré une certaine fadeur d'inspiration 128. Le thème d'A".:. droclès d'Aulu-Gelle que Caldérary a sculpté ne manque pas de charme par l'expression de courage, de terreur et de surprise du héros affrontant le lion, bien que le critique reproche au statuaire les doigts effilés et ; les pieds difformes de l'esclave 129. Il n'y a pas de doute que les préférences des recueils n'aillent vers les tableaux et les statues marquées par l'histoire contemporaine ou éVQquant des thèmes légendaires auxquels la Renaissance italienne et l'antiquité gréco-romaine ont conféré un prestige mythique. Il ne nous appartient pas de préciser dans quelle mesure l'esthétique de l'école davidienne s'est exercée davantage pendant les années 1817-1820 en faveur de l'influence romaine et au détriment de l'héritage hellénique 180. ce qui est certain, c'est que l'esthétique des rédacteurs reste prisonnière d'un humanisme engagé qui répugne à accorder à l'art pour l'art la même valeur qu'ils reconnaissent aux œuvres dûment motivées. Non qu'ils ne décernent éloges et blâmes aux auteurs des thèmes indifférents, aux portraitistes comme aux paysagistes, selon les mérites des tableaux. Mais il ne s'agit là que d'une critique marginale.
125 126 127 128 129 130
Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf.
Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. Jouy, M. VIII (4), 27 nov. 1819. M.d.P. II, 21 juin 1817. Jouy, M. VIII (2), 14 nov. 1819. l'Amateur, M.d.P. II,21 juin 1817. R. Canat, L'hellénisme des romantiques, op. cit.
EVOCATIONS PLASTIQUES
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Louable est Le joueur dépouillé de Dubast que l'Amateur assimile aussi à un tableau historique 181. Boilly excelle dans des motifs d'ordre bourgeois, aux compositions naturelles, tels L'entrée au thédtre de l'Ambigu-Comique et Un jour de représentation gratis, où le peuple est montré dans une cohue animée 182. Charmants sont les tableaux anonymes représentant L'arrivée des routiers provençaux dans une auberge, Une malle de poste au relais ou Une foire de Demarne 188. La sensiblerie trouve son compte dans Le petit malade et La bonne mère de Oénod, l'un des fondateurs de l'école de Lyon, s'inspirant des Flamands 184, ou dans Un corbillard entrant au cimetière du Père-Lachaise 186. Le critique est également sensible à La petite fille tenant une grappe de raisins de Mlle Brucy, aux tableaux de fleurs de femmes-peintres Decaux, Riché et Deharme, surtout à celui de Vandaël, chef-d'œuvre dans son genre 136, comme au gont et à l'esprit dont a fait preuve Vanbrée au Salon de 1817 dans son Atelier de Vandaël 137 • L'Amateur admire La Salle à manger de Drolling pour l'imitation sans faille de la nature et le double effet heureux de la lumière venant de la fenêtre du fond ainsi que de la porte, ce qui rend l'illusion picturale parfaite 188. L'Escalier d'Isabey suscite l'hommage du critique qui le considère comme un chef-d'œvre pour l'art de la composition et du dessin, l'effet de la perspective et la vérité des détails 139. Les portraitistes qui ne s'attachent pas aux puissances du jour ne passent pas inaperçus dans les recueils. L'Amateur loue la méthode positive de Oranger 140 et Jouy les portraits de Prud'hon pour la pureté du dessin, le coloris, et l'expression. Mlle Bouteiller se voit décerner des éloges, mitigés par le reproche d'affectation, pour le portrait d'une dame, vêtue d'une robe rose et appuyée sur un tronc d'arbre, Mlle Mauduit pour celui d'un personnage dont l'attitude, la manière d'être et les vêtements sont admirablement peints, Kinson pour le portrait d'une jolie femme 141 et Mlle Volnais - élève d'Isabey - pour le portrait en pied d'une peune fille en blanc qui rappelle l'art de son maître 142. Ni le portraitiste en titre Robert Lefebvre ni Berthon 148 pour leurs portraits respectifs de femmes dorées sur toutes les coutures, ni Oarnerey pour ses portraits bizarres n'ont recueilli l'approbation de Jouy 1". 131 132 133
134 13;
136 137
138 139 140
141 142 143 144
Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf.
M.d.F. Il, 24 mai 1817. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. l'Amateur, M.d.F. Il, 7 juin 1817. Jouy, M. VII (10), 10 oct. 1819. Jouy, Post-Scriptum, M. VII (12), 23 oct. 1819. l'Amateur, M.d.F. Il, 17 juin 1817 et jouy, M. VIII (2), 14 nov. 1819. l'Amateur, M.d.F. Il, 10 mai 1817. l'Amateur, M.d.F. Il, 10 mai 1817. l'Amateur, M.d.F. IIi, 19 juillet 1817. l'Amateur, M.d.F. Il, 7 juin 1817. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. Jouy, M. VIII (2), 14 nov. 1819. jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. jouy, M. VIII (2), 14 nov. 1819.
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Les paysages sont nombreux dans les deux Expositions et certains préfigurent déjà l'évolution picturale future. Le thème féodal d'une Cour intérieure de château, de Turpin, côtoie la Forêt de Bertin, où des pasteurs font des offrandes au dieu Pan, ainsi que le tableau de Demarne représentant des Pâtres portant leur père. La Vue d'une ville du royaume de Naples de Barrigue de Fontainieu partage les éloges de l'Amateur avec Bidauld pour La vallée de Ronciglione. Fontainieu a rendu avec un rare talent le ciel, les arbres et la montagne et son confrère a fait preuve d'une composition parfaite surtout dans l'étude des montagnes dont les teintes se muent graduellement jusqu'au dernier plan 145, C'est de nou., veau Bidauld qui excelle dans ses sites de France et d'Italie à l'Exposi.,. tion de 1819 146• C'est encore le cas de la Vue de Naples de Dunouy au Salon de 1817 pour la vérité des figures et moins de sa Vue de Gênes, à cause d'une mer trop bleue et des lignes trop arrêtées 147, Au Salon de 1819, Jouy admire les tableaux de ce dernier peintre, notamment les Vues de la ville de Castellamare et de l'île d'Ischia pour la fidélité comme la vigueur de la peinture 148. La Vue prise entre Gémenos et la Sainte-Baume de Seyfert 149 a du mérite, mais c'est surtout La vue du port et de la tour de Terracine de Hue, successeur de Vernet père, qui suscite l'admiration de Jouy. Le port est montré au moment où l'orage qui a éclaté couvre la ville, alors que la mer commence à se soulever et qu'un homme galope vers la mer. Vérité et talent se rencontrent dans un tableau d'Horace Vernet représentant un naufrage au pied d'un fort 1iiO et dans Un vaisseau qui fait naufrage dans un calme de Garnerey, peintre de marines, qui était prisonnier pendant huit ans sur les pontons anglais, fait qui mérite certes l'indulgence du critique pour l'artiste 151, Eléments conventionnels et virtualités manifestes figurent dans ces tableaux de même que dans La Cascade de Tandon dans les Vosges du jeune Dutac, motif que l'Amateur apprécie malgré les imperfections de détails 15~ ainsi que dans un second paysage du même peintre, où les masses se détachent avec plus de relief 153. Des éléments hétérodoxes se révèlent dans le grand tableau de Watelet, Paysage romantique dans les Vosges. La peinture offre une vaste et admirable solitude, mais Jouy n'y trouve guère d'interlocuteurs 154. Rien que les motifs du Clair de lune de Demarne, de La première neige d'automne de César Vanloo ou de l'Effet du soir de Mlle Sarasin de Belmont, tableaux que l'Amateur enregistre avec éloge, préfigurant déjà une évolution qui rompt de plus en plus avec la tradition de l'Ecole 155. 145 146
147 148
14\1 1,,0 151 152
1n3 154 155
Cf. M.d.F. Il, 7 juin 1817. Cf. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. Cf. l'Am:!teur, M.d.F. Il, 7 juin 1817. Cf. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. Cf. l'Amateur, M.d.F. Il,7 juin 1817. Cf. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. Cf. Jouy, M. VIII (2), 14 nov. 1819. Cf. M.d.F. Il, 7 juin 1817. Cf. M.d.F. III, 19 juillet 1817. Cf. Jouy, M. VII (12), 23 oct. 1819. Cf. l'Amateur, M.d.F. Il, 7 juin 1817.
ÉVOCATlONS PLASTIQUES
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Le Poriail en ruine anonyme 156 ainsi que l'Ermitage de Vaucouleurs ou un autre tableau du même genre de Richard, considéré comme le premier parmi les fondateurs de l'école de Lyon 157, rejoignent égaIements les éléments disparates d'un courant pictural qui vaut autant par ses divergences que par ses points de rencontre. Les paysages « solitaires» comme le coloris d'une imagination rebelle à l'enseignement de l'Ecole n'ont mérité de la part de Jouy qu'une notation sommaire ou une réprobation dédaigneuse. Les arts plastiques ne sauraient avoir une motivation autre que celle qui conditionne la cité utilitaire des bourgeois. Interprète des deux recueils en matière d'art, Jouy n'y cherche que les éléments raisonnés d'une sensibilité émoussée. L'histoire, les annales d'une épopée récente notamment, les personnages favorables à la cause nationale des bourgeois aussi, et, à travers la Renaissance, une Antiquité dont les figurations co1orent les vérités et davantage les passions du jour éclairent une critique désespéramment bornée. D'un ordre tout à fait marginal, en regard de la politique, de l'histoire et de la littérature, les arts plastiques n'ont guère bénéficié d'un «débat» prometteur pour l'avenir.
106 107
Cf. l'Amateur, M.d.F. II, 7 juin 1817. Cf. Jouy, M. VII (10), 10 oct. 1819.
CHAPITRE
XII
TRANSPOSITIONS LITTÉRAIRES
Les écrivains engagés de la Restauration ne conçoivent pas de littérature indépendante. Les lettres foit partie des sciences de l'homme et celles-ci tendent toutes vers le bien-être et les libertés de l'individu. Le XVIII· siècle philosophique est cette connaissance totale de l'homme qui renouvelant les méthodes et multipliant les découvertes a tout remis en question. Il appartient au XIX· siècle de faire aboutir l'œuvre de ses devanciers 1. Ni Tissot, ni Aignan, ni Jouy n'ont cherché à développer une philosophie qui conçoive la littérature en étroite dépendance du progrès de la liberté. Dans leur prospection du présent et dans leurs retours au passé, ils mettent bien entendu en relief toute écriture favorable à leur cause. Mais il n'appartient qu'à Constant d'avoir cette conscience aiguë de la corrélation intime entre les différents ordres de problèmes. Les articles qu'il a publiés dans le Mercure et la Minerve - dont bon nombre seront recueillis dans les Mélanges - témoignent d'une ouverture d'esprit peu commune à l'époque. Les manuscrits de Constant attestent aussi d'un projet persistant à considérer les littératures anciennes et modernes dans leur motivation libérale 2. Les ouvrages qu'il a consacrés à l'étude de la religion confirment cet effort à réduire la politique, la morale et la vie spirituelle aux dimensions enrichies de l'individu. Deux articles publiés dans le Mercure et la Minerve se rapportent à la question, mais n'envisagent que la littérature et la philosophie romaines: De la littérature dans ses rapports avec la liberté a et Aperçus sur la marche et les révolutions de la philosophie à Rome 4. Ce dernier article, de l'aveu de Constant, serait l'extrait d'un ouvrage inédit, développements qu'on retrouve dans Du polythéisme posthume. On conçoit que les rapports de la littérature et de la liberté s'insèrent dans le problème plus vaste de la perfectibilité. Reprenant les thèses de Turgot et de Condorcet et sans adopter les affirmations absolues de 1 Cf. Lacretelle, Progression de l'esprit humain depuis les quatorzième et quinzième siècles, jusqu'au dix-neuvième, M.d.F. 1,4 janv. 1827. 2 Cf. Paul Bastid, Benjamin Constant et sa doctrine, op. cit., vol. Il, livre Il,
ch. III. 8 4
Cf. M.d.F. III, 13 sept. 1817, art. recueilli dans les Mélanges. Cf. M. 1 (13) et M. II (2), fm avril et 14 mai 1818, art. recueilli dans les
Mélanges.
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Mme de Staël, dans De la littérature, Benjamin Constant se révèle partisan d'un système plus souple. Un progrès d'idées somme toute continu existerait malgré des limites et des retours apparents qui remettent en cause les conquêtes de l'esprit déjà établies 5. On conçoit surtout que la lutte acharnée menée par les libéraux contre les ultras ait déterminé Benjamin Constant à combattre le mythe d'une littérature conditionnée et inspirée par le despotisme. Le douzième chapitre de De l'usurpation - Des effets de l'arbitraire sur les progrès intellectuels - avait démontré la déchéance qui est le lot de la pensée et des œuvres littéraires sous un césarisme totalitaire. Le rapprochement, devenu grâce à Voltaire un lieu commun, entre le règne de Louis XIV et celui d'Auguste, est une èpée à double tranchant. Les chefs-d'œuvre ont survécu à la rognure du temps en dépit de la protection accordée par Auguste, Louis XIV et Bonaparte et non grâce à eux. N'est valable qu'une littérature indépendante, conçue loin du pouvoir ou en opposition avec lui. Malheur à la pensée qui se laisse subjuguer par le mirage de l'arbitraire et conta., miner par les facilités du pouvoir! On ne comprend que trop le désir de la droite de consacrer la cause du despotisme par l'éclat des lettre~. et de la justifier par les apparences d'une paix intérieure solide. La flo': raison littéraire, le perfectionnement du goût et le raffinement des arts seraient la rançon, combien légitime, du désintéressement des classes élevées des problèmes politiques de la cité. Au contraire, la littérature ne saurait être un acte gratuit, tirant sa finalité d'elle-même. «Je pensë [ ... ] qu'il est aisé de prouver que les chefs-d'œuvre de la littérature romaine [ ... ] ont dû leur existence et leur mérite aux débris de la liberté, parce que les progrès de la littérature, quelque séparée qu'on aime à la concevoir de toute idée politique, tiennent toujours, non pas sans doute à une liberté explicite et garantie, mais à un mouvement dans les esprits qui n'est jamais complètement étranger aux souvenirs, à la possession, à l'espérance, au sentiment, en un mot, de la liberté 6. :. Une telle optique, bien qu'explicite pour Benjamin Constant seul, ne Iqisse pas d'imprégner les attitudes de ses collègues. Si la Révolution constitue l'étape essentielle dans l'acheminement de la cité vers le nouvel ordre social et moral, nul doute aussi que la réhabilitation du Siècle des Lumières ne serve de caution à la consécration de la Constituante et de la Charte. Le Grand Siècle monarchique et chrétien des ultras se voit opposer avec acharnement le siècle de Montesquieu et de Voltaire. Mieux encore, il finira même par perdre ses attributs royalistes et rejoindre le patrimoine libéral. Les partisans de ce siècle se plaisent à représenter la littérature du XVIII" siècle comme desséchée par l'esprit philosophique. Il est vrai que la littérature frivole a moins d'emprise à l'ère des lumières. 1\ est surtout vrai que le goût du XVIII" siècle s'affine par rapport au siècle précédent. C'est lui qui consacre les génies du grand siècle dont ;; Cf. B. Constant, De la perfectibilité de l'espèce humaine, in Mélanges; pour un ouvrage d'ensemble sur la perfectibilité, cf. j.-B. Bury, The idea of progress, reproduction américaine de l'édition de 1932, New-York, 1955. 6 B. Constant, De la littérature [ ... ], art. cit., p. 488.
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le talent avait été souvent rapproché par les contemporains de la médiocrité des Scudéry, des Pradon, des Montfleury et des Chapelain. Mme de Sévigné n'avait-el1e pas prédit que l'auteur d'Athalie «passerait comme le café» ? Avec le goût, le XVIIIe siècle enrichit sa langue, étend son éloquence et fructifie dans tous les domaines. Il se fait valoir par Crébil1on, jean-Baptiste Rousseau, Racine fils, Piron, Gresset, Delille, Massillon, Beauvais, Rol1in, Lesage, Condillac, Mably, Helvétius, Raynal, d'Alembert, Marmontel, Diderot, Bernardin de Saint-Pierre, Condorcet 7. Ces noms d'auteurs que jay croit de second plan et qu'il énumère pour les opposer aux médiocrités du XVII" siècle, s'al1ongent et s'enrichissent selon le hasard des articles. Vauvenargues recueille un éloge enthousiaste et Duclos une appréciation d'estime de la part de Tissot, commentateur de Say. La grandeur de caractère du premier, ses méditations, sa conception de la gloire et son sens de la pitié comme de l'amitié ou de l'amour sont mis en relief. Duclos, homme droit et adroit selon jeanJacques Rousseau, s'il ne s'attachait qu'aux apparences des choses, n'a pas laissé cependant de voir juste. Le mérite des Considérations sur les mœurs, c'est de prendre l'homme tel qu'il est et de considérer ses passions comme éléments virtuels de vertu. A l'encontre du procédé décousu de La Bruyère, les Considérations évoquent des entretiens gracieux de salon 8. Saint-Lambert reprend sa place parmi les philosophes à la faveur de son Catéchisme. Parties faibles et aperçus fins sur la morale et la société y alternent. Poète inégal, dans ses Saisons comme dans ses Poésies fugitives, il fait preuve, selon Lacretelle, d'un goût exquis dans ses Contes philosophiques et ses Fables orientales 9. Turgot, par contre, n'a pas encore recueilli l'hommage qu'il mérite, lui qui est « égal d'ailleurs à tout son siècle par l'étendue et la variété du génie, et digne des plus beaux temps de l'antiquité par la perfection du caractère 10 ». Dans le dernier tiers du siècle, c'est la figure vénérable de Malesherbes qui fixe l'attention des rédacteurs. Ils aiment retrouver dans le défenseur de Louis XVI le philosophe et l'homme d'action, ami d'une franche constitution, partisan de la liberté de l'expression et des droits individuels, adversaire des intérêts nobiliaires, des impôts écrasants et des persécutions sectaires. N'incarne-t-i1 pas ce qu'il y a de plus positif et de plus élevé dans l'héritage philosophique malgré les dénégations de son petitfils Rosanbo? La Restauration ferait une œuvre pieuse en érigeant une statue à la mémoire d'un homme qui symbolise la nouvel1e France 11. Mais la réputation du XVIIIe siècle a été établie surtout par les écrivains «d'une force supérieure, qui ne redoutent aucune comparaison 7
Cf. Jay, c.r. de l'ouvrage de F. Simon in, Le dix-huitième siècle, M.d.F. 1lI,
20 sept. 1817. 8 Cf. Tissot, c.r. du Petit volume, de Say, contenant quelques aperçus des hommes et de la société, M.d.F. IV, 1er nov. 1817. 9 Cf. Lacretelle, Sur Saint-Lambert, M.d.F. IV, 25 oct. 1817. 10 Jbid., p. 177. 11 Cf. Lacretelle, Portrait historique de Malesherbes, M.d.F. l, 29 mars 1817 ; Etienne, n° 10, M. Il (1) fi mai 1818; Jouy, c.r. de l'ouvrage de Boissy-d'Anglas, Essai sur la vie, les écrits et les opinions de M. de Malesherbes, M. IV (4 et 10), 28 nov. 1818 et 9 janv. 1819.
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avec leurs prédécesseurs. soit par l'étendue. par la variété. par l'utilité de leurs travaux. soit par la hauteur et l'éclat de leur génie. Quel siècle. après avoir produit Voltaire. Montesquieu, Rousseau, Buffon, pourrait craindre une destinée obscure 12 » ? La philosophie réclame l'application des vérités morales et politiques et la littérature s'alimente aux vives sources de l'histoire. Expériences savantes et horizons élargis inspirent à leur tour les poètes. Les lettres ne sont plus l'affaire d'une caste privilégiée. Elles traduisent l'opinion publique et deviennent nationales la. Les études connaissent une véritable renaissance. après l'expulsion des jésuites, grâce à Rollin et à l'œuvre des Oratoriens et des Bénédictins 14. Si les mœurs contrastent curieusement avec la théorie. ce n'est certes pas le fait des Philosophes. La corruption des mœurs a toujours caractérisé le mode de vie des nobles. C'est par l'héritage philosophique que les vices ont perdu de leur effronterie. que les liens des familles sont devenus plus étroits et que l'amour de l'humanité et le patriotisme ont survécu au naufrage de l'anarchie et du césarisme 15. La dèfense du XVIIIe siècle se mue souvent en offensive contre les détracteurs des philosophes. tels les commentaires que jay consacre à l'ouvrage de Simon in ou à l'édition par Mme de Genlis de l'Abrégé des Mémoires de Dangeau 16. Plus importante encore est l'apologie des grands philosophes que les rédacteurs s'empressent d'entreprendre à la moindre occasion. On sait le culte voué par jouy à Voltaire. jay ne le cède pas à son confrère en adoration. Sur la corruption licencieuse de la Régence plane déjà l'esprit de Montesquieu et de Voltaire 17. Une bonne partie du compte rendu consacré à Buffon porte sur Montesquieu, Voltaire et Rousseau. Buffon est grand par sa science. bien que son œuvre soit entachée par des écarts et un esprit de système fâcheux, défauts qu'une lettre inédite à un correspondant italien prouve sans conteste 18, mais il est aussi grand. sinon davantage, par l'expression littéraire 19. C'est cette qualité morale de la littérature qui acquiert tout son sens par l'œuvre et la vie de Voltaire, universellement admiré. Ennemi de la superstition et du fanatisme, défendant la raison et la vérité et militant en faveur de l'innocence, il se révèle partisan de la
Jay, c.r. cit. de l'ouvrage de Simonin, p. 538. Cf. ibid. 14 Cf. Aignan, Des jésuites et des études, M. VIII (9), début janv. 1820. Il arrive au recueil de reconnaître le mérite de quelques cas jésuites individuels: tel Philippon de la Madeleine connu pour son traité d'homonymes et ses dictionnaires de poètes et de rimes; tel Cerutti, à l'esprit bien plus élevé. passionné de liberté, qui s'est opposé aux excès de la Révolution. Cf. Correspondance. Charles D...• M. 11 (2). 14 mai 1818. 15 Cf. Jay, ibid. 16 Cf. M.d.F. 11. 31 mai et 14 juin 1817. 17 Cf. Jouy, c.r. cit. des Nuits romaines d' Alexandre Verri. 18 Cf. M.d.F. III, 23 août 1817. 19 Cf. Jay. c.r. des Œuvres complètes de Buffon. M.d.F. III et IV. 27 sept. et 29 nov. 1817. 12 18
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liberté sous l'égide d'une monarchie limitée. Faut-il s'étonner que les ultras s'en prennent sans cesse à la réputation de Voltaire pour démolir avec elle les bienfaits de la Charte 20? Pas plus d'ailleurs que de voir le patriarche de Ferney viser d'une façon posthume les ultras dans une attaque spirituelle contre les Welches 21. Certes, la gloire de Voltaire relève d'une évidence que les déchaînements du parti royaliste ne font que raffermir. Il est non moins opportun de mettre en opposition les célébrités de la France avec celles d'OutreManche. Pour la beauté de la cause, Jay poussera son patriotisme jusqu'à placer Bossuet au-dessus de Gibbon. Le comparatisme trouve facilement son compte avec les auteurs des Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains et de l'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations en regard non pas de Gibbon dont le style laborieusement emphatique convient mal à l'histoire, mais des œuvres méritoires de Hume et de Robertson. La pensée de Montesquieu éclaire le secret de la conquête du monde, les prodiges de la liberté et le pourrissement d'une civilisation vouée au despotisme. Le tableau que Voltaire a tracé des mœurs est unique en son genre. Il a le premier agrandi les dimensions de l'histoire par l'étude de la civilisation. C'est lui le chef de l'école philosophique qui a assigné à l'histoire l'utilité comme but. Il a ouvert par là la voie à Hume et à Robertson. La France peut toujours se prévaloir du goût et de l'art voltairiens. Les critiques qu'on a adressées à Voltaire quant à la composition de l'Essai ne tiennent guère pour un traité essentiellement philosophique alors qu'un modèle du genre narratif se trouve dans l'Histoire de Charles XlI. Sur le plan de la méthode et de l'expression, même le peu philosophique abbé Vertot auteur des Révolutions de Suède et de Portugal - dépasse de loin les historiens anglais. Sans avoir l'audience de Voltaire, Mably eût mérité un meilleur sort. Rien que ses Observations sur ['histoire de France auraient dû lui attribuer une place honorable parmi les littérateurs. Opposé à la séparation de la morale et de la politique, ennemi de l'arbitraire et des privilèges, partisan de la liberté, Mably a écrit un ouvrage des plus utiles. Il lui a manqué un peu de vivacité pour accéder au rang des premiers écrivains de la France 22. A côté de Montesquieu et de Voltaire figure Rousseau auquel Jay voue un véritable culte. La publication en 1818 des Mémoires et Correspondances, tronquées, de madame d'Epinay fournit au critique une bonne occasion pour faire le procès des préjugés religieux et philosophiques qui ont marqué l'existence malheureuse de Jean-Jacques. Et tout d'abord, ces mémoires permettent à Jay de tracer le tableau de la corruption des mœurs de la société privilégiée qu'une nouvelle de Mme 20 Cf. Jouy, c.r. des Œuvres complètes de Voltaire, M.d.F. l, 8 mars 1817 ainsi que le commentaire accompagnant l'annonce de la publication de 250 lettres inédites de Voltaire, M. II (5), début juin 1818. 21 Cf. Jay, Dialogues des morts, en marge de la publication des Mélanges de littérature et de politique de Morellet, M. V (8), 24 mars 1819. 22 Cf. Jay, c.r. de La GaUle poétique de Marchangy, M.d.F. IV, 25 oct. 1817.
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Dupin confirme ~:i. Les amours de Mme d'Epinay, délaissée par son mari dissolu, avec Francueil et Grimm, la société dans laquelle ils ont évolué avec Diderot, d'Holbach ,Duclos, Saint-Lambert, Mme d'Houdetot et bien d'autres fournissent d'excellents arguments pour la condamnation de l'Ancien Régime 24. Des lettres inédites de Chesterfield à son fils que le Mercure publie traduisent égalemcnt le préjugé d'une époque qui attache plus d'importance au savoir-vivre qu'au savoir tout court 20. Cette condamnation sans appel n'est pas sans dégager le parfum d'une époque insouciante, adonnée au plaisir des sens et de l'esprit et se partageant, dans la que~ relie de musique, entre les adeptes de Piccini et les partisans d Gluck 28. Jay est peu favorable à Grimm. Il le tient pour responsable de l'attitude hostile à l'endroit de Jean-Jacques Rousseau non seulement de Mme d'Epinay, mais du clan philosophique tout entier. Le parvenu germanique ne serait pas étranger aux "faits» rapportés dans les Mémoires. Cependant, si Jay accepte la version des Confessions, il n'admet pas pour autant la « conjuration universelle» à laquelle Rousseau croyait être en butte. L'anthipathie manifeste de Jay pour l'arriviste Grimm se nuance et s'adoucit quant à Diderot, victime lui aussi de louches manœuvres de l'amant de Mme d'Epinay. Jay y voit l'origine des préventions que le public lettré a gardées envers le philosophe genevois, préjugés aggravés par les persécutions que les autorités religieuses et séculiéres ont exercées contre l'auteur d'Emile. Bien entendu, un excès de sensibilité et une imagination fougueuse n'ont pas été sans apporter des troubles dans l'âme du penseur solitaire. Mais ce dérèglement est compensé par une œuvre que Jay n'hésite pas à rapprocher de celle de Platon, notamment la Profession de foi du vicaire savoyard. «C'est l'hymne du génic, qui, en présence de la nature, élève ses accens sublimes vers la Divinité. Jamais l'amour de l'humanité, la tolérance, la vraie philosophie, n'avaient inspiré de plus nobles pensées, de plus grandes images, de plus généreux sentimens 27. » Diderot mettra du temps, on le sait, pour voir établir sa célébrité posthume. Il figure avec honneur au rang d'écrivains de second plan et peu à son avantage parmi les détracteurs involontaires de Rousseau. Aignan croit que c'est la tendance générale du siècle qui a motivé la position irréligieuse de Diderot et que sous un autre régime sa pensée eût rejoint celle des croyants. Diderot avait été toutefois ami de la liberté et d'une constitution libérale avant la lettre. D'une choquante inégalité en littérature et en morale - telle qu'elle se manifeste dans
~3 Petit épisode d'une grande histoire, déroulant les malheurs d'une courtisane abandonnée par un Lord, M.d.F. 1, 11 janv. 1817. ~4 Cf. M. 1 (6 et 8), 13 et fin mars 1818. 25 Cf. M.d.F. l, IR janv. et 29 mars 1817. 20) Cf. la Lettre inédite du chevalier Gluck à madame la comtesse de Pries, M.d.F. 111,2 août 1817. ~7 Cf. Jay, c.r. cit. des Mémoires et Correspondances de madame d'Epinay, M.l (9), 12 avril 1818, p. 459.
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Jacques le fataliste et les Bijoux indiscrets - , il rachète ses défauts par une imagination débordante 28.
* ** Les ultras, on le sait, aiment se retrouver dans le XVII" siècle. Toutes les gloires religieuses, littéraires et artistiques auraient concouru alors à l'envi pour conférer au despotisme louisquatorzien un caractère admirable d'éternité. Ils sont même disposés, eux qui ont honni pendant trente ans les Philosophes et alors que la cause de l'arbitraire semble perdue, à dénier au Siècle des Lumières son originalité et à en attribuer la paternité à Massillon, Bourdaloue et Bossuet 29. Certes, le Siècle de Louis XIV de Voltaire n'est pas étranger à la déification d'un règne qui, laissant dam l'ombre ses vastes misères, ne s'est attaché qu'à sa grandeur 30. C'est une grandeur qui résiste mal à l'examen de Télémaque comme des autres écrits de Fénelon ou de ceux de Massillon 31. Et Mme de Genlis et Lemontey ont desservi la cause du despotisme en faisant parler les Mémoires de Dangeau et en montrant Louis XIV en robe de chambre 32. La grandeur trompeuse du règne de Louis XIV ne réduit en rien la grandeur de ses écrivains. La qualité de la littérature du XVII" siècle est exceptionnelle dans tous les genres, bien qu'elle ait méconnu sa supériorité sur les anciens et qu'elle n'ait pas atteint les dimensions sociales, morales et nationales du siècle suivant 33. Expliquer le génie des écrivains de ce siècle par la protection du Roi, c'est mal servir la cause nationale et mal connaître les voies secrètes du talent. D'ailleurs, le mécénat de Louis XIV a été des plus étroits et Corneille, Arnauld, Pascal, Port-Royal tout entier, Fénelon, La Fontaine et Racine portent un témoignage peu flatteur pour le monarque. La littérature s'est développée, dès la fin des guerres civiles, grâce au génie propre aux littérateurs 34. On a beau jeu à assimiler la floraison littéraire au despotisme, mais la littérature du XVII" siècle n'est grande que par la liberté qui l'inspire 35. Invoquer le Grand Siècle pour asservir la littérature de la Restauration à la politique du jour, c'est invertir l'ordre de causes et d'effets. L'Académie française incarne la liberté sous Louis XIV et Molière, Boileau, Racine et La Bruyère font entendre leurs vérités aux 28 Cf. Galerie [ ... ], en marge de la publication des Œuvres de Diderot, M. VII (5), début sept. 1819. 29 Cf. B. Constant, De la littérature [ ... ], art. cit. et le c.r. de Jay de l'Essai, de Lemontey, sur l'établissement de Louis XlV [ ... ], M. 11 (ID), 12 juillet 1818. 30 Cf. Jay, c.r. cit. de l'Abrégé des Mémoires, ou journal du marquis de Dangeau [ ... J . 31 Cf. ibid. 32 Cf. le c.r. cit. de Jay de l'Essai de Lemontey. 33 Cf. Lacretelle, Progression de l'esprit humam [ ... ] art. cit. et Jay, c.r. cit. de l'ouvrage de Simonin. 34 Cf. B. Constant, c.r. cit. des Considérations de Mme de Staël, M. II (13), fin juillet 1818 et Jay, c.r. cit. de l'Essai de Lemontey. . 35 Cf. B. Constant, De la littérature [ ... ], art. cit.
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privilégiés 36. La tradition qui fait remonter la renaissance des études en France aux Jésuites est mythique. Persécutant les universités et la libre pensée, les adeptes de Loyola ont emprisonné la iittérature dans des compartiments étanches. Epris de l'éloquence du panégyrique et de la poésie du madrigal, ils ont faussé le sens de la tragédie et de la comédie par de fades exercices dramatiques. L'histoire de l'humanité s'est limitée pour eux aux annales de l'antiquité et celle de la France, depuis le père Daniel, à une succession de guerres et de règnes despotiques. Il est inutile après Pascal de refaire le procès de leur enseignement moral 37 • L'éclat des lettres sous Louis XIV et le désir d'éclairer la littérature par le pouvoir sont à l'origine d'une autre tradition non moins erronée qui fait coïncider les œuvres avec le règne du monarque. L'Histoire littéraire des Bénédictins ne porte que sur les chroniqueurs, l'Abrégé de l'Histoire de la littérature française de Longchamps n'est consultée que par les biographes et la France littéraire d'Hérbail, continuée par Ersch, n'est bonne que pour les bibliophiles. Bien que scolaire et sans prétendre à l'envergure d'un La Harpe ou d'un M.-J. Chénier, la tentative de Charbonnières de retracer l'évolution de la littérature française jusqu'aux années 1750 est louable 38. Encore a-t-il le tort de s'être contenté d'extraits poétiques et d'avoir passé sous silence des prosateurs, Charron, Patru et Lemaitre. S'il cite les romans de Mlle de Scudéry, il ne rappelle ni le Roman comique de Scarron, ni le Roman bourgeois de Furetière, ni les romans de Mlle Bernard. Les annales de l'Académie française auraient dû trouver leur place dans ce tableau et l'auteur eût pu largement profiter de l'excellente dissertation de François de Neufchâteau sur les vieux prosateurs 39. En regard de la figure officielle de Bossuet, incarnant l'union du trône et de l'autel, Tissot se plaît avec Say à lui opposer la pensée de Pascal. Il est vrai que Bossuet condamne comme Pascal l'orgueil, mais il accable l'humanité du haut de sa chaire et les accents éloquents de sa réprobation l'éloignent beaucoup plus qu'ils ne le rapprochent de l'humaine condition. Plus humble, Pascal semble avoir puisé dans son propre cœur les leçons qu'il offre à ses lecteurs, l'extrême bassesse comme le dépassement merveilleux de l'homme. L'introspection pascalienne n'est certes pas de nature à réconforter l'homme, mais elle est sublime de désespoir en le montrant livré à lui-même dans un univers muet. Elle est surtout d'une grande vérité de touche associant intimement l'auteur à l'objet de ses méditations. Elle fait preuve enfin d'une clarté puissante comme d'obscurités intentionnellement effrayantes. 36 Cf. Jouy, Dialo/{ues des vivans et des morts (sur la frontière des deux mondes) ~ Chapelle et le marquis de Monfsurmont ~, M. IX (5), 5 mars 1820. 37 Cf. Aignan, Des Jésuites et des études, art. cit. 38 Elémens de l'histoire de la littérature française jusqu'au milieu du dixseptième siècle. 39 Cf. le C.r. ù' Aignan de l'ouvrage de Charbonnières, Galerie [oO']. M. 1 (11), 19 avril 1818.
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Ayant mesuré l'abîme du doute, Pascal s'est réfugié dans l'asile de la foi, «où, délivré de ses terreurs, il puise de nouvelles forces pour annoncer des vérités qui lui paraissent utiles aux hommes; le philosophe devient apôtre 40 :.. La Bruyére n'est pas un psychologue de l'abîme. Observateur fin et spirituel, il a dépeint toutes les classes. Il a su saisir et marquer d'un trait essentiel le caractère d'un personnage ou dérouler le tableau .fidèle des passions, en traçant les formes, les couleurs et les mouvements qui leur sont propres. Le bon goût de La Bruyère l'a préservé d'une imitation servile de Juvénal, notamment dans les traits dirigés contre les penchants pervers des dames de la haute société. La satire de Boileau sur les femmes pèche par un excès fatigant. Il eût pu joindre à une versification élégante et à la vérité comique des portraits, «la justesse d'observatiOfl, la finesse du trait, l'excellent goût de plaisanterie, la variété et les oppositions [ ... ] 41» de La Bruyère. Les Caractères excellent surtout par les chapitres qui sont dirigés contre les classes privilégiées. La Bruyère a combattu les nobles par le ridicule comme MasiIlon par la raison. La peinture de La Bruyère n'est cependant pas sans défaut. En rapprochant l'art de Duclos de celui de son devancier, Tissot reproche à celui-ci le défaut de liaisons et les brusques passages d'une matière à l'autre qui finissent par créer de la monotonie 42. La philosophie de La Rochefoucauld semble réduite à une seule idéemaîtresse, diversement traduite par un foisonnement de formes. C'est que l'auteur des Maximes a vu les passions de sa classe sous leur jour le plus vilain. Une telle carence d'idées généreuses et de fidélité à la cause nationale ont amené l'auteur à calomnier jusqu'à la magnanimité et la pitié. Observateur fin du cœur, La Rochefoucauld n'a analysé que les instincts destructifs de l'homme. Tissot s'inscrit toutefois en faux contre une philosophie qui développée par Helvétius ramène toutes les actions à un mobile intéressé. Le désintéressement existe et l'expérience le prouve. D'ailleurs, les considérations dans les Maximes sur l'amour démentent la philosophie désabusée de l'auteur 43. La foi n'est pas nécessairement le fief du pouvoir. L'opposition entre Pascal et Bossuet en fournit la preuve. Le rapprochement entre Fénelon et son plus heureux adversaire, à l'occasion de la publication des lettres inédites du premier, est tout à la faveur de l'archevêque de Cambrai. La disgrâce que Télémaque - satire du régime - a suscitée à son auteur ainsi que la condamnation que lui a value à Rome son livre des Maximes des saints ne sont pas étrangères à l'éloge enthousiaste que les rédacteurs lui décernent. Fénelon se confirme de la sorte champion courageux de la cause de la liberté comme du sentiment religieux. Il n'est guère étonnant de voir Mme de Genlis vertement critiquée pour la préférence 40 Tissot, c.r. cil. du Petit volume, de Say, contenant quelques aperçus des hommes et de la société, M.d.F. IV, l or nov. 1817, p. 199. 41 42 43
Ibid. Cf. ibid. Cf. ibid.
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qu'elle a accordée à Bossuet sur son rival ni l'empressement du recueil à rappeler les panégyriques de La Harpe et de l'abbé Maury ni l'ouvrage de l'évêque d'Alais sur Fénelon ou les articles que le Mercure lui a consacrés en 1808 44 • On le constate aisément, il y a XVII" et XVII" siècle. Les fidélités ont des résonances partisanes et le passé se révèle un présent rétrospectif. On n'a qu'à songer à la translation des cendres de Molière et de La Fontaine du Musée des Petits-Augustins au Père-Lachaise pour se rendre compte des répercussions du moment sur l'appréciation des célébrités littéraires. Les autorités ont préféré la translation en cachette, à l'ombre de la nuit, à un acte solennel et public, en dépit de la pression exercée par plusieurs hommes de lettres, libéraux bien entendu 45.
*** Le libre examen ainsi que la révolte contre l'hégémonie universelle de l'Eglise que la Réforme implique étaient de nature à concilier le modernisme de la Minerve avec la modernité du seizième siècle 46. Pour des écrivains aussi férus d'antiquité que ceux de notre recueil, la Renaissance a le grand mérite d'avoir rejoint les Anciens par l'appel à la raison et l'imitation de la nature 47. Et puis, on retrouve au XVIe siècle de grands esprits qui honorént leurs successeurs. La liberté de conscience et la constitutionnalité gagnent en prestige par l'invocation des gloires solidement établies. Le doute de Montaigne est des plus salutaires: en religion, contre le fanatisme; en morale, contre une perfection impossible ; en politique, contre l'absolutisme ou l'anarchie; en métaphysique enfin, contre les idées innées 48. Michel de l'Hospital arrête à son tour l'attention des rédacteurs lors de la traduction des fragments de ses poésies latines. Le recueil réserve un éloge dithyrambique à celui qui a mené une lutte courageuse contre l'Inquisition, réformé le calendrier et qui s'est surtout dressé contre les guerres fratricides. Il y a des disgrâces pleines d'avenir pour les hommes d'Etat, victimes de l'étroitesse de vues du pouvoir comme du zèle intempestif des partisans. Que les ministres méditent en 1818 la leçon du chancelier qui s'est éloigné de la cour pour se vouer aux lettres et qui a réprouvé l'empressement de ses amis, Pibrac et Morvilliers, à se faire au pli du jour. Enclin au protestantisme, à en juger d'après la religion avouée des membres de sa famille et par son testament qui ne 44 Cf. Esménard, cr. des Lettres i/lédites de Fé/lelo/l d'après le ma/luscrit de la hihliothèque de Grenoble, par Champollion-Figeac, M.d.F. Il, 28 juin 1817. 45 Cf. Etienne, nU 4, Bénaben et Correspondance, M. 1 (6, 7 et 10), 13 et 21 mars, 12 avril 1818. 46 Cf. supra, ch. VIII, Transpositions historiques. 47 Cf. Lacretelle, Progression de l'esprit humain [ ... ], art. cit. 48 Cf. Aignan, c.r. de l'Eloge de Dutens, de Michel de Montaigne, Galerie [ ... ], M. Il (9), début juillet 1818. L'Eloge avait obtenu en 1812 une mention honorable de la seconde classe de l'Institut et ne fut publiée qu'en 1818.
porte pas la moindre mention de prêtres ou de messe, Michel de l'Hospital a légué à la postérité l'exemple d'un caractère admirable et d'une pensée élevée de tolérance. L'épître traduite - le Bonheur que procure l'étude - est un témoignage exquis des méditations et des goûts de l'auteur et aurait mérité d'être accompagnée d'autres textes latins 40. Sur un plan plus littéraire, c'est la carrière de Marot, lui aussi favorable à la Réforme, qui est évoquée pour y trouver des rencontres avec les persécutions auxquel\es sont victimes depuis 1816 les bannis en France. L'Enfer, composé en prison, peut servir d'emblème à tous les persécutés en France et les bonnes dispositions de François 1er à l'endroit de son poète devraient être reprises par ses successeurs à l'égard des proscrits w. Passant en revue le manuel de Charbonnières, Aignan dit son regret du peu de plllce que l'auteur a réservée à Cléopâtre et Eugène de jodel\e, premières en date comme tragédie et comédie régulières. C'est surtout la comédie qui eût mérité des éclaircissements grâce à l'intérêt de la réalisation scénique et de l'amusant tableau de mœurs. Rien de plus curieux que l'intrigue de cette pièce: un abbé, commendataire d'une abbaye, donne en mariage à un mari complaisant la maîtresse qu'il avait soufflée à un militaire. Lors du retour du militaire, l'abbé trouve une solution satisfaisante pour tout le monde. La jolie sœur de l'abbé remplace auprès du militaire l'ancienne maîtresse et le mari complaisant, débiteur du militaire, voit ses dettes payées par l'homme d'Eglise. Ainsi, les vérités du jour trouvent une gaie confirmation dans les gauloiseries d'antan 51. Le XVI" siècle est grand par la Réforme et la Renaissance. Le Moyen Age, apanage des ultras, sourit peu aux adeptes du modernisme. Tout le Moyen Age n'est pas englobé dans le même dédain distant et tous ses personnages n'encourent pas la même réprobation simpliste. Il est vrai que, généralement parlant, les XIV" et XV· siècles, tournés vers l'Antiquité, distinguent mal entre l'imitation et la servitude et entassent volumes sur volumes pour interpréter dans tous les sens la moindre phrase des anciens 52. Mais le XV" siècle est surtout grand par un sursaut magnifique de patriotisme. La rivalité des deux nations, l'occupation de la France et la libération du pays grâce à Jeanne d'Arc sont dignes du pinceau d'Homère. La France de 1817 ne devrait pas rester insensible à une tel\e évocation. Il est à regretter que Voltaire n'ait pas écrit d'épopée digne de son génie, mais l'esprit du temps y répondait mal. La Henriade manque de souffle patriotique et c'est avec discrétion que Tissot fait une 49 Cf. Aignan, C.r. du Bonheur que prOCUre l'étude; par le chancelier de l'Hospital. Fragmens traduits de ses poésies latines; suivis de quelques extraits des écrivains anciens et modernes, et d'un discours en vers sur le même sujet, M. III (4), fin août 1818. 50 Cf. Aignan, Sur l'exil de Clément Marot, M. IV (1),3 nov. 1818. 51 Cf. le c.r. cit. d'Aignan de l'ouvrage de Charbonnières, Elémens de l'histoire de la littérature française [ ... ]. 52 Cf. Lacretelle, Progression de l'esprit humain [ ... ], art. cit.
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allusion à la Pucelle. C'est pourquoi l'Histoire de Jeanne d'Arc de Le Brun de Charmette reçoit un accueil chaleureux malgré quelques légères ré se rves 03. Les Mystères, ce mèlange dramatique saugrenu de divinité, de sainteté et de diablerie, ne pouvaient guère plaire à l'intelligence lucide des rédacteurs. Toutefois, le critique du recueil aurait aimé que Charbonnières eût parlé dans son Introduction des Fabliaux, ces contes charmants qui traduisent la sagesse populaire. Non moins circonspecte est l'attitude de la Minerve à l'endroit d'Adélaïs, poème en vingt chants de Lhomme, où, s'inspirant de l'historien Mézeray, il a versifié les aventures extraordinaires de la veuve de Lothaire. Si ce poème héroï-comique abonde en esprit, en imagination et en gaieté, il lui manque du naturel et ce qui lui fait surtout défaut c'est la veine poétique. La poésie n'est pas une affaire de convention et son secret ne réside pas dans l'ajustement ingénieux d'idées et d'images. Ce sont les mêmes défauts qui caractérisent la Table ronde comme le poème Amadis et Roland de Creuzé de Lessert. Il est manifeste que les affabulations féodales ne sont pas du goût du recueil 54. La figure légendaire de Charlemagne plane sur l'époque ténébreuse du Moyen Age de tout l'éclat de sa projection nationale future. C'est à ce titre que Benjamin Constant s'attache à l'œuvre de Victor d'Arlincourt, bien que l'auteur soit plus épris de gloire que de liberté. Mais d'Arlincourt a bien mérité du libéralisme par l'estime et la reconnaissance que son intendance lui avait vaules de la part de la province espagnole de Tarragone. Et puis, les reproches que la presse des ultras lui a adressés motivent nécessairement la réaction de bienveillance de Benjamin Constant. L'œuvre des auteurs que le temps a consacrés serait-elle exempte de défauts? Il est vrai que Charlemagne gagnerait par l'élimination des expressions recherchées et des tournures antithétiques. D'Arlincourt en a lui-même indiqué la source: l'école peu sûre de Marchangy, auteur de la Gaule poétique, et, en sa qualité de procureur, des condamnations rigoureuses des publicistes. Quelle aubaine pour Benjamin Constant que de retrouver le poème-inspirateur de Marchangy, le Bonheur, afin de procéder à une exécution en règle de l'auteur-procureur et citer les passages où le poète royaliste s'était fait le chantre de la guerre contre Albion ainsi que des bienfaits du blocus continental 55.
* ** Qu'ils le veuillent ou non, les écrivains ne laissent pas d'être marqués par la formation de leur jeunesse. Le XVII' siècle monarchique et chrétien était tout pénétré de mythologie païenne. Le siècle qui suit n'a pas Cf. Cf. 12 juillet 5:, Cf. court, M. :,3 54
Tissot, c.r. de l'ouvrage, M.d.F. IV, 4 oct. 1817. le c.r. d'Aignan de l'Adélais de Lhomme, Galerie [ ... ], M. VI (10), 1819. B. Constant, c.r. de Charlemagne ou la Caroléide de Victor d'ArlinIV (8), 26 déc. 1818.
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été moins élevé à l'ombre des Anciens. La Révolution comme l'Empire, en instaurant de nouveaux ordres, ont sans cesse invoqué les fabuleuses Sparte, Athènes et Rome. Les instincts, les appétits, les passions et les intérêts y trouvent non seulement l'appui d'une autorité prestigieuse que les âges ont consacrée, mais aussi un biais rêvé pour s'y retrouver et s'y affirmer. Les rédacteurs du Mercure et de la Minerve n'échappent pas à la règle, du moins ceux qui ont bénéficié d'une formation régulière, avant le désordre extrême que le bouleversement de 89 a apporté. Mais la connaissance et la fréquentation de l'Antiquité impliquent nécessairement autant d'attitudes diverses que des visions du monde qui les étaient. La querelle des anciens et des modernes caractérise après tout plus d'une génération. Le modernisme de la Minerve s'appuie sur l'Antiquité pour mieux accuser ses vérités. On ne s'est guère douté à quel point le livr~ De la Religion traduit les problèmes, d'ordre spirituel et temporel que la civilisation moderne avait à affronter et sur lesquels l'auteur s'est penché sa vie durant. Que la Grèce et Rome occupent dans cet ouvrage une place de choix ne devrait guère étonner de la part d'un connaisseur aussi fin de l'Antiquité que Benjamin Constant. Athènes incarne un idéal de liberté dans sa pensée et dans sa littérature, de loin préférable à la barbarie du «bon vieux temps ». Le polythéisme grécoromain, affiné par le néo-platonisme et rehaussé par le prestige de la doctrine stoïcienne n'est pas sans charmer une équipe irréconciliablement opposée à une Eglise dominatrice, aux prétentions universelles. En art comme en lettres, les temps anciens alimentent encore la pensée des libéraux, bien qu'en politique ils aient tourné le dos au mirage de l'Antiquité. Constant ne consigne pas dans le Mercure ni dans la Minerve ses appréciations de la littérature grecque. Les Journaux intimes en portent maints témoignages et De la religion comme Du polythéisme contiennent des développements considérables. Ce rôle est dévolu à Tissot, professeur de poésie latine au Collège de France, et à Aignan, autre littérateur bien versé dans les lettres de l'Antiquité. L'idée que la littérature traduit l'état d'une civilisation donnée est devenue un lieu commun. Homère est le chantre de son époque, éclairant la religion poétique de l'Olympe et l'héroïsme grandiose de ses contemporains. Il vient après des poètes philosophes et religieux dont l'œuvre reflète les croyances populaires. Un des grands mérites d'Homère, c'est d'avoir été le poète de la guerre nationale de la .Grèce contre Troie. Dans des dimensions moindres, c'est également le cas de l'Odyssée. Personne mieux qu'Homère n'a fourni à ses contemporains des leçons de morale, réunies à une éloquence et à un charme poétiques prodigieux. Il fait partie de la famille d'esprits qui parlent à l'humanité tout entière, malgré le polythéisme olympien. On l'a dit, sa grandeur est motivée par la morale et par le déroulement d'une vaste épopée de l'histoire grecque 56.
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Cf. Tissot, c.r. cit. de l'Enfer de Dante, M. 1 (4), fin fév. 1818.
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Eschyle appartient lui aussi à la famille d'Homère, de Dante, de Shakespeare et de Milton. C'est la même grandeur, la même énergie sauvage et la même imagination déréglée. Un autre trait qui leur est commun est une inégalité étonnante. Renchérissant sur Homère, Eschyle n'a pas retenu l'admirable simplicité de l'lliade. Il s'est laissé aller à un luxe de déclamations et d'images. Mais dans l'ensemble, le théâtre du dramaturge grec est à méditer pour le sentiment de la liberté dont il est pénétré et la morale sévère qu'il professe 57. Dans cette évocation à bâtons rompus de la littérature grecque, Aignan confirme avec Lemercier que les chefs-d'œuvre de l'antiquité grecque constituent les types invariables de la perfection artistique. Il tient même, à la suite du cours de littérature générale que Lemercier a fait à l'Athénée royal, à apporter son correctif à la critique inj uste que Voltaire et La Harpe ont formée à l'endroit d'Aristophane. Le dramaturge athénien a corrigé les vices de la cité en individualisant, grâce à l'illusion dramatique, les corporations, les factions et les sectes. La fabulation de son théâtre offre un double aspect, celui du personnage autonome et celui du vice que les caractères incarnent et que le poète ridiculise. Le mérite d'Aristophane, c'est d'avoir fusionné les deux aspects dans une belle ordonnance régulière et de les avoir étayés par un degré suffisant de vraisemblance 58. C'est Aignan encore qui se faisant l'écho de la tentative d'Alexandre Verri d'écrire la vie d'Erostrate, reprochera à l'auteur la suite d'événe~ ments peu vraisemblables qu'il a imaginés, dans un cadre mal rempli, pour porter au paroxysme la manie de l'incendiaire du temple d'Artémis 59. En dressant son réquisitoire contre l'arbitraire, Benjamin Constant, pour illustrer sa pensée, retrace l'évolution littéraire et philosophique à Rome, en rapport avec la liberté. Les grands écrivains romains, à l'exception d'Horace, d'Ovide et de Virgile sont antérieurs à la consolidation du pouvoir d'Auguste. C'est le cas de Lucrèce, de Salluste, bien qu'il ait trahi la cause nationale, de Cicéron, et de César lui-même. C'est certainement le cas de Térence, mort plus d'un siècle et demi avant César. Une certaine liberté licencieuse de propos chez Salluste et Lucrèce ne se trouve ni chez César ni en règle générale chez Catulle, et les écarts de ce dernier sont plus que dépassés par Horace. Le raffinement du goût n'est pas dû nécessairement à l'absence d'intérêt pour les questions politiques ni à l'appui que le despotisme accorde aux lettres. Les grands littérateurs romains, contemporains d'Auguste, doivent leurs mérites à la liberté qui les a inspirés. Virgile et Horace, ennemis d'Auguste, ont fini par être ses protégés et Ovide sa victime. Ils ont toujours regretté la liberté et c'est justement cette nostalgie qui constitue la beauté de Cf. ibid. Cf. Aignan, c.r. cit. du Cours analytique de littérature générale [ ... ] de Lemercier, M. Il (11),15 juillet 1818. 59 Cf. Aignan, c.r. de La vie d'Erostrate découverte par Alexandre Verri et traduite par L.-F. Lestrade, M. Il (2), 14 mai 1818. ;;7 58
TRANSPOSITIONS LITTÉRAIRES
359
leurs ouvrages. Nulle part Horace ne désavoue le parti qu'il a défendu contre Octave. S'il célèbre Auguste, c'est en tant que défenseur du nom romain, mais non comme vainqueur de Brutus. Les odes d'Horace recèlent plus d'une louange aux défenseurs de la liberté et les passages qui chantent la gloire de Caton sont ses plus belles poésies. Des cris 'du cœur lui échappent contre la tyrannie au milieu des 'flatteries résignées qu'il sacrifie au pouvoir. Sans être un enthousiaste de la liberté, Horace doit l'éclat de son talent aux souvenirs libertaires de sa jeunesse. Virgile n'a pas pris les armes comme Horace contre la tyrannie, mais il a été frappé par elle. Il flatte le pouvoir comme Horace, mais il .chante aussi la gloire des martyrs de la liberté. Au milieu de la servitude, Horace a puisé des consolations dans la philosophie épicurienne et Virgile dans la mélancolie, mais tous les deux ont cherché à fuir la cour. Ce bilan -accablant pour les despotisme, s'aggrave sous les successeurs d'Auguste et se traduit par une triste décadence littéraire. Les beautés qu'on rencontre dans l'œuvre de Lucain, Sénèque, Perse et Juvénal sont inspirées par le stoïcisme, refuge des âmes en peine. Sous Trajan, avec l'espoir de la liberté qui renaît, brille le talent de Quintilien et de Tacite bien que leur œuvre porte encore la marque du despotisme. «La liberté s'éclipse de nouveau et la littérature expire avec Pline le jeune 60. » L'évolution et les progrès de la philosophie à Rome renforcent la même vérité. Non que les Romains aient été particulièrement doués pour la pensée spéculative. Au contraire, toutes leurs dispositions et tout leur conditionnement les portaient vers l'action. Cependant, ils se mettent à l'école, voire aux écoles grecques dès que la conquête permet des contacts suivis. La réaction farouche du sénat conservateur et des partisans des primitives mœurs contre la dialectique tronquée des sophistes ne fait que renforcer la tendance du public lettré à goûter aux fruits défendus. Ni la mystique pythagoricienne, ni l'épicurisme individualiste, ni l'aristotélisme embrouillé, ni le pyrrhonisme destructeur, ni enfin le platonisme abstrait qui ont tous eu leurs ·fidèles n'arrivent à faire souche. Le despotisme d'Auguste pousse les Horace à se réfugier dans un épicurisme sensuel ou, au contraire, à chercher des consolations auprès de la doctrine sévère du stoïcisme. Et lorsque le pouvoir se révélera avec Hadrien favorable à la philosophie, le sophisme aura gain de cause et la décadence de la pensée spéculative rejoindra cel1e des lettres malgré une courte flambée pleine d'espoir sous Marc-Aurèle. A y regarder de près, la tyrannie comme la faveur du pouvoir sont nocives à la pensée. Celle-ci a tout à gagner d'une indépendance consciemment engagée dans les problèmes de la cité et tout à perdre d'une dépendance servile 61.
B. Constant, De la littérature [ ... J, art. cit. p. 495. Cf. B. Constant, Aperçus sur la marche et les révolutions de la philosophie à Rome, art. cit. 60 61
360
L'ECOLE LIBERALE SOUS LA RESTAURATION
Constant attache beaucoup d'importance à la pureté et à l'élégance de style de Térence, préfigurant la perfection de l'art des écrivains contemporains d'Auguste. Cicéron incarne quand même pour le recueil un certain idéal de liberté malgré une faiblesse de caractère à laquelle Constant se contente de faire une allusion voilée et sur laquelle Jouy, en apportant son correctif à l'apothéose que lui a décernée Alexandre Verri, insistera beaucoup 62. Virgile a tenté pour Rome ce qu'Homère avait réalisé pour la Grèce. Il a emprunté à l'auteur de l'Wade son Olympe, ses dieux et sa fiction, tempérant l'austérité romaine par les grâces athéniennes, évoquant les humbles commencements de Rome ainsi que sa grandeur et parlant toujours de patrie, de liberté et d'héroïsme 63. Juvénal reprend Horace, mais il se distingue de lui de toute la différence qui marque leurs époques: le premier est le satiriste du despotisme décadent et le second conserve encore les souvenirs d'un passé républicain. Horace est fin, badin, plein d'esprit et accommodant alors que Juvénal est véhément et lance des éclairs terrifiants 84. S'il arrive à Tissot de jeter l'anathème contre la Rome conquérante, exagération que Jouy tient à modérer 66, dans l'ensemble l'exemple de la république et des écrivains romains continuent à inspirer le public lettré de la Restauration. Le recueil est tout heureux de rappeler les traductions de Virgile faites par Delille et Tissot, celle d'Horace par Daru et Wailly, d'Ovide par Saint-Ange, de Tibulle par Mollevault et de Juvénal par Méchin, malgré quelques imperfections de la dernière 66. Etienne dit le mérite de la collection des auteurs classiques latins publiée par Lemaire et dont le succès a été assuré par le concours de Laffitte 81 et Benjamin Constant fait l'éloge de la traduction du Tableau des mœurs, usages et institutions des Romains d'Alexandre Adam 68. La littérature grecque ne bénéficie pas d'une telle vogue. Elle doit se contenter d'une édition critique de Plutus d'Aristophane par Du Casau 69 et de quelques fragments que le Mercure publie. Le recueil déroule le dialogue angoissant d'Antigone et de sa nourrice, avant le départ de l'héroïne pour la mort ordonnée par Créon 10, ou la puissante invocation par Hercule des mânes de ses enfants et de sa femme 11. 62 Cf. les deux art. cit. supra et Jouy, ze partie de son c.r. de la ze éd. de la traduction par L.F. Lestrade de l'ouvrage de Verri, Les nuits romaines [ ...], M.d.F. IV, 8 nov. 1817. 63 Cf. Tissot, c.r. cit. de l'Enfer de Dante, M. 1 (4), fin fév. 1818. 64 Cf. Aignan, c.r. des Satires de Juvénal, traduites en vers français, par Méchin, M.d.F. IV, 27 déc. 1817. 65 Cf. Jouy, c.r. cit. de l'ouvrage d'Alexandre VerrL Aignan tient à offrir comme modèle de vertus aux rois, Claude Il, ou des réputations, M. III (3), 20 août 1818. 66 Cf. Aignan, c.r. cit. supra des Satires de Juvénal et Emile Deschampll, Traduction de l'ode d'Horace ad Grosphum, M.d.F. III, 16 août 1817. . 67 Cf. n° 75, M. VIII (9), début oct. 1819. 68 Cf. Antiquités romaines, M. II (3), 20 mai 1818. 69 Cf. Aignan, Galerie [ ... 1. M. 1 (1), début fév. 1818. 70 Non signé, M.d.F. IV, 22 nov. 1817. 7l J. Anceau, Hercule furieux. Discours traduit d'Euripide, M.d.F. IV, 13 déc. 1817.
TRANSPOSITIONS LITTERAIRES
361
Il donne aussi la traduction d'une ode d'Anacréon assimilant la brièveté de la vie à un léger vaisseau et recommandant les jouissances 12, thème qu'Emile Deschamps a retrouvé chez Horace 18. L'Antiquité, vue de l'angle du modernisme, rejoint ainsi les vérités premières d'une pensée qui ne conçoit les activités intellectuelles qu'en vertu des libertés du nouvel ordre. Le déroulement de l'histoire littéraire de la France, à travers les philosophes et les écrivains de valeur des siècles précédents, renforce la même idée. Il n'appartient qu'à Benjamin Constant d'avoir esquissé, dans le Mercure et la Minerve, une philosophie qui ramène la littérature à la notion de liberté et réduit celle-ci à l'intériorité agissante de l'individu.
72 78
Eugène Mauduit, Traduction libre d'Anacréon, M.d.F. IV, 20 déc. 1817. Traduction de l'ode X du 2" livre d'Horace, M.d.F. Il, 21 juin 1817.
CONCLUSION Ainsi, au terme de cette longue enquête, le titre de l'ouvrage semble justifié par l'accord fondamental des rédacteurs quant au mode d'aménagement de la cité moderne. C'est un accord conclu sur les faits et qui comporte les principes d'une. doctrine longuement mûrie par Benjamin Constant. La confrontation avec le pouvoir, avec l'extrême-droite notamment, se fait politique, sociale, économique, religieuse et éducative selon les questions traitées. Elle dépasse les significations immédiates en se faisant littéraire, musicale ou plastique et elle acquiert le prestige de la science lorsqu'elle se fait histoire. L'actualité a plus d'une variante pour s'affirmer et ses obsessions plus d'un détour pour se déceler. Ce sont essentiellement les doctrines constantiennes qui s'affirment chaque fois que les actes législatifs du pouvoir, ses abus, ses projets de réforme et ses retours nostalgiques vers la réaction sont en jeu. Rouages du régime parlementaire, libertés, religion, éducation et industrialisme portent tous la marque de Benjamin Constant. Les itinéraires à travers la politique contemporaine de l'Europe, le retour sur le passé politique, social et intellectuel de la France et parfois du monde témoignent également dans les recueils de la même quête constantienne de la liberté. Cependant, l'engagement foncier dans la contingence du présent a le mérite de dégager les principes directeurs qui le dépassent. Le çachet de la doctrine constantienne se reconnaît ainsi aisément à travers les domaines étudiés. Au mythe d'un pouvoir omnipotent est substitué le mythe, mais combien valable, des droits naturels de l'homme, à la souveraineté dévorante du collectif celle de la dignité humaine et des virtualités agissantes de l'individu. Actualité et passé tournent la même page d'histoire: celle de l'homme pour affirmer son intériorité et celle du gouvernement pour perpétuer sa domination. Droits et institutions, valeurs et systèmes, intériorité et formes déroulent les péripéties d'une lutte toujours semblable, de la liberté contre l'oppression, lutte qui a acquis tout son sens et toute sa portée à l'ère moderne de l'industrialisme. Que les collaborateurs de Benj amin Constant l'aient fidèlement suivi dans sa quête d'institutions, d'histoire et de religion se conçoit lorsqu'on songe aux implications politiques d'une telle prospection. Les institutions consacrent les libertés individuelles et garantissent à la bourgeoisie l'héritage de 89. L'histoire s'écrit à la suite de la campagne qui faisait rage autour de la Révolution. C'est Benjamin Constant qui a donné le signal de la remise en valeur de l'œuvre de 89 et de celle des
L'Ecole libérale sous la Restauration -
364
CONCLUSION
Philosophes pour stigmatiser les impérities de la premiére Restauration ainsi que les crimes de la noblesse commis durant les années terribles de la Révolution et pendant les siècles qui l'ont précédée. La philosophie du sentiment religieux que Benjamin Constant a élaborée s'oppose victorieusement à la restauration d'une Eglise dominatrice et persécutrice et éclaire d'une lueur lugubre l'affrontement des hommes à travers les âges avec les puissances spirituelles comme temporelles. Que les collègues de Benjamin Constant l'aient suivi en matière d'histoire littéraire se conçoit aussi lorsqu'on songe aux conséquences politiques de la réhabilitation du Siècle des Lumières, de l'annexion des Ecrivains du Grand Siècle à la lignée des littérateurs libertaires et de la définition de la Renaissance en projection du progrès et de la liberté de confession. Qu'ils lui aient faussé compagnie en matière de poétique n'a rien d'étonnant lorsqu'on pense au fardeau esthétique écrasant des XVIIe et XVIII· siècles, doublé de susceptibilités nationales que le dialogue de l'Empire et de la Restauration avec l'Europe n'éclaire que trop. Le modernisme de Benjamin Constant devance certes en ce domaine celui de ses collègues. Le chapitre traitant des Eléments d'une esthétique libérale permet de capter les dissonances et de mesurer la distance qui sépare l'auteur d'Adolphe des autres collaborateurs de la Minerve. Encore faudrait-il atténuer ce jugement en distinguant Tissot et Aignan de Jay et Jouy. Les premiers sont acquis à des réformes littéraires prudentes alors que Jouy est prisonnier d'une optique bornée qui se veut voltairienne et que Jay ne démord pas d'une esthétique qui incarne pour lui la perfection de l'art comme la grandeur de son pays. Si Constant ne s'est guère penché sur les arts plastiques, ses collaborateurs ont assumé la tâche d'accorder les beautés picturales comme sculpturales aux vérités institutionnelles et pratiquer une sorte de rupture entre l'Ecole davidienne et les figurations de l'ancien ordre de choses. Ainsi, les accomplissements linéaires de la Renaissance et de l'Antiquité auront eu leurs prolongements esthétiques à l'âge industrialiste, à travers les réalisations plastiques de la Révolution et de l'Empire. C'est pourquoi l'essentiel de l'accord entre Benjamin Constant et ses collègues devrait être cherché ailleurs que dans l'opposition du «genre romantique» au «système classique ». C'est une opposition d'ordre tout à fait secondaire dans le débat poignant entre la nouvelle et l'ancienne France. Somme toute, le modernisme de la Minerve consiste dans la sauvegarde des libertés individuelles par l'élaboration d'un mécanisme politique approprié. Institutions et liberté constituent les deux termes de l'équation politique dont la réconciliation dans le sens de l'individu ouvrira largement la voie au progrès intellectuel et spirituel. Les Ecoles littéraires se situent dans ce contexte à un niveau inférieur. Leur accord avec le modernisme d'un ordre politique et social peut se contenter d'attentes prudentes. Que Benj amin Constant ait élaboré une philosophie de l'intériorité aussi plausible pour le théâtre que pour le jeu du mécanisme institutionnel ou pour les ressorts mystérieux de l'âme prouve la force et la prescience d'une intelligence allant jusqu'au bout de ses prémisses, mais que Jay, Jouy ou Etienne soient restés en
CONCLUSION
365
deçà d'une telle optique cohérente et moderniste n'entame pas leur appartenance à l'Ecole Libérale. Certes, le libéralisme constantien dégage une odeur nettement bourgeoise, les droits de l'homme s'assimilent aisément dans les colonnes du Mercure et de la Minerve aux vertus toniques d'une classe possédante. Mais ni Constant ni ses collègues n'ont jamais prétendu régir l'avenir dans ses moindres détails. Tôt ou tard, les classes déshéritées seront appelées à béneficier des prospérités bourgeoises. L'essentiel, sous n'importe quel régime, est de préserver les gouvernés des atteintes des gouvernants. Désormais, les annales de l'humanité déroulent d'autres pages que celles du pouvoir, l'économie n'est plus le bilan des conquêtes violentes pas plus que la religion l'extériorisation des instincts dominateurs des prêtres. Le spirituel n'a de sens que lorsque l'homme réalise ses virtualites ~t le dépassement n'est possible que var les dialogues des solitaires. Le moi s'affirme ainsi devant une altérité qui n'était que trop dévorante. Que le moi soit bourgeois ou prolétarien ne change pas les termes de l'opposition entre le collectif et l'individuel. Au contraire, l'enseignement constantien semble avoir plus de portée précisément là où les libertés font défaut à l'homme, là où le mythe de l'égalité l'emporte inexorablement sur les droits de l'individu.
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS
Auteur
Titre
Aignan (E) : Histoire critique de l'inquisition d'Espagne [ ..~l. par D. Jean-Antoine Llorente, traduite de l'espagnol par Alexis Pellier 3 vols. in-So. 2" art. Satires de Juvénal, traduites en vers français, par M. le baron Méchin. Sur un point de la jurisprudence de la cour d'assises de Paris. Galerie littéraire et politique. Lyon en 1817, par le colonel Fabvier. Galerie [ ... ] Galerie [ ... ] Galerie [ ... ] Galerie [ ... ] Galerie [ ... ] Du Conseil d'état envisagé comme conseil et
comme juridiction dans notre monarchie constitutionnelle. Lettre à milady Morgan, sur Racine et Shakespeare. La vie d'Erostrate, découverte par Alexandre Verri, auteur des Nuits romaines au tombeau des Scipions, et publiée en français par L.-F. Lestrade Abrégé de l'Histoire universelle, ancienne et moderne, à l'usage de la jeunesse; par M. le comte de Ségur, 44 vol. in-18. De la justice criminelle en France d'après les lois personnelles, les lois d'exception et les doctrines des tribunaux; par M. Bérenger, in-8". 2' art. 3' art. Galerie [ ... ]
Recueil
Date
Pages
M.d.F.l1I M.d.F.lV
20. 9.1817 6.12.1817
542-551 436-445
M.d.F.lV
27.12.1817
580-588
M.d.F.lV M.I(I) M.I(2) M.l(3) M.I(4) M.I(7) M.I(9) M.I(II)
27.12.1817 déb. 2.1818 16. 2.1818 22. 2.1818 fin. 2.1818 29. 3.1818 déb. 4.1818 19. 4.1818
22- 30 66- 70 107-118 169-178 297-310 413-429 517-528
M.I(l3)
fin. 4.1818
612-622
M.lI(2)
14. 5.1818
65- 70
M.II(2)
14. 5.1818
70
M.lI(3)
20. 5.1818
M.1I(4) M.II(7) M.II(8) M.lI(9)
24. 15. 23. déb.
5.1818 6.1818 6.1818 7.1818
111-118
164-172 326-337 370-375 409-418
REpERTOIRE DES COLLABORATEURS
368
Date
Pages
M.ll(ll)
15. 7.1S1S
505-516
M.lI(I3)
fin. 7.1818
610-615
M.I 11 (3)
20. 8.ISIS
615-617 112-118
M. III (4)
fin. 8.181S
168-173
M.1II(6)
15. 9.1818
251-256
M.1II(7)
20. 9.181S
289-301
M. 1II (8) M.lX(8)
27. 9.1S18 23. 3.IS20
337-345 355-362
M.11I(l3) M.V(6) M.IV(l) M.lV(2)
2S.IO.18IS 10. 3.IS19 3.II.1SIS 13.11.1818
594-599 265-270 10- 13 51- 58
M.lV(3) M.IV(5)
19.11.181S 6.12.181S
105-114 202-214
A.H. Kératry, 2" éd. in-8°. Sur l'art de mettre à découvert les fausses
M.lV(7)
19.12.1818
309-314
doctrines. Manuel des Français sous le régime de la Charte, dédié à MM. les aueturs de la Minerve ; par Alexandre Goujon [ ... ] Essai historique sur les services et les travaux scientifiques de Gaspard Monge; par
M.lV(7)
19.12.1S18
314-317
M.lV(9)
30.12.1S18
397-401
M.lV(lI) M.lV(13)
14. 1.1819 fin. 1.1819
501-507 614-624
Auteur
Titre
Recueil
Cours analytique de littérature générale, tel qu'il Il été professé à l'Athénée de Paris; par N.L. Lemercier.
Discours sllr l'élat de la France, de 1585 à 1588 ; par Michel Hurault, sieur Dufay, petitfils de l'Hospital.
Ephémérides militaires depuis 1792 jusqu'en 1815, ou Anniversaires de la valeur française; par une société de militaires et de gens de lettres.
Galerie [ ... ] Le bonheur que procure l'étude; par le chancellier de l'Hospital. Fragmens traduits de ses poésies latines; [ ... ]
La Famille Glinet, ou les premiers temps de la Ligue, comédie en cinq actes et en vers ; par M. Merville.
Guillaume Tell; poëme dramatique de Schiller; traduit de l'allemand, par M. Henri Merle d'Aubigné, 1 vol. in-8°.
Collection complète des ouvrages publiés sur le gouvernement représentatif et la constitution actuelle de la France [... ] ; par Benjamin Constant, 2 vol. in-So.
Collection complète [... ] 7" et S" parties. Choix de rapports, Opinions et Discours prononcés à la tribune nationale, depuis 1789 jusqu'à ce jour; [ ... ] Tome premier, année 1789.
Choix de rapports [... ] Sur l'exil de Clément Marot. Sur la littérature allemande. Observations sur les dernières élections el sur la situation présente du ministère; par M. le marquis de Villeneuve [ ... ]
Joseph 1/ et l'abbé Casti-Dialogue. Inductions morales et physiologiques, par
Charles Dupin, élève de Monge [... ]
De l'enseignement mutuel.
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre
Philoxène. De la force des gouvernemens, ou du Rapport que la force des gouvernemens doit avoir avec leur nature et leur constitution, par
J.-J.
369 Date
Pages
M.V(2)
14. 2.1819
49- 53
M.V(4)
25. 2.1819
161-166
M.V(8) M.V(9)
24. 3.1819 2.4.1819
408 425-432
M.V(12) M.VI(l)
20. 4.1819 8. 5.1819
574-577 18- 22
M.VI(3)
23. 5.1819
127-132
M.VI(5) M.VI(6) M.VI(IO) M.VI(13) M.VII(2)
5. Il. 12. fin. 15.
6.1819 6.1819 7.1819 7.1819 8.1819
208-109 260-265 449-457 606-612 65- 75
M.VII(3) M.VII(4) M.VIl(5)
21. 8.1819 fin. 8.1819 déb. 9.1819
110-113 171-178 199-214
M.VII(7) M.VII(IO)
19. 9.1819 10.10.1819
323-325 443-446
M.VIl(11) M.VIII(5) M.VIII(5)
17.10.1819 déb.12.1819 déb.12.1819
447-449 510-514 202-205 205-210
M.VIII(7) M.VIII(9)
20.12.1819 déb. 1.1810
296-303 396-403
M.VIII(II)
15. 1.1820
Recueil
Tarayre, lieutenant-général, brochure
in-8°.
Notice-Correspondance philosophique, par M. Azaïs.
De la propriété industrielle. Correspondance inédite, officielle et confidentielle de Napoléon Bonaparte, avec les cours étrangères, les ministres et les généraux franl)tlis et étrangers, en Italie, en Allemagne et en Egypte. Pièce historique. Faut-il des directeurs généraux d'administrations financières? De l'intérêt du gouvernement dans la cause des bannis. Les Deux ultras - Le Vieux et le Jeune. Galerie [... ] Galerie [... ] Galerie [...] Vraie idée du Saint-Siège, en deux parties; par don Pierre Tamburini [ ... ]
Galerie [... ] Galerie [... ] Annales générales des sciences physiques. par MM. Bory de Saint-Vincent, Drapiez et Van Mons. Leçons de Flore; Cours complet de botanique, par J.L.M. Poiret [ ... )
Histoire de l'impôt en France. Du caractère que doit conserver l'opposition nationale. Des révolutions et des contre-révolutions. De la réaction de 1819 . De la domesticité de la cour. Dangers de la situation présente; par N.A. de Salvandy.
Des Jésuites et des Etudes. Annales protestantes; recueil périodique par une société de protestans et de gens de lettres.
De l'Etablissement des Chartes anglaises.
498-501 501-504
3'10 Auteur
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS Titre
Histoire de la guerre entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Angleterre, pendant les années 1812, 13, 14 et 15; par H.M. Brackenbridge [ ... ) ; traduite, sur la seconde édition, par A. de Dalmas, 2 vol. in-8°. Abrégé des révolutions de l'ancien gouvernement français, ouvrage élémentaire, extrait de l'abbé Dubos et de l'abbé Mably, par Thouret [ ... ] 1792 et 1820. Mémoire pour servir à une nouvelle hisloire de Louis XII, le père du peuple. Augier (V.): Poésie - Epître à M. A.-B. Roux d'Aix. Anceau (J.): Poésie - Hercule furieux. Discours traduit d'Euripide. Andrieux (F.-G.-J.-S.) : Poésie - Le chat, la vieille souris et la jeune - Fable. Arnault (A.-V.): Marie Stuart; tragédie en cinq actes, par M. Le Brun. Beauvais (Ch.- Th.) : Sur quelques nouveaux écrits militaires. 2' art. Victoires, Conquêtes, Désastres, Revers et Guerres civiles des Français, etc., de 1792 à 1815. Victoires, Conquêtes [ ... ]. vol. Il. Victoires. Conquêtes [ ... ]. vol. Ill. Tableau de la campagne d'automne, en 1813, en Allemagne, etc.; par un officier russe. [non signé] : Revue de quelques ouvrages nouveaux relatifs à l'histoire militaire. 8énaben (L.-G.-j.-M.) [non signé]: Nouvelles étrangères. Politique - Extérieur - Amérique méridionale. Politique - Rel'ue des nouvelles de la semaine. 8énaben : Revue [ ... ]. n° Il, du 16 au 21 mai. Revue [ ... ). n" Ill, du 22 au 28 mai. Revue [ ... ]. n° IV, du 29 mai au 4 juin. Revue [ ... 1, n" V, du 5 au II juin. Revue [ ... ]. n° VI, du 12 au 18 juin. Rel'ue [ ... ]. n" VII, du 19 au 25 juin. Revue [ ... ]. n" VIII, du 25 juin au 2 juillet. Revue [ ... 1, n" IX, du 3 au 9 juillet. Revue [ ... ]. du 10 au 16 juillet Revue [... ]. du 17 au 23 juillet.
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Date
Pagt!s
M.VIII(l3)
fin. 1.1820
608-613
M.lX(2)
13. 2.1820
614-617 75- 80
M.lX(5)
5. 3.1820
181-188
M.d.F.1
25. 1.1817
129-131
M.d.F.lV
13.12.1817
481-483
M.d.F.I
8. 2.1817
226-223
M.lX(7)
17.3.1820
292-304
M.d.F.I M.d.F.I
1. 2.1817 15.2.1817
181-185 283-290
M.d.F.l1 M.d.F.1I1 M.d.F.1l1
17.5.1817 19. 7.1817 6. 9.1817
294-301 107-114 439-447
M.d.F.1I
21. 6.1817
532-538
M.d.F.l1I
9. 8.1817
248-254
M.d.F.1I M.d.F.l1 M.d.F.1I M.d.F.1I M.d.F.1I M.d.F.l1 M.d.F.l1 M.d.F.1I M.d.F.1I M.d.F.l1I M.d.F.l1I M.d.F.1I1 M.d.F.11I
19. 4.1817 27.4.1817 17.5.1817 24.5.1817 31. 5.1817 7.6.1817 14. 6.1817 21. 6.1817 28. 6.1817 5. 7.1817 12. 7.1817 19. 7.1817 26. 7.1817
139-144 182-192 230-236 375-382 425-432 471-476 523-528 569-574 615-622 42- 47 89- 96 137-144 182-1~8
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS Titre Revue 1... ], du 23 au 29 juillet. Revue 1... ], du 29 juillet au 6 août. Revue 1... ], du 6 au 13 août. Revue [ ... ], du 14 au 20 août. Revue [ ... ], du 21 au 27 août. Revue [ ... ], du 26 août au 3 septembre. Revue [ ... ], Revue [ ... ], du 18 au 24 septembre. Revue [ ... ], du 24 septembre au 20 octobre. Revue [ ... ], du 2 au 9 octobre. Revue [ ... ], du 10 au 16 octobre. Revue [..t] Revue [ ... ], du 24 au 30 octobre. Session des chambres. Revue [ ... ], du 31 octobre au 6 septembre. Session 1.•. ) Revue [ ... ) Session [ ... ] Revue [ ... ]. du 14 au 20 novembre. Session [ ... ] Session [ ... ) Revue [ ... ), du 30 novembre au 4 décembre. Session [ ... ) Revue [ ... ], du 4 au 10 décembre. Session [ ... ) Revue 1... ], du 12 au 18 décembre. Session [ ... ) Revue [ ... ], du 19 au 25 décembre. Essais historiques. Essais 1... ) Essais [ ... ] Essais 1···] Essais [ ... ] Essais 1... ) Essais [ ... ] Essais 1... ] Essais [ ... ] Essais 1... ] Essais 1•.. ] .Bérauld (A.) : Poésie - Le Champ d'Asile. Poésie - Le départ du poëte. Auteur
371
Recueil
Date
Pages
M.d.F.1II M.d.F.l1I M.d.F.1II M.d.F.l1I M.d.F.l1I M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.FW M.d.F.lV M.d.F.lV
2.8.1817 9. 8.1817 16. 8.1817 23. 8.1817 30.8.1817 6.9.1817 20.9.1817 27.9.1817 4.10.1817 11.10.1817 18.10.1817 25.10.1817 1.11.1817 8.11.1817
M.d.F.lV
15.11.1817
M.d.F.lV
22.11.1817
M.d.F.lV M.d.F.lV
29.11.1817 6.12.1817
M.d.F.lV
13.12.1817
M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.F.lV
20.12.1817 20.12.1817 27.12.1817
M.I(1) M.I(2) M.I(3) M.I(4) M.l(5) M.I(6) M.I(7) M.l(8) M.I(9) M.I(IO) M.I(lI) M.III(13) M.VII(I)
déb. 2.1818 16. 2.1818 22. 2.1818 fin. 2.1818 7.3.1818 13.3.1818 21. 3.1818 fin. 3.1818 déb. 4.1818 12. 4.1818 19.4.1818 28.10.1818 7. 8.1819
230-237 280-288 325-334 372-381 422-429 474-480 569-575 616-622 40- 47 88- 96 133-142 183-191 233-239 279-283 283-288 324-326 326-334 367-376 376-381 417-426 467-475 475-480 510-518 519-525 557-571 571-576 604-620 620-622 44-56 92-103 140-152 190-200 237-248 286-296 340-352 389-399 440-448 488-495 534-544 577-579 4- 5
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS
372 Auteur
Titre
Recueil
Date
Pages
M.d.f.lll M.d.f.lll M.d.F.lV M.l(2) M.l(5) M.I(8) M.I(lI)
23. 8.1817 13. 9.1817 29.11.1817 16. 2.1818 7.3.1818 fin. 3.1818 19. 4.1818
337-339 482-484 385-387 57- 59 201-202 353-355 497-498
M.lll(l1) M.lV(2) M.V(l1) M.VI(I) M.VII(3) M.VII(7) M.Vll(12)
15.10.1818 13.l1.1818 16. 4.1819 8.5.1819 21. 8.1819 19. 9.1819 23.10.1819
481-483 49- 51 521-523 3- 4 97- 98 289-291 529-530
M.d.F.IV M.d.F.1I
18.10.1817 17.5.1817
99 289-292
M.d.F.l M.d.F.l M.d.f.1I
1. 3.1817 22.3.1817 12. 5.1817
379-384
M.d.F.1I M.d.f.lll M.d.F.l1I
21. 6.1817 5.7.1817 9. 8.1817
545-552 14- 23 254-261
M.d.F.l1I
5.7.1817
3- 5
M.d.F.1I M.d.F.1I M.d.F.l1I
31. 5.1817 24.5.1817 2. 8.1817
387-388 337-339 194-196
M.d.f.1 M.d.F.lV
22. 2.1817 11.10.1817
349-353 50- 51
1. 2.1817
215-221
Béranger (P.-j.) : Poésie - L'Aveugle de Bagnolet -
Chanson. Si j'étais petit oiseau - Chanson. La fée Urgande - Chanson. La Vivandière - Chansoll. Le Vilain - Challson. L'Exilé - Romance. La bonlle vieille - Chanson. Brennus - Ou la vigne plantée dans les Gaules. La Sainte-Alliance - Chanson. Les Diables Missionnaires - Chanson. Mon habit - Chanson. Les enfans de la France - Chanson. Le retour dans la patrie. Le Temps - Chanson. Berr (M.) : Vers à mettre au bas du portrait de feu M. Dupont de Nemours. Bignon fils: Poésie - Le Salon de 1817. [Bon (Elisabeth de») signé Z: Correspondance sur les romans avec une amie de province. Correspondance sur les romans [ ... ] Correspondance sur les lomans [ ... ] [Bon J non signé: Correspondance sur les romans [ ... )
[Bon) signé Z : Correspondance sur les romans [ ... ]
-
Correspondance sur les romalls [ ... ]
5~6
63- 71
Boucharlot: Poésie - Fragment d'une traduction l'Il
vers du poëme de la mort d'Abel.
Bouilly U.-N.) : Poésie - Le premier mai. Traduction libre de quelques fragmens de Catulle et Gallus, de Parnell et Thompson [ ... ) Brès (J.-P.) : Poésie - Eloge de la pomme de terre. Poésie - Le tombeau d'Homère. Broglie (V. de) : Extraits de l'opinion de M. le duc de Broglie sur le projet de loi relatif à la
liberté individuelle. Chenevières (Chartrier de) : Vers à AIme ***. Constant (8.): Réponse à la lettre de M*** à M. B. de Constant [ ... ]
De Godwin et de son ouvrage sur la justice poli/ù/ue. Pensées détachées. Pensées détachées. Eloge de Sain/-Jérôme.
M.d.F.1 M.d.F.1I M.d.F.1I M.d.F.1I M.d.F. Il
27. 4.1817 24. 5.1817 14.6.1817 31. 5.1817
161-173
346-35? 509-523 401-413
373
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre Théorie des révolutions, par l'auteur de l'Esprit de l'histoire. 2" art. Nécrologie [Mme de Staël] 2" art. De la littérature dans ses rapports avec la liberté. De la juridiction du gouvernement sur l'éducation. De l'obéissance à la loi - Fragmens d'un chapitre extrait des additions inédites à la collection des ouvrages politique de M. B. de Constatft. Du Thétre français et du Théâtre étranger. Sur les provocations au crime pour le dénoncer. D'une assertion de M. Bailleul dans sa brochllre contre M. de Châteaubriand. Encore un mot sur le procès de Wilfrid Regnault. Des égards, que dans les circonstances présentes, les écrivains se doivent les uns aux autres, in Galerie littéraire et politique. Introduction à l'Histoire des républiques italiennes, par M. de Sismondi. Aperçus sur la marche et les révolutions de la philosophie à Rome, Extrait d'un ouvrage inédit. 2' art. De l'Angleterre. Considérations sur les principaux événemens de la Révolution française, ouvrage posthume de madame la baronne de Staël [ ... ] 2" art. 3' art. Quelques réflexions sur la brochure de M. Aignan, De l'état des protestans en France, et sur des critiques dirigées contre cette brochure. Annonce - Antiquités romaines [ ... ] Compte rendu des événemens qui se sont passés à Lyon, par M. Charrier Sainneville [ ... ] 2' art. Le dernier cri d'un dépositaire de la charte [ ... ], par ].-8. Mailhos.
Recueil
Date
Pages
M.d.F.1I M.d.F.1II M.d.F.I1I M.d.F.IIl
28. 16. 19. 26.
6.1817 8.1817 7.1817 7.1817
581-591 307-313 136-137 175-180
M.d.F.1Il
13.9.1817
485-495
M.d.F.IV
11.10.1817
53- 63
M.d.F.lV M.d.F.lV
8.11.1817 13.12.1817
244-255 484-490
M.I(2)
16. 2.1818
70- 72
M.I(4)
fin. 2.1818
165-169
M.I(6}
13. 3.1818
261-273
M.I(9)
déb. 4.1818
413-420
M.I(II)
19. 4.1818
508-517
M.I(l3) M.II(2) M.lI(l)
fin. 4.1818 14. 5.1818 6. 5.1818
602-611 71- 77 42- 50
M.lI(3) M.II(7) M.lI(l3)
20. 5.1818 15. 6.1818 fin. 7.1818
105-110 316-325 601-610
M.I 1(3) M.ll(3)
20. 5.1818 20. 5.1818
119-123 159-160
M.lI(5) M.lI(6)
déb. 6.1818 déb. 6.1818
209-223 265-279
M.ll(7)
15. 6.1818
325-326
374
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS Titre
De la nécessité et des moyens de nous faire une juste idée des doctrines du ministère public, dans les causes relatives aux délits de la presse. Première lettre de M. Benjamin Constant à M. Charles Durand, avocat, en réponse aux questions contenues dans la troisième partie de son ouvrage, intitulé: Marseille, Nîmes et ses environs en 1815, in Galerie littéraire et politique. Seconde lettre [ ... ]. in Galerie littéraire et politique. Précis historique, militaire et critique des batailles de Fleurus et de Waterloo [ ... ] par le maréchal-de-camp Berton. Question judiciaire. Tribunaux - Département du Pas-de-Calais. [non signé] : [Même affaire]. Revue de la session de 1817 ; par le vicomte de Saint-Chamans. EcJaircissemens historiques en réponse aux calomnies dont les protestans du Gard sont l'objet [ ... ]. par P.-J. Lauze de Perret. Coup d'œil sur les démêlés des cours de Bm'ière et de Bade [ ... ], par M. Bignon. Réponse à M. Benjamin Constant, par M. Du· vergier de Hauranne [ ... ] Lettre à M. Benjamin Constant sur l'ordonnance du 20 mai, par M. Delapoterie [ ... ] Rosaure, ou l'Arrêt du Destin, traduit de l'allemand, d'Auguste Lafontaine, par madame la comtesse de M... Tribunaux. Pensées diverses sur les élections. Sur les élections. Des élections, du ministère, de l'esprit public et du parti libéral en France. [Reproduction d'une lettre adéessée par un maire aux électeurs]. A. M. le vicomte de Clzâteaubriand, pair de France, sur ses projets politiques et sur la situation actuelle de la France; par M. Azaïs. Affaire du sieur Raman [Roman] condamné par le tribunal de police correctionnelle de Gap, pour avoir résisté à l'ordre de tapisser sa maison pendant la procession de la FêteDieu.
Recueil
Date
Pages
M.II(IO)
12. 7.1818
474-480
M.lII(2)
15. 8.1818
49- 63
M.lII(4)
fin. 8.1818
145-157
M.lII(3)
20. 8.1818
M.lII(5) M.lV(5)
8. 9.1818 6.12.1818
107-112 118-121 213-221 226-227
M.IIl(7)
20. 9.1818
302-313
314
M.lII(9) M.I Il (1 1)
3.10.1818
385-391
15.10.1818
493-497 497-502
503-504
M.III(12)
21. 10.1818
542-544 545-552
M.III(13)
28.10.1818
610-615
M.I\'(I)
3.11.1818
14- 22
M.lV(2)
13.11.1818
91- 92
M.lV(3)
M.lV(4)
19.11.1818
28.11.1818
97-104
161-162
375
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre
D'un article de M. de Bonald contre M. Camille Jordan. Marpha, ou Novogorod conquise, nouvelle historique traduite du russe, de M. de Karamazin, par M. Saint-Hippolyte. Petit cours de jurisprudence littéraire ou Répertoire de police correctionnelle [ ... J, par M. Jouslin de la Salle. [Un dîner patriotique]. Charlemagne ou la Caroléide. Lettre au général Gourgaud, sur la relation de la campagne de 1815, écrite à Sainte~ Hélène; par M. Marchand [ ... ] Lettre - A MM. les habitans du département de la Sarthe. Lettre [ ... ] Troisième lettre [ ... ] [Citation commentée de la pétition de Bordeaux] D'un amendement proposé à la loi sur la liberté de la presse. De la religion et de la morale religieuse. Constitutions de la Nation française, par M. le comte Lanjuinais. 2' art. 3' art. De l'examen des emprunts de 16 et 24 millions dans le budget de 1819, avec quelques observations sur l'ancien et le nouveau ministère. De la formation d'un nouveau ministère. Des rapports de la grande propriété avec nos institutions. Du ministère pendant la session qui vient de finir. 'Frois règnes de l'histoire d'Angleterre [ ... ]. par Sauquaire-Souligné. De l'état de l'Europe sous le point de vue constitutionnel. De l'état de l'Europe sous le point de vue constitutionnel. Recueil de discours prononcés au parlement d'Angleterre, par J.-C. Fox et W. Pitt [ ... 1 De la traite des nègres au Sénégal - Extrait du treizième rapport des directeurs de l'institution africaine, lu à la réunion générale de cette institution, le 24 mars 1819.
Recueil M.lV(5)
Date
Pages
6.12.1818
193-202
227
M.IV(7) M.lV(8)
19.12.1818 26.12.1818
228 326-327 349-356
M.V(I).
5. 2.1819
12- 13
M.V(9) M.VII(13) M.IX(8)
2. 4.1819 fin.10.1819 23. 3.1820
447-455 576-590 333-339
M.V(lO)
10. 4.1819
493-497
M.V(l1) M.V(12)
16. 4.1819 20. 4.1819
538-541 583-590
M.VI(I) M.VI(3) M.VI(7)
8. 5.1819 23. 5.1819 20.6.1819
5- 12 110-119 312-317
M.VI(4) M.VI(6)
fin. 5.1819 11.6.1819
149-155 245-251
M.VI(9)
5. 7.1819
409-415
M.VI(lI)
18. 7.1819
497-507
M.VI(l2)
24. 7.1819
568-576
M.VI(13)
fin. 7.1819
593-605
M.VI1(2)
15. 8.1819
49- 58
M.VII(I)
7. 8.1819
6- 13
M.V Il (3)
21. 8.1819
113-124
316
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS
Auteur
Titre
Recueil
Date
Pages
Des accusateurs de la France. De l'inviolabilité de la charte. Du projet de conférer aux chambres le droit de s'épurer, et de quelques autres projets de même nature. De la responsabilité des ministres dans la proposition des lois. De l'adresse au Roi. Des aveux échappés aux ennemis de la loi des élections. Du plan de la faction contre-révolutionnaire. De l'influence de la faction contre-révolutionnaire sur les projets de loi des ministre.ç. Réflexions sur le moment présent. Du rétablissement de la censure des journaux. De la contre-révolution ct du ministère. Symptômes du moment. Conspiration des contre-révolutionnaires contre le trône et la vie du roi d'Espagne. Politique-Intérieur - Des chambres depuis lcur convocation jusqu'au 31 décembre 1816. Des chambres [00')' 2" art. Des chambres [00'). 3' art. Des chambres [00'). 4' art. Des chambres [00'). 5' art. Des chambres [00'). 6' art. Des chambres [00'], 7' art. Des chambres [00'). 8' art. Des chambres [00')' 9' art. Des chambres [00'), 10' art. Des chambres [00'), Il' art. Des chambres [00'1. 12" art. Des chambres [00'), 13' art. Politique - Extérieur. Tableau politique de l'Europe, 2' art. Let/re de M. Saint-Aubin - Relativement à la deite publique de l'Angleterre [note de
M.VIl(4) M.VIll(4)
fin. 8.1819 27.11.1819
154-160 145-153
M.VIII(5)
déb.12.1819
193-202
M.VIII(6) M.VIII(7)
13.12.1819 20.12.1819
241-251 289-295
M.VIll(I2) M.lX(I)
23. 1.1820 6. 2.1820
529-543 3-11
M.lX(2) M.IX(3)
13. 2.1820 21. 2.1820
49- 56 97-103
M.lX(4) M.lX(6) M.lX(7)
fin. 2.1820 S. 3.1820 17.3.1820
133-143 229-237 285-291
M.IX(9)
27. 3.1820
381-386
M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.1 M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.1 M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.l1 M.d.F.I M.d.F.1
4. 1.1817 Il. 1.1817 18. 1.1817 25. 1.1817 1. 2.1817 8.2.1817 15. 2.1817 1. 3.1817 8.3.1817 IS.3.1817 22. 3.1817 29. 3.1817 12.4.1817 18. 1.1817 22. 2.1817
28- 32 69- 77 113-127 155-171 203-215 262-272 301-319 401-415 450-462 497-509 547-555 599-603
M.d.F.1I M.d.F.1I M.d.F.11 M.lV(6) M.IV(7) M.IV(8)
S. 4.1817 19.4.1817 10. 5.1817 13.12.1818 19.12.1818 26.12.1818
33- 44 131-139 278-285 289-296 327-330 379-384
Benjamin Constant). Tableau politique [00'), 3' art. Tab/eau politique [00. J. 4' art.
Session des chambres. Session [00') Session [00')
76- 85 104-113
354-365
377
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre
Session [ ... j Session [ ... j Session [ ... j Session [ ... j Session [ ... j Session [ ... j Session [ ... j Session [ ... j Session [ ... j Session [ ... j Session [ ... j Session [ .. ~j Lettres sur les Cent-Jours - Première lettre. Lettres [ ... ], 2" lettre. Lettres [ ... ], 3' lettre. Lettres [ ... ], 4' lettre. Lettres [ ... ], 5" lettre. Lettres [ ... ], 6' lettre. Lettres [ ... ], 7' lettre. Lettres [ ... ], 8' lettre. Lettres [ ... ], go lettre. Lettres [ ... ], 10' lettre. Lettres [ ... j, Il' lettre. Lettres [ ... j, 12' lettre. Lettres [ ... ], 13' lettre. Lettres [ ... ], 14' lettre. Lettres [ ... ], 15' lettre. Lettres [ ... ], 16' lettre. Lettres [ ... ], 17' lettre. Coupigny: Amélie - Romance. Delavigne( Casimir): Poésie - Fragmens de poëmes qui ont été couronnés par l'Académie ou lus devant elle. Desbordes (Mlle) : Poésie - Le Pressentiment - Elégie. Pechamp (E.): Poésie - Traduction - De l'ode X du 2" livre d'Horace. - Poésie - Traduction de l'ode d'Horace od Grasphum - Od. XVI, 1.2. Dubois (L.) : Des énigmes. Notice sur Jean Le Hennuyer [ ... j - Sur la Vendée. Dufrénoy (Mme) : Poésie - Le Jour de l'An - A M. le comte de Ségur. Oumoulin (E.): Le Champ d'Asile.
Recueil
Date
Pages
M.lV(9) M.lV(IO) M.lV(II) M.!V(12) M.!V(13) M.V(I) M.V(2) M.V(3) M.V(4) M.V(5) M.V(6) , M.V(7) M.VII(5) M.VII(6) M.VII(7) M.VII(8) M.VIl(9) M.VIl(IO) M.VII(lI) M.VII(l2) M.Vll1(1) M.VIIl(2) M.VIIl(3) M.VIII(8) M.VlII(9) M.VIl1(lO) M.VIII(lI) M.VIIl(13) M.!X(5) M.l(8)
30.12.1818 9. 1.1819 14. 1.1819 23. 1.1819 fin. 1.1819 5. 2.1819 14. 2.1819 19. 2.1819 25. 2.1819 déb. 3.1819 10. 3.1819 17. 3.1819 déb. 9.1819 13. 9.1819 19. 9.1819 25. 9.1819 déb.IO.l819 10.10.1819 17.10.1819 23.10.1819 8.11.1819 14.11.1819 21.11.1819 27.12.1819 déb. 1.1820 9. 1.1820 15. 1.1820 fin. 1.1820 5. 3.1820 fin. 3.1818
430-436 477-486 541-545 581-585 631-637 31- 44 76- 91 141-150 181-186 242-257 289-310 337-347 193-199 241-249 292-303 337-347 385-394 432-443 481-491 531-540 3- 11 49- 59 97-105 336-343 385-396 433-438 480-488 593-601 197-207 355-356
M.d.F.l1I
6.9.1817
436-438
M.d.F.lIl
9. 8.1817
241-242
M.d.F.1I
21. 6.1817
529-530
M.d.F.11I M.d.F.l1 M.d.F.1II M.lV(IO)
16.8.1817 24. 5.1817 27. 9.1817 9. 1.1819
289-292 339-344 599-606 453-466
M.d.F.! M.lII(6)
18. 1.1817 15. 9.1818
81- 83 256-263
378 Aut~ur
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS Titre
Sur le projet de loi relatif aux journaux. Tribunaux. Correspondance des départemens [rubrique dirigée par Dumoulin]. Correspondance [ ... ] Correspondance [ ... ] Correspondance [ ... ] Correspondance l···] Correspondance [ ... ] Correspondance l··.] Correspondance [ ... ] Correspondance l··.] Correspondance [ ... ] Correspondance [ ... ] Correspondance [ ... ] Correspondance l···] Correspondance [ ... ] Notes historiques. No/es [ ... ] Notes l· .. ] Notes [ ... ] No/es l··.] Notes [ ... ] No/es l···] Elec/ion du département du Cher. Notes historiques. Notes [ ... ] No/es l .. ·] No/es [ ... ] Notes l.··] Notes [ ... ] Notes [ ... ] Notes [ ... ] Notes [ ... ] No/es ( ... ] Notes l···] Noies 1... ] Notes [ ... ] Notes [ ... ] No/es [ ... ] Esrnénard (J.-A.) : Extérieur - Espagne. 2' art. - Cil ar/es Barimare.
Recueil M.V(lI) M.V(l3)
.\1.. V(l2) M.VI(l) M.VI(4) M.VI(5) M.VI(7) M.VI(8) M.Vl(9) M.VI(lI) M.VI(l3) M.VII(I) M.VIl(3) M.VIl(4) M.VIl(7) M.VIII(7) M.VIl(5) M.VIl(6) M.VIl(7) M.VIl(8) M.VIl(9) M.VIl(lO) M.VIl(II) M.VIl(l2) M.VIl(l3) M.Vlll(l) M.Vlll(2) M.Vlll(3) M.VIll(4) M.VIll(5) M.Vlll(7) M.VIlI(8) M.VIII(9) M.VIII(11) M.VIlI(13) M.lX(2) M.IX(3) M.lX(6) M.lX(9) M.d.F.l M.d.F.l M.d.F.I
Date
Pages
16. 4.1819 fin. 4.1819
530-538 656-659
20.4.1819 8. 5.1819 fin. 5.1819 5.6.1819 20. 6.1819 27. 6.1819 5. 7.1819 18. 7.1819 fin. 7.1819 7. 8.1819 21. 8.1819 fin. 8.1819 19. 9.1819 20.12.1819 déb. 9.1819 13. 9.1819 19. 9.1819 25. 9.1819 déb.IO.1819 10.10.1819 17.10.1819 23.10.1819 fin.lO.1819 8.11.1819 14.11.1819 21.11.1819 27.11.1819 déb.l2.1819 20.12.1819 27.12.1819 déb. 1.1820 15. 1.1820 fin. 1.1820 13. 2.1820 21. 2.1819 12. 3.1819 27. 3.1820 4. 1.1817 25. 1.1817 1. 2.1817
617-624 46- 48 194-196 243-244 343-346 391-396 438-442 539-542 636-639 46-48 132-140 190-192 336 333-336 237-240 283-288 333-335 381-384 429-432 476-480 525-528 576 616-624 46-48 97- 96 141-144 189-192 233-240 330-333 381-384 428-432 524-528 634-638 92- !J6 128-131 277-284 426-428 33- 38 149-155 185-186
379
REpERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre
Date
Recueil
Pages
M.d.F.1lI
11. 1. 15. 1. 5.
1.1817 2.1817 2.1817 3.1817 7.1817
59- 62 187-192 290-297 384-392 36- 41
M.d.F.ll M.d.F.lI
5. 4.1817 26. 4.1817
8- 13 150-159
M.d.F.lI
17. 5.1817
311-320
M.d.F.ll
7. 6.1817 5. 7.1817 7. 6.1817
457-465 31- 36 465-467
M.d.F.I1
.28. 6.1817
592-595
[Esménard] : Le Bachelier de Salamanque.
M.d.F.l
Correspondance avec le Bachelier et répollse. )::sménard : Réflexions sur le discours prononcé par M. Clausel de Coussergues à !u Chumore des députés le 28 février. Lettre à M. Clausel de Cousserguc.>. Traduction d'un passage d'un livre eSDagnol, du commencement du XV' siècle. Traduction,d'un passage d'un livre espagrzol, du commencement du XV' siècle. Correspondance avec Esménard. Lettres inédites de Fénélon [sic) d'après le manuscrit de la Bibliothèque de Grenoble, par M. Champollion, brochure in-8°. Zuma ou la découverte du quinquina, .'te., etc., par Mme la comtesse de Genlis, 1 vol. in-8°. Nécrologie [Juan Antoine Melendez Valdès]. Du jury et du régime de la presse, sous un gouvernement représentatif [ ... ], par M. Ricard (d'Allauch). [Etienne (Ch.-G.)?] Signé E. : De l'Institution da Jury en France et en Angleterre, considérés l'un et l'autre dans leur pratique, [ ... ], par M. Ricard (d'Allauch). If:tienne?] Signé E.: Affaires de Rodhez et remarques sur quelques-unes de nos lois d'exception. Etienne: Lettres sur Paris, n° 1, 14 fév. Lettres [ ... ), n° 2, 19 fév. Lettres [ ... ], n° 3, 25 fév. Lettres [ ... ), n° 4, 10 mai [mars). Lettres 1... ], n° 5, 18 mars. Lettres [ ... ), n° 6, 25 avril [mars]. Lettres [ ... ), n° 7, 9 avril. Lettres [ ... ) (n° 8 ne figure pas). Lettres [ ... ), n° 9, 20 avril. Lettres [ ... ], n° 10, 3 mai. Lettres [ ... ], n° 11, 12 mai. Lettres [ ... ), n° 12, 18 mai. Lettres [ ... ), RO 13, 30 mai.
, M.d.F.1l
M.d.F.m
12. 7.1817
54- 61
M.d.F.m
2.8.1817
220~226
M.d.F.lV
20.12.1817
543-550
M.d.F.m
6. 9.1817
448-453
M.d.F.lV M.l(2) M.l(3) M.I(4) M.l(6) M.I(7) M.I(9) M.l(lO)
4.10.1817 16. 2.1818 22. 2.1818 fin. 2.1818 13. 3.1818 21. 3.1818 déb. 4.1818 12. 4.1818
36- 40
77- 87 135-139 179-188 273-285 326-340 429-439 472-484
M.I(l2) M.Il(l) M.ll(2) M.II(3) . M.I1(5)
23. 6. 14. 20. déb.
575-584 30- 42 78- 89 132-144 232-246
4.1818 5.1818 5.1818 5.1818 6.1818
380
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS
Auteur
Titre Lettres [ ... J, n" 14, 6 juin. Lettres [ ... ], n° 15, 20 juin. Lettres [ ... ], n° 16, 30 juin. Lettres [ ... ], n° 17, 10 juillet. Lettres [ ... ], n° 18, 13 juillet. Lettres 1... ], n° 19, 18 juillet. Lettres [ ... ], n° 20, 25 juillet. Lettres [ ... ], n° 21, 2 août. Lettres [ ... 1, n° 22, 17 août. Lettres [ ... 1, n° 23, 26 août. Lettres 1... ], n° 24, 5 sept. Lettres [ ... ], n" 25, 12 sept. Lettres [ ... ), n° 26, 24 sept. Lettres [ ... 1, n° 27, l or oct. Lettres [ ... ), n° 28, 6 oct. Lettres 1... ], n° 29, 12 oct. Sur les dîners patriotiques des Andelys et de Rouen. Lettres [ ...1, n° 30, 18 oct. Lettres [ ... ], n" 31, 25 oct. Lettres [ ... ), n° 32, le, nov. Lettres [ ... ], n° 33, 10 nov. Lettres [ ... ], n° 34, 25 nov. Lettres [ ... ), n° 35, 3 déc. Lettres [ ... ), n° 36, 10 déc. Lettres [ ... ), n° 37, 16 déc. Lettres [ ... ), n° 38, 23 déc. Lettres [... ], n° 39, 27 déc. Lettres [ ... ], n° 40, 6 janv. Lettres 1... ], nU 41, 14 janv. Lettres [ ... ], n° 42, 21 janv. Lettres [ ... ), n° 43, 3 fév. Lettres [ ... ], n° 44, 12 fév. Lettres 1... ], n° 45, 18 fév. Lettres [ ... ), n° 46, 23 fév. Lettres [ ... ], n° 47, 28 fév. Lettres 1... J, n° 48, 8 mars. Lettres [ ... ), n° 49, 15 mars. Lettres [ ... ), n° 50, 22 mars. Lettres [ ... ], n° 51, 31 mars. Lettres [ ... ), n° 52, 7 avril. Lettres [ ... ], n° 53, 15 avril.
Recueil
Date
M.ll(6) M.ll(8) M. Il (9) M.ll(10) M.lI(II) M.ll(12) M.ll(13) M.lll(l) M.lll(3) M. III (4) M.lll(5) M. III (6) M.lll(8) M.l1I(9) M.Ill(IO) M.lll(l)
10. 6.1818 23. 6.1818 déb. 7.1818 12.7.1818 15. 7.1818 21. 7.1818 fin. 7.1818 5. 8.1818 20. 8.1818 fin. 8.1818 8. 9.1818 15. 9.1818 27. 9.1818 3.10.1818 10.10.1818 15.10.1818
M.lIl(12) M.lIl(13) M.lV(I) M.lV(2) M.lV(4) M.lV(5) M.lV(6) M.lV(7) M.lV(8) M.lV(9) M.lV(IO) M.1V(II) M.lV(12) M.V(I) M.V(2) M.V(3) M.V(4) M.V(5) M.V(6) M.V(7) M.V(8) M.V(9) M.V(IO) M.V(II)
21.10.1818 28.10.1818 3.1 1.1818 13.1 1.1818 28.11.1818 6.12.1818 13.12.1818 19.12.1818 26.12.1818 30.12.1818 9. 1.1819 14. 1.1819 23. 1.1819 5.2.1819 14. 2.1819 19. 2.1819 25. 2.1819 déb. 3.1819 10. 3.1819 15. 3.1819 24. 3.1819 2. 4.1819 10. 4.1819 16. 4.1819
Pages. 298-307 385-396 430-444 487-488 528-539 578-589 629-639 14- 25 129-144 174-183 228-238 263-276 351-364 412-423 454-465 504-515 516-518 562-572 616-622 22- 39 75- 91 162-175 214-226 276-289 318-326 367-377 419-429
466-471 529-540
566-578 13- 30
53-64 130-139 171-179 232-242 276-289 321-333 369-379 432-440 480-493 542-555
381
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Letires Lettres Letires Lettres Lettres Lettres Letires Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Letires Letires Lettres Letires Lettres Lettres Letires Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres Lettres
Titre
1... ], 1... ], [ ... ], [... ],
1... ], [... ],
1... ], [... ],
1... ], [... ],
1... ], 1... ], 1... ], 1... ], 1... ], 1... ], 1... ], 1... ], 1... ], 1... ], [... ], [... ],
1... ], 1... ], [ ... ],
1... ], l. .. ]' 1... ], [ ... ], [ ... ], [ ... ], [... ].
1... ], 1... ], [ ... ],
1... ], 1... ], [... ].
1... ], 1... ], [oo.],
n° 54, n° 55, n° 56, n° 57, n° 58, n° 59, n° 60, n° 61, n° 62, n° 63, n° 64, n° 65, n° 66, n° 67, n° 68, n° 69, n° 70, n° 71, 72, 16 n° 73, n° 74, n° 75, n° 76, n° 77, n° 78, n° 79, n° 80, n° 81, n° 82, n° 83, n° 84, n° 85, n° 86, n° 87, n° 88, n° 89, n° 90, n° 91, n° 92, n° 93, n° 94,
28 avril. 6 mai. 15 mai. 21 mai. 27 mai. 3 juin. 9 juin. 17 juin. 24 juin. 2 juillet. 9 juillet. 15 juillet. 21 juillet. 28 juillet. 5 août. 12 août. 27 août. 10 sept. sept. 23 sept. 30 sept. 8 oct. 14 oct. 20 oct. 28 oct. 5 nov. Il nov. 18 nov. 24 nov. 30 nov. 10 déc. 17 déc. 24 déc. 30 déc. 6 janv. 14 janv. 20 janv. 27 janv. 3 fév. 10 fév. 18 fév.
Recueil
Date
Pages_
M.V(13) M.Vl(l) M.Vl(2) M.V1(3) M.Vl(4) M.VI(5) M.VI(6) M.VI(7) M.VI(8) M.Vl(9) M.Vl(lO) M.Vl(i'l) M.Vl(12) M.VI(13) M.VII(I) M.VII(2) M.VII(4) M.VII(6) M.VII(7) M.VII(8) M.VII(9) M.VII(IO) M.VII(II) M.VII(12) M.VII(13) M.VIIl(I) M.V III (2)
fin. 4.1819 8. 5.1819 17. 5.1819 23. 5.1819 fin. 5.1819 5. 6.1819 11. 6.1819 20. 6.1819 27. 6.1819 5. 7.1819 12. 7.1819 18. 7.1819 24. 7.1819 fin. 7.1819 7. 8.1819 15. 8.1819 fin. 8.1819 13. 9.1819 19.9.1819 25. 9.1819 déb.IO.1819 10.10.1819 17.10.1819 23.10.1819 fin.IO.1819 8.11.1819 14.11.1819 21.11.1819 27.11.1819 déb.12.1819 13.12.1819 20.12.1819 27.12.1819 déb. 1.1820 9. 1.1820 15. 1.1820 23. 1.1820 fin. 1.1820 6. 2.1820 13. 2.1820 21. 2.1829
638-656 22- 35 57- 77 132-139 173-185 210-217 266-274 317-329 367-380 415-429 464-473 517-527 577-588 620-630 26- 38 85- 95 178-189 267-282 312-322 367-381 416-429 462-476 514-525 568-576 599-611 11- 27 78- 92 112-125 179-189 210-223 258-273 303-316 361-372 409-416 457-471 513-524 568-580 617-628 22- 36 81- 91 107-114
M.VIJl(3) M.VIIl(4) M.VIIl(5) M.VIJl(6) M.VllI(7) M.VIJl(8) M.VlIl(9) M.V III (10) M.VIIl(11) M.VIIl(12) M.VIIJ(3) M.lX(1) M.lX(2) M.lX(3)
382 Auteur
REpERTOIRE DES COLLABORATEURS Titre
Lettres [ ... l, n° 95, 25 fév. Lettres [... ]. n° 96, 2 mars. Lettres [ ... ]. n° 97, 10 mars. Lettres [... ]. n° 98, 15 mars. Lettres [ ... ]. n° 99, 21 mars. - . Lettres [ ... ]. n° 100, 25 mars. Febvé: Poésie - Les loups et les renards - Fable. François de Neufchâteau: Poésie - Stances aux : journalistes et aux gens de lettres, à l'occasion du rapport sur M. Oberlin, et sur la civilisation du Ban de la Roche. Gaudy : Poésie - La rose et l'hortensia - Fable. Poésie - La diligence - Fable. Gosse (E) : Poésie - Le castor et le singe - Fable. Poésie - Le ver et le limaçon - Fable. Poésie - Le chameau - Fable. Poésie - Le verger de Normandie - Fable. [Harel] (Ch.-J.): Lettres sur l'Allemagne, Francfort, 17 juillet. Lettres [ ... ]. n° 2, Francfort, 9 sept. Lettres [ ... ]. n° 3,. Francfort, 20 sept. Letires [ ... ]. n° 4, Francfort, 30 oct. Lettres [ ... ]. n° 5, Francfort, 20 nov. Letires [ ... ]. n° 6, Francfort, 15 déc. Lettres [ ... ]. n" 7, Francfort, 8 janv. Letires [ ... ]. n° 8, Letires [ ... ], n° 9, Francfort, 15 mars. Letires [ ... ]. n° 10, Francfort, 1er avril. Lettres [ ... ]. n° Il, Francfort, 5 mai. Lettres [ ... ]. n° 12, Francfort, 27 mai. Lettres [ ... ]. n° 13, Francfort, 28 juin. Letires [ ... ]. n° 14, Francfort, 6 août. Lettres [ ... ]. n° 15, Francfort, 26 oct. Lettres [ ... ]. n° 16, Francfort, 3 déc. Note de la rédaction au sujet de Harel. Harel: Politique étrangère. Politique étrangère. Politique étrangère. Jay (A.) : Complot d'Arnold et de sir Henry Clinton contre les Etats-Unis d'Amérique et contre le général Washington (septembre 1789) [par Barbé-Marbois]. 2" art.
Recueil
Date
Pages
M.lX(4) M.lX(5) M.lX(6) M.lX(7) M.lX(8) M.lX(9) M.IIl(12)
fin. 2.1820 5. 3.1820 12. 3.1820 17. 3.1820 23. 3.1818 27. 3.1820 21.10.1818
161-169 207-216 252-261. 304-312 363-371 409-416 529-531
M.l(l3) M.d.F.I M.d.F.l M.d.F.I1l M.d.F.IV M.l(3) M.Il(1)
fin. 4.1818 1. 3.1817 29. 3.1817 13.9.1817 8.11.1817 22. 2.1818 6. 5.1818
M.I Il (1) M.III(8) M.III(IO) M.IV(3) M.lV(5) M.lV(9) M.lV(12) M.V(4) M.V(9) M.V(l2) M.VI(2) M.VI(6) M.VI(lO) M.VIl(3) M.VIII(I) M.VIII("7)
5. 8.1818 27. 9.1818 10.10.1818 19.11.1818 6.12.1818 30.12.1818 23. 1.1819 25. 2.1819 2. 4.1819 20. 4.1819 17. 5.1819 II. 6.1819 12. 7.1819 21. 8.1819 8.11.1819 20./2.1819
28-38 366-371
M.VIIl(l3) lvl.IX(I) M.IX(4) M.IX(7)
fin. 6. fin. 17.
640
M.d.F.l M.d.F.l
18. 1.1817 :.!2. 2.1817
1.1820 2.1820 2.1820 3.1820
593-5~
369-370 361-;392 481-482. 241-243 1~11)6
3- 4
468-47~;
122-131 • 228-234 437-443 585-59.1 186-100,. 4~.
606-616 92-100 274-291 484-493 140-144 35- 4~ 321-~
42- 4&. 174-179 328-332.
85- 93 325-335
383
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre
Recueil
[Jay] (signé A.D., par erreur probablement) : Correspon(iance politique et administrative; par j. Fiévée, septième partie. Ja:,: Les Amours à Eléonore; par M. de Labouisse. Voltaire aux enfers. Les Douze siècles, nouvelles françaises; par Mme Elisabeth de Bon. Supplément au Mémoire de M. Parmentier sur le mais, par M. le comte François-deNeuchâteau. Correspondance choisie de Benjamin Francklin, traduite par N.). Francklin son petitfi~
Pages
M.d.F.J M.d.F.J M.cI.f.J
15.2.1817 15. 3.1817 23. 3.1817
278-283 . 469-482 536-543
M.d.F.JI
19. 4.1817
103-112
M.d.F.1I
3. 5.1817
214-216
10. 5.1817
245-255
31. 14. 28. 19.
5.1817 6.1817 6.1817 7.1817
390-400 486-497 605-613 122-123
M.d.F.II
7. 6.1817
438-447
M.d.F.III M.d.F.lII
26. 7.1817 16.8.1817
149-158 293-307
.
Abrégé des Mémoires ou journal du marquis de Dangeau [... ], et un abrégé de l'Histoire de la Régence, par Mme de Genlis, 4 vol. in-8°. 2' art. Le Quaker. Le Quaker. [Jay?] : Réflexions sur l'injustice de quelques jugemens littéraires [ ... ], par L.-A.-G. de Breme. Jay: De l'Angleterre et des Anglais ou Petit Portrait d'une grande famille, copié et retouché par deux témoins oculaires, 3 vol. in-8°. La France; par lady Morgan. [jay?] : Voyage de MM. Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland. Jay: Recherches politiques et historiques qui prouvent l'existence d'une secte révolutionnaire, son antique origine etc., par M. le chevalier de Malet. Le Dix-huitième siècle, par F. Simonin. Œuvres complettes [sic] de Buffon, mises en ordre [... ] par M. le comte de Lacépède. 2' art. La Gaule poétique, ou l'Histoire de France considérée dans ses rapports avec la poésie, l'éloquence et les beaux-arts; par M. de Marchangy. Naufrage de la Méduse, faisant partie de l'expédition du Sénégal, en 1816 [ ... ] ; par j.B. Henri de Savigny, ex-chirurgien de la marine; et Alexandre Corréard, ingénieurgéographe, tous deux naufragés du radeau. Du Théâtre français et du théâtre étranger. Œuvres de François-Guillaume-jean-Stanislas Andrieux [... ]
Date
M.d.F.1I M.d.F.II M.d.F.lI M.d.F.III
313-315
M.d.F.l1I M.d.F.l1I
30. 8.1817 20. 9.1817
393-404 532-541
M.d.F.l1I M.d.F.lV
27. 9.1817 29.11.1817
581-591 388-396
M.d.F.lV
25.10.1817
148-163
M.d.F.JV M.d.F.I V
22.11.1817 20.12.1817
340-353 531-543
déb. 2.1818
12- 21
M.I(I)
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS
384
Auteur
Titre
Sur les conséquences de l'ordonnance du 5 septemhre. M. le C/lré de Cosne (département de la Nièvre), in Galerie Littéraire et Politique. Mémoires et Correspondance de Madame d'Epinay [ ... ] 2· art. 3' art. Du danger des interprétations; ou observations sur le réquisitoire de M. de Marchangy, dans l'affaire de M. Ftévée. De l'état des protestans en France [ ... ], par M. Aignan. 2' art. 3' art. Les Ruines ou Méditations sur les révolutions des empires; par C.F. Volney. Tribunal de Rennes - Procès de MM. Comte et Dunoyer. Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV et sur l'altération qu'il éprouva pendant la vie de ce prince. 2' art. (lettre au maire de Châtellerault). Histoire de l'esprit révolutionnaire des nobles en France sous les soixante-huit rois de la monarchie. .'Vote secrète exposant les prétextes et le but de la dernière conspiration. Examen critique de l'ouvrage posthume de madame la baronne de Staël, ayant pour titre: Considérations sur les principaux événemens de la Révolution française, par J.-Ch. Bailleul, 2 vol. in-8°. Le Champ d'Asile. Le Champ d'Asile. Souscription pour les réfugiés français en Amérique. Souscription pour le Champ d'Asile. Essai historique sur la puissance temporelle des papes, et sur l'abus qu'ils ont fait de leur ministère spirituel, [par Daunou], 2 vol. in-8°. Du second Théâtre Français, ou instruction relative à la déclamation dramatique; par Népomucène L. Lemercier. Réponse à quelques calomnies.
Date
Pages
M.I(2)
16. 2.1818
72-77
M.I(5)
7. 3.1818
204-213
M.I(6) M.l(lO)
13. 3.1818 fin. 3.1818 12. 4.1818
252-Z,.Xl 356-369 451-460
M.I(l2
23. 4.1818
545-555
M.II(I) M.II(4) M.II(6)
6. 5.1818 24. 5.1818 10. 6.1818
172-183
280-290
M.II(8)
23.6.1818
353-361
Recueil
M.I(8)
5- 16-
376-385
M.II(II)
12. 7.1818 8.9.1818 15. 7.1818
466-474 193-204 539-540
M.II(12)
21. 7.1818
553-562
M.III(1)
5. 8.1818
3- 14
M.III(30)
345-350
M.V(2)
20. 8.1818 27. 9.1818 14. 2.1819
M.VI(6) M.VIII(7)
Il. 6.1819 20.12.1819
291-297 316-321
M.III(l2)
21.10.1818
532-542'
M.lV(I) M.lV(2)
3.11.1818 13.11.1818
3- 10. 53- 64.
M.II(10)
M.lll(5)
M.III(8)
97-106 92- 96.
385
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre
Annales littéraires ou Choix chronologique des principaux articles insérés par M. Dussault dans le Journal des Débats, depuis 1800 jusqu'à 1817 [ ... ] Tribunaux - Conspiration de Lyon - Plainte en calomnie. Tribunaux - Affaire de MM. de Sainneville, Fabvier et M. Canuel relative aux événemens de Lyon. Tribunaux - Affaire de MM. de Sainneville [ ... ] Réfutation de quelques sophismes. Sur la siJuation actuelle. Entendons-nous sur les mots. Dialogues des morts - Premier dialogue M. l'abbé Morellet, Voltaire. La religion, où est-elle? De la nation et des factions, ou Coup d'œil sur l'état de la liberté publique aux diverses époques de notre histoire, et sur son état présent, par A. de Carrion-Nisas fils. Arrêt de la cour royale relatif aux Suisses. Réponse à la déclaration signée par MM. les cardinaux de Périgord et de la Luzerne, l'ancien évêque de Châlons, et Courtois de Pressigny, évêque de Saint-Malo, nommé à l'évêché de Besançon, membres de la chambre des pairs. Voyage dans le Levant en 1817 et 1818 ; par M. le comte de Forbin. Histoire de Cromwell, d'après les mémoires du temps et les recueils parlementaires, par M. Villemain, 2 vol. in-8°. 2' art. Œuvres complètes de madame Riccoboni Œuvres complètes de madame Cottin. Exposé de la conduite du lieutnant général Brayer, pendant le temps qu'il est resté dans l'Amérique du Sud. Souvenirs historiques de l'Ancien Régime. Souvenirs [... ] Souvenirs [ ... ] Histoire de Samuel, inventeur du sacre des rois. Fragment d'un voyageur américain, traduit sur le manuscrit anglais. Du ministère ultra-monarchique. Du système des missions.
Date
Pages
M.lV(4)
28.11.1818
154-160
M.IV(6)
13.12.1818
249-266
M.IV(9)
30.12.1818
401-419
M.V(I) M.lV(13) M.VŒ M.V(6)
5. fin. 25. 10.
2.1819 1.1819 2.1819 3.1819
44- 45 625-631 166-171 270-276
M.V(8) M.V(11)
24. 3.1819 16.4.1819
361-368 523-530
M.V(l2) M.VI(I)
20. 4.1819 8. 5.1819
569-573 12- 18
M.VI(3)
23. 5.1819
120-127
M.V1(8)
27. 6.1819
349-356
M.VI(l2) M.Vll(3)
24. 7.1819 21. 8.1819
545-552 99-110
M.VII(I)
7. 8.1819
13- 16
M.VII(5) M.VII(7) M.VII(13)
déb. 9.1819 19. 9.1819 fin.IO.l819
38- 48 214-220 304-312 590-599
M.VII(9) M.VIII(2) M.VIII(4)
déb.lO.l819 14.11.1819 27.11.1819
394-401 59- 67 154-160
Recueil
386 Auteur
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS Titre
Procès du Lieutenant-Général duc de Rovigo. Du Pouvoir des Papes. Situation de la France, considérée sous les rapports politiques, religieux, administratifs, financiers, commerciaux, etc., par ].-Ch. Bailleul. Sur les affaires d'Espagne. Sur tes affaires d'Espagne. Sur les affaires d'Espagne. Sur les calomnies dirigées contre la Minerve. Réflexions sur l'assassinat commis par Louvel. Sur la situation de la France. Des Lois d'exception. Jouy (J.-E.): Poésie - Le ver luisant et le ver de terre - Fable. Lellrt! de Mercure aux nouveaux rédacteurs. Œuvres complètes de Voltaire. Poésie - La lavande et la rose - Fable. GermaniClls, tragédie en cinq actes, par A.V. Arnault. Elégies ; par M-·-. Les roses, par P.-J. Redouté, 1'" et 2" livraisons. Poétùlue secondaire ou Essai didactique sur les genres dont il n'est pas fait mention dans la poétique de Boileau, par P.J.B. Chaussard. Les nuits ramaines au tombeau des Scipions, traduites de l'italien par L.-F. Lestrade. 2" art. Théorie de l'Univers, par J.A.F. Allix. Reproduction d'une lettre d'Allix. Souscription - Plan d'Aix-la-Chapelle, Borcette e{ les environs; par le colonel Bory de Saint-Vincent. Mémoires sur la marine et les ponts et chaussées de France et d'Angleterre; par Charles Dupin. Campagnes du corps sous les ordres de son altesse sérénissime monseigneur le prince de Condé; par M. le marquis d'Ecquevilly. Essai sur la vie, les écrits et les opinions de JI. de Males/zerbes, par le comte Boisy-d'Anglas. 2" art. Les Pensions, 10 vol. in-4°.
Recueil M.VIII(9) M.VIII(lO)
Date déb. 1.1820 9. 1.1820
Pages 403-408 438-445
M.VIII(l2) M.VIII(I3) M.IX(2) M.IX(8) M.IX(3)
23. fin. 13. 23. 21.
1.1820 1.1820 2.1820 3.1820 2.1820
544-555 601-607 57- 65 339-345 103-107
M.IX(4) M.IX(6) M.lX(9)
fin. 2.1820 12. 3.1820 27. 3.1820
151-160 237-243 395-401
M.d.F.I
4. 1.1817
M.d.F.I M.d.F.II
8. 3.1817 5. 4.1817
4- 5 9- 13 421-428 3- 6
M.d.F.1I M.d.F.l1
10. 5.1817 21. 6.1817
255-266 538-545
M.d.F.II1
5. 7.1817
7- \1
M.d.F.1I1
27. 9.1817
591-599
M.d.F.IV M.d.F.IV M.II(2)
25.10.1817 8.11.1817 14. 5.1818
163-171 255-264 57- 63 63- 65
M.lII(I)
5. 8.1818
44- 47
M.III(4)
fin. 8.1818
158-168
M.III(I)
15.10.1818
483-492
M.IV(4) M.lV(IO)
28.11.1818 9. 1.1819 14. 1.1819
145-154 445-453
M.IV(II)
507~576
387
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre Les Pensions. Sur les pensions. Ambassade de Bendore. Des coups d'état dans la monarchie constitutionnelle, par M. Aignan. Florence Macarthy. Notice nécrologique [le médecin Montègre]. Fanatisme et cruauté. Discours prononcé aux funérailles de M. Regnault de Saint-Jean-d'Angély. Les missionnaires en France. Les missioJlnaires [ ... ] (L'affaire de Moyse Carcassonne). Soldats français devant le Conseil d'Etat. Pétition à à la chambre, sur un déni de justice. La grande et la petite église. Notice (Revue encyclopédique). Dialogues des vivans et des morts (Sur la frontière des deux mondes) Sully et M. Decazes. Dialogues [ ... ] Etienne Pasquier et s.exc. Denis Pasquier. Troisième dialogue [ ... ] - Madame la marquise de X, mademoiselle Théroigne de Méricourt et madame de Montpensier. Quatrième dialogue [ ... ] - Madame la baronne de Staël et M. le duc de Broglie. Dialogues [ ... ] - L'abbé Menu, le père Lainez, général des Jésuites, et le père Escobar. Dialogues [... ] - Chapelle et le marquis de Montsurmont. [Jouy] : L'Amateur - Salon de 1817. L'Amateur - Salon [ ... ] L'Amateur - Salon [ ... ] L'Amateur - Salon [ ... ] L'Amateur - Salon [ ... ] Jouy: Essai sur les beaux-arts, et particulièrement sur le salon de 1817, par E.-F.-A. M. Miel. Sur la gravure d'un lableau représenlant le général Lasalle. [Jouy] : Les Roses, par P.-j. Redouté. Jouy: Salon de 1819. Salon [ ... ] Salon [ ... ]
Recueil
Date
Pages
M.V(I) M.V (4) M.lV(l2)
5. 2.1819 25. 2.1819 23. 1.1819
3- 12 180 578-581
M.lV(13)
fin. 1.1819
M.IV(9) M.V(7)
30.12.1818 17. 3.1819
601-607 607-608 429-430 313-320
M.V(9) M.V(13)
2. 4.1819 fin. 4.1819
M.VI(2)
17. 5.1819
333-337 417-425 625-636 636-638 53- 57
M.Vl(4) M.VI(6) M.VI(7)
fin. 5.1819 16. 6.1819 20. 6.1819
171-173 252-259 347-348
M.VIIl(6)
13.12.1819
251-258
M.VIII(8)
27.12.1819
343-352
M.VIII (10)
9. 1.1820
445-456
M.VIII(12)
23. 1.1820
555-568
6. 2.1820
12- 23
M.IX(l) M.lX(5) M.d.F.I! M.d.F.I! M.d.F.lI M.d.F.lI M.d.F.lI!
5. 10. 17. 24. 21. 19.
3.1820 5.1817 5.1817 5.1817 6.1817 7.1817
189-197 266-273 320-328 353-361 552-559 115-122
M.II(I2)
21. 7.1818
563-567
M.IV(4) M.IV(II) M.VII(6) M.VII(8) M.VII(lO)
28.11.1818 14. 1.1819 13. 9.1819 25. 9.1819 10.10.1819
178-181 540-541 260-267 357-367 450-461
388 Auteur
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS
Titre Salon [ ... ] Salon [ ... ] Salon [ ... ) Notice - Gravure représentant le général Auguste Colbert. {Jouy) : L'Ermite en voyage. L'Ermite en province - Un dîner à Bordeaux. L'Ermite [ ... ) - Les hommes d'autrefois et les choses d'à présent. L'Ermite - Le solitaire des Landes - Mont-deMarsan [ ... ) L'Ermite [... ) - La Thébaïde française Mont-de-Marsan [ ... ) L'Ermite [ ... ) - Praescriptum - Bayonne [ ... ] L'Ermite [ ... ) - Les Basses-Pyrénées Bayonne [ ... ) L'Ermite [ ... ) - Les Basques. L'Ermite [ ... ) - La chambre d'amour. L'Ermite de Russie à celui de la Guyane et réponse de [Jouy). L'Ermite [ ... ) - Ustarizt. L'Ermite [ ... ) L'Ermite [ ... ) - Les Béarnais. L'Ermite [ ... ) - Le berceau d'Henri IV [ ... ) L'Ermite [ ... ] - Suite. L'Ermite [ ... ) - Les eaux thermales. L'Ermite [ ... ) - Hydrologie morale. L'Ermite [ ... ) - Courses dans les Pyrénées. L'Ermite [ ... ) - Le Bonhomme Lezer, Despourins et M. Loustanau. L'Ermite [... ) - Mœurs agénoises. L'Ermite [ ... ) - L'Ermitage et la pierre de Aloncrabeau. Lettre de Cahors. L'Ermite [ ... ) - Fleurette. L'Ermite [ ... ) - Montauban. Supplément - lettre à l'Ermite. L'Ermite [ ... ) - Eloge et censure. L'Ermite [ ... ) - La dînée. La Cité Palladienrze. Lettre à l'Ermite. L'Ermite [ ... ) - Clémence et Isaure. L'Ermite [ ... ) - Carcasonne et ses environs. L'Ermite [ ... ) - Narbonne et Béziers.
Recueil
Date
Pages
M.VII(l2) M.VIII(2) M.VIII(4)
23.10.1819 14.1 1.1819 27.11.1819
552-564 68- 77 170-179
M.VIII(13) M.d.F.I M.d.F.I
fin. 1.1820 Il. 1.1817 25. 1.1817
639-640 51- 58 134-142
M.d.F.I
8. 2.1817
240-252
M.d.F.I
22.2.1817
336-345
M.d.F.I M.d.F.I
8. 3.1817 15.3.1817
428-439 482-493
M.d.F.I M.d.F.1l M.d.F.1l
29.3.1817 5. 4.1817 19.4.1817
577-585 21- 29 113-121
M.d.F.1l M.d.F.l1 M.d.F.1l M.d.F.1l M.d.F.l1 M.d.F.l1I M.d.F.l1I M.d.F.l1I M.d.F.l1I
27. 4.1817 3. 5.1817 17.5.1817 14. 6.1817 28. 6.1817 12. 7.1817 26.7.1817 9.8.1817 23. 8.1817
173-178 218-229 302-3\0 497-500 595-604 61- 77 159-167 262-271
M.d.F.l1I M.d.F.IV
6. 9.1817 4.10.1817
454-465 21- 36
M.d.F.lV
18.10.1817
M.d.F.lV M.d.F.lV
1.11.1817 15.11.1817
M.d.F.lV M.d.F.lV M.l(l)
29.11.1817 27.12.1817 déb. 2.1818
110-122 123-126 216-226 304-315 316-320 396-408 589-597 30- 39 39- 43 118-131 219-227 317-326
M.I(3) M.I(5) M.I(7)
22. 2.1818 7. 3.1818 21. 3.1818
349-360
389
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre
L'Ermite [ ..• ) - Courses dans le département de l'Aveyron. L'Ermite [... ) - Albi et Rhodez. L'Ermite [ ... ) - Villefranche. L'Ermite [ ... ) - L'Empirique, le Gouverneur sans brevet, le Suppliant. L'Ermite [ ... ) - De Milhau [sic) à Lodève. L'Ermite [ ... ) - Pézenas. L'Ermite [ ... ) - La Roulante. L'Ermite [ ... ) - Montpellier. L'Ermite [ ... ] - La ville et les citoyens. L'Ermite [. .. ) - Montpellier illustré. L'Ermite [ ... ) - Constance et Balbe. L'Ermite [ ... ) - Mon arrivée à Nîmes. L'Ermite [ ... ) - Souvenirs et espérances. L'Ermite [ ... ] - Mœurs nîmoises. L'Ermite [ ... ] - Galerie ancienne et moderne. L'Ermite [ ... ) - Excursion à Alais, Arrivée à Avignon. L'Ermite [ ... ] - Avignon. L'Ermite [ ... ] - Mort du maréchal Brune. L'Ermite [ ... ] - La fontaine de Vaucluse Et les deux amans aveugles. L'Ermite [ ... ] - Retour à Avignon. L'Ermite [ ... ] - Le canal de Beaucaire. L'Ermite [ ... ) - Séjour à Aix. L'Ermite [ ... ] - Mœurs et personnages. L'Ermite [ ... ] - La politique en diligence. L'Ermite [ ... ] - Marseille. L'Ermite [ ... ] - Mœurs, commerce, esprit public. Labitte (Remi -) : Le roi de la fève - Chanson. Lacretelle (P.-L.) : Progression de l'esprit humain depuis les quatorzième et quinzième siècles, jusqu'au dix-neuvième. Portrait historique de Malesherbes - Article extrait des Fragmens de Lacretelle aîné. Questions sur la législation de la presse en en France, par B. de Constant, 2· éd. 2° art. 3" art. [Lacretelle?] : Pensées. Lacretelle: Sur l'emploi de l'improvisation, tant dans les discussions judiciaires que dans les discussions politiques.
Recueil
Date
Pages_
12. 4.1818 23.4:1818 6. 5.1818
461-471 564-575 16- 30
M.Il(3) M.II(5) M.lI(6) 1\1,.11(9) M.Il(II) M.II(13) M.III(2) M.III(5) M.I II (7) M.III(9) M. III (1 2) M.lV(2)
20. 5.1818 déb. 6.1818 10. 6.1818 déb. 7.1818 15. 7.1818 fin. 7.1818 15. 8.1818 8. 9.1818 20. 9.1818 3.10.1818 21.10.1818 13.11.1818
123-132 223-232 290-297 418-430 516-526 618-629 72- 83 222-228 315-325 402-411 552-562 64- 75
M.lV(6) M.lV(8) M.lV(12)
13.12.1818 20.12.1818 23. 1.1819
267-275 357-367 558-566
M.V(3) M.V(12) M.VI(4) M.VI(8) M.VI(l1) M.VI(13) M.Vll(2)
19. 2.1819 20. 4.1819 fin. 5.1819 27. 6.1819 18. 7.1819 fin. 7.1819 15. 8.1819
19-130 590-600 156-163 357-366 507-517 612-620 75- 85
M.VII(4)
M.d.F.I
fin. 8.1819 15. 2.1817
160-171 275-276
M.d.F.I
4. 1.1817
14- 18
M.d.F.1I
29. 3.1817
567-577
M.d.F.III M.d.F.III M.d.F.lII M.d.F.lII
19. 2. 9. 2.
7.1817 8.1817 8.1817 8.1817
102-107 197-208 244-248 211-213
M.d.F.III
20. 7.1817
168-175
M.l(10) M.I(12) M.Il(l)
390
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS
Auttur
Titre
2' art. Pensée!> politiques. Sur l'étendue d'un discours à prononcer dans un corps ou une cérémonie publique. Esquisse d'un système de délibération dans les assemblées politiques [ ... ] Suite de l'esquisse [ ... ] Suite d'un système [ ... ] Pensées morales et littéraires. Sur Saint-Lambert - Sur Turgot. Por/rail des bons el des mauvais journalistes. Variétés. L'écrivain littérateur considéré au milieu des autres genres d'écrivains [ ... ] L'Editeur responsabl/e de la Minerve - Aux lecteurs de la Minerve. Explication sur un article de la Quotidienne, relalif au timbre des feuilles dites semipériodiques. Copie d'une lettre adressée aux auteurs du Journal des Débats. Institut royal de France. Séance publique des quatre Académies. [Lacretelle] : Académie française. Institut royal. Lacretelle: Sur les lectures des premiers mardis de chaque mois à l'Académie française. Sur les séances mensuelles de l'Académie française. Sur les séances académiques du mois d'avril et du mois d'août. Sur les séances académiques. Sur la séance de l'Académie française du 25 août. Séance de l'Académie française du 27 août 18/8.
Sur ks académies. Sur la délibération de l'Académie française du 3 novembre 18/8, concernant M. Arnault. Lameth (A.-Th.-V. de): Economie politilJue. Considérations sur l'organisation de la garde nationale. Sur lu circulaire attribuée à M. le comte Bernstorf [b]. Dl' la situation présente et du projet de loi d'élections.
Recueil
Date
Pages
M.d.f.lll M.d.f.lll
23. 8.1817 6. 9.1817
360-365 465-469
M.d.f.lll
20. 9.1817
563-567
M.d.f.lV M.d.f.IV M.d.f.lV M.d.f.lV M.d.f.lV M.d.f.lV M.l(3)
11.10.1817 1.11.1817 8.11.1817 11.10.1817 25.10.1817 6.12.1817 22. 2.1818
64- 71 210-216 264-272 81- 84 171-177 453-456 132-135
M.lll(2)
15. 8.1818
64- 72
M.lV(9)
5. 7.1819
397-399
M.Vll(13)
fin.IO.1820
611-615
M.IX(3)
fin. 2.1820
131-132
M.d.f.ll M.d.f.lll M.d.f.lll
3.5.1817 9.8.1817 30. 8.1817
216-218 276-277 418-422
M.I(7)
21. 3.1818
310-317
M.l(l2)
23. 4.1818
555-563
M.II(4) M.ll(lO)
24.5.1818 12. 7.1818
183-192 480-487
M.III(5)
8. 9.1818
20+213
M.lll(9) M.lll(l3)
3.10.1819 28.10.1818
391-401 599-610
M.lV(3) M.VI(4)
19.11.1818 fin. 5.1819
114-128 164-171
M.Vll(6)
13. 9.1819
249-260
M.V III (4)
27.11.1819
M.lX(9)
27. 3.1820
401-408
391
REpERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre
La Servière: Vers adressés à mon plagiaire. Latouche (H. de) : Poésie - Le désespoir de Judas quatre sonnets de Monti traduits en français. Poésie - Un monologue de Jeanne d'Arc Dans la tragédie de Schiller. Poésie - Apologue. Annales dramatiques. Annales [ ... ] Annales [ ... ] Lebrun (P.): Poésie - Ode à un vaisseau. Poésie - Ode - Sur un cygne. [Lebrun] : Théâtre français - Germanicus, d'Arnault. Lebrun: Poésie - Le bonheur que procure l'étude dans toutes les situations de la vie. Lechartreux (P.): Poésie - L'apparition d'A damastor, traduction de Camoëns. Lonchamps : Poésie - Le moyen de parvenir - Chanson. Poésie - Je ris ... Poésie - Mes quatre-vingt ans. Loyson: Fragmens de poëmes qui ont été couronnés par l'Académie ou lus devant elle. Mauduit (Eug.) : Poésie - Traduction libre d'Anacréon. Miel (Ed.-F.-A.-M.): Beaux-Arts. Montègre (A.-j.) : Des nouvelles méthodes d'instruction élémentaire. Montemont (A.) : Poésie - Les Louanges - Ode. Poésie - Elégie - Sur la mort d'une jeune fille. Naudet : Sur la mort du maréchal Masséna. Norvins U.-M. de) : Poésie - Fragments d'un poëme inédit. Description d'un tremblement de terre et d'une éruption. De la Révolution française. De la Révolution [ ... ] Pagès (J.-P.): Letlre de M. Benjamin Constant à M. Odillon Barrot sur le procès Lainé [ ... ] [Pagès] : Les Fastes de la gloire, monument élevé aux défenseurs de la patrie - Par une société d'hommes de lettres et de militaires [ ... ] Pagès : Anecdote récente. Des droits généraux et des privilèges particuliers.
Recueil
Date
Pages
M.d.F.l1
27.9.1817
M.d.F.I
11. 1.1817
41- 43
M.d.F.1II M.I(IO) M.I(2) M.I(5) M.I(Il) M.d.F.I M.d.F.I
18.10.1817 12. 4.1818 16. 2.1818 7. 3.1818 19. 4.1818 1. 2.1817 15.3.1817
97- 99 449 87- 92 233-237 528-533 177-178 465-467
M.d.F.I'
29.3.1817
589-599
M.d.F.l1I
30. 8.1817
385-392
M.d.F.I
22. 3.1817
513-515
M.d.F.I M.I(I) M.II(7)
15. 2.1817 déb. 2.1818 15. 6.1818
273-275 9- II 313-316
6. 9.1818
435-436
M.d.F.lV M.VIII(II)
20.12.1817 15. 1.1820
529-530 505-513
M.d.F.I M.d.F.11I
1. 2.1817 26. 7.1817
193-197 145-147
M.d.F.lV M.d.F.l1
11.10.1817 19. 4.1817
49- 50 101
M.d.F.l1
14. 6.1817
481-482
M.IV(I2) M.V(3)
23. 1.1819 19. 2.1819
482-484 549-558 111-119
M.III(IO)
10.10.1818
447-454
M.I Il (1 1)
15.10.1818
518-522 522-523
M.lV(4)
28.11.1818
176-178
M.d.F.lII
580
392
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS
Auleur
Titre Chronique religieuse. !II émoire historique sur l'état ecclésiastique des protestans français depuis François 1" jusqu'à Louis XVIII' ; adressé à S. Exc. M. le ministre de l'Intérieur: Par M. Martin Rollin, pasteur, président de l'Eglise réformée consistoriale de Caen. Histoire de l'insurrection des esclaves, dans le nord de Saint-Domingue; par Antoine Métral. Réponse au journal du Gard. Athénée royal de Paris. Des inspecteurs aux revues et des commissaires de guerre. De l'organisation municipale. De l'organisation 1... ] De la fermentation de l'Europe. De la fermentation [ ... ] Du Jury. Sur le Jury. Du Droil d'Asile. Essais historiques. Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] [:ssais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais [ ... ] Essais 1... ] Essais 1... ] Es:,":Iis 1... ] EssaiS 1... ] Essais 1... ]
Recueil
Date
Pages
M.IV(8)
26.12.1818
377-379
M.IV(II)
lol. 1.1819
524-527
M.V(3) M.V(5)
19. 2.1819 déb. 3.1819
527-529 139-141 209-215
M.V(8) M.VII(I) M.VII(3) M.VII(5) M.VII(7) M.VII(II) M.VII(12) M.VIII(3) M.II(4) M.II(5) M.II(6) M.II(7) M.lI(8) M.II(IO) M.lI(II) M.II(12) M. JII(I) M. III (2) M. III (4) M.III(6) M.II1(8) M.Ill(9) M.III(IO)
24. 3.1819 7. 8.1819 21. 8.1819 déb. 9.1819 19. 9.1819 17.10.1819 23.10.1819 21.11.1819 24. 5.1818 déb. 6.1818 10. 6.1818 15. 6.1818 23. 6.1818 12. 7.1818 15. 7.1818 21. 7.1818 5. 8.1818 15. 8.1818 fin. 8.1818 15. 9.1818 27. 9.1818 3.10.1818 10.10.1818 21.10.1818 28.10.1818 3.11.1818 19.11.1818 28.11.1818 6.12.1818
M.lII{l2) M.lII(l3) M.IV(I) M.IV(3) M.IV(4) M.IV(5)
379-381 16- 26 124-132 220-229 325-333 503-510 541-552 105-1l~ 197-2~ 254-2~
308-312 346-352
402-407 494-501 551-552 595-600 38-
~
90-96 188-192 285-2~
378-384 429-432 478-48(l 575-576 623-624
44-46 131-133 185-188 234-241
393
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre [ ... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ] Note sur Pagès : il rédigera désormais les c.r. des sessions.
Essais Essais Essais Essais Essais Essais Essais
Session des chambres. Session [ ... ] Session [ ] Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ] De la session prochaine. Session des chambres. Session [ ... ] Session [ ... ] Session [ ... ]
...
Annonce de la publication prochaine du
Session Session Session Session Session Session Session Session Session Session
C.f.
des chambres. [ ... ]
[ ... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ]
Recueil
Date
Pages
M.IV(7) M.lV(8) M.lV(IO) M.lV(ll) M.IV(12) M.lV(l3) M.V(7)
19.12.1818 26.12.1818 9. 1.1819 14. 1.1819 23. 1.1819 fin. 1.1819 17. 3.1819
330-334 385-390 486-492 546-548 592-594 638-645 347-353
M.V(IO)
10. 4.1819 16. 4.1819 fin. 4.1819 8. 5.1819 17. 5.1819 23. 5.1819 fin. 5.1819 5.6.1819 11. 6.1819 20. 6.1819 27. 6.1819 5. 7.1819 12. 7.1819 18. 7.1819 24. 7.1819 8.11.1819 13.12.1819 27.12.1819 déb. 1.1820 9. 1.1820 15. 1.1820 23. 1.1820 fin. 1.1820 6. 2.1820 21. 2.1820 fin. 2.1820 5. 3.1820 12. 3.1820 17. 3.1820 23. 3.1820 27. 3.1820
497-498 498-513 555-568 659-672 35- 45 78- 91 140-148 185-19..l 228-237 274-283 329-336 380-390 430-437 477-484 530-538 588-592 27- 34 274-288 373-381 416-428 472-480 528 580-592 628-631 37- 41 114-127 169-174 217-228 261-277 313-328 371-378 416-426
12.4.1817
49- 53
M.V(lI) M.V(1J) M.VI(I) M.VI(2) M.VI(3) M.VI(4) M.VI(5) M.VI(6) M.VI(7) M.VI(8) M.VI(9) M.VI(10) M.VI(11) M.VI(12) M.V\II(l) M.V \II (6) M.VIII(8) M.VIII(9) M.VIII(IO) M.VJII(11) M.VIII(12) M.VIII(l3) M.IX(1) M.IX(3) M.IX(4) M.IX(5) M.IX(6) M.lX(7) M.IX(8) M.IX(9)
Pellet d'Epinal: Poésie - Ode - Sur les vicissitudes
des Empires.
M.d.F.1I
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS
394 Auteur
Titre
Poésie - Ode - De l'inspiration des montagnes. Poésie - Elégie. Poésie - Fragment d'une tragédie inédite, intitulée Constantin. Poésie - EpUre sur mes huit médecillS. Roques 0.-1.) : Poésie - La Pénitence - Conte imité de l'italien. Apollon et le critique - Fable. Saintine : Poésie - Fragmells de poëmes 'lui ont été couronnes par l'Académie [ ... ] Saint-Léon (Dufresne) : Histoire d'un poëte - Chapitre premier. Histoire [ ... ] - Chapitre II. Histoire [ ... ] - Chapitre III. Histoire [ ... ] - Chapitre IV. Histoire [ ... ] - Chapitre V. Histoire [ ... ] - Chapitre VI. Histoire [ ... ] - Chapitre VII. C onsultatioll. C ollsultatioll. A1émoire sur la valcur des mOllllaies de compte chez les peuples de l'Antiquité, par le comte Germain Garnier. Galerie morale et politÎljue ; par M. le comte de Ségur. Sale,; (L.) : Lcs deux roses - Fable. Saulnier (?) : Essais historiques. Essais [ ... ] Salilnier fils (S.-L.) : Essais [ ... ] Essais [ ... ] [?] Essais [ ... ] P] Essais [ ... ] Essais [ ... ]
Recueil
Dale
Pages
M.d.F.11 M.d.F.1I
26. 4.1817 28. 6.1817
145-148 577-579
M.d.F.1I1 M.d.F.11I
19. 7.1817 20. 9.IB17
97-101 529-531
M.d.F.1I
10. 5.1817 7. 3.1818
241 2J3
M.I(5) M.d.F.1I1
(J. ~).1817
433-435
M.d.F.1I 1\l.d.F.1I1 M.d.F.1I1 M.d.F.1I1 M.d.F.1I1 M.d.F.lV M.d.F.IV M.d.F.1I M.d.F.lIl
24. 5.1817 9. 8.1817 16. 8.1817 30. 8.1817 13. 9.1817 11.10.1817 22.11.1817 21. 6.1817 5. 7.1817
367-371 272-276 316-322 411-4/7 505-514 71- 81 354-361 563-565 23- 3\
1\\.d.F.lIl
5. 7.1817
11- 13
16. 2.1818 19. 4.1817 23. 4.1818 fin. ·1.181:~ (J. 5.1318
59- 65 99-101 586-592 629-640 5:l- 56 94-100 100-104 145-150 150-154 154-159 308-310 398-402 452-456 483-494 545-55\ 590-595 644-648
M.I(2) M.d.F.1I
M.I(12) M.I(13) M.II(I) M.II(2)
l-L 5.181B
M.II(3)
[ ?]
Essais Essais Essais Essais Essais Essais Essais Essais Essais
[ ... ]
1... ] 1... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ] [ ... ]
M 11(6) M.II(8)
M.II(9) M.II(IO) M.lI(lI)
M.lI(12)
1... ]
M.II(13) M.III(2)
[ ... ]
M.III(oi)
10. 6.1818 23. 6.1818 déb. 7.1818 12. 7.1818 15.7.1818 21. 7.1818 fin. 7.1818 15.8.1818 fin. 8.1818
84-90 183-187
395
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur
Titre
Essais [ ... ] Essais [ ... ] Sauquaire-Souligné (M.), responsable très probablement de la rubrique Carton du Mercure: Réclamation, signée Berton. A MM. les Rédacteurs, signé M... T. Lettre inédite de Buffon à M. Philippe Pirri [ ... ] Notice sur Jean Le Hennuyer [ ... ] Sauquaire-Souligné (signé SS.) : MerC/lriale. MerC/lriale. Mercuriale. Mercuriak. Mercuriale. Mercuriale. MerC/lriale. MerC/lriale. Mercuriale. MerC/lriale. Sigoyer (A. de) : A Ell'oé - Stances. Staël (Mme de) : Le Repentir, poëme par le comte Elzéar de Sabran, 1 vol. in-8°. Tissot (P.-F.) : Génie du théâtre primitif grec, ou Essai d'imitation d'Eschyle, par Henri Terrasson, 1 vol. Génie [ ... ] Histoire de Jeanne d'Arc [ ... l, par Le Brun de Charmettes. Poésie - Le Bain. Petit volume contenant quelques aperçus des hommes et de la société; par ].-B. Say. Sur les écrits de Benjamin Constant relatifs à la liberté de la presse et à la responsabilité des ministres, par ].-Ch. Bailleul. Poésie - Le premier Bonheur. L'Enfer, poëme de Dante Alighieri, traduit en vers français, avec des notes; par Henri Terrasson. Mémoires du cardinal de Retz, de Guy-Joli, et de la duchesse de Nemours, nouv. éd. 2"
art.
3' art. Œuvres complètes de M. Arnault - Théâtre. Mémoires pour servir à l'histoire des événemens de la fin du dix-huitième siècle, depuis 1760 jusques en 18/0; par un contemporain impartial, feu M. l'abbé Georgel.
Date
Pages
M. III (9)
27. 9.1818 3.\0.1818
375-378 427-429
M.d.F.l1I M.d.F.1II
2. 8.1817 16. 8.1817
209-210 323-324
M.d.F.l1I M.d.F.III M.d.F.IV M.d.F.IV M.d.F.lV M.d.FW M.d.F.lV Md.F.IV A\.d.f.IV M.d.F.IV M.d.f.lV M.d.F.IV M.d.F.I
23. 8.1817 27. 9.1817 18.10.1817 1.1 1.1817 8.11.1817 15.11.1817 22.11.1817 29.11.1817 6.12.1817 13.12.1817 20.12.1817 27.12.1817 8. 3.1817
366-369 599-607 127-132 227-232 276-279 320-323 362-366 411-415 460-465 504-507 550-555 600-603 417-418
1. 3.1817
374-378
M.d.F.l1I M.d.F.III
23. 8.1817 13. 9.1817
340-348 495-504
M.d.F.lV M.d.F.lV
4.\0.1817 25.\0.1817
9- 21 145-147
M.d.F.IV
1.11.1817
197-209
M.d.F.IV M.d.F.lV
15.11.1817 27.12.1817
292-303 577-579
M.I(4)
fin. 2.1818
156-164
Recueil M.III(8)
M.d.F.I
M.I(9) M.I(lI) M.II(8) M.J(l3)
M.lI(IO)
4.1818 4.1818 6.1818 4.1818
405-414 500-508 361-370 596-602
12. 7.1818
457-465
déb. 19. 23. fin.
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS
396
Auteur
Titre
Recueil
Date
Pages
2' art. 3' art. Quelques réflexions sur la situation actuelle des choses. De l'appel en calomnie de M. le marquis de Blosseville contre Wilfrid-Regnault; par Benjamin Constant. Sur les élections prochaines. Elections. Des élections de 1818; par M. Benjamin Constant. Note des auteurs de la Minerve. Bélisaire, tragédie en cinq actes et en vers; par E. Jouy, reçue, étudiée et non représentée au Théâtre Français. Athénée royal de Paris. Sur les partis. L'Europe après le congrès d'Aix-Ia-Chapelle, faisant suite au Congrès de Vienne; par M. de Pradt. 2' art. Congrès de Carlsbad, par l'auteur du Congrès de Vienne, M. de Pradt. Considérations générales. Collège royal de France - Ouverture du cours d'histoire de M. Daunou. Mémoires pour servir à l'histoire de la révolution de Saint-Domingue; par le Iieutenantgénéral baron Pamphile de la Croix. 2' art. Réflexions sur la Révolution française; par Ed. Burke, publiées en 1790. Nouv. éd., avec des notes par j.-A.A. Les Délateurs, ou trois années du dix-neuvième siècle, par M. Emmanuel Dupaty. Sur la constance du peuple français dans les revers. Des Sociétés secrètes en Allemagne et en d'autres contrées; de la secte des illuminés, du tribunal secret, de l'assassinat de Kotzebue, etc. Mémoires historiques, politiques et littéraires sur le royaume de Naples, par M. le comte Grégoire Orloff [ ... ] Sur l'exposition des produits de l'industrie française. Sur l'exposition [ ... ]
M.I Il (6) M.III(13)
15. 9.1818 28.10.1818
241-251 580-593
M.lI(12)
21. 7.1818
568-574
M.III(3) M. III (7)
20. 8.1818 20. 9.1818
M.llI(lO) M.lV(I)
10.10.1818 3.11.1818
432-446 48
M.lV(7) M.lV(11) M.lV(13)
19.12.1818 14. 1.1819 fin. 1.1819
297-309 516-524 608-615
M.V(3) M.V(IO)
19. 2.1819 10. 4.1819
465-479
574-578 121-128 32~331
1O~lll
17.10.1819 déb. 3.1819
491-503
M.V(12)
20. 4.1819
578-583
M.VI(3) M.VI(5)
23. 5.1819 5. 6.1819
101-109 197-208
M.Vl(7)
20. 6.1819
301-311
M.VI(9)
5. 7.1819
399-409
M.VI(12)
24. 7.1819
560-568
M.VII(2)
18. 8.1819
SB- 65
M.VII(4)
fin. 8.1819
14~153
M.VII(5) M.VlI(9)
déb. 9.1819 déb.lO.l819
229-237 401-416
M.VII(lI) M.V(5)
21~221
397
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS Auteur Titre De la royauté selon les lois divines révélées, les lois naturelles et la charte constitutionnelle ; par M. de la Serve. Les vêpres siciliennes, tragédie en cinq actes et en vers; par M. Casimir Delavigne. Louis IX, tragédie, par M. Ancelot. Des proscriptions, par M. Bignon. 2" art. 3" art. Sur les pétitions présentées à la chambre des députés. Sur les deux écrits, publiés par M. Kératry. Sur le pr6jet de loi relatif à la liberté individuelle.
Recueil
Date
Pages
M.VlI(8)
25. 9.1819
348-356
M.VIII(3)
21.11.1819
M.VllI(8) M.IX(6) M.lX(9)
27.12.1819 12. 3.1820 27. 3.1820
125-136 136-141 352-360 247-252 386-394
M.VlII(ll) M.lX(2)
15. 1.1820 13. 2.1820
488-494 65- 75
M.lX(4)
fin. 2.1820
143-151
M.d.F.1 M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.l1 M.d.F.lI
4. 1.1817 25. 1.1817 22. 2.1817 12. 4.1817 27.4.1817
38- 39 172 345-348 71- 76 178-181
M.d.F.l1I
12. 7.1817
M.d.F.l1I M.d.F.I1I
2. 8.1817 6.9.1817
77- 84 84- 86 214-216 469-470 470-472 473
CORRESPONDANCE DANS LE MERCURE. '"
A B. Constant (question religieuse). A Jay (au sujet de Marie Chénier).
Lettre d'un aveugle de naissance ques.
J.-I.
Ro-
Le Mercure grec. Lettre de Parent-Réal. Lettre à l'Ermite de la Guyane [Jouy]. Lettre contre un art. de la Quotidienne.
CORRESPONDANCE DANS LA MINERVE.
Lettre du général Pajol. Lettre du maréchal de camp Berton. Reproduction d'une lettre de Sainneville. Lettre de A. Crépus fils, avocat. Lettre au sujet d'un condamné politique.
M.l(3) M.l(4) M.I(5)
22. 2.1818 fin. 2.1818 7. 3.1818
M.l(8)
fin. 3.1818
M.I(10) M.I(II)
12. 4.1818 19. 4.1818
139-140 188-189 228-231 231-233 400 384-389 484-488 544
• Nous n'avons précisé parmi les sujets traités par les corrsepondants que ceux qui nous ont paru offrir quelque intérêt.
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS
398 Auteur
Titre
Lettre de Dupin. Lettre de Dunoyer (détenu à la Force).
Recueil
Date
Pages
M.I(l2) M.I(l3) M.II(2)
23, 4.1818 fin. 4.1818 14. 5.1818
584-586 622-629 89- 93
M.II(4)
24. 5.1818
M.lI(7)
15. 6.1818
192-196 196-197 344-346
M.II(8)
23. 6.1818
396-397
M.II(9)
déb. 7.1818
Réponse à la lettre de M. le général Lamarque [ ... ], par la baronne Travot. Lettre de Cadet de Gassicourt. Correspondance Lamarque-Travot. Lettre de Rey, lieutenant-général commandant la 21' division. Note de la Minerve au sujet de la lettre de Lamarque. Lettre de Caumartin. Lettr d'un habitant de Sèvres. Lettre à l'Ermite. Reproduction d'une lettre du duc de Raguse au duc de Richelieu.
397-398 447-448 449-452 M.II(lO) M.II(11 ) M.lI(13)
12. 7.1818 21. 7.1818 fin. 7.1818
M.lII(1) M.III(2) M.III(5) M.III(6) M. III (7) M.III(8) M.III(9)
5. 8.1818 15. 8.1818 8. 9.1818 15. 9.1818 20. 9.1818 27. 9.1818 3.10.1818
Lettre du marchal-de-camp Berton. Au sujet de la statue de Marceau. Lettre du duc de Choiseul. Elections.
M.I Il (10)
10.10.1819
M.III(l1)
15.10.1818
Leltre du comte de Vil/emanzy. LL'llre du colonel Fabvier.
M.III(l2)
2l.l 0.1818
Electinno'. Electioll';.
M.IV(I)
3.1l.l818
A propos de l'emprunt. Lettre d'un habitant de Sèvres. Lettre de Charles Durand. Lettre d'un électeur. Lettre de Pétersbourg. Lettre de plusieurs électeurs. Lettre de Bérenger (le juriste). Lettres des militaires.
501-504 589-590 639-643 643-644 25- 28 83 239-240 276-279 332-334 364-366 424-425 425-426 465-466 466-468 480
Election~.
523-524 524-525 572-574 574-575 39- 41 41- 41 43- 44
Note au sujet de la lettre des boulangers de Paris.
L'afiaire Acarry, Plainte de l'officier Leblanc. Lettre d'un Portugais.
444-446
M,IV(2)
13.1l.l818
M.lV(3)
19.11.1818
M.IV(4)
28.1l.l818
48 12- 95 95- 96 118-121 121-122 181-183
399
RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS Titre
Auteur
Date
Recueil
Lettre de Corcelle.
M.lV(7)
19.12.1818
Commutation de peine de Lainé. Lettre du général Berton. Lettre à l'Ermite.
M.lV(8)
26.12.1818
M.IV(9) M.lV(13) M.V(I)
30.12.1818 fin. 1.1819 5. 2.1819
Lettre de Louis Dubois. Lettres au sujet des troubles estudiantins à Montpellier. M.V(2 et 3) 14 et 19.2.1819 Lettre di! Félix Desportes. Lettre sur les Jésuites. Lettre de Metz. Lettre de P.-J. Caradja de Genève. A propos de la réclamation d'un maire. Des troubles à Nîmes. Elections. Assassinat par un Suisse. Lettre de Fribourg. Lettre au sujet du mémoire de l'officier Leblanc. Requête de la maréchale Brune. Publication des Pièces de Laffitte. Election - rectification d'une erreur. Lettre de Chauvelin. Lettre du maréchal de camp Vaudoucourt. Déclaration de Bignon. Lettre à l'Ermite. Lettres d'un marchand épicier. Idem. Lettre proposant d'ouvrir une souscription en faveur de la garde qui a arrêté Louvel.
Pages 183-184 332-341 343 379 391-392 443-444 645-648 46- 48 72- 76 150-151 152 196-202 202-204 204-207 264 354-357 357-359 359 359-360 406-408
M.V(.o) M.V(4)
19. 2.1819 25. 2.1819
M.V(5) M.V(7)
déb. 3.1819 17.3.1819
M.V(8)
24. 3.1819
M.V(9) M.V(13) M.VI(5)
2.4.1819 fin. 4.1819 5.6.1819
M.VI(8) M.VI(9) M.VI(lO) M.VI(11)
27. 5. 12. 18.
M.VI(13)
fin. 7.1819
464 673-680 237-242 244 396 442-444 474-477 542 542-544 639-640
M.lX(4)
fin. 2.1820
180
6.1819 7.1819 7.1819 7.1819
REPRODUCTION DE TEXTES DANS LE MERCURE ET LA MINERVE.
Burke: Extrait traduit de son ouvrage: Traité ou
Réflexions sur les partis en Angleterre.
M.d.F.l1I
2. 8.1817
216-219
M.I(9)
déb. 4.1818
401-404
M.II(4)
24. 5.1818
161-163
Chénier (M.-J.) : Poésie - Extrait d'un poëme inédit
sur les principes des arts. Poésie - Extrait d'un discours en vers de
M.-/. Chénier sur cette question.' L'erreur est-elle utile aux hommes?
400
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS
Auteur
Titre
Recueil
Date
Pages
Chesterfidd : Lellre inédite de Chesterfield à son
fils. Mme Dupin: Petit épisode d'une grande histoire. Fontanes: Confédération nalionale, ou récit de ce qui s'est passé le 14 juillet, poème. Glucll:: Let/re inédite du chevalier Gluck.
M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.I
18. 1.1817
94- 99
29.3.1817 Il. 1.1817
586-589 62- 65
M.VI(lI) M.d.F.1l1
18. 7.1819 2. 8.1817
527-530 219-220
M.d.F.I M.d.F.1l M.d.F.l1l M.d.F.l1I M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.F.lV M.I(4)
8. 3.1817 3. 5.1817
-l18-419 193
12. 7.1817 27. 9.1817 4.10.1817 1.11.1817 15.11.1817
-l9- 53 574-580
22.11.1817 6.12.1817 fin. 2.1818
193-196 289-291 337-339 433-435 153-155
M.I(6)
13.3.1818
2.t9-250
Anonymes. A. Poésie. 111.8.*** : A la mémoire de M. de Vaudreuil. A ... : Apologue. D... E. : Les montagnes russes. E.L. : Lorédan et Flora. ~t. H. : Ludmille - Romance imllée de l'allemand. Fragment d'une imitation el! vers de Lusiade. M*** : Imitation d'Ezechiel. Fragment d'une tragédie d'Antigone. G.-M. : Le Bonze - Conte. F... T. : Mercure et Minerve. C. : Fragment d'uu petit poëme intitulé: Le Bon Temps.
3- 7
B. Annales Dramaflques. L.-F. lLefcbrc-Duruflé? Léon Faucher?] : Auna-
les dralllati/jues. O. lVilltmarest? Latouche?] : Annales [ ... ] L.F.: Annales l ... ]
Anuales l ... ] L.f.: Annales
O.
l ... ] - Théâtre Français.
-l. 1.1817
25- 28
18. 1.1817 11. 1.1817
99-103 65- 69 1.t3-149 197-200 200-202
M.d.F.I M.d.F.l M.d.F.l l\1.d.F.I M.d.F.I
25. 1.1817 1. 2.1817
M.d.F.I
8. 2.1817
259-261 261-262
M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.I M.d.F.l M.d.F.I M.d.F.1l M.d.F.1l M.d.F.lI M.d.F.lI
15. 2.1817 1.3.1817
298-300 399-400
8. 3.1817
.t39-449 .t95-496
Théâtre de J'Opéra.
L.F.: Anllales l ... ] - Théâtre du Vaudeville -
Théâtre des Variétés. Théâtre L.F.: Anllales [ ... ] - Théâtre Anllales l ... ] - Théâtre L.B. lpour L.F. probablement] L.f.: Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales l ... ] Allnalcs l ... ] Annales [ ... ] Annalrs [ ... )
o.
Royal italien. de l'Odéon. du Vaudeville : Annales [ ... ]
15. 3.1817
19.4.1817
5.t4-547 30- 33 127-130
3.5.1817
229-235
10.5.1817
273-276
22. 3.1817 5. 4.1817
40\
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS Titre
Auteur
Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] L.f.: Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] Annales [ ... ] O.: Lettres sur les spectacles. O.: Lettres [ ... ] O.: Lettres [ ... ]
Date
Page~
M.d.F.1I M.d.F.lI M.d.F.1I
17. 5.1818 24. 5.1817 31. 5.1817
M.d.F.1I M.d.F.l1 M.d.F.l1I M.d.F.l1I M.d.F.l1I M.d.F.l1I M.d.F.l1I M.d.f'.I11 M.d.F.l1I M.d.f.lll M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.F.lV M.d.F.lV M.V(2) M.V(9) M.VI(5)
7. 6.1817 21. 6.1817 12. 7.1817 19. 7.1817 26. 7.1817 2. 8.1817 9.8.1817 23. 8.1817 13. 9.1817 27.9.1817 11.10.1817 25.10.1817 6.12.1817 13.12.1817 14. 2.1819 2. 4.1819 5. 6.1819
329-330 371-374 422-424 424 467-470 565-568 86- 89 134-136 180-182 228-229 277-280 369-372 514-520 607-616 84- 88 177-183 457-459 501-504 64- 72 440-447 218-227
M.d.F.l M.d.F.I M.d.F.I
4. 1.1817 8. 2.1817 15. 3.1817
21- 24 253-259 490-495
M.d.F.l1 M.d.F.l1 M.d.F.l1
12. 4.1817 19.4.1817 27. 4.1817
54- 62 122-127 159-161
M.d.F.1I M.d.F.1I
3.5.1817 24. 5.1817
195-213 361-366
M.VI(5)
5. 6.1819
M.d.F.l M.d.F.lI M.d.F.lI
11. 1.1817 5.4.1817 12. 4.1817
Recueil
C. Articles et comptes rendus divers.
Exposition des produits des manufactures des Gobelins [ ... ] T.P. : Sur les îles de Sandwich. T.P. : Sur l'éruption du Vésuve, arrivee en 1813. Fragmens politiques et littéraires, par Lacretelle, 2 vol. Jadis et Aujourd'hui. Nosologie naturelle [ ... ], par M. Alibert. Histoire du règne de l'empereur CharlesQuint [ ... ] ,apr W. Robertson, trad. de l'anglais par ].-8. Suard. De la célébrité et de la gloire. Le Campo santo, ou les effets de la calomnie, nouvelle historique; par M. Lhomme Saint-Alphonse. C.:
228
D. Articles et comptes rendus politiques. De la doctrine politique qui peut réunir les partis en France, par B. de Constant. Manuel élctoral. T.P. : Extérieur.
46- 50 14- 20 85- 91
REPERTOIRE DES COLLABORATEURS
402
Titre
Auteur
Du Concorda/. Procès de MM. Com/e e/ Dunoyer, à Rennes. Procès du timbre. T.P.S. : Lel/res sur l'Espagne 1... ] Le//res sur la Russie [ ... ] Le C... de S ... : Des dangers du Por/ugal, par un Portugais. Sur l'Italie 1... ] Ex/rai/ d'une leI/rI' d'un personnage marquant - Madrid 1... ]
Date
Pages
M.I(8) M.II(7) M.IV(3) M.Il(II) M.VI(7)
fin. 3.1818 15. 6.1818 19.11.1818 15. 7.1818 20.6.1819
369-384 338-343 139-144 541-545 336-3-13
M.VI(l3) M.VIIl(l3)
fin. 7.1819 fin. 1.1820
630-635 631-634
M.lX(8)
23. 3.1820
378-380
M.d.F.1 M.d.F.1I
22. 3.1817 12.4.1817
517-529 91- 96
M.d.F.11
10. 5.1817
276-278
M.d.F.IV
18.10.1817
101-109
Recueil
E. No/ices. No/icI! sur M. Ginguené 1... ], traduite d'un journal allemand. Nécrologie (Masséna). Nécrologie (Joseph Marsollier des Vivetières). No/ice biographique sur Morelos, généralissime des insurgés du Mexique, traduite du journal de l'Aurore de Philadelphie.
INDEX DES NOMS PROPRES
Abufar, 295. Acarry (entrepreneur d'écritures), 75, 398. Adam (AI.), 360. Addison, 267. Adler (1.), XII. Ageorges (J.), 8. Aguesseau (H.-F. d'), 244. Aignan (E.), XI, XII, 4, 6, 7, 10-13, 17, 18, 21, 31, 33, 36, 37, 41-44, 46-49, 54, 56, 57, 60, 63, 64, 69, 73, 74, 76-78, 94, 98, 103, 110, 112, 113, 115, 121, 123, 125, 131, 132, 146, 148-150, 154, 181, 187, 212, 219', 220,224-226,234,235, 237, 240, 241, 243, 244, 246-249, 254, 25i-260, 264, 270, 274, 276, 280-282, 291, 296, 301,302,313,315-317,345,348,350, 352, 354-358, 360, 364, 367-370, 384, 387. Alais (Evêque d'), 354. Albe (duc d'), 198. Albert (actrice), 309. Albert (danseur), 309. Alembert (d'), 347. Alexandre (Tsar), 25, 73, 89, 126, 151, 176,177,190,197,207,208-210,328. Alger (dey d'), 211. Alibert, 321, 401. Ali Hodgia, 210. A1isson de Chazet, 67. Allix (général), 26, 78, 102, 158, 322, 386. Alméras (Ch.), 154. Alquier (ambassadeur), 78. Amédée (musique), 300. Anacréon, 361. Anceau (J.), 360, 370. Ancelot (J.-A.-P.-F.), 29, 299, 397. Ancillon (Fr.), 250, 253. Andrieux (F.-G.-J.-5.), 4, 13, 20, 255, 256, 288, 291, 303, 370.
Angoulême (duc et duchesse d'), 71, 78,95, 126, 130, 174,229,328. Anhalt-Bernbourg (duc d'), 89. Anhalt-Dessau (duc et princesse d'), 198. Anne d'Autriche, 243. Anquetil, 250. Ansiaux, 332, 337. Arioste (1'), 265, 268, 277, 337. Aristophane, 257, 358, 360. Aristote, 277. Arlincourt (d'), 285. Arnaud (abbé), 265. Arnauld (A.), 351. Arnault (A.-V.), 5, 13, 78, 79, 255, 256, 262, 299, 370, 386, 391. Arnault (homonyme), 84, 158. Arndt, 196. Artigas, 217, 218, 221. Artois (comte d'), 96, 104, 121, 131, 135, 237, 295, 328. Artois de Bournonville (Armand d'), 305, 307, 310, 312. Auger, 335. Augier (E.), 303. Augier (V.), 224, 289, 370. Auguste, 281, 346, 358-360. Augustin (peintre), 328. Aulu-Gelle, 340. Aureville, 24. Aury, 218. Avrigny (d'), 297. Azaïs (p.-H.), 24, 25, 69, 123, 369, 374. Bade (grand-duc de), 198. Bade (prince héréditaire), 198. Baelen (J.), 3. Bagge (Dom.), 45. Bailleul (J.-Ch.), 38, 45, 69, 81, 135, 234-236, 245, 246, 384, 386, 395. Bailly, 241. Balayé (5.), XII, 23.
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INDEX DES NOMS PROPRES
Balisson dt! Ruugemont (M.-N .), 30 l, 302. Balzac, 159. Baour-Lormian, 243, 255, 264, 269. Baptiste (actrice), 294. Baptiste aîné (acteur), 302. Barante (P. de), 2, 3, 25, 87, 122, 123, 133, 136, 227, 229. Barbé-Marbois, 219, 220, 261, 382. Barbey (f.), 158. Barbier, 7, 242, 273, 315, 316, 317. Barbois (Mme), 256. Baring et Hope (banquiers), 27, 49, 86, 88-90, 97. Barnave, 241. Barnett (consul américain), 162. Barrau, 363. Barré (P.-Y.), 305. Barrigue de Fontainieu, 342. Barrière (P.-J.-L.), 303. Barrois (éditeur), 227. Barrot (Odilon), 57, 154. Barthélemy (de), 101, 103-106, 111114, 116, 127. Bassano (duc de), 84. Basteresche, 119. Bastid (P.), 40, 107, 345. Baudoin frères (éditeurs), 23. Baudoin d'Aubigny (Th.), 251, 305. Ravoux, 113, 116, 117, 120, 122, 124, 196. Bavière (roi de), 198. Bawr (Mme), 315. Bazin (Rigomer), 296. Beau de Loménie (E.), 69. Beaumarchais, 292, 311. Beaupoil de Saint-Aulaire, 173. Beauséjuur (député), 119. Beausset (cardinal de), 104, 259. Beauvais (Ch.-Th., général), 5, 7, 10, 42, 103, 240, 370. Beauvais (j.-B.-Chas.-M. de), 347. Beauvallet, 338. Béchet (éditeur), 227, 228. Béchu (juge), 83. Bedoch (député), 75. Belgrade (pacha de), 204. Belgrano (Manuel), 218. Belin (éditeur), 253. Bélisaire, 295, 299. Bell (éducation), 63. Bellart (procureur), 83, 84, 108, 111. Belle (G.-A.), 300.
Bellemare, 6. Bénaben (L.-G.-J.-M.), XI, XII, 4, 5, 7, 10, 16, 18, 24, 44, 46-51, 56, 57, 59, 63, 64, 66-69, 71, 74, 76, 78, 81-84, 88-91,94-96, 113, 123, 146, 148, 149, 154,157, 169, 170-176, 178, 181-188, 191-214, 216-221, 224, 226, 236, 247, 320, 338, 354, 370-371. Bennet, 184, 186. Benoist (député), SO, 81. Benoist (musique), 159. Bentham, 31. Benzenberg (docteur), 196. Béraud (A.), 159,283-285,291,371. Béranger (P.-J.), 13, 17, 27, 43, 25, 283-285, 288, 289, 372. Béranger (juriste), 24, 41, 42, 159,367, 398. Bernadotte, 2, 179, 206, 207. Bernard (Mlle), 352. Bernard (Eric, acteur), 294. Bernardin de Saint-Pierre, 255, 336, 347. Berr (M.), 252, 274, 285, 372. Berry (duc et duchesse de), 8, 19, 107, 138, 156, 159, 174, 228, 321, 328. Bert (P.-N.), 303. Bertin (peintre), 342. Bertin (poète), 256. Berthon, 341. Bertier de Sauvigny (G. de), x, XII, 26, 27, 65, 68, 86, 92, 116, 139, 150, 153, 226. Bertolo, 268. Berton (maréchal de camp), 42, 187, 225, 241, 374, 395, 397, 398, 399. Berton (musique), 308, 309. Bertrand (éditeur), 23. Bertrand (général), 225, 232. Berville (avocat), 125. Beugnot, 73, 106, 122, 134. Beyme, 195. Bias (danseuse), 309. Bidauld, 342. Bignon, 34, 72, 73, 106, 110, 114, 126, 190, 193, 234, 235, 241, 243, 246248, 374, 397, 399. Bignon fils, 285, 372. Bigottini (danseuse), 309. Biot, 263. Biré (E.), 146. Bis (Hip), 296. Blacas, 91.
INDEX DES NOMS PROPRES Blache père (J.-B.), 306. Blackstone, 133. Blanche de Castille, 33!. Blondel, 334. Blosseville (de), 154, 155. Boccace, 277. Boïeldieu (musique), 308, 310, 312. Boileau, 275, 324, 351, 353. Boilly, 341. Boirie Cantiran (E. de), 301. Boissy d'Anglas, 81, 347, 38ti. Boin (député), 106. Bolivar, 217, 218. Bon (E. de), 4, 13, 20, 21, 251, 270, 313, 315, 316, 372, 383. Bonald, X,4, 68, 69, 80, 81, 87, 115, 137, 139, 215, 234. Bondy (député), 72. Bonnemaison, 328. Bonpland (Aimé), 216. Bory de Saint-Vincent (colone!), 2, 5, 9, 78, 322, 369, 386. Bosio, 329. Bossuet, 53, 173, 243, 244, 259, 277, 349, 351-354. Boucharlot, 286, 372. Boucher, 324, 326. Boucher (danseurs), 312. Bouet, 19. Bouglé (C.), 46. Bouhot, 336. Bouillon, 334. Bouilly (J.-N.), 289, 304, 305, 372. Boulinière, 168. Bourdaloue, 351. Bourgoin (Mlle), 172. Bourguignon (substitut), 125. Bourquelot, 7. Bousquet (A.), 162, 163. Bouteiller (Mlle), 341. Bouton, 331, 334. Bouvier, 79. Boyer (général), 218. Boyer de Peyreleau, 78. Bozon de Périgord, 209. Bra, 340. Brackenridge (H.-M.), 214, 370. Branchu (actrice), 308, 309. Bray (R.), 275, 278, 279. Brayer (lieutenant généra!), 113, 162, 218. Brazier fils (N.), 30\, 305, 306. Breme (L.-A.-G. di), 270, 277, 383.
405
Brès (J.-P.), 285, 372. Breton de la Martinière, 240. Bricogne (maître des requêtes), III. Bridan, 340. Brifault (C.), 297, 308, 309. Brigode (député), 80. Brissac (Pair), 81. Brissot, 220. Brissot-Thivars, 78, 83. Broglie (A., duchesse de), 3, 5, 120, 125, 130, 137. Broglie (évêque de Gand), 199. Broglie (V., duc de), 2, 3, 26, 72, 73, 76, 80, 81, 107, 120, 125, 132, 133, 136, 137, 372. Brougham, 83, 183, 184. Brucy (Mlle), 336, 34!. Bruges, 127. Brune (maréchal et maréchale), 166, 224, 399. Brutus, 359. Bryon, 218. Buchon (j.-A.), 269. Buchoz, 151, 152. Buffon, 253, 319, 348. Bury (J.-B.), 346. Buol-Schauenstein, 202. Burdett, 183, 184, 186. Burelle (député), 119. Burke (Ed.), 39, 241, 246, 396, 399. Busson (député), 119. Cadet de Gassicourt, 155, 260, 398. Caigniez (L.-C.), 31!. Calas, 154. Caldérary, 340. Caldéron, 273. Callot, 332. Calvin, 20!. Cambacérès, 78. Cambell (Archibald), 320. Cambronne (général), 225, 232. Caminade, 328. Camoëns, 265, 273, 391. Campenon, 265. Campistron, 298. Canat (R.), 319, 340. Canning, 7, 185. Canova, 337. Cantillon, lOI, 15!. Canuel (général), 68, 77, lOI, III, 117, 148-150, 153. Capefigue, 150.
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INDEX DES NOMS PROPRES
Capelle (p.-A.), 305. Capo d'Istria, 126. Caradjà (P.-J .), 399. Caraman (ambassadeur), 174. Carcassünne (Moïse), 59, 387. Carnot, 78, 322. Carpentier (Julie), 339. Carrache, 324. Carrier, 112. Carrion-Nisas fils, 115, 248, 249, 255, 385. Carron (abbé), 253. Cartellier, 337, 339. Castelbajac, 80, 136. Castellane, 80, 103. Casti (abbé), 261l, 270. Castlereagh, 182, 185, 266. Catalani (Mme), 293, 312. Calel (musique), 309, 311. Catherine de Médicis, 243. Catherine Il, 207. Catinat, 264. Caton, 359. Catulle, 358, 372. Cauchois-Lemaire, 2, 84. Caumartin, 23, 72, 74, 398. Cerutti, 348. Cervantès, 273. Chabrol (préfet), 148, 149. Chamfort, 4, 264. Champein (musique), 311. Champollion-Figeac, 354, 379. Chapelain, 347. Chappedelaine, lOI, 153. Chaptal, 48. Charbonnières, 352, 355, 356. Chàrlemagne, 247, 295, 296, 356. Charlemagne (A.), 306. Charles 1°', 237, 242. Charles Il, 82, 115, 316. Charles III, 212. Charles IV, 212. Charles V, 247, 248. Charles VII, 57. Charles IX, 295. Charles-Quint, 242, 268. Charles d'Anjou, 331. Charles de Navarre, 146, 295. Charlotte-Augusta (princesse), 187, 188. Charron, 352. Chartres (duc de), 328. Chartrier de Chenevières, 288, 372.
Chateaubriand, x, 3, 24, 52, 53, 62, 69, 70,73,80,81,87, 121,123,127,130, 132, 136, 137, 138, 139, 140, 152, 215, 229, 232, 233, 245, 256, 257, 261, 264, 276, 318. Chatel, 321. Châtel (J.), 139. Chaudet, 337. Chaussard (P.-J.-S.), 275, 386. Chauvelin (député), 72, 73, 81, 88, 90, 102, 106, 110, 241, 399. Chauvin, 330, 336. Chénard (acteur), 311. Chénier (,',,\.-].) , 255-257, 287, 290, 352, 397, 399. Chéradame (Mme), 328. Chérubini (musique), 311. Chesterfield, 350, 400. Chevalier, 76, 83, 85. Cimabué, 324. Choiseul (Mme de), 251. Choiseul (duc de), 63, 76, 398. Choiseul (E.-F., duc de), 104. Choiseul-Gouttier, 265. Christophe (roi d'Haïti), 187, 218. Cicéri, 309. Cicéron, 270, 358, 360. Cimarosa, 312. Clarke (maréchal), 68, 87. Clausel de Coussergues (député), 68, 92, 139, 212. Clauzel (général), 162. Claveau (avocat), lOI, 151. Clavier, 256. Clément (député), 119. Clément (Jacques), 139. Clermont-Tonnerre, 37. Clothilde (danseuse), 309. Cobbett, 184. Cochrane, 184, 218. Coffinières (juriste), 81. Cogey, 305. Colbert (général), 326, 328. Collins (1.), 4. Colomb (procureur), 84. Comte (physicien), 312. Comte (A.), l, 34. Comte (Ch.), x l, l, 34, 83, 85, 230, 402. Condé (Louis Il, prince de), 173, 243. Condé (Louis-Joseph, prince de), 71, 102. Condillac, 347. Condorcet, 60-62, 345, 347.
INDEX DES NOMS PROPRES Confucius, 284. Consalvi (cardinal), 91. Constance de Balbe, 168. Constant (B.), IX-XI, 2-11, 14-21, 2426, 28, 31-47, 51-57, 59-62, 66, 67, 69, 73-76, 78, 80, 81, 83-87, 91, 95110, 112-114, 117, 120, 124, 125, 130132, 135-143, 149, 150, 154, 155, 163, 166,167,179-182,184,185,189,190, 193,195-199,202,205-209,215,224239,241,243-248,254,256,257,260, 265-269, 271-273, 275, 277-282, 313, 315,317,318,345,346,351,356-361, 363-365, 368, 372-377, 389, 396, 397, 401. Constant (R. de), 3, 18, 20. Constantin, 285, 286. Contat (Emilie, actrice), 294, 304. Cook, 320. Corbière, 68, 80, 81, 136. Corcelle (député), 109, 113, 116, 117, 399. Cormenin (maître des requêtes), 96. Corneille, 15, 277, 279, 351. Cornet d'Incourt (député), 68, 134, 136. Corréard (Al.), 155, 156, 383. Cortot, 338. Corvetto, 27, 86, 90, 91, 97, 109. Cottin (Mme), 314. Cotton (préfet), 149. Cottu (Conseiller à la Cour royale), 42,82. Couder, 336, 337, 340. Coulmann, 78. Coupigny, 159, 285, 377. Courier (P.-L.), 256. Courtin, 79. Courtin (danseuse), 309. Courvoisier (député), 67, 80, 105, 132, 134. Crébillon, 347. Crépin, 327. Crépus fils (A., avocat), 397. Creuzé-de-Lessert (préfet), 10 l, 356. Crèvecœur, 220. Crevel, 83. Cromwell, 181, 226. Croquembourg, 151. Cuvelier de Trie (J.-G.A.), 300. Cuvier, 82, 99, 265, 322. Czerni-George (hospodar), 210.
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Dacby, 26. Dacier (Mme), 16-1. Dalberg (duc de), 100. Dalmas (A. de), 298. Damas (acteur), 302. Dambray (chancelier), 68. Damier, 139. Dancourt (acteur), 311. Dangeau, 243, 348, 351. Daniel (père), 352. Dante, 246, 267, 268, 269, 275, 277, 357, 358, 360, 395. Dargout, 133. Daru, 126, 129, 256, 259, 260, 264, 360. Daudet (E.), 25, 116. Daumas, 24O! Daunou, 44, 46, 55, 56, 60, 117, 259, 264, 266, 384. David, 78, 325, 326, 335, 338, 339. David (acteur), 294. David (roi), 173. Davillier aîné (financier), 160-163. Davilliers (textile), 48. Davout (maréchal), 113, 135. Debelle (général), 95. Decaux (Mme), 341. Decazes, 4, 6, 18, 21, 25-27, 36, 39, 58, 59, 65, 68, 74-76, 79, 83, 89, 93, 99, 100, 105, 106, 110-116, 120-122, 125-134, 136-141, 149, 150, 153, 155, 174, 226, 227, 292, 298, 325, 329, 339. Decomberousse (avocat), 84. Dectot (Manoury), 24. Dedelay-d'Agier, 105. Defauconpret (A.-J.-B.), 273, 276, 316, 318. Defermon, 79. Deguise (P.), 53. Deharme (Mme), 341. Dejean fils, 78, 79. Delacroix, 335. Delapoterie, 374. Delaunay (éditeur), 23. Delavigne (C.), 138,286,291, 296, 297, 303, 377, 397. Delessert (Ben.), 73, 100, 109. Delestre-Poirson (C.-G.), 302, 304307. Delille, 9, 255, 347, 360. Delolme, 133. Delorme, 333. Delvincourt (doyen), 118.
408
INDEX DES NOMS PROPRES
Demarçay (général), 119, 138. Demarne, 341, 342. Demoustier, 322. Dentu (éditeur), 83. Dercy (P.), 308. Dérivis (acteur), 308. Derré (j .-R.), 15, 278. Desaugiers (M.-A.-M.), 255, 304, 305, 307. Desbordes (Mlle), 14, 289, 291, 377. Descartes, 258, 264, 319, 324. Deschamps (E.), 13, 360, 361, 377. Deschamps (j.-M.), 308. Descotes (M.), 293. Deseine, 339. Desfontaines (F.-G.), 305. Desgranges (Ch.-M.), 4, Il, 20, 28, 275, 295. Desportes (F.), 26, 158, 161, 163,399. Dessolles, 26, 99, 100, 106, 113-115, 122-124, 127, 129, 132. Destouches, 258. Devaux, 119. Diane de Poitiers, 330. Didelot (Ch.-L.), 308. Diderot, 253, 347, 350, 351. Didot aîné (éditeur), 8, 253. Dieulafoy (M.), 303, 305, 308, 309. Dirat, 2, 115. Donnadieu (lieutenant général), 126, 130, ISO, 153. Doudeauville, 63. Drap-Arnaud (P.-M.-X.-V.), ?99. Drapiez, 322, 369. Drolling, 341. Drouot, 232. Dubast, 341. Dubignan (Mme), 160. Dubois (peintre), 328. Dubois (j.-B.), 301. Dubois (L.), 13, 102, 243, 290, 377, 399. Dubois-Dubay, 78. Dubos (abbé), 320. Duos (Constant), 291. Dubufe, 334. Dubouchage (ministre), 68, 87, 155, 174. Du Casau, 360. Duchesnois (actrice), 294, 296, 299. Ducis, 257, 299. Ducis (peintre), 330, 337. Duclos, 347, 350, 353.
Dufau, 323, 331. Dufay (colonel), 170. Duff (A.-B.), XII. Dufrénoy (Mme), 13, 256, 285, 291. 377. Dufresne (A.), 315. Dugied (préfet), III. Dumersan (T.-H.), 301, 305. Dumolard, 79. Dumoulin (Ev.), XI, XII, 4-6, 10, 13, 18, 21-23, 28, 36, 48, 58, 59, 108, Ill, 113, 116-122, 124-140, 142, 146, 157,158,172,174, 178-18CJ, 182, 183, 185, 187, 189, 196, 197, 208, 214216, 218, 226, 227, 248, 269, 297, 299, 303, 309, 327, 377-378. Dunouy, 342. Dunoyer (Ch.), IX, l, 34, 66, 83, 85, 230, 398, 402. Duparquier, 332. Dupaty (sculpteur), 338, 339. Dupaty (E.), 283, 396. Duperche (J.-J.-M.), 300. Dupetit-Méré (F.), 300, 306. Dupin (avocat), 151, 166, 276, 322, 398. Dupin (Ch.), 24, 43, 187, 276, 280, 322, 368, 386. Dupin (H.), 302, 304, 307. Dupin (Mme), 350, 400. Dupont de l'Eure (député), 72, 73, 82, 106, 110, 155, 241. Dupont de Nemours, 241, 285. Dupuis (acteur), 302. Durand (Ch.), 224, 225, 398. Duras (duc de), 63. Durdent, 240. Duroys de Chaumareys, 155. Dussault, 255-258. Dutac, 342. Dutens (J.), 187, 354. Dutrembley, 266. Duval (Al.), 255, 302, 306. Duval (Amaury), 253. Duval (G.-L.-J. Labiche, dit George), 306, 308. Duvergier de Hauranne (député), 24, 25, 105, 137, 374. Duvergier de Hauranne (historien), 65, 80, 83, 86, 92, 94, ISO, 153. Duveyrier (A.-H.-J.), 301, 306. Duvivier, 335.
INDEX DES NOMS PROPRES Echouarù-Lebrun, 255. Ecquevilly, 71, 386. Eggli (Ed.), 274, 279. Egmont (comte), 198. Eichhorn, 195. Elzéar ùe Sabran, 283, 395. Engelmann, 326. Enghien (duc d'), 283. Epinay (Mme d'), 349, 350. Erostrate, 358. Ersch, 352. Eschyle, 254, 269, 277, 358. Eskine (lord), 172, 184. Esménard (j.-A.), 6. Esménard (j.-B.), 4, 5, 10, 16, 45, 81, 211, 21l, 273, 314, 354, 378-379. Esménard (Inès), 326, 331. Esneaux, 84. Espercieux, 332, 339. Estrada (Florez), 214. Etienne (Ch.-G.), XI, XII, 2, 4, 6, 7, 10-13, 17-19, 21, 23-28, 36, 41, 49, 54, 54-59, 61-63, 66-68, 70, 72-79, 82-85,88-111, 113-128, 130-140, 142, 147, 149-153, 159-161, 170, 172, 189, 196, 197, 209, 227, 234, 243, 244, 248, 250, 255, 256, 258, 260, 261, 263, 26~267, 269, 285, 292, 297, 299, 308, 310-312, 315, 321, 347, 354, 360, 364, 379-382. Etréhan, 162. Eugène (prince), 198. Eugène IV, 335. Euripide, 277, 360. Exelmans (général), 102, 232. Eymery (éditeur), 22, 23, 162. Fabre (général), 119. Fabvier (colonel), 111, 148-150, 153, 367, 398. Faguet, 275. Fain (éditeur), 22. Fallette-Barol, 270. Fanni (danseuse), 309. Faucher (frères), 146. Faucher (L.), 13, 400. Faure (E.), 324. Faure (méd.), 321. Féart (actrice), 294. Febvé, 283, 382. Fénelon, 167, 351, 353, 354. Feltre (duchesse de), 173. Ferdinand VI, 212.
409
Ferdinand VU, 84, 141, 177, 186, 212, 214-216. Féret (avocat et publiciste), 84. Ferrand, 235. Fiévée (J.), 4, 69, 85, 103, 137. 138, 383. Fitz-James (duc de), 80. Flaugergues, 137. Fléchier, 244. Fleury (acteur), 294, 304. Foère (abbé), 199. Fontanes, 3, 123, 255, 263, '400. Fontanes de Saint-Marcellin (J.-V.), 304, 311. Fontenelle, 264, 319. Foqué-Friedr1ch Heinrich Carl (baron de la Mothe), 317. Forbin (L.-N.-Ph.-Aug. de), 327, 328, 336. Forbin de Janson, 113, 124, 318, 385. Fouché, 6, 10, 131, 196, 227, 232. Foulon (éditeur), 23. Fox, 184, 266, 375. Foy (général), 119, 135. Foyatier, 338. Fradin (député), 119. Francis (1.), 202-204. François 1er , 231, 330, 335. François de Nantes (député), 119. François de Neufchâteau, 264, 285, 290, 321, 352, 382. Franconi (frères), 312. Francueil, 350. Franklin, 253. Franklin (N.-J.), 383. Frasté, 335. Frayssinons, 92. Frédéric (prince), 198. Frédéric Barberousse, 268. Frénilly, 137. Freycinet (général), 162. Freyre (général), 215. Fualdès (juge), 147, 149. Gabriel de Lurieu (j.-J.) , 305. Gail (Mme, musique), 312. Gall, 321. Gallais, 318. Gallus, 372. Gamon, 78. Gamot (officier), 225. Ganilh (député), 119, 261. Garat, 264.
410
INDEX DES NOMS PROPRES
Garay (ministre), 212. Garcia (chanteur), 293, 312. Oardel (P.-O.), 308, 309. Garinet, 247. Oarnerey, 341, 342. Oarnier (O.), 47, 320, 394. Gassendi (général), 105. Oaudy, 283, 289, 382. Oautier du Var, 24. Oaveaux (musique), 294, 310. Oay (Mme), 312, 315. Oenest, 24. Genlis (Mme de), 20, 243, 258, 314,
348, 351, 353, 379, 383. Génod, 341. Gentil de Chavagnac (M.-J.), 303. Gentz, 26. Geoffroi Saint-Hilaire, 321. Geoffroy, 295. Georgel, 24, 58, 235, 237, 241, 244,
246, 395. Georges III, 185. Gérando, 63, 253. Gérard, 323, 326, 328, 330. Géricault, 155, 329. Germain, 133. Germanicus, 298. Gersin (N.), 303, 305. Gessner, 274. Gévaudan, 26, 124, 125. Gibbon, 15, 259, 349. Gilles (méd.), 172. Ginguené, 257, 267-269, 402. Girard (Stephen), 157. Giraud, 242, 247, 248. Girod de l'Ain, 75. Girodet, 263, 326, 339. Giroust, 340. Gluck, 307, 350, 400. Godefroy (Mlle), 327. Godwin, 271. Goerres, 124, 196. Gœthe, 274. Gois, 334, 338. Goldsmith, 68. Gonnard (Ph.), 6, Il, 275. Gonthier (acteur), 305, 307. Gosse CE.), 13, 251, 255, 266, 283,
285, 289, 302, 303, 382. Gouffé (Ar.), 300. Gouhier (H.), XII, 1, 53. Gourgaud (généra!), 113, 225. Goujon (AL), 103, 368.
Gouvion Saint-Cyr (maréchal), 46, 68,
94,99, 100, 113, 121, 127, 174,250. Ooyet (de la Sarthe), 75, 117. Grammont (duc de), 75. Granet, 336. Granger, 334, 339, 441. Grassani (cantatrice), 308. Grégoire (abbé), 60, 93, 118-120, 130-
132. Grégoire VII, 55. Grenier (généra!), 75. Gresset, 347. Grétry, 308. Grey (lord), 184. Grimm, 350. Grivaud de la Vincelle, 250. Gros, 326, 328, 334. Gros (textile), 48. Grosbois, 121. Guérin, 326, 338. Guillaume 111, 121, 235, 316. Guillaume de Vaudoucourt, 113, 399. Guillemot, 334. Guitard (député), 119. Guizot, 70, 72, 103, 122, 123, 125, 133,
136, 137, 251, 317. Gustave 1er Vasa, 323, 331. Gustave IV, 206. Gustave V, 206. Guy (J.-H.), 308, 309. Guyet (publiciste), 84. Hadrien, 359. Haller, 274. Harel (Ch.-J.), 2, 8,16, 17,26,78,141,.
143, 158, 176, 179, 185, 185-197, 204, 215, 235, 382. Harpaz (Eph.), IX, X, 32, 34, 44, 83, 117, 191, 231, 238, 333. Hass (Jos.), XII. Hatin (Eug.), 4-6, 29. Hautecœur (L.), 324. Hautpoul (Mme d'), 256. Hay (F.), 296. Helvétius, 347, 353. Henri III, 242. Henri IV, 89, 115, 167, 173, 237, 243, 244, 250, 301, 302, 316, 330, 332.. Herbail, 352. Hernoux (député), 72, 81. Hérold (muisque), 311. Hersent (L.), 329, 331, 339. Hervey (Mme, cantatrice), 293.
INDEX DES NOMS PROPRES Hobbes, 34. Ilobhouse, 184. liesse-Cassel (électeur de), 194. Holbach (d'), 350. Holland (lord), 184. Homère, 53, 269, 286, 357, 358, 360. Horace, 254, 256, 266, 358-361. Hospital (Michel de l'), 56, 243, 354, 355, 368. Houdetot (Mme d'), 350. Hourticq (L.), 324. H ua (procureur), 85. Hudson-Lowe (sir), 226. Hue, 342. Huet (acteur), 311. Hugo (V.,, 243, 263. Humboldt (Al.), 216. Hume, 15, 259, 268, 349. Hunt, 184. Hurault (M., sieur Dufay), 368. Imbert (J.-B.-A.), 302. Isabey, 328, 341. Isala (père), 273. Isaure (Clémence), 168. Jacob, 326. Jacques Il, 115, 121, 140, 237, 316. Jacquotot (Mme), 326. Jahn, 196. Jar, 117. Jay (A.), x, Xl, 2, 4-6, 8-13, 15, 17, 18, 20, 21, 24, 35, 36, 44, 52, 54-56, 58-60, 69, 71, 74, 75, 85, 103, 104, Ill, 113, 115, 120, 121, 135, 137, 139, 141-143, 149, 152, 156, 159-163, 180, 182,215,219,220,224-226,234, 236-238, 242-249, 252, 255-258, 260, 261,272,276,277,279-281,291,292, 314, 315, 318, 319, 322, 347-351i 364, 382-386, 397. Jeanne d'Albret, 330. Jeanne d'Arc, 248, 250, 333, 355. Jefferson, 219. Jodelle, 355. Jominy, 240. Jordan (Cam.), 73, 75, 80, 81, 89, 103, 114, 117, 122, 134, 149, 223, 241. Joseph Il, 202. Joséphine, 8. Josserand (P.), XlI. Jouy (J.-E.), x, Xl, 2, 4-6, 8-14, 16-18, 20, 21, 24, 25, 27, 36, 43, 51, 54, 58-
411
60, 63, 71, 76, 78, 103, 104, 109, 115, 120, 132, 135, 137, 138, 143, 147, 148,154,158,163-169,173,180,186, 187, 224, 240, 252, 254-256, 260, 265, 270, 272, 273, 275, 283, 291293, 298, 307-309, 318, 321-323, 325343, 345, 348, 352, 360, 364, 386389, 396, 397. Jouy (textile), 48. Jouslin de la Salle, 85, 375. Juan (dom), 168. Jubé, 21. Juinne, 335. Jullien, 253. Jullien (empereur), 265. Junius, 252: Justinien, 299. Juvénal, 253, 353, 359, 360. Kant, 253, 258. Karamzin, 317, 375. Kasthofer (bernois), 201. Kaufmann (musique), 312. Kératry (A.-H.), 75, 105, 138, 253, 258, 259, 368. Kergorlay, 229. Kinnaird (lord), 151. Kinson, 341. Kitchin (J.), 9. Klopstock, 274. Koëchlin (textile), 4S. Kosciuszko, 210. Kaster, 252. Kotzebue, 116, 195, 196. Kreutzer (musique), 308. Krüdener (Mme), 173, 201, 202. Kuhn (musique), 159. La Barre, 154. Labaume, 240. Labbey-de-Pompierres, 119. Labédoyère, 5, 232. Labitte (Remi-), 13, 389. La Boétie, 167. Laborde (Al. de), 63, 253. Labouisse, 255, 291, 322, 383. Laboulaye (Ed.), 32, 33, 37, 40. La Bourdonnaye, 68, 80, SI, 89, 134, 136, 139, 149, -234. La Bruyère, 347, 351, 353. Lacave (acteur), 294. Lacépède, 251, 253, 383. La Chabeaussière, 266. La Condamine, 290.
412
INDEX DES NOMS PROPRES
Lacretelle ainé (P.-L.), XI, 4, 6, 8, 9, Il, 17-19, 21, 24, 28, 29, 36, 45, 54, 62, 63, 83, 97, 162, 259, 261-265, 318, 319, 345, 347, 351, 354, 355, 389-390. Lacretelle (Ch.), 6, 25\), 265. Lacy, 212. Ladvocat (éditeur), 23, 159. La Ferronays, 80, 126. La Fayette, 9, 26, -l2, 57, 75, 106, 110, 117, 229, 232, 241, 245. Laffitte, -l8, 72, 81, 88-90, 102, 105, 109, 156, 360, 399. Lafond (Mlle), 331. Lafond de Cujula, 168. Lafontaine, 262, 264, 324, 351, 35-l. Lafontaine (Aug.), 305, 317, 374. Lagarde, 26. Lagrange, 328. Lagrénée, 339. La Harpe, -l, 253, 257, 26-l, 352, 35-l, 358. Lainé (ministre), 67, 68, 73, 88, 91-93, 97,99, 100, 104, 106, 123, 127, 131, 132, 136, 229, 231. Lainé (Ch.), 153, 15-l, 399. Lainé (acteur), 2\)4. LaÎné de Villevêque, "1. Lair, 33-l. Lakanal, 60. Lalanne (L.), 8. Lallemand (auteur), 30-l. Lallemand (frères), 84, 157, 162. Lally-Tolendal, 100, 135, 265. Laloue (Ferd.), 303. Lamarke (généra!), 79, 398. Lambrechts (député), 119. Lamennais, x, 52. Lameth (Al. de), 8, 9, 43, 48, 143, 179, 189, 2-l1, 390. Lamezan, 177, 190. Lami, 26-!. Lancaster (éducation), 63. Landon, 252. [:lnd.owne (lord), 18·1. Langlès, 253. Langlois, 3-l0. Lanjuinais, 23, 34, 36, 46, 49, 73, 81, 92, 106, 137,224,229,231,238,241, 2-l8, 254, 375. Laplace, 319, 322. La Pommeraie, 318. Lardon, 329. La Roche (actrice), 294.
La Rochefoucauld, 353. La Rochefoucauld-Liancourt, 63, 81, 220, 241. Lasalle (général), 326, 328. Las Cases, 6. La Serve, 34, 38, 397. La Servière, 291, 391. Lasteyrie, 63, 326. Latouche (H. de), 13, 147, 148, 255, 270, 27-l, 288, 292-294, 299, 300, 302, 304-307, 310, 312, 391, 400. La Tour du Pin (ambassadeur), 151, 152. Latour-Maubourg, 129. Laurence, 78. Laurent, 332. Lauriston (général), 99, 127. Lavater, 321. Lavigne (acteur), 309. La Ville de Miramont (A.), 300. Lawrence Oames), 252. Lauze de Peret (P.-j.), 224, 374. Laval-Montmorency (ambassadeur), 77. La Vauguyon, 106. Lavoisier, 60. Lavalette, 232. Laya, 174, 265. Lays (acteur), 308, 309. Leblanc (A., officier), 95, 398, 399. Lebrun (musique), 308. Lebrun (P.), 13, 286, 288, 298, 299, 37ü, 391. Le Brun de Charmette, 248, 356, 395. Lebrun-Tosca, 12. Le Carlier (député), 119. Le Chartreux (P.), 273, 391. Le Comte (acteur), 308. Ledoux (P.), 302. Ledré (Ch.), 4. Lee (W.), 157. Lefèvre (R.), 328, 341. Lefèvre-Desnouettes (généra!), 162. Lefèvre-Duruflé, 2, 13, 19, 400. Legendre, 338. Léger (F.-P.-A.), 300, 306. Legouvé, 256, 257. Lejeune (généra!), 327. Lemaire, 360. Lemaitre (Ant.), 352. Le Marchand, 92. Lemercier (N.-L.), 255, 257, 259, 264, 279, 280, 292, 296, 300, 304, 358, 368, 384.
INDEX DES NOMS PROPRES Lemire, 339. Lemoine, 339. Lemontey, 243, 244, 259. Lemoyne, 326. Lenoir, 266. Léopold (auteur), 252. Léopold (prince-régent d'Autriche), 203. Léopold (pseud., Chandezon), 300. Léopoldine-Caroline (princesse du Brésil), 203, 214, 217. Lepecheux (député), 119. Lepeintre, 307. Lerebours, 47. Leroy (Onésyme), 303. Lesage, 253, 273, 347. Lescot (Mlle), 327, 330. Leseigneur (député), 119. Lessing, 274. Lestrade (L.-F.), 270, 358, 360, 368, 386. Le Sueur, 332. Le Tasse, 265, 269, 277, 337. Lethière, 338. Levaillant (M.), 256. Lévis (duc de), 130. Ley (E.), 202. L'HuiIlier (éditeur), 85. Lichtenstein (prince de), 194. Lin gay, 26. Linné, 252. Lippe (comtesse de), 194. Lippe-Detmold (prince de), 198. Liverpool (président du Conseil), 182, 185.
Llorente (D.-j.-A.), 56, 212, 367. Lobau (général), 79. Locke, 258, 271. Longchamps (Ch. de), 285, 288, 303, 352, 391. Longus, 339. Lope de Vega, 273. Lothaire, 295, 356. Louis (ministre), 99, 100, lOI, 129. Louis 1er le Débonnaire, 296. Louis VI, 332. Louis VII le Jeune, 248, 332. Louis IX, 247, 248, 250, 262, 297, 331. Louis XI, 248. Louis XII, 248, 250, 311. Louis XIII, 243, 244, 332. Louis XIV, 57, 94, 237, 243, 244, 247, 250, 270, 291, 332, 346, 351, 352.
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Louis XV, 244, 245. Louis XVI, 104, 119, 141, 237, 238, 245, 250, 260, 283, 329, 332, 347. Louis XVIII, 14, 25, 65, 79, 91-93, 98, 100, 102, Ill, 115, 121, 131, 132, 138, 153, 173, 174, 187, 227, 231, 232, 243, 248, 263, 299, 316, 328. - Provence (comte de), 308. Louvel, 24, 399. Loyola, 352. Loyson, 24, 25, 286, 391. Lucain, 359. Lucie (actrice), 304. Lucrèce, 265, 358. Luther, 56. Mably, 33, 347, 349. Macdonald (général), 127. Macgregor, 218. Mackintosh Oames), 184, 185. Mahul (A.-j.), 4. Mailhos O.-B.), 74, 373. Maine de Biran, 78. Maimonide, 252. Maiseau, 6. Maison (général), 129. Maistre (Xavier de), 251. Malebranche, 258. Malesherbes, 9, 57, 245, 347. Malet (Chevalier), 236, 383. Mallet du Pan, 4. Malleville, 252. Manson (Mme), 147. Manuel, 72, 75, 84, 106, 110, 132. Marbot (colonel), 79. Marc-Aurèle, 359. Marceau (général), 241, 398. Marcellus, 68, 93. Marchand (Ph.), 78, 225, 375. Marchangy (procureur), 84, 85, 246, 251, 259, 276, 349, 356, 383. Marguerite d'Ecosse, 332. Mariana, 273. Maréchal, 270. Marie-Antoinette, 173, 329. Marie-Louise (infante), 213. Marie Stuart, 295. Marie-Thérèse, 113. Marin, 332, 338. Marinet, lOi, 151. Marino, 218. Marmont (maréchal, duc de Raguse), 126, 129, 148, 149, 174, 398.
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INDEX DES NOMS PROPRES
Marmontel, 4, 253, 298, 347. Marot, 355, 368. Mars (Mlle), 294, 299, 302. Marsollier des Vivetières (Jas.), 255, 304, 402. Martelet de Lure (poétesse), 291. Martin (acteur), 293, 310. Martin (Aimé), 322. Martin d'André (banquier), 90. Martin de Gray, 72, 73, 75, 81, 93, 110, 241. Martin Michel, 173. Martino (P.), 279. Martinville, 12. Masaccio, 337. Mason (J.), 253. Masrulié (danseuse), 309. Masséna, 200, 240, 285, 290, 402. Massenbach (colonel), 191, 196. Massillon, 347, 351, 353. Mater, 53. Mathieu de Montmorency, 81, 136, 241. Mathieu-Faure (député), 119. Maubreuil, 146, 152. Mauduit (Eug.), 361. Mauduit (Mlle), 341. Mauguin (avocat), 83. Maury (abbé), 354. Mauzaise, 337, 338. Mazarin, 237, 243. Meade, 213. Méchin (député), 95, IIY, 132,253,360, 367. Méhémet Ali, 210, 329. Méhul (musique), 310, 312. Mellinet, 78. Menjaud, 32ll. Mercier, 252, 279. Mercier (10, 156. Merle (j.-T.), 2, 78, 301. Merle d'Aubigné (H.), 274, 368. Merville (P.-f.), 301, 306, 368. Messageot (Fanny, dame de Tercy), 315. Métral (An!.), 240, 392. Mettens, 25. Metternich, 26, 27, 113, 116, 126, 139, 176, 196, 202, 203, 207. Mézerai (Mlle, actrice), 294. Mézeray, 356. Michalon, 333. Michelot, 294, 304.
Michel Le Tellier, 243. Michaud (auteur), 240. Michaud (Biographie), 6-9, 13, 14. Miel (Ed.-f.-A.-M.), 14, 323-325, 387, 391. Mignet, 264. Millevoye, 256. Milton, 275, 358. Mina (général), 215, 327. Mina (Amérique du Sud), 218. Mirabeau, 60, 241. Mirbel, 26, 83, 137. Macquart (avocat), 83. Moëssart (acteur), 301. Molé, 2, 25-27, 68, 9Y, 104, 123, 127, 227. Molé (acteur), 294. Molière, 12, 15, 167, 255, 258, 277, 287, 299, 305, 324, 351, 354. Moline (j.-C.), 304. Mollevault, 360. Mollien, 99, 129. Monchoux (A.), 273. Monge, 322, 368. Munge aîné (éditeur), 23. Monruë, 213, 220. Monrose (acteur), 294. Monsigny, 310. Montaigne, 167, 354. Montémont (Albert -l, 288, 291, 391. Montègre (A.-J.), 14, 63, 64, 321, 387, 3YI. Montesquieu, 35, 40, 45, 158, 167, 180, 245, 246, 253, 259, 264, 270, 277, 320, 346, 348, 349. Montesquiou, 37. Montfleury, 347. Montholon (Mme de), 227, 317. Monticelli, 321. Monti, 270, 340, 391. Montlivaut, 126, 150, 151. Montlosier, 69, 70, 233. Muntmorency, 63. Montolieu (Mme), 251, 317. Montperlier, 305. Montpezat de Rodern (Mme), 315. Monvel, 305. Morand (M.-I.), 276. Moratin, 273. Moreau de Commagny (C.-f.-j.-B.), 305. Moreau (P.), XII. Morel Chédeville, 308. Morellet, 349.
INDEX DES NOMS PROPRES Morelos (général), 402. Morgan (lady), 245, 251, 272, 273, 276, 316, 383. Morillo, 218. Morvilliers, 354. Mounier, 25, 133, 140. Mouton-Duvernet (général), 146. Murray (général), 151. Musset, 249. Napoléon, 2, 6, 8, 9, 37, 57, 66, 85, 112, 113, 129, 146, 151, 156, 158, 173, 177, 181, 189, 190, 198, 210, 215, 223, 22~227, 229, 230, 232, 233, 239, 241, 249, 260, 261, 298, 299, 34ti. Nassau (duc de), 194. Naudet, 159, 285, 391. Néander, 196. Necker, 5, 9, 236, 237. Nesselrode, 26, 27. Nettement, 134, 138. Newton, 286, 322. Ney (maréchal), 232. Nicolo, 255, 310-312. Nino (P.), 273. Nivelle de La Chaussée, 258. Noailles (de), 2. Nodier, 139. Norvins (J.-M. de), 5, 8, 9, 158, 237, 238, 239, 241, 289, 391. Nourit (acteur), 309. Oberkamf (textile), 48. Oberlin (pasteur), 285. O'Connor (Roger), 186. O'Meara (Barry E.), 226, 227. Orléans (duc d'), 156, 328. Orléans (duchesse douairière d'), 174. Orloff (GL), 247, 396. Orsova (pacha d'), 204. Oscar (prince d'), 206. Ossat (cardinal d'), 164. Ossian, 87. Otto von Kotzebue, 320. Oudin (capitaine), 96. Oudinot (maréchal), 124. Ovide, 254, 358. Owen, 182, 183. Paccard, 67, 315. Paganel, 270. Pagès (J.-P.), XI, XI, 8, 10, 17, 18, 24, 32, 33, 39, 41-46, 49, 50, 52, 55, 57-59,
415
62, 71, 73-75, 81, 84, 88-91, 93, 95, 97, 98, 101, 103, 107-110, 112-115, 119, 122-127, 132-136, 138-144, 148, 151, 152, 154, 171, 173, 176-180, 182-185, 187, 189, 190, 192, 196, 197, 200-202, 204, 206, 208, 209, 213, 214, 216-221, 224-226,240, 248, 262, 391394. Paillard-du-Cléret (député), 119. Pajol (général), 95, 397. Palmella, 213. Pamphile de La Croix, 240, 396. Panckoucke (éditeur), 19, 23, 226. Parceval-Grandmaison, 264. Parent-Réal, 97, 397. Parisot, 163. Parmentier, 285, 290, 321. Parni, 11, 255, 256. Parnell, 372. Pascal, 277, 351-353. Pasquier, 2, 20, 21, 25-27, 67, 68, 80, 99, 100, 119, 121, 123, 127, 129, 132136, 144, 146, 149, 154, 155. Pasquier (Etienne), 134. Pastoret, 136, 261. Patrat (J .), 305. Patru, 352. Paul (danseur), 309. Paulin Guérin, 328, 329, 334. Pays-Bas (roi des), 199. Pedro (don), 203, 217. Pélicier (éditeur); 23. Périer (Casimir), 26, 72, 81, 87, 88, 90, 110. Pellet d'Epinal, 285-288. Pellier (A. de), 370. Perregaut (banquier), 156. Perrier (textile), 48. Perrault, 12. Perse, 359. Persuis (musique), 308. Pétion, 218. Petitot, 339. Pétrarque, 277. Petit (actrice), 294. Philippe (acteur), 307. Philippe Il, 295. Philippon de la Madeleine, 348. Phocion, 295, 298. Piar, 218. Pibrac, 354. Picard (L.-B.), 255, 292, 293, 302, 304. 306.
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INDEX DES NOMS PROPRES
Piccini, 257, 312, 350. Pichois (CI.), 6. Picot, 335, 338. Picquenard, 315. Pie VU, 57, 91. Pigeon, 76. Pierre-le-Grand, 207. Pigault-Lebrun, 316. Pignotti, 268. Pilat, 26. Pindare, 253. Pintard (R.), XII. Piré (général), 115. Piron, 347. Pitt, 184, 375. Pixérécourt, 295, 311. Plassan (éditeur), 22. Platon, 258, 350. Playfair (William), 273. Pline le Jeune, 359. Pointe (Noël), 113. Poiret (J.-L.-M.), 321, 369. Pomeau (R.), 54. Pommereuil (généraI), 115. Ponchard (acteur), 311. Poncy, 305. Poniatowski, 210. Pontz (P.), 162, 163. Pope, 267. Portal, 99, 100, 121, 129. Portalis, 93, 124. Porthmann, 2. Potier, 307. Poulin de Grandprey, 78. Pourrée (militaire), 112. Poujol (A.-A.-V.), 251, 305. Poussin, 332, 334. Pozzo di Borgo (ambassadeur), 209. Pozzo di Borgo (O.), 2, 69, 227-229. Pradon, 347. Pradt, 27, 176, 177, 179, IBO, 189, 190, 396. Praslin, 105. Prévost, 16. Pries (comtesse de), 350. Proby, 112. Proisy d'Eppe, 2. Prosper-Delaunay (député), 119. Prud'hon, 334, 341. Pujol, 325, 334. Piry (député), 119. Puymaurin, 112, 167. Pythagore, 258.
Quatremère de Quincy, 263. Quequet (procureur), 84. Quérard, 7. Quevedo, 273. Quinault, 307. Quintilien, 359. Quiroga, 215. Ra.boteau, 267. Racine, 15, 167, 245, 269, 276-279, 308, 347, 351. Racine fils, 347. Radet (général), 102. Radet (J.-B.), 305, 306. Ramel (général), 165, 224. Rancé (de), 301, 311. Raoul-Rochette, 263. Raphaël, 324, 325, 333. Ravaillac, 139. Ravez, 127, 136. Raymond, 339. Raynal, 347. Raynouard, 63, 255, 257, 264, 265. Réal (G.-A.). 115. Réal (P.-F.), 228 . Réau (L.), 324. Reboul (P.), 37, 168, 271. Redouté (P.-J.), 386, 387. Récamier (Mme), 256. Regnard, 258, 312, Regnault (actrice), 311. Regnault (Wilfrid), 153-155, 168, 315. Regnault de Saint-Jean d'Angély, 78,
260. Reicha (musique), 308. Reinhard, 158, 174. Rémond (R.), 156-159, 220. Rémusat (Abe!), 263. Renneville (Mme), 251. Revel (V.-A.), 305. Revest (Mlle), 338. Revoil, 330, 333. Rey (général), 164. Rey (J.), 37. Reynaud, 76. Ricard d'Allauch, 41, 43, 45, 81, 379. Riccoboni (Mme), 314. Richard, 331, 343. Richard-Lenoir (textile), 48.
INDEX DES NOMS PROPRES Riché (Mme), 34l. Richelieu (cardinal de), 237, 243, 332. Richelieu (duc de), 21, 25, 26, 36, 63, 65, 66, 68, 73, 79-82, 86, 89-93, 96100, 116, 127, 132, 134, 136, '140, 141, 150, 176, 226, 398. Riego, 215. Rienzi, 292, 299. Rigaud (général), 157. Riouste, 85. Rivière (de), 126. Robert (député), 119. Roberti, 268. Robertson, 15, 242, 247, 259, 268, 349, 401. Rochefort-Luçay (C.-L.-M. de, dit Edmond), 306. Roedern, 47, 84, 248. Roger, 174. Rogniat, 240. Rohan (duchesse douairière de), 115. Roland (Armande), 315. Rollet, 308. Rollin, 260, 264, 347, 348. Rollin (M., pasteur), 44, 57, 392. Romagnesi, 159. Romain Oules), 324. Roman, 57. Roman (textile), 48. Romilly (sir Samuel), 184, 266, 271. Ronmy, 330, 335. Roques (J.-I. de Montauban), 13, 287, 291, 394, 397. Rosa (éditeur), 23. Rosanbo, 347. Rossel, 263. Rossi, 268. Rothschild, 27. Rouget, 331. Roulin (A.), 2, 3, 227. Roulin (S.), 3. Rousseau (j.-B.), 347. Rousseau (j.-].), 33-35, 158, 253, 257, 277, 290, 307, 314, 347-350. Rousselin, 5. Rouval (A.-P.-J.), 307. Roy, 73,96,97,99, 127, 129, 132,137, 138. Royer-Collard. 59, 73, 80-82, 106, 118, 122, 124, 129, 134,241,261. Royou, 298. Rubens, 324, 337. Rudler (G.), 3, 6, 266.
417
Rulhière, 57, 259. Ruxthiel, 328. Saavedra, 273. Sagnac (Ph.), 92. Sainneville (Charrier), 111, 148-150, 153, 373, 397. Saint-Aignan, 117. Saint-Alphonse (Lhomme), 315, 356, 401. Saint-Ange, 360. Saint-Ange (Mlle), 326. Saint-Aubin, 86. Saint-Aulaire (député), 68. Saint-Chamans (de), 67, 274, 374. Saint Charles Borromée, 335. Saint-Cricq, 90. Saint-E1me, 311. Saint-Fiacre, 335. Saint-Gal (abbé de), 20l. Saint-Hippolyte (A.), 317, 375. Saintine, 286, 394. Saint-Lambert, 347, 350. Saint-Léon (O.), 4, 5, 260, 317, 320, 394. Saint-Martin, 337. Saint-Prix (acteur), 294. Saint-Roman, 24, 81, 135. Saint-Simon, 39, 51, 250. Saint-Vallier, 330. Salaberry (député), 68, 136. Salel, 90, 109. Sales (L.), 289, 394. Salieri (musique), 308. Salluste, 358. Salon (poétesse), 291. Salvandy (N.-A., de), 131, 369. Salverle (Eusèbe), 88, 126, 155. San Martin, 113, 218. Sappey (député), 119. Sarasin de Belmont (Mlle), 342. Sarrazin, 240. Saulnier (député), 73, 78. Saulnier fils, XI, XII, 4, 7, 8, 10, 18, 20, 49, 88-90, 95, 97, 149, 180-187, 190-192,194-198,201,213,214,216218, 220, 394-395. Sauquaire-Souligné (M.), XI, XII, 7, 16. 18, 63, 64, 67, 69, 73, 81, 84, 147,
418 1~8,
INDEX DES NOMS PROPRES
112, 182, 226, 238, 2~7, 262266, 277, 283, 285, 291-294, 296, 299, 302, 303, 306, 307, 312, 315, 317, 318, 320-322,326, 375, 395. Saurin (j .), 16~. Sauvage (T.), 302. Sauvan, 317. Savary (duc de Rovigo), 6, 113, 227. 5avigny, 195. Savigny (j.-B.), 155, 156, 383. Savoye-Hollin (député), 72, 80, 119. Saxe-Gotha (duc de), 194. Saxe-Weimar (duc de), 193. Say (j.-B.), ~6, 48, 261, 347, 352, 353. Scarron, 352, 395. Schaumbourg-Lippc (prince de), 198. Scheffer (Ary), 332. Scheffer (Ch.-A.), 84, 333. Schelling, 253. Schiller, 27~, 277, 299, 368, 391. Schneitz-Hoffer (musique), 309. Schnctz, 336. Schwab (R.), 319. Scipion (les), 270. Scott (Walter), 316. Scribe (Eug.), 302-307. Scudéry, 347. Scudéry (Mlle de), 352. Sedaine, 310. Serl'ièrcs (Mme), 327, 331, 3:;2. Sél'igné (Mme de), 31~, 347. Sheridan, 267. Scrrlegel (G.), 15, 268, 270, 277. Schleiermacher, 1!J6. Séguier (président), 111. Ségur, 10, 105, 131, 246, 250, 259, 260, 265, 285, 367, 39-1. Selkirk (lord), 219. Selves, 172. Sénèque, 359. Serre (de), 19,73,96,99, 102, 106, 107, III, 112, 11-1, 121-123, 125, 127-129, 132-13-1, '136, 137, 166, 196, 223. Sewrin (C.-A. de Bassompierre, di!), 310. Seylert, 3~2. Shakespeare, 12, 2-1\ 269, 275-279, 358. Shl:mway (E.), Il, 28. 26~,
Sigoyer (A. de), 288, 395. Siméon, 67, 99, 140. Simon-Candeille (poétesse), 291. Simon-Lorière (colonel), 124, 125. Simonin (F.), 234, 3-17, 348, 351, 383. Sirey, 41. Sirven, 154. Sismondi, 268, 269, 373. Smith (Adam), 320. Socrate, 299. Sodre (commandeur), 77. Solis, 273. Somma riva, 338. Son gis, 101. Sophie de Maraise (Mme), 317. Soult (maréchal), 115, 232, 233. Soumet (Al.), 283. Souque (j.-F.), 302. Sphodrétis, 266. Spontini (musique), 308, 309. Staël (Aug. de), 120, 131. Staël (baron de), 236. Staël (Mme de), 8, 9, 131, 133, 137, 181, 184, 190, 234-238, 243-245, 247, 248, 253, 256-258, 268, 273, 280, 281,283,317,346, 351, 373,395. Stanhope (lord), 70, 85, 168, 187, 276. Stanislas-Girardin (député), 119. Stein, 196. Stendhal, 204, 255, 276. Stevenotte, 199. Stouf, 332. Stourdza, 196. Stuart (prétendant), 331. Stuenben, 334. Sturmer, 203. Suard, 2-12, 265, 401. Suffren (bailli de), 332. Suger, 332. Sully, 132, 242, 332. Sultan (Turquie), 204, 210. Svetozar Petrie (D.), Il, 25, 29. Tacite, 298, 359. Tailor, 218. Talleyrand, 5, 60, 99, 105, 127, 132, 13-1, 146, 209, 228. Talma, 294, 299, 328. Talma (Mme), 305. Tamburini (abbé), 44, 55, 56, 369. Tamerlan, 177, 273. Tarabaud (abbé), 59.
INDEX DES NOMS PROPRES Tarayre (général), 42, 119, 132, 369. Tardieu, 332. Térence, 358, 360. Ternaux, 48, 75, 102, 134. Terrasson (H.), 254, 269, 275, 277, 395. Teste (avocat), 146. Théaulon de Lambert (M.-E.-G.-H.), 301,305,307,310-312. Thévcneau, 251. Thiébault (généra!), 240, 266. Thierry (A.), 43, 83, 84, 86, 238 247 24~ , , Thiessé (L.), 2, 5, 6, 25. Tissot (~.-F.), XI, 2, 4-6, 9, 11-13, 17, 18, 21, 24, 27, 34, 36, 38, 45, 58, 63, 74, 81, 103, 104, 136, 138, 143, 154, 176,177,179,180,189-191,196,197, 233-235, 237, 240-244, 246-248, 254256, 261, 266, 269, 275, 277, 281, 283, 288, 291, 292, 296, 299, 345, 347, 352, 353, 355-357, 360, 364, 395397. Thomas, 264. Thompson, 372. Thouret, 241, 248, 370. Thury, 253. Tibère, 29B. Tibulle, 360. Tocqueville (préfet), 1 Il. Tourlet, 253. Tournefort, 252. Townson (R.), 48, 81. Trajan, 359. Travot (baronne et général), 79, 102, 398. Treille (actrice), 294. Tréneuil, 256. Treuttel et Würtz (éditeurs), 253. Tschudy, 308. Tunis (dey de), 211. Turenne, 324. Turgot, 9, 47, 57, 245, 253, 276, 345, 347. Turpin, 321, 342. Ulfa (mufti d'), 208. Usquin (député), 102. Vafflard (A.-J.-M.), 307. Vafflard (peintre), 335. Valat, 1.
419
Valdès (j.-A.-M.), 273, 379. Valence (général), 105. Valette (Rebecca), 278. Validé (sultane), 21l. Valory (H., de), 304. Vanbrée, 341. Vandaël, 341. Vandarelli (frères), 205. Vanlco (Carle), 324, 326. Vanloo (César), 342. Van Mons, 322, 369. Vanner (A.-F.), 302, 303. Vapereau, 6, 8. Vatimesnil (procureur), 85. Vatout (J.), 285. Vauban, 244, 324. Vaudreuil, 285. Vauvenargues, 347. Vauvillier (MIJe), 243. Veillard (P.-A.), 301. Vernet (Horace), 159, 327, 329, 333, 342. Vernet (père), 342. Verri (Al.), 270, 348, 358, 360, 367. Vertot (abbé), 349. Vertpré (Jenny, actrice), 301. Vestris (cantatrice), 293. Victor (acteur), 294. Victor d'Arlincourt, 356. Vien, 324. Viennet, 291. Vigée, 266, 267, 287, 291. Vigny, 243, 264. Villars, 244, 300. Villèle, 68, 80, 81, 99, 102, 106, 127, 132, 134, 136, 144. V~IJemain, 119, 133, 182, 226, 238, 385. Villemanzy (de), 398. ViIJemarest, 13, 400. ViIJeneuve (de), 368. ViIJeré, 162. Villers, 15. Villette, 240. V~ncent (ambassadeur), 27, 139. Vmcent (poète), 267. V~rgile, 12, 254, 256, 269, 358-360. VltrolJes, 159, 229. Voïart (Elise), 317. Volnais (MIJe), 341. Volney, 220, 253, 258, 318, 384. Voltaire, 12, 15 32 44 54 57 145 154, 180, 245, 253, 258, '259: 27i. 279,286,290,299,307,309,346,348 349, 351, 355, 358. '
420
INDEX DES NOMS PROPRES
Voyer d'Argenson, 26, 71-73, 81, 110, 120, 223, 229, 232, 241. Wailly, 360. Wakefield (Gilbert), 272. Washington, 9, 219, 221, 290. Wate1et, 330, 342. Watson. 188. Welch (acteur), 293, 310.
Wellington, 86, lOI, 151, 175, 176, 187, 213. Wenzel (actrice), 294. Wicks (Ch.-B.), 294, 302, 303, 305, 311. Wieland, 274. Wilkes, 130. Witgenstein (prince de), 195. Witworth. 115. Wurtemberg (roi de), 193, 198, 208. Zurita, 273.
TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE . . .
IX
INTRODUCTION
XI
Chapitre 1. -
CADRE ET PROGRAMME
Le climat politique en fin 1816. - Le cas de Benjamin Constant. Il fonde le Mercure: 1-3."- Les collaborateurs du Mercure et de la Minerve: 4-8. - Leur formation: 9-10. - Leur accord politique et leur affinités littéraires: ll-13. - Le programme du Mercure renouvelé et de la Minerve: 14-17. - Entente et mésentente parmi les rédacteurs: 18. - Détails sur la rédaction: 19. - Succès et suppression du Mercure: 20. - Le lancement de la Minerve, la datation de ses cahiers: 21-22. - Succès et disparition de la Minerve: 23-29. Chapitre II. -
CREDO POLITIQUE .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
31
INSTITUTIONS POLITIQUES. - Le bonheur est défini par les libertés individuelles: 31. - Apport de l'industrialisme: 32. - Constant approfondit la notion de liberté et combat le mythe du collectif: 32-34. - La question des régimes devient secondaire. - Mais la fonction du gouvernement est nécessaire: 34-35. - Les Bourbons sont loyalement acceptés avec la Charte: 35-36. - Le rôle de la royauté: 36-37. - La responsabilités des ministres: 37-38. La Chambre haute. - La Chambre des députés. - Les modalités électorales: 38-40. - Le pouvoir judiciaire. - Les juges: 40-42. L'armée. - La garde nationale: 42-43. - Les autonomies locales : 43. - Les libertés individuelles: 43-45. - Limites et grandeur du système constantien : 45-46. - INDUSTRIALISME ET CLASSES SOCIALES. - La pensée sociale de l'Ecole libérale. - Elle est industrialiste. Ses applications. - Ses limites: 46-41. - LA RELIGION. - Rapports intimes de la pensée religieuse avec la politique. - Philosophie du sentiment religieux. - La spiritualité constantienne: 51-55. Religion et liberté. - Religion et histoire. - La religion et la Charte. - Religion et ultras. - Abus du catholicisme: 55-59. Traditions gallicane, janséniste et protestante: 60. - EDUCATION ET INSTITUTIONS. - Position du libéralisme. - Contre la mainmise de l'Etat. - Nécessité d'accorder les institutions savantes aux temps modernes. - L'enseignement mutuel: 60-64. Chapitre III. -
LE MINISTÈRE RICHELIEU • .. .. .. .. .. .. ..
Rédacteurs, ministère et ministériels: 65-68. - Rédacteurs et ultras: 68-72. - Libéraux et doctrinaires: 72-73. - Le projet de loi électo-
65
TABLE DES MA T1ÈRES
422
raie. - Elections: 73-75. - Projet de loi sur la liberté individuelle. - Abus: 76-79. - Projet de loi sur les journaux et les écrits. Abus: 79-86. - La libération du territoire, budgets et emprunts: 86-91. - Le Concordat: 91-93. - Projet de loi sur le recrutement. - Réclamations. - Garde nationale: 93-96. - Le Conseil d'Etat: 96. - Discours écrits ou improvisés: 96-97. - Appréciation du ministère. - Remaniement ou changement éventuel: 97-98. Chapitre IV. -
LE MINISTÈRE DESSOLLES-DECAZES . .. ..
99
Démission du ministère Richelieu et formation du nouveau ministère. - Appréciation des deux ministères: 99-100. - Demande de réformes: 100-102. - Lutte contre les ultras: 102-103. - La proposition Barthélemy. - Riposte de la gauche. - Attitude équivoque du ministère. - Amorce d'un rapprochement entre le pouvoir et la droite: 103-106. - Projet avorté sur la responsabilité des ministres: 106-107. - Lois sur la presse: 107-108. - Discussion du budget et implications pour les partis: 108-110. - Revirement de Decazes. - II s'oppose à de Serre. - De Serre adopte la politique de Decazes. - Réaction de la Minerve à l'occasion des pétitions: 110-114. - Lutte ïedoublée contre la droite et le centre: 114-116. - Victoire électorale des libéraux dans quatre départements. - Constant est élu par la Sarthe: 116-117. - L'affaire Bavoux: 117-118. - Les élections de la troisième série. - Election de Grégoire. - Tollé soulevé dans la presse. - Rapprochements avec la réaction en Europe: 118-121. - La Minerve s'en prend aux doctrinaires. - Elle formule ses griefs contre le centre et le ministère: 122-124. - L'Affaire de la Société des Amis de la liberté de la presse. - Attaques véhémentes contre Decazes. - Entente et désaccords du ministère: 124-128. Chapitre V. -
LE MINISTÈRE DECAZES .. .. ., .. .. .. .. ..
129
Rupture de la gauche avec le nouveau ministère: 129-130. L'exclusion de Grégoire. - Prévision d'un système de réaction. L'« Acte additionnel» de Decazes, les doctrinaires et les ultras: 130-135. - Le droit de pétition. - Tentatives de rapprochement entre Decazes et les ultras. - Le rôle des doctrinaires. - Les événements d'Espagne. - Plans des ultras: 135-138. - Appels au ministère. - L'assassinat du duc de Berry et ses effets. - La Minerve prend la défense de Decazes: 138-140. - Le second ministère Richelieu. - Le recueil multiplie ses mises en garde contre la contre-révolution et les projets répressifs: 140-144. Chapitre VI. -
PROPAGANDE ET FAITS DIVERS .. .. .. .. .. ..
Propagande des ultras et libéraux: 145-146. - L'assassinat du juge Fualdès: 147. - Les événements de Lyon et de Grenoble: 148-150. - L'attentat contre Wellington: 151. - Le projet d'enlever Alexandre: 151-152. - La Note secrète: 152. - La Conspiration dite du bord de l'eau: 152-153. - Les procès de Wilfrid Regnault et de Charles Lainé: 153-154. - Souscriptions en faveur de Wilfrid Regnault et des naufragés de la Méduse: 155-156. Le Champ d'Asile: 156-163. - L'Ermite de la Guyanne : 163-169. - Les enseignements des faits divers: 169-174.
145
TABLE DES MATIERES Chapitre VII. -
POLITIQUE MONDIALE . ..
.. ..
423
175
Généralités: 175-180. - L'Angleterre: 180-189. - L'Allemagne: 189-198. - Les Pays-Bas: 198-200. - La Suisse: 200-202. L'Autriche: 202-204. - L'Italie: 204-205. _. Les Pays scandinaves : 205-207. - La Russie: 207-209. - La Pologne: 209-210. L'Empire ottoman: 210-211. - L'Espagne: 211-215. - L'Amérique espagnole: 216-218. - L'Amérique du Nord: 219-222. Chapitre VIII. -
TRANSPOSITIONS HISTORIQUES .. .. .. ..
223
Ultras et libéraux s'affrontent à travers la Révolution et ses prolongements: 223-224. - Les crimes de 1815 sont divulgués: 224225. - Les campagnes de 1815 sont commentées: 225. - Le prisonnier de Sainte-Hélène: 225-227. - Les Lettres sur les CentJours: 227-233. - Explication de la Révolution et de ses différentes phases: 233-238. - La' France est identifiée avec les gestes de l'Empire et de la Révolution: 238-241. - Eclairage libéral des XVI', XVlI' et XVIll" siècles: 241-246. Libéralisme et Moyen Age: 246-248. Chapitre IX. -
ELÉMENTS D'UNE ESTHÉTIQUE LIBÉRALE
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Prospection des annonces des libraires: 249-254. - Appréciation des contemporains illustres. - Héritage poétique et dramatique. Mme de Staël et Chateaubriand. - Ginguené. - Marie-Joseph Chénier. - Lemercier. - Dussault. - Volney. - Kératry. - Poétique et lexicologie. - Historiens, Rulhière et Daunou, Daru et Ségur. Publicistes, économistes et juristes: 254-261. - Les Académies et l'activité de l'Académie Française. - L'Athénée royal. - La Société philotechnique: 261-267. - Comparatisme littéraire. L'Italie - L'Angleterre. - L'Espagne. - Le Portugal. - L'Allemagne: 267-274. - Le Débat romantique. - Les incartades de Schlegel. - Tissot. - Constant. - Jay. - Aignan: 277-282. Chapitre X. -
ACTUALITÉ LITTÉRAIRE ET SAVANTE . .. .. ..
La poésie s'engage contre les ultras. - Contre les Alliés. - Contre les abus du régime. - Elle chante les gloires de la France postrévolutionnaire. - Elle les recherche à travers l'histoire. - Elle affirme son positivisme dans les sujets des concours. - Elle se fait parfois badine. - Evocation creuse des thèmes usés. - Enigmes, charades et logogriphes. - Poétique surannée et attente de renouvellement: 283-291. - Conditions des théâtres. - Les pièces tragiques. - Le tragique se fait historique et national. - Le drame, la comédie héroïque et le mélodrame traduisent les mêmes tendances: 291-301. - Le comique se fait historique ou fustige les abus du régime. - Ebauche de caractères. - Thèmes usés. - Adaptation des contes légendaires, populaires et littéraires. - Recours à la satire :301-307. - Les «théâtres lyriques ». - Confusion des «genres ». - L'Opéra. - L'Opéra-Comique. - Le Thâtre royal italien. - Autres manifestations: 307-312. - Le roman. Mme de Genlis. - Mme Riccoboni et Mme Cottin. - Mme Elisabeth de Bon. - Philosophisme, sensibilité et sensiblerie se retrou-
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TABLE DES MATIÈRES
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dans It!s romans. - Condamnation des écarts romanesque:>. Défense d'une esthétique éprouvée. - Les femmes-auteurs. - Le roman anglais et allemand. - Les nouvelles des recueils. - Tableaux de mœurs. _. Pensées, maximes et sentences. - Mélanges: 313-319. - Sciences exactes et sciences humaines. - L'archéologie. - La géographie. - La géophysique. - Botanique, zoologie et médecine. - Mathématiques appliquées. - Académie de marine. - Physique: 319-322. Chapitre XI. -
EVOCATIONS PLASTIQUES .. .. .. .. .. .. .. ..
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Pour un art engagé. - Les arts sont spirituellement et socialement motivés. - Art et histoire. - Contre l'art aristocratique et religieux. - L'antiquité constitue toujours une base sûre pour l'imitation. L'Ecole de David est synanyme de l'héritage libéral: 323-326. Les Salons de 1817 et 1819. - L'épopée impériale. - Les Bourbons restaurés. - Les portraits des hommes au pouvoir. - Les victimes royales de la Révolution: 326-329. - Exotisme impérial et tableaux de piraterie. - L'épopée d'Henri IV. - Motifs féodaux et chateaubrianesques. - Motifs historiques étrangers et nationaux. - La guerre de cent ans. - Autres transpositions: 329-333. Motifs religieux. - Descentes de croix et miracles du Christ. Vierges et Assomptions. - Les saints. -- Les martyrs. - Motifs bibliques. - Paysages d'Eglises: 333-3336. - L'Antiquité considérée comme un alibi. - Renaissance et Antiquité. - Sensualité et paganisme. - L'amour à l'antique. - L'allégorie. - Thèmes légendaires: 336-340. - Thèmes «indifférents:. des bourgeois. Portraits non «engagés:.. - Paysages prometteurs. - Conclusion: 340-343. Chapitre XII. -
TRANSPOSITIONS LITTÉRAIRES .,
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Littérature et liberté. - Littérature et perfectibilité: 345-346. Réhabilitation du XVIII' siècle. - Ecrivains de second plan. - VauTurgot. Malevenargues. Duclos. Saint-Labert. sherbes. - Voltaire. - Montesquieu. - Rousseau. - Diderot: 346-351. - Réhabilitation dans le sens libéral du XVII' siècle. Les œuvres de ce siècle n'ont pas été inspirées par Louis XIV. Elles ne coïncident pas avec son règne. - Bossuet et Pascal. La Bruyère. - La Rochefoucauld. - Fénelon: 351-354. - La Réforme. - Montaigne. - Michel de l'Hospital. - Marot. Jodelle: 354-355. - Le Moyen Age. - Jeanne d'Arc. - Les Mystères. - Les Fabliaux. - Condamnation d'affabulations féodales. - La figure de Charlemagne: 355-356. - Le prestige des littératures antiques. Appréciation des littératures grecque et romaine. - Publication de textes. - Conclusion: 356-361. CONCLUSION . . . . . . . . . . . . .
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RÉPERTOIRE DES COLLABORATEURS
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INDEX DES NOMS PROPRES .. ..
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