LE TERRORISME, LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
SOUS LA DIRECTION DE CHARLES-PHILIPPE DAVID
LE 11 SEPTEMBRE 2001, CINQ ANS...
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LE TERRORISME, LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
SOUS LA DIRECTION DE CHARLES-PHILIPPE DAVID
LE 11 SEPTEMBRE 2001, CINQ ANS PLUS TARD Le terrorisme, les États-Unis et le Canada
AUTEURS : BENOÎT GAGNON FRÉDÉRICK GAGNON ÉTIENNE LÉVESQUE PIERRE-LOUIS MALFATTO ÉRIC MARCLAY VANESSA MARTIN-VANASSE JOËL PLOUFFE JULIEN TOURREILLE ÉLISABETH VALLET
SEPTENTRION
Données de catalogage avant publication (Canada)
Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons également l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.
Illustration, conception graphique et mise en pages : Olivier Lasser Révision : Céline Huyghebaert Correction d’épreuves : Sophie Imbeault
Si vous désirez être tenu au courant des publications des ÉDITIONS DU SEPTENTRION vous pouvez nous écrire au 1300, av. Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3 ou par télécopieur (418) 527-4978 ou consulter notre catalogue sur Internet : www.septentrion.qc.ca
© Les éditions du Septentrion 1300, av. Maguire Sillery (Québec) GIT IZ3
Diffusion au Canada : Diffusion Dimedia 539, boul. Lebeau Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2
Dépôt légal — 3e trimestre 2006 Bibliothèque nationale du Québec ISBN : 2-89448-490-9
Ventes en Europe : Distribution du Nouveau Monde 30, rue Gay-Lussac 75005 Paris
INTRODUCTION inq ans plus tard… Le 11 septembre provoque encore de nombreux C ressacs qui nous touchent, plus ou moins directement, affectent notre vie, nos sociétés et nos libertés. Je suis donc particulièrement heureux de présenter aujourd’hui le résultat des recherches et des analyses effectuées par les chercheurs de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQÀM sur les impacts du 11 septembre 2001 cinq ans plus tard. Car le monde a changé. Peutêtre plus encore qu’on aurait pu le préfigurer au lendemain de ces événements. En effet, qui aurait alors pu imaginer que, le 11 septembre 2006, les États-Unis seraient engagés en Irak dans leur plus longue (et coûteuse) intervention militaire après celle au Vietnam ? La diplomatie américaine, fragilisée par cette guerre menée « au nom de la lutte contre le terrorisme », est aujourd’hui dans une situation particulièrement précaire, alors que le Moyen-Orient est en proie à de fortes turbulences. Plus encore, elle semble souffler sur les braises du terrorisme, loin d’en éliminer les origines ou de réduire la portée du message islamiste. En réalité, le choix des réponses américaines apportées au 11 septembre a largement déterminé l’évolution du système de sécurité internationale, et notamment celle des rapports américano-canadiens. Dès lors, qu’en est-il de la menace terroriste cinq ans après le 11 septembre et, surtout, quelle est la réalité du « risque terroriste » pour nos sociétés occidentales ? Qu’adviendra-t-il de la politique étrangère des États-Unis dans le contexte électoral de novembre 2006 ? Qu’en est-il de l’état des rapports entre Washington et Ottawa ? Ont-ils tant changé ? Autant de questions auxquelles les chercheurs de la Chaire RaoulDandurand ont voulu répondre en apportant un éclairage rigoureux,
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factuel, pour informer le lecteur, et l’aider à forger sa propre opinion sur les conséquences du 11 septembre 2001 et du monde qui est désormais le nôtre, ce 11 septembre 2006. Les conclusions de ce rapport sont parfois inattendues, souvent rassurantes : la menace terroriste à laquelle les pays occidentaux font face n’est pas véritablement plus importante que par le passé ; les États-Unis sont certes plus puissants mais à bien des égards moins libres d’agir ; enfin, les rapports américano-canadiens sont soumis aux mêmes débats qu’avant le 11 septembre 2001, et ce, même dans le nouveau contexte de lutte contre le terrorisme. Plusieurs de nos analyses remettent ainsi en question nombre d’idées reçues. Les statistiques et les données présentées dans ce rapport illustrent également l’évolution des tendances, qui sont révélatrices de changements importants — parfois aussi de continuités étonnantes — dans la foulée des événements d’il y a cinq ans. Le rôle de la Chaire Raoul-Dandurand est celui d’une interface entre le monde universitaire et les publics intéressés par l’actualité internationale : citoyens avertis, médias, hommes politiques, associations ou entreprises. Notre objectif est que ce rapport puisse favoriser un débat informé et enrichi sur la signification et la portée du 11 septembre 2001. Le lecteur y trouvera donc les clefs pour mieux saisir l’évolution du terrorisme, de la politique extérieure des États-Unis, ainsi que l’état des rapports américanocanadiens. Car comprendre l’impact du 11 septembre cinq ans plus tard, c’est aussi commencer à penser le monde de demain.
CHARLES-PHILIPPE DAVID Titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand, UQÀM
I. LE TERRORISME : ENTRE MYTHES ET RÉALITÉ La paix, la tolérance, le respect mutuel, les droits de l’homme, l’état de droit et l’économie mondiale ont tous également souffert des actes terroristes. KOFI ANNAN en juger par la place importante que les médias accordent au terrorisme depuis le 11 septembre 2001, il semble que ce phénomène soit devenu la plus grande menace pour nos sociétés contemporaines. Pourtant, le terrorisme est-il réellement plus fréquent qu’il ne l’était avant les attentats de New York et Washington ? Est-il — effectivement ou potentiellement — plus dangereux ? De la violence suicidaire dévastatrice des attentats perpétrés par les membres de la « nébuleuse » AlQaïda aux armes de destruction massive, les sociétés contemporaines sont-elles vraiment plus menacées aujourd’hui par le terrorisme ?
À
• Si le terrorisme international est en hausse depuis 2001, le nombre total d’attentats est inférieur aux sommets atteints dans les années 1980. • Le terrorisme est en revanche plus meurtrier que par le passé, parce qu’il vise de plus en plus la population civile, plus vulnérable que les cibles militaires ou policières, et qu’il exploite des tactiques suicidaires. • Al-Qaïda a muté. Elle a cessé d’être une organisation pour devenir une idéologie, et a ainsi propagé ses valeurs et objectifs : loin d’être
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une organisation centralisée, c’est aujourd’hui un réseau de cellules autoproclamées. • On ne peut pas totalement exclure la possibilité d’attentats perpétrés au moyen d’armes de destruction massive. Mais la complexité de leur construction et de leur manipulation, de même que leur coût, les rendent a priori moins intéressantes que des armes classiques pour des terroristes. • La menace terroriste est certes sérieuse, mais elle est gérable, et ce, contrairement à d’autres menaces avec lesquelles les sociétés contemporaines ont appris à vivre sans pouvoir les oblitérer.
1. LE TERRORISME INTERNATIONAL : UNE HAUSSE RELATIVE l n’est pas rare d’entendre les médias affirmer que le terrorisme international1 est désormais beaucoup plus fréquent qu’il ne l’était auparavant, ce qui amène l’opinion publique à penser qu’il y a de plus en plus d’attentats un peu partout dans le monde. Mais est-ce réellement le cas ou n’est-ce pas plutôt la médiatisation du phénomène terroriste depuis les événements du 11 septembre qui influence cette perception ?
I
Le terrorisme : une définition ?
Il n’existe aucune véritable définition consensuelle du terrorisme. Pourtant, à compter des années 1960-1970, plusieurs vagues d’attentats terroristes marquent l’Europe occidentale. Animés par des désirs allant des revendications politiques aux aspirations sécessionnistes, les Brigades rouges, la Bande à Bader, Action directe, mais aussi le FLNC, ETA ou encore l’IRA embrasent le territoire européen. Durant la même période, certaines séries d’attentats sont liées à des conflits extraeuropéens (le conflit israélo-palestinien, la guerre civile algérienne). C’est ce qui conduit la communauté internationale à élaborer de nombreuses résolutions et conventions, dont la première est signée à la Haye le 16 décembre 1970 et porte sur les détournements d’avions. Depuis, ———————
1. Dans le cadre de ce rapport, les attaques du 11 septembre 2001, celles de Madrid (2004), de Londres (2005) ou les actions suicides en Israël sont comprises comme des actes de terrorisme international. La version nationale, quant à elle, regroupe les attaques comprises dans le cadre infra-étatique, à savoir celles de l’ETA au Pays Basque, de l’IRA en Irlande, l’attentat d’Oklahoma City ou encore celui de Bombay (Mumbai) du 11 juillet 2006.
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plus d’une dizaine de conventions régionales et universelles ont été adoptées. Pour autant, aucun de ces textes ne donne une définition in abstracto du terrorisme : pour éviter de se trouver piégé avec une définition légale claire qui pourrait les contraindre à agir d’une manière qui ne leur conviendrait pas, les États ont préféré des énumérations souvent longues et alambiquées. Lors du dernier sommet des Nations Unies, en septembre 2005, un projet de déclaration a été soumis. Il proposait une formulation simplifiée qui qualifierait de terrorisme « tout acte commis dans l’intention de causer la mort ou des blessures graves à des civils ou à des noncombattants, lorsque l’objectif de cet acte, par sa nature ou son contexte, est d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire ». Faute de consensus, il n’a pas été entériné par l’ONU : en effet, tandis que la définition paraissait convenir à nombre de pays occidentaux, les pays de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) et du Mouvement des non-alignés l’ont rejetée, considérant qu’elle ignorait le droit des mouvements nationaux de libération à lutter contre l’occupation étrangère — le terroriste de l’un devenant le combattant de la libération de l’autre. Pour ce faire, ces derniers arguent que, sur le plan juridique, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (donc à se libérer du joug de l’occupant) énoncé dans la Charte onusienne doit prévaloir. La définition est donc demeurée en l’état, faute de pouvoir donner un sens universel à ce qu’est un acte terroriste. Source : www.un.org/french/terrorism/
Statistiquement parlant, le nombre d’attentats terroristes à caractère international est effectivement en hausse depuis cinq ans (Figure 1). Toutefois, le manque de recul doit inciter à la prudence. La croissance actuelle des actes terroristes semble beaucoup moins importante que celle des années 1980. De même, pour tenter de comprendre la période contemporaine et celle à venir, on ne peut pas se baser sur la constante progression des actes de terrorisme entre la fin des années 1960 et la fin de la décennie 1990, car le contexte politique a changé.
LE TERRORISME : ENTRE MYTHES ET RÉALITÉ
Figure 1 – Nombre d’attentats terroristes internationaux (1968-2005)
Source : Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
Il est toutefois intéressant de constater que les actes de terrorisme avaient fortement diminué vers la fin des années 1990 et qu’ils n’ont recommencé à augmenter qu’à partir de 2001. Le terrorisme auquel les autorités sécuritaires font face actuellement est-il la conséquence d’une hausse de mouvements violents ou, à l’inverse, s’agit-il d’une réaction, d’une spirale, engendrée par l’instauration, puis par la démultiplication de mesures sécuritaires dans le cadre de la guerre contre le terrorisme ? En réalité, si le terrorisme contemporain semble être à la hausse, c’est en grande partie dû au terrorisme dit « national » qui connaît une recrudescence importante ces cinq dernières années (Figure 2). Entre 2001 et 2005, le nombre d’attentats terroristes nationaux a plus que quadruplé — en raison notamment de la situation irakienne.
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Figure 2 – Comparaison du nombre d’attentats terroristes nationaux et internationaux (1998-2005) 4624
2351
1528 1111
1036
2250 1622
1035
Source : Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
2. LE TERRORISME : NOUVELLES TACTIQUES, NOUVELLES CIBLES ’augmentation spectaculaire du nombre de victimes du terrorisme Ltembre (Figure 3) est largement due à l’impact des attentats du 11 sepà New-York, à Washington et en Pennsylvanie. Le terrorisme a néanmoins bien changé de forme. Globalement, les attentats font effectivement plus de victimes. Par ailleurs, les attentats à la bombe sont désormais moins fréquents qu’ils ne l’étaient durant les années 1970-1980. Enfin, les attaques armées et les enlèvements atteignent aujourd’hui des sommets record (Figure 4). Figure 3 – Comparaison du nombre d’attentats terroristes internationaux et de morts engendrés par ces attentats (1968-2005)
Source : Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
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Statistiques et méthodologie : mise en garde !
Analyser un phénomène comme le terrorisme contemporain est un exercice périlleux. Non seulement parce qu’il est délicat de relativiser l’importance d’actes qui affectent des vies humaines et font des victimes, mais aussi pour des raisons purement méthodologiques. En effet, les chiffres disponibles varient grandement d’une étude à l’autre. Les critères de définition du terrorisme sont tout aussi aléatoires. Dans ce cas-ci, nous avons opté pour l’utilisation de la base de données de la RAND Corporation, dont les critères méthodologiques sont parmi les plus sévères et les plus critiques dans le domaine. L’utilisation d’autres bases de données aurait conduit à des résultats différents, probablement plus élevés. Si certains analystes relativisent les statistiques du terrorisme en les comparant avec d’autres cas de mortalité, nous ne pouvons nous y résoudre : comparer les victimes des attentats à celles des accidents de voiture implique un glissement méthodologique qui nuit à la crédibilité de l’analyse. La seule base sur laquelle le taux de mortalité pourrait être comparé serait celle des homicides : 16 137 personnes ont été assassinées aux États-Unis en 2004, tandis que les attentats terroristes ont tué 5 067 personnes dans le monde. Cette comparaison n’a qu’une vertu : elle permet de se demander si la menace terroriste exige véritablement une réponse de l’ampleur de celle qui a été déployée par les démocraties occidentales. Sources des chiffres : Homicides : US FBI (2006). Murder – Crime in the United States in 2004. www.fbi.gov/ucr/cius_04/offenses_reported/violent_crime/murder.html [20 juin 2006]. Attentats : Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
Si, d’une manière générale, les attentats terroristes sont moins fréquents que durant les années 1980, on note toutefois une hausse du nombre de morts. Les attentats de l’ampleur du 11 septembre restent rares. Sur les 9 837 attentats terroristes internationaux recensés entre 1968 et 2005, 11 ont fait plus de 100 victimes — incluant ceux du 11 septembre2. Plus de la moitié des attentats terroristes internationaux — soit 5 108 des 9 837 recensés — ont fait moins de cinq morts ———————
2. Rand Corporation, MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
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(Figure 7). Alors que le terrorisme national tue en moyenne 3,5 personnes par attentat, le terrorisme international, quant à lui, cause 1,14 décès par attentat : le terrorisme national est donc généralement plus meurtrier que le terrorisme international. Une fois encore, les occidentaux sont moins vulnérables que les habitants d’un pays aux prises avec une guerre civile ou une guérilla. Deux facteurs expliquent l’évolution du terrorisme contemporain : 1. D’une part, les attentats visent de plus en plus les populations civiles, et de moins en moins les installations militaires et les forces policières (Figure 5). Cette évolution traduit en fait la flexibilité du terrorisme, phénomène dynamique qui s’adapte au contexte dans lequel il évolue. Ces dernières années, nombre de gouvernements ont modifié leurs dispositifs sécuritaires en protégeant les infrastructures de sécurité et de défense. En réponse, il semblerait que les terroristes se soient tournés vers des cibles civiles, moins sécurisées et donc plus vulnérables. Tableau 1 – Les actes terroristes internationaux marquants depuis le 11 septembre 2001 LIEU
DATE
NOMBRE DE MORTS
NOMBRE DE BLESSÉS
Bali (Indonésie)
12 octobre 2002
202
300
Moscou (Russie)
24 octobre 2002
162
650
Casablanca (Maroc)
16 mai 2003
20
0
Istanbul (Turquie)
20 novembre 2003
28
450
Madrid (Espagne)
11 mars 2004
191
600
Taba (Égypte)
7 octobre 2004
34
159
Londres (Grande-Bretagne)
7 juillet 2005
27
ND
Source : Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
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Figure 4 – Comparaison du nombre d’attaques à la bombe, d’attaques armées et d’enlèvements perpétrés dans le cadre d’attentats terroristes internationaux (1968-2005)
Source : Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
2. D’autre part, la pratique de l’attentat-suicide est en hausse. Les statistiques de la RAND Corporation montrent que, depuis 1998, le nombre d’attentats terroristes suicidaires a augmenté de 3 270 %, passant de 10 attentats-suicide en 2000 à 337 en 2005 (Figure 6). D’une tactique sporadique, l’attentat kamikaze semble être devenu le mode d’action privilégié des terroristes. Selon la RAND Corporation, entre 1998 et 2005, le terrorisme suicidaire a tué 9 697 personnes, ce qui représente environ 36 % de la mortalité totale engendrée par les attentats terroristes3. Pour la seule année 2005, selon les estimations du département d’État américain, ce type spécifique d’attentat a fait environ 3 000 morts, soit 20 % du
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3. Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
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total des victimes du terrorisme4. Étant plus spectaculaire, le terrorisme suicidaire est perçu comme une arme redoutable par les terroristes : en effet, il tue en moyenne quatre fois plus de personnes qu’un attentat terroriste dit « classique ». En Israël, les attentats-suicide tuent six fois plus de personnes et en blessent 26 fois plus que les attentats « classiques5 ».
Les femmes kamikazes
Tandis que la situation s’envenime au Proche-Orient, la récurrence des attentats commis par des femmes kamikazes laisserait penser que le terrorisme change de visage. Ceci étant, il ne s’agit pas d’un phénomène récent puisqu’il a fait son apparition en avril 1985 au Liban, lorsque Khyadali Sana s’est fait exploser dans sa voiture au passage d’un convoi militaire israélien. D’ailleurs, un sixième des attentats-suicide commis au Liban entre 1982 et 1986 l’ont été par des femmes. Et, au cours du dernier quart de siècle, les femmes ont commis 10 % des attentats-suicide au Proche-Orient. C’est toutefois au sein de l’organisation des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) qu’elles jouent un rôle particulièrement actif : formant un tiers de la guérilla tamoule à elles seules, elles ont perpétré plus de 30 % des opérations-suicide. C’est d’ailleurs une des membres de leur unité de commandos kamikazes, les Tigres Noirs, qui a tué le premier ministre indien, Rajiv Ghandi, en 1991 dans un attentatsuicide. Le phénomène s’est étendu au Kurdistan lorsqu’en juin 1996 une jeune femme s’est fait exploser en Turquie. Au sein du PKK, les femmes ont conduit deux tiers des attaques-suicide à la fin des années 1990. En Tchétchénie, en juin 2000, une femme s’est fait exploser dans un camp militaire russe. Les femmes tchétchènes ont également joué un rôle important dans la prise d’otages du théâtre de Moscou, où 18 des 50 tchétchènes étaient des femmes, des « veuves noires », ceintes d’explosifs — recrutées justement parce qu’elles étaient veuves et sans
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4. Office of the Coordinator for Counterterrorism (2006). Country Reports on Terrorism. Washington, United States Department of State, p. V. 5. Bruce Hoffman (2005). « Modern Terrorism Trends: Reevaluation after 9/11 », dans Boaz Ganor. Post Modern Terrorism: Trends, Scenarios, and Future Threats. New York, Publishing House, p. 41.
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protection. À partir de 2002, les Palestiniennes se sont inscrites dans une même logique, quand une jeune femme s’est fait exploser en Israël. Les raisons de cette implication des femmes sont, à l’image des terrorismes, multiples : absence de protection, désespoir, implication ou mort des frères et des maris, le phénomène ne touchant pas uniquement les couches populaires et pauvres, mais aussi des femmes éduquées.
En effet, tous les auteurs d’attentats-suicide ne sont pas nécessairement des personnes issues de milieux défavorisés ou de pays pauvres, sans éducation, profondément désespérées, et endoctrinées dans des dogmes religieux. Des études sur le terrorisme suicidaire révèlent que nombre de kamikazes ont un niveau de scolarisation élevé, qu’ils n’appartiennent généralement pas à des cultes religieux et qu’ils sont apparemment socialement intégrés6. Figure 5 – Rapport des cibles civiles et sécuritaires visées par les attentats terroristes internationaux (1968-2005)
Source : Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
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6. Robert A. Pape (2005). Dying to Win: The Strategic Logic of Suicide Terrorism. New York, Random House, p. 200.
LE TERRORISME : ENTRE MYTHES ET RÉALITÉ
Figure 6 – Nombre d’attentats-suicide terroristes (1998-2005)
Source : Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
Figure 7 – Moyenne de morts par attentat terroriste international7 (1968-2005)
Source : Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006]. ———————
7. Notons que ce graphique ne prend pas en considération les attentats terroristes du 11 septembre 2001, car le nombre de morts engendrés par ce seul attentat faussait l’ensemble des données sur l’année 2001.
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3. AL-QAÏDA : D’UNE ORGANISATION À LA NAISSANCE D’UNE IDÉOLOGIE ne des phrases les plus souvent formulées par les responsables de la U sécurité est qu’Al-Qaïda est un groupe terroriste très organisé et sophistiqué. Si cette affirmation a pu être vraie pendant un temps, la guerre contre le terrorisme a forcé « l’organisation » à revoir ses méthodes. À tel point qu’aujourd’hui, Al-Qaïda peut difficilement être considérée comme une organisation structurée au sens premier du terme. Elle a muté en une idéologie violente qui rassemble sous une bannière des cellules indépendantes, parfois autoproclamées, pour lesquelles « Al-Qaïda » est un label plus qu’une maison-mère. En fait, comme le mentionne Jason Burke : « La bonne nouvelle, c’est qu’Al-Qaida (sic) n’existe pas. La mauvaise nouvelle, c’est que la menace qui pèse aujourd’hui sur le monde est bien plus grave que celle d’une armée de disciples fidèles, si nombreux soient-ils, menés par un seul leader terroriste8 ». Le saviez-vous ?
Le terme Djihad n’a pas comme unique sens celui d’une croisade des musulmans contre les non-musulmans. Dans son sens littéral, tel qu’on peut le lire dans le Coran, il signifie « effort » et peut être compris au sens propre ou au sens figuré. 1. Le Djihad est d’abord l’effort que doit faire tout musulman pour lutter contre lui-même et ses instincts. Il s’agit d’une lutte intérieure et spirituelle. ———————
8. Jason Burke (2003). Al-Qaïda : la véritable histoire de l’islam radical. Paris, La Découverte, p. 19.
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2. Ensuite, le Djihad correspond aussi à une guerre défensive que le musulman doit mener lorsque sa religion est menacée de disparition. Il s’agit alors d’une action motivée par la légitime défense. 3. Enfin, il existe une interprétation plus offensive du Djihad qui prend alors la forme d’une « guerre sainte » contre les forces du mal. Cette lecture, plus politique, invite à la lutte engagée contre ceux qui portent atteinte aux valeurs de l’Islam — et, durant la période contemporaine, il s’agit notamment des forces d’occupation ou de collaboration. C’est ce point de vue que retiennent le plus souvent les politiciens et les analystes américains, ce qui leur permet en retour de justifier une lutte contre un certain « axe du mal » sous forme de guerre contre le terrorisme. Ainsi, le Djihad est une notion qui peut appartenir à l’Islam modéré comme à l’Islam radical en se déployant sur un éventail de significations allant du pacifisme et de la démarche personnelle à la guerre offensive contre l’infidèle. Dans sa version radicale, c’est un discours construit autant par les islamistes que par les faucons occidentaux.
Bruce Hoffman décrit Al-Qaïda comme étant une nébuleuse à quatre niveaux9. 1. Au premier niveau se trouvent les « terroristes professionnels ». Ce sont eux qui sont directement responsables des attentats du 11 septembre 2001. Néanmoins, s’ils font partie du noyau dur d’Al-Qaïda, ils ne sont responsables que d’un petit nombre d’actes terroristes. Selon les statistiques de la RAND Corporation, 29 attentats leur sont attribuables. Depuis le 11 septembre, ils n’auraient pas commis d’autres attentats10. 2. Viennent ensuite, au second niveau d’Al-Qaïda, les « amateurs entraînés ». Encadrés par des professionnels, ces individus sont « formés » pour commettre des attentats. Néanmoins, ils n’ont pas tous la volonté de perpétrer des actes violents ni « l’intelligence maléfique » ———————
9. Bruce Hoffman (2005). « Modern Terrorism Trends: Reevaluation after 9/11 », dans Boaz Ganor. Post Modern Terrorism: Trends, Scenarios, and Future Threats. New York, Publishing House, p. 38-39. 10. Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
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d’un terroriste efficace. Les individus appartenant à ce groupe ont adopté l’idéologie d’Al-Qaïda, mais ne fonctionnent pas nécessairement de manière directe avec les professionnels de l’organisation. Richard Reid, mieux connu sous le patronyme du Shoe Bomber, en est un exemple. 3. Au troisième niveau se trouvent les « groupes et individus affiliés ». Là aussi, entraînés par des professionnels, ils ont rapporté leur savoir au sein d’autres organisations ou cellules, sans nécessairement partager l’idéologie d’Al-Qaïda. Ces personnes ont leur propre programme — généralement fait d’objectifs régionaux — et utilisent leurs connaissances pour atteindre leurs propres buts, qui ne sont pas nécessairement conciliables avec ceux d’Al-Qaïda. 4. Le dernier niveau est celui des « non-affiliés ». Il rassemble tous ceux qui s’inspirent de l’idéologie d’Al-Qaïda, sans pour autant entretenir des liens avec des membres plus professionnels. Généralement motivés par les discours de symboles comme Oussama Ben Laden ou (feu) Abou Moussab al-Zarqaoui, ils décident de reprendre le flambeau de l’idéologie d’Al-Qaïda. Les récents attentats perpétrés par les individus de ce quatrième niveau sont d’ailleurs symptomatiques de la façon dont fonctionne aujourd’hui Al-Qaïda. L’exemple le plus probant est l’attentat terroriste de Londres en juillet 2005 : apparemment, les auteurs de l’attentat étaient intégrés dans la société britannique, n’avaient pas le profil « typique » des islamistes radicaux et n’avaient pas de liens directs avec les cadres d’Al-Qaïda11.
Typologie du terrorisme
Le terrorisme d’extrême gauche est une forme de violence politique, portée par une idéologie marxiste-léniniste extrême, qui tente de supplanter le système d’organisation politique, économique et social en vigueur. Cette forme de terrorisme s’est essoufflée à la fin des années 1980.
———————
11. House of Commons (2005). Report of the Official Account of the Bombings in London on 7th July 2005. Http ://news.bbc.co.uk/1/shared/bsp/hi/pdfs/11_05_06_narrative.pdf [10 juin 2006].
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Le terrorisme d’extrême droite, de son côté, est porté par une idéologie élitiste raciste et négationniste. Si certains sont d’avis que la montée des partis de droite et d’extrême droite tend à le marginaliser, cette forme de violence politique n’en reste pas moins présente, notamment en Europe. Le terrorisme nationaliste reste, quant à lui, une forme de violence politique bien présente. Il est souvent attaché à des revendications territoriales et sécessionnistes. Il est donc fréquent dans les zones de conflits infra-étatiques. Le terrorisme islamiste trouve aujourd’hui un nombre de définitions incalculable, qui vont du projet politique à la guerre sainte. Il est en fait à l’image d’Al-Qaïda, une bannière qui rassemble des réalités fort différentes. Sous couvert de terrorisme islamiste, on trouvera bien souvent un projet politique, comme chasser les Soviétiques d’Afghanistan (en 1979), les Américains de la péninsule arabique, les Occidentaux d’Irak (les attentats de Madrid et de Londres) ou encore appuyer une revendication sécessionniste (aux Philippines et en Indonésie). Si l’Islam sert d’alibi à ce terrorisme, il n’en est pas le cœur.
À l’heure de la mondialisation, le terrorisme international est devenu un réseau transnational qui maîtrise les techniques financières capitalistes, les technologies modernes de communication, et qui s’est globalisé dans son recrutement idéologique et dans son action. À ce titre, Internet est un instrument central de propagation de l’idéologie d’Al-Qaïda. La grande majorité des attentats perpétrés par les nonaffiliés est planifiée et coordonnée via Internet. C’est également là que ces derniers trouvent les discours et les informations qui vont motiver leurs actions.
4. LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE : UN OUTIL INTÉRESSANT POUR LES TERRORISTES ? es spécialistes comme Graham Allison12 évoquent la menace d’utilisation des armes de destruction massive (ADM) par des terroristes. En effet, il y a déjà eu des attentats terroristes aux moyens d’ADM. Le plus marquant et le plus connu est probablement celui perpétré par la secte japonaise Aum Shinrikyo dans le métro de Tokyo en 1995. Cette attaque au gaz sarin, une arme chimique neurotoxique, a fait 12 morts et plus de 1 000 blessés13.
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Les armes de destruction massive (ADM)
Que veut-on dire exactement par « arme de destruction massive » ? Les armes nucléaires : Elles sont absolues en raison de leur puissance de feu, de leurs effets destructeurs (souffle, chaleur, radioactivité), de leur insensibilité aux conditions environnementales et de leur taille (pouvant aller de quelques kilotonnes à 50 mégatonnes). Inventées durant la Seconde Guerre mondiale, elles sont de deux types : les armes à fission (provenant de l’éclatement d’atomes) et les armes à fusion (tirant leur puissance de l’amalgame violent d’atomes d’hydrogène). Les métaux
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12. Graham Allison (2004). Nuclear Terrorism: The Ultimate Preventable Catastrophe. New York, Times Book. 13. François Légaré (2002). Terrorisme : peurs et réalité. Outremont, Éditions Athéna, p. 92.
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utilisés dans la fabrication des bombes nucléaires sont l’uranium 235 (obtenu par la séparation de l’uranium naturel) et le plutonium 239 (obtenu par le bombardement de l’uranium dans des réacteurs). Ces matériaux sont difficiles à fabriquer et particulièrement coûteux. Les armes radiologiques : Elles ont la capacité de contaminer une population et un territoire par la dispersion de matériaux hautement radioactifs comme le cobalt 60 ou le césium 137. Cette dispersion est réalisée grâce à des explosifs classiques et non à l’aide d’une détonation nucléaire. Quelques kilos d’un matériau hautement radioactif répandus par un puissant explosif dans une zone urbaine pourraient engendrer des cancers, des malformations congénitales et contaminer les infrastructures. Une telle attaque aurait des conséquences déstabilisantes, moins en raison du nombre de victimes (peu élevé) qu’en raison du climat de panique qui en résulterait. Les groupes terroristes pourraient tenter de se doter d’un engin de ce type. Les armes chimiques : Ce sont des substances d’origine synthétique qui peuvent être dispersées dans les airs ou dans l’eau pour tuer ou blesser leurs victimes. Elles peuvent être regroupées en quatre familles principales : les agents suffocants (comme le chlore qui empêche l’inhalation de l’air), les vésicants (le gaz moutarde qui étouffe les victimes), les poisons du sang (l’arsine qui détruit la capacité du sang à transporter de l’oxygène) et les agents neurotoxiques (tels les gaz tabun, sarin et VX, qui paralysent le système nerveux et empêchent la respiration). Le plus souvent, les armes chimiques sont répandues à l’aide d’explosifs qui permettent une dispersion rapide dans l’air. Contrairement aux armes bactériologiques, ces armes sont vulnérables aux conditions climatiques qui peuvent favoriser leur dispersion et leur rapide dilution. Elles ont déjà été utilisées, comme l’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995. Les armes biologiques : Ces armes provoquent la mort ou la maladie par l’utilisation de microorganismes ou de toxines (poisons dérivés d’organismes vivants). La plupart des recherches militaires ont été orientées vers des toxines comme la bacille du charbon (anthrax), la toxine botulique et le ricin, qui sont d’une très grande létalité, d’une grande résistance aux conditions climatiques et d’une longue durée de vie. Leurs modes de dispersion
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sont multiples : vaporisation dans les airs, incorporation à l’eau potable ou à la nourriture, transport par des insectes ou des animaux, inclusion dans des marchandises ou dans des colis postaux. En particulier, des variantes de maladies endémiques classiques, comme la variole, sont tout à fait susceptibles d’être utilisées par des terroristes. Source : Extraits de Jean-François Rioux (2002). « La menace grandissante des armes de destruction massive », dans C-P David (dir.). Repenser la sécurité. Nouvelles menaces, nouvelles politiques. Montréal, Fidès, p. 88-96.
Toutefois, développer, acquérir et utiliser des armes de destruction massive requière des connaissances scientifiques adaptées et une véritable maîtrise de ces systèmes. La complexité de ce type d’action ne l’exclut pas, mais elle le rend moins évident. En d’autres termes, les spécialistes affirmant que les attentats liés au terrorisme contemporain ont plus de chance d’être perpétrés à l’aide d’ADM se basent sur des éléments spéculatifs plutôt que sur des analyses de tendance construites sur des données antérieures. La secte Aum Shinrikyo a d’ailleurs connu de nombreux échecs avant de parvenir à utiliser une arme de cette nature — et dont la portée fut alors très relative, au regard d’armes « conventionnelles » telles que les avions du 11 septembre. Il faut ajouter à cela qu’outre la secte Aum Shinrikyo trois groupes terroristes — Dahm Y’Israel Nokeam, RISE, et The Covenant, the Sword and the Arm of the Lord (CSA) — ont tenté sans succès d’exploiter le potentiel des armes de destruction massive : dans les trois cas soit ils ont rencontré des problèmes techniques soit ils ont été arrêtés avant de mettre à exécution leur plan14. Les armes de destruction massive n’ont également pas toutes la même portée. Les armes chimiques et radiologiques ont un caractère limité et leur utilisation est circonscrite géographiquement. À l’inverse, les armes biologiques et nucléaires ont un caractère illimité.
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14. François Légaré (2002), op. cit., p. 93-100.
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Tableau 2 – Classement des armes de destruction massive15 Chimique
Biologique
Radiologique
Nucléaire
Ampleur limitée Ampleur illimitée Source : Boaz Ganor. Post Modern Terrorism: Trends, Scenarios, and Future Threats. Publishing House, 2005, p. 20.
La plupart des spécialistes du terrorisme craignent de voir augmenter la fréquence d’utilisation des armes de destruction massive dans le cadre d’attentats terroristes. L’argument souvent évoqué est que le terrorisme s’est radicalisé ces dernières années, avec notamment l’instrumentalisation d’idéologies religieuses. Comme il est possible de le voir dans la figure 8, le nombre d’attentats terroristes motivés par des objectifs religieux augmente par vagues depuis les années 1970. « L’hyperterrorisme », mégalomane, destructeur et mondialisé frappe désormais aux portes. Le terrorisme islamiste semble en effet ne pas reculer devant les tueries de masse, reflétant en cela une dimension nihiliste particulière au terrorisme contemporain. Néanmoins, si l’on ne peut nier l’existence d’une rupture avec le terrorisme passé, peut-on parler pour autant d’une rupture historique ? Ehud Sprinzak analyse le visage — et le virage — du terrorisme suicidaire en parlant de « fanatisme rationnel16 ». Utilisé pour la première fois à grande échelle par les Tigres tamouls au Sri Lanka, ce terrorisme existe depuis le début des années 1980 et va croissant. Il importe toutefois de relativiser ces propos. Le rôle que joue la sphère religieuse dans le terrorisme est bien souvent soumis à des impératifs politiques qui, quant à eux, ne sont pas du tout nihilistes. Comme le souligne Robert A. Pape dans son livre sur le terrorisme suicidaire, le terrorisme religieux représente surtout un paravent stratégique à des objectifs politiques. L’argument religieux permet d’exploiter plus facilement le terrorisme suicidaire qui, au final, apparaît comme une tactique payante ———————
15. Dans ce tableau, notons que les armes chimiques et bactériologiques dépassent un peu du cadre limité, pour illustrer le fait qu’il y a toujours un risque de débordement potentiel et de perte de contrôle des ADM à cause d’une mauvaise gestion des effets de telles armes par les autorités sécuritaires. 16. Ehud Sprinzak (2000). « Rational Fanatics ». Foreign Policy, no 120, p. 66-73.
LE TERRORISME : ENTRE MYTHES ET RÉALITÉ
pour les terroristes. Ainsi, même si bon nombre des attentats auxquels nous assistons aujourd’hui sont perpétrés sous le couvert d’impératifs religieux, il apparaît évident qu’ils servent surtout une stratégie de libération nationale17. De la même façon, les attentats-suicide en Irak sont principalement motivés par la lutte contre l’occupation américaine. Figure 8 – Nombre d’attentats terroristes internationaux perpétrés par des groupes religieux (1968-2005)
Source : Rand Corporation (2006). MIPT Terrorism Knowledge Base. www.tkb.org/Home.jsp [30 mai 2006].
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17. Voir Robert A. Pape (2005), op. cit.
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5. LE RISQUE TERRORISTE EST-IL PLUS ÉLEVÉ QU’IL NE L’ÉTAIT ? n a tendance à croire que le terrorisme représente aujourd’hui un O risque plus grand qu’auparavant. Cette perception est d’autant plus présente du fait qu’elle est continuellement ressassée par les médias et par les politiciens : le 23 juin 2006, les médias rapportaient le démantèlement d’une cellule de présumés terroristes à Miami, alors que les suspects ne semblaient pas être parvenus à s’associer au réseau Al-Qaïda, qu’ils ne possédaient pas d’armes et qu’ils ne disposaient pas de fonds. Le terrorisme international représente-t-il réellement un risque plus élevé qu’auparavant ? Le calcul du risque se fait en fonction de trois paramètres : l’état de la menace, la probabilité qu’elle se produise et les conséquences possibles en cas d’une concrétisation de la menace. 1. En ce qui concerne la menace, comme il a été démontré précédemment, le terrorisme est relativement circonscrit. De plus, l’état de la menace doit être relativisé, les victimes de meurtres étant comparativement bien plus élevées que celles d’actes terroristes. En outre, un attentat terroriste pourrait difficilement empêcher une société entière de fonctionner, contrairement à un ouragan ou à un tremblement de terre par exemple. Enfin, aussi terrifiantes que soient les armes de destruction massive, elles nécessitent des moyens et une technologie complexes, qui rendent leur utilisation délicate et sujette à l’échec. La menace terroriste est certes sérieuse, mais elle est gérable, et ce, contrairement à d’autres menaces avec lesquelles les sociétés contemporaines ont appris à vivre sans pouvoir les oblitérer.
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2. En regard de la probabilité, même si le nombre d’attentats est en hausse depuis les cinq dernières années, il est encore plus bas que pendant les années 1980. Évidemment, cela ne permet pas de faire un calcul de probabilité scientifiquement précis, mais cela donne un bon indice du risque actuel. De plus, en considérant les mesures antiterroristes mises en place à la suite des attentats du 11 septembre, il est légitime de penser qu’elles auront permis aux autorités sécuritaires de réduire les probabilités qu’un attentat se produise. 3. En ce qui a trait aux conséquences, comme cela a été précédemment noté, les actes terroristes engendrent un nombre de victimes « relativement bas ». Une fois encore, les mesures sécuritaires mises en place à la suite du 11 septembre 2001 laissent espérer une meilleure gestion des conséquences liées à un attentat terroriste. De plus, même les répercussions financières des attentats sont à la baisse. Comme le montrent les données recueillies par Edward F. Mickolus relatives aux dégâts matériels engendrés par le terrorisme, il n’y a eu que très peu d’attentats ayant causé plus de 100 000 $ US de dégâts ces dix dernières années (Figure 9). Par conséquent, en mettant bout à bout une menace sérieuse mais gérable, une probabilité moindre de voir se produire un attentat terroriste et des conséquences, certes importantes dès lors qu’il s’agit de vies humaines, mais limitées par rapport au potentiel de destruction que peut avoir un attentat, il est permis de relativiser le risque terroriste actuel, surtout si on le compare à la situation prévalant dans les années 1980. Il ne s’agit pas ici d’affirmer que ce risque n’existe pas. Il faut comprendre que le terrorisme est appelé sans nul doute à se reproduire — et même à l’extrême, comme on l’a vécu le 11 septembre 2001 —, mais qu’il s’agit d’un risque avec lequel les sociétés doivent composer : la sécurité parfaite n’existe pas.
LE TERRORISME : ENTRE MYTHES ET RÉALITÉ
Figure 9 – Nombre d’attentats terroristes internationaux ayant dépassé 100 000 $ US de dégâts matériels (1968-2002)
Source : Edward F. Mickolus (2003). International Terrorism: Attributes of Terrorist Events — 19682002. Iowa, Iowa State University Press.
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II. LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR. Le plus grand ennemi de la connaissance n’est pas l’ignorance, c’est l’illusion de la connaissance. STEPHEN HAWKING la suite des attentats du 11 septembre 2001, le président Bush a mené une politique étrangère marquée par des ambitions stratégiques considérables, et dont les conséquences sur l’évolution des ÉtatsUnis et du système international restent difficiles à évaluer. Cinq ans après les attaques étrangères en sol américain, l’administration Bush a renversé deux régimes en 18 mois : les talibans en Afghanistan et Saddam Hussein en Irak. Malgré cette puissance militaire réaffirmée, les ÉtatsUnis ne sont cependant pas aujourd’hui aussi libres d’agir sur la scène internationale que ne l’avait revendiquée la « doctrine Bush ». L’intervention en Irak et les dérives de la guerre contre le terrorisme, tant en territoire américain qu’à l’étranger, expliquent cette situation délicate et pour le moins paradoxale. Il reste seulement deux années à Bush pour assurer un héritage plus positif de sa présidence, ce qui ne sera pas chose facile.
À
• Les Américains présument que Ben Laden se trouve au Waziristan sud, région du Pakistan frontalière de l’Afghanistan. Son arrestation fait l’objet de blocages politiques, tant chez les autorités américaines que pakistanaises.
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• La réforme de l’appareil américain de renseignement, destinée à remédier aux failles mises en évidence par les attentats du 11 septembre, doit encore faire ses preuves. La communauté du renseignement demeure en effet une complexe toile d’araignée. Sur un budget total évalué à 44 milliards de dollars américains pour 2006, 10 % sont attribués à la CIA et plus de 85 % au département de la Défense. • Les sommes allouées à la Défense américaine ont fortement augmenté à la suite du 11 septembre 2001. Évaluées à 561,8 milliards de dollars américains pour 2006, elles représentent à elles seules plus de 2,5 fois le budget total du Canada, plus de dix fois celui du Québec et sont nettement supérieures au budget de la France. • La mauvaise planification de l’après-guerre en Irak explique largement les coûts considérables auxquels les États-Unis sont aujourd’hui confrontés : plus de 2 500 soldats tués et plus de 300 milliards de dollars dépensés depuis mars 2003. La stabilisation à long terme de l’Irak repose sur des solutions politiques qui font encore défaut. • La popularité du président Bush s’est largement effritée auprès des groupes d’opinion traditionnellement républicains. Une majorité fait maintenant plus confiance aux démocrates pour mener la lutte contre le terrorisme et pour gérer la reconstruction irakienne. Les démocrates réduiront ainsi vraisemblablement les majorités républicaines au Congrès lors des élections législatives de novembre 2006. • Les dérives de la stratégie antiterroriste de l’administration Bush sont la cause de l’érosion de sa légitimité aux yeux de la communauté internationale. La « doctrine Bush » a durablement terni l’image des États-Unis dans le monde. Pour autant, Américains, Canadiens et Européens partagent encore les mêmes valeurs et les mêmes perceptions des principaux enjeux internationaux.
6. LA VULNÉRABILITÉ PERSISTANTE DE LA COMMUNAUTÉ AMÉRICAINE DU RENSEIGNEMENT omme l’ensemble de l’appareil de sécurité américain, la commuC nauté du renseignement n’a pas été épargnée par le rapport final de la Commission nationale sur les attaques terroristes contre les ÉtatsUnis18. Le scandale des armes de destruction massive en Irak et la traque infructueuse de l’ennemi public numéro un, Oussama Ben Laden, n’ont fait que rajouter au malaise. L’Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act, adopté en décembre 2004 pour remédier aux insuffisances mises en évidence par le 11 septembre 2001, doit aujourd’hui faire ses preuves. La réorganisation de cette immense toile d’araignée paraît encore bien fragile. La communauté est officiellement composée de 16 organisations, qui s’occupent pour tout ou en partie d’activités de renseignement. Depuis le 11 septembre, elle a accueilli trois entités supplémentaires : le département de la Sécurité intérieure créé dans la foulée des attentats, les garde-côtes et le service de lutte contre le narcotrafic (DEA). Ces nouveaux venus sont sous l’autorité du directeur national du renseignement (DNI), poste qui a été mis en place avec la réforme de 2004, mais dont la création était recommandée depuis déjà de nombreuses années. Le DNI a la lourde tâche d’insuffler un véritable esprit d’équipe entre les agences, et surtout de centraliser et de recouper les
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18. The 9/11 Commission Report (2004). Final Report of the National Commission on Terrorist Attacks Upon the United States. New York, W. W. Norton & Company, 567 p.
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informations recueillies. Nouveau « tsar » de la communauté — au détriment du directeur de la CIA qui portait jusque-là la double casquette —, il est celui qui délivre dorénavant le fameux rapport quotidien (daily briefing) au président. Il opère en étroite collaboration avec le nouveau Centre national de lutte antiterroriste, qui fédère l’ensemble des composantes de la communauté en la matière. Tableau 3 – Les 16 composantes officielles de la communauté du renseignement
Un budget colossal Le budget de la communauté est classé secret pour des raisons de sécurité nationale. Il a néanmoins été officiellement dévoilé à deux reprises, en 1997 et en 1998, où il était respectivement de 26,6 et de 27,7 milliards de dollars américains. Cette somme représente le total des budgets affectés aux agences et aux activités de renseignement pour l’ensemble de l’appareil gouvernemental américain, le département de la Défense inclusivement. En novembre 2005, lors de ce qui semble avoir été une maladresse de sa part au cours d’une conférence publique, une responsable du renseignement (Mary Margaret Graham, deputy director of national intelligence for collection) a dévoilé le budget actuel qui se chiffrerait à
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44 milliards (48,5 milliards de dollars canadiens) pour l’année fiscale 2006. Ce qui représente une augmentation de près de 65 % en 7 ans. Contrairement au mythe, la part attribuée à la CIA serait de l’ordre d’environ 10 % (près de 5 milliards $US), alors que les composantes liées au département de la Défense se partageraient plus de 85 % du total (38 milliards $US). Figure 10 – Estimation de la répartition du budget de la communauté du renseignement de 44 milliards US $ (2006)
Source : GlobalSecurity.org. www.globalsecurity.org/intell/library/budget/index.html.
En comparaison, le budget de la communauté du renseignement américain est presque équivalent au budget total de la Défense de la France, 150 fois supérieur à celui du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le double du budget de la santé du Québec et près du quadruple de celui de l’éducation.
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Figure 11 – Comparaison du budget de la communauté du renseignement (milliards de dollars canadiens)
Sources : GlobalSecurity, Finances Québec, Sécurité publique et Protection civile Canada, ministère de l’Économie (France).
Le saviez-vous ?
• Avant le 11 septembre, les pirates de l’air sont rentrés et sortis 33 fois des États-Unis. Pour éviter une nouvelle humiliation du genre, le Centre national de lutte antiterroriste a adopté, le 2 mai 2006, la première « stratégie nationale pour combattre le voyage des terroristes ».
• Plusieurs projets d’attentats majeurs aux États-Unis auraient été déjoués depuis le 11 septembre. L’un d’eux, en 2002, concernerait l’attaque de la Library Tower de Los Angeles, haute de 310 mètres, au moyen d’un avion détourné par des pirates de l’air portant des chaussures à explosifs.
• Paul R. Pillar, ancien coordonnateur du renseignement américain pour le Moyen-Orient et l’Asie du Sud de 2000 à 2005, a déclaré que, sous George W. Bush, « l’administration ne tenait pas compte des informations des services de renseignement, même pour prendre les décisions les plus importantes concernant la sécurité nationale
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[et que] ces informations ont été délibérément mal interprétées et utilisées pour justifier des décisions déjà prises19 ».
• La liste des démissions — volontaires ou forcées — à la CIA est telle que les médias parlent de « grand nettoyage » ou de « chasse aux sorcières ». Depuis l’arrivée de Porter Goss, qui a lui-même démissionné le 5 mai 2006, l’agence a dû faire face à plus de 300 départs et serait en manque crucial d’agents expérimentés.
Pourquoi Ben Laden court-il toujours? Bien que considéré comme affaibli et ne pouvant pas se déplacer très facilement, Ben Laden n’est pas encore tombé aux mains des Américains. Si d’autres célébrités planétaires, comme Saddam Hussein, Abou Moussab-al-Zarqaoui ou Zacarias Moussaoui, ont été mises hors d’état de nuire, l’apatride saoudien semble inaccessible. Un grand jury américain l’a pourtant inculpé pour la première fois le 8 juin 1998 pour conspiration en vue d’attaquer les structures de défense des États-Unis. S’il court toujours le 11 septembre 2006, plus de 3000 jours se seront écoulés depuis sans que les Américains ne parviennent à l’arrêter. Sa tête a été mise à prix à 50 millions de dollars américains.
Source : Associated Press
ENNEMI PUBLIC NUMÉRO 1 – MORT OU VIF –
« J’ai une excellente idée de l’endroit où il se trouve. Prochaine question ? » Porter Goss, ancien directeur de la CIA, répondant à une question sur la localisation de Ben Laden, juin 200520.
RÉCOMPENSE DE 50 000 000 US $ ———————
19. Notamment concernant la guerre en Irak. Le Monde.fr (2 février 2006). « Un ancien responsable de la CIA dénonce les manipulations de l’administration Bush pour justifier la guerre en Irak ». 20. Timothy J. Burger (27 juin 2005). « 10 questions for Porter Goss ». Time, p. 8.
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Selon plusieurs anciens officiels du renseignement, la non-arrestation de Ben Laden serait plus due à un manque de réelle volonté politique qu’à un problème de localisation. Il se trouverait au Waziristan sud, à la frontière pakistano-afghane, mais le Pakistan aurait tendance à tergiverser en la matière selon le ministre afghan des Affaires étrangères, Rangin Dadfar Spanta (mai 2006). Bien que le directeur national du renseignement, John Negroponte, ait déclaré qu’il serait « souhaitable que Ben Laden soit capturé ou tué à la première occasion », les Américains ont laissé échapper une telle opportunité chaque fois qu’elle s’est présentée depuis le 11 septembre. L’ancien commandant des Forces spéciales de la CIA sur le terrain, Gary Bernsten, affirme que, lors de la bataille de Tora Bora en décembre 2001, son équipe l’avait localisé et aurait pu le neutraliser. Mais l’administration Bush a refusé de leur fournir les moyens nécessaires21. Trois ans plus tard, les propos d’Éric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, corroborent largement ceux de Bernsten : « Oussama Ben Laden est parfaitement localisé... que ce soit par le biais des Forces spéciales, par le biais des agents du renseignement, par le biais des satellites, des drones. On sait qu’il est au Waziristan sud. Pour l’instant, les Américains [...] ne font rien22 ». Il semble qu’ils aient conservé la même politique depuis lors...
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21. Gary Berntsen et Ralph Pezzullo (2005). Jawbreaker: the Attack on Bin Laden and Al Qaeda: A personal Account by the CIA’s Key Field Commander. New York, Random House, 352 p. 22. Jean-Michel Aphatie (1er novembre 2004). « Entretien avec Éric Denécé ». www.rtl.fr.
7. LES DÉRIVES DE LA STRATÉGIE ANTITERRORISTE AMÉRICAINE réussite des attentats du 11 septembre illustre indéniaLsa «’effroyable blement les lacunes du dispositif antiterroriste américain d’alors. Dans guerre contre la terreur », l’administration Bush s’est donc attelée à mettre en place une stratégie globale afin de rayer le terrorisme de la surface du globe. L’analyse de ces innombrables transformations politico-juridiques est néanmoins largement complexifiée et entravée par la mauvaise volonté dont fait preuve l’administration américaine — sous couvert de sécurité nationale — à transmettre les données et les informations crédibles s’y rattachant. Ce manque de transparence conduit à une succession de scandales sans précédent : arrestations arbitraires, prisons secrètes, transferts illégaux de prisonniers, torture, violations des libertés fondamentales, écoutes non autorisées par le Congrès, etc. Soutenu dans un premier temps par l’immense majorité des membres de la communauté internationale, le gouvernement américain voit aujourd’hui la légitimité de son action s’éroder largement. La gestion de sa stratégie antiterroriste semble être la première cause de cette érosion. La difficile conciliation des droits individuels et des pouvoirs de police Afin d’éviter que de nouvelles cellules terroristes ne complotent en sol américain, il apparaît banal, si ce n’est même rassurant, que le Congrès des États-Unis d’Amérique ait décidé d’instaurer provisoirement une législation d’exception dans un souci de protection du peuple américain. Le USA Patriot Act devait jouer ce rôle. Adopté pour quatre ans le 26 octobre 2001 en pleine crise de l’anthrax, l’acronyme USA Patriot
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signifie « unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour intercepter et contrer le terrorisme» (Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism23). Dans ce but, des tribunaux militaires d’exception ont été rapidement créés et les pouvoirs d’investigation des forces de police largement renforcés. Le « mur » qui compartimentait les enquêteurs en matière criminelle et les agents de renseignement venait quasiment d’être réduit en poussière. Le Patriot Act selon Al Gore Une première en plus de 200 ans d’histoire
C’est Al Gore qui, en 2003, trace l’un des portraits les plus mordants de l’application du Patriot Act. Il explique ainsi que, durant les 212 premières années de l’histoire des États-Unis, si les policiers voulaient fouiller un domicile, ils devaient convaincre un juge indépendant de leur accorder un mandat de perquisition puis, sauf rares exceptions, devaient frapper à la porte et crier « Ouvrez ! ». Ensuite, si la porte n’était pas ouverte rapidement, ils pouvaient l’enfoncer. Dans l’éventualité où ils saisissaient quelque chose, ils devaient aussi déposer une liste détaillant ce qu’ils avaient pris. De cette manière, si une grave erreur était commise (comme c’est parfois le cas), il existait toujours la possibilité d’aller récupérer ses effets personnels. Cependant, tout cela a été bouleversé en 2001. Les agents fédéraux ont été légalement autorisés par le Patriot Act à pénétrer secrètement dans un domicile sans avis préalable — que le propriétaire soit présent ou non. Il n’est pas nécessaire que cela ait un rapport quelconque avec le terrorisme. La nouvelle loi facilite le contournement de la nécessité d’obtention d’un mandat traditionnel : il suffit de déclarer que la perquisition dudit domicile pourrait avoir un lien (même le plus ténu) avec une enquête sur un agent d’une puissance étrangère. Désormais, une cour secrète pourra délivrer des ordonnances autorisant les écoutes clandestines et le contrôle des communications électroniques.
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23. Cet acronyme est révélateur de l’instrumentalisation du discours et de son impact sur la psyché américaine. Il est en effet difficile, dans l’ère post-9/11, de ne pas être patriote, image qui légitime et crédibilise des mesures exceptionnelles.
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Inefficace pour prévenir le 11 septembre
En août 2001, deux des pirates de l’air (Nawaq Alhamzi et Khalid AlMidhar) ont acheté, sous leur propre identité, leurs billets d’avion, alors même qu’ils figuraient sur la liste de surveillance des terroristes (TIPOFF) établie par le département d’État, et qu’ils étaient tous les deux recherchés par le FBI et par la CIA en raison de leur participation à un forum terroriste en Malaisie. Un autre, Salem Al-Hamzi, domicilié au même endroit que le premier, a également utilisé sa véritable identité pour acheter son billet d’avion. Pendant ce temps, deux autres pirates (Mohammed Atta et Marwan Al-Shehhi) ont, quant à eux, utilisé la même adresse qu’Al-Midhar pour acheter leurs billets. C’est d’ailleurs le numéro de carte de « passager fréquent » de ce dernier qu’a utilisé Majed Moqed qui devait s’écraser à bord du vol AA 77. Et, grâce au numéro de téléphone d’Atta, il était possible d’identifier cinq autres pirates de l’air (Fayez Ahmed, Mohand Alshehri, Wail Alsheri et Abdulaziz Alomari). Enfin, avec la liste de surveillance de l’INS (qui porte sur les visas expirés), l’examen de la liste de passagers permettait d’identifier Ahmed Alghandi, ainsi que les pirates à bord du United 93. Puisque les numéros de téléphone sont accessibles sur Internet et que le FBI a depuis longtemps accès aux listes (INS et TIPOFF), les services de sécurité n’avaient pas besoin d’une législation d’exception pour prévenir le 11 septembre : il leur suffisait d’appliquer correctement les procédures en vigueur. Sources : D’après Al Gore. Freedom and Security. Discours du 9 novembre 2003, Moveon.org — American Constitution Society. www.acslaw.org/files/2003 %20programs_Gore_speech %20 transcript.pdf.
Début mars 2006, le texte — certes amendé — a été renouvelé non sans avoir vigoureusement ravivé le débat sur la difficile préservation des droits et des libertés individuels face aux exigences sécuritaires24. En la matière, la communauté musulmane serait la plus touchée. Un rapport de l’organisation Human Rights Watch et du Syndicat américain des libertés civiles (American Civil Liberties Union, ACLU), en date de juin
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24. Eric Marclay (printemps 2006). Sécurité nationale vs. immigration : une violation du principe de non-discrimination. Lex Electronica, vol. 11, n°1. www.lex-electronica.org/ archives/v11-1/marclay.pdf.
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2005, a recensé au moins 70 cas de détentions arbitraires aux ÉtatsUnis. À une exception près, elles concernaient toutes des personnes de confession musulmane dont « beaucoup n’ont pas été informées des raisons de leur arrestation, n’ont pas eu accès immédiatement à un avocat et n’ont pas été autorisées à accéder aux preuves retenues contre elles », à la suite de l’utilisation abusive d’une loi sur les témoins essentiels25. Dans un geste sans précédent depuis l’entrée en vigueur du Patriot Act, la somme de 300 000 $ a été versée par le gouvernement américain à un Égyptien détenu illégalement d’octobre 2001 à août 2002 avant d’être renvoyé dans son pays. L’administration doit aussi faire face à une plainte collective de même nature déposée par certaines des 762 personnes d’origine musulmane arabe ou d’Asie du Sud-Est, qui auraient été arrêtées aux États-Unis après le 11 septembre26. Mais le scandale des écoutes menées par la NSA en dehors de tout cadre juridique légal à la demande du président rappelle qu’aucun Américain n’est à l’abri des dérives de la stratégie de lutte antiterroriste. Stratégie qui transcende très largement les frontières de l’Oncle Sam. Une stratégie antiterroriste tentaculaire et inquisitrice L’immense machine de guerre lancée par les Américains contre les terroristes avérés ou présumés n’est pas sans soulever la controverse concernant le traitement réservé aux détenus. Torture, prisons secrètes, déplacement illégal de prisonniers, droits de la défense bafoués : le droit international public et le droit humanitaire apparaissent comme les véritables laissés pour compte de la traque de l’administration Bush. Les États-Unis et la torture
Interrogée sur le recours à la torture contre les terroristes présumés, près de la moitié de la population américaine (46 %) estime qu’il peut être souvent (15 %) ou parfois (31 %) justifié.
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25. Eric Leser (28 juin 2005). « Human Rights Watch dénonce les détentions arbitraires de suspects de terrorisme aux États-Unis ». Le Monde. 26. Catherine Hours (28 février 2006). « Plainte pour détention illégale : les États-Unis paient 300 000 dollars ». www.cyberpresse.ca.
LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR
Figure 12 – La torture de présumés terroristes peut-elle être justifiée ?
* NSP : sans opinion Source : Pew Research Center for the People & the Press, 17 novembre 2005.
Sur ce sujet, la publication de photos des atrocités commises à l’encontre des prisonniers à la prison d’Abou Ghraib indigne l’opinion publique internationale. Les récits et témoignages de personnes passées par les centres de détention américains à Bagram en Afghanistan et à Guantanamo Bay n’ont fait que confirmer les craintes de violations répétées du droit international humanitaire et des droits de l’Homme. Il aura fallu attendre l’injonction d’un tribunal américain pour qu’une première liste des noms et de la nationalité de 558 personnes détenues à Guantanamo soit publiée par le Pentagone en avril 2006. Une seconde, rendue publique le 15 mai, dévoile l’identité de plus de 750 personnes, sans que le Pentagone n’accepte de confirmer son exhaustivité. Enfin, la Cour suprême a déclaré le 29 juin que l’administration Bush avait outrepassé ses prérogatives et que les tribunaux militaires d’exception mis en place pour juger les détenus de la guerre contre le terrorisme étaient illégaux. Par cette décision, les détenus se sont également vus accorder les garanties minimales prévues par l’article 3 des Conventions de Genève ; ce que l’administration avait jusqu’alors rejeté.
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Dans un rapport paru à la fin mai 2006, le Comité des Nations Unies contre la torture a vivement dénoncé l’ensemble de ces pratiques. Les positions allant dans ce sens se sont encore multipliées avec le suicide de trois détenus à Guantanamo au début du mois de juin. À la suite de cet incident, la ministre britannique des Affaires constitutionnelles, Harriet Harman, a suggéré que le camp soit déplacé aux États-Unis ou fermé : « Si tout y est parfaitement légal et qu’il ne s’y passe rien de mal, pourquoi ne se trouve-t-il pas aux États-Unis27 ? ».
Le saviez-vous ?
Le Comité international de la Croix Rouge a facilité l’échange de plus de 20 800 messages entre les internés au centre de détention de Guantanamo Bay et leurs familles situées dans plus de 30 pays.
Les vols secrets de la CIA
Bien que contesté, un rapport de la commission des questions juridiques de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dévoilé le 7 juin, confirme des allégations accablantes pour les États-Unis. Selon le rapport, le gouvernement et les services de renseignement américains ont patiemment tissé une « toile d’araignée » pour mener des opérations de restitution de prisonniers. Enlevés, détenus ou transférés secrètement et illégalement grâce à la collaboration ou à la passivité d’au moins sept États du Conseil de l’Europe, des centaines d’individus ont été mis ainsi « hors de portée de tout système judiciaire28 ».
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27. Le Monde (13 juin 2006). « Droits de l’homme ». 28. Commission des questions juridiques et des droits de l’homme (juin 2006). Allégations de détentions secrètes et de transferts illégaux de détenus concernant des États membres du Conseil de l’Europe. Http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2006/20060606_Fjdoc162006Part II-FINAL.pdf.
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LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR
Reproduction : M. Laforme et A. Thomas (01/08/2006)
Figure 13 – La « toile d’araignée » mondiale des détentions secrètes et des transferts illégaux de détenus
« Le graphique [...] illustre ce que j’estime n’être qu’une part minime de la toile d’araignée. » Dick Marty, rapporteur Source : Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Communautés européennes. Http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/ 2006/20060606_ RenditionsMap_FR.jpg.
8. LE FARDEAU IRAKIEN lus de trois ans après le renversement de Saddam Hussein, l’intervention américaine en Irak n’est pas le succès escompté par ses plus ardents défenseurs au sein de l’administration Bush. Au contraire, l’Irak est aujourd’hui un fardeau qui mine la popularité du président George W. Bush et impose de fortes contraintes à l’exercice de la puissance américaine sur la scène internationale.
P
Des ambitions stratégiques considérables Depuis plus d’une décennie, alors que le gouvernement de George H. Bush (père) avait refusé de marcher sur Bagdad, certains décideurs néo-conservateurs, frustrés de ce qu’ils avaient jugé comme un manque de courage et de conviction, ont conservé l’arrière pensée de retourner en Irak et de démettre Saddam Hussein. Devant l’affirmation de George W. Bush (fils) de vouloir mener une politique étrangère « humble », leur projet belliqueux paraissait voué à l’échec. Mais le 11 septembre a complètement renversé le cours des choses : les néoconservateurs étaient bien positionnés dans l’appareil gouvernemental et le contexte leur était favorable. Dès les premières réunions du « cabinet de guerre » chargé de concevoir la réponse aux attentats de New York et Washington, le régime de Saddam Hussein s’est retrouvé dans la ligne de mire de l’administration29. ———————
29. Charles-Philippe David (2004). Au sein de la Maison-Blanche. La formulation de la politique étrangère des États-Unis. Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 2e édition, p. 593-641 ; Bob Woodward (2004). Plan d’attaque. Paris, Denoël Impacts, 473 p.
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Au lendemain des pires attaques étrangères que les États-Unis aient connues sur le territoire continental, le renversement du régime de Saddam Hussein répondait, aux yeux des décideurs américains, à trois objectifs stratégiques30 : 1. Éliminer un élément potentiel dans la combinaison État voyou/armes de destruction massive/terroristes. Ce scénario, selon lequel un État voyou possédant de telles armes pourrait les transmettre à une organisation terroriste chargée de mener une opération contre les ÉtatsUnis, est une menace prise très au sérieux, en particulier par le viceprésident, Richard Cheney. 2. Concrétiser les projets de réforme (mobilité, puissance de feu et hautes technologies) de l’armée américaine promus par le secrétaire à la Défense, Rumsfeld, et réaffirmer ainsi la supériorité militaire des États-Unis. 3. Implanter la démocratie dans une région — le Moyen-Orient —, où la persistance de régimes autoritaires est considérée par les néoconservateurs comme une cause fondamentale du terrorisme islamiste. Un succès militaire «catastrophique31» Déclenchée le 19 mars 2003, l’opération Cobra II (appelée ainsi en référence à la marche du général Patton vers l’Allemagne nazie au printemps 1945) a abouti à la chute de Bagdad et de Saddam Hussein trois semaines plus tard, le 9 avril. Malgré la rapidité de cette victoire initiale, la dégradation de la situation sur le terrain dès l’été 2003 et les difficultés persistantes auxquelles sont encore confrontées les Forces américaines ont mis en évidence les failles de l’intervention américaine. Trois erreurs critiques peuvent être identifiées32 : 1. Une analyse erronée de l’ennemi : dès les premières heures de l’opération terrestre, les Forces américaines n’ont pas été confrontées à ———————
30. David Phillips (2005). Losing Iraq. Inside the Postwar Reconstruction Fiasco. Westview Press, 292 p. 31. Michael Gordon et General Bernard Trainor (2006). Cobra II. The Inside Story of the Invasion and Occupation of Iraq. New York, Pantheon Books, 601 p. 32. Voir notamment Michael Gordon et General Bernard Trainor, op. cit. et David Phillips, op. cit.
LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR
l’armée irakienne et ses blindés, comme cela avait été planifié à la suite de l’expérience de la guerre du Golfe de 1991, mais majoritairement à des combattants habillés en civil et se fondant dans la population. Ainsi, la lutte armée telle qu’elle se manifeste depuis plus de trois ans a éclos dès le 19 mars 2003. 2. Une inadaptation des forces et des matériels par rapport à la nature de l’ennemi. Dans leur avancée sur Bagdad, les stratèges américains ont privilégié la vitesse au détriment du contrôle du territoire. Ainsi, lorsqu’ils ont été confrontés à la violence de la guérilla, les soldats américains ont dans un premier temps manqué de véhicules blindés légers et de gilets pare-balles, manques qui ont provoqué de nombreuses pertes. 3. L’incapacité d’assurer la sécurité du territoire et de créer un lien de confiance entre les Forces américaines et la population irakienne. Deux erreurs majeures ont été commises dès juillet 2003 et ont renforcé la perception d’une occupation étrangère : la dissolution de l’armée irakienne et l’annulation des élections locales. Cette mauvaise planification, surtout de l’après-guerre, explique largement la position délicate dans laquelle se retrouvent aujourd’hui les États-Unis. Cette situation, dont les coûts tant humains que financiers n’avaient pas été anticipés par les décideurs américains, fragilise l’administration Bush et hypothèque l’avenir de l’Irak. Des coûts inattendus qui hypothèquent l’avenir Alors que l’administration Bush avait affirmé que les troupes américaines seraient accueillies en libératrices et que la reconstruction de l’Irak ne prendrait tout au plus que quelques mois, à la mi-2006, on dénombre plus de 2 500 soldats américains tués en Irak et plus de 18 000 blessés33.
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33. www.icasualties.org [31 mai 2006].
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Figure 14 – Répartition par origine ethnique des soldats américains tués en Irak (de mars 2003 à mi-juin 2006)
Source : www.icasualties.org [31 mai 2006].
Fin mai 2006, 14,4 milliards de dollars avaient été dépensés au titre de l’aide à la reconstruction34, alors que le Pentagone prévoyait initialement y consacrer 3 milliards35. Tableau 4 – Différentes estimations du coût de la guerre en Irak et de la reconstruction Date
Coût estimé de la guerre et de la reconstruction, en milliards de dollars
Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense
Avant l’intervention
50 à 60
Paul Wolfowitz, secrétaire-adjoint à la Défense
Avant l’intervention
Financé par le pétrole irakien
Larry Lindsey, conseiller économique de George W. Bush
Avant l’intervention
100 à 200
Université de Chicago
Depuis l’intervention
410 à 630
AEI-Brookings Joint Centre
Depuis l’intervention
540 à 670
Linda Bilmes et Joseph Stiglitz
Depuis l’intervention
840 à 1190
Source : The Economist (8 avril 2006). « Blood and treasure ». p. 33. ———————
34. Michael O’Hanlon et Nina Kamp. Iraq Index. Tracking Variables of Reconstruction and Security in Post-Saddam Iraq. Brookings Institution, p. 34. www.brook.edu/fp/saban/iraq/ indexarchive.htm. 35. The Economist (8 avril 2006). « Blood and treasure ». p. 34.
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LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR
Après plus de trois ans, les coûts financiers de l’intervention en Irak dépassent les 300 milliards de dollars. Les prévisions optimistes émises par l’administration Bush avant mars 2003 ont donc été largement dépassées et la situation actuelle, encore incertaine, laisse présager un coût total qui devrait être compris entre 400 et 2 000 milliards de dollars.
Tableau 5 – Coût de la guerre en Irak à la fin avril 2006 Année fiscale
2003
2004
2005
2006
Total
Département de la Défense
48.0
57.7
85.1
98
288.8
Département d’État
3.0
19.5
2.0
3.4
27.9
0
0.1
0.2
0.5
0.8
51.0
77.3
87.3
101.9
317.5
Dépenses par département
Département des Anciens combattants Total
Source : Amy Belasco (24 avril 2006). « The Cost of Iraq, Afghanistan, and Other Global War on Terror Operations Since 9/11 ». Congressional Research Service, p. 10.
Il est certes délicat, si ce n’est impossible, d’évaluer l’impact à long terme sur l’économie américaine d’une guerre dont le coût représente 10 à 20 % du budget du Pentagone et 1 % du produit intérieur brut36. Cependant, un exemple illustre parfaitement ce coût à long terme : celui des blessés de guerre. En effet, les progrès dans la chirurgie militaire ont permis de sauver deux fois plus de soldats blessés que lors de la guerre du Vietnam37. Les soins médicaux dont devront bénéficier ces blessés sont évalués à 1,3 millions de dollars par individu38.
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36. Anthony Cordesman (10 mai 2006). « The Uncertain Cost of the Iraq War ». CSIS, p. 3. 37. Depuis la guerre du Vietnam, le taux de décès des soldats blessés a été divisé par deux. Cal Perry (10 mai 2006). « Life and death every day for Iraq medics ». CNN.com. 38. The Economist (8 avril 2006). « Blood and treasure ». p. 33.
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Un avenir difficilement déchiffrable Les États-Unis payent sans conteste un lourd tribut de la violence en Irak. Or, les Forces américaines semblent de moins en moins en subir les conséquences directes. Premièrement, malgré les erreurs initiales dans la planification de la guerre, les militaires américains sur le terrain s’adaptent à leur ennemi. D’une part, ils essayent de (re)créer un lien de confiance avec la population par des programmes de reconstruction39. D’autre part, ils améliorent leurs techniques de combats contre la guérilla dont les attaques apparaissent dès lors moins efficaces. Deuxièmement, depuis les élections irakiennes de janvier 2006 et dans la perspective des élections au Congrès de novembre 2006, les Forces américaines sont moins en première ligne face à la guérilla. Dans une volonté de renforcer la perception de la souveraineté des Irakiens sur leur territoire, les militaires américains se retranchent de plus en plus dans une vingtaine de bases fortifiées à l’écart des villes40 et jouent un rôle de soutien auprès des Forces irakiennes. Ces dernières, ainsi que la population irakienne, sont par conséquent les principales victimes de la violence quotidienne. Début juin 2006, 4 751 militaires et policiers irakiens, et entre 14 705 et 25 738 (selon les diverses estimations) civils avaient été tués 41.
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39. David Cloud (1er avril 2006). « Top General in Iraq Aims to Shoot Less, Rebuild More ». The New York Times. 40. Fred Kaplan (juin 2006). « Hunkering Down. A guide to the U.S. Military’s Future in Iraq ». The Atlantic, p. 34-37. 41. Michael O’Hanlon et Nina Kamp, op. cit., p. 9-10.
LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR
Figure 15 – Niveau d’intensité de la guérilla
Sources : Michael O’Hanlon et Nina Kamp. Iraq Index. Tracking Variables of Reconstruction and Security in Post-Saddam Iraq. Brookings Institution et www.icasualties.org.
Les Forces américaines et irakiennes ne pourront venir à bout de la guérilla par les seuls moyens militaires. À ce titre, il est peu probable que l’élimination d’Al-Zarkaoui, le 7 juin 2006, représente une victoire significative. En effet, la stabilisation à long terme de l’Irak repose avant tout sur des solutions politiques qui font encore défaut. Les États-Unis doivent donc revoir leur stratégie et s’engager activement42 : a. À adapter leur réponse à la lutte armée. Contrer la guérilla n’est pas suffisant, encore faut-il créer un sentiment de sécurité auprès de la population en contrôlant l’ensemble du territoire. b. À s’engager sur une présence à long terme (au moins une décennie) afin d’assister les Forces de sécurité irakiennes dans leur contrôle du territoire.
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42. Anthony Cordesman (26 mai 2006). « Winning the ’Long War’ in Iraq: What the US Can and Cannot Do ». CSIS ; Andrew Krepinevich (septembre/octobre 2005). « How to Win in Iraq ». Foreign Affairs.
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c. À soutenir l’unité territoriale d’un Irak fédéral. d. À faire pression sur le gouvernement central de Bagdad pour qu’il inclue l’ensemble des acteurs politiques (chiites, kurdes et sunnites) et qu’il soit efficace. e. À développer et à améliorer la gouvernance au niveau local. f. À appuyer l’effort de reconstruction des infrastructures nécessaires à la fourniture des biens publics de première nécessité (eau, santé, électricité). g. À soutenir le redressement économique de l’Irak et la lutte contre le chômage. Ces mesures que doit adopter l’administration américaine ne garantiront pas à elles seules l’avenir de l’Irak. Celui-ci repose intrinsèquement sur la confiance des Irakiens envers leurs propres institutions. Or, l’amélioration de la situation en Irak est indispensable à l’avenir politique de George W. Bush, tant à court terme avec les élections de novembre 2006, qu’à long terme pour assurer l’héritage de sa présidence. En effet, la politique étrangère (et spécifiquement l’Irak) détermine la popularité du président Bush : la dégradation manifeste de la situation irakienne depuis décembre 2004 explique donc directement la baisse continue de sa popularité43.
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43. PewResearchCenter. « The Iraq-Vietnam Difference ». Http://pewresearch.org/obdeck/? ObDeckID=25 [16 mai 2006].
LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR
Figure 16 – Les enjeux les plus déterminants de la présidence de George W. Bush pour l’opinion publique américaine, en %
Source : PewResearchCenter. « The Iraq-Vietnam Difference ». Http://pewresearch.org/obdeck/?Ob DeckID=25, p. 4.
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9. CINQ ANS APRÈS LE 11 SEPTEMBRE : LA FIN DES ILLUSIONS POPULAIRES ENVERS GEORGE W. BUSH ET LES RÉPUBLICAINS eorge W. Bush et le parti républicain n’ont jamais été aussi impopulaires qu’en ce moment, cinq ans après le 11 septembre 2001. Aux lendemains des attentats de New York et Washington, la population américaine craignait de nouvelles attaques terroristes en sol américain et faisait donc entièrement confiance à la Maison-Blanche pour la protéger de ce danger. Près de 90 % des Américains approuvaient alors le travail de Bush, qui est resté très populaire jusqu’à la capture de Saddam Hussein en décembre 2003. Mais les prix élevés de l’essence, la gestion calamiteuse de l’ouragan Katrina et la situation difficile en Irak ont fortement démoralisé la population. Ainsi, à la mi-2006, la cote de popularité de George W. Bush fluctuait dans une fourchette comprise entre 31 et 40 % d’opinions favorables44.
G
Deux autres indicateurs permettent de prendre la mesure du désenchantement populaire à l’égard de Bush et de ses collègues. D’une part, seulement 29 % des Américains estiment que les États-Unis vont dans la bonne direction aujourd’hui, alors qu’ils étaient 54 % en février 2002 (Figure 17). D’autre part, la popularité de Bush s’est effritée auprès des groupes à forte tendance républicaine (Tableau 6).
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44. Le site www.pollingreport.com fournit une compilation des principaux sondages effectués aux États-Unis. En mai 2006, Bush recueillait, selon CBS/New York Times, 31 % d’opinions favorables. En juin 2006, un sondage FOX/Opinion dynamics le créditait d’un taux de satisfaction de 40 %. Source : www.pollingreport.com/BushJob.htm [27 juin 2006].
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Tableau 6 – Les taux d’approbation de Bush dans les groupes à forte tendance républicaine Groupes d’opinion
Décembre 2004
Mai 2006
Hommes blancs
59 %
39 %
Habitants du Midwest
48 %
32 %
Habitants du Sud
56 %
36 %
Protestants évangéliques blancs
77 %
55 %
Républicains conservateurs
93 %
78 %
Républicains modérés
81 %
56 %
Individus allant à l’église au moins une fois par semaine
58 %
41 %
Source : Pew Research Center, «Bush’s Troubles Shake the GOP Base», 6 juin 2006. Http://pewresearch. org/reports/?ReportID=26.
L’un des principaux échecs de Bush a été de perdre la confiance des Américains sur les enjeux qu’il jugeait prioritaires après le 11 septembre et qu’il avait placés au cœur de sa campagne électorale de 2004. En effet, les Américains font désormais plus confiance aux démocrates qu’aux républicains pour gérer la reconstruction irakienne et pour mener la lutte contre le terrorisme. De plus, la proportion d’Américains approuvant les politiques antiterroristes de Bush est passée de 92 % à 53 % en cinq ans. Les majorités républicaines au Congrès n’ont pas été épargnées par les foudres des Américains. Surfant sur la vague de popularité de Bush après le 11 septembre, elles ont perdu la confiance de la population lorsqu’elles se sont avérées incapables, après 2004, d’assurer l’harmonie entre le Congrès et la Maison-Blanche sur des enjeux comme la privatisation partielle du régime des retraites (social security), le renouvellement du USA Patriot Act ou encore la nomination de John Bolton au poste d’ambassadeur à l’ONU. Qui plus est, les affaires de corruption et les scandales, impliquant notamment l’ex-leader de la majorité de la Chambre Tom Delay et le lobbyiste Jack Abramoff, ont terni l’image du Congrès : 59 % des Américains approuvaient le travail de la branche législative en décembre 2001 ; 34 % pensent la même chose cinq ans plus tard.
LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR
Figure 17 – La perte de popularité de George W. Bush et du parti républicain
Source : Washington Post-ABC News Poll, The Washington Post, 16 mai 2006. www.washingtonpost. com/wpsrv/politics/polls/postpoll_051606.htm.
Ces réalités pourraient avoir un impact négatif sur la performance républicaine aux élections législatives de novembre 2006, où les 435 sièges de la Chambre des représentants, ainsi que 33 des 100 sièges du Sénat sont à pourvoir. Les démocrates réduiront visiblement l’écart entre les républicains et eux. La majorité républicaine possède actuellement 232 sièges (contre 203 démocrates) à la Chambre et 55 sièges (contre 45 démocrates) au Sénat. Ils pourraient même reprendre le contrôle d’une des deux Chambres. La Chambre des représentants est leur meilleur espoir45. Les taux de réélection des représentants sortants avoisinent les 95 % et seule une ———————
45. Charlie Cook (6 mai 2006). « The Winds of Change », The Cook Political Report. www. cookpolitical.com/overview/2006/050606_cookprev.php.
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quarantaine de sièges (sur les 435 !) sera réellement disputée. Parmi ceux-ci, plus d’une trentaine de bastions républicains est vulnérable, contre seulement dix du côté démocrate. Ces derniers devront conserver ces dix sièges et battre 15 républicains ailleurs pour reprendre les rênes du pouvoir. Cela ne sera pas facile, car plusieurs sièges républicains se trouvent dans des districts très conservateurs du Sud ou du Midwest, où Bush est certes moins populaire qu’auparavant, mais où les démocrates ont eu de la difficulté à enregistrer des gains au cours des dernières années. Au Sénat, le calcul est plus simple, mais moins encourageant pour les démocrates. Ils doivent vaincre les cinq républicains sortant vulnérables (Rick Santorum en Pennsylvanie, Lincoln Chafee au Rhode Island, Conrad Burns au Montana, Mike DeWine en Ohio et Jim Talent au Missouri). Ils doivent, en plus, remporter le siège laissé vacant par Bill Frist au Tennessee et conserver chacun des sièges qu’ils possèdent, alors même que certains sont également vulnérables. La fin des illusions populaires envers Bush pourrait donc engendrer des changements substantiels dans le paysage politique à Washington d’ici la fin de l’année. La situation sera encore plus délicate pour les républicains si Bush et ses collègues n’arrivent pas à redorer le blason de leur parti d’ici l’élection présidentielle de 2008.
10. LE CRÉPUSCULE DE LA « DOCTRINE BUSH » a « doctrine Bush » a été élaborée à la suite des attentats du 11 septembre et formalisée dans le document sur la stratégie de sécurité nationale publié en septembre 200246. L’intervention en Irak en mars 2003 l’a concrétisée. Cependant, le fardeau irakien oblige à une remise en cause profonde de la viabilité de cette doctrine pour faire face aux enjeux stratégiques majeurs auxquels les États-Unis sont confrontés en ce début de XXIe siècle.
L
Tableau 7 – La « doctrine Bush » DEUX POSTULATS :
• la marge de manœuvre et la sécurité des États-Unis ne devraient pas être limitées par des contraintes internationales ; • les États-Unis doivent utiliser leur puissance pour changer le statu quo international, considéré comme ayant généré les attaques contre New York et Washington.
TROIS CONSÉQUENCES POUR LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE AMÉRICAINE
• la préférence pour l’action unilatérale ; :
• le recours à l’action préventive consistant à attaquer l’ennemi avant qu’il ne puisse agir contre les États-Unis ; • l’utilisation de la force armée comme vecteur de changement de régime politique chez les États voyous.
Source : Ivo Daalder et James Lindsay (2003). America Unbound. The Bush Revolution in Foreign Policy. Washington D.C, Brookings Institution Press, 246 p. ———————
46. www.whitehouse.gov/nsc/nss.pdf.
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Une doctrine difficilement applicable S’appuyant sur des ressources militaires et économiques considérables, la « révolution » prônée par l’administration Bush avait pour ambition de réaffirmer l’autonomie d’action des États-Unis sur la scène internationale. Les interventions militaires en Afghanistan et surtout en Irak ont été les premiers — et peut-être les derniers — cas d’application de la « doctrine Bush ». Au-delà de la situation toujours précaire en Afghanistan, la violence et l’incertitude persistantes en Irak plus de trois ans après la chute de Saddam Hussein soulignent les failles et les limites de cette doctrine. L’action unilatérale et le changement de régime ne semblent plus à l’ordre du jour pour gérer les menaces que représentent les ambitions nucléaires de la Corée du Nord et de l’Iran, pays figurant pourtant, avec l’Irak, dans « l’Axe du Mal » établi par George W. Bush lors de son discours sur l’état de l’Union de janvier 2002. Dans le cas de la Corée du Nord, après avoir dénoncé les accords signés par l’administration Clinton en 1994, l’administration Bush a dû se résigner, d’une part, à accepter un dialogue direct avec Pyongyang et, d’autre part, à avoir recours à un cadre multilatéral de négociation. Cette stratégie risque peu d’être modifiée, au-delà des tests de missiles effectués par la Corée du Nord en juillet 2006. Les tensions avec l’Iran illustrent parfaitement les limites de la « doctrine Bush » dans une région d’importance stratégique (en matière d’approvisionnements pétroliers et de lutte contre le terrorisme). • Chiite, l’Iran est un acteur régional majeur pour la stabilisation de l’Irak. • Riverain du détroit d’Hormuz, il peut significativement perturber l’approvisionnement mondial en pétrole et en gaz naturel en menant des attaques contre les navires qui transitent par ce couloir étroit de 33 km47.
———————
47. « The List: The Five Top Global Choke Points ». Foreign Policy, 8 mai 2006. www. foreignpolicy.com/story/cms.php ?story_id=3457&print=1.
LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR
• Soutien reconnu du Hezbollah libanais et du Djihad islamique palestinien, il dispose de moyens et d’alliés pour déstabiliser le Moyen-Orient. • Ne reconnaissant pas la légitimité d’Israël, il représente une menace sérieuse pour la sécurité de l’État hébreu. Dans ce contexte, les ambitions nucléaires iraniennes, particulièrement si elles se traduisent par l’obtention de l’arme atomique, représentent pour l’administration Bush un défi sérieux pour les intérêts américains au Moyen-Orient48. Or, le déploiement des Forces américaines en Irak ne permet pas à la Maison-Blanche d’envisager une invasion de l’Iran. La gestion de la crise iranienne par les États-Unis passe donc par trois voies qui sont bien éloignées des préceptes de la « doctrine Bush » : a. Le soutien aux efforts diplomatiques menés par les pays européens (Grande-Bretagne, Allemagne et France). Les propositions européennes d’aide économique n’auront d’impact réel auprès des autorités iraniennes que si les États-Unis fournissent des garanties claires de sécurité à Téhéran. b. La restauration conditionnelle d’un dialogue entre Washington et Téhéran telle qu’annoncée par la secrétaire d’État Rice au début de juin 2006. Les relations diplomatiques entre les deux pays sont rompues depuis la crise des otages de 1979-1980. c. Si le régime de Téhéran persiste dans son rejet des propositions de négociations49, les sanctions diplomatiques et économiques imposées par le Conseil de sécurité constituent le moyen de pression le plus envisageable pour les États-Unis50, même si le recours à des bombardements aériens ou un soutien au renversement interne du régime des Ayatollahs ne sont pas expressément exclus des options dont veut disposer l’administration Bush.
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48. Philip Gordon (mai 2006). « The Nuclear Challenge from Iran ». Foresight Magazine. 49. Kenneth Pollack (17 mai 2006). « The Iranian Nuclear Program: Motivations and Priorities ». Testimony before the Senate Foreign Relations Committee. 50. Kenneth Pollack et Ray Takeyh (mars-avril 2005). « Taking on Tehran ». Foreign Affairs ; Ivo Daalder (21 avril 2006). « Is War with Iran Inevitable ? ». NRC Handelsblad.
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Une doctrine qui suscite la controverse Outre ses failles, voire ses incohérences, dans la gestion d’enjeux internationaux aussi importants que celui de la prolifération nucléaire, la « doctrine Bush » a durablement terni l’image des États-Unis dans le monde. Malgré leur puissance militaire, les États-Unis ne sont donc pas aussi libres d’agir que l’administration Bush l’avait revendiqué. Figure 18 – Le budget américain de la Défense, en milliards de dollars américains
* Le budget américain de la Défense représente la somme des budgets du département de la Défense, des activités liées à la Défense du département de l’Énergie (essentiellement les missiles nucléaires), ainsi que d’autres agences fédérales plus petites, telle l’agence fédérale de gestion des crises (la FEMA). Ce budget n’intègre pas les fonds alloués aux Anciens combattants, ni au département de la Sécurité intérieure dont les budgets pour 2006 s’élèvent respectivement à 70,3 et 33,2 milliards de dollars. Sources : The International Institute for Strategic Studies (2006). The Military Balance 2006. London, Routledge, p. 25; Ministère des Finances Canada. Budget 2006. www.fin.gc.ca/budget06/pdf/ brieff.pdf; Finances Québec. Budget 2006-2007. www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2006-2007/fr/pdf/pfa. pdf ; Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. Budget 2006. www.legifrance.gouv.fr/ imagesJOE/2005/1231/joe_20051231_0304_0041.pdf. Les budgets du Canada, du Québec et de la France ont été convertis en dollars américains sur la base des taux de change en date du 28 juin 2006.
LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR
Déjà colossales avant les attentats de New York et Washington, les sommes allouées à la Défense américaine ont fortement augmenté à la suite du 11 septembre 2001 : évaluées à 561,8 milliards de dollars américains pour 2006, elles représentent à elles seules plus de 2,5 fois le budget total du Canada, plus de 10 fois celui du Québec et sont nettement supérieures au budget de la France. Dès lors, il n’est guère surprenant que les Forces armées des États-Unis n’aient pas de rivales. Elles peuvent aisément contrôler les voies essentielles de communication et d’échange dans un monde globalisé (voies aériennes, maritimes et spatiales), ainsi que les ressources naturelles majeures, particulièrement le pétrole du Moyen-Orient51. Cependant, la réaffirmation de la puissance américaine par le biais d’interventions armées, telles qu’y a eu recours l’administration Bush, mine considérablement la capacité d’influence des États-Unis sur la scène internationale. Figure 19 – Perception de l’influence des États-Unis sur la scène internationale
Source : Pew Research Center. The Pew Global Attitudes Project. Juin 2005.
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51. Barry Posen (été 2003). « Command of the Commons. The Military Foundation of US Hegemony ». International Security, vol. 28, n° 1, p. 5-46.
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LE 11 SEPTEMBRE 2001, CINQ ANS PLUS TARD
Une doctrine qui a consacré le divorce entre les États-Unis et le reste du monde? Nuisant à l’image internationale des États-Unis, les actions entreprises par l’administration Bush sembleraient même avoir consacré un fossé infranchissable entre les États-Unis et le reste du monde, en particulier leurs alliés traditionnels que sont le Canada et l’Europe. Le sentiment religieux, qui est certes plus fort aux États-Unis que dans les autres pays occidentaux, est souvent considéré comme un vecteur important de ce fossé. Pourtant, la religion ne dicte pas les préférences de la population américaine en matière de politique étrangère. Tableau 8 – Sources d’influence de l’opinion américaine sur quelques enjeux de politique étrangère, en % Expérience personnelle
Amis/ Famille
Médias
Appartenance religieuse
Éducation
Autre
NSP*
Envoi de troupes en Bosnie (juin 1996)
15
7
35
6
18
16
3
Opinion sur la guerre en Irak (mars 2003)
16
7
41
10
11
11
4
Perceptions du conflit israélo-palestinien (juillet 2003)
8
4
33
20
21
10
4
Prévention des génocides 12 (mars 2001)
4
34
13
16
12
7
* NSP : sans opinion. Source : Andrew Kohut et Bruce Stokes. «The Problem of American Exceptionalism». PewResearch Center, 9 mai 2006, p. 5. Http://pewresearch.org/obdeck/?Ob DeckID=23. Entre parenthèses figurent les dates auxquelles ont été menées les enquêtes d’opinion.
Par ailleurs, Américains, Canadiens et Européens partagent encore essentiellement les mêmes perceptions sur des questions aussi fondamentales que l’importance de la démocratie comme système politique ou les principaux enjeux sur la scène internationale. Notons que 87 % des Américains, 85 % des Canadiens et 82 % des Européens ont une opinion positive de la démocratie.
LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR
Figure 20 – Identification des principaux enjeux internationaux
Source des sondages sur la démocratie et sur les principaux enjeux internationaux : Léger Marketing. L’opinion du monde 2006. Montréal, Transcontinental, p. 27, 28 et 47.
La situation en Irak et la perception généralement négative des ÉtatsUnis sur la scène internationale limitent considérablement la marge de manœuvre américaine en politique étrangère. Les États-Unis ne sont donc pas aussi libres, souverains et puissants que la «doctrine Bush» l’avait revendiqué. Plus de deux ans avant la fin même de son mandat, le président Bush a dû en grande partie renoncer à cette doctrine et faire appel aux Alliés, en particulier pour gérer les cas iranien et nord-coréen. Pour autant, ce retour à une version plus traditionnelle de la politique étrangère pourrait ne pas résister à un événement international d’une ampleur considérable, comme un nouvel attentat majeur sur le sol américain. Le recours à la force armée et à l’intervention unilatérale serait alors de nouveau très certainement privilégié par les Américains.
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III. LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA : MÊMES DÉBATS, NOUVEAU CONTEXTE
La géographie a fait de nous des voisins. L’histoire a fait de nous des amis. L’économie, des partenaires, et la nécessité nous conduit à être alliés. JOHN F. KENNEDY alentendus, ambivalences, alliances fragilisées, turbulences diplomatiques : la relation entre les États-Unis et le Canada a survécu à une période complexe et tendue, marquée par le ressac des événements du 11 septembre 2001. Pourtant, cinq ans plus tard, Washington et Ottawa ne se sont ni rapprochés ni éloignés : outre le domaine de la sécurité et de la défense, la relation américano-canadienne n’a en fait pas radicalement changé. Si les attentats ont servi de catalyseur et d’accélérateur à l’adoption de mesures sécuritaires, en revanche, ils n’ont ni résolu ni amplifié les différends entre les deux pays, qui existaient bien avant 2001. Cinq ans plus tard, les mêmes débats refont surface, les mêmes enjeux retiennent l’attention des médias, et les deux alliés parviennent à gérer leurs différends dans un contexte toujours changeant.
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• Alors que l’on aurait pu imaginer un rapprochement dû à l’élan de sympathie généré par les attentats, ou inversement à une profonde division fondée sur la question irakienne ou sur le bouclier antimissile, les changements sont en réalité moins nombreux qu’on ne l’avait prévu. La coopération bilatérale demeure la pierre angulaire des relations entre les deux pays. • La coopération entre Washington et Ottawa s’inscrit dès le 12 septembre 2001 dans une tradition historique de sécurité et de défense commune. • Dans le contexte post-11 septembre, quelques changements ont été effectués pour affronter le terrorisme. La principale entente, celle du NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord), est dorénavant permanente et son mandat a été élargi. Par ailleurs, le budget de la Défense nationale canadienne a augmenté de 1,2 milliards de dollars en 2001 et de 5,3 milliards en 200652 (tous les deux répartis sur cinq ans). En juin 2006, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a également annoncé des dépenses de plus de 17 milliards de dollars sur plusieurs années pour l’achat d’équipement militaire53. • Au Canada, le 11 septembre 2001 a eu un effet catalyseur sur l’adoption de nouvelles politiques de sécurité, telles les lois antiterroriste et d’immigration, ou l’armement des douaniers. De nouvelles instances ont été créées dans le domaine de la sécurité intérieure, comme le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada (SPPCC) ou l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA). • La «passoire canadienne» est un mythe. Même si les déclarations sur cette «passoire» se sont multipliées aux États-Unis, la priorité demeure la frontière américano-mexicaine. Étant donnée sa longueur, une «mexicanisation» de la frontière américano-canadienne n’est pas envisageable. Cinq ans après le 11 septembre, les plans et les mesures mis en œuvre vont dans le sens d’une continentalisation de la sécurité plutôt que d’une fortification de la frontière. ———————
52. Pour les budgets de 2001 et de 2006, voir : Défense nationale du Canada. « Budget 2001 ». Documents et rapports importants. www.forces.gc.ca/site/Reports/budget01/index_f.asp [1er juin 2006] et « Message du ministre ». Documents et rapports importants. www.forces.gc. ca/site/Reports/budget06/message_f.asp [1er juin 2006]. 53 Alec Castonguay. « Des achats en rafale. Avec ses nouveaux équipements, l’armée canadienne pourra remplir son mandat ». Le Devoir, 1er juillet 2006, p. b2.
11. LA CONSTANTE DEMEURE : SURMONTER LES DIFFÉRENDS PAR LA COOPÉRATION ès l’élection de George W. Bush en 2000, la relation entre les ÉtatsUnis et le Canada semble débuter sur le mauvais pied lorsque l’ambassadeur américain au Mexique est nommé avant même celui devant être désigné à Ottawa, brisant ainsi une longue tradition diplomatique. La même amertume se manifeste lorsque, à la suite des événements du 11 septembre, seule la Grande Bretagne est remerciée dans le discours du président américain devant le Congrès.
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Cependant, la portée des événements de l’automne 2001 est telle que l’on aurait pu croire tous les différends oubliés, oblitérés sous l’impact des attentats. D’autant que le 11 septembre a eu un effet centripète sur les législations antiterroristes et le traitement des «étrangers». Et pourtant, ni l’élan de sympathie et de solidarité généré entre les citoyens des deux États après les attentats — nous sommes tous américains! —, ni la profondeur historique de l’intégration nord-américaine, ni même la communauté de valeurs politiques et culturelles n’auront pu occulter l’existence de différends avant comme après le 11 septembre. Refus de Jean Chrétien puis de Paul Martin d’appuyer la poursuite du projet de bouclier antimissile américain, première visite tardive et souvent reportée de George W. Bush en sol canadien, refus du Canada de participer à la guerre en Irak, interminable conflit du bois d’œuvre, crise de la vache folle et fermeture de la frontière américaine aux exportations bovines canadiennes, porosité de la frontière canadienne, questions environnementales et protocole de Kyoto, sousmarins américains dans les eaux canadiennes arctiques, imposition d’un passeport canadien pour traverser la frontière américaine… Cinq ans plus tard, la constante demeure : malgré les turbulences et les ambivalences,
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Washington et Ottawa maintiennent leur coopération afin de surmonter leurs différends. L’intégration sécuritaire américano-canadienne : une coopération fondamentale Soulevant elle aussi des débats parfois controversés, la coopération spécifique en matière de défense et de sécurité entre les États-Unis et le Canada remonte à la signature de la déclaration d’Ogdensburg en 1940. Les deux pays y reconnaissaient alors « le caractère indivisible de la sécurité du continent et se promettaient aide et assistance mutuelle en cas d’hostilités54 ». Il existe aujourd’hui, entre les deux alliés, 80 accords de défense, plus de 250 protocoles d’entente entre les deux ministères de la Défense et pas moins de 145 forums de consultation bilatéraux55, auxquels s’ajoutent de nombreuses ententes informelles, voire secrètes, dont les suites du 11 septembre ne représentent qu’une modeste portion. En effet, dans cette multitude d’ententes bilatérales, huit accords formels et majeurs de coopération américano-canadienne en matière de défense et de sécurité sont particulièrement significatifs. Depuis les attentats terroristes, les changements s’appuient donc essentiellement sur la consolidation de l’architecture existante plutôt que sur la création de nouvelles instances en matière de défense. Le retour de la défense sur la scène politique canadienne C’est en 2002, en réaction aux attentats du 11 septembre et au nouveau contexte de menace terroriste qui planait sur l’Amérique du Nord, que le Canada a mis sur pied avec les États-Unis le Groupe de planification binational (GPB), basé au quartier général du NORAD à Colorado Springs. Ce forum de consultation, de recommandation et de planification en cas de crise a été créé pour faciliter l’échange d’informations et coordonner les plans d’intervention pour la défense canadienne et américaine en cas de désastres naturels ou d’attaques terroristes56. Ce groupe binational ———————
54. Défense nationale du Canada. « Livre Blanc sur la défense 1994 ». www.forces.gc.ca/site/ focus/canada-us/chap5_f.asp. 55. Défense nationale du Canada. « Examen des accords militaires conclus au cours des 50 dernières années ». www.forces.gc.ca/site/focus/canada-us/pentagon2_f.asp. 56. Parlement du Canada, 39e législature. www.parl.gc.ca/39/1/parlbus/chambus/house/debates/ 015_2006-05-03/han015_1845-F.htm [mai 2006].
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LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
allait permettre des interventions concertées en cas d’urgence aux ÉtatsUnis ou au Canada (Washington et Ottawa devaient toutefois approuver tout plan d’intervention avant son exécution). Le GPB a été démantelé en mai 200657, peu de temps après avoir produit et déposé un rapport final de recommandations58. Ses activités seront désormais réparties au sein d’autres organismes binationaux comme le NORAD, le CCMCA, le PJBD, le U.S. Northern Command et Commandement Canada. Tableau 9 – Principaux accords de coopération américano-canadienne en matière de défense et de sécurité Nom de l’accord
Date d’entrée en vigueur
Commission permanente mixte de défense Canada/États-Unis (PJBD)
1940
Comité de coopération militaire canado-américain (CCMCA)
1946
Accords sur le partage du développement industriel et de la production de défense
1956
Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD)
1958
Accord entre le Canada et les États-Unis d’Amérique relativement à l’essai et à l’évaluation en territoire canadien de systèmes de défense américains (CANAM)
1983
Groupe bilatéral consultatif sur l’antiterrorisme (GBC)
1988
Équipes intégrées de la police des frontières (EIPF)
1996
Groupe de planification binational (GPB) (Échu mai 2006)
2002
Source : Défense nationale du Canada. Coopération en matière de défense : principaux accords. www.forces.gc.ca/site/focus/canada-us/agree_f.asp [juin 2005].
Il faut souligner une autre création, exclusivement canadienne cette fois : Commandement Canada. Mis en place par le ministère de la Défense nationale en juin 2005, cette nouvelle structure, dont le mandat se limite aux interventions sur le territoire national, intègre pour la première fois dans l’histoire les ressources terrestres, maritimes et aériennes des Forces canadiennes au sein d’un même commandement. Commandement Canada peut ainsi, dans une certaine mesure, être comparé au U.S. Northern Command, créé trois ans plus tôt aux États-Unis. ———————
57. Selon Affaires étrangères et Commerce international Canada, section Border Issues, 28 juin 2006. 58. Rapport final du GPB. « Canada and the United States Enhanced Military Cooperation ». www.canadianally.com/BPGFinalReport.pdf [mai 2006].
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LE 11 SEPTEMBRE 2001, CINQ ANS PLUS TARD
Figure 21 – Évolution des effectifs des Forces armées canadiennes (1950-2010) 140000
120000
Effectifs
100000
80000
60000
40000
20000
0 1950
1955
1961
1966
1971
1976
1981
1986
1991
1996
2001
2006
2010
Années
Sources : Défense nationale. The Defence Portfolio. Dactyl, 2001, non paginé et Rapport provisoire du Comité sénatorial sur la sécurité et la défense. 2005. www.parl.gc.ca/38/1/parlbus/commbus/senate/Comf/defe-f/rep-f/executivesep05-f.htm.
La consolidation et l’élargissement du mandat du NORAD Le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) a vu son mandat s’accroître sensiblement depuis les attentats terroristes de 2001. Alors que ses activités étaient en majeure partie tournées vers l’extérieur, les événements du 11 septembre ont poussé l’organisation binationale à renforcer ses capacités à mener des activités de défense à l’intérieur du territoire nord-américain. Aussi, en mai 2006, Washington et Ottawa ont procédé au renouvellement formel de l’accord : 1. Le NORAD s’est doté d’un volet maritime, lequel assure la surveillance des bâtiments entrant dans les eaux territoriales américaines et canadiennes, fleuves et Grands Lacs, sans pour autant exercer un contrôle conjoint sur les marchandises transportées. Cet élargissement facilite l’échange d’information entre les deux gouvernements en matière de sécurité maritime et rend plus efficace le processus permettant d’alerter les deux gouvernements en cas de menace. Dans un tel cas, ce seront en dernier ressort les autorités respectives des deux pays qui interviendront.
LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
2. De renouvelable tous les dix ans par le passé, cet accord est désormais permanent. Les deux gouvernements respectifs peuvent toutefois exiger une révision de l’accord tous les quatre ans (ou sur demande). Le NORAD
Organisation au commandement binational (États-Unis/Canada) créée en 1958, le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) a pour objectif de protéger l’Amérique du Nord contre des attaques par aéronefs, par missiles de croisière ou balistiques, ainsi que de lutter contre le transport de drogues illégales. Il est divisé en trois régions : l’Alaska (ANR), le Canada (CANR) et le territoire continental des États-Unis (CONR). Sur le plan financier, le Canada contribue à hauteur de 10 % des coûts totaux de l’organisation, ce qui représente environ 315 millions de dollars. Par convention, le commandant en chef est américain et le commandant adjoint est canadien. Environ 700 membres des Forces canadiennes sont impliqués dans des activités liées au NORAD, au Canada et aux États-Unis. Sources : www.dfait-maeci.gc.ca/foreign_policy/canada-us-defence-relations-fr.asp et www.forces.gc.ca/site/newsroom/view_news_f.asp ?id=1922.
À la suite des attentats de New York et Washington, le NORAD a déclenché l’opération Noble Eagle afin de protéger l’espace aérien nordaméricain contre les actes de piraterie et de terrorisme aérien. Dans le cadre de cette mission, l’aviation militaire du NORAD a effectué plus de 42 000 sorties aériennes depuis le 11 septembre 2001. Malgré l’étroite coopération engendrée par cet accord et la structure de surveillance conjointe, le Canada, tout comme les États-Unis, conserve la responsabilité opérationnelle de son espace aérien et maritime en cas d’intervention59. Dans cette logique, les nouvelles instances communes de défense ne remettent pas en question la nature des rapports américano-canadiens. Elles viennent plutôt les élargir et les renforcer. Elles s’inscrivent donc
———————
59. Le U.S. Northern Command et le Canada Command ont la responsabilité d’intervenir en cas de menace dans leurs zones maritimes nationales. Voir «US, Canada strengthen NORAD agreement». www.norad.mil/newsroom/news_releases/2006/052306.htm [23 mai 2006].
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dans une vision nord-américaine de défense et sont le reflet du caractère indivisible de la sécurité des deux pays. Ce faisant, elles s’inscrivent toujours — cinq ans après le 11 septembre 2001 — dans la logique de la déclaration d’Ogdensburg de 1940. Si le Canada maintient une solide coopération avec son partenaire américain, il serait erroné d’envisager cette intégration de défense comme une brèche profonde dans le principe de souveraineté nationale, la collaboration opérationnelle en terme de surveillance, de planification et, le cas échéant, d’assistance mutuelle ne pouvant véritablement prendre place sans une consultation préalable. De plus, les attentats du 11 septembre 2001 ont permis au gouvernement canadien, particulièrement dans le domaine de la sécurité intérieure, de réaffirmer sa souveraineté visà-vis de la politique étrangère de l’administration Bush. Savoir et oser dire «NON» : de l’Irak au bouclier antimissile L’intervention en Irak aura représenté sans conteste l’enjeu majeur de la présidence de George W. Bush. Faute de pouvoir bénéficier de l’onction onusienne, le gouvernement américain a choisi de s’appuyer sur une coalition ad hoc . Il pouvait peut-être s’attendre au soutien du Canada en raison de son étroite relation avec Ottawa, notamment dans le cadre d’institutions militaires bilatérales (NORAD, OTAN...). Tel n’a cependant pas été le cas : le 18 février 2003, le premier ministre canadien, Jean Chrétien, a refusé d’envoyer des troupes en Irak dans le cadre d’une coalition américaine. Les réactions ont été vives, notamment dans les milieux d’affaires, qui ont évoqué les conséquences néfastes d’un tel choix. Bien qu’il n’y ait eu à cela aucune représaille significative60, le gouvernement américain a, à plusieurs reprises, dénoncé publiquement le désengagement canadien61.
———————
60. Voir Justin Massie. « Le refus du Canada de participer à la guerre en Irak : Conséquences sur les relations canado-américaines ». www.er.uqam.ca/nobel/ieim/article-ceim.php3 ?id_ article=1888, décembre 2004, p. 5. 61. Paul Celucci (25 mars 2003). Speech to the Economic Club of Toronto on U.S.-Canada bilateral relations. Toronto. Http ://canada.usembassy.gov/content/textonly.asp ?section= embconsul&document=cellucci_030325_fr.
LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
Le saviez-vous ? Le Canada est indirectement impliqué en Irak.
• Mai 2003 : l’un des cinq soldats canadiens servant en Irak dans le cadre d’un programme d’échanges avec les Forces alliées est blessé.
• Octobre 2003 : le Canada annonce un engagement de 300 millions de dollars pour l’aide à la reconstruction en Irak.
• Janvier 2004 : le Canada annule une dette de 750 millions de dollars contractée par l’Irak.
• Depuis octobre 2004, un officier des Forces canadiennes agit à titre de conseiller militaire adjoint auprès du représentant spécial du secrétaire général de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak (IOLAUS).
• En 2006, le commando secret du Canada — la Force Opérationnelle Interarmées 2 (FOI 2) — a contribué à l’opération de libération des otages canadiens : James Loney et Harmeet Singh Sooden. Sources : Conseil canadien pour la coopération internationale. Bilan d’aide 2004. www.ccic.ca/f/docs/ 002_aid_roa_2004.pdf et www.forces.gc.ca/site/Newsroom/view_news_f.asp ?id=1086.
L’ambassadeur américain au Canada ajoutera que, nonobstant la position officielle selon laquelle les troupes canadiennes n’interviennent pas en Irak, « les navires, les avions et les membres des Forces canadiennes dans le golfe Persique qui participent à la lutte contre le terrorisme aideront davantage indirectement que la plupart des 46 pays qui appuient entièrement [les États-Unis]62 ». G. W. Bush a officiellement relancé en 2002 le projet de défense antimissile, développé par les présidents R. Reagan puis G. H. Bush, et qui avait été remisé sous W. Clinton en 2000. La mise en place de ce système aurait, de facto, des conséquences non négligeables pour le Canada. Outre les questions de souveraineté liées à la défense des territoires nationaux qu’elle soulèverait, ses coûts élevés et le risque de voir se déployer le spectre d’une nouvelle course aux armements peuvent expliquer en partie la ———————
62. Conseil canadien pour la coopération internationale. Bilan d’aide 2004. www.ccic. ca/f/docs/oo2_aid_roa_2004.pdf.
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décision de Jean Chrétien avant septembre 2001, puis de Paul Martin le 24 février 2005, de ne pas y collaborer. D’autant que son efficacité n’a pas été prouvée pour l’instant. Néanmoins, les alternances politiques sont susceptibles de faire évoluer la position du gouvernement canadien. Le saviez-vous ?
Trente huit pays, dont le Canada, sont impliqués en Afghanistan sous commandement de l’OTAN (ISAF). Les États-Unis interviennent essentiellement dans le cadre d’une opération sous leur contrôle (Enduring Freedom). Le Canada est le quatrième pourvoyeur de troupes. Parmi les 2 300 membres des Forces canadiennes en Afghanistan (août 2006), 300 sont des réservistes canadiens. Figure 22 – Les troupes étrangères en Afghanistan
Source : IISS. The Military Balance 2006. Londres, Routledge, 2006, p. 219.
12. LA PRÉOCCUPATION SÉCURITAIRE POST-11 SEPTEMBRE éalité du danger ou obsession sécuritaire ? L’Amérique du Nord dans son ensemble a pris un tournant à la suite des événements du 11 septembre pour mieux contrôler et mieux centraliser les informations touchant à la sécurité nationale. Dans les aéroports canadiens par exemple, le gouvernement Chrétien s’engageait en 2001 à verser 79 millions de dollars pour l’achat d’équipement de détection d’explosifs et pour le financement d’activités visant à assurer la sûreté de ces endroits fortement fréquentés. Pour la sécurité des transports ferroviaires et urbains, le gouvernement Harper a annoncé, en mai 2006, un engagement de 95 millions de dollars. En comparaison, le budget de 2006 du gouvernement Bush accorde 4,6 milliards de dollars US uniquement pour le contrôle des passagers dans les aéroports américains63.
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L’armement des douaniers canadiens d’ici 2009 : une promesse électorale
Les douaniers canadiens exigent l’autorisation du port d’arme depuis plusieurs années, mais les gouvernements canadiens antérieurs ont toujours refusé d’y déférer. Cinq ans après le 11 septembre 2001, le débat est clos et les douaniers canadiens seront munis d’armes, comme le sont les douaniers américains. En effet, aux États-Unis, la Federal Air Marshal Service (FAMS) assure une présence d’agents secrets armés qui
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63. Department of Homeland Security (2006). « FY06 Budget Priorities ». www.whitehouse. gov/omb /budget/fy2006/dhs.html.
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surveillent les aéroports et les vols américains64. D’ici 2009, 5 000 agents canadiens des douanes à la frontière, qui auront suivi une formation de trois semaines (ceux travaillant dans les aéroports canadiens ne seront pas armés), disposeront d’armes pour assurer leur propre sécurité. La pression de l’Union des douanes, les événements du 11 septembre 2001 et, finalement, l’élection de Stephen Harper au début du mois de janvier 2006 ont mené à l’adoption de ce projet de loi.
La mise en place de l’ACSTA L’une des réactions du gouvernement canadien au 11 septembre a été de créer l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA), société d’État dotée d’un budget de 2,2 milliards de dollars sur une période de cinq ans, responsable devant le Parlement (en mai 2006, le gouvernement Harper a annoncé des fonds supplémentaires de 133 millions de dollars sur deux ans pour les activités de l’ACSTA). Elle doit assurer le contrôle préembarquement dans 89 aéroports, le contrôle des bagages enregistrés (au moyen d’appareils de détection des explosifs — SDE) et collaborer avec la GRC dans le cadre de la sûreté à bord des avions commerciaux. L’ACSTA doit mettre en place un système de contrôle aléatoire des non-passagers et particulièrement du personnel qui pénètre dans des zones réglementées aéroportuaires. Pour ce faire, la carte d’identité pour les zones réglementées (CIZR), qui existe dans cinq aéroports du pays (Montréal, Vancouver, Kelowna, Charlottetown et Calgary), utilise des données biométriques et des banques de données centrales aux fins d’identification. Ces mesures prises par le gouvernement canadien s’inscrivent dans la mouvance sécuritaire ayant émergé en Amérique du Nord le 11 septembre 2001 et visent à protéger les infrastructures critiques.
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64. CRS Report for Congress (mai 2005). « Border Security ». www.fas.org/sgp/crs/homesec /RS21899.pdf.
LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
La biométrie
Les mesures biométriques utilisées dans les postes frontaliers, dans les aéroports et dans les ports maritimes permettent d’identifier la voix d’un individu, la géométrie de la main, l’iris, les empreintes digitales et même le profil ADN d’un voyageur. Ces techniques commencent à être appliquées dans la vie quotidienne des Québécois. Pourtant, alors qu’elles sont présentées comme un moyen fiable de vérifier l’identité et la provenance des individus, elles n’offrent pas des données infalsifiables. Le vol d’identité, quoique rendu plus difficile, reste possible, et c’est bien l’une des sources de controverse de la biométrie.
La sécurité intérieure au cœur du 11 septembre Dans la foulée des événements du 11 septembre 2001, les gouvernements américain et canadien ont développé certains réflexes, en créant des institutions fort similaires, sinon dans les faits, du moins dans l’esprit. Ainsi, le gouvernement canadien a cherché à développer une meilleure coordination interministérielle autour des questions de sécurité nationale et intérieure, à l’image du département du Homeland Security américain. C’est pour cela qu’a été créé en 2003 le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada (SPPCC), qui a pour vocation de centraliser les activités de six organismes et de trois organes de surveillance65. Bien que ses ressources soient nettement inférieures à celles du département de la Sécurité intérieure des ÉtatsUnis, sa structure organisationnelle et la nature de son mandat sont analogues. Outre la gestion des urgences et des questions de sécurité nationale, l’application des lois en passant par les services correctionnels et par la prévention du crime, ce ministère tient à jour une liste des principales organisations terroristes interdites au Canada. Il est surtout l’instance décisionnelle qui émet les certificats de sécurité.
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65. Avec, d’une part, l’Agence des services frontaliers du Canada, le Centre des armes à feu Canada, la Commission nationale des libérations conditionnelles, la Gendarmerie royale du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité, le Service correctionnel du Canada et, d’autre part, le Comité externe d’examen de la GRC, la Commission des plaintes du public contre la GRC et le Bureau de l’enquêteur correctionnel.
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Les certificats de sécurité
Les certificats de sécurité précèdent le 11 septembre et le principe existe depuis plus de 30 ans. Durant les 15 dernières années, 27 certificats ont été émis, dont cinq depuis le 11 septembre. Les certificats de sécurité, signés par le ministre de la Sécurité publique et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, sont émis à l’encontre des personnes non citoyennes (ressortissants étrangers et résidents permanents) que l’on estime représenter une menace potentielle pour la sécurité nationale. À compter de son émission, toutes les procédures d’immigration sont suspendues. La personne est placée automatiquement en détention s’il s’agit d’un ressortissant étranger et peut l’être, au cas par cas, s’il s’agit d’un résident permanent. Les certificats de sécurité sont ensuite déférés à un juge fédéral qui se prononce sur leur validité. Les fondements du certificat sont examinés — en l’absence de l’accusé — par la cour, qui juge si l’information sensible peut être ou non divulguée à la personne concernée. Une fois confirmée en cour fédérale, l’émission du certificat ne peut pas faire l’objet d’un appel. Parce que l’adéquation entre la protection des droits fondamentaux et la sécurité nationale est particulièrement délicate dans le contexte post-11 septembre, la question des certificats de sécurité a été portée devant la Cour suprême et devrait être tranchée d’ici la fin de l’année 2006. Sources : Agence des services frontaliers du Canada (2004). « Préservons la sécurité ». www.cbsa-asfc.gc. ca/newsroom/factsheets/2004/0311CanadaSafe-f.html et Sécurité publique et protection civile Canada. Certificats de sécurité. www.sppcc.gc.ca/prg/ns/seccert-fr.asp.
13. LES IMMIGRANTS ET LES IMMIGRÉS, PREMIÈRES VICTIMES DES MESURES POST-11 SEPTEMBRE lors que, du côté américain, le dispositif antiterroriste post-11 septembre constitue une brèche importante dans le socle constitutionnel des libertés fondamentales, l’Union européenne a mis en place des procédés de même nature que le Patriot Act. Ce n’est pourtant pas parce que l’Europe s’est sentie soudainement menacée elle aussi, mais plutôt parce que ces mesures étaient déjà à l’étude et bien avancées lorsque sont survenus les attentats. On a alors vu poindre une multitude de mesures d’exception tendant à devenir permanentes. Ces premiers dispositifs — certains communautaires et d’autres pris individuellement par les pays européens — ont été renforcés à la suite des attentats de Madrid en 2004, puis de Londres en 2005.
A
Au Canada, élaborée avant le 11 septembre mais adoptée très rapidement après, la Loi antiterroriste (C-36) modifie à la fois le Code criminel canadien, la Loi sur la preuve, la Loi sur les secrets officiels, mais aussi — et surtout — la façon dont le Canada peut lutter contre le terrorisme. Selon l’Équipe de recherche sur le terrorisme et l’antiterrorisme (ERTA) de l’Université de Montréal, « de nouvelles infractions relatives au financement du terrorisme sont créées et les organes de contrôle disposent d’un cadre opérationnel leur permettant de procéder à des arrestations lorsqu’ils soupçonnent que des individus ou des groupes sont impliqués dans une activité terroriste66 ». La conjugaison des nouvelles ———————
66. Équipe de recherche sur le terrorisme et l’antiterrorisme (ERTA). « Loi antiterroriste (C-36) et activités de financement ». www.erta-tcrg.org/financementlegal.htm.
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lois antiterroristes avec les dispositifs préexistants accroît de façon considérable les pouvoirs d’enquête de la police et des services de sécurité. Les droits des étrangers, solubles dans la sécurité? Les répercussions de la mise en œuvre des dispositifs sécuritaires et antiterroristes se ressentent surtout chez les immigrés et immigrants, en d’autres termes chez les nouveaux arrivants et les résidents d’origine étrangère. La politique de visas a été harmonisée par grands espaces, qu’il s’agisse de l’espace nord-américain qui, sur la base de l’Accord sur la frontière intelligente, exige des visas pour les ressortissants de 144 États, ou encore de l’espace européen qui, sur le fondement de l’accord Schengen, subordonne l’entrée dans la zone à la délivrance d’un visa. Le saviez-vous ? Il y a des douaniers et des agents d’immigration canadiens à l’étranger.
Les États-Unis ont des procédures de prédédouanement dans les grands aéroports canadiens. C’est la raison pour laquelle toutes les procédures douanières et d’immigration pour des vols au départ du Canada et à destination des États-Unis se déroulent en sol canadien et non à l’arrivée en sol américain. D’autres pays ont développé des procédures similaires, à l’instar du Canada qui a aujourd’hui 45 employés stationnés dans 39 lieux à l’étranger qui filtrent, depuis 2001, les personnes souhaitant se rendre au Canada. Source : Migration Integrity Officers. Interdicting threats abroad before they reach North America. Février 2005. www.dfait-maeci.gc.ca/can-am/washington/defence/mioposition-en.asp.
La loi C-11 sur l’immigration et la protection des réfugiés67 a représenté à ce titre une évolution majeure pour les étrangers en sol canadien (incluant les résidents permanents). En effet, les pouvoirs d’arrestation et de détention des agents d’immigration sont accrus substantiellement dès lors qu’un officier estime qu’une personne ———————
67. Immigration and Refugee Protection Act (2001). www.cic.gc.ca/english/pdf/pub/c11clause.pdf.
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représente un danger pour la sécurité nationale, ne dispose pas des papiers d’identité requis ou a commis des actes qui contreviendraient à son admissibilité en sol canadien. Il faut ajouter à cela que les transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires sont incités à accroître leurs contrôles puisqu’ils peuvent subir des sanctions s’ils acheminent des étrangers sans les papiers d’identité requis. Pour le Conseil canadien des réfugiés, ce durcissement des politiques canadiennes s’inscrit dans la tendance de l’ensemble des systèmes juridiques occidentaux, plus proche de l’exploitation d’un contexte politique de peur à la suite du 11 septembre et qui permet de contourner les traditions juridiques, particulièrement en ce qui concerne le droit de l’immigration et les droits des réfugiés68.
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68. Conseil canadien des réfugiés (2005). « L’appel des réfugiés mais est-ce que personne n’écoute ? ». www.web.ca/ccr/appelmars05.pdf.
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14. LA FRONTIÈRE NORD-AMÉRICAINE APRÈS LE 11 SEPTEMBRE, FORTERESSE OU PASSOIRE ? a question de la porosité de la frontière américano-canadienne au 49e parallèle occupe une place prépondérante dans le discours politique américain depuis septembre 2001. En effet, après les attentats terroristes, la sénatrice démocrate Hillary Clinton qualifiait d’inacceptable le désengagement canadien en matière de patrouilles et de surveillance à la frontière. Selon elle — et plusieurs autres —, la passoire existait et le Canada restait figé devant ce problème. Mais en réalité, l’affirmation selon laquelle la frontière américano-canadienne serait une passoire est un mythe ! L’érection d’un mur entre les deux pays aurait des impacts dommageables sur l’économie nord-américaine et s’inscrirait en pleine rupture avec la tradition d’alliance et de coopération existante entre les États-Unis et le Canada. En 2006, le constat est le suivant : la frontière entre les États-Unis et le Canada n’est véritablement une passoire que dans le discours politique américain.
L
La frontière américano-canadienne :
14 États américains 8 provinces canadiennes 12 parcs nationaux 4 réserves indiennes 18 ponts internationaux 4 Grands Lacs
La frontière mexicano-américaine :
4 États américains 6 États mexicains 1 réserve indienne 3 parcs nationaux
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Figure 23 – La frontière américano-canadienne dans l’Ouest canadien
Photo : Élisabeth Vallet
Depuis 1925, une commission de la frontière internationale, créée par le Canada et les États-Unis, est en charge des questions frontalières. C’est à elle que revient l’entretien de la « percée », cette tranchée de six mètres tracée à travers la forêt, pour marquer la frontière. Cette marque, que l’on peut voir ici, est dépourvue d’ouvrages de défense. Par contre, la frontière traverse de temps à autre des maisons, des bars, une bibliothèque ou encore une salle d’opéra. Cette proximité a parfois conduit à des quiproquos incongrus.
LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
Figure 24 – La barrière américano-mexicaine à son extrême ouest
Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Image:TJ_Border_Fence_Closeup.jpg
Le long de la frontière américano-mexicaine, un mur ou une barrière sont parfois érigés, particulièrement en zones urbaines ou dans les zones prisées par les passeurs. Elles ont un double objectif : établir des obstacles sur le chemin des clandestins et offrir un sentiment de sécurité à l’opinion publique américaine, très sensible à la question de l’immigration hispanique. Au niveau de Tijuana, la barrière s’enfonce profondément dans le Pacifique, comme on le voit ici, pour décourager toute tentative de franchissement illégal de la frontière.
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«L’effet frontalier» : l’impact de la frontière sur le commerce Le saviez-vous ?
Chaque année, 71 millions de personnes franchissent la frontière américano-canadienne, ainsi que 14 millions de camions, ce qui représente, si on mettait tous ces camions bout à bout, 8 fois le tour de la terre. Il passe donc en moyenne un camion toutes les 2,25 secondes à la frontière. Au point Détroit-Windsor, la densité du passage de marchandises transfrontalier est la plus importante au monde.
Les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis se chiffrent désormais à environ 600 milliards de dollars et ont augmenté de 118 milliards entre 2001 et 2005. Il faut donc relativiser « l’effet frontalier », qui est la mesure de la résistance au commerce induite par la frontière. Cet effet, réel, n’a pas été éradiqué par la signature de l’ALÉNA et il existait donc avant 2001. Si les mesures mises en place depuis les événements du 11 septembre ont ralenti le passage à la frontière, il demeure que 14 millions de camions la traversent, et 70 % de la marchandise échangée entre le Canada et les États-Unis l’est fait par la route.
Procédures de préapprobation à la frontière
Pour résorber le temps d’attente à la frontière, des procédures de préapprobation ont été mises en place.
• Nexus Autoroutes : dans 11 postes frontaliers du sud de l’Ontario, de Colombie-Britannique et du Québec, le programme NEXUS Autoroutes permet à ses 90 000 membres de franchir la frontière sans avoir à se soumettre aux inspections ou aux interrogatoires routiniers.
• Nexus Air : mis en place à l’aéroport international de Vancouver, ce programme permet aux 5 000 personnes qui y sont inscrites de franchir les douanes et l’immigration de façon accélérée en se soumettant au contrôle de l’iris.
• Nexus Maritime : les 700 membres de ce programme peuvent, à leur arrivée dans les ports de plaisance de la région de WindsorDétroit, s’acquitter des formalités de douanes et d’immigration par téléphone.
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• Canpass Air : 13 500 membres peuvent utiliser ces procédures de préapprobation passant par la prise d’empreinte de l’iris avant de franchir les douanes et l’immigration dans les aéroports internationaux de Calgary, Halifax, Montréal, Toronto, Vancouver, Edmonton et Winnipeg.
• Expres : Le programme Expéditions rapides et sécuritaires (EXPRES) est un procédé de préapprobation des marchandises et de transport certifié. Figure 25 – La balance commerciale américaine : déficitaire au profit du Canada
Source : US Census Bureau 2006.
En outre, à deux reprises, à l’automne 2005 puis au printemps 2006, le département américain des Transports a souligné le fait que les flux de marchandises transfrontaliers avaient égalé, puis dépassé leurs niveaux de 2001 : l’effet frontalier doit donc être perçu à sa juste mesure69.
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69. U.S. Department of Transportation, U.S. Freight Shipments with Canada and Mexico in 2004 Topped Pre-9/11 Levels, According to an Updated Three-Country Database. Briefing. 25 octobre 2005 et 2005 Surface Trade with Canada and Mexico Grew 10 Percent from 2004. Briefing. 14 mars 2006.
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Un passeport pour l’Amérique ?
La question d’un passeport en Amérique du Nord précède le 11 septembre et est récurrente dans les débats autour de la frontière. À titre d’exemple, l’année 1995 a été le théâtre d’âpres débats : en août 1995, les quotidiens québécois évoquaient l’hypothèse d’une «carte-passeport» imaginée pour réduire l’effet frontalier, tandis qu’en novembre une dépêche de la presse canadienne ajoutait : « c’est qu’avec les problèmes croissants liés au terrorisme international, à l’immigration illégale […], il sera de plus en plus difficile pour les Canadiens d’aller aux États-Unis sans passeport ». Dix ans plus tard, en avril 2005, le département de la Sécurité intérieure et le département d’État américain annoncent qu’un passeport sera désormais requis pour les Américains qui souhaiteront entrer au pays depuis le Canada, le Mexique ou les Caraïbes, et ce, à compter de 2007 pour les personnes arrivant par voie aérienne ou maritime, et de 2008 pour les personnes arrivant par voie terrestre. L’adoption par le Sénat américain, fin mai 2006, d’une version amendée du Immigration Bill reporte la mise en application de l’Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental (Western Hemisphere Travel Initiative — WHTI) au 1er juin 2009. Le projet de loi doit donc être examiné par la Chambre des représentants. Il reste maintenant à savoir s’il le sera avant la fin de l’année ce qui permettra de déterminer où va l’Amérique du Nord en termes de documents de voyage. Si le passeport pouvait être abandonné au profit d’un document d’identité moins contraignant, il est certain que cela enrayerait l’effet frontalier, même si la question du passeport ne constitue pas l’essentiel du problème. Source : The Conference Board of Canada. Note de conjoncture provinciale. Ottawa, Hiver 2006. www.conferenceboard.ca/documents.asp?rnext=1573 et Pierre-Étienne Caza, Entretien avec Paul Arsenault. « Chicane de clôture canado-américaine ». Journal L’UQAM, 29 mai 2006.
Côté états-unien : la passoire canadienne est un mythe politique Au-delà des discours publics sur la porosité de la frontière américanocanadienne, la rhétorique de la politique américaine ne résonne pas de la même façon lorsqu’il s’agit de parler de la frontière américano-mexicaine, qui est l’enjeu principal de la sécurité pour les États-Unis. En effet, si le budget de la Border Patrol a quadruplé entre 1993 et 2005 (atteignant
LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
1,4 milliards de dollars US) et que le nombre d’agents a triplé (passant de 3 968 à 11 300), 90 % d’entre eux sont affectés à la surveillance de la frontière partagée avec le Mexique. Il y a donc, le long de la frontière américano-canadienne, en moyenne 0,1 agent au kilomètre, alors que la frontière américano-mexicaine en compte 3,2 par kilomètre. Figure 26 – Effectifs de la Border Patrol américaine
Source : The Transactional Records Access Clearinghouse (TRAC). Université de Syracuse, Trac Immigration (avril 2006). Http ://trac.syr.edu/immigration/index.html.
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Figure 27– Affectation des agents de contrôle des frontières
Source : The Transactional Records Access Clearinghouse (TRAC). Université de Syracuse, Trac Immigration (avril 2006). Http ://trac.syr.edu/immigration/index.html.
En 1975, 12,8 % des agents de la patrouille frontalière américaine (Border Patrol) étaient affectés à la frontière canadienne. Leur proportion — au regard de la frontière mexicaine — a décru régulièrement, particulièrement avec la fin de la Guerre froide, pour atteindre un creux en 2001. Les événements du 11 septembre ont créé une onde de choc qui s’est traduite par l’embauche de nouveaux agents. Il faut toutefois relativiser. La vague d’embauches d’agents à la frontière est plus significative avant le 11 septembre 2001 qu’après. De fait, et en valeur relative, on demeure aujourd’hui en deçà des taux atteints en 1975, puisque seuls 8,8 % des agents sont affectés à la frontière canadienne.
LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
Figure 28 – Agents de contrôle aux frontières – Effectifs supplémentaires
Source : The Transactional Records Access Clearinghouse (TRAC). Université de Syracuse, Trac Immigration (avril 2006). Http ://trac.syr.edu/immigration/index.html.
À l’inverse, tous les moyens ont été mis en œuvre pour enrayer l’immigration illégale en provenance du Mexique, ce qui explique que le nombre d’immigrants sans visa arrêtés à la frontière ait été multiplié par 4 entre 1992 et 200470. Il s’agit de plus en plus d’immigrants non mexicains (9 % en 2004 et 15 % en 2005)71, provenant essentiellement d’Amérique latine. Si la question du terrorisme et les arrestations sur ce fondement ont connu un pic à la frontière mexicaine en 20012002 (à 350 personnes), leur nombre est progressivement redescendu à 250 personnes en 2003-2004.
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70. D’après CPB Border Patrol overview (2006). www.cbp.gov/xp/cgov/border_security/ border_ patrol/overview.xml. 71. « Border Insecurity — U.S. Border-Enforcement Policies and National Security Transborder Institute ». University of San Diego American Immigration Law Foundation. Printemps 2006.
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Un mur pour frontière ?
Certaines études estiment qu’entre 500 000 et 1 million de clandestins essaient d’entrer chaque année par le Sud. En 2005, plus d’un million d’entre eux ont été arrêtés, et plus de 98 % sur le flanc sud des ÉtatsUnis. En 2005, 128 kilomètres de barrières ont été érigés le long de la frontière mexicaine. Il y a des pressions considérables pour étendre ce mur le long de la totalité de la frontière. Le département du Homeland Security a évalué les coûts de l’érection d’une telle barrière à 850 millions de dollars (pour un mur) et à 8 milliards (si elle était électrifiée, équipée d’appareils de détection, etc.). Le problème est tel qu’en août 2005 les gouverneurs du Nouveau Mexique et d’Arizona ont décrété l’état d’urgence, car ils étaient incapables de faire face à l’afflux de clandestins. Le 17 mai 2006, le Sénat a avalisé le Border Protection, Antiterrorism, And Illegal Immigration Control Act de décembre 2005, qui prévoit l’érection d’une barrière sur 595 kilomètres le long de la frontière mexicaine, ainsi que le renforcement de certaines portions particulièrement vulnérables au moyen d’éclairages, de caméras et de senseurs, notamment au Texas, mais aussi en Arizona et en Californie. Source : www.globalsecurity.org/security/systems/mexico-wall.htm.
Côté canadien : la frontière américano-canadienne, un objectif secondaire72 Au Canada, 13 aéroports sont « internationaux » (7 ont des agents en permanence, 6 n’en ont que 16 heures par jour), 193 aéroports non internationaux reçoivent des vols transfrontaliers et ne disposent pas de personnels de douane permanents. S’agissant des points d’entrée maritimes, il y a 220 points pour les navires commerciaux, 15 pour les bateaux de croisière, 11 pour les traversiers, 470 marinas privées, où les arrivants se déclarent par téléphone (via Canpass), et 3 centres d’examen des conteneurs maritimes.
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72. « À la limite de l’insécurité », Rapport provisoire du Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense. Juin 2005. www.parl.gc.ca/38/1/parlbus/commbus/senate/com-f/defef/rep-f/repintjun05-f.htm.
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Dans 139 points d’entrée au Canada, un employé opère seul au moins une partie du temps. Et pour ce qui est des 24 sites ferroviaires, aucun n’est doté de personnel permanent. Sur 119 postes frontières terrestres, 58 ne sont pas ouverts 24/24 heures et 7 jours sur 7, et sont fermés la nuit. Enfin, 62 postes frontaliers terrestres sont dépourvus de connexion à l’ordinateur central de l’Agence frontalière. La plupart des postes n’ont aucun matériel de détection et seuls sept bureaux ont des caméras vidéo. Tableau 10 – La frontière intelligente État d’avancement des mesures sécuritaires Les mesures annoncées par le gouvernement canadien dans la déclaration sur la frontière intelligente
Non réalisée (ou aucune nouvelle mesure n’a été adoptée)
1- Identification biométrique
Partiellement réalisée
X
2- Cartes de résident permanent
X
3- Système d’inspection de rechange unique
X
4- Traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile
X
5- Gestion des demandes d’asile et de statut de réfugiés 6- Coordination des politiques relatives aux visas
X X
7- Pré dédouanement pour le transport aérien
X
8- Information préalable sur les passagers et les dossiers des passagers
X
9- Service conjoint d’analyse des passagers
X
10- Gares maritimes
X
11- Bases de données compatibles sur l’immigration
X
12- Agents d’immigration à l’étranger 13- Coopération internationale
Entièrement réalisée
X X
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État d’avancement des mesures sécuritaires Les mesures annoncées par le gouvernement canadien dans la déclaration sur la frontière intelligente
Non réalisée (ou aucune nouvelle mesure n’a été adoptée)
Partiellement réalisée
14- Harmonisation du traitement des biens commerciaux
Entièrement réalisée
X
15- Dédouanement avant le passage à la frontière
X
16- Installations communes en régions éloignées
X
17- Données des douanes
X
18- Ciblage des conteneurs en transition aux ports de mer
X
19- Amélioration des infrastructures
X
20- Système de transports intelligents
X
21- Protection des infrastructures essentielles
X
22- Sécurité de l’aviation
X
23- Équipes intégrées d’application des règles à la frontière et dans les ports
X
24- Coordination de l’application conjointe de la loi
X
25- Services de renseignements intégrés
X
26- Empreintes digitales 27- Déportations
X X
28- Loi antiterroriste
X
29- Blocage des biens appartenant aux terroristes
X
30- Formation et exercice conjoints
X
31- Biosécurité
X
32- Coopération dans le domaine de la science et de la technologie
X
Source : Tableau réalisé à partir du Plan d’action pour une frontière intelligente, rapport d’étape du 17 décembre 2004. www.dfait.gc.ca/can-am/main/border/status-fr.asp.
LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
Tableau 11 – S’entendre et se comprendre ? Les différends sécuritaires entre les États-Unis et le Canada LITIGES DE NATURE MILITAIRE LA PARTICIPATION MILITAIRE EN IRAK ÉMERGENCE DU DIFFÉREND
À la suite de l’approbation par le Congrès d’une intervention unilatérale en Irak, les États-Unis demandent la participation militaire du Canada le 15 octobre 2002. L’opération Iraqi Freedom est lancée le 20 mars 2003, sans la participation du Canada.
ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR DU LITIGE ACTUEL
Le 17 mars 2003, le premier ministre canadien refuse de participer à l’intervention américaine en Irak sans résolution de l’ONU. POSITIONS ET ENJEUX
LE BOUCLIER ANTIMISSILE ÉMERGENCE DU DIFFÉREND
Dans le cadre de la Guerre froide (mars 1983), le président Ronald Reagan lance l’Initiative de défense stratégique : la guerre des étoiles. Reconfiguré par Bill Clinton durant les années 1990, le projet est vigoureusement relancé par George W. Bush après 2001. ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR DU LITIGE ACTUEL
Le 24 février 2005, le premier ministre canadien Paul Martin exclut la possibilité de collaborer au bouclier antimissile (BAM). POSITIONS ET ENJEUX
Le Canada Jean Chrétien exclut la participation canadienne à la suite des pressions populaires : 74 % des Canadiens sont contre la participation canadienne en Irak sans l’appui de l’ONU. Il ne s’agit pas du premier refus canadien d’appuyer militairement les États-Unis lors d’une intervention extérieure. Notons à titre d’exemple, le refus (1967) du premier ministre canadien, Lester B. Pearson, de participer à la guerre du Vietnam.
Le Canada Suivant les 54 % de Canadiens qui ne veulent pas du système de défense antimissile des États-Unis, Paul Martin refuse de participer au BAM, mais souligne l’importance des organisations comme l’OTAN et surtout le NORAD pour les deux États. Plusieurs débats ont lieu à la Chambre des communes notamment en ce qui touche à la question de la souveraineté canadienne.
Les États-Unis L’ambassadeur américain effectue des pressions et dénonce publiquement la décision canadienne.
Les États-Unis Du fait que le BAM s’applique au territoire nord-américain, la participation du Canada est privilégiée.
RÉSOLUTION ( PARTIELLE ) DU DIFFÉREND
Le Canada a voté une aide pour la reconstruction, des avions canadiens participent à la guerre en Irak et cinq soldats canadiens se battent auprès des Forces de la coalition en Irak.
RÉSOLUTION ( PARTIELLE ) DU DIFFÉREND
Le 5 août 2004, l’accord du NORAD est amendé de manière à ce qu’il puisse transmettre des informations concernant la détection de missiles au NorthCom, une institution dirigée par les Américains et notamment chargée du bouclier antimissile.
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REVENDICATIONS MARITIMES LE PASSAGE DU NORD-OUEST ÉMERGENCE DU DIFFÉREND
Les différends territoriaux entre le Canada et les États-Unis ne sont pas choses nouvelles : l’entrée de Dixon (entre la Colombie-Britannique et l’Alaska) depuis 1903 ; la mer de Beaufort (entre l’Alaska et le Yukon) depuis 1825 ; le détroit de Juan de Fuca (entre l’île de Vancouver et la péninsule Olympique) : eaux internationales ; les îles de San Juan (île dans le Golfe de la Colombie-Britannique proche de l’État de Washington) depuis 1846 ; l’île de Machias Seal (entre la Baie de Fundy et le Golfe du Maine) depuis 1783 ; le passage du Nord-Ouest (océan Arctique) depuis 1969. ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR DU LITIGE ACTUEL
Un sous-marin d’attaque américain, le USS Charlotte, a passé la journée du 10 novembre 2005 sous les glaces arctiques canadiennes. POSITIONS ET ENJEUX
Le Canada Lors de la campagne électorale, le 22 décembre 2005, Stephen Harper réaffirme sa volonté de renforcer la souveraineté canadienne en précisant qu’il accroîtra la force militaire présente dans la région s’il devient premier ministre. Les États-Unis L’ambassadeur des États-Unis au Canada, David Wilkins, réaffirme la neutralité territoriale de la voie de navigation de l’Arctique, à l’image de la position officielle de Washington depuis plus de 40 ans. RÉSOLUTION ( PARTIELLE ) DU DIFFÉREND Statu quo, aucune procédure légale engagée entre les États-Unis et le Canada.
LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
LITIGES DE NATURE POLITIQUE UN PASSEPORT À LA FRONTIÈRE ÉMERGENCE DU DIFFÉREND
Alors que le débat persiste depuis plusieurs années, la question d’une carte-passeport obligatoire à la frontière américano-canadienne refait surface le 17 janvier 2004. ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR DU LITIGE ACTUEL
Le 17 janvier 2004, le Congrès américain vote l’Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act of 2004 qui prévoit l’obligation de détenir un passeport pour entrer en sol américain. POSITIONS ET ENJEUX
Le Canada Le gouvernement canadien s’oppose au principe d’un passeport imposé aux Canadiens. Selon un sondage du 4 mai 2005, 25 % des Canadiens ne se procureraient pas de passeport, s’il devenait obligatoire pour traverser les États-Unis. Les États-Unis La Western Hemisphere Travel Initiative a été instituée pour des questions sécuritaires à la frontière. Elle prévoit l’application de la loi en janvier 2007 pour les voyages maritimes ou terrestres, et en janvier 2008 pour les transferts terrestres. RÉSOLUTION ( PARTIELLE ) DU DIFFÉREND Le Sénat américain a adopté un amendement le 19 mai 2006 pour différer l’application de la loi en juin 2009. L’affaire est pendante devant la Chambre des représentants. Une coalition formée lors de la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l’Est du Canada s’oppose à l’application de cette législation.
Sources : Ekos Research Associates. Sondage EKOS/CBC/SRC/Toronto Star/La Presse. 21 février 2003. www.ekos.com/admin/articles/21feb2003f.pdf — CRIC.www.cric.ca/fr_html/guide/missile%20 defence/ballistic_missile.html#origine — Ministère de la Défense du Canada. www.forces.gc.ca/site/ newsroom/view_news_f.asp ?id=1064. Travaux de la Chambre : www.parl.gc.ca/38/1/parlbus/chambus/house/debates/140_2005-10-24/han 140_2250-F.htm — www.ustr.gov/assets/Document_Library/Reports_Publications/2005/2005_ Special_301/asset_upload_file195_7636.pdf .
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Repenser la sécurité? En Amérique du Nord, force est de constater que le terrorisme ne fait pas réellement partie du quotidien. Ce n’est pas le terrorisme mais plutôt le trafic de drogues, d’alcool et de tabac qui constitue le problème principal de la frontière, avec une différence majeure entre la frontière mexicano-américaine et la frontière américano-canadienne : le trafic des personnes. Néanmoins, si le commerce des passeurs est florissant sur le flanc sud de l’Amérique du Nord, il n’est pas tout à fait absent de la frontière séparant les États-Unis et le Canada. Depuis le 11 septembre 2001, les gouvernements ont considérablement joué sur les « effets d’annonce » et les pétitions de principe écrites dans un langage sécuritaire et axées sur la guerre contre le terrorisme, à tel point que cela a engendré la mobilisation de groupes de minutemen (milices civiles qui se sont organisées pour surveiller la frontière mexicaine). Depuis deux ans, ils patrouillent aussi dans le nord-est des États-Unis, le long de la frontière canadienne73. Néanmoins, cinq ans après le 11 septembre, les mesures et les plans mis en œuvre vont dans le sens d’une continentalisation de la sécurité plutôt que d’une fortification des frontières. Si les relations entre le Canada et les États-Unis n’ont pas radicalement évolué depuis les cinq dernières années, il n’en reste pas moins que les deux gouvernements ont accentué leur coopération pour contrer la menace du terrorisme. Avec l’élection d’un gouvernement conservateur au Canada, cette étroite collaboration entre Washington et Ottawa se poursuivra — surtout au niveau international comme en Afghanistan — pour affronter une menace qui préoccupe les États-Unis comme le Canada. La relation américano-canadienne n’est toutefois pas imperméable à de nouveaux désaccords, ambivalences et autres différends. Dans un contexte toujours changeant, la coopération demeurera indispensable pour affronter de nouveaux défis. Il suffit de penser aux questions climatiques et pandémiques.
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73. Tel le Minuteman Civil Defense Corps, selon Celeste Mackenzie, Minutemen to patrol Canada-US Border, Canadian Press, 28 mars 2006.
EXECUTIVE SUMMARY PART I – TERRORISM: BETWEEN MYTH AND REALITY
• While international terrorism has been on the rise since 2001, the total number of attacks is less than at its peak in the 1980s. • On the other hand, terrorism is deadlier today than it was in the past since it targets the civilian population, which is more vulnerable than military or police targets, to a greater degree and uses suicide tactics. • Al-Qaeda has evolved from an organization into an ideology and hence is propagating its values and goals. Today, it is not a centralized organization but rather a network of self-declared cells. • The possibility of terrorist attacks using weapons of mass destruction cannot be entirely dismissed. But the complexity of building and delivering such weapons, and their cost, automatically makes them less attractive to terrorists than conventional weapons. • Terrorism is certainly a serious threat but it is manageable, unlike other threats that contemporary societies have learned to live with but have not been able to eliminate. PART II – THE U.S.: MORE POWER, LESS FREEDOM OF ACTION
• The Americans assume that Bin Laden is in South Waziristan, a region of Pakistan bordering on Afghanistan. There are political roadblocks – involving both American and Pakistani authorities – to apprehending him.
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• The reform of the U.S. intelligence apparatus, which was intended to correct the flaws exposed by 9/11, has yet to be put to the test. The intelligence community remains a complex web. Of the total budget for 2006, estimated at US $44 billion, 10 % is allocated to the CIA and more than 85 % to the Defense Department. • U.S defense budgets ballooned after 9/11. It is estimated that U.S. defense spending will total US $561.8 billion in 2006, more than 2.5 times Canada’s total budget, more than 10 times Québec’s budget, and significantly more than the entire budget of France. • Poor post-war planning in Iraq largely accounts for the high cost the U.S. is now paying : more than 2,500 soldiers dead and more than $300 billion spent since March 2003. Long-term stabilization in Iraq requires political solutions. To achieve this, the U.S. will have to change its strategy. • President Bush’s popularity among traditional Republican constituencies has declined dramatically. A majority now have more confidence in the Democrats to wage the fight terrorism and manage the reconstruction of Iraq. The Democrats are expected to slash the Republican majorities in Congress in the mid-term elections in November 2006. • The missteps in the Bush administration’s antiterrorist strategy have caused it to lose legitimacy in the eyes of the international community. The “Bush doctrine” has done long-term damage to the image of the U.S. in the world. However, Americans, Canadians and Europeans share the same values and the same perceptions of major international issues. PARTI III – CANADA-U.S. RELATIONS FIVE YEARS AFTER SEPTEMBER 11: SAME ISSUES, NEW CONTEXT
• While it might have been expected that Canada and the U.S. would grow closer because of the sympathy generated by 9/11, or farther apart because of differences over Iraq and the missile shield, there has in fact been less change than anticipated. Bilateral cooperation remains the cornerstone of Canada-U.S. relations.
EXECUTIVE SUMMARY
• Since September 12, 2001 cooperation between Washington and Ottawa has been based on joint security and defense strategies, which have long been the leitmotif of Canada-U.S. relations. • In the post 9/11 environment, some changes have been made to in order to fight terrorism. The main military agreement between Canada and the U.S., the NORAD treaty, is now permanent and its scope has been expanded. At the same time, Canada’s defense budget was increased by $1.2 billion in 2001 (spread over five years) and $5.3 billion in 2006 (spread over five years). In June 2006, Stephen Harper unveiled defence spending totalling more than 17 billion dollars of military purchases such as trucks, planes, ships, and helicopters. • In Canada, 9/11 was a catalyst for new security policies, such as the antiterrorist and immigration laws and armed customs officers at the border. New domestic security agencies were created, such as Public Safety and Emergency Preparedness Canada (PSEPC) and the Canadian Air Transport Security Authority (CATSA). • The “Canadian sieve” is a myth. While it has been assailed in the U.S., the Mexico-U.S. border remains the priority. Given the length of the Canada-U.S. border, “Mexicanizing” it is not an option. Five years after 9/11, the thrust of the plans and the initiatives implemented thus far has been continental security rather than fortified borders.
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TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
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PARTIE I.
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1. 2. 3. 4. 5.
LE TERRORISME ENTRE MYTHES ET RÉALITÉ
Le terrorisme international : une hausse relative Le terrorisme : nouvelles tactiques, nouvelles cibles Al-Qaïda : d’une organisation à la naissance d’une idéologie Les armes de destruction massive : un outil intéressant pour les terroristes? Le risque terroriste est-il plus élevé qu’il ne l’était ?
PARTIE II. LES ÉTATS-UNIS : PLUS PUISSANTS, MOINS LIBRES D’AGIR 6. La vulnérabilité persistante de la communauté américaine du renseignement Un budget colossal Pourquoi Ben Laden court-il toujours ? 7. Les dérives de la stratégie antiterroriste américaine La difficile conciliation des droits individuels et des pouvoirs de police Une stratégie antiterroriste tentaculaire et inquisitrice 8. Le fardeau irakien Des ambitions stratégiques considérables Un succès militaire « catastrophique » Des coûts inattendus qui hypothèquent l’avenir Un avenir difficilement déchiffrable 9. Cinq ans après le 11 septembre : la fin des illusions populaires envers George W. Bush et les républicains
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10. Le crépuscule de la « doctrine Bush » Une doctrine difficilement applicable Une doctrine qui suscite la controverse Une doctrine qui a consacré le divorce entre les États-Unis et le reste du monde ? PARTIE III. LES RELATIONS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA : MÊMES DÉBATS, NOUVEAU CONTEXTE
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11. La constante demeure : surmonter les différends par la coopération L’intégration sécuritaire américano-canadienne : une coopération fondamentale Le retour de la défense sur la scène politique canadienne La consolidation et l’élargissement du mandat du NORAD Savoir et oser dire « NON » : de l’Irak au bouclier antimissile 12. La préoccupation sécuritaire post-11 septembre La mise en place de l’ACSTA La sécurité intérieure au cœur du 11 septembre 13. Les immigrants et les immigrés, premières victimes des mesures post-11 septembre Les droits des étrangers, solubles dans la sécurité ? 14. La frontière nord-américaine après le 11 septembre, forteresse ou passoire ? « L’effet frontalier » : l’impact de la frontière sur le commerce Côté états-unien : la passoire canadienne est un mythe politique Côté canadien : la frontière américano-canadienne, un objectif secondaire Repenser la sécurité ?
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100 106
EXECUTIVE SUMMARY
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76 76 78 80 83 84 85 87 88 91 94 96
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TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES Figure 1 – Nombre d’attentats terroristes internationaux Figure 2 – Comparaison du nombre d’attentats terroristes nationaux et internationaux Figure 3 – Comparaison du nombre d’attentats terroristes internationaux et de morts engendrés par ces attentats Figure 4 – Comparaison du nombre d’attaques à la bombe, d’attaques armées et d’enlèvements perpétrés dans le cadre d’attentats terroristes internationaux Figure 5 – Rapport des cibles civiles et sécuritaires visées par les attentats terroristes internationaux Figure 6 – Nombre d’attentats-suicide terroristes Figure 7 – Moyenne de morts par attentat terroriste international Figure 8 – Nombre d’attentats terroristes internationaux perpétrés par des groupes religieux Figure 9 – Nombre d’attentats terroristes internationaux ayant dépassé 100 000 $ US de dégâts matériels Figure 10 – Estimation de la répartition du budget de la communauté du renseignement Figure 11 – Comparaison du budget de la communauté du renseignement Figure 12 – La torture de présumés terroristes peut-elle être justifiée ? Figure 13 – La « toile d’araignée » mondiale des détentions secrètes et des transferts illégaux de détenus Figure 14 – Répartition par origine ethnique des soldats américains tués en Irak Figure 15 – Niveau d’intensité de la guérilla Figure 16 – Les enjeux les plus déterminants de la présidence de George W. Bush pour l’opinion publique américaine Figure 17 – La perte de popularité de George W. Bush et du parti républicain Figure 18 – Le budget américain de la Défense Figure 19 – Perception de l’influence des États-Unis sur la scène internationale Figure 20 – Identification des principaux enjeux internationaux Figure 21 – Évolution des effectifs des Forces armées canadiennes Figure 22 – Les troupes étrangères en Afghanistan Figure 23 – La frontière américano-canadienne dans l’Ouest canadien Figure 24 – La barrière américano-mexicaine à son extrême ouest Figure 25 – La balance commerciale américaine : déficitaire au profit du Canada Figure 26 – Effectifs de la Border Patrol américaine Figure 27 – Affectation des agents de contrôle des frontières Figure 28 – Agents de contrôle aux frontières – Effectifs supplémentaires
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LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 – Les actes terroristes internationaux marquants depuis le 11 septembre 2001 Tableau 2 – Classement des armes de destruction massive Tableau 3 – Les 16 composantes officielles de la communauté du renseignement Tableau 4 – Différentes estimations du coût de la guerre en Irak et de la reconstruction Tableau 5 – Coût de la guerre en Irak à la fin avril 2006 Tableau 6 – Les taux d’approbation de Bush dans les groupes à forte tendance républicaine Tableau 7 – La « doctrine Bush » Tableau 8 – Sources d’influence de l’opinion américaine sur quelques enjeux de politique étrangère Tableau 9 – Principaux accords de coopération américano-canadienne en matière de défense et de sécurité Tableau 10 – La frontière intelligente Tableau 11 – S’entendre et se comprendre ? Les différends sécuritaires entre les États-Unis et le Canada
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LA CHAIRE RAOUL-DANDURAND EN ÉTUDES STRATÉGIQUES ET DIPLOMATIQUES réée à l’Université du Québec à Montréal en janvier 1996, la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques est dirigée par Charles-Philippe David, professeur au département de science politique. Elle a pour mission de répondre aux besoins d’information, de formation, de recherche et de consultation des universités, des organismes d’État, des organisations internationales et des entreprises, dans le domaine des relations internationales.
C
Le nom de la Chaire évoque le souvenir de Raoul Dandurand, sénateur de 1898 à 1942, président du Sénat de 1905 à 1909 et président de l’Assemblée de la Société des Nations en 1925. Le mandat de la Chaire est triple : MOBILISER LES CONNAISSANCES La Chaire Raoul-Dandurand est une structure de développement de la recherche. Avec ses six groupes de recherche, la Chaire Raoul-Dandurand développe une expertise pointue dans les domaines de la politique étrangère des États-Unis, de la géopolitique des ressources naturelles, des nouveaux enjeux liés au terrorisme, de l’économie et de la sécurité, des missions de paix et des évolutions au Moyen-Orient. DIFFUSER LE SAVOIR La Chaire Raoul-Dandurand est une structure de diffusion de la recherche. Auprès des universités, des organismes d’États, des organisations internationales et du secteur privé, elle transmet son expertise par des publications, des conférences et des colloques. Au travers de ses interventions médiatiques et de ses publications didactiques, elle joue le rôle d’interface entre le monde scientifique et le grand public. FORMER LES ÉTUDIANTS, LES CHERCHEURS ET LES DÉCIDEURS La Chaire Raoul-Dandurand est une structure de formation. Elle propose des enseignements dans le cadre des programmes d’études du département de science politique de l’UQAM afin d’initier les étudiants aux grands problèmes politiques contemporains. Elle associe également chaque année de jeunes chercheurs à ses programmes de recherche. Elle offre aux décideurs et aux entreprises privées des formations sur les enjeux contemporains des relations internationales. Pour de plus amples renseignements : Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL 455, boul. René-Lévesque Est, UQÀM, Pavillon Hubert-Aquin 4 e étage, Bureau A-4410, Montréal (QC), H2L 4Y2 Tél. : 514-987-6781 • Fax : 514-987-8502
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RAOUL DANDURAND CHAIR OF STRATEGIC AND DIPLOMATIC STUDIES ed by Charles-Philippe David, Professor of Political Science at UQAM, the Raoul Dandurand Chair of Strategic and Diplomatic Studies was established in 1996 to conduct research, training, information dissemination and consultation with universities, government agencies, international organizations, the private sector and the community. The Chair promotes synergies, innovation and multidisciplinary research to achieve a better understanding of security, strategic and diplomatic issues in today’s world.
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The Chair is named after Senator Raoul Dandurand, who became President of the League of Nations in 1925. In that capacity, he espoused an international order based on the rule of law, the equality of states, world peace and minority rights. In Canada, he worked to lay the foundations of a truly Canadian foreign policy. He was an ardent advocate of bilingualism and compulsory education. The Raoul Dandurand Chair’s mission is threefold: APPLYING EXPERTISE The Raoul Dandurand Chair is a research organization. Some 15 permanent researchers and more than 30 associate researchers from different countries and disciplines work in six research groups to develop the Chair’s in-depth expertise in U.S. foreign policy, the geopolitics of natural resources, economics and security, the threat of terrorism, peace missions and the Middle East. DISSEMINATING KNOWLEDGE The Raoul Dandurand Chair provides an information network that disseminates research findings to universities, governmental organizations, international organizations and the private sector through publications, policy briefs, lectures and conferences. The Chair’s educational publications and media appearances by its researchers help open channels of communication between academics and the general public. TRAINING STUDENTS, RESEARCHERS AND POLICYMAKERS The Raoul Dandurand Chair is a training organization that offers internships and instruction as part of UQAM’s Political Science programs. Its teaching activities introduce students to the political problems of the present day. The Chair also includes young researchers in its work every year and involves them in its research programs. It organizes lectures and customized training on contemporary issues in international relations for policymakers and businesses.
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