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le mercantilisme
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,.. pierre deyon maître de conférences à la facilité des lettres et sciences humaines de Lille
le mercantilisme
questions d'histoire
Sur la couverrure : De Bry: Emblemata, «Le Marchand *, 1953,
British Museum. Cliché J. R. Freeman. © Weidenfeld
and Nicolson.
collection dirigée par marc ferro
flammarion lIBRARY
r
CHRONOLOGIE
QUELQUES FAITS ESSENTIELS OU SIGNIFICATIFS
1492 15°2 15°3 15°5 1511 1519 ~
;
1529 1533 1536 1545 1549 1554 1557 © FLAMMARION,
1558
1969.
l
Christophe Colomb découvre les
Antilles.
Christophe Colomb débarque au
Honduras.
Organisation du commerce hispano
américain (Casa de contratacion à
Séville).
Les Portugais au Mozambique.
Les Portugais à Malacca et aux
Moluques.
Cortez au Mexique. Départ de Magel
lan. N. Copernic : Discours sur la
frappe des monnaies. Pizarre au Pérou.
Prise de Cuzco.
Almagro au Chili.
Ouverture des mines du Potosi.
Rédaction du Campendious or brief
examinations of certain ordinary cam plaints...
Invention de l'amalgame pour extraire
l'argent du minerai.
Banqueroutes et crise financière inter
nationale.
Ortiz adresse au roi d'Espagne son
p LE MERCANTILISME
6
1581 1587 1588
1600
à
1613 1615 1618
1619
1620
1621
7
mémoire Pour que les monnaies ne sortent pas du royaume. Response de Jean Bodin au Paradoxe de M. de Malestroit sur le fait des monnaies.
Edit de Louis XIII permettant aux
nobles le commerce de mer et l'arme
ment maritime sans risque de déro
geance.
La Gomberdière : Nouveau règlement
Théâtre d'agriculture.
rable.
Révolte des gueux aux Pays Bas.
général sur toutes sortes de marchan Drake attaque la Carrera d;S In~es.
dises.
Edit royal en France pour genérahser
1635 Fondation d'une compagnie française
des îles d'Amérique.
le système des jurandes.
1637 Création en Suède du Collège des
Drake bloque Cadix.
Davanzati : Lezione delle Monete.
Mines.
1638 Botero : Cause della grandezza e magni
Fermeture du Japon aux étrangers.
ficenza della citta. Défaite et dispersion
1640 Début de la Révolution d'Angleterre.
1644 dans la Manche et la Mer du Nord de
Tarif protecteur français concernant
les textiles.
l'Armada espagnole.
Création de la Compagnie anglaise des
16 46 Eon (en religion le père Mathias
Indes orientales. Olivier de Serres : de Saint Jean) : Le Commerce hono
1572
1600
CHRONOLOGIE
1610
Rédaction et édition des principaux Mémoires et traités de B. de Laffe
mas.
Compagnie néerlandaise des Indes
orientales.
Création de la Banque d'Amsterdam,
et trêve de 12 ans entre l'Espagne et
les Provinces-Unies.
Serra : Breve trattato delle cause que
La Fronde. Les traités de Westphalie. Premier acte de navigation en Angle terre. Création en Suède du Collège du Commerce. Première guerre ang1o-hollandaise. Les Néerlandais enlèvent Le Cap aux Portugais. Ruine de l'Empire hollan dais du Brésil. Fin de la Fronde. fan abondare i regni d'oro e d'argento.
Les Anglais à la Jamaïque. A. de Montchrétien : Traité de l'Eco
Traité des Pyrénées. Taxe française de 50 sous par tonneau sur les vais nomie politique.
Débuts de la guerre de Trente Ans.
seaux étrangers. 1660 Fondation de Batavia.
Deuxième acte de navigation anglais. Les pèlerins du « Mayflower » en
Traité d'Oliva et de Copenhague. 1661 Création du Board of trade and plan Amérique.
Compagnie néerla!1daise des In~es
tations. La Banque de Palmstruch occidentales et repnse de la guerre hlS
émet en Suède et pour la première fois en Europe une monnaie de pano-hollandaise.
Th. Mun: A Discourse of trade to the
papier. Réforme monétaire anglaise. Pierre de 1662 east Indies.
Misselden : Free trade.
La Court: Van Interest van Holland. Les Hollandais chassent les Anglais
Nouveau tarif français. Création des Compagnies françaises des Indes d'Amboine.
LE MERCANTILISME
8
F CHRONOLOGIE
occidentales et orientales. Les Anglais tennent La Nouvelle Amsterdam. h. Mun : England' s treasure by
foreign trade.
1665-1667 1665 1667-1668 1667 1668
17°3 1707
.
1710 17IZ
Deuxième guerre anglo-hoilandaise. Les Français à Saint-Domingue. Guerre de Dévolution. . Nouveau tarif français. .J. Child : Brief observations concermng trade and interest of money. J. Becher:
1713
Discours des causes des progrès ou de la décadence des empires, des villes, des républiques.
1669 1670 1672 1674 1673 1675 1681 1682 1685 1688 1690 1691 1694 1695 1695 à 1704 1699 1700 17°2-1714
Règlement de Colbert concernant la draperie. Compagnie française du Levant. . Troisième guerre anglo-hollandaIse; 1672-1678 guerre de Hollande. . Edit pour le commerce des négOCIants en gros et en détail. Edit renouvelant les décisions de 1581 et 1587 sur la généralisation des jurandes. J. Savary: Le parfait négociant. Ouverture du canal du Midi. Pierre le Grand est proclamé Ts~r. Cavelier de La Salle descend le Mis sissipi. Révocation de l'Edit de Nantes. Seconde révolution d'Angleterre. Débuts de la guerre de la Ligue d'Augsbourg. J. Child : A Discourse about trade. W. Petty L'Arithmétique politique. D. North: Discourse upon trade. Création de la Banque d'Angleterre. Boisguilbert : Le Détail de la Fra.nce. Publications de plusieurs essaIS de C. Davenant. Traité commercial franco-hollandais. Acceptation Kar Louis XIV du tes tament de C arles II. Guerre de succession d'Espagne.
1716 1717 1720 1722 1724 1725 1729 1732 1736 t
1742 1744 1748 1752 1754 1755 1758 1763
9
Traité commercial anglo-portugais de Methuen. Vauban: La Dîme royale. Boisguilbert : Le Factum de la France. Compagnie anglaise de la mer du Sud. Boisguilbert: Traité des grains et Dis
sertation sur la nature des richesses. Traités d'Utrecht. L'Espagne accorde à l'Angleterre le vaisseau de permis sion et le privilège de l'asiento concer nant l'importation des esclaves noirs dans les colonies espagnoles. Création de la banque de Law. Saint-Pétersbourg, capitale de Pierre le Grand. Création de la Compagnie française d'Occident. Faillite et fuite de Law. Fondation aux Pays-Bas de la Compa gnie d'Ostende. La Bourse de Paris. Possochkov : Le Livre sur la pauvreté
et la richesse. Colonies anglaises des Carolines. Fondation de la Georgie. Création de la Banque de Copen bague. Dupleix gouverneur général de l'Inde française. Débuts de la guerre franco-anglaise. Traité d'Aix-Ia-Chapelle. D. Hume: Discours politiques. Rappel de Dupleix et traité de Gode heu, recul français en Inde. Nouvelle guerre franco - anglaise. R. Cantillon : Essai sur la nature du
commerce en général. Quesnay : Tableau économique. Véron de Forbonnais : Recherches et consi
dérations sur les finances de la France. Traité de Paris. Liberté d'exporta dons des céréales françaises.
10
1765 1774-1776 1776
LE MERCANTILISME
r
i
Frédéric II crée la Banque de Berlin. Tentatives réformatrices de Turgot. Déclaration d'indépendance des É~ats Unis d'Amérique du nord. A. Smith:
La Richesse des nations.
INTRODUCTION
A LA RECHERCHE D'UN MYTHE
Le mercantilisme a été défini et baptisé par ses adver saires. Comment s'étonner. qu'ils l'aient mal nommé? Pour mieux le discréditer, ils ont feint de ne retenir que son aspect commercial, et ils ont réussi à donner à l'ad jectif mercantile une nuance péjorative et odieuse. Dénonçant dans le mercantilisme le triomphe des inté rêts égoïstes des marchands, ils ont ignoré qu'il était aussi un système manufacturier, agricole, et toute une concep tion de la puissance étatique. Leur choix parait d'autant plus discutable que les marchands se sont presque tou Jours méfiés de l'intervention de l'Etat dans le négoce, et que bien des mercantilistes ont dénoncé leur égoïsme ou leur étroitesse d'esprit. A. Smith et le marquis de Mirabeau ne parlaient en vérité que de « système mer cantile ». Les historiens économistes allemands de la seconde moitié du XlXe siècle crurent donner à ce« sys tème II une plus grande dignité philosophique en sub stantivantet idéalisant l'adjectif. Ils célébrèrentleMerkan tilismus, lui rendant ainsi un bien mauvais service. Des grands mots en « isme ll, on attend en effet une certaine cohérence, un certain niveau d'abstraction philoso phique; or le mercantilisme ne constitue pas, n'a jamais constitué une doctrine sociale organisée avec sa Bible, son Eglise et ses prophètes. Du XVIe au xvm e siècle, per sonne ne s'est déclaré mercantiliste, et il n'existe aucune profession de foi permettant de classer par comparaison
12
LE MERCANTIUSMB
les écrits et les pratiques économiq,ues du teIll;ps. Cette situation a introduit une certame confUSIon dans l'histoire des théories économiques. n n'existe pas de définition commune du mercantilisme et de ses carac tères fondamentaux. Ceux-ci retiennent le nationalisme autarcique, ceux-là l'interventionnis1I!-e de l~tat, d'au~es encore attachent une importance prlffiordlale au .bulho nisme, c'est-à-dire à la croyance que l'acc~ulatlon des métaux précieux est la seule forme de la nchesse. Sel?n les auteurs, tels économistes de l'époque clas~que, C.hild ou Cantillon par exemple, ~ont c1as,ses tantot par~l1 les mercantilistes, tantôt parml les precurseurs. ~u l;~éra lisme. Selon les critères que chacun a ChOISIS, 1 ecole s'enrichit de nouvelles recrues, ou voit désertet ses rangs. Là où certains célèbrent sa féconde diversité, d'autres signalent avec complaisance les oppositions et les rés~ves suscitées par son fétichisme de l'or. Le grand livre d'E. F. Heckscher Le Mercantilisme, paru en 193 1 en su.é dois, traduit en 1932 en allemand, et dès. 1935 en angll!ls, n'a pas dissipé toutes les incertitudes, bIen au contrarre. Heckscher considère le mercantilisme comme un sys tème d'idées, comme le programme d'une politique, mais il lui dénie toute aptitude à rendre c01I!-pte des mé~ nismes économiques du t~pS, et n,~ghge .tout à faIt l'influence des faits économlques sur 1evolunon de cette politique. En dépit de son immense érudition historique et de sa science de l'économie politique, le livre d'Heck scher n'est donc pa~ p~enu à ét~blir une sy~!hèse satisfaisante entre l'histOIre, les théones et les polinques
économiques. Certains ~e ses critiqu~s e~ O~lt conclu
que le mercantilisme étatt un syst~m~ ~~arre et une
notion inutile ou dangereuse et qu'Il etaIt vam de recher
cher l'unité de pensées fort diverses ou de politiques dis
parates et circonstancielles *.
La parution même de notre livre prouve que nous
n'avons pas cédé à cette tentation de l'hypercritique.
Nous accueillerons donc, à titre d'hypothèse, une notion
sanctionnée par un long usage. Nous considérerons pro
r
INTRODUCTION
13
visoirement le mercantilisme comme l'ensemble des théories et des pratiques d'intervention économique qui se sont développées dans l'Europe moderne depuis le Inilieu du xve siècle. Recherchant une éventuelle unité d'inspiration et de méthodes, nous étudierons, avec l'em pirisme qui caractérise souvent l'historien, les doctrines et les politiques des Etats européens de la Renaissance jusqu'au début de la Révolution industrielle. Sur les ruines des particularismes urbains et féodaux, nous rechercherons si les monarchies nationales ont su pro mouvoir de nouvelles formes d'activité économique. Sur les ruines des idéaux médiévaux d'universalité et de pauvreté évangélique, nous rechercherons si les hommes ont trouvé dans le service du Prince, et en attendant le triomphe de l'individualisme libéral, des justifications nouvelles à leur soif de richesse. Si l'histoire confirme la légitimité de l' « hypothèse mercantiliste », il nous restera deux problèmes à résoudre, celui des rapports du sys tème avec les faits, la conjoncture économique les réa lités sociales, et celui de son influence sur l'avènement du capitalisme moderne.
,
* T. H. MARSHALL, Economicjournal, 1935; A. V. JUDGl!S, Trans
actions of the royal mstoncal society, 1939 et D. C. COLl!lIlAN, Scan
dinavian economic history Rll'lliew, 1957·
r
PREMIÈRE PARTIE: Les
CHAPITRE PREMIER
POLITIQUES ET PRATIQUES
DU MERCANTILISME
1. - LES ANTÉCÉDENTS MÉDIÉVAUX
La commune. médiévale a légué à l'Etat moderne une solide tradition d'intervention dans la vie écono mi9ue et sociale. Elle ne restait indifférente à aucune des actIvités professionnelles et commerciales de ses bour geois, et elle exerçait sur les étrangers une surveillance sans indulgence. Les Etats monarchiques des )(Vil et XVIe siècles ont donc trouvé dans ce trésor d'expériences et de règle ments, les premiers éléments de leur politique écono mique; dans une certaine mesure le mercantilisme qui commence à s'affirmer en France et en Angleterre dans la seconde moitié du xv e siècle a étendu aux limites des jeunes monarchies nationales les préoccupations et les pratiques des cités du Moyen Age *. La réglementation de ces économies urbaines obéissait à certains impératifs que nous retrouvons dans la poli tique économique des monarchies européennes. Les échevins et les magistrats municipaux veillaient au ravi taillement de la ville en produits alimentaires et en matières premières, base de toute son activité écono mique. Ils cherchaient à lui réserver un certain nombre de fabrications et de négoces en combattant les concur " H. PIRl!NNl!,
1951, p. 356.
Histoire économique de l'Occidmt médiéval, Bruges,
16
LE MERCANTILISME
rences du plat pays et des autres cités. Enfin ils contrai gnaient les étrangers, venus en ville, à passer par les inter médiaires indigènes. Nous allons retrouver dans le cadre d'une politique intéressant cette fois l'ensemble d'un Etat les mêmes soucis et les mêmes attitudes. La similitude est particulièrement nette dans le cas des principautés italiennes, nées aux XIVe et xve siècles autour d'une ville. Les Sforza à Milan, les Médicis à Florence, les Bentivoglio à Bologne protègent les communautés professionnelles urbaines, encouragent et subvention nent les inventeurs, les entrepreneurs d'avant-garde, citadins ou étrangers. Ils s'intéressent avec la même sollicitude aux armuriers, aux bronziers, aux verriers, aux drapiers et aux artistes. L'amour de l'art, le goût du prestige, les soucis militaires ou financiers expliquent au même titre cet interventionnisme étatique. Les prmces aux origines bourgeoises, parfois même obscures, connais sent bien la solidarité du pouvoir et de la richesse, ils soignent la prospérité des citoyens qu'ils asservissent. Mais les linutes d'une ville et de son contado, celles d'une principauté même sont bien étroites et les principats sou vent trop éphémères. Les grandes monarchies occiden tales bénéficint d'autres avantages et d'autres possibi lités. Dès le milieu du XIIIe siècle, le Parlement et la Couronne d'Angleterre prennent des mesures favorables à l'industrie lainière britannique. En 1258 le Parlement d'Oxford prohibe temporairement les exportations de laine brute. Au siècle suivant les exportations sont auto risées, mais les droits de sortie pour la laine sont consi dérablement augmentés. Sans doute des préoccupations diplomatiques, fiscales justifient aussi ces dispositions; le souci protectionniste est cependant déterminant dans les déciSions de 1455, 1463 et 1464, qui prohibent les lainages et les soieries étrangères. Autre anticipation mercantiliste: le souci d'éviter les sorties de numéraire et les exportations d'or et d'argent. Dès 1381 le Parlement sollicite l'avis des experts à ce sujet, sur leur recommandation, on oblige les marchands étrangers à réemployer en acllats sur le marché anglais la moitié puis la totalité de leurs ventes. En 1419, pour éviter la fuite des espèces précieuses, le Parlement décide que les fournitures et le ravitaillement de l'armée en
I - I T l Q V E S ET PRATlQVl!S DU Ml!ItCANTlLlSMB
! .
17
France pro~iendraient d'Angleter~e, et que la so~de des soldats serait payée sur le prodwt des exportations de laine vers la Normandie. Mesures temporaires sans doute, mais combien significatives. Les marchands étrangers sont les vicitimes toutes désignées de ce nationalisme écono- mique en gestation et, en 1439 puis 1455, les Londoniens pillent les demeures et les comptoirs des Italiens. La monarchie Tudor a repris, systématisé toutes ces initiatives, elle a substitué à des velléités désordonnées une véritable politique nationale. D'un même élan, elle a défini le programme de l'absolutisme monarchique et celui du mercantilisme. Mais alors que le premier sus citait des difficultés entre le Parlement et la Couronne, le programme économique, lui, bénéficiait dans une large mesure des suggestions et de l'appui des Communes, au sein desquelles parvenaient à s'exprimer les intérêts des grandes villes et des marchands. En France aussi, les progrès du Pouvoir central au lendemain de la guerre de Cent Ans, et les nécessités financières incitent le sou verain à intervenir plus régulièrement dans la vie éco nomique. A plusieurs reprises, Louis XI a exprimé son inquiétude à propos des sorties d'or et d'argent, « d'où peut s'ensuivre la totale ruine et destruction du royaume)). Pour éviter cette hémorragie, il accorde des privilèges nouveaux aux foires de Lyon, il essaie de contrôler les transferts destinés à la cour de Rome. Pour diminuer le prix des importations du Levant, il accorde son aide à la Compagnie des Galées de France, lui donne tem~orai rement un monopole d'importation des droguerIes et épices du Levant. Il encourage la production minière en France, et favorise les manufactures de draperie légère ou sayetterie. En introduisant le travail et le tis sage de la soie, il cherche à diminuer les achats de pro duits de luxe à l'étranger, et à établir une meilleure balance commerciale. Cet interventionnisme répond à la fois aux intérêts de quelques grands marchands et aux besoins financiers du souverain, conscient de l'étroite solidarité entre la :euissance monarchique et la prospérité nationale. En habile politique, Louis XI a pris soin de s'assurer des conseils et de l'approbation de plusieurs assemblées de notables. Il a ainsi créé une tradition, et tout au long du siècle suivant, des Etats généraux de
18
LE MERCANTILISME
1484 à ceux de 1614, en passant par les assemblées de Blois, d'Orléans, etc., la monarchie pourra trouver, dans les cahiers du Tiers et souvent dans les cahiers communs des trois Ordres, les mêmes propositions concernant le commerce, les manufactures, le mouvement des espèces, les encouragements nécessaires à la marine, c'est-à-dire toutes les justifications et les principaux articles d'une grande politique mercantiliste. II. - DANS LA FASCINATION DES TRÉSORS AMÉRICAINS. L'ÉBAUCHE AU XVIe SIÈCLE D'UN PREMIER MERCANTILISME
La conscience d'une communauté d'intérêt, le projet d'une politique économique supposaient naturellement un progrès du sentiment national et un renforcement de l'Etat. Toutes les grandes monarchies européennes du XVI'! siècle, avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de continuité, se sont engagées dans cette voie de l'in terventionnisme économique. Parmi leurs conseillers, leurs officiers de finance, les préoccupations relatives à la balance commerciale, au développement des manufac tures, et aux mouvements internationaux des espèces devenaient de plus en plus obsédantes. Ainsi peu à peu se constituait, à travers bien des tâtonnements et des contradictions, une première science des richesses qui exprime à sa façon le volontarisme humaniste de la Renaissance. L'auteur an~lais des dialogues, rédigés au milieu du siècle, et pubhés en IS8I, sous le titre A Compendious or brie! examination of certain ordinary com plaints *, met dans la bouche de l'un de ses personnages des recommandations bien significatives : « Par l'arrêt de l'importation des marchandises fabriquées à l'étran ger, et qui pourraient l'être chez nous, par la restriction de l'exportation à l'état brut de nos laines, peaux et autres produits, par la venue sous le contrôle des cités d'artisans habitant au-dehors, fabriquant des marchan dises susceptibles d'être eXl?ortées par l'examen de ces marchandises, et par l'appOSition sur elles, avant qu'elles puissent être vendues, du sceau de la ville, je pense que * J.-Y. LB BRANCHU. Ecrits notables sur la monnaie, .•• Paris. t. II, p. 188.
1934.
rOLITIQUES ET PRATIQUES DU MERCANTILISME
r i
19
nos cités pourraient bientôt retrouver leur ancienne richesse. )) Dans La grande monarchie de France, Claude de Seys sel déclare en ISIS que la puissance du pays réside dans ses r~erves d'or et d'arg~nt. L,e royaume, pense-t-il, doit pro~b~r toutes les sortIes d espèces, sans crainte de represailles, car .seul en Europe, grâce à ses richesses naturelles, il peut se passer de ses voisins. Quelques mois plus tard, devant le Parlement de Paris, le chancelier Duprat p.résente les mêmes. propositions. En Espagne, LUlS OrtlZ dans son mémOIre Pour que la monnaie ne sorte ./Ja! du royaume veut remettre au travail son pays, mul~~pher les !llanufact';U'es, interdire l'exportation des matlc:res premtères tendes. Nous étudierons plus loin la naissance de la théorie économique, qui a inspiré et soutenu les efforts des monarques, soucieux de l'état de leurs financ~ e! des besoins ~es armées et des diplomates. On pourraIt cIter de multIples témoignages de cette co~vergence des pensées et des plans des hommes d'Etat, malS !1?US n'avons pas l'intention d'étudier par le détail la poltuque éconOmIque de chaque souverain du XVIe siècle europ~n, nous allons surtout tenter d'en dégager les caracteres communs. C'est aux mouvements monétaires que les gouverne ments attachèrent peut-être le plus d'attention. Partout on veut mettre fin aux sorties de numéraire. En France, des déclarations royales renouvellent en 1 s06 1 S40 15,48, IS74 cette prohibition. En Angleterre, on ~a plu~ lorn et pour m,ettre en échec les fraudeurs, et tous les trafics c1~destrns sur les lettres de change, on essaie à deux repnses, en 1546 et en 1576, de soumettre tout ce négoce des changes au contrôle d'agents gouvernemen t~ux, c'est un échec. Echec aussi de toutes les disposi tIons concernant le transport à l'étranger du numéraire. Comment surveille~ les ~rontièr~, les ports, alors que le gouvernement dISpOSait de SI peu d'agents et de si lents moyens de transmission; comment ne pas admettre enfin les !"r~ents d~ marc:hru:ds, invoquant la nécessité ~e certames lmportatIons mdispensables aux fabrica tIons françaises ou préalables à certaines réexportations. Le caractère élémentaire de la théorie de la bafance com merciale condamnait à l'impuissance les velléités gou
20
LE MERCANTILISME
vernementales. Pour se convaincre de l'inefficacité totale de tous ces règlements, il suffit d'évoquer le cas de l'Es pagne d'où l'or et l'argent ne pouvaient pas théorique ment sortir, et dont cependant les pistoles d'or et les réaux d'argent circulaient dans toute l'Europe occidentale*. Il était plus facile de susciter de nouvelles productions et de leur accorder des privilèges contre les concurrents étrangers. En An~leterre, en France, la Couronne accorde ainsi des subventlons aux manufacturiers qui inaugurent des fabrications. La reine Elizabeth distribue généreuse ment des monopoles temporaires à tous ceux qui intro duisent dans l'île de nouvelles activités : les industries de l'alun, du salpêtre, du savon, des glaces et de la faïence, la fabrication des canons ou le raffinage du sucre de canne. C'est peut-être en France que cette interven tion directe du pouvoir monarchique s'est faite la plus multiforme et la plus systématique, annonçant déjà la pratique des manufactures royales de l'époque d'Henri IV ou de Louis XIV. François 1er crée à Fontainebleau une manufacture royale de tapisserie. Henri II confie à un Bolonnais, avec un monopole de 10 ans, la fabrication des glaces à la vénitienne, et Catherine de Médicis conti nue à protéger la soierie d'Orléans et de Tours. Ce sont là bien entendu des créations fragiles souvent éphémères, ent trop de l'appui d'un trésor royal sou car elles d vent vide. ais à côté des subventions en numéraire, les souverains disposent maintenant de tout un arsenal de mesures prohibitionnistes et de taxations pour mettre les fabrications nationales à l'abri de la compétition étran gère. Charles Quint défend sévèrement l'exportation du lin, du chanvre et soumet les lainages étrangers à des règlements et à des contrôles tatillons. Cosme de Médicis interdit l'entrée à Florence des draps étrangers et l'exportation des soies brutes. En France, les restric tions imposées à la libre importation concernèrent tout d'abord les produits de luxe, draps d'or et d'argent, satins
~ITIQUES
ET PRATIQUES DU MERCANTILISME
21
! guedoc, ~~amas.François Puis en 1538, à la demande des Etats de Lan 1 interdit l'entrée des draps de Cata er
logne et de Castille. Aux Etats généraux de 1576, le Tiers demande l'exclusion de tous les manufacturés étrangers. En 1581, pour la première fois un tarif général d'entrée fut imposé à toutes les frontières, et l'assemblée des Notables de 1583 réitéra les demandes de l'assem blée de 1576. Il est un dernier earactère de l'intervention étatique dans l'éconorilie du XVIe siècle qui mérite de reterur l'attention. E. Heckscher a insisté dans son livre classique sur ce caractère uni1lcateur du mercantilisme (ein emheitsbildendes System). C'est vrai pour l'Espagne de Philippe II, pour la France d'Henri III, où l'édit de 1581 tente d'imppser une organisation uniforme des communautés de métier. C'est vrai pour l'Angleterre, où le statut des artisans réglemente en 1563 l'apprentis sage et la procédure de fixation des salaires, tandis que les Poor Laws établissent un système uniforme d'assis tance. Dans toute l'Europe occidentale, les princes s'ef forcent, avec un succès mégal, de faciliter les relations à l'intérieur de leurs Etats, de réduire les péages et les tonlieux, d'organiser les postes. Il ne faudrait cependant pas pécher par anachronisme, et exagérer le caractère moderne de l'administration royale au XVIe siècle. Les entraves à la libre circulation des hommes et des marchandises demeurent innombrables dans chaque Etat. Les taxes levées aux frontières sur les marchandises étrangères conserVent encore souvent le caractère de simples droits fiscaux, et il n'est pas toujours facile de savoir si la fixation des tarifs correspond à des considérations financières ou protectionnistes. Pour de nombreuses marchandises, y compris des manufacturés, le tarif français demeure au début du XVIIe siècle plus élevé à la sortie qu'à l'entrée, la crainte de la famine, de l'interruption de l'approvisionnement, ou de la cherté justifient sans doute ce paradoxe. Pour les mêmes motifs, le roi d'Espagne interdit de 1552 à 15591'exportation des tissus espagnols, espérant ainsi freiner la hausse des prix castillans! Nulle part les idées et les « recettes » ne constituent encore une doctrine cohérente. Les plus p:ands esprits du siècle hésitent entre la théorie quantitatlviste de la mon
.. Dès le début du XVI" siècle, les rois catholiques ont cependant établi tout un système de prohibitions et de monopoles : interdiction d'exporter l'or et l'argent sous peine de mort, obligation pour les mar chands étrangers de faire leurs retours en marchandises espagnoles contrôle des importations de métaux précieux et droit de quinto pour le roi, monopole de pavillon entre Séville et l'Amérique, etc.
l
LE MERCANTILISME
22
naie et celle de la balance commerciale. En période de hausse européenne des prix, le protectionnisme manufac turier et le bullionisme ne risquent-ils pas d'accélérer l'inflation, nul n'est capable de percevoir clairement le problème et de résoudre l'apparente contradiction. L'ir régularité des récoltes, l'insécurité, la lenteur des rela tions maritimes et terrestres entretiennent l'obsession médiévale de la pénurie. Les théoriciens de l'intérêt national, les apologistes du profit colonial et maritime demeurent embarrassés par les arguments des théolo giens sur l'usure, le juste prix et le droit des gens, et partout les querelles religieuses obscurcissent le sens de la Real Politik. Nulle part l'Etat n'est assez puissant, l'appareil de gouvernement assez bien organisé à la base comme au sommet, les finances assez saines pour donner à l'inter vention princière l'indispensable continuité. Ce ne sont encore que mesures de circonstances, entreprises tem poraires, mais leur convergence, leur inspiration domi nante crée peu à peu une tradition, dégage progressivement les éléments d'un plan d'ensemble et annonce les grands projets économiques de l'Europe classique. III. -
LE MERCANTILISME AU XVIIe SIÈCLE.
L'EXEMPLE FRANÇAIS
En vérité, seules de tous les états européens, la France et l'Angleterre furent capables de mener au XVIIe siècle une politique économique cohérente et d'une relative efficacité; sans doute l'Espagne était trop affaiblie poli tiquement, trop embarrassée par son empire et ses pos sessions européennes, l'Italie et le Saint Empire trop divisés et trop dévastés par la guerre, la Suède trop liée à l'économie des Provinces-Unies, qui suivaient au même moment avec bonheur une voie originale. Plusieurs circonstances ont contribué à l'épanouisse ment du mercantilisme dans la France des Bourbons et l'Angleterre d'Elizabeth à Guillaume II 1. L'âpreté des compétitions internationales dans les quelles se trouvèrent engagés les deux pays excitèrent leur jeune nationalisme économique. L'enjeu était d'abord l'exploitation des richesses de l'Empire espagnol, que le
~
OLITIQUES
ET PRATIQUES DU MERCANTILISME
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pouvoir débile du souverain de Madrid et l'apathie de ses sujets ne parvenaient plus à animer; c'était encore le monopole des réexportations des drogueries et des épices orientales, le marché des manufacturés textiles, le béné fice de la navigation de la Baltique à la Méditerranée. L'Angleterre, avec méthode, après avoir dirigé ses coups contre la « Carrera des Indes )) et ses comptoirs améri cains, se tourna successivement contre la République néerlandaise, à laquelle l'opposèrent trois guerres mari times, puis contre la France louis-quatorzienne. La France elle aussi s'était inquiétée du trafic et de la pros périté des Hollandais. Le rôle que jouaient dans nos ports et dans nos régions atlantiques les marchands des Pro vinces-Unies paraissait à Colbert scandaleux, et la guerre de 1672 ne fut à ses yeux que le couronnement de toute une persévérante contre-offensive industrielle et commer ciale. L'épisode décisif de ces rivalités se déroula de 17°1 à 1713, quand1es deux puissances maritimes coalisées se dressèrent contre les prétentions françaises à recueil lir, d'un coup et par succession dynastique, l'héritage de Charles II d'Espagne. Toutes ces luttes présentèrent à côté de leurs aspects militaires, des aspects tarifaires, et commerciaux. Les efforts financiers imposés aux deux Etats français et anglais justifièrent davantage l'interven tion du gouvernement dans le domaine des activités éco nomiques, et le service de l'égoïsme national. La modernisation de l'appareil d'Etat a également contribué aux progrès de la pratique mercantiliste. En Angleterre le développement du service des douanes a permis d'établir une comptabilité plus exacte des échanges internationaux, tandis que le contrôle parle mentaire fournissait aux intérêts du négoce les moyens de se faire plus clairement entendre. De la même façon en France, la réforme tarifaire de 1664, aux frontières du territoire des cinq grosses fermes autorise une vision plus nette de la balance commerciale, et les bureaux qui se constituent peu à peu sous l'autorité du Contrôleur général peuvent suivre mieux les fluctuations de nos échanges. Les progrès de la réflexion théorique guident aussi plus sûrement les administrateurs et les ministres. Les œuvres de Mun, Child, Davenant et Petty jalonnent les premiers pas de l'économie politique; en France, Laffe
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mas, Montchrétien, Richelieu lui-même, inspirent direc tement Colbert. Une certaine laïcisation de la pensée politique sous l'influence du machiavélisme et des principes de la raison d'Etat justifie la science et la pra tique des richesses. Aux yeux de Colbert, les· moines sont presque des oisifs suspects, et les scrupules des théo logiens en ce qui concerne le prêt à intérêt entravent inutilement le commerce. Les circonstances conjoncturelles constituent un dernier élément favorable, elles apportent une justifi cation supplémentaire aux thèses mercantilistes. La baisse prolongée des prix or et argent, surtout au-delà de 1630, entretient une sorte d'angoisse monétaire. Partout, en Europe occidentale, manquent les espèces d'or et d'ar gent. Les échanges en sont gênés, les crises périodiques en deviennent plus redoutables, et les trésoreries pu bliques en souffrent, au moment même où les besoins des armées et des flottes exigent en quantités accrues l'or et l'argent, nerfs de la guerre. Le ralentissement de la production des mines américaines, la thésaurisation uni verselle sous forme de joyaux et de vaisselle, le déséqui libre des balances avec le Levant et l'Extrême-Orient expliquent sans doute cette pénurie. Mais l'Angleterre et la France ne peuvent s'en accommoder. Elles soup çonnent les Provinces-Unies d'accaparer une part crois sante du stock euroféen. Les financiers et les ministres sont contraints de s intéresser à l'équilibre des échanges commerciaux, qui conditionne la prospérité et la circu lation des espèces, intermédiaire indispensable du prélè vement fiscal. Ils ne peuvent ignorer non plus la longue récession qui affecte beaucoup de négoces et de manu factures au milieu du siècle. Le chômage et la misère entretiennent et multiplient les risques de séditions popu laires. Hier comme aujourd'hui, la crise économique pour des raisons politiques et sociales provoque l'intervention de l'Etat, et l'effort de Colbert est un plan de reconstruc tion, de relèvement national, tout autant qu'un service du Roi. Colbert a mis dans l'exposé de ses idées une clarté, une force de conviction et dans la réalisation de ses projets une énergie qui auraient mérité souvent un meilleur succès. Mais il a peu innové. C'est Barthélemy de Laffe-
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mas qui, le premier, au lendemain du désastre national que ~urent les guerres de Religion, se fit l'apologiste du tr~vatl cré~teur et ~'adversaire de cette léthargie écono Inlque qUI menaçaIt la France. Dans une douzaine de pamphlets, il exposé les idées que la commission du Çomm~rce,. cré~e en 1601 par Henri IV, adopta en par tie. Il lDSpIra egalement les mesures prises par le sou verain et son Conseil en faveur des manufactures de tapisseries, de soieries, et la tentative avortée de créer en 1604 une grande Compagnie française des Indes orientales. Pa,r l'intermédiair.e de son fils Isaac, auteur d'une His tmre du commerce de France, et par les écrits de Mont chrétien, La Gomberdière, et d'autres, ses idées ache vèrent d'entrer dans le domaine public où l'assemblée des Notables de 1627, Richelieu lui-même, puis Colbert n'eurent qu'à les relever. On retrouve souvent dans les écrits de Richelieu l'idée bru:mIe que l'argent es(~e nerf de la guerre; obsédé par la pUIssance d'Espagne, Il convoite les métaux précieux q~e.les flottes d'Amérique apportent chaque année à Sevdle. Pour détourner vers le royaume une partie de ce pactole, il imagine avec ses Conseillers le plan d'une vaste entreprise commerciale et coloniale. Grand maître de l'amirauté, gouverneur de Bretagne, il consacre à la renaissa?-ce de la marine et ~es po~ts de persévérants efforts, 11 encourage les tentatIVes faItes pour constituer en France de grandes compagnies de navigation: Com pagnie du Morbihan, Compagnie de la nouvelle France Compagnie de la nacelle de Saint-Pierre fleurdelisée, etc.*:. La diplomatie, la guerre, les révoltes intérieures, la maladIe et la mort l'empêchèrent de poursuivre l'exécu tion de ses projets, mais l'importance qu'il accorde à ces questions économiques dans son Testament politique, et les papiers divers qui constituent ses Mémoires disent assez ses intentions et le sens de la mission qu'il laissait à ses successeurs. Colbert n'eut donc pas le mérite de l'invention, mais personne ne lui conteste celui de la continuité et de la persévérance dans l'exécution, au long des 22 années dé son ministère; las, il n'était maître ni * H. HAUSER, La pensée et l'action économiques du Cardinal de Richelieu, Paris, 1944.
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de la conjoncture, ni de la bourse de son roi. Colbert a formulé dans sa correspondance et à plusieurs reprises les principes du plus strict mercantilisme. « On demeu rera facilement d'accord, écrit-il en 1664, qu'il n'y a que l'abondance d'argent dans un Etat qui fasse la différence de sa grandeur et de sa puissance »; il précise quelques années plus tard: « Il n'y a qu'une même quantIté d'ar gent qui roule dans toute l'Europe... on ne peut aug menter l'argent dans le royaume, qu'en même temps l'on en ôte la même quantité dans les Etats voisins. » On peut lire encore dans son mémoire de 1670 sur les finances : « Il faut augmenter l'argent dans le commerce public en l'attirant des pays d'où il vient, en le conser vant au-dedans du royaume, empêchant qu'il n'en sorte et en donnant des moyens aux hommes d'en tirer pro fit... il n'y a que le commerce seul et tout ce qui en dépend qui puisse produire ce grand effet *. Ainsi la prospérité d'un Etat ne pouvait être bâtie qu'aux dépens de ses voisins; à cette « guerre d'argent)) Colbert conviait la France et incitait son souverain. C'est peut-être l'aspect le plus curieux du colbertisme que ce pessimisme écono mique, qui refuse de croire à la possibilité d'un progrès d'ensemble, et cette conception statique du commerce mondial **. On retrouve ce même pessimisme dans la méfiance méticuleuse de bien des textes réglementaires et dans les propos du ministre qui attribuent à la fraude et à la mauvaise qualité de nos fabrications nos déboires commerciaux à l'étranger. Pour mener à bien cette guerre d'argent, Colbert a procédé à un nouvel aménagement des tarifs douaniers, il faut, dit-il, « décharger les entrées des marchandises, qui servent aux manufactures du dedans du royaume, charger celles qui demeurent manu facturées, décharger entièrement les marchandises du dehors, qui ayant payé l'entrée, sortent pour le dehors, et soulager les droits de sortie des marchandises manu l)
* P. CLÉMENT, Lettres et Mémoires de Colbert, Paris, 1861-186:2, t. VII, p. :239 et 55. ** Même argumentation dans une lettre de 1669 (P. CLÉMENT, Lettres, Introduction et Mémoires de Colbert, VI, p. :260 et 55.). Le com merce mondial est assuré par :20 000 bateaux et ce nombre ne peut être augmenté, car la population dans chaque Etat demeure stable et la consommation de même!
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facturées au-dedans du royaume ». Mais l'arme essentielle de cette cO!flpétition in~er!lat~onale, c'est le développement de la marIne, la multiplIcation des manufactures et des cO!flpagnies. de comme~ce, auxquelles Colbert voue des S~InS attentifs. Il pour~wt ~n cette matière l'œuvre esquis see par Laffemas, RichelIeu et Fouquet. Il veille à la levée de la taxe de 50 sous par tonneau Sur les vaisseaux étrangers fréquentant nos ports. Dès 1664 il accorde des pr~mes à la construction maritime et ces répliques fran çaISes des Actes de navigation britanniques lui per mettent de porter à la fin de sa vie les marines de guerre et de commerce à un niveau inégalé jusque-Ià. Il n'est p~s un se~e~r de !a production ma~ufacturière, pas un negoce lOIntaIn qUI échappe à son Intervention. Arse naux, fonderies de canons, manufactures de dentelle de bonnet.eri~, de bas de lain~ et de soie, draperie de lux~ ou dr~perle legère, C0I!lpagnte des Indes orientales, Compa gnte .des Indes occldentales, Compagnie du Nord, Com pagme ?U Levant ~é!léficient ~our à tour de son exigeante protectlOn. Il SollICIte ou exIge les concours, organise, subventionne, ~urveille et s'inquièt!!. Plus de 150 règle p.ents. de fabnque ch~rchent à faue de la production Irançatse une productlon de qualité sans pareille en Europe. Ils précisent la proportion des teintures, la lar geur des étoffes, le nombre de fils dans la chaîne les outils et les façons de tous les corps de métier. So~s le contrôle des intendants, un corps nouveau d'inspecteurs des manufactures est chargé de surveiller les fabrica tions et de constater les contraventions. Faute d'informations statistiques il est souvent diffi c.ile d'appréc:ier l'efficacité de ces entreprises et l'incer tItude entretIent encore les débats entre historiens. Bien des manufactures, bien des compagnies disparurent avant même la mort du ministre, et 1écart est grand entre les ambitions et les résultats. L'amertume marque souvent la correspondance de Colbert dans les dernières années de sa vie. Trop d'obstacles se sont opposés à ses entre prise~ : la réticence des marchands à participer à des com pagnIes semi-publiques, leur goût excessif pour les pla cements dans les affaires de finance, les offices ou la terre, l'insuffisance du système de crédit en France l'in digence de la paysannerie et l'absence d'un vaste ~rché
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intérieur la déflation internationale des activités et des prix. Le' tragique dans l'existence d~ Colbert naît ~out autant des caprices coûteux de LoUls XIV que dune conjoncture défavorable et de l'absten~ion partielle d~ la bourgeoisie française. Et pourtant le bdan n'est certalJ?e ment pas totalement négatif. Il reste ~ sa mo~t une m~rme reconstituée, une législation commerClale moms archruque, une draperie à nouveau prospère et une manufacture des toiles de lin et de chanvre qui est devenue la première d'Europe. Les Compagnies coloniales ont bien périclité, mais les Antilles et le Canada ont reçu de nouveaux colons, et tous les ports de l'Atlantique ont retrouvé une activité nouvelle. , La personnalité et l'œuvre de Co~bert ont SUSC1~~ de son vivant, puis après s~ mort d,e VIOlentes Opposltlons et d'âpres polémiques. Cible de bien des pamphlets clan destins il fut dès le lendemain de sa mort publique ment C::itiqué, puis dénoncé par l,es physiocrates et par les économistes libéraux, Il lUl fallut attendre près de deux siècles sa réhabilitation. List dans son Système d'économie nati07UÙe le célèbre comme un précurseur, E, Lavisse vante son esprit philosophique et ,:oit dans ~0!l œuvre la première m:inifestation ~u despotlsme ~cl!ure, P Boissonnade identifie le colbertlsme et le soclahsme d;Etat et R. Gonnard dans son Histoire des doctrines écono";'iques proclame le {( génie » de Colbert, ~écusant,la légende dor~ tout a!ltant que la légende, nOlre~ les his toriens d'aUJourd'huI cherchent surtout a expliquer les caractères et les limites de son œuvre, en fonctIOn des institutions et des idées de son temps. Boisguilbert et les économistes français du XVIIIe ont reproché à ~olbert d'avoir négligé l'agriculture, source de toute rIchesse, voire de l'avoir sacrifiée au profit des manufactures, Col bert aurait soutenu une politique de pain à bon ~arché, pour abaisser nos prix de revient. Rien n'est plus mexact, la baisse exceptionnelle d,es prix agricoles ~n Fran~ de 1662 à 1687 correspond a un ~ouvement IJ?ternauonal, sensible sur tous les marchés d Europe OCCidentale. Ce qui est vrai, c'est que Colbert n'a ?as su, ou n:~ pas pU,se dégager des traditions régleme~tal[es en ma~lere de ~lr culation et de négoce des gralDS, alors qu à la meme époque, en Angleterre les {( corn laws )) permettaient tour
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à tour d'approvisionner le marché national, puis d'écou ler avantageusement les. surplus de la production. Col bert a pensé que le développement des manufactures rurales remédierait au paupérisme des campagnes. En dehors de quelques mesures circonstancielles en faveur des paysans, abaissement temporaire des tailles, protection du bétail, la France de Louis XIV n'a pas de politique agricole. Non moins fondées que les critiques formulées par les représentants des intérêts agrariens, nous paraissent les réticences de certains négociants à l'égard du colbertisme. A côté des marchands xénophobes qui réclament et approuvent le protectionnisme douanier, il existe incon testablement dans la France du XVIIe siècle, des hommes d'affaires qui connaissent la solidarité complexe des échanges internationaux et craignent les représailles étrangères. Déjà, les Six grands corps des marchands de Paris avaient plaidé pour la liberté du commerce et l'abais sement des tarifs institués en 1654. Plus fortement encore un pamphlet anonyme de 1668 déclare: « Monsieur Col bert ne prend pas garde qu'en voulant mettre les Fran ~s en état de se pouvoir passer de tous les autres peuples, 11 les conduit à faire la même chose de leur côté. » Le même attachement à la liberté du commerce suscite la méfiance à l'égard des compagnies de navigation et de colonisation à caractère serni-public, ou à l'égard de la réglementation minutieuse des fabrications. On a reproché à Colbert cette « manie réglementaire )). Utile là où elle présidait à l'introduction d'une technique nou velle, elle a souvent effectivement gêné l'adaptation de nos manufactures textiles aux fluctuations de la mode et de la demande étrangère. Il n'a pas bien compris le caractère multilatéral des échanges, il n'a pas cru non plus aux lois du marché, sa pensée demeure celle d'un administrateur minutieux, non celle d'un économiste. Son attachement aux systèmes des jurandes, dont il essaie en 1673 de généraliser l'institution, révèle bien le caractère traditionnaliste de sa pensée. Il multiplie les contrôles de fabrication, renforce le petit atelier routi nier au moment où l'Angleterre post-révolutionnaire se débarrasse pour l'essentiel des vestiges du système médié val d'organisation du travail. Pour lui comme pour les juristes qui l'entourent et l'assistent, l'organisation cor
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porative apparait un peu comme d'institution naturelle ou divine. Les manufactures privilégiées ne sont dans son esprit que des expédients temporaires. Le régime normal d'organisation du travail doit être celui des jurandes et l'édit de mars 1673 tente d'en généraliser l'institution dans tout le royaume. En matière de politique monétaire, le même tradition nalisme lui inspire le 7 décembre 1665 une réévaluation peu heureuse de la livre tournois, qui constitue une véri table déflation en pleine crise économique, et qu'il faut rapporter l'année suivante devant les protestations des marchands et des banquiers. Plus grave son incompré hension, et il faut bien le dire celle de beaucoup de ses compatriotes, devant les réformes monétaires anglaises de 1662, qui introduisent, comme aux Provinces-Unies, une liberté plus grande de la circulation des espèces et des lingots. A la lumière de ces comparaisons, les limites du colbertisme reflètent avec évidence le retard de la pensée économique et des institutions sociales en France par rapport au voisin anglo-saxon. Colbert : un génie ou un médiocre malfaisant? ni l'un ni l'autre, mais un homme de son temps et de son pays, un ministre de cette puissante monarchie administrative, dont la gran deur ne pouvait s'accommoder de la décadence commer ciale et industrielle. Dans un moment et dans un pays où tout conspirait à détourner les fils de la bourgeOIsie des activités économiques : les préjugés nobiliaires ou para nobiliaires, le snobisme de l'oisiveté, la suspicion de la Réforme catholique à l'égard des formes modernes du crédit et des techniques commerciales, le prestige de la carrière des offices, enfin la conjoncture défavorable, contre une telle coalition d'intérêts, d'habitudes et de difficultés économiques, il a essayé de donner au pays le sens du labeur, de l'efficacité et de l'entreprise. Ce n'est pas sa faute si certaines de ses propositions n'ont pas été retenues, si l'opposition de la Faculté de théologie et de la Sorbonne ont empêché d'établir dans les princi pales villes du royaume ces t( négociants de prêt » qui auraient distribué le crédit commercial. Ce n'est pas sa faute, si le roi a finalement sacrifié la vocation mari time du royaume, et choisi la « gloire », la guerre conti nentale et l'intransigeance romaine.
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SYSTÈME MERCANTILE )) EN ANGLETERRE
En Angleterre plus encore qu'en France, le mercan tilisme est une création continue empirique et nationale. Nous avons déjà évoqué certaines décisions du XIIIe siècle, conCernant la protection de l'industrie lainière. De la même façon au XIVe et au xve siècle, esquissant déjà le système des Actes de navigation, la Couronne a mis obs tacle à la libre circulation et au libre trafic des navires étrangers dans les ports britanniques. Comme en France, c'est entre 1580 et la. fin du XVIIe siècle que le mercan tilisme s'est imposé avec le plus de force et de cohérence. Les menaces extérieures ont contribué à son succès, et à deux reprises, il est apparu comme un élément essentiel de la défense nationale. La lutte que les marins et les corsaires d'Elizabeth menaient contre les flottes et les col~~es de Ph!-lippe II était tou~ à la fois une entreprise religieuse, nationale et mercarude, et un siècle plus tard l'offensive commerciale contre la France de Louis XIV s'inscrivait également dans un plan plus général de défense protestante. Cette coïncidence a donné au programme mercantiliste l'appui d'une grande partie de l'opinion britannique. Le caractère systématique de l'intervention étatique au x.VIIe siècle s'explique aussi par la nécessité de faire face à la grande dépression économique, dont les premiers signes se manifestent en Angleterre en 1620. Inquiet de la gravité de cette crise, le conseil privé s'ad joignit en 1622 une commission d'experts, de marchands et de banquiers pour discuter des causes de la mévente textile. Leurs conclusions et leurs propositions consti tuent un résumé de toutes les pratiques mercantilistes *. Les grandes compagnies commerciales, de leur côté, ont préparé et favorisé l'adoption des Actes de navigation **. C'est peut-être là le caractère le plus original de la poli tique économique anglaise, grâce à l'existence du Parle ment, elle est le plus souvent concertée et ratifiée. Pas plus sous les Stuarts que sous le Protectorat, l'Etat n'est aux ordres des marchands, mais il consulte, s'inspire
* Le texte est dans G. D. RAMsAY, The wiltshire woollen industry, London, 1964. ** M. P. AsHLEY, Finances andcommercialpolicyunder theProtecto~ rate, London, 1934.
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avant de décider ou d'arbitrer. En matière économique, comme en matière politique, la situation de l'Angleterre paraît intermédiaire entre celle des Provinces-Unies et celle de la France: Les Provinces-Unies où l'impuissance du pouvoir fédéral laisse souvent libre cours aux intérêts particuliers voire antinationaux, et la France où le zèle d'un ministre suppléant mal à l'effacement des corps intermédiaires, l'intervention de l'Etat prend un carac tère autoritaire ou répressif. Le mercantilisme anglais bénéficie de la précocité des institutions politiques et sociales, de la qualité de l'information et de la réllexion théorique dans le pays, il évolue, s'adapte, se perfec tionne, et aide l'Angleterre à s'emparer en Europe d'une véritable suprématie maritime et commerciale et peut être déjà de la suprématie industrielle. Comme dans tous les autres pays d'Europe le mercan tilisme a revêtu en Angleterre trois formes essentielles : protection de la monnaie et des stocks de métaux pré cieux, protection de la production, encouragements et faveurs à la marine et au commerce national. L'exportation des espèces avait été au Moyen Age, en Angleterre comme presque partout ailleurs, très régulière ment prohibée. A plusieurs reprises le gouvernement d'Elizabéth, puis celui de Jacques 1er envisagèrent de remettre en vigueur ces anciennes dispositions, mais ces projets furent vite abandonnés, et un système de licences permit de tourner les stipulations trop rigou reuses de certains textes. Marchands, économistes et politiques prirent progressivement conscience tout au long du siècle du caractère illusoire ou néfaste de ces réglementations. Ils savaient que la poursuite du com merce en Baltique et aux Indes orientales exigeait des sorties d'argent, et que le solde global des mouvements en métaux précieux dépendait de l'activité économique générale du royaume et de l'équilibre de son commerce. L'échec des tentatives faites pour contrôler et stabiliser arbitrairement le marché des changes acheva de prouver que les mouvements commerciaux déterminaient à la fois les fluctuations des cours et le mouvement des espèces. Th. Mun tira le bilan de ces expériences dans son livre England 's Treasure by foreign Trade, publié en 1664, où il donnait une formulation classique de la théorie de
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la balance du commerce, et prenait en considération les exportations et les importations invisibles : « Le moyen ordinaire d'accroître notre richesse et nos espèces, c'est le commerce extérieur, pour lequel il nous faut toujours observer cette règle, vendre plus aux étrangers que nous leur achetons pour notre consommation. » A cette date d'ailleurs, l'Angleterre s'était déjà débarrassée de l'es sentiel des vieilles réglementations bullionistes S'ins pirant des exemples donnés par Venise et la H~llande un acte de 1663 autorisa l'exportation des monnaie~ étrangère.s et des matières d'or et d'argent. Réforme impor tante, qUI devait contribuer à la stabilité de la livre ster lin~, permettre certaines adaptations automatiques des priX et des changes, elle témoignait déjà de la prospérité d.u commerce britannique et préparait ses progrès ulté rieurs. La tâche du gouvernement n'était plus de régle menter le mouvement des espèces, mais d'orienter et de diriger les courants du commerce pour en assurer le solde positif. Cette théorie de la balance commerciale dictait les autres aspects de la politique mercantiliste. Pour assurer dans la mesure du possible sa propre subsistance, le royaume dev~it développer certaines productions, réser ver à sa marme et à ses marchands le contrôle de ses échanges extérieurs, encourager certains trafics par des allègements douaniers, en décourager d'autres par des tarifs prohibitionnistes. Le protectionnisme anglais au XVIIe est à la fois indus triel et agricole. Les deux premiers Stuarts ont une très haute idée des responsabilités économiques et sociales de la monarchie, ils distribuent les privilèges et les mono poles, multiplient les réglements et confient à une nuée d'officiers le contrôle des fabrications. L'industrie tex tile, la plus importante des activités exportatrices du pays, bénéficie de l'attention particulière de la Couronne et du Parlement. A la fin du règne de Jacques 1er, les exportations de laine SOnt définitivement interdites, ce qui, rése.rve faite de la contreban~e, donne .aux tisse rands anglaiS le monopole d'une matière première excel lente et bon marché. Cela ne suffit pas, pour faire face aux difficultés nées de la crise du milieu du siècle, on élève les douanes frappant les tissus français et hollanLE MERCANTILISME
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dais, on s'efforce même d'imposer le port des étoffes de laine de fabrication nationale. Pour les vêtements de deuil, pour les linceuls, des actes du Parlement stipulent l'usage obligatoire de draps de laine. Puis comme les cotonnades indiennes concurrencent les draperies légères, le gouver nement interdit en 1700 les soieries et les calicots orien taux, il va même plus loin en 1721 et proscrit l'usage des indiennes importées écrues et teintes en Angleterre. Un peu plus tôt, le gouvernement français avait pris des mesures identiques, prolongeant lui aussi d'un siècle l'activité des petites draperies-sayeteries. Identique en matière industrielle, la politique des deux royaumes diffère radit:alement en matière agricole. Sa situation maritime aida l'Angleterre à se libérer un siècle plus tôt que la France de la crainte obsidionale de la pénurie et de la famine. En osant favoriser l'exporta tion des grains, et en limitant les importations, elle sut encourager son agriculture et entretenir ses progrès. Dès les xv e et XVIe siècles, le principe avait été posé de la liberté d'exportation quand les pnx intérieurs des blés n'excédaient pas un certain niveau: Au lendemain de la Restauration, un acte de 1670 supprima toutes condi tions et toutes restrictions. Mieux en 1674, des primes furent accordées aux exportateurs pour éviter en période d'abondance l'effondrement des cours. A la même époque, le Parlement en 1663 et 1670 institua une échelle mobile des droits à l'importation : douanes élevées quand les prix des blés demeuraient bas, et tarifs moins s.évères quand ces prix s'élevaient. Grâce à ce système, les pro ducteurs anglais bénéficièrent pendant près d'un siècle d'une protection presque complète. Moms accablés par le système fist:al que les paysans français, ils furent encore mieux protégés contre la grande dépression des prix céréa liers. Ils conservèrent un niveau de vie plus décent, et la capacité d'absorption du marché intérieur, source de tout développement ultérieur, fut ainsi sauvegardée. Le troisième élément essentiel du système mercanti liste anglais au XVIIe est constitué par les Actes de navi gation. Comme l'agriculture et les manufactures, la marine nationale bénéficie d'un régime hautement pro tecteur. En ce domaine aussi l'Etat mercantiliste tente d'assurer seul sa subsistance et ses services. C'est la
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marine et le commerce hollandais, redoutables concur rents qui sont visés par les Actes de navigation. Les déci sions de 1651 et 1660 codifient et systématisent une poli tique maritime, que des mesures partielles sous Eli zabeth et les deux premiers Stuarts avaient déjà esquissée. D'après le texte de 1651, les marchandises européennes ne pouvaient être transportées en Angleterre que sur les bateaux anglais ou sur les navires du pays d'origine; de la même façon les produits d'Asie, d'Amérique ou d'Mrique ne pouvaient être importés que par la marine britannique ou coloniale. En 1660, pour éviter certaines fraudes il fut précisé que l'équipage d'un navire britan nique devait être commandé par un capitaine anglais, et composé pour les trois quarts de sujets britanniques. Pendant les premières années de la Restauration, d'autres dispositions achevèrent la constitution du système, en réservant à la métropole l'essentiel du commerce colonial. Le régime de l'exclusif contribua lui aussi à la prospérité de la marine britannique. Ce protectionnisme rigoureux suscita naturellement l'hostilité des pays voisins. Les Actes de navigation contri buèrent au déclenchement des trois guerres maritimes anglo-hollandaises, et le conflit tarifaire avec la France aboutit progressivement à un régime de quasi-prohibition. Au cours des négociations, qui aboutirent à la paix d'Utrecht, une tentative fut faite pour mettre fin à cette situation, et un traité commercial fut négocié entre les deux pays. Ce projet provoqua en Angleterre une intéressante polémique, on commençait en effet dans ce pays, comme en France, à s'interroger sur la légitimité des tarifs pro hibitionnistes. Des éconoInistes, Coke, Child, Davenant s'étaient efforcés d'en montrer les dangers: risques de représailles et de guerre, disparition de la compétition stImulatrice, rupture des équilibres multilatéraux du commerce international. Leurs arguments repris en 1713 par les tories et De Foe ne furent cependant pas entendus. La pensée théorique anticipait sur les mœurs voire sur les faits, et le traité ne fut pas ratifié par les Communes. Sans doute les bénéfices que l'Angleterre avait su tirer de l'organisation égoïste de son économie nationale étaient trop évidents, pour autoriser dès le début du XVIIIe siècle
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une quelconque modification du système mercantile. Débarrassé, pour l'essentiel des anciennes réglementa* tions corporatives, de l'interdiction du prêt à intérêt et des particularismes urbains et régionaux, l'économie anglaise af.Iirn;tait dans une conjoncture européenne pourtant bien diffiClle son dynamisme. Des manufactures bien protégées mais libres de toute réglementation autoritaire des fabri~ cat~ons et des techniques, une marine puissante, une agrIculture prospère et rentable, des institutions parle* mentaires et politiques favorisant la consultation et la confrontation des intérêts, l'Angleterre était prête pour la grande aventure industrielle. Les deux révolutions poli* tiques qu'elle avait traversées au XVIIe siècle avaient liquidé ayec les confréries, les guildes, les privilèges, bien des vestIges, des obstacles et des préjugés hérités du passé, elles contribuèrent à faire du mercantilisme un moyen très efficace de puissance et de progrès national. L'exemple de la Suède, comme celUI de la France et de l'Angleterre pourrait illustrer les histoires parallèles du mercantilisme et de l'absolutisme. Monarchie natio* nale et un moment ~rande puissance européenne, la Suède de la reine ChrIstine et de Charles XI a cherché à développer ses exportations et sa marine. Elle a même tenté,. elle aussi, sur les rives de la Delaware, l'entreprise coloruale. Ses sc;>uyerains accordèrent des privilèges aux manufact~res lalruères de Stockholm et Norrkoping, aux compagrues du goudron et du sel. Pour intensifier la produ~ion et les échanges,.ils créèrent en 1637 le Collège des mmes et en 1651 celw du commerce. ns établirent aux frontières des droits de douane protecteurs, tandis que la fl~tte suédoise jo~ait un rôle commercial important en Ba}.tlque et comptait en 1690 plus de 750 navires. L'exc~~ent de la ~alance commerciale, que célébraient le; mtrustr.es, cac~a1t cepe~dant !me faiblesse. Beaucoup ~ exportations. étaIc:nt destm~ a rembourser les capita* lIstes hollandaiS qw contrôlaient en partie la métallurgie du fer et du cuivre, les fabrications d'armes, et voulaient en redistribuer les produits sur le marché d'Amsterdam. Pour as~urer l'autonomie de son développement, la Suède dut retirer aux sociétés à participation hollandaise les monopoles qu'elles s'étaient assurés dans certains secteurs de la production et du commerce, elle dut surtout renon*
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cer définitivement, après les entreprises chimériques de Charles XII, aux ambitions européennes et à la guerre. Au moment où ce pays commence à mettre en valeur la S~ni:e, rétablit son équilibre agraire. en limitant les pro prIétes nobles par la grande « Réduction Il, repousse l'aide mtéressée des financiers d'Amsterdam, abandonne ses prétenti~~s i~périales dans la mer :Saltique, l'effort mercantIliste illustre à sa façon une prIse de conscience nationale et la naissance de la Suède moderne. V. -
LES AUTRES ÉTATS EUROPÉENS
Nulle part en Europe, on ne trouve au XVIIe siècle d'interventionnisme aussi cohérent aussi systématique qu'en France, en Angleterre ou dans une moindre mesure en Suède. Pourtant les projets mercantilistes sont univer sels et on retrouve partout, dans les délibérations des Conseils de gouvernement, les mêmes décisions, les mêmes propositions et tous les arguments que la littérature écono miq~e de l'époque popularisait. Le Danemark comme la ~av.Ier~, les Etats des H:tbsbourgs comme les principau tes ttahennes ou germanIques connaissent les compagnies à monopole~.Ies .m~ufactures priyilégiées, les tarifs pro tecteurs et 1 mStItution des ConSeils ou Collèges du com merce. Ce ne sont il est vrai souvent que velléités, projets sans suite, mesures temporaires ou décisions vames. Il n'y a de politique mercantiliste efficace aux XVIIe et XVIII~ siècles, que là où un pouvoir central est capable de dommer les particularismes et les égoïsmes, d'imposer un arbitrage aux intérêts opposés, de concilier les revendica tions des négociants et des producteurs. Il n'y a de poli tique mercantiliste efficace que là où des entrepreneurs sont capables de répondre aux propositions du gouverne ment, là où existe un embryon de bourgeoisie nationale l'esquisse au moins pour certains produits d'un marché national, et les bases géographiques d'une relative autar cie. C'est ce que démontre un rapide examen de la poli tique économique de quelques Etats européens. . Il ~onvient ~'évoq~er .~out d'abord, parce que leur SItuatIOn est tres parucullere le cas des Provinces-Unies et surtout de la Hollande. n n'y a pas dans ce pays à
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l'âge classique d'école ni de théoricien mercantiliste, c'est déjà révélateur. Mais la République se singularise encore par la liberté qu'elle accorde, presque dès sa cons titution, aux mouvements internationaux des espèces et des monnaies. Jamais la Hollande, au temps de son apogée commerciale n'a hésité à exporter du numéraire. Elle frappait même des monnaies de négoce pour entretenir ses trafics, monnaies de grande réputation, qui avaient cours dans les pays étrangers : les rixdales en Baltique, les écus au lion au Levant, les ducatons d'arq;ent aux Indes et en Chine. Le rôle d'intermédiaires mantimes que jouaient les Hollandais, la fonction d'entrepôt international d'Amsterdam supposaient aussi une grande liberté com merciale. Les Provinces-Unies répugnaient aux prohibi tions, et contre les Anglais elles défendirent le principe de la liberté des mers. En pleine guerre, la Hollande a très souvent maintenu la liberté pour ses sujets de com mercer avec les pays ennemis. Pendant la ~erre d'Indé pendance, des négociants d'Amsterdam n hésitent pas à fournir aux Espagnols des navires et des munitions. La pratique est la même pendant les guerres contre la France. En 1674, les hostilités n'empêchent p'as la reprise du négoce franco-hollandais sous des pavIllons de complai sance. Durant toute la guerre de Succession d'Espagne, sauf du 1 er juin 1703 au 1er juin 1704, la liberté du trafic demeure, et le marché d'Amsterdam, par l'intermédiaire de Samuel Bernard et de ses correspondants, reste ouvert aux opérations du Trésor français. Les banquiers hollan dais fournissent à crédit la solde des armées de Louis XIV! Ces marchands, ces banquiers, ces directeurs de la Com pagnie des Indes orientales s'intéressaient souvent davan tageauxtrafics internatio~aux, a~ transits, et aux rée~r tations qu'à la productIon natIonale. Dans les conflits qui les opposèrent aux agriculteurs zélandais et aux manufacturiers de Leyde ou Harlem, partisans de hauts tarifs, ils l'emportèrent maintes fois, car par l'intermé diaire des régents des villes, ils dominaient la Hollande et influençaient les Etats généraux. Ils ne récusaient cepen dant pas tous les moyens et tous les principes du mercan tilisme. Aux tarifs anglais et français, la Hollande répon dit par des prohibitions et des droits de douane aussi rigou reux. La production n'y était pas libre, les manufactures
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rurales se heurtaient à l'hostilité des villes, et les fabri cations urbaines étaient soumises à des rèq;iements et d~ contrôles. Tous les artisans ~e la drapene de Leyde étalent regroupés dans des « nermgen ». Chaque nering correspondait à un type de tissus, mais était dirigé en fait par les marchands exportateurs de ces tissus. Les capitalistes hollandais participaient aussi aux entreprises des Compagnies des Indes orientales et occidentales, compagnies à privilèges et véritables puissances publiques. Pour mieux contrôler les marchés et réussir sans trop de risques leurs spéculations, ils réalisaient sans cesse accaparements et monopoles. Ce mercantilisme évolué, modéré et incomplet s'exprime dans l'œuvre de Pierre de La Court, marchand de Leyde, L'Intérêt de la Hollande. Dans ce livre exceptionnel, traduit en français sous le titre trompeur de Méttwires de Jean de Witte, on découvre déjà certains thèmes de l'école libérale. L'auteur défend la liberté de fabrication et de commerce. Il propose un tarif douanier d'inspiration mercantiliste, mais dont la modération devait ménager les intérêts du négoce: « On pourrait encore charger un peu plus que les nôtres, les marchandises étrangères que l'on peut faire et avoir dans le pays ... , de même quand ces marchandises sortent du pays pour être menées par nos rivières, mais non pas d'une manière qu'elles puissent être menées à meilleur marché par une autre route... Les manufactures faites dans le pays ne doivent pas être chargées du tout en sor tant, mais les étrangères en entrant et en sortant, autant qu'elles pourront porter, sans courir risque d'en perdre le COmmerce *. » Cette modération des tarifs hollandais, que les fraudes sur le transit permettaient même souvent d'esquiver, tout autant que les prêts et les investisse ments à l'étranger ont certainement nui à la longue aux manufactures ·des Provinces-Unies, mais cette politique s'explique fort bien par la prépondérance des intérêts commerciaux et financiers. Si les Provinces-Unies cons tituent dans une certaine mesure une exception dans l'Europe du XVIIe siècle, c'est aussi parce qu'elles y exercent longtemps une sorte d'hégémonie maritime et commerciale. Leur puissance financière, leur système '" Mémoires de Jean de Witte, Ratisbonne, 1709, p. 58.
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de crédit et le faible intérêt de l'argent, la compétitivité de leur marine leur permettaient de contrôler bien des marchés, de défier bien des concurrents. Le libéralisme convient bien aux économies dominantes, et leurs plai doieries en faveur de la liberté des échanges et de la liberté des mers ne surprennent qu'à demi. La richesse de la République lui donnait force politique et militaire. Le mercantilisme perdait donc en partie sa nécessité, n'existait-il pas en outre un accord naturel entre les institutions républicaines, bourgeoises et le régime semi., libéral des échanges ? Le caractère confédéral des institutions centrales se serait mal accommodé d'un interventipnnisme autori taire et bureaucratique. Les Etats généraux, dominés en partie par les bourgeoisies urbaines et de négoce, limi tés dans leurs pouvoirs par l'autonomie des provinces n'étaient pas en mesure d'imposer un arbitrage au nom de l'intérêt général. Ce fut une situation sans danger tant que dura la supériorité de la marine et du commerce hollandais, mais ce fut une situation de plus en plus exposée dès lors que la France et l'Angleterre se donnèrent une marine, des colonies, étendirent leur négoce étran ger sans sacrifier leurs productions nationales. Toute l'histoire de l'Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles illustre cette incapacité d'un état faible, dépendant ou trop petit à mener une politique efficace d'intervention et de développement économique. L'empire germanique demeure un conglomérat disparate de souverainetés et d'économies juxtaposées. En 1685 un chargement de bois, acheminé sur l'Elbe, de Dresde à Hambourg, paie en taxes et péages les neuf dixièmes de sa valeur d'achat, tandis que la durée du voyage est quadruplée par les for malités douanières. La création par l'empereur Lé0l'0ld d'un Collège ou Conseil du commerce et l'octroi de dIvers privilèges de manufactures en Autriche n'avaient pas grande signification et efficacité dans une telle situation de morcellement politique. L'autre Empire chrétien, l'Empire espagnol manifeste la même faiblesse économique. Face aux entreprises des Etats nationaux, mieux unifiés les grands empires hérités du Moyen Age ou de la découverte du XVIe siècle résistent mal. Pour l'Espagne, la politique mercantiliste
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d'autosubsistance paraît dénuée de signification. L'Es pagne où sévissent les préjugés aristocratiques, où les professions commerciales et manufacturières jouissent d'une piètre considération, a besoin de ses voisins pour subvenir aux nécessités de son empire. Le régime officiel de l'exclusif, le monopole de Séville et Cadix sont tour nés de mille façons; les draps, les toiles d'Angleterre, de Hollande et de France chargent les vaisseaux de la Car rera des Indes. Réduit aux abois par le mauvais état de ses finances, le gouvernement n'hésite pas à surcharger de taxes le commerce intérieur, et impose lourdement ses propres exportations. Après la disgrâce d'Olivarès, le pouvoir royal est trop faible pour répondre aux sollici tations des écrivains qui l'invitent à imiter la France et l'Angleterre *. Chacune des grandes négociations du XVIIe siècle est même l'occasion pour Madrid de nou velles capitulations économiques devant ses concurrents de l'Europe du Nord et de l'Ouest. Le traité des Pyré nées accorde au commerce français d'importants avan tages dans la péninsule, les traités d'Utrecht livrent en partie aux Anglais l'exploitation de l'empire. Malheur dans ces tractations aux provinces périphériques encore plus allégrement sacrifiées. Milan et Naples entrent en décadence économique. Le morcellement territorial voue à l'impuissance les efforts que les princes italiens et les vice-rois espagnols tentent à travers le pays pour protéger les manufactures. Les Italies de la seconde Renaissance ont dans une certaine mesure anticipé sur l'œuvre col bertiste, mais dans des limites si étroites, que l'échec final était inévitable. Dès la fin du XVIe siècle, les prix de revient trop élevés et le carcan corporatiste disqualifient l'indus trie italienne. Le désordre fiscal et monétaire qui carac térise l'administration espagnole achève de ruiner les manufactures. L'inflation, la mauvaise répartition des impôts découragent l'entreprise, et les douanes intérieures paralysent au sud tout le commerce. Pour lutter contre la hausse des prix, que provoquent les dévaluations et les
* Les plus lucides d'entre eux mesurent les effets néfastes du mono pole de Séville et de l'importation désordonnée des trésors américains. L'école de Salamanque leur a enseigné dès la fin du XVIe la théorie quantitative de la monnaie et des prix. M. GRICE HUTCHINSON, The schoolof Salamanca, Oxford, 1952.
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frappes de monnai~ de cuivre,_ le vice-roi de ~aples prohibe les exportauons, c'est bIen pour cette régl0l!- de l'Italie l'heure du repliement et le début de la stagnatlonl L'exemple belge est plus éloquent encore. Dan~ .les Pays-Bas méridionaux, demeurés espagno~s, la tradltion manufacturière était particulièrement anClenne et pres tigieuse. Au lendemain de la reconquête ~pagnole, et en dépit de la fermetll;re de l'E~caut, ces provmces recons tituèrent leur prospérlté maté[lelle. Bruges, Gand, Anvers et Bruxelles, souvent grâce à la sollicitude de leurs éche vinage, des archiducs, voire des gouverneurs ~pagnols, se donnèrent de nouvelles manufactures; rep[lrent leurs ventes à l'étranger. Leurs progrès s'affirmèrent jusqu~au milieu du siècle. Mais lorsque au-delà de 1650, la déflauon des :p'rix, la crise européenne, l'âpreté de .la ?Oncurrence textile suscitèrent un peu partout et particullèr7mel!-t en France et en Angleterre des mesures protectlonrustes, l'économie de la Flandre et du Brabant se trouva ~enac~. Les provinces ~ges se t~urnère~t vetS Mad[ld, solli citèrent son appw, et n'obtmrent [len. Le gouvernement espagnol était trop affaibli, trop em~arrassé dans les intrigues diplomatiques pour compliguer encore ses dossiers. De 1660 à 1711, les exportations de dentelles des Pays-Bas à destination des Iles Britanniques cessèr~t progressivement, celles de toiles passèrent ?e trente Inille à deux mille pièces, alors que selon le tarIf de 1680, les étoffes anglaises ne devaient à leur entrée aux Pays-Bas que 4 à 6 'Ii de leur valeur. Rien n'y fit, ni les remon trances des °Etats de Flandre, ni les protestations dt;S marchands, les provinces prirent conscien~ d'avolr abandonné avec leur indépendance une parue de leurs possibilités écon?In;igues. A deux reprises, ~us le gouver nement de Max1mihen Emmanuel de· Bavlere, en 1698, 1699, puis sous l'occupation française, le pays tenta de sauvegarder ses chances. Le comte de Bergeyck fi~ adop ter de nouveaux tarifs, prohiber même en ~699, l'lm~r tation des draps étrangers. Les protestauons ~nglal~es et hollandaises, les particularismes locaux, les JalOUSIes entre Brabançons et Flamands, l'égoïsme d'Anvers le contraignirent à démissionnet et firent abandonner toutes ses réformes. En 1713 et 1714, les traités d'Utrecht et de Rastadt confièrent la Belgique à l'Empereur, non sans
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lui avoir interdit toute liberté tarifaire et donc toute grande vocation commerciale et manufacturière. Dans le monde difficile des années 1650-1750, alors que la stagnation de la demande et des prix exaspère la concur rence, la prospérité des manufaCtures suppose un rigou reux protectionnisme douanier, et donc un pouvoir poli tique capable de résister aux pressions des. diplomates et des marchands étrangers. VI. -
L'ACTUALITÉ DU MERCANTILISME POUR LES DESPOTES ÉCLAIRÉS DU XVIIIe SIÈCLE
De cette liaison étroite entre politique et économie, l'histoire du despotisme éclairé nous fournit une der nière illustration. Lorsque au XVIIIe siècle, les Etats socialement arriérés par rapport à l'Europe nord occi dentale, tentèrent de combler une partie de leur handi cap, ils empruntèrent tous au mercantilisme ses recettes de puissance économique. Partout de l'Europe méditer ranéenne à l'Europe centrale et orientale, oh vit en quel que sorte se renouveler l'entreprise colbertiste et se mul tlplier au même rythme les réformes administratives et les initiatives mercantilistes. A l'effort entrepris pour moderniser l'administration, supprimer les particula rismes, les coutumes locales, correspondirent les entre prises de défrichement, de colonisation intérieure, de dévelo)'pement manufacturier et d'unification douanière. L'histoire de la Russie de Pierre le Grand à Cathe rine II illustre bien, par-delà les diversités géographiques et conjoncturelles, cette relation entre la politique, l'éco nomie et la nation. Les premiers théoriciens mercantilistes russes apparaissent dans la seconde moitié du XVIIe siècle, alors que s'affermit la dynastie des Romanoff et que se dessinent ses ambitions. Le chancelier Ordine Natcho kine propose la création de grandes compagnies privi légiées, pour contrÔler le commerce international et les manufactures. Pour combattre l'emprise des grands négo ciants étrangers, Krijanitch prÔne lui aussi l'industrialisa tion du pays. Le tsar Alexis essaya de multiplier les fabriques sur son domaine et à Moscou, mais c'est Pierre le Grand qui vraiment sortit la Russie de sa torpeur. n
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avait autour de lui des conseillers et quelques hommes d'affaires, imbus des principes mercantilistes, ~altyko,:" le chevalier de Luberas, Possochkov et Menchikov lw même, mais bien plus que les conceptions idéologiques, les circonstances exigeaient cette politique de dévelop pement économique *. La constitution d'une puiss~nte armée, l'équilibre de la balance co~erciale supposaI~nt la naissance d'un secteur commerCIal et manufactUrIer moderne. Pour suppléer le manque de capitaux et de cadres, l'Etat dut engager des techniciens étrangers, créer lui-même des usines, subventionner les manufactures textiles et les fonderies de canons, protéger cette pro duction par le tarif douanier ~e 1724, faire cre';lser !es canaux reliant la Volga et la Neva, le centre de 1empIre et la Baltique. Le mercantilisme russe apparaît bien comme un élément de la formation d'un Etat centralisé et unifié, une étape de l'histoire de l'économie nationale. Pierre le Grand, est déjà, à sa façon barbare, un despote éclairé, Frédéric II en est le modèle parfait. De tous les souverains de l'Europe centrale et orientale de la seconde partie du XVIIIe siècle, il est probablement celui d0!lt.l'ad ministration économique rappelle le plus le mmlstère de Colbert. Il écrit dans son Essai sur les formes de gou vernement que pour prospérer un pays doit avant tout posséder une balance commerciale favorable, et il ajoute qu'il lui faut utiliser ses propres matières premières dans des manufactures nationales, fonder d'autres industries spécialisées pour travailler les matières premières de l'étranger, et pro?uire à bon mru:ché pour ~ontrÔler .les marchés internatIonaux. TI prohibe donc 1exportatIon des laines, et l'importation des objets de luxe, favorise par des subventions et des monopoles l'installation dans ses Etats de nouvelles manufactures de velours, de por celaine, de draps, fait assécher des marais, creuser des canaux, et aménage l'économie de la Silésie conquise : « son nouveau Pérou ». Ainsi alors que la France et l'Angleterre, dans de nou .. L'article de H. CHAMBRB, PossochkO'U et le mercantilisme, Cahiers du monde russe et soviétique, I963, évoque l'influence possible des économistes polonais du XVI', N. COPERNIC et FRYCZ-MODRZl!WSKI et signale l'existence en Russie de traductions d'ouvrages occidentaux. Mais il insiste sur l'originalité de Possochkov.
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velles conditions économiques, commencent à s'inter roger sur l'opportunité de prolonger ou d'interrompre les pratiques mercantilistes, et envisagent une nouvelle légis lation du commerce et de nouvelles méthodes pour sti muler la production et les échanges, l'Europe au sud des montagnes alpines et à l'est de l'Elbe reprend à son compte le mercantilisme. Le despotisme éclairé emprunte à l'Europe occidentale les idées et les méthodes qui y avaient triomphé un siècle plus tôt; cette inspiration ancienne, ce prolongement absolutiste ou mercantiliste dans les conseils des princes philosophes contribuent à l'ambiguïté de leurs personnages et de leur œuvre *. Au terme de ce trop rapide survol de l'histoire écono mique des Etats européens, est-il possible de dégager certains caractères communs des politiques mercantilistes que nous avons évoquées? Reprenant une formulation célèbre d'E. F. Heckscher, nous constatons tout d'abord, au cœur du système, une volonté d'unification et de puissance : unification territoriale et administrative que les souverains des XVIIe et XVIIIe siècles ne purent qu'ébau cher, et qu'achevèrent la révolution bourgeoise et le libéralisme; mais aussi entreprise de puissance monar chique et par voie de conséquence nationale. Le mer cantilisme est d'abord un service de la politique, une administration du trésor royal, un instrument de gran deur politique et militaire. Le dirigisme économique de l'Etat classique correspond à des motivations financières, c'est un système de production, de richesse et non de distribution. Des préoccupations profanes, une philo sophie laïque de l'Etat l'inspirent. Le machiavélisme a chassé pour une large part tout scrupule paternaliste, religieux ou moral, et la politique sociale n'apparaît, au XVIIe siècle tout au moins, que sous la forme d'une police intérieure, d'une sécurité contre l'insurrection. La monarchie scelle son alliance temporaire et intéressée avec les classes possédantes. Ce service exclusif et abs trait de l'Etat explique certaines conséquences interna tionales du mercantilisme. S'il est souvent à l'origine, .. Pas plus dans la Russie de Pierre Ce Grand que dans la Prusse de Frédéric II, il n'est commode de concilier l'existence du servage dans les campagnes et les besoins de main-d'œuvre des manufactures.
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réponse à un défi .de l'étranger ou de la conjon~ure, ~ contribue très rapIdement à exaspérer les confhts poli tiques, suscite les guerres commerciales et coloniales, les annexions arbitraires. Mais le déroulement des rivalités éconolniques prouve, qu'avec leur indépendance ~li tique, les jeunes nations jouent leur prospérité matérIelle etleur avenir.
CHAPITRE Il
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Nous retrouvons dès l'abord les problèmes que nous évoquions dans l'introduction. Aucun ministre ne s'est proclamé mercantiliste, mais aucun éconolniste non plus n'a eu le sentiment d'appartenir à une école, d'adhé rer à une doctrine cohérente, définie par des maîtres et codifiée dans une bible. Le mercantilisme en tant que système de pensée et d'intervention a été défini par les libéraux de la fin du XVIIIe siècle, pour désigner et dis qualifier ceux dont ils répudiaient les arguments et les pratiques. Cette particularité crée une certaine confusion dans la polémique et l'historiographie. Tel auteur ancien est classé tantôt parmi les mercantilistes, tantôt parmi les isolés ou les précurseurs du libéralisme. Il n'existe d'accord universel ni sur la nature de la théorie ni sur les caractéristiques de l'interventionnisme qu'elle justifie. Pour les uns sont mercantilistes ceux qUI identifient la richesse nationale et le volume des espèces en circulation, pour d'autres sont mercantilistes ceux qui proclament la nécessité de l'autosubsistance nationale et entretiennent la xénophobie contre les marchands et les produits étrangers. Pour d'autres encore, sans doute les lnieux ins pirés, la doctrine repose sur cette idée que l'intervention de l'Etat doit assurer l'équilibre indispensable de la balance commerciale. Selon les choix plus ou moins arbitraires, selon les critères retenus, l'importance his torique, la légitilnité scientifique du système varient bien '"l
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entendu. Pour sortir de cette ambiguïté, nous allons exa miner, en refusant tout classement à priori, l'évolution de la pensée économique, des grandes découvertes au milieu du XVIIIe siècle, et dégager, s'il yen a, les éléments d'unité, les thèmes communs. Alors seulement nous serons en mesure de répondre à la question posée. Nous pourrons dire si la notion même est utile et nécessaire dans l'histoire de la pensée économique, si les écrivains et les experts se sont inspirés plus ou moins consciem ment de cette théorie, nulle part formulée comme telle, mais présente partout dans les esprits. Le Moyen Age a peu écrit sur les questions d'é~ono mie et de finances. Son apport semble se rédwre à quelques commentaires de théo~ogie morale et à q~elq~es écrits anonymes sur les monnaies. Les docteurs d Eghse ont certes commenté abondamment les passages de la Somme Théologique, où saint Thomas traite du vol, de la fraude commerciale et du prêt à intérêt, mais sans vraiment rien lui ajouter. Les conseillers des princes ont discuté des monnaies et des mutations, mais sans rien expliquer des mécanismes des changes et des prix. Seul le livre de Nicolas Oresme, son Traité de la première invention des monnaies semble avoir conservé une vie posthume, et inspiré quelques théoriciens de l'ép~que moderne. C'est seulement avec les transformations économiques du XVIe siècle, q?e. naît une. réflexi0X: féconde. Les phénomènes monetalres et SOCiaux, qw affectent alors l'Europe, sont siétonnants,qu'iIsinquiètent les contemporains, entretiennent leur imagination spé culative. C'est d'abord l'élargissement prodigieux des limites du monde habité, puis l'ouverture de ces nou veaux marchés aux entreprises de l'économie européenne, c'est la croissance sur le vieux continent de nouvelles métropoles financières, et bientÔt pour certaines popu lations une modification brutale de leurs conditions de vie. Les nouveautés du XVIe siècle, ce sont encore ces monarchies puissantes, fastueuses, mais toujours à court d'argent, ces Etats et ces Empires engagés dans des guerres plus coûteuses, ces princes sollicitant les ban quiers. Comment ne pas s'interroger sur ces fabuleuses cargaisons, que l'on débarque à Séville, sur la grandeu~ et la fragilité de l'empire de Philippe II, sur les chemms
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secrets qu'empruntent l'or et l'argent qui échappent à l'Espagne? Comment ne pas se préoccuper d'apaiser l'insatiable soif du Léviathan, et négliger les profits que l~ !rés~r royal et le Fisc pourraient tirer de la prospé nte nationale. La crise économique, la baisse, des prix qui atteignent l'Europe dans le courant du xvue siècle n'ont pas inter rompu ce mouvement intellectuel, bien au contraire. L'exaspération des concurrences commerciales, la baisse de beaucoup de revenus, la misère entretiennent l'inquié tude, sollicitent les conseillers des princes, justifient les mémoires des marchands, les doléances des compagnies. Ainsi se constitue un immense corpus de traités et de réflexions, une première bibliothèque d'Economie Poli tique. L'Europe moderne en politique et en économie commence à croire en l'efficacité de la pensée rationnelle, elle commence plus ou moins consciemment à profes ser que la richesse est une valeur suprême. 1.
PUBLICISTES, THÉORICIENS, ADMINISTRATEURS HOMMES D'AFFAIRES
ET
En France, des magistrats, des officiers des monnaies et des finances, des hommes politiques ont participé
plus nombreux que les négociants et les manufacturiers à ce premier effort de réflexion théorique. C'est d'abord en 1566-1568 la polémique fameuse à propos de la hausse des prix entre De Malestroit, conseiller du roi, maître ordinaire de ses comptes et le grand Jean Bodin, puis les mémoires et. les livres de Barthélemy de Laffemas, conseiller d'Henri IV, et défenseur infatigable des manu factures du royaume. Les écrits dûs à la plume ou à l'inspiration de Richelieu ont en partie leur place dans cette littérature, au demeurant peu originale et souvent aussi monotone que bavarde. Citons encore le Traité des Monnaies d'Henri Poullain, paru en 1621, le Règlement général sur toutes sortes de manufactures qui sont utiles et nécessaires dans le royaume du marquis de La Gomber dière, daté de 1634, et Le Commerce honorable de Jean Eon, religieux de Nantes, publié dans èette ville en 1646. Au milieu de cette galerie de serviteurs de l'Etat, An
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toine de Montchrétien fait exception. Homme d'épée et homme de lettres, il fut aussi manufacturier et di~igea des fabriques de quincaillerie à qus0ru:'~ et Cha~illon sur Loire. Son Traité de l'Bconom,e polmque, dédié en 1615 à Louis XIII et à Marie de. Mé~icis, p~opose détà un système cohérent d'intervention economtque. MalS l'écrivain mercantiliste le plus prolixe, le plus éloquent, c'est certainement Colbert lui-même, dont les longs mémoires sont de véritables ouvrages de vulgarisation, à l'intention de ses collaborateurs, intendants et magistrats. C'est en fonction de son administration et de ses écrits, que s'expriment les économistes francrais j us 9u 'à 13; fin du règne de Louis XV. Il a ses adversalres, malS aussI ses disciples fidèles. Tandis que le Contrôleur général Orry (1730 - 1745) reprend sa politique, renforce la réglemen tation industrielle, orchestre le progrès du commerce, dans une conjoncture soudain plus favorable, J. F. Mel Ion et Dutot répètent les arguments de l'école. Plus tard encore, au moment où les grands physiocrate:> attirent l'attention du public, Véron de Forbonnais contmue dans ses Principes et Observations économiques (1767) à expo ser les règles essentielles du dirigisme économique et de la balance commerciale. En Angleterre l'abondante littérature économique pré sente le même aspect à la fois pratique et théorique, ~ais la participation des hommes d'affaires à cette réfleXIon collective est plus fréquente et plus régulière. Les grands noms de l'économie politique naissante y sont presque tous intéressés aux activités maritimes ou coloniales. C'est le cas de Thomas Mun, directeur de la Compagnie des Indes orientales, et auteur d'un fameux Bngland's Treasure by foreign Trade, de Josiah Child, directeur de la même compagnie, de Charles Davenant, de Dudley North marchand en Turquie, puis maire· de Londres, de William Petty, savant, médeci~, :nais au~si spéc:ula teur heureux. Cette richesse de la litterature economtque en France et en A e ne surprend pas, ce sont les deux pays où la mercantiliste a revêtu le plus de cohérence et de continuité. La Suède aussi possède aux XVIIe et xvm e siècles une école mercantiliste. De Johan Classon Risingh, secré taire du Kommerskollegium, créé en 1651, à Anders Berch
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titulaire de la première chaire d'économie à l'Université d'Upsala, elle évolue du bullionnisme le plus élémentaire vers des formulations beaucoup plus élaborées de la théorie de la balance du commerce. Les idées qui sont celles des publicistes français, anglais et suédois se sont répandues dans bien d'autres pays. Ici les princes sollicitaient les donneurs d'avis et les experts, là l'indifférence ou l'impuissance des gou vernements excitaient la verve et la réflexion des réfor mateurs. Parmi les mercantilistes espagnols il faut citer Luis Ortiz, qui prédit dès 1557 la décadence de l'Espagne et dont le Mémorial pour que la monnaie ne sorte pas du rOJ!aume invite tous les oisifs, hidalgos et letrados com pns, à se remettre au travail créateur et à la production. Un siècle et demi plus tard, on retrouve dans la Théorie et pratique du commerce et de la marine de Geronimo de Uztariz la même analyse de la ruine nationale et les mêmes propositions. C'est le même poignant intérêt pour la patrie, ou le même refus de la régression écono mique qui inspire les premiers mercantilistes italiens : Botero, auteur d'un célèbre Traité de la raison d'Btat, et prédécesseur de Malthus dans son livre Des causes de la grandeur et de la magnificence des cités, Antonio Serra qui publie en 1613 un Bref traité des causes qui font abonder l'or et l'argent dans un pays où il n'y a pas de mines, puis au siècle suivant, l'abbé Ferdinando Galiani et Antonio Genovesi, traducteur de Thomas Mun et premier titu laire d'une chaire d'économie à l'Université de Naples. Un napolitain n'était-il pas indiqué pour enseipter à l'Italie cette science, capable selon son expresSIon de rendre à une nation diminuée sa puissance, sa popula tion, et sa civilisation? En Allemagne, les premiers économistes se sont sur tout préoccupés de l'administration des trésors princiers et de la reconstruction du pays, ravagé par la guerre de Trente Ans. Parmi ces « caméralistes » comptent surtout Johann Becher, entrepreneur malheureux de manufac tures à Vienne et Munich, et auteur en 1668 d'un Dis cours des causes des progrès ou de la décadence des empires, des villes et des républiques. Son successeur à la direction de la manufacture de Vienne, Von Schroeder et son gendre Von Horneck restèrent fidèles à son enseignement, et le
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second proposa à l'Empereur un véritable plan colber tiste. Son livre au titre significatif L'Autriche au-dessus de tout, pourvu seulement qu'elle le veuille popularisa son projet et lui conserva jusqu'à l'époque du gouvernement réformateur de Joseph II une grande notoriété. II. -
UNE VOLONTÉ DE PUISSANCE, UN SERVICE DU PRINCE ET DE L'ÉTAT
De l'examen de cette littérature cosmopolite se dégage à l'évidence un certain nombre d'idées communes et permanentes, que nous allons définir avant d'étudier le développement et les progrès de la théorie économique. Le mercantilisme exprime dans tous les pays une double volonté de puissance, recherche de grandeur et de richesse. Il n'y a plus dans l'Europe moderne de place honorable pour les Etats incapables de mobiliser des armées et des flottes nombreuses. Il n'y a plus de place pour les princes sans le sou, et les Etats ascéti~ues. C'est la prospérité du royaume qui permet au Fisc d alimenter le Trésor royal; c'est la prospérité commerciale qui fait circuler les espèces r,récieuses, mesures et conditions de toute puissance. L impôt se paie en monnaies d'or et d'argent, parce qu'ainsi se paient les soldats, les muni tions, les espions et les alliés. « Il est impossible de faire la guerre sans hommes, d'entretenir des hommes sans solde, de fournir à leur solde sans tributs, de lever des tributs sans commerce») écrit Antoine de Montchrétien *. Cette solidarité de fait intéresse plus que par le passé la monarchie aux entreprises des marchands et des manu facturiers. Sans rompre les solidarités anciennes, l'Etat admet et sanctionne un nouvel équilibre des groupes sociaux. La politique et la doctrine mercantilistes révèlent tout à la fois une évolution des institutions administratives, des volontés politiques et un progrès de la société. La communauté d'intérêt entre l'Etat et les principaux agents du développement économique constitue un puissant facteur d'unification nationale, elle donne à la chose publique, à la raison d'Etat une dimension supplé * Traité de l'Economie politique, édit. Funck-Bentano, 1889, p. 14::.
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53 mentaire. La .pensée de Montchrétien prolonge ici celle de. Jean Bodm. Le lien ~~tre les in~i~idus n'est plus uruquement de nature pohtlque ou rehg.teuse mais aussi de nature économique et cette recherche d'u~e concilia tio~ ent~e l'intérê~ ét~tique et celui des sujets ou tout au IIl:?~ns ? une partIt; d entr~ eux révèle déjà une certaine laÏCIsatIon de la VIe publIque. C'est le thème essentiel du dialogue, rédigé en 1549 et publié à Londres en 1581 sou~ le titre Cl!.mpen~ie~ ou bref examen de quelque; plmntes coutUtmeres a d,vers de nos compatriotes. De l'affrontement des revendications contradictoires du doc teur, d!l gt;ntilhomme, du fermier, du marchand et du bonnetIer, Il tente de dégager l'intérêt collectif. c'est-à dire aussi cC;lui de la re~e, puisque Sa Majesté : ne peut manquer d arg~nt au~sl. lon~emps que ses sujets en possèdent » malS serait ImpUlSSante et désarmée « s'ils n'en avaient point, ils ne l'0urraient d'ailleurs en avoir ajoute le docteur, s'il ne CIrculait plus d'espèces dans l~ royaume * ". Cette volonté de puissance et d'unité entretenue par la ~<;ctrine mercantiliste s'~xprime souve~~ à l'égard de 1 etranger de façon agressiVe; le mercantllIsme a utilisé et exaspéré la xénophobie. Il a fourni aux rivalités interna tionales de nouvelles motivations. Aux guerres religieuses aux çuerr~s dynastiques se sont juxtaposés et mêlés le~ conflits nes des concurrences commerciales. Les bons auteurs ne manquent jamais de dénoncer les pillages les profits illicites des étrangers, et vantent les avant~ges natu,rels du,pays, qui lui permettent de se passer de leurs serVIces onereux. « Les marchands étrangers sont comme des pompes qui tirent hors du royaume ... la pure subs tance de vos peuples ... ce sont sangsues qui s'attachent à ce grand corfs de la France, tirent son meilleur sang et ~'en gorgent* .» L~ auteurs anglais ne sont guère plus mdulgent~ qu'Antome de Montchrétien, et déjà au IDllieu du XVIe SIècle, le Compend1.eux dénonçait « la continuelle spoliation de notre bien et de notre argent ». Cette volonté d'indépendance économique, dissimulait souvent l'am bition de dominer les puissances étrangères. Elle était * Op. cit., édition Le Branchu, Paris, 1934,
**
A.
DE MONTCHItÉTlEN,
op. cit., p. 161.
p. 65.
...
54
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liée dans la pensée des mercantilistes à la conviction de la supériorité naturelle, voire providentielle de leur pays. On n'en finirait pas à ce sUjet de produire les citations. C'était en France une banalité de l'éloquence politique: Claude de Seyssel et le chancelier Duprat ont célébré la fertilité de ce royaume, béni de Dieu qui peut se passer de tous les autres, mais dont les autres ne pourraient se passer *. « Dieu, dit La Gomberdière, a tellement versé ses saintes bénédictions sur votre royaume, qu'il semble qu'il l'ait désigné pour avoir de l'autorité et du comman dement sur tous les autres de l'Univers, l'ayant si bien constitué et pourvu de tout ce qui est utile et nécessaire pour la vie et entretien de vos peuples, et en telle abon dance que l'on peut véritablement dire que c'est la seule monarchie qui se peut passer de tous ses voisins **. )) C'est la reprise presque mot pour mot de passages iden tiques du Traité de l'Economie politique. Le chauvinisme des Anglais n'est pas moins naïf: « si nos marchandises leur sont nécessaires... les leurs nous sont plus plaisir que nécessité » déclare dédaigneusement l'auteur du Compendieux, et Thomas Mun plus lyrique ajoute en 1622 : « Si nous considérons la beauté, la fertilité, la puissance maritime et terrestre de l'Angleterre... nous conviendrons que ce royaume est capable d'être maître de l'Univers, car quelle autre nation est si richement et naturellement dotée de choses nécessaires à la nourriture, l'habillement, la paix et la guerre, non seulement pour sa suffisance mais aussi pour fournir ses voisins et en tirer chaque année abondance d'espèces et parachever sa félicité ***. II On retrouve la même inspiration dans Le Livre sur la pauvreté et la richesse, où Possochkov réclame l'interdiction des exportations de matières premières et de la plupart des achats à l'étranger.
* C. DB SBYSSI!L, La Grande Monarchie, édit. Pouiol, 1961, p. 161 ** LA GOMBBRDIÈRB, op. cit., p. 109. *** Cité par C. H. WILSON dans Cambridge ecooomic history of
16;J.
Europe, t. V, p. 518. Les Espagnols eux-mêmes ne sont pas moins convaincus des possibilités naturelles de leur pays: « L'Espagne, dit l'un d'eux, n'a nul besoin ni en temps de guerre, ni en temps de paix des marchandises étrangères. » Pellicer de Ossau, cité par E. SILBBRNBR, La guerre dans la pensée économique du XVI' au XVIII' siècle, Paris, 1939.
LES THÉORIES MERCANTILISTES
III. -
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LE PROGRAMME DOUANIER ET MANUFACTURIER, L'APOLOGIE DU TRAVAIL CRÉATEUR
Dans de telles conditions, ne pas réaliser le programme commercial et manufacturier du mercantilisme serait d'une criminelle passivité. Tous les auteurs recommandent la même tactique douanière, favorable aux exportations de manufacturés et prohibitive pour les importations concurrentes. Mais les taxes qui frappent ces produits ne représentent que l'aspect négatif d'une politique de créations et de soutien, le maniement des tarifs ne cons titue qu'une condition préalable au développement de l'économie. Les compagnies de navigation, les manufac tures, les colonies nouvelles sont les armes utilisées dans cette « guerre d'argent », et les manufacturiers, les mar chands, inspirés et soutenus par l'Etat, apparaissent comme des agents de la prospérité commune et de la puissance publique. Le mercantilisme aboutit à une exaltation de l'esprit d'entreprise et du travail créateur. Il réalise ainsi par rapport aux idéaux prônés par la cul ture médiévale, une véritable subversion des hiérarchies et des valeurs. TI est'amené à lutter contre les préjugés nobiliaires, l'oisiveté, le goût de la fonction publique, entretenu par la vénalité et l'hérédité des offices. L'apologie du commerce et de ses bienfaits constitue un thème banal de la littérature économique des temps modernes. Thomas Mun termine en 1622 son England's Treasure by foreign trade de façon dithyrambique : « le commerce extérieur est la richesse du souverain, l'hon neur du royaume, la noble vocation des marchands, notre subsistance et l'emploi de nos pauvres, l'amélioration de nos terres, l'école de nos marins, le nerf de notre guerre, la terreur de nos ennemis ll; de manière humoris tique, un autre économiste anglais conclut : « l'activité commerciale est justement devenue cette dame plus cour tisée, plus célébrée que jamais par tous les princes et les potentats de l'univers * ». On retrouve dans un style plus administratif les mêmes éloges dans les édits et les règlements mercantilistes. L'édit du 13 août 1669 vante .. Cité par E. F. HBCKScHllR, Mercantilism, 1955, t. Il, p. 281.
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les mérites du commerce par mer: « Cette source féconde qui apporte l'abondance dans les Etats, et la répand sur les sujets, à proportion de leur industrie et de leur tra vail, il n'y a pas de moyen pour acquérir du bien qui soit plus innocent et plus légitime. » L'intention évidente est de combattre une tradition de méfiance et de répugnance à l'égard du profit et de l'activité commerciale, c'est un combat nécessaire pour Colbert dans une époque de renaissance catholique et dans un pays en partie influencé par l'intransigeance des jansénistes. Un autre édit de décembre 1701 renouvelle les mêmes éloges: « L'Etat retire avantage de l'application de ceux de nos sujets, qui se sont attachés avec honneur au négoce. Nous avons toujours regardé le commerce en gros comme une pro fession honorable et qui n'oblige à rien qui ne puisse raisonnablement compatir avec la noblesse, ce qUI nous a porté plusieurs fois à accorder des lettres d'anoblisse ment en faveur de quelques-uns des principaux négo ciants, pour leur témoigner l'estime que nous faisons de ceux qui se distinguent dans cette profession. ) La monarchie française conservait quelque prudence, car elle était tenue de ménager les ordres privilégiés et sa noblesse en particulier. Elle élève le marchand, mais ne peut renverser la constitution sociale du royaume. Col bert lui-même répudie son hérédité boutiquière, il vante les mérites du commerce, mais se méfie de l'égoïsme des marchands et ne veut développer leurs affaires qu'après les avoir soumises à des règlements et à des contrôles sévères. Il est cependant parmi les théoriciens mercanti listes des esprits plus audacieux, qui exaltent le négo ciant lui-même comme un type d'homme nouveau : « Les marchands sont plus qu'utiles en l'Etat et leur souci de profit qui s'exerce dans le travail et l'industrie fait et cause une bonne part du bien public. Pour cette raison on leur doit permettre l'amour et la quête du profit *. ) Charles Davenant renchérit encore sur Montchrétien, pour lui le marchand mérite tous les honneurs « car il est le meilleur et le plus utile des membres de la commu nauté ». Il n'est plus question ici seulement de système
* MONTCHRÉTIEN, op. cir., p. 137-138. On trouvait déjà la même opinion dans La monarchie aristo-démocratique de TURQUET DE MAYERNE (R. MOUSNIER, Revue historique, janv.-mars 1955).
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éC0!l0mique, mais aussi de morale et de philosophie SOCIale. On retrouve dans les propos de Montchrétien un accent calviniste, présent aussi dans les écrits d'Oli vier de Serres et de Laffemas. C'est un peu la conviction puritaine que l'activité économique de l'homme trans forme le monde conformément à un dessein de Dieu. « L'hon:me est né ~our viyre en cont~uel exercice et occupation *. 1) De 1 exaltatIOn du travaIl productif, on passe ainsi insensiblement à la légitimation de l'ambition profane et du profit; tous les mercantilistes n'allèrent pas aussi loin, mais ces affirmations révolutionnaires se trou v~ient comme autant de virtualités au cœur de leur sys teme. IV. L'ABONDANCE D'ESPÈCES ÈT LA BALANCE COMMERCIALE
Résultat heureux du travail national, une des consé quences de l'activité des manufactures exportatrioes et des compagnies de commerce sera l'abondance des espèces. Tel est l'objectif assigné à la politique mercan tiliste, puisque l'or et l'argent sont la mesure de toute richesse. On trouve chez les auteurs et plus encore chez les politiques d'innombrables témoignages de cette fas cination exercée par les métaux précieux, et la puissance impériale de Charles Quint et de Philippe II a contribué à entretenir cette mythologie de l'or. « L'abondance d'or et d'argent est la richesse d'un pays ** », de telles formules ont retenu l'attention des historiens et des économistes, et souvent servi à justifier leurs objections. Depuis Adam Smith, on a souvent reproché au mercantilisme cette confusion entre l'abondance de monnaie et la richesse elle-même. Mais cette accusation repose généralement sur des citations tronquées, tirées arbItrairement de leur contexte. Même les théoriciens espagnols et italiens aux quels on. a.ttribuait des ~oncept~ons primaires échappent à cette cr1tlque ***. Les econonustes de l'Europe classique * Ibid.,
p. 21.
** J. BODIN, La Réponse au paradoxe de Mr. de Malestroit, édit. Le Branchu, p. II7. *** P. VILAR, Les primitifs espagnols de la pensée économique, Mélanges
Bataillon, p. 261 à 284.
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ne se sont pas abusés autant qu'on l'a cru, Colbert lui même dont on a si souvent cité les formules à l'emporte pièce sur l' « abondance d'argent », autorisait le') sorties de numéraire à destination du Levant et des Ind
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Pour mettre une valeur à toute chose, pour assurer les échanges et mettre en mouvement l'économie, un stock fluide et abondant d'espèces monétaires doit circuler à travers le pays. Les limites, les contradictions de l'école mercantiliste sont aussi celles de son époque. Elles expliquent l'importance que les théoriciens accordent à la balance commerciale. Cette notion permet de réunir et de concilier l'obsession monétaire et le volontarisme du développement, les soucis du Prince et l'ambition matérielle des sujets. Nous sommes là au cœur de la doctrine mercantiliste. Toutes les considérations, toutes les propositions que nous avons rappelées jusqu'ici, soli darité autour du souverain, autosubsistance de la nation, xénophobie, créations manufacturières et commerciales, bullionisme, prennent selon les auteurs plus ou moins d'importance. En Angleterre, on insiste davantage sur. les intérêts mercantiles, en France le service du Prince, la richesse et la gloire de l'Etat l'emportent souvent sur les autres préoccupations. Mais l'élément commun, l'élément essentiel c'est la théorie de la balance commerciale, ou plus exactement cette conviction qu'une action concertée, dirigée par l'Etat doit permettre l'équilibre positif de cette balance : source de prospérité et de puissance. Cette permanente préoccupation de l'équilibre des impor tations et des exportations fait la réalité et l'unité de la pensée mercantiliste. La notion même est ancienne, déjà à la fin du XIVe siècle un officier de la Monnaie anglaise, R. Aylesbury, expli quait que l'excédent des exportations assurerait l'abon dance des espèces. L'idée est tout à fait banale dès le milieu du XVIe siècle, elle figure en bonne place dans le Compendieux (1549?) dont l'auteur, comme Jean Bodin dans La République, préconise. l.es mesures
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qui se sont prolongées tout au long du siècle, au sujet du commerce oriental, qui ont permis à certams au~eurs, Thomas Mun en particulier, de formuler avec le maxImum de clané cette notion, La crise de 1620-1622 a posé au gouvernement anglais de sérieux problèmes. Cenains experts Malynes entre autres, attribuaient les variations des ch~ges et les sorties d'argent aux sp'écula~ions. Ils proposaient une réévaluation de la monnaie nauonale, le rétablissement d'un contrôle et même d'un monopole public : un changeur royal aurait été chargé de tout le négoce des lettres de chan!?e ,et des métaux précie1;1x. Ils dénonçaient aussi les actiVités de la Compagrue des Indes orientales, qui exportai~ des es,pèces pour c;ntre tenir son négoce en Inde et lmportalt des prodUits de luxe souvent concurrents des manufacturés anglais. Aux' uns et aux autres, Th. Mun, J. Child, et C. Dave nant s'opposèrent avec vigueur. ~a~s son Discours ,sur le commerce de l'Angleterre à desttnanon des Indes onen tales, publié en 1621, Th. ~un montre q;te ce nég?ce est profitable, qu'il permet d'lmporta~tes reexportatlOns c;t que l'essentiel n'est pas de thésaUriser les espècc:s~ mais de les faire circuler pour établir un solde posltlf d~s exportations. Dans son autre livre écr~t en 1659, I?als édité en 1664, England's treasure by forelgn trade, 11 deve loppe encore sa pensée : les prohibitions et les contrôles policiers~ destinés. à év!te~ le~ so;ties d'or et d'a~~nt, lui paraissent ValllS, 1 objectif d une bonne polIuque c'est plutôt de régler, d'orienter le commerce pour, équi librer la balance, dont dépendent pour l'essenuel les mouvements de l'argent à travers les frontières. Il explique encore comment doit se calculer cette balance: à l'actif pour les marchandises exportées, il ajoute au coût ~e production, le profit du comm~rçant, le fret et ~e prIX des assurances, si les marchandises sont transponees sur des navires anglais; au passif, il prc;nd pour b~se le prix de vente en Angleterre, en dédUlsant les drOlts de douane et le fret si ces marchandises sont importées par des marchands anglais et sur des bateaux anglais. Il attire aussi l'attention sur la nécessité de tenir compte des invisibles : imponations invisibles, sommes dépen sées à l'étranger par les Anglais et leur gouvernement, gains des étrangers trafiquant en Angleterre, expona-
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tions invisibles, gains des nationaux dans les pays du dehors, dépenses des visiteurs, c'est bien la balance des comptes dont il eS9suisse ainsi la théorie. Comme un simple marchand, 1 Etat Léviathan l?ouvait tenir ses comptes. Les économistes libéraux ont Ironisé à loisir sur les naïvetés de la théorie mercantiliste du commerce, ils ont souligné ses contradictions, son ignorance de cer tains mécanismes régulateurs, tout excédent des expor tations entraînant une hausse des prix et un rétablIsse ment de l'équilibre. En vérité, les économistes des XVIe et XVIIe siècles ont parfaitement compris que le commerce extérieur était à l'époque la source essentielle d'enrichis sement et d'accumulation capitaliste. La difficulté des communications, l'inélasticité de l'offre et de la demande sur bien des marchés internationaux, la fréquence désor donnée des mutations monétaires, et les entraves de toutes sortes, apportées partout à la circulation des espèces, rendaient aléatoires les automatismes que les libéraux ont célébrés avec un bel optimisme. Le mer cantilisme qu'ils nous ont présenté comme une doc trine erronée et naïve correspond cependant assez exac tement aux conditions économiques du temps. Mais il existe dans l'histoire de ce courant de pensée une diver sité et surtout un progrès dont nous allons essayer main tenant de rendre compte. Cette évolution, cette réflexion collective, constitue l'embryologie de l'économie poli tique, c'est un autre aspect du mouvement de la science dans l'Europe classique. V. -
L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
OPPOSITIONS ET NUANCES
En France l'œuvre et la personnalité de Colbert concentrent longtemps, trop longtemps l'attention. C'est pour ou contre le colbertisme, que l'on écrit ou argu mente. Les défenseurs de son système, souvent protégés et encouragés par l'administration, prolongent Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle l'enseignement de l'Ecole, mais l'adaptent aux conditions nouvelles créées par les péri péties financières de la Régence. La faillite de l'ex périence, dir' 'e par Law, a montré à la fois la force du crédit et les ers de la monnaie de papier. Le féti
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crusme du métal jaune n'a plus le même sens ni les mêmes justifications, mais l'échec final du banquier écossais paralyse le développement de la pensée économique et retarde la naissance d'une nouvelle théorie de la valeur d'échange. On ne met plus l'accent sur les questions monétaires mais seulement sur le développement de la production et du commerce. « La richesse de l'Etat, écrit Véron de Forbonnais, est le plus grand degré d'!n dépendance où il est des autres Etats, pour ses besoms et le plus grand superflu qu'il a à exporter. » La monnaie n'est plus l'unique mesure de toute richesse, mais un simple accélérateur économique : l'accroissement du numéraire entretient la hausse des prix, stimulatrice du travail, des échanges et des profits *. Dans le camp opposé, les critiques à l'égard de Colbert se sont exprimées dès le début de son administration et n'ont pratiquement jamais cessé. Mais elles sont demeu rées longtemps clandestines, et il a fallu attendre la fin du règne de Louis XIV, et la crise morale et politique que provoquèrent les désastres militaires, pour que s'ex prime avec cohérence un ensemble d'idées nouvelles. Des motifs très divers ont inspiré cette opposition. Beau coup de marchands se sont toujours méfiés des compa gnies à monopole, dirigées de Paris par quelques favoris et conseillers du ministre, ils se sont plaints des repré sailles douanières de la Hollande et de l'Angleterre, et peu à peu les plus lucides d'entre eux en sont venus à réclamer une modération des tarifs et une plus grande liberté d'entreprise. « La liberté est l'âme du commerce, elle excite le génie et l'application des marchands, et entretient l'abondance. » Les négociants, Thomas Le gendre de Rouen, Descazeaux de Nantes, Annison de Marseille, utilisent à peu près les mêmes formules. Comme eux, Pierre Daniel Huet, dans le Trésor historique et poli lique du florissant commerce des Hollandais, invoque la réussite éclatante des libres marchands d'Amsterdam. On reproche aussi à la politique douanière de Colbert d'avoir compromis puis ruiné nos exportations de grains, de vins et d'eaux-de-vie. Courtilz de Sandras, Vauban, Féne '" F. VÉRON DI! FORBONNAlS,
édit. Guillaumin, t. XIV, p.
Principes et observations économiques,
226.
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Ion et Boisguilbert la rendent responsable de la dépres sion des revenus agricoles si sensible en France dans le dernier quart du XVIIe siècle. Toute l'opposition aris tocratique reprend naturellement cette critique et affecte de ne voir dans le mercantilisme que l'expression écono mique d'un règne de « vile bourgeoisie », qui sacrifient les mtérêts agrariens aux égoïsmes des marchands. A ces motifs se mêlent d'autres considérations. Fénelon, Claude Fleury, Daniel Huet réprouvent la xénophobie qu'entretiennent les doctrines mercantilistes et la guerre d'ar~e~~. L~ collab.oration pacifique ~ntre les peuples, la dIVISion mternatlonale des productions et du travail leur paraissent conformes aux desseins de la Providence. Dans la ville de Salente, cité idéale que visite Télémaque, la liberté du commerce était entière, mais le luxe était banni. Fénelon rêve d'une économie spartiate à prépon dérance agricole. Les manufacturiers ne flattent-ils pas la vanité ostentatoire du public, tout en suscitant les rivalités internationales? Les guerres de Louis XIV lui paraissent résulter pour une large part de la politique économique de Colbert, celle de 1672 ayant selon lui entraîné toutes les autres. Tout cela relève surtout de la polémique, et n'apporte pas grand-chose à la théorie éco nomique. Le grand Vauban se borne à souhaiter que les droits d'entrée et de sortie soient réduits par le Conseil de commerce, pour ne pas paralyser les échanges avec l'étranger; par ailleurs il partage les préoccupations de la plupart de ses contemporains pour la balance du com merce et la protection de la production nationale. Mais ces critiques, ces projets utopiques ou modérés témoignent d'un climat nouveau, ils préparent et favo risent l'apparition d'une pensée véritablement novatrice. Il y a en effet beaucoul' plus d'audace chez Pierre Le Pesant de Boisguilbert qw rejette les poncifs de l'époque, et propose une interprétation originale de la vie écono mique. La misère paysanne et la baisse des revenus agri coles à la fin du règne de Louis XIV, tel est le mal dont Boisguilbert cherche d'abord les causes et les remèdes. C'est le fléchissement de la consommation qui a ruiné le royaume, affirme-t-il dans le DétasI de La France (1695), les impôts excessifs et mal répartis, les aides et les douanes intérieures ont diminué la demande, source du dévelop
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pement des richesses. Il faut, pour porter la consomma tion et la production agricole à son niveau le plus élevé, libérer les marchés, permettre l'exportation des grains, et la prospérité agricole s'étendra naturellement à toute la nation. Il existe, prétend Boisguilbert, une solidarité fondamentale entre toutes les activités économiques et toutes les professions, les revenus gagnés dans un secteur offrent des débouchés aux produits d'un autre secteur. Il développe cette idée dans sa Dissertation sur la nature des richesses et montre que la circulation des produits et des revenus est la condition essentielle de la prospérité. La notion même de richesse change ainsi complètement de nature, la rupture avec le mercantilisme est évidente. La monnaie n'est plus qu'un moyen de circulation des revenus et des marchandises. On pourrait même « si les hommes s'entendaient donner son congé à l'or » et n'utiliser qu'une monnaie papier. Boisguilbert n'ignore pas les problèmes de confiance et de sécurité que pose un~ monnaie non métallique, mais il constate aussi l'usage crOIssant dans le commerce intérieur et extérieur, des lettres de change et des billets, auxquels la pratique de l'endossement donne une grande souplesse. Dans ce domaine la hardiesse de sa pensée reflète l'évolution des réalités et des institutions. Mais le plus grand titre de gloire de Boisguilbert, c'est d'avoir proposé un premier modèle économique global et un premier schéma du cir cuit monétaire. Deux grandes catégories de revenus, reve n:us immobiliers ou .seigneuriaux et revenus d'industrie, cIrculent dans la soclété et mettent en rapport ceux qu'il appelle le {( beau monde et les producteurs : laboureurs, marchands et manufacturiers. La création de la richesse repose su~ le l~bre mécanisme des prix; dans l'échange, les deux parnes tlrent profit, et les fins égoïstes des individus s'harmonisent et concourent à l'intérêt général. Il faut donc laisser jouer ces lois naturelles: « Il n'est pas ques tion d'agir, mais il est nécessaire de cesser d'agir avec une grande violence que l'on fait à la nature ... aussitôt cette même nature mise en liberté... rétablira le commerce et la proportion de prix entre toutes les denrées *. » Ici )l
* Dùsertation sur la nature des richesses, de l'argent et des tributs édit. Daire, 1851, p. 403. '
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Boisguilbert est bien le précurseur des physiocrates, d'Adam Smith et de Jean-Baptiste Say. Il s'oppose avec force aux principes du mercantilisme en matière doua nière, monétaire et manufacturière. S'il propose le main tien des droits d'importation, il veut en retrancher toutes « les formalités et difficultés qui entravent le commerce », il veut aussi abolir toutes les taxes à l'exportation et obtenir la libre sortie des marchandises. Il ne nie pas le r?le bénéfique des manufactures contrairement aux phy Siocrates, pour qui seule l'agriculture est créatrice d'un produit net, mais il pense comme eux que la liberté du commerce intérieur et le progrès de l'agriculture sont les clefs du développement du royaume et les conditions préalables de l'accroissement des richesses. Il refuse le postulat des mercantilistes qui affirmaient le rôle essen tiel du commerce extérieur et des exportations manufac turées pour attirer l'or et l'argent. Il s'élève aussi contre leur programme interventionniste, qui engendre seule ment la misère, puisqu'on ne viole jamais impunément les lois de l'ordre économique. L'échec relatif de Colbert, les transformations de la circulation monétaire, les consé quences désastreuses du système fiscal l'aidèrent à s'émanciper des systèmes et des obsessions du mercan tilisme, son intelligence lui inspira même des anticipa tions audacieuses. C'est à coup sûr un précurseur des physiocrates, dans une certaine mesure même, il les dépasse, annonçant les théories contemporaines de la consommation et du plein emploi. C'est dans des voies parallèles que s'engage à la même époque la pensée économique en Angleterre. Mais les conditions politiques et les institutions sont fort diffé rentes. La Révolution a porté un coup mortel aux guildes, aux confréries de métier, aux monopoles et à une grande partie de la réglementation des fabrications et du com merce intérieur. Elle a également établi une relative liberté d'édition. L'indulgence des censures, la faiblesse des contraintes intellectuelles et policières, le caractère public des discussions favorisent les progrès de la science économique, comme ceux des sciences de la Nature et de la philosophie. De livre en livre, on voit parfois évoluer la pensée du même auteur, chez lequel peuvent se mêler les principes du mercantilisme et les anticipations libéLE MERCANTILISME
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raIes, et il arrive que l'on ne sache plus très bien s'il faut exalter la diversité féconde des doctrines mercantilistes ou célébrer les précurseurs méconnus du laissez-faire. Il ne s'agit plus comme en France d'une littérature d'oppo sition semi-clandestine, et immédiatement peu efficace mais de polémiques publiques, qui opposent entre eux hommes d'affaires, conseillers de la Couronne, experts sur des problèmes concrets d'administration douanière et commerciale. Parmi ces problèmes, celui de la balance du commerce entre la France et l'Angleterre a particuliè rement retenu l'attention. Au lendemain de la Restau ration, plusieurs publicistes entreprirent une campagne contre les importations de prodUIts français. On com muniqua au Parlement des chiffres destinés à prouver l'ampleur du déficit de ce négoce à travers la Manche. Les chiffres étaient douteux, mais ils justifièrent les mesures protectionnistes, adoptées en 1678, puis de nouveau en 1689 et 17°5. L'Angleterre répondait ainsi avec beaucoup de vigueur aux tarifs établis par Colbert et ses successeurs, cependant un groupe d'économistes, parmi lesquels Child, Coke, North et Davenant s'éle vèrent contre cette politique. Reprenant certaines formu lations de Th. Mun, ils montrèrent qu'une balance par ticulière ou bilatérale n'a pas beaucoup de signification, qu'il existe entre les différents courants de. trafic .une solidarité fondamentale, que des compensatlOns trIan gulaires ou même multilatérales peuvent s'établir, et qu'il convient de n'attacher d'importance qu'à la balance générale. « Nous perdons dans le commerce avec la France, écrit Davenant, mais si nous ne commerçons pas avec la France, celle-ci achètera moins à l'Espagne et à l'Italie, qui à leur tour ne nous offriront plus les mêmes débouchés *. » Le commerce de la Baltique offre un autre exemple de ces mécanismes complexes du négoce inter national. Commerce déficitaire sans aucun doute, puis qu'il faut en régler la solde en argent sonnant, il fournit pourtant à la construction navale un grand nombre de matériaux indispensables; sa poursuite conditionne la puissance de la marine britannique et l'efficacité des
Actes de navigation. Cette conscience ~e l~ solidarité de tous les marchés et de tous les trafics JustIfie peu à peu la notion abstraite de liberté commerciale. L'exemple de la Hollande donne des arguments supplémentaires aux partisans du Free-Trade, ~ ç:hild comme Davenant invoquent souvent les descrIptiOns que W" ,!~mple et Pierre de La Court ont brossées de la prospeflte et de la politique ~es Provinces-Unies. !--es .besoi~s ~e la .I:0lé mique inspIrent encore d'autres refleXions; amSI on celebr~ les avantages de la division international~ du travail~ qU! stimule l'invention, ou les avantages du libre marche qUI permet de se procurer !es matières premiè:e.s au meilleur prix, on propose de.l échru;ge une définit,I0n nouye11e, le commerce internatIonal n est plus extorSIon ou pIllage dissimulé, mais opération bénéfique aux deux parties. La conception mercantiliste d'un volume limité et stable du commerce international, repartagé sans cesse par l'âpre rivalité des Etats, la notion même de la « guerre d'argent» sont rérusées. Le développement des ,éc~anges maritimes justifie ces analyses ~o~vel1es et dISSIp~ les craintes inspirées par les maUVaIS JOurs de la conJo~c ture. « Du point de vue du commerce le monde entier n'est qu'une seule nation ou qu'un seul peuple, à l'in térieur duquel les nations sont comme des personnes ... aucun peuple n'est jamais devenu riche par des interven tions de l'Etat, mais c'est la paix, l'industrie, la liberté rien d'autre qui apportent le commerce et la rich~~e *. » Dudley North annonce dans ce passage le traIte que Hume consacra, en 1758, à l'absurdité de La Jalousie commerciale. De toutes ces réflexions encore éparses, se dégage peu à peu et empiriquement un ~ouveau modèle celui d'une économie, où règnent des lOIS natu relles q~ règlent les mécanismes des prix et harmonisent les intérêts partiruliers. E~ Anglet~r,re plus .encore qu'en France les meilleurs espfltS ont ete conVaInCUS que les lois ci~iles devaient s'adapter ou s'identifier à ces lois naturelles. William Petty, pionnier de ~a su;t~stique ~~ de l'économie quantitative, dans son Anthmettque polm.qu.e et son Anatomie politique, John Locke dans ses Const
* C. DAVENANT, Works, édit. 1771, t. l, p. 388, cité par E. LIPSON, Economic History of England, t. III, p. 16.
* D. NORTH, édit. Mc. Culloch, cité par H. DI!NIS, Histoirs ds la pensée économique, 1967, p. 147.
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dérations sur l'abaissement de l'intér~t sont parmi les pre miers à montrer l'impuissance des lois civiles, soutiennent qu'il existe, en fonction de l'offre et de la demande de capitaux, un « taux naturel» de l'intérêt de l'argent, qu'on ne saurait modifier par des mesures législatives. A un moindre niveau d'abstraction intellectuelle, D. North proclame « qu'il n'appartient pas à la loi de fixer les prix dans le commerce, car leur niveau doit se fixer et se fixe de lui-même» et C. Davenant résume la nouvelle théorie du commerce: « Le négoce est par sa nature affaire de lib~rté, il trouve ses chemins et dirige au mieux ses entreprIses, toutes les lois qui tentent de le limiter, de le réglementer et de l'orienter peuvent être utiles à des intérêts particu liers mais sont bien rarement avantageuses au public *. » Des 'marchés, où se déterminent les prix justes par le jeu de l'offre et de la demande, la liberté doit remonter vers la production. C'était en Angleterre une bataille déjà à demi gagnée, mais J. Child insiste: les fabrications doiv~nt être libérées de tous les contrôles, même les qualItés inférieures doivent être autorisées si elles correspondent aux demandes de la clientèle. On retrouve ainsi sous sa plume des réflexions identiques à celles d'ul!- précurseur, le Hollandais, Pierre de La Court dans son lIvre de 1662: « C'est une chose dommageable de borner les manufac tures par des halles ou des corps de métier ... et d'ordonner de quelle manière les. man'!factures. qu~ l'on débite dans les pays étrangers dOIvent etre fabrIquees ... le commerc~ veut être libre, chaque marchand achète les choses qu'Il trouve bon, et il est naturel que les ouvriers fassent leurs ouvrages de la manière qu'ils les peuvent mieux débi ter **. » Ainsi peu à peu, on réfute les arguments du mer cantilisme; on ruine ses principes, même si l'on demeure attaché à la théorie de la balance générale du commerce. Parce que l'on connaît les difficultés d'une mesure exacte des importations et des exportations, on propose de nouveaux moyens d'apprécier les progrès de la richesse. Le gonflement du négoce international, l'activité crois sante de la marine seraient les signes infaillibles d'un solde positif. J. Child estime pour sa part que les progrès de
* Cité par LIPSON, op. cil., p. 19.
** Op. cil., traduction française, Ratisbonne,
1709,
p. 53.
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l'emploi révèlent plus sûrement qu'un calcul douanier la bonne santé d'une économie. Il peut ainsi concilier les exigences mercantilistes et ses préoccupations sociales. Pour lui les bas salaires ne sont plus nécessaires à la pros périté, bien au contraire, et l'historien anglais C. H. Wil son n'a pas eu de peine à montrer son influence à l'ori gine du mouvement philanthropique anglais *. Mais au fait, North, Davenant, Petty et Child étaient-ils encore mercantilistes? En dépit des affirmations de Brewster qui écrivit en 1702 un essai au titre conciliateur: Le plein emploi de toute la main-d'œuvre nationale est le plus sûr moyen d'attirer les espèces dans le royaume, beaucoup d'historiens et d'économistes se sont posés la question. Tandis que Schumpter exalte Child comme un précur seur du « Laissez-faire », Letwin réduit l'importance théo rique de son œuvre, et C. H. Wilson le considère encore comme un mercantiliste éclairé. Ces contradictions ne surprennent pas, puisqu'il n'y eut jamais « d'école mer cantiliste », constituée et consciente d'elle-même. Cette question de dénomination et de classification n'est pas essentielle, la pensée économique anglaise a évolué de façon continue. A. Smith a eu des précurseurs lointains, et bien des recherches partielles ont préparé tout au long d'un siècle fécond, l'admirable synthèse contenue dans La richesse des nations. La souplesse, le libéralisme des institutions politiques anglaises ont facilité cette évo lution progressive. Les circonstances économiques y ont également contribué. Le développement du crédit, celui des moyens de paiement scripturaux, la libre circulation des billets de la banque d'Angleterre, la reprise des tra fics atlantiques, la part prise par l'Angleterre, grâce aux traités de Méthuen (1703) et d'Utrecht (1713), dans les échanges avec les colonies des Ibériques, tout cela a apaisé l'anxiété monétaire, qui s'était depuis plus d'un siècle emparée du pays comme du reste de l'Europe.
* c. H. WILSON, The olher face of mercantilism, Transaclions of the royal hislorical sociely, 1959,
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VI. -
AUX ORIGINES DU LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE
Dans l'histoire de la pensée économique anglaise, il existe cependant un moment décisif, l'annonce d'une rupture, c'est le moment où pour la première fois la théorie de la balance commerciale a été dénoncée comme erronée et trompeuse. Avant même A. Smith, Richard Cantillon et David Hume ont porté ce coup mortel au mercantilisme. Il existait au cœur de la doctrine une contradiction. La théorie quantitative des prix, née de l'expérience du XVIe siècle, s'accordait mal avec la concep tion mercantiliste des échanges internationaux. Si le solde positif de ces échanges permet d'attirer l'or et l'argent, comment empêcher la hausse des prix, provoquée par cet affiux d'espèces, et comment conserver aux pro duits nationaux leur aptitude à la, concurrence. Même en l'absence de mouvements effectifs des espèces, comment éviter que les fluctuations des changes ne corrigent les déséquilibres et ne ralentissent rapidement les exp~rta tions du pays créditeur. Les plus lucIdes des mercantlhstes, Thomas Mun par exemple, ont vu le problème, mais ne sont pas parvenus à le résoudre et à intégrer en un seul système des variables concomitantes : les mouvements monétaires, les changes, les niveaux des prix, les soldes des balances. Le banquier anglais Richard Cantillon dans son Essai sur la nature du commerce en général, publié en 1755, est le premier à décrire de f~çon enco~e sommaire ces mécanismes régulateurs. Cantillon conti nue à plaider pour une politique protectionniste, il développe une théorie nouvelle de la valeur, mais surtout il expli~ue comment la hausse des prix et les progrès du luxe qUI résultent de l'abondance des espèces doivent déséquilibrer la balance commerciale, et comment par venu au plus haut point de sa richesse, un Etat est condamné à décliner. Cantillon ne croit plus en la possi bilité d'une croissance continue du commerce et des manufactures, c'est une des raisons pour lesquelles il exalte la fonction économique des propriétaires fonciers, et annonce directement l'enseignement de Quesnay. Il y a plus de cohérence chez David Hume, qui a exercé une influence considérable sur son ami A. Smith. Ses
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Essais économiques (I752) comportent à la fois une jus tification historique et une réfutation du mercantilisme. Ils montrent l'importance du commerce extérieur comme stimulant de l'économie et source du progrès manufac turier en Europe occidentale. Mais il expose aussi avec beaucoup de clarté sa conception de l'équilibre automa ti,\ue des échanges. Utilisant la théorie quantitative des prIX contre le mercantilisme, il soutient que l'abondance d'or et d'argent est indifférente à un Etat, puisque cette abondance provoque automatiquement une hausse des prix, un progrès des importations et un recul des sorties. Inversement une nation qui perd une partie de ses métaux précieux voit baisser ses prix intérieurs, et augmente ses ventes à l'étranger. Ainsi est rétabli l'équilibre et arrêtée l'hémorragie monétaire. Cette analyse fort abstraite n'entraîne plus aujourd'hui la conviction des écono mistes, mais elle a joué un rôle important dans l'évolu tion de la science économique. Après. D. Hume, il ne reste apparemment plus de fondement aux pratiques du nationalisme économique. La voie est libre pour A. Smith, J. B. Say et l'optimisme des (( harmonies économiques ll. L'Angleterre avait contribué de façon décisive à la naissance de cette science nouvelle: l'économie politique. Elle possède en ce domaine une avance incontestable sur sa voisine et sa rivale commerciale la France, où les contraintes spirituelles, l'expérience manquée de Law, le poids des intérêts agrariens et des sécurités immobi lières ont retardé le développement de la pensée écono mique. Alors que paraissaient les Discours et les Essais de Hume, J. F. Melon et Véron de Forbonnais conti nuaient à professer en France un mercantilisme ortho doxe, et semi-autarcique. Incapables de tirer toutes les leçons de l'œuvre de Boisguilbert, les physiocrates fai saient l'apologie du capitalisme agraire et développaient, à l'aube de la Révolution industrielle, une théorie para doxale de la valeur et de la richesse foncière.
DEUXIÈME PARTIE: État de la Question et Éléments du Dossier.
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PROBLÈMES
ET INTERPR~T A TIONS
I. - JUGEMENTS CONTRADICTOIRES
DE A. SMITH A E. F. HECKSCHER
Adam Smith emprunta l'expression « système II...__ _ cantile » aux physiocrates, il lui donna toute sa significa tion et il en fit le symbole d'un système de pensée et d'administration, à ses yeux totalement erroné et haïs sable. Déjà Quesnay, dans l'article « grains )) de l'Ency clopédie avait instruit le procès du mercantilisme (1757). Le théoricien de la physiocratie y reprend la plupart des critiques de Boisguilbert, il reproche à Colbert et à ses successeurs d'avoir délaissé l'agriculture, de n'avoir songé qu'aux manufactures et au commerce extérieur. « Par un commerce de concurrence trop recherché, nous avons voulu nuire à nos voisins ... par cette politique nous avons éteint entre eux et nous un commerce réciproque qui était pleinement à notre avantage. )) Il s'en prend aussi au fondement même du mercantilisme ,: la théorie de la balance commerciale; elle ne permet pas, affirme-t-il, de connaître l'état du commerce et des richesses de chaque nation. Son parti pris agrarien et son inaptitude à formuler une théorie générale de la valeur limitent cepen dant la portée de sa critique. L'enseignement d'A. Smith est beaucoup plus radical et plus décisif. Il est en effet, le premier à élaborer une
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théorie générale et libérale du capitalisme industriel. Après avoir étud~é, dans l,es. trois premiers !ivres de La richesse des natrons, la theorIe de la valeur d échange, la circulation du capital, la formation des revenus, les principes du développement économique des différentes nations, A. Smith consacre le livre IV à combattre le c( système mercantile ». Toutes les interventions du g:ou vernement dans la vie économique détournent selon IUlles capitaux de l'emploi plus productif, vers lequel ils ~e seraient spontanément dirigés. Les règlements mercantI listes ont pour objet le progrès des manufactures « non pas en les perfectionnant, mais en affaiblissant celles de tous nos voisins * Il. Ainsi l'intérêt des consommateurs et de la collectivité a été sacrifié à l'intérêt égoïste des produc teurs. Les principaux architectes du système ont été nos marchands et nos manufacturiers. )) Né de l'esprit de monopole, le mercantilisme a entretenu des situation~ abusives. Les privilèges de manufactures sont aUSSI condamnables que l'exclusif colonial : c( Le monopole élève le taux du profit et augmente par ce moyen le gain de nos marchands. Mais comme il nuit à l'accroisse ment naturel des capitaux, il tend plutôt à diminuer qu'à augme~ter la masse totale des reven~s, que ~ec?-e!l lent les habltants du pays ... pour faVOrIser les mterets d'une petite classe d'hommes dans un seul pays, il blesse les intérêts de toutes les autres classes dans ce pays et ceux de tous les hommes dans les autres pays **. Il A la suite d'A. Smith, toute l'école classique a considéré ce système comme n~faste et absurde, a d~noncé ses confu sions à propos de la rIchesse et des monnales, son obsesslon de la balance du commerce, le caractère unilatéral de sa réglementation, exclusivement favorable aux puissants et aux riches. Le mercantilisme en tant que doctrine économique attendit longtemps sa réhabilitation. Ses premiers avo cats furent des historiens et des économistes allemands. Dans une Allemagne qui s'industrialisait rapidement, derrière les barrières douanières du Zollverein, ces plai (c
* A. SMITH, La richesse des ** Ibid., p. 402.
464.
nations, trad. française, 1859, p. 463.
PROBLÈMES ET INTERPRÉTATIONS
7S doyers ne surprennent pas. En 1841, le Système d'économie politique de Frédéric List dénonce dans le libre-échange une expression théorique de l'égoïsme commercial anglais. List justifie, réclame l'intervention de l'Etat pour assurer à chaque nation son droit à l'industrialisa tion et à la prospénté. Pour Von Heyking, auteur d'une Histoire de la théorie de la balance du commerce (1880), et pour G. Schmoller qui étudia la politique économique de Frédéric II, avant de rédiger un Essai sur la significa tion historique du mercantilisme (1884), le mercantilisme est un élément essentiel du processus d'unification natio nale, une étape dans la constitution, au service de la nation, d'une économie et d'un Etat. Schmoller n'hésite même pas à utiliser l'histoire pour le compte d'un natio nalisme ombrageux: c( Ses idéaux ne signifient rien d'autre que la lutte énergique pour la création d'une économie nationale solide, ils disent la confiance de l'Allemagne dans son avenir, sa volonté de secouer toute dépendance économique vis à vis de l'étranger, et l'effort de tout le pays dans la direction de l'autarcie *. )) On retrouve les mêmes idées dans les travaux que l'historien anglais W. Cunningham a consacrés à l'histoire de l'industrie et du commerce britanniques. L'impérialisme colonial, le renouveau du protectionnisme douanier, sous l'effet de la dépression économique, qui sévit de 1873 à 1896, justifiaient ce regain d'intérêt pour les doctrmes et les politiques anciennes. Les échecs du libre-échange rehaus saient le prestige de ceux qu'A. Smith, J.-B. Say et Ricardo avaient tant accablés. Ce fut plus vrai encore après 1918. La disparition du système de l'étalon-or et des mécanismes autorégulateurs qu'il permettait, la renaissance des prétentions autarciques contribuèrent à multiplier les ouvrages consacrés à ce ·sujet. C'est l'époque où Morini Comby et Boissonnade justifient ou exaltent Colbert, c'est l'époque où E. Lipson intitule les tomes 2 et 3 de son Histoire économique de l'Angleterre, cc l'Age du mercantilisme,» c'est surtout le moment, où en pleine dépression économique mondiale, E. F. Heck
* G. SCHMOLLER, The mercantile system and its signification, New York, 1931, p. 59, cité par D. C. CoLEMAN, Scandincwian Economie History Review, 1957.
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scher publie en suédois, puis en allemand, son grand ouvrage le Mercantilisme (1931-1932). Pour lui le mer cantilisme est avant tout un (( système de pouvoir ll, et une politique d'unification nationale. Le souci de l'Etat est au cœur de l'effort mercantiliste. L'Etat est à la fois objet et sujet de cette politique. Il décrit les tentatives faites du XVIe au XVIIIe siècle, dans chaque monarchie européenne, pour mettre fin aux particularismes, aux mor cellements douanier, métrologique ou monétaire. Le populationnisme des mercantilistes, leur volonté d'assu rer l'autosubsistance de l'économie nationale, leur volonté de thésaurisation monétaire répondent selon lui à des préoccupations politiques. Il énumère les innombrables mesures relatives à la fabrication des poudres, des armes et à la construction maritime, qui sont autant de décisions stratégiques et militaires. La protection de la production nationale, les tarifs douaniers, les prohibitions, les régle mentations monétaires lui apparaissent comme les moyens d'une politique d'unification et de puissance. Derrière l'arsenal des mesures législatives et les poncifs habituels de la littérature administrative, il découvre une nouvelle conception de la société, une laïcisation relative de sa finalité. En ce domaine, comme dans celui de l'unifica tion du marché national, c'est la révolution bourgeoise et le libéralisme, qui ont achevé selon lui l'œuvre entre prise et laissée inachevée. Heckscher rend ainsi hommage au mercantilisme, tout en soulignant ses limites. Il célèbre la cohérence politique de la doctrine, la volonté qui l'anime, le juste choix de ses objectifs, mais il montre la faiblesse de ses moyens et l'insuffisance de ses résul tats. Contrairement à Schmoller et Cunnin~ham, il a peu d'estime pour la science des mercantilIstes. Pour Heckscher, admirateur de l'économie libérale et de ses théoriciens, les hommes de l'Ancien Régime ne compre naient rien aux mécanismes économiques, et leur igno rance les a empêchés d'atteindre les buts légitimes qu'ils s'étaient fixés. Les opinions philosophiques d'Heckscher expliquent également un aspect plus cuneux de son grand livre. Parce qu'il rejette tout déterminisme économique, Heckscher ignore les inftuences que les circonstances, les ftuctuations de la conjoncture, les intérêts des classes et des groupes sociaux ont pu exercer sur le développe-
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ment des doctrines, et il néglige également de nous dire les résultats des politiques mercantilistes sur le volume des productions et des trafics, sur les équilibres et les mouv.eme~1ts socia~x. C'~t dans ces deux directions que les hi~tonens, apres l:w, ont essayé d'approfondir nos connaIssances et de gwder nos réftexions.
II. -
POINTS DE VUE NOUVEAUX
Les progrès depuis 1931 de l'histoire économique et quantitatiye ont révélé l'importance de faits, qu'Heck scher avalt ignorés ou négligés. C'est, nous l'avons vu dans le feu des polémiques monétaires, nées de la cris~ de 1620, que Thomas Mun a précisé sa théorie du com merc~ extérieur; c'est le débat sur les échanges franco anglrus et. le commerc~ des Indes orientales, qui a permis de substItuer la notIOn de balance générale du com merce·à la notion étroite de balance bilatérale. De la même façon, quand on examine l'évolution des douanes sur les !extiles lffip~rtés e~ Fra!lc~, on constate que l'aug m.entauon des tanfs est ImmedIatement postérieure au declenchement de la longue crise manufacturière du milieu du XVIIe siècle. C'est au lendemain de l'effondre ment .de la pr~d~ction à Reims, Amiens et Beauvais, que le tanf du 15 JUIn 1644 doubla ou presque les droits sur les draps en provenance d'Angleterre ou de Hollande. Les t~èses, les arguments du mercantilisme sont bien anté ne';1rs à ~a déP:essio~ se~-séculaire du XVIIe siècle, malS les dlfficultes, qw assrullent l'économie de la plupart des Etats après 1620-1630, ont excité la réftexion multi plié les projets, renforcé l'idée de l'intervention' néces saire de l'Etat. Les soucis financiers, la crainte des trou bles de la misère et du chômage ont préparé les gouver nants à écouter ces propositions. Rééditant ses Essais de mo.rale et de Politique, en 1625 et au lendemain d'une cn~e commerciale exceptionnelle, Francis Bacon y intro duit des remarques nouvelles sur les séditions ; (( Si la pauvreté de la noblesse et l'aliénation de ses domaines s'ajoutent à l'indigence du menu peuple, le danger est
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imminent, car les rébellions du ventre sont les plus redou tables, ... le meilleur remède est de supprimer par tous les moyens ces causes matérielles de la sédition... à quoi contribuent le développement du négoce et le bon équi libre de la balance du commerce, la protection des manu factures, et la répression de l'oisiveté *. )) Nous ne sommes naturellement pas surpris de cons tater que la littérature et la politique économiques ont été profondément marquées, hier comme aujourd'hui, par les péripéties de la conjoncture, mais il importe aussi de montrer que les prétendues obsessions des mer cantilistes correspondaient à des réalités de leur temps, et qu'elles y trouvaient un début de justification. C'est la légitimité, la nécessité historique du mercantilisme qu'il nous faut maintenant plaider. Le faible développement du crédit, l'absence de sys tème bancaire rendatent aux XVIe et XVIIe siècles indispen sable le recours aux monnaies métalliques. Dans le com merce intérieur le troc, les compensations par simple comparaison des livres de commerce, ne pouvaient dis penser du recours à l'or et à l'argent, pour régler pério diquement les soldes. Il n'existait en effet en France aucune banque de dépôt, comparable aux banques hollandaises, et capable d'effectuer par virement de compte à compte toutes les opérations du commerce, et jusqu'à la fin du XVIIe siècle, la circulation intérieure des lettres de change tarda à se généraliser. C'est encore en métaux précieux, « en bonnes espèces » qu'il fallait régler les impôts du roi, et ses receveurs refusaient, même des plus pauvres, les monnaies de cuivre ou de billon. L'en treprIse militaire et la diplomatie ne pouvaient se passer de l'or et de l'argent, nerfs de la guerre et source de toute puissance. Dans le négoce international, il y avait sans doute déjà longtemps que circulaient entre Londres, Venise, Séville, Lyon, Paris, Anvers, Amsterdam des lettres de change, mais là non plus il n'était pas possible de se passer de stocks importants de métaux précieux. L'historien anglais C. H. Wilson a montré que l'absence de système international de crédit gênait encore à la
fin du XVIIe siècle, le règlementmultilatéraldes échanges * Une balance globale excédentaire pouvait comporter des. secteurs particuliers, pour lesquels les règlements étaient difficiles et le papier de change rare. Dans de vastes régions, comme la Baltique et la Russie, le troc demeurait une forme normale du grand commerce; dans d'autres comme le Levant, les échanges avec l'Europe occidentale ne trouvaient leur équilibre qu'au prix d'abondantes exportations d'espèces. Il était dans ces conditions bien difficile et bien dangereux de négliger le problème des monnaies précieuses et de compter sur des mécanismes régulateurs, faussés partout par les mutations moné taires, les prohibitions, et l'instabilité des parités entre l'or et l'argent. Les crises d'origine agricole ou com merciale rappelaient périodiquement à ceux qui auraient été tentés de l'oublier, l'importance des stocks métal liques. Née le plus souvent d'un déficit grave des récoltes, la crise entraînait non seulement la cherté des vivres, la pénurie, l'arrêt des manufactures, mais aussi une paraly sie de tout le système de crédit. L'argent nécessaIre aux achats lointains de céréales, celui que l'on thésaurisait chez les particuliers manquaient 'aux affaires, et sous l'effet de la cherté et de la pénurie, le taux d'intérêt continuait à augmenter, en pleine crise! Ainsi s'expliqueraient ces plaintes innombrables, recueillies dans tous les pays d'Eu rope, sur la « rareté » ou le « resserrement » des espèces. D'une façon permanente, et en raison du développement insuffisant des monnaies fiduciaires et scripturaires, les métaux précieux en circulation ne pouvaient satisfaire convenablement aux besoins des échanges; les inces santes mutations monétaires, les dévaluations de la mon naie de compte, les frappes de billon en témoignent. Cer tains historiens pensent même que le ralentissement de la production minière américaine au XVIIe siècle a pu entretenir et encourager des réflexes, incontestablement plus anciens, tout comme la crille des trafics et des manu factures a pu donner des justifications supplémentaires à la guerre de commerce. Mais au-delà de l'explication historique par le milieu
" Cité par R. W. K. HINTON, The mercantile system in the times Of Th. Mun, Economie History Rwiew, p. 277, 1955.
• C. H. WILSON, Treasure and Trade Balance, Economic History Rwiew, 1949.
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et les circonstances, il restait à prouver en science écono mique l'efficacité au moins relative des politiques mercan tilistes. C'est ce que niaient bien entendu les théoriciens libéraux, qui ironisaient volontiers sur les ignorances de leurs prédécesseurs. Ils soulignaient les contradic tions entre le dogme de l'équilibre des balances et l'inter prétation quantitative du mouvement des prix. La réha bilitation du mercantilisme au tribunal des économistes paraissait donc difficile, et pour plaider un tel dossier, il fallait rien moins qu'un talent exceptionnel. Ce fut J. M. Keynes qui releva cette véritable gageure. Il consacra le chapitre XXIII de sa Théorie générale de l'em ploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936) à justifier le mer cantilisme. Laissons-le parler, car il n'est pas possible d'être plus clair et plus éloquent: « En un temps où les autorités ne pouvaient agir directement sur le taux de l'intérêt intérieur, ni sur les motifs qui le gouvernaient, les entrées de métaux précieux, résultant d'une balance favorable, étaient les seuls moyens indirects d'abaisser le taux de l'intérêt intérieur, c'est-à-dire d'accroître l'incitation à réaliser des investissements... il y avait aussi de la sagesse dans la volonté des mercantilistes de maintenir un faible taux d'intérêt, par les lois contre l'usure, par la défense du stock monétaire et par la lutte contre la hausse de l'unité de salaire *. )) L'interprétation de Keynes n'est malheureusement qu'une reconstitution à posteriori, un peu un jeu abstrait de l'esprit. Aucun théoricien mercantiliste n'a développé cette argumenta tion, beaucoup l'ont partiellement contredite, mais il est vrai que quelques-uns, parmi les plus lucides, J. Child et W. Petty, par exemple, ont compris le rapport entre les volumes monétaires et l'intérêt de l'argent et ont plaidé pour un abaissement de ce taux d'intérêt. D'autres encore ont montré que le luxe pouvait animer les échanges et encourager la production. Colbert lui même, sans atteindre à une compréhension parfaite du phénomène, a lutté pour le crédit et l'argent à bon marché. Nous n'en voulons pour preuve que les considé rants de l'édit, enregistré en Parlement le 22 décembre
* J. et 353.
M.
KEYNES,
Théorie générale, trad. française, 1942, p. 349
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1665, et réduisant au denier 18 les constitutions de rente: Le commerce, les manufactures et l'agriculture sont les moyens les plus prompts, les plus sûrs et les plus légi times pour mettre l'abondance dans notre royaume ... Néanmoins les gros intérêts que le change et le rechange de l'argent produisent et les profits excessifs qu'appor tent les constitutions de rente pouvant servir d'occasion à l'oisiveté et empêcher nos sujets de s'adonner au com merce, aux manufactures et à l'agriculture, et d'ailleurs la valeur de l'argent étant beaucoup diminuée par la quantité qui en vient des Indes et qui se répand dans nos Etats, nous avons estimé nécessaire d'en diminuer pareil lement le profit ... voulant ainsi faciliter à nos sujets les moyens de réparer les dégâts, ruines, qu'ils ont soufferts dans les dernières guerres, dans leurs maisons et biens pendant la durée d'une longue guerre, en apportant une modération aux intérêts des sommes qu'ils pourront être obligés d'emprunter pour les mettre en valeur. )) Ainsi même si la démonstration de Keynes est un peu théorique et forcée, elle a le mérite d'attirer l'at tention sur quelques faits essentiels. Dans une écono mie, où subsistaient en permanence une main-d'œuvre et des ressources inemployées, une augmen.tation des espèces en circulation pouvait animer la production, sans élever les prix, et beaucoup de mercantilistes, Colbert lui-même, comprenaient confusément que le véritable avantage d'une monnaie plus abondante était d'accélérer le commerce et de multiplier les transactions. Dans une économie, où la plupart des entreprises utilisaient beau coup de capital circulant, et fort peu de capital fixe, était il si déraisonnable de considérer l'argent à la fois comme capital et comme monnaie? Enfin le commerce extérieur n'était-il pas, dans cette société préindustrielle, un moyen essentiel d'accumulation et un stimulant efficace de l'esprit d'entreprise. «
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III. -
LE MERCANTILISME
RÉSULTATS ET SIGNIFICATION DU MERCANTILISME
Les statistiques nous manquent souvent pour porter un jugement objectif sur les politiques mercantilistes. On conclut un peu vite, ici et là, à l'échec de l'adminis tration colbertiste. Dans des secteurs aussi importants que la manufacture lainière picarde ou languedocienne, elle a contribué aux progrès de la production, à l'intro duction de fabrications nouvelles, appelées à un brillant avenir, et à la reprise des exportations. Sans doute les compagnies de colonisation et de commerce ont pour la plupart échoué, mais nous attendons encore les études qui permettront d'apprécier les conséquences durables pour le commerce extérieur de l'effort entrepris en matière de construction maritime. Le dossier du mer cantilisme français d'Henri IV à Louis XV mérite cer tainement un supplément d'information, celui du voisin d'outre-manche appelle dès maintenant un jugement favorable. En dépit de la conjoncture économique souvent difficile, de l'âpreté des concurrences internationales, l'Angleterre a poursuivi, de la fin du XVIe siècle à 1750, ses progrès agricoles, manufacturiers et maritimes, elle a pu nourrir, mieux sans doute qu'aucun autre pays européen, une population qui dans le même temps a continué à croître. Le système mercantiliste anglais, grâce à l'équilibre complexe, institué par les corn laws, les Actes de navigation et les mesures de protection douanière, a entretenu dans des conditions difficiles une croissance qui s'était nourrie au siècle précédent de l'in flation des prix et qui allait à partir du milieu du siècle suivant s'appuyer sur des innovations techniques sans précédent. Il est difficile de citer à la barre d'autres témoins. Peu d'Etats ont joui en Europe des conditions politiques indispensables à la poursuite d'une interven tion économique qui suppose continuité et lucidité du pouvoir; peu d'Etats se sont trouvés dans cette situation d'équilibre social et politique qui permettait de concilier les intérêts souvent antagonistes des milieux agrariens et
PROBLÈMES ET INTERPRÉTATIONS
de la bourgeoisie de négoce. Il faudrait évoquer les entreprises du despotisme éclairé, ou celle des Etats Unis au début du XIXe siècle, mais elles interviennent dans une conjoncture et un climat idéologique tout diffé rents. Puisque le succès des doctrines mercantilistes coïncide incontestablement avec une période de déve loppement pour certains pays d'Europe occidentale, nous sera-t-il permis d'emprunter à l'histoire comparative un dernier enseignement ? Dans les pays du Tiers Monde, qui cherchent actuellement à s'arracher à la stagnation économique et à la misère, on constate comme dans l'Europe classique, que de nombreuses dépenses d'infra structure incombent à l'Etat, et qu'une jeune industriali sation réclame une px:otection douanière et une limita tion de l'influence étrangère. Le mercantilisme appartient à l'histoire des Etats en voie d'émancipation écono mique, c'est la politique de ceux qui se libèrent aux xve et XVIe siècles de la domination commerciale de l'Ita lie et des Pays-Bas, de ceux qui combattent au XVIIe celle des Provinces-Unies, puis au siècle suivant celle de la France et de l'Angleterre, c'est un moment du développement national des différents peuples euro péens. Mais il est impossible de réduire le mercantilisme à sa seule dimension économique. Il comporte aussi une signification sociale, religieuse et marque un jalon dans l'histoire de la pensée scientifique. Il est difficile de trouver dans la littérature mercanti liste un souci pour les malheureux, et une philosophie du bonheur terrestre pour le plus grand nombre. Cela ne surprend pas dans une Europe marquée par l'intran sigeance des deux réformes catholique et protestante, et dans un siècle inspiré souvent par une austère théorie du péché et de la grâce. Dans toute l'Europe occidentale, la réglementation du vagabondage et de la mendicité, l'organisation de l'assistance s'éloignent vite de I.a géné rosité de leurs initiateurs, et ces institutions revêtent de plus en plus un caractère impersonnel et policier, la préoccupation de l'ordre public prenant le pas sur la charité chrétienne. Les lois anglaises de l'époque d'Henri VIII et d'Elizabeth prévoient la peine de mort contre les mendiants récidivistes. Les statuts et les actes de 1536, 1576, 1597 et 1601 établissent une imposi
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LE MERCANTILISME
tion locale universelle pour permettre l'assistance a!lx pauvres; son produit finance l'~chat de ~h~vre, de lm, de laine que l'on d~~e à ~ravadler ,a~ mdlgents., Dans certains cas, l'adnurustratlOn parOIssIale loue directe ment les sans travail aux manufacturiers, dans ~'au~res cas, on établit des maisons de force . ou ~ de travaIl,. dltes work-houses, où les pauvres sont mternes et ~trel~:lts au travail des textiles, Quant aux vagabon~s recalCl~rants et incorrigibles, on élèvt; pour e~ de vér~tables J;>rISons, dites maisons de correctIon. Il eXlste aussI dans l'Angle terre d'Elizabeth et les deux premiers Stuarts un système public de fixation des salaires, mais les ju~es de p~ instaurent en fait dans la plupart des comtes un maXI mum, qui laisse les rémunérations prendre beaucoup de retard par rapport aux prix alimentaires et industriel~. Toute cette législation, remarquable pour l'époque, c~>ntrt bue à discipliner la jeune main-d'œuvre, issue des ,Vlllages en pleine mutation foncière, et fournit aux clothiers des ouvriers au meilleur prix. La monarchie française se préoccupe aussi à la même époque des vagabonds et des indigents: ils sont trop nom breux aux portes des villes, dans les faubourgs et sur les grands chemins. On les craint, ils portent avec eux les germes de la sédition et de l'épidémie. Peu à peu la mendicité devient un crime d'Etat. Les ordonnances de 1680 1685, 1700 condamnent aux galères les vagabonds sans' domicile et les mendiants récidivistes; pour les femmes la loi prévoit la flétrissure, le bannissement et le fouet. Aux fils de paysans chassés de leurs terres par la surpopulation, les enclosures ou la guerre, les règlements de manufacture cherchent à donner un sens nouveau de la discipline. Le travail industriel ne tolère plu~ les fantaisies et les libertés du labeur des champs. Les regle ments fixent les horaires, les amendes pour le retard et les fautes professionnelles. Le régime de la manufac ture Van Robais évoque un peu celui d'une caserne ou d'un couvent. En 1667, les échevins de Lyon organisent le travail de la manufacture de bas de soie au métier : prières en commun le matin et le soir, travail de 4 heures à 20 heures ou de 6 à 22, avec 2 heures et demie d'inter ruption pour les repas, interdiction de blasphémer, de fumer, de fréquenter les tavernes. Le règlement de la
PROBLÈMES ET INTERPRÉTATIONS
manufacture lainière d'Amiens, rédigé en 1666, dispose « qu'aucun maître ne prendra un ouvrier venant d'un autre maître pour travailler en sa maison, qu'il ne sache si le y,remier maître se tient content de l'ouvrier », C'est déjà 'idée du livret ouvrier, et il faut bien reconnaître que la réglementation mercantiliste de l'emploi retire à tous les artisans qui n'appartiennent pas à une com munauté de métier et à tous les compagnons le moyen de discuter leurs salaires et leurs conditions de travail. Il est vrai aussi que la même politique tend à 'multiplier les possibilités d'emploi, et nous avons vu que dès le début du XVIIIe siècle certains théoriciens anglais, Child, Dave nant, Brewster considèrent le volume de l'emploi comme le plus sûr baromètre de la prospérité. Au profit des manufacturiers, le mercantilisme a ébau ché un service national et obligatoire du travail; il leur accorde encore monopoles et subventions, suscitant l'appa rition de l'entrepreneur moderne, là où les communautés de métier entretenaient la routine et la stagnation. Ses deux préoccupations essentielles, la puissance et la richesse correspondent bien au caractère complexe des Etats et des monarchies européennes, entre la Renais sance et la Révolution de 1789, L'absolutisme français favorise les entreprises des marchands et des manufac turiers, mais utilise une partie de ses ressources accrues à entretenir une cour et une armée, encore large ment aristocratique, et une administration coûteuse de robins et de semi-oisifs. La monarchie anglaise pour sa part concilie tant bien que mal, et plutôt bien les ~ntérêts de la propriété foncière et du, négoce, et; A. Sffilth n~>n sans sévérité s'amuse à décrtre le systeme mercantile comme le résultat d'une association entre des princes, des nobles et des propriétaires fonciers, qu~ n:entend~t rien au commerce, et des commerçants qUl n entendaient rien à la politique. On pourrait déceler les mêm? com promis et les mêmes équivoques dans la p~atl.que .du despotisme éclairé. Mais au-delà de cette signification de classe le mercantilisme traduit encore une certaine laîcisation de la vie sociale. Il est par sa conception du commerce international et de l'intérêt de l'Etat, amoral et a-religieux, il ~ten~ le domaine ,d'.appl!ca~o~ ,d,:" plus froid des machiavéhsmes. Il conSidere 1 actlVlte econo
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LE MERCANTILISME
mique, uniquement comme une source de richesse et de puissance, et il dépouille les rapports entre les indi vidus de tout idéalisme chrétien. Il ignore la notion du juste prix, combat ce qui demeure de l'interdiction médié vale du prêt à intérêt. Ainsi Colbert au moment de la rédaction de son code de commerce essaie de vaincre l'opposition des théologiens et docteurs de la Sorbonne, qui continuaient à affirmer la stérilité de l'argent et condamnaient la circulation intérieure des lettres de change et des billets de commerce, en raison des erélè vements d'intérêt qu'elle comportait. Le mercantilisme ignore ou néglige dans le choix de ses objectifs et de ses moyens les préoccupations religieuses. Le même Colbert s'irrite du trop grand nombre des moines oisifs, ses repré sentants au Canada encoura~ent le commerce des eaux de-vie, en dépit de l'opposition et des scrupules des Pères jésuites. Défiant l'mtransigeance des Assemblées du Clergé de France, il ménage les protestants, non par esprit de tolérance, mais parce qu'ils animent le négoce et l'artisanat de certaines provinces. Les mêmes calculs valent aux juifs la protection des princes allemands du XVIIIe siècle, et aux jésuites l'hospitalité ironique de Frédéric n. On trouve souvent dans la littérature mercantiliste des comparaisons empruntées à l'anatomie et à la physio logie du corps humain. Les espèces monétaires sont le sang, dont la circulation donne la vie à tout ~'organisme, et les différentes classes ou ordres de la société sont les membres du Léviathan. Ces analogies préparent l'éveil de la pensée scientifique. L'étude des lois dans le domaine des phénomènes naturels prépare la recherche des cau salités dans l'ordre social. Le mercantilisme représente bien la première ébauche d'une science des sociétés. En s'appuyant sur les métaux précieux, mesures et véhicules de toutes les valeurs d'échange, la pensée classique tente d'élaborer une physique et une représentation algébrique de la richesse. Aspect d'un moment de la science et de l'histoire, le mercantilisme a rapidement vieilli au rythme du XVIIIe siè cle européen. La réduction du rôle des métaux précieux dans les échanges intérieurs, le développement des mon naies de papier l'a condamné en tant que système écono
PROBLÈMŒS ET INTERPRÉTATIONS
mique, tandis que l'idéologie des « lumières» mettait en accusation l'égoïsme de la raison étatique. Près de deux siècles après la sentence théâtrale rendue par A. SInith, le problème de la survivance du mercan tilisme demeure cependant posé. Il a bien fallu constater dès la fin du XIXe siècle une renaissance du protection nisme douanier, et surtout l'expérience a prouvé, depuis la fin de la PreInière Guerre mondiale, l'insuffisance des théories libérales des coûts comparés, de la division inter nationale du travail et de l'équilibre automatique des balances de paiement. De grands Etats, l'Angleterre en particulier, ont vu leur balance s'obstiner dans le déficit, les relations entre les pays développés et le Tiers Monde ne sont pas parvenues à s'équilibrer, en raison de la dété rioration des « termes de l'échange ». Les Etats nationaux ont dû procéder de nouveau à de multiples interventions sur le marché des chan~es, et combattre par le gonfle ment des dépenses publiques les menaces de crise. Sous l'effet de ces événements, la théorie quantitative de la monnaie et celle de l'équilibre automatique des balances, qui lui est liée, ont été de plus en plus sévèrement criti quées, et l'école keynésienne, tout autant que l'école marxiste, ont rejeté la conception libérale des échanges internationaux. Peut-on pour autant parler d'un néo mercantilisme? Nous ne le pensons pas. Keynes lui même, qui a voulu réhabiliter ou tout au moins justifier historiquement les doctrines de Mun, de Child et de leurs contemporains était violemment antimétalliste, et réprouvait le système de l'étalon-or. Il y voyait la cause économique res : « Dans une économie, soumise à des contrats és en monnaie... et où le stock de monnaie et le taux d'intérêt intérieur dépendent surtout de la balance des paiements, comme c'était le cas avant guerre, les autOrItés n'ont à leur disposition qu'un seul moyen de lutter contre le chômage, c'est de créer un excédent d'exportation et d'importer le métal monétaire... On n'a jamais inventé au cours de l'histoire un système plus efficace que celui de l'étalon-or, pour dresser les intérêts des différentes nations les unes contre les autres *. » Keynes a donc pensé et espéré que la disparition de *
KEYNES,
Théon'e généra.le •••, p.
362.
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l'étalon-or mettrait fin aux rivalités économiques et à la lutte pour les débouchés. Son argumentation, scienti fiquement fort discutable, montre bien en tout cas la dis tance qui sépare toutes les théories du mercantilisme et la monarchie absolutiste de l'impérialisme contempo rain; parti d'une analyse voisine de celle des mercan tilistes, Keynes est forcé d'en tirer pour le vingtième siècle des conclusions inverses. C'est une des raisons parmi d'autres, pour lesquelles il semble préférable de limiter l'usage du concept de mercantilisme, afin de ne pas brouiller les notions et les définitions claires, néces saires à l'histoire économique comme à tout autre science. Il convient donc de donner au mercantilisme une signi fication théorique et historique précise. C'est la doctrine et la pratique économiques des Etats nationaux dans la période du xv e au XVIIIe siècle. Elle cherche à assurer un excédent des exportations en biens et en services sur les importations, parce que c'est le seul moyen pour un pays dépourvu de minerais argentifère et aurifère d'at tirer les métaux précieux, indispensables à la prospérité de la nation et à la puissance de l'Etat. C'est une étape historique du développement des économies nationales, à l'époque du capitalisme commercial. Marx évoque le temps de l'accumulation primitive du capital et de la manufacture. « L'économie politique, dit-il, ne prend rang de science particulière qu'avec la période manufacturière. » La manufacture, selon lui, est la forme caractéristique du mode de production capitaliste, du milieu du XVIe siècle au début de la Révolution industrielle. Ses progrès sont facilités par l'expansion du marché mondial et par le système colonial. Elle permet, grâce à la division du travail ou à l'exploitation du travailleur à façon, de dimi nuer le prix de revient des marchandises, et accélère l'accumulation du capital. Avec moins de précision et moins de profondeur, Rostow voit aussi dans la période mercantiliste et manufacturière la préparation du {( démarrage )). « C'est en Europe occidentale, à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe, que les conditions préalables au démarrage ont commencé à se créer de façon indis cutable, à mesure que les conquêtes de la science don naient naissance à de nouvelles fonctions de production, et pendant que l'expansion des marchés mondiaux et la
PROBLÈMES ET INTERPRÉTATIONS
concurrence internationale, dont ils étaient l'enjeu, imprimaient un dynamisme nouveau à l'économie *. » Au-delà des oppositions théoriques fondamentales, rele vons ces points de convergence. Entre le Moyen Age et l'époque contemporaine, le mercantilisme prépare bien l'avènement du capitalisme et de l'industrie modernes. Du Moyen Age, il conserve une croyance quasi reli gieuse dans la toute puissance de l'or et la conception d'un univers statique où chaque royaume ne peut pros pérer qu'aux dépens de ses voisins. Mais il renie l'in ternationalisme chrétien, et annonce par son volonta risme les conquêtes de l'économie contemporaine. Ce n'est pas encore une science, mais déjà un système indé pendant de toute morale religieuse, qui traite des choses économiques avec l'objectivité et le détachement d'un naturaliste. Le mercantilisme évoque déjà par ses ambi tions le dynamisme des sociétés industrielles. Il ne pos sède ni leurs moyens techniques, ni l'énergie collective, libérée par les révolutions bourgeoises, mais il contri bue à la naissance de leur ambitieux dessein.
* w. W. I963. p. 18.
ROSTOW.
Les étapes de la croissance économique, Paris.
DOCUMENTS ET TÉMOIGNAGES .
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PRATIQUES ET THÉORIES ANCIENNES DU MERCANTILISME ::.
Obsession bullioniste et politique douanière. 2. Rapport au Conseil privé de la commission sur la draperie. 3. La nécessité d'être puissant sur mer et le rôle des grandes compagnies de commerce, selon le cardinal de Richelieu. 4. L'Acte anglais de navigation de 1660. 5. Privilège accordé au sieur Guichard pour la manufacture des
basins de Saint-Quentin.
6. Instruction générale pour l'exécution des règlements géné raux des manufactures et teintures, 1670.
7. Les importations" inutiles» et la protection du travail national. 8. Ambitions et illusions mercantilistes. 9. Le Mercantilisme selon Colbert. 10. Finances royales et prospérité du royaume, la guerre d'argent. II. L'opposition à Colbert. 12. Les objections de D. Hume. 13. L'opinion de Turgot. 1.
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14. Le jugement d'A. Smith sur le mercantilisme. 15. Le jugement de J.-B. Say.
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mérites du système industriel, improprement appelé système mercantile, selon F. List. La manufacture, le protectionnisme et le marché extérieur selon Marx. Quelques-unes des conclusions de E. F. Heckscher. Le jugement d'un grand historien anglais contemporain. Aux origines du protectionnisme (graphiques). Deux des causes de la contraction du XVIIe siècle (graphiques). Un exemple des contradictions de l'historiographie: Colbert. Le panégyrique. La mise au point d'un historien contemporain.
18. 19. 20. 21. 22.
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1 : OBSESSION BULLIONISTE ET POLITIQUE DOUANIÈRE.
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Aussitost que par l'assistance et bonté infinie de Dieu, nous eusmes estably la paix et le repos en ce royaume, et banny d'iceluy toutes sortes de guerres et séditions, nostre principal soin et sollicitude fut de repurger le plus qu'il nous seroit possible les abus et désordres que la licence des guerres avoit tolérés et faict glisser dans l'esprit de nos subjects, et d'apporter les remèdes nécessaires et convenables, tant pour les maux qui étoient présens, que pour ceux que la pru dence humaine prévoyoit devoir arriver. Entre lesquels nous n'en avons nul tant appréhendé que celui qui proviendroit de la rareté et pénurie d'or et d'argent, tant à cause de l'extrême diminution du trafic et commerce que du grand transport qui se faisoit de nos meil leures monnoyes ès provinces estrangères, ce qu'ayant plusieurs fois considéré, et eu l'advis de nostre conseil et cour des monnoyes; nous aurions practiqué tous les expédiens que l'on auroit représentez et estimez utiles pour prévenir un tel inconvénient tant redouté, soit en défendant l'entrée des manufactures estrangères, favorisant celle des marchandises crues, soit en déchargeant, tant que la nécessité de nos affaires l'a pu permettre, la sortie de nos manufactures. Consi dérant aussi qu'il est besoing de faciliter les denrées et marchandises qui se débitent en cestuy nostre royaume: afin de convier par la vilité de leur prix toutes sortes de personnes d'en venir achepter, soit en renouvellant les anciennes ordonnances sur le faict des trans ports, d'or et d'argent, et y en adjoustant encore de plus rigoureuses, soit en défendant l'exposition de toutes monnoyes estrangères, et réduisant le prix des nostres à une juste proportion, suyvant l'édit de 1577, comme il a esté faict par noz lettres de déclaration du 24 may 1601.
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. Èt 'p;rc~ ~u~ l~s 't~n~p~~s 'd~ n~s' n:o~~y~S 'et' n:atiè;es' d;o; ~ d'argent hors nostre royaume par les billonneurs, préjudident gran dement au bien public d'iceluy: nous, conformément aux anciennes ordonnances, avons derechef interdit et défendu, interdisons et défen dons le transport de toutes monnoyes et matières d'or, d'argent et billon, hors nostredit royaume, sur peine de vie, et de confiscation de toutes autres marchandises qui se trouveront ensemble emballées: mesmes des charrois et chevaux qui les porteront, à qui que ce soit qu'ils pUÎssent appartenir, et à nos lieutenans généraux des pro vinces, capitaines de nos villes frontières, ports et havres et tous autres, de donner pout cet effect aucun congé ou permission pour quelque cause que ce soit, quelque requeste qui leur en soit faicte par marchands ou autres de quelque qualité qu'ils soyent. Nous estant spécialement réservée l'authorité de donner seul lesdits passe ports et permissions, quand le cas y escherra, et non à autres, sur peine de crime de lèse-majesté...
16. Les
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(Édit sur les monnaies, septembre 1602, ISAMBBRT, Recueil général des anciennes lois franfaises, t. XV, p. z80 et ss.)
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Document 2: RApPORT AU CONSEIL PRIVÉ DE LA COMMISSION SUR LA DRAPERI!!, 22 JUIN 1622.
Ayant reçu des instructions pour examiner les véritables raisons du déclin de nos ventes de draps à l'étranger, et les meilleurs remèdes à cette situation, nous nous sommes appliqués à observer vos comman
dements et avons tenu de nombreuses conférences à ce sujet avec les « Merchants adventurers » et les marchands d'autres compagnies, avec les gentilshommes distingués de plusieurs comtés de ce royaume, avec les manufacturiers de plusieurs districts textiles, avec les offi ciers des Douanes du port de Londres, et les drapiers et teinturiers de cette ville... Les remèdes que nous proposons humblement sont les suivants: Pour empêcher la fabrication à l'étranger, qu'il soit interdit sous les peines les plus sévères d'exporter d'Angleterre, d'Irlande et d'Écosse de la laine des toisons, de la terre à fouler et des cendres de bois ... pour empêcher les fabrÎ<::ations et les teintures frauduleuses et de mauvaise qualité, qu'un règlement clair soit édicté... que dans chaque comté une corporation soit constituée des personnes les plus aisées et les plus compétentes pour contrôler la bonne et loyale fabrication teinture et apprêt des draps et autres étoffes... que pour alléger les droits pesant sur nos draps exportés, Sa Majesté soit humblement priée de négocier avec l'archiduchesse des Pays-Bas et les États généraux ... En ce qui concerne la rareté
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des espèces dans le royaume que l'on prenne garde d'empêcher le transpon de nos monnaies et que les contrevenants soient sévèrement punis... Mais sunout qu'il soit remédié au déficit de notre commerce extérieur, car si les impanations de vanité et de luxe l'emportent sur les exportations de nos produits, les réserves de ce royaume seront gaspillées car il faudra exponer des espèces pour rétablir l'équilibre. (D'après G. D. RAMsAY, The wiltshire fJ)oollen industry, Londres, 1965, p. 147 et 55.)
Document 3: LA NÉCESSITÉ D'IÎTRI! PUISSANT SUR Ml!R liT LE RÔLE DES GRANDES COMPAGNIES DI! CoMMERCE, SIlLON LI! CARDINAL DI! RtCHSUI!U (1627). Cette grande connaissance que le cardinal avoit prise de la mer fit qu'il représenta en l'assemblée des notables qui se tenait lors. plusieurs propositions nécessaires, utiles et glorieuses; non tant pour remettre en France la marine en sa première dignité que, par la marine, la France en son ancienne splendeur. Il leur remontra que l'Espagne n'est redoutable et n'a étendu sa monarchie en Levant et ne reçoit des richesses d'Occident que par sa puissance sur mer; que le petit ~tat de MM. des ~tats des Pays-Bas ne fait résistance à ce grand royaume que par ce moyen, que l'Angleterre ne supplée à ce qui lui défaut et n'est considérable que par cette voie; que ce royaume, étant destitué comme il l'est, de toutes forces de mer, en est impunément offensé par nos voisins, qui, tous les jours, font des lois et ordonnances nouvelles contre nos marchands, les assu jetissant de jour en jour à des impositions et à ces conditions inouïes et injustes, pillent nos vaisseaux, prennent nos hommes sous divers vains prétextes: l'Angleterre, sous celui qu'ils ponent du blé en Espagne; les Dunkerquois, qu'ils en portent en Hollande; les Hol landais plus audacieusement encore, s'entendant avec les infidèles et souvent, après nous avoir volés, prenant des turbans pour feindre qu'ils sont des Turcs; outre que nos voisins qui sont forts sur mer, peuvent, quand ils voudront, porter la guerre en quelque partie qu'il leur plaira de cet ~tat. Qu'il n'y a de royaume si bien situé que la France et si riche de tous les moyens nécessaires pour se rendre maître de la mer; que, pour y parvenir, il faut voir, comme nos voisins s'y gouvernent, faire de grandes compagnies, obliger les marchands d'y entrer, leur donner de grands privilèges, comme ils font; que faute de ces compa gnies et pour ce que chaque petit marchand trafique à part et de son bien et partant, pour la plupart, en de petits vaisseaux et assez mal équipés, ils sont la proie des corsaires et des princes nos alliés
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parce qu'ils n'ont pas les reins assez fons, comme auroit une grande compagnie, de poursuivre leur justice jusques au bout. Que ces compagnies seu1es ne seraient pas néantnoins suffisantes, si le Roi de son côté n'était armé d'un bon nombre de vaisseaux pour les maintenir puissamment en cas qu'on s'opposât par force ouvette à leurs desseins, outre que le Roi en tireroit cet avantage qu'en un besoin de guerre il ne lui soit pas nécessaire d'avoir recours à men dier l'assistance de ses voisins.
(Mémoires du cardinal de Richelieu, publiés par Lacour-Gayet etR.Lavollée,t. VII,PariS,I925,P. 25 et ss.)
Document 4: L'ACTE ANGLAIS DE NAVIGATION, DI! 1660. Pour le progrès de l'armement maritime et de la navigation, qui sous la bonne providence et protection divine intéressent tant la prospérité, la sécurité et la puissance de ce royaume ... aucune marchandise ne sera importée ou exportée des pays, îles, plantations ou territoires, appartenant à Sa Majesté ou en possession de Sa Majesté, en Asie, Amérique et Afrique, dans d'autres bateaux que ceux qui sans aucune fraude appartiennent à des sujets anglais, irlandais ou gallois, ou encore à des habitants de ces pays, îles, plan tations et territoires, et qui sont commandés par un capitaine anglais et montés par un équipage aux trois quarts anglais ... aucun étranger né en dehors de la souveraineté de notre Seigneur le Roi, ou non naturalisé ne pourra exercer le métier de marchand ou de facteur dans un des endroits précités, sous peine de confiscation de tous ses biens et marchandises ... aucune marchandise produite ou fabriquée en Afrique, Asie et Amérique ne sera importée en Angleterre, Irlande ou Pays de Galles, îles de Jersey et Guernesey, er ville de Berwick sur la Tweed dans d'autres vaisseaux que ceux qui appartiennent à des sujets anglais, irlandais ou gallois et qui sont commandés par des capitaines anglais et montés par un équipage aux trois quarts anglais ... aucune marchandise produite ou fabriquée à l'étranger et qui doit être importée en Angleterre, Irlande, Pays de Galles, îles de Jersey ou Guernesey... ne devra être embarquée dans d'autres ports que ceux du pays d'origine... il ne sera plus désonnais licite de charger sur un navire dont le ou les propriétaires sont en tout ou en partie étrangers, et dont l'équi page n'est pas anglais au moins pour les trois quarts, des marchan dises, du poisson, des victuailles, envoyés d'un port ou d'un havre d'Angleterre, d'Irlande ou du Pays de Galles à destination d'un autre port de ces pays et royaumes d'Angleterre, Irlande et Pays de Galles, sous peine de confiscation des marchandises et du navire ...
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LE MERCANTILISME
Toutes ces dispositions ne s'appliquent pas aux espèces monétaires,
ni aux prises de course ...
aucun sucre, tabac, coton, gingembre, indigo ou autres bois tincto
riaux, produits ou fabriqués dans les plantations anglaises d'Amé
rique, d'Afrique ou d'Asie ne sera exporté ailleurs que dans une
autre colonie anglaise ou en Angleterre, Irlande, Pays de Galles.•.
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des dits ouvriers vinssent à décéder, nous voulons que leurs veuves et héritiers leur succèdent aux biens qu'ils auront acquis ou qui leur seront échus en ce royaume. Voulons aussi que pendant le dit privi lège le dit exposant ne puisse être compris au rôle des tailles de notre dite ville, pour plus grande somme que celle à laquelle il a été employé au rôle de l'année 1670•.•
(D'après les English hisrorical documents, vol. VIII, édit. par D. Douglas, Londres, p. 533 et ss.)
(Versailles, février 1671.)
Document 5 ; PRIVILÈGE ACCORDÉ AU SIEUR GUICHARD POUR LA MANUFACTURE DES BASINS DE SAINT-QUENTIN.
Document 6 ; INSTRUCTION GÉNÉRALE POUR L'EXÉCUTION DES RÈGLE MENTS GÉNÉRAUX DES MANUFACTURES ET TEINTURES (30 AVRIL 1670).
Pierre Guichard marchand de notre ville de Saint-Quentin ayant établi dans la dite ville une manufacture de basins et autres ouvrages de coton et fil, il nous a très humblement fait remontrer que cette fabrique n'ayant jamais été établie dans notre royaume, il a été obligé de faire de grands frais pour attirer des ouvriers des pays étrangers tant pour faire construire des métiers que pour y faire travailler les dits basins et comme cette manufacture est d'une utilité considé rable au public, nombre de personnes qui étaient auparavant inuti lisées y trouvant de l'emploi, l'exposant nous a très humblement fait supplier de lui accorder la permission de continuer à faire seul dans la province de Picardie sur les métiers qu'il a monté et montera cy après les dits basins et autres ouvrages de coton et lin et pour tel temps qu'il nous plaira. ... nous avons à iceluy permis et accordé de faire travailler dans notre dite ville et dix lieux aux environs ... toutes sortes de basins et autres ouvrages de fil de coton et de lin avec défense à toute autre personne de l'y troubler, inquiéter ou imiter ou contrefaire les dits basins pendant dix années entières et consécutives à peine de confiscation des dits ouvrages et métiers, dix mille livres d'amende applicables un tiers à nous, un tiers à l'hôpital de la ville, un tiers à l'exposant ... et pour faire connaître à l'exposant combien l'établissement de la dite manufacture nous est agréable et lui donner moyen de la sou tenir et augmenter, nous avons à iceluy fait don de la somme de douze mille livres ... savoir six mille livres comptant, et six autres mille livres après que le dit exposant aura établi quarante métiers lesquels il sera tenu de rendre battant à la fin de l'année prochaine... nous avons exempté et exemptons la maison où il sera demeurant, de tout logement de nos troupes et gens de guerre et pour attirer en la dite manufacture nombre d'ouvriers, voulons que les dits ouvriers étrangers qui auront travaillé pendant six années entières et consécutives en la dite manufacture soient réputés régnicoles et naturels français ... et au cas que pendant les dites six années aucuns
Ledit commis fera assembler les jurés et tous les maistres dans la chambre de la communauté et leur fera lecture dudit règlement, expliquera sur chacun article ce qu'ils doivent pour le bien exécuter et leur fera connoistre que s'ils y contreviennent il s'ensuivra infail liblement leur ruine parce que leurs étoffes seront confisquées et les lisières déchirées publiquement, ce qu'ils ne sçauroient éviter car non seulement leurs marchandises seront visitées par les jurés du lieu, mais encore par les gardes des marchands des villes et des foires où elles seront portées pour estre vendues et débitées ... et ainsy la seule ressource desdits ouvriers est de bien travailler; ce que fai sant leurs marchandises seront plus dans le commerce que par le passé, d'autant qu'il en viendra moins des pays estrangers •.. II doit y avoir deux marques différentes, en chaque ville ou bourg où il se fait des manufactures, entre les mains des gardes jurés ou égards de chaque communauté; l'une pour la marque des marchan dises anciennes non conformes au règlement, l'autre pour la marque des marchandises conformes audit règlement, autour desquelles sera inscrit le nom du lieu de leur fabrique; et n'en pourront être marquées les étoffes d'un autre lieu à peine de punitions... Il est aussy néces saire que lesdits jurés fassent une visite générale chaque mois dans toutes les maisons des ouvriers et façonniers... pour y visiter et marquer les étoffes ... Ledit commis tiendra fortement la main à ce que toutes les mar chandises de laine et de fil foraines et estrangères contenues audit règlement, qui seront transportées dans les villes pour y estre débi tées soient déchargées dans les halles d'icelles après avoir passé au bureau des douanes, et qu'elles y soient ... marquées si elles sont conformes audit règlement, sinon saisies et confisquées ... Se rendre très exact à l'observation de la largeur des étoffes prescrites par le règlement, sans en rien diminuer et que la force, la finesse et la bonté soyent égales en toute la pièce et proportionnées à sa qualité. LE MERCANTILISME
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LE MERCANTILISME
A l'effet de quoy sera pris le nombre de fils nécessaires pour par venir à ladite largeur, force, finesse •.. Avoir un homme affiché et intelligent dans les manufactures, en tous lieux du département dudit commis où elles sont establies pour découvrir les abus qui s'y font ... Remarquera ledit commis... à quelles teintures chaques lieux sont plus propres... et quelles couleurs y abondent le plus afin d'obliger ceux des lieux circonvoisins d'y envoyer teindre leurs étoffes... Pareillement examiner tous les lieux les plus convenables à l'esta blissement et l'augmentation des manufactures soit pour le rapport de la terre, la commodité des eaux, le nombre d'hommes ... (P. CLÉMl!NT, Lettres, instructions et mémoires de Colbert, II, p. 832 etss.) Document 7: LES IMPORTATIONS DU TRAVAIL NATIONAL.
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INUTILES
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I!T LA PROTI!CTION
Aussi voudrais-je que quelque mesure soit prise pour éviter l'im portation de semblables bagatelles qui viennent d'outre-mer et spé cialement de celles qui pourraient être fabriquées chez nous; on pourrait, soit s'en passer tout à fait, soit s'en servir moins, comme ces verres à boire et ces miroirs, ces étoffes coloriées, ces gants par fumés, ces dagues, couteaux, aiguillettes et mille autres choses pareilles. De même pour les soies, les vins et les épices: cela n'aurait aucun inconvénient si on en importait moins. Mais surtout, je vou drais qu'aùcun article fabriqué avec nos propres produits comme les laines, peaux, étain, ne soit importé d'outre-mer pour être vendu ici, mais au contraire, que toutes ces marchandises soient manufac turées dans le Royaume. Ne serait-il pas préférable de faire travailler ainsi notre peuple, plutôt que des étrangers? Je suis sûr que 20 000 personnes de ce Royaume pourraient ainsi trouver du travail, alors que ces 20000 personnes travaillent maintenant à l'étranger ces mêmes articles, qui sont fabriqués actuellement outre-mer et qui pourraient l'être ici. Le Prince ne serait-il pas heureux d'une aide quelconque lui permettant de nourrir 10000 personnes toute l'année, sans charger son trésor d'un penny en plus? Je crois que l'on pour rait manufacturer ici ces articles, non seulement en quantité suffisante pour faire travailler beaucoup d'ouvriers pour les besoins du Royaume, mais aussi pour en exporter. Ne devrions-nous pas être honteux d'acheter tout cela aux étrangers et de faire ainsi travailler un grand nombre de leurs habitants, dont, comme je l'ai dit, nous supportons à présent la nourriture et les salaires, alors que tout ce profit pourrait être conservé pour le Royaume, de telle sorte que ce bénéfice nous resterait et nous reviendrait d'où il va maintenant? Compendieux ou bref examen de quelques plaintes ... (1549), édit. et trad. J.-Y. Le Branchu, Paris, 1934, p. 182 et 183.
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Document 8 : AMBITIONS I!T ILLUSIONS Ml!RCANTILISTES. « Si le François, déclare Garrault, sçavoit conserver ses richesses, et iouyr de son bien il commanderoit à toutes nations estant orné en temps de paix, et fortifié en guerre d'vne quantité incroyable d'or et d'argent, pour l'abondance qU'y afflue de toutes parts... D « Dieu, dit de La Gomberdière en s'adressant au roi de France, a teilement et abondamment versé ses sainctes benedictions sur vostre royaume, qu'il semble qu'il l'aye desigoé pour avoir de l'authorité et du commandement sur tous les autres de l'univers, l'ayant si bien constitué et pourveu de tout ce qui est utile et necessaire pour la vie et l'entretien de vos peuples, et en telle abondance, que l'on peut veritablement dire que c'est la seule monarchie qui se peut passer de tous ses voisins, et pas uns ne se peuvent passer d'elle.• « ... il semble, remarque Isaac de Laffemas, que la nature ait voulu favoriser lla France! de ce qu'elle a de plus précieux, pour se passer des autres nations. » Il désire voir la France puissante et glo rieuse, « afin que, dit-il à son souverain, vos voisins ne se puissent passer de vous et que vos sujets ne soient contrains de les rechercher pour leurs ouvrages ». Le commerce d'importation, ajoute-t-il encore « nous le pourrons empescher du tout D. o Ce Royaume lla France!, dit Montchrétien, est si fteurissant, si abondant en tout ce que l'on peut desirer, qu'il n'a que faile d'em prunter rien de ses voisins. » « Car la France seule, continue-t-il, se peut passer de tout ce qu'elle a de terres voisines, et toutes les terres voisines nullement d'elle. Elle a des richesses infinies, connues et à connoistre. Qui la considerera bien, c'est le plus complet corps de royaume que le Soleil puisse voir depuis son lever jusques à son coucher.... « Et, remarque Richelieu, pourvû que nous sçachions nous bien aider des avantages que la Nature nous a procurés, nous tirerons l'argent de ceux qui voudront avoir nos Marchandises qui leur sont si nécessaires, et nous ne nous chargerons pas beaucoup de leurs denrées, qui nous sont si peu utiles. » « La situation du Royaume de France, dit de La Jonchère, est si avantageuse qu'il trouve en lui même ses forces, ses besoins et même son superflu; qu'il peut se passer de toutes sortes de Com merces étrangers, et que les Étrangers ne peuvent se passer de ses Vins, Bleds, Sels, etc., en sorte qu'il peut, en rompant le Commerce avec tous les Étrangers, leur faire un tort infini, sans encourir la moindre peine, ce que les il:trangers ne sont pas en état de faire, parce qu'ils ont besoin de lui. »
(Extraits cités par E. SILBI!RNER, La guerre dans la pens4e économique du XVI' au XVIII', Paris, 1939, p. II2 et II3.)
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Document 9: LE MERCANTILISME SELON COLBERT. Libérer le commerce extérieur de la France de la tutelle hollandaise. Je crois que l'on demeurera facilement d'accord de ce principe, qu'il n'y a que l'abondance d'argent dans un Estat qui fasse la diffé rence de sa grandeur et de sa puissance. Sur ce principe, il est certain qu'il sort tous les ans hors du royaume, en denrées de son cru nécessaires pour la consommation des pays estrangers, pour 12 à 18 millions de livres. Ce sont là les mines de nostre royaume, à la conservation desquelles il faut soigneusement travailler. Les Hollandois et autres estrangers font une guerre perpétuelle à ces mines, et ont si bien fait jusqu'à présent qu'au lieu que cette somme devroit entrer dans le royaume en argent comptant et y pro duire par conséquent une prodigieuse abondance, ils nous en apportent en diverses marchandises, ou de leurs manufactures ou qu'ils tirent des pays estrangers, pour les deux tiers de cette somme, en sorte qu'il n'entre tous les ans dans le royaume, en comptant"que 4,5 à 6 millions de livres. Les moyens dont ils se servent sont: En fret de vaisseaux, de port en port. . . . . . . . . . . . . 3 millions En marchandises des isles des François.. . ... .. . .. .2 En draperies belles, dont ils ont excité nostre curiosité, 3 marchandises des Indes, épiceries, soieries, etc...... En denrées du Nord et marchandises pour la navi gation .......................................... 15 ... Leur industrie et nostre peu d'intelligence a passé si avant que, par le moyen des facteurs et des commissionnaires de leur nation qu'ils ont eu pouvoir d'establir dans tous les ports du royaume, s'estant rendus maistres de tout le commerce par la navigation, ils ont mis le prix à toutes les marchandises qu'ils achètent et à celles qu'ils vendent. Sur cette supposition, il est facile de conclure qu'autant que nous pourrons retrancher les gains que les Hollandois font sur les sujets du roy et la consommation des marchandises qu'ils nous apportent, autant augmenterons-nous l'argent comptant qui doit entrer dans le royaume par le moyen de nos denrées nécessaires, et autant augmen terons-nous la puissance, la grandeur et l'abondance de l'Estat. Nous pouvons tirer la mesme conséquence à l'égard des marchan dises d'entrepost, c'est-à-dire, celles que nous pourrions aller prendre dans les Indes orientales et occidentales pour porter dans le Nord, d'où nous rapporterions par nous-mesmes les marchandises néces saires au bastiment des vaisseaux, en quoy consiste l'autre partie de la grandeur et de la puissance de l'Estat. Outre les avantages que produira l'entrée d'une plus grande quan-
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tité d'argent comptant dans le royaume, il est certain que, par les manufactures, un million de peuples qui languissent dans la fainéan tise gagneront leur vie. Qu'un nombre aussy considerable gagnera sa vie dans la naviga tion et sur les ports de mer; Que la multiplication presque à l'infiny des vaisseaux multipliera de mesme la grandeur et la puissance de l'Estat. Voilà, à mon sens, les fins auxquelles doivent tendre l'application du Roy, sa bonté et son amour pour ses peuples. (P. CLÉMENT, Lettres, instructions et mémoires de Colbert,
Paris, 1873, t. II, p. CCLXIX et CCLXX.)
Document ro: FINANCES ROYALES ET PROSPÉRlTB GÉNÉRALE DU ROYAUME, LA GUERRlI D'ARGENT. ... et comme il faut que les peuples ayent de quoi payer avant qu'ils pensent à s'acquitter de leurs impositions, et qu'elles doivent toujours avoir leur proportion avec l'argent que chaque particulier peut avoir, la conduite universelle des finances doit toujours veiller et employer tous les soins et l'autorité de Votre Majesté, pour attirer l'argent dans le royaume, le répandre dans toutes les provinces pour procurer aux peuples la facilité de vivre et de payer leurs imposi tions ... le bon état des finances et l'augmentation des revenus de Votre Majesté consiste à augmenter par tous moyens le nombre de l'argent monnoyé qui roule continuellement dans le royaume et à maintenir dans les provinces la juste proportion qu'elles en doivent avoir... augmenter l'argent dans le commerce public en l'attirant des pays d'où il vient, en le conservant au dedans du royaume en empeschant qu'il n'en sorte, et donnant des moyens aux hommes d'en tirer profit. Comme en ces trois points consiste la grandeur, la puissance de l'État et la magnificence d 1 Roi par toutes les dépenses que les grands revenus donnent occasion de faire, qui est d'autant plus relevée qu'elle abaisse en même temps tous les États voisins, vu que n'y ayant qu'une même quantité d'argent qui roule dans toute l'Europe et qui est augmentée de temps. en temps par celui qui vient des Indes occidentales, il est certain et démonstratif que s'il n'y a que 150 millions de livres d'argent qui roule dans le public, l'on ne peut parvenir à l'augmenter de 20, 30 et 50 millions qu'en même temps l'on en oste la même quantité aux États voisins ... je supplie Votre Majesté de me pertnettre de lui dire que depuis qu'elle a pris l'administration des finances, elle a entrepris une guerre d'argent contre tous les États de l'Europe. Elle a déjà vaincu l'Espagne, l'Al lemagne, l'Italie, l'Angleterre, dans lesquels elle a jeté une très grande misère et nécessité, et s'est enrichie de leurs dépouilles, qui !"i ont donné les moyens de faire tant de grandes choses qu'elle a
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faites et fait encore tous les jours. Il ne reste que la Hollande qui combat encore avec de grandes forces: son commerce du Nord.••, celui des Indes orientales ... , celui du Levant ... celui des Indes occi dentales, ses manufactures, son commerce de Cadix, celui de Gui née et une infinité d'autres dans lesquels réside et consiste toute sa puissance. Votre Majesté a formé des compagnies qui comme des armées les attaquent partout... Les manufactures, le canal de trans navigation des mers et tant d'autres établissements nouveaux que Votre Majesté fait, sont autant de corps de réserve que Votre Majesté crée et tire du néant pour bien faire leur devoir dans cette guerre... Le fruit sensible du succès de toutes ces choses serait qu'en attirant par le commerce une très grande quantité d'argent dans son royaume, non seulement elle parviendrait bientôt à rétablir cette proportion qui doit être entre l'argent qui roule dans le commerce et les impo sitions qui sont payées par le peuple, mais même elle les augmen terait l'un et l'autre, en sorte que ses revenus augmenteraient et elle mettrait ses peuples en état de pouvoir l'assister plus considé rablement en cas de guerre ou d'autre nécessité•.• (P. CLÉMENT, op. cit., t. VII, 1670, p. 233 et ss.)
Document
II :
L'OPPOSITION A COLBERT (1668).
... Monsieur Colbert ne prend pas garde qu'en voulant mettre le,s Français en état de se pouvoir passer de tous les autres peuples, (Hies conduit) à songer aussi à faire la même chose de leurs côtés, car il est certain qu'ils ont pris une autre route pour aller chercher ailleurs la pluspart des choses, dont ils se venaient fournir dans nos provinces. Puisqu'une des principales causes de la disette d'argent, que nous voyons en France, au milieu d'une si grande abondance de blés et de vins, procède de ce que les Hollandais ne les viennent plus enlever, comme ils faisaient autrefois, parce que la conduite que nous tenons avec eux à l'égard du commerce leur fait voir clai rement que nous ne voulons rien prendre en échange. Or il ne faut pas nous mettre dans l'esprit qu'ils ne puissent trouver quelque expédient pour pouvoir faire leurs. longs voyages, sans avoir recours à nos denrées, lorsque nous voudrons leur retrancher toutes les commodités qu'ils ont rencontrées jusques à présent dans le com merce, qu'ils font avec nous, et que nous prétendrons les obliger de le faire entièrement avec de l'argent comptant. On peut encore ajouter que les diverses qualités que l'on remarque à la terre, à l'air et aux eaux étant comme elles sont une des principales causes de la production des fruits, des plantes et des animaux, qui se rencontrent en certllines parties du monde plutôt qu'en d'autres, cela même doit nous faire connaltre que la divine providence n'a établi une telle
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diversité, que pour obliger les hommes par le besoin mutuel qu'ils ont les uns des autres à s'entre-communiquer toutes les choses qui leur sont nécessaires, et que ce lien de la société civile n'est pas moins ancien que le monde, Non omnis fert omnia Tel/us. De sorte qu'après avoir essuyé bien des fâcheux inconvénients, il faudra que nous revenions par nécessité au même estat où nous étions ou n'avoir plus de liaison avec personne, qui est une chose impossible... (Mémoires pour servÎr à l'histoire D.M.R., 1668, p. 325 à 327.)
Document 12: LES OBJECTIONS DE D. HUME (1752). 1.
La même crainte jalouse au regard des métaux précieux a prévalu également auprès de diverses nations et il a fallu le concours de la raison et de l'expérience pour convaincre que ces sortes de prohibi tions n'ont d'autre résultat que d'augmenter le change au détriment du pays qui les établit, et de déterminer une exportation encore plus grande de numéraire. Mais il règne encore, même chez les nations accoutumées au commerce, une forte jalousie en ce qui concerne la balance du commerce. Ceci me parait presque toujours une appréhen sion sans fondement et je redouterais autant l'épuisement de toutes nos sources et de toutes nos rivières que de voir le numéraire quitter un royaume peuplé et actif. Conservons soigneusement les avantages que nous assurent notre population et notre activité et nous n'aurons jamais à craindre de perdre notre richesse monétaire... Supposons que les quatre cinquièmes de toute la circulation qui existe dans la Grande-Bretagne soient anéantis en une nuit, quelle serait la consé quence de cet événement? Le prix du travail et des marchandises ne devrait-il pas baisser en proportion? Quelle nation pourrait alors lutter avec nous sur les marchés étrangers? Ne nous faudrait-il pas alors bien peu de temps pour faire rentrer l'argent que nous aurions perdu et pour nous relever au niveau de toutes les nations voisines ? .. Supposons encore que toute la circulation de la Grande Bretagne soit quintuplée en une nuit, I"effet contraire ne devrait-il pas se produire ... (De la balance du commerce, ŒutlTe économique, édit. L. Say, Paris, p. 64 à 67.) II.
DE LA JALOUSIE DU COMMIlRCE.
Rien n'est plus habituel de la part des États qui ont fait quelques progrès dans le commerce que de col).sidérer d'un œil inquiet ceux de
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leurs voisins, de regarder tous les États commerçants comme des rivaux et de croire qu'il est impossible à aucun d'eux de prospérer, si ce n'est à leurs dépens. J'ose prétendre en opposition à cette opi nion étroite et mauvaise, que l'accroissement du commerce et des richesses dans une nation contribue d'ordinaire à développer, bien loin de leur nuire, le commerce et les richesses de tous ses voisins, et qu'un État peut difficilement pousser son commerce et son industrie, si les États qui l'entourent sont plongés dans l'ignorance, dans l'oisi veté et dans la barbarie. (Ibid., p. 94.)
Document 13 : L'OPINION DB
TURGOT.
M. de Goutnay n'avait pas imaginé non plus que, dans un royaume où l'ordre des successions n'a été établi que par la coutume, et où l'application de la peine de mort à plusieurs crimes est encore aban donnée à la jurisprudence, le gouvernement eût daigné régler par des lois expresses la longueur et la largeur de chaque pièce d'étoffe, le nombre des fils dont elle doit être composée, et consacrer par le sceau de la puissance législative quatre volumes in-quarto remplis de ces détails importants; et en outre des statuts sans nombre dictés par l'esprit du monopole, dont tout l'objet est de décourager l'in dustrie, de concentrer le commerce dans un petit nombre de mains par la multiplication des formalités et des frais, par l'assujettissement à des apprentissages et des compagnonnages de dix ans, pour des métiers qu'on peut savoir en· dix jours; par l'exclusion de ceux qui ne sont pas fils de maltres, de ceux qui sont nés hors de certaines limites, par la défense d'employer les femmes à la fabrication des étoffes, etc., etc. Il n'était pas moins étonné de voir le gouvernement s'occuper de régler le cours de chaque denrée, proscrire un genre d'industrie pour en faire fleurir un autre, assujettir à des gênes particulières la vente des provisions les plus nécessaires à la vie, défendre de faire des magasins d'une denrée, dont la récolte varie tous les ans et dont la consommation est toujours à peu près égale; défendre la sortie d'une denrée sujette à tomber dans l'avilissement, et croire s'assu rer l'abondance du blé en rendant la condition du laboureur plus incertaine et plus malheureuse que celle de tous les autres citoyens, etc. (TURGOT,
Éloge de Gournaj , Œuvres, édit. Daire, t. l, p. 268 et 269.)
DOCUMENTS ET TÉMOIGNAGES
Document 14: LB
JUGIlMIlNT
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D'A. SMITH
SUR
LB
MBRCANTIUSMII.
Par une suite de ces idées populaires, toutes les diftérentes nations de l'Europe se sont appliquées, quelques-unes sans beaucoup de succès, à chercher tous les moyens possibles d'accumuler l'or et l'ar gent dans leurs pays respecrifs ... C'est avec de pareilles m.aximes qu'on a accoutumé les peuples à croire que leur intérêt consistait à ruiner tous leurs voisins, chaque nation en est venue à jeter un œil d'envie sur la prospérité de toutes les nations avec lesquelles elle commerce, et à regarder tout ce qu'elles gagnent comme une perte pour elle. Le commerce, qui naturellement devrait être pour les nations comme pour les individus un lien de concorde et d'amitié, est devenu la source la plus féconde des querelles et des guerres... Le motif qui a dicté tous ces règlements c'est d'étendre le progrès de nos manufactures, non pas en les perfecrionnant, mais en affai blissant celles de tous nos voisins... Les inventeurs et constructeurs de tout ce système furent bien les producteurs, à l'intérêt desquels on a porté une attention soigneuse et recherchée. Les principaux architectes du système ont été nos marchands et nos manufacturiers ... On a sacrifié l'intérêt du consommateur national à celui du producteur. (La richesse des Nations, édit. Garnier, Blanqui, Paris, 1859, t. II, Livre IV, p. 180, 2.59, 463, 465.)
Document 15: LI!
JUGIIMBNT
DI! J.-B.
SAY.
Jusqu'à l'époque de la renaissance des arts en Europe, c'est-à-dire jusque vers le XVIe siècle, les gouvernements des divers pays s'in quiétaient peu de la nature des retours que les commerçants rece vaient de l'étranger. Les droits de sortie et d'entrée avaient un objet purement fiscal; c'étaient pour les gouvernements des moyens de lever des tributs, et rien de plus; mais ensuite, lorsqu'on s'aperçut que le commerce était une source de prospérité pour les nations et de puissance pour les gouvernements, on crut pouvoir l'exploiter plus à profit. Les publicistes, les hommes d'Etat, avant d'avoir suffi· samment étudié la nature des richesses et ce qui les produit, crurent, avec le vulgaire, qu'on est riche parce qu'on a beaucoup d'argent, au lieu de comprendre que l'on a beaucoup d'argent parce qu'on est riche; ils en tirèrent la conclusion qu'i! ne s'agissait que de faire venir beaucoup de métaux précieux pour s'enrichir, tandis qu'il s'agit de s'enrichir d'abord; car du moment qu'on est riche, on ne manque jamais de métaux précieux.
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Tous leurs efforts en conséquence tendirent à tirer de l'étranger, non des valeurs supérieures à celles qu'on y envoyait, mais plus de métaux précieux qu'on ne lui en donnait. On crut parvenir à ce but en prohibant la sortie de l'or et de l'argent, er l'introduction des marchandises étrangéres que l'on pouvait produire dans le pays, présumant que si notre nation, par exemple, recevait des étrangers plus d'objets de consommation qu'elle ne leur en adressait, il fau drait .inévitablement qu'elle payât ce surplus, ce solde, en numé raire. Quant aux marchandises que notre pays ne pouvait produire et qu'il fallait nécessairement tirer du dehors, on se contenta de les assujettir à des droits d'entrée plus ou moins forts, qui devaient tendre, plus ou moins, à réduire la somme des marchandises impor tées. Chaque t:itat favorisa, au contraire, par des traités de commerce, par des primes d'exportation, l'envoi de ses produits au dehors. On présumait que l'étranger recevant de nos produits et ne pouvant, en raison des prohibitions, nous envoyer les siens en retour, serait forcé de payer les nôtres en or ou en argent. Cette opinion, mise en avant d'abord par des écrivains italiens *, adoptée ensuite par touS les publicistes d'Anglererre er de France, se trouva généralement enseignée. On ne croyait pas qu'elle pût être attaquée... De là un système de législation fort contraire à la liberté des tran sactions commerciales, adopté partout, et que l'on peut nommer système de la balance du commerce. (Cours complet d'économie politique, Paris, 18.52, p . .5.58 et .5.59.)
Document 16: LES MÉRITES DU SYSTèME INDUSTRIEL, IMPROPREMENT APPELÉ SYSTèME MERCANTILE. ID Il comprend l'importance des manufactures et leur influence sur l'agriculture, sur le commerce et sur la navigation du pays. 2 0 Il choisit en général le bon moyen pour créer l'industrie manu facturière dans la nation mûre à cet effet. 30 Il prend l'idée de nation pour point de départ et considérant les nations comme des unités, il tient compte partout des intérêts nationaux. Voici maintenant les points principaux, par lesquels pèche ce système: ID Il n'y a pas en général une notion exacte du principe de l'édu cation industrielle, du pays, ni des conditions de son application.
* Botero Antonio Serra et d'autres. Botero naquit en 1540. donna en ;559 une traduction française de .a RagÎ""" di stat".
J. Chappuys
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2 0 Il provoque par conséquent, de la part de peuples qui vivent sous un climat contraire aux manufactures, d'États trop petits ou trop peu avancés, une imitation mal entendue du système protecteur. 3° Il veut au détriment de l'agriculture étendre la protection aux matières brutes. 4 0 Il veut au détriment de l'agriculture, et contre toute justice, favoriser les manufactures, en entravant l'exportation des matières brutes. 50 Il n'enseigne pas à la nation parvenue à la suprématie manu facturière qu'elle doit ouvrir son marché à la libre concurrence, pour préserver de l'indolence ses manufactuners et ses négociants•.•
(F. LIST, Système national d'économie politique, Paris, I857, p. 459.)
Document 17: LA MANUFACTURE, LE PROTECTIONNISME ET LI! MARCHÉ I!XTÉlUEUR SELON MARX. La coopération qui est fondée sur la division du travail acquiert sa forme classique dans la manufacture. Elle prédomine en tant que forme caractéristique du procès de production capitaliste, pendant la période manufacturière proprement dite, qui va grosso modo du milieu du XVI" siècle jusqu'au dernier tiers du XVIII·... L'économie politique, qui ne prend rang de science particulière qu'avec la période manufacturière, considère la division sociale du travail comme un moyen de produire plus de marchandises avec la même somme de travail, de diminuer par conséquent le prix des marchandises et d'accélérer l'accumulation du capital. (Le Capital, Paris, 1946, Liv. l, chap. XII, p. 229 et 269.) Le système protectionniste fut un moyen artificiel de fabriquer des fabricants, d'exproprier les ouvriers indépendants, de capitaliser les moyens nationaux de production et de subsistance. Les États euro péens se disputèrent le monopole de cette invention, et dès qu'ils se furent mis au service des producteurs de plus-value, ils ne se conten tèrent' plus de rançonner à cette fin leur propre peuple, soit indirec tement par des tarifs protectionnistes, soit directement par des primes d'exportation. Dans les pays placés sous leur influence, ils détrui sirent par des moyens violents toute industrie... Colbert donna le signal d'une simplification considérable du procédé. C'est dans le trésor public que dans ce pays les industriels puisent directement dans bien des cas leur capital primitif. (Le Capital, Liv. l, chap. XXIV, p.26.5.)
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La manufacture surgit là où existe une production de masse l'exportation, pour le marché extérieur, donc sur la base du grand commerce maritime et terrestre ...
(Fondements de la critique de l'économie politique, 1967, t. l, p. 476.)
Document 18 : QUELQUES-UNES DES CONCLUSIONS DE E. F. HECIC SCHER.
En vérité le mercantilisme cherchait surtout les moyens de pro curer le plus de profit possible à chaque pays. C'était un grand chan gement par rapport à l'idéal médiéval d'autarcie qui présupposait en fait l'absence de tout changement dans la situation sociale des classes et des individus. A l'intérieur du pays les mercantilistes pour suivaient des objectifs dynamiques. Mais la chose importante c'est que cette conception se conjuguait avec une théorie statique des res sources économiques globales du monde; de là naquit la contradic tion fondamentale qui provoqua des luttes commerciales sans fin. La position d'un pays particulier pouvait changer, progTesser, mais seulement aux dépens d'autres pays. Tel fut le drame du mercan tilisme. Le Moyen Age avec son idéal universel statique et le hlisser faire avec son idéal universel dynamique ont tous deux échappé à cette contradiction, si l'on ne saisit pas ceci, il est impossible de comprendre quoi que ce soit à la théorie et à la pratique du mer cantilisme. Le mercantilisme comme nous l'avons vu comporte deux aspects essentiels, l'un le rattache au libéralisme et l'autre l'attire dans la direction opposée. La question qui se pose est de savoir quel est des deux l'aspect le plus important? sans aucun doute le second. De l'aspect libéral du mercantilisme on peut rerenir: la sollicitude pour les entrepreneurs, l'émancipation vis-A-vis de la morale et de la religion et la tendance à utiliser les intérêts privés au service de la collectivité. Mais tout cela compte moins que l'idée d'une réglementation nécessaire de l'économie selon certaines doc trines. La réalité essentielle c'était la soumission à un système éco nomique hérité des siècles précédents, la soumission au mercanti lisme comme système de pouvoir, système protectionniste et système monétaire. Bien que les mercantilistes se crussent émancipés de tout attachement à la tradition, en fait ils étaient ligotés dans ses filets. Au point de vue de la conception de la société et de l'effort d'unification nationale le libéralisme fut l'exécuteur testamentaire et l'héritier du mercantilisme, mais au point de vue économique et humain, il fut son adversaire victorieux.
(E. F. HECKSCHI!R, Mercantilism, Londres, 1955, t. II, p. 25 et p. 323.)
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DOCUMENTS ET TÉMOIGNAGES
Document 19: LE JUGEMENT D'UN CONTEMPORAIN: C. H. WILSON.
109 GRAND
HISTORIEN
ANGLAIS
Pour A. Smith, les idées qui inspirérent le système mercantile paraissaient mal conçues, les objectifs poursuivis étaient iniques, la réalisation gâchée par la corruption et l'existence même du mercan tilisme était inopportune sinon malfaisante. Mais les arguments de la Richesse des Nations étaient tirés de l'observation de trois éco nomies relativement évoluées, celle de l'Angleterre, de la France et de la Hollande. Ces arguments n'avaient pas la même force pour ceux qui n'avaient pas encore réalisé le passage de l'économie agTÎCole à l'économie mercantile. La protestation d'A. Smith contre la ten tation de fabriquer dans un pays ce qui y coûte plus cher à manu facturer qu'à acheter au-dehors, est peu convaincante pour ceux que ce raisonnement condamne à demeurer indéfiniment producteurs de matières premières. Il est évident que l'hypothèse, selon laquelle les coûts de production seraient fixes et faciles à calculer, correspond à une théorie statique, destinée A pétrifier le statu quo et à décourager tout progTès économique. En dépit de toutes ses faiblesses et illo gismes, la pensée mercantiliste recélait un élément de dynamisme. Sa foi en la possibilité d'apprendre, de progTesser et de se développer fut capable de survivre à de continuelles désillusions... Si on compare l'Europe de I750 à celle de I6oo, au point de vue de la population, des ressources, des niveaux de vie, du revenu national, on enregistre à la fois des gains et des pettes. En Espagne et en Hongrie, la popu lation a diminué, la guerre et ses suites ont provoqué des crises et des récessions dans l'industrie textile de toute l'Europe occidentale. Cependant en dépit des manifestations locales et temporaires de contraction économique, il n'y a aucun doute que cette période fut en général une période de progTès. La population a augmenté non pas spectaculairement mais réguliérement (?). Le volume du com merce maritime et particulièrement du commerce colonial, de la France et de l'Angleterre, par exemple, a progTessé de façon remar quable. Cependant, il n'existe dans cette période aucun phénomène susceptible d'expliquer l'expansion de la même façon que la révolu tion des prix du xVie siècle ou les inventions techniques à l'époque de la révolution industrielle. Les I50 ans qui constituent l'âge clas sique du mercantilisme connurent des prix stables ou fiéchissants. Peu d'inventions importantes furent alors introduites dans l'indus trie et le commerce... mais il y avait la poursuite systématique du gain matériel, et il serait difficile de contredire la thèse, selon laquelle le rapide progTès de l'Occident comparé à la stagnation, à l'apathie de l'Asie, trouve là son explication. La caractéristique essentielle des mercanti listes, c'est peut-être leur croyance dans la possibilité désirable du chan gement matériel et leur aptitude à mettre au service de cette croyance, une énergie, une concentration, et une organisation sans précédent. (C. H. WILSON, in Cambridge economic history of Europe, t. IV, p. 575.)
LE MERCANTILISME
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Document 20 : Aux ORIGINES DU PROTECTIONNISME. LA RÉCESSION DU SECOND QUART DU XVIIe SIÈCLE. LE CAS DE DEUX GRANDES MANUFACTURES LAINIÈRES D'EuROPE OCCIDENTALE.
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DOCUMENTS ET TÉMOIGNAGES
III
Document 21 : DEUX DES CAUSES DE LA CONTRACTION ÉCONOMIQUE DU XVII" SIÈCLE ?
1. - Leyde (L) : production de saies, ras, futaines et baies. De 1638 à 1653, la courbe supérieure représente cette production augmentée de celle des draps, d'après N. W. POSTHUMUS, Leidsche lakenindustrie.
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Hondschoote (H) : production des saies d'Hondschoote, d'après E. CoORNAERT, la draperie sayeuerie d'Hondschoote, 1930.
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ln thousands of pesos II. La production des draperies de laine peignée à Lille (L) et Amiens (A) d'après les octrois municipaux, d'après DEYON, LoTTIN, Revue du Nord, 1967 et DEYON, Amiens capitale prO'lJÎnciale, 1967.
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Le mouvement du trafic américain de Séville; les marchandises (d'après H. et P. CHAUNU); les importations d'or et d'argent (d'après E. J. HAMILTON. Cambridge Econcmic History of Europe, t. IV, p. 485, 1967; avec l'aimable autorisation de Mrs. BRAUDEL et SPOONER.
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LE MERCANTILISME
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Document 22: UN EXEMPLE NATIONAL DES CONTRADICTIONS DE L'HISTORIOGRAPHIE. POUR OU CONTRE COLBERT
Le jugement de Voltaire: Nous sentons aujourd'hui tout ce que le ministre Colbert fit pour le bien du royaume. Il avait la-même exactitude que le duc de Sully et des vues bien plus étendues... et il voulait enrichir la France et le peuple... Il était arrivé au maniement des finances avec de la science et du génie. La plus grande faute qu'on lui reproche est de n'avoir pas osé encourager l'exportation des blés, c'est la seule tache de son ministère, mais elle est grande.
(Le siècle de Louis XIV, œuvres ccmplètes, édit. Garnier, Paris, 1878, p. SOI, 521 et 522.) Celui d'A. Smith: Malheureusement ce ministre avait adopté tous les préjugés du système mercantile; système essentiellement formaliste et règlemen taire et qui ne pouvait guère par là manquer de convenir à un homme laborieux et rompu aux affaires, accoutumé depuis longtemps à régler les différents départements de l'administration publique... Il chercha à régler l'industrie et le commerce d'un grand peuple sur le même modèle que les départements d'un bureau.
(La richesse des nations, édit. Garnier, liv. IV, chap.
IX,
t. III, p. 2.)
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DOCUMENTS ET TÉMOIGNAGES
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Document 23: LI! PANÉGYRIQUE. On a voulu montrer comment Colbert, héritier d'une tradition antérieure incohérente et imprécise, celle de l'économie d'Etat ou de l'industrie dirigée, a su le premier par la lucidité d'une intelli gence et la puissance d'une volonté incomparables coordonner en un système des doctrines, dont il ne fut pas l'inventeur, mais aux quelles on appliqua désormais son nom, et surtout les traduire en actes. En 22 ans ce grand homme dont l'œuvre eut une portée immense a su de toutes pièces créer une administration économique : grouper les forces vives du royaume, ébaucher un enseignement technique d'État, susciter par la protection et les privilèges une multitude d'entreprises de toute sorte, créer un ensemble de monopoles indus triels d'État si remarquables qu'ils ont survécu à l'Ancien Régime, libérer l'industrie française de la suprématie étrangère, lui assurer à son tour l'hégémonie dans toute l'Europe... Rien ne lui échappa; il combina tout, privilèges. secours d'argent pour faire du royaume cet empire du travail d'où seraient bannies l'oisiveté et la fainéantise. et auquel nul autre État n'aurait pu se comparer ni résister. A coup sûr le rêve dépassa la réalité et c'était vouloir forcer la nature, que de prétendre monopoliser au profit de la France la production indus tri elle européenne. Mais si certaines de ces milliers de semences jetées par la main de Colbert ne germèrent pas, la plupart parvinrent à réaliser pendant ou après sa vie ses espérances. Il travaillait en effet autant pour J'avenir que pour le présent. La France lui doit d'être devenue un grand État industriel, d'avoir pendant près d'un siècle détenu une véritable royauté économique, et de n'être jamais déchue depuis trois siècles de la place èminente, qu'il lui a donnée. Telle a été la part immortelle de Colbert dans la grandeur de son pays ... Considétée dans son ensemble la dictature exercée par Colbert dans le domaine du travail a été l'une des plus grandioses conceptions de la monarchie d'Ancien Régime.
Celui de Michelet: (P. BOISSONNADE, Colbert, Paris, 1932, p. VII et p. 285 à 287.) Colbert bâtit sur un terrain ruiné d'avance, celui de la misère qui progresse en ce siècle sans pouvoir s'arrêter. Des causes politiques et morales venues de loin, surtout l'oisiveté nobiliaire et catholique qui après avoir ruiné l'Espagne devait ruiner la France... on a dit à merveille la grandeur de cette création industrielle mais pas assez sa chute, sa prompte décadence. L'immense malédiction sous laquelle Colbert mourait, le troubla à son lit de mort... nous le savons, héros vous allez dans la gloire, vous restez au cœur de la France. Les grandes nations comme Dieu sont équitables, estimant l'œuvre moins sur les résultats que sur l'effort et la grandeur de la volonté.
(Histoire de France, édit. 1860, t. XIII, p. 277 et 282.)
Document 24: LA MISE AU POINT D'UN HISTORIEN CONTEMPORAIN. L'énorme labeur de Jean-Baptiste Colbert a été caricaturé par les échafaudages des gens à système, et écrasé sous l'Himalaya des dithy rambes. Les juristes ont fabriqué des mots en « isme • et des démons trations en trois points. Les grands bourgeois du siècle dernier ont fait de Jean-Baptiste un « grand ancêtre >, le prototype magnifique de l'excellence de la bourgeoisie quand elle gouverne. Avec un talent jamais égalé, le grand Lavisse, sorte d'historien officiel de la Répu
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LE MERCANTIUSME
blique des radicaux, a inventé de toutes pièces le passage est Cameux:
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de Colbert.;
A ce moment unique et Cugitif (1661), Colbert conseilla une
grande nouveauté, qui était que la France et le Roi se proposassent
comme la chose essentielle de gagner de l'argent... Ce fut donc
la volonté de Colbert que la France devint une manufacture et
une maison de commerce productrice de richesse...
et la péroraison n'a pas fini d'impressionner: Comment la France et comment le Roi accueillirent l'offre de
Colbert, c'est la question capitale du règne de Louis XIV.
Cette affabulation préparait naturellement la réponse: l'orgueil leux et belliqueux monarque a refusé l'offre du bourgeois génial et progressiste. Les adversaires, même subtils, de la conception du vieil historien, l'ont toujours inconsciemment suivi, même en le contre disant. Le « marchand de dtap de Reims " le « génial bourgeois • a toujours obnubilé les esprits, et mis un voile épais sur la France du XVII" siècle, qu'on reconstitua à travers ses écrits, alors que la démarche inverse est la seule acceptable: étudier d'abord la nation, et voir jusqu'à quel point Jean-Baptiste l'a connue, comprise, et modifiée. Cette inconsciente malfaisance historique a été portée au plus haut point par l'excellent Boissonnade, qui avait voué une sorte de culte à Colbert: avant son héros, il n'y avait rien; après lui, la France est " la première des premières puissances industrielles du monde '. Boissonnade a beau tout mélanger, se contredire d'une page à l'autre, accumuler contre-vérités, Cautes de lecture, de jugement, d'écriture et d'impression, on en est souvent resté, du moins dans ce pays, à ses pénibles enfantillages. Sans doute un proCesseur de Columbia, Charles Wolsey Cole, avait publié dès 1939 un Colbert mesuré et consciencieux; on l'ignore magnifiquement. Presque toutes les idées dont on lui fait honneur étaient banales depuis un siècle. Il y a plus de trente ans que Hauser a étudié « le colbertisme avant Colbert », s'est amusé à en relever les grands traits supposés dans telle délibération d'États généraux, d'Assemblée des Notables en 1614, en 1596, en 1588, en 1576, en 1538, voire en 1485 et 1471. Le même Hauser, qui lisait les historiens britanniques, a montré sans peine que l'essentiel du colbertisme tenait dans la poli tique de W. Ceci!, le ministre d'misabeth. Encore Hauser ignorait-il l'œuvre pionnière des èconomistes espagnols du XVIe siècle, et ne pouvait connaître cet éclatant article où l'historien anglais Fisher montre que tout nationalisme èconomique, tout protectionnisme d'État révèle d'abord le marasme des affaires; que l'État n'intervient pas quand les affaires vont toutes seules, et, par corollaire, que le
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DOCUMENTS ET TÉMOIGNAGES
Ils
« colbertisme » est le signe même de la contraction èconomique, de la récession et du déclin ... Les dernières pages qu'écrivit Henri Hauser ont prouvé à quel point Colbert, dans ses formules les plus souvent citées, copie simplement les Cormules même de Richelieu, dont il a manié les papiers, et qu'il cite inlassablement au Roi agacé: • Sire, ce grand cardinal.... Et Hauser de poursuiVIe: ce que Colbert ajoute à Richelieu est pure sottise, comme ce dogme personnel de la fixité et de la quantité d'argent roulant en Europe, de la constance de la « quantité du commerce. et du nombre des navires qui l'assurent. Richelieu, au contraire, croyait à l'expansion, voire à la croissance économique: • la distance d'un parfait commis à un homme d'État -. En fin de compte - Cole l'écrivait dès 1939 - , l'originalité de Colbert, c'est son obstination et son énergie. Il est, corps et âme et toute sa famille avec lui, au service du Roi. Au-delà de quelques idées sur la politique économique, il a la plus large conception de la gloire du Roi - donc du royaume, puisque le royaume, c'est le Roi.
(P. GOUBERT, Louis XIV et vingt millions dl! françq.is,
Fayard, Paris, 1966, p. 8S à 87.)
....
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68. LAFFEMAS (B.) : p. 23, 24, 26, 49,57· LAFFEMAS (1.) : p. 25. LA GOMBERDIERE : p. 25,49, 54· LAVISSE (E.) : p. 28. LAW (J.) : p. 61. LEGENDRE (Th.) : p. 62. LEOPOLD 1er : p. 40. LIPSON (E.) : p. 75. LIST (F.): p. 28, 75,107. LOCKE (J.) : p. 67. LOUIS XI : p. 17. LOUIS XIII: p. 50. LOUIS XIV: p. 20, 27, 28, 31, 38, 62, 63, 112, I I 5. LOUIS XV : p. 50,82. MALESTROIT (J. de): p. 49. MALTHUS (Th. R.): p. SI. MALYNES (G.) : p. 60. MARX (K.) : p. 59, 106. MAXIMILIEN EMMANUEL (de Bavière) : p. 42. MELLON (J. F.): p. 5°,71. MENCHIKOV: p. 43. MICHELET (J.) : p. 112. MlRABEAU(marquisde):p.lI. MONTCHRETIEN (A. de) : p. 23, 25, 50, 52, 53, 56, 58. MUN (Th.): p. 23, 50, SI, 54, 55, 58, 60, 66, 70, 77.
LE MERCANTILISME
NATCHOKINE (O.) : p. 43.
NORTH (D.) : p. 50, 66-69.
ORTIZ (L.) : p. 19.
ORESME (N.) : p. 48.
ORRY (Ph.) : p. SO.
ORTIZ (L.) : p. 51.
PETTY (W.) : p. 23, SO, 58, 67,
69, 80. PHILIPPE II: p. 21, 31, 49, S7. PIERRE 1er : p. 43-44. POSSOCHKOV : p. 43. POULLAIN (H.) : p. 49. QUESNAY (F.): p. 70, 73. RICARDO (D.) : p. 7S. INDEX GËOGRAPHIQUE RICHELIEU (duc de, cardinal) : p. 23, 25, 26, 49. ROBAIS (J. van) : p. 84. SAINT THOMAS (d'Aquin) : ELBE: p. 40, 44. AFRIQUE: p. 35, 95· P·4 8. ESPAGNE: p. 20-22, 25,4°,49, SALTYKOV: p. 43. ALLEMAGNE: p. 51, 75, 101. SI, 66,94,101, 1°9. SAY (J. B.): p. 65, 71, 7S, lOS. AMERIQUE : p. 25, 3S, 95, 96. ETATS-UNIS (d'Amérique du SCHMOLLER (G.) : p. 75, 76. AMIENS: p. 77, 84. Nord) : p. 82. SCHROEDER (W. von) : p. SI. AMSTERDAM: p. 37, 38, 63, EXTREME-ORIENT : p. 24. SCHUMPETER (].): p. 69. 78. FLANDRE: p. 42. SERRA (A.) : p. 51, 106. ANGLETERRE: p. 16, 19-24, FLORENCE: p. 16, 20. SERRES (O. de) : p. 57. 28-32,34-37,41,4 2,5 0 ,54,59, FONTAINEBLEAU: p. 20. SEYSSEL (CI. de) : p. 19,54. 60, 62, 65-69, 75, 80, 82-84, FRANCE: p. 16, 17, 19,20,21 SMITH (A.) : p. II, 57, 6S,69 93-96, 101, 103, 106, 109· 25,27,3°,3 1,34,35,37,4 1,4 2, 75, 105, 109, 1l2. ANTILLES: p. 28. 44, 54, 59, 61, 64, 66, 67,7 1, TEMPLE (W.): p. 67. ANVERS: p. 42, 78. 77,78,83,89,94,99,100, 103, TURGOT (A. R.) : p. 104. AUTRICHE: p. 40, 52. 106, 109, Il3, II4. TURQUET (de Mayerne) BALTIQUE: p. 23,32,36,38, GAND: p. 41.
43,66,79. P·5 6 . HAMBOURG: p. 40.
UZTARIZ (G. de): p. 51. BAVIERE : p. 37. HARLEM: p. 38.
VAUBAN (S. le Prestre de) : BEAUVAIS: p. 77 HOLLANDE: p. 33, 37, 38, 4 1,
p. 58, 62, 63. BOLOGNE: p. 16. 62,67,77,94, 102, lOg. VERON (de Forbonnais): 50, 62, BRABANT: p. 42. HONGRIE: p. 109. BRUGES: p. 42. 71. INDES: p. 23, 25, 27, 32, 38, 4 1, VOLTAIRE: p. II2.
BRUXELLES: p. 42. 50, 58, 60, 82, ICO, 102. WILSON (C. H.) : p. 69, 79, 109.
CADIX: p. 41, IC2. IRLANDE: p. 93, 95, 96. CANADA: p. 28. ITALIE: p. 22, 41, 66, 83,101. CASTILLE: p. 21. LANGUEDOC: p. 21. CATALOGNE: p. 21. LEVANT: p. 17,24,27,38,58, CHINE: p. 38. 79,94,102.
DANEMARK: p. 37. LEYDE: p. 38.
DRESDE: p. 40. LONDRES: p. 50, 53,78,93.
ECOSSE: p. 93.
LB MERCANTILISME LYON:p.17,78.
MADRID: p. 41,42.
MARSEILLE: p. 62.
MEDITERRANEE : p. 23.
MILAN: p. 16, 41.
MOSCOU: p. 43.
NANTES: p. 62.
NAPLES: p. 4I, SI.
NEVA:p.43.
NORRKÛPING : p. 36.
ORLEANS: p. 20.
PARIS: p. 29, 62, 78.
PAYS-BAS: p. 41, 42, 83,93,94.
POTOSI : p. 58.
PROVINCES-UNIES: p. 22, 24,
3°,31,37,39,67,83.
REIMS: p. 77, II4.
ROME:p.17.
ROUEN: p. 62.
RUSSIE: p. 43, 79·
SAINT-QUENTIN: p. 96.
SCANIE: p. 36.
SEVILLE: p. 25,40,48,78.
SILESIE : p. 44.
STOCKHOLM: p. 36.
SUEDE: p. 22, 36, 37, 50.
TOURS: p. 20. TURQUIE: p. 50. UPSALA : p. SI. VENISE: p. 33,78. VIENNE: p. SI. VOLGA: p. 43.
TABLE DES MATIÈRES
CHRONOLOGIE INTRODUCTION A la recherche d'un mythe.
5 II
PREMIÈRE PARTIE 1. Politiques et Pratiques du mercantilisme.
15
Les antécédents médiévaux (15). - Dans la fascination des trésors américains, l'ébauche au XVIe d'un premier mercantilisme (18). Le mercantilisme au XVIIe, l'exemple français (22). - Le système mercantile en Angleterte (31). - Les autres Etats européens (37). L'actualité du mercantilisme pour les despotes éclairés du XVIII" (43).
2. Les Théories du mercantilisme. . • . ••
47
Publicistes, théoriciens, administrateurs et hommes d'af faires (49). - Une volonté de puissance, un service du Prince et de l'Etat (52). - Le programme douanier et manufacturier (55). - L'abondance d'espèces et la balance commerciale (57). - L'évolution des doctrines économiques (61). - Aux origines du libéralisme éco nomique (70).
DEUXIÈME PARTIE : .ÉTAT DE LA QUESTION ET ÉLÉ MENTS DU DOSSIER J. Problèmes et interprétations. . . . . •• Jugements contradictoires de A. Smith à E. P. Heckscher
73
q: LE MERCANTILISME
126 (73). - Points de vue nouveaux (77). signification du mercantilisme (82). 2.
l
Documents et témoignages
Résultats et
91
3. Bibliographie
II7
4. Index.
121
OUVRAGES PARUS: 1. Z. 1. 4. 5. 5. 1. 1.
Marc FERRO, La révolution russe de 1917. Robert PA RIS. Les Origines du fasc.sme, Pi8"8 RICHÉ. De "éducation antique à l'éducation chevaleres.Que. Claude KLEIN, Weimar. Alberto TENENTI, Florence à l'époque des Médicis: de la cité à l'Etat. Guy PEDRONClNI. Les néooclatlons secrétes pendant la Grande Guene. GUY BOQUET. Théâtre et société: Shakespeare. Pierre SORLIN, L'antlséml1isme allemand. t. Pierre RENOUVIN. Le traHé de Versailles. 10. Lucette VALENSJ, Le Maghreb avant la prise d'Alger (18OQ..1830). 11. Pietre DEVON, Le mercantUisme.
OUVRAGES EN PRtPARATION : BENNIGSEN Alexandre. Russes et Chinois (XIV-.XX· siècle) _ BOUILLON Jacqun* ladrOle de guerre • BROué Pierre. la révolution espagnole(1931 ..1939) _ BRUNSCHWIG Ho.rl, Le pariage de l'Afrique • CARRiRE D'ENCAUSSE H.Ié.e, Panturklsme, panislamisme. panarabisme _ CHATELET François, La méthode en histoire a CHE.. VALLIER Dominique. l'Islam ottoman devant les transformations de "Europe (milieu du XIX' siée le) • COQUERY-VIDROVITCH Catherine. Natton et société en Afrique noire _ DARMON J.an-Pierre. les origines de la cité. DEBOUZY Marlann•• les inteUectuels dans la 'Ile américaine _ DELMAS Claude. La guerre froide _ DELMAS Jean et Ginette. Cinéma et société dans les pays socialistes _ DERMIGNY Louis, La route des Indes • DfHAENENS Albert. Les invasions normandes, une calas· trophe? _ FLANDRIN Jean·Louls, L'EgUae et le contrOle des naissances _ GéRARD Alice. Controverse sur "histoire de la Révolution francaise _ GIRAULT Ren', les emprunts russes • HAUPT Georges et REatRIoUX Madelelne9 Les socialistes et la Première Guerre mondiale _ HINCKER François. Les Français devant !'lmpOt sous ,'ancien régime _ JULLIARD Jacques, Syndicalisme et socialisme _ LAPERROU.. SAZ E.-M .. L'attente du Messie • LEMERCIER..QUELQUEJAY Chantal, La paix mongole _ LEPELLEY Claude. l'empire romain et le christianisme _ LYOTARD "'ean-Fran.;ol. et CAGNETTA Franco, Le mouvement du 22 mars. MAHNLOT Marianne, La découverte de l'Amérique. MARGARIDO Alfredo, Le fascisme por.. tugais _ MARIE Jean.Jacque., Le trotsMsme • MITCHELL Harvey. La contre· révoJutton • MONtOT Henri. 'siam et Afrique noire _ HOUSCHI Andr'. la guerre des pétroles en Moyen..()rlent • PARIT Roger, De Byzance à~ I"tslam _ ROMANO Ruggiero, Les Conqulstadors _ SARAIVA Alberto 9 Les Noirs et la formation de fa civi lisation latlno~américalne _ SOUYRI Ple"e. Le marltisme après Marx _ WACHTEL Nathan, Les tndlens devant la conquéte _ WORMSER Olga Le pacte germano·sovlé- tique et tes communistes français.
AUTRES QUESTIONS D'HISTOIRE EN PRtPARATION : Le Millénarisme _ Socialistes et anarchiste. _ Franc-Maçonnerie et Révolutton • La 3· Internationale el l'Orient. La que.tlon noire aux U.S.A. _ L'armée dans ~a soclété contemporaine _ Communisme et mouvement national au Vlet·Nam _ La droite 'ran. çalse et le 6 février. Le mode de production asiatique _ Catalogne et régionalisme en Espagne _ Socialisme et Islam _ Eveil du mouvement national au Maghreb _ Séditions et séditieux en France au XVU· siècle _ Le problème du Mezzogiorno _ La gauche fran· çalse et le probléme colonial a Renaissance et sorcellerie _ Russes et Ukrainien• • L'Afrique et la traite: un bl1an _ La grève _ Les dllemmesde l'intelligenlsia _ La femme en pays dl'slam _ L'Eglise dans la société italienne. Le probléme kurde _ Le règime socialiste en Scandinavie _ La France protestante _ La querelle des Imagea _ Politique et aoclètè à Byzance _ Cronstadt 192t _ Les révolutions du MexiQue.
1 1
1 ~ j.'i
2830-1969. IMPRIMERIE-RELIURE MAME
N° d'édition 6685. 4 8 trimestre 1969. Printed in France.